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(Dix heures sept minutes)
Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il
vous plaît!
Je demanderais à chacun de bien vouloir prendre sa place afin que
la commission des affaires sociales puisse procéder à une
consultation générale et tenir des auditions publiques pour
étudier le document intitulé "Pour une politique de
sécurité du revenu." S'il vous plaît!
Alors, est-ce qu'il y a des remplacements, Mme la secrétaire?
La Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Juneau
(Johnson) sera remplacée par M. Desbiens (Dubuc).
Le Président (M. Bélanger): Bien. Il n'y a pas
d'autre remplacements?
La Secrétaire: Non, M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): Bien. Alors, nous
appelons, à la table des témoins le groupe Solidarité
populaire Québec, qui sera représenté par M. Raymond
Levac, M. Louis Poitras et Mme Ruth Rose. Vous excuserez mon système de
son, ce matin, il est vraiment déficient...
Alors, bonjour au groupe Solidarité populaire Québec. Vous
connaissez nos règles de procédure. Nous avons une enveloppe
d'une heure pour votre groupe, dont 20 minutes fermes pour la
présentation de votre mémoire ou de son résumé et
40 minutes de discussions avec les parlementaires. Je vous prierais, à
chaque fois que vous prenez la parole, de bien vouloir donner votre nom
auparavant pour les fins de la transcription du Journal des débats;
ne vous voyant pas, on ne peut pas identifier qui parle et cela crée
toujours un petit problème.
Je vous prierais d'identifier votre porte-parole, de présenter
vos collègues et de nous présenter votre mémoire.
Merci.
Solidarité populaire Québec
M. Levac (Raymond): Mon nom est Raymond Levac, du comité
de coordination de Solidarité populaire Québec, et, à ma
gauche, M. Louis Poitras et Mme Ruth Rose, tous deux de Solidarité
populaire Québec.
D'abord, ce que nous allons faire, c'est que je vais vous donner un peu
le résumé de notre mémoire et, après cela, je vais
demander à M. Poitras et à Mme Rose de compléter avec
quelques aspects qu'on trouve plus majeurs. Ensuite, on passera aux
questions.
Alors, Solidarité populaire Québec est une large coalition
réunissant environ 80 groupes populaires et syndicaux qui se sont
regroupés pour défendre les acquis des programmes et services
sociaux et pour développer une riposte aux orientations et politiques
néo-libérales qui les mettent en péril. Vous avez une
liste de nos membres, normalement.
En 1985, nous nous sommes opposés au livre blanc sur la
fiscalité des particuliers présenté par l'ex-ministre
péquiste, Yves Duhaime, mais dont la paternité est
attribuée à M. Jacques Parizeau, qui en est encore un ardent
défenseur. Le document d'orientation "Pour une politique de
sécurité du revenu", présenté par l'actuel
gouvernement libéral, reprend les mêmes principes et
véhicule les mêmes préjugés que le livre blanc de M.
Parizeau. Nous nous y opposons autant maintenant et nous demandons son retrait
pur et simple.
Nos objections à la proposition du ministre Paradis sont
multiples et fondamentales. En voici les principales. Premièrement, ce
projet ne fait rien pour améliorer le niveau de vie des personnes qui,
dans la plupart des cas, sont obligées de recourir à l'aide
sociale à cause de circonstances hors de leur contrôle. Même
dans le cas des non employables, les augmentations annoncées sont loin
d'être suffisantes pour leur permettre de vivre, même au seuil de
pauvreté.
Deuxièmement, nous convenons avec le document d'orientation que
le programme d'aide sociale actuel offre peu d'incitations au travail parce
qu'il ne permet pas aux personnes d'améliorer leur niveau de vie en
travaillant, surtout quand les seuls emplois disponibles sont à temps
partiel ou intermittents. La proposition du ministre n'offre pas de
véritables alternatives. Désormais, le travail, ou du moins
l'effort pour en trouver, sera obligatoire, mais ceci ne permettrait pas
à la vaste majorité des bénéficiaires
d'améliorer leur niveau de vie ou de devenir autonome. Seule une
politique sérieuse de création d'emplois offrant des salaires,
des conditions de travail et une certaine régularité permettrait
aux chômeuses et aux chômeurs de s'échapper du piège
qu'est devenue l'aide sociale.
Nous réclamons également le rétablissement du
pouvoir d'achat du salaire minimum à son niveau de 1981 et son
indexation semi-annuelle au coût de la vie. Nous insistons
également pour que, dans le cadre de tout stage, de tout travail
communautaire ou de tout autre programme d'intégration au marché
du travail, le salaire minimum et les autres lois du travail soient
intégralement appliqués.
Troisièmenent, la réforme de l'aide sociale
proposée, tout comme la réforme fiscale entreprise par le livre
blanc en 1985, constitue une attaque en règle contre les familles
monoparentales, le groupe ayant l'incidence de pauvreté de loin la plus
élevée dans notre société. Si la proposition du
ministre Paradis est adoptée, la
plupart de ces femmes subiront des coupures de leurs prestations,
même si elles sont considérées comme non disponibles.
De plus, les responsables de familles monoparentales n'auront plus le
droit de rester au foyer dès que leur plus jeune enfant aura atteint
l'âge de deux ans, sous peine d'une coupure de prestations encore plus
importante. Pourtant, on ne leur offrira pas les moyens de s'en sortir. Dans un
grand nombre de cas, le programme APPORT sera moins généreux que
le SUPRET actuel. Ces femmes ont déjà subi des coupures
importantes au niveau des avantages fiscaux et des allocations familiales. La
plupart du temps, elles sont seules à assumer la responsabilité
des enfants. Avec la réforme proposée, ces femmes se retrouveront
acculées au mur. Serait-il réellement moins coûteux de
placer les enfants en foyer d'accueil ou d'hospitaliser les mères? Nous
réclamons le droit des responsables de familles monoparentales de
choisir de rester au foyer avec leurs enfants et de recevoir un revenu
adéquat. Nous sommes convaincus qu'elles choisiront d'entrer sur le
marché du travail et de devenir économiquement autonomes lorsque
des emplois décents seront disponibles et lorsque les programmes de
réintégration au marché du travail fonctionneront de
façon convenable. Pour ces familles, nous réclamons
également l'accès gratuit aux services de garde reconnus et un
nombre suffisant de places dans ces services.
Quatrièmement, malgré les promesses maintes fois
réitérées par le gouvernement libéral d'accorder la
parité aux jeunes de moins de 30 ans, la proposition actuellement sur la
table ne fait que consacrer l'inégalité par une série de
nouvelles règles complexes et cachées. En fait, plus de la
moitié des jeunes de moins de 25 ans subiront des réductions de
prestations à cause de nouvelles règles exigeant une contribution
alimentaire des parents et imposant une coupure des prestations lorsque deux
personnes partagent un même logement. (10 h 15)
Pour un grand nombre de personnes seules plus âgées,
l'application d'une règle de parité signifierait une coupure de
prestations à cause des mécanismes du programme APTE et à
cause des coupures en cas de partage du logement. Nous réclamons la
parité pour les jeunes au niveau des barèmes actuels et ce, sans
délai. Nous croyons que la seule façon juste et efficace de
convaincre les jeunes bénéficiaires de l'aide sociale
d'intégrer le marché du travail est la même que pour les
bénéficiaires plus âgés: il faut leur offrir des
emplois décents et des programmes de formation valaWes.
Dans le cadre d'une réforme réelle et positive de l'aide
sociale, nous réclamons également les points suivants. D'abord,
un programme simple au niveau administratif, un programme qui ne fait pas de
distinction entre l'employabilitié ou l'aptitude au travail et qui
comporte un seul barème par type de ménage, soit un programme qui
respecte la dignité des bénéficiaires et leur droit
à une vie privée; une hausse des barèmes et la remise en
place de l'indexation trimestrielle qui puisse permettre au moins aux gens
d'être au niveau du seuil de pauvreté; des meilleurs programmes de
soutien aux personnes handicapées et invalides qui ne résident
pas en institution, notamment par l'octroi des services professionnels
nécessaires pour leur permettre de vivre de façon relativement
autonome. Il est inacceptable que les familles de ces personnes soient
obligées d'assumer entièrement ces services, sans aucune aide
gouvernementale. Ce genre de bénévolat obligatoire ne constitue
qu'une autre forme de non-reconnaissance du travail des femmes au foyer.
Nous réclamons également l'extension aux individus et aux
familles avec des faibles revenus de travail de certains programmes de besoins
spéciaux, notamment, la gratuité des prothèses, des soins
dentaires et des médicaments. Ces programmes cesseront alors
d'être un obstacle au retour sur le marché du travail et ils
constitueront une forme de soutien à un autre groupe de personnes dans
le besoin. Alternativement, certains de ces programmes pourraient devenir
universels comme l'assurance-maladie ou l'as-surance-hospitalisation le
sont.
Et finalement le développement d'un programme de soutien de
revenu aux ménages gagnant des faibles salaires qui respecte les
critères suivants: ne pas servir d'obstacle au travail des femmes
mariées; offrir un soutien particulièrement
généreux aux familles monoparentales; inclure les personnes
seules et les couples sans enfants; et les taux marginaux d'imposition
implicites ne doivent pas dépasser 50 % pour les personnes qui ne
reçoivent pas de prestations de l'aide sociale.
À l'intérieur de notre mémoire, nous
suggérions de regarder une étude qui ne constitue pas la position
officielle de Solidarité populaire Québec, mais on dit: II y a
des choix et il faudrait les étudier.
Je vais demander maintenant à M. Poitras de compléter un
peu sur la question des barèmes, en particulier.
M. Poitras (Louis): On n'est pas nécessairement satisfaits
de la réforme et je pense qu'on peut quand même faire des
changements et des changements qui sont essentiels, notamment en ce qui
concerne les barèmes. Les barèmes, à l'heure actuelle, on
peut les qualifier à environ 50 % du seuil de pauvreté. On pense
qu'on doit, en tant que société, avoir toujours l'objectif de
combattre la pauvreté. En ce qui concerne le document de réforme,
l'analyse est très faible. Probablement que certains mémoires ont
mis de l'avant toutes les conséquences de la pauvreté, tant en ce
qui concerne la santé... Dans ce sens-là, on pense que l'objectif
d'éliminer la pauvreté est un objectif que tout programme de
réforme devrait avoir. À ce chapitre-là, avec les
barèmes
actuels, pour pouvoir faire à travers notre pratique,
particulièrement la mienne où je fais des budgets à l'ACEF
de Laval... On se rend compte que les gens ne peuvent arriver avec les montants
actuels. Je pense, indépendamment du fait qu'on puisse faire une
réforme "at large" de façon urgente, qu'on devrait augmenter les
barèmes. Déjà dans la réforme on met un minimum
qui, je pense, devrait être atteint de façon immédiate pour
ceux qui sont dits non employables, ou on met de l'avant, entre autres, ce qui
est absolument essentiel pour vivre. Sauf que, même avec ces
minimums-là, ce n'est pas le seuil de la pauvreté. Je pense
qu'à un moment donné il devrait y avoir une politique graduelle
pour atteindre ces seuils-là.
Je laisse maintenant Ruth Rose parler d'autres sujets.
Mme Rose (Ruth): Bonjour. J'aimerais insister d'abord sur la
question du travail. Pour moi, s'il y a une réforme à faire, ce
ne serait pas de toucher à l'aide sociale, mais je pense qu'il y aurait
des améliorations à faire, il faudrait hausser les
barèmes.
Mais, si le problème est identifié comme un
problème de gens qui devraient être au travail et qui ne le sont
pas, la solution est de leur offrir de l'emploi. Je ne vois pas pourquoi au
Québec la réponse serait moins forte qu'elle ne l'est partout
ailleurs. À Boston, où ils se vantent de leur réussite
d'avoir atteint un taux de chômage qui se situe autour de 3 %, ils ont
permis à des personnes longtemps bénéficiaires de l'aide
sociale de travailler. Mais comment l'ont-ils fait? Ils l'ont fait en
créant des emplois. Ils ont donné un regain de vigueur à
l'économie et ils ont donné les programmes de formation en
conséquence. Mais ce qui est toujours oublié quand on reprend ces
programmes-là au Canada c'est qu'on ne peut pas former des gens s'il n'y
a pas d'emploi en retour. Donc, commençons par la création
d'emplois et ensuite ce serait relativement facile de canaliser les gens dans
la bonne classe d'emploi.
Les programmes qu'on a actuellement au Québec existent depuis des
années. Dans le mémoire nous avons montré que ce qui est
proposé dans ce document d'orientation est exactement ce que le Parti
québécois a proposé en 1984 dans les options
Déclic. C'est exactement ce qui a été essayé avant.
Je suis certaine qu'on pourrait retracer des programmes de création
d'emplois qui remontent aux années soixante-dix et ce serait toujours la
même chose. Ce seraient toujours des emplois à rabais et
temporaires. Ce ne serait pas une politique de plein emploi ni une prise en
charge de la communauté.
En Suède aussi, il n'y a presque personne qui
bénéficie de l'aide sociale. La raison est qu'ils ont une
politique de plein emploi. Les jeunes qui décrochent de l'école
sont pris en charge. Ils sont dirigés vers des programmes de formation
et ils ont des emplois. Les familles monoparentales aussi; on ne leur permet
pas de continuer à bénéficier de l'aide sociale, sauf
quand ils ont des jeunes, ils ont des congés de maternité
extrêmement généreux. Ils sont dirigés vers des
emplois.
Une autre chose qu'ils font aussi et qu'on ne fait pas de façon
assez systématique, c'est qu'ils subventionnent le logement pour tout le
monde, que ce soient des gens qui sont sur l'aide sociale... Ils ont des
politiques de logement social, ils ont des subventions. Ils ont une politique
de création de logements de qualité décente partout. Et
quand on fait des programmes de ce type, qui rejoignent tous les gens à
faible revenu, qu'ils soient au travail ou, pour une raison quelconque, en
situation de dépendance, on ne crée pas des obstacles au travail.
Tandis que dans l'approche que l'on prend ici on a des programmes
sélectifs ajoutés un sur l'autre. On ne fait que créer
d'autres obstacles au travail. Finalement, dès que vous commencez
à travailler, vous êtes non admissible à tous les autres
programmes. Vous êtes pris dans un piège.
J'aimerais bien - c'est une question que je pose au ministre et aux
autres membres de la commission... Je regarde depuis longtemps les documents
qui sortent du ministère de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu et du ministère du Travail, et je ne
comprends pas pourquoi on nous renvoie les mêmes programmes quand on n'a
pas fait encore une évaluation sérieuse des programmes qui sont
sur pied.
On les critique et on dit qu'ils ne fonctionnent pas et qu'il faut faire
quelque chose de nouveau, mais il faudrait avoir une analyse de la raison pour
laquelle les programmes ne fonctionnent pas. À mon avis, et c'est le
secret de la Suède, de l'Ontario, de certains États des
États-Unis, c'est qu'on crée des emplois, non pas au salaire
minimum, mais avec des salaires qui permettent de vivre décemment, et on
forme les gens en conséquence. Dans ce contexte, les programmes de
formation ont un effet.
L'autre question que j'aimerais soulever, c'est celle des femmes. Je
trouve que, depuis cinq ans, on a réagi, devant le fait que les familles
monoparentales continuent de croître en nombre, par une réaction
de panique. Il y a lieu de regarder les problèmes de ces familles et de
les aider à atteindre une certaine autonomie. N'oubliez pas que,
lorsqu'on parle de familles monoparentales, on parle d'enfants. Quand on
élève des enfants dans la pauvreté, on multiplie les
problèmes et on crée un cycle de pauvreté qui va se
poursuivre. Si on veut un programme de prévention, un des
éléments les plus essentiels qu'il faudrait viser, c'est le
soutien aux familles monoparentales et de sortir celles-ci de la
pauvreté. Ce sont des familles où on demande aux femmes de
supporter seules la responsabilité des enfants. J'aimerais bien inviter
tous les hommes qui sont ici à passer seulement deux semaines avec leurs
enfants ou leurs petits-
enfants, sans que leur femme ne soit présente, seulement pour
voir à quel point est accaparant un enfant. Même les enfants de
dix ou quinze ans ont besoin de la présence d'un parent et c'est
toujours une présence permanente. On demande cela à des personnes
qui subissent une discrimination sur le marché du travail, qui,
normalement, doivent vivre avec des revenus 60 % inférieurs à
ceux d'un homme.
Toute la politique qui a été mise de l'avant avec le livre
blanc sur la réforme fiscale, comme celle-ci qui en est directement
inspirée, comme on a essayé de le démontrer, vise le
problème de la famille monoparentale en s'attaquant aux victimes. C'est
une coupure systématique des avantages fiscaux, de l'aide directe par le
biais des allocations familiales et des prestations aux familles
monoparentales.
Le Président (M. Bélanger): En conclusion, s'il
vous plaît, il vous reste une minute.
Mme Rose: SUPRET avait un avantage pour les familles
monoparentales; c'était une incitation plus généreuse au
travail que pour les autres familles. APPORT enlève cette incitation et
je pense que, si l'on veut garder le programme d'aide sociale sans coupure, la
place où on pourrait apporter une amélioration pour les familles
monoparentales, c'est d'avoir un programme APPORT et d'aide au travail plus
généreux.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. M. le
ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je remercie Solidarité
populaire Québec pour son mémoire et pour son exposé fait
par la voix de ses trois représentants. Je vais recommencer la
journée en traçant le portrait type de la clientèle que
l'on a à l'aide sociale au Québec ou que l'on avait en mars 1987
parce que les chiffres que je vais vous citer sont des chiffres de mars 1987:
sur 400 000 chefs de ménage, à peu près 25 % de la
clientèle, soit quelque 100 000 chefs de ménage, sont
considérés admissibles au programme Soutien financier, donc
incapables de subvenir à leurs besoins de base pour une période
prolongée; 300 000 chefs de ménage sont considérés
comme aptes au travail.
Quelles sont les caractéristiques de ces 300 000 chefs de
ménage considérés comme aptes au travail? Quelque 40 %
sont des analphabètes fonctionnels, quelque 60 % n'ont pas
complété leurs études secondaires. On sait que plusieurs
entreprises, aujourd'hui, même pour avoir la possibilité de
présenter une offre d'emploi, exigent que le cours secondaire soit
complété. 40 % n'ont aucune expérience antérieure
de travail. C'est la clientèle avec laquelle il nous faut composer.
Je vais varier mes habitudes et peut-être tenter de commencer une
brève discussion avec la dernière des intervenantes, Mme Rose.
Habituellement, je m'adressais au premier des intervenants. Je ne sais pas
pourquoi ce matin, c'est peut-être parce que les arguments de la fin ont
repris les arguments des autres représentants, mais ils ont
été basés sur toute la question de la notion du travail.
C'est peut-être l'une des rares occasions où on a un groupe qui
accepte d'amorcer le débat en disant: Bon, le travail c'est bien beau,
mais la responsabilité c'est d'en créer, c'est le plein emploi et
des emplois rémunérateurs, etc. (10 h 30)
Boston: 3 % de chômage, ils ont créé des emplois. Tu
ne peux pas former des gens s'H n'y a pas d'emplois en conséquence.
C'est ce que j'ai retenu à un moment donné de l'une de vos
phrases. Le problème que j'ai comme citoyen ou comme
député ou comme ministre, lorsque j'entends cette phrase qu'on ne
peut pas former des gens s'il n'y a pas d'emplois en conséquence et
qu'on ne peut pas avoir d'emplois en conséquence s'il n'y a pas de gens
formés, c'est un peu l'histoire du chien qui court après sa
queue. Le gouvernement a décidé de tenter de briser le cercle
à deux niveaux: par la création d'emplois et par l'augmentation
de l'employabHité de ceux et de celles qui, dans la
société, sont généralement marginalisés
parce qu'ils n'ont même pas la possibilité, à cause des
carences que je vous ai expliquées tantôt, d'obtenir les emplois
qui y sont créés.
Jusqu'à maintenant, nous avons fonctionné en commission
avec les chiffres de comparaison sur le plan de la création d'emplois et
de la qualité des emplois créés de janvier à
janvier. Les statistiques sont disponibles de février en février
depuis la fin de semaine. Nous allons donc fonctionner, si vous me le
permettez, avec les statistiques les plus récentes. Au Québec, de
février à février, il s'est créé quelque 104
000 nouveaux emplois, et ce, de façon nette. La qualité des
emplois créés - parce qu'on a souvent l'impression, c'est une
impression qui nous vient de la crise économique que nous avons
vécue, qu'il s'agit dans la plupart des cas d'emplois temporaires,
précaires, etc. - est qualifiée ainsi par Statistique Canada: 99
000 des 104 000 emplois sont des emplois à temps plein et 5000 des
emplois à temps partiel. Donc, le gouvernement a mis en place des
mesures qui incitent la création d'emplois au Québec de
façon à offrir davantage d'emplois, à diminuer le
chômage, etc. Nous faisons face à un problème qui est
peut-être similaire à celui que nous retrouvons dans la province
de l'Ontario. Bien que, en Ontario, nous retrouvions une baisse assez
continuelle du chômage - le taux de chômage s'établit
présentement aux environs de 5 %, et certains économistes parient
de plein emploi autour de 5 % - il y a une augmentation de l'aide sociale.
C'est-à-dire que les gens qui n'ont pas les niveaux
d'employabilité suffisants sont marginalisés dans la
société. Ils n'ont pas la
possibilité de profiter de cette croissance de l'emploi en
Ontario. Nous ne subissons pas le même phénomène au
Québec parce que notre baisse de chômage est accompagnée
d'une baisse du nombre d'assistés sociaux, mais on constate
également que les gens qui sont condamnés à l'aide sociale
et qui ont ces carences d'employa-bilité n'ont pas accès aux
emplois créés.
La question que j'aurais à adresser à Mme Rose face
à ce bilan: Croyez-vous que le gouvernement, en misant sur les deux
aspects, et la création d'emplois de qualité et valorisants et
l'augmentation de l'employabilité des bénéficiaires de
l'aide sociale, ne mise pas, à ce moment-là, sur les deux
éléments qui sont absolument essentiels si on veut oser parier
d'une politique de plein emploi?
Mme Rose: À votre question, je dois répondre oui,
sauf que je ne vois pas, dans la proposition de la réforme que vous nous
avez soumise, que vous faites cela. La première question que je vous
pose, c'est: Pourquoi faut-il couper les barèmes pour donner des cours
d'alphabétisation aux 40 % qui, comme vous le dites, sont des
analphabètes? On serait bien d'accord pour un programme en vue de leur
permettre de terminer les études secondaires, pour donner un programme
d'alphabétisation. Nous avons des membres de nos groupes qui ne font que
cela, qui le font sur une base bénévole, sans ressources. Nous
travaillons à cela. Nous aimerions bien gros que le gouvernement s'y
implique de façon systématique et avec un réel
soutien.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je prends votre réponse
comme positive, ce que je souhaitais sur le plan du principe. Maintenant, sur
les modalités, vous avez de sérieuses réserves et vous les
indiquez. Sur les modalités, on n'agit pas en vase clos lorsqu'on parie
du programme de dernier secours dans une société. Il nous faut
tenir compte d'un élément que vous avez touché ainsi que
d'autres porte-parole du groupe, qu'on appelle l'incitation au travail. On a
insisté pour que le gouvernement s'attaque au salaire minimum de
façon à redonner - je pense que je vais utiliser des propos qui
ont été prononcés - le pouvoir d'achat que cela
constituait au moins en 1981 et qu'on l'accompagne d'une indexation
bi-annuelle, si ma mémoire est fidèle dans les propos que vous
avez prononcés.
Ce que je vous dirai, c'est qu'il y avait en 1985, lorsque nous sommes
arrivés au gouvernement, un sérieux rattrapage à effectuer
au plan du salaire minimum. En deux occasions, nous avons augmenté le
salaire minimum d'un niveau supérieur à celui du coût de la
vie à cause de ce processus de rattrapage qui était absolument
essentiel, etc. Il est dans l'intention du gouvernement de poursuivre ses
efforts dans cette direction, mais tout en tenant compte des
possibilités de perte d'emplois. J'ai, à chaque fois, des
études qui suivent l'augmentation du salaire minimum et, actuellement,
les deux augmentations n'ont pas été suivies d'effets
négatifs sur le plan de la création ou de la perte d'emplois,
sauf de façon minimale chez les jeunes de 16 à 18 ans qui avaient
un salaire minimum discriminatoire avant qu'on n'enlève la
discrimination basée sur l'âge dans le salaire minimum; là,
il y a eu quelques petits effets négatifs.
Ceci dit, et cette préoccupation gouvernementale est
présente dans les faits quant à l'augmentation du salaire minimum
compte tenu de la conjoncture qui nous entoure pour ne pas nuire à notre
création d'emplois...
Mme Rose: Si vous me permettez...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous avez également
touché un élément d'incitation au travail qui touche ce
que j'appelle - et vous aviez complètement raison - les incitatifs au
travail.
Mme Rose: Si vous me permettez... M. Paradis
(Brome-Missisquoi): Oui.
Mme Rose: Moi, je pense que c'est un mythe que c'est le salaire
minimum qui crée du chômage. Pendant des années et des
années, le salaire minimum au Québec était plus faible
qu'en Ontario - je parle de la période d'avant 1975 environ - et tout ce
que cela a fait, c'est qu'on a réussi à garder au Québec
toutes les vieilles industries capables de payer des vieux salaires. Même
si le salaire minimum était plus faible pendant une certaine
période au Québec - on l'a rattrapé maintenant vers le bas
- le salaire moyen en Ontario est beaucoup plus élevé qu'au
Québec. En Suède, aussi, le problème n'a jamais
été le salaire minimum. Ils ont une politique de
solidarité. Ils ont pris les moyens nécessaires pour créer
des industries, des services, des emplois qui sont capables de payer des
salaires convenables.
En conséquence, ils ont dit que peut-être il faudrait
abandonner certaines industries parce qu'ils ne sont pas capables de soutenir
des salaires qu'on considère comme décents sur le marché
international. N'empêctie qu'on n'accepte pas que des gens travaillent
à un salaire qui ne leur permet pas de vivre décemment, surtout
les femmes, parce que ce sont surtout des femmes qui finissent par avoir ces
emplois.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Mme Rose, mon temps est
également limité. Avant de céder la parole à Mme la
députée de Maisonneuve, vous touchez un sujet sur lequel - il a
également été touché par les autres porte-parole -
j'aimerais vous entendre: toute la question des femmes monoparentales, la
situation de la femme. Hier, nous avons eu l'occasion d'entendre des
représentants de groupes de femmes monoparentales.
Nous constatons qu'à l'aide sociale nous avons une
clientèle approximative de quelque 78 000 chefs de famille monoparentale
qui sont des femmes.
Dans 85 % des cas, il n'y aucune pension alimentaire versée
à ces personnes. Est-ce que vous considérez qu'il serait
souhaitable que le gouvernement du Québec - il n'est pas question
d'imputer le fardeau à la femme sur le plan de la pension alimentaire -
intervienne de façon à s'assurer que les pensions alimentaires,
là où elles devraient être payées, soient
payées et que les citoyens assument, par le fait même, une
responsabilité dans la société?
Mme Rose: C'est intéressant que vous posiez cette
question-là. J'ai participé à une conférence
internationale de l'OCDE avant Noël, comme déléguée
du Canada, sur la question des familles monoparentales. Un des points qui est
ressorti de cette conférence, c'est que la plupart des pays
européens, et particulièrement les pays Scandinaves, exigent une
pension alimentaire qui peut être calculée selon
différentes formules. Quelquefois, c'est un minimum par enfant et,
quelquefois, c'est en fonction du revenu du père. Ils prennent les
moyens, y inclus l'utilisation du régime fiscal, pour assurer que cette
pension alimentaire soit payée.
Cependant, ce qui a été beaucoup discuté, c'est que
cette pension alimentaire, qui est garantie par l'État -
c'est-à-dire que le père paie l'État et l'État paie
la personne qui a la garde des enfants - si ça vient juste diminuer
l'aide sociale, cela ne sert à rien. Cela ne fait pas augmenter le
niveau de vie des enfants. Cela fait une attitude de la part du père:
Pourquoi le ferais-je? Si je peux glisser l'argent d'une autre façon, au
moins, mes enfants auront un meilleur niveau de vie.
Donc, il faut prendre les mécanismes de façon que la
responsabilité soit assumée par le père, mais que ce soit
fait réellement une contribution au niveau de vie des enfants. Donc, il
ne faut pas la déduire de l'aide sociale.
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. J'avais eu l'occasion
de prendre connaissance du document de Solidarité populaire
Québec, un document imposant, à la suite d'une tournée
dans tout le Québec qui avait été réalisée
à partir de 1986. C'était une sorte de constat du
désengagement de l'État dans bien des domaines et dans bien des
dimensions de la vie.
Alors, M. Levac, M. Poitras et Mme Rose, qui êtes
économiste à l'Université du Québec à
Montréal, je pense que c'est important l'expertise que vous pouvez
apporter à la commission. C'est une expertise qui est aussi le fruit de
cette consultation qui a été faite. Vous aviez cité le
livre blanc de 1985, en fait de 1984, mais vous dites 1985 parce qu'il a
été publié, je pense, en 1985. J'ai eu l'occasion de le
relire aussi et de me rendre compte, d'une part, qu'il y avait un postulat sur
l'intégration des régimes d'imposition et de transferts. Il y
avait dans ce livre blanc un postulat de base qui affirmait que, sans
intégration des régimes d'imposition et de transferts, il n'y
avait pas la une véritable réforme, c'est-à-dire que tout
devait passer par une réforme de la fiscalité. Il faut
reconnaître que, dans le document d'orientation, on n'en dit rien. C'est
un silence complet. Qu'en sera-t-il avec le budget que le ministre des Finances
devrait présenter au mois d'avril? Cela reste encore une boîte
à surprise. Mais il y avait au moins deux conditions préalables.
Je vous les cite parce que, à la page 200 du livre blanc, on dit: "II
convient que certaines des mesures de relèvement de
l'employabilité envisagées dans la présente réforme
- qui sont déjà à l'essai en 1984 - constituent des
expériences pilotes dont les résultats devront être
analysés avant d'aller plus loin dans la réforme du régime
de transferts."
Un peu plus loin, à la page 203, on lisait ceci: "La seconde
condition est à l'effet que ce virage, s'il doit avoir lieu - je vous le
cite textuellement - ne saurait être entrepris que graduellement et
devrait tenir compte des conditions du marché du travail et de la
capacité des programmes de réinsertion d'absorber les personnes
qui veulent y participer."
Alors, c'était la deux conditions préalables, d'une
certaine façon. Je note, à la page 19 de votre mémoire:
"Quelle évaluation a-ton fait de l'efficacité des programmes qui
existent déjà depuis au moins cinq ans?" Tout ce qu'on peut dire,
c'est qu'on peut poser la question, mais on n'est pas en mesure d'obtenir
aucune réponse. Je crois que cela est assez fondamental. Vous faites
état d'une étude réalisée à
l'été 1985. Vous en faites état en bas de page de votre
mémoire, évidemment après un an à peine, sans qu'on
soit capable d'extrapoler à partir de ce qu'on en sait. Ce qu'on en
sait, c'est ce que tout le monde en dit, finalement, à la suite du
document qui circule, mais qu'il y aurait eu à peine 20 % de
participation chez des jeunes de moins de 30 ans, qui avaient une incitation
financière à doubler leurs prestations en participant. Alors la
grande question est: L'État est-il en mesure de faire face à
cette responsabilité qu'il dit vouloir se donner en l'étendant
aux 243 000 ménages? Cela, c'est une question qui n'est pas
sérieusement pensable... Que le ministre ne réponde pas ou que le
gouvernement ne réponde pas en allant de l'avant, cela devient d'une
certaine façon... On a l'impression de nager en pleine utopie,
finalement. Hier, je disais le merveilleux monde imaginaire, d'une certaine
façon, parce qu'on n'est absolument pas capables d'en évaluer les
résultats. (10 h 45)
D'autre part, vous nous présentez des cas.
Mon Dieu, je sais qu'on n'aura peut-être pas l'occasion de
revenir, mais ces cas sont extrêmement éloquents parce qu'ils
révèlent que, même avec ce document d'orientation, ils ne
trouveraient pas matière à solution. Je crois que, dans votre
document, vous posez vraiment la question. À la page 8, vous dites: "Y
a-t-il le moindre lien entre les solutions proposées et le diagnostic de
la situation?"
J'aimerais peut-être vous entendre au plan des solutions. Cela
fait quand même plusieurs années que vous travaillez en
collaboration avec beaucoup d'organismes. Vous mettez en question APPORT et
SUPRET. Ce matin même, j'ai fait appeler de mon bureau de Montréal
le ministère du Revenu à Montréal pour obtenir les
formulaires de SUPRET - même s'il se termine, les gens y ont droit pour
le présent exercice - avec tous les formulaires d'impôt qu'on peut
maintenant trouver dans les caisses populaires ou ailleurs. SUPRET, on a dit
que les formulaires ne sont pas disponibles. Il faut attendre qu'ils soient
disponibles. On ne peut pas faire de demande avant. On nous a dit que c'est
encore au moins un minimum de deux semaines avant qu'ils ne soient disponibles.
L'information a été donnée à Montréal au
873-5161, ce matin même.
Cela veut dire que SUPRET, ce sont les 27 000 000 $...
Supposément, cela ne marchait pas, mais c'est rendu... Imaginez, dans
deux semaines, on va être rendu à Pâques! Trois semaines
après, c'est trop tard pour faire la déclaration d'impôt.
J'aimerais vous entendre là-dessus. On reviendra sur APPORT. J'ai un
petit tableau à vous communiquer qui vient du ministère des
Finances. J'aimerais qu'on reprenne plus tard sur la question des taux
marginaux d'imposition. Mais sur vos solutions et sur SUPRET,
également.
M. Poitraa: Je vais débuter. Louis Poitras.
Pour revenir sur la question du livre blanc, je pense qu'à un
moment donné on a fait des distinctions entre le livre blanc et le
projet de réforme actuel, sauf que je pense que le sens de notre propos
est une des distinctions qui étaient faites dans le livre blanc au plan
de l'employabi-lité, ou apte et inapte, qui, pour nous, devrait
être un concept à rejeter formellement, fondamentalement en tant
que programme de dernier recours.
À ce niveau, M. le ministre n'a pas répondu, tantôt,
à la question: Pourquoi diminuer, pourquoi pénaliser? On pense
que cela relève de principes qui disent qu'en rabaissant les
barèmes d'aide sociale cela sera un plus grand incitatif. On ne voit pas
pourquoi il y aurait une baisse lors des neuf premiers mois si ce n'est pas
cela qui sous-tend cela. Si c'est ce qui sous-tend une telle baisse, c'est
clair que nous ne sommes pas d'accord.
Au contraire, je pense aussi qu'il n'y a rien de dit sur la question de
la hausse des barèmes. En tant que programme de dernier recours, il est
clair qu'à un moment donné il ne faut pas lui faire jouer
d'autres types de rôle que celui-là.
Une des solutions envisagée à différents niveaux
est l'augmentation, entre autres, des barèmes et une aide pour des
besoins spéciaux.
Je pourrais aussi laisser fa parole à ma consoeur et mon
confrère, s'ils veulent ajouter quelque chose à cela.
Mme Harel: Au plan des solutions peut-être, parce qu'on a
si peu...
Mme Rose: Je voudrais juste dire un mot sur le SUPRET. Cela fait
six semaines qu'on essaie d'en obtenir des copies. On s'est fait
répondre par un fonctionnaire qu'il se pouvait qu'on n'ait même
pas de formulaire, que peut-être que le ministre ou le ministère
n'accepterait pas de demande pour 1987. Effectivement, c'est ce que les
fonctionnaires m'ont répondu...
Mme Harel: À Montréal? Mme Rose: À
Montréal.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Quel ministère?
Mme Rose: C'était le bureau central, à la Place
Desjardins.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Le ministère du Revenu
ou...
Mme Rose: Oui, le ministère du Revenu.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Au ministère du Revenu. Il
faut vérifier.
Mme Rose: J'y suis allée en personne. Je trouve cela...
D'abord, les personnes qui seront admissibles à cela sont des gens qui
ne sont justement pas instruits, qui ne savent pas comment défendre
leurs droits et, là, on leur dit qu'ils n'ont pas ce droit. À ce
que je sache, la loi n'a pas été changée. Ce sont
particulièrement des personnes seules et des couples.
Au plan des solutions, elles sont au plan, d'une part, de l'emploi et,
d'autre part, au plan des barèmes de l'aide sociale. Si vous voulez
discuter de ce qu'est une politique de plein emploi, il y a de mes
collègues qui ont fait des études intéressantes et qui ont
des projets, notamment le livre de Lise Poulin-Simon et de Diane Bellemare.
Elles sont en train de constituer une équipe pour essayer de promouvoir
cette perspective. Je pense que c'est la solution.
Je suis un peu agacée de toujours entendre parler de
problèmes de déficit budgétaire. À mon avis, la
façon de régler le déficit budgétaire, c'est de
faire travailler les gens. Si on réussit à les faire travailler,
on n'a pas besoin de leur payer d'aide sociale ni d'assurance-chômage et
ils commenceront à payer des impôts.
Mme Harel: Pensez-vous que le Québec seul peut faire cela
avec de l'argent frais sans récupérer des points d'impôt
d'Ottawa?
Mme Rose: Je pense qu'effectivement c'est un programme... Si on
veut que ce soit sérieux et qu'il n'y ait pas une fuite d'argent du
Québec vers l'extérieur, c'est quelque chose qui doit être
fait de façon concertée au fédéral avec les autres
provinces. Le Québec pourrait faire un certain travail et un des
endroits pour le faire, c'est dans les services parce que ceux-ci - que ce soft
les garderies ou les services d'aide aux personnes à domicile - sont des
endroits où il y a beaucoup moins de fuites d'argent. C'est de l'argent
qui, au moins pour les deux premiers tours, reste à l'intérieur
du Québec. C'est sur les services que la prospérité
d'après guerre a été construite. M. Levac.
M. Levac: Raymond Levac.
Mme Harel: ...création d'emplois dans des activités
socialement dites utiles, comme les services de garde, l'environnement ou des
choses comme cela.
Mme Rose: C'est un aspect, oui.
M. Levac: Raymond Levac. D'abord, c'est de ne pas faire une
alternative d'une chose qui n'en est pas une, c'est-à-dire... Au fond,
la solution - et je pense que c'est l'essence même de notre
mémoire - avant même de dire quelle est l'alternative...
L'alternative ne consiste pas à attaquer les plus pauvres; elle ne
consiste pas à faire en sorte de régler le problème en
affamant les gens qui ont déjà peu. C'est cela, essentiellement.
Par toutes sortes de distinctions, entre aptes et inaptes, par exemple -
distinction profondément pernicieuse et qui piège autant les gens
que l'on qualifie d'aptes que ceux que l'on qualifie d'inaptes... Il faut, au
fond, en alternative, rendre plus intéressant le fait que des gens
puissent avoir de la formation, bien sûr, l'al-phatétisation,
etc., mais il ne s'agit pas de rendre "moins intéressant" le fait de
bénéficier de l'aide sociale. Il s'agit... Parce que,
actuellement, ce n'est pas intéressant. La situation est assez
catastrophique, même pour les gens qui bénéficient de
l'aide sociale. Il ne s'agit pas de baisser cela, il s'agit de s'organiser pour
offrir des programmes - on l'a dit amplement, il me semble - de formation et de
main-d'oeuvre car ils ne sont pas adéquats.
Quant aux projets qu'on a mis sur pied, au fond, ils ne forment pas les
gens qui suivent ces sessions ou ces genres de travaux. Après six mois,
lorsque le programme est terminé, l'employeur s'en débarrasse et
cela vient de s'éteindre. Au fond, c'est là qu'il faut agir,
c'est là que se trouve la solution fondamentale.
Parlant d'argent, bien sûr, cela coûte de l'argent; c'est
sûr que cela prend de l'argent frais, et on peut peut-être aller le
chercher au gouvernement fédéral, mais il me semble qu'on peut
aussi voir - cela a été un des aspects criants lors la commission
populaire itinérante qu'on a faite l'an passé - que non seulement
il y a un désengagement de l'État par rapport aux gens à
faible revenu, mais c'est, en fait, un engagement... Il y a une
idéologie, il me semble, dans laquelle toute cette réforme est
placée qui veut que les entreprises ne paient pas; il faut minimiser, le
plus possible, les coûts pour les employeurs, etc., de façon...
Cela est censé créer de l'emploi, ce qui n'est pas du tout
évident, il me semble qu'en ce qui concerne la fiscalité et
l'impôt il y a de l'argent à aller chercher aussi auprès
des entreprises et des banques, etc. De l'argent, on ne peut pas vraiment dire
qu'il en manque. Il en manque, mais il y a moyen d'aller en chercher à
différents endroits et ce n'est pas dans les poches des assistés
sociaux, en tout cas, qu'on va trouver le plus gros magot. Je pense qu'en ce
qui concerne l'alternative, c'est là. S'H y a à gratter les fonds
de tiroirs ce ne sont peut-être pas les fonds de tiroirs des
assistés sociaux, ce sont peut-être les fonds de tiroirs d'autres
couches sociales.
Mme Harel: Je vous remercie. Le temps passe tellement vite, on me
dit qu'il me reste à peine cinq minutes. Vous mentionniez très
rapidement dans votre mémoire toute la question du crédit
d'impôt - à la page 27 - ce projet de crédit d'impôt
individuel plutôt que familial et qui pourrait être remboursable et
universel. Comme j'avais eu l'occasion de prendre connaissance de
l'étude que vous aviez faite, Mme Rose, j'avais pensé que vous
auriez peut-être l'occasion d'en parler ici devant la commission. D'autre
part, vous dites, à la page 9, que l'aide sociale est un piège de
pauvreté offrant peu de possibilités pour améliorer le
niveau de vie par un effort personnel. J'ai l'impression que c'est un peu ce
constat qui vous amène peut-être à choisir la solution du
crédit d'impôt et à faire cette critique
sévère du programme APPORT. J'aimerais vous entendre parler du
programme APPORT. Je vous ai fait distribuer un petit tableau qui nous est
pavenu du ministère des Finances. Ce sont les taux d'imposition et cela
vous donne une idée, disons, pour une chef de famille monoparentale avec
un enfant de moins de six ans. Ce sont des données fournies par le
ministère des Finances pour un revenu de travail de 2000 $. Avec APPORT,
le gain annuel serait de 67 $ et le gain mensuel, de 5,58 $. Avec un revenu de
4000 $ le gain annuel serait de 263 $ et le gain mensuel, de 21,91 $; mais ce
sont 4000 $ pour lesquels il faut aller travailler les jeudis, les vendredis et
les samedis dans des centres commerciaux à 4,55 $. Alors, à 4000
$ par année c'est un gros gain de 263 $. C'est cela le programme APPORT.
Ce sont les chiffres. Vous en parlez abondamment et j'aimerais vous
entendre sur cette question du piège de pauvreté et sur la
façon de s'en sortir.
