(Onze heures cinquante minutes)
Le
Président (M. Lemay) :
Alors, à l'ordre, s'il
vous plaît! Ayant constaté le quorum,
je déclare la séance de la Commission
de l'agriculture, des pêcheries, de l'énergie et des ressources naturelles ouverte. Je demande à toutes les personnes
dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.
Aujourd'hui,
la commission est réunie afin de procéder aux auditions publiques dans le cadre
de son mandat d'initiative visant à
examiner les impacts des pesticides sur la santé publique et l'environnement,
ainsi que les pratiques de remplacement
innovantes disponibles et à venir dans les secteurs de l'agriculture et de
l'alimentation, et ce en reconnaissance de la compétitivité du secteur
agroalimentaire québécois.
M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?
Le
Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Allaire (Maskinongé)
remplace M. Tardif (Rivière-du-Loup—Témiscouata) pour l'ensemble du mandat.
Auditions (suite)
Le
Président (M. Lemay) : Merci. Alors, ce matin, nous entendons l'Union
paysanne ainsi que le Pôle d'excellence en lutte intégrée du Centre
local de développement des Jardins-de-Napierville.
Donc, je vous
souhaite la bienvenue à l'Union paysanne, en vous rappelant que vous disposez
de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période
d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter, ainsi que la personne qui vous
accompagne, puis vous pourrez procéder avec votre exposé. La parole est
à vous.
Union paysanne (UP)
Mme Renaud (Marie-Josée) : Merci
beaucoup, M. le Président. Donc, premièrement, merci à vous de nous accueillir comme ça, un peu en remplacement, à la dernière minute. C'est fort apprécié. Je vous avoue qu'on avait
cette volonté-là de venir vous parler
aujourd'hui. Moi, mon nom est Marie-Josée Renaud. Je suis la coordonnatrice de l'Union paysanne. Je vous
présente le président et cofondateur de l'Union paysanne, M. Maxime Laplante, à
ma droite.
Donc,
rapidement, l'Union paysanne, juste pour vous dire qu'on est une association
qui a été fondée en 2001. On a la
particularité de regrouper autant les producteurs que les consommateurs dans
notre formule. Puis, vous dire aussi, on est la seule organisation au Québec qui est membre de la Via Campesina, qui
est une association internationale qui regroupe plus de
200 millions de paysans et de paysannes dans le monde, dans 81 pays.
Sur ce, je
vais laisser la parole à Maxime, qui va vous présenter notre mémoire, dans
l'ordre et le désordre, tel qu'il l'aime.
M.
Laplante (Maxime) : Bonjour, M. le Président, mesdames messieurs.
Encore merci de notre participation ici. Étant donné que la commission nous a transmis l'info que notre mémoire
avait été clair, je ne vous ferai pas l'insulte de le relire.
Donc, ceci
étant dit, bon, premièrement, oui, je suis agronome. J'ai une ferme de... je
suis producteur biologique de céréales, après avoir eu une ferme
ultradiversifiée pendant plus de 30 ans. J'ai même élevé des enfants
là-dessus, là, cinq. En tout cas, passons sur ces chapitres-là. Donc, je
vous présente ici mon analyse, avec l'Union paysanne, de la situation.
Le premier constat que je fais, c'est que... On
a eu évidemment beaucoup de plaisir à écouter les présentations précédentes, et le premier constat, c'est qu'il y
a un peu deux directions. Donc, on a, d'une part, les tenants de
l'environnement, la santé qui
venaient nous dire : Bien, écoutez, il y a un problème, là. On a des
rivières qui ont des pesticides dedans, l'alimentation, etc. Et on a tout l'autre côté, qui nous dit :
Bien, nous autres, on vend des pesticides, on les utilise, on les emploie, on les recommande, quoi que ce soit, et
qui nous disent : Écoutez, ça va bien, on fait des efforts, on est
consciencieux. Mais il reste qu'il y
a un problème, il y a des pesticides dans notre alimentation, il y a des
pesticides dans l'environnement, donc il faut y trouver une solution. On
ne peut pas dire : On maintient le statu quo et on continue comme ça.
Un des
éléments, entre autres, qui n'a pas été soulevé dans le cadre de la commission,
peut-être dans le cadre d'un des
mémoires, là, que je n'ai pas eu l'occasion de lire, de plus en plus de
travailleurs étrangers également viennent au Québec pour participer à la production agricole et ils
sont en première ligne de l'utilisation des pesticides. C'est eux qui ont le
nez dans les légumes qu'ils récoltent
ou les fruits, etc. Que se passe-t-il sur la santé de ces travailleurs
étrangers là? C'est un des nombreux impacts de
l'utilisation des pesticides. Le suivi médical... Ces gens-là ne savent pas
nécessairement toujours parler français.
Est-ce que, de retour dans leur pays d'origine, on va s'assurer qu'il y a un
suivi médical correspondant? Donc, je fais juste ajouter un élément.
Ensuite, les
pesticides, donc, sont nocifs au départ. Je pense que tout le monde le
reconnaît d'emblée. On nous dit qu'il
faut faire attention sur l'utilisation, le dosage, mais on s'entend qu'ils sont
nocifs. Je ne reviendrai pas sur tous les aspects de santé et environnement. Je pense qu'il y a un paquet d'autres
organisations qui l'ont fait et de façon nettement plus étoffée qu'on pourrait le faire. Sauf que,
moi, ce qui m'intéresse, c'est la partie économie. Je suis un pragmatique. Je
ne vois pas pourquoi l'environnement
et l'économie seraient deux dossiers opposés. Ils vont ensemble. Et, quand on
nous dit que le bio est plus cher, il
y a des raisons à ça. La première, en tant que producteur bio... Puis là ce
n'est surtout pas un plaidoyer pour la
certification bio, là, que je vous fais, là. J'ai été pendant 40 ans
producteur non certifié bio, sans pesticides,
mais je n'étais pas certifié. Là, je le suis présentement pour des fins
commerciales, mais donc ce n'est pas un plaidoyer bio que je vous fais,
mais pour la réduction des pesticides.
Premièrement, sur ma ferme, je dois payer une certification bio. Pourquoi? Parce
que d'autres utilisent des pesticides
et ne vont pas payer de certification. Donc, la certification est à mes frais.
Deuxièmement,
on parlait des bandes riveraines. J'entendais les interventions de M. Overbeek là-dessus,
on perd 1 % des surfaces à cause des bandes
riveraines. Moi, sur ma ferme, je dois retrancher huit mètres, pas un mètre,
huit mètres de chaque côté de ma
ferme comme bande tampon pour éviter la contamination des voisins. Ma ferme a à
peu près 200 mètres de large.
Bien, huit mètres, huit mètres, ça fait 16 mètres sur 200 mètres, ça
donne 8 % de ma ferme. 8 % de ma ferme ne peut pas être
utilisé à cause de la contamination éventuelle des voisins. J'ai quoi, comme
compensation, là-dessus?
O.K. Autre
aspect, je veux partager de la machinerie, moissonneuse-batteuse. Si elle a été
utilisée pour des céréales qui
contenaient des pesticides, donc, moi, je dois décontaminer à mes frais. Si je
veux partager un semoir, même chose. Donc, ça m'oblige à acquérir de la machinerie pour être certain qu'elle est
décontaminée pour ne pas perdre ma certification. Coût supplémentaire ou
décontamination.
L'accès aux
semences. Nous avons un besoin criant de semences adaptées à des conditions
sans pesticides et sans engrais de synthèse. Et ça, tous les semenciers
bio, tous les fermiers qui font dans le bio, qui essaient de le faire sans pesticides, sont unanimes là-dessus, il y a un
besoin urgent de semences qui sont adaptées pour de bon rendement sans qu'on
ait besoin d'ajouter des engrais de
synthèse, sans qu'on ait besoin de mettre du Roundup ou d'autres produits.
Donc, il y a besoin de recherche
urgente là-dessus. Les semences qui ont été développées essentiellement ou
majoritairement ont été faites dans des conditions optimales de
l'industrie des produits de synthèse.
Donc,
pourquoi est-ce que le bio est plus cher? Bien, évidemment, parce que tout
ça... Et là je ne parle pas de la contamination
par dérive. Si on applique un pesticide sur les terres avoisinantes, bien, il
peut y avoir dérive par le vent, etc. Peut-être
que mes plantes ne vont pas en mourir, mais peut-être il va y avoir une perte
de rendement, par contre. C'est le cas
aux États-Unis, où j'ai reporté... j'ai eu l'occasion d'avoir un échange avec
l'Université du Missouri par le biais d'un producteur maraîcher bio qui me dit : Bon, on fait des relevés
parce que l'application du dicamba, qui est un herbicide à large spectre qui
est pour les céréales, principalement, et vous avez contamination dans à peu
près... quelque part entre un million
et deux million et demi d'acres, aux États-Unis, de culture de soya ou d'autres
cultures, ornementale, fruitière, etc., à cause des dommages du dicamba. Donc, ça, c'est un autre pesticide. Si
on fait juste éliminer l'atrazine, qu'on remplace par d'autre chose, je
ne suis pas sûr qu'on aboutit à un résultat à long terme.
Ensuite, mon
point majeur, c'est qu'actuellement le système incite à la monoculture, au
Québec, et les monocultures, surtout
pour l'exportation, sont intrinsèquement liées à l'utilisation de pesticides.
Personnellement, même si je suis agronome, s'il fallait que j'aie à
gérer 1 000 hectares de maïs spécialisé en monoculture pour exportation,
je ne sais pas comment j'y arriverais sans
pesticide. Je n'ai pas les... peut-être que c'est possible, mais je ne l'ai pas
et je ne sais pas comment je ferais. Donc, ma réflexion est :
Comment peut-on éviter ça?
Je vous ai
permis, donc... La question économique sur laquelle j'avais abordé... je vous
ai permis, hier soir, un peu en catastrophe, étant donné qu'on a dû se revirer
de bord un petit peu vite pour venir vous voir... on s'est permis, donc,
de vous transmettre une couple de documents sur l'aspect économique de la
chose. Le premier graphique est assez simple. Donc,
même si je n'ai pas mis ça en grand format, je pense que vous l'avez en main,
il y a deux courbes, c'est assez facile.
Donc, on
remonte jusqu'aux années 40, ça fait qu'il y a quand même un éventail de temps
assez large et qui montre, d'une part... la courbe du haut, c'est
l'augmentation du revenu brut des fermes, donc, qui augmente, oui,
effectivement. C'est un constat, c'est
clair. La courbe du bas démontre le revenu net des fermes. Moi, en tant
qu'entrepreneur, ce n'est pas le
chiffre d'affaires qui m'intéresse, c'est mon profit, c'est ce qui me reste à
la fin de l'année. Le revenu net, au Canada, de 1947 à 2002, sur le graphique, est en déclin. Et ceux qui me
diraient : 2002, ça fait quand même quelques années, qu'est-ce qu'on en est en 2019, le sous-ministre, M. Dion,
lors de la présentation du bilan de la politique bioalimentaire, il y a
quelques mois, nous faisait état,
oui, le chiffre d'affaires a explosé, bravo, génial. C'est vrai. Le revenu net
des fermes a diminué. La tendance se continue.
Deuxième... Sur
le graphique, les paliers d'augmentation du revenu brut correspondent à des
baisses de revenu net et correspondent à des implantations de
technologie lourde. Oui... Comme ça?
Le Président (M. Lemay) : ...touche
au micro, ça fait que ça faisait du son.
• (12 heures) •
M. Laplante (Maxime) : Merci.
J'avais oublié ce détail. Donc, vous remarquez que chaque fois qu'on nous a apporté de nouvelles technologies que je
qualifierais de lourdes... Puis ce n'est surtout pas un plaidoyer contre la technologie. Exemple, les
tracteurs à quatre roues motrices, oui, j'en ai un, pour mes 30 hectares
de céréales, je n'ai pas eu le choix. Donc, j'ai un tracteur à quatre roues motrices. Les grosses
moissonneuses-batteuses, les glyphosates, les insecticides, pesticides de synthèse, les engrais
chimiques, toutes ces nouvelles trouvailles technologiques lourdes ont provoqué un endettement supplémentaire pour la ferme, augmentation du
revenu brut, oui, mais qui n'ont pas abouti à l'augmentation du revenu net.
Le deuxième
tableau que je vous ai également remis, assez simple également, montre, oui,
l'évolution du revenu des fermes, mais également qu'est-ce que ça donne une
fois qu'on ajoute les subventions. Donc, la courbe du haut, c'est le revenu des
fermes, là on parle de l'échelle canadienne, lorsqu'il y a soutien
gouvernemental. Mais, si on enlève le soutien
gouvernemental, bien, on aboutit exactement au tableau précédent, qui est une
baisse de revenu net et même qui va dépasser la ligne rouge. Donc, on se
retrouve dans le négatif.
Maintenant,
le point suivant, parce que je vais... bien, je vois que mon temps s'écoule.
Donc, quand on parle de financement,
là, je parle de... tout le système incite à la spécialisation, et je ne
l'invente pas. Les données, le document que je vous ai transmis, c'est
tiré directement de la Politique bioalimentaire du Québec, qui nous dit que les
intentions du gouvernement... on ne parle plus d'un objectif de réduction des
pesticides, on parle de la réduction des risques associés à l'emploi des pesticides. Bon, je ne veux pas caricaturer
en disant : Ça veut dire quoi? Est-ce qu'il faut avoir des gants un
peu plus longs quand on l'applique ou un meilleur masque pour ne pas en
respirer? Il peut y avoir un paquet de mesures, mais le gouvernement a
abandonné largement l'objectif de réduire les pesticides. On maintient la ligne
d'exportation.
Je cite également la Politique bioalimentaire du
Québec récente. J'étais au lancement et au bilan. Et là je vais faire des soustractions très simples. 2012, le
gouvernement, en matière d'approvisionnement du Québec, ce que le Québec
consomme et ce que le Québec produit, 2012,
un déficit de 16 milliards entre ce qu'on produit et ce qu'on importe.
2014, déficit de 19 milliards.
Donc, la dépendance face aux importations a augmenté. L'objectif de la Politique
bioalimentaire est d'accroître le
déficit à 22 milliards d'ici 2025. L'objectif de la Politique
bioalimentaire du Québec est de presque doubler les exportations et
d'accroître notre dépendance face aux importations. Ça, c'est l'objectif.
Donc, tout ce qui s'appelle spécialisation,
monoculture nous entraîne vers une utilisation accrue des pesticides, et le gouvernement nous enligne directement dans
une augmentation des spécialisations, exportations, donc une demande
accrue de pesticides. Sommes-nous dans la bonne direction? J'en doute.
Le
Président (M. Lemay) : ...vous interrompre là-dessus puisque... votre
10 minutes étant déjà écoulé et que nous étions sur le temps du gouvernement. Avant de poursuivre, je vais
demander s'il y a consentement pour poursuivre au-delà de l'heure
prévue. Pas de consentement?
Une voix : ...
Le Président (M. Lemay) : Comment?
Allez-y.
Mme Lessard-Therrien : Un point
d'ordre. Pouvez-vous nous expliquer, en fait, ce que vous... la démarche.
Le Président (M. Lemay) : En fait...
O.K. La question, c'est... Puisque nous avons débuté les travaux environ 20 minutes plus tard, donc, la question
est : Est-ce qu'il y a consentement pour que nous poursuivions les travaux
de 20 minutes, donc, au-delà de l'heure prévue, ce qui nous
amènerait à 13 h 20?
Une voix : Pas de
consentement.
Le Président (M. Lemay) : Pas de
consentement. Mme Montpetit, allez-y.
Mme
Montpetit : Je voudrais faire un point. Je vous rappelle que l'avis
qui a été donné en Chambre stipulait bien que les travaux débutaient à
partir de la fin de la période de questions pour une 1 h 30 min.
On a des consultations qui sont extrêmement
courtes. Normalement, on a des consultations d'une durée d'une heure par
groupe. On a des consultations de 45 minutes. Ça ne laisse vraiment
beaucoup de temps, entre autres, pour les trois groupes de l'opposition.
Moi, je pense
qu'on a l'opportunité d'avoir l'Union paysanne, qui déjà a été invitée à la
dernière minute. Ça nous fait plaisir que vous soyez là. Ce que je vous
propose, c'est que, si vous ne voulez pas consentir, prenez du temps dans
l'enveloppe gouvernementale et préservez le temps des trois oppositions.
Le Président (M. Lemay) : M. le
député de Bourget.
M.
Campeau : J'allais proposer qu'on écourte notre temps, justement, et
qu'on puisse laisser le temps un petit peu plus, à ce moment-là, à
l'opposition, mais sans dépasser 1 heure, parce qu'on a plein d'autres choses à
partir de 1 heure.
Le
Président (M. Lemay) : Parfait, merci. Donc, poursuivons. M. le député
de Bourget, allez-y avec votre question.
M.
Campeau : Je m'excuse de bousculer ces choses comme ça. Les bandes
riveraines, vous avez parlé de huit mètres. Je suis très surpris de ça, parce
que, quand on a visité une ferme bio, ils ne nous parlaient pas en particulier
d'avoir besoin d'étirer les bandes riveraines aussi largement. Est-ce
que c'est particulier à votre ferme?
M.
Laplante (Maxime) : Ce ne
sont pas des bandes riveraines dont il est question, mais de bandes
tampons. Donc, ce sont des limites de
ma ferme par rapport aux autres fermes à côté. Donc ce n'est pas lié à un cours
d'eau. Et même s'il n'y a pas aucun
cours d'eau, il y a juste un piquet de clôture entre les deux, donc la
certification bio m'impose de retrancher huit
mètres ou, à la limite, d'avoir une haie brise-vent que je vais entretenir, mais
qui va prendre à peu près les mêmes proportions.
M.
Campeau : Est-ce que ça veut
dire que c'est beaucoup plus difficile d'avoir une plus petite ferme et
que les grandes fermes, c'est moins pire à ce moment-là?
M.
Laplante (Maxime) : C'est un
peu mon point de vue, effectivement. Et là je pourrais vous donner des
exemples de coûts supplémentaires. Je vais donner des exemples extrêmement
précis.
Il y a
un programme actuellement pour les engrais verts en couverture hivernale. Bon,
c'est 50 $ l'hectare, donc là, le but,
évidemment, c'est qu'il y ait une couverture du sol pendant l'hiver, objectif tout à fait compréhensible. Mais le
montant est donné à l'hectare. Là, dans mon cas, j'aurais eu trois hectares où
je me demandais comment je vais faire pour les couvrir pour le sol.
Bon, là,
trois hectares, à 50 $, avec toute la paperasse et les tracasseries
administratives qui sont liées à ça, j'en aurais aisément pour une
journée, une journée et demie de travail juste pour remplir la documentation et
l'obtenir. Donc, évidemment, pas
intéressant, ça fait que je renonce à ça. Ça fait que je reprends
l'exemple qui a été donné récemment, bon, une subvention, c'est un peu comme un 20 $ qu'on trouverait sur le
sol comme ça. Ça fait que je ne vais pas investir tout ce temps-là.
La prime à la
conversion du bio, même chose, c'est 100 $ par hectare. Si j'ai juste
30 hectares, bien, ça ne fait pas beaucoup puis, en plus, avec toute la paperasse qui va
avec. Mais celui qui en aurait 100, bien, évidemment, ça devient plus intéressant. Donc... Et l'ASRA qui nous dit :
Si ce n'est pas au moins 10 hectares, désolé, ce n'est pas assurable.
Donc, les programmes gouvernementaux exigent déjà une surface minimale. Il
y a 10 hectares pour les céréales. C'est valable pour le porc. Quand j'élevais du porc pareil au
pâturage, c'était au moins 300 porcs pour avoir l'assurance, j'en avais
juste 20. Donc, je me retrouvais en concurrence avec des gens qui sont
subventionnés, mais... Je ne sais pas si ça répond un peu à votre question.
M.
Campeau : Ça répond, bien sûr,
à la question, mais ça montre que c'est beaucoup
plus difficile d'être une plus petite
ferme qu'une plus grosse ferme. Est-ce
que vous avez déjà
pensé à des discussions avec des voisins pour les inciter à devenir bio? Ça éliminerait le problème des
zones tampons. J'imagine que c'est facile comme question, mais pas facile
de mettre en place nécessairement, là, aussi.
M.
Laplante (Maxime) : J'ai
fait la démarche, effectivement, mais je n'ai pas réussi à convaincre mes
principaux voisins de renoncer au
maïs transgénique. Je plaide... Mais j'ai essayé. J'ai même proposé de lui
acheter son produit, mais, bon...
Le
Président (M. Lemay) : Très bien. Alors, merci beaucoup, M. le
député. Ceci complète la période avec
la partie du gouvernement. Je cède maintenant la parole à la députée de Maurice-Richard pour son intervention.
Mme
Montpetit : Je vous
remercie, M. le Président. Bonjour à vous deux. Merci d'avoir ajusté votre
horaire pour se joindre à nos consultations. On est très contents de
vous avoir ici.
Première question
que j'aurais tendance à vous poser à la lumière des recommandations que vous
avez faites puis à la lumière de la
lecture que vous faites de notre agriculture au Québec : Si vous aviez
une seule recommandation à faire, quelle serait-elle?
Le Président (M. Lemay) : Alors,
M. Laplante.
M.
Laplante (Maxime) : Bon,
une. O.K. Je serais tenté de dire... Je vais citer M.
Overbeek, qui disait qu'il est
venu ici pour représenter les quelque 10 500 producteurs de grains du
Québec. Je pense qu'il y avait une exagération, je parlerais d'au maximum 10 499. Je ne me sens pas représenté par
M. Overbeek. Bon, je ne me sens représenté non plus par les
représentants de l'UPA, qui affirment pourtant représenter tous les producteurs
agricoles du Québec.
Il y a une question,
au départ, de représentativité. Les agriculteurs du Québec n'ont même pas le droit de la liberté
d'association. Ça veut dire qu'on continue au Québec, depuis un demi-siècle, à
avoir un discours unique. Et on a vu l'ingérence
qui se passe à l'intérieur du CEROM et à l'intérieur de toute l'infrastructure
agricole, que ce soit sur l'influence auprès
de La Financière agricole, les comités consultatifs des MRC, la CPTAQ, la
Régie des marchés agricoles, Valacta sur
le contrôle du lait, Agri-Traçabilité pour les étiquettes dans les bovins.
Donc, l'influence, la cogestion de corporations ou d'intérêts, en plus,
monopolistiques est démesurée.
• (12 h 10) •
Donc, le
résultat, il y a un seul intervenant qui plaide pour l'exportation, plus de
subventions, non, les pesticides, on
en a besoin, bien, ça donne ça. Donc, la première mesure serait
effectivement, je me répète sûrement dans mes propos, mais d'ouvrir la liberté. Comment ça se fait qu'il n'y
a pas trois associations agricoles au Québec? Comme c'est le cas partout
ailleurs dans le monde, soit dit en passant.
En Ontario, ils ont trois, quatre associations, au Nouveau-Brunswick aussi,
etc. Donc, plusieurs points de vue amèneraient une diversité et qui se refléterait.
La CPTAQ, par exemple, qui continue à croire qu'en bas de 100 hectares, c'est non
rentable, mais c'est un mythe absolument incroyable. Des fermes de moins de
100 hectares, c'est 99 % des fermes sur la planète. La CPTAQ qui
dit : Ah! on doit préserver
l'homogénéité du territoire. Mais, au contraire, la société
civile nous dit : On veut de la diversité. Et là l'organisme qui
gère le territoire nous dit : Nous autres, on veut que ce soit homogène.
Bon, on est mal parti.
La
Régie des marchés agricoles qui, sous la pression de l'UPA, refuse actuellement d'appliquer la Loi de la mise en marché des produits agricoles
au Québec et m'interdit de produire mon poulet hors quota pour vendre direct
aux consommateurs et à mes voisins et clients, alors que je pourrais avoir
besoin du fumier de ces volailles-là pour fertiliser mes cultures bios en céréales. On m'interdit de le faire et on importe
ces denrées-là à large volume de l'étranger, hors quota, avec
pesticides, etc., en concurrence directe avec mon produit qu'on m'interdit de
faire. Ça fait que c'est une refonte complète, et donc le point d'ancrage
serait d'abord la liberté d'association.
Le Président (M. Lemay) : Parfait. Mme
la députée.
Mme
Montpetit : Merci. Juste pour bien comprendre, pourquoi on vous
interdit de le faire, sur le dernier élément que vous mentionnez?
M. Laplante (Maxime) : Oui. La Loi
sur la mise en marché des produits agricoles, de façon très courte, est très claire. L'article 63 dit : Toute mise en
marché directe, directe au consommateur n'a pas à être soumise à quelque plan
conjoint et quota que ce soit. C'est la loi,
puis c'est appliqué partout ailleurs au Canada, d'ailleurs. Et la régie, sous
la pression de l'UPA et de ses filières, refuse d'appliquer la loi, donc
m'interdit... J'ai droit à 99 poulets. Bien là, on a gagné à 300 poulets, mais ce n'est pas... c'est un
peu léger, 100 poules, 24 dindons. Je ne vais pas faire une
entreprise rentable avec 24 dindons,
là, ce n'est pas sérieux, alors que j'aurais la possibilité de faire 2 000
poulets et de les vendre directement à mes clients.
Ça fait que
ça, c'est une entrave majeure. Ça fait que, si je ne peux pas établir mon
revenu de façon diversifiée à la ferme,
oui, je demeure confiné à faire du maraîcher avec importation de travailleurs
étrangers ou à avoir des cultures céréalières de plus grande surface. Ça fait
qu'il y a un lien direct avec la question des pesticides et des monocultures.
Je ne sais pas si je suis plus clair comme ça.
Mme Montpetit : Absolument.
Absolument. Merci beaucoup. Est-ce que... Donc, je comprends, puis on va recevoir l'UPA plus tard dans la journée aussi. Je
serais curieuse de vous entendre sur toute la question de leur plan vert.
Est-ce que je décèle que vous n'êtes pas convaincu de ce changement de
paradigme qui est mis de l'avant?
M. Laplante
(Maxime) : J'aime beaucoup l'euphémisme. Oui, tout à fait. Je
considère que, si on analyse l'ensemble, c'est d'abord une demande de subvention, alors que ce n'est pas ça qu'on
demande. Ce que l'Union paysanne demande, et ce, depuis sa fondation, c'est un contrat avec le monde agricole. Qu'on se
débarrasse tranquillement, graduellement, d'un système de subvention,
qu'on ne le fasse pas du jour au lendemain, j'en conviens tout à fait.
Présentement, on ne devrait pas, à l'échelle
mondiale, à l'échelle du commerce international... il est de plus en plus prohibé de faire du soutien au volume de
production. Le Canada se trouve dans une position assez étrange et presque
schizophrénique dans ce domaine-là, alors
qu'on aurait intérêt à... Exemple, je vais être, encore là, très concret, le
ministère de la Santé, qui investit
auprès des médecins et des hôpitaux, on s'attend à ce qu'il y ait un service.
Quelqu'un qui se casse une jambe, on
sait où aller. Le domaine de l'éducation, etc., la voirie, les ingénieurs civils,
on s'attend à ce qu'il y ait un service rendu pour la société.
On s'attend
des agriculteurs qu'ils produisent de la bouffe, oui? Bien, ça, c'est le marché
qui est supposé payer ça. On leur
demande également de créer de l'emploi, de protéger les ressources, les cours
d'eau, les bandes riveraines, l'écosystème, la diversité, etc., mais il n'y a aucune rémunération pour ça. Et là, au
lieu de donner des subventions à la clé, à la pièce pour... une année pour des engrais verts, une année pour
des brise-vent, une année pour monoculture de maïs transgénique, bien, pourquoi ne pas faire un contrat? On veut avoir de
la biodiversité, on veut de la création d'emplois, bien, dans ce cas-là,
faisons un contrat, et les fermes qui se
soumettront à ça pourront participer au contrat. C'est l'essentiel du contrat
vert, que j'ai présenté d'ailleurs dans le cadre du mémoire devant la
commission Pronovost.
Donc, c'est un changement complet de paradigme.
Sinon, on s'enlise dans des petites mesures de courtepointe, patchage, en québécois, où on va avoir subvention
pour tant d'hectares sans pesticides, puis là il va falloir gérer ça. Qui va inspecter?
Donc, paperasse épouvantable. Juste le plan de fertilisation, mais, bon sang,
est-ce que j'ai besoin de ça? Donc, ce
sont des outils qui sont coûteux en administration, mais qui n'atteignent pas la cible. Et ça se
mesure. La Suisse le fait depuis 30 ans, on mesure la biodiversité.
Le service des inspecteurs de leur ministère de l'Agriculture vérifie. Est-ce qu'on a augmenté le nombre d'emplois en agriculture? On ne se pose même pas la question,
on regarde le nombre de fermes disparaître,
puis c'est presque la voix de Dieu, alors que ça pourrait s'influencer. Donc,
on est en opposition totale avec le
plan vert de l'UPA. Qu'on veuille protéger l'environnement, oui, mais les
outils qu'on veut mettre en place sont radicalement différents.
Le Président (M. Lemay) : Merci, M.
Laplante. Mme la députée.
Mme Montpetit : Combien il me reste
de temps...
Le Président (M. Lemay) : Environ
3 min 30 s.
Mme
Montpetit : Ah! parfait. Je profiterais de l'occasion que vous êtes
ici pour vous poser une petite question, parce que j'ai fait une lecture fort intéressante, qui est Le nouveau monde
paysan, de Stéphane Lemardelé, que je conseille vraiment, vraiment à tout le monde, si vous n'avez pas eu
l'occasion de le lire encore, qui est une bande dessinée documentaire, je vais l'appeler comme ça, qui met de l'avant, justement,
différents paysans... pas paysans, mais différents agriculteurs qui ont décidé de faire de l'agriculture autrement. Et
dans ce livre-là, justement, ils mettent beaucoup de l'avant différentes
entraves à la production, je veux dire, qui n'est pas traditionnelle, ou
qui est traditionnelle, ou alternative.
M. Laplante
(Maxime) : Paysanne, paysanne, oui.
Mme
Montpetit : Paysanne, paysanne, d'accord. Et j'ai eu l'occasion,
justement, parce que j'ai pris des vacances à Dunham, et il y en a plein dans cette région-là, et j'ai eu l'occasion
d'en rencontrer plusieurs qui étaient justement présentés dans le livre. Super intéressant. Mais ce que je
voulais vous demander justement : Si vous aviez à résumer ces entraves-là,
justement, pour le bénéfice de notre
commission, si vous en aviez deux, trois, là, qui sont vraiment... vous en avez
nommé quelques-uns, là, mais qui sont un frein, dans le fond, au
développement?
Le Président (M.
Lemay) : M. Laplante.
M.
Laplante (Maxime) : Le financement de l'agriculture, premier obstacle.
J'en ai fait référence avec l'ASRA, les subventions au volume de
production. Donc, on a un problème de financement. Quand je regarde la
politique bioalimentaire, c'est 14 ou 15 millions, on me
corrigera si je ne suis pas tout à fait exact, sur la gestion des pesticides,
7 millions pour le bio, 100 millions pour l'exportation du porc.
Donc, on a un problème de financement au départ.
On
a un problème de formation, les besoins en transferts technologiques dont M.
Robert a parlé. Tous nos centres de
formation ont besoin d'un réalignement, que ce soit l'université, quand j'ai
suivi mon bac, que ce soient les ITA, que ce soient les autres centres de formation, bon. Donc, on a besoin... J'ai
même demandé au ministre Lamontagne, dans une des dernières rencontres : J'aimerais voir l'apparition d'une
division du MAPAQ qui serait dédiée à la diversification de l'agriculture. Je suis convaincu qu'au sein du
MAPAQ il y a plein de monde qui ont exactement notre vision, qui sont
conscients que la vitalité des
régions dépend du nombre de fermes, de la mise en marché locale et directe.
