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Version finale

33rd Legislature, 2nd Session
(March 8, 1988 au August 9, 1989)

Thursday, March 17, 1988 - Vol. 30 N° 5

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur le document intitulé 'Pour une politique de sécurité du revenu'


Journal des débats

 

(Dix heures douze minutes)

Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il vous plait! Bonjour!

La commission des affaires sociales se réunit afin de procéder à une consultation générale et de tenir des auditions publiques dans le but d'étudier le document intitulé "Pour une politique de sécurité du revenu".

Ce matin, nous recevons à la table des témoins la commission des...

Une voix:...

Le Président (M. Bélanger): Ah! Auparavant, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui M. le Président: M. Latulippe (Chambly)...

Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît!

La Secrétaire: ...sera remplacé par M. Cusano (Viau); M. Sirros (Laurier) par M. Polak (Sainte-Anne). C'est tout.

Le Président (M. Bélanger): Excellent.

Nous recevons ce matin, à la table des témoins, la Commission des services juridiques, représentée par Me Yves Lafontaine, M. Denis Bouchard, M. Pierre-Yves Bourdeau, Me Claudine Roy et Me André Gilles Brodeur.

Alors, bonjour! Vous connaissez nos règles de procédure, vous avez vingt minutes maximum, vingt minutes fermes pour présenter votre mémoire ou son résumé et, ensuite, il y a une période d'échange avec les parlementaires.

Je vous demanderais, avant de procéder, de bien vouloir vous identifier, d'identifier vos représentants et, chaque fois que vous avez à prendre la parole, de bien vouloir donner votre nom auparavant, pour les fins de la transcription du Journal des débats.

Je vous prierais de commencer. Merci!

Commission des services juridiques

M. Lafontaine (Yves): Merci, M. le Président.

Je m'appelle Yves Lafontaine, je suis le président de la Commission des services juridiques. À ma droite, Denis Bouchard, vice-président de la commission; à mon extrême gauche, Claudine Roy, avocate dans un bureau d'aide juridique à Longueuil; André Gilles Brodeur, d'un bureau de Sherbrooke; Pierre-Yves Bourdeau, autrefois de la clinique de Pointe-Saint-Charles et maintenant recherchiste à la Commission des services juridiques; derrière moi, Me Marceau qui est d'un bureau d'aide juridique de Québec.

Vous comprendrez que nous avons un intérêt particulier dans la présentation de ce mémoire, étant donné que la majorité de notre clientèle est formée d'assistés sociaux. Le législateur nous a donné le mandat de les représenter totalement dans leur intérêt juridique. Leur intérêt juridique rejoint leur intérêt économique, évidemment, puisque c'est un domaine connexe. Nous avons donc une expérience quotidienne de l'application de la loi actuelle et nous avons un contact journalier avec ce genre de clientèle.

Nous avons, en conséquence, un parti pris qu'il ne faudrait pas nous reprocher. Je comprends que vous devez voir à l'intérêt public, mais nous avons un parti pris et nous nous ferons les champions, les lobbyistes de ces personnes. Ce n'est pas nous qui avons des décisions à prendre, nous en sommes conscients. Tout ce qu'on va essayer de faire, c'est peut-être d'attirer votre attention sur les choses qu'on apprécie et d'autres qu'on apprécie peut-être moins et peut-être aussi, ensemble, à la période des questions, de chercher des solutions. Je ne vous mens pas, il y a des solutions qu'on n'a pas encore trouvées même, dans certains domaines, et il y a des solutions pour lesquelles on n'est peut-être pas d'accord entre nous.

Cela dit, d'une façon tout à fait franche, je pense que, si on peut faire une espèce de démarche ensemble pour essayer de trouver un mieux-être pour ce type de clientèle, bien tant mieux! C'est un peu comme cela que je vois cela. Maintenant, je comprends que nos propos peuvent manquer de pertinence, cela fait tellement longtemps que vous êtes sur certains sujets que j'aimerais que vous nous fassiez signe, si vous en avez déjà entendu assez dans ce domaine, on ne le fera pas exprès pour continuer. J'ai déjà été placé de l'autre côté et après 40 mémoires, à un moment donné, il ne restait plus qu'une ou deux questions qui devenaient d'intérêt pour nous. J'aimerais que, quand arrivera la période de questions, vous nous dirigiez plus spécifiquement dans ce domaine.

Le Président (M. Bélanger): Vous êtes le 63e, ce matin.

M. Lafontaine: C'est cela. J'ai essayé, auparavant, de savoir un peu quelles étaient les questions pertinentes. Je n'ai pas été capable de rejoindre la personne qui m'aurait dit où on en était. Cela dit, vous excuserez la présentation. Dans les questions, on essaiera d'être plus pertinents. Même si vous voulez nous aligner sur la pratique, on est capables de faire un grand bout là-dessus. C'est une chose quotidienne pour nous.

Je vais demander à Pierre-Yves Bourdeau de

vous faire la présentation du mémoire pour les quelques minutes qu'il nous reste et après, on procédera aux questions. Merci, M. le Président.

M. Bourdeau (Pierre-Yves): Bonjour. Essentiellement dans le mémoire, on a divisé nos observations en trois parties. La première partie est une étude plus globale de l'orientation du gouvernement quant à la réforme de son régime d'aide sociale. La deuxième partie est une critique plus détaillée des trois programmes qui sont mis de l'avant par le gouvernement. Finalement, dans une dernière partie, on a cru bon de relever différents aspects pratiques de la loi et de la réglementation actuelles qui sont quelquefois soulignés dans le document du gouvernement et, d'autres fois, qui ne sont pas soulignés dans le document. On a cru bon de relever certains problèmes qui existent quant à l'application de certaines notions.

Il est clair, à la lecture du document, qu'un des soucis du gouvernement, par sa réforme, est de mettre fin à l'odieuse discrimination dont sont victimes actuellement les bénéficiaires d'aide sociale âgés de moins de 30 ans. Il est clair aussi qu'actuellement, à l'exception de cette discrimination basée sur l'âge, l'aide sociale au Québec est accordée sans égard à la situation des personnes ni à leurs conditions. C'est très clair actuellement.

Le gouvernement, par sa réforme, désire implanter de nouvelles conditions et considérer la situation des personnes pour accorder l'aide sociale. De là résulte la création de deux catégories d'assistés sociaux qu'on va qualifier d'aptes ou inaptes au travail.

En premier lieu, je pense qu'il est surprenant de constater que le gouvernement veuille généraliser cette notion d'aptitude au travail à tous les bénéficiaires d'aide sociale, alors que le Conseil national du bien-être social, lui, recommande fortement l'abandon d'une telle classification. On sait que cela existe déjà dans certaines provinces dans le reste du Canada.

Selon nous, cette distinction ne fera qu'accentuer la complexité du régime et augmenter les pouvoirs discrétionnaires dont disposent les agents d'aide sociale. On sait que la notion d'aptitude au travail est applicable uniquement, en ce moment, aux prestataires âgés de moins de 30 ans. Pour ceux qui vivent la pratique quotidienne de l'applicabilité de cette notion, on a constaté et on constate encore aujourd'hui qu'il y a de multiples débats médicaux et juridiques qui existent à cause de l'existence de cette notion dans la réglementation de l'aide sociale.

Nous nous demandons sérieusement ce qui va arriver lorsqu'une telle notion va être applicable à tous les prestataires d'aide sociale. On voit déjà arriver, à court terme, une multiplication de toutes sortes de controverses stériles dans l'application de ce critère. D'autant plus que le taux d'aide sociale va varier en fonction de la classification.

Je me permets de citer le livre blanc sur la fiscalité des particuliers de 1984, une petite citation qui concernait justement ce problème de classification des prestataires. On disait. "Dès qu'un programme de transfert applique une pénalité ou accorde un traitement plus favorable à un groupe particulier de bénéficiaires, selon qu'il répond ou non à des critères précis - état de santé, mode de résidence, niveau de revenu - il crée, par le fait même, une incitation financière à la fraude." Cela nous semble bien clair que le gouvernement ne veut sûrement pas inciter les bénéficiaires d'aide sociale à frauder. Je pense qu'il faudrait être prudent dans l'application d'une telle notion.

Maintenant, ce qui nous semble aussi difficile à accepter, c'est de prétendre qu'un assisté social apte au travail a des besoins de subsistance et, là, je parie bien de subsistance, c'est-à-dire des besoins de base qui sont la nourriture, le logement, le transport, l'habillement, inférieurs à celui qui, par le document gouvernemental, est qualifié d'inapte. Si l'allocation d'un taux d'aide sociale inférieur pour les prestataires aptes se justifie pour le gouvernement comme un incitatif au travail, je pense qu'on peut se poser de sérieuses questions, parce qu'actuellement les bénéficiaires, comme tout le monde le sait, entre 18 et 30 ans, ont un taux de prestation très inférieur à tous les autres et ce sont pourtant ces bénéficiaires-là qui sont venus gonfler les rangs des prestataires d'aide sociale de façon démesurée au cours des dernières années. Si on parle d'incitatif, je pense, là aussi, qu'on peut se poser des questions sur l'incitation que cela va créer au travail.

Il nous semble inconcevable de mettre de l'avant un tel système tant qu'on ne peut garantir que des emplois sont disponibles pour tous les prestataires désireux et capables de travailler. De plus, comme je le disais, si le taux d'aide sociale varie selon la catégorie de prestataires, on érige un système qui va pénaliser un assisté social, parce que le marché du travail, lui, est incapable de générer suffisamment d'emplois. Tout le monde ici pense que sans une prise de position ferme de la société sur la recherche du plein emploi, il semble impossible pour une politique de sécurité du revenu de remplir parfaitement son rôle. C'est sûr qu'on ne contestera pas que le développement de l'em-ployabilité constitue un objectif très louable dans notre société. Par ailleurs, si un emploi en bout de ligne n'est pas disponible, cet objectif-là reste très théorique.

Quant à la question d'employabilrté des gens, le document souligne certaines statistiques qui nous semblent intéressantes concernant la scolarité des bénéficiaires. Ainsi, 36,7 % des bénéficiaires ont actuellement huit années ou moins de scolarité. Alors, il est intéressant de constater, si on regarde le programme de rattrapage scolaire qui est actuellement en vigueur

dans la réglementation sur l'aide sociale, que toute cette clientèle-là qui a moins de huit ans de scolarité n'entre même pas dans le cadre du programme de rattrapage scolaire actuel. Ces gens-là ne sont même pas rendus à entreprendre des études secondaires; ils sont plutôt en phase d'alphabétisation. Je pense qu'il est possible de croire qu'on a des emplois disponibles sur le marché du travail qui ne s'adresseront vraisemblablement pas à cette clientèle.

Une autre caractéristique, c'est que 33,5 % des prestataires ont onze ans et plus de scolarité. Cela signifie que le rattrapage scolaire, même s'il augmente les chances de se trouver un emploi, n'est certes pas une garantie de succès. Un système de sécurité du revenu, selon nous, n'est pas créateur d'emploi et n'est sûrement pas la meilleure façon de réduire les inégalités dans une société. Seule une politique ferme de plein emploi et d'amélioration de la qualité des emplois bonifiera de façon significative, selon nous, la situation des assistes sociaux. il est évident aussi, avec le programme Soutien financier, qu'il y a une majoration des prestations qui va être accordée, selon le document, à 24,7 % de la clientèle actuelle de l'aide sociale qui sera définie comme les non-employables au sens de la définition actuelle. Cette majoration des prestations nous paraît une répartition différente des sommes d'argent consacrées au régime d'aide sociale. En effet, selon les chiffres du gouvernement, 65,8 % de la clientèle est considérée comme apte au travail. Or, de ce nombre, 65 % sont âgés de 30 ans et plus et considérés comme aptes au travail. Selon les tableaux qui sont joints au document, ces gens-là vont subir une baisse substantielle des prestations, particulièrement dans les neuf premiers mois qu'ils bénéficieront de l'aide sociale. On a fait une petite approximation. On a fait une petite estimation et, selon nous, environ 300 000 prestataires aptes au travail âgés de plus de 30 ans, vont subir une baisse de leurs prestations pour avantager, semble-t-il, à peine 24,7 % de la clientèle actuelle qui, elle, est inemploya-ble. Alors, si ce n'est pas financer un régime de l'intérieur, on se demande ce que c'est.

Un des soucis du gouvernement à l'intérieur de son document est, semble-t-il, de vouloir simplifier et harmoniser le régime d'aide sociale actuel. Je vais utiliser les termes du gouvernement: rendre plus "accessible, cohérent et simple" le régime actuel. Un examen du résultat potentiel de l'application du programme APTE, par exemple, nous amène fortement à douter de cet objectif. Selon un tableau qui est dans le document, à la page 28, le taux de prestation accordé à un couple, avec ou sans enfants - là, on prpnd un seul scénario, un couple avec ou sans enfants - pourra varier selon dix scénarios possibles, selon l'application des notions d'admissibilité, de participation et de disponibilité du couple aux mesures de maintien et de développement de Cemp/oyabilfté. On appelle cela rendre le régime plus accessible, cohérent et simple.

De plus, le projet de réforme crée six catégories de bénéficiaires d'aide sociale: l'inapte au travail; l'apte pour une première période de neuf mois; l'apte qui refuse de participer; l'apte admissible à qui on ne propose pas de programme; l'apte participant; l'apte non disponible et une série de combinaisons lorsqu'on fait face à des couples. Pour tous ces gens-là, on parle d'exemptions de travail qui peuvent varier entre 100 $ et 205 $, selon la catégorie à laquelle on appartient. Si on appelle encore cela rendre un système plus accessible, cohérent et simple, on peut se poser de sérieuses interrogations, d'autant plus que le document parie de soutien personnalisé souhaité par le gouvernement de la part des agents d'aide sociale pour tous les bénéficiaires employables. Nous pensons que cela va demeurer un voeu pieux si l'attribution de l'aide financière monopolise toutes les énergies des agents d'aide socio-économique. Selon les scénarios possibles, on peut imaginer très facilement le nombre de décisions ponctuelles que devront prendre les agents dans chaque dossier si le taux d'aide sociale peut varier en fonction de l'admissibilité, de la participation ou de la disponibilité des prestataires. Et cela, c'est à chaque mois. Encore là, je pense qu'on va avoir une suite de controverses juridiques et stériles pour énormément de cas.

Quant au rôle que les agents d'aide socio-économique ont à jouer, nous souhaitons fortement une harmonisation des relations entre les centres de Travail-Québec et les centres de main-d'oeuvre du Canada. La Commission des services juridiques s'était déjà prononcée, dans son mémoire présenté à la Commission de réforme de l'assurance-chômage, en décembre 1985, en suggérant que tous les employeurs aient l'obligation d'être inscrits dans les centres de main-d'oeuvre afin de simplifier les démarches des prestataires, à tout le moins, si on veut en venir à l'application d'un régime qui distinguerait les aptes et les inaptes au travail. Alors, nous reprenons cette suggestion.

L'État reconnaît dans son document le devoir de pourvoir aux besoins essentiels des personnes qualifiées d'inaptes au travail. Nous aurions souhaité que ce gouvernement reconnaisse aussi pareilles obligations pour tous les prestataires d'aide sociale. L'objectif premier d'un régime de sécurité du revenu, c'est d'assurer la subsistance des individus qui, à cause de leurs déficiences personnelles ou de l'incapacité du système économique de les intégrer, ne peuvent le faire eux-mêmes. On craint fortement que la création d'un régime créant des catégories de prestataires d'aide sociale dénature cet objectif fondamental qui vise à définir ce qu'est un régime de sécurité du revenu. Un régime de sécurité du revenu, selon nous, n'a pas pour but de créer des emplois. L'augmentation du nombre de bénéficiaires est beaucoup plus liée à la conjoncture économique actuelle en Amérique du

Nord et dans le monde occidental, je pense, et non à la générosité du régime d'aide sociale comme le sous-entend de façon cachée, je pense, le document du gouvernement. Selon nous, si l'on veut diminuer les coûts du régime, il y a des choses très simples à faire: créer des emplois, améliorer les systèmes de garderie - ce sont des choses qui sont très faciles à faire - et améliorer les systèmes de perception de pension alimentaire. On va y venir tantôt. Il n'y a pas un mot dans le document sur l'amélioration du système de perception des pensions alimentaires. La Commission des services juridiques a fait plusieurs représentations au gouvernement, pas uniquement le gouvernement actuellement au pouvoir, sur les déficiences du régime de perception des pensions alimentaires. On a eu des réponses: oui, c'est un souci important du gouvernement. Je n'ai pas cru retrouver un seul mot dans le document du gouvernement là-dessus. (10 h 30)

Maintenant, je vais... Il me reste deux minutes? Bon.

J'aimerais discuter... Évidemment, il y a des choses positives là-dedans, je ne veux pas être uniquement négatif. Entre autres, en ce qui concerne le programme Soutien financier, il est évident que la simplification de l'octroi des prestations des gens inaptes au travail nous semble un pas en avant. L'augmentation des barèmes, sauf avec la réserve que j'ai faite tantôt quant à la provenance de ces fonds-là. Il y a aussi la carte-santé qui donne accès aux services prescrits et autorisés par les professionnels de la santé pour les bénéficiaires qui seront dispensés, entre autres, de demander des autorisations, et cela nous semble un pas en avant.

Le programme APTE, pour y revenir rapidement. Il y a la définition de l'employabilité d'une personne qui nous semble assez sibylline: "L'employabilité d'une personne peut se définir comme étant l'adéquation entre certaines caractéristiques de cette personne et la nature des emplois disponibles sur le marché."

Je vous avoue que j'ai énormément de difficulté à concevoir l'application pratique d'une telle définition. J'ai hâte de voir comment ceux qui doivent jouer avec une telle définition vont s'y prendre. En fait, ce que nous craignons, c'est qu'on en vienne à appliquer des critères qui sont déjà applicables dans la Loi sur le régime de rentes du Québec et dans la Loi sur l'assurance automobile, où il faut à peu près conclure qu'une personne a un handicap lourd avant d'être considérée comme inapte au travail, ou en phase terminale peut-être.

Maintenant, il y a la question des barèmes dans le programme APTE. Le document propose que, en janvier 1989, les prestataires reçoivent une allocation inférieure à ce qui était versé il y a déjà plusieurs années. Ainsi, une personne seule aurait 405 $ en 1989, selon le document actuel, et c'est le montant qu'on accordait en juillet 1983. Six ans plus tard, on se retrouve avec la même prestation et on parle de devoir fondamental de l'État d'offrir à des personnes un soutien financier minimum. Un couple avec un enfant aurait 703 $ en novembre 1989, selon le gouvernement. C'est le montant qu'on accordait en 1984. On parie de système de sécurité du revenu, mais on ne parte pas d'un système qui est censé créer des emplois et susciter des revenus de travail. Je pense qu'il n'y a nul besoin de produire de grandes études pour comprendre qu'il est impensable que les prestataires d'aide sociale pourront survivre décemment avec les barèmes proposés, alors que le coût du logement, la nourriture et les autres besoins ne font qu'augmenter. C'est évident que le gouvernement va nous dire: II y a des exemptions de travail possibles II est vrai que les modifications prévoient des revenus de travail non comptabilisâmes, mais il faut être conscient que ces revenus ne sont évidemment qu'hypothétiques et que plusieurs milliers de personnes ne les recevront effectivement pas. Nous avons fait une petite équation, étant donné que le gouvernement semble friand de chiffres. On a fait une petite équation qui nous indique un peu où on s'en va. Si les 286 622 prestataires actuellement considérés comme aptes au travail gagnent l'exemption, c'est-à-dire 155 $ par mois pendant douze mois, cela représente, pour ce qui est de la création d'emplois, 56 000 emplois annuels au salaire minimum, à raison de 40 heures par semaines. C'est ce que le gouvernement devra créer, en emplois nets, pour des prestataires d'aide sociale. On parle d'emplois adaptés à des prestataires d'aide sociale, c'est-à-dire souvent des gens qui ont moins de huit ans de scolarité et des gens qui ont plus de onze ans de scolarité. Comment peut-on présumer que des emplois apparaîtront soudainement le jour de l'entrée en vigueur du programme APTE et permettront à tous les bénéficiaires de combler leurs besoins? C'est une grande interrogation que tout le monde se pose.

Ce qui nous semble aussi un peu difficile à comprendre, ce sont les deux phases prévues dans le programme APTE, c'est-à-dire les neuf premiers mois et les mois suivants. On a de la difficulté à comprendre, entre autres, premièrement, pourquoi des propositions soumises dans les neuf premiers mois où une personne est prestataire d'aide sociale, il ne sera pas possible de s'inscrire dans des programmes de développement de l'employabilité. Souvent ce qu'on peut imaginer, c'est que ces gens ont passé déjà un an à l'assurance-chômage, plus neuf mois à l'aide sociale. Cela fait presque deux ans que ces gens sont sans travail.

Le Président (M. Bélanger): En conclusion, s'il vous plaît.

M. Bourdeau: En conclusion, c'est évident que cela nous semble important de passer à la réforme du régime d'aide sociale au Québec, ne

serait-ce que pour mettre fin, comme je l'ai dit au début, à la discrimination dont seraient victimes les prestataires actuellement. Par ailleurs, sous prétexte de mettre fin à cette discrimination et d'améliorer la situation d'une catégorie de prestataires qui sont les non employables, il ne faudrait pas que le gouvernement pénalise arbitrairement la majorité de la clientèle de l'aide sociale. Selon nous, tant que les partenaires économiques ne prendront pas le pari du plein emploi dans notre société, une réduction du coût du régime d'aide sociale est impossible à moins de se faire sur le dos des victimes de l'incapacité de notre société à les intégrer au marché du travail. Ajouter des contraintes à une catégorie de prestataires pour qu'ils puissent se prévaloir du régime, c'est une chose, selon nous; mais refuser de reconnaître, en plus, que les besoins de subsistance de tous les prestataires sont les mêmes, cela ne se justifie pas aujourd'hui.

On espère que ces remarques et les remarques de tous les autres groupes que vous avez entendues depuis déjà quelques semaines pourront vous aider à analyser de façon plus réaliste la situation actuelle des prestataires de l'aide sociale.

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je remercie la commission ainsi que ses représentants, autant pour le mémoire écrit que pour l'exposé verbal. Vous étiez limités par le temps pour l'exposé verbal et vous n'avez pu reprendre chacun des éléments contenus dans votre mémoire écrit, et cela se comprend.

Comme Me Lafontaine l'indiquait au début, il y a quelques sujets dans lesquels nous croyons que vous disposez d'une expertise particulière et ~ur lesquels nous aimerions vous interroger plus spécifiquement. Vous me permettrez de débuter, peut-être sur le plan philosophique, parce que cet aspect a quand même été abordé par une description de la clientèle et les orientations qui sont mises sur la place publique ou soumises à l'appréciation des intervenants.

La clientèle, en mars 1987, et elle a diminué depuis ce temps, je l'indique, était composée d'à peu près 400 000 chefs de ménage, dont le seul revenu pour subsister dans la société était l'aide sociale. Parmi ces 400 000 chefs de ménage, à peu près 100 000 seraient considérés éligibles au programme Soutien financier. Les 300 000 autres que l'on considérerait aptes au travail sont quand même dans une position où ils ne peuvent pas si facilement décrocher un emploi, même si l'emploi existe. Vous avez parlé d'analphabétisme: 36 % de la clientèle à l'aide sociale, dite apte au travail, sont des analphatètes fonctionnels. Cela va assez bien pour se dénicher un emploi! 60% de cette clientèle n'ont pas terminé leur cours secondaire.

Je pense que c'est Me Bourdeau qui disait qu'il n'y a pas nécessairement de lien de cause à effet. C'est peut-être très près de l'actualité mais il y avait un article ce matin dans le journal Le Soleil, je vous invite à en prendre connaissance, sur le pian des statistiques: chez les jeunes n'ayant pas plus d'une 8e année, le chômage approche les 40 %. L'étude est assez détaillée et fait ce lien dans la société contemporaine où nous vivons, entre le taux de scolarité et les niveaux de sans-emploi et c'est très révélateur. Vous avez également 40 % de la clientèle, en particulier chez les femmes, qui n'ont aucune expérience antérieure de travail.

Nous sommes dans un contexte de croissance économique et de création d'emplois, mais il faut tenir compte que ce n'est pas perpétuel. Sans être ni optimiste, ni réaliste, il faut que les mesures puissent s'ajuster aux fluctuations du marché et nous sommes dépendants des fluctuations du marché. De février à février, il s'est créé au Québec plus de 100 000 emplois, des emplois de qualité et à temps plein, et les indices indiquent que cela continue pour l'année en cours.

On a le choix, il y a deux positions qui s'affrontent. Cela se dégage de plus en plus sur le plan philosophique. Les gens nous disent: "La seule solution, c'est une politique de plein-emploi et vous devriez commencer par miser là-dessus.

C'est ce que nous prétendons faire, comme gouvernement, sur le plan de la fiscalité, de la création d'emplois, de la stabilité politique, de la stabilité économique, des investissements. Nous constatons que le taux de chômage a diminué de 2 % au cours de la dernière année, au Québec, et c'est ce que nous mettons de l'avant.

On constate également que, dans une société comme l'Ontario où le taux de chômage est aux alentours de 5% - et les économistes nous disent que si on enlève le chômage fric-tionnel, etc., c'est quasiment le plein-emploi - il y a quand même une augmentation des prestataires d'aide sociale. Et cela, c'est inquiétant.

Un peu comme Mme la députée de Maison-neuve nous dit devant cette commission: II y a deux sociétés; les gens qui sont en marge et des gens qui profitent de l'essor économique. Et on se rend compte que les gens qui sont en marge ont des carences sur le pian de l'employabilité. J'ai été un peu surpris de votre stupéfaction devant la définition qui est donnée au terme "employabilité". Ce terme-là est utilisé au ministère de la Main-d'Oeuvre. Sous l'ancien gouvernement, c'était le même, on ne l'a pas changé. Les commissions de formation professionnelle à travers le Québec, où les représentants des patrons et des syndicats composent les conseils d'administration, utilisent cette adéquation depuis au moins 5 ans au Québec. Vous auriez peut-être avantage à échanger votre perception de la définition avec les commissions de formation professionnelle.

Maintenant, auant à votre expertise beau-

coup plus directe, vous nous suggérez une définition de vie maritale, si je peux dire, ou de conjoint, basée beaucoup plus sur les expériences vécues avec d'autres régimes, comme la Régie de l'assurance automobile du Québec, la CSST, etc. Ma première question viserait à soulever les problèmes d'application que vous avez pu vivre, s'il y en a eu, avec ces régimes-là, sur le plan strictement de la définition.

La deuxième question touche également votre expérience quotidienne quant à la définition d'invalidité que vous avez pu retrouver, entre autres, sur le plan de la déclaration que doit en faire la Régie des rentes du Québec pour les gens qui sont considérés comme tel, ainsi que les définitions ou les applications qu'en font la Régie de l'assurance automobile et la Commission de la santé et de la sécurité du travail.

Et ma troisième question porterait spécifiquement sur le respect des droits des bénéficiaires dans le système actuel, autant sur le plan de l'adjudication par le fonctionnaire de la décision administrative que de la décision en révision, de la décision dite sur le plan quasi judiciaire, finale et sans appel de la Commission des affaires sociales. Votre expérience vous révèle quoi sur le respect des droits des bénéficiaires au niveau de ces trois instances? C'est là l'essentiel des trois questions sur lesquelles la commission apprécierait - en tout cas, je l'apprécierais personnellement - recevoir le fruit de vos expériences pratiques et vos suggestions pour l'avenir.

Mme Roy (Claudine): Claudine Roy. Je vais commencer par essayer d'aborder la question de vie maritale bien que j'aurais aimé le faire en dernier. Je trouve que c'est la plus complexe avec la législation d'aide sociale.

Le comité, lorsqu'il a étudié le document, s'est penché énormément sur la question de vie maritale. Et même les participants autour de la table arrivaient à des solutions, disons, différentes.

Ce qui nous semble important, c'est qu'il y a une cohésion entre toutes les législations au Québec sur ce système-là. On peut faire un choix de considérer chaque personne individuellement et à ce moment, je pense qu'on arrive à ce qu'on appelle un revenu minimal garanti, vers lequel... Bon! C'est là une question politique. Est-ce qu'on se dirige vers cela ou non?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Est-ce qu'on peut dire qu'il s'agit d'une question politique mais fiscale.

Mme Roy: Fiscale.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est une approche fiscale globale, à ce moment.

Mme Roy: C'est exact.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'accord

Mme Roy: Par contre, nous, ce qu'on a à vivre comme expérience, avec la définition de vie maritale qui existe aujourd'hui, elle mène à des aberrations. (10 h 45)

On a des problèmes, c'est compliqué, c'est long à régler, puis cela va couper votre troisième question sur le respect des personnes et le délai judiciaire de contestation. Cela enfreint la vie privée des personnes énormément, et on doit donc, dans une loi d'aide sociale, créer un régime qui va paraître équitable à tous. Nous disons: II faut que ce soit cohérent avec les autres législation. Si on donne à des personnes des bénéfices de rente de conjoint survivant ou de prestation d'assurance auto, en fonction dune notion de vie maritale, il faut qu'elle soit la même à l'aide sociale. Que les droits et les obligations d'une loi à l'autre soient les mêmes. Mais, à ce moment, on va aussi arriver à la situation où il faudrait même que cela soit dans le Code civil, que le recours alimentaire entre concubins existe. Parce qu'on a beaucoup de nos clients, souvent des clientes, qui vivent une situation que l'aide sociale appelle vie maritale mais en réalité elles n'ont jamais un sou de ces fameux concubin-là qui ne partagent pas leur argent avec elles, et on n'est pas capable d'aller en justice chercher un recours alimentaire; et à l'aide sociale, les revenus du concubin comptent. Alors, finalement, elles n'ont pas de revenu Cela nous semble important qu'il y ait une cohérence dans toute la législation sur cette notion de vie maritale.

M. Lafontaine: Sur les difficultés d'application de vie maritale, je vous réfère au rapport du Protecteur du citoyen, rapport annuel I986, qui vient de paraître. Il y a de bons exemples là-dedans sur les difficultés actuelles d'application du système.

M. Brodeur (André Gilles): A propos de l'invalidité. Dans le fond, à l'heure actuelle, il existe pour les moins de 30 ans une classification entre les aptes et les inaptes au travail Ce qu'on sent, c'est que finalement à travers la notion de employable, non employable on va retrouver là les inaptes à long terme, alors que dans la notion de disponible, non-disponible on va retrouver là les inaptes à court terme.

Pour ce qui est des personnes inaptes à long terme, voici la définition donnée dans votre document et qu'on reprend à la page 11 de notre mémoire: "Personnes ou ménages dont l'un des conjoints connaît un état de santé physique ou mental altéré de façon significative pendant une période relativement longue et qui, pour ces raisons, sont et demeurent dans l'impossibilité de subvenir à leurs besoins." Cette définrtion-là, bien que n'étant pas calquée sur celle qu'on retrouve dans la loi sur la Régie des rentes du

Québec, entre autres, nous donne à penser qu'un beau jour la Commission des affaires sociales, autrement dit, risque d'appliquer un critère semblable, de sorte que ne seront classés comme, non employables... Parce que, finalement, la seule différence c'est peut-être qu'à la Régie des rentes on prévoit que la personne ne pourra jamais guérir, alors que là on semble indiquer que cela va être très long avant qu'elle guérisse, mais la nuance entre les deux n'est peut-être pas très marquée. Notre crainte c'est que le programme Soutien financier soit à toutes fins utiles une sorte de Régie des rentes des pauvres, c'est-à-dire un régime où, pour des gens qui n'auront pas cotisé suffisamment longtemps à la Régie des rentes pour se classifier à une rente d'invalidité, on va avoir le programme Soutien financier.

De toute façon, il faudrait se poser la question aussi que, compte tenu de ce que rapporte une rente d'invalidité selon qu'on est ou non en situation de famille, l'aide sociale de toute façon complète. Ainsi, on pense qu'on va sur le programme Soutien financier nettement sur une notion d'invalidité. Sur l'histoire des disponibles, non disponibles et sur l'histoire des employables, non employables, on va finalement demander à des médecins de classifier des personnes pour qu'ensuite l'aide sociale détermine quel chèque leur sera payé. Déjà à l'heure actuelle, avec les moins de 30 ans, ce débat se fait, et il cause des problèmes. En d'autres mots, quand l'aide juridique paye une expertise médicale et que l'aide sociale paye une contre-expertise médicale, je pense qu'en bout de ligne, au niveau du coût, on n'a pas économisé beaucoup. Par contre, ce qui arrive, c'est que là on donne moins à des personnes qui vont essayer d'avoir plus et donc de se faire classifier non disponibles ou de se faire classifier non employables. Ce qui va arriver, c'est qu'on pense sérieusement que l'argent qui va être épargné officiellement du budget de l'aide sociale risque d'être redépensé ailleurs, alors qu'on pense qu'il serait dépensé à meilleur escient si on visait d'abord à combler les besoins, à court et long terme, des personnes qui sont en situation où, pour l'instant, elles n'ont pas de sources de revenu. On sait très bien que l'histoire des 80 $ à 225 $, qui pourraient être gagnés chaque mois, bien peu de personnes pourront aller les chercher.

M. Lafontaine: M. le ministre, je n'ai pas saisi la troisième question parce qu'on était en train de discuter des deux premières. Vous parliez de la protection des droits au chapitre de la révision d'aide sociale et au chapitre de la Commission des affaires sociales?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je souhaiterais recevoir, le plus directement possible, votre appréciation du respect des droits des assistés sociaux aux trois niveaux décisionnels: administratif, révision et Commission des afffaires sociales.

M. Lafontaine: Vous risquez d'ouvrir un musée d'horreurs si vous nous demandez cela.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): On est ici pour cela.

M. Lafontaine: Cela peut aussi être des exceptions, mais c'est celle-là qui nous frappe, bien entendu. À ce sujet, on en voit de toutes les couleurs, de toutes les sortes. On vous aura prévenu.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): On n'est pas ici pour jouer à la cachette.

Mme Roy: Pendant que mes confrères pensent à d'autres beaux exemples, je vais vous parler du bureau local et de l'agent qui prend une décision dans son bureau. J'aime toujours illustrer mes propos par des exemples concrets plutôt qu'avec des chiffres.

J'ai une cliente qui vient me voir parce qu'on lui coupe son chèque d'aide sociale. Elle n'est pas capable de fournir le numéro d'assurance sociale de son ex-conjoint de qui elle est divorcée depuis quinze ans. Des situations comme celle-là se vivent quotidiennement dans les bureaux. Je lui fait faire un affidavit comme quoi elle ne connaît pas le numéro d'assurance sociale de son ex-conjoint. L'agent d'aide socio-économique lui recommande de changer d'avocat parce qu'elle n'a pas un bon avocat. Cela s'est réglé comme cela. C'est le bureau local.

Il y a d'autres agents avec qui on n'a aucun problème, mais des problèmes, il y en a tous les jours dans les bureaux d'aide sociale.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Si vous permettez une question rapide. Vous avez peut-être mentionné là quelque chose. Comme dans tous les secteurs d'activité, il y a de bons agents, de meilleurs, de moins bon, etc. Votre appréciation globale, en pourcentage grossier, on a besoin de la connaître.

Mme Roy: II est différent selon chaque bureau d'aide sociale.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous avez fait de la politique, vous.

Mme Roy: Non.

M. Lafontaine: II est même régional. Je peux vous donner un exemple. Quand l'aide juridique a commencé à Sherbrooke, j'étais directeur de la région. On a tout de suite commencé à avoir des difficultés à certains endroits dans la région. Il y avait un directeur d'aide sociale régional qui était parlable. On s'est rencontrés. On a expliqué les difficultés et aux moins à deux endroits André Gilles Brodeur pourra le confirmer, parce qu'à ce moment-là il

était là - ils ont dû changer les représentants d'aide sociale dans ces bureaux. On s'est entendus. Par contre, je peux vous dire qu'au plan national, si on peut dire, on n'a pas été capables dans d'autres régions de faire la même chose. On eu de la difficulté et on a encore de la difficulté.

Cela dépendait des formations aussi. Quand j'ai commencé, c'était des gens qui venaient des écoles de métiers ordinairement. Les écoles de métiers avaient fermé. C'était d'anciens débos-seleurs, des briqueteurs et, ils croyaient souvent avoir une mission de l'État de couper tant qu'ils pouvaient. Il est bien évident qu'ils n'avaient pas une philosophie d'agents socio-économiques.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Si vous me permettez. Ce n'est pas parce que je ne veux pas les appréciations aux deux autres niveaux, mais on m'indique qu'il me reste trois minutes. En vertu des règles d'alternance, je demanderai à Mme la députée de Maisonneuve... si vous pouvez lui fournir sur son temps les réponses aux questions que je vous ai adressées, je l'apprécierais.

Le Président (M. Bélanger): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: J'aimerais bien, Me Lafontaine et les personnes qui vous accompagnent, dissiper l'idée que, après avoir entendu plusieurs organismes, comme c'est le cas devant la commission, ce n'est pas aussi précieux que cela pourrait l'être, l'expertise que vous apportez aujourd'hui, bien au contraire. Je l'attendais, d'ailleurs, avec intérêt. Vous savez sans doute que plusieurs organismes, corporations, fédérations et autres organisations de médecins vous ont précédés. C'est la première fois que nous examinons la question de la judiciarisation.

Essentiellement, à part les analyses que vous avez faites, Me Bourdeau, il y a deux grands pièges, nous dit-on, là où vous êtes assis présentement, qui guettent cette réforme, c'est la médicalisation et la judiciarisation. D'ailleurs, je retrouvais dans votre mémoire, à la page 14, une affirmation assez, disons, sensationnaliste, qui dit: Toute personne sera présumée employable et disponible à moins que son inaptitude ou sa non-disponibilité temporaire ne soit prouvée. Nous ne voyons que deux catégories de personnes pouvant bénéficier de l'instauration d'un tel système: les médecins et les avocats." Il y a la Fédération des omnipraticiens qui est déjà venue, d'ailleurs, signaler au ministre qu'il fallait négocier des coûts de rédaction des formulaires pour les inaptes. Alors, je ne sais pas...

M. Paradis (Brome-Missisquoi):...

Mme Harel: Non, les coûts de...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...payer une fois que cela va être rédigé.

Mme Harel: ...ce sont des coûts administratifs que la pensée magique, comme disait un éditorialiste hier, ne peut pas d'un coup de baguette faire disparaître. Et c'est important avec vous aussi d'examiner le coût de la judiciarisation. Je pense que, sur ce plan, votre expertise est certainement unique.

Je vais prendre seulement dix petites secondes de rien du tout, parce que je ne peux pas ne pas le dire. C'est une parenthèse Quand j'entends le ministre exprimer sa compassion pour les jeunes qui n'ont pas terminé leur huitième année, qui sont sous-scolarisés et qui sont en chômage, je me dis que le moins qu'on puisse faire de ce côté-ci, et je m'inclus - mais dans le fond ce serait plus de ce côté-là - c'est de transformer sa compassion et sa pitié en plan d'action. Jusqu'à maintenant, voilà quatre semaines que la commission se réunit à peu près chaque jour, et je présume que ses sentiments sont bons - comme la bonne foi se présume, c'est seulement la mauvaise n'est-ce pas qui se plaide et qui se prouve - sa bonne foi est certainement totale, mais la responsabilité quand on a de bons sentiments de ce côté, c'est de mettre sur la table des plans de scolarisation. Pour tout de suite, il n'y a eu aucun début de conversation avec les agents en milieu d'éducation pour augmenter le nombre de places disponibles, pour discuter avec les enseignants. La CEQ va venir la semaine prochaine, on aura l'occasion d'examiner cela plus à fond.

Mais revenons avec l'essentiel de votre mémoire. À la page 8 et à la page 18, vous mettez en cause, vous dites: C'est un voeu pieux de penser que les agents d'aide sociale pourront accorder un soutien personnalisé. Vous dites à la page 8: "On peut imaginer le nombre de décisions ponctuelles que devront prendre les agents dans chaque dossier si le taux d'aide peut varier en fonction de l'admissibilité, de la participation ou de la disponibilité des prestataires." On pourrait ajouter en fonction du nombre d'enfants, de l'âge des enfants, du statut marital, de l'état de grossesse, du partage d'un logement, de la fin du partage de logement, etc. Et à la page 18, vous êtes encore plus sévères, car vous dites que c'est tellement complexe que les agents vont être occupés à tout comptabiliser. Vous avez déjà une expérience. Vous nous faites part dans le mémoire que vous avez déjà une expérience sur ce plan et vous citez en plus l'Office des personnes handicapées avec les difficultés que présentent actuellement les plans personnalisés pour les personnes handicapées. C'est une conclusion à laquelle vous êtes arrivés et j'aimerais vous entendre sur cela. Pour vous, les plans personnalisés sont quoi? Ils sont de l'ordre des pays des merveilles.

Une voix: Ha, ha, ha!

Mme Roy: Cela n'a jamais existé.

M. Brodeur: André Gilles Brodeur. Si je peux vous donner un exemple de ce qui est supposé exister présentement comme plan personnalisé... Il y a quelques programmes qui existent, dont le programme de rattrapage scolaire. Le programme de rattrapage scolaire a, entre autres, le gros défaut, à l'heure actuelle, de ne pas être inclus ou, en tout cas, d'être inclus très partiellement dans la réglementation, de sorte que tous les problèmes d'admissibilité ne peuvent pas être portés devant un bureau de révision ou devant la Commission des affaires sociales, de sorte qu'on est placés dans une situation où, selon nous, c'est la règle, de l'arbitraire. Plus que cela, si je prends plus particulièrement le dossier d'un de mes clients: cette personne est inscrite en rattrapage scolaire. Dans le règlement, parce que son petit bout de problème concerne le règlement, il est dit qu'une personne qui manque plus de 5 % de ses cours sans autorisation doit être coupée. Or, mon client est une personne qui a des problèmes de santé. Au mois de janvier, il a eu 22 % d'absence. 22 % d'absence qu'on vient de récupérer sur son chèque du mois de mars, alors qu'à chaque fois qu'il a été absent, c'était qu'il devait se rendre à l'hôpital, voir son médecin et qu'il a avisé l'école. Non seulement il a avisé l'école, mais après il revenait avec un papier de son médecin. (11 heures)

Or, on appelle à l'aide sociale en disant: Vous ne devriez pas couper cette personne, le règlement parle d'absence autorisée. Qu'est-ce qu'on nous fait comme réponse au CTQ? Écoutez, ce n'est pas à nous, au CTQ, à nous occuper des autorisations d'absence; on prend les rapports d'absence qui nous sont envoyés par l'école. On appelle à l'école qui nous renvoie à la commission scolaire qui nous répond: Eh bien, quand il y a eu une entente avec le ministère, ils nous ont dit qu'on faisait des rapports d'absence, mais ils ne nous ont jamais dit que c'était nous qui devions faire des autorisations. C'est un exemple du fonctionnement merveilleux de ces programmes.

Mme Roy: Continue. Il est...

Mme Harel: Me Brodeur, qu'est-ce que vous allez faire?

M. Brodeur: Et il est coupé.

Mme Harel: Est-ce que vous allez aller en révision?

M. Brodeur: Là, on peut.

Mme Harel: Quels sont ses recours?

M. Brodeur: Là, on peut.

Mme Harel: Oui.

M. Brodeur: On a été devant le bureau régional qui nous a tenu le même discours...

Mme Roy: II suit sa directive.

M. Brodeur: ...de sorte que, maintenant, là on va devoir aller devant la Commission des affaires sociales. Cela va prendre de six à huit mois avant d'être entendu par la Commission des affaires sociales et, ensuite, deux ou trois mois avant d'avoir la décision. Voilà le quotidien de ces programmes tels qu'ils existent aujourd'hui.

Mme Harel: J'espère que vous comprenez combien c'est utile que vous soyez venus devant la commission.

Mme Roy: Je vais compléter son histoire. Cela va prendre six mois, disons, dans un bon cas, pour qu'on ait une date d'audition à la Commission des affaires sociales, trois mois pour avoir une décision. Au bout de cela, si on a gagné et qu'on a un montant supérieur à 1500 $ - on ne parle pas de rattrapage scolaire, on parie de n'importe quoi, si on a gagné une cause à la Commission des affaires sociales - il n'aura pas d'aide sociale le mois après parce qu'il a un avoir liquide excédentaire.

M. Brodeur: Et cet avoir liquide, qu'est-ce que c'est?

Mme Roy: C'est de l'argent...

M. Brodeur: C'est de l'aide sociale qu'on lui doit.

Mme Roy: C'est de l'argent qu'on aurait dû lui donner dès le début.

M. Bourdeau: Pierre-Yves Bourdeau. Je peux peut-être relater aussi l'exemple d'une personne handicapée à qui on n'avait pas reconnu un besoin spécial depuis déjà six ou sept ans, je pense, parce que cette personne ne l'avait jamais demande. À un moment donné, il y a quelqu'un qui s'en est occupé et qui a fait la demande pour le besoin spécial de cette personne handicapée. Effectivement, on lui a accordé rétroactivement un besoin spécial pour une somme qui s'élevait à 3000 $ ou 4000 $; cela s'étendait sur une période de cinq ou six ans. Le mois suivant, cette personne était coupée de l'aide sociale - c'est un handicapé qui est en fauteuil roulant - parce qu'elle possédait un avoir liquide excédentaire. Cela n'est pas un cas isolé. C'est le quotidien, c'est comme cela que cela se passe. Ce sont des aberrations comme celles-là qu'on retrouve.

Mme Roy: Je veux ajouter un autre élément. Quand on parle des contestations médicales qui vont se multiplier si on Darle d'une notion

d'employabilité, pour des dossiers d'accident d'automobile et d'accident du travail, à la Commission des affaires sociales, actuellement, on peut attendre jusqu'à deux ans et demi pour obtenir une date d'audition. Après cela, on peut attendre jusqu'à deux ans pour avoir une décision, deux ans de délibéré. On parle d'accident du travail.

Est-ce qu'on va avoir la même chose avec l'aide sociale, parce que le nombre de contestations va augmenter et que la Commission des affaires sociales sera débordée? On parle de personnes qui ne sont pas capables d'aller acheter leur épicerie, vendredi prochain; elles ne peuvent pas attendre deux ans.

