(Dix
heures une minute)
Le
Président (M. Lemay) :
Alors, bonjour à tous et à toutes. À
l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je
déclare la séance de la Commission de
l'agriculture, des pêcheries, de l'énergie et des ressources naturelles ouverte. Je demande à toutes les personnes présentes dans la salle de bien vouloir
éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.
Donc,
aujourd'hui, la commission est réunie afin de procéder aux auditions
publiques dans le cadre de son mandat d'initiative
visant à examiner les impacts des pesticides sur la santé publique et
l'environnement, ainsi que les pratiques de remplacement innovantes disponibles et à venir dans les secteurs de
l'agriculture et de l'alimentation, et ce, en reconnaissance de la
compétitivité du secteur agroalimentaire québécois.
Alors, M. le
secrétaire, y a-t-il des remplacements?
Le
Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Allaire (Maskinongé) remplace M. Tardif
(Rivière-du-Loup—Témiscouata)
pour l'ensemble du mandat.
Auditions
(suite)
Le
Président (M. Lemay) :
Alors, ce matin, nous entendrons Les Apiculteurs et apicultrices du Québec, l'Institut
national d'agriculture biologique, ainsi que
Mme Louise Vandelac, du Collectif de recherche écosanté sur les pesticides, les
politiques et les alternatives, de l'Université du Québec à Montréal.
Alors,
je souhaite maintenant la bienvenue aux représentants des Apiculteurs et
apicultrices du Québec. Je vous rappelle
que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à
la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite à vous présenter, ainsi que la personne
qui vous accompagne, et vous pourrez y aller avec votre exposé. La
parole est à vous.
Les
Apiculteurs et apicultrices du Québec
Mme Fontaine
(Julie) : Bonjour. Julie
Fontaine, Apiculteurs et apicultrices du Québec, comité de pesticides, et
je suis en compagnie de Raphaël Vacher, premier vice-président des Apiculteurs
et apicultrices du Québec.
Je
tiens à remercier tous les membres de cette commission pour leur intérêt
face aux pollinisateurs. Cette démarche est l'aboutissement de 15 ans de revendications de la part des
apiculteurs, 15 ans pendant lesquels nous avons lancé des cris
d'alarme sur la dégradation de l'environnement de nos pollinisateurs, sur
l'impact direct sur nos colonies d'abeilles mellifères et, par le fait même, la
dégradation des conditions de travail des apiculteurs.
De
nombreux problèmes affectent les ruchers québécois : les varroas, changements climatiques, maladies et pesticides. Les
varroas et les maladies font l'objet d'un contrôle efficace par les
apiculteurs. Les changements climatiques vont nous forcer à modifier la régie
de nos ruchers pour s'adapter à une nouvelle réalité que nous pouvons
difficilement contrôler. Les
pesticides nous demandent de s'attaquer à un problème créé par l'homme et qui
affecte directement nos pollinisateurs.
Les
apiculteurs n'ont jamais demandé l'arrêt complet de l'utilisation des
pesticides, mais bien l'utilisation raisonnée et justifiée de produits toxiques aux pollinisateurs. Une des méthodes
préconisées, la prescription agronomique, décriée par certains, nous
permet de mieux suivre l'utilisation des produits qui sont soumis et de prendre
des décisions éclairées quant à leur utilisation future et leurs répercussions
sur l'environnement des pollinisateurs. En seulement un an, la prescription
imposée sur l'atrazine a permis une
diminution de plus de 40 % de
son utilisation, une diminution importante et rapide qui démontre que le
produit était utilisé plus par habitude et réflexe que par un réel besoin.
Le
Québec, par sa stratégie québécoise de réduction des pesticides, a permis de
faire une avancée dans la protection des
pollinisateurs malgré le fait que l'instance fédérale, l'ARLA, manque à ses
devoirs et homologue des pesticides sans tenir compte de leur utilisation réelle en champ, de leur impact à long
terme sur les pollinisateurs, et surtout en se basant presque uniquement sur des études fournies par les
fabricants de pesticides eux-mêmes. L'homologation d'une molécule de pesticide par l'ARLA ne doit pas justifier son
utilisation irrationnelle et prophylactique en champ. Le Québec doit garder
son caractère distinct et mettre l'emphase
sur sa capacité de comptabiliser, d'orienter et de réglementer, parfois
sévèrement, l'utilisation des molécules homologuées par le gouvernement
fédéral.
Les apiculteurs demandent que le Code de gestion
des pesticides soit non seulement maintenu, mais qu'il soit modifié pour tenir
compte de tous les pesticides, particulièrement ceux qui utilisent la
technologie systémique. La prescription agronomique doit s'appliquer à tous les insecticides qui ont un impact
sur nos pollinisateurs. L'introduction de nouvelles molécules en remplacement des néonicotinoïdes, les
diamides, qui ne sont pas soumis à la prescription agronomique, nous
démontre l'incohérence de l'ARLA dans son processus d'homologation.
Dans
sa révision des néonics, l'ARLA mentionnait que ces produits posent des risques
pour l'environnement dont l'acceptabilité
n'a pas été démontrée et que leur impact sur les invertébrés d'eau douce
présentait un risque aigu et chronique. En même temps, l'ARLA homologuait le chlorantraniliprole et le
cyantraniliprole, deux molécules de la classe des diamides qui sont pourtant considérées comme extrêmement
toxiques chez les invertébrés d'eau douce, et toxiques pour les abeilles
dans le cas du cyantraniliprole. Devant un
tel manque de raisonnement et de cohérence, il y a lieu de se poser des questions sur le fondement même de
l'ARLA et de se conforter dans l'application de notre Code de gestion des pesticides et de sa prescription
agronomique.
Un
autre point que nous désirons soulever est le rapport de force disproportionné
entre les apiculteurs et les fabricants d'intrants.
La capacité financière des fabricants à faire la promotion de leurs produits
aux agriculteurs est immense, et les quelque
200 apiculteurs membres de notre association ne font pas le poids devant
une telle machine qui réussit à
s'insinuer à tous les niveaux gouvernementaux. Un exemple est la table apicole
fédérale, la Bee Health Roundtable,
qui est composée de quelque 40 membres, mais dont seulement trois sièges
sont occupés par des apiculteurs, le reste des sièges étant occupé par les fabricants de pesticides, les semenciers et
les producteurs de grains et autres acteurs gouvernementaux.
Les fabricants
de pesticides font la promotion des pesticides comme étant une assurance vers
un rendement fictif, et la tentation
est forte pour les agriculteurs de céder à ce chantage. C'est le principe du
billet de loterie. Il n'y a aucune garantie
de gagner, mais si on n'achète pas le produit, c'est certain qu'on ne gagnera
rien, et ce, même si de nombreuses études démontrent que les pesticides
ne sont pas la réponse magique aux problèmes qui affectent nos champs.
Des efforts
planifiés, combinant la lutte intégrée, le dépistage agressif en champ et des
programmes de recherche et
développement, permettraient de réduire considérablement l'utilisation de
pesticides, sans pour autant diminuer la productivité
ou bien affecter négativement la rentabilité. Les apiculteurs du Québec
souffrent d'un manque chronique de
financement pour soutenir des programmes de recherche indépendants qui feraient
un suivi adéquat de la situation des pollinisateurs à tous les
niveaux : environnement, santé et amélioration du cheptel.
Les apiculteurs
apportent une contribution bien spéciale au monde de l'agriculture. Les
abeilles mellifères rapportent quelque 200 millions de dollars
annuellement en retombées de pollinisation aux différentes productions
agricoles qui les utilisent, et ce,
avec seulement une cinquantaine de producteurs apicoles spécialisés en
pollinisation. Très peu de productions
agricoles peuvent se targuer d'avoir autant d'effets secondaires positifs avec
un nombre aussi restreint de producteurs
et un financement aussi faible, pour ne pas dire inexistant, de la part des
différents paliers gouvernementaux.
M. Vacher (Raphaël) : Donc,
moi, je vais vous parler de mon expérience d'apiculteur commercial.
Donc, j'ai un
cheptel de 1 500 ruches. Mon entreprise est située à Alma, au Saguenay—Lac-Saint-Jean. Donc, à chaque printemps, on constate des pertes dans
nos ruches. Bon an, mal an, là, au Québec, on a environ 25 % de pertes au
printemps. C'est très variable, 18 à
35 % selon les années. C'est très variable aussi entre les différents
apiculteurs. 25 % de pertes à
tous les ans, je ne sais pas si vous comprenez, mais moi, je ne connais aucune
autre production agricole qui serait capable de soutenir des pertes
aussi élevées année après année.
J'ai
officiellement démarré mon entreprise en 2006. J'ai été confronté à des premières grandes pertes dès 2010, j'ai
eu 50 % de pertes, ce
printemps, 2019, 40 % de pertes. Oui, il y a eu des meilleures
années, à moins de 10 %, mais l'année que je me souviens le plus, c'est
l'année 2015, 80 % de pertes. J'avais 1 000 ruches à
l'automne 2014. Au printemps 2015, il m'en restait 200. Je peux vous dire que j'ai mal filé, j'ai mal dormi
puis je me suis vraiment posé la question si je n'arrêtais pas. On
s'est retroussé les manches puis on a pris la décision de poursuivre.
Je me suis
fait un petit plaisir en calculant toutes les ruches que j'ai perdues depuis
mon démarrage en 2006. J'en suis arrivé à la somme de
2 948 ruches. Si on calcule le prix moyen d'achat d'une ruche, au
printemps, qui est 350 $, j'ai assumé à
peu près 1 million de dollars de
pertes. Ça, ça compte absolument... C'est seulement l'actif que j'ai perdu, là.
Ça ne compte pas la perte de revenus puis ça
ne compte pas non plus les dépenses supplémentaires que j'ai dû faire pour racheter des abeilles. Ce que
je vis, je ne suis pas le seul. L'ensemble des apiculteurs du Québec le vit aussi et l'ensemble des apiculteurs de la planète le
vit aussi.
• (10 h 10) •
Les pertes s'expliquent par plusieurs facteurs.
Ce qu'on dit, c'est multifactoriel.
Le premier
facteur d'importance, c'est les
maladies. Par contre, la recherche, ce qu'elle a démontré, c'est que même
de faibles doses de pesticides réduisent l'immunité de l'abeille. Donc, qu'on
le veuille ou non, les pesticides ont une influence sur le premier facteur.
Le deuxième facteur en importance, c'est les
pesticides eux-mêmes.
Le troisième
facteur, les cultures génétiquement modifiées. Donc, les cultures génétiquement
modifiées demandent des épandages
d'herbicides, mais souvent aussi il y a des fongicides qui sont sur les grains,
et même des insecticides.
Le
quatrième facteur de pertes, c'est les monocultures souvent aussi associées à
l'utilisation des pesticides. Puis comment on peut expliquer que les
monocultures engendrent des pertes au niveau des abeilles? Ça s'explique très
facilement. Il y a une perte de diversité végétale. Donc, il y a une carence
alimentaire au niveau de l'abeille, et ces carences-là font en sorte qu'il y a des pertes
supplémentaires.
Donc, les pesticides, on les retrouve dans les
quatre premiers facteurs de pertes au niveau des ruches.
Les autres
problèmes qui sont liés aux pesticides en apiculture. La durée de vie des
reines. Il y a 20 ans, la durée de vie d'une reine était de quatre à cinq
ans. Aujourd'hui, on parle d'un à deux ans. Il y a aussi une baisse de
fertilité qui a été démontrée par les recherches sur le faux
bourdon, qui est le mâle de l'abeille. Il y a aussi des affaiblissements de
ruches, mouvements désordonnés des abeilles, des paquets d'abeilles, en
avant des ruches, qui sont mortes. Il y a aussi un affaiblissement du système immunitaire de l'abeille et, par le fait
même, plusieurs maladies qui peuvent profiter de la ruche à ce moment-là.
Maintenant,
il y a des opposants. Il y a certains groupes et entreprises qui soutiennent
qu'il n'y a pas de problème de pertes liées aux pesticides au Québec puisque,
de toute façon, le nombre de ruches a augmenté dans les 15 dernières
années au Québec. Bien, ce qu'il faut
comprendre, là, c'est qu'effectivement on est passés d'à peu près
30 000 ruches à 60 000 ruches au Québec dans les 15 dernières années. Mais pourquoi il y a eu
une augmentation du nombre de ruches? C'est très simple, c'est parce qu'il y a eu une augmentation
fulgurante des surfaces en bleuets et en canneberges, et, par ricochet, ils ont
voulu avoir des ruches pour polliniser leurs
cultures, et les apiculteurs ont tout simplement répondu présent, puis il y
avait aussi un potentiel de croissance pour les apiculteurs.
Comment,
maintenant, font les apiculteurs pour subir, d'une part, des pertes de l'ordre
de 25 % à tous les printemps puis
d'être capables de doubler le cheptel en 15 ans? C'est la grande question.
Puis il y a plusieurs gens qui font des mauvaises analyses de cette situation-là, mais c'est une des
grandes questions, puis la réponse est pourtant assez simple, c'est que les apiculteurs ont deux moyens de faire
progresser leur cheptel. Soit ils font l'importation d'abeilles au printemps,
au mois d'avril. Quand on regarde les
statistiques, il y a énormément de paquets d'abeilles qui rentrent de
l'hémisphère Sud au Canada, au
printemps. Deuxième manière, c'est à partir de nos propres ruches vivantes. On
peut démarrer une nouvelle petite colonie à partir de nos propres
ruches.
Donc, c'est
les deux seules méthodes qu'on peut faire, puis c'est ce que les apiculteurs
ont utilisé pour être capables de répondre à la demande. Oui?
Le Président (M. Lemay) : En
conclusion.
M. Vacher
(Raphaël) : Parfait. Donc, l'apport de l'apiculture, 40 % de
notre assiette alimentaire. Les apiculteurs du Québec supportent par leurs
services de pollinisation plusieurs productions agricoles : bleuets,
canneberges, pommes, fraises,
canola, sarrasin, pour ne nommer que ceux-là. Par contre, les apiculteurs sont
les seuls agriculteurs à subir les contrecoups de l'utilisation des pesticides,
puis on a trop peu d'aide.
En résumé,
notre demande, elle est très simple. On demande qu'il y ait une réduction rapide
et très importante de l'utilisation des pesticides, puisque du poison,
ça reste du poison.
Le Président (M. Lemay) : Merci
beaucoup, monsieur. Est-ce qu'on dit M. Vacher ou M. Vachère?
M. Vacher (Raphaël) :
M. Vacher.
Le
Président (M. Lemay) : M. Vacher — parfait — et Mme Fontaine, merci pour votre
exposé. Et nous allons maintenant commencer l'échange avec le député de
Bourget. La parole est à vous.
M. Campeau :
...très intéressant. C'est là qu'on voit que les abeilles, c'est un... À la
fois, c'est grave, comme situation, et
c'est un symptôme quand on regarde ce qui se passe en même temps dans les
différentes productions. Un tas de questions. Vous m'avez appris
énormément de choses que je ne savais pas.
Si j'ai bien
compris, M. Vacher, quand vous dites qu'une ruche, ça coûte 350 $,
comment on fait, comme vous, pour dépenser
1 million? Est-ce que c'est votre travail principal ou c'est un travail
supplémentaire? Je veux dire, comment on fait pour avoir une rentabilité
là-dedans? C'est épouvantable.
Le Président (M. Lemay) :
M. Vacher.
M. Vacher
(Raphaël) : La question n'est vraiment pas facile à répondre. C'est l'apiculteur qui fait la différence. On
travaille plus fort. On est obligés de contrebalancer. Ça demande plus de
travail au niveau de nos entreprises, puis on l'assume parce qu'on est des gens
passionnés puis on croit... On a fait un choix de vie puis on croit aux
abeilles.
Le Président (M. Lemay) : M. le
député.
M. Campeau :
Est-ce qu'il y a un pourcentage qu'on dit normal de pertes de ruches à cause de... L'hiver va être plus
froid, moins froid, il va pleuvoir... Quand vous avez parlé de 25 % tantôt, je me suis demandé : Est-ce
qu'il est en train de nous dire que c'est un pourcentage normal? J'imagine que
non, là, mais... O.K. Ça fait que, donc, il est normal un peu d'en perdre quelques-unes, mais
jamais autant que ça?
M. Vacher
(Raphaël) : Exactement. Donc, ce qui est reconnu, c'est qu'on devrait
être en bas de 10 %. Donc, on est à 25 % maintenant,
dépendamment des années. Donc, il y a à peu près trois fois trop de pertes.
Le Président (M. Lemay) : M. le
député.
M. Campeau :
Vous avez parlé du système immunitaire des abeilles. Pouvez-vous nous en dire
plus là-dessus? Est-ce que c'est
quelque chose qui a été réellement démontré? Comment on a pu démontrer ça, là?
Je suis vraiment curieux de comprendre comment ça fonctionne.
M. Vacher (Raphaël) : Je ne
suis pas chercheur. Donc, de vous expliquer comment ils ont pu procéder aux recherches,
ça, je ne peux pas nécessairement vous l'expliquer. Par contre, il y a vraiment
eu beaucoup d'études qui ont été faites sur l'immunité de l'abeille. Donc,
l'abeille, c'est un insecte, mais c'est aussi un animal, qu'on le veuille ou
non, puis il a un coeur, il a un
système sanguin, il a un système immunitaire comme n'importe quelle espèce qui
vit sur terre. Donc, les chercheurs ont fait des groupes types, puis des
groupes qui étaient exposés aux pesticides, puis c'est ce qu'ils ont pu
constater dans leurs recherches.
Le Président
(M. Lemay) : Alors, M. le député.
M. Campeau :
Est-ce que vous avez été à même de constater que, dans un endroit où on irait
vers des cultures bio, on voit vraiment une différence? Est-ce qu'on a pu
mettre des données en arrière de ça? Je me rends compte que... Si vous
n'avez pas la réponse, c'est bien correct, là.
Le
Président (M. Lemay) : Aucun problème aussi, là, j'essaie de
jauger ça, mais allez-y, M. Vacher, je crois comprendre...
M. Vacher
(Raphaël) : Bien, il faut comprendre que la mosaïque agricole au
Québec est quand même assez similaire, là. On a sensiblement de l'agriculture
industrielle pas mal partout au Québec. On a quelques petites zones épargnées, mais il n'y a pas vraiment eu d'études
là-dessus, là, au Québec, là, à savoir est-ce qu'il y a des zones où il y a des
productions biologiques, où est-ce qu'il y a moins de pertes. Ça n'a pas été
fait, au Québec, là, au niveau des études, puis je n'ai pas d'études qui me confirment ça ailleurs. Mais on a des
exemples de pays, je pense à Cuba entre autres, où, pendant longtemps, à cause de l'embargo, ils n'ont
pas eu accès aux pesticides. Même encore aujourd'hui, ils ont des pertes
beaucoup plus basses. Ils ont des pertes en bas de 10 %.
Mme Fontaine
(Julie) : ...naturel des apiculteurs. Les gens quittent les régions où
il y a beaucoup de cultures utilisant des pesticides et déménagent les ruchers
en montagne, en périphérie, pour justement éviter ce genre... ces
empoisonnements-là qui sont devenus chroniques. Alors, on le voit par
les réflexes des apiculteurs eux-mêmes de quitter ces régions-là.
Le Président
(M. Lemay) : M. le député.
M. Campeau :
Je vais pouvoir passer la parole à mes collègues. Une dernière question. Je
pense, c'est Mme Fontaine en
particulier, vous en avez parlé, le pouvoir des lobbys. Vous ne l'avez
peut-être pas dit de cette façon-là, mais je pense qu'on a clairement
compris, et j'aimerais ça que vous élaboriez un peu plus, s'il vous plaît,
là-dessus.
Le Président (M. Lemay) :
Alors, Mme Fontaine.
Mme Fontaine
(Julie) : Bien, le plus bel exemple, c'est ce que je parlais, c'est la
table apicole au niveau fédéral, qui
est composée d'à peu près 40 membres, et là-dessus il y a seulement trois
apiculteurs. Le reste, c'est des membres, entre autres, de CropLife et des semenciers. On avait fait des représentations
auprès d'eux et on a eu une fin de non-recevoir, comme quoi que la présence des apiculteurs n'était pas requise plus que
ça. Pourtant, pour les mêmes tables, au niveau fédéral, la proportion des
producteurs qui représentent la production ciblée est d'à peu près 35 %,
40 %. Alors là, on est vraiment très loin. Je pense qu'ils ne
veulent juste pas nous entendre.
Le
Président (M. Lemay) : Merci, M. le député de Bourget. Sur ce, je
cède la parole à Mme la députée d'Abitibi-Ouest.
Mme Blais
(Abitibi-Ouest) : Merci, M. le Président. Merci beaucoup pour votre
présentation. Lorsque je vous écoute, un mot me revient, «résilience».
Alors, je vous admire. Il ne faut pas lâcher.
Les
néonics ont été interdits en Europe en décembre dernier. Considérant cette
action, trouvez-vous que l'ARLA en fait assez?
Le Président
(M. Lemay) : Alors, Mme Fontaine, allez-y.
Mme Fontaine
(Julie) : Non, clairement, non.
Mme Blais
(Abitibi-Ouest) : Et quels seraient les points...
Mme Fontaine
(Julie) : Bien, le problème, c'est que l'ARLA se fie à des recherches
fournies par les fabricants d'intrants eux-mêmes. Puis, comme je le disais, ils
homologuent tout et son contraire, parce qu'ils ont refait une révision des néonics en disant qu'ils
étaient dangereux pour les invertébrés aquatiques et, en même temps, ils
homologuent des molécules qui sont encore plus toxiques, et sur lesquelles il
commence à y avoir des recherches qui sortent — les diamines — pour
dire que, oui, il y a des effets néfastes sur nos insectes.
Malheureusement,
ils ne tiennent pas en compte non plus les quantités phénoménales de mélanges
qui se font en champ. Eux, ils homologuent une molécule. Ils ne regardent que
la molécule, mais le problème, c'est qu'en champ on mélange des fongicides, on mélange des
insecticides. Et là ça décuple l'effet que ces produits-là ont sur les
abeilles, malheureusement, et ça, bien, c'est notre cheval
de bataille. On veut que l'ARLA regarde ce qui se fait vraiment en champ
et fasse des études basées sur les utilisations réelles.
• (10 h 20) •
Le Président
(M. Lemay) : Mme la députée.
Mme Blais
(Abitibi-Ouest) : Considérant la disparition de pollinisateurs, outre
que le néonic, est-ce qu'il y a autres insecticides qui sont aussi
ravageurs?
Le Président (M. Lemay) :
Mme Fontaine.
Mme Fontaine
(Julie) : L'emphase a été mise sur les néonics, mais n'importe quel
insecticide va éventuellement affecter
les abeilles. Le problème avec les néonics, c'est la technologie systémique.
C'est la plante qui boit l'insecticide et devient un poison au complet. Alors
là, l'abeille ramasse le pollen, ramasse le nectar, ramène ça à la ruche, fait
un beau petit pain de pollen et, après ça, nourrit son couvain avec.
Alors, c'est vraiment un problème.
Ces produits-là
sont aussi hautement lessivables, se ramassent dans les flaques d'eau dans les
champs, et il n'y a rien qui attire plus une abeille qu'une belle flaque d'eau
boueuse dans le milieu d'un champ fraîchement semé. Elles vont y aller, elles se jettent là-dessus, là, et puis
là elles ramassent à peu près tout ce qu'il y a de pesticides qui a été épandu
dans le champ, dans cette flaque d'eau, et ramènent ça à la ruche.
Le Président (M. Lemay) : Mme
la députée.
Mme Blais
(Abitibi-Ouest) : Combien d'apiculteurs ont quitté leur profession
depuis les cinq dernières années?
Mme Fontaine
(Julie) : Je n'ai pas de chiffre exact là-dessus, mais c'est très
aléatoire. Je ne sais pas si Raphaël...
M. Vacher
(Raphaël) : Bien, personnellement, j'en connais un qui vient de
quitter cette année, un apiculteur de plus de 1 000 ruches, puis, l'année dernière, un apiculteur de
1 500 ruches et plus qui a aussi quitté. Donc, oui, oui, ça fait mal.
Mme Fontaine
(Julie) : C'est sûr qu'il y a eu un mouvement très sympathique envers
les abeilles, et les gens se sont
dit : Je vais sauver les abeilles, je vais aller me chercher une ruche que
je vais mettre sur ma propriété. Le problème avec ça, c'est que, bon, les
gens ne font nécessairement des analyses de la nourriture qui est disponible
pour cette ruche-là. Les ruches sont
mal gérées, et ce n'est pas avec une ruche qu'on peut aller faire de la
pollinisation dans les canneberges, ou
les fraises, ou les pommiers, malheureusement. Ça prend des apiculteurs ruraux avec
des grandes quantités de ruches pour réussir à faire ça.
Le
Président (M. Lemay) : Parfait. Je crois que M. le député de
Dubuc a une brève question. Allez-y, M. le député.
M. Tremblay : Rapide. Dites-moi, est-ce qu'il existe un plan de
zonage ou une réglementation, au niveau du territoire où vous êtes implantés,
par rapport... On parle de bandes riveraines pour d'autres types de cultures,
mais là, dans ce qu'on parle, au
niveau de l'apiculture, ça peut être très large comme... Est-ce qu'il y a du
travail qui se fait actuellement pour protéger des zones précises?
Le Président (M. Lemay) :
M. Vacher.
M. Vacher
(Raphaël) : Pas vraiment. Donc, il n'y a pas grand-chose, il n'y a pas
de loi. Oui, le MAPAQ a certaines obligations qu'on doit respecter, comme une
distance entre le chemin public puis les ruches ou les résidences, mais il n'y a rien qui définit, là, la
répartition du territoire chez les apiculteurs.
Le Président (M. Lemay) : O.K.
Donc, je cède maintenant la parole au député de Lac-Saint-Jean.
M. Girard
(Lac-Saint-Jean) : Bonjour, M. Vacher et Mme Fontaine. Ça me
fait plaisir de vous entendre. 15 ans pour l'homologation au niveau
de l'ARLA, c'est-u trop long?
Le Président (M. Lemay) :
Alors, Mme Fontaine.
Mme Fontaine
(Julie) : Bien oui. Rendus au bout de 15 ans, les dommages ont
été faits. Mais ce n'est pas juste ça, c'est que les compagnies ont des
brevets qui durent un certain temps. Alors, c'est sûr qu'au bout de 15 ans
il y a déjà d'autres molécules qui sont en
remplacement. Alors, c'est clair qu'il faut que les études soient faites sur
une base de temps beaucoup plus
restreinte que 15 ans. Et je pense que le principe de précaution doit
absolument s'appliquer. Si on suspecte qu'un produit a une incidence
néfaste sur les pollinisateurs, il devrait être automatiquement mis à l'index.
Le Président (M. Lemay) : Très
bien. M. le député de Lac-Saint-Jean.
M. Tremblay : Ce serait quoi,
dans un monde idéal, les délais de l'ARLA, selon vous?
Mme Fontaine (Julie) : Bien,
dans un monde idéal, ce serait ne pas les utiliser, mais disons qu'on n'est pas
rendus là. Mais ça fait tellement longtemps
qu'on sonne l'alarme là-dessus, puis qu'il n'y a jamais personne qui a voulu
nous écouter, et les recherches sortaient de partout sur
la planète pour dire que ces produits-là avaient une incidence négative sur les pollinisateurs. Alors, je pense
que ce qui est arrivé, c'est qu'ils ont fait vraiment la sourde oreille à tous les avertissements
qui arrivaient de partout. Moi, je
pense qu'à tous les trois ans un
produit de cette toxicité-là devrait être remis pour une révision
d'homologation.
Le Président (M. Lemay) : Très
bien. M. le député.
M. Girard
(Lac-Saint-Jean) : Merci de
votre réponse. Puis, quand vous dites... bien, justement, là, cette commission-là,
le mandat d'initiative est là justement pour vous écouter, quand vous parlez de
trois ans.
Mme Fontaine (Julie) : Merci.
M. Girard
(Lac-Saint-Jean) : Alors, je
vais y aller un petit peu... Il me reste combien de temps, M. le Président?
Le Président (M. Lemay) :
Environ trois minutes, M. le député.
M. Girard
(Lac-Saint-Jean) : O.K.
Moi, je vais y aller un petit peu plus au niveau de la pollinisation. Je sais
qu'on dit que, s'il n'y a
plus d'abeilles, on perd 70 % de
toute la biodiversité, les fruits et légumes, je pense, c'est ça, mais
je pense que M. Vacher est plus connaissant là-dedans.
M. Vacher,
peut-être m'expliquer un petit peu... Je sais que la pollinisation est devenue
une source importante de revenus pour
vous autres, hein, puis que vous travaillez en collaboration, en étroite
collaboration avec, entre autres, les producteurs
fruitiers, entre autres, exemple, dans le bleuet. J'aimerais ça savoir un petit
peu comment ça fonctionne, parce qu'il
y a des interventions qui se font, et vous rentrez vos ruches à un moment
donné, tout ça, puis savoir, avec les producteurs de bleuets, entre autres, puis c'est un peu la
même chose avec les autres producteurs... Puis ils ont des cahiers de charges,
en passant. Je sais... Bleuets boréals,
on parle maintenant de CanadaGAP, tout ça, qui sont assez... quand même, qui
ont une conscience, là. Mais
expliquez-moi un peu comment ça fonctionne dans les petits fruits, là, quand
vous arrivez avec les producteurs.
Le Président (M. Lemay) :
M. Vacher.
M. Vacher
(Raphaël) : Grosso modo, dans le fond, on prépare nos ruches pour la
pollinisation. On a des standards à
respecter, de force minimale, pour que l'effet de pollinisation soit optimal.
Puis, quand on respecte ce standard-là, on est garantis d'avoir un certain prix pour nos ruches. Donc, grosso modo, là,
les prix varient de 130 $ à 150 $ pour la location d'une ruche pendant la période de floraison. Donc,
si la période de floraison, par exemple dans le bleuet, est de trois semaines, bien,
on va être présents pendant trois semaines pour justement faire en sorte qu'ils
puissent avoir des bleuets en bout de ligne. S'il n'y a pas de ruches,
il n'y aura pratiquement pas de bleuets.
Le Président (M. Lemay) : Très
bien. M. le député.
M. Girard
(Lac-Saint-Jean) : Durant cette période-là, les producteurs, qu'est-ce
qu'ils font? Est-ce qu'ils épandent des... Ils épandent-u des produits?
M. Vacher
(Raphaël) : Bien, dans le fond, les producteurs de bleuets,
ils ont quand même un minimum de choses à respecter, entre autres de ne pas faire de traitements qui pourraient
porter atteinte aux abeilles. Donc, ça, c'est entendu, là, en temps normal, soit par une entente orale ou par
contrat écrit, mais on a des contrats de base, là, qui sont dans le marché,
qu'on peut avoir accès, pour ça.
M. Girard
(Lac-Saint-Jean) : Il y a quand même une conscience éthique, là, de la
part de certains producteurs.
M. Vacher
(Raphaël) : Chez les producteurs de bleuets, assez bien, oui, on n'a
pas trop de problèmes là. Mais on a d'autres difficultés dans d'autres
productions où, là, c'est plus difficile.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
O.K.
Le Président (M. Lemay) : M. le
député de Bourget, pour une dernière question.
M. Campeau :
Ce que je comprends, les néonics, on est lents, c'est clair. Deuxièmement,
l'ARLA, vous en avez abondamment
parlé, mais ne soyons pas condescendants, là, qu'est-ce que... On aime beaucoup
ça être distincts, au Québec, là. Qu'est-ce que le Québec devrait faire
de plus?
Le Président (M. Lemay) :
Alors, Mme Fontaine.
Mme Fontaine
(Julie) : Bien, tous les pesticides systémiques devraient être soumis
à la prescription agronomique,
parce que, pendant 15 ans de temps, on
a chialé, il n'y a rien qui s'est fait. On se faisait dire que les agriculteurs
pouvaient s'autoréguler et diminuer par eux-mêmes
l'utilisation des pesticides. Clairement, ce n'était pas le cas, et ça a pris
un instrument de coercition, la prescription
agronomique, pour prouver très rapidement, comme dans le cas de l'atrazine,
que, oui, ça se fait, diminuer les
produits qui sont toxiques. Mais, nous, c'est clair, là, on n'a jamais demandé
l'arrêt total de l'utilisation des
pesticides. On ne veut juste pas que soit utilisé en champ ce qui n'a pas à
être utilisé en champ. Dans le cas des
enrobages de semences, dans 96 % des cas, il n'y avait pas l'insecte dans
le champ. C'était vendu comme une précaution. Alors, les gens...
Le
Président (M. Lemay) : Mme Fontaine, je dois vous
interrompre. On est maintenant rendus à la période de temps avec
l'opposition officielle. Et je cède maintenant la parole à la députée de Maurice-Richard.
• (10 h 30) •
Mme Montpetit :
Je vous remercie, M. le Président. M. Vacher, Mme Fontaine, merci
d'être avec nous aujourd'hui.
C'est très intéressant, ce que vous venez nous présenter. J'ai beaucoup de
questions.
Puis je fais
un petit caveat, là. J'ai une affection particulière et je la dévoile... Mon
père était apiculteur quand j'étais jeune.
Donc, j'ai grandi entre des ruches, dans une zone agricole, et j'ai pu
constater, à l'époque, au début des années 1990, entre autres, comment il y a eu des déclins de
colonies d'abeilles hyperimportants en Montérégie-Ouest. Donc, je suis...
Et puis je
voudrais revenir sur votre échange avec le député de Bourget juste pour bien comprendre, parce que moi,
j'étais... Je suis contente qu'on ait fait
un premier pas au Québec, dans les dernières années, sur, justement,
l'encadrement des néonicotinoïdes,
sur ce qu'on appelle, justement, en raccourci, les tueurs d'abeilles. Je pense
que c'est un premier pas très important. C'est un premier pas en Amérique du
Nord notamment. C'est une réglementation qui est audacieuse dans la mesure où
elle est respectée. Donc, j'ai un peu de difficulté à comprendre le commentaire
d'on est lents au niveau des néonicotinoïdes.
Est-ce que c'est parce que vous souhaitez qu'il y ait des... Expliquez-moi
exactement ce que vous souhaitez que
la réglementation fasse, parce que vous dites que vous ne souhaitez pas que ce
soit interdit complètement. Il y a une réglementation qui est en place.
Comment...
Puis ce que
je souhaite souligner... Parce qu'on a parlé beaucoup de l'ARLA, mais ce que ça
a démontré, cette réglementation-là,
c'est qu'au Québec on a toutes les compétences et on a tous les pouvoirs pour
prendre toutes les décisions qu'on souhaite en termes d'encadrement,
d'herbicides et de pesticides. Que l'ARLA prenne ses décisions sur les
glyphosates ou sur les nics, au
Québec — et ils
sont venus nous le présenter au printemps — on a toute l'autonomie de prendre des décisions qui sont plus restrictives
que ne le fait le reste du Canada. Donc, ça, je pense que c'est rassurant. Moi, ce que
je veux savoir, c'est : Est-ce que vous jugez, donc, que le gouvernement
du Québec doit poursuivre et doit aller encore plus loin dans l'application de cette réglementation-là? Et, si
oui, de quelle façon exactement?
Le Président (M. Lemay) :
Alors, Mme Fontaine.
Mme Fontaine
(Julie) : Bien, pour renchérir, ce que je disais au député de Bourget,
c'est surtout que l'ARLA est la porte
d'entrée de ces produits-là. Alors, le Québec se doit de continuer sa
réglementation, qu'elle soit encore plus efficace et plus restrictive, parce que le fédéral ne fait
pas sa job, puis c'est nous qui en subissons les conséquences. Le Québec
et l'Ontario,
c'est les provinces où il y a le plus d'utilisation de maïs et de soya enrobés
aux néonics présentement au Canada. C'est peut-être pour ça qu'on a
beaucoup de problèmes aussi avec les pertes de nos colonies.
Alors, la
réglementation provinciale se doit d'être encore plus restrictive à tous les
niveaux, pour tous les pesticides, comme
je le disais, systémiques qui peuvent affecter les pollinisateurs. Continuer la
réglementation, continuer de faire aussi les dépistages, que ce soit dans
l'eau, et beaucoup plus efficaces, plus rapides aussi de consultation, qu'on
puisse, après ça, prendre les bonnes décisions qui s'imposent selon
les régions, parce que ce n'est pas toutes les régions qui ont ces problèmes-là. Alors,
il faut vraiment que ce soit ciblé. Mais moi, je continue de dire, et les
apiculteurs, apicultrices, c'est notre cheval de bataille : La
prescription agronomique est nécessaire, elle doit demeurer et elle doit être
étendue.
Le Président (M. Lemay) :
Merci. Mme la députée de Maurice-Richard.
Mme Montpetit :
Je vous remercie. C'est très clair comme réponse. Vous parliez de 25 % de
pertes dans les dernières années au niveau de vos colonies d'abeilles. Je sais
qu'il y avait tout l'enjeu du varroa aussi qui était présent. À combien vous attribuez... puis, je le sais, ce
ne sera pas précis comme réponse, mais, vous, votre évaluation de l'impact des
pesticides sur vos pertes par rapport à, bon, à des pertes normales par rapport
au varroa, c'est quoi exactement?
Le Président (M. Lemay) :
Alors, M. Vacher.
M. Vacher (Raphaël) : Il n'y a
malheureusement pas d'études. Donc, ça va être l'impression de l'apiculteur. J'ai parlé de ce sujet-là, justement, dernièrement
avec certains apiculteurs pour avoir un peu une idée générale, puis ce qui
ressortait, là, c'est le tiers. Donc, le tiers de nos pertes serait en lien
avec les pesticides.
Le Président (M. Lemay) :
Parfait. Mme la députée.
Mme Montpetit :
Et est-ce que vous êtes en mesure, justement, de nous informer sur... Est-ce
qu'il y a eu une progression, tu sais, si on remonte aux cinq, aux 10, aux 20,
aux 30 dernières années? Est-ce que vous êtes à même de nous informer?
Est-ce qu'il y a eu une progression? Est-ce que le déclin, justement, est de
plus en plus accentué? Et est-ce que
vous êtes capables de faire, même si c'est une impression, parce qu'il n'y a
pas d'étude là-dessus, est-ce que vous êtes capables de faire des corrélations entre,
justement, des régions aussi? Il y a des régions où il y a des agricultures
plus grandes qui utilisent plus de
pesticides. Est-ce que les apiculteurs font ces constats-là qu'en région
l'utilisation de pesticides il y a plus de déclin que, par exemple, dans
des régions où il y a une moins grande utilisation?
Le Président
(M. Lemay) : M. Vacher.
M. Vacher
(Raphaël) : Il n'y a pas vraiment eu d'études là-dessus non plus. Par
contre, dans les zones où il y a... Par
exemple, la Montérégie, il y a
beaucoup plus d'utilisation de pesticides et aussi de grandes cultures. Il y a
habituellement plus de pertes mais surtout moins de rendement en miel. Donc,
les apiculteurs travaillent pour reconstituer leur cheptel, puis il y a une partie de l'énergie de la ruche qui va
dans bâtir une nouvelle colonie. Donc, la production de miel, automatiquement,
elle baisse. Donc, quand on regarde les
différents rendements, ce qu'on voit, c'est que, dans les régions où il y a une
forte agriculture, les rendements
sont plus faibles. Donc, on voit des rendements plus élevés dans les régions
éloignées, là, au niveau agricole. Donc, c'est ça.
Et
j'ai parlé des pertes printanières, mais je ne vous ai pas parlé des pertes
qu'on subit pendant l'été. Or, ces
pertes-là ne sont pas répertoriées par le MAPAQ, donc on n'a
pas beaucoup de détails là-dessus puis les pertes liées aux
pesticides se font souvent pendant la saison.
Le Président
(M. Lemay) : Mme la députée.
Mme Montpetit :
Au niveau de la productivité, est-ce que c'est des données qui sont disponibles
ou que vous pourriez fournir à la commission comme information?
M. Vacher
(Raphaël) : Oui, absolument.
À l'Institut de la statistique, c'est très clair, là. Si on prend les données
de 2000, début des années 2000 jusqu'à aujourd'hui, on voit très bien la baisse de rendement. Et aussi la financière, qui
a des programmes avec les
apiculteurs, puis on voit aussi qu'il
y a une baisse année après année, là,
du rendement chez les apiculteurs.
Le Président
(M. Lemay) : Alors, Mme la députée.
Mme Montpetit : Elle se chiffre à combien, un, la diminution,
puis, deux, vous me dites, s'il y a une variation d'une région à l'autre, ça
peut être de quel ordre de grandeur? En kilos, j'imagine.
Le Président
(M. Lemay) : M. Vacher.
M. Vacher
(Raphaël) : On parle de
kilos, de livres, là. Mais le rendement moyen actuellement au Québec,
là, c'est 35 kilos par ruche, donc à peu près 75 livres. Avant, le
rendement était quand même pas mal plus supérieur que ça. On parlait
de rendement moyen, là, de 150 livres, donc presque le double.
Le Président
(M. Lemay) : Mme la députée.
Mme Montpetit : Donc, c'est des pertes économiques. Non
seulement, tout à l'heure, on soulignait justement la perte de
cheptel, l'achat d'un essaim, dans le fond, mais, en plus de ça, il y a une
perte directe sur la productivité.
M. Vacher
(Raphaël) : Évidemment.
Mme Montpetit : Est-ce
que les apiculteurs ont des
compensations, quelque compensation financière que ce soit qui
est reliée à cette perte de production?
M. Vacher
(Raphaël) : Bon, on a deux
assurances récoltes, donc une qui est liée à la production de miel, une qui est
liée aux pertes d'abeilles pendant l'hiver. Il faut comprendre par contre que
ces assurances récoltes là sont sur un historique individuel. Donc, si, année après année, vous avez
des pertes, bien, à un moment donné, vos assurances ne fonctionnent plus.
Dans
un autre côté, on a aussi accès à tous les autres programmes
fédéraux, que ce soit Agri-Stabilité, Agri-Investissement. Donc, on a
accès à ça, mais il faut encore là que l'apiculteur décide d'y adhérer.
Le Président
(M. Lemay) : Mme la députée.
Mme Montpetit : Parfait. Puis vous avez mentionné, au niveau des
services des pollinisateurs, là, la part de notre assiette qui est due ou qui
nécessite, dans le fond, le travail des pollinisateurs. Vous avez
mentionné 40 %. J'avais toujours
entendu le chiffre de 33 %. Donc, peut-être
qu'il n'était pas à jour. Est-ce que c'est un chiffre, le 40 %, pour le Québec?
M. Vacher
(Raphaël) : Pas
nécessairement, là. Les chiffres varient beaucoup, là, quand on regarde
la littérature. On entend même, des fois, 80 % parce que,
là, les gens vont additionner ce que les animaux consomment au niveau des
plantes qui peuvent être en
lien avec la pollinisation. Mais, bon, tout le monde s'entend pour dire que
40 %, c'est pas mal la moyenne, là.
Donc,
c'est certain que l'apiculture, écoutez, 40 % de notre assiette
alimentaire, là, c'est énorme. Le travail des pollinisateurs est extrêmement important, et, malheureusement, les
pollinisateurs, actuellement, nous montrent des signes évidents
de faiblesse, que l'environnement ne va pas bien, puis on a vraiment
des grosses études actuellement, mondiales, qui démontrent l'effondrement
des pollinisateurs partout sur la planète.
Le Président (M. Lemay) : Mme
la députée.
Mme Montpetit : Moi, j'aurais une dernière question, encore là
sur la répartition géographique, parce
que, si je me souviens bien,
une abeille parcourt un kilomètre au maximum, hein? Sinon...
M. Vacher (Raphaël) : Ça peut
aller beaucoup plus que ça. Ça peut aller à cinq kilomètres.
Mme Montpetit :
Ah! O.K. parfait. Donc, est-ce qu'il n'y a pas une question de... je présume
que les apiculteurs, comme mécanismes
de défense, ont un peu... n'installent pas leurs ruches... essaient d'éviter, à
tout le moins, d'être près de ce type
de grandes cultures ou est-ce que... je ne suis pas sûre que vous avez eu cette
discussion-là entre vous, entre apiculteurs. Qu'est-ce qui est fait
exactement en termes de prévention?
Le Président (M. Lemay) :
M. Vacher.
M. Vacher
(Raphaël) : C'est sûr qu'il y a eu des discussions entre apiculteurs.
Vous devez comprendre qu'il y a quand même des apiculteurs un peu partout sur
le territoire. Il n'y a pas de territoire vierge où il n'y a pas d'abeilles. On
couvre assez bien le territoire.
Écoutez, il y a des apiculteurs qui tentent de déplacer leurs ruches, mais ça
amène d'autres problèmes de partage
de territoire. Donc, il faut faire très attention à ça. Quand on a une ferme
puis qu'on est déjà installé dans un endroit, qu'on a une famille, écoutez,
c'est rare que les gens vont décider demain matin de déménager. Donc, les gens
font de la résilience. Écoute, on n'a pas le choix, on est obligés de vivre
avec l'agriculture qu'il y a alentour de nous.
Le Président (M. Lemay) : Merci
beaucoup.
• (10 h 40) •
Mme Fontaine
(Julie) : Si je peux me permettre de rajouter, c'est que les abeilles,
quand on les amène en pollinisation,
entre autres aux bleuets, aux canneberges, souvent, on est obligé de les
nourrir. Il n'y a pas assez de nourriture là-bas. Alors, quand on les ramène, il faut qu'elles
soient mises dans des endroits où il y a de la diversité florale. Il faut
qu'elles puissent se nourrir et
ramener du pollen différent. Alors, c'est beau se dire : O.K. On va
s'éloigner des endroits où il y a l'utilisation
des pesticides, mais les endroits où
la nourriture pour les insectes existe diminuent d'année en année. Les prairies qui
étaient laissées en floraison ont diminué de plus de moitié, puis ça, c'était
dans les derniers chiffres, je pense, c'était 2007.
Le
Président (M. Lemay) : Merci beaucoup, Mme Fontaine. Je dois vous interrompre à nouveau pour céder la
parole, maintenant, à la députée de Rouyn-Noranda—Témiscamingue.
Mme Lessard-Therrien : Bonjour. Très intéressant. J'ai vraiment peu de temps, mais j'aurais trois petites
questions. Je vous les défile, puis vous tenterez d'y répondre. J'étais
curieuse de savoir : Est-ce qu'il y a une différence de rendement au niveau des abeilles exportées
versus les abeilles de colonie? Quand vous disiez... vous aviez des pertes, vos moyens de pallier à ça, c'est soit
d'exporter... d'importer des abeilles, c'est-à-dire, versus les abeilles de
colonie?
Aussi, au
niveau de l'application des pesticides, on en entend beaucoup parler dans les
cultures plus de céréales, maraîchères,
moins, peut-être, au niveau des petits fruits. Ça fait que, tu sais, quel genre
d'application ils sont faits dans ces cultures-là?
Et,
finalement, dans votre mémoire, vous parliez que les semences non traitées sont
disponibles seulement sur demande, et les agriculteurs doivent insister pour y
avoir accès. Donc, il y a vraiment une difficulté d'approvisionnement à
ce niveau-là. Ce serait quoi, vos recommandations là-dessus?
Le Président (M. Lemay) :
Super. Donc, trois questions en 2 minutes.
Mme Fontaine (Julie) : Je peux peut-être
répondre pour le rendement en miel. C'est souvent la question de génétique de la reine. Il y a
certaines lignées d'abeilles qui sont beaucoup plus portées à faire du miel que d'autres. Exemple,
l'abeille africanisée ne fait pas de miel ou
très peu de miel, tandis que l'abeille mellifère européenne va faire beaucoup
plus de miel. Et les reines sont
sélectionnées en... c'est un des premiers caractères qui est sélectionné chez
les reines, c'est le rendement, entre autres, en miel, avec d'autres
caractères, là.
Pour ce qui
est des semences non enrobées difficilement accessibles, bien, ça, c'est... ça
fait des années qu'on le dit, les
semenciers préconisaient d'avoir le moins, j'imagine, de stock possible. Alors,
ils préféraient fournir juste de l'enrobé, ça faisait moins de sacs à garder en storage. Alors, c'est très
difficile parce que le problème, c'est que les agriculteurs passent leurs commandes en novembre, avant la
prochaine saison, et là c'est difficile de prédire les printemps hâtifs, les
printemps mouilleux. Et là, bien, après ça, c'est la valse de... les semences
ne sont plus disponibles. Alors, la seule chose qui reste de disponible, c'est de l'enrobé. On
l'a vu justement ce printemps. C'est exactement ce qui est arrivé.
M. Vacher
(Raphaël) : Moi j'aimerais
revenir sur les rendements des abeilles importées. Dans le fond, les abeilles importées ne sont pas adaptées à notre climat, donc ce
n'est pas nécessairement un bon choix que d'importer des abeilles. Et on
peut aussi importer des maladies qu'on n'a pas ici, donc il y a
un risque associé à l'importation.
C'est pour ça que, depuis quelques années, là, chez les apiculteurs, on préconise que ce
soit le Québec, donc, qui produise plus de nucléi pour répondre à la
demande des autres apiculteurs. Donc, on essaie de mettre en place, là, une
offre plus importante pour compenser les
pertes.
Le Président (M. Lemay) : Merci
beaucoup. Ceci complète la période d'échanges.
Je cède maintenant la parole au député de
Bonaventure.
M. Roy :
Merci, M. le Président. Bonjour. Bon, il faut être vite, puis on n'a pas
beaucoup de temps. Tout à l'heure,
vous avez dit que vous aviez des ententes
verbales avec les producteurs de bleuets qui respectaient, bon, les ruches,
etc., qui n'arrosaient pas pendant la
pollinisation, mais vous avez dit que vous aviez des troubles avec d'autres
producteurs. On parle des producteurs de?
M. Vacher
(Raphaël) : Bien, essentiellement, les problématiques que les
apiculteurs vivent, c'est plus au niveau de la canneberge. Donc, il y a des produits qui sont... Dans le fond, à
un moment donné, les producteurs de canneberges dépassent certains
seuils au niveau des insectes nuisibles, et il peut arriver, là, qu'ils font
des traitements sans que les ruches soient
parties. Et là, bien, c'est sûr que ça amène... ça occasionne des pertes très
importantes. En temps normal, il est
spécifié qu'on doit être averti d'avance pour qu'on puisse avoir le temps de
sortir nos ruches, mais c'est arrivé, dans certaines situations, où ça
ne s'est pas fait.
Le Président (M. Lemay) : M. le
député.
M. Roy : Est-ce que la
financière prend en considération ce genre de problématique là et vous
indemnise?
M. Vacher (Raphaël) : Pas du
tout. Absolument pas.
M. Roy :
Parce que, tout à l'heure, vous parliez, bon, de la financière, de l'assurance
récolte. Vous avez dit que certains apiculteurs vont adhérer aux programmes
fédéraux et d'autres, non. Est-ce que ce sont des programmes accessibles,
et qui sont équitables, et qui vous aident, ou que ce n'est absolument pas
accessible, puis vous...
Le Président (M. Lemay) :
...Vacher.
M. Vacher
(Raphaël) : Bien, c'est des programmes qui sont accessibles, qui nous
aident, mais seulement pendant un certain laps de temps. Donc, une fois qu'on a
épuisé ces systèmes-là, on n'a plus rien. Je veux dire, ça prend à peu près cinq
ans, là, parce qu'on subit des pertes à tous les ans. Donc, ça prend quelques
années seulement puis, après ça, ça devient inefficace. Donc, il y a
vraiment une problématique, de ce point de vue là, pour nous.
