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Version finale

42nd Legislature, 1st Session
(November 27, 2018 au October 13, 2021)

Monday, September 23, 2019 - Vol. 45 N° 11

Order of initiative – Examine the impact of pesticides on public health and the environment and examine current and future innovative alternative practices in the agriculture and food sectors, with due regard for the competitiveness of Québec’s agri-food sector


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Table des matières

Remarques préliminaires

M. Éric Girard

Mme Marie Montpetit

Mme Émilise Lessard-Therrien

M. Sylvain Roy

Auditions

Équiterre

Fondation David-Suzuki

Ordre des agronomes du Québec (OAQ)

M. Jocelyn Michon

La Coop fédérée

Autres intervenants

M. Mathieu Lemay, président

Mme Suzanne Blais

M. Simon Allaire

M. François Tremblay

Mme Marie-Louise Tardif

M. Enrico Ciccone

*          M. Ryan Worms, Équiterre

*          Mme Nadine Bachand, idem

*          Mme Louise Hénault-Ethier, Fondation David-Suzuki

*          Mme Mélanie Le Berre, idem

*          M. Michel Duval, OAQ

*          Mme Louise Richard, idem

*          M. Pascal Thériault, idem

*          M. Abdenour Boukhalfa, idem

*          M. Gaétan Desroches, La Coop fédérée

*          M. Sébastien Léveillé, idem

*          M. Alexandre Mailloux, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Quatorze heures deux minutes)

Le Président (M. Lemay) : Excellent! Donc, à l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de l'agriculture, des pêcheries, de l'énergie et des ressources naturelles ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

Aujourd'hui, la commission est réunie afin de procéder aux auditions publiques dans le cadre de son mandat d'initiative visant à examiner les impacts des pesticides sur la santé publique et l'environnement, ainsi que les pratiques de remplacement innovantes disponibles et à venir dans les secteurs de l'agriculture et de l'alimentation, et ce, en reconnaissance de la compétitivité du secteur agroalimentaire québécois.

M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Allaire (Maskinongé) remplace M. Tardif (Rivière-du-Loup—Témiscouata) pour l'ensemble du mandat.

Le Président (M. Lemay) : Merci. Alors, je vous rappelle que, le 28 mars dernier, la commission adoptait ce mandat d'initiative puis, le 30 mai dernier, l'ancienne consultation générale. Tous les citoyens et les organismes préoccupés par ces enjeux étaient invités à participer à la consultation.

Nous avons reçu et analysé 76 mémoires. Nous sommes allés sur le terrain le 9 septembre dernier pour rencontrer des agriculteurs qui ont mis en pratique des solutions innovantes pour réduire ou éliminer leur utilisation de pesticides. Nous en sommes maintenant à une étape importante de ce mandat. Nous allons recevoir, cette semaine, 26 personnes et organismes en auditions.

Nous débuterons cet après-midi par les remarques préliminaires puis nous entendrons Équiterre, la Fondation David-Suzuki, l'Ordre des agronomes du Québec, M. Jocelyn Michon ainsi que La Coop fédérée.

Remarques préliminaires

Alors, nous en sommes maintenant rendus à l'étape des remarques préliminaires, et je cède la parole au porte-parole du groupe parlementaire formant le gouvernement et député de Lac-Saint-Jean. M. le député, vous avez 7 min 30 s, la parole est à vous.

M. Éric Girard

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Alors, merci, M. le Président. D'entrée de jeu, j'aimerais saluer tous mes collègues parlementaires qui sont ici dans le but d'écouter les gens tout au long de la semaine, mais aussi d'en apprendre davantage sur le mandat d'initiative au niveau des pesticides. Donc, ça me fait plaisir d'être avec vous sur ce dossier-là. J'aimerais aussi saluer les gens qui sont ici en ce moment, les gens qui sont ici aussi pour vous présenter leur mémoire et écouter aussi ce que les gens ont à dire. Et ça me fait vraiment plaisir, là, de vous entendre, et dans une démarche de collaboration tout au long de la semaine.

Alors, comme je le disais tout à l'heure, je suis fier de constater qu'on s'est tous entendu pour parler d'un sujet qui est très important, celui de l'impact des pesticides sur la santé publique. En tant qu'agriculteur, c'est un sujet qui est extrêmement important, et qui me touche beaucoup, et aussi qui touche tous les Québécois et Québécoises, qu'on fasse tout notre possible pour s'assurer que les aliments qui vont dans nos assiettes et dans celles de nos enfants ne contiennent rien de dangereux pour la santé.

Une des choses qui me tenait beaucoup à coeur aussi quand on discutait de la possibilité de ce mandat, c'est qu'on prenne en compte la situation des agriculteurs tout au long du mandat. Je le sais parce que j'ai moi-même travaillé dans les champs. Aujourd'hui, bien, j'ai mis mes bottes de côté pour venir ici, à l'Assemblée nationale. Vous savez, ce n'est pas un métier facile. Il y a beaucoup de risques autant au niveau de la météo que de parasites qui peuvent attaquer les récoltes. Et vous savez qu'on parle de 25 à 30 récoltes dans une vie d'un agriculteur. Alors, une année de perte, ça représente une année complète. Je savais que, si on allait parler des pesticides, il fallait qu'on pense aux enjeux que les agriculteurs vivent à tous les jours si on voulait accoucher de constats qui ont une chance réelle d'être applicables.

Au cours des dernières années, on entend de plus en plus parler de l'importance de manger local. On parle de plus d'environnement. On sait que manger local, c'est couper aussi dans les GES et du transport des aliments. J'ajouterais que c'est aussi une manière de s'assurer que la nourriture qu'on consomme respecte les standards de qualité qu'on se donne ici.

On veut manger local, on veut manger propre. C'est pourquoi je suis content qu'on prenne en compte la compétitivité du secteur agricole québécois au cours du présent mandat, parce que c'est la seule manière d'atteindre ces deux objectifs importants pour la santé des Québécois, Québécoises comme pour l'environnement.

Ce que j'ai cru comprendre quand j'ai commencé à lire sur la situation des pesticides au Québec... et j'ai passé au travers des mémoires et je peux vous dire que vous avez travaillé très fort. Ils sont tous très intéressants les uns que les autres, et j'en ai appris beaucoup. Et, comme je le disais, je ne suis pas un spécialiste des pesticides.

On sait aussi qu'au Québec on est dans une période de transition. Ce qui se faisait il y a 10 ans aujourd'hui n'est plus applicable. Depuis mars 2018, on demande des prescriptions aussi pour l'épandage de l'atrazine. Depuis mars 2019, la vente de néonicotinoïdes est interdite aux consommateurs commerciaux, et on demande une prescription pour les utilisateurs agricoles, on l'a vu lors de notre visite des fermes. Et je tiens à saluer tous les groupes parlementaires qui ont participé aux visites et aussi remercier les producteurs, les productrices agricoles qui nous ont ouvert leurs portes aussi durant ces visites de ferme.

Il existe aussi... Et, lors des visites de ferme, on a vu aussi qu'il existe des solutions innovantes, des solutions de remplacement qui peuvent remplacer certains pesticides dans les champs du Québec. On pense, entre autres, aux fameuses mouches roses, aux mesures innovantes absolument fascinantes. Ce qu'on observe, c'est que la transition est en marche, et ça me donne de l'espoir.

On parle d'innovation, recherche-développement, de formation aussi. On sait qu'on a une nouvelle cohorte d'agriculteurs, des agriculteurs plus jeunes qui ont eu la chance d'aller à l'école aussi, d'aller dans les milieux collégial, universitaire, qui ont appris aussi les nouvelles façons de faire de l'agriculture plus durable, écologique et biologique.

Ce qu'on veut avoir d'ici la fin du mandat, c'est un portrait clair de la situation québécoise pour orienter les actions du gouvernement en la matière dans l'avenir. Comme je le disais tout à l'heure, c'est très important. C'est important pour nous, les parlementaires. J'ai hâte d'entendre ce que tous les groupes ont à dire.

Encore une fois, je suis très heureux qu'on ait choisi de prendre le temps de parler d'un sujet qui est si important, qui est important pour les Québécois et les Québécoises, ce qu'ils mangent dans leur assiette, ce qui est important pour l'environnement, la faune, et ce qui est important aussi pour tous les agriculteurs et agricultrices, les familles agricoles qui jardinent et qui cultivent aussi le territoire, les milieux ruraux. Et ces gens-là, aussi, eux, ont le souci de qu'est-ce qu'y ont dans leur assiette soit de qualité.

J'aimerais aussi mentionner qu'au Québec on a quand même aussi des leaders au niveau canadien. On a des organisations, on est des gens qui sont innovants. On est des gens qui peuvent faire de grandes choses.

Alors, j'aimerais vous remercier tous, les intervenants qui vont se joindre à nous tout à l'heure et tout au long de la semaine. Et je sais que vous êtes tous des spécialistes dans vos domaines, et on a bien hâte, nous, ainsi que, j'en suis sûr, tous mes collègues, de vous entendre.

Alors, merci. Merci d'avoir pris le temps aussi d'être là. Ça va me faire plaisir de vous entendre et de pouvoir échanger avec vous. Merci, M. le Président.

• (14 h 10) •

Le Président (M. Lemay) : Merci, M. le député. Alors, j'invite maintenant la porte-parole de l'opposition officielle en matière d'agriculture et députée de Maurice-Richard à faire ses remarques préliminaires pour une durée de cinq minutes.

Mme Marie Montpetit

Mme Montpetit : Bonjour, M. le Président, merci. Je vais être assez brève dans mes commentaires, comme cinq minutes, ce n'est pas très long, mais à tout le moins saluer l'ensemble des collègues avec qui on fera les travaux, mais avec qui on a déjà partagé quelques heures ensemble non seulement au printemps pour rencontrer les organismes réglementaires, mais aussi dans la dernière semaine pour aller sur le terrain. Remercier les gens qui sont venus nombreux aujourd'hui, parce que c'est une commission qui est extrêmement importante, et qui seront nombreux aussi au cours des prochains jours.

Et je dois vous dire qu'au-delà du fait que c'est un sujet qui est extrêmement important ça me réjouit beaucoup qu'on ait l'occasion de parler de toutes ces questions-là pour notamment deux raisons qui sont assez personnelles en ce sens que j'ai le bonheur de venir d'une petite région agricole de la Montérégie-Ouest et d'avoir pu constater, au cours des 30 dernières années, comment l'agriculture a particulièrement changé, souvent pour le mieux, mais parfois aussi pas nécessairement en ce sens-là, à quel point il y a une perte de la biodiversité aussi qui est flagrante dans les campagnes du Québec, notamment au niveau des pollinisateurs, mais également aussi comment il y a un impact sur la santé des agriculteurs, qui sont les premiers concernés.

Donc, je suis heureuse que non seulement la population se préoccupe de plus en plus de ces questions-là, à savoir qu'est-ce qui se retrouve dans son assiette, ce qu'elle mange... Et le coeur de nos discussions, j'espère, prendra cette direction-là de la santé de la population en général, mais de la santé de nos agriculteurs, qui sont les premiers concernés, les premiers à manipuler les pesticides. Et je pense que, comme parlementaires, on a le devoir de faire un travail extrêmement rigoureux sur ces questions pour assurer leur sécurité et la sécurité de leurs familles également et maintenir... tout en maintenant la compétitivité. On mentionnait l'intérêt pour l'achat local, mais, avec achat local, vient beaucoup de défis pour nos agriculteurs. Et c'est certain qu'en réglementant il faut s'assurer qu'ils demeurent compétitifs à l'international. Donc, je sais que, dans les groupes qui vont venir nous rencontrer, on abordera, entre autres, ces questions-là de comment on peut s'assurer de venir soutenir nos agriculteurs pour qu'il se fasse une transition vers une utilisation moindre de pesticides.

Je vous disais, M. le Président, ça me réjouit pour, bon, deux raisons, une qui est un constat personnel que j'ai fait au cours des dernières années, mais aussi le fait qu'il y a une dizaine d'années j'ai fait une maîtrise sur exactement ces questions-là, de santé environnementale, et plus précisément tout l'impact des facteurs environnementaux sur notre santé. Et donc je suis heureuse de voir qu'on a choisi notamment des experts de différents volets, tant sur l'impact sur la biodiversité que sur les écosystèmes, et aussi sur la santé humaine, qui vont pouvoir venir mettre au grand jour les impacts de l'utilisation des pesticides, de nous informer adéquatement et nous permettre de faire nos travaux pour la suite.

Évidemment, je souhaite que ce soit un travail que nous réussirons à faire en collégialité et que nous arriverons à émettre des recommandations qui iront dans une direction qui viendra soutenir l'ensemble des groupes que nous rencontrerons et l'ensemble des recommandations qui seront faites par ces différents groupes car elles sont très, très nombreuses, ces recommandations. Et je pense qu'on a une opportunité qu'on doit saisir non seulement de s'informer, mais d'agir par la suite. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Lemay) : Merci beaucoup, Mme la députée. J'invite maintenant le porte-parole du deuxième groupe d'opposition en matière d'agriculture, de pêcheries et d'alimentation et député de Rouyn-Noranda—Témiscamingue à faire ses remarques préliminaires pour une période de 1 min 15 s.

Mme Émilise Lessard-Therrien

Mme Lessard-Therrien : Merci, M. le Président. Donc, je suis bien contente que les auditions commencent ce matin. Je pense que votre présence ici, à tout le monde, témoigne de l'importance que vous... qu'on accorde collectivement à l'enjeu des pesticides. Donc, je souhaite qu'on puisse miser sur une collaboration entre les différents partis pour se donner un second souffle au niveau d'un plan de transition au niveau de notre agriculture au Québec. On a beaucoup de leviers à notre disposition, autant au niveau de la demande pour des produits qui sont plus écologiques, qui sont plus sains pour notre santé et pour l'environnement, on a aussi le pouvoir de mieux encadrer l'offre de ces produits-là en soutenant nos agriculteurs, et je rejoins un peu le message de ma collègue que cette commission-là sert aussi à... On ne la fait pas juste pour nos enfants, en fait, on la fait pour... et pas juste pour l'environnement, mais on la fait aussi pour tous les travailleurs du domaine agricole qui manipulent les produits pas au quotidien, mais assez régulièrement durant toute une saison. Donc, c'est pour mieux protéger leur santé aussi, à ces gens-là. Donc, on veut... on s'engage à ce que cette transition-là ne se fasse pas à leurs frais, mais bien avec eux. Merci.

Le Président (M. Lemay) : Merci, Mme la députée. J'invite maintenant le porte-parole du troisième groupe d'opposition en matière d'agriculture et d'alimentation et député de Bonaventure à faire ses remarques préliminaires pour une période de 1 min 15 s.

M. Sylvain Roy

M. Roy : Merci, M. le Président. Salutations à tous mes collègues, et bravo! Je pense que c'est un grand mandat que nous avons là. Et, pour moi, c'est quelque chose qui est aussi important que les discussions que nous avons eues au Québec sur l'amiante et le tabac.

Il y a une penseuse, une philosophe, Hannah Arendt, qui disait : «La culture, c'est prendre soin de son âme, et l'agriculture, c'est prendre soin de sa terre.» Et les agriculteurs aiment leur terre, et je tiens à souligner ici que l'objectif de la commission, ce n'est pas de les sanctionner, et d'aucune manière que ce soit. Nous sommes ici pour faire la lumière sur un constat, sur beaucoup de publications qui ont été faites dans les médias récemment sur la possible toxicité de l'utilisation des pesticides en agriculture sur la santé et l'environnement. Donc, on est ici pour permettre à tout le monde de nous exprimer leur réalité. Et j'ose espérer que cette commission va déboucher sur un plan d'action solide et ne sera pas un plan de communication ou un exercice de relations publiques.

Donc, merci à tout le monde qui avez déposé des mémoires. C'est sûr que nous allons agir avec objectivité et permettre que la voix de tout le monde soit entendue. Merci.

Auditions

Le Président (M. Lemay) : Merci, M. le député. Donc, débutons maintenant sans plus tarder avec le premier groupe, et je souhaite la bienvenue aux représentants d'Équiterre. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour faire votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter ainsi que la personne qui vous accompagne. Et la parole est à vous.

Équiterre

M. Worms (Ryan) : Bonjour, M. le Président, Mmes et MM. les députés. Merci de nous recevoir. Mon nom est Ryan Worms. Je suis le directeur des communications et de la mobilisation à Équiterre et je suis accompagné de Mme Nadine Bachand, qui est notre chercheure senior sur les questions agricoles à Équiterre. Donc, merci.

Équiterre, évidemment, se réjouit de pouvoir participer aujourd'hui aux travaux de cette commission parlementaire que nous attendions depuis très longtemps. Nous ne sommes pas les seuls, comme le démontre le vif intérêt dans le débat public que suscite votre mandat. Pourquoi tant d'intérêt? Eh bien, je crois que c'est parce que les parents, les consommateurs, les scientifiques, les médecins, les producteurs agricoles et la population en général sont inquiets. Oui, nous sommes préoccupés, tout comme vous l'êtes sans aucun doute, M. le Président et Mmes et MM. les députés, de l'impact potentiel de l'utilisation croissante des pesticides sur notre santé et celle de notre environnement et même sur la productivité des fermes et de nos sols. Nous sommes également préoccupés des signes évidents de la perte de contrôle de la gestion de l'utilisation des pesticides dans l'agriculture québécoise au profit de l'industrie qui les vend. Il en va de même concernant une large partie de la recherche sur ces enjeux.

Équiterre, comme vous le savez, travaille depuis plus de 25 ans à promouvoir l'agriculture biologique à travers la mise en place du Réseau des fermiers de famille. Aujourd'hui, ce sont plus de 130 fermes qui sont dans ce réseau et qui nourrissent des dizaines de milliers de personnes, de familles partout à travers la province. Demain, nous soulignerons d'ailleurs l'alimentation locale institutionnelle, notamment avec l'Hôpital CHU Sainte-Justine et le CHUM, dans le cadre de la Fête des récoltes, septembre étant le mois de l'alimentation locale. Au-delà du type d'agriculture que notre réseau pratique et promeut, c'est le rôle central des femmes et des hommes qui nous nourrissent dans notre société que nous voulons revaloriser ainsi que l'importance de l'agriculture locale pour notre alimentation, pour notre santé et le dynamisme économique de nos régions.

M. le Président, Mmes et MM. les députés, durant les prochains jours, certains voudront réduire le sujet sur lequel vous vous penchez à un bras de fer opposant environnementalistes au mieux ignorants, au pire insensibles aux réalités des producteurs et, en face, des agriculteurs fermés aux changements et dont la survie serait irrémédiablement liée aux intérêts économiques de l'industrie des pesticides. Il n'en est rien, je vous l'assure. Et, pour vous le prouver, je vous rappelle que c'est conjointement avec L'Union des producteurs agricoles qu'au mois de mars dernier nous sommes sortis pour demander la tenue de cette commission.

Je conclus cette introduction en soulignant que les audiences de cette commission débutent avec en parallèle une semaine d'actions cruciales dans la lutte aux changements climatiques à New York, qui culminera, comme vous le savez, partout dans le monde vendredi par une grève mondiale pour une action à la hauteur de l'urgence à laquelle nous faisons face. Hier encore, un rapport intitulé : Unis dans la science, écrit en collaboration par des organismes respectés comme l'Organisation météorologique mondiale, le Programme des Nations unies pour l'environnement ou encore le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, soulignait qu'environ 23 % des émissions totales de gaz à effet de serre proviennent de l'agriculture, de la foresterie et autres activité reliées à l'utilisation du sol et des terres.

M. le Président, Mme et MM. les députés, les changements profonds que nous appelons pour notre agriculture et qui passent, entre autres, par la fin de la dépendance aux pesticides ont le potentiel non seulement de garantir notre santé, celles de nos producteurs et de notre environnement, mais en plus de participer en première ligne à la lutte aux changements climatiques. Pour ce faire, nous avons besoin de réponses, nous avons besoin de faits scientifiques indépendants, de recherches et de suivis rigoureux, nous avons besoin d'accompagnement et d'appui dans la transition pour nos producteurs et, peut-être même encore plus, nous avons besoin d'une action politique audacieuse qui sera guidée, nous l'espérons, par le fruit de vos travaux.

Nous devons sans plus attendre nous doter d'outils, de processus, et de moyens adéquats dont je laisse maintenant ma collègue, Mme Nadine Bachand, vous présenter les enjeux prioritaires contenus dans le mémoire que nous vous avons soumis. Merci.

• (14 h 20) •

Mme Bachand (Nadine) : Alors, il me fait plaisir, M. le Président, Mmes et MM. les députés, de vous exposer la vision d'Équiterre pour réduire notre dépendance envers les pesticides de synthèse et notre vision d'une agriculture plus durable et plus résiliente à long terme.

Contrairement à il y a cinq à 10 ans, où la question des pesticides était peu sur la place publique et qu'il nous fallait encore débattre à savoir si les pesticides causaient des risques pour la santé et l'environnement, maintenant, tous s'entendent généralement pour dire qu'il faut agir et que des méthodes et pratiques agricoles permettant de réduire significativement les pesticides de synthèse sont disponibles, efficaces, rentables et compétitives après une période de transition, probablement, comme en témoignent les fermes que vous avez visitées, Mmes et MM. les députés, et qui sont seulement quelques exemples parmi de nombreux autres.

L'heure est venue d'adopter des pratiques agricoles qui, à la fois, vont permettre de réduire l'empreinte de l'agriculture sur l'environnement et la santé humaine, incluant le climat, et d'augmenter la résilience des fermes et de notre agriculture face aux changements climatiques. Pour Équiterre, une agriculture basée sur des pratiques de régénération des sols, donc visant à rebâtir et maintenir la santé des sols, serait l'outil de choix en permettant de capter significativement plus de carbone, donc de passer d'une agriculture émettrice de gaz à effet de serre, actuellement, à une agriculture qui capterait les gaz à effet de serre, et d'améliorer l'empreinte carbone de notre agriculture de même que sa résilience aux impacts du changement climatique. Donc, ce qui est à retenir ici, notre agriculture peut faire partie de la solution climatique, et on doit l'accompagner et l'appuyer pour ce faire.

Et ça permettrait de faire d'une pierre plusieurs coups, parce que qui dit meilleure santé des sols dit aussi réduction de pesticides. La science et l'expérience terrain le montrent, quand on améliore la santé des sols, on améliore la santé des plantes, et celles-ci deviennent beaucoup plus résistantes aux organismes nuisibles. Et qui dit meilleure santé des sols dit aussi de nombreux co-bénéfices à moyen et long termes pour la société, les entreprises, l'environnement et notre santé. Réduction des coûts par la réduction des intrants, meilleure fertilité des sols, et donc meilleure productivité, meilleur stockage en eau, réduction de la contamination des cours d'eau, atteinte des engagements provinciaux et nationaux en matière de réduction des émissions des GES pour ne nommer que ceux-là.

La recherche et les expériences terrain montrent que les services-conseils indépendants influencent positivement l'adoption de pratiques agricoles favorables à l'environnement dont la réduction de pesticide est inclue là-dedans. C'est pourquoi on recommande de s'assurer que le soutien-conseil auprès des producteurs... qu'il soit indépendant des intérêts liés à la vente de pesticides, d'une part, et, d'autre part, que le gouvernement se réinvestisse de manière très importante dans le transfert de connaissance et de soutien-conseil sur le terrain, transfert de connaissance des outils qui existent déjà et qui ne demandent qu'à être mieux diffusés, et qu'il y ait également des investissements en recherche afin de développer de nouveaux outils. Ce soutien-conseil doit s'appuyer sur une science indépendante. C'est pourquoi nous demandons que le gouvernement cesse de financer les recherches qui ne sont pas 100 % indépendantes de l'industrie, et, en contrepartie, que soient soutenues les recherches entièrement indépendantes pour documenter de manière indépendante les risques des pesticides, et continuer de développer des solutions de rechange à ceux-ci.

Le gouvernement doit aussi se doter de systèmes de mesure et de surveillance des pesticides qui soient plus rigoureux et transparents. Aucune étude actuellement n'est menée au Québec afin de déterminer comment l'exposition aux pesticides est impliquée dans la survenue de maladies chez les populations exposées aux pesticides, comme le parkinson, par exemple, qui est reconnu comme maladie professionnelle chez les agriculteurs exposés aux pesticides en France.

Le gouvernement doit s'assurer qu'un registre de pesticides appliqué soit informatisé, géolocalisé, comme c'est le cas, par exemple, en Californie, qu'il soit élargi pour inclure tous les enrobages de semence, parce que ce n'est pas le cas actuellement, et qu'il soit accessible publiquement pour permettre au milieu de la recherche de réaliser des études sur les effets des pesticides sur la santé publique et environnementale.

Pour s'assurer d'atteindre la cible de 25 % de réduction du risque de la stratégie phytosanitaire, le gouvernement doit établir un calendrier, avec des outils, des cibles de réduction chiffrées et un échéancier précis pour éliminer les pesticides plus à risque et prévoir l'ajout d'autres substances, d'autres pesticides à la liste de pesticides les plus dangereux, dont les herbicides à base de glyphosate, par mesure de précaution pour protéger la santé de la population et, en particulier, celle des agriculteurs, qui sont les premiers à potentiellement être exposés, et pallier les failles majeures de l'évaluation des risques au niveau fédéral.

Le gouvernement doit également envoyer un signal clair au milieu à travers les programmes de soutien agricole et d'assurance du risque agricole qui doivent être modifiés de manière à encourager l'adoption de pratiques agricoles favorisant la santé des sols et la réduction des pesticides et éviter que ceux-ci soient utilisés comme une assurance contre les risques en bonifiant, par exemple, la couverture d'assurance des producteurs qui mettent en oeuvre un plan d'action comprenant des pratiques agricoles régénératrices des sols et de réduction des pesticides démontrées et efficaces avec le soutien d'un conseiller indépendant. Alors qu'il y a une surestimation du risque économique associée à ces pratiques, ça lancerait un signal aux assurés en les incitant à adopter des pratiques agricoles de rationalisation des pesticides. De plus, considérant les coûts importants que la gestion des pesticides représente pour l'État ainsi que leurs impacts sur la santé et l'environnement, des mesures d'écofiscalité et d'écoconstitutionnalité des aides doivent être mises en place.

Parallèlement, en n'utilisant aucun pesticide de synthèse, l'agriculture biologique contribue aux objectifs de réduction des pesticides, et de nombreuses recherches ont montré que les rendements de l'agriculture biologique peuvent être aussi bons que ceux de l'agriculture conventionnelle suite à une période de transition.

Nous sommes d'avis que le gouvernement investisse significativement pour soutenir le développement d'une agriculture biologique reposant sur les pratiques régénératrices des sols ainsi que le transfert de connaissances vers l'agriculture conventionnelle. Ces mesures permettraient d'amorcer de manière résolue une transition de notre modèle agricole vers une gestion qui dépend moins des pesticides comme premier outil de choix et qui mise plutôt sur le développement maximal et une meilleure application des connaissances agronomiques visant le recours à des pratiques régénératrices des sols et favorables au développement d'une agriculture plus résiliente.

M. le Président, Mmes et MM. les députés, je vous remercie de votre écoute.

Le Président (M. Lemay) : Merci beaucoup pour votre exposé. Nous allons maintenant débuter la période d'échange avec la partie du gouvernement. M. le député de Lac-Saint-Jean, la parole est à vous.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Merci, M. le Président. Merci de l'exposé. Pourriez-vous me rappeler votre nom?

M. Worms (Ryan) : Ryan Worms.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : M. Ryan...

M. Worms (Ryan) : Worms. W-o-r-m-s.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : O.K. Et c'est madame...

Mme Bachand (Nadine) : Bachand.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Bachand. Bon, merci beaucoup. Alors, écoutez, j'ai bien aimé... vous parlez de santé des sols, parlez de connaissances et de transfert aussi. Donc, la formation, l'innovation, quand même intéressant. Et, au niveau de la connaissance, de la formation, transfert, pouvez-vous un peu... de quelle façon, au niveau de la formation, entre autres, avez-vous une idée de quelle façon on peut procéder ou de quelle manière au niveau des ITA, des universités, tout ça... Est-ce que vous avez quelque chose, là, à mentionner à ce niveau-là?

Mme Bachand (Nadine) : Tout à fait.

Le Président (M. Lemay) : Allez-y, Mme Bachand.

• (14 h 30) •

Mme Bachand (Nadine) : Donc, oui, pour la formation universitaire, je parlais tout récemment avec une jeune agronome qui était, à la base, technicienne en agronomie. Elle me disait que la formation sur les pesticides est obligatoire dans la formation technique, mais qui est... depuis tout, tout récemment, une formation sur les pesticides est obligatoire au niveau de la formation des agronomes à l'Université Laval. On pense que c'est un pas dans la bonne direction. On pense également qu'il faut renforcer cette formation-là pour approfondir les connaissances des futurs agronomes sur les risques des pesticides sur l'environnement et la santé et aussi sur les pratiques alternatives comme la lutte intégrée, par exemple, donc vraiment de les outiller de manière importante aussi sur la question de l'agriculture régénératrice des sols, qu'ils aient vraiment en main un coffre à outils très complet, très approfondi pour faciliter la transition.

Le Président (M. Lemay) : M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Merci, M. le Président. Alors donc, c'est intéressant d'entendre que vous avez eu des discussions et que, maintenant, là, ils ont une formation, au niveau des cours en agronomie, au niveau des pesticides. Je pense que c'est primordial et c'est la prémisse de base.

Et est-ce que vous avez aussi été plus loin au niveau... plus au niveau, là, de la base, au niveau de ceux, justement, qui appliquent et qui doivent travailler avec ces produits-là? Est-ce que vous avez été capables d'aller chercher un petit peu plus d'information, pousser un petit peu plus au niveau des... ils utilisent-u des équipements de protection, tout ça? Est-ce que vous avez élaboré à ce niveau-là, au niveau des utilisateurs?

Le Président (M. Lemay) : Alors, Mme Bachand.

Mme Bachand (Nadine) : Sur les équipements de protection, je ne suis pas la spécialiste des équipements de protection, je vous le dis en passant.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : O.K.

Mme Bachand (Nadine) : Ce n'est pas ma tasse de thé en particulier.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Je comprends.

Mme Bachand (Nadine) : Par contre, ce que j'entends, en parlant avec les milieux, c'est que, oui, il y a de la formation qui est donnée davantage, particulièrement dans les dernières années, pour vraiment renforcer l'importance de bien s'équiper, de bien s'habiller, mais que, bon, par contre, ce n'est pas encore pleinement... ce n'est pas partout dans le milieu où les équipements de protection sont portés, les étiquettes sont bien appliquées, tout ça. Donc, c'est certain que nous, on prône et on continue de prôner vraiment d'aller dans une approche vraiment de prévention du risque pour les agriculteurs, mais aussi pour l'ensemble de l'exposition après l'application de pesticides aussi, une fois que les pesticides se retrouvent dans le milieu, dans les sols, dans les rivières, dans les aliments.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : ...

Le Président (M. Lemay) : M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Ah! excusez-moi. Alors, j'ai vu, dans vos recommandations que vous parlez des services-conseils au niveau... J'aimerais ça peut-être vous entendre un petit peu plus à ce niveau-là. Peut-être aussi me nommer certains... en tout cas, si vous connaissez, vous avez entendu parler de certains services-conseils ou des... J'aimerais ça vous entendre à ce niveau-là un petit peu plus.

Le Président (M. Lemay) : Mme Bachand.

Mme Bachand (Nadine) : Question vaste, mais je vais essayer d'y répondre au mieux...

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Oui.

Mme Bachand (Nadine) : Oui, j'ai des discussions... on a des discussions régulièrement avec des services-conseils, notamment des clubs conseils agroenvironnementaux, entre autres. Puis ce qu'on entend, notamment, c'est qu'il y a plusieurs outils qui existent, mais pour lesquels ils n'ont pas du tout le soutien, le mandat, le... Ils ont l'expertise pour le faire, mais ils n'ont pas le soutien et l'argent pour pouvoir les diffuser. Donc, il y a beaucoup d'outils qui permettraient de réduire les pesticides, mais qui ne sont pas actuellement... pour lesquels ils ne sont pas soutenus pour en faire la diffusion auprès du milieu. Donc, déjà ça, d'investir, même modestement, dans vraiment le transfert de connaissances qui existent déjà, d'outils qui existent déjà, qui sont déjà prêts à être diffusés, ça serait vraiment une option très rentable et efficace.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : ...

