(Dix
heures deux minutes)
La Présidente (Mme
Léger) : À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je
déclare la séance de la Commission de
l'agriculture, des pêcheries, de l'énergie et des ressources naturelles ouverte. Je demande donc à toutes les
personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones
cellulaires.
Et
bienvenue à vous tous qui êtes présents avec nous aujourd'hui pour ce mandat
d'initiative. Je rappelle, le mandat d'initiative,
c'est à la demande d'un député qui considère que le sujet est assez important
pour qu'on puisse s'en saisir, et les
parlementaires de la commission, tous les députés ici présents, et
participants, et membres de la commission de la CAPERN, ont décidé ensemble de se doter de ce mandat d'initiative, qui
s'appelle l'Analyse du phénomène d'accaparement des terres agricoles.
Alors,
nous avons reçu hier plusieurs invités. Alors, nous recevons aujourd'hui...
D'ailleurs, encore, nous passons toute
la journée, l'après-midi et la soirée, ensemble. Nous allons recevoir la
Fédération de l'UPA de l'Abitibi-Témiscamingue, la Fédération de l'UPA du Bas-Saint-Laurent, la Fédération de l'UPA du
Saguenay—Lac-Saint-Jean.
Nous allons recevoir aussi la
Financière agricole du Québec. Cet après-midi, la Commission de protection du
territoire agricole du Québec, Pangea
et Ferme ALY Blackburn, l'Union paysanne. Plus tard, en soirée, nous allons
recevoir Partenaires agricoles SEC, la Coalition
pour la souveraineté alimentaire et M. Jean-Philippe Meloche, un
universitaire. Alors, voilà pour les invités que nous aurons
aujourd'hui.
Alors, M. le
secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
Le
Secrétaire : Oui, Mme la Présidente. M. Chevarie
(Îles-de-la-Madeleine) est remplacé par M. Bolduc (Mégantic).
La Présidente (Mme
Léger) : Alors, bienvenue, M. Bolduc. Alors, pour le temps, comme nous
recevons les trois fédérations de l'UPA ce
matin ensemble, elles ont décidé de prendre chacune leur
7 min 30 s. Donc, chaque fédération aura 7 min 30 s. Nous allons
passer, au départ, avec... Nous allons discuter et échanger au départ... Bien,
pas échanger, parce qu'on va attendre
d'avoir les trois fédérations, nous allons échanger à la fin des présentations
des trois fédérations.
On
va commencer par l'Abitibi-Témiscamingue, qui va se poursuivre... On va essayer
de changer rapidement, si c'est
possible de vous dépêcher, pour avoir plus de temps d'échange aussi. Alors, on
va avoir la Fédération, après, de l'UPA
du Bas-Saint-Laurent et on fait un échange, la Fédération de l'UPA du Saguenay—Lac-Saint-Jean. Parce que vous êtes beaucoup, on ne pouvait pas tous vous asseoir
où vous êtes présentement. Donc, on va faire un changement de chaises rapide. Et, après, les représentants des trois
fédérations, s'ils peuvent être à l'avant avec quelqu'un, s'ils veulent, à
côté, mais ça va être pas plus que
deux, chaque fédération, pour qu'on puisse être capables d'échanger avec vous.
Donc, on va faire un échange par la suite.
Et
l'échange, comme c'est 1 h 30 min que nous avons ensemble, vous avez 7 min 30 s de présentation,
chacune des fédérations. Et, après, nous avons un échange. Avec les
trois fédérations, là, nous avons un échange : pour le gouvernement, du côté du parti ministériel,
32 min 15 s; pour l'opposition officielle, 19 min 21 s; pour le
deuxième groupe d'opposition,
12 min 54 s; et nous allons avoir la députée indépendante aujourd'hui qui aura son trois minutes. On nous a avisés que Mme David
serait présente, la députée de Gouin. Alors, voilà.
Auditions (suite)
Questions
avant de commencer? Ça va? Alors, on peut vous entendre. Vous allez nous
présenter... J'imagine que c'est...
Je ne sais pas lequel qui va parler en premier. Il y a deux M. Bégin, je ne
sais pas lequel que... Êtes-vous M. Bégin?
Fédération de l'Union des producteurs agricoles de l'Abitibi-Témiscamingue
(Fédération de l'UPA de l'Abitibi-Témiscamingue), Fédération de l'Union
des producteurs agricoles du Bas-Saint-Laurent (Fédération de l'UPA
du Bas-Saint-Laurent) et Fédération de l'Union des producteurs
agricoles du Saguenay—Lac-Saint-Jean
(Fédération
de l'UPA du Saguenay—Lac-Saint-Jean)
M. Vachon
(Sylvain) : Moi, je suis M. Vachon. Je me...
La Présidente (Mme
Léger) : O.K. M. Vachon.
M. Vachon
(Sylvain) : Bien, je vais me présenter, Sylvain Vachon.
La Présidente (Mme Léger) :
Présentez-vous, allez-y.
M.
Vachon (Sylvain) : Moi, je
suis président de la fédération régionale de l'UPA d'Abitibi-Témiscamingue. On
a fait aujourd'hui, là, 11 heures de
route pour venir échanger avec vous, hein, d'avoir le privilège d'échanger avec
vous pour vous conter comment ça se
passe sur le terrain des vaches en Abitibi-Témiscamingue et ce que ça génère comme problématique
pour l'habitation du territoire, la pérennité et le dynamisme agricole,
l'établissement et le maintien de fermes dans nos régions. C'est important
d'avoir un volume minimal d'entreprises sur le territoire pour garder des services, etc., et pour la vitalité du milieu.
C'est de quoi qui nous touche énormément, ça fait qu'on va exposer ce que
ça génère comme problématique, le phénomène d'accaparement des terres dans une
région comme la nôtre.
Pour faire ce
témoignage-là, rien de mieux que des gens, des jeunes qui sont formés, qui ont
vécu, qui ont eu affaire à ce
phénomène-là. Et je vous les présente, il y a Alexandre Bégin et Patrice Bégin
qui vont faire le témoignage, là. Je pense que c'est le bout le plus
important de notre présentation. Ça fait que je leur laisserais la parole,
c'est à vous.
M. Bégin (Alexandre) : Oui. Dans le
fond, c'est ça, nous autres...
La Présidente (Mme Léger) : ...
M. Bégin
(Alexandre) : ... — oui,
c'est Alexandre Bégin, merci — nous
sommes la troisième génération d'une famille d'agriculteurs en région de
l'Abitibi. C'est ça, nous autres, on participe activement aux travaux de la
ferme familiale depuis qu'on a l'âge de
10 ans. On est même partis de la région pour aller s'instruire dans une
des meilleures écoles au monde, à
l'Université McGill, tout en gardant en tête qu'on reviendrait un jour en
région pour s'établir et pour vivre de l'agriculture.
M. Bégin (Maxime) : En passant,
c'est Maxime, mon nom.
Une voix : ...
M. Bégin
(Maxime) : Oui. Dans le
fond, nous autres, le phénomène qui est arrivé, c'est vraiment
qu'on avait déjà une vision, on avait
déjà un rêve. Oui, c'est s'établir sur la ferme familiale, mais on voyait déjà
plus grand que ça, on voulait inspirer
notre milieu. On avait la possibilité d'acheter une ferme sur notre
municipalité, qui est tout près de chez nous, qui avait les infrastructures déjà, qu'on aurait pu faire une synergie
avec la ferme familiale déjà, puis on s'est fait voler notre rêve, puis on s'est fait voler notre vision.
On a manqué de temps, peut-être, mais les gens sont arrivés, ils avaient les pouvoirs financiers. Mais nous autres, on sort
de l'université. On n'a pas pu combattre ce phénomène-là, on n'avait pas les
moyens. On aurait été capables d'acheter à même prix, mais on s'est fait voler
vraiment notre vision, notre rêve. Parce qu'on avait les
25 prochaines années devant nous autres pour bâtir dans notre municipalité
puis pouvoir... On voulait inspirer, même,
les gens autour de nous autres. On savait qu'on était capables de faire de quoi
de bien avec ça, il y avait les
infrastructures. J'ai même participé personnellement à les bâtir comme ouvrier
agricole, travail étudiant dans cette ferme-là.
C'était une des plus belles fermes de notre secteur, puis on aurait pu mettre
la main dessus, mais on s'est fait voler notre rêve, on s'est fait voler
notre opportunité.
Puis là,
présentement, la personne qui a pris l'acquisition de ces terres-là, lui, il
avait... les infrastructures sont laissées
à l'abandon. Il n'y a plus rien qui se passe dans les parcs, il y a plus rien
qui se passe autour à part que dans les champs. Puis, même les champs, on vous dirait que présentement la
personne qui a acheté a fait encan, puis ce qui reste dans les champs, bien c'est... Il reste encore
beaucoup de travail, ils ne nous ont même pas... Les terres sont scrapes, ils
les ont brisées. Ils sont arrivés avec des mégamachineries qui n'étaient pas
adaptées à notre région, puis là ils veulent nous
louer ça à des prix exorbitants, si on veut. Puis même, les premières années,
là, on ne fera pas de l'argent avec ça, là. Il faut prendre le temps de toutes les remettre en ordre, ces terres-là.
Puis ils veulent nous louer ça à des gros prix, comment voulez-vous, nous autres, des jeunes qui veulent
essayer de s'installer... On est déjà limités dans notre financement pour
pouvoir s'installer, puis prendre la relève,
puis prendre du territoire, puis vouloir vivre notre rêve, puis là ils nous
arrivent avec des gens comme ça qui viennent... Il nous reste quoi après
ça? Il ne nous reste pas grand-chose, là.
Puis le
projet qu'on avait d'acheter cette ferme-là... On voulait s'établir pas juste à
temps partiel comme une petite jobine, on
voulait s'établir puis bien vivre de l'agriculture à temps plein. Là,
présentement, on n'a pas été capables d'avoir ces infrastructures-là, se lancer dans un projet de boeuf. Là, je suis
obligé d'avoir trois jobs, j'habite chez mes parents. Puis les
possibilités ne sont plus là, là, ce n'est plus les mêmes, là. On essaie
d'aller chercher ce qui se passe autour, on
va frapper même à des portes d'autres producteurs qui n'ont peut-être
pas de relève ou qui en ont une qu'ils ne sont pas sûrs. On essaie de voir les autres opportunités. Puis, après ça, il
arrive des messieurs de même, on
signe un chèque, puis c'est fini, bonsoir, on se fait dire qu'il
est trop tard, c'est fini. On ne peut pas compétitionner avec ça. Ça fait que ça n'a pas été rien de bon
pour nous autres. C'était dans notre village, j'ai même
bâti personnellement les infrastructures en tant qu'étudiant dans le temps. Il ne
nous reste pas grand-chose, là.
• (10 h 10) •
M. Vachon
(Sylvain) : Si tu me
permets, Maxime, ce que... Puis là je me reprends parce que,
tout à l'heure, j'ai dit Patrice.
C'est le président de secteur, une autre jeune relève dans notre secteur, dans
le village de Sainte-Germaine. Mais
ce que Maxime vient de vous dire, c'est clairement l'effet concret,
sur le terrain des vaches, en Abitibi-Témiscamingue,
l'effet de la financiarisation de l'achat
des terres. Ces gens-là ont des moyens que des jeunes formés n'ont pas, et,
pour des délais administratifs...
Parce que, comme il l'a dit, il avait les moyens de l'acheter, il y avait les
infrastructures existantes qui
auraient pu créer une synergie avec la ferme familiale qui était dans le même
village et créer de la richesse collective pour l'Abitibi-Témiscamingue,
pour eux, mais aussi pour le Québec au complet.
C'est ce qu'on voit sur le terrain des
vaches. C'est pour ça qu'on fait 22 heures de route, c'est pour venir vous
exprimer les conséquences concrètes de
l'inaction actuellement au Québec face à ce phénomène-là. Ça fait qu'on espère
aujourd'hui vous sensibiliser davantage à
cette réalité-là parce que, quand on ne le sait pas, quand on n'a pas les gens
qui viennent nous dire réellement ce
qu'on vit sur le terrain, bien, ce que ça crée, c'est que, quand on ne le sait,
pas, bien, on ne peut pas poser des gestes.
Maintenant,
vous savez que c'est un des aspects de la problématique, ce que les jeunes
formés veulent faire en région et ce
qu'ils ne peuvent pas quand ces gens-là débarquent et qu'ils n'ont pas
l'attachement au sol. Parce que ça, c'est
un autre enjeu qu'il est important de comprendre, c'est que, pour être capable
de dynamiser un milieu agricole, de créer
de la richesse pour les agriculteurs, le milieu, mais pour l'État québécois, ça
prend des gens avec des valeurs, du coeur,
de l'acharnement. On appelle ça de la résilience, et ça, ça prend le lien
d'attachement avec le sol. Ce lien d'attachement
là génère justement... Vous avez vu des jeunes passionnés qui ont vu une
possibilité immense de créer de la richesse
s'envoler, tu sais, parce qu'ils n'ont pas eu le financement suffisamment
rapidement. Ça fait que, nous, ce qu'on vous demande, c'est vraiment de
poser des gestes.