Le Président (M. Lemay) : M. le
député.
M. Roy :
Je le goût de vous dire que, si le fédéral ne fait pas son travail, si nous
étions un pays, ce serait beaucoup plus simple, mais là je fais de la
politique.
Écoutez, l'effondrement, bon, des pollinisateurs
peut-il être compensé par d'autres sortes d'insectes?
Le Président (M. Lemay) :
M. Vacher, allez-y.
M. Vacher (Raphaël) : La question,
elle est simple, et la réponse, elle est aussi très simple : non.
Mme Fontaine (Julie) : Il faut
dire que l'abeille...
Le Président (M. Lemay) :
Mme Fontaine.
Mme Fontaine
(Julie) : ...est présentement responsable de 75 % de
toute la pollinisation, l'abeille mellifère, le reste étant fait par nos pollinisateurs sauvages. Sauf
que les pesticides n'affectent pas juste l'abeille mellifère, ils affectent
tous les pollinisateurs.
Et étudier
les pollinisateurs sauvages, c'est très difficile, c'est très compliqué pour
les chercheurs. Il faut les trouver. Ils
ne s'affichent pas dans des ruches, ils ne s'affichent pas dans des gros, gros
nids, eux autres. Ils sont sporadiques, ils sont un petit peu partout.
C'est très difficile. Alors, c'est beaucoup plus facile d'étudier l'abeille
mellifère.
Mais ce qui tue nos abeilles mellifères va faire
la même job sur les autres insectes.
Le
Président (M. Lemay) : Merci beaucoup, Mme Fontaine,
M. Vacher... Vacher, exactement. Je vous remercie pour votre
contribution aux travaux de la commission.
Je suspends
donc quelques instants afin de permettre aux représentants de l'Institut
national d'agriculture biologique de prendre place.
(
Suspension
de la séance à 10 h 46)
(Reprise
à 10 h 49)
Le
Président (M. Lemay) : Alors, nous reprenons nos travaux. Et je
souhaite maintenant la bienvenue à l'Institut national d'agriculture biologique. Je vous rappelle que vous disposez de
10 minutes pour faire votre exposé, puis nous poursuivrons avec les échanges avec les membres de
la commission. Je vous invite donc à vous présenter, ainsi que les
personnes qui vous accompagnent, puis vous pourrez y aller avec votre exposé. La
parole est à vous.
Institut
national d'agriculture biologique (INAB)
M. Poniewiera (Normand) : Merci, M. le Président. Mmes, MM. les députés, chers membres de la commission.
Donc,
je me présente, Normand Poniewiera. Je suis le directeur de l'Institut national d'agriculture biologique du cégep de
Victoriaville. Les gens qui m'accompagnent. Donc, à ma gauche, vous avez
M. Jean Duval, qui est le coordonnateur du Centre d'expertise et de
transfert en agriculture biologique et de proximité, le CETAB+. À ma droite,
vous avez M. Simon Dugré, coordonnateur du Centre d'innovation sociale en
agriculture, le CISA.
Pourquoi
le cégep de Victoriaville est ici aujourd'hui? Depuis sa fondation, en 1969, il y a
50 ans, le cégep de Victoriaville améliore son offre en réponse aux
besoins du secteur agricole. Cette année, plusieurs cégeps fêtent leur 50e anniversaire dans l'ensemble
des régions du Québec. C'est aussi le cas du cégep de Victoriaville. Chez nous,
ce que l'on fête, c'est le résultat
d'un enracinement historique qui repose sur une différence qui a fait sa
personnalité unique, l'agriculture
biologique. Le cégep de Victoriaville se démarquait déjà il y a
de cela 35 ans par son offre de formation en agriculture biologique. Nous étions les
seuls.
• (10 h 50) •
En
cohérence avec notre orientation en agriculture biologique, deux centres de
recherche sont nés. Ils ont maintenant
10 ans d'expertise. Le premier, plus
technique, approfondit son expertise sur les pratiques agricoles biologiques,
et l'autre, à caractère social, accompagne l'ensemble des acteurs dans
leurs démarches sur les changements climatiques.
Depuis
les années 2000, le cégep de Victoriaville augmente la portée de son
leadership mobilisateur au Québec sur les
questions importantes touchant la formation, la recherche et le
transfert technologique en agriculture, plus précisément en agriculture
biologique.
Ce
leadership, basé sur l'excellence, a conduit le cégep à créer, en 2018, l'INAB,
l'Institut national d'agriculture biologique. La création de l'INAB a notamment
donné l'occasion de regrouper trois entités actives en agriculture afin de
maximiser les synergies et leur impact sur
le milieu agricole, soit le département d'enseignement, le Centre d'expertise
et de transfert en agriculture
biologique et de proximité, le CETAB, et le Centre d'innovation sociale en agriculture, le CISA.
Le
cégep de Victoriaville offre le diplôme d'études collégiales en gestion et
technologies d'entreprise agricole qui se décline en quatre profils :
production animale, production légumière biologique, production fruitière
biologique et agriculture urbaine depuis peu. Une des particularités de l'INAB
réside dans son concept de ferme-école. En effet, au-delà de la théorie,
l'étudiant applique les concepts sur le terrain. Ils sont actuellement plus de
180.
En
tant que centre de recherche, le CETAB est actif en recherche appliquée, en
aide technique et en diffusion de l'information
et de formation. La recherche appliquée est réalisée autant sur les fermes que
dans les aires consacrées à la recherche
à l'INAB. Une trentaine de projets de recherche sont en cours ou réalisés
chaque année dans différents domaines, dont
la protection des cultures. Le CETAB offre des services-conseils techniques en
agroenvironnement et en gestion dans plusieurs régions du Québec à plus de
220 clients dans les grandes cultures, l'horticulture et la production
laitière.
Le
CISA s'est doté d'une équipe composée de chercheuses et de chercheurs en
agronomie, en anthropologie, en sciences
biologiques, en travail social, en développement territorial, en sciences de
l'environnement et en communications pour
nourrir adéquatement les réflexions et l'accompagnement des acteurs dans la
mise en oeuvre des solutions innovantes.
L'INAB,
c'est plus qu'un lieu, c'est un institut qui regroupe aujourd'hui une équipe de
plus de 70 enseignants, chercheurs,
professionnels de recherche, conseillers, se dédie à temps plein à
l'agriculture biologique et à l'amélioration de la durabilité des systèmes alimentaires. À ce titre, l'INAB se permet
de parler avec confiance des questions que pose la Commission de l'agriculture, des pêcheries, de
l'énergie et des ressources naturelles dans le cadre de ses audiences
publiques.
Les
producteurs agricoles et le gouvernement peuvent avancer avec confiance vers
une diminution de l'utilisation des
pesticides. Des décennies d'expérience pratique et scientifique en agriculture
biologique permettent d'affirmer que les
techniques de production d'aliments sans pesticide sont aujourd'hui performantes
de tous points de vue : écologique, agronomique et financier.
Ainsi,
la diminution de l'utilisation des pesticides n'est pas un saut dans le vide
pour les producteurs agricoles ou pour
le gouvernement. Au contraire, il s'agit d'un progrès. L'INAB accompagnera le
gouvernement et les producteurs agricoles dans cette transition
importante.
La
CAPERN pose plusieurs questions sur la nocivité et l'encadrement des pesticides
de synthèse. L'INAB souhaite mettre plutôt en évidence que des solutions de
remplacement performantes existent. Notre mémoire cite quelques exemples de
résultats probants très concrets et d'évolution favorable pour les entreprises
agricoles et la population du Québec.
Ces exemples
permettent de tirer plusieurs constats. Premièrement, l'expertise et les
compétences existent pour éliminer l'usage
des pesticides dans un grand nombre de situations courantes. Deuxièmement, la
recherche permet de relever les défis dans les situations où les connaissances
sont insuffisantes à court terme pour diminuer ou éliminer les pesticides. Troisièmement, la diffusion et le
transfert technologique peuvent être très efficaces pour déployer les
innovations et les approches
probantes et, ainsi, en généraliser l'usage. Quatrièmement, pour terminer, l'innovation
sociale permet d'accélérer et de débloquer des transitions en apparence
simples et de favoriser l'adoption de pratiques durables.
Partant
d'un terrain solide qui s'appuie sur la formation en agriculture biologique et
conventionnelle et sur deux centres de
recherche, le cégep peut affirmer avec confiance à cette commission que la
transition vers l'agroécologie repose maintenant sur un socle suffisamment solide pour que
nous puissions maintenant passer à l'action. Passer à l'action signifie définir l'avenir. Nous y sommes presque, M. le Président. Il ne reste qu'un pas à franchir pour nous donner les moyens de
nos ambitions.
Le
gouvernement doit profiter de cette occasion unique à cette
commission pour soutenir une expertise qui a pris une envergure
nationale et qui appartient désormais à l'ensemble des Québécoises et des
Québécois.
C'est
pourquoi l'INAB ose faire quatre recommandations à la CAPERN à l'intérieur de son mémoire. À ce moment-ci, je
désire attirer votre attention aujourd'hui sur deux d'entre elles.
La
première : «Reconnaître l'expertise de l'INAB et de ses [centres de
recherche] en lui octroyant un mandat national et un financement y correspondant pour développer et diffuser les
pratiques de remplacement performantes, tant au niveau de la
formation que pour l'ensemble des entreprises du secteur agroalimentaire québécois.»
La deuxième : «Poursuivre le développement et l'adaptation d'incitatifs gouvernementaux au développement de solutions de rechange à l'utilisation des pesticides. Ces incitatifs peuvent être conçus pour soutenir directement les producteurs, mais aussi
les organisations qui prennent en charge les processus d'innovation, de transfert et de diffusion au bénéfice des producteurs et des
collectivités qui tirent profit de ces innovations.»
La forte croissance
de la demande pour des produits biologiques et le fort intérêt pour le
biologique chez les producteurs actuels et futurs sont symptomatiques
d'un mouvement de société appuyé à
la fois par des inquiétudes, mais
aussi par un désir de faire autrement. Toutes les conditions sont réunies pour
réussir une transition.
L'INAB dans son entier, par ses centres de
recherche et par ses activités d'enseignement, continuera d'être proactif auprès du gouvernement, des conseillers
et du secteur agricole québécois pour améliorer la performance et la durabilité
des entreprises agricoles. Davantage de ressources vont
permettre à l'INAB d'appuyer les changements requis avec plus de vigueur et de rapidité et de demeurer
un leader.
En
terminant, M. le Président, étant moi-même copropriétaire d'une entreprise
agricole, j'ai décidé de relever le défi de devenir le directeur de
l'INAB en acceptant de quitter temporairement ma région du Lac-Saint-Jean, avec
le député, pour contribuer au développement de ce fleuron. Donc, c'est avec ma passion de l'agriculture et celle de toute l'équipe, dont nous avons deux représentants
ici, que nous avons accepté de contribuer à cette commission pour l'avenir du
secteur agroalimentaire québécois. Merci.
Le
Président (M. Lemay) :
Merci, M. Poniewiera. Je cède maintenant la parole au député de Bourget
pour son échange.
M. Campeau : Bonjour à tous. Merci de votre présentation. On a
entendu parler encore une fois du Saguenay—Lac-Saint-Jean. Alors, je ne sais pas, je commence à être inquiet. Il y en a
qui vont s'enfler la tête à côté de... ici de la table avec ça, là. Bon.
Bio
depuis 35 ans. Quand vous avez commencé à en parler, ce n'était pas si
populaire que ça, et je me souviens qu'il
n'y a pas si longtemps, quand on arrivait dans une épicerie, le bio
était tout petit, et ça, c'était la section chère. Et là ça a beaucoup,
beaucoup changé, beaucoup évolué.
La
première question que j'aimerais vous demander, c'est : Au-delà de donner
des cours, est-ce que vous faites du coaching — désolé, je ne sais pas si le mot est... il y
a un meilleur mot pour ça — individuel avec des agriculteurs qui vont aller vous voir,
comme faire la consultation?
Le Président
(M. Lemay) : De l'accompagnement personnalisé, peut-être, M. le
député?
M. Campeau :
Oui. Merci.
Le Président
(M. Lemay) : M. Poniewiera.
M. Poniewiera
(Normand) : M. Duval.
Le Président
(M. Lemay) : M. Duval, allez-y.
M. Duval
(Jean) : Oui. Bien, pour répondre à votre question, au CETAB, on a une
équipe d'agronomes qui accompagnent des
agriculteurs en production biologique ou en transition vers l'agriculture
biologique, qui leur donnent des
conseils à propos des techniques à utiliser sur leur entreprise, optimiser leur
système de production. Donc, on parle de plus de... environ 250 clients
dans différentes régions du Québec qui bénéficient de nos services, de
services-conseils.
Le Président
(M. Lemay) : M. le député.
• (11 heures) •
M. Campeau :
Vous m'avez mentionné deux recommandations principales, la deuxième étant de
continuer à avoir des incitatifs gouvernementaux. Est-ce que vous voyez ces
incitatifs-là comme directement reliés au cégep, directement reliés à l'INAB
ou qui seraient dans les mains des agriculteurs
pour qu'ils aillent chercher vos services? Est-ce que vous avez une idée
du mécanisme qui serait le plus approprié?
Le Président (M. Lemay) :
M. Poniewiera.
M. Poniewiera (Normand) : Bien, je pense qu'on doit aider autant les
producteurs, les chercheurs, les centres de recherche, parce que les sommes qu'on réussit à obtenir pour la
recherche ne sont jamais suffisantes. Et les producteurs qu'on doit accompagner dans un mode de transition
doivent aussi bénéficier d'incitatifs, incitatifs qui existent déjà,
d'ailleurs, mais je pense
qu'on doit continuer à les maintenir et, voire, les améliorer.
M. Campeau :
Comme commission, on a eu l'occasion d'aller visiter des fermes, et j'avoue que
j'ai appris beaucoup. Et c'est assez
fascinant de voir à quel point la technologie a fait une énorme avancée au
niveau agriculturel. Je pense que ce n'est pas une chose qui est
vraiment très connue actuellement.
Vous
avez parlé d'innovation sociale. Je ne comprends pas trop, trop ce que vous
voulez dire par là exactement. Pourriez-vous élaborer un peu plus
là-dessus?
Le Président
(M. Lemay) : Alors, M. Dugré.
M. Dugré
(Simon) : Donc, le Centre d'innovation social a été mis en place grâce
à un financement du ministère de l'Éducation supérieure en 2009, donc
une reconnaissance de centres collégiaux de transfert.
La
définition d'innovation sociale, si vous me permettez, c'est toute nouvelle
idée, approche, intervention sociale, service, produit, loi — ici,
vous en connaissez bien la chose — donc, pour tout type d'organisation, ça
peut être des organismes, des entreprises, des coopératives, pour une réponse adéquate
et durable à leur besoin social, une solution qui trouve preneur, aux bénéfices mesurables par la
collectivité pour une portée transformatrice et systémique. Donc, en des
mots plus clairs, je vous dirais qu'on répond aux besoins présents sur le
terrain.
Puis,
dans la commission hier, que j'ai eu la chance d'écouter, ça a été mentionné
souvent, de répondre aux besoins des
agriculteurs et des organisations qui travaillent avec eux. Donc, l'innovation
sociale, c'est une approche qui permet l'intersectorialité pour répondre
à ces besoins-là qui sont devenus systémiques.
Le Président
(M. Lemay) : Parfait. M. le député.
M. Campeau :
Je ne suis pas sûr de comprendre. Un exemple, là, je vous en lance un.
Une voix :
Allez-y.
M. Campeau :
Ça veut dire que, dans une certaine région, comment va-t-on procéder si les
fermes sont petites au niveau de la
main-d'oeuvre? Vous pouvez l'accompagner au niveau social. C'est un exemple de
ça, vous croyez, par exemple?
M. Dugré (Simon) : C'est un bon exemple, M. le député. M. le
Président, le CISA, dans une de ses premières expériences terrain au
Centre-du-Québec, travaillait sur la détresse psychologique des producteurs,
donc un fait que vous avez sûrement
entendu parler par les producteurs. Pour y répondre, on a mis en place un
nouveau service à l'agriculture qui est
un service de remplacement. Donc, on s'est basés sur une littérature qu'il a
été permis, je dois le souligner, d'être connue par des professeurs-chercheurs du cégep de Victoriaville et leurs
étudiants pour aller visiter nos partenaires et nos confrères français
qui, eux, utilisaient ces services-là et qui étaient toujours en développement
depuis 40 ans.
Le
CISA, ce qu'il a fait, c'est qu'il a fait une conception pour être... mise en
épreuve test grâce à un financement ministériel du Développement économique
pendant un an. Donc, ce service-là, maintenant, crée 10 emplois temps
plein au Centre-du-Québec, O.K.? Il permet au producteur, dans des aléas de la
vie, maladie, naissance, congé de paternité ou simplement d'aller chercher son fils ou sa fille au karaté, au hockey,
faire de la formation, s'impliquer dans la vie syndicale, d'avoir des temps pour lui. Donc, on remplace le
producteur. C'est une réponse adéquate à un besoin par l'innovation sociale.
Le Président
(M. Lemay) : Parfait. M. le député.
M. Campeau :
Je passe la parole à l'autre collègue, s'il vous plaît.
Le
Président (M. Lemay) : Excellent. Alors, Mme la députée de
Laviolette—Saint-Maurice,
la parole est à vous.
Mme Tardif :
Merci, M. le Président. Merci beaucoup d'être ici aujourd'hui. Merci pour votre
travail. La possibilité de se passer
complètement ou, en tout cas, presque complètement, là, de pesticides varie
d'une culture à l'autre, puis, selon votre rapport, cela semble envisageable dans les grandes cultures. Cependant,
qu'est-ce qu'on doit faire pour les cultures fruitières, maraîchères,
horticoles? Est-ce que c'est pensable?
Le Président
(M. Lemay) : M. Duval.
M. Duval
(Jean) : Oui, c'est certain que c'est plus difficile pour tout ce qui
est horticulture maraîchère, fruitière, surtout les cultures fruitières.
Maintenant, ce qu'on développe, c'est beaucoup des moyens de lutte qui soient
physiques. Par exemple, des filets de
protection dans les cultures fruitières, c'est quand même assez utilisé contre
les insectes. Il y a aussi une
approche qu'on pourrait dire plus
écosystémique où est-ce qu'on essaie d'attirer les insectes utiles ou les
prédateurs, les parasitoïdes qui attaquent des insectes ravageurs.
Donc, on est beaucoup
dans la prévention en agriculture biologique. On essaie de construire un système
qui prévient des problèmes. Ça ne marche pas tout le temps. C'est sûr qu'il
faut avoir recours parfois à des biopesticides. Souvent, c'est des agents de lutte
biologiques ou ça peut être des fongicides à base minérale. Mais on n'est pas
dans les molécules qui n'existent pas dans la nature. On n'est pas dans les
xénobiotiques en agriculture biologique. Les pesticides qui sont employés à
l'occasion, ce sont des biopesticides qui, disons, ont un impact mineur,
là.
Le Président
(M. Lemay) : ...
Mme Tardif : Est-ce que vous... Quand on parle de pratique
biologique, c'est sûr que, là, vous m'amenez sur un terrain. Ça nous amène à devoir concevoir... il faut concevoir et il
faut mettre en place tout un système de production qui est
différent. Et comment les agriculteurs qui sont non biologiques... qu'est-ce
que vous leur suggérez? Et comment ils vont réussir à rencontrer ça? Quel va être le soutien? Quel va être les...
Quelles sont les problématiques auxquelles ils vont faire face pour s'en
aller vers une culture biologique?
Le Président
(M. Lemay) : M. Duval.
M. Duval
(Jean) : Oui. C'est certain
que c'est tout un apprentissage. C'est une autre façon de penser l'agriculture. Ça ne se fait pas
instantanément. Bon, il y a une transition obligatoire de trois ans avant
d'être certifié bio, mais le cheminement, il part souvent bien avant ça
dans la tête des producteurs et productrices. Et puis ça peut se poursuivre
aussi.
Comment
on les outille? Bien, nous, dans l'équipe, au CETAB+, on a quand même
32 personnes dans l'équipe qui ont différentes expertises. Il y en a qui
sont plus en recherche, d'autres en service-conseil. Donc, quand il y a des
problèmes qui se présentent puis
qu'il n'y a pas nécessairement de solutions, bien là on va mettre au point un
petit protocole expérimental, essayer
de différentes façons. Mais on a de plus en plus de connaissances en bio, donc
il y a beaucoup de connaissances à transférer, beaucoup de
techniques qui existent depuis très longtemps...
Le Président
(M. Lemay) : Parfait.
M. Duval
(Jean) : ...qu'il faut surtout faire connaître.
Le Président (M. Lemay) : Juste un instant, M. Duval. Mme la députée, vous avez une question complémentaire?
Mme Tardif : Donc, vous nous demandez un mandat national et un
budget qui va avec. Par rapport à ce mandat-là, expliquez-moi concrètement comment vous feriez pour faire le transfert
de connaissances à ces agriculteurs-là qui ne sont pas bio.
Le Président
(M. Lemay) : M. Duval.
M. Duval
(Jean) : Oui. Bon, c'est sûr
qu'on peut poursuivre avec du service-conseil, engager plus d'agronomes expérimentés qui sont capables d'appuyer les producteurs.
Il y a différentes façons. On propose... On va déposer un projet de fermes témoins qui peut être très inspirant,
donc des fermes qui réussissent bien en agriculture biologique, qui peuvent
servir de référence pour des producteurs qui seraient intéressés à aller
visiter ces fermes-là.
On
est très actifs en diffusion de l'information. On fait un colloque annuel en
février qui s'appelle Bio pour tous!,
qui est de plus en plus populaire. On a eu 500 personnes l'année dernière.
On a plein de moyens, puis c'est dans notre mission, comme centre collégial de transfert de technologie, de faire
ça, de la recherche appliquée, de la diffusion d'information, de l'aide
technique.
Donc,
on en fait déjà beaucoup, on peut en faire encore plus puis on peut aider aussi
d'autres gens, outiller d'autres organismes
pour qu'ils puissent aussi appuyer le mouvement, parce que... Oui, c'est ça.
Le
Président (M. Lemay) : Parfait. Merci, Mme la députée. Je cède
maintenant la parole au député de Lac-Saint-Jean.
M. Girard
(Lac-Saint-Jean) : Alors, merci, M. le Président. Merci de votre
présentation. C'est très intéressant. Puis je suis content parce que vous
parlez beaucoup de solutions, de solutions d'innovation. Puis c'est un thème
aussi qui est dans le mandat d'initiative. Et la recherche, le
développement et la formation aussi, vous en avez, tout à l'heure, effleuré un
peu au niveau de la formation.
Croyez-vous
qu'au niveau des institutions d'enseignement, tout ça, la formation est assez
élevée là-dessus au niveau des
pesticides, au niveau des connaissances, au niveau aussi des transferts
technologiques et tout ce qui s'offre maintenant aux nouveaux
producteurs et productrices agricoles?
Le Président
(M. Lemay) : Alors, M. Poniewiera.
• (11 h 10) •
M. Poniewiera
(Normand) : Oui. Bien, je pense qu'au Québec on a quand même plusieurs
cégeps qui sont disséminés sur l'ensemble du
territoire, dans lesquels on offre les programmes en agriculture, et on a
aussi, également, les instituts de technologie agroalimentaire.
Pour
notre part, à l'INAB au fil des années, la spécialité s'est faite dans le
biologique. Donc, on a développé des compétences et des outils pour justement
donner une formation axée sur le côté biologique. Nous, on y croit. C'est un
travail de longue haleine, évidemment,
la formation. Je pense qu'on est
capables d'être un leader puis de faire un transfert d'expertise pour l'ensemble des Québécois,
autant au niveau de la formation qu'au niveau de la recherche.
Donc,
ça, c'est le mandat que... c'est pour ça que, quand on vous demande un mandat
national, c'est qu'on est prêts à se mettre à la disposition de l'ensemble des
Québécois pour justement aller plus loin, être capable de démontrer que le
modèle biologique fonctionne.
Le Président (M. Lemay) : M. le
député.
M. Girard
(Lac-Saint-Jean) : Puis je voyais un petit peu à la page 12 de
votre mémoire, là, on parle... vous rentrez dans l'aspect économique, dans l'aspect des grandeurs d'entreprise, des
tailles, et tout ça, et vous apportez quand même certains bémols que, oui, effectivement, dans certains
cas, ça peut être, des fois, difficile, il y a des particularités. Puis vous
parlez aussi de l'aspect, hein... on parle,
entre autres, de l'aspect du climat qui, parfois, devient difficile pour
certaines entreprises, les plages de temps. Mais il y a quand même des
choses...
Est-ce que vous trouvez qu'il y a encore
beaucoup de réticence au niveau des producteurs? Et quelle est cette
réticence-là au-delà du financement et des équipements?
Le Président (M. Lemay) : M. Poniewiera.
M. Poniewiera
(Normand) : Bien, je pense que ce qui fait... je croirais, j'aurais tendance à penser que c'est la
peur du changement, faire autrement.
Ce n'est pas évident quand on a été producteur pendant plusieurs
années puis que la méthode qu'on a apprise...
Je peux vous
donner l'exemple chez nous, sur mon entreprise. Dans le fond, mes
associés ont appris de leur père, de
leur oncle. C'était la méthode traditionnelle, on l'appelle maintenant conventionnelle. On a des représentants qui
viennent sur l'entreprise et
suggèrent d'utiliser tel et tel produits pour justement lutter contre les
mauvaises herbes. Au lieu d'avoir un
représentant qui vient nous vendre des pesticides, on pourrait avoir
aujourd'hui un représentant qui vient nous expliquer qu'il existe un sarcleur qui est capable de faire
le même travail, donc qui va faire la lutte aux mauvaises herbes, puis on
n'aura pas besoin de mettre de pesticides.
Donc, c'est
un changement. C'est pour ça que ça prend de la formation à la base. Donc, les
jeunes de demain vont être encore
plus formés, ils vont être plus conscientisés au niveau de ce changement, mais
j'aurais tendance à dire que c'est peut-être la peur du changement de la
méthode qu'ils ont apprise avec le temps.
Le Président (M. Lemay) :
Merci. M. le député.
M. Girard
(Lac-Saint-Jean) : Sentez-vous qu'avec la nouvelle génération qui s'en
vient... Est-ce que vous le sentez sur le terrain, vous le vivez?
C'est-u plus facile avec la nouvelle génération?
Le Président (M. Lemay) :
Alors, M. Poniewiera, environ 30 secondes.
M. Poniewiera
(Normand) : Oui. Oui, oui,
on le sent. On le sent beaucoup parce que... J'arrive justement d'un voyage en
France avec un groupe de producteurs, puis, dans le fond, ce que les
producteurs nous disent souvent, bien, le voisin, lui, n'est pas encore
converti au biologique, mais son garçon, lui, il est prêt, puis il vient me
voir, puis il se renseigne sur les
nouvelles façons de faire. Donc, oui, je pense que la nouvelle génération va
être encore plus apte ou... apte n'est peut-être pas le bon mot, mais
plus sensibilisée à aller vers ça.
Le
Président (M. Lemay) : Merci. Donc, ceci complète cette première
période d'échange. Je cède maintenant la parole à la députée de Maurice-Richard.
Mme Montpetit :
Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. Merci d'avoir pris le temps
aujourd'hui de venir nous rencontrer
et répondre à nos nombreuses questions. C'est un volet différent de ce qu'on a
entendu jusqu'à maintenant.
J'avais...
J'ai plusieurs questions, en fait, pour vous, dont la première, on le voit, là,
qu'il y a une... tu sais, je veux dire,
statiquement, on le voit qu'il y a une augmentation importante, là, au cours
des dernières années, du nombre de fermes biologiques au Québec. Il y a eu, 2015-2018, la Stratégie de croissance
du secteur biologique, il y a la Politique bioalimentaire 2018-2025 qui a été mise en place également. Je
pense que, sans aucun doute, c'est venu soutenir, justement, cet accroissement de fermes biologiques. On avait le
sous-ministre du MAPAQ au printemps, là, qui nous disait qu'on avait
même dépassé les objectifs que notre gouvernement, à l'époque, s'était donnés.
Comment on
peut poursuivre encore davantage dans cette voie-là? Comment l'État, comment le
gouvernement peut venir vous aider,
justement, pour soutenir cette... soutenir, dans le fond, des agriculteurs qui
souhaitent faire la transition, notamment vers le biologique?
Le Président (M. Lemay) : Alors,
M. Duval.
Mme Montpetit : C'est une vaste
question, j'en suis consciente.
M. Duval
(Jean) : Oui, puis je pense qu'il faut reconnaître d'abord que le
gouvernement provincial fait beaucoup déjà
pour encourager la conversion à l'agriculture biologique avec des subventions
associées aux superficies qui sont en transition, les subventions aussi
sur l'achat de machinerie adaptée.
Qu'est-ce
qu'on peut faire de plus? C'est certain que la recherche, l'appui technique,
c'est essentiel. Ça prend ça. Ça prend aussi peut-être des formules innovantes,
peut-être plus sociales, de cellules d'innovation, de trouver des porteurs de
flambeau dans des régions qui sont capables de faire mousser le mouvement, je
dirais. Il y a toutes sortes de façons.
Le Président (M. Lemay) : Mme
la députée.
Mme Montpetit : Je...
Le Président (M. Lemay) : Ah!
M. Poniewiera, allez-y.
M. Poniewiera
(Normand) : Oui, excusez, M. le Président. En complément, je pense que, dans
le fond, c'est le consommateur
qui nous le demande aussi. Donc, on a un devoir de répondre aux besoins des
consommateurs. On est rendus à l'étape où on
doit passer d'un marché de niche à un marché de grande consommation. Donc, pour
faire cette étape-là, bien, il faut, je pense, quant à moi, redoubler
d'ardeur.
Donc, les
programmes sont là, mais il faut aller encore plus... il faut aller un peu plus
loin pour en donner plus à la recherche, à la formation pour justement
quitter les marchés de niche, pour rejoindre le marché de masse.
Le Président (M. Lemay) : Mme
la députée.
Mme Montpetit : Je suis contente d'entendre que les stratégies
qui ont été mises en place, dans le
fond, portent fruit, là. C'est
ce qu'on retient. Il y a un bel avancement dans cette direction-là.
J'aimerais ça
vous entendre, puis vous me direz si vous n'êtes pas à l'aise de commenter sur
ce sujet-là, mais c'est le gros sujet
du jour, Les Serres Lefort, qui est une entreprise qui a décidé de faire une
transition vers le biologique. Puis, si
vous ne voulez pas commenter, là, le dossier particulier... mais je serais quand même
curieuse de vous entendre là-dessus. Il y a
des difficultés à faire une transition vers du biologique. Est-ce que
c'est plus long? Est-ce qu'il y a un certain temps? Comment vous voyez ça à la lumière de cette entreprise-là?
Comment elle doit être accompagnée davantage?
Le Président (M. Lemay) :
Alors, M. Duval.
M. Duval
(Jean) : Je ne suis pas
certain d'avoir... Les Serres Lefort sont en production biologique depuis assez
longtemps.
Mme Montpetit : Bien, ils ont fait une transition dernièrement
sur, notamment, les poivrons, les concombres, là, qui est
venue à amener certaines difficultés parce que ça amène un certain temps, justement,
faire cette transition-là.
J'aimerais ça
que vous puissiez nous expliquer, en fait, le temps de période que ça prend
quand on souhaite faire une transition, à quel point une entreprise, justement,
doit être soutenue davantage, là, pour pouvoir avoir des beaux jours. Une fois que la transition... Une fois que la certification, entre autres, est obtenue, il y a quand même
une période qui demande des investissements majeurs sans avoir la rentabilité qui incombe au fait d'avoir une certification biologique, notamment, là.
Le Président (M. Lemay) :
Alors, M. Duval.
M. Duval
(Jean) : C'est effectivement le cas. La période de trois ans de transition peut être assez
difficile, autant psychologiquement qu'économiquement. Ça dépend des situations.
C'est une période qui demande vraiment un bon appui.
Mais ce n'est pas juste économique, là. Je pense, c'est important
de le dire. C'est une période de changement, alors il faut
s'entourer de personnes compétentes, d'un milieu... d'avoir un milieu de
soutien aussi. Je pense que ça l'a beaucoup évolué. L'agriculture
biologique, on peut dire, n'est plus marginale comme elle l'a été. Donc, c'est
plus facile, c'est ça, d'avoir un soutien social aussi, là, pour
le faire.
Je prends l'exemple
de la région de Lanaudière, où est-ce que c'est vraiment très dynamique. Il y a,
je dirais, des personnes, des
entreprises assez importantes qui ont fait une transition bio, puis ça l'a un
effet vraiment important dans la région pour encourager plus de
transition.
Le Président (M. Lemay) :
M. Poniewiera, en complément.
• (11 h 20) •
M. Poniewiera
(Normand) : Bien, peut-être
mentionner, la pire erreur qu'on pourrait faire, c'est de ne pas accompagner
les producteurs. Dans le fond, ça commence par une bonne formation. Parce qu'on reçoit des téléphones, à l'INAB, presque quotidiennement de gens qui sont
intéressés par le biologique, puis, des fois, ils disent : Bon, bien, chez
nous, je fais du maïs, je veux m'en aller
dans du maïs bio. O.K. Mais là tu viens d'où? C'est quoi, ta formation? C'est
quoi, ta connaissance? Est-ce
qu'on va leur recommander...
On va
commencer à la barre. On va faire de la formation puis, après, on va t'accompagner.
On fait un service-conseil autant
dans la transition pour la certification, dans la transition pour changer les
méthodes de travail, mais tout commence par la formation. Et ensuite,
avec une équipe...
Dans le fond, dans le mémoire, on vous mentionnait qu'on est
capables, avec la formation, de donner les outils de base. Ensuite, avec les équipes de recherche puis
le conseiller technique qu'on a, on est capables de les accompagner. Et, si on rencontre des problématiques inconnues, bien là, à ce moment-là, on peut faire des projets de recherche, aller plus loin et continuer à évoluer. Parce que
si on veut... excusez-moi l'anglicisme, mais c'est un «work in progress» au niveau, là, de... sur une entreprise
pour évoluer vers le biologique.
Le Président (M. Lemay) : Mme
la députée.
Mme Montpetit :
Bien, ce que vous nous dites, finalement, ce que j'en comprends, c'est que plus
il y a d'accompagnement des
producteurs qui souhaitent faire une transition, moins il y a d'essais-erreurs
de leur part, donc moins il y a de
pertes de productivité. Donc, c'est vraiment de cette façon-là que vous
l'envisagez, de venir pallier... Quand
vous dites un peu de l'improvisation
ou de l'essai-erreur, dans le fond, c'est qu'il faut vraiment venir les
accompagner, parce que ce n'est pas quelque chose qui s'improvise, et il
y a une expertise derrière cette transition.
M. Poniewiera (Normand) :
Exact.
Mme Montpetit :
J'aurais juste une dernière question, parce que le temps file, mais on a
entendu beaucoup, dans nos échanges, que... Bon, vous avez dit : La
production bio, elle est rentable. Est-ce qu'à partir du moment où elle est
rentable parce que... justement et
uniquement parce que le prix est plus élevé des produits qui sont vendus,
est-ce que, si, justement, il y avait
un élargissement du nombre... Plus il va y avoir de fermes et de producteurs,
dans le fond, qui vont faire du
biologique, on peut penser que ça pourrait avoir une incidence à la basse sur
le prix des produits biologiques. Est-ce que, de votre point de vue, ça
va demeurer quand même une production qui est rentable?
Le Président (M. Lemay) :
Alors, M. Poniewiera.
M. Poniewiera
(Normand) : Eh! un jeu
d'offre et demande, évidemment. Donc, si on continue d'augmenter l'offre
de produire, on pourrait s'attendre à une baisse du prix, et ça va dépendre si
la demande est toujours soutenue.
Donc, est-ce que la rentabilité va être au
rendez-vous même s'il y a diminution du prix? C'est votre question plus précise? J'aurais tendance à vous dire que
oui, parce qu'on développe de plus en plus des techniques performantes puis des
façons de faire qui sont efficaces. Si on reculait en arrière puis qu'on n'avait
pas l'expertise qu'on a aujourd'hui, on pourrait craindre, mais, à ce moment-ci, avec toute l'expertise qu'on a
développée puis que les producteurs biologiques ont développée, je pense
qu'ils sont aptes à faire face à la situation.
Le Président (M. Lemay) : Mme
la députée.
Mme Montpetit :
Donc, je comprends, vous n'y voyez pas un risque. Parce que certains ont
souligné cet effet-là sur l'impact que ça pourrait avoir. Je comprends que,
si... C'est sûr que, si on prend, toute chose étant égale, par ailleurs...
la réponse pourrait être oui. Mais partons
du principe que l'agriculture et les besoins des consommateurs sont deux choses
qui évoluent, donc ça devrait évoluer dans
un rythme. Vous, vous n'y voyez pas de risque, dans le fond, là. On peut penser
que l'agriculture puis l'alimentation vont
évoluer dans un sens où l'augmentation du biologique, il faut continuer de la
soutenir, dans le fond?
Le Président (M. Lemay) :
M. Poniewiera.
M. Duval
(Jean) : Je dirais que, si on avait mis toute l'énergie puis tout
l'argent qui a été mis au développement de l'approche chimique depuis la Deuxième Guerre mondiale, là, dans le
fond, si on avait mis cette énergie-là à développer des méthodes
physiques, biologiques, et tout, on serait évidemment rendus beaucoup plus loin
que maintenant.
Mais on
progresse très rapidement, il y a de la recherche partout dans le monde en
agriculture bio. Puis, oui, il y a un
risque, là, mais, je pense, c'est à
long terme, là. On est encore dans un marché en croissance. Ça fait que je
pense qu'il n'y a pas de risque, là, à court terme, là, pour que les
prix chutent pour le bio, là. Les consommateurs en demandent. Il va peut-être
avoir des ajustements, là, mais, comme le
disait Normand, nos méthodes se perfectionnent, alors les coûts de production
diminuent.
Le Président (M. Lemay) :
Merci. Ceci complète la période d'échange avec l'opposition officielle.
Je cède
maintenant la parole au deuxième groupe d'opposition. Mme la députée de
Rouyn-Noranda—Témiscamingue,
la parole est à vous.
Mme Lessard-Therrien : Merci,
M. le Président. C'est très intéressant, vous entendre. J'avais peut-être des questions au niveau de la structure de
financement de votre centre de recherche. Est-ce que c'est juste par projet ou
vous avez quand même un financement de base substantiel?
Puis aussi je
vais poser toutes mes questions parce que j'ai vraiment peu de temps, c'est
quoi, la relation entre votre centre de recherche et le MAPAQ, le ministère?
Comment se passe l'information, la diffusion de l'information en ce sens où,
bon, je suis une députée d'une région agricole qui est très éloignée des lieux
où il y a beaucoup de centres de recherche? Donc, comment on fait pour
que tous les agriculteurs sur le territoire du Québec aient accès à ces
nouvelles connaissances là? Ça
fait que... le lien avec le MAPAQ. Je vous laisse me répondre.
Le Président (M. Lemay) :
Alors, allez-y. M. Duval, en premier.
M. Duval
(Jean) : Oui. Pour ce qui
est du financement de base, comme centre collégial de transfert de technologie, on a un financement de base, là, annuel. On a aussi un montant qui vient du CRSNG au niveau
fédéral aussi comme montant de base.
Et tout le reste, effectivement, c'est de l'argent de projets. Donc,
c'est parfois insécurisant, évidemment, de faire fonctionner un organisme avec des
projets, mais c'est la réalité des CCTT.
Pour ce qui
est de la couverture de notre aide technique, évidemment, là, c'est un peu
limité. On couvre, on peut dire, cinq
régions du Québec. Ce qu'on fait, c'est que... Par le passé, on a formé des
cohortes d'agronomes, dans d'autres régions, qui sont intéressés à fournir du service-conseil en
agriculture biologique. On aimerait le faire encore parce que ce n'est pas notre
ambition d'être partout, là. Donc, c'est vraiment de former des gens pour le
faire.
La relation
avec le MAPAQ est très bonne. On arrive quand même à avoir beaucoup de projets
financés dans le programme
Prime-vert, par exemple. Mais il n'y a pas de financement particulier pour le
Centre d'expertise et de transfert en
agriculture biologique qui vient du MAPAQ comme pour les autres centres
d'expertise qui existent au Québec en
agriculture. On n'a pas ce financement-là, qu'on a toujours souhaité, mais bon.
Et puis... Mais, sinon, oui, c'est ça, ça va bien avec le MAPAQ.
Le
Président (M. Lemay) : Parfait. Donc, ceci complète cette période
d'échange. Je cède maintenant la parole au député de Bonaventure.
M. Roy :
Merci, M. le Président. Écoutez — bonjour, messieurs — hier, on a eu une bonne discussion avec un
agriculteur qui nous a dit que la production
biologique en semis direct était impossible au Québec sans l'utilisation de
glyphosate. Et je lui ai demandé, bon :
Est-ce que vous pouvez nous valider ça avec d'autres recherches et d'autres
chercheurs? Et il n'a pas été capable. Vous en pensez quoi?
Le Président (M. Lemay) :
M. Duval.
M. Duval
(Jean) : Alors, c'est un sujet qui préoccupe beaucoup de gens,
particulièrement en Europe puis, je dirais, en Amérique du Nord, de
développer des méthodes d'agriculture biologique avec le moins de travail de
sol possible.
En ce moment,
c'est vrai que c'est difficile. Il n'y a rien de... Il n'y a pas de système
magique. Il y a eu des bonnes avancées,
mais on n'est pas rendus là. Effectivement, pour appliquer la méthode, là, qui
se fait en conventionnel de semis direct
sans glyphosate, ce n'est pas faisable. Mais on travaille là-dessus, on
travaille là-dessus. Puis il y a beaucoup d'intérêt. Il y a eu un gros
projet européen, paneuropéen qui travaille là-dessus. Je pense qu'on avance,
mais, bon, c'est ça.
Le Président (M. Lemay) : M. le
député, allez-y.
M. Roy :
Vous allez rassurer le monsieur. Deuxième question, vous avez... bon, budget de
transition du conventionnel vers
production biologique. Vous avez dit que le budget était suffisant, ça allait
bien. À ma connaissance, et vous rectifierez, là, mais on parle de
40 000 $ pour une transition. Tu n'as pas beaucoup d'équipement ou tu
n'as pas grand-chose en termes
d'équipement pour faire une transition du conventionnel vers le biologique.
Donc,
pouvez-vous me dire pourquoi le... ce que vous affirmez est... Bon, selon vous,
là, pourquoi c'est suffisant? Moi, je pense que ce n'est pas suffisant.
Mais sur quelle hypothèse vous allez?
Le Président (M. Lemay) :
M. Duval.
M. Duval
(Jean) : Bien, je pense, c'est du cas par cas. C'est difficile de
généraliser pour toutes les entreprises, mais c'est certain, par exemple, que, dans les grandes cultures à partir
du moment qu'on n'achète pas les engrais et les pesticides qu'on
achète d'habitude, ça libère quand même un bon montant d'argent qui est
proportionnel à la superficie cultivée. Donc, en plus des aides gouvernementales, je pense que c'est quand même
bien maintenant par rapport à ce que c'était, mettons, voilà 10,
15 ans, quand les gens faisaient la transition, qui prenaient beaucoup
plus de chances.
Le Président (M. Lemay) : M. le
député.
M. Roy :
Mais il y a beaucoup de choses à améliorer. Et, par rapport à votre mandat
national que vous demandez, donc, si
je comprends bien, vous n'arrivez pas à avoir un mandat qui reflète l'expertise
que vous avez et qui pourrait amener vraiment
une évolution de l'agriculture biologique au Québec. Donc, ce que vous voulez,
c'est être reconnus comme un centre de recherche national pour avoir
accès à des budgets de financement de recherche. C'est ça que j'ai compris?
Le Président (M. Lemay) :
M. Poniewiera, là, en... Oui ou non?
Des voix : Ha, ha, ha!
M. Roy : Pas de
peut-être.
M. Poniewiera
(Normand) : Dans le fond,
c'est un peu ce qu'on vous a mentionné dans ma présentation. C'est qu'on veut
se rendre disponible pour l'ensemble des Québécois et des Québécoises parce
qu'on a développé une expertise dans l'agriculture biologique et on veut
justement rejaillir dans toutes les régions du Québec.
Le
Président (M. Lemay) : Merci beaucoup. Merci beaucoup,
M. Dugré, M. Poniewiera, M. Duval. Je vous remercie pour votre
contribution aux travaux de la commission.
Je
suspends quelques instants afin de permettre à la représentante du Collectif de
recherche écosanté sur les pesticides, les politiques et les
alternatives de prendre place.
(Suspension de la séance à 11 h 30)
(Reprise à 11 h 33)
Le Président (M. Lemay) :
Alors, nous reprenons nos travaux, et je souhaite maintenant la bienvenue aux représentants du Collectif de recherche écosanté
sur les pesticides, les politiques et les alternatives. Je vous rappelle que
vous avez 10 minutes pour faire votre exposé, puis nous procéderons avec
des échanges avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous
présenter, ainsi que la personne qui vous accompagne, puis vous pourrez
procéder à votre exposé. La parole est à vous.
Collectif de recherche écosanté
sur les pesticides,
les politiques et les alternatives (CREPPA)
Mme Vandelac
(Louise) : Je vous remercie. Je m'appelle Louise Vandelac, professeure
titulaire à l'Institut des sciences
de l'environnement et au Département de sociologie et directrice du CREPPA, le
Collectif de recherche écosanté sur
les pesticides, les politiques et les alternatives, un des rares groupes qui
travaillent essentiellement sur ces questions-là. Et je ne suis pas ici à titre de représentante
parce qu'on a élaboré ce travail, je dirais, en s'alimentant dans l'ensemble
des travaux du groupe, mais le temps
nous a manqué pour pouvoir finaliser les documents qu'on a amorcés, il y en a au-delà de 100 pages. Et donc vous allez comprendre
pourquoi il va y avoir encore un tout petit délai avant qu'on puisse vous les
remettre. Marie-Hélène.
Mme Bacon
(Marie-Hélène) : Oui. Marie-Hélène Bacon. Donc, je suis sociologue et
je suis chercheure et coordonnatrice du CREPPA, donc je travaille en
étroite collaboration avec Mme Vandelac.
Mme Vandelac
(Louise) : Alors, très rapidement, de un, je tiens à remercier les
instigateurs de cette commission ainsi
que l'ensemble de ses membres et je les remercie d'avoir accepté de modifier le
calendrier aussi pour nous entendre puisque je devais prendre un vol
d'avion ce soir même. Et je vous dirais que cette commission arrive à point
nommé en cette semaine, particulièrement
avec le rapport qui est sorti dimanche,
Tous unis, où on voit très bien l'élargissement des écarts entre ce qui devrait être fait
et l'ampleur des changements climatiques, notamment, et de la dégradation de la
biodiversité.
Vous avez les
données sur l'effondrement sans précédent de la biodiversité qui sont sorties il y a
quelques mois. On a bon nombre d'informations sur la biomasse des insectes volants qui est disparue aux trois quarts
depuis une quarantaine d'années.
On apprenait cette semaine que 30 % des
oiseaux d'Amérique du Nord étaient disparus depuis les années 70. C'est une perte avoisinant 3 milliards.
Autrement dit, il y a vraiment une situation particulièrement préoccupante. Je
ne vous donne pas tous les chiffres, mais c'est un élément important, et,
vendredi, il y aura évidemment la marche pour le climat.
On sait tout ça depuis pourtant des années, hein?
On a tous suivi les travaux de pionnier de Rachel Carson sur les DDT, le Printemps
silencieux au début des années 60, Les limites à la croissance
dans les années 70, Our Stolen Future de Theo Colborn, qui nous mettaient en garde des
menaces des perturbateurs endocriniens sur l'espèce humaine elle-même,
hein, sur l'ensemble de la biodiversité, mais sur l'espèce humaine également.
Et nous
savons également maintenant, comme en témoigne un large consensus scientifique international, je pense,
entre autres, au GIEC récemment, mais la commission EAT-Lancet, que l'actuel modèle agrochimique a
une part importante de responsabilité dans l'amplification des crises croissantes et sans précédent, la
biodiversité du climat, des événements extrêmes et aussi de la sécurité
alimentaire, paradoxalement.
Donc, il y a
un problème, pourtant, quand on fait... je vous parlerais ici
davantage d'un volet, mais d'un volet qui nous
préoccupe au Québec, puisque c'est plus que la moitié, les pesticides, c'est
les herbicides à base de glyphosate.
Très rapidement,
dans le monde, 825 000 tonnes
par an, ça a été multiplié par plus de 140 fois, c'est 8,6 milliards
de tonnes depuis 1974. Au Canada, ça a été
multiplié à peu près par 157, c'est 56 % des pesticides agricoles, ce qui
veut dire qu'avec les autres usages, c'est autour de 60 %.
Au Québec,
c'est 47 % des pesticides agricoles, si bien qu'avec les autres usages
c'est autour de 50 %. Or, paradoxalement,
dans la stratégie 2015‑2018 sur l'agriculture, on ne dit pas un mot du
glyphosate, complètement ignoré.
Par ailleurs, encore maintenant dans un des
documents importants de suivi et de diagnostic SAgE Pesticides, les données
n'ont pas été mises à jour depuis des années
et des années, si bien qu'on est complètement en retard et on ne tient même pas compte
des données du CIRC de l'OMS, le Centre international de recherche sur le
cancer, qui souligne qu'il y a des effets potentiellement, probablement,
en fait, cancérigènes et génotoxiques.
Ces
problèmes, très souvent, on semble les imputer aux agriculteurs eux-mêmes. Je
pense qu'il faut comprendre que ce
sont des transformations structurelles qui ont été très largement non seulement
autorisées, mais encouragées par les
instances publiques et notamment fédérales. On voit, par exemple, que cette
hausse est liée à l'introduction des OGM, qui a multiplié par 15 l'usage des herbicides à
base de glyphosate. C'est pour une raison très simple. C'est que ces OGM ont
pour fonction de ne pas mourir en présence massive de ces herbicides. On a
autorisé dans tous les milieux et dans toutes les cultures, à toutes les
époques de l'année, dans les céréales, les légumineuses, les pâturages, etc.
Or, maintenant, quand
on constate qu'on le fait à toutes les étapes, y compris pour la dessiccation,
c'est fort heureusement une intervention au Parlement européen qui nous permet de
limiter cette pratique puisque les acheteurs européens ne veulent plus acheter, que déjà on voit en Ontario qu'il y a
des modifications là, c'est le marché qui... Donc, on a tout intérêt à
être beaucoup, beaucoup plus vigilants.
Dans
le cas de l'atrazine, écoutez, ça a été interdit en Europe depuis 2003, le
chlorpyrifos. On pourrait parler de chacun d'eux, mais, comme c'est
10 minutes, je vais faire ça le plus rapidement possible et sans
nécessairement vous donner l'ensemble des
éléments qui portent sur l'ensemble des impacts santé qui, pourtant, est un des
domaines sur lesquels on travaille pas mal.
• (11 h 40) •
J'aimerais
attirer votre attention sur une chose. On parle de glyphosate habituellement. Or, toutes les données sur
l'importance du glyphosate et de ses usages, même celles que je vous ai
données, c'est sur ce qu'on appelle le principe actif. Or, le principe actif,
c'est environ, 30 %, 35 %, 40 % de la formulation commerciale.
