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(Dix heures douze minutes)
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): À l'ordre, s'il
vous plaît! La commission des affaires sociales se réunit, selon
les dispositions du nouveau règlement, à l'article 161, pour une
consultation permettant d'inviter des organismes - et, dans le cas
précis, ces organismes sont invités - sur le cadre de
référence proposant un partage des responsabilités entre
les centres de services sociaux et les centres locaux de services
communautaires.
Sont membres de cette commission: Mme Bélanger
(Mégantic-Compton), MM. Bissonnet (Jeanne-Mance), Blouin (Rousseau),
Bordeleau (Abitibi), Boucher (Rivière-du-Loup), Gravel (Limoilou),
Lavigne (Beauharnois), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), MM. Leduc (Fabre), Martel
(Richelieu), Middlemiss (Pontiac), Paradis (Brome-Missisquoi), Paré
(Shefford), Rochefort (Gouin), Sirros (Laurier). Nous avons comme invité
le député de Bourget, ministre des Affaires sociales, qui a
accepté notre invitation de participer aux audiences. Y a-t-il d'autres
modifications, Mme la secrétaire?
La Secrétaire: Oui, comme remplaçant de M.
Champagne (Saint-Jacques) nous avons M. Scowen (Notre-Dame-de-Grâce) et
M. Martel (Richelieu) est remplacé par M. Beaumier (Nicolet).
Objet de la consultation Mme Thérèse
Lavoie-Roux
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je voudrais rappeler aux
membres de la commission que le premier groupe qui sera entendu aura deux
heures pour la présentation et les échanges. Chaque membre de la
commission aura un droit de parole de dix minutes, c'est-à-dire qu'il
pourra intervenir aussi souvent qu'il le désire, mais son temps sera
limité à dix minutes. Le temps sera réparti
également entre le côté ministériel et le
côté de l'Opposition.
Je voudrais prendre juste quelques secondes pour resituer un peu l'objet
de cette consultation particulière que la commission des affaires
sociales a décidé de tenir. En juillet 1982, le ministère
des Affaires sociales donnait un mandat aux conseils régionaux de la
santé et des services sociaux de faire des recommandations concernant le
transfert des effectifs des départements de santé communautaire
et des centres de services sociaux vers les centres locaux de services
communautaires en vue du parachèvement du réseau des centres
locaux de services communautaires.
Par la suite, les conseils régionaux de la santé et des
services sociaux demandaient au ministère des Affaires sociales de
clarifier ou d'établir certains critères selon lesquels cette
distribution de responsabilités pourrait être effectuée. Le
rapport qui fut finalement produit est maintenant connu comme le cadre de
référence qui fut rendu public en décembre 1983 et qui,
à ce moment, souleva passablement d'inquiétudes et de questions
de la part des différents groupes touchés. C'est au moment de
l'étude des crédits que nous avons pensé que, pour faire
avancer ce débat qui, quand même, peut et, je pense, immobilise
jusqu'à un certain point les énergies qui normalement devraient
être consacrées à rendre les meilleurs services possible
aux bénéficiaires, peut-être une consultation comme
celle-ci permettrait de faire avancer ce dossier.
L'esprit dans lequel cette initiative a été prise est le
suivant et je tiens à rappeler au point de départ que la
commission des affaires sociales ne veut pas ici être un arbitre entre
des structures administratives. Elle vise vraiment à assurer que ce
débat permettra, quant aux décisions qui seront finalement
prises, en présence des transferts qui pourront être faits ou qui
seront faits, qu'on se soit bien assuré d'abord qu'au moins une
efficacité aussi grande de services soit assurée mais - et c'est
encore plus important - qu'on soit également très certain qu'il
n'y aura pas de diminution de la qualité des services aux
bénéficiaires. C'est strictement sous l'angle de la
qualité des services qu'on a la responsabilité d'assurer aux
bénéficiaires dans les différents établissements
que, je pense, nous voulons examiner aujourd'hui ce problème.
Évidemment, on ne peut pas faire abstraction des structures
administratives, mais nous ne voulons surtout pas nous en tenir uniquement et
surtout à un débat de structures entre organismes.
Auditions
Ceci étant dit, j'inviterais le premier groupe qui a
été convoqué, la Conférence
des conseils régionaux de la santé et des services sociaux
du Québec, à bien vouloir se présenter à la
table.
Je voudrais simplement vous rappeler, messieurs, qu'on vous alloue vingt
minutes pour la présentation de votre mémoire, le reste du temps
étant partagé à parts égales entre les deux
formations politiques. Si vous voulez bien nous donner votre nom.
Conférence des conseils
régionaux
de la santé et des services sociaux du
Québec (CCRSSSQ)
M. Bélanger (André-Û.): Merci, Mme la
Présidente. Mon nom est André-J. Bélanger,
président de la Conférence des conseils régionaux de la
santé et des services sociaux du Québec (CCRSSSQ). Je suis
accompagné de M. Jean-Bernard Guindon qui est le coordonnateur de la
conférence. M. Michel Léger viendra probablement se joindre
à nous; il n'est pas encore arrivé.
Étant donné que le temps qui nous est accordé n'est
pas trop long, je vais immédiatement vous faire lecture de notre
mémoire.
Dans les commentaires que la Conférence des conseils
régionaux de la santé et des services sociaux du Québec
(CCRSSSQ) transmettait au ministère des Affaires sociales en
décembre dernier, nous indiquions qu'il fallait les situer dans le
contexte de la circulaire numéro 1982-076 en date de juillet 1982 dans
laquelle le ministère des Affaires sociales donnait le mandat aux
conseils régionaux de la santé et des services sociaux de faire
des recommandations concernant le transfert des effectifs des
départements de santé communautaire et des centres de services
sociaux vers les centres locaux de services communautaires, en vue du
parachèvement du réseau des centres locaux de services
communautaires.
Nos commentaires, aujourd'hui, doivent être situés dans le
contexte où il est impérieux qu'une décision
ministérielle soit prise si l'on veut éviter que le climat
continue de se détériorer et que les services à la
population subissent les contrecoups d'une lutte de structure et
d'institutions.
Nous avons demandé au ministère des Affaires sociales
à l'automne 1982 de fixer un cadre de référence quant aux
activités et aux responsabilités devant être
transférées des centres de services sociaux vers les centres
locaux de services communautaires afin, notamment, d'éviter que de
telles luttes prennent place et se poursuivent dans chaque région du
Québec au détriment des services à la population.
Le partage des responsabilités et des activités entre les
centres de services sociaux et les centres locaux de services communautaires
fait l'objet de discussions et d'échanges depuis plusieurs mois et
même quelques années dans certaines régions, sans pour
autant que des progrès significatifs, sauf exception, soient
réalisés. Trop d'énergie et de temps ont
déjà été perdus dans des discussions
stériles pour croire que des solutions ou des aménagements
régionaux puissent être réalisés sans des
orientations précises du ministère des Affaires sociales.
Le cadre relatif au partage des responsabilités CSS-CLSC en
matière de services sociaux mis de l'avant par le ministère des
Affaires sociales a au moins le mérite de proposer des avenues claires,
à défaut de susciter l'unanimité. Nous le commenterons
donc dans la perspective d'une décision ministérielle prochaine
à son sujet et d'une contribution majeure et essentielle des conseils
régionaux de la santé et des services sociaux à sa
réalisation.
En guise de commentaires généraux: Issus de la
volonté de décentralisation du législateur, les conseils
régionaux de la santé et des services sociaux partagent
entièrement le principe de rapprocher la prise de décision,
concernant les services sociaux, de la population locale, en confiant plus de
responsabilités aux centres locaux de services communautaires. De plus,
il est évident pour les conseils régionaux que les populations
locales doivent être impliquées le plus possible dans la prise en
charge de leurs problèmes sociosanitaires.
Nous sommes aussi très conscients que l'état providence a
beaucoup de limites, que l'approche institutionnelle des problèmes
sociaux nous conduit à un cul-de-sac financier et qu'il est fondamental
de supporter, par des pratiques sociales adaptées, les réseaux
d'entraide et de groupes volontaires.
La Conférence des conseils régionaux de la santé et
des services sociaux du Québec se réjouit donc de la
décision du ministère des Affaires sociales de compléter
l'implantation des centres locaux de services communautaires au Québec
dans l'esprit des rôles et fonctions que leur accordait la commission
Castonguay-Nepveu. Bien que cette décision soit un élément
important justifiant la nécessité de partager les
responsabilités entre les centres de services sociaux et les centres
locaux de services communautaires, nous tenons à rappeler que les
transferts d'effectifs envisagés ne parviendront que partiellement
à compléter le réseau de centres locaux de services
communautaires. Ce qui est recherché avant tout, c'est la
cohérence dans la dispensation des services sociaux et une
présence essentielle et nécessaire des services sociaux dans les
centres locaux de services communautaires, dans le cadre d'une approche globale
et intégrée des problèmes sociosanitaires. Des montants
d'argent nouveaux devront forcément être injectés
dans le développement des services sociaux, si l'on veut
atteindre les deux objectifs de partager les responsabilités et de
parachever le réseau des centres locaux de services communautaires, tout
en maintenant des centres de services sociaux cohérents.
Tel que nous le mentionnions en décembre dernier, la
conférence affiche un consensus général sur le contenu des
chapitres I et II portant sur le contexte, les objectifs et la
définition nouvelle des rôles.
En raison, toutefois, des difficultés d'application des notions
de milieu naturel et de milieu substitut qui risquent d'avoir des impacts
négatifs pour les bénéficiaires, nous proposons
plutôt d'utiliser les critères et principes suivants pour
départager les responsabilités des centres de services sociaux et
des centres locaux de services communautaires: premièrement, un
réseau de services sociaux complémentaires; deuxièmement,
une plus grande continuité de l'intervention sociale à
l'intérieur du même établissement; troisièmement,
une unité d'intervention, c'est-à-dire que le plus souvent
possible le service soit rendu au bénéficiaire et à sa
famille, soit par le centre local des services communautaires, soit par le
centre de services sociaux, mais non pas les deux à la fois; enfin,
certaines possibilités d'adaptation régionale.
Quant au cadre lui-même, nos commentaires sont les suivants.
D'abord, sur les services sociaux à l'enfance, à la jeunesse et
à la famille, d'une manière générale la
conférence adhère à l'orientation de fond du cadre de
référence voulant que toute personne désireuse d'obtenir
des services psychosociaux s'adresse en premier lieu au centre local de
services communautaires le plus proche de son domicile. Par contre, s'il
advient qu'un jeune soit dans une situation nécessitant l'intervention
du Directeur de la protection de la jeunesse, nous sommes d'avis que, dans
cette situation, l'ensemble des services susceptibles d'être
dispensés à ce jeune ou à sa famille le soit par le centre
de services sociaux de sa région.
Ainsi, nous divergeons d'opinion avec le cadre de
référence s'appuyant sur le départage des fonctions, en
fonction des milieux de vie naturel ou substitut. À cet égard,
nous croyons que, pour respecter des principes de continuité et
d'unicité d'intervention, le placement d'un jeune dont la famille
reçoit des services du centre local de services communautaires devrait
être suivi par ce dernier.
Par contre, lorsqu'un jeune reçoit des services en rapport avec
la Loi sur la protection de la jeunesse ou celle des jeunes contrevenants, le
centre de services sociaux lui offre ainsi qu'à sa famille des services
requis par le jeune, qu'il soit maintenu dans son milieu naturel ou que son
état nécessite le recours à un milieu substitut. Nous
sommes conscients que la situation d'un jeune puisse évoluer durant la
prise en charge par l'un ou l'autre des établissements. Nous
considérons cependant souhaitable qu'en vertu du principe de
continuité de l'intervention le centre de services sociaux poursuive son
intervention jusqu'à terme, même si la situation du jeune ne
nécessite plus de mesures de protection.
En contrepartie, lorsqu'un jeune et sa famille sont suivis par le centre
local de services communautaires, le Directeur de la protection de la jeunesse,
sur la base des mêmes principes, devrait envisager la pertinence ou la
possibilité de déléguer au centre local de services
communautaires la prise en charge d'un jeune lorsque ce dernier requiert des
services en vertu de la Loi sur la protection de la jeunesse ou de celle des
jeunes contrevenants. Ainsi, c'est en fonction de ce départage des
rôles et fonctions que chaque conseil régional, après
analyse des données de clientèles, devra quantifier les effectifs
devant être transférés du centre de services sociaux vers
les centres locaux de services communautaires de la région.
De plus, les centres de services sociaux devront conserver les effectifs
nécessaires pour s'acquitter de leurs responsabilités quant au
recrutement, à l'évaluation, à la formation et au suivi
des familles d'accueil et autres ressources alternatives au placement
institutionnel des enfants.
Comité de placement en famille d'accueil. Coordination des
admissions en centre d'accueil pour enfants. La conférence
reconnaît la volonté ministérielle d'introduire une plus
grande rigueur dans la coordination des admissions en confiant au conseil
régional de la santé et des services sociaux la
responsabilité de la formation des comités d'admission en centre
d'accueil et au centre de services sociaux le placement en famille
d'accueil.
En vue d'éviter qu'un jeune puisse être
référé d'une instance à une autre et afin de
favoriser une prise en charge rapide par le réseau, nous sommes d'avis
qu'il sera préférable, tant au niveau des règlements
à venir sous peu que dans le présent cadre de
référence, d'introduire la notion d'un système
intégré d'admission unique ouvrant sur une gamme de services en
milieu substitut (qu'il s'agisse de famille d'accueil, de centre d'accueil ou
de toute autre ressource alternative à l'institutionnalisation). Ce
système intégré d'admission devra être sous la
responsabilité ultime du conseil régional de la santé et
des services sociaux. Les modalités de fonctionnement et de composition
devront être déterminées dans chaque région selon
des spécificités propres à chacune.
Services sociaux à la Cour supérieure. La
conférence partage l'orientation du
ministère, à savoir que l'ensemble des activités
à caractère sociojuridique soit maintenu au centre de services
sociaux.
Services sociaux aux adultes et aux personnes âgées. Ici
encore, la conférence souscrit à l'orientation de fond du
document privilégiant l'accessibilité à une gamme de
services de santé, sociaux et communautaires dispensés par le
centre local des services communautaires aux adultes et aux personnes
âgées.
Nous croyons cependant inappropriée la rupture de la
continuité de services dans l'éventualité où un
adulte ou une personne âgée, après épuisement des
services visant le maintien à domicile, requiert un placement en milieu
substitut (famille d'accueil ou autre ressource alternative).
Nous estimons de plus que ce type de ressource doit être
conçu comme s'approchant le plus possible du milieu de vie naturel dans
une perspective de non-institutionnalisation, voire de normalisation. Ainsi,
nous croyons que les centres locaux de services communautaires devront
être responsables de l'évaluation et de la prise en charge en
milieu naturel ou en milieu substitut des adultes et des personnes
âgées tant que ces derniers ne nécessitent pas un placement
en centre d'accueil ou en centre hospitalier de soins de longue
durée.
Le centre de services sociaux, quant à lui, devra se voir confier
la responsabilité de fournir une gamme variée de ressources
légères d'hébergement et, autant que faire se peut, dans
la communauté de ses bénéficiaires. Ces orientations
devront, selon nous, être également retenues pour les personnes
handicapées et ce, en vertu des principes de normalisation et de
non-marginalisation de ces bénéficiaires. Cependant, nous
envisageons que l'application concrète de ces orientations puisse
devenir difficile à opérationnaliser dans certaines
régions en fonction du faible volume des activités dans ces
champs d'action. Il appartiendra alors au conseil régional de formuler
au ministère toute autre recommandation plus appropriée
régionale-ment. (10 h 30)
Concernant la coordination des admissions en centre d'accueil
d'hébergement ou en centre hospitalier de soins de longue durée,
nous croyons que la nouvelle réglementation apportera une réponse
pertinente aux besoins régionaux. La même notion de système
intégré d'admission unique ouvrant sur une gamme de services en
milieu substitut devra aussi s'appliquer pour les clientèles adultes et
âgées.
Services de consultation conjugale. La conférence souscrit au
transfert de ces responsabilités des centres de services sociaux vers
les centres locaux de services communautaires.
Nous attirons cependant l'attention sur deux éléments: a)
il pourrait être inapproprié sans une étude
préalable menée sous l'égide des conseils régionaux
de transférer globalement tous les effectifs reliés à ce
centre d'activité, car les professionnels offrant des services de
consultation conjugale reliés à des problématiques de
protection de la jeunesse devraient rester au sein des centres de services
sociaux; b) il est à prévoir que, dans de nombreuses situations,
il y ait transfert de responsabilités vers les centres locaux de
services communautaires sans toutefois fournir à ces derniers des
effectifs pour rendre ces services.
Services sociaux aux immigrants et aux itinérants, services
sociaux aux autochtones et services d'urgences sociales. Tout en acceptant
globalement les orientations proposées par le ministère pour
chacune de ces catégories de services, la conférence estime qu'il
serait préférable que chaque conseil régional recommande
au ministère un modèle de distribution de ces services en
fonction de particularités régionales et de l'organisation
actuelle de ces services.
Services sociaux en milieu scolaire. La conférence
reconnaît un certain nombre d'inconvénients que risque d'engendrer
le transfert des responsabilités et des effectifs des centres de
services sociaux vers les centres locaux de services communautaires, dont: la
non-concordance de certains territoires de commission scolaire et de centres
locaux de services communautaires; le risque de dilution de l'expertise de ces
professionnels; la difficulté accrue de prise en charge de certains cas
de protection de la jeunesse. Sans minimiser ces inconvénients, la
conférence partage l'orientation ministérielle de
transférer les responsabilités et effectifs sociaux en milieu
scolaire vers les centres locaux de services communautaires et notre position
est fondée sur les motifs suivants: la reconnaissance que l'école
est un lieu privilégié d'intervention sociale, préventif
et communautaire tant auprès des jeunes, de leur famille et de leurs
professeurs, ce qui converge avec les responsabilités reconnues aux
centres locaux de services communautaires; la reconnaissance de la pertinence
de l'approche globale des problèmes sociaux et de santé
auprès des enfants en milieu scolaire et, enfin, la meilleure assurance
de la continuité des services sociosanitaires en milieu scolaire
dispensés par un même établissement.
Les services sociaux en milieu hospitalier. La conférence partage
la position du ministère de ne pas remettre en question, à ce
moment-ci, l'orientation par laquelle les services sociaux dispensés en
milieu hospitalier sont rattachés professionnellement et
administrativement aux centres de services sociaux.
Advenant le cas où cette orientation
était révisée, elle devrait l'être
globalement pour l'ensemble des services sociaux en milieu institutionnel, tels
que centre d'accueil de réadaptation, centre d'accueil
d'hébergement, centre hospitalier, après une analyse des
clientèles et des ressources en cause.
Advenant plus spécifiquement que le ministère envisageait
une nouvelle répartition des services sociaux hospitaliers, les trois
catégories d'établissements, centre de services sociaux, centre
local de services communautaires et centre hospitalier, devraient être
considérées dans l'analyse des besoins et des ressources. De
plus, dans cette éventualité, des conditions devraient être
prévues pour assurer le maintien des budgets et la coordination
régionale des programmes et des ressources affectés aux services
sociaux hospitaliers.
Services de développement communautaire. Services d'aide à
domicile. Services d'identification et de référence. La
conférence reconnaît dans ces champs d'activité une
responsabilité non équivoque des centres locaux de services
communautaires. Par ailleurs, pour les services d'identification et de
référence, nous comprenons qu'il appartiendra à chaque
conseil régional de déterminer les effectifs qui devront rester
au centre de services sociaux afin que ce dernier puisse réaliser sa
propre mission.
Commentaires à propos du développement des ressources
alternatives. Il existe un consensus au sein des intervenants du réseau
des affaires sociales - et les orientations du ministère des Affaires
sociales en témoignent également - dans le sens qu'il faut
diminuer l'institutionnalisation des personnes en perte d'autonomie et
favoriser leur maintien en milieu naturel en mettant sur pied diverses
ressources dites alternatives à l'institution.
Bien que le cadre de partage soit plutôt muet à ce sujet,
la conférence croit que les centres de services sociaux pourraient
jouer, en collaboration avec les conseils régionaux, un rôle de
premier plan dans la conception, le développement,
l'accréditation, la formation et le suivi de telles ressources. Les
régions ont besoin de ces ressources et les plans de services qui seront
acheminés dans le système intégré d'admission en
feront ressortir le besoin de façon aiguë.
Nous excluons toutefois de cette catégorie les foyers de groupe
rattachés aux centres d'accueil de réadaptation, de même
que les pavillons reliés aux centres d'accueil d'hébergement.
Quelques commentaires à propos de la programmation sociale. Il
est inquiétant de constater au Québec le retard et le peu
d'efforts consacrés jusqu'à maintenant à la recherche
sociale et à l'élaboration de programmes-cadres d'interventions
sociales et communautaires. Comparativement au secteur de la santé
communautaire où 32 équipes de base exercent principalement ces
fonctions, le secteur des services sociaux fait office de parent pauvre.
La conférence croit essentiel qu'un rattrapage rapide soit
réalisé pour le secteur des services sociaux, si l'on veut une
évolution positive des modes d'interventions sociales et le
développement de pratiques sociales préventives. Nous croyons que
les centres de services sociaux doivent jouer un rôle primordial à
cet égard. Ce rôle du centre de services sociaux devra
s'actualiser de concert avec les conseils régionaux et les
départements de santé communautaire et en collaboration avec les
centres locaux de services communautaires. Nous proposons en conséquence
que des sommes d'argent soient dégagées à cette fin, soit
à l'intérieur du processus de transfert, soit par la
réallocation "santé-social" ou autrement, afin de réaliser
cet objectif.
Rôles et fonctions des centres de services sociaux. De la
même façon que le ministère définit clairement les
rôles et fonctions des centres locaux de services communautaires, nous
recommandons qu'il définisse également les rôles et
fonctions de centres de services sociaux. Les questions suivantes devraient
notamment être considérées: Les responsabilités
relatives à l'application de la Loi sur la protection de la jeunesse,
à celle des jeunes contrevenants et à celle de l'adoption; le
développement, l'encadrement, la formation et l'évaluation de
ressources légères d'hébergement alternatives à
l'institutionnalisation; les services sociaux en milieu institutionnel; la
clarification du rôle spécifique des centres de services sociaux
en matière de santé mentale; la reconnaissance des
reponsabilités du centre de services sociaux en matière de
recherche, de développement et de programmation des services
sociaux.
Conclusion: La Conférence des conseils régionaux de la
santé et des services sociaux du Québec désire souligner
au ministère des Affaires sociales la nécessité que des
échéanciers de réalisation puissent varier d'une
région à l'autre, compte tenu des situations différentes
qui existent actuellement, notamment quant au réseau des centres locaux
de services communautaires plus ou moins complet d'une région à
l'autre. D'autres types de différences peuvent aussi contribuer à
rendre l'échéancier plus ou moins long: la situation de
régions où il existe plus d'un centre de services sociaux en est
un exemple, le cas des régions éloignées en est un
autre.
La conférence soutient donc qu'il serait opportun de demander aux
conseils régionaux, dans un délai de trois mois suivant
l'émission officielle du cadre de référence, de
produire
son plan général de transfert des effectifs CSS-CLSC en
tenant compte des différentes variables de sa région et en
exposant notamment son échéancier. Dans ce contexte, il est
prévisible que les régions complètement dotées en
centres locaux de services communautaires puissent avoir des
échéanciers beaucoup plus courts que les régions qui ne le
sont pas. L'expérience de transfert de certaines régions pourrait
ainsi servir aux autres régions où les échéanciers
seraient plus longs.
La conférence accepte l'idée suggérée par le
ministère d'un comité conjoint MAS-conseils régionaux pour
coordonner le dossier des transferts et faire face aux problèmes que
pourraient présenter les conseils régionaux.
La conférence soumet qu'il y aura dans ce transfert d'effectifs
une question de ressources à considérer sérieusement.
D'une part, il existe des disparités interrégionales en
matière de services sociaux soit au niveau des centres de services
sociaux ou des centres locaux de services communautaires ou les deux qui
devront faire l'objet d'une attention particulière de la part du
ministère des Affaires sociales. D'autre part, les conseils
régionaux eux-mêmes auront à investir beaucoup de temps et
d'énergie dans cette opération et le problème des
ressources allouées à cette opération se posera
certainement. Il faut donc envisager la possibilité que des ressources
additionnelles puissent être allouées aux conseils
régionaux pour la réalisation efficace et valable de cette
opération.
Le ministère des Affaires sociales devra aussi préciser la
marge de manoeuvre des conseils régionaux. Même si la
conférence souscrit au fait que ce cadre de référence doit
être précis et rigoureux et que tous doivent s'y conformer, les
conseils régionaux réclament la possibilité de soumettre
certaines modifications régionales dans des secteurs définis, la
décision finale appartenant au ministère des Affaires
sociales.
Enfin, la conférence insiste de nouveau sur la
nécessité de percevoir l'ensemble de ce dossier dans la
perspective d'un réseau de services à la population et non d'un
réseau d'établissements. Les établissements n'ont de sens
qu'en fonction des services qu'ils rendent à la population et c'est
à la lumière de la qualité et de l'accessibilité de
ces services que leur gestion doit être évaluée et non en
fonction de la croissance ou de la décroissance des effectifs et des
budgets.
Nous croyons que les intérêts institutionnels ont
déjà occupé trop de place dans le débat actuel et
qu'une décision finale doit être arrêtée dans les
plus brefs délais, dans le meilleur intérêt des services
sociaux à la population.
Je voudrais souligner simplement, Mme la Présidente, en
terminant, que cette position de la conférence des CRSSS a
été adoptée par l'assemblée générale
de la conférence à l'unanimité.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Merci, M.
Bélanger. Je dois vous dire que vous êtes un modèle, vous
avez pris exactement 20 minutes.
Je ne ferai pas de commentaires trop généraux sur votre
mémoire parce que je pense que le temps est quand même
relativement court. Je vais plutôt passer à quelques questions
précises.
Quels sont, selon vous ou selon la conférence, les objectifs
réels poursuivis par cette remise en question? Dans votre premier
paragraphe vous faites allusion à la directive du ministère des
Affaires sociales qui parle d'un transfert d'effectifs pour parachever le
réseau des centres locaux de services communautaires. Si je prends cela
à la lettre, est-ce qu'on pourrait interpréter que, si d'autres
ressources avaient pu être affectées aux CLSC, le problème
ne se serait pas posé exactement de la même façon?
M. Bélanger: Je ne pense pas qu'on puisse poser le
problème, comme vous le faites, sous forme de question. Il est acquis
depuis fort longtemps, et je pense que tout le monde le reconnaît, cela a
été écrit, cela a été dit, que le
réseau des CLSC n'étant pas, à l'origine, je le rappelle,
quand la loi 48 a été adoptée, créé encore,
il fallait qu'entre-temps les rôles qu'on voulait lui voir jouer, les
fonctions qu'on voulait lui voir assumer soient assumées quelque part et
par quelqu'un. Je pense qu'il est quand même généralement
admis que les CSS, tout comme les DSC, dans le domaine de la santé,
jouaient et jouent encore à cet égard un rôle
supplétif, c'est-à-dire que, tant et aussi longtemps que le
réseau des CLSC n'en était encore qu'à ses premiers
balbutiements, qu'il était encore très minoritairement
établi dans l'ensemble du territoire québécois, il fallait
que certaines structures quelque part assument ces responsabilités que
le réseau des CLSC n'était pas en mesure d'assumer. Je pense que
l'opération qui est en train de se faire et la question qui se pose
aujourd'hui devant cette commission, c'est: Maintenant que ce réseau est
près de son parachèvement et substantiellement
complété, voyons de quelle façon ces rôles
supplétifs qui étaient jusqu'ici assumés dans le domaine
social par les CSS seront désormais assumés, comme il se devait
et comme c'était prévu, par les CLSC. C'est de cette façon
que la question se pose, à notre avis.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Premièrement,
est-ce que vous vous êtes penchés, dans la définition des
responsabilités
respectives de chacun des organismes, sur les notions de services
courants et services spécialisés qui étaient quand
même à la base des législations qui ont suivi et de la
distribution des responsabilités? Deuxièmement, si on s'en tenait
aux recommandations que vous faites qui déplacent vers les CLSC un grand
nombre de responsabilités, entre autres même du placement
d'enfants, est-ce que vous l'avez examiné à la lumière du
chapitre XLVIII et ceci, selon vous, nécessiterait-il des modifications
à la loi existante?
M. Bélanger: D'abord, M. Guindon répondra à
votre première question.
M. Guindon (Jean-Bernard): Nous avons voulu éviter de
tomber dans la fameuse distinction, dont tout le monde a parlé,
concernant les services courants et les services spécialisés en
matière de services sociaux. Si nous n'en parlons pas ou si nous n'avons
pas utilisé ce schème de référence, ce n'est pas
par oubli, c'est volontairement, pour éviter de tomber dans un certain
modèle médical qui, à venir jusqu'à ce jour, a
donné des mauvais résultats pour faire un départage qui
soit vraiment pertinent. On a plutôt utilisé des critères
qui étaient reliés au niveau local ou régional ou encore,
liés à la fréquence de distribution des services ou, au
seuil de rentabilité des services. Ce n'est pas explicite dans le
mémoire, mais c'est implicite. (10 h 45)
M. Bélanger: Quant à votre deuxième
question, à notre avis, la position que nous soumettons ne
nécessiterait pas d'amendement à la loi comme telle.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Est-ce que vous avez eu
un avis juridique là-dessus?
M. Bélanger: Non, je ne pense pas.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Parce que, quand vous
faites référence, par exemple, à la loi S-5 et que vous
regardez la définition des centres locaux de services communautaires et
celle des centres de services sociaux, je pense qu'il y a là un
déplacement quand même considérable de
responsabilités qui iraient de l'un à l'autre. Vous n'avez pas
cru nécessaire... Vous pensez que cela ne nécessite pas...
M. Bélanger: Notre souci, c'est de nous assurer que les
services rendus à la population sont de la meilleure qualité
possible. En fonction de ce critère, nous avons pris la position que
nous vous exprimons aujourd'hui. Si cela veut dire et si cela voulait dire des
amendements législatifs, je pense que cela ne justifie pas pour autant
un recul de notre position. Ce que nous soumettons, c'est ce que nous croyons
être la meilleure façon de dispenser les meilleurs services
possible avec des notions comme celles que nous apportons aujourd'hui,
nouvelles par rapport au cadre de référence, et d'unité de
continuité des services.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Est-ce que vous avez,
soit à la conférence, soit à certains CRSSS, un bilan de
fait des services qui sont présentement rendus par les CSS, par les
CLSC? Je pense en particulier à une affirmation que l'on retrouve dans
le cadre de référence où l'on parle de duplication et
de... Tiens, je vais vous le lire, en page 15: L'actuelle disproportion des
responsabilités de même que l'absence d'une définition
fonctionnelle des rôles et des vocations spécifiques de chacun, en
plus d'entraîner des dédoublements coûteux et d'être
une source de confusion pour la population favorisent une surutilisation des
ressources les plus lourdes. Est-ce que vous avez fait... Il semble que le
ministère n'en ait pas fait. La conférence des CRSSS avant de se
prononcer a quand même étudié; on a une expérience
de dix ans. On avait prévu certaines choses au moment de la
réforme, mais il y a eu depuis une pratique, un développement
d'expertise, etc. Est-ce qu'on en a tenu compte avant de faire des
recommandations?
M. Bélanger: Je dois vous dire que certains conseils
régionaux, pas tous cependant, ont fait effectivement des états
de situation. Par exemple, chez nous à Montréal, c'est une
démarche qui a été entreprise, il y a déjà
un an maintenant ou environ, où on a fait dans un premier temps un
état de situation et où ce qu'on dit dans le mémoire comme
situation finalement, où ce qu'on dénonce comme état de
fait a été constaté. Cet état de situation, on l'a
entrepris dans le cadre de ce débat qui se fait aujourd'hui, qui est
celui d'un cadre de référence, évidemment, à venir,
et c'est à la suite de toute la confusion qu'on connaît
déjà depuis trop longtemps, à notre avis, d'abord qu'on a
décidé de faire ces états de situation et, d'autre part,
qu'on arrive aux conclusions que nous vous soumettons aujourd'hui, mais on ne
peut pas dire qu'il y a eu de bilan national de fait.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Est-ce qu'il y aurait
possibilité que ces études soient mises à la disposition
de la commission?
M. Bélanger: Elles existent dans les conseils
régionaux. Elles ne sont pas entre les mains de la conférence
comme telle. C'est chaque conseil régional qui a fait, pour ceux qui
l'ont fait, ce genre de démarche.
Je pense qu'en suivant le processus normal ces documents n'ont
absolument rien de secret, au contraire. Ils pourraient certainement être
remis, mais c'est à chaque conseil régional qui l'a fait qu'il
faudrait faire cette demande, bien que la conférence puisse agir comme
intermédiaire si la commission le désirait.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je pense que la
commission l'apprécierait parce qu'on est en facs d'une absence de bilan
et, comme vous dites, s'ils ne sont pas complets, s'ils ont peut-être
touché simplement certains aspects, je pense quand même que cela
permettrait de juger de certains problèmes. Vous parlez sur le
rapatriement -ce ne serait pas un rapatriement - ce serait de renvoyer dans les
CLSC les services sociaux scolaires. Votre argumentation me laisse un peu
perplexe. Vous dites que vous réalisez que cela susciterait certains
problèmes, quelques-uns en regard de la non-concordance de certains
territoires, le risque de dilution de l'expertise des professionnels et la
difficulté accrue de prise en charge de certains cas de protection de la
jeunesse. D'autre part, lorsqu'on met cela en parallèle avec ce qui vous
apparaît des avantages, vous invoquez la reconnaissance que
l'école est un lieu privilégié d'intervention sociale -je
pense que, là-dessus, on peut fort bien s'entendre - la reconnaissance
de la pertinence de l'approche globale des problèmes sociaux et de
santé auprès des enfants en milieu scolaire et la meilleure
assurance de la continuité des services socio-sanitaires en milieu
scolaire. D'abord, je me demande si l'un contrebalance vraiment l'autre,
d'autant plus que deux des arguments que vous utilisez en page 9... Quand vous
parlez de la reconnaissance de la pertinence de l'approche globale des
problèmes sociaux et de santé auprès des enfants en milieu
scolaire, la problématique en milieu scolaire n'est-elle pas davantage
une problématique éducation-service social? Et,
évidemment, il y a la dimension santé qui peut intervenir, parce
qu'il y a des problèmes de prévention, d'éducation, etc.,
qui sont pris en charge par l'infirmière avec laquelle, je pense, les
gens collaborent. Je me demande si vraiment l'un contrebalance l'autre et
pourquoi vous le demandez dans le cas des services sociaux scolaires qui est
une pratique de service social en institution et que vous ne le demandez pas
dans le cas des hôpitaux, par exemple.
M. Bélanger: Bon.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Pourquoi faites-vous une
différence entre les deux?
M. Bélanger: En guise d'introduction, je voudrais d'abord
dire qu'on n'a pas la prétention d'avoir écrit le cadre de
référence, ni d'être arrivé devant vous avec une
Bible. Dans ces matières, il faut bien reconnaître que les
vérités absolues sont rares et qu'on pourrait mettre sur pied les
plus belles structures, si ceux qui y travaillent, ceux qui doivent dispenser
les services ne sont pas prêts, ont des attitudes tout à fait
corporatistes, égoïstes, il est clair que le plus beau cadre de
référence ratera son objectif. C'est dans cet esprit qu'on a
abordé ces questions tout en étant bien conscient qu'il n'y a pas
de système parfait.
Par ailleurs, je vous rappellerai que, dans le domaine de la
santé scolaire, par exemple, le transfert a eu lieu, des DSC vers les
CLSC. C'est un peu dans le même esprit que nous avons
procédé à l'analyse du domaine du secteur social en
ajoutant cependant - c'est une dimension importante de notre mémoire -
qu'il y a des réalités régionales différentes,
qu'il y a des problématiques régionales différentes. Cela
n'exclut pas - je prends par exemple la région de Montréal,
puisque je suis peut-être plus à l'aise pour en parler, qui a des
caractéristiques démographiques, géographiques,
socioculturelles assez particulières -qu'on puisse arriver dans
certaines régions à des conclusions différentes à
cause de ces problématiques.
Mais ce que nous avons voulu, comme conférence, c'est regarder
les principes de fond d'un cadre de référence
général qui pourrait ou qui peut souffrir des exceptions. Ce sont
des choses qu'il faut bien comprendre dans la position que prend la
conférence. Il ne s'agit pas pour nous de vérités absolues
qui ne souffriront et ne doivent souffrir aucune exception dans aucune
région. Il faut tenir compte des spécificités
régionales et ce que nous demandons, effectivement, dans notre
mémoire, c'est que les conseils régionaux puissent avoir le
fardeau de la preuve dans certains secteurs d'activité donnés, de
prouver ou d'établir au ministère que la solution
préconisée par le cadre de référence n'est pas
nécessairement la plus heureuse dans leur région, quitte à
ce que ce soit le ministère qui prenne la décision finale
à ce sujet.
Je vais demander à M. Guindon de compléter la
réponse que j'ai commencé à vous donner sur cette
question.
M. Guindon: Je voudrais simplement vous faire part en toute
honnêteté de l'analyse qu'on a faite dans un document de travail
préparatoire sur cette question en vous donnant brièvement les
avantages et les inconvénients des deux solutions, c'est-à-dire
du maintien dans les CSS ou du transfert dans les CLSC.
Concernant les avantages du transfert aux CLSC, nous
énumérons les suivants: cohérence d'intervention avec les
services de santé scolaire déjà transférés,
ce dont M. Bélanger vient de vous parler; pratique des ententes des CLSC
avec les commissions scolaires déjà établies. On a
beaucoup fait état du fait que ce serait très compliqué
d'établir de nouvelles ententes, mais cette pratique est
déjà établie à cause des transferts qui existent du
côté de la santé. Les territoires des CLSC et des
commissions scolaires sont appelés aussi à devenir de plus en
plus équivalents, si on se fie à la volonté
gouvernementale de faire en sorte que les territoires de MRC deviennent des
territoires de base... Et, finalement, l'approche globale de l'enfant en milieu
scolaire, c'est-à-dire qu'une approche intégrée de toute
la personne incluant les dimensions de santé et de social sera davantage
privilégiée. Ce sont des avantages qui sont plus au niveau du
fond.
Au niveau du maintien dans le CSS, les avantages, ce sont la
possibilité de pallier de façon plus économique le manque
de ressources actuel - on ne cachera pas pour autant ce manque de ressources
qui est flagrant dans ce secteur - la meilleure qualité possible de
l'intervention professionnelle à cause du regroupement régional
dû au manque de ressources. Il y a un troisième
élément positif aussi, c'est la simplification administrative du
processus des ententes avec les commissions scolaires, s'il y a moins de CSS
que de CLSC, il faut le reconnaître. Du côté du transfert
dans les CLSC: le manque de ressources suffisantes pour chaque CLSC, il est
possible qu'on arrive au cul-de-sac où il manquerait même la
possibilité d'avoir une personne par CLSC dans certaines régions
à cause du manque de ressources au niveau des CSS; la déperdition
d'une certaine expertise du travail social en milieu scolaire qui pourrait
être palliée par d'autres moyens d'ailleurs et la complication
possible dans certains cas, dû au manque de cohérence des
territoires ou des problèmes comme ceux que M. Bélanger a
évoqués pour certaines régions. Finalement, pour le
maintien dans les CSS, les inconvénients: La dimension communautaire et
préventive n'est pas privilégiée. On permet de pallier
plus longtemps le manque de ressources en le camouflant davantage.
L'interchangeabilité avec d'autres praticiens sociaux ne serait pas
aussi facile qu'en CLSC. En CLSC, avec le bloc de transfert dont nous faisons
la réclame, nous croyons qu'il est possible de rendre les services
sociaux scolaires mieux amalgamés avec l'ensemble des services sociaux
de base et, à ce moment, de donner un meilleur service.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je vous remercie. Je dois
céder la parole à mon collègue de Shefford.
M. Paré: Merci, Mme la Présidente. Étant
donné que nous n'avons pas beaucoup de temps, je vais passer moi aussi
immédiatement à une interrogation que je me pose pour laisser la
chance aux autres aussi de poser des questions. On retrouve à la page 3,
à la toute fin: "une unité d'intervention, c'est-à-dire
que le plus souvent possible le sevice soit rendu au bénéficiaire
et à sa famille, soit par le centre local de services communautaires,
soit par le centre de services sociaux, mais non par les deux à la
fois;". On continue dans le même ordre d'idées un commentaire
à propos des nouveaux partages des responsabilités. On dit - il y
a divergence d'opinions - que le partage des fonctions ne soit pas en fonction
des milieux de vie naturel ou substitut mais pour respecter des principes de
continuité et d'unicité d'intervention. Donc, on dit: Si cela
commence au CLSC, que cela se poursuive. On va plus loin à la page 5 en
disant: En contrepartie, si cela commence au CSS, cela se poursuit. Donc, c'est
vraiment la continuité. Voici mon interrogation face à cela: Je
suis bien d'accord avec l'esprit de continuité, que ce soit
rattaché au jeune ou à l'individu ou au citoyen qui est
concerné par le service à donner, mais est-ce que cela
n'amène pas une duplication de services ou, plus clairement que cela,
est-ce que cela n'amène pas des gens qui remplissent les mêmes
rôles, mais à l'intérieur des deux institutions, CLSC et
CSS?
M. Bélanger: Je demanderai à M. Léger de
répondre à cette question.
M. Léger (Michel): Cela peut comme tel, au niveau de la
pratique, faire en sorte que des services qui se ressemblent soient
donnés dans les deux institutions; c'est clair. C'est par contre dans
une perspective de simplification pour le commun des mortels de faire en sorte
que la personne puisse se retrouver de façon simple à
l'intérieur de ce réseau complexe. Donc, dans ce sens on dit
qu'à partir du moment où on a des services, et pour reprendre les
commentaires, des services disons plus courants, par une porte d'entrée
des problèmes de tout le monde, à ce moment on s'adresse
directement au CLSC. Si, par contre, on a des problèmes en vertu d'une
loi telle la loi des jeunes contrevenants ou la loi de la protection de la
jeunesse ou même une question d'adoption ou des choses comme cela,
à ce moment on se réfère à une autre institution.
Maintenant, le fait que ce soient les mêmes professionnels qui puissent
intervenir dans les deux milieux, c'est exactement la même chose qu'on
retrouve du côté santé, même si on ne voulait pas
faire de parallèle tout à l'heure, du fait qu'on retrouve
certains
médecins comme tels dans des CLSC ou certains médecins
dans les hôpitaux qui font des actes qui se ressemblent, mais c'est le
contexte dans lequel ils font ces actes qui est fondamentalement
différent. (11 heures)
M. Paré: Si je comprends bien, toujours dans l'esprit de
la continuité, sur le principe comme tel, d'accord. Mais, au niveau de
la pratique, comme ou demande le partage des responsabilités, des gens
vont dépendre du CSS, d'autres du CLSC. Un qui va être pris par le
CLSC, par exemple, devra continuer à être pris en charge par des
gens qui relèvent du CLSC. Donc, si c'est un spécialiste, cela
voudra dire qu'on devra avoir, à l'intérieur du CLSC comme
à l'intérieur du CSS, des spécialistes dans tous les
domaines, étant donné, comme je le disais tantôt, la
duplication. C'est mon interrogation. C'est pour cela que je voudrais que ce
soit clair.
M. Léger (Michel); Je vais prendre un exemple comme les
services de consultation conjugale. Le fait de donner des services de
consultation conjugale est une spécialité comme telle au point de
vue de la profession. Maintenant, le fait d'offrir ces services dans le cadre
d'une famille dont les jeunes ont besoin de protection, c'est une chose, et le
faire dans le cadre de services de familles en difficultés qui
rencontrent un moment crucial dans le développement d'un jeune au moment
d'une crise d'adolescence ou quelque chose comme cela, des problèmes de
couple, etc., ce sont, bien sûr, les mêmes types de
spécialisation mais le service comme tel pour les gens est fort
différent. L'esprit qu'il y a en dessous, c'est la façon. Il n'y
a pas de duplication; on pourrait compter qu'il y a une duplication sur
l'aspect de la spécialisation, mais il n'y a pas de duplication par
rapport aux services aux clientèles. Ce ne sont pas les mêmes
clientèles comme telles.