On
a fait, nous, 22 heures de route pour venir vous voir. Ce qu'on veut,
c'est au moins de dire : On peut-u prendre le temps d'évaluer la situation correctement, mettre une limitation pour
éviter que le phénomène s'accentue et de trouver la solution pour
permettre à des jeunes formés, hein, de l'Université McGill de pouvoir créer
une richesse, bâtir une ruralité vivante,
avoir des enfants, remplir les écoles, garder nos milieux intéressants? Puis ça
génère, là, vous le savez, par la suite, là, un paquet d'effets
positifs.
Ça
fait que moi, j'ai pas mal fait le tour. Ce qu'on veut vous dire vraiment,
c'est que, chez nous, c'est une réelle problématique,
et on espère avoir été entendus et que vous allez poser les gestes courageux
que ça prend pour créer une belle ruralité au Québec. Merci.
La
Présidente (Mme Léger) : Merci beaucoup, M. Vachon,
MM. Bégin, un, d'être ici, au Parlement, avec nous, avec toutes ces heures que vous avez parcourues,
et aussi de votre cri du coeur. Alors, nous allons procéder par la suite
avec des échanges, mais on va écouter l'UPA, dans le fond, de...
Bas-Saint-Laurent.
Alors,
bienvenue. Alors, si vous voulez bien présenter... Je voulais saluer le député
d'Abitibi-Ouest, qui est avec nous
aussi, François Gendron. Bonjour. Alors, si vous voulez bien vous présenter et
présenter ceux qui vous accompagnent.
M.
Marquis (Gilbert) : Oui. Un peu grippé. Bonjour, Mme la Présidente.
Bonjour à tous. Sans plus tarder, je vais vous présenter mon équipe. À
ma gauche, Chantale Dubé, elle travaille comme aménagiste. Ici, j'ai une jeune productrice agricole qui va nous faire un
témoignage, Mme Nathalie Lemieux; Francis April, producteur de porc et
céréales; et M. Lapointe.
On est contents
d'être ici ce matin. La fédération du Bas-Saint-Laurent, dont j'en suis le
président, et les producteurs sont très,
très inquiets et préoccupés par
l'accaparement. Ça fait longtemps qu'on en entend parler. Mais en parler, ce
n'est pas assez, il faut agir.
Sans
plus tarder, je vais passer la parole à Mme Nathalie Lemieux, qui vient
nous... C'est un cri du coeur qu'elle vient nous lancer, et elle a un
témoignage pour nous. Nathalie.
Mme Lemieux
(Nathalie) : Bonjour, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme
Léger) : ...vous êtes la première femme. Nous avons une première femme
cette fois-ci, aujourd'hui.
Mme
Lemieux (Nathalie) : Ça me
fait plaisir. Bonjour, Mme la
Présidente. Bonjour, Mmes et MM. les députés. Je
me présente, c'est ça, Nathalie Lemieux. Je suis propriétaire d'une entreprise
laitière avec mon conjoint, Samuel Drapeau, à Saint-André-de-Kamouraska,
une entreprise de 135 têtes. On est, tous les deux, diplômés en gestion et
exploitation d'entreprise agricole de l'ITA de La Pocatière.
Tous
les deux, on avait un rêve, un objectif, c'était d'acquérir notre propre
entreprise, de devenir propriétaires de la ferme de mes beaux-parents. On avait
un objectif commun, puis c'était vraiment ça. Nous avons décidé ensemble
d'acquérir cette entreprise-là, mais aussi nous avons décidé d'acquérir
une érablière dans le but de diversifier notre production, dans le but de diversifier notre travail. À l'érablière, ce
qui me fait le plus plaisir, dans le fond, là, c'est quand que je reçois des groupes, quand je reçois des
gens qui viennent découvrir ce qu'on fait comme travail, qu'est-ce qu'on
fait comme métier, de leur faire connaître
ça, de connaître comment on est comme producteurs, productrices agricoles,
comment on est passionnés, comment on aime notre métier.
Mon
conjoint et moi, on vient tous les deux de familles agricoles. C'est ces
valeurs-là qui nous animent : celle de produire, celle d'être propriétaire, mais aussi celle d'habiter en
région, de vivre de l'agriculture puis de contribuer au développement économique. Mais l'arrivée de
certains groupes dans notre secteur vient un peu contrecarrer... ou vient
jouer sur nos plans puis nos projets de
développement. Étant une entreprise qui vient d'effectuer un transfert avec mes
beaux-parents, une jeune entreprise, c'est sûr qu'il a fallu acquérir les
actifs de mes beaux-parents, puis, en faisant ça,
c'est sûr qu'on s'est endettés un petit peu plus. Parce que, tu sais, dans le
fond, moi, ce que j'avais comme objectif, oui, je voulais relever le défi, continuer l'entreprise, la faire grandir, mais
je voulais aussi assurer que mes beaux-parents aient une qualité de vie suite au transfert. Ça, c'était bien important
pour moi. Ce qui fait que maintenant, bien, c'est ça, on est un petit
peu plus endettés.
Ça fait qu'au
niveau de l'entreprise ce qu'on a fait comme choix, c'était de louer des
terres, c'était de louer des terres
pour suffire aux besoins de notre cheptel laitier. C'était aussi d'acquérir
graduellement des superficies qui allaient nous permettre de nourrir les animaux, qui
allaient nous permettre d'être autosuffisants en litière, en grain puis en
fourrage. Puis là, bien, ce qu'on
voit dans notre secteur, ce qui nous arrive... D'ailleurs, j'ai un cas concret
où nous, on louait une terre où
est-ce qu'on cultivait, on allait faire la production de fourrage sur cette
terre-là. J'aurais bien voulu l'acquérir dans la totalité. J'aurais bien voulu être capable parce que j'avais le
temps puis j'avais les équipements pour le faire. Mais, dans notre région, c'est une hausse de 60 %,
par rapport à la valeur des terres, des dernières transactions, ce qu'il y a
eu. C'est une hausse de 60 % qui
est arrivée. Je n'ai pas été capable, c'était trop risqué de mettre en péril
mon entreprise, la pérennité de mon
entreprise puis ce que mes beaux-parents avaient bâti. Ça fait que je n'ai pas
été capable d'acheter la totalité, il
a fallu que je me résigne à en acheter 18 hectares. C'est un peu... C'est
difficile de dire... Tu sais, c'est quelque
chose qu'on aime puis qu'on sait qu'on est capables... puis on n'est pas
capables de concurrencer contre ces groupes-là, ce n'est pas évident. Ça
fait qu'ils viennent acheter des terres, c'est ça, des terres voisines.
Puis, quand
qu'ils nous parlent de 2 000 acres,
bien, moi, dans ma région, pour Saint-André, c'est sept familles
agricoles. On a en moyenne 117 hectares par entreprise, bien, c'est sept
familles agricoles qui ne seront plus là. C'est inquiétant, c'est même alarmant pour ma région. Puis, si on double ce
chiffre-là, bien, c'est encore pire. Je pense qu'il faut prendre le temps d'y penser. Puis nous, comme
étant des jeunes entrepreneurs agricoles tournés vers l'avenir, ça vient
limiter nos projets d'expansion. On avait
des objectifs en commençant l'entreprise. Nous aussi, on l'a vu, on a vu mes
beaux-parents, comment ils ont travaillé
dessus. Mais nous aussi, comme étant des gens passionnés, des gens de coeur,
mais en plus qui sont formés, on a les
connaissances techniques puis on a aussi les connaissances de notre milieu, on
a des liens avec nos citoyens dans le
milieu. On est capables de se démarquer par nos techniques de production à la
fine pointe, ça fait qu'on était capables puis on a comme objectif de la
faire grandir, cette entreprise-là.
Ce que je
vous demande aujourd'hui, c'est de faire confiance, de faire confiance à vos
familles agricoles. On est capables
de relever le défi, on est capables d'être efficaces. Donnez-nous les moyens ou
les outils, j'en veux. À Saint-André, il y en a, de la relève, il y a
des familles agricoles, puis je veux que ça continue, je veux qu'on ait une diversité
de production, de cultures. Là-dessus, je vais laisser la suite à mon collègue.
• (10 h 20) •
Une voix : M. Lapointe.
La Présidente (Mme Léger) :
M. Lapointe.
M.
Lapointe (Guy) : Oui, Mme la Présidente. Mmes, MM. les commissaires, bonjour. Moi, je me présente comme étant un ex-agriculteur qui a établi un jeune
couple non-apparenté sur ma ferme. C'est la vente de Ferme Guirola inc. par
Guy Lapointe à un couple non apparenté avec
maintien de la vocation laitière. C'était la quatrième génération de Lapointe
qui était sur cette ferme-là. Le choix a été
fait pour conserver le statut familial. Ce modèle d'exploitation a plus
d'impacts positifs sur l'économie
locale, l'occupation du territoire et la vitalité des milieux agricoles. Malgré la
visite de plusieurs
intervenants, intégrateurs, commerçants ou appels de commerçants, le choix
d'établir un jeune couple était prioritaire malgré les difficultés rencontrées.
Sur ma ferme,
j'ai eu trois couples qu'on peut dire intéressés, formés et déterminés à voir
la ferme continuer. En plus de ça, j'ai rencontré un producteur agricole
qui avait quatre garçons qui étaient déterminés à prendre les fermes agricoles, mais ils ne pouvaient pas en établir
plus que deux sur leurs fermes. Donc, ça fait beaucoup de jeunes intéressés
et formés qui sont intéressés à l'agriculture. La problématique, c'est l'accès
au capital et c'est l'accès aux ressources. L'évaluation
des valeurs marchandes dans un objectif de continuité n'est pas la même chose
qu'en situation de démantèlement.
L'acceptation des acquéreurs au crédit, l'obligation d'autofinancer une partie
du capital, de mon côté, pour cinq
ans et le transfert de gouvernance, ça apporte des difficultés. Ceci, j'ai eu
la chance d'avoir de l'aide du MAPAQ, du
CREA et de beaucoup d'organisations paragouvernementales qui ont pu nous supporter
dans cet échange-là. Bravo! mais ça prend souvent plus que ça.
La présence
d'intégrateurs et de commerçants qui achètent des terres agricoles, ça crée une
rareté, ça fait augmenter le prix de
celles-ci. Donc, pour la relève et les fermes déjà présentes, cela veut plus
dire d'endettement, limite d'accès aux terres et capacité de
consolidation réduite. De plus, la hausse des valeurs foncières de façon
spéculative a des impacts sur le coût de
production, sans compter la prise d'assiette fiscale plus grande dans les municipalités.
Ça va mettre le programme de remboursement de taxes sous pression, il
l'est déjà davantage année après année.
Donc, moi, je pense
que... La ferme chez nous, ça a été quatre générations. En quelques
minutes, je vais vous le dire, j'ai
arrêté l'école en 1970 à plein temps. En 1974, j'étais en société
avec mon père; en 1988, en compagnie; mon père a laissé en 1993. Quand mon père a laissé en 1993 après quatre générations
de labeur, on avait 37 kilos-jour dans la ferme chez nous. Quand
j'ai vendu, j'avais 90,5 kilos-jour. Alors, une business agricole, ça
prend du temps à s'installer, ça prend du
temps, la digérer et la propulser en avant, mais peu de choses peuvent la
déstabiliser. Alors, dans la vente, la terre agricole chez nous, on l'a évaluée
dans la vente à 1 200 $,
1 250 $ l'hectare, le boisé à 900 $, ce qui est largement
inférieur au prix du marché à l'intérieur.
Et puis je
pense que je m'attends de vous autres... Moi, j'ai laissé 1 million sur la
table pour établir ces jeunes-là, pour
que l'agriculture continue, et je m'attends que vous fassiez le même effort
comme gouvernement pour supporter l'agriculture
familiale. C'est la diversité, c'est la force des milieux agricoles, puis ça,
c'est important. Merci, Mme la Présidente.
La
Présidente (Mme Léger) : Merci beaucoup. Merci beaucoup. Alors, on va avoir le temps d'échanger, hein,
tout à l'heure, il faut quand même se dire ça, là, vous allez avoir le temps.
Alors, on va demander maintenant à l'UPA du Saguenay—Lac-Saint-Jean
de venir s'installer.
Bonjour.
M.
Simard (Yvon) : Bonjour, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme
Léger) : Alors, M. Simard...
M. Simard
(Yvon) : Oui, Yvon.
La Présidente (Mme
Léger) : ...présentez les gens qui sont avec vous.
M. Simard
(Yvon) : Mme Michèle Lalancette, présidente de la relève, et
Simon Boily, producteur laitier et administrateur au syndicat du lait. Ça nous
fait plaisir que vous nous donniez l'occasion de s'exprimer devant vous
aujourd'hui pour donner l'impact que ça donne chez nous, l'accaparement des
terres.