C'est bien beau, avoir des voeux pieux sur la mise en marché locale, mais, si
présentement on m'interdit de le faire... Je n'ai même pas le droit de faire une table champêtre sur ma ferme parce que
c'est considéré comme une nuisance aux activités agricoles. Donc, on est
loin, là.
Ça
fait que, quand j'ai mentionné tout à l'heure que... Je fais quoi avec ma
ferme? Je ne peux pas faire table champêtre, je ne peux pas faire hébergement à la ferme, je ne peux pas faire du
poulet, je ne peux pas faire des oeufs, je ne peux pas faire du lait, je ne peux pas faire du lapin. J'ai
perdu mon droit de produire du lapin après en avoir fait pendant 35 ans parce
que, maintenant, il y a un quota dans le lapin depuis 2005. Je fais quoi?
Donc,
financement, formation et, comme je le mentionnais, la liberté d'association,
de façon à donner une influence à une
alternative auprès des instances, les MRC, la CPTAQ, la Régie des marchés
agricoles, le MAPAQ. Et d'avoir une division
dédiée à la diversification de l'agriculture au sein du MAPAQ m'apparaîtrait un
premier pas pour donner un outil pour laisser de la place à la
paysannerie.
Le Président (M.
Lemay) : Mme la députée, 15 secondes.
Mme
Montpetit : Un gros merci. C'est très, très clair, et c'est un résumé
limpide. Merci beaucoup.
M. Laplante
(Maxime) : C'est moi qui vous remercie.
Le
Président (M. Lemay) : Merci beaucoup. Sur ce, je cède maintenant la
parole au deuxième groupe d'opposition. Mme la députée de Rouyn-Noranda—Témiscamingue.
Mme
Lessard-Therrien : Merci, M. le Président. Merci à vous d'être là.
Moi, j'ai un peu envie de parler de souveraineté alimentaire. Je pense que
c'est un concept qui est fondamental pour le Québec. Vous parlez beaucoup de
diversifier notre agriculture, puis je vais poser ma question beaucoup pour le
bénéfice de mes collègues qui sont au gouvernement,
parce que la préoccupation de la réciprocité des prix, de rester compétitif,
l'aspect économique de l'agriculture est sans cesse ramené.
Hier,
j'ai aussi questionné M. Overbeek sur le sujet, et vous semblez dire que la
diversification de l'agriculture, ça peut être une réponse à l'utilisation des
pesticides, j'en comprends, parce qu'on utilise des pesticides pour produire
plus puis pour être compétitif sur
nos prix. Donc, si on diversifiait puis qu'on se tournait davantage vers un
marché intérieur pour écouler nos produits diversifiés, on n'aurait pas
cet enjeu-là de concurrence. C'est un peu ce que je comprends.
Le Président (M.
Lemay) : M. Laplante.
• (12 h 20) •
M.
Laplante (Maxime) : En
partie. Encore là, je vais être concret. Lorsque j'avais ma ferme ultra
diversifiée, là, on parle de bovins
de boucherie, vaches laitières pour nos besoins, porcs, chèvres, moutons,
lapins, érablière, bref, je faisais tous
mes travaux, lorsque je faisais des céréales, c'était essentiellement pour nourrir mes animaux, les poules, là, en particulier. Bon. Je laboure un champ, je vais le relabourer
juste après quatre ou cinq ans parce que je vais semer cinq plantes en même temps.
Donc, c'est diversifié. La première année, je récolte les céréales en surface,
et il me reste le foin ensuite pour trois années subséquentes de foin pour
nourrir mes bovins et il va me rester une année de pâturage avant de
relabourer.
Bon, ça fait que, là, j'ai une production ultra diversifiée, je n'ai pas besoin de
pesticides parce qu'il n'y aura pas d'infestation majeure puis il y a
travail du sol minimal. C'est peut-être un labour, mais de le labourer aux
quatre ou cinq ans,
bien, c'est vraiment minimaliste comme système de travail minimal. Ça fait que je n'ai pas besoin de ça, puis ma production est diversifiée. Donc, évidemment, le lot de céréales, il va falloir le refaire sur la même
parcelle, puis les animaux se
promènent en rotation sur différents champs. La diversité des animaux fait en
sorte que les mauvaises herbes que les vaches
ne mangent pas, comme du bouton d'or, des trucs comme ça, bien, les chèvres
adorent, ou les aubépines que les vaches
ne mangent pas, mais les chèvres trouvent ça délicieux aussi. Ça fait que,
finalement, les mauvaises herbes d'une espèce
animale ne sont pas les mêmes que l'autre espèce va manger. Ça fait qu'à ce
moment-là la pression et le besoin en pesticides est extrêmement limité.
J'aime beaucoup votre
aspect de souveraineté alimentaire. D'ailleurs, c'est l'Union paysanne qui a
amené au Québec le concept de souveraineté
alimentaire véhiculé par la Via Campesina, et la souveraineté alimentaire, pour
nous, est à plusieurs niveaux. Elle
est d'abord au niveau de la ferme aussi. D'être souverain, ça veut aussi
dire : Je contrôle mes outils de
production. Je parlais tout à l'heure du hors quota. De faire appliquer la loi,
c'est... on ne demande même pas une révolution dans la loi, on demande juste : Est-ce qu'on peut appliquer la loi
et nous permettre de faire la mise en marché directe? Donc, de permettre
une grande autonomie...
Le
Président (M. Lemay) : M. Laplante, je dois vous interrompre
puisque... cette période d'échange étant terminée. Je cède maintenant la
parole au député de Bonaventure.
M.
Roy : Merci, M. le Président. Madame, monsieur, bonjour.
Écoutez, de la manière que vous parlez, c'est comme si l'ensemble de la filière agricole était
noyautée d'une certaine manière par l'industrie des pesticides et, un
aphorisme, c'est comme si le modèle
agricole était fait pour les pesticides et non pas les pesticides pour le
modèle agricole. C'est juste un constat que j'émets.
J'aimerais
vous entendre parler des externalités négatives et positives du... bon, c'est
sûr que du modèle agricole conventionnel,
mais vous nous avez parlé d'un contrat avec le monde agricole. Donc, est-ce que
vous avez une idée des externalités positives pouvant découler de ce
contrat-là?
Le Président (M.
Lemay) : M. Laplante.
M. Roy :
J'ai beaucoup de questions, là, mais...
M. Laplante (Maxime) : Oui, oui, je comprends bien, surtout avec votre
précision à la suite. Je vais citer, encore là, un exemple de la Suisse qui, il
y a une trentaine d'années, a établi une sorte de contrat dans ce style-là, ils
ont appelé ça des prestations écologiques requises, à l'époque, et qui
prévoyait, d'une part, un minimum de paperasse. Bon, en gros, ce qu'ils disent, c'est qu'on veut une biodiversité,
donc on exige de celui qui embarque dans le contrat... ils ne sont pas
contre la grande entreprise spécialisée, ils disent, c'est juste... le
contrat va s'appliquer à ceux qui pensent autrement, au moins quatre cultures différentes. Le fermier décide.
Est-ce qu'il va avoir du soya, du maïs, du lapin puis des carottes ou du blé
puis etc.? Quatre au minimum. Bon, c'est
facile à inspecter. Il veut également qu'il y ait maximum 25 % de sa
surface de terre qui soit labourée à tous
les ans, donc couverture du sol. Il décide. Est-ce que c'est de la prairie
permanente? Est-ce que c'est du foin? Est-ce que c'est... Peu importe, mais il
y a un maximum à labourer à tous les ans. Lorsqu'on parle de rotation de culture en alternant soya et maïs, ce sont deux
plantes sarclées. Ça fait qu'il reste que l'essentiel du sol était quand même
dénudé en dessous des plans. Il n'y a pas de couvert végétal à 100 %
là-dessous.
Donc,
ils vont exiger... si la fortune personnelle de la personne dépasse
1 million ou quoi que ce soit, donc, on ne veut pas offrir le
contrat à des gens qui n'en auraient pas vraiment besoin. Il faut qu'il y ait
7 % de la ferme qui soit en territoire qui ne soit pas labouré ou cultivé
sans arrêt, et c'est à la liberté du fermier de décider. Il y a une pente
escarpée, rocheuse sur la ferme, vous
dites : Non, ce coup-là, je ne vais passer le bulldozer là-dedans, ça va
être ça mon 7 %. L'autre, il
dit : Bien, moi, c'est une bande boisée. L'autre, c'est une bande
riveraine. L'autre, c'est une haie brise-vent, etc., ou un marais, bon, et de façon à créer un réseau pour la
diversité, pour la biodiversité. Les insectes, ils ont besoin d'un réseau, pas
de 50 kilomètres carrés dans le Nord puis 300 kilomètres de
monoculture entre les deux, là. Ce n'est pas vrai que les oiseaux, ils
vont faire tout ça. Bon.
Ça
fait que vous voyez un peu l'esprit, je ne vous donne pas tous les détails. Une
inspection rapide, en l'espace de deux
heures, on sait exactement ce qui en est sur la ferme. Le contrat prévoit...
parfait. Il respecte les objectifs de création d'emplois aussi. C'est un des critères, il faut qu'il y ait du monde qui
travaille sur cette ferme-là, une demi-unité de main-d'oeuvre, et le
contrat prend place. Le résultat...
Le
Président (M. Lemay) : Merci beaucoup, M. Laplante, c'est tout le
temps que nous avions. Mme Renaud, merci beaucoup. Je vous remercie
pour votre contribution à nos travaux.
Je
suspends les travaux quelques instants afin de permettre aux représentants du PELI
du CLD de Napierville de
prendre place.
(Suspension de la séance à
12 h 25)
(Reprise à 12 h 27)
Le Président (M. Lemay) : Alors,
nous reprenons nos travaux. Et je souhaite maintenant la bienvenue aux représentants du Pôle d'excellence en lutte intégrée du Centre local de développement des Jardins-de-Napierville, en vous rappelant que vous
disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la
période d'échange avec les membres de la commission.
Je vous
invite donc à vous présenter ainsi que les personnes qui vous accompagnent,
puis vous pourrez procéder avec votre exposé. La parole est à vous.
Pôle d'excellence en lutte
intégrée du Centre local de
développement des Jardins-de-Napierville
M. Leclair
(Jocelyn) : M. le Président,
Mmes, MM. les députés, merci de nous
recevoir à la commission. Nous sommes
trois producteurs maraîchers de la région des Jardins-de-Napierville en
Montérégie et nous représentons le pôle d'excellence en lutte intégrée. Je suis Jocelyn Leclair, président,
accompagné de Denys et Jean-Bernard Van Winden et deux membres du comité directeur, ainsi
qu'Isabelle Matteau, à ma droite, coordonnatrice du pôle, et notre agent de
recherche, Nicolas Chatel-Launay.
Le pôle,
c'est un réseau d'information chapeauté par le CLD des Jardins- de-Napierville.
Il a été créé en 2012 par un groupe
de producteurs déjà engagés à diminuer l'usage des pesticides en agriculture.
Il est formé d'un comité directeur composé
de 11 producteurs maraîchers et de grandes cultures et d'un comité
technique composé de chercheurs, d'agronomes et de fournisseurs de biens
et services. Notre mission, c'est de créer un environnement propice à
l'innovation et au développement d'alternatives aux pesticides.
Nos actions se divisent en quatre axes : premièrement,
diffuser et transférer les connaissances de la recherche aux producteurs; deuxièmement, augmenter le
réseautage et la concertation pour générer des occasions d'affaires et de
partenariat; troisièmement, promouvoir les initiatives et les entreprises qui
font de la lutte intégrée; et, quatrièmement, influencer les décideurs pour
accélérer le développement d'alternatives aux pesticides.
On est
convaincus qu'en choisissant un message simple et clair, on peut initier des
changements de comportement et des
pratiques chez les producteurs et ça permet aussi d'informer les consommateurs sur ce qu'on fait. C'est pourquoi on vient de lancer la campagne Agrobonsens, dans laquelle on simplifie la
lutte intégrée en trois étapes, soit prévenir, suivre et guérir.
Agrobonsens est un répertoire d'outils alternatifs et d'entreprises engagés
dans la réduction de pesticides.
• (12 h 30) •
Si je devais
résumer notre mémoire en quelques mots, je dirais qu'il faut se donner les
moyens de nos ambitions. À notre
avis, c'est difficile d'imaginer une agriculture sans pesticides, tellement la production
agricole est imprévisible et les
ennemis nombreux. Par exemple, en tant que producteurs maraîchers, on fait face
à une dizaine d'ennemis différents pour
chaque culture qu'on produit. Sur ma ferme, je fais six légumes différents,
donc beaucoup de défis et de stress à gérer, sans parler des attentes
élevées des consommateurs pour des produits parfaits.
On entend souvent que le bio, c'est la solution.
D'abord, il faut savoir que certains types de productions, tailles
d'entreprises et régions se prêtent mieux à une régie biologique que d'autres.
Les défis ne sont tout simplement pas les mêmes.
La pression des ennemis particulièrement maraîchers explique certainement la
réticence de plusieurs d'entre nous à
nous lancer en production biologique. Actuellement, notre boîte à outils ne
comporte pas assez d'alternatives efficaces et rentables pour nous
permettre de nous passer des pesticides.
La mouche
rose qui est utilisée dans nos champs ou dans mes champs d'oignons a été
développée pour combattre la mouche
de l'oignon, mais il reste à terminer la recherche sur la mouche du chou et à
peu près rien n'est fait sur les mouches des semis. Ensuite, le charançon de la carotte, qui fait de plus en plus
de dommages, les techniques de piégeage avaient été développées dans les
années 80. À cette époque, il n'y avait qu'une génération par saison.
Maintenant, à cause des changements climatiques,
nous avons deux générations par saison, donc plus de difficultés à contrôler la
deuxième génération. Je ne nomme que
ceux-là, mais il y a encore beaucoup d'alternatives à trouver avant d'espérer
diminuer ou remplacer les pesticides.
Il n'est pas
question ici de minimiser la dangerosité des pesticides, mais bien de mettre en
perspective les risques. Le grand
public s'inquiète, à juste titre, de la présence des effets des pesticides dans
leur santé et l'environnement. On doit non seulement utiliser moins de pesticides,
mais en utiliser de moins dangereux. Et ce n'est pas parce qu'un produit
est d'origine naturelle qu'il est sans
danger. Il faut aussi rappeler que les certifications biologiques nous assurent
qu'aucun pesticide de synthèse n'est utilisé et non pas qu'aucun
pesticide n'est permis.
Mais ce que
je veux que vous reteniez, c'est que, peu importe la régie adoptée, le risque,
c'est de procéder sans se questionner
comme en utilisant des calendriers de planification d'interventions. Exemple,
la carotte est rendue au stade de feuilles, donc un producteur applique
de façon systématique son insecticide pour ne pas avoir de dégâts de charançon.
C'est pour ça qu'en lutte intégrée, le
dépistage, c'est la base. Sur ma ferme de 310 hectares, il y a environ
60 heures par semaine de
dépistage qui est faite avec la supervision de notre club conseil. Si tu fais
de la lutte intégrée, l'utilisation des pesticides doit se baser sur des
seuils d'intervention. Comme ça, tu les utilises seulement quand le risque de
dommages devient trop élevé.
Nous avons
ciblé trois défis qui, à notre avis, expliquent mieux pourquoi le Québec tarde
à favoriser les pratiques alternatives aux pesticides. Premièrement, la
recherche et son financement ne sont pas suffisants pour favoriser la
transition massive vers la lutte intégrée ni même vers le biologique. Le
désengagement de l'État nous a parfois poussés, nous, producteurs membres de clubs conseil à prendre en charge certaines
recherches pour les faire avancer. Aujourd'hui, des groupes de producteurs
s'organisent dans le développement d'alternatives aux pesticides pour trouver
des solutions à la dégradation des
sols ou encore aux effets des changements climatiques, mais notre rôle devrait
être de produire des aliments sains.
Des nouveaux ennemis, des nouvelles générations
d'insectes, des inondations, des sécheresses, ça nous donne beaucoup de défis à relever. On a donné des
exemples dans notre mémoire pour montrer ce qu'il faut comme investissements pour développer des alternatives matures et
commercialisables au Québec. Vous avez tous entendu parler de la mouche rose développée par PRISME plus tôt cette semaine.
Je ne vous apprends donc rien en disant qu'il aura fallu un peu plus d'une décennie pour la développer. On peut tous
vous assurer que ça n'aurait probablement pas été possible sans la persévérance des producteurs et des professionnels
du PRISME. Si on veut voir d'autres techniques de ce genre au Québec, il
faut être prêt à investir dans la recherche et c'est fondamental.
Deuxièmement,
le transfert des connaissances et la diffusion d'informations ne semblent pas
suffisants, d'où l'importance d'un accompagnement agronomique de qualité
auprès des producteurs.
Et
troisièmement, le risque, c'est nous qui le prenons. Il faut se rappeler que
les entreprises agricoles ont le même impératif que toute autre
entreprise. Elles doivent demeurer rentables.
Si
on veut rester compétitifs, on a des choix à faire. Quand c'est le temps
d'intervenir, on est souvent confronté à un manque d'alternatives efficaces et rentables. Puis comme les
protocoles d'homologation ne sont pas harmonisés avec les États-Unis, ça fait qu'on est parfois forcés
de travailler avec les molécules plus dangereuses pour la santé et l'environnement,
d'autant
plus que les consommateurs, quand ils basent leur décision d'achat sur le prix
ou l'apparence, ça nous met une pression supplémentaire.
Certains
producteurs ne voient tout simplement pas de bénéfice à faire de la lutte
intégrée parce qu'il n'y a pas de reconnaissance avec ça et les
incitatifs en place ne sont pas suffisants ou ne suffisent pas à dissiper nos
doutes. Puis ils viennent avec leur lot de restrictions, de plafonds, de
conditions et de bureaucratie.
Donc,
pour favoriser l'adoption et éviter l'abandon de pratiques alternatives,
les producteurs, on recommande de financer
davantage la recherche, et ce, à long terme, de mettre davantage d'efforts de recherche dans le secteur maraîcher
pour réduire la pression des pesticides, d'assurer un meilleur financement des
clubs conseils pour l'accompagnement agronomique
de qualité, de continuer de mobiliser des ressources financières
exclusivement destinées à la tenue d'activités de
transfert de connaissances et de soutenir les initiatives
de promotion et de transfert en place, comme le pôle d'excellence en lutte intégrée et sa campagne Agrobonsens. Ensuite,
réduire les risques financiers encourus par les producteurs... on recommande, pour chaque alternative, de documenter
et de diffuser les risques financiers liés à leur adoption,
de revoir les programmes de financement en conséquence, de récompenser
les producteurs qui, sans être biologiques, font des efforts pour réduire leur usage de pesticides, et de
promouvoir l'achat local, et de sensibiliser les consommateurs quant à l'impact
de leurs choix.
En conclusion, la
mise au point d'alternatives peut facilement prendre jusqu'à une décennie de
recherches. Les producteurs sont aujourd'hui presque exclusivement responsables
de la réduction des risques liés aux pesticides, alors que c'est toute la société qui demande des changements. Ne nous laissez
pas seuls. La société et, par extension, l'État doivent participer aux efforts. Bien que plusieurs d'entre
nous aient déjà réduit considérablement nos impacts sur la santé et
l'environnement, notre image est souvent malmenée dans les médias. Ce
manque de reconnaissance sociale envers les producteurs
doit être abordé si on veut influencer les pratiques et les comportements. On a
pris sur nos épaules, à de nombreuses reprises,
la recherche, le développement et le transfert des innovations en lutte
intégrée. Le pôle d'excellence en lutte intégrée lui-même est le
résultat d'une volonté des producteurs d'améliorer le transfert des
connaissances considéré déficient.
On
a aussi pris la responsabilité de trouver des solutions à la dégradation des
sols. Il faut travailler à faire connaître et reconnaître les initiatives
novatrices issues du secteur agricole dans le but de renforcer la confiance du public
à l'égard du travail des producteurs. Pour
avoir plus d'histoires à succès, comme celle de la mouche rose, il faut, en
tant que société, se donner les moyens d'y arriver. Merci.
Le Président (M.
Lemay) : Merci beaucoup, M. Leclair. Sur ce, nous allons procéder avec
les membres de la commission. Mme la députée de Laviolette—Saint-Maurice,
pour votre question.
Mme Tardif :
Merci, M. le Président. Merci d'être ici aujourd'hui avec nous.
Vous
avez développé le répertoire de techniques de lutte intégrée des entreprises
engagées dans la réduction des pesticides.
Par contre, vous dites aussi, et vous l'avez écrit, et vous l'avez répété,
qu'il va être difficile d'imaginer... il est difficile d'imaginer, à l'heure actuelle, de faire une agriculture qui
serait exempte de pesticides parce qu'il y a beaucoup de facteurs qui
rendent la production agricole imprévisible, sujette, donc, aux aléas de la
nature, là, et on parle de climat, changements
climatiques, et tout, et même les nouvelles maladies, les nouveaux insectes qui
vont arriver en l'absence de cette panoplie-là d'alternatives.
Et
on parle aussi, dans votre constat, là, que quand on parle d'agriculture
biologique, c'est quand même assez, bien, je dirais, pas fâchant, mais c'est
surprenant de lire qu'un pesticide biologique n'est pas un pesticide qui est
nécessairement bon pour la santé.
Alors, on se place où? Il y avait, entre autres, la roténone, qui a été
utilisée pendant de nombreuses années et
qui, là, a été bannie, mais c'était biologique. Comment faire pour savoir que,
si on s'oriente vers le biologique, on ne fait pas une erreur? Vous vous placez
où par rapport à ça? Vous dites : Il faut qu'on garde les pesticides, il
faut qu'on augmente le biologique, mais le biologique... vous mettez un
bémol aussi sur le biologique.
Le Président (M.
Lemay) : Alors, M. Leclair... Qui va répondre à la question? M. Van
Winden, allez-y.
• (12 h 40) •
M. Van Winden
(Jean-Bernard) : Je vais essayer. Premièrement, ce n'est pas parce
qu'une molécule est dite biologique qu'elle
n'est pas toxique, donc. Mais, par contre, tous ces produits-là se doivent
d'être homologués par l'Agence de
réglementation de la lutte antiparasitaire et ils doivent subir un paquet de
tests, donc, pour... Et souvent ils sont moins toxiques pour
l'environnement qu'un pesticide de synthèse.
Ce
qu'on promouvoit beaucoup aussi, à l'intérieur du pôle d'excellence, c'est une
pratique de lutte biologique comme la
mouche rose, par exemple, contre la mouche de l'oignon. Mais on pourrait
étendre ces pratiques-là à un paquet d'autres... Exemple, la mouche du chou. La mouche du chou, on
pourrait faire des relâchés de mouches et développer des... pour faire un contrôle, là, la mouche du chou, et ne pas
prendre d'insecticide. On pourrait le faire pour de la mouche... Par exemple,
je pense à tous les producteurs de petits
fruits qui sont pris avec la drosophile tachetée, mais la drosophile, on
pourrait penser à une méthode de
contrôle par des relâchés de mouches ou de drosophiles stériles dans ce cas-ci,
et, je pense, ça fonctionnerait.
Il
y a beaucoup d'alternatives qu'on pourrait faire. Par exemple, on pourrait
aller chercher... Il existe des prédateurs naturels dans la nature, et chacun
de ces prédateurs-là, on pourrait les élever, on pourrait les cultiver pour
aider à faire une lutte beaucoup plus
biologique. Je pense, par exemple, au charançon de la carotte. Le charançon de
la carotte, il existe un prédateur,
dans la nature, qui est un insecte qui s'appelle l'aleochara. On pourrait les
élever et faire des relâchés dans le champ pour diminuer les pressions
d'insectes.
Le Président
(M. Lemay) : Mme la députée.
Mme Tardif :
Merci. Vous voyez plus l'utilisation d'insectes que de produits, là, c'est ce
que je comprends, dans les luttes biologiques.
M. Van
Winden (Jean-Bernard) : Bien, avant toute chose, la meilleure des
luttes, c'est une lutte biologique, c'est clair. O.K.? Mais cette lutte biologique là, il faut qu'elle soit
adaptée puis il faut qu'elle soit performante. Elle est performante si, en arrière de nous autres, on a des équipes de
recherche qui nous supportent et pour dire que cette méthode de lutte là
alternative est performante.
Le Président
(M. Lemay) : Mme la députée.
Mme Tardif :
...de privilégier des pesticides avec un indice à risque plus faible, comme
vous l'avez souligné aussi. Le MAPAQ
a aussi comme objectif, d'ici 2020... pardon, 2025, 2020 étant très près, de
doubler la superficie d'agriculture biologique
au Québec. Est-ce que vous pensez que c'est réaliste? Est-ce que c'est faisable
comme temps de transition pour doubler notre production biologique au
Québec?
Le Président
(M. Lemay) : M. Van Winden ou M. Leclair.
M. Leclair
(Jocelyn) : Je ne pense pas que, dans le cas de la production de
légumes, ça va être possible de doubler, à mon avis, surtout si on veut faire une agriculture biologique à grande
échelle. Je pense... c'est pour ça que nous, on prône d'avoir plus d'outils de lutte intégrée. Mais ce
n'est pas parce qu'ils vont doubler les fermes biologiques qu'il n'y aura pas
moins de pesticides qui vont être étendus.
M. Van Winden
(Jean-Bernard) : Je peux répondre aussi.
Le Président
(M. Lemay) : Allez-y, M. Van Winden.
M. Van Winden
(Jean-Bernard) :
Oui. Dans ce contexte-là, c'est parce
qu'il faut prendre... moi, sur ma ferme, là, je cultive 10 légumes différents et chaque légume, on a à peu près
10 problématiques phytosanitaires à respecter. Ça fait qu'en début d'année, là, à 10 légumes, c'est
100 avertissements phytosanitaires. C'est 100 problématiques
phytosanitaires qu'il faut... Donc, c'est certain qu'on ne sera pas
capables, demain matin, en mode biologique, de répondre à tout ça, mais par contre il faut le prendre culture par
culture. Puis il y a des secteurs d'activité, il y a des secteurs où on est
capables d'aller plus vite. Je
parlais tout à l'heure de la mouche du chou, par exemple, dans les crucifères,
c'est une mouche qui s'attaque à tous les crucifères, nappa, brocoli,
tous les crucifères, et on pourrait développer ce modèle-là comme on l'a fait
dans la mouche de l'oignon, dans la mouche,
et d'ici cinq ans je suis pratiquement certain qu'on pourrait, bon, dire que
tous les choux, au Québec, on
pourrait les traiter avec des relâchers de mouches stériles contre un
insecticide, dans ce cas-ci, qui est le chlorpyriphos.
On
pourrait faire la même chose pour un paquet d'autres... mais il faut prendre
les problématiques une par une. Il y a certaines
phytoprotections comme des maladies, par exemple, où c'est plus compliqué. Les
insectes, c'est plus facile que...
Le
Président (M. Lemay) : Merci, M. Van Winden. Ceci
complète la partie avec le gouvernement. Je cède maintenant la parole à
la députée de Maurice-Richard pour sa question.
Mme Montpetit :
Je vous remercie beaucoup, M. le Président. Bonjour, messieurs. Sur la
discussion qu'on a, qui est... sur
l'échange sur le biologique, peut-être juste se rappeler aussi que, quand on
avait rencontré le MAPAQ, il était venu nous rappeler que l'objectif de doubler avait été atteint. Dans un
premier stade, il y avait eu une augmentation de 17 % des superficies
cultivées en biologique au Québec dans les dernières années. Donc là, je pense
que c'est peut-être un nouvel objectif qui a
été donné, mais je pense qu'on est sur une bonne voie, selon les chiffres du
MAPAQ, là, avec tout l'accompagnement qui a été fait pour les
agriculteurs du Québec.
J'avais mon collègue
qui voulait poser une question, puis je vous poserai mes questions après.
Le Président (M.
Lemay) : M. le député de Marquette, allez-y.
M. Ciccone : Merci
beaucoup. Merci, M. le Président. Bonjour à vous quatre. Vous avez parlé... puis là j'ai retenu quelques phrases. Idéalement, au Québec,
bien entendu, on voudrait avoir un virage complètement naturel parce que
ça vient directement dans nos assiettes, puis on veut protéger la population
québécoise.
Cependant, vous avez dit, M. Leclair, que les
produits naturels ne sont pas nécessairement sans danger, et, par la suite, M. Van Winden a dit : Ce n'est pas parce qu'il est biologique qu'il n'est pas toxique. Parce qu'actuellement, dans la
mentalité des gens, quand on parle de naturel, quand on parle de biologique, on
se dit : Mais il n'y a pas de problème avec ça, c'est sans danger. Alors,
pouvez-vous un peu élaborer sur ce que vous avez dit à ce niveau-là?
Le Président (M. Lemay) : Alors,
allez-y, M. Van Winden.
M. Van
Winden (Jean-Bernard) :
Juste une petite anecdote. Je ne sais pas, moi, on va t'amener dans un boisé,
puis il y a des champignons. Tu
vois-tu lequel qui est bon puis lequel qui n'est pas bon? Lequel on prend,
tiens, pour dîner, là? Puis c'est un
produit purement biologique, là. Tu sais, ce n'est pas parce qu'un produit... qu'il est biologique qu'il
n'est pas toxique. Il faut faire
attention. Il faut que ce produit-là suive toute la gamme d'homologation à
l'ARLA. Mais c'est vrai qu'il y a moins de risques pour la santé, pour
l'environnement. Ça, c'est vrai.
Mais la notion de... Il faut faire attention. Je
te donne l'exemple des champignons mais...
M. Ciccone : Non, c'est parfait, mais j'ose espérer que vous
ne mettez pas du champignon dans vos champs, là. Moi, j'avais comme impression que, justement, quand on choisit un
produit naturel ou biologique pour, justement, contrer aux insectes et que ce soit vraiment... qu'on
puisse remplacer les pesticides, on choisit quand même un produit qui est quand
même assez sain pour les gens. Mais ce n'est pas nécessairement le cas dans
votre industrie.
M. Van Winden (Jean-Bernard) : Non. Bien, c'est pour ça qu'on fait... Une pratique courante qu'on met en
place, c'est la pratique de la lutte intégrée. Ce qu'on veut faire,
c'est un dépistage de toutes les cultures.
Moi, sur ma
ferme, j'ai 775 acres. J'ai deux dépisteurs à temps plein. C'est
80 heures de dépistage par semaine, environ, et tous les légumes... toutes
les superficies sont dépistées pour savoir le seuil. Puis, quand on a un seuil
d'atteint, normalement, là, on peut
faire un traitement puis, avant de faire un traitement, on regarde :
Est-ce qu'on peut faire d'autre chose? Est-ce qu'il y a d'autres
méthodes de lutte qu'on peut prendre?
L'alternative
des pesticides reste tout le temps la dernière, mais on n'a pas le choix. Il
faut compétitionner face aux produits américains qui rentrent. On a une
ferme à rentabiliser. Ça aussi, il ne faut pas l'oublier.
Le Président (M. Lemay) : M. le
député.
M. Ciccone : Vous parlez de rentabilité... Parce que c'est là
que je veux aller, justement. M. Leclair, vous avez parlé, justement, de
rentabilité. Vous n'êtes pas contre les produits biologiques. Cependant, est-ce
que c'est parce que les produits biologiques
se vendent trop cher ou c'est parce qu'il n'y a pas encore les produits
efficaces pour justement détruire toutes les bestioles qui peuvent être sur vos
fruits et légumes?