Le Président (M. Lemay) : Parfait. Allez-y.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Merci, M. le Président. Peut-être préciser ma question, mais vous savez que tous les entrepreneurs agricoles, toutes les agricultrices, agriculteurs ont accès à ces services-conseils là. Donc, ça, vous êtes au courant de ça, qu'ils ont accès à ces services-conseils là et qu'il y a une multitude de services-conseils à ce niveau-là? Mais peut-être... Est-ce que vous en connaissez? Pouvez-vous m'en cibler, me nommer des services-conseils, entre autres des... oui, particuliers?

Mme Bachand (Nadine) : Je pense, par exemple, aux discussions...

Le Président (M. Lemay) : Mme Bachand.

Mme Bachand (Nadine) : Oui, excusez-moi. J'attends mon tour de parole.

Oui, je pense, par exemple, aux discussions que j'ai eues, cet été, très, très intéressant avec SCV, qui est un service-conseil qui s'est démarré. C'est un ancien agronome d'un club-conseil agroenvironnemental qui a démarré son propre service et qui s'occupe de dizaines de producteurs à travers 10 régions au Québec, dans toutes les productions, et qui met de l'avant des pratiques régénératrices des sols, des bonnes pratiques agricoles et qui voit des baisses importantes de pesticides chez ces agriculteurs. Puis une discussion, entre autres, très intéressante que j'ai eue avec lui, c'est qu'il me disait : Les agriculteurs ne connaissent pas leurs coûts de production. Ils vont beaucoup prendre leurs décisions, par exemple, sur le prix des grains sur le marché. Ça va avoir une influence à peut-être tendre lorsque...

D'ailleurs, ça a été dénoté dans la littérature économique, lorsque le prix des grains augmente, l'indice de pression à l'hectare, donc l'utilisation de pesticides à l'hectare, augmente. Ça suit vraiment la courbe de prix des grains. Donc, on peut voir un petit peu la tendance à utiliser davantage de pesticides pour protéger une marge bénéficiaire qui est certainement petite.

Donc, lui disait : Si on allait plutôt dans la logique que les agriculteurs évaluent leurs coûts de production, on est capables de voir qu'en les soutenant dans une période de transition, vraiment, ils sont capables d'avoir des gains, des gains mêmes économiques, parce que ça coûte quand même un coût, les intrants, ils sont capables d'augmenter leur productivité avec des sols plus fertiles. Donc, c'est un exemple très intéressant. Il y en aurait d'autres.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Mais vous êtes conscients...

Le Président (M. Lemay) : M. le député, allez-y.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Ah! excusez, M. le Président, je vais prendre le... Je suis désolé de vous couper la parole. Mais vous avez que les... quand même qu'au niveau des producteurs c'est des preneurs de prix, hein, donc qui sont aux prises avec les prix qui sont offerts sur le marché. Donc, ça, c'est... Et, moi, là... vous aviez une recommandation, vous parlez de réduction chiffrée et d'un échéancier pour l'élimination, mais d'un échéancier... Avez-vous une période de temps? Un délai? Un nombre d'années? On fait-u ça demain matin?

Mme Bachand (Nadine) : ...

Le Président (M. Lemay) : Mme Bachand.

Mme Bachand (Nadine) : Pardon. Mon Dieu! Je m'excuse. On est enjoués de discuter.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Non, ça va bien, ça va bien.

Mme Bachand (Nadine) : La Stratégie phytosanitaire a elle-même une date butoir, vise elle-même à réduire de 25 % les risques pour la santé et l'environnement avant 2021, mais, d'ici là, il n'y a pas de jalon chiffré pour se rendre là. Il n'y a pas de cible progressive et d'échéancier pour se rendre là. On a cette cible-là. On en a eu depuis 1992. On sait qu'on les a ratées, c'est ce que le Vérificateur général nous a confirmé en 2017. Donc, ce qu'on propose, c'est qu'il y ait vraiment des jalons temporels pour se rendre à notre objectif avec des moyens assortis. C'est ça, l'idée.

Le Président (M. Lemay) : M. le député.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Bien, je vous remercie beaucoup. Moi, M. le Président, je pense que je vais laisser la parole à mes collègues.

Le Président (M. Lemay) : Excellent. Donc, à cette étape-ci, Mme la députée d'Abitibi-Ouest, pour votre question.

Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Merci, M. le Président. Merci pour votre belle présentation. Alors, j'aimerais... Pouvez-vous préciser davantage sur le rôle du fédéral et les changements souhaités? Ils sont d'une grande responsabilité dans les dossiers d'homologation. Que devrons-nous dire aux agriculteurs et aux parties prenantes qui souhaitent que nous conservions la recherche appliquée justement pour assurer le transfert des connaissances? Au Québec, nous avons environ 30 partenaires qui travaillent à plus de 125 initiatives de transition en agriculture durable. Cette initiative est appuyée par les agriculteurs et elle est complémentaire à la recherche fondamentale. Pourquoi les opposer?

Le Président (M. Lemay) : Mme Bachand.

Mme Bachand (Nadine) : ...pourquoi les?

Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Pourquoi les opposer?

Mme Bachand (Nadine) : Les opposer?

Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Oui.

Mme Bachand (Nadine) : Vous voulez dire les opposer à...

Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Les opposer. Pourquoi les opposer au niveau de cette façon de faire?

Mme Bachand (Nadine) : O.K. Je vais commencer par répondre à la première question, sur la question des failles dans le processus d'évaluation fédérale. Au niveau du fédéral, on sait, vous avez vu aussi dans la présentation qui a été faite au mois de mai, le gouvernement fédéral prend majoritairement les études des promoteurs, des industries qui proposent les pesticides. Et, pour nous, c'est un problème important. On a vu, par exemple, pour ne donner que cet exemple-là, dans le dossier de la réhomologation du glyphosate pour 15 ans encore, là, qui a été réhomologué en 2017, que la réhomologation s'est faite sur la base d'une littérature scientifique à 80 %, fournie par l'industrie, une littérature scientifique qui datait de plusieurs années. Et on sait que la littérature scientifique, au cours des toutes récentes années, a vraiment foisonné sur les risques potentiels, là, du glyphosate pour la santé et que la majorité de la littérature indépendante qu'on consulte met en lumière un risque potentiel du glyphosate pour le cancer, alors que la littérature scientifique, les données de l'industrie sur laquelle s'est fondé majoritairement l'ARLA pour faire la réhomologation, conclut plutôt... minimise plutôt les risques de cancer. Ça, c'est un exemple.

Il a été mis de côté, par exemple, aussi tout l'impact de ce pesticide-là sur le microbiote, donc tous les microorganismes digestifs, dans le système digestif de l'humain et dans les sols également, alors qu'on connaît le glyphosate pour être homologué comme un antibiotique. Donc, ça, ça a été écarté également. Ça, c'est des exemples. Donc, ça, c'est des failles très, très importantes.

Également, il n'y a pas d'études qui sont faites pour voir quels sont les impacts des synergies qui pourraient avoir lieu. Donc, on exposé au quotidien à on ne sait pas combien, mais certainement plusieurs, plusieurs produits chimiques simultanément, plusieurs pesticides simultanément, probablement, dans la même journée, et ceci n'est pas pris en compte, entre autres quand on établit les doses journalières acceptables. Donc, il y a plusieurs, plusieurs failles, là, qui sont mises en lumière, là. Je ne sais pas si ça répond bien à votre question, Mme la députée.

Le Président (M. Lemay) : Mme la députée.

Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Qu'est-ce qu'une dose journalière acceptable?

Mme Bachand (Nadine) : C'est la dose qui est déterminée pour être présumément sans impact sur la santé lorsqu'on le consomme d'une manière quotidienne.

Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Merci beaucoup.

Le Président (M. Lemay) : Mme la députée.

Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Merci beaucoup. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Lemay) : Parfait. À ce stade-ci, je vais céder la parole au... M. le député de Maskinongé, allez-y.

• (14 h 40) •

M. Allaire : Merci, M. le Président. C'est un plaisir de vous rencontrer. Merci pour votre mémoire, c'était très intéressant.

Naturellement, on est au Québec, ici. Quand on met en place une commission comme celle-ci, on espère que les observations qu'on va faire vont nous amener à un autre niveau, mais on espère surtout qu'ils vont nous faire adopter les meilleures pratiques sur le marché.

J'imagine que, dans votre mémoire, vous avez pris le temps peut-être d'explorer ce qui se faisait ailleurs dans le monde. Si on aurait à se coller sur un autre pays parce qu'ils ont les meilleures pratiques et que, nous, ça nous permettrait un peu de s'améliorer, en fait, naturellement, ça serait quel pays puis pourquoi?

Le Président (M. Lemay) : Mme Bachand.

Mme Bachand (Nadine) : Je peux donner une réponse peut-être à plusieurs niveaux. Si on regarde juste par la lorgnette des pesticides, il y a plusieurs pays européens qui ont pris action rapidement. Donc, par exemple, la famille des pesticides... la famille des néonicotinoïdes, l'Europe les a interdits depuis décembre dernier, la France depuis un an. La majorité des usages en agriculture, là, pas tous, tous les usages, mais la majorité, l'atrazine, par exemple, est interdite en Europe depuis 15 ans. Donc, il y a davantage une mentalité, je dirais, des processus qui sont un peu plus de tendance du principe de précaution du côté européen.

L'Autriche, l'Allemagne sont en mouvement aussi, ont déclaré l'interdiction du glyphosate dans les prochains mois. La France est en mouvement vers ça. Bon, il y a des pays comme le Vietnam qui les ont déjà interdits.

Du côté des pesticides, les pays, en fait, d'Europe, notamment, bien, principalement, vont aller davantage rapidement pour interdire les pesticides jugés à plus haut risque. Ça, c'est une approche qu'on trouve, bien sûr, intéressante.

Puis, du côté des pratiques agricoles elles-mêmes, là, on pourrait en parler très longtemps, mais il y a aussi des initiatives très intéressantes qui se font du côté des pays européens. Du côté, par exemple, des pratiques agricoles bios mais aussi, de manière générale, du côté des bonnes pratiques agroenvironnementales, il y a du soutien, en fait, très intéressant qui se donne. Notamment, l'Autriche est championne, là, du côté du soutien à l'agriculture bio. Leurs superficies sont à 24 % actuellement. C'est une entreprise sur cinq qui est certifiée biologique. La Suède est à 18 %, alors que la moyenne européenne est à 7 %. C'est déjà plus élevé qu'ici. Ici, on est à 3 % des superficies. Le Danemark aussi a doublé son objectif, est rendu à 9 %.

Donc, il y a place ici beaucoup, beaucoup, beaucoup avec la demande des consommateurs aussi à augmenter cette offre-là. Peut-être que mon collègue voudrait compléter du côté de la demande.

Le Président (M. Lemay) : Merci. Est-ce que, M. Worms, vous voulez rajouter quelque chose?

M. Worms (Ryan) : ...peut-être, également, je pense qu'on a parlé de la Californie sur le suivi et l'indépendance. Ça serait un exemple à suivre. Mais, quand vous posiez, Mme la députée, la question sur la problématique avec le fédéral, je pense... ce que je voudrais souligner, c'est le principe de précaution. À partir du moment où nous avons des doutes sur le processus au niveau fédéral pour homologuer ou réhomologuer les pesticides, nous croyons que le gouvernement du Québec a le devoir de mettre en place toutes les mesures pour protéger les producteurs, bien sûr, en premier, tout en garantissant la performance de notre agriculture, mais aussi la santé de la population.

Et, si je peux me permettre juste une petite parenthèse plus personnelle, ma jeune nièce Ilona de 11 ans est atteinte d'autisme, d'un autisme d'une forme assez grave. Et ce que je peux aujourd'hui vous dire que cette maladie...

Le Président (M. Lemay) : ...interrompre un instant, M. Worms, je sais...

M. Worms (Ryan) : Pardon.

Le Président (M. Lemay) : C'est très intéressant pour votre nièce, mais, par contre, nous tombons sur le temps de l'opposition officielle.

M. Worms (Ryan) : Excusez-moi.

Le Président (M. Lemay) : Mme la députée de Maurice-Richard, la parole est à vous. Je suis sincèrement désolé, M. Worms.

Mme Montpetit : Je vous remercie, M. le Président, mais continuez sur ce que vous disiez.

Le Président (M. Lemay) : Continuez, M. Worms.

M. Worms (Ryan) : Ce que je vous disais, je ne peux absolument pas certifier aujourd'hui de lien entre la maladie qui afflige ou le syndrome qui qui afflige ma nièce et l'utilisation des pesticides, du glyphosate en particulier, mais, par contre, j'aimerais avoir ces réponses. J'aimerais vraiment qu'une science indépendante appuyée par le gouvernement puisse venir fournir ces réponses à moi, et aux parents, et aux dizaines de milliers de parents qui vivent ces situations-là.

Donc, quand on parle de principe de précaution, quand on parle de faille au niveau fédéral, c'est aussi en pensant à toutes les personnes qui sont affligées et les producteurs en premier. On le sait aujourd'hui, on l'a entendu, le lien avec la maladie du Parkinson. Il y a un certain doute sur l'utilisation d'un nombre de pesticides avec les liens avec certaines maladies. Faisons les études qu'il faut pour avoir les réponses.

Le Président (M. Lemay) : Merci, M. Worms. Mme la députée de Maurice-Richard.

Mme Montpetit : Je vous remercie, puis merci de nous livrer ce témoignage, parce que c'est certainement au cours des réflexions qu'on doit faire, puis un autre groupe qu'on reçoit cet après-midi, la Fondation David-Suzuki, a, entre autres, souligné ces questions-là la semaine dernière, entre autres sur les liens avec le parkinson qui est relativement bien démontré dans la littérature scientifique, mais avec l'autisme aussi, qui n'est pas clairement démontré encore, mais sur lequel on doit certainement se questionner tous ici.

J'ai plusieurs questions à la lecture de votre mémoire, mais avec ce que vous nous apportez aussi, une première qui est... Je ne voudrais pas mal vous citer, mais vous parlez bien de réduction des pesticides et non d'abolition des pesticides. Est-ce à comprendre que vous ne suggérez pas d'abolir et d'interdire totalement l'utilisation des pesticides en terre agricole au Québec?

Le Président (M. Lemay) : Mme Bachand.

Mme Bachand (Nadine) : Oui, tout à fait. Je suis contente que vous posiez la question, ça va permettre de faire une clarification importante, là. Non, on ne demande pas, on n'a jamais demandé l'interdiction totale de tous les pesticides. On a demandé, et on continue de le faire, de demander par contre du moins la réduction drastique ou l'interdiction des pesticides les plus à risque, vraiment ceux pour lesquels, dans la littérature scientifique, les doutes sont fort importants, et, de manière générale, une réduction significative, parce que, plus largement que le débat sur telle maladie ou tel pesticide, il faut reculer d'un pas. Puis, vraiment, il y a suffisamment de drapeaux rouges dans la littérature scientifique et au fil de l'histoire aussi.

On a vu avec le DDT, dans les années 40, 50, où on s'est rendu compte finalement que c'était trop toxique. On l'a interdit. Ça a été remplacé par une autre famille de produits chimiques, les organophosphorés, entre autres le chlorpyriphos qu'on utilise encore. On s'est rendu compte que c'était trop... qu'il y avait des impacts importants au niveau neurotoxique pour le développement du cerveau des enfants. On en a interdit les usages en milieu résidentiel au début des années 2000. On commence à aller vers ça en agriculture. On les remplace par une autre famille de pesticides, etc.

Donc la roue tourne comme ça, on remplace des produits chimiques par d'autres, et finalement, le temps que les études se fassent, on se rend compte que peut-être qu'ils n'étaient pas si bénins que ça, ces produits-là. Donc, il faut sortir de cette... de l'ornière, je dirais, dans laquelle on... la dépendance envers les pesticides pour vraiment aller... par ailleurs, et c'est ce qu'on dit, avec les programmes de soutien à l'agriculture, insuffler vraiment de nouvelles... une nouvelle pratique et faire cette transition-là vers une moins grande dépendance envers les pesticides.

Le Président (M. Lemay) : Mme la députée.

Mme Montpetit : J'aimerais vous entendre aussi plus précisément... quand vous parlez de réduction drastique des pesticides à haut risque, j'aimerais vous entendre plus précisément sur le glyphosate, dont on a entendu beaucoup parler au cours des dernières semaines aussi.

Vous l'avez mentionné, là, au cours des dernières années, la nouvelle réglementation vient vraiment encadrer l'utilisation de cinq pesticides, dont le néonics, dont l'atrazine, vient l'interdire, à moins qu'il y ait une prescription par un agronome. Ce n'est pas le cas pour le glyphosate. On a reçu l'ARLA, l'agence d'évaluation à ce niveau-là, qui ne partageait pas nécessairement la même position que celle de l'Europe.

J'aimerais vous entendre. Est-ce que vous considérez, vous, que le glyphosate fait partie de ce que vous qualifiez de pesticides à haut risque? Et est-ce que ça devrait être un pesticide qui devrait être encadré davantage, sinon interdit?

Le Président (M. Lemay) : Alors, Mme Bachand.

• (14 h 50) •

Mme Bachand (Nadine) : Merci. Oui, on pense qu'il devrait être encadré davantage. En ce moment, il ne fait pas partie, et c'est un des absents, là, de... effectivement des pesticides restreints. Actuellement dans l'évaluation du risque... l'indice de risque qu'on lui a attribué au Québec, on a des beaux indicateurs de risque développés au Québec qui sont très innovateurs, par contre, cet indice-là, actuellement, ne tient pas compte de la littérature récente.

Notamment, par exemple, la semaine passée, je voyais un tout récent article scientifique qui est paru en mai 2019 des chercheurs de l'INSERM, qui est une institution française très reconnue, elle a reçu notamment deux prix Nobel en médecine, qui montrait des effets majeurs de perturbation endocrinienne chez des rats exposés in utero à faible dose, à faible dose, en dessous des doses permises, là, les limites permises. Donc, altération de la morphologie des testicules, diminution de la testostérone, baisse radicale du nombre de spermatozoïdes, donc. Et le glyphosate est, entre autres, fortement soupçonné d'être un perturbateur endocrinien, qu'on dit, donc un perturbateur du système hormonal, qui n'agissent pas selon un modèle classique d'augmentation des effets avec l'augmentation de la dose, on appelle ça l'effet dose-réponse, et n'agissent pas de cette façon-là. Ils peuvent avoir des effets importants à très, très, très faibles doses. Donc, c'est très difficile d'établir des seuils qui sont sans danger, donc. Et, parallèlement à ça, une autre méta-analyse qui était sortie en février qui montrait que les personnes les plus exposées, donc les travailleurs agricoles, aux herbicides à base de glyphosate avaient 41 % plus de risque de développer un cancer de type lymphome non hodgkinien, pour ne nommer que ceux-là. Donc, on ne veut pas crier au loup, là, mais il y a la littérature scientifique qui, sans parler de causalité absolument démontrée, parce que c'est très difficile à faire, du côté épidémiologique, de démontrer une causalité, mais il y a un poids de preuves qui s'accumulent et qui s'accumulent. Je vous ai expliqué tout à l'heure comment il avait été évalué au fédéral.

Donc, nous, on pense que... et, en ce moment, même si, ce que je disais tout à l'heure, au Québec, les indices de risque, ils l'ont classé... il est classé très faible, actuellement, malgré que son indice de risque ne tient pas compte de la littérature scientifique récente, il est classé dans les 10 pesticides... au palmarès des 10 pesticides les plus importants au niveau des risques pour la santé et l'environnement au Québec parce qu'il est très utilisé, c'est le plus utilisé au Québec, au monde.

Donc, sachant ça, je pense qu'il faut se diriger vers une réduction progressive, c'est ce qu'on a demandé dans notre mémoire, et en commençant par les usages qui ne sont pas essentiels. Comme, par exemple, il est utilisé pour dessécher des récoltes, dessécher les cultures avant les récoltes, même pas pour ses effets herbicides en tant que tels. Donc, il y a des usages qui, dès le début d'un plan d'action pour, à terme, en éliminer l'usage, pourraient être faits très rapidement.

Le Président (M. Lemay) : Mme la députée.

Mme Montpetit : Je vous remercie. Ça répond très clairement à ma question. Vous avez écrit... dans votre mémoire, vous avez cité à deux reprises que, bon, qu'en 2003 le Québec est devenu un leader en réglementation des pesticides quand il y a eu une vingtaine, si je ne me trompe pas, d'ingrédients actifs qui avaient été interdits en zone urbaine. Et vous réitérez en disant qu'en novembre 2015, avec la Stratégie québécoise sur les pesticides, c'était la stratégie la plus ambitieuse en matière de pesticide en Amérique du Nord.

Qu'est-ce qui, selon vous, à ce stade-ci aujourd'hui, a fait qu'on pourrait aller plus loin précisément ou qu'est-ce qui fait qu'au niveau de cette réglementation-là... Est-ce qu'il y a des failles? Est-ce que c'est parce qu'elle n'est pas appliquée? Est-ce parce qu'il y a un encadrement qui devrait être plus restreint, dans le fond? Parce que c'était la stratégie 2015-2018, donc on arrive à un moment où justement il peut y avoir une prochaine étape.

Mme Bachand (Nadine) : Oui, tout à fait. Cette réglementation-là, nous, on aurait demandé d'abord et avant tout un plan pour éliminer les matières les plus dangereuses, les plus à risque. Bon, en ce moment, elles sont permises, mais sous prescription d'un agronome. On peut voir quand même qu'il y a eu des baisses qui ont été annoncées, là, par le ministère de l'Environnement quand vous les avez entendus au mois de mai.

Ceci dit, je pense qu'il faut se doter d'un plan pour vraiment viser une réduction plus costaude que ça, parce que ce qui arrive en ce moment, c'est qu'on voit des produits de remplacement prendre la place. Entre autres, du côté des néonicotinoïdes, on voit que les concentrations des produits de remplacement, par exemple, le chlorantraniliprole, le cyantraniliprole, d'autres insecticides, là, qui sont utilisés à la place des néonics, augmentent dans les rivières et, bien qu'ils n'aient pas l'impact de très haute toxicité sur les abeilles, pour ne parler que de ces deux-là, ils sont extrêmement ou très toxiques pour la faune aquatique. Donc, est-ce qu'on n'est pas en train de déplacer le problème? C'est pour ça que nous, on parle d'avoir une vision globale et de vraiment y aller de manière systémique en envoyant un signal clair aux producteurs par les programmes de soutien, par les programmes d'assurance du risque pour vraiment qu'il y ait une démarche globale qui soit faite vers se passer... aller vers la prévention, donc, au lieu d'aller chercher le médicament, plutôt agir en prévention des problèmes, des problématiques qu'on rencontre dans les...

Le Président (M. Lemay) : Mme la députée, environ une minute.

Mme Montpetit : Il ne me reste pas beaucoup de temps, il me restait deux questions, mais je vais en revenir à l'ARLA, qui, quand on les a rencontrés, nous disait deux choses quand même assez... en tout cas, qui, si vous avez suivi, étaient assez questionnables, justement le fait qu'ils ne se basaient pas sur le paradigme du principe de précaution pour prendre leurs décisions, mais aussi sur le fait qu'ils ne mesuraient pas l'effet cumulatif des pesticides. J'aimerais peut-être vous entendre sur cette dernière partie, comme on n'a pas beaucoup de temps.

Le Président (M. Lemay) : Mme Bachand.

Mme Bachand (Nadine) : Oui. Donc... et tout à fait. Donc, le principe de précaution est en fait enchâssé dans la loi canadienne sur les produits antiparasitaires, mais on voit que, dans l'application, ça ne percole pas. Donc, c'est une des raisons pour lesquelles on dit aussi que le Québec fait bien actuellement d'aller vraiment vers... avec la tenue de cette commission-ci, notamment, d'aller vraiment vers une restriction plus grande, là, et le Québec a la compétence pour le faire. Donc, c'est vraiment très important qu'on aille au-delà de ce que le fédéral fait.

Le Président (M. Lemay) : Merci beaucoup. Sur ce, je cède la parole à la députée de Rouyn-Noranda—Témiscamingue.

Mme Lessard-Therrien : Merci, M. le Président. À la... Bien, à vous entendre, je pense qu'on comprend très bien beaucoup d'arguments en faveur de la réduction des pesticides, notamment pour la santé et pour l'environnement. Mon collègue ici a soulevé par contre à quel point les producteurs sont dépendants des prix et comment l'utilisation des pesticides, vous l'avez abordé dans votre mémoire, mais est utilisée comme un outil de gestion du risque, donc pour s'assurer, là, de, justement, obtenir les marges qu'on souhaite avoir. Avez-vous des arguments peut-être plus économiques pour les gens qui seraient plus sceptiques de réduire l'utilisation des pesticides, sur leur rentabilité, par exemple?

Le Président (M. Lemay) : Mme Bachand.

Mme Bachand (Nadine) : En fait, pour parler avec plusieurs agriculteurs qui font autrement sur le terrain, pour parler avec plusieurs agronomes aussi qui soutiennent ces producteurs-là, ce qu'on entend, c'est que c'est rentable, en fait, d'employer d'autres pratiques qui permettent de prévenir les pesticides. Donc, on veut avoir une agriculture qui permet d'agir en mode préventif que curatif. Et ça devient rentable parce qu'on enrichit les sols. Comme je le disais d'entrée de jeu, qui dit sols en santé dit moins d'intrants, moins de pesticides, dit plus grande fertilité, plus grande résilience aussi aux variations du climat. En ce moment, le climat, on est dans une position de vulnérabilité, et ça va aller en croissant, on ne se le cachera pas.

Donc, avec vraiment une agriculture basée vraiment sur la santé des sols, c'est vraiment la base. Parlez aux agriculteurs qui ont des pratiques alternatives, ils vont vous le dire vraiment, la santé du sol, c'est primordial parce que c'est ce qui permet, après ça, d'être plus résilient face aux mauvaises herbes, face aux insectes. D'avoir cette diversité-là permet vraiment... une diversité dans l'agroécosystème permet vraiment d'être plus résilient.

Notre modèle agricole, actuellement, est basé sur la monoculture intensive, et donc qui est très demanderesse en pesticides, en fertilisants, qui ont aussi des impacts importants, bon, sur les cours d'eau, en termes de pression de gaz à effet de serre, là. L'oxyde nitreux qui est émis est 300 fois plus puissant en termes d'effet de serre que le monoxyde ou le bioxyde de carbone. Donc... j'ai perdu mon fil... Donc, oui, c'est très, très, très important, là, de... Et c'est ce qu'on entend sur le terrain, c'est que c'est possible de faire autrement.

Oui, mon idée revient. Donc, notre modèle agricole est fondé en ce moment sur, je disais, la culture intensive. Et, pour l'exportation, donc, elle va principalement à nourrir les porcs, qui sont à 70 % exportés. Donc, je pense qu'il faut se tourner vers une agriculture locale...

Le Président (M. Lemay) : Mme Bachand, je dois vous interrompre, le temps étant écoulé avec la deuxième opposition. Le temps, maintenant, est rendu au député de Bonaventure.

M. Roy : Merci, M. le Président. On va aller directement à la question ou aux questions. Bon, dans votre mémoire, là, vous soulignez, bon, les différentes initiatives du gouvernement du Québec. Vous parlez, entre autres, en 1992, de la Stratégie phytosanitaire, qui visait à réduire de 50 % l'usage des pesticides avant l'an 2000. On parle de la Stratégie québécoise des pesticides en 2015-2018. Mais pourquoi ça n'a pas fonctionné? Pourquoi on a une augmentation quand même importante de l'utilisation des pesticides au Québec dans un contexte où on a voulu se doter de politiques ou de toutes sortes de plans? Voilà la question.

Le Président (M. Lemay) : M. Worms.

M. Worms (Ryan) : Écoutez, vous verrez les recommandations, M. le député, que nous avons mises dans notre rapport. Je crois qu'il faut avoir un réinvestissement du gouvernement, un réinvestissement de l'État dans l'accompagnement de ces transitions. C'est peut-être là où il y a eu un manque. Entre autres, hein, dans les dernières années, on le voit, la capacité des ministères concernés, notamment aux ressources humaines, pour accompagner le monde agricole et aussi le type d'accompagnement au niveau financier n'a peut-être pas été suffisante.

Et, pour prendre un autre aspect par rapport à cette question, le développement aussi des filières locales. Je vous parlais que ce mois-ci, c'est le Mois de l'alimentation locale. Comment est-ce que le gouvernement, les ministères concernés pourraient appuyer nos producteurs à travers, notamment, l'appui des institutions, hôpitaux, écoles, universités, et autres, à aller acheter, s'approvisionner de manière locale? Donc, ça, c'est peut-être des pistes qui n'ont pas été suffisamment explorées. Et, comme on le dit, un réinvestissement massif du gouvernement, que ce soit dans le service-conseil indépendant, que ce soit dans la recherche indépendante, bien, c'est nécessaire pour pouvoir atteindre les cibles qui ont été fixées.

• (15 heures) •

Le Président (M. Lemay) : M. le député.

M. Roy : À la page 10, vous dites qu'il y a des provinces qui nous ont dépassés par rapport au plan de 2003. Quelles provinces?

Le Président (M. Lemay) : Mme Bachand.

Mme Bachand (Nadine) : Par rapport au plan de 2003?

M. Roy : Oui.

Mme Bachand (Nadine) : On parle ici du Code de gestion des pesticides. En fait, oui, le Code de gestion des pesticides s'adresse au milieu urbain, et d'ailleurs, s'il y a un lieu où on parle de pesticides ici à des fins moins essentielles, peut-on dire, à des fins souvent esthétiques... Donc, le Québec a été vraiment un pionnier en adoptant le code de gestion. Ça a insufflé un mouvement dans les autres provinces. Il y a l'Ontario qui a adopté une réglementation qui va encore plus loin en interdisant à toutes fins pratiques tous les pesticides de synthèse à des fins esthétiques en milieu urbain. Il y a d'autres provinces, comme la Nouvelle-Écosse, aussi qui ont été plus loin.

Le Président (M. Lemay) : Merci beaucoup, Mme Bachand. Ceci complète cette période. M. Worms, merci beaucoup. Je vous remercie pour votre contribution.

Je vais suspendre les travaux quelques instants pour permettre aux représentants de la Fondation David-Suzuki de prendre place.

(Suspension de la séance à 15 h 01)

(Reprise à 15 h 03)

Le Président (M. Lemay) : Alors, nous reprenons nos travaux. Je souhaite maintenant la bienvenue aux représentants de la Fondation David-Suzuki. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter ainsi que la personne qui vous accompagne, et la parole est à vous.

Fondation David-Suzuki

Mme Hénault-Ethier (Louise) : Bonjour, M. le Président, Mmes, MM. les députés, c'est vraiment un honneur d'être reçues ici aujourd'hui pour être entendues.

J'ai commencé mon doctorat en sciences de l'environnement il y a déjà 10 ans. Je travaillais sur le lessivage des pesticides dans les champs de maïs et de soya génétiquement modifié. Donc, j'étais amenée à aller échantillonner directement dans les champs avec... courir après l'eau de pluie pour aller chercher des carottes de sols, et il m'est arrivé un jour de pénétrer dans un champ pour aller préparer le terrain avant la vaporisation aux herbicides à base de glyphosate, et, quand je suis rentrée le soir, j'ai appelé l'agriculteur pour lui dire que tout était en place pour l'arrosage du lendemain. Malheureusement, l'agriculteur m'a dit que, contrairement au plan, son sous-contractant était passé le matin même, avant que j'arrive dans le champ, pour vaporiser le champ. Je suis donc pénétrée. Il n'y avait pas de pancarte qui m'indiquait que le champ venait d'être traité. Je n'avais aucun équipement de protection personnelle. Quelques semaines plus tard, j'ai rencontré mon médecin, le coeur du foetus que j'avais dans le ventre avait cessé de battre.

Il y a des études scientifiques qui démontrent que l'exposition au glyphosate peut causer des fausses couches. C'est une anecdote. Je n'ai pas de preuve de lien de causalité. Je suis scientifique. Je suis biologiste. Si le bébé ne s'est pas accroché, c'était probablement mieux ainsi. Mais il persiste un doute dans ma tête. Je vais toujours avoir ce doute-là. Est-ce que mon exposition involontaire, accidentelle au glyphosate aurait pu causer cette perte-là? Je ne le saurai jamais. Mais ce qui m'inquiète encore plus, ce n'est pas la question par rapport à moi-même, c'est la question par rapport à notre société. Combien de nos concitoyens sont exposés au quotidien à des pesticides à leur insu, que ce soit dans leurs aliments, dans leurs eaux ou encore dans leurs milieux de vie? Et c'est ce qui me motive à travailler, encore aujourd'hui, sur les pesticides.