Je ne sais pas si vous voyez. C'est le même type de
professionnels, c'est le même type de spécialisations,
d'interventions comme telles, mais la pratique se fait en fonction de la
différence des services qui sont offerts. Ce ne sont pas les mêmes
clientèles.
M. Paré: Est-ce que je serais correct en disant que ce qui
différencie les clientèles sur un même problème,
c'est l'origine du problème, finalement?
M. Léger (Michel): C'est une certaine façon de le
clarifier. La personne peut s'aiguiller beaucoup mieux à
l'intérieur du réseau de cette façon.
M. Paré: D'accord. Je vous remercie. Je pourrai revenir
plus tard si, heureusement, il nous reste du temps.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. le
député de Brome-Missisquoi.
M. Paradis: Merci, Mme la Présidente. J'aurais quelques
questions très brèves. Tantôt, M. le président de la
conférence des CRSSSQ, vous avez mentionné que la position
adoptée dans le présent mémoire avait été
adoptée à l'unanimité à l'assemblée
générale de la conférence des CRSSSQ. Simplement pour mon
information et peut-être pour celle d'autres membres de la commission, de
qui exactement est composée l'assemblée générale de
la conférence des CRSSSQ?
M. Bélanger: L'assemblée générale de
la conférence des CRSSSQ est comme le conseil d'administration, c'est la
même composition. C'est l'ensemble des présidents et des
directeurs généraux.
Il faut bien comprendre que, dans les conseils régionaux, compte
tenu de la composition de nos conseils d'administration, c'est d'une tout autre
façon que ces problèmes sont abordés parce que nous avons
des collèges électoraux, des gens qui sont élus par des
collèges électoraux que sont les types d'établissements et
c'est difficile de faire abstraction de tout intérêt corporatiste
ou de tout intérêt de représenter ce groupe
d'établissements, même si cela n'est pas l'esprit de la loi.
M. Paradis: Je prends votre mémoire à la page 13,
à la toute fin, c'est le paragraphe de conclusion finalement. Vous
dites: "Enfin, la conférence insiste de nouveau sur la
nécessité de percevoir l'ensemble de ce dossier dans la
perspective d'un réseau de services à la population et non d'un
réseau d'établissements." Je pense que c'est un peu un voeu
auquel tout le monde concourt. Vous continuez en disant: "Les
établissements n'ont de sens qu'en fonction des services qu'ils rendent
à la population et c'est à la lumière de la qualité
et de l'accessibilité de ces services que leur gestion doit être
évaluée et non en fonction de la croissance ou de la
décroissance des effectifs et des budgets."
Est-ce que j'ai bien compris tantôt lorsque vous avez
répondu à Mme la présidente que, dans le cas du CRSSS de
Montréal, Montréal métropolitain, celui que vous
présidez vous-même, vous avez déjà dressé un
bilan des services rendus par les CLSC et rendus par les CSS et que vous
êtes en mesure de vous prononcer comme CRSSS de Montréal? Est-ce
que vous pouvez nous indiquer, parce que j'ai senti une zone floue, combien,
parmi les dix autres CRSSS au Québec, ont réalisé ce
bilan?
M. Bélanger: Tout ce que je peux vous dire
là-dessus, c'est qu'il y en aurait, semble-t-il, au moins deux autres
qui
auraient fait ce même exercice. Il faut comprendre et, comme je
l'ai déjà dit devant cette même commission, que la
conférence des CRSSSQ est une structure légère qui a un
minimum de ressources et qui n'a pas pour objectif de concentrer toute
l'information de chaque conseil régional dans la province et que nous
n'avons pas comme pratique effectivement d'aller vérifier ces choses ou
de ramasser ce genre de statistiques. On met en commun le fruit de nos
expériences. C'est tout.
M. Paradis: Non, je tentais simplement de quantifier ou de
qualifier le bilan qui avait été dressé à ce jour
et cela explique quand même des réserves que vous avez mises dans
votre mémoire concernant plusieurs régions, etc.
Maintenant, si l'on regarde l'ensemble du problème, lorsque cette
commission a étudié les crédits du ministère, il y
a quelques semaines à peine, on nous a parlé de compléter
le réseau des CLSC dans la province de Québec et on a vu les
sommes qui ont été mises à la disposition des gens du
milieu pour, justement, compléter ce réseau. Une fois
complété, on aura environ 160 CLSC dans la province de
Québec; à peu près 167, M. le ministre, c'est qu'on nous
dit qu'il y en a de complétés à l'heure actuelle et ils ne
le sont pas. À Mégantic, entre autres, on a des lettres patentes,
pas grand-chose d'autre. Il y en aura 166, pour utiliser le chiffre exact de M.
le ministre; on a présentement 16, 17 ou plutôt 14 CS5 dans la
province. On prend les effectifs des travailleurs sociaux au niveau de ces 14
CSS ou une partie de ces effectifs, on confie de nouvelles
responsabilités aux CLSC, on prend une partie de ces effectifs et on les
transfère vers les CLSC. Mais, qu'est-ce qui va rester comme effectifs
au niveau des CSS? Est-ce que vous vous êtes posé la question,
étant donné les responsabilités qu'on leur laisse? Et
qu'est-ce qui va s'en aller dans les CLSC? Un dixième d'un
fonctionnaire, un cinquième ou un sixième d'un travailleur
social? Présentement, les gens d'une région ont accès sur
le plan régional et on parle déjà d'un manque de
ressources au niveau de la région. Si l'on divise ce personnel de
travailleurs sociaux dans, disons, dix CLSC à l'intérieur d'une
région de CSS, de quelle façon, pratiquement, la population comme
telle va-t-elle pouvoir avoir un meilleur service? Si on ajoutait ou si on
multipliait le nombre de travailleurs sociaux, je comprends que ce serait plus
proche des gens, etc, cela irait bien, mais en prenant ce travailleur social et
en le divisant, pour fins théoriques, en dix CLSC, de quelle
façon aura-t-on amélioré le service à la
population?
M. Bélanger: Pour commencer à bien répondre
à votre question, il faut peut-être faire un portrait de ce que
serait un CSS si l'on acceptait ce que nous avons présenté et,
ensuite, on pourra essayer d'aller plus loin. Je demanderais à M.
Guindon de tracer ce portrait pour la meilleure compréhension des
membres de la commission.
M. Guindon: Tout d'abord j'aimerais préciser, et cela
répondra peut-être à la question posée par M.
Paré plus tôt, que cet exposé des responsabilités
possibles qui feraient le nouveau CSS, ou le CSS renouvelé si vous
préférez, se retrouve à la page 11 de notre
mémoire. On pourrait les expliciter un peu.
Premièrement, on parle des responsabilités relatives
à l'application de la Loi sur la protection de la jeunesse, à
celle des jeunes contrevenants et à celle de l'adoption. Donc, le CSS,
et on pourrait ajouter aussi ce qui y est inclus, par exemple, l'expertise
à la Cour supérieure... Il y a un axe qui se développe du
côté des CSS pour toutes les relations des services sociaux avec
le secteur de la justice, avec le secteur de l'application de lois qui ont un
impact en-dehors du réseau des affaires sociales lui-même. Et
c'est un secteur clé, c'est un secteur majeur, qui ne pourrait pas,
d'ailleurs, être facilement décentralisable, du moins à
court terme, dans les CLSC parce qu'il y a des complexités
administratives et il y a des difficultés d'application qu'on commence
à peine à maîtriser dans ce secteur. Et cela, je pense que
c'est un axe qui doit rester à la complète maîtrise du CSS.
Et j'insiste, parce que la position du mémoire du ministère
indiquait un certain partage de ce niveau de responsabilités avec les
CLSC, ce avec quoi nous sommes en désaccord.
Le deuxième axe, ce serait le développement,
l'encadrement, la formation et l'évaluation de ressources
légères d'hébergement alternatives à
l'institutionnalisation. On sait qu'actuellement les CSS sont responsables de
la question des familles d'accueil. Il y a d'autres types de ressources
alternatives qui prennent forme dans les milieux et on croit que l'encadrement
professionnel dont ces ressources très légères, qui ne
comportent pas de professionnels, doit être fait par les CSS. Ils ont
déjà développé un début d'expertise
là-dedans qui pourrait être amplifié et c'est un axe
nouveau qui pourrait être entrepris. Nous préconisons, par
ailleurs, que les clientèles de ces ressources ne seraient pas à
la charge du CSS mais à la charge du CLSC, à l'exception, bien
sûr, de ce que je viens de dire concernant la Loi sur la protection de la
jeunesse et toutes les autres clientèles seraient à la charge et
suivies par le CLSC, toujours dans le principe de continuité de services
aux
clientèles. Donc, le CSS mettrait un accent pour s'assurer que
ces personnes qui entretiennent des ressources légères, qui sont
la plupart du temps des citoyens sans plus de formation
spécialisée, reçoivent l'encadrement professionnel
requis.
On parle aussi des services sociaux en milieu institutionnel comme autre
axe, plus particulièrement en milieu hospitalier, quoique nous
préconisions que, si ces services doivent être remis en question,
une tout autre discussion que celle qui a cours actuellement dans le cadre du
présent partage puisse être reprise. Il y a aussi toute une
nouvelle politique en santé mentale qui fait qu'on veut impliquer le
plus possible les services sociaux, et pas seulement les services de
santé. De ce côté-là, il y aurait des clarifications
à faire quant au râle futur du CSS en matière de
santé mentale.
Finalement, il y a un nouveau rôle qui n'a peut-être pas
été aussi exercé dans le passé qu'on l'aurait
souhaité, soit la reconnaissance des responsabilités du centre de
services sociaux en matière de recherche, développement et
programmation des services sociaux. Comme on le sait, les départements
de santé communautaire ont joué, à l'égard de la
santé, ce genre de rôle, mais les CSS l'ont très peu
joué ou, s'ils l'ont joué, c'était de façon
très diffuse. Au Québec, c'est très pauvre, actuellement,
le genre de travail qui a pu être fait jusqu'à aujourd'hui dans ce
domaine ou, s'il l'a été, il a été très
discret et nous en sommes peu conscients. On pense que les CSS pourraient
renforcer ce rôle et, en étroite collaboration avec les conseils
régionaux, comme c'est déjà le cas avec les
départements de santé communautaire, consolider toute la
dimension recherche, planification et programmation régionale.
M. Bélanger: Je vais demander à M. Léger de
répondre de façon plus précise à cette
question.
M. Léger (Michel): Très bref. La question dont vous
parlez doit peut-être être posée de façon un petit
peu différente. Ce à quoi on souscrit, c'est au fait de
compléter le réseau de façon complète avec les CSS,
les CLSC, etc. Après, par rapport à cela, ce qu'on dit, c'est
qu'il faut injecter pour compléter le réseau des CLSC. Il ne faut
pas croire que, par le simple acte magique de transférer des ressources
des CSS vers les CLSC, on va pouvoir compléter le réseau. C'est
bien inscrit à l'intérieur de notre déclaration
première. Donc, il faut d'abord compléter le réseau des
CLSC. Ce n'est pas strictement par le transfert qu'on va pouvoir, de
façon magique, compléter le réseau.
Une fois cela fait, il est important -c'est ce dont on parle aujourd'hui
- de répartir les rôles et fonctions de chacune de ces deux
catégories d'établissements. C'est seulement après cela
qu'on va pouvoir quantifier de façon réelle l'aspect des
transferts, du nombre de personnes qui vont pouvoir être
transférées. Donc, le fait de dire que c'est par le transfert
qu'on va compléter le réseau, si c'était cela et si
c'était la fusion de ces deux objectifs, compléter le
réseau et faire des transferts, ce serait un peu douteux. L'idée
à laquelle on souscrit, c'est de compléter le réseau de
CLSC et, après avoir mieux réparti les rôles et fonctions,
à ce moment-là, il y a des transferts qui s'imposent.
Au niveau des transferts qui s'imposent, quand vous demandez des
chiffres, à savoir combien d'effectifs vont être
transférés ou autres, on a vu toutes sortes de pourcentages du
nombre de clientèle variant de 18% à 64%. Cela peut être
vrai suivant les programmes et suivant les régions qu'il y ait des
écarts majeurs d'une région à une autre. C'est dans ce
sens que la conférence des CRSSS spécifie très bien
qu'avant de mettre des chiffres au bout de la ligne il va falloir que les
conseils régionaux, de concert avec les CSS et les CLSC, aillent
regarder de façon un petit peu plus précise ce qu'on peut
transférer ou pas en fonction des clientèles déjà
desservies.
M. Paradis: Si je vous comprends bien, finalement, vous nous
dites qu'on ne peut pas penser compléter le réseau des CLSC,
comme c'est l'objectif du ministère, strictement à partir d'un
transfert de ressources des CSS vers les CLSC. C'est le premier point.
Deuxième point, le ministre me corrigera, je vais citer un
chiffre de mémoire que je n'ai pas revu depuis les crédits...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): ...connaît
bien.
M. Paradis: II y en avait pour plus de 5 000 000 000 $. Je pense
que, pour compléter le réseau cette année, c'est un
chiffre de 8 000 000 $ qu'on avait au moment des crédits, ce qui n'est
pas extraordinaire lorsqu'on parle de compléter le réseau
à partir d'à peu près 120 CLSC pour le rendre à
160, pour quelque 40 CLSC. Donc, on a un réseau qui n'a pas les
ressources suffisantes présentement pour être
complété et à la disposition duquel on ne met que 8 000
000 $ et des possibilités de transfert d'effectifs. On a un
réseau de CLSC - comme on l'a également vu au moment de
l'étude des crédits - qui pose encore, dans plusieurs
régions du Québec, des problèmes de localisation en
fonction des MRC. Ce n'est pas finalisé. Est-ce qu'on est en position -
suivant la conférence des CRSSS - dans l'ensemble des régions du
Québec, de pouvoir penser à un tranfert de
ressources, quelles qu'elles soient, du CSS au CLSC lorsque dans
l'ensemble des régions le bilan n'est pas fait, lorsque sur le plan
financier on n'a que 8 000 000 $, lorsque sur le plan de la localisation des
établissements comme tels on n'est pas encore généralement
fixé? Est-ce que c'est pensable? Est-ce que vous pensez, vous, de la
conférence des CRSSS, qu'on a présentement les ressources
financières ou les ressources humaines nécessaires pour s'engager
dans l'application d'un tel cadre de référence? (11 h 15)
M. Bélanger: On commence avec ce qu'on a. Vous venez de
nous dire qu'il y a 8 000 000 $ pour le développement cette année
pour les CLSC. À ces 8 000 000 $, il faut ajouter - bien qu'on soit
incapable aujourd'hui de le quantifier - ce que va signifier en termes
financiers le transfert ou les transferts qui devront s'effectuer. On dit dans
notre mémoire qu'il y a des régions où le réseau
des CLSC est entièrement complété; il y en a d'autres
où il est loin de l'être. 0e pense à Montréal
où il y en a encore 19 à compléter. Il est clair que,
d'une région à l'autre, le délai d'implantation va varier
et doit varier compte tenu de ces réalités qui sont
différentes d'une région à l'autre. Dans notre
mémoire, nous suggérons un délai de trois mois pour que
chaque conseil régional fasse connaître, lorsque le cadre de
référence aura été décrété,
l'échéancier qui, dans sa région, est le plus
réaliste compte tenu de toutes ces données qui diffèrent
d'une région à l'autre.
Je pense qu'on peut dire que le processus peut s'engager et cela,
malgré les contraintes qui sont réelles et que vous venez
d'énumérer. C'est un moindre mal par rapport à la
situation que nous vivons en région depuis plus d'un an à cause
du débat qui s'éternise sur cette question-là. Cela
pourrit la situation, cela pourrit la qualité des services; c'est un
climat qui est intenable actuellement dans tous les conseils régionaux
du Québec.
M. Paradis: Je comprends que le climat soit intenable au niveau
des institutions - ce sera ma dernière question, Mme la
Présidente, j'ai un peu abusé du temps - au niveau de la guerre
institutionnelle ou de la guérilla institutionnelle, si vous me
permettez l'expression. On va se replacer dans la perspective où vous
nous dites vous être placés pour écrire le mémoire,
le service aux usagers. On voit qu'on n'a pas d'augmentation d'effectif des
travailleurs sociaux. Qu'on prenne un travailleur social sur la base d'une
région - je pourrais parler de la région de M. Guindon, je
pourrais parler de la région de l'Estrie, cela aurait l'air moins local
pour le député en cause -au niveau du CSS de l'Estrie et qu'on
l'affecte, à cause du nouveau cadre de référence, à
un CLSC. Qu'arrivera-t-il à cause des distances pour le service à
l'usager? Présentement, il se rend à Sherbrooke. Est-ce qu'il ira
à Mégantic ou ailleurs? Est-ce qu'on va avoir
amélioré le service à la population si on n'ajoute pas
-c'est là ma préoccupation principale - les ressources en nombre
suffisant?
M. Bélanger: Avant de demander à M. Guindon de
répondre ou de compléter, je voudrais dire ceci: le travail ou
l'exercice que nous faisons est un partage de responsabilités. Nous ne
discutons pas la quantité, ou les budgets, ou les ressources
actuellement à la disposition des régions ou des types
d'établissements. Cela est une autre question complètement
différente qui peut se poser dans un deuxième temps. Nous disons,
d'ailleurs, dans notre mémoire que sous certains aspects il y aura
nécessairement des budgets de développement et qu'il y a de
l'argent impliqué dans une opération comme celle-là, dans
une seconde étape. Je demanderais à M. Guindon de répondre
plus précisément.
M. Guindon: Je crois qu'on ne peut pas échapper à
l'affirmation qu'il faut ajouter des ressources dans les services sociaux. Je
pense qu'on sera d'accord. Ce qui est possible, plus facilement à
l'intérieur d'un CLSC - et on l'a expérimenté avec les
transferts du côté de la santé; il n'y avait pas non plus
toutes les ressources requises pour tout faire ce qui devait être fait
comme programmes et comme responsabilités - avec la consolidation de
l'ensemble des professionnels - ce sont des professionnels de base du
côté de la santé - il a pu y avoir des
réorganisations et des réaménagements que le volume
nouveau, que le volume accru permettait, mais qu'un volume plus réduit
n'aurait pas permis.
Du côté des services sociaux, on peut faire le même
pari. Si les équipes de services sociaux sont consolidées, avec
un plus grand nombre de personnes qui s'ajoutent à celles qui existent
dans les CLSC existants comme dans les nouveaux CLSC, là où il
peut y avoir des noyaux de base, on aura la possibilité de
réaménager les services. Cela ne palliera pas tous les
problèmes, nous en sommes bien conscients, mais cela peut
améliorer l'interchangeabilité des services au niveau des
professionnels. Je pense que, de ce côté-là,
l'expérience de la santé déjà
réalisée en est un témoignage éloquent.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Merci, M. le
député de Brome-Missisquoi. M. le ministre des Affaires
sociales.
M. Laurin: Merci, Mme la Présidente.
Je veux dire au départ, comme vous l'avez dit, que j'ai
souhaité ce débat public qui permet à votre association
ainsi qu'aux deux autres spécifiquement intéressées de
faire valoir publiquement leur opinion et de se prêter aux
échanges avec les membres de la commission qui représentent la
population. J'ai pensé que ce débat pouvait éclairer
davantage la lanterne de l'exécutif à la veille d'une
décision qui nous paraît, par ailleurs, s'imposer. La
qualité des échanges que nous avons depuis le début de la
commission montre bien que ce souhait était légitime. Je veux
aussi vous remercier pour la qualité de votre présentation.
J'avais lu votre première intervention présentée au
ministère. Elle avait aussi été bien accueillie à
cause de sa richesse, mais je vois que depuis trois mois vous avez encore
progressé dans votre réflexion et je suis très heureux que
vous nous fassiez part de cette richesse accrue de réflexion et,
également, en ce qui a trait aux conclusions et recommandations que vous
nous faites.
Je veux d'abord dire, Mme la Présidente, en réponse
à certaines questions qui ont été posées, que nous
avons, au ministère, deux objectifs: le premier est de compléter,
de parachever le réseau des CLSC le plus tôt possible. Je ne pense
pas que nous puissions compléter ce réseau durant l'année
1984-1985, mais nous ajouterons un certain nombre de CLSC aux 124 qui sont
déjà en fonction. Nous nous rapprocherons donc sensiblement de
l'objectif. Ce premier objectif découle en droite ligne de la
volonté du législateur, telle qu'elle s'est exprimée en
1971 sous le gouvernement précédent, volonté que nous
avons reprise à notre compte tellement nous la trouvions
justifiée et opportune.
L'autre objectif, qui est véritablement distinct, bien que
parallèle, c'est le partage des responsabilités entre les
services courants, tel qu'on l'exprimait dans la loi de 1971, et les autres
services, que ce soit dans le domaine de la santé ou dans le domaine des
services sociaux. Cette volonté du législateur exprimée
également en 1963 nous paraît aussi opportune en 1984 qu'en 1971.
Il nous paraît important de confier aux CLSC, tel qu'on le disait en
1971, toute la gamme des responsabilités qu'on avait prévues
à l'époque. Ceci n'a pu être fait au cours des
premières années, évidemment, puisque les CLSC n'existent
pas. Il a d'abord fallu les créer. Il a fallu donner un certain temps
pour la critique des expérimentations. À partir de 1979-1980,
après huit ou neuf ans d'expérimentation, il devenait possible,
à la lumière, justement, des premières implantations et
des critiques, de compléter, de parachever ce partage des
responsabilités dans le sens que le législateur l'avait voulu,
mais en tenant compte cependant des leçons de l'expérience et des
critiques qui nous avaient été faites. Le premier mouvement a
été fait lorsqu'il y a eu ce transfert d'effectifs des DSC vers
les CLSC en ce qui concerne la prévention, l'action communautaire en
matière de santé. Malgré toutes les réticences ou
réserves qui ont été exprimées, à
l'époque, à l'endroit de ce transfert, on peut dire que ce
transfert a été fait, et avec succès. Ce transfert sera
d'ailleurs complété au cours de l'année 1984-1985.
Il restait à le faire du côté des services sociaux.
La situation était peut-être plus difficile en ce sens que les
services sociaux avaient été assumés en très grande
partie par les CSS, en raison du rôle de suppléance que les
centres avaient eu, mais je pense que le moment est venu de compléter
pour le secteur social ce qui a déjà été entrepris
et mené avec succès sur le plan de la santé. Cependant, je
pense qu'il est important, avant que nous ne procédions aux
décisions, de s'entourer de tous les avis et expertises
nécessaires afin d'être sûrs que ce mouvement puisse, lui
aussi, se faire en respectant les objectifs de qualité, comme la
présidente le disait tout à l'heure, et de services à la
population. En ce sens, je salue avec plaisir votre contribution. J'ai
noté avec beaucoup de soin les points d'accord avec la position
ministérielle, mais aussi les points de désaccord, et
peut-être encore plus les nuances que vous apportez sur l'un ou l'autre
des divers points qui sont en question. Je peux vous assurer que ces nuances et
suggestions d'aménagements nouveaux et différents sont prises en
sérieuse considération.
J'aurais deux questions à vous poser. Je note que parmi les
points de désaccord il y a celui qui touche aux services reliés
à la Loi sur les jeunes contrevenants et à la Loi sur la
protection de la jeunesse. Je note que vous favorisez plutôt que les
services reliés à l'exécution de ces lois ou à la
mise en application de ces lois demeurent presque complètement au CSS,
quitte à ce que le CSS délègue au CLSC certaines
responsabilités lorsqu'il le jugera opportun. Je voudrais d'abord
être bien sûr que j'ai bien compris votre position.
Deuxièmement, j'aimerais que vous expliquiez davantage les raisons qui
vous amènent à nous faire cette recommandation.
M. Bélanger: Je vais demander à M. Léger de
vous répondre.
M. Léger (Michel): D'une façon
générale, M. Laurin, vous êtes tout à fait dans la
ligne. Il est exact que c'est un désaccord en termes de position avec la
position du cadre de référence proposé par le
ministère. D'autre part, vous êtes tout à fait dans une
bonne compréhension quand vous parlez de l'aspect de la
délégation, quand
c'est souhaitable et que cela se peut; il y a certaines situations
où ce n'est pas toujours possible. Je pense en particulier à la
Loi sur les jeunes contrevenants où il y a des possibilités de
délégation qui sont moins facilement évidentes. Donc,
c'est dans ce sens que le mémoire stipule dans les cas où c'est
souhaitable ou dans les cas où c'est possible. C'est sûr
qu'à partir du moment où une famille et des enfants sont pris en
charge par un CLSC, si un des jeunes a des déboires ou des
démêlés avec la justice, s'il est possible de faire une
délégation au niveau du CLSC, c'est une ligne de conduite qu'on
privilégie pour les principes de continuité des services et de
continuité dans l'unicité de l'intervention auprès d'une
famille.
La divergence entre la position de la conférence des CRSSS et la
position du ministère tient au fait qu'on met de l'avant l'aspect de la
continuité des services, et la porte d'entrée en fonction de la
Loi sur la protection de la jeunesse ou de la Loi sur les jeunes contrevenants
se trouve être le CSS et le directeur de la protection de la jeunesse.
Donc, dans ce sens, selon notre compréhension, on risquerait, si on
faisait un partage comme celui proposé par le ministère des
Affaires sociales, de faire un va-et-vient entre les deux institutions si on se
bornait à délimiter les champs de responsabilités avec le
milieu substitut ou le milieu naturel. Donc, c'est vraiment en fonction de
valeurs et de principes professionnels qu'on a favorisé la
continuité dans ce cas.
M. Laurin: Les arguments que vous invoquez me paraissent
très sérieux et c'est la raison pour laquelle j'y prêterai
une attention particulière.
J'aimerais aussi vous poser une autre question. Vous préconisez
un système intégré d'admission unique. Je n'ai pas compris
tout à fait, à l'audition de votre mémoire, si vous
préconisez ce système intégré pour tous les types
d'admission dans tous les types d'établissements. J'aimerais que vous
éclairiez ma lanterne à cet égard. Là aussi, vous
mettez des accents en ce qui concerne l'admission à certains types
d'établissements par rapport à d'autres. (11 h 30)
Deuxièmement, quelles sont, d'une façon plus
complète encore que vous ne l'avez exprimé dans votre
mémoire, les raisons qui vous amènent à recommander ce
système intégré d'admission qui, si je comprends bien,
comprendrait des représentants de tous les divers types
d'établissements?
M. Bélanger: M. Léger va y répondre
également.
M. Léger (Michel): L'esprit que nous avons voulu mettre de
l'avant dans le présent mémoire est baptisé sous le terme
"système intégré d'admission". Là encore, c'est
beaucoup plus une valeur qu'on veut mettre de l'avant. Dans les
règlements qui ne sont pas encore adoptés, on retrouvait la
possibilité d'avoir un comité de coordination d'admission et on
retrouvait aussi l'aspect du comité de placement en famille d'accueil.
C'est sur ces deux aspects que l'on dit qu'il y aurait sûrement
intérêt au niveau régional à faire en sorte qu'il y
ait une seule instance pour l'aspect du placement et que l'on ne se retrouve
pas dans la situation où il y a un risque de ballottement important
entre le fait de s'aligner sur un placement en famille d'accueil ou
évaluer le fait d'aller dans un centre d'accueil et de présenter
les dossiers à différentes places.
En termes de mécanique comme telle, on est très conscient
que les différentes régions, de façon régionale et
de façon souvent même locale, ou au niveau de la grandeur d'un
DSC, tout peut dépendre de chacune des régions; elles peuvent
avoir des mécanismes en place déjà fort adéquats.
Il ne nous paraît pas pertinent pour l'instant de multiplier les niveaux
possibles d'analyse de ces placements. Donc, c'est dans ce sens qu'on parle de
système intégré d'admission à être
défini de façon régionale avec les partenaires. Quand on
met cela sous la responsabilité ultime du CRSSS, cela ne veut pas dire
forcément que le CRSSS en est le gérant quotidien. C'est beaucoup
plus en termes de la politique et de l'ensemble de la concertation des
établissements. On pense que, dans la composition comme telle, dans une
perspective de décentralisation, il serait plus approprié que
chacune des régions puisse voir, sous l'égide du CRSSS, à
la composition éventuelle des différentes instances pour le
placement, qui peuvent varier d'une région à une autre ou qui
peuvent varier d'une partie de région à une autre, suivant leur
composition.
Donc, dans ce sens-là, quand on parle d'un système
intégré d'admission, il ne faudrait pas qu'il y ait deux
instances possibles où, à un moment donné, on puisse
hésiter entre un placement en famille d'accueil ou un placement en
institution, etc., et que les dossiers, entre guillemets, soient
ballottés d'une place à une autre. C'est donc dans cet esprit que
l'on parle de système intégré d'admission.
M. Laurin: Je vous remercie.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. le
député de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: Merci, Mme la Présidente. J'ai trois questions
que je désire vous poser. La première concerne la question des
coûts
qui a été abordée par mon collègue, le
député de Brome-Missisquoi, tantôt. Vous avez dit
clairement à plusieurs reprises, notamment à la page 3 de votre
mémoire, que de l'argent nouveau devra forcément être
injecté dans le développement des services sociaux pour
compléter le réseau, etc. Quand je regarde les crédits
pour l'année courante, pour les CLSC comme tels, je vois qu'il y a un
budget de 300 000 000 $; pour les CSS, un budget presque semblable, soit 284
000 000 $; un petit budget pour vous de 37 000 000 $ -c'est quand même 37
000 000 $ - donc, un total d'environ 600 000 000 $.
J'aimerais savoir si vous avez fait une évaluation pour calculer
les coûts de fonctionnement des CLSC et des CSS - les deux ensemble -
aujourd'hui, si le cadre de référence a été
appliqué sur place, si le réseau des CLSC a été
complété et si les changements proposés dans le cadre de
référence ont été réalisés. J'imagine
que les coûts seront plus élevés que les 597 000 000 $ que
l'on voit dans les crédits et j'imagine aussi que vous avez fait une
analyse à savoir quels seront les coûts advenant la
réalisation de ce projet, sur la base, par exemple, de 80, 85. Est-ce
que vous pouvez me donner une indication des coûts ou des crédits
qui seront applicables si le cadre de référence était
réalisé et que le réseau était
complété aujourd'hui?
M. Bélanger: M. Guindon va répondre à la
question.
M. Guindon: J'étais prêt à répondre
à la première partie de votre question, mais, pour la
dernière partie, ce sera un peu plus difficile.
Sur la première partie de votre question, à savoir si une
évaluation des coûts a été faite des services
sociaux dans les CSS et dans les CLSC, je voulais mentionner -cela
m'apparaît assez important dans le débat actuel et cela n'a
peut-être pas été non plus soulevé dans notre
mémoire - que les coûts de fonctionnement pour la dispensation des
services sociaux et même pour l'ensemble des services, sont en
général beaucoup plus bas si on prend le ratio des services
à la clientèle par rapport au taux d'encadrement. En d'autres
mots, on donne plus de services directement à la population et le taux
d'encadrement est moins élevé dans les CLSC que dans les CSS. De
ce côté-là, il y a un problème: il faut
élever ou augmenter le taux d'encadrement dans les CLSC qui, dans bien
des cas, peut être de un cadre pour 30 personnes, alors que dans les CSS
on retrouve un cadre pour huit à douze personnes.
Sur la question du transfert, on n'a pas pu faire d'évaluation
concrète des coûts impliqués, mais une chose est certaine:
avec la proposition que nous faisons, le quantum d'argent en cause serait
légèrement plus bas que dans la proposition du ministère
puisque nous ne souscrivons pas à la proposition du ministère de
transférer une partie des effectifs affectés à la
Direction de la protection de la jeunesse. Comme c'est le plus gros des
effectifs au sein du CSS, il est bien entendu que, s'il n'y a pas de transfert
de ce côté-là, il y aura un peu moins de volume de
personnes et un peu moins des 60 000 000 $ qui avaient été
mentionnés. On n'a cependant pas fait une évaluation
détaillée de ce côté-là, étant
donné qu'il y a aussi des variables régionales qui pourraient
venir changer la situation.
M. Bélanger: Si vous me permettez de compléter,
évidemment, on revient toujours avec cela, il y a des
spécificités régionales et il y a des
réalités aussi qui sont distinctes. Par exemple, une
région comme Montréal a trois CSS alors que les autres
régions n'en ont qu'un. On a vécu une opération de ce
genre-là au niveau de la santé par rapport au DSC. Sauf erreur et
sauf exception, d'une façon générale, cela n'a pas
nécessairement signifié des sommes nouvelles qu'un transfert de
responsabilités, avec les ressources qui existaient dans un DSC qui sont
transférées dans un CLSC. C'est une autre question que de mesurer
l'ensemble des ressources disponibles dans une région pour rendre tel
type de services. On peut bien soutenir qu'on a assez de ressources ou qu'on
n'en a pas assez, mais cela a peu d'incidence ou de relation directe, bien que
cela puisse en avoir jusqu'à un certain point, mais il n'y a pas de
relation directe entre un transfert et la nécessité d'injecter de
nouvelles sommes d'argent ou de nouvelles ressources.
M. Scowen: Pour terminer cette première question, le point
que je voulais soulever, M. Bélanger, c'était que dans votre
texte vous disiez: Des montants d'argent nouveaux devront forcément
être injectés si on veut atteindre les deux objectifs de partager
les responsabilités et parachever le réseau des CLSC. C'est une
déclaration assez claire. Je vous demande combien et, si je comprends
bien, la réponse est: Je ne sais pas.
M. Bélanger: La réponse est celle-ci: on a
l'expérience déjà de ce que cela coûte que de
créer un nouveau CLSC. On n'a pas les chiffres avec nous, mais cela ne
se limite pas à un simple transfert de ressources de DSC vers un CLSC et
de CSS vers un CLSC pour dire que le lendemain matin on a un CLSC qui a toutes
les ressources voulues pour remplir sa vocation. Il y a un encadrement minimal
requis, il y a toute une série d'autres nécessités qui
sont là lorsqu'on
crée un nouvel établissement. D'une part, il y a cette
dimension-là. Donc, chaque fois qu'on crée un CLSC, il est clair
qu'il y a un montant d'impliqué, une ressource financière
nécessaire.
Par ailleurs, ce qu'on laisse entendre aussi, c'est qu'on ne peut pas
affirmer que dans l'ensemble des régions actuellement le secteur social,
en termes de ressources sociales - et on voit cela un peu partout dans notre
mémoire - soit rendu à son niveau de développement
souhaitable et souhaité.
M. Guindon: Est-ce que je pourrais risquer un chiffre pour une
région que je connais, qui est celle de Montérégie,
où je suis directeur général? Comme on n'a pas le contexte
de toutes les régions à la conférence, comme le disait le
président tantôt, on n'a pas une grosse permanence, mais je sais
que dans la région, chez moi, l'an passé, la réclamation
minimale qui a été faite au ministère des Affaires
sociales pour des coûts de services sociaux additionnels,
indépendamment de tout cadre de partage, a été de l'ordre
de 1 500 000 $. En général, au Québec, nous
représentons environ 15% du budget total dans la région que je
représente. Si vous croyez que cette projection, faite sur l'ensemble du
Québec, peut être valable, cela pourrait vous donner un ordre de
grandeur.
M. Scowen: Instinctivement, suivant vos expériences dans
le milieu, on peut imaginer que, si le budget aujourd'hui est de 600 000 000 $
pour les deux catégories d'établissements, cela pourrait
être d'environ 700 000 000 $, si le réseau était
complété et les transferts effectués. On parle de 15%.
M. Bélanger: Si on veut faire une projection en y
accordant toute la relativité qu'il faut accorder à des chiffres
comme ceux-là.
M. Scowen: Je pense que c'est une question extrêmement
importante. On propose une grande réforme avec les fonds publics et ce
doit être possible d'évaluer les coûts parce qu'on sait
déjà combien de CLSC sont prévus et quels sont les
transferts. Je soulève ce point parce qu'il me semble que c'est dans le
domaine des possibilités.
La deuxième question, M. Bélanger, et je vous
réfère de nouveau à la page 3, je n'ai pas
été capable de saisir exactement le sens de la dernière
partie de la page 3. Si je comprends bien, vous rejetez la définition
qui a été utilisée dans le cadre de
référence pour essayer de faire le partage entre le milieu
naturel et le milieu substitut. C'est au moins quelque chose qui peut
être compris par un profane. Vous avez dit, et je comprends
déjà quelques petits problèmes, que cela risque d'avoir
des impacts négatifs pour les bénéficiaires. Vous rejetez
ce critère établi par le cadre de référence et vous
proposez plutôt d'autres critères.
Je n'ai pas été capable - quand je lisais les
critères que vous avez proposés pour remplacer ceux
déjà en place - de saisir exactement de quoi il s'agissait. Les
quatre éléments de vos critères sont: premièrement,
le réseau des services sociaux complémentaires; cela ne nous aide
pas beaucoup à comprendre quelle division vous proposez - je vais
revenir au deuxième -troisièmement, une unité
d'intervention qui permette qu'il n'y ait pas de dédoublement -on n'est
pas encore très loin dans la définition du partage - et,
quatrièmement, la possibilité d'adaptations régionales.
Cela ne nous mène pas non plus très loin dans la cohérence
dans le partage des deux groupes.
On revient au deuxième qui dit: une plus grande continuité
de l'intervention sociale. Effectivement, si je comprends toute votre
conception de la division, la définition, les règles du jeu qui
doivent être utilisées pour définir le partage et les
responsabilités respectives tiennent à cette idée d'une
plus grande continuité. Pour moi, même si vous avez rejeté
le premier élément: le partage, la définition
proposée par le cadre de référence, je n'ai pas
été capable de comprendre comment la vôtre nous amenait
beaucoup plus loin dans une définition. Peut-être que vous pouvez
nous expliquer un peu.
M. Bélanger: Si vous montez de deux paragraphes, vous
allez voir que, dans le deuxième paragraphe de cette page, nous
réaffirmons notre consensus sur les chapitres I et II du cadre de
référence. Je vous rappellerai qu'au chapitre II ces notions de
milieu naturel, de milieu substitut existaient; c'est là qu'on les
mettait de l'avant. Ce que nous faisons, ce n'est pas tellement de rejeter et
de remplacer, c'est d'ajouter, à toutes fins utiles. On aurait
peut-être pu phraser autrement le texte, mais c'est de dire: cette notion
de milieu naturel et de milieu substitut... C'est l'exercice que nous avons
fait au cours des derniers moins, c'est l'évolution qu'on a faite depuis
décembre dernier. Au-delà de se dire d'accord avec un principe,
c'est de voir maintenant, dans le concret, dans nos régions, ce que cela
voulait dire quand on arrivait au niveau de l'application et de la
faisabilité. (11 h 45)
Ce qu'on a constaté, c'est que cela créait - bien que ce
soit, théoriquement, facilement compréhensible; c'est très
beau sur papier, ces notions de milieu naturel et de milieu substitut - cela
créait, dans l'application, dans le vécu, des problèmes,
cela créait des distorsions; cela pouvait même créer des
coûts et toucher à la qualité du service. Ce que nous
avons
cherché, c'est d'introduire des éléments, des
notions ou des critères nouveaux pour pondérer ces distorsions
que pouvait créer une notion très simple, qui était celle
du milieu naturel par rapport au milieu substitut, en disant: C'est bien beau,
on peut être d'accord en principe avec cela, mais il ne faudrait pas pour
autant que cela ait pour effet de détruire complètement des
principes tout aussi importants que ceux de l'unicité, que ceux de la
continuité des services. C'est là qu'on a introduit ces nouveaux
éléments. Pour comprendre ce que veulent dire ces trois premiers
critères, il faut prendre chacun des secteurs d'activité et voir
comment nous les avons appliqués dans chacun des secteurs
d'activité. On ne peut pas, en une minute, traduire ce que cela veut
dire de façon complète dans le cadre de référence.
C'est secteur d'activité par secteur d'activité qu'il faut les
regarder et c'est en appliquant ces nouveaux critères que nous ajoutons
qu'on a essayé de préserver ces principes qui nous apparaissent
tout aussi fondamentaux.
M. Scowen: Merci, M. Bélanger. Mon temps est
écoulé. Je serai obligé de revenir avec ma
troisième question après que mes collègues auront
posé leurs questions, s'ils en ont le temps. Merci.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. le
député de Beauharnois.
M. Lavigne: M. Bélanger, un peu comme le
député de Brome-Missisquoi, il y a une phrase de votre
mémoire, à la page 13, qui m'impressionne. Je vais même la
relire tellement elle m'impressionne parce que c'est le fondement même de
toute une philosophie à laquelle tout le monde devrait s'arrêter:
"Les établissements n'ont de sens qu'en fonction des services qu'ils
rendent à la population et c'est à la lumière de la
qualité et de l'accessibilité de ces services que leur gestion
doit être évaluée et non en fonction de la croissance ou de
la décroissance des effectifs et des budgets." En tout cas, de votre
mémoire, c'est une phrase à laquelle j'ai bien accroché
et, si on pouvait s'entendre sur ce principe fondamental ou cette philosophie
fondamentale, je pense qu'on pourrait résoudre une grande partie des
problèmes auxquels nous faisons face présentement.
Cela va peut-être être utopique ou irréaliste la
question que je vais vous poser, mais, pourtant, je me baserai sur
l'expérience vécue qui a été d'intégrer les
DSC aux CLSC. Je pense qu'on a amélioré, par le fait même,
des services contrairement à ce que certaines personnes pouvaient penser
avant l'intégration des DSC aux CLSC. Je suis sûr qu'au niveau de
l'économie des services et de l'économie financière et
budgétaire, il y a eu des économies de faites de ce
côté. Partant de cette expérience, je me demande si c'est
une question utopique que d'imaginer la possibilité d'intégrer
complètement les CSS aux CLSC. Je peux risquer de me faire tirer des
tomates en posant cette question, mais toujours en se raccrochant à la
phrase que j'ai lue, en supposant qu'il n'y a pas de guerre intestine ou
institutionnelle qui pourrait venir de chacun des groupes qui veulent garder,
d'une certaine façon, leur centre, leur maison, le rôle qu'ils
jouent dans la société. Je risque en tout cas de poser la
question, advienne que pourra. Si cela se faisait, à première
vue, pour un profane comme moi, il y aurait sûrement des économies
au niveau de la location des bâtisses, par exemple, en intégrant
du personnel, en ayant tout le personnel dans une même boîte avec
une même direction et une même philosophie de services à
donner à la population. On économiserait aussi sur le
téléphone, la dactylo et peut-être même sur les
effectifs humains parce que vous disiez tout à l'heure, en
réponse à d'autres questions, qu'on retrouve de mêmes
spécialistes dans les deux services. Vous pouvez avoir, par exemple, une
infirmière au CLSC et vous pouvez en avoir une au CSS, des fois deux
à une place et une à l'autre. Si on unifiait les deux services,
peut-être que deux plutôt que trois, on en aurait assez. Je ne le
sais pas, mais ce sont des questions qui, à mon avis, peuvent se poser.
Cela m'apparaît, vu par moi, non pas illogique, mais logique de poser la
question. Peut-être qu'à la suite de votre réponse, je
m'apercevrai que ma question était illogique, je ne le sais pas, mais je
la pose tout de même.
M. Bélanger: Je dois vous dire que nous avons tous les
trois spontanément le goût de vous répondre. Je vais
d'abord demander à M. Guindon.
M. Guindon: Très brièvement, je dois vous dire que
votre utopie existe. J'ai eu l'occasion, en visitant la Suède, la
Norvège et le Danemark, de le constater. Tous les services sociaux sans
exception ne se dispensent qu'au niveau local, incluant les services dits chez
nous spécialisés. Donc, cela existe quelque part dans l'univers
avec des humains et cela fonctionne. Il semble que les services sont efficaces
et d'honnête qualité.