Mme Harel: Évidemment, avec la CSST, il y aie nouveau...

Mme Roy: Avec la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles...

Mme Harel: Oui, c'est cela.

Mme Roy: ...présentement, c'est 18 mois d'attente pour une audition. Présentement...

Mme Harel: Oui.

Mme Roy: ...jusqu'à ce qu'ils soient plus embourbés.

Mme Harel: Je sais que Me Lafontaine voulait intervenir, mais je ne voudrais tellement pas qu'on se quitte et je ne sais pas combien de temps il me reste! Dix minutes. Ah, ce n'est pas si mal, allez-y! Je veux qu'on parle de la question du logement. Je sais qu'à la Commission des services juridiques, cela vient un peu de partout, de Sherbrooke et d'ailleurs. Il y a toute la question du test du revenu au moment d'un logement en coopérative ou ailleurs, j'aimerais vous en entendre parler. En fait, sur autre chose avant...

M. Lafontaine: Peut-être avant... Mme Harel: Allez-y.

M. Lafontaine: D'accord, excusez-moi. C'est parce que cela nous vient tout en bouffée, en même temps, et on aimerait bien, encore une fois, être capable de dire les frustrations qu'on vit au nom de notre clientèle, dans le fond, il ne faut pas se le cacher.

D'abord, jusqu'à présent, les expertises, nous les payons pour seulement une portion, soit les moins de 30 ans, afin de savoir s'ils sont aptes ou inaptes. Chez nous, cela nous coûte en moyenne 250 $ pour obtenir un papier d'un docteur qui va venir dire s'il est apte ou inapte. Cela veut dire qu'à ce moment, on est rendu à la Commission des affaires sociales. Il y a aussi un tarif qu'on paie aux avocats de pratique privée, qui est échelonné dans le temps. Les expertises, depuis que cette notion est sortie, chez nous, ont augmenté d'une façon géométrique. C'est rendu qu'on se demande même si on ne devrait pas tarifer les expertises médicales chez nous, même si ce sont des services d'avocat qu'on rend, parce que cela nous coûte une fortune II n'y a aucun tarif sur cela et ce n'est pas compris dans l'assurance-maladie. Donc, c'est un coût indirect, dans le fond, mais qui passe quand même à la société puisque c'est notre budget, c'est le gouvernement qui y va.

Donc, la crainte de judiciarisation... Là, un seul critère de differentiation existait, celui qui concerne l'aptitude au travail pour les moins de 30 ans seulement. Si on embarque dans les différents critères, il y en a six maintenant, vous imaginez que c'est évident qu'on va aller vers une judiciarisation qui va faire vivre des experts aussi. Il ne faut pas se le cacher. Parce que si tu embarques des droits, tu embarques des experts et si tu embarques des experts, tu embarques des coûts additionnels à tout coup. Autrement dit, c'est à se demander si on n'est pas mieux de donner une pension suffisante à tout le monde plutôt que d'être obligé de regarder chacun des coûts indirects que cela peut représenter pour l'ensemble. Autrement dit, c'est la globalité de la mesure qu'il est important de considérer. Sur cela, je n'ai pas les chiffres; je ne suis pas capable de vous fournir une expertise plus longue.

Mme Harel: Oui.

Mme Lafontaine: Les pensions alimentaires, si vous me permettez, parce que, nous, on a cela un peu à coeur et on pense qu'on est peut-être capable d'aller chercher de l'argent sur ce point. L'article 13 prévoit que si quelqu'un vient te voir - ordinairement c'est l'épouse - et qu'elle obtient une pension alimentaire, nous, pour être sûrs d'avoir une régularité et étant donné que les pensions sont toujours très faibles, ce qu'on fait c'est qu'on obtient de l'aide sociale. Dans le fond, on transfère le jugement à l'aide sociale pour qu'eux exercent les recours. Ils exercent des recours normalement, selon moi, en l'envoyant au percepteur des pensions alimentaires au ministère de la Justice. Lui, il voit à le percevoir.

Maintenant, je suis au courant qu'il y a présentement 5572 dossiers collectables, qui ont souvent été obtenus par de l'argent que, nous, on a dépensé - donc, aux frais de l'État dans le fond - qui sont là et qui ne sont pas perçus. Cela représente, en moyenne, à peu près 17 400 000 $ par année à aller chercher, et c'est seulement pour les jugements pré-existants. Il peut s'en prendre à tous les jours. Moi, je me dis: Avant d'aller mettre des mesures incitatives au travail en coupant, pourquoi ne pas aller chercher ce qu'on est capable d'aller chercher dans une tranche de la société qui, de toute

façon, le doit en droit? Elle devrait le payer et on ne va pas le chercher. Je pense qu'il y a peut-être... Autrement dit, il y a une manière de diminuer les coûts, en diminuant le service, mais peut-être aussi en allant chercher des montants d'argent. Vous allez me dire: ce ne sera pas partageable par le gouvernement fédéral. C'est vrai, mais c'est quand même cela de gagné.

Mme Harel: II est question, Me Lafontaine, d'un service de perception...

M. Lafontaine: 17 000 000 $ au maximum.

Mme Harel: II est question d'un service de perception... À moins que vous vouliez continuer avec le ministre, sur le temps du ministre, avec alternance. D'accord, M. le Président. Allez-y.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): II reste deux minutes. N'ambitionnez pas sur mon temps, je veux le garder pour la fin.

Mme Harel: Ha, ha, ha! Et on en est rendu... C'est très intéressant, mais c'est un des sujets qui ont été discutés devant la commission, la question du service de perception automatique. Évidemment, vous avez bien signalé vous-même que les pensions, par ailleurs, sont toujours très faibles, malgré qu'elles doivent être perçues automatiquement. Cela, tout le monde semble en convenir. J'avais les chiffres du Conseil des affaires sociales et de la famille sur les montants des pensions. La moitié des pensions alimentaires ne dépassent pas 260 $ par mois, pour les cas où il y a des jugements. Il y a quand même 35 % des décisions où il n'y a pas de jugement de pension. Malgré tout, là où il y a des jugements, c'est important... malgré que, sur ce plan, la panacée n'est pas uniquement la perception, parce qu'il y a aussi toute la question de la désincitation, du fait que l'ex-conjoint ne fait que rembourser l'État. Le Conseil du statut recommande fortement que la pension puisse être considérée comme une exemption pour gain de travail, de manière à pouvoir s'additionner.

M. Lafontaine: Nous le recommandons aussi à la page 27 de notre mémoire.

Mme Harel: C'est cela. Alors j'aimerais bien, parce qu'il me semble que c'est un aspect important que vous signaliez... Comme vous n'avez pas pu en parier dans votre présentation, qui était évidemment très courte, de 20 minutes, sur chacun des aspects en troisième partie. Notamment, vous avez parlé, à la page 20, de la loi sur l'assurance-chômage et des critères qui, antérieurement, distinguaient sur le nombre de semaines précédant l'accouchement. Actuellement, dans le document, c'est donc prévu que la personne, disons à partir de son sixième mois, peut cesser d'être participante, mais je pense qu'elle n'est pas obligatoirement tenue de cesser.

Malgré que, au moment où elle accouche, elle cesse bien par nécessité. De toute façon, j'aimerais vous entendre sur ce point et également sur la question de l'employabilité. Actuellement, la Charte des droits et libertés du Québec contient un article à l'effet que toute personne a droit, pour elle et sa famille, à des mesures d'assistance financière et à des mesures sociales, prévues par la loi, susceptibles de lui assurer un niveau de vie décent. L'article 10 prévoit qu'il ne doit y avoir aucune discrimination pour des motifs - et on les énumère - de condition sociale.

Peut-on imaginer possible que des recours comme ceux que, je pense, l'Aide juridique maintient devant les tribunaux, des recours collectifs en matière de discrimination fondée sur l'âge, pourraient être intentés, cette fois, pour des motifs de discrimination fondée sur la distinction sociale. Non pas la distinction, la condition sociale.

Sur la question d'employabilité, plusieurs organismes sont venus devant nous plaider qu'il y a des conditions. La définition que le ministre en donne, c'est une définition qui, jusqu'à maintenant, comme vous l'avez signalé, ne donnait pas cours à des barèmes et à des prestations différentes. Les organismes sont venus plaider que, dans cette notion d'employabilité, on pourrait, devant les tribunaux entre autres, plaider que le manque de travail disqualifie - quand il y a 50 personnes qui se présentent pour le même poste, quel que soit le niveau d'employabilité qu'on peut avoir, la sélection, la concurrence est si forte que notre employabilité est réduite - et donc, on pourrait plaider un ensemble de facteurs qui contesteraient les définitions que le ministère pourrait donner de l'employabilité, si tant est qu'une définition ne tenait pas compte de l'absence de travail.

D'autre part, et je termine sur cela parce que le temps est tellement compté, sur la question du partage de logement et la question de tests de revenus en coopérative. Vous avez alerté la commission, je pense que vous êtes un des premiers groupes à le faire, sur le fait que certains bureaux d'aide sociale ont décidé de comptabiliser comme un revenu de travail, au sens de l'article 41 a), l'écart de loyer à la baisse dont bénéficient les membres de coopératives d'habitation. C'est la première fois que cela est ainsi présenté devant la commission. Vous considérez que les membres ayant des tâches à effectuer, c'est injuste, et que cela constitue une entrave, etc. J'aimerais vous entendre également sur ce sujet.

Mme Roy: Je vais parler brièvement. D'abord la question du chômage. Si, effectivement, la personne peut continuer de participer dans les programmes d'employabilité et recevoir le supplément, c'est déjà bon; ce qu'on n'avait pas décelé à l'intérieur du document. Selon nous, dès qu'elle est entrée dans la période qui

autrefois s'appelait la période "magique" à l'assurance-chômage, elle devenait sur le barème de la personne non disponible. Là, si elle peut continuer à participer à un programme et avoir le supplément, c'est beau...

Mme Harel: Vous connaissez cette catégorie dite admissible, dans le document du ministre. Cela, c'est la salle d'attente, l'antichambre où la personne attend qu'une mesure soit disponible pour elle. À ce moment-là, est-ce que la personne pourrait contester le fait qu'elle n'a pas un plein barème, du fait que les services administratifs du ministère ne lui offrent pas ce qu'elle est prête à faire?

Mme Roy: La période admissible pour nous, cela n'a aucun sens. Je veux revenir sur la charte, parce que je pense que vous avez mêlé des affaires. La charte, c'est devenu ma bible à moi et l'article 45 de la charte québécoise...

Mme Harel: Oui.

Mme Roy: ... on en est bien conscients, vous l'avez lu en partie, mais vous avez oublié le dernier bout qui dit "dans la mesure prévue par la loi", ce qui vient beaucoup limiter le recours...

Mme Harel: ...des mesures sociales prévues par la loi.

Mme Roy: ...prévues par la loi. C'est cela. Mme Harel: ...susceptibles de lui assurer...

Mme Roy: D'accord. Si la Loi sur l'aide sociale ne prévoit pas de mesures d'assistance financière, l'article 45 est moins large qu'il était.

Mme Harel: Mais si elle prévoit des mesures différentes selon les personnes.

Mme Roy: Bien là, après cela, vous avez parlé de discrimination en raison de la condition sociale. Mais, là, on parle de l'article 10 de la charte. Ce n'est plus l'article 45.

Mme Harel: C'est sûr.

Mme Roy: Ce n'est plus du tout la même... Ce sont deux questions différentes.

Mme Harel: Oui.

Le Président (M. Thuringer): Je m'excuse. Brièvement, Me Roy.

Mme Roy: En ce qui concerne les coopératives, cela a commencé dans la Montérégie et, effectivement, on diminue les prestations parce que, supposément, on aurait une diminution... on aurait un revenu fictif pour avoir un loyer moindre dans une coopérative. À notre avis, c'est très dangereux. Présentement, la Commission des affaires sociales est divisée sur la question, mais cela ne doit pas du tout exister.

Mme Harel: C'est devant la Commission des affaires sociales?

Mme Roy: Y a plusieurs...

M. Bourdeau: II y a cinq décisions actuellement. C'est 3 contre 2 pour les prestataires. C'est comme au hockey. Il y a trois décisions qui sont en faveur des prestataires et deux qui sont en faveur de l'administration.

Le Président (M. Thuringer): Je m'excuse, le temps est écoulé. M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, en deux minutes, possiblement deux sujets.

Le premier sujet. Vous avez parlé de votre clientèle. Est-ce que vous pourriez nous dire quel pourcentage de votre clientèle comprend des prestataires d'aide sociale, dans le système actuel, des prestataires d'assurance-chômage et des bas salariés, si je peux utiliser cette expression, rapidement, "ballpark figure"?

M. Lafontaine: On l'a exactement à tous les ans dans notre rapport annuel, mais je ne l'ai pas apporté avec moi. "Ballpark", ce sont 40 % d'assistés sociaux. Par contre, il y a 30 % de sans-revenu. Ce sont des futurs assistés sociaux ou des personnes qui attendent ordinairement de bénéficier de l'aide sociale. Il y a à peu près 15 % de chômeurs parce que, il faut le dire maintenant, les chômeurs ne sont pas tous admissibles à l'aide juridique. Le nombre est resté ce qu'il était en 1985. Donc, c'est sûr qu'on est en train d'en perdre. On perd aussi les deux vieillards qui vivent ensemble parce que deux pensions de vieux, cela est exclu de l'aide juridique. Le reste, ce sont des revenus de différentes pensions comme celle de la CSST, la Régie des rentes du Québec ou des choses semblables.

Le "working poor" - c'est ce que vous vouliez savoir - celui qui travaille au salaire minimum, n'est presque plus admissible à l'aide juridique. Il l'est de moins en moins. Je pense qu'il représente à peu près 8 % de notre clientèle présentement. Mais ce sera une question à discuter devant une autre commission.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous embarquez sur le terrain où je voulais vous amener dans les 30 dernières secondes, soit la question du salaire minimum. On sait qu'il a été gelé pendant cinq années consécutives au Québec, mais que les augmentations des dernières années effectuent du rattrapage et c'est l'intention gouvernementale, dans la marge de manoeuvre qui existe, d'en faire le plus possible.

On parie de barèmes. Il y a des différences entre la durée pendant laquelle une personne demeure à l'aide sociale et ses besoins. Je vous l'indique. Quand vous avez indiqué tantôt que vous aviez des besoins de court terme, des besoins de moyen terme et des besoins de long terme qui peuvent varier, autant le Dispensaire diététique de Montréal que l'ensemble des organismes qui s'occupent de ces barèmes partagent cette opinion.

Maintenant...

Mme Harel: Je suis d'accord pour consentir à ce qu'il ait plus de temps. Mais, M. le Président, je vais nécessairement obtenir le même temps. Je suis tout à fait d'accord pour qu'on poursuive. C'est passionnant. Je suis formellement consentante à ce que le ministre poursuive mais, moi aussi, je veux avoir du temps.

Le Président (M. Thuringer): Est-ce que...

M. Paradis (Brome-Missisquoi):, .bâillon, M. le Président.

Mme Harel: Pas du tout. Non. Consentez et on continue.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, mais vous savez ce que vous faites: Vous consentez au premier et on coupe le temps du groupe suivant.

Mme Harel: Ah! Non, non.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): II faut être équitable quand même.

Mme Harel: On a du temps. On va continuer. Il n'y a aucun problème aujourd'hui.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ah! Aujourd'hui. Disons qu'on met cela en banque pour demain.

Mme Harel: Les problèmes ne sont pas venus de ce côté-ci, n'est-ce pas? Ils sont plutôt venus de l'autre côté avec vos obligations.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Quand?

Mme Harel: Bien, hier.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Pardon?

Le Président (M. Thuringer): Est-ce qu'on a le consentement pour continuer?

Mme Harel: Oui.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non.

Mme Harel: Consentement.

Le Président (M. Thuringer): D'accord. Mme la députée de Maisonneuve, remerciez, s'il vous plaît.

Mme Harel: Oui. Je vous remercie de me demander de remercier. Je vais conclure en remerciant et en signalant que les harmonisations ne doivent pas toujours se faire à la baisse. Le ministre n'a pas achevé la deuxième partie de la phrase qu'il y avait sur l'indexation trimestrielle des allocations d'aide sociale. Cette indexation a été abolie sous prétexte que les gens ne se rendaient plus travailler, le programme étant plus généreux.

J'ai un bel exemple de cette harmonisation, malheureusement, je vais terminer là-dessus, mais on reviendra avec d'autres organismes. On a jusqu'à Pâques pour poursuivre nos travaux. C'est celle que vous nous apportez pour la première fois devant la commission, soit l'harmonisation des coopératives d'habitation. La réponse qu'on va nous donner, c'est que cela va être considéré comme une exemption pour gain de travail. L'entraide qu'on retrouve dans les coopératives et le niveau de solidarité qui s'est développé vont être considérés comme un gain de travail pour lequel les personnes vont être pénalisées parce qu'elles ne pourront pas aller chercher un gain de travail réel pour pouvoir améliorer leur situation.

Je vous remercie. Cela va nous permettre d'amener les décisions et de continuer, peut-être cette fois, d'alerter les coopératives d'habitation qui, pour l'ensemble du Québec, ne savent pas encore ce qui leur pend au bout du nez. Je vous remercie.

Le Président (M. Thuringer): Je vous remercie. M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je tiens à remercier la commission pour les services qu'elle rend à la clientèle des gens qui sont les plus démunis et pour la possibilité qu'elle leur donne ainsi de voir réalisés le plus pleinement possible leurs droits.

Vous nous avez manifesté que cela se fait dans un contexte difficile. Je vous incite et vous invite à continuer à le manifester aux autorités politiques, qu'elles se retrouvent du côté du pouvoir ou de l'Opposition, de façon égale, de manière à ce que le dossier continue à avancer dans ce sens.

Je terminerai avec le paramètre dans lequel nous nous trouvons quant à cette réforme de sécurité du revenu. Je vous citerai brièvement une phrase que je retrouve dans une lettre: "Cette décision démontre aussi qu'il est plus avantageux pour une personne de recevoir de l'aide sociale que de travailler, étant donné tous les services qui sont fournis aux assistés sociaux et qui sont refusés aux petits salariés." Je pense qu'il s'agit de s'assurer que l'incitation au travail demeure dans cette réforme de sécurité du revenu. Merci.

Le Président (M. Thuringer): J'aimerais aussi remercier la Commission des services juridiques pour son mémoire. J'appelle maintenant le prochain groupe, le Regroupement des femmes sans emploi du Nord de Québec. On va suspendre une minute.

(Suspension de la séance à 11 h 21)

(Reprise à 11 h 23)

Le Président (M. Thuringer): Alors, d'accord, on va commencer. Je demande au groupe de se présenter; le porte-parole ainsi que ceux qui raccompagne.

Regroupement des femmes sans emploi du Nord de Québec (Rose du Nord)

Mme Plamondon (Annie): Bonjour, on forme le Regroupement des femmes sans emploi du Nord de Québec. Moi, je m'appelle Annie Plamondon, je suis coordonnatrice au regroupement.

Le Président (M. Thuringer): Et votre...

Mme Robitaille (Lyne): Moi, je m'appelle Lyne Robitaille. Je ne suis pas assistée sociale, je suis sympathisante à la cause des femmes assistées sociales et je milite très fortement dans le regroupement des femmes sans emploi.

Mme Goulet (Francine): Moi, je m'appelle Francine Goulet. Je suis assistée sociale et je fais partie, comme bénévole, du Regroupement des femmes sans emploi.

Le Président (M. Thuringer): Merci. Vous savez que vous avez 20 minutes pour faire votre présentation. Après cela, il y aura alternance pour les questions. Voulez-vous commencer?

Mme Goulet: Je vais commencer avec mon témoignage en tant qu'assistée sociale, et puis avec ce qui concerne l'autonomie financière des femmes. Je suis divorcée depuis plusieurs années et, lors de mon divorce, je n'ai pas pu avoir de pension alimentaire. Donc, je suis devenue assistée sociale. Depuis ce temps-là, j'ai acquis une autonomie financière disons assez difficile, mais quand même, je suis autonome. Je ne dépends plus d'un conjoint. Mais depuis ce temps-là, je vis toujours dans la peur que mon chum ou le copain que j'aurais soit obligé de me faire vivre, si je me fais un ami ou si je tombe en amour. Alors, je ne suis pas d'accord du tout avec cela, parce que, dans le fond, quand on a vécu un divorce et tous les problèmes que cela apporte, lorsqu'on devient autonome, on tient à le rester. Et puis ce n'est pas parce qu'on a un ami qu'if est nécessairement obligé de nous faire vivre.

Je trouve que c'est discriminatoire pour les femmes bénéficiaires de l'aide sociale, comparativement pour celles qui sont rémunérées pour un emploi quelconque, d'être obligées de rendre des comptes à notre agent d'aide sociale. Cela me dépasse vraiment. On est à la merci de tout le monde. Si on a une voisine qui n'aime pas trop trop notre visage, eh bien, elle se fait un plaisir de dénoncer qu'on a un ami ou un copain Là notre agent d'aide sociale se fait un plaisir de faire une coupure au chèque d'aide sociale sous prétexte qu'on cohabite avec cette personne, alors qu'on ne cohabite même pas et qu'on se voit peut-être une fois ou deux par semaine. Moi je trouve cela complètement épouvantable.

Dans ce sens, lorsqu'on est, disons, dénoncé comme cela - admettons qu'on ait un ami - eh bien, on peut aussi bien se retrouver dans la rue du jour au lendemain comme des gens que j'ai connus, des femmes surtout. À venir jusqu'à maintenant, on n'avait jamais reconnu l'autonomie financière des femmes. Je pense qu'on n'est plus en 1930; on est rendu en 1988. Il serait temps que nos gouvernements pensent vraiment à faire quelque chose pour que les femmes demeurent autonomes et que celles qui ne le sont pas le deviennent, par exemple les mères de famille au foyer. Leur travail n'est pas reconnu et je peux vous dire que de s'occuper des enfants, cela demande du temps.

Moi, personnellement, je refuse d'être au rang des personnes dépendantes. Je veux avoir un revenu garanti qui soit décent, quel que soit mon choix de vie pour pouvoir couvrir mes besoins et vivre dans la dignité comme toute personne humaine a droit. Pour conclure, j'aimerais vous dire que j'aimerais avoir la chance d'avoir une vie affective normale, comme toute personne qui est rémunérée par un travail quelconque, et garder mon autonomie financière sans avoir peur d'être coupée et de me ramasser dans la rue du jour au lendemain.

Mme Plamondon: Pour poursuivre dans le sens de ce que disait Francine, nous, ce qu'on pense au regroupement, c'est que la réforme ne tient pas compte des nouvelles réalités qui se vivent dans notre société. Entre autres, j'aimerais vous signaler la parution d'un article ce matin dans Le Soleil, qui disait qu'actuellement il y a 25 divorces pour 33 mariages. Donc, ce qu'on peut en conclure, c'est que le mariage et l'amour ne sont plus une sécurité financière absolue. Avec la loi actuelle et avec la réforme qui nous est proposée, les femmes se retrouvent devant deux choix. Soit avoir une vie affective, ou soit avoir une autonomie financière, parce qu'aussitôt qu'elles tombent en amour ou qu'elles ont des relations avec des hommes, elles sont soupçonnées de vivre maritalement et risquent de perdre tous leurs revenus.

Souvent les femmes qu'on rencontre au regroupement sont des chefs de famille monoparentale qui sont divorcées et qui ont payé cher la petite autonomie financière que leur procure

l'aide sociale. (11 h 30)

Souvent elles ont été 15 ans, 20 ans sous la dépendance financière de leur conjoint. Quand elles bénéficient de l'aide sociale et qu'elles ont un petit revenu, elles souhaitent le garder et l'avoir pour elles. Les femmes n'ont plus le goût de se faire vivre par leur conjoint. Actuellement, la loi ne permet pas aux femmes d'avoir une autonomie financière et, avec la réforme, cela va continuer comme cela. Il n'y a pas d'amélioration, selon nous. Ce qu'on nous donne, c'est un an de répit pendant lequel on n'obligera pas les femmes à déclarer leur conjoint ou à se faire vivre par leur conjoint mais, par contre, on va leur faire une coupure lorsqu'elles vont partager leur logement. Elles n'ont rien gagné dans la réforme. Les femmes partagent leur logement, parce qu'elles n'ont pas les moyens de se payer des logements à elles seules. À Charlesbourg, où est situé notre groupement, les femmes paient environ 60 % de leur revenu pour se loger. Il leur reste 40 % pour l'ensemble des autres dépenses auxquelles elles ont à faire face dans un mois. On pense que quand tu es devant des chiffres comme ceux-là, tu n'as pas le choix de le partager ton logement et tu le partages par nécessité.

Dans le document d'orientation du ministre, au paragraphe 7.1 on donne une définition de conjoint qui, selon nous, n'en est pas une. Ce qui est dit, c'est que les conjoints de fait qui n'auront pas d'enfants en commun vont être considérés comme entité familiale après un an de vie commune. Nous, on ne considère pas cela comme une définition de conjoint. On se demande comment le ministre, après que la réforme soit passée, va définir les conjoints? Actuellement, il y a trois critères: la cohabitation, le secours mutuel et la commune renommée. Mais il n'y a pas de précision sur la façon dont la vie maritale va être déterminée après la réforme et nous, on pense que cela va continuer de cette façon. On n'est pas d'accord avec ces critères-là; on les considère comme subjectifs et arbitraires, comme plusieurs groupes avant nous l'ont mentionné.

Quand on parle de notion de vie maritale, on parle aussi de vécu. Les femmes qui sont en arrière de cela sont des femmes qui se retrouvent dépendantes d'un conjoint sans le vouloir. J'ai le goût de vous mentionner un petit peu ce que les femmes ont vécu l'an dernier avec l'avènement des boubous macoutes et ce qu'elles vivent encore aussi. C'est clair que 80 % des coupures qui ont été faites par les boubous macoutes ce sont des coupures pour vie maritale. Ce sont des femmes qui ont été coupées, en majorité. Les femmes qui ont été coupées pour vie maritale se ramassaient sans aucun revenu, du jour au lendemain. D'abord, on n'est pas d'accord avec le fait que l'État s'ingère dans la vie privée des femmes; qu'ils entrent dans leur maison; et, selon des préjugés et des stéréotypes, qu'ils déterminent si une femme vit maritalement ou non avec quelqu'un. Au regroupement, il y a beaucoup de femmes qui nous ont appelés et qui sont venues nous dire qu'elles avaient été coupées pour vie maritale et qu'elles n'avaient plus aucun revenu. Il y a des femmes qui sont restées des mois entiers sans revenu et qui ont été obligées de visiter la Saint-Vincent-de-Paul une fois par mois parce qu'on ne peut en recevoir plus que cela. Il y a des femmes qui ont été obligées de placer leurs enfants et qui ont été obligées de se louer des chambres avec trois enfants; des situations impossibles; des situations d'endettement aussi; des femmes qui se sont ramassées avec des dettes de 40 000 $ quand on sait qu'à l'aide sociale, tu en as jusqu'à la fin de tes jours à les payer et encore, ce n'est pas fini. Aussi, avec la question des coupures pour vie maritale, l'État dit aux femmes qu'elles n'ont pas le droit de garder leur indépendance économique. Entre autres, le cas de Marie Rhéaume qui s'est ramassée en prison comme une criminelle, parce qu'elle voulait garder son indépendance économique vis-à-vis de son conjoint. Nous, on dit que les femmes ont droit à leur indépendance économique, et que les femmes qui décident de la garder se ramassent en prison comme des criminelles.

Une autre des mesures dans la réforme, qu'on considère discriminatoire pour les femmes, est celle des pensions alimentaires. Elles vont continuer d'être coupées à 100 %, et on n'est pas d'accord avec cette mesure-là. Aussi, pour les femmes qui seront dans la catégorie des non disponibles, et dans leurs programmes - et qui ne participeront pas aux programmes pour différentes raisons - on ne prévoit pas de frais de garderie. Cela veut dire que souvent ce sont les femmes chefs de famille monoparentale considérées non disponibles, qui auront la charge de leurs enfants sept jours par semaine et 24 heures sur 24 parce qu'elles vont assumer à elles seules la responsabilité des enfants.

Une autre chose qu'on dénonce, c'est que sous la Loi sur l'aide sociale, il y a beaucoup de choses qui ne sont pas pareilles qu'ailleurs. Entre autres, sous la Loi sur l'aide sociale, tu peux être marié sans avoir de relations sexuelles et sans vivre avec quelqu'un. Nous, on trouve que c'est quand même étonnant. Il y a des femmes qui se sont trouvées mariées du jour au lendemain, sans qu'elles ne vivent avec leur conjoint et sans jamais n'avoir eu des relations sexuelles avec lui. Entre autres, une femme au regroupement a été coupée pour vie maritale, parce qu'elle vivait avec un homosexuel qui l'a avoué ouvertement - on sait que cela n'est pas facile - et la décision en révision a quand même été maintenue. En tout cas, on ne sait plus sur quoi se baser pour déterminer le mariage.

Aussi avec la Loi sur l'aide sociale, on est d'abord coupable. Lorsque l'État décide que tu vis maritalement, on te coupe ton chèque immédiatement... au lieu de... Les femmes doivent prouver qu'elles ne vivaient pas maritalement.

Cela veut dire souvent, comme l'a mentionné le groupe avant nous, des mois d'attente sans revenus, avant de passer à la Commission des affaires sociales et d'obtenir une décision.

Dans la réforme, on se base beaucoup sur des revenus fictifs. Entre autres, on considère que les conjoints, les "chums", les gars qui vont tourner autour de la vie des femmes vont les faire vivre effectivement, elles et leurs enfants. Nous, on dit que ce n'est pas évident que lorsque tu te fais un "chum", il te fasse vivre, automatiquement toi et tes enfants, et qu'il te donne les revenus nécessaires pour combler tes besoins. Nous, on dit que ce n'est pas évident que cela se passe comme cela. C'est une autre raison pour laquelle on revendique l'autonomie financière des femmes. On sait aussi ce que la dépendance économique vis-à-vis d'un conjoint, amène dans la vie quotidienne, entre autres, tout l'aspect de la violence conjugale et de la pauvreté. Comme je le mentionnais, on considère que les conjoints donnent effectivement des revenus à leur conjointe ou à leur blonde ou à la femme de leur vie, mais ce n'est pas évident.

Une autre chose qu'on dénonce dans la réforme, c'est qu'il y a 24 000 familles monoparentales de plus qui vont être soumises au contrôle de l'État quant à la question de la vie maritale; des familles qui bénéficient du programme APPORT. On considère que la loi actuelle et le projet de loi, puisqu'on ne considère pas qu'il y a tellement de différences entre les deux, sont arbitraires. D'abord, parce que la Commission des affaires sociales a quand même assez de latitude quant aux décisions à rendre; que les commissaires ont quand même beaucoup de pouvoirs; et qu'il y a des femmes qui vivent exactement les mêmes situations et qui se retrouvent avec des verdicts différents et des décisions différentes de celles de la Commission des affaires sociales. On dit aussi que les critères pour déterminer la vie maritale sont arbitraires, d'abord parce qu'ils sont fondés sur les préjugés et les stéréotypes des agents qui vont visiter les femmes en premier. Il y a des femmes au regroupement qui ont été accusées de vie maritale parce qu'il y avait de grandes bottes dans leur logement. Les femmes avaient de grands pieds, mais l'agent a considéré que c'étaient les bottes de son "chum". Quand l'agent décide que la femme vit maritalement, sa décision est souvent fondée sur la perception qu'il a lui-même de l'environnement dans lequel la femme vit: si elle a un lit double ou non ou s'il y a de la crème à barbe dans sa pharmacie. Je n'exagère pas, ce sont des choses qu'on entend fréquemment dans nos groupes.

On dit aussi que c'est arbitraire parce que chaque cas constitue un cas d'espèce devant la Commission des affaires sociales et chaque cas dort être étudié à son propre mérite. Cela veut dire aussi que deux femmes qui vivent des situations presque identiques peuvent faire l'objet de décisions différentes. Les femmes, et rarement les conjoints subissent, beaucoup les coupures pour vie maritale et les dettes. On n'est pas d'accord non plus avec le fait de supposer qu'un homme qui a une relation affective avec une femme doit effectivement répondre à ses besoins économiques, à elle et à ses enfants, même si les enfants ne sont pas de lui.

Pour tout cela, on considère que le projet de réforme ne vient pas améliorer la condition économique des femmes et ne vient pas non plus leur procurer une autonomie financière, au contraire. On trouve que le Québec est loin derrière l'Ontario quand on sait que, dernièrement, la loi a été changée en Ontario et que, maintenant, les femmes ont trois ans... ou, en tout cas, ont accès à un revenu autonome. On a des revendications concernant l'autonomie financière et Lyne va vous les présenter.

Mme Robitaille: Alors, je vais enchaîner avec les revendications du regroupement qui, comme membre du Front commun des personnes assistées sociales du Québec va dans le même sens que la proposition de réforme du front commun qui a été présentée au début de la commission parlementaire.

Les trois grands principes de la plate-forme étaient la lutte à la pauvreté, une meilleure répartition des richesses et l'autonomie financière des personnes. Étant un groupe de femmes assistées sociales, nous mettons l'accent aujourd'hui sur l'autonomie financière des femmes, vu que la réforme proposée par le ministre Paradis favorise la dépendance financière des femmes vis-à-vis de leur conjoint.

Voici donc ce que nous voulons. Premièrement, un revenu garanti décent pour toutes et tous dès l'âge de 18 ans, qui équivaudrait à 70 % du seuil de pauvreté, selon Statistique Canada, qui serait comparable à un principe de régime universel.

Deuxièmement, des gains de travail permis sans coupure ni impôt jusqu'à l'atteinte du seuil de pauvreté, y compris les pensions alimentaires. Après ce seuil, il s'agirait d'une imposition progressive selon l'excédent.

Troisièmement, chaque personne a droit à ce revenu minimum, peu importe la cause du besoin, avec qui elle habite, sa situation sociale et son statut et ce, qu'elle soit mariée ou non, avec ou sans enfant. Cela, afin de mettre fin aux nombreuses coupures pour vie maritale Par ce principe, nous rejetons également la distinction entre apte et inapte.

Quatrièmement, le rétablissement et le maintien des besoins spéciaux pour tous et toutes.

Cinquièmement, la cessation des contrôles abusifs comme les visites des boubous macoutes qui, selon nous, vont à rencontre du respect de la vie privée et de la dignité des femmes

Sixièmement, la mise en place de vrais programmes de développement de lemployabilité accompagnée de la création d'emplois décents avec de bonnes conditions de travail. Nous

vons qu'il n'est pas très logique de vouloir faire des programmes d'employabilité et de ne pas les accompagner de programmes de création d'emplois.

Septièmement, l'obligation de poursuivre le conjoint pour une pension alimentaire devrait être abolie. Je pense que les femmes qui viennent de divorcer d'avec leur mari n'ont pas le goût de continuer d'avoir un contact, surtout pour lui demander de l'argent encore. Si elles sont divorcées, c'est parce qu'elles ont décidé de faire leur vie, de prendre en main leur propre autonomie. Donc, elles ne sont vraiment pas intéressées à ce qu'on les oblige à poursuivre leur conjoint pour avoir une pension alimentaire, dans le but de couper cela de leur chèque d'aide sociale.

Finalement, nous sommes conscientes que ce principe d'autonomie financière exige un changement dans les politiques sociales et économiques. Pour nous, cela veut dire également un changement dans les priorités d'un gouvernement qui devrait savoir qu'une augmentation de la pauvreté peut signifier aussi une diminution du taux de natalité ainsi qu'une augmentation de la consommation des services de santé et des services sociaux. Je pense qu'en appauvrissant encore les gens, en descendant le barème, en appauvrissant encore les femmes et les personnes assistées sociales en général, cela va se répercuter dans leur santé morale et physique, donc cela aura comme conséquence une augmentation de la consommation des services de santé et des services sociaux.

Le Président (M. Thuringer): M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je tiens à remercier Rose du Nord et ses représentantes pour être intervenues en commission parlementaire de même que pour le mémoire qu'elles nous ont soumis. Vous adressez plus particulièrement, en les reprenant, les arguments de certains autres groupes - vous avez mentionné le front commun - mais vous insistez sur tout l'aspect de la femme dans le dossier de l'aide sociale et c'est sur ce sujet que j'ai quelques questions précises à vous adresser.

Vous me permettrez quand même de placer ce sujet dans son contexte qui est un peu plus large, qui s'appelle la clientèle globale de l'aide sociale. En mars 1987, il y avait 400 000 chefs de ménage dont le seul revenu était l'aide sociale, au Québec, et 100 000 de ces ménages, 25 % de la clientèle, seraient considérés éligibles au programme Soutien financier, c'est-à-dire que, sur le marché du travail, bien que, dans certains cas, elles soient productives, ces personnes ne peuvent être compétitives.

En ce qui concerne les 300 000 autres, les 75 %, de personnes dites aptes au travail, ces personnes ont des barrières importantes à franchir qui les empêchent, dans plusieurs cas, d'avoir même accès à un emploi. 36 % de cette clientèle sont composés d'analphabètes fonction- nels; 60 % n'ont pas complété leurs études secondaires; 40 % - c'est surtout le cas chez les femmes, dans les cas de divorce, etc., qui étaient au foyer - se retrouvent sans expérience de travail reconnue pour la recherche d'un emploi. (11 h 45)

Cela, c'est le côté un peu plus sombre du dossier. Le côté un peu plus encourageant du dossier, c'est la création d'emplois au Québec, dans les douze derniers mois, de février 1988, si on compare, à février 1987, 104 000 emplois ont été créés dont 99 000 à temps plein. Et là, on va peut-être rejoindre une statistique qui va vous intéresser davantage, parce que vous parlez davantage des femmes: 70 % des nouveaux emplois créés sont allés à des femmes, au cours de la dernière année, et on voit là, l'accès des femmes au marché du travail de plus en plus... Ce qui n'empêche pas qu'à l'aide sociale, on retrouve des cas plus difficiles, près de 80 000, 78 000 femmes chefs de famille monoparentale qui n'ont aucun revenu de pension alimentaire, dont le seul revenu est l'aide sociale.

C'est dans ce contexte-là que nous abordons le dossier. Le gouvernement a le choix. Il peut continuer à faire ce qu'il a fait traditionnellement, sauf pour les programmes d'employabilité chez les jeunes, soit abandonner cette clientèle, se libérant la conscience en postant un chèque mensuel et en créant un peu deux sociétés au Québec, celle qui participe à l'économie et qui en profite et celle qui vit en marge de l'économie, au crochet de l'État, à l'aide sociale.

Vous mentionnez, à la page 2 de votre mémoire: "Le but ultime de la politique proposée est de sortir le plus de personnes possible du système de sécurité du revenu." Je pense que vous avez raison. Avec une politique de création d'emplois, de plein emploi et d'employabilité, si on pouvait - je pense qu'il s'agirait là d'un miracle - sortir tout le monde de l'aide sociale, au Québec, pour que tout le monde, dans notre société, ait un emploi rémunérateur et participe avec tout ce que cela apporte d'avantages individuels à la personne et à la collectivité, à la société québécoise, je pense que c'est un but que tout gouvernement... Je pense que, quand on parle de politique de plein emploi, cela sous-tend cette vision-là. C'est un but que tout le monde vise à atteindre dans la société.

Plus spécifiquement, vous nous avez décrit un système, et j'ai pris, comme telles, les plaintes - je ne les mets pas en doute - que vous adressez au système actuel sur la question de la vie maritale, etc. Vous les adressez au système tel qu'il existe présentement. C'est ce que nous vivons au Québec, ce que vous nous avez décrit, les bottes trop grandes dans la garde-robe. Maintenant, on propose de modifier les définitions dans la réforme. Vous nous dites que cela ne changera rien. D'autres groupes sont venus. J'en cite un parce qu'il s'est particulièrement intéressé à cette question. Cela a peut-être été le premier, en tout cas, le plus percutant sur

la place publique sur la question de la vie maritale, le Conseil d'intervention pour l'accès des femmes au travail. Il nous dit dans son mémoire: "La nouvelle définition - celle qu'on propose, qui n'est pas en vigueur présentement - de conjoint de fait est certes une amélioration à l'arbitraire du système actuel." Ces femmes considèrent que ce que l'on propose est mieux que ce qui existe présentement. Cela ne semble pas être votre opinion et j'aimerais savoir pourquoi vous différez d'opinion avec ce groupe de femmes.

Mme Plamondon: D'abord, parce qu'on ne considère pas que vous redéfinissez la notion de conjoint. Ce qui est écrit, c'est que cela va prendre un an avant que les femmes ne soient considérées comme faisant partie d'entité familiale. Mais vous ne définissez pas ce que vous voulez dire par entité familiale. Donc, on considère que vous allez conserver la même définition, celle qui existe actuellement et qu'on considère comme arbitraire.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Le deuxième reproche qui nous est adressé concerne généralement le niveau des prestations pendant la période de grossesse, en ce qui concerne les femmes, et le troisième se situe lorsqu'il y a présence d'un enfant en bas âge. On a toute la question du zéro à deux ans, deux ans à six ans, quant au barème, à savoir si c'est non-disponibilité, participant ou le barème de Soutien financier. J'aimerais vous entendre sur ces deux points bien précis.

Mme Plamondon: C'est évident qu'on n'est pas d'accord avec cela. D'abord, parce qu'on n'est pas du tout d'accord avec la distinction entre les aptes et les inaptes. On veut que l'aide sociale fasse que chacun ait droit à un revenu, peu importe la cause du besoin. Donc, on ne peut pas être d'accord avec une définition qui classe les aptes et les inaptes, donc les non disponibles et les disponibles.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Mais vous pourriez aller plus loin dans votre raisonnement. On n'aurait plus besoin de parler de conjoint ou de vie maritale si on retenait votre approche individuelle, si je peux utiliser l'expression, sur le plan de la fiscalité globale. On n'aurait plus besoin de définir la vie maritale s'il y avait une approche fiscale au Québec et au Canada qui traitait chaque individu comme un individu et non plus selon le concept de la vie familiale.

Mme Plamondon: Exactement.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous avez prononcé des propos qui, à un moment donné, c'est peut-être parce que vous suivez le groupe précédent, la commission des permis juridiques... Vous avez mentionné que la Commission des affaires sociales rend des décisions, ce que j'ai cru lire, de façon un peu libre ou pas mal libre, sans intervention ou sans directive, et que cela peut amener des décisions contradictoires dans certains cas. Vu que ce sont des avocats qui sont venus avant, je me dis: Est-ce que le pouvoir politique, législatif, exécutif doit intervenir sur ce plan ou si, du point de vue de conserver les libertés dans une société, il ne faut pas que ces organismes qui ont des décisions judiciaires à rendre les rendent d'une façon totalement libre, quitte à avoir des décisions contradictoires? Je ne veux pas commenter s'il y en a ou s'il n'y en a pas; ce serait malvenu de ma part de commenter les décisions de la Commission des affaires sociales. Je ne me sens même pas, comme ministre, autorisé à commenter des décisions judiciaires.

Mme Plamondon: Compte tenu du fait que les critères qui déterminent la vie maritale sont subjectifs, c'est évident qu'il y a des décisions contradictoires qui sont rendues par la Commission des affaires sociales. C'est clair aussi que la Commission des affaires sociales a quand même un pouvoir important quant aux décisions à rendre. Là où on n'est pas d'accord, c'est que des femmes qui vivent les mêmes situations se ramassent avec des décisions contraires.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Cela va Mme la députée.

Le Président (M. Thuringer): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Je salue Mme Plamondon, Mme Robitaille et Mme Goulet. J'avais eu l'occasion, Mme Plamondon, de vous rencontrer à Charlesbourg, au mois de septembre dernier, lors de la tournée en autobus des régions du Québec, et de voir le travail que faisait Rose du Nord dans le quartier environnant. J'aimerais beaucoup que nous puissions examiner, comme nous l'avions fait en septembre dernier, le problème du logement. J'avais pris conscience, à ce moment-là, combien cette question du logement est vitale pour des chefs de famille monoparentale, comme celles qui sont membres du regroupement, qui vivent en banlieue, où il y a beaucoup de logements disponibles - c'est le cas de Charlesbourg - des beaux grands logements vides, mais à des prix exorbitants.

J'aimerais aussi vous entendre sur vos projets de logements sociaux. Ce matin, je pense qu'on a pu prendre connaissance des problèmes qu'éprouvent les membres des coopératives d'habitation qui sont maintenant l'objet de réduction des barèmes de prestations sous prétexte qu'ils retireraient des avantages par leur propre travail, puisque c'est finalement l'ensemble des travaux qui sont faits par les membres d'une coopérative qui permettent de réduire les coûts, et cela viendrait les pénaliser en

réduisant leurs prestations.

J'ai bien peur qu'il y ait aussi des mauvaises nouvelles. Le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu va peut-être souhaiter que ce soit plutôt son collègue de l'Habitation qui les annonce pour les personnes qui vivent dans un HLM, mais si tant est qu'on fait des tests comme cela, imaginez-vous... La Commission des services juridiques a cité la Montérégie où il y a déjà des réductions dans les coopératives d'habitation, des réductions sous prétexte des avantages à retirer. Comme leur pratique est exclusivement centrée vers des harmonisations à la baisse, j'ai bien peur que les résidents des HLM doivent s'attendre qu'il y ait des catastrophes qui leur soient bientôt annoncées. Si c'est le cas dans les coopératives, cela ne devrait pas tarder pour les HLM.

J'aimerais vous entendre sur la question du logement. Je voudrais simplement faire... Pardon?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Après cela, dans les bungalows.

Des voix: Ha, ha!

Mme Harel: J'entendais tantôt le ministre qui reprenait les intentions louables à l'égard des personnes bénéficiaires de l'aide sociale qui sont les laissés-pour-compte de notre société. Je me dis: Puisqu'il est sincère, puisqu'il est vraiment sincère, comment peut-il maintenir les propositions que contient son document d'orientation, dans lesquelles on retrouve des diminutions de l'aide sociale, pour des personnes qu'il veut aider à s'en sortir, en se disant que, la meilleure façon, ce serait de leur permettre de se réinsérer, de trouver un emploi? Même la Commission des services juridiques, tantôt, disait: "Alors que se procurer un emploi entraîne des frais... tels photocopies de curriculum vitae, transport pour chercher un emploi et pour se rendre aux entrevues, frais de repas par les dits déplacements, comment un chômeur qui en est réduit à moins que le strict minimum pourra-t-il être encouragé à encourir les frais propres à la recherche d'emploi?"

