(Quatorze heures deux minutes)
Le
Président (M. Lemay) :
Excellent! Donc, à l'ordre, s'il vous
plaît! Ayant constaté le quorum, je
déclare la séance de la Commission de l'agriculture, des pêcheries, de
l'énergie et des ressources naturelles
ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir
éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.
Aujourd'hui, la commission est réunie afin de
procéder aux auditions publiques dans le cadre de son mandat d'initiative visant à examiner les impacts des
pesticides sur la santé publique et l'environnement, ainsi que les pratiques
de remplacement innovantes disponibles et à
venir dans les secteurs de l'agriculture et de l'alimentation, et ce, en
reconnaissance de la compétitivité du secteur agroalimentaire québécois.
M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?
Le
Secrétaire : Oui, M.
le Président. M. Allaire (Maskinongé) remplace M. Tardif
(Rivière-du-Loup—Témiscouata)
pour l'ensemble du mandat.
Le
Président (M. Lemay) :
Merci. Alors, je vous rappelle que, le 28 mars dernier, la commission
adoptait ce mandat d'initiative puis,
le 30 mai dernier, l'ancienne consultation générale. Tous les citoyens
et les organismes préoccupés par ces enjeux étaient invités à participer
à la consultation.
Nous avons
reçu et analysé 76 mémoires. Nous sommes allés sur le terrain le
9 septembre dernier pour rencontrer des agriculteurs qui ont mis en pratique des solutions innovantes pour
réduire ou éliminer leur utilisation de pesticides. Nous en sommes maintenant à une étape importante de ce mandat. Nous allons
recevoir, cette semaine, 26 personnes et organismes en auditions.
Nous débuterons cet après-midi par les remarques
préliminaires puis nous entendrons Équiterre, la Fondation David-Suzuki,
l'Ordre des agronomes du Québec, M. Jocelyn Michon ainsi que La Coop
fédérée.
Remarques préliminaires
Alors, nous
en sommes maintenant rendus à l'étape des remarques préliminaires, et
je cède la parole au porte-parole du groupe parlementaire formant le
gouvernement et député de Lac-Saint-Jean. M. le député, vous avez
7 min 30 s, la parole est à vous.
M. Éric Girard
M. Girard
(Lac-Saint-Jean) : Alors, merci, M. le Président. D'entrée de jeu,
j'aimerais saluer tous mes collègues parlementaires
qui sont ici dans le but d'écouter les gens tout au long de la semaine, mais
aussi d'en apprendre davantage sur le
mandat d'initiative au niveau des pesticides. Donc, ça me fait plaisir d'être
avec vous sur ce dossier-là. J'aimerais aussi saluer les gens qui sont ici en ce moment, les gens qui sont ici aussi
pour vous présenter leur mémoire et écouter aussi ce que les gens ont à dire. Et ça me fait vraiment
plaisir, là, de vous entendre, et dans une démarche de collaboration tout
au long de la semaine.
Alors, comme
je le disais tout à l'heure, je suis fier de constater qu'on s'est tous entendu
pour parler d'un sujet qui est très
important, celui de l'impact des pesticides sur la santé publique. En tant
qu'agriculteur, c'est un sujet qui est extrêmement important, et qui me touche beaucoup, et aussi qui
touche tous les Québécois et Québécoises, qu'on fasse tout notre
possible pour s'assurer que les aliments qui
vont dans nos assiettes et dans celles de nos enfants ne contiennent rien de
dangereux pour la santé.
Une des
choses qui me tenait beaucoup à coeur aussi quand on discutait de la
possibilité de ce mandat, c'est qu'on prenne
en compte la situation des agriculteurs tout au long du mandat. Je le sais
parce que j'ai moi-même travaillé dans les champs. Aujourd'hui, bien, j'ai mis mes bottes de côté pour venir ici, à
l'Assemblée nationale. Vous savez, ce n'est pas un métier facile. Il y a beaucoup de risques autant
au niveau de la météo que de
parasites qui peuvent attaquer les récoltes. Et vous savez qu'on parle de 25 à 30 récoltes dans une vie d'un
agriculteur. Alors, une année de perte, ça représente une année complète. Je savais que, si on allait parler des
pesticides, il fallait qu'on pense aux enjeux que les agriculteurs vivent
à tous les jours si on voulait accoucher de constats qui ont une chance réelle
d'être applicables.
Au cours des
dernières années, on entend de plus en plus parler de l'importance de manger
local. On parle de plus d'environnement.
On sait que manger local, c'est couper aussi dans les GES et du transport des
aliments. J'ajouterais que c'est
aussi une manière de s'assurer que la nourriture qu'on consomme respecte les
standards de qualité qu'on se donne ici.
On
veut manger local, on veut manger propre. C'est pourquoi je suis content qu'on
prenne en compte la compétitivité du
secteur agricole québécois au cours du présent mandat, parce que c'est la seule
manière d'atteindre ces deux objectifs importants pour la santé des
Québécois, Québécoises comme pour l'environnement.
Ce que j'ai
cru comprendre quand j'ai commencé à lire sur la situation des pesticides au
Québec... et j'ai passé au travers
des mémoires et je peux vous dire que vous avez travaillé très fort. Ils sont
tous très intéressants les uns que les autres, et j'en ai appris
beaucoup. Et, comme je le disais, je ne suis pas un spécialiste des pesticides.
On sait aussi
qu'au Québec on est dans une période de transition. Ce qui se faisait il y a
10 ans aujourd'hui n'est plus applicable.
Depuis mars 2018, on demande des prescriptions aussi pour l'épandage de
l'atrazine. Depuis mars 2019, la vente de néonicotinoïdes est interdite
aux consommateurs commerciaux, et on demande une prescription pour les
utilisateurs agricoles, on l'a vu lors de
notre visite des fermes. Et je tiens à saluer tous les groupes parlementaires
qui ont participé aux visites et aussi remercier les producteurs, les
productrices agricoles qui nous ont ouvert leurs portes aussi durant ces
visites de ferme.
Il existe
aussi... Et, lors des visites de ferme, on a vu aussi qu'il existe des
solutions innovantes, des solutions de remplacement
qui peuvent remplacer certains pesticides dans les champs du Québec. On pense,
entre autres, aux fameuses mouches
roses, aux mesures innovantes absolument fascinantes. Ce qu'on observe, c'est
que la transition est en marche, et ça me donne de l'espoir.
On parle
d'innovation, recherche-développement, de formation aussi. On sait qu'on a une
nouvelle cohorte d'agriculteurs, des agriculteurs plus jeunes qui ont eu
la chance d'aller à l'école aussi, d'aller dans les milieux collégial,
universitaire, qui ont appris aussi les nouvelles façons de faire de
l'agriculture plus durable, écologique et biologique.
Ce qu'on veut
avoir d'ici la fin du mandat, c'est un portrait clair de la situation
québécoise pour orienter les actions du
gouvernement en la matière dans l'avenir. Comme je le disais tout à l'heure,
c'est très important. C'est important pour nous, les parlementaires.
J'ai hâte d'entendre ce que tous les groupes ont à dire.
Encore une
fois, je suis très heureux qu'on ait choisi de prendre le temps de parler d'un
sujet qui est si important, qui est important pour les Québécois et les
Québécoises, ce qu'ils mangent dans leur assiette, ce qui est important pour l'environnement, la faune, et ce qui est important
aussi pour tous les agriculteurs et agricultrices, les familles agricoles
qui jardinent et qui cultivent aussi le
territoire, les milieux ruraux. Et ces gens-là, aussi, eux, ont le souci de
qu'est-ce qu'y ont dans leur assiette soit de qualité.
J'aimerais aussi mentionner qu'au Québec on a
quand même aussi des leaders au niveau canadien. On a des organisations, on est
des gens qui sont innovants. On est des gens qui peuvent faire de grandes
choses.
Alors,
j'aimerais vous remercier tous, les intervenants qui vont se joindre à nous tout à l'heure et tout au long de la semaine.
Et je sais que vous êtes tous des spécialistes dans vos domaines, et on a bien
hâte, nous, ainsi que, j'en suis sûr, tous mes collègues, de vous
entendre.
Alors, merci. Merci d'avoir pris le temps aussi
d'être là. Ça va me faire plaisir de vous entendre et de pouvoir
échanger avec vous. Merci, M. le Président.
• (14 h 10) •
Le
Président (M. Lemay) : Merci, M. le député. Alors, j'invite
maintenant la porte-parole de l'opposition officielle en matière d'agriculture et députée de Maurice-Richard à faire ses remarques préliminaires pour une
durée de cinq minutes.
Mme Marie Montpetit
Mme Montpetit : Bonjour, M. le
Président, merci. Je vais être assez brève dans mes commentaires, comme cinq minutes, ce n'est pas très long, mais à tout
le moins saluer l'ensemble des collègues avec qui on fera les travaux,
mais avec qui on a déjà partagé quelques heures
ensemble non seulement au printemps pour rencontrer les organismes
réglementaires, mais aussi dans la
dernière semaine pour aller sur le terrain. Remercier les gens qui sont venus
nombreux aujourd'hui, parce que c'est une commission qui est extrêmement
importante, et qui seront nombreux aussi au cours des prochains jours.
Et je dois
vous dire qu'au-delà du fait que c'est un sujet qui est extrêmement important
ça me réjouit beaucoup qu'on ait
l'occasion de parler de toutes ces questions-là pour notamment deux raisons qui
sont assez personnelles en ce sens que j'ai
le bonheur de venir d'une petite région agricole de la Montérégie-Ouest et
d'avoir pu constater, au cours des 30 dernières années, comment l'agriculture a particulièrement
changé, souvent pour le mieux, mais parfois aussi pas nécessairement en
ce sens-là, à quel point il y a une perte de
la biodiversité aussi qui est flagrante dans les campagnes du Québec, notamment
au niveau des pollinisateurs, mais également aussi comment il y a un impact sur
la santé des agriculteurs, qui sont les premiers concernés.
Donc, je suis
heureuse que non seulement la population se préoccupe de plus en plus de ces
questions-là, à savoir qu'est-ce qui
se retrouve dans son assiette, ce qu'elle mange... Et le coeur de nos
discussions, j'espère, prendra cette direction-là de la santé de la population en général, mais de la santé de nos
agriculteurs, qui sont les premiers concernés, les premiers à manipuler les pesticides. Et je pense que, comme
parlementaires, on a le devoir de faire un travail extrêmement rigoureux
sur ces questions pour assurer leur sécurité et la sécurité de leurs familles
également et maintenir... tout en maintenant la compétitivité. On mentionnait l'intérêt pour l'achat local, mais, avec
achat local, vient beaucoup de défis pour nos agriculteurs. Et c'est certain qu'en réglementant il faut
s'assurer qu'ils demeurent compétitifs à l'international. Donc, je sais que,
dans les groupes qui vont venir nous
rencontrer, on abordera, entre autres, ces questions-là de comment on peut
s'assurer de venir soutenir nos agriculteurs pour qu'il se fasse une
transition vers une utilisation moindre de pesticides.
Je vous
disais, M. le Président, ça me réjouit pour, bon, deux raisons, une qui est un
constat personnel que j'ai fait au cours des dernières années, mais
aussi le fait qu'il y a une dizaine d'années j'ai fait une maîtrise sur
exactement ces questions-là, de santé
environnementale, et plus précisément tout l'impact des facteurs
environnementaux sur notre santé. Et donc je suis heureuse de voir qu'on a choisi
notamment des experts de différents volets, tant sur l'impact sur la
biodiversité que sur les écosystèmes, et
aussi sur la santé humaine, qui vont pouvoir venir mettre au grand jour les
impacts de l'utilisation des pesticides, de nous informer adéquatement
et nous permettre de faire nos travaux pour la suite.
Évidemment,
je souhaite que ce soit un travail que nous réussirons à faire en collégialité
et que nous arriverons à émettre des
recommandations qui iront dans une direction qui viendra soutenir l'ensemble
des groupes que nous rencontrerons et l'ensemble des recommandations qui
seront faites par ces différents groupes car elles sont très, très nombreuses,
ces recommandations. Et je pense qu'on a une
opportunité qu'on doit saisir non seulement de s'informer, mais d'agir par
la suite. Merci, M. le Président.
Le
Président (M. Lemay) : Merci beaucoup, Mme la députée. J'invite
maintenant le porte-parole du deuxième groupe
d'opposition en matière d'agriculture, de pêcheries et d'alimentation et député
de Rouyn-Noranda—Témiscamingue à faire ses remarques préliminaires
pour une période de 1 min 15 s.
Mme Émilise Lessard-Therrien
Mme Lessard-Therrien :
Merci, M. le Président. Donc, je suis bien contente que les auditions
commencent ce matin. Je pense que
votre présence ici, à tout le monde, témoigne de l'importance que vous... qu'on
accorde collectivement à l'enjeu des
pesticides. Donc, je souhaite qu'on puisse miser sur une collaboration entre
les différents partis pour se donner un second souffle au niveau d'un plan de transition au niveau de notre agriculture au Québec. On a beaucoup de
leviers à notre disposition, autant
au niveau de la demande pour des produits qui sont plus écologiques, qui sont
plus sains pour notre santé et pour
l'environnement, on a aussi le pouvoir de mieux encadrer l'offre de ces produits-là en soutenant nos
agriculteurs, et je rejoins un peu le
message de ma collègue que cette commission-là sert aussi à... On ne la fait
pas juste pour nos enfants, en fait,
on la fait pour... et pas juste pour l'environnement, mais on la fait aussi
pour tous les travailleurs du domaine agricole qui manipulent les produits pas au quotidien, mais
assez régulièrement durant toute une saison. Donc, c'est pour mieux
protéger leur santé aussi, à ces gens-là.
Donc, on veut... on s'engage à ce que cette transition-là ne se fasse pas à
leurs frais, mais bien avec eux. Merci.
Le Président (M. Lemay) :
Merci, Mme la députée. J'invite maintenant le porte-parole du troisième groupe d'opposition en matière d'agriculture et
d'alimentation et député de Bonaventure à faire ses remarques préliminaires
pour une période de 1 min 15 s.
M. Sylvain Roy
M. Roy :
Merci, M. le Président. Salutations à tous mes collègues, et bravo! Je pense
que c'est un grand mandat que nous
avons là. Et, pour moi, c'est quelque chose qui est aussi important que les
discussions que nous avons eues au Québec sur l'amiante et le tabac.
Il y a une penseuse, une philosophe, Hannah
Arendt, qui disait : «La culture, c'est prendre soin de son âme, et l'agriculture, c'est prendre soin de sa terre.» Et
les agriculteurs aiment leur terre, et je tiens à souligner ici que l'objectif
de la commission, ce n'est pas de les sanctionner,
et d'aucune manière que ce soit. Nous sommes ici pour faire la lumière
sur un constat, sur beaucoup de publications
qui ont été faites dans les médias récemment sur la possible toxicité de
l'utilisation des pesticides en agriculture
sur la santé et l'environnement. Donc, on est ici pour permettre à tout le
monde de nous exprimer leur réalité. Et j'ose espérer que cette
commission va déboucher sur un plan d'action solide et ne sera pas un plan de
communication ou un exercice de relations publiques.
Donc, merci à tout le monde qui avez déposé des
mémoires. C'est sûr que nous allons agir avec objectivité et permettre que la
voix de tout le monde soit entendue. Merci.
Auditions
Le
Président (M. Lemay) : Merci, M. le député. Donc, débutons
maintenant sans plus tarder avec le premier groupe, et je souhaite la
bienvenue aux représentants d'Équiterre. Je vous rappelle que vous disposez de
10 minutes pour faire votre exposé,
puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission.
Je vous invite donc à vous présenter ainsi que la personne qui vous
accompagne. Et la parole est à vous.
Équiterre
M. Worms
(Ryan) : Bonjour, M. le Président, Mmes et MM. les députés. Merci de nous recevoir. Mon nom est Ryan Worms. Je suis le directeur des
communications et de la mobilisation à Équiterre et je suis accompagné de
Mme Nadine Bachand, qui est notre chercheure senior sur les questions
agricoles à Équiterre. Donc, merci.
Équiterre, évidemment,
se réjouit de pouvoir participer aujourd'hui aux travaux de cette commission parlementaire que nous attendions depuis très longtemps.
Nous ne sommes pas les seuls, comme le démontre le vif intérêt dans le
débat public que suscite votre mandat. Pourquoi
tant d'intérêt? Eh bien, je crois que c'est parce que
les parents, les consommateurs, les
scientifiques, les médecins, les producteurs agricoles et la population
en général sont inquiets. Oui, nous sommes préoccupés, tout comme vous l'êtes sans aucun
doute, M. le Président et Mmes
et MM. les députés, de l'impact
potentiel de l'utilisation croissante des
pesticides sur notre santé et celle de notre environnement et même sur la
productivité des fermes et de nos sols. Nous sommes également préoccupés des signes évidents de la perte de
contrôle de la gestion de l'utilisation des pesticides dans l'agriculture
québécoise au profit de l'industrie qui les vend. Il en va de même concernant
une large partie de la recherche sur ces enjeux.
Équiterre,
comme vous le savez, travaille depuis plus de 25 ans à promouvoir
l'agriculture biologique à travers la mise
en place du Réseau des fermiers de famille. Aujourd'hui, ce sont plus de
130 fermes qui sont dans ce réseau et qui nourrissent des dizaines
de milliers de personnes, de familles partout à travers la province. Demain,
nous soulignerons d'ailleurs l'alimentation
locale institutionnelle, notamment avec l'Hôpital CHU Sainte-Justine et le
CHUM, dans le cadre de la Fête des récoltes,
septembre étant le mois de l'alimentation locale. Au-delà du type d'agriculture
que notre réseau pratique et promeut, c'est
le rôle central des femmes et des hommes qui nous nourrissent dans notre
société que nous voulons revaloriser ainsi que l'importance de l'agriculture locale pour notre alimentation, pour notre
santé et le dynamisme économique de nos régions.
M. le
Président, Mmes et MM. les députés, durant les prochains jours, certains
voudront réduire le sujet sur lequel vous
vous penchez à un bras de fer opposant environnementalistes au mieux ignorants,
au pire insensibles aux réalités des producteurs
et, en face, des agriculteurs fermés aux changements et dont la survie serait
irrémédiablement liée aux intérêts économiques
de l'industrie des pesticides. Il n'en est rien, je vous l'assure. Et, pour
vous le prouver, je vous rappelle que c'est conjointement avec L'Union des producteurs agricoles qu'au mois de mars
dernier nous sommes sortis pour demander la tenue de cette commission.
Je conclus
cette introduction en soulignant que les audiences de cette commission débutent
avec en parallèle une semaine
d'actions cruciales dans la lutte aux changements climatiques à New York, qui
culminera, comme vous le savez, partout
dans le monde vendredi par une grève mondiale pour une action à la hauteur de
l'urgence à laquelle nous faisons face. Hier encore, un rapport intitulé : Unis dans la science,
écrit en collaboration par des organismes respectés comme l'Organisation
météorologique mondiale, le Programme des Nations unies pour l'environnement ou
encore le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat,
soulignait qu'environ 23 % des émissions totales de gaz à effet de serre
proviennent de l'agriculture, de la foresterie et autres activité reliées à
l'utilisation du sol et des terres.
M. le
Président, Mme et MM. les députés, les changements profonds que nous appelons
pour notre agriculture et qui passent,
entre autres, par la fin de la dépendance aux pesticides ont le potentiel non
seulement de garantir notre santé, celles de nos producteurs et de notre
environnement, mais en plus de participer en première ligne à la lutte aux
changements climatiques. Pour ce faire, nous
avons besoin de réponses, nous avons besoin de faits scientifiques
indépendants, de recherches et de
suivis rigoureux, nous avons besoin d'accompagnement et d'appui dans la
transition pour nos producteurs et, peut-être même encore plus, nous avons besoin d'une action politique audacieuse qui
sera guidée, nous l'espérons, par le fruit de vos travaux.
Nous devons
sans plus attendre nous doter d'outils, de processus, et de moyens adéquats
dont je laisse maintenant ma
collègue, Mme Nadine Bachand, vous présenter les enjeux prioritaires
contenus dans le mémoire que nous vous avons soumis. Merci.
• (14 h 20) •
Mme Bachand
(Nadine) : Alors, il me fait plaisir, M. le Président, Mmes et MM. les
députés, de vous exposer la vision d'Équiterre
pour réduire notre dépendance envers les pesticides de synthèse et notre vision
d'une agriculture plus durable et plus résiliente à long terme.
Contrairement
à il y a cinq à 10 ans, où la question des pesticides était peu sur la
place publique et qu'il nous fallait encore
débattre à savoir si les pesticides causaient des risques pour la santé et
l'environnement, maintenant, tous s'entendent généralement pour dire qu'il faut agir et que des méthodes et pratiques
agricoles permettant de réduire significativement les pesticides de synthèse sont disponibles,
efficaces, rentables et compétitives après une période de transition,
probablement, comme en témoignent les fermes
que vous avez visitées, Mmes et MM. les députés, et qui sont seulement quelques
exemples parmi de nombreux autres.
L'heure est
venue d'adopter des pratiques agricoles qui, à la fois, vont permettre de
réduire l'empreinte de l'agriculture sur
l'environnement et la santé humaine, incluant le climat, et d'augmenter la
résilience des fermes et de notre agriculture face aux changements climatiques. Pour Équiterre, une agriculture basée
sur des pratiques de régénération des sols, donc visant à rebâtir et maintenir la santé des sols, serait
l'outil de choix en permettant de capter significativement plus de carbone,
donc de passer d'une agriculture émettrice
de gaz à effet de serre, actuellement, à une agriculture qui capterait les gaz
à effet de serre, et d'améliorer
l'empreinte carbone de notre agriculture de même que sa résilience aux impacts
du changement climatique. Donc, ce
qui est à retenir ici, notre agriculture peut faire partie de la solution
climatique, et on doit l'accompagner et l'appuyer pour ce faire.
Et ça
permettrait de faire d'une pierre plusieurs coups, parce que qui dit meilleure
santé des sols dit aussi réduction de
pesticides. La science et l'expérience terrain le montrent, quand on améliore
la santé des sols, on améliore la santé des plantes, et celles-ci deviennent beaucoup plus résistantes aux
organismes nuisibles. Et qui dit meilleure santé des sols dit aussi de nombreux co-bénéfices à moyen et long termes
pour la société, les entreprises, l'environnement et notre santé.
Réduction des coûts par la réduction des
intrants, meilleure fertilité des sols, et donc meilleure productivité,
meilleur stockage en eau, réduction
de la contamination des cours d'eau, atteinte des engagements provinciaux et
nationaux en matière de réduction des émissions des GES pour ne nommer
que ceux-là.
La recherche
et les expériences terrain montrent que les services-conseils indépendants
influencent positivement l'adoption
de pratiques agricoles favorables à l'environnement dont la réduction de
pesticide est inclue là-dedans. C'est pourquoi
on recommande de s'assurer que le soutien-conseil auprès des producteurs...
qu'il soit indépendant des intérêts liés à la vente de pesticides, d'une part, et, d'autre part, que le
gouvernement se réinvestisse de manière très importante dans le transfert de connaissance et de soutien-conseil
sur le terrain, transfert de connaissance des outils qui existent déjà et
qui ne demandent qu'à être mieux diffusés,
et qu'il y ait également des investissements en recherche afin de développer de
nouveaux outils. Ce
soutien-conseil doit s'appuyer sur une science indépendante. C'est pourquoi
nous demandons que le gouvernement cesse
de financer les recherches qui ne sont pas 100 % indépendantes de l'industrie, et, en contrepartie, que soient
soutenues les recherches entièrement
indépendantes pour documenter de manière indépendante les risques des
pesticides, et continuer de développer des solutions de rechange à
ceux-ci.
Le
gouvernement doit aussi se doter de systèmes de mesure et de surveillance des
pesticides qui soient plus rigoureux et
transparents. Aucune étude actuellement n'est menée au Québec afin de
déterminer comment l'exposition aux pesticides est impliquée dans la survenue de maladies chez les populations exposées
aux pesticides, comme le parkinson, par exemple, qui est reconnu comme
maladie professionnelle chez les agriculteurs exposés aux pesticides en France.
Le
gouvernement doit s'assurer qu'un registre de pesticides appliqué soit informatisé,
géolocalisé, comme c'est le cas, par
exemple, en Californie, qu'il soit élargi pour inclure tous les enrobages de
semence, parce que ce n'est pas le cas actuellement,
et qu'il soit accessible publiquement pour permettre au milieu de la recherche de
réaliser des études sur les effets des pesticides sur la santé publique
et environnementale.
Pour
s'assurer d'atteindre la cible de 25 % de réduction du risque de la
stratégie phytosanitaire, le gouvernement doit établir un calendrier, avec des outils, des cibles de réduction
chiffrées et un échéancier précis pour éliminer les pesticides plus à risque et prévoir l'ajout d'autres substances,
d'autres pesticides à la liste de pesticides les plus dangereux, dont les
herbicides à base de glyphosate, par mesure
de précaution pour protéger la santé de la population et, en particulier, celle
des agriculteurs, qui sont les
premiers à potentiellement être exposés, et pallier les failles majeures de
l'évaluation des risques au niveau fédéral.
Le
gouvernement doit également envoyer un signal clair au milieu à travers les
programmes de soutien agricole et d'assurance
du risque agricole qui doivent être modifiés de manière à encourager l'adoption
de pratiques agricoles favorisant la
santé des sols et la réduction des pesticides et éviter que ceux-ci soient
utilisés comme une assurance contre les risques en bonifiant, par exemple, la couverture
d'assurance des producteurs qui mettent en oeuvre un plan d'action comprenant
des pratiques agricoles régénératrices des
sols et de réduction des pesticides démontrées et efficaces avec le soutien
d'un conseiller indépendant. Alors
qu'il y a une surestimation du risque économique associée à
ces pratiques, ça lancerait un signal aux assurés en les incitant à
adopter des pratiques agricoles de rationalisation des pesticides. De plus,
considérant les coûts importants que la
gestion des pesticides représente pour l'État ainsi que leurs impacts sur la
santé et l'environnement, des mesures d'écofiscalité et
d'écoconstitutionnalité des aides doivent être mises en place.
Parallèlement, en n'utilisant aucun pesticide de
synthèse, l'agriculture biologique contribue aux objectifs de réduction des pesticides, et de nombreuses recherches ont
montré que les rendements de l'agriculture biologique peuvent être aussi
bons que ceux de l'agriculture conventionnelle suite à une période de
transition.
Nous sommes d'avis que le gouvernement
investisse significativement pour soutenir le développement d'une agriculture biologique reposant sur les pratiques
régénératrices des sols ainsi que le transfert de connaissances vers l'agriculture conventionnelle. Ces mesures
permettraient d'amorcer de manière résolue une transition de notre modèle
agricole vers une gestion qui dépend moins des pesticides comme premier outil
de choix et qui mise plutôt sur le développement maximal et une meilleure application des connaissances agronomiques
visant le recours à des pratiques régénératrices des sols et favorables
au développement d'une agriculture plus résiliente.
M. le Président, Mmes et MM. les députés, je
vous remercie de votre écoute.
Le
Président (M. Lemay) : Merci beaucoup pour votre exposé. Nous
allons maintenant débuter la période d'échange avec la partie du
gouvernement. M. le député de Lac-Saint-Jean, la parole est à vous.
M. Girard
(Lac-Saint-Jean) : Merci, M. le Président. Merci de l'exposé.
Pourriez-vous me rappeler votre nom?
M. Worms (Ryan) : Ryan Worms.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
M. Ryan...
M. Worms (Ryan) : Worms. W-o-r-m-s.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
O.K. Et c'est madame...
Mme Bachand (Nadine) : Bachand.
M. Girard
(Lac-Saint-Jean) : Bachand. Bon, merci beaucoup. Alors, écoutez, j'ai
bien aimé... vous parlez de santé des
sols, parlez de connaissances et de transfert aussi. Donc, la formation,
l'innovation, quand même intéressant. Et, au niveau de la connaissance, de la formation, transfert, pouvez-vous un
peu... de quelle façon, au niveau de la formation, entre autres, avez-vous une idée de quelle façon on peut
procéder ou de quelle manière au niveau des ITA, des universités, tout
ça... Est-ce que vous avez quelque chose, là, à mentionner à ce niveau-là?
Mme Bachand (Nadine) : Tout à
fait.
Le Président (M. Lemay) :
Allez-y, Mme Bachand.
• (14 h 30) •
Mme Bachand
(Nadine) : Donc, oui, pour la formation universitaire, je parlais tout
récemment avec une jeune agronome qui était,
à la base, technicienne en agronomie. Elle me disait que la formation sur les
pesticides est obligatoire dans la formation technique, mais qui est... depuis tout, tout
récemment, une formation sur les pesticides est obligatoire au niveau de la formation des agronomes à
l'Université Laval. On pense que c'est un pas dans la bonne direction. On
pense également qu'il faut renforcer cette
formation-là pour approfondir les connaissances des futurs agronomes sur les
risques des pesticides sur l'environnement
et la santé et aussi sur les pratiques alternatives comme la lutte intégrée,
par exemple, donc vraiment de les
outiller de manière importante aussi sur la question de l'agriculture régénératrice des sols, qu'ils aient vraiment
en main un coffre à outils très complet, très approfondi pour faciliter la
transition.
Le Président
(M. Lemay) : M. le député de Lac-Saint-Jean.
M. Girard
(Lac-Saint-Jean) : Merci, M. le Président. Alors donc, c'est intéressant d'entendre que
vous avez eu des discussions et que, maintenant, là, ils ont une formation, au
niveau des cours en agronomie, au niveau
des pesticides. Je pense que c'est primordial et c'est la prémisse de
base.
Et
est-ce que vous avez aussi été plus loin au niveau... plus au niveau,
là, de la base, au niveau de ceux, justement, qui appliquent et qui doivent travailler avec ces
produits-là? Est-ce que vous avez été capables d'aller chercher un petit peu plus d'information, pousser un petit peu plus au niveau des... ils
utilisent-u des équipements de protection, tout ça? Est-ce que vous avez
élaboré à ce niveau-là, au niveau des utilisateurs?
Le Président
(M. Lemay) : Alors, Mme Bachand.
Mme Bachand
(Nadine) : Sur les équipements de protection, je ne suis pas la
spécialiste des équipements de protection, je vous le dis en passant.
M. Girard
(Lac-Saint-Jean) : O.K.
Mme Bachand
(Nadine) : Ce n'est pas ma tasse de thé en particulier.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Je comprends.
Mme Bachand
(Nadine) : Par contre, ce que j'entends, en parlant avec les milieux,
c'est que, oui, il y a de la formation qui
est donnée davantage, particulièrement dans les dernières années, pour vraiment
renforcer l'importance de bien s'équiper,
de bien s'habiller, mais que, bon, par
contre, ce n'est pas encore pleinement...
ce n'est pas partout dans le milieu où les
équipements de protection sont portés, les étiquettes sont bien appliquées,
tout ça. Donc, c'est certain que nous, on prône et on continue de prôner vraiment d'aller dans une approche vraiment
de prévention du risque pour les agriculteurs, mais aussi pour l'ensemble de l'exposition après l'application de pesticides
aussi, une fois que les pesticides se retrouvent dans le milieu, dans
les sols, dans les rivières, dans les aliments.
M. Girard
(Lac-Saint-Jean) : ...
Le Président
(M. Lemay) : M. le député de Lac-Saint-Jean.
M. Girard
(Lac-Saint-Jean) : Ah!
excusez-moi. Alors, j'ai vu, dans vos recommandations que vous parlez
des services-conseils au niveau...
J'aimerais ça peut-être vous entendre un petit peu plus à ce niveau-là. Peut-être aussi me nommer certains... en tout cas, si vous connaissez, vous avez entendu parler de
certains services-conseils ou des... J'aimerais ça vous entendre à ce
niveau-là un petit peu plus.
Le Président
(M. Lemay) : Mme Bachand.
Mme Bachand
(Nadine) : Question vaste, mais je vais essayer d'y répondre au
mieux...
M. Girard
(Lac-Saint-Jean) : Oui.
Mme Bachand
(Nadine) : Oui, j'ai des
discussions... on a des discussions régulièrement
avec des services-conseils, notamment
des clubs conseils agroenvironnementaux, entre autres. Puis ce qu'on entend,
notamment, c'est qu'il y a plusieurs outils
qui existent, mais pour lesquels ils n'ont pas du tout le soutien, le mandat,
le... Ils ont l'expertise pour le faire, mais ils n'ont pas le soutien et l'argent pour pouvoir les
diffuser. Donc, il y a beaucoup d'outils qui permettraient de réduire
les pesticides, mais qui ne sont pas
actuellement... pour lesquels ils ne sont pas soutenus pour en faire la
diffusion auprès du milieu. Donc,
déjà ça, d'investir, même modestement, dans vraiment le transfert de
connaissances qui existent déjà, d'outils qui existent déjà, qui sont
déjà prêts à être diffusés, ça serait vraiment une option très rentable et
efficace.
M. Girard
(Lac-Saint-Jean) : ...
Le Président
(M. Lemay) : Parfait. Allez-y.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Merci, M. le Président. Peut-être préciser ma question, mais vous savez que tous les entrepreneurs agricoles, toutes les agricultrices, agriculteurs ont accès à ces
services-conseils là. Donc, ça, vous êtes au courant de ça, qu'ils ont accès à ces
services-conseils là et qu'il y a une multitude de services-conseils à ce
niveau-là? Mais peut-être... Est-ce
que vous en connaissez? Pouvez-vous m'en cibler, me nommer des
services-conseils, entre autres des... oui, particuliers?
Mme Bachand (Nadine) :
Je pense, par exemple, aux discussions...
Le Président
(M. Lemay) : Mme Bachand.