Autrement dit, il n'y a aucun agriculteur qui ne va répandre que du
glyphosate dans ses champs.
S'il
n'y a aucun agriculteur qui répand du glyphosate, le reste de la composition a
des impacts sur l'environnement mais aussi des impacts sur la santé. Bon nombre
d'études ont mis en évidence que c'est jusqu'à 1 000 fois plus
toxique, et c'est une étude qui a été faite notamment sur neuf des
pesticides les plus utilisés au monde : trois herbicides, trois
fongicides, trois insecticides. Dans huit des neuf cas, c'est jusqu'à
1 000 fois plus toxique que le principe actif.
Or,
ce qui est calculé, ce qui est évalué, c'est essentiellement le principe actif,
ce qui pose un problème majeur. C'est-à-dire que ça fait en sorte qu'on n'a pas les bonnes
lunettes, et donc on ne voit pas l'ensemble des impacts.
C'est
vrai aussi pour une partie des instances réglementaires. Quand on dit que
les... et c'est ce qui explique, entre autres, que, dans le cas du Canada,
on ait reconnu pour 15 ans les herbicides à base de glyphosate sur la base
d'études extrêmement limitées, c'est-à-dire qu'on a tenu
compte de moins de 1 % de la littérature récente des dernières années, et
on a fait un mémoire qu'on mettra en annexe du rapport qu'on va vous envoyer.
C'est un avis d'opposition qu'on avait déposé
au gouvernement fédéral où on avait fait l'ensemble de ces calculs. Écoutez,
on était nous-mêmes étonnés qu'on ose dire que c'était «science based»,
alors qu'on n'a pas examiné cette littérature.
Et
actuellement on a un dialogue paradoxal entre, d'une part, des
instances réglementaires qui disent : Oui, mais toutes les autres
instances réglementaires dans le monde disent qu'il n'y a pas de problème et
les évaluations qui ont été faites
par le Centre international de recherche sur le cancer. Bien, ce qu'ils font,
c'est... Bien, écoutez, ils sont un peu tout seuls dans leur coin, et alors que les études qui ont été faites
depuis, pour tenter de comprendre pourquoi il y avait de tels écarts
d'évaluation... Et ce sont des éléments importants.
Quand
on vous parle de la recherche, ce n'est pas simplement de faire plus de
recherche, c'est de voir quels sont les facteurs responsables de la situation actuelle. Or, dans ce cas-là, on a des
évaluations qui sont des évaluations tronquées. Non seulement on n'évalue pas la littérature récente... C'est pour ça
qu'on a des réévaluations périodiques. Alors, il faudrait que ce soit
fait systématiquement. Ce n'est pas le cas.
D'autre
part, ça s'appuie essentiellement sur la littérature de l'industrie, et la
littérature de l'industrie, ce sont des
documents non publiés, des gens qui vont profiter de la décision. Par
conséquent, il y a là un problème assez sérieux.
Quand
on regarde, par ailleurs, ces herbicides à base de glyphosate... et, en fait,
c'est parce qu'elles servent d'exemple pour tout le reste. C'est à la fois un
chélateur, d'où des problèmes d'épidémie d'insuffisance rénale dans un certain
nombre de pays où ça a été retiré. Ça a été breveté comme... jusqu'en 1999,
2000, et c'est, entre autres, pour ça que l'introduction des OGM a permis de
relancer cet herbicide. Il y a eu un brevet d'antibiotique en 1992. Ça a des
effets sur le microbiote intestinal, et ça, c'est très important. Il y a...
Le
Président (M. Lemay) : Mme Vandelac, est-ce que vous
pouvez... est-ce que vous en avez encore pour un petit bout? Ce serait
le moment de la conclusion.
Mme Vandelac
(Louise) : Oui. Je vais tenter de réduire, réduire, mais bon. Je pense
qu'il y a actuellement un déplacement
qui est en train de s'opérer, et on le voit à l'échelle du monde, vers le
recours aux tribunaux. C'est 18 400 recours
aux tribunaux, aux États-Unis actuellement, de gens qui souffrent d'un cancer
non hodgkinien et qui recourent aux
tribunaux pour faire des poursuites contre Bayer-Monsanto.
Ces
recours aux tribunaux, on les voit en Europe, on les voit en France. Ce sont
des recours maintenant contre les instances
réglementaires elles-mêmes ou pour faire modifier des décisions. Ce sont des
recours contre les pouvoirs publics. Bref, il y a une crise véritable, actuellement, de
confiance dans les instances d'évaluation et dans le processus d'évaluation.
Il
est vrai que, dans certains cas... On a vu, par exemple, en France et en
Europe, les dernières évaluations qui ont été faites en 2017‑2018 qui étaient
du copier-coller. Ça a été publié dans les journaux, des documents de l'industrie, ce qui était pour le moins gênant. Donc, on a une situation
où on assiste à un déplacement. Dans ce contexte-là, je... J'en arriverai
tout de suite à quelques-unes des conclusions.
Il
nous semble important de revoir très
sérieusement les dispositifs d'évaluation, de revoir très sérieusement les
normes. Vous savez, au Québec, par exemple, nos normes sont
2 100 fois supérieures pour l'eau potable à ce qu'elles sont en
Europe, où on a pu observer des effets très significatifs sur les foies et les
reins d'animaux de laboratoire qui ont été objets d'évaluations pendant
un an.
On constate également qu'il y a une nécessité
pour le Québec de prendre pleinement ses responsabilités pour occuper pleinement son champ de compétence au
croisement de ses missions de santé, d'environnement, d'agriculture et
d'économie. De toute façon, nous en payons indirectement les coûts.
Il
est extrêmement important aussi, pour des raisons économiques, sanitaires et
environnementales, d'avoir les plus hauts
standards d'exigence en matière d'évaluation des pesticides en reconnaissant
formellement dans la loi et en s'assurant de toutes les étapes nécessaires de sa mise en oeuvre... du principe de
précaution. Il faut mettre en oeuvre des moyens de recherche et de suivi
nécessaires pour s'imposer comme leader d'une recherche interdisciplinaire,
globale, concertée. Autrement dit, c'est
extrêmement important de faire du travail terrain, comme on l'a vu avec les
gens du CETAB un peu plus tôt. Mais il est extrêmement important de
faire un travail d'analyse aussi de l'ensemble des problématiques.
Le
Président (M. Lemay) : Alors, merci beaucoup, Mme Vandelac.
Je vous interromps sur ce. Avant de poursuivre, je veux juste demander aux membres de la commission si c'est
consentement pour poursuivre trois minutes au-delà de l'heure prévue.
Oui? Parfait.
Et je vous
invite aussi... Vous avez mentionné tout à l'heure que vous auriez possiblement
de la documentation supplémentaire à
soumettre. Donc, je vais vous inviter à le soumettre au secrétaire de la
commission, qui le rendra disponible
à l'ensemble des membres. Donc, poursuivons maintenant avec le député de
Bourget.
M. Campeau :
Merci pour votre présentation, on est content que vous ayez un acronyme, parce
que le nom de votre collectif est assez long. Alors, c'est très utile.
Savez-vous...
Juste un commentaire, là, mais ça m'apparaissait tantôt. J'ai eu l'occasion de
mettre ce qu'on appelle le SIMDUT, le
Système d'identification des matières dangereuses utilisées au travail, dans
des usines. Dans le fond, les produits
dont on parle, c'est ça, ces produits-là. J'imagine que je suis sur un tracteur
dans un champ en train d'épandre ça, on
fait quoi? Tu sais, j'imagine comment
un agriculteur peut se sentir à ce moment-là et je ne m'étais jamais rendu
compte de ça auparavant.
Mme Bacon,
vous êtes sociologue. Pouvez-vous nous dire qu'est-ce que le côté sociologique
apporte de plus au CREPPA, s'il vous plaît?
Le Président (M. Lemay) :
Alors, Mme Bacon.
Mme Bacon
(Marie-Hélène) : On s'occupe, donc, on s'occupe de voir au niveau
social, là, notre société, en termes de politiques publiques, en termes de bien commun
de la population dans le contexte avec les pesticides, donc quelles sont les
répercussions de notre système
agroalimentaire au niveau des agriculteurs, au niveau de la pollution. En
sociologie, on fait des liens entre toutes les dimensions, que ce
soient les dimensions politiques, économiques, culturelles et même santé et
environnement.
Donc, ça nous
permet de faire des liens, finalement, d'avoir une optique qui est plus large
que d'être dans un domaine précis et
de pouvoir dégager les enjeux, des grands enjeux qui sont liés au système
agroalimentaire et aux pesticides dans ce cas-ci.
Le Président (M. Lemay) : M. le
député.
M. Campeau :
La plupart des groupes qui sont venus nous voir, peut-être même la totalité,
nous ont parlé de réduire et non pas
d'éliminer. Est-ce que vous embarquez dans le même constat ou vous allez plus
loin? Quelle est votre réaction par rapport à ça? Il me semble que ça
n'a pas été clairement dit.
Le Président (M. Lemay) :
Mme Vandelac.
• (11 h 50) •
Mme Vandelac (Louise) : Oui. Je
pense qu'il serait particulièrement pertinent qu'on respecte les plus hauts standards internationaux et ce que ça veut dire.
Notamment, c'est que, du côté de l'Europe, on commence à entrevoir une stratégie efficace de réduction et de limitation
de toutes les substances dangereuses, c'est-à-dire cancérogènes, cancérogènes
probables, reprotoxiques, mutagènes, neurotoxiques et autres perturbateurs
endocriniens.
Donc, je
pense que c'est très sérieux parce que c'est aussi une question de marché. Et
c'est important d'avoir les meilleurs
standards. Vous savez, il y a quelques années, dans tout le travail qui devait
être fait sur le Saint-Laurent, on a
fait le travail d'assainissement nécessaire, je dirais, du côté de certaines grandes entreprises,
par exemple dans le secteur de pâtes et papiers. Ça a permis de faire en sorte qu'ils soient beaucoup plus compétitifs et
aussi que la charge toxique soit beaucoup moins grande. Dans le secteur de l'agriculture, malheureusement, ce travail n'a pas été fait, et on en subit
les contrecoups maintenant, et donc il faudrait mettre les bouchées doubles de
ce côté-là.
Ceci dit, je
suis contente que vous ayez ouvert par une question sur la santé, parce que
les premiers concernés, ce sont les
gens des milieux ruraux, alors, évidemment, les agriculteurs, même leur famille proche et les gens de la
région. Or, en France, on reconnaît, par exemple, la maladie de Parkinson, on reconnaît les hémopathies malignes, hein, c'est-à-dire notamment les cancers non
hodgkiniens, comme maladies professionnelles, et je pense que le travail doit
être fait au Québec rapidement
en relation avec ce qui se fait en France. Je pense que c'est nécessaire
pour les agriculteurs. Et, vous savez, une des choses qui, pour nous, est très claire, très
évidente, il faut que les agriculteurs soient soutenus et soutenus économiquement beaucoup plus.
On a pu
constater, à partir des données de l'OCDE, que l'écart se creuse, hein? C'est 0,4 %
pour les agriculteurs du Canada, les
producteurs agricoles du Canada, comparativement à 0,7 % pour les autres
agriculteurs de l'OCDE, et les aides publiques ont été réduites d'au moins la
moitié. Ce sont des données de l'OCDE de l'automne dernier. Je pense que,
souvent, les agriculteurs sont très pressurisés et qu'il faut absolument qu'il
y ait une stratégie mise en place de transition, mais qui
les supporte. Alors, les supporter, c'est à la fois dans le conseil
indépendant, dans l'éducation, on en a parlé un peu plus tôt, dans le
travail de formation, de suivi, etc., mais ça veut dire aussi d'avoir des
politiques cohérentes.
Par exemple, il est significatif qu'on
investisse...
Le
Président (M. Lemay) : Permettez-moi simplement de vous interrompre
un instant. Je vais céder la parole à un autre collègue qui a une autre
question. Donc, le député de Maskinongé, allez-y avec une nouvelle question.
M. Allaire :
Merci, M. le Président. En fait, je remercie mon collègue d'avoir abordé le
sujet de la sociologie, parce que je
voyais là, un peu dans ce sens-là, moi aussi... J'essaie toujours de me placer
à la place de ma gang sur mon territoire, de mes agriculteurs, et j'en
ai combien, sur mon territoire, M. le Président, des agriculteurs, combien de
fermes?
Le Président (M. Lemay) : Au
moins deux, trois qui écoutent.
M. Allaire : Au moins deux,
trois qui écoutent, mais 450 fermes. Quand même, ce n'est pas rien. Donc,
c'est significatif, puis, tu sais, on peut
étendre, naturellement, à la grandeur du Québec. On le voit, là, les études le
démontrent clairement que, de plus en
plus, là, il y a un lien avec l'exposition quotidienne de nos agriculteurs, là,
aux pesticides, entre autres, vous l'avez nommé tantôt, là, au niveau du
parkinson.
À partir de
ce moment-là, est-ce qu'il y a un déni volontaire de nos agriculteurs? Puis je
m'explique. En fait, c'est comme
si... Tout le monde le sait, de plus en plus, même, je dirais. Il y a une
certaine conscience qui est là, qui est de plus en plus évidente. Je me répète un peu, mais je veux
insister là-dessus, mais est-ce que ça se peut que, justement, volontairement, on
choisit de privilégier la rentabilité pour justement avoir une certaine... un
portefeuille qui va être plus garni à la fin de l'année puis de faire un déni volontaire, justement, qui dit :
Bien, regarde, je privilégie la rentabilité au détriment de notre santé?
Le Président (M. Lemay) :
Alors, Mme Vandelac.
Mme Vandelac
(Louise) : Écoutez, on pourrait le demander, en tant que bonne
sociologue, aux gens de chez vous et on pourrait faire le travail
d'enquête. Ceci dit, je pense qu'il est évident que, quand on investit
180 millions pour l'exportation mais
7 millions pour le biologique, alors on est loin du compte, on est loin
d'une stratégie de transition au Québec,
et ça veut dire qu'il faut que les signaux soient très clairs pour les
agriculteurs et il faut qu'ils soient véritablement soutenus. Je pense que, très souvent, ils se retrouvent,
bon, de un, conseillés par des gens qui sont à la fois agronomes et, dans
un certain nombre de cas, vendeurs de pesticides, une situation, je pense, qui
devrait arriver à sa fin, c'est à espérer. Il faut qu'ils puissent bénéficier d'un ensemble de services, d'un ensemble
de supports et qu'ils se sentent vraiment pris en compte à tous les niveaux. Et je pense que la reconnaissance des
problèmes de santé professionnels, c'est une partie de la réponse, ce n'est pas
du tout toute la réponse, et il faut
développer d'autres stratégies d'accompagnement. Ça, ça m'apparaît assez évident.
Mais je
dirais que le déni et l'aveuglement volontaire, il m'apparaît plutôt du côté
des instances publiques qui ont toutes les données pour pouvoir intervenir. Et
je comprends mal, par exemple, que le gouvernement fédéral ait reconduit pour 15 ans les herbicides
à base de glyphosate, alors que l'Europe l'a fait pour cinq ans, et encore dans
la controverse la plus totale, et que
bon nombre de pays abandonnent. Je ne dirai pas qu'il faut abandonner comme ça,
les choses ne sont pas aussi simples,
mais il faut avoir un plan très clair, très organisé, très précis pour pouvoir
y arriver dans un horizon réaliste de cinq ans. Je pense que ce serait
bien.
Le Président (M. Lemay) :
Merci, Mme Vandelac. M. le député de Maskinongé.
M. Allaire : Oui. En fait... Puis ça m'amène une autre
question qui est encore peut-être un phénomène de société, mais je fais juste regarder mon voisin, par exemple. Son gazon, il est vert. Il m'énerve, même, tellement que son gazon, il
est vert. Là, n'allez pas voir
sur Google où est-ce que je reste, s'il vous plaît. En fait, est-ce qu'on
pourrait, à partir de ce moment-là, faire
face aussi à un peu plus de contrebande? Parce que je sais très bien, en fait,
qu'il va chercher ses produits aux États-Unis, qu'il les amène ici, au Québec,
de façon illégale. Est-ce qu'on pourrait faire face à ce phénomène de société là où nos agriculteurs, par souci, encore une fois, de rentabilité, vont aller aux
États-Unis puis vont ramener des produits qui sont permis là-bas mais
qui ne seront pas permis ici?
Le Président (M. Lemay) :
Mme Vandelac.
Mme Vandelac
(Louise) : Ils peuvent le
faire depuis un certain temps déjà. Il y en a qui le font, d'ailleurs. Je ne
pense pas que ce soit le problème le
plus préoccupant. Mais ce que vous soulevez indique qu'il faut un véritable
travail de prévention et de
précaution. Il est tout à fait anormal que, pour, je dirais, une conception des
choses selon lesquelles, par exemple,
il faut que le gazon soit plus vert que vert et plus vert que son voisin
surtout, est-ce que... Dans le contexte actuel, si on voit l'ensemble des effets pervers, on va peut-être
se questionner, hein? On commence à faire ces remises en question par
rapport à tous les éléments du quotidien, hein? On voit, par exemple, qu'avec
les plastiques, c'est tout... puis bon nombre
de produits chimiques, hein, les PPDE, par
exemple, qu'on a dans nos
ordinateurs, dans les fauteuils ici, bien, ce sont des perturbateurs endocriniens, et on a une crise, par exemple, de la fertilité masculine importante dans le monde, hein, de 1 %
à 3 % de moins par année là où on a les données statistiques les plus
solides et les plus fiables. Et ces données-là sont là depuis une
vingtaine d'années.
Donc, il y a des effets, hein? On ne
peut pas croire que nous, on est dans une bulle de verre et qu'on ne sera pas touchés. Et, si on commence à le penser pour les
pesticides, si on commence à le penser pour le plastique, si on commence
à le penser... Je pense qu'il y a une
évolution qui est en train de se faire et il y a des jeunes dans la rue qui
vont accélérer cette transition. On
les voit maintenant à l'ONU, on les voit partout, et il m'apparaît important
qu'elle se fasse le plus harmonieusement
possible, c'est-à-dire en intervenant sur les facteurs à l'origine des choses
et non pas en culpabilisant les agriculteurs.
Le Président
(M. Lemay) : Merci, Mme Vandelac. Le député de
Lac-Saint-Jean.
M. Girard
(Lac-Saint-Jean) : Écoutez, merci. Merci, M. le Président. C'est très
intéressant. On soulève plusieurs questions
sociales, philosophiques. On parle beaucoup de l'agriculture, de l'agriculture
mondiale, on sait aussi que le monde agricole sont ceux qui cultivent la
terre, la bonne terre mère qu'on dit, hein? Donc, c'est important d'en prendre soin. Et
on sait aussi que la possibilité de terres agricoles potentielles est très
faible. On n'a qu'à regarder au Québec, même pas 2 % pour
nourrir quand même une grande population, alors d'autant plus que l'enjeu est
important. Et vous savez que... Je vous entendais parler beaucoup que...
dans votre mémoire, que le Québec a de la difficulté ou a du mal à résister au fédéral sur
la question des pesticides. Puis je reviens souvent avec ça, puis c'est
ressorti beaucoup, ça, à plusieurs endroits, et on a vu la Fondation
David-Suzuki, Équiterre qui l'ont soulevé. Est-ce que vous pensez que l'ARLA ou
Santé Canada ont des failles dans leur système d'homologation? Et vous
avez dit que 15 ans, c'est très long.
Le
Président (M. Lemay) :
Alors, Mme Vandelac, en vous rappelant que vous avez environ
30 secondes pour cette réponse.
• (12 heures) •
Mme Vandelac
(Louise) : Alors, je mettrai
au moins le document que nous avions déposé pour montrer qu'ils ne respectent pas ce qu'ils prétendent faire, c'est-à-dire «science-based», donc la littérature indépendante. Il y a
des failles énormes, et je pense que
ça risque d'être pire encore parce
qu'ils sont en train de modifier leur
perspective actuellement et je pense qu'il faudra être très
attentif.
Je
souhaite vivement que le Québec assume ses responsabilités pleinement
dans ce secteur-là, qu'on suive très attentivement ce que fait le gouvernement fédéral, qu'on
puisse intervenir sur un certain nombre de dossiers, ne serait-ce que, par
exemple, sur l'étiquetage. Vous savez, un des herbicides à base de glyphosate
qui est...
Le
Président (M. Lemay) : Merci beaucoup, Mme Vandelac. Je dois vous interrompre. Désolé. Mais je cède la
parole à la députée de Maurice-Richard, qui va poursuivre
avec ses échanges.
Mme Montpetit : Je vous
remercie. On est toujours...
Il manque... On manque toujours de temps dans ces échanges passionnants. Bonjour, mesdames. Merci d'être avec
nous. Je vais enchaîner directement sur certains éléments que vous avez mentionnés. Il y a des réglementations qui ont été mises en place dans la dernière année sur tout ce qui
est... dans les deux dernières années sur tout ce qui est pesticide à
haut risque, donc les néonics, entre autres, l'atrazine aussi.
Moi,
je voudrais vous entendre plus spécifiquement sur le glyphosate. Justement,
vous l'avez mentionné, vous avez parlé de l'ARLA, vous avez parlé de l'Europe,
qui l'a renouvelé aussi pour cinq ans. Qu'est-ce
que la science... L'Europe,
cinq ans. Qu'est-ce que la science nous dit exactement là-dessus? Et, vous,
comme chercheure dans ce domaine-là, est-ce que
vous... à la lumière de la littérature scientifique, est-ce que
vous jugez que le glyphosate devrait être encadré et réglementé comme on l'a fait avec les néonics?
Le Président
(M. Lemay) : Alors, Mme Vandelac.
Mme Vandelac
(Louise) : Oui, mais je
dirais que c'est non seulement le glyphosate, mais les herbicides à base de glyphosate,
hein? Il faut vraiment faire la distinction, parce qu'il faut analyser l'ensemble des
coformulants. Il faut savoir que le
glyphosate est... c'est-à-dire les herbicides à base de glyphosate ont à la fois
des effets de chélateur, à la fois des effets
de perturbateur endocrinien, ce qui est un élément très, très important par
rapport à l'explosion de maladies chroniques dans nos sociétés. C'est à
la fois un produit qui contient un certain nombre de métaux lourds...
Par
exemple, le WeatherMAX — je poursuis sur ce que je venais d'amorcer — qui est très largement utilisé, bon, on y retrouve des quantités très, très importantes
d'arsenic — je pense
qu'il n'est pas tout à fait normal qu'on retrouve de l'arsenic dans les pesticides — et il y a bon nombre d'autres métaux lourds.
On a les illustrations, on a les articles scientifiques qui portent
là-dessus.
Je
pense qu'au plan de la santé l'ensemble des études récentes, au plan
scientifique, mettent en évidence qu'il y a des risques de cancer, je dirais.
Et ce n'est pas nous qui le disons, c'est l'INSERM depuis 2013, hein? Donc, il
y a un certain nombre d'hémopathies
malignes, dont le cancer non hodgkinien. Je veux dire, qu'il y ait
18 400 personnes aux États-Unis, qu'il y en ait à peu près 150 au Canada, c'est un peu anormal que les
gens se retournent, d'abord et avant tout, devant les... face aux
tribunaux, pardon, plutôt que d'être protégés par les instances censées
protéger la santé.
Il
y a des effets, je dirais, associés à ces types de pesticides. Le problème
auquel on est confrontés, c'est le suivant, c'est qu'il faut pouvoir disposer
d'analyses solides, sérieuses, et ces analyses qui sont prises en compte par
les instances réglementaires, ce sont
souvent des analyses dites OCDE, c'est-à-dire qui coûtent au moins
3 millions de dollars. Donc, ce sont les firmes qui se les paient. Et il y
a peu d'études indépendantes qui peuvent satisfaire à ces critères-là, alors
qu'en fait, quand on regarde les
critères, il faut que ce soient des études, par exemple, qui soient faites sur
la vie entière des animaux de laboratoire, sinon on ne voit rien, on ne
voit pas les effets à long terme, comme certains effets cancérigènes.
Donc,
je vous dirais, pour répondre rapidement à votre question, oui, il y a un
certain nombre d'évidences. Est-ce qu'il
faut poursuivre la recherche? Oui, sauf que le principe de précaution nous dit
que, quand il y a des substances déclarées par des instances indépendantes, comme le Centre international de
recherche sur le cancer, qui a fait l'objet littéralement de campagnes, je dirais, de presse assez
agressives de la part de l'industrie... Et c'est un euphémisme de dire ça comme
ça, hein? Ça a été des campagnes de
dénigrement. Ils ont investi 16 millions là-dedans. Et, encore cette
semaine, on voyait qu'il y avait un autre 16 millions qui avait été
investi dans des campagnes de communication...
Le Président (M. Lemay) :
Mme Vandelac...
Mme Vandelac (Louise) : ...en
Europe.
Le Président
(M. Lemay) : Alors,
nous avons une nouvelle question. Donc, Mme
la députée, la parole est à vous.
Mme Montpetit : Moi, je sais que ce n'est pas un exercice facile.
Je vais vous demander de faire des réponses courtes parce que j'ai encore plusieurs questions. Est-ce que,
justement, à la lumière de ce que vous me dites, est-ce que
le Québec gagnerait — ça
a été souligné par un groupe qui était présent, entre autres — à faire une recherche spécifique sur les impacts
des pesticides au Québec, chez les agriculteurs, nommément, chez la population
plus largement? Mais est-ce
que ça devrait être fait?
Le Président (M. Lemay) :
Mme Vandelac.
Mme Vandelac
(Louise) : Oui. Mais je pense aussi que le Québec dispose de tous les
moyens pour devenir un centre d'excellence sur ces questions-là et devrait
profiter de l'occasion pour avoir une approche globale, concertée, interdisciplinaire, intersectorielle sur un sujet aussi important,
c'est fondamental, et de le faire avec une capacité de prospective également.
Autrement dit, oui, voir les effets
concrets, mais voir aussi quels sont les facteurs à l'origine de tout cela, et
où ça peut nous mener, et quels sont les moyens pour pouvoir amorcer une
transition.
Le Président (M. Lemay) :
Merci. Mme la députée.
Mme Montpetit : Est-ce
qu'au niveau de la recherche, je vous
pose la question à vous, mais plus largement les chercheurs du Québec, est-ce que vous avez suffisamment accès, justement, à l'ensemble
de données ou vous souhaiteriez avoir
accès à davantage de données, c'est-à-dire le type de pesticide utilisé, la
quantité, à quel endroit? Est-ce qu'il y a... Il y a certainement un intérêt, je présume, pour pouvoir poursuivre des
recherches, d'avoir une plus grande transparence au niveau de
l'utilisation des pesticides.
Le Président (M. Lemay) :
Est-ce que, Mme Vandelac ou Mme Bacon... Je ne sais pas.
Mme Montpetit : Je vous vois
hocher beaucoup de la tête, toutes les deux.
Mme Bacon
(Marie-Hélène) : Oui, tout à fait. Bien, écoutez, c'est absolument fondamental. Je pense que, si on veut aller de l'avant, tant en termes de santé, de
protection de l'environnement, protection de la population, fondamentalement, il nous faut avoir un accès, une banque de données publique facilement
accessible avec... comme celle qu'on retrouve en Californie, par exemple, où on a absolument tous les pesticides avec
les... les pesticides, quand, comment, où, à quel moment ils ont...
quels usages, et qu'il est possible de consulter publiquement. Donc, pour la
recherche, c'est précieux et c'est fondamental, si on veut avoir des études
épidémiologiques, notamment.
Le Président (M. Lemay) : Mme
la députée.
Mme Montpetit : Est-ce qu'il y
a d'autres sociétés qui l'ont fait à part la Californie?
Mme Vandelac (Louise) : Oui,
oui, oui.
Le Président (M. Lemay) :
Mme Vandelac.
Mme Vandelac
(Louise) : Bien oui. En France, on a des données puis on a des cartes
géographiques, et tout ça est compilé
maintenant, y compris par effet des substances. Et on vient de voir une autre
carte qui est sortie la semaine dernière de la part de l'Anses, donc il
y a vraiment un travail sérieux qui se fait.
Ici, écoutez,
je pense que je vous ferais pleurer si je vous disais comment les données sont
compilées. On change d'année de référence deux, trois fois sur
20 ans, on a des données de zéro à 10 000, de 10 000 à
100 000, de 100 000 à un million
et un million et plus. Essayez d'y comprendre quelque chose, hein? On
additionne tout ça, et donc ça peut nous donner du simple au double en termes de quantité globale. Et, encore là,
on ne calcule pas les ventes totales, on ne calcule que le principe
actif. Donc, oui, pour l'instant, il y a un travail colossal à faire de ce
côté-là.
Le Président (M. Lemay) :
Merci. Mme la députée.
Mme
Montpetit : Donc, je comprends que, si on veut répondre au premier
item de notre mandat qu'on s'est donné, c'est-à-dire d'évaluer l'impact des pesticides sur la santé, vous nous
recommandez fortement non seulement une plus grande transparence au niveau des
données... pas juste une transparence, une transparence complète des données
pour pouvoir faire des études épidémiologiques et que ces études soient
également soutenues. C'est ce que je comprends.
Mme Vandelac (Louise) : Oui.
Mme Montpetit : M. le
Président, il ne doit pas me rester beaucoup de temps, hein?
Le Président (M. Lemay) : Trois
minutes.
Mme Montpetit :
Trois minutes, c'est parfait. Alors, j'aurais une question. Mme Vandelac,
je sais que vous avez fait beaucoup de recherche, entre autres sur toute
la santé reproductive puis sur les perturbateurs endocriniens aussi. Je sais que c'est très, très court comme temps puis je
vous laisserais le reste du temps qu'il nous reste pour vraiment nous tracer un portrait
au niveau de la santé, qu'est-ce que ça a comme impact, qu'est-ce que la
littérature nous dit exactement sur l'impact des pesticides sur la
santé, précisément sur ces deux aspects-là.
Le Président (M. Lemay) :
Alors, Mme Vandelac.
• (12 h 10) •
Mme Vandelac
(Louise) : Oui. Alors, du côté des herbicides à base de glyphosate, si
on reprend cet aspect-là, on a des
effets de perturbation endocrinienne quand on analyse l'entièreté du pesticide.
C'est des études qui ont été faites notamment
sur des cellules humaines de petits garçons décédés et qui permettent de voir
que ces impacts sont souvent plus significatifs pour les produits qu'on
pense inoffensifs, hein?
Par exemple,
je me souviens, j'étais au laboratoire dans une équipe de recherche à ce
moment-là, c'était le petit jardin qui était
trois fois plus nocif que les grandes cultures. C'est intéressant de voir que, dans les procès aux États-Unis, c'est, d'une part,
quelqu'un qui utilisait quotidiennement des herbicides à
base de glyphosate dans le cadre de son travail pour arroser les cours d'école,
alors on se demande ce qui se passe pour les enfants, et, d'autre part,
c'étaient des jardiniers amateurs qui, au bout de 30, 40 ans, on
des problèmes. Donc, il faut voir la question globalement.
Est-ce que
ça a des effets sur les reins, sur le foie? Oui, au niveau animal. On voit que
ces effets-là sont des effets qui
peuvent être troublants dans la mesure où nos normes sont jusqu'à 2 100
fois supérieures. C'est important aussi de respecter ce que le CIRC, Centre international de recherche sur le
cancer, demande de plus en plus, c'est de faire en sorte que ce soient des études qui soient faites sur le
terrain et qui tiennent compte des conditions réelles.
On a vu, par exemple, une étude récente mettre en évidence que ceux qui étaient exposés directement avaient 41 % plus de
chances d'avoir un diagnostic ou, en tout cas, des effets cancérigènes, ce qui
serait plus juste. Donc, on voit que...
Et je
pourrais aligner toute une série d'études qui mettent en évidence que, pour bon
nombre d'effets... Je pense au microbiote,
par exemple. On a été très étonnés... Écoutez, on a répertorié près de
200 études sur le microbiote intestinal, et ça, ça
nous fait dire que, bien, il faudrait peut-être regarder beaucoup plus
attentivement qu'on l'a fait jusqu'à présent la question des résidus.
Les résidus, il y a... Le gouvernement fédéral a été amené...
Le Président (M. Lemay) :
...devoir vous interrompre, puisque le temps est écoulé.
Mme Vandelac (Louise) : Je
m'excuse.
Le Président (M. Lemay) : Je
cède maintenant la parole à la députée de Rouyn-Noranda—Témiscamingue.
Mme Lessard-Therrien :
Merci, M. le Président. Merci, mesdames, d'être là. Vous venez de dire, dans un
échange précédent, que le Québec a tous les moyens pour
une approche globale, intersectorielle, multidisciplinaire. Moi, j'aimerais ça,
vous entendre sur ces moyens-là. Puis j'aimerais ça aussi, vous entendre sur le
dialogue que devraient avoir les différents ministères qui sont concernés
par la problématique, la Santé, l'Économie, l'Agriculture, l'Environnement, et
où est votre place à vous là-dedans. Est-ce que... Là, je suis contente, on
vous entend en commission. Mais est-ce que c'est monnaie courante que
vous interagissiez avec les autres instances gouvernementales sur ces
sujets-là?
Le Président (M. Lemay) :
Mme Vandelac.
Mme Vandelac
(Louise) : Plusieurs questions. D'une part, est-ce qu'il est fréquent
qu'on interagisse? Je vous dirais que
j'ai été assez étonnée, il y a trois ans, de constater que, dans la stratégie
québécoise, on ne parlait pas du tout du glyphosate et qu'aucun groupe n'en
parlait non plus. On était les seuls à souligner que c'était plus de la moitié
des pesticides, et qu'il fallait vraiment s'en occuper, et qu'il y avait
un ensemble d'impacts.
Le problème,
je dirais, c'est aussi notre frilosité collective parfois, hein, y compris au
niveau des instances. Et il serait absolument essentiel qu'il y ait, d'une
part, création de centres de recherche et d'équipes intersectorielles larges
qui permettent d'inclure à la fois des universitaires, à la fois des
chercheurs étrangers, etc.
Mais je dirais qu'une
des choses qui pourraient être faites actuellement, c'est d'avoir un BAPE
générique sur les pesticides. Je pense que
ce serait très bienvenu. Ça permettrait de faire un véritable travail
d'enquête, parce qu'il y a un mandat
d'enquête du côté du BAPE, il y a des moyens. Je pense à la commission sur
l'uranium qui a eu un budget de 2 millions, qui a eu un an de travail. Donc, il y a une possibilité
de faire un travail beaucoup plus conséquent, beaucoup plus cohérent et de voir l'ensemble de la
problématique. Ce serait sans doute une très bonne chose. Chose certaine, c'est
que nous avons la possibilité parce que nous
sommes, je dirais, davantage sensibles du côté de ce qui se passe en Europe,
nous sommes sensibles à la réalité nord-américaine. Nous avons une population
qui, actuellement, est en transition, littéralement.
Et je pense que l'acceptabilité sociale pour les pesticides, elle est de plus
en plus réduite, avec un certain malaise, parce que les gens veulent faire attention à leurs agriculteurs en même
temps. Donc, il y a... On ne veut pas de pesticides, mais on veut faire
en sorte que la transition se fasse...
Le
Président (M. Lemay) : Merci beaucoup, Mme Vandelac. Je cède
maintenant la parole au député de Bonaventure pour sa période d'échange.
M. Roy :
Merci, M. le Président. Bonjour, mesdames. Je vais être rapide. Trois
questions. Première question. Tout à
l'heure, vous avez dit que l'ARLA
allait modifier, bon, sa perspective, et, bon, je n'ai pas trop compris dans
quel sens. J'aimerais vous entendre là-dessus.
Deuxième
question. Vous avez parlé d'une judiciarisation des processus de recours devant les tribunaux. Est-ce qu'un recours contre l'ARLA serait quelque chose qui pourrait exister? Je
pose des questions. On est tout seuls ici, là.
Et,
troisième question, les glyphosates seraient un antibiotique. Est-ce que cela
peut avoir un effet sur l'efficacité des antibiotiques sur l'être humain
en cas de problèmes de santé?
Le
Président (M. Lemay) : Mme Vandelac, en vous rappelant que
nous sommes entre nous, ainsi que tous les autres citoyens du Québec.
Mme Vandelac
(Louise) : Tout à fait. Écoutez, loin de moi l'idée de lancer des
actions en justice ici, mais je dirais que,
d'une part, du côté de l'ARLA, il y a actuellement quelques présupposés, le
premier étant qu'il y a trop de travail, que c'est trop lourd, qu'il faudrait que l'industrie paie pour ce
travail et que ça donnerait un temps précis. Il y a eu une consultation au printemps dernier — j'avais l'impression qu'ils vous en
parleraient puisqu'ils sont venus ici — il y avait une consultation en cours qui
permettrait d'assurer qu'il y ait un montant qui soit donné par l'industrie.
Les gens de l'ARLA font le travail
dans un délai prescrit. À mon avis, c'est très, très problématique, et il
faudrait que ce soit étudié en profondeur, d'une part, parce que ça veut dire se priver de la recherche
indépendante puisque les délais seraient trop courts. C'est un premier problème de taille. D'autre part, que
l'industrie paie pour les pesticides qu'elle va utiliser, oui, mais dans la
mesure où il y a un vrai travail
d'évaluation indépendante et où on tient compte de la recherche indépendante.
C'est, à mon avis, tout à fait essentiel.
En ce qui concerne le caractère antibiotique, oui,
le dossier du microbiote intestinal est étroitement lié à ce caractère antibiotique
des herbicides à base de glyphosate, et, s'il y a autant de littérature depuis
deux ou trois ans sur ces questions-là, c'est bien parce que c'est très préoccupant. Alors, il y a eu des... je
dirais, on ne peut pas parler de liens ici encore, mais il y a des
pistes de recherche, disons ça comme ça, du côté des effets neurotoxiques, par
exemple...
Le
Président (M. Lemay) : Mme Vandelac, je vous interromps à
nouveau. Mme Bacon, Mme Vandelac, merci. Je vous remercie pour
votre contribution à nos travaux.
La commission suspend
ses travaux jusqu'après les affaires courantes. Merci.
(Suspension de la séance à
12 h 18)
(Reprise à 15 h 47)
Le
Président (M. Lemay) :
Alors, à l'ordre, s'il
vous plaît! La Commission de l'agriculture, des pêcheries, de l'énergie et des ressources naturelles reprend ses travaux. Je demande à toutes les
personnes présentes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie
de leurs appareils électroniques.
Cet
après-midi, nous allons entendre l'Institut
national de santé publique du Québec,
l'Institut Jean-Garon ainsi que l'Association des producteurs maraîchers
du Québec.
Avant de poursuivre,
j'aimerais savoir s'il y a consentement pour que nous puissions poursuivre nos
travaux jusqu'à 18 heures maximum. Consentement?
Des voix :
...
Le
Président (M. Lemay) : Consentement? Merci. Donc, je souhaite la bienvenue aux représentants de l'Institut national
de santé publique du Québec. Je vous
rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous
procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter
ainsi que les personnes qui vous accompagnent, puis vous pourrez
procéder à votre exposé. La parole est à vous.
Institut national de santé publique du Québec (INSPQ)
Mme Damestoy
(Nicole) : M. le Président,
membres de la commission, je suis Nicole Damestoy, présidente-directrice générale
de l'Institut national de santé
publique du Québec, et, cet
après-midi, je suis accompagnée par M. Onil Samuel, conseiller scientifique au sein de notre Direction
de santé environnementale et de toxicologie, de même que par Dr Stéphane Caron, médecin en santé au travail.
Alors, tous deux sont ici pour répondre à vos questions tout à l'heure.
Nous vous remercions
de l'invitation à participer à vos travaux et nous saluons l'intention de la
commission de dresser un portrait à jour des
impacts des pesticides sur la santé publique et l'environnement ainsi que des
pratiques de remplacement innovantes.
L'INSPQ
est un centre d'expertise et de référence en santé publique au Québec.
Notre mandat est de produire et de transférer
les connaissances scientifiques les plus à jour pour soutenir les décideurs et
les autorités de santé publique lors de l'élaboration de stratégies qui
peuvent avoir un impact sur la santé de la population.
L'institut
est impliqué depuis longtemps dans le domaine des risques sanitaires associés
aux pesticides, tant pour la population
générale que pour les travailleurs agricoles. Nos experts ont été impliqués
dans les travaux d'élaboration et de
suivi de la Stratégie phytosanitaire québécoise en agriculture. Nous avons
aussi participé aux différentes consultations menées par le gouvernement lors de la rédaction du Code de gestion des
pesticides ou, plus récemment, de la nouvelle Politique bioalimentaire québécoise.
Notre
mémoire apporte une perspective de santé publique aux enjeux soumis en
délibération. L'approche de santé publique
propose une analyse structurée de l'ampleur d'un phénomène, de ses impacts et
des pistes de solution pour amoindrir
le risque sur la santé de la population, des travailleurs ou de certains groupes plus
vulnérables. Si on prend cette perspective
populationnelle, il reste des pas très significatifs à franchir dans le domaine
de l'exposition aux pesticides en dépit des efforts et des innovations
prometteuses qui ont été décrites récemment dans les médias.
D'abord,
abordons l'état des connaissances sur les effets sur la santé de l'exposition
aux pesticides. Il existe peu de
données épidémiologiques québécoises pour documenter les effets de l'exposition aux
pesticides sur la santé dans la population ou chez les travailleurs agricoles. Cependant,
ces risques ont été documentés ailleurs dans le monde, et ces constats peuvent
être transposables au contexte québécois, dans la mesure où ce sont habituellement les mêmes pesticides qui sont utilisés ici.
• (15 h 50) •
Les
pesticides sont associés à différents degrés à des effets sanitaires à court et
à long terme. Les effets sanitaires à court terme ou immédiats d'une
exposition aux pesticides sont relativement bien connus. Il en est tout
autrement des effets de l'exposition
répétée, peu importe la dose, sur une longue période de temps. Les pathologies les plus étudiées regroupent les cancers,
les maladies et les troubles neurologiques ainsi que les atteintes liées à la
reproduction ou au développement. Ainsi, principalement chez les utilisateurs professionnels,
les cancers du sang et des ganglions tels que lymphome non hodgkinien, le myélome multiple ou la leucémie, de même que
le cancer de la prostate ou certaines
tumeurs cérébrales sont les néoplasies pour lesquelles le poids de la preuve ou
la présomption d'un lien sont les plus forts. Aussi, sur le plan des effets neurologiques à long terme,
une forte présomption a été observée pour la maladie de Parkinson, qui,
comme le lymphome non hodgkinien d'ailleurs, a été reconnue comme une maladie
professionnelle liée à l'exposition aux
pesticides en France. Notre mémoire présente une analyse détaillée des
dernières données disponibles dans ce domaine.
Par
ailleurs, de nombreuses incertitudes persistent. Ainsi, il faudrait en savoir
davantage sur les effets endocriniens
ou neurodéveloppementaux qui
pourraient survenir suite à l'exposition prolongée à de faibles doses d'une
même substance, des doses bien
inférieures à celles utilisées lors des études expérimentales citées dans les
processus d'homologation. Aussi, l'effet additif de l'exposition à un
mélange de différents pesticides, tous à des doses largement inférieures au
seuil de toxicité, est peu documenté à ce jour.
Devant
l'étendue du mandat de cette commission, nous avons choisi de regrouper nos
recommandations autour de trois
grands blocs : le premier est celui qui concerne le fait de baser les
décisions sur des données fiables indépendantes et de soutenir la
recherche; le deuxième, qui consiste à séparer le conseil phytosanitaire des
intérêts commerciaux et d'encourager plus activement encore les pratiques de
remplacement; et le troisième, qui vise la prévention et la prise en charge des
risques d'exposition professionnelle aux pesticides.
Commençons
par le premier bloc, celui qui aborde la notion de baser les décisions sur des
informations fiables indépendantes et de favoriser la recherche. Afin de
réduire les risques sanitaires des pesticides pour la population et pour les travailleurs, il faut d'abord mieux
documenter l'exposition. Quand on parle de la population générale en
particulier, nous avons fait état
plus tôt des incertitudes sur les effets à la santé, mais l'information est
aussi déficiente au niveau de l'exposition
aux pesticides. La principale source d'exposition de la population générale est
par l'alimentation. Les programmes de
surveillance des résidus de pesticides des aliments et de l'eau devraient être
bonifiés. Les données ainsi produites devraient être divulguées et facilement accessibles aux chercheurs et aux
autorités sanitaires. Elles permettraient une surveillance active et continue de l'exposition de la
population aux résidus de pesticides et permettraient de répondre à des
questions telles que : À quoi la
population est-elle exposée au juste? À quelle dose? À quelle combinaison de
produits? Comment cela évolue-t-il dans
le temps ou selon les régions? Aussi, les données complètes de vente des
pesticides devraient être rendues disponibles
par le ministère de l'Environnement et de la Lutte contre les changements
climatiques afin d'optimiser nos indicateurs de risque.
Dans
un autre ordre d'idées, mais toujours dans le domaine des données, si on
regarde le processus d'homologation des produits, il existe certaines
lacunes au niveau de l'information utilisée pour étayer les décisions. Ainsi,
puisque Santé Canada consulte actuellement
sur le processus d'homologation, nous croyons nécessaire d'insister afin que
l'ensemble des données probantes
disponibles soient prises en compte. Ceci inclut spécifiquement les données
issues de la recherche indépendante
de l'industrie. De plus, toujours dans le cas des exigences de l'homologation,
il y aurait lieu d'inclure les effets chroniques de l'exposition à la
formulation commerciale, pas seulement l'ingrédient actif.
Finalement,
dans ce premier bloc, quand on parle de recherches, puisque la réalité de l'utilisation
des pesticides sur le terrain varie des conditions de laboratoire, il faudrait
supporter la réalisation d'études chez les travailleurs agricoles pour
connaître les risques sanitaires associés à leur pratique professionnelle.
Deuxième
bloc, celui qui aborde la notion de séparer le conseil phytosanitaire des
intérêts commerciaux et d'encourager
plus activement encore les pratiques de remplacement. La Stratégie
phytosanitaire québécoise en agriculture énonce la base d'une intervention intégrée qui vise à réduire
l'exposition de la population et des travailleurs aux pesticides. C'est un cadre solide auquel il faudra apporter
des ajustements pour s'assurer d'atteindre les objectifs initiaux. La réduction
des risques sanitaires associés aux pesticides
nécessite une action concertée entre les différents partenaires, que ce soient
les ministères, les producteurs et leurs
représentants, l'industrie agrochimique, les établissements d'enseignement.
Cependant, l'influence de l'industrie doit être recadrée. Il
est démontré que la mise en place de services-conseils indépendants est souvent
associée à une réduction de l'utilisation des produits.
Or, au
Québec, l'offre actuelle de service-conseil est principalement associée à la
vente de pesticides. Il en résulte une
situation d'apparence de conflit d'intérêts ou d'absence de neutralité qui est
accentuée par certaines pratiques promotionnelles et publicitaires qui
encouragent l'achat et l'utilisation de pesticides. Cette situation a aussi pour effet de nuire considérablement
aux efforts visant à promouvoir l'utilisation des outils développés au Québec pour faciliter la substitution des pesticides
plus toxiques vers des alternatives moins nocives.
Il est
possible d'assurer la mise en place de services-conseils en phytoprotection
plus neutres à l'instar de ce qui prévaut
dans d'autres pays ou pour d'autres produits potentiellement dangereux.
D'autres pays ont aussi encadré davantage
les pratiques promotionnelles et publicitaires de l'industrie des pesticides.
Si le besoin
de réduire l'utilisation des pesticides semble faire consensus,
l'atteinte de cet objectif passera par un plus grand soutien à la recherche et à l'évaluation de technologies innovantes permettant d'éliminer, de réduire ou de substituer les produits moins toxiques. La gestion intégrée
des ennemis des cultures et l'agriculture biologique doivent prendre plus de place dans
l'éventail des méthodes utilisées.
Finalement,
en ce qui concerne la prévention et la prise en charge des risques
d'exposition professionnelle aux pesticides,
les travailleurs agricoles doivent faire l'objet d'une attention
particulière en matière de prévention des risques d'exposition aux pesticides parce qu'ils manipulent les produits, en font l'application et circulent
dans les champs. De plus, parce que la ferme est aussi un milieu de vie, une
meilleure gestion des risques est susceptible de limiter l'exposition des
familles, des voisins et des populations limitrophes.
La
priorisation du secteur agricole par
la CNESST aurait certainement des impacts positifs sur la prise en charge de la
prévention, sur le développement de la recherche, sur la formation ainsi que
sur la reconnaissance des maladies professionnelles en lien
avec l'exposition aux pesticides. Afin de favoriser cette prise en charge, il
faudrait aussi revoir la définition d'«établissement»
et de «travailleur» au sens de la Loi sur la santé et la sécurité du travail et
rendre accessible à ce secteur d'activité l'ensemble des mécanismes de
prévention prévus dans cette même loi.
Alors, en
espérant que ces propositions, appuyées sur notre expertise ainsi que les
connaissances scientifiques les plus
récentes, vous soient utiles et éclairent votre décision, il nous fera
maintenant plaisir de répondre à vos questions.
Le Président (M. Lemay) : Merci
beaucoup, Mme Damestoy. C'est bien prononcé?
Mme Damestoy (Nicole) : C'est
ça.
Le
Président (M. Lemay) : Excellent. Donc, je cède maintenant la
parole au député de Bourget pour la période d'échange avec la partie du
gouvernement.
M. Campeau :
Merci, M. le Président. Je suis vraiment content que vous ayez eu l'occasion de
donner le nom de madame. Comme ça, ça
m'évite de me tromper. C'est bon, ça. Vous parlez de l'effet chronique, et je
comprends très bien ce que c'est que
l'effet chronique, dans le sens que, quand on regarde le long terme, c'est
beaucoup plus dur à évaluer que quand on regarde le court terme. Si on se met le nez dans notre chaudière de
chlore avant de le mettre dans la piscine, on le sait qu'on étouffe. Si on a un tout petit peu de chlore dans
l'air, on ne s'en rend pas compte, on a peut-être un effet à long terme
puis on ne le sait pas.
Mon exemple
n'est peut-être pas très bon, mais ça donne une idée. Mais, quand vient le
temps de mélanger plusieurs produits
dans l'air avec un effet chronique, est-ce qu'il y a des études en cours
là-dedans? Est-ce que c'est possible de trouver ça? Ça me semble
extrêmement compliqué.
Le Président (M. Lemay) : ...la
parole à un de vos collègues, il n'y a aucun problème. M. Samuel, allez-y.
M. Samuel
(Onil) : O.K. Lorsqu'on parle de l'évaluation de la toxicité des
mélanges, il faut être très conscient que la toxicologie moderne est encore
très mal outillée pour réaliser ce type d'exercice là. Si on prend, par
exemple, l'exposition de faibles
doses de produits mélangés via les aliments, on est capables de le faire
jusqu'à un certain point en considérant des molécules ayant des mêmes modes
d'action. D'ailleurs, l'EFSA, en France, vient de déposer un rapport pour
lequel elle a, avec une méthodologie d'analyse de risque, réussi quand
même à évaluer les risques, théoriquement, des risques à un mélange de certains
produits ayant des mêmes modes d'action.
Or, quand on
parle des produits qui n'ont pas des mêmes modes d'action, c'est pratiquement
impossible, à l'état actuel des connaissances, de faire ce type
d'exercice là du fait qu'on est exposés à une multitude de produits. On parle
de centaines et de centaines de produits. Et d'essayer d'évaluer ça
expérimentalement, c'est pratiquement impossible... en tout cas.