Sa sincérité ne doit pas être inversement proportionnelle à la capacité qu'il va donner aux gens de vraiment s'en sortir. On dirait que plus il est sincère, moins il donne aux gens la possibilité de vraiment s'en sortir. Alors, il faudrait que la capacité qu'on propose aux personnes soit proportionnelle aux bonnes intentions qu'on a pour elles.

J'aimerais également vous entendre - on va peut-être l'examiner - sur la question du logement, et je reviendrai après sur la question des visites.

Mme Plamondon: D'accord. D'abord, je voulais répondre au ministre, tout à l'heure, quand il pariait des 40 % de chefs de famille qui étaient sans expérience, parce que les femmes ont été longtemps au foyer, donc elles n'ont pas d'expérience sur le marché du travail reconnue; elles n'ont pas d'indépendance économique non plus et souvent, elles ont une faible scolarité.

Les femmes qu'on rencontre au regroupement, ce sont beaucoup de femmes qui ont autour de 40 ans. On comprend mal l'insistance du ministre à vouloir les ramener dans des programmes de retour aux études, quand on sait que, souvent, elles n'ont même pas fini leur secondaire et que, actuellement, pour se placer sur le marché du travail, cela prend des diplômes assez imposants. Donc, le temps que ces femmes vont prendre pour aller se chercher une scolarité qui leur permettrait d'avoir accès au marché de l'emploi, elles vont être rendues à un âge où le marché du travail ne les prendra plus, où elles n'auront plus accès au marché du travail. Même autour de 40 ans, c'est très difficile de se placer sur le marché du travail, actuellement, même avec de l'expérience et même avec des diplômes.

Pour la question du logement, à Charlesbourg, effectivement le coût des logements est très élevé. Comme je le mentionnais tout à l'heure, ta plupart des femmes paie au moins 60 % de leur revenu pour se loger et souvent les femmes... Comme vous le disiez, les logements sont chers et, pour avoir accès à ces logements, il faut qu'il y ait un endosseur. Ce n'est pas facile puisque les propriétaires ne veulent pas facilement leur louer un logement. Souvent, les femmes du regroupement sont sur des listes d'attente de HLM depuis des années; elles n'ont pas accès rapidement aux logements sociaux.

Au regroupement, on a monté un projet d'organisme sans but lucratif, un projet de coopérative qui logerait douze femmes chefs de famille monoparentale avec leurs enfants. Cela fait deux fois qu'on le présente, cela fait deux fois qu'il nous est refusé. Les femmes... Oui?

Mme Harel: -Est-ce qu'il y en a plusieurs parmi vo.« membres qui partagent un logement?

Le Président (M. Thuringer): Avant de continuer, à cause de l'heure, je demanderais le consentement de la commission pour continuer.

Mme Harel: Consentement.

Le Président (M. Thuringer): D'accord. Continuez.

Mme Harel: Pour pallier ce problème que vous exposez, de logements très chers dans Charlesbourg, est-ce qu'il y en a plusieurs qui partagent un logement?

Mme Plamondon: Justement, parce qu'elles n'ont pas le choix. Quand tu paies 60 % de ton revenu, tu es obligée soit de ne pas te nourrir ou de partager ton logement. Avec la réformne, c'est clair que ce ne sera même plus un avantage de s'en sortir. Alors, ce que la réforme nous

propose, c'est une équité à la baisse, tout le monde plus pauvre, tout le monde pauvre quand même.

Mme Harel: Est-ce qu'il y en a quelques-unes qui seraient propriétaires d'une maison, soit par, disons, jugement de pension au moment de la séparation ou soit pour d'autres raisons? Cette semaine, à Montréal, j'ai eu plusieurs cas qui m'ont été rapportés de personnes qui ont reçu leur évaluation foncière, celle que les communautés urbaines ou les municipalités envoient à ce moment-ci de l'année, et du fait d'une hausse de leur évaluation, hausse qui est attribuabte au fait que les voisins ont vendu, qu'il y a eu une spéculation dont elles ne sont pas responsables, certaines personnes vont être exclues totalement, même si elles sont sans revenu, des prestations d'aide sociale, à Montréal, et vont être mises en situation de devoir vendre cette maison familiale parce que la spéculation a fait augmenter à ce point la valeur de la maison qu'avec l'application des 2 %, les personnes ne sont plus en mesure, avec la hausse des évaluations... Est-ce que cela s'est produit à Charlesbourg? (12 heures)

Mme Plamondon: Non. Je ne suis pas

Mme Harel: Cela n'a pas été porté à votre connaissance?

Mme Plamondon: Non. Ce sont des choses qui peuvent se produire.

Mme Harel: Alors, le ministre me dit que c'est aussi ailleurs qu'à Montréal.

Mme Plamondon: Par contre...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non, il y en a à Montréal et il y en a ailleurs.

Mme Harel: II y en a ailleurs, c'est cela.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): On ne limite pas le problème à Montréal.

Mme Harel: Par contre, disiez-vous?

Mme Plamondon: Ce que je voulais dire, c'est qu'on a un exemple. Je me suis souvenue d'une femme qui avait sa maison. À un moment donné, elle a été obligée de la vendre parce qu'elle n'était pas capable de payer ses taxes. Cela a été tout simplement cela. Elle n'était plus capable de subvenir à l'entretien de sa maison.

Mme Harel: J'imagine que la majorité des membres du regroupement sont des femmes locataires qui n'ont pas à courir ce genre de risque.

J'aimerais revenir avec vous à la question des visites à domicile. Vous avez été parmi les premiers groupes au Québec à alerter l'opinion publique sur la question des visites à domicile et des coupures pour des motifs de vie maritale. Je me rappelle, il y a plusieurs mois, un reportage qui avait été fait dans le journal Le Soleil et qui m'avait sensibilisée à ce qui se passait. Ici, j'ai en main l'espèce de directive, la procédure qui est remise à un agent qui fait la visite, à un enquêteur. On lui demande ceci: Vie maritale non considérée. Entre parenthèses, c'est marqué: Faux pensionnaire. On dit à l'agent de porter une attention particulière et on décrit l'attention qu'il doit porter, par exemple, à la présence d'indices tels que vêtements. J'imagine des vêtements de travail, une chemise à carreaux - cela devrait être considéré comme un indice - des outils, de l'équipement. On ajoute: L'agent visiteur vérifie, entre autres, qui s'occupe de faire les réparations à la maison. Je me suis demandé si, à la limite, la présence d'un marteau, d'une égoïne ou d'une scie ne seraient pas considérés comme étant des pièces à conviction confirmant la présence d'un homme à la maison. Là, on continue: L'agent effectue une visite des lieux afin d'observer le nombre de pièces disponibles par rapport au nombre d'occupants. Il vérifie également le moyen de transport pour effectuer son épicerie et ses sorties

Vous connaissiez déjà ces directives aux agents.

Mme Plamondon: Oui, on l'a entre les mains.

Mme Harel: C'était dans le document de la Ligue des droits et libertés?

Mme Plamondon: Exactement.

Mme Harel: C'est cela. Tantôt vous disiez: On ne sait plus à quel saint se vouer pour connaître ce qu'est la définition de vie maritale. Vous avez parlé - j'ai cru comprendre qu'une de vos membres cohabitait avec une personne de l'autre sexe qui avait une orientation sexuelle définie comme homosexuelle et serait allée devant la Commission des affaires sociales Est-ce que c'est allé seulement en révision au bureau local, régional ou jusqu'en commission'? Il aurait été mis en preuve qu'ils ne vivaient pas comme époux. Est-ce que cela a été mis en preuve qu'ils ne vivaient pas comme époux?

Mme Plamondon: Non. La personne a gagné en appel, mais c'est sur un point de loi.

Mme Harel: En appel devant la Commission des affaires sociales?

Mme Plamondon: Devant la Commission des affaires sociales. Mais ce n'était pas du fait que la personne qui était présumée être le conjoint était homosexuelle, c'était pour un point de loi. Ils avaient réussi à démontrer que la déclaration n'avait pas été signée sous pleine volonté.

Le Président (M. Bélanger): Si vous me permettez une remarque, je vous inciterais à de la prudence dans un cas comme cela qui est déjà devant une autre commission, pour ne pas interférer...

Mme Harel: Non, c'est terminé, le jugement...

Mme Plamondon: C'est une affaire qui est terminée.

Le Président (M. Bélanger): L'affaire est terminée?

Mme Plamondon: Oui.

Mme Harel: L'affaire est terminée.

Le Président (M. Bélanger): D'accord.

Mme Plamondon: Merci.

Mme Harel: L'affaire est terminée et le jugement a libéré la personne du fait d'avoir à rembourser, mais pour une question de procédure.

Mme Plamondon: Oui, c'est cela.

Mme Harel: Et non pas pour le motif qu'ils n'avaient pas de vie commune comme époux.

Mme Plamondon: Non, c'est cela. Aussi, dans ce que vous disiez tout à l'heure, quant aux choses à observer, les directives remises aux agents, il y a beaucoup de femmes du regroupement qui ont signé, effectivement, des déclarations de vie maritale, mais sous l'effet de harcèlement, de chantage. Des femmes qui se sont fait dire: Si tu ne signes pas, tu vas être coupée, on ne peut pas te promettre, en tout cas, que tu vas avoir ton chèque le mois prochain. Des femmes qui ont signé des choses avec lesquelles elles n'étaient pas d'accord, mais pas d'accord du tout...

Mme Harel: C'était lors des visites?

Mme Plamondon: Des femmes qui étaient analphabètes, à qui l'agent a lu ce qui était écrit sur la déclaration, mais ce qu'il leur a lu et ce qui était écrit effectivement n'était pas la même chose.

Mme Harel: Comment ont-elles signé? Elles ont signé leur nom?

Mme Plamondon: Oui.

Mme Harel: Elles ont signé leur nom sur une déclaration qui a servi à quelles fins?

Mme Plamondon: Afin de les couper pour vie maritale.

Mme Harel: Les couper rétroactivement? Ou les...

Mme Plamondon: Oui, c'est cela.

Mme Harel: Si l'agent leur dit: Tu ne recevras pas ton chèque la semaine prochaine, d'abord, l'agent les tutoie régulièrement?

Mme Plamondon: Oui. Ifs n'ont pas du tout de respect quand... En tout cas, l'ambiance qui entoure une visite à domicile, c'est souvent une ambiance... Ils n'ont pas du tout de respect pour les gens. Il y a une femme au regroupement qui s'est fait montrer l'article qui disait que Marie Rhéaume avait été condamnée au criminel pour vie maritale, quand l'agent est entré chez elle. Et il lui a dit: Écoute, c'est cela qui va t'ar-river, tu es aussi bien de signer ta déclaration parce que c'est là que tu vas te ramasser.

Mme Harel: Quels étaient les conséquences de la signature de la déclaration?

Mme Plamondon: Souvent, cela amenait une coupure pour vie maritale, c'est-à-dire que les femmes ne recevaient pas le chèque suivant. Elles recevaient plutôt un avis qui disait que leur prestation d'aide sociale était annulée, compte tenu de fausses déclarations. Tout le temps, les femmes avaient une dette à l'aide sociale, souvent très élevée.

Mme Harel: Dans combien de cas est-ce qu'il vous semble que le conjoint présumé, le conjoint qui était présumé être celui de la femme, lui-même, est un assisté social?

Mme Plamondon: Je n'ai pas de chiffre exact là-dessus.

Mme Harel: Parce que, hier, la Ligue des droits et libertés nous a dit que ce n'était majoritairement que les femmes qui avaient à rembourser.

Mme Plamondon: C'est cela. Effectivement, au regroupement, on a eu une femme qui a été coupée pour vie maritale, qui vivait avec un homme qui était, lui, aussi assisté social et la coupure a été faite à la femme. L'homme a fait une demande, à son nom personnel, a déménagé et n'a pas eu de problème avec l'aide sociale. Mais la femme se ramassait avec la dette. Elle a débattu sa cause à la Commission des affaires sociales.

Mme Harel: Alors, s'il n'y a pas cohabitation, à ce moment-là, chacun va pouvoir recevoir sa prestation. C'est à partir du moment où il y a cohabitation qu'il commence à y avoir les difficultés qui amènent à ce moment-là... Vous répondiez tantôt au ministre: II n'y a pas de redéfinition. Donc, les difficultés vont être

déplacées d'un an, mais, même avec la proposition du document, un an plus tard, les mêmes propositions vont se représenter. Alors donc, dès qu'il y a cohabitation, à ce moment-là, c'est là où s'installe, finalement, la possibilité d'être visitée. C'est cela?

Mme Plamondon: C'est que la cohabitation est un des critères qui déterminent la vie maritale, mais il y a des femmes qui ont été coupées qui ne cohabitaient pas du tout avec leur conjoint, leur "chum", l'homme de leur vie, mais qui ont été coupées parce que les voisins avaient dit qu'ils l'avaient vu aller coucher là deux soirs par semaine ou qu'ils lavaient vu souvent, le soir, lui rendre visite. Ils ont considéré cela comme une vie maritale.

Mme Harel: Vous disiez tantôt que l'Ontario avait trouvé la solution à ce problème. L'Ontario a décrété que c'était après trois années qu'il y avait une présomption de vie commune ou encore une année, s'il y avait des enfants nés de l'union. C'est bien le cas? Mais il n'y a pas eu, comme tel, une redéfinition non plus de la vie maritale?

Mme Plamondon: Non, c'est d'ailleurs pour cela qu'on ne revendique pas cette chose-là. Je le mentionnais seulement dans l'esprit de constater que, au Québec en tout cas, on était toujours en arrière, loin derrière l'Ontario. Mais quand même, ce n'est pas cela non plus qu'on veut parce que, justement, l'arbitraire de la définition de conjoint va continuer d'exister.

Mme Harel: Marie Gauthier, c'est la troisième fois que vous mentionnez son nom. Pardon?

Mme Plamondon: C'est Mme Rhéaume.

Mme Harel: Mme Rhéaume, excusez. Mme Rhéaume était-elle membre du Regroupement?

Mme Plamondon: Non, pas du tout.

Mme Harel: Je ne sais pas qui est Mme Rhéaume? C'est un jugement produit ici, à Québec?

Mme Plamondon: C'est une femme, je ne me rappelle plus de quelle région exactement, qui a été accusée de vivre maritalement, à qui on a coupé l'aide sociale. Elle a dit qu'effectivement, avec la personne avec qui elle vivait, il y avait des relations d'amis, que c'était un lien amical qui existait entre les deux, puisqu'elle, elle voulait garder son indépendance économique. Elle a été obligée de rester deux ans à la maison de transition. Elle a été accusée au criminel pour vie maritale, fausse déclaration ou fraude.

Mme Harel: Est-ce qu'elle avait des enfants? Qu'est-ce qu'il est arrivé à ses enfants au moment où elle a été incarcérée?

Mme Plamondon: Je n'en ai aucune idée. Mais sûrement que si elle en avait, ils ont dû être placés dans une famille d'accueil.

Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Très brièvement, je voudrais souligner, et je pense que Mme la députée de Maisonneuve l'a fait, mais un petit peu brièvement et sans trop insister, vous avez décrit devant cette commission le fonctionnement du régime actuel beaucoup plus que projeté sur l'application d'une nouvelle politique. C'est intéressant ce que vous aviez à nous dire du système actuel, mais je tiens à vous dire que ce que vous nous avez décrit à partir, et j'utilise l'expression "des bottes dans la garde-robe", c'est l'application de la notion et du système tel qu'il existe présentement, qu'il a existé sous l'ancien gouvernement, qu'il existe sous l'actuel gouvernement et, si rien n'est fait, il va continuer à exister.

Maintenant, quelque chose a frappé quelqu'un qui passait dans la salle lorsque vous avez fait une remarque sur la question de la scolarisation et des femmes âgées approximativement de 40 ans. J'ai demandé à la personne l'autorisation de livrer ses commentaires comme elle me les a livrés. Cette personne m'a indiqué qu'elle-même avait terminé son cégep à l'âge de 48 ans, que dans sa classe, elles étaient 25 femmes, la moyenne d'âge était de 40 ans. Je pense que tenir pour acquis qu'il faut abandonner quelqu'un sur le plan de la scolarisation ou renoncer à une amélioration de scolarisation à l'âge de 40 ans, c'est là quelque chose d'assez sévère, en tout cas. La personne ajoute que certaines continuent présentement au niveau du baccalauréat.

Je pense que si on peut mettre des outils à la disposition des gens et que les gens souhaitent en profiter, on doit, comme gouvernement, je pense que c'est quasiment une obligation morale, faciliter au maximum et fournir les outils au maximum.

Il y a eu quelqu'un hier qui complétait, dans des conditions difficiles, un retour aux études post-secondaires; c'est une femme chef de famille monoparentale avec trois enfants. Je ne lui ai pas demandé son âge, mais c'était supérieur à 30 ans. Elle complétait ses études en nursing. On sait déjà qu'il y a des difficultés de recrutement dans ce domaine. Cette personne est quasiment certaine d'obtenir un emploi à la fin de ses études. Je pense qu'il ne faut pas abdiquer devant des situations comme celles-là et que le gouvernement a cette obligation légale et morale de mettre ces outils-là à la disposition des gens de façon qu'ils puissent s'en sortir davantage dans la société.

Mme Plamondon: M. le Président, est-ce que je peux me permettre d'intervenir?

Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie.

Mme Plamondon: D'abord, j'aimerais savoir si ces femmes étaient bénéficiaires de l'aide sociale. Quant on sait ce que cela représente pour une femme de faire partie d'un programme de retour aux études, toute la question que Mme Harel soulevait tout à l'heure quant aux frais de garderie, de transport, les vêtements, tout ce que cela amène comme frais. C'est différent quand on reçoit de l'aide sociale ou quand on a un revenu plus élevé. C'est clair que le retour aux études se fait mieux. Quand tu es chef de famille monoparentale, que tu arrives chez vous le soir puis qu'il faut que tu commences à étudier, et que tu as à t'occuper de quatre enfants, c'est une réalité dont il faut tenir compte aussi. Moi, je ne pense pas que, passé l'âge de 40 ans, la vie est Unie et il n'y a plus d'espoir de s'en sortir. Je pense effectivement qu'actuellement, ce n'est pas une fausse réalité de dire qu'il est plus difficile de s'insérer sur le marché du travail quand tu as passé 40 ans. Moi, en tout cas, je pense à des femmes, je pense... quand tu n'as jamais été sur le marché du travail, que tu sors de la maison chez vous, ou même si tu n'as pas été sur le marché du travail et que tu as participé à des programmes de retour aux études, si tu n'as pas d'expérience et que tu as 40 ans et plus, ce sont deux choses qui jouent contre toi.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est un point de vue..

Mme Plamondon: Je n'ai pas fini..

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Si vous me permettez une petite précision. C'est un point de vue que j'avais tendance à partager, ce que vous me dites là, jusqu'à ce que je prenne connaissance des statistiques de création d'emplois. J'en ai été surpris. Je vous le dirai comme tel parce que j'avais l'impression que vous étiez correcte dans votre analyse. J'ai parlé tantôt des 70 % des nouveaux emplois créés qui sont allés aux femmes l'an passé. Et ma surprise également a été de constater que ce sont les femmes de 45 à 64 ans qui ont connu la hausse la plus spectaculaire de la croissance, avec 32 000 de ces emplois. Il y a une évolution sur le marché du travail qui mérite d'être suivie attentivement, et par le législateur et par les intervenants sociaux économiques.

Mme Harel: II faut que les femmes soient courageuses.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): II faut qu' elles soient très courageuses mais.. .

Mme Plamondon: Exactement, parce que, comme je le disais tout à l'heure, quand tu es chef de famille monoparentale, ce n'est pas évident de faire un retour aux études quand tu as 40 ans. Il y a des femmes au Regroupement qui la vivent cette situation-là. Elles n'ont pas non plus les conditions de santé qui favorisent leur retour au travail et aux études. Elles ne sont pas assez malades pour être inaptes, et trop pour retourner sur le marché du travail. Je pense qu'il faut tenir compte de cela. Souvent les femmes ont élevé cinq, six enfants. On sait que lorsque tu es 24 heures sur 24, sept jours par semaine avec cinq enfants, cela joue sur ta santé.

Le Président (M. Bélanger): En conclusion.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je voudrais vous remercier de votre présence devant cette commission. Je vais vous souligner également un autre commentaire spontané, parce que souvent les commentaires spontanés sont plus naturels. Le député qui siège à ma droite a dit que sur le plan des statistiques des femmes de 45 ans et plus, lui aussi en était surpris. On a toute une évolution de notre marché du travail qu'on a avantage à suivre de très près. On avait l'impression, et c'était vrai il y a quelques années, qu'au Québec les emplois qui étaient créés, en majorité, étaient des emplois à temps partiel, précaires. C'était vrai. Mais cette situation-là a évolué dans les dix-huit derniers mois, de sorte que la grande majorité des emplois qui sont aujourd'hui créés sont des emplois un peu plus à temps plein, et qui ont un peu plus de qualité finalement. Si on regarde et on compare le mois de février 1988 au mois de février 1987, également, la qualité des emplois qui ont été créés, vous avez, sur le plan de la qualité, 43 000 emplois qui ont été créés dans le secteur manufacturier, 24 000 dans le secteur des services, 21 000 dans le secteur de la construction, les finances, assurances, affaires immobilières, etc., ce qui est un progès très net à ce qui se passait avant, lorsqu'on comparait les pourcentages d'augmentation dans les années antérieures. Je pense que dans le secteur manufacturier, on pouvait parler de 7000 ou 8000 emplois par année. Cette augmentation phénoménale nous permet, un peu comme le disait un commentateur financier ce matin, de conserver un certain niveau de réalisme optimiste pour l'année 1988, contrairement à certains propos pessismistes qui étaient partagés par Mme la députée de Maison-neuve et par certains autres experts au niveau de l'année 1988.

Pour les services que vous rendez aux gens qui ont recours à votre disponibilité, au nom du gouvernement, et spécialement en celui de Mme la ministre déléguée à la Condition féminine qui, ce matin, aurait souhaité être ici, je vous dis merci et continuez votre bon travail.

Le Président (M. Bélanger): Vous voulez les remercier, Mme la députée de Maisonneuve?

Mme Harel: Oui, merci, M. le Président. Le regroupement doit, je pense bien, être fier de la présentation que vous avez faite ce matin devant la commission. Je constate que vous n'avez jamais exprimé que vous étiez contre le retour au travail. Vous avez simplement alerté la commission qu'il fallait qu'il y ait des conditions pour que cela se réalise non pas contre les femmes, mais sans qu'elles en soient les victimes. J'ai noté aussi, parce que cela a été maintes fois démontré devant cette commission, que les inégalités sociales ont engendré des états de santé qui sont différents, et que c'est différent quand on est une femme de 45 ans comme celle qui a soufflé à l'oreille du ministre qui, pour des rai- sons qui sont difficiles, j'en conviens, mais quand on est sans enfant et qu'on retourne aux études dans des conditions économiques qui sont bonnes, on ne peut pas nécessairement se comparer à une autre femme qui a pu connaître, pendant une décennie ou deux, des relations qui ne soient pas nécessairement les plus harmonieuses avec son conjoint, qui se retrouve souvent en état de choc après une séparation ou un divorce et qui a la garde et l'entière responsabilité d'enfants parfois adolescents, avec les difficultés que cela représente, alors tout cela ne se joue pas d'un coup de baguette magique. Je voudrais aussi rappeler au ministre, parce que tantôt il semblait dire que les visites et les enquêtes s'étaient produites comme cela avant et se produisaient maintenant, que la directive dont je faisais état était celle donnée aux enquêteurs en date du 28 avril 1986 et c'était là, donc, des procédures dans le cadre de l'opération appelée boubou macoute. Je voudrais également lui signaler qu'il peut continuer à prétendre qu'il y a eu 43 000 emplois créés dans le secteur manufacturier, mais il peut vivre dans un monde imaginaire qui n'est pas celui de son collègue de l'Industrie et du Commerce, ni de ses propres documents publiés dans son ministère. Alors, les femmes retournent sur le marché de l'emploi, tant mieux!

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vais tout vous expliquer cela cet après-midi.

Mme Harel: Ce n'est pas sans difficulté parce que ce sont les emplois qui sont les plus difficiles finalement.

Le Président (M. Bélanger): Brièvement, Mme la députée.

Mme Harel: Ce sont des emplois qui sont précaires. Précaire ne veut pas dire nécessairement temps partiel, précaire peut vouloir dire occasionnel. Parmi les 100 000 emplois créés au Québec l'an passé, il y en a eu 23 000 par les deux niveaux de gouvernement, il n'y a pas eu de permanence dans cela. Alors, précaire peut vouloir dire pour un temps mais les femmes y vont quand même, c'est cela qui est exceptionnel.

Le Président (M. Bélanger): En conclusion, Mme la députée.

Mme Harel: Alors, ce qui est exceptionnel d'une certaine façon, c'est le travail que vous réalisez ici, à Rose du Nord. J'ai eu l'occasion de le constater et je vous remercie pour être venues devant la commission.

Le Président (M. Bélanger): La commission vous remercie de votre participation et ajourne ses travaux sine die.

Je vous rappelle qu'après la période des questions, puisque nous aurons un nouvel ordre de la Chambre, nous reprendrons les travaux. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 23)

(Reprisée 15 h 17)

Le Président (M. Bélanger): La commission reprend ses travaux dans le cadre de l'étude du document intitulé "Pour une politique de sécurité du revenu". Je demande au groupe "Répar'âge" de se joindre à nous, s'il vous plaît.

Je vous souhaite la bienvenue au nom de la commission et je voudrais vous rappeler brièvement notre façon de fonctionner.

Vous aurez vingt minutes pour nous faire part de votre mémoire, et chacune des formations politiques aura vingt minutes pour vous faire part de leurs commentaires ou de leurs questions. Je vous demanderais de vous identifier, pour les fins du Journal des débats. Je me permettrai, vers les cinq dernières minutes, de vous faire signe du temps qu'il vous reste.

M. Massie (Pierre): Je m'appelle Pierre Massie. Je représente "Répar'âge".

Mme Bélair (Ginette): Je m'appelle Ginette Bélair, je suis trésorière au sein du conseil d'administration de "Répar'âge".

M. Guérin (Sylvain): Je m'appelle Sylvain Guérin, je suis participant au projet "Ré-par'âge".

Répar'âge

M. Massie (Pierre): On a effectivement présenté à la commission un mémoire qui n'était pas très long et qui tentait, surtout, de situer notre implication et notre pensée autour d'un projet dont on est promoteurs, qui concerne les projets d'implication communautaire.

Ce sont des projets du Conseil régional de la santé et des services sociaux. Je pense que

cela s'appelle aussi travaux communautaires, à d'autres instances.

Ce sur quoi on voulait attirer l'attention, nous, surtout, c'était... On partait des groupes qui avaient motivé le gouvernement à entreprendre cette réforme. Ce sont des groupes qui ont souvent des intérêts très divergents. En ce sens-là, pour les uns, il importait de réduire les coûts des programmes et ils s'attaquaient beaucoup au côté économique de ces programmes; pour les autres, il était plutôt question d'obtenir une aide accrue en vue de viser le même objectif, qui était une incitation plus efficace au marché du travail.

À travers le document d'orientation que vous nous avez soumis, il semble que l'option favorisée par le gouvernement rejoint plutôt les préoccupations de ceux qui ont tendance à réduire les coûts. On retrouve cela à différents endroits dans le texte qui illustre le choix d'orienter vers une diminution de l'aide. Déjà, dans votre préambule, quand vous faites l'analyse de la clientèle sous les deux grandes catégories des aptes et des inaptes, cela pourrait amener, quant à nous, un lecteur non averti à se faire une image plutôt négative de la situation des bénéficiaires de l'aide sociale.

L'absence de statistiques sérieuses sur le contexte économique qui prévaut depuis les dix dernières années ne nous amène pas à connaître la provenance de ces actes qui ont beaucoup grossi. La spécialisation de l'économie, déménagements d'entreprises chez nos voisins, fermetures d'usines, cela ne fait malheureusement pas partie du portrait que vous tracez dans vos premières pages où il est fortement question, à grand renfort de chiffres et de statistiques, de l'augmentation faramineuse des aptes dans les rangs des bénéficiaires de l'aide sociale.

On sait, en effet, qu'en 1971, il y avait 63,6 % d'inaptes qui bénéficiaient de l'aide sociale, ce qui représentait les deux tiers. On sait qu'en 1987, 73,4 % des ménages qui bénéficiaient de l'aide étaient devenus des aptes. On voit tout de suite un portrait qui est tracé, qui montre ce qu'est une réalité.

Cependant, en même temps, on ne sait pas combien d'entreprises ont fermé leurs portes. Combien de postes on a perdus effectivement, et tout ce contexte. Le danger de passer rapidement de ces considérations aux coûts des programmes, d'après nous, cela consiste à privilégier l'aspect économique plutôt que l'aspect humain de la situation qui nous occupe ici. La manipulation des chiffres, l'image de la clientèle telle qu'elle est révélée par les ordinateurs et la gestion des très gros programmes d'aide ont creusé un profond fossé entre les considérations économiques et les considérations humaines de la problématique.

C'est sur cette dimension que nous souhaitions attirer votre attention cet après-midi. Nous croyons, comme l'ensemble de la population québécoise, que l'heure d'une réforme dans les programmes et les politiques d'aide sociale a sonné. Cependant, notre intervention vise à préserver le caractère humain et à sauvegarder la dignité des prestataires dans les résultats qu'atteindra cette démarche.

Nous avons eu fort à faire, dans notre propre milieu, pour arriver à vaincre un bon nombre de préjugés qui étaient rattachés au seul statut de bénéficiaire de l'aide sociale. Chez nous, notre implication dans la problématique des bénéficiaires a pris l'allure de la promotion d'un programme d'implication communautaire. Notre expertise a commencé à se développer en 1984-1985 par la gestion d'un premier projet, et en 1987, par le parrainage de Répar'âge, un organisme de promotion d'entraide que nous représentons aujourd'hui.

Nous devenions promoteurs d'un autre projet d'implication communautaire qui nous permettait, cette fois-là, d'engager vingt-deux jeunes bénéficiaires de l'aide sociale de moins de 30 ans.

Répar'âge vise à résoudre des problèmes reliés aux âges. Si le focus se porte naturellement vers les personnes âgées quand on parle de Répar'âge, il se porte aussi sur les jeunes de 18-30 ans qui sont aux prises avec de gros problèmes de chômage, d'exclusion, de sentiment de rejet, de manque de confiance en soi, d'isolement, de pauvreté, particulièrement auprès des familles monoparentales.

Ce sont ces jeunes-là qui interviennent au nom de Répar'âge auprès des personnes âgées en vue d'apporter leur soutien, leur concours aux objectifs de maintien à domicile poursuivis dans notre organisme.

L'échange entre ces deux générations, celle des personnes âgées et celle des jeunes, nous a fait exposer avec force les préjugés dont les jeunes étaient victimes parce qu'ils étaient des bénéficiaires de l'aide sociale.

Vous n'êtes pas sans savoir que nous retrouverons également les mêmes préjugés chez un bon nombre d'employeurs potentiels, ce qui contribue à réduire souvent les chances d'insertion ou de réinsertion dans le marché du travail de ces jeunes qui font déjà face, depuis longtemps - pour certains qui sont bénéficiaires de l'aide sociale - au désespoir d'une situation qui leur semble sans issue.

Nous sommes parvenus à vaincre en bonne partie les préjugés et à faire retrouver (a dignité à nos participants à l'aide de plusieurs moyens, dont notamment des rencontres de formation et d'information sur les services qu'on rendait par le biais de Répar'âge, et aussi sur les besoins que les jeunes éprouvent.

On a rencontré plusieurs groupes: des groupes de personnes âgées, de personnes handicapées, des groupes communautaires, etc. Nous nous sommes servis de nos deux grandes clientèles de bénéficiaires de l'aide sociale, les personnes âgées et les jeunes de 18 à 30 ans, pour arriver à manipuler un peu le concept de

préjugé.

On avait rapporté des tableaux, sauf qu'il a fallu les laisser en bas, on n'a pas eu le droit de les apporter ici. On voulait vous illustrer ce qu'on faisait pour ce qui est de nos réunions. Ce qu'on faisait, c'est qu'on s'est attardés à essayer de dresser un premier tableau du portrait de la personne âgée, à partir des interventions de participants à nos rencontres.

On savait déjà le préjugé favorable dont les personnes âgées jouissent, et la multiplicité des problèmes auxquels elles font face.

Le tableau donnait à peu près - c'est ce qu'on vous aurait dévoilé ici - ceci: isolement, perte d'autonomie, il y avait...

Mme Bélair: La mésestime de soi.

M. Massie: ...mésestime de soi, sentiment d'inutilité. En tout cas, il est sorti plein de choses comme cela dans ce tableau.

Il va de soi qu'à l'examen des tableaux, on pouvait tout de suite constater la prédominance du caractère et des considérations humaines, plutôt que les préoccupations d'ordre économique.

On n'a pas parlé, par exemple, quand on a parlé des personnes âgées, des coûts des programmes de pension, ni de la pertinence de l'universalité des programmes, même s'il y a des personnes âgées qui sont bien nanties.

Le Président (M. Leclerc): Je m'excuse, quant au tableau dont vous nous mentionnez l'existence, je vais demander à Mme la secrétaire de vérifier, sauf que, est-ce que c'était pour des fins didactiques, votre tableau?

M. Massie: Oui, oui.

Le Président (M. Leclerc): Des fins pédagogiques?

M. Massie: Oui, oui, c'est juste. Bien, je peux vous le dire. C'est parce que cela avait un élément visuel, c'est parce que sur le tableau, on avait dressé un premier tableau "personne âgée" où on décrivait la personne âgée. Là-dedans, on sortait une personne isolée, personne en perte d'autonomie, personne qui vivait... On sortait toutes les difficultés qu'elle vivait. En tout cas.

Le Président (M. Leclerc): En tout cas, je peux vous dire que la commission n'a pas d'objection à ce que vous ayez ces tableaux. On peut vérifier pourquoi vous n'avez pas pu les apporter avec vous.

M. Massie: C'est la sécurité, en bas.

Le Président (M. Leclerc): Bon, alors madame....

M. Massie: On a même apporté des photos pour vous montrer ce qu'on faisait.

Le Président (M. Leclerc): La commission n'a aucune objection à prendre connaissance de ces éléments pédagogiques, et Mme la secrétaire va faire une vérification.

M. Massie: C'est au vestiaire. Je peux vous donner le numéro: 51396.

Mme Harel: M. le Président, je pense qu'on pourrait peut-être vous inviter à informer la sécurité que, pour les fins de notre commission, il n'y a pas d'objection à ce que...

Le Président (M. Leclerc): Le matériel pédagogique.

Mme Harel: ...du matériel pédagogique, didactique soit présenté.

Le Président (M. Leclerc): À cet effet, vous vous rappellerez, Mme la députée de Maison-neuve, que le tout premier groupe que nous avons reçu avait effectivement ce genre de tableau et que cela avait été accepté. Alors on s'excuse des inconvénients que vous auriez pu avoir avec la sécurité, et on procède immédiatement aux vérifications d'usage.

Si vous voulez continuer en attendant.

M. Massie: Je peux continuer. De toute façon, le tableau, c'est quand même pas une grosse affaire. On avait sorti ces caractéristiques-là et l'intervention qu'on avait faite, comme ce que je venais de dire, c'est que les considérations qui avaient le plus ressorti étaient toutes les considérations humaines puis vraiment les problèmes que la personne vivait.

Il n'avait pas été question, à ce moment-là, de dire: est-ce que cela coûte cher les programmes de pension? On n'a pas questionné non plus la pertinence de l'universalité des programmes d'aide aux personnes âgées.

Les seules considérations économiques ont touché la pauvreté qu'eux autres vivaient, et particulièrement celle de la femme âgée qui vit seule.

Il est clair que la dimension humaine sortait très fortement.

De la façon, pédagogiquement, dont on s'en sortait ensuite, c'est qu'on invitait les groupes à porter attention sur l'intervention qu'on se proposait de faire au tableau, puis de réfléchir à cela. Ce qu'on faisait, c'était très simple: On effaçait "personne âgée", puis on mettait "assisté social". Puis là, au niveau des réactions, cela a déclenché de profonds débats parce que là, pour la première fois, chez plusieurs, ils voyaient l'assisté social, oui, comme une personne isolée, oui, comme une personne qui puisse se sentir inutile, qui a un problème là-dessus, oui, comme

une personne qui est exclue, qui vit le sentiment de rejet, qui peut vivre la perte d'estime de soi. Bref, tout cela.

Ce débat-là nous a emmenés, bien au-delà de nos espoirs, des collaborations bien importantes. Parce que les personnes âgées, à ce moment-là, se sont mises à s'impliquer au niveau de la formation de ces jeunes-là, puis du soutien de ces jeunes-là, quand ils faisaient des travaux à domicile, entre autres. Des remarques, dans ces rencontres-là, telles que: c'est la première fois que je vois cela de cette manière-là l'assisté social. Ou bien: je pensais que je n'avais pas de préjugé mais je viens de comprendre ce qu'est le préjugé. Cela a été assez monnaie courante.

On est arrivés à vaincre l'aspect préjugé comme cela.

Pour la première fois, pour plusieurs en tout cas, le jeune bénéficiaire de l'aide sociale changeait de visage.

Pour le travailleur qui est sur le terrain, qui les côtoie quotidiennement, cette clientèle, cela ne fait pas de doute, éprouve de graves difficultés qui sont reliées à ce tableau, comme on le verra tantôt... (15 h 30)

Ce que nous croyons et ce que nous avons pu vérifier, c'est que s'il y a une force vive de travail chez les aptes qui semble inutilisée présentement, des programmes tels que celui que nous gérons, d'implication communautaire, cela arrive à les stimuler et à provoquer l'action. Nous avons, à ce sujet, nos propres chiffres aussi, qui sont facilement vérifiables auprès de plusieurs instances: les centres Travail-Québec, les Conseils régionaux de la santé et des services sociaux et tout cela et qui illustrent le bien-fondé et la qualité de ce programme-là. Sur 22 jeunes qu'on a accueillis depuis le mois de mai, on en a 18 de réinsérés qui travaillent aujourd'hui et qui ne sont plus bénéficiaires de l'aide sociale. Cela dépasse les 80 % de réussite. Pour nous, cela est très important. Cela ne met pas en question la pertinence du programme. Cela dit, au contraire, que cela mériterait peut-être d'être gardé et d'être développé. Ces 18 personnes, aujourd'hui, non seulement ont-elles accédé au marché du travail mais certaines sont restées volontaires au sein de Répar'âge. On a organisé un grand congrès de fondation dont on a des images, des photos. On a réuni plus de 300 personnes, en majorité des personnes âgées. Cela démontre bien l'intérêt.

Le tableau ressemblait à cela. C'est avec les moyens d'un léger organisme. On voyait: isole ment, sentiment d'inutilité, perte d'autonomie, ghetto, sentiment de rejet, pauvreté, spécialement chez les femmes. On mentionnait aussi la grande disponibilité des personnes âgées, ce qui pouvait en faire des "offrants de service". Besoin de support physique et moral, perte de confiance en soi, pas de projet à long terme; on retrouve souvent cela chez les personnes âgées. On a établi beaucoup de rapports entre les deux clientèles. Cela a permis de briser le préjugé, justement, de la façon dont on percevait l'assisté social. Pour nous, cela a été un réel succès en tout cas. C'est pourquoi, avec tout ce qui s'est passé en plus, on ne croit pas à la théorie que, en les appauvrissant ou en diminuant une aide, si peu que ce soit, on les incite efficacement à un retour sur le marché du travail. On ne croit pas à cela, de même qu'on n'a jamais cru non plus que le fait de priver les jeunes de moins de 25 ans, qui n'ont pas leur secondaire V complété, de leur allocation supplémentaire constituait un incitatif efficace au retour aux études. On l'avait mentionné dans une lettre jointe au mémoire. Pour nous, cela n'avait pas d'allure. Il y a d'autres considérations qui font qu'un jeune, effectivement, ne finit peut-être pas son secondaire V. Il peut faire autre chose. Les priver de 100 $ a contribué à démobiliser, entre autres, certains jeunes de participer à nos programmes et cela nous a apporté, pour ceux qui participaient, des problèmes de gestion assez importants. Comme le jeune de 24 ans qui n'a pas de secondaire V, qui travaille en équipe avec un autre de 26 ans qui fait le même travail, la même affaire, il y en a un qui a les 100 $ et l'autre ne les a pas. Pour nous autres, c'est quelque chose à corriger.

Réduire l'incitation au retour au travail, juste à l'économique - il y a une baisse par surcroît, comme si on pouvait vivre richement avec l'aide sociale actuellement - pour nous, cela ne tenait pas compte de toutes les considérations humaines d'un travail de base qu'il est souvent nécessaire d'accomplir avant de dire que le jeune, effectivement, retourne ou s'engage dans une démarche. Cela prend un appui dynamique et un encouragement soutenu qui doivent précéder sa démarche, qui est souvent paralysée depuis longtemps.

Comme on le mentionnait dans notre mémoire, à la page 2, l'organisme promoteur représente souvent le premier "feed-back" positif que le jeune reçoit pour lui-même. C'est la première fois qu'il se fait dire qu'il est bon, qu'il est fin, par la petite vieille qui est chez elle. Lui, il sort de là, il vient de laver les fenêtres, il a un contact humain qui est quelque chose et qui lui apporte quelque chose. Pour nous, cette considération vaut bien des... C'est ce qui est important.

On se présente donc devant cette commission, aujourd'hui, pour deux raisons. D'abord, pour insister pour ne pas appauvrir davantage des personnes qui sont déjà aux prises avec des difficultés, qu'elles soient d'ordre physique ou social, qu'elles soient aptes ou inaptes et, aussi, pour réaffirmer notre conviction que le type de programme, de style implication dans des travaux communautaires, mérite non seulement d'être poursuivi, mais d'être développé sur une beaucoup plus grande échelle et pour se donner les moyens de le faire. Il nous semble qu'une

véritable réforme de l'aide sociale doit contribuer concrètement à l'amélioration du soutien de ces personnes. Étant donné les résultats qu'on a atteints, on voit que, quand on apporte un soutien, on a des résultats au bout du compte. Une réforme dort aussi viser l'amélioration de la situation générale de l'assisté social plutôt que sa dégradation. Pour nous, cela est aussi important. Il nous semble qu'une véritable réforme implique une grande cohésion entre tous les intervenants, qu'ils proviennent de quelque ministère que ce soit. Nous croyons, comme vous le mentionniez dans votre document, si les aptes et les inaptes ne doivent pas être traités de la même façon, puisque leurs besoins diffèrent - à un moment donné, on mentionne cela - qu'il serait logique que les aptes bénéficient d'un soutien véritable et quotidien par le biais d'organismes promoteurs auxquels il importerait de donner des moyens d'agir.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Si l'Opposition ne voit pas...

M. Massie: Parce que là, j'ai été dérangé.

Le Président (M. Leclerc): II y a consentement pour que vous puissiez dépasser.

M. Massie: Merci, je vais accélérer. En tout cas, on a soulevé à quelques reprises dans le mémoire les difficultés du recrutement et on a des recommandations qui concernent cela, des participants. On suggérait également, par la voie de notre mémoire, d'élargir la clientèle aux plus de 30 ans, parce que, pour nous, cette clientèle est privée des effets positifs qu'un organisme promoteur peut lui donner, un lieu d'implication. On croit que le gouvernement s'engage sur une piste légitime en favorisant et en incitant l'implication sociale communautaire des prestataires de l'aide sociale. Il ne s'agit pas ici, pour nous, de créer ou de profiter d'une main-d'oeuvre à bon marché, mais bien de fournir à ces personnes-là un lieu où elles peuvent briser leur isolement, enfin tous les problèmes qu'on avait dans notre tableau ici: s'initier au travail d'équipe, développer leur confiance en soi, enfin profiter des expériences et de la formation que leur rendent accessibles les organismes promoteurs.

En ce sens-là, les organismes promoteurs doivent eux-mêmes jouir d'un support accru, il nous semble. Ainsi, dans notre quatrième recommandation, on soulevait l'épineux problème du budget de fonctionnement qui est rattaché au projet. Nous, sur 22, il y a un mois, on en a placé, je pense, 12. Comme on est passé 2200 $ de budget de fonctionnement à 1000 $. Mais on est engagé dans des processus de formation, il y a des coûts de rattachés à cela. On a une coordonnatrice qui est absente pour cause de maladie aujourd'hui, mais qu'il faut payer et tout cela. Quand on fait "une belle job", c'est comme si on était pénalisé. Alors, d'après nous, cela ' mériterait d'être corrigé. Que le budget soit accordé, si on nous en donne 22, qu'on nous donne un budget p«ur 22. D'après nous, ce serait même une mesure peut-être incitative de la part du gouvernement à dire: Bien, favorise le recrutement, parce qu'on paie. "Crime", quelque chose comme cela! Cela permettrait aux organismes, en tout cas, de jouir d'une plus grande stabilité financière.

Je saute quelques bouts, parce que je sais bien que le temps presse. On a voulu, par cet exposé, confirmer la pertinence du programme d'implication communautaire au point d'en souhaiter l'élargissement aux plus de 30 ans. On a également voulu faire apparaître la pauvreté et les besoins auxquels font face ces personnes. Qu'elles soient aptes ou inaptes, le pain et le beurre ne font pas de discrimination, c'est le même prix pour tout le monde. Si les besoins diffèrent, les besoins financiers ne diffèrent pas vraiment, eux.

En tout cas, on croit que le gouvernement peut inventer des moyens autres que la diminution des prestations pour favoriser un accès réel et une incitation réelle au marché du travail. Je vais céder la parole tout de suite à Ginette.