La
fédération régionale, on représente 1 200 producteurs dans la région
sur différentes productions, alentour de 17, 20 productions dans la région. L'acquisition des grandes
superficies par des fonds d'investissement, chez nous, là, ça a un impact sur modifier la structure de ferme
familiale, ça a un impact. Depuis 2010, au Saguenay—Lac-Saint-Jean, nous avons vécu l'arrivée progressive, là, de grands
groupes d'investissement comme la Banque Nationale, Investerre, Hexavest,
Pangea par la suite. Il s'agit de groupes
bien différents, avec des façons de
procéder différentes, mais avec l'objectif qui est le même, c'est de faire de
l'argent avec l'acquisition des fonds de terre.
La région a été la
première à être frappée du phénomène au Québec. Au cours de l'année 2012, il
y a plus de 10 000 acres qui ont été acquis, là, par des spéculateurs. À
elle seule, la Banque Nationale en a acheté 8 100 acres à court
terme, créant un effet, là, avec la grandeur
qu'elle a acquérie, 30 fois plus grande que la ferme modèle de la région,
mettons 250 acres. Ça fait
vraiment, là, un changement d'image dans une région comme la nôtre. Puis,
depuis, l'arrivée de ces groupes
d'investissement entraîne certains problèmes : restriction de l'expansion
des entreprises locales familiales, la hausse des valeurs des terres
puis la hausse du fardeau fiscal.
Ça
fait que je n'irai pas plus loin, je vais laisser le témoignage de Simon et je
viendrai faire une petite conclusion.
La Présidente (Mme
Léger) : Alors, M. Boily.
M.
Boily (Simon) : Bonjour, Mme la Présidente. Simon Boily, de la Ferme
Liatris à Saint-Félicien, au Lac-Saint-Jean,
diplômé en GEEA à l'ITA de Saint-Hyacinthe. Alors, bien, moi, je vais vous
dresser un petit historique de la
ferme chez nous. Moi, je suis associé avec ma mère dans une ferme laitière. Ma
mère a début cinquantaine, moi, j'ai
32 ans. C'est une petite ferme en production laitière. On a un modèle différent
un peu, on a une production sans sol. Ça
veut dire qu'on a la production laitière, mais on ne possède pas les terres
pour subvenir à nos besoins. Donc, on a une entreprise qui est basée sur
les relations avec nos voisins pour acheter nos fournitures.
Puis,
au fil des années, l'entreprise chez nous a augmenté d'environ du tiers, de
32 %. Pour gérer cette augmentation-là, on a voulu se porter
acquéreurs d'un morceau de terre qui est contigu à la ferme chez nous pour, justement, gérer l'augmentation, puis faciliter la
gestion environnementale de notre troupeau, puis, en même temps, de se
mettre un pourcentage de sécurité dans notre entreprise. On est allés discuter
avec la personne qui était mon voisin à l'époque.
Lui, il m'a dit qu'il était partant pour vendre voilà quelques années, mais
qu'il n'était pas pressé. Ça fait que c'est
resté comme ça. Puis finalement, quand je lui ai reparlé voilà deux ans, à un
moment donné il m'a appelé pour me dire
que la transaction était complétée, qu'il avait vendu au groupe Investerre puis
qu'il n'y avait plus rien à faire. Pour vous rapporter ses paroles, il m'a dit : Tu n'avais pas le moyen de
m'offrir ce qu'ils m'ont offert. C'est quoi qu'ils lui ont donné? Je ne peux même pas vous le dire, je
n'ai pas le montant de la transaction, mais personnellement je peux vous
dire que j'étais prêt, moi, à lui donner
entre deux et trois fois le montant que ça valait voilà cinq, six ans, avant le
début du phénomène, là.
Avec
cette acquisition-là, ce groupe d'investissement là possède toutes les terres
autour de mon entreprise. Donc, moi, avec
une certaine proximité, il n'y a plus de terres disponibles pour les années à
venir, c'est sûr. Ça fait que je voulais juste vous conscientiser que c'est des phénomènes qui restreignent les
entreprises puis qui sont... Ce n'est pas des choses qu'on est capable
de gérer avec les moyens qu'on a.
Une voix :
Michèle.
La Présidente (Mme
Léger) : Mme Lalancette.
Mme
Lalancette (Michèle) : Bonjour, Mme la Présidente. Je m'appelle
Michèle Lalancette. Je suis présidente du
Centre régional des jeunes agriculteurs, qui est le syndicat de la relève
agricole dans notre région. Je suis aussi une jeune relève en devenir de la ferme familiale dans le secteur de
Saint-Bruno, situé dans la MRC de Lac-Saint-Jean-Est.
Sachant
que notre voisin pensait vendre ses terres à plus ou moins court terme, mon
père est allé le voir pour lui dire
qu'au moment venu il serait vraiment intéressé à acheter pour établir sa
relève, c'est-à-dire moi. À ce moment-là, j'étais aux études en gestion et exploitation d'entreprise agricole à
l'ITA de Saint-Hyacinthe dans le but de prendre la relève de la ferme familiale. À la fin de mes
études, moi et mon conjoint, nous voulions développer un nouveau projet de production. Ce projet-là, on l'établissait sur
une terre voisine de chez nous, contigüe à nos terres. Cette terre de
100 acres est l'endroit parfait
pour la production maraichère, puisqu'elle est majoritairement composée de
terre noire. Puis, du côté de mon conjoint, lui, il voulait faire une
partie en pâturage pour avoir des animaux de boucherie.
Une chose en
entraînant une autre, la terre, qui n'était pas à vendre à ce moment, a été
vendue au montant de 3 500 $ de l'acre à la Banque Nationale
alors qu'elle ne valait que 1 100 $ l'acre à ce moment-là. Le groupe
financier a su rassembler
les éléments et les arguments nécessaires afin de convaincre le propriétaire de
lui vendre le lot immédiatement sans
venir discuter avec nous. Bien entendu, il leur donnait trois fois le prix que
ça valait. Même si ce n'est pas la plus belle terre du secteur, de par sa composition majoritaire en terre
noire, l'impact fut d'augmenter considérablement la valeur des belles terres du secteur, qui sont maintenant
estimées à environ 4 000 $ de l'acre. Il va sans dire
qu'agronomiquement c'est impossible à
rentabiliser avec les cultures et les courtes saisons que nous avons dans notre
région. C'est donc dire qu'à ce prix l'achat de terres est exclu de nos
projets en ce moment.
Finalement,
j'aimerais porter votre attention sur le fait que, sur une seule ferme du
modèle Pangea, qui sont mes nouveaux
voisins, 10 jeunes familles pourraient s'implanter avec une entreprise comme la
mienne. Quel avenir réservons-nous à nos jeunes?
• (10 h 30) •
M. Simard
(Yvon) : Mme la Présidente, en terminant, bien, ce qu'on demande au
gouvernement, c'est d'agir rapidement en dressant un portrait détaillé
des transactions au niveau du Québec puis aussi en limitant les achats à 100 hectares par année pendant trois ans pour
permettre au gouvernement et au Québec de trouver des solutions à long terme. Parce que je ne voudrais pas que ça arrive
encore, ce qui est arrivé au Saguenay—Lac-Saint-Jean, qu'un travailleur d'un fonds
d'investissement comme la Banque Nationale, qu'un travailleur réussisse à
convaincre ses partenaires d'aller acquérir des terres, que ça serait
payant dans une région, puis que cet acheteur-là, ce travailleur-là, cet
acheteur-là se promène au Saguenay—Lac-Saint-Jean, puis qu'il achète des terres.
Question d'anarchie, il les a achetées à peu près partout, à à peu près
n'importe quel prix pour déstructurer la région.
Ça fait
qu'aujourd'hui, encore à ce moment-ci où je vous parle, c'est encore possible
qu'un monsieur X convainque un fonds
d'investissement d'aller acheter des terres, puis c'est 8 000 acres qu'il
a achetés cette année-là pour la Banque Nationale, et il en a acheté aussi à ses fins personnelles d'un autre
fonds, un 2 500. Ça fait 10 000 acres dans la même année qui ont été achetés, là, par cet acheteur-là
de la Banque Nationale. Ça déstructure une région, ça change le portrait
agricole, ça nuit à la relève, puis, même
actuellement, même si Pangea a pris la relève de la Banque Nationale, il y a
encore des terres dans le haut du
lac, à Lorette, qui ne sont pas en culture, puis qu'ils ne savent pas quoi
faire avec. Merci, madame.
La
Présidente (Mme Léger) :
Merci beaucoup. Alors, je vais demander à M. Vachon, M. Marquis, M. Simard
de rester là, et peut-être accompagnés de quelqu'un, si vous voulez, avec vous,
chacun des présidents.
Alors, merci
pour toute votre présentation, et des témoignages aussi. Alors, nous allons
procéder maintenant par formation politique. Alors, la partie
ministérielle, on va commencer par le député de Côte-du-Sud.
M. Morin :
Merci, Mme la Présidente. Bonjour. Mesdames messieurs, bonjour. Je vais surtout
parler un petit peu du
Bas-Saint-Laurent parce que je veux, premièrement, vous féliciter, parce que
chez nous, au niveau de la région, le taux de renouvellement est de 64 % de la relève. On est vraiment
champions, donc je veux vous féliciter, je veux féliciter la relève
aussi. Puis ma partie de comté qui est Kamouraska est encore meilleure.
Mais, avec les
témoignages dérangeants que vous venez de nous faire, là, ça nous porte à se
poser certaines questions. Et, du
côté de Sainte-Germaine, j'ai entendu «délais administratifs». J'aimerais
connaître qu'est-ce qui a accroché au niveau des délais administratifs?
Et je reviendrai tantôt pour le Bas-Saint-Laurent.
La Présidente
(Mme Léger) : Je vais demander au député de bien nous dire à qui on
l'adresse? Est-ce que c'est à M. Vachon, M. Marquis, M. Simard, M.
Vachon d'Abitibi-Témiscamingue, monsieur...
M. Morin :
Là, je ne me rappelle pas, mais c'est une question de délais administratifs des
gens de Sainte-Germaine, je crois.
La
Présidente (Mme Léger) : Et, comme vous êtes plusieurs, d'une façon
audio, il faut entendre la personne. Ça fait qu'il faut que je redise le
nom. Ça fait que dites-moi qui va parler, ça va...
M. Bégin (Alexandre) : Ça va être
Alexandre Bégin.
La Présidente (Mme Léger) : Allez-y,
M. Bégin.
M. Bégin
(Alexandre) : Oui, c'est ça, nous autres, dans le fond, les délais
administratifs, c'est justement quand on
est arrivés pour voir le producteur agricole qui voulait nous vendre sa ferme,
ça a été sur plusieurs rencontres. Puis comment que ça s'est passé, c'est qu'on était encore à Montréal, on
était encore aux études, puis moi, j'étais en processus pour revenir en région. Ça fait que je m'en allais
signer l'offre d'achat le lundi, puis on a reçu un appel le vendredi, que
le M. Renaud, qu'il était passé voir le
producteur, qu'il a fait un chèque puis que c'était terminé. Puis c'est ça,
nous autres, il aurait fallu faire
toutes les démarches avec La Financière agricole, trouver les garanties.
Ça aurait pris plusieurs mois, avoir la subvention d'aide au démarrage.
C'est un processus qui est très long, puis ça a joué contre nous.
Je ne sais pas si Sylvain veut rajouter...
La Présidente (Mme Léger) : M. le
député de Côte-du-Sud.
M. Morin :
Oui. En vous entendant, est-ce qu'il y aurait des solutions pour contrer ce
genre de situation au niveau administratif, au niveau de recevoir l'aide
financière appropriée? Parce que vous savez qu'au gouvernement on a plusieurs programmes pour
aider la relève, et, s'il y a des choses à améliorer, bien, c'est le temps,
peut-être, de nous le faire savoir pour contrer ce que vous avez vécu.
M. Bégin (Alexandre) : Bien, moi, je
suis...
La Présidente (Mme Léger) : Votre
nom, tout le temps, O.K., pour...
M. Bégin (Alexandre) : C'est
Alexandre Bégin. Mais je vais laisser Sylvain si vous me...
La
Présidente (Mme Léger) : Oui, gênez-vous pas pour me... Levez votre
main, ça fait que, comme ça... Puis vous me dites le nom.
M. Vachon
(Sylvain) : Si vous me permettez, là, oui, il y a eu des délais
administratifs, là, mais le réel enjeu, là, c'est que quelqu'un, hein, qui a des fonds, des gens avec des sommes
d'argent importantes, là... Même si on aurait un processus très rapide, il y a quand même une analyse financière à faire
qui est de mise, hein, on est des hommes d'affaires. Mais, quand on a ces gens-là qui débarquent avec
des sommes colossales, qui sont prêts à payer des prix supérieurs aux valeurs, hein — vous en avez des témoignages
aujourd'hui — bien,
c'est ce que ça fait. Ce n'est pas seulement de dire : Ah! on va régler des délais administratifs qui vont
faire en sorte qu'on va freiner ce phénomène-là. Ce qu'on parle aujourd'hui, c'est d'accaparement des terres.
C'est des gens qui ont des sommes à investir qui sont colossales, qui n'ont
pas d'intérêt pour le milieu dans lequel ils
investissent, hein? Souvent, c'est dans des tours à bureaux, et ces gens-là
n'ont aucun intérêt pour la ruralité et le milieu de vie.