Le Président (M. Lemay) : M. le
député de Bourget.
M. Campeau : Moi, je
suis très sensible à ce que vous avez mentionné sur les travailleurs agricoles.
Ce que vous souhaitez, c'est qu'on fasse une étude sur les travailleurs
agricoles ou est-ce que vous avez déjà eu des études qui ont été faites
sur les travailleurs agricoles? Peut-être est-ce que c'est les deux?
Le Président
(M. Lemay) : M. Samuel.
• (16 heures) •
M. Samuel (Onil) : Il existe actuellement dans la littérature une
multitude d'études chez les travailleurs agricoles. J'ai travaillé, au cours
des quatre dernières années, avec un groupe d'experts scientifiques qui
regardaient spécifiquement la
question de l'exposition des travailleurs agricoles en Europe et en Amérique, et il y a une multitude d'études qui
existent pour les travailleurs agricoles.
Lorsqu'on
parle des études, on parle surtout d'études dans le contexte québécois, des
études épidémiologiques, pour avoir une bonne idée des impacts sanitaires, de
mesurer des effets sanitaires dans la population agricole. Et ça, ça se fait
bien par des études épidémiologiques. Des études d'exposition, on en a
quelques-unes, et elles vont toutes dans le même sens, à savoir que, lorsqu'il
y a des bonnes pratiques de travail, les expositions ne sont pas nulles, mais quand même
réduites.
Mais,
au niveau des effets à la santé à
long terme, on est très peu outillés au Québec. On sait que dans d'autres pays, aux États-Unis par exemple, il y a eu beaucoup
d'études, il y a des bonnes démonstrations de certains effets. Mais c'est toujours important d'avoir des données
propres à notre milieu de travail, ne serait-ce que pour orienter les
politiques ou les stratégies de prévention pour nos travailleurs.
Le Président
(M. Lemay) : M. le député de Bourget.
M. Campeau :
Vous avez... je pense que vous ne l'avez pas dit dans ces mots-là, mais vous
parliez de changer les règles, à
l'intérieur de l'Ordre des agronomes, pour que les gens qui vendent des
produits ne soient pas les gens qui les recommandent. C'est ce que vous
voulez dire, essentiellement?
Le Président
(M. Lemay) : M. Samuel.
M. Samuel
(Onil) : On n'a pas abordé la thématique sous l'angle de l'Ordre des
agronomes, mais bien du service-conseil.
Pour nous, il est extrêmement important que les gens qui donnent des conseils
agronomiques ne soient pas liés par la pression de la vente des pesticides. Et
cette réflexion-là n'a pas été faite qu'ici. Je parlais tout à l'heure d'un vaste travail qu'on a réalisé, avec un rapport de
1 400 pages, et c'était une des conclusions principales. Et la même
réflexion a été faite dans
beaucoup de pays.
Un
des éléments qui favorisent la vente des pesticides, l'utilisation des
pesticides, et qui viennent inhiber, souvent, les efforts de faits pour
réduire l'utilisation de pesticides, c'est le fait que les agronomes soient
autant des vendeurs de pesticides que des prescripteurs de services
agronomiques.
Le Président
(M. Lemay) : O.K. M. le député.
M. Campeau :
Il y a certaines organisations qui ont fait des liens entre pesticides et
autisme. Vous n'en parlez pas. Est-ce que vous avez une opinion? Est-ce que...
plus qu'on n'a pas assez de connaissances actuellement à ce sujet-là pour
en être sûr?
Le Président
(M. Lemay) : M. Samuel.
M. Samuel
(Onil) : O.K. Dans notre évaluation, on a essayé de faire une étude...
une évaluation assez exhaustive des risques, mais on a dû se limiter, faute de
temps, aux pathologies les mieux connues. On a regardé aussi l'aspect de
l'autisme et, selon l'état des études
aujourd'hui, on pense qu'effectivement c'est une thématique à regarder de près,
mais on n'est pas certains que les
données actuelles permettent de conclure sur cette pathologie-là. Je vous
explique pourquoi.
Lorsqu'on
parle d'autisme, on va parler, d'une part, de différentes sortes d'autisme,
différents niveaux d'autisme, on va
parler d'impacts génétiques sur l'autisme, et la plupart des études disponibles
n'en discutent pas. Donc, les études existantes
lèvent un drapeau rouge. On doit pousser les études pour évaluer cette
pathologie-là, mais je ne suis pas certain, en fonction de l'état des
connaissances actuelles, qu'on puisse conclure sur un risque évident.
Le Président
(M. Lemay) : M. le député.
M. Campeau :
Merci de cette précision-là. En terminant, peut-être une question-commentaire.
Vous ne l'avez pas mentionné comme
ça, mais est-ce que vous n'êtes pas aussi en train de nous dire que, quand le
côté santé parle au côté agriculture, il faut faire attention à ne pas
travailler en silos?
Le Président
(M. Lemay) : M. Samuel...
M. Campeau :
Avec ou sans jeu de mots, là. J'avoue, là, je n'ai pas fait exprès.
Le Président (M. Lemay) :
Allez-y, M. Samuel. Je ne sais pas...
Une voix :
C'est beau, allez-y, oui.
Le Président (M. Lemay) :
Parfait.
M. Samuel
(Onil) : Effectivement, on a intérêt à ne pas travailler en silos.
Dans le cadre de nos travaux, on collabore avec différentes
organisations, que ce soit le MAPAQ, le ministère de l'Environnement, l'IRSST,
la CSST, on a des interactions assez fréquentes. Mais, d'avoir une
structure plus permanente qui rejoint différents intervenants, que ce soient
des universitaires ou autres, ça pourrait
être grandement intéressant, justement, pour discuter de toute cette question
des pesticides, qui est un sujet vaste, complexe et où ça demande
vraiment un tas d'expertises différentes.
M. Campeau : Merci beaucoup.
Le Président (M. Lemay) :
Parfait. Donc, sur ce, je cède la parole à la députée d'Abitibi-Ouest.
Mme Blais
(Abitibi-Ouest) : Merci, M. le Président. Merci pour la présentation.
Vous demandez l'amélioration de la
formation, pour les agronomes, sur le risque des pesticides, alors que le
mémoire de l'Université Laval... plus que la moitié des cours
obligatoires du baccalauréat en agronomie concernent cette question. Hier,
l'Ordre des agronomes soulignait la présence des cours généraux dans le cursus
scolaire ainsi que la formation continue. Croyez-vous que la formation
additionnelle au niveau baccalauréat et maîtrise soit nécessaire?
Le Président (M. Lemay) :
M. Samuel
M. Samuel
(Onil) : Les gens ont une
certaine formation agronomique, mais, lorsqu'on manipule des produits qui
peuvent avoir un impact sur la santé et
l'environnement, ça implique aussi qu'on ait des connaissances de ces risques
associés là. Et malheureusement cette formation-là manque. Le seul cours obligatoire actuellement au Québec, sur les risques sanitaires des pesticides, est donné à l'Université Laval et n'est obligatoire que depuis cette année. Et donc de savoir qu'on
peut traiter des ennemis des cultures
avec des pesticides, c'est une chose, mais nous, on croit aussi que les gens
doivent en connaître davantage sur les impacts sanitaires et
environnementaux de ces produits-là.
Le Président (M. Lemay) : Mme
la députée.
Mme Blais
(Abitibi-Ouest) : Merci. Dans votre mémoire, vous parlez de formation
efficiente auprès des agriculteurs.
Pourquoi? Puis quelle serait la solution, selon vous?
Le Président (M. Lemay) :
M. Samuel.
M. Samuel (Onil) : Pouvez-vous
répéter s'il vous plaît?
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Dans votre mémoire, on parle de formation efficience auprès des agriculteurs.
Pourquoi? Et quelle serait la solution, la solution idéale?
M. Samuel (Onil) : De formation
efficiente?
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Efficiente, oui.
M. Samuel
(Onil) : Bien, ça allait
rejoindre un peu ce que je viens de dire. On a besoin que les gens qui
appliquent les pesticides, qui vont
donner du service-conseil en termes de pesticides, aient une meilleure
formation générale sur l'ensemble de
la problématique liée aux risques,
mais liée au risque, mais liée aussi d'un point de vue santé au travail, par
exemple, à la prévention des
travailleurs, à la façon de se protéger lorsqu'on applique, les gens. Et on
croit que les conseillers agricoles, notamment, pourraient avoir un rôle
important en termes d'approche préventive auprès des utilisateurs de
pesticides.
Le Président (M. Lemay) : Mme
la députée.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Merci, je laisse la parole à un collègue.
Le Président (M. Lemay) : Bien
sûr. Donc, M. le député de Lac-Saint-Jean, la parole est à vous.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Merci,
M. le Président. Combien il nous reste de temps, M. le Président?
Le Président (M. Lemay) :
Environ six minutes.
M. Girard
(Lac-Saint-Jean) : Bon,
merci. Merci d'être là, merci du mémoire déposé. J'ai vu... il y a plusieurs
choses que vous abordez dans le mémoire,
hein? Vous parlez, entre autres, de l'homologation au niveau
des matières actives, tout ça, mais
qu'il n'y a rien qui se fait au
niveau... une fois qu'ils sont tous
ensemble, avec les adjuvants aussi, puis moi, écoutez...
Est-ce
que Santé Canada devrait investir davantage dans la recherche? Parce qu'on
parle d'effets au niveau des expositions au niveau des pesticides, on connaît très bien tous les effets aigus.
Ça, c'est documenté. Mais les effets à long terme, tout ça, par
contre...
Le Président (M. Lemay) :
M. Samuel.
M. Samuel (Onil) : Excusez-moi.
Vous voulez répondre?
Une voix : Non, allez-y.
M. Samuel
(Onil) : Santé Canada, comme toutes les organisations qui sont
responsables de l'homologation, font à peu près tous le même travail de la même
façon. Donc, c'est un cadre, c'est un bon modèle d'évaluation, d'analyse de
risques, là, qui est une approche
quantitative, et tous le font de la même façon, mais il y a des bogues dans
tout ce processus-là.
D'une part,
les données proviennent uniquement de l'industrie. Je ne veux pas insister sur
le fait que toutes les entreprises qui produisent des pesticides peuvent
fausser des données, tout ça, mais on a eu quand même, dans les dernières années, des exemples où il y a eu de la
manipulation de données, tout ça. Et, dans d'autres milieux, comme dans les médicaments,
par exemple, dans d'autres produits dangereux, on s'est donné des outils pour
avoir un cadre d'analyse où on va avoir des données pour lesquelles on
est assuré que ça a été fait de façon très éthique.
Et comment le
faire? Je ne sais pas. Est-ce qu'on devrait continuer à faire payer l'industrie
pour faire les études, mais les faire
faire par des experts complètement indépendants? Peut-être. Est-ce que Santé
Canada doit faire les études? Je n'en
suis pas certain. Ce qui est important, c'est qu'il y ait un cadre complètement
indépendant pour faire les études qui sont utilisées pour évaluer les
risques.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Donc, ce que je comprends, c'est qu'au niveau de l'ARLA, tout ça, au niveau
fédéral, il n'y a pas de cadre indépendant.
Puis là il y a des cahiers de charge, et les entreprises qui homologuent les
produits doivent remplir le cahier de charge, et par la suite c'est
évalué?
• (16 h 10) •
M. Samuel
(Onil) : C'est ça. Ils vont utiliser les données générées par
l'industrie pour faire des évaluations de risques, pour décider si, oui
ou non, le produit respecte des quotas de sécurité et qu'on peut effectivement les utiliser. Il est clair que, dans certaines situations, ça
nécessite de faire des études plus poussées.
Et vous m'avez parlé de la question des mélanges
de pesticides, de l'évaluation des produits commerciaux, et effectivement c'est une autre des problématiques associées au processus d'homologation, que
ce soit au Canada ou ailleurs :
on évalue une matière active qui n'est pas le produit utilisé sur le terrain.
Et on a des exemples. Le glyphosate est celui qui a été le plus cité, au cours des dernières années,
parce que c'est un produit qui a été beaucoup
utilisé, où on a vu que les surfactants,
par exemple, pouvaient être en cause dans la toxicité. Actuellement, on n'évalue pas le produit commercial, on n'évalue que la
matière active.
Le Président (M. Lemay) : Parfait.
M. le député, allez-y.
M. Girard
(Lac-Saint-Jean) : La
longueur, 15 ans, c'est-u trop long? Et qu'est-ce que vous
recommanderiez...
M. Samuel (Onil) : ...
M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Le
15 ans, processus d'homologation, de révision.
Le Président (M. Lemay) :
M. Samuel.
M. Samuel
(Onil) : C'est long. C'est
long. Je proposerais, moi, personnellement, un processus intermédiaire où on va, après une dizaine
d'années, par exemple, voir s'il
y a des nouvelles études et,
dépendamment des résultats, essayer d'accélérer
le processus. 15 ans, c'est long. Des fois, on dit
15 ans, et, si on regarde les périodes exactes où il y a
eu l'évaluation, ça peut même s'étendre jusqu'à
20 ans, et c'est très long. Il faudrait avoir un processus
qui permette de suivre la littérature, de
voir les nouvelles données. Et, lorsqu'il
y a des indications d'un risque potentiel,
bien, qu'on accélère le processus
d'évaluation.
Le Président (M. Lemay) : Très
bien. M. le député.
M. Girard
(Lac-Saint-Jean) : Bon, et
plus loin aussi, dans votre mémoire, vous parlez aussi des mesures, d'alternatives,
tout ça, et j'aimerais vous entendre au niveau de la Stratégie phytosanitaire, parce que vous en
parlez : Qu'est-ce que vous en pensez, de cette stratégie-là qui
a été mise en place?
Le Président (M. Lemay) :
M. Samuel.
M. Samuel
(Onil) : Personnellement, je pense que la Stratégie phytosanitaire est un beau cadre de référence
pour initier un ensemble
d'activités pour réduire l'utilisation des pesticides. On a développé, par exemple, des outils d'aide à la décision pour favoriser la substitution des produits les
plus dangereux. On a initié un paquet d'études pour essayer de mieux
comprendre des choses. Il y a eu des projets de mis en place pour essayer de
trouver des alternatives.
Donc, c'est
un cadre qui est, somme toute, assez intéressant, et d'autant plus que, pour nous, c'est la
première fois que, dans une stratégie
phytosanitaire, on parlait des aspects santé, alors qu'autrefois on ne parlait
que d'environnement. Donc,
c'est un processus assez global, mais qui mérite d'être bonifié, qui
mérite d'aller vers peut-être plus de recherche, d'initier plus de
recherche.
Et c'est un processus,
aussi, qui a encore des freins. Le fait que le service-conseil soit beaucoup
lié à l'industrie, bien, il
y a beaucoup d'outils qu'on a
développés pour réduire l'utilisation de pesticides ou, tout au moins, les plus
dangereux, et l'industrie n'y accorde aucune confiance, en disant : Bien, les produits sont
homologués par Santé Canada, on n'a pas à utiliser des outils
alternatifs.
Le
Président (M. Lemay) :
...puisque cette période
d'échange est terminée. Et maintenant
je cède la parole à la députée
de Maurice-Richard pour sa période.
Mme Montpetit : Merci,
M. le Président. Madame, messieurs,
merci de vous être déplacés aujourd'hui pour venir répondre à nos questions. C'est très, très apprécié, fort intéressant. Je commencerais en revenant sur un des éléments que vous avez
mentionnés, dans la période d'échange, sur la formation des agronomes.
Quand vous
dites qu'il n'y a... Juste pour être certaine, là, d'avoir bien
compris. Vous dites que, sauf un cours à l'Université Laval sur les
risques sanitaires des pesticides, il
n'y a aucun cours, précisément, qui se donne à cet effet-là aux agronomes du Québec ou vous... Mais, outre le fait, en fait, qu'il n'y a aucun cours, est-ce que ces notions-là sont abordées dans d'autres
cours ou pas du tout?
M. Samuel (Onil) : Je risque à
dire : très peu. Je vous donne un exemple. La prise en charge de la formation
des conseilleurs agricoles, des travailleurs
agricoles en matière de prévention de risque des pesticides, tout ça a beaucoup été
assumé, au cours des dernières années, par la Stratégie phytosanitaire. On a
formé 400 conseillers agricoles, que je vais appeler non liés — même si le terme parfois fait sauter des gens — donc,
non liés à la vente de pesticides, et on les a formés sur les risques à la
santé et les risques à l'environnement ainsi que les outils d'aide à la décision, comme
SAgE Pesticides, par exemple,
pour les aider à choisir des pesticides moins toxiques.
On est en
train de préparer une formation aussi pour les producteurs agricoles. On a des
actions de la Stratégie phytosanitaire
qui visent à mieux informer les travailleurs agricoles sur les risques à la
santé et sur les approches préventives, les mesures préventives, mais c'est fait en dehors du cadre de
l'enseignement classique et c'est un peu de la substitution de mandat,
mais on le fait pour remplir un vide.
Le Président (M. Lemay) : Mme
la députée.
Mme
Montpetit : Donc, ce que
vous tirez comme conclusion, c'est que les agronomes ne sont pas... n'ont pas nécessairement
cette formation-là ou cette sensibilité-là de l'impact sanitaire, de l'impact
toxicologique des pesticides, et ils
sont quand même dans une situation où... Est-ce
que vous remettez en question, dans
le fond, le rôle qui leur est confié, notamment, de prescrire des pesticides, ou ce que vous
suggérez, c'est vraiment de les former davantage, ou vous suggérez
les deux avenues? Juste pour que je comprenne bien, là.
M. Samuel
(Onil) : ...avenues très
différentes. Oui, les agronomes devraient être impliqués davantage
dans la prescription, dans la
recommandation. Et actuellement on a cinq produits pour lesquels on exige des
prescriptions, et, comme ce sont
souvent des produits dangereux, il y aurait intérêt à ce que des
professionnels soient plus impliqués dans la recommandation et la prescription de produits. Ça, c'est une chose. La
formation sur les risques sanitaires, sur les mesures préventives, sur les approches pour réduire les
risques, c'est une autre chose, et, encore une fois, je dis oui, on devrait en
faire davantage.
Mme
Montpetit : Deux autres
questions en lien avec la recherche. Vous avez mentionné... c'est ça, que les
risques spécifiques à l'exposition des travailleurs québécois
aux pesticides... il demeure encore beaucoup d'inconnues autour de ces questions-là.
Vous dites : Même si c'est bien documenté, là, dans la littérature
scientifique, il apparaît difficile de dresser un portrait réaliste de
la situation pour les agriculteurs du Québec.
Parce qu'on a eu plusieurs échanges depuis hier sur la reconnaissance de la
maladie de Parkinson pour les travailleurs agricoles. Est-ce que vous pensez qu'à la lumière de la littérature
scientifique internationale, cette littérature, elle est assez précise pour penser qu'elle pourrait être
appliquée à la situation du Québec ou on est vraiment dans une situation
différente, un monde agricole différent qui ne nous permettrait pas,
dans le fond, d'utiliser les conclusions de ces études?
Le Président (M. Lemay) :
M. Samuel ou peut-être M. Caron?
Mme Damestoy (Nicole) : Un peu
des deux.
M. Samuel
(Onil) : On a récemment
regardé la littérature sur le parkinson, comme d'autres pathologies, et le
poids de la preuve est assez
fort. C'est rare qu'on a un poids de la preuve aussi évident pour une
pathologie chronique. Et effectivement, dans la littérature internationale, qui nous vient beaucoup
des États-Unis, en passant, le poids de la preuve est fort, et moi, je ne
crois pas, avec l'expérience que j'ai, que la situation peut être très
différente ici. On a régulièrement des
gens qui viennent nous voir avec la problématique, mais ce sont des cas
individuels. On n'a pas d'étude épidémiologique qui nous permette de
faire le portrait au Québec.
Et ça, c'est important pour une chose,
surtout. C'est que, dès qu'on a fait le constat dans un milieu propre, après,
on est capable d'orienter des stratégies. On a des éléments de sensibilisation
pour les travailleurs, parce que ce sont les premiers visés, et ces gens-là sont difficiles à convaincre, parfois, de
se protéger, malgré tous les messages qu'on essaie de passer. Donc, d'avoir des données de recherche
propres au milieu, souvent, ça constitue un élément de sensibilisation et
d'orientation des politiques assez fort du fait que ça provienne du milieu.
Oui,
on peut probablement transférer les constats qui sont faits ailleurs
pour le parkinson, mais ce serait drôlement intéressant qu'on puisse le
documenter au Québec.
Le Président
(M. Lemay) : Mme la députée.
Mme Montpetit :
Toujours sur des questions de recherche, parce qu'on a eu ces échanges-là aussi
avec des chercheurs, un petit peu plus tôt
dans la journée, sur l'accès aux données, je présume... et je ne veux pas vous
mettre des mots dans la bouche, mais
je présume que, comme institut de recherche, vous seriez favorables à une plus
grande accessibilité, transparence, disponibilité sur la totalité des
données d'utilisation des pesticides au Québec.
• (16 h 20) •
M. Samuel
(Onil) : Tout à fait. Je
pense que c'est important qu'on ait accès à toutes les données probantes,
là, que ce soient les données de
résidus de pesticides dans les aliments. On a développé des outils, des cadres
méthodologiques pour être capables de
faire des analyses de risques, sauf qu'on utilise les données fédérales, du programme de surveillance fédéral, pour lesquelles on n'est pas capables
d'extraire les données québécoises. Donc, je pense que le gouvernement québécois pourrait essayer de faire des pressions
ou, du moins, avoir des ententes avec l'ACIA, l'agence d'inspection des
aliments, pour avoir les données québécoises.
Le
MAPAQ génère un programme de surveillance, aussi, mais les seules données
auxquelles on a accès, ce sont des résumés de quelques pages, très généralisés,
alors que nous, on a besoin davantage des données brutes, donc quel produit en
contenait, quel échantillon, combien il y en avait, tout ça, quels légumes,
quels fruits, et tout ça. On a besoin de ces données-là. On a besoin de bonifier ces programmes-là aussi parce
que souvent, statistiquement, on n'a pas suffisamment de données, mais
on n'y a pas accès actuellement.
Pour ce qui est des
données dans les fruits et légumes au Québec, on est en discussion avec le
laboratoire, au MAPAQ, et c'est des échanges qui sont cordiaux, tout ça, puis
je pense qu'on va finir par avoir, nous, à l'institut, ces données-là. Mais je
garde une prudence parce que c'est le troisième mémoire dans lequel on le
demande.
Autre
chose, rapidement, on a des données de vente des pesticides qu'on peut mettre en
lien, en relation avec nos indicateurs de risques : SAgE
Pesticides, l'IRPeQ, l'indicateur de risque des pesticides du Québec. Et on
aurait le plus bel indicateur de suivi
temporel du risque, si on pouvait avoir des données de vente liées aux régions,
aux familles de pesticides, aux
groupes de production, alors qu'actuellement on a des données globales qui englobent tout ça.
Et il y a beaucoup, même,
des secteurs d'activité où il s'est fait des belles choses, qu'il y a
eu beaucoup de travail de fait pour réduire l'utilisation, puis on ne le voit pas parce que
tout est noyé dans les grandes cultures du fait que c'est 85 % de l'utilisation d'herbicides, dans les grandes cultures, de tous les pesticides.
Et nos indicateurs ne nous permettent pas de les utiliser à leur plein pouvoir, du fait qu'on n'a pas accès aux données.
Le Président
(M. Lemay) : Merci, M. Samuel. Mme la députée, environ deux
minutes.
Mme
Montpetit : Je vais la faire très brièvement pour vous laisser le
temps de répondre, mais, si vous aviez, justement, accès à toutes ces données, donc, au
niveau vraiment de l'utilisation des pesticides, des quantités, des régions,
tout ça, qu'est-ce que ça pourrait
faire comme différence pour vous, comme institut de recherche, mais pour
l'ensemble des chercheurs, pour la population du Québec? Quel type de
recherche ça vous permettrait de faire au niveau des risques toxicologiques,
notamment, là?
Le Président
(M. Lemay) : Alors, M. Samuel.
M. Samuel
(Onil) : Au niveau des risques des aliments, par exemple, on pourrait
répondre à plein de questions : Est-ce qu'effectivement les
craintes qui sont observées dans la population ou même auprès des
scientifiques... est-ce qu'effectivement les
niveaux mesurés, c'est à craindre? Tu sais, on aurait une... on serait capables
de faire des analyses de risques pour répondre en partie. Il demeure des
incertitudes, on ne peut pas répondre à tout.
Pour ce qui est des
indicateurs de risque, les indicateurs de vente de pesticides, on pourrait
mieux orienter les stratégies soit par types
de culture, par exemple. Si j'observe que, dans la pomme — et je ne veux pas incriminer la pomme, là, c'est un exemple — il y a une problématique liée à un produit,
que le risque est en montée, tout ça, bien, on peut, avec les
intervenants du MAPAQ, les intervenants de l'Environnement, les intervenants
agronomiques, les services-conseils, développer
des stratégies pour essayer de réduire ce risque-là. Mais actuellement on n'est
pas capables d'avoir un indicateur qui peut être éclaté en fonction de
différentes problématiques, différents groupes de producteurs.
Le Président
(M. Lemay) : Mme Damestoy, pour le mot de la fin.
30 secondes.
Mme Montpetit : Bien,
j'aimerais juste savoir...
Le
Président (M. Lemay) : Allez-y, Mme la députée.
Mme Montpetit :
...parce que c'est une question qui est ressortie beaucoup, là, dans les
derniers jours, sur les liens entre
les pesticides puis l'autisme : Est-ce que c'est le genre d'étude
épidémiologique que l'INSPQ pourrait faire pour voir si les cas, quand même, en augmentation,
d'autisme... Est-ce que c'est le genre d'études auxquelles vous vous consacrez
comme institut ou pas du tout?
Le Président
(M. Lemay) : Rapidement.
Mme Damestoy
(Nicole) : ...dans l'analyse de la littérature, de recherches qui ont
déjà été publiées ailleurs. Vous utilisez
souvent le terme «institut de recherche». Nous ne sommes pas un institut de
recherche. On est un institut de santé
publique qui collige les données issues de différents types de recherches
scientifiques partout dans le monde pour essayer d'avoir une idée
précise d'un enlignement ou d'une orientation.
Le Président
(M. Lemay) : Merci beaucoup pour la précision. Je cède maintenant
la parole à la députée de Rouyn-Noranda—Témiscamingue.
Mme Lessard-Therrien :
Merci, M. le Président. À la lecture du mémoire, j'ai beaucoup de
préoccupations puis j'aimerais revenir sur
le tableau où vous présentez le Bilan des principales associations positives
entre l'exposition aux pesticides et
certaines pathologies chez les adultes et les enfants. C'est votre tableau, le
tableau 1. Et, dans le fond, ce qu'on constate là-dedans, c'est qu'il y a
beaucoup de présomptions fortes entre l'exposition aux pesticides et les
maladies. On a parlé du lymphome non
hodgkinien, la leucémie, les tumeurs cérébrales, le cancer de la prostate.
Bref, il y a matière à être
passablement inquiets.
Puis,
quand on regarde, toutefois, vos recommandations au
niveau de la limitation de
l'exposition, les mésusages des
pesticides pour ainsi réduire les risques sanitaires de ces produits, vos
propositions vont vraiment dans le sens de, bon, déployer des efforts supplémentaires pour
faciliter l'imprégnation, promouvoir davantage, auprès des producteurs
agricoles, les outils d'aide à la décision, développer des
activités de formation. Bon, il y a toute une série de mesures, mais, à la hauteur
de ce qu'on peut voir des preuves qui sont
faites au niveau des liens avec la santé, ça ne me semble pas des
mesures très ambitieuses.
Concrètement,
qu'est-ce qu'on fait avec les pesticides? Lesquels seront jugés
prioritaires? Tu sais, pour la population, l'INSPQ, c'est le gardien de la santé publique. Donc, je me demande pourquoi être
si frileux dans vos recommandations?
Et beaucoup d'intervenants nous ont parlé
préalablement du principe de précaution. Vous n'en faites pas mention.
J'aimerais vous entendre là-dessus.
Le Président
(M. Lemay) : Donc, M. Samuel, environ en une minute.
M. Samuel
(Onil) : On n'a pas parlé du principe de précaution, dans le mémoire,
mais on l'a mis en application, souvent,
notamment dans le code de gestion des pesticides, où on a clairement indiqué
que, pour l'utilisation des pesticides
en milieu urbain, on devrait
appliquer le code... le principe de précaution. Principe de précaution a été un
petit peu galvaudé de gauche à
droite, là, mal utilisé dans le temps, et le principe de précaution doit
s'appuyer entre autres sur la recherche puis sur la... Il faut être capable d'avoir des données assez probantes
pour l'appliquer, sinon on va l'appliquer à tous les... pour des
raisons, des fois, qui vont être nuisibles plus qu'autre chose.
Donc,
nous, on pense que, si la recherche qu'on préconise pour mieux documenter
certains effets nous amène à avoir des données assez probantes, bien, on va
pouvoir éventuellement aller vers le principe de précaution, si c'est justifié.
Mais il faut que ce soit justifié aussi.
Le
Président (M. Lemay) : Merci beaucoup. Ceci complète cette
période d'échanges. Je cède maintenant la parole au député de
Bonaventure.
M. Roy :
Merci, M. le Président. Madame, messieurs, bonjour. Écoutez, il y a un mot qui
me vient en tête : «opacité», «manque
de transparence». Parce que, là, je vous écoute, là, sur le besoin d'avoir
accès à des données et je n'arrive pas à comprendre que le MAPAQ... Soit que
les données n'existent pas, ou ils ne veulent pas vous les transférer, ou la méthode de collecte est faite d'une certaine
manière que vous ne pouvez pas extraire, bon, des choses qui vous permettraient
de proposer, bon, des... ou de recommander des modifications réglementaires. Et
pouvez-vous... Là, vous nous dites,
vous n'avez pas accès à vos données. Est-ce qu'elles existent, et vous n'y avez
pas accès parce qu'on vous refuse l'accès ou le modèle de collecte des
données est tout croche et vous ne pouvez rien faire avec?
Le Président
(M. Lemay) : M. Samuel.
M. Samuel (Onil) : Bon, on a parlé de deux types de données qui sont
existantes, là. De documenter les pathologies, puis tout ça, là, c'est une autre chose, parce que les études vont
souvent évaluer des effets pour un ensemble de produits, puis ce n'est
pas spécifique à des produits. C'est pour ça qu'on n'a pas voulu embarquer dans
les produits. Mais, dans les données
existantes qui pourraient nous servir, les données en lien avec la vente des
pesticides, ce sont des données qui existent au ministère de l'Environnement, sauf qu'en raison d'ententes de
confidentialité avec l'industrie ces données-là ne peuvent pas nous être
rendues disponibles. Et ça fait longtemps qu'on les demande.
Pour ce qui est des données pour les
résidus de pesticides dans les aliments, c'est la même chose. Bon, il manque de
données, on devrait en faire davantage, mais les données rendues publiques...
Le dernier rapport date de 10 ans, celui qui est sorti il y a deux jours. Ça faisait 10 ans qu'on n'en avait
pas vu. Nous, ça fait longtemps qu'on les demande, aussi, mais on n'y
avait pas eu accès.
Le Président
(M. Lemay) : ...une question complémentaire, ici, par M. le
député de Bonaventure.
M. Roy :
Quand vous nous parlez d'ententes confidentielles qui font en sorte que vous ne
pouvez avoir accès aux données, est-ce qu'on parle de secret industriel
ou des choses de cette nature-là?
M. Samuel
(Onil) : Oui, c'est de cette nature-là.
M. Roy :
Au même titre que l'ARLA refuse l'accès aux études en prétextant le secret
industriel par des chercheurs indépendants pour valider la pertinence et
la scientificité des études?
M. Samuel
(Onil) : Bon, regardez, nous, on a fait des demandes à quelques
reprises, au ministère de l'Environnement, pour avoir accès à ces
données-là, et la réponse qu'on a eue, c'est qu'on n'est pas capable en raison
des ententes de confidentialité qu'on a avec
l'industrie. Donc, je crois que ces données-là existent. Effectivement, on les
présente d'un point de vue global, là, toutes dans le même plat, mais on
n'a pas accès à ces données-là.
Le Président (M. Lemay) : Merci, M. Samuel, Mme Damestoy,
M. Caron pour vos contributions à ces travaux.
Je
suspends maintenant
quelques instants afin de permettre aux représentants de l'Institut
Jean-Garon de prendre place.
(Suspension de la séance à
16 h 30)
(Reprise à 16 h 32)
Le
Président (M. Lemay) :
Alors, nous reprenons les travaux, et je souhaite maintenant
la bienvenue aux représentants de l'Institut Jean-Garon. Je vous rappelle que
vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les
membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter ainsi que la personne
qui vous accompagne, puis vous pourrez procéder à votre exposé. La parole est à
vous.
Institut
Jean-Garon
M. Saint-Pierre
(Michel) : Bonjour et merci
de nous recevoir. Nous allons présenter, si vous permettez, en duo le sommaire de notre mémoire. Mon nom est Michel
Saint-Pierre. Je suis coprésident de l'Institut Jean-Garon. J'ai oeuvré pendant... Comme la plupart des gens qui
sont membres de l'institut, des gens qui ont une longue carrière en agriculture, j'ai été sous-ministre de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. Et je vous présente Guy
Debailleul.
M. Debailleul
(Guy) : Alors, je suis Guy Debailleul, coprésident de l'Institut
Jean-Garon et professeur associé au Département
d'économie agroalimentaire de l'Université Laval, où j'ai fait l'essentiel de
ma carrière en enseignement et en recherche.
M. Saint-Pierre
(Michel) : L'Institut Jean-Garon est un groupe d'analyse et de
réflexion, ce qu'on appelle communément
et le plus souvent, même en français, un think tank, sur les grands enjeux de
l'agriculture et de l'agroalimentaire québécois.
Contrairement au nom que porte notre institut, nous sommes apolitiques.
Personne n'a jamais pensé que Jean
Garon était apolitique. Alors, dans notre cas, c'est le cas. Nous sommes à la
fois apolitiques, nous sommes à but non lucratif et nous avons des
positions neutres.
Et
d'ailleurs c'est ce qui nous amène aujourd'hui. Notre but, c'est d'apporter un
éclairage dans un débat, un débat
qui se situe dans le temps depuis quelques
mois, on devrait dire, avec un certain nombre d'éléments qui sont venus
alimenter ce débat-là. Il y a longtemps, c'était Monsanto
qui faisait les manchettes et, plus récemment, c'est un agronome du MAPAQ,
mais, dans tout ça, il y a eu une série d'événements qui ont mis les pesticides
sur la sellette. Et, dans cette avalanche d'informations,
il nous apparaissait, nous, à l'Institut Jean-Garon, important d'apporter un
éclairage sur ce que ça... où est-ce qu'était la problématique et est-ce
qu'il y a des pistes de solution à la question des pesticides. Parce que, sans
vouloir nier la problématique, il y a
peut-être également des pistes de solution, puis certaines, peut-être, d'entre
elles sont très vieilles, d'ailleurs.
Donc,
notre... comment dire? Ce qu'on a voulu apporter, c'est une position qui est
celle... à la fois neutre, mais qui amène à la prudence et à la modération en
ce qui concerne ce produit-là parce que c'est un poison, ça, c'est clair, c'est
un poison pour un être quelconque ou une
plante, en tout cas, quelconque. Alors donc, on ne peut pas nier cette réalité-là.
Donc, il faut le traiter de façon très
particulière. Et on a voulu apporter une image qui nous apparaissait être la
plus près de notre réalité de tous les jours : les pesticides sont un
médicament. Pourquoi on dit ça? Parce qu'à l'instar des médicaments sous prescription ils ont des buts très précis,
ils ont, dans le temps, également une vie et une... il y a une ordonnance qui
suit ça et il y a des façons
également de l'utiliser. Et l'abus de ça, à l'instar d'éliminer les pesticides,
crée une problématique.
Cette
image-là, pour nous, elle est forte parce qu'à la fois on y trouve le côté
positif — les
pesticides ne sont pas juste une
nuisance pour la société, ils servent à produire des aliments — l'usage excessif, lui, devient, à l'instar
également des médicaments, un danger.
Mais on ne dit pas... Quand des gens utilisent de façon excessive des
médicaments ou se droguent carrément,
on ne dit pas : Bannissons un médicament, mais on a entendu souvent
l'expression : Bannissons les pesticides au cours des dernières semaines, à tout
le moins. Alors, c'est ce qui nous a amenés à vouloir dire : Holà! il y a des
pistes de solution. Il y a une réalité, oui, à ne pas nier, et c'est le
non-respect de ces règles-là qui nous amène aujourd'hui à dire : Bon, où est-ce qu'on se
situe?
Et, de fait,
une première question qu'on voudrait adresser, c'est : Où est-ce que se
situe le Québec dans la question ou la problématique, entre guillemets,
des pesticides? Guy va nous en parler.
M. Debailleul
(Guy) : Lorsque l'on cherche à situer le Québec, on est amené à le
faire en particulier par rapport au reste du Canada, par rapport aux autres
provinces. Et, quand on consulte les statistiques, on peut avoir, d'un côté, des images relativement favorables pour
le Québec et d'autres qui sont plus préoccupantes.
Lorsqu'on consulte les données de Statistique
Canada, par exemple, on voit que la proportion des terres qui reçoivent effectivement des pesticides au Québec
est sensiblement inférieure à la proportion que l'on observe dans les autres
provinces, et en particulier dans les provinces des Pairies. En gros, on
dirait, entre 50 % et 60 % des terres au Québec reçoivent des
pesticides, alors que la proportion peut atteindre 70 %, 80 %.
Lorsque
l'on regarde du côté des terres effectivement cultivées, on constate le même
écart, sinon encore plus important. Alors,
on peut penser aussi que cette différence est liée aux types de cultures qui
sont pratiquées et qui sont probablement plus homogènes, plus réduites dans les
provinces canadiennes, dans les autres provinces du reste du Canada.
Maintenant,
lorsqu'on observe les dépenses en pesticides par hectare cultivé, là les écarts
sont sensiblement plus réduits,
et quelquefois on est amenés à constater qu'il se dépense davantage d'argent en
pesticides par hectare cultivé recevant des
pesticides que dans le reste du Canada. Alors, je parle de dépenses parce qu'on
n'a pas les données sur les quantités effectivement utilisées, donc on
se réfère aux dépenses telles que les enregistre Statistique Canada.
Par ailleurs,
ce que l'on doit aussi constater, c'est que les données sur l'utilisation des
pesticides au Québec sont aussi
fragmentaires. Ça, ça a été évoqué dans l'intervention précédente. Mais ces
données sont, comme cela a été dit, colligées par le ministère de l'Environnement, mais on se rend compte qu'une
partie des pesticides ne sont pas comptabilisés parce qu'elles sont... Par exemple, les pesticides qui
sont associés aux semences enrobées ne sont pas comptabilisés dans de telles
données. Et le Commissaire au développement
durable, en 2016, a attiré l'attention là-dessus, comme il a attiré l'attention sur le
fait que, depuis 30 ans, on a... pratiquement 30 ans, on a essayé de
mettre en place des stratégies phytosanitaires visant la réduction de l'utilisation des pesticides. On
avait été très ambitieux, au début des années 90, en visant une réduction
de 50 %. En réalité, lorsque
l'on collige les données, on s'aperçoit que l'utilisation n'a pas sensiblement
baissé sur toute la période. Donc,
c'est relativement préoccupant. Et le commissaire en concluait que
l'agriculture du Québec est toujours aussi dépendante de l'utilisation
des pesticides.
Alors, on
peut rajouter à ce point le fait que, si on regarde l'évolution en longue
période de l'utilisation des pesticides,
on ne peut pas dissocier cette évolution de l'évolution de certaines grandes
cultures au Québec. En quelque sorte...
• (16 h 40) •
Bon, il faut
rappeler aussi, ça a été mentionné, mais 70 %, 80 % de l'utilisation
des pesticides, il s'agit d'herbicides. Et
l'herbicide, les produits herbicides sont essentiellement utilisés par quelques
grandes cultures, dont le maïs et le soya. Et, lorsque vous regardez et vous mettez en perspective l'évolution des
superficies en maïs, par exemple, puis ensuite du soya et l'évolution des dépenses en pesticides,
les deux évolutions sont sensibles, assez rapides depuis la fin des
années 70 et sont relativement corrélées.
Donc, on peut
aussi... on reviendra sur ce point-là un peu plus tard, mais on ne peut pas ne
pas évoquer, dans cette problématique,
le fait qu'on ait eu des politiques qui ont largement encouragé le
développement de certaines grandes cultures, grandes utilisatrices de pesticides.
M. Saint-Pierre
(Michel) : Si vous le
permettez, regardons un peu les pistes d'avenir, s'il y en a. D'une part, et je
vais redonner la parole à Guy parce
que c'est son domaine, le domaine de
la formation, on n'y échappe pas... comme dans beaucoup d'autres domaines,
les grands enjeux tournent autour d'une formation qui est souvent
inadéquate, c'est le cas actuellement, ainsi que la recherche. Guy.
M. Debailleul
(Guy) : Alors, sur ce
plan-là, alors vous aurez évidemment plus de détails avec la présentation du doyen de la Faculté des sciences de l'agriculture
demain, mais j'ai tendance à dire que la formation des agronomes, les grandes orientations, la philosophie même de la
formation, n'a pas beaucoup changé depuis une trentaine d'années, et même plus,
depuis que moi-même j'ai reçu une formation d'ingénieur agronome il y a, là,
pas mal de temps. C'est toujours un peu la même vision des relations, par exemple, plantes-environnement, c'est toujours une sorte d'approche en silo, puisque ça a été
évoqué, cette expression, où on juxtapose des disciplines les unes à côté des
autres.
Or, depuis un
certain nombre d'années, la FAO a invité les pays membres à revoir complètement leurs programmes de
vulgarisation, leurs programmes de formation et leurs programmes de recherche à
la lumière d'un concept dont le terme n'est
pas si nouveau — ça remonte à plus d'un siècle — mais qui est de plus en plus... qui sert de
plus en plus de référence, c'est l'agroécologie.
Le
Président (M. Lemay) : Je vous invite à la conclusion, s'il vous
plaît, puisque la période de 10 minutes étant déjà terminée. Est-ce
que vous pouvez conclure?
M. Saint-Pierre
(Michel) : J'aimerais conclure sur le fait qu'il y aussi des pistes,
autres pistes porteuses. Il y a eu des
choses dont on a parlé beaucoup, des réseaux d'avertissements phytosanitaires
qui, depuis 30, 40 ans, on fait des merveilles au niveau réduction dans
certains domaines, des luttes biologiques également qui sont des avenues à
explorer. L'agriculture biologique nous enseigne des choses, mais il y a
aussi l'agriculture réseaunique qui est un peu en rapport à ça.
Et,
peut-être une dernière chose, la plus vieille des pratiques pour le contrôle
des... en fait, des problèmes des pestes ou des ennemis de culture, la rotation, les rotations de culture, la
diversité des cultures, chose que, malheureusement, on ne pratique pas
assez. Alors, c'est simple, il existe des pistes.
Le
Président (M. Lemay) : Merci beaucoup. Sur ce, nous allons y
aller avec des questions par la partie du gouvernement. M. le député de
Bourget, la parole est à vous.
M. Campeau :
Merci, M. le Président. Merci pour votre présentation. Je veux juste être sûr
de bien comprendre. Je vais vous le répéter dans mes mots. On a moins de
surfaces d'agriculture, là, il y a moins de surfaces qui reçoivent des
pesticides, mais, dans les surfaces qui reçoivent des pesticides, on est plutôt
généreux.
M. Debailleul
(Guy) : C'est ce qui ressort du... quand on consulte les dépenses par
hectare en pesticides telles qu'elles sont colligées et publiées par
Statistique Canada, oui.
M. Campeau :
Ceci est peut-être dû au fait que certaines cultures en demandent plus ou bien
non que l'habitude a été prise d'en mettre plus?
Le Président
(M. Lemay) : M. Saint-Pierre?
M. Saint-Pierre
(Michel) : Oui. La réponse, c'est : Certaines cultures en
demandent plus. Ce sont, pour les nommer, les grandes cultures qu'on retrouve généralement dans la région de la
Vallée-du-Saint-Laurent, Montérégie. Ce sont les plus grandes
utilisatrices de pesticides. Et, comme Guy l'a mentionné tout à l'heure, quand
on parle de pesticides, on parle surtout d'herbicides. C'est celui qui a fait monter la donnée, si on veut, de
façon plus importante au cours des dernières années, en particulier depuis l'avènement des plantes OGM,
maïs et soya, et évidemment de son
corollaire, le Roundup ou glyphosate, qui va de pair, évidemment.
Le Président
(M. Lemay) : M. le député.
M. Campeau : Quand vous parlez d'herbicide, ça veut dire qu'un
désherbage mécanique pourrait le remplacer ou au moins aider.
Le Président
(M. Lemay) : M. Saint-Pierre.
M. Saint-Pierre
(Michel) : Techniquement,
bien sûr, oui, tout à fait, bien sûr. Mais là il y a d'autres théories qui
vont vous être présentées. Ils vont
dire : Bon, le coût, le coût mécanique du désherbage mécanique, le temps
qu'on y prend... Bon, c'est un peu le
dilemme dans lequel se trouvent les gens qui font cette pratique-là. Ils ne le
font pas de façon méchante et sans
égard aux problèmes éthiques, mais ils savent également qu'ils sont dans un
secteur... Il y a une économie, il y a un coût à ça.
M. Debailleul
(Guy) : Si vous me permettez...
Le Président
(M. Lemay) : Oui, allez-y, M. Debailleul.
M. Debailleul
(Guy) : ...dans certains
départements de génie rural, il y a eu des travaux qui se sont menés ou qui continuent à se mener sur des alternatives à
l'utilisation des herbicides, telles que le désherbage mécanique ou même le
désherbage thermique, c'est-à-dire le fait de passer avec des rampes qui brûlent les mauvaises herbes à un
stade où elles sont les plus fragiles
alors que la plante cultivée n'est pas encore trop exposée. Mais, jusqu'à
présent, en fait, il semble que ces alternatives ne se soient pas
révélées aptes à concurrencer l'utilisation des herbicides du point de vue des
coûts.
Le Président
(M. Lemay) : M. le député...
M. Debailleul
(Guy) : Et puis certaines cultures se prêtent mal à un désherbage
mécanique.
Le Président
(M. Lemay) : Allez-y, M. le député de Bourget.
M. Campeau : Vous avez aussi insisté sur le fait que la
formation a peu changé, n'a peut-être pas suivi les besoins. Si vous aviez à la changer, avez-vous quelque
chose à nous proposer là-dessus?
M. Debailleul
(Guy) : ...
Le Président (M. Lemay) :
M. Debailleul.
M. Debailleul (Guy) : Excusez-moi, M. le Président. Je faisais
allusion au principe ou au concept d'agroécologie, qui a amené, par exemple, le gouvernement français, par exemple, à prescrire à l'ensemble de ses lycées agricoles
de réviser leur programme de
formation à la lumière de ce concept, l'INRA, qui a revu complètement ses
programmes de recherche aussi. Vous avez en ligne un classement des 40 universités
américaines qui ont les meilleurs programmes de maîtrise en
agroécologie.
Alors, qu'est-ce
qu'on entend par l'agroécologie? C'est une façon d'envisager les relations
entre la plante et l'environnement sous
l'ensemble de ces dimensions, pas seulement l'interaction d'un intervenant
extérieur comme un pesticide ou un
engrais, mais l'ensemble des fonctions, en quelque sorte, qui sont mobilisées
par la croissance de la plante.
Et
il faut bien reconnaître qu'au Canada on a, pour le moment, un seul programme de
premier cycle, au Manitoba, qui
est fondé sur l'agroécologie, et puis, à l'Université Laval, il y avait
simplement une école d'été de cinq jours jusqu'à présent. Alors, je
pense que le doyen va vous annoncer demain qu'il y a en préparation un
programme de maîtrise en agroécologie, mais peut-être
qu'on pourrait penser qu'avant d'aller à la maîtrise en agroécologie il
faudrait commencer par les programmes de premier cycle et puis aussi les
programmes du collégial.
Le Président
(M. Lemay) : Sur ce, M. le député de Bourget.
M. Campeau : Une dernière question, commentaire, là. Peut-être
la formation n'a pas changé, mais les acheteurs sont beaucoup plus sensibilisés. Alors, la formation des gens,
ce n'est pas de la formation dans ce cas-là, mais ce sont les gens qui se préoccupent beaucoup
plus de ce qu'ils mangent. Et je pense que les médias jouent un grand rôle là-dedans
en nous donnant de l'information. On critique parfois les médias, mais il y a des fois... On devrait quand même
reconnaître que, s'ils n'avaient pas mis ces sujets-là de l'avant, on ne
serait peut-être pas aujourd'hui ici pour en parler.
Le Président
(M. Lemay) : M. Saint-Pierre, peut-être?
• (16 h 50) •
M. Saint-Pierre
(Michel) : Non, je trouve
que la remarque est très pertinente, effectivement. La société change, les attentes des
consommateurs changent également, et il
y a des tendances aussi qu'on
observe. Il y a une agriculture, en fait, qui travaille
fort pour développer à côté de ce qu'on fait maintenant.
Je
dirais, j'ajouterais, depuis 50 ans, on n'a pas changé notre modèle, là.
C'est surtout ça, la question. C'est qu'on a mis en place des politiques il y a une cinquantaine d'années, et ces politiques-là nous amènent là actuellement. Et la dernière fois qu'on a
porté un regard sur l'avenir, c'était à la Commission sur l'avenir de
l'agriculture, qu'on a vite fait d'enterrer.
Alors, le rapport, entendons-nous, là. Mais c'est la dernière fois qu'on a fait
un exercice qui était justement pour dire :
Où allons-nous? Et, si je regarde un peu du côté éducation, j'ai encore
l'impression qu'on enseigne ce qu'on fait et non pas ce qu'on devrait
faire.
Le Président
(M. Lemay) : Alors...
M. Campeau :
...un vocabulaire adapté, «enterrer un rapport», c'est vraiment très bien.
M. Saint-Pierre
(Michel) : Oui, oui.
Le
Président (M. Lemay) :
Donc, sur ce, M. le député de Bourget, je cède maintenant la parole au député de Dubuc.
La parole est à vous.
M. Tremblay : Merci, M. le Président. Bonjour. Je salue votre engagement,
messieurs, vous et l'organisation. Dites-moi,
première question, on parle d'éducation, d'enseignement, on a un certain retard. Est-ce que vous croyez qu'on
aurait le potentiel pour déployer des
formations sur des niches mais en région aussi? Ma collègue députée a fait
allusion, cet avant-midi, à...
j'oublie le terme, mais, en fait, à toute l'information pertinente pour monter
une formation en question.
Le Président
(M. Lemay) : M. Debailleul.
M. Debailleul
(Guy) : Alors, je pense que,
quand on parle de formation, effectivement, ça ne nous concerne pas seulement, les agronomes ou les chercheurs, ça
concerne les agriculteurs, ça concerne tous les intervenants. Donc, effectivement, ça doit s'envisager à tous
les niveaux de formation. Et, en particulier, ça ne doit pas être limité aux
facultés d'agriculture, mais à toutes les institutions en région qui
contribuent à la formation des intervenants en agriculture.
Le Président
(M. Lemay) : M. le député de Dubuc.