Mme Bélair: M. le Président, mesdames et messieurs les membres de la commission. Mme Binette, directrice générale du programme, aurait été plus apte que moi pour défendre notre projet. Malheureusement, elle a été atteinte d'une extinction de voix aiguë. Je ne sais pas si c'est à la suite de votre lettre d'invitation, enfin. Elle a été retenue à Montréal. Mon exposé se veut plutôt un témoignage sur la nécessité d'un support communautaire. Le travailleur communautaire qui est à la base de tout programme d'implantation communautaire joue, de par son soutien, plutôt un rôle d'éducateur, de promoteur d'autonomie, de promoteur d'estime et de confiance en soi pour les assistés sociaux. Donc, afin de les remettre sur la carte, afin d'augmenter leur chance de se présenter chez un éventuel employeur et d'obtenir un succès, la méthode utilisée pour obtenir des résultats est de les impliquer dans un programme d'échange de services. Nous constatons des besoins flagrants chez les personnes défavorisées. Pourquoi ne pas instaurer une cohésion multi-ministérielle qui mettrait en relation les personnes âgées et les prestataires de l'aide sociale dont le but serait un partage bilatéral? C'est, entre autres, le but que notre organisme prône. Certains ministères se plaignent d'un manque d'argent ou d'effectifs afin d'alléger les problèmes de la communauté. On pense aux coupures budgétaires dans les hôpitaux, dans les soins à apporter aux personnes âgées. D'autre part, d'autres ministères ont un trop plein d'effectifs inutilisés.

Voyons le taux de chômage et le taux d'assistés sociaux. Ces prestataires ne le sont pas

par goût ni par manque de volonté ou d'intérêt. Notre programme est un exemple de cohésion entre deux ministères. D'une part, le CRSSS qui a un contrôle administratif gère une partie de notre programme. D'autre part, le ministère du Travail, par Travail-Québec, nous fournit la main-d'oeuvre pour le bon fonctionnement de notre programme.

Lors de notre premier congrès de fondation, après seulement quatre mois de fonctionnement, nous avons accueilli trois cent personnes. N'est-ce pas le signe flagrant d'un besoin de la communauté? Les commentaires recueillis lors de ce congrès tournaient, entre autres, autour des boubous macoutes. Les frais encourus, pris à même les deniers publics, pour la formation d'une brigade de boubous macoutes ont-ils rapporté les résultats escomptés? Pourquoi ne pas avoir engagé ces fonds pour l'embauche de travailleurs communautaires qui auraient eu comme mandat de regrouper les sans-emploi afin de leur permettre de voir toute la dimension des supports qu'ils pourraient offrir à une autre catégorie de gens? Ce sont les commentaires qui ont été recueillis lors du congrès.

Comme M. Massie l'a déjà mentionné, notre projet a réussi la réinsertion sur le marché du travail de 18 jeunes sur 22, soit une moyenne de plus de 80 %. Serait-ce utopique de rapporter ces statistiques à une proportion provinciale? N'oubliez pas que 80 % pour nous veut aussi dire 80 % de moins d'assistés sociaux. Tout bon gouvernement se doit de cheminer vers une politique de plein emploi.

Nous proposons donc que les projets communautaires soient multipliés à la grandeur de la province, avec le soutien de tous les ministères concernés. Être avant-gardistes en pensant d'abord à humaniser la situation des gens défavorisés, plutôt que d'essayer de les couper pour les enjoindre à retourner sur un marché où la compétition se joue entre les diplômés de tout genre.

Sur ce, je cède la parole à Sylvain Guérin, un participant, qui a bien voulu nous accompagner pour témoigner.

M. Guérin: Oui, je vais être bref, de toute façon. Moi, on m'a demandé de venir - la nervosité - témoigner ce matin de mon expérience à Répar'âge. Je fais partie du projet depuis septembre 1987. Disons que, avant d'aller travailler dans un projet comme le projet Répar'âge, j'étais à la maison. J'étais un assisté social, je n'ai pas honte de le dire: J'étais un assisté social. Quand j'allais voir pour "une job" ou n'importe quoi, au bureau de Travail-Québec, j'étais un beau petit numéro qu'on pigeait. Remplis ce que tu sais faire et on va te rappeler si on a quelque chose.

La plupart du temps, ce n'est pas souligné - j'écoute souvent la Chambre des communes à la télévision; on peut regarder cela maintenant - c'est très rare qu'on souligne le pourcentage des emplois qui ont pu tomber. C'est très rare qu'on nous le souligne. On souligne souvent qu'il y a beaucoup de chômeurs, d'assistés sociaux mais, comme le disait M. Pierre Massie tantôt, le nombre des jobs qui ont été enlevés ou perdus par des fermetures d'usines ou quoi que ce soit de même, on ne l'entend pas, ce pourcentage-là, pas trop souvent, en tout cas. Ce serait bon de souligner cela aussi, de faire un parallèle.

Là, j'ai été au projet. J'ai beaucoup aimé cela parce que, dans le projet, je n'étais pas seulement un numéro. Je m'appelais Sylvain Guérin, je travaillais. On travaille en équipe, on apprend à développer ce qu'on est capable de faire. Comme moi, j'aime organiser des choses et qu'il y aura une assemblée générale annuelle au mois de juin, fin juin, j'ai commencé à organiser des comités. Les participants m'ont suivi. Ils ont fait cela bénévolement, en dehors des heures de Répar'âge - parce que Répar'âge, avant tout, c'est le service aux personnes âgées - et ils m'ont tous suivi. C'est signe que l'équipe est là.

Un autre exemple d'équipe, on en a eu un tantôt. Deux participants pensaient qu'on avait oublié des papiers importants pour ici; ils sont partis de Montréal, derrière nous, pour venir porter les papiers. Ils étaient là, en bas, quand on est arrivés. Surprise! Donc, il y a un signe d'équipe là, il y a un signe de force d'équipe.

Question de projets, je ne sais pas si cela vient d'un niveau plus haut ou quelque chose comme cela, mais nos travailleurs sociaux sont très mal renseignés quand on va les voir, leur demander des projets communautaires ou quoi que ce soit. Moi-même, quand je suis allé voir mon travailleur, je lui ai dit: "J'ai commencé sur un projet communautaire". Il a dit: "C'est quoi ce projet-là? Je n'en ai pas entendu parler". Alors, j'ai été obligé de le lui expliquer et même de lui donner l'adresse. C'est quelqu'un d'autre qui m'avait référé ce projet-là.

Question d'études, même chose. "Vas voir à cette école-là, je pense qu'ils donnent des cours, là, d'après la feuille au tableau qui est dans l'entrée, en avant". Bien, c'est justement là la chaleur humaine qu'on voudrait rechercher au lieu de se sentir des numéros ou quelque chose comme cela. On est des personnes, nous aussi, on aimerait être traités comme cela.

Il y a aussi la question de votre réforme; vous avez un beau livre détaillé. Je l'ai lu parce que je travaille avec des personnes qui l'ont reçu. Personnellement, je pense que ceux qui sont les plus concernés, c'est ceux qui vont subir la réforme, les assistés sociaux. Jusqu'à maintenant, tout ce qu'on a entendu, c'est le bla-bla de la radio, de la télévision ou des communiqués. Mais souvent, il y a des personnes qui ne comprennent pas, viennent tout mélangées et prennent panique. Si on, lisait votre papier, peut-être qu'il y a des assistés sociaux qui paniqueraient un peu moins et qui viendraient vous voir plus relaxés après. C'est tout.

(15 h 45)

Le Président (M. Leclerc): Merci, M. Guérin. Est-ce que vous avez terminé? Oui? De toute façon, vous pourrez poursuivre avec les questions et commentaires des deux côtés. Mais juste avant de céder la parole à M. le ministre, j'aimerais m'excuser au nom de la commission des inconvénients qui vous ont été faits pour introduire ici vos tableaux et vous assurer, même si cela ne règle pas votre problème, que nous allons prendre des mesures pour que cela ne se reproduise plus à l'avenir pour les groupes qui vont venir nous rencontrer.

M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je remercie le groupe Répar'âge. Je vais peut-être commencer non pas dans l'ordre où vous êtes intervenus, mais dans le désordre, si vous me le permettez, en m'adressant premièrement à M. Guérin, en le remerciant de son témoignage sur son expérience personnelle, mais en lui parlant surtout des problèmes qu'il a éprouvés. À un moment donné, vous avez dit: Mon travailleur social n'était pas au courant de l'existence du travail communautaire. Est-ce que c'était au CLSC ou au centre Travail-Québec?

M. Guérin: Non, directement au centre Travail-Québec.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Quel centre Travail-Québec?

M. Guérin: C'est à Saint-Hubert.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Saint-Hubert?

M. Guérin: Oui.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Et il ne savait pas que cela existait?

M. Guérin: Non.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): De quelle façon avez-vous été recruté, êtes-vous arrivé là?

M. Guérin: Mon beau-frère qui, lui, avait été demandé pour ce projet, est venu me voir à la maison et m'a dit: On a parti un projet. Je sais que tu as une grand-mère et que tu aimes participer avec les personnes âgées. Il y a un projet, mais il ne savait pas trop ce que c'était. Il m'a dit: Va les voir, ils ont besoin de personnes. J'y ai été, j'ai fait une demande; ils me l'ont expliqué et j'ai embarqué dans le projet.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): À partir du moment où le contact a été établi, avez-vous eu d'autres problèmes avec le fonctionnement?

M. Guérin: Disons après, quand ma femme a voulu embarquer dans le projet. Pour ce qui est de la garderie - c'est vrai, j'avais oublié de le dire - les paperasses gouvernementales sont extrêmement compliquées pour les subventions aux garderies. En plus, je me suis fait faire une petite remarque, mais je ne veux pas donner de nom. Si tu travailles cinq heures et plus sur ton projet, on va te donner 10 $ par jour pour la garderie, mais si tu arrives à cinq heures moins cinq minutes de travail, on va t'en donner 5 $.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ils exigent un minimum de cinq heures pour couvrir cela

M. Guérin: Cinq heures ou moins, c'est 5 $ et cinq heures et plus, c'est 10 $. J'ai dit: Si je marque cinq heures et une minute, est-ce que j'ai 10 $? Elle a dit oui.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Avez-vous de la difficulté à obtenir les paiements? Est-ce que cela arrive à temps?

M. Guérin: Non. Une fois que tout est placé, tout arrive à temps.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Une fois que tous les papiers ont été remplis et que cela est entré dans l'ordinateur, cela fonctionne bien après?

M. Guérin: Oui, c'est cela.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Mais ce n'est pas facile de le faire entrer dans l'ordinateur.

M. Guérin: C'est là. C'est cela.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'accord. Mme Bélair, vous avez fait allusion au taux de succès ou de placement sur le marché du travail des bénéficiaires qui passent chez vous. Vous avez mentionné 18 sur 22. C'est un taux qui est...

Mme Bélair: C'est un taux qui est assez élevé, effectivement.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est un pourcentage très intéressant. Ces gens-là se placent dans quel domaine d'activité une fois qu'ils vous ont quittés?

Mme Bélair: En fait, cela dépend des capacités de tous et de chacun. Cela peut aussi bien aller dans un garage comme mécanicien ou comme travailleur dans un bureau, commis de bureau. Mais là, évidemment, cela dépend, justement, des capacités de chaque participant.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Est-ce que ces gens-là complètent généralement un stage de douze mois ou s'ils quitttent en cours de route, avant que le stage soit terminé?

M. Massie: Je suis peut-être plus en mesure de répondre, parce qu'elle est trésorière et peut-être un peu plus absente pour ce qui est du conseil. Moi, je suis là plus quotidiennement. Ils se placent effectivement un peu partout. On en a eu qui sont devenus livreurs de boissons gazeuses, il y en a qui travaillent chez Miracle Mart, c'est varié. Nous tendons à...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ils ne continuent pas spécifiquement. Vous n'avez pas un pourcentage supérieur qui continue avec les personnes âgées. Ils reviennent faire du bénévolat, comme vous l'avez mentionné.

M. Massie: S'il n'y a pas de débouché comme tel.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'accord.

M. Massie: On en a deux qui effectuent des heures à l'occasion, en tout cas, à ce que j'ai su, dans une coopérative d'auxiliaires familiales. C'est un domaine qui en intéresse d'autres. On a eu le cas aussi d'une personne qui était intéressée par le dessin - on cherche toujours l'intérêt du jeune qui entre, c'est là-dedans qu'il va vraiment s'exprimer et aller plus loin - et elle s'est placée dans ce domaine-là. On lui fait réaliser un journal qui a été distribué. Il y a des choses comme cela où on joint l'utile à l'agréable, pour eux.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous avez mentionné que vous travailliez généralement avec 22 candidats. Lorsque le nombre tombe à 12, je prends bonne note qu'il y a des difficultés de financement à l'interne, à cause des 100 $ et cela pourrait être désincitatif et même inciter vos gens à vous quitter pour aller sur le marché du travail. Mais quant au recrutement, est-ce que vous éprouvez des difficultés à obtenir des candidats ou des candidates par le centre de Travail-Québec?

M. Massie: Énormes! C'est simple, c'est énorme! Actuellement, il y en a 11 et on ne paye même pas le salaire de la coordonnatrice. On est un organisme sans but lucratif.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous en avez 11 actuellement?

M. Massie: Actuellement, 11.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous souhaiteriez en avoir 22...

M. Massie: Bien, "crime"!

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous souhaiteriez en avoir 22. Quelles sont les démarches? Vous allez au centre Travail-Québec, vous dites qu'il y a 11 postes chez vous... Est-ce que vous pouvez m'expliquer cela dans vos mots?

M. Massie: C'est cela. On fait des démarches. C'est plutôt Monique Binette qui s'occupe de cette partie où elle recontre les agents. Maintenant, je ne sais pas si on frappe aux mauvaises portes ou quoi, ou s'ils n'en ont pas. Il y a peut-être aussi la question que c'est facultatif pour le jeune, s'il veut ou s'il ne veut pas. Il y a cela aussi qui joue. En tout cas, c'est le "feed-back" qu'on a sur l'autre bord, il reste qu'effectivement le recrutement est difficile à obtenir.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Moi, je tente de... Et je vais vous le dire comme tel. On a des groupes qui nous ont dit: Avec notre centre Travail-Québec ou avec nos fonctionnaires, cela va de façon merveilleuse pour nous. Il y en a d'autres qui sont venus nous dire: Nous, avec nos fonctionnaires, cela ne fonctionne absolument pas. Ils ne nous en réfèrent pas, ils déconseillent même aux jeunes d'aller travailler dans le regroupement en disant que c'est du "cheap labor". J'essaie de situer votre groupe. Il y a d'autres cas où l'on nous dit: Même si on offre les stages, les jeunes ne veulent pas y aller. J'essaie de voir, chez vous, quel est votre problème de recrutement.

M. Massie: J'imagine qu'il y a un mélange de tout cela. Je ne peux pas arriver à pointer cela et à dire que c'est telle affaire. Il reste effectivement, en en parlant avec les participants, qu'il faut que le participant se déniaise pour nous trouver. On fait des annonces dans les journaux, des choses comme cela. La transmission de l'information ne se fait pas comme il faut. C'est sûr. Notre recrutement le plus efficace se fait par les participants eux-mêmes, style, le beau-frère qui est allé les chercher chez lui, sa femme f>t lui. C'est cela, de bouche à oreille. Cela ne garantit pas une grande stabilité. À un moment donné, tu épures - c'est une clientèle qui est relativement isolée - ce qui est alentour et tu n'en as plus. C'est dans ce sens-là aussi qu'on disait qu'il y a les plus de 30 ans, peut-être. Pour nous, c'est important d'en avoir 22 parce qu'il y a toute l'histoire du budget. Si, un mois, on en a une vingtaine, pendant deux ou trois mois, cela nous permet de nous engager dans des plans à plus long terme. Si on donne un cours de relations humaines, on paye un professeur. On fait une entente avec la commission scolaire, des choses comme cela. Il y a des coûts à cela. Tu en places dix et tu n'es plus capable de payer le professeur. T'es poigne.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Est-ce que vous avez du financement qui vient de l'extérieur? De la communauté?

M. Massie: Bien, il y a des dons. Nous

avons débuté au mois de mars l'an passé. Les subventions vont peut-être arriver, on ne sait pas.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Les dons proviennent de quel type d'organisme ou d'individu?

M. Massie: On a été soutenu entre autres par des... Il y a eu des projets concrets qui ont été soutenus par de grosses compagnies, Pratt & Whitney, entre autres. Il y a eu des projets soutenus par des communautés religieuses. Il y a eu des dons aussi provenant des personnes âgées chez qui on rend des services. Comme tous les services de Répar'âge sont gratuits, ça marche strictement par dons. Donc, il n'y a pas de financement stable.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vous dirai que j'ai pris bonne note également de la question des jeunes de 25 ans et moins et de cet incitatif désincitatif, sans vous donner de réponse comme telle, parce que je n'en donne pas avant que la commission soit terminée. Il s'agit d'un point qui a été soulevé par les autres groupes, par les représentants de groupes également dans les travaux communautaires. Tous soulignent cet aspect-là comme étant une lacune dans le fonctionnement actuel.

Quant au contenu de la formation, selon votre évaluation de la formation que vous donnez aux bénéficiaires qui vont chez vous, avez-vous une formation sur ce qu'on appelle plutôt la culture du travail: apprendre à être présent, etc. ou si vous avez une formation qui consiste plutôt à rendre des services ou à donner des soins aux personnes âgées? Qu'est-ce qui est le plus poussé?

M. Massie: On vise les deux. Notre formation vise aussi la personne âgée elle-même qui est bénéficiaire. On a une réunion hebdomadaire obligatoire. Le groupe se réunit tous les vendredis matin. Ce ne sont pas des travaux; c'est une réunion. On sort le "feed-back" de la semaine. Parfois, ils trouvent des travaux chez des vieux qui ne sont pas toujours agréables et bien disposés. Il s'agit de faire de la formation et en même temps de savoir pourquoi on est mal accueilli. C'est peut-être parce que la personne âgée qui souffre d'arthrite 24 heures par jour ne s'endure pas elle-même. Ce sont des choses comme celles-là. Ils expriment aussi ce qu'ils vivent. C'est une façon pour eux de briser leur isolement et d'arriver à s'exprimer face aux groupes. Il y en a qui arrivent et c'est vraiment la base. Il faut commencer au début. La formation touche à tout. On a organisé des sessions de relations humaines d'une dizaine de semaines, des programmes comme en institution scolaire. Il y a eu aussi des travailleurs des CLSC qui sont venus, des infirmières pour donner l'ABC des premiers soins. On a fait de l'accompagnement à domicile pour montrer comment on lave une vitre. C'est aussi simple que cela, c'est pour s'aligner sur les besoins de la personne âgée et comment on y répond. Quand cela fait deux mois que vous lavez des fenêtres, vous savez comment les laver. Probablement, vous avez le tour, sauf que la personne ne les lave pas de même. C'est quoi, répondre à ses besoins? Est-ce que c'est de les laver comme vous, vous le pensez - dans le fond, vous avez raison, cela va mieux, cela va plus vite et elle est propre quand même - ou si c'est de le faire comment elle le veut? Ce sont tous des débats.

On intervient aussi auprès de personnes handicapées, atteintes de sclérose en plaques ou alors, ce sont des personnes plus jeunes avec des problèmes de famille. On a envoyé des équipes où il y avait des jeunes de 20 ans qui étaient assis au sous-sol et ce sont eux qui faisaient le ménage. Ils sont revenus frustrés un peu. C'est nous, "l'assisté social", qui allons nettoyer là-bas, une grosse maison, c'est merveilleux! Il y a toute une formation qui entoure cela. C'est quoi, la réalité, quand une chose comme celle-là se vit dans une famille! La formation est très vaste.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): La durée du programme Travaux communautaires qui est limitée à douze mois, est-ce que cela vous cause des problèmes? Est-ce que c'est suffisant? Si cela cause des problèmes, quelle durée privilégieriez-vous?

M. Massie: Étant donné qu'on a commencé au mois de mai, c'est difficile...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'accord.

M. Massie: Étant donné qu'on en a placé 18 sur 22, on se dit non. Mais il y en a qui sont avec nous depuis le début et on sent qu'une autre année, ce ne serait pas de trop. Il y en a qui partent de plus loin. Il me semble que c'est limitatif, un an. Les personnes qui se retrouvent et qui sont embarquées ne feront pas un an. En tout cas, chez nous. Je ne dis pas tout le monde. C'est difficile. Je ne peux pas généraliser.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Est-ce que vous avez des contacts avec d'autres groupes qui font des travaux communautaires dans votre région également? Est-ce qu'il y a une interaction entre les groupes?

M. Massie: Pas vraiment. Il n'y pas de temps. Il n'y a pas beaucoup de temps. Déjà, concernant les budgets, on a une coordonnatrice qui en a déjà bien en masse avec 22. Parfois, il y a des interventions bizarres.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Cela va II me reste quelques minutes. En vertu de la règle de l'alternance, Mme la députée de Maisonneuve.

Le Président (M. Bélanger): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de vous accueillir, M. Massie, Mme Bélair et M. Guérin. M. Massie, vous êtes le fondateur du groupe. Êtes-vous travailleur social?

M. Massie: Je suis travailleur communautaire.

Mme Harel: Travailleur communautaire associé au CLSC?

M. Massie: C'est cela, au module maintien à domicile.

Mme Harel: Tantôt, le ministre vous demandait si vous aviez des contacts avec des organismes semblables au vôtre ou similaires. Je pensais, entre autres, au Grand ménage mani-tout. Je ne sais si vous avez entendu parler d'un projet semblable dans l'est de Montréal qui porte le nom de Grand ménage mani-tout, un peu comme Répar'âge, qui est aussi un complémentaire du maintien à domicile du CLSC. C'est donc un service complémentaire au maintien à domicile du CLSC. Est-ce bien dans ce sens-là?

M. Massie: C'est exact.

Mme Harel: Et les personnes chez qui vous allez sont celles qui vous sont référées par le CLSC.

M. Massie: Pas uniquement. Mme Harel: Non?

M. Massie: Ah non! Cela rentre de partout. On a fait notre propre promotion aussi. On a notre dépliant. On a tout cela. On a fait la tournée des clubs de l'âge d'or. Vous entrez dans une maison, c'est le bouche à oreilles qui part. Les vieux ne sortent pas gros, mais ils s'appellent.

Des voix: Ha, ha, ha!

(16 heures)

Mme Harel: Vous avez tout à fait raison. Je pense que la communication orale est très importante. Vous est-il déjà venu à l'idée d'examiner l'hypothèse d'exiger un montant selon les revenus des personnes chez qui vous alliez effectuer des travaux? Je le demande parce qu'à Montréal il y a eu une table de concertation de tous les projets de cette nature complémentaire au maintien à domicile qui utilisait des travaux communautaires. L'hypothèse de pouvoir faire effectuer à un coût vraiment minimum et proportionnel au revenu... De toute façon, les personnes âgées - je ne sais pas si vous pouvez me confirmer ce qu'on m'avait dit - n'ont jamais l'impression que c'est vraiment gratuit et elles ont toujours un petit pourboire quelque part à glisser dans la poche d'un tablier, parce que c'est de cette façon qu'elles voient ces services. Avez-vous également cette impression?

M. Massie: La méthode qu'on a entreprise, c'est la méthode des dons. Le but que nous poursuivons par la gratuité de nos services, c'est d'impliquer les personnes âgées. Répar'âge, c'est un projet communautaire.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...dans les deux sens.

M. Massie: C'est cela. On se dit: Si c'est gratuit, c'est parce que ce ne sont pas des pros qui vont chez vous. De toute façon, le programme nous autorise à exiger au maximum 2 $ l'heure. Parfois, c'est plus avantageux d'y aller sous forme de don que... entre parenthèses.

Mme Harel: D'accord. Le programme vous autorise, à ce moment-là, à demander...

M. Massie: À demander jusqu'à 2 $ l'heure.

Mme Harel: ...mais le don est souvent plus généreux; le coeur est plus généreux...

M. Massie: Non. Je ne vais pas jusque-là.

Mme Harel: Non?

M. Massie: Parfois. Parfois.

Mme Harel: D'accord.

M. Massie: Souvent, on n'a rien. On peut passer deux jours chez une personne à faire un grand ménage, parce que Répar'âge fait du grand ménage. On ne fait pas de petits entretiens. Ce sont surtout des gros ménages, du déneigement, des grosses affaires. On peut passer deux jours et avoir 2 $. À quatre participants, ce n'est pas ce qu'il y a de plus payant.

Cette façon de fonctionner, pour nous, c'est d'éveiller la personne âgée à devenir un offrant de service. On vise les deux. Répar'âge répond aux problèmes de l'âge; cela ne répond pas juste aux assistés sociaux et aux vieux. Le vieux peut donner quelque chose. Le fait que ce soit gratuit confirme que ce ne sont pas des professionnels qui vont là et c'est important que tu lui dises comment on lave les vitres, comment on lave un plancher. Il y a une participation comme cela.

Mme Harel: Je comprends surtout qu'on pourrait envisager des projets comme ceux-là associés ou complémentaires dans tous les territoires de CLSC qui seraient complémentaires au maintien à domicile que donnent les CLSC. Je comprends que cela pourrait être envisagé.

M. Massie: Je vais vous inviter à venir voir

nos photos du congrès de fondation qu'on a tenu. Au-delà de 300 personnes âgées y sont venues; on a débuté au mois de mai. Cela témoigne de ce qu'on a rejoint. Déplacer un mercredi soir de novembre 300 vieux, des personnes âgées - pour moi, vieux, ce n'est pas péjoratif; excusez, cela fait dix ans que je travaille avec eux - c'est parce que cela répond à quelque chose et c'est parce qu'ils sentent qu'ils donnent quelque chose. D'après moi, oui, cela peut marcher partout.

Mme Harel: Donc, vous avez un contact direct avec la personne responsable du projet au CRSSS parce que vous relevez, j'imagine, du ministère de la Santé et des Services sociaux, donc, du CRSSS pour l'application de votre projet?

M. Massie: Oui.

Mme Harel: C'est bien vous, Mme Bélair, qui avez le contact direct au CRSSS?

Mme Bélair: C'est Mme Binette qui est la directrice générale du programme.

Mme Harel: Bon. Cela veut dire que, quand

Mme Binette veut obtenir ces 22 postes, elle communique avec la personne responsable au CRSSS.

M. Massie: Elle communique là, elle communique à Travail-Québec, elle communique partout. Elle passe des annonces dans les journaux et cela ne rentre pas.

Mme Harel: Bon, alors vous dites les CRSSS. On n'en a pas encore parlé, les 22 postes sont ouverts. Si vous trouviez 11 jeunes ou 11 personnes de plus de 30 ans si tant est que le programme était prolongé, sans baisse de prestations - on y reviendra - si vous en trouviez, vous auriez les 22 postes ouverts présentement.

M. Massie: Oui.

Mme Harel: Vous pourriez?

M. Massie: Là, il nous en reste onze.

Mme Harel: Vous pourriez?

M. Massie: Oui, oui. On est en mesure de les accueillir, c'est sûr.

Mme Harel: Non, vous, vous êtes en mesure, mais le CRSSS vous autorise à le faire immédiatement.

M. Massie: Oui.

Mme Harel: Donc, le problème ne vient pas du CRSSS, mais du fait qu'il y a un problème de recrutement.

M. Massie: C'est cela.

Mme Harel: Hier, des personnes qui participent comme vous à la Montérégie, au promoteur de la Montérégie, sont venues nous dire que, à Brossard et à Longueuil, les problèmes se posaient avec les centres Travail-Québec, qu'il leur fallait faire elles-mêmes le recrutement pour être sûr, et, M. Guérin, vous venez, en quelque sorte, de nous le démontrer à nouveau puisque c'est vous-même qui avez été recruté et qui avez recruté vous-même et qui, j'imagine, recruteriez aussi, à nouveau, pour prolonger le programme. Est-ce qu'on doit comprendre, si vous en voulez onze de plus, que la façon la plus efficace, c'est que vous recrutiez vous-même? Est-ce que c'est cela que je dois comprendre, M. Massie?

M. Massie: C'est exactement cela.

Mme Harel: Bon! Je voudrais revevenir avec vous sur les sommes. Vous avez insisté, avec raison, sur le fait que cela créait un handicap, le fait qu'il y ait une distinction pour les 25 ans et moins qui n'avaient pas complété leur secondaire en regard des 25 ans et plus. Actuellement, une personne qui participe au programme... Vous, M. Guérin, vous êtes un indépendant, vous êtes marié et, si je comprends bien, vous avez un enfant.

M. Guérin: Oui.

Mme Harel: II doit y avoir des gens dans votre équipe qui ont moins de 30 ans, des personnes seules. Est-ce qu'il y en a?

M. Guérin: Oui, il y en a.

Mme Harel: Est-ce que ce sont, dans la majorité, des couples, des femmes, des chefs de famille ou si ce sont des personnes seules?

M. Guérin: II y a deux filles... Mme Harel: Chefs de famille.

M. Guérin: ...qui sont chefs de famille monoparentale; à part cela, il y a des personnes seules, à part mon beau-frère, ma belle-soeur. On riait avec cela, en disant que c'était une affaire de famille.

Mme Harel: Donc, des chefs de famille monoparentale, c'est un peu différent parce qu'elles ont le plein barème...

M. Guérin: Oui.

Mme Harel: ...plus les 100 $ du projet, plus les 100 $ des besoins spéciaux. Mais si on prend la personne seule, combien reçoit-elle, présente-

ment, pour participer au projet?

M. Guérin: Une personne seule, selon qu'elle a 25 ans...

Mme Harel: Oui.

M. Guérin: ...et plus ou un secondaire V...

Mme Harel: D'accord.

M. Guérin: ...va recevoir une allocation du projet de 48 $ par deux semaines, plus, selon son barème d'aide sociale, normalement, si elle a le plus bas montant - je ne sais pas à combien il est - 200 $ supplémentaires.

Mme Harel: C'est-à-dire qu'elle recevrait disons 178 $... Le plus bas montant, maintenant, c'est 178 $ ou 184 $, 184 $...

M. Guérin: Oui.

Mme Harel: ...plus 200 $?

M. Guérin: De l'aide sociale.

Mme Harel: De l'aide sociale.

M. Guérin: Oui.

Mme Harel: Cela veut dire 384 $.

M. Guérin: C'est cela.

Mme Harel: Plus les 48 $ à toutes les deux semaines.

M. Guérin: C'est cela.

Mme Harel: C'est-à-dire à peu près disons 484 $.

M. Guérin: Oui.

Mme Harel: C'est cela. Là, présentement, c'est si elle a plus que 25 ans ou qu'elle a fini son secondaire.

M. Guérin: Exact.

Mme Harel: Sinon, elle reçoit seulement 384 $.

M. Guérin: Seulement l'aide sociale.

Mme Harel: C'est cela. Là, on peut voir - c'est loin, par exemple, peut-être que vous n'avez pas assez... C'est comme pour votre tableau, on n'a pas assez de bons yeux pour le voir. Avec la proposition du ministre, la personne qui est dépendante - cela veut dire qui n'est pas mariée ou qui ne cohabite pas, qui n'a pas d'enfants, qui est considérée comme ayant un statut de dépendant - verrait son montant réduit de 100 $ par mois, plus, si elle partage un logement ou si elle habite chez ses parents, s'additionnerait une autre réduction de 115 $ par mois. Tantôt, quand je vous écoutais dire que, si tout le monde pouvait prendre connaissance, chez les bénéficiaires d'aide sociale, du document d'orientation, il y en a qui seraient plus relaxes, cela se peut; mais je pense qu'il y en a beaucoup qui seraient moins relaxes. Si on regarde les participants dans votre équipe, est-ce que ces jeunes habitent chez leurs parents ou habitent eux-mêmes en appartement?

M. Guérin: II y en a qui habitent en appartement, d'autres chez leurs parents. D'après la description que vous venez de faire, c'est que, s'il ne va pas au projet, avec les montants que vous venez de donner, il arrive à 184 $, le plus bas montant.

Mme Harel: Oui.

M. Guérin: Si j'enlève les deux montants, il arrive à moins quelque chose au lieu d'arriver à plus quelque chose.

Mme Harel: Non, parce que, là, il va partir de plus haut et il va revenir à peu près au même montant.

M. Guérin: Oui.

Mme Harel: Alors là, il partirait - ce serait cela, la parité du ministre - en haut et il baisserait, tandis que, là, il partait d'en bas et il montait. Alors, il partirait d'en haut, disons 484 $, mais ce montant indexé au coût de la vie comme plein participant, ce serait 520 $. Ce serait le projet du ministre. Il partirait de 520 $; ceux qui habitent chez leurs parents se verraient coupés de 115 $ et ceux... Non, ils ne sont pas coupés de 80 $, présentement, ce sont les parents qui font un revenu qui sont coupés.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...ils le sont, présentement?

Mme Harel: Alors, ceux...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ils sont coupés de 85 $, présentement.

Mme Harel: Ceux qui habitent chez leurs parents...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est faux.

Mme Harel: ...auraient 115 $ de moins. Les parents qui sont assistés sociaux, qui les gardent, auraient aussi 115 $ de moins, chacun; c'est-à-dire que, s'ils habitent ensemble, soeurs ou frères ou cousins... Votre beau-frère, il est marié, si je comprends bien.

M. Guérin: Oui.

Mme Harel: Légalement marié?

M. Guérin: Oui.

Mme Harel: Parce que, là, cela peut devenir différent aussi. Alors, ce jeune aurait une réduction, disons de 115 $. Puis, après, il aurait une réduction de 100 $ parce qu'il est considéré comme ayant un statut de dépendant. En partant des chiffres du document, s'il participe pleinement au programme, il pourrait avoir au mieux 305 $, 205 $ de départ en ayant enlevé les 100 $ et les 115 $ plus 100 $ de participation. Il recevrait 305 $. S'il est totalement indépendant et si cela fait plusieurs années qu'il a quitté, il s'est marié, puis, disons, il s'est séparé ou il a habité et H a repris sa liberté, mais il est considéré comme ayant un statut d'indépendant et il partage un logement avec un copain, là, il pourrait avoir 405 $, c'est au mieux en participant et c'est après les neuf premiers mois. Pendant les neuf premiers mois, il n'a plus le droit de participer. Je voulais vous poser la question, M. Massie. Est-ce qu'il y en a plusieurs qui commencent à participer au programme dans les premiers mois de leur demande d'aide sociale ou si, pour la plupart ou la majorité, cela fait longtemps qu'Hs sont inscrits?

M. Massie: Je ne sais pas.

Mme Harel: Vous ne le savez pas. Mme Binette, le saurait peut-être.

M. Massie: Elle le saurait mieux que moi, parce qu'elle gère plutôt les dossiers personnels. Moi, je m'occupe plutôt du secteur communautaire et des contacts avec... Je peux dire qu'à première vue, oui, il y en a pour qui cela fait un bout de temps, je sais cela. Je ne peux pas dire s'il y en a pour qui cela ne fait pas longtemps.

Mme Harel: Mme Bélair, vous ne le savez pas?

Mme Bélair: Non.

Mme Harel: Les gens du groupe qui sont venus de la Montérégie, hier, sont venus plaider que les personnes puissent participer immédiatement dès qu'elles sont inscrites de manière qu'il n'y ait pas un vide qui les amène parfois à se retrouver dans la rue entre le fait de quitter le foyer et le fait de ne rien obtenir entre-temps. Je me demandais si c'était la situation de certaines des personnes qui faisaient partie de l'équipe.

Mme Bélair: Je pense que, pour l'instant, on ne pourrait confirmer depuis combien de temps les gens sont à l'aide sociale. Par contre, ce qu'on pourrait rapporter, c'est que les portes sont ouvertes à partir du premier jour où ils ont droit aux prestations de l'aide sociale.

Mme Harel: Elles le sont présentement, mais, avec le document d'orientation, H n'y aurait plus possibilité de le faire avant les neuf premiers mois. Alors, la participation aux mesures serait exclue pour les neuf premiers mois. Il faudrait attendre qu'il y ait neuf mois de faits avant de pouvoir participer dans la proposition. Alors, si on reprend les chiffres, actuellement par exemple, le jeune qui reçoit - c'est une lacune qu'on peut certainement déplorer - 384 $ recevrait, môme indépendant, s'il n'est plus chez ses parents et qui partage un logement - ce qui est une façon assez généralisée chez les jeunes - au mieux 405 $, c'est-à-dire, finalement, exactement 21 $ de plus que ce qu'il reçoit maintenant, et ce, qu'il ait 25 ans ou moins, 25 ans ou plus, qu'il ait terminé son secondaire ou pas. Pour celui qui a 25 ans ou plus, vous voyez, cela lui ferait, à ce moment, une perte d'au moins 80 $. C'est, disons, la nouvelle lacune du document d'orientation. C'est une lacune majeure parce qu'elle va s'adresser cette fois à tout le monde.

Le Président (M. Bélanger): II vous reste encore quelques minutes.

Mme Harel: L'alternance.

Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, je vais tenter de mettre un peu de lumière dans les propos de Mme la députée de Maisonneuve parce que, lorsqu'on joue avec des chiffres, on réussit à se mélanger ou à mélanger le monde facilement. J'ai écouté le témoignage de M. Guérin, qui m'a dit: Moi, je suis là sur les travaux communautaires et ma femme est là, et, un peu plus tard, j'ai appris que le beau-frère et la belle-soeur s'y trouvaient aussi. Dans chacun des cas, peut-être que Mme la députée de Maison-neuve trouve que vous n'avez pas une assez grande famille d'impliquée dans cela, il n'y a aucun des cas qui, avec les tableaux qui sont proposés, provoquerait une diminution; dans chacun des cas, ce serait une augmentation. Je pense que c'est cela la politique de sécurité du revenu pour autant que vous et votre famille êtes concernés, parce que vous avez accepté de vous retrousser les manches, de participer et de tenter de réintégrer le marché du travail. L'une des bases de la réforme, c'est d'inciter les gens comme vous à participer à des mesures, à améliorer votre employabilité et espérer trouver, comme plusieurs l'ont fait, qui ont passé par ce type de projet, des emplois sur le marché régulier du travail. (16 h 15)

J'aurais des questions additionnelles à vous adresser sur le fonctionnement entre le centre

Travail-Québec et votre groupe parce que, si on est pour ouvrir les programmes aux gens de plus de 30 ans - et c'est l'une des recommandations de votre mémoire - il faut s'assurer que l'on ait, avec les groupes comme le vôtre, des relations qui fonctionnent ou qui baignent dans l'huile si possible et cela ne me semble pas être le genre de relations que vous m'avez décrites. Hier, d'autres groupes m'ont également fait part des difficultés. Des participants chez vous, selon l'expérience que vous avez eue, vous ont-ils déjà indiqué qu'au centre Travail-Québec, on leur avait déconseillé d'adhérer à vos programmes?

M. Massie: Moi, je ne l'ai pas entendu dire comme tel, sauf que c'est la difficulté de...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...recrutement...

M. Massie: ...de les orienter. Ils savent qu'on existe, on a parlé à ces gens-là, on s'est présentés. C'est parce que nous aussi sommes pris dans la gestion d'un projet. Nous nous ramassons, à un moment donné, avec 22 sur les bras et on n'a plus le temps... C'est beau le PR, mais il y un bout où... Mme Ginette Bélair a mentionné, dans son allocution la nécessité d'avoir des travailleurs ou des organisateurs communautaires qui chevaucheraient peut-être cela pour justement favoriser l'émergence de projets comme cela. D'après nous, ce n'est pas à nous à faire le recrutement. Il y a un bout à tout. On peut dire ce dont on a besoin.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): II y a quand même des groupes qui m'ont indiqué qu'ils voulaient conserver ou avoir ce qu'on appelle le droit de refus au moins...

M. Massie: Oui, oui.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...pour ne pas impliquer, dans l'équipe de candidats ou de candidates, des éléments qui pourraient déranger le fonctionnement de travail d'équipe, si je peux utiliser l'expression.

M. Massie: Cela est évident. Selon moi, il serait plaisant qu'on ait une liste d'attente. C'est une façon de parler. Mais de dire: oui, on peut en refuser parce qu'il est vrai que certains ne cadrent pas. Que voulez-vous? On ne cassera pas un esprit d'équipe à cause d'un élément quand cela fait déjà quelque temps que tu cherches à l'implanter.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Voulez-vous avoir le droit de sélectionner ou le droit de refuser? Moi, c'est le type d'information que j'aimerais avoir à partir de votre expérience. SI Travail-Québec vous référé des personnes, vous voulez pouvoir dire non ou vous voulez pouvoir dire à Travail-Québec: C'est celui-là ou celle-là que je veux dans mon groupe.

M. Massie: On veut être en mesure de pouvoir dire: C'est celui ou celle qu'on veut, mais, en même temps, je pense qu'on veut les deux dans le fond.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Et le droit de refuser et le droit de proposer.

M. Massie: Bien oui. il faut au moins que les centres puissent nous dire: J'en ai trois ou quatre à t'envoyer et qu'ils sachent que, du moment qu'on a un espace vacant, il y ait une communication entre nous autres.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Cela va.

Le Président (M. Bélanger): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Oui, merci, M. le Président. Vous savez, il y a un vieux proverbe qui dit: II faut toujours faire attention quand on crache en l'air que cela ne nous retombe pas sur le nez. Je cite des chiffres qui sont dans le document d'orientation du ministre. M. Guérin, votre présence avec nous aujourd'hui - page 28; je ne sais pas si vous avez le document, M. Guérin - va permettre au ministre de prendre conscience que les chiffres qu'il propose sont des chiffres qui, pour toutes les catégories ou presque sont à la baisse de ce que, actuellement, les gens qui veulent s'en sortir, ont. Vous, M. Guérin et votre femme, avez-vous un ou deux enfants?

M. Guérin: Un enfant.

Mme Harel: Un enfant. Vous êtes considéré comme un biparental, un enfant, selon la catégorisation du ministère. En 1989 indexé... Cela s'appelle Système actuel indexé 1989, c'est 864 $. Comme vous participez au programme, vous avez 100 $ chacun ou 100 $ pour les deux de participation?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Chacun.

Mme Harel: Chacun. Cela veut dire exactement 864 $ plus 100 $ plus 100 $, c'est-à-dire 1064 $. C'est bien cela?

M. Guérin: Plus les 100 $ supplémentaires.

Mme Harel: Ce sont des besoins spéciaux. Vous avez chacun 100 $ pour les besoins spéciaux. Cela veut dire 1064 $. C'est bien cela? Plus...

M. Guérin: Une seconde. Mme Harel: D'accord, allez-y.

M. Guéfin: Pour moi, ce n'est pas encore arrivé à vos bureaux, parce que, actuellement, mon chèque est de 1055 $, en comptant mon projet et le projet de ma femme.

Mme Harel: D'accord. 1055 $. M. Guérin: En premier lieu.

Mme Harel: C'est parce que ce n'est pas indexé. On est en...

M. Guérin: On a 1055 $du... Mme Harel: Du bien-être.

M. Guérin: Ma femme a plus de 25 ans. Moi aussi. Donc, on reçoit, chacun, 48 $ par deux semaines de Répar'âge.

Mme Harel: Cela veut dire que vous allez recevoir quelque chose comme 48 $ fois quatre. Cela fait 192 $ plus 1055 $. Vous allez recevoir exactement 1247 $, en 1988, d'accord? Parce que les chiffres du ministre sont en 1989... Alors, disons, pour ne pas nous chicaner, 1250 $, d'accord? C'est ce que vous recevez présentement en participant.

Vous allez à la colonne "participant". C'est le projet APTE du ministre. C'est 935 $ pour vous deux. C'est le chèque du bien-être tout compris, y compris les besoins spéciaux. Là, il y aurait la participation de l'organisme, 48 $ a toutes les deux semaines à chacun de vous deux. Cela fait donc toujours 192 $ plus 935 $. Avez-vous l'impression d'y perdre? Moi, je dis que oui.

Si vous prenez... Vous avez dit: II y a deux filles de l'équipe qui sont monoparentales. Elles ont 684 $ chacune. Vous allez à la catégorie "monoparentale, un enfant". 684 $ plus les besoins spéciaux, il faut ajouter les 100 $ qui ne sont pas dans la catégorie. Elles reçoivent 784 $ plus les 48 $ deux fois par mois, c'est-à-dire environ 880 $. Là, qu'est-ce qu'elles vont recevoir avec la proposition de participation pleine et entière? 720 $ plus le montant du projet dans toutes les catégories, qu'elles soient biparentales, un enfant, biparentales, deux enfants, monoparentales et seules, c'est encore pire, parce que les personnes seules qui seront les jeunes vont être discriminées par le partage du logement et la contribution des parents, sans exception, toutes les catégories de participation, sauf une, monoparentale, deux enfants, c'est la seule.

Toutes sont déficitaires et toutes seront perdantes en participant pleinement en regard du système actuel. Alors, si le ministre a d'autres chiffres à donner...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Est-ce que j'ai droit de réplique? Non, les mêmes, sauf que je les additionne plutôt que de les soustraire.

Le Président (M. Bélanger): En conclusion, tout le monde a écoulé son temps.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): On vous remercie. Il faut prendre le temps de remercier. C'est un témoignage qui est... J'ai apprécié votre témoignage. Sur le plan des chiffres, nos guerres vont continuer. Vous allez pouvoir suivre cela à distance.

Mme Harel: Ce n'est pas une guerre; il n'y a pas de munitions.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ce que je tiens à vous souligner, c'est que votre participation à la commission nous a fait réaliser combien votre travail est important dans le milieu et pour les gens qui travaillent dans le cadre de travaux communautaires et pour les gens à qui vous rendez des services. Votre programme à double implication est très intéressant. Je vous remercie également d'avoir souligné les frictions avec les centres Travail-Québec, de façon que nous puissions tenter de vous faciliter la tâche sur le plan de l'administration de votre projet. Au nom de la commission, nous nous excusons également pour les petits problèmes; vous avez eu à introduire ici des documents qui sont nettement d'ordre pédagogique et qui sont très admissibles devant une commission comme la nôtre. Pour vous être déplacés et pour nous avoir fait part de votre expérience, merci beaucoup.