Mme Bachand
(Nadine) : Oui, excusez-moi. J'attends mon tour de parole.
Oui,
je pense, par exemple, aux discussions que j'ai eues, cet été, très, très intéressant
avec SCV, qui est un service-conseil
qui s'est démarré. C'est un ancien agronome d'un club-conseil
agroenvironnemental qui a démarré son propre service et qui s'occupe de dizaines de producteurs à
travers 10 régions au Québec, dans toutes les productions, et qui met de
l'avant des pratiques régénératrices des
sols, des bonnes pratiques agricoles et qui voit des baisses importantes de
pesticides chez ces agriculteurs.
Puis une discussion, entre autres, très intéressante que j'ai eue avec lui,
c'est qu'il me disait : Les agriculteurs ne connaissent pas leurs coûts de production. Ils vont beaucoup prendre
leurs décisions, par exemple, sur le prix des grains sur le marché. Ça
va avoir une influence à peut-être tendre lorsque...
D'ailleurs,
ça a été dénoté dans la littérature économique, lorsque le prix des grains
augmente, l'indice de pression à
l'hectare, donc l'utilisation de pesticides à l'hectare, augmente. Ça suit
vraiment la courbe de prix des grains. Donc, on peut voir un petit peu la tendance à utiliser davantage de
pesticides pour protéger une marge bénéficiaire qui est certainement petite.
Donc,
lui disait : Si on allait plutôt dans la logique que les agriculteurs
évaluent leurs coûts de production, on est capables de voir qu'en les soutenant dans une période de transition,
vraiment, ils sont capables d'avoir des gains, des gains mêmes économiques, parce que ça coûte quand même
un coût, les intrants, ils sont capables d'augmenter leur productivité
avec des sols plus fertiles. Donc, c'est un exemple très intéressant. Il y en
aurait d'autres.
M. Girard
(Lac-Saint-Jean) : Mais vous êtes conscients...
Le Président
(M. Lemay) : M. le député, allez-y.
M. Girard
(Lac-Saint-Jean) : Ah!
excusez, M. le Président, je vais prendre le... Je suis désolé de vous
couper la parole. Mais vous avez que
les... quand même qu'au niveau des producteurs c'est des preneurs
de prix, hein, donc qui sont aux
prises avec les prix qui sont offerts sur le marché. Donc, ça, c'est... Et,
moi, là... vous aviez une recommandation,
vous parlez de réduction chiffrée et d'un
échéancier pour l'élimination, mais d'un échéancier... Avez-vous une période de
temps? Un délai? Un nombre d'années? On fait-u ça demain matin?
Mme Bachand
(Nadine) : ...
Le Président
(M. Lemay) : Mme Bachand.
Mme Bachand
(Nadine) : Pardon. Mon Dieu! Je m'excuse. On est enjoués de discuter.
M. Girard
(Lac-Saint-Jean) : Non, ça va bien, ça va bien.
Mme Bachand
(Nadine) : La Stratégie
phytosanitaire a elle-même une date butoir, vise elle-même à réduire de 25 %
les risques pour la santé et l'environnement avant 2021, mais, d'ici là, il n'y
a pas de jalon chiffré pour se rendre là. Il n'y a pas de cible progressive et d'échéancier pour se rendre là. On
a cette cible-là. On en a eu depuis 1992. On sait qu'on les a ratées, c'est ce que le Vérificateur général
nous a confirmé en 2017. Donc, ce qu'on propose, c'est qu'il y ait
vraiment des jalons temporels pour se rendre à notre objectif avec des moyens
assortis. C'est ça, l'idée.
Le Président
(M. Lemay) : M. le député.
M. Girard
(Lac-Saint-Jean) : Bien, je vous remercie beaucoup. Moi, M. le
Président, je pense que je vais laisser la parole à mes collègues.
Le
Président (M. Lemay) : Excellent. Donc, à cette étape-ci, Mme la
députée d'Abitibi-Ouest, pour votre question.
Mme Blais
(Abitibi-Ouest) : Merci, M. le Président. Merci pour votre belle
présentation. Alors, j'aimerais... Pouvez-vous préciser davantage sur le rôle du fédéral et les changements
souhaités? Ils sont d'une grande responsabilité dans les dossiers d'homologation. Que devrons-nous dire aux
agriculteurs et aux parties prenantes qui souhaitent que nous
conservions la recherche appliquée justement
pour assurer le transfert des connaissances? Au Québec, nous avons environ
30 partenaires qui travaillent à plus
de 125 initiatives de transition en agriculture durable. Cette initiative
est appuyée par les agriculteurs et elle est complémentaire à la
recherche fondamentale. Pourquoi les opposer?
Le Président
(M. Lemay) : Mme Bachand.
Mme Bachand (Nadine) :
...pourquoi les?
Mme Blais
(Abitibi-Ouest) : Pourquoi les opposer?
Mme Bachand
(Nadine) : Les opposer?
Mme Blais
(Abitibi-Ouest) : Oui.
Mme Bachand
(Nadine) : Vous voulez dire les opposer à...
Mme Blais
(Abitibi-Ouest) : Les opposer. Pourquoi les opposer au niveau de cette
façon de faire?
Mme Bachand
(Nadine) : O.K. Je vais commencer par répondre à la première question,
sur la question des failles dans le
processus d'évaluation fédérale. Au niveau du fédéral, on sait, vous avez vu
aussi dans la présentation qui a été faite au mois de mai, le gouvernement fédéral prend majoritairement les études
des promoteurs, des industries qui proposent les pesticides. Et, pour nous, c'est un problème important. On a vu, par
exemple, pour ne donner que cet exemple-là, dans le dossier de la réhomologation du glyphosate pour
15 ans encore, là, qui a été réhomologué en 2017, que la
réhomologation s'est faite sur la base d'une
littérature scientifique à 80 %, fournie par l'industrie, une littérature
scientifique qui datait de plusieurs
années. Et on sait que la littérature scientifique, au cours des toutes
récentes années, a vraiment foisonné sur les risques potentiels, là, du glyphosate pour la santé et que la majorité
de la littérature indépendante qu'on consulte met en lumière un risque potentiel du glyphosate pour le cancer,
alors que la littérature scientifique, les données de l'industrie sur
laquelle s'est fondé majoritairement l'ARLA
pour faire la réhomologation, conclut plutôt... minimise plutôt les risques de
cancer. Ça, c'est un exemple.
Il a été mis de côté, par exemple, aussi tout
l'impact de ce pesticide-là sur le microbiote, donc tous les microorganismes
digestifs, dans le système digestif de
l'humain et dans les sols également, alors qu'on connaît le glyphosate pour
être homologué comme un antibiotique.
Donc, ça, ça a été écarté également. Ça, c'est des exemples. Donc, ça, c'est
des failles très, très importantes.
Également,
il n'y a pas d'études qui sont faites pour voir quels sont les impacts des
synergies qui pourraient avoir lieu. Donc, on exposé au quotidien à on
ne sait pas combien, mais certainement plusieurs, plusieurs produits chimiques simultanément, plusieurs pesticides simultanément,
probablement, dans la même journée, et ceci n'est pas pris en compte, entre autres quand on établit les doses
journalières acceptables. Donc, il y a plusieurs, plusieurs failles, là, qui
sont mises en lumière, là. Je ne sais pas si ça répond bien à votre
question, Mme la députée.
Le Président
(M. Lemay) : Mme la députée.
Mme Blais
(Abitibi-Ouest) : Qu'est-ce qu'une dose journalière acceptable?
Mme Bachand
(Nadine) : C'est la dose qui est déterminée pour être présumément sans
impact sur la santé lorsqu'on le consomme d'une manière quotidienne.
Mme Blais
(Abitibi-Ouest) : Merci beaucoup.
Le Président
(M. Lemay) : Mme la députée.
Mme Blais
(Abitibi-Ouest) : Merci beaucoup. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Lemay) : Parfait. À ce stade-ci, je vais céder la parole
au... M. le député de Maskinongé, allez-y.
• (14 h 40) •
M. Allaire :
Merci, M. le Président. C'est un plaisir de vous rencontrer. Merci pour votre
mémoire, c'était très intéressant.
Naturellement,
on est au Québec, ici. Quand on met en place une commission comme celle-ci, on
espère que les observations qu'on va
faire vont nous amener à un autre niveau, mais on espère surtout qu'ils vont
nous faire adopter les meilleures pratiques sur le marché.
J'imagine
que, dans votre mémoire, vous avez pris le temps peut-être d'explorer ce qui se
faisait ailleurs dans le monde. Si on
aurait à se coller sur un autre pays parce qu'ils ont les meilleures pratiques
et que, nous, ça nous permettrait un peu de s'améliorer, en fait,
naturellement, ça serait quel pays puis pourquoi?
Le Président (M. Lemay) :
Mme Bachand.
Mme Bachand
(Nadine) : Je peux donner une réponse peut-être à plusieurs niveaux.
Si on regarde juste par la lorgnette
des pesticides, il y a plusieurs pays européens qui ont pris action rapidement.
Donc, par exemple, la famille des pesticides...
la famille des néonicotinoïdes, l'Europe les a interdits depuis décembre
dernier, la France depuis un an. La majorité
des usages en agriculture, là, pas tous, tous les usages, mais la majorité,
l'atrazine, par exemple, est interdite en Europe depuis 15 ans. Donc, il y a davantage une mentalité,
je dirais, des processus qui sont un peu plus de tendance du principe de
précaution du côté européen.
L'Autriche,
l'Allemagne sont en mouvement aussi, ont déclaré l'interdiction du glyphosate
dans les prochains mois. La France est en mouvement vers ça. Bon, il y a
des pays comme le Vietnam qui les ont déjà interdits.
Du
côté des pesticides, les pays, en fait, d'Europe, notamment, bien,
principalement, vont aller davantage rapidement pour interdire les
pesticides jugés à plus haut risque. Ça, c'est une approche qu'on trouve, bien
sûr, intéressante.
Puis, du côté des pratiques agricoles
elles-mêmes, là, on pourrait en parler très longtemps, mais il y a aussi des initiatives très intéressantes qui se font du côté
des pays européens. Du côté, par exemple, des pratiques agricoles bios
mais aussi, de manière générale, du côté des
bonnes pratiques agroenvironnementales, il y a du soutien, en fait, très
intéressant qui se donne. Notamment,
l'Autriche est championne, là, du côté du soutien à l'agriculture bio. Leurs
superficies sont à 24 % actuellement.
C'est une entreprise sur cinq qui est certifiée biologique. La Suède est à
18 %, alors que la moyenne européenne est à 7 %. C'est déjà plus élevé qu'ici. Ici, on est à 3 % des
superficies. Le Danemark aussi a doublé son objectif, est rendu à 9 %.
Donc, il y a
place ici beaucoup, beaucoup, beaucoup avec la demande des consommateurs aussi
à augmenter cette offre-là. Peut-être que mon collègue voudrait compléter
du côté de la demande.
Le Président (M. Lemay) :
Merci. Est-ce que, M. Worms, vous voulez rajouter quelque chose?
M. Worms
(Ryan) : ...peut-être, également, je pense qu'on a parlé de la
Californie sur le suivi et l'indépendance. Ça serait un exemple à suivre. Mais, quand vous posiez, Mme la députée,
la question sur la problématique avec le fédéral, je pense... ce que je voudrais souligner, c'est le
principe de précaution. À partir du moment où nous avons des doutes sur
le processus au niveau fédéral pour
homologuer ou réhomologuer les pesticides, nous croyons que le gouvernement du
Québec a le devoir de mettre en place toutes
les mesures pour protéger les producteurs, bien sûr, en premier, tout en
garantissant la performance de notre agriculture, mais aussi la santé de
la population.
Et, si je
peux me permettre juste une petite parenthèse plus personnelle, ma jeune nièce
Ilona de 11 ans est atteinte d'autisme, d'un autisme d'une forme
assez grave. Et ce que je peux aujourd'hui vous dire que cette maladie...
Le Président (M. Lemay) :
...interrompre un instant, M. Worms, je sais...
M. Worms (Ryan) : Pardon.
Le Président (M. Lemay) : C'est
très intéressant pour votre nièce, mais, par contre, nous tombons sur le temps
de l'opposition officielle.
M. Worms (Ryan) : Excusez-moi.
Le
Président (M. Lemay) : Mme la députée de Maurice-Richard, la parole est à vous. Je suis sincèrement désolé,
M. Worms.
Mme Montpetit : Je vous
remercie, M. le Président, mais continuez sur ce que vous disiez.
Le Président (M. Lemay) :
Continuez, M. Worms.
M. Worms
(Ryan) : Ce que je vous disais, je ne peux absolument pas certifier
aujourd'hui de lien entre la maladie qui
afflige ou le syndrome qui qui afflige ma nièce et l'utilisation des
pesticides, du glyphosate en particulier, mais, par contre, j'aimerais avoir ces réponses. J'aimerais vraiment
qu'une science indépendante appuyée par le gouvernement puisse venir
fournir ces réponses à moi, et aux parents, et aux dizaines de milliers de
parents qui vivent ces situations-là.
Donc, quand
on parle de principe de précaution, quand on parle de faille au niveau fédéral,
c'est aussi en pensant à toutes les
personnes qui sont affligées et les producteurs en premier. On le sait
aujourd'hui, on l'a entendu, le lien avec la maladie du Parkinson. Il y a un certain doute sur l'utilisation d'un
nombre de pesticides avec les liens avec certaines maladies. Faisons les
études qu'il faut pour avoir les réponses.
Le Président (M. Lemay) :
Merci, M. Worms. Mme la députée de Maurice-Richard.
Mme Montpetit :
Je vous remercie, puis merci de nous livrer ce témoignage, parce que c'est
certainement au cours des réflexions qu'on doit faire, puis un autre groupe
qu'on reçoit cet après-midi, la Fondation
David-Suzuki, a, entre autres, souligné
ces questions-là la semaine dernière, entre autres sur les liens avec le
parkinson qui est relativement bien démontré dans la littérature scientifique, mais avec l'autisme aussi, qui n'est
pas clairement démontré encore, mais sur lequel on doit certainement se
questionner tous ici.
J'ai
plusieurs questions à la lecture de votre mémoire, mais avec ce que vous nous
apportez aussi, une première qui est...
Je ne voudrais pas mal vous citer, mais vous parlez bien de réduction des
pesticides et non d'abolition des pesticides. Est-ce à comprendre que vous ne suggérez pas d'abolir et d'interdire
totalement l'utilisation des pesticides en terre agricole au Québec?
Le Président
(M. Lemay) : Mme Bachand.
Mme Bachand
(Nadine) : Oui, tout à fait. Je suis contente que vous posiez la
question, ça va permettre de faire une clarification
importante, là. Non, on ne demande pas, on n'a jamais demandé l'interdiction
totale de tous les pesticides. On a demandé,
et on continue de le faire, de demander par contre du moins la réduction
drastique ou l'interdiction des pesticides les plus à risque, vraiment ceux pour lesquels,
dans la littérature scientifique, les doutes sont fort importants, et, de
manière générale, une réduction
significative, parce que, plus largement que le débat sur telle maladie ou tel
pesticide, il faut reculer d'un pas.
Puis, vraiment, il y a suffisamment de drapeaux rouges dans la littérature
scientifique et au fil de l'histoire aussi.
On a vu avec
le DDT, dans les années 40, 50, où on s'est rendu compte finalement que
c'était trop toxique. On l'a interdit.
Ça a été remplacé par une autre famille de produits chimiques, les organophosphorés, entre autres le chlorpyriphos qu'on utilise encore.
On s'est rendu compte que c'était trop... qu'il y avait des impacts importants
au niveau neurotoxique pour le
développement du cerveau des enfants. On en a interdit les usages en milieu
résidentiel au début des années 2000. On commence à aller vers ça
en agriculture. On les remplace par une autre famille de pesticides, etc.
Donc
la roue tourne comme ça, on remplace des produits chimiques par d'autres, et
finalement, le temps que les études se fassent, on se rend compte que peut-être qu'ils n'étaient pas
si bénins que ça, ces produits-là. Donc, il faut sortir de cette... de l'ornière, je dirais, dans laquelle on... la
dépendance envers les pesticides pour vraiment aller... par ailleurs, et c'est
ce qu'on dit, avec les programmes de soutien
à l'agriculture, insuffler vraiment de nouvelles... une nouvelle pratique et
faire cette transition-là vers une moins grande dépendance envers les
pesticides.
Le Président
(M. Lemay) : Mme la députée.
Mme Montpetit : J'aimerais vous entendre aussi plus
précisément... quand vous parlez de réduction drastique des pesticides à haut risque, j'aimerais vous entendre
plus précisément sur le glyphosate, dont on a entendu beaucoup parler au cours des dernières
semaines aussi.
Vous l'avez mentionné, là, au cours des
dernières années, la nouvelle réglementation vient vraiment encadrer l'utilisation de cinq pesticides, dont le néonics,
dont l'atrazine, vient l'interdire, à moins qu'il y ait une prescription
par un agronome. Ce n'est pas le cas pour le
glyphosate. On a reçu l'ARLA, l'agence d'évaluation à ce niveau-là, qui ne
partageait pas nécessairement la même position que celle de l'Europe.
J'aimerais
vous entendre. Est-ce que vous considérez, vous, que le glyphosate fait
partie de ce que vous qualifiez de pesticides à haut risque? Et est-ce
que ça devrait être un pesticide qui devrait être encadré davantage, sinon
interdit?
Le Président (M. Lemay) :
Alors, Mme Bachand.
• (14 h 50) •
Mme Bachand
(Nadine) : Merci. Oui, on
pense qu'il devrait être encadré davantage. En ce moment, il ne fait
pas partie, et c'est un des absents, là,
de... effectivement des pesticides restreints. Actuellement dans l'évaluation
du risque... l'indice de risque qu'on
lui a attribué au Québec, on a des beaux indicateurs de risque développés
au Québec qui sont très innovateurs, par contre, cet
indice-là, actuellement, ne tient pas compte de la littérature récente.
Notamment,
par exemple, la semaine passée, je voyais un tout récent article scientifique
qui est paru en mai 2019 des
chercheurs de l'INSERM, qui est une institution française très reconnue, elle a
reçu notamment deux prix Nobel en médecine, qui
montrait des effets majeurs de perturbation endocrinienne chez des rats exposés
in utero à faible dose, à faible dose,
en dessous des doses permises, là, les limites permises. Donc, altération de la
morphologie des testicules, diminution de la testostérone, baisse radicale du nombre de spermatozoïdes, donc. Et
le glyphosate est, entre autres, fortement soupçonné d'être un perturbateur endocrinien, qu'on dit,
donc un perturbateur du système hormonal, qui n'agissent pas selon un
modèle classique d'augmentation des effets avec l'augmentation de la dose, on appelle ça l'effet dose-réponse, et n'agissent pas de cette façon-là. Ils peuvent avoir des effets
importants à très, très, très faibles doses. Donc, c'est très difficile
d'établir des seuils qui sont sans
danger, donc. Et, parallèlement à ça, une autre méta-analyse qui était sortie
en février qui montrait que les personnes
les plus exposées, donc les travailleurs agricoles, aux herbicides à base de glyphosate avaient 41 % plus de risque de développer un cancer de type lymphome non
hodgkinien, pour ne nommer que ceux-là. Donc, on ne veut pas crier au
loup, là, mais il y a la littérature
scientifique qui, sans parler de causalité absolument démontrée, parce que
c'est très difficile à faire, du côté
épidémiologique, de démontrer une causalité, mais il y a un poids de preuves
qui s'accumulent et qui s'accumulent. Je vous ai expliqué tout à l'heure
comment il avait été évalué au fédéral.
Donc, nous,
on pense que... et, en ce moment, même si, ce que je disais tout à l'heure, au
Québec, les indices de risque, ils
l'ont classé... il est classé très faible, actuellement, malgré que son indice
de risque ne tient pas compte de la littérature scientifique récente, il est classé dans les 10 pesticides... au
palmarès des 10 pesticides les plus importants au niveau des
risques pour la santé et l'environnement au Québec parce qu'il est très
utilisé, c'est le plus utilisé au Québec, au monde.
Donc, sachant
ça, je pense qu'il faut se diriger vers une réduction progressive, c'est ce
qu'on a demandé dans notre mémoire,
et en commençant par les usages qui ne sont pas essentiels. Comme, par exemple,
il est utilisé pour dessécher des récoltes,
dessécher les cultures avant les récoltes, même pas pour ses effets herbicides
en tant que tels. Donc, il y a des usages qui, dès le début d'un plan
d'action pour, à terme, en éliminer l'usage, pourraient être faits très
rapidement.
Le Président (M. Lemay) : Mme
la députée.
Mme Montpetit :
Je vous remercie. Ça répond très clairement à ma question. Vous avez écrit...
dans votre mémoire, vous avez cité à
deux reprises que, bon, qu'en 2003 le Québec est devenu un leader en
réglementation des pesticides quand il
y a eu une vingtaine, si je ne me trompe pas, d'ingrédients actifs qui avaient
été interdits en zone urbaine. Et vous réitérez en disant qu'en novembre 2015, avec la Stratégie québécoise sur les
pesticides, c'était la stratégie la plus ambitieuse en matière de
pesticide en Amérique du Nord.
Qu'est-ce
qui, selon vous, à ce stade-ci aujourd'hui, a fait qu'on pourrait aller plus
loin précisément ou qu'est-ce qui
fait qu'au niveau de cette réglementation-là... Est-ce qu'il y a des failles?
Est-ce que c'est parce qu'elle n'est pas appliquée? Est-ce parce qu'il y a un encadrement qui devrait
être plus restreint, dans le fond? Parce que c'était la stratégie 2015-2018,
donc on arrive à un moment où justement il peut y avoir une prochaine étape.
Mme Bachand
(Nadine) : Oui, tout à fait. Cette réglementation-là, nous, on aurait
demandé d'abord et avant tout un plan
pour éliminer les matières les plus dangereuses, les plus à risque. Bon, en ce
moment, elles sont permises, mais sous prescription
d'un agronome. On peut voir quand même qu'il y a eu des baisses qui ont été
annoncées, là, par le ministère de l'Environnement quand vous les avez
entendus au mois de mai.
Ceci
dit, je pense qu'il faut se doter d'un plan pour vraiment viser une réduction
plus costaude que ça, parce que ce qui arrive en ce moment, c'est qu'on
voit des produits de remplacement prendre la place. Entre autres, du côté des
néonicotinoïdes, on voit que les concentrations des produits de remplacement,
par exemple, le chlorantraniliprole, le cyantraniliprole,
d'autres insecticides, là, qui sont utilisés à la place des néonics, augmentent
dans les rivières et, bien qu'ils n'aient
pas l'impact de très haute toxicité sur les abeilles, pour ne parler que de ces
deux-là, ils sont extrêmement ou très toxiques
pour la faune aquatique. Donc, est-ce qu'on n'est pas en train de déplacer le
problème? C'est pour ça que nous, on parle
d'avoir une vision globale et de vraiment y aller de manière systémique en
envoyant un signal clair aux producteurs par les programmes de soutien, par les programmes d'assurance du risque pour
vraiment qu'il y ait une démarche globale qui soit faite vers se passer... aller vers la prévention,
donc, au lieu d'aller chercher le médicament, plutôt agir en prévention
des problèmes, des problématiques qu'on rencontre dans les...
Le Président
(M. Lemay) : Mme la députée, environ une minute.
Mme Montpetit :
Il ne me reste pas beaucoup de temps, il me restait deux questions, mais je
vais en revenir à l'ARLA, qui, quand
on les a rencontrés, nous disait deux choses quand même assez... en tout cas,
qui, si vous avez suivi, étaient
assez questionnables, justement le fait qu'ils ne se basaient pas sur le
paradigme du principe de précaution pour prendre leurs décisions, mais
aussi sur le fait qu'ils ne mesuraient pas l'effet cumulatif des pesticides.
J'aimerais peut-être vous entendre sur cette dernière partie, comme on n'a pas
beaucoup de temps.
Le Président
(M. Lemay) : Mme Bachand.
Mme Bachand
(Nadine) : Oui. Donc... et tout à fait. Donc, le principe de
précaution est en fait enchâssé dans la loi canadienne sur les produits antiparasitaires, mais on voit que, dans
l'application, ça ne percole pas. Donc, c'est une des raisons pour lesquelles on dit aussi que le Québec fait bien actuellement d'aller vraiment vers... avec la
tenue de cette commission-ci, notamment,
d'aller vraiment vers une restriction plus grande, là, et le Québec a la
compétence pour le faire. Donc, c'est vraiment très important qu'on
aille au-delà de ce que le fédéral fait.
Le Président (M. Lemay) : Merci beaucoup. Sur ce, je cède la parole à la députée
de Rouyn-Noranda—Témiscamingue.
Mme Lessard-Therrien : Merci,
M. le Président. À la... Bien, à vous
entendre, je pense qu'on comprend très bien beaucoup d'arguments en faveur de la réduction des
pesticides, notamment pour la santé et pour l'environnement. Mon collègue
ici a soulevé par contre à quel point les producteurs sont dépendants des
prix et comment l'utilisation des pesticides, vous l'avez abordé dans votre mémoire, mais est utilisée comme un outil de gestion du
risque, donc pour s'assurer, là, de, justement, obtenir les marges qu'on souhaite avoir.
Avez-vous des arguments peut-être plus économiques pour les gens qui seraient plus
sceptiques de réduire l'utilisation des pesticides, sur leur rentabilité, par
exemple?
Le Président
(M. Lemay) : Mme Bachand.
Mme Bachand
(Nadine) : En fait, pour parler avec plusieurs agriculteurs qui font
autrement sur le terrain, pour parler avec plusieurs agronomes aussi qui
soutiennent ces producteurs-là, ce qu'on entend, c'est que c'est rentable, en
fait, d'employer d'autres pratiques qui
permettent de prévenir les pesticides. Donc, on veut avoir une agriculture qui
permet d'agir en mode préventif que
curatif. Et ça devient rentable parce qu'on enrichit les sols. Comme je le
disais d'entrée de jeu, qui dit sols
en santé dit moins d'intrants, moins de pesticides, dit plus grande fertilité,
plus grande résilience aussi aux variations du climat. En ce moment, le climat, on est dans une position de
vulnérabilité, et ça va aller en croissant, on ne se le cachera pas.
Donc, avec vraiment
une agriculture basée vraiment sur la santé des sols, c'est vraiment la base.
Parlez aux agriculteurs qui ont des
pratiques alternatives, ils vont vous le dire vraiment, la santé du sol, c'est
primordial parce que c'est ce qui
permet, après ça, d'être plus résilient face aux mauvaises herbes, face aux
insectes. D'avoir cette diversité-là permet vraiment... une diversité
dans l'agroécosystème permet vraiment d'être plus résilient.
Notre
modèle agricole, actuellement, est basé sur la monoculture intensive, et donc
qui est très demanderesse en pesticides,
en fertilisants, qui ont aussi des impacts importants, bon, sur les cours
d'eau, en termes de pression de gaz à effet de serre, là. L'oxyde nitreux qui est émis est 300 fois plus
puissant en termes d'effet de serre que le monoxyde ou le bioxyde de carbone. Donc... j'ai perdu mon fil... Donc,
oui, c'est très, très, très important, là, de... Et c'est ce qu'on entend sur
le terrain, c'est que c'est possible de faire autrement.
Oui,
mon idée revient. Donc, notre modèle agricole est fondé en ce moment sur, je
disais, la culture intensive. Et, pour
l'exportation, donc, elle va principalement à nourrir les porcs, qui sont à
70 % exportés. Donc, je pense qu'il faut se tourner vers une
agriculture locale...
Le Président
(M. Lemay) : Mme Bachand, je dois vous interrompre, le temps
étant écoulé avec la deuxième opposition. Le temps, maintenant, est rendu au
député de Bonaventure.
M. Roy : Merci, M. le
Président. On va aller directement à la question ou aux questions. Bon, dans
votre mémoire, là, vous soulignez, bon, les
différentes initiatives du gouvernement du Québec. Vous parlez, entre autres,
en 1992, de la Stratégie
phytosanitaire, qui visait à réduire de 50 % l'usage des pesticides avant
l'an 2000. On parle de la Stratégie québécoise
des pesticides en 2015-2018. Mais pourquoi ça n'a pas fonctionné? Pourquoi on a
une augmentation quand même importante de l'utilisation des pesticides
au Québec dans un contexte où on a voulu se doter de politiques ou de toutes
sortes de plans? Voilà la question.
Le Président (M. Lemay) : M.
Worms.
M. Worms
(Ryan) : Écoutez, vous verrez les recommandations, M. le député,
que nous avons mises dans notre rapport.
Je crois qu'il faut avoir un réinvestissement du gouvernement, un
réinvestissement de l'État dans l'accompagnement de ces transitions. C'est peut-être là où il y a eu un manque. Entre
autres, hein, dans les dernières années, on le voit, la capacité des
ministères concernés, notamment aux ressources humaines, pour accompagner le
monde agricole et aussi le type d'accompagnement au niveau financier n'a
peut-être pas été suffisante.
Et, pour
prendre un autre aspect par rapport à cette question, le développement aussi
des filières locales. Je vous parlais
que ce mois-ci, c'est le Mois de l'alimentation locale. Comment est-ce que le
gouvernement, les ministères concernés pourraient
appuyer nos producteurs à travers, notamment, l'appui des institutions,
hôpitaux, écoles, universités, et autres, à aller acheter, s'approvisionner de manière locale? Donc, ça, c'est
peut-être des pistes qui n'ont pas été suffisamment explorées. Et, comme on le dit, un réinvestissement massif du
gouvernement, que ce soit dans le service-conseil indépendant, que ce
soit dans la recherche indépendante, bien, c'est nécessaire pour pouvoir
atteindre les cibles qui ont été fixées.
• (15 heures) •
Le Président (M. Lemay) : M. le
député.
M. Roy : À la
page 10, vous dites qu'il y a des provinces qui nous ont dépassés par
rapport au plan de 2003. Quelles provinces?
Le Président (M. Lemay) :
Mme Bachand.
Mme Bachand (Nadine) : Par
rapport au plan de 2003?
M. Roy : Oui.
Mme Bachand (Nadine) : On parle
ici du Code de gestion des pesticides. En fait, oui, le Code de gestion des pesticides s'adresse au milieu urbain, et
d'ailleurs, s'il y a un lieu où on parle de pesticides ici à des fins moins
essentielles, peut-on dire, à des fins
souvent esthétiques... Donc, le Québec a été vraiment un pionnier en adoptant
le code de gestion. Ça a insufflé un
mouvement dans les autres provinces. Il y a l'Ontario qui a adopté une
réglementation qui va encore plus loin
en interdisant à toutes fins pratiques tous les pesticides de synthèse à des
fins esthétiques en milieu urbain. Il y a d'autres provinces, comme la
Nouvelle-Écosse, aussi qui ont été plus loin.
Le Président (M. Lemay) : Merci
beaucoup, Mme Bachand. Ceci complète cette période. M. Worms, merci
beaucoup. Je vous remercie pour votre contribution.
Je vais suspendre les travaux quelques instants
pour permettre aux représentants de la Fondation David-Suzuki de prendre place.
(Suspension de la séance à 15 h 01)
(Reprise à 15 h 03)
Le Président (M. Lemay) :
Alors, nous reprenons nos travaux. Je souhaite maintenant la bienvenue aux représentants de la Fondation David-Suzuki. Je vous rappelle que vous disposez de
10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période
d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter ainsi que
la personne qui vous accompagne, et la parole est à vous.
Fondation David-Suzuki
Mme Hénault-Ethier
(Louise) : Bonjour, M. le Président, Mmes, MM. les députés, c'est
vraiment un honneur d'être reçues ici aujourd'hui pour être entendues.
J'ai commencé
mon doctorat en sciences de l'environnement il y a déjà 10 ans. Je
travaillais sur le lessivage des pesticides
dans les champs de maïs et de soya génétiquement modifié. Donc, j'étais amenée
à aller échantillonner directement dans
les champs avec... courir après l'eau de pluie pour aller chercher des carottes
de sols, et il m'est arrivé un jour de pénétrer dans un champ pour aller préparer le terrain avant
la vaporisation aux herbicides à base de glyphosate, et, quand je suis rentrée le soir, j'ai appelé l'agriculteur pour
lui dire que tout était en place pour l'arrosage du lendemain.
Malheureusement, l'agriculteur m'a dit que,
contrairement au plan, son sous-contractant était passé le matin même, avant
que j'arrive dans le champ, pour
vaporiser le champ. Je suis donc pénétrée. Il n'y avait pas de pancarte qui
m'indiquait que le champ venait d'être traité.
Je n'avais aucun équipement de protection personnelle. Quelques semaines plus
tard, j'ai rencontré mon médecin, le coeur du foetus que j'avais dans le
ventre avait cessé de battre.
Il y a des
études scientifiques qui démontrent que l'exposition au glyphosate peut causer
des fausses couches. C'est une
anecdote. Je n'ai pas de preuve de lien de causalité. Je suis scientifique. Je
suis biologiste. Si le bébé ne s'est pas accroché, c'était probablement mieux ainsi. Mais il persiste
un doute dans ma tête. Je vais toujours avoir ce doute-là. Est-ce que
mon exposition involontaire, accidentelle au glyphosate aurait pu causer cette
perte-là? Je ne le saurai jamais. Mais ce qui m'inquiète
encore plus, ce n'est pas la question par rapport à moi-même, c'est la question
par rapport à notre société. Combien de
nos concitoyens sont exposés au quotidien à des pesticides à
leur insu, que ce soit dans leurs aliments, dans leurs eaux ou encore
dans leurs milieux de vie? Et c'est ce qui me motive à travailler, encore aujourd'hui,
sur les pesticides.
J'ai donc fait mon examen synthèse en science de
l'environnement, mon examen de doctorat, sur les processus d'évaluation de la toxicologie des pesticides.