Le Président (M. Lemay) : M.
Leclair.
M. Leclair
(Jocelyn) : Bien, il y a deux aspects, je dirais. Il y a les produits
qui ne sont pas tous disponibles, efficaces, mais il y a aussi un enjeu territorial. Dans notre cas, le bassin de
production et le type de sol, je ne pense pas qu'ils permettent à 100 % la transition bio. On cultive, pour
la plupart, en sol organique, donc on va se retrouver avec des problèmes
fongiques un peu plus que dans un sol
minéral, que la terre, elle s'assèche plus puis qu'il y a moins de problèmes.
Donc, on a cette contrainte-là à penser aussi si on voudrait faire une
transition bio.
Le Président (M. Lemay) : Allez-y,
M. le député.
M. Ciccone : Trouvez-vous que la recherche ne va pas assez
vite comparativement aux changements dans votre industrie?
M. Leclair
(Jocelyn) : Le financement ne suit pas la recherche. Je dirais plus ça
comme ça. Ici, on est pour le pôle d'excellence,
mais il y a aussi Phytodata puis PRISME, qu'on est les trois membres, puis la
recherche passe souvent par eux autres ou pratiquement tout le temps.
Mais, quand il vient le temps de mettre des choses en priorité, des projets en
priorité, le premier frein, c'est le financement. Sinon, c'est nous, en tant
que producteurs, qui ont à le financer à 100 %.
Le Président (M. Lemay) : Très bien.
M. le député.
M. Ciccone :
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Lemay) : Parfait.
Mme la députée de Maurice-Richard.
Mme
Montpetit : Merci. Je vais peut-être rester, justement, sur la
question du financement de la recherche. Je serais curieuse de vous entendre commenter. On avait M. Louis Robert,
qui est venu mardi, qui soulignait que lui, à son avis,
il y avait suffisamment et amplement de financement au niveau de la recherche
pour des pratiques alternatives. Puis, dans
le fond, son propos, c'était de dire, je pense, qu'il fallait davantage que ces
pratiques-là descendent sur le terrain. Donc, c'était vraiment un enjeu
d'accompagnement, d'éducation des agriculteurs.
Je serais curieuse de vous entendre réagir à ça parce que
j'ai l'impression que ce que vous soulignez, c'est que vous
souhaitez, vous, davantage de financement au niveau de la recherche sur des
pratiques alternatives.
• (12 h 50) •
M. Leclair
(Jocelyn) : On est...
Le Président
(M. Lemay) : Oui, M. Leclair.
M. Leclair
(Jocelyn) : Oui, excusez. On
est comme à deux mondes. Qu'est-ce qui se fait en culture commerciale et
les céréales puis ce qui se fait en maraîcher, c'est comme deux choses
différentes. Nous, on a club conseil, on a de l'accompagnement
de nos agronomes dans notre club conseil. En grandes cultures, je pense qu'on
voit ça moins parce qu'ils n'ont pas nécessairement la disponibilité à avoir
des conseillers qui vont sur les fermes, et c'est pour ça que c'est comme
deux choses différentes. Nous, nos clubs
conseils et nos conseillers sont au courant de tout ce qui se passe comme
moyens de lutte. Dans le fond, le PRISME fait déjà le travail de
recherche avec Phytodata, donc c'est transmis directement aux producteurs. En grandes cultures, je pense qu'ils n'ont
pas accès à ça encore. C'est ce qui devrait, selon moi, être fait pour
faire avancer un peu plus la lutte intégrée en grandes cultures.
Le
Président (M. Lemay) : Parfait. Mme la députée. Ah! M. Van
Winden, vous voulez rajouter quelque chose.
M. Van Winden
(Jean-Bernard) :
Oui. Je pense, c'est clair, dans le secteur de l'horticulture,
qu'on a besoin de plus de R&D.
Moi, je ne suis pas d'accord avec le discours de M. Robert qui... Peut-être
dans le secteur des céréales... S'il trouve qu'il y en a trop, qu'il
nous transfère ça en horticulture. On est en manque, tu sais.
Vous
donniez... Vous êtes venu sur ma ferme, vous avez vu des images de capteurs de
spores. Dans la culture de l'oignon,
avec la technologie des capteurs de spores, on a diminué de beaucoup
l'application des pesticides, de beaucoup. Mais on pourrait prendre cette même technique de
capteurs de spores puis on pourrait l'appliquer dans la laitue, on pourrait
l'appliquer dans un paquet de maladies dont les spores se promènent dans les
airs, capter ces spores-là puis nous indiquer est-ce qu'il y a besoin de
traitement ou pas. Ça, ça prend de la recherche et développement en arrière Ce n'est pas à nous, en tant que producteurs, de tout
développer ces modèles-là. Ce sont des modèles scientifiques, basés sur des
données scientifiques, qui nous permettent d'intervenir. Et normalement, c'est des centres de recherche ou c'est des... c'est des besoins
R&D, et les besoins de R&D en horticulture sont criants.
Ça fait que, s'il y
en a trop à des places, transférez ça, on est capables d'en prendre.
Le
Président (M. Lemay) :
M. Van Winden, vos exemples sont très bien imagés et qui nous permettent
de bien comprendre. Merci beaucoup. Mme la députée, la parole est à
vous.
Mme Montpetit : Oui. Puis j'imagine... On a fait référence aussi,
avec un autre groupe, à toute la question de l'impact des changements climatiques sur l'agriculture au Québec, l'évolution qu'il risque d'y
avoir au niveau des prédateurs, au niveau des ravageurs, le fait qu'il n'y a
pas une prévisibilité, à ce niveau-là aussi, sur ce qui va venir
affecter l'agriculture du Québec. J'imagine qu'à cet effet-là il y a
besoin de continuer de faire de la recherche-développement pour être capable
de s'ajuster en temps et lieu au cours des prochaines années aussi, là.
Le Président
(M. Lemay) : M. Leclair. Ah! M. Van Winden.
M. Van
Winden (Denys) : Pour citer
comme exemple, on a... Les producteurs, ensemble,
on a fait une fondation d'amélioration génétique de la laitue. La laitue
que mon père cultivait en 1950, qu'on appelait la Ithaca, que vous, chez vous,
vous achetez une laitue pommée, aujourd'hui, on n'est plus capable de la
cultiver sur nos terres par rapport aux changements
climatiques. Mais les producteurs se
sont pris en mains, et aujourd'hui, avec des croisements génétiques naturels,
on a des variétés de laitue qui sont capables d'être cultivées sur nos terres.
Comme exemple, moi,
sur ma ferme, je cultive environ six à sept sortes de laitue pommée que le consommateur
n'est pas au courant encore. Oui, dans la
pomme de terre, vous avez la russet, vous avez le ci, le ça. Nous, dans les laitues,
ça reste tout le temps de la laitue pommée. Mais j'ai de la laitue de primeur
pour le printemps, qui résiste, j'ai de la laitue
pour les grosses chaleurs de l'été, j'ai de la laitue pour des terres plus
épaisses, moins épaisses. Alors, c'est un exemple de recherche que les
producteurs se sont pris en main pour être capables de continuer. Et on est les
plus gros producteurs de laitue sur la côte Est. La compétition, aujourd'hui,
c'est la Californie.
Alors, vous mangez la
laitue du Québec grâce à la recherche qu'on a faite ou vous mangez de la laitue
qui a cinq jours de route dans un camion
réfrigéré. Alors, c'est vraiment l'exemple. Il
faut absolument se donner des
outils de recherche avec les producteurs, mais ça va dans la recherche
et développement, ça va dans toutes ces choses-là.
Le Président
(M. Lemay) : Très bien. Allez-y.
M. Van
Winden (Jean-Bernard) : On
pourrait en donner un paquet d'exemples. Comme Denys parlait de la laitue,
en tant que consommateur, quand vous
consommez une laitue, vous ne voulez pas de pucerons dedans, hein? Vous n'aimez
pas ça pantoute. Les pucerons dans la salade, ce n'est pas bon.
Mais, à la Fondation
Laitue, on a pris un engagement, un contrat avec une compagnie hollandaise, Rijk
Zwaan, et on transfère des croisements naturels pour avoir des laitues complètement
résistantes aux pucerons Nasonovia, qui vont être disponibles d'ici deux ans.
Donc, toutes les laitues qu'on va pouvoir cultiver au Québec, on va avoir un
gène de résistance et toutes les... on peut mettre des néonics dans la laitue, mais on
n'aura pas besoin de néonics, par
exemple.
On n'aura
plus besoin de pesticides contre le puceron, mais, en arrière de ça, il y a
des efforts de recherche qui sont nécessaires. Et, quand on parle d'efforts de recherche,
l'appui gouvernemental, c'est «basic», c'est essentiel. Il ne faut pas
juste se fier sur nous autres.
Le Président (M. Lemay) : Mme la
députée, environ 10 secondes.
Mme
Montpetit : Oui, bien, juste
vous dire, j'en profite pour vous remercier de l'accueil que vous nous avez
fait, quand on s'est rendu sur le
terrain. J'ai été, moi, très impressionnée par les efforts qui ont été faits, justement,
pour diminuer l'utilisation des pesticides. On a pu le voir directement à quel point c'était possible et à quel point vous avez besoin d'être
accompagné en recherche pour pouvoir en développer, d'autres méthodes, également.
Le
Président (M. Lemay) : Merci beaucoup, Mme la députée. Mme la
députée de Rouyn-Noranda—Témiscamingue, la parole est à vous.
Mme Lessard-Therrien : Merci, M. le
Président. Bonjour à vous. Je vous remercie encore de la grande chance que j'ai eue d'avoir pu visiter chacune de vos
fermes. Je me sens absolument privilégiée de vous recevoir aujourd'hui et d'échanger avec tout en
toute connaissance de cause, vous féliciter en même temps pour la prise en charge par le milieu. Ce que vous avez fait avec le
PELI, c'est vraiment chouette et tout ce qui en a découlé. Je suis
devenue une forte ambassadrice de votre initiative.
J'aimerais
vous parler de l'aspect économique parce que c'est quand même
quelque chose qui préoccupe beaucoup le gouvernement. Ça nous préoccupe aussi, dans le mandat
d'initiative, de toujours rester compétitif avec le marché américain beaucoup.
Je comprends que vous êtes vertueux, vous voulez faire en sorte d'améliorer vos
pratiques pour l'environnement, mais j'imagine que vous ne le faites pas à
perte non plus.
Donc, comment
est-ce que le fait de faire la lutte intégrée peut être rentable pour vous puis
que vous ne perdez pas beaucoup d'argent avec ça? Juste nous entretenir
un peu là-dessus.
Le Président (M. Lemay) : Alors, M.
Van Winden.
M. Van
Winden (Denys) : C'est
souvent par les petites actions, le début, souvent, dans la lutte intégrée.
Alors, le mot «pôle d'excellence», là, quand on assit tout le monde autour de la même table, là, le fabricant de machinerie, le réseau
de dépistage, nos agronomes, les vendeurs de
pesticides, etc., alors, autour d'une table, on est capables de cibler un problème et
d'essayer de trouver une alternative. Alors, soit petite l'alternative qu'on
met en place, mais c'est un grand gain pour toute l'agriculture du
Québec, parce qu'après ça on divulgue... On ne cherche pas à aller chercher...
de faire de l'argent avec ça, c'est plutôt
de comprendre, de dire : Oui, notre régie qu'on fait sur nos fermes, si
petite soit-elle... C'est comme quand je vous montrais, sur la ferme,
qu'on plantait du cilantro au bord du champ. Tu as dit : Tu cultives du
cilantro. Non, je plante du cilantro pour
que les limaces restent dans mon cilantro, puis ils ne vont pas dans ma laitue,
puis ça fonctionne. Alors, c'est des
petites choses qu'on a trouvées comme ça, mais qu'on multiplie après ça, puis
là ça fait boule de neige...
Le Président (M. Lemay) : Merci. Mme
la députée... pour une question complémentaire pour Mme la députée. Il reste...
Mme
Lessard-Therrien : Je
m'excuse, parce que je n'ai vraiment pas beaucoup de temps, mais, tu sais, dans le fond, moi, c'était vraiment le
calcul que vous faites quand vous dites, vous mettez 60 heures en prévention,
quand vous avez investi énormément d'argent au niveau de la mouche rose. Est-ce
que tous ces investissements-là... j'imagine que c'est parce que c'est une optique qui est à long terme,
peut-être que je me réponds moi-même, mais est-ce que ça
fait en sorte que vous revient moins cher que d'utiliser le pesticide année après année?
Le Président (M. Lemay) :
10 secondes.
M. Van
Winden (Jean-Bernard) :
...plus cher qu'utiliser le pesticide, mais on a tout de même une conscience.
On mange ces légumes-là, on fait manger ces légumes-là à tout le monde et on a une conscience aussi de grande entreprise qui a un très bon nom puis une bonne notoriété.
Quand on mange la laitue Attitude aujourd'hui, on sait que ça vient du Québec, puis ça a
un bon nom, puis ça a une bonne manière d'être cultivée. Ce n'est pas nécessairement...
Le
Président (M. Lemay) :
Merci, M. Van Winden. Je dois vous interrompre, je suis sincèrement désolé. Et je cède la parole au député de Bonaventure.
M. Roy : Merci,
M. le Président. Écoutez,
Louis Robert a été jusqu'à dire que les subventions, c'était comme pas
nécessaire en agriculture. Donc, je ne reviendrai pas sur ce qu'il a dit et votre
perception, parce que vous l'avez dit au niveau de la recherche.
Page 16 de votre mémoire, vous
dites : «...il serait opportun de créer des incitatifs financiers
permettant de rétribuer les actions
des producteurs profitant à l'environnement et donc à la société.» Donc, c'est de
bonifier les externalités positives générées par votre pratique. De
quelle manière et combien ça pourrait coûter?
Le Président (M.
Lemay) : M. Van Winden.
• (13 heures) •
M.
Van Winden (Jean-Bernard) :
Très rapidement. Si on prend l'exemple de la mouche rose, par exemple, pour un producteur qui veut embarquer dans une méthode de lutte
biologique, un nouveau producteur, on parle de relâché de 80 000
mouches à l'hectare. Une mouche, ça vaut 0,0125 $. Ça fait un coût
d'environ 1 000 $ l'hectare. Le pesticide, le chlorpyrifos,
275 $, 200 $ l'hectare.
Le
procédé biologique est cinq fois plus cher. Ça fait qu'au départ, avoir une
subvention ou une initiative monétaire qui
encourage le producteur à prendre cette technique-là, c'est essentiel. Et,
quand cette technique-là fonctionne... Moi, sur ma ferme, ça fait huit ans qu'on fait des mouches stériles, mais
présentement, comme cette année, on va lâcher 17 000 mouches à l'hectare, mais 17 000 mouches à l'hectare,
c'est à peu près le coût d'un pesticide, c'est à peu près pareil. Ça fait qu'on
prend... Quand tu embarques dans une
nouvelle technique qui est beaucoup plus... c'est plus dispendieux, parce qu'il
faut que tu relâches plus, il faut que tu baisses tes populations de
mouches naturelles, il faut que tu en relâches plus. Ça fait que c'est important d'avoir des initiatives de ce
genre-là pour toutes ces nouvelles méthodes de... surtout quand on parle
d'insectes stériles, de relâcher des mouches stériles, tout ça. C'est des
nouvelles techniques...
Le Président (M.
Lemay) : M. le député, pour une question complémentaire.
M. Van Winden
(Jean-Bernard) : C'est certain que c'est plus dispendieux.
M.
Roy : Donc, le soutien financier que vous demandez serait au
début de l'introduction d'une nouvelle stratégie de lutte aux insectes, aux maladies et non pas... bon, ne serait pas
permanente à un niveau x. Donc, ça s'amortit, d'une certaine manière.
M. Van Winden
(Jean-Bernard) : Au début, c'est essentiel.
Le Président (M.
Lemay) : Très bien. Mme Matteau, 20 secondes.
Mme Matteau
(Isabelle) : J'ajoute une réponse dans le sens que certaines
techniques, en ayant de l'argent au début,
vont peut-être embarquer, mais, s'il n'y a pas d'argent pour l'entretien, par
exemple, un biofiltre, des fois, certaines personnes ne vont pas continuer à faire la technique. Donc, ce n'est
peut-être pas juste au début, mais voir aussi possiblement pour un entretien.
M. Roy :
Ça dépend de la stratégie.
Mme Matteau
(Isabelle) : C'est ça, exactement.
Le
Président (M. Lemay) : Excellent. Alors, je vous remercie pour votre
contribution à nos travaux et je suspends les travaux jusqu'à
15 heures.
(Suspension de la séance à
13 h 01)
(Reprise à 15 h 02)
Le
Président (M. Lemay) :
Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! La Commission de l'agriculture, des pêcheries, de
l'énergie et des ressources naturelles
reprend ses travaux. Et je demande à toutes les personnes présentes dans la
salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils
électroniques.
Cet
après-midi, nous allons entendre M. Jean Zigby, Parkinson Québec,
M. Jacques Brodeur ainsi que L'Union
des producteurs agricoles.
Alors,
je souhaite maintenant la bienvenue à M. Zigby, en vous rappelant que vous
disposez de 10 minutes pour faire votre exposé. Vous pouvez vous
présenter puis procéder avec votre exposé. La parole est à vous.
M.
Jean Zigby
M.
Zigby (Jean) : Merci beaucoup. Alors, je m'appelle Jean Zigby et
j'aimerais tout d'abord remercier les membres du CAPERN d'avoir permis une discussion sur les pesticides, un sujet
d'une importance énorme en ce qui concerne ses conséquences sur la santé et sur l'environnement. Je suis médecin de
famille et médecin en soins palliatifs à Montréal, où j'enseigne, je pratique et mène des recherches à
l'Université McGill et à l'Hôpital général juif, et je suis ancien président
de l'Association canadienne des médecins pour l'environnement.
Certains
d'entre vous demanderont peut-être pourquoi un médecin qui s'occupe de
personnes en fin de vie est ici pour vous parler des pesticides. La
réponse est simple. Bon nombre des malades dont j'ai été témoin, et donc
meurent tragiquement, sont liés à des expositions aux
pesticides. Ce sont des gens qui sont trop faibles ou qui luttent pour leur vie
pour être ici aujourd'hui, afin de témoigner de leurs souffrances.
Je veux partager avec
vous l'histoire de Bernard, un ancien brillant ingénieur et homme d'affaires
tué par la maladie de Parkinson, une maladie
cérébrale tortueuse qui lui a lentement volé la capacité de bouger, ses
souvenirs, et les a remplacés par des hallucinations terrifiantes et qui
l'a transformé en fardeau pour sa famille jusqu'à son admission à l'hôpital. Lorsqu'il a finalement perdu la
capacité d'avaler par lui-même, après des années de lutte contre cette maladie,
nous l'avons soigné dans notre unité
de soins palliatifs pendant que sa femme restait à ses côtés tous les jours
pendant ces semaines, jusqu'à ce que
son coeur s'arrête enfin. Et pendant tout ce temps, à cause de sa maladie, il
ne pouvait pas parler ou même montrer un seul signe d'émotion, même à sa
famille la plus dévouée.
Je
veux partager avec vous l'histoire de Cassandra, une jeune fille qui s'est
d'abord développée normalement, mais qui
a ensuite perdu la capacité de parler à mesure qu'elle grandissait au-delà de
deux ans, devenant progressivement plus violente, se mordant et griffant
les autres afin qu'ils ne puissent plus montrer leur affection ou la nettoyer
sans la restreindre physiquement ou chimiquement. J'ai aidé ses parents
à s'occuper d'elle, en tant que médecin, pendant des années dans ma pratique jusqu'à ce qu'ils soient épuisés par
les soins tortueux et écrasants de 24 heures sur sept dont elle avait
besoin. Elle n'a jamais retrouvé la capacité de parler et elle a été
placée dans un foyer de groupe spécialisé capable de traiter des personnes ayant une déficience cognitive et
émotionnelle et des personnes agressives, mais elle a eu besoin de médicaments
antipsychotiques depuis lors.
Je
veux finalement partager avec vous l'histoire de Michel, un jeune
homme dans la trentaine qui a souffert non seulement de ce lymphome cancéreux
qui a créé des masses dans sa poitrine et son abdomen comprimant ses poumons jusqu'à ce qu'il ne puisse plus respirer et
grugeant ses os et ses nerfs au point où il avait besoin d'énormes doses
d'opiacées pour ne pas crier. Ses
jeunes enfants ont grandi en le regardant se battre, souffrir et mourir,
atteint d'une maladie liée aux produits que lui et sa famille d'origine
utilisaient dans leur jardin quand il était plus jeune.
Les
questions les plus typiques que l'on me pose au sujet des pesticides
sont : Mais, docteur, comment savez-vous que les pesticides sont
responsables pour cette maladie de Bernard, Cassandra ou Michel? Ou combien de
cas de cancer sont dus à
l'utilisation des pesticides? Malheureusement, pour répondre à ces questions, il faudrait que
j'expose volontairement des gens à
ces poisons. Exposeriez-vous votre enfant, votre femme enceinte ou vous-même à
un poison inutile au nom de la
science pour découvrir quelle quantité il vous faudra pour tomber malade en
permanence ou contracter un cancer? Bien sûr que non, et les comités d'éthique et de la recherche partout dans le
monde ne permettraient pas que cela se produise. Nous n'avons pas le droit de vous empoisonner
délibérément au nom de la science ou même de la santé publique pour répondre
à ces questions.
Soyons
donc clairs, les pesticides sont des poisons synthétiques et leur utilité est
exactement parce qu'ils sont toxiques et
qu'il serait très mauvais de montrer à quel point ils peuvent être toxiques
pour nous. Nous avons déjà suffisamment de recherches pour démontrer
que, lorsqu'un produit est suffisamment toxique pour être efficace contre
certaines espèces diverses, animales ou
végétales, il serait très probablement toxique soit immédiatement, soit au fil du temps,
d'une manière que nous ne
soupçonnerons peut-être pas pour nous ou nos enfants. Pourtant, nous
permettons que ces toxines soient vendues à côté d'appareils ménagers et
de malbouffe en sachant que les gens sont exposés inutilement.
Nous
n'avons pas toutes les réponses sur la façon dont ces produits chimiques
affectent notre santé, parce que nous n'avons
jamais mis en place un système surveillant rigoureusement les endroits où ces
centaines de produits différents ont été appliqués.
Maintenant
que nous soupçonnons que ces produits chimiques ont d'importants effets sur la
santé grâce à des études indépendantes,
il est malsain et inacceptable que nous attendions que d'autres études tendent
à répondre à quelle fréquence ce
produit va-t-il tuer ou torturer quelqu'un et de combien de façons différentes. À l'heure
actuelle, nous laissons les entreprises commettre ces crimes de hasard sur
l'ensemble de la population.
Nos recommandations
fermes sont les suivantes.
Élargir la liste des
pesticides visés par la réduction actuelle en incluant le glyphosate. Il faut
aussi assurer que les pesticides reconnus
comme toxiques ne seront pas remplacés par des produits au potentiel de
toxicité existants mais non encore démontré, ce qui était le cas avec
l'atrazine et le glyphosate.
Deux, interdire dès maintenant
des pesticides les plus dangereux comme le chlorpyrifos.
Par
ailleurs, la révision systématique des pesticides à interdire devrait se faire régulièrement, aux deux ou trois ans, et
pas aux 15 ans.
Instaurer un registre obligatoire et public de
l'utilisation des pesticides au Québec comme le font d'autres juridictions dans le monde. Ce registre doit obligatoirement
compiler non seulement les ingrédients actifs, mais aussi les formulations
précises de tous les composants chimiques
présents car leur toxicité est parfois pire que celle des composants dits
actifs.
Quatre,
favoriser la transition vers l'utilisation d'une agriculture intégrée
biologique sans pesticides de synthèse non essentiels avec un soutien
financier aux agriculteurs et agricultrices intéressés.
• (15 h 10) •
Cinq, rendre
obligatoire auprès des agronomes par le ministère de l'Environnement et de la
Lutte contre les changements climatiques,
une approche visant des pratiques de lutte intégrée avec l'utilisation des pesticides de synthèse en dernier
recours.
Établir
une législation obligeant l'indépendance des agronomes
face à l'industrie et protégeant les agronomes qui dénoncent les
pratiques illégales ou éthiquement non acceptables.
Sept, effectuer un suivi épidémiologique au long cours des personnes les plus
exposées aux pesticides de synthèse, par exemple, via l'INSPQ.
Huit,
instaurer des programmes de recherche totalement indépendants de l'industrie et
portant sur les risques pour la santé
humaine, animale et sur l'environnement, associés aux pesticides de synthèse,
avec un financement adéquat pour plusieurs années.
Il
faut comprendre que les impacts vont pour plusieurs générations, et, si on n'a
pas un financement très long, on ne va jamais atteindre les réponses qu'on veut
et s'assurer que le MAPAQ se réengage dans le transfert des connaissances
et les services-conseils auprès du milieu agricole.
Nous ne pouvons pas
ramener votre grossesse, votre fertilité, votre mémoire, le potentiel
intellectuel perdu de votre fils, votre capacité
respiratoire ou votre être cher qui est mort du cancer. Mais aujourd'hui, nous
pouvons protéger les prochains en
adoptant les lois et des règlements pour limiter considérablement les ventes et
l'utilisation des pesticides synthétiques au Québec. Merci beaucoup.
Le
Président (M. Lemay) : Merci beaucoup, M. Zigby, pour votre exposé.
Sur ce, nous allons débuter la période d'échange avec les membres de la
commission, et je vais céder la parole au député de Bourget.
M. Campeau :
Merci, M. le Président. Bonjour, M. Zigby.
Évidemment,
on ne peut pas rester insensible à ce que vous avez mentionné, une personne qui
était atteinte de maladie de
Parkinson, un jeune enfant qui souffrait de déficiences cognitives importantes
ou une autre personne qui avait un lymphome. Et c'est plate, parce que j'ai l'impression, des fois, mes questions
peuvent avoir l'air comme... même sans-coeur, alors que je ne voudrais
donc pas que ça ait l'air de ça.
Qu'est-ce
qui vous a amené à croire que ces gens-là en particulier, ce qu'ils ont
eu... il y en a eu d'autres personnes qui ont eu des lymphomes qui ne sont peut-être pas reliés à des
pesticides. Qu'est-ce qui vous a amené à croire que c'était ça?
Le Président (M.
Lemay) : M. Zigby.
M.
Zigby (Jean) : Ce n'est pas le fait qu'on peut avoir une idée certaine
que ces personnes en particulier ont eu une maladie qui est
nécessairement due aux pesticides. C'est que ce sont des représentants de ces
types de maladies où on questionne c'est quoi, la cause. On dit : On ne
sait pas la cause, mais, en fait, on a beaucoup des études qui montrent qu'il y a plusieurs associations, comme pour les
pesticides, qui causent ces maladies. Et c'est pour ces raisons-là que toutes ces maladies qui, on pourrait dire, sont des maladies
«orphan», en anglais, orphelines, des causes sont en effet dues à une grande proportion aux expositions dans
l'environnement. Et un des facteurs les plus recherchés, c'est les associations
de ces maladies avec les pesticides. Alors,
il ne faut pas cacher la tête en se disant : On ne sait pas du tout, c'est
quoi, la cause, quand on a des grandes suspicions qui sont liées aux
pesticides.
M.
Campeau : O.K. Donc, si je prends un exemple, le monsieur qui a
souffert de la maladie de Parkinson, vous ne me dites pas que cet individu-là a eu un problème relié aux
pesticides, mais vous vous êtes servi de ça comme d'un exemple, à ce
moment-là. O.K., ce qui est tout aussi bon. Donc, on en vient à un principe de
précaution.
O.K.
L'autre chose que vous avez mentionnée, c'est... Vous n'avez pas mentionné
spécifiquement l'ARLA, mais, quand vous parlez d'homologation, quels
sont vos commentaires sur l'ARLA, comme tel, là?
M.
Zigby (Jean) : Je respecte énormément leur expertise. Je trouve qu'ils
ont un fardeau énorme pour leur financement. Ils ne sont pas financés et
ils n'ont pas les outils nécessaires pour regarder suffisamment l'évidence qui est indépendante et souvent ils ne regardent pas
l'évidence indépendante récente pour développer leurs conclusions. Alors,
ils ont des règles très strictes, puis je
peux comprendre pourquoi, pour donner ou non l'homologation de certains
produits.
Malheureusement,
je ne trouve pas l'inclusivité de leurs processus consistante avec le niveau d'évidence qu'on a aujourd'hui. Et tout ça pour dire que l'ARLA
pourrait être plus ouverte aux recherches indépendantes, et de regarder plus
profondément quand il y a
des inquiétudes en particulier. Ça veut dire, quand il y a des
mécanismes de... certaines chimiques qui sont liés à un système
physiologique comme la neurologie, de faire... de demander des études beaucoup
plus poussées à ce niveau et sur plusieurs
générations. Les études qui sont demandées par l'ARLA présentement ne suffisent pas pour nous satisfaire en termes... comme
médecins, pour développer un système rigoureux et sécuritaire pour la population.
Tout
ça pour dire qu'il faut, numéro un, regarder l'impact de ces chimiques sur plusieurs
générations; deux, les combinaisons
de ces chimiques; trois, les produits en complet et pas seulement
les ingrédients actifs. Et il faut regarder ça dans un environnement réel. Il
ne faut pas penser qu'une étiquette va actuellement protéger la population contre les impacts
des pesticides ou des toxines en général.
Alors, ma réponse, c'est que je trouve qu'il y a des très formidables
chercheurs dans l'ARLA, mais que leur mandat, malheureusement, est trop
restreint.
Le Président (M.
Lemay) : ...M. Zigby. M. le député.
M.
Campeau : On a souvent
parlé, durant le mandat, de l'indépendance de la recherche, mais définitivement
vous le faites mieux que quiconque, à ce moment-là, là. Le message passe
encore beaucoup mieux de cette façon-là.
Quand
vous parlez du long terme... En terminant, dernière question, quand vous parlez
du long terme, vous parlez de
générations? On ferait des études qui seraient pour plus que 10 ans, même
encore plus que ça? Parce que jusqu'à maintenant
les gens qui sont venus nous voir, je crois,
sauf erreur, on a parlé d'études sur une dizaine d'années mais non pas sur des
générations, pas encore.
M.
Zigby (Jean) : La problématique avec l'exposition aux pesticides,
c'est que ce n'est pas nécessairement seulement
vous qui va avoir les répercussions de ces chimiques. On sait, par les études
indépendantes, que ça peut avoir des
effets sur les enfants des gens qui ont été exposés puis que ça peut avoir des
impacts même jusqu'aux petits-enfants des animaux qui ont été exposés.
Alors, la problématique, c'est que, numéro un, beaucoup
de ces produits, malheureusement, restent dans l'environnement pendant des dizaines et des centaines d'années,
dans le sol, dans les courants d'eau, etc., ça reste dans nos maisons pendant
des dizaines d'années, et que les impacts, malheureusement, ne sont pas nécessairement
seulement sentis par l'individu mais dans leur enfant aussi et peut-être
leurs petits-enfants.
Alors,
tout ça pour dire qu'on est en train de vivre encore les impacts des pesticides
qui ont été interdits il y a 20 ans, 30 ans, et que, si on continue à retarder à limiter les expositions
aux pesticides, on accumule tous ces effets de santé avec le temps.
Le Président (M.