Mme Rose: J'aimerais seulement dire que la proposition d'un
crédit d'impôt n'est pas une question que Solidarité
populaire Québec a pris le temps de discuter et de débattre parce
que c'est un peu trop précis pour le genre de choses que fait
Solidarité populaire Québec. Si jamais la commission voulait
m'inviter à parler précisément sur ce sujet, je serais
très heureuse de le faire. Je voudrais aussi dire que le
problème, quand on considère l'approche APPORT, c'est qu'on
commence avec un programme qui est un test de revenu et on vise la classe des
gens les plus pauvres. Cela laisse affamée la couche qui est
immédiatement supérieure. Là, on ajoute un autre programme
sélectif et d'assistance et il se combine, comme on l'avait dit, avec
beaucoup d'autres programmes sélectifs d'aide financière pour les
services de garde, les crédits d'impôt pour l'impôt foncier,
les crédits d'impôt pour la taxe de vente, etc. Cela fait que les
personnes qui paient les taux marginaux d'imposition les plus
élevés dans notre société ce sont ces personnes qui
sont juste au-dessus du seuil de pauvreté. Ce ne sont pas des gens qui
bénéficient de l'aide sociale, mais qui sont juste entre les 10
000 $ et 20 000 $. C'est la deuxième tranche du revenu. Il y a de la
documentation...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Peut-être une petite
précision. Au moment où nous nous parlons, et avec le
système actuel sur les taux marginaux d'imposition, l'assisté
social paye même davantage que le faible salarié.
Mme Harel: Parce que chaque dollar gagné réduit
d'un dollar... C'est le total, c'est 100 % de réduction.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): II tombe à 100 % de son
revenu...
Mme Rose: Oui, aussi en ce sens, sauf que, quand il commence
à avoir des gains... C'est cela.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est encore pire que ce que vous
dites.
Mme Rose: Cela se rajoute. Le problème c'est qu'une fois
qu'on est quitte de l'aide sociale on n'est pas quitte de ces
problèmes.
Mme Harel: Oui, parce que vous faites valoir que la
pauvreté c'est aussi de travailler. Cela peut-être tout simplement
de se maintenir en état de pauvreté et vous
énumérez plusieurs cas précis. J'imagine que ce sont
peut-être des cas qui vous viennent de l'ACEF à Laval ou de
Solidarité populaire Québec.
M. Levac: Oe partout.
Mme Harel: De partout. (11 heures)
Mme Rose: L'autre problème avec APPORT c'est qu'il
pénalise les femmes mariées parce que basé sur un revenu
familial. Il y a une abondante documentation économique sur les
programmes de revenu minimum garanti, du genre APPORT ou d'autres formes. Cela
revient toujours au même problème; non seulement les taux
marginaux d'imposition sont élevés, mais dans les couples
mariés c'est la femme qui en est victime et cela la décourage
pour entrer sur le marché du travail. Ce n'est même pas une mesure
préventive parce qu'on sait que, en général, les familles
monoparentales sont des familles qui étaient biparentales auparavant et,
quand la femme n'a pas eu l'occasion de se placer les deux pieds sur le
marché du travail et d'avoir une certaine autonomie économique
à l'intérieur du couple, elle n'a pas cette autonomie une fois
que la famille devient monoparentale.
Mme Harel: Oui, je dois conclure. Malheureusement,
l'échange est terminé. Vous disiez: On encourage les femmes
mariées à rester au foyer, mais on refuse ce droit aux chefs de
famille monoparentale. Même si le gouvernement retraitait sur cette
question et maintenait le droit aux chefs de famille de décider de leur
choix de vie, il reste que, fondamentalement, on refuse aux femmes
mariées, à cause de toutes les autres structures fiscales
d'exemption pour la personne à charge et de la réduction de
l'exonération du revenu gagné, etc.. Finalement, la situation qui
prévaut en est une vraiment de deux poids, deux mesures. Je vous
remercie. Je crois que votre mémoire mérite - et je le souhaite -
d'être analysé attentivement au ministère de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.
Le Président (M. Bélanger): Merci. M. le
ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, j'aimerais continuer
l'échange avec Mme Rose, mais je ne voudrais pas laisser les deux autres
représentants du groupe s'en tirer aussi facilement. C'est pourquoi, je
vais adresser ma première question ou ma première proposition
à M. Poitras, qui est revenu à la charge et qui a dit: Je
souhaiterais avoir une réponse sur le pourquoi de la diminution, si je
peux résumer la question que vous nous avez adressée. Je vous
incite à regarder attentivement l'ensemble de la politique de la
sécurité du revenu et d'être très critique quant
à son programme Soutien financier. Nous avons la prétention au
gouvernement - on peut se tromper - d'ajouter pour ces 100 000 chefs de
ménage approximativement 1000 $ par année à leur revenu,
en plus de simplifier les tâches administratives, etc. Nous
espérons que ce n'est pas une fausse prétention parce que nous
avons réussi à convaincre ceux et celles qui sont
généralement les plus difficiles à convaincre dans
l'appareil gouvernemental dans ce domaine-là, soit le Conseil du
trésor, qu'il faudrait sur une base annuelle, en addition a ce qu'on y
consacrait déjà, 100 000 000 $ additionnels complètement
indexés.
En ce qui concerne le programme SUPRET, qui coûte
présentement 25 000 000 $ ou 27 000 000 $ par année, nous
estimons - et, là aussi, il a fallu convaincre le Conseil du
trésor - qu'il va falloir ajouter sur une base annuelle quelque 40 000
000 $ d'argent nouveau, frais, etc. Là aussi, nous tentons de vous
répondre. Plutôt que de vous expliquer pourquoi nous diminuons,
nous tentons de vous expliquer pourquoi nous augmentons.
Quant au programme APTE, on pourrait en discuter longuement. Nous le
faisons de façon parcellaire avec chacun des groupes parce qu'on est
encarcanés dans un règlement qui, dans le temps, ne nous permet
pas de passer à travers le programme avec chacun des groupes. Ce que
nous disons, c'est: Oui, il y a une possibilité d'économie pour
le gouvernement si tout le monde refuse de participer à des mesures
d'employabi-lité, qu'il s'agisse de rattrapage scolaire, de travaux
communautaires, de stages en entreprises ou de retour aux études
postsecondaires pour les chefs de famille monoparentale. Si tout le monde
refusait, si personne ne participait, le gouvernement économiserait dans
ce programme 370 000 000 $. Si tout le monde participe, c'est possiblement une
dépense de 445 000 000 $. Le grand doute qui nous est exprimé par
les organismes qui viennent nous recontrer c'est: Est-ce que le gouvernement a
les ressources financières et les ressources humaines pour rendre
disponbiles ces programmes à tant de citoyens en même temps dans
la population? Hier, un groupe nous a suggéré que, dans ce
contexte, le gouvernement ait le fardeau de les offrir, c'est-à-dire
que, si les programmes n'étaient pas disponibles, le gouvernement paie
quand même la facture à l'assisté social qui, lui, n'est
pas responsable et ne devrait pas subir de coupures dans une telle
circonstance.
Quant aux programmes comme tels - et je crois que c'est M. Levac qui a
parlé de la qualité des programmes - je ne pense pas qu'il ait
traité des trois autres programmes, mais il a spécifiquement
traité de stages en entreprises, se questionnant sur la validité
ou la valeur de l'aspect formation. Vous savez que nous avons dans chacune des
régions au Québec des commissions de formation professionnelle
dont le conseil d'administration est généralement paritaire,
c'est-à-dire composé de représentants de travailleurs et
d'employeurs. Est-ce que vous seriez d'accord avec un tel programme si
l'élaboration du cours, le contenu du stage et l'évaluation du
stage étaient approuvés par les commissions de formation
professionnelle pour s'assurer vraiment du contenu formation et qu'il n'y a pas
là utilisation de main-d'oeuvre, de ce qu'on a qualifié de "cheap
labor"?
M. Levac: Moi, je faisais surtout allusion aux programmes
à court terme, sur quelques mois, qui sont offerts très
généralement et qui donnent relativement peu. de chose. Je me
dis: Qu'il y ait de la formation et que cette formation soit bien
encadrée, je ne vois pas de problème. Le problème, c'est
de savoir ce qui se produit par la suite et ce que cela amène
véritablement pour faire en sorte que ce soient des emplois qui ont de
l'allure à moyen et à long terme.
Comme on disait tantôt, l'évaluation de l'ensemble de ces
programmes n'a pas tellement été faite et ce serait
intéressant de le faire. Mais ce sur quoi j'insistais, c'était
surtout le fait que, quels que soient ces programmes-là, il n'y a pas de
raison de couper. Vous nous expliquiez tantôt pourquoi vous augmentiez.
En réalité, l'ensemble du projet est un ensemble de coupures, et
on ne voit pas pourquoi il faudrait absolument couper des gens pour pouvoir les
inciter à travailler.
M. Poitras: Je vais continuer...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, allez-y.
M. Poitras: ...parce que vous m'aviez posé une question
également. Je vais reprendre un peu ce que Raymond Levac a dit. En tout
cas, lorsqu'on regarde les barèmes, on voit, à un moment
donné que, peu importent les millions en moins ou en plus du budget
gouvernemental, le budget personnel cela implique des coupures injustifiables.
En ce qui concerne les millions qui sont en plus ou en moins, vos études
ne sont pas claires, d'une certaine façon. Je veux dire: Cela va
être quoi? À un moment donné, c'est soit entre zéro
et 100 %. On suppose que votre programme risque plutôt de coûter
moins cher, d'autant plus que dans les millions en plus, probablement, il y a
plusieurs millions qui vont être consacrés à la formation
qui n'iront pas directement dans les poches des bénéficiaires
d'aide sociale, ce qui fait qu'à un moment donné, à la
limite, si on considère les 445 000 000 $, il y en a combien en plus
dans les poches des bénéficiaires d'aide sociale?
Je pense qu'il y a un manque à gagner. Ce que vous avez
gagné pour ceux qu'on qualifie d'inemployables devrait être
gagné pour tout le monde. C'est un minimum. On considère que
c'est en dessous du seuil de pauvreté. Tout ce qu'on peut
dénoncer en ce qui concerne les conditions de vie de ces gens, je pense
qu'on doit et on peut continuer à le faire.
Le Président (M. Bélanger): En conclusion, M. le
ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): J'aimerais
remercier le groupe et ses trois porte-parole: M. Levac, M. Poitras et
Mme Rose. Je dirai à M. Levac qu'il a raison lorsqu'il nous demande
l'évaluation des programmes. Nous en avons une qui était
archaïque. Nous la mettons à jour et nous la rendrons publique
avant la fin de la commission.
J'indiquerai à M. Poitras qu'il vient de poser une question bien
pertinente et que je m'engage à lui communiquer la ventilation, autant
sur les 10 000 000 $, les 445 000 000 $ conditionnels mais qui sont là
sur la table s'ils sont utilisés, ainsi que les 40 000 000 $
additionnels; quelle proportion va à l'administration, comme on
l'appelle, et quelle proportion constitue ce qu'on appelle vraiment un
transfert de paiement envers les bénéficiaires de l'aide sociale.
C'est une question très pertinente que vous posez là.
Mme Rose, j'ai tenté d'avoir des informations sur le programme
SUPRET. Vous avez raison, dans vos plaintes. On me dit que depuis
l'installation du programme SUPRET, en 1979, il est annuellement en retard,
sous l'ancien gouvernement comme sous l'actuel; mais, à chaque
année, il y a eu des délais additionnels qui ont
été accordés. Le ministère du Revenu nous a
informés que d'ici à deux semaines les formulaires seraient
disponibles. Donc, nous vous invitons à communiquer la nouvelle à
ceux et à celles qui ont de la difficulté à avoir cette
information, qui sont les plus démunis et qui ont droit à cet
argent, parce que ces programmes existent. Merci beaucoup de votre
collaboration et de votre mémoire.
Le Président (M. Bélanger): Nous remercions le
groupe Solidarité populaire Québec et j'invite à la table
des témoins le groupe Solidaires contre la réforme à
Pierre Paradis - SCRAP-Paradis - qui sera représenté par Mme Lyne
Raymond, Mme Patricia Claude, Mme Céline Théberge, M. Jean-Pierre
Duchesneau, M. Claude Gingras et M. Patrice Legendre. J'inviterais chacun
à bien vouloir reprendre sa place, s'il vous plaît. S'il vous
plaît, j'inviterais chaque membre de la commission à reprendre sa
place. Nous allons reprendre les travaux. À l'ordre!
Solidaires contre la réforme à Pierre
Paradis
Nous recevons donc à la table des témoins le groupe
Solidaires contre la réforme à Pierre Paradis, le groupe SCRAP.
Vous connaissez nos règles de procédure. Vous avez 20 minutes
fermes pour présenter votre mémoire et il y a 40 minutes de
prévues pour l'échange avec les parlementaires. Chaque fois que
vous devez prendre la parole, je vous demanderais de vous identifier pour la
transcription du Journal des débats. Eux ne vous voyant pas, ils
ne savent pas qui parle. Donnez simplement votre nom auparavant pour que votre
intervention soit signalée.
Je vous prierais donc de présenter, d'une part, vos porte-parole
et de présenter votre mémoire. Je vous remercie.
M. Legendre (Patrice): Mon nom est Patrice Legendre. Je suis
membre du comité de coordination de la coalition SCRAP-Paradis. Je suis
aussi d'un organisme membre de la coalition qui s'appelle l'ACEF de Laval. Nous
ne sommes pas les six personnes présentes tel qu'il avait
été annoncé. Je vais vous présenter Lyne Raymond,
qui est de la région de Québec, qui est chef de famille
monoparentale et aussi membre de notre comité de coordination, et,
à ma droite, Claude Gingras, membre du comité de coordination,
qui milite et travaille à l'ACEF de Laval, donc dans la région de
Montréal.
D'abord, on aimerait reprendre une affirmation faite par le ministre il
y a quelques minutes à peine, selon laquelle les cadres d'une commission
parlementaire sont toujours un peu étroits et ne permettent pas des
échanges prolongés dans le temps ou prolongés dans la
forme. Je rappellerais qu'il y a dix jours ou deux semaines on a fait une
invitation au ministre de venir rencontrer un millier d'assistés sociaux
dans une assemblée à Montréal pour pouvoir échanger
directement, plus longtemps dans le temps, et que l'invitation a
été refusée. On trouve que c'est regrettable.
SCRAP-Paradis est une coalition qui a été
constituée l'été dernier, au mois de juillet, parce que le
milieu dans lequel on oeuvrait, le milieu des assistées sociales et
assistés sociaux, et plus généralement des travailleurs et
travailleuses, des gens faiblement protégés, des démunis,
appréhendait la réforme. De fait, c'était connu que,
incessamment, il y aurait production d'une politique du gouvernement, d'une
intention, si ce n'est d'un projet de loi, que, déjà, le ministre
Paradis s'était essayé, mais que la tentative avait
échoué, dans une certaine mesure, contre certains récifs
et que, à tout le moins, cela allait revenir sur la table. On se disait,
de manière à appréhender la question, qu'il fallait
prendre les devants et non pas, comme c'est souvent le cas, attendre que le
pavé nous frappe en plein visage.
Alors, la coalition s'est constituée à l'initiative de
groupes comme l'ACEF de Laval, l'ADDS de Laval, qui a aussi, je pense,
déposé un mémoire à la commission et qui va parler
bientôt, une organisation qui s'appelle l'ODAS de la Petite-Bourgogne,
qui a aussi présenté un mémoire, et une coalition de
Québec, BS-Dignité. Depuis lors, c'est-à-dire depuis
l'été dernier, nous avons réussi à regrouper autour
de nous tout près de 80 groupes qui représentent
différents secteurs: des organisations de femmes, de jeunes, des
syndicats locaux, des groupes d'assistés sociaux, de
psychiatrisés ou d'ex-psychiatrisés, d'alphabétisation.
À tout le moins, une étendue assez importante de groupes, de
personnes au Québec qui sont concernées par la réforme en
étant ou en n'étant pas elles-mêmes
assistées sociales. (11 h 15)
Ce qu'on tient à présenter aujourd'hui n'est pas
l'intégralité de notre mémoire. Cela pourra faire l'objet
des échanges, si cela se présente, si la commission est
réceptive et considère qu'il y a matière à se
prononcer. Il s'agit davantage, dans les 20 minutes qui nous sont
dévolues, de faire valoir notre conception de l'action gouvernementale
en matière d'aide sociale et les intentions en ce qui concerne des
modifications au régime. On considère que ces orientations ont
été globalement rejetées par l'immense majorité de
la population du Québec par le biais de ses organisations. Ce qui a
été présenté devant la commission parlementaire,
mais aussi ce qui a été dit à maintes occasions au cours
des derniers mois, avant même le dépôt en décembre
dernier de l'énoncé de politique, fait valoir, à notre
sens, un consensus au sein des assistés sociaux et des assistées
sociales, en premier lieu. Ce sont quand même 650 000 personnes. Au sein
des gens faiblement protégés ou démunis, qu'ils soient au
chômage, au salaire minimum ou à peu près nulle part selon
les statistiques officielles, qu'ils soient jeunes ou un peu moins jeunes, au
sein aussi des travailleurs et des travailleuses syndiqués, à
notre sens, il y a un consensus dans tout ce milieu-là, qui est le
milieu visé par la réforme, d'en rejeter les grandes orientations
et d'en rejeter surtout la concrétisation formelle qu'est le projet de
réforme et les programmes proposés par le ministre Paradis. Cela
repose sur l'analyse suivante, qu'on partage et qu'on veut renouveler et
répéter: Le gouvernement Bourassa s'en prend, comme la
majorité si ce n'est la totalité des gouvernements en Occident,
aux plus démunis de la société de manière à
pouvoir orienter les politiques économiques du gouvernement, la gestion
des affaires de l'État en fonction des prérogatives et des
impératifs du milieu des affaires, des compagnies, des riches, entre
guillemets. Je pense que l'expression a sa place. Ce sont les riches qui
bénéficient d'un régime d'aide sociale qu'on impose aux
plus démunis. Ce sont les riches qui réussissent, par les mesures
prévues au projet de réforme, à améliorer leur
position dans la société au détriment des assistés
sociaux, des chômeurs, de ceux et celles qui bataillent quotidiennement
pour survivre, pour avoir un emploi et, idéalement, un emploi
décent. Mais la bataille est même juste pour avoir un emploi parce
que les conceptions d'emploi décent sont en tous points absentes des
préoccupations gouvernementales, à notre sens. Sauf qu'on les
retient, on les met de l'avant, mais ce n'est pas sur la table quand le
gouvernement parie d'aide sociale.
Il y a un constat qui est fait par tout le monde parce que les chiffres
parlent et ne peuvent mentir. C'est le grossissement, au cours de la
dernière période, des effectifs des assistés sociaux et
assistées sociales, et en particulier les effectifs de ceux qui
pourraient être sur le marché du travail et travailler dans
d'autres conjonctures économiques. C'est le grossissement aussi des
effectifs des personnes généralement sans emploi. Quand on fait
des additions, et je pense que tout le monde en fait, on se rend compte qu'au
Québec, cela atteint des proportions assez gigantesques. On peut parler
aujourd'hui, 15 mars, à telle heure, de 800 000, 900 000, 1 000 000 de
personnes qui sont dans une situation d'emploi précaire, soit parce
qu'elles ne travaillent pas, qu'elles sont au chômage, ou qu'elles sont
vraiment dans une situation extrêmement précaire, entre autres,
les 100 000 personnes qui travaillent au salaire minimum. Cela fait à
peu près 1 000 000 de personnes. C'est gigantesque dans une
société qui se revendique constamment de progrès
économique, d'une amélioration de son rendement, dune
espèce de sortie d'une noirceur qu'on a connue au début des
années 1980.
À notre sens, s'il y a eu une espèce de
développement à ce stade, ce n'est absolument pas les gens qu'on
représente et qu'on défend. Ce ne sont absolument pas les
travailleurs, ni les assistés sociaux et les assistées sociales
qui ont réussi, à partir des politiques gouvernementales,
à gruger un peu plus ou à gagner un peu plus, mais au contraire
on a forcé pour qu'ils reculent un peu plus, qu'ils reculent davantage.
Les politiques à l'intention, à l'égard et en faveur -
comment dire - de l'entreprise privée sont abondantes, sont monnaie
courante. Au Canada, par les différents paliers de gouvernement, celles
qui viennent en aide ou qui visent à apporter un support quand les gens
sont dans le besoin, c'est toujours là-dessus qu'on gruge, c'est
toujours là-dessus qu'on rogne. Quand le gouvernement a
décidé de désindexer aux trois mois les chèques
d'aide sociale, il est allé chercher là des économies. Il
est allé chercher là des économies qui peuvent se chiffrer
je pense, sauf erreur, à près de 40 000 000 $, mais ce sont des
économies qui, d'un autre côté, sortent de la poche du
gouvernement et contribuent à engraisser, selon nous, les riches,
à engraisser l'entreprise privée et à aider ce secteur de
la société au Québec. Ce sont des économies de
bouts de chandelles qui sont monnaie courante. On le sait, on a l'habitude
depuis que le régime existe. Depuis le début des années
soixante-dix, on a l'habitude des économies de bouts de chandelles. Que
ce soient celles qu'a faites le Parti québécois ou celles que
fait le Parti libéral, à notre sens, c'est bonnet blanc, blanc
bonnet. On a l'habitude. On n'est pas surpris sauf que, comme à tout
coup, on réagit et on veut les éviter. On dit: Les vraies
économies ne doivent pas être faites là. Elles doivent
être fartes dans l'ensemble des dépenses fiscales dont profitent
les plus favorisés, dont profitent les hauts salariés, dont
profitent les entrepreneurs, dont profitent les propriétaires de
compagnies.
D'autre part, on constate aussi, à l'instar d'une multitude
d'autres organisations, que le
noyau, le noeud de cette réforme est la question de
l'employabilité, la question de tout ce que chapeaute le programme APTE.
Les autres programmes et les ajouts de sommes, les augmentations de
prestations, entre autres, pour les personnes considérées comme
non employables, sont des modifications qui peuvent être correctes dans
la mesure où, quand on ajoute un montant au chèque, c'est
toujours apprécié, mais ce n'est pas cela le noeud de la
réforme, ce n'est pas cela l'objet, et je pense que le gouvernement l'a
reconnu. L'objet est de ramener sur le marché du travail une masse de
personnes imposante au Québec - 350 000 personnes - et faire en sorte
que ces gens-là quittent à un moment donné, après
une certaine période, le régime d'aide sociale.
Comment le gouvernement s'y prend-il? À notre sens, sans entrer
dans la mécanique - on le fera plus tard - c'est en rendant la vie des
bénéficiaires de l'aide sociale intenable, en faisant en sorte
que cela ne soit plus possible de rester bénéficiaire de l'aide
sociale pendant une période prolongée à cause des
tracasseries administratives, à cause du resserrement des
contrôles sociaux, à cause des exigences nouvelles qui vont
être apportées. On veut se débarrasser d'un certain nombre
de personnes. On veut que ces gens-là soient obligés de se
monnayer, de se transformer en marchandise au service des multinationales,
comme Hyundai, ou au service des petites PME québécoises pure
laine qui vont profiter de cette abondance de main-d'oeuvre disponible pour
exploiter davantage les personnes qui sont à leur service, comme on l'a
vu avec les options Déclic. Je suis sûr que beaucoup de personnes
venues témoigner devant vous ont déjà été
inscrites à des programmes du type option Déclic. On l'a vu
à ce moment-là et on va le revoir. À notre sens, c'est
vraiment dégager, au profit des compagnies, cette masse -Je travailleurs
et travailleuses exploités. Cela est inadmissible. C'est cela le coeur
de la réforme. C'est pour cela que le Conseil du patronat a applaudi et
félicite le gouvernement. La chambre de commerce félicite aussi
le gouvernement là-dessus mais trouve en même temps que, si les
gens répondent, cela va peut-être coûter un peu trop cher.
Donc, ils aimeraient peut-être - comment dire - gagner sur les deux
tableaux. Il reste que les organismes qui représentent ceux et celles
qui ne se préoccupent pas de payer leur loyer chaque fin de mois ou qui
ne se préoccupent pas de remplir le réfrigérateur chaque
semaine, à tout le moins, curieusement, ces organismes sont d'accord
avec la réforme. Mais les organismes dont les membres ou les personnes
qu'on défend se préoccupent de ces questions concrètes du
loyer, du compte de gaz, du réfrigérateur, des vêtements et
peut-être un peu des loisirs, tous ces organismes au Québec sont
contre la réforme. À notre sens, il y a comme un clivage dans la
société au Québec qu'exprime vraiment à merveille
le ministre Paradis et son gouvernement, c'est-à-dire une politique pour
les mieux nantis, c'est-à-dire les riches, et la matraque et le
pavé pour les pauvres, pour ceux et celles qui peinent et ceux et celles
qui ont de la misère. À notre sens, c'est la conception qu'on se
fait et c'est la conception que se font nos groupes qui représentent
différents intérêts, non seulement dans le milieu des
assistés sociaux. Il y a aussi le Front commun qui est venu
présenter sa position. Il est très connu et c'est le porte-parole
officiel des assistés sociaux, mais, nous, on va chez les gens qui sont
concernés.
Avant de terminer, je vais céder la parole à Lyne Raymond,
mais je vais enchaîner, à partir du général vers le
plus particulier, sur les questions spécifiques qui ont fait l'objet de
débats gigantesques au Québec depuis plusieurs années, que
ce soit sur le traitement dont sont l'objet les femmes dans notre
société quand elles cherchent à gagner une
égalité économique, quand elles cherchent à gagner
une égalité sur tous les points de vue, que ce soit en ce qui a
trait aux droits, au travail, à la reconnaissance de leur statut. La
politique attaque de front ces efforts qui sont faits et qui ont
été faits par nos groupes en premier lieu et que des
organisations des partis politiques ont repris, à mon sens, d'une
manière récupératrice. C'est la même chose pour
essayer de résoudre le problème des jeunes. Je fais surtout
référence au gigantesque débat, à l'occasion de
l'Année internationale de la jeunesse, sur la parité à
l'aide sociale et je fais aussi référence à
l'élection de 1985 où le gouvernement est allé se chercher
des supporters chez les jeunes en se faisant, à mon sens, d'une
manière un peu scandaleuse, le défenseur de la veuve et de
l'orphelin, entre autres, des jeunes de moins de 30 ans.
Il y a donc des attaques de front contre ces clientèles ou contre
ces catégories de personnes. Il y en a contre les chefs de famille
monoparentale. À divers points de vue, la réforme n'est pas
satisfaisante. C'est pour cela qu'on pense que le gouvernement ferait une bonne
chose s'il la retirait. Nos efforts vont en ce sens. Nous sommes d'accord avec
différents organismes pour dire que le système actuel n'est pas
satisfaisant. Il doit être modifié. Nous allons faire état
de nos revendications après que Lyne Raymond aura parlé un peu
plus de la question des femmes. Ce sont des revendications qui visent à
concrétiser, à donner une image et un corpus sur ce que serait
selon nous l'aide sociale au Québec. Nous allons les
énumérer, mais vous les avez devant vous.
Donc, le système n'est pas satisfaisant et, pour qu'il le soit,
comme, à mon sens ou à notre sens, c'est une bataille politique,
il faut que le gouvernement retraite, fasse marche arrière. Sur le corps
de la réforme actuelle, il n'y a pas de modifications majeures
possibles. Le mort doit être enterré avant qu'on aille plus loin
dans les différentes cérémonies.
Je voudrais céder la parole à Lvne
Raymond. Je reviendrai ensuite sur nos revendications plus
précises, si le temps le permet à ce moment.
Le Président (M. Bélanger): Je précise qu'il
reste trois minutes.
Mme Raymond (Lyne): Je vais faire cela vite de toute
façon. On trouve aussi que le gouvernement...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Mme
Raymond, de façon à ne pas bousculer, s'il y avait
consentement, on pourrait vous permettre de terminer votre présentation.
Allez-y à votre rythme!
Mme Raymond: Merci. On trouve aussi que le gouvernement
défend une politique dégradante, sexiste et inhumaine pour les
femmes et pour les enfants. On ne parle pas souvent des enfants, mais les
enfants sont très touchés par cela puisque leur
développement n'est vraiment pas favorisé. Les femmes qui
travaillent à temps plein sont moins rémunérées que
les hommes, on le sait. Une majeure partie des femmes sont chefs de famille.
Pour une femme assistée sociale, c'est consacrer près des deux
tiers de ses revenus au logement, en plus d'avoir souvent de la
difficulté à se trouver un logement parce que les
propriétaires demandent des endosseurs. Les chefs de famille
monoparentale doivent compter sur un revenu trois fois inférieur
à celui des familles sur le marché du travail. Les emplois
accessibles aux femmes sont principalement des temps partiels, au salaire
minimum et en nombre insuffisant aussi. Il n'y a pas assez d'emplois et on nous
demande de travailler. Une majeure partie du salaire va à la garde
d'enfants. Les services de garde sont vraiment inadéquats. Quand on doit
débourser 110 $ par mois pour un enfant, qu'on a un revenu de 187 $, et
un loyer à payer, si l'enfant est malade, les médicaments
n'étant plus inclus dans la réforme, qu'est-ce qu'on fait
à ce moment-là? On le laisse crever ou... (11 h 30)
Par rapport au conjoint de fait, dans le Code civil, il est clair que le
conjoint de fait n'a pas à débourser, ni financièrement ni
d'aucune façon, pour sa conjointe de fait. Alors, je ne vois pas
pourquoi on obligerait les femmes qui bénéficient de l'aide
sociale à être souvent dépendantes de leur colocataire ou
de leur conjoint de fait. C'est une charge... Cette réforme va beaucoup
à l'encontre des droits des femmes et des enfants.
M. Legendre: Je vais terminer avec... Je ne listerai pas les
revendications, elles sont de plusieurs ordres, entre autres, celles sur ce
qu'on pourrait qualifier d'incitation au travail parce que, en principe, cela
intéresse le gouvernement. Comment concevons-nous cette
question-là? Il y a aussi le régime en tant que tel. À
notre sens, c'est un fait que les gens qui bénéficient de l'aide
sociale sont des gens qui travaillent et font partie des travailleurs et
travailleuses. Ifs en ont été exclus pour x raisons. Cela peut
être à cause d'un accident de travail; ils ont pu être
maganés par des expériences longues en usine, dans des mines ou
ailleurs. Ils peuvent aussi avoir été exclus et ne plus avoir la
force de travailler pour des raisons socio-économiques. Dans les
quartiers pauvres, les conditions de vie ne sont pas toujours faciles.
Alors, ce sont des gens qu'on considère comme des travailleurs et
travailleuses mais qui sont exclus du système. Ces gens-là
aspirent souvent à travailler. Ils n'aspirent pas à rester chez
eux ou chez elles, ils aspirent à travailler. Il y a donc cette notion
qui est à prendre en considération. Il y a d'ailleurs des
organisations qui ont fait des enquêtes en ce qui concerne les valeurs
des assistés sociaux et des assistées sociales, et la valeur du
travail était très importante, ce qui fait que, souvent, on a de
la difficulté à reconnaître ce type de statut dans une
société qui glorifie le travail. On dit que, si le gouvernement
est préoccupé par l'incitation au travail, il doit faire en sorte
que les gens soient incités à aller au travail parce que le
travail existe, parce que des emplois existent et parce que ces
emplois-là, on peut les occuper et qu'on gagne à les occuper. On
ne gagne pas à aller travailler au salaire minimum, à environ
4,55 $ l'heure. On ne gagne pas à aller travailler dans des conditions
misérables où on n'a aucune défense et où on n'est
couverts par aucune protection sociale. On ne gagne pas à se vendre
comme esclave. On n'est pas attirés, et on n'est pas invités
à aller travailler parce que, ce à quoi on nous invite, c'est
à être des esclaves.
Si le gouvernement veut inciter les gens à aller travailler,
qu'il augmente le salaire minimum de manière substantielle au lieu
d'essayer que de maintenir un écart artificiel, mais constant, permanent
et figé dans le béton de 100 $, irrémédiable, entre
la prestation et le salaire minimum. Comme le principe qui a été
énoncé dans le document par le gouvernement, il s'agit, à
notre sens, de faire en sorte qu'il y ait un attrait à aller travailler,
même au plus bas salaire. Donc, augmenter le salaire minimum et trancher
avec la pratique des presque dix dernières années qui consiste
à maintenir ce salaire-là ridiculement bas. Il s'agit aussi pour
les gouvernements, lorsqu'ils font leur budget, qu'ils préparent les
crédits pour les différents ministères, qu'ils
conçoivent des politiques de développement régional ou
qu'ils conçoivent des politiques sociales et économiques
d'assistance pour quelque secteur que ce soit, d'avoir constamment à
l'esprit une politique de création d'emplois de manière que
chaque personne au Québec puisse travailler.
Il y a des éléments qu'on met de l'avant, comme la
réduction de la semaine de travail à 35
heures sans perte de salaire. Là, je n'ai vu personne bondir,
mais, habituellement, les gens bondissent! Peut-être est-ce parce que
vous l'avez souvent entendu de la part de différents groupes, mais c'est
correct comme revendication et c'est populaire. Je sais que cela suscite une
opposition importante de la part de ceux et celles qui ont quelque chose
à protéger d'un peu obscur.
On demande aussi que soit reconnu comme principe - vous le mettrez dans
une charte ou vous le mettrez où vous voudrez - que personne n'est tenu
de travailler en deçà des conditions minimales de travail, qui ne
sont pas une carte de souhaits, qui sont des conditions minimales de travail.
Si le législateur a appelé cela ainsi, c'est parce que
c'était cela. Il n'a pas appelé cela pour la galerie. Ce sont des
conditions minimales de travail, donc qu'on ne travaille pas en
deçà. Pourtant, ce qu'on exige des jeunes avec les options
Déclic présentement et ce qu'on va exiger des
bénéficiaires aptes, c'est de travailler en deçà et
tellement en deçà que des groupes peu militants dans la
société, comme les évêques et d'autres forces dans
la société, des corporations professionnelles, dénoncent
cette nouvelle forme d'esclavage, que l'on retrouve aux États-Unis avec
le développement de la pauvreté et que l'on retrouve un peu
partout.
En ce qui a trait au régime comme tel, à notre sens, les
prestations doivent être haussées de manière à
atteindre les seuils de pauvreté. C'est cela qu'il faut viser. C'est une
revendication absolue. Ce n'est pas de les augmenter un peu pour dire qu'on est
un peu moins loin des seuils de pauvreté. Non! C'est de viser à
ce que ce soient les seuils de pauvreté. Cela ne se fera pas du jour au
lendemain, mais il faut viser à ce qu'ils atteignent les seuils de
pauvreté. Viser ou permettre que tous les gains de travail ou les autres
rémunérations ne soient pas coupés jusqu'à ce que
les seuils de pauvreté soient atteints. Que tous les besoins
spéciaux dans lesquels on a sabré au cours des quinze
dernières années soient réintroduits, soient reconnus
pleinement. Que les barèmes soient en fonction des besoins réels.
Que l'indexation des prestations soit réintroduite tous les trois mois.
J'en passe puisque le temps est écoulé.
En dernier lieu, on considère qu'il est important que la
parité pour les jeunes de moins de 30 ans soit reconnue
immédiatement, sans délai et sans condition, et qu'on ne cherche
pas par différents détours, que ce soit, par exemple, la
cohabitation ou la dépendance par rapport à la famille, qu'on ne
cherche pas à retirer d'une main ce qu'on aura donné de l'autre
pour satisfaire une promesse électorale, mais que, sans délai,
parce que la société au Québec l'exige et le revendique
haut et fort depuis des années, que la parité soit
accordée d'une manière franche. C'est sur cela, souvent, sur des
gestes francs, qu'on juge les gouvernements. Merci.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. M. le
ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui. M. le Président, je
remercie le regroupement Solidaires contre la réforme à Pierre
Paradis pour le mémoire et pour la présentation. Vous avez
soulevé de nombreux points.
Vous me permettrez de commencer, pour votre bénéfice ainsi
que pour le bénéfice de ceux et de celles qui nous reliront, en
traçant le portrait de la clientèle à l'aide sociale,
telle qu'elle existait en mars 1987 - elle a évolué depuis ce
temps, j'en dirai quelques mots tantôt - et sur laquelle nous avons
basé l'élaboration des programmes dans le document "Pour une
politique de sécurité du revenu", qu'on vous a soumis. En mars
1987, dans la province de Québec, approximativement 400 000 chefs de
famille ou de ménage dépendaient de l'aide sociale comme source
de revenus pour subsister. Parmi ces gens, on prétend qu'à peu
près le quart de la clientèle, soit 100 000 chefs de famille ou
chefs de ménage, sont des gens qui n'ont pas la capacité de
subvenir à leurs propres besoins et ce, pour une longue période.
Les 300 000 autres sont considérés comme aptes au travail ou
capables de travailler. Maintenant, est-ce qu'ils le sont ou est-ce qu'elles le
sont vraiment? C'est la deuxième question. Cette clientèle se
départage comme suit, sans arrondir les statistiques pour être un
peu plus précis: 36 % de ces 300 000 chefs de ménage sont des
analphabètes fonctionnels - si on veut se comprendre, ils ne sont pas
même capables de prendre connaissance d'une offre d'emploi dans un
média écrit - 60 % de cette clientèle
considérée comme apte au travail n'a pas complété
ses études secondaires, alors qu'on sait que plusieurs entreprises -
plus l'entreprise est grande ou importante et plus elle offre des emplois dits
de haute technologie ou sophistiqués - exigent au minimum le cours
secondaire pour avoir l'autorisation de se porter candidat en vue d'obtenir un
emploi; 40 %, et là on touche spécialement les femmes et souvent
les femmes chefs de famille monoparentale, 40 % de cette clientèle n'a
aucune expérience antérieure de travail, et on sait dans combien
de cas cette expérience de travail est exigée.
Le gouvernement du Québec a déployé, au cours des
dernières années, des efforts qui rejoignent l'une des
recommandations que vous nous avez soumises: quand on prépare les
crédits, quand on prépare le budget, quand on parie de programmes
au gouvernement, de sans cesse avoir en tête, dans l'ensemble des
ministères et dans l'appareil gouvernemental, la création
d'emplois, et d'emplois de qualité, d'emplois valorisants. Je vous dirai
que, sans accomplir de miracle, au cours des dernières années, le
gouvernement, en accordant cette priorité que vous avez
suggérée et en continuant de l'accorder, se retrouve aujourd'hui
avec un bilan sur le plan de la
création d'emplois qui est le meilleur au Canada. Il faut
toujours, à un moment donné, se comparer pour se consoler. De
plus, les emplois créés sont, dans un très fort
pourcentage, des emplois à temps plein, et tout près de 70 % des
nouveaux emplois créés sont allés à des femmes dans
la société. Cela trace un peu le bilan, mais cela ne règle
pas le problème.
Il y a eu, comme vous l'avez indiqué dans votre mémoire,
une série d'années où la clientèle de l'aide
sociale a augmenté de façon exponentielle. La crise
économique n'est pas étrangère à ce
phénomène, non plus que certaines décisions
gouvernementales. Quand on gèle le salaire minimum pendant cinq
années consécutives et que, en même temps, on indexe
trimestriellement les prestations d'aide sociale, il ne faut pas être
devin pour imaginer la conséquence rapide d'une telle combinaison de
mesures. L'aide sociale, strictement sur le plan de la
rémunération économique, devient plus attrayante pour les
individus que le travail au salaire minimum, et vous avez une augmentation
phénoménale de la clientèle. Je vous indiquerai que ce
n'est plus le cas depuis le début de l'année 1986. Nous avons une
diminution de personnes qui dépendent de l'aide sociale de près
de 100 000 individus depuis le début de 1986 et, parmi cette
clientèle, environ 50 000 sont des jeunes qui ont quitté l'aide
sociale. Ce qui nous rassure un peu comme société, c'est que 90 %
des gens qui quittent l'aide sociale n'y reviennent jamais de leur vie. Cela
sous-tend un argument: on ne s'y trouve peut-être pas aussi bien que
certaines gens le pensent. 90 % n'y reviennent jamais!
J'aurais des questions précises à poser au sujet du
dossier qui a été particulièrement soulevé par Mme
Raymond: la question des femmes, et des femmes chefs de famille monoparentale,
et la sous-question directement reliée de la définition du
conjoint.
Mme Raymond: Oui.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vais commencer en vous donnant
comme statistiques qu'on compte environ 77 000 femmes chefs de famille
monoparentale bénéficiaires de l'aide sociale qui, pour vivre,
n'ont que leur revenu de l'aide sociale, c'est-à-dire qu'elles ne
touchent à aucun moment ce qu'on appelle une pension alimentaire de
l'ex-conjoint, etc. Un regroupement de familles monoparentales qui est venu
hier a évoqué cet aspect du dossier et suggérait au
gouvernement non pas de donner à la femme chef de famille monoparentale
le fardeau de réclamer sa pension alimentaire, mais que le gouvernement
prenne les mesures appropriées pour assumer cette responsabilité
et que cette pension alimentaire soit versée. J'aimerais connaître
votre opinion sur ce sujet.
Mme Raymond: Finalement, oui, je suis d'accord avec le fait que
le gouvernement prenne ses responsabilités, qu'il donne des emplois.
Vous disiez tantôt qu'il y a eu - je ne sais pas le nombre - des
créations d'emplois pour les femmes, mais quel genre d'emplois ont-elles
eus? Ce sont des emplois précaires, dans l'hôtellerie ou dans la
restauration. Ce sont des emplois où les femmes sont sous-payées,
où elles travaillent à temps plein en plus d'avoir leurs enfants,
ce qui leur fait une semaine de 70 heures. À combien sont-elles
rémunérées? Peuvent-elles subvenir aux besoins de leurs
enfants et à leurs propres besoins? Elles n'ont même pas le temps
d'avoir des loisirs pour elles-mêmes. Les garderies coûtent cher,
très cher. (11 h 45)
Les subventions gouvernementales ne sont pas suffisantes. Il ne devrait
pas y avoir de subventions: les garderies devraient être carrément
gratuites et il devrait y avoir plus de garderies, que le gouvernement permette
aux gens d'avoir plus de garderies.
Finalement, moi, je suis d'accord avec elles sur le fait que...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Sur la question de la pension
alimentaire...
M. Gingras (Claude): Est-ce qu'on peut ajouter quelque chose
là-dessus?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Sur la pension alimentaire,
oui.
M. Gingras: Ce n'est pas sur la pension alimentaire. Je pense que
le ministre fait comme d'habitude, il essaie de détourner la question.
Il y a un problème dramatique d'emplois pour les femmes au
Québec. Il n'y a pas de "jobs" pour les femmes. Le seul emploi qui a un
peu de bon sens pour les femmes et qui est syndiqué, c'est dans la
fonction publique, et on est en train de détruire ce secteur.