J'ai participé à de nombreuses revues de littérature scientifique. Je
communique régulièrement dans les médias pour vulgariser cette question
complexe là auprès des décideurs et je fais maintenant partie du comité de
suivi de la justification et de la prescription des pesticides qui a été mis
sur pied après la récente refonte réglementaire.
Mme Le
Berre (Mélanie) : Alors,
bonjour. Je suis Mélanie Le Berre, analyste de politique climatique à la
Fondation David-Suzuki. J'ai une maîtrise en
environnement et développement durable de l'Université de Montréal, et
mon mémoire de maîtrise portait sur
les systèmes alimentaires durables nécessaires vis-à-vis de la transition
socioécologique dans laquelle nous devons s'engager pour faire face aux
changements climatiques et au déclin de la biodiversité. Depuis, je me suis spécialisée dans l'analyse des politiques
publiques face aux changements climatiques, dont l'agriculture fait partie,
comme l'ont expliqué nos collègues d'Équiterre.
Rapidement, la Fondation David-Suzuki, depuis 1990, a pour mission de protéger les
générations actuelles et futures à travers la science. Et, plus particulièrement
concernant les pesticides, nous faisons de la vulgarisation auprès des décideurs et du grand public sur les travaux
scientifiques les plus à jour qui documentent les conséquences des
pesticides sur la santé humaine et
l'environnement. Entre autres, nous avons aidé à faire connaître le déclin des populations
d'insectes, des pollinisateurs en particulier, et les enjeux liés aux
néonicotinoïdes.
Dans le cadre
de cette commission parlementaire cruciale,
tout d'abord, nous voulons mettre de l'avant que Québec a le pouvoir de mieux encadrer, restreindre et
interdire la vente des pesticides homologués par l'ARLA de Santé Canada,
et c'est tant mieux car plusieurs failles
ont été démontrées dans les processus d'homologation des pesticides, comme les
conflits d'intérêts des études financées par les industries qui, elles,
profitent de la mise en marché de ces pesticides. Les municipalités, elles aussi, peuvent adopter des règlements encore plus
contraignants. À ce jour, 144 municipalités ont déjà adopté des règlements pour restreindre l'usage des
pesticides sur leur territoire. Dans ce contexte, Québec pourrait donc
interdire la vente de pesticides sur le territoire de celles-ci.
Par ailleurs,
il faut savoir que le bilan des ventes et le suivi des pesticides dans les
cours d'eau du gouvernement du Québec
sont vus comme des modèles à l'échelle canadienne. Malheureusement, leurs
constats sont inquiétants. On y observe une maigre diminution des risques pour la santé humaine de 3 %
entre 2006 et 2017 avec un objectif de moins 25 % d'ici 2031 tel
que nous venons de le mentionner avec Équiterre.
Deuxièmement,
on constate une hausse de plusieurs ingrédients actifs dans les rivières en
milieux agricoles avec plusieurs
dépassements des critères destinés à protéger la vie aquatique. Et une des
conséquences visibles de ceci, c'est la perte des moucherons et des éphémères dans nos ruisseaux, qui ne vous émeut
peut-être pas aujourd'hui, mais plusieurs ont pourtant pleuré la perte
des 3 milliards d'oiseaux en Amérique du Nord depuis 1970 annoncée la
semaine dernière.
La récente
refonte réglementaire néglige certains aspects prévus dans la Stratégie
québécoise sur les pesticides, entre autres le fait de favoriser économiquement
l'utilisation de pesticides les moins à risque par l'introduction d'incitatifs
économiques. Ainsi, malgré sa position avant-gardiste, Québec a échoué dans
l'atteinte de ses objectifs. Bref, la longue tradition
québécoise de sensibilisation ne suffit pas à atteindre des résultats.
Cependant, les justifications et les prescriptions agronomiques, malgré leurs imperfections, montrent
déjà des résultats tangibles avec, par exemple, la baisse de 40 %
dans l'usage de l'atrazine en 2017.
• (15 h 10) •
Mme Hénault-Ethier (Louise) :
Les impacts de santé des pesticides sont nombreux. Le Collège ontarien des médecins de famille avait fait une méta-analyse
portant sur 142 études en Ontario, et leur conclusion était
formelle : les pesticides nuisent à la santé reproductive, pourtant
l'humanité vit une baisse de sa fertilité. Les pesticides nuisent au neurodéveloppement, les scientifiques indiquent
aussi que l'humanité est en proie avec une épidémie mondiale de troubles
neurodéveloppementaux. En France, même constat,
on reconnaît maintenant le lymphome non hodgkinien et la maladie de
Parkinson comme maladies professionnelles.
Vous
entendrez nos collègues de Parkinson Québec venir témoigner cette semaine. Ce
qu'il s'est passé dans le cas du
Parkinson, c'est que ça a pris trois décennies à transformer des corrélations scientifiques en liens de cause à
effet avec une certitude. Maintenant, il faut agir à ce niveau-là.
Comme on le
mentionnait tout à l'heure, au niveau de l'autisme, on n'a pas encore la
causalité avec certitude, mais on a
les mêmes drapeaux rouges, les corrélations qu'il y avait déjà une trentaine
d'années au niveau du parkinson. Est-ce qu'on va attendre encore 30 ou 40 ans avant d'agir ou si Québec
va exiger des études avancées de neurotoxicité développementale dans l'évaluation
de ces pesticides-là? L'ARLA ne l'exige pas, c'est peut-être à Québec d'y
pallier.
Les
pesticides persistent très longtemps dans l'environnement. Ils sont donc toxiques plusieurs
années après qu'on les ait retirés du
marché. Et on est exposé à un cocktail de pesticides au quotidien. Ça peut être
jusqu'à huit herbicides en même temps dans nos rivières, selon le ministère de l'Environnement, plus de cinq pesticides en même temps selon les récents chiffres du
MAPAQ sur les pesticides dans nos aliments. Pourtant, plusieurs articles
scientifiques disent qu'il y a des effets de synergie dans certains cas.
C'est-à-dire que deux pesticides ensemble sont plus toxiques que la somme de
leur toxicité individuelle. Il faut donc agir, parce que l'ARLA ne les évalue
qu'un par un.
Pour atteindre les réductions, les résultats
qu'on souhaite vraiment, la Fondation David-Suzuki a mis de l'avant 21 recommandations. Je tiens à dire que nous appuyons l'ensemble
des recommandations qui ont été mises de l'avant par Équiterre, qui vous ont été présentées, et, par
souci d'efficacité, nous allons donc sauter à ce qui n'a pas encore été
discuté.
Il faut
restreindre significativement ou interdire complètement l'utilisation des pesticides toxiques pour la reproduction et le neurodéveloppement. Vous cherchez à le
faire, à hausser l'âge légal pour la consommation de cannabis parce que
vous êtes inquiets sur le neurodéveloppement
de nos enfants; faites la même chose pour les pesticides. Il faut continuer à
sensibiliser le public et aussi faire la formation des médecins, parce que les
médecins n'ont aucune idée comment reconnaître les symptômes d'intoxication aux pesticides à court ou à long terme.
Il faut interdire les publicités. C'est inadmissible de rentrer dans une quincaillerie, et qu'on voit une pancarte
qui dit : «Achetez un insecticide à 20 $ aujourd'hui et recevez 20 $ de rabais en magasin dans un mois.» Ce sont des incitatifs
qui ne sont pas admissibles. Pensez au tabac. C'est maintenant interdit
de faire des publicités sur le tabac, c'est
interdit d'avoir des placements de produits avantageux, ça devrait être la même
chose pour les pesticides.
Au niveau du
bilan des ventes, il faut être plus transparents, révéler le nom précis des
ingrédients actifs et leur tonnage réel,
permettre des cartographies qui permettront aux médecins épidémiologistes de
réellement voir qu'est-ce qui se passe au niveau de la santé publique par rapport à l'endroit où les pesticides
sont utilisés. Un bilan aux deux ans, c'est insuffisant et inefficace pour avoir des bonnes mesures de
prévention. Il faut changer le règlement, mettre la liste des pesticides qui
ont été intégrés dans le règlement, les cinq
pesticides les plus à risque, dans une annexe qui va être revue périodiquement,
chaque deux ans, et bonifiée au fur et à mesure que les avancées scientifiques
se concrétisent. Il faut éviter le conflit d'intérêts. Il est inadmissible que des agronomes qui bénéficient économiquement de
la vente des pesticides puissent les prescrire. Les pharmaciens et les médecins sont deux professions
distinctes, ça devrait être la même chose dans le cas de l'agriculture.
Il faut favoriser l'indépendance de la
recherche et s'assurer que ce qu'on va faire va être en réponse aux changements
climatiques qui s'en viennent à très court terme.
En fait, il
faut favoriser l'économie locale. Les fruits et les légumes québécois sont
moins contaminés aux pesticides. C'est
un levier économique important. Il faut mettre en application le principe de
précaution. Ce n'est pas vrai qu'un pesticide est innocent jusqu'à ce qu'il soit jugé coupable. Si on a des doutes, on
applique le principe de précaution et on évalue ensuite, on ne maintient
pas les usages.
Mme Le
Berre (Mélanie) : Alors, pour
conclure, il faut se rappeler que l'idée de l'indispensabilité des
pesticides pour nourrir l'humanité est un mythe avéré. Malheureusement, les
mécanismes en place pour garantir la protection de l'homme et de la nature à leur égard sont aujourd'hui largement
suffisants. Pourtant, tel que l'a souligné le Vérificateur général du Québec en 2016, le gouvernement a une
obligation de résultat face à ses propres règlements et non une obligation de
moyens.
Alors, notre
mémoire détaille beaucoup plus d'enjeux, notamment relatifs à l'environnement,
mais ce qu'il faut retenir, c'est que les enjeux pour la société
québécoise sont grands, ce pour quoi, Mmes et MM. les députés, vous avez
aujourd'hui la possibilité et l'immense responsabilité de marquer le coup et
d'influence le Québec de demain, tout en accompagnant les agriculteurs dans
cette transition. Le momentum est bel et bien là pour considérer sérieusement
les alternatives aux pesticides qui se
déploient d'ores et déjà partout au Québec tout en se démontrant compétitives
et bénéfiques aux producteurs et aux inventeurs d'ici et qui prouvent
qu'économie peut parfaitement rimer avec écologie.
Le
Président (M. Lemay) : Merci beaucoup, Mme Le Berre, Mme Hénault-Ethier. Maintenant,
nous allons passer la parole au député de Lac-Saint-Jean.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Merci, M. le Président. Merci, Mme Ethier ainsi que Mme Le Berre, pour
votre exposé. Et je pense aussi que vous,
vous avez travaillé ça en collaboration avec Équiterre et aussi l'UPA dans vos
travaux.
Mme Hénault-Ethier
(Louise) : Oui, effectivement. Donc, la Fondation David-Suzuki et Équiterre ont une longue
tradition de collaboration dans les dossiers des pesticides, et on a aussi
participé à la demande de la tenue de cette commission-là avec l'Union des
producteurs agricoles.
D'ailleurs,
dans les dernières semaines, quand on a vu le contenu du mémoire de l'Union des
producteurs agricoles, ont s'est rendu compte qu'ils étaient très
inquiets pour la santé de leurs producteurs et aussi très inquiets parce que le
gouvernement fédéral a autorisé des outils
pour le travail des agriculteurs, et, pendant longtemps, on leur a dit que ces
outils-là, ils étaient parfaitement
sécuritaires et on se rend bien compte aujourd'hui que ce n'est pas le cas. Les
agriculteurs doivent donc être accompagnés vers d'autres méthodologies.
Le Président (M. Lemay) : M. le
député.
M. Girard
(Lac-Saint-Jean) : Merci, M. le Président. Justement, dans votre mémoire, là, vous parlez
beaucoup du fédéral versus le provincial, le
Québec. Puis, vous l'avez dit tout à
l'heure, au Québec, je... c'est ça
que j'ai cru entendre, produire des aliments de qualité... et vous dites... en tout cas, moi, ce que j'ai cru comprendre de votre mémoire,
on est des leaders par rapport au fédéral. On a une expertise, quand même... il faut quand même
voir qu'il y a de l'innovation qui s'est faite, il y a de l'avancée qui s'est faite aussi et il y a
des efforts aussi qui se font énormément sur le terrain. On sait aussi que le ministère
de l'Agriculture, le ministère de l'Environnement aussi, quand même, a apporté
de grandes modifications dernièrement dans la dernière stratégie 2015‑2018. Il y a des analyses aussi de
l'échantillonnage qui se fait avec le ministère de l'Environnement, qui
est une très bonne chose, au niveau des pesticides.
Mais j'aimerais vous entendre un petit peu plus
au niveau du fédéral. Ce que je comprends, là, c'est que... vous êtes-tu en
train de dire... ou croyez-vous que l'ARLA ne fait pas bien son travail?
Le Président (M. Lemay) :
Mme Hénault-Ethier.
Mme Hénault-Ethier
(Louise) : En fait, c'était une des questions centrales dans mon
examen synthèse doctoral. Donc, c'est certain que c'est un dossier sur
lequel j'ai une expertise assez grande.
J'ai analysé
beaucoup ce qui se passe au Canada en parallèle avec ce qui se passe aux
États-Unis et en Europe et je vous dirais que le Canada, à l'échelle
mondiale, n'est pas un cancre en termes d'évaluation des pesticides, loin de
là. Il y a des pays qui n'ont aucune
capacité d'évaluation des pesticides. Donc, on n'est pas là. Le Canada est
aussi un leader, au niveau de l'OCDE,
dans le développement de protocoles standardisés pour l'évaluation des
pesticides, comme vous l'a dit l'ARLA lors de leur témoignage.
Cependant, il y a énormément de failles dans nos modes d'opération.
De un, on
évalue principalement l'ingrédient actif pour tout ce qui est des études de
toxicité à court, moyen, long terme,
les études avancées de neurotoxicité et de cancérogénicité. Les formulations
commerciales que l'on trouve sur le marché
ne sont que très peu évaluées. On va les évaluer, entre autres, pour savoir
s'ils sont irritants pour la peau, mais, pour tout ce qui est
cancérogénicité ou neurodéveloppement à long terme, on ne l'évalue pas.
Au niveau
fédéral, il y a énormément de failles aussi parce qu'on voit... Équiterre le
mentionnait tout à l'heure, les études
qui sont utilisées sont fournies par l'industrie. Donc, il y a un conflit
d'intérêts apparent. Ce conflit d'intérêts apparent là se maintient et
se concrétise dans la mesure où les scientifiques indépendants n'ont même pas accès
aux données de l'industrie pour les
contrevérifier. Donc, c'est... L'ARLA vous a mentionné qu'il y avait toujours
l'accès à une salle de lecture. C'est
faux. Elle n'est pas accessible tout le temps, elle est accessible seulement en
période de consultation, et on ne peut pas y amener un ordinateur pour
faire des analyses statistiques sur les données qui y sont présentées.
Le Président (M. Lemay) :
...Mme Hénault-Ethier. M. le député.
M. Girard
(Lac-Saint-Jean) : Puis là je comprends les ingrédients actifs puis,
tout à l'heure... En tout cas, j'aimerais ça vous entendre aussi sur
tous les... le produit, là, les adjuvants qui sont rajoutés, hein, tout ça, la
réaction. Mais le fédéral, il vous répond
quoi lorsque vous leur dites ces choses-là? Parce que vous intervenez au niveau
du fédéral. Ils vous répondent quoi?
Le Président (M. Lemay) :
Mme Hénault-Ethier.
Mme Hénault-Ethier
(Louise) : Bien, le fédéral a accepté plusieurs des recommandations
qu'on avait mises de l'avant dans l'importance
de faire l'évaluation des risques cumulatifs des pesticides, donc cumuler
l'exposition dans l'eau, dans les
aliments, de différents pesticides qui ont un mode d'action similaire. Donc, on
a une bonne relation avec le fédéral. Je
vous dirais qu'on exige plusieurs choses de leur part, dont le retrait des
néonicotinoïdes. On se plaint énormément des longs délais injustifiés pour retirer ces substances-là
du marché, qui ont déjà été bannies en Europe. Donc, au niveau fédéral,
on continue d'intervenir.
Le défi qu'on
a en ce moment même, c'est qu'il faut intervenir sur une substance à la fois.
Dans la loi canadienne, on oblige de
réévaluer, de faire une évaluation spéciale des pesticides qui ont été retirés
du marché dans d'autres pays de l'OCDE. Et il a fallu que la Fondation David-Suzuki, avec Équiterre, poursuive
le gouvernement fédéral pour qu'il applique sa propre loi et procède à la révision de deux dizaines
d'ingrédients actifs qui avaient été bannis ailleurs, dans les pays de
l'OCDE, dont notamment l'atrazine.
Donc, le
gouvernement fédéral, on les aide à bien faire leur travail puis à respecter
leur propre loi en étant, en quelque sorte, des chiens de garde de la
bonne marche des évaluations des pesticides.
Le Président (M. Lemay) : Merci.
M. le député.
M. Girard
(Lac-Saint-Jean) : Oui, effectivement. Bien, de toute façon, je
sais, en tout cas, comme vous venez de le dire, vous avez une grande formation, vous avez fait une étude à ce
niveau-là, puis, tout à l'heure, je parlais aussi des... vous parliez des ingrédients actifs. Il y a aussi toute
la... quand on parle des adjuvants, des fois, on dit : Ce n'est pas
réactif. Mais là, une fois que tu fais le mélange, bien, en tout cas, il
y a toute cette question-là.
Et vous voudriez donc, au Québec... est-ce que
vous voudriez qu'au Québec on interdise des produits qui sont... est-ce que vous voudriez qu'au Québec, qu'on
utilise partout au Canada... qu'on interdise certains produits ici, au
Québec, mais qu'on laisse les utiliser ailleurs au Canada?
Le Président (M. Lemay) :
Mme Hénault-Ethier.
• (15 h 20) •
Mme Hénault-Ethier
(Louise) : Le Québec a
la responsabilité de protéger son économie et ses concitoyens. Oui, le Québec doit interdire l'utilisation des pesticides les plus à risque.
L'atrazine, le chlorpyrifos et les néonicotinoïdes devraient être
totalement restreints. Maintenant, nous travaillons de concert avec le
gouvernement dans le comité de suivi de la justification
agronomique et des prescriptions, et on voit déjà des résultats tangibles
intéressants de cette approche-là, mais, sérieusement, il y a trop d'études scientifiques qui émanent de partout
dans le monde qui montrent que ces produits-là auraient dû être retirés du marché il y a longtemps. Le
Québec aurait des gains économiques, probablement en santé et en
agriculture, majeurs à se détourner de ces substances-là, qui sont dangereuses.
Vous
avez abordé déjà à deux reprises la question des adjuvants et des additifs
qu'on met dans les ingrédients... dans les
pesticides. En fait, on évalue seulement l'ingrédient actif, celui qui a des
propriétés pour tuer des insectes ou tuer des mauvaises herbes, par exemple. Mais, les coformulants ne sont pas tous
étudiés un coup qu'ils sont en synergie avec les ingrédients actifs. On dit que le plus toxique... l'ARLA vous a confié
que le plus toxique, c'était l'ingrédient actif et que le reste, c'était nettement moins toxique. Alors,
pourquoi est-ce que l'industrie dépense énormément d'argent pour ajouter
des coformulants dans les produits
commerciaux de pesticides si les coformulants n'ont aucune forme de toxicité?
Les adjuvants peuvent permettre une
meilleure pénétration des pesticides à l'intérieur des tissus des plantes et,
par le fait même, à l'intérieur du tissu de la peau humaine. C'est faux
de dire que ces produits-là n'ont pas de toxicité intrinsèque.
Le Président
(M. Lemay) : Parfait. M. le député de Lac-Saint-Jean.
M. Girard
(Lac-Saint-Jean) : Intéressant. C'est intéressant. Je suis content que
vous m'ayez répondu sur cette question-là.
Mais je veux revenir un petit peu, là, ce que vous venez de me dire tout à
l'heure, auparavant, que, oui, au Québec, on devrait interdire l'utilisation de certains pesticides de synthèse à
base, exemple, de tel et tel produit. Mais, pour le reste du... tu sais, le reste... vous savez, on est dans un
marché libre, puis le reste du Canada, les produits voyagent, hein, entre
eux autres, les aliments voyagent. Et moi,
tu sais, je veux m'assurer aussi que ma population, que notre population, ce
qu'ils consomment, ce qui arrive de
mon voisin, bien, ça a été produit aussi comme chez nous, là, au Québec. Vous
ne croyez pas qu'il n'y aurait pas de
la... une place à, justement, avoir un juste milieu au niveau, là... Parce que
je trouve... vous êtes quand même assez catégoriques sur l'interdiction. Je voudrais vous entendre un petit peu
là-dessus, par rapport, tu sais, le marché, les produits, tout ça.
Le Président
(M. Lemay) : Mme Hénault-Ethier.
Mme Hénault-Ethier
(Louise) : Merci. La même précision que ma collègue Nadine Bachand a
amenée à Mme Montpetit en réponse à sa
question. La Fondation David-Suzuki n'a jamais milité pour l'interdiction
totale de tous les pesticides de
synthèse, c'est faux. Par contre, les pesticides n'ont pas tous la même
toxicité. Il y en a qui sont reconnus comme
étant plus toxiques. Prenons, par exemple, le chlorpyrifos. L'Agence américaine de protection de
l'environnement a déposé, il y a quelques
années, un bilan qui disait que c'était trop dommageable pour le développement
du cerveau des enfants, qu'on devrait
le retirer du marché. Peu après, ils ont sorti un autre bilan qui disait que ce
produit-là était trop dommageable pour
la faune et la flore et menaçait plusieurs espèces qui sont en danger d'extinction,
qu'on devrait le retirer du marché. Il y
a eu des élections fédérales aux États-Unis et une nouvelle nomination à la
tête de l'EPA, et ce qui était dans les cartons, donc, qu'ils devaient bannir le chlorpyrifos depuis longtemps, n'a pas
été fait. L'agence européenne vient d'émettre un avis défavorable à la
réhomologuation du chlorpyrifos. Il est temps qu'on fasse la même chose ici.
Quand on parle de
compétitivité du maché, ça va dans les deux sens. C'est sûr qu'on veut que tous
les produits québécois soient compétitifs sur l'échelle internationale, et
certains vont argumenter qu'il faudrait peut-être ou pas des pesticides. Mais pensez à l'Italie, qui ne veut
plus rien savoir du blé canadien parce qu'il y a trop de glyphosate à
l'intérieur. Donc, ça fonctionne dans les
deux sens. Et, au niveau du Québec, on est des leaders en termes de suivi des
pesticides dans les rivières et en
termes des bilans de vente de pesticides et on doit maintenir ce leadership-là,
on doit montrer aux autres à travers le
Canada comment faire des aussi bons suivis. D'ailleurs, l'ARLA s'inspire et Environnement Canada s'inspire
très fortement de ce que le Québec fait pour prendre des décisions à
l'échelle nationale.
Le Président
(M. Lemay) : ...député de Lac-Saint-Jean.
M. Girard
(Lac-Saint-Jean) : Je suis
content d'entendre, là, votre position au
niveau du Québec par rapport à l'ARLA et je comprends très
bien, là, ce que vous voulez dire. Il y a
du travail à faire au niveau de l'ARLA énormément.
Alors, je vais
laisser la parole à mon collègue. Je pense M. Tremblay voulait prendre la
parole.
Le Président
(M. Lemay) : ...excusez-moi. M. le député de Dubuc, la parole est
à vous.
M. Tremblay : Merci, M. le Président. Bonjour aux collègues. Bonjour à vous. Je suis
honoré de partager la réflexion avec la fondation, nombreux militants à
l'échelle canadienne, au Québec.
Dites-moi,
pour mieux comprendre, tantôt, vous avez évoqué une trentaine d'années pour des
corrélations entre les conséquences
de pesticides. Je comprends, historiquement, que la Fondation David-Suzuki
travaille sur le dossier au
niveau scientifique depuis une dizaine
d'années. Plus précisément, quels ont été les éléments déclencheurs qui ont
fait en sorte que vous entriez en
scène... bien, en tout cas, avec des budgets de recherche puis peut-être
aussi des collaborations comme on peut le voir? Qu'est-ce qui a été les
éléments plus précis?
Le Président (M. Lemay) :
Mme Hénault-Ethier.
Mme Hénault-Ethier
(Louise) : J'aimerais ça
avoir une précision au niveau de la question. Quels sont les éléments
qui ont fait que la Fondation David-Suzuki s'est intéressée aux enjeux des
pesticides?
M. Tremblay : Oui.
Mme Hénault-Ethier (Louise) : O.K.
Bien, la mission même de la Fondation David-Suzuki, c'est de protéger l'environnement et la santé des humains maintenant
et pour les générations futures. Donc, de par la base de notre mission,
on se doit de s'y intéresser.
La Fondation
David-Suzuki travaille aussi beaucoup avec les évidences scientifiques. Donc, on
s'intéresse à la recherche de pointe.
On est en contact régulier avec une vaste diversité de chercheurs. On réalise
nous-mêmes des études scientifiques.
Des fois, on va travailler de pair avec d'autres organisations, comme dans le
cas de l'étude sur l'autisme, qui a été
faite en collaboration, entre autres, avec Autisme Montréal, dont l'étude sur
le parkinson qui a été publiée récemment en partenariat avec Parkinson Québec. On travaille aussi en partenariat
avec les médecins pour l'environnement, que vous allez recevoir aussi un peu plus tard cette semaine.
Donc, la Fondation David-Suzuki travaille aussi avec l'UPA dans plein
d'autres dossiers, dont notamment la protection du territoire agricole.
On ne travaille
pas en vase clos et on cherche vraiment à savoir comment est-ce qu'on peut utiliser les
évidences scientifiques les plus à jour et les plus complexes et les vulgariser
à l'attention des décideurs du grand public et de la communauté en général.
Ce sont donc des questions qui sont très
difficiles et qui demandent beaucoup de nuances. Et c'est mon métier, justement,
d'expliquer et de simplifier la science, mais, en faisant la vulgarisation, de toujours
s'assurer qu'il y a une intégrité scientifique derrière le
message qui est véhiculé.
Le Président (M. Lemay) : M. le
député de Dubuc.
M. Tremblay : Merci. Oui. Autre question. Vous travaillez de
façon ponctuelle avec plusieurs partenaires, en tout cas, qui ont été ciblés, Québec,
entre autres, autisme... la société de l'autisme, sur des mandats précis. Est-ce qu'il y a toujours un travail comme ça qui est ponctuel sur des
mandats précis? Ou je prends l'exemple de... Au niveau de la santé
mentale, on a formé un groupe de recherche
ici, à Québec, où des psychiatres et un différent... un nombre de scientifiques
ont créé un groupe d'intervention ou
une structure de travail qui est permanente puis qui peut même permettre
maintenant d'être comme groupe-conseil auprès de la ministre de la Santé.
Est-ce que
vous avez une structure qui est présentement existante, qui documente en
collectif, ou, sinon, est-ce que c'est
en chantier? Et est-ce qu'il y a des mandats précis sur lesquels vous
souhaiteriez plancher ou si ce n'est pas déjà le cas puis que ça impliquerait... en tout cas, il y a
peut-être deux, trois sous-questions, puis quels ministères? Parce qu'on
voit que c'est très interministériel aussi.
Comment vous voyez l'avenir par rapport au travail plus scientifique, plus
collectif?
Le Président (M. Lemay) : M. le
député, si vous voulez qu'ils puissent répondre, environ 20 secondes.
Mme Hénault-Ethier
(Louise) : Les collaborations qui doivent venir en ce moment au
Québec, c'est d'inclure le ministère
de la Santé et le ministère de l'Éducation dans tout ce qui entoure les enjeux
sur les pesticides, ce n'est pas seulement à l'Environnement et au MAPAQ. Et on collabore aussi avec des chercheurs
de façon permanente, par exemple le collectif de recherche écosanté sur
les pesticides, les politiques publiques et les alternatives, qui va aussi
venir présenter, et on collabore à toutes
les tables auxquelles on est invités de la part du gouvernement, dont le suivi
des registres des prescriptions et des justifications agronomiques des
pesticides.
Le
Président (M. Lemay) : Merci beaucoup. Donc, je cède maintenant
la parole à la députée de Maurice-Richard.
• (15 h 30) •
Mme Montpetit :
Je vous remercie, M. le Président. Mme Le Berre,
Mme Hénault-Ethier, merci beaucoup pour ce vibrant témoignage et surtout pour tout le travail que je sais qu'il y a
derrière tout ça. Mme Hénault-Ethier,
je me permettrais un petit mot en
commençant pour vous remercier pour ce témoignage très personnel que vous nous
avez fait. Je suis certaine que perdre
un bébé, ce n'est jamais quelque chose qui est facile, mais, quand on a des
questions résiduelles qui demeurent, à savoir
si, oui ou non, il y a une cause, j'imagine que ça doit être d'autant plus
troublant. Et, malheureusement, vous n'êtes certainement pas la seule au Québec à avoir ce genre de questionnement
là, des agriculteurs, entre autres, qui ont le cancer, des agriculteurs, vous l'avez mentionné, qui ont
la maladie de Parkinson et qui doivent se poser les mêmes questions que
vous, qui doivent certainement avoir les mêmes doutes que vous. Et je pense
qu'on doit... de faire tout le travail qui est nécessaire pour trouver des réponses pour ces gens-là et s'assurer que,
le cas échéant, s'il y a des liens de causalité, qu'on s'assure
justement de mettre les réglementations en place pour que ça n'arrive plus.
Je voulais,
d'entrée de jeu, vous demander plusieurs choses, là. Je sais que vous êtes des
chercheures bien aguerries. Vous avez
évoqué la nécessité d'avoir des études avancées sur la neurotoxicité des
pesticides. J'ai fait cette demande-là publiquement
aussi pour appuyer votre sortie la semaine dernière, que je trouvais fort
pertinente, parce que, clairement, c'est un grand manque, et je pense que, pour pouvoir faire... prendre des
décisions éclairées, encore faut-il qu'on ait cerné comme il faut le
problème. Et il y a certainement des manques au niveau de la littérature
scientifique au Québec là-dessus.
Vous avez
parlé, puis je veux juste être certaine, là, vous avez parlé d'interdire les
pesticides qui ont une incidence reliée
précisément au... une incidence, donc, neurodéveloppementale et, vous avez dit,
au niveau de la santé reproductive, hein?
C'est bien ça que vous cernez? Je ne pense pas que, dans votre mémoire, à moins
que je... Je ne pense pas que, dans votre mémoire... Vous faites référence, en fait,
beaucoup au DDT, qui n'est pas utilisé, qui est interdit au Québec, mais
vous n'avez pas indiqué une liste précise
des pesticides auxquels vous faites référence plus précisément. Donc, quand
vous dites : qui ont une
incidence au niveau de la santé reproductive, au niveau développemental, est-ce
que vous avez une base de pesticides auxquels vous faites référence plus
précisément?
Le Président (M. Lemay) :
Mme Hénault-Ethier.
Mme Hénault-Ethier
(Louise) : Merci, Mme Montpetit pour la réponse, entre autres, à
mon témoignage. En effet, on a des
listes, notamment dans l'étude sur le lien potentiel entre les pesticides et
l'autisme. La raison qui nous a motivés à faire cette revue de littérature scientifique là, c'était qu'on avait
vu, dans quelques études disparates, des mentions entre... des corrélations entre pesticides et autisme, et on
s'est donc intéressés à dresser une liste exhaustive de tout ce qu'on
pouvait trouver dans la littérature. Cette
étude-là contient donc un tableau d'une dizaine de substances qui sont nommées
dans des études où est-ce qu'il y a des corrélations. J'aimerais
énormément que des scientifiques du Québec se saisissent de ce dossier-là, prennent cette liste de pesticides là
et l'évaluent plus en profondeur. Peut-être pourriez-vous faire appel à
Mme Maryse Bouchard, qui va venir témoigner un peu plus tard, qui
est une spécialiste des enjeux neurodéveloppementaux.
Au niveau de
la santé reproductive, un des éléments qui est derrière cette requête-là
portait aussi sur les pesticides, les
pyréthrinoïdes, qui sont une autre famille de pesticides qui sont considérés à
l'heure actuelle comme étant relativement faiblement toxiques. Donc, c'est les ingrédients actifs qu'on va
retrouver dans le Raid, par exemple, que vous pouvez acheter sur les tablettes des quincailleries, là, sans
prescription. J'avais fait une revue de littérature scientifique sur ce
dossier-là en 2016 et on voyait qu'il
y avait énormément de conséquences au niveau de la santé reproductive, par
exemple une baisse de motilité du sperme, peut-être des dommages au
niveau de leur ADN, etc.
Comme on
vit... au Québec en ce moment, on voit des enjeux de baisse de fertilité. Le
ministère de la Santé doit déployer
des investissements massifs pour s'assurer qu'on puisse avoir des bébés pour
avoir une nouvelle génération. Je crois
qu'on devrait se poser ces questions-là aussi. Donc, c'est vraiment prioritaire
et c'est difficile à obtenir comme liste, mais par SAgE Pesticides, on peut voir tous les pesticides qui sont liés
à la santé reproductive et en faire une liste exhaustive.