M. Tremblay : Dites-moi, sur le volet apiculture,
vous signifiez que les larges zones de type monoculture ont des incidences. On en a parlé cet avant-midi. Est-ce
que vous croyez... Tantôt vous avez fait allusion à du génie rural. Est-ce
qu'il serait une priorité d'accentuer
l'encadrement? Est-ce que c'est aussi une possibilité, d'accentuer
l'encadrement de zonage ou territorial pour davantage protéger les apiculteurs?
Le Président
(M. Lemay) : M. Debailleul.
M. Debailleul
(Guy) : Alors, je ne suis pas un spécialiste de l'apiculture, et on a
beaucoup raisonné sur les liens entre
l'utilisation des pesticides et la disparition des abeilles. On sait qu'il y a
un certain nombre d'années on mettait aussi en cause la diffusion d'un virus, le varroa, qui était responsable d'une
bonne partie de la mortalité. Il y a un certain nombre d'études qui tentent d'établir des liens entre
l'utilisation des pesticides et la diminution du nombre d'insectes
pollinisateurs. On peut aussi...
indirectement, on y a fait allusion, on peut aussi se demander si une partie de
la disparition n'est pas liée à la disparition de leur alimentation.
C'est-à-dire, si vous trouvez des zones dans lesquelles vous ne trouvez que du
maïs ou du soya, ça ne donne pas grand-chose à manger aux abeilles. Donc, là
encore, on revient à la nécessité de revoir notre modèle agricole.
Le Président (M. Lemay) : M. le
député.
M. Tremblay : Dites-moi, vous présentez un portrait
chronologique, statistique, historique peu reluisant au Québec par rapport aux autres provinces dans le mémoire.
Le plaidoyer est assez expéditif aussi. Vous faites allusion, à quelques
reprises, des monocultures, soya, maïs sans
nécessairement vous avancer sur d'autres contraintes majeures. Est-ce que vous
pourriez aller un petit peu plus loin dans ce qui est une incidence ou plutôt
une réalité contraignante par rapport à nos résultats en matière d'utilisation
de pesticides au Québec?
Le Président (M. Lemay) :
M. Saint-Pierre.
M. Saint-Pierre (Michel) :
L'agriculture qu'on a aujourd'hui est celle qu'on a orientée, que les
programmes gouvernementaux... On a voulu,
par exemple, développer ces productions-là à un certain moment avec un
incitatif très fort qui était
l'assurance stabilisation. Et on y est allés, dans cette direction-là. Le
problème, c'est que ça fait 40 ans que ça, et là notre production ne s'est pas diversifiée. Il n'y
a pas eu d'incitatif, non plus, très, très fort à diversifier ces
productions-là. Donc, on retrouve véritablement comme deux agricultures.
Et, l'autre
jour, j'en parlais, de la Montérégie, il y a comme deux Montérégie : il y
a celle du maïs, soya qu'on voit quand
on se promène sur la route 20 puis il y a également celle du jardin, de
Montréal, qui se trouve à l'ouest avec Sherrington. C'est deux réalités tout à fait différentes. Mais,
entre les deux, il y aurait peut-être eu possibilité, puis encore aujourd'hui,
de faire un peu plus de variété, de diversité. Il y a d'autres productions
qui existent ailleurs et pour lesquelles l'industrie mondiale est en grande
demande : les lentilles, les pois, les fèves blanches, le canola.
Évidemment, ça demande des infrastructures, mais on a mis des infrastructures qu'il fallait pour le maïs, on pourrait peut-être aussi commencer avec
les infrastructures pour faire autre chose.
Alors, c'est
véritablement les politiques qui nous amènent dans cette situation-là,
mais le grand problème, c'est qu'elles n'ont jamais été révisées.
Le
Président (M. Lemay) : Merci, M. le député de Dubuc. Je cède maintenant la parole au député de Lac-Saint-Jean.
M. Girard
(Lac-Saint-Jean) : Merci, M. le Président. Bien, j'ai aimé la dernière intervention. Vous
parlez d'un modèle de 40 ans,
une monoculture intensive. Vous parlez... on n'a pas travaillé ou il ne s'est
pas fait de développement au niveau
des autres... essayer de trouver des niches d'autres cultures. Mais, moi, en
région et pour avoir fait le tour de beaucoup
de régions, puis je parle des régions plus
au nord, des régions que je dirais boréales, tiens, hein, c'est à la mode, il
s'est quand même développé, entre autres dans petits
fruits, beaucoup de nouveautés. Il
s'est quand même développé des cultures en termes... au niveau du lin.
Il y a bien des choses, la gourgane, qui se sont développées.
Là, vous y
allez avec un modèle, mais j'aimerais vous entendre. Avez-vous été un petit peu
plus ailleurs en région? Parce qu'il semble y avoir une distorsion dans le
Québec. On parle beaucoup de concentration dans certains secteurs, puis là je
l'entends depuis hier, mais il y a tout le reste des régions aussi qui sont
plus au nord, où est-ce qu'il y a aussi de la production animale. J'aimerais vous entendre là-dessus. Quand on a des
productions animales, ça n'a pas juste des inconvénients, ça. Ça a des
avantages, sûrement.
Le Président (M. Lemay) :
M. Debailleul.
M. Debailleul
(Guy) : Je suis tout à fait content de votre observation parce que,
d'une part, ça permet de mettre un
peu plus l'accent sur le fait que la problématique des pesticides, c'est la
problématique d'un certain type d'agriculture, enfin, surtout si on parle des herbicides en tant que tels, c'est la
problématique de certaines grandes cultures. Dans certaines régions, effectivement, on a développé un certain
nombre de cultures différentes, bon, parce qu'entre autres on ne pouvait
pas faire de maïs. Et il faut bien
reconnaître que ces cultures, les agriculteurs les ont lancées sans beaucoup de
soutien de la part des programmes agricoles. En somme, ils n'étaient pas
dirigés vers la diversification.
Et c'est
d'autant plus important de signaler ça que ces régions, si on se place dans une
perspective de changements climatiques, vont probablement être aussi des
régions dans lesquelles la diversification des productions agricoles va être
encore plus possible, mais encore faut-il
qu'on s'y prépare. On a tendance à dire : L'agriculture québécoise
pourrait être une de celles en
Amérique du Nord qui pourrait tirer le mieux son épingle du jeu dans la
perspective de ces changements, si on se réfère au scénario climatique
d'Ouranos, par exemple...
Le
Président (M. Lemay) : M. Debailleul, je dois vous
interrompre puisque cette période d'échange est maintenant terminée. Je
cède maintenant la parole à la députée de Maurice-Richard.
Mme Montpetit : Je vous
remercie, M. le Président. Messieurs, là, si vous voulez terminer votre phrase, n'hésitez pas.
M. Debailleul
(Guy) : Alors, si... Mais,
si on veut s'y préparer, il faut le faire dès maintenant, c'est-à-dire qu'il faut penser dès maintenant
au type de culture que l'on va pouvoir promouvoir dans 20 ans ou
25 ans. Il faut préparer les programmes de formation à la
destination de l'ensemble des intervenants, etc.
Le Président (M. Lemay) : Mme
la députée.
Mme Montpetit : Je vous
remercie. Je vais aller sur des
points spécifiques de vos recommandations, en fait. Puis vous en aviez parlé beaucoup, de la question de la formation
agroécologique. À qui, selon vous, précisément devrait s'adresser cette formation? Quand vous dites d'ajouter de la formation
au niveau des collèges, au niveau des universités,
vous parlez de quel corps de...
M. Debailleul
(Guy) : ...qui se destinent
à l'activité agricole et de ceux qui se... à devenir des agriculteurs et puis
de ceux qui vont intervenir dans le conseil agronomique à quelque niveau
qu'il soit.
Mme Montpetit : Donc, on parle des agriculteurs, des producteurs
et des agronomes. C'est ce que je comprends, si on le résume? Parfait. Vous avez, dans vos recommandations, aussi une recommandation qui se lit comme suit, là : «Que le MAPAQ
ouvre ses programmes de soutien financier à d'autres productions
agricoles afin de ramener une plus grande diversité de cultures dans
les régions de monocultures plus grandes utilisatrices de pesticides.» Votre recommandation, quelle est-elle exactement?
Comment vous la... Parce qu'elle n'est pas déclinée. On n'a que cette
phrase-là. Qu'est-ce que vous entendez par cette recommandation?
• (17 heures) •
Le Président (M. Lemay) :
M. Saint-Pierre.
M. Saint-Pierre
(Michel) : Les programmes de
soutien gouvernementaux, jusqu'à présent, ont été axés sur des productions très
définies, et ça a donné un résultat très précis, ce sont les productions
qui ont connu un essor particulier. Ce
qu'on voudrait à cet égard-là, c'est qu'on répartisse différemment les soutiens
et qu'on encourage à la fois des nouvelles productions qui occupent déjà,
parce que vous en avez parlé tout à l'heure, certaines parties, mais évidemment
pour lesquelles des développements sont possibles, et qu'on fasse un peu aussi
un soutien qui est beaucoup plus global à l'agriculture, et non pas sur une production
définie. J'ai écrit un rapport sur le sujet.
Quand on
soutient une production, elle se développe, mais, si on n'arrête pas de la
soutenir, elle va faire de
l'embonpoint un peu. C'est un
peu ce qu'ont fait nos productions
actuellement en grandes cultures, un peu
d'embonpoint. Et tout ça parce qu'évidemment les argents, et des fortes
sommes, étaient destinés.
Alors,
lorsqu'on parle de réorienter certains soutiens, ça peut être aussi pour des périodes
de transition vers une autre
production. On l'a fait, mais, je pense, assez modestement du côté biologique.
Ça a été... c'est un exemple. Mais décloisonnons
le soutien à l'agriculture. Le Québec n'a pas été avare du côté des soutiens en
dollars, le Québec a soutenu l'agriculture plus que n'importe quel
autre, en fait, gouvernement pancanadien, d'est en ouest.
Alors, on a
été, donc, historiquement une des provinces qui a — la province, en fait — le mieux soutenu son agriculture. Maintenant, le constat que
j'ai fait, c'est : On ne l'a pas nécessairement bien soutenue. Voilà.
Le Président (M. Lemay) : Mme
la députée.
Mme Montpetit :
Parfait. Vous avez abordé, dans votre présentation, aussi toute la question des
dénonciations qui ont été faites par M. Louis Robert sur les
questions d'indépendance de la recherche. C'est ce qui a été beaucoup au coeur
des débats des derniers mois. Est-ce que, de votre point de vue à vous, là, de
votre lecture, vous évaluez que la recherche qui est faite à l'heure
actuelle, elle est teintée, justement, par des acteurs externes?
M. Debailleul
(Guy) : Écoutez, il y a, d'une part, la recherche qui est menée dans
le cadre universitaire et qui, pour une bonne part, est financée à même les
grands fonds de financement de la recherche. On peut dire que, là, l'influence, j'allais dire, du secteur privé est peut-être
plus limitée, encore qu'elle n'est pas totalement absente. Puis il y a la
recherche qui se mène dans les centres de recherche appliquée mis en place par
le ministère de l'Agriculture dans le cadre des années 90. On a évoqué le CEROM, on a évoqué l'IRDA.
Il y avait un
souci de la part du MAPAQ à l'époque dans la mise en place de ces centres.
C'est, d'une part, de rapprocher en quelque sorte ces centres du milieu
agricole, de s'assurer que les recherches qui se menaient répondaient
aux besoins des producteurs agricoles, et puis aussi, éventuellement, le
constat que... enfin, ou l'idée que, puisque les agriculteurs étaient les
principaux bénéficiaires des résultats de la recherche, ils pouvaient être
aussi associés à son financement. À mon
avis, ça procède peut-être un peu d'une erreur dans le sens où la recherche
agricole n'est pas seulement une recherche visant à répondre aux problèmes des
agriculteurs, mais c'est aussi un bien public, ça concerne l'ensemble de la société. Et on a cru bon, pour ce faire, de faire
entrer dans les conseils d'administration de ces centres des représentants
du secteur privé.
Moi, j'ai eu
l'occasion de siéger sur certains de ces conseils d'administration quand
j'étais vice-doyen de la faculté et j'ai
pu effectivement noter que, bon, certains représentants du secteur privé se
montraient très véhéments vis-à-vis de certaines
orientations, ce qui m'amène à penser que c'est important que ces centres de
recherche restent à l'écoute des préoccupations et des besoins du milieu, mais ça
ne passe pas forcément, pour moi, par la présence effective, éventuellement,
même à des postes décisionnels, dans les conseils d'administration des représentants
du secteur privé.
Le Président
(M. Lemay) : Merci. Mme la députée.
Mme Montpetit :
Je vous remercie. C'est très clair. Puis je suis bien contente d'avoir votre
opinion là-dessus parce que c'est un
des volets, justement, auxquels on s'adresse dans notre mandat d'initiative,
sur toute la question de l'indépendance de la recherche.
J'aurais une dernière
question, que j'ai posée aussi à l'ensemble des groupes qui se sont présentés,
à savoir : Est-ce que, un, vous...
Est-ce que nous disposons de l'information complète sur les effets des
pesticides sur la santé au Québec? Est-ce qu'on a cette information-là,
à votre avis? Est-ce qu'on est capables de prendre les décisions nécessaires
avec l'information dont on a? Et, si votre
réponse est non, est-ce que, justement, vous jugez qu'il serait nécessaire de
faire une étude épidémiologique sur les risques toxicologiques des
pesticides?
Le Président
(M. Lemay) : M. Debailleul.
M. Debailleul
(Guy) : Je pense que les citoyens du Québec sont actuellement
bénéficiaires d'une quantité importante d'information, mais je ne suis
pas sûr qu'ils aient la capacité de départager le plus sérieux et le moins
sérieux dans l'ensemble de ces études, parce qu'en fait il y a encore un
certain nombre de recherches qui devront être poursuivies.
Permettez-moi
de dire qu'à titre personnel, par exemple, étant grand-père d'un petit enfant
autiste, je réagis très violemment à des études qui semblent établir un lien
entre autisme et utilisation de pesticides. On le fait comme on l'a fait il n'y a pas si longtemps entre l'autisme et
le recours à certains vaccins. Simplement pour dire que, finalement, peut-être
qu'on a beaucoup d'informations, mais on a
encore aussi beaucoup de prudence à avoir avec l'utilisation de certaines de ces informations.
J'ai entendu les
représentants de l'institut de la santé publique dire qu'effectivement ils ne
menaient pas de recherches eux-mêmes, mais
il y a beaucoup de recherches qui se mènent un peu partout. Le tout, c'est de
départager, en fait, les résultats de ces recherches entre ce qui reste
incontestable et ce qui n'est pas encore tout à fait établi.
Le
Président (M. Lemay) : Mme la députée, ça va? Parfait. Merci beaucoup. Donc, nous
allons maintenant céder la parole à la députée de Rouyn-Noranda—Témiscamingue.
Mme Lessard-Therrien : Oui. Merci
beaucoup, M. le Président. Merci à vous d'être là, c'est extrêmement intéressant. Vous êtes les premiers à
nous parler... J'aimerais revenir aussi sur la diversité des cultures, parce que
vous êtes les premiers à nous amener ça comme élément de solution à l'utilisation
des pesticides. On sent, là aussi, un peu l'esprit du rapport Pronovost, que vous
avez évoqué tout à l'heure, de diversifier notre agriculture et avoir une agriculture qui est plus
plurielle. Puis j'aimerais encore
vous entendre entre, justement, le lien qu'on peut faire de l'application des
pesticides dans les monocultures... Ce que je comprends, c'est qu'avec
une agriculture plus plurielle, plus diversifiée, il y aurait moins
d'utilisation de pesticides, à votre avis?
Le Président
(M. Lemay) : Alors, M. Saint-Pierre.
M. Saint-Pierre
(Michel) : L'utilisation des pesticides n'est pas égale d'une
production à l'autre, loin de là. Et ce que je mentionnais au début, c'est que
la plus vieille pratique pour réduire l'utilisation des pesticides — et à l'époque, on ne la
connaissait même pas — c'était la rotation des cultures. On ne faisait pas 10 années
de suite de pommes de terre sur le
même lot parce qu'on savait que le doryphore était pour s'en emparer
instantanément. Il fallait donc trouver des moyens de faire ça. Et donc ce
n'est pas une solution magique, mais c'est une façon importante de réduire
l'utilisation, ne pas... On ne niera
pas qu'il existe encore des moments où, de façon très précise, on va pouvoir
les utiliser, mais on sait par ailleurs,
parce que les informations sont beaucoup plus à jour, qu'on n'est plus comme
auparavant dans l'approche, on va le faire au cas où.
Le Président
(M. Lemay) : Simplement, Mme la députée, allez-y, poursuivez avec
une autre question.
• (17 h 10) •
Mme Lessard-Therrien :
Bien, au niveau de la rotation des cultures, on a visité une ferme qui est
certifiée biologique, et qui faisait
beaucoup de lutte intégrée, puis qui faisait la rotation des cultures, mais en
restant encore entre la rotation
maïs, soya, blé et une autre culture de couverture, là, soit des pois ou
quelque chose comme ça. Mais, à ce
que j'entends, c'est qu'il faudrait
se diversifier, même dans le type d'agriculture qu'on fait, non seulement dans
la rotation, mais aussi dans
le type de culture.
Le Président
(M. Lemay) : M. Saint-Pierre.
M. Saint-Pierre
(Michel) : Absolument.
Je pense qu'il faudrait regarder ça. Dans ce secteur-là, par exemple, le côté légumes de transformation est une alternative
intéressante, pas largement utilisée, mais, quand même, il y en a qui le
font, et c'est une voie, d'amener un peu plus de diversité.
Il y a bien sûr,
je dois mentionner également, tout le côté lentilles, pois, fèves, qui...
Quand on va dans l'Ouest canadien, on
s'aperçoit que ça devient des productions extrêmement importantes
et qui se destinent à des marchés... Notamment, le marché
du Maghreb est un grand utilisateur de lentilles. Donc, il y a
des avenues, là. On peut arrêter d'être campé sur ce qu'on faisait hier
et on va faire demain. Nous...
Le Président
(M. Lemay) : Merci, M. Saint-Pierre.
M. Saint-Pierre
(Michel) : ...qu'on dit, c'est : Essayons de trouver des façons
de faire autre chose.
Le
Président (M. Lemay) :
Je dois vous interrompre à ce stade-ci pour céder maintenant
la parole au député de Bonaventure.
M. Roy : Merci, M.
le Président. Ce n'est pas toujours
évident de passer le dernier, hein? Ça prend de l'imagination.
Vous
avez soulevé, tout à l'heure, je vais le dire en mémo, là, une forme de favoritisme en termes
d'investissements pour soutenir
certains types de production où l'État priorisait certains types de... bon, de
production agricole. Lesquels et pour quels marchés?
Le Président
(M. Lemay) : M. Saint-Pierre.
M. Saint-Pierre
(Michel) : ...lorsqu'on a
créé des programmes, on a voulu... On appelait ça un programme de soutien, mais ça a été aussi largement utilisé
comme programme de développement. On était à une époque, si on remonte presque 50 ans en arrière, en tout
cas, 40 au moins, on était à une époque où on sortait de la ferme mixte, de la
ferme familiale, et le mot d'ordre, c'était : Spécialisons-nous.
Dans
le domaine des grandes cultures, la priorité a été mise rapidement sur le
maïs-grain, bon, un maïs d'alimentation animale pour lequel on était dépendants des marchés extérieurs. Ça a
été, on peut dire, la première avec un succès assez phénoménal. Il y a eu un développement extraordinaire de cette production-là dans la zone qui le
permet, une zone où les unités thermiques sont assez élevées.
Par la suite, on s'est dit : Oh! ça a marché,
on va le faire sur autre chose également. On a introduit, et heureusement, le soya ou le soja, selon qu'on est Français ou
Québécois. On a introduit ça, heureusement, pour avoir une culture alternative
et éviter le compactage des sols, qui devenait très problématique.
Mais
ces programmes-là ont été mis en place à peu près à chaque fois pour développer
quelque chose. On l'a fait dans la
production bovine également, et le succès a été là. Le problème, c'est qu'on
était il y a 40 ans, puis on est encore à la même place.
Le Président
(M. Lemay) : M. le député.
M. Roy :
Donc, on n'a pas évolué à ce niveau-là. Question... bon, ou une inquiétude, le
ministre Fitzgibbon, via un projet de loi, va probablement rapatrier une
partie de la recherche dans son ministère et associer les objectifs de la recherche à des impératifs économiques. On parle
d'indépendance des groupes de recherche, on parle de l'autonomie des chercheurs,
et là... Bon, j'ouvre une autre discussion,
mais éventuellement il va falloir regarder ça de très près pour protéger
l'indépendance des chercheurs au niveau universitaire via les pressions du
marché ou de certaines institutions, organisations, je dirais, de production de pesticides,
entre autres.
Le
Président (M. Lemay) : C'est... Je ne sais pas si on peut
répondre très brièvement. Le temps est déjà écoulé. Peut-être cinq
secondes. Allez-y.
M. Debailleul
(Guy) : Bien, je pense qu'effectivement il faut être très sensible à
ça et surveiller ça de près.
Le
Président (M. Lemay) : Merci beaucoup pour votre contribution aux
travaux, M. Saint-Pierre, M. Debailleul.
Je suspends
maintenant quelques instants pour permettre aux représentants de l'Association
des producteurs maraîchers du Québec de prendre place.
(Suspension de la séance à
17 h 14)
(Reprise à 17 h 16)
Le
Président (M. Lemay) : Alors, nous reprenons les travaux. Et je
souhaite maintenant la bienvenue aux représentants de l'Association des producteurs
maraîchers du Québec. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour
votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de
la commission. Je vous invite donc à
vous présenter, ainsi que les personnes qui vous accompagnent, puis vous
pourrez procéder à votre exposé. La parole est à vous.
Association des producteurs
maraîchers du Québec (APMQ)
M. St-Denis
(Jocelyn) : Merci, M. le Président. Mmes et MM. les députés et membres
de la commission, je suis Jocelyn
St-Denis, directeur général de l'Association des producteurs maraîchers du Québec.
Je travaille depuis près de 20 ans
auprès de producteurs maraîchers. Je suis accompagné de Mme Elisabeth
Fortier, agronome pour l'APMQ, responsable pour la phytoprotection. Fille de
producteurs horticoles, elle détient une maîtrise en biologie végétale. M. Guillaume Cloutier, agronome et
copropriétaire d'une entreprise maraîchère en Montérégie qui, depuis 2008, a
diminué de 81 % l'indice de risque pour l'environnement dans sa
production d'oignons et d'échalotes françaises.
L'APMQ
regroupe les principaux producteurs maraîchers et horticoles du Québec. Elle
constitue une force notable puisque
plus de 80 % de la production maraîchère du Québec provient de ses
membres. Le rôle de l'APMQ est d'offrir des services relatifs à la production. Parmi ces services, on compte de
l'appui à la recherche et au développement technologique, de la
représentation en vue d'influencer de manière positive et efficace la mise en
marché et l'instauration de programmes de promotion des fruits et légumes du
Québec, entre autres, à travers notre campagne mangezquebec.com.
D'entrée
de jeu, nous souhaitons saluer le travail des membres de cette commission qui,
à leur initiative, ont décidé d'examiner
les impacts des pesticides sur la santé publique et l'environnement, tout en
maintenant la compétitivité du secteur
agroalimentaire. En ce sens, l'APMQ est d'avis que l'utilisation des pesticides
doit faire partie d'un programme complet
de lutte antiparasitaire basé sur les trois étapes de la lutte intégrée, soit
prévenir en utilisant des techniques simples et éprouvées, cette étape est
la clé afin de devancer les problèmes, suivre en suivant son champ afin de
dépister les menaces à temps et guérir en utilisant des techniques
alternatives, lorsque disponibles, et, en derniers recours, en utilisant les
pesticides.
Afin
d'introduire les recommandations de l'APMQ, permettez-nous de vous présenter
brièvement les caractéristiques de
notre secteur de production, les raisons de l'utilisation des pesticides et les
pratiques agricoles innovantes déjà en place grâce à la recherche. Nous terminerons notre présentation par sept
propositions de solution visant à réduire les risques liés à
l'utilisation des pesticides.
Le
Québec est la deuxième province productrice de fruits et légumes en importance
au Canada après l'Ontario. Le secteur
opère dans un environnement de marché ouvert, sans protection commerciale.
Ainsi, nous souhaitons faire valoir aux
membres de la commission l'importance pour les producteurs maraîchers du Québec
de pouvoir demeurer compétitifs face
à leurs principaux concurrents nationaux et internationaux. C'est en effet
primordial pour assurer la production d'aliments locaux dans le but
d'approvisionner les marchés.
L'APMQ croit qu'il
importe de maintenir un équilibre entre le maintien de la sécurité alimentaire
du Québec, c'est-à-dire l'innocuité, le coût
et la disponibilité des produits, et les mesures visant à réduire l'utilisation
de pesticides en production maraîchère. M. Cloutier.
M. Cloutier
(Guillaume) : Les pesticides sont des outils essentiels pour lutter
contre les ennemis des cultures. Du
semis jusqu'à la récolte, un producteur maraîcher doit suivre plusieurs
insectes et maladies qui ont la capacité de détruire un champ entier en plus des mauvaises herbes qui
compétitionnent la culture. Certains de ces ravageurs sont présents durant toute
la saison et il ne suffit que d'une erreur dans la surveillance ou le contrôle
pour observer des conséquences.
Heureusement,
la prévention, un dépistage rigoureux,
l'expertise des conseillers agricoles, des pratiques agroenvironnementales
exemplaires et l'utilisation de pesticides en dernier recours permettent
d'assurer l'atteinte d'un rendement acceptable et d'une qualité
commercialisable. Je vais passer la parole à M. St-Denis.
• (17 h 20) •
M. St-Denis
(Jocelyn) : Les pesticides représentent des risques, et un mauvais
usage peut entraîner des problèmes de
santé et environnementaux et les rendre inefficaces dû au développement de la
résistance. Pour toutes ces raisons, les producteurs maraîchers sont
proactifs depuis déjà plusieurs décennies. Un usage approprié, soit la bonne
dose au bon moment et seulement
lorsque nécessaire, est de plus en plus la norme dans le secteur maraîcher.
Aussi, les
producteurs maraîchers ont contribué, il y a plus de 25 ans, à la création
des clubs d'encadrement technique,
précurseurs des services-conseils indépendants aujourd'hui reconnus. Récemment,
ils ont aussi mis en place, à leur initiative,
le Pôle d'excellence en lutte intégrée. En fondant ce pôle, les producteurs et
intervenants du secteur maraîcher ont
concrétisé le souhait de travailler dans un climat de collaboration et de faire
de la lutte intégrée une priorité sectorielle. Mme Fortier.
Mme Fortier
(Elisabeth) : Comme vous le savez, le Canada et le Québec disposent
déjà de nombreuses règles encadrant
l'homologation et l'utilisation des pesticides. Le Québec est une province
progressiste en ce qui a trait à la gestion de la phytoprotection, avec
de nombreux outils à la disposition des conseillers et des producteurs. On peut
penser notamment au registre
d'utilisation des pesticides, au Réseau d'avertissements phytosanitaires, aux
services-conseils indépendants en partie
subventionnés, à des logiciels d'aide à la décision, tels que SAgE Pesticides
et IRIIS phytoprotection, et à la Stratégie phytosanitaire québécoise en
agriculture.
En
plus de cet encadrement, l'APMQ encourage l'adoption de pratiques agricoles
limitant le recours aux pesticides en utilisant des approches de prévention à la
ferme et des solutions alternatives, comme, par exemple, l'utilisation des
mouches stériles et le développement de plantes résistantes aux
ravageurs.
Ces
pratiques et solutions alternatives et innovantes sont cependant le résultat
d'efforts financiers importants de la part
des producteurs maraîchers. De nombreuses autres problématiques nécessiteraient
davantage de recherche, mais les
moyens financiers sont malheureusement insuffisants.
M. St-Denis
(Jocelyn) : S'il demeure toujours difficile de réduire le recours aux
pesticides chez les producteurs maraîchers,
c'est notamment dû au manque de disponibilité de produits et de méthodes
alternatives et efficaces, au manque de soutien financier et
agronomique ainsi qu'aux modes de production établis mondialement pour répondre
à la volonté des détaillants et des consommateurs.
Actuellement,
la Stratégie phytosanitaire québécoise en agriculture est un pas dans la bonne
direction, mais elle ne dispose pas,
à notre avis, de moyens suffisants. Il faut passer en deuxième vitesse. Pour
aller plus loin et plus vite, l'APMQ présente sept pistes de solution.
Premièrement,
l'APMQ recommande d'investir davantage en recherche publique dans le secteur
maraîcher. Il existe plus de
80 cultures différentes, et chaque culture fait face à des dizaines
d'ennemis potentiels. La recherche actuelle ne couvre qu'une faible
partie des besoins.
Deuxièmement,
il est nécessaire que les producteurs aient accès à tous les nouveaux produits
plus efficaces et moins impactants pour la santé et l'environnement. À cet
effet, le gouvernement du Québec doit interpeller les autorités fédérales afin qu'elles harmonisent les protocoles
d'homologation des pesticides et biopesticides avec ceux des États-Unis.
Troisièmement, il faut pouvoir accroître l'offre
de services-conseils indépendants. Il faut non seulement la subventionner
davantage, mais aussi s'assurer qu'elle soit disponible.
Quatrièmement,
il faut étendre la disponibilité des biopesticides et pesticides à faibles
risques à d'autres cultures. Les
efforts consentis ces dernières années doivent être maintenus à long terme pour
garantir l'accès aux producteurs à de nouveaux produits. L'aide
financière accordée par le MAPAQ au secteur horticole doit être pérennisée en
ce sens.
Cinquièmement,
il faut pouvoir se donner les moyens de soutenir financièrement l'adoption de
techniques de lutte alternative et
les pratiques innovantes. Le coût d'achat, d'installation, le service-conseil
et l'accompagnement financier dans la gestion du risque doivent être
inclus dans ce soutien.
Sixièmement, l'APMQ recommande aussi de mettre
en place des plans d'action pour circonscrire les deux ou trois risques les plus importants. À ce sujet, il
faut utiliser la règle du 80-20 et
déterminer les actions qui auront le maximum d'impact. Par exemple, selon le conseil de défense des cultures de la
Grande-Bretagne, de 40 % à
70 % de la contamination des
eaux de surface par les pesticides provient des lieux où les utilisateurs
préparent les bouillies et remplissent le matériel de pulvérisation.
Enfin, il
faut poursuivre l'amélioration des pratiques agricoles de conservation des
sols. En effet, l'amélioration de ces pratiques réduit l'impact de la
production agricole sur la qualité de l'eau et sur la biodiversité.
L'APMQ est
convaincue que la mise en place en place de ces sept propositions permettra de
diminuer les risques liés à l'utilisation des pesticides. Elle
favorisera également un environnement propice et concurrentiel dans lequel les producteurs maraîchers du Québec pourront
satisfaire les besoins des consommateurs pour des produits locaux, abordables
et sécuritaires.
Nous sommes maintenant disposés à répondre à vos
questions. Nous vous remercions de votre attention.
Le
Président (M. Lemay) : Merci beaucoup pour votre exposé. Donc, je
cède maintenant la parole au député de Bourget pour cette intervention.
M. Campeau :
Merci, M. le Président. Merci de votre présentation. M. St-Denis, j'ai
bien aimé quand vous avez parlé de prévenir, suivre et guérir, là. Je pense
que, si tout le monde fait ça, on va déjà utiliser moins de produits. Vous avez aussi parlé d'homologation. Pouvez-vous
m'en parler un petit peu plus, là, qu'est-ce qu'il y a de différent dans l'homologation québécoise? Est-ce que vous parlez
d'une homologation québécoise, est-ce que vous parlez au niveau
canadien? L'harmonisation avec les États-Unis, qu'est-ce que ça veut dire
exactement?
Le
Président (M. Lemay) : Alors, M. St-Denis, en vous rappelant
que vous pouvez céder la parole à quelqu'un d'autre, il n'y a aucun
problème. Allez-y.
M. St-Denis
(Jocelyn) : Merci. Il y a
deux processus... Quand un producteur un... dans l'industrie veulent présenter une
nouvelle molécule pour mettre en marché dans un... pour répondre à une
solution, il y a... le processus ou... pour aux États-Unis et au Canada, c'est deux processus parallèles différents et
distincts. Donc, la personne de l'industrie doit mesurer l'impact économique
de passer à travers le processus. Donc, ça coûte des millions pour mettre en
place des nouvelles molécules, et ils doivent mesurer le retour
économique qu'ils ont. Alors, aux États-Unis, on comprend bien que la population
est plus grande, que les surfaces de culture sont plus grandes, donc c'est un
marché qui est très attrayant pour l'industrie des pesticides. Par contre, au Canada, bien, on est beaucoup plus petits, on a
moins de clients potentiels, si on veut, et, pour cette raison, des produits, nouvelles techniques, nouvelles
technologies bien développées aux États-Unis ne
passent pas le processus d'homologation au Canada parce que
le producteur de l'industrie ne veut pas investir ces fonds-là pour le Canada. Alors, ces produits-là ne nous sont
pas disponibles à nous.
Le Président (M. Lemay) : M. le
député.
M. Campeau : Ce qui sous-entend qu'il faudrait partager l'information avec les États-Unis, ce qui n'est
peut-être pas une mauvaise chose à partir du moment où ils veulent bien le
faire.
M. St-Denis (Jocelyn) : C'est
une situation, une demande du secteur horticole pancanadien de regarder à des
moyens pour que l'homologation soit plus facile dans les deux parties, les deux
côtés de la frontière.
Le Président (M. Lemay) : M. le
député.
M. Campeau : Vous
avez aussi mentionné que, comme association, vous appuyez la recherche et
développement, ce qui sous-entend que vos membres donnent un
appui financier, dans certains cas, de recherche et de développement.
Est-ce que j'ai bien compris?
Le Président
(M. Lemay) : M. St-Denis.
M. St-Denis
(Jocelyn) : Présentement, notre association n'est pas impliquée
financièrement à grande échelle dans la recherche et le développement. On l'appuie par
le transfert de l'information, par le transfert des résultats, par
l'information à nos membres. On est en train de mettre sur pied
un fonds d'innovation maraîcher, donc, où on aurait les contributions des
producteurs pour créer un fonds d'innovation
dans le milieu horticole. Alors, ce fonds-là, on l'estime à peu près à
400 000 $ par année,
pourrait servir de contribution de l'industrie sur une période récurrente pour
aller appliquer sur des projets qui existent. On travaille actuellement sur trouver
les priorités de recherche pour le secteur horticole, donc on consulte nos membres, on consulte tous les producteurs de
légumes de champ du Québec pour savoir c'est quoi, selon eux, les priorités, et
ce fonds va gérer les priorités et va orienter la recherche en fonction
des besoins sur le terrain.
Le Président
(M. Lemay) : Merci. M. le député.
M. Campeau :
M. Cloutier, une baisse de 81 % d'utilisation de pesticides,
qu'est-ce qui fait qu'un jour on dit : Je m'en vais dans cette
direction-là? Qu'est-ce que qui vous a motivé au départ?
Le Président
(M. Lemay) : M. Cloutier
• (17 h 30) •
M. Cloutier
(Guillaume) : Bien, il faut dire que c'est une vision d'entreprise qui
ne date pas d'hier. Dans le fond, moi,
je suis, comme vous pouvez le voir, je suis assez jeune, donc je suis sur la
relève de l'entreprise, et c'est mon oncle, donc, qui a vraiment commencé, là,
à se poser des questions sur l'utilisation des pesticides. Et ce qui a amené la
région, là... Nous, on vient de la
région de Napierville, donc Les Jardins-de-Napierville. C'est ce qui a fait que
ça a mobilisé... ils se sont mobilisés, entre producteurs, là, pour réussir à
se dissocier un petit peu de l'utilisation des pesticides et trouver des moyens
alternatifs.
Et
ça ne date pas d'hier. Dans le fond, le Phytodata ou le PRISME, qui a été visité, là,
et que vous avez fait la visite ici, date de 1990, et c'est les capteurs de
spores, les mouches stériles qui ont permis, là, qui nous ont grandement
permis, là, de diminuer ces
pesticides sur notre entreprise.
On a complètement
éliminé l'application d'insecticides directement aux semis de Lorsban et on a
diminué de quatre à six traitements de
fongicides durant l'année de croissance, là, de la culture de l'oignon, qui,
avant, était faite, là, systématiquement à chaque semaine. Donc, c'est des avancées extrêmement majeures qui ont été réalisées en raison de notre club-conseil
et de la recherche qui y est étroitement associée.
Le Président
(M. Lemay) : Parfait. M. le député.
M. Campeau : Dernière question. Mme Fortier, vous parlez de
services-conseils indépendants. Je
pense qu'on est tous d'accord, on l'a entendu assez souvent. J'avais
l'impression que vous n'avez pas de difficulté à avoir du service-conseil indépendant. Est-ce
que c'est le cas ou j'ai mal compris?
Mme Fortier
(Elisabeth) : Dans notre secteur, on est quand même relativement
chanceux, le service-conseil indépendant est
assez présent, donc il y a beaucoup de clubs-conseils. Comme M. Cloutier le
disait, en 1990, il y a, en fait,
plus de 25 ans, beaucoup de producteurs maraîchers et horticoles à travers
le Québec ont décidé de s'associer entre eux pour engager des agronomes, pour
avoir quelqu'un qui puisse faire le suivi des champs. Donc, on est un
petit peu à l'origine des services-conseils indépendants, qui sont
aujourd'hui... partent dans tous les secteurs agricoles.
Donc,
oui, il y a une certaine disponibilité, il y en a de présents, mais on manque
tout de même d'agronomes sur le terrain qui sont indépendants. Il en faudrait
beaucoup plus. La demande, elle est présente. Les producteurs ont besoin d'un
encadrement pour être capables d'aller plus loin, pour avoir un transfert... de
la formation en transfert technologique. Donc, il y en a, mais il
faudrait aller encore plus loin, là. On a besoin de davantage.
Le
Président (M. Lemay) : Merci beaucoup, Mme Fortier. Avant de
céder la parole au député de Maskinongé, parce qu'il aime ça, savoir les gens qui nous écoutent, en fait, on a
reçu un commentaire de Mme Monique Bisson, que... on tient en considération qu'on pourra... je ferai
de quoi là-dessus à la fin de nos travaux. Mais, bref, M. le député, sachez que
nous sommes écoutés par plus que juste deux, trois agriculteurs dans votre
comté. Allez-y.
M. Allaire :
Merci pour la précision, M. le Président. Je vais faire du pouce sur quelques
questions de mon collègue aussi, mais, avant, je tiens à vous dire que j'ai
bien aimé votre mémoire. Puis, en fait, ce que j'ai aimé, c'est que je l'ai
trouvé très équilibré, puis je trouve que ça me rejoint, moi, dans mes valeurs,
dans ce que je suis comme personne, puis ça rejoint aussi beaucoup ce
qu'on veut faire comme gouvernement aussi. Je pense que les mesures qu'on veut
mettre en place sont beaucoup équilibrées, tempérées, je dirais même modérées.
Ça donne beaucoup de crédibilité à votre mémoire puis ça donne beaucoup
de crédibilité, à mon sens, aux solutions que vous voulez mettre en place.
Et ça m'amène à dire que, tu sais, on va se
donner un plan de match collectif, là, veux veux pas, là, avec cette commission, naturellement. Et vous voyez ça
comment dans le temps? Est-ce que... L'ensemble de vos propositions, vous
pensez que ça doit
s'échelonner sur une période de combien de temps? Et quel accompagnement qu'on
devra faire de nos producteurs? Parce
que, quand on parle de gestion de changement, je pense que c'est important
d'avoir un encadrement qui est efficace. Vous voyez ça comment,
l'encadrement, là, qu'on devra faire dans ce contexte-là?
Le Président
(M. Lemay) : Alors, on y va avec M. St-Pierre? M. St-Denis. Excusez-moi.
M. St-Denis (Jocelyn) :
Merci. La période temps, c'est sûr
que ça ne se fait pas du jour au lendemain. On n'allume pas une
switch puis on dit : On s'en va dans un autre mode de pensée, un autre
mode de travail. Ça va se faire sur une longue haleine. Mais il faut
prendre... si une décision de société se prend, bien, il faut prendre les
moyens et se rendre surtout jusqu'au bout
des moyens, parce que ce n'est pas après trois, quatre ans où on regardera les
résultats qui seront arrivés puis qu'on ne sera pas satisfaits trop,
trop des résultats, mais c'est un chemin qui va être long.
On
faisait état de 80 cultures différentes en maraîcher avec des dizaines
d'ennemis de culture. Il y a beaucoup de problèmes à adresser un à un,
et la recherche ou la solution trouvée pour un élément n'est pas nécessairement
applicable demain matin à un autre
élément. D'autres enjeux vont arriver, il faut les découvrir au fur et à
mesure, et tout ça dans un contexte d'incertitude face aux changements
climatiques qui s'en viennent.
Côté
encadrement, certainement que ça prend l'encadrement, on en faisait état, de
services-conseils, que ce soient des ingénieurs en agronomie, des agronomes,
des chercheurs, pour travailler avec le secteur pour trouver des alternatives
et surtout, après ça, les transmettre, et les transférer, et les mettre
en application.
Une
nouvelle méthode, on a parlé des mouches stériles tantôt, bien, ça a pris
10 ans à développer les mouches stériles. Ça a pris beaucoup d'énergie. C'est sûr que, s'il y avait eu une
bonne contribution à la recherche au niveau des fonds, on aurait peut-être
pu accélérer. Mais culture d'oignons, par
exemple, ça se fait une fois par
année. Si on veut faire cinq années de tests, bien, ça prend au moins cinq ans parce
que la culture ne se répète pas trois ou quatre fois dans une année. Donc,
ça prend des délais.
De
l'encadrement et du support, un producteur maraîcher, c'est son entreprise, ce
sont des entrepreneurs qui sont en
agriculture... ont besoin d'être accompagnés parce qu'il y a des éléments
d'incertitude. Quand il y a une incertitude, quand il y a un risque,
bien, ils ont besoin d'être supportés là-dedans parce qu'il y a beaucoup
d'entreprises maraîchères qui sont petites,
qui sont moyennes, il y en a qui ont plus de moyens. Ceux qui ont plus de
moyens vont s'en sortir beaucoup
mieux que les plus petits qui ont plus de difficultés.
Le Président
(M. Lemay) : Merci. M. le député de Maskinongé.
M. Allaire : Justement, dans les mesures que vous proposez,
là, vous avez proposé une aide financière, là, pour cette transition-là vers les biopesticides. L'avez-vous
chiffrée? Puis, tu sais, allez plus dans le détail, là. L'aide va se traduire
comment exactement, là?
Le Président
(M. Lemay) : M. St-Denis.
M. St-Denis
(Jocelyn) : On n'a pas
chiffré, mais, quand un producteur décide de s'en aller dans des changements
au niveau de sa culture, qui peut impliquer
des pertes de rendement, des pertes de productivité, des coûts supplémentaires, bien, à quelque part, c'est des risques financiers qu'il
doit assumer. Et on ne croit pas qu'il doit les assumer seul, que c'est une décision de société. Et le partage de ce
risque-là qu'il assume doit être réparti à travers l'ensemble de la population.
M. Allaire :
...dernière année assez difficile. Il ne faudrait pas rajouter en plus une
couche sur leur fardeau financier, là. Là-dessus, là, j'abonde dans
votre sens.
Je
reviens sur le fonds, là, que vous avez créé par votre industrie. Est-ce qu'à
votre connaissance il y a d'autres industries qui font à peu près la
même chose?
Le Président
(M. Lemay) : Mme Fortier.
Mme Fortier
(Elisabeth) : Oui. Petite rectification. Il n'est pas encore créé, il
est en processus de création. Donc, on
est à l'étude en ce moment. Dans
notre secteur, dans le secteur horticole, non, il n'y a pas d'autre fonds qui
existe de la sorte, même en
production végétale, en fait. C'est plus en production animale qu'il existe
d'autres... En fait, je me rectifie : pommes de terre, pommes de terre puisqu'ils ont un plan conjoint. Via le
plan conjoint, il y a des prélevés qui peuvent être faits. Et historiquement
aussi, avec différents programmes qu'ils ont eus, ils ont eu quelques fonds de
recherche qui ont été développés, mais c'est précurseur.
M. Allaire :
...je me permets de vous le dire. Dernière question. Vous avez... bien, vous
avez parlé, dans votre mémoire, là,
de la possibilité, puis on l'a effleuré tantôt, là, de s'arrimer avec
l'homologation des États-Unis. Mme Vandelac l'a abordé un peu ce matin. Vous n'avez pas peur que ça... en fait, ça
freine le commerce avec nos amis européens. Oui, ça peut peut-être le faciliter avec nos amis du Sud,
mais au niveau de l'Europe, vous n'avez pas peur que ça mette une barrière à
l'entrée?
Le Président
(M. Lemay) : Mme Fortier ou M. St-Denis? M. St-Denis, allez-y.
M. St-Denis (Jocelyn) : Quand on regarde la production maraîchère de
fruits et légumes, il y a peu d'exportations vers l'Europe. Donc, c'est surtout un commerce qui est nord-sud du côté
de la production maraîchère, horticole. Donc, on ne croit pas que ça
pourrait avoir un impact significatif au côté de l'Europe.
M. Allaire :
Parfait, merci. Je n'ai pas d'autre question.
Le Président
(M. Lemay) : Je cède la parole au député de Lac-Saint-Jean.
M. Girard
(Lac-Saint-Jean) : Merci, M. le Président. Merci de votre présence,
d'avoir pris le temps aussi de bien présenter
votre mémoire, tout ça. Puis on sait aussi que vous avez un contact privilégié
avec les citoyens, ça fait quand même longtemps,
et vous êtes les précurseurs au niveau des kiosques à la ferme. Comment ça se
passe avec les citoyens, ces temps-ci, avec le mandat d'initiative? Ils
vont chez vous acheter des légumes, tout ça?
Le Président
(M. Lemay) : M. St-Denis.
M. St-Denis
(Jocelyn) : Les citoyens sont très consciencieux de ce qu'ils mangent,
ils le sont de plus en plus. La
nouvelle génération pose beaucoup plus de questions. On était aux portes
ouvertes de l'agriculture, là, au Stade olympique, au début septembre, et puis on a participé à un kiosque
d'explication sur l'enjeu phytosanitaire et les pesticides. Les gens étaient dans la salle, étaient très
attentifs, ont posé des questions. Mais c'est beaucoup de l'éducation, ce que
nous faisons, par rapport aux
perceptions. Il y a beaucoup de méthodes alternatives qui existent, qui sont
développées et qui sont utilisées. On dit qu'il y a 81 % des fermes qui
utilisent des techniques de lutte intégrées. Donc, ce n'est pas 100 %,
mais c'est quand même un bon mouvement qui est fait de ce côté-là.
Un
producteur agricole est conscient de la santé, et il nourrit la population, il
nourrit sa famille avec ses produits, donc,
à partir de là, il est aussi très ouvert à communiquer et à partager avec les
consommateurs. Mais les consommateurs, ils sont curieux, ils posent des
questions. Puis, quand on leur explique, ça ouvre des lumières, si on dirait.
Le Président
(M. Lemay) : M. le député.
• (17 h 40) •
M. Girard
(Lac-Saint-Jean) : On parle beaucoup
d'innovation, de recherche, de formation, formation
au niveau des techniciens, des agronomes, mais là je vous
entends parler puis, en fait, de la formation au
niveau des citoyens aussi, autrement dit, plus de l'information. Parce que je sens, là, qu'il y a un manque, hein,
entre les gens urbains, les... Au
niveau rural, c'est plus facile, les
gens restent proche des fermes. Mais, quand on arrive avec les gens des villes,
ils ont besoin d'information. Et ce que je comprends, c'est qu'ils ne
veulent pas juste savoir la qualité de leurs aliments, mais ils veulent
savoir comment ça pousse, une tomate, comment ça pousse, une carotte.
M. St-Denis
(Jocelyn) : Absolument.
Le Président
(M. Lemay) : M. St-Denis.
M. St-Denis
(Jocelyn) : L'APMQ est
gestionnaire et propriétaire du
Marché des Jardiniers à La Prairie. Donc, c'est un endroit qui est connu, là, pour les gens de la région de
Montréal. Et, tu sais, les consommateurs y vont, ils sont avares de savoir, ils posent beaucoup de
questions, et les gens qui vendent leurs produits aussi sont très ouverts à
expliquer.
Il
y a beaucoup, beaucoup, beaucoup de gens dans la population qui pensent que,
pour produire un légume, tu plantes
une graine au printemps, puis tu la récoltes à l'automne, puis «that's it»,
c'est fini. C'est très, très loin d'être ça. C'est un métier qui est très technique, très technologique, qui s'en va
avec l'agriculture de précision. C'est complexe et c'est très développé.
Alors,
oui, l'éducation est importante, tant au niveau du consommateur que des
décisionnaires dans le milieu de la société. Je pense qu'il y a beaucoup
à apprendre, et cette commission-là pourrait servir à donner un volet éducatif
à l'ensemble de la population.
Le Président
(M. Lemay) : M. le député, en conclusion.
M. Girard
(Lac-Saint-Jean) : ...il ne reste presque plus de temps. Donc,
j'aurais aimé vous entendre parler aussi comment qu'on fonctionne quand
c'est le temps d'appliquer un pesticide. On ne s'improvise pas comme ça puis on
n'arrive pas comme ça : Tiens, je mets
le produit puis je pars avec ça. Il y a des processus, il y a des règles.
J'aurais aimé vous entendre là-dessus.
Le
Président (M. Lemay) : Ce sera pour une autre fois, M. le député.
Alors, Mme la députée de Maurice-Richard, la parole est à vous.
Mme Montpetit :
Je vous remercie, M. le Président. Madame, messieurs, bonjour. Petite question,
par curiosité : Est-ce que...
Parce que j'étais vendredi dernier aux Fermes Lufa. Est-ce que les serres font
partie également de vos membres, les maraîchers qui font de la production
en serre?
Le Président (M. Lemay) :
M. St-Denis.
M. St-Denis
(Jocelyn) : Il y a une association, un syndicat des producteurs en
serre, qui est une association spécifique à
la production serricole, tant au niveau de fruits et légumes que le
l'horticulture ornementale. Par contre, certains de ces gens-là sont aussi membres de notre association de par le
rayonnement qu'on a au niveau de la mise en marché, par exemple.
Le Président
(M. Lemay) : Mme la députée.
Mme Montpetit :
Je vous remercie. Je continuerais peut-être sur les questions par rapport au
grand public puis aux consommateurs.
On l'a vu, là, il y a encore eu, puis ce n'est pas la première fois que ça
arrive, mais il y a encore eu des articles dernièrement, justement, sur
toute la question des résidus de pesticides sur les différents aliments.
Est-ce
que le grand public, est-ce que la population a raison d'être inquiète,
justement, sur ces résidus qui sont retrouvés fois après fois, chaque
fois qu'il y a des analyses qui sont faites?
Le Président
(M. Lemay) : M. St-Denis.