Le Président (M. Bélanger): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Cela va être très court, M. le Président. Je veux remercier M. Massie et, vous, Mme Bélair et M. Guérin, et vous dire que je souhaite que, comme société, on en arrive à se donner des services complémentaires de maintien à domicile, étant donné le vieillissement actuel de la population. Cela permettrait aux établissements, notamment les CLSC, d'offrir ces services, à la fois par des travaux communautaires, mais aussi par une subvention et cela permettrait aux personnes qui y participent de devenir de vrais travailleurs avec un statut de travailleur à part entière. Je vous remercie.

Le Président (M. Bélanger): La commission vous remercie infiniment de votre participation.

J'invite à la table des témoins le groupe de l'Association des optométristes du Québec, qui sera représenté par M. Robert Théroux, par le Dr Paul Lambert, par Me Yvan Brodeur et par M. François Charbonneau. Je demanderais à chacun de bien vouloir reprendre sa place, s'N vous plaît.

Nous recevons présentement l'Association des optométristes du Québec. Voici brièvement nos règles de procédure, vous avez exactement 20 minutes pour présenter votre mémoire et une période d'échange de 40 minutes avec les par-

lementaires. Avant de procéder, je vous prierais d'abord de bien vouloir identifier votre porte-parole et identifier aussi les autres représentants de votre groupe. À chaque fois que vous avez à intervenir, je vous demanderais de bien vouloir donner votre nom pour les fins de transcription au Journal des débats. Alors, je vous prierais de commencer.

Association des optométristes du Québec

M. Théroux (Robert): Merci. Je me présente d'abord: Robert Théroux, président de l'Association des optométristes du Québec. À ma gauche, le Dr Paul Lambert, optométriste et ex-vice-président de l'association; à mon extrême droite, Me Yvan Brodeur, conseiller juridique et, à ma droite, M. François Charbonneau, directeur général.

M. le Président de la commission, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, je vais d'abord vous remercier d'avoir accepté de nous recevoir à l'occasion de l'étude, par cette commission, de la politique de sécurité du revenu du gouvernement du Québec. Je vais, pour les fins de notre présentation, me limiter à vous lire les principaux avancés contenus dans notre mémoire pour bien camper les discussions et questions des membres de la commission.

L'Association des optométristes du Québec est un organisme incorporé en vertu de la Loi sur les syndicats professionnels et a pour objet l'étude, la défense et le développement des intérêts économiques, scientifiques, sociaux et moraux de ses membres.

À ce titre, l'association représente les quelques 950 optométristes en pratique au Québec dans leurs relations avec les divers gouvernements, organismes publics et parapublics, offices, régies et commissions, entreprises, autres groupes professionnels, etc.

Organisme essentiellement régi par des règles de démocratie syndicale, l'association est le représentant officiel dont se sont dotés les optométristes du Québec pour parler en leur nom.

La position de l'Association des optométristes du Québec sur la politique de sécurité du revenu procède des mêmes constatations présentées à la commission sur la santé et les services sociaux, la Commission Rochon.

La situation des Québécois et des Québécoises a évolué, depuis la mise sur pied, dans les années soixante, des structures d'interventions sociales. Les besoins sociosanitaires ne sont plus les mêmes. Les réalités qui avaient motivé les interventions se sont donc transformées. Par ailleurs, le contexte budgétaire s'est également resserré.

Dans les années quatre-vingt, le grand défi est donc, d'une part, d'adapter les structures pour mieux servir la population et, d'autres part, de maximiser la rentabilité des interventions de l'État.

La récente politique sur la sécurité du revenu nous semble s'inspirer de ces deux exigences. Je vous ferai grâce du résumé de votre politique puisque, tous et chacun, vous la connaissez très bien. Si vous voulez, nous allons reprendre à la page 5 de notre mémoire.

Le champ de pratique des optométristes est particulier à un double égard: il s'agit d'une approche fonctionnelle de la vision que ce professionnel de la santé exerce dans une activité de première ligne.

La profession d'optométriste est dite de première ligne à cause de ses effectifs et de sa très grande répartition dans le territoire québécois. Ainsi, le groupe des optométristes est celui qui joue le rôle de porte d'entrée dans le système de santé, pour tout ce qui touche la vision. Vous avez un tableau joint, je vous fais grâce également de la lecture de la répartition des optométristes au Québec.

Cette orientation de professionnels de première ligne, les optométristes la tirent fondamentalement de leur loi constitutive. Dans la Loi sur l'optométrie, on définit l'acte optométrique non en le limitant à quelques procédures techniques, mais par rapport à son sujet. L'article 16 de la loi: "Constitue donc l'exercice de l'optométrie tout acte autre que l'usage de médicaments qui a pour objet la vision et qui se rapporte à l'examen des yeux, l'analyse de leur fonction et l'évaluation des problèmes visuels, ainsi que l'orthoptique, la prescription, la pose, l'ajustement, la vente et le remplacement de lentilles ophtalmiques."

Et pour ce qui est de la pratique au sein du régime d'assurance-maladie, nous ajoutons à titre de référence le contenu du préambule à la définition de l'examen complet agréé par le ministère de la Santé et des Services sociaux et l'association dans le cadre de leur entente sur l'assurance-maladie. (16 h 30)

L'examen complet de la vision, c'est l'entrevue de l'optométriste avec un bénéficiaire dans le but de déceler les problèmes visuels et, s'il y a lieu, de prescrire les moyens pour les solutionner. Cet examen constitue une analyse physiologique et fonctionnelle de l'appareil oculo-visuel comprenant chacun des six éléments suivants: une histoire de cas, soit un ensemble de renseignements recueillis auprès d'un bénéficiaire ou de son entourage relativement à son problème visuel et à ses antécédents personnels et familiaux; la recherche d'un état pathologique oculaire; l'examen visuel incluant la mesure et l'analyse objective et subjective de l'état de réfraction, les tests d'accommodation, de convergence et de coordination binoculaire, l'analyse sommaire de la motilité oculaire et s'il y a lieu, la kératométrie, le test de confrontation, l'étude simple de la vision des couleurs; lorsque requises, la tonométrie et la biomicroscopie; le diagnostic optométrique; les recommandations au bénéficiaire et, s'il V a lieu, la prescription d'un traitement.

A ces services s'ajoutent d'autres actes

optométriques: étude des champs visuels, étude détaillée de la motilité oculaire, etc., qui permettent de mener à un diagnostic complet: nous parlons du bilan oculo-visuel. Celui-ci conduit à la solution du problème rencontré, par des recommandations ou par la prescription d'un traitement, ou à la prévention des problèmes visuels qui pourraient survenir.

L'optométriste vise donc essentiellement à rendre tout individu plus fonctionnel sur le plan visuel et à prévenir tout trouble oculo-visuel.

Cette globalité des services optométriques ne s'oppose pas à la pratique multkjisciplinaire. Bien au contraire, pour nous, ce n'est qu'avec l'apport des autres spécialités de la santé que nous pourrons vraiment répondre aux besoins des clientèles et aux problèmes multiples: personnes âgées, personnes handicapées, enfants avec difficultés d'apprentissage, travailleurs ou travailleuses affectés à des tâches spécifiques, etc. Sur tous les pians. C'est pourquoi une grande partie de l'énergie de nos manifestations socio-professionnellles a été employée à établir des ponts entre les optométristes et les autres intervenants dans le domaine de la santé.

À chaque année, les optométristes voient ainsi plus de 1 200 000 Québécois et Québécoises.

Ce rôle de première ligne a été reconnu par l'État québécois depuis longtemps. Dès la mise sur pied du régime de l'assurance-maladie, les soins optométriques ont été en effet inclus dans la couverture de base.

Les optométristes jouent donc un rôle de premier plan du fait de leur importance dans le système, de l'aspect global de leur pratique et de leur grand contact avec la population.

Mais les optométristes ont un apport particulier sur un autre plan. Leur pratique est surtout orientée vers l'amélioration fonctionnelle de leurs patients. Il ne s'agit pas simplement de guérir ponctuellement les patients, mais surtout d'améliorer durablement le fonctionnement de leur vision. C'est ainsi que la pratique optomé-trique s'adresse notamment aux personnes avec une vision sous-normale pour maximiser leur autonomie, aux individus ayant des problèmes de coordination visuelle pour améliorer ou augmenter via l'orthoptique leur capacité de lecture et leur coordination en général, aux individus manifestant un problème de réfraction pour leur permettre de fonctionner dans une société où l'exigence de la perception de détail est primordiale.

Dans tous ces cas, il s'agit d'une pratique fonctionnelle, puisqu'elle se concentre sur le fonctionnement de la vision dans le but de maximiser le potentiel et les capacités qui sont spécifiques à chaque individu.

Ces deux caractéristiques de la pratique optométrique guident les commentaires de notre association sur la nouvelle politique de sécurité du revenu.

En tant que spécialistes de la vision et professionnels de première ligne, les optométris- tes sont particulièrement bien placés pour estimer les besoins spéciaux en matière oculo-visuelle. Nous nous réjouissons ainsi que la politique comprenne la reconduction des besoins spéciaux.

Le ministre réaffirme sa volonté de simplifier le programme. Nos années d'expérience avec le régime nous ont amenés à indentifier certaines déficiences dans le système. Nous serons heureux d'en discuter avec le ministère.

En tant que professionnels préoccupés par l'aspect fonctionnel de la vision, les optométristes sont de plus particulièrement intéressés par le nouveau programme Action positive pour le travail et l'emploi, APTE.

Notre expérience nous montre en effet que la personnalisation de l'intervention permet une plus grande pertinence de l'action.

Dans le cadre de ce programme, on visera à améliorer et à maintenir l'employabilité des prestataires. Il s'agit de maximiser les capacités de chaque Individu en concevant un plan personnalisé, de donner à chaque personne, en fait, les meilleures chances de se trouver un emploi. Cette démarche est tout à fait conforme à l'orientation fonctionnelle de la pratique optométrique.

Concrètement, le programme précise que, dans les neuf premiers mois, le bénéficiaire aura une entrevue au centre Travail-Québec pour décider de son admissibilité, déterminer ses besoins et tracer un plan d'aide personnalisé. La politique précise, notamment, que cette entrevue permettra d'identifier les principaux problèmes que les mesures de soutien ne peuvent solutionner. On prévolt référer ces bénéficiaires aux réseaux de services spécialisés en santé et en éducation. Cette recommandation est très pertinente. Pour ne parler que de problèmes oculo-visuels, nous soulignerons le caractère handicapant de certains problèmes de motilité oculaire. Même avec une acuité visuelle normale, soit le traditionnel 20/20, un individu atteint de ces troubles aura des problèmes à lire et manifestera des difficultés à se concentrer, ce qui pourra, évidemment, le désavantager sur le marché du travail ou simplement à suivre les cours mis sur pied par le ministère. À l'aide des examens et des traitements, notamment d'orthoptique, on pourra identifier et traiter plusieurs de ces problèmes.

À titre de praticien fonctionnel, l'optométriste se trouve précisément dans la perspective de la politique: maximiser et améliorer les capacités des individus. Encore une fois, nous offrons notre collaboration au ministère.

En résumé, donc, commentaires et recommandations. L'Association des optométristes du Québec trouve fort à propos que le gouvernement ait choisi de maintenir le programme de besoins spéciaux dont, notamment celui des lunettes et lentilles, aux deux catégories de bénéficiaires de l'aide sociale, soit les inaptes et les aptes au travail.

En effet, il n'est pas nécessaire de discourir davantage sur la nécessité qu'une personne qui désire travailler, particulièrement si elle opère un retour au travail après une certaine, parfois longue, absence mette toutes les chances de son côté.

L'une d'entre elles, mais qui est également l'apanage de tout travailleur et de toute travailleuse, est celle d'une vision la plus parfaite possible et corrigée, le cas échéant, le plus adéquatement possible.

En ce sens, la couverture de service décrite par le règlement et bonifiée par des discussions actuellement en cours avec les hauts fonctionnaires du ministère du Travail et du ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu constitue une approche intéressante.

Tel que nous l'avons mentionné précédemment, nous considérons que ce programme pourrait être grandement amélioré en développant au cours des prochains mois avec le ministère des programmes d'orthoptique, appelés également de rééducation visuelle, afin d'aider le maximum de personnes possible dans leur quête d'autonomie sociale, financière et personnelle.

Nous offrons donc notre plus entière collaboration pour concevoir de tels programmes avec le ministère et pour les offrir aux bénéficiaires concernés par l'intermédiaire de nos membres, les 950 optométristes du Québec. Merci.

Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je remercie l'association pour son mémoire, mais je ne traiterai pas essentiellement des programmes avec vous. Je vais plutôt traiter de votre champ de spécialisation. En ce qui concerne l'examen complet de la vision, ma compréhension du dossier est la suivante: tous les Québécois, avec leur carte d'assurance-maladie, peuvent bénéficier de l'examen que vous avez décrit aux pages 6 et 7 de votre mémoire. Lorsqu'on parle de la clientèle de l'aide sociale, à cet examen gratuit s'ajoute, s'il y a besoin ou nécessité, le port de lunettes entre autres. Est-ce que vous éprouvez présentement, sur le plan du fonctionnement - là je ne parle pas de vos tarifs mais strictement du fonctionnement - des difficultés avec le ministère? Est-ce que, sur le plan administratif, c'est trop lourd? Est-ce que c'est correct? Strictement sur le plan du fonctionnement, quand les bénéficiaires vont vous voir.

M. Théroux: Si on regarde cela d'un point de vue purement administratif, effectivement, il y a quand même un service très adéquat. Concernant les relations entre les optométristes et les gens de l'aide sociale les travailleurs sociaux, il n'y a pas de complications majeures. Il y a toujours, comme dans n'importe quel système, de petits anicroches qu'on s'efforce, de part et d'autre, de régler le plus rapidement possible.

Mais, dans l'ensemble des régions du Québec, l'administration même de ce programme d'aide en ce qui concerne les lunettes et les lentilles de contact ne semble pas représenter un problème épineux pour l'Association des optométristes.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vais peut-être vous demander une opinion professionnelle. Êtes-vous d'avis que les bénéficiaires de l'aide sociale ont recours à vos services dans une proportion maximale ou est-ce que vous ne dénichez pas des cas de gens qui auraient dû vous être référés il y a plusieurs années mais qui, par méconnaissance du système, etc., ne vous ont jamais été référés?

M. Théroux: II y a certainement un nombre relativement important de gens qui méconnaissent le système en général, que ce soit quant à la couverture même des actes assurés ou que ce soit quant aux actes payés par l'aide sociale. Mais, sans aucun doute, dans notre société, c'est quand même souvent un manque général d'information sur tous les services visuels.

Maintenant, ce qu'on soulevait aussi dans notre mémoire, c'est peut-être une certaine proportion de services thérapeutiques qui présentement ne sont pas encore couverts par l'aide sociale, telle l'orthoptique.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Est-ce que des bénéficiaires se rendent chez vous de leur propre initiative ou vous sont-ils référés après un contact avec un centre Travail-Québec ou un travailleur social qui oeuvre dans un CLSC? De quelle façon sont-ils mis au courant de la nécessité d'une visite et...

M. Théroux: D'accord.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...des services qui sont disponibles?

M. Théroux: Alors, l'avantage, je pourrais dire, des gens qui ont un problème visuel, c'est que c'est un problème dont on s'aperçoit rapidement, parce qu'on devient moins fonctionnel pour lire, parce qu'on ne voit pas bien pour conduire son automobile ou quoi que ce soit. Alors, c'est souvent plutôt l'individu qui fait la première démarche de la visite pour venir nous consulter, puisqu'il a ressenti lui-même un problème. Dans la majorité des cas, les gens sont au courant, par contre, qu'il y a une allocation qui est donnée par le ministère pour les aider à se procurer la partie thérapeutique, quand on parle de lunettes et de lentilles de contact.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Cela va. Mme la députée de Maisonneuve. Madame.

Mme Harel: Je veux également vous remercier, M. Théroux, je crois, et les personnes qui vous accompagnent, M. Charbonneau, M. Lambert

et M. Brodeur. Je pense qu'à l'instar des corporations professionnelles qui viennent devant la commission, vous faites valoir la spécificité de votre intervention. J'ai une grande confiance dans votre expertise en matière d'aspect fonctionnel de la vision. Vous avez un ton assuré qui m'amène à penser que vous parlez en connaissance de cause. Laissez-moi cependant vous interroger sur votre expertise à évaluer l'aspect social de la proposition ministérielle.

Cette assurance aurait peut-être intérêt à être tempérée à la lumière des commentaires de la centaine d'organismes et d'établissements, je pense à la HPQ, je pense à la Corporation des médecins, je pense à l'ensemble des autres groupes qui sont venus devant cette commission s'inquiéter qu'une telle proposition ait comme effet une surmédicalisation et une judiciarisation. Je pense, entre autres, à la Commission des services juridiques qui vous a précédés ce matin et qui mettait le gouvernement en garde contre les effets de judiciarisation que peut avoir une telle proposition. Et, M. Théroux, j'imagine que vos relations avec les agents - vous les appelez les travailleurs sociaux...

M. Théroux: Les agents.

Mme Harel: Oui, parce qu'en fait il s'agit d'agents. Au Québec, les agents ne sont pas des travailleurs sociaux.

M. Théroux: Absolument pas. (16 h 45)

Mme Harel: Ce n'est pas seulement au Manitoba, contrairement aux autres provinces. Vous dites avec une assurance telle que Je me suis dit: Eh bien, ils ont peut-être des contacts privilégiés. Vous dites que le plan personnalisé, c'est là une proposition exceptionnelle, à ce qu'il vous semble. D'ailleurs, je pense que vous comparez votre expertise en matière d'aspect fonctionnel de la vision avec le fait que, quand c'est personnalisé, c'est bon. Je pense que, si on pouvait se satisfaire de le dire ou de l'écrire, mais encore faut-il le faire. Et, ce matin même, la Commission des services juridiques soulevait le fait que les agents d'aide sociale ont présentement la possibilité de mettre sur pied de tels plans - cela existe dans la loi actuelle - mais qu'ils sont déjà tellement occupés... Le ministre lui-même convient que chaque agent a à peu près 400 dossiers en moyenne, mais, dans certains secteurs, certains territoires, ce peut être jusqu'à 500, parfois 550 et plus. De là, à penser que la personnalisation pourrait ne pas avoir de coûts administratifs importants, ces coûts administratifs ne sont pas prévus dans le document. La commission disait également que les barèmes de prestations, tels que proposés, seront tellement complexes qu'elle craignait que les agents soient occupés à temps plein qu'à ne comptabiliser la prestation versable à chaque prestataire, parce que cette prestation pourra être modifiée selon 42 catégories différentes, selon les programmes APTE et Soutien financier, sans compter le programme APPORT pour lequel il pourrait y avoir, de toute façon, du personnel supplémentaire. Vous vous rendez compte.

En tout cas, j'accueille votre mémoire avec beaucoup d'intérêt sur le plan de toute l'expertise visuelle et Je sais, pour représenter des personnes qui ont des difficultés et qui ont à se présenter devant des agents pour se faire autoriser à se présenter devant vous, que ce n'est pas aussi simple qu'on paraît le souhaiter. C'est simplement l'aspect que je voulais tempérer, de l'ardeur avec laquelle vous semblez appuyer ce que la majorité considère comme étant très difficile à mettre en opération M. Charbonneau.

M. Charbonneau (François): Mme la députée, nous nous sommes limités, je crois, dans notre mémoire, à intervenir comme professionnels de la santé confrontés par leur désir d'améliorer la santé oculo-visuelle de la population en général et de cette population en particulier. C'est notre seule préoccupation. Il faut faire attention. La rédaction de notre mémoire peut peut-être laisser entendre aux pages 2, 3, 4 et 5. lorsqu'on résume le contenu du document vert qu'on trouve quelque peu volumineux, qu'on a, aux pages 2, 3 et 4, simplement résumé ce qu'on lisait dans le document vert qui s'appelle, "Pour une politique de sécurité du revenu". On aurait peut-être dû mettre cela entre guillements. L'association ne se prononce pas sur le fond de la politique de sécurité du revenu. Cependant, elle ne cache pas qu'elle félicite le ministère concerné de maintenir les besoins spéciaux, que sont les lunettes et les lentilles de contact, aux deux classes que le ministère semble vouloir créer...

Mme Harel: C'est le cas.

M. Charbonneau (François): ...les aptes et les inaptes au travail. Je veux donc préciser qu'à la page 2, nous constatons un contexte budgétaire... Je vous en prie.

Mme Harel: Non. Excusez-moi, M. Charbonneau. Je trouve important que l'on confirme bien ici que, pour l'ensemble des bénéficiaires de l'aide sociale, les lunettes... Vous savez, N y a toujours des termes populaires pour finir par dire les choses complexes. Les problèmes oculo-visuels finissent par s'appeler les lunettes, en termes simples.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Charbonneau (François): Oui.

Mme Harel: Je veux vraiment être certaine de ce que vous semblez, à bon droit, espérer et croire que là, c'est confirmé. Je voudrais en être

certaine. Les lunettes sont bien et continueront bien à être couvertes, si vous me permettez cette mauvaise expression, pour l'ensemble des bénéficiaires. C'est une réponse que j'aimerais que le ministre donne avant qu'on vous quitte. Évidemment, ce sont les verres, finalement. On me rappelle que, pour les montures, présentement, les frais qui sont remboursés sont vraiment en deçà des coûts usuels, même pour des montures, disons, le meilleur marché. Je crois qu'on rembourse actuellement 12 $.

Une voix: Exactement.

Mme Harel: Ces 12 $ qui sont remboursés, c'est bien en deçà... Si je ne me trompe pas, on ne peut pas trouver de montures à ce prix-là.

Une voix: C'est purement une allocation, effectivement.

Mme Harel: Une monture, disons, le meilleur marché possible, la moins chère possible, coûte combien?

M. Théroux: Les montures, en général, sont beaucoup au-delà de ce prix-là. Celles à meilleur marché qu'on peut trouver dans les bureaux des optométristes en général vont plutôt être environ à 50 $ et, encore là, de très rares spécimens. Si on en trouve en bas de 50 $, la plupart du temps, c'est parce que ce sont des modèles qu'on appelle, dans notre jargon, des "bouts de lignes" ou des "job lot" ou des choses comme celles-là. Il est bien entendu que l'assisté social doit actuellement débourser une portion parfois importante pour sa monture, puisque ce n'est qu'une allocation pour la monture et qu'il est possible de facturer le supplément à l'assisté social.

Mme Harel: Donc, pour la majorité des personnes de l'aide sociale qui bénéficient et de vos services, c'est possible d'obtenir l'examen, c'est possible d'obtenir le verre, mais c'est nécessairement coûteux de les faire encadrer dans une monture, parce que c'est nécessairement le quadruple du montant alloué par l'aide sociale. Est-ce cela qu'il faut comprendre?

M. Théroux: À ce niveau, vous avez raison.

Mme Harel: II nous vient parfois des représentations de personnes - vous allez me dire que c'est un autre aspect - qui ont des problèmes auditifs et qui nous disent avoir pu obtenir les services de professionnels et l'équipement requis, mais qui n'ont pas les moyens de mettre des piles très coûteuses dans ces équipements. Je pense que c'est un peu la même chose pour les lunettes. Les examens sont couverts et les verres le sont, mais les montures qui porteraient le tout sont parfois reportées de plusieurs mois, parce que les personnes n'ont pas les moyens de se les procurer.

M. Théroux: Je vous ferai remarquer, si vous me le permettez, Mme la députée, que nous sommes présentement en pourparler avec le ministère pour améliorer cela. Il ne faut pas interpréter mes propos comme la défense du ministère; les gens du ministère pourraient montrer des lettres qui leur disaient parfois un certain mécontentement face à la politique des prix. Mais je ne pense pas qu'on soit ici pour débattre le sujet des prix. Nos relations avec le ministère s'intensifient, Dieu merci! Et nous espérons, pour nous et pour l'ensemble des bénéficiaires de l'aide sociale, en arriver à un compromis ou à une entente le plus rapidement possible pour améliorer les tarifs qui sont effectivement désuets à l'heure où on se parle.

Mme Harel: Je vous remercie, M. Théroux, vous et les personnes qui vous accompagnent, en souhaitant qu'avant que nous quittions, le ministre puisse bien confirmer l'interprétation selon laquelle l'ensemble des bénéficiaires pourront tout au moins, même si c'est en-deçà des coûts, bénéficier des services de lunettes, de la prothèse.

Le Président (M. Leclerc): M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Si ma mémoire est fidèle, je pense que, dans votre mémoire, vous faites référence à un extrait du Journal des débats, quand j'ai eu à me prononcer, sauf erreur - je ne veux pas me tromper de dossier. À la page 9, exactement. Oh! Cela doit être récent.

Mme Harel: Si je peux vous aider, M. le ministre, à la page 9. Cela ne peut pas être très récent. Je ne vous ai pas posé la question.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ah, non! Mais cela ne fait pas longtemps que vous êtes là. C'est votre ami, M. Charbonneau, qui était là avant.

Mme Harel: Oui, mais c'était avant la publication du document.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, mais, à l'époque, votre prédécesseur était visionnaire.

Mme Harel: Ah! Oui, mais est-ce que le document vient confirmer la réponse antérieure que vous aviez donnée à une question postérieure?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui.

M. Charbonneau (François): Est-ce que vous me permettez de préciser simplement deux choses? Ne cherchez pas cette citation dans notre mémoire; elle n'y est pas techniquement,

mais je constate...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Elle renvoie au Journal des débats, à la page 9...

M. Charbonneau (François): D'accord.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): "Nous nous réjouissons ainsi que la politique comprenne la reconduction des besoins spéciaux. (Politique: page 19, Journal des débats: 10947). " Vous suivez vos dossiers de très près.

M. Charbonneau (François): Parfait, c'est cela. La citation n'y est pas. Elle réfère à ce qui s'est passé. Je pensais que vous cherchiez le texte.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non, non, cela va.

M. Charbonneau (François): Voilà.

Deuxièmement, sur la question des services oculo-visuels, comme on trouvait le ternie un peu sophistiqué, on l'a rabattu à lunettes et à lentilles de contact. Mais je veux quand même qu'il soit clair auprès de la commission qu'il y a des services de diagnostic qui sont couverts par la Régie de l'assurance-maladie. Ils comprennent une approche préventive et de sensibilisation de la population. Il y a les lunettes et les lentilles de contact, qui sont des besoins spéciaux tarifés par deux décrets en douze ans, un en mars 1976, cela a duré six ans, et un autre en 1982, cela a aussi duré six ans. Il y a donc toute une histoire derrière cette tarification-là.

Troisièmement, finalement, comme on le propose aujourd'hui aux membres de la commission, nous voulons vous sensibiliser au fait que les optométristes peuvent fournir un apport supplémentaire aux gens qui n'ont pas été sur le marché du travail pendant une certaine période. Les services dont M. Théroux a fait état, les services de rééducation visuelle, d'orthoptique, sont en fait des services d'entraînement visuel. Lorsqu'une personne, que ce soit une personne qui est assistée sociale et qui n'a pas travaillé pendant six mois ou un an ou que se soit une personne à l'autre bout de l'échelle qui a gagné le dernier gros lot de la 6-49 et qui n'a pas travaillé depuis six mois ou un an, il arrive, comme un athlète ou une athlète qui ne s'est pas exercé pendant un bout de temps, qu'au bout d'une certaine période, les yeux, qui ont des muscles et qui sont un appareil humain, peuvent avoir été affectés, c'est un grand mot, mais il peut y avoir nécessité de la contribution d'un spécialiste de la vision, ce que nous sommes. C'est cette très large parenthèse que nous ouvrons aujourd'hui à la commission et aux membres de la commission. Je ne m'embarquerai pas davantage dans le détail de ces services-là. Je suis un administrateur et non un professionnel, mais M. Théroux ou M. Lambert pourrait certainement élaborer davantage cette offre de services qu'on fait au ministère pour une personne qui n'a pas été active sur le marché du travail, qui n'a pas eu à rencontrer d'exigences visuelles pendant une certaine période de temps, soit parce qu'elle est assistée sociale, soit parce qu'elle vient de gagner le million, et qui n'a pas été active sur le marché du travail.

M. Théroux: Si vous me permettez?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui. Vous avez des commentaires additionnels.

Le Président (M. Bélanger): Pour des commentaires additionnels.

M. Théroux: Si vous permettez, s'il vous plaît. Pour compléter, justement, cette ouverture que nous faisons en orthoptique ou en rééducation visuelle - appelez-cela comme vous le voulez, ce sont deux synonymes pour nous -c'est effectivement ce que résumait très sommairement le directeur général, l'importance qu'a l'entraînement visuel pour tous les gens qui veulent réintégrer le milieu du travail. Je parie, en particulier, des gens qui vont avoir à travailler avec des écrans cathodiques dans les bureaux ou du travail de secrétariat. On sait qu'il est très important pour ces gens-là d'être très efficaces visuellement pariant. Ce n'est pas tout de voir ce qu'il y a sur l'écran, il faut être capable de suivre, à la rapidité où les écrans vont. Il faut être capable de fixer ses yeux. Il faut être capable d'accommoder sur l'écran en question, c'est-à-dire être capable de regarder avec une mise au foyer continuelle ce texte et être capable de le suivre. Cela prend donc une motilité oculaire et une accommodation très grande. Parfois, malheureusement, quelqu'un qui a été retiré du marché du travail pendant une période de temps plus ou moins prolongée a perdu trop de cette flexibilité, de cette souplesse et de cette rapidité accommodative et musculaire pour lui permettre de rester fonctionnel au travail. Ce que nous voulons donc offrir au ministère, c'est la possibilité d'aider ces gens à réintégrer avec une plus grande assurance de succès le milieu du travail.

Le Président (M. Bélanger): Cela va? Alors, nous remercions l'Association - j'allais dire la corporation - des optométristes du Québec pour son témoignage.

J'inviterais à la table des témoins le Réseau d'action et d'information pour les femmes, le RAIF, qui sera représenté par Mme Marcelle Dolment, Mme Chantale Ouellet et Mme Claudette Beaulieu.

Nous suspendons les travaux deux minutes pour permettre aux témoins de s'installer.

(Suspension de la séance à 17 heures)

(Reprisée 17 h 1)

Le Président (M. Bélanger): Veuillez reprendre vos places, s'il vous plaît! Je demanderai à chacun de reprendre sa place, afin que nous recevions le Réseau d'action et d'information pour les femmes. S'il vous plaît!

À l'ordre, s'il vous plaît! Nous recevons le Réseau d'action et d'information pour les femmes. Bonjour, mesdames. Je vous rappelle nos règles de procédure. Vous avez vingt minutes pour la présentation de votre mémoire et le reste de l'heure est réparti pour la discussion avec les parlementaires. Je vous prierai, avant de commencer, d'une part, de présenter votre porte-parole et les personnes qui l'accompagnent et, d'autre part, lorsque vous aurez des interventions à faire lors de la période d'échanges de propos, de bien vouloir vous identifier en donnant votre nom à chaque fois pour les fins de la transcription au Journal des débats. Je vous remercie beaucoup, si vous voulez commencer.

Réseau d'action et d'information pour les femmes

Mme Dolment (Marcelle): Je m'appelle Marcelle Dolment du Réseau d'action et d'information pour les femmes. Je vous présente Chantale Ouellet, du réseau, connu sous le nom de RAIF, et Claudette Beaullieu, du RAI F aussi.

Nous sommes très heureuses de pouvoir présenter un mémoire, en espérant avoir des résultats cependant. Cela fait très longtemps que nous présentons les mêmes recommandations. Cela a commencé en 1976 avec le document que le gouvernement libéral avait présenté sur le revenu garanti. Il y avait justement les disponibles et les non-disponibles et nous avons toujours été d'accord avec cette approche de disponible et de non-disponible, bien qu'il y avait le même défaut. La moitié de la population n'était pas représentée dans ce document comme elle ne l'est pas non plus dans celui-ci.

Nous sommes d'accord avec cette approche de apte et d'inapte au travail. Nous sommes d'accord aussi avec le fait d'avoir le travail communautaire. Pour nous, l'État, c'est un peu comme une grande famille et nous estimons que tout le monde doit faire sa part. Il y a des gens qui travaillent, qui peuvent gagner, c'est parfait. Il y en a qui ne peuvent pas gagner, alors on doit les aider à se former. Cela peut être des problèmes personnels qui font en sorte qu'ils ne peuvent pas trouver de travail. Cela peut être aussi parce qu'ils sont malades. À ce moment-là, il faut leur donner tout ce qui leur revient et tout le nécessaire. On est content de voir que vous avez augmenté. Peut-être que cela pourrait l'être encore plus. Par contre, nous estimons que les femmes qui mettent des enfants au monde font un travail communautaire. C'est un acte social et nous croyons qu'aucune mesure pénalisante ne doit être mise sur le dos de ces personnes. Au contraire, cela devrait être des mesures incitatives.

Il y aussi le fait qu'on dit qu'il n'y a pas d'emploi, qu'il y a beaucoup de chômage et que c'est peut-être un danger de vouloir envoyer 300 000 assistés sociaux dans le monde du travail. Nous croyons quand même qu'il y a presque le plein emploi. On connaît beaucoup de gens qui ont deux et trois emplois. On sait que les immigrants qui arrivent ici trouvent de l'emploi. Donc, il y a un problème. Alors, le problème, c'est probablement que les gens qui sont à l'aide sociale n'ont pas la motivation ou n'ont peut-être pas la formation, justement, pour y aller et c'est pour cela que nous sommes d'accord avec les mesures de formation.

Maintenant, il y a quelque chose qui nous a frappées dans le document du ministère et dans les interventions aussi, c'est qu'on ne fait pas suffisamment de distinction entre les assistés sociaux qui ont des familles. Pour nous, les célibataires assistés sociaux et les assistés sociaux qui ont des familles, c'est le jour et la nuit. Et, dans les mesures, on voudrait que cette approche-là soit bien distincte: les célibataires et les gens qui ont des enfants.

Alors, c'était seulement pour donner un peu une approche et nous nous sommes arrêtées surtout à l'orientation, pas tellement aux détails parce qu'il va y avoir un projet de loi, mais ce sont surtout les grandes orientations qui nous ont intéressées.

On résume notre mémoire parce qu'il est assez long. J'aimerais donner le titre qui est assez important et qui résume notre mémoire. Alors c'est: Un cafouillis juridique qui refuse de considérer les femmes comme des personnes quand elles vivent avec un homme.

Nous aimerions, tout d'abord, féliciter les responsables de la rédaction du document d'orientation pour sa haute tenue sur le plan de la forme, de la construction et du langage. Il est rare qu'on voie un exposé aussi clair et aussi bien rédigé et des tableaux aussi bien conçus. Il faut le dire parce que c'est souvent un travail qui n'est pas souligné.

Il est malheureux que les orientations abordées dans la politique énoncée n'aient pas eu la même clarté. On ne peut même pas se rabattre sur des phrases mal construites pour croire que ce qu'on lit n'est pas exactement ce que le gouvernement voulait dire. Au contraire, on peut suivre avec facilité un va-et-vient idéologique tout au long du document. On sent, à certains endroits, un désir d'humaniser le système et de comprendre les problèmes vécus par les assistés sociaux et les assistées sociales pour, dans le virage suivant, constater le refus de certaines réalités encombrantes qui obligeraient à des dépenses et aussi à accepter certaines évolutions sociales que tous, au gouvernement, ne sont sans doute pas prêts à accueillir.

Ainsi, le document d'orientation emprunte des pistes par rapport au conjoint de fait qui

pourrait faire croire à une ouverture d'esprrt au sein des preneurs de décision, mais on se rabat presque immédiatement sur des positions archaïques, tout à fait discriminatoires envers les femmes que l'on ne considère même pas comme des personnes, puisqu'on les oublie totalement dans le paysage social. Paternalisme évident - ne sont-elles pas sous la protection d'un homme - très lourd de conséquences pour leur sécurité et leur dignité.

La société n'a pas à se surprendre de ses problèmes de dénatalité quand elle pénalise ainsi les femmes qui vivent avec un homme. Il y a là une ignorance crasse des problèmes vécus par les femmes quand elles ne mènent pas la même vie que les hommes. Indifférence aussi à leur sort, paresse pour chercher la cause véritable des problèmes qui frappent la société. Trop souvent, les causes Invoquées par les sociologues ont fait abstraction de causes plus profondes ou de causes que les féministes ont toujours dénoncées, mais dont on ne s'est pas soucié par habitude de n'écouter que les hommes ou les femmes qui parlent et pensent comme des hommes. Cela commence à changer un peu de ce côté-là.

Le document se lance aussi sur des pistes dangereuses, quant à la coresponsabilité des membres d'une famille, qui n'augurent rien de bon pour l'avenir: celle de rendre les enfants responsables des parents comme dans les pays du tiers monde où règne la famille élargie et de prolonger la responsabilité financière des parents envers leurs enfants au delà des 18 ans actuels.

Et cette piste dangereuse, frauduleuse, qui réapparaît de plus en plus souvent, du désengagement de l'État quant à la redistribution équitable des revenus à tous et chacun et chacune alors que les taxes monumentales qu'il recueille ne sont justifiées que par ce rôle qu'on lui a reconnu en lieu et place de la famille, on semble l'oublier. On ne doit plus revenir à l'arbitraire de l'aide intrafamiliale dont ont tant souffert certains membres désavantagés des familles. Ce temps n'est pas si lointain. On ne veut plus le vivre.

Rappelons au gouvernement qu'il ne peut beurrer son pain des deux côtés: taxer des contribuables jusqu'à l'os sous prétexte d'administrer et de voir au bien-être de la grande famille que constitue un État et se désengager en rognant ici et là sur les droits de certaines personnes pour économiser, excluant de ses bénéfices une catégorie entière de la population, sort les femmes sans revenu qui vivent avec un homme. Et il y en a beaucoup, des milliers et des centaines de milliers. C'est là le coeur de notre intervention. Car c'est un véritable scandale social et qui ne se retarde pas en reculant l'échéance de douze mois ou de trois ans. L'exclusion ne doit pas exister, pas plus qu'on ne pourrait exclure les gens qui ont des cheveux blonds parce qu'on voudrait économiser. C'est exactement ce qu'on fait avec les femmes sans revenu.

Cette discrimination est si grave, elle entraîne des conséquences si sérieuses qu'elle masque les avantages de la réforme et qu'elle infirme dangereusement l'équilibre social recherché par le gouvernement. Car, enfin, une femme qui est totalement à la merci d'un homme sera traitée comme une servante domestique et sexuelle par celui-ci dans trop de cas, qu'elle sort mariée ou non. Elle sera sujette aux mauvais traitements sans aucun argent pour s'en sortir ou même se sauver, même pas 5 $. On en a connu des cas comme celui-là. En outre, en coupant les prestations d'aide sociale aux femmes qui vivent avec un homme qui a des revenus, on leur passe le message qu'il est normal de se faire vivre par un homme quand on est femme. En retour de services sexuels, une forme de prostitution voulue, encouragée par le gouvernement. Est-ce là les valeurs qu'on veut inculquer aux femmes avec le non-sexisme, avec la lutte aux stéréotypes? À quoi bon toutes ces nouvelles orientations de la sécurité du revenu si elles ignorent totalement un sixième de la population, les femmes sans aucun revenu personnel, conjointe de fait, mais aussi conjointe mariée, qu'il faut intégrer dans cette politique par le biais de la fiscalité?

On déplore qu'on n'ait pas intégré les femmes à la maison qui sont mariées parce que ce sont vraiment des gens qui sont susceptibles d'avoir une forme d'aide sociale ou plutôt de revenu garanti. Comment ne pas s'étonner du cafouillis sociojuridique que l'on invoque pour justifier pareille négligence, pareille injustice, comme de prétendre que des conjoints sans enfant forment une famille ou que les conjoints de fait auraient des obligations entre eux, ce qu'a refusé le Code civil lors de la réforme? Quant à la charte des droits, on l'a bafouée allègrement en privant les seuls hétérosexuels de leurs droits quand ils vivent en couple, alors que les autres types de couples ne sont pas touchés, amis, parenté, homesexuels, lesbiennes.

Comment ne pas s'étonner aussi que, malgré les annonces répétées d'une politique familiale qui nous file entre les doigts sans jamais se matérialiser, on ait fart des choix complètement antifamiliaux, comme vous l'ont souligné les autres groupes? Je n'entre pas dans les détails. Cela a été beaucoup discuté, et on le dit dans notre document. Pour le RAI F, les assises de la réforme sont bancales et ne peuvent que déformer les fruits qu'on en attend. Elles sont à repenser en respectant les droits des femmes, en cessant le harcèlement honteux des visites à domicile pour vérifier si elles vivent avec un homme. On en a parlé ce matin; les assistées sociales en ont parlé; j'espère que vous avez eu honte, M. Paradis. Celles-ci doivent désormais être considérées comme des personnes à part entière par le gouvernement même si elles vivent avec un homme. Se servir des coupures de prestations à ces femmes pour accorder la parité aux moins de 30 ans est du vol pur et simple.

Cette façon de corriger une injustice en en commettant une plus grande encore est indigne d'un gouvernement qui se prétend régi par une charte des droits de la personne. Il nous apparaît que la politique de sécurité du revenu n'a été pensée que pour des célibataires, hommes de préférence.

Le couple. Un, deux ou trois individus qui vivent ensemble n'ont pas plus de droits qu'un seul individu. Ils ou elles n'ont pas moins de droits non plus. Ils ou elles ont seulement moins de dépenses pour se loger. Nous sommes d'accord avec le fait de réduire, mais on trouve que c'est beaucoup, disons, pour des familles, une famille monoparentale, 115 $. C'est beaucoup. 75 $, ce serait plus raisonnable. Parfois, deux familles monoparentales vont se mettre ensemble. Par contre, pour des célibataires, ce pourrait être plus, disons 115 $, 125 $, pour la cohabitation. Il faut toujours faire une distinction entre famille et célibataire. Ce n'est pas du tout la même situation. Si vous voulez avoir des enfants, il faudra faire quelque chose.

L'entraide. L'union de fait. On nous a dit que ce n'était pas du tout le sexe qui était le critère. C'est cela qu'on nous a dit quand on a rencontré des gens. Si ce n'est pas le sexe, c'est l'entraide, mais l'entraide n'est pas plus un critère non plus pour décider si un couple forme une union de fait parce que, de toute façon, deux amis qui s'entraident ou la mère et la fille, vous ne direz pas que c'est une union de fait. Ce n'est pas l'entraide. Ce n'est pas un critère et le sexe non plus puisque les lesbiennes et les homosexuels ne sont pas lésés. Alors, cela ne fonctionne pas votre affaire, tout simplement pas.

La famille non plus. Une union de fait, je veux dire, deux personnes qui vivent ensemble qui n'ont pas d'enfant, ce n'est pas une famille. Même sur la politique familiale, quand il y a eu des consultations, ils l'ont bien dit dans leur document: Une famille maintenant - on n'est pas en 1940, on est en 1985, II y a la contraception - cela prend des enfants.

Le couple hétérosexuel et la corespon-sabilité inventée. On dit que si l'État n'a rien à voir dans la chambre à coucher des gens, il n'a pas non plus à voir dans le portefeuille de deux personnes adultes qui cohabitent, lit commun ou pas, entraide ou pas. Cela ne regarde pas l'État comment les gens vivent. Ce sont des individus. Point.

Les générosités indues de l'État. Par contre, si on dit qu'il ne faut pas couper, on dit aussi qu'if ne faut pas privilégier les gens qui vivent ensemble. On demande que soient éliminés de toutes les lois sociales les avantages au conjoint de fait: l'assurance automobile, le Régime des rentes, les accidents du travail, qu'il n'y ait plus du tout d'avantages pour les conjoints de fait. Cet argent-là, mettez-le pour les familles. On n'a pas d'affaire, parce qu'on perd quelqu'un qu'on aime, simplement parce qu'on vit avec lui, à être payé par l'État. Cela ne tient pas debout. Selon nous, c'est quand il y a des familles, il n'y a aucune responsabilité sociale de l'État à payer quelqu'un parce qu'il a perdu son conjoint de fait. Cela n'a pas de bon sens. En tout cas. (17 h 15)

La concordance entre les lois. Quand on a adopté la loi 89, il y avait un consensus social pour que les conjoints de faits... On ne voudrait pas, s'il y a une réforme du droit de la famille, qu'on intègre les conjoints de fait, c'est un consensus social. Les conjoints de fait ne se marient pas et on ne veut pas qu'ils aient les mêmes obligations. Donc, vous ne pouvez pas créer des obligations parce que vous ne voulez pas payer d'aide sociale à ces gens-là. Il faut respecter le Code civil actuel qui dit que les conjoints de fait n'ont aucune obligation entre eux.

La cupidité gouvernementale et l'incitation à la monoprostitution. Couper totalement les vivres à une femme qui vit avec un homme, c'est encourager la dépendance que la politique du ministre condamne justement. Quand vous dites à une femme: Tu vis avec un homme, qu'il paie pour toi, vous allez tout à fait à rencontre de votre politique avec laquelle vous voulez donner de l'indépendance aux gens. En leur disant: Oui, tu te fais vivre par un homme, vous encouragez la dépendance. Alors, le message que vous passez ne tient pas. Il est contradictoire. Surtout armés de descentes de police pour ramasser l'argent, vous dites ni plus ni moins: On va vendre les femmes aux hommes, comme cela, on ne sera pas obligés de payer pour elles. Ce n'est pas correct. C'est vraiment tout à fait immoral. Les mots sont forts, mais ils sont vrais.

Cruauté et comportement pernicieux du ministère. En privant une femme de prestations quand elle vit avec un homme, vous la jetez, pieds et poings liés, à sa merci, et on vous l'a dit ce matin. Une femme battue qui n'a pas un sou pour se sauver et qui est à la merci d'un homme, cola n'a pas de bon sens. C'est vraiment cruel; c'est vraiment de la cruauté. Si elle est sans revenu pendant deux ou trois mois, elle sera peut-être obligée de faire de la prostitution. Donc, qu'il y ait des versements de prestations basés sur l'individu comme un droit fondamental et pour contrer la dépendance.