Pour ce qui est du Québec, je ne serais pas porté à
faire une transposition aussi rapide que ma réponse première
pourrait vous le suggérer en disant: Faisons cela au Québec,
puisqu'il semble que c'est faisable ailleurs. Je crois que la complexité
des lois en cause interdit à court terme qu'on puisse imaginer une telle
réalité, notamment les lois reliées à la protection
de la jeunesse et
ce qui s'est ajouté aussi pour les jeunes contrevenants.
Pour répondre indirectement à la question de Mme la
présidente, à savoir si notre mémoire implique des
modifications législatives, c'est précisément ce qu'on a
voulu éviter. On a voulu être vraiment sûr de fonctionner
dans le cadre législatif actuel. C'est un tout autre débat que
celui de se demander si les CSS doivent continuer d'exister ou non et si les
services sociaux ne doivent être dispensés qu'au niveau local,
compte tenu, précisément, de ce lourd contexte législatif
qui impliquerait un débat beaucoup plus long que celui qu'on peut faire
pour le cadre de référence.
M. Bélanger: Pour apporter d'autres nuances tout aussi
importantes, je vais demander à M. Léger d'intervenir.
M. Léger (Michel): Je donnerai quelques exemples concrets
pour dire que cette utopie n'est pas toujours applicable ou pas
forcément souhaitable, même au point de vue professionnel et
parfois économique, par exemple, les questions d'adoption? Il n'est pas
toujours souhaitable qu'un jeune soit adopté dans le milieu ou dans la
communauté dans laquelle il vit. Cela peut être important qu'il y
ait une espèce de dissociation entre son milieu d'origine et sa nouvelle
famille. Les familles d'accueil: il y a certains milieux où on peut
recruter facilement des familles d'accueil; il y a d'autres milieux où
on n'en recrute pas. Donc, il est important de pouvoir dépasser ce
niveau local d'un territoire de CLSC ou de MRC.
Quant à une certaine coordination des admissions dans des centres
d'accueil ou dans des ressources plus lourdes ou institutionnelles, cela
obligerait chacun des établissements à aller frapper directement
à la porte de la même institution, ce qui entraînerait une
importante duplication des énergies pour aller frapper à
différentes portes au niveau d'un centre d'accueil de
réadaptation pour un jeune, par exemple, ou même, dans certains
cas, d'un centre d'hébergement pour personnes âgées.
Au niveau de la protection de la jeunesse: même si, d'une
façon très générale, on peut dire qu'il est dans
les orientations profondes de maintenir les jeunes dans leur milieu, dans
certains cas, il faut les retirer de leur milieu dans leur propre
intérêt. Dans ce sens, à partir du moment où on se
base sur le principe de cette espèce de milieu communautaire qu'est le
territoire des CLSC, on trouve de nombreuses situations où on a
intérêt à le faire sur une base plus importante qu'un
simple territoire de CLSC. Je pourrais ajouter des exemples, mais je ne veux
pas prendre de votre temps.
M. Lavigne: Mme la Présidente, si vous me permettez une
autre question, parce qu'il y a une partie de la réponse qui est
logée dans le fait que la législation actuelle ne nous
permettrait pas de procéder à un tel exercice. Si, toutefois, le
législateur, à la suite d'une de vos recommandations, s'il y en
avait une qui allait dans ce sens, corrigeait -je comprends que ce serait un
autre débat qui pourrait durer plus longtemps - mais si nous devons
pratiquer cet exercice pour finalement arriver à vraiment donner
toujours en me référant à la phrase que j'ai lue au
début - un meilleur service aux citoyens, en faisant des
économies de toutes sortes, est-ce qu'il ne vaudrait pas le coup pour
nous, législateurs, de modifier les lois pour permettre cet
exercice?
M. Bélanger: Je pense, M. le député, que
vous avez répondu à la question. Effectivement, cette phrase que
vous avez citée est le fondement même de l'attitude que prennent
ou qu'essaient de prendre les conseils régionaux et la conférence
dans tous les dossiers. Si on faisait la démonstration par A plus B
qu'effectivement nous aurions des services de meilleure qualité et
à meilleur prix avec une autre forme de structure ou d'organisation, les
conseils régionaux seraient sûrement les premiers à y
souscrire. Mais, comme vous le dites vous-même, comme vous l'avez admis,
c'est quand même une tout autre question que celle qui est
débattue ici aujourd'hui et qui pose des problèmes - je pense que
M. Léger et M. Guindon en ont pointé du doigt - et des questions
très importantes.
À notre avis, il n'y a rien de figé dans le béton,
les lois sont faites pour être changées. Les
réalités évoluent aussi et la preuve, c'est qu'on en est
à faire ce débat aujourd'hui qui est une dimension de la
question. Ces questions vont continuer de se poser dans l'avenir et devront -
nous le souhaitons - continuer de se poser. C'est le prix qu'il faut payer pour
vraiment maintenir le meilleur niveau possible et la meilleure qualité
possible de services.
M. Lavigne: Je vous remercie, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. le
député de Laurier.
M. Sirros: Mme la Présidente, j'aimerais que vous nous
parliez un peu des services sociaux en milieu hospitalier. Dans le partage des
responsabilités, le ministre dit simplement qu'il juge que cela n'est
pas opportun. Vous, vous dites: Bon, nous partageons l'opinion que ce n'est pas
opportun. Pourtant, quand vous choisissez les critères par lesquels vous
voulez voir le partage se faire, vous dites: L'unicité des services,
vous acceptez aussi le milieu de vie
naturel par rapport au substitut. Dans ces deux situations, il me semble
que, si on fait l'analyse, logiquement, la personne qui est temporairement
à l'hôpital, son milieu de vie naturel est évidemment son
quartier, l'unicité des services plus souvent qu'autrement, les
références, après l'hôpital, reviennent au CLSC, qui
a en plus le volet médical, qui souvent prend en charge la suite de
l'hospitalisation. Je pense particulièrement au milieu hospitalier
psychiatrique où il y a un effort de fait de retourner la personne en
milieu naturel et, donc, souvent, le CLSC est pris - si on peut parler ainsi -
avec la situation de la personne qui revient dans son quartier après
avoir été vue en service social, entre autres, en psychiatrie. Je
suis un peu étonné de voir que de part et d'autre la situation
est plus ou moins... On glisse au-dessus de l'affaire, on n'en parle pas
beaucoup, ni dans votre mémoire, ni dans le cadre de partage. On dit
simplement qu'on juge que ce n'est pas opportun. Le seul motif que je peux
déceler, finalement, c'est une question administrative. Est-ce que j'ai
raison? Comment se fait-il qu'on procède... Pouvez-vous expliquer un
peu?
M. Bélanger: C'est très simple. D'abord, il faut
rappeler, comme vous l'avez dit, que le cadre de référence nous
invitait à ne pas trancher cette question immédiatement. On le
disait explicitement dans le cadre de référence. Nous nous sommes
interrogés pendant un certain temps, à savoir si nous devions
à ce stade aller au fond de cette question. Nous en sommes
arrivés à la conclusion de nous aligner sur ce que le cadre de
référence nous invitait à faire parce que cela mettait en
cause d'autres types d'établissements. Cela mettait en cause des
questions qui, pour le reste, dans le cadre de référence, ne sont
pas présentes. Nous le disons dans notre texte: Si on envisageait une
nouvelle répartition, les trois catégories
d'établissements: CSS, Centre local de services communautaires, centre
hospitalier - certains pourraient même en ajouter d'autres - devraient
être considérées dans l'analyse des besoins et des
ressources. Cela aurait pu faire l'objet de tout un mémoire en soi,
toute cette question. On le sait, on le vit en région aussi ce
débat et il commence à se faire actuellement. On a jugé
qu'entrer dans cette question aurait pu créer une diversion par rapport
à ce qui était vraiment fondamental dans ce cadre de
référence. Il ne faut en aucune façon interpréter
ce que nous disons aujourd'hui comme une prise de position en faveur du statu
quo. Cela n'est pas le sens de notre position. Nous nous sommes simplement
alignés sur l'invitation qui était faite dans le cadre de
référence de laisser cette question de côté.
M. Sirros: Si je comprends bien, finalement, vous nous dites que
la question était trop complexe, et même trop contentieuse dans un
certain sens.
M. Bélanger: C'est qu'elle faisait entrer - je vous l'ai
mentionné - par exemple, dans le débat d'autres types
d'établissements. On a jugé que cela n'était pas opportun
à ce stade de le faire; d'autre part, que le cheminement sur cette
question n'est pas le même au niveau de l'ensemble des régions
actuellement. On a vécu le problème du cadre de
référence beaucoup plus que cette simple question depuis un an,
un an et demi. On ne s'est finalement pas senti prêt à transmettre
une position ou une demande précise sur cela, ce qui ne veut pas dire
qu'on n'est pas prêt à continuer et à faire une
démarche dans les meilleurs délais sur cela, si on y est
invité. M. Guindon pourra compléter.
M. Guindon: M. le député, vous avez
énoncé dans votre question certains éléments de
réponse à nos propres interrogations, c'est-à-dire que
vous avez décrit une situation où, par exemple, en santé
mentale, on tend plus vers le milieu naturel. Vous avez décrit une
situation où on veut assurer la continuité des services et on
pourrait ajouter d'autres éléments. Il y a des travailleurs
sociaux qui peuvent oeuvrer en centre d'accueil d'hébergement, en centre
d'accueil de réadaptation. Il y en a qui peuvent être actuellement
sous la responsabilité de ces centres d'accueil. Il y a des services qui
se donnent en milieu hospitalier qui pourraient se donner en milieu de CLSC. Il
y a des services qui devraient peut-être rester en milieu hospitalier,
auquel cas seraient-ils mieux rattachés au milieu hospitalier ou au CSS?
(12 heures)
Enfin, il faudrait regarder la question avec toute l'approche
réseau des services en milieu institutionnel à cause de
différents paramètres qu'il serait long et difficile d'expliciter
aujourd'hui. On pense que ce n'est pas possible de prendre une position
définitive d'autant plus que le cadre de partage vise d'abord et avant
tout les CLSC et non pas les autres catégories d'établissements.
Maintenant, je pense qu'on serait prêt, les conseils régionaux, si
nous étions invités à le faire, à approfondir cette
question, à l'analyser et à présenter
ultérieurement une position beaucoup plus étoffée.
M. Sirros: Je pense que la suite de ma question devrait
plutôt s'adresser au ministre dans le sens que, si on est en train
d'effectuer un partage des responsabilités qui aura une certaine
cohérence et assurera une certaine continuité dans le temps, il
est
évident, d'après ce qu'on a entendu et d'après ce
qui paraît logique, qu'il va falloir faire face à d'autres
situations comme celle-là. Est-ce que vous avez un
échéancier? Est-ce qu'il y a eu de la part des CRSSS, par
exemple, des études qui ont été mises en oeuvre, ou de la
part du ministère, quant à l'ensemble de ce partage? C'est un peu
une autre approche étapiste, si je peux utiliser le terme, dans le sens
qu'il y aura possiblement des répercusions qu'il faudra
considérer dans leur ensemble plutôt que de régler une
partie maintenant et une autre partie plus tard au risque, en le faisant comme
cela, qu'on se retrouve en fin de compte avec une situation aussi confuse que
d'autres qu'on a connues.
M. Laurin: L'invité que je suis ne peut guère
répondre à cette question.
M. Sirros: On peut vous inviter à répondre.
M. Laurin: Je peux cependant vous dire que j'accueille avec
plaisir toute réflexion ou recommandation que vous pourriez me faire
à cet égard.
M. Sirros: J'ai une autre question concernant... Pas au ministre
cette fois-ci. Par rapport aux services aux jeunes, ce que vous dites,
finalement, c'est que vous laissez la situation plus ou moins comme elle est
dans le sens que la prise en charge serait faite selon la porte
d'entrée. Si c'est la Loi sur les jeunes contrevenants ou la Loi sur la
protection de la jeunesse, cela va être le DPJ, donc, le CSS. Si, par
contre, il s'agit d'un travail qui se fait au niveau local avec une famille ou
avec un jeune et que dans cette évolution il y a l'entrée en
scène du DPJ, cela continuera d'être le CLSC par le biais d'une
délégation, et vice versa.
Est-ce que je peux en déduire qu'étant donné que
dans les CLSC en général le volet social est plus faible il n'y
aura pas vraiment beaucoup de nouveau qui sera fait sans du
développement neuf dans le secteur de la jeunesse en particulier? Ne
peut-on pas voir cette délégation de la part du DPJ au CLSC comme
un genre de surcharge de travail que le CLSC fait par rapport à la
jeunesse, qui est déjà limité dans le sens que le DPJ
délègue certaines responsabilités qu'il devrait
normalement assumer?
M. Bélanger: M. Guindon va répondre à votre
question.
M. Guindon: Effectivement. D'abord, la première chose
qu'il faut rappeler, je pense que cela n'a pas été clairement dit
encore, les motifs qui font que nous privilégions que la majorité
des services reliés à l'application de la loi 24 et des jeunes
contrevenants demeurent au CSS, c'est que nous croyons que les CLSC ne sont pas
prêts à recevoir quelque responsabilité que ce soit dans ce
domaine à cause précisément du manque de travailleurs
sociaux jusqu'à maintenant et, d'autre part, du fait que l'on constate
en pratique que beaucoup de CLSC, pour ne pas dire une majorité, ne
disposent pas de programmes reliés à la jeunesse.
Si, de toute façon, on fait des transferts qui leur permettent de
recevoir un ensemble de services reliés à la famille, donc,
automatiquement, aux problèmes à la jeunesse, et que, petit
à petit, des développements se font pour leur permettre
d'accueillir graduellement des responsabilités
déléguées au niveau de l'application de la Loi sur la
protection de la jeunesse, on peut anticiper une évolution future qui
serait dans le sens du cadre de partage déjà proposé par
le ministère, mais on croit qu'actuellement les CLSC, qui ont eu des
classes difficiles à faire dans les intégrations au niveau de la
santé, qui auront des classes difficiles à faire encore dans
l'intégration au niveau social, cela fait tout de même des petites
entreprises qui progressent très rapidement en très peu de temps
et où, en termes de problèmes de gestion et d'organisation, c'est
lourd. Les embarquer dès le départ dans une problématique
aussi lourde que la protection de la jeunesse, sinon de façon
très graduelle et par petits cas, et justement avec des injections
légères qui sont effectivement nécessaires, soit par
transferts ou autrement, on pense que, éventuellement, ils pourront
prendre des responsabilités accrues, mais ce n'est qu'au prix d'une
observation très attentive de la situation, d'un contrôle et d'une
évaluation en cours d'année.
M. Bélanger: En d'autres termes - si vous me permettez de
compléter - notre objection par rapport au cadre de
référence n'est pas tellement une objection de fond sur le
principe même, mais beaucoup plus en fonction d'une réalité
que nous percevons et on ne voit pas - comme vient de le dire M. Guindon -
qu'on se ferme à une évolution qu'avec le temps les CLSC puissent
assumer davantage. L'analyse de la réalité nous amène
à dire sur ce dossier qu'il ne faut pas précipiter les choses. Il
vaut mieux, pour l'instant, laisser aux CSS la responsabilité
première.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. le
député de Gouin.
M. Rochefort: Merci, Mme la Présidente. Au départ,
je veux souligner que je partage grandement les préoccupations du
député de Laurier quant à la question des services sociaux
en milieu hospitalier. Je me permettrai de répondre à l'appel du
ministre et, au minimum, de lui faire la suggestion qu'on pourrait mettre un
groupe de travail
de la nature de celui qui nous a préparé le projet de
cadre de référence, qui pourrait se pencher sur cette question et
nous faire une analyse de la situation, des avantages et des
inconvénients des deux hypothèses qui pourraient être
envisagées et, par la suite, nous faire des recommandations. Une des
choses qu'on doit reconnaître tous ensemble, c'est qu'aujourd'hui on pose
une question de fond en abordant toute la question du cadre de
référence, du partage et des responsabilités entre les CSS
et les CLSC, sauf qu'il faut reconnaître, et je crois que la discussion
qu'on a depuis l'ouverture de nos travaux ce matin l'illustre, que, pour des
raisons qui se justifient sûrement, on refuse d'aborder un certain nombre
d'aspects fondamentaux du dossier. Il me semble qu'il faut être conscient
qu'un des dangers d'une telle approche, c'est qu'on se retrouve ici tous
ensemble dans un an, deux ans ou trois ans à se reposer encore une
série de questions importantes par rapport à la dispensation des
services sociaux au Québec. Un des constats qu'on risque de faire, c'est
que ce qu'on aura franchi à partir du cadre de référence
qui est présentement à l'étude, ce seront des
étapes intéressantes, mais que pour l'essentiel il restera
beaucoup à faire et qu'on aura tout simplement ajouté au retard
qu'on aura peut-être accumulé dans la solution qui doit être
apportée à une meilleure organisation des services sociaux au
Québec.
Une des questions que je voulais aborder avec la
fédération des CRSSS a trait aux ressources alternatives. J'avoue
que je suis un peu surpris de la façon dont vous en traitez dans votre
mémoire, du moins par rapport à l'absence d'allusion au
râle qui restera au CLSC par rapport aux ressources alternatives. Je suis
assez porté à être d'accord avec un certain nombre de
rôles que vous voulez confier au CSS dans le dossier des ressources
alternatives au niveau de la conception, du développement, de
l'accréditation, un peu ce que vous dites, mais, en même temps, je
me demande, et je veux absolument trouver une réponse à ma
question, quel sera le rôle qui restera au CLSC dans tout le dossier des
ressources alternatives. D'autant plus, comme vous le dites, que c'est une
orientation qui est de plus en plus acceptée, qui fait de plus en plus
consensus dans l'ensemble du réseau des affaires sociales au
Québec et qu'on veut le plus possible proche des citoyens, proche de
leur milieu naturel. Quand on pense au rôle que les CLSC exercent par
rapport au maintien à domicile, à l'évaluation des
personnes âgées quand vient le temps d'envisager le placement,
etc., je suis resté un peu sur mon appétit lorsque j'ai lu les
trois ou quatre paragraphes où vous traitez de cette question dans votre
mémoire, parce que d'aucune façon vous ne faites allusion au
rôle, à la fonction que le CLSC conservera et, donc, il me semble
qu'il y a une absence de cohérence par rapport aux fonctions
dévolues au CLSC ou, en tout cas, qu'on souhaiterait voir
dévolues au CLSC sur cette question.
M. Bélanger: M. Léger va vous répondre.
M. Léger (Michel): C'est une excellente question. Je pense
qu'on pourrait même l'élargir au niveau d'autres genres
d'établissements comme les centres d'accueil, les milieux hospitaliers,
le milieu hospitalier de courte durée ou psychiatrique, etc. Dans ce
sens-là, la position ou la proposition qu'on met de l'avant, c'est
beaucoup plus le rôle du CSS comme plaque tournante, compte tenu de sa
position régionale. L'apanage de la créativité n'est pas
donné exclusivement à ce genre d'établissement même
si on en retrouve beaucoup. Dans ce sens-là, si on revient plus
spécifiquement à votre question sur les CLSC, je crois que les
CLSC peuvent jouer un rôle éminemment important à
l'intérieur de cela en particulier dans le fait de proposer un certain
nombre de ressources à développer en fonction de besoins qu'ils
auront perçus, mais pour lesquels ils n'auraient pas forcément
l'expertise pour les mettre en place ou les supporter de façon
technique.
De la même façon, en termes de recrutement comme tel, si on
marque l'aspect du recrutement au niveau du CSS et d'une certaine fonction,
bien sûr, cela ne veut pas dire que si un CLSC dans son coin
connaît une excellente famille d'accueil il ne peut pas la
référer au CSS qui, lui, va voir, au niveau de
l'évaluation, si cette famille répond effectivement aux normes
minimales souhaitées pour tel ou tel genre de service. Donc, dans ce
sens-là, les CLSC peuvent jouer un rôle très actif. Ce
qu'on essaie de faire dans ce partage de responsabilités, c'est beaucoup
plus que des aspects d'évaluation, d'accréditation ou autres
soient faits de façon spécifique par le CSS en termes de
spécialisation. Cela n'implique pas du tout que dans la mise sur pied ou
même le travail dans le quotidien ou autre les CLSC ne soient pas
impliqués.
M. Bélanger: Je voudrais ajouter, si vous me le permettez,
qu'on connaît dans nos régions... Vous savez qu'à
l'intérieur même de nos régions on a quand même des
réalités sous-régionales et qu'il existe d'importants
déséquilibres dans les ressources entre les mêmes
sous-régions. Je pense, par exemple, qu'on pourrait parler de
Montréal dans le domaine hospitalier. C'est vrai pour beaucoup d'autres
réalités et d'autres aspects.
Il me semble que cette problématique
de ressources alternatives à l'institutionnalisation a une
très forte connotation régionale. C'est aussi dans cette optique
qu'une structure comme celle du CSS, qui est de dimension régionale, se
doit de jouer, à notre point de vue, un rôle important. Comme le
disait M. Léger, ce qui n'exclut en aucune façon toute la
responsabilité qu'on a toujours reconnue et qu'on continue de
reconnaître aux CLSC sous cet aspect.
M. Rochefort: J'avoue qu'on ne peut pas être en
désaccord avec la réponse que vous venez tous les deux de nous
donner. Toutefois, vous nous dites qu'il y a des responsabilités
régionales et il est clair que le CSS étant de niveau
régional, c'est à lui à jouer un rôle dans cela.
Cela n'exclut pas que le CLSC qui voudra jouer un râle le fasse. Cela me
laisse un petit peu insatisfait comme réponse. Je me dis que ce n'est
pas la façon dont on doit envisager cette question si on veut vraiment
que cela débloque un jour. Il faut dire plus, que s'ils veulent jouer un
rôle, on leur permettra de le jouer. On ne leur dira pas:
Mêlez-vous de vos affaires puisque cela ne vous regarde pas. Je me dis
qu'il faut être très précis, quant à moi, sur ces
questions et que les CLSC aient un rôle très clair, très
défini. D'autant plus qu'il faut être cohérent par rapport
à ce sujet. On dit qu'il faut de moins en moins institutionnaliser les
gens. Il faut de plus en plus les maintenir à domicile quitte à
avoir un certain nombre de ressources qui sont un petit peu entre les deux.
Même quand on dit qu'ils sont un petit peu entre les deux, on les voit
beaucoup plus proche du maintien à domicile, si on mettait cela sur un
graphique, que de l'institutionnalisation. À cause des fonctions,
à cause des rôles qui ont été joués par ces
deux organismes jusqu'à maintenant et par rapport à ce qu'on voit
dans le projet de cadre de référence, il me semble que le
rôle dynamique doit être beaucoup plus au CLSC qu'au CSS quant au
vécu quotidien, quant au recrutement des gens qui participeront aux
ressources alternatives, quant à la décision de placer les gens
en ressources alternatives qu'au niveau du CSS à qui, toutefois, je
reconnais un rôle un peu semblable à celui que vous
décrivez dans votre mémoire. Il me semble qu'il faut absolument
voir cela de façon plus précise.
M. Bélanger: M. Guindon va ajouter à notre
réponse, en espérant que cela vous éclairera
davantage.
M. Guindon: Sur la question des CLSC, d'abord, il faut savoir
qu'actuellement, sans que personne ne leur ait donné un mandat
spécifique à cet égard, c'est dans leur rôle
intrinsèque sur la dimension communautaire que de s'occuper des
ressources alternatives. Je pense que les témoignages nombreux qu'on a
pour des ressources reliées aux femmes en difficulté, à la
santé mentale et aux jeunes peuvent faire en sorte que,
déjà, les CLSC ont le pied dans la porte, et même assez
sérieusement, dans ce secteur-là. On ne les accrédite pas,
on les soutient, on leur réfère des bénéficiaires.
Dans le rôle que nous prévoyons dans notre mémoire, c'est
maintenu avec force, d'ailleurs. C'est logique, avec la future
réglementation qui viendra confirmer aux CLSC un rôle
d'évaluation des bénéficiaires. (12 h 15)
Je pense qu'on concentre tout le rôle du CLSC sur les
bénéficiaires eux-mêmes et non pas sur la structure ou la
ressource. C'est là qu'est la distinction importante dans ce sens que la
décision de référer peut être prise par le CLSC, par
le biais des comités d'admission au système qui serait mis en
place, à la suite d'une évaluation qui est faite du
bénéficiaire. Dans ce sens-là, le départage est
très clair: le CLSC s'occupe des bénéficiaires en
ressources alternatives, le CSS s'occupe d'accréditer les ressources
alternatives. Il n'y a pas de mélange entre les deux comme dans le
premier cadre de partage. Cela évite la confusion et assure un
rôle vraiment sérieux aux deux et vraiment bien assumé
selon nous.
M. Bélanger: II faut ajouter aussi qu'il y a de multiples
ressources alternatives qui sont loin d'être de caractère
strictement locales et qui dépassent les dimensions qui sont soit
sous-régionales, soit proprement régionales. C'est une dimension
qui est très importante aussi en termes de ressources alternatives. Dans
bien des cas, les plus importantes et les plus efficaces ne sont pas
strictement des ressources alternatives locales. Il faut donc tenir compte de
cela aussi.
M. Rochefort: Merci.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): J'aimerais vous poser
quelques questions pour terminer. On a beaucoup parlé du rôle
préventif et communautaire que devaient jouer les CLSC. C'est un peu
à partir de la carence de ressources observée qu'on dit qu'il
faut donner plus de ressources aux CLSC. On doit procéder à ce
qu'on appelle des interventions de première ligne, à des
transferts, parce qu'il semble qu'il y a encore des prises en charge par les
CSS qui normalement auraient dû revenir aux CLSC dans cet esprit de
services de première ligne et aussi, peut-être, pour leur donner
plus de marge de manoeuvre pour qu'ils fassent de la prévention et
développent l'approche communautaire. Vous parlez d'approche d'entraide,
de réseau de soutien. Quand je
regarde la division que vous faites, je suis d'accord avec vous et je
pense que là-dessus il semble y avoir consensus - je dis cela sous toute
réserve - à savoir que le critère milieu naturel et milieu
substitut créait beaucoup de problèmes au point de vue du respect
des individus, du respect de la relation d'aide, etc.
J'ai l'impression, par contre, lorsque vous dites qu'on transfère
tout ce qui est familial au CLSC, sauf la protection de la jeunesse, tout ce
qui est enfance au CLSC, le scolaire au CLSC... Si on écoutait nos deux
collègues, on aurait aussi transféré les services
hospitaliers aux CLSC.
M. Rochefort: II faudrait poser la question.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui, c'est cela. La
question reste posée. J'aimerais que vous me disiez si vous vous
êtes penchés sur le profil des clientèles qui sont
présentement desservies par les CSS par rapport aux clientèles
desservies par les CLSC.
Deuxièmement, vous avez fait totalement abstraction, sauf pour ce
qui relève de certaines lois, comme la Loi sur la protection de la
jeunesse, l'adoption, vous avez transféré presque globalement,
mis à part ce dont on discutait tout à l'heure, la
création de ressources alternatives, mais ce qui touche vraiment la
relation avec les individus qu'on veut aider, mis à part ces lois
spéciales, vous transférez tout aux CLSC. Il me semble qu'en
faisant ceci d'une façon aussi globale, vous faites abstraction des
notions de services de première ligne, ou services courants, et des
services spécialisés, quoiqu'il puisse y avoir chevauchement.
Dans la définition de services courants - comme en médecine aussi
- des hôpitaux spécialisés donnent aussi des services qu'on
pourrait appeler courants en d'autres circonstances. Qu'il y ait un certain
chevauchement, je le crois, mais j'ai l'impression que vous faites un transfert
quasi complet du courant et du spécialisé, mis à part ce
que j'ai mentionné tout à l'heure.
Est-ce que ceci permettra aux CLSC d'avoir l'expertise? Lors de la
commission parlementaire sur la protection de la jeunesse, il est devenu clair
- je pense que cela a été admis par tout le monde qui travaillait
des deux côtés de la table - qu'il s'était
développé une expertise. Dans le milieu scolaire vis-à-vis
des problèmes sérieux de comportement, il s'est
développé une expertise. Dans les cas de difficulté
profonde en famille, de cas chroniques, il s'est développé une
expertise. Je ne veux pas dire que, si vous mettiez des personnes en CLSC,
elles ne pourraient pas développer la même expertise. Il ne faut
pas oublier qu'il y a aussi un facteur de dilution dans le transfert
vis-à-vis d'un plus grand nombre de ressources qui sont limitées
au point de départ.
L'autre question, c'est: Dans quelle mesure les CLSC pourront-ils
remplir leur mandat qui est, puisqu'on y fait si souvent
référence pour justifier des choses ou pour ne pas en justifier
d'autres, fondamentalement un mandat d'intervention en première ligne
tant sur le plan social que sur le plan médical - avec une partie
chevauchement, je l'admets - et surtout développer ce qui
m'apparaît encore plus important dans cette philosophie qui... En tout
cas, est-ce pour des raisons économiques ou fondamentalement
d'idéologie - ce n'est pas dit dans un sens négatif - de
développer l'appui de la communauté, l'entraide, etc. Si vous me
dites quel est le type de clientèle qu'on va réellement
transférer des CSS aux CLSC, est-ce que ce sera encore possible pour le
CLSC de réaliser sa mission première, finalement?
M. Léger (Michel): C'est une longue question avec beaucoup
de volets.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui, je l'admets, mais le
temps passe et j'imagine que vous avez réfléchi à cela.
M. Léger (Michel): Peut-être, dans un premier bout,
l'aspect préventif et communautaire et l'aspect de la mission propre des
CLSC. Il est évident, dans notre esprit, qu'il y a là un pari. La
participation de la communauté, c'est beaucoup plus une attitude que,
parfois, des techniques différentes d'intervention. C'est beaucoup plus
cette espèce d'attitude. Cela ne veut pas dire que les CSS, autrefois,
n'avaient pas cette orientation. On a vu des CSS, dans les premières
années, qui avaient des services en intervention, en
développement communautaire et en prévention. Au fil des
années, ces services ont disparu en fonction des diverses compressions
budgétaires que le réseau a subies. Dans ce sens, l'aspect de
transférer les effectifs ne vient pas ipso facto faire en sorte que des
services de type préventif et communautaire vont se développer.
Donc, dans ce sens, c'est beaucoup plus le fait d'être dans un milieu -et
c'est pourquoi je parlais de pari tout à l'heure - comme le CLSC que des
pratiques professionnelles vont évoluer ou que des façons
d'intervenir auprès de différentes clientèles cibles vont
se modifier au fur et à mesure des années. Il est bien clair que
pendant les premières années, à la suite du transfert, ce
seront les mêmes personnes, ce sont les mêmes intervenants sociaux
avec la même formation de départ qui vont intervenir. Donc, il
n'est pas à espérer, dans un premier temps, qu'il y ait une
espèce de boom ou une espèce de retour important vers
l'aspect préventif et communautaire. Le pari, c'est de dire que
le CLSC avec sa mission, avec la prévention et le volet communautaire,
va faire en sorte que les gens immergés, en quelque sorte, dans ce
milieu vont commencer à intervenir de façon différente et
à se rapprocher d'un esprit préventif et de mise en lien des
services sociaux avec la communauté qui les environne. Je pense que
c'est important de mettre ces nuances au départ.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Au fond, ce que vous
dites, c'est qu'un autre objectif que vous visez et qui n'a peut-être pas
été exprimé autour de cette table, c'est celui de modifier
la pratique sociale.
M. Léger (Michel): Modifier... Disons lui permettre qu'il
y ait un volet additionnel qui se développe, qui revienne ou qui
reprenne surface au niveau de la pratique sociale, oui.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Mais ce n'est pas le fond
de ma question. C'est seulement une partie de la question. Je vous laisse
continuer.
M. Léger (Michel): C'étaient les premiers buts. Au
niveau des profils de clientèles par rapport à cela, j'aurais
besoin d'une précision quant à la question, parce que la question
était tellement vaste au niveau des profils de clientèles.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Pourquoi vous ai-je
posé la question en relation avec le profil de la clientèle,
c'est que, si le profil de la clientèle, actuellement, est très
différent du point de vue de la lourdeur des cas ou de la gravité
des cas entre ce que les CLSC reçoivent et ce que les CSS
reçoivent et que toute cette clientèle, demain matin - enfin,
demain matin, peu importe - était transférée au CLSC, non
seulement vous n'aideriez pas les CLSC à remplir leur mission qui doit
être l'aspect préventif et communautaire, mais, en plus de cela,
peut-être que cette clientèle gravement touchée ne
recevrait pas les mêmes services ou des services d'une même
qualité.
M. Léger (Michel): C'est une affirmation qui pourrait
faire l'objet d'une évaluation a posteriori. Par contre, ce qu'on peut
penser par rapport au transfert, c'est qu'effectivement les transferts se
feront en termes de transfert de responsabilités, mais aussi en termes
de transfert d'effectifs et, en même temps, de clientèles. C'est
un point qui n'a pas encore été abordé comme question pour
l'instant. Il y a aussi des questions que l'on peut se poser
là-dessus.
Mais, en termes de mise en relation avec d'autres types de services, je
pense qu'on peut escompter - là encore, c'est un pari - un lien au
niveau de la proximité d'autres types de services. Quand on parle de
prévention, cette prévention ne se fait pas in abstracto, au
hasard comme cela. Il y a des éléments qui se font à ce
niveau-là, mais la prévention se fait souvent à l'occasion
d'une maladie. Elle se fait souvent à l'occasion d'une crise au point de
vue social. C'est le fait de baigner dans un milieu de type préventif
que l'on pourra alors, au cours d'une crise ou d'une maladie, mettre en lien
avec un autre professionnel qu'on retrouve dans le CLSC et faire, à ce
moment-là, de la prévention.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je vous écoute et,
très honnêtement, d'ailleurs, vous dites, et vous l'avez
répété deux ou trois fois, que c'est un pari qu'on fait et
qu'on pourra évaluer a posteriori. Je trouve quand même que c'est
assez sérieux comme affirmation, mais, d'autre part, est-ce qu'il n'y
aurait pas lieu, en supposant que la décision continue dans ce
sens-là - enfin, c'est la vôtre, ce n'est pas celle du ministre,
je ne sais pas ce que ce sera - de partir sur une base expérimentale et
ne pas dire plutôt sur une base générale: On reviendra
peut-être à l'étapisme, mais avec certaines étapes
avant de dire que c'est généralisé, alors qu'il y a de
gros points d'interrogation auxquels on n'a pas répondu? Dans le fond,
on a beaucoup parlé ce matin de responsabilités à droite
et à gauche, mais ce qui m'intéresse, c'est vraiment le client ou
la personne qui reçoit un service. Il faut s'assurer que cette personne
ne sera pas pénalisée et que les autres à venir recevront
des services qui seront de qualité égale. Vous l'avez
soulevé un peu vous-même quand vous avez parlé d'expertise
au niveau des services sociaux scolaires. Je pense que cette question
d'expertise existe aussi dans d'autres domaines et qu'elle a été
développée au cours des années.
On parle des CSS comme d'une expérience d'il y a dix ans, mais on
peut parler aussi des agences sociales comme d'une expérience de 75 ans
qui a évolué, et fort bien. Ce sont quand même des
considérations sérieuses et je voudrais voir dans quelle mesure
vous avez examiné ces dimensions-là et dans quelle mesure vous
avez consulté, par exemple, la corporation professionnelle, parce que je
ne sais pas si on peut décider de changer la pratique professionnelle
des médecins aussi facilement que cela.
M. Bélanger: M. Guindon va continuer notre réponse
là-dessus, madame.
M. Guindon: Vous savez, vous abordez des points qui, je pense,
vont sans doute être repris par d'autres groupes qui vont passer
devant vous, mais j'aimerais clarifier certains concepts. J'ai
mentionné plus tôt qu'on n'avait pas utilisé de
façon explicite la dimension entre les services courants et les services
spécialisés. Les travailleurs sociaux -à moins que je ne
le sache - ne sont pas spécialisés au même sens qu'on va le
dire en médecine. Et, déjà, quand on parle de
spécialisés au niveau des services sociaux, on parle plus d'un
secteur dans lequel on a concentré ses activités que d'une
formation spécifique pour tel ou tel service.
L'autre chose, c'est que, lorsqu'on parle des clientèles comme
vous le faites, on risque de passer à côté du
problème de l'ensemble de la pratique sociale face à la
population en général et à la population démunie.
Dans ce sens, je crois que nous avons une approche qu'on souhaite
différente. Au niveau des CSS, la pratique est davantage axée sur
justement les clientèles toutes séparées et
catégorisées soit par milieu, soit par type de clientèle,
et on croit que déjà, parce qu'il se fait dans les CLSC - il s'en
fait dans certains CLSC, peut-être pas avec la même
intensité - des services sociaux, on croit que l'approche
intégrée de la dimension des services sociaux dispensés
à des individus, mais aussi de la dimension communautaire, va nous faire
perdre le préjugé qu'on a voulu répandre. Je ne
dénoncerai pas qui a répandu que la vocation spécifique
des CLSC, c'est celle du préventif et du communautaire, et que celle des
CSS, c'est celle de la restauration des situations individuelles de ceux qui
ont des problèmes majeurs. Je pense que c'est une erreur d'affirmer
cela. La vocation des services sociaux est globale, elle est
intégrée autant dans ses dimensions et ses interfaces sociales,
autant dans ses causes que dans ses effets. Qu'un même
établissement s'occupe des services de base selon une pratique
renouvelée à l'ensemble de la population, cela nous
apparaît plus intéressant, quitte à garder, pour les portes
d'entrée qui sont déjà définies par les lois, le
CSS dans un rôle spécifique par rapport à ces situations.
C'est un peu l'essentiel de notre réflexion qui n'est peut-être
pas transcendante dans le mémoire, mais qui est sous-jacente par rapport
à des discussions qu'on a eues.
M. Bélanger: Je voudrais ajouter à cela, si vous le
permettez, qu'en page 12 de notre mémoire on propose et on demande que
les régions soumettent un échéancier et un plan
d'implantation qui va varier. On le dit à la dernière phrase d'un
sous-paragraphe: "L'expérience de transfert de certaines régions
pourra ainsi servir aux autres régions où les
échéanciers seront plus longs." Déjà, c'est
partiellement une réponse à l'interrogation que vous vous
faisiez. Il est clair que l'opération ne se fera pas partout en
même temps et au même rythme et que l'expérience des uns va
profiter aux autres.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je pense qu'on va
être obligés d'arrêter nos échanges à ce
moment. Je veux vous remercier pour votre mémoire et pour toutes les
réponses que vous avez apportées.
La commission suspend ses travaux jusqu'à quinze heures cet
après-midi.
(Suspension de la séance à 12 h 33)
(Reprise de la séance à 16 h 16)
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): À l'ordre, s'il
vous plaît!
La commission des affaires sociales reprend ses travaux pour continuer
sa consultation auprès des organismes touchés par le cadre de
référence proposant un partage des responsabilités entre
les centres de services sociaux et les centres locaux de services
communautaires.
Le prochain organisme que nous entendrons sera la
Fédération des centres locaux de services communautaires du
Québec. Si vous voulez bien vous présenter, messieurs, et nous
faire la présentation de votre mémoire.
Fédération des CLSC du
Québec
M. Sénéchal (Marcel): Mon nom est
Marcel Sénéchal, président de la
Fédération des CLSC du Québec. Mme la Présidente,
M. le ministre, mesdames et messieurs les députés, j'aimerais
vous présenter les personnes qui m'accompagnent: M. Jean-Pierre
Bélanger, conseiller-cadre à la fédération; M. Yves
Léveillé, directeur général du CLSC de Saint-Hubert
et membre du conseil d'administration de la fédération; M.
Maurice Charlebois, directeur général de la
fédération; M. Paul Leguerrier, directeur général
du CLSC de Hull et deuxième vice-président de la
fédération; M. Jean Moyen, directeur du Centre de santé
Basse-Côte-Nord et membre du comité aviseur de la
fédération; M. Maurice Arsenault, premier vice-président
de la fédération et représentant des usagers; Mme
Andrée Bélanger, également membre du comité
exécutif de la fédération et représentante des
usagers.
Si vous me le permettez, compte tenu du temps qui nous est donné,
je vais faire une lecture rapide de notre mémoire.
Au nom de tous les centres locaux de services communautaires du
Québec, c'est avec plaisir que nous venons vous faire part du point de
vue des CLSC sur le projet du ministère des Affaires sociales
d'établir un nouveau partage des responsabilités et des
ressources entre les CSS et les CLSC, projet communément connu sous le
nom de Cadre
de référence CSS-CL.SC.
Le 21 décembre dernier, nous avons eu l'occasion de remettre
à M. Jean-Claude Deschênes, sous-ministre au ministère des
Affaires sociales, nos réactions dans le cadre de la consultation qu'il
conduisait alors sur ce projet. Outre le fait que nous croyons maintenant que
les services aux familles d'accueil devraient être rendus sur une base
locale, nous maintenons l'essentiel des positions que nous avons
exprimées alors et qui sont contenues dans le document annexé au
présent mémoire. Notre intervention devant la commission vise
surtout à rappeler la nécessité qu'une action soit prise
pour réorganiser le système de distribution des services sociaux
pour une décentralisation de ces services dans les CLSC.
Il nous semble opportun, au départ, de rappeler que
l'établissement d'un nouveau partage des responsabilités et des
ressources entre les CSS et les CLSC n'est pas une question nouvelle,
contrairement à ce que certains ont semblé croire lorsque la
première version du projet du ministère a été
rendue publique en décembre dernier. En fait, c'est une question qui
traîne sur le tapis depuis l'amorce de la réforme des services de
santé et des services sociaux. Compte tenu du contexte, il n'a jamais
semblé pressant jusqu'ici de régler cette question.
Historiquement, les CSS ont intégré tous les effectifs des
anciennes agences diocésaines même si les CLSC, peu nombreux au
départ, auraient dû en principe, selon la vocation que la
réforme voulait leur confier, recevoir une partie de ces effectifs.
D'ailleurs, un peu partout au Québec, depuis plusieurs années,
des CLSC tentent de s'entendre avec leur CSS en vue d'un partage des ressources
et ce, parce qu'il était entendu que les CSS assuraient en
suppléance les services dits de première ligne à la place
des CLSC. Ces discussions ont toujours été vaines et même,
dans le cas des auxiliaires familiales qui devaient joindre le programme de
services et soins à domicile dans les CLSC, à la suite d'une
politique ministérielle, il a fallu un arbitrage du ministère
pour compléter le transfert.
C'est pour résoudre ces difficultés qu'à l'hiver et
au printemps 1982 il y a eu des rencontres entre l'association des CSS, celle
des centres d'accueil et nous-mêmes pour essayer, par voie d'un consensus
commun, d'établir un nouveau mode de partage des responsabilités
qui aurait pu par la suite être proposé au ministère. Avant
donc de nous adresser au ministère pour réclamer un mode de
partage des responsabilités plus équitable pour les CLSC, afin
qu'ils puissent actualiser leur mission dans le champ socio-communautaire, nous
avons d'abord exploré la voie des discussions bilatérales.
À l'été 1982, dans sa directive 1982-076, le
ministère demandait aux conseils régionaux de consulter les
institutions de leur région dans le but d'élaborer des plans de
transferts des effectifs de première ligne des départements de
santé communautaire et des CSS vers les CLSC afin d'en parachever le
réseau, conformément à la politique de
parachèvement rendue publique en avril 1981. Ce processus a
été plus difficile à réaliser en matière de
services sociaux qu'en matière de santé où il est devenu
acquis, depuis déjà quelques années, que
l'exécution des programmes doit être confiée aux CLSC.