Il n'y a pas d'emplois pour les femmes. D'une part, on veut les obliger
à faire des choses, toutes sortes de choses, et on veut les couper. On
veut courir après elles pour voir s'il n'y a pas quelqu'un qui les
soutient par en arrière. C'est complètement aberrant,
complètement aberrant comme politique. Là, vous arrivez et vous
demandez: Qu'est-ce que vous pensez par rapport à une mesure? On veut
savoir, nous, ce que vous avez donné aux bénéficiaires de
l'aide sociale? Il leur faut deux fois plus que ce qu'on leur donne
actuellement. Le Conseil national du bien-être social le dit
carrément dans un livre. Il va complètement à rencontre de
tout ce que vous dites. On en parle d'une façon internationale. Dans
Le Monde diplomatique, on dit: "Des citoyens et des citoyennes exclus de
la démocratie". Avec ces politiques que vous faites là. avec ces
soupes populaires qui se développent partout, on est en train de
créer une troisième catégorie de citoyens qu'on appelle le
quart-monde un peu partout dans le monde, dans les pays riches.
Voyons, M. le ministre! Ne nous arrivez pas avec des affaires comme
ça. Dites-nous ce que vous allez faire pour les emplois. Dites-nous
quand vous allez augmenter le salaire minimum. Dites-nous quelles mesures vous
allez prendre pour que les femmes puissent s'intégrer au marché
du travail. Dites-nous ce que vous allez faire pour que les gens qui vivent des
problèmes émotionnels... On dit que ce sont des gens
inemployables. Ce ne sont pas des gens inem-ployables, les gens qui vivent des
problèmes émotionnels. Ce sont des gens qui sont capables de
travailler, mais qui font face à des patrons et à une industrie
qui ne prennent pas leurs responsabilités là-dessus. C'est la
même chose en ce qui concerne la formation. Le patronat ne prend pas ses
responsabilités, et l'État non plus, en matière de
formation. On disait, dans les années 1960... Bourassa le disait
lui-même - il était là - Lévesque le disait, les
autres le disaient... Ryan, avec qui j'ai fait de l'action catholique, le
disait lui aussi. Qu'est-ce qu'ils disaient? La jeunesse, c'est la richesse
naturelle du Québec. Il faut ouvrir des "jobs" pour ce monde-là.
Ils perdent leur cerveau, ils perdent leur énergie. On pourrait dire la
même chose pour les femmes. On ne leur donne pas de "jobs", aucune "job"
intéressante. On va essayer de les faire entrer dans une...
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Moi, j'avais commencé une
période d'échange avec une des invités. Je reviendrai
tantôt - je ne veux pas l'exclure - avec M. Gingras. J'aurais une
deuxième question à poser...
M. Gingras: Mais je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas
répondre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non, mais j'avais posé la
question lorsque ça touchait quelque 78 000 femmes chefs de famille
monoparentale et je ne pensais pas être en train de noyer le poisson
lorsque je traitais des contributions... des pensions alimentaires qui ne sont
pas versées dans le cas de 85 % de ces femmes qui n'ont que l'aide
sociale. Je pense que cela - plusieurs groupes nous l'ont dit - est une partie
importante de la composante du dossier qui est devant nous.
Mme Raymond évoquait toute la question des conjoints de fait.
Là aussi, il s'agit d'une récrimination importante que les
groupes des bénéficiaires d'aide sociale ont présentement:
la notion de conjoint de fait dans l'application actuelle de la loi. Nous avons
reçu plusieurs récriminations des groupes de
bénéficiaires d'aide sociale. Nous en proposons une nouvelle dans
la...
Mme Raymond: C'est de retarder d'un an, la proposition que vous
faites. C'est douze mois de plus. C'est la même chose, sauf que c'est
douze mois plus tard. Excusez-moi de vous avoir coupé la parole.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ce que je voulais vous dire, la
CIAFT, Conseil d'intervention pour l'accès des femmes au travail du
Québec, est également venu devant cette commission exprimer son
point de vue. Le CIAFT nous disait - je cite la page 7 de son mémoire:
"La nouvelle définition du conjoint de fait est certes une
amélioration à l'arbitraire du système actuel." Est-ce que
vous partagez cette opinion du CIAFT ou est-ce que vous différez
d'opinion avec le CIAFT?
Mme Raymond: Avec l'arbitraire? Excusez! Je ne comprends pas la
question.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je peux répéter.
L'opinion du Conseil d'intervention pour l'accès des femmes au travail
était la suivante: La nouvelle définition que nous proposons du
conjoint de fait est une amélioration à l'arbitraire du
système actuel. Est-ce que vous êtes d'accord avec cet
exposé du CIAFT ou est-ce que vous ne partagez pas cette opinion?
Mme Raymond: II faudrait que je regarde ça de plus
près, parce que... Je laisserai la parole à monsieur...
M. Gingras: C'est clair qu'il va y avoir moins d'arbitraire dans
le sens que les gens qui vivent des problèmes émotionnels, qui
n'ont pas d'emploi vont être coupés, parce qu'ils n'auront pas le
droit de vivre ensemble. Cela va créer un ghetto. Supposons que je sois
classé comme inemployable, selon vos termes. Je n'aurai pas le droit
d'aller vivre avec quelqu'un qui est employable. J'ai le droit d'y aller, mais
je vais perdre un montant d'argent. Dans la réforme...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je m'excuse, M. le
Président. Je ne veux pas ouvrir un débat avec M. Gingras, mais,
M. Gingras, c'est faux ce que vous venez d'affirmer. Ce n'est pas ce que dit la
politique de sécurité du revenu. Je vous invite à faire
l'effort, au moins... J'accepte qu'elle soit critiquée, mais sur des
bases réelles et sur des bases vraies. Ce n'est pas ce que dit le
document.
M. Gingras: Quelles sont les politiques du gouvernement?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Si vous allez demeurer avec une
personne qui est admissible au programme Soutien financier, la question du
partage du logement de même que la contribution alimentaire ne
s'appliquent pas. C'est écrit dans la politique de
sécurité du revenu. Je vous demande de critiquer ce qui est
critiquable - il y en beaucoup - mais de ne pas critiquer à partir
d'éléments de base qui sont faux et qui con-
tredisent carrément ce qui est écrit dans le livre sur la
politique de sécurité de revenu. C'est tout.
M. Gingras: Cela veut dire qu'une personne employable peut vivre
avec une personne inemployable sans être coupée?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Exact.
M. Gingras: On s'excuse sur ce point. On a mal lu et on va
vérifier, sûrement.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): En vertu de l'alternance, M. le
Président.
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Harel: C'est une bonne occasion que nous avons d'examiner
avec vous plus à fond un certain nombre de questions reliées
à l'emploi. Ce que vous venez de dire devant la commission,
rassurez-vous, vous n'êtes pas les seuls à le dire. Vous
êtes sans doute informés que ce que le ministre vous dit, ce n'est
pas qu'à vous qu'il l'a dit. Il le répète à chaque
organisme qui se présente devant la commission. C'est, comme une sorte
de dialogue de sourds qui se joue depuis le début de nos travaux, le 22
février dernier.
Le ministre a dit ce matin, entre autres: Nous avons connu la
création d'emplois la meilleure au Canada. Le discours qui est ici,
c'est un discours qui dit: Cela va bien; cela n'a jamais été
aussi bien. Cela ne peut quasiment pas aller mieux, tellement cela a bien
été: 122 000 emplois cette année, c'est un record, une
performance exceptionnelle. De l'autre côté, et c'est aussi
légitime, parce que le discours qui est tenu par vous et par ceux qui
vous ont précédés, pour la très grande
majorité, vous l'avez noté, c'est qu'il y en a pour qui cela n'a
jamais été aussi mal. Cela va mal et il n'y a pas de perspective
pour que cela s'améliore. Au contraire, avec ce document, cela va
être encore pire. Il va y avoir encore plus de monde dans la
misère. Il y en a qui sont venus chiffrer très
sérieusement les coûts engendrés par cette réforme,
le coût de la maladie, le coût des hospitalisations, le coût
des carences alimentaires, etc.
On est dans une société à deux vitesses,
complètement à deux vitesses. Vous le mentionnez dans votre
mémoire à la page 3, quand vous dites qu'ailleurs aussi le
chômage a augmenté. Vous parlez des pays d'Europe,
d'Amérique du Nord, du Japon. Vous dites: "Le nombre d'emplois
créés par la reprise économique 1983-1987 s'est
avéré insuffisant pour satisfaire aux besoins d'emplois et 1988
s'annonce une année de ralentissement économique. " Il y en a
tellement d'autres qui sont venus le dire. Je ne dis pas que vous n'avez pas
raison de le répéter, bien au contraire. La présidente du
conseil du statut disait: On nous dit que 100 000 emplois auraient
été créés cette année - 122 000.
Malgré cela, le taux de chômage se maintient aux environs de 10 %.
Ne risque-t-il pas de s'accroître si un ralentissement économique
survenait en 1989?
Il est évident que le gouvernement regarde juste une des deux
colonnes. Parce que l'autre colonne... Si le taux de chômage n'a pas
bougé avec un taux record de création d'emplois, que s'est-il
passé? C'est donc s'il y aurait eu un taux record de fermetures, de
licenciements, de changements technologiques et de postes qui n'existent plus,
mais qui existaient avant. Étant donné que, dans une colonne,
c'est un record, N a fallu que dans l'autre colonne ce soit aussi un record
pour que le taux de chômage reste le même. Il faut regarder les
deux colonnes pour comprendre ce qui est en train de se passer.
D'autre part, il faut comprendre, comme l'a indiqué le Conseil
des affaires sociales et de la famille, que le Québec est en train
d'être littéralement cassé en deux, avec des gens qui
trouvent que cela va de mieux en mieux et pour qui cela va bien. Le conseil a
fait des cartes géographiques où il les a localisés. Ils
habitent tous a peu près dans les mêmes quartiers de villes et
dans les mêmes villes de régions. Ils trouvent que cela va
très bien et ils sont tous en haut de ces 97 indicateurs
étudiés par le conseil, tellement cela va bien. Il y a 42 % du
Québec qui habitent à peu près dans les mêmes
quartiers de villes, dans les mêmes régions
périphériques, ce qu'on appelle l'arrière-pays, et pour
qui tout va mal parce qu'ils sont en deçà des 97 indicateurs du
conseil. C'est comme deux Québec qui sont en train de s'éloigner
l'un de l'autre complètement, en étant sûrs chacun, surtout
de ce côté-ci, absolument convaincus que tout va très bien.
Vous comprendrez que, quand on part comme cela, c'est évident que la
colère peut gronder.
Quand on parle des emplois créés, le ministre dit: Ce sont
des emplois à temps complet, ils peuvent être précaires et
tout autant sans protection, avec une faible rémunération, avec
une durée qui n'est pas garantie. C'est tellement vrai qu'il y a aussi
d'autres groupes qu'il connaît qui vont venir, entre autres, un qui ne
s'est pas présenté mais qui ne devrait pas tarder, c'est
Action-Travail des femmes. Il va venir lui expliquer ce que toutes les
études démontrent pourtant amplement, à savoir que les
perspectives d'emploi professionnel jusqu'en 1995 sont toutes peu
rémunératrices, puisqu'elles procurent des salaires à
peine plus élevés que le salaire minimum. Ces emplois sont
déjà majoritairement occupés par des femmes: vente au
détail, secrétariat, emplois de bureau, restauration,
enseignement au niveau primaire, etc. Vous venez de le signaler. Même le
journaliste Alain Dubuc, de La Presse, peut, lui, citer des chiffres
très connus qui disent ce qu'ils veulent dire, que le salaire moyen a
régressé depuis sept ans et qu'il faut travailler beaucoup plus
pour avoir les mêmes montants. Ce sont d'autres chiffres qui sont tout
aussi têtus dans leur vérité. La ques-
tion est: Quelle solution adopter?
Vous dites, comme ceux qui vous ont précédés et
ceux qui vont vous succéder, qu'il faut recommencer. Vous avez dit qu'il
n'y avait rien à faire, d'une certaine façon. Il n'y a pas de
respiration artificielle qu'on peut donner à ce document. Cela manque
trop d'oxygène. Il faut le retirer et recommencer. On recommence,
disons, sur le plan de l'emploi. On recommence comment? Est-ce que vous
trouveriez souhaitable que l'État se porte responsable des grands
programmes de création d'emplois dans le secteur communautaire, par
exemple? Certains sont venus nous dire: En dehors d'une responsabilité
collective, pour créer, générer de nouveaux emplois, on ne
s'en sortira pas. Est-ce que vous avez cette conviction vous aussi?
M. Gingras: C'est clair que toutes les coupures qu'il y a eues
dans le secteur public, par exemple, affectent l'emploi. C'est le gouvernement
lui-même qui crée le chômage, pour une bonne part, par ce
fait, qui coupe dans les budgets sociaux, qui étaient un gain des luttes
des années soixante et soixante-dix. On voulait un système dans
lequel les gens aient des droits. On est en train d'enlever ces
droits-là aux gens en coupant et en enlevant des emplois dans le secteur
qui est le plus intéressant peut-être. Encore là,
même les emplois qui sont là deviennent des emplois
précaires. C'est assez dramatique.
Je pense qu'il n'y a pas seulement la création d'emplois qu'on
trouve importante. C'est un aspect important, mais on pense que les
assistés sociaux doivent avoir immédiatement le seuil de
pauvreté. C'est une revendication importante qui ne coûterait pas
cher. Il y a eu un rattrapage pour les ministres de 10 000 $. C'est à
peu près ce qu'on donne à une famille de deux adultes et deux
enfants. On a donné cela aux ministres et aux députés en
augmentation, à Noël. Je pense qu'il y a un rattrapage à
faire du côté des assistés sociaux. C'est la couche de la
population qui a été le plus coupée. C'est la même
chose pour les gens qui vivent à faible revenu. Ce sont eux qui
subissent le plus la crise économique actuellement, ceux qui vivent au
salaire minimum.
Le Président (M. Bélanger): Si vous me permettez un
instant, une question de procédure. Compte tenu de l'heure, est-ce que
j'ai l'autorisation, le consentement pour qu'on continue?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui.
Mme Harel: Oui.
Une voix: On avait jusqu'à midi dix...
Le Président (M. Bélanger): Non, c'est une question
de procédure. L'ordre de la Chambre nous donnait jusqu'à midi, il
faut avoir le consentement pour continuer. C'est tout simplement cela. Je
m'excuse. Continuez, je vous en prie. (12 heures)
M. Gingras: Je pense que cela, le Conseil national du
bien-être social le dit. Il est avec nous. Cela coûterait 2 000 000
000 $ et quelque pour augmenter le bien-être social au seuil de
pauvreté. C'est une "pinotte" par rapport à ce que les abris
fiscaux coûtent au Québec. Les évaluations qu'on a des
économistes sont autour de 15 000 000 000 $ d'abris fiscaux et cela ne
contient pas toutes les subventions données directement à
l'entreprise, cela ne contient pas toutes sortes d'autres aides techniques que
les ministères donnent à l'entreprise. Cela ne contient pas un
tas de choses. Cela ne serait pas cher de donner le bien-être social. De
toute façon, c'est payé par le fédéral et le
provincial, ils donnent 45 000 000 000 $ d'abris fiscaux par année.
Alors, 1 000 000 000 $ sur chaque affaire, cela ne coûterait pas
grand-chose. Dans l'échelle de distribution des revenus, cela ne serait
pas grand chose non plus. Les plus riches ont 40 % des revenus, plus que 40 %
des revenus d'ailleurs, les 5 000 000 de personnes les plus riches au Canada.
Cela veut dire que les 5 000 000 les plus pauvres en ont seulement 4 %. Si on
augmentait cela seulement à 8 %, c'est cela doubler le salaire minimum.
Cela monterait ces revenus-là à 8 % de tous les revenus pour les
5 000 000 les plus pauvres. Cela ne coûterait que 4 % aux plus riches, si
on les prenait dans des mesures comme les abris fiscaux, par exemple. Il y a
des façons et le gouvernement connaît toutes les façons.
Vous avez sûrement des techniciens habiles à jouer avec ces
chiffres-là.
Il s'agit de développer une volonté pour ne pas
créer une troisième catégorie de gens qui vivent dans la
misère. Il y en a déjà assez qui vivent dans la
misère avec le salaire minimum. Ce sont déjà des
conditions horribles. Là, on est en train de créer une nouvelle
classe qui va vivre d'une façon encore plus horrible. Les
assistés sociaux vivaient déjà avec la moitié du
seuil de pauvreté. Il faut penser aussi à mettre de l'argent, ne
pas la mettre dans des cours ou des affaires, à en donner aux
assistés sociaux. Cela va aussi aider l'économie. Les
dépanneurs vont probablement avoir moins de problèmes.
M. Legendre: J'aimerais intervenir sur ce qui a été
mentionné par Mme la députée Harel et aussi par M. le
ministre. Tout cela tournait un peu autour de l'emploi. À notre sens -
je pense qu'on entendait cela à Radio-Canada, ce matin, entre
Montréal et Québec - il y a au Québec un nombre
impressionnant de création d'emplois mais, en ce qui concerne l'emploi
dans le secteur industriel ou le secteur manufacturier, là où il
y a des emplois qui sont généralement bien
considérés, bien rémunérés, on est vraiment
très très loin derrière l'Ontario. Il y a une
différence
énorme et l'Ontario a créé tout près de 70 %
des emplois industriels au Canada. Le Québec a peut-être
créé beaucoup d'emplois dans le domaine des services, du
commerce, de la restauration, du "fastfood", des serveuses et de l'entretien
ménager, mais dans les secteurs manufacturier et industriel, il y a un
retard important. À notre sens, cela doit être
considéré. C'est pour cela que, quand on nous dit que ce sont des
emplois communautaires, je pense que c'est encore passer un peu à
côté de la carte que de rechercher des programmes qui vont
créer des emplois pas davantage - comment dire - plus solides, plus
adéquats, plus intéressants pour les gens.
À mon sens, il y a une responsabilité. Je pense que le
débat, au Québec, c'est qu'il y a une confiance qui s'amenuise,
qui s'éclipse petit à petit du côté de ceux et
celles qui travaillent ou qui voudraient travailler par rapport aux personnes
qui sont en responsabilité, que ce soit dans l'entreprise privé,
que ce soit dans les différents gouvernements. Parce qu'il
apparaît, de génération en génération, de
fois en fois, d'élection en élection, que les politiques mises de
l'avant ne sont pas tellement différentes les unes des autres, que ce
sont des politiques qui se rejoignent à un moment donné et qui
font que, quand bien même un parti de l'Opposition dit: II faut
créer de l'emploi, une fois au gouvernement, il crée des emplois
semblables à ce que le parti précédent faisait. Quand il
revient dans l'Opposition, il alimente de nouveau la machine avec un peu les
mêmes critiques. À notre sens, il y a un manque de confiance et
une brisure qui s'opèrent, ce qui fait que les bleus ou les rouges nous
diraient: Nous, on va créer 100 000 emplois ou, nous, on va en
créer 200 000, les nôtres vont avoir de l'allure tandis que les
leurs n'ont pas d'allure, on en doute.
Deux autres interventions brèves sur ce qu'a dit le ministre,
selon quoi 90 % et plus des gens ne reviennent pas à l'aide sociale.
C'est un peu comme si tout le monde ici autour de la table pouvait aller
visiter l'enfer. Je suis sûr que 100 % n'en reviendrait pas, mais cela ne
veut pas dire que c'est parce qu'on... C'est un peu un signe de la
situation...
Une voix: Qu'ils reviennent au paradis...
M. Legendre: Oui, mais je veux dire que c'est un signe de la
situation. Si c'est intenable, effectivement, on ne vise qu'à s'en
sortir. Seulement pour parler brièvement, j'ai fait six mois de stage au
ministère de l'Éducation comme magasinier à la direction
des cours par correspondance. J'avais mon chèque de 178 $ et, pour le
reste, pour atteindre la parité, une partie était payée
par l'aide sociale et une autre partie par le ministère de
l'Éducation. Je travaillais vraiment bien, je pense que j'étais
le meilleur magasinier dans le secteur. Mais, dès que j'ai réussi
à me trouver une "job" dans une manufacture au salaire minimum, je l'ai
prise parce que c'était 200 $ de plus. Donc, j'ai quitté l'enfer
et je ne veux pas y retourner. Ce n'est pas du tout un signe que ce qui est
offert à l'extérieur est intéressant et valable. Si j'ai
pu le faire, il y en a d'autres qui, soit parce qu'ils sont plus
âgés, soit parce qu'ils ont des capacités, soit parce
qu'ils ont des enfants, ne peuvent pas aller travailler de nuit 47 heures par
semaine dans une manufacture. D'autre part...
Mme Harel: Travaillez-vous encore, M. Legendre? Étes-vous
encore en emploi présentement?
M. Legendre: Depuis ce temps-là, je travaille, oui. J'ai
travaillé là...
Mme Harel: Au même endroit?
M. Legendre: Non, là, j'ai changé, mais ce n'est
pas à cause de mon stage en entreprise, d'aucune manière.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Legendre: Ce que je voulais dire surtout, c'est la chose
suivante: On nous dit, par exemple, que les gens qui seraient aptes au travail
ou qui seraient employables ont des lacunes ou des carences énormes sur
le plan de leur formation, de la scolarité. Un certain pourcentage est
analphabète. Effectivement, on a des groupes d'alphabétisation
qui sont avec nous et qui sont au courant de cette situation. Mais,
l'important, c'est de ne pas segmenter, compartimenter la réalité
sociale parce que je sais que, dans quelques mois, par exemple, d'autres
ministres, d'autres députés de l'Opposition vont entendre des
gens du milieu étudiant sur une réforme de l'aide
financière, ou sur une réforme des prêts et bourses, ou sur
une augmentation des frais de scolarité et là, on va
peut-être leur dire qu'il y a un peu trop de monde dans les
écoles. On va peut-être leur dire qu'il y en a qui se
traînent les pattes dans les cégeps, qui ont de mauvais bulletins
et ne remportent pas de succès. Peut-être que ces gens-là
pourraient aller travailler. À un moment donné, il faut voir le
portrait. Si, effectivement, les gens qui sont à l'aide sociale n'ont
pas réussi à terminer leur cours secondaire, c'est qu'il y a
aussi des raisons qu'on doit critiquer. On doit travailler pour changer cette
situation et non pas dire que le fait qu'il y a un taux important de
Québécois et de Québécoises qui sont
sous-scoiarisés, qui sont analphabètes fonctionnels, beaucoup
plus que dans d'autres provinces du Canada, cela sera réglé si on
donne un stage aux assistés sociaux ou si on leur permet de parfaire
leur formation. Il y a un problème à la base et ce sont souvent
les mêmes problèmes. C'est tout sur ce sujet.
Mme Harel: Évidemment, M. Legendre, quand on parie de
cette réalité que vous évo-
quez, de l'analphabétisme fonctionnel ou de la
sous-scolarisation, ou quand un gouvernement en parle, il ne suffit pas qu'il
en parle, il faut qu'il ait aussi les moyens d'agir et non pas simplement les
mots pour le dire. Depuis la publication de ce document, on n'a vu sur la table
aucun plan de scolarisation, aucune campagne qui soit proposée à
l'ensemble des milieux de l'éducation pour mener de front une offensive
de scolarisation et d'alphabétisation. Ce n'est pas tout que d'entendre
le diagnostic. Finalement, le danger, c'est de ne pas... Vous dites que vous
n'avez pas confiance, mais que vous n'êtes pas résignés.
Alors, d'où pensez-vous que les solutions peuvent venir si vous ne
pensez pas qu'elles peuvent venir de l'État? Je relisais ce matin une
phrase que prononçait Jean Lesage en 1961 - cela fait bien longtemps -
qui disait: "Le seul puissant moyen que nous possédons, c'est
l'État du Québec. Si nous refusions de nous servir de notre
État par crainte ou préjugé, nous nous priverions alors de
ce qui est peut-être l'unique recours qui nous reste pour survivre comme
minorité." Je ne sais pas ce que cela vous incite, mais vous ne pensez
pas que l'État doit être un levier pour faire la lutte aux
inégalités?
M. Legendre: Là-dessus, je vais répondre sans doute
quelque chose que vous connaissez déjà, que, à mon sens,
l'État n'est pas neutre, mais l'État agit en fonction de certains
intérêts. De mon côté ou de notre côté,
effectivement, l'État, ce n'est pas n'importe quoi. Si jamais on
parvient, je ne dirais pas à assumer les positions que vous assumez,
mais l'État, on va s'en servir et il y a des gens qui vont
écoper. C'est un fait, mais il ne s'agit pas de mettre ses oeufs dans le
panier, disons, de la politique traditionnelle.
Comment va-t-on s'en sortir? C'est d'abord en se tenant debout. Je pense
que les organisations d'assistés sociaux et d'assistées sociales,
depuis décembre dernier, par des occupations, des manifestations et des
mémoires, se tiennent debout. C'est en faisant pression. À un
moment donné, la pression sera tellement forte qu'on va l'emporter.
C'est comme cela que, habituellement, on l'emporte. Je suis sûr que
c'était vrai à l'époque de Jean Lesage. Il y a des
personnes qui faisaient pression à ce moment. C'est encore vrai
maintenant et ce sera encore vrai dans 20 ans. Il faut toujours faire
pression.
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre, il vous
reste quelques minutes.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, brièvement. Je pense
que mes premiers propos vont être adressés à la
députée de Maisonneuve parce qu'il faut au moins que l'on
s'entende sur les chiffres qui sont utilisés. Mme la
députée de Maisonneuve, vous avez parlé de création
d'emplois versus perte d'emplois. J'ai retenu votre expression "consacrer les
deux colonnes". Je tiens à vous indiquer que tous les chiffres que j'ai
cités en matière de création d'emplois, soit de janvier
à janvier ou de février à février sont des chiffres
qui tiennent compte de la création nette de l'emploi,
c'est-à-dire que les emplois perdus ont également
été soustraits. Lorsqu'on parle, de janvier à janvier,
d'un chiffre de 122 000 ou, de février à février, d'un
chiffre de 104 000, toutes les pertes d'emplois ont été
soustraites. Donc, il demeure une colonne: création d'emplois nets.
C'est strictement pour qu'on s'entende bien.
Mme Harel: Et pourquoi le taux de chômage n'a-t-il pas
bougé?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Le taux de chômage a
diminué. Le nombre de chômeurs a baissé de 2000, ou 0,7 %,
entre février et janvier.
Mme Raymond: Et le nombre d'assistés sociaux par rapport
à cela?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Le nombre d'assistés
sociaux a baissé également au mois de février. Je pourrais
vous le fournir d'ici à la fin de l'exposé. Je vais vous donner
le chiffre exact. Il est en diminution mensuelle depuis à peu
près le mois de mars 1986, je dirais.
Mme Raymond: Le salaire des personnes qui ont des emplois, en
moyenne, est de combien?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, je vais vous le donner, je
l'ai. Dans un premier temps, je vais tenter de répondre à M.
Gingras. Je pense qu'il a parlé de la qualité des emplois
créés, de ce qu'il avait entendu d'un bulletin de nouvelles, ce
matin, sur le secteur...
M. Gingras: Nous l'avons entendu ensemble.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous l'avez entendu ensemble. Sur
les 104 000 emplois créés de février 1987 à
février 1988, vous vous interrogiez à savoir dans quel secteur
d'activité ces emplois avaient été créés. On
m'indique que les gains d'emplois dans le secteur manufacturier sont de 43 000;
dans le secteur des services, de 24 000; dans le secteur de la construction, de
21 000; dans le secteur des finances, des assurances et des affaires
immobilières, de 21 000.
M. Gingras: Sauf que, ce que l'on disait ce matin, c'est que, par
rapport à l'Ontario et par rapport au Canada, le Québec arrivait
bon dernier et d'une façon très... On disait cela à
Radio-Canada, ce matin. C'était la grosse nouvelle ce matin, à
Radio-Canada, à l'émission Joël Le Bigot.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): II faudrait vérifier
à nouveau. Le Québec, en matière de création
d'emplois, en 1987, a été, toute propor-
tion gardée, si on tient compte de la population, l'endroit
où il s'est créé le plus d'emplois au Canada. Maintenant,
pour répondre a votre question sur les salaires et sur les
augmentations...
Mme Harel:... chômage.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Pas au Canada.
Mme Harel: II a un des plus hauts taux de chômage avec
Terre-Neuve. Absolument!
M. Paradis (Brome-Missisquoi): II y a un taux de chômage
élevé.
Mme Harel: Michel Vaste!, hier, dans Le
Devoir, avait un très bon article, mettant en comparaison
le Québec et l'Ontario, quant au taux de chômage.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vais répondre à
la question - cela va rejoindre votre sous-question - des clivages dans la
société entre les travailleurs à salaire
élevé, à salaire moyen, à faible salaire et
assistés sociaux. Est-ce que l'écart se produit entre ces classes
dans la société? En 1987, je ne dis pas qu'il n'y avait pas du
rattrapage à faire par rapport aux années antérieures; le
salaire minimum a augmenté de 8,75 % et l'aide sociale de 4,1 %. Les
gens qui ont négocié des conventions collectives en 1987 ont
obtenu 3,7 % et le salaire hebdomadaire moyen a augmenté de 2,1 %. C'est
le tableau chiffré des statistiques les plus récentes dont nous
disposons.
Maintenant, le problème le plus crucial, et il y a plusieurs
éléments qui tournent autour de ce problème: la question
de l'employabilité. Je pense que c'est M. Legend re qui a posé la
question de la qualité des programmes d'employa-bilité. Si vous
avez une personne qui est analphabète et qui est sortie du
système scolaire, allez-vous la retourner dans le même
système scolaire, dans les mêmes conditions, quitte à aller
l'en ressortir? C'est un peu comme cela que je peux traduire votre question. Si
vous avez quelqu'un, est-ce que son stage en entreprise va avoir un contenu de
la formation? Je dirais que l'on mise beaucoup au gouvernement, et je pense
qu'on a raison, sur nos commissions de formation professionnelle pour la
question de la qualité du contenu de la formation de l'ensemble de nos
mesures. Les commissions de formation professionnelle sont administrées
par un conseil d'administration qui est paritaire, composé de
représentants d'employeurs et de travailleurs. Les syndicats sont
généralement toujours présents au conseil d'administration
des commissions de formation professionnelle.
Le Président (M. Bélanger): En conclusion, M. le
ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Moi aussi, je suis
bâillonné. Je pense qu'on peut améliorer ce qu'il y a en
place en faisant appel à ces partenaires qui sont prêts, à
ce niveau, à collaborer. Si le président ne me bâillonne
pas, j'aimerais vous poser cette question: Est-ce que vous voyez cela comme une
amélioration de faire approuver nos plans de formation par les
commissions de formation professionnelle? (12 h 15)
M. Legendre: À notre sens, c'est seulement un aspect de la
question que les plans de formation soient approuvés ou qu'il y ait un
corpus de formation sur lequel les gens pourraient s'entendre, et on sait que
ce n'est pas de la frime. Mais il y a le contexte dans lequel il se fait. Quels
sont les incitatifs? Quels sont les mécanismes qui vont faire que les
bénéficiaires vont être inscrits à ces programmes ou
vont s'inscrire? Le fait qu'il y ait des ressources qui leur soient
allouées, qui leur soient accordées pour y participer et qu'il y
ait vraiment une motivation, qu'il y ait aussi un intérêt à
parfaire cette formation.
À mon sens, s'il y a des programmes de formation, parce que les
gens qu'on défend sont favorables à améliorer leur
formation et sont d'accord pour aller travailler, il faut que les ressources,
c'est-à-dire les allocations, soient là. Il faut que les
prestations soient augmentées d'une manière significative. Il
faut donc que ce soit une aide, un apport qui permette de parfaire cette
formation-là, non pas tout en baignant dans un milieu difficile
où la misère se perpétue, mais en voyant le bout du
tunnel.
M. Gingras: Je voudrais ajouter un élément
là-dessus, si vous permettez, c'est que, dune part, si on regarde, par
exemple, Jean Lesage, que vous vénérez beaucoup du
côté du gouvernement, peut-être que monsieur et
même... On trouve des phrases. Si on regarde la situation dans les
années soixante, que j'ai vécue, il y a un tas de jeunes qui
étaient laissés pour compte, qui ne travaillaient pas; il y a des
femmes qui n'avaient pas d'emploi. La solution qu'on a prise, c'est qu'on a
dit: C'est du monde qui n'est pas instruit. Ils ont seulement fait leur
secondaire, Ils ont seulement fait ceci ou ils ont seulement fait cela. On n'a
pas dit: On va envoyer ce monde-là dans des camps de concentration,
quasiment, pour se former. On a dit: On va créer des emplois. Les gens
sont instruits. Ils ont pris des cours; ils ont fart des choses. Il y a eu des
programmes d'emploi. C'est l'inverse, c'est l'espèce de
répression qu'utilise le gouvernement actuel qui est condamnable.
Je pense qu'on s'est un peu fâchés durant l'intervention.
Mais jusqu'ici, le ministre a accusé les assistés sociaux
d'être des fraudeurs et des fraudeuses. Là-dessus, H a
apporté toutes sortes de chiffres qui, d'après nous,
étaient faux.
Le Président (M. Bélanger): Brièvement.
M. Gingras: Jamais il n'a présenté de chiffres
précis. C'est une façon d'apporter des chiffres. Quand madame
rapportait les deux colonnes, on ne savait jamais si c'était net ou si
ce n'était pas net. Les chiffres, les tableaux ne sont jamais clairs. On
essaie d'avoir des informations au bureau du ministre, jamais on n'est capables
d'avoir de l'information là-dessus. Actuellement, le ministre n'accuse
plus les gens de fraude, il les accuse d'être des paresseux; on lui a
appris à être plus poli. Au lieu de dire qu'ils sont
carrément paresseux... Il disait qu'ils étaient des fraudeurs,
alors que c'était faux.
Le Conseil national du bien-être social en parie là-dedans,
d'ailleurs, et il dit que cela n'a pas de bon sens, ce que le ministre disait
là-dessus.
Le Président (M. Bélanger): Brièvement,
monsieur, s'il vous plaît!
M. Gingras: Là, il va dire qu'ils ne sont pas
incités au travail. C'est une façon polie de dire que ce sont des
paresseux et des paresseuses. On n'est pas d'accord avec cela et on pense que
c'est le gouvernement qui ne fait pas sa "job".
Des voix:...
Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît!
Non, je regrette! Mme la députée de Maison-neuve, est-ce que vous
voulez remercier le groupe, s'il vous plaît?
Mme Harel: Oui. Vous savez, c'est parfois utile, dans une
commission parlementaire, d'examiner l'ensemble en prenant un peu de distance
plutôt que de s'attarder sur des modalités. On va rencontrer 118
organismes plus des individus, cela fait 124 au total. Le point de vue que vous
exprimez est un point de vue d'ensemble, de l'ensemble, si vous voulez, de la
situation.
Vous partez de considérations qui sont historiques
également. Vous faites bien de nous rappeler l'immense effort,
l'impulsion qu'a été la Révolution tranquille des
années soixante dans l'égalité des chances. Je pense que
cela peut seulement nous aider à mieux réfléchir. Je vous
remercie.
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vous remercie également
et je m'en voudrais de terminer sans donner à Mme Raymond l'information
qu'elle a demandée. En ce qui concerne la clientèle de l'aide
sociale, le nombre de personnes qui dépendaient de l'aide sociale au
Québec, en janvier 1987, était de 645 223 et, en janvier 1988, de
592 500, soit une baisse de 52 723 bénéficiaires pendant cette
période de janvier à janvier.
Maintenant, ie tiens éaalement à me Joindre à Mme
la députée de Maisonneuve pour vous remercier de l'approche
globale avec laquelle vous êtes intervenus et en laquelle vous croyez
profondément. Merci.
Le Président (M. Bélanger): La commission suspend
ses travaux jusqu'à 15 heures. Nous nous représenterons alors
avec le groupe Concertation-jeunesse Rive-Sud. Merci.
(Suspension de la séance à 12 h 20)
(Reprisée 15 h 22)
Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il
vous plaît! La commission des affaires sociales se réunit afin de
procéder à une consultation générale et de tenir
des auditions publiques pour étudier le document intitulé "Pour
une politique de sécurité du revenu". Nous avons quorum. Est-ce
qu'il y a des remplacements?
La Secrétaire: Les mêmes que ce matin.
Le Président (M. Bélanger): Les mêmes que ce
matin?
La Secrétaire: Oui.
Le Président (M. Bélanger): J'appelle donc à
la table des témoins le groupe Concertation-Jeunesse rive sud qui sera
représenté par M. Jean Proulx, M. Denis Roy, M. Denis
Lévesque et Mme Monique Gill. Je m'excuse si je le prononce mal.
Vous connaissez nos règles de procédure. Il y a une
enveloppe d'une heure pour la présentation de votre mémoire. Vous
avez vingt minutes pour la présentation de votre texte ou de son
résumé, vingt minutes ferme. Nous avons une contrainte: il faut
absolument qu'on ait terminé pour 18 heures avec tous les groupes.
Chaque groupe de parlementaires a vingt minutes pour procéder avec vous
à la discussion du mémoire.
Je vous prierais, donc, avant de commencer, de vous présenter, de
présenter les autres représentants et, chaque fois que vous avez
à prendre la parole, de bien vouloir donner votre nom avant pour les
fins de transcription au Journal des débats. Je vous prie de
commencer.
Concertation-Jeunesse rive sud
M. Proulx (Jean): Jean Proulx, je suis le président de
Concertation-Jeunesse rive sud; à ma droite, Monique Gill, qui est une
travailleuse auprès des jeunes assistés sociaux, M. Denis Roy,
qui est un travailleur bénévole auprès des jeunes. M.
Denis Lévesque n'a pas pu venir.
Je vais commencer par vous présenter brièvement ce qu'est
Concertation-Jeunesse rive sud. C'est une table de concertation pour les
intervenants jeunesse qui couvre le territoire des
MRC de Nicotet-Yamaska et de Bécancour. Cela regroupe environ une
trentaine d'intervenants jeunesse, autant les intervenants du milieu
communautaire que ceux du milieu institutionnel, c'est-à-dire CSS, CLSC,
etc.
Cette année, on s'est donné comme mandat, d'une part, que
la table soit un lieu d'échanges entre intervenants et un lieu de
ressourcement aussi. On s'est également donné comme mandat de
sensibiliser la population aux problèmes que vivent les jeunes; on se
donne des sessions de formation entre intervenants pour pouvoir intervenir
toujours le plus efficacement possible auprès des jeunes. On a aussi
décidé, cette année, de prendre position sur certains
dossiers politiques qui touchent les jeunes. C'est, entre autres, la raison
pour laquelle on est ici pour parler de la réforme de l'aide sociale. On
pose également des actions concrètes en vue d'améliorer la
situation des jeunes. Par exemple, cette année, on est en train de
créer un bottin des organismes jeunesse sur le territoire, un bottin des
entreprises jeunesse aussi pour créer une espèce de réseau
de solidarité entre les jeunes pour qu'ils achètent entre eux et
pour sensibiliser la population pour qu'elle encourage les jeunes dans leurs
entreprises. On fait aussi une étude de faisabillité pour une
école alternative pour décrocheurs sur le territoire.
On voulait apporter avec nous autres un petit dessin qui montrait bien
comment on voyait la réforme de l'aide sociale. Malheureusement, on n'a
pas pu l'apporter avec nous. Je vais, quand même, prendre le temps de
l'expliquer un peu. On voyait un bonhomme tout écrasé, avec une
énorme roche sur le dos. Sur cette roche, il y avait d'inscrits
"pouvoir", "gouvernement", il y avait un gros signe de piastre et il y avait
aussi "loi". Le dessin symbolisait la façon dont les gens les plus
démunis de la société sont écrasés par le
pouvoir politique et par le pouvoir économique. On pense que la
réforme de l'aide sociale s'inscrit vraiment dans cette optique,
c'est-à-dire qu'on veut encore faire payer les plus démunis de la
société, les appauvrir davantage et tout cela. C'est vraiment
comme cela qu'on voit la réforme de l'aide sociale.
Pour notre mémoire, on part d'un principe qui est le suivant:
pour nous, c'est clair que les assistés sociaux sont le produit de la
société et que c'est à la société de les
faire vivre décemment si elle ne peut pas les faire travailler
dignement. Je pense que tout individu a droit à un travail. Je pense
que, si la société n'est pas capable de lui donner
l'opportunité de travailler, elle doit, par conséquent, lui
donner le minimum vital pour qu'il soit capable de survivre, ce qui n'est pas
le cas avec la réforme de l'aide sociale. Quand on lit le document
d'orientation sur la réforme de l'aide sociale, on s'aperçoit
qu'on laisse entendre partout que les gens qui ont de l'aide sociale ne sont
pas victimes du système, mais sont plutôt des profiteurs du
système et qu'il faut cesser cette pratique de la part des
assistés sociaux. Je pense que c'est un gros préjugé qu'on
a à leur égard. C'est pour cela, entre autres, qu'on n'est pas
d'accord avec la présente réforme de l'aide sociale.
Je me demande s'il ne serait pas moins coûteux pour l'État
de hausser un peu les prestations d'aide sociale plutôt que de voir les
phénomènes qui se produisent quand on n'a pas ce qu'il faut pour
vivre, c'est-à-dire la délinquance, la criminalité, les
soins psychiatriques, la consommation de drogue et d'alcool, la prostitution et
le suicide. Je pense que ce sont toutes des conséquences qui touchent
des gens qui n'ont pas ce qu'il faut pour vivre. Cela les amène à
des états dépressifs et à toutes sortes de
problèmes comme ceux que je viens d'énumérer. Il faudrait
peut-être analyser en termes de coûts ce qui est le plus
avantageux. Est-ce plus avantageux de régler les problèmes de
drogue, de criminalité et de troubles psychiatriques ou si ce serait
moins coûteux pour l'État de hausser un peu les prestations d'aide
sociale?
On constate aussi, à la lecture du document, que la
réforme de l'aide sociale s'inscrit dans une politique qui a un lien
très direct avec l'accord sur le libre-échange, en ce sens que,
si on a des politiques sociales qui sont trop généreuses, on sait
que cela peut bloquer du côté des États-Unis. Je pense que
cela a été mentionné dans les négociations: Les
États-Unis ne voulaient pas qu'on ait des politiques trop
généreuses parce que c'était de la concurrence
déloyale. Je ne sais pas trop comment ils appelaient cela;
c'était quelque chose comme cela, en tout cas, cela ne marchait pas pour
les États-Unis.
Il faudrait aussi voir la cohérence qu'a la réforme avec
la politique familiale que le gouvernement a l'intention de faire
prochainement. On veut faire une politique familiale pour, entre autres,
hausser le taux de natalité au Québec. Je ne suis pas certain que
la présente réforme va inciter beaucoup les jeunes mères
de famille à avoir plusieurs enfants. Il faudrait aussi voir, par
rapport à la politique de santé mentale, si le fait d'avoir des
revenus très faibles est quelque chose pour améliorer la
santé mentale de la société québécoise. Je
n'en suis pas certain.
On se rend finalement compte que le gouvernement n'a pas de politique
globale, mais qu'il a actuellement une politique à la pièce,
ministère par ministère. Il n'a pas de vue globale. On fait cela
avec un semblant de démocratie, entre autres, par des commissions
parlementaires. On espère que M. Paradis va modifier certaines choses
à la réforme. Je sais que, dans la première semaine, il a
dit qu'H n'était pas prêt à changer tellement de choses,
mais on espère beaucoup.