Lemay) : ...M. Zigby. Sur ce, je cède la parole au député de Dubuc.
M. Tremblay :
Bonjour, monsieur.
M. Zigby
(Jean) : Bonjour.
M. Tremblay :
Merci pour la contribution, vos recommandations. J'avoue que c'est plutôt
percutant.
D'entrée, vous
signifiez que vous vous penchez... que l'association se penche sur des dossiers
que vous jugez importants. Vous faites allusion aussi à des activités dans
d'autres domaines, sensibilisation, éducation. Avez-vous travaillé sur des dossiers précis qui démontrent aussi des
interrelations entre différents domaines? Pourriez-vous élaborer davantage
sur...
M.
Zigby (Jean) : Le rôle de
notre organisation, c'est, en fait, de prendre la recherche, et les études, et
les travaux des chercheurs et des
organisations comme les organisations de santé publique et de les amener plus
proches aux décideurs... cette information vers les décideurs et vers
les autres professionnels de la santé et vers le public.
Notre
rôle, c'est vraiment de prendre les histoires de nos patients mais
aussi de la vie de nos communautés puis de faire les connexions entre ça puis les expositions et les
dégradations de l'environnement. Notre rôle n'est pas spécifique au
patient individuel. C'est vraiment d'essayer de rendre la santé humaine plus
élevée en protégeant l'environnement.
Le
Président (M. Lemay) :
Merci. M. le député de Dubuc, vous vouliez rajouter une question
complémentaire?
M. Tremblay :
M. Tremblay.
Le Président (M.
Lemay) : M. le député de Dubuc.
• (15 h 20) •
M. Tremblay : Oui. Merci, M. le Président, de le préciser. Dites-moi... j'entendais un ton
plus nuancé, tout à l'heure, quand vous parlez de l'ARLA. Vous affirmez dans le
mémoire que l'ARLA se base beaucoup sur des recherches payées par l'industrie
puis vous faites allusion à des conflits d'intérêts évidents.
Pourriez-vous
donner des exemples, peut-être, plus concrets puis nous dire si c'est au gouvernement du Québec d'agir?
M. Zigby
(Jean) : Oui. C'est un peu la façon systémique de l'organisation de
l'ARLA. Ça veut dire que, quand on veut
avoir une chimique homologuée, une compagnie, il faut qu'ils soumettent beaucoup
de recherches de leur part pour donner
la preuve que, d'après les règles du jeu de l'ARLA, que ces produits-là sont
sécuritaires pour la population. Ça veut dire
que l'ARLA ne fait pas nécessairement des études indépendantes sur les produits
eux-mêmes mais que c'est les compagnies
qui fournissent, de base, la majorité de l'information. Après ça, c'est à l'ARLA de décider s'ils vont
demander encore plus d'études plus poussées aux compagnies et de décider s'ils
pensent que l'information est suffisante. Il y a quand même énormément
de dossiers qu'il faut traiter à l'ARLA et il y a une pression une pression
pour les faire.
En regardant l'expérience
en médecine avec des compagnies de chimique, c'est certain que vous allez toujours
recevoir des informations biaisées quand
vous demandez quelqu'un de produire d'information sur leurs produits
qui vont leur coûter, s'il y a
une décision négative là-dessus. Alors, il
y a un conflit d'intérêts flagrant,
si on ne base pas nos décisions sur, au même temps, les études indépendantes que les informations qui sont données par l'industrie. Qu'est-ce qui est très
choquant, c'est quand on voit que la grande majorité d'évidences indépendantes
n'est pas prise en compte pendant les périodes
d'homologation et que les études par les industries, même si elles sont très
vieilles et démodées en termes de types, sont encore utilisées pour
faire leurs décisions. Ça veut dire que l'homologation de glyphosate a pris
compte des études qui ont de 20 ans à
30 ans d'âge, ce qui n'est plus le cas maintenant. Notre environnement
change, la santé humaine change, la prédisposition de tout le système
change, mais on base encore nos décisions souvent sur des informations très
vieilles et on ne prend pas en compte les
meilleures informations indépendantes qu'on a aujourd'hui. Alors, ça, pour
nous, c'est une problématique qu'il faut quand même compenser.
Le
Président (M. Lemay) : ...commentaire. Je vais maintenant céder
la parole au député de Lac-Saint-Jean pour sa question.
M. Girard
(Lac-Saint-Jean) : Merci, M. le Président. Merci, M. Zigby, de
votre présence et de votre présentation de votre mémoire. Et je reconnais en vous quelqu'un qui s'est occupé de
personnes, donc je vous félicite. Et vous parlez de parkinson. Je
connais ça un petit peu, là, pour avoir quelqu'un dans ma famille...
Bon, on a parlé beaucoup
au niveau... Vous parlez du glyphosate, mais aussi il y a ce qui ressort aussi
au niveau des néonicotinoïdes ainsi que l'atrazine, et on sait que c'est un
enjeu aussi. Je voudrais vous entendre à ce niveau-là.
M. Zigby (Jean) : Je voulais
sortir un tout petit peu de cette idée qu'une chimique est vraiment celle qui
est responsable pour tous les problèmes. On
parle des exemples comme le glyphosate à cause du fait que le glyphosate, c'est
l'herbicide qui est le plus vendu au Québec
présentement, qui représente lui-même, des produits de base de glyphosate, plus
que deux tiers des ventes des pesticides ici, au Québec.
Mais la
réalité, c'est qu'on a énormément de produits toxiques qui sont vendus, par
exemple, le chlorpyrifos, où on a des
études pendant des dizaines d'années de leur toxicité, et de la problématique,
et comment ça peut engendrer des problèmes neurologiques dans les gens,
jeunes et vieux.
Alors, je ne voulais pas mettre un doigt sur une
chimique en particulier, mais de parler de tous ces groupes de chimiques toxiques qu'on essaie d'utiliser pour
protéger notre système agroalimentaire. O.K. Mais est-ce qu'on utilise ça un
peu trop? D'après nous, la réponse est oui.
Le Président (M. Lemay) : Le
député de Lac-Saint-Jean a une nouvelle question. Allez-y.
M. Girard
(Lac-Saint-Jean) : Oui. Vous
savez aussi quand même qu'on a vu venir l'association, entre autres, des producteurs maraîchers,
on a vu aussi au niveau du CLD de Napierville, l'organisation de la lutte
intégrée, qui travaillent beaucoup, qui sont énormément conscients, là, de
l'impact et qui... il y a des mesures aussi qui sont prises par le ministère de
l'Agriculture au niveau de la
réduction des pesticides. Il y a des choses qui se font, de l'innovation. Vous
parlez qu'il faut
mettre de plus en plus de mesures, mais il y a quand même
des choses, des choses intéressantes qu'on a entendues, durant cette commission,
de la lutte intégrée, entre autres. Avez-vous un petit peu été loin à ce niveau-là?
M. Zigby (Jean) : J'ai beaucoup
d'espoir. La réalité, c'est que, d'après moi, je vois énormément de réponses à cette nécessité de protéger notre agriculture
contre les pestes. Ce n'est pas que je veux voir, d'ici demain, une élimination
complète des pesticides. Qu'est-ce que je
veux voir, c'est une vraie approche de réduction de l'utilisation inutile des pesticides en regardant les approches qui sont déjà
en évidence partout dans le monde et ici, au Québec.
On a énormément de façons de produire des
aliments sans utiliser des pesticides, si on choisit de les utiliser, mais la
problématique, c'est quand on garde des incitatifs financiers pour des
compagnies de chimiques et aussi on encourage
encore, directement et indirectement,
les fermiers de continuer dans la même direction. Et on ne les protège pas, nos fermiers, contre les abus des compagnies de
chimiques et on ne les aide pas à faire la transition vers une utilisation moins
intense en pesticides.
Le
Président (M. Lemay) :
Merci, M. Zigby. Sur ce, je cède maintenant la parole à l'opposition officielle et la députée de Maurice-Richard.
La parole est à vous.
Mme
Montpetit : Je vous remercie, M. le Président. Bonjour, Dr. Zigby. Contente de vous revoir.
Merci d'être là avec nous aujourd'hui.
Je ne sais
pas si vous l'avez mentionné d'entrée
de jeu, mais vous avez été président
aussi de l'Association canadienne des
médecins en environnement, donc je
pense que c'est extrêmement pertinent que vous soyez là, que vous ajoutez à nos
discussions sur tout le facteur sanitaire et toxicologique notamment.
Je voulais
revenir à la question du parkinson, puis c'est des questions... je ne sais pas
si vous avez suivi nos travaux des derniers jours, mais c'est des
questions que j'ai posées aux différents chercheurs qui sont venus, mais je
trouvais ça intéressant d'avoir un médecin
aussi pour y répondre. Mais notamment, dans le cas du parkinson, on sait
justement que c'est une maladie qui a
été reconnue... c'est une maladie professionnelle, en France, depuis,
si je ne me trompe pas, 1992, début
des années 90, pour les agriculteurs qui ont été en contact, pendant plus de
cinq ans, avec, justement, différents pesticides.
Est-ce qu'à
la lumière de la littérature, à la lumière de vos connaissances sur ce
sujet-là, est-ce que les liens, à votre avis, sont assez robustes pour établir
des liens très clairs entre la maladie de Parkinson et le travail
d'agriculteur? Et est-ce qu'on devrait
justement, dans nos réflexions, comme commission, envisager de reconnaître le
parkinson comme maladie professionnelle?
M. Zigby
(Jean) : D'après moi, oui. Tout simplement, je sais qu'il va toujours
y avoir une certaine inconnue dans les
évidences, mais, comme on a expliqué avant, sans exposer les gens
volontairement aux produits toxiques à répétition pour voir exactement jusqu'à quel point ça produit
le parkinson, les associations sont assez fortes, sont les plus fortes que
ce qu'on voit pour n'importe quelle autre cause pour le parkinson.
Alors, il y a
eu des milliers d'études sur le parkinson, puis les associations avec les
pesticides sont parmi les plus robustes
dans la littérature. Alors, si on veut attaquer quelque chose avec un processus
préventif et de compenser les gens pour,
malheureusement, des expositions aux produits toxiques, c'est certain que je
mettrais le parkinson dans ces genres-là.
Le Président (M. Lemay) : Mme la
députée.
• (15 h 30) •
Mme
Montpetit : Je vous remercie. Une question aussi que j'ai eu
l'occasion de poser aux différents chercheurs... Puis, d'un point de vue médical, j'aimerais ça aussi avoir votre avis
là-dessus, sur toute la question de l'accès aux données. On a eu plusieurs échanges, notamment avec la
chercheure Maryse Bouchard, sur le sujet, hier, avec les chercheurs de l'INSPQ
également, de l'INRS,
aussi, sur le fait qu'en ce moment il n'y a pas de transparence, dans le fond,
au niveau des différentes données sur l'utilisation des pesticides au
Québec.
Donc, est-ce qu'on
gagnerait, dans le fond, de votre point de vue, à avoir un registre ou à rendre
disponible et accessible, de façon complètement transparente, quel type de
pesticide est utilisé et à quel endroit, surtout, pour pouvoir justement cartographier s'il y a des liens de
causalité à établir avec certaines maladies? Est-ce que d'un point de vue santé
ou d'un point de vue santé environnementale, d'un point de vue médical, pour
vous, ce serait un atout?
Le Président (M.
Lemay) : Alors, M. Zigby.
M.
Zigby (Jean) : D'après moi, c'est essentiel. Je vois ça comme une
tragédie historique, qu'on ait décidé de laisser des produits toxiques être utilisés dans notre communauté sans les
suivre, malgré le fait qu'on sait que ça peut être propagé ailleurs puis
ça peut rester dans notre environnement pendant des décennies, si ce n'est pas
des centaines d'années.
Alors, je trouve que, dès maintenant, c'est
essentiel. Avec le niveau d'évidence qu'on a en avant de nous aujourd'hui,
c'est essentiel qu'on prenne responsabilité pour le présent et pour l'avenir en
commençant un registre complet de toutes les applications qui sont utilisées, mais aussi des ventes des pesticides
dans une façon plus robuste. Alors, ma réponse est que cette information
est essentielle si on veut continuer de suivre les effets encore inconnus des
pesticides.
Le Président (M.
Lemay) : Mme la députée.
Mme
Montpetit : Vous avez référé à plusieurs reprises au principe de
précaution. Est-ce que votre lecture, c'est... Puis j'ai bien compris que vous ne parliez pas d'abolition complète,
d'interdiction complète, mais bien de faire une transition vers une utilisation moindre ou des pesticides à
moins haut risque. Est-ce que votre lecture, c'est... Est-ce que vous faites un
parallèle un peu avec toute la question du plomb, à savoir, justement, en santé
environnementale, qu'il ne faudrait pas attendre d'avoir des confirmations complètes et totales avant de prendre
des décisions au niveau de nos politiques publiques?
Le Président (M.
Lemay) : M. Zigby.
M.
Zigby (Jean) : On a des centaines, des milles de chimiques qu'on
soupçonne qui sont toxiques dans l'environnement,
qu'on utilise dans des façons très, très abondantes aujourd'hui. Une des
problématiques, c'est qu'on ne peut
pas tous les investiguer d'une façon robuste avant d'appliquer le principe de
précaution pour protéger la santé humaine. C'est seulement trop complexe. Et je suis d'accord qu'on ne peut pas
actuellement attendre avant de concrétiser des lois qui demandent une réduction importante,
systématique de l'utilisation de tous les pesticides et, oui, un bannissement
de certains pesticides, sauf dans des cas urgents, pour essayer de
protéger la santé humaine de la population.
Et
il faut dire que, même si on bannit tous les pesticides aujourd'hui, on reste
avec notre «legacy» d'effets de ces pesticides pendant encore des générations.
Alors, il faut quand même qu'on ait des cibles très concrètes pour réduire les
applications et les expositions. On a eu un
très bon mémoire par nos collègues en santé publique, pour cette commission,
où ils parlent de la construction des tables
de concertation interdisciplinaires, qui est formidable. Mais la réalité, c'est
que, si, dans la loi et dans les
réglementations, on ne cible pas une réduction concrète, avec des pénalités
très importantes, si elles ne sont
pas suivies, n'importe quelle règle va se terminer comme toutes les autres
politiques qu'on a passées dans les derniers 20 ans, sans arrêter
les pesticides accumulés.
Le Président (M.
Lemay) : Merci. Mme la députée.
Mme
Montpetit : Merci. Sur un autre sujet, vous n'êtes pas sans savoir
que... Je pense que vous enseignez, hein, si je ne me trompe pas. C'est
ça. Vous n'êtes pas sans savoir qu'il y a assez peu, pour ne pas dire pas de
formation des médecins en santé
environnementale, très peu chez les médecins de famille. La plupart des
facultés, souvent, c'est un cours qui est optionnel, même chose chez les
médecins spécialistes aussi.
Est-ce
qu'on ne gagnerait pas, justement, à avoir une formation, à intégrer ce genre
de formation dans les facultés de
médecine du Québec, si ce n'est que pour faire de la prévention, ou pour faire
de l'intervention, ou pour détecter des maladies en lien avec des
facteurs environnementaux?
Le Président (M.
Lemay) : M. Zigby.
M. Zigby (Jean) : En
effet, ça aiderait beaucoup
d'avoir plus d'information sur la toxicologie environnementale, mais je vais vous dire très franchement que les
médecins ne sont pas la cible nécessaire pour changer cette situation. Malheureusement, quand les maladies sont en avant d'un médecin, c'est trop tard. Ça veut dire que beaucoup des maladies qui sont associées avec les expositions aux pesticides n'ont pas de
traitement efficace, sont terminales, chroniques, dégénératives. Et, même quand on a un traitement,
le traitement est très, très, très difficile à subir comme les traitements pour le cancer.
Alors, c'est important
de dire : Oui, c'est très important de sensibiliser les médecins autour
des problématiques environnementales en
général, incluant la toxicité environnementale, mais il faut comprendre qu'on
ne peut pas protéger les gens avec les médecins. Les médecins ne peuvent
pas vous protéger contre vos expositions aux pesticides. Ça va seulement être
la restriction de l'utilisation des pesticides qui pourrait vous protéger.
Le Président (M. Lemay) :
Merci. Mme la députée.
Mme Montpetit :
Parfait. Bien, je vous remercie puis je prendrais peut-être juste les dernières
secondes... C'est ça, je pense qu'on
gagnerait certainement d'un point de vue plus large, au niveau de la santé
environnementale, à avoir une
meilleure formation sur l'ensemble de l'impact des facteurs environnementaux,
qui sont multiples, hein, comme vous
dites. Les différents produits toxiques, les parabens, les phtalates, et tout
ça, il y en a plusieurs avec lesquels on ne connaît pas encore les impacts sur la santé. Mais je comprends bien ce
que vous nous dites qu'au niveau des pesticides, c'est en amont qu'il
faut travailler et non pas en aval. Merci beaucoup.
Le Président
(M. Lemay) : Excellent. Donc, je cède... Ceci complète la période
d'échange avec l'opposition officielle. Et
maintenant nous écoutons celle du deuxième groupe d'opposition, et je cède la
parole à Mme la députée de Rouyn-Noranda—Témiscamingue.
Mme Lessard-Therrien :
Merci, M. le Président. Bonjour, M. Zigby.
Moi,
je me demandais... Vous êtes essentiellement basé à Montréal. Je me demandais,
c'est quoi les liens que vous avez
avec les médecins qui oeuvrent en région, dans les régions qui sont plus
rurales? En fait, est-ce que vous partagez des observations de patients
sur le terrain? Est-ce que vous faites la compilation de données un peu par
rapport à ça?
M. Zigby
(Jean) : Merci. La réponse est non, on ne fait pas officiellement la
compilation de ces données. Ça, on travaille très proche et étroitement avec
des gens en santé publique. On discute avec eux, on demande leurs avis, et
c'est certain que leurs avis sont
parmi les plus scientifiques et les plus conservateurs qu'on voie, et ils nous
donnent vraiment leur opinion juste.
Alors, les médecins
individuels, on parle avec, on a des contacts individuels. Ce n'est pas
systématique, notre approche de demander des
recherches. On ne fait pas de recherche directement sur les pesticides. On se
base sur les recherches des autres,
les scientifiques qui sont plus rigoureux que nous, qui ont plus d'expérience.
Notre but, c'est vraiment d'amener cette information dans une façon plus
réelle à la population et aux décideurs.
Le Président
(M. Lemay) : Parfait. Mme la députée.
Mme Lessard-Therrien :
Bien, est-ce que... tu sais, vous nous avez fait l'exposition de quelques cas,
là, dans l'introduction de votre prise de
parole. Mais est-ce que vous avez ce genre d'observations là aussi de la part
de médecins qui oeuvrent davantage dans les régions rurales?
M. Zigby
(Jean) : Personnellement, je n'ai pas de cas en particulier en tête
que je pourrais vous mettre en avant de
vous pour dire... Mes collègues disent qu'ils voient des cas, effectivement.
Mais, comme partout, malheureusement, les pesticides, comme les gens, ne restent pas dans une place, et les gens
qui ont été anciens fermiers, il y a 30 ans, maintenant sont atteints avec le parkinson. On les voit en
ville. Et c'est certain que les maladies neurodégénératives et de cancer... ils
voient en amont en région aussi.
Alors,
ils ont leurs inquiétudes au niveau des pesticides puis ils nous laissent
savoir leurs inquiétudes, mais je n'ai pas de cas en particulier à vous montrer
aujourd'hui.
Mme Lessard-Therrien :
J'ai peu de temps, M. le Président?
Le Président
(M. Lemay) : 10 secondes.
Mme Lessard-Therrien :
Est-ce que vous avez chiffré les coûts, pour la société, des maladies liées aux
pesticides?
Le Président
(M. Lemay) : Allez-y, M. Zigby.
M. Zigby
(Jean) : Non. Non, je n'ai pas essayé de chiffrer ça. On n'a pas assez
d'évidences rigoureuses pour essayer de chiffrer ça, mais...
• (15 h 40) •
Le
Président (M. Lemay) : Très bien. Merci beaucoup, M. Zigby. Donc, sur ce, je cède la parole
au député de Bonaventure pour
sa période d'échange.
M. Roy :
Merci, M. le Président. Bonjour, M. Zigby.
Écoutez,
tout à l'heure, vous avez mentionné le fait que l'ARLA n'avait
pas beaucoup de moyens financiers et que, bon, ils avaient subi des coupures, bon, de budget.
Mais cela n'explique pas le fait qu'ils pourraient quand même
considérer les études indépendantes qu'ils n'ont pas financées pour
homologuer certains produits. Donc, oui, il y a un aspect de financement,
mais il y a autre chose.
Et d'où vient cette, et
là je vais faire attention à ce que je dis, mais je vais le dire quand
même, cette forme d'aveuglement volontaire par rapport aux études
indépendantes, qui ne peuvent pas faire partie du savoir qui permet
l'homologation?
Le Président
(M. Lemay) : M. Zigby.
M. Zigby
(Jean) : La réponse est un peu... Selon mon opinion, c'est un peu deux
choses. C'est historique, numéro un,
c'est la façon de gérer les dossiers en regardant seulement un certain type
d'information toxicologique. Alors, il
y a une approche toxicologique quand même rigoureuse. Ils demandent des études
importantes. Le problème, ce n'est pas
qu'ils ne demandent pas des études qui sont intéressantes. Le problème, c'est
qu'ils demandent les mauvaises personnes de faire ces études-là. Ça veut dire qu'on demande des informations des
compagnies eux-mêmes pour nous fournir des études qui sont d'un certain
format.
Quand les
études épidémiologiques, qui ne sont pas les types de recherche qui sont
demandés officiellement par l'ARLA
pour l'homologation, sort, ce n'est pas quelque chose qui est officiellement
dans le répertoire de l'ARLA, et il faut changer les règlements de
l'ARLA pour qu'ils prennent ça en compte. C'est un système bureaucratique,
alors ils ont seulement le droit de prendre certaines informations en tête et
ils vont nécessairement prioriser les informations qu'ils demandent aux compagnies.
Alors, si on
veut changer quelque chose à l'ARLA, il faut changer la priorité en termes
d'information et comment qu'il prend en compte cette information. Alors, si
vous dites qu'il y a quelque chose ou si vous me demandez qu'il y a quelque
chose qui ne fonctionne pas comme il devrait à l'ARLA, je vous répondrais oui.
Le Président (M. Lemay) : M. le
député, 10 secondes.
M. Roy :
Et je peux vous garantir qu'ils doivent nous écouter actuellement, hein, parce
qu'on parle beaucoup d'eux.
Et, juste une
dernière question, quand vous parlez de pénalisation, s'il y a une utilisation
illégale de pesticides, vous parlez de pénaliser qui? Les agronomes? Les
agriculteurs?
Le Président (M. Lemay) : En
deux mots. Les agronomes ou les agriculteurs? Non, c'est vous, M. Zigby.
M. Zigby (Jean) : Ah! je
m'excuse. En réalité, il faut...
Le
Président (M. Lemay) : Je suis désolé... Je voulais juste avoir
la réponse au député, mais le temps est déjà écoulé. Je suis désolé, M. Zigby. On aura la
chance... Si vous voulez transmettre votre réponse au secrétaire de la
commission, qu'il fera parvenir à tous les membres. Il n'y a aucun
problème là-dessus.
Sur ce, je suspends les travaux quelques
instants pour permettre à Parkinson Québec de prendre place.
(Suspension de la séance à 15 h 44)
(Reprise à 15 h 46)
Le
Président (M. Lemay) :
Alors, nous reprenons nos travaux, et je souhaite la bienvenue aux représentants de Parkinson Québec, en vous
rappelant que vous disposez de 10 minutes pour faire votre exposé, puis
nous procéderons à la période
d'échange avec les membres de la commission. Je vous demande donc de vous
présenter ainsi que les personnes qui vous accompagnent, puis vous
pourrez procéder à votre exposé. La parole est à vous.
Parkinson Québec
M. Rigal (Romain) : Bonjour, M. le
Président, Mmes et MM. les députés. Mon nom est Romain Rigal, je suis coordonnateur du développement des services chez Parkinson
Québec. C'est un honneur aujourd'hui d'être devant vous pour contribuer à vos travaux.
Je suis pharmacien de formation et j'ai établi l'ensemble de ma carrière dans
l'évaluation des médicaments et des
actes médicaux. Je suis moi-même issu d'une famille de vignerons français qui,
depuis la survenue de cas de maladies neurodégénératives, ont
drastiquement réduit leur utilisation des pesticides.
J'aimerais également
vous présenter mes collègues qui interviendront pendant la période de discussions.
Tout d'abord, Dre Francesca
Cicchetti, éminente chercheuse dans le domaine du parkinson et professeure
titulaire à la Faculté de médecine de l'Université Laval. M. Gérald
Chouinard, agronome chercheur à l'Institut de recherches et de développement en
agroenvironnement et M. Serge Giard,
agriculteur et... Tous deux contribuent depuis toujours à l'amélioration des
techniques et des produits de l'agriculture québécoise. Aujourd'hui, ils
vivent tous les deux avec la maladie de Parkinson.
Parkinson
Québec et ses 12 organismes régionaux oeuvrent à l'information et au soutien
des personnes qui sont atteintes et
de leurs proches. Nous travaillons également à la sensibilisation de la population à l'impact
de cette maladie. En vous présentant
ce mémoire, Parkinson Québec se fait la voix de l'ensemble des Québécoises et
des Québécois qui sont quotidiennement exposés aux pesticides et donc
plus à risque de développer, entre autres, la maladie de Parkinson.
Lors de cet
exposé, je me limiterai à énoncer quelques recommandations spécifiques au
Parkinson, puisque nous appuyons
l'ensemble des recommandations qui vous ont été présentées par les groupes
Équiterre et la Fondation David Suzuki.
La maladie de Parkinson affecte 25 000 personnes
au Québec. Plus de 2 500 nouveaux cas sont diagnostiqués par année. Comme dans l'ensemble des pays
industrialisés, la fréquence de cette maladie double tous les 20 ans.
Cette maladie est plus souvent diagnostiquée vers l'âge de 60 ans.
Pourtant, entre 20 %... près de 20 % des diagnostics se rencontrent chez des personnes qui sont encore sur le marché
de l'emploi. C'est une maladie qui est injustement reconnue comme une maladie de tremblements alors qu'elle s'exprime
majoritairement par de la rigidité. Les patients vivent sous une chape de
plomb dont le poids s'accroît et qui réduit progressivement leur autonomie. La
maladie s'accompagne de symptômes non visibles, tels que des troubles cognitifs, de la démence, de la
dépression qui peuvent s'installer jusqu'à une dizaine d'années avant le
diagnostic.
• (15 h 50) •
Mme
Cicchetti (Francesca) : Dans
les années 80, le Québec se positionne comme un pionnier dans l'étude de
l'impact des pesticides sur le développement de la maladie de Parkinson. Le Dr André Barbeau, neurologue et chercheur
québécois, fut effectivement l'un des premiers à constater une plus forte
prévalence de la maladie de Parkinson, entre
autres dans la région de Trois-Rivières, où l'utilisation des pesticides est marquée. Il émet alors
l'hypothèse que la maladie de Parkinson
peut résulter de l'interaction entre les facteurs environnementaux et des vulnérabilités génétiques propres à chaque individu. Depuis, et suite à de nombreuses études
scientifiques menées à travers le monde, l'exposition aux pesticides est
considérée comme un facteur de risque important dans le développement de la
maladie de Parkinson.
Depuis plus
de 20 ans, certains pesticides ainsi que d'autres molécules de structure
chimique et de modes d'action similaires
sont également utilisés pour créer des modèles animaux aidant
les chercheurs à mieux comprendre les causes de la maladie et ainsi développer
des traitements plus efficaces. Ces pesticides engendrent, chez les animaux de
laboratoire, des changements
comportementaux, cellulaires et moléculaires qui s'apparentent à ceux retrouvés
chez les individus qui souffrent de la maladie.
En raison de
leur toxicité, les comités de protection des animaux des centres de recherche
sont d'ailleurs de plus
en plus réticents à autoriser leur utilisation. Leur application en milieu
agricole a d'ailleurs été interdite en Europe depuis 10 à 20 ans, selon
les produits. Pourtant, ils sont toujours disponibles en vente libre dans les
quincailleries du Québec.
M. Rigal
(Romain) : Le gouvernement du Québec doit donc interdire immédiatement ces produits, dont les volumes
d'utilisation sont somme toute restreints,
mais dont les niveaux de toxicité sont accablants. Le gouvernement du Québec,
et notamment le ministère de la Santé, doit
envoyer un message fort à l'ensemble de la population, et particulièrement aux
professionnels de la santé, à l'effet que les pesticides sont des produits
hautement toxiques pour la santé humaine.
Depuis les
années 90, plus d'une centaine d'études ont documenté l'association entre
l'exposition et le développement de
la maladie de Parkinson. Les résultats de ces études ont été agrégés dans des
méta-analyses, et toutes concluent à une augmentation de 70 % du risque de développer la maladie de
Parkinson. Ceci veut dire qu'en moyenne l'exposition aux pesticides
double quasiment les chances d'avoir la maladie de Parkinson.
De nombreux travaux se sont intéressés aux
risques associés à l'exposition professionnelle. Dans ce cadre, une exposition de seulement 10 jours par an
multiplie le risque par deux et demi. Ce risque est dose-dépendant. Ceci veut
dire que plus les individus sont
exposés, plus leur risque d'avoir la maladie est important. De manière
intéressante, les études montrent qu'il n'existe pas de seuil minimal
d'exposition en dessous duquel le risque de développer la maladie de Parkinson
est inexistant.
Ainsi, la
société québécoise a une dette envers celles et ceux qui, parfois au détriment
de leur santé, nous nourrissent et entretiennent notre terre. Le
gouvernement du Québec doit donc rejoindre les pays qui, comme la France et la
Suède, reconnaissent cette maladie comme une
maladie professionnelle. De plus, le gouvernement du Québec doit développer un
fonds d'indemnisation pour les personnes non
couvertes par la CNESST, comme c'est le cas des trois quarts des agriculteurs
québécois.
Chers membres
de la commission, ce qui est extrêmement préoccupant, c'est l'augmentation du
risque chez nos enfants et nos
adolescents, qui sont en pleine phase de développement neurologique. Les
pesticides accroissent leur vulnérabilité
génétique, et ce, qu'ils vivent en milieu agricole ou en milieu urbain. Par
exemple, les pesticides vont réduire l'activité
de détoxification des neurones et vont activer des gènes qui déclenchent la
maladie de Parkinson. Une fois adultes, ces jeunes exposés seront jusqu'à six fois plus susceptibles de
développer la maladie que les autres enfants. Ceci est d'autant plus
préoccupant que plus de 99 % des échantillons d'urine d'enfants québécois
contiennent des pesticides.
Le gouvernement
du Québec, et notamment le ministère de la Santé, doit faire de l'utilisation
des pesticides agricoles et
domestiques un enjeu de sécurité publique majeur. Aujourd'hui, les pesticides sont des produits largement
utilisés, dont la toxicité est grandement banalisée. Leurs mécanismes
d'action interfèrent avec les processus mêmes qui garantissent la vie de tous les êtres vivants sur Terre, y
compris les humains, qu'ils soient agriculteurs on non. L'impact sociétal en
termes de santé dépasse largement la
maladie de Parkinson. Le déclenchement des lymphomes non hodgkiniens, des
myélomes ainsi que d'autres maladies neurodégénératives est également
associé à l'exposition aux pesticides. Ces maladies sont multifactorielles et incriminer les pesticides
comme seuls responsables de leur déclenchement serait aussi naïf que fallacieux. Cependant, quand un facteur de risque
aussi important est identifié, le gouvernement se doit de protéger l'ensemble
de la population.