Les jeunes
que vous avez vus aujourd'hui ont cet intérêt-là pour la ruralité. Le parc que
ces gens-là n'ont pas pu acquérir est
un parc qui était fonctionnel, avec des installations pour faire du grain et
des terres pour les cultiver. C'est ça qui
est arrivé, ce n'est pas... Le problème, ça n'a pas été les délais
administratifs. Le problème, ça a été le levier financier qui n'est pas le même. On ne parle pas de la même
affaire. Et, si on veut une ruralité vivante, dynamique, qui contribue
aux gens qui l'habitent et au fisc québécois, bien, il faut poser des gestes.
La Présidente (Mme Léger) : M. le
député de Côte-du-Sud.
M. Morin : Mme la
Présidente, moi, j'ai pris ce qu'on
m'avait dit, délais administratifs. C'est pour ça que je voulais avoir des explications, si c'étaient les programmes
qui n'étaient pas adéquats. Je vais passer à mon ami M. Marquis. Pour
vous, M. Marquis, qu'est-ce qui ferait
en sorte qu'on pourrait contrer ce mouvement, que vous dites, là, de l'accaparement
des terres dans notre coin de pays?
La Présidente (Mme Léger) : M.
Marquis.
M. Marquis (Gilbert) : Merci, Mme la
Présidente. Première des choses, vous savez qu'au congrès on a dit à M. Paradis
100 acres, qu'on accorderait 100 acres par année pendant trois ans.
Une voix : 100 hectares.
M. Marquis
(Gilbert) : 100 hectares,
excusez-moi. Bon, ça, c'en est une, solution. Mais, moi, ce qui m'inquiète
le plus là-dedans, là... Parce qu'on n'a pas l'air à comprendre une chose ou on semble
l'éviter. On va se reculer dans le temps,
en arrière, puis beaucoup en arrière, vous le savez, c'est nos pères qui ont
défriché. La colonisation, ça s'est fait, ils ont défriché nos terres, et puis les terres ont pris de la valeur, ont
pris de l'ampleur, puis on est rendus ici aujourd'hui pour travailler sur des mémoires, vous en faire part
quand on sait que tout le monde mange des produits qui partent de la
terre. Moi, ça, ça me dépasse un peu, ça m'empêche de dormir, ça, un peu.
Ces
personnes-là, là, comme je parlais à Nathalie, ils n'ont pas besoin de passer
par La Financière agricole. Ils n'ont
pas besoin, eux autres, qu'ils prennent des garanties, ils te prennent tout en
garantie, on leur donne tout. Eux autres, ils n'ont pas besoin de ça, ils arrivent, puis ils font un chèque. On
n'est pas capables. La compéti... Comment qu'on dit ça? En tout cas, ça ressemble à ça, là. Bon, on n'est
pas la, bon. Ça fait qu'on fait quoi? On en a, des terres. On en a, on a des
terres en... Chez nous, là, moi, j'en ai, en
face de moi, que je veux acquérir. La madame, elle restait à Montréal, elle
était professeure. C'est une terre
agricole de son père, puis c'était mon voisin. J'ai juste à ôter la vieille
clôture qu'il y a là, puis je
traverse. Là, elle dit : M. Marquis, elle dit : Moi, vous ne
mettez pas d'engrais, elle dit, vous ne mettez rien, là, vous cultivez. Oui, mais, j'ai dit : Ça fait cinq
ans que c'est à l'abandon, puis je veux la reprendre. Puis elle a grand de
terre. À un moment donné, il va arriver quelqu'un, puis, elle, il va lui
faire son prix, puis elle va l'acheter.
Il y a
quelque chose... Messieurs, mesdames, Mme la Présidente, on s'attend qu'il y
ait de quoi de mis en place rapidement
par notre gouvernement. Ça presse,
c'est urgent. Moi, avant Kamouraska, je n'en avais pas entendu parler, mais j'ai entendu parler que Mitis, par exemple... Dans Mitis, c'est rendu là. Qui l'a achetée? Je ne peux pas le savoir,
mais je vais le savoir un jour, certain, là.
Puis le voisin, c'est un de mes chums. Il a essayé de l'acheter, lui aussi, il
n'a pas été capable. «Business in the
business». Ces personnes-là, c'est plate à dire, hein... Nous, on cultive avec
notre coeur. Une jeune relève — on
en a, des jeunes — c'est
le coeur. Eux autres, ils n'en ont pas, de coeur. Ils s'en viennent chez
nous : Tassez-vous, on achète vos fonds de terre. C'est ça. C'est ça qui
arrive.
• (10 h 40) •
M.
Morin : Une dernière simplement pour essayer de comprendre
pourquoi qu'on est à Saint-André puis à Saint-Alexandre,
puis qu'on n'est pas à Kamouraska, plus vers La Pocatière, Montmagny, L'Islet.
Pourquoi que ces gens-là vont dans
ces milieux comme le Lac-Saint-Jean, Abitibi-Témiscamingue? Il doit y avoir une raison. J'aimerais entendre
madame, là, que j'ai bien aimé son témoignage.
La Présidente (Mme
Léger) : Mme Lemieux.
Mme
Lemieux (Nathalie) : Oui.
Bien, moi, comme réponse à ça, ce que je ferais... C'est sûr qu'on a une
qualité de sol aussi, on est des
catégories 3 et 4 dans notre secteur, dans Kamouraska. On a des entreprises
aussi... On a beaucoup de terres qui sont en location, que nous, les
producteurs agricoles, on cultive parce que c'est des gens qui sont
propriétaires... des gens qui ont
gardé la terre paternelle ou la terre de leurs parents, puis on a beaucoup
de terres qui sont en location, puis
je pense que c'est... Bien, je suppose que ça peut être un intérêt de le dire parce qu'éventuellement peut-être que ce
sera des terres à vendre. Mais ça pourrait leur donner davantage de superficie,
mais...
Parce
qu'ils vont faire le tour de ces terres-là, ils ont approché les entreprises,
les propriétaires pour ça. Puis moi, bien, je pense que c'est peut-être
à partir de là qu'il y a un intérêt. Mais ce n'est pas parce que les terres ne
sont pas cultivées, parce que toutes les
terres sont cultivées, puis on en a tous besoin pour combler les besoins de nos
entreprises, pour suffire aux besoins
de nos animaux puis suffire aux besoins... Parce que, tu sais, on a quand même,
Kamouraska, je pense... Puis je
prends pour mon village, il y a une diversité. On a de toutes les productions,
autant dans le maraîcher, dans le
fruitier que dans l'animal. Puis on a toutes les productions, ovin, laitier,
porc, on a de tout. Ça fait que je pense que, tu sais, avec ce qu'on a en place, il y a moyen de conserver ça. Puis, tu
sais, l'intérêt est peut-être venu à partir de là parce que, tu sais,
ils ont peut-être vu un potentiel par rapport à des terres qui pourraient être
éventuellement disponibles.
M.
Morin : Mme la Présidente, simplement pour leur dire :
Merci pour votre agressivité au niveau agroalimentaire en Kamouraska. Je
suis très fier de vous autres.
La Présidente (Mme
Léger) : Merci. Je cède la parole à M. le député de Saint-François.
M.
Hardy : Oui. Merci, Mme la Présidente. J'aurai une question à poser à
Mme Lemieux. Vous parlez que, dans votre bout, dans votre coin, chez
vous, il y a beaucoup de terres en location. Ces terres-là appartiennent à qui,
à des particuliers ou à des compagnies qui ont acheté?
Mme Lemieux
(Nathalie) : Pour le moment...
La Présidente (Mme
Léger) : Mme Lemieux.
Mme
Lemieux (Nathalie) : Oui, excusez. Bien, pour le moment, à des
particuliers. C'est sûr qu'il y a eu des achats, il y a eu des transactions de faites dans notre secteur par ces
groupes-là aussi, ils n'ont pas la totalité des superficies qu'ils
veulent acquérir. Mais on en a beaucoup qui appartiennent à des particuliers.
La Présidente (Mme
Léger) : M. le député d'Abitibi-Est.
M.
Bourgeois : ...Mme la Présidente. Merci d'être venus nous présenter
ces témoignages-là. Moi, je veux m'adresser
particulièrement aux gens de l'Abitibi. Je suis vraiment préoccupé. Dans le
détail que vous nous fournissez, dans
le fond, ce que vous nous dites, il y a des gens qui sont venus faire de
l'accaparement et qui, somme toute, ont échoué dans leurs tentatives en termes d'exploitation de la terre, et,
maintenant, ce qu'ils souhaitent, c'est tout simplement louer en
attendant de revendre? Est-ce que je comprends bien la lecture qu'on a faite?
La Présidente (Mme
Léger) : M. Vachon.
M.
Bourgeois : M. Vachon et M. Bégin...
La Présidente (Mme
Léger) : M. Vachon.
M.
Vachon (Sylvain) : O.K. Moi, ce que je peux vous dire, c'est que — puis là on parle d'une situation qui est
présente — en 2012, quelqu'un arrive, 12 millions
à investir, hein, et il achète des terres — et les frères Bégin ont subi les conséquences de cet appétit-là — avec l'intention de s'établir de manière
différente, hein, de venir cultiver, de venir nous montrer à travailler. Et ce phénomène-là, moi,
tout de suite en partant, j'ai dit : Ça ne marche pas, ça, cette
manière-là. Parce que, dans les
années 80, moi, je me rappelle, j'étais petit gars, là, puis il y avait un
Français, un Dufraisse, qui était venu
nous montrer comment faire du boeuf en Abitibi-Ouest. Il était débarqué avec
une valise d'argent, puis il achetait des terres, puis il achetait
particulièrement dans le village de Roquemaure. Je vous invite à aller visiter
le village de Roquemaure, le rang 4 de
Roquemaure, il n'y a plus rien là, là. Ces terres-là ont toutes été achetées,
il s'est essayé pendant trois, quatre
ans, et maintenant ce que ça fait, c'est des terres qui ne contribuent plus à
l'habitation dynamique de notre belle grande région qu'est
l'Abitibi-Témiscamingue.
Et le
phénomène que la ferme Renaud a fait,
c'est à peu près le même modèle. Au bout de trois ans, il s'est
rendu compte que ça ne travaille pas de la même manière, et
l'attachement que je vous parlais, là, lors de ma présentation, l'attachement, la
résilience, la force de résilience du modèle de ferme que nous, on fait, là,
hein, le lien d'attachement irrationnel, qu'on est prêts à se priver de
tout pour être capables de cultiver la terre que nos arrière-grands-pères ont défrichée, bien, il n'y a pas ce lien-là, et là on
arrive, comptable, puis, ah! ça ne marche pas, et on ferme boutique, et là les
prix qui sont... Ils n'ont pas l'intérêt...
En tout cas, à mon point de vue, et ce que j'en sais, c'est que présentement
ils n'ont pas d'intérêt à vendre ces
terres-là. Ils les louent à des prix qui sont deux fois le prix des meilleurs
prix de location dans le secteur, ça fait qu'il n'y a pas de preneur.
Et ça, c'est
sans compter les méthodes culturales qui n'étaient pas appropriées à notre
réalité. Puis les terrains, là, on va
le dire en québécois, là, ils ont été scrapés, là, il y a des
roulières, de la compaction. Il y a énormément de travail pour
réhabiliter des sols de première qualité dans les villages comme Palmarolle, où
est-ce que ces terres-là, c'était l'orgueil
du propriétaire d'avant, là. C'est ça qu'on voit aujourd'hui. Et ce que ça
fait, ça fait que les gens achètent ces terres-là, achètent les maisons, et là il n'y a plus de gens qui restent
dans ces maisons-là. Et là l'autobus scolaire, au lieu d'avoir 40 pieds de
long, là, il est rendu à 20 pieds, là. Et là l'école, bien là, ils
disent : Ah! maintenant, là, il manque de jeunes, puis là on va fermer l'école de ce village-là, on va
concentrer... Là, on dévitalise la ruralité. Qu'est-ce qu'on peut faire
pour revitaliser la ruralité? Bien, c'est d'éviter que la financiarisation...
ces grands propriétaires là débarquent et dénaturent
le milieu et s'assurer de mettre en place les outils pour que des jeunes comme
Mme Lemieux, comme les MM. Bégin puissent contribuer au milieu rural. La
solution, là, elle est là.
La Présidente (Mme Léger) : M. le
député d'Abitibi-Est.
M.
Bourgeois : Toujours
dans la même lignée, est-ce que maintenant, compte
tenu de l'échec de leurs réalisations... Là, ce qu'ils vous offrent, c'est de louer les terres à un prix plus
élevé que, normalement, ce que le marché aurait fait. Ils ont
vendu des équipements, ils ont vendu des infrastructures, mais est-ce qu'ils
veulent revendre ces terres-là? Donc, est-ce
qu'on assiste au revers complet ou est-ce qu'il y a des échanges qui se font, exemple,
avec l'UPA de ce côté-là, M. Vachon?