En ce moment,
Santé Canada n'exige pas des tests avancés de toxicité reproductive ou de
toxicité neurodéveloppementale, à
moins que leurs tests préliminaires ne leur suggèrent des indications en ce
sens-là. C'est-à-dire que, si, dans les études à court terme ou à moyen terme, on voit qu'il y a peut-être un effet sur
le fonctionnement des neurones, qu'il y a des perturbations dans les comportements, peut-être qu'on va
demander les tests avancés de neurotoxicité, mais ce n'est pas fait
systématiquement. Pourtant, les insecticides fonctionnent en majorité en
perturbant le fonctionnement des neurones du cerveau. Donc, les messagers chimiques, dans notre cerveau, sont
perturbés. Et il y a aussi des pesticides qui fonctionnent en perturbant le système
endocrinien. Donc, on va déranger le fonctionnement des hormones de notre corps. Et ça, ça se passe à
des doses très, très, très faibles. On sait que les hormones, dans le
corps, entraînent des changements biologiques majeurs au
niveau du développement du cerveau ou au
niveau de la reproductivité à des doses qui sont tellement faibles qu'elles
correspondent aux doses qu'on peut retrouver
dans l'environnement, en fait. Donc, ces produits-là devraient en priorité
faire l'objet d'études plus avancées.
Le Président (M. Lemay) :
Merci. Mme la députée.
Mme Montpetit :
Merci. Vous... Dans vos recommandations, vous recommandez que la maladie de
Parkinson soit reconnue comme une
maladie professionnelle pour les agriculteurs qui ont été exposés, si je ne me
trompe pas, plus de cinq ans avec des
pesticides, comme c'est le cas en Europe depuis... en France depuis maintenant
plusieurs années. Est-ce qu'encore là
comme chercheure, comme scientifique, vous évaluez que la littérature
scientifique est à ce point claire pour prendre cette direction-là?
Le Président (M. Lemay) : Mme Hénault-Ethier.
Mme Hénault-Ethier
(Louise) : Merci. Dans le cas du parkinson, oui, la littérature
scientifique est très, très
claire, le gouvernement du Québec pourrait
aller de l'avant, et ça serait à l'avantage de ses concitoyens. Dans le cas du
parkinson, le lien avec les agriculteurs est
très bien défini. Ce qui est dommage, c'est que c'est très bien défini dans le
cas des travailleurs professionnels
qui sont exposés au quotidien. Mais, pour tous les autres qui sont exposés de
façon indirecte, on n'est pas capable
de faire ces corrélations-là, d'où l'importance d'avoir un meilleur bilan des
ventes, une meilleure cartographie de quels pesticides sont utilisés à
quel endroit pour pouvoir faire des études épidémiologiques conséquentes.
Et, dans
votre question précédente, vous avez évoqué le DDT, qui est banni depuis déjà
de nombreuses années au Québec.
Pourquoi est-ce qu'on en parle encore dans notre mémoire? C'est que le DDT est
encore présent à des concentrations toxiques
chez les femmes. Donc, dans leur lait maternel ou dans leur sang, il y a
suffisamment de DDT pour altérer les paramètres
de développement de leur bébé. Aujourd'hui, en 2019, c'est le cas. Il y a
encore suffisamment de DDT dans les sédiments de nos lacs pour être
toxique pour les poissons qui y vivent aujourd'hui encore.
Et ce
pourquoi j'insiste là-dessus, c'est que les décisions qu'on prend aujourd'hui,
avec l'état de la science qu'on a, on
n'a aucune garantie qu'on ne va pas découvrir qu'un produit qui est utilisé
aujourd'hui, qui est considéré étant sécuritaire, ne sera pas vu comme étant particulièrement
toxique dans 20, 30 ou 40 ans. Donc, il faut utiliser le principe de
précaution. Quand on a des doutes par
rapport à la toxicité d'un produit, s'il y a des substances de remplacement, on
devrait l'éviter. Et je crois qu'on devrait prioriser les usages... les
alternatives et les meilleures pratiques agronomiques avant de permettre l'utilisation des pesticides. Il devrait y avoir
une hiérarchie, un peu comme le gouvernement du Québec l'a fait dans les
modes de gestion des
matières résiduelles. C'est très clair, il y a une hiérarchie. On réduit avant
de réutiliser, avant de recycler, avant d'éliminer. Il y a une
hiérarchie comme ça. Ça devrait être la même chose et c'est probablement une
contribution importante que votre comité peut faire, c'est de hiérarchiser et
de dire : Il faut d'abord voir les alternatives non toxiques, mécaniques en premier lieu et, en dernier recours,
avoir droit d'utiliser les pesticides de synthèse, qui restent dans le
coffre à outils tant et aussi longtemps qu'on n'a pas décidé de les retirer du
marché parce qu'ils étaient trop toxiques.
Le Président (M. Lemay) :
Merci. Mme la députée.
Mme Montpetit :
Vous avez fait mention, tout à l'heure, de la décision de l'Italie de bannir le
blé du Canada, entre autres. On a vu,
là, il y a eu des reportages là-dessus assez explicites, entre autres sur
l'arrosage au glyphosate pour faire sécher le blé plus rapidement. C'est
évidemment des conséquences économiques très importantes. On a parlé beaucoup des
conséquences sanitaires, mais il y a aussi
des conséquences économiques. Est-ce qu'à votre connaissance il y a d'autres
pays qui ont pris des décisions similaires
sur leurs importations? Parce que je pense que c'est important aussi dans notre
mandat, on le sait, c'est des choses sur
lesquelles on va se questionner, sur la compétitivité. Oui, de réduire
l'utilisation de pesticides, mais de
maintenir la compétitivité, mais il faut aussi être conscient que le fait de
permettre l'utilisation de certains pesticides a aussi un enjeu qui est
important sur notre compétitivité puis sur les importations et les exportations
à l'étranger, là.
Le Président (M. Lemay) : Mme Hénault-Ethier.
• (15 h 40) •
Mme Hénault-Ethier
(Louise) : Merci. En fait, je ne sais pas s'il y a d'autres pays,
mais, en général, on sait que les pesticides sont au coeur des
discussions de tous les accords de libre-échange, particulièrement ceux avec
l'Europe. Les Européens ne veulent pas de
produits alimentaires qui contiennent des pesticides qui, eux, ils ont déjà
interdits dans leur juridiction.
Donc, ça fragilise nos partenariats économiques avec l'Europe de continuer à
utiliser des substances qui sont interdites
là-bas. D'ailleurs, pour des fins de négociation économique,
on voit même qu'il risque d'y avoir des sanctions à l'égard
de l'Europe parce qu'ils interdisent des pesticides qui sont toujours
autorisés ici. C'est incroyable que des négociations de nature économique fragiliseraient les mesures de précaution qui ont
été mises en place par des juridictions autonomies comme l'Europe par rapport aux
pesticides.
Maintenant,
par rapport aux enjeux économiques, on s'entend pour dire
qu'en ce moment la façon qu'on fait de l'agriculture intensive, la façon dont on produit tellement
de maïs et de soya, souvent destinés à l'exportation, avec de très
faibles marges de profit, on s'entend que la majorité de ce maïs et de ce soya
génétiquement modifiés est destinée à l'alimentation animale...
Le
Président (M. Lemay) :
Mme Hénault-Éthier, je dois vous interrompre pour céder la parole au deuxième groupe d'opposition. Mme la
députée de Rouyn-Noranda—Témiscamingue.
Mme Lessard-Therrien : J'aurais bien envie de vous laisser finir, mais
j'ai 2 min 30 s, à peu
près, pour vous poser des
questions.
Merci infiniment de votre témoignage. C'est très
clair, bien vulgarisé, c'est très intéressant. On sent que vous... Il y a beaucoup
d'enjeux, en fait, qui sont liés à la santé dans ce que vous nous avez
présenté, on y revient abondamment, l'environnement également et l'agriculture. En fait, moi, je me questionnais :
Pour vous, dans un monde idéal, comment on s'assure de la concertation entre ces différents joueurs là, qui ont tous des
intérêts en commun de protéger la population,
mais tous aussi des intérêts peut-être
divergents quant à la façon d'y arriver? À qui revient le leadership?
Donc, j'aimerais vous entendre là-dessus.
Le Président (M. Lemay) :
Mme Hénault-Éthier.
Mme Hénault-Ethier (Louise) :
Merci, c'est une excellente question.
En effet,
on a parlé beaucoup d'enjeux de santé, un peu moins d'enjeux environnementaux. Ce n'est pas qu'on ne suit
pas ces causes-là, c'est qu'on sait que les enjeux de santé humaine préoccupent
particulièrement le gouvernement. On s'inquiète
toujours plus de la santé des membres de notre famille
que, justement, des moucherons dans le fond d'un ruisseau en milieu agricole. Quoique, pour une écologiste
comme moi, bien, je me préoccupe énormément de la santé environnementale parce qu'au final l'environnement, les processus
écologiques qui se passent, c'est ça qui nous maintient en vie sur
terre. Donc, si on ne maintient pas le fonctionnement de nos écosystèmes, bien, on n'aura plus un environnement qui est propice à la survie de l'humanité. Donc, ces deux
enjeux-là sont importants.
Le Président (M. Lemay) :
Mme Le Berre, peut-être, si elle voulait faire un complément d'information.
Mme Le
Berre (Mélanie) : Oui. Je ne
voulais pas te couper, Louise. En fait, aussi, en complément de ce que
Louise vient de dire, j'irais aussi dans le
même sens, qu'il ne faut pas oublier que l'agriculture représente quand même
un gros enjeu par rapport au contexte de la lutte aux changements climatiques. Si ce n'est pas déjà fait, je vous inviterais
tous, en fait, à aller voir le
dernier rapport que la chaire de l'énergie de HEC Montréal
a sorti, la semaine passée, sur la nécessaire réduction... en fait, l'impact des émissions de GES dans le
secteur industriel au Québec, qui représente plus de 40 % des émissions de GES. Donc, on parle souvent du problème lié au
transport, mais l'agriculture, au sein du secteur industriel, représente en
fait une bonne partie des émissions
de GES que le Québec doit combattre. Et, notamment, ce qui a été identifié dans
ce rapport, c'est que l'agriculture au sein de différents... par exemple, par rapport à
des procédés industriels qui sont plus difficiles à aller mettre, les... à aller réduire les émissions de
GES, l'agriculture est un secteur qui est plus facile à aller chercher dans
un premier temps.
Le Président
(M. Lemay) : Merci beaucoup. C'est ce... cette période. Je cède
maintenant la parole au député de Bonaventure.
M. Roy :
Merci, M. le Président. Écoutez, lorsque nous étions à nos discussions avec
l'ARLA et le ministère de l'Agriculture,
j'ai posé la question au ministère de l'Agriculture, à savoir : Est-ce que
vous considérez comme crédibles les stratégies d'homologation des
produits? Et ils m'ont dit : On n'a pas à remettre en question les
décisions de l'ARLA.
Est-ce
qu'il y a d'autres provinces ou d'autres ministères de l'Agriculture au Canada
qui ont fait des actions pour elles-mêmes prendre en charge une certaine
forme d'homologation des produits sur leur territoire?
Le Président
(M. Lemay) : Mme Hénault-Éthier.
Mme Hénault-Ethier
(Louise) : Bien, on sait que, dans le cas de l'Ontario, ils avaient,
même avant le Québec, agi au niveau des néonicotinoïdes qui enrobaient
les semences. Donc, l'Ontario pourrait être une source d'inspiration à ce niveau-là. Personnellement, je m'intéresse
surtout aux enjeux qui se passent au Québec. C'est mon homologue d'Ottawa qui s'intéresse aux enjeux pancanadiens, donc
je ne pourrais pas vous en dire davantage au niveau de savoir qui, au Canada, a
les meilleures pratiques.
Par
contre, très régulièrement, quand on lit les dossiers qui découlent
d'Environnement Canada ou de l'ARLA, on voit qu'ils se basent sur les études qui sont faites au Québec, sur les
bilans de vente du Québec. Donc, quelque part, on se dit que peut-être, bon, ce n'est pas totalement
mauvais, qu'est-ce qu'on fait comme études. En fait, on n'est pas... on est
très, très bien vus à ce niveau-là.
Il y a toujours à parfaire les choses. Ce qui m'inquiète, par contre, c'est qu'au Québec on suit ces données-là et, cruellement, on se rend compte
que les pesticides augmentent dans notre environnement, mais on
n'a pas encore trouvé le moyen de les faire diminuer.
Le Président
(M. Lemay) : M. le député.
M. Roy :
O.K. Une autre question... Bon, je veux valider une information. Est-ce que la réglementation
sur la vente des pesticides dans les différents marchés est légale, entre
autres du Roundup sur des tablettes dans un marché quelconque?
Le Président
(M. Lemay) : Mme Hénault-Ethier.
Mme Hénault-Ethier
(Louise) : C'est une excellente question. À ma connaissance, oui,
c'est tout à fait légal de vendre du
Roundup sur les tablettes. Les gros formats doivent être cadenassés, et ce
n'est pas toujours le cas. J'ai des photos que je pourrai vous déposer, preuve à l'appui, si vous le souhaitez,
mais il y a souvent les cadenas qui sont absents des étagères qui
servent à recueillir ces pesticides-là.
Mais
c'est seulement les gros formats qui sont barrés. Les petits formats sont
placés de façon très avantageuse. À l'entrée
des magasins, vous tournez la tête à droite et à gauche, il y a des piles de
pesticides. Vous entrez, la première rangée, il y a des grosses publicités qui vous disent que les mères protègent
leur famille en utilisant du Raid, par exemple. Ensuite, vous marchez un peu plus loin, il y a des
pesticides près de la caisse si jamais vous avez oublié d'en acheter avant de
sortir. C'est à la même hauteur que les palettes de chocolat qu'un enfant
pourrait saisir.
Les
pesticides devraient être dans l'arrière-magasin et seulement accessibles quand
vous avez vraiment une bonne raison
de les vouloir. Ce n'est pas vrai qu'on devrait les placer de façon avantageuse
au vu et au su de tout le monde. Dans les dépanneurs maintenant, les
cigarettes ne sont plus derrière...
Le
Président (M. Lemay) : Mme Hénault-Ethier, je dois vous
interrompre sur ce, en vous rappelant que, si vous voulez déposer de la documentation supplémentaire,
je vous invite à le faire via le secrétaire de la commission, qui rendra la
documentation disponible à l'ensemble des
parlementaires. Merci pour votre contribution, Mme Le Berre,
Mme Hénault-Ethier.
Je
vais suspendre les travaux quelques instants afin de permettre aux
représentants de l'Ordre des agronomes du Québec de prendre place.
(Suspension de la séance à
15 h 47)
(Reprise à 15 h 49)
Le Président (M. Lemay) : Alors, nous reprenons nos travaux. Je souhaite
maintenant la bienvenue aux représentants de l'Ordre des agronomes du
Québec. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre
exposé, puis nous procéderons à la période
d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous
présenter, ainsi que les personnes qui vous accompagnent, puis vous
pourrez procéder à votre exposé. La parole est à vous.
Ordre des agronomes du Québec
(OAQ)
M. Duval
(Michel) : Merci, M. le Président. Mmes, MM. les députés, membres de
la commission. Mon nom est Michel
Duval, agronome, président de l'Ordre
des agronomes du Québec. Je suis accompagné aujourd'hui de
M. Pascal Thériault, qui est agronome
et économiste, qui est aussi vice-président de l'ordre, de Mme Louise
Richard, qui est ici à ma gauche, qui
est avocate et directrice générale de l'ordre, de Mme Isabelle Dubé,
agronome experte en production végétale et membre du conseil d'administration de l'ordre, et, à l'arrière,
M. Abdenour Boukhalfa, qui est chargé des affaires professionnelles
de l'ordre, qui pourra répondre à certaines questions si on a des questions
plus pointues.
Alors, la
mission de l'Ordre des l'Ordre des
agronomes du Québec est de protéger le public en matière d'agronomie, en matière de la profession d'agronome, pardon.
Les agronomes, au nombre d'un peu plus de 3 000 au Québec, sont des
scientifiques qui oeuvrent en agriculture et
en production alimentaire. Un peu plus du tiers travaille en production
végétale, 435 en protection des cultures.
• (15 h 50) •
L'ordre est
conscient que le fait de concilier différents rôles chez les agronomes est une
préoccupation pour cette commission
et pour le public. Le dossier d'indépendance professionnelle occupe la priorité
numéro un de notre ordre depuis mon élection à la présidence, en 2017.
Je traiterai de ce sujet-là plus tard.
Alors, l'utilisation des pesticides est un sujet
complexe et controversé, et nous comprenons que nos citoyens s'interrogent sur leur utilisation. Ils exigent
que nous protégions l'environnement et leur santé. Ces exigences sont
légitimes, et, comme ordre professionnel, nous les partageons.
Les
pesticides ont façonné le développement de l'agriculture,
ils ont contribué à augmenter le rendement des cultures, à stabiliser la production agricole et assurer une
sécurité alimentaire. Cependant, au fil des années, leur utilisation a
engendré des impacts négatifs sur la santé
humaine, sur l'environnement et sur les pollinisateurs. Pour plusieurs
producteurs agricoles, ça a été mentionné plus tôt, les pesticides sont
devenus une méthode de gestion du risque, une assurance protégeant le rendement des cultures et le revenu de
l'entreprise. Il est donc crucial de revoir les stratégies d'intervention
phytosanitaires afin que notre agriculture
soit davantage agroécologique et intègre des méthodes de lutte aux ennemis des
cultures de façon à être plus intégrée, en tenant compte de facteurs
économiques.
Dès la première
mouture du Code de gestion des pesticides, l'Ordre des agronomes a prôné la
nécessité de mieux encadrer leur
utilisation. Or, au Québec, 1 200 produits, 370 matières actives
sont en vente libre. Depuis mars 2018, seulement quatre pesticides... quatre insecticides, pardon, et un herbicide sont
réglementés et requièrent l'élaboration d'un diagnostic, d'une justification et d'une prescription d'un
agronome. C'est insuffisant. Une de nos principales recommandations vise
l'encadrement de tous les pesticides par le
biais d'un plan annuel élaboré de concert avec l'agronome et le producteur.
Ce plan justifiera l'ensemble des pesticides utilisés. De cette façon, il
serait possible de diminuer et de contrôler les risques associés aux
pesticides, de limiter l'impact sur l'environnement, la santé, et tout en
produisant une nourriture saine.
Nos visites à
la ferme, des dernières semaines, nous ont permis de constater les efforts
déployés par plusieurs producteurs
pour implanter des méthodes de lutte nouvelles contre les ennemis des cultures.
Les outils sont variés mais ne sont
pas toujours accessibles ou aussi efficaces que souhaité. L'utilisation de
prédateurs, ici, on parle d'insectes, de bactéries, de champignons, autres, le dépistage,
l'agriculture de précision, les rotations de culture sont tous des outils de la
lutte intégrée, ils permettent de réduire l'utilisation des pesticides.
Dans une optique de réduction des risques, l'ordre s'engage à promouvoir l'importance du diagnostic et d'une
recommandation réalisée par un agronome. Les ministères concernés et les
organisations impliquant la phytoprotection
devraient aussi s'y joindre. Nous inciterons les agronomes oeuvrant en
phytoprotection des cultures à utiliser systématiquement des outils comme SAgE
Pesticides pour choisir les pesticides efficaces ayant le plus faible indice de
risque pour la santé et l'environnement.
L'utilisation
de la ligne directrice et l'outil d'aide à la décision pour l'utilisation de
l'atrazine a donné des résultats sans
précédent cette année. Pour la saison 2018, le ministère de
l'Environnement rapportait plus tôt, au mois de mai, une réduction... un constat préliminaire, pardon,
d'une réduction de 40 % d'utilisation de l'atrazine. C'est le premier
herbicide à être encadré par cette réglementation.
Entièrement engagé dans l'importance de réduire
l'utilisation des pesticides, l'ordre met actuellement au point deux autres outils du même type destinés à
d'autres pesticides. Le gouvernement du Québec, quant à lui, doit s'engager
à mettre en place les ressources nécessaires
pour soutenir une utilisation raisonnée et sécuritaire des pesticides. Il doit
aussi prévoir des mesures incitatives
financières pour l'adoption de pratiques de protection des cultures encadrées
par un agronome. Les producteurs
agricoles, quant à eux, doivent, à leur tour, s'engager à adopter et appliquer
les recommandations des agronomes.
L'agriculture
biologique présente de nombreux défis. Nous saluons les producteurs qui s'y
investissent. Ce type d'agriculture
requiert des investissements importants en termes financiers et de
main-d'oeuvre ou faire de la transition. Et cette transition-là ne
n'effectue pas instantanément. Ça demande des modifications en profondeur des
pratiques et des façons de faire l'agriculture.
Nous recommandons
que le gouvernement appuie les productions biologiques de diverses
façons : financière, en recherche
et en service. Toutefois, l'agriculture conventionnelle continuera à occuper
une place importante encore pour plusieurs
années, et nous devons absolument accroître les efforts pour s'assurer de
l'engagement de tous afin d'améliorer les méthodes culturales et la
gestion des pesticides. Soyez assurés que l'Ordre des agronomes continuera d'y
contribuer.
Je passe
maintenant la parole à Mme Louise Richard, la directrice générale, qui
vous entretiendra des mécanismes de surveillance de l'ordre.
Mme Richard
(Louise) : Merci,
M. Duval. M. le Président, Mmes et MM. les députés, je commencerais tout
d'abord en vous disant que tout agronome
doit exercer sa profession en favorisant les intérêts de son client sans tenir
compte des siens
ou de ceux de tiers. Pour répondre à son mandat de protection du public,
l'ordre utilise différents mécanismes qui lui permettent de s'assurer de
la compétence de ses membres et du respect des lois et de la réglementation par
ces derniers. Certains des mécanismes sont
de nature de soutien et de prévention,
alors que d'autres sont de nature plus curative. Les campagnes annuelles d'inspection professionnelle sont l'un
de ces mécanismes et ils s'appliquent à l'ensemble des membres de l'ordre.
De plus,
l'entente conclue avec le ministère
de l'Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques prévoit que tous les agronomes oeuvrant en
phytoprotection seront inspectés d'ici 2022. Le processus a déjà débuté et
il a permis à l'ordre d'identifier certaines
problématiques et d'apporter des améliorations aux outils d'encadrement, à la
formation et à la sensibilisation sur les
meilleures pratiques à mettre de l'avant. L'ordre investit et investira
davantage de ressources en inspection professionnelle afin de répondre à
son obligation.
Le bureau du
syndic a, de son côté, une approche disciplinaire. La syndique a le pouvoir de
mener des enquêtes dès qu'une
information suffisante lui est transmise afin de vérifier si l'agronome a
commis ou non une infraction. Si cela s'avère, une plainte sera déposée
devant le conseil de discipline, qui prendra des décisions qui s'imposent après
avoir entendu les parties.
Nous tenons à
rassurer les membres de la commission et les élus qu'il est de la ferme
intention de l'ordre de dissiper les doutes quant au membre... manque,
pardon, apparent d'indépendance professionnelle des agronomes.
Je cède de nouveau la parole à M. Duval.
Merci.
M. Duval
(Michel) : Merci,
Mme Richard. Alors, l'ordre a entrepris plusieurs actions en lien avec
l'indépendance professionnelle. Nous avons
commandé une enquête indépendante sur les modes de rémunération des agronomes
qui a révélé l'existence de
différentes formes de rémunération variable. Par la suite, nous avons demandé à
un comité d'experts indépendants formé
d'éthiciens pour analyser les résultats de cette enquête afin d'obtenir des
recommandations éclairées. Le rapport sera remis d'ici la fin de l'année.
L'ordre de l'Office des professions est tenu à jour dans nos démarches dans ce
dossier.
Entre-temps,
notre détermination à apporter une des solutions nous a amenés à entreprendre
plusieurs actions. Par exemple, nous sommes en discussion actuellement avec les employeurs, les membres de l'industrie pour corriger et
modifier certaines pratiques de rémunération des agronomes. Nous incitons aussi
les employeurs à mettre en place des mesures nécessaires
pour assurer la traçabilité, la transparence et l'imputabilité de tous les
actes agronomiques. Nous aidons les employeurs à identifier les
programmes de rémunération inadéquats. Nous préparons une formation pour
assurer la compréhension commune des concepts d'indépendance professionnelle et
de conflit d'intérêts.
Je passe maintenant la parole à M. Pascal
Thériault, qui présentera nos recommandations sur la recherche.
M. Thériault
(Pascal) : Merci,
M. Duval. La recherche joue un grand rôle dans l'application des
meilleures pratiques agronomiques.
Certains centres ou institutions en phytoprotection sont rattachés aux universités,
alors que d'autres sont majoritairement
financés par le MAPAQ. Ces derniers sont mis en concurrence et obtiennent leur
financement par appel de projets ciblés. L'ordre recommande plutôt que
ces centres et instituts collaborent afin d'optimiser et d'accélérer leurs
recherches et que leur financement soit assuré sur le long terme.
Nos outils et
nos règles de l'art en agronomie sont continuellement
mis à jour en utilisant les travaux de recherche. Il serait d'ailleurs pertinent que le gouvernement
mette à contribution leur Scientifique en chef. Il pourrait assumer un rôle central en innovation en
tenant compte du volet économique très important en agriculture et en
agroalimentaire.
Aussi, il est
nécessaire de se doter de ressources humaines pour assurer efficacement le transfert des connaissances
scientifiques aux agronomes et aux
producteurs agricoles. À cet effet, les agronomes qui travaillent au sein du
gouvernement réalisent des essais aux champs
et transmettent leurs connaissances. Toutefois, depuis les années 90, nous
comptons 44 % moins d'agronomes au gouvernement. Ils sont passés de
623 à 351.
Aussi, nous recommandons le financement
nécessaire pour développer une formation très avancée pour les agronomes portant sur l'utilisation des herbicides
dans les grandes cultures. Nous devons travailler ensemble, et les
instances municipales font aussi partie de
l'équation en matière de respect des bandes riveraines, qui, dans bien des cas,
ne sont pas respectées. Certaines
municipalités réussissent à faire appliquer le règlement, mais d'autres, non.
La réglementation établit une largeur
minimale à respecter le long des cours d'eau et des fossés de drainage. Des
experts font consensus pour dire que de nombreux bénéfices découlent des
bandes riveraines. Ils sont de nature agronomique, écologique et économique.
L'ordre
recommande que le gouvernement, de concert avec les municipalités, prévoie des
incitatifs financiers pour valoriser
le respect des bandes riveraines en compensant la perte de revenus pour les
parcelles non cultivées. En revanche, l'État doit sanctionner le
non-respect de la réglementation.
Je cède maintenant la parole à M. Duval
pour la conclusion.
M. Duval
(Michel) : Merci, M. Thériault. En résumé, la réduction de
l'utilisation des pesticides demande de la part du gouvernement un leadership renforcé et structurant en recherche, en
transfert de connaissances, en formation. L'appui de l'État doit s'accompagner d'un cadre réglementaire
plus rigoureux. La réduction de l'utilisation des pesticides est une question de protection du public. L'ordre assumera
ses responsabilités, comme il l'a toujours fait. L'engagement de toutes
les parties prenantes est indispensable pour atteindre cet objectif.
Finalement,
nous demandons au gouvernement du Québec de remettre à jour les travaux pour
actualiser la Loi sur les agronomes,
qui est tombée au feuilleton deux fois depuis 2013. Sachez que la description
actuelle de l'exercice de la profession d'agronome date de la Deuxième
Guerre mondiale. Notre loi devrait refléter l'avancée de la science agronomique
du XXIe siècle indispensable à une agriculture davantage agroécologique.
Merci de nous avoir donné l'occasion de
contribuer à cette commission. Nous sommes à votre disposition pour répondre à
vos questions. Merci.
Le Président
(M. Lemay) : Merci beaucoup. Donc, sur ce, je cède la parole au député
de Maskinongé.
M. Allaire : Merci,
M. le Président. Merci pour votre
présentation très structurée. C'est très apprécié. Dans votre mémoire, à
la page 8, vous mentionnez une de vos recommandations, que vous souhaitez
que le gouvernement encadre davantage les pesticides. Et là je fais un lien
avec d'autres recommandations qu'on a eues dans d'autres mémoires.
En fait, on
est en 2019, ça peut être très facile de développer des nouveaux outils de traçabilité. Est-ce que vous
pensez qu'on aurait avantage à développer un
outil public, donc un certain registre, pour être capable, là, vraiment
d'identifier tout le cheminement des pesticides au Québec? Ça veut dire
du fabricant au détaillant et ensuite chez le producteur.
• (16 heures) •
Le Président (M. Lemay) :
M. Duval.
M. Duval (Michel) : Si le but
du gouvernement, c'est d'assurer une plus grande traçabilité de l'utilisation
des pesticides, puis ça pourrait être un des moyens utilisés pour assurer la
traçabilité des pesticides au Québec, oui.
M. Allaire : Là, je pose la
question puis, en même temps, j'ai 450 fermes sur mon territoire. Puis là
il y en a peut-être deux, trois qui nous
écoutent actuellement. Et je me dis : Est-ce qu'on va alourdir un peu
d'une certaine... lourdeur administrative,
finalement, pour nous producteurs, qui seraient comme un peu... pas... tu sais,
bref, ils ne mettraient pas leur énergie à la bonne place, là, si on
veut, là.
Le Président (M. Lemay) :
M. Duval.
M. Duval
(Michel) : Écoutez, dans tous les domaines où on demande un peu plus
de contrôle, de structure, de suivi, il
y a une certaine lourdeur administrative qui s'ajoute. Maintenant, vous savez
qu'il y a des moyens électroniques très avancés qui sont mis à la disponibilité des gens, l'utilisation de tablettes,
par exemple, qui permettent de faire beaucoup de choses. Et c'est facile
maintenant, avec courriels, tablettes, et compagnie, d'arriver à des résultats
de traçabilité ou de suivi de l'information presque en temps réel avec peu de
travail.
Les
producteurs, maintenant, sont évolués. On a mentionné tantôt, on arrive
maintenant avec une nouvelle génération d'agriculteurs qui sont beaucoup plus formés et informés, qui ont accès
à ces outils-là. Je pense que, bon, il y a un côté... oui, il y a un peu de lourdeur administrative, mais
il y a des moyens maintenant pour accélérer l'utilisation de cette
information-là pour la rendre plus efficace et plus conviviale pour les
utilisateurs.
Le Président (M. Lemay) : M. le
député.
M. Allaire : Merci. Ça va, je
n'ai pas d'autre question.
Le Président (M. Lemay) : Ah!
parfait. Mme la députée de Laviolette—Saint-Maurice.
Mme Tardif :
Bonjour. Merci. J'avais préparé des questions, puis, au fil du temps, vous en
avez répondu à quelques-unes.
J'aimerais vous relancer sur une polémique qu'il y a eu il y a quelques mois,
vous le savez, quand c'est sorti qu'il y
avait sept rivières sur 10 dont le critère de qualité de l'eau pour les
néonicotinoïdes était dépassé d'au moins 93 %. C'est quand même assez alarmant d'entendre ça, surtout
qu'on pense que nous bandes riveraines sont protégées puis qu'on entend
qu'elles le sont plus ou moins.
Mais ce qui
est d'autant plus, sinon plus inquiétant, c'est de voir — parce que je connais et je reconnais
l'expertise des agronomes et de l'Ordre des
agronomes — que les
prescriptions sont données majoritairement par des agronomes qui travaillent pour des firmes, pas pour des
vendeurs, pour des entreprises qui fabriquent des pesticides, qui conçoivent
des... C'est préoccupant pour nous, c'est
préoccupant pour la population, et je lisais dans votre rapport, là, que vous
vous engagez, donc, à assumer vos
responsabilités. Vous avez donné des exemples, là, au niveau des inspections
professionnelles, des enquêtes
indépendantes. Est-ce qu'on ne devrait pas tout simplement dissocier l'agronome
des prescriptions de pesticides, dans un premier temps?
Et vous avez
parlé... parce que les gens sur le terrain constatent, les agriculteurs
constatent que, depuis 20 ans, il y a une diminution de visites d'agronomes sur le terrain. Et, pour eux,
c'était sécurisant aussi, qu'il y ait un agronome, pas un agronome qui vend des pesticides, mais un agronome
qui va les voir, qui va les rencontrer, et qui discute, et qui connaît
leurs cultures, qui connaît leurs enjeux.
Le Président (M. Lemay) :
M. Duval.
M. Duval
(Michel) : Bon, plusieurs
volets à votre intervention, Mme la
députée. D'abord, premièrement, je
voudrais préciser qu'actuellement au Québec il y a très peu d'agronomes qui
travaillent pour les fabricants de pesticides, il y en a quelques-uns.
Mme Tardif : ...
M. Duval
(Michel) : Ah! non, ça, écoutez,
ça, c'est des agronomes qui travaillent pour des distributeurs de
produits de pesticides, alors ils ne
travaillent pas pour un fabricant. Je vais faire la nuance. Le fabricant, c'est
des grandes compagnies comme Monsanto ou Bayer. Oui, les agronomes travaillent avec les
producteurs. Vous parlez de visites à la ferme de gens qui sont indépendants. Au Québec,
il y a des agronomes qui sont membres de clubs, il y a des agronomes qui sont
consultants indépendants, il y a des
agronomes... Dans le passé, il y avait plusieurs agronomes qui travaillaient à
l'emploi du MAPAQ, ça a été souligné
par M. Thériault tantôt. Depuis les années 90, une baisse de presque
50 % des agronomes qui sont à l'emploi de l'État. Ça a commencé
dans les années 80 et, depuis ce temps-là, ça n'a pas changé. Écoutez, il
y a des contraintes.
Maintenant,
dire que les agriculteurs n'ont pas de visites, de consultations d'agronomes
pour les aider à faire des choix stratégiques...
Mme Tardif :
...
Le Président
(M. Lemay) : Mme la députée de Laviolette—Saint-Maurice.
Mme Tardif :
Pas, pas de visites, moins de visites.
M. Duval
(Michel) : Écoutez, moins de visites, ça dépend des régions.
Le Président
(M. Lemay) : M. Duval.
M. Duval
(Michel) : Écoutez, les
visites... les agronomes vont actuellement aller rencontrer les producteurs quand les
producteurs souhaitent les rencontrer aussi.