M. St-Denis
(Jocelyn) : Il y a deux phases à ma réponse. La première, c'est qu'il
y a des règles qui sont établies par
Santé Canada. Quand on regarde les résultats qui sont sortis le week-end
dernier, 96 % plus des produits, des fruits et légumes du Québec qui ont été testés, sont en deçà des règles, des
normes. Donc, je pense que, côté sécurité, quand on regarde les règles qui sont là et les normes, la production
maraîchère et horticole québécoise respecte les règles à 96 %, ce qui se compare à l'Europe, qui a un protocole
d'analyse qui était beaucoup plus volumineux au niveau de l'échantillonnage, donc, de ce côté-là. Il y a beaucoup de produits
importés. On le voit que l'importation des produits importés... sont moins
respectueux des règles et des normes.
Donc,
pour moi, la population québécoise, tant que les normes sont respectées, a tout
à fait raison d'avoir confiance entre... la production de fruits et
légumes qui est faite au Québec.
Le Président
(M. Lemay) : Merci. Mme la députée.
Mme Montpetit :
Parfait. Merci. On a abordé beaucoup, dans les dernières consultations, toute
la question de l'accès des chercheurs aux différentes données sur l'utilisation
des pesticides, mais là je voudrais vous poser un petit peu le même type de question mais pour le grand
public, pour les consommateurs. Je voudrais savoir si vous êtes... comme
association, si vous êtes favorables,
justement, à... je ne sais pas si ça passerait par la création d'un registre,
mais à une plus grande transparence
sur l'utilisation, justement, que ce soient des herbicides, des pesticides. Je
trouve toujours ça un peu
questionnable, justement, que, comme consommateurs, on ne puisse pas prendre
des décisions éclairées sur ce que l'on
mange parce qu'on n'est pas capables de savoir exactement, avec certitude,
qu'est-ce qui est utilisé dans les différentes productions.
Est-ce que vous
seriez favorables, justement, à une plus grande transparence de ces informations-là
pour les consommateurs québécois?
Le Président
(M. Lemay) : M. St-Denis.
M. St-Denis
(Jocelyn) : Notre association est en faveur d'une plus grande
transparence. On travaille déjà, on réfléchit
déjà à comment acheminer l'information pour avoir... que les décisionnaires,
que ce soit la Santé publique, que ce soit le consommateur, que ce
soient les organismes, puissent avoir accès à l'utilisation réelle. Et un
intervenant, ce matin, disait : Le fait
que c'est tout amalgamé et ensemble, ça ne nous permet pas de voir les avancées
qui sont faites dans un type de
culture ou d'une autre parce que l'information n'est pas disponible. Donc, notre association est
en faveur de voir de l'information qui sera très transparente pour le
consommateur et tous les décisionnaires.
Le Président
(M. Lemay) : Mme la députée.
Mme Montpetit :
Parfait. Puis j'imagine, encore là, je suis curieuse d'avoir votre réponse
là-dessus, mais, si d'aventure un tel
registre ou une telle information devenait disponible, est-ce que vous pensez,
justement, que ça n'amènerait pas une
certaine pression sociale sur la façon d'utiliser, par les agriculteurs ou par
les maraîchers, justement, les herbicides, les pesticides, le fait de
rendre transparente cette information?
Le Président
(M. Lemay) : Alors, M. St-Denis.
M. St-Denis
(Jocelyn) : Je dirais que l'information, quand elle sera disponible,
bien, les gens feront l'analyse de
ces données-là et en prendront les décisions. Ce qui est très, très... Ce que
le milieu fait beaucoup attention, c'est de respecter les règles. Donc, à ce moment-là, le respect des règles... et
on le voit dans l'analyse des résidus à 96 %. Donc, à partir de là, si les règles modifient, bien, le
travail va modifier. S'il y a des alternatives disponibles, les alternatives
vont être utilisées. Mais, comme on
disait, c'est un choix. On est prêts à y aller, on est prêts à collaborer
là-dedans. C'est un choix de société, c'est un choix dans lequel on veut
travailler, mais il faut avoir beaucoup de... il faut savoir que ça va être
un processus ardu et long qui va nécessiter beaucoup de deniers publics.
Le Président (M. Lemay) : Mme
la députée.
Mme Montpetit : Parfait. J'avais une question
aussi sur... Justement, vous parlez de prévention, là. Vous avez abordé
la question des techniques de prévention, des types, là, de
techniques qui peuvent être utilisées. Est-ce que vous pourriez nous en dire davantage
sur ces techniques-là? Vous l'avez assez peu abordé, là, dans le mémoire, mais
juste pour qu'on puisse comprendre clairement à quoi vous faites
référence.
Le Président
(M. Lemay) : Est-ce que vous voulez que M. Cloutier prenne
la parole? Allez-y.
M. St-Denis
(Jocelyn) : La question,
si je peux me permettre, donc, c'est la technique, par exemple, de la mouche, ou le développement des nouvelles alternatives,
ou... C'est de ça que vous voulez parler?
Mme Montpetit :
Oui, exactement.
M. St-Denis
(Jocelyn) : Ce n'est pas des
techniques de prévention, ce sont des techniques alternatives à l'utilisation des pesticides.
M. Cloutier.
M. Cloutier
(Guillaume) : Je peux
répondre, certainement. C'est sûr qu'au PRISME, comme les techniques qui
ont été développées, là, au PRISME depuis les 10 dernières années, là,
qu'on parle de la mouche stérile de l'oignon qui a pris une dizaine d'années à faire, il y a la mouche stérile du
chou qui est en utilisation seulement sur notre entreprise et une ou deux autres, puisqu'on a soutenu la
recherche avec le PRISME pour être capable de développer cette technique.
Mais il faut savoir que cette technique-là
n'est pas encore à point puisque la mouche ne se comporte pas du tout comme la
mouche de l'oignon. Donc, l'élever, et tout, c'est vraiment
extrêmement compliqué, son alimentation, et tout.
On
a aussi l'utilisation de filets à insectes, les biofiltres. On utilise beaucoup
de biopesticides dans nos champs contre
le Pythium à l'aide du PRISME ou encore avec des biomarqueurs qu'on est
capables de savoir, dans le sol, exactement le nombre de spores de champignons qui se
trouvent dans les sols afin, justement, là, d'améliorer nos rotations de
culture, puisque... Si jamais j'ai beaucoup de spores de Pythium, bien, je n'irai pas semer
de la salade dans ce champ-là puisque
je sais nécessairement que je vais avoir beaucoup
de pertes. Donc, ça, c'est des moyens qu'on réussit à sauver beaucoup,
là, sur l'utilisation des pesticides puis l'utilisation des engrais verts. Le compostage, les planches permanentes, l'utilisation des mycorhizes puis l'utilisation des robots cercleurs, ce sont toutes des
techniques, là, qui sont utilisées, là, sur notre entreprise en ce
moment.
Mais
ce qui est important de parler, on utilise, comme je vous parlais, des
biopesticides qui coûtent extrêmement cher. En ce moment, c'est une entreprise. On a
pris la décision d'utiliser seulement les biopesticides, sauf où qu'ils ne fonctionnaient vraiment pas. Et cette
décision fait qu'à la place de payer 20 $
à l'hectare pour l'utilisation du pesticide il nous en coûte 150 $. Donc,
c'est un coût environnemental d'une cinquantaine de mille dollars pour notre
entreprise. C'est des gros sous. Donc, c'est... Le virage, si on veut
prendre ce virage-là, il faut aider les producteurs.
Le
Président (M. Lemay) : Merci. C'est non négligeable,
effectivement. Mme la députée de Maurice-Richard.
• (17 h 50) •
Mme Montpetit :
Je vous remercie. Je voudrais revenir... Vous avez parlé des changements
climatiques tout à l'heure, puis j'aimerais ça
profiter de votre présence ici. Puis il y a un lien avec les pesticides, mais
ma question, elle est plus large que ça. C'est quand même très lié.
Moi,
j'ai le privilège d'être porte-parole en agriculture et en lutte aux
changements climatiques parce que je pense que c'est deux enjeux qui sont extrêmement reliés. J'aimerais ça savoir comment vous
percevez, justement, les conséquences des
changements climatiques sur la culture maraîchère au Québec,
mais aussi, dans un deuxième temps, justement, comment... l'incidence
que ça va avoir sur l'utilisation des pesticides ou pas, là.
Le Président
(M. Lemay) : Est-ce que c'est Mme Fortier, peut-être?
Allez-y.
Mme Fortier
(Elisabeth) : Donc, pour
connaître l'impact des changements climatiques sur la culture maraîchère,
il y a Ouranos qui nous a appuyés dans différents projets et ainsi que l'IRDA,
qui a aussi fait un projet exhaustif sur quel est l'impact des changements climatiques en production agricole. Pour le
secteur maraîcher, on voit clairement qu'il va y avoir de nouveaux ravageurs, il va y avoir aussi peut-être
de nouveaux prédateurs. Donc, il y a un équilibre aussi entre les ravageurs et
les prédateurs, donc on doit se préparer.
Au niveau
pesticides, qu'est-ce qu'on devra faire? C'en est encore inconnu, malheureusement. On sait, exemple, la punaise
diabolique, on en a beaucoup parlé au cours des dernières années, elle s'en
vient. Elle est présentement présente sur
l'île de Montréal. On sait que, si elle vient dans les champs
agricoles, elle va faire d'énormes ravages. Donc, oui, d'un point de vue pesticides, eh bien, on essaie de se préparer à l'avance, d'obtenir des
homologations pour que le jour où elle sera présente, bien, on aura un outil,
on aura quelque chose pour réussir à la combattre le jour où elle sera
présente.
Donc,
c'est malheureusement un peu de l'inconnu. On essaie de se préparer, on
essaie de savoir quels insectes seront davantage présents, quelles seront les
problématiques, on essaie d'anticiper tous ces problèmes-là, mais c'est malheureusement
de l'inconnu.
Il y a
certaines régions témoins qu'on peut utiliser aux États-Unis,
des régions analogues qu'on utilise, donc, pour prédire un petit peu :
Voici notre climat, dans 50 ans, comment il ressemblera à la région de New York,
par exemple. Donc, c'est ce qui est utilisé pour prédire pour le moment. Mais il faut
s'y préparer. On va y faire face, c'est certain.
Le Président (M. Lemay) :
Merci, Mme Fortier.
Mme Montpetit :
Quand vous dites, justement : Il faut s'y préparer, là, vous mentionnez
les ravageurs, les prédateurs, vous
dites : On va s'y préparer. Je
pense que ce n'est pas dans une
optique de 30 à 40 ans, là, c'est quelque
chose qui risque d'être...
Une voix : ...
Mme Montpetit : C'est ça, d'être assez près de nous. Est-ce que
vous avez... Est-ce que vous êtes suffisamment accompagnés, justement, dans cette préparation-là?
Parce que ça pourrait venir bouleverser assez drastiquement
la productivité du Québec au niveau agricole, là.
Le
Président (M. Lemay) :
Alors, Mme Fortier, en vous rappelant qu'il reste environ 30 secondes
à cette période d'échange.
Mme Fortier
(Elisabeth) : Oui, merci. On
a quand même la chance d'être accompagnés avec Ouranos et avec
l'IRDA. Cependant, les différentes études plus pointues ont été faites
dernièrement dans la production fruitière, donc le secteur maraîcher a été mis de côté. Donc, oui, il
serait intéressant... Surtout que notre secteur, comme
M. St-Denis le mentionnait, on a
plus de 80 cultures, donc 80 scénarios différents. Donc, c'est très, très, très varié. Donc, oui, un appui plus précis serait apprécié, c'est
certain.
Le Président (M. Lemay) : Merci
beaucoup, Mme Fortier. Ceci complète cette période d'échange. Je cède maintenant
la parole à la députée de Rouyn-Noranda—Témiscamingue.
Mme Lessard-Therrien : Merci,
M. le Président. Merci à vous d'être là aujourd'hui. J'aimerais revenir sur
l'harmonisation des protocoles d'homologation des pesticides avec les États-Unis.
Je n'ai peut-être pas bien compris c'était quoi, l'objectif d'harmoniser ça. Est-ce
que c'est...
Bien, vous
avez parlé tantôt qu'il y avait plus d'échanges nord-sud au niveau
de production maraîchère, et j'ai comme
un petit doute. Vous pouvez me rassurer là-dessus, à quel point on
exporte de notre production maraîchère vers les États-Unis. Puis j'imagine que
c'est dans un objectif de rester concurrentiel, parce que, quand on va sur les
tablettes de nos épiceries, on peut
constater qu'il y a quand
même beaucoup de produits
américains qui sont sur nos tablettes. Donc, j'aimerais vous entendre un
peu davantage là-dessus.
Le Président (M. Lemay) :
Alors, M. St-Denis.
M. St-Denis
(Jocelyn) : Quand on parlait
d'harmonisation des protocoles, c'est qu'il y a... le producteur d'une
molécule doit faire deux processus, un au Canada et un aux États-Unis. Le
marché du Canada n'étant pas assez gros, il
choisit de ne pas l'homologuer, son produit, au Canada, donc on n'a pas le
droit de l'utiliser. Par contre, aux États-Unis, ils
ont le droit. Ce sont les nouvelles molécules, ce sont les nouveaux produits
qui sont moins dommageables pour la santé, moins dommageables pour l'environnement, pour lequel... ils pourraient
contribuer à une réduction du risque d'utilisation des pesticides au Québec ou au Canada,
mais qu'on n'a pas accès parce que les protocoles ne sont pas harmonisés. On ne pourrait pas dire : On en ferait un seul,
puis ce qui a été homologué d'un côté comme de l'autre de la frontière passe
un seul processus. Là, on aurait accès à un
plus grand portefeuille de produits qui sont moins dommageables pour la santé
et l'environnement.
Quand on a parlé
de compétitivité, on exporte... près de 50 % de notre production de fruits
et légumes du Canada ou du Québec sont exportés vers les États-Unis.
Donc, oui, il y a eu énormément de commerce entre les deux provinces. C'est certain que, l'hiver, on consomme beaucoup
plus de produits qui viennent des États-Unis, malgré qu'au Québec on a
encore nos légumes-racines, on a nos productions en serre qui excellent, qui
continuent, mais il y a énormément de commerce qui se fait des deux côtés de la
frontière.
Donc, ce
n'est pas nécessairement... C'est un danger de compétitivité, mais
c'est aussi... Comme on est concurrents, il faut jouer sur le même
terrain de jeu. Et, si un adversaire a de l'équipement qui est plus adéquat
pour aller en guerre, bien, celui qui a le moins d'équipement, habituellement,
il ne sort pas du bon côté.
Le Président (M. Lemay) : Mme
la députée.
Mme Lessard-Therrien : Merci. Ça répond très bien à ma question. Au niveau
des changements climatiques, vous réclamez... Ce que j'ai cru comprendre à la
fin de l'échange, là, avec ma collègue, dans le fond, il y a beaucoup
plus de recherches effectuées actuellement au niveau des petits fruits
qu'au niveau des légumes maraîchers.
Mme Fortier (Elisabeth) : En
fait, le dernier rapport qu'il y a eu sur, justement, l'impact des changements climatiques sur la production horticole a été fait principalement sur la production
fruitière. Donc, la production maraîchère ne faisait pas partie du
projet de recherche, et il serait souhaitable qu'un volet maraîcher puisse être
ajouté à ce projet de recherche qui a été fait, là.
Le
Président (M. Lemay) : Merci, Mme Fortier. Ceci complète
cette période d'échange. Je cède maintenant la parole au député de
Bonaventure.
M. Roy :
Merci, M. le Président. Madame, messieurs. Je vais partager une observation.
Bon, moi, ma famille cherche toujours à
acheter des produits du Québec, hein, mais on a observé récemment, puis ma
collègue ici présente a pris des
photos... Bon, on voit que c'est... Pour indiquer un fruit ou un légume,
c'est : Du Québec et/ou du Mexique. Et ça, je ne sais pas c'est quoi, là, mais ça crée une confusion chez le
consommateur, chez le citoyen, et je ne sais même pas si c'est légal.
Est-ce que vous pouvez m'expliquer c'est quoi, cette affaire-là?
Le Président (M. Lemay) :
M. St-Denis.
M. St-Denis
(Jocelyn) : Le nouveau règlement
du gouvernement du Québec sur l'étiquetage ou l'affichage au niveau des fruits et légumes nous oblige à identifier la
provenance, Québec ou Canada. Mais, si un détaillant... Donc, l'enjeu est au
niveau de l'affichage au détaillant. Si un détaillant a des produits, par exemple des
tomates qui viennent et du Mexique et du Canada, ils doivent être...
bien être séparés et ils doivent être bien identifiés.
Donc, on ne
peut pas dire qu'un ou l'autre sur un étalage. Il faut bien identifier ce qui
est un et ce qui est l'autre. Donc, quand on voit ça, un ou l'autre,
c'est contraire au règlement.
Le Président (M. Lemay) : M. le
député.
M. Roy :
Est-ce qu'il y a des sanctions? C'est parce qu'on le voit. Moi, c'est ça, mon
problème. Et je m'aperçois qu'on
n'applique pas la réglementation et on crée une confusion chez le consommateur.
Donc, on lève encore un autre enjeu. Mais
est-ce que vous avez... Est-ce que vous êtes déjà intervenus? Parce qu'en même
temps c'est de protéger votre label.
M. St-Denis
(Jocelyn) : Le nouveau règlement qui a été mis en place il y a un an,
c'était suite à des représentations, entre
autres, que l'Association des producteurs maraîchers avions faites pour être
certains de pouvoir connaître et bien identifier
en magasin les produits qui viennent du Québec. On est tous des consommateurs
et on veut... Quand on dit : On voit un label qui vient du Québec,
on veut être certains qu'il vient du Québec.
Et on se
promène tous dans les magasins, et depuis que je suis dans le milieu maraîcher,
depuis près de 20 ans, ma conjointe,
elle va se promener dans les autres allées, puis moi, je reste dans les fruits
et légumes puis je regarde, et il y a des enjeux d'identification en
magasin.
À la défense
des détaillants, bien, il y a une rotation de personnel, la main-d'oeuvre est
très volante, et les formations, plus
ou moins à point. C'est pour ça qu'on a mis en place et qu'on met en place un
projet de visite en magasin, donc,
qui s'est fait il y a deux ans et qu'on reprend cette année pour une période de
deux ans, où on va rencontrer 250 détaillants
de toutes les bannières, de toutes les... les gros et les petits pour leur
présenter les produits du Québec, pour prendre
un échantillonnage de l'étiquetage, de l'identification et ensuite de
comprendre les campagnes de promotion ou d'identification des produits.
Donc, c'est
un projet qu'on met de l'avant, qui est financé en partie par le MAPAQ, pour
être capable d'avoir une collaboration et de parler aux gérants de
fruits et légumes dans les magasins.
Le
Président (M. Lemay) : Merci, M. St-Denis. M. le député de
Bonaventure, ceci termine cette période d'échange.
Avant de
suspendre les travaux, j'aimerais simplement rappeler aux membres de la
commission que nous avons un horaire quand même chargé ce soir. Donc,
nous reprendrons les travaux à précisément 19 h 30.
Donc, merci beaucoup, M. Cloutier,
M. St-Denis et Mme Fortier,
pour votre contribution aux travaux.
La commission suspend ses travaux jusqu'à
19 h 30.
(Suspension de la séance à 17 h 59)
(Reprise à 19 h 31)
Le
Président (M. Lemay) :
Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, la Commission de l'agriculture, des pêcheries, de l'énergie et des ressources
naturelles reprend ses travaux.
Alors, je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir
éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.
Ce soir, nous
entendrons le Centre de recherche sur les grains, Mme Denise Proulx, sociologue
de l'environnement et chargée de cours
de l'Institut de science de l'environnement de l'Université du Québec à
Montréal, ainsi que M. Louis Robert.
Alors, pour
le moment, je souhaite la bienvenue aux représentants du Centre de
recherche sur les grains. Je vous rappelle
que vous disposez de 10 minutes pour faire votre exposé. Ensuite, il y aura
un échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter ainsi que
la personne qui vous accompagne, puis vous pourrez procéder à votre
exposé. La parole est à vous.
Centre de recherche sur les
grains (CEROM)
M. Pageau
(Denis) : Bonjour, M. le Président, membres de la commission. En mon nom personnel puis au nom du C.A. du
CEROM, je tiens à vous féliciter, à vous remercier de vous pencher sur
l'importante question que représente l'utilisation des
pesticides en agriculture au Québec.
Mon nom est Denis Pageau, je suis,
depuis quelques semaines seulement, président du conseil
d'administration du CEROM. Je possède
une formation en agronomie, bien que je ne sois pas membre de l'Ordre des
agronomes du Québec. Je suis
accompagné de Mme Gabriela Martinez, qui est la nouvelle directrice
générale de l'organisation depuis le printemps dernier. Elle possède
un doctorat en science avec une vingtaine d'années d'expérience en recherche,
dont plus d'une dizaine à titre de
gestionnaire et de directrice de recherche. Vous pouvez constater que nous
sommes tous les deux très récents au niveau de l'organisation. Il y a eu beaucoup de changement à l'intérieur du CEROM, depuis les
derniers 12 mois, alors je vais vous en parler.
Juste
un bref rappel. Le CEROM est un centre de recherche qui a été créé il y a
une vingtaine d'années. C'est une initiative
conjointe du ministère de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec, des producteurs de grain du Québec et de la Coopérative fédérée. Et la raison, à
l'époque, c'était pour pallier au manque de recherche qui sévissait dans
le secteur vital de l'agriculture québécoise à ce moment-là.
Aujourd'hui, les chercheurs du centre consacrent
leurs efforts dans des domaines variés et ont réalisé des centaines de projets, au cours des
20 dernières années, en phytogénétique, soit l'amélioration génétique des
semences, la phytoprotection, la phytopathologie, la malherbologie et la
régie des cultures, pour ne nommer que ceux-là.
Le
CEROM offre l'expertise de son équipe de chercheurs et de professionnels de
recherche, 200 hectares de terre, des équipements pour mener à bien
la recherche aux champs et en laboratoire et aussi quelques dizaines d'ouvriers
agricoles qui oeuvrent dans les champs.
Le CEROM n'est pas un
centre de recherche sur les pesticides, bien qu'on utilise des pesticides au niveau
de la recherche, en matière de témoins,
quand on fait différentes parcelles. Alors, c'est pour comparer ce qu'on fait,
ce qui ressemble à ce qui se passe
dans la vraie vie des producteurs. Les projets que mènent les chercheurs visent
la lutte intégrée aux ennemis des cultures et l'utilisation rationnelle et
raisonnée des pesticides, avec rigueur, intégrité et indépendance. Le
CEROM ne fait pas la promotion des pesticides, ni la commercialisation, ni la
vente. C'est un centre de recherche.
Mme Martinez
pourra répondre mieux que moi aux questions spécifiques à la recherche et à la
science, qu'on parle de la présentation de
projets par nos chercheurs aux différentes instances, au financement ou aux
différents partenariats qu'on peut avoir avec des universités entre
autres.
J'aimerais prendre un
petit moment pour vous parler de la gouvernance du CEROM. Vous avez tous
entendu parler, au cours de la dernière
année, de certaines activités qui auraient pu se passer ou ne pas se passer.
Depuis plusieurs mois, l'organisation
travaille à se restructurer. Le conseil d'administration, aujourd'hui, comporte
11 membres, dont six membres indépendants. Le président est de ce
nombre — moi-même.
Une
nouvelle directrice générale, Mme Martinez, est en place depuis le printemps,
depuis le mois d'avril plus précisément.
Nous sommes maintenant à la recherche d'un directeur scientifique pour encadrer et supporter les chercheurs,
ce que nous n'avons pas, puis ce serait
essentiel de l'avoir. Alors, on est à la recherche d'un professionnel pour ce
poste-là.
Un
comité aviseur devrait être complété sous peu. Son mandat sera de suggérer au conseil d'administration les orientations de la recherche, d'évaluer périodiquement la
pertinence de ces orientations et de valider la qualité du processus de diffusion des résultats de la recherche, qui
sont essentiels. On ne fait pas de la recherche pour garder ça dans des boîtes,
c'est pour diffuser, que les producteurs aient l'information.
Enfin,
un comité scientifique formé de quelques chercheurs émérites, pas nécessairement provenant du monde agricole,
sera mis à contribution pour, de
façon ponctuelle, assurer, valider
les protocoles de recherche de nos chercheurs et s'assurer que tout ce
soit fait dans les meilleures façons possible.
Par ailleurs, au cours du prochain mois, nous allons amorcer un exercice de planification stratégique qui permettra de discuter de notre mission et des orientations de recherche pour
les cinq prochaines années. Les conclusions de cette commission pourront également nous servir de
référence dans le cadre de cet exercice-là. Cet exercice se fera de façon
très ouverte. Nous voulons consulter de
façon très large les acteurs du
secteur et nous souhaitons inclure et non exclure dans cette démarche.
Nous
en profiterons également pour discuter de l'opportunité d'élargir notre membership. L'organisation est une
organisation sans but lucratif, donc la structure de ça fait en sorte qu'on a
des membres. Aujourd'hui, les membres sont
les Producteurs de grains du Québec, la Coopérative fédérée. Ce sont les deux
seuls membres. Il y a une intention de notre
côté de regarder cette situation-là pour agrandir, élargir le membership. C'est
un projet ambitieux qui, nous l'espérons, clarifiera notre mandat et
éliminera les mauvaises perceptions sur le rôle du CEROM.
Dans
le mémoire que nous vous avons présenté, nous avons avancé l'idée d'une grappe
de recherche en agriculture de précision et en gestion de — vous m'excusez l'anglicisme — «big data» qui permettrait des interventions
ciblées contre les ravageurs ou les
mauvaises herbes sans avoir à traiter des champs entiers. Il y a plusieurs
technologies qui sont en jeu, dans un projet comme celui-là, mais on voudrait
vraiment, au niveau du CEROM, au niveau du Québec, prendre le leadership de quelque chose comme ça, en incluant
peut-être même les provinces voisines de l'Ontario et du Nouveau-Brunswick pour
aller encore plus loin. Mme Martinez pourra vous expliquer plus tard en
plus de détails, en répondant à vos questions, de quoi il en retourne
plus précisément.
Nous
proposons aussi de solliciter l'intérêt des chercheurs en sciences sociales
pour comprendre la résistance de certains
producteurs à adopter les pratiques de remplacement durables. Ceci pourrait
être utile aux stratégies de communication
pour diffuser les résultats de recherche aux utilisateurs et les convaincre
d'adopter de nouvelles et meilleures pratiques. Et les nouvelles pratiques
existent, sont communiquées, mais ne sont pas nécessairement utilisées.
Il y a des raisons pour ça, qui ne sont pas
nécessairement qu'économiques ou financières. Mais on pense qu'en incluant les
chercheurs d'autres sphères on pourrait
aller un peu plus loin pour comprendre pourquoi on ne peut pas... on n'y
parvient pas comme on voudrait.
En conclusion, nous avons au Québec
les ressources pour comprendre les enjeux liés à la gestion optimale des
pesticides. La solution devra tenir compte des enjeux scientifiques,
technologiques, économiques et humains, tout en répondant aux besoins des agriculteurs et des consommateurs. C'est un
enjeu de société, mais dans un environnement global.
Nous
croyons sincèrement pouvoir continuer à contribuer, à l'intérieur de nos moyens
et de nos compétences, à la
vulgarisation de la recherche sur des pratiques innovantes pour une agriculture
durable. Des ressources additionnelles seront
requises pour communiquer, diffuser et informer les producteurs de nos
recherches, de nos résultats. Je vous remercie.
Le
Président (M. Lemay) : Merci, M. Pageau. Donc, je comprends
que Mme Martinez répondra aux questions des membres de la commission. Pas
de problème. Donc, sur ce, je cède maintenant la parole au député de Bourget.
M. Campeau :
Merci, M. le Président. On a souvent entendu parler de l'indépendance de la
recherche. Évidemment, 10 minutes,
c'est beaucoup trop court pour comprendre tout ce que vous avez fait au niveau
gouvernance, mais vous semblez avoir au moins tenté, sinon réussi, de
contourner cet écueil. Alors, c'est une chose qui est extrêmement... que je
veux souligner parce que c'est très, très, très important.
Quel
est l'avantage... Je pense que j'en ai une petite idée, mais vous en avez sûrement, une bien meilleure idée. Pourquoi aller vers les autres provinces immédiates,
comme ça? Qu'est-ce que vous voulez aller chercher comme information à ce sujet-là? Donc, je
pense qu'on vient de donner l'occasion
à Mme Martinez de nous adresser la parole.
• (19 h 40) •
Le Président
(M. Lemay) : Allez-y, Mme Martinez.
Mme Martinez
(Gabriela) : Vous allez avoir l'opportunité d'écouter mon accent. Et,
si ce n'est pas clair, s'il vous plaît, n'hésitez pas à me demander de répéter.
Pourquoi est-ce qu'on
veut aller vers les autres provinces? C'est parce que construire une base de
données en imagerie, autant des ravageurs que des mauvaises herbes, c'est quelque
chose de très coûteux, de très lourd comme travail, et c'est sûrement en
mettant ensemble les efforts de tout le monde, c'est qu'on peut réussir.
Qu'est-ce qu'on propose, c'est donner au Québec l'opportunité d'être les leaders. Ce n'est pas
que tout le Québec... Les mauvaises herbes ne sont pas les mêmes, elles
n'ont pas le même aspect. Mais, de l'Est, c'est sûr que oui : Ontario,
Nouveau-Brunswick, Québec sont semblables. Pourquoi pas que le Québec prend le
leader là-dedans?
On
ne peut pas arrêter la technologie. La technologie, l'industrie 4.0, toute
l'agriculture de précision, c'est quelque chose qui est déjà à nos
portes. Donc, pourquoi, pour première fois, ne pas être... bien, pas pour
première fois, mais pourquoi ne pas, dans ce
cas particulier, être en avant, être un pas en avant et se dire : Nous, on
développe cette grappe de recherche,
on travaille tous ensemble, on met les efforts publics et privés pour pouvoir
développer ces bases de données, qu'elles puissent profiter les
producteurs gratuitement?
Le Président
(M. Lemay) : M. le député.
M. Campeau :
Est-ce que vous allez même parler d'homologation, comme certains ont parlé?
Le Président
(M. Lemay) : Mme Martinez.
Mme Martinez (Gabriela) : Pourriez-vous m'expliquer un peu qu'est-ce que
vous voulez dire dans ce cas en particulier?
M. Campeau :
Comment je dirais? Il y en a qui ont mentionné qu'on pourrait aller chercher
une homologation avec les États-Unis, même aller travailler avec les
États-Unis vers des protocoles communs.
Mme Martinez (Gabriela) : En fait, qu'est-ce que j'aimerais ou qu'est-ce
que le CEROM propose, c'est plutôt intégrer
les données. Présentement, les compagnies privées, chacune a sa base de données
en géolocalisation, mais, aussitôt que
vous changez de marque de tracteur, la technologie ne se parle plus, là. Donc,
qu'est-ce qu'on veut, c'est quelque chose intégré. Si, pour «homologation»,
vous parlez de ça, je vous dirais : Oui, on cherche quelque chose où
est-ce que la technologie des différents appareils puisse se parler de
façon que les producteurs ne soient pas pris en otage.
Aujourd'hui, vous
savez, un tracteur x, de même, vous voulez aller au tracteur y, bien, vous
pouvez passer au tracteur y sans problème parce que vos données ne sont
pas perdues, vous allez les récupérer et les utiliser dans le nouveau tracteur. Et vous allez être capable de
vous promener avec votre cellulaire, prendre la photo de la mauvaise herbe
qui vous inquiète ou que, selon vous, c'est
une mauvaise herbe ou un ravageur, et vous allez être capable de consulter
une base de données publique où est-ce qu'il
va vous dire : Oui, c'est un ravageur, ou : Non, ça ne l'est pas,
restez tranquille. Et, si c'est une,
bien, on pourrait vous envoyer dans des liens où est-ce que vous pourrez voir
est-ce que c'est grave, si j'ai un,
si j'ai deux. Ça va dépendre de votre historique, ça va dépendre du type du
sol, ça va dépendre de beaucoup de choses.
Mais vous pouvez avoir de l'information pour pouvoir dire : C'est grave,
il faut que j'aille voir mon agronome, ou : Ce n'est pas grave, je
peux continuer et je surveille.
Le Président
(M. Lemay) : M. le député.
M. Campeau :
Vous parlez, dans votre rapport, d'une baisse de productivité, si on élimine
les pesticides, et je vois un chiffre
de 35 %. Ça me semble extrêmement élevé. Est-ce que je comprends bien?
Parce que certaines personnes qu'on a rencontrées lors des visites de fermes,
par exemple, ne semblaient pas nous dire que c'était aussi important que
ça et, dans certains, négligeable.
Le Président
(M. Lemay) : Mme Martinez.
Mme Martinez (Gabriela) : ...va dépendre à combien de temps est-ce qu'on
est en train de parler. Si on interdit aujourd'hui,
probablement, pour demain, le producteur va avoir une perte importante parce
que son sol n'est pas prêt. On l'a
entendu hier avec le producteur qui nous a bien expliqué son processus. Donc, à
ce moment-là, je vous dirais, oui, ça peut être un problème.
Nous,
qu'est-ce qu'on propose, c'est aussi, avec cette information, de créer une
grappe de recherche, d'unir les efforts. C'est pouvoir aller avec des drones et
pouvoir utiliser les quatre b : utiliser la bonne dose, les bons produits
au bon moment et à la bonne concentration.
Le Président
(M. Lemay) : M. le député.
M. Campeau :
On a parlé aussi d'un support en sciences sociales. Si je comprends bien, c'est
pour que les pratiques que vous allez
recommander soient présentées d'une façon qui soit plus acceptable aux gens
pour permettre une adaptation plus rapide...
Mme Martinez (Gabriela) :
...
M. Campeau :
...une acceptation plus rapide, oui.
Le Président
(M. Lemay) : Mme Martinez.
Mme Martinez (Gabriela) : On a besoin de comprendre c'est quoi, la
perception de l'agriculteur. Pour une raison quelconque, les messages ne se
rendent pas, et ça, ce n'est pas une bonne affaire. Nous, on fait la recherche.
On ne l'a fait pas pour nous, on l'a fait pour les producteurs, c'est notre
premier client, et on veut une amélioration, et on veut qu'elle soit positive pour lui. Mais la seule
façon d'arriver, c'est en comprenant c'est quoi, leur langage. Si je lui parle
dans un langage que lui ne comprend pas ou ce n'est pas utile pour lui, ce
n'est pas très efficace. Donc, on veut aller avec des collègues en sciences sociales, qu'ils
puissent nous faire comprendre est où le problème, pourquoi notre message ne se
rend pas, pourquoi il y a une mauvaise perception de la nouvelle pratique,
qu'est-ce qu'on peut faire pour les améliorer.
Le Président
(M. Lemay) : Merci, Mme Martinez. Sur ce, je cède maintenant
la parole au député de Dubuc.
M. Tremblay :
Merci, M. le Président. Bonsoir.
Mme Martinez
(Gabriela) : Bonsoir.
M. Tremblay : Je salue d'abord vos ambitions d'organisation. Ça respire, clairement.
Je veux saluer aussi vos ambitions
pour les producteurs du Québec. Dites-moi, première question, chaque année,
vous faites mention de 500 champs qui sont dépistés avec l'objectif
de suivre, finalement, les principaux ennemis des grandes cultures. Est-ce que
vous croyez que cet échantillonnage-là est
suffisant dans le contexte actuel de réflexion puis de virage? Est-ce que vous
croyez que l'échantillonnage pourrait être ventilé vers les régions sur des
cultures plus marginales? J'aimerais votre opinion.
Le Président
(M. Lemay) : Mme Martinez.
Mme Martinez (Gabriela) : Présentement, comme vous venez dire, on a
500 champs, 75 % des suivis. Tout ça, c'est un rapport très positif. On nous permet de donner les alertes,
nous permet de vérifier et identifier, même, des ravageurs qui commencent à arriver à cause des changements
climatiques. C'est sûr que, plus on est capable d'élargir le nombre de
champs, plus représentatif c'est et mieux on peut pouvoir, après, diffuser
l'information.
Le Président
(M. Lemay) : Le député.
M. Tremblay : Merci. ...(panne de son)... l'expertise dans le domaine commence à se
faire valoir au Québec. Vous parlez évidemment du 4.0, là, des attaques ciblées
de ravageurs, et puis vous signifiez néanmoins : La nouveauté du sujet requiert que certains problèmes ponctuels
soient explorés davantage. Vous ouvrez une porte. Maintenant, ma question,
moi, c'est : Est-ce qu'on pourrait
dire... croyez-vous que le gouvernement est partenaire, à l'heure où on se
parle, de cette démarche-là?
Mme Martinez
(Gabriela) : ...qu'on propose, c'est que le gouvernement devienne
partenaire, qu'il offre des subventions auxquelles on puisse appliquer et qu'il
crée cette grappe. Je crois que, comme je vous dis, c'est une belle opportunité
pour me démontrer le leadership qui existe au Québec. On a tout pour le faire.
Il existe aussi le
centre de recherche Computer Research Institute of Montréal, toutes les
connaissances pour nous aider, pour pouvoir
travailler ensemble. Au CEROM, on croît à la synergie. Personne n'arrive à rien
en travaillant tout
seul. On a besoin de combiner les efforts et les connaissances de chacun.
Probablement, cette personne ne connaît rien en malherbologie, mais j'en ai une, et elle est très bonne. Donc,
si on prend cette chercheuse, qui est excellente en malherbologie, on
fait un match avec les gens qui travaillent dans tous les processus et la
formation... la création d'algorithmes,
pardon, on combine aussi les gens en entomologie... J'ai des bons chercheurs en
entomologie, qui sont déjà très avancés dans la création des
applications pour que les producteurs puissent les utiliser. Pourquoi ne pas
unir tous ces efforts ensemble et créer
quelque chose de plus grand et qui ne
sert pas juste à nous? On est au Canada. Nous sommes, l'Est, tout ensemble... parce
qu'on a des problématiques communes
et travaillons ensemble pour le bénéfice commun de tout le monde.
• (19 h 50) •
Le Président
(M. Lemay) : M. le député de Dubuc.
M. Tremblay : J'ai peut-être une autre question. Dites-moi, on parle beaucoup
de formation, vous jouez un rôle de synergie, vous travaillez
avec plusieurs partenaires, on voit plusieurs
projets de recherche, des comités. Votre champ d'intervention est très large,
dans la mesure où on a déjà parlé de l'importance d'accélérer la formation au Québec, aux niveaux universitaire, collégial, à la limite, où on a parlé de
plateformes plus conventionnelles, un
petit peu avant le souper. Est-ce
que le CEROM... En page 7, vous
parlez d'une refonte puis de vouloir revoir vos axes d'intervention. Est-ce que le
CEROM pourrait être un joueur majeur dans cet établissement-là de nouvelles
réalités de formation au Québec?
Le Président
(M. Lemay) : Mme Martinez.
Mme Martinez (Gabriela) : Absolument. Absolument. J'ai des chercheurs qui ont les connaissances.
Donc, je crois que c'est le moment
que ces gens-là donnent à la société toutes ces connaissances qu'ils ont acquises. Ce
sont des jeunes, ils connaissent
toutes les nouvelles technologies, ont des superbonnes idées qu'on peut utiliser
pour pouvoir atteindre les différentes personnes. Ce n'est pas toutes les
personnes qui communiquent de la même manière, donc pourquoi
ne pas les utiliser pour pouvoir faire des formations pertinentes?
Le
Président (M. Lemay) :
Merci, Mme Martinez. Maintenant, je
cède la parole au député de Lac-Saint-Jean.
M. Girard
(Lac-Saint-Jean) : Merci, M. le Président. Il me reste combien de
temps, M. le Président?
Le Président
(M. Lemay) : Environ quatre minutes.
M. Girard
(Lac-Saint-Jean) : Quatre minutes. Bon. Bonsoir, bonsoir. Merci du
travail, merci du mémoire. Beaucoup de travail de fait à ce niveau-là.
On
a un mandat d'initiative qui parle au niveau des pesticides, la
santé, l'impact, qui parle aussi de l'innovation
et qui parle aussi du secteur de
compétitivité au niveau agricole. Et j'ai remarqué que vous en faites
mention dans votre mémoire, le secteur de compétitivité. Là, vous avez
dit que le Québec est bien positionné pour les mesures d'innovation, on est des leaders, tout ça. Mais vous faites un parallèle, vous
mentionnez qu'il y a un problème parce
que les agriculteurs sont des preneurs de prix, en majorité, et on est dans un
marché libre où est-ce qu'il n'y a pas de frontières. Et vous soulevez l'impact... comment qu'on va faire pour
réussir à être compétitifs face aux marchés extérieurs. J'aimerais ça vous
entendre.
Le Président
(M. Lemay) : Alors, Mme Martinez, sur la compétitivité.
Mme Martinez (Gabriela) : Moi, je crois que la compétitivité, on peut la réussir, justement, en étant innovants. Il faut trouver de
quelle façon le producteur peut travailler en préservant sa santé et en
améliorant le rendement.
Au
CEROM, j'ai trois chercheurs qui travaillent dans l'amélioration génétique. Ils trouvent des nouvelles variétés qui sont plus résistantes aux différents
ravageurs. On a mis au point des techniques pour infecter nous-mêmes, rendre
les cultures malades pour pouvoir vérifier si nos cultures arrivent à résister.
Donc, je pense qu'avec ces développements de semences qui vont être plus compétitives, bien,
c'est une belle opportunité pour les producteurs. On le fait pour les
producteurs, on ne le fait pas pour nous, là.
Et
tous les aspects au niveau malherbologique qu'on est en train d'étudier, il y a
le niveau des ravageurs, c'est justement pour que le producteur puisse
détecter très rapidement qu'il y a un problème dans son champ et pouvoir
prendre une action qui peut-être va être moins drastique qu'appliquer un
pesticide mur à mur dans tout son champ.
Le Président
(M. Lemay) : M. le député.
M. Girard
(Lac-Saint-Jean) : O.K.
Donc, vous pensez que les producteurs appliquent mur à mur des pesticides?
Mme Martinez (Gabriela) : Je ne dis pas que tous, mais il y a
certains qui utilisent, oui, de façon préventive les pesticides. Nous, on est en train de proposer, on
a... Existe VFF QC, c'est une application qui a été développée au CEROM, en collaboration avec des partenaires, bien sûr,
qui permet justement pouvoir vérifier est-ce qu'on est à risque ou
on n'est pas à risque, qu'est-ce qu'on peut faire.
M. Girard
(Lac-Saint-Jean) : Qu'est-ce que vous pensez du producteur M. Michon, qui est venu nous présenter
son dossier, basé sur des faits, avec des données,
des vraies données, des données qu'il a comptées, là, assis? Parce que vous savez que les entrepreneurs
agricoles sont des gestionnaires. Qu'est-ce que vous pensez de son dossier?
Travail minimum du sol, mais, quand même, qu'il nous a dit qu'il ne peut
pas faire un travail minimum du sol sans utiliser un pesticide de
synthèse. Il dit qu'il fermerait l'entreprise.
Le Président (M. Lemay) :
Mme Martinez.
Mme Martinez
(Gabriela) : Je l'écoute et
je pense que je peux me baser seulement sur des données scientifiques. Là, on parle d'un producteur. Est-ce que c'est
représentatif de tout le Québec? Est-ce que c'est représentatif à la région de
la Montérégie, qu'est-ce qui passe dans la Côte-Nord? Je ne le sais pas.
Je n'ai pas réponse pour ça.
Le Président (M. Lemay) : 15
secondes.
M. Girard
(Lac-Saint-Jean) : Mais il y a des données qui démontrent que de plus
en plus de producteurs utilisent des semis directs, tout ça.
Mme Martinez
(Gabriela) : Le semis
direct, je suis tout à fait d'accord et je vous dis aussi... J'ai un autre de
mes chercheurs qui travaille en... il préconise aussi le semis direct. Je ne
suis pas contre le semis direct. Je ne suis pas contre l'idée d'arrêter
ou garder les pesticides. Je ne suis pas là. Moi, mon seul objectif, mon
travail consiste...
Le Président (M. Lemay) : ...je
vais devoir vous interrompre...
Mme Martinez
(Gabriela) : ...à avoir les
données nécessaires.
Le Président
(M. Lemay) : Puisque cette période d'échange avec la partie du
gouvernement étant terminée, je cède maintenant la parole à l'opposition
officielle. Mme la députée de Maurice-Richard, la parole
est à vous.
Mme Montpetit :
Je vous remercie, M. le Président. Bonjour à tous les deux. Merci de vous
joindre à nous à cette heure quand même tardive pour un mardi.
Mme Martinez, je vais faire du pouce sur la
réponse que vous venez de donner. Vous dites : Je ne peux que me baser sur la science pour répondre à des
questions. Et vous comprendrez, moi, je veux aller vraiment dans le coeur de ce
qui a habité l'actualité, là, dans les derniers mois, donc vraiment au niveau
de l'indépendance de la recherche.
Je sais que
vous avez fait beaucoup, beaucoup d'ajustements au niveau de la gouvernance du CEROM,
mais j'ai besoin, moi, d'entendre
qu'on doit être rassurés des changements qui ont été faits. Il y a beaucoup de
questions qui demeurent encore sans
réponse. Il y a encore beaucoup... Vous savez que la confiance de la population
a été très ébranlée. Donc, je pense que vous avez une chance ici
d'apporter des réponses à toutes ces questions.
Vous nous
avez dit que, sur 11 membres du conseil d'administration, il y en a six
qui sont indépendants. C'est bien ça? Les sept autres postes sont
occupés par qui?
M. Pageau (Denis) : Les cinq
autres postes...
Le Président (M. Lemay) :
Alors, M. Pageau, allez-y.
Mme Montpetit : Les cinq autres
postes, oui, pardon.
M. Pageau
(Denis) : Mme la députée, il y a trois membres qui représentent les
Producteurs de grains du Québec et deux membres du conseil
d'administration qui sont de la Coopérative fédérée.
Le Président (M. Lemay) : Mme
la députée.
Mme Montpetit : Est-ce que le
fait, justement, d'avoir des membres de La Coop fédérée, est-ce que ça ne va pas à l'encontre... à l'inverse un peu de ce qui
vous a été recommandé dans le rapport de gouvernance? Comment vous voyez
ça d'avoir des gens, justement, qui sont présents et qui ont des intérêts sur
le conseil d'administration, encore aujourd'hui, de votre centre de recherche?
Le Président (M. Lemay) :
M. Pageau.
M. Pageau
(Denis) : ...permettez, je vais y répondre. Écoutez, je ne vois pas ça
comme une contradiction, dans la
mesure où on a fait les changements nécessaires pour que les membres
indépendants soient en plus grand nombre. Ça, c'est la chose la plus
importante. Ce qui intervient aussi, dans ça, c'est qu'on a mis sur pied une
politique à l'égard de... comment on appelle ça? Je m'excuse...
Mme Martinez (Gabriela) :
Politique d'éthique et politique de harcèlement.
M. Pageau
(Denis) : Excuse-moi, oui, pour faire en sorte que, si jamais certains
chercheurs, par exemple, recevaient des
appels ou avaient de la pression sur eux pour... quelle que soit la raison,
bien, il y a une procédure pour eux de venir nous voir, de suivre une
certaine hiérarchie pour parler de la situation si elle se présentait.
Malgré
tout, comme je disais tout à l'heure, dans les révisions de la gouvernance, on
a aussi un comité aviseur, un comité
scientifique, un nouveau... je m'excuse, j'ai oublié, le nouveau directeur
scientifique que nous voulons embaucher, qui va être la première personne à côté des chercheurs. Alors, je ne pense
pas que l'influence de membres non indépendants peut jouer un grand rôle
pour influencer les décisions ou les choses qui se font. On ne veut vraiment
pas ça.
Personnellement,
quand je me suis porté volontaire pour être membre du conseil d'administration,
et puis j'ai été choisi par les gens
autour de la table pour devenir président, et j'ai accepté, c'est parce que
j'ai été interpellé personnellement,
honnêtement, pour les mêmes raisons que vous, vous l'êtes. Vous vous êtes
interrogés sur cette affaire-là. Moi,
j'ai entendu ça, je suis agronome de formation, je suis un citoyen comme tout
le monde puis je me suis dit : Il y a quelque chose qui ne marche pas, et ce n'est pas possible que tout ce
qui se passe là-bas soit mauvais. Et je me suis dit : On peut aller jouer
un rôle, là-bas, on peut modifier des choses puis on peut s'assurer qu'on va
gérer ça correctement.
Et,
en même temps, comme tout le monde, je pense qu'on recherche des solutions pour de l'agriculture
durable, pour les bienfaits de tout le monde, pour toute la population
québécoise.
En
même temps, il faut aider les producteurs à passer à travers leur situation
qu'ils vivent à tous les jours et le stress
financier, économique qu'ils peuvent avoir. Mais tout ça pour dire que, qu'on
ait, sur le conseil d'administration, des
gens qui représentent la Coop fédérée, dans ce cas-ci, ou les producteurs de
grain, je ne vois pas ça comme un problème majeur, pas aujourd'hui.
• (20 heures) •
Le Président
(M. Lemay) : Merci, M. Pageau. Mme la députée.
Mme Montpetit :
Si vous avez mis des mécanismes en place, justement, pour permettre aux membres
de dénoncer des situations
d'influence, est-ce que c'est parce que vous avez été avisés qu'il y a déjà eu
ce genre d'influence par le passé au CEROM?
M. Pageau
(Denis) : Moi, je ne suis pas là depuis longtemps. Comme je vous
disais tantôt, je n'ai pas eu la chance de parler avec grand monde, mais le
tour de table que j'ai pu faire avec les gens avec qui j'ai parlé, il n'y a
personne qui me dit qu'il se passe quelque chose.
Mme Martinez
(Gabriela) : Si je me permets...
Le Président
(M. Lemay) : Allez-y, Mme Martinez.
Mme Martinez (Gabriela) : ...qu'est-ce qu'on veut briser, c'est la
perception. Je crois que le CEROM, qu'est-ce qu'il a fait pas correct, c'est la
communication. Donc, les gens, ils ne savaient pas qui on était, qu'est-ce
qu'on fait et de quelle manière. Donc, qu'est-ce qu'il vise, toute cette
documentation, c'est pouvoir dire : Maintenant, on a toutes les preuves, on a tout fait pour prouver cette
indépendance. Avant, on ne pouvait pas la prouver, donc tout le monde pouvait
rester dans sa perception, et c'est qu'est-ce qui a fait mal.
Le Président
(M. Lemay) : Merci. Mme la députée.
Mme Montpetit :
Merci. Combien vous avez de chercheurs à l'heure actuelle sur le conseil
d'administration?
Le Président
(M. Lemay) : M. Pageau.
Mme Montpetit :
Il y en a... Suite à la recommandation du rapport de gouvernance, est-ce qu'il
n'y a pas une indication d'avoir un
nombre de chercheurs — je pourrais retrouver la page, là, je le lisais un petit peu plus
tôt — d'avoir
un nombre optimal de chercheurs non employés
du CEROM pour s'assurer, justement, que la mission du CEROM, qui est
vraiment la recherche scientifique, soit mise à l'avant au niveau du conseil
d'administration?
Le Président
(M. Lemay) : Alors, M. Pageau, allez-y.
M. Pageau
(Denis) : Excusez. En ce moment, on a un membre indépendant qui,
effectivement, correspond à ce profil-là.
Mais je ne peux pas... Honnêtement, je ne me souviens pas exactement de la
recommandation de gouvernance à l'effet de combien de personnes
devraient avoir ce profil-là, mais nous en avons une.
Mme Martinez
(Gabriela) : Est-ce que je peux me permettre?
Le Président
(M. Lemay) : Allez-y, Mme Martinez.