Devant les difficultés pour actualiser le regroupement des
ressources sociales dans les CLSC, conformément à la directive,
et pour donner suite aux mandats de nos membres qui s'étaient
prononcés sur la question lors d'une assemblée
générale tenue en 1979, nous avons adressé, en janvier
1983, soit il y a déjà plus d'un an, un mémoire au
ministre des Affaires sociales de l'époque, M. Pierre-Marc Johnson. Dans
ce mémoire, nous proposions un nouveau mode d'organisation des services
sociaux qui reposait sur l'idée de décentraliser les services
afin de les rapprocher des citoyens, d'une part, mais aussi, et surtout,
d'amener ces ressources à maximiser le recours aux ressources du milieu.
Nous estimions que le fait d'intégrer ces ressources dans les
équipes multidisciplinaires des CLSC était une garantie de
succès de cette opération et que le transfert de la moitié
environ des effectifs des CSS vers les CLSC aurait permis à ceux-ci
d'assumer leurs responsabilités de dispensateurs de services
socio-communautaires locaux.
Sans le savoir, à ce moment-là, une proposition similaire
était en gestation à l'étranger puisqu'en Angleterre la
commission Barclay était chargée, à la même
époque, d'étudier le système de distribution des services
sociaux et de proposer les solutions requises aux problèmes
identifiés. Cette commission devait conclure, au printemps 1983, qu'il
était devenu impérieux, en Angleterre, de décentraliser
les services sociaux afin d'en augmenter la souplesse d'action, mais, surtout,
afin de pouvoir mieux utiliser les ressources de la communauté.
En juin 1983, la Fédération des CLSC soumettait un autre
mémoire au ministre des Affaires sociales sur la question des services
sociaux aux jeunes. Cette intervention de notre part était faite dans le
cadre de la révision de la loi 24 et, aussi, de l'amorce, par le
ministère, de la préparation d'une politique
générale de services aux jeunes. Nous essayions alors de faire la
démonstration de l'application du concept de services
socio-communautaires locaux auprès d'une clientèle
spécifique.
C'est, enfin, en bonne partie pour répondre à ces
difficultés d'application de sa directive émise un an et demi
auparavant que le ministère soumettait à la consultation
des principaux intéressés la première version de
son projet de redéfinition des responsabilités entre CSS et CLSC.
Nous avons fait connaître formellement notre position dans un
mémoire soumis au sous-ministre le 21 décembre dernier. Il y
avait eu aussi consultation informelle des parties impliquées dès
novembre.
Il nous semble important, à ce stade-ci, que le ministère
et le ministre définissent l'orientation générale qu'il
faut donner au système de distribution des services sociaux au
Québec et qu'ils en articulent les grands principes d'opération.
Cela est important afin de permettre de tracer, dès maintenant, les
perspectives qui devront être suivies au cours des prochaines
années.
Si nous insistons depuis tant d'années pour que soient
redéfinies les responsabilités des CSS et des CLSC et que nous
continuons à croire qu'une telle modification est plus que jamais
opportune, c'est principalement à cause de deux raisons fondamentales et
interreliées. Certains ont déjà véhiculé,
à propos du projet de cadre de référence, qu'il avait
été élaboré principalement dans l'intention de
dégager des ressources des CSS aux seules fins de pouvoir parachever le
réseau des CLSC. C'est en partie vrai. Ces ressources, qui seraient
transférées des CSS, sont nécessaires numériquement
pour rendre viables les nouveaux CLSC qui seraient créés. De
même, une partie des CLSC existants, dont surtout ceux qui sont de
création récente, sont encore actuellement, principalement, des
centres locaux de santé, puisqu'ils ont peu ou pas de ressources
sociales. L'addition de telles ressources leur est donc indispensable pour
compléter leur vocation. Mais il y a beaucoup plus que cela. C'est la
décision même de parachever le réseau des CLSC qui rendait
nécessaire un jour une telle remise en question du partage actuel des
responsabilités entre CSS et CLSC. Ainsi, au départ - et le
projet du ministère y fait éloquemment référence -
la réforme des services sociaux supposait, dès 1972,
l'instauration de deux paliers de services sociaux, l'un situé au niveau
local, l'autre au niveau régional.
Ainsi, la commission Castonguay concluait à la
nécessité d'un palier local de services, situé près
des gens et des problèmes qu'ils vivent, en même temps qu'il
serait fortement axé sur la prévention, et je cite: "...en
accordant une priorité à la prévention - dira-t-elle - et
en logeant les services le plus près possible des milieux de vie,
d'évolution et de tension socioculturelles - à la base et au
coeur même des lieux concrets de notre collectivité - il est
possible de cerner les sources et les causes potentielles de
désintégration et de régression, personnelles et sociales,
et d'y apporter des réponses adéquates et adaptées
à chaque milieu, tout en poursuivant des fins positives de soutien et de
consolidation des liens socioculturels organiques."
La décision de parachever le réseau des CLSC implique
donc, dans l'esprit de la réforme, l'insturation d'un palier local de
distribution des services sociaux qui soit logé dans les CLSC. Le
regroupement des services et des effectifs dits de première ligne dans
les CLSC s'impose donc et c'est une des caractéristiques de la
réforme que de rationaliser les services par un tel regroupement.
On a parfois dit du projet de cadre de référence qu'il
s'agissait, sous le couvert d'une réforme administrative, d'un
changement aussi profond que la réforme Castonguay-Nepveu. Au contraire,
c'est l'achèvement même de la réforme des affaires sociales
qui suppose nécessairement l'instauration d'un nouveau partage des
responsabilités entre CSS et CLSC. Ne pas procéder à ces
changements et conserver à un niveau régional centralisé
l'essentiel des ressources d'interventions sociales constituerait en
réalité une contre-réforme des affaires sociales.
Compléter la réforme en matière de services
sociaux, c'est aussi, à nos yeux, établir la nécessaire
correspondance et interdépendance entre la santé et le social.
C'était là un des postulats les plus fondamentaux de la
réforme proposée par la commission Castonguay que de proposer une
approche multidisciplinaire à des problèmes dont les racines sont
tout autant multiples et complexes. Cette orientation que proposait la
commission est aussi fondée actuellement qu'elle pouvait l'être
à l'époque. Les problèmes de santé de la population
- c'est reconnu - relèvent de plus en plus de causes reliées
à l'environnement et aux conditions sociales de vie, d'autant plus que
les mutations économiques que nous traversons laissent des
séquelles: détérioration du tissu social, exclusion des
jeunes adultes du marché du travail, chômage chez les plus
âgés, situations familiales intenables, éclatement des
familles, augmentation de la violence sous toutes ses formes. (16 h 30)
L'autre raison principale qui milite en faveur de l'établissement
d'un nouveau partage de responsabilités entre CSS et CLSC réside
dans l'orientation de la pratique sociale. Celle-ci doit être
tournée vers l'utilisation maximale des ressources et des
possibilités du milieu. Déjà, en 1972, la commission
Castonguay insistait fortement sur cette dimension, comme on le rappelle dans
la dernière version du cadre de référence. Je cite: "II ne
s'agit évidemment pas de ressusciter artificiellement des formes
sociales désormais caduques. Mais le principe et la
nécessité de ce genre de solidarité humaine demeurent.
Sans vouloir créer ex nihilo de nouveaux organes, ni y
suppléer,
nous croyons qu'il est possible et essentiel d'établir des
structures d'encadrement et d'appui, qui permettront aux anciennes
solidarités qui subsistent, de se renouveler; à de nouvelles de
se créer et de se développer, en laissant une authentique
liberté d'action aux personnes, aux groupes et aux
collectivités."
Nous identifions généralement dans notre milieu cette
nouvelle approche des services que nous croyons nécessaire d'implanter
comme étant "communautaire". Ce n'est pas au premier chef une
définition théorique puisque les pratiques concrètes des
CLSC sont d'abord le fruit d'expériences pratiques, d'essais, d'erreurs,
mais aussi de succès plutôt que le résultat d'exercices
théoriques. Une partie significative de ce qui constitue aujourd'hui
l'essentiel de la vocation spécifique des CLSC est le résultat
direct d'une patiente construction par expériences.
Le principe général de réorganisation des services
sur une base locale et communautaire, comme nous le proposons, voudrait que
toute demande en service social puisse d'abord recevoir une attention
suffisante au niveau local. Nous avions déjà essayé de
cerner les principaux éléments de cette approche dans le premier
mémoire que nous avions soumis en janvier 1983. Il n'est pas inutile de
les rappeler brièvement.
Il s'agit, d'une part, de rapprocher les services sociaux des citoyens
et de la communauté où ils évoluent, mais aussi de
réorienter ces services vers un renforcement et une meilleure
utilisation des ressources de la collectivité. De façon
générale, on peut essayer d'identifier les éléments
suivants de ce nouveau mode d'organisation des services sociaux:
Les services sociaux locaux et communautaires doivent se retrouver dans
les CLSC.
Ils doivent être accessibles sur l'ensemble du territoire, ce qui
suppose donc le parachèvement du réseau des CLSC.
Ils doivent être, sur un territoire donné, les plus
accessibles possible, ce qui suppose une augmentation du nombre d'effectifs
sociaux dans les CLSC.
Ils doivent être près des milieux d'appartenance et
d'identification des usagers et ce, notamment en référence aux
municipalités régionales de comté, avec possibilité
de points de services encore plus décentralisés.
Ils doivent être visibles, souples, légers et
polyvalents.
Ils doivent véhiculer une approche globale des réponses
à apporter aux besoins des usagers et être articulés de
façon étroitement complémentaire aux services de
santé, d'organisation communautaire et autres qui seront aussi
distribués sur une même base.
Ils doivent donc être rendus par des équipes
multidisciplinaires dans toute la mesure où c'est nécessaire.
Ils doivent viser à une utilisation la plus rationnelle et la
plus économique possible des ressources, notamment en limitant le
recours à l'institutionnalisation et aux services
spécialisés à ce qui est nécessaire.
Ils doivent être basés sur la distribution de services
curatifs et ce, en particulier comme moyen d'ancrage dans la
réalité pour développer, à partir de cela, des
programmes de prévention ou d'intervention collective pertinents.
Ils doivent être axés de façon
équilibrée vers la prévention et l'éducation des
usagers, afin de favoriser leur autonomie et leur prise en charge dans toute la
mesure du possible.
Ils doivent viser à utiliser de façon maximale toutes les
capacités et les ressources du milieu où ils évoluent. Ils
doivent chercher à renforcer le tissu social existant dans toute la
mesure du possible.
Les services sociaux locaux et communautaires ne rejettent pas la
nécessité d'interventions individualisées. Ils cherchent
cependant à inscrire ces pratiques thérapeutiques dans une
perspective "développementale" qui repose sur la
complémentarité entre l'individuel et le collectif et la mise
à contribution des complémentarités
multidisciplinaires.
Un tel changement d'emphase vers des services locaux implique
évidemment que les CLSC acceptent la responsabilité des
problématiques dont s'occupent actuellement au niveau régional
les effectifs qui leur seraient transférés, mais la mise en
branle d'un tel processus suppose inévitablement une redéfinition
des approches utilisées dans la perspective de l'approche communautaire
que nous avons essayé d'identifier précédemment, car il ne
s'agit pas que d'un simple transfert d'effectifs et de "caseload", d'une
instance vers une autre. Si c'était le cas, il n'y aurait effectivement
pas grand-chose à gagner. Nous croyons au contraire que nous avons
globalement tout à gagner en cherchant à mettre en place une
approche équilibrée qui vise à développer et
à utiliser au maximum les ressources du milieu.
Mais il est aussi fondamental de souligner ici que le fait de
prôner le développement d'une approche communautaire n'est en
aucune façon un blâme direct ou indirect adressé aux types
d'approches développés par les CSS qui, dans un contexte
donné, étaient peut-être inévitables. C'est au
contraire reconnaître la nécessité d'adapter le
système de dispensation des services sociaux dans son ensemble à
de nouvelles réalités qui ne sont pas nécessairement
propres ni au Québec ni aux CLSC. Un très bon exemple nous en est
donné en Angleterre
par les conclusions auxquelles en est arrivé le comité
Barclay. L'analyse mérite d'en être brièvement
rappelée.
Le comité Barclay devait surtout analyser les rôles et
fonctions des travailleurs sociaux. Son mandat consistait d'abord à
reconsidérer les rôles et tâches des travailleurs sociaux
oeuvrant dans les services sociaux de nature tant publique que privée en
Grande-Bretagne. Il devait ensuite identifier, pour le bénéfice
du "Secretary of State for Social Services", les recommandations jugées
utiles. Ce faisant, le comité était tout à fait conscient
qu'il ne pourrait aborder les rôles et tâches des travailleurs
sociaux sans aborder, en même temps, tout le système de
distribution des services sociaux, le premier objet étant
profondément déterminé par le second. L'importance de son
rapport tient surtout aux trois contributions majeures qu'il apporte dans la
discussion sur les services sociaux.
La première consiste en l'insistance que l'on met sur la
nécessité d'un partnership à promouvoir entre les servives
sociaux formels et l'ensemble de ce qui est appelé le secteur
volontaire. La seconde est constituée d'une présentation
particulièrement explicite et éclairante de l'approche
communautaire dans le contexte de l'évolution récente des
politiques sociales et la troisième consiste en une présentation
du rôle des services en relation avec la communauté locale.
Le contexte général est d'abord analysé quant
à ses aspects économiques. Le comité prend d'abord note de
la croissance qui s'est exercée dans les coûts de l'ensemble des
services au cours des dernières années. Il accepte aussi le fait
que le volume des ressources publiques pouvant être affectées aux
services publics n'est pas illimité. Il accepte donc, en
conséquence, que des priorités de dépenses et
d'affectations de ressources doivent être établies et que tous les
efforts de rationalisation véritable doivent être poursuivis. Le
comité rappelle aussi, cependant, que la pression la plus
déterminante sur les services sociaux, si elle vient, entre autres, du
vieillissement de la population, ne provient pas surtout de facteurs
démographiques, mais bien de facteurs sociaux: croissance du nombre de
familles monoparentales, éclatement des familles, la violence, etc.,
auxquels facteurs il faut ajouter les effets dramatiques du chômage et du
sous-emploi qu'on commence d'ailleurs à peine à soupçonner
et à mesurer. De là, donc, la nécessité de ne pas
négliger la relation inverse entre la demande pour les services sociaux
et l'état de l'économie. Le comité insistera de plus pour
rappeler l'interrelation existant entre les divers secteurs de la vie en
société. On fait valoir que la qualité positive ou
négative des systèmes tels que la santé,
l'éducation, l'habitat, le logement, la protection et la
sécurité sociale a nécessairement des effets sur le
système de services sociaux et qu'une raréfaction des services
dans l'un ou l'autre de ces secteurs ne peut que conduire à un
accroissement de la pression sur les services sociaux.
Le comité conclut ses commentaires sur le contexte
économique en acceptant la nécessité de la rationalisation
des services, faisant valoir qu'à cause de l'interaction de divers
secteurs de la vie sociale la priorité d'affectation des ressources ne
va pas nécessairement vers les services sociaux. Ceux-ci, cependant, ont
la responsabilité d'intervenir pour faire valoir les situations sociales
intolérables. Ils doivent aussi réorienter leurs interventions de
façon à promouvoir et à utiliser les réseaux
naturels d'aide, à les considérer comme des compléments
essentiels au processus d'aide.
Il est de l'avis du comité Barclay qu'une nouvelle approche de
l'intervention de l'État et des services publics est présentement
en gestation: l'approche communautaire. Cette dernière postule que les
individus ordinaires ont davantage de potentiel, d'habileté et
d'intérêt pour s'aider et se supporter les uns les autres que ne
le supposait l'approche de l'État-providence. L'approche communautaire
exige, par ailleurs, le rapatriement au niveau des entités locales des
pouvoirs et de la décision. Les ressources spécialisées
des intervenants sociaux demeureront nécessaires, mais les politiques
d'intervention devront d'abord et avant tout viser à équiper et
à supporter les réseaux informels, lorsqu'ils existent, à
les créer ou à les développer lorsqu'ils sont inexistants
ou trop faibles.
La première tâche de l'intervenant social consistera donc
à stimuler l'entraide, à motiver et à aider les individus,
groupes et communautés locales à occuper leur place dans le
système et le processus d'aide. Il est important de signaler ici que
dans l'esprit du comité Barclay une telle orientation consiste moins
à retourner aux individus, groupes ou collectivités des
responsabilités que l'État ne veut plus ou n'a plus les moyens de
prendre; il s'agit plutôt de considérer ces acteurs, d'abord,
comme naturellement orientés vers de telles responsabilités et,
ensuite, comme particulièrement efficaces à s'en acquitter.
Si une telle perception des individus, groupes et collectivités
conduit les intervenants du système formel de services à une
responsabilité de support à cette tendance naturelle, elle les
conduit d'abord et avant tout à éviter tout comportement qui
conduirait à handicaper cette même tendance. Une telle perception
du rôle des "aidants naturels" dans le processus d'aide prépare la
voie à la partie finale du rapport intitulée "Les clients, la
communauté et le travail social." Celle-ci traite, entre autres, des
attentes des usagers par rapport aux
services et aux intervenants qui y travaillent, de la vision qu'en ont
les médias d'information, ainsi que de l'efficacité relative des
services sociaux. Y apparaît aussi une discussion sur les divers moyens
pouvant être utilisés pour le maintien des standards de pratique
et la protection des droits des usagers.
Selon le comité Barclay, la communauté n'est donc pas
seulement un système particulièrement dense de relations entre
individus ou groupes; c'est aussi, et de loin, le principal fournisseur d'aide
et de support à ces mêmes individus ou groupes.
La prise en considération d'une telle réalité
fournit la base pour un renouvellement majeur de la réflexion sur le
processus d'aide et sur le rôle que doivent y jouer les organisations de
services. Elle nous amène à nous interroger sur les
responsabilités d'aide aux aidants, sur les attitudes ou comportements
qui peuvent handicaper ou saboter un processus d'aide, sur les façons de
compenser ou de remplacer un système d'aide vu comme inefficace ou
dommageable à l'individu dans le besoin, sur les politiques et
programmes sociaux qui, trop souvent, et beaucoup plus souvent qu'on ne le
croit, non seulement n'appuient pas les systèmes d'aide
déjà en marche, mais les handicapent et même les sabotent,
quand ils n'exigent pas tout simplement la soumission et la
"déresponsabilité" complète du client avant de s'exercer.
Elle nous amène enfin à nous interroger sur les transformations
qui deviennent nécessaires dans les structures mêmes des services.
Selon ce rapport, en effet, il paraîtrait impossible que les services
sociaux soient véritablement communautaires sans être
structurellement intégrés aux communautés locales
elles-mêmes.
Ce mouvement vers la décentralisation des services à un
niveau local et la mise à contribution des ressources de la
collectivité locale n'est pas qu'une particularité exceptionnelle
de la société anglaise. Au contraire, on peut noter une
convergence certaine dans les analyses qui sont faites de l'évolution
prévisible des services et dans les nouvelles méthodes
d'expérimentation qui sont mises en oeuvre.
Ainsi, dans l'analyse globale qu'il livre dans son volume "La crise de
l'État-pro-vidence", Pierre Rosanvallon souligne qu'en France l'avenir
de l'Êtat-providence passe par trois propositions majeures: la
première, il faut débureaucratiser et rationaliser la gestion des
grands équipements et fonctions collectives; c'est la voie d'une
socialisastion plus souple.
La deuxième, il faut renouveler et aménager certains
services publics pour les rendre plus proches des utilisateurs; c'est la voie
de la décentralisation qui vise notamment à accroître les
responsabilités locales dans le domaine local, notamment.
La troisième, il faut transférer à des
collectivités non publiques, associations, fondations, groupements
divers, des tâches de services publics; c'est la voie de
l'autonomisation. C'est en partie ce que vise l'approche communautaire que les
CLSC veulent développer au Québec.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vous êtes rendu
à 24 minutes. Je veux bien vous laisser quatre ou cinq minutes pour
compléter.
M. Sénéchal: D'accord. Plus près de chez
nous, Jacques Grand'Maison ajoutait la semaine dernière à cette
analyse, à l'occasion de la semaine du bénévolat:
"Rappelons ici que notre système public moderne bâti durant les
années '60 avait été conçu comme outil, comme
tremplin pour développer des communautés, des milieux capables de
se prendre en main et d'engendrer leurs propres dynamismes sociaux, culturels
et économiques. Nous sommes loin du compte. Il est temps de
déplacer le centre de gravité: de l'échafaudage au pays
réel, là où les gens vivent. Un système qui a
détruit les communautés peut-il les faire renaître? Il faut
renverser la démarche, le mouvement, la pratique sociale et partir
désormais des milieux et communauté de vie." Vous verrez, dans
les pages qui suivent, d'autres références à des
mouvements et à des écoles qui sont plus
québécoises.
Je passe à la page 18: Miser sur les CLSC: un choix
réaliste. Pourquoi miser sur les CLSC? Les raisons de fond que nous
avons évoquées militent en faveur de changements importants afin
de parachever le réseau des CLSC et de mofidier l'orientation des
pratiques sociales. D'autres arguments vont aussi dans cette direction de
confier un rôle plus important aux CLSC en matière de dispensation
des services sociaux: les CLSC ont des avantages structurels importants, ils
assument déjà une présence significative au niveau de la
population et, enfin, ils font déjà montre de la
compétence nécessaire pour mener à bien une telle
opération.
Des avantages structurels. Les CLSC desservent des populations moins
importantes: 33 000 environ, en moyenne. Il leur est donc plus facile
d'être accessibles à la population, mais aussi d'être
à l'écoute de ses besoins et d'en connaître les ressources
et les responsabilités. Les CLSC ont aussi en moyenne moins
d'employés: moins de 75 employés en moyenne par CLSC. Les
territoires des CLSC sont aussi maintenant définis par les limites des
MRC, ce qui rendra encore la concertation plus facile avec les autres
intervenants du milieu. Enfin, les CLSC ont aussi un conseil
d'administration local. Cette autonomie leur permet de s'ajuster plus
rapidement aux priorités et aux particularités de chacun des
milieux.
La présence des CLSC dans leurs milieux. Les quelques
données suivantes tirées d'études récentes
illustrent la place que les CLSC occupent déjà et celle qu'ils
pourraient occuper. Dans un sondage que nous venons de rendre public et qui a
été fait par la firme SORECOM, trois Québécois sur
dix ont déclaré avoir utilisé les services d'un CLSC au
cours de la dernière année ou avoir été rejoints
par des activités d'éducation, d'information ou d'animation
communautaire. (16 h 45)
Sur les territoires où les CLSC existent depuis 1976 ou avant, et
sont donc mieux implantés, c'est un résident sur deux qui a eu
recours au moins une fois à son CLSC ou qui a été rejoint
par celui-ci au cours de la dernière année. Les CLSC sont donc
devenus de centres de référence significatifs pour la population
du Québec.
D'autres données tirées d'extrapolations faites à
partir d'échantillons représentatifs des CLSC, dont les
données sont informatisées, confirment ce que le sondage nous
révèle. Ainsi, un groupe de 69 CLSC ont ouvert, depuis leur
création, un total de 890 000 dossiers individuels, ce qui
représente 37,9% de toute la population qu'ils desservent. Une
projection faite à partir d'un groupe représentatif de 33 CLSC
permet d'évaluer qu'au cours de l'année 1983-1984 l'ensemble des
CLSC en opération aurait distribué 1 800 000 interventions
à 530 000 Québécois différents.
Si les CLSC sont devenus des pôles de services significatifs pour
les Québécois, ces derniers s'en montrent aussi satisfaits
puisque notre sondage démontre que plus de neuf utilisateurs sur dix au
cours de la dernière année se sont dits très satisfaits ou
satisfaits des services qu'ils y ont reçus.
Les CLSC ont su pénétrer leur milieu sur plusieurs fronts.
Notre sondage révèle que, l'an dernier, 6% des visites
médicales faites à des médecins omnipraticiens au
Québec l'ont été à des médecins oeuvrant
dans des CLSC, ce qui correspond à la proportion de médecins
omnipraticiens pratiquant dans des CLSC.
Je passe rapidement sur ce chapitre pour reprendre à la page 24:
Au-delà des chiffres... une question de compétence. Mais,
au-delà de ces chiffres, la confiance des CLSC dans leur capacité
d'assumer une plus grande part de responsabilité en matière de
dispensation des services sociaux repose aussi sur une pratique qui a
été établie concrètement et progressivement et qui
confirme l'applicabilité, en règle générale, des
propositions contenues dans le cadre de référence.
Sans prétendre faire un inventaire exhaustif de tous les faits
qui vont dans cette direction, les suivants méritent d'être
rapidement évoqués: certains CLSC appliquent déjà
un mode de fonctionnement qui se rapproche beaucoup des dispositions du cadre
de référence; c'est le cas au CLSC de la basse-ville. On y trouve
un programme d'intervention léger à court terme pour les
personnes ayant un problème: relation parent-enfant défectueuse,
problèmes de couple, mais où la situation ne s'est pas encore
détériorée. L'intervention y a donc un aspect
préventif. Les praticiens sociaux reçoivent aussi des
délégations de la Direction de la protection de la jeunesse; 15%
des dossiers courants, dans le cas, par exemple, où la famille est
déjà connue du CLSC. Enfin, environ le quart des dossiers sociaux
est constitué de cas à risque social élevé qui
demandent un suivi régulier et un appui important: mères
célibataires avec des problèmes psychiatriques, suicidaires...
Dans la mesure du possible, les intervenants du CLSC auront recours à
des ressources de soutien du milieu.
Là où un CLSC existe depuis longtemps et où il
dispose d'un minimum de ressources sociales, les usagers qui font face à
des problèmes d'ordre social auront tendance à se diriger d'abord
vers le CLSC, s'il est plus près. C'est évidemment le cas dans
les milieux ruraux où, surtout avec l'effet des compressions, les CSS
sont souvent moins présents que le CLSC, mais cela peut aussi être
le cas en milieu urbain. Ainsi, le CLSC de Montréal-Nord dessert une
population de près de 100 000 personnes. Il existe depuis longtemps et
dispose d'un minimum de ressources sociales. Quant à la filiale du CSS
qui est responsable de ce territoire, elle est située à
l'extérieur des limites du CLSC. Dans une étude récente
auprès d'un échantillon statistiquement représentatif de
son milieu, 6% des répondants ont déclaré avoir
consulté un spécialiste pour eux-mêmes ou quelqu'un de leur
entourage à propos d'un problème d'ordre social. Une
majorité significative de ces utilisateurs sont allés au CLSC,
soit 63%, plutôt qu'au CSS, 11%, ou ailleurs, 23%.
Certains CLSC ont établi d'excellentes collaborations avec le CSS
quant à l'opérationnalisation de certains programmes. C'est le
cas au CLSC du centre-ville de Montréal où une employée du
CSS y est affectée à temps plein pour l'évaluation des
personnes âgées. Pourquoi ne pourrait-elle pas être
intégrée au CLSC? D'autres CLSC vivent de telles situations. De
tels exemples pourraient être multipliés, mais ceux-ci suffisent
pour illustrer nos propos.
Quant à l'ampleur d'éventuels transferts, qu'en est-il
maintenant de la capacité des CLSC d'accueillir ces nouveaux effectifs?
Dans notre mémoire de janvier
1983 sur les services sociaux locaux, nous demandions des transferts qui
équivalaient à environ 50% de l'ensemble des praticiens sociaux
des CSS. Le tiers de ces transferts devait servir à compenser le
sous-équipement relatif des CLSC qui existaient déjà et
les deux tiers à équiper en praticiens sociaux les nouveaux CLSC
qui seraient créés.
En ce qui a trait au projet de cadre de référence du
ministère, nous avons officieusement entendu dire qu'il
entraînerait des transferts de l'ordre de 35% des effectifs des CSS. Des
proportions d'une telle ampleur peuvent surprendre, mais il faut bien
réaliser qu'elles ne feraient que permettre aux CLSC de s'approcher
à peine du niveau des CLSC mieux nantis.
Conclusion. Je conclus, madame.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vous êtes rendu
à 33 minutes.
M. Sénéchal: Conclusion: Depuis que la
première version du cadre de référence a été
rendue publique en décembre dernier, les réactions ont
été nombreuses. Certaines d'entre elles ont eu un
caractère plutôt émotif. Nous ne jugeons pas opportun de
les relever ici.
Quant à nous, nous avons préféré
éviter d'amener le débat sur la place publique et
préféré faire valoir le point de vue des CLSC à
travers les mécanismes habituels de collaboration avec le
ministère. Et les occasions n'ont pas manqué puisque nous en
sommes déjà à notre quatrième mémoire sur la
question depuis plus d'un an à peine. Nous avons tenté, à
travers toutes ces représentations, et encore aujourd'hui, de montrer la
nécessité de rapprocher les services des citoyens et de miser sur
les forces du milieu.
Dans un article sur le sujet, Mme Huguette Roberge écrivait dans
la Presse: "On peut féliciter les CLSC pour l'enthousiasme et le courage
qu'ils manifestent à la perspective de cette lourde succession
d'effectifs, de budgets ... et de tâches."
Nous pouvons conclure en assurant que nous sommes effectivement
prêts à assumer les tâches qui pourraient nous être
confiées, avec la mise en application du cadre de
référence.
Nous ne nions pas qu'une partie de la clientèle des CSS puisse
être détériorée socialement, mais c'est aussi le cas
d'une partie de celle des CLSC.
Dans ce contexte, l'adoption d'un projet finalisé de cadre de
référence constitue une étape nécessaire qui, quant
à nous, comme le titrait M. Jean-Louis Roy du journal Le Devoir dans son
éditorial du 28 janvier dernier, ne peut souffrir "Ni délai, ni
recul".
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Merci, M.
Sénéchal. Je vous remercie pour votre mémoire. Je dois
vous dire que je l'ai lu avec beaucoup d'attention. J'ai trouvé que
c'était un mémoire rempli d'enthousiasme à un point tel
que, parfois, il y a des absolus un peu forts à l'égard, par
exemple, de la pratique de d'autres professionnels dans les centres de services
sociaux. Je pense que c'est naturel: Votre plaidoyer pour le communautaire est
fondamentalement votre mission première mais peut-être à un
point tel que vous donnez l'impression que vous avez le monopole de
l'utilisation du milieu et que d'autres milieux ne l'utilisent peut-être
pas, ou enfin, que les autres sont fermés dans un bureau entre quatre
murs et apportent beaucoup d'activité en dehors du cabinet clinique, si
on peut dire.
Ce qui m'a peut-être le plus fait sourire - et je vous le dis
vraiment en taquinerie - c'est une partie de votre conclusion où vous
vous félicitez de ne pas être allé sur la place publique et
d'avoir joué les règles du jeu. Il faudrait peut-être
convenir que c'était assez facile pour vous à qui on donnait
possiblement plus que vous demandiez. C'est probablement plus facile d'agir
comme vous l'avez fait parce que, si la situation avait été
à l'opposé - ce n'est pas une question, mais je me pose la
question personnellement - est-ce que les CLSC seraient restés tout
à fait muets? Je me permets d'en douter.
Ceci étant dit, je voudrais vous poser quelques questions. On a
eu, ce matin, passablement de discussions sur la question des services de
première ligne, de la division des responsabilités entre un
niveau local et un niveau régional.
La première question: À la page 2 de votre mémoire,
vous expliquez, au deuxième paragraphe: Un peu partout à travers
le Québec depuis des années, on tente de s'entendre - mais ce
n'est pas le point - en vue d'un partage de ressources et ce, parce qu'il
était entendu que les CSS assuraient en suppléance les services
dits de première ligne, à la place des CLSC. Un peu plus tard,
vous revenez encore pour réclamer ce qui - d'ailleurs, vous avez tout
à fait raison de le dire - avait été prévu comme
étant de votre domaine, les services de première ligne.
J'aimerais savoir si c'est ce que vous demandez, que vous soit restitué,
d'une certaine façon, tout ce qui touche les services de première
ligne qui, présentement, pourraient être assumés par les
professionnels des CSS ou par les CSS. Deuxièmement, vous dites,
à la page 3, à peu près ceci: II devrait y avoir 50% des
effectifs, présentement dans les CSS, qui devraient aller vers les CLSC.
Est-ce que je dois en conclure.. D'abord, qu'est-ce que vous réclamez
comme retour vers les CLSC? Comment avez-vous établi vos 50%? Est-ce que
vous avez fait une étude pour dire que
c'est environ 50%? Je comprends que cela peut être 47% ou 51%;
mais vous avez quand même établi un ordre de grandeur de 50%. Sur
quoi avez-vous fondé ce chiffre?
Je vais vous poser tout de suite ma troisième question parce
qu'elle est dans le même sens: Vous expliquez, un peu plus loin, en pages
5 et 6, longuement votre conception des services sociaux locaux et vous
acceptez, selon Castonguay-Nepveu, deux paliers de services sociaux. J'aimerais
vous demander quels services directs aux bénéficiaires devraient,
selon vous, être dispensés aux niveaux local et régional.
Je pense que les trois questions sont courtes.
M. Sénéchal: En réponse à vos
commentaires préliminaires, de façon très brève,
l'intention... C'est peut-être le débat qui fait qu'on a
l'apparence de vouloir monopoliser toute l'intervention communautaire; loin de
notre idée de le faire. Tout ce que l'on dit, c'est que les CLSC, de par
leur pratique, de par la place qu'ils occupent auprès de la population,
ont développé, entre guillemets - on apprendra peut-être
plus tard que les expertises, cela se développe partout - "une
expertise" dans ce domaine de l'intervention communautaire. D'abord,
l'intervention communautaire, je pense qu'elle appartient aux
communautés et à la population. Et il y a aussi d'autres
établissements du réseau qui ont pu participer à des
projets de ce genre.
Quant à se féliciter de ne pas être allés sur
la place publique, c'est bien à ce stade-ci du débat qu'on ne l'a
pas fait et pour des raisons très précises. De fait, on pense
à une période très déterminée, entre janvier
et mars, où il y a eu quelques articles dans les journaux. On ne pense
pas que cela a été un véritable débat public et ce
n'est pas à ce genre de débat public qu'on voulait participer,
mais ceux qui revendiquent un débat public apportent aussi comme
argument qu'il s'agit là d'une réforme importante du mode
d'organisation des services sociaux au Québec. Et ce que nous
prétendons, c'est que ces discussions se sont faites depuis longtemps;
il y a eu des choix qui ont été faits, qui n'ont jamais
été réalisés dans la pratique. Il y a longtemps que
ce débat devrait être réglé. Les décisions
ont été prises. Il y a une réforme qui a été
mise de l'avant mais qui est une réforme inachevée. Ce que nous
proposons, tout simplement, c'est que la réforme soit achevée.
Donc, il ne s'agit pas d'une contre-réforme; c'est ce que nous avons
voulu démontrer dans la première partie de notre
mémoire.
En réponse à vos questions, la première en est une
belle. Est-ce qu'on revendique le transfert des services de première
ligne? Quand nous avons présenté notre mémoire au ministre
des Affaires sociales, M. Johnson, en janvier 1983, nous revendiquions plus que
les services de première ligne, mais nous sommes assez mal à
l'aise avec ces concepts de première ligne et de deuxième ligne.
C'est ce que nous avons tenté de démontrer, qu'il s'agit
là d'un modèle de distribution de services qui ne résiste
pas à l'expérience, ni à l'analyse. Il ne résiste
pas à l'analyse parce que les praticiens sociaux qui oeuvrent dans les
CLSC ont la même formation que les praticiens sociaux qui oeuvrent dans
les CSS. Ce sont des diplômés de collèges et
d'universités. Ils ont la même formation. On ne peut pas
répéter, dans le domaine social, le même modèle que
dans le domaine de la santé, ce qui fait que, si vous êtes
accessible dans un quartier donné ou dans une communauté
donnée, la personne se présente devant un de vos intervenants et
l'intervenant offre à la population toute sa compétence et toute
sa formation; en termes de compétence, il est capable d'aller aussi loin
dans son intervention que l'intervenant du CSS. (17 heures)
Dans la pratique, c'est cela qui arrivait, c'est-à-dire que ce
que disaient les CLSC, c'était: On regarde chez nous, pour des raisons
de compressions budgétaires, parce que le CSS a dû concentrer ses
ressources dans le cadre de l'application d'une loi, ces gens ne sont plus chez
nous, ils ne dispensent plus les services. C'est nous qui les avons
assumés avec les quelques compétences et les quelques ressources
que nous avions, mais il n'y avait pas un problème de compétence
et nous n'offrions plus un service dit de première ligne. Toute la
question de la spécialisation dans le domaine des services sociaux nous
apparaît, pour beaucoup, un mythe qu'il faut dégrossir - si vous
me permettez l'expression.
Nous proposions un tout autre modèle d'organisation des services
sociaux. Nous soumettions plutôt l'idée d'avoir dorénavant
des services sociaux locaux et des services sociaux régionaux,
conservant au niveau régional des services qui avaient avantage à
l'être pour, par exemple, des fins et des besoins de coordination,
d'autres, parce qu'ils étaient rattachés plus à des lois
d'exception et non pas à des lois générales de
distribution des services de santé.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Excusez-moi de vous
interrompre. Est-ce que je vous comprends bien? Vous avez dit au départ
que des gens prétendent que c'est une réforme en profondeur. Vous
avez l'air de dire, d'un côté, non, parce que c'est, dans le fond,
la mise en application de la commission Castonguay-Nepveu. Un peu plus loin,
vous dites: Non, on demande plus que ce la commission Castonguay-Nepveu disait,
puisque, vous-même, vous dites dans votre mémoire que
c'étaient les services de
première ligne. C'est une autre conception de l'organisation et
de la pratique sociales. Vous n'avez pas dit de la pratique sociale, mais c'est
dans votre dossier quelque part. À ce moment, ne peut-on pas parler plus
que d'une continuation ou plus que terminer la réforme Castonguay-Nepveu
et vraiment parler d'une réforme beaucoup plus en profondeur? Il me
semble qu'il y ait...
M. Sénéchal: ...pas l'impression d'innover à
ce niveau. Nous n'avons pas été les premiers à parler de
services sociaux locaux. C'est dans le rapport de la commission
Castonguay-Nepveu.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Non, mais eu égard
à la première ligne, les services spécialisés et
les services courants.
M. Sénéchal: Ce qui est - et nous essayons de le
démontrer dans le mémoire -déjà dans le rapport
Castonguay-Nepveu, c'est de rapprocher des citoyens tous les services qui ont
avantage à l'être. C'est ce genre de services que nous voulons
voir transférer dans les CLSC, de sorte que, si vous me ramenez sur le
modèle "services de première ligne, services de deuxième
ligne", on est incapable, ni concrètement, ni théoriquement, de
fonctionner dans ce genre de services.
Nous avons essayé de faire l'exercice, lors des discussions
bilatérales dont nous parlons au début de notre mémoire,
et nous avons demandé à l'association des services sociaux de
nous expliquer ce qu'étaient les services dits
spécialisés, ce qui risquerait de tomber et ce qui était
sur nos têtes. C'est quelque chose que nous avons
démystifié rapidement à partir de notre
expérience.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): À ce moment, vous
ne retenez pas ce schème de référence de la commission
Castonguay-Nepveu?
M. Sénéchal: Non, absolument pas.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Bon, c'est cela. Dans les
50% des effectifs...
M. Sénéchal: À votre deuxième
question... Je voudrais peut-être faire une remarque
générale et, ensuite, je donnerai la parole à M.
Charlebois.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord.
M. Sénéchal: Sur la question des 50%, je voudrais
faire plus une remarque générale sur l'opérationnalisation
du cadre de référence. Je pense qu'on a remis à tous les
membres de la commission l'annexe au mémoire. Dans cette annexe, vous
avez un dernier chapitre très bref sur l'opérationnalisation.
En juillet 1982, lorsque le ministère a transmis sa directive au
conseil régional, nous en étions à une étape
d'opérationnali-sation. On demandait des plans de transfert,
d'identifier quelles sont les ressources qui devront être
transférées dans les CLSC et d'établir un plan de ces
choses. Cela n'a pas fonctionné. Cela a bloqué parce que les
orientations n'étaient pas suffisamment précises pour permettre
aux conseils régionaux de faire leur devoir. Alors, nous sommes revenus
en arrière et nous pensons qu'il doit y avoir une première
étape fort importante qui est la clarification des orientations et des
critères de partage des responsabilités entre les CSS et les
CLSC.
La question de l'opérationnalisation est une question tout aussi
importante. À cette étape, il faudra étudier tous les
problèmes plus liés aux modalités, mais nous en faisons
une deuxième étape. Donc, on avait déjà
suggéré des chiffres; on parle de 50%, quant à nous. Mais,
je voudrais surtout vous dire aujourd'hui que ce n'est pas demain que le
transfert en bloc des services sociaux se fera; ce que nous trouvons important
de faire maintenant, le plus rapidement possible, c'est qu'on définisse
clairement le partage des rôles entre les deux, qu'on arrête les
orientations et qu'il y ait tout de suite une deuxième étape
où on étudiera toutes les modalités d'application.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vos 5Q%, à partir
de quoi les aviez-vous établis?
M. Charlebois (Maurice): C'est sur ce point que je voudrais
intervenir. En fait, il s'agit de 53% des cliniciens sociaux. Le chiffre
provient des états de situation du ministère des Affaires
sociales au 31 mars 1982, pour cinq centres d'activité pour lesquels on
suggère qu'ils soient décentralisés au niveau local. Cela
donne un total de 1800 postes de cliniciens, ce qui correspond à 53% des
effectifs cliniciens.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Les cinq centres
d'activité...
M. Charlebois: Les cinq centres d'activité que l'on
suggérait en janvier 1983 étaient les services sociaux aux
enfants et à la famille, les services sociaux aux adultes, y compris
l'évaluation du placement, les services sociaux aux personnes
âgées, y compris l'évaluation du placement, les
consultations conjugales et les services sociaux scolaires.
C'était en janvier 1983, au moment où on a fait notre
représentation au ministre des Affaires sociales, une proposition de
décentralisation des services. On suggérait que certains services
auraient avantage à
être dispensés au niveau local. On avait
suggéré une série de centres d'activité pour
lesquels, lorsqu'on identifie les postes selon les états de situation du
ministère, on arrive à ce chiffre de 53%.
Je voudrais ajouter quelque chose sur la question que vous avez
posée tantôt sur la commission Castonguay, à savoir, si on
remet en question les orientations de cette commission. Je pense qu'il faut
comprendre qu'au niveau des orientations la commission Castonguay était
très claire. Il fallait décentraliser. Je pense que cette
préoccupation devrait toujours être présente. Elle est
présente dans le cadre de référence et on essaie
d'indiquer finalement ou on soutient dans notre mémoire que c'est une
préoccupation qui est toujours d'actualité.
La question, c'est le critère. On a tenté, pendant
plusieurs années, autour du critère de services de
première ligne versus services de deuxième ligne, de faire le
partage. Il faut voir combien il y a d'effectifs à partir de ce
critère qui pourront être décentralisés vers le
niveau local. On s'est rendu compte que ce critère était non
opérationnel. C'est pourquoi on a suggéré un autre
critère, l'autre critère étant de fonctionner avec
d'autres concepts, soit le concept de services sociaux locaux versus les
services régionaux. Au niveau régional, les services qui
méritaient de demeurer à ce niveau, pour l'essentiel,
étaient des services qui avaient besoin de coordination. Quant au reste,
cela méritait d'être intégré au niveau local.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je vous remercie. Je
passe la parole au député de Shefford.
M. Paré: Merci, Mme la Présidente. Je pourrai
être plus rapide étant donné qu'on a déjà
répondu à une de mes interrogations.
À mesure que vous expliquiez le fonctionnement d'un CLSC, je
voyais dérouler ce que j'ai vécu chez nous, soit l'implantation
d'un CLSC. Pour ce qui est des avantages, effectivement on les retrouve dans
une population plus petite, ajustée à un territoire et à
des MRC partout, avec le temps. On retrouve la participation des gens
localement avec les conseils d'administration. C'est bien comme cela.
Finalement, la seule chose, c'est le partage des pouvoirs, le service
à donner à la clientèle. On l'a retrouvé ce matin,
il y a même un député qui l'a spécifié en
disant que l'important, c'est la finalité du service, comment les
structures, les institutions sont au service des citoyens.