Le Président
(M. Lemay) : Parfait. Mme la députée de Laviolette—Saint-Maurice,
ça va?
Mme
Tardif : Je n'ai pas eu...
je n'ai pas entendu de réponses claires par rapport à mes questions. Vous ne
m'avez pas sécurisée comme citoyenne.
M. Duval
(Michel) : Si vous voulez préciser votre question, s'il vous plaît.
Mme Tardif : C'est par rapport aux agronomes, à leur
implication et au rôle de l'ordre par rapport à l'implication des
agronomes versus les ventes des pesticides.
M. Duval
(Michel) : De pesticides.
Le Président
(M. Lemay) : M. Duval.
M. Duval
(Michel) : Alors, je vais
essayer de préciser. Écoutez, c'était clair dans notre énoncé. Nous, maintenant,
ce qu'on demande à l'entreprise qui emploie
un agronome qui va faire un conseil... soit un conseil ou soit une
recommandation avec une prescription, c'est
la transparence, dans le sens que, nous, ce qu'on veut, c'est qu'on soit
capable, à partir de la facturation, de
différencier la vente du produit de la vente du service-conseil qui a été donné
et d'être capable de faire le retraçage
à partir de la transaction qui est faite avec M. le producteur agricole parce
que, sur sa facture, il y aurait une vente d'atrazine, par exemple, et un conseil en phytoprotection, que ça soit
détaillé et qu'on soit capable de retracer dans le dossier jusqu'à la justification agronomique pour que
nous, quand on va faire notre inspection professionnelle, qu'on soit
capable... un côté ou de l'autre, d'arriver à la même réponse, d'être capable
d'imputer cette recommandation à une personne.
Actuellement au
Québec, les pesticides sont vendus par les entreprises avec une facture, point.
Il n'y a pas de différenciation. On ne sait
pas qui, à partir de la facture, a fait la recommandation. Et, nous, il faut
qu'on fasse... pour avoir le détail, on est obligé de faire une enquête
chez les agronomes individuellement à partir de leur dossier.
Le Président
(M. Lemay) : Merci beaucoup.
M. Duval
(Michel) : Je ne sais pas si ça répond à votre question.
Mme Tardif :
Oui. C'est clair...
M. Duval
(Michel) : Alors, merci.
Mme Tardif :
...et c'est plus sécurisant. Je vous remercie.
M. Duval
(Michel) : Merci, madame.
Le Président
(M. Lemay) : Merci. Alors, je cède maintenant la parole au député
de Lac-Saint-Jean.
M. Girard
(Lac-Saint-Jean) : Merci, M. le Président. Merci de votre
présentation. Merci du travail aussi, là, qui a été fait à ce niveau-là. Moi, j'aimerais m'entretenir avec vous un
peu... On parle toujours que, normalement, les agronomes, on prône toujours l'utilisation raisonnable
d'intrants. Et j'aimerais que vous m'expliquiez qu'est-ce que c'est la notion
de «raisonnable» selon un agronome.
Le Président
(M. Lemay) : Alors, M. Duval.
M. Duval
(Michel) : ...de
«raisonnable, c'est l'utilisation quand c'est justifié. Par
exemple, on sait qu'il y a eu,
dans le passé, et c'est noté dans notre
mémoire, il y a des utilisations qui sont faites en prévention. Par exemple, on avait peur d'avoir du ver
fil-de-fer dans une culture de maïs,et on utilisait des néonics pour prévenir.
C'était peu dispendieux. Quand on compare le coût de l'ajout de ce
pesticide-là versus le coût de la semence, c'est relativement petit.
Le Président (M. Lemay) : M. le
député.
M. Girard
(Lac-Saint-Jean) : Donc, ça
arrivait... c'est juste, avoir un petit échange, là. Donc, de façon
préventive, on savait à telle date, exemple,
fin juin, début juillet, peu importe, O.K., c'est le temps d'appliquer, on applique, la
météo est bonne. Ça fait que c'était ça, hein?
M. Duval
(Michel) : Ça s'est fait beaucoup
dans... Si vous me permettez de préciser, ça s'est fait beaucoup,
par exemple, en production des pommes, par
exemple, où on savait, par exemple... s'il y avait de la pluie, il fallait appliquer un pesticide pour contrôler la tavelure, par exemple. Et, si on ne l'appliquait pas, on se ramassait avec des problèmes. Et,
dans certains cas, il y avait des
applications qui se faisaient deux, trois, quatre fois par semaine, s'il y
avait de la pluie. Maintenant, ces
gens-là, dans les cultures de pommiers, ils vont faire peut-être...
les interventions vont être réduites à, peut-être, sept, huit,
dix par année au lieu de trois à quatre par semaine.
Le Président (M. Lemay) :
Alors, M. le député.
M. Girard
(Lac-Saint-Jean) : Donc,
c'est intéressant. Et aussi moi, je vais aller du niveau de la formation.
Quand on parle, on sait que, tu sais, les
agronomes, les techniciens agricoles aussi suivent des formations, tout ça.
Moi, ça fait quand même... je ne suis plus jeune, ça fait un bout de
temps, j'ai suivi d'autres formations. Mais moi, je voudrais savoir, là,
vraiment, là : Est-ce que vous êtes
assez formés au niveau des pesticides? Est-ce qu'il y a assez de formation au
niveau des pesticides, au niveau des institutions? Quand vous suivez vos
cours, on vous... Est-ce qu'il y a assez de formation à ce niveau-là?
M. Duval
(Michel) : Si vous
permettez, je vais transférer la question à M. Thériault, qui est, lui,
responsable de notre comité de formation.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Oui.
Le Président (M. Lemay) : Oui,
allez-y.
M. Thériault
(Pascal) : Au niveau de la
formation universitaire, le cours sur les pesticides est obligatoire maintenant
puis, bon, ce n'est pas un cours sur comment
épandre, là, c'est un cours sur qu'est-ce qu'un pesticide, puis quels sont
les effets de ces pesticides-là, et quelles
sont les méthodes alternatives qui sont couvertes en même temps. Donc, les deux facultés d'agronomie au Québec ont
ce cours à l'intérieur de leur cursus.
• (16 h 10) •
M. Girard
(Lac-Saint-Jean) : Puis on sait qu'il y a beaucoup de pesticides sur
le marché, et tout ça. Vous, votre formation,
est-ce que ça ratisse large? Est-ce que vous y allez... vous touchez à pas mal
tous les pesticides ou plus ceux utilisés au Québec dans votre
formation?
M. Thériault
(Pascal) : Bien, c'est un cours qui couvre quand même assez large. Il
faut dire que c'est un cours de trois
crédits. Donc, c'est un 15 heures de cours magistraux, plus les travaux
pratiques qui viennent avec. Donc, c'est un cours qui offre quand même
une bonne base.
Ceci étant
dit, les pesticides ne sont pas couverts que dans le cours de pesticides. Les
étudiants qui vont prendre des cours
en grande culture, qui vont prendre... bien, même en santé et sécurité au
travail, d'ailleurs, les pesticides sont couverts sous différents
aspects à travers les programmes d'études.
Le Président (M. Lemay) : M. le
député.
M. Girard
(Lac-Saint-Jean) : O.K. Tout dépendamment de la spécialisation de
l'agronome, s'il s'en va plus en production
végétale, production animale, donc. Mais est-ce que vous, vous trouvez que vous
en avez assez? Est-ce que ça en prendrait plus, de la formation à ce
niveau-là?
Le Président (M. Lemay) :
Alors, M. Duval.
M. Duval
(Michel) : Écoutez, l'ordre révise régulièrement des formations
continues pour maintenir ses agronomes à
jour. Et d'ailleurs ça fait partie de notre politique de formation, d'exiger
que nos membres maintiennent leur formation à jour. C'est dans notre code de déontologie. Et, écoutez, en 2018, avec
la collaboration du ministère de l'Agriculture et du ministère de l'Environnement, on a organisé une
session... tu sais, on a une tournée de sessions de formation à la
grandeur de la province où plus de
250 agronomes ont participé à la formation. Il y avait aussi des
technologues professionnels qui ont assisté à ces
formations-là, des formations beaucoup plus pointues sur l'utilisation des
pesticides, les problématiques rencontrées aux champs, les méthodes
alternatives, ces choses-là. Ça fait partie du travail.
On
travaille encore actuellement à développer des formations à venir. On a
mentionné tantôt qu'on voulait développer des formations beaucoup plus pointues, par exemple, aller dans...
beaucoup plus spécialisées. Il s'en donne à l'extérieur du Québec. On
aimerait importer cette technologie-là ou cette information-là ici. Alors,
c'est pour ça qu'on présente cette information-là
à la commission, parce qu'on va devoir peut-être être obligés de demander un
peu d'aide de la part de notre gouvernement du Québec pour organiser ces
formations-là.
Le Président
(M. Lemay) : M. le député.
M. Girard
(Lac-Saint-Jean) : Il me reste comment de temps, M. le Président?
Le Président
(M. Lemay) : Environ 2 min 30 s
M. Girard
(Lac-Saint-Jean) : Deux minutes? Écoutez, je ne vous cacherai pas que,
hein, dans les dernières semaines ou
dans les derniers mois, vous vous êtes quand même fait... on va se le dire,
vous vous êtes fait brasser, et tout ça, avec toute la situation au niveau des pesticides. Et moi,
j'aimerais savoir un peu comment que... L'Ordre des agronomes compte-t-il
changer ses méthodes en matière de
services-conseils? Avez-vous une idée à ce niveau-là, vos méthodes en
services-conseils?
Le Président
(M. Lemay) : M. Duval.
M. Duval
(Michel) : Écoutez, plutôt, de la façon que nous, on envisage de
travailler, on traite les agronomes sur le même pied d'égalité, peu importe le travail ou le type d'employeur.
L'ordre, les règles du jeu, le code de déontologie est le même, les règles de pratique sont les mêmes. On
est conscients que ceux qui travaillent dans l'industrie de fournitures
de pesticides, de fournitures d'intrants ont
un risque un peu particulier, et ça fait partie des engagements qu'on a pris,
de s'assurer que ces gens-là ou les entreprises qui les emploient
mettent des pratiques en place pour les aider à avoir un jugement professionnel
de façon indépendante. Parce que ce n'est pas parce qu'on a un employeur X ou Y
que notre jugement professionnel va être
affecté. Nous, c'est la façon qu'on aborde le dossier. Et je vous ai expliqué
un peu plus tôt les barèmes qu'on veut mettre en place pour assurer
beaucoup plus de transparence, de traçabilité puis d'imputabilité.
Le Président
(M. Lemay) : Merci. M. le député.
M. Girard
(Lac-Saint-Jean) : ...je crois, dans le code de déontologie,
l'article 28.2, qui vient encadrer, là, cette situation-là. O.K.
M. Duval
(Michel) : Et, écoutez, ça fait partie de la formation qu'on veut
donner de préciser un peu les interprétations qu'on fait du code de déontologie. On sait que, dans certaines
situations, les gens ont tendance à peut-être déformer un peu
l'interprétation. Alors, l'ordre a ça aussi dans ses cartons dans les semaines
puis les mois à venir.
Le Président
(M. Lemay) : Merci. M. le député.
M. Girard
(Lac-Saint-Jean) : O.K. Donc, c'est intéressant, parce que, c'est ça,
j'ai quand même pris le temps de regarder
le code de déontologie, qui est quand même un code assez long. Il y a des
articles, tout ça, puis, comme vous avez vu, tout dépendamment, dans les dernières semaines, il y a tout
l'aspect, hein, au niveau de ceux qui travaillent et qui sont les
représentants. Mais c'est intéressant de vous entendre à ce niveau-là.
M. Duval
(Michel) : Comme je l'ai mentionné, on est conscients que la situation
de ces agronomes-là peut poser certaines
questions à la commission et au public, et c'est pour ça qu'on a mis en place,
nous, un comité sur l'indépendance professionnelle,
pour arriver avec des réponses, des solutions pratiques. Et, comme on l'a
mentionné, on devrait avoir notre rapport,
nous, d'ici la fin de l'année, et ça va nous faire plaisir de le communiquer
aux gens de la... aussitôt qu'il va être disponible.
Le
Président (M. Lemay) : Merci. Ceci complète les échanges avec
cette partie. Je cède maintenant la parole à la députée de Maurice-Richard.
Mme Montpetit : Je vous remercie, M. le
Président. Bonjour, messieurs, madame... mesdames. Bien, écoutez, avec toutes les informations qui
sont sorties au cours des derniers mois, vous comprendrez qu'il y a de quoi
être inquiet. Puis, au niveau du grand public, certainement, il y a
plusieurs questionnements et plusieurs inquiétudes. Puis je fais référence notamment à un article qui est sorti récemment,
là, au mois d'août, qui soulignait que, selon votre bilan de 2018, 40 %
d'erreurs chez les agronomes... il y avait
40 % d'erreurs chez les agronomes qui avaient été inspectées par votre ordre.
Et, sur ces 40 % là, donc, il y
en avait six qui présentaient des lacunes mineures, trois qui avaient des
lacunes majeures et cinq
qui présentaient des lacunes majeures graves
entraînant des doutes sur leur compétence. J'aimerais que vous puissiez, dans un premier temps, nous éclairer sur la
nature des erreurs qui ont été détectées lors de ces inspections.
Le
Président (M. Lemay) :
Alors, M. Duval. Et, si vous voulez céder la parole à quelqu'un
d'autre, il n'y a pas de
problème.
M. Duval
(Michel) : Je vais demander
à M. Boukhalfa, qui est responsable du dossier à l'inspection professionnelle,
chez nous, de venir préciser.
Le Président (M. Lemay) :
Veuillez prendre place.
M. Duval
(Michel) : Pendant que
M. Boukhalfa s'installe, je voudrais préciser, Mme la députée, que, dans les erreurs qu'on
a rapportées, certaines... ça peut être... nous, on va les considérer comme
graves, mais ça ne met pas nécessairement la santé du public en danger ni la santé des producteurs. Une mauvaise tenue de dossiers, ce n'est pas une mauvaise
recommandation, mais une mauvaise tenue de
dossiers, dans notre livre, c'est aussi grave parce que c'est comme ça...
qu'on sert pour faire le retraçage de l'activité du professionnel. Je vais
passer la parole à M. Boukhalfa.
M. Boukhalfa (Abdenour) :
Effectivement, au niveau de l'inspection professionnelle, donc, on a eu, en phytoprotection, une deuxième année d'inspection
professionnelle, en phytoprotection particulièrement, qui a concerné
36 agronomes. Sur les 36 agronomes, il y a eu 40 % de
non-conformités qui ont été trouvées par le comité d'inspection.
Ce qu'il faut
savoir, c'est que les inspections ont été orientées essentiellement sur la
nouvelle réglementation pour l'atrazine
qui venait à peine de sortir. Donc, à partir de là, les non-respects de la
réglementation et également non-respect de certains éléments qui ont été jugés non conformes par le comité, donc,
il y en avait une série, ça a donné suite, donc, à une poursuite dans le
processus. Ça, ça veut dire que, sur les 14 agronomes auxquels on a
identifié des non-conformités, il va y avoir
des suivis qui vont se faire l'année prochaine, il va y avoir des inspections
particulières qui pourraient mener, donc, soit à une exigence de
formation continue...
Le Président (M. Lemay) :
Alors, bien, on a une question complémentaire par Mme la députée. Allez-y.
Mme Montpetit :
Juste être sûre de bien comprendre ce que vous venez de me dire. Dans les erreurs
qui ont été notées lors des
inspections, il y avait la non-conformité, le non-respect de la réglementation
qui a été mise en place pour l'atrazine. C'est bien ce que vous venez de
dire?
M. Duval (Michel) : Je
confirme.
Mme Montpetit :
Et je comprends bien, M. Duval, que, comme président de l'Ordre des
agronomes, vous venez de me dire que, dans les erreurs qui ont été
soulevées par des inspecteurs, il n'y a rien qui touche la santé de la
population québécoise. Est-ce que,
c'est-à-dire, vous jugez que la réglementation qui a été mise en place pour
encadrer l'atrazine, pour vous, il n'y a pas de conséquence sur la santé
publique?
Le Président (M. Lemay) :
M. Duval.
M. Duval (Michel) : Vous me
permettrez de préciser, je me suis peut-être mal exprimé, mais, parmi les
non-conformités, il y en a certaines qui sont de nature administrative, que
nous, on considère importantes, mais ce que M. Boukhalfa
souligne, c'est que, dans certains cas quand c'est la réglementation qui n'est
pas respectée, ça fait partie de notre
travail de vérifier pour que ça soit appliqué correctement, que ce soit fait
correctement dans le travail des agronomes au jour le jour. Et ça, c'est
le travail de l'ordre professionnel. On fait ça avec la phytoprotection, on
fait ça avec les autres types de productions
où est-ce que les agronomes interviennent. Je me suis peut-être mal exprimé
tantôt, je m'en excuse, Mme la députée.
Le Président (M. Lemay) : Mme
la députée.
Mme Montpetit : Non, mais juste
que je pense que c'est important de clarifier ça, parce que...
M. Duval (Michel) : Je vous
remercie.
Mme Montpetit :
...ce que je comprends, ce que vous nous dites, c'est que, dans vos
inspections, vous êtes en mesure d'identifier,
en ce moment, des agronomes, au Québec, qui n'ont pas respecté la nouvelle
réglementation sur l'atrazine.
M. Boukhalfa (Abdenour) : Sur
les 36 qui ont été inspectés.
Mme Montpetit : Quelles ont été les mesures qui ont été prises
par l'ordre suite à ces inspections,
par rapport à ces agronomes précisément?
M. Boukhalfa
(Abdenour) : Alors, on a trois niveaux. Au niveau des non-conformités,
on a trois niveaux de suivi. On un suivi de dossiers qui va être fait au
cours de cette campagne qui débute au mois d'octobre. Donc, on communique les
non-conformités aux agronomes concernés, et ils nous envoient un dossier au
cours de la prochaine campagne pour vérifier si les non-conformités ont été réglées.
Ça, c'est une première étape. Un deuxième
niveau, c'est une visite de suivi qui se
fait directement sur les lieux de travail de l'agronome. Un troisième niveau,
ce sont des inspections particulières qui vont se faire directement sur les lieux de travail et qui vont être données
possiblement, si les lacunes ne sont pas réglées, à une formation, un
stage exigé ou encore jusqu'à une suspension du permis d'exercice.
Le Président
(M. Lemay) : Mme la députée.
Mme Montpetit :
Donc, à ce stade-ci, ce que je comprends par là, c'est que, malgré les
manquements, ces agronomes sont
toujours en pratique, sont toujours libres de faire les prescriptions qu'ils
souhaitent jusqu'à ce que vous puissiez les identifier, mais il n'y a pas d'accompagnement, il n'y a pas de formation et il n'y a
eu aucune sanction d'aucune façon qui a été donnée par l'Ordre des
agronomes.
Le Président
(M. Lemay) : M. Boukhalfa.
• (16 h 20) •
M. Boukhalfa
(Abdenour) : Oui. Le
processus d'inspection professionnel est régi par le Code des professions. C'est exactement le même pour toutes les professions.
Dans notre processus d'inspection professionnel, c'est vraiment la procédure. Donc, il y a des étapes, il y a une
certaine période où l'agronome est avisé, où l'agronome ou le
professionnel doit apporter des correctifs et, par la suite, il y a des
vérifications qui se font. On est rendus à cette étape-là.
Le Président
(M. Lemay) : Mme la députée.
Mme Montpetit :
Sur les 36 agronomes qui ont été inspectés, est-ce que ce sont les cinq
agronomes qui ont des manquements majeurs qui sont dans cette
situation-là?
Le Président
(M. Lemay) : Monsieur...
Mme Montpetit :
Est-ce qu'on peut penser que, si on fait une proportion sur l'ensemble des
agronomes du Québec, on se retrouve
avec la même proportion? Est-ce que vous avez... En fait, ma question,
c'est : Est-ce qu'à partir du moment où vous identifiez, vous aviez des agronomes membres de votre ordre qui
ne respectent pas la réglementation du Québec, est-ce que vous avez poussé le nombre d'inspections plus loin? Est-ce qu'en
2019 vous avez jugé pertinent, comme ordre, de s'assurer que l'ensemble
des agronomes du Québec soit bien au fait de la réglementation et l'applique?
Le Président
(M. Lemay) : M. Duval.
M. Duval
(Michel) : Si vous me permettez de répondre, oui, nous, Mme Richard
l'a mentionné précédemment, l'intensité
de... la pression de l'inspection, si vous le permettez, va augmenter l'an
prochain en fonction de l'entente qu'on a avec le ministère de
l'Environnement d'inspecter tous les
professionnels qui font de la phytoprotection. D'ailleurs, on a une entente d'échange d'information avec le ministère de l'Environnement là-dessus où ils vont
nous communiquer tous les dossiers
qu'eux considèrent comme non conformes, et ces dossiers-là sont transmis à notre
Bureau de syndic qui, lui, fait l'évaluation
si c'est un dossier de non-conformité avec la réglementation ou c'est un
dossier de pratique professionnelle. Si c'est un dossier de pratique professionnelle, ça s'en va à l'inspection,
mais, si c'est un dossier de non-conformité réglementaire ou
déontologique, le syndic ou la syndique de l'ordre, le Bureau du syndic de
l'ordre entreprend déjà les enquêtes. Il y a
des enquêtes qui sont déjà en cours suite à de l'information qui nous a été
communiquée en juin dernier, et notre processus est déjà en place.
Le Président
(M. Lemay) : Oui, Mme la députée.
Mme Montpetit :
...parce que mon collègue a plusieurs questions aussi. Pourquoi vous me dites
attendre à l'année prochaine? Parce que le bilan dont il est question, c'est le
bilan de 2018. On est 2019. Est-ce que vous avez augmenté, en 2019, le nombre d'inspections que vous avez faites à la
lumière de ces résultats-là? On est presque à la fin de l'année. Avez-vous un nombre d'inspections que
vous pouvez nous communiquer qui ont déjà été faites et est-ce que vous avec un bilan partiel du respect de la
réglementation pour l'année 2019? Parce que la réglementation, elle est
encore plus large qu'elle l'était
l'année passée. Est-ce qu'on doit s'inquiéter encore de l'application de la
réglementation par les agronomes?
Le Président
(M. Lemay) : M. Duval.
M. Duval
(Michel) : Bien, écoutez, on n'a pas de réponse définitive parce que,
nous, l'information, on a eu de l'information...
Nos campagnes d'inspection, c'est de septembre ou octobre... octobre, aller au
31 mars, en fait, pour produire notre
rapport parce que ça, c'est publié à chaque année dans notre rapport annuel.
C'est déjà disponible si vous en faites la demande. Et, oui, l'an prochain, on va avoir des données qui vont être
différentes parce qu'on va travailler avec les données de la saison 2018‑2019.
Le Président
(M. Lemay) : Je comprends que je cède la parole au député de
Marquette.
M. Ciccone : Merci beaucoup. Merci
beaucoup d'être là, avec nous, aujourd'hui, et de nous transmettre votre expertise. Cependant, j'ai relevé quelques mots.
Moi, vraiment, je mets le poids sur les mots. Vous avez dit que
l'agronome doit servir les intérêts des
citoyens et des agriculteurs. Vous avez parlé également d'un... vous avez
demandé un rapport. Je veux savoir
pourquoi vous avez senti le besoin, justement, de demander un rapport
indépendant, parce que les mots «conflit d'intérêts» sont revenus à
plusieurs reprises, sont revenus également sur... les deux groupes qui vous ont
précédé l'ont mentionné. Pourquoi vous avez
senti le besoin, justement, de demander un rapport indépendant, alors que, dans
votre code de déontologie, l'article 31 stipule qu'il est
interdit... «...tout avantage, ristourne ou commission relatif à l'exercice de
[ses fonctions]», alors que c'est écrit noir sur blanc dans votre code de
déontologie? Pourquoi ce rapport?
Le Président
(M. Lemay) : Oui. Allez-y, M. Duval.
M. Duval
(Michel) : Si vous le permettez, en 2017, quand on a lancé l'enquête
avec... on a commencé à travaillé... faire
le travail sur la rémunération puis les programmes de rémunération des
agronomes, on avait beaucoup de commentaires qui nous arrivaient d'un
peu partout avec des qu'en-dira-t-on, et vous savez qu'un ordre professionnel ne peut pas travailler avec des qu'en-dira-t-on.
Alors, nous, l'enquête indépendante, ça a été dans le but d'aller chercher
de l'information factuelle.
C'est
une enquête qui a été réalisée au Québec. C'est des entreprises qui ont accepté
de collaborer. On a enquêté dans tous
les secteurs, et non pas uniquement en phytoprotection. On a enquêté autant
dans le domaine des banques, chez les gens qui sont dans les
clubs-conseils, les gens qui sont dans l'industrie de l'alimentation animale,
chez les gens qui sont en phytoprotection.
On a couvert l'ensemble des secteurs. On a choisi des entreprises de toutes les
dimensions, de très petits employeurs,
très grands employeurs, c'est documenté dans notre mémoire, parce que, là, en
annexe, vous avez une copie du rapport
qu'on a transmis, et on a trouvé des informations qui nous on permis de
travailler beaucoup plus précisément avec notre comité d'indépendance
professionnelle.
Le Président
(M. Lemay) : M. le député de Marquette.
M. Ciccone :
Combien de cas, justement, de conflit d'intérêts avez-vous relevés dans ce
rapport?
M. Duval
(Michel) : Dans les cas de... Avec notre enquête?
M. Ciccone :
Oui.
M. Duval
(Michel) : Notre enquête n'avait pas le but de récupérer des cas de
conflit d'intérêts. Ce qu'on a ramassé dans
notre enquête... puis c'est une enquête qui a été faite de façon
confidentielle, puis les employeurs ont accepté de partager
l'information de façon confidentielle, d'où l'intérêt de travailler avec la
firme de sondage SOM, qui était l'entreprise indépendante.
Ils nous ont relevé le cas d'une entreprise où il y
avait des employés, deux agronomes
qui était, eux, à 100 % à la commission, qui étaient à l'extérieur
un peu de notre mandat, de notre code de déontologie.
La
question des ristournes, écoutez, on n'a pas... n'a pas été identifiée comme
telle. Mais on sait qu'il y a eu des dossiers, par exemple...
Le Président
(M. Lemay) ...c'est rendu le tour de la députée de Rouyn-Noranda—Témiscamingue.
Mme Lessard-Therrien :
Merci, M. le Président. C'est très éclairant, tout ça.
Moi,
j'aimerais vous réentendre par rapport aux recommandations des agronomes par
rapport à leurs clients. Vous avez
parlé tantôt d'avoir un système à deux factures, donc on facture pour le
service-conseil, on facture pour le pesticide à utiliser. On fait souvent le parallèle avec ce qui se fait dans le
domaine de la santé, de la médecine. Donc, on a un médecin qui prescrit puis on a un pharmacien qui va vendre le
médicament. On fait souvent le parallèle, pourquoi ce n'est pas comme ça
que ça se passe en agriculture.
Donc,
moi, j'aimerais avoir votre opinion là-dessus, pourquoi vous ne pensez pas que
ça serait une meilleure solution.
Le Président
(M. Lemay) : M. Duval.
M. Duval
(Michel) : Dans un monde idéal, peut-être que ça pourrait être la
solution parfaite, mais, actuellement, on ne vit pas dans un monde
idéal, on travaille avec des contraintes, comme vous le savez, d'organisation
de marché.
Dans les
années 80, quand le ministère de l'Agriculture a décidé de laisser le
service-conseil pour se départir graduellement
de sa main-d'oeuvre, les entreprises ont trouvé que c'était une opportunité
pour eux d'avoir des professionnels qui
connaissaient l'agronomie et pour aussi expliquer la complexité des produits
utilisés à la ferme, parce que, pour les producteurs agricoles, les
pesticides, là, c'est des outils, mais c'est assez complexe à utiliser, donc
ils cherchaient des professionnels pour les outiller. Et c'est de cette
façon-là que le service-conseil s'est accompagné de la vente au niveau des
intrants.
Est-ce
qu'on peut les séparer? Nous, on préfère pour l'instant d'aller à une étape,
qui est la séparation sur la facture, parce
que, tant que la réglementation provinciale ne nous permettra pas d'aller de
façon plus rigide avec notre travail au niveau de l'ordre, on ne peut pas appliquer cette
alternative-là. Les pesticides, comme je l'ai mentionné, sont en vente libre,
et, demain matin, si j'interdis aux
agronomes qui sont dans l'industrie de vendre des pesticides et de les
prescrire, les pesticides comme...
étant en vente libre, le producteur agricole peut se présenter à n'importe quel
comptoir de vente et acheter ce qu'il veut à la quantité qu'il veut et
le faire... l'application qu'il en a de besoin.
Alors, la situation actuelle n'est peut-être pas
parfaite, mais la situation actuelle, avec une traçabilité de l'acte professionnel, ça va nous permettre de contrôler
la série des transactions et la série des actes professionnels pour qu'on
puisse intervenir pour corriger les choses
qui sont faites de façon inadéquate, qui pourraient mettre la santé du public
en danger.
Le Président (M. Lemay) : Mme
la députée.
Mme Lessard-Therrien :
Sur un autre sujet, dans votre mémoire, une de vos recommandations, c'est de
prévoir des budgets récurrents nécessaires
en recherche et en développement en phytoprotection pour accélérer le
développement des méthodes de
rechange aux pesticides. On se fait souvent poser la question : Combien?
Combien d'argent le Québec devrait investir pour soutenir la recherche?
Vous êtes des agronomes, vous savez ce que vaut votre expertise. Est-ce que
vous avez chiffré cette recommandation-là?
M. Duval
(Michel) : Malheureusement, on n'a pas chiffré les montants, mais on
sait que c'est des montants énormes parce que les besoins sont importants.
On sait aussi que... et vous savez comme nous que les saisons changent et...
Le
Président (M. Lemay) : C'était tout le temps qu'on avait avec
notre parti de deuxième opposition. M. le député de Bonaventure, la
parole est à vous.
M. Roy :
Merci, M. le Président. Écoutez, messieurs, je vais poser trois questions, et
vous répondrez par la suite.
Première
question : Combien de suspensions de permis d'exercice depuis cinq ans?
Est-ce que la formation des agronomes au MAPAQ est à jour? Et, dernière
question, on parle des dangers pour les agriculteurs qui utilisent des
pesticides, mais qu'en est-il des agronomes? À ma connaissance, ils sont aussi
dans le champ.
Le Président (M. Lemay) :
M. Duval.
M. Duval
(Michel) : Alors, je vais commencer par la dernière, les dangers. On
sait que les dangers sont là. On sait aussi
que, dans certains cas, les producteurs sont... ils ont tendance à minimiser,
hein, l'utilisation des pesticides, le danger quand ils s'exposent eux-mêmes. Certains ont des réticences à mettre des
gants ou des outils de protection. C'est des choses qui se mettent en
place de plus en plus.
Au MAPAQ, vous avez parlé de la compétence ou de
la formation?
M. Roy : De la
formation.
M. Duval
(Michel) : De la formation. Écoutez, peut-être demander au ministère
de l'Agriculture, nous, on est... Mais, écoutez, ici, nous, avec les agronomes, avec notre politique de
formation continue, on les encadre. On leur demande un minimum de formation continue à chaque année.
Maintenant, est-ce que c'est des gens qui sont tous... suffisamment de
gens qui sont spécialisés en phytoprotection
au niveau du ministère de l'Agriculture? On pense que non. Il devrait y en
avoir beaucoup plus que ce qu'il y a maintenant.
Et les suspensions,
je n'ai pas la réponse avec moi. Si ça vous intéresse, on pourra avoir les
informations un peu plus tard pour les transmettre à cette commission,
mais je ne les ai pas avec moi présentement.
M. Roy : Ça serait
apprécié.
Le Président (M. Lemay) :
Merci. M. le député.
M. Roy :
Bien, écoutez, en ce qui a trait à la formation continue des agronomes, je
pense que c'est un enjeu qui est extrêmement
important. Donc, vous nous dites qu'au MAPAQ il y aurait des améliorations à avoir
en termes de formation continue et de mise à jour en ce qui a trait à
l'utilisation des pesticides?
Le Président (M. Lemay) :
M. Duval.
• (16 h 30) •
M. Duval
(Michel) : ...manque de
ressources et pas nécessairement de formation. On manque de ressources. Les
gens qui sont là, dans certains cas, sont
très compétents. Les gens qui sont dans le Réseau d'avertissements
phytosanitaires sont très compétents, mais est-ce qu'il y en a suffisamment?
Le Président (M. Lemay) :
...député.
M. Roy : Merci beaucoup.
M. Duval (Michel) : C'est moi
qui vous remercie.
Le Président
(M. Lemay) : Merci beaucoup. Donc, merci beaucoup à vous d'avoir
participé aux travaux de la commission.
Je vais suspendre quelques instants afin de
permettre à M. Jocelyn Michon de prendre place. Merci.
(Suspension de la séance à 16 h 31)
(Reprise à 16 h 34)
Le
Président (M. Lemay) :
Alors, nous reprenons nos travaux. Et je souhaite la bienvenue à M. Jocelyn
Michon, en vous rappelant que vous avez 10 minutes pour votre exposé, puis
nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission.
Donc, vous pouvez y aller. La parole est à vous, M. Michon.
M. Jocelyn Michon
M. Michon
(Jocelyn) : Merci, M. le Président. Bien, bonjour à tous. Je suis agriculteur à La Présentation, près
de Saint-Hyacinthe. Cela fait plus de
40 ans que je m'efforce d'éliminer tout travail du sol. J'ai collaboré en
tant que formateur en semis direct dans presque toutes les régions du Québec.