J'ai donc fait mon examen synthèse en science de l'environnement, mon examen de doctorat, sur les processus d'évaluation de la toxicologie des pesticides. J'ai participé à de nombreuses revues de littérature scientifique. Je communique régulièrement dans les médias pour vulgariser cette question complexe là auprès des décideurs et je fais maintenant partie du comité de suivi de la justification et de la prescription des pesticides qui a été mis sur pied après la récente refonte réglementaire.

Mme Le Berre (Mélanie) : Alors, bonjour. Je suis Mélanie Le Berre, analyste de politique climatique à la Fondation David-Suzuki. J'ai une maîtrise en environnement et développement durable de l'Université de Montréal, et mon mémoire de maîtrise portait sur les systèmes alimentaires durables nécessaires vis-à-vis de la transition socioécologique dans laquelle nous devons s'engager pour faire face aux changements climatiques et au déclin de la biodiversité. Depuis, je me suis spécialisée dans l'analyse des politiques publiques face aux changements climatiques, dont l'agriculture fait partie, comme l'ont expliqué nos collègues d'Équiterre.

Rapidement, la Fondation David-Suzuki, depuis 1990, a pour mission de protéger les générations actuelles et futures à travers la science. Et, plus particulièrement concernant les pesticides, nous faisons de la vulgarisation auprès des décideurs et du grand public sur les travaux scientifiques les plus à jour qui documentent les conséquences des pesticides sur la santé humaine et l'environnement. Entre autres, nous avons aidé à faire connaître le déclin des populations d'insectes, des pollinisateurs en particulier, et les enjeux liés aux néonicotinoïdes.

Dans le cadre de cette commission parlementaire cruciale, tout d'abord, nous voulons mettre de l'avant que Québec a le pouvoir de mieux encadrer, restreindre et interdire la vente des pesticides homologués par l'ARLA de Santé Canada, et c'est tant mieux car plusieurs failles ont été démontrées dans les processus d'homologation des pesticides, comme les conflits d'intérêts des études financées par les industries qui, elles, profitent de la mise en marché de ces pesticides. Les municipalités, elles aussi, peuvent adopter des règlements encore plus contraignants. À ce jour, 144 municipalités ont déjà adopté des règlements pour restreindre l'usage des pesticides sur leur territoire. Dans ce contexte, Québec pourrait donc interdire la vente de pesticides sur le territoire de celles-ci.

Par ailleurs, il faut savoir que le bilan des ventes et le suivi des pesticides dans les cours d'eau du gouvernement du Québec sont vus comme des modèles à l'échelle canadienne. Malheureusement, leurs constats sont inquiétants. On y observe une maigre diminution des risques pour la santé humaine de 3 % entre 2006 et 2017 avec un objectif de moins 25 % d'ici 2031 tel que nous venons de le mentionner avec Équiterre.

Deuxièmement, on constate une hausse de plusieurs ingrédients actifs dans les rivières en milieux agricoles avec plusieurs dépassements des critères destinés à protéger la vie aquatique. Et une des conséquences visibles de ceci, c'est la perte des moucherons et des éphémères dans nos ruisseaux, qui ne vous émeut peut-être pas aujourd'hui, mais plusieurs ont pourtant pleuré la perte des 3 milliards d'oiseaux en Amérique du Nord depuis 1970 annoncée la semaine dernière.

La récente refonte réglementaire néglige certains aspects prévus dans la Stratégie québécoise sur les pesticides, entre autres le fait de favoriser économiquement l'utilisation de pesticides les moins à risque par l'introduction d'incitatifs économiques. Ainsi, malgré sa position avant-gardiste, Québec a échoué dans l'atteinte de ses objectifs. Bref, la longue tradition québécoise de sensibilisation ne suffit pas à atteindre des résultats. Cependant, les justifications et les prescriptions agronomiques, malgré leurs imperfections, montrent déjà des résultats tangibles avec, par exemple, la baisse de 40 % dans l'usage de l'atrazine en 2017.

• (15 h 10) •

Mme Hénault-Ethier (Louise) : Les impacts de santé des pesticides sont nombreux. Le Collège ontarien des médecins de famille avait fait une méta-analyse portant sur 142 études en Ontario, et leur conclusion était formelle : les pesticides nuisent à la santé reproductive, pourtant l'humanité vit une baisse de sa fertilité. Les pesticides nuisent au neurodéveloppement, les scientifiques indiquent aussi que l'humanité est en proie avec une épidémie mondiale de troubles neurodéveloppementaux. En France, même constat, on reconnaît maintenant le lymphome non hodgkinien et la maladie de Parkinson comme maladies professionnelles.

Vous entendrez nos collègues de Parkinson Québec venir témoigner cette semaine. Ce qu'il s'est passé dans le cas du Parkinson, c'est que ça a pris trois décennies à transformer des corrélations scientifiques en liens de cause à effet avec une certitude. Maintenant, il faut agir à ce niveau-là.

Comme on le mentionnait tout à l'heure, au niveau de l'autisme, on n'a pas encore la causalité avec certitude, mais on a les mêmes drapeaux rouges, les corrélations qu'il y avait déjà une trentaine d'années au niveau du parkinson. Est-ce qu'on va attendre encore 30 ou 40 ans avant d'agir ou si Québec va exiger des études avancées de neurotoxicité développementale dans l'évaluation de ces pesticides-là? L'ARLA ne l'exige pas, c'est peut-être à Québec d'y pallier.

Les pesticides persistent très longtemps dans l'environnement. Ils sont donc toxiques plusieurs années après qu'on les ait retirés du marché. Et on est exposé à un cocktail de pesticides au quotidien. Ça peut être jusqu'à huit herbicides en même temps dans nos rivières, selon le ministère de l'Environnement, plus de cinq pesticides en même temps selon les récents chiffres du MAPAQ sur les pesticides dans nos aliments. Pourtant, plusieurs articles scientifiques disent qu'il y a des effets de synergie dans certains cas. C'est-à-dire que deux pesticides ensemble sont plus toxiques que la somme de leur toxicité individuelle. Il faut donc agir, parce que l'ARLA ne les évalue qu'un par un.

Pour atteindre les réductions, les résultats qu'on souhaite vraiment, la Fondation David-Suzuki a mis de l'avant 21 recommandations. Je tiens à dire que nous appuyons l'ensemble des recommandations qui ont été mises de l'avant par Équiterre, qui vous ont été présentées, et, par souci d'efficacité, nous allons donc sauter à ce qui n'a pas encore été discuté.

Il faut restreindre significativement ou interdire complètement l'utilisation des pesticides toxiques pour la reproduction et le neurodéveloppement. Vous cherchez à le faire, à hausser l'âge légal pour la consommation de cannabis parce que vous êtes inquiets sur le neurodéveloppement de nos enfants; faites la même chose pour les pesticides. Il faut continuer à sensibiliser le public et aussi faire la formation des médecins, parce que les médecins n'ont aucune idée comment reconnaître les symptômes d'intoxication aux pesticides à court ou à long terme. Il faut interdire les publicités. C'est inadmissible de rentrer dans une quincaillerie, et qu'on voit une pancarte qui dit : «Achetez un insecticide à 20 $ aujourd'hui et recevez 20 $ de rabais en magasin dans un mois.» Ce sont des incitatifs qui ne sont pas admissibles. Pensez au tabac. C'est maintenant interdit de faire des publicités sur le tabac, c'est interdit d'avoir des placements de produits avantageux, ça devrait être la même chose pour les pesticides.

Au niveau du bilan des ventes, il faut être plus transparents, révéler le nom précis des ingrédients actifs et leur tonnage réel, permettre des cartographies qui permettront aux médecins épidémiologistes de réellement voir qu'est-ce qui se passe au niveau de la santé publique par rapport à l'endroit où les pesticides sont utilisés. Un bilan aux deux ans, c'est insuffisant et inefficace pour avoir des bonnes mesures de prévention. Il faut changer le règlement, mettre la liste des pesticides qui ont été intégrés dans le règlement, les cinq pesticides les plus à risque, dans une annexe qui va être revue périodiquement, chaque deux ans, et bonifiée au fur et à mesure que les avancées scientifiques se concrétisent. Il faut éviter le conflit d'intérêts. Il est inadmissible que des agronomes qui bénéficient économiquement de la vente des pesticides puissent les prescrire. Les pharmaciens et les médecins sont deux professions distinctes, ça devrait être la même chose dans le cas de l'agriculture. Il faut favoriser l'indépendance de la recherche et s'assurer que ce qu'on va faire va être en réponse aux changements climatiques qui s'en viennent à très court terme.

En fait, il faut favoriser l'économie locale. Les fruits et les légumes québécois sont moins contaminés aux pesticides. C'est un levier économique important. Il faut mettre en application le principe de précaution. Ce n'est pas vrai qu'un pesticide est innocent jusqu'à ce qu'il soit jugé coupable. Si on a des doutes, on applique le principe de précaution et on évalue ensuite, on ne maintient pas les usages.

Mme Le Berre (Mélanie) : Alors, pour conclure, il faut se rappeler que l'idée de l'indispensabilité des pesticides pour nourrir l'humanité est un mythe avéré. Malheureusement, les mécanismes en place pour garantir la protection de l'homme et de la nature à leur égard sont aujourd'hui largement suffisants. Pourtant, tel que l'a souligné le Vérificateur général du Québec en 2016, le gouvernement a une obligation de résultat face à ses propres règlements et non une obligation de moyens.

Alors, notre mémoire détaille beaucoup plus d'enjeux, notamment relatifs à l'environnement, mais ce qu'il faut retenir, c'est que les enjeux pour la société québécoise sont grands, ce pour quoi, Mmes et MM. les députés, vous avez aujourd'hui la possibilité et l'immense responsabilité de marquer le coup et d'influence le Québec de demain, tout en accompagnant les agriculteurs dans cette transition. Le momentum est bel et bien là pour considérer sérieusement les alternatives aux pesticides qui se déploient d'ores et déjà partout au Québec tout en se démontrant compétitives et bénéfiques aux producteurs et aux inventeurs d'ici et qui prouvent qu'économie peut parfaitement rimer avec écologie.

Le Président (M. Lemay) : Merci beaucoup, Mme Le Berre, Mme Hénault-Ethier. Maintenant, nous allons passer la parole au député de Lac-Saint-Jean.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Merci, M. le Président. Merci, Mme Ethier ainsi que Mme Le Berre, pour votre exposé. Et je pense aussi que vous, vous avez travaillé ça en collaboration avec Équiterre et aussi l'UPA dans vos travaux.

Mme Hénault-Ethier (Louise) : Oui, effectivement. Donc, la Fondation David-Suzuki et Équiterre ont une longue tradition de collaboration dans les dossiers des pesticides, et on a aussi participé à la demande de la tenue de cette commission-là avec l'Union des producteurs agricoles.

D'ailleurs, dans les dernières semaines, quand on a vu le contenu du mémoire de l'Union des producteurs agricoles, ont s'est rendu compte qu'ils étaient très inquiets pour la santé de leurs producteurs et aussi très inquiets parce que le gouvernement fédéral a autorisé des outils pour le travail des agriculteurs, et, pendant longtemps, on leur a dit que ces outils-là, ils étaient parfaitement sécuritaires et on se rend bien compte aujourd'hui que ce n'est pas le cas. Les agriculteurs doivent donc être accompagnés vers d'autres méthodologies.

Le Président (M. Lemay) : M. le député.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Merci, M. le Président. Justement, dans votre mémoire, là, vous parlez beaucoup du fédéral versus le provincial, le Québec. Puis, vous l'avez dit tout à l'heure, au Québec, je... c'est ça que j'ai cru entendre, produire des aliments de qualité... et vous dites... en tout cas, moi, ce que j'ai cru comprendre de votre mémoire, on est des leaders par rapport au fédéral. On a une expertise, quand même... il faut quand même voir qu'il y a de l'innovation qui s'est faite, il y a de l'avancée qui s'est faite aussi et il y a des efforts aussi qui se font énormément sur le terrain. On sait aussi que le ministère de l'Agriculture, le ministère de l'Environnement aussi, quand même, a apporté de grandes modifications dernièrement dans la dernière stratégie 2015‑2018. Il y a des analyses aussi de l'échantillonnage qui se fait avec le ministère de l'Environnement, qui est une très bonne chose, au niveau des pesticides.

Mais j'aimerais vous entendre un petit peu plus au niveau du fédéral. Ce que je comprends, là, c'est que... vous êtes-tu en train de dire... ou croyez-vous que l'ARLA ne fait pas bien son travail?

Le Président (M. Lemay) : Mme Hénault-Ethier.

Mme Hénault-Ethier (Louise) : En fait, c'était une des questions centrales dans mon examen synthèse doctoral. Donc, c'est certain que c'est un dossier sur lequel j'ai une expertise assez grande.

J'ai analysé beaucoup ce qui se passe au Canada en parallèle avec ce qui se passe aux États-Unis et en Europe et je vous dirais que le Canada, à l'échelle mondiale, n'est pas un cancre en termes d'évaluation des pesticides, loin de là. Il y a des pays qui n'ont aucune capacité d'évaluation des pesticides. Donc, on n'est pas là. Le Canada est aussi un leader, au niveau de l'OCDE, dans le développement de protocoles standardisés pour l'évaluation des pesticides, comme vous l'a dit l'ARLA lors de leur témoignage. Cependant, il y a énormément de failles dans nos modes d'opération.

De un, on évalue principalement l'ingrédient actif pour tout ce qui est des études de toxicité à court, moyen, long terme, les études avancées de neurotoxicité et de cancérogénicité. Les formulations commerciales que l'on trouve sur le marché ne sont que très peu évaluées. On va les évaluer, entre autres, pour savoir s'ils sont irritants pour la peau, mais, pour tout ce qui est cancérogénicité ou neurodéveloppement à long terme, on ne l'évalue pas.

Au niveau fédéral, il y a énormément de failles aussi parce qu'on voit... Équiterre le mentionnait tout à l'heure, les études qui sont utilisées sont fournies par l'industrie. Donc, il y a un conflit d'intérêts apparent. Ce conflit d'intérêts apparent là se maintient et se concrétise dans la mesure où les scientifiques indépendants n'ont même pas accès aux données de l'industrie pour les contrevérifier. Donc, c'est... L'ARLA vous a mentionné qu'il y avait toujours l'accès à une salle de lecture. C'est faux. Elle n'est pas accessible tout le temps, elle est accessible seulement en période de consultation, et on ne peut pas y amener un ordinateur pour faire des analyses statistiques sur les données qui y sont présentées.

Le Président (M. Lemay) : ...Mme Hénault-Ethier. M. le député.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Puis là je comprends les ingrédients actifs puis, tout à l'heure... En tout cas, j'aimerais ça vous entendre aussi sur tous les... le produit, là, les adjuvants qui sont rajoutés, hein, tout ça, la réaction. Mais le fédéral, il vous répond quoi lorsque vous leur dites ces choses-là? Parce que vous intervenez au niveau du fédéral. Ils vous répondent quoi?

Le Président (M. Lemay) : Mme Hénault-Ethier.

Mme Hénault-Ethier (Louise) : Bien, le fédéral a accepté plusieurs des recommandations qu'on avait mises de l'avant dans l'importance de faire l'évaluation des risques cumulatifs des pesticides, donc cumuler l'exposition dans l'eau, dans les aliments, de différents pesticides qui ont un mode d'action similaire. Donc, on a une bonne relation avec le fédéral. Je vous dirais qu'on exige plusieurs choses de leur part, dont le retrait des néonicotinoïdes. On se plaint énormément des longs délais injustifiés pour retirer ces substances-là du marché, qui ont déjà été bannies en Europe. Donc, au niveau fédéral, on continue d'intervenir.

Le défi qu'on a en ce moment même, c'est qu'il faut intervenir sur une substance à la fois. Dans la loi canadienne, on oblige de réévaluer, de faire une évaluation spéciale des pesticides qui ont été retirés du marché dans d'autres pays de l'OCDE. Et il a fallu que la Fondation David-Suzuki, avec Équiterre, poursuive le gouvernement fédéral pour qu'il applique sa propre loi et procède à la révision de deux dizaines d'ingrédients actifs qui avaient été bannis ailleurs, dans les pays de l'OCDE, dont notamment l'atrazine.

Donc, le gouvernement fédéral, on les aide à bien faire leur travail puis à respecter leur propre loi en étant, en quelque sorte, des chiens de garde de la bonne marche des évaluations des pesticides.

Le Président (M. Lemay) : Merci. M. le député.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Oui, effectivement. Bien, de toute façon, je sais, en tout cas, comme vous venez de le dire, vous avez une grande formation, vous avez fait une étude à ce niveau-là, puis, tout à l'heure, je parlais aussi des... vous parliez des ingrédients actifs. Il y a aussi toute la... quand on parle des adjuvants, des fois, on dit : Ce n'est pas réactif. Mais là, une fois que tu fais le mélange, bien, en tout cas, il y a toute cette question-là.

Et vous voudriez donc, au Québec... est-ce que vous voudriez qu'au Québec on interdise des produits qui sont... est-ce que vous voudriez qu'au Québec, qu'on utilise partout au Canada... qu'on interdise certains produits ici, au Québec, mais qu'on laisse les utiliser ailleurs au Canada?

Le Président (M. Lemay) : Mme Hénault-Ethier.

• (15 h 20) •

Mme Hénault-Ethier (Louise) : Le Québec a la responsabilité de protéger son économie et ses concitoyens. Oui, le Québec doit interdire l'utilisation des pesticides les plus à risque. L'atrazine, le chlorpyrifos et les néonicotinoïdes devraient être totalement restreints. Maintenant, nous travaillons de concert avec le gouvernement dans le comité de suivi de la justification agronomique et des prescriptions, et on voit déjà des résultats tangibles intéressants de cette approche-là, mais, sérieusement, il y a trop d'études scientifiques qui émanent de partout dans le monde qui montrent que ces produits-là auraient dû être retirés du marché il y a longtemps. Le Québec aurait des gains économiques, probablement en santé et en agriculture, majeurs à se détourner de ces substances-là, qui sont dangereuses.

Vous avez abordé déjà à deux reprises la question des adjuvants et des additifs qu'on met dans les ingrédients... dans les pesticides. En fait, on évalue seulement l'ingrédient actif, celui qui a des propriétés pour tuer des insectes ou tuer des mauvaises herbes, par exemple. Mais, les coformulants ne sont pas tous étudiés un coup qu'ils sont en synergie avec les ingrédients actifs. On dit que le plus toxique... l'ARLA vous a confié que le plus toxique, c'était l'ingrédient actif et que le reste, c'était nettement moins toxique. Alors, pourquoi est-ce que l'industrie dépense énormément d'argent pour ajouter des coformulants dans les produits commerciaux de pesticides si les coformulants n'ont aucune forme de toxicité? Les adjuvants peuvent permettre une meilleure pénétration des pesticides à l'intérieur des tissus des plantes et, par le fait même, à l'intérieur du tissu de la peau humaine. C'est faux de dire que ces produits-là n'ont pas de toxicité intrinsèque.

Le Président (M. Lemay) : Parfait. M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Intéressant. C'est intéressant. Je suis content que vous m'ayez répondu sur cette question-là. Mais je veux revenir un petit peu, là, ce que vous venez de me dire tout à l'heure, auparavant, que, oui, au Québec, on devrait interdire l'utilisation de certains pesticides de synthèse à base, exemple, de tel et tel produit. Mais, pour le reste du... tu sais, le reste... vous savez, on est dans un marché libre, puis le reste du Canada, les produits voyagent, hein, entre eux autres, les aliments voyagent. Et moi, tu sais, je veux m'assurer aussi que ma population, que notre population, ce qu'ils consomment, ce qui arrive de mon voisin, bien, ça a été produit aussi comme chez nous, là, au Québec. Vous ne croyez pas qu'il n'y aurait pas de la... une place à, justement, avoir un juste milieu au niveau, là... Parce que je trouve... vous êtes quand même assez catégoriques sur l'interdiction. Je voudrais vous entendre un petit peu là-dessus, par rapport, tu sais, le marché, les produits, tout ça.

Le Président (M. Lemay) : Mme Hénault-Ethier.

Mme Hénault-Ethier (Louise) : Merci. La même précision que ma collègue Nadine Bachand a amenée à Mme Montpetit en réponse à sa question. La Fondation David-Suzuki n'a jamais milité pour l'interdiction totale de tous les pesticides de synthèse, c'est faux. Par contre, les pesticides n'ont pas tous la même toxicité. Il y en a qui sont reconnus comme étant plus toxiques. Prenons, par exemple, le chlorpyrifos. L'Agence américaine de protection de l'environnement a déposé, il y a quelques années, un bilan qui disait que c'était trop dommageable pour le développement du cerveau des enfants, qu'on devrait le retirer du marché. Peu après, ils ont sorti un autre bilan qui disait que ce produit-là était trop dommageable pour la faune et la flore et menaçait plusieurs espèces qui sont en danger d'extinction, qu'on devrait le retirer du marché. Il y a eu des élections fédérales aux États-Unis et une nouvelle nomination à la tête de l'EPA, et ce qui était dans les cartons, donc, qu'ils devaient bannir le chlorpyrifos depuis longtemps, n'a pas été fait. L'agence européenne vient d'émettre un avis défavorable à la réhomologuation du chlorpyrifos. Il est temps qu'on fasse la même chose ici.

Quand on parle de compétitivité du maché, ça va dans les deux sens. C'est sûr qu'on veut que tous les produits québécois soient compétitifs sur l'échelle internationale, et certains vont argumenter qu'il faudrait peut-être ou pas des pesticides. Mais pensez à l'Italie, qui ne veut plus rien savoir du blé canadien parce qu'il y a trop de glyphosate à l'intérieur. Donc, ça fonctionne dans les deux sens. Et, au niveau du Québec, on est des leaders en termes de suivi des pesticides dans les rivières et en termes des bilans de vente de pesticides et on doit maintenir ce leadership-là, on doit montrer aux autres à travers le Canada comment faire des aussi bons suivis. D'ailleurs, l'ARLA s'inspire et Environnement Canada s'inspire très fortement de ce que le Québec fait pour prendre des décisions à l'échelle nationale.

Le Président (M. Lemay) : ...député de Lac-Saint-Jean.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Je suis content d'entendre, là, votre position au niveau du Québec par rapport à l'ARLA et je comprends très bien, là, ce que vous voulez dire. Il y a du travail à faire au niveau de l'ARLA énormément.

Alors, je vais laisser la parole à mon collègue. Je pense M. Tremblay voulait prendre la parole.

Le Président (M. Lemay) : ...excusez-moi. M. le député de Dubuc, la parole est à vous.

M. Tremblay : Merci, M. le Président. Bonjour aux collègues. Bonjour à vous. Je suis honoré de partager la réflexion avec la fondation, nombreux militants à l'échelle canadienne, au Québec.

Dites-moi, pour mieux comprendre, tantôt, vous avez évoqué une trentaine d'années pour des corrélations entre les conséquences de pesticides. Je comprends, historiquement, que la Fondation David-Suzuki travaille sur le dossier au niveau scientifique depuis une dizaine d'années. Plus précisément, quels ont été les éléments déclencheurs qui ont fait en sorte que vous entriez en scène... bien, en tout cas, avec des budgets de recherche puis peut-être aussi des collaborations comme on peut le voir? Qu'est-ce qui a été les éléments plus précis?

Le Président (M. Lemay) : Mme Hénault-Ethier.

Mme Hénault-Ethier (Louise) : J'aimerais ça avoir une précision au niveau de la question. Quels sont les éléments qui ont fait que la Fondation David-Suzuki s'est intéressée aux enjeux des pesticides?

M. Tremblay : Oui.

Mme Hénault-Ethier (Louise) : O.K. Bien, la mission même de la Fondation David-Suzuki, c'est de protéger l'environnement et la santé des humains maintenant et pour les générations futures. Donc, de par la base de notre mission, on se doit de s'y intéresser.

La Fondation David-Suzuki travaille aussi beaucoup avec les évidences scientifiques. Donc, on s'intéresse à la recherche de pointe. On est en contact régulier avec une vaste diversité de chercheurs. On réalise nous-mêmes des études scientifiques. Des fois, on va travailler de pair avec d'autres organisations, comme dans le cas de l'étude sur l'autisme, qui a été faite en collaboration, entre autres, avec Autisme Montréal, dont l'étude sur le parkinson qui a été publiée récemment en partenariat avec Parkinson Québec. On travaille aussi en partenariat avec les médecins pour l'environnement, que vous allez recevoir aussi un peu plus tard cette semaine. Donc, la Fondation David-Suzuki travaille aussi avec l'UPA dans plein d'autres dossiers, dont notamment la protection du territoire agricole.

On ne travaille pas en vase clos et on cherche vraiment à savoir comment est-ce qu'on peut utiliser les évidences scientifiques les plus à jour et les plus complexes et les vulgariser à l'attention des décideurs du grand public et de la communauté en général.

Ce sont donc des questions qui sont très difficiles et qui demandent beaucoup de nuances. Et c'est mon métier, justement, d'expliquer et de simplifier la science, mais, en faisant la vulgarisation, de toujours s'assurer qu'il y a une intégrité scientifique derrière le message qui est véhiculé.

Le Président (M. Lemay) : M. le député de Dubuc.

M. Tremblay : Merci. Oui. Autre question. Vous travaillez de façon ponctuelle avec plusieurs partenaires, en tout cas, qui ont été ciblés, Québec, entre autres, autisme... la société de l'autisme, sur des mandats précis. Est-ce qu'il y a toujours un travail comme ça qui est ponctuel sur des mandats précis? Ou je prends l'exemple de... Au niveau de la santé mentale, on a formé un groupe de recherche ici, à Québec, où des psychiatres et un différent... un nombre de scientifiques ont créé un groupe d'intervention ou une structure de travail qui est permanente puis qui peut même permettre maintenant d'être comme groupe-conseil auprès de la ministre de la Santé.

Est-ce que vous avez une structure qui est présentement existante, qui documente en collectif, ou, sinon, est-ce que c'est en chantier? Et est-ce qu'il y a des mandats précis sur lesquels vous souhaiteriez plancher ou si ce n'est pas déjà le cas puis que ça impliquerait... en tout cas, il y a peut-être deux, trois sous-questions, puis quels ministères? Parce qu'on voit que c'est très interministériel aussi. Comment vous voyez l'avenir par rapport au travail plus scientifique, plus collectif?

Le Président (M. Lemay) : M. le député, si vous voulez qu'ils puissent répondre, environ 20 secondes.

Mme Hénault-Ethier (Louise) : Les collaborations qui doivent venir en ce moment au Québec, c'est d'inclure le ministère de la Santé et le ministère de l'Éducation dans tout ce qui entoure les enjeux sur les pesticides, ce n'est pas seulement à l'Environnement et au MAPAQ. Et on collabore aussi avec des chercheurs de façon permanente, par exemple le collectif de recherche écosanté sur les pesticides, les politiques publiques et les alternatives, qui va aussi venir présenter, et on collabore à toutes les tables auxquelles on est invités de la part du gouvernement, dont le suivi des registres des prescriptions et des justifications agronomiques des pesticides.

Le Président (M. Lemay) : Merci beaucoup. Donc, je cède maintenant la parole à la députée de Maurice-Richard.

• (15 h 30) •

Mme Montpetit : Je vous remercie, M. le Président. Mme Le Berre, Mme Hénault-Ethier, merci beaucoup pour ce vibrant témoignage et surtout pour tout le travail que je sais qu'il y a derrière tout ça. Mme Hénault-Ethier, je me permettrais un petit mot en commençant pour vous remercier pour ce témoignage très personnel que vous nous avez fait. Je suis certaine que perdre un bébé, ce n'est jamais quelque chose qui est facile, mais, quand on a des questions résiduelles qui demeurent, à savoir si, oui ou non, il y a une cause, j'imagine que ça doit être d'autant plus troublant. Et, malheureusement, vous n'êtes certainement pas la seule au Québec à avoir ce genre de questionnement là, des agriculteurs, entre autres, qui ont le cancer, des agriculteurs, vous l'avez mentionné, qui ont la maladie de Parkinson et qui doivent se poser les mêmes questions que vous, qui doivent certainement avoir les mêmes doutes que vous. Et je pense qu'on doit... de faire tout le travail qui est nécessaire pour trouver des réponses pour ces gens-là et s'assurer que, le cas échéant, s'il y a des liens de causalité, qu'on s'assure justement de mettre les réglementations en place pour que ça n'arrive plus.

Je voulais, d'entrée de jeu, vous demander plusieurs choses, là. Je sais que vous êtes des chercheures bien aguerries. Vous avez évoqué la nécessité d'avoir des études avancées sur la neurotoxicité des pesticides. J'ai fait cette demande-là publiquement aussi pour appuyer votre sortie la semaine dernière, que je trouvais fort pertinente, parce que, clairement, c'est un grand manque, et je pense que, pour pouvoir faire... prendre des décisions éclairées, encore faut-il qu'on ait cerné comme il faut le problème. Et il y a certainement des manques au niveau de la littérature scientifique au Québec là-dessus.

Vous avez parlé, puis je veux juste être certaine, là, vous avez parlé d'interdire les pesticides qui ont une incidence reliée précisément au... une incidence, donc, neurodéveloppementale et, vous avez dit, au niveau de la santé reproductive, hein? C'est bien ça que vous cernez? Je ne pense pas que, dans votre mémoire, à moins que je... Je ne pense pas que, dans votre mémoire... Vous faites référence, en fait, beaucoup au DDT, qui n'est pas utilisé, qui est interdit au Québec, mais vous n'avez pas indiqué une liste précise des pesticides auxquels vous faites référence plus précisément. Donc, quand vous dites : qui ont une incidence au niveau de la santé reproductive, au niveau développemental, est-ce que vous avez une base de pesticides auxquels vous faites référence plus précisément?

Le Président (M. Lemay) : Mme Hénault-Ethier.

Mme Hénault-Ethier (Louise) : Merci, Mme Montpetit pour la réponse, entre autres, à mon témoignage. En effet, on a des listes, notamment dans l'étude sur le lien potentiel entre les pesticides et l'autisme. La raison qui nous a motivés à faire cette revue de littérature scientifique là, c'était qu'on avait vu, dans quelques études disparates, des mentions entre... des corrélations entre pesticides et autisme, et on s'est donc intéressés à dresser une liste exhaustive de tout ce qu'on pouvait trouver dans la littérature. Cette étude-là contient donc un tableau d'une dizaine de substances qui sont nommées dans des études où est-ce qu'il y a des corrélations. J'aimerais énormément que des scientifiques du Québec se saisissent de ce dossier-là, prennent cette liste de pesticides là et l'évaluent plus en profondeur. Peut-être pourriez-vous faire appel à Mme Maryse Bouchard, qui va venir témoigner un peu plus tard, qui est une spécialiste des enjeux neurodéveloppementaux.

Au niveau de la santé reproductive, un des éléments qui est derrière cette requête-là portait aussi sur les pesticides, les pyréthrinoïdes, qui sont une autre famille de pesticides qui sont considérés à l'heure actuelle comme étant relativement faiblement toxiques. Donc, c'est les ingrédients actifs qu'on va retrouver dans le Raid, par exemple, que vous pouvez acheter sur les tablettes des quincailleries, là, sans prescription. J'avais fait une revue de littérature scientifique sur ce dossier-là en 2016 et on voyait qu'il y avait énormément de conséquences au niveau de la santé reproductive, par exemple une baisse de motilité du sperme, peut-être des dommages au niveau de leur ADN, etc.

Comme on vit... au Québec en ce moment, on voit des enjeux de baisse de fertilité. Le ministère de la Santé doit déployer des investissements massifs pour s'assurer qu'on puisse avoir des bébés pour avoir une nouvelle génération. Je crois qu'on devrait se poser ces questions-là aussi. Donc, c'est vraiment prioritaire et c'est difficile à obtenir comme liste, mais par SAgE Pesticides, on peut voir tous les pesticides qui sont liés à la santé reproductive et en faire une liste exhaustive.