J'aimerais aussi ajouter juste une autre petite chose sur la
réforme: C'est épouvantable, le pouvoir de coercition que cette
réforme-là a sur les individus. Il y a un programme
d'em-ployabilité qui ne relève pas du MMSR, mais qui est, quand
même, là et qui s'appelle Jeunes
volontaires. Cela va faire curieux d'entendre bientôt Jeunes
volontaires obligatoires. Volontaire, ce n'est pas obligatoire, il me semble,
en tout cas.
Le Président (M. Bélanger): Je regrette, mais nous
ne pouvons accepter ni tolérer aucune manifestation du genre à
l'Assemblée nationale ou durant les commissions. Et ceci, quel que soit
l'intervenant. Je vous demanderais, donc, s'il vous plaît, de ne pas le
refaire.
Si vous voulez continuer.
M. Proulx: Ce que j'allais ajouter, c'est que, en tout cas,
d'après l'expérience que j'ai auprès des jeunes en
difficulté, il y a toutes sortes de raisons qui font qu'un jeune peut ne
pas se prévaloir d'une mesure ou abandonner une mesure en cours de
route. Souvent, c'est parce qu'il vit des problèmes personnels
sérieux, que ce soit des problèmes de consommation de drogues ou
des problèmes socio-affectifs. Avec la réforme, le jeune qui va
vivre ces problèmes-là va non seulement connaître une
baisse de sa prestation mais il va aussi être pénalisé de
six mois avant de pouvoir avoir accès à une autre mesure. Je ne
suis pas certain que le fait d'imposer les mesures va régler tous les
problèmes.
Une autre interrogation qu'on se pose à Concertation-Jeunesse
rive sud et un fait qu'on trouve curieux, en tout cas, c'est qu'actuellement il
nous semble que la réforme que nous propose M. Paradis soit basée
sur des programmes dont on ne connaît même pas l'efficacité.
On espère que ces programmes permettront aux jeunes et à
l'ensemble des assistés sociaux d'accéder au marché du
travail à plus ou moins long terme. Je me suis informé, pour ma
part, au ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité
du revenu et au niveau de la statistique, je n'ai pas été capable
de savoir, entre autres, si le programme Stage en milieu de travail
était efficace. Quand j'ai demandé combien de personnes ou
combien de jeunes étaient restés à l'emploi de
l'entreprise ou s'étaient trouvé un autre emploi après, on
m'a dit: On peut te donner des statistiques sur le nombre de personnes qui ont
participé au programme, demande-nous n'importe quoi quand ils font
partie du programme mais, quand ils en sortent, on ne sait plus rien. C'est
curieux que la réforme soit basée sur des programmes comme cela
et puis qu'on ne sache pas si les résultats sont probants ou non. C'est
curieux.
On doute aussi de la possibilité pour le gouvernement de trouver
du travail, dans des programmes pour tout le monde qui en fera la demande.
On en a l'expérience chez-nous, au niveau des travaux
communautaires, et j'en ai parlé la dernière fois que je suis
venu. Pour nous, ce n'est pas évident que tout jeune qui veut travailler
dans un programme puisse le faire. C'est vrai pour les travaux communautaires,
c'est vrai pour le Stage en milieu de travail et puis, c'est vrai aussi pour
Jeunes volontaires qui ne concerne pas le MMSR. On en a fait
l'expérience pas mal.
On se demande aussi quelle réception vont avoir ces
programmes-là au sein des entreprises. Est-ce qu'elles vont embarquer
dans cela? Est-ce qu'elles n'embarqueront pas? Pour nous, il y a deux
possibilités. D'une part, si elles n'embarquent pas, les assistés
sociaux seront barrés à 420 $ par mois. Ils ne pourront pas avoir
plus que cela, à moins qu'ils ne réussissent à avoir un
certificat médical leur donnant 460 $, ils vont rester à 420 $.
Puis, si les entreprises embarquent, là, on assiste à du "cheap
labor" avec des travailleurs sans aucune norme de travail, sans aucune
condition de travail.
Une autre chose dont on doute - puis, en tout cas, pour nous, c'est
assez important - c'est de la capacité des agents
socio-économiques des bureaux d'aide sociale à faire de la
relation d'aide. On dit que dans les neuf premiers mois, entre autres, les
bénéficiaires de l'aide sociale seront évalués,
auront à déterminer avec leur agent socio-économique leurs
goûts, leurs intérêts, leurs capacités, etc., puis
auront un suivi aussi, dans tout cela.
Pour ma part, en tout cas, parmi les agents d'aide sociale que je
connais, à Nicolet, je n'en vois pas beaucoup qui seraient capables de
faire cette job; ils n'ont absolument pas la formation pour cela. Je peux bien
croire qu'on peut leur donner un petit briefing là-dessus, mais cela ne
s'apprend pas en une session d'une journée. Donc, je doute beaucoup de
leurs capacités à faire ce travail. Je ne suis pas sûr non
plus qu'ils soient intéressés à le faire. Ce sont des gens
qui ont quand même leur sécurité d'emploi, cela fait un
petit bout de temps qu'ils sont là et je ne suis pas certain qu'ils
soient intéressés à ce que leur job se complique un petit
peu et s'ils doivent avoir une approche plus humanisante, etc. Je ne suis pas
du tout certain de cela; en tout cas, pour nous, cela n'est pas fait
"pan-toute".
Je vais laisser la parole à Monique et, par rapport à
cela, on a des choses à proposer.
Mme Giil (Monique): Je voudrais vous parler plus
précisément de la condition des familles monoparentales. M.
Bourassa, dans son discours de mardi dernier, disait qu'il voulait des
logements décents pour les familles. Les femmes qui sont seules avec des
enfants veulent aussi des logements décents pour élever leurs
enfants. Alors, elles font de la colocation. La colocation ne signifie pas
nécessairement que cela leur coûte moins cher pour habiter un
logement, sauf qu'elles ont peut-être un logement plus décent. La
colocation, ce n'est pas surtout une question d'argent, c'est une question
d'entraide, M. Paradis. Dans votre document, vous préconisez - je cite
ce qui est écrit ici: Les bénéficiaires de programmes
Soutien financier ne seront pas soumis aux réductions pour le
partage
du logement afin d'encourager l'entraide. Je ne vois pas comment, pour
les gens qui profitent du programme Soutien financier, l'entraide est
encourageable, alors que, pour les foyers monoparentaux, elle est punissable.
Si les femmes ou les chefs de famille monoparentale font de la colocation,
c'est pour aider à assumer la tâche d'élever les enfants,
M. le ministre, 24 heures par jour, 365 jours par année durant plusieurs
années. C'est long! Pardon?
Mme Harel: Même si on a la vocation.
Mme Gill: Ouf! Il ne faut pas la multiplier, la vocation.
Mme Harel: Oui!
Mme Gill: II y a aussi la question de la coupure pour le
programme APPORT. C'est encore le même problème: seules les
familles monoparentales du programme APPORT seront soumises à une
réduction pour le partage du logement; cette réduction est de 160
$. Ici, c'est le même problème, encore une pénalité
parce que les foyers monoparentaux vont faire de la colocation. Je trouve que
c'est inacceptable. Vous prétendez que cela coûte moins cher
d'habiter ensemble. Je me demande si vous allez faire des coupures quand vous
allez savoir qu'il y a des gens qui sont végétariens parce que
cela coûte moins cher d'être végétarien. Je ne sais
pas s'il va y avoir des coupures pour les gens qui font un jardin, parce que
cela coûte moins cher quand on fait un jardin.
Dans le document, vous préconisez que les gens deviennent, de
façon individuelle, autonomes; mais comment peut-on préconiser
que les gens deviennent autonomes, se prennent en charge quand ils ne sont
même pas capables de décider s'ils vont partager leur logement,
pas nécessairement pour assurer une aide financière, mais pour
s'encourager entre eux? Si ce n'est pas une partie de l'autonomie, si on ne
commence pas par là, je ne sais pas où on va commencer.
Dans le document, vous dites aussi qu'il va être important que les
organismes communautaires interviennent et qu'ils fassent leur part. Je pense
que l'idée du communautaire dans une société part d'abord
de l'idée de la communauté individuelle. Encore là, on
veut pénaliser les gens parce qu'ils font le partage d'un logement. Je
pense que c'est le commencement du communautaire d'être capables de vivre
à plusieurs pour s'en sortir et pour devenir autonomes. Plutôt que
d'en ôter aux familles qui vont partager un logement, moi, je leur en
donnerais plus pour la simple raison qu'elles vont moins utiliser les
garderies.
Je voudrais parler aussi des dépendants. Dans le programme, si un
adulte est considéré comme dépendant, il va avoir, dans
certains cas, 200 $ par mois s'il habite chez ses parents, même si ce
sont des assistés sociaux. Supposons que je suis une assistée
sociale à 400 $ et quelques par mois et que j'ai un enfant de 18 ans et
plus qui a 200 $ par mois; je ne vois pas très bien comment, avec ces
200 $ par mois et avec 400 $ et quelques je pourrais payer le loyer et, ensuite
de cela, donner 100 $ à mon jeune pour qu'il puisse faire des
démarches pour se trouver un emploi. S'il quitte le foyer, il a 305 $
par mois. Avec la coupure de 115 $ s'il partage un logement, ça revient
à 190 $. Si on veut que le jeune se prenne en charge, je pense qu'H a
besoin d'un minimum d'argent. Il faut, au moins, qu'il soit capable de prendre
les transports en commun, de se déplacer et d'utiliser le
téléphone. Avec la question des dépendants, on risque
aussi que les jeunes, pour devenir indépendants, se marient pour pouvoir
obtenir le minimum vital. Je ne sais pas ce que cela peut donner de
considérer qu'une personne est indépendante parce qu'elle est
mariée. Peut-être vont-ils avoir des enfants plus ou moins
désirés pour devenir indépendants. On risque de retrouver
ces situations assez fréquemment.
J'aimerais terminer avec une opinion personnelle. Un peuple qui ne sait
pas reconnaître l'importance de sa survie décente à travers
les générations qui suivent est, à mon avis, un peuple en
décadence alarmante. Merci.
Le Président (M. Bélanger): II reste deux
minutes.
M. Proulx: Deux minutes? Je vais vous parler des principales
propositions qu'on fait. Quand je disais tantôt qu'on doutait de la
capacité des agents d'aide sociale à faire un travail de relation
d'aide, vous avez peut-être vu ce qu'on propose; ce serait plutôt
la création de centres de transition-travail. Lorsque je parle de
centres de transition-travail - ce n'est pas vraiment de la création
parce qu'H en existe déjà - ce serait un endroit où les
gens pourraient justement être suivis et être évalués
par des gens qui seraient plus compétents que des agents d'aide sociale;
ce pourrait être des psychologues, des travailleurs sociaux. Aussi, ce ne
serait pas pendant neuf mois strictement. Je pense qu'il y a des gens qui, au
bout de deux mois, seraient capables d'intégrer le marché du
travail et il y en a d'autres pour qui cela peut prendre deux ans parce qu'ils
sont pas mal "poqués". Il faudrait qu'il y ait une certaine latitude
dans cela et que cela soit entrepris au niveau communautaire plutôt
qu'institutionnel. On remarque que les jeunes sont allergiques aux services
professionnels. Chez nous il y a un CLSC, mais je ne connais pas beaucoup de
jeunes qui y vont. Il y a un CSSS mais je ne connais pas beaucoup de jeunes qui
y vont. C'est bien juste s'ils viennent chez nous, bien qu'on soit un organisme
communautaire.
Je pense que ces centres de transition-
travail devraient aussi être assez souples, en ce sens qu'ils
devraient permettre à quelque part le travail de rue et aller au devant
des gens là où ils sont. Si on attend que les gens viennent
à nous, cela peut prendre du temps. Je pense que ce n'est pas en les
obligeant non plus à venir à nous que cela va régler le
problème. Ces centres de transition-travail seraient évidemment
pour permettre aux jeunes et aux individus de découvrir ce qu'ils ont
envie de faire, d'évaluer où ils en sont. Ce serait une
période de recherche d'emploi effectivement. Mais quand ils sortiraient
du centre de transition-travail ils auraient leur emploi, une vraie "job", et
non pas un programmé. Je pense que c'est possible, si cela se fait en
même temps qu'une politique de plein emploi. C'est sûr
qu'aujourd'hui, on ne peut pas dire à tout le monde: Allez vous chercher
de l'emploi, il y en a! Ce n'est pas vrai, il n'y en a pas, actuellement, pour
tout le monde. Il va falloir arrêter de se faire accroire cela, parce que
ce n'est pas vrai.
Nos principales recommandations tournent autour du centre de
transition-travail et d'une politique de plein-emploi. Durant le séjour
en centre de transition-travail, on demande une allocation au moins
équivalente à ce qu'un jeune qui participerait à une
mesure aurait, c'est-à-dire 520 $ par mois, que ce soit pour deux mois,
si cela lui prend deux mois, ou que ce soit pour deux ans, si cela lui prend
deux ans, avec un droit aux gains de travail aussi. Je ne sais pas s'il me
reste du temps encore.
Le Président (M. Bélanger): C'est
écoulé.
M. Proulx: Vous pouvez nous poser des questions. (15 h 45)
Le Président (M. Bélanger): De toute façon,
dans la période d'échanges, vous aurez l'occasion de
compléter, j'en suis convaincu. M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui. Je remercie le groupe et ses
porte-parole. Quant à le faire, je considère qu'on pourrait
peut-être commencer par liquider nos vieux dossiers. Ce n'est pas votre
première présence. Je ne sais pas si vous avez obtenu la
réponse à la suite de l'échange que nous avions eu sur la
disponibilité des sommes d'argent dans la région de Nicolet, au
centre Travail-Québec.
M. Proulx: Voulez-vous que je vous réponde tout de
suite?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui.
M. Proulx: Ce qu'on a su, c'est qu'il y a eu des fonds de
débloqués effectivement. Le programme des travaux communautaires
est sectoriel, c'est-à-dire que nous faisons affaire avec le
ministère de la Santé et des Services sociaux. Ce qu'ils ont
comme budget actuellement, c'est ce qu'on a pu ramasser de l'année
financière qui finit parce des jeunes qui étaient sur des projets
ont arrêté, de l'argent qu'ils ont pu récupérer
comme cela. Elle m'a dit qu'il n'y en avait pas plus que cela. Nous avons
demandé un projet de travaux communautaires pour engager neuf jeunes
qu'on connaît. Elle m'a dit: Ne t'attends pas à en avoir neuf; si
tu en as quatre, ça va être beau. Ne tiens pas pour acquis que tu
vas les avoir, non plus. En tout cas, ce que j'ai trouvé bien curieux
aussi, c'est tac, tac, tac, supersévère. Elle était
quasiment en train de nous dire comment fonctionner comme organisme sans but
lucratif. On ne vous subventionnera pas si on ne sait pas comment vous allez
vous financer par la suite. Je ne sais pas si tu le sais, mais le gouvernement
est dans une politique de désengagement. Il va falloir que vous
fonctionniez avec vos propres moyens. Faites donc un bingo. Faites donc une
campagne de financement. C'est ce qu'elle m'a dit. Est-ce que cela
répond à votre question?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je ne sais pas...
Mme Harel: Elle vous a parlé de bingo?
M. Proulx: Ah, oui! Elle voulait nous faire une campagne de
financement. J'avais quasiment envie de lui dire de prendre ma "job".
M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. Proulx, je ne sais pas si vous
allez avoir l'occasion de revenir avec un autre groupe en commission
parlementaire?
M. Proulx: Je ne le pense pas.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Moi, je tiens pour acquis que ce
que vous nous avez dit jusqu'ici était exact. Je l'ai fait
vérifier lors de votre première présentation. Je prends
bonne note de vos propos. Je vais maintenant vous indiquer ce qu'on m'a
communiqué comme renseignements à titre de ministre et on va
tenter de concilier les informations qu'on reçoit. On m'indique, dans
une note le 1er mars 1988. "Il y a trois semaines, M. Proulx a
déposé un projet au CTQ de Nicolet. Tenant compte de la nature du
projet qui touche le ministère de la Santé et des Services
sociaux, M. Proulx a été référé à Mme
Marie-Josée Vimont du CRSSS de Trois-Rivières. M. Proulx a
communiqué avec Mme Vimont qui l'a informé qu'il n'y avait pas de
budget disponible à ce moment pour de nouveaux projets. Nous avons
appris que la raison de cet état de fait était que le CRSSS
faisait à ce moment l'objet d'une vérification comptable et
qu'aucun budget ne pouvait être engagé. Depuis deux semaines, les
crédits sont redevenus disponibles et M. Proulx sera informé
dès que possible par M. John Halley, du bureau régional, de la
possibilité de présenter son
projet."
Si cela pose des difficultés, qu'on dit qu'il manque d'argent,
que vous avez demandé neuf stagiaires et qu'ils vous disent qu'il y en a
seulement quatre de disponibles parce qu'il n'y a pas d'argent disponible,
j'apprécierais que vous m'en informiez parce que c'est un dossier que
j'ai l'intention de suivre personnellement de très près.
M. Proulx: Je vous en informe là. D'accord.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'accord. Si vous n'avez pas vos
neuf stagiaires, etc - si on poursuit - je veux en être tenu au courant.
J'ai déjà déclaré - et j'ai l'intention de prendre
les mesures nécessaires - que l'argent était disponible au moment
où nous nous parlons et que personne ne devait être privé
de stage parce qu'on manque d'argent. S'il y a des accrocs administratifs, on
entend faire tout ce qui est humainement possible pour les corriger. Mais nous
avons besoin que vous nous les dénonciez parce que nous ne sommes pas au
courant au niveau du bureau du ministre, de tout ce qui se passe dans tous les
centres Travail-Québec de la province de Québec.
Maintenant, pour revenir au portrait global, nous avons, à partir
des chiffres de mars 1987, une clientèle importante à l'aide
sociale, composée de plus de 400 000 chefs de ménage. 100 000 de
ces chefs de ménage sont des gens qui seraient admissibles au programme
de Soutien financier, c'est-à-dire des gens qui ne sont pas capables de
subvenir par des gains de travail normaux à leurs besoins de base dans
une société. Il y en a 300 000 qui seraient
considérés comme aptes au travail. Aptes au travail, ce sont des
grands mots parce que la caractéristique de cette clientèle est
la suivante: 36 % de gens dits aptes au travail sont des analphabètes
fonctionnels dans la société; 60% de cette clientèle n'ont
pas terminé leur cours secondaire; 40% de cette clientèle n'ont
aucune expérience antérieure de travail. Il y a donc là,
sur le plan de ce qu'on appelle, dans notre jargon, l'employabilité, des
lacunes importantes sur lesquelles il faut travailler et qu'il faut
améliorer. Vous savez que...
M. Proulx: On est d'accord là-dessus, M. Paradis. Mais
c'est plutôt le comment.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je sais que vous êtes au
courant, mais je pense que, dans la société
québécoise en général, les gens ne sont pas au
courant de ces données de base. Souvent, le préjugé qui
dit que l'assisté social ne veut pas travailler tient pour acquis qu'il
a toutes les qualités requises pour aller travailler. On sait que la
majorité des offres d'emploi exige soit une expérience de travail
antérieure, soit d'avoir terminé un cours secondaire. Lorsque
vous n'avez pas ces prérequis, vous n'avez même pas la chance de
poser votre candidature pour un emploi qui est offert dans la
société. Je profite de la présence d'à peu
près tous les groupes devant la commission parlementaire pour repasser
ce message, il nous faut travailler sur l'employa-bilité.
Cela m'amène à vous poser une question, parce que vous
avez une approche qui est différente de celle que nous avons
proposée. Vous nous dites que vous doutez sérieusement qu'avec la
machine administrative du ministère nous puissions relever le
défi, en tout cas dans les délais prescrits et avec la
qualité qu'on vise. Vous nous parlez de "centres de transition-travail".
Je souhaiterais recevoir de vous beaucoup plus de précisions sur le
fonctionnement d'un centre de transition-travail à partir de son
financement jusqu'à ses activités.
M. Proulx: Quant au financement, il est clair que c'est
l'État qui devrait financer cela. Quel ministère cela pourrait
être? Je ne le sais pas. Quant à son fonctionnement, je peux vous
en nommer quelques-uns que je connais. À Drummondville, il y a la maison
Habit-Action qui est un endroit où l'on permet à des jeunes
assistés sociaux d'être logés, nourris. C'est un centre
d'hébergement en même temps. Les jeunes qui vont là
s'inscrivent dans une démarche pour réintégrer le
marché du travail. Aujourd'hui, les outils qu'ils ont, ce sont les
"maudits" programmes: les stages en milieu de travail, les travaux
communautaires et ces affaires-là, mais cela pourrait être autre
chose. Quand je pense à ce qui devrait être fait là,
beaucoup de gens sur l'aide sociale, avant d'aller se trouver une "job",
auraient à retrouver leur autonomie, leur valeur d'être qu'ils
n'ont pas actuellement et leur dignité aussi. Je pense que, dans un
endroit comme cela, cela pourrait être le rôle des travailleurs
sociaux, des psychologues ou des gens comme cela, de leur faire
découvrir leur valeur d'être, de leur démontrer qu'ils
valent quelque chose. Je pense qu'à partir de là ils peuvent
être motivés à aller travailler. Je ne pense pas que ce
soit dans les centres Travail-Québec que cela va se faire. C'est une
première démarche. Moi, je le vois dans cela.
Cela inclut aussi une démarche de préparation à
l'emploi, de connaître le marché du travail, etc, mais aussi, pour
ceux qui en ont besoin, cela peut vouloir dire une bonne thérapie avec
un psychologue, cela peut vouloir dire aussi des rencontres informelles. Je
pense que ce n'est pas à moi, non plus, de le faire. Si vous voulez
m'engager pour le faire, peut-être que je pourrai le faire un jour. En
tout cas. Je ne sais pas si vous voyez à quoi cela pourrait
ressembler.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Est-ce que je peux préciser
un peu ma question? Votre réponse m'éclaire, mais quel serait le
lien avec le centre Travail-Québec et le rôle du centre
Travail-Québec lorsque le travail que vous
décrivez serait sous la responsabilité de l'organisme non
structuré où le jeune se sent plus à l'aise? Est-ce que le
centre Travail-Québec conserve un rôle?
M. Proulx: Actuellement, le centre Travail-Québec,
à part placer des jeunes sur des programmes et verser les chèques
d'aide sociale, ne fait pas beaucoup d'autre chose. Je me dis que, si les
programmes n'existaient plus - parce que, dans ce que je dis, les programmes
n'existent plus - il continuerait à donner les chèques. Il est
sûr que le centre Travail-Québec, à part ce
rôle-là, je ne vois pas beaucoup ce qu'il pourrait faire. Toute la
démarche se ferait en centre de transition-travail.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Le rôle du centre
Travail-Québec serait confiné à être ce qu'on
appelle l'émetteur et le "contrôleur", entre guillemets, des
chèques qui vont aux bénéficiaires de l'aide sociale. Vous
vous occuperiez de toute la question de l'employabilité. Mais de quelle
façon y parviendriez-vous, de façon pratique, sans programme,
qu'il s'agisse des programmes traditionnels connus ou de nouveaux
programmes?
M. Proulx: II existe à Trois-Rivières un centre de
transition-travail qui s'appelle Sprint. Les jeunes entrent là pour un
stage de six mois. Ils ont de la préparation d'entrevue, ils ont des
démarches actives - c'est la méthode dynamique de recherche
d'emploi, ou quelque chose comme cela - et ils vont, à
l'intérieur de cette période-là, faire un stage dans une
entreprise.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'accord.
M. Proulx: Ce sont les responsables du centre de
transition-travail qui font les contacts avec les entreprises. Ce n'est pas le
centre Travaii-Québec, ni n'importe qui d'autre. C'est eux autres qui
vont, d'une part, sensibiliser l'employeur, parce que ce ne sont pas tous les
employeurs qui veulent engager des gens qui sont bénéficiaires de
l'aide sociale. Il y a une part de sensibilisation à faire là.
Quand les jeunes sortent de là, ils ressortent avec un emploi. Avant de
sortir, ils ont déjà leur emploi. Ce n'est pas un programme,
c'est une vraie "job", avec les normes du travail. Ils ont droit à cela,
tout le monde a droit à cela.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Pendant la durée du stage
en entreprise, quelle est la rémunération du jeune?
M. Proulx: Je ne pourrais pas vous le dire. Ce que je propose,
c'est qu'ils aient les barèmes auxquels ils auraient droit s'ils
participaient à une mesure, c'est-à-dire quand ils sont dans un
centre de transition-travail, un minimum de 520 $ par mois, avec droit de gains
de travail en dehors de cela jusqu'au seuil de pauvreté. C'est ce que je
suggère.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vous pose la question pour une
raison bien simple. Vous n'avez pas l'inquiétude que, si cela
dépasse le salaire minimum, les gens soient tentés de demeurer
dans des programmes de stages plutôt que de réintégrer ce
qu'on appelle le marché normal du travail, tel que régi par la
Loi sur les normes du travail.
M. Proulx: Je vous avais donné ma réponse par
rapport au salaire minimum l'autre jour. Il n'est pas assez
élevé.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): II n'est pas assez haut.
M. Proulx: Je pense qu'on ne peut pas se baser là-dessus.
Je pense qu'il ne faut pas baisser les autres sous prétexte qu'il y a un
salaire minimum et qu'il ne faut pas que les bénéficiaires de
l'aide sociale le rejoignent.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, mais je vous dis que, si on
ne tient pas compte du niveau du salaire minimum... Depuis que nous sommes au
gouvernement, nous avons fait le contraire du gouvernement
précédent. Le gouvernement précédent l'avait
paralysé, si je peux utiliser l'expression, pendant cinq années.
À partir de 1981 jusqu'à 1985, il n'a pas bougé. Depuis
que nous sommes au gouvernement, nous l'avons augmenté, un peu plus que
le coût de la vie pour faire du rattrapage et il reste du rattrapage
à faire. Si on ne tient pas compte de ce niveau du salaire minimum, ne
partagez-vous pas mon inquiétude que les gens vont être
incités - on a à peu près 140 000 personnes au
Québec qui travaillent au salaire minimum - à quitter le salaire
minimum et à devenir des prestataires de l'aide sociale, si c'est plus
payant?
Mme Gill: II y a le programme APPORT.
M. Roy (Denis): Est-ce que je peux...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, allez-y.
M. Roy (Denis): Je pense qu'il faut regarder l'être humain
avec son potentiel. Si on reconnaît à chaque être humain
qu'il a un don naturel en lui, qu'il a un trésor en lui, ce ne sera pas
l'argent qui va l'inciter. Je connais des assistés sociaux qui ont
laissé l'aide sociale pour se trouver une "job", même à
égalité, mais ils sont dans leur potentiel. C'est sûr, on
remet les gens avec la piastre. Mais, les jeunes qui travaillent dans des
centres, on essaye de les interroger pour qu'ils nous disent qui ils sont,
quelles
valeurs ils ont. D'accord, on est dans un régime capitaliste -
c'est la base - et on éduque les gens pour qu'ils soient rentables un
jour. Mais questionne-t-on l'être humain? Qui est-il? quelles sont les
qualités de ces gens, quel est le potentiel qu'ils ont?
Dans des centres comme ceux dont Jean vient de parler, on apprend
à la personne à se connaître, à se prendre en
charge. Une prise en charge, ce n'est pas uniquement pour un édifice ou
le fait d'avoir un compte en banque, etc. Une prise en charge, c'est aussi
prendre le potentiel des gens. Dans ce temps-là, on ne parle plus du
salaire minimum. Ces gens-là qui ont découvert leur potentiel
gagnent bien plus que le salaire minimum. Mais il faut les motiver avant tout.
C'est sûr que l'inquiétude fait dire: O.K. on parle d'argent. Mais
il faut dépasser cela pour permettre aux gens de dire qu'ils ont quelque
chose dans le ventre, ils ont quelque chose en eux.
Les assistés sociaux, en général - ceux que je
connais, en tout cas - ce sont les gens les plus intellectuels, ce sont des
"bolles". Ils sont vraiment quotes, sauf qu'ils ont changé de voie. Au
lieu de suivre des voies d'ambition ou de non-entraide, des choses de
même, ils ont changé de voie pour dire: Je me laisse vivre un bout
de temps. Si on redonne leur dignité à ces gens, cela peut
être très différent. Il manque de centres. C'est beau
d'avoir une maîtrise en toutes sortes d'affaires, mais souvent les jeunes
ont besoin de gens qui ont de l'espérance. Quelqu'un qui a de
l'espérance peut faire évoluer des gens. Un psychologue qui a en
plus une maîtrise en espérance peut aller beaucoup plus loin, etc.
Il y a trop de personnes qui disent: On reste en vase clos. C'est faisable au
niveau mondial de permettre aux gens de marcher d'après leur potentiel.
Il y a des écoles de pensée qui travaillent de ce
côté-là. Mais, comment va-t-on arranger cela? C'est
sûr que, dans un centre comme ceux dont Jean parlait tantôt on
donne de l'espérance. Il se passe quelque chose; ce n'est pas seulement
un travail de cinq à six - j'en mets un peu trop long - très
mitigé.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Merci. En vertu de la règle
de l'alternance, je vais céder la parole, quitte à revenir.
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Oui. Merci, M. le Président. Cela me fait
plaisir de vous saluer Mme Gill. M. Denis Roy également que j'avais
déjà eu l'occasion de rencontrer. Êtes-vous à votre
retraite actuellement M. Roy?
M. Roy (Denis): Bien oui. J'ai laissé la fonction publique
pour prendre ma retraite, pour être auprès de gens qui me montrent
des choses er qui sont les défavorisés.
(16 heures)
Mme Harel: Vous travaillez étroitement, je pense, avec le
groupe Concertation-Jeunesse rive-sud?
M. Roy (Denis): Oui.
Mme Harel: Mais je crois que vous êtes de Nicolet?
M. Roy (Denis): Oui.
Mme Harel: Vous aussi, M. Lévesque. D'une part, vous nous
avez mentionné qu'il y avait eu de la part du centre
Travail-Québec des modifications à la suite, je pense, de votre
intervention ici, lors de votre passage la première semaine des travaux
de la commission. Le ministre par la suite a signalé à la
commission qu'il avait contacté le centre Travail-Québec de la
région de Nicolet. C'est bien cela? Est-ce que le centre
Travail-Québec était depuis récemment en situation de
refuser des stages comme cela ou si c'était il y a très
longtemps? Il m'a semblé me rappeler que, quand vous étiez venus,
vous nous aviez fait part que c'était depuis le mois d'août qu'il
y avait cette attitude de refus d'accorder des stages de travaux
communautaires. Est-ce que j'ai raison de penser cela?
M. Proulx: C'est même avant cela. La première
demande qu'on a faite par téléphone,
Quand on s'est informé s'il y avait des fonds, c'était au
mois de mai l'année passée.
Mme Harel: Au mois de mai 1987?
M. Proulx: À ce moment-là, on m'a dit qu'il y
aurait de l'argent au mois d'août. Au mois d'août, il n'y en avait
pas et il n'y en a pas eu depuis ce temps-là.
Mme Harel: Vous faites une première démarche en mai
1987. C'est bien cela?
M. Proulx: Oui.
Mme Harel: Une première démarche
téléphonique auprès du responsable des stages du centre
Travail-Québec.
M. Proulx: C'est-à-dire que, quand on fait la demande, il
faut s'adresser au ministère affilié à notre secteur
d'activité, parce que c'est sectoriel. En ce qui nous concerne,
c'était au CRSSS 04, à Trois-Rivières.
Mme Harel: Alors, en mai, vous communiquez avec le CRSSS. C'est
bien cela?
M. Proulx: Oui.
Mme Harel: Et en mai, on vous dit quoi?
M. Proulx: II n'y a pas d'argent pour l'instant, il va y en avoir
au mois d'août.
Mme Harel: Au mois d'août. Qu'est-ce qui se passe au mois
d'août?
M. Proulx: II n'y a pas d'argent.
Mme Harel: Vous rappelez à ce moment-là. Vous
rappelez de nouveau.
M. Proulx: Oui. J'ai rappelé au mois d'août. Il n'y
a pas d'argent. J'ai rappelé après cela en novembre, il n'y en
avait pas. Dernièrement encore, il n'y en avait pas.
Mme Harel: C'est donc dire que cela fait un an.
M. Proulx: Pas loin.
Mme Harel: Ce serait quasiment comme une situation de faveur que
vous auriez, la personne sachant maintenant qu'il y a quelqu'un, un deus ex
machina, à Québec qui s'intéresse de près à
cela, qui s'est intéressé, vraiment. Vous savez, c'est une
question qui est, quand même, de fond. Vous l'avez posée dans
votre mémoire: quelle est la raison pour laquelle il y a eu si peu de
participation? Vous savez que c'était à peu près 20%, la
participation des moins de 30 ans, malgré une incitation
financière qui consistait, quand même, à doubler, pas tout
à fait mais proche, les prestations. Dans un sens, vous n'en êtes
peut-être pas conscient, mais ce que vous soulevez, c'est énorme.
Vous soulevez l'actuelle capacité d'absorption du ministère,
l'actuelle possibilité d'offrir les mesures, voyez-vous - dans l'exemple
que vous nous donnez, elle devait être accessible aux moins de 30 ans -
dans une perspective où elles se répandraient et seraient
maintenant la condition pour avoir un barème un peu décent, tous
les autres étant bien en deçà de ce qui est
nécessaire.
Oui, M. Roy.
M. Roy (Denis): J'aimerais aller un peu plus loin que ce que vous
dites là, comme mentalité différente. Cela fait cinq ans
que je travaille vraiment auprès des défavorisés. Les
personnes rencontrent des agents d'aide sociale et leur disent: Est-ce que je
peux avoir des travaux? Les personnes qui travaillent au centre
Travail-Québec disent non. L'information des agents directement à
des personnes: Non, on n'a pas d'argent, ou: Je pense que tu n'es pas correct.
J'ai déjà vu des projets acceptés et l'agent - parce qu'il
faut passer par un agent pour avoir une personne pour faire des travaux cela
doit être accepté par un agent - lui, dit non. Il refuse
carrément. On a déjà eu des travaux, on a fourni des noms
de personnes qui voulaient, mais l'agent, lui, dit: Non, ce n'est pas pour toi
cela.
C'est terrible comme mentalité que les agents prennent en otages
les défavorisés, les petits, parce qu'ils n'ont pas une option
pour aider. Cela va encore beaucoup plus loin. Il y a un manque d'argent, mais,
en plus, il y a de l'information contraire à ce qui est dit.
Mme Harel: C'est arrivé à des personnes qui
allaient au centre.
M. Roy (Denis): Oui.
Mme Harel: Et qui vous ont raconté cela? Est-ce une
connaissance personnelle que vous avez eue de cette situation-là?
M. Roy (Denis): Oui, moi-même, j'ai déjà
communiqué avec le monsieur, je pourrais même vous donner son nom.
Il s'appelle Benoît Gervais. C'est un de mes amis. Je lui disait:
J'aurais des personnes à faire travailler.
Ah! On n'a pas de fonds, cela ne sert à rien de demander.
Lui-même me décourageait de faire des choses.
Mme Harel: Ah! on n'a pas de fonds.
M. Roy (Denis): Voilà un an, deux ans. C'est pas nouveau,
ces affaires-là. Cela part de beaucoup plus loin.
Mme Harel: Lui, pensiez-vous qu'il était de bonne foi
quand il vous disait qu'il n'y avait pas de fonds?
M. Roy (Denis): Bien, probablement. Je l'espère, en tout
cas.
M. Proulx: En tout cas, c'est un fait que l'on doute beaucoup que
tous les jeunes puissent travailler dans les programmes. Je pense, en ce qui me
concerne, qu'on fausse le débat, parce que ce ne sont pas des programmes
que cela prend pour les jeunes. Ce sont de vrais emplois.
Mme Harel: Ce que je veux dire par là, c'est qu'on ne peut
pas passer de l'un à l'autre automatiquement. Mais, regardons la simple
cohérence, si vous voulez, la logique, même si c'est pas la
vôtre, si je comprends. Le ministère dit: On les a offerts
à tous ceux qui les voulaient; dans le fond, s'ils ne les ont pas
utilisés, c'est parce qu'ils aiment mieux rester chez eux. Et j'ai vu
même, dans la Gazette, quelqu'un, on n'a pas cité le nom,
mais qu'on disait de l'entourage du ministre, dire que, finalement, la
prestation, cela servait d'argent de poche, aux jeunes de moins de 30 ans.
Alors, dans leur propre logique, la question, c'est qu'eux pensent
être capables d'étendre cela, imaginez-vous, à 243 000
ménages. Avec les informations que vous nous apportez, le moins que l'on
puisse faire, c'est poser pas mal de
questions: Est-ce que tout cela ne reste pas bien bien théorique?
Je ne sais pas. Vouliez-vous dire quelque chose? M.Lévesque?
Mme Gill: Eh bien, c'est un peu la même situation pour le
programme apport qui est en vigueur depuis le 1er janvier. J'ai
téléphoné à plusieurs centres
Travail-Québec. Je n'ai pas l'information. On me dit: Bon, bien, on ne
l'a pas, on ne l'a pas; cela va venir plus tard. Sauf que j'ai
téléphoné à Nicolet pour le savoir et, là,
j'ai posé la question: Est-ce que cela va être rétroactif,
parce que je pense que j'y ai droit depuis mars? On m'a dit: Bien certainement,
cela va être rétroactif. Alors, j'ai dit: comme cela, toutes les
personnes qui vont y avoir droit vont pouvoir l'avoir? Eh bien, il m'a dit:
Non, bien évidemment ceux qui auront donné leur nom. Ah, bon!
Mme Harel: Qui auront donné leur nom à quelle
date?
Mme Gill: Eh bien, comme moi! Il m'a dit: Donne ton nom, je vais
prendre ton nom et puis, pour toi, ce sera rétroactif.
Mme Harel: Aie, aie, aie! je vous dis qu'on nage en plein
surréalisme. On est en plein surréalisme. D'abord, le SUPRET. Ce
matin, des groupes sont venus nous dire que c'est impossible d'avoir les
formulaires, pour le SUPRET de l'année passée qui va être
aboli pour la prochaine année.
Bon, là je fais appeler au bureau de Montréal du
ministère du Revenu à Place Desjardins. Les fonctionnaires
disent: Nous, nous pensons peut-être avoir les formulaires dans deux
semaines. Le ministre dit: Cela s'est passé comme cela, il y a toujours
eu des délais. Ce qu'il faut, à ce moment-là, c'est qu'il
prenne ses responsabilités et qu'il prolonge le programme, parce que les
programmes ont toujours été prolongés.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): SUPRET, c'est au ministère
du Revenu...
Mme Harel: Les programmes ont toujours été
prolongés par son gouvernement. Il faut qu'il le recommande par exemple
à son gouvernement, même si c'est pas lui.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Le vôtre aussi.
Mme Harel: Ils ont toujours été prolongés
jusqu'au 31 décembre pour que personne ne soit trop embarrassé
avec la date du 28 avril. Si son rapport d'impôt n'est pas arrivé
le 28 si son formulaire n'est pas rentré, il ne faudrait pas que
quelqu'un perde, finalement, cette petite allocation-là. C'est une
petite allocation, mais elle vaut 27 000 000 $.
Et s'ils ne le prolongent pas, vous com- prendrez que, si ce formulaire
arrive chez le fonctionnaire à Pâques et si la personne, par un
concours de circonstances inoui a fini pas mettre la main sur un formulaire
avant le 28 avril, l'a rempli et posté, c'est quasiment une
épingle dans une botte de foin. La date du 28, si elle n'est pas
prolongée, empêchera les gens d'en profiter. Je ne sais pas si le
ministre est conscient de cela, là, que, pour SUPRET, il faut prolonger
le programme.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Pour moi, c'est la même
réponse: SUPRET est un programme administré par le
ministère du Revenu. C'est un programme qui n'a pas fonctionné,
c'est-à-dire que les gouvernements, depuis l'installation du SUPRET en
1979...
Mme Harel: Est-ce qu'il est dans mon temps ou dans son temps, M.
le Président?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'accord. Je ne peux pas
répondre.
Mme Harel: S'il est dans mon temps, je ne lui laisse pas de
temps. S'il est dans son temps, il peut dire ce qu'il veut. Qu'est-ce que vous
voulez?
Le Président (M. Bélanger): II lui reste cinq
minutes. Alors, on pourra aller chercher.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je reviendrai tantôt.
Mme Harel: D'accord, parce que mon temps est trop
précieux. Je m'excuse.
Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Pour avoir des
réponses?
Mme Harel: Non, pour me faire répéter la même
chose.
Bon, on revient avec APPORT. Vous avez, madame, parlé
tantôt de quelque chose dont on n'a pas, incroyablement, entendu parler
depuis... Vous êtes le 53e ou le 52e organisme qui vient devant nous. Il
y a tellement de choses dans cette réforme qu'on ne s'y retrouve plus.
C'est le 160$ de partage du logement lorsqu'il y a un chef de famille
monoparentale qui veut profiter d'APPORT. Alors, ce 160 $ de partage du
logement dans le cas d'une famille monoparentale qui bénéficie
d'APPORT. Le ministre, dans ses cinq minutes, aura le temps de nous dire si
c'est toujours confirmé. Voyez-vous, nous avons des chiffres
récents du ministère des Finances sur APPORT qui disent que, par
exemple - je ne sais pas si c'est votre cas - une chef de famlle monoparentale
qui aurait un enfant de moins de six ans, si elle fait 4000 $ en revenus de
travail par année - 4000 $, il faut dire que ce n'est pas
si mal; pour se trouver quelque chose à temps partiel qui permet,
quand même, de faire 3000 $, 4000 $ par année, il faut aller
chercher quelques bonnes heures chaque semaine - cela lui ferait au bout de
l'année un gros 263 $ de gains, c'est-à-dire 21, 91 $ par mois de
gains, en allant chercher ses 4000 $. Je vais vous le laisser, vous pourrez
évaluer le vôtre. À ce moment-là, elle va avoir une
réduction de ses barèmes de prestation tellement
élevée que ce qu'elle va gagner d'une main va lui être
enlevé de l'autre.
Cela s'appelle les taux moyens d'imposition, de taxation. Ce sont des
affaires qui apparaissent bien compliquées, mais le résultat est
à peu près pareil. C'est cela la trappe de pauvreté,
c'est-à-dire que ce n'est pas payant de travailler quand vous recevez de
l'aide sociale, parce que tout est enlevé. Et le ministre le sait, je ne
sais pas comment il va faire, il ne peut pas dire que cela concerne un autre de
ses collègues. Cela va le concerner lui-même en tant que ministre
de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu; lui-même
va devoir s'occuper du fait que ce n'est pas plus payant de travailler
même avec APPORT.
Mme Gill: Dans le document, on parle des enfants en dessous de 6
ans, des enfants de 6 à 11 ans. Les miens ont de 11 à 19 ans et
je ne peux avoir aucune information sur les familles qui ont des enfants de 11
ans et plus. À 18 ans et plus, ils sont encore aux études. C'est
pour cela que j'appelais les CTQ pour avoir de l'information. Il n'y en a pas.
Je ne sais pas si M. le ministre...