Mme Martinez (Gabriela) : On a créé une grille pour sélectionner les gens
dans le conseil d'administration. On a sélectionné 10, 11 catégories qu'on
considère que ce serait important que, dans notre C.A., l'ensemble du C.A. a ces
compétences. Et qu'est-ce qu'on a fait, c'est, par personne, on marque c'est
quoi, les compétences de cette personne, et on cherche à une synergie. Avec les
11 membres, on couvre cette... Je ne me souviens pas exactement.
M. Pageau
(Denis) : Les critères.
Mme Martinez (Gabriela) : Ils
sont 10, 11 critères?
M. Pageau (Denis) : Oui.
Mme Martinez
(Gabriela) : On couvre tous
ces critères et, l'ensemble, on arrive avec l'information nécessaire.
Le Président (M. Lemay) : Mme
la députée.
Mme Montpetit : Oui. Je veux
juste... Je vous invite peut-être à aller le relire, là, mais, dans le rapport
de gouvernance, il y a vraiment une
recommandation, qui est très, très claire, qui se lit ainsi, là. C'est :
«[...]avoir un nombre optimal de
chercheurs — non
employés du CEROM — [sur le]
conseil d'administration», justement pour s'assurer d'une certaine indépendance
au niveau de la recherche et une orientation en ce sens-là.
Par
rapport... Vous parliez du directeur scientifique. Je comprends qu'il n'est pas
embauché encore. Est-ce que... Ça,
c'est une recommandation du rapport de gouvernance aussi qui date de novembre
2018. On est un an plus tard. Est-ce qu'il y a une raison pour laquelle
il n'y a toujours pas de directeur scientifique en place au CEROM?
Le Président (M. Lemay) :
Alors, Mme Martinez.
Mme Martinez
(Gabriela) : On va pour le
troisième ou quatrième affichage. C'est ça, la raison. Je crois que tous
les mauvais commentaires nous ont fait très
mal. Il n'y a personne qui veut venir. C'est la seule raison que je peux vous
dire.
Mme Montpetit : Et donc vous
cherchez activement, là?
Mme Martinez (Gabriela) : On
cherche très activement.
Mme Montpetit : D'accord.
Mme Martinez
(Gabriela) : On est rendus à
prendre des mesures un peu plus fortes. Mais, juste pour être sûre,
est-ce que c'est le conseil d'administration ou c'est le comité aviseur?
Mme Montpetit : Non, c'est ça.
Mme Martinez
(Gabriela) : Parce que, dans
le comité aviseur, c'est sûr qu'on demande d'avoir trois chercheurs
indépendants.
Mme Montpetit :
Non, c'était bien sur le C.A. Mais j'allais vous demander, de toute façon...
Justement, vous avez fait mention du
comité aviseur un petit peu plus tôt. Est-ce que vous pouvez nous indiquer
également qui siège sur ce... pas nominativement, là, mais quels profils
de gens siègent sur le comité aviseur en ce moment?
Le Président (M. Lemay) :
Alors, Mme Martinez.
Mme Martinez
(Gabriela) : Dans le comité
aviseur, on va chercher des gens de l'industrie, des gens des universités
ou des chercheurs, si vous voulez, avec un
profil chercheur. Participent aussi certains de nos chercheurs pour pouvoir être à l'affût de
tout ce que c'est nouveau sur le secteur.
M. Pageau (Denis) : Et des
membres du conseil d'administration.
Mme Martinez (Gabriela) : Si,
si, bien sûr.
Le Président (M. Lemay) :
Alors, Mme la députée.
Mme Montpetit : Je vous remercie. Je vais revenir avec une phrase
qui est dans votre mémoire, mais ça va faire un lien avec la réponse que vous m'avez donnée aussi. Puis je me permets
d'insister beaucoup là-dessus parce que je pense que c'est important
qu'on clarifie, puis on a l'occasion de le faire avec vous. On a un besoin, si
on veut prendre des décisions éclairées comme législateurs, comme
parlementaires, comme gouvernement également, d'avoir des informations et des données qui sont robustes et de s'assurer
justement que l'information, la recherche qui est faite, elle est libre, complètement, de tout intérêt.
Vous avez
mentionné dans votre mémoire, vous recommandez de développer un lien étroit en matière de recherche avec les entreprises. Donc, je comprends que, pour vous,
c'est souhaitable, souhaité que l'industrie soit impliquée au niveau de
la recherche sur les... la recherche.
Le Président (M. Lemay) :
Mme Martinez.
Mme Martinez
(Gabriela) : Je vous dirais
que ce n'est pas juste pour moi, pour le gouvernement aussi, parce que, pour n'importe quelle subvention
qu'on demande, on nous demande au minimum 20 % d'apport financier de
l'industrie. Donc, c'est souhaitable, évidemment, pour tout le monde.
Je crois que, si les choses sont faites
correctement, il n'y a pas de dommages à ce que l'industrie collabore à
l'élaboration de la connaissance, parce qu'eux aussi peuvent en tirer bénéfice.
Qu'est-ce qu'on fait allusion dans le mémoire,
on cite le RGCQ, que c'est un groupe de recherche où est-ce que les différents
semenciers, de façon très volontiers, paient
et offrent leurs semences pour qu'elles soient testées avec un protocole
standardisé et normalisé dans toutes les différentes régions du Québec.
Qu'est-ce
qu'on obtient comme résultat de cette culture, tout est noté, tout est tabulé,
et c'est publié dans des guides qui
sont disponibles pour tous les producteurs. Donc, vous allez voir les
différents semenciers les uns après les autres, où est-ce que leurs semences
sont comparées pour sa résistance à différentes maladies, pour son niveau de
productivité, et ça se fait parfaitement dans l'ordre. C'est le CEROM
qui coordonne la RGCQ...
Le
Président (M. Lemay) : Merci beaucoup, Mme Martinez. Je dois
vous interrompre sur cette réponse pour céder la parole maintenant à la
députée de Rouyn-Noranda—Témiscamingue.
Mme Lessard-Therrien :
Merci, M. le Président. J'aimerais revenir sur les pratiques de remplacement
que vous abordez dans votre mémoire.
À la page 8, vous dites que le Québec devra investir davantage pour
valoriser les pratiques innovantes
pour une agriculture durable. Il faudra aussi mettre en évidence les avantages
économiques et l'évaluation des
risques de ces pratiques pour les comparer avantageusement aux méthodes de
contrôle conventionnelles. Et là vous parlez
de développer des outils d'aide à la décision qui répondent à ce besoin, mais
vous insistez aussi sur le fait que le développement
de tels outils nécessite souvent plusieurs années de collecte de données pour
obtenir des analyses bénéfices-coûts robustes
et surtout dans un contexte de changements climatiques. Et vous poursuivez en
disant : «En ce sens, les solutions faciles, rapides et économiques
que font miroiter certains sont plutôt théoriques qu'une réalité concrète.»
Puis moi, je
me demande... Je pense que personne ici ou, en tout cas, chez les producteurs
qu'on a visités qui font de l'agriculture biologique quand même à grande
échelle, là, on a visité la ferme Agri-Fusion, qui cultive quand même
3000 hectares, je pense qu'il n'y a personne, vraiment, qui s'entend sur
des solutions faciles, rapides et économiques. Et moi, je me demandais : Est-ce que le CEROM fait encore partie de
la solution pour une transition d'une agriculture vers quelque chose de
plus écologique?
Le Président (M. Lemay) : Mme Martinez.
• (20 h 10) •
Mme Martinez
(Gabriela) : Je vous dirais
que la plupart, pour ne pas dire tous nos projets, ont une tendance à une utilisation plus raisonnée et rationnelle des
pesticides. On pratique le semis direct. On parle de la culture en relais
de soya et de blé d'automne. On utilise...
on développe des outils pour l'identification des ravageurs, c'est en place. Le
producteur va avec son téléphone pour essayer de détecter qu'est-ce qu'il y a
dans son champ.
Qu'est-ce
qu'on essaie de dire avec ça, c'est
qu'on ne peut pas, avec les tests qu'on fait en une année dans une parcelle,
prendre des décisions. Il faut faire des tests à la grandeur du Québec. Les
climats sont différents. On a des changements. L'année dernière était très sèche,
cette année est plus humide. Le printemps de l'année dernière et le printemps
de cette année ne sont pas égaux. On
n'arrive pas à avoir deux années de suite qui se ressemblent. Donc, c'est très
difficile, prendre des décisions en se basant sur les données recueillies
une seule année.
Mme
Lessard-Therrien : Bien, les intervenants qu'on a rencontrés nous parlaient
beaucoup de la hiérarchisation des
moyens utilisés pour faire, notamment, la lutte intégrée, pour utiliser, en
ultime dernier recours, les pesticides. Moi, je comprends que vous vous dirigez vraiment vers une agriculture de
précision, mais on est encore toujours
dans l'application de
pesticides. Vous le voyez où, ça, dans la hiérarchisation des moyens?
Mme Martinez (Gabriela) : C'est
le dernier recours.
Le Président (M. Lemay) : En
10 secondes, Mme Martinez.
Mme Martinez (Gabriela) :
Dernier recours.
Le
Président (M. Lemay) :
Dernier recours. Parfait. Merci
beaucoup. Donc, M. le député de Bonaventure, la parole est à vous.
M. Roy : Merci, M. le
Président. Madame, monsieur, bonjour. Écoutez, l'écosystème de la recherche sur
les pesticides, ce n'est pas évident, hein?
Moi, je suis nouveau là-dedans puis j'essaie de démêler tout ça. Je regarde
votre mémoire, et il y a
certaines choses là-dedans qui sont intéressantes. Bon, entre autres, quand vous nous dites : Le Québec aurait intérêt à
développer des liens étroits en matière de recherche et de développement, bon, je mets ça en parallèle
avec... et c'est dans l'actualité
actuellement, là, sur l'homologation de l'ARLA, où c'est 80 % des
recherches qui est fourni par les entreprises et ce n'est même pas
vérifiable par l'ensemble de la communauté scientifique. Là, on a ce
contexte-là.
Et, dans le
mémoire, vous nous dites : Bien, il faudrait que Québec investisse. Bon.
On veut bien, là, mais je trouve qu'il
y a comme des contradictions, dans le sens où... c'est que l'ensemble de la
recherche qui est autorisée à être... bon, autorisée pour homologuer vient des entreprises privées.
Ça fait que la portion de recherche que le Québec devrait financer, ça
servirait à quoi, exactement?
Et
l'autre question, c'est : Qui définit les orientations de recherche?
Est-ce que c'est le conseil d'administration? Est-ce que ce sont les chercheurs eux-mêmes qui... Oh!, il y a une bonne
idée, ça fait qu'on devrait aller là? Écoutez, ça a de l'air «basic»,
mes questions, mais c'est parce que je veux juste comprendre.
Le Président
(M. Lemay) : Mme Martinez.
Mme Martinez (Gabriela) : On va essayer de vous démêler. C'est le gouvernement qui nous donne les orientations les
plus grandes, parce que, si vous voulez appliquer à une demande de fonds, il
faut que votre recherche soit orientée avec
qu'est-ce que le gouvernement veut. Je peux bien investiguer comment la fourmi
marche, mais, s'il n'y a pas d'argent pour comment la fourmi
marche, je ne vais pas avoir l'argent pour pouvoir l'investiguer.
M. Roy :
Et quelles sont les grandes orientations que le gouvernement vous donne?
Le Président
(M. Lemay) : Mme Martinez.
Mme Martinez
(Gabriela) : Bien, vous avez
toute la politique bioalimentaire, vous avez toute la planification — attendez
un peu que je me rappelle tous les bons
noms, là — la
stratégie phytosanitaire du Québec. Elles existent, ces stratégies que le gouvernement nous donne. Le but, c'est la lutte intégrée. Tout le monde travaille pour la même chose. Maintenant,
ça nous demande tous les efforts qu'on est en train de faire en recherche pour
se rendre aux producteurs et que les producteurs
croissent. Il y a certains, comme vous l'avez dit, qui sont plus
avancés, ils sont rendus, super. Ils ne sont pas la majorité. Il faut
aider le reste.
Le Président
(M. Lemay) : M. le député, le mot de la fin.
M. Roy : Bien, en conclusion, ce qu'on a pu voir, la
stratégie phytosanitaire a du plomb dans l'aile un tantinet, étant donné que
les voeux qui ont été émis par le gouvernement ne se sont pas réellement concrétisés par des
actions de la réduction de l'utilisation des pesticides. C'est exactement le
contraire qu'on a eu. Constat.
Le
Président (M. Lemay) :
Alors, merci, M. le député, pour ce mot de la fin. M. Pageau,
Mme Martinez, je vous remercie pour votre exposé.
Nous
allons maintenant... voyons, suspendre les travaux quelques
instants pour permettre à Mme Denise Proulx de prendre place.
Désolé.
(Suspension de la séance à
20 h 14)
(Reprise à 20 h 16)
Le
Président (M. Lemay) :
Alors, nous reprenons nos travaux, et je souhaite la bienvenue à
Mme Denise Proulx, sociologue de
l'environnement et chargée de cours à l'Institut des sciences de
l'environnement de l'Université du
Québec à Montréal. Je vous rappelle
que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à
la période d'échange avec les membres de la commission. Donc, je vous
invite donc à débuter votre exposé. La parole est à vous.
Mme Denise
Proulx
Mme Proulx (Denise) :
Bonsoir à tous. Bonsoir, mesdames, bonsoir, messieurs. Alors, je vous remercie
du privilège que vous m'accordez de venir vous présenter mon analyse des
conséquences et des impacts sociologiques environnementaux
et sanitaires de l'usage systémique
des pesticides en agriculture. Je m'appuierai sur mes expériences et recherches empiriques et scientifiques, sur ma connaissance approfondie du milieu agricole où je suis
née, que j'habite et que j'observe depuis toujours, sur mon engagement
de citoyenne auprès d'organismes de mise en valeur
et de soutien en agriculture pour vous instruire.
À
titre indicatif, je suis secrétaire-trésorière de l'organisme Écoute agricole des Laurentides, qui finance et soutient le travail essentiel d'une travailleuse de rang dans
la région des Laurentides et bientôt en Outaouais. Je suis la mentore
d'un organisme qui s'appelle École-O-Champ, qui préconise une éducation
relative à l'agriculture et à
l'alimentation écologiques auprès des enfants et dorénavant installée
dans les anciens locaux de l'Abbeye d'Oka.
Je
suis également une citoyenne engagée pour la préservation des milieux naturels
et boisés dans la région des Laurentides
pour le maintien d'une connectivité d'un territoire boisé entre le sud et le nord,
et ainsi préserver des espaces essentiels pour le déplacement de la faune. Comme
scientifique, j'enseigne les enjeux de l'agriculture et de l'environnement
à l'Institut
des sciences de l'environnement depuis 2010. Je participe à diverses recherches
sur les impacts socioenvironnementaux de
l'agriculture moderne. Je suis également, en parallèle de
tout cela, journaliste depuis plus de 40 ans, dont 30 années
passées à couvrir les questions agricoles, environnementales et économiques.
Alors,
ce soir, je voudrais focaliser mon sujet et attirer votre attention tout
particulièrement sur les enjeux sociologiques
de la situation actuelle en agriculture. Je vous parlerai de l'évolution de la
représentation sociale que la société se fait de l'agriculture
québécoise, du contrôle et de la manipulation de l'information qui est diffusée
auprès des agriculteurs, des
producteurs agricoles de toutes sortes, des professionnels et des
consommateurs, les multiples conséquences croisées et cumulatives de cette manipulation de l'information sur la
représentation sociale actuelle de l'agriculture et du fossé vraiment inquiétant qui se creuse entre les
producteurs et les consommateurs, entre les producteurs et les néoruraux. Je
vous présenterai des recommandations qu'il me fera plaisir, par la suite, de
discuter avec vous.
Alors,
la représentation sociale de l'agriculture n'a jamais cessé d'évoluer depuis
60 ans. Aujourd'hui, elle est plus que jamais négative dans une couche
importante de la société à cause de la prise de conscience de cette population
et dorénavant des médias de masse, des
conséquences de la priorisation des valeurs économiques en agriculture sur
celle de la santé publique et de l'environnement. Je vous résume cette
évolution le plus brièvement possible.
• (20 h 20) •
Alors,
jusqu'au milieu des années 60 au Québec, l'agriculture était
majoritairement multifonctionnelle, traditionnellement un mode de vie consensuel, et, selon la
représentation sociale qu'on s'en faisait, c'était le lot de cultivateurs,
d'agriculteurs conservateurs
généralement peu instruits et peu ambitieux, bien que soucieux d'améliorer leur
sort. Diverses politiques publiques adoptées
durant le grand chantier de la Révolution
tranquille ont fait en sorte que le
milieu agricole a été fortement invité, incité à se moderniser, à se
spécialiser et à adopter des
techniques de production et d'élevage inspirées par les succès reconnus du côté des États-Unis et de l'Europe.
Les fermes qui ne soutenaient pas cette vision de la modernisation sont tombées en grand nombre. C'était l'époque, on se
rappelle, de l'émergence des banlieues et de toute une génération de baby-boomers qui jugeaient avec un certain mépris
le travail harassant de la terre pratiqué par leurs parents et leurs ancêtres.
Dans
les années 1970, le ministère de l'Agriculture est devenu un acteur de
premier plan dans cette transformation de
l'agriculture québécoise. Même si le nombre de fermes était en baisse
constante, des agronomes et des scientifiques soutenus par des centres de
recherche publics créés par le gouvernement du Québec et le gouvernement
fédéral ont développé des expertises
avant-gardistes qui sont devenues des joyaux canadiens, voire même à
l'international. Dès lors, la représentation sociale qu'on s'en faisait
était que le secteur était capable de créativité, d'audace, d'affirmation et d'ambition. Cette vision de la modernité de
l'agriculture a été soutenue fortement par une personnalité très forte de
l'agriculture, M. Jean Garon,
qui a fermement défendu les valeurs rurales et la fierté de se hisser comme
chefs de file dans plusieurs domaines.
À
partir des années 1980 et dans les années suivantes, la tendance à aller
vers la migration vers les milieux plus urbanisés a connu un mouvement inverse. Ce sont souvent des résidents
urbains qui ont choisi alors de s'installer en milieu rural, appelons-les les «rurbains» ou les
«néoruraux», selon les données scientifiques que l'on a développées, avec le
rêve d'une tranquillité de la ferme bucolique, tout en conservant une activité
urbaine dans la majorité des cas. Alors, les zones de mixité sociale se
sont multipliées, et souvent grâce à certaines règles de la Loi de protection
du territoire agricole, et c'est là qu'on a
vu arriver les problèmes de... les conflits de voisinage : bruits, odeurs,
circulation de véhicules agricoles lourds en heure de pointe, pollution de
l'air, des puits de surface par les intrants chimiques, l'épandage de
pesticides sans tenir compte des
heures d'épandage ni des vents dominants, détérioration du paysage par la coupe
de boisés, nivellement des sols, une
gestion déficiente des déjections animales ont détérioré grandement l'image de
l'agriculture complice de son voisinage
et de cette nature tranquille tellement recherchée. On découvre alors une
campagne polluée, alors qu'on se l'imaginait calme, saine, préférable
pour y vivre et pour y élever des enfants.
Alors,
durant mes travaux de recherche comme chercheuse lors de ma maîtrise en
sociologie de l'environnement portant
sur les conflits de cohabitation sociale dans le secteur du domaine porcin dans
les années 90 et 2000, il est clairement ressorti que ces perceptions négatives et les tensions avaient un impact
majeur sur l'expansion des projets en agriculture.
En
2008, la commission de l'avenir et de l'agriculture de l'agroalimentaire du
Québec, la commission Pronovost, a
soumis des recommandations pour améliorer les relations de voisinage entre les
milieux urbains et ruraux et les producteurs agricoles, c'est-à-dire les néoruraux et les producteurs agricoles.
Laissées sans suite, bien, la représentation des milieux agricoles a continué à
se détériorer au point qu'au tournant des années 2010 des études ont
démontré que, de plus en plus, les
citoyens se tournaient vers l'agriculture biologique et de proximité, une
croissance de 10 % à 20 % par année selon certains secteurs.
Et
aujourd'hui on constate que des jeunes et des moins jeunes ne croient plus au
discours promotionnel vantant la qualité des aliments produits à partir de la
technologie et des méthodes agricoles intensives qui s'apparentent à
l'industrie manufacturière. Avec l'arrivée des réseaux sociaux, nombreux sont
les adeptes qui critiquent sans gêne les pratiques agricoles modernes basées sur l'usage intensif
d'équipements énergivores, d'intrants chimiques, de pesticides de toutes
sortes, de semences génétiquement modifiées,
l'administration préventive de médicaments, les méthodes d'élevage et
d'abattage des animaux et la maturation de récoltes à partir de glyphosate.
On
constate aujourd'hui une montée fulgurante du végétalisme, dont les militants
ne manquent pas une occasion de
dévaloriser les productions laitières, les élevages de toutes sortes, sans
égard pour les efforts réels qui sont entrepris par les producteurs agricoles. Si vous êtes passés par Montréal, métro
Berri-UQAM, il y a une vaste campagne actuellement des véganes qui est vraiment, vraiment, vraiment
axée sur justement une détérioration de la représentation sociale de
l'agriculture.
Alors,
depuis 40 ans, l'agriculture québécoise a perdu beaucoup de lustre. Et
pourtant en 2019, pendant que cette acceptabilité sociale de
l'agriculture industrielle intensive est en chute libre...
Le Président
(M. Lemay) : Mme Proulx, je vais vous demander d'arriver à
votre conclusion, s'il vous plaît.
Mme Proulx
(Denise) : Alors, on continue à vouloir, plus que jamais, amener les
agriculteurs vers les technologies numériques en leur disant que c'est
le nouvel Eldorado.
Alors,
j'aurais voulu vous en dire plus, mais je vais vous parler de mes
recommandations. Alors, dans mes recommandations, ce que je... À la suite de ce
constat et au fait que l'agriculture, l'alimentation est à la base de la santé humaine
et de la santé... de notre énergie à tous, je recommande :
Que
le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation devienne un
ministère senior qui permette de rehausser le leadership en matière
indépendante de recherche et d'innovation agroalimentaire;
Qu'il embauche
une nouvelle génération de professionnels dédiés à travailler de matière
transversale et multidisciplinaire aux enjeux de la préservation et de
la priorisation de la santé humaine par une agriculture saine;
Qu'une fois
son parti pris en faveur de la nature, que le MAPAQ prépare un plan de
transition vers un système québécois
d'agriculture écologique sur une période de 10 ans et que le ministre soit
un leader pour obtenir les investissements requis en ce sens.
Le
Président (M. Lemay) : Mme Proulx, merci. Je vous
interromps, cette fois-ci, sur vos recommandations. On les voit ici, à la
page... je crois que c'est la page 22 de votre mémoire. Et puis je cède
maintenant la parole au député de Bourget pour une période de questions
avec la partie gouvernementale.
M. Campeau :
Bonjour, Mme Proulx. Merci de venir nous voir ce soir. C'est vraiment une
vision qui me semble extrêmement
négative. Je suis très, très, très surpris. Je ne dis pas que vous n'avez pas
raison, là, il y a des gens qui agissent et qui pensent comme ça, je
n'ai pas de doute, mais moi, dans les agriculteurs que j'ai eu l'occasion de
rencontrer, et il n'y en a pas beaucoup,
j'avoue, que j'ai rencontrés dans des fermes, je n'en ai pas vu un qui s'est
levé en disant : Comment je pourrais polluer plus à matin? Les gens
sont assez consciencieux. Ils essaient de faire leur possible.
Dans les
visites qu'on a vues, dans les visites de ferme, et ce que vous décrivez,
est-ce que c'est les années 70-80 ou voyez ça encore aujourd'hui?
Parce que, dans les visites de ferme, moi, j'ai vu des gens ambitieux, des gens
qui voulaient vraiment bien faire, qui
voulaient appliquer les nouvelles techniques, qui pensaient, à long terme,
à minimiser la quantité d'agents chimiques
qu'ils mettaient. Je suis un peu surpris. Est-ce que vous avez vu cette
évolution-là ou vous pensez encore que la vision que vous nous décrivez
est encore actuelle?
Le Président (M. Lemay) :
Mme Proulx.
Mme Proulx (Denise) : La
représentation sociale que les consommateurs, que les gens se font et la
réalité de l'agriculture, c'est deux choses
différentes, d'une part. Je pense que les visites de fermes que vous avez
faites, c'étaient des fermes,
justement, qui étaient avant-gardistes, innovantes, qui n'est pas
nécessairement à l'image d'une agriculture plus régulière. Alors, je pense que cette innovation-là n'est
probablement pas assez diffusée dans le grand public, bien que les
médias de masse commencent à le faire, et que ce n'était pas suffisant parce
que ce que les gens, ce que les consommateurs,
ce que les opposants à ce type d'agriculture intensive demandent, c'est qu'on
change un paradigme de production
pour prendre en compte une multitude d'autres aspects de santé non seulement
publique, mais aussi environnementale.
Le Président (M. Lemay) :
Merci. M. le député.
M. Campeau :
D'accord. Je comprends. Et c'est vrai que les fermes qui ont été choisies
étaient plus avant-gardistes, vous avez complètement raison.
Est-ce que,
dans les analyses que vous avez faites, est-ce que vous tenez compte de la
productivité, du coût de ce que ça peut impliquer aussi? Parce que je ne
vous ai pas entendue parler de coûts comme tels.
• (20 h 30) •
Le Président (M. Lemay) :
Mme Proulx.
Mme Proulx (Denise) : Vous me
parlez de coûts de production?
M. Campeau : Coûts de
production, oui.
Mme Proulx (Denise) : Bien,
moi, je vous parle de coûts sociaux et environnementaux. C'est deux calculs
différents. Dans les coûts de production, actuellement, je pense que ce que les
consommateurs et ce que les gens qui réclament
une agriculture biologique, une
agriculture plus saine, réclament, c'est que ces coûts environnementaux et
sociaux soient pris en compte. Et malheureusement, quand les gens sortent de la
ville ou se promènent dans les campagnes, ils constatent qu'il y a beaucoup de
manque à ce niveau-là. Et les coûts de production, ils doivent dorénavant
prendre en compte les coûts sociaux
et environnementaux. C'est essentiel pour amener une reprise de confiance, à
mon avis, des consommateurs.
Le Président (M. Lemay) : M. le
député.
M. Campeau :
Et, par coûts sociaux et environnementaux, ça veut dire aussi bien que, si on
met moins de pesticides, qu'il va y
avoir une baisse de coûts, dans ces cas-là, mais la productivité peut faire
agir dans le sens inverse aussi. Mais vous parlez de coûts sociaux, dans
le sens que... la réaction des gens au fait d'avoir de la nourriture bio.
Est-ce que les gens sont prêts à payer plus pour ça? C'est ça que vous voulez
dire par «les coûts sociaux»?
Le Président (M. Lemay) :
Mme Proulx.
Mme Proulx
(Denise) : Par coûts sociaux, moi, je vous parle de... le vivre ensemble.
Dans beaucoup de... Moi, je peux vous
parler des régions périphériques, périurbaines de Montréal et Québec. Moi,
j'habite la région de Montréal, les grandes régions périphériques de Montréal où
j'ai vu beaucoup évoluer l'agriculture. Je pense qu'aujourd'hui il y a
beaucoup de néoruraux qui cohabitent dans les mêmes milieux que les
agriculteurs, mais une majorité d'agriculteurs continuent à considérer que le territoire leur appartient, que leur
droit de produire est prioritaire sur le vivre-ensemble entre voisinages. Ça,
c'est un coût social, ça, dans le sens qu'à ce moment-là vouloir aborder avec
le conseil municipal de sa localité,
de sa municipalité, d'améliorer la protection des cours d'eau, de sensibiliser
sur l'épandage des pesticides, ça devient des questions taboues.
Et on est vite identifiés, les citoyens — je
dis «on» parce que j'ai participé à ces demandes de questions là, notamment — comme étant des gens qui ne comprennent rien
et qui veulent les empêcher de gagner leur vie. Ce n'est pas le cas du
tout, là. C'est des gens qui ont la préoccupation de vivre ensemble, et les
néoruraux et les agriculteurs.
Le Président (M. Lemay) : M. le
député de Bourget.
M. Campeau :
Vous mentionnez quelque chose qui me semble fort intéressant, c'est :
formation d'une alliance entre ministère de la Santé et Services
sociaux, ministère de l'Environnement et le MAPAQ. Ça va un peu avec les considérations sociales autant qu'économiques,
autant qu'agriculturelles. C'est un peu ça que vous voulez dire : ne pas
travailler en silo, mais avoir une approche beaucoup plus large. C'est ce que
je comprends.
Le Président (M. Lemay) :
Mme Proulx.
Mme Proulx
(Denise) : En fait, dans mes recommandations, ce que je dis, c'est que
dorénavant il faut travailler beaucoup
de ministères ensemble pour la question de l'agriculture, il faut intégrer des
équipes multipartites, multisectorielles... multidisciplinaires, je veux dire, en agriculture. Il faut autant des
gens qui ont la préoccupation sociale, la préoccupation sanitaire que la préoccupation environnementale
dans les équipes de recherche agricole. Parce que l'agriculture, ce n'est pas
juste une question d'économie, c'est une
question sociale, c'est une question de manger pour être en santé, pour être
plein d'énergie, pour être des gens
qui participent pleinement, parce qu'on est des gens en santé, autant
psychologiquement que physiquement, que notre environnement est en
santé. Tout ça, ça fait partie d'un tout.
On a divisé,
depuis l'entrée du Canada, du Québec dans les accords de libre-échange, depuis,
disons, 25 ans, depuis que les
accords ont été clairement définis par l'ALENA, par les autres traités qu'on a
signés dans les dernières années... on
a tout focalisé autour de l'économie, alors que plus que jamais, avec les
questions environnementales qui se parlent tous les jours, avec les
questions sociales, les questions de santé, il faut réintroduire dans
l'agriculture ces enjeux-là.
Le
Président (M. Lemay) : ...Mme Proulx. Sur ce, je cède
maintenant la parole à ma collègue députée de Laviolette—Saint-Maurice.
La parole est à vous.
Mme Tardif :
Merci, monsieur. Bonjour, madame. Merci. C'est ébranlant, entendre ce que vous
nous amenez ce soir. C'est sûr que
nous, on a peut-être une vision différente, là, que l'étude que vous nous
apportez. C'est triste aussi de voir,
si on vous écoute, là, que votre perception, en tout cas, ou la perception des
gens que vous avez sondés est une perception qui est très négative par
rapport à l'agriculture conventionnelle.
D'une part,
il y a cette perception-là qui est très négative et, d'autre part, il y a la
consommation et les achats qui sont faits par les consommateurs.
Jusqu'où pensez-vous que les consommateurs sont prêts à aller pour acheter bio,
manger local, modifier leur mode de
consommation, aussi, en fonction de ce qui est produit, en fonction des
saisons, quand on sait que,
malheureusement, un sac de chips puis de la liqueur, ça coûte moins cher que de
la nourriture qui est saine?
Et, quand on
connaît aussi la réalité, je ne parle pas que de mon comté, mais à Montréal
aussi et à Québec aussi, il y a
beaucoup de gens qui n'ont pas les moyens de s'acheter des fruits et des
légumes. Et c'est la réalité des Québécois. Alors là, on se place où par rapport à ça en tant que société? Parce
qu'il y a cette perception négative là, mais il y a aussi la réalité des
gens.
Le Président (M. Lemay) :
Alors, Mme Proulx.
Mme Proulx
(Denise) : Je vous dirais que, là où il faut se placer, c'est en
éducation. Il faut, dès le CPE maintenant, de l'école primaire, à tous les niveaux, il faut faire de l'éducation à
l'alimentation. On n'a plus aucune éducation en alimentation, dans nos
milieux scolaires, et c'est essentiel que ça revienne à mon avis.
Vous me
parlez de l'accès au biologique. Je pense que les Québécois sont ouverts à
l'accès au biologique. Mais actuellement ils sont en phase où ils sont
d'abord... ils privilégient l'accès local. L'accès local, c'est une forme de complicité
avec le milieu agricole. Il dit : Si tu m'amènes un produit produit
localement, je peux avoir observé... je peux
observer comment ça se fait. Et il y a une confiance qui s'établit, où il y a
une volonté de participer à cette économie de l'agriculture localement.
S'il y a vraiment, par le ministère de
l'Agriculture, par les autres ministères qui vont participer de façon pluridisciplinaire à changer ce paradigme de
l'agriculture basé uniquement sur l'économie en y intégrant les enjeux sociaux environnementaux... je pense, ça va être beaucoup
plus facile de demander aux producteurs agricoles d'embarquer dans une
transition vers une agriculture de plus en plus écologique parce que tout le
système va se mettre en branle pour les instruire, pour faire de la
recherche, pour donner aux consommateurs des informations sur ce sens-là aussi.
Le Président (M. Lemay) : Mme
la députée.
Mme Tardif : C'est intéressant. Et vous amenez dans votre rapport, aussi, le
volet de dépendance ou le volet de mainmise des multinationales au
niveau de l'agroalimentaire et de l'emprise que ces multinationales-là ont sur
notre agriculture. Comment faire pour se sortir de cette emprise-là? Est-ce que
c'est faisable? Est-ce que c'est pensable?
Le Président (M. Lemay) :
Mme Proulx.
Mme Proulx
(Denise) : Est-ce que les
multinationales vont se laisser mettre à terre? Les multinationales vont
se transformer. Elles sont en train de se
transformer en offrant aux consommateurs des biocides, des biopesticides, de
plus en plus. Elles se transforment
en offrant une viande synthétique, non à base de chair animale. Les
multinationales vont suivre les tendances sociales qui s'établissent
dans... On le voit, actuellement, qu'est-ce qui est derrière les grands changements au niveau de l'offre, de l'offre qui
est faite pour tous les gens qui veulent manger végétalien. Bien, ça vient par
la transformation de ces grandes multinationales là.
• (20 h 40) •
Le Président (M. Lemay) :
Merci, Mme Proulx. Je cède maintenant la parole au député de Lac-Saint-Jean
pour cette dernière période d'échange avec la partie du gouvernement.
M. Girard
(Lac-Saint-Jean) : Merci, M. le Président. Merci de cette
présentation, merci du travail concernant votre mémoire. Je sais que vous mettez beaucoup de temps là-dedans. Et
vous faites un parallèle au niveau de l'agriculture du passé, tout ça; vous me faites penser un peu à
la chanson Mon arrière-grand-père, de Mes Aïeux, un peu, dans votre...
à la page 8, là, dans le paragraphe en haut.
Et comment
allons-nous faire avec tantôt près de 9 milliards, je ne sais pas, de
personnes sur la Terre, afin de réussir à nourrir tout ce monde-là? Avec
les terres qu'on a, arables, juste au Québec, on n'est même pas à 2 % au
niveau du territoire agricole. Comment
allons-nous faire pour réussir tout ça? J'aimerais ça vous entendre un peu.
Parce que, tu sais, on est dans un
point de vue social, et l'agriculture, à mon avis, est un enjeu excessivement
grand. Et là je suis content, on
prend le temps de parler, justement, là, aussi, de nos agriculteurs puis de la
santé psychologique de nos agriculteurs. Parce qu'ils travaillent du
matin jusqu'au soir puis ils ne savent plus où donner de la tête en ce moment.
Le Président (M. Lemay) : Alors
Mme Proulx, environ 1 min 30 s.
Mme Proulx
(Denise) : Alors, comment on va faire pour nourrir 9 milliards de
gens sur la Terre? Bien, je pense qu'on nous a rentré dans la tête que la
souveraineté alimentaire, c'était un concept dépassé, que la sécurité était
préférable. Pourquoi est-ce qu'on a
parlé de sécurité? C'est parce qu'il faut parler de sécurité alimentaire. Donc,
la sécurité, ce n'est pas la sécurité nécessairement sanitaire, mais
c'est la sécurité d'approvisionnement.
Alors,
pourquoi est-ce qu'on parle de sécurité? C'est parce que c'est la façon de
répondre à l'ouverture des marchés de
libre-échange. On peut difficilement parler de libre-échange agroalimentaire,
où c'est d'abord les grandes entreprises qui en profitent plus que les petites et entreprises familiales. Les
petites entreprises familiales, on s'entend là, je ne parle pas des grandes entreprises familiales. Je pense
qu'on a vu, depuis 25 ans, que la sécurité alimentaire avait un coût. Je
pense qu'il faut revenir à la souveraineté
alimentaire. La souveraineté alimentaire peut nourrir beaucoup plus les peuples
qu'on le pense.
Le Président (M. Lemay) : ...M.
le député de Lac-Saint-Jean.
M. Girard
(Lac-Saint-Jean) : Vous savez qu'au Québec, au niveau mondial, on est
encore l'endroit où est-ce qu'il y a
encore des entreprises à dimension humaine. On parle de l'entreprise familiale.
Qu'est-ce que vous en pensez, de ce modèle-là?
Le Président (M. Lemay) :
Mme Proulx, rapidement.
Mme Proulx
(Denise) : Les entreprises familiales, on a des entreprises familiales
effectivement, en agriculture, mais
on a des entreprises familiales qui agissent maintenant comme un modèle
économique de très grandes entreprises en étant propriétaires de
25 terres dans une municipalité, de...
Le Président (M. Lemay) :
Merci, Mme Proulx. Je dois vous interrompre pour céder maintenant la
parole à l'opposition officielle. Mme la députée de Maurice-Richard,
la parole est à vous.
Mme Montpetit :
Je vous remercie, M. le Président. Bonsoir à Mme Proulx. Merci d'être là
aussi tardivement avec nous. Mais je
vais continuer, de toute façon, sur l'échange que vous aviez, vous allez
pouvoir continuer parce que je ferais écho à des commentaires qui ont
été faits par des collègues, précédemment, sur...
Moi aussi, je
suis assez surprise du portrait que vous tracez de l'agriculture au Québec.
Puis je pense que la question était
très pertinente de vous demander, tout à l'heure, si c'était une agriculture
des années 70-80 ou si vous considérez vraiment que c'est une
agriculture d'aujourd'hui, parce que vous donnez...
Premièrement,
au Québec, essentiellement, c'est des fermes familiales... Et puis je ne veux
pas vous mettre des mots dans la bouche, mais je lisais, dans votre mémoire,
vous semblez opposer tout ce qui est technologie, productivité à... comme
si ça ne pouvait pas être compatible avec une agriculture qui est écologique ou
qui est biologique. Puis je m'explique par ça qu'on a eu l'occasion, nous, d'ailleurs, d'aller voir
des fermes, notamment Agri-fusion, 3 000 hectares, si je me rappelle bien, qui est la plus grande
ferme biologique au Québec, une des plus grandes fermes biologiques au Canada aussi, qui met au coeur de toute son
activité tout ce qui est innovation, technologie, machinerie également. Donc,
à mon avis, c'est très conciliable.
Comme je vous dis, je ne veux pas mal vous
citer, mais vous donnez l'impression que c'est deux... c'est une antithèse,
dans le fond, la technologie, l'innovation et l'écologique ou le biologique?
Le Président (M. Lemay) :
Mme Proulx.
Mme Proulx (Denise) : Oui. Je
vais répondre à deux... Vous avez deux questions dans votre question.
Concernant la
représentation négative. Moi, j'enseigne à des étudiants de niveau de maîtrise
qui ont entre 20 et 25 ans,
30 ans. Je vais vous donner un exemple très concret. Il y a cinq ans,
lorsque j'enseignais mes cours en agriculture et environnement, j'avais dans ma classe à peu près cinq étudiants qui
s'affichaient végétariens, véganes.
Avec les années, le pourcentage a
augmenté. L'an dernier, dans mon cours de sociologie de l'environnement,
j'avais 50 % de mes études qui s'affichaient, qui militaient
véganes, au point que, pour eux, si tu ne l'étais pas, tu avais un problème.
Donc, cette
croissance-là, elle est vraiment générationnelle et elle est aussi suivie par des
gens qui ont peut-être une conscience de la santé plus importante, qui
ont vu autour d'eux des gens malades et qui se disent : Il faut
que je change mon alimentation, qui
eux-mêmes trouvent un meilleur bien-être de changer leur façon de manger, de
s'alimenter. Et donc je pense que ce mouvement, cette représentation négative du type d'agriculture qui
se fait, il est bien réel. Il fait peur,
je suis d'accord avec vous, on le trouve excessif. Mais moi, si je parle, je
regarde les gens avec qui j'enseigne et les jeunes qui m'entourent, mes
enfants, et tout, ce mouvement est très, très, très fort. Je peux vous le dire.
Maintenant,
est-ce que la technologie est incompatible avec
l'agriculture biologique? Non, pas du tout. Ce n'est pas ce que je disais, là. Je pense que... et je
vous le dis, vous avez visité des fermes avant-gardistes qui étaient des
modèles, qui sont des modèles qui,
j'espère, vont vous inspirer et qui sont à suivre. Maintenant,
ça reste des fermes, des expériences qui,
à mon avis, demeurent encore dans la marginalité, dans le sens qu'il n'y en a
pas partout, elles sont... Les programmes sont sous-financés, ils ne sont même pas assurés d'une continuité après
trois, quatre ans de recherche. Alors, je
pense qu'il faut élargir ce type de
recherche. Et, si effectivement les technologies qu'ils ont développées sont
bonnes, bien, utilisons-les.
Je vais vous
donner l'exemple, un des plus gros... un des plus beaux exemples des
changements qui peuvent se faire,
c'est le CETAB, du côté du cégep de Victoriaville, qui fait de la recherche en
agriculture écologique et biologique, qui
forme des cohortes d'étudiants et qui travaille avec les producteurs du milieu.
Alors, je pense qu'il y a énormément de choses intéressantes qui doivent
se faire, qui se font.
Sauf
qu'actuellement c'est au niveau de toute l'agriculture qu'il faut établir ça.
Parce que l'agriculture est dans un
processus où il fait face à une réalité socioenvironnementale qui est en
immense mouvement. Socialement, il y a une forte population de plus en
plus jeune qui dit : Je ne veux pas ce type d'agriculture. Et
environnementalement nous sommes dans les
changements climatiques, nous sommes dans une chute de biodiversité, nous
sommes dans une crise d'accessibilité aux ressources.
Alors, je
pense qu'actuellement on ne prend pas les moyens de préparer nos fermes, de
leur donner les outils. Si on ne fait pas plus de recherche et pas plus
d'actions pour favoriser une agriculture biologique, une agriculture de
proximité... Pour les uns, pour
certains, c'est paysan. Pour d'autres, en utilisant des technologies très
modernes. Mais il faut faire ces virages-là, à mon avis, c'est urgent.
Le Président (M. Lemay) :
Merci. Mme la députée.
Mme Montpetit :
Dans votre mémoire, vous proposez une transition vers... encore là, je ne veux
pas mal vous citer, pas vers le biologique, mais vers une agriculture
écologique sur 10 ans. Un, c'est un paramètre, 10 ans, qui vient
d'où? Il arrive quoi au bout des 10 années? Est-ce que vous visez que la
transition soit complètement complétée?
Puis, pour en
revenir vraiment au sujet qui nous occupe, les pesticides, pour rester bien sur
le mandat, vous, vous recommandez
quoi exactement? Est-ce que vous recommandez l'abolition? Est-ce que vous
recommandez la diminution? Est-ce que
vous recommandez une augmentation de la réglementation? Qu'est-ce que vous
recommandez aux membres de cette commission-là pour nos travaux?
Le Président (M. Lemay) :
Mme Proulx.
• (20 h 50) •
Mme Proulx
(Denise) : Je recommande d'avoir l'éducation des agriculteurs. Je
pense que les agriculteurs, on les a départis de la connaissance de
leurs terres, la connaissance de la nature. Vous allez peut-être trouver que
j'exagère, peut-être que j'exagère, aussi,
mais je ne suis pas certaine qu'un agriculteur est capable de nommer 10 à
15 plantes qui sont considérées
comme étant des mauvaises herbes et être capable aussi de nommer des avantages
de ces plantes-là, tels qu'ils ont
déjà été connus comme étant... en herboristerie par exemple, O.K.? Parce qu'une
plante, si elle existe, ce n'est pas juste parce qu'elle a un effet
négatif, elle a aussi un effet positif.
Alors, moi, je pense qu'il faut sortir de
l'agriculture intensive productiviste qui est basée sur les pesticides. Est-ce qu'on serait capables d'éliminer complètement les pesticides? Je pense que l'industrie va proposer des biopesticides.
Est-ce que c'est mieux? Et ça prendra 15,
20 ans de recherche pour voir si ce n'est pas un trompe-l'oeil, mais
assurément, si on focalise davantage sur un type d'agriculture qui prend
en compte la connaissance réelle de la nature chez les agriculteurs, bien, ils ne sentiront pas nécessairement le besoin de
régler leurs problèmes avec la solution des pesticides.
Actuellement, bien, ils ne sont pas capables de savoir comment faire, parce que tous
les services, bien souvent, ou même
l'éducation qu'ils ont eue, nos agriculteurs, maintenant... les nouvelles
générations sont formées. Tous ceux qui ont 50 ans et moins ont tous un diplôme, la plupart d'entre eux ou
d'entre-elles, ils sont formés, et sauf qu'on les a formés dans une seule direction, dans la direction en
agriculture productive, qui leur disait : Il y a un produit de synthèse
qui va régler ton problème, alors que peut-être une meilleure
connaissance de la nature, une meilleure application de cette connaissance de
la nature aurait réglé le problème en soi, en partant.
Le Président (M. Lemay) :
Merci. Mme la députée?
Mme Montpetit : Merci.
Le Président (M. Lemay) :
Parfait. Donc, ceci complète la période d'échange avec la partie de l'opposition
officielle. Je cède maintenant la parole à la députée de Rouyn-Noranda—Témiscamingue.
Mme Lessard-Therrien : Merci, M.
le Président. J'aimerais revenir sur
un sujet que vous abordez dans votre mémoire par rapport aux
technologies, quand vous dites : Les applications... Bien, vous parlez de
l'intégration, les applications misant sur l'intelligence artificielle, les
données de la robotisation renforceront encore cette logique de concentration
des géants de l'agriculture industrielle.
On a entendu
différents groupes, on a visité différentes fermes. Une des premières fermes
que nous avons visitées n'était pas nécessairement tournée vers la
technologie et préconisait davantage beaucoup l'autosuffisance à la ferme, donc de développer des moyens qu'ils peuvent gérer
eux-mêmes, sans nécessairement être dépendants d'une autre forme de technologie. Mais vous avez entendu le groupe
précédent, le CEROM, qui misait beaucoup sur l'industrie 4.0, agriculture
de précision, développer vraiment nos bases
de données, tout ça, l'intelligence artificielle. Ça fait que j'aimerais
peut-être vous entendre développer
cette idée-là : En quoi c'est... comment vous jugez ça? J'ai l'impression
que c'est négatif, de la manière que vous le présentez.
Le Président (M. Lemay) :
Mme Proulx.
Mme Proulx
(Denise) : La technologie,
telle qu'elle est développée actuellement, si je me rappelle les recherches que j'ai faites... Qui développe, actuellement, les technologies majoritairement accessibles? C'est beaucoup
les multinationales. Et avec les
technologies... Comment je vous dirais ça? Les technologies, en soi, c'est
encore une dépendance, d'une certaine façon.
Je ne crois pas que... Ça fait peur de dire qu'on devrait connaître...
pratiquer une agriculture sans travailler avec les technologies. Mais les technologies ont un coût social aussi. Les
technologies, nous les avons, nous, ici, au Québec, Amérique du Nord, pays privilégié, parce qu'il y a d'autres gens sur la planète qui
travaillent de peine et de misère à trouver les matériaux pour ça. O.K.?
Le Président (M. Lemay) : Mme
la députée.
Mme Lessard-Therrien : Ce serait
quoi, votre modèle idéal de développement de l'agriculture?
Le Président (M. Lemay) :
Mme Proulx.
Mme Proulx
(Denise) : Je dirais :
Véritablement rééduquer les agriculteurs face à la nature, qu'ils comprennent beaucoup
mieux comment fonctionne la nature, quelle est la nature qui l'habite autour,
comprendre la biodiversité, travailler
avec la biodiversité, travailler avec cette science qui se développe, la
connaissance de la biodiversité.
Moi, je suis
chez moi, dans mon verger, je fais de la lutte intégrée avec toute la
technologie qui a été développée en
pomiculture. Je trouve ça fantastique parce que je découvre qu'il y a des
couloirs d'insectes, je découvre qu'il y a des... quel type d'oiseau s'installe, parce que
j'ai amené tel type de fleur, j'ai fait des plantations, que j'ai installé des
moutons dans mon verger. J'ai pris
toutes sortes de technologies, là, toutes sortes d'expériences qui ont été développées en Europe, aux
États-Unis, j'ai tout mis ça... tu sais, moi, chez moi, c'est comme un petit
laboratoire, là, et je mets tout ça chez moi, et je vois que ça
fonctionne.
Le Président (M. Lemay) :
Merci, Mme Proulx. Je dois vous interrompre sur ce propos...
Mme Proulx (Denise) : Moi je
suis à toute petite échelle. Alors, c'est possible. Il faut retrouver la
nature.
Le Président (M. Lemay) :
...pour maintenant céder la parole au député de Bonaventure.
M. Roy :
Merci. Écoutez, un peu dans la même veine que ma collègue ici, là. Bon,
l'agriculture, c'est des agriculteurs.
Et le groupe qui était ici avant vous, le CEROM, nous disait : Bon, il y a
une problématique d'acceptation sociale,
chez les agriculteurs, et ils ne sont pas enclins à modifier leurs pratiques.
O.K.? Vous avez amené quelques explications, mais, plus globalement, quels sont les déterminants de la résistance des
agriculteurs à adhérer à des recommandations? Puis vos recommandations sont excellentes, là, mais, sur le plancher des
vaches, si vous me permettez l'expression, ces gens-là, qu'est-ce qui fait qu'ils résistent? Est-ce que c'est juste
parce qu'ils ne connaissent pas, un peu... Et là j'ai de la misère à saisir qu'ils ne
connaissent pas leur environnement, parce que ce que vous venez de dire, c'est
que, bon, peut-être qu'il faut les
rééduquer sur les écosystèmes. Je n'irais pas jusque là, mais, globalement,
quels sont les déterminants de la résistance?
Le Président
(M. Lemay) : Mme Proulx.
Mme Proulx
(Denise) : Je vous dirais que les déterminants sont d'abord leur fort
endettement. Les agriculteurs sont très endettés, ils ont peur de ne pas
être capables de rencontrer les exigences de leurs banques. La résistance au changement. Je pense que la résistance au changement,
ce n'est pas juste les agriculteurs, je pense que c'est universel. Un sentiment qui a été beaucoup soutenu, entretenu
par différentes lois : le droit de produire, qu'on a donné aux
agriculteurs, leur a inscrit dans
l'esprit que les campagnes leur appartiennent. Alors, je pense que c'est cette
mentalité-là aussi qui fait partie du
problème et cette difficulté du dialogue, je pense, aussi. C'est difficile,
pour un agriculteur, d'entendre quelqu'un qui n'est pas agriculteur lui dire : Bien, tu ne penses pas que tu
pourrais utiliser moins de pesticides, essayer des... Des fois... souvent, là, c'est la façon dont la
communication est établie qui fait en sorte que c'est difficile de communiquer.