En ce moment, Santé Canada n'exige pas des tests avancés de toxicité reproductive ou de toxicité neurodéveloppementale, à moins que leurs tests préliminaires ne leur suggèrent des indications en ce sens-là. C'est-à-dire que, si, dans les études à court terme ou à moyen terme, on voit qu'il y a peut-être un effet sur le fonctionnement des neurones, qu'il y a des perturbations dans les comportements, peut-être qu'on va demander les tests avancés de neurotoxicité, mais ce n'est pas fait systématiquement. Pourtant, les insecticides fonctionnent en majorité en perturbant le fonctionnement des neurones du cerveau. Donc, les messagers chimiques, dans notre cerveau, sont perturbés. Et il y a aussi des pesticides qui fonctionnent en perturbant le système endocrinien. Donc, on va déranger le fonctionnement des hormones de notre corps. Et ça, ça se passe à des doses très, très, très faibles. On sait que les hormones, dans le corps, entraînent des changements biologiques majeurs au niveau du développement du cerveau ou au niveau de la reproductivité à des doses qui sont tellement faibles qu'elles correspondent aux doses qu'on peut retrouver dans l'environnement, en fait. Donc, ces produits-là devraient en priorité faire l'objet d'études plus avancées.

Le Président (M. Lemay) : Merci. Mme la députée.

Mme Montpetit : Merci. Vous... Dans vos recommandations, vous recommandez que la maladie de Parkinson soit reconnue comme une maladie professionnelle pour les agriculteurs qui ont été exposés, si je ne me trompe pas, plus de cinq ans avec des pesticides, comme c'est le cas en Europe depuis... en France depuis maintenant plusieurs années. Est-ce qu'encore là comme chercheure, comme scientifique, vous évaluez que la littérature scientifique est à ce point claire pour prendre cette direction-là?

Le Président (M. Lemay) : Mme Hénault-Ethier.

Mme Hénault-Ethier (Louise) : Merci. Dans le cas du parkinson, oui, la littérature scientifique est très, très claire, le gouvernement du Québec pourrait aller de l'avant, et ça serait à l'avantage de ses concitoyens. Dans le cas du parkinson, le lien avec les agriculteurs est très bien défini. Ce qui est dommage, c'est que c'est très bien défini dans le cas des travailleurs professionnels qui sont exposés au quotidien. Mais, pour tous les autres qui sont exposés de façon indirecte, on n'est pas capable de faire ces corrélations-là, d'où l'importance d'avoir un meilleur bilan des ventes, une meilleure cartographie de quels pesticides sont utilisés à quel endroit pour pouvoir faire des études épidémiologiques conséquentes.

Et, dans votre question précédente, vous avez évoqué le DDT, qui est banni depuis déjà de nombreuses années au Québec. Pourquoi est-ce qu'on en parle encore dans notre mémoire? C'est que le DDT est encore présent à des concentrations toxiques chez les femmes. Donc, dans leur lait maternel ou dans leur sang, il y a suffisamment de DDT pour altérer les paramètres de développement de leur bébé. Aujourd'hui, en 2019, c'est le cas. Il y a encore suffisamment de DDT dans les sédiments de nos lacs pour être toxique pour les poissons qui y vivent aujourd'hui encore.

Et ce pourquoi j'insiste là-dessus, c'est que les décisions qu'on prend aujourd'hui, avec l'état de la science qu'on a, on n'a aucune garantie qu'on ne va pas découvrir qu'un produit qui est utilisé aujourd'hui, qui est considéré étant sécuritaire, ne sera pas vu comme étant particulièrement toxique dans 20, 30 ou 40 ans. Donc, il faut utiliser le principe de précaution. Quand on a des doutes par rapport à la toxicité d'un produit, s'il y a des substances de remplacement, on devrait l'éviter. Et je crois qu'on devrait prioriser les usages... les alternatives et les meilleures pratiques agronomiques avant de permettre l'utilisation des pesticides. Il devrait y avoir une hiérarchie, un peu comme le gouvernement du Québec l'a fait dans les modes de gestion des matières résiduelles. C'est très clair, il y a une hiérarchie. On réduit avant de réutiliser, avant de recycler, avant d'éliminer. Il y a une hiérarchie comme ça. Ça devrait être la même chose et c'est probablement une contribution importante que votre comité peut faire, c'est de hiérarchiser et de dire : Il faut d'abord voir les alternatives non toxiques, mécaniques en premier lieu et, en dernier recours, avoir droit d'utiliser les pesticides de synthèse, qui restent dans le coffre à outils tant et aussi longtemps qu'on n'a pas décidé de les retirer du marché parce qu'ils étaient trop toxiques.

Le Président (M. Lemay) : Merci. Mme la députée.

Mme Montpetit : Vous avez fait mention, tout à l'heure, de la décision de l'Italie de bannir le blé du Canada, entre autres. On a vu, là, il y a eu des reportages là-dessus assez explicites, entre autres sur l'arrosage au glyphosate pour faire sécher le blé plus rapidement. C'est évidemment des conséquences économiques très importantes. On a parlé beaucoup des conséquences sanitaires, mais il y a aussi des conséquences économiques. Est-ce qu'à votre connaissance il y a d'autres pays qui ont pris des décisions similaires sur leurs importations? Parce que je pense que c'est important aussi dans notre mandat, on le sait, c'est des choses sur lesquelles on va se questionner, sur la compétitivité. Oui, de réduire l'utilisation de pesticides, mais de maintenir la compétitivité, mais il faut aussi être conscient que le fait de permettre l'utilisation de certains pesticides a aussi un enjeu qui est important sur notre compétitivité puis sur les importations et les exportations à l'étranger, là.

Le Président (M. Lemay) : Mme Hénault-Ethier.

• (15 h 40) •

Mme Hénault-Ethier (Louise) : Merci. En fait, je ne sais pas s'il y a d'autres pays, mais, en général, on sait que les pesticides sont au coeur des discussions de tous les accords de libre-échange, particulièrement ceux avec l'Europe. Les Européens ne veulent pas de produits alimentaires qui contiennent des pesticides qui, eux, ils ont déjà interdits dans leur juridiction. Donc, ça fragilise nos partenariats économiques avec l'Europe de continuer à utiliser des substances qui sont interdites là-bas. D'ailleurs, pour des fins de négociation économique, on voit même qu'il risque d'y avoir des sanctions à l'égard de l'Europe parce qu'ils interdisent des pesticides qui sont toujours autorisés ici. C'est incroyable que des négociations de nature économique fragiliseraient les mesures de précaution qui ont été mises en place par des juridictions autonomies comme l'Europe par rapport aux pesticides.

Maintenant, par rapport aux enjeux économiques, on s'entend pour dire qu'en ce moment la façon qu'on fait de l'agriculture intensive, la façon dont on produit tellement de maïs et de soya, souvent destinés à l'exportation, avec de très faibles marges de profit, on s'entend que la majorité de ce maïs et de ce soya génétiquement modifiés est destinée à l'alimentation animale...

Le Président (M. Lemay) : Mme Hénault-Éthier, je dois vous interrompre pour céder la parole au deuxième groupe d'opposition. Mme la députée de Rouyn-Noranda—Témiscamingue.

Mme Lessard-Therrien : J'aurais bien envie de vous laisser finir, mais j'ai 2 min 30 s, à peu près, pour vous poser des questions.

Merci infiniment de votre témoignage. C'est très clair, bien vulgarisé, c'est très intéressant. On sent que vous... Il y a beaucoup d'enjeux, en fait, qui sont liés à la santé dans ce que vous nous avez présenté, on y revient abondamment, l'environnement également et l'agriculture. En fait, moi, je me questionnais : Pour vous, dans un monde idéal, comment on s'assure de la concertation entre ces différents joueurs là, qui ont tous des intérêts en commun de protéger la population, mais tous aussi des intérêts peut-être divergents quant à la façon d'y arriver? À qui revient le leadership? Donc, j'aimerais vous entendre là-dessus.

Le Président (M. Lemay) : Mme Hénault-Éthier.

Mme Hénault-Ethier (Louise) : Merci, c'est une excellente question.

En effet, on a parlé beaucoup d'enjeux de santé, un peu moins d'enjeux environnementaux. Ce n'est pas qu'on ne suit pas ces causes-là, c'est qu'on sait que les enjeux de santé humaine préoccupent particulièrement le gouvernement. On s'inquiète toujours plus de la santé des membres de notre famille que, justement, des moucherons dans le fond d'un ruisseau en milieu agricole. Quoique, pour une écologiste comme moi, bien, je me préoccupe énormément de la santé environnementale parce qu'au final l'environnement, les processus écologiques qui se passent, c'est ça qui nous maintient en vie sur terre. Donc, si on ne maintient pas le fonctionnement de nos écosystèmes, bien, on n'aura plus un environnement qui est propice à la survie de l'humanité. Donc, ces deux enjeux-là sont importants.

Le Président (M. Lemay) : Mme Le Berre, peut-être, si elle voulait faire un complément d'information.

Mme Le Berre (Mélanie) : Oui. Je ne voulais pas te couper, Louise. En fait, aussi, en complément de ce que Louise vient de dire, j'irais aussi dans le même sens, qu'il ne faut pas oublier que l'agriculture représente quand même un gros enjeu par rapport au contexte de la lutte aux changements climatiques. Si ce n'est pas déjà fait, je vous inviterais tous, en fait, à aller voir le dernier rapport que la chaire de l'énergie de HEC Montréal a sorti, la semaine passée, sur la nécessaire réduction... en fait, l'impact des émissions de GES dans le secteur industriel au Québec, qui représente plus de 40 % des émissions de GES. Donc, on parle souvent du problème lié au transport, mais l'agriculture, au sein du secteur industriel, représente en fait une bonne partie des émissions de GES que le Québec doit combattre. Et, notamment, ce qui a été identifié dans ce rapport, c'est que l'agriculture au sein de différents... par exemple, par rapport à des procédés industriels qui sont plus difficiles à aller mettre, les... à aller réduire les émissions de GES, l'agriculture est un secteur qui est plus facile à aller chercher dans un premier temps.

Le Président (M. Lemay) : Merci beaucoup. C'est ce... cette période. Je cède maintenant la parole au député de Bonaventure.

M. Roy : Merci, M. le Président. Écoutez, lorsque nous étions à nos discussions avec l'ARLA et le ministère de l'Agriculture, j'ai posé la question au ministère de l'Agriculture, à savoir : Est-ce que vous considérez comme crédibles les stratégies d'homologation des produits? Et ils m'ont dit : On n'a pas à remettre en question les décisions de l'ARLA.

Est-ce qu'il y a d'autres provinces ou d'autres ministères de l'Agriculture au Canada qui ont fait des actions pour elles-mêmes prendre en charge une certaine forme d'homologation des produits sur leur territoire?

Le Président (M. Lemay) : Mme Hénault-Éthier.

Mme Hénault-Ethier (Louise) : Bien, on sait que, dans le cas de l'Ontario, ils avaient, même avant le Québec, agi au niveau des néonicotinoïdes qui enrobaient les semences. Donc, l'Ontario pourrait être une source d'inspiration à ce niveau-là. Personnellement, je m'intéresse surtout aux enjeux qui se passent au Québec. C'est mon homologue d'Ottawa qui s'intéresse aux enjeux pancanadiens, donc je ne pourrais pas vous en dire davantage au niveau de savoir qui, au Canada, a les meilleures pratiques.

Par contre, très régulièrement, quand on lit les dossiers qui découlent d'Environnement Canada ou de l'ARLA, on voit qu'ils se basent sur les études qui sont faites au Québec, sur les bilans de vente du Québec. Donc, quelque part, on se dit que peut-être, bon, ce n'est pas totalement mauvais, qu'est-ce qu'on fait comme études. En fait, on n'est pas... on est très, très bien vus à ce niveau-là. Il y a toujours à parfaire les choses. Ce qui m'inquiète, par contre, c'est qu'au Québec on suit ces données-là et, cruellement, on se rend compte que les pesticides augmentent dans notre environnement, mais on n'a pas encore trouvé le moyen de les faire diminuer.

Le Président (M. Lemay) : M. le député.

M. Roy : O.K. Une autre question... Bon, je veux valider une information. Est-ce que la réglementation sur la vente des pesticides dans les différents marchés est légale, entre autres du Roundup sur des tablettes dans un marché quelconque?

Le Président (M. Lemay) : Mme Hénault-Ethier.

Mme Hénault-Ethier (Louise) : C'est une excellente question. À ma connaissance, oui, c'est tout à fait légal de vendre du Roundup sur les tablettes. Les gros formats doivent être cadenassés, et ce n'est pas toujours le cas. J'ai des photos que je pourrai vous déposer, preuve à l'appui, si vous le souhaitez, mais il y a souvent les cadenas qui sont absents des étagères qui servent à recueillir ces pesticides-là.

Mais c'est seulement les gros formats qui sont barrés. Les petits formats sont placés de façon très avantageuse. À l'entrée des magasins, vous tournez la tête à droite et à gauche, il y a des piles de pesticides. Vous entrez, la première rangée, il y a des grosses publicités qui vous disent que les mères protègent leur famille en utilisant du Raid, par exemple. Ensuite, vous marchez un peu plus loin, il y a des pesticides près de la caisse si jamais vous avez oublié d'en acheter avant de sortir. C'est à la même hauteur que les palettes de chocolat qu'un enfant pourrait saisir.

Les pesticides devraient être dans l'arrière-magasin et seulement accessibles quand vous avez vraiment une bonne raison de les vouloir. Ce n'est pas vrai qu'on devrait les placer de façon avantageuse au vu et au su de tout le monde. Dans les dépanneurs maintenant, les cigarettes ne sont plus derrière...

Le Président (M. Lemay) : Mme Hénault-Ethier, je dois vous interrompre sur ce, en vous rappelant que, si vous voulez déposer de la documentation supplémentaire, je vous invite à le faire via le secrétaire de la commission, qui rendra la documentation disponible à l'ensemble des parlementaires. Merci pour votre contribution, Mme Le Berre, Mme Hénault-Ethier.

Je vais suspendre les travaux quelques instants afin de permettre aux représentants de l'Ordre des agronomes du Québec de prendre place.

(Suspension de la séance à 15 h 47)

(Reprise à 15 h 49)

Le Président (M. Lemay) : Alors, nous reprenons nos travaux. Je souhaite maintenant la bienvenue aux représentants de l'Ordre des agronomes du Québec. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter, ainsi que les personnes qui vous accompagnent, puis vous pourrez procéder à votre exposé. La parole est à vous.

Ordre des agronomes du Québec (OAQ)

M. Duval (Michel) : Merci, M. le Président. Mmes, MM. les députés, membres de la commission. Mon nom est Michel Duval, agronome, président de l'Ordre des agronomes du Québec. Je suis accompagné aujourd'hui de M. Pascal Thériault, qui est agronome et économiste, qui est aussi vice-président de l'ordre, de Mme Louise Richard, qui est ici à ma gauche, qui est avocate et directrice générale de l'ordre, de Mme Isabelle Dubé, agronome experte en production végétale et membre du conseil d'administration de l'ordre, et, à l'arrière, M. Abdenour Boukhalfa, qui est chargé des affaires professionnelles de l'ordre, qui pourra répondre à certaines questions si on a des questions plus pointues.

Alors, la mission de l'Ordre des l'Ordre des agronomes du Québec est de protéger le public en matière d'agronomie, en matière de la profession d'agronome, pardon. Les agronomes, au nombre d'un peu plus de 3 000 au Québec, sont des scientifiques qui oeuvrent en agriculture et en production alimentaire. Un peu plus du tiers travaille en production végétale, 435 en protection des cultures.

• (15 h 50) •

L'ordre est conscient que le fait de concilier différents rôles chez les agronomes est une préoccupation pour cette commission et pour le public. Le dossier d'indépendance professionnelle occupe la priorité numéro un de notre ordre depuis mon élection à la présidence, en 2017. Je traiterai de ce sujet-là plus tard.

Alors, l'utilisation des pesticides est un sujet complexe et controversé, et nous comprenons que nos citoyens s'interrogent sur leur utilisation. Ils exigent que nous protégions l'environnement et leur santé. Ces exigences sont légitimes, et, comme ordre professionnel, nous les partageons.

Les pesticides ont façonné le développement de l'agriculture, ils ont contribué à augmenter le rendement des cultures, à stabiliser la production agricole et assurer une sécurité alimentaire. Cependant, au fil des années, leur utilisation a engendré des impacts négatifs sur la santé humaine, sur l'environnement et sur les pollinisateurs. Pour plusieurs producteurs agricoles, ça a été mentionné plus tôt, les pesticides sont devenus une méthode de gestion du risque, une assurance protégeant le rendement des cultures et le revenu de l'entreprise. Il est donc crucial de revoir les stratégies d'intervention phytosanitaires afin que notre agriculture soit davantage agroécologique et intègre des méthodes de lutte aux ennemis des cultures de façon à être plus intégrée, en tenant compte de facteurs économiques.

Dès la première mouture du Code de gestion des pesticides, l'Ordre des agronomes a prôné la nécessité de mieux encadrer leur utilisation. Or, au Québec, 1 200 produits, 370 matières actives sont en vente libre. Depuis mars 2018, seulement quatre pesticides... quatre insecticides, pardon, et un herbicide sont réglementés et requièrent l'élaboration d'un diagnostic, d'une justification et d'une prescription d'un agronome. C'est insuffisant. Une de nos principales recommandations vise l'encadrement de tous les pesticides par le biais d'un plan annuel élaboré de concert avec l'agronome et le producteur. Ce plan justifiera l'ensemble des pesticides utilisés. De cette façon, il serait possible de diminuer et de contrôler les risques associés aux pesticides, de limiter l'impact sur l'environnement, la santé, et tout en produisant une nourriture saine.

Nos visites à la ferme, des dernières semaines, nous ont permis de constater les efforts déployés par plusieurs producteurs pour implanter des méthodes de lutte nouvelles contre les ennemis des cultures. Les outils sont variés mais ne sont pas toujours accessibles ou aussi efficaces que souhaité. L'utilisation de prédateurs, ici, on parle d'insectes, de bactéries, de champignons, autres, le dépistage, l'agriculture de précision, les rotations de culture sont tous des outils de la lutte intégrée, ils permettent de réduire l'utilisation des pesticides. Dans une optique de réduction des risques, l'ordre s'engage à promouvoir l'importance du diagnostic et d'une recommandation réalisée par un agronome. Les ministères concernés et les organisations impliquant la phytoprotection devraient aussi s'y joindre. Nous inciterons les agronomes oeuvrant en phytoprotection des cultures à utiliser systématiquement des outils comme SAgE Pesticides pour choisir les pesticides efficaces ayant le plus faible indice de risque pour la santé et l'environnement.

L'utilisation de la ligne directrice et l'outil d'aide à la décision pour l'utilisation de l'atrazine a donné des résultats sans précédent cette année. Pour la saison 2018, le ministère de l'Environnement rapportait plus tôt, au mois de mai, une réduction... un constat préliminaire, pardon, d'une réduction de 40 % d'utilisation de l'atrazine. C'est le premier herbicide à être encadré par cette réglementation.

Entièrement engagé dans l'importance de réduire l'utilisation des pesticides, l'ordre met actuellement au point deux autres outils du même type destinés à d'autres pesticides. Le gouvernement du Québec, quant à lui, doit s'engager à mettre en place les ressources nécessaires pour soutenir une utilisation raisonnée et sécuritaire des pesticides. Il doit aussi prévoir des mesures incitatives financières pour l'adoption de pratiques de protection des cultures encadrées par un agronome. Les producteurs agricoles, quant à eux, doivent, à leur tour, s'engager à adopter et appliquer les recommandations des agronomes.

L'agriculture biologique présente de nombreux défis. Nous saluons les producteurs qui s'y investissent. Ce type d'agriculture requiert des investissements importants en termes financiers et de main-d'oeuvre ou faire de la transition. Et cette transition-là ne n'effectue pas instantanément. Ça demande des modifications en profondeur des pratiques et des façons de faire l'agriculture.

Nous recommandons que le gouvernement appuie les productions biologiques de diverses façons : financière, en recherche et en service. Toutefois, l'agriculture conventionnelle continuera à occuper une place importante encore pour plusieurs années, et nous devons absolument accroître les efforts pour s'assurer de l'engagement de tous afin d'améliorer les méthodes culturales et la gestion des pesticides. Soyez assurés que l'Ordre des agronomes continuera d'y contribuer.

Je passe maintenant la parole à Mme Louise Richard, la directrice générale, qui vous entretiendra des mécanismes de surveillance de l'ordre.

Mme Richard (Louise) : Merci, M. Duval. M. le Président, Mmes et MM. les députés, je commencerais tout d'abord en vous disant que tout agronome doit exercer sa profession en favorisant les intérêts de son client sans tenir compte des siens ou de ceux de tiers. Pour répondre à son mandat de protection du public, l'ordre utilise différents mécanismes qui lui permettent de s'assurer de la compétence de ses membres et du respect des lois et de la réglementation par ces derniers. Certains des mécanismes sont de nature de soutien et de prévention, alors que d'autres sont de nature plus curative. Les campagnes annuelles d'inspection professionnelle sont l'un de ces mécanismes et ils s'appliquent à l'ensemble des membres de l'ordre.

De plus, l'entente conclue avec le ministère de l'Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques prévoit que tous les agronomes oeuvrant en phytoprotection seront inspectés d'ici 2022. Le processus a déjà débuté et il a permis à l'ordre d'identifier certaines problématiques et d'apporter des améliorations aux outils d'encadrement, à la formation et à la sensibilisation sur les meilleures pratiques à mettre de l'avant. L'ordre investit et investira davantage de ressources en inspection professionnelle afin de répondre à son obligation.

Le bureau du syndic a, de son côté, une approche disciplinaire. La syndique a le pouvoir de mener des enquêtes dès qu'une information suffisante lui est transmise afin de vérifier si l'agronome a commis ou non une infraction. Si cela s'avère, une plainte sera déposée devant le conseil de discipline, qui prendra des décisions qui s'imposent après avoir entendu les parties.

Nous tenons à rassurer les membres de la commission et les élus qu'il est de la ferme intention de l'ordre de dissiper les doutes quant au membre... manque, pardon, apparent d'indépendance professionnelle des agronomes.

Je cède de nouveau la parole à M. Duval. Merci.

M. Duval (Michel) : Merci, Mme Richard. Alors, l'ordre a entrepris plusieurs actions en lien avec l'indépendance professionnelle. Nous avons commandé une enquête indépendante sur les modes de rémunération des agronomes qui a révélé l'existence de différentes formes de rémunération variable. Par la suite, nous avons demandé à un comité d'experts indépendants formé d'éthiciens pour analyser les résultats de cette enquête afin d'obtenir des recommandations éclairées. Le rapport sera remis d'ici la fin de l'année. L'ordre de l'Office des professions est tenu à jour dans nos démarches dans ce dossier.

Entre-temps, notre détermination à apporter une des solutions nous a amenés à entreprendre plusieurs actions. Par exemple, nous sommes en discussion actuellement avec les employeurs, les membres de l'industrie pour corriger et modifier certaines pratiques de rémunération des agronomes. Nous incitons aussi les employeurs à mettre en place des mesures nécessaires pour assurer la traçabilité, la transparence et l'imputabilité de tous les actes agronomiques. Nous aidons les employeurs à identifier les programmes de rémunération inadéquats. Nous préparons une formation pour assurer la compréhension commune des concepts d'indépendance professionnelle et de conflit d'intérêts.

Je passe maintenant la parole à M. Pascal Thériault, qui présentera nos recommandations sur la recherche.

M. Thériault (Pascal) : Merci, M. Duval. La recherche joue un grand rôle dans l'application des meilleures pratiques agronomiques. Certains centres ou institutions en phytoprotection sont rattachés aux universités, alors que d'autres sont majoritairement financés par le MAPAQ. Ces derniers sont mis en concurrence et obtiennent leur financement par appel de projets ciblés. L'ordre recommande plutôt que ces centres et instituts collaborent afin d'optimiser et d'accélérer leurs recherches et que leur financement soit assuré sur le long terme.

Nos outils et nos règles de l'art en agronomie sont continuellement mis à jour en utilisant les travaux de recherche. Il serait d'ailleurs pertinent que le gouvernement mette à contribution leur Scientifique en chef. Il pourrait assumer un rôle central en innovation en tenant compte du volet économique très important en agriculture et en agroalimentaire.

Aussi, il est nécessaire de se doter de ressources humaines pour assurer efficacement le transfert des connaissances scientifiques aux agronomes et aux producteurs agricoles. À cet effet, les agronomes qui travaillent au sein du gouvernement réalisent des essais aux champs et transmettent leurs connaissances. Toutefois, depuis les années 90, nous comptons 44 % moins d'agronomes au gouvernement. Ils sont passés de 623 à 351.

Aussi, nous recommandons le financement nécessaire pour développer une formation très avancée pour les agronomes portant sur l'utilisation des herbicides dans les grandes cultures. Nous devons travailler ensemble, et les instances municipales font aussi partie de l'équation en matière de respect des bandes riveraines, qui, dans bien des cas, ne sont pas respectées. Certaines municipalités réussissent à faire appliquer le règlement, mais d'autres, non. La réglementation établit une largeur minimale à respecter le long des cours d'eau et des fossés de drainage. Des experts font consensus pour dire que de nombreux bénéfices découlent des bandes riveraines. Ils sont de nature agronomique, écologique et économique.

L'ordre recommande que le gouvernement, de concert avec les municipalités, prévoie des incitatifs financiers pour valoriser le respect des bandes riveraines en compensant la perte de revenus pour les parcelles non cultivées. En revanche, l'État doit sanctionner le non-respect de la réglementation.

Je cède maintenant la parole à M. Duval pour la conclusion.

M. Duval (Michel) : Merci, M. Thériault. En résumé, la réduction de l'utilisation des pesticides demande de la part du gouvernement un leadership renforcé et structurant en recherche, en transfert de connaissances, en formation. L'appui de l'État doit s'accompagner d'un cadre réglementaire plus rigoureux. La réduction de l'utilisation des pesticides est une question de protection du public. L'ordre assumera ses responsabilités, comme il l'a toujours fait. L'engagement de toutes les parties prenantes est indispensable pour atteindre cet objectif.

Finalement, nous demandons au gouvernement du Québec de remettre à jour les travaux pour actualiser la Loi sur les agronomes, qui est tombée au feuilleton deux fois depuis 2013. Sachez que la description actuelle de l'exercice de la profession d'agronome date de la Deuxième Guerre mondiale. Notre loi devrait refléter l'avancée de la science agronomique du XXIe siècle indispensable à une agriculture davantage agroécologique.

Merci de nous avoir donné l'occasion de contribuer à cette commission. Nous sommes à votre disposition pour répondre à vos questions. Merci.

Le Président (M. Lemay) : Merci beaucoup. Donc, sur ce, je cède la parole au député de Maskinongé.

M. Allaire : Merci, M. le Président. Merci pour votre présentation très structurée. C'est très apprécié. Dans votre mémoire, à la page 8, vous mentionnez une de vos recommandations, que vous souhaitez que le gouvernement encadre davantage les pesticides. Et là je fais un lien avec d'autres recommandations qu'on a eues dans d'autres mémoires.

En fait, on est en 2019, ça peut être très facile de développer des nouveaux outils de traçabilité. Est-ce que vous pensez qu'on aurait avantage à développer un outil public, donc un certain registre, pour être capable, là, vraiment d'identifier tout le cheminement des pesticides au Québec? Ça veut dire du fabricant au détaillant et ensuite chez le producteur.

• (16 heures) •

Le Président (M. Lemay) : M. Duval.

M. Duval (Michel) : Si le but du gouvernement, c'est d'assurer une plus grande traçabilité de l'utilisation des pesticides, puis ça pourrait être un des moyens utilisés pour assurer la traçabilité des pesticides au Québec, oui.

M. Allaire : Là, je pose la question puis, en même temps, j'ai 450 fermes sur mon territoire. Puis là il y en a peut-être deux, trois qui nous écoutent actuellement. Et je me dis : Est-ce qu'on va alourdir un peu d'une certaine... lourdeur administrative, finalement, pour nous producteurs, qui seraient comme un peu... pas... tu sais, bref, ils ne mettraient pas leur énergie à la bonne place, là, si on veut, là.

Le Président (M. Lemay) : M. Duval.

M. Duval (Michel) : Écoutez, dans tous les domaines où on demande un peu plus de contrôle, de structure, de suivi, il y a une certaine lourdeur administrative qui s'ajoute. Maintenant, vous savez qu'il y a des moyens électroniques très avancés qui sont mis à la disponibilité des gens, l'utilisation de tablettes, par exemple, qui permettent de faire beaucoup de choses. Et c'est facile maintenant, avec courriels, tablettes, et compagnie, d'arriver à des résultats de traçabilité ou de suivi de l'information presque en temps réel avec peu de travail.

Les producteurs, maintenant, sont évolués. On a mentionné tantôt, on arrive maintenant avec une nouvelle génération d'agriculteurs qui sont beaucoup plus formés et informés, qui ont accès à ces outils-là. Je pense que, bon, il y a un côté... oui, il y a un peu de lourdeur administrative, mais il y a des moyens maintenant pour accélérer l'utilisation de cette information-là pour la rendre plus efficace et plus conviviale pour les utilisateurs.

Le Président (M. Lemay) : M. le député.

M. Allaire : Merci. Ça va, je n'ai pas d'autre question.

Le Président (M. Lemay) : Ah! parfait. Mme la députée de Laviolette—Saint-Maurice.

Mme Tardif : Bonjour. Merci. J'avais préparé des questions, puis, au fil du temps, vous en avez répondu à quelques-unes. J'aimerais vous relancer sur une polémique qu'il y a eu il y a quelques mois, vous le savez, quand c'est sorti qu'il y avait sept rivières sur 10 dont le critère de qualité de l'eau pour les néonicotinoïdes était dépassé d'au moins 93 %. C'est quand même assez alarmant d'entendre ça, surtout qu'on pense que nous bandes riveraines sont protégées puis qu'on entend qu'elles le sont plus ou moins.

Mais ce qui est d'autant plus, sinon plus inquiétant, c'est de voir — parce que je connais et je reconnais l'expertise des agronomes et de l'Ordre des agronomes — que les prescriptions sont données majoritairement par des agronomes qui travaillent pour des firmes, pas pour des vendeurs, pour des entreprises qui fabriquent des pesticides, qui conçoivent des... C'est préoccupant pour nous, c'est préoccupant pour la population, et je lisais dans votre rapport, là, que vous vous engagez, donc, à assumer vos responsabilités. Vous avez donné des exemples, là, au niveau des inspections professionnelles, des enquêtes indépendantes. Est-ce qu'on ne devrait pas tout simplement dissocier l'agronome des prescriptions de pesticides, dans un premier temps?

Et vous avez parlé... parce que les gens sur le terrain constatent, les agriculteurs constatent que, depuis 20 ans, il y a une diminution de visites d'agronomes sur le terrain. Et, pour eux, c'était sécurisant aussi, qu'il y ait un agronome, pas un agronome qui vend des pesticides, mais un agronome qui va les voir, qui va les rencontrer, et qui discute, et qui connaît leurs cultures, qui connaît leurs enjeux.

Le Président (M. Lemay) : M. Duval.

M. Duval (Michel) : Bon, plusieurs volets à votre intervention, Mme la députée. D'abord, premièrement, je voudrais préciser qu'actuellement au Québec il y a très peu d'agronomes qui travaillent pour les fabricants de pesticides, il y en a quelques-uns.

Mme Tardif : ...

M. Duval (Michel) : Ah! non, ça, écoutez, ça, c'est des agronomes qui travaillent pour des distributeurs de produits de pesticides, alors ils ne travaillent pas pour un fabricant. Je vais faire la nuance. Le fabricant, c'est des grandes compagnies comme Monsanto ou Bayer. Oui, les agronomes travaillent avec les producteurs. Vous parlez de visites à la ferme de gens qui sont indépendants. Au Québec, il y a des agronomes qui sont membres de clubs, il y a des agronomes qui sont consultants indépendants, il y a des agronomes... Dans le passé, il y avait plusieurs agronomes qui travaillaient à l'emploi du MAPAQ, ça a été souligné par M. Thériault tantôt. Depuis les années 90, une baisse de presque 50 % des agronomes qui sont à l'emploi de l'État. Ça a commencé dans les années 80 et, depuis ce temps-là, ça n'a pas changé. Écoutez, il y a des contraintes.