J'ai même été appelé à partager à plusieurs reprises mon expérience en Ontario, en France et même en
Ukraine. Je vous remercie de me donner cette opportunité de parler de
sols vivants et performants qui nous conduisent à une réduction remarquable de
l'utilisation des pesticides.
Nous, les
producteurs en grandes cultures, faisons face à plusieurs défis qui
nécessitent notre attention. En voici quelques-uns :
la dégradation des sols fait la
manchette régulièrement, alors qu'on parle très peu des sols vivants et performants, les changements climatiques sont
perceptibles, ce qui nous oblige maintenant à anticiper plutôt qu'à réagir, la réduction des gaz à effet de serre implique
que l'agriculture doit y contribuer de façon significative; l'utilisation
rationnelle et raisonnée des pesticides et des fertilisants; l'effritement du
pouvoir de négociation des producteurs agricoles face aux supermarchés, qui est à un tel point qu'aujourd'hui nous devons nous contenter d'un maigre 4 % du prix affiché en épicerie sur certains produits.
Au travers de
tous ces enjeux, l'agriculteur est bien conscient que le développement durable
ne peut se faire qu'en conservant un
bon équilibre entre la rentabilité de son entreprise, la protection de son
environnement et sa qualité de vie.
Au cours des
50 dernières années, l'augmentation de la production céréalière a fait en
sorte que beaucoup de champs en
culture annuelle ont été soumis à des excès de travail du sol et à
l'augmentation démesurée de la grosseur des équipements. C'est là le plus grand malheur de notre
agriculture moderne, très loin devant les pesticides, qui sont, en fait, des
produits de protection de la santé des cultures.
Malgré toutes les nouvelles technologies et les
équipements sophistiqués offerts aux agriculteurs, il y a une conséquence malheureuse qu'on n'a pas su
évaluer : la santé des sols. Un sol déstructuré et compacté réduit
l'infiltration de l'eau, l'annulant dans
plusieurs cas, ce qui provoque le ruissellement vers les cours d'eau en
entraînant, par le fait même, des pertes en fertilisants, des pertes de
pesticides, des pertes de sols et, encore plus important, des pertes en eau
précieuse, essentielle à la croissance des
plantes. En conséquence directe, les sols dégradés perdent une bonne partie de
leurs capacités nourricières, et les plantes cultivées deviennent plus
susceptibles aux attaques des ravageurs.
Alors, pour
contrer la dégradation des sols, le semis direct permanent et des cultures de
couverture deviennent la solution à privilégier.
Ce système de culture se distingue par l'absence totale du travail du sol entre
la récolte et le semis. Le sol est
couvert en permanence par des résidus de culture et les cultures de couverture.
Parce qu'elles ne sont pas enfouies, les cultures de couverture
protègent le sol contre les intempéries, et leurs racines activent la flamme
microbienne du sol, améliorent la structure et recyclent les minéraux.
En l'absence
de travail du sol, on assiste à un rétablissement phénoménal de l'activité biologique
du sol, exactement comme on peut la
retrouver dans un écosystème forestier. Il en va de même pour les qualités
physiques du sol, qui s'améliorent grandement : augmentation de
matière organique, séquestration du carbone, meilleure stabilité structurale,
meilleure agrégation des particules de sol,
plus grande capacité d'absorption et de rétention de l'eau. Un sol vivant est
un sol performant. Par le fait même,
les plantes sont plus aptes à se défendre contre les ravageurs, que ce soient
des maladies ou des insectes. Il est même possible d'en arriver à se
passer entièrement des applications de fongicides et d'insecticides sur une
culture en croissance.
Un sol vivant
est un sol performant. Voici trois indicateurs de performance qui mettent en
valeur tout ce que j'ai cité précédemment.
Le premier tient compte du rendement maïs par hectare. En utilisant les données
de La Financière agricole, le
rendement moyen en maïs sur mon entreprise est de 11 % supérieur à la
moyenne de mon secteur et se classe dans les premiers 7 % des
meilleurs rendements au Québec.
En second
lieu, la fertilisation azotée est un élément important pour obtenir de bons
rendements. Selon l'industrie, un kilogramme
d'azote devrait produire 56 kilogrammes de maïs. Chez moi, sur mes sols vivants,
chaque unité d'azote appliquée permet une production de
95 kilogrammes de maïs, soit une augmentation de 70 % par rapport à
la norme reconnue.
Le troisième
facteur, celui que je préfère, met en évidence la productivité par rapport à la
consommation de carburant en faisant
le lien avec la réduction des gaz à effet de serre qui proviennent de
l'utilisation d'énergies fossiles et de l'oxydation du carbone contenu dans la matière organique. Dans
une rotation maïs-soya, la consommation moyenne de carburant est de 92 litres par hectare. Chez moi, c'est
32 litres par hectare, 92 contre 32. Et, en tenant compte du rendement
moyen en maïs au Québec, on établit
que chaque litre de carburant est relié à une production d'environ
100 kilogrammes de maïs. Chez moi, c'est quatre fois plus,
410 kilogrammes de maïs par litre de carburant utilisé.
Cela
signifie que le maïs... que le semi-direct permanent, combiné aux cultures de
couverture, permet d'améliorer la
santé des sols, d'atteindre des niveaux élevés de productivité, de réduire les
émissions de gaz à effet de serre et de favoriser la rentabilité.
Cependant, sur un sol fertile et non perturbé par les outils de travail de sol,
la bataille contre les vivaces, telles que
le pissenlit, chiendent, laiteron, prêle et asclépiade, nécessite l'utilisation
d'un herbicide efficace. Le glyphosate est actuellement le seul et unique outil à notre disposition pour répondre à
cette exigence. De plus, en se fiant au calculateur SAgE Pesticides, créé conjointement par les ministères
de l'Agriculture et de l'Environnement, ainsi que par l'Institut de santé publique du Québec, le
glyphosate est considéré comme l'un des produits les plus sécuritaires et dont
les indices de risques pour la santé et pour l'environnement sont parmi
les plus bas, incluant les biopesticides.
• (16 h 40) •
Advenant le
retrait éventuel du glyphosate, tel qu'exigé par certains groupes écologistes,
la seule alternative, pour ceux qui ont mis tant d'efforts afin
d'améliorer la santé de leur sol, serait de retourner au travail du sol. En
quoi cela répondrait-il aux objectifs d'une agriculture durable? Pourquoi faire
reculer un modèle qui cadre parfaitement dans la définition même de
l'agroécologie?
Par ailleurs,
il est possible de faire un lien entre les pesticides et les médicaments alors
qu'on trouve aussi des résidus de
médicaments dans les cours d'eau. S'il fallait exiger de la population
qu'elle réduise drastiquement sa consommation de médicaments, les conséquences seraient néfastes si rien n'était fait au
préalable pour qu'elle améliore sa santé physique. Et, même en parfaite santé, on ne peut mettre de côté
les progrès réalisés par la médecine afin de nous aider à maintenir une
bonne santé physique. Nous ne sommes jamais à l'abri d'infections de toutes
sortes. Il en va de même pour nos sols.
Si nous
voulons collectivement réduire l'utilisation des pesticides en agriculture, il faut d'abord et avant tout
mettre en place des pratiques culturales qui
vont permettre de remettre les sols en santé, favorisant ainsi une plus grande
résistance des plantes face aux insectes et
aux maladies. C'est d'autant plus important quand les changements climatiques
feront en sorte qu'il faudra accentuer la lutte contre de nouveaux
ravageurs des cultures.
Il est primordial qu'en élaborant des politiques
et réglementations, les ministères de l'Environnement et de l'Agriculture mettent au premier plan des outils
qui reconnaissent les résultats plutôt que des manières de faire, les
résultats en premier lieu. Avant d'établir les
politiques de réduction des pesticides, il faut d'abord cibler des politiques
de remise en forme de nos sols pour
les rendre plus résilients, plus en santé. Il faudrait aussi retrouver, dans
les programmes de soutien de revenu
et d'aide à l'investissement, une volonté d'assurer une continuité à long terme
des pratiques de régénération des sols.
Aujourd'hui,
cette hystérie collective dirigée contre l'utilisation des pesticides est
devenue source d'affrontements entre
citadins et agriculteurs, qui se sentent délaissés face à ces critiques venues
de toutes parts, alors qu'ils respectent les homologations ainsi que la
longue liste des règlements.
Il m'arrive
souvent de me demander où nous en serions maintenant si, 25 ans plus tôt,
nos gouvernements, notre syndicat
agricole, nos coopératives et nos institutions financières avaient mis de
l'avant des politiques qui encouragent la régénération des sols. Une chose est certaine dans mon esprit, c'est que
je n'aurais certainement pas eu à intervenir devant cette commission, puisqu'on aurait déjà démontré à
la population non agricole les bienfaits, pour la santé et
l'environnement, des pratiques liées à la
santé des sols plutôt que d'être confrontés à devoir calmer la tourmente qui
nous afflige actuellement. Merci.
Le
Président (M. Lemay) : Merci beaucoup, M. Michon, pour votre
exposé. Je cède maintenant la parole au député de Lac-Saint-Jean.
M. Girard
(Lac-Saint-Jean) : Alors, merci, M. le Président. Merci à
M. Michon. D'entrée de jeu, j'aimerais ça vous féliciter, vous faites partie du temple de la
renommée du Conseil de conservation des sols du Canada, et vous féliciter
aussi pour l'expertise que vous avez au niveau de la formation. Vous avez été
en France et en Ukraine. Donc, vous avez vu des choses là-bas.
Et, oui,
effectivement, le travail minimum du sol, on sait très... on sait que c'est
très, très important. Et ça contribue justement
à l'amélioration, à la qualité des sols. Ça contribue aussi au niveau de
plantes... plus en santé, tout ça. Excessivement intéressant, là, puis je ne veux pas tout prendre la parole, parce que
je sais que mes collègues ont beaucoup de questions à vous poser, mais... puis vous avez démontré aussi, puis
c'est des faits, que vous avez diminué aussi vos applications d'intrants
pour arriver au même résultat. Donc, on a la preuve, vous avez des faits.
C'est sûr et
certain qu'il y a une impasse, hein? La fameuse impasse, quand on dit :
travail minimum du sol, on ne travaille
plus le sol, donc, on ne peut pas faire des faux semis, entre autres, pour se
débarrasser du fameux chiendent, des plantes
vivaces qui se multiplient par rhizomes. Alors, vous devez intervenir avec un
produit de synthèse, qui est quand même bien contrôlé parce que vous avez des sols en santé. Donc, les plantes
sont plus en mesure de résister, plus en mesure de sortir du sol, faire un meilleur... couvrir plus
rapidement, donc minimiser l'impact aussi au niveau de mauvaises herbes. Et,
entre autres, quand on parle des mauvaises
herbes, bien, on sait... les herbicides, qui constituent 70 % de
l'utilisation des pesticides.
J'aurais aimé
calculer votre carboneutralité à ce niveau-là, en passant. Je ne sais pas si
vous avez fait le... vous avez été jusque-là, parce que vous parlez
beaucoup de réduction des GES.
Le Président (M. Lemay) : Non,
là, alors, M. Michon, allez-y.
M. Michon
(Jocelyn) : Au niveau
des GES, c'est certain qu'un des facteurs les plus importants au niveau
de la réduction des gaz à effet de serre, c'est ce qui vient de la
matière organique, le carbone qui est compris dans la matière organique. Et, à chaque fois qu'on brasse le sol,
on oxyde le carbone qui est dans le sol, et ça fait des CO2. Et il y
en a beaucoup. Justement, quand je
suis allé en Ukraine, j'en ai vu des immensités, de sols laissés à nu et je
trouvais ça vraiment triste. Ici, au Québec, il y a quand même un certain engouement
des producteurs à couvrir leurs sols. Il y a du travail à faire
énormément, là, mais je pense qu'on est quand même assez bien ici. Il y aurait
moyen de faire mieux.
Il y a le
fait aussi qu'on n'est pas tellement... pas aussi appuyés que d'autres peuvent
l'être, je pense, entre autres, aux
Américains dans le «farm bill», qui ont des montants alloués, ils signent des
contrats à long terme pour faire du semis direct, semer des plantes de couverture, des bandes riveraines et aussi
des bandes engazonnées. Puis ils sont même payés pour ne pas cultiver
des sols qui sont érodables. Ici, au Québec, on n'a pas vraiment ça pour nous
inciter à aller plus loin.
Le Président (M. Lemay) :
Alors, M. le député.
M. Girard
(Lac-Saint-Jean) : ...la parole. Seriez-vous capable, à l'heure qu'on
se parle, de vous passer de pesticides de synthèse?
M. Michon
(Jocelyn) : Actuellement sur la planète, il n'y a personne qui peut ne
pas faire de travail de sol et ne pas utiliser de pesticides. Ça
n'existe pas. C'est impensable.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
C'est tout pour moi.
Le Président (M. Lemay) :
Parfait, alors Mme la députée de Laviolette—Saint-Maurice pour votre question.
Mme Tardif :
C'est très intéressant, effectivement. Merci beaucoup d'être ici avec votre
expertise. Ça nous fait voir un volet
qu'il faut qu'on regarde aussi. Et vous avez parfaitement raison, et c'est
important que les gens le sachent, que la nature du sol et un sol en santé, c'est la clé d'une bonne culture.
Donc, de là... et les semis... la culture de couverture est par contre
aussi utilisée en agriculture biologique.
Et de semer
directement, comme vous le dites, le semis direct permanent, je crois que c'est
ce qu'on fait dans la culture de la
laitue aussi, parce qu'ils vont laisser les laitues un peu rouillées. Moi, je
trouvais qu'elles étaient belles, étaient bonnes, mais disons que, rendu sur le marché, on ne les
aurait pas choisies. Et c'est ça aussi qui fait que le consommateur est
tellement exigeant par rapport aux fruits et aux légumes qu'on veut avoir,
qu'il faut qu'ils soient toujours parfaits, donc, c'est difficile d'enlever le
glyphosate ou d'enlever les phytocides.
Par contre,
en culture biologique, vous nous dites qu'on reviendrait à quelque chose
d'ancestral, que ce ne serait pas rentable.
C'est ce que je comprends. Alors, moi, ce que je... nous, ce qu'on a constaté,
c'est qu'il y a quand même, au Québec, des modèles de ferme de
600 hectares, de 3000 hectares biologiques qui sont rentables et dont
les sols sont en santé. Donc, ça se peut.
Oui, ça a nécessité de l'investissement. Et il y
a aussi un mélange de ces cultures-là qui sont, je vous dirais semi-biologiques. Parce qu'à certains moments on
trouve des moyens pour diminuer l'utilisation des phytocides, un peu comme les exemples que vous apportez, avec des
plantes, avec... en semant des plantes qui vont pousser moins haut que
la compétition qu'on ne veut pas avoir.
Peut-être que la productivité diminue un peu, mais je vous dirais que ces
fermes-là sont très rentables.
Le Président (M. Lemay) :
M. Michon, pour votre réponse.
• (16 h 50) •
M. Michon
(Jocelyn) : Au niveau de la rentabilité, c'est possible que ce soit
rentable, mais puisqu'ils ont le double prix, même deux fois et demie le prix du conventionnel. Enlevez ce
prix-là, et ils ne sont pas rentables. La baisse de prix en... la baisse de rendement en grandes cultures à
l'échelle mondiale joue de 30 % à 70 % de baisse de rendement. De
30 % à 70 %. C'est bien difficile d'arriver avec ça. En
France, le blé conventionnel est à sept tonnes à l'hectare et le blé bio est à
trois tonnes à l'hectare.
Mais je ne
suis pas ici pour parler de biologique. J'ai des amis bio. Je vois qu'ils font,
j'en rencontre qui sont plutôt téméraires,
même. J'en connais un qui est en semis direct. Mais, en bio, avec des cultures
de couverture pour contrôler les mauvaises
herbes, ils sont toujours à risque de ne pas récolter. Et le rendement baisse.
Plus on s'approche du non-travail de sol
en bio, plus on est à risque de baisser nos rendements. Alors que... Moi, je
disais ça à mon ami Sébastien, je disais : Alors qu'avec un petit peu de glyphosate, juste un petit
peu, tu t'éviterais du travail de sol puis tu réussirais à faire des belles
choses. Parce qu'il fait des belles choses, c'est vraiment intéressant.
Mais, moi, ce
qui m'intéresse, c'est d'avoir un sol en santé. Puis ça, un sol en santé, on
l'a en absence de travail de sol. Puis, en bio, ça ne se fait pas, du
semis direct, en continu puis de façon rentable. Ça ne se fait pas.
Le Président (M. Lemay) :
M. Michon, je crois que Mme la députée, elle avait une question
complémentaire.
Mme Tardif : C'est correct,
merci. Je vais lancer la chance à quelqu'un d'autre. Merci.
Le Président (M. Lemay) : Ah!
parfait. À ce moment-ci, je cède la parole à Mme la députée d'Abitibi-Ouest.
Mme Blais
(Abitibi-Ouest) : Merci. M. Michon, lorsque j'ai lu votre
mémoire, ça me rappelle de beaux souvenirs, je me rappelle mon enfance. Alors, j'ai vécu sur une ferme, et c'était
dans les années 60, 70. Alors, sols en santé... Quand j'ai vu votre mémoire parlant des vers lombrics, ça me
rappelait beaucoup de mon enfance. Et je veux savoir... Dans le fond, on
retourne à nos racines, on n'invente pas la
roue, on retourne à nos racines. Et ce que j'aime bien, c'est un sol vivant,
un sol en santé. Par
contre, dans tout ce que vous dites, moi, je veux savoir : Chez vous,
est-ce que vos sols sont drainés? Parce qu'en Abitibi on n'a pas
beaucoup de drainage. On a des sols qui sont drainés, mais pas comme en
Montérégie.
Le Président (M. Lemay) :
M. Michon.
M. Michon
(Jocelyn) : Dans la région de Saint-Hyacinthe, pratiquement tous les
champs sont drainés. On est dans des
sols plats chez nous, et l'égouttement de surface se fait par des fossés qui
ont été creusés. Ce n'est pas des cours d'eau naturels, pas beaucoup, et
puis, non, tous les champs sont drainés.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Les
terres, ce sont des terres...
M. Michon (Jocelyn) : De
quel... Quel type?
Mme Blais (Abitibi-Ouest) : De
quelle qualité, la terre?
M. Michon
(Jocelyn) : J'ai de tous les types de sols. J'ai principalement un
loam argileux, j'ai aussi des argiles assez lourdes puis un sable léger
aussi.
Mme Blais
(Abitibi-Ouest) : ...avec l'hiver qui est difficile, il faut par la
suite mettre du «glycophosate», c'est ça?
M. Michon (Jocelyn) :
Glyphosate.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Glyphosate, excusez-moi.
M. Michon (Jocelyn) : On peut
dire Roundup aussi, c'est plus facile.
Mme Blais
(Abitibi-Ouest) : Roundup, oui, j'aime mieux. Alors, est-ce que vous
en mettez régulièrement annuellement? Combien de fois par année?
M. Michon
(Jocelyn) : J'en mets à tous les ans. J'en mets à tous les ans, puis
on pourrait l'appliquer une seule fois, mais moi, je coupe les doses en
deux, je l'applique deux fois.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Deux fois?
M. Michon (Jocelyn) : Oui, deux
petites doses.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Merci.
Le Président (M. Lemay) :
Allez-y. Vous pouvez poursuivre, Mme la députée, il n'y a pas de problème.
M. Michon
(Jocelyn) : Bien, pour compléter, il y a beaucoup d'autres herbicides
que je ne mets pas à la place, là.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Oui?
M. Michon
(Jocelyn) : Oui, le Roundup remplace beaucoup de produits qui sont
beaucoup plus à risque. On parlait tantôt
du calculateur SAgE Pesticides. Je l'ai fait, ce calcul-là. Je peux vous le
présenter, là. Le glyphosate, la quantité que j'applique, il y a un indice de risque pour la santé, au taux que
j'applique, de 38 et, pour l'environnement, de 4. Et, si j'ajoute un autre produit avec lui, pas un antigraminée,
bien là je monte à 145 et 134. Et, si on m'enlevait le glyphosate, je
devrais prendre un produit qui est à 114,33 et en utiliser deux autres qui
monteraient à 758 et 170, ce qui ferait que je serais à 872 et 203, selon le calculateur SagE Pesticides, contrairement au
glyphosate seul. Mais ce n'est pas une bonne chose de l'utiliser seul, parce qu'il y a un danger de
résistance des plantes, et on est mieux de l'accompagner. Puis, dans mon
secteur à moi, il y a une pression forte de sétaire géante et de morelle noire.
Alors, il faut que j'accompagne le glyphosate d'un autre produit.
Ça fait que 38 et 4 contre 872 et 203, c'est le
choix qu'on a à faire. Je pense qu'il est assez facile à faire.
Le Président (M. Lemay) :
Parfait. Mme la députée d'Abitibi-Ouest.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Vous avez vu, depuis les 40 ans, au niveau de la... au niveau de votre...
M. Michon (Jocelyn) : 46.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Pardon?
M. Michon (Jocelyn) : 46 ans.
Mme Blais
(Abitibi-Ouest) : ...46 ans, une évolution de votre sol ou une
rétrogradation. Pouvez-vous m'en parler?
M. Michon (Jocelyn) : Non, une
évolution.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Une
évolution.
M. Michon
(Jocelyn) : Une évolution. D'ailleurs, au départ, je n'aurais jamais
pensé que ça pourrait arriver à ce point-là.
Tout est facile aujourd'hui. Les semis se font facilement. Le sol... Bien, l'augmentation
de la matière organique... La matière
organique, c'est vraiment le point fort là-dedans, parce qu'on n'enfouit pas
les résidus, et ils ne sont pas brûlés, ils se décomposent et se transforment en matière organique. Et je suis passé
d'un taux de 1,6 % de matière organique à 3 %, 3,5 %, puis même du 4 % de matière organique. Donc,
ça rend le sol beaucoup plus souple, et les semis sont beaucoup plus
faciles.
Et, en ne
travaillant pas le sol, bien, les mauvaises herbes qui réussissent à passer,
bien, les semences tombent au sol et
elles pourrissent à la surface du sol plutôt qu'être enfouies puis être mises
dans un milieu où est-ce qu'elles pourraient revenir plusieurs années
plus tard.
Le Président (M. Lemay) :
Parfait. Mme la députée d'Abitibi-Ouest.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
C'est fini?
Le Président (M. Lemay) : Non,
non, allez-y.
Mme Blais
(Abitibi-Ouest) : O.K. Et, si on enlève le Roundup, on passe une
loi : Plus de Roundup au Québec, ça vous met dans quel état?
M. Michon
(Jocelyn) : Je vais vous le dire. On m'enlève le glyphosate, je
retourne au travail de sol. C'est ça qu'on a dit. Ça me coûterait 500 000 $ en machinerie, pour
commencer. Au niveau du carburant, ce serait une augmentation de 20 000 litres... 20 000 $ par année,
20 000 litres. En entretien machinerie, ce serait 15 000 $
de plus. Plus de machinerie, plus d'entretien, c'est normal.
Au niveau
des fertilisants, je devrais augmenter de 20 000 $... au moins
20 000 $ par année parce
qu'actuellement mon sol est tellement en santé que j'ai coupé de moitié ma
fertilisation. Au niveau de la phyto, bien, les produits de remplacement me coûteraient 30 000 $ par
année de plus. C'est quand même beaucoup. Puis j'aurais besoin d'un
employé saisonnier qui me coûterait
20 000 $. Ça fait que j'en suis à 105 000 $ par année
d'augmentation de frais et d'augmentation de machinerie de 500 000 $ par... pas par année mais en une
fois. Ça fait que c'est beaucoup d'argent quand même. Il faut y penser.
Puis, si on ajoute à ça l'indice de risque pour la santé, bien, moi, je pense
que je quitterais le travail.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
...votre méthode est-elle applicable dans plusieurs cultures du Québec?
M. Michon (Jocelyn) : Dans
plusieurs cultures?
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Dans plusieurs cultures au Québec.
M. Michon (Jocelyn) : Toutes
les grandes cultures.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Toutes les grandes cultures?
M. Michon
(Jocelyn) : Toutes les grandes cultures. Je fais du maïs en semis
direct, du soya en semis direct, des légumes
de conserverie. Comme des haricots et des pois qui sont faits en semis direct,
il n'y en a pas beaucoup, on est juste deux
dans les pois, puis je pense que je suis le seul à faire des haricots en semis direct.
Et mes rendements sont toujours parmi les
meilleurs parce que je n'ai pas de coup de chaleur, mon sol conserve plus
l'humidité et répond mieux aux excès d'eau et aux manques d'eau.
Le fait
d'avoir augmenté la matière organique de deux points ou presque, chaque pour
cent de matière organique me permet
d'avoir l'équivalent d'une pluie de 25 millimètres d'eau en réserve. Donc,
je peux économiser... je peux conserver 50 millimètres de pluie dans mon sol, dans ma matière organique,
pour passer les périodes sèches pendant l'été. Ça, là, c'est beaucoup.
C'est pour ça que mes rendements sont parmi les meilleurs...
Le Président (M. Lemay) :
Parfait. Mme la députée.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Merci beaucoup. Je laisse la place à mes collègues.
Le Président (M. Lemay) : Très
bien. M. le député de Lac-Saint-Jean, pour environ 1 min 30 s.
M. Girard
(Lac-Saint-Jean) : Bon, O.K. Combien d'acres possédez-vous? Combien
d'hectares cultivez-vous?
M. Michon (Jocelyn) : 236.
M. Girard
(Lac-Saint-Jean) : 236. Donc, on parle de 600, 650 acres. O.K.
M. Michon
(Jocelyn) : Je suis un peu en bas de la moyenne des producteurs.
M. Girard
(Lac-Saint-Jean) : 236... 600 acres. J'ai...
M. Michon
(Jocelyn) : 700 arpents.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Oui. J'ai lu aussi que vous travaillez avec le
Réseau d'avertissements phytosanitaires.
M. Michon
(Jocelyn) : Oui, je regarde ça un peu, oui.
M. Girard
(Lac-Saint-Jean) : O.K. Puis vous faites affaire avec des
clubs-conseils en agroenvironnement.
M. Michon
(Jocelyn) : Oui, j'ai un club-conseil en... Oui, je suis membre d'un
club, oui.
M. Girard
(Lac-Saint-Jean) : Oui. Bien...
M. Michon
(Jocelyn) : Bien, mon...
M. Girard
(Lac-Saint-Jean) : Allez-y.
M. Michon
(Jocelyn) : Bien, pour mon PAEF, mon Plan agroenvironnemental de
fertilisation, il est fait à ma coop. Mon bilan phosphore est fait à ma coop,
et, pour le club, c'est seulement pour des points particuliers comme du dépistage, justement, de vers fil-de-fer pour
savoir si j'ai besoin de néonics, et le dépistage a dit que je n'en avais pas
besoin.
M.
Girard (Lac-Saint-Jean) : O.K. Donc, le service de réseau
phytosanitaire est quand même... fait le travail, parce qu'on s'en sert
pour... au niveau de... ce que vous me dites, au niveau des seuils de
tolérance, des seuils d'intervention.
M. Michon
(Jocelyn) : Bien, je reçois...
M. Girard
(Lac-Saint-Jean) : À tous les... Comment ça fonctionne?
M. Michon
(Jocelyn) : Bien, je reçois par courriel l'information et je la lis ou
je ne la lis pas.
M. Girard
(Lac-Saint-Jean) : À tous les jours?
M. Michon
(Jocelyn) : Bien, je ne sais pas, peut-être. Ça revient souvent, je
trouve, oui, beaucoup. Je n'ai pas remarqué, mais au moins deux, trois fois par
semaine, je ne sais pas, peut-être, environ.
M. Girard
(Lac-Saint-Jean) : O.K. Mais c'est un outil intéressant. Est-ce que
c'est intéressant?
M. Michon
(Jocelyn) : Oui, oui, oui, je le regarde, je regarde les titres. Ce
n'est pas toujours des sujets qui m'intéressent, là, mais ce qui m'intéresse,
je le lis.
M. Girard
(Lac-Saint-Jean) : O.K. Donc, c'est intéressant.
Le
Président (M. Lemay) : Ceci complète la période avec la partie du
gouvernement. Je cède maintenant la parole à députée de Maurice-Richard.
Mme Montpetit :
Merci, M. le Président. Bonjour, M. Michon. Merci d'avoir pris le temps de
venir nous rencontrer. Bien, d'entrée
de jeu, je voudrais vous dire que moi, je partage vos inquiétudes sur toute la
question de la perte de fertilité des terres
au Québec. C'est un sujet dont, malheureusement, on parle trop peu, et j'espère
que cette commission va nous donner l'occasion d'en parler davantage.
Ceci
dit, j'ai beaucoup de questions à la lumière du témoignage que vous venez de
nous faire. Premièrement, là, on a établi l'espace de votre culture.
Vous cultivez quoi exactement, précisément?
Le Président
(M. Lemay) : ...M. Michon.
M. Michon
(Jocelyn) : Des cultures?
Mme Montpetit :
Oui.
M. Michon (Jocelyn) :
Du maïs, du soya en production de semences, je suis multiplicateur de semences,
et des haricots de conserverie. Les
beaux haricots extrafins, là, que vous mangez, que vous prenez en surgelé, là,
ils peuvent provenir de chez moi, et des pois aussi.
Le Président
(M. Lemay) : Mme la députée.
Mme Montpetit :
Je suis heureuse que vous puissiez venir témoigner devant nous, parce
qu'avec... du haut de vos 46 ans
comme agriculteur, vous pouvez certainement répondre à plusieurs de nos
questions, dont une, moi, qui... puis ce sera l'occasion de l'adresser,
mais vous avez dû, j'imagine, comme agriculteur, vous... J'imagine que vous
êtes capable de témoigner sur la perte de
biodiversité si ça fait 46 ans que vous êtes dans les champs. Je présume
qu'en termes de... On a parlé beaucoup des espèces aviaires mais aussi
des pollinisateurs qui sont quand même responsables de 33 % de notre
agriculture. Qu'est-ce que vous en pensez, de ça?
Le Président
(M. Lemay) : M. Michon.
• (17 heures) •
M. Michon
(Jocelyn) : C'est une bonne question. Je suis content que vous me la
posiez parce que, chez moi, je suis
impressionné par la biodiversité que
je peux avoir. J'ai plein de vers de terre chez moi, c'est entre 400 puis
900 vers par mètre carré, c'est beaucoup
de monde. 400 vers, ça représente une tonne à l'hectare de vers de terre. Et
puis les vers de terre sont à peu près
toujours... ils représentent toujours
environ 20 % à 22 % de
l'ensemble des micro-organismes qui vivent dans le sol, ce qui fait que j'aurais entre cinq et neuf tonnes de
micro-organismes dans mon sol. Ça fait que c'est pour ça que ça
fonctionne bien aussi.
Et,
dans mes champs, j'ai beaucoup de nids d'oiseau. C'est certain que, s'ils
viennent nidifier avant que je passe le semoir, la probabilité qu'ils passent à travers les roues du semoir sont
minimes. Après que je sois passé avec le semoir, après que mon fils ait passé avec le semoir, bien là ils
peuvent s'installer, puis j'ai beaucoup de nids d'oiseau dans mes
champs. Et, dans mes couverts végétaux qui fleurissent, bien, j'ai beaucoup
aussi de pollinisateurs...
Le Président
(M. Lemay) : Merci.
M. Michon
(Jocelyn) : ...beaucoup de pollinisateurs.
Le Président
(M. Lemay) : Mme la députée.
Mme Montpetit :
Donc, vous, comme agriculteur, en 46 ans, vous ne constatez aucune perte
de biodiversité sur le terrain.
M. Michon
(Jocelyn) : Chez moi?
Mme Montpetit :
Oui, juste par curiosité, parce que ça m'étonne un peu dans la mesure où, on
s'entend, vous êtes probablement le
seul au Québec à nous dire ça aujourd'hui. Donc, c'est juste... Est-ce qu'il y
a un microcosme autour de votre terre ou c'est de la façon dont... Vous
ne constatez aucune perte de biodiversité?
M. Michon
(Jocelyn) : Bon, premièrement, ce que je fais, moi, là, le semis
direct il n'y a personne qui vend ça. Il n'y a pas de vendeur de machinerie qui vend de semis direct. Il n'y a
pas de vendeur intrant qui vend de semis direct. C'est nous, les producteurs, qui avons décidé de le
faire. Puis on est environ 10 % à faire de semis direct, entre 8 % et
10 % à faire de semis direct
permanent, sans travail de sol, ce qu'on pourrait appeler sol vivant. Ce n'est
pas unique, là. Je suis peut-être celui
qui est ici aujourd'hui. J'ai écrit un mémoire, moi, pour un peu me défouler,
et vous l'avez bien accepté, je suis content d'être venu vous le montrer
et puis j'espère qu'il va y avoir des répercussions.
Mais,
en tout cas, chez moi, j'ai une haie brise-vent aussi, que je prends ma marche
régulièrement, et puis je suis accompagné de beaux monarques, j'aime
bien ça, des libellules. C'est magnifique, c'est magnifique.
Le Président
(M. Lemay) : Merci. Mme la députée.
M. Michon
(Jocelyn) : Le problème... Oui.
Mme Montpetit :
Je comprends, vos terres sont sur le bord de l'eau, à certains égards...
M. Michon
(Jocelyn) : Non.
Mme
Montpetit : Vous n'avez pas du tout... vous n'avez pas de bord d'eau.
M. Michon
(Jocelyn) : Non, je n'ai pas
de rivière. Non, moi, je suis à la mi-chemin entre la Yamaska et la
Richelieu. J'ai une partie de mes terres qui
s'en vont dans la Richelieu puis une autre partie... de l'eau de mes terres qui
s'en va dans la Richelieu, puis l'autre dans la Yamaska.