La Présidente (Mme Léger) : M.
Vachon.
M. Vachon
(Sylvain) : À ma connaissance, il n'y a pas de volonté de vendre les
terres. Je n'ai pas toute l'information,
je n'ai pas eu d'échange avec ces gens-là, mais, si je me fie au passé, hein,
je vous ai parlé du Français, en 1980,
qui avait débarqué avec sa mallette d'argent, ces terres-là sont toujours en sa
possession, et le temps fait son oeuvre, il y a du bois qui pousse, il bûche de temps en temps, et la valeur des
terres, on le sait, là, il y a une constante... C'est pour ça que les financiers s'intéressent à notre actif
principal, qui est le sol pour cultiver. C'est qu'eux, ils ne voient pas une
terre pour faire de la nourriture pour des
gens comme vous, eux, ils voient un rendement financier à terme. Ça fait que
moi, là, si je me fie au passé, ce n'est pas
sûr qu'ils sont prêts à revendre ces terres-là. Eux autres, ce qu'ils veulent,
c'est d'aller chercher le maximum
d'argent sans s'imprégner du milieu, sans contribuer au milieu, et ça, ça
contribue davantage, comme je vous le disais tantôt, à la dévitalisation
même des fermes existantes, des fermes rentables actuelles. Moins qu'il y a de terres, moins qu'il y a de
possibilités. Tu as moins de fermes, tu as moins de services, moins de
services... tu sais, là, il y a une roue qui s'installe. Il faut freiner
ce phénomène-là.
La Présidente (Mme Léger) : M. le
député d'Abitibi-Est.
M.
Bourgeois : Toujours en complément. Donc, vous proposez le 100 acres,
la limitation de 100 acres. On s'entend que cette stratégie-là serait plus comme une stratégie transitoire à
l'établissement d'un modèle qui permettrait, dans le fond, d'assurer
vraiment une...
La Présidente (Mme Léger) : On parle
toujours de 100 hectares.
M. Bourgeois : 100 hectares, oui.
100 hectares, c'est vrai.
La Présidente (Mme Léger) : M.
Vachon... Ah! excusez.
M.
Bourgeois : Et, juste pour compléter, Mme la Présidente, donc, une
fois cette orientation-là prise, je pense qu'il y a beaucoup aussi dans cette situation-là toute la question de la
relève. Mais, depuis hier, on entend les différents témoignages. Ce que je constate aussi, c'est qu'on
dit : On développe des entreprises agricoles qui, somme toute, sont
assez florissantes. Il y a une augmentation
de la valeur réelle, là. Si on enlève le phénomène d'accaparement des terres,
il y a tout un enjeu là aussi. Et donc il y
a comme une double situation : la pression de l'accaparement et
l'augmentation de la valeur, compte
tenu de l'amélioration de la performance. Et, là-dedans, vous comprenez qu'il y
a comme... Le danger, c'est qu'on traite... l'ensemble du monde
agricole, on ne traite plus que simplement le phénomène d'accaparement.
J'aimerais avoir votre position par rapport à ça, M. Vachon.
• (10 h 50) •
La Présidente (Mme Léger) : M.
Vachon.
M. Vachon
(Sylvain) : ...ce qu'on
propose... Je vais recommencer, je ne suis pas sûr que j'étais entendu, là. De
un, on propose le 100 hectares. C'est
une mesure transitoire, vous avez très
bien compris, et le temps qu'on
trouve des solutions pour éviter ce phénomène-là
et garder nos milieux de vie, nos ruralités vivantes. Et ça, nous, on est prêts
à travailler, là, on est prêts à travailler
avec vous, là, pour trouver des... Le monde agricole, là, ils sont prêts à
travailler avec les élus pour trouver
les solutions. La problématique de la relève, la problématique du maintien du
nombre d'entreprises, la création de richesse collective,
c'est tous des enjeux sur lesquels on est prêts à contribuer, à travailler avec
vous.
Et c'est dans ce sens-là que nous, ici, on se présente aujourd'hui, qu'on a fait 22 heures de route. Moi, j'ai fait
22 heures de route, là... Bien, il m'en
reste 11 à faire, là. Mais, vous le savez, M. Bourgeois, hein, comment que vous
êtes loin, Québec.
Et ce qu'on veut faire, c'est justement de trouver des solutions. Et, des solutions, on
en a pour s'assurer que la relève ait
accès... Parce que vous avez parlé de la valeur qui augmente, hein,
c'est normal, et vous avez aussi entendu des gens de valeur, hein, qui sont prêts à laisser des sommes
colossales, on va se le dire, là. J'ai entendu 1 million, moi, tantôt, là. C'est de l'argent,
ça. On est prêts, les agriculteurs. Il
y a beaucoup de gens qui sont
prêts à mettre l'épaule à la roue, et
on espère qu'on va être capables de la mettre avec vous pour l'avenir d'une
belle ruralité vivante, dynamique, qui contribue à l'économie du Québec.
M. Bourgeois : Peut-être une
dernière complémentaire, madame...
La Présidente (Mme Léger) : Oui, M.
le député d'Abitibi-Est.
M.
Bourgeois : Hier, j'ai été
plus tranquille, mais là je veux me reprendre. M. le président, tant qu'à
faire, hein, on en parle, moi,
l'autre préoccupation que j'ai dans le territoire de l'Abitibi-Témiscamingue, c'est aussi la notion par
rapport aux terres en friche parce que j'ai
déjà travaillé sur un dossier de ce type-là et j'aimerais... Parce que,
justement, on parle de l'accès à la
terre, on connaît la réglementation actuelle, qu'est-ce qu'on devrait faire
aussi, tant qu'à regarder la
situation, pour, dans le fond, peut-être améliorer la situation de tout le
monde là-dedans par rapport aux terres en friche, M. Vachon?
La Présidente (Mme Léger) : M.
Vachon.
M.
Vachon (Sylvain) : Bon, c'est sûr qu'un peu comme j'ai dit tantôt l'enjeu,
c'est l'accaparement. Et l'accaparement, eux autres, présentement, n'achètent pas les terres en friche, hein, on
s'entend-u? Ils achètent dans les meilleurs secteurs, les secteurs les
plus dynamiques pour, justement, que leur capital, qui est le fonds de terre,
prenne de la valeur plus rapidement.
Moi, je peux
vous dire une chose, par exemple, par rapport aux terres en friche, c'est que
moi, quand j'ai commencé en
agriculture en 1997, là, il y avait de l'enthousiasme, il y avait du dynamisme,
il y avait des programmes de défrichement, puis les terres se défrichaient en Abitibi-Ouest à vitesse grand V, tu
sais, de la jeune friche. Et ces terres-là ont été remises en culture, moi-même,
j'en ai fait énormément. Quand il y a des opportunités d'affaires, quand il y a
des jeunes qui sont encouragés, qui ont des
possibilités, qui voient l'avenir de manière positive, quand il y a une
perspective de rentabilité, des
jeunes, du défrichement, du drainage, du développement rural, il y en a en
masse, il n'y en a pas, de problème. L'Abitibi-Témiscamingue
est le deuxième secteur après le Bas-Saint-Laurent, je crois, à avoir le plus
gros volume de jeune relève, là, les membres de la relève agricole. Ça,
ça veut dire qu'il y a du monde intéressé.
Nous, ce
qu'on doit faire — puis je
l'espère, qu'on va le faire ensemble — c'est d'éviter de perdre le foncier, hein,
à la base. Donc, c'est pour ça qu'on demande
de dire : On peut-u réfléchir puis mettre une limitation pour éviter qu'il
soit trop tard et, par la suite, fournir l'environnement pour recréer ce
qu'il y avait dans le temps? Parce que moi, je m'en rappelle, là — je ne
suis pas si vieux que ça, là — je me rappelle que ça a déjà existé, puis ça
peut encore exister parce que la
population mondiale va augmenter. La création de richesse, pour les milieux
ruraux puis pour l'État québécois, elle
se fait à partir de ces jeunes-là, et non, à mon point de vue, par rapport à de
la spéculation ou de la financiarisation des terres parce qu'on perd la
résilience, on perd l'attachement et la volonté de se dépasser. C'est des
employés qui travaillent puis qui sont blasés au bout de 12 heures, là.
La Présidente (Mme Léger) : M. le
député de Saint-Maurice.
M.
Giguère : Oui. Merci, Mme la Présidente. Je voudrais revenir avec Mme
Lemieux. Vous avez parlé que, dans votre coin, la valeur des terres a
augmenté de 60 %. Ce n'est pas rien, là, 60 %, là. Donc, c'est-u ceux
qui sont venus acheter des terres de
l'extérieur qui ont fait en majorité monter ce prix-là de 60 % ou — je veux revenir un petit peu avec mon collègue qui a posé la question tantôt — si ce n'est pas les producteurs agricoles
qui ont aussi une certaine non... tu
sais, autodiscipline dans tout ça
aussi? Parce qu'en tant que
producteur agricole, moi aussi, je suis conscient que, des fois, il y a des producteurs qui dépassent un
petit peu les bornes, qui font monter beaucoup les prix, puis qu'il faut
encadrer. Mais, dans votre secteur,
dans votre coin, quand on parle de 60 %, est-ce que c'est ceux de
l'extérieur surtout qui ont fait monter les prix?
La Présidente (Mme Léger) : Mme
Lemieux.
Mme
Lemieux (Nathalie) : Bon, bien, moi, c'est ça, comme exemple, l'an
dernier, on a acquéri une terre, puis... bien, en 2013 puis en 2014. En 2013, on l'a achetée d'un propriétaire
aussi, d'un producteur agricole, le prix... C'était une terre qui était chaulée, qui était bien
drainée, puis je pense que, quand la
valeur des terres monte puis que c'est dû à ces facteurs-là, bien, je
pense que c'est une fierté pour nous autres de voir ça. C'est ce qu'on veut, on
veut prouver qu'on est
efficaces puis qu'on est capables, tu sais, de produire puis de nourrir, là,
d'avoir des terres qui vont être productives pour nourrir les animaux,
mais pour nourrir les gens aussi. Ça fait que ça, c'est un certain montant.
Mais le 60 %, c'est vraiment dû à l'arrivée
de groupes qui sont venus dans la région, des gens qui ont vu peut-être une opportunité de faire monter... C'est
vraiment le cas de la spéculation qui a fait faire ça dans notre secteur
à nous, là, là. Ça fait que c'est vraiment,
vraiment ça. Parce que, tu sais, les gens vont être prêts à payer quand la
terre est en ordre, quand la terre a
des pH qui sont élevés puis quand elle est drainée. Mais là ce n'est pas le
cas, puis c'est vraiment la spéculation.
Puis l'autre
chose que moi, j'aimerais aussi rajouter peut-être aussi, tantôt on parlait des
terres en friche. Juste pour
compléter, dans notre secteur, là, la terre, là, tu sais, si on voudrait, là,
il en manquerait parce que, tu sais, on est même limités à cause de nos bassins versants. On est limités sur notre
production, on est limités sur la quantité de terres qu'on peut défricher ou
qu'on peut, tu sais, remettre en culture à cause des bassins dégradés. Ça fait
que je pense que ça aussi, c'est un
aspect qu'il va falloir regarder. Puis,
tu sais, la valeur des terres ne serait peut-être pas autant si jamais
on ne serait pas limités autant que ça sur notre façon de cultiver, là.
La Présidente (Mme Léger) : M. le
député de Saint-Maurice.
M.
Giguère : Oui. Vous avez dit
aussi de faire confiance à nos familles agricoles, que c'était très important.
Si vous permettez, je pensais faire
un petit parallèle avec qu'est-ce
qu'on vit présentement, l'accaparement des terres et... Vous êtes dans la production
laitière?
Mme Lemieux (Nathalie) : Oui.
M. Giguère : Donc, le fameux quota
de droit de production, on recule de voilà quelques années, il était à 10 000 $ — 8 000 $, 10 000 $ — et il a atteint à un moment donné un plafond
de 30 000 $, 30 000 $, 31 000 $,
32 000 $, puis il y a du
monde de l'extérieur de l'agriculture qui commençait à s'intéresser aux fameux
quotas laitiers. Et on s'est autodisciplinés
en tant que producteurs, et aujourd'hui il y a un plafond de
25 000 $. Donc, qu'est-ce que vous venez nous dire aujourd'hui, un coup de coeur, il va falloir
regarder ça puis s'encadrer pour notre relève. Puis pas juste notre relève,
nos producteurs présentement en production. C'est un petit peu ça, le message?
La Présidente (Mme Léger) : Mme
Lemieux.
Mme
Lemieux (Nathalie) : Bien,
moi, ce que je voudrais dire là-dessus, c'est que, dans le fond, au niveau des
quotas, les producteurs se sont pris en
main, ont travaillé sur ce dossier-là. Moi, ce que je vous demande aujourd'hui, c'est de revenir sur
l'accaparement des terres. C'est important, puis je pense que c'est le temps de
prendre les mesures qu'il faut. Puis
oui, c'est un cri du coeur parce
qu'on est prêts à le faire, puis on a
le temps, puis on a l'équipement pour le faire. Ça fait qu'il faut vraiment
qu'on prenne les mesures en fonction pour pouvoir permettre aux familles
agricoles de rester en place puis de
pouvoir voir leurs projets arriver où
ils se sont fixé leur objectif. Ça fait que c'est vraiment important.