Maintenant, dire que les agriculteurs n'ont pas de visites, de consultations d'agronomes pour les aider à faire des choix stratégiques...

Mme Tardif : ...

Le Président (M. Lemay) : Mme la députée de Laviolette—Saint-Maurice.

Mme Tardif : Pas, pas de visites, moins de visites.

M. Duval (Michel) : Écoutez, moins de visites, ça dépend des régions.

Le Président (M. Lemay) : M. Duval.

M. Duval (Michel) : Écoutez, les visites... les agronomes vont actuellement aller rencontrer les producteurs quand les producteurs souhaitent les rencontrer aussi.

Le Président (M. Lemay) : Parfait. Mme la députée de Laviolette—Saint-Maurice, ça va?

Mme Tardif : Je n'ai pas eu... je n'ai pas entendu de réponses claires par rapport à mes questions. Vous ne m'avez pas sécurisée comme citoyenne.

M. Duval (Michel) : Si vous voulez préciser votre question, s'il vous plaît.

Mme Tardif : C'est par rapport aux agronomes, à leur implication et au rôle de l'ordre par rapport à l'implication des agronomes versus les ventes des pesticides.

M. Duval (Michel) : De pesticides.

Le Président (M. Lemay) : M. Duval.

M. Duval (Michel) : Alors, je vais essayer de préciser. Écoutez, c'était clair dans notre énoncé. Nous, maintenant, ce qu'on demande à l'entreprise qui emploie un agronome qui va faire un conseil... soit un conseil ou soit une recommandation avec une prescription, c'est la transparence, dans le sens que, nous, ce qu'on veut, c'est qu'on soit capable, à partir de la facturation, de différencier la vente du produit de la vente du service-conseil qui a été donné et d'être capable de faire le retraçage à partir de la transaction qui est faite avec M. le producteur agricole parce que, sur sa facture, il y aurait une vente d'atrazine, par exemple, et un conseil en phytoprotection, que ça soit détaillé et qu'on soit capable de retracer dans le dossier jusqu'à la justification agronomique pour que nous, quand on va faire notre inspection professionnelle, qu'on soit capable... un côté ou de l'autre, d'arriver à la même réponse, d'être capable d'imputer cette recommandation à une personne.

Actuellement au Québec, les pesticides sont vendus par les entreprises avec une facture, point. Il n'y a pas de différenciation. On ne sait pas qui, à partir de la facture, a fait la recommandation. Et, nous, il faut qu'on fasse... pour avoir le détail, on est obligé de faire une enquête chez les agronomes individuellement à partir de leur dossier.

Le Président (M. Lemay) : Merci beaucoup.

M. Duval (Michel) : Je ne sais pas si ça répond à votre question.

Mme Tardif : Oui. C'est clair...

M. Duval (Michel) : Alors, merci.

Mme Tardif : ...et c'est plus sécurisant. Je vous remercie.

M. Duval (Michel) : Merci, madame.

Le Président (M. Lemay) : Merci. Alors, je cède maintenant la parole au député de Lac-Saint-Jean.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Merci, M. le Président. Merci de votre présentation. Merci du travail aussi, là, qui a été fait à ce niveau-là. Moi, j'aimerais m'entretenir avec vous un peu... On parle toujours que, normalement, les agronomes, on prône toujours l'utilisation raisonnable d'intrants. Et j'aimerais que vous m'expliquiez qu'est-ce que c'est la notion de «raisonnable» selon un agronome.

Le Président (M. Lemay) : Alors, M. Duval.

M. Duval (Michel) : ...de «raisonnable, c'est l'utilisation quand c'est justifié. Par exemple, on sait qu'il y a eu, dans le passé, et c'est noté dans notre mémoire, il y a des utilisations qui sont faites en prévention. Par exemple, on avait peur d'avoir du ver fil-de-fer dans une culture de maïs,et on utilisait des néonics pour prévenir. C'était peu dispendieux. Quand on compare le coût de l'ajout de ce pesticide-là versus le coût de la semence, c'est relativement petit.

Le Président (M. Lemay) : M. le député.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Donc, ça arrivait... c'est juste, avoir un petit échange, là. Donc, de façon préventive, on savait à telle date, exemple, fin juin, début juillet, peu importe, O.K., c'est le temps d'appliquer, on applique, la météo est bonne. Ça fait que c'était ça, hein?

M. Duval (Michel) : Ça s'est fait beaucoup dans... Si vous me permettez de préciser, ça s'est fait beaucoup, par exemple, en production des pommes, par exemple, où on savait, par exemple... s'il y avait de la pluie, il fallait appliquer un pesticide pour contrôler la tavelure, par exemple. Et, si on ne l'appliquait pas, on se ramassait avec des problèmes. Et, dans certains cas, il y avait des applications qui se faisaient deux, trois, quatre fois par semaine, s'il y avait de la pluie. Maintenant, ces gens-là, dans les cultures de pommiers, ils vont faire peut-être... les interventions vont être réduites à, peut-être, sept, huit, dix par année au lieu de trois à quatre par semaine.

Le Président (M. Lemay) : Alors, M. le député.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Donc, c'est intéressant. Et aussi moi, je vais aller du niveau de la formation. Quand on parle, on sait que, tu sais, les agronomes, les techniciens agricoles aussi suivent des formations, tout ça. Moi, ça fait quand même... je ne suis plus jeune, ça fait un bout de temps, j'ai suivi d'autres formations. Mais moi, je voudrais savoir, là, vraiment, là : Est-ce que vous êtes assez formés au niveau des pesticides? Est-ce qu'il y a assez de formation au niveau des pesticides, au niveau des institutions? Quand vous suivez vos cours, on vous... Est-ce qu'il y a assez de formation à ce niveau-là?

M. Duval (Michel) : Si vous permettez, je vais transférer la question à M. Thériault, qui est, lui, responsable de notre comité de formation.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Oui.

Le Président (M. Lemay) : Oui, allez-y.

M. Thériault (Pascal) : Au niveau de la formation universitaire, le cours sur les pesticides est obligatoire maintenant puis, bon, ce n'est pas un cours sur comment épandre, là, c'est un cours sur qu'est-ce qu'un pesticide, puis quels sont les effets de ces pesticides-là, et quelles sont les méthodes alternatives qui sont couvertes en même temps. Donc, les deux facultés d'agronomie au Québec ont ce cours à l'intérieur de leur cursus.

• (16 h 10) •

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Puis on sait qu'il y a beaucoup de pesticides sur le marché, et tout ça. Vous, votre formation, est-ce que ça ratisse large? Est-ce que vous y allez... vous touchez à pas mal tous les pesticides ou plus ceux utilisés au Québec dans votre formation?

M. Thériault (Pascal) : Bien, c'est un cours qui couvre quand même assez large. Il faut dire que c'est un cours de trois crédits. Donc, c'est un 15 heures de cours magistraux, plus les travaux pratiques qui viennent avec. Donc, c'est un cours qui offre quand même une bonne base.

Ceci étant dit, les pesticides ne sont pas couverts que dans le cours de pesticides. Les étudiants qui vont prendre des cours en grande culture, qui vont prendre... bien, même en santé et sécurité au travail, d'ailleurs, les pesticides sont couverts sous différents aspects à travers les programmes d'études.

Le Président (M. Lemay) : M. le député.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : O.K. Tout dépendamment de la spécialisation de l'agronome, s'il s'en va plus en production végétale, production animale, donc. Mais est-ce que vous, vous trouvez que vous en avez assez? Est-ce que ça en prendrait plus, de la formation à ce niveau-là?

Le Président (M. Lemay) : Alors, M. Duval.

M. Duval (Michel) : Écoutez, l'ordre révise régulièrement des formations continues pour maintenir ses agronomes à jour. Et d'ailleurs ça fait partie de notre politique de formation, d'exiger que nos membres maintiennent leur formation à jour. C'est dans notre code de déontologie. Et, écoutez, en 2018, avec la collaboration du ministère de l'Agriculture et du ministère de l'Environnement, on a organisé une session... tu sais, on a une tournée de sessions de formation à la grandeur de la province où plus de 250 agronomes ont participé à la formation. Il y avait aussi des technologues professionnels qui ont assisté à ces formations-là, des formations beaucoup plus pointues sur l'utilisation des pesticides, les problématiques rencontrées aux champs, les méthodes alternatives, ces choses-là. Ça fait partie du travail.

On travaille encore actuellement à développer des formations à venir. On a mentionné tantôt qu'on voulait développer des formations beaucoup plus pointues, par exemple, aller dans... beaucoup plus spécialisées. Il s'en donne à l'extérieur du Québec. On aimerait importer cette technologie-là ou cette information-là ici. Alors, c'est pour ça qu'on présente cette information-là à la commission, parce qu'on va devoir peut-être être obligés de demander un peu d'aide de la part de notre gouvernement du Québec pour organiser ces formations-là.

Le Président (M. Lemay) : M. le député.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Il me reste comment de temps, M. le Président?

Le Président (M. Lemay) : Environ 2 min 30 s

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Deux minutes? Écoutez, je ne vous cacherai pas que, hein, dans les dernières semaines ou dans les derniers mois, vous vous êtes quand même fait... on va se le dire, vous vous êtes fait brasser, et tout ça, avec toute la situation au niveau des pesticides. Et moi, j'aimerais savoir un peu comment que... L'Ordre des agronomes compte-t-il changer ses méthodes en matière de services-conseils? Avez-vous une idée à ce niveau-là, vos méthodes en services-conseils?

Le Président (M. Lemay) : M. Duval.

M. Duval (Michel) : Écoutez, plutôt, de la façon que nous, on envisage de travailler, on traite les agronomes sur le même pied d'égalité, peu importe le travail ou le type d'employeur. L'ordre, les règles du jeu, le code de déontologie est le même, les règles de pratique sont les mêmes. On est conscients que ceux qui travaillent dans l'industrie de fournitures de pesticides, de fournitures d'intrants ont un risque un peu particulier, et ça fait partie des engagements qu'on a pris, de s'assurer que ces gens-là ou les entreprises qui les emploient mettent des pratiques en place pour les aider à avoir un jugement professionnel de façon indépendante. Parce que ce n'est pas parce qu'on a un employeur X ou Y que notre jugement professionnel va être affecté. Nous, c'est la façon qu'on aborde le dossier. Et je vous ai expliqué un peu plus tôt les barèmes qu'on veut mettre en place pour assurer beaucoup plus de transparence, de traçabilité puis d'imputabilité.

Le Président (M. Lemay) : Merci. M. le député.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : ...je crois, dans le code de déontologie, l'article 28.2, qui vient encadrer, là, cette situation-là. O.K.

M. Duval (Michel) : Et, écoutez, ça fait partie de la formation qu'on veut donner de préciser un peu les interprétations qu'on fait du code de déontologie. On sait que, dans certaines situations, les gens ont tendance à peut-être déformer un peu l'interprétation. Alors, l'ordre a ça aussi dans ses cartons dans les semaines puis les mois à venir.

Le Président (M. Lemay) : Merci. M. le député.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : O.K. Donc, c'est intéressant, parce que, c'est ça, j'ai quand même pris le temps de regarder le code de déontologie, qui est quand même un code assez long. Il y a des articles, tout ça, puis, comme vous avez vu, tout dépendamment, dans les dernières semaines, il y a tout l'aspect, hein, au niveau de ceux qui travaillent et qui sont les représentants. Mais c'est intéressant de vous entendre à ce niveau-là.

M. Duval (Michel) : Comme je l'ai mentionné, on est conscients que la situation de ces agronomes-là peut poser certaines questions à la commission et au public, et c'est pour ça qu'on a mis en place, nous, un comité sur l'indépendance professionnelle, pour arriver avec des réponses, des solutions pratiques. Et, comme on l'a mentionné, on devrait avoir notre rapport, nous, d'ici la fin de l'année, et ça va nous faire plaisir de le communiquer aux gens de la... aussitôt qu'il va être disponible.

Le Président (M. Lemay) : Merci. Ceci complète les échanges avec cette partie. Je cède maintenant la parole à la députée de Maurice-Richard.

Mme Montpetit : Je vous remercie, M. le Président. Bonjour, messieurs, madame... mesdames. Bien, écoutez, avec toutes les informations qui sont sorties au cours des derniers mois, vous comprendrez qu'il y a de quoi être inquiet. Puis, au niveau du grand public, certainement, il y a plusieurs questionnements et plusieurs inquiétudes. Puis je fais référence notamment à un article qui est sorti récemment, là, au mois d'août, qui soulignait que, selon votre bilan de 2018, 40 % d'erreurs chez les agronomes... il y avait 40 % d'erreurs chez les agronomes qui avaient été inspectées par votre ordre. Et, sur ces 40 % là, donc, il y en avait six qui présentaient des lacunes mineures, trois qui avaient des lacunes majeures et cinq qui présentaient des lacunes majeures graves entraînant des doutes sur leur compétence. J'aimerais que vous puissiez, dans un premier temps, nous éclairer sur la nature des erreurs qui ont été détectées lors de ces inspections.

Le Président (M. Lemay) : Alors, M. Duval. Et, si vous voulez céder la parole à quelqu'un d'autre, il n'y a pas de problème.

M. Duval (Michel) : Je vais demander à M. Boukhalfa, qui est responsable du dossier à l'inspection professionnelle, chez nous, de venir préciser.

Le Président (M. Lemay) : Veuillez prendre place.

M. Duval (Michel) : Pendant que M. Boukhalfa s'installe, je voudrais préciser, Mme la députée, que, dans les erreurs qu'on a rapportées, certaines... ça peut être... nous, on va les considérer comme graves, mais ça ne met pas nécessairement la santé du public en danger ni la santé des producteurs. Une mauvaise tenue de dossiers, ce n'est pas une mauvaise recommandation, mais une mauvaise tenue de dossiers, dans notre livre, c'est aussi grave parce que c'est comme ça... qu'on sert pour faire le retraçage de l'activité du professionnel. Je vais passer la parole à M. Boukhalfa.

M. Boukhalfa (Abdenour) : Effectivement, au niveau de l'inspection professionnelle, donc, on a eu, en phytoprotection, une deuxième année d'inspection professionnelle, en phytoprotection particulièrement, qui a concerné 36 agronomes. Sur les 36 agronomes, il y a eu 40 % de non-conformités qui ont été trouvées par le comité d'inspection.

Ce qu'il faut savoir, c'est que les inspections ont été orientées essentiellement sur la nouvelle réglementation pour l'atrazine qui venait à peine de sortir. Donc, à partir de là, les non-respects de la réglementation et également non-respect de certains éléments qui ont été jugés non conformes par le comité, donc, il y en avait une série, ça a donné suite, donc, à une poursuite dans le processus. Ça, ça veut dire que, sur les 14 agronomes auxquels on a identifié des non-conformités, il va y avoir des suivis qui vont se faire l'année prochaine, il va y avoir des inspections particulières qui pourraient mener, donc, soit à une exigence de formation continue...

Le Président (M. Lemay) : Alors, bien, on a une question complémentaire par Mme la députée. Allez-y.

Mme Montpetit : Juste être sûre de bien comprendre ce que vous venez de me dire. Dans les erreurs qui ont été notées lors des inspections, il y avait la non-conformité, le non-respect de la réglementation qui a été mise en place pour l'atrazine. C'est bien ce que vous venez de dire?

M. Duval (Michel) : Je confirme.

Mme Montpetit : Et je comprends bien, M. Duval, que, comme président de l'Ordre des agronomes, vous venez de me dire que, dans les erreurs qui ont été soulevées par des inspecteurs, il n'y a rien qui touche la santé de la population québécoise. Est-ce que, c'est-à-dire, vous jugez que la réglementation qui a été mise en place pour encadrer l'atrazine, pour vous, il n'y a pas de conséquence sur la santé publique?

Le Président (M. Lemay) : M. Duval.

M. Duval (Michel) : Vous me permettrez de préciser, je me suis peut-être mal exprimé, mais, parmi les non-conformités, il y en a certaines qui sont de nature administrative, que nous, on considère importantes, mais ce que M. Boukhalfa souligne, c'est que, dans certains cas quand c'est la réglementation qui n'est pas respectée, ça fait partie de notre travail de vérifier pour que ça soit appliqué correctement, que ce soit fait correctement dans le travail des agronomes au jour le jour. Et ça, c'est le travail de l'ordre professionnel. On fait ça avec la phytoprotection, on fait ça avec les autres types de productions où est-ce que les agronomes interviennent. Je me suis peut-être mal exprimé tantôt, je m'en excuse, Mme la députée.

Le Président (M. Lemay) : Mme la députée.

Mme Montpetit : Non, mais juste que je pense que c'est important de clarifier ça, parce que...

M. Duval (Michel) : Je vous remercie.

Mme Montpetit : ...ce que je comprends, ce que vous nous dites, c'est que, dans vos inspections, vous êtes en mesure d'identifier, en ce moment, des agronomes, au Québec, qui n'ont pas respecté la nouvelle réglementation sur l'atrazine.

M. Boukhalfa (Abdenour) : Sur les 36 qui ont été inspectés.

Mme Montpetit : Quelles ont été les mesures qui ont été prises par l'ordre suite à ces inspections, par rapport à ces agronomes précisément?

M. Boukhalfa (Abdenour) : Alors, on a trois niveaux. Au niveau des non-conformités, on a trois niveaux de suivi. On un suivi de dossiers qui va être fait au cours de cette campagne qui débute au mois d'octobre. Donc, on communique les non-conformités aux agronomes concernés, et ils nous envoient un dossier au cours de la prochaine campagne pour vérifier si les non-conformités ont été réglées. Ça, c'est une première étape. Un deuxième niveau, c'est une visite de suivi qui se fait directement sur les lieux de travail de l'agronome. Un troisième niveau, ce sont des inspections particulières qui vont se faire directement sur les lieux de travail et qui vont être données possiblement, si les lacunes ne sont pas réglées, à une formation, un stage exigé ou encore jusqu'à une suspension du permis d'exercice.

Le Président (M. Lemay) : Mme la députée.

Mme Montpetit : Donc, à ce stade-ci, ce que je comprends par là, c'est que, malgré les manquements, ces agronomes sont toujours en pratique, sont toujours libres de faire les prescriptions qu'ils souhaitent jusqu'à ce que vous puissiez les identifier, mais il n'y a pas d'accompagnement, il n'y a pas de formation et il n'y a eu aucune sanction d'aucune façon qui a été donnée par l'Ordre des agronomes.

Le Président (M. Lemay) : M. Boukhalfa.

• (16 h 20) •

M. Boukhalfa (Abdenour) : Oui. Le processus d'inspection professionnel est régi par le Code des professions. C'est exactement le même pour toutes les professions. Dans notre processus d'inspection professionnel, c'est vraiment la procédure. Donc, il y a des étapes, il y a une certaine période où l'agronome est avisé, où l'agronome ou le professionnel doit apporter des correctifs et, par la suite, il y a des vérifications qui se font. On est rendus à cette étape-là.

Le Président (M. Lemay) : Mme la députée.

Mme Montpetit : Sur les 36 agronomes qui ont été inspectés, est-ce que ce sont les cinq agronomes qui ont des manquements majeurs qui sont dans cette situation-là?

Le Président (M. Lemay) : Monsieur...

Mme Montpetit : Est-ce qu'on peut penser que, si on fait une proportion sur l'ensemble des agronomes du Québec, on se retrouve avec la même proportion? Est-ce que vous avez... En fait, ma question, c'est : Est-ce qu'à partir du moment où vous identifiez, vous aviez des agronomes membres de votre ordre qui ne respectent pas la réglementation du Québec, est-ce que vous avez poussé le nombre d'inspections plus loin? Est-ce qu'en 2019 vous avez jugé pertinent, comme ordre, de s'assurer que l'ensemble des agronomes du Québec soit bien au fait de la réglementation et l'applique?

Le Président (M. Lemay) : M. Duval.

M. Duval (Michel) : Si vous me permettez de répondre, oui, nous, Mme Richard l'a mentionné précédemment, l'intensité de... la pression de l'inspection, si vous le permettez, va augmenter l'an prochain en fonction de l'entente qu'on a avec le ministère de l'Environnement d'inspecter tous les professionnels qui font de la phytoprotection. D'ailleurs, on a une entente d'échange d'information avec le ministère de l'Environnement là-dessus où ils vont nous communiquer tous les dossiers qu'eux considèrent comme non conformes, et ces dossiers-là sont transmis à notre Bureau de syndic qui, lui, fait l'évaluation si c'est un dossier de non-conformité avec la réglementation ou c'est un dossier de pratique professionnelle. Si c'est un dossier de pratique professionnelle, ça s'en va à l'inspection, mais, si c'est un dossier de non-conformité réglementaire ou déontologique, le syndic ou la syndique de l'ordre, le Bureau du syndic de l'ordre entreprend déjà les enquêtes. Il y a des enquêtes qui sont déjà en cours suite à de l'information qui nous a été communiquée en juin dernier, et notre processus est déjà en place.

Le Président (M. Lemay) : Oui, Mme la députée.

Mme Montpetit : ...parce que mon collègue a plusieurs questions aussi. Pourquoi vous me dites attendre à l'année prochaine? Parce que le bilan dont il est question, c'est le bilan de 2018. On est 2019. Est-ce que vous avez augmenté, en 2019, le nombre d'inspections que vous avez faites à la lumière de ces résultats-là? On est presque à la fin de l'année. Avez-vous un nombre d'inspections que vous pouvez nous communiquer qui ont déjà été faites et est-ce que vous avec un bilan partiel du respect de la réglementation pour l'année 2019? Parce que la réglementation, elle est encore plus large qu'elle l'était l'année passée. Est-ce qu'on doit s'inquiéter encore de l'application de la réglementation par les agronomes?

Le Président (M. Lemay) : M. Duval.

M. Duval (Michel) : Bien, écoutez, on n'a pas de réponse définitive parce que, nous, l'information, on a eu de l'information... Nos campagnes d'inspection, c'est de septembre ou octobre... octobre, aller au 31 mars, en fait, pour produire notre rapport parce que ça, c'est publié à chaque année dans notre rapport annuel. C'est déjà disponible si vous en faites la demande. Et, oui, l'an prochain, on va avoir des données qui vont être différentes parce qu'on va travailler avec les données de la saison 2018‑2019.

Le Président (M. Lemay) : Je comprends que je cède la parole au député de Marquette.

M. Ciccone : Merci beaucoup. Merci beaucoup d'être là, avec nous, aujourd'hui, et de nous transmettre votre expertise. Cependant, j'ai relevé quelques mots. Moi, vraiment, je mets le poids sur les mots. Vous avez dit que l'agronome doit servir les intérêts des citoyens et des agriculteurs. Vous avez parlé également d'un... vous avez demandé un rapport. Je veux savoir pourquoi vous avez senti le besoin, justement, de demander un rapport indépendant, parce que les mots «conflit d'intérêts» sont revenus à plusieurs reprises, sont revenus également sur... les deux groupes qui vous ont précédé l'ont mentionné. Pourquoi vous avez senti le besoin, justement, de demander un rapport indépendant, alors que, dans votre code de déontologie, l'article 31 stipule qu'il est interdit... «...tout avantage, ristourne ou commission relatif à l'exercice de [ses fonctions]», alors que c'est écrit noir sur blanc dans votre code de déontologie? Pourquoi ce rapport?

Le Président (M. Lemay) : Oui. Allez-y, M. Duval.

M. Duval (Michel) : Si vous le permettez, en 2017, quand on a lancé l'enquête avec... on a commencé à travaillé... faire le travail sur la rémunération puis les programmes de rémunération des agronomes, on avait beaucoup de commentaires qui nous arrivaient d'un peu partout avec des qu'en-dira-t-on, et vous savez qu'un ordre professionnel ne peut pas travailler avec des qu'en-dira-t-on. Alors, nous, l'enquête indépendante, ça a été dans le but d'aller chercher de l'information factuelle.

C'est une enquête qui a été réalisée au Québec. C'est des entreprises qui ont accepté de collaborer. On a enquêté dans tous les secteurs, et non pas uniquement en phytoprotection. On a enquêté autant dans le domaine des banques, chez les gens qui sont dans les clubs-conseils, les gens qui sont dans l'industrie de l'alimentation animale, chez les gens qui sont en phytoprotection. On a couvert l'ensemble des secteurs. On a choisi des entreprises de toutes les dimensions, de très petits employeurs, très grands employeurs, c'est documenté dans notre mémoire, parce que, là, en annexe, vous avez une copie du rapport qu'on a transmis, et on a trouvé des informations qui nous on permis de travailler beaucoup plus précisément avec notre comité d'indépendance professionnelle.

Le Président (M. Lemay) : M. le député de Marquette.

M. Ciccone : Combien de cas, justement, de conflit d'intérêts avez-vous relevés dans ce rapport?

M. Duval (Michel) : Dans les cas de... Avec notre enquête?

M. Ciccone : Oui.

M. Duval (Michel) : Notre enquête n'avait pas le but de récupérer des cas de conflit d'intérêts. Ce qu'on a ramassé dans notre enquête... puis c'est une enquête qui a été faite de façon confidentielle, puis les employeurs ont accepté de partager l'information de façon confidentielle, d'où l'intérêt de travailler avec la firme de sondage SOM, qui était l'entreprise indépendante. Ils nous ont relevé le cas d'une entreprise où il y avait des employés, deux agronomes qui était, eux, à 100 % à la commission, qui étaient à l'extérieur un peu de notre mandat, de notre code de déontologie.

La question des ristournes, écoutez, on n'a pas... n'a pas été identifiée comme telle. Mais on sait qu'il y a eu des dossiers, par exemple...

Le Président (M. Lemay) ...c'est rendu le tour de la députée de Rouyn-Noranda—Témiscamingue.

Mme Lessard-Therrien : Merci, M. le Président. C'est très éclairant, tout ça.

Moi, j'aimerais vous réentendre par rapport aux recommandations des agronomes par rapport à leurs clients. Vous avez parlé tantôt d'avoir un système à deux factures, donc on facture pour le service-conseil, on facture pour le pesticide à utiliser. On fait souvent le parallèle avec ce qui se fait dans le domaine de la santé, de la médecine. Donc, on a un médecin qui prescrit puis on a un pharmacien qui va vendre le médicament. On fait souvent le parallèle, pourquoi ce n'est pas comme ça que ça se passe en agriculture.

Donc, moi, j'aimerais avoir votre opinion là-dessus, pourquoi vous ne pensez pas que ça serait une meilleure solution.

Le Président (M. Lemay) : M. Duval.

M. Duval (Michel) : Dans un monde idéal, peut-être que ça pourrait être la solution parfaite, mais, actuellement, on ne vit pas dans un monde idéal, on travaille avec des contraintes, comme vous le savez, d'organisation de marché.

Dans les années 80, quand le ministère de l'Agriculture a décidé de laisser le service-conseil pour se départir graduellement de sa main-d'oeuvre, les entreprises ont trouvé que c'était une opportunité pour eux d'avoir des professionnels qui connaissaient l'agronomie et pour aussi expliquer la complexité des produits utilisés à la ferme, parce que, pour les producteurs agricoles, les pesticides, là, c'est des outils, mais c'est assez complexe à utiliser, donc ils cherchaient des professionnels pour les outiller. Et c'est de cette façon-là que le service-conseil s'est accompagné de la vente au niveau des intrants.

Est-ce qu'on peut les séparer? Nous, on préfère pour l'instant d'aller à une étape, qui est la séparation sur la facture, parce que, tant que la réglementation provinciale ne nous permettra pas d'aller de façon plus rigide avec notre travail au niveau de l'ordre, on ne peut pas appliquer cette alternative-là. Les pesticides, comme je l'ai mentionné, sont en vente libre, et, demain matin, si j'interdis aux agronomes qui sont dans l'industrie de vendre des pesticides et de les prescrire, les pesticides comme... étant en vente libre, le producteur agricole peut se présenter à n'importe quel comptoir de vente et acheter ce qu'il veut à la quantité qu'il veut et le faire... l'application qu'il en a de besoin.

Alors, la situation actuelle n'est peut-être pas parfaite, mais la situation actuelle, avec une traçabilité de l'acte professionnel, ça va nous permettre de contrôler la série des transactions et la série des actes professionnels pour qu'on puisse intervenir pour corriger les choses qui sont faites de façon inadéquate, qui pourraient mettre la santé du public en danger.

Le Président (M. Lemay) : Mme la députée.

Mme Lessard-Therrien : Sur un autre sujet, dans votre mémoire, une de vos recommandations, c'est de prévoir des budgets récurrents nécessaires en recherche et en développement en phytoprotection pour accélérer le développement des méthodes de rechange aux pesticides. On se fait souvent poser la question : Combien? Combien d'argent le Québec devrait investir pour soutenir la recherche? Vous êtes des agronomes, vous savez ce que vaut votre expertise. Est-ce que vous avez chiffré cette recommandation-là?

M. Duval (Michel) : Malheureusement, on n'a pas chiffré les montants, mais on sait que c'est des montants énormes parce que les besoins sont importants. On sait aussi que... et vous savez comme nous que les saisons changent et...

Le Président (M. Lemay) : C'était tout le temps qu'on avait avec notre parti de deuxième opposition. M. le député de Bonaventure, la parole est à vous.

M. Roy : Merci, M. le Président. Écoutez, messieurs, je vais poser trois questions, et vous répondrez par la suite.

Première question : Combien de suspensions de permis d'exercice depuis cinq ans? Est-ce que la formation des agronomes au MAPAQ est à jour? Et, dernière question, on parle des dangers pour les agriculteurs qui utilisent des pesticides, mais qu'en est-il des agronomes? À ma connaissance, ils sont aussi dans le champ.

Le Président (M. Lemay) : M. Duval.

M. Duval (Michel) : Alors, je vais commencer par la dernière, les dangers. On sait que les dangers sont là. On sait aussi que, dans certains cas, les producteurs sont... ils ont tendance à minimiser, hein, l'utilisation des pesticides, le danger quand ils s'exposent eux-mêmes. Certains ont des réticences à mettre des gants ou des outils de protection. C'est des choses qui se mettent en place de plus en plus.

Au MAPAQ, vous avez parlé de la compétence ou de la formation?

M. Roy : De la formation.

M. Duval (Michel) : De la formation. Écoutez, peut-être demander au ministère de l'Agriculture, nous, on est... Mais, écoutez, ici, nous, avec les agronomes, avec notre politique de formation continue, on les encadre. On leur demande un minimum de formation continue à chaque année. Maintenant, est-ce que c'est des gens qui sont tous... suffisamment de gens qui sont spécialisés en phytoprotection au niveau du ministère de l'Agriculture? On pense que non. Il devrait y en avoir beaucoup plus que ce qu'il y a maintenant.

Et les suspensions, je n'ai pas la réponse avec moi. Si ça vous intéresse, on pourra avoir les informations un peu plus tard pour les transmettre à cette commission, mais je ne les ai pas avec moi présentement.

M. Roy : Ça serait apprécié.

Le Président (M. Lemay) : Merci. M. le député.

M. Roy : Bien, écoutez, en ce qui a trait à la formation continue des agronomes, je pense que c'est un enjeu qui est extrêmement important. Donc, vous nous dites qu'au MAPAQ il y aurait des améliorations à avoir en termes de formation continue et de mise à jour en ce qui a trait à l'utilisation des pesticides?

Le Président (M. Lemay) : M. Duval.

• (16 h 30) •

M. Duval (Michel) : ...manque de ressources et pas nécessairement de formation. On manque de ressources. Les gens qui sont là, dans certains cas, sont très compétents. Les gens qui sont dans le Réseau d'avertissements phytosanitaires sont très compétents, mais est-ce qu'il y en a suffisamment?

Le Président (M. Lemay) : ...député.

M. Roy : Merci beaucoup.

M. Duval (Michel) : C'est moi qui vous remercie.

Le Président (M. Lemay) : Merci beaucoup. Donc, merci beaucoup à vous d'avoir participé aux travaux de la commission.

Je vais suspendre quelques instants afin de permettre à M. Jocelyn Michon de prendre place. Merci.

(Suspension de la séance à 16 h 31)

(Reprise à 16 h 34)

Le Président (M. Lemay) : Alors, nous reprenons nos travaux. Et je souhaite la bienvenue à M. Jocelyn Michon, en vous rappelant que vous avez 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Donc, vous pouvez y aller. La parole est à vous, M. Michon.