Mme Harel: Moi, non plus, mais cela va être une bonne
occasion pour qu'il prenne, disons, ses cinq minutes et en profite pleinement
pour vous répondre.
Il faudrait, quand même, avant qu'on se quitte, que je puisse vous
entendre sur les centres de transition. Vous dites que cela existe. Des centres
de transition-travail existent déjà un peu partout en province.
Voulez-vous parler des SEMO à ce moment? Je n'en connais pas à
Montréal. En connaissez-vous que je pourrais visiter?
M. Proulx: Non, cela n'a rien à voir avec les SEMO. Ce
sont des groupes qui sont communautaires. Ils ne sont pas gouvernementaux, mais
ils sont subventionnés par l'État. Ceux que je connais
reçoivent, entre autres, des subventions du genre programme de
développement de l'emploi du gouvernement fédéral, mais
échelonnées sur 3 ou 5 ans, pas juste sur 20 semaines, comme la
plupart. Sprint, à Trois-Rivières, c'est comme cela. Le Pont,
à Trois-Rivières, est un centre de transition-travail pour les
femmes. Je vous parlais de Drummondville, la maison Habit-Action qui est un
centre d'hébergement. Il y en a, mais ils n'ont pas
nécessairement tous la même forme. Il y a eu des statistiques qui
sont sorties là-dessus et les gens qui sortaient de là, à
75 %, accédaient réellement au marché du travail.
Mme GUI: À l'ADDS à Montréal - je travaille
un peu avec eux aussi - ils m'ont dit qu'il y en avait aussi à
Montréal, et sur la rive sud, à Longueuil, avec les
projets-femmes et le Réveil de Longueuil.
Mme Harel: Oui. Alors, à ce moment-là, il faut
s'entendre. Cela porte d'autres noms. Cela s'appelle, je pense, les services
externes de main-d'oeuvre. Cela s'appelle, par exemple, Emploi jeunesse, que je
connais dans mon quartier, en fait, que je connais plus encore pour avoir
travaillé avec eux, ou encore cela s'appelle SORIF, Service de...
Enfin, actuellement, c'est un peu le charivari là-dedans. Il y en
a qui sont financés par le fédéral, d'autres, par le
provincial, mais ils font tous du bon travail, parce que les statistiques sont
les mêmes, c'est-à-dire qu'ils accompagnent vraiment les personnes
dans des démarches de support.
Vous dites dans votre mémoire, à la page 3, je crois:
"Nous savons qu'une foule de raisons fort valables peuvent faire en sorte qu'un
jeune abandonne une mesure en cours de route, à commencer par les
problèmes socio-affectifs ou les problèmes de drogue auxquels le
jeune peut être confronté et qui ne sauraient être
résolus en un court laps de temps. " Vous en aviez parlé aussi
lors de votre premier séjour. Les problèmes de drogue, est-ce que
ce sont des problèmes importants actuellement? Sont-ils toujours
vécus comme importants?
M. Proulx: Je pense que oui. C'est une des façons par
lesquelles les jeunes réussissent à s'évader de la
réalité qu'ils vivent. La drogue, c'est de l'évasion, tout
simplement. (16 h 15)
Mme Harel: Vous diriez que le problème est le même
qu'il y a dix ans ou qu'il s'est aggravé. Quelle est votre perception?
À Montréal, j'ai l'impression que les choses se sont
peut-être d'une certaine façon rétablies, alors qu'en
régions elles se seraient aggravées. C'est l'impression que
j'ai.
M. Proulx: Je ne peux pas vous dire si cela s'est aggravé
ou si cela s'est rétabli depuis dix ans, mais cela existe encore.
Mme Harel: Les problèmes que rencontrent les jeunes sont,
comme vous dites, des problèmes socio-affectifs, des problèmes de
drogues. Quand vous dites "socio-affectifs", ce sont là des jeunes qui
n'ont plus le soutien familial?
M. Proulx: Non, ils n'en ont pas. Mme Harel: Du tout, du
tout!
M. Proulx: Non.
M. Roy (Denis): Qui ont fait plusieurs centres d'accueil, qui ont
fait ceci, qui ont fait cela et ils ont même été mis dehors
chez eux. C'est courant. Tous nos jeunes, ce sont des gens comme cela.
M. Proulx: A 18 ans, ils lui ont dit: Va-t-en, tu es un adulte.
Il s'est ramassé au bureau de l'aide sociale et c'est depuis ce
temps-là qu'il est là.
Mme Harel: Ils viennent de familles elles-mêmes
désunies ou si ce sont des familles...
M. Prouix: Des familles "poquées" pas mal. Mme Harel:
Pardon?
M. Prouix: Des familles "poquées", comme on dit
Mme Harel: Oui. Où il peut se vivre de la violence
conjugale ou...
M. Proulx: Entre autres.
Mme Harel:... autre chose. Ce sont des familles qui sont
elles-mêmes en état de privation ou est-ce que ce sont des
familles à revenu moyen?
M. Prouix: Là, vous me posez des questions... Je sais que
ces jeunes nous arrivent comme je vous les ai décrits, mais c'est
sûr qu'ils ne sont pas venus au monde dans la ouate, pour la
majorité d'entre eux. Ils se retrouvent, à 18 ans, avec rien.
Quand on parle de problèmes socio-affectifs, cela part de là. Je
pense que, si tu n'es pas capable d'avoir l'amour et l'affection dont tu as
besoin durant le temps que tu es dans ta famille, eh bien, à un moment
donné, tu perds la carte.
Mme Harel: La première semaine où vous êtes
venus, après j'avais l'impression que c'était un peu comme un
Québec en dérive qui nous était décrit devant cette
commission, une sorte de Québec qui n'avait plus d'amarres, qui n'avait
plus d'ancrage. La famille, d'une certaine façon, m'a semblé
être en crise profonde. Est-ce que vous avez cette impression-là
aussi?
Mme Gill: Eh bien, certainement! Je ne pense pas que ce soit avec
la réforme qu'on peut améliorer cela, parce que, dans le fond, on
dit que la femme, la cinquième semaine après l'accouchement, peut
être obligée de retourner sur le marché du travail. J'ai
élevé les miens, quatre, toute seule. La plus jeune a treize ans
et je sais ce que c'est. Présentement, on a le droit d'élever nos
enfants jusqu'à l'âge de six ans; avec la réforme, c'est
cinq semaines après l'accouchement.
Mme Harel: C'est-à-dire qu'après - vous avez raison
- l'accouchement, elle va être considérée comme non
disponible. À ce moment-là, elle ne sera pas pleinement
participante; elle n'aura pas droit au plein barème.
Une voix: C'est cela.
Mme Gill: Jusqu'à la cinquième semaine.
Mme Harel: Même après la cinquième semaine.
Elle pourrait se faire violence en se disant: je n'ai pas assez d'argent. Elle
pourrait, à ce moment-là, se rendre disponible, sauf qu'il n'est
pas sûr qu'elle participerait pour autant. Elle pourrait se retrouver
dans la catégorie dite admissible, dont on ne parle pas beaucoup dans
cette commission, mais qui sera sans doute celle où se retrouvera tout
le monde, l'antichambre, la salle d'attente, finalement.
Mme Gill: Une chose semble certaine, c'est que, lorsque l'enfant
va avoir deux ans, elle va être obligée d'être
disponible.
Mme Harel: Oui. À ce moment-là, vous avez raison.
Oui, mais cela ne veut pas dire que, pour autant, elle va avoir le plein
barème de participation.
Mme Gill: Non, non, bien non!
Mme Harel: Elle peut se retrouver comme sa collègue,
après fa cinquième semaine de l'accouchement, dans la salle
d'attente des programmes où on se fait dire, comme vous depuis un an: II
n'y a pas d'argent. Là, elle va se retrouver, avec un barème de
famille monoparentale avec un enfant, admissible à des mesures. Elle se
retrouvera avec 620 $, voyez-vous, parce qu'elle veut beaucoup et elle est
prête. Elle dit: N'importe quand, je commence. Là, on lui dit:
Attends, elle se trouve à avoir 64 $ de moins que ce qu'elle
reçoit présentement.
Mme Gill: II y a le problème des garderies aussi et celui
de la colocation qui est pénalisée. Alors, je ne pense pas que la
situation de la famille s'améliore beaucoup.
Mme Harel: Alors, écoutez, moi aussi, je souhaite une
réponse sur les 160 $ du programme APPORT. Vous avez bien fait de nous
le rappeler. D'une certaine façon, cela avait échappé aux
travaux de la commission... Cela n'a pas échappé aux travaux de
la commission! C'est parce que cela ne se retrouve pas dans le document
d'orientation rendu public par le ministre. Cela se retrouve dans un document
confidentiel rendu public par le Front commun des assistés sociaux,
où on lit: "Seules les
familles monoparentales du programme APPORT seront soumises à une
réduction pour le partage du logement; cette réduction est de 160
$ par mois dans APPORT I988. Je ne sais pas ce que ce sera en I989. Est-ce
qu'il faut penser que cela va être augmenté?
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre, il vous
reste cinq minutes.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Cinq minutes pour toucher
brièvement trois éléments.
Le premier élément, et j'y reviens, c'est le
fonctionnement du centre Travail-Québec de Nicolet. Moi, j'insiste parce
qu'on a eu des gens qui sont venus d'autres régions nous parler des
travaux dans d'autres régions et on nous a indiqué un
problème inverse, c'est-à-dire que l'argent était
disponible, mais qu'on manquait de participants. Or, vous vous nous
décrivez un problème qui est complètement inverse dans la
région de Nicolet. Les vérifications que j'ai faites et les
réponses que j'ai données, moi, ne me satisfont pas à la
suite de ce que vous nous avez indiqué. Si vous étiez d'accord,
je demanderais à quelqu'un de mon cabinet de vous contacter afin que
l'on vérifie de quelle façon cela fonctionne chez vous pour que
chez-vous cela fonctionne comme ailleurs, avec tous les droits qui vous
reviennent dans le système actuel. Et cela, c'est sans modifier le
système.
M. Roy (Denis): On peut vous dire qu'on aimerait cela l'inviter,
votre fonctionnaire, à venir chez nous dans la maison, pour qu'on puisse
vraiment le voir et jaser avec lui pour lui donner toute l'information
nécessaire, parce qu'aujourd'hui, ici, on n'a pas donné toute
l'information. Qu'il ne vienne pas uniquement par téléphone,
qu'il vienne au 359 Notre-Dame, on va bien l'accueillir et on va lui donner
toute l'information sur ce qui ce passe.
M. Paradis (Brome-Mississquoi): Moi, je veux le mettre en contact
avec M. Proulx, et, si M. Proulx vous invite, etc., je veux avoir l'heure juste
sur le fonctionnement du CTQ de Nicolet.
M. Proulx: Je voudrais juste ajouter une petite chose. Si vous
avez entendu dire que partout ailleurs cela fonctionne comme il faut et qu'il
manque de participants, si vous appelez Benoît Gervais, il va vous dire
qu'il manque de participants aussi. C'est un agent de placement.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non, là, j'ai tendance
à les croire quand elles sont venues nous le dire, parce que
c'étaient des dames de Saint-Jean d'Iberville, responsables de travaux
communautaires, qui nous disaient cela.
Mme Harel: Elles relevaient des agents qui le leur disaient.
C'était du ouï-dire. Elles répétaient ce que l'agent
leur avait dit.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): En tous les cas, elles sont venues
témoigner devant la commission qu'elles avaient des postes
autorisés et qu'il manquait de gens pour remplir ces postes. C'est ce
qu'elles sont venues témoigner. Maintenant, au CTQ chez-vous, c'est une
tout autre situation et ce qui nous intéresse, c'est de corriger les
situations qui, sur le plan administratif, ne fonctionnent pas. Je pense que
les bénéficiaires de votre région ont droit à
autant de services que ceux des autres régions du Québec.
Le deuxième élément concerne le programme APPORT.
J'ai dit, au tout début de cette commission, et je le
répète, que la présente commission parlementaire ne nous
permettra pas d'apporter les ajustements qui pourraient être
nécessaires au programme APPORT pour l'année en cours, mais
qu'elle servira à apporter les modifications qui pourraient être
nécessaires pour les années suivantes. Pour l'année en
cours, le programme devrait, suivant les informations qu'on me fournit,
être annoncé au début du mois de mai et je sais que nous
avons pris les dispositions sur le plan de la publicité et de la
connaissance nécessaire pour s'assurer que, oui, les agents et les
intervenants dans le milieu social soient bien informés et bien
renseignés sur le programme, mais qu'également il y ait une
publicité plus diffusée encore qui rejoigne chaque personne
à laquelle le programme pourrait s'appliquer. Nous sommes allés
au Conseil du trésor demander un budget à cet effet. Est-ce que
nous l'avons obtenu ? Nous l'avons obtenu du Conseil du trésor, donc, le
programme devrait être publicise.
En ce qui concerne la question des familles monoparentales, nous avions
ici, hier, un groupe de femmes représentant ces familles. Les
statistiques nous démontrent qu'à l'aide sociale il y aurait
présentement près de 78 000 femmes chefs de famille monoparentale
bénéficiaires de l'aide sociale et que, parmi ces 78 000 femmes,
85 % ne reçoivent aucune pension alimentaire. Le seul revenu qu'elles
ont pour vivre, c'est le revenu des prestations d'aide sociale. De quelle
façon verriez-vous une approche gouvernementale qui viserait à
s'assurer de façon très directe que...
Le Président (M. Bélanger): En conclusion, M. le
ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Bon, on bâillonne le
ministre ...que ces prestations sont versées à la femme sans
qu'elle ait à les quérir personnellement? Et ma question
s'adresse à Mme Gill qui a touché ce sujet à trois ou
quatre reprises.
Mme Gill: Premièrement, le minimum, c'est qu'elles ne
soient pas pénalisées pour faire de la colocation. Parce que la,
elles sont pénalisées de 160 $ par mois dans le programme APPORT
et,
dans l'autre, c'est de 115 $.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, mais je pariais de la pension
alimentaire. Je pourrais parier du partage du logement si M. le
Président m'y autorise, parce qu'on a des choix de société
à effectuer, et je vous demanderais d'indiquer si le gouvernement doit
faire un choix en fonction des couples ou des personnes seules. Ce que nous
avons choisi dans l'actuelle proposition qui est devant vous, c'est de ne pas
le faire, le choix; que les personnes se déclarent couple ou non, on a
voulu qu'il n'y ait pas de différence sur le plan financier. Nous
n'avons pas voulu, à partir d'une politique de sécurité du
revenu, financièrement inciter à un choix en disant aux couples:
Devenez des personnes seules et vous allez recevoir plus, ou aux personnes
seules: Devenez des couples, vous allez recevoir plus. Nous avons adopté
une politique de neutralité que nous vous soumettons. Vous pouvez
être d'accord ou vous pouvez être contre.
Mme Gili: Pour travailler avec les jeunes, quand je parie de
colocation, je ne parle pas nécessairement d'un homme qui reste avec une
femme, je parie des femmes qui habitent ensemble. C'est sûr qu'elles ne
peuvent pas être considérées comme un couple, il me semble,
en tout cas, dans la majorité des cas.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Présentement, nous avons un
problème d'application important dans la réglementation à
l'aide sociale; le CIAFT et les groupes de femmes l'ont dénoncé.
Les pratiques que nous avons ou notre notion de la vie maritale portent
préjudice aux femmes. L'attitude de neutralité que nous avons
adoptée quant au partage du logement et aux couples comme tels nous
évite d'entrer dans les chambres à coucher, si je peux utiliser
l'expression. Souhaiteriez-vous que nous maintenions la politique actuelle?
Mme Gill: Je ne souhaite pas que vous entriez dans les chambres
à coucher, je maintiens mon désir de voir que les femmes qui
partagent un logement pour élever les enfants afin de partager la
responsabilité ne soient pas pénalisées. Pour les soutiens
financiers, vous encouragez l'entraide. Pourquoi, pour les familles
monoparentales vous la pénalisez?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vous indiquerai que, si nous
posons un geste sur la question du partage du logement, qu'il s'agisse d'un
homme avec une femme, de deux femmes ensemble, de deux hommes ensemble, on
n'est pas intéressés, comme je vous le disais, à aller
vérifier tout ce qui se passe. On effectue un choix sur le plan
financier si on rend plus intéressante une vie commune qu'une vie non
commune. Nous avons proposé dans le document sur le plan financier un
non-choix, c'est-à-dire qu'on laisse les gens libres de déclarer
ce qu'ils veulent de leur relation dans la société et nous ne
voulons pas, comme gouvernement, aller vérifier. Si nous rendons les
prestations des gens qui vivent ensemble plus intéressantes que celles
des gens qui ne vivent pas ensemble, nous allons inciter les gens à
effectuer des choix que nous ne voulons pas aller vérifier.
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre, je vous
demanderais de remercier le groupe. Nous devons, malheureusement, terminer
à cause des délais de temps très serrés que nous
avons.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je tiendrais à remercier le
groupe, surtout pour nous avoir dénoncé, entre autres, un
problème de fonctionnement administratif. Comme ministre de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, je dis que c'est beau
de parier d'avenir, mais, pendant qu'on parie d'avenir, il faut que les
problèmes qui sont vécus de façon quotidienne soient
traités avec diligence par le gouvernement. Ce que je vous assure dans
votre cas, c'est qu'il y aura un traitement diligent et je vous invite à
vous sentir à l'aise et de nous en avertir si, dans d'autres cas, il y
avait dans le système actuel, sans qu'il soit modifié, des
lacunes de fonctionnement.
Le Président (M. Bélanger): Merci. Madame.
Mme Harel: Je voudrais aussi remercier M. Proulx, M. Roy et Mme
Gill et vous dire: Oui, tout cela consiste en des choix financiers et le choix
financier, on peut le faire à la hausse ou à la baisse. Alors, un
couple reçoit moins, dit le ministre, il faut que deux femmes chefs de
famille qui habitent ensemble n'en reçoivent pas plus. Le choix en est
un d'égalité, égal mais en moins. Alors, cela, c'est un
choix, mais le choix peut se faire à l'inverse aussi. Il pourrait se
faire en décidant que les barèmes se distribuent sur une base
individuelle; là, ce serait vraiment neutre. Là, on n'entrerait
pas dans les choix d'orientation sexuelle des personnes, ni dans les choix de
vie maritale.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Sauf que ce ne serait pas
harmonisé avec la fiscalité et que vous nous
dénonceriez.
Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie, nous
devons nous arrêter là. Nous avons encore quelque 80 groupes
à voir, vous aurez la chance de faire valoir vos opinions
là-dessus. Je remercie, donc, le groupe Concertation-Jeunesse rive sud
et j'appelle à la table des témoins la Ligue d'organismes de
jeunes intervenants sociaux, la LOJIS, du Conseil des Églises pour la
justice et la criminologie. Je voudrais aussi voir pendant quelques instants M.
le ministre et Mme la députée de Maisonneuve pour régler
un petit problème d'horaire. Alors, on suspend les travaux
pour une minute.
(Suspension de la séance à 16 h 30)
(Reprise à 16 h 32)
Le Président (M. Bélanger): Nous recevons, à
la table des témoins, le groupe la Ligue d'organismes, de jeunes
intervenants sociaux, le LOJIS, du Conseil des Églises pour la justice
et la criminologie, qui est représenté par M. Michel Roy, Mme
Hélène Chabot, M. François Paquet, Mme Nicole Bissonnette
et M. Luc Landry.
Nous avons dû modifier un peu les règles de
procédure sur les questions de temps. Nous devons absolument quitter la
salle à 18 heures. Ce sont les ordres de la Chambre parce qu'un autre
groupe s'en vient. Alors, il y a une contrainte majeure de temps, d'une part;
la période de questions a fini plus tard, ce qui nous a restreints. Nous
nous sommes entendus pour que chaque intervenant prenne quinze minutes.
Nous vous demanderions de bien vouloir nous présenter votre
mémoire en quinze minutes. Il y aura quinze minutes d'échanges.
En fait, on bénéficiera de 45 minutes plutôt que de 60,
comme habituellement. Malheureusement, on n'a pas le choix, dans le contexte.
Alors on s'en excuse, c'est malheureux. Mais, avant de procéder à
la présentation de votre mémoire, je voudrais que votre
porte-parole s'identifie et nous présente les autres
représentants pour que nous puissions commencer. Merci!
Une voix: M. le Président, est-ce qu'on pourrait... C'est
parce qu'on avait décidé de fonctionner ainsi: le
président de notre groupe allait faire la présentation et ensuite
le porte-parole allait prendre la parole. Est-ce qu'on peut procéder
comme cela?
Le Président (M. Bélanger): C'est à votre
convenance.
Une voix: Merci!
Le Président (M. Bélanger): C'est à votre
convenance. Il n'y a aucun problème.
Ligue d'organismes de jeunes intervenants sociaux
(LOJIS)
M. Roy (Michel): Je suis le président de LOJIS. On est un
organisme parrainé par le Conseil des Églises pour la justice et
la criminalité. On a créé LOJIS à la fin d'octobre
1987, en mémoire de l'année internationale des sans-abri, dans
l'intention surtout de corriger les failles du système de relation
d'aide, puis d'obtenir un pourcentage de réussite avec les organismes
plus élevés. Donc, créer un lien entre les organismes -
parce qu'ils travaillent tous indépendamment les uns des autres; on
trouve aussi que les problèmes sociaux se relient tous les uns aux
autres - pour qu'enfin les jeunes aient aussi un moyen de s'exprimer et de
parler. C'est pour cela aussi qu'on a surtout mis Nicole Chabot à
côté de moi.
Une voix: Nicole Bissonnette.
M. Roy (Michel): Bissonnette. Nicole est intervenante en
toxicomanie. François Paquet, à l'autre bout, est criminologue et
Nicole Chabot, qui va intervenir pour nous autres...
Une voix: Hélène.
M. Roy (Michel): ...Hélène, je m'excuse. Cela ne
vous dérange pas si je suis nerveux, c'est la première fois que
cela arrive.
Puis il y a Hélène, ici, qui va surtout parler - parce que
nous autres, cela nous rapporte un peu, tous les problèmes sociaux, soit
suicide, criminalité, alcool, drogue - c'est surtout Nicole qui est au
courant de cela. On est arrivés à la dernière minute,
Hélène.
Je vais passer la parole à Luc Landry qui est animateur
communautaire régional pour le Conseil des Églises pour la
justice et la criminologie.
M. Landry (Luc): Alors, c'est pour vous identifier un peu le
Conseil des Églises.
Le Conseil des Églises pour la justice et la criminologie est un
organisme multiconfessionnel qui regroupe une douzaine de religions et notre
approche est d'essayer de contribuer à la réalisation d'une
justice qui se veut plus humaine, plus équitable et plus responsable.
Pour ce faire, on essaie de faire tomber des préjugés et de
susciter des responsabilités. Comme action concrète, il est
évident qu'on appuie des groupes de jeunes qui, parfois, nous soumettent
leurs problèmes. On demande qu'on les écoute et qu'on prenne
action.
Mme Chabot (Hélène): M. le Président, notre
mémoire se résume en trois parties. Je suis certaine que vous en
avez déjà pris connaissance. Cependant, cela se développe
par... Il y a la partie introduction et après cela, il y a nos
réflexions sur la réforme que vous proposez. Puis, il y a le
résumé des propositions que nous faisons pour essayer de rendre
cela plus humain.
J'aimerais revenir à notre introduction juste pour nous retremper
dans ce qu'on veut proposer. C'est à la page 1 du résumé.
Les assistés sociaux ont été, depuis le tout début
de ce régime, une des classes de la société les plus
défavorisées, marginalisées et humiliées par le
reste de la société. Les nombreuses coupures effectuées
dans le régime à partir du milieu des années soixante-dix
ont mené des milliers d'hommes, de femmes et d'enfants à une
misère et à une perte d'autonomie et de liberté telle que
plusieurs d'entre eux se sont enlisés dans la
criminalité pour subvenir aux besoins essentiels de leur
famille.
Si l'on considère que le nombre d'assistés sociaux est
passé de 416 558 en 1975 à 649 555 en 1987 et que, pour la
même période, le nombre de bénéficiaires
jugés aptes au travail a fait un bond de 256 %, il devient
évident qu'un système économique qui génère
tant de chômage et de sous-emploi est profondément malade. Il est
donc important que la réforme de l'aide sociale soit étroitement
liée à un changement radical de l'ensemble des politiques
sociales et s'inspire des besoins fondamentaux de tout être humain qui
sont classés en cinq grandes catégories.
Je vais juste vous énumérer les grands titres, si vous
voulez, parce que je suis certaine que vous savez de quoi il en tient. Il y a
les besoins d'ordre physique et matériel, la sécurité et
l'élimination de l'incertitude. Il y a les besoins sociaux, le besoin de
se sentir acceptés, compris et respectés des autres, un besoin
d'appartenance, il y a l'estime de soi, le besoin de se comprendre
soi-même et de se respecter, la réalisation, l'actualisation de
soi, le besoin de se créer, de contribuer et de grandir.
Ensuite j'aimerais qu'on parvienne au résumé pour
justement ne pas déborder du peu de temps que vous nous laissez pour
vous faire comprendre ce qu'on veut exprimer. Je vais faire la lecture du
résumé et, entre chaque partie du résumé que je
vais lire, je vais passer la parole à certaines personnes de notre
groupe qui vont avoir des suggestions à apporter à ce sujet.
Premièrement, le programme Soutien financier. Ce qu'on demande
à ce sujet, c'est que le barème soit assez élevé
pour permettre à ces personnes de se loger convenablement si elles ne
peuvent avoir accès à des logements à prix modiques tout
en considérant ies coûts excessifs de tous les besoins que vous
class'rfiez à court terme. Que tous les médicaments,
prothèses et autres besoins spécifiques à leur état
leur soient fournis gratuitement à même leur carte santé et
cela aussi dans tous les cas. À ce sujet, je vais laisser la parole
à M. François Paquet qui est criminologue. Il travaille aussi
avec les personnes handicapées.
M. Paquet (François): Bonjour, M. le Président.
Bien sûr, nous sommes ici comme partenaires de changement. On
essaie d'aider, M. le ministre, les autres qui sont moins favorisés.
Quand je vois bénéficiaire, je comprends ou j'entends
handicapé. Handicapé, c'est handicapé social, mental ou
physique. Comme je travaille dans le domaine hospitalier, alors, on se
réfère directement à cela. Dans le programme Soutien
financier, on parle de tous les médicaments, prothèses ou autres
besoins spécifiques à leur état. C'est une
difficulté qu'on retrouve dans le domaine hospitalier où je
travaille, il y a plus ou moins de contrôle en ce qui concerne les
médicaments. Avec tout le système et l'apport technologique qu'on
a en 1988, je ne comprends pas comment il se fait, en ce qui concerne ces
médicaments, bien qu'il y ait des personnes qui en aient besoin, qu'il y
en ait qui abusent du système comme tel, ce qui réfère au
domaine des drogues, de la surconsommation de médicaments.
On parie aussi, dans le troisième aspect, des besoins
réels. En ce qui concerne les besoins réels, comme on l'a
suggéré... D'ailleurs, cela ne vient pas de n'importe où,
cela vient d'un psychologue humaniste que vous connaissez sans doute, Abraham
Maslow, qui a défini cela en 1954. Selon lui, les besoins situés
en bas de la hiérarchie doivent au moins être partiellement
satisfaits. Comme on l'a énuméré, on parle de besoins
physiologiques et de sécurité au moins partiellement satisfaits
avant que ceux qui sont situés plus haut puissent devenir des sources
importantes de motivation.
Nous comprenons que vous êtes rendus à un certain besoin
d'actualisation de vous-même, mais il y en a d'autres qui sont encore au
chapitre des besoins physiologiques et des besoins de sécurité.
On peut même ajouter deux autres besoins qu'Abraham Maslow a
suggérés par la suite, depuis 1954, qui sont les besoins
cognitifs, par exemple de connaître, de comprendre et d'explorer. Cela
veut dire les besoins de ressources de personnes scolarisées. On a aussi
un autre besoin d'esthétisme, alors, de symétrie, d'ordre et de
beauté. Je me réfère, je pense, à mes
bénéficiaires qui ne voient pas cela présentement. Ils
sont dans un milieu hospitalier assez froid et assez direct. Bien que ce soit
une nécessité pour eux, on a quand même besoin de chaleur
pour arriver à se dépasser dans ce milieu-là. On parle de
besoins cognitifs et d'esthétisme. On peut aussi parler de ceux qui sont
en prison dans les centres de détention du Québec. Eux vivent une
autre sorte de réalité. Il y en a qui n'ont jamais vécu
cela jusqu'à maintenant. Je sais que le président serait en
mesure d'en apporter un peu plus. On peut passer la parole à Mme
Chabot.
Mme Chabot: Nous demandons aussi que les barèmes ne
tiennent pas compte du salaire minimum, mais des besoins réels de ces
personnes non employables. Pour ce qui est du programme APTE, nous demandons
que le montant des prestations soit plus élevé pour les personnes
participantes au programme et faisant une recherche intensive d'emploi, ainsi
que pour les personnes non disponibles, afin de leur procurer les sommes
nécessaires à leur recherche active d'emploi. Cela incitera donc
davantage les personnes qui ne veulent rien faire à s'inscrire aux
différents programmes offerts afin d'augmenter leur
employabilité. À ce sujet-là, j'aimerais passer la parole
au président, qui a quelque chose à vous suggérer afin,
justement, de faire augmenter l'employabilité des personnes qui sont
aptes au travail. (16 h 45)
M. Roy (Michel): Vous aviez, à un moment
donné, des possibilités face à disons la balloune.
Il y avait des moyens de travaux compensatoires et communautaires. Nous, on est
axés un peu... Je pense que je travaille avec une bonne partie de gens
qui sont bénéficiaires de l'aide sociale et, que ce soit par
témoignage dans les écoles ou par ce qu'ils ont pu vivre, en tout
cas, autour de nous il y a beaucoup de jeunes qui travaillent pour changer le
système. J'y travaille aussi, mais en dehors de cela, il y a les heures
que je dois mettre là-dedans, et celles que je vais mettre ailleurs,
mais pour eux, il n'y a pas possibilité, ils vont le faire gratuitement
pour un organisme bénévole, mais il n'y a pas possibilité
d'augmenter leurs prestations d'aide sociale. Elles sont restées
à environ 160 $. Il n'y a pas qu'eux qui soient lésés
là-dedans. Je pense que nous aussi, en tant qu'organisme, on n'a pas
beaucoup d'aide venant de la part du gouvernement. On s'organise avec nos
propres moyens. Si on regarde le bon vouloir de bien du monde qui travaille
alentour, cela va comporter tous les problèmes sociaux, que ce soit le
suicide, la drogue, l'alcool, en tous les cas, ce sont des problèmes
multiples, et bien souvent c'est par des moyens de faire de l'argent qu'ils en
sont rendus là. Moi, je pense que, s'il y avait eu possibilité
que d'autres puissent se rajouter à nous, arriver et dire... Je pense
aux besoins aussi, quand un gars n'a pas travaillé pendant environ deux
ou trois ans, et qu'on lui demander de changer ses heures de sommeil, ses
heures de repas, c'est changer le système complètement, son
système, autant physique que mental. S'il y avait possibilité de
dire qu'avec seulement vingt heures par semaine il pourrait arriver et avoir le
maximum d'aide sociale, je pense que c'est surtout cet aspect-là qu'il
faudrait regarder. Donner peut-être des pinottes, mais en donner un petit
peu plus, il y aurait alors possibilité de s'en sortir, mais
plutôt par des moyens dont on pourrait nous aussi
bénéficier, pas seulement nous autres, tous les organismes
à but non lucratif ou autres aussi.
Mme Chabot: Aussi, dans le programme APTE...
Mme Bissonnette (Nicole): Je voudrais rajouter, M. le
Président, que ce qu'on veut dire, c'est que le montant des prestations
soit plus élevé pour les personnes participant au programme,
parce que, dans la réforme qui nous est présentée en ce
moment, les personnes participant au programme et qui font une recherche
d'emploi commencent à 405 $, comme les autres personnes non disponibles.
Donc, je vous poserais la question: De quel moyen vont-ils se servir pour aller
à la recherche d'un emploi? Parce qu'avec 405 $ il n'est pas possible de
se payer un logement, de se nourrir et de faire des démarches d'emploi,
ni de faire des démarches pour augmenter son employabiiité.
Mme Chabot: D'accord. On aimerait aussi insister sur le point
qu'il serait important de conserver aux bénéficiaires, même
s'ils sont aptes au travail, les avantages de la carte santé, parce que
si, avec un minimum de 405 $ par mois, pendant neuf mois, il faut qu'ils se
trouvent une "job" en plus, et à part de cela, tout ce dont ils vont
avoir besoin comme médicaments, en plus qu'avant ils n'étaient
pas obligés de les payer, et là vous leur enlevez la carte
santé parce qu'ils font partie du programme APTE, s'il faut qu'ils se
trouvent une "job" en plus, je ne sais bien pas où ils vont prendre cet
argent-là. Je me le demande.
Ensuite, on demande que les avantages soient assurés à ces
personnes pour une période indéterminée,
c'est-à-dire jusqu'à ce qu'elles aient trouvé un emploi,
sans discrimination d'âge ni de sexe, toujours en considérant le
nombre de personnes à charge et leurs besoins réels. On demande
aussi une création d'emplois assez bien rémunérés
pour permettre à ces personnes l'autonomie financière. C'est bien
beau d'augmenter l'employabilité, mais y en aura-t-il des jobs pour ce
monde-là quand ils vont avoir fini de faire des stages en milieu de
travail et tout cela? Où iront-ils travailler? Cela, c'est une autre
question.
Ensuite, pour le programme APPORT, on demande que le programme soit
aussi accessible aux personnes seules à faible revenu. Dans PRET,
c'était accessible à toutes les personnes
bénéficiaires, toutes les personnes à faible revenu qui
travaillaient. Dans le nouveau programme APPORT on parle seulement des
personnes qui forment une famille. Cela veut dire que les personnes seules qui
gagnent un petit salaire minimum ne vont pas trop loin elles non plus, n'est-ce
pas?
Ensuite, que dans les familles qui ont des enfants de zéro
à six ans, l'aide apportée soit la même, mais en n'ayant
qu'un seul parent sur le marché du travail pour que l'autre s'occupe de
garder les enfants; ce qui éviterait des frais de garderie, permettrait
aux parents de faire eux-mêmes l'éducation de leurs enfants et
fournirait des emplois de plus à ceux qui n'en ont pas. Dans la
société d'aujourd'hui, il y a une chose qui est importante, c'est
que nous sommes des jeunes. Et on peut dire qu'on en a arraché pour
parvenir où on en est aujourd'hui.
De la manière que cela se dérouie et de la manière
que fonctionnent les gouvernements et surtout avec l'histoire de l'aide
sociale, de la manière que vous voulez arranger cela, les deux parents
vont être obligés d'aller travailler et de faire garder leurs
enfants. Nous trouvons important qu'un des deux parents élève les
enfants et que les enfants ne soient pas charriés d'un bord et de
l'autre. Ce n'est pas tellement fantastique. Ce n'est pas pour rien qu'il y a
tant de délinquants dans les rues, n'est-ce pas? On trouve que votre
affaire n'aide pas beaucoup non plus.
Ensuite de cela... Voulais-tu dire quelque chose?
Mme Bissonnette: Oui. Pour continuer ce qu'Hélène
disait, je voulais dire que, si un des parents s'occupait de l'éducation
des enfants, du moins à temps plein pendant qu'ils sont à la
maison, de zéro à six ans, cela ferait moins de
délinquants et moins d'alcooliques et de toxicomanes et cela ferait
moins de jeunes qui se ramassent dans les prisons, les pénitenciers et
les écoles de réforme, ce qui coûte très cher au
gouvernement.
En sachant bien calculer, comme le gouvernement est censé le
savoir, je crois que vous devriez prendre cela, en considération, les
coûts pour garder une personne dans des centres comme ceux-là, les
centres de détention, les centres pour les jeunes délinquants. Je
pense que, si un des parents restait a la maison pour faire l'éducation
des enfants, ceux-ci manqueraient moins d'amour et ils ne se feraient pas
"garrocher" un 20 $ par la tête et ne se feraient pas dire:
Débarrasse-nous. Ils auraient l'attention et l'affection
nécessaires aux enfants. Cela ferait moins de délinquants et les
prisons et les maisons de redressement seraient beaucoup moins remplies. C'est
tout.
Mme Chabot: D'accord. Dans les autres caractéristiques, on
demande que non seulement vous modifiiez la notion de conjoints de fait, mais
que vous ne les considériez comme conjoints qu'avec les preuves
suffisantes et l'assentiment de ceux-ci. Ensuite, que le partage de logement
soit permis à tous sans égard pour le sexe et sans que les
colocataires soient accusés de concubinage. Là-dessus, Mme
Bissonnette a encore quelque chose à nous dire.
Mme Bissonnette: La présentation qu'on a fait de moi,
c'est que je suis intervenante en toxicomanie. Je me spécialise dans les
cas de drogue et de toxicomanie auprès des jeunes délinquants et
des délinquants en milieu carcéral.
De par ce qui se passe présentement dans les bureaux d'aide
sociale, je suis moi-même bénéficiaire de l'aide sociale,
parce qu'on n'a pas encore réussi à trouver des fonds pour me
payer un salaire pour ce que je fais. J'accueille chez moi de temps à
autre de ces fameux délinquants qui sortent soit de foyers pour mineurs
soit du pénitencier soit de prison. Dès la minute où ils
mettent les pieds dans la maison, cela leur prend une adresse pour recevoir
leur chèque d'aide sociale. Dès la minute où ils donnent
mon adresse comme résidence, eh bien, mon chèque d'aide sociale
est coupé automatiquement, parce que, si c'est un homme, c'est
définitif, on considère que je vis en concubinage avec cette
personne.
M. Landry: Je vais ajouter là-dessus. Il y a une
réflexion que je pourrais faire relativement au partage du loyer: que
cela soit permis sans égard au sexe et que les personnes qui partagent
un logement par économie ne soient pas soumises à des coupures.
Il y a quand même une réalité qu'on ne peut pas nier
présentement. Quand les statistiques disent qu'on prévoit en 1990
un couple sur deux séparé, un sur quatre remarié et un sur
cinq redivorcé, cela veut dire qu'il y a toute une dimension nouvelle de
relation d'être qu'il faut accepter. Cela veut dire qu'actuellement il y
a beaucoup de gens...
Mme Harel: II y en a un sur deux...
M. Landry: On évalue qu'en 1990 on aura un couple sur deux
divorcé, un sur quatre remarié et un sur cinq redivorcé.
C'est quand même très sérieux, cela peut démontrer
peut-être l'effritement du tissu social, psychosocial qui peut se vivre.
À ce moment-là, ce n'est pas étonnant qu'on essaye de
sortir d'un certain isolement, d'une certaine solitude et que, pour ce faire,
on sente un besoin de cohabiter pour trouver le parent qu'on n'a pas,
peut-être le grand frère ou la grande soeur qu'on ne rencontre
plus. Je pense qu'on ne peut pas négliger cet aspect, sinon on risque de
tomber dans des abus de tout genre, que ce soit des abus de drogue, de boisson,
de sexe désordonné ou des abus en vol, en vandalisme ou autrement
pour essayer de compenser.
Le Président (M. Laporte): Est-ce qui serait possible de
conclure rapidement, étant donné qu'on a déjà
largement dépassé le temps?
Mme Chabot: Dans ce cas-là, on va énumé-rer
les autres points sans faire d'intervention. On demande aussi que les
barèmes et prestations ne soient pas basés sur le salaire
minimum, mais tiennent compte des montants considérés comme seuil
de la pauvreté par Statistique Canada; que les réserves liquides
des personnes seules soient augmentées à 2500 $ et à 4000
$ pour un ménage de deux personnes ou plus. On donne comme exemple qu'un
réfrigérateur coûte le même prix à une
personne seule qu'à deux personnes ou plus. Vous conviendrez que c'est
évident.
Concernant les caractéristiques du programme APTE: Si vous vous
servez de l'article 633 du Code civil du Québec, qui stipule: "Les
époux de même que les parents en ligne directe se doivent des
aliments", vous devez aussi le mettre en application pour les assistés
sociaux qui ont des enfants de plus de 18 ans à leur charge et leur
donner le plein montant de l'aide sociale pour pourvoir aux besoins de ces
adultes qui n'ont pas affirmé leur indépendance et cela,
même s'ils détiennent un diplôme universitaire.
Pour la mise en oeuvre de la politique de sécurité du
revenu, que la parité des bénéficiaires de moins de 30 ans
soit en vigueur dès maintenant. Aller jusqu'à l'année
prochaine avec le petit peu qu'ils gagnent, ils n'iront pas loin avec cela. Ils
vont faire des crimes et Hs vont se faire mettre en prison et cela va vous
coûter
encore plus que si vous augmentez cela tout de suite.
La qualité des services. Les services seront
améliorés si, comme vous le proposez, le ministère
augmente la capacité d'intervention de ses ressources humaines par
l'amélioration des outils d'information à la disposition des
agents, ajoute des effectifs, accentue les programmes de formation du personnel
affecté à ces tâches essentielles, et aussi renvoie ceux
qui n'ont pas les qualifications nécessaires au bon fonctionnement du
nouveau régime.
À ce sujet-là, j'aurais un petit témoignage
à apporter. Je ne suis pas sur l'aide sociale, mais j'avais entendu dire
qu'en allant à l'aide sociale on pouvait me faire un prêt en
attendant que je reçoive mon chômage, parce que je me retrouvais
sans revenu et, comme toutes les choses du gouvernement, parce que cela prend
bien du temps à arriver, j'étais allé me présenter
au bureau de l'aide sociale pour signer les papiers. Cela ne concerne pas mon
problème, c'est quelque chose de plus frappant. Pendant que
j'étais dans le bureau de l'agente - les femmes sont supposées
être plus humaines que les hommes jusqu'à un certain point, mais
c'était une agente que j'ai trouvé très inhumaine - le
téléphone a sonné. Elle a répondu, c'était
une dame qui disait que son mari était tombé malade, elle
travaillait, mais son mari étant tombé malade, avec les revenus
qu'ils avaient, ils ne pouvaient pas subvenir aux besoins de leurs enfants. (17
heures)
D'après ce que j'ai pu entendre de la conversation, c'est ce qui
m'a frappé, ce que j'ai trouvé si on peut dire
dégueulasse, la personne lui a dit: Madame, si vous avez tant d'enfants
que cela, arrêtez d'en faire, vous êtes capable de
déterminer si vous êtes capable de subvenir aux besoins de deux
enfants et d'en avoir seulement deux et si vous êtes capable de subvenir
aux besoins de quatre, d'en avoir quatre. Il y a des moyens de contrôler
cela. Là, je ne sais pas ce que la dame lui a répondu,
j'étais dans le bureau, je n'étais pas à côté
de la dame. En tout cas, elle lui a fait comme réponse, après que
la dame eut répondu, elle lui a répondu: Bien, madame, si vous
n'êtes pas capable de prendre de méthode anticonceptionnelle, il y
a d'autres moyens, il y a toujours l'avortement. Trouvez-vous que c'est moral?