La
Présidente (Mme Léger) : Il vous reste trois minutes, à peu près, du
côté du gouvernement. M. le député de Mégantic.
M. Bolduc : Insultez-moi pas.
La Présidente (Mme Léger) :
Excusez-moi.
M.
Bolduc : Merci, Mme la Présidente. Mme Lemieux, vous avez dit quelque
chose tout à l'heure qui m'a interpellé quand vous avez parlé de la limite sur les bassins versants dégradés.
Est-ce que vous pourriez éclaircir cette situation-là que...
La Présidente (Mme Léger) : Mme
Lemieux.
Mme Lemieux (Nathalie) : Oui, c'est
ça. Dans notre comté, dans Kamouraska, on a des rivières qui ont été classifiées par le ministère de l'Environnement
comme étant des municipalités avec des bassins dégradés. Donc, on ne peut pas faire l'augmentation... tu sais, on ne
peut pas cultiver, on ne peut pas faire de déboisement, on ne peut pas remettre en culture certaines terres. Ça fait que
ça, bien, c'est sûr que, sur notre développement aussi, bien, le seul point où
on peut peut-être acquérir ou aller
chercher des... cultiver de la terre, c'est d'acheter des entreprises,
aller louer des terres voisines qui
sont déjà en production ou acheter des portions de terres qui sont déjà
productives parce que là, on est comme limités, on ne peut pas
le faire, il y a un moratoire là-dessus.
La Présidente (Mme Léger) : M. le
député de Mégantic.
• (11 heures) •
M.
Bolduc : Oui. Merci, Mme la Présidente. Il est clair que, pour nous — puis
si je parle de la région de Chaudière-Appalaches, et moi, je suis en Estrie — qu'on a énormément de terres de friche, puis
la possibilité, par exemple, de débloquer l'accès aux terres de friche, c'est quelque chose que vous verriez d'un bon oeil si j'entends bien ce que vous
dites, là, n'est-ce pas?
La
Présidente (Mme Léger) : Mme Lemieux...
Mme
Lemieux (Nathalie) : Je
mettrais quand même l'emphase sur l'accaparement, là, puis sur le
volet spéculation, mais oui, dans
notre région, c'est sûr qu'on a fait des gros efforts, les producteurs, en agroenvironnement, puis je pense que c'est
un bon point aussi d'aller vers ça.
La Présidente (Mme
Léger) : M. Simard. Ah! vous m'aviez levé la main.
M. Marquis
(Gilbert) : Oui, j'ai levé la main, mais ce n'est pas monsieur, mais
c'est Marquis.
La Présidente (Mme
Léger) : ...
M.
Marquis (Gilbert) : Oui.
Mais ce n'est pas madame non plus. Merci. Sur les terres en friche, c'est une
chose, on en parle depuis le début, là, de ces... Hier, on en a parlé beaucoup.
On ne tournera pas autour du pot longtemps, Nathalie,
elle peut vous signifier ce que je veux vous dire. Mais, par contre,
au MAPAQ, chez nous, ils ont regardé tout ça sur le territoire, ils ont sorti des fiches, ils ont sorti des
beaux plans en couleurs qui nous démontrent où est-ce qu'il y a des friches. Puis les friches, là, ça peut être
des friches qui peuvent être remises en culture demain matin, si on veut. Il y en a d'autres peut-être que les épinettes sont rendues à trois pieds.
Vous savez, au bout de sept ans, il y
a une épinette quand ce n'est pas cultivé. À un moment donné, peut-être, ceux-là, ils pourraient être reboisés aussi.
Mais, chez nous, on l'a regardé avec
le MAPAQ, c'est sorti, ils ont répertorié, et puis on a tout ça, ça va être
présenté, ça, à un moment donné. Ça ne
veut pas dire que ça va
être remis en céréales ou quoi que ce
soit, ça peut être d'autres cultures. Puis, après ça, ce n'est pas tout, il
faut aller voir les producteurs parce que, bien souvent, ça appartient
à des producteurs. Ils demandent un reboisement, on leur dit non.
On leur dit non parce
qu'on ne veut pas que ça soit reboisé. La première chose, les terres agricoles,
c'est le garde-manger. Après, si on n'est
pas capables de les mettre en culture, puis les épinettes, elles ont trois,
quatre pieds de haut, on les reboise.
Ça, c'est fondamental. Mais on ne veut pas que ça se rende là parce que, madame
ici l'a très bien dit, dans son
secteur, il va en manquer, des terres, à un moment donné. Puis je pense que,
quand j'avais rencontré M. Paradis, il m'avait dit : On veut développer les régions, mais ce n'est pas
comme ça qu'on va les développer, les régions, là. S'il me dit : Bien, on va les fermer, les régions,
je pense que vous n'êtes pas d'accord avec ça, ici, personne, qu'on ferme les
régions. Parce que, si on ferme les régions,
si on laisse aller tout ça, les terres, on les fait abandonner, puis c'est du
monde comme ça, on dit : Le
Québec, c'est notre garde-manger, bien là ça va être le coffre-fort du Québec,
on va parler juste d'argent. Puis de
l'argent, bien, ça, c'est sûr que, quand on s'en va à l'épicerie pour aller en
acheter, ça en prend. Mais, s'il n'y a pas rien dans les tablettes, ça
ne sert absolument à rien. Merci.
La
Présidente (Mme Léger) : Alors, c'est tout le temps que nous avions,
mais je vous laisse poser la question. Mais il n'y aura pas de réponse,
ils vont peut-être la garder, là, pour quelque part s'il y a la possibilité.
M.
Bolduc : Je laisse la question ouverte, mais un des points
que moi, je considère, j'ai bien entendu la demande de l'UPA et de tous les groupes qui nous ont
rencontrés, c'est de limiter à 100 hectares sur trois ans. Et je voulais
poser la question à Mme Lemieux,
là, mais je vais me limiter, faire ça rapidement. Le chiffre 100 peut être
débattable, là, dans le sens que moi,
je connais des cultivateurs dans ma région qui ont acheté des voisins, etc., si
on les limite à 100 hectares sur
trois ans, leur possibilité de croissance peut être un petit peu limitée, là.
On ne parle pas de 1 000 acres, là, on parle de peut-être
ajuster le chiffre. Est-ce que vous êtes ouverts à ça? Puis je laisse ça là.
La
Présidente (Mme Léger) : Oui, merci. Elle était longue un peu, votre
question, M. le député de Mégantic. M. le député de Berthier,
porte-parole de l'opposition officielle, c'est votre tour.
M. Villeneuve :
Merci, Mme la Présidente. Alors, bonjour à toutes et à tous. Très heureux de
vous voir ici, aujourd'hui, en commission parlementaire. Je vous dirais, à
l'instar de mes collègues, merci du témoignage que vous apportez. Merci de ce témoignage-là,
d'autant plus qu'il est... Vous n'êtes pas des cas d'exception, j'en suis
convaincu, dans le sens que le
problème, il est beaucoup plus grand qu'on peut l'imaginer, notamment la
relève, qui est très, très touchée par ce phénomène-là d'accaparement
des terres.
Juste
peut-être une précision, mon collègue de Mégantic parlait de 100 hectares. Là, là, moi, je suis néophyte en la matière, là, hectares, acres, arpents, on peut-u s'entendre pour parler
d'hectares, tout le monde? On parle juste d'hectares. O.K.? Parce que moi, je ne suis pas capable de
faire la... pas en ce moment, à tout le moins. 100 hectares, c'est par
année et ce serait sur une période de
trois ans, le temps d'étudier le phénomène. Alors, je vois qu'il y a une
sensibilisation qui s'opère, et je
suis fort heureux de voir qu'on est en mode solution présentement ici. On vous
écoute puis on réfléchit pour, justement, pouvoir éventuellement
apporter ce pour quoi nous sommes élus, hein, des solutions aux problèmes.
D'ailleurs
à ce sujet-là, peut-être rappeler à l'ensemble des parlementaires ici présents
que nous avons adopté — je crois que c'est en
2011 — une loi
sur l'occupation dynamique ou la vitalité des territoires. Et cette loi-là a
été adoptée de façon unanime, tout le
monde était d'accord.
C'est une loi pour l'occupation et la vitalité des territoires
au Québec. Ça, ça veut dire tout le Québec,
tous les territoires. Et on est tous d'accord — on était tous d'accord à l'époque, je crois
qu'on l'est encore tous — de
travailler, justement, pour que les territoires se développent,
qu'ils se dynamisent. Parce que vous
êtes le fer de lance, vous êtes le fer de lance du Québec
autant d'hier, d'aujourd'hui, que de demain, et ça, je pense qu'il faut le dire.
Je tiens à vous rappeler qu'on a
adopté cette loi-là... Parce que je la relisais tantôt, et puis je suis tombé
sur l'article 5, et
c'est fort intéressant parce
que l'article 5 — on
parle de l'alinéa 2° — on
parle engagement des élus. Et ça, on a adopté
ça à l'unanimité ici, là, on dit :
«L'occupation et la vitalité des territoires s'appuient sur l'action des personnes élues
membres de l'Assemblée nationale...» Alors là, vous ne pouvez pas mieux tomber ce
matin pour venir, justement, nous faire écho de ce que vous vivez sur vos territoires, et je pense que vous interpelez
toute la classe politique, autant régionale, nationale que locale. Alors, bravo pour le 22 heures de
route pour certains. Il en reste 11 à faire, mais bravo pour avoir fait ce bout
de chemin là.
Maintenant, on va
parler, je pense, du problème qui est vécu parce que, s'il y a des gens...
J'ose espérer que, s'il y a des gens, à
l'heure où on se parle, qui ont encore des doutes par rapport au fait que
l'accaparement des terres par des fonds d'investissement puissants,
agressifs, c'est le cas de le dire... Vous en avez fait la démonstration tout à
fait éloquente tantôt, l'entreprise arrive
avec des millions dans ses poches, ce n'est pas long, faire une transaction.
Puis, en business, on va se le dire,
les transactions normalement, ça se fait assez rapidement. Alors, j'ose croire
que, s'il y a des gens qui avaient
encore des doutes par rapport aux dommages que ça crée, d'abord et avant tout,
à la relève agricole, bien sûr, mais
ça, c'est à court terme, mais, à moyen terme, sur la possibilité que ces
fonds-là, en s'accaparant des terres immenses, inévitablement ils vont appuyer sur un bouton à un moment donné, puis
ils vont commander leur stock ailleurs pour avoir les meilleurs prix, puis... Alors, à moyen terme,
c'est toute une économie... c'est toute une déstructuration qui est en vue
par rapport à certains territoires qui sont convoités. Et ils seront convoités
assurément encore dans l'avenir par ces fonds-là,
donc d'où l'urgence d'agir. Évidemment, à long terme, bien, on s'entend que
c'est une menace qui risque d'être terrible pour les régions.
Alors,
je vais aller dans la... Parce que je voulais aussi vous entendre davantage sur
ce point-là. Mon collègue de Mégantic
vient de le faire, mais... Puis c'est 100 hectares par année pendant trois
ans, c'est un... En fait, c'est un outil de transition qui permettrait de bien, bien faire le portrait sur
l'ensemble de la situation que vous vivez, qu'on vit au Québec
présentement. Alors, moi, j'aimerais vous entendre. C'est une proposition qui a
été, je vous dirais... Moi, j'ai entendu beaucoup
de choses là-dessus, hein? Certains ont dit : Ça n'a pas de bon sens.
D'autres nous disent : Oui, oui, c'est la voie à suivre. Est-ce que c'est 100? Hier, j'ai posé la question :
Combien d'agriculteurs propriétaires achètent au Québec 100 hectares, font l'acquisition de
100 hectares de terres? On a une réponse partielle. Je ne la donnerai pas
parce qu'elle est partielle et je n'en suis pas sûr à 100 %. Mais
on a une bonne idée, ce n'est pas beaucoup, ce n'est pas beaucoup. Alors là, ce qu'on viendrait faire, on viendrait,
d'une certaine façon, limiter l'appétit des fonds, hein, parce que, là, ce
serait long longtemps, à 100 hectares par année, pour eux autres, ça nous
permettrait à nous, comme société, de voir qu'est-ce
qu'on veut pour le Québec de demain, comment on veut bâtir notre Québec de
demain en évitant, justement, des dommages collatéraux terribles pour
les régions du Québec.
Alors,
là-dessus, je me tais et je veux vous entendre, là. Je comprends que c'est très
large, c'est une réflexion que je vous fais en même temps, mais ça amène
beaucoup de questions et ça permet aussi de regarder les outils que nous, ici,
à l'Assemblée nationale, comme parlementaires, on peut peut-être
développer avec vous pour, justement, pallier à ces problèmes-là.
La Présidente (Mme
Léger) : Alors, on peut commencer par M. Vachon. Puis vous levez
la main après, M. Simard. Vous lèverez la main, là. M. Vachon.