M. Jocelyn Michon

M. Michon (Jocelyn) : Merci, M. le Président. Bien, bonjour à tous. Je suis agriculteur à La Présentation, près de Saint-Hyacinthe. Cela fait plus de 40 ans que je m'efforce d'éliminer tout travail du sol. J'ai collaboré en tant que formateur en semis direct dans presque toutes les régions du Québec. J'ai même été appelé à partager à plusieurs reprises mon expérience en Ontario, en France et même en Ukraine. Je vous remercie de me donner cette opportunité de parler de sols vivants et performants qui nous conduisent à une réduction remarquable de l'utilisation des pesticides.

Nous, les producteurs en grandes cultures, faisons face à plusieurs défis qui nécessitent notre attention. En voici quelques-uns : la dégradation des sols fait la manchette régulièrement, alors qu'on parle très peu des sols vivants et performants, les changements climatiques sont perceptibles, ce qui nous oblige maintenant à anticiper plutôt qu'à réagir, la réduction des gaz à effet de serre implique que l'agriculture doit y contribuer de façon significative; l'utilisation rationnelle et raisonnée des pesticides et des fertilisants; l'effritement du pouvoir de négociation des producteurs agricoles face aux supermarchés, qui est à un tel point qu'aujourd'hui nous devons nous contenter d'un maigre 4 % du prix affiché en épicerie sur certains produits.

Au travers de tous ces enjeux, l'agriculteur est bien conscient que le développement durable ne peut se faire qu'en conservant un bon équilibre entre la rentabilité de son entreprise, la protection de son environnement et sa qualité de vie.

Au cours des 50 dernières années, l'augmentation de la production céréalière a fait en sorte que beaucoup de champs en culture annuelle ont été soumis à des excès de travail du sol et à l'augmentation démesurée de la grosseur des équipements. C'est là le plus grand malheur de notre agriculture moderne, très loin devant les pesticides, qui sont, en fait, des produits de protection de la santé des cultures.

Malgré toutes les nouvelles technologies et les équipements sophistiqués offerts aux agriculteurs, il y a une conséquence malheureuse qu'on n'a pas su évaluer : la santé des sols. Un sol déstructuré et compacté réduit l'infiltration de l'eau, l'annulant dans plusieurs cas, ce qui provoque le ruissellement vers les cours d'eau en entraînant, par le fait même, des pertes en fertilisants, des pertes de pesticides, des pertes de sols et, encore plus important, des pertes en eau précieuse, essentielle à la croissance des plantes. En conséquence directe, les sols dégradés perdent une bonne partie de leurs capacités nourricières, et les plantes cultivées deviennent plus susceptibles aux attaques des ravageurs.

Alors, pour contrer la dégradation des sols, le semis direct permanent et des cultures de couverture deviennent la solution à privilégier. Ce système de culture se distingue par l'absence totale du travail du sol entre la récolte et le semis. Le sol est couvert en permanence par des résidus de culture et les cultures de couverture. Parce qu'elles ne sont pas enfouies, les cultures de couverture protègent le sol contre les intempéries, et leurs racines activent la flamme microbienne du sol, améliorent la structure et recyclent les minéraux.

En l'absence de travail du sol, on assiste à un rétablissement phénoménal de l'activité biologique du sol, exactement comme on peut la retrouver dans un écosystème forestier. Il en va de même pour les qualités physiques du sol, qui s'améliorent grandement : augmentation de matière organique, séquestration du carbone, meilleure stabilité structurale, meilleure agrégation des particules de sol, plus grande capacité d'absorption et de rétention de l'eau. Un sol vivant est un sol performant. Par le fait même, les plantes sont plus aptes à se défendre contre les ravageurs, que ce soient des maladies ou des insectes. Il est même possible d'en arriver à se passer entièrement des applications de fongicides et d'insecticides sur une culture en croissance.

Un sol vivant est un sol performant. Voici trois indicateurs de performance qui mettent en valeur tout ce que j'ai cité précédemment. Le premier tient compte du rendement maïs par hectare. En utilisant les données de La Financière agricole, le rendement moyen en maïs sur mon entreprise est de 11 % supérieur à la moyenne de mon secteur et se classe dans les premiers 7 % des meilleurs rendements au Québec.

En second lieu, la fertilisation azotée est un élément important pour obtenir de bons rendements. Selon l'industrie, un kilogramme d'azote devrait produire 56 kilogrammes de maïs. Chez moi, sur mes sols vivants, chaque unité d'azote appliquée permet une production de 95 kilogrammes de maïs, soit une augmentation de 70 % par rapport à la norme reconnue.

Le troisième facteur, celui que je préfère, met en évidence la productivité par rapport à la consommation de carburant en faisant le lien avec la réduction des gaz à effet de serre qui proviennent de l'utilisation d'énergies fossiles et de l'oxydation du carbone contenu dans la matière organique. Dans une rotation maïs-soya, la consommation moyenne de carburant est de 92 litres par hectare. Chez moi, c'est 32 litres par hectare, 92 contre 32. Et, en tenant compte du rendement moyen en maïs au Québec, on établit que chaque litre de carburant est relié à une production d'environ 100 kilogrammes de maïs. Chez moi, c'est quatre fois plus, 410 kilogrammes de maïs par litre de carburant utilisé.

Cela signifie que le maïs... que le semi-direct permanent, combiné aux cultures de couverture, permet d'améliorer la santé des sols, d'atteindre des niveaux élevés de productivité, de réduire les émissions de gaz à effet de serre et de favoriser la rentabilité. Cependant, sur un sol fertile et non perturbé par les outils de travail de sol, la bataille contre les vivaces, telles que le pissenlit, chiendent, laiteron, prêle et asclépiade, nécessite l'utilisation d'un herbicide efficace. Le glyphosate est actuellement le seul et unique outil à notre disposition pour répondre à cette exigence. De plus, en se fiant au calculateur SAgE Pesticides, créé conjointement par les ministères de l'Agriculture et de l'Environnement, ainsi que par l'Institut de santé publique du Québec, le glyphosate est considéré comme l'un des produits les plus sécuritaires et dont les indices de risques pour la santé et pour l'environnement sont parmi les plus bas, incluant les biopesticides.

• (16 h 40) •

Advenant le retrait éventuel du glyphosate, tel qu'exigé par certains groupes écologistes, la seule alternative, pour ceux qui ont mis tant d'efforts afin d'améliorer la santé de leur sol, serait de retourner au travail du sol. En quoi cela répondrait-il aux objectifs d'une agriculture durable? Pourquoi faire reculer un modèle qui cadre parfaitement dans la définition même de l'agroécologie?

Par ailleurs, il est possible de faire un lien entre les pesticides et les médicaments alors qu'on trouve aussi des résidus de médicaments dans les cours d'eau. S'il fallait exiger de la population qu'elle réduise drastiquement sa consommation de médicaments, les conséquences seraient néfastes si rien n'était fait au préalable pour qu'elle améliore sa santé physique. Et, même en parfaite santé, on ne peut mettre de côté les progrès réalisés par la médecine afin de nous aider à maintenir une bonne santé physique. Nous ne sommes jamais à l'abri d'infections de toutes sortes. Il en va de même pour nos sols.

Si nous voulons collectivement réduire l'utilisation des pesticides en agriculture, il faut d'abord et avant tout mettre en place des pratiques culturales qui vont permettre de remettre les sols en santé, favorisant ainsi une plus grande résistance des plantes face aux insectes et aux maladies. C'est d'autant plus important quand les changements climatiques feront en sorte qu'il faudra accentuer la lutte contre de nouveaux ravageurs des cultures.

Il est primordial qu'en élaborant des politiques et réglementations, les ministères de l'Environnement et de l'Agriculture mettent au premier plan des outils qui reconnaissent les résultats plutôt que des manières de faire, les résultats en premier lieu. Avant d'établir les politiques de réduction des pesticides, il faut d'abord cibler des politiques de remise en forme de nos sols pour les rendre plus résilients, plus en santé. Il faudrait aussi retrouver, dans les programmes de soutien de revenu et d'aide à l'investissement, une volonté d'assurer une continuité à long terme des pratiques de régénération des sols.

Aujourd'hui, cette hystérie collective dirigée contre l'utilisation des pesticides est devenue source d'affrontements entre citadins et agriculteurs, qui se sentent délaissés face à ces critiques venues de toutes parts, alors qu'ils respectent les homologations ainsi que la longue liste des règlements.

Il m'arrive souvent de me demander où nous en serions maintenant si, 25 ans plus tôt, nos gouvernements, notre syndicat agricole, nos coopératives et nos institutions financières avaient mis de l'avant des politiques qui encouragent la régénération des sols. Une chose est certaine dans mon esprit, c'est que je n'aurais certainement pas eu à intervenir devant cette commission, puisqu'on aurait déjà démontré à la population non agricole les bienfaits, pour la santé et l'environnement, des pratiques liées à la santé des sols plutôt que d'être confrontés à devoir calmer la tourmente qui nous afflige actuellement. Merci.

Le Président (M. Lemay) : Merci beaucoup, M. Michon, pour votre exposé. Je cède maintenant la parole au député de Lac-Saint-Jean.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Alors, merci, M. le Président. Merci à M. Michon. D'entrée de jeu, j'aimerais ça vous féliciter, vous faites partie du temple de la renommée du Conseil de conservation des sols du Canada, et vous féliciter aussi pour l'expertise que vous avez au niveau de la formation. Vous avez été en France et en Ukraine. Donc, vous avez vu des choses là-bas.

Et, oui, effectivement, le travail minimum du sol, on sait très... on sait que c'est très, très important. Et ça contribue justement à l'amélioration, à la qualité des sols. Ça contribue aussi au niveau de plantes... plus en santé, tout ça. Excessivement intéressant, là, puis je ne veux pas tout prendre la parole, parce que je sais que mes collègues ont beaucoup de questions à vous poser, mais... puis vous avez démontré aussi, puis c'est des faits, que vous avez diminué aussi vos applications d'intrants pour arriver au même résultat. Donc, on a la preuve, vous avez des faits.

C'est sûr et certain qu'il y a une impasse, hein? La fameuse impasse, quand on dit : travail minimum du sol, on ne travaille plus le sol, donc, on ne peut pas faire des faux semis, entre autres, pour se débarrasser du fameux chiendent, des plantes vivaces qui se multiplient par rhizomes. Alors, vous devez intervenir avec un produit de synthèse, qui est quand même bien contrôlé parce que vous avez des sols en santé. Donc, les plantes sont plus en mesure de résister, plus en mesure de sortir du sol, faire un meilleur... couvrir plus rapidement, donc minimiser l'impact aussi au niveau de mauvaises herbes. Et, entre autres, quand on parle des mauvaises herbes, bien, on sait... les herbicides, qui constituent 70 % de l'utilisation des pesticides.

J'aurais aimé calculer votre carboneutralité à ce niveau-là, en passant. Je ne sais pas si vous avez fait le... vous avez été jusque-là, parce que vous parlez beaucoup de réduction des GES.

Le Président (M. Lemay) : Non, là, alors, M. Michon, allez-y.

M. Michon (Jocelyn) : Au niveau des GES, c'est certain qu'un des facteurs les plus importants au niveau de la réduction des gaz à effet de serre, c'est ce qui vient de la matière organique, le carbone qui est compris dans la matière organique. Et, à chaque fois qu'on brasse le sol, on oxyde le carbone qui est dans le sol, et ça fait des CO2. Et il y en a beaucoup. Justement, quand je suis allé en Ukraine, j'en ai vu des immensités, de sols laissés à nu et je trouvais ça vraiment triste. Ici, au Québec, il y a quand même un certain engouement des producteurs à couvrir leurs sols. Il y a du travail à faire énormément, là, mais je pense qu'on est quand même assez bien ici. Il y aurait moyen de faire mieux.

Il y a le fait aussi qu'on n'est pas tellement... pas aussi appuyés que d'autres peuvent l'être, je pense, entre autres, aux Américains dans le «farm bill», qui ont des montants alloués, ils signent des contrats à long terme pour faire du semis direct, semer des plantes de couverture, des bandes riveraines et aussi des bandes engazonnées. Puis ils sont même payés pour ne pas cultiver des sols qui sont érodables. Ici, au Québec, on n'a pas vraiment ça pour nous inciter à aller plus loin.

Le Président (M. Lemay) : Alors, M. le député.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : ...la parole. Seriez-vous capable, à l'heure qu'on se parle, de vous passer de pesticides de synthèse?

M. Michon (Jocelyn) : Actuellement sur la planète, il n'y a personne qui peut ne pas faire de travail de sol et ne pas utiliser de pesticides. Ça n'existe pas. C'est impensable.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : C'est tout pour moi.

Le Président (M. Lemay) : Parfait, alors Mme la députée de Laviolette—Saint-Maurice pour votre question.

Mme Tardif : C'est très intéressant, effectivement. Merci beaucoup d'être ici avec votre expertise. Ça nous fait voir un volet qu'il faut qu'on regarde aussi. Et vous avez parfaitement raison, et c'est important que les gens le sachent, que la nature du sol et un sol en santé, c'est la clé d'une bonne culture. Donc, de là... et les semis... la culture de couverture est par contre aussi utilisée en agriculture biologique.

Et de semer directement, comme vous le dites, le semis direct permanent, je crois que c'est ce qu'on fait dans la culture de la laitue aussi, parce qu'ils vont laisser les laitues un peu rouillées. Moi, je trouvais qu'elles étaient belles, étaient bonnes, mais disons que, rendu sur le marché, on ne les aurait pas choisies. Et c'est ça aussi qui fait que le consommateur est tellement exigeant par rapport aux fruits et aux légumes qu'on veut avoir, qu'il faut qu'ils soient toujours parfaits, donc, c'est difficile d'enlever le glyphosate ou d'enlever les phytocides.

Par contre, en culture biologique, vous nous dites qu'on reviendrait à quelque chose d'ancestral, que ce ne serait pas rentable. C'est ce que je comprends. Alors, moi, ce que je... nous, ce qu'on a constaté, c'est qu'il y a quand même, au Québec, des modèles de ferme de 600 hectares, de 3000 hectares biologiques qui sont rentables et dont les sols sont en santé. Donc, ça se peut.

Oui, ça a nécessité de l'investissement. Et il y a aussi un mélange de ces cultures-là qui sont, je vous dirais semi-biologiques. Parce qu'à certains moments on trouve des moyens pour diminuer l'utilisation des phytocides, un peu comme les exemples que vous apportez, avec des plantes, avec... en semant des plantes qui vont pousser moins haut que la compétition qu'on ne veut pas avoir. Peut-être que la productivité diminue un peu, mais je vous dirais que ces fermes-là sont très rentables.

Le Président (M. Lemay) : M. Michon, pour votre réponse.

• (16 h 50) •

M. Michon (Jocelyn) : Au niveau de la rentabilité, c'est possible que ce soit rentable, mais puisqu'ils ont le double prix, même deux fois et demie le prix du conventionnel. Enlevez ce prix-là, et ils ne sont pas rentables. La baisse de prix en... la baisse de rendement en grandes cultures à l'échelle mondiale joue de 30 % à 70 % de baisse de rendement. De 30 % à 70 %. C'est bien difficile d'arriver avec ça. En France, le blé conventionnel est à sept tonnes à l'hectare et le blé bio est à trois tonnes à l'hectare.

Mais je ne suis pas ici pour parler de biologique. J'ai des amis bio. Je vois qu'ils font, j'en rencontre qui sont plutôt téméraires, même. J'en connais un qui est en semis direct. Mais, en bio, avec des cultures de couverture pour contrôler les mauvaises herbes, ils sont toujours à risque de ne pas récolter. Et le rendement baisse. Plus on s'approche du non-travail de sol en bio, plus on est à risque de baisser nos rendements. Alors que... Moi, je disais ça à mon ami Sébastien, je disais : Alors qu'avec un petit peu de glyphosate, juste un petit peu, tu t'éviterais du travail de sol puis tu réussirais à faire des belles choses. Parce qu'il fait des belles choses, c'est vraiment intéressant.

Mais, moi, ce qui m'intéresse, c'est d'avoir un sol en santé. Puis ça, un sol en santé, on l'a en absence de travail de sol. Puis, en bio, ça ne se fait pas, du semis direct, en continu puis de façon rentable. Ça ne se fait pas.

Le Président (M. Lemay) : M. Michon, je crois que Mme la députée, elle avait une question complémentaire.

Mme Tardif : C'est correct, merci. Je vais lancer la chance à quelqu'un d'autre. Merci.

Le Président (M. Lemay) : Ah! parfait. À ce moment-ci, je cède la parole à Mme la députée d'Abitibi-Ouest.

Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Merci. M. Michon, lorsque j'ai lu votre mémoire, ça me rappelle de beaux souvenirs, je me rappelle mon enfance. Alors, j'ai vécu sur une ferme, et c'était dans les années 60, 70. Alors, sols en santé... Quand j'ai vu votre mémoire parlant des vers lombrics, ça me rappelait beaucoup de mon enfance. Et je veux savoir... Dans le fond, on retourne à nos racines, on n'invente pas la roue, on retourne à nos racines. Et ce que j'aime bien, c'est un sol vivant, un sol en santé. Par contre, dans tout ce que vous dites, moi, je veux savoir : Chez vous, est-ce que vos sols sont drainés? Parce qu'en Abitibi on n'a pas beaucoup de drainage. On a des sols qui sont drainés, mais pas comme en Montérégie.

Le Président (M. Lemay) : M. Michon.

M. Michon (Jocelyn) : Dans la région de Saint-Hyacinthe, pratiquement tous les champs sont drainés. On est dans des sols plats chez nous, et l'égouttement de surface se fait par des fossés qui ont été creusés. Ce n'est pas des cours d'eau naturels, pas beaucoup, et puis, non, tous les champs sont drainés.

Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Les terres, ce sont des terres...

M. Michon (Jocelyn) : De quel... Quel type?

Mme Blais (Abitibi-Ouest) : De quelle qualité, la terre?

M. Michon (Jocelyn) : J'ai de tous les types de sols. J'ai principalement un loam argileux, j'ai aussi des argiles assez lourdes puis un sable léger aussi.

Mme Blais (Abitibi-Ouest) : ...avec l'hiver qui est difficile, il faut par la suite mettre du «glycophosate», c'est ça?

M. Michon (Jocelyn) : Glyphosate.

Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Glyphosate, excusez-moi.

M. Michon (Jocelyn) : On peut dire Roundup aussi, c'est plus facile.

Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Roundup, oui, j'aime mieux. Alors, est-ce que vous en mettez régulièrement annuellement? Combien de fois par année?

M. Michon (Jocelyn) : J'en mets à tous les ans. J'en mets à tous les ans, puis on pourrait l'appliquer une seule fois, mais moi, je coupe les doses en deux, je l'applique deux fois.

Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Deux fois?

M. Michon (Jocelyn) : Oui, deux petites doses.

Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Merci.

Le Président (M. Lemay) : Allez-y. Vous pouvez poursuivre, Mme la députée, il n'y a pas de problème.

M. Michon (Jocelyn) : Bien, pour compléter, il y a beaucoup d'autres herbicides que je ne mets pas à la place, là.

Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Oui?

M. Michon (Jocelyn) : Oui, le Roundup remplace beaucoup de produits qui sont beaucoup plus à risque. On parlait tantôt du calculateur SAgE Pesticides. Je l'ai fait, ce calcul-là. Je peux vous le présenter, là. Le glyphosate, la quantité que j'applique, il y a un indice de risque pour la santé, au taux que j'applique, de 38 et, pour l'environnement, de 4. Et, si j'ajoute un autre produit avec lui, pas un antigraminée, bien là je monte à 145 et 134. Et, si on m'enlevait le glyphosate, je devrais prendre un produit qui est à 114,33 et en utiliser deux autres qui monteraient à 758 et 170, ce qui ferait que je serais à 872 et 203, selon le calculateur SagE Pesticides, contrairement au glyphosate seul. Mais ce n'est pas une bonne chose de l'utiliser seul, parce qu'il y a un danger de résistance des plantes, et on est mieux de l'accompagner. Puis, dans mon secteur à moi, il y a une pression forte de sétaire géante et de morelle noire. Alors, il faut que j'accompagne le glyphosate d'un autre produit.

Ça fait que 38 et 4 contre 872 et 203, c'est le choix qu'on a à faire. Je pense qu'il est assez facile à faire.

Le Président (M. Lemay) : Parfait. Mme la députée d'Abitibi-Ouest.

Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Vous avez vu, depuis les 40 ans, au niveau de la... au niveau de votre...

M. Michon (Jocelyn) : 46.

Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Pardon?

M. Michon (Jocelyn) : 46 ans.

Mme Blais (Abitibi-Ouest) : ...46 ans, une évolution de votre sol ou une rétrogradation. Pouvez-vous m'en parler?

M. Michon (Jocelyn) : Non, une évolution.

Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Une évolution.

M. Michon (Jocelyn) : Une évolution. D'ailleurs, au départ, je n'aurais jamais pensé que ça pourrait arriver à ce point-là. Tout est facile aujourd'hui. Les semis se font facilement. Le sol... Bien, l'augmentation de la matière organique... La matière organique, c'est vraiment le point fort là-dedans, parce qu'on n'enfouit pas les résidus, et ils ne sont pas brûlés, ils se décomposent et se transforment en matière organique. Et je suis passé d'un taux de 1,6 % de matière organique à 3 %, 3,5 %, puis même du 4 % de matière organique. Donc, ça rend le sol beaucoup plus souple, et les semis sont beaucoup plus faciles.

Et, en ne travaillant pas le sol, bien, les mauvaises herbes qui réussissent à passer, bien, les semences tombent au sol et elles pourrissent à la surface du sol plutôt qu'être enfouies puis être mises dans un milieu où est-ce qu'elles pourraient revenir plusieurs années plus tard.

Le Président (M. Lemay) : Parfait. Mme la députée d'Abitibi-Ouest.

Mme Blais (Abitibi-Ouest) : C'est fini?

Le Président (M. Lemay) : Non, non, allez-y.

Mme Blais (Abitibi-Ouest) : O.K. Et, si on enlève le Roundup, on passe une loi : Plus de Roundup au Québec, ça vous met dans quel état?

M. Michon (Jocelyn) : Je vais vous le dire. On m'enlève le glyphosate, je retourne au travail de sol. C'est ça qu'on a dit. Ça me coûterait 500 000 $ en machinerie, pour commencer. Au niveau du carburant, ce serait une augmentation de 20 000 litres... 20 000 $ par année, 20 000 litres. En entretien machinerie, ce serait 15 000 $ de plus. Plus de machinerie, plus d'entretien, c'est normal.

Au niveau des fertilisants, je devrais augmenter de 20 000 $... au moins 20 000 $ par année parce qu'actuellement mon sol est tellement en santé que j'ai coupé de moitié ma fertilisation. Au niveau de la phyto, bien, les produits de remplacement me coûteraient 30 000 $ par année de plus. C'est quand même beaucoup. Puis j'aurais besoin d'un employé saisonnier qui me coûterait 20 000 $. Ça fait que j'en suis à 105 000 $ par année d'augmentation de frais et d'augmentation de machinerie de 500 000 $ par... pas par année mais en une fois. Ça fait que c'est beaucoup d'argent quand même. Il faut y penser. Puis, si on ajoute à ça l'indice de risque pour la santé, bien, moi, je pense que je quitterais le travail.

Mme Blais (Abitibi-Ouest) : ...votre méthode est-elle applicable dans plusieurs cultures du Québec?

M. Michon (Jocelyn) : Dans plusieurs cultures?

Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Dans plusieurs cultures au Québec.

M. Michon (Jocelyn) : Toutes les grandes cultures.

Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Toutes les grandes cultures?

M. Michon (Jocelyn) : Toutes les grandes cultures. Je fais du maïs en semis direct, du soya en semis direct, des légumes de conserverie. Comme des haricots et des pois qui sont faits en semis direct, il n'y en a pas beaucoup, on est juste deux dans les pois, puis je pense que je suis le seul à faire des haricots en semis direct. Et mes rendements sont toujours parmi les meilleurs parce que je n'ai pas de coup de chaleur, mon sol conserve plus l'humidité et répond mieux aux excès d'eau et aux manques d'eau.

Le fait d'avoir augmenté la matière organique de deux points ou presque, chaque pour cent de matière organique me permet d'avoir l'équivalent d'une pluie de 25 millimètres d'eau en réserve. Donc, je peux économiser... je peux conserver 50 millimètres de pluie dans mon sol, dans ma matière organique, pour passer les périodes sèches pendant l'été. Ça, là, c'est beaucoup. C'est pour ça que mes rendements sont parmi les meilleurs...

Le Président (M. Lemay) : Parfait. Mme la députée.

Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Merci beaucoup. Je laisse la place à mes collègues.

Le Président (M. Lemay) : Très bien. M. le député de Lac-Saint-Jean, pour environ 1 min 30 s.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Bon, O.K. Combien d'acres possédez-vous? Combien d'hectares cultivez-vous?

M. Michon (Jocelyn) : 236.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : 236. Donc, on parle de 600, 650 acres. O.K.

M. Michon (Jocelyn) : Je suis un peu en bas de la moyenne des producteurs.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : 236... 600 acres. J'ai...

M. Michon (Jocelyn) : 700 arpents.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Oui. J'ai lu aussi que vous travaillez avec le Réseau d'avertissements phytosanitaires.

M. Michon (Jocelyn) : Oui, je regarde ça un peu, oui.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : O.K. Puis vous faites affaire avec des clubs-conseils en agroenvironnement.

M. Michon (Jocelyn) : Oui, j'ai un club-conseil en... Oui, je suis membre d'un club, oui.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Oui. Bien...

M. Michon (Jocelyn) : Bien, mon...

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Allez-y.

M. Michon (Jocelyn) : Bien, pour mon PAEF, mon Plan agroenvironnemental de fertilisation, il est fait à ma coop. Mon bilan phosphore est fait à ma coop, et, pour le club, c'est seulement pour des points particuliers comme du dépistage, justement, de vers fil-de-fer pour savoir si j'ai besoin de néonics, et le dépistage a dit que je n'en avais pas besoin.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : O.K. Donc, le service de réseau phytosanitaire est quand même... fait le travail, parce qu'on s'en sert pour... au niveau de... ce que vous me dites, au niveau des seuils de tolérance, des seuils d'intervention.

M. Michon (Jocelyn) : Bien, je reçois...

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : À tous les... Comment ça fonctionne?

M. Michon (Jocelyn) : Bien, je reçois par courriel l'information et je la lis ou je ne la lis pas.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : À tous les jours?

M. Michon (Jocelyn) : Bien, je ne sais pas, peut-être. Ça revient souvent, je trouve, oui, beaucoup. Je n'ai pas remarqué, mais au moins deux, trois fois par semaine, je ne sais pas, peut-être, environ.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : O.K. Mais c'est un outil intéressant. Est-ce que c'est intéressant?

M. Michon (Jocelyn) : Oui, oui, oui, je le regarde, je regarde les titres. Ce n'est pas toujours des sujets qui m'intéressent, là, mais ce qui m'intéresse, je le lis.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : O.K. Donc, c'est intéressant.

Le Président (M. Lemay) : Ceci complète la période avec la partie du gouvernement. Je cède maintenant la parole à députée de Maurice-Richard.

Mme Montpetit : Merci, M. le Président. Bonjour, M. Michon. Merci d'avoir pris le temps de venir nous rencontrer. Bien, d'entrée de jeu, je voudrais vous dire que moi, je partage vos inquiétudes sur toute la question de la perte de fertilité des terres au Québec. C'est un sujet dont, malheureusement, on parle trop peu, et j'espère que cette commission va nous donner l'occasion d'en parler davantage.

Ceci dit, j'ai beaucoup de questions à la lumière du témoignage que vous venez de nous faire. Premièrement, là, on a établi l'espace de votre culture. Vous cultivez quoi exactement, précisément?

Le Président (M. Lemay) : ...M. Michon.

M. Michon (Jocelyn) : Des cultures?

Mme Montpetit : Oui.

M. Michon (Jocelyn) : Du maïs, du soya en production de semences, je suis multiplicateur de semences, et des haricots de conserverie. Les beaux haricots extrafins, là, que vous mangez, que vous prenez en surgelé, là, ils peuvent provenir de chez moi, et des pois aussi.

Le Président (M. Lemay) : Mme la députée.

Mme Montpetit : Je suis heureuse que vous puissiez venir témoigner devant nous, parce qu'avec... du haut de vos 46 ans comme agriculteur, vous pouvez certainement répondre à plusieurs de nos questions, dont une, moi, qui... puis ce sera l'occasion de l'adresser, mais vous avez dû, j'imagine, comme agriculteur, vous... J'imagine que vous êtes capable de témoigner sur la perte de biodiversité si ça fait 46 ans que vous êtes dans les champs. Je présume qu'en termes de... On a parlé beaucoup des espèces aviaires mais aussi des pollinisateurs qui sont quand même responsables de 33 % de notre agriculture. Qu'est-ce que vous en pensez, de ça?

Le Président (M. Lemay) : M. Michon.

• (17 heures) •

M. Michon (Jocelyn) : C'est une bonne question. Je suis content que vous me la posiez parce que, chez moi, je suis impressionné par la biodiversité que je peux avoir. J'ai plein de vers de terre chez moi, c'est entre 400 puis 900 vers par mètre carré, c'est beaucoup de monde. 400 vers, ça représente une tonne à l'hectare de vers de terre. Et puis les vers de terre sont à peu près toujours... ils représentent toujours environ 20 % à 22 % de l'ensemble des micro-organismes qui vivent dans le sol, ce qui fait que j'aurais entre cinq et neuf tonnes de micro-organismes dans mon sol. Ça fait que c'est pour ça que ça fonctionne bien aussi.

Et, dans mes champs, j'ai beaucoup de nids d'oiseau. C'est certain que, s'ils viennent nidifier avant que je passe le semoir, la probabilité qu'ils passent à travers les roues du semoir sont minimes. Après que je sois passé avec le semoir, après que mon fils ait passé avec le semoir, bien là ils peuvent s'installer, puis j'ai beaucoup de nids d'oiseau dans mes champs. Et, dans mes couverts végétaux qui fleurissent, bien, j'ai beaucoup aussi de pollinisateurs...

Le Président (M. Lemay) : Merci.

M. Michon (Jocelyn) : ...beaucoup de pollinisateurs.

Le Président (M. Lemay) : Mme la députée.

Mme Montpetit : Donc, vous, comme agriculteur, en 46 ans, vous ne constatez aucune perte de biodiversité sur le terrain.

M. Michon (Jocelyn) : Chez moi?

Mme Montpetit : Oui, juste par curiosité, parce que ça m'étonne un peu dans la mesure où, on s'entend, vous êtes probablement le seul au Québec à nous dire ça aujourd'hui. Donc, c'est juste... Est-ce qu'il y a un microcosme autour de votre terre ou c'est de la façon dont... Vous ne constatez aucune perte de biodiversité?

M. Michon (Jocelyn) : Bon, premièrement, ce que je fais, moi, là, le semis direct il n'y a personne qui vend ça. Il n'y a pas de vendeur de machinerie qui vend de semis direct. Il n'y a pas de vendeur intrant qui vend de semis direct. C'est nous, les producteurs, qui avons décidé de le faire. Puis on est environ 10 % à faire de semis direct, entre 8 % et 10 % à faire de semis direct permanent, sans travail de sol, ce qu'on pourrait appeler sol vivant. Ce n'est pas unique, là. Je suis peut-être celui qui est ici aujourd'hui. J'ai écrit un mémoire, moi, pour un peu me défouler, et vous l'avez bien accepté, je suis content d'être venu vous le montrer et puis j'espère qu'il va y avoir des répercussions.

Mais, en tout cas, chez moi, j'ai une haie brise-vent aussi, que je prends ma marche régulièrement, et puis je suis accompagné de beaux monarques, j'aime bien ça, des libellules. C'est magnifique, c'est magnifique.

Le Président (M. Lemay) : Merci. Mme la députée.

M. Michon (Jocelyn) : Le problème... Oui.

Mme Montpetit : Je comprends, vos terres sont sur le bord de l'eau, à certains égards...

M. Michon (Jocelyn) : Non.

Mme Montpetit : Vous n'avez pas du tout... vous n'avez pas de bord d'eau.

M. Michon (Jocelyn) : Non, je n'ai pas de rivière. Non, moi, je suis à la mi-chemin entre la Yamaska et la Richelieu. J'ai une partie de mes terres qui s'en vont dans la Richelieu puis une autre partie... de l'eau de mes terres qui s'en va dans la Richelieu, puis l'autre dans la Yamaska.