On retrouve également dans votre mémoire que certains CLSC
ont établi d'excellentes collaborations avec les CSS quant à
l'opérationnalisation des services. C'est parfait.
On retrouvait dans la présentation de la fédération
des CRSSS, ce matin, que le service est basé sur la continuité,
l'unicité des services donnés pour un problème
précis. Lorsqu'on vous écoute, on constate que vous voulez baser
le système sur des besoins locaux et des besoins régionaux, si
j'ai bien compris.
Le partage est donc au niveau des services, plus près de la
population et, ensuite, plus éloigné. Est-ce qu'on ne risque
pas... Mon inquiétude, c'est qu'à cause de la continuité
et de l'unicité on doive doubler le personnel parce que, dans chacune
des institutions, on devra avoir des personnes spécialisées dans
chacun des domaines.
Au niveau un peu plus horizontal, c'est-à-dire, des institutions
locales et des institutions régionales, est-ce qu'on ne risque pas
maintenant, au niveau des utilisateurs, de compliquer la chose? Est-ce qu'on ne
risque pas de rendre cela plus complexe au niveau des utilisateurs?
Je ne sais pas si vous comprenez bien le sens. Ce n'est pas
l'unicité et la continuité, tel qu'on en parlait ce matin, au
niveau de la personne qui est touchée. Si son problème change et
évolue et que sa famille est touchée, cela demeure la même
responsabilité de l'institution où le problème a
été apporté alors que, maintenant, si cela est local et
régional, si le problème change, si d'autres personnes de la
famille sont touchées par le problème, est-ce qu'on ne risque pas
de chevaucher entre le CLSC et le CSS et de rendre cela plus compliqué
pour le citoyen qui veut aller chercher le service?
M. Sénéchal: On a l'impression de rendre cela moins
compliqué. En rapprochant les services du monde et des citoyens, on
s'aperçoit que les gens vont déjà beaucoup dans les CLSC.
On donnait des chiffres dans notre mémoire. Le réflexe qu'on a
toujours voulu voir se développer chez les citoyens, c'est qu'ils ne se
demandent pas quel genre de problème ils ont, s'ils doivent s'adresser
à telle institution ou à telle autre institution, etc. Le
réflexe qu'on veut développer, c'est, pour n'importe quel
problème: Si vous avez des difficultés ou des besoins,
adressez-vous à votre CLSC. Ce qu'on propose, c'est que le CLSC en
question ait les outils qu'il faut pour pouvoir répondre à
différents besoins. Bien sûr, à côté de cela,
il y a des lois d'exception. Il y a des services qui, pour des fins
d'organisation, ont avantage à être organisés plus sur une
base régionale. À ce moment-là, il faudra et il faut
référer. Ce que je pense, c'est que ce qui est proposé
dans notre mémoire marque beaucoup un grand progrès en termes
d'accessibilité. Cela répond déjà à une
pratique qui se développe de plus en plus au Québec, quand on dit
que le CLSC est devenu une source de référence importante pour
les citoyens. Cela veut dire
que, dans la pratique, on est beaucoup plus respectueux du citoyen qui,
pour lui, n'a pas un problème qu'il peut taxer ou identifier de
façon spécialisée ou de façon particulière.
Il connaît une difficulté, il a un mal de vivre, il a besoin de
quelqu'un, il s'adresse à son CLSC. Il travaille avec un intervenant du
CLSC. Selon la nature de ses besoins, il pourra être, si c'est dans le
cadre d'une loi d'exception ou dans des cas très précis,
référé à une autre institution sur un plan
régional. Mais, cela veut dire en pratique que, pour la majorité
de ses besoins, il demeurera au CLSC parce que le CLSC aura justement les
outils nécessaires pour répondre à ses besoins.
M. Charlebois: Je voudrais ajouter à ça que ce dont
on parle, le critère local et régional, c'est une proposition que
la Fédération des CLSC a soumise au ministre en janvier 1983 pour
essayer de dénouer l'impasse. On a dit au ministre: Écoutez, on
discute depuis longtemps. Je pense que tout le réseau est à la
recherche d'un critère et c'est ce qu'on a suggéré. Il y a
eu depuis des réflexions qui ont été conduites au sein du
ministère et un peu partout dans le réseau et ce dont on parle
aujourd'hui, c'est le cadre de référence. Qu'est-ce qu'apporte le
cadre de référence? Il apporte un nouveau critère qui
n'est pas la première ligne ou la deuxième ligne, qui ne sont pas
des services spécialisés ou des services généraux;
ce qu'il apporte comme critère, ce sont des services qui méritent
d'être rendus dans le milieu de vie versus des services qui sont rendus
dans un milieu substitut. Il y a donc un critère qui est
différent, qui est nouveau. Finalement, on n'a pas abordé
l'annexe à notre mémoire qui était la réaction que
nous avons soumise en décembre dernier au sous-ministre, M.
Deschênes. Nous sommes d'accord avec ce critère de milieu de vie
versus milieu substitut. Ce critère est relativement clair. La
population va savoir où s'adresser. Finalement, la population va
s'adresser au CLSC. La population s'adresse au CLSC. Lorsqu'il y a un CLSC sur
un territoire qui est annoncé, qui existe et qui est implanté
depuis un certain temps, la population se tourne vers là. Alors, l'effet
du cadre de référence, l'effet de la décentralisation, va
faire en sorte qu'au CLSC il y aura les ressources pour répondre
à tous ces besoins que la population exprimera. (17 h 15)
M. Paré: Si je comprends bien, l'entrée, le
début, l'ouverture que vous proposez, c'est toujours au CLSC. S'il doit
y avoir un service d'ajouté ou s'il y a un besoin pour des
spécialistes dans d'autres domaines, ils seront dirigés au CSS
par le CLSC. C'est exactement cela et cela répond à ma question.
Merci.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. le
député de Brome-Missisquoi.
M. Paradis: Mme la Présidente, comme je l'ai
demandé à l'organisme qui vous a précédé ce
matin, par qui le mémoire a-t-il été adopté? On
parle de la conférence des CLSC, de qui s'agit-il?
M. Sénéchal: II y a d'abord une assemblée
générale qui est l'assemblée souveraine de la
fédération et qui regroupe trois délégués
par conseil d'administration de chacun des CLSC qui se réunit une fois
l'an. Lors d'au moins deux congrès et deux assemblées
générales, cette assemblée générale a
adopté unanimement le principe du transfert des services sociaux. Plus
loin, il y a un conseil d'administration de la fédération qui
adopte ce genre de mémoire; celui-ci est composé d'un
représentant des usagers par région du Québec, de
représentants du personnel des CLSC et du directeur
général de la fédération. Le conseil
d'administration de la fédération est composé
majoritairement de représentants d'usagers. C'est le conseil
d'administration qui a le pouvoir d'adopter un mémoire du genre.
M. Paradis: Je fais référence à votre
document qui s'intitule "Un nouveau mode d'organisation du système de
distribution des services" de janvier 1983 et je reviens plus
spécifiquement à la page 24 dudit mémoire, lorsqu'on parle
des services qui seraient transférés des CSS vers les CLSC. Parmi
les cinq services que vous mentionnez, le premier, services sociaux aux enfants
et à la famille. Ce centre d'activité comprend aussi
l'évaluation du placement des enfants. De façon pratique, si on
retient le critère que vous suggérez qui est milieu de vie versus
milieu substitut, qu'arrive-t-il dans le cas d'un enfant qui a des
problèmes et qui est placé en institution et dans le cas d'une
famille dont on continue à s'occuper sur le plan local? Est-ce que c'est
le CSS qui va suivre l'enfant et le CLSC qui va suivre la famille?
M. Sénéchal: II peut y avoir plusieurs exemples et
plusieurs organisations différentes. Il y a sûrement, souvent, du
dédoublement juste au plan de l'évaluation des demandes. Quand
l'intervenant du CLSC est dans la famille et qu'une telle situation se produit,
il y a une évaluation qui est faite par l'intervenant. S'il a besoin
d'un placement, il va référer au centre de services sociaux.
Souvent, l'évaluation sera reprise par l'intervenant du CSS.
M. Paradis: Je sais qu'il n'est pas facile d'identifier un
critère qui va régler tous les cas mais j'essaie d'imaginer des
situations d'application. Si l'enfant qui est en
institution est suivi par un travailleur social du CSS et que la famille
continue à être suivie par un travailleur social du CLSC parce
qu'elle est à domicile, comment cette union, ce joint doit-il se faire?
Le but est de ramener l'enfant à domicile. N'est-ce pas plus difficile
s'il est suivi par deux professionnels?
M. Charlebois: Les gens peuvent se parler. Les deux
professionnels auront à garder les contacts. Je pense que le
modèle prévu est celui-là, c'est-à-dire que les
services qui sont rendus dans le milieu naturel... Le CLSC suit la famille. Un
enfant a un problème et il mérite d'être placé, le
CLSC évalue le besoin du placement et, s'il arrive à la
décision de placer, il réfère au CSS. Le CSS place; si
l'enfant est dans une institution, c'est un professionnel du CSS qui assurerait
le suivi. Il ne faut pas oublier que l'enfant est dans une institution
où il y a des gens qui vont s'occuper de lui; il n'y aurait pas
uniquement le professionnel du CSS, il peut y avoir également les
professionnels de cette institution. Pendant tout ce temps-là, le CLSC
continue à garder le contact avec la famille, prépare la famille
pour un retour parce que c'est là l'objectif. Si l'institution juge
à propos de ramener l'enfant, il y a des gens qui vont se parler.
M. Paradis: Ne serait-il pas mieux que ce soit ou bien dans le
CLSC ou bien dans le CSS et qu'il n'y ait pas de départage entre
l'enfant et la famille, que ce soit le même professionnel, le même
travailleur qui suive l'entité? Je ne demande pas si cela doit
être fait par le CLSC ou par le CSS, mais est-ce qu'il ne serait pas
mieux que ce soit à la même place, car il y a un suivi qui fait en
sorte qu'à un moment donné la famille est prête, l'enfant
n'est pas prêt, etc? Je veux bien croire qu'il y aura deux professionnels
qui se téléphoneront d'une boîte à l'autre,
j'imagine ce scénario. Ne serait-il pas souhaitable que cela soit tout
dans le CLSC?
M. Sénéchal: Vous faites la distinction entre le
souhaitable et le faisable. Pour ce qui est du faisable, ce que je peux vous
dire, c'est qu'il y a l'exemple concret dans le CLSC où je travaille,
où, effectivement, c'est un intervenant du CLSC qui s'occupe de l'enfant
pendant qu'il est dans sa famille naturelle, lorsqu'il a besoin d'un placement,
il communique avec l'intervenant du CSS, la décision est prise de placer
l'enfant, pendant que l'enfant est placé, l'intervenant du CLSC continue
à s'occuper de la famille et à restaurer et à faire en
sorte que les conditions de réinsertion de l'enfant soient
restaurées. À un moment donné, entre les deux, il y a une
décision pour que l'enfant revienne. C'est donc faisable, ce qui
était proposé dans le cadre de référence.
Maintenant, si nous nous demandons ce qui est souhaitable -
effectivement, on y a réfléchi - ce que nous proposons, c'est
qu'il y ait unicité d'intervention et que la famille d'accueil, puisque
les familles d'accueil sont aussi sur des territoires de CLSC et que les CLSC
interviennent déjà dans ces familles qui tantôt sont
familles naturelles et tantôt familles d'accueil, parce qu'elles
reçoivent un enfant, ce que nous proposons, c'est que le CLSC
effectivement suive l'enfant également en famille d'accueil, donc, qu'il
y ait un seul intervenant.
M. Paradis: Mais là, nous allons sur un plan plus local.
À ce moment-là, il y a de plus en plus de cas qui ne sont pas
nécessairement dans le même territoire du CLSC, mais avec le cadre
qui nous est proposé, sur lequel nous aurons à nous prononcer,
est-ce que je dis la vérité lorsque je dis qu'à ce
moment-là l'enfant, lorsqu'il sera dans sa famille, sera suivi par le
travailleur social du CLSC, lorsqu'il sera placé en institution; il sera
suivi par le travailleur social du CSS? L'on sait qu'il y a des enfants qui
partent de l'établissement, retournent dans leur milieu familial; est-ce
qu'ils vont changer de professionnel comme cela continuellement ou est-ce que
l'application pratique que je décris est complètement
euphorique?
M. Sénéchal: Si vous parlez de placement en centre
d'accueil d'un enfant qui est non pas en famille d'acceuil, mais en centre
d'acceuil, effectivement, il y aura l'intervenant du CSS qui exécutera
le travail qui se fait en centre d'accueil, et il devra y avoir aussi, à
un moment donné, réinsertion de l'enfant en milieu naturel
où est le CLSC.
Je ne pense pas que l'on puisse éviter toujours ce genre de
problème. Que l'on prenne le modèle d'organisation actuel des
services, avant le cadre de référence, que l'on prenne le cadre
de référence ou toute autre proposition, je pense que ce que l'on
peut prendre comme principe, c'est de faire en sorte que le plus souvent
possible il y ait unicité d'intervention, il y ait le même
intervenant, mais je ne crois pas que, quel que soit le modèle
d'organisation qui sera adopté, ce soit toujours possible. À ce
moment-là, cela veut dire que nous sommes dans un réseau, il
devra y avoir complémentarité, concertation, communication entre
les intervenants des différents établissements.
M. Paradis: Je vais vous le dire comme cela me vient. Mme la
Présidente me souligne, et à juste titre, car j'ai eu des
témoignages comme tels, que les familles d'accueil nous disent
qu'aujourd'hui elles sont
heureuses de faire affaires avec un seul intervenant, finalement,
plutôt que d'être véhiculées dans ce sens-là
et c'est une des préoccupations qui m'animent.
Maintenant, si nous prenons un autre point, si l'on parle de
consultation conjugale...
M. Sénéchal: De quelle façon les familles
d'accueil feraient-elles affaires avec plusieurs intervenants dans ce que nous
proposons?
M. Paradis: À partir du moment où la famille
d'accueil n'est pas dans le territoire du CLSC comme tel, elle va avoir affaire
à plusieurs intervenants. C'est souvent le cas.
M. Sénéchal: Moi, je prends l'exemple du placement
d'adultes et de personnes âgées à la basse ville. Souvent,
les familles d'accueil accréditées par le CSS ne sont pas sur le
territoire du CLSC. Il y a une entente entre le CSS et le CLSC afin que
l'intervenant du CLSC continue à suivre pendant un certain nombre de
mois la personne âgée qui sera placée en famille d'accueil,
pour bien s'assurer que l'adaptation à la nouvelle famille se fera bien.
Ce sont des choses qui sont possibles.
Nous parlons d'un réseau. Les CLSC, c'est aussi un
réseau;. ils peuvent communiquer entre eux. Si la famille d'accueil est
sur un autre territoire, il peut y avoir des arrangements entre CLSC afin que,
finalement, le bénéficiaire reçoive le meilleur service
possible.
M. Paradis: Non, je suis conscient que les CLSC, c'est un
réseau comme tel et surtout, lorsque nous aurons 166 CLSC, ce sera un
réseau plus complet. C'est préférable d'avoir 166
boîtes près de la population pour rendre des services sociaux que
d'en avoir 14 sur un plan régional. Avant d'en arriver là, il y a
des étapes. Il faut se poser des questions dans l'intérêt
du bénéficiaire. Je posais mes questions dans le sens du jeune
enfant qui, si on adopte la proposition telle qu'elle est formulée, va
se trouver véhiculé d'un travailleur social à l'autre.
Est-ce que c'est bénéfique? Étant donné que vous
êtes des experts en la matière, c'est pour cela que je vous avais
posé la question.
Quant aux consultations conjugales, ce service sera également
transféré.
M. Sénéchal: M. Moyen voulait...
M. Paradis: Mme la Présidente m'indique que c'est ma
dernière question. Si je vous laisse répondre... Vous y
répondrez en même temps et, là, vous empiéterez sur
le temps du prochain intervenant, pas sur le mien. Ce sont les règles du
jeu de la commission parlementaire.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Non, ce ne sont pas les
règles du jeu de la commission parlementaire d'empiéter sur le
voisin.
M. Paradis: Mme la Présidente, je vous remercie du rappel
à l'ordre.
Quant aux consultations conjugales comme telles, vous en faites
déjà dans certains CLSC. Est-ce que votre expérience
pratique sur le terrain vous démontre que les gens qui sont aux prises
avec des problèmes de relations conjugales préfèrent
être traités très près de leur milieu ou ne
préfèrent-ils pas être traités sur un plan un peu
plus régional, c'est-à-dire un peu plus loin de leur milieu? Je
vous pose la question parce que j'ai eu à pratiquer le droit pendant un
certain nombre d'années et on se rendait compte - et on s'en rend encore
compte dans la pratique où il y a des séparations, des divorces,
des problèmes matrimoniaux -que les gens choisissent, par instinct, un
avocat d'un endroit plus éloigné. Les gens ne semblent pas aimer
discuter ce genre de choses avec des professionnels qui habitent dans leur
milieu, qu'ils ont fréquentés dans des activités sociales,
etc. Ils semblent préférer s'éloigner. Est-ce que c'est
votre expérience ou si votre expérience va dans le sens
contraire?
M. Sénéchal: Pour ce qui est de la dernière
question sur les consultations conjugales, je pense que les gens aiment mieux
avoir des services qui sont situés à proximité. Les
résultats de notre sondage nous le démontrent, quel que soit le
type ou la nature des besoins qu'ils ont. Les problèmes qui sont
reliés aux relations conjugales sont également des
problèmes qui s'insèrent, la plupart du temps, dans d'autres
types de difficultés ou de problèmes. Je pense que, de
façon générale, les gens n'aiment pas se promener d'une
porte à l'autre dans un système et ils trouvent avantage à
avoir des services qui sont près d'eux. Cela répond à
notre expérience puisque, plus on a été capable d'offrir
en CLSC une gamme variée de services, plus on a retrouvé du monde
dans nos CLSC. Plus ceux-ci ont été accessibles, plus les gens
les ont utilisés. C'est ce que nous démontre le résultat
du sondage qu'on a fait. Il y a M. Moyen qui voulait intervenir pour
compléter.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Pour compléter.
Brièvement.
M. Moyen (Jean): Je vais essayer d'être bref mais je
voudrais redevenir très pratique pour tenter de rejoindre à la
fois l'intervention du député de Shefford et celle du
député de Brome-Missisquoi.
J'ai presque l'impression, à ce moment, qu'on assume au
départ que la population est
malade et que, de ce fait, elle sait déjà quelle est sa
maladie exacte. J'ai l'impression de revivre la réforme scolaire des
années soixante-dix au moment où, effectivement, on avait
tellement spécialisé l'école qu'il n'y avait plus personne
qui s'occupait, qui était ressource à l'enfant parce que celui-ci
devait obligatoirement savoir au départ à quel spécialiste
il pouvait référer pour l'aider dans sa démarche. (17 h
30)
Pour revenir à l'intervention du député de
Brome-Missisquoi, l'enfant qui a besoin de placement est rendu à une
mesure extrême de telle sorte qu'il a vécu et que le travailleur
social est intervenu et souhaitons-le, à l'aide de l'éducateur
qui est d'abord responsable de lui et de la famille, aussi responsable à
l'école, la famille étant le premier responsable. Il est
intervenu dans une démarche de relation d'aide au départ et ce
n'est qu'en bout de ligne qu'à ce moment-là on pense à des
mesures très souvent, hélas, judiciaires. On ouvre un tout autre
dossier. C'est comme si tous les gens qui se présentaient à
l'hôpital avaient au départ à rencontrer un
spécialiste avant de voir l'infirmière, l'omnipraticien, parce
qu'à ce moment-là on se réfère de façon
spécifique à un problème lorsque l'on parle d'un enfant et
que l'on va en milieu spécialisé, qui est le milieu d'un nouveau
foyer, comme vous l'avez dit tout à l'heure, dans la mesure du possible
avec un objectif de retour. Or, quand vous parlez de communication, elle se
fait au plan médical entre omnipraticiens et spécialistes; de la
même façon, le travailleur social, durant la démarche de
placement, est en communication continue avec le spécialiste responsable
du placement, avec un objectif commun de retour, parce que le travailleur
social devra continuer d'être en relation d'aide dans son milieu familial
et/ou scolaire, si c'est requis.
M. Paradis: Brièvement, Mme la Présidente, si vous
permettez, je ne parlais pas d'un transfert d'un spécialiste à un
généraliste. Je parlais surtout de transferts de
généraliste à généraliste.
M. Moyen: Oui, mais, à ce moment-là...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je dois vous
arrêter et donner la parole au ministre des Affaires sociales, à
moins qu'il ne veuille que vous continuiez la réponse.
M. Laurin: Je veux d'abord remercier la fédération
pour son mémoire; j'ai lu avec intérêt les autres qui ont
précédé. Celui-ci me semble encore apporter des
éléments nouveaux, qui vont sûrement éclairer la
prise de décision qui devra bien survenir un jour, plus proche que
lointain.
J'aimerais vous poser certaines questions, que l'on entend souvent
mentionner par rapport à ce partage des responsabilités. La
première, on l'a posée ce matin, d'ailleurs. Quel est le profil
des clientèles desservies respectivement par les CLSC et les CSS? Je
sais que certains CLSC n'ont encore que des services de santé ou de
prévention. Mais pour ceux qui sont quand même mieux
organisés, qui existent depuis plus longtemps, quelles sont les
clientèles qui sont desservies? Est-ce qu'il y a un chevauchement?
Est-ce que ce sont parfois les mêmes clientèles? Est-ce qu'il y a
des cas lourds parmi des clientèles desservies?
Ma deuxième question, qui découle un peu de la
première: On dit souvent: Si certaines clientèles,
particulièrement les clientèles lourdes, sont vues aux CLSC, il
est douteux que les CLSC, ne serait-ce qu'en vertu de leur jeune âge, de
leur inexpérience, soient habilités à dispenser à
ces clientèles lourdes des soins de qualité.
Troisième question, qui découle un peu de celle que je
viens de poser: Ne risque-ton pas ainsi de se priver de l'expertise
accumulée au sein des CSS depuis quinze ou seize ans, en les privant de
ces clientèles qu'ils ont appris, en tout cas, à traiter d'une
façon plus qualitative, plus adéquate, selon toutes les
règles de l'art et en fonction des résultats de recherches qu'ils
effectuent?
M. Sénéchal: D'abord, sur le profil des
clientèles, il y a un certain discours qui veut que les cas lourds se
retrouvent dans les centres de services sociaux et que, ce que l'on retrouve
dans les CLSC, ce soient les cas légers. Cela ne correspond pas à
notre expérience. Notre expérience nous démontre qu'on
retrouve aussi dans les CLSC une clientèle lourde; une clientèle
légère, bien sûr, parce que le CLSC va faire un travail
plus exclusivement de prévention, par exemple, auprès de
personnes âgées qui ont un degré assez élevé
d'autonomie, mais aussi une clientèle lourde et pour beaucoup. Je vous
en donne un exemple pour un CLSC. Dans la majorité des programmes qui
sont dispensés au CLSC de la basse ville, on retrouve des femmes qui
sont seules, responsables de famille, avec des enfants, de jeunes adolescentes
qui sont enceintes à l'âge de quinze ans, qui ont
été victimes d'inceste, qui sont victimes de violence, des jeunes
qui s'adonnent à la prostitution, qui s'adonnent au vol, au vandalisme,
des adultes seuls qui sont alcooliques, psychiatrisés,
ex-détenus, des personnes âgées
détériorées et confuses. Je suis presque certain
là-dessus que je pourrais prendre le profil de clientèles de
centres de services sociaux et que j'y retrouverais, en bonne partie, le
même profil que celui de clientèles qui s'adressent aux
différents programmes du CLSC car, souvent, dans plusieurs territoires,
les CLSC sont à
peu près les seuls à intervenir, toujours en faisant
exception des lois, des lois d'exception elles-mêmes et d'autres secteurs
de services où on a déjà prévu que, par exemple,
les demandes de placement étaient étudiées par les centres
de services sociaux et que le placement était décidé
à ce niveau.
Quant à la qualité des soins, une expertise s'est
développée en CSS; des interventions individuelles ou cliniques
qui sont sans doute des interventions de qualité y sont faites. Il y a
aussi, dans les CLSC et dans d'autres organismes de support et d'aide, des
interventions de qualité qui se sont développées au cours
des années par rapport à des clientèles lourdes comme
celles que je vous ai mentionnées. Des CLSC ont dû
développer une intervention particulière sur la base d'une
expertise particulière. Je cite le cas du CLSC de la basse ville; les
chambreurs sont une population très lourde; il n'y a pas plus
détérioré et démuni, dans notre
société, que ce groupe de personnes. Vous en avez entendu
parler.
Il a fallu développer, parce que nous étions
confrontés à cette clientèle et à ses besoins,
ayant dû pénétrer ce quartier, des interventions
individuelles et des services de support, s'occuper de déstabiliser un
réseau de prêt usuraire et développer un certain nombre de
services. Notre qualité de soins ne se définit pas seulement en
fonction de l'intervention individuelle qu'on a dû développer,
mais aussi en fonction d'une multiplicité d'interventions et d'une
mutidisciplinarité.
La qualité d'interventions que nous avons
développée en CLSC est fonction d'interventions individuelles et
d'animation communautaire qu'on a dû faire pour développer des
services et promouvoir aussi des ressources pour cette population.
Pour compléter ma réponse qui est reliée à
votre troisième question concernant l'expertise, je dirais que
l'expertise n'est pas l'affaire d'un niveau d'intervention. C'est souvent
l'affaire de gens, de professionnels ou de non-professionnels, qui
s'attaqueront à une clientèle, à un groupe d'âge ou
à un problème donné. Si, sur un territoire donné,
vous avez un problème d'inceste, vous avez de fortes chances de
développer une expertise face aux problèmes de l'inceste. Prenons
l'exemple de la Clinique Saint-Jacques à Montréal, de certains
CLSC face à des clientèles particulières, que ce soient
des femmes en difficulté, des chambreurs ou autres, qui ont
développé des expertises du même type que celles qui ont
sans doute été développées dans des centres
d'accueil ou dans des CSS. L'expertise n'est pas l'affaire d'un
établissement. Il s'agit d'être confronté à des
besoins d'un groupe ou d'une population donnée pour devoir en
développer une, si on se met en position de service et d'aide par
rapport à une clientèle.
M. Charlebois: Ce que j'aurais envie d'ajouter...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui, allez-y.
M. Charlebois: ...c'est qu'il serait important de dépasser
l'anecdote. Cela fait très longtemps qu'on discute du partage entre CSS
et CLSC et, effectivement, cette question, à savoir que la
clientèle d'un niveau de service serait plus lourde que la
clientèle des CLSC, revient sur le tapis depuis longtemps. Ce qui serait
intéressant, c'est d'avoir des chiffres, qu'on nous dise de quoi on
parle. Les CLSC, à partir de leur système informatique - et on
est capable de projeter...
Mais, il faut se rappeler que les CLSC ont quand même un nombre
relativement faible d'intervenants sociaux par rapport à l'ensemble de
leur personnel. À partir d'une projection qu'on a faite - et c'est
inscrit dans notre mémoire - ils auraient rencontré 50 000
usagers différents l'année dernière pour des
problèmes sociaux. Est-il concevable que 50 000 personnes se soient
présentées, à travers le Québec, dans le
réseau des CLSC, sachant toutes au départ que c'est un
réseau de services légers et que ces personnes ne se soient
présentées qu'avec des problèmes légers? Cela
m'apparaît tout à fait invraisemblable. On a là un bassin
de population qui a son importance, 50 000 personnes, et il y a toutes les
probabilités que dans cet échantillon de personnes on retrouve
toute la panoplie des problèmes, du plus léger au plus lourd. On
a évoqué dans notre mémoire qu'on a tenu des rencontres
entre les associations d'établissements pour essayer de faire une
entente sur le partage. On a tenté, à partir
d'échantillons un peu plus réduits, de comparer - toujours
à partir de notre système d'informations et d'une enquête
qui avait été faite dans un CSS -chez les clients qui se sont
présentés, pour quatorze CLSC par rapport à un CSS, quels
étaient les types de problèmes que les clients
présentaient. C'était absolument comparable, c'est-à-dire
que les gens qui se pointaient à la porte du CLSC ou qui se pointaient
à la porte du CSS avaient, grosso modo, des profils de problèmes
semblables.
Je pense que, si on veut mener cette discussion un peu plus loin, il va
falloir, à un moment donné, sortir des profils précis et
qu'on cesse d'être à un niveau très général
et d'affirmer que pour une institution c'est lourd et que pour l'autre
institution c'est léger. Les CLSC, depuis longtemps dans cette
discussion, ont le sentiment que ce qu'ils reçoivent comme
clientèle c'est une clientèle qui a exactement les mêmes
caractéristiques que celle qui se présente
ailleurs. Dans plusieurs territoires, le CLSC est le seul à
offrir les services sociaux. On l'a affirmé tantôt. Est-ce que,
dans ces territoires, les populations n'ont que des problèmes
légers? Est-ce qu'ailleurs, s'il y a une succursale de CSS, il y a des
problèmes un peu plus lourds et que la population se présente
là? Est-ce que la distribution des effectifs des CSS, à travers
le Québec, à travers les points de services, a été
planifiée en fonction des problèmes plus ou moins lourds qui
existaient dans un territoire ou l'autre? Je pense que ce sont ces questions
qu'il faut se poser. Il faut atterrir à un moment donné et
regarder les faits.
On a fait un sondage récemment, on l'a publié il y a
quelques jours. D'après ce sondage il y a 3% de la population qui s'est
présenté aux CLSC pour des problèmes sociaux. Est-ce que
sur les 3% de la population il s'agissait de gens qui avaient uniquement des
problèmes légers? Le même sondage indique que 6% de la
population se serait présentée aux CSS pour des problèmes.
On joue dans les mêmes ordres de grandeur. Je pense que c'est important,
je le répète, d'atterrir et qu'on nous parle de faits, qu'on nous
amène des chiffres. Cela fait très longtemps qu'on discute de
cette question. On s'est imposé des exercices du côté des
CLSC pour essayer de sortir des chiffres et, le plus récent, c'est le
bilan qu'on a essayé de faire, il y a quelques jours, sur nos services:
Comment rejoint-on la population, pourquoi les gens viennent-ils dans les CLSC?
Dans le même sondage on a demandé aux gens, face à neuf
situations problématiques, ce qu'ils feraient. Où
s'adressent-ils? Est-ce qu'ils s'adressent aux CLSC, aux CSS ou s'ils tentent
de régler le problème eux-mêmes ou avec leurs proches? Ce
qui ressort, c'est qu'il y a une forte propension, "dans la population à
tenter de régler les problèmes par ses propres moyens. Ceci
confirme notre hypothèse de travail disant qu'il faut renforcer ces
milieux, renforcer les réseaux naturels. Ce qu'indique également
ce sondage, ce qu'indiquent également les réponses à cette
question, c'est que la population se dirige presque indifféremment aux
CSS ou aux CLSC pour régler ses différents problèmes. Pour
certaines des situations problématiques, il s'agissait de
problèmes spécifiquement reconnus comme responsabilité de
CSS.
On a mentionné tantôt que, pour un sondage effectué
dans un territoire de CLSC, à Montréal-Nord, un CLSC qui dessert
100 000 de population - c'est une statistique qui correspond aux chiffres qu'on
a sortis au niveau national et qui correspond à d'autres projections
qu'on a faites - 6% de la population a consulté, l'année
dernière pour des problèmes sociaux, 61% des gens se sont
dirigés vers le CLSC, seulement 11% vers le CSS.
(17 h 45)
Est-ce qu'il n'y avait que 11% de ces personnes qui avaient des
problèmes lourds et qui savaient a priori où se présenter?
Cela ne résiste pas. La clientèle se tourne vers l'institution la
plus proche. La clientèle se tourne vers l'institution de service qui
est à côté de chez elle.
M. Laurin: Une autre question, Mme la Présidente. Nous
avons parlé ce matin des services sociaux scolaires. Je sais que les
CLSC sont déjà présents dans les écoles, par
l'infirmière dont les rôles, d'ailleurs, dépassent la
dispensation de soins infirmiers, si j'ai bien compris. Serait-il opportun
maintenant d'y faire entrer les travailleurs sociaux sous l'égide du
CLSC et, deuxièmement, ne risque-t-on pas ainsi de perdre, encore une
fois, l'expertise développée par les travailleurs sociaux qui
relèvent des commissions scolaires du fait de leurs longues
années de pratique et aussi du fait de l'encadrement dont les
travailleuses sociales peuvent disposer, lorsqu'elles relèvent du
CSS?
Mes questions sont brèves.
M. Sénéchal: Je serai peut-être en mesure de
répondre à cette question-là, mais avant je
répondrai par une hypothèse pour compléter ma
réponse sur l'expertise qui va aussi pour les services sociaux
scolaires.
Au moment où j'étais directeur des services
pédagogiques dans un cégep, nous avons eu, à un moment
donné, un problème de consommation et de vente de drogues. J'ai
réuni tous les professionnels pour étudier cette question. Il y
avait à cette réunion l'animateur socioculturel, le conseiller
d'orientation, le psychologue, l'aide pédagogigue, etc., ils
étaient une dizaine autour de la table. Je voulais régler ce
problème. Ce dont je me suis aperçu, c'est que tout le monde se
regardait et l'on cherchait le professionnel que nous n'avions pas
invité, car il semblait qu'autour de la table il n'y avait personne de
compétent pour résoudre cette grave question. Je me suis
demandé après quel professionnel j'avais oublié et quel
professionnel je devrais engager, quel spécialiste je devrais engager
pour régler cette question et j'ai eu l'idée de communiquer avec
des gens qui avaient une expérience dans ce domaine, qui étaient
des gens qui avaient oeuvré dans l'OPTAT, l'organisme d'alors. Je leur
ai expliqué le problème et je me suis dit: aurait-il quelqu'un
quelque part, un spécialiste qui est formé pour régler ce
genre de problème? La réponse que j'ai eue, qui est venue
très rapidement, c'est: Monsieur, vous êtes peut-être
capable de le régler, vous êtes peut-être la personne tout
indiquée pour le faire. Ce que l'on m'explique, c'est que l'on doit
consulter quelqu'un qui est capable d'entrer
en relation avec des jeunes, qui est capable de confronter les jeunes
dans les difficultés qu'ils vivent, dans les habitudes qu'ils ont,
quelqu'un qui est capable d'une certaine relation chaleureuse, mais en
même temps franche.
Donc, j'avais compliqué encore là, dans ma tête, un
problème qui est simple. J'ai l'impression que, dans le domaine des
services sociaux scolaires, l'on complique beaucoup les problèmes et
l'on cherche surtout des solutions très compliquées. Ce sont des
problèmes qui sont peut-être compliqués. C'est faux que,
par exemple, comme cela a été écrit dans une région
par un CSS à la commission scolaire, 36% de nos enfants dans une
région ont besoin de services sociaux spécialisés. Nous ne
sommes pas si malades que cela. M. Moyen.
M. Moyen: Deux brefs commentaires. Première
réaction, c'est que je comprends que, si la responsabilité
était transférée au CSLC, dans la pratique, j'ose croire
que le professionnel avec son expertise suivra la responsabilité qui a
été transférée de telle sorte qu'à ce
moment-là l'expertise que le professionnel a développée
dans le scolaire demeurera au scolaire, car je crois qu'il serait malvenu
d'utiliser dans un autre champ d'activité ce spécialiste.
Dans les faits, comment cela se passe-t-il dans l'école? Tant au
niveau primaire que secondaire, il faut comprendre que les commissions
scolaires ont leurs services aux étudiants, lesquels regroupent des
psychologues et tout autre spécialiste requis selon les besoins et la
dimension de la commission scolaire, et ce travailleur social n'est qu'un
élément additionnel qui s'ajoute et de plus en plus d'ailleurs au
scolaire, l'on favorise l'étude de dossiers à partir du
titulaire, car c'est lui la première ressource, ou elle, selon le cas.
Votre projet, lorsque vous étiez à l'éducation, je pense,
vient enrichir cette approche vers le milieu naturel.
Dans cette optique, l'encadrement et l'expertise - j'ose le croire - ne
se dissocieront pas d'un transfert de responsabilités. Cette
école est carrément, et tout à côté,
intégrée au milieu de vie naturel. Je n'ai pas cette
préoccupation de perte d'expertise, compte tenu que ces gens viennent
dans les CLSC pour répondre au besoin qui est celui du travailleur
social scolaire qui les suivra. Je ne veux pas présumer au
départ. Je ne pense pas qu'il soit opportun, à ce moment-ci, de
se poser la question: Est-ce qu'on en a assez ou pas? Cela, c'est autre chose.
Prenons l'actif qui est là. Dans l'école, actuellement, le
travailleur social - il ne faut pas se conter des histoires - vit
carrément, 99% de son temps, avec les professionnels de l'école.
Son encadrement, plus souvent qu'autrement, c'est de là qu'il
relève. Théoriquement, il se réfère à de
grands programmes. Cela ressemble aux négociations provinciales: tout le
monde est pour la vertu, mais, dans le domaine scolaire, il arrive que le
travailleur social vit le scolaire. Il n'est pas au niveau de la commission, il
est dans l'école. Heureusement, d'ailleurs, il s'intègre, dans la
plupart des cas, très bien.
M. Sénéchal: M. Moyen a travaillé une
vingtaine d'années dans une commission scolaire, cela paraît dans
sa réponse. Ce que j'ajouterais, c'est que la question de l'expertise
est évidemment reliée à la question de l'encadrement. On
peut assurer une certaine qualité d'intervention si les intervenants,
qui sont, la plupart du temps -je le souhaite, en tout cas - dans les
écoles plutôt que dans les CSS, ont besoin de se retrouver,
d'échanger avec d'autres intervenants du milieu scolaire dans d'autres
CLSC ou sur des territoires connexes. Il y a, à l'intérieur du
réseau des CLSC - qui, encore une fois, je le répète, est
un réseau -des occasions très fréquentes de rencontres,
d'échanges et de réflexions entre intervenants venant de
différents CLSC sur des problématiques communes. Par exemple, si
vous travaillez dans un CLSC auprès des femmes en difficulté, il
y a des rencontres qui sont organisées avec d'autres intervenants,
d'autres CLSC, qui travaillent auprès des femmes en difficulté.
C'est vrai selon les territoires. Il y a des CLSC qui s'allient - il y a des
alliances entre CLSC -parce que les caractéristiques, sur les
territoires de ces CLSC, sont communes et commandent le même type
d'intervention. Il y a un système d'entraide à ce niveau. M.
Leguerrier.
M. Leguerrier (Paul): Si vous me permettez, au niveau du
territoire où je travaille, dans la région de l'Outaouais, nous
n'avons pas de contrats de services avec les commissions scolaires en ce qui a
trait aux services de santé. Nous avons des contrats de services avec
les écoles, c'est-à-dire que la commission scolaire, en vertu
d'une politique de délégation d'autorité, a
délégué cette responsabilité au niveau des
écoles et c'est avec les écoles que nous discutons des services
à offrir. Donc, à ce niveau, la commission scolaire ne joue pas
un rôle d'encadrement. C'est l'école qui joue carrément un
rôle d'encadrement des intervenants dans le milieu de l'école. On
a 25 écoles à desservir sur le territoire de la ville de Hull et
ce sont elles qui ont les responsabilités.
Deuxièmement, les infirmières qui oeuvrent dans les
écoles n'ont pas perdu, à mon point de vue, leur expertise en
passant de l'unité sanitaire aux CLSC ou du Département de
santé communautaire aux
CLSC. Elles ont continué à travailler dans les
écoles et elles ont une expertise qui leur est reconnue. D'ailleurs, je
suis en mesure de voir régulièrement des collaborations qui se
font dans le milieu scolaire entre les infirmières du CLSC et le
travailleur social du CSS.
Je prends deux exemples précis: au niveau de certains programmes,
de formation en planification des naissances, l'infirmière et le
travailleur social interviennent ensemble et viennent chercher l'expertise de
l'équipe de planification des naissances: médecin, intervenant
psychosocial, infirmière, équipe qui est à
l'intérieur du CLSC et non pas dans les écoles; c'est
l'équipe du CLSC. Au niveau de toutes les expériences
rattachées aux drogues, l'an dernier, il y a eu, chez nous, une
expérience qui s'est faite dans une école polyvalente où
l'infirmière, le travailleur social, l'agent d'information du CLSC,
l'organisateur communautaire du CLSC, des groupes communautaires, un centre
d'accueil et la police sont intervenus ensemble. Ils n'avaient pas une
expertise plus particulière à ce niveau, c'est-à-dire
qu'on a fait une équipe d'intervention sur un problème
particulier dans une école avec le milieu, avec les enseignants de
l'école.
À mon point de vue, l'expertise va se conserver quel que soit le
rattachement dans la structure administrative. Comme le dit M.
Sénéchal, au niveau de nos autres intervenants, que ce soient les
médecins du CLSC, les nutritionnistes, les ergothéra-peutes, les
intervenants auprès des femmes maltraitées, les organisateurs
communautaires, tous, dans le cadre d'une région ou d'une
sous-région, se rencontrent, se fournissent des supports, de l'expertise
mutuelle à ce niveau.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. le
député de Notre-Dame-de-Grâce. Je demanderai le
consentement à 18 heures pour qu'on puisse continuer cinq minutes.
M. Scowen: J'aimerais vous poser quelques questions concernant
les services en langue anglaise. Je comprends bien et j'accueille votre
désir, soit l'idée de base du CLSC qui est de rapprocher le plus
possible les services du milieu. Parmi les nombreux problèmes
impliqués dans une telle décision, il y a la question des
services en langue anglaise. J'imagine qu'en principe - et c'est la
première question que je vous pose - une personne au Québec qui
désire recevoir les services sociaux ou de santé en langue
anglaise doit avoir le droit de les recevoir. Je ne sais pas si vous êtes
d'accord avec ce principe dans le cadre de vos objectifs globaux.
Comme on le sait, la langue anglaise et la langue française sont
différentes, la culture est différente. Le ministre et moi nous
entendons sur ce point. J'aimerais savoir jusqu'où vous êtes
allés dans vos réflexions concernant la livraison des services en
langue anglaise de la part des personnes de culture anglaise, des anglophones.
Dans la région de l'ouest de Montréal où vous avez une
forte concentration, dans la région de l'est de Montréal
où vous avez un grand nombre de personnes, même si elles sont
dispersées un peu partout dans la région, et,
troisièmement, dans les milieux ruraux où il y a un tout autre
genre de problème, est-ce que vous avez, comme organisation,
développé une politique précise concernant la livraison de
ces services? Sinon, où en êtes-vous précisément
dans les trois cas, dans vos réflexions à ce stade-ci?
M. Sénéchal: M. Charlebois.
M. Charlebois: À la dernière question, à
savoir s'il y a une politique précise qui a été
élaborée par l'organisation, non, il n'y a pas de politique
émanant de la fédération sur les services à rendre
en langue anglaise. Il y a effectivement un très fort bassin de
population anglophone dans l'ouest de Montréal et le centre-ouest de
Montréal. Que je sache, les CLSC, qui sont sur l'axe nord-sud de la rue
Saint-Laurent, desservent une population anglophone, mais aussi une population
de minorité ethnique dans le secteur de Côte-des-Neiges. Les CLSC
rejoignent généralement ces populations par toutes sortes de
programmes, forcément, dans plusieurs cas, dans leur langue d'origine,
et j'ai envie de dire que votre collègue de droite serait plus à
même que moi d'en parler.
Concernant plus spécifiquement l'ouest de Montréal, c'est
un secteur où il n'y a pratiquement pas de CLSC de
développés encore. La stratégie utilisée, ou le
plan d'implantation des CLSC qui a été utilisé par le
ministère depuis quelques années a fait que c'est surtout dans
les régions périphériques et dans les régions
rurales, les régions éloignées, que les CLSC ont
été ouverts. Maintenant, on a 124 CLSC d'annoncés sur les
166 possibles, et la région qui serait la moins bien
équipée, toutes proportions gardées, par rapport au nombre
de CLSC qu'elle doit avoir, c'est justement la région de
Montréal, l'ouest de Montréal plus particulièrement. (18
heures)
II reste que dans cette région il y a des projets de CLSC. On est
en contact avec différents comités promoteurs de ces CLSC.