Lors de cette
commission, différents groupes vous ont demandé davantage de recherche sur
l'impact des pesticides. J'aimerais vous demander, au nom des personnes
qui vivent avec la maladie de Parkinson, mais aussi de ceux qui sont à risque de la développer, du courage politique
pour entreprendre les actions nécessaires à la juste reconnaissance de la
toxicité de ces produits et des victimes qu'elle crée. Également, je vous
enjoins d'aider nos agriculteurs à passer à des modèles alternatifs durables qui garantiront dans l'avenir la beauté, la
biodiversité et le dynamisme économique de nos régions. M. le Président,
Mmes et MM. les députés, je vous remercie de votre attention.
Le
Président (M. Lemay) : Merci beaucoup, M. Rigal et madame...
Est-ce qu'on dit... Comment qu'on dit votre nom?
Mme Cicchetti (Francesca) :
Cicchetti.
Le Président (M. Lemay) :
Cicchetti. Parfait. Je l'ai bien prononcé?
Mme Cicchetti
(Francesca) : Oui.
Le
Président (M. Lemay) : D'accord. Merci. Alors, avant de céder la
parole à mon collègue, je vous avais mentionné que nous avions reçu une correspondance un peu plus tôt, et je crois que
c'est très à propos, tel que souhaité par Mme Monique Bisson, de
faire la lecture d'une citation.
Donc, je
désire souligner, et je cite, que «des agricultrices et des agriculteurs,
même atteints de la maladie de Parkinson, ont trouvé le moyen de rédiger ou de collaborer à la rédaction de
mémoires empreints d'une humanité, d'une grande dignité pour éviter à d'autres membres de la population
agricole les affres d'une maladie neurodégénérative telle que le parkinson».
Fin de la citation. Donc, ceci étant fait, je cède la parole à M. le député de
Bourget.
M. Campeau :
Merci, M. le Président. Bonjour, tout le monde. Vous allez peut-être trouver ça
drôle, mais je ne vous poserai pas de question sur la reconnaissance de la
maladie de Parkinson, parce que vous l'avez très bien exprimé et que
c'est une de vos recommandations. Elle est très bien entendue. Je vais aller
plutôt sur d'autres sujets.
Si je
comprends bien, vous ne recommandez pas quand même l'abolition des pesticides,
mais plutôt aller vers une lutte intégrée pour les minimiser autant que
possible. Est-ce que je comprends bien?
M. Rigal (Romain) : Absolument.
Dans un premier temps, ce que nous souhaitons, c'est que les pesticides les plus toxiques, et notamment ceux qui sont utilisés
en laboratoire pour créer des modèles artificiels de maladie de Parkinson,
soient éliminés des tablettes des quincailleries du Québec. Ça, c'est notre
premier point, effectivement. Ensuite, nous souhaitons
que le ministère de la Santé fasse de l'utilisation des pesticides un enjeu de
sécurité publique majeure. Les pesticides sont des produits toxiques.
Le Président (M. Lemay) : M. le
député.
M. Campeau :
Je pense qu'on est tous d'accord là-dessus, que c'est un produit toxique... Des
fois, on parlait de dose aussi, mais vous avez mentionné que, selon
vous, il n'y a pas de seuil minimal. Ça veut dire que n'importe quelle
exposition peut entraîner un pourcentage accru de développer la maladie.
Le
Président (M. Lemay) : Alors, M. Rigal, en vous rappelant que vous
pouvez, à tout moment, utiliser les témoins qui sont avec vous pour répondre
aux questions des membres de la commission, il n'y a pas...
M. Rigal
(Romain) : Je vous remercie. Je confirme vos dires, effectivement, il n'existe pas de seuil minimal en dessous duquel le risque de développer la maladie
de Parkinson est inexistant, c'est-à-dire que ceci existe non seulement pour
les pesticides utilisés à des fins agricoles, ou les pesticides utilisés à des
fins esthétiques ou, pire encore, les pesticides utilisés à l'intérieur
de nos maisons.
Le Président (M. Lemay) : M. le
député.
• (16 heures) •
M.
Campeau : Ça correspond à ce
que vous avez mentionné sur la banalisation des pesticides. Je me souviens,
quand j'étais beaucoup
plus jeune, on trouvait ça normal d'en avoir chez soi, alors que ce n'était peut-être
pas une bonne idée, surtout si on
considère qu'il n'y a pas de seuil minimal. Je suis surpris que vous ayez
trouvé que 90 % des cas, il y avait la présence dans les urines. Et je
m'attendais plutôt à 100 %. C'est juste parce que le seuil de
détection n'est pas assez bas peut-être?
Le Président (M. Lemay) :
M. Rigal.
M. Rigal (Romain) : L'étude en question
fait état de 98,4 %. Je me suis permis d'arrondir à 99 %.
M. Campeau : Ah! j'ai compris
90 %. O.K. Donc...
M. Rigal (Romain) : 99 %.
M. Campeau : D'accord. Donc,
c'est la totalité, à ce moment-là. D'accord.
Une autre
chose que... et c'est peut-être plus un commentaire qu'autre chose, moi, ce que
je connais plus, ce sont les usines.
Et dans des usines, parfois, on a de la difficulté à convaincre des employés de
porter leur appareil pour se protéger contre le chlore, porter des gants
de protection.
Alors, quand
on a visité les fermes au cours de ce mandat d'initiative là, on voyait les
gens qui normalement portaient leur
appareil de protection. Mais je m'interroge, ici, si ce n'est pas difficile
pour un agriculteur... Il fait chaud, c'est de longues heures et tout,
ça doit être tentant d'oublier.
Le Président (M. Lemay) :
M. Rigal.
M. Rigal
(Romain) : Je ne sais pas si
c'est tentant, mais il est extrêmement difficile d'être compliant avec la tenue de ces équipements de protection individuelle.
C'est ce qui fait que 50 % des agriculteurs ne les mettent pas en
permanence.
Un point qui est vraiment surprenant dans le
cas de la maladie de Parkinson, c'est que ces équipements de protection individuelle protègent des réactions aiguës mais
malheureusement ne protègent pas du développement de la maladie de Parkinson.
Le Président
(M. Lemay) : M. le député.
M. Campeau :
O.K. Merci beaucoup.
Le Président
(M. Lemay) : Parfait. Sur ce, je cède la parole à ma collègue députée
d'Abitibi-Ouest.
Mme Blais
(Abitibi-Ouest) : Merci, M. le Président. Merci pour la belle représentation du parkinson.
L'évolution de la maladie du
Parkinson, au moment où est-ce que vous... un patient est diagnostiqué
parkinson, à ce moment-là, la
recherche... Est-ce que la recherche démontre combien de temps il a été
en contact avec... parce qu'on parle
beaucoup d'agriculteurs, combien de
temps il était en contact avec les pesticides et quelle est l'évolution de la
maladie? Parce que ça fait plusieurs années que vous étudiez cette
pathologie-là. Quelle est l'évolution de tout ça?
Le Président
(M. Lemay) : Alors, M. Rigal.
Mme Blais
(Abitibi-Ouest) : Est-ce que ma question est claire?
M. Rigal
(Romain) : Je vais essayer de la couper en deux. Je vais commencer par
la fin, qui est : À quoi correspond l'évolution de la maladie? L'évolution de la maladie, les gens sont
diagnostiqués, comme je vous le disais, vers l'âge de 60 ans, essentiellement avec des symptômes
moteurs tels que des tremblements ou de la rigidité. Il faut savoir qu'ils ont
déjà la maladie en eux depuis une dizaine d'années avant le diagnostic.
Comment
la maladie évolue? Elle évolue... De toute façon, c'est une maladie incurable,
qui est neurodégénérative, donc
c'est-à-dire les patients sont malheureusement sur une pente de déclin
permanente qui aboutit finalement à une perte d'autonomie totale et un manque par rigidité complète. Voici la réponse,
je l'espère, à votre deuxième partie de question.
Votre
première partie de question, si je la comprends bien, est : Combien de
pesticides ça prend pour avoir la maladie de Parkinson? Est-ce bien ça?
Mme Blais
(Abitibi-Ouest) : Non, c'est combien de temps. Parce que les clients
que vous voyez, bon, ils sont diagnostiqués.
Souvent, ce sont... bon, vous parliez des agriculteurs, ces choses-là. Combien
de temps ces gens-là ont été en contact, ont travaillé avec les
pesticides avant de...
M. Rigal
(Romain) : Je vous dirais, le risque est dose-dépendant. Dans les
études d'épidémiologie, c'est très difficile
de quantifier l'exposition. Malheureusement, dans notre cas, ce risque est
dose-dépendant, c'est-à-dire que plus vous allez être exposé, plus vous allez
augmenter vos chances d'avoir la maladie. Une personne exposée une année en
milieu agricole augmente ses chances d'un an. Une personne exposée cinq ans
augmente ses chances de 5 %. Une personne exposée 11 ans
augmente ses chances... 10 ans, augmente ses chances de 11 %.
Le Président
(M. Lemay) : Mme la députée.
Mme Blais
(Abitibi-Ouest) : Merci beaucoup. Est-ce que la littérature
scientifique considère comme une certitude le lien entre pesticides et
parkinson?
Le Président
(M. Lemay) : Mme Cicchetti.
Mme Cicchetti
(Francesca) : Alors, il existe beaucoup, beaucoup d'études
scientifiques qui démontrent une association
entre l'exposition aux pesticides et le développement de la maladie de
Parkinson. Justement, en laboratoire et dans mon laboratoire, on a étudié, pendant des années, l'effet des
pesticides sur les animaux, mais en fait on utilisait les pesticides pour créer des modèles de la maladie.
C'est pour vous dire à quel point on est quand même conscients et on réalise
l'association qui existe entre l'utilisation
des pesticides et la maladie de Parkinson. Donc, les gens sont conscients de
ça, dans la communauté scientifique, une association forte.
Maintenant,
j'aimerais rappeler que, dans les paragraphes que j'ai lus au départ, bien, il
y a évidemment une vulnérabilité
individuelle qui existe. C'est pour ça qu'il y a de la variabilité aussi au
niveau des populations d'agriculteurs, par exemple, qui développent ou
qui ne développent pas la maladie.
Le Président (M.
Lemay) : Mme la députée.
Mme Blais
(Abitibi-Ouest) : Merci beaucoup. Je laisse la parole à mes collègues.
Le Président (M.
Lemay) : Bien sûr. Donc, M. le député de Lac-Saint-Jean, la parole est
à vous.
M. Girard
(Lac-Saint-Jean) : Merci, M. le Président. Merci d'être là et merci
d'avoir travaillé à présenter ce mémoire. Il
y a beaucoup de travail à ce niveau-là. Et moi, le côté médecine, science, ce
n'est pas quelque chose que je connais, donc j'en apprends énormément à
ce niveau-là.
Et vous avez dit tout à l'heure... mon
collègue le député de Bourget — Bourget, c'est ça? — mentionnait, hein : Je suppose que les producteurs, avec toutes les
contraintes qu'ils vivent... un samedi matin, tu te dépêches d'appliquer le
produit, parce que là tu es à la limite, les
seuils d'intervention disent : Là, maintenant, tu n'es plus capable de
contrôler. Tu as la mauvaise température qui s'en vient, tu vois arriver ça,
puis là tu te dépêches, puis tu te dépêches, puis, à un moment donné, tu brises... Effectivement, ça arrive
parfois que les équipements de protection... puis là tu as la famille, tu as un
souper à soir. Donc, c'est tout un débat, là, hein, c'est toute une
prise de conscience aussi sociale.
Puis
j'ai bien aimé quand vous avez dit : On a une dette envers ceux qui nous
nourrissent. C'est bien ça que vous avez dit? C'est important, ce que vous avez
dit là, là. J'aimerais ça savoir un petit peu... je veux que vous élaboriez un
petit peu plus, à ce niveau-là, parce que vous avez l'air à considérer
énormément le monde agricole.
Le Président (M.
Lemay) : M. Rigal.
M.
Rigal (Romain) : Je pense que des gens ont investi leur vie et
aujourd'hui j'aimerais peut-être inviter M. Giard ou
M. Chouinard, qui ont investi, comme je vous le disais, leur vie pour que
nous ayons des vies sereines.
Le Président (M.
Lemay) : Allez-y, M. Chouinard.
M.
Chouinard (Gérald) : O.K. Rapidement,
dans le fond, moi, j'ai travaillé, depuis 25 ans, comme
agronome et chercheur, donc je
faisais du travail de recherche. Dans mon travail de recherche, je cherche à
réduire l'utilisation des pesticides et, dans mon travail
d'agronome, je fais des recommandations aux producteurs pour réduire l'usage
des pesticides.
Ironie
du sort, après 25 ans de travail et donc de côtoyer le milieu des pesticides,
j'ai développé la maladie. Donc, ça répond peut-être aussi partiellement
à une question qui a été posée tout à l'heure.
Le Président (M.
Lemay) : M. Girard.
M. Giard
(Serge) : Giard.
Le Président (M.
Lemay) : M. Giard.
M.
Giard (Serge) : Bonjour. Je
suis diplômé en 1971, j'ai toujours travaillé sur la ferme de mon père. J'ai acquéri
la ferme, j'ai toujours
travaillé en agriculture conventionnelle avec les pesticides. Ma ferme est
certifiée biologique depuis l'an 2000.
Alors,
j'ai appris, en 2014, que j'avais le parkinson. C'est sûr que ça change la vie
d'une personne parce que là je suis
en train de transférer ma ferme à ma fille et son conjoint. Par contre, ça fait
19 ans que je n'ai pas manipulé de pesticides, étant biologique, mais par
mon historique, j'ai rencontré un médecin spécialiste dans les maladies professionnelles
qui a confirmé que mes années précédentes, avant l'agriculture biologique, sont
responsables de ma maladie.
Le Président (M.
Lemay) : Merci, M. Giard. M. le député de Lac-Saint-Jean.
M.
Girard (Lac-Saint-Jean) :
Merci. Je voulais justement vous entendre. Avez-vous des données aussi à
l'extérieur du Québec? Parce que c'est assez difficile de voir...
et moi, pour avoir visité l'Amérique, surtout l'Amérique du Sud... et c'est mon opinion, et je me fais un devoir de ne
pas acheter de produits du Mexique, parce que j'ai vu comment que ça se
passe. Avez-vous des données de l'extérieur?
Le Président (M.
Lemay) : M. Rigal.
• (16 h 10) •
M.
Rigal (Romain) : Les données, en fait, sur l'exposition
professionnelle viennent de partout à travers le monde. Effectivement, parmi tous les producteurs, les
applicateurs de pesticides dans les plantations de bananes, par exemple, sont
les plus à risque. Pas trop de chances que
ça arrive au Québec, mais les bananes, donc, par exemple, sont les plus à risque.
Au Québec, les applicateurs de pesticides et les producteurs de céréales
sont les plus à risque pour ce... pour les agriculteurs qu'on peut considérer
dans notre province.
Le Président (M.
Lemay) : M. le député.
M.
Girard (Lac-Saint-Jean) : D'un point de vue fédéral, d'un point de vue
Santé Canada et au niveau de l'ARLA, est-ce que vous auriez quelque
commentaire à faire?
Le Président (M.
Lemay) : Allez-y, M. Rigal.
M.
Rigal (Romain) : Je pense que vous avez déjà entendu d'autres groupes
qui sont bien mieux placés que moi pour
vous parler des défaillances ou des succès de l'ARLA. Je peux vous parler des
recommandations que je vous fais et qui
sont d'ordre... de compétence provinciale. Donc, en fait, aujourd'hui, je
m'attends à être entendu et que ce ne soit pas relégué à un problème
fédéral.
Le Président (M. Lemay) : Merci. M.
le député.
M.
Girard (Lac-Saint-Jean) : Vous avez soulevé, vous avez dit, un enjeu
de sécurité publique. J'aimerais vous entendre davantage.
M. Rigal
(Romain) : Absolument. Comme vous le soulignez, l'ARLA, aujourd'hui,
homologue des produits qui sont
toxiques et l'ARLA est la seule agence qui est capable de garantie que ceux-ci
ne le sont pas. Aujourd'hui, je suis là pour vous montrer que ces produits le sont. D'autres groupes vous ont
montré que d'autres produits sont toxiques également.
Le véritable
enjeu de sécurité publique existe au niveau de la synergie qu'il existe entre
ces produits, et qui ne sera jamais... qu'il est impossible d'étudier
par quelque recherche qui soit. Il existe aujourd'hui peut-être entre
1 000 et 1 500 produits qui sont
utilisés. Le parkinson, qui est probablement la maladie la mieux documentée
avec l'exposition aux pesticides, a
considéré peut-être une centaine de produits, et c'est beaucoup. Imaginez la
quantité de produits qui existent.
Le
Président (M. Lemay) : Puisque le temps avec la partie du gouvernement
étant écoulé, je cède maintenant la parole au député de Marquette pour
son intervention.
M. Ciccone : Merci, M. le Président. Merci à vous quatre
d'être là. Notamment, merci à M. Chouinard et M. Giard d'être ici. Je comprends que ça prend un énorme
courage d'être là, et, pour ça, on vous salue, et je suis persuadé que mes
collègues ont la même pensée.
J'aimerais ça m'adresser à vous, justement,
parce qu'on a entendu beaucoup de choses, mais moi, je veux que ça vienne des gens. Souvent, quand ça sort de la
bouche des gens qui l'ont vécu, qui le vivent au quotidien, qui vivent... que
la famille également ressent l'impact de
cette affreuse maladie... J'ai lu, justement, M. Giard, un article, dans La Presse,
dernièrement, qui m'a littéralement bouleversé,
alors que vous disiez que... à l'époque, on vous disait que les pesticides, là,
ce n'était pas dangereux. Vous les avez
utilisés, vous avez fait un changement de produit, mais il était trop tard.
Dr Zigby nous l'a dit tantôt,
quand on va voir le médecin, il est trop tard. Dans votre cas, ça s'est produit
une nuit. Vous avez eu un tremblement et il était trop tard.
Croyez-vous
maintenant, à la lueur de tout ce qu'on sait, avec les études, la littérature
où c'est prouvé, que cette maladie-là devrait être reconnue comme une
maladie professionnelle?
Le Président (M. Lemay) : M. Giard.
M. Giard
(Serge) : C'est important que ça le soit, parce que ça devient la
pratique de notre profession. Parce qu'on n'est pas... la majorité des agriculteurs ne cotisent pas à la CNESST,
alors ils ne sont pas éligibles à cela. Il faudrait qu'il y ait une aide gouvernementale qui se développe pour ça.
Actuellement, je suis avec M. Rigal et un autre confrère. On est en train d'organiser un regroupement d'agriculteurs
ou de ceux qui ont travaillé en agriculture qui sont malades des pesticides.
On essaie de partir un regroupement
actuellement, et puis il faut se rassembler pour rencontrer les médecins parce
qu'à partir de la médecine générale
c'est difficile de rencontrer les spécialistes. J'aimerais organiser une
relation plus étroite entre les spécialistes
de la maladie de Parkinson et éviter que ça travaille en silo, quelquefois,
pour que ce soit... pour qu'on puisse mieux diriger les personnes
atteintes et mieux les aider.
Le Président (M. Lemay) :
Merci. M. le député.
M. Ciccone :
Ce que j'entends, c'est que vous attendez et vous espérez qu'un jour, dans un
avenir quand même rapproché, là, qu'il y ait
des compensations, justement, pour ce que vous avez fait, parce que, dans le
fond, même si vous étiez un agriculteur privé, vous avez quand même
servi à nourrir les Québécois, et ça vous revient.
M. Giard (Serge) : Oui, effectivement, il faut s'organiser pour
dédommager ces personnes-là qui ont professionnellement été de
bonne volonté. Puis être atteint de cette façon-là, c'est un peu triste.
Surtout, si vous avez vu La semaine verte du
24 novembre 2018, il n'y a pas un avenir luisant pour les personnes
atteintes du parkinson.
Le Président (M. Lemay) :
Merci, M. Giard. M. le député de Marquette.
M. Ciccone :
Je vais passer la parole à ma collègue. Mais merci beaucoup. Merci d'être là.
Merci beaucoup.
Le Président (M. Lemay) : Mme
la députée de Maurice-Richard, la parole est à vous.
Mme Montpetit :
Merci beaucoup. Merci à tous les quatre d'être présents. Personnellement,
j'avais une sensibilité particulière
à vous entendre puis je vois qu'on ne s'est pas trompés en vous invitant. C'est
très, très touchant, très bouleversant. Puis, à vous deux, merci d'avoir pris
le temps de venir nous rencontrer et de nous livrer vos témoignages.
Effectivement, on avait vu, dans les
excellents articles qui ont été faits, qui mettent ça en lumière, tous les
enjeux qu'il y autour de la maladie en lien avec votre pratique
agricole.
Je constate
que l'UPA, qui va venir un petit peu plus tard, est dans la salle et j'aimerais
ça vous donner... parce que je leur poserai la question tout à
l'heure, comme ça, ils auront le temps de savoir ce que je vais leur demander.
Mais j'aimerais ça vous donner l'occasion
d'expliquer... Je sais que c'est une demande que vous avez faite à quelques
reprises, de colliger les
informations sur le nombre d'agriculteurs au Québec, justement, qui sont
atteints de parkinson pour pouvoir tracer un portrait plus fidèle de la
situation.
Voulez-vous
nous en... profiter de l'occasion et nous parler d'à quel point ce serait
important pour vous que ce soit fait?
Le Président (M. Lemay) :
Alors, M. Rigal.
M. Rigal
(Romain) : Je pense qu'effectivement aujourd'hui il y a une grande
méconnaissance de cette maladie, pas
seulement dans le domaine de l'agriculture. Les données de l'INSPQ ne sont
malheureusement pas disponibles pour expliquer la prévalence de la
maladie au Québec. Donc, avoir un portrait plus précis dans la population
agricole serait effectivement un plus,
surtout si on s'oriente vers une reconnaissance et professionnelle et un fonds
d'indemnisation des gens qui ne cotisent pas.
Le Président (M. Lemay) :
Merci. Mme la députée.
Mme Montpetit :
Ça va être tout pour moi. Merci. Merci beaucoup d'avoir pris le temps de venir
nous rencontrer puis de nous parler. C'est vraiment très apprécié.
Le Président (M. Lemay) : Très
bien. Merci beaucoup. Donc, sur ce, je cède la parole au deuxième groupe
d'opposition. Et, Mme la députée de Rouyn-Noranda—Témiscamingue, la parole est à
vous.
Mme Lessard-Therrien :
Merci, M. le Président. Merci à vous d'être là. C'est très éloquent. C'est très
clair aussi, vos recommandations.
Je vous dirais qu'on achève, on achève les
audiences, puis vous n'êtes pas les premiers à nous sensibiliser sur impacts par rapport à la santé. On a eu l'occasion
de questionner beaucoup d'autres groupes aussi, beaucoup de gens qui
font partie de la recherche. Je pense que c'est très clair, ce qu'on doit faire
au niveau agricole.
Moi,
j'aimerais vous entendre davantage quand vous parlez de l'exposition à
l'intérieur des domiciles, qui est parfois supérieure à l'exposition
professionnelle, mais elle n'est pas contrôlée par aucune réglementation. Quel
genre d'exposition on retrouve puis quelles seraient les meilleures
façons de l'encadrer?
• (16 h 20) •
M. Rigal
(Romain) : En fait, l'exposition domestique, comme d'autres groupes
vous l'ont déjà expliqué, nous tous sommes
exposés, soit par l'ingestion d'aliments qui sont recouverts de pesticides ou
tout simplement par inhalation, inhalation de pesticides qui sont répandus dans les champs. Donc, par exemple,
vivre à moins de 500 mètres d'un champ d'épandage, finalement,
c'est comme si on était agriculteur. Enfin, vivre... c'est ça, avoir sa maison.
La problématique, c'est que, dans les champs, tous
ces pesticides sont volatiles, vont pouvoir s'évaporer. Une fois que vous fermez vos fenêtres, ces pesticides
restent chez vous. Plusieurs études ont montré que la concentration et la
diversité des pesticides dans nos maisons et dans nos édifices sont
supérieures à celles qui sont dans les champs.
Donc, une de
nos recommandations, et nous rejoignons par là plusieurs autres groupes,
c'est d'étendre les zones, en fait,
de tampon et certaines... donc, interdire l'épandage de pesticides dans un
rayon de deux kilomètres, qui entoure les habitations et les
édifices.
Le Président (M. Lemay) : Mme
la députée.
Mme Lessard-Therrien :
Ma question va peut-être
être candide, là, mais, par rapport aux utilisations qu'on peut faire,
domestiques, parfois, des pesticides, est-ce que vous avez documenté un peu la
chose?
Le Président (M. Lemay) :
M. Rigal.
M. Rigal (Romain) : Absolument.
Pour ne pas citer de marque, je pense qu'il est vraiment une mauvaise idée d'inonder nos enfants, au chalet, avec des
pesticides. Il existe déjà de nombreuses études. Et, en fait, ce qui est particulièrement intéressant, c'est que, même aux États-Unis, ces produits sont retirés du marché en santé
animale, donc, par exemple, l'élimination des puces sur les chiens,
mais on continue à les utiliser sur nos enfants.
Le Président (M. Lemay) : Mme
la députée.
Mme Lessard-Therrien : Merci.
C'est complet pour moi.
Le Président (M. Lemay) :
Excellent. M. le député de Bonaventure, pour votre période d'échange.
M. Roy : Merci, M.
le Président. Écoutez,
pour votre information, le 15 juin, au salon bleu, j'ai demandé au ministre du
Travail de revoir la liste des
maladies professionnelles pour y inclure la maladie de Parkinson et les
lymphomes non hodgkiniens. Donc, le
travail est déjà débuté, et il a confirmé qu'il allait donner
l'ordre à la CNESST de revoir la liste des maladies professionnelles. Donc, je
pense que mes collègues vont nous appuyer là-dedans et vous appuyer, et
le combat, bien, on va le faire avec vous.
J'ai posé la question à l'Ordre des agronomes,
et ils ne m'ont pas répondu. Je leur ai demandé : Est-ce que les agronomes... ou avez-vous connaissance que des
agronomes ont développé des maladies liées, bon, au contact étroit avec les pesticides? Et ils ne m'ont pas répondu. Et là vous
arrivez ici et vous nous dites que vous, en tant qu'agronome, vous avez
contracté une maladie. Est-ce qu'à
votre connaissance vous êtes seul ou il y a d'autres agronomes qui auraient des
problématiques similaires?
Le Président (M. Lemay) :
M. Chouinard.
M. Chouinard
(Gérald) : Je pense que j'en connais. La réalité, c'est que c'est
quand même difficile pour moi de prouver
mes suppositions. Mais je connais des agronomes, dans ma pratique proche, qui
sont atteints de maladies neurologiques qui ne sont pas la maladie de Parkinson mais qui sont des maladies qui
sont peu communes, qui sont normalement associées avec l'utilisation de
pesticides.
Puis je
connais évidemment des producteurs qui sont atteints de la maladie de
Parkinson. Ça, j'en connais plusieurs. Et puis, bien, c'est ça, je me
connais aussi.
Le Président (M. Lemay) : M. le
député.
M. Roy :
Est-ce que vous vous sentez soutenu, protégé, appuyé par l'Ordre des agronomes,
bien, dans votre cas à vous et ceux que vous connaissez? Est-ce que vous avez
du soutien ou qu'on essaie de mettre ça en dessous du tapis?
M. Chouinard (Gérald) : ...que
je n'ai pas eu de contact avec l'Ordre des agronomes à ce sujet-là. Il faut que
je vous dise aussi que je suis un très jeune
diagnostiqué, dans le sens que ça fait à peine un an que je suis diagnostiqué.
Donc, à part des tremblements, je ne
souffre pas de beaucoup d'autre chose, pour l'instant, disons, de grave. Mais
j'ai demandé du support, plutôt, à
d'autres organisations, comme Parkinson Québec, comme... Je me suis adressé à
la CNESST aussi en vue de connaître leur opinion sur le sujet. Donc, je
n'ai pas approché l'Ordre des agronomes.
Le Président (M. Lemay) : M. le
député.
M. Roy : Est-ce que vous
allez le faire ou...
M. Chouinard
(Gérald) : Bien, je pourrais
le faire, question de voir si, effectivement, on peut avoir le support de leur part.
M. Roy : Merci beaucoup.
Le
Président (M. Lemay) :
Merci. Ceci complète la période
d'échange avec votre groupe. Je vous remercie pour votre contribution aux travaux.
Je suspends quelques instants pour permettre
pour permettre à M. Jacques Brodeur de prendre place.
(Suspension de la séance à 16 h 25)
(Reprise à 16 h 29)
Le
Président (M. Lemay) :
Alors, nous reprenons nos travaux, et je souhaite la bienvenue à M. Jacques
Brodeur. Je vous rappelle que vous
avez 10 minutes pour faire votre exposé, puis nous procéderons à la
période d'échange avec les membres de
la commission. Je vous invite donc à vous présenter, il n'y a aucun problème
avec ça, et vous pourrez y aller avec votre exposé. Et la parole est à
vous.
M. Jacques Brodeur
M. Brodeur
(Jacques) : M. le Président,
Mmes, MM. les députés, merci de m'accueillir au sein de cette commission.
J'apprécie beaucoup, beaucoup l'opportunité que vous me donnez de présenter mon
mémoire. Donc, je suis professeur à l'Université de Montréal et je suis
également directeur du centre de... de l'Institut de recherche, pardon, en
biologie végétale. Je m'intéresse, depuis le
début des années 90 à la phytoprotection, protection des cultures, et, comme je
vais vous le mentionner plus tard,
mon domaine de recherche de prédilection, c'est la lutte biologique. Le titre
de mon mémoire se veut provocateur, Overdose de pesticides, mais
je crois qu'il correspond à une certaine réalité qu'on observe dans nos champs,
malheureusement, ici, au Québec.
• (16 h 30) •
Alors,
d'entrée de jeu, j'aimerais souligner à nouveau, vous l'avez entendu
plusieurs fois cette semaine, que les pesticides sont des poisons. La dangerosité des pesticides a été
démontrée à de multiples reprises. Ce sont des molécules de synthèse qui ont été développées, qui ont été
commercialisées pour tuer les organismes qu'on considère indésirables aux activités humaines, notamment
en agriculture. Ils sont commercialisés et sont utilisés pour contrôler les
populations d'organismes nuisibles dans nos cultures.
Il
faut également savoir que notre génome, l'ensemble de nos gènes
est très similaire à celui des insectes. En fait, on estime qu'on partage 60 % de notre ADN avec ce moustique, et,
lorsqu'on développe des produits pour liquider des insectes, bien, évidemment, ça peut avoir des
conséquences très négatives sur la santé humaine, comme on l'a vu avec la
présentation précédente. Il faut savoir que
nos milliers de neurones, qu'elles soient dans notre cerveau ou dans notre
corps, utilisent des mécanismes
chimiques, électriques pour établir la connexion entre les neurones, et,
lorsqu'on développe des molécules qui
ont pour effet également de perturber le système endocrinien ou le système
neurologique des insectes, bien, évidemment, ça peut avoir des
conséquences très négatives sur la santé humaine.
Vous
l'avez vu également à plusieurs reprises cette semaine, les pesticides de
synthèse ont aussi des conséquences négatives sur l'environnement, que ce soit
au niveau des protozoaires, des oiseaux ou des mammifères... en fait, tous
les organismes vivants peuvent être atteints
ou être affectés par l'utilisation de pesticides. Les pesticides s'accumulent
dans l'environnement et vont d'une chaîne trophique à l'autre.