Mme Montpetit : Parfait. Donc, vous n'êtes pas concerné du tout par la question du maintien des bandes riveraines, là.

M. Michon (Jocelyn) : Ah! c'est une bonne question aussi. Un sol en semis direct non travaillé, on peut le considérer comme une bande riveraine à la grandeur du champ. J'en ai, des bandes riveraines aussi, parce que je trouve ça joli, ça me permet de circuler quand je vais voir mes champs l'été, j'ai des bandes de trois mètres, quatre mètres, cinq mètres. Et puis, cet automne, on en fait une, une spécialement, une bande fleurie, de 800 mètres de long, qui va prendre quatre mètres de large pour la beauté de la chose.

Le Président (M. Lemay) : Mme la députée.

Mme Montpetit : Je suis assez... Il me reste trois questions, en fait, là, plus précisément, mais j'étais assez surprise de vous entendre dire qu'il est impossible de faire de l'agriculture biologique, là. Les membres de cette commission sont tous allés visiter... Bien, je pense qu'il est écrit noir sur blanc, dans votre mémoire, qu'il est impossible de faire de l'agriculture sans pesticide, c'est bien ça?

Le Président (M. Lemay) : M. Michon.

M. Michon (Jocelyn) : C'est impossible de faire du non-travail de sol et sans pesticide, c'est ce que j'ai dit, parce que des producteurs en bio, en principe, n'utilisent pas de pesticide, ils ont droit à des biopesticides. Puis, même là-dessus, aux États-Unis, il y a 20 pesticides de synthèse qui sont homologués en bio.

Mme Montpetit : Juste pour être clair, est-ce que vous convenez qu'il est possible de faire... puis vous avez répondu à une collègue aussi de l'autre côté, peut-être que c'est moi qui erre dans mon interprétation, est-ce qu'il est possible, oui ou non, de faire de l'agriculture sans pesticide?

M. Michon (Jocelyn) : Actuellement, sur la planète, il n'y a personne qui réussit à faire du non-travail de sol sans pesticide. Ça ne se fait pas.

Mme Montpetit : Mais est-ce qu'il est possible de faire de l'agriculture sans pesticide? Oui, c'est juste, je ne veux pas mal vous citer.

M. Michon (Jocelyn) : En bio, en bio, ils en font, avec les inconvénients avec. Tout ce qu'on parle de santé de sol, bien, ça s'aggrave de ce côté-là. Et puis la productivité qui s'aggrave aussi. On le sait...

Le Président (M. Lemay) : Mme la députée, allez-y avec votre prochaine question.

Mme Montpetit : J'étais un peu surprise, parce qu'on est allé visiter, entre autres, la ferme Agri-Fusion, qui est quand même une terre qui a plus de 3 000 hectares, hein, qui est la plus grande ferme biologique au Québec, une des plus grandes au Canada aussi, qui réussit très bien. Pas que notre mandat est vers le biologique, mais, comme on voulait voir une grande surface, une grande culture qui avait réussi à faire une transition en utilisant moins de pesticides, je suis un peu surprise, mais ça vient clarifier ce que vous dites.

Et vous avez parlé... c'est ça, vous avez évoqué beaucoup la question de la fertilité des sols. Mais qu'est-ce que vous proposez exactement? Parce que je comprends bien l'enjeu, comme je vous dis, je partage vos inquiétudes, mais, une fois qu'on a dit ça, au niveau des réglementations, au niveau de l'encadrement que le gouvernement peut donner, comment vous pensez que les agriculteurs doivent être accompagnés ou sensibilisés, ou éduqués? Pouvez-vous nous expliquer plus spécifiquement? Parce que vous êtes un des seuls, dans les prochains jours, qui allez vraiment... qui nous parlez vraiment de cette question-là. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce qui doit être fait pour que les agriculteurs portent une attention particulière à ça?

Le Président (M. Lemay) : Alors, M. Michon.

M. Michon (Jocelyn) : Bon, moi, je n'ai pas eu besoin d'incitatifs pour le faire. J'ai voulu le faire et je l'ai réalisé. On a évalué les choses, puis, moi, c'était plus facile pour moi parce que je détestais labourer. Ça a bien commencé. Puis je n'aimais pas me promener dans les champs puis je n'aimais pas dépenser pour des opérations qui étaient inutiles.

Maintenant, ceux qui tardent à adopter, il en reste quand même... en tout cas, il y a 35 % des agriculteurs qui mentionnent faire une certaine forme de semis directs. Puis, pour augmenter le nombre ou l'intérêt, moi, je pense qu'il y a besoin d'incitatifs positifs. Le principe du bâton ou la carotte, là, moi, je plus du côté carotte que côté bâton.

Et puis on a quand même... dans le passé, j'ai réfléchi à qu'est-ce qui pourrait être fait, et puis on a un outil ici, au Québec, qui est La Financière agricole qui garantit des prêts agricoles et qui pourrait tenir compte, dans les taux d'intérêt, du facteur santé des sols, sols vivants sous condition que l'agriculteur soit accompagné par un agronome, qu'il ait suivi une formation sur la santé des sols ou assistée à des journées caravane des sols. Je ne sais pas si ça vous dit quelque chose les journées caravane des sols. C'est organisé par Odette Ménard, Louis Robert, que vous allez voir demain, et aussi Bruno Garon, le spécialiste en compaction. Et, si on veut aller voir dans les champs ce qu'ils font, leurs journées de champs avec les producteurs, c'est vraiment exceptionnel, c'est vraiment beau à voir. Ça fait que ça, ça pourrait être une chose. Et, quand les producteurs vont demander un prêt, bien, il pourrait avoir un avantage sur pour celui qui a déjà commencé à prendre soin de son sol.

Il pourrait y avoir aussi des rabais sur les tarifs d'assurance récolte. Moi, je paie... pour mes haricots et mes pois, je paie un montant exorbitant parce que c'est des cultures de courte saison, huit semaines, et puis elles sont souvent sujettes à la météo au niveau des rendements. Et puis, souvent, c'est des coups de chaleur, trop d'eau, pas assez d'eau, qui font en sorte que les producteurs réclament de l'assurance, alors que, chez moi, je ne réclame jamais. Je m'assure pour la grêle ou pour le gel, mais je ne réclame jamais. Alors, là aussi, il pourrait y avoir un avantage au niveau des taux d'assurance.

Puis il y a d'autres choses qui se font ailleurs pour évaluer... pour aider les producteurs à améliorer leur situation, là, au niveau des sols. On travaille plus sur la finalité que sur le moyen. Puis, là-dessus, il y a deux exemples que je voudrais vous donner. En Suisse, c'est une recherche qui est faite par le Dr Matthias Stettler, qui, lui, a établi que la charge maximale à la roue, pas à l'essieu mais pour chaque roue, devrait être de 3,5 tonnes et un 4 tonnes maximum par roue pour obtenir le maximum des aides financières du gouvernement.

Aussi en Suisse, il y a un autre projet qui est étudié, c'est qu'on veut réaliser... on cherche un rapport de 1/17 entre la matière organique puis le taux d'argile. C'est plus difficile de... les argiles, c'est plus à risque de les abîmer, donc il faut qu'il y ait plus de matières organiques dans ces sols-là. Ça fait que, pour avoir droit aux aides financières, parce qu'en Europe il y a beaucoup, et puis ici on n'a rien, bien, il faut qu'il y ait un rapport 1/17 et puis un minimum... par exemple, à 40 % d'argile, il faudrait qu'il y ait 2,35 % de matières organiques. S'ils ne l'obtiennent pas, bien, faites des choses pour le monter.

Le Président (M. Lemay) : Merci, M. Michon. Ceci termine l'échange avec l'opposition officielle. Je cède maintenant la parole à la députée de Rouyn-Noranda—Témiscamingue.

Mme Lessard-Therrien : Merci, M. Michon. Le semis direct, c'est quand même quelque chose que je connais bien. On en a beaucoup qui en font dans ma région. Et je constate, avec votre discours, que l'idée que les gens font souvent, d'opposer le semis direct à l'agriculture biologique, c'est bien présent. Moi, j'aimerais savoir : Depuis que vous utilisez le semis direct, est-ce que vous avez été capable d'établir le pourcentage de réduction de l'utilisation de vos pesticides?

• (17 h 10) •

Le Président (M. Lemay) : Alors, M. Michon.

M. Michon (Jocelyn) : Ce n'est pas quelque chose que j'ai tenu, mais je n'utilise plus d'insecticide ni de fongicide sur la culture en croissance et je n'ai pas de néonics. C'est déjà pas mal. Au niveau des herbicides, j'utilise le glyphosate et je l'accompagne d'un antigraminée... la plus faible dose d'un antigraminée résiduel.

Le Président (M. Lemay) : ...

Mme Lessard-Therrien : ...utilisez plus de glyphosate en quantité, ou je ne sais pas comment il faudrait le chiffrer, versus tous les autres insecticides, fongicides que vous utilisiez auparavant?

Le Président (M. Lemay) : M. Michon.

M. Michon (Jocelyn) : Ça n'a rien à voir, le glyphosate, avec des fongicides et insecticides. Le glyphosate, en fait, ce qu'il me permet, c'est de ne pas travailler le sol. C'est déjà une bonne chose.

Mme Lessard-Therrien : Oui, je comprends, mais, en termes de quantité, est-ce que vous notez une amélioration quand même significative de l'utilisation de ces intrants-là l'un versus l'autre? Est-ce que vous en utilisez plus ou moins? C'est ça, ma question.

Le Président (M. Lemay) : M. Michon.

M. Michon (Jocelyn) : Le glyphosate, il y a une dose recommandée, et on le fait depuis toujours. On ne peut pas diminuer la dose glyphosate. Avant le glyphosate, j'utilisais des herbicides. J'avais pris pour habitude de faire des doses réduites fractionnées. Malheureusement, ça ne peut pas être recommandé par un agronome parce que ce n'est pas sur l'étiquette. Mais moi, je le faisais. Je faisais deux fois 25 % de la dose... deux applications de 25 % pour faire 50 % de l'application. Je faisais ça avant. C'était déjà... j'avais déjà commencé à réduire l'utilisation des pesticides avant d'en arriver au glyphosate maintenant qu'il y a des cultures OGM.

Le Président (M. Lemay) : Mme la députée.

Mme Lessard-Therrien : Oui. Tantôt, vous parliez des outils. Parce que j'ai un petit peu de difficulté, là, dans votre mémoire, vous parliez que les évaluations les plus optimistes prévoient une baisse de rendement de l'ordre de 35 %. Il y a quand même... On a entendu d'autres intervenants, précédemment, qui disaient qu'il n'y avait pas vraiment d'incidence sur le rendement des cultures, même que, plus souvent qu'autrement, il y avait des gains, et surtout quand on peut vendre notre production beaucoup plus cher. Et ces intervenants-là nous sensibilisaient aussi sur le fait d'ajouter peut-être une assurance ou de bonifier les assurances qui sont déjà sur le marché auprès de la financière où, si vous utilisez les méthodes de lutte intégrée, vous n'utilisez pas de pesticide, vous cautionnez un fonds d'assurance qui vous assure que, si jamais vous avez les pertes escomptées, bien, vous serez compensé. Est-ce que ça ne serait pas là un facteur réconciliant pour vous, pour vous tourner vers de l'agriculture sans pesticide?

Le Président (M. Lemay) : Alors, M. Michon, je suis désolé. Vous pourrez peut-être transmettre votre réponse au secrétaire, mais je dois céder la parole au député de Bonaventure.

M. Roy : Merci, M. le Président. M. Michon, en lisant votre mémoire, je trouvais ça intéressant, le souci de la qualité du sol. Mais je trouve ça... Bon, je trouve que vous avez des affirmations un peu catégoriques, entre autres qu'on retournerait à une époque de grande famine si on arrêtait d'utiliser les pesticides. Moi, j'aimerais savoir, par rapport à votre paradigme, à vos hypothèses, est-ce qu'il y a d'autres groupes ou des chercheurs qui corroborent vos dires par rapport au fait que c'est impossible de faire de la production bio sans travail du sol?

Le Président (M. Lemay) : M. Michon.

M. Michon (Jocelyn) : Vous voulez savoir quoi, au juste? S'il y a des chercheurs qui corroborent ce que je dis?

M. Roy : Vous nous dites que c'est impossible de faire de l'agriculture biologique sans travail du sol.

M. Michon (Jocelyn) : Sans travail de sol.

M. Roy : Oui. Est-ce qu'il y a d'autres groupes qui appuient cette hypothèse?

M. Michon (Jocelyn) : Bon, ici, au Québec, on a nos conditions climatiques. Si j'étais à cinq heures plus au sud, avec trois semaines de printemps de plus et trois semaines de l'automne de plus, je pourrais établir des couverts végétaux plus intéressants que ce qu'on peut faire ici, au Québec. Et c'est avec les couverts végétaux que les biologiques, les producteurs biologiques tentent de réduire le travail de sol et c'est avec ça aussi que je tente de réduire l'utilisation des pesticides, mais on n'y arrive pas, personne. Et, la production biologique, plus on s'approche du non-travail de sol, plus on est à risque de ne pas récolter. Je pourrais vous donner des exemples. On a un de mes bons amis qui s'approche du semis direct, avec une fertilisation, avec du fumier du poulet, qui a réussi à sortir trois tonnes à l'hectare. Moi, avec le même exercice, en non-travail de sol sur sol vivant, avec 50 unités d'azote qui provient de fumier de dindon, j'ai sorti 12 300 kilos. On est là.

Le Président (M. Lemay) : M. le député, allez-y.

M. Roy : Ma question : Est-ce qu'il y a d'autres groupes, des chercheurs, des scientifiques qui corroborent vos hypothèses à savoir qu'on ne peut pas faire d'agriculture biologique sans travailler le sol?

Le Président (M. Lemay) : M. Michon.

M. Roy : Donc, je cherche une validation par les pairs. C'est comme ça que ça fonctionne en science.

M. Michon (Jocelyn) : Oui, je sais, je comprends. Mais vous savez que les agriculteurs, ce qu'ils font chez eux, ça passe avant la recherche. Les chercheurs confirment ce que les agriculteurs ont trouvé dans beaucoup de cas.

Et il y a des chercheurs, je pourrais vous nommer des noms, il y a des personnes importantes, il y a Lucien Séguy, qui est un Français qui a fait le tour du monde et puis que lui, il donnerait à glyphosate... à Monsanto pour avoir sorti le glyphosate, qui a permis à 170 millions d'hectares sur la planète de ne pas être travaillés, de ne pas avoir de travail de sol, pour améliorer la santé de ces sols-là. Lui, il va vous le dire qu'on est mieux d'avoir un petit peu d'herbicide. Lucien Séguy...

Le Président (M. Lemay) : M. Michon, je dois vous interrompre. Merci pour votre contribution aux travaux de la commission.

Je suspends les travaux quelques instants afin de permettre aux représentants de La Coop fédérée de prendre place.

(Suspension de la séance à 17 h 16)

(Reprise à 17 h 18)

Le Président (M. Lemay) : Alors, nous reprenons nos travaux. Et je souhaite maintenant la bienvenue aux représentants de La Coop fédérée en vous rappelant que vous disposez de 10 minutes pour faire votre exposé. Ensuite, nous procéderons avec la période d'échange avec les membres de la commission. Donc, je vais vous inviter à vous présenter, ainsi que les gens qui vous accompagnent, puis vous pourrez y aller avec votre exposé. La parole est à vous.

La Coop fédérée

M. Desroches (Gaétan) : Merci, M. le Président. Mme la vice-présidente, Mmes, MM. les membres de la commission, je me présente, Gaétan Desroches, je suis chef de la direction de La Coop fédérée depuis cinq ans. Je suis accompagné par M. Sébastien Léveillé, qui est vice-président exécutif de La Coop fédérée et chef de la direction de Sollio Agriculture, qui est notre division agricole. Nous sommes tous deux agronomes de formation et travaillons à La Coop fédérée depuis respectivement 39 ans et 17 ans. Nous sommes aussi accompagnés de M. Alexandre Mailloux, agronome et directeur de la recherche et du développement des productions végétales chez Sollio Agriculture, qui travaille notamment à notre ferme de recherche située à Sainte-Rosalie.

D'entrée de jeu, je tiens à remercier les membres de la commission de l'opportunité qui est donnée à La Coop fédérée de faire connaître son point de vue sur le sujet complexe qu'est l'utilisation des produits de protection des cultures au Québec.

L'organisation que je représente existe depuis près de 100 ans, et, depuis près de 100 ans, nous travaillons à la prospérité des familles agricoles. Nous sommes une fédération de coopératives agricoles et agroalimentaires canadiennes qui compte 57 coopératives, lesquelles regroupent 120 000 membres. Nous travaillons au développement d'une agriculture québécoise rentable et durable par-dessus tout. Notre mission est de contribuer à nourrir le monde.

Nous tenions à être ici aujourd'hui, car nous savons que, si nous faisons partie du problème, nous faisons forcément partie de la solution. Le débat des derniers mois a polarisé la société, certes, mais il a aussi pavé la voie à une réflexion plus que nécessaire. Cette réflexion, nous, La Coop fédérée et sa division agricole Sollio Agriculture, nous l'avons aussi entreprise à l'automne 2018 en continuité avec nos premiers gestes posés en ce sens en 1995.

L'agriculture est maintenant plurielle, et toutes les agricultures, qu'elles soient de niche, bio, de proximité ou conventionnelles, seront nécessaires pour répondre aux attentes de chacun et relever le défi de nourrir une population croissante dans des conditions climatiques de plus en plus volatiles.

Je cède maintenant la parole à mon collègue, M. Sébastien Léveillé.

• (17 h 20) •

M. Léveillé (Sébastien) : Merci, M. le président. Je trouve qu'il y a quelque chose de rassurant dans l'intérêt renouvelé pour la réalité agricole. Le débat nous amène cependant à réaliser qu'il semble exister deux solitudes au Québec, celle des ruraux et celle des urbains. D'un côté, nous retrouvons les producteurs agricoles. Comme ils le disent eux-mêmes, ils empruntent la terre à la génération qui suit. Les impacts des produits de protection des cultures sur leur santé et l'environnement les préoccupent. Je vous mets au défi de trouver un producteur qui gaspillerait son argent et sa terre léguée de ses parents et héritage pour sa propre famille.

L'autre, nous avons les urbains, soucieux, comme nous tous, de leur alimentation, leur santé et de l'environnement et animés d'une vision souvent romantique de l'agriculture. Les producteurs agricoles savent qu'il existe trois impératifs. Premièrement, la santé de leur famille, deuxièmement, l'environnement et enfin, troisièmement, des aliments sains, de qualité, à coûts abordables pour les Québécois. Le coût des aliments est en fait le grand défi, car nous sommes dans un contexte de concurrence internationale. Une offre alimentaire de qualité et abordable permet d'acheter des produits du Québec plutôt que ceux importés où il est bien souvent impossible de bien connaître les pesticides utilisés.

À travers les années, nous avons anticipé les changements. Nous avons su nous moderniser et prendre des décisions pour demeurer pertinents auprès de nos producteurs agricoles et de la société québécoise. Nous le faisons pour développer une agriculture prospère et pour contribuer à réduire l'angoisse des producteurs quant à leur avenir et celui de leur famille. La transition vers une agriculture plus durable est déjà amorcée, mais nous devons être prudents afin qu'elle ne se fasse pas au détriment de la productivité. Une approche scientifique est à privilégier pour relever ce défi. Notre présence quotidienne sur le terrain nous permet d'identifier les avenues les plus porteuses pour l'avenir de l'agriculture, c'est notre profonde conviction.

L'innovation caractérise chacune de ces avenues. Les nouvelles technologies nous amènent à transformer nos pratiques. Un exemple concret : notre plateforme AgConnexion, qui compte 11 600 fermes connectées au Canada. Cette plateforme est un outil diagnostique de santé des sols qui permet la transparence des actes agronomiques. À l'aide de photos satellites, elle rassemble les données relatives à la fertilisation et à la protection des cultures, la présence de ravageurs, les diagnostics de compaction de sols ou d'irrigations, les résultats d'épandage de produits en fonction d'une foule de facteurs.

Notre plateforme numérique constitue un premier pas envers ce qu'on appelle l'agriculture de précision. Appliquer un traitement uniformément sur un champ n'a aucun sens lorsque seulement une partie devrait être traitée, tant d'un point de vue économique qu'environnemental. Il existe cependant des freins au développement de l'agriculture de précision. Si la technologie permet d'accumuler de plus en plus de données sur l'utilisation des produits, le changement des pratiques aux champs se fait attendre. Pour accélérer l'implantation de l'agriculture de précision, il faut accélérer la numérisation de l'agriculture. Nous croyons que la création d'un programme de crédits d'impôt favoriserait cette action.

Il faut ensuite faciliter l'application localisée de produits. Pour y parvenir, il faut attirer les fabricants de machinerie agricole de précision pour que le Québec devienne un marché intéressant pour eux. La création d'un programme incitatif visant la mise à niveau des équipements pour les producteurs agricoles est aussi un facteur de succès pour les encourager à prendre ce virage. Une agriculture précise, intelligente, le bon produit, la bonne dose au bon endroit et au bon moment, pour nous, c'est à la base d'une agriculture de précision et durable.

Vous pouvez constater que l'innovation est essentielle, mais, pour innover, il faut d'abord comprendre la réalité agricole et, pour comprendre la réalité agricole, il faut être sur le terrain.

Ceci nous amène à parler du statut de l'agronome, qui joue un rôle clé dans l'innovation. Nous croyons qu'il existe une seule catégorie d'agronomes. Qu'ils travaillent pour un distributeur d'intrants agricoles ou non, tous les agronomes reçoivent une formation universitaire équivalente, sont encadrés par le même ordre et sont soumis au même code de déontologie. La présence d'agronomes oeuvrant dans nos entreprises est vitale pour l'industrie agricole, puisque c'est de la réalité des producteurs agricoles qu'émergent les réelles innovations à la ferme.

Nous sommes ensuite les mieux placés pour influencer les manufacturiers dans le bon sens, puisque nous distribuons leurs produits. Ce transfert de connaissances se fait également vers nos chercheurs ainsi que les institutions scientifiques qui sont nos partenaires. Nos agronomes sont une courroie de transmission. Ils sont des catalyseurs du transfert technologique à la ferme en appliquant une méthode d'essais pratiques des produits utilisés par leurs clients, et ce, grâce à la confiance qu'ils ont développée avec eux.

Sollio Agriculture approvisionne la ferme en intrants de culture. En tant que plus grand joueur au Québec, nous avons à pratiquement toutes les gammes de produits de tous les fournisseurs, produits biologiques, produits de protection des cultures, nouvelles technologies, plateformes numériques, objets connectés. Ainsi, nos agronomes ont la liberté d'écouter les producteurs agricoles tout en conservant une totale liberté face aux fabricants.

Cela dit, nous sommes d'accord avec le principe que l'acte agronomique doit se faire en toute indépendance. La R&D est nécessaire et fondamentale et elle devient toutefois efficace lorsque le transfert de connaissances quitte le laboratoire pour la réalité de la ferme. Si nous coupons ce lien entre la recherche et le terrain, nous freinons l'innovation et augmentons l'angoisse des producteurs, tout simplement.

M. Desroches (Gaétan) : Depuis plus de 20 ans, les enjeux entourant la protection des cultures ont été l'objet de réflexions constantes, d'investissements, de protocoles d'entente, d'ateliers et de conférences. La Coop fédérée est convaincue que la solution passe par les progrès scientifiques, tant au chapitre des solutions agronomiques qu'à l'intégration de nouvelles générations de biotechnologie, par la robotisation et par le développement d'applications et d'outils d'aide à la prise de décisions utilisant l'intelligence artificielle et des conseils agronomiques de grande qualité.

L'innovation nous permettra d'aller dans le bon sens pour continuer le développement d'une agriculture québécoise rentable et durable pour tous. Celle-ci ne saurait toutefois se concrétiser sans trois conditions nécessaires : la familiarité entre les agronomes oeuvrant chez nous, les producteurs et les manufacturiers pour concrétiser le transfert technologique, l'appui du gouvernement pour le respect des réglementations existantes et pour le développement et... de l'innovation et le soutien des Québécois à leurs producteurs agricoles en privilégiant leurs produits dans leur panier d'épicerie.

M. le Président, Mme la Vice-Présidente, Mmes, MM. membres de la commission, je vous remercie.

Le Président (M. Lemay) : Merci. Donc, nous entamons la période d'échange avec la partie du gouvernement, et je cède la parole au député de Lac-Saint-Jean.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Merci, M. le Président. Merci pour votre exposé. Merci aussi d'avoir déposé un mémoire et de participer aux audiences. D'entrée de jeu, je regardais un petit peu, dans votre mémoire, bien, quand je l'ai lu, que vous avez 14 000 employés. C'est à la grandeur du Canada?

M. Desroches (Gaétan) : ...14 000 employés à travers le Canada dans les trois divisions, c'est-à-dire Olymel, qui est la division transformation des viandes, BMR, qui est les quincailleries, et Sollio Agriculture.

Le Président (M. Lemay) : M. le député.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Au Québec? Combien d'employés au Québec?

M. Desroches (Gaétan) : Environ 10 000.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : O.K. Et, sur les 10 000, combien d'agronomes?

M. Desroches (Gaétan) : On va laisser monsieur...

M. Léveillé (Sébastien) : Chez Sollio Agriculture, on a 75 agronomes, mais il faut comprendre, M. le député, que c'est l'ensemble des coopératives locales qui emploient beaucoup, beaucoup d'agronomes. Donc, on augmente à près de 300 agronomes au Québec lorsqu'on compte tous nos réseaux au Québec.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : O.K., O.K. Et, bon, écoutez, bien, êtes-vous en mesure un peu de m'expliquer le système de rémunération de vos agronomes?

Le Président (M. Lemay) : M. Léveillé.

M. Léveillé (Sébastien) : Je peux commencer, M. le Président, par vous parler de la rémunération de chez Sollio Agriculture. À La Coop fédérée, il n'y a aucun agronome qui a une rémunération basée, par exemple, sur les volumes de vente, ou par bonification sur des volumes, ou des augmentations de quantités de produits, ou quoi que ce soit.

Par contre, actuellement, ce qu'on fait, c'est qu'on fait un inventaire de l'ensemble de la rémunération des coopératives. Il faut comprendre qu'une coopérative locale est une entreprise indépendante, qui est dans notre réseau, mais qui est une entreprise indépendante. Mais ce qu'on fait présentement, c'est faire un recensement de l'ensemble de la rémunération. On a fait aussi l'embauche d'un groupe d'éthiciens qui va nous donner un coup de main avec l'information qu'on va recevoir de ce recensement-là. Il va y avoir un plan d'action qui va être déposé. On va être capables de l'adresser, là, dans les prochaines semaines, là, suite à ça.

Le Président (M. Lemay) : M. le député.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : O.K. Mais on convient quand même tous que le chiffre d'affaires et important. Donc, il faut quand même avoir des revenus pour la coop et quand même vendre aussi.

Le Président (M. Lemay) : Allez-y, M. Desroches.

M. Desroches (Gaétan) : Je voudrais juste faire une précision. Je comprends ce que vous dites, mais les ventes de pesticides, chez nous, sur le chiffre d'affaires de 6,3 milliards, ce n'est pas beaucoup, c'est moins de 1 %.

Le Président (M. Lemay) : Alors, M. le député.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : O.K. Est-ce que vous faites... vos agronomes aussi font des bilans phosphore, des PAF?

• (17 h 30) •

M. Léveillé (Sébastien) : Oui, tout à fait, ça fait partie des services que les coopératives locales offrent.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : O.K. Donc, vous comprendrez que, tout à l'heure, on a eu... l'Ordre des agronomes qui sont venus, et, entre autres, la question était justement les agronomes, là, qui sont liés au niveau des entreprises, toute la question de l'apparence de conflit d'intérêts qui est soulevée à ce niveau-là. Et on en parle énormément, là, au cours des dernières semaines, des derniers mois, de cette situation-là. Alors, c'est le pourquoi...

Est-ce que vous avez... Il y a un code d'éthique au niveau des agronomes. Mais, vous, chez vous, au niveau de la coop, avez-vous aussi un code d'éthique différent ou supplémentaire pour encadrer vos agronomes?

Le Président (M. Lemay) : Parfait. M. Desroches.

M. Desroches (Gaétan) : Oui. À la Coop fédérée, on a un code d'éthique pour tous nos employés. À chaque année, il y a une révision, puis, lorsqu'ils sont embauchés, ils signent le code d'éthique, et puis, à chaque année, il y a une évaluation en fonction du code d'éthique.

Le Président (M. Lemay) : Parfait. M. Léveillé en complément.

M. Léveillé (Sébastien) : En complément, M. le Président, j'ajouterais que le code de déontologie de l'agronome, pour tous nos agronomes, est non négociable. C'est-à-dire que les agronomes se doivent de respecter le code de déontologie en premier lieu. On prône très certainement que la relation entre un conseiller agronome et son client est une relation de conseil.

Maintenant, comme je vous ai dit un peu plus tôt, ce qu'on a tenté de faire, là, pour bien comprendre le modèle ou l'apparence de conflit dont vous parlez, M. le député, bien, présentement, avec l'aide de ce groupe d'éthiciens là, on va tenter de faire un bilan de ce qui se passe en termes de rémunération, notamment, puis être capable de bien comprendre le lien que les agronomes peuvent avoir avec les agriculteurs pour qu'on réaffirme avec notre monde que c'est un mandat de conseil qu'on veut que les agronomes puissent avoir avec les agriculteurs.

Le Président (M. Lemay) : Parfait. M. le député.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Merci. Est-ce que vous offrez de la formation annuellement, quotidiennement, à vos agronomes?

Le Président (M. Lemay) : Oui, est-ce que... M. Léveillé, allez-y.

M. Léveillé (Sébastien) : Absoulument. Tout à fait. On a de la formation à plusieurs moments de l'année pour nos agronomes pour leur donner les meilleures pratiques de toutes sortes de sujets, effectivement.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Merci. Je vais y aller un petit peu plus au niveau de l'ARLA maintenant. Je vais changer de sujet, mais ça se ressemble quand même, là. Il y a beaucoup de groupes, tout à l'heure, qui... on en a parlé au niveau du fédéral, l'ARLA, l'homologation. J'aimerais avoir votre opinion, votre point de vue, là, je voulais avoir le point de vue de la coop là-dessus, au niveau de l'homologation au niveau de l'ARLA.

Le Président (M. Lemay) : Alors, M. Léveillé.

M. Léveillé (Sébastien) : L'opinion que je peux vous donner à ce stade-ci, c'est qu'on respecte les instances fédérales en place. Et on n'est pas là pour donner des leçons à l'ARLA ou aux instances gouvernementales sur leur efficacité d'homologation de produits. Ce qu'on dit, c'est qu'on fait confiance aux instances fédérales, tout simplement, là, pour l'instant.

Le Président (M. Lemay) : Parfait. M. le député.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Merci. La coop ne fabrique pas de produits... de pesticides.

M. Léveillé (Sébastien) : Oui. La coop est un distributeur de pesticides. Donc, la coop ne fait pas de molécules de pesticides. Cependant, ce qu'on a, on a une petite entreprise qui est basée dans le Canada anglais, à Winnipeg, qui fait des génériques, en fait. Mais c'est que, donc, la Coop fédérée ne fabrique pas de molécules de pesticides du tout.

Le Président (M. Lemay) : M. le député.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Et je reviens à l'ARLA. Au niveau de l'homologation des produits, tout dépendamment avec les cahiers de charge, vous en pensez quoi?

Le Président (M. Lemay) : Alors, M. Léveillé, allez-y.

M. Léveillé (Sébastien) : Encore une fois, ce que je peux vous dire là-dessus, c'est que, dans le contexte actuel, on a confiance aux instances du fédéral parce que c'est le seul moyen pour nous de répondre aux questions sur l'homologation. Donc, on a confiance actuellement à ce qui se passe à l'ARLA jusqu'à preuve du contraire. Mais, pour le moment, la Coop fédérée a toujours respecté ce que faisait l'ARLA en termes d'homologation de produits.

Le Président (M. Lemay) : M. le député.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Et, d'un point de vue provincial, vous vous situez où au niveau de la province par rapport à l'ensemble des autres provinces en termes de respect, en termes d'application, en termes de prescription?