Et
moi, je pense, c'est tout ça aussi, mais je pense que le fort endettement... Et
ils se sentent, je pense, vulnérables parce
qu'ils sont attaqués de tous bords tous côtés maintenant. Les agriculteurs, les
traités de libre-échange, ils voient bien qu'ils vont perdre du terrain et ils ne savent pas trop. Les distributeurs,
les transformateurs, tout le monde veut toujours avoir le plus bas prix possible. Le consommateur va aller acheter chez
Costco avant d'aller acheter au marché du coin, alors... Et Costco, bien là, oui, il y a du produit québécois, mais il y
a du produit américain aussi, et l'argent s'en va du côté des États-Unis, vous le savez. Alors, je
pense que c'est tout ça qui fait qu'il y a une résistance, il y a une
agressivité aussi. Alors, voilà.
Le
Président (M. Lemay) : Merci, Mme Proulx. Ceci complète
cette période d'échange. Je vous remercie pour votre contribution aux
travaux de la commission.
Je
suspends les travaux quelques instants afin de permettre à Louis Robert,
conseiller expert en grandes cultures, et les témoins qui l'accompagnent
de prendre place.
(Suspension de la séance à
20 h 59)
(Reprise à 21 h 01)
Le Président
(M. Lemay) : Alors, nous reprenons nos travaux. Et je souhaite maintenant
la bienvenue à M. Louis Robert, conseiller expert en grandes cultures,
ainsi que les témoins qui l'accompagnent.
Je
vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour faire votre
présentation. Suite à cette période, il y aura des échanges avec les membres de la commission. Et je vous invite maintenant
à vous présenter ainsi que les personnes qui vous accompagnent, puis
vous pourrez procéder à votre exposé. La parole est à vous.
M. Louis
Robert
M. Robert (Louis) : Merci, M.
le Président. Louis Robert, agronome,
conseiller expert en grandes cultures au MAPAQ, Montérégie. Je suis
accompagné de Mme Odette Ménard, ingénieure et agronome spécialiste de la
conservation de la santé des sols et
possédant une grande expérience de vulgarisatrice et des stratégies pour
l'adoption de méthodes alternatives de culture, et M. Yves Dion,
agronome spécialiste des céréales, chercheur au CEROM pendant 20 ans et
maintenant au MAPAQ, à Saint-Hyacinthe, également.
Je
vous remercie d'avoir accepté de m'entendre ce soir. Comme mes collègues, je ne
suis pas doctrinaire. Je ne suis ni
anti ni propesticides, ni anti ni probio. Je ne suis pas en croisade contre qui
que ce soit. Je ne suis pas motivé par aucun esprit de vengeance, que ce soit
envers le MAPAQ ou envers les représentants des compagnies d'intrants. Peu
importe leurs formations ou leurs
compétences, je ne leur porte aucun blâme. La plupart sont de bonne foi et sont
convaincus de travailler pour le meilleur intérêt de leurs clients.
Ma
participation à la commission s'inscrit plutôt, comme celle de mes collègues,
d'ailleurs, en continuité, une sorte
de prolongement de mon travail, de notre travail au MAPAQ. J'y vois une très
belle occasion de reprendre, pour une audience plus étendue, l'essentiel
de notre message aux producteurs et aux agronomes depuis au moins 30 ans, c'est-à-dire : bien qu'il reste des travaux
de recherche à faire ou à compléter sur certains aspects techniques de la lutte
aux ennemis de cultures, nous pouvons
compter sur une multitude de techniques et méthodes déjà développées en
recherche et validées en transfert,
méthodes de la lutte intégrée, qui non seulement peuvent réduire
considérablement l'usage de pesticides
sur les fermes du Québec, mais qui s'intègrent sans coût important pour le
producteur et même, dans la majorité des cas, sont même rentables à
court terme.
Personnellement,
je ne me rappelle pas d'une seule technique, une méthode ou une innovation dont
nous faisions la promotion et qui allait à l'encontre d'une meilleure
protection de l'environnement, tout en gardant comme premier objectif, évidemment, une amélioration de la
rentabilité des entreprises; par exemple : les pratiques qui améliorent la
santé des sols, l'optimisation des engrais de ferme, le choix des
cultures de couverture, le semis direct, les diagnostics de drainage, etc.
Depuis
au moins 1992 que le MAPAQ travaille officiellement dans le sens d'une
réduction de l'usage des pesticides.
Nous, au MAPAQ, dans les bureaux régionaux, nous l'avons pris au sérieux, cet
objectif, cette démarche, mais on est peut-être les seuls, malheureusement.
Il faut bien le reconnaître, nos efforts, dont les moutures successives de la Stratégie phytosanitaire, n'ont rencontré que
des résultats mitigés, pour dire le moins. Et pourquoi, ça? Pour deux raisons.
La première,
c'est que nous, c'est-à-dire les mandataires de la défense de l'intérêt public,
nous avons laissé les intérêts
corporatistes, incluant l'UPA et les compagnies de pesticides, s'ingérer,
interférer avec nos efforts à toutes les étapes de la diffusion de l'information, c'est-à-dire dans chacun des
trois maillons de la chaîne de transfert des informations que sont la recherche, le transfert technologique
et le service-conseil. Deuxième raison, les ressources humaines que le
MAPAQ a allouées au transfert technologique, historiquement et encore
aujourd'hui, encore plus, sont insuffisantes.
Mon but ici,
qu'on soit bien clairs, n'est pas de faire un procès ou de trouver des
coupables. Mais, si on se refuse d'analyser
ce qui ne marche pas et ce qui n'a pas marché, jamais on ne va arriver à
améliorer la situation et atteindre nos objectifs. La mise en place de
solutions à cette problématique de pesticides doit absolument être précédée de
diagnostics sans complaisance et rigoureux.
Pour
illustrer la première raison que je mentionnais tantôt, là, les ingérences du
privé dans l'intérêt public, je vais me
servir de l'épisode des semences traitées aux insecticides, un exemple qui est,
sur le plan agronomique, très simple. Dans ce cas-là, on avait assez de
ressources en transfert, et le message de la recherche était très simple. La
recherche québécoise dit — et elle est très solide sur le plan
scientifique, en passant, là — que, dans un champ de maïs au Québec,
la probabilité de trouver des insectes
ravageurs des semis est inférieure à 4 %
et elle est tout près de 0 % dans un champ de soya. Ça, c'est le message
de la recherche. Ce qui a été véhiculé, ce qui aurait dû être véhiculé en
transfert technologique, c'est tout simplement ne pas recommander
d'utiliser des semences traitées aux insecticides, peu importe leur type, en
passant. Ce n'est pas spécifique aux néonicotinoïdes, tous les insecticides sur
les semences.
Et finalement, en troisième lieu, le
service-conseil aurait dû être que les agronomes de première ligne disent à leurs clients... recommandent à leurs clients
producteurs de commander de la semence non traitée à l'avance. Mais, vous
le savez comme moi, ce qui est effectivement
arrivé est bien loin de ça. D'abord, en recherche, on a remis en question
les résultats de recherche payés par les
fonds publics, et ça, ça a été fait par l'UPA et les compagnies, les deux
siégeant au conseil d'administration
du CEROM. Il y a eu une certaine complaisance aussi de la part du MAPAQ. En
transfert, les compagnies ont dénigré les résultats de recherche
publique. Il y a eu des hésitations et de la confusion à l'Ordre des agronomes, qui a réagi en formant un comité,
encore une fois. Et en service-conseil, bien, l'Ordre des agronomes a refusé
d'intervenir pour séparer les services-conseils de la vente de pesticides.
Finalement, il y a eu une réglementation qui aurait été complètement inutile en
temps normal et qu'on a toutes les misères du monde à respecter.
Donc, ça,
c'est l'exemple des traitements de semences avec insecticides. Imaginons une
seconde ce qui va arriver dans le cas du glyphosate, qui est une
problématique agronomique pas mal plus complexe.
Je n'ai
absolument rien contre le fait que les compagnies de pesticides exercent leurs
activités librement. Ce contre quoi
je m'oppose fermement est l'idée qu'il faille absolument qu'elles soient
parties prenantes des efforts publics visant la réduction des aires de
pesticides, ou des engrais, ou de tout objectif lié à la conduite des affaires
d'intérêt public. Comme on dit, on ne peut pas demander à un chameau
d'être un cheval de course. De même, on ne peut pas céder, même en partie, au
secteur privé la responsabilité de l'intérêt public.
Les
compagnies de fournitures d'intrants devraient être en aval des besoins de
leurs consommateurs, des producteurs agricoles, alors que maintenant on les a
laissé opérer en amont dans le service-conseil, dans le transfert et même dans
la recherche. Ils conditionnent ainsi
les besoins du consommateur. Or, la compétence en lutte intégrée ne se trouve
pas au privé, mais beaucoup plus du côté de MAPAQ et des clubs conseil
en agroenvironnement.
Est-ce que
les lobbys sont trop puissants? Je ne crois pas. Les lobbys ne sont pas si
forts que ça. C'est que nous n'avons
affirmé aucune opposition, nous avons été faibles. Le dicton : Ils ne sont
puissants que parce que nous sommes à genoux,
s'applique à la situation parfaitement. Nous n'avons pas résisté aux lobbys,
nous sommes devenus leurs complices. Si on arrivait à débarrasser le système
de ces interférences, et ce serait assez simple, on réaliserait d'énormes
progrès en termes de réduction d'usage des pesticides, par exemple, par le
dépistage, les suivis aux champs, l'accompagnement, la rotation des cultures,
les traitements localisés, les causes réduites, contrôles mécaniques,
biopesticides, etc.
Voyons maintenant les solutions et en commençant
par les solutions, d'après moi, qui ne fonctionneront pas. D'abord, les subventions, la recherche et la conversion
forcée vers le bio. Moi, je ne suis pas un partisan des subventions pour
régler cette problématique-là, parce que l'adoption des méthodes de lutte
intégrée se fait à coût à peu près nul. Le
retrait des néonicotinoïdes ou de traitements de semences insecticides, ça ne
coûte absolument rien. Même, ça permet de sauver des frais : les
cultures de couverture, les céréales d'automne, rotation des cultures, etc.
Les plus
beaux succès de transferts technologiques sur les fermes se font généralement
sans subvention. On le sait, en tout cas parmi nous, les vulgarisateurs
présents sur le terrain, les producteurs qui n'essaient une méthode que parce
qu'il y a une opportunité d'aller chercher
quelques dollars sont les premiers à abandonner ladite méthode, quand ce n'est
pas un échec avant même l'adoption. Il faut savoir aussi que tout nouveau
programme d'aide financière mobilise les
quelques professionnels qui restent au MAPAQ à gérer de la paperasse, plutôt
que de faire ce pour quoi ils étaient payés, c'est-à-dire du transfert
technologique. Et remarquez aussi qu'à toutes les fois où le MAPAQ a dû faire
des choix difficiles entre ses budgets de
transfert et ses effectifs — ses coûts de fonctionnement, autrement
dit — on a
cédé souvent aux pressions de l'UPA pour couper dans les effectifs parce
que l'UPA ne voulait absolument pas qu'on touche aux budgets de transfert,
traditionnellement, jusqu'à récemment.
• (21 h 10) •
Je ne suis
pas favorable à augmenter le financement de la recherche, parce que... Bien,
d'abord, au cours de ces audiences, certainement, il y en a qui vont
vous recommander ou qui vont recommander au gouvernement d'investir davantage en recherche sur les alternatives aux pesticides. Je
parierais personnellement une assez grosse somme d'argent
que ceux qui vont réclamer ça ne sont même pas au courant de ce qui a
été et de ce qui se fait en recherche. Il y a actuellement plus de résultats de recherche applicables à la
réduction de pesticides que ce que nous sommes en mesure de vulgariser
pour les producteurs.
Je ne suis
pas favorable à une obligation pour les producteurs
de se convertir à l'agriculture bio de façon obligatoire. Si plusieurs pourraient se convertir sans trop de
conséquences, la majorité n'est pas prête, et cela imposerait un risque
économique trop grand aux producteurs. Et par ailleurs il y a tellement de
progrès réalisables à court terme sur les fermes
dites conventionnelles — à un point tel qu'elles ne sont vraiment pas conventionnelles,
dans le fond — que certains
ont concrétisés déjà et présentent un bilan environnemental très intéressant.
Maintenant,
les solutions qui, selon moi, vont marcher, puis je vais terminer avec ça. Les
faits récents parlent par eux-mêmes.
Si les instances ont le courage nécessaire pour poser un diagnostic sans
complaisance et rigoureux, les pistes de solution sautent aux yeux. Un, l'Ordre
des agronomes devrait faire respecter la lettre et l'esprit de son code de
déontologie et interdire aux agronomes à l'emploi des sociétés impliquées
dans la vente de pesticides, peu importe la forme de leur rémunération, de
produire toute forme de recommandation pour l'usage des pesticides, ce qui
aurait dû être fait aussi il y a 20 ans
dans le cas de la fertilisation. Deux, les mécanismes de surveillance et de
contrôle de l'indépendance et de l'intégrité
des gestionnaires gouvernementaux devraient être appliqués et/ou renforcés pour
assurer un meilleur respect du devoir de défense de l'intérêt public...
(Interruption) Pardon.
Le
Président (M. Lemay) : M. Robert, je vais profiter de cette
courte interruption pour céder la parole à mon collègue député de Lac-Saint-Jean puisque... votre période de
10 minutes étant écoulée depuis quelque temps déjà. Donc, M. le
député de Lac-Saint-Jean, la parole est à vous.
M. Girard
(Lac-Saint-Jean) : Merci, M. le Président. Ça va vite. Bonjour...
bonsoir. Bonsoir, M. Robert. Merci d'être là et merci aussi du
travail de votre mémoire, d'avoir pris le temps de rédiger votre mémoire.
J'ai lu le mémoire.
Je vois que vous êtes quand même... Tu sais, vous êtes beaucoup plus spécialisé
que moi au niveau agronomique. Quand même, un agronome... Et je vois
aussi que vous reconnaissez l'importance du transfert technologique dans le domaine de l'agriculture, de la recherche
appliquée vers les agriculteurs. M. Robert, j'aimerais ça que vous m'expliquiez rapidement les différences et
les bienfaits entre la recherche appliquée et la recherche fondamentale.
Le Président (M. Lemay) :
M. Robert.
M. Robert (Louis) : Les
différences entre la recherche appliquée et la recherche fondamentale?
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Oui, s'il vous plaît.
M. Robert
(Louis) : Moi, je suis à peu
près à 100 %, si ce n'est pas 98 %... je transfère des résultats de
la recherche appliquée. Ce qui se fait au CEROM, et à l'IRDA, et dans les
différents centres, c'est très, très, très appliqué, il n'y a pas beaucoup de fondamental. On n'a pas
beaucoup... à part des fois quelques échanges avec des professeurs-chercheurs
dans les facultés d'agronomie, où il peut y
avoir des recherches plus fondamentales. Je pense en particulier, admettons, au
collège Macdonald, il y avait des recherches sur les initiateurs de nodulation
dans le soya. C'est biochimique, là, à ce moment-là, donc c'est beaucoup... c'est plus loin de la pratique. Mais
en général, là, presque tout le temps, c'est de la recherche appliquée.
Quand on
parle de comparer différentes techniques de travail du sol, par exemple, c'est
un dispositif expérimental rigoureux
qu'on met en place, mais c'est très, très, très pratique. D'ailleurs, moi, j'ai
même coordonné un projet où on avait une dizaine de sites répartis dans quatre
régions puis on comparait le semis direct au travail conventionnel avec différentes rotations sur plusieurs années, là.
Mais c'était situé... tous les sites étaient sur des fermes commerciales, là,
de producteurs réels. Donc, ça, on parle de recherche absolument très
appliquée.
M. Girard
(Lac-Saint-Jean) : Donc, bien, toujours en reconnaissance de
l'importance de la recherche appliquée, tu sais, dans vos propos, du même coup, là, bien, c'est ça, vous émettez
un peu l'opinion que la recherche devrait être exclusivement publique.
On sait que
plusieurs secteurs agroalimentaires... les agriculteurs réclament aussi qu'on
poursuive l'implication au niveau du
privé dans la recherche appliquée, tu sais, parce qu'elle permet quand même
d'apporter des solutions pratiques quand même assez rapidement et
ciblées à des problèmes, aussi, qui sont concrets.
Et, M. Robert, en nous assurant, là, de la
mise en place des meilleures pratiques gouvernementales ou des meilleures pratiques en gouvernance et d'une
politique robuste, là, en matière de recherche responsable, ne croyez-vous
pas que ces modèles-là ont leur place au Québec?
Le Président (M. Lemay) :
M. Robert. Et en vous rappelant qu'en tout temps vous pouvez céder la
parole à M. Dion ou à Mme Ménard, il n'y a aucun problème. Mais
allez-y, M. Robert.
M. Robert (Louis) : J'ai un
élément de réponse que je peux fournir, aussi, puis tu compléteras.
Une voix : Oui.
M. Robert
(Louis) : C'est que, moi,
mon principe est très simple, c'est qu'il y a la recherche privée, sans les
intérêts privés. Donc, quand ils
investissent 1 $, il faut que ce
dollar-là rapporte. L'intérêt public n'est pas dans leur priorité. Je n'ai
absolument, comme je l'ai dit, aucun
problème à ce qu'il y ait de la recherche du secteur privé, mais c'est le
mélange des deux. Surtout, et dans le
cas qui nous concerne, un des cas qui nous a concernés, c'est le CEROM, où
c'était administré par le privé,
alors que c'était financé publiquement, avec des objectifs publics, d'intérêt
public, disons. Donc, en séparant les deux, il y a beaucoup moins de
confusion.
M. Dion
(Yves) : Concrètement, en
fait, la recherche publique, on sait ce que c'est, on sait qui la finance, et
les résultats sont aussi largement
diffusés, on l'espère. Dans le cas de la recherche privée, elle pourrait aussi
se faire dans des institutions comme le CEROM ou les universités, mais elle devrait, à mon avis,
être complètement couverte, tous les frais devraient en être
couverts par le privé, justement, et même avec une marge, pour assurer un certain bénéfice,
là. Et ces résultats-là aussi appartiennent
au privé et ils doivent être clairement séparés et connus, que ce sont des résultats qui
ont été financés par des sources privées,
donc on ne peut pas les amalgamer avec des résultats de recherche qui ont été
complètement financés par le public.
Le Président (M. Lemay) :
Merci, M. Dion. M. le député de Lac-Saint-Jean.
M. Girard
(Lac-Saint-Jean) : Bien,
c'est sûr, évidemment, tu sais, en soulignant l'importance et la complémentarité de la
recherche fondamentale. Mais, M. Robert, si vous me permettez, avez-vous
mesuré l'impact financier du retrait complet du privé dans la recherche
appliquée, au niveau de l'impact financier?
Le Président (M. Lemay) :
M. Robert.
M. Robert (Louis) : Bien oui,
le financement du CEROM était en bas de, je crois... le financement privé au CEROM était en bas de 6 %, 7 %, là, et il avait au moins trois
ou quatre sièges au conseil d'administration. Est-ce que c'est dans ce
sens-là que vous voulez une réponse ou...
Le Président (M. Lemay) : M. le
député.
M. Girard
(Lac-Saint-Jean) : En fait, oui, mais... Vous répondez en partie à la
question, là, mais vous avez... Allez-y, je vous laisse, je vous écoute.
M. Robert
(Louis) : Parce qu'en
réalité le financement privé en
recherche publique, il y en a très peu. L'exemple du CEROM est parlant. Mais il y en a
très, très, très peu. C'est plutôt le contraire. Il
bénéficie des résultats de recherche du public, financés par le public.
Le Président (M. Lemay) : M. le
député.
M. Girard
(Lac-Saint-Jean) : Les
médias ont beaucoup suivi, quand
même... Il y a
quelques jours, vous avez affirmé que
les agronomes du secteur public ont de la difficulté à rejoindre les
agriculteurs, que le message des compagnies vendant les pesticides est mieux entendu dans les champs du Québec.
Moi, j'aimerais ça que vous précisiez votre pensée un petit peu à ce
niveau-là.
Le Président (M. Lemay) :
Allez-y, M. Robert.
M. Robert (Louis) : Bien, j'ai moi-même
été témoin, là. Quelques jours après la divulgation des résultats du CEROM sur les traitements de semence à base
d'insecticide — on
était une vingtaine d'agronomes — quelques jours plus tard, on était sur
une ferme, et il y avait une journée organisée conjointement, un club, une
compagnie de pesticides et l'UPA,
puis il y avait au-dessus de
100 producteurs dans la salle, en fait, dans le bâtiment. Et le message de
l'agronome représentant la compagnie était pour défaire le message de la
recherche publique, complètement opposé.
Donc, vous
voyez un peu la différence, là. C'est juste une anecdote, si on veut, mais ça
illustre très bien, un peu, la disparité qu'il y a. Puis ça, c'est une
occasion, mais évidemment les journées d'information organisées par... le privé
est très, très, très présent sur le terrain
et il ne manque jamais une occasion de rabrouer, disons, les résultats de la
recherche publique.
Le Président (M. Lemay) :
Merci. M. le député.
M. Girard
(Lac-Saint-Jean) : Une
question... bien, je ne sais pas si vous allez être en mesure de me le dire,
puis ça m'intrigue : Aujourd'hui, en date d'aujourd'hui, est-ce que vous êtes en mesure de me dire
combien qu'il y a d'agronomes qui sont directement à
l'emploi du MAPAQ?
M. Robert (Louis) : Bien...
Le Président (M. Lemay) :
M. Robert.
M. Robert
(Louis) : Oui, pardon. Bien,
je crois que ça a été dit, là, agronomes... pardon, c'est : agronomes dans
la fonction publique, je crois que c'est au-dessus de 300, mais agronomes au MAPAQ, à ma connaissance, c'est
entre 120 et 140, quelque chose comme ça, à ma connaissance.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Vous n'est pas loin : 145.
Le
Président (M. Lemay) : M. le député, en vous rappelant qu'il y a
aussi un collègue qui veut prendre la parole.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Oui. O.K.
Le Président (M. Lemay) :
Allez-y.
• (21 h 20) •
M. Girard
(Lac-Saint-Jean) : On sait
que, lors des premières auditions à la commission, le MAPAQ est venu nous rencontrer, il est
venu nous présenter aussi, un peu, les services qu'il offre, on sait, des
services, au niveau des services-conseils,
hein? On peut aller jusqu'à 70 % de subventions, et le programme a été
bonifié, 85 %, si on utilise des services en agroenvironnement, des
services-conseils transfert biologique, ainsi de suite. Ils sont de première
ligne, puis vous l'avez dit tout à l'heure.
D'autre part, on sait qu'il y a 145 agronomes
que le MAPAQ emploie, en plus des autres employés qui ont une formation
universitaire et qui ne sont pas nécessairement membres de l'ordre, mais ils
sont impliqués quand même dans
le dossier de phytoprotection, et, bien sûr,
dans la réduction de l'usage des pesticides, et toute la question
aussi du transfert technologique.
Au niveau
des services-conseils, dans les réseaux, on parle de près de
160 agronomes, quand même, qui sont là pour accompagner les
agriculteurs, puis dont la tâche, bien, je l'ai dit tantôt, c'est toujours la
réduction des pesticides et
l'accompagnement, aussi, du transfert technologique au niveau
de l'agriculture. Mais, selon vous, là, est-ce que le nombre
d'agronomes est insuffisant? Est-ce que ça en prendrait plus?
Le Président (M. Lemay) :
M. Robert.
M. Robert
(Louis) : J'aimerais... Je
vais répondre en pensant que ce que vous vouliez dire : Est-ce que
le nombre d'agronomes...
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
...services-conseils.
M. Robert
(Louis) : Au niveau
des services... Dans le service-conseil, bon, ça, c'est le service de première
ligne offert aux entreprises agricoles sur une base individuelle, là-dedans,
il y a des agronomes qui sont du secteur privé, il y a des consultants, il y a
des agronomes des clubs conseils en agroenvironnement. Je pense qu'il pourrait
y en avoir plus, certainement,
surtout des clubs conseils en agroenvironnement, il pourrait y en avoir plus.
Nous, au MAPAQ, on ne fait pas de service-conseil, vous le savez. On est en
deuxième ligne, comme on dit, en support, en transfert technologique, beaucoup,
en encadrement.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Puis, au MAPAQ, est-ce qu'il y en a assez, des agronomes?
M. Robert
(Louis) : Bien non! Comme je
l'ai dit, là, c'est une des lacunes que je mentionne dans mon mémoire puis que je vous ai répétées tantôt. Je pense que
le nombre d'agronomes qui sont... surtout dont leur responsabilité première
est le transfert technologique, ils sont largement...
Le Président (M. Lemay) : Excusez,
je vais céder la parole... M. le député.
M. Girard
(Lac-Saint-Jean) : Juste une dernière question. Est-ce que vous avez
fait l'évaluation de ça au niveau du MAPAQ?
Le
Président (M. Lemay) : O.K. Dernière réponse, M. Robert,
ensuite je cède la parole à mon autre collègue. Allez-y, M. Robert.
M. Robert (Louis) : Je ne sais
pas.
Le Président (M. Lemay) :
Parfait. Donc, sur ce, je cède la parole au député de Bourget.
M. Campeau :
Dans une émission radio matinale, il n'y a pas si longtemps, il y a quelqu'un
qui vous avait posé une
question : Est-ce que vous allez aller en commission parlementaire? Vous
aviez répondu quelque chose comme : Je ne sais pas si je vais être
invité, mais, oui, j'aimerais y aller. Et j'apprécie ce ton clair, simple, avec
une volonté évidente d'améliorer l'agronomie, point. Autrement dit, je suis
très content que vous soyez là ce soir.
L'Ordre des agronomes, vous en avez beaucoup
parlé et puis, bien, tant mieux. Je ne le connais pas vraiment, l'Ordre des agronomes, mais je connais l'Ordre des
ingénieurs. Puis le principe, en arrière, c'est la protection du public
de toute façon. Alors,
pourquoi ça arrive, avec les agronomes, que c'est différent d'avec les autres?
Est-ce que c'est parce qu'ils ne font
pas un assez bon salaire s'ils ne font que du service-conseil? C'est quoi?
Pourquoi est-ce qu'ils sont obligés de
vendre des... Est-ce qu'il y a un problème salarial à ça? Si jamais ils ne
faisaient que du service-conseil, ils ne seront pas assez occupés puis
ils vont aller ailleurs? Comment vous voyez ça?
Le Président
(M. Lemay) : Alors, M. Robert.
M. Robert
(Louis) : ...pardon.
Le Président
(M. Lemay) : Allez-y.
M. Robert (Louis) : C'est une question qui relève en partie de la
culture agricole, au Québec, puis sans mauvais jeu de mots. Parce que traditionnellement, bon, les producteurs
agricoles n'accordent pas assez une grande valeur aux produits ou aux services-conseils. C'est-à-dire
que le service-conseil d'un agronome professionnel n'est pas reconnu à sa
juste valeur. Et pourquoi ça? Bien, ça n'a
jamais été reconnu. Ça a toujours été mêlé ou à peu près. Et à l'époque, dans
les années 50, 60, c'était l'État qui fournissait l'ensemble des
services-conseils aux entreprises.
Et
par la suite, aussi, les compagnies se sont mêlées de ça puis, disons, elles
ont maintenu les coûts très bas. La valeur des services-conseils est maintenue
très bas, durant toutes ces années-là, entre autres, parce qu'ils se
rentabilisaient avec la vente de produits, autrement dit. Donc ça, ça a
nui beaucoup au développement du service-conseil.
Là,
aujourd'hui, on a de plus en plus, et j'en suis assez content, là, de
service-conseil de la part de consultants. La plupart du service-conseil au
Québec, actuellement, a besoin de l'aide de l'État. Mais, malgré tout ça, je
pense qu'on a encore... on traîne de
la patte quant à la reconnaissance du service-conseil, en fait, comme de la
reconnaissance du transfert technologique,
d'ailleurs. Très peu de producteurs sont au courant de ce qu'on fait en
transfert technologique et, quant à moi, qui est essentiel. Il manque encore
plus d'agronomes en transfert technologique qu'en service-conseil, selon moi.
Mais
c'est une bonne question. Ce n'est pas très valorisé, le service-conseil, et
donc je pense que ça stimulerait plus d'agronomes à offrir des
services-conseils indépendants, si c'était davantage reconnu, justement.
Le Président
(M. Lemay) : Merci. M. le député.
M. Campeau :
Si je comprends bien, ça veut dire qu'actuellement c'est plus valorisé,
maintenant, temporairement, mais,
s'il n'y a pas de changements légaux ou — peut-être le mot «légal» est exagéré — s'il n'y a pas un changement de
structure, comme tel, on va juste retomber là-dedans. Il y a cette... vous avez
cette crainte-là?
M. Robert (Louis) : Absolument.
D'ailleurs, il y a des gens qui quittent l'Odre des agronomes en partie à cause
de ça. L'image de l'agronome n'est pas la meilleure qu'elle a déjà été, là.
Elle a déjà été bien meilleure que ça en partie à cause de ça. C'est toutes des conséquences de ça,
de ce laxisme-là, du refus de séparer le service-conseil de la vente de
produit, en ce qui me concerne.
Le Président
(M. Lemay) : Merci. M. le député.
M. Campeau :
Vous avez aussi parlé des... que vous n'étiez pas très en faveur des
subventions. Je peux très bien comprendre
que, si on attend d'avoir une subvention pour faire un changement, ce n'est
peut-être pas parce qu'on y croit tant que ça. Ça, je peux comprendre
ça.
Par
contre, la subvention, parfois, ça correspond au risque qui est pris par un
agriculteur qui, par exemple, veut devenir bio et qui a une période de trois
ans avant de devenir bio. Alors, comme il se demande qu'est-ce qui va arriver,
au cours de ces trois prochaines années,
puis qu'on sait qu'avec les aléas de la température chaque année est
différente, ne voyez-vous pas que la
subvention, dans ce cas-ci, pourrait aider à vaincre le risque, la résistance
au changement, à tout le moins, quitte à ne pas la maintenir, la
subvention, ad vitam aeternam?
Le Président
(M. Lemay) : M. Robert, en environ 30 secondes.
M. Robert (Louis) : D'abord, je vais laisser la parole à ma collègue
Odette pour fournir un élément de réponse là-dessus.
Le Président
(M. Lemay) : Mme Ménard.
Mme Ménard
(Odette) : Ça me fait plaisir de répondre à ça. La grande
problématique, à mon avis, des subventions, c'est qu'elle est souvent
attachée à une technique particulière, à une portion du système particulier, en
agriculture, ce qui fait qu'on fait des
petits bouts de chemin, à l'intérieur du système, qui ne sont souvent pas assez
efficaces pour permettre au système de se mettre à rouler par lui-même. Et donc
ce sont de petits bonbons qui sont appétants, qui... Tu sais, quand il y a 20 $ qui traîne à terre,
tu le ramasses. Alors, c'est un petit peu dans cette optique-là qu'à mon avis
la subvention nuit souvent davantage qu'elle aide à la prise en charge et à la
mise en place de systèmes agricoles hautement performants.
Le Président (M. Lemay) :
Merci, Mme Ménard. Sur ce, je cède la parole à la députée de Maurice-Richard.
Mme Montpetit :
Je vous remercie, M. le Président. Mme Ménard, M. Robert,
M. Dion, merci d'être avec nous aussi tardivement ce mardi soir.
J'ai plusieurs questions pour vous.
Puis,
M. Robert, sans revenir nécessairement sur ce qui vous est arrivé, je veux
simplement vous dire que je suis très contente
que vous ayez réintégré votre poste. C'est une belle nouvelle, et justice a été
faite, et j'en suis fort heureuse. Et
je suis aussi contente que vous continuiez de participer activement à tous ces
dossiers-là, à être présent, d'avoir décidé de vous présenter ce soir
pour répondre à nos questions. Je l'apprécie vraiment beaucoup.
Et j'aimerais
ça vous entendre réagir. Il y a plusieurs choses qui ont été mentionnées. On
est déjà à la fin de notre deuxième journée. J'imagine, vous avez suivi
certaines interventions qui ont été faites. On avait le CEROM qui était
là un petit peu plus tôt. Je sais que vous
avez souligné à plusieurs reprises des inquiétudes sur toute la question d'une
brèche au principe de l'indépendance,
sur leur conseil d'administration, et il y a encore deux membres de La Coop
fédérée qui siègent sur le CEROM. Est-ce que vous pouvez nous livrer
votre opinion par rapport à ça?
Le Président (M. Lemay) : Oui.
Alors, M. Robert.
• (21 h 30) •
M. Robert
(Louis) : Merci. D'une part,
le principe, dans le cas des agronomes et le code de déontologie, c'est
la situation de conflit d'intérêts qui est
une infraction, hein? C'est-à-dire qu'il ne faut pas attendre qu'il y ait des
conséquences. La situation de conflit
d'intérêts fait référence aux valeurs en cause dans un mandat — dans ce cas-ci, dans deux mandats. Le conflit d'intérêts comme tel, c'est les
conséquences, c'est le contrat qui a été octroyé de façon biaisée, par en
dessous, des choses comme ça. Donc, ça, c'est un élément.
Il y a aussi
l'élément que... Il faut se poser la question : Qu'est-ce que la Coop
fédérée retire de cette participation-là? Parce que je suis à peu près certain que toute activité d'une société
impliquée dans le commerce d'intrants... ne dépense pas son argent, ses salaires, ses contributions
pour le bien public, en passant. J'ai des petits doutes là-dessus, en tout cas.
Donc, je ne
sais pas trop. Je ne veux pas aller plus loin, mais je trouve que, comme
instance publique qui avons le mandat de défendre l'intérêt public, on
devrait empêcher ces situations-là, c'est sûr. Et j'insiste sur la nuance entre
situations et conflits d'intérêts comme tels.
Le Président (M. Lemay) : Mme
la députée.
Mme Montpetit :
Non, mais je pense que votre réponse est très claire. Vous avez eu l'occasion
de lever plusieurs drapeaux rouges, au cours des dernières années, même.
Je pense qu'on en a encore une, à tout le moins, sur laquelle il faut se questionner, demander des réponses.
Mais je comprends que vous recommandez que ce genre de situation là se
termine une fois pour toutes au niveau des centres de recherche du Québec.
M. Robert
(Louis) : Ce serait très
facile, hein? D'ailleurs, qu'est-ce qui nous empêche de le faire? C'est aussi
une question qui me triture un petit peu, là. Je vais la laisser ouverte, là.
Mais ce serait très simple à régler.
Le Président (M. Lemay) :
Parfait. Mme la députée.
Mme Montpetit :
Bien, c'est une excellente question à laisser ouverte. Puis je me rends compte
qu'on a beaucoup de journalistes avec
nous, je suis certaine qu'ils prendront la balle au bond pour aller la poser au
ministre de l'Agriculture dès demain.
J'avais une
autre question pour vous par rapport à ce qu'on a appris avec le témoignage de
l'Ordre des agronomes, hier, qui est
venu nous parler des infractions qui avaient été faites, des erreurs qui
avaient été notées lors des inspections de l'ordre, et notamment certaines fautes majeures en lien avec le
non-respect de la nouvelle réglementation sur l'atrazine. Je ne vous cache pas que moi, j'ai été extrêmement
choquée d'apprendre qu'on a mis une réglementation en place... Puis vous l'avez noté, là, on a essayé à plusieurs
reprises, il y a des politiques qui ont été mises en place, elles n'atteignent
pas toujours les objectifs qu'on
souhaiterait. La réglementation, on a quand même vu qu'il y a eu une
diminution, je pense, de 40 % au
niveau de l'atrazine. Mais force est de constater qu'on a encore des agronomes
sur le terrain qui ne respectent pas la réglementation. J'aurais aimé ça
vous entendre à ce sujet-là.
Le Président (M. Lemay) :
M. Robert.
M. Robert
(Louis) : Oui. Je ne suis
pas au courant exactement des griefs, ou des problèmes qu'ils ont connus
dans leurs recommandations, ou
justifications, ou prescriptions, là, je ne peux pas m'avancer trop, trop
là-dessus. Mais c'est clair que,
comme je le disais, dans une recommandation d'agronome, qui touche le contrôle
des mauvaises herbes, la règle de
l'art indique qu'il faut considérer d'autres méthodes avant de considérer
l'utilisation d'herbicides. Ça, c'est les principes de lutte intégrée.
C'est ce qu'on préconise au MAPAQ depuis des années, d'ailleurs, et ce que
l'Ordre des agronomes endosse aussi.
Et, comme j'en
ai fait allusion un petit peu, tantôt, ces compétences-là... ça demande des
compétences, évidemment, parce que
c'est plus compliqué de trouver une rotation, par exemple, contre une mauvaise
herbe que d'appliquer un produit... ou
appliquer une recommandation d'un produit sur une étiquette. Et ces
compétences-là ne sont pas du côté des compagnies de pesticides, c'est clair. Et je pense qu'on nuit
un peu au développement de ces compétences-là, qui sont déjà dans les clubs-conseils, et au MAPAQ on nuit au développement
de ces compétences-là tant et aussi longtemps qu'on endure des situations comme celles-là. Ça fait que les
infractions, c'est malheureux, mais je pense qu'il fallait s'y attendre un
petit peu, là.
Le Président
(M. Lemay) : Mme la députée.
Mme Montpetit :
Merci, M. le Président. Une autre question. Je m'excuse, je suis sur des cas
très, très précis, mais je pense que
c'est des questions qu'on s'est posées et auxquelles, malheureusement, on n'a
pas eu de réponses encore, puis, comme vous avez une longue expertise au
sein du MAPAQ, peut-être que vous pouvez éclairer nos lanternes.
Sur la
question, aussi, des semences enrobées, on le sait, il y a des dérogations qui
ont été données, au printemps, parce que ça a été un printemps tardif, pour
permettre l'utilisation de semences enrobées avec des néonicotinoïdes.
Donc, on est encore dans une utilisation de
néonics, alors qu'on souhaiterait diminuer. Qu'est-ce qui... pas qu'est-ce qui
explique ça, mais ce qui pourrait
régler cette situation-là? Parce que la réponse qu'on nous fait, c'est :
Écoutez, il n'y avait pas d'autre semence disponible. Est-ce que c'est
une question, vraiment, de disponibilité ou c'est une question de volonté?
Le Président (M. Lemay) :
M. Robert.
M. Robert
(Louis) : Bien, c'est sûr
que c'est... je crois que c'est un problème réel de disponibilité de semences.
Ça, je ne mets pas de doute, il y a une partie de ça qui vient de là, c'est
sûr.
Mais, vous
savez, je vous rappelle un peu ce que je disais tantôt, à savoir que la
réglementation est venue parce qu'on
a failli à la tâche, hein? C'est-à-dire que le message... Moi, je suis un peu
découragé de voir ça parce que, pour une fois, c'est une problématique
simple. Le message de la recherche, au Québec, très solide, était très clair,
limpide. La conséquence de ça, ça aurait été
qu'on n'aurait pas eu besoin de réglementation, parce qu'on a sorti tous les
revêtements insecticides, incluant
les néonicotinoïdes, donc on n'aurait pas eu ce problème-là, là, puis on
n'aurait pas eu de réglementation.
On aurait
pu... Probablement qu'on aurait commandé
des nouvelles semences, puis il y aurait eu des produits dessus, oui, et des néonics aussi dessus, mais ça aurait
été un moindre mal parce qu'on n'en applique pas... on n'en aurait pas appliqué de façon générale partout.
Comprenez-vous? Je ne sais pas si c'est clair, mais, je pense... Le problème,
on arrive avec une réglementation, alors que ce n'est pas ça du tout que... Si
on avait suivi la chaîne de transfert... D'où mes deux raisons, là. C'est-à-dire qu'il y a
eu de l'ingérence à tous les niveaux, recherche, transfert, service-conseil.
Comment on peut arriver à une recommandation?
C'est assez
décourageant pour un agronome d'expérience, des agronomes d'expérience comme
nous, de constater ça, qu'on est devant une évidence scientifique aussi claire
et limpide, là, puis que c'est tout bousillé, qu'on se ramasse avec une réglementation qui ne peut pas
s'appliquer parce qu'en plus les
produits changent. Ça fait que la réglementation s'attaque à trois néonicotinoïdes, alors que, là, déjà, ils ont commencé
à changer. Puis de toute façon on n'a pas besoin d'insecticides sur les
semences.
Donc, tout ça
est un peu absurde. C'est vraiment désolant de voir ça. Et, moi, comme je le
disais, ça me fait peur d'essayer
d'imaginer, de temps en temps, qu'est-ce qui va arriver si on veut venir à bout
de la réduction de la dépendance au
glyphosate, par exemple, qui... Ça, est une problématique superpassionnante
pour un agronome. Mais, dans le système actuel, là, je ne suis pas optimiste trop, trop. Ça va prendre une autre
réglementation. On va marcher à coups de réglementations? Ça ne fait pas
de sens.
Le Président (M. Lemay) : Mme
la députée.
Mme Montpetit :
Qu'est-ce que vous suggérez, justement, plus spécifiquement pour le glyphosate?
Parce que c'est certain que ça va
faire partie des échanges qu'on va avoir. On a eu quand même plusieurs
indications sur la nécessité d'encadrer...
en tout cas, plusieurs drapeaux rouges, encore là, qui ont été levés sur
l'utilisation du glyphosate. Si ce n'est pas par la réglementation,
comment vous voyez qu'on peut améliorer la situation, en tout cas, à tout le
moins, réduire l'utilisation du glyphosate?
Le Président (M. Lemay) :
M. Robert.
M. Robert (Louis) : Par le
recours aux méthodes de lutte intégrée, c'est-à-dire le dépistage, la rotation
des cultures, l'utilisation de cultures
alternatives. C'est relativement simple. Mais c'est déjà un peu plus compliqué
de tout simplement arroser Roundup puis ne pas se casser la tête. Mais
ça, c'est une question d'éducation puis de transfert technologique.
Parce qu'on
en a déjà, hein, des travaux de recherche, des dépistages. On connaît des
rotations qui ne laissent à peu près pas de mauvaise herbe au printemps. Et
donc on sait déjà que, si on envoyait un agronome dans le champ pour constater ça, on n'aurait même pas besoin
d'appliquer de Roundup ou tout autre herbicide, dans le fond. Ça fait que c'est
des méthodes de lutte intégrée qu'on connaît
depuis longtemps, mais on a dû reculer parce que, c'est ça, on est arrivés
sur le marché des OGM. Les compagnies ont poussé...
D'ailleurs,
moi, je me rappelle très bien quand les OGM sont arrivés. Les compagnies nous
vantaient les avantages de rendement, puis on avait en même temps de la
recherche publique qui nous disait : Ce n'est pas tant que ça, les
avantages de rendement, là. Et, quand on
mettait dans l'évaluation l'impact des rotations et des méthodes de lutte
intégrée, le bilan était pas mal
différent, là. Le choix des OGM puis du Roundup mur à mur était moins
intéressant, déjà. Mais vous savez ce qui est arrivé, là.
En plus, les programmes, à l'époque, les
programmes d'ASRA étaient largement... étaient très, très généreux envers les monocultures de maïs et de soya, en
plus. Donc, ça a encouragé. C'est tout un contexte, finalement, là. Puis
le producteur qui ne voulait pas se casser la tête, qui voulait aller assez
rapidement.
Le Président
(M. Lemay) : Mme la députée.
Mme Montpetit :
Je pense qu'il ne me reste pas beaucoup de temps, hein, M. le Président? Bon,
bien, juste en terminant... Parce
qu'on a eu l'occasion de voir des modèles, justement, de fermes très, très
innovantes, là, sur le terrain. Donc,
de toute évidence, ça peut se faire. Est-ce que, de votre lecture terrain,
vous, les agriculteurs sont prêts à aller dans cette direction-là? Est-ce que c'est vraiment une question... Parce que
vous avez bien mentionné que vous ne privilégiez pas la voie des incitatifs financiers. Est-ce que, bien accompagnés, il
y a une ouverture des agriculteurs à prendre cette direction?
Le Président (M. Lemay) :
M. Robert, en 30 secondes.
M. Robert
(Louis) : Oui. Je suis
content, ça me donne l'occasion de mentionner un élément très important. C'est
que, comme la démonstration est faite que des fermes sont capables de le faire,
hein, ce n'est même pas question d'utopie, ou de recherche, ou de transfert, c'est déjà transféré sur des fermes,
il faut juste le diffuser, il faut juste le faire adopter par un plus
grand nombre, puis c'est comme ça qu'on va réussir à réduire beaucoup la
dépendance aux pesticides.
Mme Montpetit : Merci beaucoup.
Le Président
(M. Lemay) : Merci, M. Robert. Ceci complète cette période
d'échange. Et maintenant je cède la parole à la députée de Rouyn-Noranda—Témiscamingue.
Mme Lessard-Therrien :
Merci, M. le Président. Je suis très contente de vous entendre ce soir,
M. Robert. J'en profite aussi
pour vous remercier du combat que vous avez mené dans les derniers mois. Je
pense que ça en valait vraiment la peine.
Écoutez, je
viens du Témiscamingue. Vous y avez passé, en juin dernier, je vous ai manqué.
Les agriculteurs, chez nous, ils
disent que maintenant, quand ils rentrent dans les bureaux du MAPAQ, c'est eux
qui doivent ouvrir les lumières, tellement
il n'y a plus de personnel. J'aimerais savoir : Comment vous vous sentez,
vous, au MAPAQ, depuis la diminution d'à peu près 50 % des
effectifs depuis 10 ans?
Le Président (M. Lemay) :
M. Robert.
M. Robert (Louis) : Bien, je
trouve...
Une voix : ...
M. Robert (Louis) : Pardon?
Une voix : Tu te sens seul.
• (21 h 40) •
M. Robert
(Louis) : Je me sens seul
dans l'ombre, pas de lumière, mais... Pardon. C'est sûr que ça fait ressortir
encore plus de façon flagrante le manque
d'effectif. Moi, personnellement, disons, j'ai changé de région et je suis
passé de Chaudière-Appalaches, où les grandes cultures étaient peut-être moins
une priorité, et j'arrive en Montérégie, où il y a plus de ressource, des professionnels, ingénieurs,
agronomes, personnel de soutien, et tout ça, et donc les grandes cultures sont
un secteur très important, et on fait beaucoup de transfert technologique.
Donc, je suis dans le milieu d'une équipe très dynamique à ce sujet-là, donc, ça, ça aide à, disons, à pallier un
petit peu le sentiment qu'on pourrait avoir d'isolement, là. Mais c'est vrai, donc, avec la diminution d'effectif
et la fermeture des bureaux, c'est très, très dommage, mais ça nous
amène à aller dans d'autres régions, aussi, dont le Témiscamingue, l'Abitibi
puis un peu partout.
Le Président (M. Lemay) : Mme
la députée.
Mme Lessard-Therrien :
J'ai envie de vous entendre. Quand même, ce désengagement-là de l'État, au
niveau de la réduction de ses effectifs, ça envoie quoi, comme message
pour l'agriculture?
Le Président (M. Lemay) :
M. Robert.
M. Robert (Louis) : Je ne sais
pas trop comme... Je pense que ce n'est pas un message positif, évidemment,
mais aussi c'est relié au fait qu'on ne valorise pas le transfert
technologique. Et puis, quant à moi, c'est un travail de casse-tête qu'on fait
un peu, en résumé, là. C'est-à-dire on prend les résultats de recherche, qui
sont des morceaux de casse-tête isolés, et
puis on les assemble pour donner un ensemble qui veut dire quelque chose
pratiquement parlant. Et donc je pense qu'il faut... C'est essentiel de
le faire.
Parce que j'ai vu des... j'ai connu des exemples
de transfert de la recherche au producteur, directement, en by-passant le transfert technologique, qui a donné
des résultats complètement négatifs. Je pense, par exemple, à la période d'épandage
des engrais de ferme, qui a été très, très mal comprise aux services-conseils
parce que peu de personnes assumaient le transfert technologique. La recherche
disait un message beaucoup plus nuancé.
Le
Président (M. Lemay) : Merci, M. Robert. Donc, je cède
maintenant la parole au député de Bonaventure pour sa période d'échange.
M. Roy :
Merci, M. le Président. Bonjour, madame, messieurs. M. Robert, on peut
dire, vous nous avec donné de
l'ouvrage, vous, hein? Bien, bravo! Parce que vous avez soulevé un débat extrêmement
important. Moi, je le considère aussi
important que celui du tabac ou de l'amiante à une certaine époque. Je ne sais
pas où on va aboutir avec tout ça, mais j'ose espérer que ce n'est pas
juste une campagne de marketing ou de communication.
Ceci étant
dit, vous venez de déboulonner un mythe, là. Pas besoin de budget de recherche
supplémentaire pour trouver des
stratégies de remplacement des pesticides. Ça, je trouve ça extrêmement
intéressant. Et ce que je comprends de
votre exposé, c'est que le problème, il est dans le transfert, dans la
communication, dans la sensibilisation. Et là, bien, la question,
c'est : Qui devrait être le porteur de cette stratégie-là d'information,
de diffusion et de sensibilisation?
Le Président (M. Lemay) : M. Robert.
M. Robert (Louis) : Le MAPAQ.
Parce que ce n'est vraiment pas commercialisable, là. Présentement, le MAPAQ a tenté de privatiser une section du
transfert qui est la diffusion de publications, par exemple, par le Centre de
référence en agriculture et agroalimentaire
au Québec, là, le CRAAQ, là, le fameux CRAAQ. Et on se rend compte que, même la
diffusion, la vente de véhicules de diffusion n'est pas rentable. C'est
difficile de rentabiliser ça. Puis ça, c'est juste la partie la plus
commercialisable du transfert.
Imaginez le
travail que je parlais tantôt d'assembler les pièces du casse-tête, de faire le
lien avec la recherche pour les services de conseils de première ligne. Il n'y
a pas personne qui va voir de la rentabilité là-dedans. Et pourtant
c'est aussi essentiel que la recherche parce
qu'en l'absence de transfert technologique ça ne marche pas. Ça ne marche pas,
le message est mal perçu. On demande
aux chercheurs d'assumer, comme on dit, le service après-vente, d'aller dans
les conférences, présenter aux
producteurs, dans les journées de formation, présenter leurs résultats de
recherche. Pendant qu'ils préparent les conférences, ils ne font pas
leur travail de chercheurs. Et en plus de ça ils n'ont pas le temps d'aller
fouiller, de mettre leurs... Bien, je généralise, il y a des exceptions, mais
trop souvent ils ne peuvent pas mettre en contexte par rapport à d'autres
recherches et aussi par rapport au contexte pratique de la ferme. Et donc, ça,
c'est un autre élément essentiel du transfert, qui est négligé et puis qu'on
devrait réinvestir selon moi. Puis, pour répondre à votre question directement,
c'est carrément le MAPAQ, selon moi.
Le Président (M. Lemay) : M. le
député, pour le mot de la fin.
M. Roy : Bien, écoutez,
qui au MAPAQ? Des agronomes, des techniciens, des agents de communication?
M. Robert
(Louis) : Oui, des
professionnels. Des professionnels, mais évidemment avec du personnel de
soutien pour les aider et les soutenir là-dedans, là. C'est tout un
effort de groupe, là.
Le
Président (M. Lemay) : Alors, M. Robert, je peux vous
assurer que la commission a pris en note l'importance de la valorisation des
transferts technologiques. Et, sur ce, je vous remercie, M. Robert,
M. Dion et Mme Ménard, pour la contribution à nos travaux.
La commission
ajourne ses travaux au mercredi 25 septembre 2019, après les affaires
courantes, où elle poursuivra son mandat.
(Fin de la séance à 21 h 45)