Dans mon mémoire,
j'ai souligné quelques exemples, quelques études scientifiques très
rigoureuses, très bien documentées qui
soulignent les effets néfastes de l'utilisation des pesticides de synthèse sur
l'environnement. Je cite entre autres
une étude de mes collègues de l'Université de Sherbrooke et de Bishop's qui ont
quantifié, de façon très, très rigoureuse, au fil des années, la
diminution des populations d'hirondelles dans nos champs. Et ce qu'ils ont
noté, c'est qu'avec l'intensification
agricole, les populations d'hirondelles diminuent essentiellement pour deux
raisons, parce que les pesticides éliminent les populations d'insectes à partir
desquelles s'alimentent les hirondelles. Et également, les hirondelles,
en plein vol, vont gober des insectes qui,
eux, sont contaminés avec des pesticides, et les hirondelles s'empoisonnent
avec ces pesticides. Donc, il y a un impact majeur, qui est très, très
bien documenté, sur l'effet des pesticides de synthèse.
J'aimerais faire une
précision, je l'ai fait dans mon mémoire, je la fais maintenant. Je suis très
critique envers l'utilisation des pesticides
de synthèse, mais je suis réaliste également. Je crois fermement qu'on ne peut
pas se passer des pesticides de
synthèse actuellement en agriculture, surtout l'agriculture sur de très grandes
surfaces. Les pesticides nous permettent de nourrir notre population,
c'est vrai à l'échelle québécoise et c'est également vrai à l'échelle de la
planète. Cependant, on utilise très, très,
très mal cet outil qui est à notre disposition. On ne respecte pas, en général,
dans plusieurs cas, les principes associés à la lutte intégrée qui nous
dit d'utiliser les pesticides de synthèse uniquement en dernier recours, lorsqu'on a utilisé ou lorsqu'on a épuisé les
autres recours qu'on a. Et malheureusement, ce n'est pas le cas actuellement
au Québec. Souvent, les insecticides sont
utilisés de façon routinière, voire en prévention, pour contrôler les
populations d'insectes nuisibles, ou de maladies, ou, voire, de
mauvaises herbes dans nos cultures.
J'aimerais
vous présenter très brièvement une étude qu'on a réalisée au laboratoire. En
fait, c'est une de mes étudiantes à
la maîtrise, Mme Julie Poitras, qui l'a réalisée il y a quelques années,
et qui m'a littéralement... en fait, quand elle m'a présenté pour la première fois ses résultats, ça
m'a extrêmement déçu, choqué, voire. Donc, je vais vous résumer un peu
les conclusions de l'enquête de Julie.
Donc,
l'objectif de son enquête était d'étudier l'évolution de l'utilisation des
pesticides de synthèse dans les vergers de pommes au Québec. Elle avait essentiellement deux objectifs :
quantifier les quantités de matières actives appliquées dans les vergers, et cela sur une période de
36 ans, de 1976 à 2012. Également, Julie a calculé les risques associés à
la santé humaine et à l'environnement suite à l'utilisation des
pesticides en vergers.
Les
résultats sont désolants. Je les ai trouvés choquants lorsque j'en ai pris
connaissance. C'est un peu ce qui est illustré
sur la figure que vous avez ici. Donc, ce que vous voyez, c'est les quantités
de matières actives. Ici, j'ai combiné les insecticides, les acaricides et les fongicides qui sont pulvérisés en
vergers de pommiers. C'est le résultat pour le Québec. Et ce qu'on constate, c'est une augmentation
constante, au fil du temps, des quantités de kilogrammes de matières actives
qu'on pulvérise par hectares, ici, au
Québec. Si vous regardez la figure en 1976, on appliquait ou les producteurs
appliquaient, en général,
22 kilos de matières actives par hectare, et, 36 ans plus tard, en
2012, on est rendu à 45 kilos, 45 kilos de matières actives qu'on applique annuellement dans nos
vergers de pommiers. C'est le 12... En fait, c'est deux fois plus important que
ce qu'on appliquait il y a 36 ans.
Julie
s'est aussi intéressée à mesurer les risques pour la santé humaine et pour
l'environnement. Donc, elle a utilisé les
indices de risque qui ont été développés par le MAPAQ, le ministère de
l'Environnement et l'Institut national de la santé publique, ce qu'on appelle les IRS, indices de risque pour la
santé, et l'IRE, l'indice de risque pour l'environnement, et, encore là, les résultats sont troublants, si
je peux dire. Ce qu'on observe, pour la période de 1996 jusqu'à 2012, donc
c'est relativement récent comme étude, on
observe une augmentation du risque à la santé humaine durant cette période. Au
niveau du risque à l'environnement, le risque demeure constant durant cette
période. Donc, le constat est très négatif.
Le
bilan est mitigé, voire très mitigé. En fait, nos attentes quant à la réduction
de la lutte chimique en vergers de pommiers
ne sont pas du tout au rendez-vous ici, au Québec. Vous voyez, sur cette
figure, des pommes. Elles sont très belles, elles sont rouges, elles sont bien rondes, elles sont probablement
succulentes, mais il faut savoir qu'elles ont reçu énormément, en fait, un nombre très, très élevé de traitements
insecticides. Hier, j'ai reçu les résultats pour l'année 2018. Dans un verger,
en moyenne, au Québec, dans un verger de
régie conventionnelle, on applique, en moyenne, par année,
23,3 traitements de pesticides :
16 traitements fongicides, 5,4 traitements insecticides et 1,8 traitement
acaricide. C'est énorme, et ce, malgré beaucoup d'efforts.
Vous
le savez maintenant, on fait beaucoup d'efforts, depuis quelques années, pour
réduire notre dépendance aux pesticides
de synthèse. Malgré une mobilisation grandissante de la société, des groupes de
pression, malgré des connaissances accrues
sur l'ensemble des ravageurs qu'on retrouve dans les vergers de pommiers,
malgré les investissements multiples de
la part du gouvernement, entre autres en recherche et développement, malgré un
développement croissant des alternatives qui sont efficaces et économiquement viables dans les vergers de
pommiers et dans d'autres cultures, malgré le retrait du marché des
pesticides qui sont les plus toxiques, on en arrive à un constat que je
considère qui est tout à fait désolant.
Le Président (M.
Lemay) : M. Brodeur.
M. Brodeur (Jacques) : Oui?
Le
Président (M. Lemay) : En vous rappelant qu'il vous reste deux minutes
à votre exposé.
M. Brodeur (Jacques) :
Deux minutes? Oh! Je m'excuse, je vais devoir...
Donc,
il y a plusieurs alternatives aux pesticides de synthèse. Vous en avez vu
plusieurs cette semaine. Je ne vous les
mentionnerai pas tous. Simplement, la lutte biologique, c'est le domaine de
prédilection au laboratoire. Donc, la lutte biologique, c'est considéré comme une des meilleures alternatives aux
pesticides de synthèse. C'est efficace, c'est sécuritaire et c'est, de
plus, très économique.
Mais nous avons
collectivement échoué à remplacer les pesticides de synthèse par ces
alternatives. Et ce que j'aimerais mentionner, en terminant, c'est que nous
avons une responsabilité qui est collective au niveau de ce constat. D'abord, le consommateur a des exigences
démesurées quant a la qualité esthétique des produits qu'ils achètent. Il y a
une faible... que je considère au niveau des
dérives de la lutte chimique. Ce que vous avez ici, c'est une photo des fraises
qu'on exige comme consommateur et ce que
vous avez sur l'autre image, c'est les pommes qu'on peut acheter dans les
marchés en Europe, et vous voyez que les
producteurs ou les consommateurs hollandais, entre autres, sont beaucoup moins
exigeants au niveau de la qualité esthétique.
Les
chercheurs aussi, on a notre responsabilité. Je pourrais y revenir plus en
détail dans quelques minutes. Le producteur également, il est pris entre le
marteau et l'enclume. Il subit énormément de pression pour produire des
produits sains, des produits de
qualité et maintenant le producteur fait malheureusement face à cette
problématique des pesticides. Les agronomes, l'Ordre des agronomes sont
un peu dans la tourmente pour deux raisons essentiellement : question de formation, qui semble un peu déficiente au niveau
de l'utilisation des pesticides, et également cette espèce de copinage avec
l'industrie agrochimique.
L'industrie
agrochimique, je la critique depuis longtemps. Je considère que l'industrie est
responsable, en bonne partie, de la
situation actuelle. Elle favorise l'utilisation abusive de la lutte chimique,
son intérêt a préséance sur celui du public,
elle engrange des profits, mais nous laisse des dommages collatéraux. Le
principe du pollueur-payeur n'est nettement pas au rendez-vous en agriculture, au niveau de l'industrie
agrochimique, et elle érige parfois des systèmes de production intégrés,
qui restreignent de beaucoup l'utilisation, la capacité qu'on a d'intervenir
avec des alternatives.
Les
instances gouvernementales également... Le ministère de l'Environnement, je lui
donne une très bonne note. Très peu
de moyens, petite équipe, extrêmement fiable, qui nous fournit des données
concluantes, solides au niveau de l'utilisation
des pesticides, la contamination, entre autres, de nos cours d'eau, de notre
espace. Le MAPAQ, un peu plus mitigé, je n'irai pas plus loin. J'en ai fait
part dans mon mémoire. Encore là, je crois que les artisans du MAPAQ, les
fonctionnaires, ceux qui sont sur le terrain font un travail remarquable.
Je
suis un peu sous le choc. J'ai appris que mon collègue Gérald Chouinard
souffrait du Parkinson. Gérald est dans les champs depuis des années et des
années. Cette situation me désole beaucoup. Le MAPAQ devrait être en première
ligne pour protéger le public, les producteurs et ses employés, également les
lanceurs d'alerte. Il me reste combien de minutes, M. le Président?
Le Président (M.
Lemay) : C'est déjà terminé.
M. Brodeur
(Jacques) : C'est déjà terminé?
Le Président (M.
Lemay) : Mais vous voulez rajouter quelque chose? On est sur le temps
du gouvernement présentement, là. On vous laisse continuer quelques instants
encore.
• (16 h 40) •
M. Brodeur (Jacques) : Bon, je vais terminer avec ça. Tout ça pour vous dire qu'on a les moyens, on a
les capacités ici, au Québec,
de réduire notre utilisation de pesticides en agriculture. On l'a fait au niveau du milieu forestier en 1987. Le
gouvernement du Québec a banni l'utilisation des insecticides de synthèse.
C'est un gain majeur, compte tenu des superficies
qui étaient traitées par le passé avec des pesticides. Maintenant, c'est
uniquement un biopesticide, le Bt, le Bacillus thuringiensis, qui est
utilisé.
En
milieu urbain également, succès monstre. Il n'y a pas si longtemps, il y a eu
une croisade qui a été menée par un
petit garçon de L'Île-Bizard, Jean-Dominic, qui était atteint d'un cancer. Ils
habitaient à L'Île-Bizard. Sa maison était entourée de terrains de golf, où on utilise énormément de pesticides de
synthèse. Il a développé un cancer, il est parti en croisade avec ses
parents. Il y a eu une mobilisation générale de la population du Québec et ça a
mené, quelques années plus tard, avec le
Code de gestion des pesticides... Donc, encore là, un gain majeur, parce que
maintenant, on n'utilise plus, en milieu urbain, des pesticides de
synthèse à des fins esthétiques.
Au
niveau du... bien, au niveau du milieu agricole, trois constats. Le secteur
agricole traîne de la patte pour différentes raisons. Nous avons les
compétences pour faire mieux, pour faire nettement mieux, comme on a eu les
compétences pour réduire
l'utilisation des pesticides en milieu forestier et en milieu urbain, mais nous
avons besoin de deux principaux leviers, et je vais terminer avec ça. L'opinion publique, l'opinion publique qui
peut mobiliser la population, les citoyens et faire pression sur le
gouvernement, et nous avons besoin d'une volonté politique.
Je
termine avec ça, là, c'est vrai. J'ai rédigé assez rapidement mon mémoire l'été
passé. C'est un coup de coeur pour moi... un cri du coeur par exemple,
pardon, un cri du coeur. J'espère fortement que cette commission va mener à une
mobilisation générale. J'espère fortement
que le gouvernement va prendre les moyens pour réduire de façon efficace, de
façon significative, l'utilisation des
pesticides en milieu agricole dans un horizon de quelques années. Je pense
sincèrement que nous avons les capacités de le faire. C'est un très
grand défi, c'est un problème qui est extrêmement complexe...
Le Président (M. Lemay) : Parfait.
Merci beaucoup, M. Brodeur, pour votre exposé.
M. Brodeur
(Jacques) : Merci. Désolé d'avoir...
Le
Président (M. Lemay) : Non, on vous a laissé continuer pour permettre
d'aller jusqu'au bout de votre exposé. M. le député de Bourget, la
parole est à vous.
M.
Campeau : Merci. Merci de votre présentation. J'ai beaucoup apprécié
qu'on utilise, justement, le côté visuel comme ça. Peut-être que ça va
donner des idées à d'autres personnes, c'est encore plus clair.
Il y a
quelque chose que je comprends mal. Pourquoi l'IRS a monté pendant que l'IRE
descendait ou, mettons, est instable, là? Moi, j'ai vu une petite pente,
là, mais en tout cas.
M. Brodeur
(Jacques) : C'est deux
indices qui sont quantitatifs, qui prennent en considération différents
paramètres. Ces paramètres sont
différents pour les risques à la santé humaine et les risques à
l'environnement. Donc, ce que ça nous dit,
c'est que maintenant, sur le marché, on utilise des pesticides qui sont moins
dommageables pour l'environnement, de par leurs spécifications, et malheureusement,
et c'est étonnant, au niveau de la santé humaine, les pesticides qu'on
utilise maintenant en verger de pommiers
sont plus dommageables pour la santé humaine que ceux qu'on utilisait par le
passé, même s'il y a un effort assez
important du gouvernement pour éliminer du marché ces pesticides qui sont les
plus dommageables.
Le Président (M. Lemay) : M. le
député.
M.
Campeau : Il y a un effort
pour les éliminer. Ça veut dire qu'on fait supposément un effort, mais qu'en
réalité ils sont utilisés quand même?
M. Brodeur
(Jacques) : Bien, en fait,
les producteurs utilisent encore les pesticides qui sont homologués, qui sont
commercialisés, qui sont permis ici, au Canada, mais on a encore des molécules
qui causent des dommages à la santé humaine.
C'est classé par grade, I, II, III et dans certains cas, en fait, dans
plusieurs cas, bien, les producteurs vont utiliser plusieurs pesticides
de classe III, qui sont les plus dommageables pour la santé humaine. Et
probablement, en fait, probablement qu'ils
utilisent les pesticides de classe III parce qu'aussi ils sont les plus
efficaces en verger de pommiers. Donc, il y a encore un effort assez
important à faire dans ce sens.
M.
Campeau : Sur le graphique que vous nous montriez, on voyait des
données jusqu'à, je crois, 2012. Puis par la suite, vous avez parlé du
nombre de kilos épandus puis ensuite vous avez dit plus tard, en 2018, que...
vous parliez du nombre d'épandages. Ce n'est
pas les mêmes unités. Est-ce qu'on peut imaginer que depuis 2012, avec une
certaine pression sociale, ça aurait baissé un peu ou, au contraire, ce
n'est pas vrai?
M. Brodeur
(Jacques) : Je ne peux pas
vous répondre précisément parce qu'on
n'a pas poursuivi l'étude au-delà de 2012, les données n'étaient pas
disponibles à l'époque. J'espère, j'espère très, très sincèrement qu'on a
observé une diminution de l'utilisation des
pesticides en verger de pommiers. Mais, si je regarde uniquement
au niveau du nombre de traitements annuels, le nombre de traitements
annuels, en 2018, est plus grand que le nombre de traitements annuels qu'on
observait en 2012. Mais là ça ne veut pas dire qu'au niveau de la dangerosité
des pesticides, c'est le même patron, mais c'est assez troublant.
Le Président (M. Lemay) : M. le
député.
M.
Campeau : Vous avez aussi mentionné qu'un support biologique est
efficace et sécuritaire. Ce n'est pas toujours ce qu'on a entendu
puisqu'on a entendu de la part d'autres témoins à cette commission que ce n'est
pas parce que c'est biologique que c'est nécessairement sans risque.
M. Brodeur
(Jacques) : Vous avez raison.
La lutte biologique, l'utilisation de prédateurs de parasites, de micro-organismes comme des champignons, des virus,
des bactéries pour lutter contre des organismes indésirables est une solution,
une solution qu'on met de l'avant, mais ce n'est pas une panacée. Quand on
parle de phytoprotection, de protection des cultures, que ce soit pour les insectes, les maladies ou les
mauvaises herbes, ce serait illusoire de viser une molécule ou une approche unique pour régler l'ensemble de nos
problèmes. La lutte biologique est efficace, elle est économique et elle
fait partie d'un ensemble de méthodes qu'on
doit déployer dans une culture pour arriver à contrôler, de façon efficace et
économique, les populations d'organismes indésirables.
Le Président (M. Lemay) : Merci, M.
Brodeur. Sur ce, je cède la parole à Mme la députée de l'Abitibi-Ouest.
Mme Blais
(Abitibi-Ouest) : Merci beaucoup, M. Brodeur. Je trouve ça accablant, quand même, au niveau des pommiers, 23...
M. Brodeur (Jacques) : 23
pulvérisations par saison.
Mme Blais
(Abitibi-Ouest) :
...pulvérisations, c'est énorme. Et là on nous dit... Moi, depuis que j'étais
petite, on me disait : Mange une pomme, tu vas être en santé.
M. Brodeur (Jacques) : An apple a
day keeps the doctor away.
Mme Blais
(Abitibi-Ouest) : C'est ça.
Tu vas être en santé. Par contre, pour le consommateur qui consomme ces
produits-là, quelle est la procédure à faire? Parce qu'il faut la laver et... qu'est-ce
que vous recommandez?
M. Brodeur
(Jacques) : Je
recommanderais d'aller vers des pommes biologiques en premier, lorsque disponibles,
et je recommanderais aussi de laver,
d'enlever la pelure des pommes avant de les consommer. Et personnellement
aussi, depuis que j'ai pris
connaissance de ces résultats, bien, je consomme beaucoup moins de pommes à
l'automne, malgré que j'adore les
pommes. Le Québec est un producteur de pommes fantastiques, les pommes sont
délicieuses, spécialement à ce
temps-ci de l'année, mais auparavant j'achetais des cartons complets de pommes,
mais maintenant je les achète à l'unité ou quelques-unes seulement par
semaine, malheureusement.
Le Président (M. Lemay) : Mme la
députée.
Mme Blais
(Abitibi-Ouest) : Merci beaucoup. Le Québec serait un leader pour les
normes au niveau des pesticides, tout ça, respecter les normes de
pesticides. Qu'est-ce que vous trouvez que le fédéral fait pour ça?
M. Brodeur
(Jacques) : Pourriez-vous
préciser votre commentaire par rapport au fait que le Québec serait un leader?
Une voix : ...
M. Brodeur
(Jacques) : Ah! D'accord. Par
rapport au milieu urbain, au milieu forestier, comme j'ai brièvement
décrit?
Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Oui.
M. Brodeur
(Jacques) : Oui. En fait, en
milieu urbain, on a été des leaders au niveau nord-américain mais au niveau
mondial également. On a été la première province,
ici, au Canada, à interdire les pesticides de synthèse en milieu urbain à des fins esthétiques, en 2003. Par la suite,
bien, ça a fait boule de neige en Ontario, au Manitoba, en
Colombie-Britannique, les provinces
de l'Atlantique également. Également, plusieurs États américains ont emboîté le
pas. À l'époque, on était invités à présenter les résultats de nos
études un peu partout ici, en Amérique. Donc, effectivement, le Québec a été
leader.
Le Québec a
été aussi leader en milieu forestier. Vous imaginez le nombre d'hectares, de
milliers d'hectares de forêt,
maintenant, qu'on protège avec des biopesticides? C'est un succès inouï. C'est
pour ça que j'ai dit que le Québec a les compétences, le Québec a le
leadership pour aller plus loin.
Malheureusement, au niveau agricole, au niveau
du secteur agricole, on n'a pas obtenu ce genre de succès.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Et vous
l'associez à quoi?
• (16 h 50) •
M. Brodeur
(Jacques) : Ah! un ensemble
de facteurs. Une question de formation, une question de disponibilité des produits et surtout, et c'est mon opinion
personnelle, une mainmise de l'industrie agrochimique sur notre utilisation des
pesticides de synthèse.
C'est
extrêmement difficile, pour quelqu'un qui développe, qui veut faire la
promotion, par exemple, de produits en
lutte biologique, de percer le marché, parce que souvent c'est des systèmes
intégrés, verticaux, où le producteur va faire affaire avec une entreprise qui
va lui vendre les semences, qui va lui vendre les intrants, en termes de
fertilisants et autres, qui va lui
vendre des pesticides, qui va même lui vendre les services-conseils pour
l'utilisation de ces produits, et, à la limite, la même entreprise va
acheter la production du producteur.
Donc,
parallèlement, si on arrive avec des solutions autres, c'est très, très, très
difficile de non pas les imposer, mais même
de les proposer aux producteurs. Donc,
c'est un système qui est dans certaines cultures, surtout dans les grandes
cultures, qui est relativement bien
établi au Québec et, pour moi, c'est un des freins majeurs à
l'adoption d'alternatives aux pesticides de synthèse, malheureusement.
Le
Président (M. Lemay) : Merci beaucoup, M. Brodeur. Sur ce, je cède la parole au collègue député de Lac-Saint-Jean.
M. Girard
(Lac-Saint-Jean) : Merci, M. le Président. Merci, M. Brodeur, d'être présent. Merci de l'exposé, de votre
mémoire et du travail que vous avez accompli à ce niveau-là.
Vous avez soulevé des enjeux, et on a un enjeu
qu'on n'a pas beaucoup parlé, et que j'ai bien aimé, puis il faut quand même
se le dire, on est citoyens avec une conscience sociale, mais aussi on est
consommateurs. Et moi, quand je vais
à l'épicerie, je remarque le comportement aussi des gens, parce qu'ayant moi-même été producteur... et les gens trient. On regarde, et il ne faut pas offrir une pomme
poquée ou une pomme avec un ver parce
que je me demande si ça ne ferait
pas les manchettes. Expliquez-moi ça un peu aussi. Parlons-en de la conscience
sociale du consommateur.
M. Brodeur
(Jacques) : Bien,
personnellement, moi aussi, s'il y a une pomme poquée puis une pomme qui est parfaite,
je vais choisir la pomme parfaite. C'est une question d'éducation, parce que,
si, comme je l'ai mentionné, si on compare
l'attitude des consommateurs ici, au Québec... Quand je dis le Québec, en fait, je devrais
dire plus l'Amérique, le Canada et les États-Unis.
C'est un peu la même approche qu'on a. Si je compare notre attitude face à des
produits frais, que ce soient des légumes ou des fruits, on est beaucoup,
beaucoup plus exigeants que ce qu'on voit en Europe.
Vous
êtes probablement tous allés en Europe par affaires ou par voyage.
On va dans les marchés, et ce qu'on voit comme produits, bien, ce n'est pas nécessaire des produits qui
sont parfaits, et les gens les achètent. Les Hollandais, face à une pomme parfaite, bien, pour eux, c'est une
pomme qui est suspecte, parce que probablement que cette pomme-là, elle a subi ou elle a
été... elle a subi plusieurs traitements pesticides.
Alors,
ici, je pense qu'on a une certaine éducation à faire au niveau
des consommateurs pour qu'ils soient moins exigeants sur la qualité
esthétique des fruits et des légumes.
Le Président (M.
Lemay) : Parfait. M. le député.
M.
Girard (Lac-Saint-Jean) : Parce que
moi, j'ai discuté longuement avec un grand producteur biologique
de ma région du Saguenay—Lac-Saint-Jean et d'autres producteurs qui ont des mesures
raisonnées de faire de l'agriculture, et
ils m'ont dit, tout simplement : Regarde, Éric, ce n'est pas compliqué, on va faire ce que le consommateur va nous
demander de faire.
M. Brodeur (Jacques) : Bien, quand je parlais de la pression indue au
niveau du public, au niveau des producteurs, c'est exactement ça. C'est nous, comme citoyens, comme consommateurs,
qui mettons cette pression sur le producteur, point à la ligne.
Le Président (M.
Lemay) : M. le député.
M.
Girard (Lac-Saint-Jean) : Vous avez mentionné que le producteur aussi
se retrouve à... puis c'est des preneurs de prix dans un marché libre,
et ils se retrouvent les derniers en bas de l'échelle.
M. Brodeur
(Jacques) : Effectivement.
M. Girard
(Lac-Saint-Jean) : Vous en pensez quoi?
M. Brodeur (Jacques) : Bien, je pense qu'il y a une crise actuellement
au niveau de l'agriculture au Québec, et malheureusement, la nouvelle
crise, si je peux dire, au niveau de l'utilisation des pesticides, ça ajoute
une pression additionnelle énorme sur les producteurs. Ces producteurs-là,
maintenant, ont besoin d'aide parce que leur marge de manoeuvre est très, très
faible.
J'étais
dans les champs de laitue, dans la région de Sherrington, il y a quelques
semaines. Ça n'a rien à voir avec les
pesticides, mais j'ai vu la récolte des pommes... des laitues, et il y avait
peut-être 1/6, 1/7 des laitues qui étaient laissées en champ, étaient laissées en champ parce qu'elles
étaient trop petites, parce que le calibre était beaucoup plus petit que
la norme exigée, et ça, c'est une perte nette pour le producteur.
M. Girard
(Lac-Saint-Jean) : Et, au niveau du biologique, bien, il y a des
contraintes aussi quand même, des contraintes
mécaniques. Il y a un producteur qui est venu, M. Michon, qui nous a quand même
fait un bel exposé du travail minimum
du sol et qui a mentionné qu'à la fin, bien, mon marché, moi, je dois
utiliser... il a réussi à diminuer énormément, là. Vous en pensez quoi?
M. Brodeur (Jacques) : Bien, j'ai écouté M. Michon en direct sur le Web.
Ce n'est pas un producteur biologique, c'est
un producteur de grande surface. Son exposé était très intéressant. C'est un
producteur qui, manifestement, a beaucoup de succès avec son approche,
mais ce n'est pas un producteur biologique. Je vais arrêter là.
M.
Girard (Lac-Saint-Jean) : J'ai-tu encore du temps? Bien, c'est parce
qu'il mentionnait qu'il ne pouvait pas...
Le Président (M.
Lemay) : Il vous reste une minute, M. le député.
M.
Girard (Lac-Saint-Jean) : Il a développé une technique, il est reconnu
par ses pairs, il a fait de la formation. Il a développé une technique de
travail minimum du sol, mais qu'il ne pouvait pas quand même se passer, même
s'il a baissé énormément les produits de
synthèse, entre autres au niveau du Roundup, qu'il ne pouvait pas quand même
s'en passer.
M. Brodeur (Jacques) : En fait, M. Michon cultive sur de très, très
grandes superficies, et effectivement, comme je le mentionnais, dans les
grandes cultures sur de très, très grandes superficies, c'est assez difficile
pour nos producteurs d'aller vers une agriculture complètement
biologique.
Le Président (M.
Lemay) : Très bien. M. le député, est-ce que ça complète votre
échange?
M. Girard
(Lac-Saint-Jean) : Oui, merci. Vous avez répondu à mes questions.
Le Président (M. Lemay) : Désolé, je
suis en train de perdre la voix, mais, bon, c'est des choses qui arrivent. Mme
la députée de Maurice-Richard, la parole est à vous.
Mme Montpetit :
Merci, M. le Président. Ça a été une semaine chargée avec notre commission.
Donc, on peut comprendre que vous commenciez à en perdre.
Merci beaucoup d'être là. C'est vraiment extrêmement, extrêmement intéressant, ce que vous nous avez présenté,
puis j'imagine que, si ce n'est déjà fait, vous pourrez nous transmettre votre
présentation PowerPoint.
M. Brodeur (Jacques) : C'est déjà
fait.
Mme
Montpetit : C'est déjà fait.
Parfait, merveilleux. J'avais juste le mémoire en main, c'est pour ça. Donc,
j'imagine, ça a déjà été distribué.
J'avais
quelques questions pour vous puis j'étais contente que vous parliez... puis
c'est vraiment par curiosité, mais je pense que c'est d'intérêt aussi, parce que
c'est une question que ça fait vraiment longtemps que je me pose sur, justement,
la question des pomiculteurs. Qu'est-ce qui fait, justement, qu'il y a des
pomiculteurs qui arrivent à faire des pommes biologiques,
versus ceux qui font 23 arrosages? C'est quoi, le... Quel est l'enjeu?
Puis, bon, quand on avait rencontré, je pense, le MAPAQ, ils nous avaient présenté les diffuseurs de phéromone,
qu'il y avait des façons de faire de la lutte intégrée, justement, qui permettait... Je ne suis pas sûre
si c'était de ne pas utiliser du tout de pesticides, mais c'est quoi,
l'intérêt, dans le fond, de faire 23 arrosages quand il y a
d'autres méthodes alternatives? Est-ce que c'est une question de convictions? Est-ce que c'est une question de moyens? C'est une
question de ne pas le savoir, de ne pas être accompagné? Qu'est-ce qui
fait qu'il y a encore autant d'arrosages?
M. Brodeur
(Jacques) : Encore là, c'est
une situation qui est multifactorielle. Il y a un ensemble de facteurs qui
font en sorte qu'il y a autant de
traitements insecticides ou pesticides, je devrais dire, dans les cultures de
pommes. Mais il faut savoir, à la base, que cultiver des pommes au
Québec et un peu partout en Amérique, c'est tout un défi, parce qu'il y a toute une panoplie d'insectes,
d'acariens et de maladies qui attaquent la pomme. C'est une culture qui est
pérenne, qui est là pour plusieurs
années, et il y a une croissance des populations de ravageurs d'année en année.
Donc, c'est un défi réel pour les producteurs de produire les pommes.
Dans ces
conditions-là, c'est beaucoup plus difficile de produire des pommes, pour le
producteur, que de produire du soya
ou du maïs, compte tenu de la difficulté et de la diversité des problèmes
phytosanitaires qu'on rencontre dans la pomme. Essentiellement, la majorité des traitements, ce sont des
traitements fongicides qui sont là pour lutter contre une maladie principale, qui est la tavelure de la
pomme. C'est cette tavelure-là qui cause l'aspect un peu plus grisâtre sur les
pommes. Par contre, ça n'attaque pas, ça, puis à grande échelle, là, la qualité
organoleptique de la pomme.
Donc, il y a
quand même des producteurs qui arrivent en régie à faire de la production
biologique. C'est des producteurs qui
ont développé cette expertise-là au fil des années. Ils ne sont pas nombreux au
Québec, mais de plus en plus nombreux.
Ils cultivent généralement sur de plus petites superficies et ils ont tout
simplement développé l'expertise avec l'aide
des agronomes qui sont présents dans le milieu pour arriver à produire des
pommes biologiques. Cela étant dit, les pommes biologiques reçoivent aussi plusieurs traitements en
phytoprotection à l'aide de biopesticides et d'autres approches comme celle que vous avez décrite, là, la confusion
sexuelle, pour lutter contre le carpocapse de la pomme. Il y a un vaste projet présentement à l'échelle du Québec,
justement, pour démontrer sur le terrain aux producteurs que cette approche-là,
elle est efficace et économique. Et
on espère que d'ici quelques années, bien, ça va contribuer à réduire
l'utilisation des insecticides en pomiculture.