Le Président (M. Lemay) : M. Léveillé.

M. Léveillé (Sébastien) : En fait, je vous dirais, le Québec, pour notre réseau à nous, pour le réseau de Sollio-Agriculture, quand on parle du réseau de Sollio-Agriculture, pour vous situer, là, c'est le réseau des coopératives au Québec, le réseau des agrocentres, qui est aussi un réseau de Sollio-Agriculture, à l'extérieur du Québec, c'est un réseau de partenaires. Donc, c'est un réseau de coentreprises qu'on possède. Mais, au Québec, on a beaucoup plus de services qu'à l'extérieur du Québec. Donc, on a des accompagnements pour les PAEF, les bilans phosphore. On a plus de possibilités, en fait, de services auprès des... pas des producteurs, auprès de nos membres. Évidemment, c'est nos membres fondateurs. On est à l'origine, on est au Québec. Par contre, de plus en plus à l'extérieur du Québec, on tente effectivement d'amener des services à valeur ajoutée aux agriculteurs pour les aider de toutes sortes de facettes de leur entreprise.

Le Président (M. Lemay) : Parfait. Monsieur...

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : ...comme j'avais des collègues, M. le Président... je passerais la parole à...

Le Président (M. Lemay) : Excellent. Donc, à ce moment-ci, je cède la parole au député de Dubuc.

M. Tremblay : Merci, M. le Président. Bonsoir, messieurs. La Coop fédérée a bientôt 100 ans. Spectaculaire. Vous aurez sans doute droit aux segments de téléroman sous peu. Dites-moi, vous faites allusion à des efforts accrus qui devraient être consentis par Québec pour évaluer les bandes riveraines à risque de pollution des cours d'eau par les pesticides puis vous le placez dans un contexte de topographie par rapport, probablement, aux bassins versants. On a parlé un petit peu plus tôt aussi de 140 municipalités qui s'impliquent, et puis vous faites référence au fait de le vivre avec la collaboration des municipalités. Dans le fond, ma question est assez simple : Est-ce que les municipalités sont outillées, à l'heure où on se parle, pour être partenaires dans cette démarche-là?

Le Président (M. Lemay) : M. Léveillé, allez-y.

M. Léveillé (Sébastien) : Merci, M. le Président. En fait, ce qu'on dit, c'est qu'il y a probablement place à resserrer un peu la réglementation, resserrer surtout peut-être les contrevenants, s'assurer qu'on encourage aussi les agriculteurs. Je suis assez d'accord aussi à apporter plus le modèle de la carotte que du bâton. Donc, si les producteurs agricoles pouvaient obtenir de l'aide pour compenser... Vous savez, dans la région de Saint-Hyacinthe, les terres peuvent coûter jusqu'à 20 000 $ de l'acre, hein? Donc, c'est certain que c'est ces arguments-là qui sont tout le temps sur la table. Tu sais, il faut appeler un chat, un chat. C'est toujours ces arguments-là qui sont sur la table. Donc, c'est dans cet esprit-là qu'on parlait des mesures pour aider les producteurs agricoles à respecter davantage les bandes riveraines. Et, pour nous, c'est essentiel. On pense que c'est une bonne pratique, une bonne mesure qu'il faut faire respecter.

Le Président (M. Lemay) : M. le député.

M. Tremblay : Merci, M. le Président. Autre question. Vous faites allusion, en début mais aussi en conclusion, aux conditions climatiques plus volatiles dans notre contexte. Est-ce que vous pourriez préciser davantage quel type d'impact que ça a? Vous faites allusion à l'élément. Ça doit être un indicateur quand même reconnu aussi, là. Comment c'est documenté?

Le Président (M. Lemay) : M. Léveillé ou M. Desroches? Allez-y, M. Léveillé.

M. Léveillé (Sébastien) : En fait, M. le Président, on a l'impression qu'on n'a plus... Des fois, on se dit... en agriculture, on se dit : Bien, cette année, ce n'est pas une année normale. On a l'impression qu'il n'y en a plus beaucoup, des années normales. On a la chance de voir l'agriculture dans l'ensemble du Canada et on voit que la pression sur les agriculteurs pour faire leurs semis au printemps est de plus en plus importante. Et, pour des détaillants comme nous, des détaillants qui doivent être auprès des producteurs, être proches d'eux, leur donner les intrants nécessaires aux cultures, on sait que, souvent, les printemps, là, ils nous laissent six, sept, huit jours, là, pour être capables de faire les semis à la grandeur du territoire du Québec, là. Donc, c'est à ça qu'on fait référence, hein? Ça met énormément de pression sur les agriculteurs. Puis c'est vrai ici, au Québec. Je vous assure, pour avoir la chance d'être un peu partout au Canada, c'est vrai partout.

Le Président (M. Lemay) : Parfait. M. le député.

M. Desroches (Gaétan) : Rappelez-vous, ce printemps au Québec...

Le Président (M. Lemay) : Oh! M. Desroches, allez-y.

M. Desroches (Gaétan) : Excusez. Je voulais juste dire : Rappelez-vous le printemps, au Québec, qu'on a eu.

M. Léveillé (Sébastien) : C'était très humide, supersec au mois de juillet.

M. Desroches (Gaétan) : C'est ça.

Le Président (M. Lemay) : Parfait. M. le député de Dubuc.

M. Tremblay : Autre question. Vous venez de parler des détaillants. Vous proposez de les faire auditer. Qui, selon vous, pourraient être les mieux placés à procéder?

Le Président (M. Lemay) : M. Léveillé.

M. Léveillé (Sébastien) : Bien, c'est une bonne question. Dans le mémoire, on vous propose un comité multipartite. Évidemment, ce sera peut-être à préciser, mais on pense que, si on avait un comité multipartite dans lequel on pourrait impliquer des universités là-dedans, il y a quelques exemples qui existent à l'extérieur du Québec, mais ça permettrait, entre autres, aux détaillants de se discipliner aussi dans la mesure où ils font notamment de l'arrosage à forfait, mais ils font aussi de la recommandation pour les agriculteurs, et puis s'assurer que les détaillants comprennent bien ce qu'ils font en termes de recommandation de pesticides et, dans plusieurs cas, d'application de pesticides aussi.

Le Président (M. Lemay) : M. le député.

M. Tremblay : Comment voit l'Ordre des agronomes cette perspective-là, selon vous?

Le Président (M. Lemay) : Alors, M. Léveillé.

M. Léveillé (Sébastien) : Je ne veux pas répondre au nom de l'Ordre des agronomes, cependant, je pense qu'il pourrait certainement y avoir une discussion avec l'ordre, qui pourrait jouer un rôle central dans les échanges pour amener cette notion-là d'auditer les détaillants.

Le Président (M. Lemay) : Très bien. M. le député.

M. Tremblay : J'ai peut-être une autre question. Dites-moi, vous avez parlé avec passion et intensité de l'agriculture de précision. On a pu le ressentir, je pense, aussi sur le terrain. L'évolution technologique, c'est assez incroyable. Est-ce qu'on est outillés? Puis est-ce qu'on est en mesure de concurrencer ce qui se fait à l'étranger? On voit qu'il y a beaucoup de machineries qui sont réalisées en Europe, mais à partir des observations terrain de chez nous. Donc, est-ce qu'on pourrait être en mesure d'adapter puis de développer des marchés plus potentiels au Québec, selon vous?

Le Président (M. Lemay) : Alors, M. Léveillé.

• (17 h 40) •

M. Léveillé (Sébastien) : ...M. le Président. En fait, c'est une excellente question. Oui, c'est vrai que ça nous tient à coeur. Ça a paru qu'on était émotifs ou, disons, convaincus de ça. C'est sûr que l'agriculture ne fait pas exception au reste de la société, là. La technologie va nous amener des gains, c'est clair.

On a maintenant 11 600 fermes, au Canada, qui ont souscrit à l'utilisation de notre plateforme AgConnexion, qui, essentiellement, sert à recenser les recommandations agronomiques, mais aussi qui est un très bon outil d'agriculture de précision. Plus on va réussir à numériser les fermes, plus on va être capables d'apporter une précision. Écoutez, appliquer des pesticides de clôture à clôture, là, en 2019, là, probablement qu'on n'est plus là, parce qu'on veut réduire le taux d'application de pesticides absolument. C'est ce qu'on aimerait être capables de faire avec toute l'arrivée de la technologie.

Maintenant, un point que vous soulevez, c'est : Est-ce que la machinerie est là? Est-ce que les équipements sont là? Non. La réponse est non. On le voit à l'extérieur du Québec, à l'extérieur du Canada. Le Québec est un petit marché agricole, si on est honnêtes. Donc, on devra intéresser ces équipementiers-là à venir s'installer au Québec puis faire en sorte que l'application géopositionnée de pesticides soit possible chez nous.

Le Président (M. Lemay) : Alors donc, sur ce, je cède la parole au député de Maskinongé.

M. Allaire : Il reste combien de temps, M. le Président?

Le Président (M. Lemay) : Environ deux minutes.

M. Allaire : Bien. Merci. On le sait, là, il y a eu un changement de réglementation, au cours des dernières années, par rapport aux pesticides, entre autres l'obligation de tenir un inventaire, l'obligation aussi pour le producteur de demander une prescription pour l'utilisation de certains pesticides. Je me questionne sur l'impact sur le producteur. Ça, c'est vos membres, là, vous avez 120 000 membres, dont plusieurs producteurs. Ils en ont pensé quoi, de ce changement-là? Puis, veux veux pas, on peut penser qu'avec les travaux de la commission on va davantage augmenter la réglementation à ce niveau-là. Vous pensez qu'ils vont réagir comment?

Le Président (M. Lemay) : M. Léveillé.

M. Léveillé (Sébastien) : Je vais vous donner juste quelques informations. Je vais demander peut-être à mon collègue Alexandre de compléter, Alexandre qui est vraiment meilleur que moi d'un point de vue technique, mais on a vu quand même nos ventes baisser substantiellement, hein, dans les produits sensibles, notamment l'atrazine, on a vu les ventes baisser substantiellement. Maintenant, de quelle façon c'est reçu dans le champ et de quelle façon c'est travaillé dans le champ, si vous me permettez, M. le Président, je demanderais à M. Mailloux...

Le Président (M. Lemay) : Le tout environ en une minute.

M. Mailloux (Alexandre) : Vous voulez parler... Juste répéter le sens de votre question.

M. Allaire : ...à partir du moment où on fait un changement de réglementation, veux veux pas, c'est le producteur qui est impacté ultimement très souvent. Ils réagissent comment à ce changement de réglementation là et, probablement, le changement à venir aussi?

M. Mailloux (Alexandre) : Bien, un peu comme on a dit tantôt, moi, je pense qu'il faut regarder ça vers le futur, et puis, vers le futur, il y a de l'agriculture de précision, il y a toute la gestion de données. Les jeunes producteurs, ils ont tous des téléphones, puis, anciennement, c'était un calepin que l'agriculteur avait dans sa pochette ici et, aujourd'hui, c'est le téléphone. Et puis je pense que c'est là qu'il faut regarder pour vraiment se développer.

C'est sûr que, si on numérise les observations, comme là, présentement, nos agronomes qui ont... les producteurs qui sont déjà sur cette plateforme-là peuvent prendre la photo de la mauvaise herbe et géoréférencer la photo. Donc, c'est facile, après ça, d'en discuter avec l'agriculteur durant l'hiver puis faire des plans d'action. Là, qu'est-ce qu'il nous manque, c'est un peu plus de faire des plans d'action avec de l'équipement puis de traiter seulement que la portion du champ qui est attaquée. Et puis, souvent, l'objection qu'on va avoir de l'agriculteur, c'est : Oui, mais là je vais-tu perdre de l'argent ailleurs si je n'en mets pas? Tu sais, il y a gestion de risque.

Donc, quand on est dans des cultures à valeur ajoutée, c'est plus facile pour l'agriculteur de bien cerner puis de documenter, mais, quand on a des...

Le Président (M. Lemay) : Je vais devoir vous interrompre, M. Mailloux, sur ce. Désolé. On est rendus à la période d'échange avec la députée de Maurice-Richard.

Mme Montpetit : Je vous remercie, M. le Président. Bonjour, messieurs. Mon collègue faisait référence à la question des bandes riveraines, là. Je vais aller directement là-dessus parce que c'est une des recommandations que vous faites. Je comprends que, bon, d'un point de vue, vous suggérez d'encourager les producteurs, donc les encourager financièrement, compenser, c'est ce que je comprends, et, d'un autre côté, vous dites aussi réaffirmer, rendre plus restrictive encore la réglementation. J'aimerais savoir, un, à quel niveau vous suggérez de la rendre encore plus restrictive, de quelle façon. Et j'ai une question qui est un petit peu plus pointue. Comme vous êtes sur tout le territoire québécois, j'imagine que vous êtes capables d'avoir une lecture de ça, à savoir qu'en ce moment c'est les municipalités qui appliquent cette réglementation-là, donc souvent des petits villages où tout le monde se connaît. Est-ce qu'il n'y a pas un enjeu ou est-ce que ça devrait être le rôle, selon vous, des municipalités, dont le frère, la soeur... Comme je disais, moi, je viens d'un petit village de 900 habitants. Tout le monde se connaît. Est-ce qu'il n'y a pas un enjeu fondamental, à l'application de cette réglementation-là, de donner la gouvernance au niveau des municipalités?

Le Président (M. Lemay) : Alors, M. Léveillé.

M. Léveillé (Sébastien) : Merci, M. le Président. Vous avez raison, Mme la députée. Tantôt, ce que je voulais dire par plus restrictive, c'est beaucoup par rapport à la surveillance, comme vous en faites référence. Ce qu'on pense, c'est que, s'il n'y a pas de surveillance, c'est une réglementation qui ne s'appliquera pas, là. S'il n'y a pas de surveillance ou il n'y a pas une espèce de changement ou de modification dans la façon de suivre ou de surveiller les bandes riveraines, bien, ça va être difficile de l'appliquer, selon nous. Donc, c'est exactement ce qu'on fait référence, resserrer un peu plus la surveillance des bandes riveraines pour la faire respecter, parce que, pour nous, c'est une bonne mesure qui devrait être, en fait, respectée, tout simplement.

Le Président (M. Lemay) : Mme la députée.

Mme Montpetit : Quand vous dites resserrer, est-ce que vous parlez d'ajouter des inspecteurs au niveau provincial ou est-ce que... c'est pour ça... ma question est assez précise. Est-ce que l'application et la surveillance, par exemple des bandes riveraines, devraient être portées peut-être au niveau des MRC pour enlever ce facteur de proximité entre les gens qui doivent faire appliquer la réglementation et la surveillance et les agriculteurs?

Le Président (M. Lemay) : M. Léveillé.

M. Léveillé (Sébastien) : Je serais bien mal placé pour me mettre à juger des juridictions, mais une chose qu'on sait, c'est que, présentement, là, elle n'est pas surveillée. La bande riveraine n'est pas surveillée. On ne se sent pas nécessairement à l'aise de vous dire quelle juridiction devrait prendre charge de la surveillance des bandes riveraines, mais on sait que, présentement, là, elles ne sont pas assez surveillées. Ce qu'on aimerait, c'est qu'elles soient plus surveillées.

Est-ce que vous pensez que ça devrait être une juridiction des MRC? Pour être bien honnête, on aimerait pouvoir vous donner une réponse à ce stade-ci, mais on est plutôt mal à l'aise de vous donner la juridiction. Cependant, cependant, pour faire les campagnes, on voit qu'elles ne sont pas suffisamment respectées, les bandes riveraines, et on sait qu'elles ne sont pas non plus surveillées adéquatement.

Le Président (M. Lemay) : Merci. Mme la députée.

Mme Montpetit : Je vous remercie. Non, non, mais, de toute façon, votre réponse nous éclaire certainement pour les recommandations qu'on aura à faire par la suite, parce que... Je pense que c'est très clair que l'enjeu des bandes riveraines est un problème. Si ce n'est que pour la protection des écosystèmes, donc, il y a certainement quelque chose à faire. Je suis contente que vous veniez nous éclairer à ce niveau-là.

J'ai beaucoup de respect pour votre profession comme agronomes et j'aimerais qu'on... j'aimerais profiter de l'occasion où vous êtes présents pour vous entendre sur les échanges qu'on a eus avec l'Ordre des agronomes, à savoir, entre autres, qu'il y a un... bon, l'Ordre des agronomes venait nous éclairer sur le fait qu'il y avait un nombre quand même assez important d'agronomes qui ont été inspectés et pour lesquels il y avait des erreurs au dossier, dont des erreurs graves qui remettaient en cause les compétences de ces agronomes, hein, c'est la terminologie qui a été utilisée, et à savoir plus précisément des agronomes qui n'ont pas respecté la nouvelle réglementation du Québec sur l'utilisation de l'atrazine. Ça ne m'apparaît pas seulement déplorable, ça m'apparaît très grave, ce qu'on a appris aujourd'hui. Et j'aimerais vous entendre, comme agronomes, commenter cette situation.

Le Président (M. Lemay) : Alors, M. Léveillé.

M. Léveillé (Sébastien) : Merci, M. le Président. En fait, c'est sûr, pour nous, le code de déontologie, l'application de la réglementation, c'est non négociable. Puis c'est plus que non négociable, c'est obligatoire. Et on fait confiance aux... habituellement aux offices, en fait, à l'Ordre des agronomes pour faire ses inspections. Puis, si l'Ordre des agronomes juge que l'agronome a manqué à son code de déontologie, a manqué à la réglementation, l'agronome doit en subir les conséquences. On en est tout à fait conscients.

D'ailleurs, ça fait partie intégrante de la réalité. Quand un agronome vient travailler chez Sollio Agriculture ou dans le réseau des coopératives aussi, il est très, très au courant que le code de déontologie n'est pas négociable et que la réglementation n'est pas négociable non plus.

Donc, lorsqu'il y a eu l'entrée en vigueur de la recommandation, notamment de l'atrazine, comme vous en faites mention, bien, les agronomes se devaient... nous sommes agronomes, les trois, et on est très conscients que la réglementation doit être respectée à la lettre, surtout dans un cas comme ça. C'est extrêmement important.

Le Président (M. Lemay) : Merci, M. Léveillé. Sur ce, je cède la parole au député de Marquette.

M. Ciccone : Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour à tout le monde. Vous avez... la profession d'agronome est sûrement la profession la plus populaire depuis les dernières années. On en a parlé amplement, vous avez fait les manchettes à tort ou à raison. Cette confiance-là des citoyens, des Québécois, est effritée un petit peu parce que vous avez un impact directement dans nos assiettes chez nous, ici, les Québécois.

Cependant, je reviens encore au conflit d'intérêts, parce que M. Duval, le président de l'Ordre des agronomes, disait que le conflit d'intérêts n'est pas avec les compagnies, mais avec les distributeurs. Vous avez dit un peu plus tôt que vous étiez des distributeurs. Alors, avez-vous déjà donné des redevances, des ristournes à des agronomes avec qui vous faites affaire?

Le Président (M. Lemay) : Alors, M. Léveillé.

M. Léveillé (Sébastien) : C'est une bonne question. Chez Sollio Agriculture, la réponse est non. Maintenant, comme je vous dis, dans la façon de rémunérer nos agronomes présentement, il y a des choses... Comme les coopératives locales sont des entreprises indépendantes, on fait un recensement présentement de quelle façon ils sont rémunérés et on veut s'assurer de bien comprendre avant de vous dire que ça a été fait ou que ça n'a pas été fait, de bien le comprendre pour pouvoir vous donner un diagnostique clair.

Ceci étant dit, dans le passé, il y avait des opportunités de voyage ou ce genre de choses là, d'études avec les agronomes. C'est une réalité. Ça ne serait pas très honnête de dire le contraire. Ceci étant dit, pour nous, les choses ont changé, puis je vous dirais que la génération a changé aussi. Les choses ne se passent plus comme elles se passaient il y a 15 ou 20 ans, ça, je vous assure une chose.

• (17 h 50) •

Le Président (M. Lemay) : Député de Marquette.

M. Ciccone : Est-ce que j'entends que la Coop fédérée ne fait plus ça mais l'a déjà fait dans le passé?

Le Président (M. Lemay) : M. Léveillé.

M. Léveillé (Sébastien) : La Coop fédérée, là, on est distributeurs de produits. Puis là je vais être bien clair, on est un phytopharmacien. Les manufacturiers de chimie, on les a en inventaire, et les agronomes qui vont voir les agriculteurs voient la problématique qu'il y a aux champs et recommandent le meilleur produit au meilleur moment dans les meilleures conditions, peu importe le produit. C'est comme un pharmacien, quand vous allez à la pharmacie, là, puis vous avez un problème de santé, là, va choisir le bon produit. C'est exactement ce qu'on fait.

Ce que je vous dis, c'est que c'est vrai qu'on a déjà eu des relations avec ces fournisseurs-là, exactement, dans le passé, ça, c'est clair, puis ce n'était pas nécessairement par rapport à des volumes de ventes, c'était des... pour être capable d'avoir de la formation ou d'être capable d'avoir des relations avec ces gens-là.

M. Ciccone : Pourtant, ma question est très claire.

Le Président (M. Lemay) : M. le député, allez-y.

M. Ciccone : Pourtant, ma question est très claire : Avez-vous donné des redevances monétaires à des agronomes?

M. Léveillé (Sébastien) : Pas chez nous.

M. Ciccone : Pas chez vous. Parfait.

Maintenant, je vais aller un peu dans ce que vous m'avez dit, de donner les meilleurs conseils possibles aux agriculteurs, puis je vais me faire le porte-parole, justement, de certains agriculteurs. M. Dulude, qui cultive du chou, du concombre, des poivrons, du maïs, à Saint-Rémi, a dit que mon agronome... a dit : Mon agronome me disait de mettre des pesticides même quand je n'en avais pas besoin. Ça, c'est un. Un autre agriculteur a économisé 20 000 $ par année depuis qu'il fait affaire avec un agronome indépendant. Puis lui, il n'a pas voulu s'identifier par crainte de subir les frondes des compagnies de pesticides.

Est-ce qu'il y a un régime de peur dans le monde des agronomes, et des distributeurs, et des compagnies de pesticides? Parce que, pour moi, là, je trouve ça très grave qu'il y a des agriculteurs qui travaillent à la sueur de leur front, qui nous amènent nos aliments dans nos assiettes... aient peur.

Le Président (M. Lemay) : Alors, M. Desroches.

M. Desroches (Gaétan) : Là, il faut comprendre qu'on est une coopérative. On appartient aux producteurs agricoles. Je ne veux pas parler pour les autres, mais, chez nous, les producteurs, là, qui ont ce genre de redevances ou de critiques là, ils les font à leur conseil, puis ça remonte chez nous directement. Puis on n'en a pas beaucoup, ça. En tout cas, moi, je n'ai pas entendu de ce genre de réplique là, là, mais c'est ce qu'on vit chez nous.

Le Président (M. Lemay) : M. le député.

M. Ciccone : Mais ce sont des faits, M. le Président. Ce n'est pas moi qui les ai inventés.

Maintenant, je veux parler un peu des mesures fiscales. Dans vos conclusions, propositions et recommandations, vous parlez... mettre en place des mesures fiscales dédiées de soutien des efforts de recherche et de commercialisation des méthodes ou de produits innovants comme solution de remplacement à l'utilisation traditionnelle des produits chimiques. J'aimerais que vous me donniez des exemples, justement, de mesures fiscales, crédit d'impôt ou autre, quelques exemples.

Le Président (M. Lemay) : M. Léveillé.

M. Léveillé (Sébastien) : ...l'agriculture de précision, là, est un élément central, là. Tout à l'heure, on en a parlé un peu, mais, si on était capable de pouvoir aider les agriculteurs à adopter l'agriculture de précision pour numériser davantage leurs champs puis aller un peu plus loin pour empêcher l'application de pesticides clôture à clôture, c'est un bon exemple de ce qu'on voulait dire par «mesures fiscales d'aide à l'adoption».

M. Ciccone : Sous quelle forme? Parce que, quand vous citez ce genre de mesures fiscales là, c'est... vous voulez un chèque? Vous voulez des crédits d'impôt? Juste nous donner un peu des exemples, un peu.

Le Président (M. Lemay) : M. Léveillé.

M. Léveillé (Sébastien) : On pensait surtout aux producteurs agricoles pour un crédit d'impôt, par exemple.

M. Ciccone : O.K.

M. Léveillé (Sébastien) : Le producteur.

M. Ciccone : Merci.

Le Président (M. Lemay) : C'est bon?

M. Ciccone : Merci beaucoup.

Le Président (M. Lemay) : Excellent. Merci. Ceci complète l'échange avec l'opposition officielle. Maintenant, je cède la parole à la députée de Rouyn-Noranda—Témiscamingue.

Mme Lessard-Therrien : Oui. Bonjour, messieurs. Merci d'être là. J'avais des petites interrogations par rapport à une affirmation, là, dans votre mémoire quand vous dites : «La science du vivant est évolutive et les remèdes d'hier ne sont pas suffisants pour répondre aux nouveaux enjeux. Le statu quo est impuissant et l'innovation incontournable.» On avait, juste avant vous, un producteur agricole aussi qui semblait plutôt négatif par rapport aussi à l'utilisation des méthodes de culture ancestrales. Je me demandais à quoi vous faisiez référence quand on parle de remèdes d'hier, si, pour vous, les méthodes mécaniques, le sarclage ou encore la rotation de cultures, les cultures de couverture, ça fait partie... qui sont des éléments forts de la lutte intégrée, si ça fait partie des remèdes d'hier.

Le Président (M. Lemay) : M. Léveillé.

M. Léveillé (Sébastien) : En fait, je pourrais difficilement commenter les remèdes d'hier. Je pourrais quand même vous dire que le désherbage mécanique, l'application de bioproduits, toutes les mécaniques d'agriculture de précision, la régie de culture, les plantes de couverture, maintenant, là, ça fait partie intégrante de ce qu'on fait comme service auprès des agriculteurs. Donc, nous, ce qu'on va faire et ce qu'on va continuer de faire, c'est de s'assurer que la prospérité des familles agricoles est bonne et qu'elle réponde aux besoins du marché. C'est-à-dire que, s'il y a une demande de plus en plus importante pour l'agriculture biologique, soyez sûrs d'une chose, on va les accompagner de plus en plus vers l'agriculture biologique, c'est clair.

Mme Lessard-Therrien : Mais, tu sais, la demande, actuellement, elle est là, elle est en constante croissance. Donc, moi, je me demandais aussi un peu qu'est-ce que vous entendez par «maintenir un statu quo». C'est quoi pour vous, le statu quo?

Le Président (M. Lemay) : M. Léveillé.

M. Léveillé (Sébastien) : Vous faites référence à quoi exactement? Excusez-moi.

Mme Lessard-Therrien : C'est dans votre mémoire, dans le fond : «Le statu quo est impuissant et l'innovation incontournable.»

M. Léveillé (Sébastien) : Ce qu'on voulait dire, c'est... En fait, le modèle actuel grande culture lorsqu'on a fait de l'application de pesticides de clôture à clôture, lorsqu'on fait une détection de mauvaise herbe dans un champ, c'est beaucoup à ça qu'on fait référence.

Le Président (M. Lemay) : Mme la députée.

Mme Lessard-Therrien : Excellent. Puis peut-être nous partager un peu plus de façon... de manière plus détaillée où se situe la lutte intégrée dans votre agriculture de précision.

Le Président (M. Lemay) : M. Léveillé. Ah!

M. Léveillé (Sébastien) : Je passerais la parole à mon collègue.

M. Mailloux (Alexandre) : Ce que j'allais dire tantôt, c'est exactement ça, que c'est plus facile de documenter. Quand qu'on a plus d'informations, on prend des meilleures décisions. Donc, l'agriculture de précision permet de faciliter la lutte intégrée.

Et je rajouterais aussi qu'une des choses qu'il faut considérer c'est qu'en grande culture la profitabilité, comme vous l'avez entendu, est plus faible. Donc, il faut vraiment documenter la rentabilité pour l'agriculteur. Donc, il y a toujours une question de risques, puis, quand que la lutte intégrée peut se documenter par les données qu'on a du champ, bien, ça, après ça, c'est plus facile de convertir l'ensemble de la ferme vers l'agriculture plus intégrée ou plus ciblée, si je pourrais utiliser ce mot-là.

Le Président (M. Lemay) : ...période d'échange avec le deuxième groupe d'opposition. Je cède maintenant la parole au député de Bonaventure.

M. Roy : Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs.

Écoutez, une question simple : Comment percevez-vous la multiplication des articles scientifiques qui démontrent une possible corrélation entre l'utilisation des pesticides et l'émergence de certaines maladies?

Le Président (M. Lemay) : Alors, M. Léveillé.

M. Léveillé (Sébastien) : C'est une question... Bon, nous autres, tout à l'heure, M. Desroches vous l'a dit, là, les agriculteurs, c'est nos propriétaires. On est extrêmement préoccupés par la santé de nos propriétaires, c'est évident. Par contre, actuellement, ce qu'on veut être capables de faire pour enlever le plus possible d'émotivité dans le discours, c'est de faire confiance à la science. Puis c'est certain que ce qu'on regarde, c'est que, s'il y a des organismes officiels qui, effectivement, recensent l'ensemble des études puis qui prennent position, je parle des organismes officiels, c'est sûr qu'on va être... on va respecter ces instances officielles là, c'est évident.

Je le répète, là, notre objectif, là, c'est la prospérité des familles agricoles. On est une coopérative, c'est nos propriétaires. Donc, on veut que les enfants reprennent la ferme en toute sécurité puis qu'ils puissent continuer d'opérer, avoir de la rentabilité sur leur entreprise, faire vivre leur famille.

Le Président (M. Lemay) : M. le député.

M. Roy : Bien, écoutez, vous ne vous êtes pas positionnés sur la polémique qui... bon, par rapport à l'ARLA qui ne semble pas prendre en considération les études indépendantes dans l'homologation des produits. Je comprends qu'en tant qu'entreprise vous ne pouvez le faire. Mais il n'en demeure pas moins qu'il y a un nombre d'études qui démontrent une certaine, je dis bien une certaine, toxicité de l'utilisation des pesticides qui n'ont pas leur place dans l'évaluation et l'homologation.

Donc, ce qui m'amène à vous demander : Éventuellement, advenant une législation ou que la commission parlementaire arrive sur des constats de plus en plus clairs par rapport à une toxicité, est-ce que vous seriez en mesure d'investir dans la recherche et développement pour trouver des alternatives mécaniques? Parce que mon collègue a soulevé tout à l'heure le fait qu'on est obligé d'aller en Allemagne ou au Danemark chercher de l'équipement pour faire une agriculture plus respectueuse de la santé et de la population puis de l'environnement. Est-ce que vous seriez en mesure de dégager des sommes pour vous orienter vers ces choses-là?

Le Président (M. Lemay) : M. Desroches, en vous rappelant qu'il reste environ 30 secondes.

Une voix : Vas-y, vas-y.

M. Léveillé (Sébastien) : M. le Président, si vous me permettez, on a présenté, à notre conseil d'administration ce printemps, la décision de modifier complètement la vocation de notre ferme de recherche pour aller vers le développement de produits alternatifs. Donc, c'est une décision qu'on a prise avant les événements de la commission ou, du moins, avant toutes les discussions qu'on a présentement. Mais on a pris, donc, la décision de modifier complètement, là, la vocation de notre ferme de recherche dans les plus belles terres du Québec pour aller vers des produits alternatifs puis des régies de cultures alternatives.

Le Président (M. Lemay) : Merci beaucoup. Donc, en...

M. Desroches (Gaétan) : ...je voulais juste préciser, on peut tout faire ça, mais il faudrait aussi que, quand les produits importés rentrent au Québec, qu'on analyse comme il faut pour ne pas que, ce que vous avez lu probablement dans les journaux, là, que les produits qui viennent du Chili, qui viennent de tous les pays de l'Amérique du Sud, qui sont en toxicité beaucoup plus élevée... et qu'ils rentrent dans les marchés du Québec parce que c'est moins cher.

Le Président (M. Lemay) : Merci beaucoup. Donc, merci, M. Desroches, M. Léveillé, M. Mailloux, pour cette belle journée. Je vous remercie pour votre contribution à nos travaux. Ça complète cette première journée des auditions.

La commission ajourne ses travaux au mardi 24 septembre, à 10 heures, où elle poursuivra son mandat.

(Fin de la séance à 18 heures)

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