Plusieurs de ces comités promoteurs sont effectivement des
comités composés d'anglophones. Il s'agit donc de groupes
anglophones qui sont à la base de la création d'un CLSC et qui
vont certainement imprégner à ces CLSC leurs besoins et leur
orientation. Il y a des CLSC un peu plus à
l'ouest, comme à Pierrefonds, par exemple, où il y a une
population anglophone qui offre des services dans la langue anglaise.
Dans les milieux ruraux, sauf peut-être l'Ouest du
Québec... Je ne sais pas s'il y a quelqu'un de l'Outaouais ici qui
pourrait apporter quelques précisions, à savoir si la
communauté anglophone reçoit les services dans sa langue.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Excusez. Un instant!
Avant de continuer, je voudrais demander le consentement des membres de la
commission pour que nous poursuivions un quart d'heure, si vous voulez.
D'accord?
M. Leguerrier: Effectivement, dans l'Ouest
québécois, nous avons aussi un pourcentage de gens qui parlent
anglais. Je vous donne un exemple. Au niveau des cours de
périnatalité, les anglophones avaient tendance à aller
chercher les cours à Ottawa où le service n'est peut-être
pas aussi adéquat qu'il l'est du côté du Québec.
Alors, cinq CLSC, on a regroupé nos effectifs pour offrir des services
en périnatalité aux personnes anglaises qui requièrent ces
services. On a regroupé ces services. Je sais également que, par
exemple, dans le CLSC d'Aylmer, tout le comté de Pontiac, il y a des
intervenants qui sont bilingues, qui parlent anglais. Dans toute la
vallée de la Gatineau également, il y a des intervenants qui sont
anglophones, de culture anglophone, qui travaillent avec le milieu et qui
offrent des services sociaux et de santé.
M. Charlebois: On peut passer d'Ouest en Est, il y a M. Moyen qui
est de la Basse-Côte-Nord; 80% de sa clientèle est anglophone, je
crois.
M. Moyen: Justement. Je voulais rappeler que la loi 101
prévoit dans ses prescriptions, particulièrement à
l'article 113f, si ma mémoire est fidèle, la possibilité
pour un établissement d'être reconnu comme devant desservir la
clientèle majoritairement dans une langue. En l'occurrence, sur notre
territoire, c'est l'anglais; langue seconde, j'entends. De fait, je me sens
tout à fait à l'aise de vous dire que le CLSC étant un
territoire local, près de la population, il a donc tout avantage
à s'adapter à la nature de la clientèle qu'elle dessert.
Chez nous, comme nous le disions, nous avons une population de plus de 80%
d'anglophones. C'est bien évident que, pour le
bénéficiaire, qui en a le droit, d'ailleurs, il est de notre
responsabilité de faire en sorte que les intervenants soient non
seulement en mesure de leur répondre, mais qu'ils soient en mesure de
les comprendre et de comprendre leurs particularités dans leur langue.
C'est la même chose pour les Montagnais et toutes les autres nations qui
vivent dans cette province. Je pense que les centres locaux de services
communautaires sont justement la structure idéale pour ce faire.
M. Scowen: Je vous remercie de vos réponses, qui ne
répondent pas exactement à ce que je cherchais. Quand j'ai lu
votre document, j'ai remarqué que votre style était
imprégné du désir d'établir des principes. C'est un
document qui est admirable à ce point de vue. Vous demandez, entre
autres, que les principes qui vont guider le partage des pouvoirs entre les CSS
et les CLSC soient clairs. Vous avez l'air de gens qui aiment parler de
principes. Je vous ai posé des questions sur les principes qui doivent
guider le réseau, qui doivent être établis pour que tous
les services soient rendus dans la langue anglaise au besoin.
Alors, vous nous avez répondu d'une façon admirablement
pragmatique, qui m'a surpris un peu, avec des anecdotes très
intéressantes, et je suis certain qu'elles représentent la
vérité et une réflexion de la situation dans les cas que
vous avez mentionnés. Cependant, je voudrais revenir un moment et vous
poser des questions sur les principes, car, lorsqu'on a des principes assez
clairs, on peut les appliquer dans les cas des nouveaux CLSC qui verront le
jour et dans les CLSC qui vont voir leurs pouvoirs augmenter.
Si je comprends bien, vous n'avez jamais établi les principes qui
doivent guider la livraison des services en langue anglaise aux personnes qui
désirent ces services en langue anglaise et qui, pour aller un peu plus
loin, veulent des services dits non francophones, ou anglophones, si vous
voulez, car il y a cet aspect culturel que tous sont capables de
reconnaître.
La première question que je vous pose est la suivante:
Pensez-vous que ce ne serait pas une bonne idée d'essayer
d'établir, dans des délais raisonnables, de tels principes pour
guider les décisions et les actions dans le réseau?
Deuxièmement, je vous demande si vous êtes d'accord avec moi que,
parmi ces principes, toute personne qui veut recevoir des services de
santé ou des services sociaux en langue anglaise doit avoir droit
à ces services en langue anglaise. Troisièmement, pensez-vous
qu'il y a aussi un aspect culturel dans le droit de recevoir les services non
seulement dans la langue anglaise, mais aussi des services anglais comme tels
qui sont une réflexion de la culture de la société dont la
personne est membre? Un tel aspect doit-il aussi faire partie d'une telle
déclaration de principe?
M. Charlebois: Bon, vous nous posez toute une série de
questions de principe qui, pour certains - j'en ai l'impression - n'ont pas
à être réglées par la Fédération
des
CLSC.
M. Scowen: ...aux usagers.
M. Charlebois: On peut avoir donné l'impression de vouloir
prendre beaucoup de choses, beaucoup d'expansion, mais quand même!
À un premier niveau, le CLSC est un centre local. Chacun des CLSC
a son propre conseil d'administration; chacun cherche à rejoindre le
mieux possible sa clientèle et ses clientèles prioritaires.
À cet égard, je pense qu'il revient - en partie, certainement -
à chaque conseil d'administration d'établir ses règles de
procédures et, peut-être, ses principes vis-à-vis de sa
population. Je pense que chacun des CLSC qui dessert une clientèle
anglophone, ou même les autres minorités ethniques, a pris les
moyens, effectivement, de rejoindre cette clientèle. Quant à
l'autre niveau, je pense que des principes généraux ont
été établis par le gouvernement. C'est un peu dans ces
principes qu'on inscrit nos actions. C'est dans ces principes et ces
directives, dans cette espèce d'encadrement, que les
établissements fonctionnent.
On vous a répondu d'une façon pragmatique, parce que je
pense que c'est à ce niveau qu'on peut vous répondre. J'ai envie
de vous relancer une question: Y a-t-il des problèmes?
M. Scowen: Oui. Je ne veux pas apporter une réponse
à votre question, mais je vais vous poser une autre question en guise de
réponse.
Une voix: That is how you play tennisl
M. Scowen: II y a un groupe de travail sur les services sociaux
dans la langue anglaise...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je m'excuse, M. le
député de Notre-Dame-de-Grâce...
M. Scowen: Mon temps est écoulé.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): ...il est un peu
dépassé même.
M. Scowen: Dans ce cas, je vais arrêter. Il n'y a pas de
problème.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Bon, merci. M. le
député de Gouin...
M. Rochefort: Pas plus de dix minutes, Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Non, parce qu'il reste
huit minutes.
M. Rochefort: La première question que je veux poser
à la Fédération des CLSC reprend une affirmation que vous
avez faite au début de votre intervention, à la suite de la
présentation de son mémoire, un peu sous forme de boutade, mais
que je reprends sérieusement. Mme la députée de l'Acadie
vous a dit que, finalement, on comprend que vous ne soyez pas trop intervenus
sur la place publique parce que le cadre de référence vous
donnait beaucoup et peut-être même plus que ce que vous souhaitiez
obtenir. Je voudrais vous poser la question sérieusement. Est-ce que
vous avez le sentiment que le cadre de référence vous accorde
plus que ce que vous ne souhaitiez obtenir? Plus précisément,
est-ce que vous avez le sentiment que le cadre de référence vous
accorde plus que ce que vous n'auriez obtenu si, au moment de la mise en
application du rapport de la commission Castonguay-Nepveu, notamment au niveau
des services sociaux, l'ensemble du Québec avait été,
dès ce moment, couvert par des CLSC?
M. Charlebois: Je réponds non à cette question.
M. Rochefort: J'aimerais que vous développiez un peu.
M. Charlebois: C'est l'ordre. Je me suis placé au micro
avant M. Sénéchal.
M. Rochefort: Sans que cela ne m'empêche de vous poser une
deuxième question par la suite.
M. Charlebois: La question, c'est de savoir si on n'est pas
intervenu parce que le cadre de référence en donne plus que ce
que les CLSC ne demandaient. C'est inexact. Les CLSC ont déposé,
en janvier 1983, un mémoire au ministre - on en a parlé un peu
plus tôt - dans lequel on indiquait qu'il devrait y avoir plus de 50% des
cliniciens -on parle bien des cliniciens - qui doivent passer aux CLSC et on
disait qu'il faudrait que les personnels de soutien et d'encadrement soient au
prorata.
Le cadre de référence, on le trouve satisfaisant au niveau
des principes, au niveau des orientations, au niveau des critères. Dans
le cadre de référence, cependant, il y a peu d'indications sur le
nombre, sur les effectifs. D'ailleurs, la conférence des conseils
régionaux, ce matin, a clairement fait ressortir qu'il y a tout l'aspect
opérationalisation qui est à faire, dans un deuxième
temps, sauf qu'il y a des chiffres qui ont circulé. Le chiffre qui
circule et qu'on n'a jamais reçu officiellement, c'est qu'il y aurait
autour de 30% à 35%, peut-être 40%, de transferts. Ce n'est pas ce
que la Fédération des CLSC a demandé. Donc, ce n'est pas
pour cette
raison, parce que le cadre de référence aurait
donné plus que ce que la Fédération des CLSC voulait,
qu'on s'est tu. La raison, c'est qu'on considère que toute cette
question de réaménagement, de redéploiement des effectifs
dans le réseau des affaires sociales est une question strictement
administrative. Plusieurs ont dit: Ce n'est pas une question administrative,
c'est une question de principe, c'est une question de réorientation de
politiques. On soutient que ce n'est pas une question de réorientation
de politiques, c'était inscrit dans la loi qu'il fallait
décentraliser, qu'il fallait miser sur les communautés.
C'était inscrit déjà en 1972 et on est rendu à
cette étape. Le simple parachèvement des réseaux des CLSC
oblige à une telle décentralisation des effectifs.
M. Rochefort: La deuxième partie de ma question: Si,
dès la mise en application des recommandations du rapport de la
commission Castonguay-Nepveu en ce qui a trait à la dispensation des
services sociaux, on n'avait pas pris un grand nombre des services sociaux pour
les confier aux CSS en attendant la mise en place des CLSC, mais s'il y avait
eu la création de 166 CLSC en même temps que les quatorze CSS,
est-ce que vous avez le sentiment que le résultat, que le partage qui
aurait été effectué, à ce moment-là, serait
équivalent, inférieur ou supérieur à celui que vous
propose le cadre de référence qui est ici à
l'étude?
M. Charlebois: J'ai le sentiment qu'il serait supérieur.
J'ai le sentiment qu'on aurait placé, au niveau local, les effectifs
pour répondre effectivement aux besoins de la population. La question de
savoir combien d'effectifs doivent demeurer à un autre niveau, c'est une
question qui vient dans un deuxième temps, dans la logique des choses,
parce qu'il faut se rappeler qu'au niveau local il s'agit de services
généraux, de services de base. La proposition du cadre de
référence, c'est que les chiffres, les hypothèses qui ont
circulé vont quand même conduire à la situation suivante:
c'est qu'il y aurait uniquement 35%, si c'est le cas, des effectifs
affectés aux services dits généraux et 65% des effectifs
affectés aux services dits spécialisés. Est-ce que ce sont
les rapports normaux dans la distribution des effectifs? Quand on pense au
domaine médical, par exemple, la proportion des spécialistes par
rapport aux généralistes, si jamais on se ramenait à ce
modèle... (18 h 15)
M. Sénéchal: Même si nous ne voulons pas,
à ce stade-ci, entrer dans des questions d'opérationalisation,
j'aimerais ajouter, pour compléter la réponse qui a
été donnée sur la demande de janvier, que, lorsque nous
parlions de 50% des ressources, nous n'avions pas encore présenté
notre mémoire sur la protection de la jeunesse, qui a été
présenté en juin 1983, et nous n'avions pas fait cette discussion
sur les familles d'accueil. Nous sommes loin de ce qui nous serait
présenté dans le cadre de référence.
M. Rochefort: Un deuxième sujet que je voulais aborder, et
j'imagine que ce sera le dernier à cause du temps qui court, c'est la
question des urgences sociales. J'ai relu tantôt, pendant votre
présentation, la partie de votre mémoire qui concerne ce sujet.
Je suis allé me référer à ce que l'on retrouve dans
le cadre de référence. J'avoue que, moi aussi, j'ai un
préjugé favorable quant à l'idée de confier la
responsabilité des urgences sociales aux CLSC, même si je crois
que, dans une région comme Montréal, cela exigera qu'il y ait une
mise en commun des services. Je ne crois pas que ce soit utile, en tout cas,
sûrement pas essentiel, que tous les CLSC offrent des services d'urgence
sociale 24 heures par jour à Montréal. Il y aura moyen de
regrouper un certain nombre de services. Il est clair que, je pense,
l'orientation est juste. Toutefois, on maintient dans le cadre de
référence un certain nombre de responsabilités au niveau
des CSS, notamment celle de mieux préciser quel pourrait être le
partage des responsabilités entre le niveau régional et le niveau
local quant aux urgences sociales.
Je remarque dans votre mémoire que vous vous inscrivez un peu en
opposition à ce mandat que l'on confierait aux CSS et vous demandez
plutôt de le confier aux CRSSS. J'aimerais vous entendre un peu pour
savoir quelle est votre attitude à vous autres, comme
Fédération des CLSC, et donc précisément comme
CLSC, quant aux problèmes et aux solutions qui devraient être
apportées au problème des urgences sociales. Moi, je pense que
là-dessus - je vous le dis comme je le vois - autant, je le
répète, je suis favorable à ce que l'orientation
relève du niveau local, autant je n'ai pas le sentiment que
jusqu'à maintenant les CLSC ont rempli leur mission quant à la
possibilité qu'ils avaient de remplir cette mission par rapport aux
ressources qui étaient à leur disposition pour ce faire. Donc,
pour l'avenir, je pense qu'en termes d'orientation c'est évident que
cela devrait être de votre responsabilité. Quand je regarde la
façon dont cette responsabilité a été
assumée par les CLSC jusqu'à maintenant, j'avoue qu'entre les
principes et la pratique j'ai des hésitations.
M. Sénéchal: Sur la pratique, en tout cas, il y a
un résultat du sondage qui est fort encourageant. Sur les heures
d'accessibilité, lorsque l'on demande aux gens qui ont utilisé
les services du CLSC si l'horaire d'accessibilité aux CLSC est
satisfaisant, la majorité des répondants répondent
que l'horaire est satisfaisant. C'est dire qu'il y a eu une évolution et
que c'est peut-être beaucoup moins vrai aujourd'hui, comme on l'a
laissé croire, que les CLSC ont des heures d'accessibilité et de
services très restreintes, du 9 à 5. Il y a de plus en plus de
formules qui se sont développées dans les CLSC pour rendre leurs
services plus accessibles. Cela, c'est une chose.
Ce qu'il faut ajouter, c'est que, souvent, il y a des intervenants de
CLSC qui, même s'ils ne sont pas dans les locaux du CLSC, demeurent
accessibles en soirée et en fin de semaine, et répondent à
des urgences sociales. Je connais aussi des CLSC qui se sont
préoccupés de cette question de l'urgence sociale, qui s'en sont
préoccupés dans le sens où ils ont fait justement
l'inventaire dans leur milieu de ce qui existait comme ressources pour
répondre à des urgences sociales dans des temps, par exemple,
où le CLSC était fermé, soit la nuit, ou, par exemple, les
fins de semaine, sur certains territoires, et qui ont fait un peu le rôle
que l'on propose aux CRSSS pour l'ensemble d'une région, pour l'ensemble
d'un territoire, mais qui ont sur leur territoire, avec les ressources en
place, la police, d'autres ressources d'hébergement, la Maison des
femmes, etc., qui se sont assurés qu'il existait sur le territoire du
CLSC un réseau de ressources capables de répondre à des
urgences sociales. D'autres CLSC ont fait la promotion de ressources
d'hébergement ou de ressources de dépannage et d'aide qui
fonctionnent 24 heures par jour et 7 jours par semaine. Donc, ce n'est pas vrai
que les CLSC ne se sont pas préoccupés de cette question.
Ce que nous avons comme approche, c'est une approche très
pragmatique...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Un petit peu plus
brièvement parce que...
M. Sénéchal: D'accord.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): ...j'ai tenu pour acquis
qu'il y avait consentement de la commission. Il y a un autre
député qui, depuis le début, a été
très patient. Il a demandé une petite question et
j'apprécierais que vous alliez...
M. Sénéchal: D'accord. Juste pour dire que, sur
cette question, nous avons une approche très pragmatique et voulons
tenir compte des ressources qui sont dans le milieu, en demandant qu'on confie
aux conseils régionaux le mandat, avec les ressources qui sont
là, ressources institutionnelles et non institutionnelles, de mettre en
place un réseau efficace de services qui puisse répondre aux
urgences sociales.
M. Rochefort: Pour éviter la confusion - je veux qu'on se
comprenne bien - je ne veux pas laisser sous-entendre que vous ne vous
étiez pas préoccupés des urgences sociales. Ce que j'ai
dit, c'est que je considérais que les CLSC n'avaient peut-être pas
fait tout ce qui leur était possible dans le cadre des urgences sociales
et qu'il y avait nettement place à amélioration de ce
côté.
Vous nous avez décrit ce qui était en train de se faire.
Vous nous avez également dit que le résultat du sondage indiquait
que la population était satisfaite des heures de services. J'ai le
goût de vous demander: Est-ce que, vous, vous êtes satisfaits de ce
que vous avez fait jusqu'à maintenant au niveau des urgences sociales ou
est-ce que vous comptez ajouter substantiellement dans cette voie?
M. Charlebois: Deux choses sur les urgences: si on parle d'urgences
sociales, les CLSC ont 10% des effectifs sociaux. Je pense qu'il faut prendre
cela en considération. Deuxièmement, le mandat des urgences
sociales, à l'heure actuelle, est aux CSS. Si on parle d'urgences, il
faut savoir de quoi on parle: est-ce qu'on parle de l'extension des heures
d'ouverture ou de l'urgence? Si on parle de l'urgence, actuellement, le mandat
est aux CSS. On a un cadre de référence qui indique qu'on veut
donner une nouvelle orientation à l'organisation des services. Dans le
cadre d'une nouvelle orientation, comment organisera-t-on les services? On a
des idées qu'on a mises de l'avant et on pense que c'est au conseil
régional de s'attaquer à cette question pour l'ensemble de sa
région.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. le
député de Rivière-du-Loup, qui a été
vraiment très patient.
M. Boucher: Mme la Présidente, je vais essayer
d'être assez expéditif. J'ai deux petites questions, simplement
des remarques.
À la page 1, deuxième paragraphe, vous dites: "Outre le
fait que nous croyons maintenant que les services aux familles d'accueil
devraient être rendus sur une base locale..." Est-ce que vous voulez dire
que vous vous occupez de recruter les familles d'accueil, d'en faire la
surveillance, l'évaluation, etc.? Pourquoi dites-vous maintenant? Est-ce
que vous avez déjà eu des objections à le faire?
Deuxième petite question: à la page 18, vous dites: "Miser
sur les CLSC: un choix réaliste." Vous parlez, à 3,1, des
avantages structurels importants. Quand vous dites: les CLSC desservant des
populations moins importantes, je présume que ce sont des populations
moins importantes que celles des CSS. Par rapport aux zones des CSS, je ne
sais pas, les populations ne seront pas à peu près les
mêmes. À la page 19, on peut lire: "Les CLSC ont aussi en moyenne
moins d'employés (moins de soixante-quinze 75 employés en moyenne
par CLSC), ce qui leur permet une plus grande souplesse de fonctionnement en
même temps qu'un fonctionnement moins bureaucratique." Quand vous dites
que c'est un avantage structurel, n'avez-vous pas peur qu'en faisant
transférer 50% des effectifs des CSS cela ne devienne un petit peu plus
lourd?
M. Sénéchal: Sur la question des familles
d'accueil, pour répondre de façon très précise et
très brève, c'est non. On parle de suivi de l'enfant en famille
naturelle et en famille d'accueil. Tout l'aspect administratif qui consiste
à recruter les familles d'accueil, à les évaluer, à
les accréditer, à les rémunérer demeurerait aux
centres de services sociaux.
Lorsqu'on parle de populations moins importantes, il s'agit, bien
sûr, du nombre de citoyens rencontrés par les CLSC. De
façon générale, au Québec, les territoires de CLSC
ont une population moins nombreuse que ceux desservis par les CSS.
M. Boucher: Avez-vous pris ces chiffres en comparant les CSS par
rapport aux bureaux de zones, par exemple? Avez-vous pris l'ensemble de la
population qu'un CSS régional dessert?
M. Sénéchal: C'est l'ensemble.
M. Boucher: Bien sûr, mais par rapport à une
zone?
M. Sénéchal: C'est l'ensemble de la population
régionale.
M. Boucher: Un CSS dans une zone donnée peut avoir deux ou
trois points de services.
M. Sénéchal: Non. C'est au niveau d'un ensemble,
c'est-à-dire qu'on se retrouve dans un établissement où il
y a un niveau de décision qui est un conseil d'administration et qui
couvre une population donnée. C'est à ce niveau-là qu'on
s'est situé.
M. Charlebois: Quant à votre dernière question sur
la bureaucratisation, on va faire un petit exercice mathématique. On va
diviser 2000 par 166. Il faut se rendre compte de quoi on parle, de combien de
personnes vont joindre chacun des CLSC.
M. Sénéchal: 50%, c'est beaucoup, mais, lorsque
vous répartissez ces ressources entre 166 CLSC, il n'y a pas de crainte
qu'il y ait bureaucratisation.
M. Charlebois: Ils ne verront pas leur personnel doubler. Ce
n'est de cela qu'on parle. Évidemment, il y a eu beaucoup de
mémoires sur la question, beaucoup de discussions, et nous sommes rendus
ici aujourd'hui, mais de quoi parle-t-on? On parle d'un nombres d'effectifs
semblable à celui qu'on a déjà transféré des
DSC. On parle d'une opération qui est peut-être du même
ordre que celle qui est en train de se faire au niveau de la santé et du
travail à l'heure actuelle dans les CLSC.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vous demandez un peu plus
d'encadrement aussi quelque part dans votre mémoire. Non?
M. Charlebois: Oui.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui. Je désire
vous remercier. Il y aurait énormément d'autres questions
à vous poser. Il a fallu se discipliner pour ne pas le faire. Entre
autres, j'aurais voulu commenter tous vos longs commentaires sur le rapport
Barclay, lequel n'est pas encore en application. Il ne faut pas oublier que le
rapport Castonguay-Nepveu était aussi la suite d'un autre rapport
anglais, le rapport SEEBOHM, si je me rappelle bien. Dans le rapport Barclay,
on parlait aussi du maintien de services spécialisés. Il ne
faudrait pas l'oublier. Également, lorsque vous parlez de la
communauté locale, ce avec quoi je suis d'accord, le rapport Barclay
fait aussi la différence entre la communauté
d'intérêt et la communauté géographique, ce qui
justifie, à bien des égards, un palier régional et un
palier local.
Ce sont seulement des points sur lesquels j'aurais aimé discuter
avec vous, quand vous répondiez au ministre sur la question de
l'expertise que vous aviez et que vous pourriez développer, ce n'est pas
impossible, sauf que, dans votre page 10, j'ai été assez
inquiète de voir que vous ne vouliez pas qu'on vous transfère
simplement des effectifs, un "caseload" et une expertise, dois-je en conclure,
mais que vous allez développer votre propre approche et des approches
différentes. Je pense que ce n'était peut-être pas une
réponse exacte au problème posé par le ministre parce que,
à ce moment, on parle de deux choses différentes.
Enfin, ceci dit, je vous remercie de votre collaboration. Votre
mémoire était fort intéressant. Comme vous avez pu le
voir, on pourrait continuer pendant encore une demi-heure. À la
prochaine. Merci.
Nous suspendons nos travaux jusqu'à 20 heures. Nous commencerons
à 20 heures, dès qu'il y aura un membre de chaque
côté de la table.
(Suspension de la séance à 18 h 28)
(Reprise de la séance à 20 h 13)
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): À l'ordre, s'il
vous plaît'.
La commission des affaires sociales reprend ses travaux pour continuer
sa consultation sur le partage des responsabilités entre les CLSC et les
centres de services sociaux.
Il nous fait plaisir d'accueillir l'Association des centres de services
sociaux du Québec. Si vous voulez vous présenter, vous avez la
parole, messieurs, dames.
Association des centres de services sociaux du
Québec
M. Thibault (Louis-Philippe): Merci, Mme la Présidente.
Dans un premier temps, j'aimerais vous présenter les personnes qui
m'accompagnent en commençant par mon extrême droite: Mme
Céline Morin, du CSS de Québec; M. Jean-Pierre Duplantie, du CSS
de l'Estrie; Mme Lise Denis, directrice générale de l'Association
des centres de services sociaux du Québec; à partir de mon
extrême gauche, Mme Thérèse Johnson, du CSS du
Montréal métropolitain et M. André-Gaétan Corneau,
du CSS de Saguenay-Lac-Saint-Jean-Chibougamau. Moi-même, Louis-Philippe
Thibault, président de l'Association des centres de services sociaux du
Québec.
On vous a remis, Mme la Présidente, une copie de notre
mémoire. Vous avez sans doute constaté qu'il avait 54 pages. On
n'en fera pas la lecture. On tient plutôt à vous le résumer
ici ce soir.
Vous me permettrez dans un premier temps de vous remercier d'avoir
convoqué la présente commission parlementaire. Il nous semble
que, dans le débat qui a cours depuis un certain temps, il y a des
enjeux importants au plan des choix collectifs qu'on doit faire dans le domaine
des services sociaux. Dans ce sens, je pense qu'une commission parlementaire
s'imposait.
Telle que vous l'avez présentée ce matin, l'étude
de cette commission se fait sous l'angle de la qualité des services au
bénéficiaire. Nous sommes très à l'aise avec cet
angle de prise pour étudier le cadre de référence. Notre
perception dans ce dossier a toujours été que le
bénéficiaire doit être au centre de nos
préoccupations de manière à lui garantir les meilleurs
services possible. Tous les objectifs que l'on peut poursuivre à l'aide
du cadre de référence se doivent, impérativement,
d'être subordonnés à ce premier objectif qui est la
qualité et la continuité des services au
bénéficiaire.
Avant de vous présenter notre proposition, ou notre
contre-proposition, vous me permettrez de souligner que ce que l'on va vous
présenter a fait l'objet d'un processus très démocratique
à l'intérieur des centres de services sociaux. J'ai
demandé à
M. André Gaétan Corneau d'accompagner la présente
délégation. Il a été associé de près
à ce processus pour avoir été désigné par
l'ensemble des présidents des CSS pour y jouer un rôle actif. Je
demanderais à M. Corneau de situer comment la proposition que nous
déposerons a été articulée à
l'intérieur des centres de services sociaux.
M. Corneau (André-Gaétan): Mme la
Présidente, Mmes et MM. les membres de cette commission parlementaire,
mon intervention qui se veut brève a pour objet de situer le rôle
que les conseils d'administration, par leurs quatorze présidents, ont
été appelés à assumer dans ce dossier. Sans entrer
dans toute la chronologie des événements qui ont
précédé et qui ont suivi le dépôt de la
première version du cadre de référence en décembre
1983, je tiens à souligner que la forme ou, autrement dit, les modes de
consultation utilisés ont incité nos conseils d'administration,
par leurs présidents, à se joindre à notre association
dans cette préoccupation d'obtenir une évaluation la plus
objective possible des impacts réels du cadre de
référence.
Au cours du mois de janvier 1984, une vaste opération de
consultation a été engagée auprès de tous les CSS
du Québec. Les travailleurs du champ, notre personnel clinique, nos
gestionnaires ont analysé le cadre de référence. Le
conseil d'administration de chaque CSS a été appelé
pendant cette période à se prononcer individuellement sur
l'adéquation des moyens proposés dans le cadre de
référence pour assurer un nouveau partage de
responsabilités, et ce, en fonction de nos connaissances
régionales et locales de la clientèle et de ses besoins, incluant
les communautés culturelles et linguistiques.
Ces consultations individuelles réalisées auprès
des quatorze CSS du Québec ont, par la suite, été
présentées, discutées et ont fait l'objet d'une position
unanime endossée par tous les CSS à l'occasion d'une
assemblée générale spéciale qui s'est tenue
à Montréal dès le 1er février 1984.
Mme la Présidente, les quatorze présidents de tous les CSS
que je représente tiennent à vous exprimer que les commentaires
et les compromis qui vous seront livrés par le président de notre
association ont reçu l'assentiment de tous nos conseils d'administration
composés de représentants de toutes les catégories de
collèges électoraux prévus à la Loi sur les
services de santé et les services sociaux. Ces commentaires et ces
compromis tiennent compte également de nos réalités
locales et régionales ainsi que des particularités culturelles et
linguistiques propres à certaines populations que nous desservons.
De plus, ces commentaires et ces
compromis sont le résultat d'une véritable concertation et
consultation tenue dans tout le Québec que nous avons coordonnée
dans sa forme et objectivée dans son contenu afin que vous soyez
assurés que c'est le bénéficiaire qui est demeuré
au centre de nos préoccupations et non la conservation de certains
postes dans l'enveloppe de l'effectif de nos établissements. Notre
engagement personnel comme bénévole au sein de nos conseils
d'administration et notre implication soutenue dans ce dossier constituent
d'ailleurs pour les membres de cette commission parlementaire la meilleure
caution des intentions que je viens de vous livrer.
Je ne voudrais terminer cette brève présentation sans vous
indiquer que des bénévoles membres des conseils d'administration
des quatorze C5S du Québec - ils sont tous représentés, il
n'en manque aucun - sont ici présents pour écouter, partager et,
même, témoigner de nos préoccupations. Le président
de notre association, M. Thibault, vous en livrera le contenu.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Merci.
M. Thibault: Mme la Présidente, je vais vous
résumer le mémoire que nous vous avons déposé,
à partir de quatre chapitres.
Dans un premier temps, je présenterai sommairement ce qu'est un
centre de services sociaux; dans un deuxième temps, je vous livrerai
notre opinion sur le cadre du partage des responsabilités; dans un
troisième temps, je vous présenterai notre contre-proposition et,
en terminant, je soumettrai à l'attention des membres de cette
commission une base de réflexion que nous avons développée
à ce jour.
Un centre de services sociaux, c'est quoi? Les centres de services
sociaux c'est, d'abord, 140 points de services dans toute la province de
Québec et, si l'on compte la présence en milieu scolaire et en
milieu institutionnel, on peut parler de 2 000 portes d'entrée dans le
réseau des CSS avec une structure régionale pour en assurer la
coordination. Les centres de services sociaux, c'est une équipe
multidisciplinaire composée de travailleurs sociaux, psychologues,
criminologues et autres, en connexion directe avec un ensemble de ressources
dans la communauté. Ces gens, dans notre réseau, sont au nombre
de 3 200. Ces gens donnent des services d'ordre individuel et clinique à
des personnes très démunies, vulnérables et en besoin de
protection, tout en assurant une coordination régionale des admissions
en ressources institutionnelles, et en développant des ressources
alternatives. Les centres de services sociaux, c'est 400 000 personnes qui
reçoivent des services annuellement, de toutes catégories
d'âges: de l'enfance, de la jeunesse, des jeunes adultes, des adultes,
des personnes âgées, des personnes handicapées et des
familles, dont la caractéristique dominante est leur état de
défavorisation sociale; 70% de cette clientèle a une
scolarité moyenne inférieure à la moyenne
québécoise; 63% a un revenu en dessous du seuil de la
pauvreté; les deux tiers des clientèles vivent d'une prestation
de l'État et, enfin, les deux tiers de la clientèle font
effectivement partie de la population inactive pour des raisons de retraite, de
handicap physique, mental, d'invalidité et de garde d'enfants.
En un mot, les CSS, depuis dix ans, sont devenus le lieu unique et
original pour développer les connaissances et les pratiques
professionnelles, pour apporter une réponse toujours plus
adéquate et mieux appropriée aux problèmes de plus en plus
complexes et en évolution constante de notre société, tel
que le souhaitait d'ailleurs le rapport Castonguay-Nepveu, et tel que l'a
repris la Loi sur la protection de la jeunesse.
Notre opinion sur le cadre de référence: le cadre de
référence poursuit des objectifs que nous partageons. Le cadre de
référence poursuit, entre autres, l'objectif de compléter
le réseau des CLSC. Pour nous, compléter le réseau des
CLSC, ce n'est pas compléter des structures qui manquent, c'est,
d'abord, compléter une gamme de services sociaux,
particulièrement les services communautaires et préventifs. Vous
me permettez, à ce moment-ci, pour avoir entendu le mémoire de la
Fédération des CLSC cet après-midi, de vous dire que nous
partageons, dans une large mesure, la vision que les CLSC se sont
donnée, de ce que devrait être un réseau de services
communautaires et préventifs et, dans ce sens, on se rend compte que
l'on est très complémentaires dans notre pensée. J'y
reviendrai dans ma conclusion.
Là où le problème se pose, c'est que le moyen qui
nous est présenté pour réaliser cet objectif de
compléter le réseau et, par là, la gamme de services,
c'est qu'on propose un partage de responsabilités. Avant d'entrer dans
le contenu du partage, j'attire simplement votre attention sur le fait que le
document qui a été diffusé partout dans le réseau,
à notre point de vue, inclut une partie d'analyse qui nous
apparaît, d'une part, mal fondée et injuste à l'endroit des
personnes qui ont oeuvré depuis dix ans à l'amélioration
de ces services au Québec.
Afin de pouvoir resituer le tout dans un contexte d'évolution des
dix dernières années, vous me permettez, Mme la
Présidente, de vous déposer ce soir, au terme de notre
présentation, un document intitulé "Vers un bilan". C'est un
document qui rappelle un peu les réalisations des centres de services
sociaux au cours des dernières années et qui
nous paraît être plus fidèle à
l'évolution de ces services au cours des dernières
années.
Je reviens donc au cadre de partage qui propose de départager les
responsabilités des centres de services sociaux à partir d'un
concept dont tout le monde a entendu parler aujourd'hui, le concept de milieu
de vie. On veut partager entre plusieurs établissements des
responsabilités qui sont présentement assumées par un
seul.
Quelles en sont les conséquences? Deux conséquences sont
possibles. Une première conséquence, c'est qu'on fait tout
simplement une réforme de structure hautement préjudiciable aux
bénéficiaires eux-mêmes. Les démonstrations ont
été nombreuses pour montrer que le partage basé sur le
concept de milieu de vie ne peut que provoquer une multiplication des
intervenants, un ballottage de clientèle et une plus grande
difficulté à atteindre les objectifs de la Loi sur les services
de santé et les services sociaux, soit les objectifs de
continuité et de personnalisation. Ou, encore, on assistera à une
deuxième conséquence, celle où les services d'ordre
personnel, qui s'adressent à des personnes très
vulnérables, disparaîtront pour pouvoir développer des
services communautaires.
Pour nous, c'est un choix de société. Cela ne peut pas se
faire, comme on dit, en dessous de la table. Si c'est le choix qu'on
décide, je pense qu'il faudra, à ce moment-là, en
envisager toutes les conséquences.
En terminant j'attire votre attention sur le fait que, quant à
nous, la mise en application du cadre de référence
déstabilisera le réseau des services sociaux au Québec
pour les cinq prochaines années. Le jeu de la chaise musicale qui sera
provoqué par l'application de nos conventions collectives aura pour
effet, en fin de compte, de transférer 40 000
bénéficiaires des centres de services sociaux vers les CLSC et
110 000 bénéficiaires seront finalement affectés.
La conclusion: Tous ces chambardements pour faire une réforme,
tout compte fait, de structure, à moins qu'elle ne cache des coupures de
services pour un idéal de réseau auquel nous croyons tous, mais
qui ne peut se réaliser au détriment des
bénéficiaires que l'État a le devoir de
protéger...
Notre contre-proposition: II faut rappeler, dans un premier temps, que
la contre-proposition s'est faite dans un contexte très particulier
où nous sentions une volonté très ferme de l'État
de procéder à des transferts. Dans ce contexte, les centres de
services sociaux ont articulé une contre-proposition par laquelle des
transferts seront faits au bénéfice des CLSC pour leur permettre
d'assumer la fonction de porte d'entrée dans le réseau des
services sociaux et d'assumer aussi les cas légers. Les avantages de
cette contre-proposition sont relatifs, en ce sens qu'ils constituent un
moindre mal pour la clientèle quand on la compare à ce que
propose le cadre de référence.
Quant à nous, il s'agit quand même d'une position de
compromis puisqu'elle a des limites. Par cette contre-proposition, on fait du
CLSC la porte d'entrée du réseau. C'est donc dire qu'on
érige en système dans toute la province de Québec une
porte d'entrée par laquelle les gens devront passer obligatoirement
lorsqu'ils auront besoin des services des centres de services sociaux; donc,
l'obligation de passer à deux endroits, de raconter deux fois leur
problème et conter deux fois leur vie.
Quant à nous, dans l'effort que nous avons fait pour
procéder à un certain départage, c'est peut-être le
prix qu'il faudra payer pour pouvoir concilier, d'une part, la volonté
de compléter le réseau des CLSC par des transferts de
responsabilités et, d'autre part, la nécessité de
sauvegarder le plus possible la qualité des services aux
bénéficiaires. (20 h 30)
À titre de conclusion: Pour aller vers cet objectif de
compléter le réseau des CLSC et, par là, de
compléter la gamme des services sociaux, nous croyons qu'il faut
reconsidérer le choix de procéder par le transfert des
responsabilités tel que proposé. Nous croyons qu'il y aurait lieu
d'envisager de réduire possiblement certains services, soit dans le
domaine des services sociaux -quoiqu'on puisse y revenir tout à l'heure
-ou dans d'autres secteurs, donc, une réallocation de ressources ou,
encore, d'envisager de réaliser cet objectif au gré de nos moyens
financiers en investissant de nouveaux montants d'argent.
Un problème de taille demeure. Pour réaliser cet objectif,
il faut impérativement clarifier les rôles et les fonctions de
chacun, non seulement pour éviter des chevauchements éventuels,
mais surtout pour se donner les meilleures garanties d'un réseau
efficace, complémentaire et harmonieux. La base de discussion que l'on
vous soumet est la suivante: Dans le même esprit que la réforme
Nepveu-Castonguay le proposait, à savoir de compléter la gamme
des services sociaux au Québec, le constat qui a été fait
à l'époque est celui-ci: II y avait beaucoup de services que la
commission appelait, à ce moment-là, des services d'adaptation
personnelle, qui renvoient aujourd'hui aux services que les centres de services
sociaux donnaient.
À cet égard, la commission était très
claire. Elle avait une recommandation ferme, en ce sens que ces services, qui
étaient dispensés par 42 agences dans le Québec, soient
regroupés sur une base régionale pour en améliorer
l'efficacité, la complémentarité.
C'est ce qui a été réalisé.
Le volet des centres locaux de services communautaires. On fait souvent
référence à la réforme. Soit dit en passant, la
commission Nepveu-Castonguay n'a jamais parlé de CLSC; elle a
parlé de centres de santé, de centres communautaires, faisant
référence davantage à un lieu physique où des
groupes pouvaient se retrouver, mais il reste que la notion de CLSC est apparue
entre le rapport Nepveu-Castonguay et la loi sur les services de santé.
C'est donc la loi qui a constitué les centres locaux de services
communautaires.
Quant à nous, quand on projette ce que pourrait être le
réseau des services sociaux au Québec, à ce moment-ci, on
croit que les centres locaux de services communautaires devraient se centrer
sur des services d'ordre préventif et des services communautaires, avec
une très grande flexibilité, de manière à
être imprégnés par leur milieu pour que les
communautés auxquelles ces services sont destinés puissent
influencer sur les choix des programmes qui seront mis de l'avant. En ce sens,
on rejoint beaucoup la philosophie qui a sous-tendu l'apparition ou la mise en
place des centres locaux de services communautaires. N'oublions pas que le
CLSC, dans sa philosophie, c'est finalement un instrument que la
communauté se donne pour se prendre en charge. Si on veut que, un jour,
cela s'actualise, il faut que la communauté locale puisse avoir un
pouvoir réel sur son CLSC.
Quand on parle, maintenant, du domaine des centres de services sociaux
et qu'on regarde la configuration des clientèles et des besoins auxquels
on répond, ce dont on se rend compte, c'est que, dans le fond, les
services auxquels les CSS répondent, ce sont des besoins fondamentaux de
protection et de sécurité pour toutes les clientèles.
C'est une responsabilité, tout en reconnaissant que l'État
providence ne peut pas tout faire, dont l'État providence ne peut se
départir. Dans ce sens-là, les services présentement
dispensés dans tout le Québec, dans 140 points de services,
coordonnés sur une base régionale, offrent là une
infrastructure qui permet de garantir une même qualité de services
à tous les citoyens du Québec, avec les mêmes
standards.
Un point d'interrogation va encore se soulever. On évacue de
notre base de discussion des services d'ordre personnel des CLSC, des services
aux individus. Ce qu'on dit à ce sujet: Si on ne peut rendre
opérationnels les concepts de première ligne, ou de courants, ou
de spécialisés, on vous suggère, pour établir une
frontière, de tirer la ligne entre, d'une part, les services
préventifs et communautaires et, d'autre part, les services d'ordre
personnel et d'établir, pour en assurer la
complémentarité, un lien qui pourrait s'appeler la fonction de
recherche et de planification dans les centres de services sociaux, qui
permettrait d'alimenter les communautés locales qui veulent intervenir
dans le domaine de la prévention, au niveau des services
communautaires.
En terminant, je voudrais, Mme la Présidente - je suis conscient
que j'excède mon temps - simplement rappeler que, pour nous, il ne
s'agit pas d'une bataille institutionnelle. Je pense que les propos qu'on a
tenus depuis le début, cela a toujours été de faire valoir
l'intérêt des clientèles. Je pense que le cadre de
référence qui nous est proposé fait très peu de
démonstration que l'intérêt des clientèles sera bien
servi. Je vous remercie.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Merci, M. Thibault. Vous
n'avez même pas pris vos 20 minutes; 18 minutes, plus exactement.
Je vous remercie de votre mémoire et de l'annexe qui y
était attachée. Nous prendrons également connaissance avec
intérêt de "Vers un bilan", préparé par les centres
de services sociaux du Québec. Je ne veux pas m'étendre sur de
longs commentaires et je voudrais passer directement aux questions, car le
temps alloué à chacun est tellement court qu'il faut tenter d'en
profiter le mieux possible.
Cet après-midi, on a beaucoup discuté de la
possibilité du transfert de certaines clientèles ou de la prise
en charge de clientèles par les CLSC. Plusieurs points d'interrogation
se sont posés quant à la question de spécialisation ou de
non-spécialisation qui commence, à la fin de la journée,
à prendre un sens péjoratif, alors que je pense que cela
correspond en fait à une réalité.
J'aimerais que vous me disiez, par exemple, si... On a entendu les CLSC
nous dire: Écoutez, on a des cas d'inceste, de violence et d'abus
physique et nous pourrons offrir à ces clientèles - je ne les
cite pas exactement, parce que je le fais de mémoire, mais je pense que
je résume leur pensée - la même qualité d'expertises
et de services.