Mme Montpetit :
Parfait. Donc, vous n'êtes pas concerné du tout par la question du maintien des
bandes riveraines, là.
M. Michon
(Jocelyn) : Ah! c'est une
bonne question aussi. Un sol en semis direct non travaillé, on peut le
considérer comme une bande riveraine à la grandeur
du champ. J'en ai, des bandes riveraines aussi, parce que je trouve ça joli,
ça me permet de circuler quand je vais voir
mes champs l'été, j'ai des bandes de trois mètres, quatre mètres, cinq mètres.
Et puis, cet automne, on en fait une,
une spécialement, une bande fleurie, de 800 mètres de long, qui va prendre
quatre mètres de large pour la beauté de la chose.
Le Président (M. Lemay) : Mme
la députée.
Mme Montpetit : Je suis assez... Il me reste trois questions, en
fait, là, plus précisément, mais j'étais assez surprise de vous entendre dire qu'il est impossible de
faire de l'agriculture biologique,
là. Les membres de cette commission sont tous allés visiter... Bien, je pense qu'il est écrit noir sur blanc,
dans votre mémoire, qu'il est impossible de faire de l'agriculture sans
pesticide, c'est bien ça?
Le Président (M. Lemay) :
M. Michon.
M. Michon
(Jocelyn) : C'est impossible de faire du non-travail de sol et sans
pesticide, c'est ce que j'ai dit, parce que des producteurs en bio, en principe, n'utilisent pas de pesticide,
ils ont droit à des biopesticides. Puis, même là-dessus, aux États-Unis,
il y a 20 pesticides de synthèse qui sont homologués en bio.
Mme
Montpetit : Juste pour être clair, est-ce que vous convenez qu'il est
possible de faire... puis vous avez répondu à une collègue aussi de l'autre côté, peut-être que c'est moi qui erre
dans mon interprétation, est-ce qu'il est possible, oui ou non, de faire
de l'agriculture sans pesticide?
M. Michon
(Jocelyn) : Actuellement, sur la planète, il n'y a personne qui
réussit à faire du non-travail de sol sans pesticide. Ça ne se fait pas.
Mme Montpetit :
Mais est-ce qu'il est possible de faire de l'agriculture sans pesticide? Oui,
c'est juste, je ne veux pas mal vous citer.
M. Michon
(Jocelyn) : En bio, en bio, ils en font, avec les inconvénients avec.
Tout ce qu'on parle de santé de sol, bien, ça s'aggrave de ce côté-là.
Et puis la productivité qui s'aggrave aussi. On le sait...
Le Président (M. Lemay) : Mme
la députée, allez-y avec votre prochaine question.
Mme Montpetit :
J'étais un peu surprise, parce qu'on est allé visiter, entre autres, la ferme
Agri-Fusion, qui est quand même une
terre qui a plus de 3 000 hectares, hein, qui est la plus grande
ferme biologique au Québec, une des plus grandes au Canada aussi, qui réussit très bien. Pas que notre mandat est
vers le biologique, mais, comme on voulait voir une grande surface, une grande culture qui avait
réussi à faire une transition en utilisant moins de pesticides, je suis un peu
surprise, mais ça vient clarifier ce que vous dites.
Et vous avez parlé... c'est ça, vous avez évoqué beaucoup la question de
la fertilité des sols. Mais qu'est-ce que vous proposez exactement? Parce que je comprends bien l'enjeu, comme je
vous dis, je partage vos inquiétudes, mais, une fois qu'on a dit ça, au niveau des réglementations, au niveau de
l'encadrement que le gouvernement peut donner, comment vous pensez que les agriculteurs doivent être
accompagnés ou sensibilisés, ou éduqués? Pouvez-vous nous expliquer plus
spécifiquement? Parce que vous êtes un des
seuls, dans les prochains jours, qui allez vraiment... qui nous parlez
vraiment de cette question-là. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce qui doit
être fait pour que les agriculteurs portent une attention particulière à ça?
Le Président (M. Lemay) :
Alors, M. Michon.
M. Michon
(Jocelyn) : Bon, moi, je n'ai pas eu besoin d'incitatifs pour le
faire. J'ai voulu le faire et je l'ai réalisé. On a évalué les choses, puis, moi, c'était plus facile pour moi parce
que je détestais labourer. Ça a bien commencé. Puis je n'aimais pas me
promener dans les champs puis je n'aimais pas dépenser pour des opérations qui
étaient inutiles.
Maintenant, ceux qui tardent à adopter, il en
reste quand même... en tout cas, il y a 35 % des agriculteurs qui mentionnent faire une certaine forme de semis
directs. Puis, pour augmenter le nombre ou l'intérêt, moi, je pense qu'il
y a besoin d'incitatifs positifs. Le principe du bâton ou la carotte, là, moi,
je plus du côté carotte que côté bâton.
Et puis on a
quand même... dans le passé, j'ai réfléchi à qu'est-ce qui pourrait être fait,
et puis on a un outil ici, au Québec,
qui est La Financière agricole qui garantit des prêts agricoles et qui
pourrait tenir compte, dans les taux d'intérêt, du facteur santé des sols, sols vivants sous
condition que l'agriculteur soit accompagné par un agronome, qu'il ait suivi
une formation sur la santé des sols ou
assistée à des journées caravane des sols. Je ne sais pas si ça vous dit
quelque chose les journées caravane des sols. C'est organisé par
Odette Ménard, Louis Robert, que vous allez voir demain, et aussi Bruno
Garon, le spécialiste en compaction. Et, si
on veut aller voir dans les champs ce qu'ils font, leurs journées de champs
avec les producteurs, c'est vraiment
exceptionnel, c'est vraiment beau à voir. Ça fait que ça, ça pourrait être une
chose. Et, quand les producteurs vont demander un
prêt, bien, il pourrait avoir un avantage sur pour celui qui a déjà commencé à
prendre soin de son sol.
Il pourrait y
avoir aussi des rabais sur les tarifs d'assurance récolte. Moi, je paie... pour
mes haricots et mes pois, je paie un
montant exorbitant parce que c'est des cultures de courte saison, huit
semaines, et puis elles sont souvent sujettes à la météo au niveau des rendements. Et puis, souvent,
c'est des coups de chaleur, trop d'eau, pas assez d'eau, qui font en sorte
que les producteurs réclament de
l'assurance, alors que, chez moi, je ne réclame jamais. Je m'assure pour la
grêle ou pour le gel, mais je ne réclame jamais. Alors, là aussi, il
pourrait y avoir un avantage au niveau des taux d'assurance.
Puis il y a d'autres
choses qui se font ailleurs pour évaluer... pour aider les producteurs à
améliorer leur situation, là, au
niveau des sols. On travaille plus sur la finalité que sur le moyen. Puis,
là-dessus, il y a deux exemples que je voudrais vous donner. En Suisse, c'est une recherche qui est faite par le
Dr Matthias Stettler, qui, lui, a établi que la charge maximale à la roue, pas à l'essieu mais pour chaque roue,
devrait être de 3,5 tonnes et un 4 tonnes maximum par roue pour
obtenir le maximum des aides financières du gouvernement.
Aussi en
Suisse, il y a un autre projet qui est étudié, c'est qu'on veut réaliser... on
cherche un rapport de 1/17 entre la matière
organique puis le taux d'argile. C'est plus difficile de... les argiles, c'est
plus à risque de les abîmer, donc il faut qu'il y ait plus de matières organiques dans ces sols-là. Ça fait que, pour
avoir droit aux aides financières, parce qu'en Europe il y a beaucoup, et puis ici on n'a rien, bien, il
faut qu'il y ait un rapport 1/17 et puis un minimum... par exemple, à 40 %
d'argile, il faudrait qu'il y ait 2,35 % de matières organiques. S'ils ne
l'obtiennent pas, bien, faites des choses pour le monter.
Le Président (M. Lemay) :
Merci, M. Michon. Ceci termine l'échange avec l'opposition officielle. Je
cède maintenant la parole à la députée de Rouyn-Noranda—Témiscamingue.
Mme Lessard-Therrien :
Merci, M. Michon. Le semis direct, c'est quand même quelque chose que je
connais bien. On en a beaucoup qui en font dans ma région. Et je constate,
avec votre discours, que l'idée que les gens font souvent, d'opposer le semis direct à l'agriculture
biologique, c'est bien présent. Moi, j'aimerais savoir : Depuis que vous
utilisez le semis direct, est-ce que vous avez été capable d'établir le
pourcentage de réduction de l'utilisation de vos pesticides?
• (17 h 10) •
Le Président (M. Lemay) : Alors,
M. Michon.
M. Michon
(Jocelyn) : Ce n'est pas quelque chose que j'ai tenu, mais je n'utilise plus d'insecticide ni de
fongicide sur la culture en croissance et je
n'ai pas de néonics. C'est déjà pas mal. Au
niveau des herbicides, j'utilise le
glyphosate et je l'accompagne d'un antigraminée... la plus faible dose
d'un antigraminée résiduel.
Le Président (M. Lemay) : ...
Mme Lessard-Therrien : ...utilisez plus de glyphosate en quantité, ou je
ne sais pas comment il faudrait le chiffrer, versus tous les autres
insecticides, fongicides que vous utilisiez auparavant?
Le Président (M. Lemay) :
M. Michon.
M. Michon
(Jocelyn) : Ça n'a rien à
voir, le glyphosate, avec des fongicides et insecticides. Le glyphosate,
en fait, ce qu'il me permet, c'est de ne pas travailler le sol. C'est déjà une
bonne chose.
Mme Lessard-Therrien : Oui, je
comprends, mais, en termes de quantité, est-ce que vous notez une amélioration quand même
significative de l'utilisation de ces intrants-là l'un versus l'autre? Est-ce que
vous en utilisez plus ou moins? C'est ça, ma question.
Le Président (M. Lemay) :
M. Michon.
M. Michon
(Jocelyn) : Le glyphosate, il y a
une dose recommandée, et on le fait depuis toujours. On ne peut
pas diminuer la dose glyphosate. Avant le
glyphosate, j'utilisais des herbicides. J'avais pris pour habitude de faire des
doses réduites fractionnées. Malheureusement, ça ne peut pas être recommandé
par un agronome parce que ce n'est pas sur l'étiquette. Mais moi, je le
faisais. Je faisais deux fois 25 % de la dose... deux applications de
25 % pour faire 50 % de l'application.
Je faisais ça avant. C'était déjà... j'avais déjà commencé à réduire
l'utilisation des pesticides avant d'en arriver au glyphosate maintenant
qu'il y a des cultures OGM.
Le Président (M. Lemay) : Mme
la députée.
Mme Lessard-Therrien :
Oui. Tantôt, vous parliez des outils. Parce que j'ai un petit peu de
difficulté, là, dans votre mémoire,
vous parliez que les évaluations les plus optimistes prévoient une baisse de
rendement de l'ordre de 35 %. Il y a quand même... On a entendu d'autres intervenants, précédemment, qui
disaient qu'il n'y avait pas vraiment d'incidence sur le rendement des cultures, même que, plus souvent
qu'autrement, il y avait des gains, et surtout quand on peut vendre
notre production beaucoup plus cher. Et ces
intervenants-là nous sensibilisaient aussi sur le fait d'ajouter peut-être une
assurance ou de bonifier les assurances qui
sont déjà sur le marché auprès de la financière où, si vous utilisez les
méthodes de lutte intégrée, vous
n'utilisez pas de pesticide, vous cautionnez un fonds d'assurance qui vous
assure que, si jamais vous avez les pertes escomptées, bien, vous serez compensé.
Est-ce que ça ne serait pas là un facteur réconciliant pour vous, pour
vous tourner vers de l'agriculture sans pesticide?
Le
Président (M. Lemay) : Alors, M. Michon, je suis désolé.
Vous pourrez peut-être transmettre votre réponse au secrétaire, mais je
dois céder la parole au député de Bonaventure.
M. Roy :
Merci, M. le Président. M. Michon, en lisant votre mémoire, je trouvais ça
intéressant, le souci de la qualité du
sol. Mais je trouve ça... Bon, je trouve que vous avez des affirmations un peu
catégoriques, entre autres qu'on retournerait à une époque de grande famine si on arrêtait d'utiliser les pesticides.
Moi, j'aimerais savoir, par rapport à votre paradigme, à vos hypothèses, est-ce qu'il y a d'autres groupes
ou des chercheurs qui corroborent vos dires par rapport au fait que
c'est impossible de faire de la production bio sans travail du sol?
Le Président
(M. Lemay) : M. Michon.
M. Michon
(Jocelyn) : Vous voulez savoir quoi, au juste? S'il y a des chercheurs
qui corroborent ce que je dis?
M. Roy :
Vous nous dites que c'est impossible de faire de l'agriculture biologique sans
travail du sol.
M. Michon
(Jocelyn) : Sans travail de sol.
M. Roy :
Oui. Est-ce qu'il y a d'autres groupes qui appuient cette hypothèse?
M. Michon
(Jocelyn) : Bon, ici, au Québec, on a nos conditions climatiques. Si
j'étais à cinq heures plus au sud, avec
trois semaines de printemps de plus et trois semaines de l'automne de plus, je
pourrais établir des couverts végétaux plus intéressants que ce qu'on peut faire ici, au Québec. Et c'est avec les
couverts végétaux que les biologiques, les producteurs biologiques tentent de réduire le travail de sol
et c'est avec ça aussi que je tente de réduire l'utilisation des pesticides,
mais on n'y arrive pas, personne. Et, la
production biologique, plus on s'approche du non-travail de sol, plus on est à
risque de ne pas récolter. Je
pourrais vous donner des exemples. On a un de mes bons amis qui s'approche du
semis direct, avec une fertilisation, avec du fumier du poulet, qui a
réussi à sortir trois tonnes à l'hectare. Moi, avec le même exercice, en non-travail de sol sur sol vivant, avec
50 unités d'azote qui provient de fumier de dindon, j'ai sorti
12 300 kilos. On est là.
Le Président
(M. Lemay) : M. le député, allez-y.
M. Roy :
Ma question : Est-ce qu'il y a d'autres groupes, des chercheurs, des
scientifiques qui corroborent vos hypothèses à savoir qu'on ne peut pas faire
d'agriculture biologique sans travailler le sol?
Le Président
(M. Lemay) : M. Michon.
M. Roy :
Donc, je cherche une validation par les pairs. C'est comme ça que ça fonctionne
en science.
M. Michon
(Jocelyn) : Oui, je sais, je comprends. Mais vous savez que les
agriculteurs, ce qu'ils font chez eux, ça passe avant la recherche. Les
chercheurs confirment ce que les agriculteurs ont trouvé dans beaucoup de cas.
Et
il y a des chercheurs, je pourrais vous nommer des noms, il y a
des personnes importantes, il y a Lucien Séguy, qui est un Français qui a
fait le tour du monde et puis que lui, il donnerait à glyphosate... à Monsanto
pour avoir sorti le glyphosate, qui a permis
à 170 millions d'hectares sur la planète de ne pas être
travaillés, de ne pas avoir de travail de sol, pour améliorer la santé
de ces sols-là. Lui, il va vous le dire qu'on est mieux d'avoir un petit peu
d'herbicide. Lucien Séguy...
Le Président
(M. Lemay) : M. Michon, je dois vous interrompre. Merci pour
votre contribution aux travaux de la commission.
Je
suspends les travaux quelques instants afin de permettre aux représentants de
La Coop fédérée de prendre place.
(Suspension de la séance à
17 h 16)
(Reprise à 17 h 18)
Le Président
(M. Lemay) : Alors, nous reprenons nos travaux. Et je souhaite maintenant
la bienvenue aux représentants de La Coop
fédérée en vous rappelant que vous disposez de 10 minutes pour faire votre
exposé. Ensuite, nous procéderons
avec la période d'échange avec les membres de la commission.
Donc, je vais vous inviter à vous présenter, ainsi que les gens qui vous
accompagnent, puis vous pourrez y aller avec votre exposé. La parole est à
vous.
La
Coop fédérée
M. Desroches (Gaétan) : Merci, M.
le Président. Mme la vice-présidente, Mmes, MM. les membres de la commission,
je me présente, Gaétan Desroches, je suis chef de la direction de La Coop
fédérée depuis cinq ans. Je suis accompagné par M. Sébastien Léveillé, qui est vice-président exécutif de La Coop fédérée et chef de la direction de Sollio Agriculture, qui est notre division agricole. Nous
sommes tous deux agronomes de formation et travaillons à La Coop fédérée depuis respectivement
39 ans et 17 ans. Nous sommes aussi accompagnés de M. Alexandre
Mailloux, agronome et directeur de la
recherche et du développement des productions végétales chez Sollio
Agriculture, qui travaille notamment à notre ferme de recherche située à
Sainte-Rosalie.
D'entrée de
jeu, je tiens à remercier les membres de la commission de l'opportunité qui est
donnée à La Coop fédérée de faire
connaître son point de vue sur le sujet complexe qu'est l'utilisation des
produits de protection des cultures au Québec.
L'organisation que je représente existe depuis
près de 100 ans, et, depuis près de 100 ans, nous travaillons à la prospérité des familles agricoles. Nous sommes une
fédération de coopératives agricoles et agroalimentaires canadiennes qui compte 57 coopératives, lesquelles
regroupent 120 000 membres.
Nous travaillons au développement d'une agriculture québécoise rentable
et durable par-dessus tout. Notre mission est de contribuer à nourrir le monde.
Nous tenions
à être ici aujourd'hui, car nous savons que, si nous faisons partie du
problème, nous faisons forcément partie
de la solution. Le débat des derniers mois a polarisé la société, certes, mais
il a aussi pavé la voie à une réflexion plus que nécessaire. Cette
réflexion, nous, La Coop fédérée et sa division agricole Sollio Agriculture,
nous l'avons aussi entreprise à l'automne 2018 en continuité avec nos
premiers gestes posés en ce sens en 1995.
L'agriculture est maintenant plurielle, et
toutes les agricultures, qu'elles soient de niche, bio, de proximité ou
conventionnelles, seront nécessaires pour répondre aux attentes de chacun et
relever le défi de nourrir une population croissante dans des conditions
climatiques de plus en plus volatiles.
Je cède maintenant la parole à mon collègue,
M. Sébastien Léveillé.
• (17 h 20) •
M. Léveillé (Sébastien) :
Merci, M. le président. Je trouve qu'il y a quelque chose de rassurant dans
l'intérêt renouvelé pour la réalité
agricole. Le débat nous amène cependant à réaliser qu'il semble exister deux
solitudes au Québec, celle des ruraux
et celle des urbains. D'un côté, nous retrouvons les producteurs agricoles.
Comme ils le disent eux-mêmes, ils empruntent la terre à la génération
qui suit. Les impacts des produits de protection des cultures sur leur santé et
l'environnement les préoccupent. Je vous
mets au défi de trouver un producteur qui gaspillerait son argent et sa terre
léguée de ses parents et héritage pour sa propre famille.
L'autre, nous
avons les urbains, soucieux, comme nous tous, de leur alimentation, leur santé
et de l'environnement et animés d'une
vision souvent romantique de l'agriculture. Les producteurs agricoles savent
qu'il existe trois impératifs. Premièrement,
la santé de leur famille, deuxièmement, l'environnement et enfin,
troisièmement, des aliments sains, de qualité, à coûts abordables pour les Québécois. Le coût des aliments est en fait
le grand défi, car nous sommes dans un contexte de concurrence internationale. Une offre alimentaire
de qualité et abordable permet d'acheter des produits du Québec plutôt
que ceux importés où il est bien souvent impossible de bien connaître les
pesticides utilisés.
À travers les
années, nous avons anticipé les changements. Nous avons su nous moderniser et
prendre des décisions pour demeurer
pertinents auprès de nos producteurs agricoles et de la société québécoise.
Nous le faisons pour développer une
agriculture prospère et pour contribuer à réduire l'angoisse des producteurs
quant à leur avenir et celui de leur famille. La transition vers une agriculture plus durable est déjà amorcée, mais nous
devons être prudents afin qu'elle ne se fasse pas au détriment de la productivité. Une approche
scientifique est à privilégier pour relever ce défi. Notre présence
quotidienne sur le terrain nous permet
d'identifier les avenues les plus porteuses pour l'avenir de l'agriculture,
c'est notre profonde conviction.
L'innovation caractérise chacune de ces avenues.
Les nouvelles technologies nous amènent à transformer nos pratiques. Un exemple concret : notre
plateforme AgConnexion, qui compte 11 600 fermes connectées au
Canada. Cette plateforme est un outil
diagnostique de santé des sols qui permet la transparence des actes
agronomiques. À l'aide de photos satellites,
elle rassemble les données relatives à la fertilisation et à la protection des
cultures, la présence de ravageurs, les diagnostics de compaction de sols ou d'irrigations, les résultats
d'épandage de produits en fonction d'une foule de facteurs.
Notre
plateforme numérique constitue un premier pas envers ce qu'on appelle
l'agriculture de précision. Appliquer un
traitement uniformément sur un champ n'a aucun sens lorsque seulement une
partie devrait être traitée, tant d'un point de vue économique qu'environnemental. Il existe cependant des freins au
développement de l'agriculture de précision. Si la technologie permet d'accumuler de plus en plus de données sur
l'utilisation des produits, le changement des pratiques aux champs se
fait attendre. Pour accélérer l'implantation de l'agriculture de précision, il
faut accélérer la numérisation de l'agriculture. Nous croyons que la création
d'un programme de crédits d'impôt favoriserait cette action.
Il faut
ensuite faciliter l'application localisée de produits. Pour y parvenir, il faut
attirer les fabricants de machinerie agricole
de précision pour que le Québec devienne un marché intéressant pour eux. La
création d'un programme incitatif visant
la mise à niveau des équipements pour les producteurs agricoles est aussi un
facteur de succès pour les encourager à prendre ce virage. Une agriculture précise, intelligente, le bon produit,
la bonne dose au bon endroit et au bon moment, pour nous, c'est à la
base d'une agriculture de précision et durable.
Vous pouvez constater que l'innovation est
essentielle, mais, pour innover, il faut d'abord comprendre la réalité agricole
et, pour comprendre la réalité agricole, il faut être sur le terrain.
Ceci nous
amène à parler du statut de l'agronome, qui joue un rôle clé dans l'innovation.
Nous croyons qu'il existe une seule catégorie d'agronomes. Qu'ils
travaillent pour un distributeur d'intrants agricoles ou non, tous les
agronomes reçoivent une formation
universitaire équivalente, sont encadrés par le même ordre et sont soumis au
même code de déontologie. La présence
d'agronomes oeuvrant dans nos entreprises est vitale pour l'industrie agricole, puisque
c'est de la réalité des producteurs agricoles qu'émergent les réelles
innovations à la ferme.
Nous
sommes ensuite les mieux placés pour influencer les manufacturiers dans le bon
sens, puisque nous distribuons leurs
produits. Ce transfert de connaissances se fait également vers nos chercheurs
ainsi que les institutions scientifiques qui sont nos partenaires. Nos agronomes sont une courroie de transmission.
Ils sont des catalyseurs du transfert technologique à la ferme en appliquant une méthode d'essais
pratiques des produits utilisés par leurs clients, et ce, grâce à la confiance
qu'ils ont développée avec eux.
Sollio
Agriculture approvisionne la ferme en intrants de culture. En tant que plus
grand joueur au Québec, nous avons à pratiquement toutes les gammes de
produits de tous les fournisseurs, produits biologiques, produits de protection
des cultures, nouvelles technologies,
plateformes numériques, objets connectés. Ainsi, nos agronomes ont la liberté
d'écouter les producteurs agricoles tout en conservant une totale liberté face
aux fabricants.
Cela
dit, nous sommes d'accord avec le principe que l'acte agronomique doit se faire
en toute indépendance. La R&D est
nécessaire et fondamentale et elle devient toutefois efficace lorsque le transfert
de connaissances quitte le laboratoire pour
la réalité de la ferme. Si nous coupons ce lien entre la recherche et le
terrain, nous freinons l'innovation et augmentons l'angoisse des
producteurs, tout simplement.
M. Desroches
(Gaétan) : Depuis plus de 20 ans, les enjeux entourant la
protection des cultures ont été l'objet de réflexions constantes, d'investissements, de protocoles d'entente,
d'ateliers et de conférences. La Coop fédérée est convaincue que la solution passe par les progrès
scientifiques, tant au chapitre des solutions agronomiques qu'à l'intégration
de nouvelles générations de
biotechnologie, par la robotisation et par le développement d'applications et
d'outils d'aide à la prise de décisions utilisant l'intelligence artificielle
et des conseils agronomiques de grande qualité.
L'innovation
nous permettra d'aller dans le bon sens pour continuer le développement d'une
agriculture québécoise rentable et
durable pour tous. Celle-ci ne saurait toutefois se concrétiser sans trois
conditions nécessaires : la familiarité entre les agronomes oeuvrant chez nous, les producteurs
et les manufacturiers pour concrétiser le transfert technologique,
l'appui du gouvernement pour le respect des
réglementations existantes et pour le développement et... de l'innovation et le
soutien des Québécois à leurs producteurs agricoles en privilégiant leurs
produits dans leur panier d'épicerie.
M. le Président, Mme
la Vice-Présidente, Mmes, MM. membres de la commission, je vous remercie.
Le
Président (M. Lemay) : Merci. Donc, nous entamons la période
d'échange avec la partie du gouvernement, et je cède la parole au député
de Lac-Saint-Jean.
M. Girard
(Lac-Saint-Jean) : Merci, M. le Président. Merci pour votre exposé.
Merci aussi d'avoir déposé un mémoire
et de participer aux audiences. D'entrée de jeu, je regardais un petit peu,
dans votre mémoire, bien, quand je l'ai lu, que vous avez 14 000
employés. C'est à la grandeur du Canada?
M. Desroches
(Gaétan) : ...14 000 employés à travers le Canada dans les trois
divisions, c'est-à-dire Olymel, qui est la division transformation des
viandes, BMR, qui est les quincailleries, et Sollio Agriculture.
Le Président
(M. Lemay) : M. le député.
M. Girard
(Lac-Saint-Jean) : Au Québec? Combien d'employés au Québec?
M. Desroches
(Gaétan) : Environ 10 000.
M. Girard
(Lac-Saint-Jean) : O.K. Et, sur les 10 000, combien d'agronomes?
M. Desroches
(Gaétan) : On va laisser monsieur...
M. Léveillé
(Sébastien) : Chez Sollio
Agriculture, on a 75 agronomes, mais il faut comprendre, M. le député, que c'est l'ensemble des
coopératives locales qui emploient beaucoup, beaucoup d'agronomes. Donc, on augmente à près de
300 agronomes au Québec lorsqu'on compte tous nos réseaux au Québec.
M. Girard
(Lac-Saint-Jean) : O.K., O.K. Et,
bon, écoutez, bien, êtes-vous en mesure un peu de m'expliquer
le système de rémunération de vos agronomes?
Le Président
(M. Lemay) : M. Léveillé.
M. Léveillé
(Sébastien) : Je peux commencer, M. le Président, par vous parler de
la rémunération de chez Sollio Agriculture.
À La Coop fédérée, il n'y a aucun agronome qui a une rémunération basée, par
exemple, sur les volumes de vente, ou par bonification sur des volumes,
ou des augmentations de quantités de produits, ou quoi que ce soit.
Par contre,
actuellement, ce qu'on fait, c'est qu'on fait un inventaire de l'ensemble de la
rémunération des coopératives. Il faut
comprendre qu'une coopérative locale est une entreprise indépendante, qui est
dans notre réseau, mais qui est une entreprise indépendante. Mais ce
qu'on fait présentement, c'est faire un recensement de l'ensemble de la rémunération. On a fait aussi l'embauche d'un
groupe d'éthiciens qui va nous donner un coup de main avec l'information
qu'on va recevoir de ce recensement-là. Il
va y avoir un plan d'action qui va être déposé. On va être capables de
l'adresser, là, dans les prochaines semaines, là, suite à ça.
Le Président
(M. Lemay) : M. le député.
M. Girard
(Lac-Saint-Jean) : O.K. Mais on convient quand même tous que le
chiffre d'affaires et important. Donc, il faut quand même avoir des
revenus pour la coop et quand même vendre aussi.
Le Président
(M. Lemay) : Allez-y, M. Desroches.
M. Desroches
(Gaétan) : Je voudrais juste faire une précision. Je comprends ce que
vous dites, mais les ventes de pesticides, chez nous, sur le chiffre
d'affaires de 6,3 milliards, ce n'est pas beaucoup, c'est moins de 1 %.
Le Président
(M. Lemay) : Alors, M. le député.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) : O.K. Est-ce que vous faites... vos agronomes
aussi font des bilans phosphore, des PAF?
• (17 h 30) •
M. Léveillé
(Sébastien) : Oui, tout à fait, ça fait partie des services que les
coopératives locales offrent.
M. Girard
(Lac-Saint-Jean) : O.K.
Donc, vous comprendrez que, tout à
l'heure, on a eu... l'Ordre des
agronomes qui sont venus, et, entre autres,
la question était justement les agronomes, là, qui sont liés au niveau des
entreprises, toute la question de
l'apparence de conflit d'intérêts qui est soulevée à ce niveau-là. Et on en
parle énormément, là, au cours des dernières semaines, des
derniers mois, de cette situation-là. Alors, c'est le pourquoi...
Est-ce que
vous avez... Il y a un code d'éthique au niveau des agronomes. Mais,
vous, chez vous, au niveau de la coop, avez-vous aussi un code d'éthique
différent ou supplémentaire pour encadrer vos agronomes?
Le Président
(M. Lemay) : Parfait. M. Desroches.
M. Desroches
(Gaétan) : Oui. À la Coop
fédérée, on a un code d'éthique pour tous nos employés. À chaque année, il y a
une révision, puis, lorsqu'ils sont embauchés, ils signent le code d'éthique,
et puis, à chaque année, il y a une évaluation en fonction du code
d'éthique.
Le Président
(M. Lemay) : Parfait. M. Léveillé en complément.
M. Léveillé
(Sébastien) : En complément,
M. le Président, j'ajouterais que le code de déontologie de
l'agronome, pour tous nos agronomes, est non
négociable. C'est-à-dire que les agronomes se doivent de respecter le code
de déontologie en premier lieu. On
prône très certainement que la relation entre un conseiller agronome et
son client est une relation de conseil.
Maintenant,
comme je vous ai dit un peu plus tôt, ce qu'on a tenté de faire, là, pour bien
comprendre le modèle ou l'apparence
de conflit dont vous parlez, M. le
député, bien, présentement, avec l'aide de ce groupe d'éthiciens là, on va tenter de faire un bilan de ce qui se passe en
termes de rémunération, notamment, puis être capable de bien comprendre le
lien que les agronomes peuvent avoir avec
les agriculteurs pour qu'on réaffirme avec notre monde que c'est un mandat de
conseil qu'on veut que les agronomes puissent avoir avec les agriculteurs.
Le Président
(M. Lemay) : Parfait. M. le député.
M. Girard
(Lac-Saint-Jean) : Merci. Est-ce que vous offrez de la formation
annuellement, quotidiennement, à vos agronomes?
Le Président (M. Lemay) :
Oui, est-ce que... M. Léveillé, allez-y.
M. Léveillé
(Sébastien) : Absoulument.
Tout à fait. On a de la formation à plusieurs moments de l'année pour
nos agronomes pour leur donner les meilleures pratiques de toutes sortes de
sujets, effectivement.
M. Girard
(Lac-Saint-Jean) : Merci. Je vais y aller un petit peu plus au niveau
de l'ARLA maintenant. Je vais changer
de sujet, mais ça se ressemble quand même, là. Il y a beaucoup de groupes, tout
à l'heure, qui... on en a parlé au niveau du fédéral, l'ARLA, l'homologation. J'aimerais avoir votre opinion,
votre point de vue, là, je voulais avoir le point de vue de la coop
là-dessus, au niveau de l'homologation au niveau de l'ARLA.
Le Président
(M. Lemay) : Alors, M. Léveillé.
M. Léveillé
(Sébastien) : L'opinion que je peux vous donner à ce stade-ci, c'est
qu'on respecte les instances fédérales en place. Et on n'est pas là pour donner
des leçons à l'ARLA ou aux instances gouvernementales sur leur efficacité d'homologation de produits. Ce qu'on
dit, c'est qu'on fait confiance aux instances fédérales, tout
simplement, là, pour l'instant.
Le Président
(M. Lemay) : Parfait. M. le député.
M. Girard
(Lac-Saint-Jean) : Merci. La coop ne fabrique pas de produits... de pesticides.
M. Léveillé
(Sébastien) : Oui. La coop est un distributeur de pesticides. Donc, la
coop ne fait pas de molécules de pesticides.
Cependant, ce qu'on a, on a une petite entreprise qui est basée dans le Canada
anglais, à Winnipeg, qui fait des génériques, en fait. Mais c'est que,
donc, la Coop fédérée ne fabrique pas de molécules de pesticides du tout.
Le Président (M. Lemay) : M. le
député.
M. Girard
(Lac-Saint-Jean) : Et je reviens à l'ARLA. Au niveau de l'homologation
des produits, tout dépendamment avec les cahiers de charge, vous en
pensez quoi?
Le Président (M. Lemay) :
Alors, M. Léveillé, allez-y.
M. Léveillé
(Sébastien) : Encore une fois, ce que je peux vous dire là-dessus,
c'est que, dans le contexte actuel, on a confiance aux instances du fédéral parce que c'est le seul moyen pour
nous de répondre aux questions sur l'homologation. Donc, on a confiance actuellement à ce qui se
passe à l'ARLA jusqu'à preuve du contraire. Mais, pour le moment, la
Coop fédérée a toujours respecté ce que faisait l'ARLA en termes d'homologation
de produits.
Le Président (M. Lemay) : M. le
député.