Moi, je n'en revenais pas. Je n'ai pas été capable de me retenir
et j'ai dit: Ah, bien, aie! Cela va faire. J'ai dit: Comment cela se peut-il?
Je n'en reviens pas comme vous êtes inhumaine, je n'en reviens vraiment
pas. Là, j'étais en train de remettre mon manteau et je sortais
de là, je n'avais même pas fini de signer ma formule, je ne
voulais rien savoir. Cela m'a frustré et j'ai trouvé que cela
était inhumain et immoral. S'il y a des choses qui se passent comme cela
dans les relations d'aide à l'aide sociale et dans les autres choses
aussi, comment voulez-vous que les gens ne soient pas bornés, que les
gens qui sont bénéficiaires ne soient pas bornés et qu'ils
ne se disent pas: Bien, cela ne sert à rien d'aller les voir pour faire
un stage en milieu de travail. Après cela, ils vont nous revirer de bord
et ils vont nous dire qu'on ne veut pas travailler, parce qu'on n'est pas
capable de se trouver de job parce qu'il n'y a pas de place pour aller
travailler.
Le Président (M. Laporte): Je vous remercie de votre
présentation. Nous allons maintenant passer à l'échange
entre les parlementaires et le groupe. M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vais tenter d'être le
plus rapide possible et de situer la clientèle, en tout cas, telle
qu'elle existait en 1987 à l'aide sociale, parce que cela aide à
combattre certains préjugés. En mars 1987, nous avions 400 000
chefs de ménage ou personnes seules qui dépendaient de l'aide
sociale pour vivre au Québec. 100 000 de ces personnes sont
considérées comme étant...
Mme Chabot: Excusez-moi, M. Paradis. On l'a lu, la
réforme, et on a tout lu ces choses-là et je pense que notre
temps est trop précieux pour qu'on se répète encore.
Pourrait-on avoir des réponses à ce qu'on a demandé?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je pense que ce que je viens de
vous dire est effectivement contenu dans le livre, mais ce que je veux ajouter
ne l'est pas, en ce qui concerne les caractéristiques
d'employabilité des gens qui sont à l'aide sociale. Vous ne
retrouvez pas, sauf erreur, que chez 75 % des gens dits employables, vous avez
36 % des ces individus qui sont des analphabètes fonctionnels. Vous
retrouvez également 60 % de la clientèle qui n'a pas
complété son cours secondaire. Vous retrouvez...
Mme Chabot: M. le Président, est-ce que je peux intervenir
à ce sujet-là?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non, je pense que...
Mme Chabot: C'est sûr qu'il y a des...
Le Président (M. Laporte): Mme Chabot, vous avez eu un
temps d'intervention et le ministre dans son temps d'intervention s'exprime,
selon la formulation qu'il veut bien prendre, comme vous l'avez fait lors de
votre présentation. Si vous permettez, on va laisser le ministre
terminer pour revenir par la suite.
Mme Chabot: D'accord.
Le Président (M. Laporte): M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): J'ai sept minutes, je pense. Je
vais faire le plus rapide-
ment possible. Vous avez 45 % d'individus qui n'ont aucune
expérience antérieure de travail. J'insiste et je le souligne,
parce que les gens pensent que les gens qui sont à l'aide sociale
souvent ne veulent pas travailler. Mais comment peut-on poser sa candidature
pour obtenir un emploi lorsqu'on a des carences d'employabilité comme
celles-là? Est-ce qu'on n'a pas comme société l'obligation
d'investir dans l'employabilité des gens? C'est la question que
j'adresse à l'ensemble des groupes qui viennent. Etant donné
qu'on est très limite dans le temps, il y a un sujet qui a
été soulevé par votre groupe de façon beaucoup plus
précise que par à peu près n'importe lequel des autres
groupes qui sont venus devant nous jusqu'à maintenant, bien que vous
soyez le cinquantième et quelques, soit toute la question de la
présence des enfants à la maison et d'un parent pour apporter un
soutien. Cette question avait été soulevée dans le cas des
familles monoparentales, mais légèrement effleurée
strictement dans le cas des familles biparentales. Là, vous avez
semblé nous indiquer qu'il était absolument essentiel qu'on donne
sur le plan financier le libre choix à un des partenaires du couple,
pour qu'il demeure à la maison jusqu'à ce que l'enfant ait
atteint ce qu'on appelle l'âge scolaire, soit six ans. Est-ce que vous
nous suggérez que cette personne-là reçoive ce qu'on
appelle le barème de participation?
Mme Bissonnette: Oui, monsieur.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Que le fait qu'elle s'occupe de
son enfant soit considéré comme une mesure de participation
à un programme d'employabilité avec la compensation
financière équivalente?
Mme Bissonnette: Oui, monsieur.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vais altermer...
Le Président (M. Laporte): Mme la députée de
Maisonneuve.
Mme Harel: M. le Président, je veux saluer la ligue. Vous
travaillez surtout dans la région de Montréal; dans quelle
région travaillez-vous particulièrement?
Mme Chabot: Dans la région de Québec.
Mme Harel: De Québec. C'est cela, en fait, parce que je me
disais en vous écoutant que, si vous aviez été à
Montréal, je vous aurais connus. C'est sans doute parce que vous
êtes dans la région de Québec. Donc, dans ce que vous nous
apportez, il y a des éléments nouveaux: la réserve
liquide; il y a des choses comme cela que je note, mais je veux aller plus
à l'essentiel.
Vous nous avez dit, concernant les services adaptés, que dans les
centres Travail-Québec - c'est à la page 3 de votre
mémoire - aucun bénéficiaire n'est mis au courant des
services offerts. Tantôt, juste avant que vous preniez place devant la
commission, la dame qui vous a précédés, qui venait de
Nicolet, me racontait qu'elle a une amie qui a une enfant diabétique et
que cela a pris des années avant qu'elle sache - qu'elle obtienne
l'information -qu'elle pouvait avoir un supplément de 20 $ qui est
versé par l'aide sociale pour un enfant diabétique; personne ne
le lui avait dit. Le directeur du centre Travail-Québec auprès de
qui elle s'est informée a répondu: Écoutez, elle ne nous
l'a pas demandé. Elle lui a dit: Ou bien tu es déficient
intellectuel ou bien tu es de mauvaise foi. Comment imaginer que les personnes,
qui se présentent à un centre Travail-Québec, y vont pour
autant munies, si vous voulez, de toutes les informations qui se modifient
quand même et que les agents eux-mêmes ne possèdent toujours
pas vraiment? Quelle est la part de responsabilité d'un agent de donner
l'ensemble des avantages auxquels une personne a droit? Le fardeau de la preuve
n'est pas, actuellement, sur les épaules de l'agent, il est sur les
épaules de la personne qui se présente et qui doit, comme un
malade, connaître son symptôme. Vous êtes deux à
vouloir répondre, je vous laisse... Dans l'ordre, je pense que c'est Mme
Bissonnette et Mme Chabot.
Mme Bissonnette: M. Paradis vient de nous dire qu'une grosse
majorité des assistés sociaux était des
analphabètes. Ce qu'on nous répond dans les centres
Travail-Québec, ce qu'on nous dit: Tous les formulaires sont là,
allez vérifier. Si les gens sont des analphabètes, comment
voulez-vous qu'ils prennent les fameuses formules et qu'ils soient capables de
les lire?
Mme Harel: Mme Bissonnette, je vous dis que c'est vraiment
incroyable comme logique. Le bon sens est de votre côté. Cela est
évident. C'est bien évident, avec 36 % d'analphabète... et
le ministre nous répète cela depuis trois semaines...
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Harel: Mme Chabot, vouliez-vous réagir? Je n'ai pas
beaucoup de temps, je vais vous poser une autre question et à M. Landry
aussi. Qu'est-ce que vous vouliez dire là-dessus?
Mme Chabot: Ce n'est pas la faute des
bénéficiaires, ce n'est pas à eux de demander... Quand tu
vas à l'aide sociale avec la longueur de la formule qu'ils te font
remplir, ils doivent avoir toutes les informations nécessaires pour
pouvoir nous donner les renseignements dont on a besoin sans être
obligés de les redemander encore une fois. Pour revenir à ce que
M.
Paradis disait tout à l'heure, qu'il y avait 36 % des personnes
à l'aide sociale qui étaient des analphabètes, combien de
personnes ont des diplômes et ne sont pas capables de se trouver
d'emploi? Parce qu'il n'y en a pas! Je pense que le problème est un
problème de création d'emplois.
Mme Harel: Oui. M. Landry.
M. Landry: J'allais ajouter que, dans le fond, on risque d'avoir
encore plus d'analphabètes, d'une certaine façon. Quand on dit
que, dans nos polyvalentes, cela décroche de 20 % à 30 % en
moyenne actuellement, c'est quand même une réalité qu'il y
a là. Si cela décroche, c'est parce qu'ils se sentent mal
encadrés ou mal suivis ou ils n'ont peut-être pas assez d'espoir
face à l'avenir et à ce qu'il peut leur réserver. Ils ont
peut-être, pour plusieurs, des problèmes socio-affectifs et c'est
pourquoi ils en sont là. Donc, cela veut dire qu'ils ont besoin
d'être davantage écoutés et encadrés, je pense.
Mme Harel: II y a un problème avec l'école, on aura
l'occasion d'y revenir peut-être avec d'autres groupes, la CEQ va venir
aussi, et d'examiner comment il se fait que notre système en produit
autant. Ah! Je vois que M. Roy...
M. Roy (Michel): II y a aussi le fait qu'on est porté
à aller jusqu'à l'homosexualité. Va-t-on regarder si deux
hommes vont coucher dans le même lit et, eux, ne verront peut-être
leur chèque d'aide sociale coupé? Quand on dit qu'on veut former
des familles et non pas s'organiser pour que ce soiemt les femmes ensemble et
les hommes ensemble, qu'on puisse s'organiser pour avoir le même
chèque d'aide sociale...
Mme Harel: Évidemment, le ministre va vous répondre
- je le laisserai répondre - qu'avec son partage du logement il n'aura
plus besoin d'aller dans les chambres à coucher, parce que,
automatiquement, dès que des personnes, quel que soit leur sexe, sont
ensemble, chacune d'elles va être coupée si elles ne sont pas
mariées. Là, de toute façon, si elles le sont ou si elles
sont conjoints, elles le sont aussi, parce qu'elles n'ont pas chacune un
chèque. Le Conseil du statut de la femme a d'ailleurs recommandé
que ce soit individuel et que ce ne soit pas un seul chèque.
Je veux vous interroger sur une chose - j'ai si peu de temps - qui est
importante, vous avez dit qu'il fallait qu'un des parents reste à la
maison - II me reste deux minutes, vous voyez - et quand vous avez dit qu'il
fallait qu'un des deux reste, vous en avez parlé, Mme Chabot, et vous
aussi, Mme Bissonnette, vous êtes revenue là-dessus, vous n'avez
pas dit lequel des parents. Cela m'a beaucoup intéressée, parce
que je me suis dit: Peut-être qu'ils ont réfléchi à
la question à savoir que ce n'est pas nécessairement la
mère qui manque à l'éducation de l'en- fant. J'aimerais
vous entendre là-dessus, parce que j'ai l'impression qu'il y en a autour
de la table qui ont tout de suite pensé que ce que vous vouliez, c'est
que la femme reste à la maison et que le mari aille travailler.
Mme Bissonnette: Absolument pas!
Mme Harel: Bon. Je vous écoute, Mme Bissonnette.
Mme Bissonnette: Absolument pas, madame. C'est qu'aujourd'hui,
avec l'évolution de la femme, beaucoup de couples décident que
c'est l'homme qui reste à la maison et qui s'occupe des enfants et la
femme va sur le marché du travail ou pas nécessairement avec
l'évolution de la femme, le salarié le plus élevé
va au travail et le moins élevé s'occupe des enfants.
Mme Harel: II va falloir que cela sort bien clair dans nos
programmes, même dans nos programmes qui concernent les pauvres. Vous
avez raison en tout cas là-dessus. Je suis contente de vous l'entendre
dire, parce qu'il y a eu une autre commission au mois de janvier sur la
santé mentale. Plusieurs groupes sont venus dire qu'une stratégie
publique de santé mentale pourrait consister à accroître la
présence paternelle et masculine dans les soins à donner aux
très jeunes enfants et que toutes les études démontrent
que, s'il y a une absence dans les soins aux très jeunes enfants, cela
peut avoir des effets ensuite tout le reste de leur vie sur toutes sortes
d'aspects, soit notamment l'identité pour les hommes et la
dépression précoce pour les femmes.
Mme Bissonnette: Mais rien n'empêche la femme, si c'est
l'homme qui demeure à la maison, quand elle revient du travail, de quand
même donner l'affection et les soins nécessaires à
l'enfant.
Mme Harel: Oui.
Mme Bissonnette: Donc, il ne manquera ni de l'un ni de
l'autre.
Mme Harel: Oui. Alors, je pense que c'est important.
Personnellement, je suis pour le libre choix de la maternité, mais je
crois que cela engage la responsabilité de toute la collectivité
de créer des conditions de vie décentes pour les femmes qui
acceptent de vivre la maternité.
La grande crainte que j'ai présentement... Un groupe est venu
nous dire: Sommes-nous en train de considérer les enfants comme un bien
de consommation réservé à ceux qui en ont les moyens? Je
suis de plus en plus craintive de la réaction d'une
société qui travaille, qui est bien nantie et qui se dit: S'ils
n'ont pas les moyens, qu'ils n'en fassent pas. Je trouve cela très
dangereux. Je suis contente que vous en ayez parlé.
Mme Chabot: On a aussi parlé tantôt des agents de
l'aide sociale. Je ne généraliserai pas mais, en tout cas, je
peux vous dire que je suis tombée sur une qui était comme cela.
Cela ne donne pas un bon aperçu.
Mme Bissonnette: Tantôt, quand il a été
question que l'un ou que les deux parents restent à la maison, c'est
pour cela que j'ai répondu oui à la question du ministre,
à savoir que la personne ait le même barème que si elle
allait au travail, pour qu'elle ne soit pas pénalisée.
Mme Harel: Je vous dis juste un gros merci, parce que j'ai
dépassé mon temps. On dit qu'on peut le dire sans le dire, mais
je pense que c'est mieux qu'on se le répète entre nous.
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): II me reste quelques minutes. M.
Landry avait quelque chose à dire. Je ne voudrais pas qu'il quitte la
commission sans l'avoir fait.
M. Landry: Excusez. Je ne veux pas...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non, non. Cela va. Allez-y!
M. Landry: Vous pourrez ajouter après ce que vous
voudrez.
Dans le résumé, à la page 3, on fait allusion
à la mise en oeuvre de la politique de sécurité du revenu.
On dit: "Que la parité des bénéficiaires de moins de 30
ans soit en vigueur dès maintenant". Je pense qu'on soulève cet
aspect quand on tient compte de la réalité du monde
carcéral, par exemple. On dit que l'an passé, on a quand
même incarcéré près de 40 000 personnes. Si on
regarde le profil du gars qu'on ramasse en-dedans, il a une moyenne d'âge
de 18 à 23 ans, un secondaire I à III à peine, des
relations parentales brisées et quand il sort de là il dit:
"Crisse", qu'est-ce que tu veux faire à ma place, toi? Vas-tu arriver
à 170 $ par mois?
C'est sûr qu'on peut le confronter après et lui dire:
Comment se fait-il qu'il y ait des jeunes de ton âge qui sont en dehors,
qui ont des jobs et que tu n'en aies pas? Mais, même si tu le confrontes
avec cela, il va dire: Oui, mais qui sont les premiers qui ont des jobs pour
aller compléter les budgets? Ce sont les petits fils à papa qui
sont capables de se faire engager dans une épicerie ou ailleurs. Ce sont
les raisons qu'ils amènent.
Je me dis: Si on leur donnait un minimum de revenu vital,
peut-être qu'à ce moment ils n'essaieraient pas toujours de
justifier leur comportement de délinquance. À un moment
donné, Ils ont pour leur dire justement: Je n'avais pas le choix d'aller
voler. Si tu avais été à ma place, tu aurais
peut-être fait de même.
Si on leur permettait le minimum de revenu vital à ce moment,
pour un type de délit qu'ils commettent, peut-être qu'on pourrait
donner le type de sentence proportionnelle au délit commis. Cela est une
réalité. (17 h 15)
Je soulève encore le fait que je vous mentionnais tout à
l'heure. Quand on dit que les jeunes des polyvalentes décrochent encore
dans une proportion de 20 % à 30 %, c'est le profil possible d'un jeune
qui va se ramasser dans un milieu d'incarcération. Il y a une
réalité qu'il faut se dire aussi. C'est peut-être les 10 %,
12 % à 15 % qui sont arrêtés pour des délits commis
et qui se font ramasser en dedans, en réalité. Cela veut dire
qu'il y en a une "gang" qui sont à l'extérieur et qui vivent
quelque chose de majeur.
Quand on regarde aussi toute la pléiade du vécu criminel,
on dit que l'an passé la Gendarmerie royale a identifié au Canada
un trafic de dope de 10 000 000 000 $. C'est une réalité, on n'a
pas à se fermer les yeux, mais mettre une proportion de 40 % au
Québec en moyenne. Ce sont des réalités qui sont
là. Quand on parle de tout le vécu de la prostitution aussi,
quand on parle du vécu du vol à l'étalage, de tout ce que
cela peut impliquer en tout cas, et aussi le fait que, lorsque des gens
deviennent victimes du crime, on n'ose même pas les dénoncer, il y
a des réalités qui sont là. Donc, il y a toute la
problématique de la justice qu'on a besoin de réviser. S'il y a
tant de jeunes qui se ramassent dans la criminalité, c'est
peut-être qu'on a beaucoup le sentiment des injustices qu'on porte.
Le Président (M. Bélanger): En conclusion.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous avez utilisé mon droit
de parole, mais je ne vous en veux pas. Je pense que vous avez
éclairé la commission. Je veux vous remercier de votre
contribution et vous dire également que - et il y a un cas qui nous a
été dénoncé depuis le début de la commission
- à défaut de fonctionnement de l'appareil administratif, entre
guillemets, pour les jeunes de 18 à 30 ans qui reçoivent 178 $
par mois, c'est vrai de dire qu'ils ne peuvent pas combler leurs besoins de
base absolument essentiels avec 178 $ et que cela peut provoquer les choix que
vous avez décrits dans la société mais, comme intervenant,
et je sais que vous en connaissez beaucoup, vous pouvez également les
diriger vers les centres Travail-Québec, vers des mesures de
participation, vers des mesures d'employabilité. Qu'il s'agisse de
rattrapage scolaire, de travaux communautaires, de stages en entreprises, etc.,
sauf le cas qui m'a été dénoncé en commission par
les gens de la région de Nicolet, sauf indication contraire, dans les
autres centres Travail-Québec, ces programmes seraient disponibles pour
cette clientèle. Je sais
que pour y aller, elle a besoin de la motivation nécessaire. Vous
êtes un des intervenants absolument essentiels pour donner à ces
gens cette motivation nécessaire. Merci beaucoup de votre
participation.
Le Président (M. Bélanger): La commission remercie
le groupe Ligue d'organismes de jeunes intervenants sociaux, L.O.J.I.S., du
Conseil des Églises pour la justice et la criminologie, et invite
à la table des témoins le groupe Carrefour regroupement
d'information et sensibilisation (CRIS) des jeunes inc., qui sera
représenté par Mme Sylvie Gervais et Mme Josée Trudel. Je
les invite à la table des témoins.
S'il vous plaît, j'inviterais chacun à reprendre sa place
pour que nous puissions continuer nos travaux et entendre la
présentation et les échanges avec le groupe Carrefour
regroupement d'information et sensibilisation (CRIS) des jeunes inc. J'aimerais
simplement vous rappeler qu'il y a une petite modification à nos
règles habituelles de procédure. À cause de contraintes de
temps, nous avons dû répartir les enveloppes de temps
différemment, c'est-à-dire quinze minutes pour votre
présentation et quinze minutes à chaque parti pour échange
par la suite avec vous. On s'excuse de ce contretemps mais, malheureusement,
nous n'avons pas le choix. L'autre choix était de vous faire revenir
à un autre moment, mais je pense que cela aurait été
injuste, vu que vous êtes déjà sur place avec tous les gens
qui vous accompagnent. Je vous prierais, avant de débuter la
présentation de votre mémoire, de bien vouloir vous identifier
et, chaque fois que vous interviendrez, de bien vouloir vous identifier pour
les fins de sténographie au Journal des débats, pour qu'on
puisse écrire vos noms. Je vous remercie.
Carrefour regroupement d'information et
sensibilisation (CRIS) des jeunes inc.
Mme Trudel (Josée): Bonjour. Je me présente,
Josée Trudel, pour le CRIS des jeunes inc. Je suis secrétaire
intérimaire depuis la dernière assemblée
générale du conseil d'administration du CRIS des jeunes. J'ai
travaillé huit mois à un projet Jeunes volontaires au CRIS des
jeunes. Je suis avec Sylvie Gervais qui est agente d'information et qui
travaille présentement à un projet de travaux communautaires au
CRIS des jeunes inc.
Le CRIS des jeunes est un carrefour de regroupement, d'information et de
sensibilisation des jeunes qui a été fondé à la
suite d'une résolution du symposium de la jeunesse qui avait pour
thème "Changeons le mode d'emploi" et qui a eu lieu à
Trois-Rivières, en 1985. Ce Carrefour regroupement d'information et de
sensibilisation des jeunes est un organisme à but non lucratif qui a
été mis en oeuvre par et pour les jeunes de 16 à 30 ans.
Depuis mai 1985, l'organisme fonctionne à l'aide de projets et aide les
jeunes à améliorer leur situation par la création
d'emplois, les études, le travail, l'entreprenariat, les échanges
culturels, les projets communautaires. Bref, on retient en information tout ce
qu'il peut être possible de faire pour un jeune entre 16 et 30 ans pour
qu'il puisse se sortir d'une mauvaise situation. Nous faisons aussi du soutien,
du suivi, tout au long des démarches entreprises pour la création
d'emplois, etc. Nous les référons aussi aux organismes
concernés. On rencontre souvent des cas de jeunes en mauvaise situation,
des situations de suicide, etc. De plus, on vise à sensibiliser la
population - le "S" du CRIS, sensibiliser - à la problématique de
l'emploi chez les jeunes en les représentant lors des divers
événements à préoccupation sociale.
La clientèle que nous desservons est principalement
constituée de prestataires de l'aide sociale, de chômeurs et
d'étudiants et la grande majorité d'entre eux vivent des
situations alarmantes, c'est-à-dire des manques à combler
profonds dans leurs besoins fondamentaux selon Maslow, si on se fie à
Maslow.
Le CRIS, c'est-à-dire l'organisme, fonctionne présentement
à l'aide d'un projet Travaux communautaires. Auparavant, il a
fonctionné aussi à l'aide de projets Jeunes volontaires. On a
fait des demandes ailleurs, sauf que ce sont les seuls qui sont accessibles
pour les jeunes actuellement. Plus ou moins facilement, parce que cela n'a pas
été facile. Nous aussi, l'an dernier, au mois de mai, on a fait
une demande de projet Travaux communautaires à la fin du projet Jeunes
volontaires. On l'a faite aussi aux CRSSS, on a l'a refaite au CTQ et elle a
été acceptée en janvier cette année. Donc, tous les
gens qui travaillent au CRIS des jeunes ont vécu ou vivent encore
à près de la moitié du seuil de la pauvreté.
Nous persistons à tenter de faire progresser notre situation et
aidons d'autres jeunes à s'en sortir. Mais en plus d'être
discriminés, affligés de préjugés en tant que
jeunes et en tant que prestataires de l'aide sociale - cela s'est vu et cela se
voit encore - avec la nouvelle politique de sécurité du revenu,
on reporte encore des poids de la crise économique qu'on va être
obligé de porter par des discriminations diverses qui sont
apportées dans les réglementations et dans les
barèmes.
Le programme APTE est bien sûr la partie qui nous concerne le plus
et c'est pourquoi c'est de cela qu'on va parler dans notre mémoire.
Nous allons apporter nos recommandations qui découlent des
situations vécues par les jeunes. Nous vous remercions de nous
écouter. Avant de laisser Sylvie continuer la présentation du
mémoire, j'aimerais vous faire remarquer que nous ne sommes pas
payés pour travailler aux technicités de la réforme de
l'aide sociale. Nous ne sommes donc pas des spécialistes en ce qui a
trait aux calculs. Cependant, nous vivons la réalité des
programmes divers et multiples. Nous vivons aussi la réalité de
l'aide sociale chez les jeunes. En ce sens, nous espérons que vous
retiendrez notre intervention. Oui au programme, mais pas tel que c'est
là, parce que c'est du "cheap labor".
Mme Gervais (Sylvie): Pour monter notre mémoire, nous
sommes partis du principe des valeurs fondamentales: l'espoir, la
dignité, l'autonomie, comme c'est mentionné dans l'introduction
ou document.
Avant de commencer, nous soulignons que nous sommes d'accord avec le
postulat selon lequel une société ne doit pas accepter qu'une
partie de son potentiel soit perdue, que des solutions dynamiques et des
actions concrètes doivent être envisagées pour que les
personnes retrouvent espoir, dignité, autonomie. Nous y souscrivons,
mais nous croyons que le programme APTE n'atteint aucunement ces objectifs. Au
contraire, H va même à rencontre de ceux-ci.
Pour nous, APTE ne signifie pas Action positive de travail et d'emploi,
mais plutôt Action de pression pour travail d'exploitation. Toute
société respectueuse des droits humains ne doit pas se limiter
à fournir du travail rémunérateur. Il faut, en plus, tenir
compte des conditions de travail.
Les emplois que nous occupons présentement, les programmes sous
lesquels nous sommes nous tiennent à un niveau de vie avec la
moitié du revenu jugé comme seuil de la pauvreté. Cela
reflète bien plus une politique visant à abuser des pauvres.
Qu'il y ait de vrais politiques de création d'emploi comportant
des salaires décents et le respect des normes minimales du travail, car
ce n'est que dans ces conditions que nous pourrons arriver à la
répartition plus équitable des richesses.
Concernant la structure des barèmes, on dit qu'il propose une
structure de barèmes qui permettra de maintenir un écart
raisonnable entre celui qui travaille au salaire minimum et celui qui
dépend de l'aide sociale. Là-dessus, nous sommes d'accord, mais
c'est de la façon que c'est fait. C'est fait par une baisse des
prestations et c'est inacceptable pour nous, car une coupure, si minime
sort-elle, signifie la suppression du strict minimum. Qu'on augmente
plutôt le salaire minimum.
Le gouvernement dit reconnaître les besoins à long terme:
nourriture, logement, habillement, effets domestiques, soins personnels,
communication, meubles, transport et loisirs. Avec la baisse des
barèmes, on croit que c'est impossible d'arriver à subvenir
à ces besoins. On a pris exemple d'une personne seule qui reçoit
405 $, qui n'a pas pu se trouver du travail. Parce qu'on est 400 000 qui seront
aptes, c'est sûr qu'on ne pourra pas tous se trouver du travail ou
rentrer dans les programmes. Il n'y a qu'à considérer aussi les
non disponibles. Où vont-ils trouver la santé pour avoir une
exemption de travail? On a à penser aussi à ceux qui
participeront à des mesures intensives, où vont-ils trouver le
temps?
On a fixé quelqu'un, on a pris une personne seule à 405 $
et on a alloué des montants fictifs, mais qu'on croit correspondre au
très strict minimum. On a dit, pour un loyer, chauffage,
électricité, meubles, tout compris: 200 $ par mois; pour la
nourriture: 150 $, c'est-à-dire 38,50 $ par semaine, en plus des mois
qui sont plus longs pour l'habillement: 20 $ par mois. Cela paye à peine
un manteau et une paire de bottes. Est-ce qu'on va se promener tout nus en
dessous? Pour les transports, on a alloué 30 $. C'est le prix des frais
d'autobus à Trois-Rivières, mats on n'a pas de service le samedi
soir, on n'a pas de service le dimanche. S'il nous arrive un accident ou quoi
que ce soit, quelque chose d'imprévu où on est obligés,
les frais de taxis ne sont pas inclus là-dedans ou l'ambulance. Pour les
communications, on a fixé 10 $, ce qui est le minimum, mais ce ne sera
peut-être pas 10 $ dans les années à venir. Total: 410 $.
Déjà, on dépasse le barème. Qu'advient-il des
effets domestiques et des soins personnels? Est-ce qu'on est condamnés
à vivre dans la crasse? Et les loisirs? Il n'est plus question de vivre,
mais de survivre. Pour nous, où sont l'espoir, la dignité et
l'autonomie? Aussi, H faut penser aux frais reliés aux démarches
d'emploi. Depuis tantôt, on en parle. C'est sûr que cela demande
quand même certains frais aussi pour les formations, les frais scolaires
et tout. Si vous voulez qu'on se trouve du travail, il faut quand même
qu'on en ait les moyens.
On suppose tout le temps la capacité du prestataire de l'aide
sociale de gagner certains revenus de travail pour avoir un minimum vital, soit
140 $ d'exemptions, même si ces personnes éprouvent des
difficultés. Moins de chances de revenus, comme vous l'avez
mentionné tantôt, avec toutes les difficultés, les 36 %
analphabètes, les 60 % qui n'ont pas terminé leur cours au
secondaire, les 40 % qui n'ont aucune expérience de travail,
trouvez-vous que ce sera facile de se trouver des gains de travail?
Que dire de la baisse des barèmes pour les participants, les
personnes seules, pour ceux qui sont non disponibles? Que dire de la baisse des
barèmes alors qu'on sait très bien que c'est indépendant
de leur volonté? Que fait une exemption de 100 $ par mois pour des gains
de travail pour un ménage dont les adultes seront non disponibles quand
on sait que leur état ne leur permet pas de travailler? De plus, H est
sage de tenir compte que, dans leur état, cela peut susciter des
dépenses supplémentaires: taxis, gardiennes, etc. et les rendre
encore plus tendus. (17 h 30)
Aussi, pour les autres points importants, nous disons non à la
prolongation des délais de prestations s'appliquant quand un prestataire
d'aide sociale veut défendre une erreur de l'administration qui l'a
empêché de toucher des sommes auxquelles il avait droit, les
erreurs qui seront multipliées en raison de la complexité
administrative. Je voudrais en parler un petit peu
plus longtemps, parce que je sais que, dans notre coin, cela n'a pas
été tellement explicité.
Pour la complexité administrative, ici, je n'ai pas de chiffres,
mais je suis quand même consciente seulement à voir les
idées. On considère une nouvelle clientèle, soit ceux qui
vont entrer dans le programme APPORT, qui est marquée aux alentours de
44 000 familles. Imaginez la paperasse, les papiers et les documents. Des
sous-catégories, six catégories, imaginez tout le contrôle
qu'il va falloir y avoir, toutes les personnes qui vont y être
affectées. Aussi, les cas vont être traités
individuellement en ce qui concerne les montants. Là, tout le monde
avait le droit à cela en 1988 - c'était tant, tant, tant, les
barèmes - mais avec le programme APPORT, il va falloir allouer des
allocations différentes pour chacun, selon sa situation, en tenant
compte de ta contribution alimentaire. Là aussi, il va falloir tenir
compte de la famille. Aussi, les non disponibles, pour les temps où ils
sont non disponibles, il va falloir encore en tenir compte. Je me dis: II n'y a
personne qui aura le même montant, cela va faire beaucoup de
complexité.
Moi, j'en suis un exemple dans le sens que j'ai fait plusieurs
programmes. J'ai fait Stages en milieu de travail. Je fais présentement
Travaux communautaires. Aussi j'ai fait Retour aux études
post-secondaires. Présentement, cela fait deux mois que je travaille ici
au CRIS des jeunes et j'ai une petite fille de quatre ans à charge, 200
$ de frais de garde à donner chaque mois et là, il faut que
j'aille voir mes parents et mes amis. Ils ne m'ont pas encore donné mes
frais de garde. Si cela continue, olé! Voilà pour la
complexité.
Nous crions non en ce qui concerne la contribution alimentaire qui est
encore une discrimination envers les moins de 30 ans. Cesserons-nous un jour
d'être les victimes? 17 000 personnes vont être coupées
intégralement sans compter tous ceux qui seront coupés en partie.
Ce ne sont pas tous les parents qui ont les mêmes valeurs. Moi, je sais
que mes parents ont des valeurs et des principes: Ma fille, tu as 18 ans, tu es
autonome et tu dois être responsable. Ce ne sont pas tous les parents qui
vont accepter cela.
On remplace l'âge par des critères de dépendance qui
toucheront une grande partie des jeunes. Ces personnes verront leurs
prestations réduites en fonction du revenu et elles seront nulles
lorsque le revenu des parents atteindra des allocations...
Le Président (M. Bélanger): En conclusion, Mme
Gervais, s'il vous plaît.
Mme Gervais: Je dis: Faut-il crever de faim pour accéder
à l'indépendance ou se marier avec n'importe qui à
n'importe quel prix, ou bien faire des petits sans autre
considération?
Le Président (M. Bélanger): Non.
Mme Gervais: Est-ce que je peux faire une conclusion
brève?
Le Président (M. Bélanger): Je m'excuse, mais on ne
peut pas accepter. Je vous en prie, quelques minutes, brièvement.
Mme Gervais: D'accord. On ne peut souscrire à cette
réforme. Nous refusons d'être les victimes d'un système de
plus en plus injuste à notre égard. Le programme APTE constitue
un recul inacceptable avec son inqualifiable baisse des barèmes, la
discrimination honteuse pour relation filiale dont sont toujours victimes les
prestataires de moins de 30 ans.
Nous refusons la condamnation qui nous réduit soit à
l'esclavagisme ou bien à être les mendiants de notre
société. Apprenez que l'espoir, la dignité et l'autonomie
existent encore chez nous!
Si cette nouvelle politique s'applique, elle ne fera qu'augmenter
frustrations et révoltes et ne fera qu'empirer de graves
problèmes sociaux. Et après, on pourra traiter les jeunes de
délinquants pour s'en laver les mains! Et pour tout cela, les
recommandations...
Le Président (M. Bélanger): Non, s'il vous
plaît. On ne peut malheureusement accepter aucune manifestation d'aucune
façon, que ce soit de l'approbation, de la désapprobation ou quoi
que ce soit, soit à la Chambre, au Parlement ou dans les commissions
parlementaires, ce sont des règles très strictes. Or, je vous
demanderais de nous aider à les appliquer, s'il vous plaît. M. le
ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui. Je vais remercier le groupe
et les personnes qui ont présenté le mémoire. Étant
donné que vous avez pris les devants et citer des statistiques
d'em-ployabilité des individus, je n'ai pas l'intention de les
répéter, en insistant sur le fait que ces statistiques-là
sont importantes pour nous aider à bien comprendre et à relever
le défi d'améliorer l'employabilité des gens si on veut
qu'ils aient ou qu'elles aient une chance égale à obtenir un
emploi dans la société.
Je vais m'adresser premièrement à Mme Trudel qui a
été la première à prendre la parole et qui a
terminé en disant: Oui au programme, mais non au "cheap labor". Cela m'a
marqué quand vous avez utilisé cette expression.
Mme Trudel: Vous voulez que je vous explique.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Est-ce que vous pourriez
expliquer?
Mme Trudel: Exactement. C'est ce qui me manquait, d'ailleurs,
dans le temps qu'on avait
prévu.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'accord.
Mme Trudel: Je vais vous dire que, si les jeunes ne participent
pas tous à des programmes, que ce soit...
Je vais vous dire, moi, j'ai fait tous les programmes. J'ai un
certificat de 1er cycle en administration et j'ai réussi maintenant
à me trouver un emploi. Mais je pense que c'est grâce à
l'expérience qu'on a vécue au CRIS des jeunes, parce qu'on vit
avec des programmes, sauf qu'ensemble on se développe librement, avec
nos valeurs, nos horaires. On s'encourage. On s'entraide. On connaît nos
problèmes. On sait ce qu'est la toxicomanie. On sait ce qu'est le
suicide. On aide d'autres gens aussi à s'en sortir, ce qui est encore
plus dur pour nous, parce qu'on n'a pas les ressources nécessaires. On
vit avec 380 $ par mois ou environ, 400 $ avec Travaux communautaires, etc. et
encore, on n'arrive pas aux fins de mois, en tout cas, à boucler nos
budgets, mais si on continue, c'est grâce à nous. C'est
grâce à nous seulement, parce que nous, on s'est regroupés
pour faire cela dans un carrefour pour jeunes, parce qu'on a fait nos
programmes dans ce qu'on voulait faire, dans ce qu'on voulait apprendre. On a
développé nos potentiels, dans le cadre d'activités au
CRIS des jeunes.
Si les jeunes ne sont pas nécessairement
intéressés, nous, on a accepté de participer au programme
au CRIS des jeunes, parce qu'on y trouve notre parti, parce qu'on va chercher
nos valeurs, on va développer ce qu'on veut développer et on est
libres. Mais on fait du bénévolat. J'ai fait 80 heures/semaine
pour 380 $ par mois. C'est parce qu'on voulait vraiment s'en sortir, mais on
aurait pu être aidés un petit peu plus que cela. Quand le projet a
été fini, je suis retombée à 180 $ par mois. J'ai
fait le tour pour tomber sur des travaux communautaires, des stages en milieu
de travail. C'est de l'exploitation. Avec le stage en milieu de travail, vous
faites 40 heures par semaine pour à peu près la même chose
que les travaux communautaires à 20 heures par semaine. Savez-vous qu'on
paie 2 $ et quelque chose d'assurance-chômage par mois dans le programme
Travaux communautaires? C'est complètement ridicule.
Quand on va travailler pour des employeurs dans des programmes, c'est du
"cheap labor" carrément. On va faire de la "moppe", de la "moppologie",
on va faire n'importe quoi, on va prendre les petites tâches parce qu'on
n'a pas d'expérience, on n'a pas de Secondaire V, on n'a pas ci, on n'a
pas ça. Sauf que, qu'est-ce qu'on fait? On n'apprend rien. On assume des
tâches de bas niveau tout simplement, à bas prix. Je connais un
cas vécu d'une personne qui a travaillé dans un programme Stages
en milieu de travail comme serveur dans un restaurant. Il coûtait 2 $
l'heure à son employeur. Il est sorti de là au bout de... Il lui
manquait deux semaines pour son chômage. Il est parti de là parce
qu'il n'en pouvait plus, parce qu'il faisait du bénévolat, parce
qu'il voulait s'en sortir, parce qu'il réaménageait tout, il
repeinturait tout, il faisait le service aux heures où il ne faisait pas
de pourboire, il n'arrivait pas. Ce gars-là a des problèmes
d'endettement maintenant. Il a plein d'autres problèmes aussi.
Maintenant, ce qui arrive, c'est qu'il est coupé à 130 $ par mois
parce qu'il a lâché lui-même son emploi. Ce n'est pas dans
votre réforme, mais c'est ainsi présentement. Donc, tout cela
pour vous dire que c'est de l'exploitation. Oui, il a 130 $ par mois, il a
été coupé de 50 $ parce qu'il a laissé son emploi
lui-même.
Si vous voulez que je continue...
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, j'aurais...
M. Trudel: C'est là qu'est le danger, en fait, du "cheap
labor". C'est que n'importe qui va pouvoir faire travailler n'importe qui
à n'importe quoi, sans qu'il n'y ait de réglementation minimum
pour assurer, au moins, les choses comme un salaire normal.
La dernière chose que j'aimerais vous dire, après vous
pourrez ne plus rien me demander si vous le voulez - non, c'est vrai - je tiens
à dire que j'aimerais que vous puissiez recueillir toutes les lacunes de
fonctionnement qui existent dans les programmes, dans l'aide sociale, etc. Cela
vous serait possible seulement si vous collaboriez davantage avec les groupes
communautaires, ceux qui reçoivent les gens qui ont des problèmes
reliés à cela, ceux qui s'en occupent, ceux qui les
réfèrent et ceux qui les aident à s'en sortir. C'est comme
cela que vous allez arriver à découvrir les lacunes de
fonctionnement. Vous en avez découvert une aujourd'hui avec Nicolet,
peut-être une avec moi, je ne le sais pas. Je ne peux pas vous donner les
chiffres de Centres Travail-Québec. Je ne peux pas vous dire tout cela,
sauf que si vous veniez à nous pour nous demander: Q'est-ce qui se
passe? Comment cela se passe dans la réalité? Qu'est-ce qui
arrive avec un jeune? Qu'est-ce qui se passe dans la réalité, je
pense que cela vous aiderait énormément à refaire une
réforme juste de l'aide sociale et pour ce, il faudrait que vous vous en
occupiez. On n'a pas le temps dans une commission parlementaire de parler de
notre vécu, de dire ce qui se passe en réalité avec les
programmes, avec les technicités qui ne peuvent pas être
appliquées humainement tout le temps et avec toutes les exceptions
à la règle aussi.
Un autre point aussi que j'ai à dire, c'est qu'en colocation,
même avec 400 $ par mois, si on est colocataire, cela donne 290 $, c'est
si peu. C'est si peu, 290 $, même si c'est ce qu'il nous reste pour
vivre. On parfait tantôt de la
criminalité et tout cela. Je veux dire qu'on vit dans un monde de
surconsommation avec la publicité, la mode. Les jeunes ne sont pas
autrement des autres. Ce n'est pas parce qu'on est assistés sociaux non
plus qu'on est autrement des autres. On vit avec les mêmes valeurs un peu
qui nous sont inculquées par les autres. Le phénomène
social est le même pour tout le monde. Quand on voit du monde avec des
frocs de jeans marbrés, on veut des frocs de jeans marbrés. Si on
est obligés de voler pour s'en procurer un, bien on va s'en voler un.
C'est un peu cela. Il faut faire attention là-dessus.
Concernant la colocation aussi, au bout de douze mois, si on devient
conjoint de fait, qu'est-ce qui va arriver si je partage mon logement avec deux
garçons? C'est tout ce que j'ai à dire.
Une voix: Three's Company.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je sais que mon temps doit
être quand même assez limité. J'aurais une question
additionnelle et je ne veux pas que la commission se transforme en bureau de
comté; j'en fais tous les samedis depuis sept ans et j'ai à
vérifier le fonctionnement du centre Travail-Québec dans la
région où je représente des citoyens.
Mme Trudel: Je ne vous parle pas du centre Travail-Québec,
je vous parle de ceux qui recueillent les gens qui vivent les
problèmes...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je ne voulais pas vous
bâillonner, mais ma question s'adressait à Mme Gervais, parce
qu'elle a soulevé un problème de frais de garderie qui n'est pas
supposé constituer une entrave à la participation dans le
système actuel et ce que vous dites, Mme Gervais, c'est que, dans votre
cas - expérience personnelle vécue - cela constitue vraiment une
barrière parce que l'argent ne vient pas...