Le Président (M. Lemay) : Merci. Mme
la députée.
Mme Montpetit : Donc, ce que vous
nous dites, c'est que même au niveau des pommes biologiques, c'est ça, il y a des traitements, il y a de l'arrosage qui
est fait quand même. Donc, est-ce qu'il y a une innocuité totale aussi, ou
c'est juste... vous jugez que c'est moins pire, mais on ne le sait pas
encore?
M. Brodeur
(Jacques) : Vous pourriez
poser la question à différentes personnes, vous auriez différentes réponses.
Les pommes biologiques sont, à mon avis, nettement plus saines que les pommes
produites en régie conventionnelle, mais il
y a certains produits qu'on utilise aussi en lutte biologique qui peuvent avoir
des effets sur la santé humaine. Mais, nettement, ce sont de meilleures
pommes à consommer.
Mme
Montpetit : Donc, ça oblige quand même le consommateur à poser
beaucoup de questions. Puis justement, là-dessus,
est-ce que vous pensez qu'il y aurait... On a parlé beaucoup, bon, d'accès aux
données pour les chercheurs au cours
des dernières journées, mais est-ce qu'il n'y aurait pas un intérêt au niveau
du consommateur aussi à être mieux informé sur comment les produits qu'il achète... Parce que, bon, dans les
discussions qu'on a et en amont, en aval, je pense que c'est
multifactoriel, les recommandations qu'on devrait faire, mais ça, ça peut être
une piste.
M. Brodeur
(Jacques) : Bien, j'espère
qu'à l'avenir on va être beaucoup plus transparent à l'échelle du Québec,
en milieu agricole, sur ce qu'on applique au
niveau des cultures. Je pense que, si le public, si les citoyens, si les
consommateurs étaient mieux informés sur les produits qu'on épand dans nos
cultures, je pense que le mouvement citoyen serait nettement plus
important et je pense que la pression serait nettement plus importante pour
qu'on change nos habitudes.
• (17
heures) •
Mme
Montpetit : Dans votre mémoire,
vous avez fait référence aux Pays-Bas qui ont réduit de 50 % les quantités de pesticides en
agriculture en quelques années.
M. Brodeur
(Jacques) : En cinq ans.
Mme Montpetit :
En cinq ans en plus de ça? Et vous parlez de mesures draconiennes. Moi, je ne
connais pas du tout cet exemple-là. Est-ce que vous pouvez nous en
parler davantage, justement, sur quelle approche ils ont adoptée? Puis est-ce que ça s'est fait, justement, en permettant
aux agriculteurs de conserver leur rentabilité et leur niveau de compétitivité
également?
M. Brodeur (Jacques) : Oui. En fait, je connais bien l'exemple des
Pays-Bas. J'y ai vécu pendant deux ans, et les deux années où j'étais
là, c'était au début des années 90. Il y avait vraiment une crise au
niveau de la population aux Pays-Bas parce que,
traditionnellement, les agriculteurs hollandais étaient considérés comme un
fleuron des Pays-Bas parce qu'ils
arrivaient à nourrir le pays, mais également à nourrir une bonne partie de la
planète. Ils avaient des rendements qui étaient très, très, très grands
en agriculture. Donc, ils étaient extrêmement bien considérés par la
population.
Et là il y a eu la
crise des pesticides. On s'est rendu compte... En fait, il y a eu beaucoup de
reportages à la télé et dans les journaux à
l'époque qui ont mis en évidence, justement, l'abus de pesticides en
agriculture, la contamination des sols en Hollande, la contamination des
cours d'eau et, voire, la contamination de l'air. Et là il y a eu une
mobilisation générale des citoyens,
également des politiciens. Ça s'est fait un peu au détriment de l'image qu'on
avait des producteurs. Les
producteurs ont souffert beaucoup à l'époque de cette mise en accusation de la
part des citoyens. Et le gouvernement a mobilisé ses chercheurs, a
mobilisé ses producteurs, a mobilisé également l'industrie agrochimique pour
changer drastiquement la situation. Et, en dedans de cinq ans, on a réduit de
50 % l'utilisation des pesticides.
Au
Québec, on a voulu faire la même chose avec la stratégie phytosanitaire il y a
quelques années. On s'est donné aussi l'objectif de réduire de 50 %
l'utilisation des pesticides, mais c'était complètement illusoire à l'époque
parce que notre consommation de pesticides était nettement moins grande
que celle des Hollandais. Donc, on s'est mis un objectif beaucoup, beaucoup trop ambitieux. Les Hollandais
ont réussi essentiellement parce qu'ils se sont mobilisés comme citoyens.
Et ce n'est pas pour rien que maintenant, si
vous allez en Hollande, bien, les gens sont très critiques par rapport à, comme
j'ai mentionné, des pommes parfaites ou des
produits parfaits, parce qu'ils savent qu'à la base, c'est probablement dû à
une surutilisation des pesticides.
Le
Président (M. Lemay) : Merci, M. Brodeur. Mme la députée,
j'ai cru comprendre que votre collègue voulait intervenir. Alors, M. le
député de Marquette, la parole est à vous.
M. Ciccone :
Merci, M. le Président. Bonjour, M. Brodeur.
M. Brodeur
(Jacques) : Plaisir.
M. Ciccone : Avec tous les groupes qu'on a entendus depuis lundi, c'est vraiment
inquiétant. On savait que c'était un problème majeur, et c'est pour ça que j'en
profite pour remercier le député de Bonaventure, justement, pour ce
mandat d'initiative. Merci beaucoup, M. le député. À part le MAPAQ, à part le
gouvernement, les agriculteurs, les distributeurs,
les agronomes producteurs, on a tous une part de responsabilité. Cependant...
parce que, là, on voit que... parce que moi, j'aime les pommes, puis avec
ce que j'entends, là...
M. Brodeur
(Jacques) : J'adore les pommes.
M. Ciccone : Avec ce que j'entends, là, je vais avoir peur de manger des pommes. Ça,
c'est la première des choses. J'adore jouer au golf... Tu sais, on
dirait que ça me conscientise à tout ça parce que je vais le voir d'une façon
différente. Qu'est-ce qu'il y a... Parce
qu'au même parallèle que... Puis je fais un parallèle avec les changements
climatiques. On dit toujours que ça
commence par un petit geste à la maison individuellement. Qu'est-ce que le
citoyen peut faire, justement, pour
entrer dans l'équation, pour aider cette situation-là? Des exemples concrets,
là, à part choisir sa pomme qui est trop parfaite, là.
M. Brodeur (Jacques) : Mais je ne voudrais pas que, suite à mon
témoignage, les gens cessent de consommer des pommes. Ce serait
tragique, là.
M. Ciccone :
On comprend.
M. Brodeur (Jacques) : Ce n'est pas du tout le message que je veux
envoyer. J'ai pris la pomiculture comme un exemple, mais la même
situation peut se produire dans d'autres cultures.
Il
faut être vigilant. Il faut faire pression. Il faut faire pression sur notre
gouvernement, il faut faire pression sur cette commission. Moi, j'ai beaucoup d'espoir en la commission. Vous
avez entendu des témoignages assez troublants. Moi, le dernier témoignage m'a un peu bouleversé. Moi,
je pense, c'est une mobilisation des citoyens. Je pense qu'à la limite on doit descendre dans la rue, comme on le fait
pour les changements climatiques, sur l'utilisation des pesticides de synthèse.
La pression du public, la pression des
citoyens va vous amener, vous, comme députés, à faire des changements, à
prendre des résolutions pour atténuer la situation.
M. Ciccone : Je ne veux pas vous mettre dans une... M. le
Président. Je ne veux pas vous mettre dans une situation difficile, mais, en
même temps, est-ce qu'il est plus profitable de faire son épiceri, justement,
dans une grande surface ou d'aller choisir un agriculteur qui est biologique? L'été, on voit que
les agriculteurs vont s'installer sur le bord des routes, surtout en région. Moi, j'en ai plusieurs,
là, dans mon coin. Est-ce qu'on devrait peut-être plus favoriser ces achats-là?
M. Brodeur (Jacques) : Bien, chose certaine, il faut consommer local, le
plus possible. Tout à l'heure, on a mentionné les produits du Mexique. Moi
aussi, je suis allé au Mexique, moi aussi, j'ai vu ce qu'il y avait sur les marchés. J'ai fait des travaux
au Mexique également et je ne mange plus de produits mexicains. Je
préfère, et de loin, à cause des
contaminations aux pesticides, des résidus qu'on trouve sur les
produits, les produits québécois.
Il
y a deux semaines, je suis allé au Marché Jean-Talon. C'était la pleine saison
du maïs. J'adore le maïs. J'ai été surpris
de voir qu'il y avait deux étals, un à côté de l'autre, un étal où c'était une
culture conventionnelle de maïs, et l'autre étal à côté, c'était une
culture biologique, avec l'utilisation de trichogrammes pour lutter contre la
pyrale du maïs. Et il y a deux choses qui
m'ont surpris. Premièrement, le prix du maïs était le même en production
biologique et en production conventionnelle, ce qui est assez
exceptionnel. Je ne sais pas pourquoi les producteurs du Québec, de maïs qui
sont biologiques, n'ont pas une plus-value
pour leurs produits. Et la deuxième chose qui m'a beaucoup surpris, c'est que
les producteurs biologiques, bien, la
file d'attente n'était pas plus longue que pour le producteur conventionnel.
Donc, encore là, c'est une question d'éducation.
Le
Président (M. Lemay) : Merci, M. Brodeur. Ceci termine cet
échange. Je cède maintenant la parole à la députée de Rouyn-Noranda—Témiscamingue.
Mme Lessard-Therrien :
Merci, M. le Président. Moi, je ferais du pouce là-dessus, M. Brodeur, sur
l'éducation. Comment on fait pour
l'éduquer, la population, pour qu'elle soit plus... moins exigeante sur
l'esthétisme des produits puis moins exigeante sur le prix?
M. Brodeur (Jacques) : Là, vous ne posez pas la question à un
spécialiste en marketing, là, mais je pense qu'à la base il faut en parler. Il faut en parler partout,
il faut en parler entre nous, entre collègues, au sein de la famille. Il faut
en parler dans les médias, il faut faire la démonstration. C'est une
question, encore une fois, d'éducation.
Mme Lessard-Therrien :
Puis est-ce que vous pensez qu'il faudrait rebâtir des ponts avec la population
agricole, en ce sens où les gens sont
peut-être déconnectés de l'ampleur du travail que ça prend ou de l'utilisation
des produits que ça prend pour produire cette pomme-là, rouge, qui est
parfaite?
M. Brodeur (Jacques) : Oui, oui, effectivement. La connexion peut se
faire, entre autres en pomiculture, à l'automne, avec l'autocueillette. La connexion peut se faire aussi avec
l'agrotourisme qui se développe quand même passablement au Québec depuis quelques années. Il faut vraiment
que les citadins, et on est de plus en plus citadins, là, comme population,
au Québec et ailleurs... Il faut que les
gens, bien, aillent en campagne, aillent en milieu rural, parlent avec les
producteurs, voient leur réalité au quotidien.
Il
y a eu un reportage... Il y a beaucoup de reportages, actuellement, sur les
pesticides dans les médias. Il y a un reportage
qui m'a beaucoup frappé, c'est lorsqu'un producteur, qui a voulu gardé
l'anonymat, disait qu'il était gêné, en quelque sorte, de monter sur son tracteur et de mettre une combinaison
pour se protéger des pesticides parce qu'il envoyait une mauvaise image à ses voisins, comme quoi il
était en train d'épandre des pesticides. Donc, ce producteur ne met pas ses équipements de sécurité, non pas parce qu'il
n'est pas conscient du risque qu'il court, mais pour garder sa belle image
auprès de ses concitoyens. Et ça, j'ai trouvé ça tout à fait tragique.
Mme Lessard-Therrien :
J'ai le temps?
Le Président
(M. Lemay) : Allez-y.
Mme Lessard-Therrien :
O.K. Vous parlez du package deal, dans votre mémoire, de l'industrie, quand ils
ont à proposer des solutions pour les cultures. Comment on encadre le
travail de l'agronome? Est-ce qu'on y va avec un système à deux factures, une facture pour les services-conseils, une
facture pour le produit, ou est-ce qu'on y va carrément dans le modèle
médecin, pharmacien, donc un agronome qui conseille, un agronome qui vend?
Le Président
(M. Lemay) : M. Brodeur, en 30 secondes.
M. Brodeur
(Jacques) : Moi, j'irais avec le système médecin, pharmacien. Il a
fait ses preuves ici, au Québec, et
ailleurs. Ça fonctionne bien. Il faut absolument qu'il n'y ait pas aucune
forme, aucune apparence de copinage entre ceux qui produisent, ceux qui vendent les pesticides et ceux qui les
prescrivent. Et ça, à mon avis, c'est une des premières mesures qu'on devrait prendre ici, au Québec, pour réduire
l'utilisation des pesticides, éviter, à tout le moins, l'apparence même de
conflits d'intérêts.
Le
Président (M. Lemay) : Merci beaucoup. Maintenant, nous cédons la
parole au député de Bonaventure pour son échange.
M. Roy :
Merci, M. le Président. Bonjour, monsieur. Écoutez, vous soulevez l'enjeu de la
perception, ce qui me rappelle une
forme de sociologie de l'alimentation. Il y a un bouquin qui s'appelle Anthropologie
des coutumes alimentaires, qui explique que les régimes alimentaires, dans
l'histoire de l'humanité, se sont bâtis en fonction de la couleur, du goût,
disponibilité, texture et bruit, mais rarement en fonction de la valeur
nutritive.
Vous parlez
de l'enjeu de la perception puis vous avez parlé des Hollandais, qui ont
modifié leur comportement. Et comment ils ont fait?
• (17 h 10) •
M. Brodeur
(Jacques) : Ils ont fait face à une situation
catastrophique. Si j'étais cynique, je vous dirais peut-être
que ce que ça nous prend au Québec, c'est un désastre écologique, c'est peut-être
un désastre au niveau de la santé humaine pour faire bouger le système. C'est un peu ce qui s'est passé en Hollande. On
a trouvé des niveaux de contamination de pesticides de synthèse dans le lait maternel en Hollande qui étaient extrêmement élevés, et ça, ça a envoyé une onde de choc terrible au niveau de la population, et c'est ça qui a fait bouger la population. Mais il ne faut pas en arriver là. Il faut être proactif et
bouger avant d'en arriver à ce niveau de catastrophe.
M. Roy : Écoutez, moi, bon, j'ai déjà proposé au gouvernement une réflexion sur, bon... au secondaire, O.K., le poids atomique des roches, c'est extrêmement important, mais la chimie de la biologie alimentaire, au
niveau de l'éducation secondaire,
devrait faire partie d'un cursus de formation qui viendrait conscientiser une partie de la population.
Ce n'est pas quelque chose qui peut se régler en dedans d'un an ou deux ans, mais dans 10,
15 ans, on verrait des modifications, et ce serait la sanction du marché de
ceux qui ont été formés à une forme d'écologie ou d'agroécologie qui définirait
les critères du marché.
M. Brodeur
(Jacques) : On n'en est pas
là du tout, là. Si je reviens avec l'exemple du maïs au Marché Jean-Talon,
pourquoi les gens ne vont pas vers un marchand de maïs biologique, plutôt
qu'un marchand de maïs conventionnel à prix égal, là? Souvent, on va dire : Bon, bien, on ne va pas vers des
produits biologiques, parce qu'ils coûtent beaucoup plus cher que les produits conventionnels. Là, on avait
un exemple d'égalité des coûts, et le choix n'a pas changé, là. C'est un
peu troublant.
M. Roy : Vous avez soulevé cet enjeu-là, puis on va
poursuivre la réflexion et la discussion, et j'espère que ça va s'opérationnaliser en action gouvernementale.
Merci.
M. Brodeur (Jacques) : Merci.
Le Président (M. Lemay) : Merci.
Donc, sur ce, je vous remercie pour votre contribution aux travaux.
Je suspends les travaux quelques instants pour
permettre à L'Union des producteurs agricoles de prendre place.
(Suspension de la séance à 17 h 12)
(Reprise à 17 h 15)
Le
Président (M. Lemay) :
Alors, nous reprenons nos travaux, et je souhaite maintenant
la bienvenue à L'Union des producteurs agricoles. Je vous rappelle que vous avez 10 minutes
pour faire votre exposé, et ensuite nous procéderons aux échanges avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter ainsi que
les personnes qui vous accompagnent, puis vous pourrez procéder avec
votre exposé. La parole est à vous.
L'Union des producteurs
agricoles (UPA)
M. Groleau
(Marcel) : Alors, merci beaucoup, M. le Président, MM., Mmes les députés. Alors, je suis accompagné
de M. Martin Caron, qui est le premier vice-président de l'UPA mais aussi
responsable des dossiers santé, sécurité et environnement à L'Union des
producteurs agricoles, ainsi que de Mme Katia...
Une voix : ...
M. Groleau (Marcel) :
...Colton-Gagnon, voilà, c'est ça. Excuse-moi, Katia.
Alors, bon,
je me présente également : Marcel Groleau, président général de L'Union
des producteurs agricoles.
J'aimerais
d'abord rappeler que l'UPA a conjointement demandé la tenue de cette commission
avec Équiterre et la Fondation David-Suzuki le printemps dernier.
Vous avez tous pris connaissance de notre
mémoire. Je ne reviendrai donc pas en détail sur chacune de nos 35 recommandations, mais je préciserais
qu'elles reposent toutes sur la même prémisse : les agriculteurs seront
les principaux acteurs de changement
dans la réduction de l'usage des pesticides. Ils devront être formés,
accompagnés et mieux soutenus. Toute recommandation qui émane de cette
commission devra placer les producteurs au coeur de l'action.
Les attentes et les préoccupations des citoyens
sont légitimes, mais cette appropriation sociale n'invalide pas l'environnement commercial de plus en plus
mondialisé dans lequel les agriculteurs et les agricultrices évoluent. Elles ne
changent pas non plus le défi réel de nourrir 8 milliards d'êtres humains
dans un monde de plus en plus urbanisé.
À l'heure
actuelle, malgré la popularité des marchés de proximité, plus de 98 % des
achats se font via la restauration et
la grande distribution, et ces acteurs s'approvisionnent partout sur la
planète. La compétition est mondiale parce que les gouvernements, incluant le gouvernement canadien,
ont pris la décision de mondialiser le commerce agricole. Les agriculteurs
québécois se mesurent donc à des pays qui
produisent 12 mois par année ou qui subventionnent massivement leurs
agriculteurs avec souvent des normes
sanitaires, sociales et environnementales inférieures aux nôtres, bref avec des
coûts de production plus bas. Les
membres de la commission doivent en tenir compte. On doit retenir que le Québec
n'a aucun contrôle sur les aliments importés.
Il a beaucoup
été question de l'impact des pesticides sur la santé ces derniers mois. Je
crois pertinent de rappeler que les agriculteurs, leurs familles et
leurs employés sont les premiers exposés à ces produits. C'est pour cette
raison qu'en juin l'UPA a demandé à
l'Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et sécurité au travail de
documenter l'impact des pesticides
sur la santé. C'est aussi pourquoi nous demandons au ministère de la Santé et
des Services sociaux qu'il finance la réalisation d'une étude
épidémiologique au Québec pour mieux comprendre l'impact de l'exposition
professionnelle aux pesticides.
Dans le débat
sur la gestion de ces produits, beaucoup d'intervenants ont fait référence aux
pratiques alternatives aux
pesticides. Elles doivent être encouragées au maximum. Ces méthodes sont
souvent plus risquées, plus coûteuses que les pesticides, sans être davantage rémunérées par les marchés. Je crois
que les membres de la commission ont d'ailleurs visité des fermes qui
les utilisent.
Il faut aussi
appuyer davantage le secteur biologique. L'UPA s'est investie beaucoup dans le
développement de cette filière avec
la création, dès 1989, d'une toute première fédération d'agriculture
biologique. Nous avons élargi l'approche en 2015 en mettant sur pied la Table de développement de la production
biologique. La table, que je préside, réunit plusieurs groupes de producteurs et d'intervenants, incluant
les représentants des gouvernements québécois et canadien, centres de recherche et autres maisons d'enseignement pour
faire progresser collectivement la production biologique et répondre à la
demande croissante pour ces produits.
Aujourd'hui,
le Québec est le chef de file au Canada en production biologique. En 2018, on
comptait 2 083 fermes certifiées
au Québec. C'est une augmentation de 29 % par rapport à 2017. Il faut
continuer sur cette lancée, mais les gouvernements doivent s'investir davantage. À l'heure actuelle,
l'aide fédérale et provinciale au secteur biologique représente
1 985 $ par ferme biologique
québécoise, alors qu'elle est de 7 852 $ CAN par ferme
biologique aux États-Unis. C'est presque quatre fois plus.
Les
Américains ne sont pas les seuls à investir plus que le Canada et le Québec. En
dollars canadiens, l'investissement dans le bio représente 0,55 $
par habitant au Québec. Il est de 4,30 $ en France, 6,61 $ au
Danemark et de 10,65 $ en Allemagne. On a donc beaucoup de chemin à faire.
• (17 h 20) •
Les budgets consacrés à l'agroenvironnement
sont, eux aussi, beaucoup trop modestes. Les budgets fédéral et provincial représentent 1 982 $ par
entreprise agricole au Québec, alors qu'ils sont de 3 880 $ CAN aux
États-Unis. C'est deux fois plus. Une bonification importante est
incontournable, si on souhaite atteindre nos objectifs. Selon nous, cette bonification pourrait prendre la forme d'un
nouveau programme de rétribution des biens et services écologiques. Plusieurs
pays européens comme l'Écosse, la Finlande,
le Royaume-Uni et la Suisse misent sur ce genre de programme pour soutenir
les efforts agroenvironnementaux des
producteurs et récompenser leur apport à la collectivité. L'essentiel des
6 milliards de dollars US
investis chaque année par le gouvernement américain via le Conservation Reserve
Program est consacré à cette forme d'appui. Un tel programme au Québec
ferait une grande différence.
Il a aussi
beaucoup été question dans l'actualité du rôle des agronomes. Comme plusieurs,
nous croyons que l'État doit augmenter ses effectifs agronomiques pour assurer
la livraison de conseils véritablement indépendants. Nous croyons surtout, et je veux être tout à fait
clair, que transférer la gestion des pesticides à l'Ordre des agronomes du
Québec, comme le président de l'ordre
l'a proposé cette semaine, serait une grave erreur. Le gouvernement du Québec
ne peut céder ses responsabilités sociétales, peu importe lesquelles, à
un ordre professionnel, peu importe lequel.
La mission d'un ordre professionnel est de
protéger les citoyens au regard de l'exercice de la profession de ses membres. Elle n'est pas de réglementer les
activités du secteur dans lequel cette profession est exercée. L'UPA croit
fermement que, pour assurer la
transparence et regagner la confiance du public, il est essentiel de séparer
complètement l'acte de vente de
l'acte agronomique. Distinguer les deux sur la facturation, comme le propose
l'ordre, ne permet pas d'atteindre cet objectif.
Dans notre
mémoire, l'UPA va même plus loin en recommandant de remplacer le système de
prescription actuel par des formations obligatoires adaptées pour les
producteurs. Nous proposons d'intégrer la gestion des pesticides dans un plan intégré de gestion des cultures qui
comprendrait le plan d'ensemencement ou de culture, le plan de fertilisation et
le plan de gestion des ennemis des
cultures, sous la supervision d'un professionnel qui n'est pas lié à
l'industrie de la vente des pesticides.
De plus, nous
proposons que les producteurs complètent leur registre avec l'outil disponible
dans SAgE Pesticides. Cela permettrait au gouvernement du Québec l'accès
à une plus vaste banque de données et d'établir des objectifs de réduction des risques. En outre, l'un des principaux
avantages serait la sensibilisation accrue des producteurs aux risques
que représente l'usage des pesticides.
De façon plus
large et pour conclure, je crois plus que jamais que la réduction des risques
encourus par le recours aux
pesticides passe par une approche beaucoup plus globale, cohérente, à moyen et
long terme, en matière d'agroenvironnement. L'UPA recommande, depuis le milieu des années 2000, l'adoption d'un
véritable plan vert agricole pour le Québec. On parlait alors de plan d'action concerté en agroenvironnement. Tous les
gouvernements ont depuis fait la sourde oreille. On a plutôt assisté à
un important désengagement de l'État, qui se poursuit.
Au tournant
des années 2000, pour des raisons essentiellement budgétaires, le
gouvernement a privatisé ses centres de
recherche pour attirer délibérément plus d'investissements privés. Les
producteurs, eux aussi, ont été invités à augmenter leur contribution via les fonds de contrepartie.
La création des centres d'expertise et de transfert a suivi pour favoriser la
collaboration des
principaux partenaires de chaque filière. Le transfert des connaissances des
producteurs s'est ajouté au fil des
ans à leur mission. Les producteurs sont les premiers concernés par les travaux
des centres d'expertise et de transfert. Leur présence au sein des conseils d'administration est donc essentielle
pour que les centres restent branchés sur les enjeux qui les touchent
concrètement et les projets de recherche qui les interpellent directement.
De même, il
est essentiel que le MAPAQ joue un rôle actif d'administrateur sur ces centres
d'expertise et qu'il cesse de
déléguer ce rôle à des observateurs. Pour atteindre nos objectifs et
véritablement réduire les risques associés à la gestion des pesticides, il faut miser sur des objectifs
moyen, long terme, responsabiliser l'ensemble des intervenants de la filière,
poursuivre le virage vers la lutte intégrée
des ennemis des cultures, encourager davantage la production biologique et
bonifier de façon substantielle les budgets dédiés à la prévention, à la
recherche, au développement et à l'accompagnement des producteurs.
Le Québec
affiche déjà l'un des indices de pression environnementale parmi les plus bas
au monde. Il faut bâtir sur cette distinction trop peu communiquée jusqu'à maintenant
dans le débat actuel et miser sur l'engagement des producteurs pour que le Québec devienne un véritable chef de file en production
durable des cultures. Les agriculteurs et les agricultrices doivent être
au coeur de ce projet de société. Merci.
Le
Président (M. Lemay) : Merci beaucoup, M. Groleau, pour votre exposé. Nous allons maintenant
débuter la période d'échange avec les membres de la commission. M. le
député de Bourget, la parole est à vous.
M.
Campeau : Merci, M. le Président. Bonjour, tout le monde. Que les
agriculteurs soient au coeur de ce qui va se passer, je pense que je
partage ça complètement. Je pense que c'est normal et tout à fait une bonne
idée.
Vous avez
parlé d'un plan total de gestion qui serait sous la responsabilité d'un professionnel. En principe, l'idée ne peut pas être mauvaise, mais on est-u capable de faire ça, au Québec,
avec toutes les fermes qu'on a? Actuellement, est-ce
qu'on serait capable? Est-ce qu'on a assez de monde? Qu'est-ce que qui nous
bloquerait?
M. Groleau
(Marcel) : En fait, les
producteurs doivent déjà compléter un plan agroenvironnemental de
fertilisation, qu'on appelle un PAEF, qui doit être déjà signé par un
agronome et mis à jour à chaque année. Alors, ce qu'on propose, c'est qu'on ajoute à ce plan de fertilisation un
plan de gestion des cultures qui intégrerait la gestion des ennemis des
cultures, donc la gestion des
pesticides, et selon nous, en termes
administratifs, à la fois pour l'État, mais pour les producteurs, on
n'ajouterait pas un autre niveau de bureaucratie.
Alors, c'est
la solution qu'on propose. C'est la solution qu'on proposait, à l'époque,
lorsque M. Heurtel avait proposé d'y
aller par la prescription. Nous, on prétend que, si on veut réduire les
pesticides, ce n'est pas simplement d'en prescrire un autre plutôt que celui
qu'on considère peut-être trop dangereux ou... vous allez le voir par les
statistiques qui vont être publiées
bientôt par le ministère de l'Environnement, la prescription n'entraînera pas
automatiquement une diminution de l'usage,
si ce n'est pas intégré par le producteur agricole dans une gestion complète
qui démarre d'abord par son plan de culture, de fertilisation. Alors,
c'est pour ça que c'est ce qu'on propose.
M.
Campeau : En d'autres mots, vous voulez que la lutte intégrée fasse...
finalement, ce soit l'essentiel de ce qui va nous aider. C'est qu'avec la présence d'un agronome qui parle
directement aux agriculteurs, ceux-ci fassent partie de la nouvelle
façon de vivre.
M. Groleau
(Marcel) : Et de faire pour
les agriculteurs. On a réglé des problèmes de fertilisation. On avait des
surplus de phosphore sur nos sols et dans
nos cours d'eau. Par le plan de gestion de la fertilisation, on a réglé une
grande, grande partie de ces
enjeux-là. Par cette façon-là de travailler avec nos agronomes, on a appris,
les producteurs, à changer nos
techniques de fertilisation, à mieux utiliser nos lisiers et fumiers. Il y a eu
une éducation qui s'est faite. Ça ne s'est pas fait instantanément. Mais, si on veut travailler sur le long terme et
avoir des résultats probants et qui vont demeurer, selon nous, c'est la
façon d'aborder cette question-là.
M.
Campeau : Je ne sais pas si j'ai bien compris tantôt, mais il me
semble, vous aviez dit que vous ne voyez pas comme une bonne idée de
transférer les prescriptions de pesticides à l'Ordre des agronomes. C'est bien
ça?
M. Groleau (Marcel) : Oui.
M.
Campeau : En fait, est-ce que ce n'est pas plus que, si le code de
déontologie était réellement appliqué, ça ne serait pas la même question
qu'on se poserait à ce moment-là?
M. Groleau (Marcel) : Bien, moi, je
crois que la prescription est une... on formalise la pratique actuelle, parce qu'actuellement les producteurs n'agissent pas
seuls. Mais pour agir, dans le futur, ça prendra une prescription, et il y aura
un coût à la prescription. On formalise la
pratique actuelle de façon... En gros, là, c'est ce que moi, je crois, et, si
on veut avoir un impact comme vous le souhaitez, on ne pense pas que
c'est la meilleure approche.
• (17 h 30) •
M.
Campeau : Il y a d'autres personnes qui sont venues nous parler des
incidences de maladies qui sont reliées... qui sont potentiellement reliées à
l'épandage de pesticides et que, si on avait une idée, une cartographie des
épandages au Québec, des quantités
utilisées, des produits utilisés, ça nous aiderait au... ça aiderait les
chercheurs, en tout cas, à donner des pistes de solution. Est-ce que
c'est une chose qu'on est... les producteurs ou l'UPA est prêt à recommander?
M. Caron (Martin) : Oui, exactement. Parce que j'ai passé la
semaine un peu à écouter les débats qui sont venus ici puis j'ai bien compris, puis par rapport à la
demande ou la position plus qu'on fait, on répond à cette attente-là. Nous,
qu'est-ce qu'on propose en lien avec
qu'est-ce que Marcel a dit, on propose d'utiliser SAgE Pesticides avec un
registre au niveau
des pesticides, donc, que les producteurs vont utiliser, qu'on appelle l'IRPeQ
express, entre autres, pour mentionner les
pesticides qu'ils utilisent. Et avec ça, on va avoir un IRPeQ, c'est-à-dire un indice au niveau de l'environnement, et un IRS au niveau de
la santé qui va être là.