M. Girard
(Lac-Saint-Jean) : Et, d'un point de vue provincial, vous vous situez
où au niveau de la province par rapport à l'ensemble des autres
provinces en termes de respect, en termes d'application, en termes de
prescription?
Le Président (M. Lemay) :
M. Léveillé.
M. Léveillé (Sébastien) : En
fait, je vous dirais, le Québec, pour notre réseau à nous, pour le réseau de
Sollio-Agriculture, quand on parle du réseau
de Sollio-Agriculture, pour vous situer, là, c'est le réseau des coopératives
au Québec, le réseau des agrocentres,
qui est aussi un réseau de Sollio-Agriculture, à l'extérieur du Québec, c'est
un réseau de partenaires. Donc, c'est
un réseau de coentreprises qu'on possède. Mais, au Québec, on a beaucoup plus
de services qu'à l'extérieur du Québec.
Donc, on a des accompagnements pour les PAEF, les bilans phosphore. On a plus
de possibilités, en fait, de services auprès
des... pas des producteurs, auprès de nos membres. Évidemment, c'est nos
membres fondateurs. On est à l'origine, on est au Québec. Par contre, de
plus en plus à l'extérieur du Québec, on tente effectivement d'amener des
services à valeur ajoutée aux agriculteurs pour les aider de toutes
sortes de facettes de leur entreprise.
Le Président (M. Lemay) :
Parfait. Monsieur...
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
...comme j'avais des collègues, M. le Président... je passerais la parole à...
Le Président (M. Lemay) :
Excellent. Donc, à ce moment-ci, je cède la parole au député de Dubuc.
M. Tremblay : Merci, M. le Président. Bonsoir, messieurs. La
Coop fédérée a bientôt 100 ans. Spectaculaire. Vous aurez sans doute droit aux segments de téléroman
sous peu. Dites-moi, vous faites allusion à des efforts accrus qui
devraient être consentis par Québec pour
évaluer les bandes riveraines à risque de pollution des cours d'eau par les
pesticides puis vous le placez dans
un contexte de topographie par rapport, probablement, aux bassins versants. On
a parlé un petit peu plus tôt aussi de 140 municipalités qui
s'impliquent, et puis vous faites référence au fait de le vivre avec la
collaboration des municipalités. Dans le
fond, ma question est assez simple : Est-ce que les municipalités sont
outillées, à l'heure où on se parle, pour être partenaires dans cette
démarche-là?
Le Président (M. Lemay) :
M. Léveillé, allez-y.
M. Léveillé
(Sébastien) : Merci, M. le Président. En fait, ce qu'on dit, c'est
qu'il y a probablement place à resserrer un peu la réglementation, resserrer surtout peut-être les contrevenants,
s'assurer qu'on encourage aussi les agriculteurs. Je suis assez d'accord aussi à apporter plus le
modèle de la carotte que du bâton. Donc, si les producteurs agricoles
pouvaient obtenir de l'aide pour
compenser... Vous savez, dans la région de Saint-Hyacinthe, les terres peuvent
coûter jusqu'à 20 000 $ de
l'acre, hein? Donc, c'est certain que c'est ces arguments-là qui sont tout le
temps sur la table. Tu sais, il faut appeler un chat, un chat. C'est toujours ces arguments-là qui sont sur la table.
Donc, c'est dans cet esprit-là qu'on parlait des mesures pour aider les producteurs agricoles à respecter
davantage les bandes riveraines. Et, pour nous, c'est essentiel. On
pense que c'est une bonne pratique, une bonne mesure qu'il faut faire
respecter.
Le Président (M. Lemay) : M. le
député.
M. Tremblay : Merci, M. le Président. Autre question. Vous
faites allusion, en début mais aussi en conclusion, aux conditions climatiques plus volatiles dans notre
contexte. Est-ce que vous pourriez préciser davantage quel type d'impact
que ça a? Vous faites allusion à l'élément.
Ça doit être un indicateur quand même reconnu aussi, là. Comment c'est
documenté?
Le Président (M. Lemay) :
M. Léveillé ou M. Desroches? Allez-y, M. Léveillé.
M. Léveillé
(Sébastien) : En fait, M. le Président, on a l'impression qu'on n'a
plus... Des fois, on se dit... en agriculture,
on se dit : Bien, cette année, ce n'est pas une année normale. On a
l'impression qu'il n'y en a plus beaucoup, des années normales. On a la chance de voir l'agriculture dans l'ensemble du
Canada et on voit que la pression sur les agriculteurs pour faire leurs semis au printemps est de plus en
plus importante. Et, pour des détaillants comme nous, des détaillants
qui doivent être auprès des producteurs,
être proches d'eux, leur donner les intrants nécessaires aux cultures, on sait
que, souvent, les printemps, là, ils
nous laissent six, sept, huit jours, là, pour être capables de faire les semis
à la grandeur du territoire du Québec,
là. Donc, c'est à ça qu'on fait référence, hein? Ça met énormément de pression
sur les agriculteurs. Puis c'est vrai ici, au Québec. Je vous assure,
pour avoir la chance d'être un peu partout au Canada, c'est vrai partout.
Le Président
(M. Lemay) : Parfait. M. le député.
M. Desroches
(Gaétan) : Rappelez-vous, ce printemps au Québec...
Le Président
(M. Lemay) : Oh! M. Desroches, allez-y.
M. Desroches
(Gaétan) : Excusez. Je voulais juste dire : Rappelez-vous le
printemps, au Québec, qu'on a eu.
M. Léveillé
(Sébastien) : C'était très humide, supersec au mois de juillet.
M. Desroches (Gaétan) :
C'est ça.
Le Président
(M. Lemay) : Parfait. M. le député de Dubuc.
M. Tremblay : Autre question. Vous venez de parler des détaillants. Vous proposez de
les faire auditer. Qui, selon vous, pourraient être les mieux placés à
procéder?
Le Président
(M. Lemay) : M. Léveillé.
M. Léveillé
(Sébastien) : Bien, c'est une bonne question. Dans le mémoire, on vous
propose un comité multipartite. Évidemment, ce sera peut-être à
préciser, mais on pense que, si on avait un comité multipartite dans lequel on
pourrait impliquer des universités
là-dedans, il y a quelques exemples qui existent à l'extérieur du Québec, mais
ça permettrait, entre autres, aux
détaillants de se discipliner aussi dans la mesure où ils font notamment de
l'arrosage à forfait, mais ils font aussi de la recommandation pour les agriculteurs, et puis s'assurer que les
détaillants comprennent bien ce qu'ils font en termes de recommandation
de pesticides et, dans plusieurs cas, d'application de pesticides aussi.
Le Président
(M. Lemay) : M. le député.
M. Tremblay :
Comment voit l'Ordre des agronomes cette perspective-là, selon vous?
Le Président (M. Lemay) :
Alors, M. Léveillé.
M. Léveillé
(Sébastien) : Je ne veux pas répondre au nom de l'Ordre des agronomes,
cependant, je pense qu'il pourrait
certainement y avoir une discussion avec l'ordre, qui pourrait jouer un rôle
central dans les échanges pour amener cette notion-là d'auditer les
détaillants.
Le Président
(M. Lemay) : Très bien. M. le député.
M. Tremblay : J'ai peut-être une autre question. Dites-moi, vous avez parlé avec
passion et intensité de l'agriculture de
précision. On a pu le ressentir, je pense, aussi sur le terrain. L'évolution
technologique, c'est assez incroyable. Est-ce qu'on est outillés? Puis est-ce qu'on est en mesure de concurrencer ce
qui se fait à l'étranger? On voit qu'il y a beaucoup de machineries qui sont réalisées en Europe, mais à
partir des observations terrain de chez nous. Donc, est-ce qu'on
pourrait être en mesure d'adapter puis de développer des marchés plus
potentiels au Québec, selon vous?
Le Président
(M. Lemay) : Alors, M. Léveillé.
• (17 h 40) •
M. Léveillé
(Sébastien) : ...M. le Président. En fait, c'est une excellente
question. Oui, c'est vrai que ça nous tient à coeur. Ça a paru qu'on était émotifs ou, disons, convaincus de ça. C'est
sûr que l'agriculture ne fait pas exception au reste de la société, là.
La technologie va nous amener des gains, c'est clair.
On a maintenant
11 600 fermes, au Canada, qui ont souscrit à l'utilisation de notre
plateforme AgConnexion, qui,
essentiellement, sert à recenser les recommandations agronomiques, mais aussi
qui est un très bon outil d'agriculture de précision. Plus on va réussir à numériser les fermes, plus on va être
capables d'apporter une précision. Écoutez, appliquer des pesticides de clôture à clôture, là, en 2019, là,
probablement qu'on n'est plus là, parce qu'on veut réduire le taux
d'application de pesticides absolument. C'est ce qu'on aimerait être capables
de faire avec toute l'arrivée de la technologie.
Maintenant, un point que vous soulevez,
c'est : Est-ce que la machinerie est là? Est-ce que les équipements sont là? Non. La réponse est non. On le voit à
l'extérieur du Québec, à l'extérieur du Canada. Le Québec est un petit
marché agricole, si on
est honnêtes. Donc, on devra intéresser ces équipementiers-là à venir
s'installer au Québec puis faire en sorte que l'application
géopositionnée de pesticides soit possible chez nous.
Le Président (M. Lemay) : Alors
donc, sur ce, je cède la parole au député de Maskinongé.
M. Allaire : Il reste combien
de temps, M. le Président?
Le Président (M. Lemay) :
Environ deux minutes.
M. Allaire :
Bien. Merci. On le sait, là, il y a eu un changement de réglementation, au
cours des dernières années, par rapport
aux pesticides, entre autres l'obligation de tenir un inventaire, l'obligation
aussi pour le producteur de demander une prescription pour l'utilisation de certains pesticides. Je me questionne
sur l'impact sur le producteur. Ça, c'est vos membres, là, vous avez 120 000 membres, dont
plusieurs producteurs. Ils en ont pensé quoi, de ce changement-là? Puis, veux
veux pas, on peut penser qu'avec les travaux
de la commission on va davantage augmenter la réglementation à ce niveau-là.
Vous pensez qu'ils vont réagir comment?
Le Président (M. Lemay) :
M. Léveillé.
M. Léveillé
(Sébastien) : Je vais vous donner juste quelques informations. Je vais
demander peut-être à mon collègue Alexandre
de compléter, Alexandre qui est vraiment meilleur que moi d'un point de vue
technique, mais on a vu quand même nos ventes baisser substantiellement,
hein, dans les produits sensibles, notamment l'atrazine, on a vu les ventes
baisser substantiellement. Maintenant, de
quelle façon c'est reçu dans le champ et de quelle façon c'est travaillé dans
le champ, si vous me permettez, M. le Président, je demanderais à
M. Mailloux...
Le Président (M. Lemay) : Le
tout environ en une minute.
M. Mailloux (Alexandre) : Vous
voulez parler... Juste répéter le sens de votre question.
M. Allaire :
...à partir du moment où on fait un changement de réglementation, veux veux
pas, c'est le producteur qui est
impacté ultimement très souvent. Ils réagissent comment à ce changement de
réglementation là et, probablement, le changement à venir aussi?
M. Mailloux
(Alexandre) : Bien, un peu comme on a dit tantôt, moi, je pense qu'il
faut regarder ça vers le futur, et puis,
vers le futur, il y a de l'agriculture de précision, il y a toute la gestion de
données. Les jeunes producteurs, ils ont tous des téléphones, puis, anciennement, c'était un calepin
que l'agriculteur avait dans sa pochette ici et, aujourd'hui, c'est le
téléphone. Et puis je pense que c'est là qu'il faut regarder pour vraiment se
développer.
C'est sûr
que, si on numérise les observations, comme là, présentement, nos agronomes qui
ont... les producteurs qui sont déjà
sur cette plateforme-là peuvent prendre la photo de la mauvaise herbe et
géoréférencer la photo. Donc, c'est facile, après ça, d'en discuter avec l'agriculteur durant l'hiver puis faire des
plans d'action. Là, qu'est-ce qu'il nous manque, c'est un peu plus de faire des plans d'action avec de
l'équipement puis de traiter seulement que la portion du champ qui est
attaquée. Et puis, souvent, l'objection
qu'on va avoir de l'agriculteur, c'est : Oui, mais là je vais-tu perdre de
l'argent ailleurs si je n'en mets pas? Tu sais, il y a gestion de
risque.
Donc, quand
on est dans des cultures à valeur ajoutée, c'est plus facile pour l'agriculteur
de bien cerner puis de documenter, mais, quand on a des...
Le
Président (M. Lemay) : Je vais devoir vous interrompre,
M. Mailloux, sur ce. Désolé. On est rendus à la période d'échange
avec la députée de Maurice-Richard.
Mme Montpetit :
Je vous remercie, M. le Président. Bonjour, messieurs. Mon collègue faisait
référence à la question des bandes
riveraines, là. Je vais aller directement là-dessus parce que c'est une des
recommandations que vous faites. Je comprends
que, bon, d'un point de vue, vous suggérez d'encourager les producteurs, donc
les encourager financièrement, compenser, c'est ce que je comprends, et,
d'un autre côté, vous dites aussi réaffirmer, rendre plus restrictive encore la
réglementation. J'aimerais savoir, un, à
quel niveau vous suggérez de la rendre encore plus restrictive, de quelle
façon. Et j'ai une question qui est
un petit peu plus pointue. Comme vous êtes sur tout le territoire québécois,
j'imagine que vous êtes capables
d'avoir une lecture de ça, à savoir qu'en ce moment c'est les municipalités qui
appliquent cette réglementation-là, donc
souvent des petits villages où tout le monde se connaît. Est-ce qu'il n'y a pas
un enjeu ou est-ce que ça devrait être le rôle, selon vous, des municipalités, dont le frère, la soeur... Comme je
disais, moi, je viens d'un petit village de 900 habitants. Tout le monde se connaît. Est-ce qu'il n'y a pas
un enjeu fondamental, à l'application de cette réglementation-là, de
donner la gouvernance au niveau des municipalités?
Le Président (M. Lemay) :
Alors, M. Léveillé.
M. Léveillé
(Sébastien) : Merci, M. le Président. Vous avez raison, Mme la
députée. Tantôt, ce que je voulais dire par plus restrictive, c'est beaucoup par rapport à la surveillance,
comme vous en faites référence. Ce qu'on pense, c'est que, s'il n'y a pas de
surveillance, c'est une réglementation qui ne s'appliquera pas, là. S'il n'y a
pas de surveillance ou il n'y a pas une
espèce de changement ou de modification dans la façon de suivre ou de
surveiller les bandes riveraines, bien, ça va être difficile de l'appliquer, selon nous. Donc, c'est exactement
ce qu'on fait référence, resserrer un peu plus la surveillance des bandes riveraines pour la faire respecter, parce
que, pour nous, c'est une bonne mesure qui devrait être, en fait,
respectée, tout simplement.
Le Président (M. Lemay) : Mme
la députée.
Mme Montpetit :
Quand vous dites resserrer, est-ce que vous parlez d'ajouter des inspecteurs au
niveau provincial ou est-ce que...
c'est pour ça... ma question est assez précise. Est-ce que l'application et la
surveillance, par exemple des bandes riveraines,
devraient être portées peut-être au niveau des MRC pour enlever ce facteur de
proximité entre les gens qui doivent faire appliquer la réglementation
et la surveillance et les agriculteurs?
Le Président (M. Lemay) : M. Léveillé.
M. Léveillé
(Sébastien) : Je serais bien
mal placé pour me mettre à juger des juridictions, mais une chose qu'on
sait, c'est que, présentement, là, elle n'est pas surveillée. La bande riveraine n'est pas
surveillée. On ne se sent pas nécessairement à l'aise de vous dire
quelle juridiction devrait prendre charge de la surveillance des bandes
riveraines, mais on sait que, présentement, là, elles ne sont pas assez
surveillées. Ce qu'on aimerait, c'est qu'elles soient plus surveillées.
Est-ce que
vous pensez que ça devrait être une juridiction
des MRC? Pour être bien honnête, on aimerait pouvoir vous donner une réponse à ce stade-ci, mais on est
plutôt mal à l'aise de vous donner la juridiction. Cependant, cependant,
pour faire les campagnes, on voit qu'elles
ne sont pas suffisamment respectées, les bandes riveraines, et on sait qu'elles
ne sont pas non plus surveillées adéquatement.
Le Président (M. Lemay) :
Merci. Mme la députée.
Mme Montpetit :
Je vous remercie. Non, non, mais, de toute façon, votre réponse nous éclaire
certainement pour les recommandations
qu'on aura à faire par la suite, parce que... Je pense que c'est très clair que
l'enjeu des bandes riveraines est un
problème. Si ce n'est que pour la protection des écosystèmes, donc, il y a
certainement quelque chose à faire. Je suis contente que vous veniez
nous éclairer à ce niveau-là.
J'ai beaucoup de respect pour votre profession
comme agronomes et j'aimerais qu'on... j'aimerais profiter de l'occasion où vous êtes présents pour vous
entendre sur les échanges qu'on a eus avec l'Ordre des agronomes, à savoir,
entre autres, qu'il y a un... bon, l'Ordre
des agronomes venait nous éclairer sur le fait qu'il y avait un nombre quand
même assez important d'agronomes qui
ont été inspectés et pour lesquels il y avait des erreurs au dossier, dont des
erreurs graves qui remettaient en cause les compétences de ces
agronomes, hein, c'est la terminologie qui a été utilisée, et à savoir plus précisément des agronomes qui n'ont pas respecté
la nouvelle réglementation du Québec sur l'utilisation de l'atrazine. Ça
ne m'apparaît pas seulement déplorable, ça
m'apparaît très grave, ce qu'on a appris aujourd'hui. Et j'aimerais vous
entendre, comme agronomes, commenter cette situation.
Le Président (M. Lemay) :
Alors, M. Léveillé.
M. Léveillé
(Sébastien) : Merci, M. le Président. En fait, c'est sûr, pour nous,
le code de déontologie, l'application de
la réglementation, c'est non négociable. Puis c'est plus que non négociable, c'est
obligatoire. Et on fait confiance aux... habituellement aux offices, en fait, à l'Ordre des agronomes pour faire
ses inspections. Puis, si l'Ordre des agronomes juge que l'agronome a manqué à son code de déontologie,
a manqué à la réglementation, l'agronome doit en subir les conséquences.
On en est tout à fait conscients.
D'ailleurs,
ça fait partie intégrante de la réalité. Quand un agronome vient travailler
chez Sollio Agriculture ou dans le réseau des coopératives aussi, il est
très, très au courant que le code de déontologie n'est pas négociable et que la
réglementation n'est pas négociable non plus.
Donc,
lorsqu'il y a eu l'entrée en vigueur de la recommandation, notamment de
l'atrazine, comme vous en faites mention,
bien, les agronomes se devaient... nous sommes agronomes, les trois, et on est
très conscients que la réglementation doit être respectée à la lettre,
surtout dans un cas comme ça. C'est extrêmement important.
Le Président (M. Lemay) :
Merci, M. Léveillé. Sur ce, je cède la parole au député de Marquette.
M. Ciccone : Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour à tout
le monde. Vous avez... la profession d'agronome est sûrement la profession la plus populaire depuis les dernières
années. On en a parlé amplement, vous avez fait les manchettes à tort ou à raison. Cette confiance-là
des citoyens, des Québécois, est effritée un petit peu parce que vous
avez un impact directement dans nos assiettes chez nous, ici, les Québécois.
Cependant, je
reviens encore au conflit d'intérêts, parce que M. Duval, le président de
l'Ordre des agronomes, disait que le
conflit d'intérêts n'est pas avec les compagnies, mais avec les distributeurs.
Vous avez dit un peu plus tôt que vous étiez des distributeurs. Alors, avez-vous déjà donné des redevances, des
ristournes à des agronomes avec qui vous faites affaire?
Le Président (M. Lemay) :
Alors, M. Léveillé.
M. Léveillé (Sébastien) :
C'est une bonne question. Chez Sollio
Agriculture, la réponse est non. Maintenant,
comme je vous dis, dans la façon de
rémunérer nos agronomes présentement, il y a des choses... Comme les coopératives
locales sont des entreprises indépendantes,
on fait un recensement présentement de quelle façon ils sont rémunérés et on veut
s'assurer de bien comprendre avant de vous
dire que ça a été fait ou que ça n'a pas été fait, de bien le comprendre pour
pouvoir vous donner un diagnostique clair.
Ceci étant dit, dans
le passé, il y avait des opportunités de voyage ou ce genre de choses là,
d'études avec les agronomes. C'est une
réalité. Ça ne serait pas très honnête de dire le contraire. Ceci étant dit,
pour nous, les choses ont changé, puis
je vous dirais que la génération a changé aussi. Les choses ne se passent plus
comme elles se passaient il y a 15 ou 20 ans, ça, je vous assure une
chose.
• (17 h 50) •
Le Président
(M. Lemay) : Député de Marquette.
M. Ciccone : Est-ce que j'entends que la Coop fédérée ne fait plus ça mais
l'a déjà fait dans le passé?
Le Président
(M. Lemay) : M. Léveillé.
M. Léveillé
(Sébastien) : La Coop
fédérée, là, on est distributeurs de produits. Puis là je vais être bien clair,
on est un phytopharmacien. Les
manufacturiers de chimie, on les a en inventaire, et les agronomes qui vont
voir les agriculteurs voient la problématique qu'il y a aux champs et
recommandent le meilleur produit au meilleur moment dans les meilleures conditions, peu importe le produit. C'est
comme un pharmacien, quand vous allez à la pharmacie, là, puis vous avez
un problème de santé, là, va choisir le bon produit. C'est exactement ce qu'on
fait.
Ce
que je vous dis, c'est que c'est vrai qu'on a déjà eu des relations avec ces
fournisseurs-là, exactement, dans le passé,
ça, c'est clair, puis ce n'était pas nécessairement par rapport à des volumes
de ventes, c'était des... pour être capable d'avoir de la formation ou
d'être capable d'avoir des relations avec ces gens-là.
M. Ciccone :
Pourtant, ma question est très claire.
Le Président
(M. Lemay) : M. le député, allez-y.
M. Ciccone : Pourtant, ma question est très claire : Avez-vous donné des
redevances monétaires à des agronomes?
M. Léveillé
(Sébastien) : Pas chez nous.
M. Ciccone :
Pas chez vous. Parfait.
Maintenant,
je vais aller un peu dans ce que vous m'avez dit, de donner les meilleurs
conseils possibles aux agriculteurs,
puis je vais me faire le porte-parole, justement, de certains agriculteurs. M.
Dulude, qui cultive du chou, du concombre,
des poivrons, du maïs, à Saint-Rémi, a dit que mon agronome... a dit : Mon
agronome me disait de mettre des pesticides
même quand je n'en avais pas besoin. Ça, c'est un. Un autre agriculteur a
économisé 20 000 $ par
année depuis qu'il fait affaire avec
un agronome indépendant. Puis lui, il n'a pas voulu s'identifier par crainte de
subir les frondes des compagnies de pesticides.
Est-ce
qu'il y a un régime de peur dans le monde des agronomes, et des distributeurs,
et des compagnies de pesticides? Parce
que, pour moi, là, je trouve ça très grave qu'il y a des agriculteurs qui
travaillent à la sueur de leur front, qui nous amènent nos aliments
dans nos assiettes... aient peur.
Le Président
(M. Lemay) : Alors, M. Desroches.
M. Desroches
(Gaétan) : Là, il faut comprendre qu'on est une coopérative. On appartient
aux producteurs agricoles. Je ne veux pas parler pour les autres, mais,
chez nous, les producteurs, là, qui ont ce genre de redevances ou de critiques là, ils les font à leur conseil, puis ça remonte
chez nous directement. Puis on n'en a pas beaucoup, ça. En tout cas, moi,
je n'ai pas entendu de ce genre de réplique là, là, mais c'est ce qu'on vit
chez nous.
Le Président
(M. Lemay) : M. le député.
M. Ciccone :
Mais ce sont des faits, M. le Président. Ce n'est pas moi qui les ai inventés.
Maintenant,
je veux parler un peu des mesures fiscales. Dans vos conclusions, propositions
et recommandations, vous parlez...
mettre en place des mesures fiscales dédiées de soutien des efforts de
recherche et de commercialisation des méthodes
ou de produits innovants comme solution de remplacement à l'utilisation
traditionnelle des produits chimiques. J'aimerais
que vous me donniez des exemples, justement, de mesures fiscales, crédit
d'impôt ou autre, quelques exemples.
Le Président
(M. Lemay) : M. Léveillé.
M. Léveillé
(Sébastien) : ...l'agriculture de précision, là, est un élément
central, là. Tout à l'heure, on en a parlé un peu, mais, si on était capable de pouvoir aider les agriculteurs à
adopter l'agriculture de précision pour numériser davantage leurs champs puis aller un peu plus loin pour
empêcher l'application de pesticides clôture à clôture, c'est un bon
exemple de ce qu'on voulait dire par «mesures fiscales d'aide à l'adoption».
M. Ciccone : Sous quelle forme? Parce que, quand vous citez ce
genre de mesures fiscales là, c'est... vous voulez un chèque? Vous
voulez des crédits d'impôt? Juste nous donner un peu des exemples, un peu.
Le Président
(M. Lemay) : M. Léveillé.
M. Léveillé
(Sébastien) : On pensait surtout aux producteurs agricoles pour un
crédit d'impôt, par exemple.
M. Ciccone :
O.K.
M. Léveillé
(Sébastien) : Le producteur.
M. Ciccone :
Merci.
Le Président
(M. Lemay) : C'est bon?
M. Ciccone :
Merci beaucoup.
Le
Président (M. Lemay) : Excellent. Merci. Ceci complète l'échange
avec l'opposition officielle. Maintenant, je cède la parole à la députée
de Rouyn-Noranda—Témiscamingue.
Mme Lessard-Therrien :
Oui. Bonjour, messieurs. Merci d'être là. J'avais des petites interrogations
par rapport à une affirmation, là,
dans votre mémoire quand vous dites : «La science du vivant est évolutive
et les remèdes d'hier ne sont pas
suffisants pour répondre aux nouveaux enjeux. Le statu quo est impuissant et
l'innovation incontournable.» On avait, juste avant vous, un producteur agricole aussi qui semblait plutôt négatif par
rapport aussi à l'utilisation des méthodes de culture ancestrales. Je me demandais à quoi vous faisiez
référence quand on parle de remèdes d'hier, si, pour vous, les méthodes mécaniques, le sarclage ou encore la rotation de
cultures, les cultures de couverture, ça fait partie... qui sont des
éléments forts de la lutte intégrée, si ça fait partie des remèdes d'hier.
Le Président
(M. Lemay) : M. Léveillé.
M. Léveillé
(Sébastien) : En fait, je pourrais difficilement commenter les remèdes
d'hier. Je pourrais quand même vous
dire que le désherbage mécanique, l'application de bioproduits, toutes les
mécaniques d'agriculture de précision, la régie de culture, les plantes
de couverture, maintenant, là, ça fait partie intégrante de ce qu'on fait comme
service auprès des agriculteurs. Donc, nous, ce qu'on va faire et ce qu'on va
continuer de faire, c'est de s'assurer que la prospérité des familles agricoles
est bonne et qu'elle réponde aux besoins du marché. C'est-à-dire que, s'il y a
une demande de plus en plus importante pour l'agriculture biologique, soyez
sûrs d'une chose, on va les accompagner de plus en plus vers l'agriculture
biologique, c'est clair.
Mme Lessard-Therrien : Mais, tu sais, la demande, actuellement, elle est là, elle est en constante croissance. Donc, moi, je me
demandais aussi un peu qu'est-ce que vous entendez par «maintenir un statu quo».
C'est quoi pour vous, le statu quo?
Le Président
(M. Lemay) : M. Léveillé.
M. Léveillé
(Sébastien) : Vous faites référence à quoi exactement? Excusez-moi.
Mme Lessard-Therrien : C'est dans votre mémoire, dans le fond : «Le statu quo est impuissant et l'innovation
incontournable.»
M. Léveillé
(Sébastien) : Ce qu'on
voulait dire, c'est... En fait, le modèle actuel grande culture lorsqu'on
a fait de l'application de pesticides de clôture à clôture, lorsqu'on
fait une détection de mauvaise herbe dans un champ, c'est beaucoup à ça
qu'on fait référence.
Le Président
(M. Lemay) : Mme la députée.
Mme Lessard-Therrien : Excellent. Puis peut-être nous partager un peu plus de façon... de manière plus détaillée où se situe la lutte
intégrée dans votre agriculture de précision.
Le Président
(M. Lemay) : M. Léveillé. Ah!
M. Léveillé
(Sébastien) : Je passerais la parole à mon collègue.
M. Mailloux
(Alexandre) : Ce que
j'allais dire tantôt, c'est exactement ça, que c'est plus facile de documenter. Quand qu'on a plus d'informations, on prend des
meilleures décisions. Donc, l'agriculture de précision permet de faciliter la lutte
intégrée.
Et
je rajouterais aussi qu'une des choses qu'il faut considérer c'est qu'en grande
culture la profitabilité, comme vous l'avez
entendu, est plus faible. Donc, il
faut vraiment documenter
la rentabilité pour l'agriculteur. Donc, il
y a toujours une question de risques, puis, quand que la lutte intégrée
peut se documenter par les données qu'on a du champ, bien, ça,
après ça, c'est plus facile de convertir l'ensemble de la ferme vers l'agriculture
plus intégrée ou plus ciblée, si je pourrais utiliser ce mot-là.
Le
Président (M. Lemay) :
...période d'échange avec le deuxième
groupe d'opposition. Je cède maintenant la parole au député de Bonaventure.
M. Roy : Merci, M. le
Président. Bonjour, messieurs.
Écoutez,
une question simple : Comment percevez-vous la
multiplication des articles scientifiques qui démontrent une possible corrélation
entre l'utilisation des pesticides et l'émergence de certaines maladies?
Le Président (M. Lemay) :
Alors, M. Léveillé.
M. Léveillé
(Sébastien) : C'est une question...
Bon, nous autres, tout à l'heure, M. Desroches vous l'a dit, là, les agriculteurs, c'est nos propriétaires. On
est extrêmement préoccupés par la santé de nos propriétaires, c'est évident.
Par contre, actuellement, ce qu'on veut être
capables de faire pour enlever le plus possible d'émotivité dans le discours,
c'est de faire confiance à la
science. Puis c'est certain que ce qu'on regarde, c'est que, s'il y a des
organismes officiels qui, effectivement, recensent l'ensemble des études puis qui prennent position, je parle des
organismes officiels, c'est sûr qu'on va être... on va respecter ces
instances officielles là, c'est évident.
Je le répète, là, notre objectif, là, c'est la
prospérité des familles agricoles. On est une coopérative, c'est nos propriétaires. Donc, on veut que les enfants
reprennent la ferme en toute sécurité puis qu'ils puissent continuer
d'opérer, avoir de la rentabilité sur leur entreprise, faire vivre leur
famille.
Le Président (M. Lemay) : M. le
député.
M. Roy :
Bien, écoutez, vous ne vous êtes pas positionnés sur la polémique qui... bon,
par rapport à l'ARLA qui ne semble
pas prendre en considération les études indépendantes dans l'homologation des
produits. Je comprends qu'en tant qu'entreprise
vous ne pouvez le faire. Mais il n'en demeure pas moins qu'il y a un nombre
d'études qui démontrent une certaine,
je dis bien une certaine, toxicité de l'utilisation des pesticides qui n'ont
pas leur place dans l'évaluation et l'homologation.
Donc, ce qui
m'amène à vous demander : Éventuellement, advenant une législation ou que
la commission parlementaire arrive
sur des constats de plus en plus clairs par rapport à une toxicité, est-ce que
vous seriez en mesure d'investir dans la recherche et développement pour trouver des alternatives mécaniques?
Parce que mon collègue a soulevé tout à l'heure le fait qu'on est obligé d'aller en Allemagne ou au
Danemark chercher de l'équipement pour faire une agriculture plus
respectueuse de la santé et de la population
puis de l'environnement. Est-ce que vous seriez en mesure de dégager des sommes
pour vous orienter vers ces choses-là?
Le Président (M. Lemay) :
M. Desroches, en vous rappelant qu'il reste environ 30 secondes.
Une voix : Vas-y, vas-y.
M. Léveillé
(Sébastien) : M. le Président, si vous me permettez, on a présenté, à
notre conseil d'administration ce printemps,
la décision de modifier complètement la vocation de notre ferme de recherche
pour aller vers le développement de
produits alternatifs. Donc, c'est une décision qu'on a prise avant les
événements de la commission ou, du moins, avant toutes les discussions qu'on a présentement. Mais on a pris, donc, la
décision de modifier complètement, là, la vocation de notre ferme de recherche dans les plus belles
terres du Québec pour aller vers des produits alternatifs puis des régies
de cultures alternatives.
Le Président (M. Lemay) : Merci
beaucoup. Donc, en...
M. Desroches (Gaétan) : ...je
voulais juste préciser, on peut tout faire ça, mais il faudrait aussi que,
quand les produits importés rentrent au
Québec, qu'on analyse comme il faut pour ne pas que, ce que vous avez lu
probablement dans les journaux, là,
que les produits qui viennent du Chili, qui viennent de tous les pays de
l'Amérique du Sud, qui sont en toxicité beaucoup plus élevée... et
qu'ils rentrent dans les marchés du Québec parce que c'est moins cher.
Le
Président (M. Lemay) : Merci beaucoup. Donc, merci,
M. Desroches, M. Léveillé, M. Mailloux, pour cette belle
journée. Je vous remercie pour votre contribution à nos travaux. Ça complète
cette première journée des auditions.
La commission ajourne ses travaux au mardi
24 septembre, à 10 heures, où elle poursuivra son mandat.
(Fin de la séance à 18 heures)