Les problèmes que vivent les femmes sont toujours relégués au feu arrière de la société. On s'est alerté, au gouvernement, dans le public et dans les médias du sort des jeunes de moins de 30 ans qui n'avaient pas le même montant que les 30 ans et plus, mais on ne s'inquiète nullement du sort de ces femmes sans aucun revenu. On trouve bizarre que tout le monde trouve épouvantable qu'on ait un petit peu moins d'argent. Mais ces femmes-là n'ont pas un sou. Là, on commence un peu et il y a eu des groupes qui l'ont dit. C'est cela, le scandale. C'est bien pire que de ne pas avoir assez d'argent; elles n'en ont pas du tout.

Les conséquences coûteuse pour le budget

de la Sécurité du revenu et pour la société. Je ne sais pas si vous avez pensé, M. le ministre, qu'en excluant les femmes, en leur disant: L'homme va payer pour toi, vous les excluez en même temps de participer à ces programmes de réinsertion de travail. Or, vous avez dit, dans votre document, que 40 % des femmes n'avalent aucune expérience de travail. Si vous leur dites: L'homme va payer pour toi, elles vont aller d'un homme à l'autre et c'est ce qu'elles font actuellement. Vous ne pourrez jamais les réintégrer dans le marché du travail, sauf peut-être à 50 ans quand il n'y aura plus d'hommes qui voudront peut-être d'elles et là, vous serez obligés de payer pour l'aide sociale. Vous allez contre vous à long terme, contre votre propre politique.

Finalement, les conjointes mariées sont des conjointes infantilisées, alors on voudrait intégrer la fiscalité et faire en sorte que ces femmes qui n'ont aucun revenu aient l'exemption de personne mariée à leur nom. Si on veut que l'aide sociale porte ses fruits, il faut bien la cibler et la distribuer équitablement entre femmes et hommes; autrement, elle risque d'être gaspillée. Ensuite, on pense que la meilleure solution serait de rationaliser tout le système et d'avoir un système de revenu garanti pour savoir ce qui va à qui clairement. Une seule formule mettrait de l'ordre dans le fouillis et coûterait moins cher parce que, de toute façon, il y a actuellement diverses formes de revenu garanti, mais on ne le sait pas. Il y en a qui cumulent deux ou trois formes de revenu garanti parce qu'elles ne s'appellent pas du même nom. On pense que vous pourriez épargner plusieurs millions de dollars.

En somme, il faudrait aussi vous dire que, dans le document, vous avez beaucoup insisté; et tout le monde le dit toujours: Ah! C'est un dernier recours, l'aide sociale. Or, ce n'est pas exact. C'est un premier recours. Tout le monde a une forme de revenu garanti et d'aide sociale. Vous, quand vous faites votre rapport d'impôt, vous avez de l'aide sociale avec votre exemption personnelle de base. C'est un premier recours et tout le monde y a droit. Le dernier recours, quand on n'a pas d'autres revenus, c'est un supplément via l'aide sociale.

Les prestations selon les mérites individuels. Une autre bizarrerie dans votre document, c'est que vous donnez un chèque global pour les couples en union de fait. Par contre, vous évaluez individuellement deux personnes qui sont à l'aide sociale. Alors, dans votre tableau, vous évaluez individuellement le comportement: refus de participer ou participation, malade ou pas malade, et vous donnez le chèque global parce que c'est cela, la formule sur...

Le Président (M. Bélanger): En conclusion, madame, s'H vous plaît.

Mme Dolment: Pardon?

Le Président (M. Bélanger): En conclusion, les 20 minutes sont écoulées.

Mme Dolment: Les 20 minutes? Écoutez, les autres... Est-ce qu'on pourrait avoir une petite extension, s'H vous plaît?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous êtes tellement gentille...

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Dolment: Je ne comprends pas...

Le Président (M. Bélanger): Alors, on accepte...

Mme Dolment: Est-ce qu'on peut avoir, s'il vous plaît... C'est parce que...

Le Président (M. Bélanger): Un instant, s'il vous plaît! Est-ce qu'on peut s'entendre pour... En considérant qu'on doit terminer à 18 heures?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui.

Le Président (M. Bélanger): Oui. On réduira les autres enveloppes. D'accord, madame.

Mme Ouellet (Chanta le): La famille. Les aspects antifamiliaux du projet de politique de sécurité du revenu. Nous avons été très déçues de constater à quel point la famille a semblé avoir peu préoccupé les architectes de la politique de sécurité du revenu proprement dite, malgré les discours sur l'importance d'une politique familiale tenus par les ministres et le premier ministre de ce gouvernement. Il y a là manque de cohérence dans le discours du pouvoir.

Le niveau des prestations: familles versus personnes seules. Nous notons qu'il n'y a pas suffisamment de différence entre le niveau des prestations versées aux familles qui ont des dépenses très lourdes et celui des prestations versées aux personnes seules. Nous aurions aimé savoir sur quelle base on s'est appuyé pour évaluer les besoins des familles. Les nouveaux montants ne sont pas adéquats et un réajustement s'impose. On comprend que les célibataires se sont beaucoup plaints de leur niveau de prestations. Ce n'est pas une raison pour oublier les familles qui ont de coûteuses responsabilités, surtout les familles monoparentales et les mères de jeunes enfants.

Si on compare les montants des prestations pour personnes qui dépendent du programme de Soutien du revenu et ceux concernant les mères qui sont non disponibles, soit enceintes de seize semaines et plus ou mères d'enfants de moins de deux ans, on constate avec inquiétude une différence de 125 $ au détriment des nouvelles mères, outre qu'elles ne sont évidemment pas dans un état où elles pourraient aller chercher

les 100 $ de gains permis aux inaptes. En pleine spirale de coûts, une nouvelle mère aura donc 225 $ de moins potentiellement que la famille vivant à son rythme de croisière. Et on veut des enfants en santé au Québec. On a dénoncé récemment dans les médias le poids inférieur des bébés qui naissent ici comparés à ceux du tiers monde.

Étendons la comparaison des prestations aux bénéficiaires qui participent aux programmes de réinsertion. La mère chef de famille monoparentale recevra 60 $ de moins que les participantes. En mettant un enfant au monde et en l'élevant, ne participe-t-elle pas, elle aussi et ne doit-elle pas être incluse dans la catégorie des participantes qui ont des prestations plus élevées?

Les mères et les parents non disponibles devraient avoir des barèmes beaucoup plus adaptés à leurs besoins et à leurs efforts parentaux, des barèmes qui exprimeraient l'appréciation de la société et du gouvernement à leur égard comme on le fait en Europe. Ce genre d'encouragement serait infiniment mieux reçu que l'inepte concentration de l'aide pour le troisième enfant qui ne fait qu'indisposer les femmes et les éloigner de ce troisième enfant et même, du premier.

Quelques améliorations. On devrait élargir les ressources permises dans le cas des parents et ne pas réduire le barème actuel de 1500 $ à 500 $. On ne doit pas obliger des parents qui ont un tout petit chalet à la campagne à le vendre s'ils ont de jeunes enfants.

Il y aurait lieu de mieux moduler les gains permis dans le programme APTE après les neuf premiers mois pour personnes seules et familles monoparentales qui sont ici sur le même pied: 140 $ de gain permissives par mois, ce n'est pas tout à fait logique.

Le kibboutz québécois: séparer la mère et l'enfant de deux ans. À deux ans, certains enfants ne sont pas encore prêts à se séparer de leur mère, encore moins s'il y a eu divorce. Venant, par exemple, de perdre la présence physique d'un père, l'enfant supporterait mal de perdre celle de sa mère. De toute façon, après une rupture du couple, il faut absolument accorder un peu de répit à la mère pour se réorganiser quand il y a eu responsabilité d'enfants ou d'adolescents. Outre qu'une mère qui s'extrait d'une union orageuse où elle a bien souvent subi des abus ne se sent probablement pas en état de quitter son enfant, traumatisé qu'il est par les événements.

Comme bien d'autres, le RAIF estime que c'est à la mère de l'enfant d'âge préscolaire de décider de la pertinence de se séparer de son enfant tous les jours pour suivre des programmes de réinsertion au travail. Ce n'est pas à l'État de le faire et encore moins de la forcer en la pénalisant financièrement par des prestations réduites. Ce dirigisme et cette intrusion dans la vie familiale créent un climat n'incitant pas du tout à avoir des enfants. Nous comprenons cependant qu'on ne veut pas qu'une femme demeure coupée du marché du travail trop longtemps afin de ne pas perdre son employabi-lité, mais il y a d'autres moyens pour atteindre le même but. On peut demander aux mères d'enfants de deux ans et plus de suivre, le jour ou le soir, pendant quelques heures par semaine, des cours ou des ateliers qui maintiendront leur intérêt au travail et qui leur donneront une formation.

Le troisième enfant. Nous avons dénoncé l'obsession du gouvernement pour le troisième enfant qu'il comble de ses attentions bien inutilement. Les tours de passe-passe qui les privent de l'aide nécessaire pour le premier et le deuxième enfants afin d'augmenter l'aide pour le troisième rebutent les femmes souverainement, surtout qu'elles savent bien que c'est là un moyen pour le gouvernement de se mettre plusieurs millions dans les poches, le troisième enfant venant rarement.

Mais en 1970, on est allé plus loin dans l'aberration sociofamiliale en intégrant les allocations familiales au système de sécurité du revenu, plan sans doute déjà dressé pour économiser de l'aide sociale. Ainsi, sous prétexte que les allocations sont beaucoup plus élevées pour le troisième enfant, on a décidé de ne pas payer les prestations aux assistées sociales à partir du troisième enfant. Normalement, c'est toute la population qui paie par ses taxes pour l'aide sociale, mais ici, au Québec, ce sont les parents, car, ailleurs, les montants d'allocations familiales sont égaux, peu importe le rang de l'enfant dans la famille. Il faut cesser cette injustice.

Mme Beaulieu (Claudette): L'enfance prolongée: non-étudiant, non-étudiante et étudiant, étudiante. À 18 ans, on peut être appelé à défendre son pays et à mourir dans cette entreprise sans pouvoir s'y soustraire. On est considéré responsable à cet âge. On peut être traîné en cour pour ses actes, comme si on avait 35 ans. Cependant, si on en croit le projet de politique de sécurité du revenu, on ne pourrait espérer administrer soi-même, à 18 ans, les montants de revenu garanti prévus pour ses besoins vitaux que si on a déjà coupé les liens avec ses parents. Pourquoi cette condition anormale et antifamiliale? Si l'enfant est déjà parti de la maison, il aura droit à son revenu garanti en propre. S'il est resté avec sa mère, par exemple, dans le cas d'une famille monoparentale, afin de l'aider et de la protéger, il sera pénalisé.

Autre raison de rejeter cet étrange virage gouvernemental: les parents estiment qu'après 18 ans de soutien à l'enfant, il est temps que les taxes écrasantes qu'ils ont payées tout au long de leur vie servent enfin à les soulager d'une partie de leurs charges financières sociales. Les enfants ne sont plus, comme avant, une assurance pour les parents eux-mêmes, mais une assurance, pour l'État, de revenus fiscaux à venir

et une assurance, pour la société, qu'elle survivra. La redistribution de la richesse collective par le système de taxation et de transferts sociaux doit aussi profiter à leur enfant de 18 ans qui n'a pas de revenu propre, qu'il soit étudiant ou sans travail.

Du point de vue éducatif, ce sera une excellente façon de lui apprendre à gérer ses affaires et à prendre une habitude d'autonomie envers ses parents ou envers toute autre personne. Le passage légal de l'enfance à l'âge adulte doit signifier quelque chose dans sa vie. Le virage rétrograde que veut prendre le gouvernement à ce sujet créera toutes sortes de problèmes, de complications administratives et de coûts afférents tout en indisposant fortement les parents.

L'étudiant et l'étudiante. La distinction artificielle qui a cours entre étudiants, étudiantes et non-étudiants et non-étudiantes n'est pas justifiée, mais la façon du ministère de la rendre moins discriminatoire envers les non-étudiants et non-étudiantes en imposant à ces derniers des restrictions jusqu'ici réservées aux étudiants et étudiantes n'est certainement pas la bonne. Niveler par le plus injuste est une étrange manière d'améliorer la société.

Le système de prêts et bourses devrait disparaître pour s'aligner sur le revenu garanti, soit l'aide sociale actuelle, sans compter que bien des parents tenus de faire leur part ne la font pas, même si leurs revenus le leur permettraient.

De plus, il y a souvent difficulté dans le cas des filles qui veulent étudier alors que le père ou la mère ou les deux s'y opposent. Dans certains milieux, les études sont encore pour les garçons. Un revenu garanti versé indistinctement aux deux sexes évitera cette discrimination traditionnelle et bien des casse-tête au gouvernement. Un réaménagement dans cette ligne de pensée simplifiera, rationalisera. (17 h 30)

Si on retenait l'hypothèse des prestations de revenu garanti pour les étudiants et les étudiantes au lieu du système des prêts et bourses, comme le propose le RAIF, il faudrait, en contrepartie, dégeler les frais de scolarité à l'université pour en atténuer les coûts. Les étudiants et étudiantes ne paieraient à ce moment que selon leur revenu, selon une échelle graduée en conséquence. Pour ceux ou celles qui n'auraient que le revenu garanti, les frais demeureraient sans doute au niveau actuel. Pour ceux ou celles qui auraient des emplois rémunérés en dehors de leurs heures de cours ou qui disposeraient de revenus personnels, ces frais rejoindraient le niveau des frais de scolarité qui existent dans les autres provinces. Avec des frais harmonisés à leur portefeuille, les étudiants et les étudiantes ne souffriraient pas du changement. Au contraire, le stress du remboursement disparaîtrait surtout qu'il y a maintenant beaucoup de femmes diplômées et que le remboursement devient alors un lourd fardeau. Plusieurs repousseront même l'échéance d'une famille pour cette raison et la laisseront même tomber.

L'enfant-problème. Des parents nous ont demandé de faire pression pour que les enfants soient automomes financièrement à 18 ans. Il se présente trop souvent, à cause de la drogue et de divers problèmes, des circonstances où les parents ou la mère chef de famille monoparentale voudraient dire à leur grand enfant d'aller loger ailleurs parce qu'il donne le mauvais exemple aux autres et qu'il trouble sérieusement le climat familial. Mais comment le faire quand celui-ci n'aura aucun moyen de subsistance? L'inverse, par contre, est aussi vrai. Les parents n'osent pas. Avec le montant assuré pour ses besoins essentiels, on peut éloigner l'enfant-problème temporairement sans se culpabiliser pour le plus grand bien des autres enfants.

Apprendre l'autonomie, non la dépendance. L'État fait la même erreur en voulant prolonger la dépendance des enfants envers leurs parents qu'il le fait en obligeant les conjointes de fait à se faire entretenir par un homme qui a des revenus. On enseigne aux jeunes adultes et à ces femmes à ne pas être autonomes.

Le message actuel qui va s'amplifier avec la réforme est démobilisant. Il serait, d'autre part, désirable de faire entrer les jeunes dans un système de programme de réinsertion, ce que le projet de politique semble exclure. L'attente de trois ans proposée est un véritable cul-de-sac désincitatrf. Autre contradiction dans les orientations du ministère. De toute façon, on s'en doute, les parents auront toujours à apporter un certain soutien financier ou en nature aux enfants qui peut même grever assez sérieusement leur budget. C'est à l'État à fournir une base minimum d'aide.

Allonger la période de responsabilité alimentaire des parents fera encore plus hésiter les couples à fonder une famille. Autre contradiction entre les buts recherchés et les politiques préconisées.

Mme Dolment: Pour terminer, il y a deux éléments assez importants. Pour enlever du monde de l'aide sociale, c'est un service de perception des pensions alimentaires automatique, universel et obligatoire. Je pense que vous êtes aussi au courant. L'autre élément, c'est le partage des biens. Vous savez qu'en Ontario il y a beaucoup moins de gens à l'aide sociale et dans les autres provinces aussi, et je pense que le partage des biens fera qu'il y aura moins de monde à l'aide sociale, parce qu'H y aura déjà des biens en plus du service de perception. Si la femme a la moitié de la maison, il y a bien des chances... Je n'élabore pas là-dessus.

Pour le reste, je pense que vous pouvez lire parce qu'on a dépassé notre temps de beaucoup.

Le Président (M. Bélanger): Très bien. Merci.

M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, je vais tenter de résumer le plus brièvement possible. Je tiens premièrement à vous remercier pour votre mémoire et votre exposé verbal. On m'avait prévenu que j'étais pour en recevoir une. Ce n'est pas si pire.

Sur la base des grands principes qui sous-tendent la réforme, il y a quand même des endroits où on se rencontre. Je ne profiterai pas de l'occasion pour m'étirer longtemps sur les endroits ou les principes où on se rencontre. Je pense que la question d'avoir un programme Soutien financier, un programme APTE et un programme APPORT est un principe sur lequel on est tombés d'accord.

Je vous dirai simplement que j'ai de la difficulté à retrouver, à l'intérieur du programme Soutien financier, les dispositions qui seraient antifamiliales. Là-dessus, si vous pouviez... Dans le programme APPORT, j'ai non seulement de la difficulté à en trouver, mais tout est basé sur la présence d'un enfant.

Mme Doiment: On est d'accord avec APPORT et on l'a dit. Sauf que le chèque, on ne sait pas à qui il va et il y a encore la question des couples en union de fait.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'accord. En ce qui concerne le programme APTE, et je pense que c'est sur ce programme que nous allons discuter ou engager la discussion un peu plus longtemps, j'aimerais tomber immédiatement dans le vif du sujet parce que j'ai encore à la mémoire des rencontres précédentes que nous avons eues et que j'ai eues avec des groupes de femmes. Je fais référence à la page 8 de votre mémoire où vous dites qu'il y aurait encore, dans ce que nous proposons, de la discrimination envers les couples hétérosexuels qu'on oblige à s'entraider.

J'ose prétendre que l'attitude que nous avons adoptée dans la conception de ce programme en est une de neutralité, c'est-à-dire que ce que vous retrouvez présentement comme étant de la discrimination, pour utiliser votre terme, disparaît dans ce que nous préconisons en adoptant une situation neutre. Vous ne semblez pas d'accord, vous semblez étonnée. Je vous laisse réagir.

Mme Doiment: Est-ce que je peux répondre.?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui.

Mme Doiment: Je ne comprends pas que vous le mettiez à douze mois. Vous n'avez pas le droit de rendre deux personnes responsables l'une de l'autre financièrement simplement parce qu'elles cohabitent. De toute façon, il y a une discrimination puisque ce sont seulement les hétérosexuels qui sont rendus deux amis, responsables. Vous ne rendez pas responsables, deux lesbiennes, ou deux homosexuels. Qu'est-ce que c'est cette idée de rendre les hétérosexuels responsables?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Si vous regardez le niveau des barèmes, prenons l'exemple de deux personnes seules qui décideraient de vivre ensemble, l'application de la notion de partage du logement les amène à peu près au même montant que celui du couple. Est-ce que vous êtes d'accord?

Mme Doiment: Non. C'est toujours, en général, dans le cas d'une personne qui vit avec une autre qui a des revenus, que l'on coupe l'aide sociale. C'est dans ce cas-là. Je ne parle pas de deux personnes à l'aide sociale.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'accord.

Mme Doiment: Le problème de deux personnes qui bénéficient de l'aide sociale c'est qu'elles ont un chèque global.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Est-ce qu'il est réglé?

Mme Doiment: Ce n'est pas correct. Chacune devrait avoir son chèque. D'accord? Pour un couple hétérosexuel, dont les deux conjoints sont à l'aide sociale. Vous perdez beaucoup de votre argent d'ailleurs en faisant un chèque global. Des fois c'est l'homme qui le boit. Ce qu'il faut, c'est deux chèques. Vous n'avez pas le droit de placer ensemble deux personnes qui ont différents comportements avec un seul chèque. Mais ce n'est pas ça le coeur...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est important ce que vous dites. On se fait accuser d'avoir comme concept de base, dans la politique de sécurité du revenu, ce qu'on appelle le ménage.

Une voix: II faut l'abolir le ménage.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): II faut l'abolir le ménage?

Mme Doiment: Vous n'avez pas le droit, selon la charte.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Là, on va être antifamilial si on abolit le ménage.

Mme Doiment: Non. Justement c'est l'autre concept. Une famille c'est quand il y a des enfants communs. Mais deux personnes qui vivent ensemble... Est-ce que deux amis, c'est un ménage? Non. Deux homosexuels ce n'est pas un ménage; puis deux lesbiennes ce n'est pas un ménage. Pourquoi un homme et une femme est-ce un ménage? Vous n'avez pas le droit, selon la

charte, de faire une distinction comme ça. C'est interdit par l'article 10. Une entité familiale comporte un enfant commun, non pas deux chefs de famille monoparentaux ensemble, homme-femme; des enfants communs parce qu'ils les ont farts ensemble. C'est comme une petite compagnie, puis là ils sont responsables de leurs enfants. C'est vrai, c'est ça. C'est une petite entreprise familiale, exactement, avec la fiscalité.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Mais des fois dans la pratique, il y a de plus en plus des transferts d'actions et dans la politique de sécurité du revenu, qu'on l'appelle premier recours ou dernier recours, il faut en tenir compte. Il ne faut pas qu'un enfant se retrouve pénalisé dans un ménage, parce qu'il y a eu échange d'actions.

Mme Dolment: Si vous le permettez, M. Paradis, on ne parle pas de ça. On voudrait juste terminer peut-être pour que vous nous répondiez sur la question d'une personne hétérosexuelle - je dis bien hétéro, parce que les autres ne sont pas pénalisés, qui vit avec une autre personne qui a des revenus, et que vous n'avez pas le droit de laisser complètement démunie, sans un sou. Vous lui coupez complètement son aide sociale en lui disant: C'est cela toutes vos descentes 80 % et on vous l'a dit ce matin; 80 % c'étaient des vies maritales comme vous les appelez. Alors vous allez regarder en dessous du lit, pour voir s'il y a des bottes, s'il y a des grandes bottes et des petites bottes. Cela ne tient pas debout cette affaire-là, c'est épouvantable. Non seulement cela, c'est tragique parce que ces femmes-là n'ont pas d'argent. Elles deviennent des servantes parce que le gars dit: Je paie pour toi; tu fais la vaisselle; tu fais le plancher; tu couches ce soir, sans cela tu n'as rien demain. Mais c'est ça la vie, M. Paradis.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je suis d'accord pour dire que c'est la vie, mais à ce moment-là, vous me parlez, et vous en avez fait allusion à quelques reprises dans votre exposé, de ce qu'on appelle toute la politique fiscale au Québec. Ce qui voudrait dire que toute femme au foyer qui choisit de rester au foyer - supposons qu'elle ait le vrai choix de rester au foyer - deviendrait, sur le plan de la fiscalité, une personne considérée strictement comme un individu plutôt que comme une unité familiale. Ce qui veut dire que toutes les femmes qui sont au foyer présentement, dans la province de Québec, recevraient une prestation - on l'appellera comme on voudra ou on la baptisera comme on voudra - même la femme dont le mari légal est quelqu'un avec un revenu supérieur à 100 000 $?

Mme Dolment: Mais oui, parce que c'est vous qui empochez, M. Paradis. C'est vous...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Attendez une minute.

Mme Dolment: Je vous donne un exemple: si votre femme est à la maison - je prends cet exemple pour que vous puissiez comprendre - l'exemption de personne mariée c'est vous qui empochez, comme il y a à peu près 50 ans, le salaire que la femme gagnait appartenait à l'homme. Elle n'avait pas le droit de mettre la main sur son salaire. L'homme, c'était à lui. L'exemption de personne mariée, qui vaut 150 $ par mois, c'est a vous, en plus de votre exemption personnelle de base. Vous avez déjà 150 $ par mois et vous avez ceux de votre femme. Pourquoi garder les deux? Nous, - cela ne coûte pas un sou. - on dit simplement: envoyez-le à la femme. C'est le premier recours. Tout le monde l'a. Vous êtes à l'asHe et vous allez avoir 100 $. Non, mais c'est vrai, pourquoi pénalisez-vous une femme qui vrt avec un homme, et coupez-vous son revenu?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je comprends bien votre point de vue sur cet aspect. Maintenant, par rapport au deuxième aspect, sort la fameuse définition de conjoint comme tel, certains groupes de femmes nous disent qu'on fait un pas en avant par rapport à la situation, telle qu'on la connaît présentement, en introduisant la notion des douze mois. Vous pouvez me dire que, en Ontario, ils ont introduit la notion des 36 mois, ou trois ans.

Mme Dolment: C'est cela. J'ai appelé en Ontario. C'est beaucoup plus subtil que cela. Quand c'est vraiment deux personnes qui vivent ensemble et que l'autre ne fournit pas d'argent, si la femme peut faire la preuve de cela, même si c'est une notion de cinq ans, elle va l'avoir son aide sociale. J'ai parlé longuement là-dessus en Ontario il y a plusieurs mois. Enfin...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Disons que certains groupes de femmes nous ont dit: C'est un pas dans la bonne direction. Vous ne semblez pas partager cette opinion.

Mme Dolment: Non, non, pas du tout. Je pense qu'on est d'accord avec cela. C'est que, simplement, vous repoussez un peu. C'est un peu comme si vous disiez: Je ne te coupe pas les cinq doigts, je t'en coupe juste un, alors s'U vous plaît dis-moi merci. C'est cela en fait. Vous n'avez pas le droit. Vous le coupez dans douze mois au lieu de le couper tout de suite. Alors vous avez douze mois de sursis. Oui, c'est cela, M. Paradis.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non, non, cela va.

Mme Dolment: Vous donnez douze mois de sursis, tout simplement. Alors qu'en fait, dans douze mois, elle va être coupée. Je crois qu'on

k explique peut-être mal notre point.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non, non. Je le saisis et je le comprends. Tout ce que je veux vous dire, c'est que moi, je suis dans une obligation, comme ministre responsable de la Sécurité du revenu, d'harmoniser mon programme avec ce qu'on appelle la fiscalité, parce que si je ne suis pas harmonisé avec la fiscalité, cela va à contresens. À ce que vous me demandez, je vous dis: même si j'étais d'accord, dans le cadre de mes responsabilités, il faudrait que je sois le ministre des Finances pour pouvoir vous l'accorder.

Mme Dolment: Je ne vois pas pourquoi vous faites allusion à la fiscalité, parce que la fiscalité ne tient pas compte du tout des conjoints de fait. Ils sont complètement ignorés. Alors la fiscalité ne concerne absolument pas un conjoint de fait. Il n'a pas le droit de réclamer une exemption de personne mariée pour son conjoint.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): L'approche qui est à la base de votre raisonnement est une approche qui considère les individus sur une base strictement individuelle et ne les considère pas comme étant mariés, etc.

Mme Dolment: Oui, c'est cela, exactement.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Cela, la fiscalité le fait.

Mme Dolment: C'est cela. Bien, la fiscalité...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous me l'avez d'ailleurs très bien décrit tantôt.

Mme Dolment: La fiscalité le fait, mais elle traite la femme comme une enfant et remet l'exemption au mari, qui est considéré comme le père de la femme. Bon. Alors ce qu'on dit simplement, c'est que la fiscalité le traite comme un individu; il a un montant pour l'exemption de personne mariée. Mais elle, elle le remet au mari; la fiscalité considère qu'elle est inapte. Nous, ce qu'on dit c'est qu'il y a un montant d'exemption, mais la femme ne l'a pas. Finalement, elle n'est pas plus avancée. Pour la conjointe de fait, vous n'avez pas le droit de rendre une autre personne responsable du paiement de ses robes, de ses affaires et de tous les besoins essentiels. Il faut que vous la considériez comme une personne. On n'est pas encore considérées comme des personnes dans le domaine de l'aide sociale.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Un élément - parce que j'ai deux autres éléments dont je souhaiterais parler et je vois l'heure avancer - dont vous parlez, à la page 23 de votre mémoire, est celui des frais de transports sous-évalués que l'on devrait régionaliser. Je pense que je comprends votre point de vue. Dans les centres urbains, on retrouve ce qu'on appelle du transport en commun. Dans les régions rurales, le transport en commun est inexistant, les frais de transport sont donc plus élevés. D'un autre côté, je vous soulignerai que, sur le plan du logement, on nous indique généralement un peu la règle inverse. Il s'effectue des compensations. Si on devait régionaliser sur le plan des , l'approche serait toute une question de la mobilité des gens qui pourraient être affectés.

Mme Dolment: J'aimerais répondre à cela, parce qu'on a eu le cas, justement, d'une assistée sociale qui nous a écrit à ce sujet-là. Ce qui arrive, c'est que si elle vit dans la maison, c'est vrai peut-être que globalement, à long terme, ça lui coûtera moins cher. Mais dans le court terme, elle prenait un cours de rattrapage et elle n'avait pas les 50 $ pour y aller. Vous comprenez? C'était limité. Cela lui coûtait 100 $ et quelques. Donc, elle a été obligée d'abandonner ses cours. Alors on n'est pas plus avancé. Donc, à long terme oui, peut-être, qu'elle habite une maison qui coûte moins cher mais, dans le court terme, elle n'a pas l'argent. (17 h 45)

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vous dirai qu'on a également pris bonne note, autant sur le plan verbal de ce que vous nous avez adressé comme remarques - et je pense que c'était peut-être Mme Beaulieu - quant à la question de la période de grossesse, ainsi que la présence de la mère au foyer, jusqu'à l'âge préscolaire. Je ne veux pas mésinterpréter vos travaux. Et que cela constituerait, selon vous, au moins une participation active avec les correspondants. C'est le sens de votre intervention, à moins que je l'aie mal saisie.

Mme Ouellet: Dans ce sens-là, c'est assez juste. Cela serait reconnaître le travail social que la mère fait au foyer jusqu'à ce que son enfant ait atteint l'âge préscolaire.

Mme Harel: Mme Oueliet, Mme Beaulieu et Mme Dolment, je veux également vous souhaiter la bienvenue. Mme Ouellet et Mme Beaulieu, je ne sais pas si vous savez que Mme Dolment a suivi attentivement une commission parlementaire qui s'appelait "étude article par article d'un projet de loi 20" qui portait sur la réforme du Code civil? Je me rappelle que Mme Dolment nous a accompagnés tout au cours de l'étude des 880 articles qui s'est réalisée pendant plusieurs mois et même pendant le mois de juillet. Elle est donc une personne connue pour son engagement, j'allais dire peut-être pour son entêtement - c'est parfois une qualité - sa fidélité.

Tantôt, vous disiez: II faut investir dans la famille, pas chez les célibataires. Là où il y a un petit problème de sémantique, c'est qu'on peut être célibataire et avoir des enfants. On peut être célibataire et être conjoint de fait. La

famille n'est pas nécessairement l'aspect marié. Si on veut bien se comprendre sur les expressions qu'on utilise, parlons des personnes seules, celles qui sont seules, en n'oubliant pas qu'il y a 25 000 femmes de 55 à 64 ans qui sont seules et qui reçoivent l'aide sociale.

Je vous écoutais, Mme Dolment, et je me disais: Je suis certaine, quand Marcelle Dolment dit qu'il faut un peu abandonner à leur sort les personnes seules, certainement qu'elle ne pense pas à ces 25 000 femmes qui ont 55 ans et plus et qui, pour un certain nombre d'entre elles, après des années Investies dans la famille, dans les rapports familiaux, conjugaux, parentaux, filiaux, n'importe, se retrouvent séparées, veuves ou divorcées, ou tout simplement célibataires et, pour la plupart d'entre elles, sans emploi.

Ensuite, quand vous disiez que la famille devait être priviligiée et que le couple ne devait pas l'être, je me suis dit: II est possible qu'elle ne sache pas que 70 % des couples sans enfant ont entre 45 et 64 ans, et que la majorité compte un chef de famille, un mari, qui a souvent été mis à pied après une longue vie de travail, et une conjointe qui a peu ou pas d'expérience de travail. C'est une autre réalité. Les couples ne sont pas seulement des jeunes qui profitent du système. 70 % sont dans l'autre catégorie d'âge, à l'autre extrémité.

Cela m'amenait à vous dire que, sur le fond, vous avez totalement raison. Pour l'aide sociale comme pour la fiscalité, c'est bien plus avantageux d'être une personne seule que d'être... Je vais vous lire exactement l'étude que j'avais: "On réalise facilement qu'il est plus avantageux économiquement pour des adultes d'être considérés comme des personnes seules." La différence, c'est 191 $ par mois. C'est beaucoup de sous au bout de l'année. D'autre part, quand on est une chef de famille monoparentale, il est plus avantageux de vivre seule que de cohabiter avec un conjoint, sinon on perd 304 $. Si on se refait une vie et si on a un conjoint, il est quasiment mieux qu'il vive ailleurs. S'il vient vivre avec soi et qu'il est lui-même bénéficiaire, c'est 304 $ de moins par mois.

Cela dit, parce que le ministère s'est rendu compte de cela, la mesure qu'ils vont appliquer c'est le partage du logement. Ils vont dire: c'est avantageux. On va trouver un moyen de réduire, sur chaque chèque, le montant de 115 $; cela va faire 330 $. Les gens vont avoir tendance à se déclarer couple parce que la baisse de 304 $ sera moindre que s'ils ne se déclarent pas couple et qu'en cohabitant, ils perdent chacun 115 $, ce qui fait 330 $. Ils seraient gagnants pour 26 $ en se déclarant couple. C'est ce qu'il y a dans le document d'orientation.

En ternies pratiques, vaut mieux avoir un enfant que deux, parce que c'est à 52 $ le deuxième, puis le troisième, comme vous le savez, ne compte plus, il n'existe pas.

Alors, je vais simplement juste vous poser mes questions pour vous donner le temps, après, d'y répondre. Vous avez dit que vous étiez d'accord avec le programme APPORT, lequel, dans le cas des couples tout au moins, aura absolument l'effet d'agir comme un obstacle à l'emploi de la deuxième personne, parce que tout le programme APPORT, pour les couples, est basé sur le travail d'un seul des membres du couple. Lequel vous pensez? Je crois que poser la question c'est y répondre, parce que si on fait tous les calculs des exemptions, etc., cela ne vaut pas la peine. Avec les réductions des contributions du programme APPORT, les diminutions, etc., c'est un obstacle, finalement, au travail de la deuxième personne.

Évidemment j'ai pensé que peut-être vous n'aviez pas eu les chiffres du programme APPORT pour une chef de famille monoparentale avec un enfant qui, lorsqu'elle retourne à un taux d'imposition tellement élevé que, par exemple, si elle gagne 2000 $ par année de gains de travail, H va lui en rester 21 $ par année, avec la réduction des programmes auxquels elle aurait droit si elle n'allait pas travailler.

Cela dit, comment concevez-vous que l'État doive soutenir les couples, les personnes seules et les familles?

Mme Dolment: Chantai va répondre, mais je voulais dire que pour le programme APPORT, M y a l'intégration des frais de garde qui sont inclus là-dedans. On a moins étudié le programme APPORT. Cela nous paraissait que ce n'est pas exactement de l'aide sociale, cela relève du travail, ce ne sont pas des gens sans revenu, ce sont des gens qui travaillent mais qui n'ont pas suffisamment. Alors la question du niveau d'imposition, c'est bien sûr qu'on ne s'est pas attachées à tous les détails. On n'avait pas eu le temps. Tout le monde s'est plaint de ne pas avoir eu assez de temps. On sait qu'il y aura un projet de loi. Pour nous, ce sont les grandes orientations, c'étaient les grands principes. Alors commencer à travailler sur les chiffres, surtout qu'on est tellement débordées, on n'a pas été dans le détail, mais le programme APPORT, en regardant les grandes orientations, sans mettre les chiffres l'un à côté de l'autre, nous paraissait intéressant. Maintenant, j'aimerais que Chantale réponde quand vous dites: La famille, puis H y a des célibataires qui ont des enfants, puis les personnes âgées de 64 ans ou les personnes seules, enfin...

Mme Harel: 55 ans.

Mme Dolment: De toute façon, jusqu'à 64 ans, ces personnes seules n'ont pas beaucoup d'argent, puis les familles peut-être qu'il faudra en tenir compte parce qu'elles ont déjà élevé des familles, parce qu'on faisait la distinction. Chantale peut vous répondre là-dessus.

Mme Ouellet: Ce que l'on dit dans notre

I rapport, en fait, c'est que vous ne favorisez pas f suffisamment les familles comparativement aux célibataires. On ne veut pas que vous réduisiez l'aide aux célibataires pour que l'écart soit plus grand...

Mme Harel: Célibataires, vous voulez dire personnes seules?

Mme Ouellet: Évidemment. Mme Harel: Qui vit seule?

Mme Ouellet: Pour nous, famille c'est avec enfants. Dans le cas de personnes qui n'ont pas d'enfant, elles devraient être considérées comme célibataire, dans le sens d'individu.

Mme Harel: Une personne seule, mais dans le document d'orientation, le moyen trouvé pour baliser tout ça, c'est que la personne seule vit souvent en cohabitation.

Mme Ouellet: Elle cohabite.

Mme Harel: Alors, 115 $ vont lui être retirés.

Mme Ouellet: Mais c'est parfait.

Mme Harel: Et 115 $ vont être retirés à la personne avec qui elle cohabite, pour un montant de 330 $. C'est donc, à ce moment-là, une égalité à la baisse. Il ne s'agit pas d'aider les familles en surplus, il s'agit de baisser les couples.

Mme Ouellet: On est entièrement d'accord. En fait, dans cela il ne faut pas mélanger non plus deux personnes qui reçoivent de l'aide sociale avec une personne qui a des revenus et l'autre qui bénéficie de l'aide sociale. Ce que l'on dit, c'est que pour une famille qui reçoit de l'aide sociale, les différences dans l'argent qu'elles ont puis les montants qui sont acceptés et qu'elles peuvent gagner, avant d'être soustraits de l'aide sociale, ne sont pas suffisants.

Mme Harel: Entendons-nous bien, Mme Ouellet. Une famille, cela peut être une chef de famille monoparentale avec des enfants, et quand elle va cohabiter pour s'entraider avec une amie qui a elle-même des enfants, elle aussi sera réduite de 115 $.

Mme Ouellet: C'est cela.

Mme Harel: Le partage du logement s'applique à toute personne...

Mme Ouellet: Quand il y a des enfants, vous devriez moins couper, première des choses. Vous devriez être plus généreux quand il y a des enfants, que ce soit en diminuant les coupures ou en augmentant les crédits, si on peut dire.

Mme Dolment: S'il y a une famille, cela ferait 75 $. Si ce sont des célibataires, cela peut être 115 $. Enfin, on n'a pas été trop dans les détails des chiffres.

Mme Ouellet: Mais c'est le principe de favoriser, soit en diminuant les coupures, soit en augmentant les gains permis. Cela devrait aller de soi.

Mme Dolment: Un autre élément à apporter, c'est que les personnes âgées ont quand même moins de dépenses que les familles. Une personne âgée de 64 ans n'a pas les mêmes dépenses que même une célibataire de 30 ans.

Mme Harel: Je suis surprise. Je vous le dis honnêtement, Mme Dolment, surtout quand on connaît l'état de grande pauvreté dans lequel vivent les femmes âgées qui n'ont pas leur pension. Moi, il m'arrive régulièrement que des personnes me disent: Mme Harel, j'ai assez hâte d'avoir 65 ans. C'est comme une délivrance pour des femmes qui vivent dans un état de grande pauvreté que le fait de pouvoir atteindre cet âge où elles vont voir leurs besoins, en partie, couverts. On sait que, en partie, les programmes sociaux ont diminué la pauvreté, enfin la grande pauvreté des personnes âgées de plus de 65 ans.

Mme Ouellet: Est-ce que je peux ajouter quelque chose?

Mme Harel: Oui.

Mme Ouellet: Je pense que si la détresse des personnes seules âgées de 45 à 65 ans est grande, la détresse des familles pauvres l'est encore plus.

Mme Harel: Oui, je vous comprends parfaitement, Mme Ouellet. Ce que j'ai de la difficulté à suivre, c'est qu'en pensant ne pas tenir compte des uns, vous pensez qu'on va tenir compte des autres.

Mme Ouellet: On ne veut pas que vous enleviez quoi que ce soit aux personnes seules, on veut que vous harmonisiez tout cela pour que ces personnes-là aient assez et que les familles aient assez, en ayant plus.

Mme Harel: Bon, si vous me permettez, j'aimerais qu'on ne se quitte pas avant que vous me parliez du partage des biens familiaux. Vous en avez glissé un mot. Je sais que c'est important pour vous, cette question du partage des biens familiaux. Vous en parlez depuis longtemps. Vous m'en aviez parié. Il y a toute cette étude qui a été faite dans le cadre du Code civil, ce comité qui a été mis sur pied par le ministre de la Justice à la suite de l'étude qu'on avait faite

sur la créance alimentaire versus la réserve. Je voudrais savoir ceci: est-ce que vous concevez que, pour une meilleure équité, ce partage des biens familiaux se fasse aussi dans le cas des conjoints de fait?

Mme Dolment: C'est toujours la question de la famille pour nous. Alors quand il n'y a pas d'enfant...

Mme Harel: Non.

Mme Dolment: ...les conjoints de fait, c'est chacun pour soi. Maintenant, le papier du mariage n'est pas important du tout pour nous. Nous, c'est parents et enfants. C'est cela la grosse distinction. Alors, dans le cas des conjoints de fait, vous savez que maintenant ils peuvent faire des contrats entre eux, mais s'il y a un enfant, la responsabilité de la maison familiale, ce qui est familial, oui on veut que ce soit partagé, parce que la maison familiale, c'est l'enveloppe et les meubles aussi.

Mme Harel: Lorsqu'il y a des enfants seulement.

Mme Dolment: Oui, uniquement lorsqu'il y a des enfants.

Mme Harel: D'accord.

Mme Dolment: Maintenant, pour les autres, pour les gens mariés et tout cela, nous, on abolirait le mariage. En fait, il n'y aurait que des gens. Parce que c'est seulement un bout de papier. Cela mêle tout le monde. De toute façon, cela donne des droits à deux individus qui n'ont pas le droit d'avoir plus de droits parce qu'ils ont un petit bout de papier. Alors pour nous, c'est parents et enfants, c'est seulement cela. Pour le partage des biens, on va avoir la même affaire que dans les autres provinces. C'est tout. Je pense qu'il y aurait beaucoup moins de bénéficiaires de l'aide sociale.

Mme Harel: Mme Dolment, on a eu des chiffres extrêmement révélateurs. Un couple sur deux en 1990, au Québec, aura été divorcé. Un sur quatre aura été remarié une deuxième fois, et un sur cinq sera redivorcé. Cela veut donc dire qu'il peut y avoir bien des possibilités. On a dit 48 possibilités de familles reconstituées. Si on comprend bien, s'il n'y a pas présence d'enfants, il ne doit y avoir aucune entente. C'est chacun pour soi. C'est cela?

Mme Dolment: Actuellement, on est obligés, nous, de se conformer parce qu'il y a du mariage. Alors ce qu'on demande, nous, simplement, c'est que s'il y a mariage, c'est le partage des biens. C'est nécessaire. Vu que le mariage est là, on est obligés de se fier à cela. Mais on avait mis, nous, une période de trois ans. Pendant les trois premières années du mariage, ce serait comme la séparation de biens, pour que le mariage ait une certaine stabilité et que quelqu'un ne se marie pas pour divorcer un an après et tout avoir. Au bout de trois ans, c'est le partage des biens. On mettait une période de sécurité de trois ans.

Mme Harel: S'il y a des enfants? Mme Dolment: Non.

Mme Harel: Partage des biens même s'il n'y a pas d'enfants?

Mme Ouellet: C'est-à-dire que, dans le cadre de nos recommandations, dans un monde idéal, nous, on voudrait qu'on ne tienne compte du partage que s'il y a des enfants Dans les faits, actuellement, étant donné qu'il y a des mariages et des divorces, là on est obligés de tenir compte, disons qu'une recommandation pratique applicable immédiatement serait de faire le partage des biens après trois ans de mariage.

Mme Dolment: Après trois ans de mariage mais, s'il y a des enfants, ce serait tout de suite. (18 heures)

Une voix: ...ce serait de faire le partage des biens après trois ans de mariage.

Mme Harel: Entre un couple qui n'aurait pas d'enfant.

Mme Dolment: S'il y a des enfants communs, cela serait différent.

Le Président (M. Bélanger): M. le ministre, il reste trois minutes à votre formation. Est-ce qu'on a le consentement pour permettre à Mme la ministre de la Condition féminine de prendre la parole? Madame.

Mme Gagnon-Tremblay: Moi, je vois que vous êtes d'accord avec la coupure - peut-être pas du montant de la coupure - mais vous êtes d'accord avec une certaine coupure lorsque deux célibataires vivent ensemble. Je pense que c'est important aussi de le souligner. Si vous avez un couple légalement marié qui vit ensemble, automatiquement on a tenu compte de ces besoins; donc, on a déjà coupé. Comme on veut essayer de faciliter les modalités d'une séparation de corps, je crains qu'il puisse y avoir facilité de séparation quand on est au seuil de la pauvreté et on aurait peut-être tendance à demander une séparation pour avoir le même montant que deux personnes célibataires qui vivent ensemble.

D'autre part, vous avez parlé de conjoint de fait dans un cas de partage de biens et vous avez parlé de perception automatique de pension alimentaire. C'est là qu'on se rend compte.

comme je l'ai mentionné l'autre jour à un groupe de femmes, que la politique sur la sécurité du revenu n'a pas pour effet de tout corriger. La politique de la sécurité du revenu, c'est un point d'un ensemble et vous avez la perception automatique des pensions alimentaires. C'est sûr que vous avez quantité de femmes qui ne peuvent pas percevoir leur pension alimentaire et qui n'osent pas la demander même. C'est sûr que, si on avait cette perception automatique des pensions alimentaires, on réglerait - en bonne partie, pas tous - une quantité de problèmes pour une portion des femmes.

Il y a aussi la question du partage des droits économiques dont vous avez parlé. Là aussi, on a de nombreux divorces, de nombreuses séparations et, finalement, les femmes se retrouvent sans le sou. Par contre, vous avez introduit la notion de conjoint de fait. Je ne sais pas si je vous ai bien perçue. Au tout début, vous sem-bliez dire: Conjoint de fait, laissons cela comme cela. On a fait le débat lorsqu'on a fait la révision du Code civil en 1982. Laissons cela comme cela. Par contre, à la toute fin, vous sembliez dire que, s'il y avait enfants - conjoints de fait avec enfants - il fallait faire un partage. Cela m'inquiète un peu. Je me dis: II ne faudrait pas réglementer les personnes qui n'ont pas voulu être réglementées.