• (11 h 10) •
M.
Vachon (Sylvain) : Bon, premièrement, tu sais, il y avait une question
en suspens, puis je veux y répondre aussi en même temps. Parce que, là,
on dit : L'UPA, ta, ta, ti, ta, ta, ta. L'UPA fait ça aujourd'hui parce
qu'il y a des M. Bégin qui ont subi les
conséquences du phénomène, et là on pourrait en faire une liste, là. Nous
autres, on ne tire pas un dé à un
moment donné sur le coin d'une table, là, on consulte les producteurs, on les
entend puis on pose des gestes. Ça
fait que c'est pour ça qu'on est ici aujourd'hui, là. Moi, c'est parce que deux
jeunes formés m'ont dit : Ça n'a pas d'allure. Bon, on dit :
On va faire 22 heures de route, puis on va aller leur dire.
Le
100 hectares, là, qu'on parle, c'est vraiment... Les chiffres qu'on a
actuellement, ce que moi, j'ai compris, c'est qu'il faut comprendre
qu'on exclut les transferts, tu sais, on ne parle pas, là, de transferts
d'entreprises père-fille, non apparentés, etc., on ne parle pas de ça. Et on
parle environ d'une vingtaine d'entreprises, là, qui ont acheté plus que
100 hectares, là, dans les dernières années, ça fait que ce n'est pas très
limitatif, tu sais. Moi, c'est ce que j'entends.
Il y a
la loi sur la vitalité du territoire. Moi, bon, je ne suis pas un parlementaire, je ne
le savais pas. Ça m'inspire, et nous,
on veut y contribuer, hein? Je pense que, si on est ici aujourd'hui, qu'on a fait 22 heures de route, c'est parce que, justement, ça nous tient à coeur, la vitalité des milieux ruraux, et on
vous demande de poser des gestes courageux, un peu dans le sens de ce
qu'on propose, pour être capable d'avancer dans l'atteinte de l'objectif que
vous avez voulu.
Et
c'est à peu près ça, moi, je... Ah oui! Et vous avez parlé des
stocks, hein? Quand on dit, là : Les grands... les accapareurs de terres, il dit, à un moment donné, ils vont peser sur le piton, puis ils vont acheter à l'extérieur, je
peux vous rassurer là-dessus, ce n'est pas : Ils vont un jour, non,
non, c'est : Ils le font. Parce que, le modèle Renaud, on voyait débarquer chez nous des «dump trailers», là — je
ne sais pas comment on appelle ça en français, là — des gros trucks, là, avec plein d'engrais et plein de semence, et ils
semaient ça chez nous, et ils repartaient dans le Sud. Qu'est-ce qui reste pour nos fournisseurs
d'intrants chez nous? Rien. Et après ça, bien, ils n'arrivent pas, puis ils
ferment. Puis nous, les agriculteurs de
métier, qui contribuons à l'occupation dynamique du territoire, bien, on a des
problèmes d'approvisionnement. Je laisserais mon collègue continuer.
La Présidente (Mme Léger) :
M. Simard.
M. Simard (Yvon) : Oui.
Bon, bien, vitalité du territoire, on en est là puis on voudrait trouver des
solutions avec vous autres, avec
vous, le gouvernement, parce que, veux veux pas, il faut décider quelle sorte
d'agriculture que l'on veut dans nos municipalités puis dans nos campagnes. Si
on veut des familles qui y habitent, bien, ça va prendre des décisions
qui vont avec pour que ces jeunes, cette relève-là s'implante puis continue de
s'implanter dans les régions.
Puis
un exemple que je vous donne, quand vous parliez de friche, bon, de friche, il
y a un producteur pas loin de chez
moi qui louait de la terre, 50 acres, puis, depuis trois ans, il ne peut
plus le louer, ça a été acheté par un spéculateur. Ce spéculateur-là, bien, il ne le fait pas
cultiver puis il ne loue pas dans l'optique que la friche prenne dedans puis
avoir un dézonage pour construire des
résidences. Ça fait que je pense qu'il faudrait, ensemble, au moins trouver une
piste de solution, que les terres qui
sont laissées comme ça, bon, bien, qu'il y ait — je vais lancer un mot comme ça — une surtaxe ou n'importe quoi, mais ça ne devrait pas être admissible qu'il y ait
une terre qui soit non productive au Québec aujourd'hui, là, pour peu importe la raison, par spéculation ou
par négligence. Ensemble, si on veut que le Québec, il ait une vitalité,
comme vous l'avez mentionné par la loi, bien, il faut trouver un moyen pour ça.
En
plus, quand on parle de location, bien, actuellement, là, les producteurs puis
la relève, quand ils font un plan d'affaires
puis qu'ils ont une location dans leur plan d'affaires, il n'y a rien qui
protège cette location-là. Quand vous êtes résident puis vous louez une maison, bon, vous ne pouvez pas être évincé
pour n'importe quelle raison. Actuellement, quand on est producteur agricole puis qu'on loue une terre, on peut être
évincé pour n'importe quelle raison. Ça fait que c'est encore un élément que, si on veut la vitalité du territoire, il
faut qu'il y ait... les jeunes, quand on va louer des terres, qu'il y ait une certaine continuité puis que la
nature du sol soit respectée pour qu'elle soit profitable pour l'agriculture.
Puis c'est pour une de ces raisons-là aussi
qu'on vous demande, là, d'intervenir à court terme autant dans l'accaparement
des terres avec 100 hectares, avec un
registre des transactions, puis peut-être, à moyen terme, ce que je vous
soulevais tantôt, qu'on s'en parle
ensemble, de la vitalité, autant pour les friches, les locations. Je pense
qu'il faut, ensemble, là, avoir une
vision globale du développement de l'agriculture, il ne faut pas se laisser
faire par des fonds d'investissement qui vont décider ensemble c'est
quoi qui va être le patrimoine du Québec.
La
Présidente (Mme Léger) : M. le député de Berthier, j'ai
Mme Lemieux qui voudrait compléter. Est-ce que ça vous va? Allez-y,
Mme Lemieux.
Mme
Lemieux (Nathalie) : Moi, je vais faire quand même ça assez
rapidement. Vous parliez de la limitation, moi, je pense que c'est un début. Le 100 hectares, il faut
commencer à quelque part, puis c'est un chiffe qui fait quand même... qui fait du sens, à mon avis. À
Kamouraska, je vais vous parler pour mon secteur, en moyenne, les entreprises
agricoles, c'est 117 hectares qu'elles
possèdent. Ça fait que déjà, si on limite à 100 hectares, je pense qu'on
se rapproche pas mal de ça.
Puis,
ensuite de ça, bien, la majorité des terres, des dernières transactions...
peut-être majorité où, bien souvent, c'est
des lots... Je prends pour mon secteur à moi, c'est beaucoup des lots qui
marchent par de 25 à 30 hectares. Ça fait que je pense que, là, tu sais, déjà, en partant avec une base de
100 hectares, je pense que ça peut être déjà bien. Ça fait qu'il
faut aller vers cette mesure-là.
La
Présidente (Mme Léger) : M. le député de Berthier, il vous reste à peu
près cinq minutes, là, cinq, six minutes.
M. Villeneuve :
Oui. Je laisserais la parole à mon collègue, si vous le permettez, Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme
Léger) : O.K. M. le député de Bonaventure.
M.
Roy : Merci, Mme la Présidente. Très beau témoignage.
Puis je vais essayer de faire une analyse un peu macro parce que le sort des régions actuellement est
assez particulier. J'ai été voir dans l'étymologie, hein? La culture, c'est
prendre soin de son âme. Et
l'agriculture, c'est prendre soin de sa terre. Puis le monde agricole, bien,
c'est le monde rural. Puis actuellement les mesures d'austérité désorganisent
de manière phénoménale le développement économique des régions du Québec. L'élimination des CLD ou une diminution
très significative des budgets, l'élimination des CRE, qui sont des organismes de concertation et de revendication, de
mobilisation, tout cela nous amène dans une situation où on voit un appauvrissement économique des régions du Québec.
Il y avait un article dans Le Devoir en fin de semaine qui parlait
des armes de déstructuration massive. Donc,
appauvrissement économique, déstructuration des capacités de concertation.
Quand on n'est pas concerté, on devient déconcerté.
Et
là la question, là, elle est là, là : Si rien n'est fait, voyez-vous en
cette inaction la poursuite de la volonté à peine avouée de la déstructuration des régions du
Québec? Parce que moi, actuellement, je viens de la Gaspésie, on a un animateur
de radio, la semaine passée, qui nous
invitait à déménager ou disparaître. Et là le mot est faible. On a le Conseil
du patronat du Québec qui a
dit : Écoutez, au lieu de prendre les budgets de développement économique
et envoyer ça dans les régions, on va
inviter les gens à déménager. Écoutez, là, il y a comme un signal qui fait que
la goutte va faire déborder le vase. Et
là ce que j'entends là, là, ça vient consolider une approche des régions qui
est inacceptable selon moi. Et là la question est là : Si rien n'est fait, s'il y a une inaction du gouvernement
par rapport à ce phénomène-là, est-ce que vous considérez qu'on a une réelle volonté de déstructuration des
régions du Québec? Vous n'êtes pas obligés de répondre par oui ou non,
mais vous pouvez émettre des commentaires.
La Présidente (Mme
Léger) : Alors, Mme Lalancette.
Mme
Lalancette (Michèle) : Bien, moi, là-dessus, j'aimerais dire... C'est
sûr, je ne répondrai pas par oui ou non. Par contre, je sais que, si rien n'est fait, ça va mener à la
destruction des régions, c'est clair. On n'a pas besoin... Tu sais, tantôt, quand j'ai terminé, j'ai dit que, bon, il y
a 10 familles qui pouvaient s'implanter sur la grosseur d'une unité d'entreprise de Pangea. Puis Pangea, ce n'est pas
les plus gros, puis ce n'est pas ceux-là qui font le plus de mal tant que ça.
Puis c'est juste pour vous dire que ces
10 familles là... Puis on en a entendu parler tantôt, c'est vrai que
l'autobus, chez nous, là, il n'est pas rendu à 20 pieds, là, il est
rendu à 10 pieds. Tu sais, ce n'est plus 10 familles qui vivent dans
ce rang-là, c'en est juste une, puis des
employés qui vivent dans les villes alentour qui viennent travailler une fois
de temps en temps, puis qui viennent déstructurer notre économie
carrément.
Moi, j'ai la
chance de rester dans un petit village, je suis attachée à ma terre. Je suis
partie à l'extérieur étudier puis je suis revenue parce que la ferme,
elle est là, elle est sur une terre à Hébertville-Station, qui est un petit
village de la municipalité de
Lac-Saint-Jean-Est. Je vous entends parler de terres en friche, puis tout ça,
tout à l'heure, oui, il y en a, des
terres en friche, mais il y a aussi autant de jeunes qui veulent les reprendre
puis qui ont besoin de connaître ces opportunités-là.
Les terres en friche, Yvon en parlait tantôt, souvent c'est des propriétaires
qui ne veulent pas qu'elles soient
cultivées, puis qu'il n'y a personne qui sont capables de les approcher pour
les cultiver. C'est un gros problème, puis
moi, j'ai peur que finalement, tu sais, les accapareurs de terres, ça finisse
par faire ça. Là, ils se font bien du fun pour l'instant, là, ils cultivent un peu à gauche puis à droite, puis, des
fois, oui, ils ont des bons producteurs qui les cultivent. Mais, à un moment donné, à cultiver sur une aussi
grande superficie avec aussi peu d'attachement, comme M. Vachon le disait, ça va finir par déstructurer les sols,
veux veux pas. Parce que, quand on a juste une volonté économique, et non pas
une volonté à long terme d'avoir un sol productif et un sol qui va nous
apporter...
Dans le fond,
moi, ce que je veux, c'est avoir tout ce qu'il faut chez nous, dans mon
entreprise, pour pouvoir la transférer
de façon intelligente et de façon à ce que mes enfants à moi, qui ont quatre
puis deux ans présentement, soient capables
de la cultiver encore et la passer à leurs enfants par après. Le transfert,
chez nous, il n'est pas encore fait, je ne suis pas encore propriétaire de la terre. Mais, je vous ai dit tantôt,
tu sais, ça a triplé, là, la valeur de la terre chez nous. Ça fait que, quand on va faire le transfert, le gain
en capital de mon père va être assez impressionnant, même s'il me donne sa
terre.
La Présidente (Mme Léger) :
30 secondes, M. Vachon.