Mme Gervais: Puis j'ai fait d'autres programmes aussi. Ce n'est
pas le seul travail communautaire que j'ai fait. J'ai fait six stages en milieu
de travail et j'ai fait Retour aux études. J'ai toujours eu le
même problème. Puis présentement c'est encore plus complexe
et plus difficile parce que je n'ai pas d'horaire fixe pour mon travail. Je
peux me promener un peu partout à toute heure. Puis c'est toute la
complexité de compiler les heures, le temps où tu as
travaillé, les endroits où tu as travaillé, par qui tu
fais garder... Puis cela, un relevé complet détaillé,
c'est à chaque mois. Puis, à part de cela, je dois vous dire que
je ne fais pas que 40 heures. Je fais des 60 heures de travail, bien souvent
d'énergie, et en plus il faut que je mette de l'énergie
là-dedans.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Moi, je ne veux pas arbitrer sans
avoir les deux côtés de la médaille. Ce que je vais faire,
je vais également faire un tour du bureau de comté et vous mettre
en contact avec quelqu'un après pour...
Une voix:...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Nicole. Me Dussault.
Une voix: Je pensais que c'était un attaché
politique.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...vérifier ces lacunes de
fonctionnement parce que cela constitue vraiment une barrière au fait
que vous puissiez réintégrer le marché du travail si sur
le plan de la garderie cela ne fonctionne pas.
En vertu de la règle d'alternance, Mme la
députée.
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Chaque cas pour le ministre est un cas individuel.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui.
Mme Harel: C'est comme un cas de comté. Et dans chaque
cas...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est M. Parizeau qui disait cela
comme cela aussi.
Mme Harel: ...il y a un bon vouloir. Ce ne sont pas les
sentiments, ce ne sont pas les bons sentiments qui lui manquent. Mais le
problème, c'est qu'il y a un problème de système.
Mme Gervais: De notre part aussi il y a un bon vouloir. Parce que
je vous dis...
Mme Harel: Oui, oui. Au contraire, je n'en doute pas. Mais c'est
que les bons sentiments ne font pas nécessairement les bonnes
politiques. Parce que, voyez-vous, votre problème à vous,
heureusement que vous pouvez venir en parler. Il y a quelqu'un du cabinet du
ministre qui va s'en occuper.
Mme Gervais: Puis on a à peine quinze minutes.
Mme Harel: Puis sans doute que la personne, au cas... Puis, si
vous reveniez d'ici la fin de nos travaux, je suis convaincue que cela serait
réglé. Parce que la perspective que vous reveniez une
deuxième fois, comme cela a été le cas de M. Proulx,
activerait encore plus les choses, sauf qu'il y en a beaucoup qui ne peuvent
pas venir et c'est la très grande majorité. Il y a 75 000 chefs
de familles monoparentales et cela c'est le genre de formulaire que le
service de garde, si elles ont des services de garderie, doit remplir
quand elles sont assistées sociales, et c'est le genre d'arbitraire,
parce que l'agent, finalement, peut même contester le nombre d'heures
exactes, il peut les vérifier, il peut les contrôler... Si tant
est que tu n'as pas une bonne relation tout court, humaine, simple et ordinaire
avec lui... Cela arrive même entre collègues
députés, même entre chers collègues, il y en a qui
ne s'aiment pas, même parfois dans le même parti. Cela peut arriver
que, même là, tu vas être l'objet d'une attention soutenue
de la part de ton agente. Alors je suis contente pour toi. d'une certaine
façon, parce que je me dis: il n'est pas possible que cela ne
débloque pas dans ton cas. Si tu veux même me rappeler dans 15
jours, je vais te laisser mes coordonnées. Comme cela on
vérifiera toutes les deux si les choses ont bougé.
Le malheur, c'est que c'est à une échelle de centaine de
milliers de personnes. Et là on parle d'un système et ce qu'on
introduit - puis c'est cela qu'on oublie, quand on est dans un gouvernement -
c'est qu'on crée des systèmes qui ont des effets secondaires
effrayants. Mais c'est pour des bons motifs qu'on le fait. C'est toujours pour
le bon motif. Le bon motif, c'est supposé être l'autonomie des
gens. Mais les systèmes deviennent d'une complexité que
toi-même tu as décrite et qui fait qu'il va y avoir 42
catégories avec tous les risques d'erreurs qui vont se glisser parce
qu'à ce moment-là les catégories changent,
dépendamment de l'âge des enfants, du statut marital et du statut
familial, s'il y a séparation. Mais là, s'il y a reprise, cela va
être bien compliqué. Là, ils peuvent accuser les gens
d'avoir fraudé, au cas où ils se remettraient à vouloir
s'aimer, en fait, vous voyez un peu le genre de complexité.
Mme Gervais: Du programme dans lequel tu es. Cela n'arrête
pas. (17 h 45)
Mme Harel: D'une certaine façon, c'est un système
qui va aller en s'aggravant, en se détériorant. Le ministre ne
veut pas reconnaître que son système va simplement en ajouter. Le
partage du logement: supposons que pendant six mois vous vivez ensemble et que,
six mois plus tard, cela ne fait plus, mais que tu continues à recevoir
un chèque ou que tu partages ton logement. Avez-vous idée de ce
à quoi cela va conduire comme erreurs administratives?
Mme Gervais: C'est ce que j'ai dit. Dans toute la
complexité de l'administration, 44 000 nouveaux pour les familles avec
les subdivisions.
Mme Harel: Et la contribution parentale, compte tenu du revenu.
S'il faut qu'il ait une augmentation à l'usine où il travaille,
nécessairement le chèque changerait pour l'enfant. Alors
là, c'est un "built-up". C'est du surréalisme, ce
projet-là.
Mme Gervais: C'est cela la subdivision des catégories, la
promenade dans différents programmes. Il va falloir qu'il y ait
augmentation des programmes aussi. Ce qui fait que, là aussi, cela va
être complexe et cela va être des papiers encore plus... On a vu
tous ces points-là.
Mme Harel: Je veux vous entendre sur ce que vous disiez
tantôt. Vous avez participé à des stages en milieu de
travail?
Mme Gervais: Oui.
Mme Harel: Lequel était-ce? Est-ce que cela vous a
rapporté quelque chose? Est-ce que cela peut rapporter quelque chose?
Est-ce que vous connaissez des gens à qui cela a pu rapporter quelque
chose? Ne vous inquiétez pas, je vous laisse la parole tout de suite.
Vous avez dit en préambule que vous avez fait une demande de travaux
communautaires. C'est à Trois-Rivières? Vous l'aviez faite au
mois de mai l'an passé et vous avez eu la réponse au mois de
janvier cette année. Cela fait que c'est un deuxième CTQ sur
lequel il va falloir que le ministre enquête, n'est-ce pas? Si cela
continue comme cela, parce qu'il n'y a pas beaucoup de gens qui viennent des
régions, pour moi il faudrait qu'il le fasse pour chacun des CTQ.
Mme Gervais: C'est fréquent. C'est hautement
fréquent. Pour nous aussi c'est très important parce que notre
organisme offre un suivi. Quelqu'un qui \/eut me montrer un projet, un
programme, qui veut se trouver un emploi, fouder une entreprise, on le suit
tout le long. S'il y a coupure et que, pendant huit mois, on ne fonctionne pas,
que font ces gens-là? Ils laissent tomber leur projet, qui était
pourtant bien intéressant, mais ils n'ont plus le soutien.
Mme Harel: Pourquoi votre projet n'a-t-il pas été
accepté? Pour que les gens de Nicolet, que je vois entrer, ne pensent
pas qu'ils étaient une exception à la règle au
Québec et qu'ils étaient tout seuls? Vous avez fait votre demande
en mai, pourquoi avez-vous eu votre réponse en janvier? Qu'est-ce qui
s'est passé?
Mme Trudel: Ce sont des questions administratives. Nous, on a
terminé le projet Jeunes volontaires en mai. On était connus du
milieu communautaire. On a fait une demande de travaux communautaires à
ce moment-là pour une nouvelle équipe de travail parce que 80 %
des gens qui ont travaillé au CRIS se placent dans des emplois qu'ils
convoitent. Ce qui arrive, c'est qu'on a fait la demande. On a reçu un
accusé de réception. On est venu nous porter en main propre une
lettre à un moment donné nous disant que oui, c'était un
beau projet, la, la, la, qu'il serait accepté probablement en
août. On a attendu. En août, ce n'est pas accepté.
Finale-
ment, à un moment donné, il y a eu un contact de fait au
centre Travail-Québec. Un bonhomme a dit: Amenez-le-moi, je vais essayer
de vous le faire passer. On le lui a apporté et plus tard, en janvier,
il a été accepté. Ce sont les fonds. Il y a plein de
raisons. Je ne pourrais pas vous dire combien il y avait de fonds au centre
Travail-Québec, et cela ne m'intéresse pas non plus de le dire.
Tout ce que je veux faire ressortir, c'est la complexité de tout cela.
C'est bien beau de vouloir inscrire tout le monde à des programmes dans
une prochaine réforme de l'aide sociale, mais présentement, il y
a des lacunes énormes. Essayez d'être au courant de plus que les
lacunes que vous voyez ici. Peut-être si vous pouviez envoyer des
dépêches qui fassent le tour, je ne sais pas, ou nous demander
tout simplement de vous raconter toutes les lacunes qu'on peut trouver.
Peut-être que cela pourrait servir à l'ordinateur qui va faire le
prochain tirage.
Mme Harel: Et votre stage en milieu de travail?
Mme Gervais: Oui, moi, je vais en parler. Présentement,
aux travaux communautaires, je suis très satisfaite.
Premièrement, je vis avec des gens, je travaille en équipe avec
des gens qui ont vécu les mêmes situations que moi, je me sens
à la même hauteur. Je me sens libre. Je me sens aidée,
estimée, motivée, et tout cela, à aller plus loin et
à toujours... Aussi, comme travail, cela me convient en ce qui concerne
l'orientation et tout cela. Mais j'ai fait auparavant un stage en milieu de
travail. J'ai tenu deux semaines. Ce fut intolérable. J'ai fait une
dépression après. J'avais à intégrer un enfant
atteint de spina-bifida dans une garderie. J'ai beaucoup de formation dans le
domaine de la psychologie et tout cela. Ce qui est arrivé, c'est qu'en
stage en milieu de travail il y a déjà une discrimination. On ne
travaille pas au même salaire dans les mêmes conditions. On est
considérés comme bénéficiaires de l'aide sociale.
C'est comme si on n'avait pas de potentiel et qu'on n'avait pas... Il y a
déjà toute la discrimination et l'idée qu'on se fait des
jeunes qui sont bénéficiaires de l'aide sociale qu'ils n'ont pas
de formation et qu'ils ne savent rien. Mais moi, j'avais quand même
beaucoup d'expérience en ce qui concerne la formation en psychologie.
J'ai étudié quand même sept ans. J'avais à
intégrer un enfant atteint du spina-bifida, mais avant cela, il fallait
que j'aie la chance de m'intégrer dans cette garderie. Puis, la
journée même où je rentrais, l'enfant rentrait et je ne
l'avais même pas connu. Je n'étais même pas
intégrée encore, j'avais à me joindre à une
équipe de deux personnes. Les deux personnes montaient les
activités, mais je n'avais pas le droit de les monter avec elles. Le
lendemain, je me retrouvais devant l'activité. Elles étaient
toutes préparées. Bon, qu'est-ce qui se passe
présentement? En plus, il y avait toute la problématique de
l'enfant. On m'associait à l'enfant, donc difficulté
d'intégration. C'est moi qui changeais la couche de l'enfant puis elles
ne voulaient pas la "job". C'est moi qui avais la problématique de
l'enfant, mais je ne pouvais pas l'intégrer si on ne fonctionnait pas
toutes les trois à partie égale. Il fallait que les intervenantes
s'en occupent elles aussi autant que moi pour que l'enfant se sente
intégré comme les autres. Il y avait plein de points comme
ça. J'ai tenu deux semaines. Je suis très sensible et
émotive et cela m'a beaucoup affectée. J'ai été en
dépression un bon bout de temps et je dois vous dire que les stages en
milieu de travail, je ne voulais plus rien en savoir et je connais bien des
gens qui, au couurs de stages en milieu de travail, ont vécu de la
discrimination, un complexe et un sentiment d'infériorité qui n'a
même pas lieu d'être.
Mme Harel: Actuellement, vous êtes en travaux
communautaires?
Mme Gervais: Oui. Mme Harel: Quel est votre travail?
Mme Gervais: Agente d'information. Mme Harel: Pour le CRIS?
Mme Gervais: Oui.
Mme Harel: Et là, vous vous sentez valorisée?
Mme Gervais: Oui.
Mme Harel: Combien faites-vous par mois au total, avec les
barèmes, les prestations?
Mme Gervais: Avec les barèmes et les prestations, je
reçois 97,30 $ de l'organisme parce qu'il y a environ 2 $ déduits
pour le chômage. Je reçois 100 $ de l'aide sociale, et je devrais
recevoir, pour les frais de garde de ma fille, le montant alloué.
Mme Harel: Un montant de prestations mensuelles qui est de
combien? Le chèque mensuel?
Mme Gervais: Dans mon cas, j'ai un duplex et c'est déduit
parce qu'il y a un loyer. Il y a une déduction, c'est particulier.
Mme Harel: D'accord. C'est particulier parce que vous avez la
règle du 1 % ou des 2 % qui est appliquée? C'est cela? Non?
Mme Gervais: C'est quoi, la règle du 1 %? Une voix:
Un revenu locatif. Mme Harel: Un revenu locatif.
Mme Gervais: Oui.
Mme Harel: C'est cela. Alors, vous avez une déduction
à cause de ça.
Bien, c'est quand même un témoignage important. C'est
intéressant de voir que les travaux communautaires ont permis... Je ne
pense pas me tromper, c'est un peu la situation que vous avez vécue,
vous aussi.
Mme Trudel: Moi, c'est un projet Jeunes volontaires.
Mme Harel: Oui. J'ai l'impression que les travaux communautaires
sont beaucoup utilisés par des femmes et qu'ils sont
appréciés souvent par les femmes qui y participent. Le ministre
m'a donné des chiffres qui prouvent que les hommes y participent tout
autant. Alors, c'est donc que les travaux communautaires, peut-être
à cause du type d'entreprise communautaire qui donne un appui aux
personnes qui font leur stage, leurs travaux communautaires... C'est
peut-être ça. Il faudrait voir les résultats des
études qui devraient être menées pour savoir pourquoi les
travaux communautaires sont appréciés.
Mme Gervais: Oui, mais ce ne sont pas tous les travaux
communautaires parce que j'en connais qu'on casait dans un coin pour dire
qu'ils faisaient un travail communautaire, mais qui se retrouvaient dans un
sous-sol d'université, dans la poussière, à jouer au AKI
pour tuer le temps.
Mme Trudel: II faut dire aussi que le projet Jeunes volontaires
offre beaucoup plus d'autonomie à un projet de jeunes. Je travaillais
à un projet Jeunes volontaires. On a eu deux projets Jeunes volontaires.
On ne peut pas en avoir plus comme organisme. Ce qui fait qu'on a pris les
travaux communautaires, mais on préférait le projet Jeunes
volontaires parce qu'on était beaucoup plus libres.
Mme Harel: Vous choisiriez le projet Jeunes volontaires?
Mme Trudel: Mais, par contre, pour les femmes qui ont des
enfants, Travaux communautaires est beaucoup plus apprécié parce
qu'il y a les frais de garde. Ma copine, qui est ici, a deux enfants et elle
devait payer des frais de garde. C'est qu'il y a des lacunes un peu partout,
mais les projets Jeunes volontaires offrent beaucoup plus d'autonomie.
Mme Harel: Parce qu'il y a de l'autonomie à Jeunes
volontaires, n'est-ce pas?
Mme Trudel: C'est cela.
Mme Harel: On ne dépend pas d'un agent de l'aide
sociale?
Mme Trudel: C'est exact.
Mme Harel: Merci.
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): En ce qui concerne les programmes
Jeunes volontaires ou les programmes Travaux communautaires, à la suite
des expériences que vous nous livrez, est-ce que vous êtes d'avis
que ce type de participation vous plaît davantage parce que vous vous
retrouvez davantage avec des gens qui partagent vos valeurs et votre
façon de vivre?
Mme Trudel: Oui. C'est essentiellement le fait qui nous fait
apprécier ces programmes.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Alors que lorsque vous participez
à Stages en mHieu de travail, vous vous retrouvez avec des gens
habitués à des valeurs différentes, etc., et des
encadrements?
Mme Gervais: Pas nécessairement, mais il y a comme une
forme de discrimination ou... Comment appelle-t-on cela donc?
Une voix: Des nègres.
Le Président (M. Bélanger): S'il vous
plaît!
Mme Gervais: ...une forme de discrimination ou bien on n'est pas
considérés comme eux, on n'a pas les mêmes salaires, on est
bénéficiaires de l'aide sociale? Il y a beaucoup de
préjugés qui sont nourris, entretenus, et la personne subit
cela.
Mme Trudel: C'est du "cheap labor" à ce moment-là,
parce que c'est un patron qui fait de l'argent et qui engage quelqu'un qui ne
lui coûte pas cher.
Mme Gervais: Et aussi on les insécurise.
Mme Trudel: Nous, on ne se voit pas comme cela. On n'est pas des
patrons. Enfin, on est un organisme de jeunes. C'est là qu'est la
différence.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Mais est-ce qu'il n'y a pas, dans
les stages en milieu de travail, ce qu'on appelle un contenu "formation"? Moi,
on me dit que dans certains stages en milieu de travail, il faut que ce soit le
cours approuvé par la Commission de formation professionnelle, que c'est
évalué, qu'il y a vraiment de l'apprentissage...
Une voix: Pas tant que cela.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): ..et de la
formation. Est-ce que c'est vrai ou non? Mme Trudel: Cela peut
l'être... Mme Gervais: Oui, il y en a, mais...
Mme Trudel: ...pas partout. C'est qu'il y a des lacunes partout.
C'est pour cela que je vous dis qu'il faudrait vraiment que vous rencontriez
quelqu'un, une journée de temps, pour parler des lacunes, sinon vous
allez passer à côté de plein de lacunes. Pour Stages en
milieu de travail, on vous fait travailler 40 heures par semaine, pour
l'équivalent des revenus de travaux communautaires. C'est
épouvantable, c'est du "cheap labor" pur et simple! Si on peut, nous,
accepter les programmes à vingt heures par semaine, et on fait du
bénévolat pour combler jusqu'à quarante ou quatre-vingts,
bien des fois, c'est parce qu'on travaille ensemble à s'en sortir, mais
on sait que personne ne va nous fermer les portes parce que, nous, on s'ouvre
des portes. Et on ouvre des portes à d'autres jeunes qu'on emmène
avec nous au CRIS, ou à qui on donne l'information ou qu'on
réfère ici et là, à des organismes où on va
les soutenir, parce qu'on sait ce que sont les problèmes vécus
par les jeunes assistés sociaux.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Est-ce que la durée
actuelle des stages en travaux communautaires vous apparaît
satisfaisante, trop courte ou trop longue?
Mme Trudel: Bien, en ce qui a trait en tout cas au projet Jeunes
volontaires, on ne peut pas faire plus que deux fois, et c'est huit mois au
maximum, cela est trop court; en ce qui a trait à Travaux
communautaires, c'est douze mois au maximum. Pour l'instant, on emploie les
douze mois au maximum. Ce qui va arriver après, pour nous, on ne le sait
pas parce qu'on va être rendus en 1989.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Dans le cadre de Travaux
communautaires, est-ce que vous visez, avec les gens avec qui vous y oeuvrez,
une réintégration au marché du travail....
Mme Trudel: C'est une réintégration, c'est une
formation informelle, parce qu'on a tous du potentiel. On a tout ce qu'il faut.
On a de la documentation sur l'entreprenariat, on a de la documentation sur
n'importe quoi. On emploie nos frais de formation qui sont dans la
comptabilité...
Le Président (M.Bélanger): S'il vous plaît,
il y a beaucoup de bruit dans la salle. S'il vous plaît.
Mme Trudel: ...pour justement se donner des formations qui ont
trait à ce à quoi on travaille dans le projet. On va chercher
notre formation sur le terrain, avec nos manières, c'est un peu de
l'auto-apprentissage, mais je pense qu'on apprend encore cent fois plus que
dans les formations formelles.
Mme Gervais: Aussi, c'est certain, parce que tous ceux qui ont
fait le programme, qui sont entrés au CRIS des jeunes, à
80...
Mme Trudel: ...à 80 % j'ai dit tantôt..
Mme Gervais: Oui, mais c'est plus que cela.
Mme Trudel: C'est plus que cela..
Mme Gervais: C'est plus que 80 % qui se sont trouvé des
emplois; alors, c'est certain qu'on vise le marché du travail.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Et vous avez une expérience
de combien d'années de fonctionnement? Deux ans?
Mme Trudel: Mai 1985.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Deux ans.
Mme Trudel: Deux ans.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Dans l'intervalle - je vais vous
poser peut-être une question bête et stupide que je ne devrais pas
poser - entre le moment où Jeunes volontaires a terminé et le
moment où votre projet Travaux communautaires a été
accepté, on parle de mai à décembre, qu'est-il
arrivé avec votre organisme?
Mme Trudel: Mai à janvier. Il est arrivé
qu'à ce moment-là j'ai laissé l'équipe et puis,
tranquillement, je me suis intégrée au conseil d'administration.
On était six jeunes au conseil d'administration qui faisions du
bénévolat, on a fait des rencontres de jeunes, on a
participé à l'élaboration d'un livre sur la
société à l'heure actuelle dans une petite ville
d'Occident en cette fin de siècle. Plein de choses comme cela. Plein
d'activités, qui sont nos activité au CRIS, qu'on a
continué à mener de front, bénévolement.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Mais pour vivre, là?
Mme Trudel: Pour vivre, moi, je suis tombée à 180 $
d'aide sociale, j'ai reçu 180 $ deux mois, j'ai fait un mois de travaux
communautaires dans un endroit où justement je ne me plaisais pas parce
que ce n'était pas vraiment ce que j'avais à faire là. On
nous demande de faire un travail énorme pour ce qu'on nous donne
à la fin du mois, et le rapport n'est pas évident. À la
fin de tout cela, moi je me suis trouvé un emploi, au mois de septembre,
un emploi que j'ai eu
grâce à l'implication que j'avais eue là justement.
De toute façon, la plupart des autres qui travaillaient avec nous ont
fini par se placer dans les postes qu'ils avaient convoités.
C'est-à-dire que les activités se sont poursuivies, mais à
un rythme très très lent. On a pu acheter un répondeur
téléphonique, ce qui nous a permis de recevoir des
téléphones de suicidaires et d'y répondre avant deux
jours.
Mme Gervais: Oui, c'est cela. Il y avait le répondeur,
mais il n'y avait pas de permanence assurée. Donc, il y avait plusieurs
cas de crise, ou quoi que ce soit, auxquels on ne pouvait pas
répondre.
Le Président (M. Bélanger): En conclusion, M. le
ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, je vais conclure en
remerciant le carrefour et ses porte-parole. Vous nous avez apporté,
comme vous nous l'avez vous-mêmes indiqué au tout début,
parce que vos statistiques étaient erronées et
imprécises... Je ne vous en tiens pas rigueur, vous nous en aviez
avertis, vous nous aviez dit que vous étiez pour nous apporter du
vécu quotidien, de la pratique sur le plan des principes, et c'est ce
que vous avez fait, et nous vous en remercions.
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Oui. Moi de même, je suis contente de mieux
connaître ce que vous faites à Trois-Rivières et
dorénavant, je serai encore plus attentive à vos travaux. Cela
m'intéresse, ce recueil: À la fin... Comment dites-vous?
Mme Trudel: "Fin de siècle dans une petite ville
d'Occident." Cela touche un peu tout le monde.
Mme Harel: En avez-vous des copies? Mme Trudel: Non, il
n'est pas encore sorti.
Mme Harel: Quand vous le sortez, on vous l'achète.
Mme Trudel: D'accord. Ce n'est pas nous qui le produisons, mais
quand on le sortira, de toute façon il sera peut-être
publié à l'échelle du Québec.
Le Président (M. Bélanger): La commission des
affaires sociales remercie le Carrefour regroupement d'information et
sensibilisation (CRIS) des jeunes inc. et compte tenu de l'heure, elle suspend
ses travaux jusqu'à 20 heures. Ils reprendront à 20 heures dans
la même salle. Merci.
(Suspension de la séance à 18 h 1 )
(Reprise à 20 h 5)
Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il
vous plaît!
La commission des affaires sociales se réunit afin de
procéder à une consultation générale et tenir des
auditions publiques sur le document intitulé "Pour une politique de
sécurité du revenu".
Association des centres d'accueil du
Québec
Nous recevons ce soir l'Association des centres d'accueil du
Québec, ou l'ACAQ, représentée par MM. Michel Clair,
Égide Godbout, Gilles Langelier, Michel Turmel, Jacques Gilles Laberge
et Mme Louyse Toulouse. Vous connaissez nos règles de procédure.
Vous avez 20 minutes fermes pour nous présenter votre mémoire -
cela fait drôle, en l'occurrence, de vous les rappeler - et il y aura 40
minutes de discussions avec les parlementaires.
D'abord, je vous prierais de vous identifier, de nous présenter
vos représentants ou vos collègues. Chaque fois que l'un d'entre
vous prendra la parole, s'il vous plaît, bien vouloir vous identifier
auparavant, ceci pour la transcription du Journal des débats. On
ne vous voit pas, alors on a besoin de savoir qui parle si on veut que ce soit
reproduit fidèlement. Je vous prierais donc de vous présenter et
de commencer.
M. Clair (Michel): Merci, M. le Président. Mon nom est
Michel Clair, je suis directeur général de l'Association des
centres d'accueil du Québec. Je voudrais, dans un premier temps, vous
présenter les gens qui m'accompagnent puisqu'il y a eu quelques
modifications à notre délégation. À ma droite, M.
Richard De Courcy, qui est adjoint à la Direction des services et des
programmes du Centre de réadaptation Lucie-Bruneau; à ma gauche
immédiate, M. Gilles Langelier qui est directeur des services
professionnels de l'Association des centres d'accueil du Québec;
à sa gauche, Mme Louyse Toulouse, qui est conseillère aux
services professionnels, secteur réadaptation de l'Association des
centres d'accueil du Québec; finalement, à mon extrême
gauche, M. Michel Turmel, qui est directeur des services professionnels et de
réadaptation aux Ateliers centre du Québec. Malheureusement,
notre président, M. Jean-Marie Girard, de même que notre
vice-président, M. Égide Godbout, n'ont pu se joindre à
nous aujourd'hui.
Pour le bénéfice de toute la commission, je dirai
brièvement que nous représentons, comme association, six
problématiques bien différentes^ d'une part, les centres
d'hébergement poûV1 personnes âgées;
deuxièmement, une clientèle importante qui est concernée
directement par le projet de réforme, il s'agit des centres de
réadaptation pour personnes ayant une déficience intellectuelle;
troisièmement, les personnes ayant
une déficience physique; également, de jeunes
mésadaptés socio-affectifs une clientèle de personnes
alcooliques ou toxicomanes, de même que des mères en
difficulté d'adaptation.
Notre mémoire ne traite pas en détail de la position qu'on
aurait pu articuler pour toutes et chacune des clientèles. Même si
plusieurs des commentaires que nous avons inscrits dans notre mémoire
peuvent s'appliquer à plusieurs autres clientèles qui sont
desservies par des établissements membres de notre association, nous
avons concentré notre mémoire principalement en fonction de deux
clientèles bien précises; il s'agit des personnes ayant une
déficience intellectuelle et celles ayant une déficience
physique. Nous avons considéré qu'avec les ressources dont nous
disposons et compte tenu du fait qu'un grand nombre d'organismes étaient
sujets ou même avaient déjà confirmé leur
présence en commission parlementaire, l'Association des centres
d'accueil du Québec pouvait apporter une contribution
intéressante et spécifique à ces deux
problématiques.
Pour vous présenter le mémoire, nous allons
procéder en deux temps; en premier lieu, j'inviterais M. Gilles
Langelier, notre directeur des services professionnels, à faire quelques
rappels qui peuvent être très utiles en termes de
clientèles que nous desservons de façon plus précise, des
services que nous leur offrons et des difficultés bien précises
que ces clientèles éprouvent afin de vous préciser un peu
la grille d'analyse que nous avons utilisée pour étudier la
réforme proposée. M. Langelier fera également des
commentaires généraux et, après cela, Mme Louyse Toulouse
passera à la partie des commentaires spécifiques. M.
Langelier.
M. Langelier (Gilles): Merci. Quels sont, de fait, les
éléments à partir desquels nous avons étudié
le document d'orientation qui nous a été soumis? Trois
éléments principaux: les clientèles en question, les
services qu'elles reçoivent et certaines difficultés que ces
clientèles vivent dans l'actuel système de sécurité
du revenu.
Lorsqu'on parle de ces clientèles en termes de déficience
physique, les personnes ayant une déficience physique, cela recouvre les
personnes qui présentent une déficience motrice et organique. On
parle, par exemple, des personnes qui ont une paraplégie, une paralysie
cérébrale, une sclérose en plaques, etc. On parle
également, lorsqu'on parle de déficience physique, des personnes
qui ont une déficience auditive ou visuelle. Les personnes ayant une
déficience intellectuelle, l'autre grand groupe de clientèle
visée, sont celles qui présentent un niveau de fonctionnement
cognitif global significativement inférieur à la moyenne
associé à des difficultés d'adaptation se manifestant
durant la période de développement. Ce sont des personnes qui
peuvent apprendre, mais qui nécessitent un temps d'apprentissage plus
long et des moyens plus importants pour se développer.
À partir de ces deux grands groupes de clientèles, on peut
distinguer trois groupes de personnes particulièrement visées par
le problème qui nous réunit. D'abord, il y a les personnes qui,
en raison de la gravité de leur déficience, n'ont pas les
capacités de travailler. On pourrait dire que ces personnes sont non
productives et non compétitives. Elles sont inaptes au travail. Il est
toutefois possible d'envisager qu'avec la mise sur pied d'importantes mesures
de développement de l'employabilité et les progrès de la
science et de la technologie, certaines d'entre elles puissent
éventuellement fournir une certaine production.
Un deuxième groupe de clients des centres de réadaptation
est constitué de personnes dont la déficience cause des
incapacités moins importantes et qui, avec l'application de mesures de
développement de l'employabilité adaptées à leurs
besoins, atteindront éventuellement un niveau de fonctionnement leur
permettant de postuler un emploi régulier. Même si le processus
d'intégration peut s'avérer long, elles arrivent à exercer
leur droit à travailler. Ce sont avant tout des personnes qui
présentent une déficience physique que nous retrouvons dans ce
groupe.
Enfin, un troisième groupe se compose de personnes capables de
travailler, mais qui n'offriront jamais un niveau de productivité ou de
rendement suffisamment élevé pour accéder à un
emploi régulier et ainsi assumer leur autonomie financière. Ces
personnes sont dites productives non compétitives. Ce sent
principalement des personnes ayant une déficience intellectuelle ou qui
présentent des troubles mentaux que l'on retrouve ici.
Deuxième élément important à partir duquel
on a étudié le document d'orientation: les services offerts.
L'ensemble des programmes des centres de réadaptation vise à
restaurer, à développer ou à maintenir l'autonomie
fonctionnelle des personnes qui présentent des difficultés
d'adaptation. Tous les efforts des centres de réadaptation visent
l'intégration ou la réintégration sociale de leurs
clients, que ce soit en améliorant leur condition physique, en leur
fournissant et en leur enseignant à utiliser les aides technologiques
appropriées, en leur enseignant à utiliser le transport en commun
et à manipuler l'argent, en facilitant l'intégration
résidentielle, en les appuyant dans leurs études ou, encore, en
mettant de l'avant des mesures facilitant l'intégration au travail. On
peut parler d'environ 60 centres de réadaptation qui dispensent ces
types de services.
L'objectif du programme d'intégration socioprofessionnelle vise
non pas à enseigner un métier, mais plutôt à
développer certaines habiletés et habitudes prérequises
à un fonctionnement adéquat dans un milieu de travail. Ce
programme vise simultanément à favoriser l'acquisition ou la
consolidation d'apprentissages
de base nécessaires à l'atteinte d'une indépendance
fonctionnelle dans la vie de tous les jours.
Troisième élément important: les difficultés
que ces personnes éprouvent dans l'actuel système de
sécurité du revenu. En analysant les orientations
proposées, l'Association des centres d'accueil s'est
préoccupée de vérifier si celles-ci résolvaient les
principaux problèmes que pose l'actuel système de
sécurité du revenu aux clientèles
présentées. Il nous apparaît essentiel de nous assurer que
les solutions proposées tiennent compte des besoins particuliers des
personnes dans un contexte contemporain d'intégration sociale et de
désinstitutionnalisation.
Parmi les principaux problèmes actuels, notons une
définition de l'inaptitude au travail ne laissant aucune place aux
personnes productives non compétitives; l'absence de mesures permanentes
de subventions à l'emploi; l'absence de formule de
rémunération adaptée aux besoins des personnes productives
non compétitives; l'absence d'incitatifs à l'emploi; un montant
d'exemption de travail nettement insuffisant; des barèmes offrant des
montants d'allocation insuffisants pour les personnes en processus de
réadaptation et vivant en foyer de groupe ou en pavillon; un
plafonnement de réserve permise nettement insuffisant pour les personnes
s'apprê-tant à s'installer dans la communauté;
l'impossibilité pour les personnes de bénéficier
d'héritages de parents immédiats ou de gains à la loterie;
une réponse très partielle aux besoins de la part des SEMO;
l'absence de coordination de l'ensemble des services d'intégration au
travail. On pense qu'H y avait vraiment matière à
réforme.
En somme, le système actuel de sécurité du revenu
décourage de façon très importante l'intégration
à un emploi rémunéré. Par conséquent, la
personne qui accède à un emploi, puisqu'elle a
démontré son aptitude à travailler, perd son statut de
personne inapte et la sécurité financière qui s'y
rattache, tout comme sa carte-santé. (20 h 15)
Pour la personne dont la santé mentale est fragile ou pour celle
dont le niveau de fonctionnement intellectuel ne permet pas l'accès
à un travail régulier rémunéré au salaire
minimum, l'expérience devient un risque.
Un certain nombre de commentaires généraux et je
terminerai là-dessus pour ma part. Il nous apparaît que le projet
de réforme proposé vise à assurer des conditions de vie
plus décentes pour les Québécois les plus
vulnérables et les plus démunis. On semble avoir compris que
l'autonomie sociale d'un individu est largement tributaire de son autonomie
financière et que l'investissement fait à ce niveau peut
contribuer de façon significative à diminuer les coûts
sociaux générés par un niveau de vie en deçà
de l'acceptable. À notre avis, les orientations prônées par
le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du
revenu pour une réforme de l'aide sociale permettra au système
québécois de sécurité du revenu de prendre une
place de choix parmi les systèmes les plus avancés dans l'aide
aux citoyens démunis. De façon générale,
l'Association des centres d'accueil du Québec se dit fort satisfaite des
orientations contenues dans la proposition.
Nous désirons, par ailleurs, souligner l'excellente lecture qui a
été faite des principales problématiques dans notre
société. Nous y avons retrouvé la très grande
majorité des difficultés que nous énoncions
précédemment. Toutefois, on s'est demandé si les
orientations proposées tiennent suffisamment compte des besoins
particuliers des personnes desservies par les établissements que nous
regroupons, en particulier les personnes en service de réadaptation et
les personnes dites hébergées. L'application de ces orientations
assurera-t-eile un système de sécurité du revenu sans
discrimination ni privilège aux personnes ayant une déficience
intellectuelle ou physique ou à celles ayant des troubles mentaux? La
présentation de divers programmes est certainement une façon de
reconnaître que les personnes vulnérables et démunies n'ont
pas toutes les mêmes besoins eî qu'il y a place dans un
système de sécurité du revenu pour des
problématiques particulières.
Cette perspective, évidemment, nous rassure. Selon nous, un
système de sécurité du revenu adéquat doit
poursuivre un certain nombre d'objectifs, tels qu'on les présente
à la page 15 de notre mémoire.
On pourrait voir maintenant, pour alléger la présentation,
en ce qui concerne les commentaires spécifiques, si ces divers objectifs
sont atteints à partir du document d'orientation qui nous est
proposé.
M. Clair: Mme Louyse Toulouse, conseillère aux services
professionnels en réadaptation au niveau de l'association.
Mme Toulouse (Louyse): Les premiers commentaires
spécifiques que nous allons formuler ce soir portent sur le programme
Soutien financier. En accordant des prestations plus généreuses
aux personnes qui ne peuvent travailler en raison d'une déficience trop
sévère, le programme Soutien financier reconnaît la
responsabilité de l'État de compenser la déficience.
L'ACAQ est satisfaite de cette orientation. Toutefois, le programme Soutien
financier pose à l'ACAQ deux problèmes majeurs. Le premier se
situe au chapitre des montants des prestations; le deuxième, au chapitre
de la définition de l'inaptitude. En ce qui a trait aux prestations, en
augmentant le revenu des personnes dans ce programme d'une centaine de dollars
approximativement par rapport à ce qu'elles reçoivent
actuellement, le programme Soutien financier contribue à
améliorer la situation financière de ces personnes. Toutefois,
lorsqu'on considère que
le Conseil national du bien-être social établissait pour
1987 te seuil de pauvreté entre 9000 $ et 10 500 $, selon la grosseur
des villes, les bénéficiaires du programme Soutien financier,
avec un revenu d'environ 7000 $ par année, continueront de vivre dans la
misère. Il nous semble qu'à ce chapitre les prestations
accordées devraient au moins être élevées au niveau
du seuil de pauvreté.
En ce qui concerne la définition donnée de l'inaptitude:
personne ou ménage dont l'un des conjoints connaît un état
de santé physique ou mental altéré de façon
significative pendant une période relativement longue et qui, pour ces
raisons, sont et demeurent dans l'impossibilité de subvenir à
leurs besoins, cette définition est, d'après nous, beaucoup trop
vague. Avec une définition comme celle-là, à peu
près toutes les personnes, sinon toutes les personnes ayant une
déficience intellectuelle ou physique se classeraient dans le programme
Soutien financier. Pourtant, il y a des personnes parmi celles-là qui
pourraient travailler, qui pourraient apporter une contribution. Sans
ajustement de cette définition, on peut penser que plusieurs personnes
productives non compétitives auraient tôt fait de démontrer
qu'elles ont toutes les caractéristiques de la définition de
l'inaptitude et pourraient préférer la sécurité de
ce programme plutôt que de fournir les efforts qu'exige un programme de
développement de l'employabilité.
Ce que nous voulons, c'est un système qui incite et permette aux
personnes qui ont une déficience d'accomplir des tâches utiles,
même si elles ne correspondent pas aux critères habituels d'un
emploi, et d'apporter une contribution à leur mesure.
Conséquemment, pour que la réforme de l'aide sociale soit
sans discrimination ni privilège et qu'elle incite les personnes qui
peuvent accomplir certaines tâches à apporter une contribution
à leur mesure, l'ACAQ recommande que la définition de
l'inaptitude au travail soit révisée, de façon que
l'accès au programme Soutien financier soit réservé
uniquement aux personnes non productives, celles qui vraiment ne peuvent pas
travailler. Nous considérons que la définition qui devrait
être retenue devrait être opérationnelle et basée sur
les limitations fonctionnelles. L'ACAQ suggère aussi que des mesures de
contrôle et de révision des personnes inscrites à ce
programme soient instituées. L'objectif est de s'assurer que les
personnes qui bénéficient du programme Soutien financier ne
peuvent réellement pas travailler.
La deuxième partie de nos commentaires spécifiques porte
sur le programme APTE. Nous avons trouve fort intéressant que le
ministère ait introduit dans ce programme différentes mesures de
développement de l'employabilité. Toutefois, encore ici, nous
avons des problèmes avec la définition. Nous avons aussi des
problèmes avec les barèmes. La définition donnée de
l'employabilité nous amène à nous interroger sur la pos-
sibilité pour notre clientèle de bénéficier de ce
programme. En fait, on se demande: Qu'entend-on précisément par
employabilité? Les personnes productives non compétitives
sont-elles, selon la définition retenue, des personnes employables?
Peut-on penser qu'une personne pourrait à la fois répondre aux
critères de la définition de l'inaptitude et de
l'employabilité? La compréhension que nous avons de ce programme
à ce stade, avec l'information que nous en avons, ne nous permet pas de
situer notre clientèle productive non compétitive. Par ailleurs,
si on élargit la définition de l'employabilité afin d'y
inclure les personnes productives non compétitives, d'importantes
difficultés demeurent, ne serait-ce qu'au niveau des barèmes. En
effet, le programme Soutien financier offre un barème de base de 525 $
et la possibilité d'obtenir un montant additionnel de 100 $. Or, les
niveaux de barèmes pour les personnes dites aptes, employables, et qui
peuvent bénéficier du programme APTE sont plafonnés
à 600 $. De telles différences dans les barèmes nous
permettent de croire que le programme APTE doit être ajusté si on
veut y retrouver notre clientèle. Nous mentionnions plus tôt avoir
apprécié que des mesures de développement de
l'employabilité soient inscrites à ce programme et on aimerait
que les bénéficiaires de nos services puissent aussi en
profiter.
Le Président (M. Bélanger): Je vous demanderais de
conclure, s'il vous plaît!
Mme Toulouse: Les deux éléments que je vais avancer
pourraient être lus dans notre mémoire, mais il y a deux
suggestions importantes que nous aimerions faire: la première, c'est de
concevoir un programme APTE adapté qui voie des révisions dans la
définition des barèmes, afin qu'on puisse y retrouver notre
clientèle et qu'elle aussi puisse en bénéficier. L'autre
aspect très important est l'inclusion d'une formule de
rémunération adaptée. Pour que notre clientèle ne
soit pas à vie dans des programmes de développement de
l'employabilité, il faut penser à une formule de
rémunération adaptée à la réalité des
années quatre-vingt-huit.
M. Clair: M. le Président, juste une phrase,
peut-être, avant de répondre aux questions des membres de
l'Asembiée nationale. La clientèle dont nous parlons, il s'agit,
à notre humble avis, d'une quinzaine de milliers de personnes qui, si le
législateur ne prend pas soin d'aller plus en détail qu'il le ne
fait présentement, risque soit de tomber, entièrement dans la
clientèle des APTE et donc d'avoir à cet égard un
traitement que tout le monde va reconnaître comme étant injuste,
soit de tomber bêtement dans la clientèle des inaptes avec un
incitatif pour celle-ci à la dépendance plutôt qu'au
développement de leur propre personne.
Nous pensons que la réforme de l'aide sociale nous fournit
l'occasion d'avoir une
approche beaucoup plus valorisante, beaucoup plus reconnaissante pour le
droit au travail de ces personnes. Il nous fera plaisir - moi-même, M.
Langelier et tout le monde - de répondre aux questions, mais j'attire
l'attention des parlementaires surtout sur le fait que nous avons deux
praticiens qui nous accompagnent aujourd'hui, M. Richard De Courcy, qui vient
d'un centre de réadaptation en déficience physique, et M. Michel
Turmel, d'un centre en déficience intellectuelle qui se feront un
plaisir, dans les deux cas, de répondre de façon très
pratique à vos questions.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. M. le
ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je remercie l'association et ses
porte-parole. Tout comme vous, je suis limité dans le temps. Je dispose
de vingt minutes pour la discussion. Je débuterai donc avec
l'avant-dernier intervenant, Mme Toulouse, qui a fait une critique
spécifique du programme et je reviendrai à M. Langelier et
peut-être aussi à M. Clair sur l'optique plus
générale.