Mme Dolment: Pour nous, la nature est là. S'ils ont des enfants en commun, ils sont parents. Comme la réforme du Code civil a dit que tous les enfants légitimes, illégitimes avaient les mêmes droits, il va de soi que les parents ont les mêmes droits. L'enfant a besoin d'une maison, cela lui prend un toit. Le bout de papier n'est pas important. Les parents ont un enfant, il faut qu'ils donnent un abri à cet enfant. S'il y a une séparation, il faut que l'un des deux ait la maison et que l'autre ait une compensation parce qu'il a pris soin de l'enfant. Les deux sont parents. Quand on parle de conjoints de fait et qu'on ne veut pas les intégrer avec des obligations l'un envers l'autre, c'est dans le cas où il n'y a pas d'enfant. Quand il y a des enfants, ils ne peuvent pas faire autrement que d'avoir des obligations envers l'autre. L'un des deux a pris soin de l'enfant quand il avait un an, deux ans. Il a peut-être perdu dans sa carrière. On a même droit de demander une compensation. Quand on dit qu'on ne veut pas intégrer les conjoints de fait dans le Code civil, c'était uniquement dans le cas de deux... C'est toujours la même logique.

Mme Gagnon-Tremblay: Sauf que vous comprenez, Mme Dolment, que, si on devait prendre en considération que, dès qu'ils ont des enfants, on les considère avec des obligations comme des personnes mariées, cela veut dire qu'il faudrait faire tout le débat sur la révision du Code civil là-dessus. Ce débat a été fait antérieurement et avait dit qu'on ne prenait pas en considération le fait qu'il y avait ou non des enfants.

Mme Dolment: Non, cela va de soi. Nous disons: S'il y a un divorce et que la femme garde l'enfant, d'après nous, elle peut demander une pension alimentaire pour l'enfant, mais si elle doit rester avec l'enfant parce qu'il est malade, ou peu importe, une compensation. Le débat n'est pas à reprendre. C'est un droit naturel, si je puis dire.

Mme Gagnon-Tremblay: Sauf qu'il faut faire des modifications au Code civil.

Mme Dolment: Oui, mais il ne faut pas les considérer comme mariés avec le partage du régime de rentes ou des choses comme cela, c'est uniquement en rapport avec l'enfant.

Le Président (M. Bélanger): Mme la députée de Maisonneuve, si vous voulez remercier le groupe.

Mme Harel: J'écoutais Mme la ministre et je me disais: On peut utiliser des constructions juridiques savantes pour justifier des baisses, mais on peut aussi, à l'inverse, les utiliser pour justifier, comme l'a demandé le conseil du statut ou comme le demande le Front commun des organismes féminins... Je crois qu'il y a 163 organismes qui demandent justice et équité en réclamant un chèque individuel pour chacune des personnes adultes, homme ou femme, et non pas une réduction à la baisse pour les couples qui cohabitent. Une jeune fille de Trois-Rivières activement engagée...

Le Président (M. Bélanger): En conclusion, rapidement, madame.

Mme Harel: ...dans l'Année internationale de la femme - et je vous laisse là-dessus - est venue ici et a demandé au ministre, parce qu'elle cohabite amicalement avec deux jeunes hommes, avec lequel l'agent de bien-être va-t-il décider qu'elle est maritalement accouplée? Il y a là des aberrations. Alors,...

Le Président (M. Bélanger): Mme la députée de Maisonneuve, je vous en prie.

Mme Harel: Alors, je veux simplement vous remercier, mais en vous invitant à être vigilantes pour que, dans l'application, les principes ne reçoivent pas le contraire des effets que vous chercheriez à obtenir.

Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je remercie le Réseau d'action et d'information pour les femmes. Vous êtes le 66e groupe que nous entendons et, croyez-le ou non, nous avons entendu de nouveaux arguments présentés sous

de nouveaux angles. Je vous indiquerai que, sans pouvoir m'engager à retenir chacune des suggestions que vous nous faites, certaines des suggestions qui nous ont été adressées nous intéressent particulièrement et, comme Mme la députée de Maisonneuve l'a fait, je vous invite à suivre très attentivement l'évolution de ce dossier.

Merci de votre présence et merci de la qualité de votre mémoire.

Le Président (M. Bélanger): Merci. Alors, compte tenu de l'heure, nous suspendons les travaux jusqu'à 20 heures, à la même salle.

(Suspension de la séance à 18 h 7)

(Reprise à 20 h 3)

Le Président (M. Bélanger): A l'ordre, s'il vous plaît!

Bonsoir. La commission des affaires sociales se réunit aux fins de procéder à une consultation générale et tenir des auditions publiques afin d'étudier le document intitulé Pour une politique de sécurité du revenu.

Ce soir, nous recevons à la table des témoins le NDG Anti-Poverty Group. Alors, parlez-vous français?

NDG Anti-Poverty Group

Mme Young (Audrey): Some of us are not well versed in French. We would very much appreciate this hearing being conducted in English.

Le Président (M. Bélanger): There is no problem.

Mme Young: Thank you very much.

Le Président (M. Bélanger): Je vous invite à présenter votre mémoire. You can begin right now.

Mme Young: Thank you, Sir. We represent the Anti-Poverty Group of Notre-Dame-de-Grâce. We have four speakers. First, I will introduce all of us. On my right are Joe Fix and Gerald Kaashoek; on my left are Judith Adler, Karen Zimmerman and on my very extreme left is our liaison person with the United Church; he is here just to be supportive of us.

Our first speaker will be Joe Fix.

M. Fix (Joe): Thank you. I am speaking on the Financial Support Program. The Ministry holds up the Financial Support Program as the most generous and uses it to justify reducing benefits to those considered as employable under the El Program leaving those individuals without means to support, to survive. But the Ministry misleads the general public because the Financial

Support Program is not costing more but, as | seen in a internal document, is in reality saving a great deal of money through the labeling of individuals as consorts and through parental contributions. Also, through the loss of indexation, these last few years, the 585 $ proposed benefits for an individual in reality represent a 13 $loss.

Categories of unemployables and employables should not exist. People's potentials are being killed off by becoming stigmatized as long term unemployables. You would be amazed at the ingenuity, resourcefulness, willingness and skills these individuals have and do want to offer society. This long-term unemployability described in the reform, in reality lowers living standards to below substance levels.

Benefits levels are being based upon what low-income earners purchase rather than on what is really needed to be purchased for proper diet and other essential needs. While house pooling is essential for individual survival and dignity, it is also a necessity resulting directly from poverty and escalating rents, depriving many of a basic right to privacy. Penalizing heavily those who are considered as employable prevents them from sharing accommodation with those who are perceived as long-term unemployables. So both categories lose this much needed resource and the unemployables become ghettoized still more.

Consorts should be allowed to live as individuals... To be lowered to 845 $ from 1170 $ after eleven months shows the true penalty for sharing accommodations. Benefit losses are a serious concern when more benefits are what is needed, and our needs are great.

Who will determine and how will they determine those who fall under the Financial Support Program? Just what kind of training will agents be receiving? What of the psychiatrized? What if they do not want treatment and refuse to continue seeing the same doctor? The medical profession already has a great deal of power in our lives. This proposed reform threatens to lock us into treatment plans and doctors' decisions, taking away ours. What of the stigma, the permanent stigma that the mentally ill must live with, wich seriously limits them and kills off their potentials? Will it be possible for individuals to switch over from unemployable to employable and back again? Should they enter a work or training program and be unable to continue due to stress, pressures of the El Program along with insufficient benefit levels will push many individuals whose mental health is already fragile right over the edge. Many who are physically or mentally handicapped perceive themselves as being employable, but the El Program can only be regarded as terribly harsh and punitive as ever when enrolled full-time in work on training programs.

Benefit levels are still far below what the Ministry has already determined as needs for the Financial Support Program. At a time of high

unemployment, this Government is not attempting to provide real permanent jobs and is, at the same time, abandoning entirely those least able to protect themselves: the poor. Also, industry can profit from their exploitation. There are certainly more just and sane approaches to our economic problems today, such as an adequate annual guarantied income and a real full-employment policy. Thank you.

Mme Adler (Judith): Hello.

Le Président (M. Bélanger): Hello.

Mme Adler: My name is Judith. I will be speaking about special needs...

Le Président (M. Bélanger): Could you give me your name first, because we need it for the translation.

Mme Adler: My name is Judith.

Le Président (M. Bélanger): Thank you.

Mme Adler: And I will be speaking on special needs, the impact on women and families and shared accommodations. We are very concerned to keep and improve on our special needs. We feel that the poor should not be manipulated or forced into further destitution. Special needs are a necessity, not a luxury. These allowances for special needs have eroded steadily over the years. Many of your so-called incentives to work will in fact deplete these beneficiaries resources so much that this will force them to feel guilty for circumstances they have no control over.

Many medications are no longer covered in your stupid Position Paper. It seems that you will abolish all special needs for employables, except their drug card. How preposterous! Eye niasses and dental work are necessities, not luxuries. To deprive poor people of such necessities is inhuman. We are presently facing the choice between purchasing food or needed médecines. To deprive us of our special needs will literally leave us helpless, facing the serious consequences of malnutrition and untreated illnesses. Oral contraceptives are a necessity for many women. In some cases, they are a health safeguard. Since your present policy is geared to discourage child birth, among those of us who are social aid recipients, it seems crazy to deprive us of affordable access to contraceptive measures. Surely you are intelligent enough to know that coercion and penalties are far less effective than real jobs, real incentives and honest encouragement.

We are very concerned as to how the impact of your policy will affect women, especially the single parents. They are already at disadvantage and stand to lose even more. Women with children over two years old not in a program will receive 500,85 $ which is the same as one unemployable individual. Punitive and harsh benefits will make our children suffer needlessly. The allowable monthly earning is hardly a help when you consider child care costs since a child's care needs could occur at off times, such as evenings or weekends. Being a mother is a serious responsibility, hard work and should be recognized as such.

Women should be given the right to stay home with their children if they choose to, since we know the first one to six years of a child's life is considered as the most important base they will have. In a two-parent family, one parent is expected to work while the other parent watches the kids. But with single parents, they blame her for being lazy or lacking incentive if she wants to stay home with her child or children. If single parents choose to go out to work, then they are blamed if something should happen to their child or their children. They are at a much greater risk.

Adequate or affordable day-care centres are not even discussed in this silly Position Paper. You do not even discuss flexible arrangements such as weekends or evening shifts, etc. Also, where are all the facilities for children of school ages from six to fourteen who require care when they are ill or must be absent from school? For other reasons, raising children must be recognized as real work in the interest of family and to society as a whole and not to provide the necessities of survival is indefensible.

Currently, between 5000 to 8000 people per day are using our Montreal food banks and many are single parents with kids. Does this Government not wish to recognize the existence of a child while the mother is job hunting? This constitutes outright discrimination against single mothers who are soly responsible for their child's care. We recommend that associated expenditures, including child care costs, be covered for all single parents involved in job search.

We think your policy stinks under all programs, but particularly where shared accommodations are concerned. Regardless of gender, there is the intention to penalize people for cohabitation after eleven months. This is unconstitutional and inhuman. This loss will be a serious detriment and hardship for many people and will contribute to homelessness. You must consider that some people live together simply because they cannot live alone. We are concerned that social aid officers will make arbitrary decisions concerning the Government's intention to amend the concept of de facto de concerto. We feel that their training will not qualify them for the responsibility of linking consorts.

Your Position Paper fulfills none of the criteria for justice among those who live in poverty. We urge this Government to eliminate hunger and material poverty, making that the number one priority of your public policy and to

introduce a reform that will bring health and dignity to those of us who are amongst your midst. But knowingly allow these tragic consequences that will result from this reform, if it is implemented... One of your documents reveals that you will be saving substantial amounts of money through parental contributions, shared accommodations and lack of availability of programs, money saved at our expense and at the expense of our children's health and well being. Thank you.

Mme Zimmerman (Karen): My name is Karen and I would like to deal with the problems of training programs and employment incentive strategies.

In 1982, I became unemployed. I was forced to resign because the company said that I did not complete my high school. I collected UIC for the next year and a half. I could not find suitable employment, due to the lack of certain essential skills, most importantly fluency in the French language. This, in turn, eliminated me from two thirds of the jobs that are offered within the labour force. I became very discouraged and frustrated because I lacked the money to attend school.

When visiting the local Manpower Office, they told me that I qualified for a return-to-school program, while remaining on UIC. A year and a half later, I resumed my job search but since I only learned academic subjects, I was really no better off.

When I applied for a job, high school was no longer sufficient. A cegep diploma was now in order. I became more discouraged than ever. I had no other choice than to go on welfare. Nine months later, I qualified for another program, a course in electrical and electronic drafting. The course lasted only six months and it was taught by a professional and not by a qualified teacher. The course was a complete failure. We were taught a wrong course and supplied with the wrong textbooks. Upon completion of the course, I did not learn enough to successfully land a job in my new field.

However, after filling out 150 applications, only three companies replied. They all answered no. In fact, they were not hiring anyone for the next one and a half to two years. Again, I became very frustrated. As a result, I could not find suitable employment in the newly acquired skills. I had to go back on welfare. Again, I had no choice.

I wanted to get off welfare, so I decided to go to cegep. I entered the social sciences field, hoping that it would lead to a career in the service sector. Welfare loaned me two months' income on the condition that I pay them back as soon as my loan and bursary came through. The amount of the loan was a joke. By the time I paid back the Welfare, my rent for the month, food and bills, there was nothing left of the loan, so I had to resign from cegep. However, until this day, I still owe the school 250 $, which I had to borrow from the school's SOS Fund, because I needed money to pay for my books and I was short on rent money for that month. It seems that whenever I want to get ahead, I always get pushed back.

I have since resumed my job search, but I am not very hopeful. I became very discouraged when I read about the Employment Incentive Program from the Position Paper Towards an Income Security Policy, where it states that a single parent with one child will receive 720 $ per month if she participates in a program. The extra 36 $ per month do not even begin to cover the high cost of babysitting expenses, while the single mother is forced to go out and look for work, nor does it cover the added expense of a bus pass, in order to attend job interviews or provide for adequate clothing while job searching, as this is very important in making a first impression. This, in turn, does not justify looking for employment, as the expenses incurred by the welfare recipient far exceed the extra 36 $ per month offered as an incentive through the El Program.

The Government should stop giving welfare recipients a bad reputation, saying that we are all lazy good-for-nothing bums who just want to stay home and do nothing but sit around and get drunk all the time, who are collecting welfare by choice. I would like to clarify this misconception. No one wants to be on welfare. They are on welfare because there are no better alternatives. The jobs presently on the market are mainly temporary dead-end jobs with salaries at or below the minimum wage level, with no advancement or benefits whatsoever and can be terminated at a moment's notice. Since my unemployment, I have tried everything in my power to find work. I have even returned to school on numerous occasions. However, upon completion of these courses, I was still unsuccessful in finding suitable employment.

The minimum wage should be increased to 7 $ per hour and adequate benefits and opportunity for growth within the company should be provided. Active job creation, a higher quality of education and retraining should be the Government's number one priority. Otherwise, there will be no hope for those of us who are being forced into the kinds of existing programs which are wholly inadequate in meeting the needs of our highly technological world. Because of the Government's lack of concern for these issues, the only viable course open to me is to start my own business, as stated in Article 42 of the Social Aid Act. For those people wishing to start their own business, we should be able to receive low interest loans and grants from the Government and other sources, according to the size and start of operating course. For example, one to three people: 20 000 $, four to ten people: 30 000 $. Thank you.

Le Président (M. Bélanger): It is all?

Mme Young: No. I am Audrey Young and I have a few things to say.

Le Président (M. Bélanger): Just to inform you first that we have about twenty minutes for the presentation. So, if you need some more time, we have the authorization, you can... But be short, please.

Mme Young: It is brief. I will procède to read it.

Our study of the Position Paper gives us an indication that business interests are dictating policy in this Province and we discern its purpose to be an attempt by both business interests and government to control, exploit and manipulate a large segment of the population. If implemented, it will ensure employers of an abundant supply of cheap labor to be available in the event of a future upswing of economic conditions. At the same time, the existence of thousands of desperate people forced to accept work under any condition will erode the power of labour unions and cancel the work standards and benefits presently existing. We believe this erosion of labour standards to be a deliberate part of the corporate establishment's policy.

Regarding those citizens not considered as useful commodities to the business community, the policy assures that the bulk of responsibility will be shifted to families and community organizations. We see this proposed reform to be part of the business community's attempt to decrease the cost of all existing social benefits and to transfer those moneys now being spent on social programs into increased subsidies to business interests and decrease corporate taxation. To put it simply, big corporations are attempting to transfer welfare to the poor into welfare to the rich.

The main rationale contained in the Position Paper is the need to reduce social aid cost. Yet, two of its most punitive proposals will not serve to lower cost but merely to disguise them. The penalty proposed for shared housing will create a need for numerous shelters for homeless individuals and families. The reduction of benefits to below the level of ability to purchase adequate food will create a need for additional food banks. The creation and maintenance of facilities such as these on the vast scale to be expected by this reform will require government funding far in excess of the cost of direct benefits to recipients that are sufficient to supply their basic cost of food and shelter.

It is this lack of logic contained within the Position Paper that raises doubts regarding its credibility. The attempted justification in the policy paper, by making comparisons to similar reforms taking place elsewhere in Canada and the United States, fails to inform the public that only the most stringent aspects of those foreign reforms are being adopted.

We believe that this reform is at odds with the climate of social justice inherent in Québec. We are sure that a large number of the population, from all levels, upon being clearly informed as to the nature and purpose of this reform will apply the public pressures necessary to prevent its implementation.

The human tragedies to be expected by these policies have been repeatedly revealed throughout these hearings as have the discripan-cies, inconsistencies and contradictions. If all this has failed to convince this Commission to reconsider, then we can only conclude that these hearings have been a total sham.

Further, the pursuit of this policy can only be interpreted by the people of Quebec as a complete abandonment of humane and decent values by our elected representatives. Adoption of this proposed reform will represent our Government's capitulation to the pressures and enducement of the corporate establishment whose one and only principle is profit.

We urge the Minister to honor his commitment of parity to the under 30 recipients as soon as possible and we mean true parity, not the false parity outlined in this Position Paper. We urge this Commission to abandon all other aspects of the reform until democratic consultation can be made with representatives from all sectors. Thank you.

Le Président (M. Bélanger): Thank you, madam.

M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): I want to thank the Anti-Poverty Group both for their brief and their presentation in front of this Commission.

Briefly, I will try to give you as clear as possible a picture of what the clientele of the Welfare Department was in March 1987; it has declined since that time, but the proportions and the characteristics of the clientele, the individuals that composed it, are approximately the same. We had over 400 000 responsibles of households whose only sources of income were welfare at that time. About 100 000 of them would fit in the first program, which is the Financial Support Program. The other 300 000 would go into the Employment Incentive Program and we call them - I do not know if it has the same connotation in English, but in French we say "apte", able to work - able to work, but with great barriers between the individuals and the labour market requirements. The characteristics of that clientele is the following: 36 % of those people are unable to function on basic skills as reading and writing. We call them "analphabètes" in our society. 60 % of those people have not terminated their secondary school and we know how many employers make that an obligation before you can even apply for

a job. 40 % of those people never held a previous job. They do not have any job experience and we know how many people who hire other people ask for that requirement.

So, as a government, we have a choice, either to mail a monthly cheque to all those people and forget about them, put them aside from society and trust our good conscience that we have put the cheque in the mail and trust the community group to supply the rest of the basic needs, or we can tackle a challenge and decide to invest human resources and money into trying to better the possibility to get a job for those people. That Is what we have decided to do. We do not intend to tell you that we are going perfectly at it. This is why we are having these hearings, to hear people who have experience in the field, but that is our main objective.

The job market situation is also better than it used to be. Between February 1988 and February 1987, a 12-month period, there were 104 000 new jobs in Québec and the quality of the jobs is also changing. I heard one of your representatives saying there were part-time jobs being created. It used to be true a couple of years ago. Out of those 104 000 jobs created, 99 000 were full-time jobs and 70 % of those jobs went to women and amongst these women, especially those between 45 years and 64 years of age got the jobs. (20 h 30)

There is really a change in the labour force and we have to take ft into consideration. But, I am also squeezed by time and the NDG Member has asked me for at least five minutes of our time to intervene. I am going to try to clear some misconceptions or, maybe it went wrong through the interpretation, I do not know what, but as your job is to clearly inform your community and the people who need it in your community, there are some facts that you did not - through, maybe, our fault or your fault, I do not know whose fault it is, it does not matter - get correctly.

I will start with Mr. Fix's intervention. Mr. Fix addressed the Financial Support Program and he said that through that program, the Government was saving money because we put in new schemes like shared accommodations and parental contribution. It is completely wrong. Those two items do not apply to the Financial Support Program. The net cost of the Financial Support Program is going to be 100 000 000 $ a year of additional money to those people. And those two elements do not apply. It is, I think, correctly written in the book. I am going to go over the translation once again to make sure that we have not made a mistake but, in French, it is perfectly clear and I hope that it is as clear in English. We do not want to treat you differently than we treat the French population in the Province of Québec.

Second of all, we do not park those people aside from society. Some of those people are productive people, but because of a handicap, they cannot be competitive on the job market. So, we intend to make available to those people training programs which are adapted to their basic needs and situation.

The Employment Incentive Program was discussed more by Mrs. Adler and, there too, there has been some misunderstanding or misconception or miswriting or misreading, but there are some basic facts that are wrong and as your task is to make it clear for your people.. You have talked about eyeglasses and dental work. It is very clear that all health special needs are covered in that program. What you have told us is wrong. So, we try to establish that clearly. We have no doubt about that. We had people involved in the eyeglasses business this afternoon and that was very clear. We talked about the cost of it and all that. I cannot see how you... Well, maybe we were not clear enough in English. But there are some recommendations that you made us... Yes?

Mme Adler: I am sorry, Mr. Paradis, but root canals and other dental costs are not covered by welfare. People have to go to great expenditures and expenses for months and months paying so much every month out of their dangerously low food budget. They are not covered anymore today and I do not think that I was wrong about that. Because I did, before I wrote this, a lot of investigation into this. And it used to be paid years ago. Also, plastic glasses are covered but glasses are not covered and some of the people cannot wear plastic glasses.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): You gave me the impression that in the reform, we were taking the system as it exists with its good sides and bad sides and taking away from it to recuperate money on those things. And that was not my comprehension of the Green Paper on it and I hope it is not yours. If we can make some improvement on items that you have mentioned, we just want to make sure that you do not leave here saying that we have taken away those special needs that existed. That is what I gathered. I said: Maybe it is through wrong translation. You made quite a charge at the needs of mothers with children and all that and you are not the only group. I think that an all women group... You are not strictly an all women group, but one all women group who came in front of us made the same kind of representation and we have approached those representations with an open mind without making any announcement. It is not the time yet.

I am going to ask you a specific question. With the people you service in your community, do you service mainly people who are welfare recipients, unemployment insurance recipients, low-income earners or even not registered anywhere people, because there are also some of

those?

Mme Young: We represent all people who are poor and people who are supportive of the poor. We do not have any income criteria. It would be people who are also interested in helping the cause of the poor.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Okay. When you get to know those people, do you find out what their source of income is? Do you find out if they are low-wage earners or people who have just been out of a job and are on unemployment insurance or people on welfare? Do you have that status or...

Mme Young: We do not compile dossiers. We will help people who need us. That would be one of our duties.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): How many people a week, a month or a year use your services, approximately?

Mme Young: We are a very new group. We have been very busy with this reform, but our goals are to grow. Our goals are to educate and make people aware of what is happening to them.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): When you say you are a new group, when did you start?

Mme Young:... six months.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Six months ago.

Mme Young: We have been very preoccupied since this announced reform learning as much as we can about it in order to do what we can to defend ourselves against it.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Well, I do not mind that as long as it is - how would I say it? - done with the proper facts. I think it is a great debate, this is why this Commission is here to try to establish those facts as properly as possible.

Mme Young: We appreciate the information that you are giving us. However, we do have someone in here who has studied this reform backwards and forwards and who has given us a lot of information on his research.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): A lot of facts that you have in your memoir are correct. I am sorry if I insisted on the incorrect ones because those were the ones that were put forward a little bit. We have strict rules about time.

Mme Young: Of course.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): So, if I want my colleague from NDG to have time to ask you some questions in exchange, according to our rules, we alternate between the Opposition and our party. Yes?

Mme Young: No. Go ahead, proceed.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): I would leave the right to speak to Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: I think, Mrs. Adler, you want to say something.

Mme Adler: I just wanted to say, Mr.

Paradis, that a single mother with a child over two years old who does not want to go in any of your programs will lose ail her special needs and the Position Paper does clearly state that.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): No. Mme Adler: Yes.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): I am sorry. I cannot agree with that because it is wrong. That is all.

Mme Young: We will put that on... Une voix:... already.

Mme Young: I said, we will put it on hold, because we do not want a debate.

Le Président (M. Bélanger): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Je vous remercie, M. le Président. I can understand English better than I can speak it. I am sure you can understand me. I would like to ask my question in French, but you can speak in English if you want, if you prefer that.

Le Président (M. Bélanger): Do you understand enough French to understand the question?

Mme Adler: Si vous parlez lentement, je pense que tout le monde va comprendre.

Mme Young: We have someone who can translate too.

Le Président (M. Bélanger): Thank you.

Mme Harel: First, I would like to read an English letter that I have received today. I would like other people to listen. This letter says: "I speak to you as an educated single parent who sees her own difficult situation becoming a desperate one unless the real pro-

blems are looked at and properly resolved instead of the superficial brushing over of these problems which the reforms offer. Recently, I received from my Welfare Office a letter demanding that I present myself at the office in order to meet with an employment officer. I willingly went, as I am anxious to self-supporting. I expected some support, but instead, I was met with rudeness and degradation. I discussed my plans to return to university as a further effort to eventually be employable, but the officer attempted to put off my plans by stating that she thought it would be too hard on me with two children. She frequently interrupted me and, four times, she raised her voice at me; she implied that she found me stupid and rude. "

Est-ce fréquent, ce type de relations que vous, les membres du groupe Anti-Poverty, vivez avec les agents de l'aide sociale? Est-ce que les agents de l'aide sociale des centres d'aide sociale, qui ne sont pas des centres Travail-Québec parce que ce sont des fonctionnaires de Montréal, est-ce que les agents qui reçoivent les personnes que vous représentez ce soir offrent un service comme celui qui est décrit ou un service plus personnalisé?

Mme Young: On the whole, I believe that they are pretty good. The odd one may not be as polite as possible, but, on the whole, I have found them to be curteous and helpful.

Mme Adler: I think that It also depends on the district where you live. I find that, where there are more and more poor, they are more aggressive and hostile than where there is... NDG, as compared to Pointe-Saint-Charles or Verdun... I have heard very bad horror stories from some of these other areas. NDG is not only a poor area, but we have many different walks of life. Mr. Thuringer has always been very nice and polite and he has always extended his arm to help us.

Mme Young: Mme la députée, the person who wrote that letter happens to be here with us.

Mme Harel: Yes.

Mme Young: She wrote you the letter.

Mme Harel: This person...

Mme Young: So I guess she had a bad experience.

Mme Harel: Yes.

Mme Young: There are sometimes bad experiences. Because some welfare recipients are not so good, it does not mean that we are all bad. The same with agents. Because one of them is bad, it does not mean that all of them are bad.

Mme Harel: C'est surtout important parce que, avec le document proposé par le ministre, sa proposition est que chaque personne ait un contact personnel avec l'agent d'aide sociale. Beaucoup de groupes ont dit: C'est impossible, les agents en ont trop, 400, parfois, 500 dossiers, et c'est impossible pour eux d'avoir un contact personnel de soutien, un contact de collaboration ou d'accompagnement de la personne qui se présente au bureau.

Vous dites: Cela dépend. Peut-être à Notre-Dame-de-Grâce, mais pas dans d'autres quartiers comme Pointe-Saint-Charles ou Verdun. Oui?

Mme Adler: Excuse me. I would just like to come back to Section 5. 13. If you want to look in your paper, it says: Under the El Program, beneficiaries will receive, by means of a health card and free of charge, prescription drugs and other authorized health care services they may require while they are on a program. Other special allowances, if you are not in a program formally available to the unemployable beneficiaries, but normally beyond the means of other low-income groups, will be abolished. It is on page 32 of your document. It says that. (20 h 45)

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Just to close the discussion, we had before, I think that eyeglasses and dental work are health related. So...

Mme Young: Well, we are reading that and we are believing in what we read.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Okay.

Mme Young: Is it accurate or not? Only you can tell us that. One of our people has a question for Mme Harel. Gerry has a question for you.

Mme Harel: Oui.

M. Kaashoek (Gerard): Est-ce que je peux poser la question en anglais?

Mme Harel: Oui, pas de problème.

M. Kaashoek: Mr. Paradis has bragged about creating all these jobs. I mean, I have here a list of groups that are against this reform. It is very curious. In one of the last pages, here, it says: Trois SEMO de la région de Québec, Centre Action-Travail inc., Centre Étape inc. et Coup de pouce-Travail 1982 inc.. " I am wondering why Mr. Paradis' own civil servants are against his reform. It seems like a curious type of thing.

Mme Harel: Parce que les SEMO, les services externes de main-d'oeuvre, sont autono-

mes. Ce ne sont pas des fonctionnaires du ministère. Ce ne sont pas des employés du gouvernement. Ce sont des projets à but communautaire. Ces personnes viennent se présenter avec un mémoire devant la commission, comme vous le faites ce soir. Ils ont une expérience de placement - oui, c'est cela, en fait, pour intégrer sur le marché du travail des personnes - et ils disent, avec l'expérience: Nous ne pensons pas que les propositions sont conformes aux besoins des personnes qui viennent dans nos bureaux. Ils considèrent que les propositions... Non, parce que... En l'occurrence, ces trois SEMO ont dit exactement ceci: Votre réforme, M. Paradis, c'est comme un escalier roulant qui descend, mais vous voulez que les bénéficiaires de l'aide sociale montent un escalier roulant qui descend continuellement. C'est exactement ce que ces groupes sont venus dire au ministre: monter un escalier roulant à l'envers. Vous comprenez?

M. Kaashoek: Oui. You mean that the people that go to these SEMO...

Mme Harel: Ce n'est pas...

M. Kaashoek: ...think that they are going to get a job and there are no jobs. Is that, basically, the problem?

Mme Harel: Entre autres, ils ont dit au ministre qu'il n'avait pas les bons moyens, parce qu'un des moyens, c'est le caractère volontaire de la participation à l'employabilité. S'il n'y a pas le caractère volontaire, il n'y a pas de succès possible. C'est ce que les SEMO sont venus dire au ministre. Mais, moi, j'ai des questions à vous poser.

Mme Adler: Mme Harel... Mme Harel: Oui.

Mme Adler: ...est-ce que je peux vous poser une question, s'il vous plaît? S'il y a...

Mme Harel: Vous pouvez poser vos questions au ministre.

Mme Adler: ...beaucoup plus de jobs, comment se fait-il qu'il y ait des étudiants qui marchent dans les rues avec deux ou trois diplômes d'études différents et qui ne peuvent se trouver de job? Je suis allée, avec mon ami, pendant trois ans, au centre de main-d'oeuvre. Après cela, on m'a donné des jobs qui étaient pris depuis un an, six mois, trois mois. Cela m'a occasionné beaucoup de stress, parce que j'étais très capable de travailler. Après, ils me disent que ce job est pris depuis presque trois ou six mois, même un an.

Mme Harel: Mme Adler...

Mme Adler: Oui.

Mme Harel: ...vous savez, si cela allait aussi bien que ce que le ministre dit, il n'y aurait pas 10 % de chômage. Il y a toujours 10 % de chômage, malgré la croissance des emplois que décrit le ministre. Alors, c'est parce qu'il y a aussi un problème. Il y a encore un problème qui n'est pas réglé. Alors, s'il y en a qui se sont sortis de la crise, ce n'est pas tout le monde qui a réussi, parce qu'il y a encore beaucoup de chômeurs au Québec.

Dans votre mémoire, vous dites à la page 9: "...through other transfer payments with the need for income testing of those living in low-cost housing." Je crois que c'est important pour nous d'en parler aujourd'hui. La Commission des services juridiques, l'aide juridique, a dit au ministre que, déjà, dans des régions du Québec, les personnes vivant dans les coopératives d'habitation voyaient leurs prestations réduites, parce qu'on comptabilisait leur avantage de membres de coopératives comme un revenu. La proposition dans le document, c'est de considérer l'avantage d'être membre d'une coopérative d'habitation comme étant un revenu, donc, comme donnant lieu à l'exemption pour gains de travail.

L'autre question qu'il faut poser au ministre, c'est: Que va-t-il se passer avec les HLM? Dans votre mémoire, quand vous parlez de "those living in low-cost housing", je crois qu'il faut poser la question: Est-ce que l'avantage sera considéré comme gains de travail, comme un revenu?

M. Kaashoek: Mr. Paradis you are talking about work incentive. If people living in low-rent housing are having their job exemptions already credited because of the actual low-rental they are having, where are they going to have any incentive to work?

I do not know how much time we have, but there is something here I would like to comment on. I have a fiche, called "Effet d'une récession sur la politique de la sécurité du revenu", under the program Soutien financier. Cependant, une mauvaise conjoncture économique pourrait créer des pressions pour l'obtention d'un certificat médical permettant l'accès au programme Soutien financier. Problems with medical certificates but no jobs! Under the programme APTE: En période de récession, le réseau de centres Travail-Québec risque de rencontrer des difficultés à trouver des stages en milieu de travail. That is nothing but cheap labor. During a recession period, there will not even be cheap labor jobs, according to your internal documents. Ils devraient s'assurer la collaboration de la communauté pour employer le soutien nécessaire au bon fonctionnement des mesures d'employabilité. That is work fare. That is just plain work fare.

Finalement, il convient de noter que des pressions sociales pourraient être exercées pour

augmenter la couverture des besoins en période de récession, car les gains de travail seront plus difficiles à obtenir. That is your job income exemptions and your punitive work incentive. And if you are interested in knowing where this is coming from, this is from a set of fiches from your Department, la Direction générale des politiques et des programmes, that sheds further light on your real intentions regarding the income security policy. There are numbers and figures, that give meaning to what this document is about. All your good words are nice to hear but, I mean, how are they going to live if there is no job?

Mme Harel: M. le Président, en vertu de l'alternance.

Le Président (M. Bélanger): Je cède la parole au député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Thuringer: First of all, I want to welcome a group from my county, a new group who Is very active. Certainly, this reform has given a lot of yeast to the group. They are dedicated and concerned. I have met them on a number of occasions and I must say that, I too, in reading the document the first few times, was unclear and was unable to clarify. I want to say however that, after visiting with 66 groups from the community, I have also learnt a lot as, I am sure, my colleagues and the Minister have. I think every time we meet with a group we hear something new. Some of the things that you have stated here have been said before. I will undertake, as I go back to the county, because there is some misinformation, to meet with you again and with the advice that I have gathered, to go over that. That is the first thing.

The second thing is that you also bring something new. This is the first time, unless I misunderstood some of the briefs, that we have the subject that Karen brought up about making loans to businesses, starting up businesses. I think it is very unique for me and certainly, when one looks at some of the issues that you raised about the difficulty of getting jobs... I would like you to share with the group a little bit that aspect and, particularly, I would like you also to address the question of the language because I think this evening suggests already some of that. What is the problem there? Can you elaborate a little bit on the job?

Mme Young: You mean the problem with the language?

M. Thuringer: In terms of trying to get work and in terms of involving yourself in work training programs.

Mme Young: I am sure that it is a problem, but one of the things that are not offered by Manpower are language courses, which seems very odd. I mean, they are not offered either way. It seems that would be a fundamental course that they should offer.

M. Fix: I do have a question to Mr. Thuringer. Is it Mr. Thuringer...

M. Thuringer: Yes.

M. Fix:... I am addressing?

I am eligible, under the Financial Support Program. Since 1982, I have gone ahead on my own initiative. I have always been in business, in management and unfortunately, I became sick. Then, I started to plan and become involved in my own employment, self-employment. I also had the initiative to institute a program of subsidies for welfare recipients, to receive money, subsidies to open businesses. Now, twice, in 1986 and 1987, I have applied for a provincial cultural grant. And I have been refused twice, on both occasions. I am now preparing for a third occasion, this coming April, and I hope to have some future knowledge of what will come of my third application and substitute the subsidy programs that have been brought out.

Mme Young: We were interested in speaking on that subject of small businesses. We think that would be a much more sensible solution. So, perhaps, we could make a date with you, to meet with you...

Mme Adler: M. Thuringer, le problème - je vais parier en français parce que Mme la députée de Maisonneuve le comprend mieux - avec l'anglais et le français, c'est que tous les immigrants qui viennent ici, "they get the incentive to come. " Les cours sont payés pour les immigrants et, les Canadiens nés ici, il faut qu'on paie les cours. Pour beaucoup de personnes, le français est trop difficile à retenir dans leur tête. Ils doivent apprendre cela et ils doivent prendre les cours peut-être trois, quatre ou cinq fois avant que cela entre. C'est le grand problème pour les immigrants qui viennent ici, pour être financés. Après, nous autres, nous sommes "on the side, pushed to the side".

Le Président (M. Bélanger): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Si le ministre est d'accord, on peut consentir qu'il réponde, au moins.

Mme Young: I just have a request. Could another person, other than the four speakers, say something? Would that be acceptable? We have one more here who expressed the wish to speak. I do not know If it is against the rules.

M. Chevrette: S'il veut parler deux minutes, il peut parler deux minutes. (21 heures)

te Président (M. Bélanger): Only two minutes...

Mme Young: Yes. Would you be willing... Le Président (M. Bélanger): II accepte.

Mme Young: All right, Andrea, would you like...

M. Chevrette: Consentement.

Mme Young: You can speak in French, if you like.

Mme Harel: No, like you want.

M. Chevrette: Ce sont des gens de Joliette et je resterai avec eux.

Le Président (M. Bélanger): Could you identify yourself?

Mme Young: This is Andrea. Mme Herdsman (Dulcie): Dulcie. Mme Young: Oh, Dulcie! Sorry about that. Le Président (M. Bélanger): Please go on.

Mme Herdsman: Okay. My name is Dulcie and I am from the Lachine group. With me is Andrea.

Une voix:...

Mme Harel: Too short...

Mme Herdsman: I just want to make a comment in terms of the French. I am a welfare recipient. I have a Bachelor in psychology from Concordia and I went on several of the programs, the community programs that were developed by the Welfare Office and were geared at finding jobs or, hopefully, finding a job after initially getting into work. I was never successful. I went on two occasions. I worked at a Drop-in Centre for women and I worked with a school board. It was a dead-end; I got no job. I had no workable experience.

I went back to the Welfare Office and I told them this. They have the Back-to-School Program. The problem with the Back-to-School Program is that, if it is post-secondary, you can only go back for a year and a half. There is no post-secondary program that is more than a year and half.

I was quite lucky because McGill has a special course in social work; that is a year, a year and a half plus two summers. So, I went back to that program. I am now at McGill in the School of Social work. Weifare only paid one year and I am stuck two summers that I will have to, somehow, pay on my own. I have been so busy trying to get an education or something workable that I have never had the chance to direct my time and my energy to taking French courses.

Therefore, even now that I am getting out of school this summer, if I am able to finance my summer courses, I might still be stuck, because there is no way... Welfare will not pay for the extra months. They certainly will not send me back to school for French and a lot of people are stuck because the post-secondary Back-to-School Program can only cover a year and half of school and there is no such program within post-secondary training that takes a year and half. I was quite lucky, because I had a degree already and I could get into the special program at McGill.

Mme Young: Perhaps that might be something to add to your reform: intensive language courses.

Le Président (M. Bélanger): Si vous voulez les remercier, Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: I would like to thank you in English, because it was very interesting to discuss about that. Je crois que c'est vraiment important que nous comprenions que toutes les conditions ne sont pas offertes pour que vous soyez capables d'avoir toutes les possibilités. Je crois que c'est extrêmement important. Pour moi, je suis très heureuse du mémoire que vous avez présenté et de la réflexion qu'on pourra faire sur les solutions que vous proposez. Je vous remercie.

Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): I would like to thank the group, to say that we still... I think we found a couple of common grounds. We still have some misunderstandings or incomprehension about some of the terms. I think that the role of a member of the House in his riding then becomes - how would I say - not necessary, but indispensable. For the clarification, if my colleague, M. Thuringer, can meet with you people and your friends and make clear the things that are clear and the things that cannot get clear. If you are dissatisfied with some of them, do not hesitate; tell him and we will do the back-and-forth between Québec and the riding. That is the basic role of a member.

Harold has mentioned that one new idea came. Even if you are the 67th group that we heard, there is a second one that was added after that: French is the work language in this Province. If you cannot speak it, then you have another barrier to get the job and you are the first group that mentions it as clearly as you have done in front of this Commission. For that positive contribution to the Commission, on

behalf of the Québec Government and the Commission, I thank you very much.

Le Président (M. Bélanger): So, the Commission thanks the NDG Anti-Poverty Group.

J'appelle, maintenant, à ta table des témoins, le Regroupement des assistés sociaux du Joliette métropolitain.

À l'ordre, s'il vous plaît! Je demanderais à chacun de bien vouloir reprendre sa place.

À l'ordre, s'il vous plaît! Mesdames et messieurs, je vous demanderais de bien vouloir reprendre votre place, afin que nous puissions entendre le Regroupement des assistés sociaux du Joliette métropolitain, le RASJM, qui sera représenté par Mme Jeanne Pouliot, M. Benoit Ricard, Mme Madeleine Michaud, MM. Jacques Boucher, Jean-François Desroches et Jacques Patenaude. S'il vous plaît!

Alors, vous connaissez nos règles de procédure. Vous avez 20 minutes fermes pour présenter votre mémoire et le reste du temps est dévolu pour les discussions avec les parlementaires.

Or, avant de commencer, je voudrais que votre porte-parole s'identifie, qu'il présente son équipe et, par la suite, qu'il présente le mémoire. Aussi, à chaque fois que vous aurez à prendre la parole, veuillez donner vos noms, c'est pour les fins de la transcription au Journal des débats. Merci.

Regroupement des assistés sociaux du Joliette métropolitain

M. Boucher (Jacques): Je m'appelle Jacques Boucher, je suis le porte-parole. On va présenter notre rapport à la commission de la façon suivante. Cela va être par des témoignages, au début; ensuite, je vous lirai la synthèse et on fera les recommandations. Est-ce que cela peut dépasser un peu les 20 minutes?

Le Président (M. Bélanger): C'est que, si on dépasse les 20 minutes, il y a une contrainte. Nous devons terminer nos travaux à 22 heures...

M. Boucher: D'accord.

Le Président (M. Bélanger): ...et la contrainte est majeure, la plupart des gens ici ont un avion à prendre pour retourner chez eux. Alors, l'avion ne nous attend pas.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): On peut laisser plus de temps...

Le Président (M. Bélanger): Voici la chose qu'on peut faire, l'entente qu'on peut pendre. Vous aurez plus de temps et on en prendra moins pour les échanges, si vous êtes d'accord.

M. Boucher: D'accord. Je vous...

Le Président (M. Bélanger): Allez-y!

M. Boucher: ...présente Jeanne Pouliot, Madeleine Michaud, Benoit Ricard et Jean-François Desroches. On va commencer par le témoignage de Jeanne Pouliot.

Mme Pouliot (Jeanne): Bonsoir. Je m'appelle Jeanne Pouliot. J'ai 29 ans. J'ai un fils qui s'appelle Sébastien et qui a 7 ans. Je suis monoparentale depuis six ans.

Avant d'être mariée, j'ai eu des expériences de travail dans la restauration, comme serveuse, et puis dans le domaine de la couture à différents niveaux. Quand je me suis mariée, je suis devenue femme au foyer. Je me suis donc occupée exclusivement de l'éducation de mon fils ainsi que des tâches à la maison; en ce qui concerne la gestion du ménage, c'était mon mari qui s'en occupait.

En 1982, j'ai vécu une séparation, c'est ce qui m'a amenée à être bénéficiaire de l'aide sociale. Ce n'est pas un choix; je l'ai subi, je ne l'ai pas voulu non plus. Donc, j'ai essayé de faire du mieux que j'ai pu. Après quelques mois de "stand-by" après ces moments-là, j'ai inscrit mon fils à la garderie publique dans un organisme sans but lucratif. J'ai été chanceuse, car cela a pris environ sept mois avant que mon fils soit inscrit et puisse entrer. Il faut dire que je demeurais à Crabtree, c'est environ à dix milles de Joliette. Quand on a un enfant en bas âge et qu'il faut se déplacer, matin et soir, parce que l'enfant est à la garderie, cela veut dire poussette, sac à couches, bourse, enfant et tout le tralala dans les bras, en l'occurrence de moi-même. Cela fait des muscles et cela fait une prestance aussi. Donc, par la même occasion j'avais du temps. J'ai pu récupérer personnellement pendant les deux jours par semaine où mon fils était à la garderie. À la suite de cela, j'ai décidé de donner du temps pour m'affirmer comme femme ainsi que pour prendre confiance en moi. Je suis allée militer dans des organismes bénévoles comme les Femmes chefs de famille, à la section de Joliette, au Regroupement des assistés sociaux du Joliette métropolitain. Ensuite, je suis allée au Comité régional des assistés sociaux de Lanaudière, j'ai été déléguée pendant deux ans au Front commun des assistés sociaux du Québec, j'ai fait partie des tables de concertation sur le logement. D'ailleurs, c'est là que j'ai entendu parler des coopératives d'habitation et je demeure dans une depuis 1984. J'ai fait partie de comités pour être en contact avec des organismes de jeunes, pour être capable de se parler parce qu'il y en a là aussi des assistés sociaux. Donc, j'ai fait un peu le tour de certains organismes.