Dans le fond, la question que je me pose - peut-être ont-ils
raison - c'est: Y a-t-il vraiment quelque chose qui nécessite une
expertise si grande qu'elle ne puisse se donner qu'au niveau des CSS? Elle
pourrait fort bien se donner au niveau des CLSC, peut-être? Je pense
particulièrement à toutes ces catégories que je vous ai
énumérées et je pourrais peut-être en ajouter
d'autres: l'enfance abandonnée, des cas de comportements sérieux,
des cas d'inceste, de prostitution, etc. Alors, c'est ma première
question.
J'aimerais savoir si on va maintenir une qualité semblable de
services et si les CLSC
pourraient rendre exactement, à un niveau local plus restreint,
les services que vous rendez. Je vais peut-être vous mettre dans une
mauvaise position, mais je voudrais que vous m'expliquiez quelles sont vos
approches vis-à-vis de ces personnes.
M. Thibault: Non, pas du tout.
Je pense que les centres de services sociaux ont effectivement
développé des expertises particulières à
l'égard de ces problématiques qui font jour de plus en plus.
J'inviterais peut-être Mme Thérèse Johnson à vous
dire, à partir des cas concrets que vous avez soumis, comment les
centres de services sociaux ont développé ces types d'expertises
et en quoi les transferts sont susceptibles de constituer une perte de ces
expertises.
Mme Johnson (Thérèse): Après une
expérience de cinq ans de protection de la jeunesse maintenant, on
découvre que les clientèles d'enfants abusés sexuellement
ou physiquement nécessitent des habilités particulières.
Par exemple, en inceste, on n'intervient pas uniquement pour protéger
l'enfant, on intervient aussi, et de façon très
différente, sur la mère, sur le père abuseur et sur
l'enfant pour chercher quelle est la meilleure façon de le
protéger.
À la suite d'expériences qui ont eu cours aux
États-Unis, en Californie, avec Giaretto, expériences qui ont
été transposées depuis deux ans à Toronto, on est
en train de mettre au point, au Québec également, avec un groupe
qui se concerte là-dessus, composé de policiers, de procureurs de
la Couronne et d'intervenants sociaux, des méthodes qui nous
amèneront à aider la jeune victime et, en même temps
possiblement, à traiter l'abuseur. Cette approche nécessite
cependant une spécialisation de tous les intervenants, aussi bien dans
le domaine social que juridique, pour pouvoir vraiment constituer une
équipe multidisciplinaire.
Je pense que ces habilités doivent être quand même
concentrées, parce que la masse critique de ces enfants se situe un peu
partout; il n'y en a pas plus dans un endroit que dans un autre, mais cela
demande vraiment une expertise régionale.
En ce qui concerne la prostitution, comme vous le savez, la prostitution
des mineurs est également une problématique très
sérieuse qui prend beaucoup d'ampleur depuis les dernières
années. Également là, on a cherché et on a
essayé d'inventorier les moyens de traiter ces jeunes qui sont
abusés par des adultes et qui, en même temps, trouvent dans la
prostitution différentes façons de régler des
problèmes familiaux ou autres. On trouve également que ces jeunes
font de plus en plus partie de réseaux organisés qu'il est
très difficile de démanteler et qui couvrent des régions
entières qui ne sont pas nécessairement localisées dans
des quartiers. On est en train d'essayer de développer, en concertation
avec les policiers, les organismes communautaires qui se sont
intéressés à la problématique et qui travaillent de
façon intensive avec les intervenants sociaux, différentes
façons d'aborder la prostitution pour essayer de sortir les jeunes de
ces problèmes et en même temps enrayer les réseaux.
En ce qui concerne les enfants abandonnés, cette année, on
a effectué, ou on est en voie de le faire, environ 2000 adoptions
grâce à la nouvelle loi adoptée il y a environ un an. Ces
adoptions ont été rendues possibles par les déclarations
judiciaires d'"adoptabilité", mais exigent, évidemment, une
évaluation très sérieuse de la situation quant à un
retour possible de l'enfant chez ses parents ou quant à la
possibilité d'abandon définitif ou quant à
l'évaluation des capacités parentales. Je pense que cela requiert
aussi des habiletés très précises. Il ne faut pas non plus
minimiser l'importance de ne pas trop multiplier le nombre d'intervenants dans
ces situations si on veut vraiment en arriver à une évaluation
précise et rigoureuse. Cela exige des critères que certains
peuvent développer et cela demande également des expertises qui
n'ont pas à être multipliées partout.
En ce qui concerne la négligence, c'est une problématique
qui est très courante dans nos CSS. C'est une problématique qui
couvre ce qu'on appelait probablement antérieurement les familles
à problèmes multiples. Dans ces familles, il existe de la
négligence et, quelquefois, très proches, des abus physiques ou
de la délinquance. Les façons d'intervenir dans ces familles sont
complexes. Ce n'est pas seulement l'intervention individuelle qui est requise
à ce moment-là. Il devrait y avoir une gamme de supports offerts
par différents organismes communautaires ou par différents CLSC.
Malheureusement, jusqu'à maintenant ces moyens de concertation qui
pourraient vraiment conduire à une façon d'aider les familles
n'existent pas. Il n'y a pas tellement de développement dans les cours
de prévention ou d'éducation pour les jeunes mères qui
élèvent des enfants. Il n'y a pas tellement de groupes non plus
dans les quartiers pour aider des femmes en situation monoparentale. Cela exige
aussi, en termes d'intervention individuelle, une concentration d'efforts quand
existent des problématiques très différentes au sein de la
même famille.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Est-ce que cette
expertise que vous avez développée serait possible à
développer à l'intérieur des CLSC? J'ai cru comprendre
que, dans des cas d'inceste... On espère,
Dieu merci, qu'il n'y a pas, comme vous dites, tellement de cas dans une
communauté locale pour qu'on puisse le faire. Mais, parmi ces
problématiques, y en a-t-il qui pourraient être
développées au sein d'un CLSC?
Mme Johnson: On parlait de prostitution tantôt. Je pense
que la prostitution est un phénomène vraiment global. Cela peut
couvrir différents endroits dans une même ville ou dans une
même région. Je pense qu'il est illusoire de développer des
habilités pour chaque problématique dans des CLSC, compte tenu du
peu de masse critique qu'ils auraient dans un quartier. Ces intervenants qui
travaillent dans ces problématiques ont besoin d'être
regroupés. Ils ont besoin d'encadrement. Ils ont aussi besoin de
beaucoup de support, parce que c'est très lourd comme situation. Ils ont
aussi besoin d'avoir des échanges et une formation qui se donne en
même temps qu'ils traitent le cas si on veut vraiment développer
l'habileté et si on ne veut pas diluer l'expertise. Si on les
dissémine un peu partout, il y a risque de diluer cette expertise.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Une dernière
question, parce qu'il me reste seulement quelques minutes. On a beaucoup
parlé - je pense qu'on en a parlé un peu ce matin avec les CRSSS
et avec les CLSC... On a eu des opinions diverses. Je pense que du
côté des CRSSS il y avait peut-être selon les régions
certaines adaptations auxquelles on aurait dû songer. Les CLSC semblaient
dire qu'il n'y avait aucune espèce de problème. Quelles sont les
exigences de la pratique sociale dans le domaine scolaire? Je pose cette
question d'une façon plus précise à votre groupe parce
qu'on a eu un mémoire qui nous a été remis pour
dépôt et qui, justement, touchait ce problème-là.
J'aimerais avoir votre opinion - nous l'avons eue des deux autres groupes - sur
ce point particulier. (20 h 45)
Mme Johnson: Ce que l'on reçoit dans l'écho des
différentes écoles où nous sommes présents, c'est
que, premièrement, surtout dans les milieux défavorisés,
les problèmes de comportement dans les écoles vont en augmentant.
Les professeurs ont beaucoup de difficulté à passer
l'enseignement quand ils ont en même temps à traiter les
problèmes des enfants. Je pense que la pratique en milieu scolaire exige
des conditions pour vraiment viser un objectif de succès avec les
enfants dans ces milieux.
Premièrement, il faut être capable de composer avec le
milieu enseignant, de s'adapter à leurs exigences qui sont très
réelles. Il faut aussi être capable de communiquer avec les
parents, de fixer avec eux des programmes d'intervention au niveau des enfants
et d'être présents lorsqu'il y a des situations de crise dans
l'école qui nécessitent une intervention immédiate.
Si les intervenants ne sont pas présents, s'ils sont
diffusés un peu partout, il y a risque, au moment où nous avons
besoin d'eux, qu'ils n'y soient pas. D'autre part, c'est un contexte de
pratique qui est très spécial. Quand je dis qu'il faut s'adapter
à la structure de l'école, en connaître les
règlements, être capable de composer avec les professeurs, de
discuter avec eux, cela ne se développe pas du jour au lendemain. Il y a
du "reaching out" qui doit être fait auprès de la
clientèle, de la médiation entre professeurs et parents et il y a
un travail multidisciplinaire qui est extrêmement important à
développer dans l'école avec tous les professionnels
concernés. Il y a aussi un encadrement spécial que ces
intervenants doivent recevoir. Ils doivent arriver à développer
et leur formation et leur expertise pour répondre aux différentes
situations qui surgissent.
Je pense que pour les écoles, en tout cas, c'est un besoin
d'avoir ces professionnels près d'eux.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Les CLSC nous disaient,
cet après-midi, que finalement, s'il y a le rapatriement de travailleurs
sociaux dans leur milieu, c'est qu'ils espèrent, non pas avoir un
transfert de cas avec un transfert d'effectif, mais développer une
pratique nouvelle, qui soit davantage axée sur le communautaire et
l'implication du milieu. Est-ce que le type de cas que vous avez là
pourrait répondre, selon vous, positivement et réaliser les
mêmes progrès - c'est peut-être une question un peu injuste
que je vous pose là - avec une approche qui soit strictement à
partir des ressources du milieu? J'imagine que, dans certains cas,
certainement, mais, dans d'autres cas, je ne le sais pas. C'est cela que je
vous demande.
Mme Johnson: Je pense qu'il y a peut être des cas qui
répondraient à un tel type d'approche mais, dans les cas que je
vous ai décrits tantôt, il y a nécessité de
l'intervention individualisée telle qu'elle se fait actuellement. Il ne
faut pas s'illusionner, les gens qui sont actuellement pris en charge, ils sont
suivis ou encore auront besoin d'être suivis. Il va falloir s'en occuper
en même temps que nous recevons les transferts. À ce moment, je ne
sais pas comment, mais il y a aussi une chose qu'il faut noter, c'est que nous
avons développé au cours des années des critères
communs, une philosophie commune au niveau de toute la protection de l'enfance
et au niveau de la délinquance; ceci est très important.
Il ne faut diffuser d'un endroit à l'autre la philosophie
d'intervention au niveau de la protection qui exige quand même une
pratique en contexte d'autorité. Il faut aussi avoir - et c'est
ce que nous avons réussi à faire en cinq ans - des
critères communs d'évaluation en termes, par exemple, d'adopter
des mesures volontaires ou de saisir le tribunal pour un cas. Nous ne pouvons
pas laisser cela au gré et au vent de chaque point de service.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je vais être
obligée...
Mme Johnson: Je vous remercie. J'ai triché de quelques
minutes.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. le
député de Shefford.
M. Paré: Merci, Mme la Présidente. Moi, j'essaie de
résumer rapidement votre position. Au départ, vous seriez
d'accord avec la demande de la Fédération des CLSC, que les CLSC
soient la porte d'entrée. Les CLSC seraient responsables des services de
prévention et des services communautaires et les CSS, des services
personnels. Globalement, ce serait cela?
M. Thibault: Oui, c'est-à-dire, ce sur quoi nous sommes
d'accord avec la Fédération des CLSC du Québec, c'est la
vision qu'ils se donnent des services communautaires et préventifs.
Là où il y a une difficulté, tant au niveau de l'esprit
qu'au niveau de la pratique, c'est quand vient le temps de départager
les services dits courants des services dits spécialisés ou de
deuxième ligne. C'est là que se présente la grande
difficulté. Quand on dit qu'on est d'accord avec le cadre de
référence dans ses objectifs de compléter le
réseau, c'est qu'on pense que ce qui manque au Québec - c'est ce
que la commission Nepveu-Castonguay avait déploré - c'est une
gamme complémentaire de services qui s'appellent des services
communautaires et préventifs. C'était dans la perspective
à l'époque des services à développer.
Or, on sait que la situation économique qu'on a connue fait en
sorte qu'on envisage d'autres moyens parce qu'on n'a peut-être plus les
moyens de se payer cela. C'est là où on diverge aussi avec la
position des CLSC, tout en étant d'accord avec leur philosophie de
services, avec la vision du réseau qu'ils ont. On dit que le moyen qu'on
se donne de leur confier des responsabilités déjà
assumées à l'égard de certaines clientèles est un
leurre. C'est un leurre parce qu'il n'est pas vrai qu'ils assumeront ces
responsabilités en môme temps qu'à partir de ces effectifs
ils vont développer des services communautaires et préventifs.
S'ils le font, c'est parce qu'ils auront délaissé ces
clientèles et qu'ils ne donneront plus les services.
Dans ce sens-là, si la table de partage était
appliquée rigoureusement, c'est-à-dire que s'ils font ce que nous
faisons déjà - on parle de toutes les pertes d'expertise possible
à cause de la dilution des effectifs - nous n'aurons fait qu'une
réforme structurelle parce qu'au lieu d'être un à donner le
service on sera maintenant trois ou dix par région. Dans ce
sens-là, la proposition de partage sur la table ne rejoint pas
l'objectif de compléter la gamme des services sociaux. Est-ce que j'ai
bien répondu à votre question?
M. Paré: Oui. Si on accepte ce partage au niveau de la
première et de la deuxième ligne, que pensez-vous d'un
cheminement de dossiers où la situation ferait en sorte que les deux
doivent finalement intervenir? Que pensez-vous de la proposition du CRSSS selon
laquelle il y aurait une continuité, une unicité au niveau du
cheminement d'une situation bien précise? Êtes-vous d'accord avec
une telle proposition du CRSSS?
M. Thibault: Ce que je vais vous dire là-dessus ne peut
pas refléter la pensée des centres de services sociaux. C'est une
proposition qui vient d'être déposée; c'est une nouvelle
proposition. Personnellement, pour en avoir parlé avec quelques
collègues, il est bien évident que les principes... D'abord, le
fait de ne pas départager sur la base du milieu de vie est certainement
mieux, c'est-à-dire qu'il faut rejeter jusqu'à un certain point
ce concept-là qui va présenter des inconvénients majeurs
pour les bénéficiaires. Je pense que c'est une
amélioration dans leur mémoire.
Le fait qu'ils mettent de l'avant certains principes de
continuité et d'unité d'action auprès du
bénéficiaire, nous y souscrivons. Dans ce sens-là, les
principes nous paraissent intéressants. Encore là, malgré
qu'on s'inspire de ces principes, on arrive avec une proposition qui nous
apparaît une amélioration du partage qui était
proposé dans le cadre de référence mais qui va encore
créer des problèmes majeurs et qui, jusqu'à un certain
point - on pourra le vérifier - va à l'encontre de l'esprit de la
réforme Nepveu-Castonguay. C'est une proposition qui, tout compte fait,
ne fera qu'une réforme de structures.
M. Paré: Je comprends ce que vous voulez dire. Sur le
principe, il est sûr que personne ne voudrait qu'il y ait de rupture. On
le retrouve textuellement - j'ai lu quelque chose qui me semble important - il
est dit: "L'un des grands principes sur lesquels s'appuie le service social est
l'utilisation de la relation du praticien avec le bénéficiaire et
le maintien de cette relation dans la poursuite des objectifs de
l'intervention. La rupture dans la prise en
charge au moment du placement et le transfert à un autre
intervenant constituent une brèche à ce principe." Face à
ce principe qui est reconnu spécifiquement dans votre mémoire,
que pensez-vous de la proposition qui a été faite par le CRSSS
selon laquelle le suivi des personnes placées en famille d'accueil soit
fait le praticien du CLSC?
M. Thibault: Bien concrètement, c'est sûr qu'en
départageant sur cette base-là on assure auprès du
bénéficiaire une meilleure continuité. Je pense que c'est
beaucoup mieux que d'exiger un transfert, tel que le voulait le cadre de
référence.
Par contre, on va payer un prix pour structurer les services de cette
façon. Un des premiers prix qu'on va payer, c'est probablement - et,
dans la proposition des CRSS, c'est inclus, vous le remarquerez -que la
ressource "famille d'accueil" doit continuer à être
accréditée, évaluée par le centre de services
sociaux. Pour la famille d'accueil, le centre de services sociaux sera
responsable de sa formation, etc. Il y a, à l'égard de la famille
d'accueil, une duplication à ce moment-là. Pour le
bénéficiaire, peut-être que... Là-dessus, notre
analyse est, je dirais, beaucoup trop sommaire; on a pris connaissance -
jusqu'à un certain point - très récemment, de cette
contre-proposition. On n'en a pas fait une étude approfondie, mais je
peux vous dire qu'à première vue je pense qu'elle va à
l'encontre de la réforme Castonguay-Nepveu. Ça donne quoi
finalement? C'est un autre établissement qui va donner le même
service. Ça veut dire quoi, en fin de compte? Un changement de
structures là aussi? Effectivement, ce matin, on a posé la
question: Est-ce que cela ne va pas, jusqu'à un certain point, à
l'encontre de la Loi sur les services de santé et les services sociaux?
Je pense que cela devra être examiné par un conseiller juridique.
Personnellement, je suis porté à croire que la loi est assez
explicite. Le placement est une responsabilité du centre de services
sociaux. Cette responsabilité dévolue dans la loi, à mon
point de vue, devrait emporter l'obligation de faire les évaluations de
placements et les suivis.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. le
député de Brome-Missisquoi.
M. Paradis: M. Corneau ayant expliqué, dans son
intervention, qui ils avaient consulté, les CSS, cela m'évite une
question. Je procéderai donc immédiatement à la
deuxième question.
Je remarque que le directeur général du CSS de l'Estrie,
M. Duplantie, est à la table.
Après avoir pris connaissance du cadre de
référence, M. Duplantie, sur le plan de l'application pratique,
du partage des responsabilités qui découle du cadre de
référence, suivant votre expérience, est-ce que
l'application de ce cadre de référence peut poser, pour les
usagers - là, je ne parle pas des structures - des problèmes
d'application?
M. Duplantie (Jean-Pierre): Je pense qu'en ce qui concerne les
usagers on a voulu expliciter les problèmes qu'ils vont rencontrer.
D'abord, on a souligné fortement, dans notre réaction au cadre de
référence, le problème du milieu de vie. On est aussi
revenu là-dessus aujourd'hui pour dire que, de fait, le
bénéficiaire et la famille connaîtront donc deux
praticiens, deux catégories d'intervenants, dans la même
situation.
Il faut dire que, depuis les années soixante-dix, dans ce domaine
très particulier, la pratique sociale a beaucoup évolué.
On se rappellera qu'à ce moment-là, au début des
années soixante-dix, il y avait, la plupart du temps, deux praticiens
dans les cas: un qui suivait l'enfant, l'autre qui suivait la famille. Il
faudrait aussi se rappeler qu'on avait, au Québec - si je ne me trompe
pas - quelques 40 000 placements d'enfants. Nous étions champions au
Canada dans le domaine du placement des enfants.
Dans cette perspective, il y a eu vers 1978, une opération qui a
été menée, qui était l'opération 30 000. On
en était tellement préoccupés. Dans l'évolution de
la pratique sociale, on en est arrivé à chercher les causes de
ces nombreux placements d'enfants. Une des choses qui étaient faciles
jusqu'à un certain point, c'était, pour le praticien qui ne
venait pas à bout d'une situation familiale, de prévoir un
placement des enfants qui avaient besoin d'être protégés ou
encore qui avaient besoin d'une aide particulière dans un autre milieu.
C'est ce qui nous amenait à ces types de placements.
Avec l'évolution de la pratique, nous en sommes arrivés
à garder la famille impliquée en ayant un seul travailleur
social. Cela voulait dire, de fait, que, non seulement on impliquait l'enfant
et la famille dans le choix d'un placement, mais qu'on gardait aussi la famille
impliquée tout au long. Au début des années soixante-dix,
on ne se permettait pas qu'une famille, même, aille visiter dans une
famille d'accueil. Aujourd'hui, c'est chose courante. On encourage les enfants
à retourner chez eux sur semaine si c'est possible, ou en fin de
semaine. On fait tout ce qui est possible pour réintégrer le plus
rapidement possible les enfants dans leur famille. On pense que la meilleure
façon c'est d'avoir un seul praticien qui voit à la fois
l'évolution de la famille et l'évolution de l'enfant. L'enfant
n'est pas placé parce qu'il est puni ou parce
qu'il y a des situations très particulières où il
doit porter le blâme de la situation. C'est le contexte dans lequel on a
favorisé qu'il y ait un seul travailleur social. (21 heures)
On s'est permis, aujourd'hui, de citer ce qui se passe dans d'autres
pays. Il faut bien dire qu'en 1980 le rapport Bianco-Lamy, en France, sur
l'aide sociale aux enfants, disait: Autant que faire se peut, il faut avoir un
seul travailleur par famille. Si on va voir un peu l'évolution des
pratiques sociales autour de nous, au Canada, on s'aperçoit que de fait,
ce qu'on favorise c'est un seul travailleur social par famille au niveau de
l'aide à l'enfance. C'est une des implications; la duplication qu'on
vient créer est un retour en arrière dans ce domaine
particulier.
Évidemment, on pose aussi le même problème - on en a
déjà parlé - le fait qu'il y a un bris dans la
continuité des services à tous les bénéficiaires.
On a mentionné tantôt le nombre de bénéficiaires qui
allaient être transférés en quelque sorte, et certainement
pas avec leur praticien. Il ne faut pas s'imaginer que, parce qu'on a
l'idée de dire qu'on va transférer 800 praticiens, c'est
exactement leur charge de cas qui s'en va avec eux. C'est un peu plus
compliqué que cela de la façon qu'on fonctionne. On a fait un
départage par centre d'activité, alors qu'au plan syndical nos
gens sont regroupés par unité de travail. Cela signifie,
automatiquement, qu'il y aura des choses à régler au plan
syndical. Il y a aussi des clientèles qui, alors que le praticien allait
dans tel CLSC, se situent dans d'autres CLSC, en termes territoriaux. C'est
là certains des problèmes au niveau de l'impact à la
clientèle.
M. Paradis: Maintenant, si on parle de la proportion, sur le plan
pratique, de cas dont vous avez à vous occuper dans votre CSS. Quelle
serait la proportion que vous détermineriez de cas lourds par rapport
aux cas légers?
M. Duplantie: Chez nous, dans le contexte du compromis, ce qu'on
a proposé en quelque sorte, cela signifie environ 15% de la
clientèle qui serait transférée vers les CLSC. Si on
applique le cadre de référence, on parle de quelque chose comme
40% de nos clientèles qui seraient transférés vers les
CLSC. Maintenant, il faut dire qu'on n'a pas des CLSC partout dans la
région. Il y a donc une possibilité de commencer certains
transferts, actuellement, là où il y a des CLSC. Il faudra
attendre en regard des autres CLSC. Donc, il y aura une période
d'instabilité en attendant la mise en place de tous les CLSC.
M. Paradis: Pour la région...
Mme Denis (Lise): Juste pour compléter; quand on regarde
au total ce que cela représente au niveau des transferts, au niveau du
cadre de référence tel que déposé en
décembre, l'évaluation sommaire donne 40 000 cas. Lorsqu'on parle
de la contre-proposition qui est sur la table de la part de l'association, on
parle d'environ 20 000 cas.
M. Paradis: Dans la région, chez vous, de l'Estrie, si
vous aviez à appliquer le cadre de référence tel que
proposé présentement, qu'est-ce que cela voudrait dire en termes
de personnel, personnel dont vous êtes le directeur
général, qui s'en irait dans les CLSC? Quelle est la
capacité, présentement, de prises en charge par les CLSC de la
région de l'Estrie de ces travailleurs sociaux?
M. Duplantie: Nous avons présentement environ 180
personnes qui travaillent au CSS, donc cela signifie un transfert de 50
à 60 personnes vers les CLSC. Il existe quatre CLSC bien
implantés, deux, dont celui de Mégantic, qui sont sur le point
d'avoir leur charte et deux autres qui devraient venir dans les prochaines
années. Ce que cela signifie, évidemment, c'est qu'une partie des
effectifs pourrait être transférée; d'autres devraient
attendre que les CLSC soient implantés. Cela signifie une période
d'instabilité à l'intérieur même de
l'établissement CSS quant à nos structures et quant à
notre organisation. C'est pour cela, d'ailleurs, que dans l'ensemble des CSS on
se dit, quant à nous, qu'il s'agit de deux, trois ou quatre ans
d'instabilité pour les structures mêmes des établissements,
donc avec des impacts sur les clientèles et le personnel.
M. Paradis: Dernière question, Mme la Présidente.
Quant à vos travailleurs sociaux comme tels, si vous les
déplacez, pour ceux et celles qui auront à être
déplacés vers les CLSC, est-ce que vous êtes en mesure,
avec le bassin de ressources humaines dont vous disposez présentement,
d'assurer, sur le plan local, au niveau du CLSC, les services que vous rendez
présentement au niveau de la région?
M. Duplantie: Un exemple très simple pour être
très concret. Dans le domaine des services aux personnes
âgées, qui semble le domaine le plus facilement
transférable actuellement, nous avons six travailleurs sociaux offrant
des services sur une base externe. Il y a huit CLSC de prévus. Donc,
vous pouvez tous facilement comprendre la difficulté de diviser six en
huit et d'assurer des services bien rationnels et avec une équipe
d'experts.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Merci, M. Duplantie. M.
le ministre.
M. Laurin: Je veux d'abord remercier l'Association des centres de
services sociaux du Québec pour leur mémoire, que j'ai lu avec
beaucoup d'intérêt. J'avais lu d'ailleurs, auparavant, les autres
mémoires que vous nous avez fait parvenir, ainsi que les nombreuses
lettres aux journaux que l'un ou l'autre des travailleurs sociaux...
Une voix: II y en avait de bonnes, M. le ministre.
M. Laurin: Oui, il y en avait d'excellentes. Je les ai toutes
lues avec beaucoup d'intérêt. Je ne doute pas que toutes ces
réflexions non seulement contribueront à enrichir la nôtre,
mais à éclairer notre prise de décision.
Je voudrais revenir, en ce qui concerne les questions, à la
première question que posait mon collègue de Shefford, pour la
pousser un peu plus loin. D'un côté, vous voudriez que les CLSC
mettent l'accent, en tant que responsabilités, sur les services
préventifs et communautaires. Et on ne sait pas si vous
préconisez que les CLSC s'occupent de cas. De toute façon, s'ils
doivent s'occuper de cas, cela devrait être de cas courants,
légers, qui ne nécessitent pas une très grande
expertise.
Je voudrais vous demander comment vous conciliez cette assertion ou
cette demande que vous faites avec cette autre position qui apparaît dans
votre proposition de compromis, en ce sens que le CLSC devrait quand même
devenir la porte d'entrée de tout le système. On sait que, si le
CLSC devient la porte d'entrée du système, ceux qui s'y
présenteront ne seront pas simplement des cas qui nécessiteront
une action communautaire ou de la prévention, mais, comme on l'a vu cet
après-midi, d'après le sondage qui nous était
révélé, les cas qui se présentent aux CLSC sont
souvent des cas lourds. Alors, si tel est la réalité, comment
conciliez-vous d'abord ces deux assertions ou affirmations?
Deuxièmement, que vous attendez-vous de la part des CLSC avec ces cas
lourds qui vont s'adresser à eux, puisque, selon ce que vous
préconisez vous-même, ils devraient devenir l'unique porte
d'entrée du système?
M. Thibault: Cela paraît contradictoire, effectivement,
à première vue. Mais il faut quand même situer notre
réflexion dans le temps. On l'a bien présentée, notre
contre-proposition, comme étant un compromis. Nous avons examiné
l'ensemble des services que les centres de services sociaux dispensent. Et,
à l'examen, on s'est inscrit vraiment dans un processus de dire: Est-ce
qu'il y a des responsabilités que l'on peut confier à d'autres
établissements, ce qui serait de nature à les améliorer en
les transférant, par exemple, et en sauvegardant les principes de la
pratique professionnelle, de l'ordre, de la continuité, de
l'unité d'intervention et d'action? Finalement, on est arrivé
à la conclusion, l'ensemble des centres de services sociaux, que, de
façon générale -parce qu'il y aura toujours après
cela des particularités régionales, socioculturelles, il ne faut
surtout pas oublier cela - s'il faut vraiment transférer, c'est la
partie de services qui peut être transférée qui va
être moins préjudiciable que si on en transfère d'autres.
C'est dans ce sens que c'est un compromis.
Ce que l'on dépose dans un deuxième temps en disant
comment le réseau devrait être constitué, ce qu'on dit,
fondamentalement, c'est que, si l'on n'est pas capable de traduire en termes
concrets, opérationnels et clairs pour les bénéficiaires
comment se fait le partage entre un type d'établissement et un autre
pour des services d'ordre personnel, ce que l'on suggère, à ce
moment-là, c'est tirer des lignes différentes. Les services
d'ordre plus individuel seront acheminés vers les centres de services
sociaux et les services d'ordre communautaire et préventif seront du
côté des centres locaux de services communautaires, à moins
qu'on parvienne à se donner des critères ou des normes qui font
qu'on est capable de distinguer entre ce qu'on peut appeler un cas de
première ligne et un cas de deuxième ligne, un cas léger
et un cas lourd.
Là-dessus, j'ai été très surpris cet
après-midi d'apprendre que les centres locaux de services communautaires
avaient des clientèles de la même catégorie que les centres
de services sociaux, des clientèles lourdes. Vraiment, avec
l'expérience vécue sur le terrain, je pourrais vous citer une
multitude d'exemples pour démontrer le contraire. Mais là-dessus,
ce matin, on a parlé d'une recherche faite au conseil régional de
l'île de Montréal qui arrive exactement à la conclusion
contraire. Je vais demander à Mme Lise Denis de vous en lire un
extrait.
Mme Denis: Je voudrais simplement attirer l'attention des membres
de la commission sur ce qui est dit dans cette étude en termes de
commentaires sur les services rendus dans les établissements. On dit:
"En ce qui concerne le secteur enfance -famille, 0-18 ans, les duplications
interétablissements sont certainement peu nombreuses. En effet, ce
secteur constitue un investissement majeur en termes de services et d'effectifs
pour les CSS. Dans les CLSC, les enfants de zéro à cinq ans sont
surtout rejoints par les services de santé et les six à douze ans
sont peu desservis. Les jeunes de 12 à 18 ans bénéficient
de plus de services, mais la clientèle rejointe est
généralement différente de celle des CSS.
Elle est moins détériorée et les services offerts
le reflètent. La clientèle qui peut se retrouver à la fois
dans les CSS et dans certains CLSC qui disposent de plus d'effectifs est la
clientèle des jeunes ayant des problèmes relationnels avec leurs
parents ou dans leurs différents milieux de vie." Je peux poursuivre...
Une voix: Non.
Mme Denis: Je pense que cela donne l'esprit
général. On reprend un peu avec la clientèle adulte, la
clientèle du troisième âge et un certain nombre de
recommandations ensuite.
M. Thibault: Si vous le permettez, Mme la Présidente, je
sais que ce matin vous aviez demandé s'il y avait possibilité
d'avoir cette recherche. Nous en avons une copie. Si vous nous en donnez la
permission, on peut la déposer.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Avec plaisir.
M. Thibault: C'est une recherche...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui, distribuons cela aux
membres. Je ne sais pas si M. Bélanger est encore ici, mais, comme je
lui avais parlé en privé après la réunion de ce
matin, il m'avait dit qu'il m'en ferait parvenir une copie; alors, je pense
que, si elle nous arrive plus vite, il ne m'en voudra pas d'accepter la
vôtre et qu'elle soit distribuée aux membres.
M. Thibault: D'accord. Simplement, à titre de
complément à cette réponse, dernièrement le CSS
juif de l'île de Montréal, dans une discussion qu'il avait avec le
CLSC de son territoire, semblait dire qu'il y avait effectivement un
dédoublement de services. Le CSS juif, dans un protocole qui liait aussi
à la confidentialité, a demandé au CLSC de pouvoir
examiner la liste des bénéficiaires. Cet examen, où la
liste des bénéficiaires du CLSC et celle du CSS ont
été comparées, a donné en substance le
résultat suivant: Sur environ 400 cas étudiés,
c'est-à-dire à partir de la liste du CLSC où il y avait
400 bénéficiaires, le résultat net est que 22
bénéficiaires reçoivent des services des deux
établissements...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je m'excuse.
M. Thibault: ...22 bénéficiaires, ce qui correspond
à environ 5% et qui concorde avec le taux dont parle la recherche du
conseil de l'île de Montréal. À l'examen, ils
requièrent des services de nature différente de l'un et de
l'autre.
M. Laurin: Dois-je comprendre, M. Thibault, de votre
réponse que, une fois admis à la porte d'entrée, tous les
cas qui demandent une prise en charge individuelle, qu'elle soit
légère ou lourde, devraient être acheminés par le
CLSC vers le CSS?
M. Thibault: Votre question fait référence à
notre compromis ou à la réflexion qu'on vous a soumise comme base
de discussion.
M. Laurin: Mais pourriez-vous répondre à cette
question que je vous pose? (21 h 15)
M. Thibault: Oui, je vais vous donner deux réponses, selon
que je me situe sur une base ou sur l'autre. Dans le sens de notre position de
compromis, cela dit concrètement que les gens qui ont des besoins
d'ordre psychosocial, des besoins d'aide, s'adressent à leur CLSC. Le
CLSC examine la demande d'aide. Si ce cas requiert une orientation vers une
ressource appropriée dans le milieu ou qui nécessite une
intervention de type consultation, une entrevue ou deux, et que la personne est
relativement autonome, qu'elle a besoin de conseils pour régler son
problème, on pourrait considérer ce cas comme étant
léger, et le CLSC le règle. Si dans la situation qui se
présente à ce moment-là, après évaluation,
on constate qu'il y a un degré de détérioration du tissu
familial, qu'il y a une perte d'autonomie importante, que les parents ne sont
plus capables de jouer leur rôle parental à l'endroit des enfants,
que les enfants sont négligés ou même maltraités, on
se trouve devant une problématique plus complexe pour laquelle les
centres de services sociaux ont développé des expertises. On dit
que ce type de cas devrait être référé aux centres
de services sociaux, mais non sur la base du cadre de référence,
c'est-à-dire qu'on transfère l'enfant pour le placer et que le
CLSC continue à assurer les services à la famille. On
transfère tout le cas. C'est sûr que ce n'est pas l'idéal
pour ce client d'être obligé de passer par deux portes. C'est dans
ce sens qu'on dit que c'est vraiment un pis-aller, un moindre mal.
Pour ce qui est de la base de discussion, ce qu'on dit là-dessus,
c'est qu'on est disposé à considérer la possibilité
que les CLSC s'impliquent dans les services d'ordre personnel, sauf qu'on se
demande à quel endroit on peut démarquer les clientèles.
Quand on dit que cela fait dix ans qu'on en parle, c'est seulement de cet
élément qu'on parle. Tout le volet des programmes communautaires
et préventifs n'a jamais suscité d'opposition entre les
catégories d'établissements. Dans le concret, cela se
démarque assez bien avec les types de services que les centres de
services sociaux donnent. C'est seulement quand on touche
aux services individuels, où là on fait
référence à un degré de détérioration
plus ou moins grand, et il faut tirer la ligne quelque part entre ces
deux-là. Soit dit en passant, l'avantage en faisant du CLSC...
Quant aux services communautaires, à la mobilisation des
ressources, on a 140 points de service qui jouent cette fonction
présentement. Dans les cas qui présentent un degré de
détérioration peu élevé, qui peuvent s'en sortir
avec un conseil ou avec une référence à un organisme du
milieu, le travail se fait présentement à l'intérieur des
points de service des centres de services sociaux. On dit que, s'il faut
transférer, peut-être que cette fonction pourrait être
transférée dans les CLSC - s'il faut transférer.
M. Laurin: Vous venez de parler de cas qui se
détériorent. Dans votre esprit, il est évident que ces cas
devraient être référés aux CSS. Mais, si je me base
là-dessus pour aborder maintenant le problème des services
sociaux aux écoles, je pense bien qu'on ne peut pas dire que les cas qui
se présentent dans les écoles sont des cas majoritairement
lourds, à moins que nos écoles ne soient pleines de malades. Je
pense donc que les cas que les assistants ou les assistantes sociaux doivent
traiter dans les écoles ne sont pas majoritairement lourds. Ne serait-il
pas logique, sur la base de votre propre distinction, qu'ils soient
plutôt pris en charge par un organisme plus léger comme celui des
CLSC?
M. Thibault: Je pense que vous avez tout à fait raison. On
ne peut pas dire que les clientèles du réseau scolaire
présentent un degré élevé de
détérioration, ou du moins elles ne sont pas prises en charge
nécessairement par le praticien en milieu scolaire lorsqu'il y a un
degré de détérioration très grand. Très
souvent, ce sont des cas qui vont être dépistés,
orientés, soit à la Direction de la protection de la jeunesse
pour faire l'objet d'un signalement, soit à une filiale des centres de
services sociaux pour être pris en charge, eux et leur famille. On ne
peut pas apparenter les clientèles en milieu scolaire à une
clientèle aussi lourde que celle qu'on rencontre dans le domaine de la
protection ou dans d'autres domaines.
Par contre, il y a quand même dans le milieu scolaire une
expertise qui s'est développée avec le temps. Mme Johnson en a
parlé tout à l'heure. Il faut considérer le
développement de cette expertise dans le temps. Il faut aussi
reconnaître que le rôle qui avait été destiné
aux services sociaux scolaires, au départ, était davantage une
orientation de type préventif et communautaire. C'était, au
départ, une fonction de suppléance, si on peut dire,
jusqu'à un certain point, que les CSS assumaient. Je pense qu'il
était à l'origine dans les vues du ministère d'orienter
éventuellement ces services vers les CLSC, sauf qu'il s'est passé
le phénomème suivant au cours des dix dernières
années. Les programmes de type communautaire, préventif,
d'information préventive en matière de sexualité, de
drogue, etc., ce n'est pas ce que le milieu attendait du travailleur social.
Quand on rencontre les directeurs d'école, ce à quoi ils
s'attendent, c'est qu'à l'égard de cas individuels ce soient les
travailleurs sociaux qui s'occupent de ce genre de problèmes. Je dirais
que, sous la pression du milieu lui-même, qui voulait avoir ce type de
services, les services sociaux scolaires ont pris une orientation de plus en
plus d'ordre personnel et de prise en charge, dans certains cas de
dépistage.
Pour des cas qui ne sont pas aussi lourds que ceux dont je parlais tout
à l'heure.
M. Laurin: D'une façon plus générale, je
déduis de toutes vos réponses que vous ne vous opposeriez pas
à ce que les CLSC prennent en charge des cas de services sociaux
personnels qui découlent d'une approche générale, courante
et qui ne nécessiteraient pas une expertise particulière, que ce
soit pour les familles, pour les adultes, ou les personnes
âgées.
Si je prends votre affirmation comme base, elle provoque en moi un
certain nombre de questions. Par exemple, celle-ci: Comment allez-vous faire
pour partager entre des services qui nécessiteront une expertise
particulière et ceux qui nécessiteront une approche
générale?
M. Thibault: Dans le domaine scolaire?
M. Laurin: Non, en général pour les familles, les
adultes, les personnes âgées; quel critère allez-vous
utiliser pour cela?
M. Thibault: Pour nous, c'est là l'élément
de jonction et de complémentarité du réseau. Au
départ, il y a un premier écueil à éviter. Il ne
faut pas essayer de se donner une définition d'ordre théorique
que tout le monde essaiera d'appliquer. Pour nous, la démarcation entre
la prise en charge d'un bénéficiaire que l'on peut qualifier de
léger par le CLSC et un cas lourd qui serait transféré au
centre de services sociaux, c'est à la lumière des ententes qui
devront être conclues. Il devra y avoir des ententes entre chaque CLSC et
chaque CSS et les critères pourraient varier d'un endroit à
l'autre. Certains centres urbains comme Québec et Montréal ont
développé des types d'interventions spécialisées,
qui ne se sont pas développées en province parce que le volume ou
encore la géographie ne le
permettait pas. Un cas qui, ici à Québec -car il y a une
expertise particulière -présente tel genre de problème
pourrait faire l'objet d'une entente entre le CLSC et le CSS. On dirait: Ces
cas-là, nous les référons au CSS. Alors que, dans une
autre région, ces cas-là, le CSS n'a peut-être pas plus de
moyens que le CLSC pour y faire face; donc, le CLSC les garde. Tout cela
devrait faire l'objet d'ententes avec chaque CLSC en tenant compte non
seulement des compétences développées dans chacun des
types d'établissements, mais aussi en tenant compte des ressources du
milieu, de la communauté.
Je suis de la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean, je sais que le
développement des ressources communautaires sur le territoire est
inégal. Je ne veux pas tourner le fer dans la plaie, mais dans le
secteur de Dolbeau-Mistassini, par exemple, le degré de
développement des ressources communautaires est très
inférieur au degré de développement dans le secteur
d'Alma.
M. Laurin: Mais, s'il n'y a pas entente après deux ou
trois ans de discussion, qui va faire le partage?
M. Thibault: C'est une bonne question. Nous disions, tout
à l'heure, et on essaie de s'inspirer d'un esprit de réseau, d'un
esprit de collaboration. Il faut se parler. Je pense que l'écueil que je
mentionnais tout à l'heure, qu'il fallait éviter, me laisse
croire qu'il y a des possibilités d'aller beaucoup plus loin que
là où nous sommes allés dans le passé. C'est que,
dans le passé, lorsque nous tenions le discours sur la
démarcation entre la première et la deuxième ligne,
c'était toujours un discours d'ordre général, provincial.
On essayait d'établir la norme universelle. Or, je pense que, dans la
contre-proposition que nous vous soumettons... Soit dit en passant, je ne dirai
pas qu'elle a toutes les qualités, elle a ses limites aussi; cela
présente quelques difficultés cette question-là. Mais nous
pensons que, si la ligne de démarcation des bénéficiaires
qui devront relever de l'un ou l'autre fait l'objet d'une entente entre chaque
catégorie d'établissements, nous mettons plus de chances de notre
côté d'éviter qu'il y ait des clientèles qui restent
entre deux chaises ou qui soient ballottées, mais pour autant que l'on
veut vraiment de part et d'autre faire un exercice sérieux, travailler
en équipe, travailler de façon harmonieuse.
M. Laurin: Dernière question, Mme la Présidente.
Dans votre mémoire, vous faites état que tous les services
sociaux personnels qui seraient rendus dans le cadre de la Loi sur les jeunes
contrevenants et de la Loi sur la protection de la jeunesse devraient
être rendus sur la base d'une structure régionale,
c'est-à-dire le CSS.
Par ailleurs, cet après-midi, les CLSC sont venus nous dire
qu'ils sont très près des ressources communautaires. Les
discussions sur la loi 60 ont bien montré que tout le monde
désire qu'il y ait une implication de la communauté dans le
processus de réinsertion sociale. Les CLSC, cet après-midi, sont
venus nous dire, par ailleurs, qu'ils seraient prêts à ce qu'on
leur délègue des responsabilités à cet
égard. Je suis sûr que vous avez réfléchi au
problème. Je voudrais donc vous poser la question: De quelle
façon entendez-vous collaborer avec les CLSC pour utiliser au maximum
les ressources communautaires dont ils disposent et dont ils sont les plus
près pour faciliter la réinsertion sociale des jeunes?