Mme Toulouse nous dit: Soutien financier, c'est un bon programme,
sauf que j'ai deux problèmes, la définition et les barèmes
ou les montants, des problèmes majeurs, lorsqu'on parle de
définition et lorsqu'on parie de barèmes. En ce qui concerne la
définition, vous n'êtes pas le premier groupe à nous
souligner l'imprécision de la terminologie utilisée. Entre
autres, tous les groupes de médecins qui sont venus devant nous et qui
seront appelés à contribuer à l'application de la
réforme nous ont souligné cette grave imprécision. Elle
est voulue. À l'étape où nous sommes rendus, nous n'avons
pas voulu préciser davantage. Nous avons voulu indiquer une orientation
gouvernementale et nous faisons appel aux ressources de votre association en ce
qui concerne la définition. Nous souhaiterions, par exemple, pour
évker ce qu'on appelle une judiciarisation du processus, si
c'était possible, utiliser la même terminologie que celle sur
laquelle s'est déjà penchée la commission des affaires
sociales dans le cas de la Commission des accidents du travail, de la
Régie des rentes invalidité, de la Régie de l'assurance
automobile du Québec ou même de la Loi sur l'aide sociale telle
qu'elle existe présentement quant à la question de l'inaptitude
pour les moins de 30 ans. Si on pouvait utiliser un vocabulaire qui ait
déjà été testé, on aurait une application
beaucoup plus souple dès le début du programme. Et là,
nous faisons appel à vos ressources.
Quant aux barèmes, là où cela pose problème
- je ne veux pas rappeler de mauvais souvenirs à personne - cela en pose
certainement au Conseil du trésor. Cela en pose également
à une société dans le sens où, sans que le niveau
du salaire minimum pour ces gens-la soit un critère comme au niveau du
programme APTE, il s'agit des plus bas salariés dans la
société. Tout en faisant preuve d'équité - vous
l'avez souligné - c'est approximativement 100 $ par mois de plus pour
ces gens-là. Ce n'est peut-être pas important si on parle de cela
à un député, à un ministre ou à des
professionnels, mais pour ces gens-là c'est quand même une
augmentation que l'on considère intéressante, dans cette
politique de sécurité du revenu. Le coût pour le
gouvernement est établi à 100 000 000 $ annuels additionnels que
l'on injecte. Je ne prétendrai pas que cela a été facile
à vendre à toutes les étapes de la procédure
gouvernementale. Il est maintenant enrichi. Si je lis votre mémoire,
vous pensez que le barème des neuf premiers mois s'applique à
cette clientèle. Ce n'est pas exact. Cette clientèle n'a pas
l'application du barème des neuf premiers mois. Cette clientèle
n'a pas non plus l'application du partage du logement. Cette clientèle
n'a pas non plus la contribution alimentaire parentale, etc. Il s'agit
là d'un enrichissement indirect à ce barème. (20 h 30)
Vous avez traité du programme APTE et vous avez dit: Là
aussi, c'est intéressant, mais là aussi j'ai deux
problèmes: la définition et le barème. Sur le plan de la
définition, mêmes commentaires. Je pense qu'en réglant la
définition de l'un, on aide à régler la définition
de l'autre; là aussi vos commentaires seraient les bienvenus. Quant aux
barèmes comme tels, le gouvernement a choisi une certaine limite et
c'est volontaire. C'est un choix politique et il s'appelle le salaire minimum.
Peut-être que le salaire minimum n'est pas suffisamment
élevé. Il y a eu des efforts de faits au cours des deux
dernières années. Sans faire d'annonce, il est possible qu'il y
en ait d'autres au cours des années à venir, mais nous croyons
qu'il est essentiel de conserver cette incitation au travail, mais, là
où l'on a besoin de votre expertise, c'est lorsque vous nous pariez du
programme APTE adapté, si je peux utiliser l'expression. Dans ce sens,
vous avez soulevé une problématique dont nous avions tenu compte
seulement en partie dans le document d'orientation en disant: Les gens qui sont
admissibles au programme Soutien financier auront quand même accès
au programme APTE et on n'avait pas dit "APTE adapté". J'aimerais vous
entendre sur cette problématique, sur le programme "APTE
adapté".
M. Clair: Dans un premier temps. M. le ministre, je voudrais
simplement dire qu'en ce qui concerne les barèmes, par exemple, pour le
programme Soutien financier par rapport au seuH reconnu de pauvreté, on
est conscient, comme n'importe quel autre intervenant dans la
société et comme représentant des clientèles en
difficulté dans différents secteurs, qu'il y a de sérieux
problèmes budgétaires quand on veut répondre à tous
les besoins, mais vous admettrez avec moi que c'est quand même
particulier comme société, pas juste comme responsabilité
gouvernementale, de reconnaître par des méca-
nismes dont celle-ci s'est dotée qu'un niveau de pauvreté
est x et que, comme société, on n'a pas encore fait le choix
d'offrir aux personnes non productives, non compétitives ce minimum.
Alors, c'est un rappel.
En ce qui concerne votre question sur le programme "APTE adapté",
Mme Toulouse ou M. Langelier pourrait aller un peu plus en détail que ce
qu'on a eu le temps de faire dans notre présentation, parce que c'est
là qu'on pourrait le plus comme association, comme vous le soulignez,
apporter une contribution originale.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, et en même temps, si
c'était possible, pour sauver du temps, quelle serait la formule de
rémunération que vous suggéreriez d'incorporer au
programme "APTE adapté"?
Mme Toulouse: D'accord. Si on y va pour le programme "APTE
adapté", les mêmes mesures qui sont précisées dans
le projet de politique pourraient être utilisées comme base de
référence. Par contre, l'ajustement important qui est à
faire en ce qui concerne la définition, c'est qu'il faut que notre
clientèle puisse être considérée comme une
clientèle employable. Sur les barèmes, on s'est expliqué.
Je crois que c'est à votre satisfaction.
Pour ce qui est de la formule, une façon d'adapter les mesures de
développement de l'employabilité à notre clientèle,
c'est de les rendre permanentes; la formule, par exemple, et la durée du
programme aussi, les rendre plus longues. Pourquoi? Compte tenu de la
complexité des difficultés de la clientèle qui nous occupe
à l'association, le programme "APTE adapté" ne devrait pas
comporter de limite de temps. C'est une chose.
La formule "Grant diversion" proposée nous semble
particulièrement intéressante. Elle serait totalement
appropriée à notre clientèle, si elle était
accordée pour une période indéterminée. Les
ajustements nécessaires, en fin de compte, sont des ajustements qui
"s'ajustent" au rythme des personnes qui exigent plus de temps, des moyens plus
importants pour s'adapter. C'est le genre d'ajustements, mais la base des
suggestions faites est excellente pour nos clients. Concernant le programme de
rémunération adaptée, on souhaite un programme de
rémunération adaptée pour les personnes qui ont atteint
leur niveau optimal de fonctionnement. Elles sont pendant x mois ou
années dans un programme de développement de
l'employabilité; éventuellement, elles atteindront leur plafond.
Ces personnes-là, même une fois toutes les mesures
appliquées, ne peuvent pas satisfaire aux exigences normales d'un
emploi. Elles peuvent faire un certain nombre de tâches, mais elles ne
peuvent pas prendre un emploi ordinaire au salaire minimum. Ce qu'on souhaite,
c'est que ces personnes-là puissent être
rémunérées pour le travail qu'elles font, que l'employeur
leur paie ce que cela vaut et que l'État compense la différence.
Globable-ment, c'est cela.
M. Clair: À notre avis, M. le Président, une telle
formule viendrait permettre à beaucoup plus de personnes qui ont une
capacité de production, mais qui sont non compétitives, de
pouvoir participer à l'activité économique de la
société, elles-mêmes de s'en trouver valorisées, de
pouvoir améliorer leur condition économique et de pouvoir, je
dirais, comme mesure sociale et budgétaire trouver une issue à ce
dilemme qu'on connaît présentement qui est soit de les classer
parmi les aptes au travail, avec l'injustice que cela comporte, étant
donné leurs limitations, soit encore de les orienter nettement et
très jeunes sans doute vers l'aide sociale, vers la dépendance
à perpétuité en ce qui concerne le programme Soutien
financier.
Alors, c'est dans ce sens-là que nous avançons la
possibilité non seulement, je dirais, de vous soumettre le
problème, mais nous pensons avoir une piste de solution à ce
problème. Ce serait socialement un grand pas que la
société québécoise ferait d'aller au-delà
d'une... Je dirais que c'est bien beau d'avoir une politique de
désinstitutionnalisation, par exemple, dans le domaine de la
santé et des services sociaux, mais encore faut-il, dans une telle
opération où on va essayer de permettre au plus grand nombre de
personnes humaines de se faire valoir, d'utiliser leur potentiel, que le
régime d'aide sociale ne vienne pas carrément, comme le disait
tantôt Gilles Langelier, les mettre dans une situation où
expérimenter le marché du travail, c'est risquer de tout perdre.
Alors, il ne faut pas qu'on se retrouve dans cette situation-là.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): En vertu de la règle
d'alternance, il me reste peut-être quelques minutes, je reviendrai
à la fin. Mme la députée de Maisonneuve.
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Oui, je vous remercie, M. le Président. Combien
de minutes ont été utilisées? Onze? Bon. Je vous saurais
gré, M. le Président, de m'en informer dans une dizaine de
minutes, de manière à se faire un peu l'alternance mutuelle.
Alors, j'ai beaucoup de plaisir à vous recevoir, en particulier
parce que, vous n'en serez pas surpris, nous entendons, je pense, le 57e groupe
ou organisme à se présenter devant la commission, et je ne crois
pas que nous ayons encore entamé la moitié des audiences que nous
aurons jusqu'à la fin de mars. Cela m'intéressait d'autant plus
que vous êtes un groupe qui s'est caractérisé par le fait
qu'il semblait appuyer la globalité de la réforme. Je dois vous
dire que, sur l'ensemble des mémoires qui sont présentés -
les médias d'information l'ont d'ailleurs à
maintes reprises longuement diffusé - il y a une remise en
question non pas tant des modalités ou seulement des modalités,
mais plus précisément une remise en question des fondements
mêmes c'est-à-dire des distinctions, des catégorisations
qui font que l'ensemble du document comprend au total, pour deux programmes,
sans prendre en considération APPORT, 42 catégories. Les
organismes venant devant nous font valoir que chacune de ces catégories
va donner lieu à un contrôle social et que la complexité de
tout cela va monter une sorte de structure surréaliste. Il y a une
multiplication, finalement, des catégories.
Moi, je lis votre mémoire comme pouvant être
extrêmement pertinent en ce qui concerne la clientèle que vous
représentez. C'est ce que je dois comprendre?
M. Clair: Oui. Il est évident, comme j'ai eu l'occasion de
le dire dans mes notes d'introduction, Mme la députée, que
l'Association des centres d'accueil n'a pas la prétention aujourd'hui,
par ce mémoire, de faire une critique globale, tous azimuts, de chacune
des 42, dites-vous, clientèles possibles, mais pour deux groupes de
notre société qui sont desservis par les établissements
que nous représentons: les déficients intellectuels et les
déficients physiques. Nous, si je peux vous donner une image,
jusqu'à un certain point, par cette réforme-là, la
reconnaissance de la capacité d'être employé, la
reconnaissance qu'on peut avoir droit au travail, même si on a des
limitations fonctionnelles majeures, et d'avoir un programme qui soit
adapté pour inciter ces personnes-là au travail, les inciter au
sens noble du terme, au sens positif du terme, cela nous apparaît un pas
en avant, plutôt que de maintenir ces personnes simplement dans un
état de dépendance comme si la réalité était
aussi simple que de dire: II y a ceux qui sont à droite, qui sont
entièrement aptes et dont le potentiel d'apporter une contribution
à la société est total et ceux qui sont à gauche,
qui sont, eux, sans aucune capacité de travail.
Alors, pour nous, c'est l'occasion d'un avancement, pensons-nous, social
de faire la promotion également de ces clientèles que nous
desservons. Le mémoire que nous avons...
Mme Harel: Alors, je comprends que les commentaires
généraux que l'on retrouve à la page 13 du mémoire
et aux suivantes, ces commentaires généraux, il faut les lire
simplement à la lumière des clientèles que vous
représentez.
M. Clair: D'abord et avant tout, dans la perspective des deux
clientèles mentionnées.
Mme Harel: Bon, parce que... M. Clair: Effectivement.
Mme Harel: ...cela m'apparaît extrêmement important.
Ces commentaires généraux sont globaux, alors, ils peuvent
prêter à interprétation et laisser croire que, finalement,
ils s'adressent à l'ensemble des propositions.
Je dois vous dire que la multiciplicrté, par contre, des groupes
familiaux - je pense, entre autres, à la Confédération des
organismes familiaux, à la Fédération des familles
monoparentales, à la Fédération des femmes du
Québec, au Conseil du statut de la femme - est venue plaider, comme vous
vous le faites, les difficultés d'application du programme APTE, non pas
en vertu, comme vous le faites, des personnes productives non
compétitives, mais en vertu des chefs de famille monoparentale, en vertu
des familles, etc. Je dois donc comprendre que votre commentaire ne s'applique
pas à l'ensemble des autres clientèles. Est-ce bien le cas?
M. Clair: C'est ce qu'il faut comprendre, même si, encore
une fois - on l'a mentionné dans un premier temps, on l'a bien
indiqué dès le début de notre mémoire - on traitait
principalement des deux clientèles mentionnées, même si
certains commentaires pouvaient porter, pouvaient être pertinents pour
certaines autres clientèles que nous desservons dans nos
établissements. Encore une fois, ces commentaires doivent être lus
principalement dans la perspective des deux grandes clientèles que j'ai
définies.
Mme Harel: C'est important, parce que votre expertise est
recherchée. Nous avons eu, devant la commission, des organismes qui
représentaient des personnes handicapées. D'une part, ils
appartenaient à la Confédération des organismes
provinciaux de personnes handicapées et ifs sont venus plaider devant la
commission l'inquiétude profonde de voir leur clientèle
confinée pour la vie dans une catégorie avec un statut de non
employable. Donc, ils ont beaucoup plaidé, à partir de la
politique d'ensemble du gouvernement sur l'intégration des personnes
handicapées et sur la prévention des déficiences, le fait
que c'est essentiellement à la perte de couverture des besoins
spéciaux, lorsqu'une personne intègre le marché du
travail, à laquelle on devait d'abord remédier, puisque
l'incitation au travail se butait au fait que, lorsqu'il y avait réelle
insertion pour des personnes handicapées qui ne sont pas
nécessairement déficientes, là, dès qu'il y avait
réinsertion, il y avait perte de tous les avantages, et tous les
inconvénients étaient à la charge de la personne
handicapée.
Il y a eu, d'autre part, tous les groupes de ressources alternatives en
santé mentale qui, eux, sont venus plaider l'effet pervers que pouvait
avoir une catégorie qui pouvait amener des personnes à s'inscrire
dans une démarche répétitive pour se faire
reconnaître comme inaptes. Donc, les effets secondaires qui pouvaient
être malsains, d'une certaine façon, dans une catégorie. La
majorité des groupes, incidemment, ne se
prononce pas en principe contre les catégories. Au contraire,
elle considère que les catégories pourraient être
utilisées afin de "prioriser" des clientèles pour leur offrir des
mesures, mais elle se prononce contre le fait que les catégories donnent
lieu à des prestations de besoins essentiels différents, ce qui
peut inciter un très grand nombre de bénéficiaires
à tenter de se faire reconnaître comme inaptes pour pouvoir, comme
cela, combler des besoins essentiels qui ne le seraient plus avec les nouvelles
prestations. (20 h 45)
Je ne sais pas comment vous réagissez par rapport à ces
points de vue qui ont été exprimés devant la commission.
De même - évidemment, il était très
sévère - le Conseil canadien du développement social est
venu dire qu'il s'agissait d'administrer plus les pauvres que de lutter contre
la pauvreté avec un système pareil. Le conseil recommandait - je
ne sais pas si vous avez étudié cette modalité possible -
de donner une pension pour les situations de long terme, d'envisager une
situation de pensionné pour des personnes - donc, les 15 000, je pense,
dont vous parliez, qui sont des situations de long terme - plutôt que de
multiplier les catégories de l'aide sociale, d'envisager une situation
de pensionné avec un autre programme. Qu'est-ce que vous en pensez?
M. De Courcy (Richard): Richard De Courcy. Ce que je pourrais
répondre là-dessus, Mme la ministre, c'est qu'en ce qui nous
concerne...
Mme Harel: Je ne suis pas ministre.
M. De Courcy: ...on désire le moins possible
catégoriser les gens parce qu'ils ont une déficience, une
atteinte physique. On veut que cela reste strictement au plan de la
productivité. Si on s'embarque dans ce projet, selon votre
hypothèse, cela veut dire que, parce que la personne a une
déficience physique, elle devra être étiquetée le
reste de sa vie. Chaque personne handicapée physique, comme chacune des
personnes qui sont ici pourrait avoir une atteinte, un cancer ou quelque chose,
chaque personne handicapée a quelque chose de plus visible,
peut-être de plus objectif, et nous pensons que, malgré cela, elle
est capable de faire un bon bout de chemin dans sa réinsertion sociale
et dans sa réinsertion socioprofessionnelle. On pense qu'il faut y aller
au cas par cas. C'est pour cela qu'on soulevait tantôt l'importance, si
la personne change de catégorie, de revenir à la catégorie
inapte si jamais il y avait un échec. Il faut quand même
comprendre qu'on fait un travail clinique. Donc, on essaie le plus possible de
développer l'autonomie de ces gens-là. C'est sûr et certain
que cela reste toujours une probabilité, comme c'est une
probabilité de guérir un cancer ou de faire quelque chose.
Il reste qu'il se peut que la personne, pour n'importe quelle raison, ne
soit pas capable de retourner sur le marché du travail. Donc, il faut
qu'elle soit capable de retrouver, sans qu'il y ait de complications
bureaucratiques ou technocratiques, facilement son statut d'inapte. Je pense
que l'essentiel de mon intervention, c'est de dire: Allons-y pour favoriser
l'intégration la plus complète possible comme si c'était
n'importe qui dans la société.
M. Clair: M. Michel Turmel voudrait ajouter quelques mots.
M. Turmel (Michel): Un peu dans le même sens de ce qui
s'est dit, Mme la députée. C'est une belle occasion de
régler une problématique majeure au plan de la
rémunération. On ne voudrait pas revenir ou demeurer dans un
statut difficile à vivre présentement, quand on catégorise
une clientèle d'inapte au travail. Alors, on essaie d'éviter cela
au maximum. On veut essayer d'enlever le statut d'assisté social, le
statut de personne à part qui ne peut...
Mme Harel: Dites-moi comment vous faites cela.
M. Turmel: Si?
Mme Harel: Comment faites-vous cela d'après votre
mémoire? Vous proposez, au contraire, la formule "Grant diversion"; vous
proposez qu'ils restent d'éternels assistés sociaux.
M. Turmel: Non, absolument pas!
Mme Harel: Ils vont toujours avoir un statut.
M. Turmel: Absolument pas. On veut justement enlever la partie
d'assisté social pour amener une partie salariale. Ce que proposait Mme
Toulouse, c'est que la personne soit payée,
rémunérée, salariée aux termes de la loi, selon sa
propre productivité, que l'employeur contribue à une partie de ce
salaire et que l'État compense le manque à gagner.
Mme Harel: II est venu ici des groupes qui plaident cela aussi,
mais qui nous disent: Surtout pas un système où on reste toujours
avec le statut d'assisté social.
M. Turmel: Exactement.
Mme Harel: Ces groupes sont venus plaider pour des projets comme
PRET, qui a déjà existé, un programme... Il y a un groupe
de Québec qui est venu plaider le retour du programme PRET...
M. Turmel: Oui.
Mme Harel: C'était un programme qui existait et qui
donnait un statut de travail:
Sinon, votre bénéficiaire reste toujours inscrit à
l'aide sociale, il a toujours des formulaires à remplir et il y a
toujours, finalement, un contrôle social sur lui, avec la formule "Grant
diversion".
M. Clair: Mme la députée, je pense que vous ne
comprenez pas. Je vais vous donner un exemple en supposant que ce soit moi.
J'ai une capacité de travail productive de 30 % - c'est mon cas. Si je
comprends votre théorie, ce serait de dire, pour éviter que la
personne n'ait le statut d'assistée sociale, qu'on va changer un peu
l'étiquette. On va appeler cela un pensionné, puis on va lui
donner un barème, un niveau de pension x. Ce que vous n'ajoutez pas,
mais qui est sous-entendu, c'est qu'à ce moment-là ma
capacité de travail de 30 %, vous n'y portez pas attention. Nous, voici
ce que nous disons avec notre système: Si j'ai une capacité de
travail de 30 % - j'imagine, théoriquement, que le barème est de
900 $ par mois - la contribution que j'apporte dans un emploi, un programme de
développement de ma capacité, cela vaut 30 %. Je suis
rémunéré par l'employeur qui paie l'équivalent de
30 %. L'État verserait en quelque sorte le manque à gagner entre
30 % et 70 % comme complément de rémunération permanente
par rapport à ma capacité réelle de travail, plutôt
que de me donner une nouvelle étiquette, mais je vais être un
pensionné plutôt que d'être...
Mme Harel: Oui, mais, M. Clair, cela paraît que vous ne
vous êtes jamais inscrit à l'aide sociale. Ce n'est pas juste une
étiquette. C'est aussi un contrôle qui se fait à partir du
moment où vous avez à vous présenter à des bureaux.
Il y a des personnes qui vous ont précédé qui sont venues
nous expliquer cela très longuement avant l'heure du souper. Vous devez
vous présenter à un agent, lequel agent va devoir remplir des
formulaires. Même si ce n'est pas tous les mois, cela peut être
deux fois par année. Mais il y a un contrôle social qui n'est pas
le même avec une rente d'invalidité de la Régie des rentes
du Québec. Une fois que vous êtes invalide au sens de la
Régie des rentes, vous recevez votre rente et vous êtes rentier,
même si les montants sont insuffisants, et vous n'avez pas du tout le
même contrôle social sur vous que si vous êtes inscrit
à l'aide sociale.
M. Clair: Mais nous ne parlons pas des mêmes
clientèles. Dans vos propos, vous parlez de la clientèle non
compétitive, non productive et vous revenez avec la possibilité
que ce soit un autre organisme payeur pour essayer de distancer la notion
d'assisté social de celle de pensionné pour raison
d'incapacité de produire et de concurrencer. Ce n'est pas de cette
clientèle dont nous vous parlons présentement. Nous vous parions
de la clientèle qui - nous le résumons dans ces mots - est
productive, peut produire...
Mme Harel: C'est cela.
M. Clair: ...et qui est cependant incapable de concurrencer sur
le marché du travail régulier. C'est ce qu'on vous dit...
Mme Harel: Mais qui va rester à l'aide sociale? Qui va
donc rester à l'aide sociale? M. Turmel dit qu'il n'y aura plus de
statut. Même si le montant de l'allocation de 600 $ est versé
à l'employeur en regard des 300 $ que l'employeur verse lui-même
à des fins de travail productif de 30 %, il reste que le statut en sera
un d'assisté social.
Je recevais cette semaine une lettre d'un couple âgé qui a
une jeune fille de 38 ans qui est déficiente, qui a un peu un
comportement d'enfant. Elle reçoit l'aide sociale. Pour la
première fois, ils ont voyagé à leur retraite et ils sont
allés dans le Sud où vont à peu près tous les
Québécois, en Floride. Ils l'ont amenée avec eux. À
leur retour, ils ont eu la désagréable surprise de voir que son
statut d'assistée sociale amenait le bureau à demander le
remboursement des allocations pour ia durée de son séjour
à l'extérieur. Le parents font valoir que, s'ils l'avait
placée en foyer d'accueil avant de quitter, elle aurait
été entièrement à la charge de l'État.
À ce moment, le centre des services sociaux aurait fait un placement. Le
fait de l'avoir amenée avec eux les pénalise. Ce qui les
pénalise, c'est qu'elle ait toujours un statut d'assistée
sociale.
M. Turmel: Michel Turmel. Mme la députée, je pense
que ce serait une excellente occasion, et on le voit comme cela dans la future
réforme, d'arriver à trouver une façon pour que ces
faits-là ne se reproduisent plus. Présentement, il y a des
formules qui sont expérimentées dans la province. D'ailleurs, il
y a des comités qui existent avec l'Office des personnes
handicapées, l'Association des centres d'accueil, le MMSR et plusieurs
autres personnes, qui se penchent sur des formules permanentes de salaire pour
les personnes productives non compétitives. Comme je le disais, il en
existe plusieurs et il faudrait faire en sorte que la réforme, qu'on
appelle le programme "APTE adapté", puisse aussi fonctionner avec ces
nouvelles formules.
Un exemple de formule. Aujourd'hui, il y a le placement
intégré qui existe et qui fonctionne de la façon suivante.
Des centres de travail adapté paient le salaire à
l'employé et c'est vraiment un salaire qu'ils reçoivent de
l'employeur, prenons un restaurateur, pour donner un exemple concret. Une
personne travaille dans un restaurant, travaille à 45 % des standards
industriels et est salariée d'un CTA, un centre de travail
adapté, qui est régi par l'Office des personnes
handicapées. À ce moment, le Centre de travail adapté
reçoit de l'employeur les 45 % que ça vaut réellement en
productivité, mais la personne, elle, n'est plus
bénéficiaire de l'aide
sociale. Elle reçoit un salaire du CTA. C'est une formule.
Une autre formule, ce serait le SEMO, le Service externe de
main-d'oeuvre, dont on fait mention d'ailleurs dans la politique en disant que
le SEMO peut administrer des CIT, des contrats d'intégration au travail.
Un contrat d'intégration au travail, c'est le volet 3 qui dit que c'est
pour le travail adapté que le SEMO compense le manque à gagner,
mais compense directement l'employeur qui, lui, paie un salaire à
l'employé. Encore dans mon exemple de 45 %, la personne reçoit de
l'employeur 100 % en salaire et, lui, est compensé par le SEMO qui suit
cela régulièrement.
Mme Harel: C'est très intéressant, mais, vous
savez, on est tellement pressé par le temps.
On me dit que j'ai à peine deux minutes encore.
Justement, je voulais vous faire parler des
SEMO. On nous a dit ici, à maintes reprises, qu'avec le
décret ministériel de janvier dernier, les SEMO se trouvaient
dans l'obligation de ne plus servir la clientèle des personnes
déficientes. En fait, c'est un décret ministériel de
décembre...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je m'excuse, M. le
Président. Je sais que je n'ai pas droit aux questions de
règlement, mais la clientèle n'a absolument pas été
coupée ou réduite. Il n'y a pas eu d'interdiction de desservir
à cause de quelque décret, ni sous l'ancien gouvernement, ni sous
l'actuel.
Mme Harel: Les SEMO sont venus ici même, se sont
présentés et ont vraiment sévèrement remis cela en
question. Leur performance ne tient plus compte des placements qui seraient
faits de ces clientèles-là. Ils ont demandé au ministre de
réexaminer la décision qui avait été prise. Est-ce
que vous avez eu des contacts avec les SEMO à ce sujet?
M. Turmel: Oui, Mme la députée. Au sujet des SEMO -
d'ailleurs, le mémoire en fait mention - les SEMO desservent
présentement environ 10 % de la clientèle que nous desservons au
niveau de la déficience intellectuelle. On a essayé de passer des
protocoles d'entente avec eux et, comme ils doivent maintenir un ratio de 1/60,
1/65 et vu le type de programme même qu'ils peuvent donner à la
personne handicapée, ils ne peuvent présentement prendre plus de
10 % de notre clientèle, et c'est une clientèle qui peut assumer
une certaine forme d'autonomie, une certaine forme de recherche de travail de
façon personnelle. Évidemment, ils seraient
intéressées à en prendre plus, mais encore une fois, ils
ne peuvent absolument pas remplir leur ratio avec notre type de
clientèle.
Il faut dire aussi qu'aux SEMO, ce n'est pas le même type de
programme qui se donne là et qu'on ne répond pas non plus aux
mêmes objectifs. Les SEMO n'ont pas à l'heure actuelle la
structure pour donner des apprentissages, des habitudes de travail et pour
accorder un suivi intensif à une clientèle comme la
nôtre.
Le Président (M. Bélanger): En conclusion, Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Cette semaine, dans la région de Thetford
Mines, des groupes revendiquaient des agents d'aide économique, des
agents supplémentaires dans les centres de Travail-Québec, de
manière à pouvoir répondre à la clientèle
des personnes handicapées. Notamment, c'était le cas cette
semaine. Des groupes de la région de Thetford Mines - attendez que je
retrouve cela c'est tout près - rendaient publique une revendication
à savoir que le centre du Travail-Québec devait engager trois
agents pour répondre à la clientèle des personnes
déficientes ou handicapées qui se trouvaient beaucoup
laissées pour compte, disaient-ils, avec le cumul de travail que les
agents avaient avec les autres clientèles. À votre connaissance,
les centres de Travail-Québec ont-ils suffisamment de ressources pour
donner suite, par exemple, aux attentes des clientèles que vous
représentez?
M. Turmel: Je répète un peu ce que je disais tout
à l'heure. À ma connaissance, au niveau de la région 04,
on a deux SEMO: un à Trois-Rivières et un autre à
Drummondville et Victoriaville. Présentement, en tout cas, ils ont dit
qu'ils avaient nettement un manque de ressources pour pouvoir inclure
totalement notre clientèle.
Mme Harel: En fait, il s'agissait de l'Association des personnes
handicapées de la région 03. C'est un peu à
côté. C'est de Thetford Mines à Saint-Jean-Port-Joli.
Le Président (M. Bélanger): Je m'excuse, Mme la
députée. Votre temps est écoulé. M. le ministre.
(21 heures)
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui. Je vais tenter dans le temps
qui me reste d'aborder des sujets dont vous traitez dans votre mémoire
mais dont vous n'avez pas parlé ici, en commençant
peut-être par le plus facile ou le plus difficile - c'est quantifiable,
c'est de l'argent - la fameuse notion des 1500 $, les avoirs liquides. Vous
nous faites des représentations à savoir que ce serait nettement
insuffisant. J'aimerais vous entendre: Dans la pratique quotidienne, de quelle
façon vivez-vous cette problématique.
M. De Courcy: Richard De Courcy. M. le ministre, justement, c'est
un problème qu'on vit régulièrement avec les personnes
handicapées physiques. Souvent, les gens vont nous arriver de leur
domicile, de leur famille, ils ont amassé entre 2000 $ et 4000 $ et le
problème, c'est que ces gens-là sont obligés
d'épuiser leur avoir
avant de pouvoir avoir droit à l'aide sociale, aux 1500 $. Ils
sont même obligés de payer une pension à
l'établissement pour épuiser ces 1500 $. D'une part, on trouve
que c'est injuste que ce montant n'ait pas été augmenté
depuis près de dix ans, à ma connaissance - je pense qu'il y a un
problème là - et, d'autre part, je pense, pour les
établissements en réadaptation comme nous qui désirons
renvoyer ces gens-là, qu'ils ne viennent pas chez nous pour finir leurs
jours, ils sont chez nous en transition. Le problème que pose et ces
fameux 1500 $, c'est que, finalement, quand vient le temps de retourner dans la
société, ils n'ont plus d'argent pour s'acheter des meubles, pour
s'équiper, ce qui fait qu'on se retrouve comme maintenant avec des
bénéficiaires en attente de pouvoir réintégrer la
société parce qu'on ne peut pas leur donner d'allocation meubles.
Il y a peut-être une aberration dans la loi par rapport à cela
concernant les centres d'accueil de réadaptation.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Les 1500 $ au moment où
l'on se parle, si vous aviez à prendre la décision, vous les
établiriez à combien?
M. De Courcy: Dans le mémoire, on a parlé de 3000
$. En ce qui me concerne, pour les gens qui viennent en centre d'accueil de
réadaptation, je dirais qu'il ne devrait pas y avoir de limite ou tout
au moins 10 000 $, l'argent nécessaire dont on a besoin pour aller
s'installer dans un logement aujourd'hui en 1988: 10 000 $, ce ne serait pas
trop.
M. Clair: Je vous vois réagir, M. le ministre, au fait que
cela coûte cher, mais il ne faut pas oublier, comme le dit M. De Courcy,
que, dans plusieurs cas, cela peut signifier la différence entre
l'institutionnalisation et la dépendance pendant plusieurs années
ou une réinsertion sociale.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Et c'est vite
récupéré.
M. Clair: C'est vite récupéré.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Une autre question qui s'adresse
à celui ou à celle qui voudra bien y répondre. Pour ce qui
est de vos centres d'accueil, avez-vous essayé des expériences de
travail ou des travaux par l'intermédiaire de vos
bénéficiaires?
M. Clair: Vous voulez dire impliquer des
bénéficiaires dans du travail à l'interne?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): À l'interne.
Le Président (M. Bélanger): Des plateaux de travail
dans les centres d'accueil.
M. Clair: M. De Courcy.
M. De Courcy: M. le ministre, chez nous, nous avons fait des
expériences particulièrement concluantes avec les
traumatisés craniocérébraux. C'est une clientèle
sur laquelle on a investi beaucoup depuis dix ans. Ce sont des gens qui, comme
vous le savez, ont des atteintes au cerveau à la suite d'un accident de
la route, d'un accident quelconque. Pour ces gens-là, nous avons fait
des stages à l'intérieur de nos centres, dans différents
services de nos établissements. Plusieurs de ces
bénéficiaires ont fait des stages de travail qu'on appelle de
préemploi pour les amener à développer des
habiletés de base leur permettant éventuellement de trouver un
travail. Trouver des emplois à des personnes qui officiellement sont
productives mais non compétitives, c'est sûr que c'est là
que le bât blesse présentement, mais on a développé
à l'intérieur de nos établissements, à
l'extérieur aussi avec certaines petites entreprises, des stages, des
possibilités, des contrats pour faire des stages de préemploi.
Cela a été possible, on l'a fait.
M. Clair: M. Turmel, je pense que vous voulez ajouter quelque
chose aussi?
M. Turmel: Oui. Dans notre centre d'accueil de
réadaptation, il y a un service d'intégration
socioprofessionnelle pour une clientèle déficiente
intellectuelle. Présentement, nous avons autour de 30 % de notre
clientèle qui travaille dans des usines à l'extérieur, la
clientèle dite productive non compétitive, et on prévoit
pour septembre 1988 atteindre facilement 45 % de notre clientèle
à l'extérieur, en industries, une clientèle productive non
compétitive. Ce qu'on attend présentement, ce sont des formules
de rémunération, comme celles dont on parlait tout à
l'heure concernant le salaire, qui soient permanentes aussi, parce que notre
clientèle est une clientèle qui a une déficience
intellectuelle à vie. On essaie d'exploiter au maximum dans le sens
positif ses capacités, son potentiel, mais on sait que c'est
limité et ce potentiel se situe en moyenne autour de 45 %, ou 50 %,
selon les standards industriels. Alors, on veut trouver une formule permanente
pour pouvoir les intégrer et ne pas avoir un éternel
recommencement avec les formules temporaires qui existent
présentement.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Dans les expériences que
vous avez vécues jusqu'à maintenant, est-ce que vous avez chez
l'ensemble des empioyeurs ou chez certains des employeurs obtenu une bonne et
saine collaboration, ou expérimenté une certaine
résistance?
M. Turmel: Je peux vous dire là-dessus, M. le ministre,
qu'on a eu une collaboration assez extraordinaire, même au-delà de
tout ce qu'on pouvait imaginer. On a mis quand même une structure en
place qui fonctionne - en tout cas,
à ce jour - avec l'équipe terrain. Seulement pour faire
une petite parenthèse, disons qu'au lieu d'intégrer une personne
et d'essayer de travailler sur la personne une fois qu'elle est en industrie,
on travaille plutôt sur ceux qui sont autour de la personne: le
contremaître, l'employeur et les personnes qui vont aider, qui vont
faciliter, qui vont être responsabilisés en ce qui concerne
l'intégration de la personne. On peut dire que cela fonctionne
énormément, quand on parle d'équipe terrain. On pourrait
même arriver avec un paquet d'exemples si le temps nous le permettait. Je
sais que le temps ne nous le permet pas, mais on a des cas d'intégration
assez extraordinaires présentement.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Pour en avoir une idée
assez juste ou pour en obtenir une idée assez juste, cette
intégration, ce travail de préparation, ce counseling autant
auprès de l'entourage, de l'entreprise que de l'individu lui-même,
cela nécessite combien? Je sais que chaque cas est individuel, mais en
moyenne combien cela coûte-t-il en investissement tant humain que
financier pour préparer le terrain, pour que le terrain soit propice
à recevoir une personne?
M. Turmel: Bon. Évidemment, si on fait un historique, si
on va dans le passé, on a des personnes chez nous qui fréquentent
ce qu'on appelait anciennement les ateliers protégés depuis dix,
douze et quinze ans, parce qu'on sait qu'on n'avait pas avant la mission, la
vocation de préparer ces personnes-là à intégrer
l'industrie. On a vraiment commencé à préparer ces
personnes-là depuis trois ou quatre ans. Alors, avec le pourcentage
qu'on vous rapporte présentement - on vous dit 45 % pour l'automne 1988
- on peut dire que cela prend en moyenne trois ans de préparation
à l'interne présentement, mais ce temps-là devrait
être plus bref selon l'expertise qu'on va avoir, qu'on va
développer. Il devrait, dans les années futures, être
raccourci à un an et demi ou deux ans, deux ans de préparation en
ce qui concerne les apprentissages, les habitudes de travail, le comportement,
pour préparer vraiment la personne, pour exploiter cette
personne-là au maximum de son potentiel, pour qu'elle aille ensuite
à l'extérieur dans des stages d'immersion, dans un premier temps,
ensuite dans des stages d'apprentissage, pour apprendre certains métiers
entre guillemets. Par la suite, c'est un suivi avec des agents
d'intégration, ce qui veut dire qu'après, environ un an à
l'extérieur, avec une formule appropriée, on peut penser que la
personne pourra fonctionner dans la société de façon
autonome.
Le Président (M. Bélanger): En conclusion, M. le
ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Que Mme la députée
de Mafeonneuve remercie et je remer- cierai en conclusion, M. le
Président.
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Maisonneuve, si vous voulez remercier nos
invités.
Mme Harel: Non, non. Le ministre ne veut absolument pas me
laisser le dernier mot, mais je dois vous dire que c'est extrêmement
intéressant. Je vous écoutais, M. Turmel, et je me disais... Vous
êtes de la région de la Mauricie, j'imagine?
M. Turmel: Oui.
Mme Harel: C'est cela. Ce sont là des expériences
qui montrent qu'il est possible d'insérer socialement des personnes
quand on fait face au handicap dans le milieu de travail même. Il y a
évidemment des côtes à remonter dans certains milieux. Je
pense, entre autres, au milieu de l'est de Montréal où on compte
déjà 22 000 chômeurs, 12 000 personnes aptes au travail qui
sont des chômeurs bénéficiaires de l'aide sociale,
finalement. Alors, vous vous rendez compte, dans un contexte comme
celui-là où le taux de chômage malgré la croissance
actuelle est à 12,5 %, qu'il est évident qu'on fait face à
des difficultés qui nécessitent un investissement. Vous le
démontrez bien, je pense, avec le mémoire de l'association. Dans
la mesure où la société accepte d'investir, je pense que
ce sont finalement des dividendes pour l'ensemble de la collectivité. Je
crois qu'il est extrêmement important de rappeler que ce n'est pas parce
qu'on a un handicap ou une déficience qu'on est malade. Il y a des
personnes qui peuvent être en bien mauvaise santé et n'avoir aucun
handicap, aucune déficience. Il y a des mesures d'adaptation à
l'emploi, dans le poste de travail, qui sont certainement beaucoup plus
intéressantes.
Je vous remercie de votre mémoire et de la présentation du
mémoire de l'association.
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, je remercie également
l'Association des centres d'accueil du Québec. Je vous rappelle que je
fais toujours appel à l'expertise de l'extérieur et que nous vous
avons suggéré une commande. Nous vous saurions gré d'y
donner suite, quant à la définition des gens admissibles au
programme Soutien financier.
Je vous dirais que vous êtes le 56e groupe qui venez
éclairer cette commission et qu'encore au 56e groupe, on retrouve des
approches nouvelles, des approches intéressantes. Vous êtes le
premier groupe à nous parler de la notion de productivité non
compétitive, vous êtes le premier groupe à nous en parler,
et c'est toujours rafraîchissant de poursuivre les travaux avec des
idées nouvelles. Si, en cours de route, vous continuiez à suivre
les travaux de la présente commission et si vous aviez des sugges-
tions à nous adresser, vous pourriez le faire en les dirigeant
vers le ministère ou vers la commission. Votre expertise est
indispensable pour assurer une application concrète d'un programme que
l'on souhaite le plus juste, le plus équitable possible.
Ce que vous faites - je regardais la description de votre organisme: les
intérêts et la défense des droits des établissements
membres - ce que vous avez fait ce soir, je pense que c'était davantage
veiller aux les intérêts et à la défense des gens ou
des personnes qui reçoivent les bénéfices de vos
institutions et de vos établissements. Merci beaucoup!
M. Clair: Je vous remercie.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vous en prie.
Le Président (M. Bélanger): Oui, oui. Allez- y!
M. Clair: Alors, j'allais ajouter, M. le ministre, que c'est bien
écrit: "dans tout ce qui concerne la prestation de services
adéquats aux clientèles desservies". Alors, dans ce même
esprit, M. le Président, je termine en disant que, depuis l'adoption, en
1978, de la Loi favorisant l'exercice des droits des personnes
handicapées, la société québécoise a fait un
cheminement énorme en ce qui concerne la place des personnes
handicapées. Aujourd'hui, ce sur quoi nous avons voulu insister, au
fond, c'est, quant aux personnes ayant une déficience intellectuelle ou
physique, que, parmi les droits dont nous pensons devoir assumer la promotion,
il y a le droit au travail dans un contexte et dans un encadrement qui soit
adapté, qui tienne compte de leur réalité, qui soit
à la fois valorisant pour celles-ci et utile à la
société. Je pense que c'est l'orientation qu'on peut retrouver
dans le projet de réforme, dans la mesure où le gouvernement
voudra concrètement cependant donner les suites appropriées aux
principes qui sont énoncés dans le document, dans le livre blanc
du ministère.
Alors, merci de nous avoir reçus.
Le Président (M. Bélanger): Alors, la commission
des affaires sociales remercie l'Association des centres d'accueil du
Québec. On m'apprend que le groupe suivant Action Committee of Disabled
Persons ne peut se présenter ce soir. Donc, considérant ces
faits, nous ajournons nos travaux à demain 16 mars, 10 heures, à
la salle du Conseil législatif. On retrouve notre vraie salle.
(Fin de la séance à 21 h 15)