À la suite de cela, mon cheminement m'a amenée à vouloir développer mon employabilité pour éventuellement retourner sur le marché du travail. Un enfant grandit; quand le mien est entré à la maternelle, là, la première année

scolaire arrivait et je me disais: Je vais être capable de retourner sur le marché du travail. Cela ne le pénalisera pas trop et, moi, j'ai eu le temps de me former et j'ai eu le temps de prendre confiance en moi. Donc, j'ai entrepris des démarches au centre Travail-Québec de Joliette pour voir ce qui était possible pour me satisfaire ou pour répondre à mes besoins. J'ai commencé à regarder les règlements, la Loi sur l'aide sociale. Je suis allée voir une stagiaire qui était là à l'époque. Je lui ai demandé: Est-ce possible d'avoir une aide financière de l'aide sociale pour retourner aux études? Mol, j'ai en vue un certificat à l'université. Elle m'a dit: Oui, il n'y a pas de problème. Quand quelqu'un veut comme cela, l'aide sociale est prête à les aider. - Ah, j'ai dit, parfait! Je retourne chez moi. Lorsque est arrivé le temps de l'inscription, je suis retournée à l'aide sociale sauf que la stagiaire était partie entre-temps. Alors, j'ai rencontré un agent. L'agent m'a dit: Cela ne se fait pas comme cela, madame. Il a dit: II faut que vous nous présentiez deux lettres qui vont prouver que d'éventuels employeurs voudraient bien vous embaucher à la fin de votre certificat. - Ah!

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Quand me mentionnez-vous que cela s'est produit?

Mme Pouliot: En 1985.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): En 1985.

Mme Pouliot: C'est cela. J'ai produit les deux lettres et puis, finalement, j'ai été inscrite, je crois, une semaine ou deux avant la fin du délai prévu pour l'inscription à l'université. J'ai commencé, j'ai pris deux cours à cette session-là: i'un à Joliette et l'autre à Repentigny. Repenti-gny c'est environ à 30 milles de Joliette. Cela me prenait un moyen de transport. Au printemps, quand je suis venue présenter ma facture de frais de transport reliés au développement de mon employabilité, parce que je voulais retourner sur le marché du travail, je me suis vu refuser ce privilège ou ce droit. Donc, je me suis dit: Cela n'a pas de "mosus" de bon sens! Je suis allée en révision. J'ai été refusée. Cela a pris trois mois avant d'avoir la décision. J'ai fait une demande à la CAS. J'ai été entendue en août 1986 et j'ai eu mon jugement en novembre 1986. Ce qui fait un an. J'ai déboursé 38,50 $ et un an après j'ai eu 38,50 $, mais de peine et de misère. Aussi j'avais dit à la juge à l'époque, en 1986, que les gens qui veulent s'en sortir par eux-mêmes et qui trouvent les moyens pour répondre à leurs besoins se voient mettre un paquet de bâtons dans les roues. Quand vous offrez des programmes comme Rattrapage scolaire et Retour aux études postsecondaires pour les familles monoparentales, cela ne répond pas nécessairement au besoin d'une personne. Je trouvais cela aberrant et je l'ai mentionné à la juge aussi en 1986.

Après cela, j'ai eu, comme la plupart des assistés sociaux, la visite des boubous macoutes, oh, excusez, des agents socio-économiques. Une personne a téléphoné chez moi pour venir me recontrer. J'ai refusé qu'elle vienne chez moi. Il n'a pas aimé cela, le monsieur. (21 h 15)

Le lendemain matin, il a téléphoné chez moi de très bonne heure - je crois que cela a dû être quand il est entré au bureau - pour me dire: Écoutez, madame, si vous ne voulez pas que j'aille chez vous, je vais vous couper. Je pensais ne pas avoir bien compris et je lui ai demandé de répéter, je lui ai dit: Que voulez-vous couper, mon cher monsieur? Toujours que j'ai été sans nouvelle pendant un mois et j'ai vécu en me rongeant les ongles pendant tout ce mois-là. Je ne savais absolument pas ce qui était pour m'arriver. Je ne savais pas s'il était pour couper dans les besoins spéciaux dont je dépendais pour mes cours à l'université. Si j'étais pour être coupée dans mes médicaments, parce que mon fils était malade, à l'époque. En 1986 - cela fait deux ans - il avait cinq ans. J'avoue que c'est très stressant.

Toujours que, finalement, après un mois d'attente, j'ai eu un coup de téléphone de mon agent d'aide sociale pour faire mon renouvellement par téléphone, ce qui était bien simple. Moi, j'avais offert à l'agent en question d'aller le rencontrer à son bureau. Il a refusé. Je lui ai même dit: Je me demande lequel des deux refuse de voir l'autre. Il voulait venir chez nous et je ne voulais pas.

Ensuite, je me suis rendu compte que, peut-être pour développer mon employabilité, je devrais essayer un programme de l'aide sociale comme tel, directement. Je me suis trouvée un employeur. Je suis allée faire un stage en milieu de travail, au comité de parents de la Commission scolaire de l'Industrie. J'avais demandé un stage de 52 semaines, j'ai eu six mois. J'y suis allée. Quand j'ai signé le contrat, la superviseuse m'avait dit que j'aurais deux évaluations: l'une au milieu du stage et l'autre à la fin du stage. J'ai eu une surprise parce qu'au milieu du stage, c'est la présidente du comité de parents qui est allée le rencontrer. Ils se sont dit tous les deux que tout était beau, que tout allait bien, que tout était parfait. À la fin du stage, à la fin de février, ce n'est pas possible parce que, depuis la fin de janvier, j'ai commencé à travailler grâce à un programme de développement à l'emploi du gouvernement fédéral. La superviseuse a su seulement il y a deux semaines que j'avais terminé le stage depuis déjà un mois; elle m'a répondu que ce n'était pas nécessaire de faire une évaluation sur le stage que j'avais fait pendant cinq mois parce que les tâches prévues étaient remplies et que le stage s'était terminé plus tôt que prévu. Point d'interrogation.

En passant, je suis devenue une très bonne fonctionnaire. Avec les formulaires qu'on a à

remplir pour les frais de garde, quand on est en stage en milieu de travail, et si on a le malheur de suivre une formation connexe dans un centre de formation professionnelle ou un centre d'éducation aux adultes, ce sont des formulaires différents. Si on a des frais de volumes, c'est d'autres formulaires différents. Il y a donc 56 sortes de paperasse. Quand on veut demander ton dossier pour voir où tu en es rendu dans des réclamations, on te refuse ton dossier. Et cela, c'est à l'aide sociale.

Dernièrement, j'ai demandé à mon agent de me montrer les dernières preuves, les derniers formulaires pour mes frais de remboursement pour la garde de mon enfant pendant mon stage et elle n'a pas voulu. Elle m'a fait comme réponse: On connaît votre dossier, madame, on sait que vous êtes allée à la CAS.

Le Président (M. Bélanger): Je me permets de vous interrompre quelques instants. Cela fait déjà douze minutes... On m'a dit qu'il y avait quatre témoignages plus la présentation de monsieur. Là, on va dépasser très largement l'heure que nous avons. Je vous fais seulement la remarque.

Mme Pouliot: Cela fait trois ans que je rêve d'avoir un emploi. J'y ai rêvé le matin, le jour et le soir et, dans trois mois, j'aurai terminé le premier emploi en tant que femme nouvelle, si on veut. Je me demande ce qui peut m'arriver après compte tenu que je ne suis pas à l'abri de retourner à l'aide sociale. Vu que cela fait très peu longtemps que j'en suis sortie. Mes prestations actuelles, qui étaient, le mois dernier, de 465 $, seront de 389 $, après, j'aurai un manque à gagner de 76 $. Question. Merci.

Le Président (M. Bélanger): Merci.

Mme Michaud (Madeleine): Bonjour. Je suis Madeleine Michaud. Je vais vous parler un peu de mon vécu. J'ai besoin quand même de lire mes feuilles parce que cela vient des tripes. J'ai été mariée pendant onze ans. Au cours de cette union, j'ai eu deux enfants: une fille de dix ans et un garçon de huit ans. À l'époque, nous habitions une belle maison aux environs de Joliette. Cette maison avait beaucoup de commodités. Nous avions une belle cour, ce qui était important pour moi et les enfants. On avait aussi une automobile. Au choix de mon mari, j'ai travaillé pendant deux ans après mon mariage. Ce que je voulais, c'était avoir des enfants et les élever moi-même. Mes valeurs à moi, c'est la famille d'abord.

Pendant ce mariage, j'ai été victime de cruauté mentale. Car, selon lui, je n'étais rien et je ne serais jamais capable d'élever mes enfants. Alors, j'ai voulu mourir, car eux c'était ma vie. Si je ne pouvais pas les élever, cela servait à quoi de rester sur la terre? Tout cela parce que mon mari voulait que je retourne sur le marché du travail. Il me harcelait constamment; j'étais hantée par cette idée. Comment réussir à vivre sans mes valeurs?

Alors, j'ai abandonné mes enfants à deux reprises. La deuxième fois, j'ai remis Dieu intensément dans ma vie. Par la suite, je suis allée chercher les enfants et je suis partie de la maison avec des meubles qui avalent treize ans d'usure. Ce n'était pas beaucoup, n'est-ce pas? J'avais des appareils ménagers en mauvais état, mon moral était à zéro, croyant que c'était vrai que, jamais je n'arriverais à élever mes enfants toute seule. Je n'avais pas confiance en moi et aucune connaissance de moi. Ce qui avait résulté de ma vie d'épouse, c'était une santé mentale fragile et des pressions avaient duré six ans causées par la cruauté mentale.

Maintenant, je suis une personne négative qui essaie de s'en sortir. Je suis monoparentale depuis deux ans. Je demeure à Joliette, j'habite un quatre et demie dans un 18 logements. Je partage ma chambre avec ma fille, parce qu'un cinq et demie, c'est trop cher.

Je demeure loin du centre-ville et mon moyen de transport, c'est mes deux jambes. Je sais juste une chose, c'est que des commodités, je n'en ai pas; j'ai juste le strict nécessaire. Je vis d'une pension alimentaire et de l'aide sociale. J'en ai juste assez pour payer mon loyer. Cela me coûte la moitié de mon loyer pour l'habiter. Le linge que je porte aujourd'hui, je l'avais avant mon divorce et j'espère qu'H va tenir le coup encore bien longtemps parce que ce n'est pas à l'aide sociale qu'on peut s'habiller.

Votre réforme, qu'est-ce qu'elle va m'ap-porter à moi si j'arrive encore plus pauvre, si j'ai encore plus de tracas financiers plus de problèmes avec mes enfants? Parce que tout ce que j'ai à faire, c'est l'entretien de la maison, la vaisselle, les devoirs, les leçons. Avec le mental que j'ai aujourd'hui, j'arrive à peine à m'en sortir. C'est impossible d'arriver avec tout cela parce que je connais bien des femmes qui l'ont essayé et qui se sont rendues malades.

Elles ont eu des problèmes de vol avec les enfants. Ils contaient des mensonges; ils ne voulaient plus rien écouter. Ces femmes-là ont dû tout abandonner. Les enfants de ces femmes-là venaient me voir et me disaient: Maman n'a plus de temps pour moi. Elle est toujours fatiguée; elle passe son temps à crier après nous. Ce n'est plus vivable chez nous, je suis tanné.

Avant, au moins, on était pauvres, mais heureux avec maman. Dans votre réforme, vous ne pensez pas à nos enfants qui sont l'avenir de demain. Il faut s'en occuper. J'aimerais que vous y pensiez un peu plus. Moi, pour m'en sortir pendant les horaires scolaires, je fais du bénévolat chez les femmes chefs de famille. Je suis membre du CA; je m'occupe de la publicité. J'aide d'autres femmes à pouvoir s'en sortir. Je m'occupe aussi de l'initiation sacramentelle dans ma paroisse.

Tout cela, ça me permet d'être avec mes

enfants quand ils ont besoin de moi, d'apprendre à me connaître parce que cela m'est bien difficile d'apprendre à me connaître, étant donné que je suis descendue tellement bas. Depuis deux ans, le mois dernier, j'avais réussi à connaître deux courts moments de détente. Je croyais, enfin, qu'après quinze ans, mes nerfs allaient peut-être se stabiliser.

Malgré tous les efforts que je fais, ça m'arrive souvent d'être au bout de mon rouleau et de tomber malade, d'être au repos forcé. Si j'étais au travail, le salaire ne pourrait pas entrer pendant la convalescence. Ensuite, il y a les problèmes des enfants quand ils reviennent de chez leur père. Ils ont des problèmes de communication avec lui et c'est moi qui dois absorber toute l'agressivité quand ils arrivent.

La psychologue, aujourd'hui, c'est moi qui la fais. Avec votre réforme, je ne pourrai plus la faire parce que c'est moi qui vais en avoir besoin. Et en plus, les problèmes avec le père ne sont pas encore finis. Mentalement, il continue toujours son harcèlement.

Juste pour vous donner un petit exemple, au début de septembre je lui avais envoyé la liste pour le linge des enfants. Cela a pris quatre mois avant que j'aie le deuxième ensemble de ski du petit. Il n'a pas eu sa deuxième paire de bottes. Ce n'est pas parce que papa n'a pas d'argent; papa gagne 40 000 $ par année, il a un logement dans son sous-sol et il fait du travail en dessous de la table.

Je vous dis que tout ce que votre réforme fait, aujourd'hui, c'est de me rappeler tout cela, tout ce que j'ai vécu. Je sais que je n'aurai jamais les capacités de revivre tout cela et encore moins le temps d'élever mes enfants comme du monde.

Moi aussi, j'ai le goût de retourner sur le marché du travail, mais à des conditions plus humaines, par exemple. Savez-vous ce que la réforme que vous voulez nous imposer me rappelle? Mon père disait souvent: Anciennement, on donnait de la dynamite aux chevaux pour qu'ils donnent leur maximum avant de mourir. C'est cela que vous nous suggérez: La destruction des plus pauvres et l'esclavage. Vous savez, il y a différentes façons de tuer un être humain dans son corps. Cela, vous l'avez trouvé, c'est bien subtil. La réforme telle qu'elle est aujourd'hui, c'est cela que cela nous apporte.

Que pensez-vous que la réforme va nous apporter sinon plus de dépressions, de suicides, de drogues, d'alcoolisme, de prostitution, des problèmes psychologiques sévères, de la haine, de l'agressivité, des meurtres? C'est cela la vie pour nos enfants de demain? Merci, je ne tiens pas à y participer! Merci de votre attention.

M. Ricard ((Benoit): Je vais vous parler un peu de...

Le Président (M. Bélanger): Votre nom s'il vous plaît?

M. Ricard: Benoît Ricard.

Le Président (M. Bélanger): Benoît Ricard. D'accord. Merci.

M. Ricard: Je vais faire un témoignage sur ce que j'ai vécu depuis une couple d'années. Actuellement, je suis étudiant en informatique au cégep de Joliette-De Lanaudière. Je fais un certificat d'études collégiales qui a été organisé par le Centre de main-d'oeuvre du Canada. Cela se fait intensivement en un an pour aller chercher la même formation que les étudiants font en trois ans habituellement.

Cela veut dire que c'est intensif. Je travaille sept jours par semaine. Je commence à 7 heures le matin et cela va jusqu'à 23 heures, minuit. Je ne fais que cela. Je bénéficie de l'aide sociale depuis trois ans. Avant, j'avais un certificat d'études universitaires en administration. Je ne réussissais pas à me trouver du travail. J'ai été un an au chômage et, ensuite, je suis tombé à l'aide sociale. J'ai tenté toutes sortes de démarches auprès de l'aide sociale pour m'en sortir parce que j'avais envie de m'en sortir. Il y avait les programmes de rattrapage scolaire, mais, quand j'allais voir les agents, j'avais déjà un diplôme universitaire et ils m'offraient un secondaire V. Cela ne marchait pas. J'ai essayé les stages en milieu de travail. Là, ils disaient: On cherche. Ils étaient une équipe de quatre ou cinq et ils cherchaient à me trouver quelque chose qui correspondait à ma formation. Cela durait longtemps. Je cherchais de mon côté. À un moment donné, je me suis trouvé du travail dans un magasin d'aliments naturels. Ce n'était pas grand-chose, mais ils n'ont pas voulu parce que mettre des petites grenailles dans des sacs ne correspondait pas à ma formation. Ils ont dit: Cela ne va pas, on ne peut pas vous envoyer là. Cela n'a pas fonctionné d'aucun côté.

Je me suis inscrit au cours pour devenir programmeur-analyste. Depuis ce temps, le Centre de main-d'oeuvre du Canada me paie 87,50 $ par semaine. Travail-Québec me coupe de 87,50 $ par semaine. Autrement dit, cela ne me donne rien de plus. Je n'ai aucune aide de l'aide sociale pour augmenter mon employabilité. Pour retourner aux études, je n'ai rien de plus. J'ai des frais de plus. J'ai des disquettes à m'acheter, j'ai besoin de livres et de crayons. J'aurais des volumes à m'acheter. J'aurais des vêtements un peu plus décents à m'acheter. Je vais avoir un stage en milieu de travail. Il ne faut pas que j'arrive là habillé tout croche parce que cela donne mauvaise impression et, habituellement, on s'attend à se placer là où on a fait nos stages après. Donc, cela me prend un minimum d'argent pour m'habiller, en plus du matériel didactique. (21 h 30)

J'ai fait une demande pour un besoin spécial pour du matériel didactique. On m'a accordé 35 $

pour l'année, ce que je trouve un peu ridicule. Avant, c'était 500 $. Il paraît qu'on a coupé cela pour ne pas qu'on puisse... Il paraît que le règlement stipulait 500 $. De toute façon, j'ai été en révision pour cela. On ne veut pas m'accorder plus que 35 $. Là, je vais passer devant la Commission des affaires sociales pour essayer d'avoir un besoin spécial plus décent. J'ai des dettes effrayantes. Au début, ma carte de crédit était à zéro. Là, ma carte de crédit est rendue au-dessus de sa limite, a 1100 $. Si je n'avais pas un de mes petits frères qui peuvent me fournir de l'argent une fois de temps en temps, je n'aurais pas les moyens de faire autre chose que d'être un assisté social. Je n'aurais pas les moyens. Le linge que j'ai sur le dos, depuis plusieurs années, ce sont des personnes qui me le donnent. Ce sont des gens qui me connaissent qui me le fournissent parce que je serais quasiment tout nu, ce soir, si j'avais juste le linge que j'ai pu me payer depuis une couple d'années.

Depuis que je suis à mon programme d'études, j'ai eu beaucoup de problèmes avec les agents d'aide sociale. J'ai eu beaucoup de demandes ridicules: aller leur fournir un petit papier, aller le reporter deux fois et trois fois. Je ne sais pas si c'est une coloration locale pour le centre de Joliette, mais, en tout cas, moi je n'ai pas de félicitations à vous faire pour certains fonctionnaires qui travaillent là. C'est déplorable!

J'ai connu cela, moi, aller porter le même document deux, trois et quatre fois. J'ai déjà essayé de me faire expliquer une décision qui avait été rendue. Le fonctionnaire m'a dit: Je ne le sais pas. C'est l'ordinateur qui donne la décision. Nous... Lui-même n'a pas pu me l'expliquer. Il dit: Nous, on entre cela dans l'ordinateur et la décision sort au bout et puis... Il ne pouvait pas me renseigner plus que cela. Pour réussir à me nourrir, je dois aller dans une soupe populaire à Verdun. On a un bon repas le midi. Moi, je n'aurais pas les moyens d'aller aux études, de manger et de m'habiller en même temps et d'augmenter mon employabilité pour arriver sur le marché du travail. Je finis au mois de juin. Je n'ai rien reçu comme aide. Je ne considère pas que l'aide sociale m'a aidé en quoi que ce soit pour augmenter mon employabilité.

La réforme, je ne sais pas ce que cela peut apporter. On dit: Augmenter l'employabilité, mais quand H n'y en a pas de job.... Dans notre cours, on est cinq, on a une formation en administration et on ne s'en trouvait pas de travail. Ce n'est pas parce qu'on n'avait pas terminé notre secondaire V, les jobs n'étaient pas là. Je pense que ce serait mieux d'offrir ou d'essayer d'avoir une politique de plein emploi plutôt que de vouloir augmenter le niveau de scolarité de tout le monde. Je pense que j'ai fait le tour pas mal de ce que j'avais a dire.

C'est tout. Moi, je n'ai pas de félicitations à vous faire pour vos programmes actuels. Je ne sais pas si ce qui s'en vient va dans le même sens que ce qui existait déjà, mais cela ne m'a pas aidé en tout cas. Je vous remercie.

M. Boucher: Le projet de la politique de la sécurité du revenu ne tient pas compte des réalités vécues par les personnes assistées sociales, c'est-à-dire de leurs conditions de vie personnelle, familiale, psychologique et sociale.

Le mémoire que nous vous présentons veut vous sensibiliser à ces dimensions. Le gouvernement attribue à l'employabilité et la possibilité réelle de trouver un emploi à la seule responsabilité de la personne, c'est ou bien une attitude de Ponce Pilate ou bien de se faire complice de véhiculer des demi-vérités pour ne pas dire des mensonges. Il est déplorable qu'un document d'orientation s'inspire d'un préjugé qui nous invite à croire que les assistés sociaux ne veulent pas travailler. (Références: "Pour une politique de sécurité de revenu", pages 5, 11, 17 et 24). Le document d'orientation est ambivalent et donc est considéré comme naif. Le document affirme qu'il y a un développement du secteur de l'emploi, mais il est conscient qu'il n'y a pas de garantie minimale. Ainsi, le programme de développement et de maintien de l'employabilité ne permettra pas de régler le problème du manque d'emplois, il ne fera que créer une main-d'oeuvre bon marché.

Certains aspects du document font miroiter de l'espoir parce qu'ils parlent du développement de l'employabilité. Cependant, cela ne suffit pas. Il faut qu'il y ait une volonté de développement et de contrôle de l'emploi (politique de plein emploi). Ce qu'on ne trouve aucunement dans le document d'orientation sur la politique du revenu.

De plus, le montant des prestations d'aide sociale ne sera pas suffisant pour défrayer toutes les dépenses inhérentes au fait de travailler: gardiennage, habillement, nourriture et transport.

Le gouvernement renie plus de 40 ans d'une politique d'aide sociale basée sur la réponse aux besoins essentiels et sur le développement de l'épanouissement des personnes et des familles. On se réfère à ceux qui vivent dans la misère et on souhaite que les assistés sociaux vivent encore une plus grande misère.

Le plan d'aide personnalisée proposé dans la réforme n'est pas réaliste et, pour être réalisable, coûterait énormément cher.

Une participation à 100 % au progamme de développement de l'employabilité coûterait également très cher. C'est pourquoi nous vous posons de sérieuses questions quant à la volonté du gouvernement de faire participer toutes les personnes aptes au travail à ce programme. La référence est à la page 33.

Enfin, nous sommes conscients de l'aide apportée à la petite et moyenne entreprise par le biais du programme APPORT et nous croyons que cela permettra de maintenir le salaire minimum à

un seuil de pauvreté inacceptable.

Il apparaît cependant que, pour les personnes handicapées, le programme Soutien financier soit assez positif.

Ce qu'on recommande: Conserver le programme unifié, c'est-à-dire un seul barème pour tous les assistés sociaux du Québec et la reconnaissance du droit à l'assistance sociale pour toute personne démunie, qu'elle soit apte ou inapte au travail, c'est-à-dire la reconnaissance universelle des droits des personnes démunies, sans distinction arbitraire quant à l'aptitude ou l'inaptitude au travail.

Il est sûr qu'il est important pour nous d'indexer immédiatement le droit de gagner de ces personnes parce que certaines d'entre elles n'ont pas travaillé depuis dix ans. Il serait important, pour qu'elles commencent à se réinsérer tranquillement dans le marché du travail, qu'on augmente les gains de travail qui sont, actuellement, pour une personne seule, de 25 $ et de 30 $ pour une famille, plus 5 $ par enfant.

Maintenir et développer le logement social. On a très peur, de ce côté-là, que le gouvernement du Québec fasse des coupures dans le logement social, sans pénalité pour les prestataires de l'aide sociale.

Une autre: La parité de l'aide sociale pour les moins de 30 ans. Ce qu'on ne comprend pas actuellement, c'est qu'il n'y a qu'au Québec et au Nouveau-Brunswick que les jeunes ont moins; dans le reste du Canada anglais, on a la parité de l'aide sociale. On peut vous citer le document Le Filet troué du Canada.

Une autre: les allocations scolaires. On sait que, lorsqu'on envoie nos enfants à l'école, les jeunes ont déjà usé leur linge de l'année précédente ou ils l'ont passé à leurs frères et soeurs. On demandait 100 $ dans le rapport, mais je pense que cela doit être indexé a 150 $ actuellement.

J'aimerais, avant de terminer, M. le ministre, vous dire ce qu'est, pour nous, un emploi décent, pour nous permettre de répondre aux besoins fondamentaux au minimum. Un emploi qui respecte les conditions de santé et de sécurité. Un minimum d'heures et un minimum de stabilité et un nombre suffisant d'heures de travail pour permettre l'épanouissement de la personne et de la famille. À Joliette, un emploi décent se doit de répondre aux besoins essentiels.

Selon les sources de la Société d'habitation du Canada et Statistique Québec, en ajoutant le coût de l'électricité - à Joliette, elle est fournie par la ville - pour une personne seule, cela coûte, actuellement, 464 $ pour vivre et, selon votre projet de réforme, au 1er janvier 1989, vous donneriez 405 $ aux personnes employables. Pour un adulte, deux enfants, cela coûte actuellement 919 $. Le logement coûte 245 $ pour un deux pièces et demie, 371 $ pour un trois pièces et demie et 405 $ pour un quatre pièces ou cinq pièces et demie. Je parle du logement privé. Pour deux adultes et trois enfants, le logement coûterait 405 $, la nourriture, c'est 688 $ par mois et le chauffage, c'est 120 $ par mois divisé en paiements égaux pendant douze mois. Pour le téléphone, c'est toujours 14 $, le tarif minimum.

Alors, avec votre projet de réforme, actuellement, cela coûte 1127 $ à ce couple-là; vous en donnez 303 $ actuellement et, à la prochaine, vous allez en donner 807 $ si la prochaine réforme passe. Alors, là, même si on tient compte... Parce qu'il faut toujours les trouver, ces fameux emplois-là que vous nous promettez. Je vous remercie beaucoup.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, je veux remercier le Regroupement des assistés sociaux du Joliette métropolitain spécifiquement pour les témoignages qu'ils nous ont rendus sur l'application de la loi au cours des dernières années. Je pense que vous nous avez décrit des expériences de vie, à partir de ce que vous avez personnellement vécu avec le système actuel.

Je pourrais paraphraser, en disant que votre vécu du système actuel vous rend craintif quant à des modifications pour l'avenir. C'est rare qu'une commission parlementaire comme la nôtre est honorée de la présence du chef de l'Opposition qui, on le sait, a de nombreux dossiers de responsabilité. Je sais que vous êtes des gens de son comté.

Je vais - je pense qu'il sera d'accord - lui proposer, étant donné que vous êtes des gens de son comté, qu'il est votre porte-parole et que la façon dont il se prononcera à l'Assemblée nationale, autant sur le plan des principes que des modalités est quelque chose d'un petit peu plus pesant, quand on le dit, comme chef de l'Opposition, lui demander d'intervenir immédiatement. Quitte à me garder cinq minutes à la toute fin pour résumer. Je suis prêt à lui céder les deux tiers de mon droit de parole, étant donné les circonstances exceptionnelles, le chef de l'Opposition étant en présence des gens de son comté.

Le Président (M. Bélanger): M. le député chef de l'Opposition.

M. Chevrette: Je suis convaincu que le ministre s'est gardé cinq minutes à la fin pour essayer de dire le contraire de ce que je veux dire, mais je vais quand même le dire. Merci, M. le ministre.

Une voix:...

M. Chevrette: Oui, je vais dire carrément ce que j'ai l'intention de dire. D'abord, le ministre est très habile. Il vous dit: Vous êtes inquiets par rapport au vécu actuel, en voulant dire que c'était parce que c'étaient des mauvaises mesures avant. Dans les mesures qui existaient jusqu'au 2 décembre 1985, je ferai remar-

quer et je rappellerai au ministre qu'il y avait l'indexation trimestrielle.

Je rappellerai au ministre que l'allocation scolaire au début de l'année était indexée à chaque année. Je rappellerai au ministre qu'il n'y a jamais eu une tribu d'inspecteurs à la recherche des moins bien nantis de notre société pour trouver les fraudeurs.

C'est au moins des points qui se sont rétrogrades, qui ont reculé depuis. Si on parle de situation actuelle, il est en bonne partie responsable de la situation actuelle. C'est vrai qu'il y a eu des 500 $ d'annoncés et coupés à 35 $, sauf qu'il a reculé là-dessus devant l'opinion publique. Il a changé d'idée. Je voudrais savoir, juste par une petite question, si c'est à Joliette même qu'on vous a coupé les 500 $ de demandes

M. Ricard: J'ai demandé 35 $ de... J'ai présenté une facture de 60 $ de frais de matériel didactique. On m'a accordé 35 $ parce que c'était ce qui devrait être, selon les règlements. Je suis allé en appel au bureau régional de Saint-Jérôme en révision. Cela a été refusé et on dit que, selon les règlements, c'est 35 $ et, là, je vais à la Commission des affaires sociales, le 31 mars.

M. Chevrette: Mais on ne devrait même pas aller en commission parce qu'il y a eu révision de la décision.

Mme Harel: Attendez, on va bien se comprendre. Vous êtes allé au bureau local avec une facture de 60 $ de matériel didactique.

M. Ricard: Oui.

Mme Harel: Du matériel demandé par le cégep de Joliette-De Lanaudière. C'était du matériel exigé pour les fins...

M. Ricard: Non, ce n'est pas exigé. C'était des cahiers ou des livres ou des crayons parce que le Centre de main-d'oeuvre du Canada fournit les livres essentiels, sauf qu'il ne paie pas mes feuilles de cartable et mes cartables. C'est ça, moi que...

Mme Harel: Et on vous a dit: 35 $, c'est le montant maximum qu'on peut vous allouer?

M. Ricard: Oui et on me l'a alloué.

Mme Harel: On ne vous a pas dit: Dans le montant de 60 $, il y a des montants qu'on ne vous reconnaît pas. On a dit: C'est 35 $, le maximum; au-delà de 35 $, on ne peut pas?

M. Ricard: C'est cela.

Mme Harel: Là, vous êtes allé en révision et on a maintenu cette décision?

M. Ricard: C'est cela.

Mme Harel: Là, vous allez aller à la Commission des affaires sociales...

M. Ricard: Oui.

Mme Harel: ...sur une question que le ministre dit avoir réglée depuis le mois de septembre dernier?

M. Ricard: Je ne sais pas. D'après moi, ce n'est pas réglé.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Est-ce que je peux intervenir là-dessus? Je ne voudrais pas laisser une imprécision. Le règlement qui a été maintenu est le même règlement qui existait avant. Cependant, à moins qu'on m'ait mal informé, on me dit que, pour aller jusqu'à 500 $, cela doit être du matériel exigé par l'institution où vous prenez vos cours. On me dit que cela a toujours été le même règlement d'application et qu'il n'a pas été changé.

M. Chevrette: ...II peut y avoir des interprétations. (21 h 45)

M. Paradis (Brome-Missisquoi): II peut y avoir des erreurs administratives qui se glissent dans un régime comme dans l'autre.

Mme Harel: Le règlement a toujours été très clair. Il s'agissait d'un remboursement jusqu'à concurrence de 500 $ sur présentation de pièces justificatives et ces pièces justificatives devaient porter sur des nécessités pour les études. Il ne s'agissait pas du tout, dans le règlement, à ma connaissance et pour l'avoir relu encore dernièrement, de déterminer le matériel. C'était un matériel qui devait être autorisé simplement par la maison d'enseignement, simplement autorisé. Est-ce que le vôtre était autorisé par la maison d'enseignement?

M. Ricard: Ce n'était pas autorisé. Le Centre de main-d'oeuvre du Canada fournit...

M. Chevrette: Les livres.

M. Ricard: ...les livres nécessaires; je n'ai pas à les acheter. Du matériel autorisé, je ne sais pas ce que vous voulez dire par là. Des feuilles de cartable, j'en ai besoin; des disquettes, j'en ai besoin.

M. Chevrette: On n'écrit pas dans ses mains.

M. Ricard: Je suis en informatique, j'ai besoin de disquettes et elles ne sont pas fournies par le cégep. Je ne sais pas si vous considérez que c'est du matériel autorisé.

Mme Harel: Bien sûr. Écoutez, vous com-

prenez combien le problème est aigu quand vous pensez qu'il y a déjà des milliers d'étudiants et qu'il devrait y en avoir encore plus... Chacun est soumis à l'arbitraire de son agent à qui il doit demander une autorisation. C'est un système bureaucratique absolument incroyable. J'aimerais beaucoup que vous nous informiez des résultats de l'appel devant la Commission des affaires sociales pour qu'on suive de près ce dossier.

M. Chevrette: Moi, je voudrais continuer à vous poser quelques questions.

Mme Harel: Le coût que cela va...

M. Chevrette: Je rappelle très brièvement, je refais la synthèse parce qu'on s'en est éloigné: Vous avez obtenu une désindexation trimestrielle, il n'y a pas eu d'indexation depuis 1985 du montant de 100 $ pour les allocations scolaires. Cela n'a pas été indexé au 1er janvier 1986. Il y a eu l'opération coupures ou chasse aux sorcières et voici qu'on vous propose une réforme qui part du fait qu'on avait promis la parité. Vous vous rappellerez la première fois qu'on en a parlé, d'ailleurs, c'était une parité inconditionnelle. Il n'y avait pas de programme quand on a fait rêver les jeunes au centre Paul-Sauvé. Quand on a annoncé la parité aux 18-30 ans, on n'a jamais parlé de conditions. Cette parité inconditionnelle qu'on a promise aux jeunes durant la campagne électorale est devenue une parité conditionnelle. On en a profité pour appeler cela une réforme de la sécurité du revenu qui, à mon point de vue, pourrait s'intituler "la gestion de la pauvreté". Ce serait meilleur comme titre quand on regarde les effets. Si tu restes chez vous, tu as une coupure; si tu partages le logement avec un autre assisté social, tu as une coupure.

Je vais vous poser une question: Un jeune qui devrait recevoir 405 $, selon la réforme Paradis pour l'appeler par son nom, et que, comme il est assisté social et qu'il partage son logement, combien va-t-il lui rester selon les calculs que vous avez faits, s'il habite chez des parents assistés sociaux?

M. Desroches (Jean-François): D'après ce qui est écrit dans le livre, s'il habite chez ses parents, s'il est dépendant, il aura 405 $, moins 100 $ de contribution parentale, moins 115 $ de partage de logement, ce qui fait qu'il va recevoir 190 $ au lieu de 178 $; c'est la grosse augmentation.

M. Chevrette: Donc, une augmentation de 12 $.

M. Desroches: Oui.

M. Chevrette: Une drôle de parité! Est-ce que quelqu'un, par exemple... Dans le programme qu'on vous propose, est-ce qu'on tient compte des frais de garderie dans les endroits, par exemple, où les moyens de transport sont très limités ou dans les milieux ruraux, comme pour certains d'entre vous?

M. Boucher: À Joliette, il y a actuellement 70 places disponibles dans les garderies subventionnées.

M. Chevrette: II y a 70 places.

M. Boucher: Dans la région de Joliette, oui, pour plusieurs milliers de femmes chefs de famille monoparentale. Où sont les garderies? C'est un rêve actuellement.

Il y a une question que je voudrais poser à M. Paradis, si c'est possible.

M. Chevrette: Oh! vous pouvez.

M. Boucher: Si M. le Président me le permet.

Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie.

M. Boucher: On vous disait, tout à l'heure, que l'aide sociale, c'est pire que notre vécu d'avant. Depuis que vous êtes au pouvoir... Quand vous disiez qu'on avait peur de l'avenir par rapport au vécu d'avant, c'est plutôt le vécu que vous nous avez fait vivre depuis 1985, et celui qui s'en vient que celui d'avant. Je pense que les agents d'aide sociale... Il y en a 25 000 au Québec, si je ne me trompe pas, d'après les chiffres de votre ministère, dans les centres Travail-Québec?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non, il y a...

M. Boucher: Pour 700 000 personnes qui vivent actuellement de l'aide sociale?

M. Chevrette: Combien y a-t-il d'inspecteurs? Est-ce que c'est le nombre d'inspecteurs que vous voulez savoir?

M. Boucher: Le nombre d'agents d'aide socio-économique.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'agents d'aide socio-économique? Le personnel complet, c'est 3000, le nombre d'agents d'aide socio-économique, les nouveaux postes auxquels vous faites référence, qui ont été créés...

M. Boucher: Oui.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est 170, maximum.

M. Boucher: Oui, mais les agents d'aide sociale au Québec, avec la ville de Montréal, combien y en a-t-il?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): En tout et partout, des gens qui travaillent dans les centres Travail-Québec en régions, y inclus la ville de Montréal, on parle d'à peu près 3500 à 4000.

M. Boucher: Vous pensez que ces 3000 à 4000 personnes seront capables de rencontrer 700 000 personnes dans une année? Une affaire personnalisée pour chaque assisté social?

M. Chevrette: En fart, ce que M. Boucher vous dit, M. le ministre - on fait le même calcul ici, nous - si on met 170 personnes, cela va être encore pire, vous êtes mieux d'en mettre 3000. Ils auraient 450 dossiers chacun. Comment allez-vous personnaliser cela si on est capable de les rejoindre seulement entre 8 h 30 et 9 h 30 le matin, au moment où ils se lancent dans le décor?

M. Boucher: J'ai de la misère à comprendre. Il y a plusieurs nouveaux engagés, actuellement et ils ne connaissent même pas l'ancienne loi, comment vont-Ils faire pour appliquer la nouvelle, qu'on ne comprend pas nous-mêmes? Cela vous a pris deux ans pour la comprendre, M. le ministre, pour écrire un livre.

M. Chevrette: Est-ce que c'est vrai que vous venez d'en mettre 540 à pied, à part cela, au mois d'août?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Selon la décision prise par l'ancien gouvernement, leur contrat se termine au mois d'août. Présentement, on est en train de se battre pour les garder.

Mme Harel: On va vous aider.

M. Chevrette: On va vous aider et on va vous souhaiter bonne chance.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Pourquoi vous vouliez les mettre dehors si vous voulez m'aider maintenant?

M. Chevrette: Ce n'est pas cela, on fait comme vous, on engage pour des programmes...

Mme Harel: C'est eux qui ont reçu des avis parce que c'étaient des programmes expérimentaux qui devaient être évalués au bout de trois ans. On attend encore les évaluations parce que les résultats des études ne sont pas rendus publics.

M. Chevrette: Elles n'étaient pas prises, voyons, M. le ministre!

Il y a une autre question que je voulais vous poser sur les familles monoparentales. Vous affirmez que les clientèles des familles monoparentales sont retenues prioritaires et, consé-quemment, qu'il y a des mesures de développement de l'employabilité qui seront accessibles dès qu'on mettra la réforme sur pied. Ils ne seront pas soumis au fameux délai de carence de neuf mois.

C'est peut-être au ministre que je poserai la question plus qu'à vous. Quelle sera alors la situation de ces femmes si elles ne peuvent pas participer à un programme de développement de l'employabilité, même si elles ne sont pas soumises au délai de carence? Que va-t-il arriver avec ces femmes?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): La femme qui a un enfant à la maison, vous voulez dire?

M. Chevrette: Famille monoparentale.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Famille monoparentale? Elle a un enfant de quel âge?

M. Chevrette: Mettez-le à deux ans et plus, si ça peut vous intéresser, parce qu'il y a deux formules. Il y a 99 catégories, mais prenez-en une au hasard. Prenez-en une où l'enfant a deux ans et plus.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Une personne qui a un enfant de deux ans et plus et qui veut participer à un programme d'employabilité ou qui ne veut pas participer à un programme d'employabilité?

M. Chevrette: Elle voudrait bien, mais elle ne s'en trouve pas. Elle ne peut pas.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): À ce moment-là, elle est apte au travail, elle désire participer à un programme d'employabilité, elle manifeste cette intention à son centre Travail-Québec, si cela fonctionne bien sur le plan administratif et si cela fonctionne bien...

M. Chevrette: II dit cela avec un sourire: "si cela fonctionne bien".

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non, c'est parce qu'on a eu des témoignages selon lesquels, à Joliette, il y avait des difficultés de fonctionnement, d'ailleurs. Si cela fonctionne bien sur le plan administratif, elle devient admissible à une mesure et, dès que la mesure est disponible, elle participe à la mesure.

Mme Pouliot: Avant que la mesure arrive, que fait-elle?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): On peut prendre le cas typique d'une personne qui voudrait entrer dans le programme...

Mme Pouliot: Si, moi, une fois que la réforme est appliquée, je descends au minimum, ce n'est même pas vital, c'est minimum, je m'inscris à mon centre Travail-Québec pour...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): J'avais compris que vous travailliez, vous.

M. Chevrette: Non, elle donne...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'accord.

M. Boucher: Elle donne un exemple.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Un exemple, d'accord.

Mme Pouliot: La réforme est là. Je m'inscris à mon centre Travail-Québec pour avoir un programme. Il ne m'en trouve pas. Est-ce que je reste avec mon moins que minimum ou mon minimum vital? En tout cas, appelez-le comme vous voudrez; c'est votre réforme, ce n'est pas la mienne.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Nous avons eu des représentations de groupes a savoir que le fardeau devrait être sur le gouvernement ou le ministère plutôt que sur l'assisté social.

M. Chevrette: Mais, M. le ministre, en suivant votre raisonnement, directive administrative et vous coupez systématiquement en première instance. Ils doivent aller en instance régionale et ils se ramassent devant la commission. Qu'arrive-t-il pendant neuf, dix mois, un an, deux ans? Cela prend jusqu'à deux ans à la Commission des affaires sociales. Vous le savez comme moi. Cela n'a pas de bon sens.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): On a raccourci d'au moins un an les délais depuis notre arrivée. Quand vous étiez là, c'était rendu à trois ans. Nous avons Instauré des règles de pratique. C'est loin d'être parfait, mais c'est une amélioration d'un tiers en deux ans et nous continuons à tenter d'améliorer la situation.

M. Chevrette: Oui, mais ce n'est pas cela. Pourquoi ne donnez-vous pas le statu quo ante au moins sur le plan salarial pour que les individus bénéficient au moins d'aucune coupure, parce que vous pourriez arriver avec une directive administrative et vous savez que cela se fait.

Mme Harel: Elle va être dans la catégorie admissible. Présentement, vous seriez dans la catégorie dite admissible à des mesures. C'est comme la salle d'attente. C'est une antichambre et vous dites: Je veux participer. Vous allez voir votre bureau. Ils vous offrent le temps que vous attendez.

Le Président (M. Bélanger): En conclusion. Il reste...

M. Chevrette: En conclusion?

Le Président (M. Bélanger): Oui.

M. Chevrette: En conclusion, c'est pourri comme réforme. C'est inacceptable. C'est un manque de vision globale. Je suis content que vous pariiez de plein emploi à part cela. En tout cas, quant à l'Opposition - le ministre m'a invité à parier - je vous dirai qu'on ne sera jamais pour une gestion de la pauvreté. On va présenter une solution comme équipe. On a mis sur pied un comité de travail qui voit à la dimension famille. Imaginez-vous, le ministre délégué à la Famille, il considère que c'est le début d'une politique familiale de couper une femme enceinte de six mois de 43 $ et couper de 100 $ par mois d'autres femmes monoparentales avec un enfant de deux ans à la maison. Cela, c'est le début d'une politique familiale; on peut s'imaginer ce que cela sera.

Nous, on va présenter à la population du Québec, au moment jugé opportun, comme Opposition, une solution qui tienne véritablement compte des besoins des moins bien nantis de notre société parce qu'on vous a fait rêver pendant la campagne électorale en vous disant qu'il y aurait la parité inconditionnelle. On vous a fait rêver en disant qu'on traversait des années de vaches grasses. Pourtant, on a coupé dans l'indexation trimestrielle, on a coupé dans la prime au scolaire. On est parti après vous comme des bons, avec des spécialistes pour aller découvrir la vie la plus intime des individus. Par contre, on n'a pas a poser de geste similaire vis-à-vis des mieux nantis de notre société. Comme Opposition, on n'accepte pas cela.

Le Président (M. Bélanger): M. le ministre, il vous reste - combien de temps...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Une minute, bon, cela va.

Le Président (M. Bélanger): Allez-y.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): II m'en avait demandé cinq. Il m'en reste une. Il est chef de l'Opposition.

M. Chevrette: Ah! je m'arroge un petit pouvoir.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Juste pour corriger une perception et je ne vous demande pas d'être informé de tous les détails parce que c'était quand même compliqué à l'époque. Cela le demeure. Les 35 $ n'ont pas été augmentés depuis 1980. C'est encore plus urgent de les augmenter. Ils n'ont pas été augmentés en 1985, les 35 $ pour les frais scolaires. Ils n'ont pas été indexés et ils n'ont pas été augmentés depuis 1980. Maintenant, je vous dirai que je vous remercie de vos témoignages. S'il y a un témoignage qui a martelé le clou sur une mesure qui n'est pas contenue dans fa réforme de la sécurité

du revenu, qui relève peut-être d'un autre ministère, mais qui à la suite des travaux où on en est rendu dans cette commission, se révèle de plus en plus indispensable dans la société, c'est une mesure qui touche la question des perceptions des pensions alimentaires.

Je pense qu'on n'avait jamais eu, jusqu'à maintenant, un témoignage sur cet élément qui ait été aussi percutant entre autres, pour avoir fait avancer le dossier de la réforme de la sécurité du revenu et ce dossier de la perception des pensions alimentaires par votre témoignage...

Je vous dis merci au nom du gouvernement du Québec et de cette commission.

Le Président (M. Bélanger): Compte tenu de l'heure, la commission ajourne ses travaux au lundi 21 mars, 15 heures, à la salle du Conseil législatif. Merci. Bonsoir, bon retour.

(Fin de la séance à 22 heures)

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