Et
ça, on veut, dans notre proposition, envoyer ça au niveau du ministère
entre autres. Donc, ces données-là vont être vraiment un portrait à travers le Québec... et d'avoir les
impacts au niveau de la santé et de l'environnement directs. Et
c'est déjà quelque chose qu'on utilise, SAgE Pesticides, mais qu'il manque un geste, un petit
peu plus loin. Mais il va falloir investir dans ces outils-là, vraiment.
Puis
je pense, ce n'est pas d'avoir un nouveau système au niveau
informatique. Il y a déjà des choses qui sont là. Il s'agit juste d'avoir un transfert et de
s'assurer qu'il y ait des interfaces qu'on puisse aller un petit peu plus loin là-dessus. Mais
ça va vraiment répondre aux questions que vous avez eues toute
la semaine pour être capable d'avoir le portrait. Puis je dirais même plus, un avantage, c'est qu'on va
pouvoir naturellement... je sais que Mme Montpetit avait mentionné, il ne
faut peut-être pas que ce soit nominatif, puis nous, c'est notre cas aussi.
Mais, en même temps, on va être capable d'en mener
par rapport à des enjeux de régions et travailler avec les
OBV, les bassins versants entre autres pour voir, s'il y a une
problématique, bien, qu'on s'adresse aux acteurs sur le terrain puis aux
partenaires entre autres.
Le Président (M.
Lemay) : Merci, M. Caron. Maintenant, je cède la parole à Mme la
députée de Laviolette—Saint-Maurice.
Mme
Tardif : Merci, M. le Président. Bonjour. Merci d'être là. J'ai retenu entre
autres, là, lorsque vous parliez dans votre
mémoire que le Québec n'a aucun contrôle, on le sait, sur les aliments
qui sont importés et que les producteurs agricoles québécois
sont souvent à armes inégales avec les autres producteurs des
autres pays où, entre autres, les salaires, disons, sont inférieurs à
ici. Qu'est-ce que nous devons faire pour favoriser la mise en marché de nos
produits québécois? Et pensez-vous qu'on peut changer la tendance actuelle?
Le Président (M.
Lemay) : M. Groleau.
M. Groleau (Marcel) : En fait, on travaille beaucoup à ça. On fait beaucoup de promotion des
produits québécois, les fraises du
Québec par exemple, Les Fraîches du Québec, les pommes de terre font beaucoup
de promotion de leurs produits, mais
on est toujours, sur les étals, en compétition avec les produits importés quand
même et la référence du... le prix étant un facteur important dans la décision d'achat des consommateurs, bien,
ou on met nos produits à un prix égal ou très, très peu légèrement
supérieur, sinon, on n'est pas sur les tablettes.
Alors,
le produit doit tourner pour les chaînes. Alors, si notre produit est trop cher
puis il ne tourne pas, bien, les chaînes ne veulent pas mettre notre produit
sur la tablette. Alors, c'est eux qui ont le contrôle, à un moment donné, de la
distribution, et nous, on doit être
compétitifs et mettre... et réussir à placer nos produits. Alors, c'est pour ça
que si, par exemple, on veut
encourager des pratiques alternatives, mais que ces pratiques-là, on n'est pas
capable de transférer les coûts qu'elles engendrent dans le marché, bien, c'est là où un régime de
rétribution des biens et services écologiques vient compenser ce phénomène-là.
J'étais
au Danemark la semaine passée puis je sais que vous vous intéressez beaucoup au
Danemark. Un producteur de céréales
au Danemark, là, reçoit 250 euros l'hectare avant de commencer sa saison
et, s'il est biologique, il reçoit 350 euros l'hectare avant de commencer la saison. Alors,
c'est sûr qu'il faut être conscient, là, que c'est dans cette compétition que
nous, les producteurs du Québec, on doit performer.
Mme
Tardif : On a beaucoup de chemin à faire, là, par rapport à nos
investissements, vous l'avez dit, par rapport à la France, le Danemark, la
Suisse et même les États-Unis. Par contre, de votre point de vue, là, ne
craignez-vous pas que ces
subventions-là qui vont être données à nos agriculteurs, puis ce n'est pas...
la crainte, ce n'est pas de donner des subventions, c'est nos voisins, les
États-Unis, comment ils vont réagir et jusqu'où on doit aller. Où on doit
mettre nos subventions, nos soutiens financiers pour ne pas se faire
couper du marché des États-Unis?
M. Groleau (Marcel) : En fait, c'est la façon dont les Européens ont rendues compatibles avec
les règles de l'OMC leurs subventions à l'exportation qu'ils ont dû éliminer.
Ils les ont converties en paiements directs, dont une partie est associée à des pratiques environnementales. Et tout ce qui
s'appelle encouragement ou soutien des pratiques environnementales, à l'OMC, c'est considéré vert et ce n'est
pas considéré comme une subvention.
Alors,
c'est ça que les Américains ont fait, c'est ça que les... C'est pour ça que les
Américains ont le programme... 6 milliards de dollars dans un
programme. C'est pour ce type de soutien là.
Mme
Tardif : Dans votre mémoire, vous soulignez aussi les efforts que le
gouvernement québécois fait tout de même
pour diminuer l'utilisation des pesticides. Pouvez-vous nous expliquer les
actions, plus concrètement, là, qui sont faites actuellement par le gouvernement? Et par rapport à ces
actions-là, lesquelles vous garderiez? Ou est-ce qu'elles sont toutes
idéales, est-ce qu'elles sont toutes optimales? Qu'est-ce qu'on devrait
conserver?
M. Groleau
(Marcel) : Bien, il y a de la recherche qui se fait, là, mais au
niveau des actions, peut-être que je demanderais
à Katia. Si tu as des idées qui... comme ça, parce que Katia est responsable de
la politique phytosanitaire à l'UPA,
donc elle est dans ces dossiers-là.
Le Président (M.
Lemay) : Mme Colton-Gagnon.
Mme Colton-Gagnon (Katia) : Oui. Il
y a, entre autres, un projet pilote qui est en marche sur le terrain, avec 125 producteurs agricoles, je pense, dans
deux régions au Québec. Puis je sais que c'est un projet qui est très porteur
auprès des producteurs agricoles. Ils sont impliqués à réduire les
risques des pesticides sur leur entreprise. Ils ont un objectif à atteindre, puis plusieurs l'ont déjà atteint. Je
pense que l'objectif, c'était d'ici trois ans. Même, plusieurs l'ont déjà atteint.
Donc, ça, c'est des projets qui parlent
beaucoup aux producteurs agricoles puis qui devraient être étendus à tout le
Québec.
Le
Président (M. Lemay) : Merci beaucoup, Mme Colton-Gagnon. Sur ce, je
cède la parole au député de Maskinongé pour son intervention.
M.
Allaire : Merci, M. le Président. Salutations, Mme Colton-Gagnon,
M. Groleau. M. Caron, je termine avec vous. Vous savez, M. le Président, M. Caron est un producteur parmi les
450 sur mon territoire, je tenais à vous le dire, quand même. Salutations particulières, d'ailleurs. Vous
avez été ici toute la semaine, effectivement. Je salue votre présence. Ça
démontre à quel point, là, vous avez
toujours été présent, là, pour bien représenter les producteurs de la Mauricie
et maintenant pour l'ensemble du Québec.
J'insiste,
là, au début, là, vous avez mentionné, M. Groleau, que les producteurs seront
les principaux acteurs du changement.
J'insiste là-dessus parce que, dans nos observations qu'on va devoir faire, je
pense qu'il ne faudra pas l'oublier. Je fais exprès pour revenir
là-dessus, c'est très, très, très important.
Deux
questions pour vous, une sur le financement, une sur la recherche. Je commence
avec le financement. Votre rôle,
entre autres, c'est de guider les producteurs, là, dans la recherche de
financement. On parle du MAPAQ ou de la FADQ, puis là ça me rappelle un peu mon passé chez Desjardins dans le
financement d'entreprises, agricoles notamment. Est-ce que, dans les critères d'admissibilité, est-ce
qu'on devrait davantage miser sur des éléments au niveau de
l'écoresponsabilité? Est-ce qu'on
devrait être plus sévères? Est-ce qu'il devrait y en avoir davantage? Est-ce
que ça devrait être même une condition de financement pour justement
aider à amorcer ce changement-là?
M. Groleau
(Marcel) : Bien, on est déjà
soumis à l'écoconditionnalité pour les programmes qui existent. Alors, si une ferme ne répond pas, par exemple... n'est
pas en règle avec son certificat d'autorisation environnementale, elle n'est
pas admissible aux différents programmes qui
existent. Donc, il y a déjà des règles d'écoconditionnalité qui existent, là.
Nous, un des
points, puis vous m'apportez sur ce terrain-là, un des reproches qu'on fait aux
programmes actuels qui soutiennent
l'agroenvironnement... le programme Prime-vert, entre autres, c'est sa
complexité, c'est sa lourdeur administrative. Alors, pour aller chercher quelques milliers de dollars, c'est
souvent... on dépense souvent plusieurs, également, milliers de dollars
pour pouvoir se qualifier. Alors, les coûts administratifs de ces
programmes-là, qui sont très normés, très, très encadrés, font que plusieurs producteurs ne peuvent pas s'y qualifier
parce que ce n'est pas exactement ce pour quoi le programme est fait ou ceux qui se qualifient trouvent
que finalement, après tout l'effort que j'ai fait, il n'y a pas grand-chose
au bout, là.
Alors, moi, je trouve que l'État doit revoir la
façon d'accompagner les producteurs dans l'agroenvironnement.
M.
Allaire : Il doit me rester... trois minutes? Rapidement, juste en
complément de ce petit bout là, est-ce que la reddition de comptes est
aussi lourde, après, pour les producteurs?
M. Groleau
(Marcel) : Bien, en fait,
moi, j'ai utilisé Prime-vert une fois pour installer des cibles... pour faire
boire les animaux, voilà. Et,
regarde, avec les photos et tout ce que ça prenait pour... que l'agronome de
mon club-conseil a préparé, et tout,
je veux dire, le temps qu'il a passé là-dessus, le cartable que ça a fait de...
Moi, je faisais la comptabilité de la ferme puis je me disais... j'ai dit à mon frère : Ça n'a pas de bon sens
pour le montant qu'on a reçu, là. D'ailleurs, montant qui est imposable,
entre autres, là. Alors, tu en viens à la conclusion que ça coûte plus que ça
rapporte à l'État, ce type de programme-là.
• (17 h 40) •
M.
Allaire : Dans votre
mémoire, vous parlez bien de l'importance aussi d'augmenter les fonds au niveau
de la recherche. Vous voulez vraiment
que la recherche soit plus ciblée pour régler des problématiques très ciblées.
Vous proposez... en fait, vous
souhaitez qu'il y ait une belle mixité, justement, entre autant le
privé que le public. Peut-être aller un petit peu plus loin, là, dans le
peu de temps qu'il nous reste, là.
M. Groleau
(Marcel) : En fait, ce que
je disais du privé, c'est qu'on a souhaité la contribution du privé sur les
centres de recherche. Lorsqu'en 2000 on a fait la privatisation des centres de
recherche, c'était pour aller chercher du financement
privé qui accompagnait le financement public. Alors, c'était délibérément que
l'État a fait ça à cette époque-là.
Alors, ce
qu'on a... et là ce qu'on voit actuellement, c'est comme... il y a une démarche d'exclure
tout à coup le privé pour des raisons
éthiques, puis on a tendance à vouloir pointer du doigt puis blâmer le privé.
Mais ironiquement, c'est l'État qui a souhaité la présence du privé sur
ces centres-là. Et nous, les producteurs, on s'est aussi fait interpeler pour participer et là on nous juge comme suspects. Alors,
c'est un petit peu... disons que la bouchée est difficile à avaler, là.
C'est juste ça que j'ai à dire sur ce sujet-là.
Et, en même
temps, le MAPAQ se recule sur la chaise d'en arrière puis il dit : Moi, je
ne peux pas intervenir, je suis en conflit d'intérêts puisque c'est moi
qui les finance, alors j'envoie des observateurs. Alors, nous, on se
demande : Tantôt, est-ce que ça va
valoir la peine pour nous de continuer d'investir dans ces centres de recherche
là, si c'est de cette façon-là... si c'est la seule place qu'on a? Parce qu'on a bien d'autres
endroits où on peut investir en recherche. On a des fonds de recherche, les groupes de producteurs. L'Université Laval nous tend la main continuellement pour qu'on investisse en recherche chez eux, l'Université McGill aussi. On a beaucoup d'autres
endroits où on peut investir que dans les centres de recherche du
gouvernement.
Alors, c'est
juste... Tu sais, on a entendu des choses cette semaine qui, moi, m'ont fait un
peu... m'ont irrité, parce qu'en fait on n'a pas cherché ce rôle-là, on
nous a demandé de le jouer.
Le
Président (M. Lemay) : M. Groleau, ceci complète cette période
d'échange. Je cède maintenant la parole à la députée de Maurice-Richard.
Mme Montpetit : Merci beaucoup.
Bonjour à vous trois, bien contente de vous revoir. Quelques questions. Je commencerais peut-être en lien avec... Vous étiez
là quand Parkinson Québec, tout à l'heure, a fait son intervention. Je serais curieuse de vous entendre. Est-ce que ça vous
inquiète, ce que vous avez entendu sur la santé des agriculteurs au Québec?
M. Groleau
(Marcel) : Oui, absolument.
Absolument, et c'est pour ça que, même avant que la commission soit appelée à entendre les mémoires et qu'on sache
qu'elle tienne ces audiences, on avait demandé, nous, à l'institut Robert-Sauvé
de faire une étude sur la situation. On
avait été interpelés par l'UPA du Bas-Saint-Laurent qui avait identifié des
producteurs qui étaient atteints du
Parkinson et qui demandaient à l'UPA de voir c'était quoi, la situation. Mais
nous, la liste de nos producteurs,
c'est des producteurs actifs. Alors, moi, je n'ai pas de liste de producteurs
une fois qu'ils ont quitté la production. Je ne peux pas non plus les contacter, donc ce n'est pas... Pour nous,
faire un sondage auprès... On n'a pas ces listes-là. Alors, c'est pour
ça qu'on a demandé à l'institut Robert-Sauvé de faire ce travail-là.
Mme Montpetit : Donc, il y a
41 000 et quelques agriculteurs au Québec...
M. Groleau (Marcel) : ...sur
29 000 entreprises, là, oui.
Mme
Montpetit : C'est ça. Est-ce que vous seriez capable de... puis là je
comprends, la difficulté de l'exercice avec ce que vous me dites, c'est, dans ceux qui sont actifs... Avez-vous une
vague indication de la prévalence, justement, au niveau de la maladie de Parkinson? Là, je comprends que ce que vous nous
dites, dans le fond, c'est que ceux qui sont malades, comme les gens
qu'on a rencontrés, quittent la profession, donc ne sont plus membres.
M. Groleau
(Marcel) : En fait, on sait
qu'il y a un lien qui a été établi. La France a reconnu que c'était une maladie
professionnelle. Alors, on est nous aussi
inquiets, puis on veut avoir plus d'information, puis c'est pour ça qu'on a
demandé à l'institut de la santé publique aussi de faire cette
recherche-là.
M. Caron (Martin) : Peut-être, si je peux me permettre rapidement, c'est que
vous allez voir, dans nos recommandations, entre autres, on a demandé d'avoir un répertoire
agricole, entre autres. Parce qu'on a eu une rencontre avec l'association de Parkinson pour discuter de ça et de voir de
quelle façon, dans nos demandes, si on demande... avec l'INSP, entre autres,
qui est venu ici, pour regarder un
petit peu qu'est-ce qu'on pourrait faire avec ça, pour répertorier les
producteurs qui sont atteints.
Mme
Montpetit : Vous l'avez
effleuré dans une des réponses aux questions, mais je voulais juste pouvoir
vous poser la question plus
clairement, puis je sais que vous avez suivi les travaux toute la semaine, donc
vous ne serez sûrement pas surpris de cette question-là. Mais par
rapport à la transparence de l'information, l'utilisation des pesticides pour
le consommateur, est-ce que, comme syndicat,
c'est quelque chose auquel vous seriez ouvert? Et dans quelle mesure vous
seriez ouverts à rendre disponible ou à ce
que, justement, soit rendu disponible l'ensemble
des données sur l'utilisation des pesticides par les agriculteurs et agricultrices
du Québec?
M. Groleau (Marcel) : Bien, c'est
comme Martin a expliqué un peu plus tôt, il y a déjà un système, un logiciel, SAgE Pesticides, qui est entre les mains du ministère de l'Environnement et du MAPAQ. Puis, s'il y avait une interface
pour que les producteurs transfèrent
leurs données, bien, on aurait un répertoire... on aurait une banque de données
provinciale beaucoup plus précise de l'utilisation des pesticides.
Est-ce que
les producteurs souhaiteraient transmettre des données nominales avec... au
niveau de la loi sur l'accès à l'information et toutes ces choses-là? Je ne suis pas sûr que, nous, comme organisation, on peut prendre cette décision-là pour nos producteurs, donc là on est à un autre niveau... c'est un autre
enjeu, là. Mais nous, des données regroupées, on est très l'aise avec
ça. Je pense que c'est... et pour nous, et pour l'industrie aussi, ce serait intéressant
de le savoir.
Mme Montpetit : Je comprends que
vous n'êtes pas fermés, vous êtes ouverts même au principe. C'est ce que
j'entends, là. Après ça, il y a des considérations...
M. Groleau (Marcel) : On a déjà à
tenir un registre de l'utilisation de nos pesticides. C'est obligatoire.
Mme
Montpetit : Je profite de votre présence, parce que ça a été aussi
abordé... Je comprends que ce n'est pas directement sur la question des
pesticides non plus, mais il y a un lien aussi, parce que toute la question des
changements climatiques, je pense qu'on ne peut pas le dissocier non
plus de la production agricole. Puis j'aimerais ça vous entendre là-dessus, sur... si vous
avez des inquiétudes. Vous avez vu, il y a des groupes qui ont abordé toute la
question des prédateurs, des
ravageurs aussi, de voir aussi comment... c'est pour ça que je dis, il y a
forcément un lien aussi parce que l'agriculture évolue. Est-ce qu'elle va devoir évoluer plus rapidement? Comment,
justement, l'État doit accompagner au niveau de la lutte à ces
ravageurs, entre autres, là?
M. Groleau (Marcel) : En fait, on
fait déjà face au réchauffement climatique, c'est déjà commencé. On a un programme... en fait, un projet qui s'appelle
Agriclimat, qui a été financé par le ministère de l'Environnement... en fait,
en partie, le Fonds vert, et c'est
sur trois ans, et c'est pour justement essayer de mesurer l'impact des
changements climatiques dans les
différentes régions du Québec et l'impact que ça pourrait avoir sur les types
de culture qu'on pourra produire lorsque ça arrivera. Alors, on est déjà
proactifs dans cet enjeu-là.
J'ajouterais
que l'agriculture peut contribuer au problème du réchauffement climatique, à
l'enjeu du réchauffement climatique.
Lors du Sommet de Paris, la COP21, il avait été mentionné d'ailleurs que seule
l'agriculture pourra empêcher qu'on
dépasse les seuils qu'on juge dangereux au niveau du réchauffement climatique,
parce qu'on peut capter du carbone dans
nos sols via la matière organique qu'on y enfouit et qu'on conserve. Alors, si
on augmentait sur les sols arables de la planète de quatre millièmes, c'est donc pas tant que ça, de quatre
millièmes la quantité de matière organique dans nos sols, on règle en grande
partie le problème du réchauffement climatique. Alors, ça aussi, lorsqu'on
parle de biens et services environnementaux, on pourrait travailler à ce
que les producteurs s'investissent dans cette démarche-là.
Lorsque
j'étais, encore une fois, la semaine passée, au Danemark, il y a un groupe de
producteurs français qui sont en
train de mettre... d'étudier la possibilité de créer un fonds un peu à l'image
de ce qui se fait lorsqu'on voyage en avion, on achète... bon, on plante des arbres, puis il y a des fonds pour ça,
mais un fonds agricole, où ils investissent dans ce fonds-là pour compenser... pour acheter des crédits
carbone, et ce fonds-là sert à soutenir les producteurs dans leurs démarches de
captation du carbone. Alors, ça, c'est
toutes des choses qui seraient possibles de faire, là, dans un assez court
terme. On sait comment faire pour capter du carbone et le garder dans
nos sols.
Mme Montpetit : Vous savez que vous
prêchez à une convertie, parce que j'ai le grand privilège, moi, d'être porte-parole et en agriculture et en environnement
et lutte aux changements climatiques qui, je trouve, sont deux dossiers
effectivement, pour l'avenir, qui sont absolument indissociables.
M. Groleau (Marcel) : ...une
collaboration qu'on pourrait faire. C'est pour ça que nous, on va être à la
mache demain, là, pas tous, mais un groupe
de l'UPA, et on va avoir une pancarte : L'agriculture fait partie de la solution, parce qu'on voit
souvent l'agriculture comme un émetteur, mais on pourrait capter beaucoup plus
qu'on émet.
• (17 h 50) •
Mme
Montpetit : Bien, je pense
que c'est un discours qui... puis je vous l'ai déjà dit, mais je le dis
publiquement, je pense que c'est un
discours qui est quand même relativement très rafraîchissant de la part de
l'UPA et je pense que ça va certainement favoriser une voie dans la
bonne direction pour la suite des choses aussi.
Votre mémoire
est très, très, très complet. J'aimerais quand même ça, parce qu'il y a quand
même beaucoup de gens qui nous écoutent... Vous savez, on a toujours
l'impression, nous, dans nos petites boîtes, qu'on ne sait pas qui est au bout de la ligne et qui écoute. Moi, j'ai reçu
énormément de messages, depuis le début de la semaine, d'agriculteurs puis
de citoyens, puis j'en profite pour le
souligner, qui sont... J'en avais encore un, tout à l'heure, très fier de notre
institution parce qu'il voit quatre
partis, finalement, en train de travailler en collaboration ensemble. Donc,
c'est vraiment un bel exercice.
Mais
j'aimerais ça si vous pouviez nous pointer certaines recommandations plus
précises, justement, sur comment on pourrait aider davantage les agriculteurs à
faire cette transition, justement, vers une agriculture qui utilise moins de
pesticides, parce que c'est vraiment ça qui est au coeur de notre mandat, dans
le fond.
Le Président (M. Lemay) : ...environ
deux minutes, si vous voulez y aller.
M. Groleau
(Marcel) : Ah! bien, je
vais... En fait, la recommandation, là, s'il y en a une, là, parce que... c'est
un réel plan vert agricole pour le Québec, avec du financement à la hauteur
peut-être pas de 6 $ par citoyen, comme l'a fait le Danemark, là... Malgré que je ne suis pas sûr que,
si on demandait 6 $ à chaque citoyen pour un réel plan vert agricole,
s'ils n'embarqueraient pas.
Mais un réel plan vert agricole qui financerait
des mesures où on... comme on l'a vu dans le projet qui implique 125 producteurs, là, où on implique les
producteurs dans le changement de leurs pratiques, mais en travaillant avec eux
puis toujours dans un souci de rentabilité de leur entreprise. C'est ça, la
recommandation, c'est celle-là.
Mme Montpetit : Il me reste combien
de temps, M. le Président?
Le Président (M. Lemay) :
1 min 15 s.
Mme
Montpetit : 1 min 15 s. Bien, je vais en profiter
peut-être juste, moi, pour faire mes remarques finales parce qu'après ça
nos travaux sont terminés.
Je prendrais
juste la dernière minute, dans le fond, pour remercier l'ensemble des groupes
qui sont venus. Je sais que nos
travaux ont été très suivis par... Je suis sûre qu'il y en a qui sont encore à
l'écoute, même s'ils ne sont plus ici... les remercier parce qu'on sait
qu'il y a beaucoup, beaucoup de travail qui a été fait en amont. On a reçu des
mémoires extrêmement complexes, extrêmement travaillés et dans une échéance, on
sait, qui a été relativement courte, en période estivale. Donc, on les remercie d'autant plus et
on se retrouve avec un nombre important de recommandations, beaucoup qui se recoupent, d'autres non, mais on aura
l'embarras de la réflexion à la lumière de tout ce qui nous a été déposé et
soumis comme recommandations.
Donc,
vraiment un gros merci à tous les gens qui sont venus, tous les groupes qui
sont venus en consultations, et merci à vous, l'UPA, avec qui on finit
aujourd'hui. Merci.
Le
Président (M. Lemay) : Merci beaucoup, Mme la députée de Maurice-Richard. Sur ce, je cède la parole à la députée de
Rouyn-Noranda—Témiscamingue.
Mme
Lessard-Therrien : Merci, M. le Président. Bonjour à vous trois. Un
grand plaisir de vous voir aujourd'hui.
On
a entendu énormément de choses cette semaine dans le cadre de la commission,
beaucoup de solutions à la pièce aussi.
Moi, aujourd'hui, avec vous, en terminant, j'aurais peut-être envie d'avoir un
regard plus macro. Comme vous représentez aussi 42 000 producteurs, qu'ils le veuillent ou non, je pense que
vous êtes en mesure de nous fournir ce regard-là plus macro.
Puis
moi, je me demande, en fait : Est-ce que... Puis j'ai posé la question aux
producteurs de grains, j'ai posé la question
à l'Union paysanne aussi, aux gens qui pratiquent l'agriculture,
essentiellement : Est-ce que l'agriculture québécoise est condamnée à être toujours à la remorque de ce
qui se fait ailleurs, de se battre contre des géants américains, des géants
du Brésil, de l'Argentine? Est-ce qu'on ne
pourrait pas utiliser cette opportunité-là, en ce moment, qu'on documente, de
faire autrement pour donner un second
souffle à notre agriculture? Si on était vraiment visionnaires, qu'est-ce qu'on
ferait?
M. Groleau (Marcel) : Bien, je pense qu'on en ferait un projet de société, d'abord, parce que
ce n'est pas uniquement un projet des... ça ne peut pas être un projet
uniquement des agriculteurs. C'est ce à quoi tu fais référence.
Une
des raisons pour laquelle on souhaitait cette commission-là, c'était pour
ouvrir ce dialogue-là avec les citoyens via cette commission-là puis éviter qu'il y ait un clivage parce qu'il y
a incompréhension, de part et d'autre, des enjeux auxquels les uns et
les autres font face.
Les
citoyens ont... Les produits bios, c'est bien, mais ça a été dit à plusieurs
reprises, on ne peut pas, à court terme et même à moyen terme, envisager que l'agriculture du Québec va être
uniquement sous régie biologique. Donc, il faut travailler à améliorer nos pratiques agricoles et il faut que les
citoyens comprennent que cette amélioration-là va se faire dans le temps et qu'on va... et que nous, on
comprenne également que les citoyens ont des attentes envers les agriculteurs.
Donc, ce discours-là, je pense que la commission va permettre de l'ouvrir.
La
réduction des pesticides, ça va passer par le changement des plans de culture,
de l'approche au niveau de la fertilisation,
utiliser plus des engrais verts. Mais pour le secteur des céréales, c'est une
chose, pour le secteur horticole, c'est complètement différent. Ça
demande d'autres approches. Pour le secteur fruitier, on l'a entendu, pour les
pommes, par exemple, c'est un enjeu qui est
très différent que ça l'est pour d'autres secteurs. Donc, ce n'est pas une
recette, mais c'est des filières qui
vont devoir se mettre en collaboration avec les chercheurs. Donc, ça prend de
la recherche pour trouver des méthodes
alternatives. Moi, j'ai entendu qu'on a investi déjà beaucoup en recherche, un
peu pour déjà faire comme si, bien, c'est peut-être assez déjà.
Je
vous dirais juste un chiffre. En 2009, le budget du MAPAQ, par rapport au
budget 2017‑2018, en dollars constants, là, on a 250 millions
de moins de dédiés à l'agriculture qu'en 2009.
Le
Président (M. Lemay) : Merci beaucoup, M. Groleau. Ceci
termine cette période d'échange. Je dois céder la parole au député de
Bonaventure.
M. Roy :
Merci, M. le Président. Écoutez, bonjour, M. Groleau, madame, monsieur. La
majorité des intervenants qui sont
venus ici, toutes origines idéologiques confondues, selon moi, n'ont pas dit
qu'il fallait bannir absolument tous les
pesticides. Ils nous ont dit que la problématique était d'une trop grande
utilisation dans des situations où ce n'était pas utile. Donc, c'est un
constat qui a été fait.
Vous
avez parlé des... Bon, mettons que ça va bien. Le gouvernement nous écoute,
hein, et débloque des sommes importantes
pour soutenir une transition. Vous avez parlé des accords internationaux, de
l'OMC, tout ça, et des stratégies de
compatibilité avec les règles de l'OMC. Comment on fait pour ne pas se faire
accuser de subventions illégales, d'une transition de l'agriculture par
rapport aux autres pays? On fait quoi?
M. Groleau
(Marcel) : Un plan vert agricole, là, c'est totalement compatible avec
l'OMC, parce que c'est des mesures pour
protéger l'environnement, protéger la biodiversité. C'est complètement
compatible avec les règles de l'OMC. Soutenir les prix, ça, c'est
incompatible au-delà d'un certain volume, un certain niveau, mais soutenir
l'environnement, protéger l'environnement, ça, c'est entièrement compatible.
M. Roy :
Puis admettons encore une fois que le gouvernement est à l'écoute...
M. Groleau
(Marcel) : Bien, j'espère qu'il y a quelqu'un qui écoute.
M. Roy :
Non, non, non. Bien, on va répéter, hein? La pédagogique, c'est toujours... On
parle de combien? Quelle somme ça nous prendrait au Québec pour débuter?
M. Groleau (Marcel) : Bien,
nous, regardez, on est assez modestes, parce qu'actuellement on estime à autour
de 40 millions par année les
investissements du Québec en agroenvironnement, là, recherche et soutien à des
programmes inclus, là. Alors, nous, on dit : Si on
ajoute 60 millions par année pendant les 10 prochaines
années, 60 millions dans le budget du Québec, ce n'est pas si
gros que ça, là, mais, si on ajoute 60 millions par année, donc
100 millions par année, pendant les
10 prochaines années, et qu'on fait des programmes qui sont flexibles et
qui ne coûtent pas trop cher à administrer, on peut faire beaucoup,
selon nous.
M. Roy :
Parfait. Bien, merci beaucoup. Et comme ma collègue, je remercie tous ceux et
celles qui ont déposé des mémoires et
qui sont venus ici. J'ai appris beaucoup de choses, mais il va falloir que
j'aille réfléchir quelques semaines. Donc, merci infiniment. Merci, M.
le Président. Merci à tous.
Le
Président (M. Lemay) : Merci, M. le député. Donc,
Mme Colton-Gagnon, M. Groleau et M. Caron, je vous
remercie pour votre contribution à nos travaux.
Avant de
terminer, j'aimerais, au nom de tous les membres de la commission, remercier
l'ensemble des personnes et
organismes qui ont soumis un mémoire dans le cadre de cette consultation. Je
vous rappelle que tous les mémoires ont été analysés et seront pris en
compte pour la suite de nos travaux.
Mémoires déposés
Je dépose
donc les mémoires des personnes et organismes qui n'ont pas été entendus, soit
une liste de 50 mémoires qui seront disponibles prochainement.
Je voudrais
aussi, avant de terminer, aussi faire un message aux membres de la commission
pour vous remercier pour la qualité
de vos échanges avec les témoins tout au cours de cette semaine, ainsi que
toutes les personnes qui ont pu contribuer à la tenue de cette semaine.
Et un merci particulier aussi à Mathieu LeBlanc, du Service de la recherche de
l'Assemblée nationale.
Sur ce, la commission ajourne ses travaux sine
die.
(Fin de la séance à 18 heures)