M. Thibault: On parle de l'application de la Loi sur les jeunes
contrevenants avec les programmes de mesures de rechange. Au départ,
notre position sur cette question a été de dire que dans le
domaine de la délinquance il y a une contribution de la
communauté, c'est bien évident. Sauf que les clientèles
qui sont prises en charge par les praticiens des centres de services sociaux
sont très souvent des clientèles qui, dans le domaine de la
délinquance, encore là, sont ce qu'on appelle les cas lourds, les
cas de délits graves, les cas qui nécessitent un encadrement plus
soutenu. Je dirais que la pratique qui s'est développée,
particulièrement lors de l'expérience de la loi 24 qui couvrait
ce type de clientèle, les anciens articles 40 dont on parlait, les cas
qui peuvent être pris en charge par des ressources de la
communauté étaient référés.
Je pourrais demander à Jean-Pierre ou à Mme Johnson de
vous en entretenir davantage.
Mme Johnson: Quand vous parlez de mesures de rechange, je pense
qu'effectivement il n'y aurait personne qui pourrait s'opposer à ce que
des CLSC développent des mesures de rechange. Je pense aussi que dans la
philosophie de la loi, lorsqu'on parle de l'intérêt de la
communauté, d'investissement de tous les citoyens par rapport aux
mesures de rechange, des CLSC pourraient en développer, des centres
d'accueil pourraient en développer, différentes instances dans
une communauté pourraient en développer et cela ne pourrait
qu'enrichir ce qui peut être offert aux jeunes contrevenants. On n'a pas
d'objections de principe à ce que les CLSC en développent, mais
les mesures de rechange ne devraient pas devenir l'apanage d'une seule
institution parce que, dans sa philosophie même, il faudrait
éviter d'institutionnaliser les mesures de rechange.
M. Laurin: Oui, vous me dites qu'il y a
un accord de principe, mais ma question allait beaucoup plus loin.
Comment entendez-vous conscrire les ressources des CLSC pour qu'ils puissent,
avec les ressources qu'ils ont, faciliter la réinsertion sociale des
jeunes?
Vous êtes d'accord sur le principe, mais avez-vous
été plus loin dans votre réflexion? Avez-vous des projets
à cet égard, au-delà de l'accord de principe?
Mme Johnson: Au-delà de l'accord de principe, je pense
qu'on a sûrement, dans différentes régions du
Québec, essayé de travailler avec les CLSC au niveau du
développement de certaines mesures de réinsertion pour les
jeunes. On a utilisé à plusieurs occasions des ressources du CLSC
et dans différentes régions. Suivant l'organisation de ces
établissements, on a essayé de développer en concertation
des programmes qui pourraient aider les enfants. C'est probablement à
ses tout débuts; je ne peux pas vous dire que c'est quelque chose de
très avancé. Je pense, par ailleurs, que c'est quelque chose qui
serait extrêmement bénéfique aux
bénéficaires. C'est clair que l'apport du CLSC, en termes de
développement de ressources, en termes de développement de
projets, autant pour des jeunes en besoin de protection qu'en
délinquance, ne pourrait qu'aider les clientèles et permettre une
action encore plus intensive et plus rapide de la part du Directeur de la
protection de la jeunesse. Les deux organismes doivent vraiment se
complémentariser. Je ne sais pas si cela répond à votre
question. (21 h 30)
M. Thibault: Simplement pour compléter. On a eu une
conversation similaire avec M. Johnson. Nous, ce qu'on disait au départ,
c'est que, plutôt que d'établir une règle de partage qui
fait que de façon systématique toutes les clientèles
-à l'époque, on parlait des articles 40 de la Loi sur la
protection de la jeunesse; maintenant, ce sera celle des jeunes contrevenants -
selon qu'elles étaient suivies en milieu naturel ou en milieu substitut
s'en allaient dans les CLSC ou dans les CSS, on disait qu'au niveau de ces
clientèles il y avait une continuité d'action à maintenir.
On proposait que, règle générale, les clientèles
qui nécessitent une prise en charge le soient par le centre de services
sociaux sans oublier que ces clientèles-là, selon le degré
de détérioration ou selon que le client est déjà
connu du CLSC, pourrait faire l'objet d'une délégation du
Directeur de la protection de la jeunesse. Dans les faits, cela se fait assez
régulièrement. C'est l'exception, ce n'est pas le système
provincial. On n'oblige pas de façon systématique, même
lorsque c'est contre-indiqué, un client à changer
d'établissement. Cela devrait être apprécié par le
Directeur de la protection de la jeunesse. Sur cette dimension-là, le
Directeur de la protection de la jeunesse a un pouvoir discrétionnaire.
Il peut aussi confier des responsabilités à des professeurs,
à des policiers, à des grands frères, à des grandes
soeurs. Tout le domaine des mesures de rechange est nouveau. Je pense qu'on
attend les décisions à ce sujet. Je pense que les
décisions finales ne sont pas prises quant à savoir qui aura la
responsabilité des mesures de rechange.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord. M. le
député de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: Mme la présidente est très
sévère avec moi et, par conséquent, je suis encore au
stade de chercher des réponses à ma troisième question de
ce matin. Je vais continuer avec la troisième dans l'espoir qu'on
terminera dans le temps alloué pour me permettre de poser la
quatrième qui est prête.
Je veux continuer sur le sujet des services à la
communauté anglophone et à la communauté juive. Je pense
que c'est une question qui, depuis longtemps, n'a pas été
adéquatement discutée à l'Assemblée nationale.
Quand j'ai posé cet après-midi une question concernant les
problèmes subis par les anglophones dans le cadre des services sociaux
et de santé, le porte-parole des CLSC m'a indiqué qu'il
n'était même pas conscient de l'existence du problème. Il
m'a demandé s'il y avait des cas... Il m'a donné la
réponse en ce qui concerne les CLSC. J'étais en train de lui
demander s'il avait pris connaissance de deux documents; le premier est un
document préparé par le groupe de travail sur les services
sociaux de la communauté d'expression anglophone qui a été
déposé récemment et le deuxième document a
été déposé par la communauté juive. Pour ne
pas prolonger le débat et pour ne pas se lancer dans les questions de
principe, est-ce que vous avez pris connaissance de ces documents?
M. Thibault: Comité des consommateurs? Est-ce cela?
M. Scowen: "Le comité d'expression anglaise et l'avenir
des services sociaux au Québec", janvier 1984.
M. Thibault: De mémoire, je ne m'en souviens pas.
M. Scowen: Je vais lire une recommandation. Je pense qu'il s'agit
d'un résumé d'une solution proposée pour régler de
nombreux problèmes existants et potentiels: "Que le ministre des
Affaires sociales affirme par directive ministérielle le statut
permanent de la juridiction
socioculturelle du Centre de services sociaux Ville-Marie." Par la
suite, on parle de la possibilité de sous-traitance dans les
régions et non pas de juridiction. Je suis certain que vous êtes
au courant du débat concernant le rôle territorial ou
socioculturel du Centre de services sociaux Ville-Marie. C'est la solution
proposée. Je vous demande si vous êtes d'accord avec cette
recommandation. Je répète: que, par directive
ministérielle, on reconnaisse le statut permanent de la juridiction
socioculturelle du Centre de services sociaux Ville-Marie. Par la
réponse à cette question, on répond à de nombreuses
sous-questions que je pourrais poser si j'avais un peu plus de temps.
M. Thibault: La position de l'Association des centres de services
sociaux du Québec porte sur un projet de partage des
responsabilités. À ce niveau-là, c'est une position qui a
été ratifiée par notre assemblée
générale, laquelle est: Voici le compromis que l'on
dépose. Il faudra tenir compte des particularités
régionales et des particularités culturelles et linguistiques,
sauf que le cadre général du compromis, c'est ce qu'on vous a
présenté. S'il y a lieu d'avoir d'autres particularités -
on est conscients qu'il y a des particularités du côté du
CSSVM et du CSS juif - elles doivent être considérées et
vues au mérite. Si on doit déroger à leur orientation de
base, que ce soit vu davantage à titre expérimental. Là,
nous sommes dans le dossier du cadre de partage.
La question que vous soulevez est davantage une question que je
qualifierais de survivance de l'institution. Je vous avoue qu'officiellement
nous n'avons pas de position là-dessus si ce n'est que nous avons
toujours reconnu, de fait, ces deux CSS. Il faudrait retourner aux discussions
qui ont eu cours antérieurement dans les années 1970, alors que
l'Association des centres de services sociaux s'appelait la
Fédération des services sociaux à la famille, pour voir
s'il n'y a pas eu des opinions ou des prises de position de la
Fédération des services sociaux à la famille, qui
était quand même partenaire avec le ministère des Affaires
sociales dans l'opération qu'on a appelée, à
l'époque, l'opération mise en place du réseau des centres
de services sociaux. Je me souviens qu'à l'époque - je n'ai pas
été étroitement associé à cela à
Montréal - il y avait des discussions fort importantes qui avaient cours
sur la question de savoir si, à Montréal, on va structurer sur
une base sous-territoriale, linguistique ou culturelle. Le résultat a
donné ce qu'on a aujourd'hui.
M. Scowen: Oui. Je suis certain que vous, moi et beaucoup
d'autres personnes ici ce soir sommes conscients de l'existence de ce
débat qui existe depuis longtemps. Ce soir, vous avez parlé,
à plusieurs reprises, de la nécessité de desservir la
population sur la base d'une masse critique. S'il n'y a pas de masse critique
pour justifier les services décentralisés, il vaut mieux les
garder à l'intérieur des CSS afin d'éviter les
chevauchements, le dédoublement des services.
Si je comprends la position du CSS VM et du CSS de la communauté
juive, ils disent à peu près la même chose, et ce n'est pas
d'hier, ils le disent depuis longtemps. Ils disent: Nous avons un
problème de masse critique. Si nous n'acceptons pas le principe que nous
avons une responsabilité, pas territoriale, mais une
responsabilité socioculturelle, c'est impossible d'attendre que les
unités dispersées ici et là puissent donner un service
à notre communauté dans sa langue et sa culture.
C'était un problème il y a un an. C'est devenu un
problème plus grave avec le cadre de référence parce que
dans celui-ci on propose de diffuser, de disperser les pouvoirs, les
responsabilités de ces deux centres de services sociaux vers une
série de CLSC qui vont nécessairement devenir des CLSC qui
desserviront une population assez hétérogène. La solution
idéale qu'ils proposaient et pour laquelle les raisons étaient
bien connues - et le sont encore aujourd'hui - était que, dans les deux
cas, c'est encore plus important aujourd'hui devant le cadre de
référence que cela l'était il y a un an.
La question que je pose aux personnes qui sont à la table: Est-ce
que vous êtes d'accord avec ces revendications? La question n'est pas de
l'étudier. La problématique est connue depuis longtemps.
M. Thibault: Ce que je peux vous dire, c'est que non seulement le
conseil d'administration de l'association, mais également
l'assemblée générale ont été
sensibilisés à ces dimensions. Ce sont des particularités
qu'il faut considérer: il y a un accord de principe à cet effet.
Maintenant, concrètement, cela veut dire quoi? Je ne sais pas si
Jean-Pierre aurait autre chose à ajouter. On n'a pas pris de position
sur le fond, sauf qu'on dit qu'il y a matière à
considération effectivement.
M. Duplantie: C'est exact. Je pense que nous sommes
préoccupés par la question. Dans ce sens, on voulait que ce soit
traité de façon très particulière, d'autant plus,
comme vous le dites, que le cadre de référence apporte un
problème de dilution. Là-dessus, en tout cas, je peux facilement
parler de l'expérience que j'ai chez moi: nous avons une population
anglophone à laquelle nous avons beaucoup de difficulté à
offrir des services dans la langue, particulièrement au niveau des
personnes âgées. Les jeunes arrivent bien à devenir
bilingues, mais les adultes de 45, 50 ou 60 ans et plus ont de
sérieuses difficultés de ce côté. Je vous avoue
qu'on a de la difficulté à organiser les services pour qu'ils
soient satisfaisants, compte tenu des particularités socioculturelles.
Dans ce sens, on est très sensible à la demande du CSS
Ville-Marie et du CSS juif, donc, au fait que le cadre de
référence élargit davantage le problème.
M. Scowen: Si je comprends bien, c'est encore à
l'étude. Vous n'avez pas encore pris position. Je peux souhaiter que les
deux organisations et leurs représentants vont continuer d'exercer les
pressions nécessaires pour vous aider à prendre une
décision dans les plus brefs délais. Mme la Présidente,
est-ce que j'ai le temps?
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vous avez trois minutes,
question et réponse. Je vais vous en donner quatre.
M. Scowen: D'accord. Je vous remercie.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je vous en donnerai
quatre, M. le député de Gouin.
M. Scowen: Ce sera certainement la dernière question et
elle n'a rien à voir avec les communautés minoritaires. J'essaie
de comprendre ce que vous avez dit ce soir et j'essaie aussi de comprendre un
peu ce que les autres ont dit. Nous avons aujourd'hui un système. Chacun
fait quelque chose. Un dénommé Castonguay, en 1972, a
écrit un document. Il y en a qui prétendent qu'aujourd'hui nous
avons une responsabilité envers lui de réaliser ce qu'il a
proposé il y a douze ans. Ce n'est pas clair dans mon esprit. Je ne
comprends pas pourquoi ce document est devenu une espèce
d'évangile que nous sommes tenus de respecter aujourd'hui, mais certains
tiennent énormément à ce que cela se réalise. Vous
dites, si je comprends bien, que c'est simplement pour respecter les opinions
de M. Castonguay de 1972 et, par la suite, de changer un peu les structures
sans changer les services. On risque de passer un an ou deux avec un
chambardement, un peu comme il a été proposé il n'y a pas
longtemps dans le domaine de l'éducation, avec les conséquences
qu'on ne va pas améliorer les services. On va simplement passer des
après-midi heureux avec les administrateurs dans la restructuration. Si
je comprends, vous dites que ce n'est pas prouvé que ce changement va
améliorer le service. Votre préoccupation en ce qui concerne les
CLSC, c'est que le réseau, qui a été conçu au
départ pour les services qui étaient conçus pour les CLSC,
les services de prévention et les services communautaires, n'a jamais
été complété faute de fric, faute de budgets.
Effectivement, on est en train d'essayer de donner aux CLSC des postes
additionnels pour qu'ils puissent réaliser quelque chose avec des
crédits additionnels et non avec des crédits qui seront
enlevés aux CSS, ce qui risque, dans le processus, de
détériorer les services qui sont donnés par les CSS ou par
les personnes qui sont dans les CSS. Le problème, aujourd'hui, dans les
CLSC n'est pas un problème de structure. On n'a pas respecté le
mandat original à cause du manque d'argent nécessaire pour
compléter le réseau et respecter le mandat de M. Castonguay.
Est-ce que c'est à peu près cela?
M. Thibault: Je pense que dans l'ensemble vous avez très
bien compris notre message. Il y aurait peut-être quelques petites
nuances à apporter. Le fond du message, c'est cela jusqu'à un
certain point. C'est exact, il ne faut pas prendre la commission
d'enquête Castonguay-Nepveu comme une bible, sauf qu'elle a quand
même fait une étude sérieuse de la situation il y a dix
ans. Elle a formulé des recommandations. Aujourd'hui, on peut bien nous
citer le rapport Barclay en Angleterre, mais Barclay nous donne à peu
près le même message que le message qui nous avait
été livré dans le domaine des services sociaux, ici, au
Québec, lors de la commission d'enquête Castonguay-Nepveu. Soit
dit en passant, la commission elle-même, lors du dépôt de
son document sur les services sociaux, disait qu'elle avait beaucoup
scruté le domaine de la santé, mais qu'elle n'était pas
allée très loin dans le domaine des services sociaux et qu'il
fallait poursuivre la réflexion. (21 h 45)
Du rapport de la commission Nepveu-Castonguay, on est passé
à une loi et cela a pris la forme de CLSC et de CSS. Le CSS a une
connexion directe avec la commission Nepveu-Castonguay en ce sens qu'on disait:
II y a des services variés pour répondre à des besoins
variés. Les services doivent être de l'ordre de la
prévention, du communautaire et de l'adaptation personnelle, pour
employer son vocabulaire. Aujourd'hui, on appelle plus cela des services de
prise en charge pour des clientèles qui requièrent des services
plus personnels, plus soutenus. Sa recommandation était claire,
c'était de constituer ces services, pour en améliorer
l'efficacité, sur une base régionale. Fondamentalement,
aujourd'hui, on remet cela en cause. En voulant transférer une partie de
ces responsabilités dans les CLSC, c'est une espèce de bond en
arrière de dix ans. On va perdre des acquis importants dans le domaine
des services et dans le domaine de l'évolution de la pratique
professionnelle.
Je mentionnais tout à l'heure - je le disais dans ces termes -
que, dans le fond -la Fédération des CLSC a raison jusqu'à
un
certain point - au niveau de la formation, il ne se forme pas, dans le
domaine social, des spécialités aussi marquées et
démarquées comme dans le domaine de la santé, sauf que la
véritable spécialisation se développe sur le terrain
présentement. Cela, c'est à partir de masses critiques
suffisantes pour pouvoir investiguer davantage, faire de la recherche et
développer les connaissances au fur et à mesure que tu rencontres
ces clientèles et que tu essaies de les aider; tu les connais mieux et
tu développes des habilités. Dans ce sens-là, on peut
véritablement parler d'une certaine forme de spécialisation.
Est-ce qu'on est trop spécialisé? Cela est une autre
question. Je pense que la question, il ne faut pas la prendre comme cela. Il
faut se demander si le genre d'intervention qui se fait dans les centres de
services sociaux est adapté aux besoins des bénéficiaires,
si c'est efficace. C'est dans ces termes qu'il faut poser la question. Dans ce
sens-là, je pense que ce qui était proposé dans le cadre
de la référence, pour nous, allait à l'encontre de ce qui
était proposé dans la commission Nepveu-Castonguay, parce qu'on
ne faisait que changer l'organisation des services d'ordre personnel en en
donnant une partie aux CLSC. On disait que c'était un changement de
structure, un changement important d'orientation.
La vocation des CLSC, je pense qu'on a eu l'occasion d'en parler entre
nous. On a trouvé vivifiante la façon dont les CLSC se
projetaient dans l'avenir. On est très près de cette vision.
C'est sûr que ce n'est pas demain matin que l'on peut appliquer cela et
ce n'est surtout pas en coupant des services à des personnes les plus
démunies de la société. Il ne faut pas payer ce
prix-là pour avoir des services de cet ordre-là. Cela ne veut pas
dire que cela ne les prend pas.
Là-dessus, peut-être que je pourrais demander à mon
ami, M. Duplantie, de dire... Non? Excusez-moi, Mme la Présidente, j'ai
été long.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je pense qu'il pourra
profiter de la prochaine question pour répondre.
Une voix: ...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): C'est cela, on m'attend.
Mais, avant de donner la parole au député de Gouin, je voudrais
le rassurer: le document qui a été déposé
tantôt ne peut pas vous être transmis ce soir; ce doit être
la polycopie qui ne fonctionne pas.
M. Rocheforts Allons-nous le recevoir à nos bureaux?
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vous l'aurez à vos
bureaux demain matin. Alors, vous avez la parole, M. le député de
Gouin.
M. Rochefort: Merci, Mme la Présidente. Première
question que je voudrais poser à M. Thibault, très
sérieusement: j'ai écouté très attentivement votre
présentation, ainsi que les échanges que vous avez eus avec les
autres membres de la commission qui sont intervenus jusqu'à maintenant.
La question qui me vient, lorsque j'écoute votre présentation et
vos réponses, c'est: Est-ce que, finalement, ce qui vous accommoderait
le mieux, ce qui correspondrait à ce que vous souhaitez
profondément, ce ne serait pas de fermer le dossier et de maintenir le
statu quo?
M. Thibault: Je pense que de la poser dans ces termes... Quant
à nous, elle n'est pas posée de cette façon. Je pense que
la question n'est pas de savoir ce qui nous accommode et ce qui ne nous
accommode pas. La question est de savoir si on peut, dans la situation
où sont les choses - on a fait l'exercice le plus honnêtement
possible -souscrire et aller dans le sens de l'objectif de compléter le
réseau des CLSC, de clarifier les rôles et les missions en ne
perdant jamais de vue que c'est le bénéficiaire qui doit en
profiter.
M. Rochefort: Le résultat de cette façon de
réfléchir aux problèmes que vous venez d'exposer n'est-il
pas pour vous, jusqu'à nouvel ordre, de maintenir le statu quo, quitte
à poursuivre les réflexions?
M. Thibault: Ce qu'on a dit sur cette question, c'est que c'est
une décision qui revient aux autorités politiques.
M. Rochefort: Écoutez...
M. Thibault: La position de l'association, c'est de dire: Quoi
qu'il advienne à court terme, qu'il y ait une décision de
transfert ou non... S'il doit y avoir une décision de transfert, on vous
dit: Selon la connaissance qu'on a des besoins des bénéficiaires,
la position de compromis qu'on dépose nous paraît un moindre mal.
Si on veut aller vers un transfert, allons-y sur cette base, mais ne perdons
pas de vue qu'il restera quand même - et c'est une demande importante de
notre association...
M. Rochefort: Mais, monsieur...
M. Thibault: ...à faire un véritable bilan des
services sociaux, non seulement pour regarder ce qui a été fait
au cours des dix dernières années, mais surtout, à partir
de là, pour projeter vers quoi on veut aller au cours des dix prochaines
années. Ce sera beaucoup plus facile de travailler ensemble à
ce moment-là.
M. Rochefort: Je vous repose la question. À la suite de la
réponse que vous venez de me fournir, je vous dis ce que je comprends et
je veux être certain que je comprends vraiment ce que vous êtes
venu nous exprimer ici ce soir. Vous nous dites: Ah! ce n'est pas nous qui
allons décider s'il doit y avoir un partage, mais, s'il doit y avoir un
partage, on vous dit ce qui pourrait être un moindre mal, un compromis
ultime, etc. Dans les faits, souhaitez-vous un nouveau partage entre les
responsabilités des CS5 et celles des CLSC, oui ou non?
M. Thibault: Pour répondre bien carrément à
votre question...
Une voix: Biron répond...
M. Thibault: Pour répondre bien sincèrement
à votre question, je pense que, dans l'état actuel du dossier, en
tout cas pour tout ce qu'on a vu comme impact sur le
bénéficiaire, à ce moment-ci, le moins qu'on puisse dire,
c'est qu'on prend des risques de commencer à chambarder cette gamme de
services. Dans ce sens, je pense qu'effectivement il y aurait matière
à regarder cela en profondeur. Peut-être direz-vous que c'est cela
qui nous accommode? On est toujours au niveau du débat dans lequel on
s'est situé dès le départ. Dès le départ,
quand le dossier est sorti, je savais très bien que les centres de
services sociaux allaient être taxés de défendre leur job.
Je voudrais seulement attirer votre attention sur ce qui s'est passé
dans les centres de services sociaux en termes de phénomène au
cours des derniers mois. Lorsque le cadre de référence est sorti
au mois de décembre, les professionnels en général dans
les centres de services sociaux ont dit: Nous, travailler dans un CLSC ou dans
un CSS, c'est du pareil au même. On l'a entendu effectivement,
d'ailleurs. Ils étaient loin de tout cela. Cela ne les dérangeait
pas. C'était une guerre de structure; cela regardait d'autres personnes.
Après la période des fêtes, lorsqu'ils sont revenus, le
discours a changé. D'une phase de désintéressement
où ils regardaient leurs intérêts au départ,
où ils ont dit: Cela n'a quand même pas de bon sens quand on
regarde cela de près, cela veut dire que, demain matin, si tu t'en vas
dans le CLSC, moi, je reste ici, moi, je suis l'enfant et toi, tu suis la
famille, etc., ils sont passés à une phase beaucoup plus critique
et la position développée par l'Association des centres de
services sociaux est partie de cette analyse.
M. Rochefort: Ce que je retiens de la réponse que vous
venez de me donner, c'est que, pour l'instant, vous préférez le
statu quo, quitte à poursuivre les réflexions.
M. Thibault: II nous paraît y avoir des risques importants
à prendre une décision prématurée et on est
conscient...
M. Rochefort: Et, donc la proposition...
M. Thibault: ...que la situation n'est pas facile à
vivre.
M. Rochefort: ...que vous appelez proposition de compromis que
vous nous soumettez veut dire qu'à partir du moment où notre
décision, notre volonté politique serait
irréversible...
M. Thibault: C'est cela.
M. Rochefort: ...de faire un partage, vous nous dites ce qui
semble un minimum acceptable pour vous. Dans le fond, ce que vous voulez, c'est
qu'on n'y touche pas.
M. Thibault: Un minimum...
M. Rochefort: À la suite de cela, j'ai deux ou trois
questions subsidiaires à vous poser.
M. Thibault: Oui.
M. Rochefort: Est-ce que vous reconnaissez qu'à la suite
de la réforme, à la fois du rapport de la commission
Castonguay-Nepveu et de la loi qu'a mise en place M. Castonguay qui
concrétisait cette réforme, on ne peut pas dire que, finalement,
il y ait un certain nombre de ressources des services sociaux qui avaient
été confiées aux CSS de façon temporaire par
définition?
M. Thibault: Au départ?
M. Rochefort: Oui. Est-ce que vous reconnaissez qu'au
départ il y avait un peu un rôle de suppléance
jusqu'à ce que les ressources des CLSC soient mises en place?
M. Thibault: Je vais vous donner un bout de réponse et je
demanderai à M. Duplantie de compléter très rapidement.
Effectivement, au point de départ, lorsque les centres de services
sociaux ont été créés, il y avait toujours dans
l'air qu'il fallait partager la première et la deuxième ligne.
Comme il n'y avait pas de CLSC, forcément, par la logique des choses, on
déduisait que les CSS donnaient des services de première et de
deuxième ligne, qu'ils avaient des effectifs pour donner le service et
qu'ils jouaient un rôle de suppléance. Toutefois, avec
l'évolution des dix dernières années, beaucoup de lois: la
Loi sur la protection de la jeunesse, la loi sur les jeunes délinquants,
la loi d'adoption qui a été modifiée, toutes les nouvelles
responsabilités confiées aux
centres de services sociaux, les coupures budgétaires qui ont
beaucoup restreint ont fait en sorte que l'évolution aujourd'hui... S'il
existe encore des cas légers dits de première ligne, il y en a de
moins en moins dans les centres de services sociaux. Dans ce sens, on peut
affirmer qu'on ne fait plus de rôle de suppléance, exception faite
des programmes clairement identifiés au ministère; par exemple,
l'aide à domicile, c'est clair. Il y a une décision...
Peut-être M. Duplantie veut-il compléter?
M. Duplantie: Pas plus que cela. En tout cas, cela va dans le
même sens. C'est le problème fondamental qui est posé. Il y
a 3200 professionnels. Si on veut faire un départage, il va falloir se
poser la question de la rationalisation de nos ressources. J'ai cité
l'exemple tantôt de six praticiens pour huit CLSC. Ce n'est
peut-être pas l'exemple à citer pour la région de
Montréal, mais c'est très vrai. Qu'on le prenne chez nos
personnes handicapées ou dans notre secteur jeunesse-famille et selon
même le cadre de référence, chez nous cela n'implique pas
plus de dix praticiens, dans le secteur jeunesse-famille, par exemple, selon le
cadre de référence tel qu'il est proposé.
Alors, il va falloir être concients que, quand nous avons
parlé d'expertises qui se sont développées à partir
de bassins de population, nous devrons, en quelque sorte, départager ces
quelques ressources. C'était l'une des préoccupations de la
commission Castonguay-Nepveu, la rationalisation des ressources sur un plan
régional.
M. Rochefort: Une deuxième question subsidiaire et je
pense que je vais mettre les trois ensemble: Ne reconnaissez-vous pas toutefois
que, à partir du moment où les services sociaux offerts
actuellement dans les CSS seraient regroupés avec ceux offerts dans les
CLSC, cela nous assurerait une meilleure complémentarité dans
bien des cas, dans l'intervention sociale faite par le travailleur social ou
l'équipe des travailleurs sociaux? Ne reconnaissez-vous pas que,
à partir du moment où ces services seraient dispensés par
les CLSC, à cause de la structure de direction des CLSC, les conseils
d'administration et le reste, on aurait une plus grande assurance que ces
services seraient mieux adaptés aux besoins de la population locale pour
qui ils sont prévus? Ne reconnaissez-vous pas aussi que, en même
temps, si on les retrouvait dans des CLSC, on favoriserait une plus grande
approche multidisciplinaire souhaitée dans tout le réseau des
affaires sociales?
M. Thibault: En effet, il y a beaucoup de questions
là-dedans. D'abord, dans un premier temps, on dit: Si on envoie tout
cela dans les centres locaux de services communautaires, est-ce que cela ne
serait pas mieux? Là-dessus, je ferai remarquer que le rapport
Castonguay-Nepveu et la loi, par la suite, ont tenu à tirer des lignes
de démarcation.
M. Rochefort: Vous avez dit vous-même que, depuis dix ans,
cela a beaucoup évolué.
M. Thibault: Non.
M. Rochefort: Alors, concrètement, à l'heure
où l'on se parle...
M. Thibault: Non, cela a évolué. Ce n'est pas une
Bible. Cela ne veut pas dire qu'on ne peut pas le reprendre en
considération.
M. Rochefort: Bon, à l'heure où l'on se parle,
oublions cela, si cela a beaucoup évolué au point où on ne
peut pas en tenir compte, notamment pour la suppléance.
M. Thibault: D'accord. Alors, prenons la situation telle qu'elle
se présente aujourd'hui, la manière dont elle se présente.
J'ai présenté tout à l'heure le profil et quelques
statistiques de clientèles qu'on dessert. Ce qu'on constate de
façon générale, c'est que l'évolution nous a
amenés, dans le réseau des centres de services sociaux, à
centrer de plus en plus nos services sur des clientèles en besoin de
protection, dans un degré de vulnérabilité très
grand, que ce soit dans le domaine de l'enfance, des familles, des adultes ou
des personnes âgées.
Un enfant victime d'inceste à Chibougamau a besoin du même
type de services que s'il est à Montréal. Ces services ne doivent
pas prendre de couleur locale. C'est une responsabilité de l'État
d'assurer la sécurité de ses citoyens, la protection. On pense
qu'on est là face à des besoins fondamentaux qui n'ont pas de
couleur locale.
Dans ce sens, de décentraliser dans les CLSC ce type de services,
on perd, d'une part, des expertises, on fait un retour en arrière, on
risque d'avoir des difficultés d'articulation et de coordination dans
des services aussi importants que ceux de la protection de la jeunesse, et on
parle de plus de la protection des personnes âgées et on
connaît leur situation.
Dans ce sens, je pense qu'il ne faut pas envisager cela. C'est
impossible. Le CLSC, par des services dits communautaires et préventifs,
je dirais même - et dans notre proposition, on ne l'a pas dit de
façon explicite - qu'il devrait sortir de l'autorité de
l'État. Il devrait être greffé à un pouvoir
politique local. C'est là qu'on aura les meilleures garanties que le
CLSC développera des programmes adaptés à son milieu.
C'est dans cette voie que notre réflexion nous a
menés à ce jour.
Je ne sais pas si je réponds à d'autres questions par le
fait même ou si j'en oublie.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Avez-vous d'autres
questions, M. le député de Gouin? (22 heures)
M. Rochefort: Non, une simple conclusion. Quant à moi, je
suis heureux de l'échange qu'on a eu car, à partir de maintenant,
mais seulement à partir de maintenant, je connais vraiment votre
position. Merci.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): J'aimerais...
Une voix: Il aurait peut-être fallu...
M. Rochefort: Les mémoires et la discussion que nous avons
eue, cela fait une différence. Si vous aviez suivi la discussion que
nous avons eue, vous auriez peut-être compris cela.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): J'aimerais poser à
nos invités une question sur les personnes âgées.
Nous n'en avons pas parlé de la journée. Comment
voyez-vous, dans le cadre de référence ou autrement, la
distribution des responsabilités quant à la protection des
personnes âgées prise dans son sens le plus large, pas le terme
protection nécessairement juste dans le terme de la protection de la
jeunesse?
M. Thibault: Je vais inviter Mme Céline Morin à
répondre à votre question.
Mme Morin (Céline): En ce qui concerne les personnes
âgées, plus que pour beaucoup d'autres clientèles, la
dimension de la santé, la dimension de l'incidence, de la
présence de maladies est importante, la nécessité,
également, d'avoir les services le plus près de chez soi, la
possibilité de rester le plus longtemps possible chez soi. Je pense que
tout ça milite vraiment en faveur d'une prise en charge qui soit
davantage à caractère sociomédical, si l'on veut, et sur
une base locale. Nous sommes tous très conscients de cela.
Par contre, au niveau des personnes âgées et de l'approche
que nous avons eue jusqu'à présent, on a tellement
médicalisé les services que nous leur donnons, que nous avons
fini par faire de la vieillesse une véritable maladie. Il y aurait une
réflexion importante à faire pour voir si l'on veut
reconnaître que les personnes âgées ont également des
problèmes psychologiques, des problèmes sociaux, sans que
nécessairement il y ait une incidence de maladie ou un caractère
médical.
Alors, ce que nous disons, la position de l'ACSS, c'est que la prise en
charge de la personne âgée, qu'elle se fasse localement par les
CLSC, cela nous paraît une formule fort intéressante. Par contre,
nous aurons et nous aurions dû avoir une réflexion beaucoup plus
poussée sur la façon dont nous répondrons aux besoins des
personnes âgées. Jusqu'à présent, nous
répondons à des besoins primaires. Nous répondons à
des besoins de soins, de nutrition, d'hébergement quand cela devient
absolument indispensable, mais la personne qui souffre de dépression,
d'anxiété, la personne qui a des tendances suicidaires, qui est
dépouillée de ses biens, qui est évincée de son
logis, qui développe une image très négative
d'elle-même, qui vit mal des deuils, c'est malheureux, mais nous n'avons
pas encore pris le temps de nous en occuper et nous n'avons surtout pas les
ressources nécessaires pour le faire. Et ce n'est pas en
transférant les quelques ressources disponibles pour les personnes
âgées dans les CSS que nous allons répondre à ces
besoins-là.
Je pense que, pour les personnes âgées, nous en sommes
rendus à un point où, devant l'importance du
phénomène, nous devrons faire une réflexion et des choix
sociaux. Est-ce que nous voulons, oui ou non, répondre aux besoins des
personnes âgées et répondre globalement à ces
besoins et non pas seulement à des besoins primaires? Je pense
qu'à la fois les CLSC, les CSS et les CRSSS doivent s'interroger et le
ministère doit penser à investir davantage, car fondamentalement,
au niveau des services sociaux pour les personnes âgées, il y a un
manque chronique de ressources. On a investi davantage au niveau du maintien
à domicile, et c'est fort heureux. Il y a encore de la place pour du
progrès, et on investit également au niveau des ressources
d'hébergement. L'on cherche à diversifier les ressources
alternatives, l'on cherche à trouver des formules de ressources
d'hébergement moins lourdes que le centre d'accueil tel que nous le
connaissons, mais je pense qu'au niveau des besoins personnels de la personne
âgée nous n'avons pas encore été très loin et
il est urgent qu'on le fasse.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je vous remercie. Je vais
revenir avec une question; avant, je voudrais demander le consentement de la
commission pour qu'on puisse continuer au-delà de vingt-deux heures.
Cela va? Je comprends qu'il y en a qui manquent... Est-ce qu'il y a quelqu'un
qui vous a apporté le résultat de la partie de hockey, M. le
député de Brome-Missisquoi?
M. Paradis: S'il vous plaît! S'il vous plaît.
Une voix: 3 à 1.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Pour qui? On ne sait pas
pour qui, 3 à 1.
Une voix: Les Islanders.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Excusez-moi! Pour revenir
à notre sujet, vous dites: Les maigres ressources qui existent
présentement dans les CSS et j'ai vu quelque part - et c'est très
vague dans mon esprit -qu'il y aurait environ 200 travailleurs sociaux pour
l'ensemble du Québec dans les CSS. Par contre, d'une part, vous dites:
La prise en charge par les CLSC des personnes âgées nous semble
une approche très intéressante, mais il ne faudrait pas, avec le
peu de ressources qu'on a, les transférer dans les CLSC. J'ai cru
comprendre que ce serait une prise en charge complète, par les CLSC, des
personnes âgées. Pourquoi garderiez-vous ce personnel dans les
CSS?
Mme Morin: Ce que je veux dire, c'est qu'il ne faut pas
s'imaginer qu'en faisant le transfert on va régler les problèmes
des personnes âgées. Il y a si peu de ressources: tout à
l'heure M. Duplantie disait: J'en ai six pour huit CLSC; on vit un peu la
même situation dans la région de Québec où on peut
dire qu'on a un praticien sur un territoire où il y a deux CLSC de
prévus, etc. Les ressources sont extrêmement limitées.
Actuellement, elles sont utilisées pour répondre aux besoins les
plus urgents, les besoins les plus criants. Alors, on fait une
évaluation, on assure un maintien à domicile en assurant des
services de soins et d'aide à domicile, le minimum qu'on peut donner ou,
encore, on oriente vers un placement mais on ne peut pas faire plus. On est
rendu à dire que, si une personne âgée vient nous voir
parce qu'elle est exploitée par ses enfants ou parce qu'elle vit un
deuil tellement mal qu'elle menace de se suicider, etc., on ne peut pas s'en
occuper.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Est-ce qu'à ce
moment-là - je m'excuse de vous interrompre...
Mme Morin: C'est psychosocial.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Si je suis votre
raisonnement, c'est vrai qu'il n'y a pas suffisamment de ressources; je ne
voudrais pas qu'on m'interprète mal, mais dans le fond, le manque de
ressources que vous avez aux CSS, c'est le manque de ressources qu'on
transférerait aux CLSC.
Mme Morin: Oui.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Dans le fond, au point de
départ, vous reconnaisssez que cela pourrait être
transféré aux CLSC et ils se retrouveront avec le manque de
ressources. Est-ce que c'est ce que vous me dites?
Mme Morin: Ils vont se retrouver avec le manque de ressources.
C'est cela. Les choix de société que nous devons faire pour les
personnes âgées ne sont pas encore faits. Est-ce que nous voulons
vraiment nous en occuper? Si oui, il va falloir investir et cela presse.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): II y a une
dernière question que j'aimerais poser, peut-être à M.
Thibault ou à Mme Denis. C'est sur les recommandations qui ont
été faites ce matin par les CRSSS et qui ont trait à la
programmation sociale. On semblait dire qu'il y avait extrêmement peu de
recherches qui étaient faites dans les centres de services sociaux. Cet
après-midi, quand on a entendu les CLSC et qu'on demandait certaines
précisions, eux aussi ont déploré le manque de
données. Tout le monde y allait un petit peu par des estimations
extrêmement grossières sur une foule de sujets. Est-ce qu'il se
fait, dans les centres de services sociaux, des recherches qui aident à
améliorer l'intervention ou à définir les
problématiques, qui sont des outils pour l'amélioration sociale
des citoyens?
M. Thibault: On peut dire que, de façon
générale, effectivement, on partage le point de vue des conseils
régionaux. De façon générale il se fait peu de
recherches. Là-dessus il faut quand même nuancer parce que d'un
CSS à l'autre... Je pense que, dans les CSS de plus grosse taille, on a
des moyens qu'on n'a pas dans les petits CSS. C'est pour cela qu'il faut tenir
compte de cette dimension. Il reste que, lorsqu'on parle du volet de recherches
dans les centres de services sociaux, c'est vraiment le pendant qu'on voudrait
retrouver dans le domaine des services sociaux de ce qu'on retrouve dans le
domaine de la santé avec les départements de santé
communautaire. À ce niveau, pour avoir été dans les
centres de services sociaux à leur création, je sais que les CSS
étaient, en général, équipés de personnel au
niveau de la direction des services professionnels pour pouvoir assumer cette
fonction de recherches-planification. Malheureusement, ces personnes avaient un
statut, dans les circonstances, à l'époque, de conseiller-cadre.
On sait qu'historiquement les CSS ont été critiqués
d'avoir un peu trop de cadres. Certains ont coupé ces postes en premier
lieu. Les coupures sévères au début des années
quatre-vingt ont été presque mortelles pour nos équipes,
à ce niveau. Ceci fait que les centres de services sociaux se sont
centrés de plus en plus vers leur vocation première, qui
était la dispensation des services sociaux. Le volet de la recherche
n'est pas très développé dans les
centres de services sociaux. Il faudrait voir sur quelle norme on
pourrait juger cela.
Je ne sais pas s'il y a lieu d'ajouter...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Une dernière
question. Ce matin, on a fait allusion au fait - c'est souvent une critique que
l'on entend, c'est d'un ordre de préoccupation autre que celui des
choses qu'on a discutées ce soir - à l'importance de
l'encadrement dans les centres de services sociaux. Est-ce que c'est un mythe,
une réalité?
M. Thibault: Je vais demander à Jean-Pierre de vous
répondre parce qu'il a fait certaines vérifications
dernièrement, sur cette question.
M. Duplantie: II faut poser le problème par rapport
à ce qu'on attend de la pratique sociale. On a fait allusion plus
tôt à la complexité des problèmes que l'on rencontre
ou qu'on demande à nos praticiens d'assumer comme tels.
Il est très clair que cela exige un certain support
professionnel, un encadrement particulier. Dans ce sens, chez nous, les
statistiques sont - et c'est très récent, de la part du
ministère des Affaires sociales - que les CSS auraient un cadre pour
environ 8,2, 8,5 praticiens sociaux. Ayant une expérience à
l'aide à l'enfance en Ontario, j'ai pris le temps, cette semaine, de
vérifier son encadrement. De façon très spécifique,
si on n'inclut pas la structure hiérarchique, mais simplement le premier
niveau d'encadrement, c'est un pour huit praticiens dans les deux plus grosses
agences du Toronto métropolitain. Au niveau de l'aide à
l'enfance, je parle bien.
Si on inclut l'encadrement dans un bureau, c'est un pour six praticiens.
Alors, cela donne une perspective quand même et des chiffres comparables
dans des domaines qu'on vit, alors que très souvent ce qu'on fait ici,
c'est de comparer le type de tâche qui se fait aux CLSC avec le type de
tâche qui se fait aux centres de services sociaux et on va dire: C'est
peut-être un pour quinze, un pour seize, au CLSC, c'est un pour huit au
CSS, cela n'a pas de sens. Il faudra regarder vraiment avec quoi l'on
compare.
Lorsque, chez nous, on regarde quel était le taux d'encadrement
au niveau des auxiliaires familiales, on s'apercevait qu'on avait des taux
d'encadrement de un pour quinze, de un pour vingt. Je pense qu'il faut vraiment
s'interroger sur quoi nous basons nos normes. C'est tout simplement là
qu'est le problème. Est-ce qu'on a une base pour juger des taux
d'encadrement? Nous, on le considère approprié.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je vous remercie. S'il
n'y a pas d'autres questions... Je veux remercier l'Association des centres de
services sociaux. Je suis certaine que sa présentation a
éclairé passablement de questions qui avaient été
soulevées successivement au cours de la journée.
Je veux également remercier le ministre de s'être joint
à nous pour ces travaux, espérant que cela l'aura
éclairé et, de la part de la commission, en temps et lieu, nous
ferons des recommandations au ministre espérant qu'il aura une lecture
attentive des recommandations que nous pourrons lui transmettre.
Je vous remercie. Avant de terminer nos travaux, nous avons reçu
un certain nombre de mémoires, dont certains avaient demandé
d'être entendus, d'autres pas. Je vais les déposer en
totalité: les mémoires de la Fédération des
familles d'accueil du Québec, la Fédération des unions de
familles Inc., la Communauté d'expression anglaise, le Comité de
coordination des institutions juives, le Département de santé
communautaire Maisonneuve-Rosemont et la Corporation professionnelle des
travailleurs sociaux du Québec.
Est-ce que vous voulez ajouter quelque chose, M. le ministre?
M. Laurin: Je veux encore remercier l'association de son
intéressant mémoire.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord. La commission
ayant rempli son mandat ajourne ses travaux sine die.
(Fin de la séance à 22 h 15)