• (11 h 20) •
M. Vachon
(Sylvain) : Je vais y aller rapidement. Je suis un fier
Témiscabitibien. Je ne peux pas présumer des volontés, mais je sais une chose, par exemple, c'est que, quand
on a — puis là je viens de l'Abitibi — un gisement minier, on veut l'exploiter, on ne laisse pas la richesse
là. On veut l'exploiter puis on met en place, là, ce que ça prend pour que
ça fonctionne. On le voit, puis c'est
correct, puis moi, je suis pour ça. On a un gisement dans toutes les régions du
Québec avec des PME qui contribuent à
l'habitation dynamique du territoire, qui génèrent des revenus et qui amènent
de l'argent au fisc québécois. Il y a
des études qui le prouvent, on vous les a présentées. Les solutions sont
connues : freiner l'accaparement,
s'assurer d'avoir un environnement favorable pour les jeunes entrepreneurs
agricoles du Québec. On est prêts à
travailler avec vous pour mettre cet environnement-là, comme on l'a fait pour
les mines, et contribuer à l'essor de notre belle province qu'est le
Québec.
La
Présidente (Mme Léger) : Merci, M. Vachon. Vous avez le temps juste
d'une question vitement comme...
M.
Villeneuve : Un commentaire. Écoutez, vous ne vous serez pas
déplacés pour rien parce que nous, on a fait notre travail de parlementaires, on a rencontré certains groupes de
fonds d'investissement, et ce qu'ils nous disent, c'est qu'eux, lorsqu'il y a des acheteurs locaux qui se
présentent, ils se tassent. Alors, merci de nous avoir donné un autre côté de
la médaille.
La
Présidente (Mme Léger) :
Alors, Mme la députée de Mirabel, la porte-parole du deuxième groupe d'opposition, à vous la parole.
Mme
D'Amours : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, messieurs. Bonjour, mesdames. Ma question
s'adresse à Mme Lemieux. Hier, la FRAQ admettait que la société
telle que Pangea n'était pas qu'une partie de la cause, là, ce n'étaient pas les seuls qui contribuaient à la
hausse des coûts des terres. Est-ce que vous êtes d'accord
avec ça? Et, selon vous, quelles seraient les autres causes?
La Présidente (Mme Léger) :
Mme Lemieux.
Mme
Lemieux (Nathalie) : Oui.
Bien, moi, c'est sûr que je parle beaucoup pour mon secteur à moi. Je pense que c'est un des gros facteurs, mais oui, il y en
a d'autres aussi. Puis, quand on parle de la financiarisation, tu sais, je pense qu'il
y a d'autres groupes, il y a d'autres groupes d'investisseurs, ils ne sont pas
que les seuls. Ça fait que c'est... Tu sais, moi, je parle pour mon secteur à moi, c'est sûr qu'à Kamouraska d'avoir
cette entreprise-là comme voisin, ce n'est pas très
intéressant. Ça fait que c'est vraiment... pour moi, ce qui me concerne, c'est vraiment
ce bout-là, là.
La Présidente (Mme Léger) :
M. Simard, M. Marquis, faites ça rapidement aussi, dépendant...
M. Simard
(Yvon) : ...ce n'est pas
juste Pangea. Chez nous, c'est la Banque
Nationale qui a «starté»... qui a parti le bal à grande ampleur, mais on avait Investerre puis Hexavist qui
étaient déjà là. Mais c'est vraiment, comme je vous dis, la Banque Nationale qui était là, puis... Je
peux bien croire que l'augmentation de la population fait en sorte qu'on
aura besoin de plus de terres à long terme,
mais des effets comme ça à court terme dans une région, c'est vraiment créé
par des fonds d'investissement, puis ça n'a pas d'allure.
La Présidente (Mme Léger) :
M. Marquis.
M. Marquis
(Gilbert) : Bien, mon ami Yvon a pas mal répondu, sauf que c'est sûr
que, les fonds d'investissement, on peut
les voir sur n'importe quel fonds. Ce qui fait augmenter les taux... Moi, chez
nous, j'ai resté surpris, une petite municipalité...
Moi, je reste à Bic, pour ceux-là qui ne le savent pas, là, avec les îles, puis
tout ça, la plus belle place au monde
parmi tant d'autres. Bon, à Saint-Eugène-de-Ladrière, il y a un producteur qui
m'appelle : Mettons, on va faire... Sans dire les vraies affaires, mais pas mal vraies, il
dit : Gilbert, j'étais, mettons, évalué à 100 000 $, ça a passé
cette année à 200 000 $. Il
dit : Penses-tu que c'est normal? Non, ce n'est pas normal, c'est parce
qu'il y a quelque chose qui se passe dans
l'air, là. C'est un peu comme, quand, Mme la Présidente, il y a ton voisin
producteur, il a une maison qui est évaluée à 700 000 $, toi, tu es évalué à 200 000 $, puis,
l'autre côté, il est évalué à 500 000 $, probablement que ta maison,
ton entreprise va monter aussi si tu fais la moyenne de ça.
Mais moi, je
voudrais revenir, puis je vais être très, très court... Les producteurs, tous
qu'on en est, on est des bons samaritains.
Je pensais à ça tout à l'heure — puis mes amis parlaient — on laisse passer chez nous les skis, les skis
de fond, la raquette, les motoneiges,
transcanadienne, l'oléoduc, Pangea, Hydro-Québec. Ça va être quoi à un moment
donné? On sait que tous nos fonds de terre, à un moment donné, ça
rapetisse, les villes veulent grossir, s'en venir vers nous. Aidez-nous à arrêter ça. Mon message est clair.
J'ai toujours dit : Seuls, on va vite, mais ensemble on va plus loin.
Merci.
La Présidente (Mme Léger) : Mme la
députée de Mirabel.
Mme D'Amours : Merci. Je veux
revenir sur la famille Bégin, les deux frères, là, sur votre témoignage très émouvant. Je dois vous dire que je viens de
l'Abitibi et que je suis moi-même agricultrice, mais dans la région,
maintenant, d'Outaouais-Laurentides,
en fait plus précisément dans les Basses-Laurentides, et j'aimerais ça que vous
m'éclaircissiez un peu, là, votre
pensée sur ce que je vais vous apporter.
M. et Mme Renaud moi, je les connais, c'est des producteurs, c'est des vrais producteurs, là, de famille, de
père en fils, qui viennent de Mirabel. Oui, c'est une grosse entreprise qui
est prospère, qui progresse tout le temps.
Ils ont deux fils, ils ont deux filles. Ils ont choisi de ne pas s'établir un
après l'autre, mais de garder le
groupe Renaud. Ils ont des boeufs, des milliers de boeufs, ils ont du poulet,
ils ont des terres en grande culture, et leur problématique aux Renaud chez
nous, c'est qu'il n'y a plus de terres pour qu'ils puissent expanser
leur entreprise.
Je comprends,
au niveau des régions, que, quand quelqu'un débarque puis qu'il ne vient pas rester là,
qu'il manque... les autobus vont
raccourcir... Je comprends tout ça, mais là on parle d'un producteur agricole.
M. Renaud, c'est un vrai producteur agricole. Je ne voudrais pas penser que c'est un spéculateur,
là. Je ne le vois pas comme ça, moi, chez nous parce que je sais comment il produit. Alors, vous voulez qu'on prenne
position, tu sais, moi, je veux juste savoir de votre réponse... j'aimerais que vous m'éclaircissiez
là-dessus. Vous voulez qu'on travaille, qu'on réfléchisse sur l'accaparement
des terres, vous voulez qu'on regarde pour
les gens qui viennent chez les producteurs puis que c'est des spéculateurs,
c'est des fonds qu'ils viennent acheter, qui sont en location ou à
49 %, 51 %, mais là on parle d'un producteur agricole qui s'installe ailleurs parce qu'il n'y a plus de
place dans la région chez eux. Comment vous voyez ça? Comment vous voulez
que je sois à l'encontre d'un producteur agricole?
La Présidente (Mme Léger) :
M. Bégin.
M. Bégin
(Alexandre) : Oui, c'est une
excellente question. Ça vaut la peine de quand même bien y répondre. Oui, c'est un producteur agricole de la région de Mirabel,
mais il ne faut pas oublier aussi que, dans le fond, c'est ça, c'est que... Comment je peux formuler ça? C'est qu'il a
un pouvoir d'achat pas mal plus grand que nous autres parce que, tu sais, lui, ses terres chez eux ou toute son
entreprise a une bien plus grande valeur par rapport au prix des terres
agricoles. Puis, de la façon que moi,
je vois ça, tu sais, nous autres, en tant que membres de la relève qu'on
voulait acheter une terre, puis
c'était à prix égal... Puis lui, il est arrivé, puis il a fait un chèque sur la
table, je suis convaincu qu'il savait qu'on était dans le décor, là,
puis, à prix égal, ça devrait aller à la relève agricole.
Et aussi, en
2012, que nous autres, on a fait nos premières démarches pour acheter des
terres agricoles, puis on parlait peut-être, pour mettre des chiffres
comme ça, tu sais, on parlait peut-être 30 000 $ une terre, puis,
quelques mois plus tard, on commençait à
parler de 50 000 $, 55 000 $, ça, c'était depuis que le
groupe Renaud sont venus en région. Je
ne vois aucune autre raison de... Il a fait beaucoup de pressions
spéculatives, on peut dire, là. Tous les producteurs du coin se sont mis, genre, à partir en peur parce
qu'ils savaient que des gros groupes de l'extérieur avec des poches profondes
étaient capables de payer le gros montant,
tandis que, voilà quelques mois, genre, auparavant, c'était moitié moins cher,
là. Puis tout l'argent qu'on a dû
payer plus cher à cause du groupe Renaud, ça, c'est de l'argent qu'on n'a pas
pu investir dans nos propres terres à nous autres pour créer de la
richesse. Ça nous a reculés de plusieurs années pour mettre nos terres, qui ne sont pas drainées, qui ne sont pas
chaulées... C'est très difficile. Là, on n'a plus les moyens d'investir dans
un drainage systématique, on n'a pas les
moyens de chauler. On n'est pas productifs comme qu'on aurait pu être si on
aurait acheté nos terres au prix qu'on était habitués puis qu'on aurait eu
encore la marge de manoeuvre pour réinvestir sur nos terres. C'est un
peu comme ça, puis je pense que Sylvain peut...
La
Présidente (Mme Léger) : Il
y a M. Vachon qui voulait... Juste nous préciser «chauler», ça veut dire quoi.
M. Vachon (Sylvain) : ...mettre de
la chaux.
La
Présidente (Mme Léger) :
Mettre de la chaux. Ah! c'est simple comme ça. Bon, merci. Il y a du monde qui
nous écoute aussi. M. Vachon.
• (11 h 30) •
M. Vachon
(Sylvain) : L'effet de
chauler, là, blague à part, c'est de ramener un pH plus favorable à la
production des plantes qu'on veut cultiver.
Moi, je suis
content qu'on amène plus spécifiquement le phénomène de chez nous, d'un
producteur de Mirabel. Et l'accaparement, ça a plusieurs facettes. Tu
sais, on a parlé beaucoup des financiers. Moi, je vais vous parler, chez
nous, c'est Grant Farms, hein, un
richissime producteur du Témiscamingue ontarien qui avait un modèle agricole de
10 000 acres, 5 000 hectares,
à peu près, là, pour... Ah! il n'est plus là. Ça fait que ce phénomène-là, il est
différent, puis les conséquences sont
les mêmes. En bout de ligne, quand on débarque, quand on agit comme un
spéculateur, est-ce qu'on doit dire que ça devient de la spéculation? Moi, je n'ai pas à définir qui fait quoi,
comment, mais l'effet est le même. On se comporte... on achète des
intrants à l'extérieur, on n'habite pas le territoire, on ne contribue pas à
l'habitation du territoire, on enlève la possibilité à des jeunes relèves de
s'établir et de dynamiser le milieu.
Nous, comme
région, on regarde ça, puis on ne dit rien. C'est dommage. Moi, je n'ai rien
contre l'individu, mais le
comportement qu'il a fait chez nous a été le même que Grant, a été le même que
les Dufraisse dans les années 80, et les conséquences sont majeures sur la région d'où vous êtes native, madame.
C'est ça, le problème. Nous, ce qu'on veut, c'est s'assurer d'avoir une agriculture dynamique, qui
est multiple, qui répond aux besoins des gens du milieu, qui dynamise la
ruralité partout au Québec, et ça, ça profite à tout le monde.
Une voix : L'agriculture ne
se fait pas pareil aussi, là...
M. Vachon
(Sylvain) : Et le modèle n'est pas... les portes, là, les
opportunités, là, les portes d'opportunité pour ensemencer puis récolter
dans une région comme la nôtre, ce n'est pas trois semaines, un mois, deux
mois, c'est plus restreint comme
opportunités. Et le modèle qui est le plus à même de contribuer à la ruralité,
mais au fisc québécois, bien, c'est
justement le modèle qu'on fait depuis plusieurs années, qui est le modèle de la
ferme d'habitation de territoire, à plus petite échelle. Je ne peux pas
aller plus loin que ça, là.
La
Présidente (Mme Léger) : À peu près une minute, Mme la députée de
Mirabel, avec la réponse comprise.
Mme
D'Amours : Bien, en fait, moi, j'aimerais vraiment... Parce que je
comprends tout ce que vous venez de me dire,
mais, en tant que législateur, maintenant j'ai beau avoir un chapeau
d'agricultrice, j'ai beau venir de votre région, mais moi, je représente ici la CAPERN et je représente les producteurs
agricoles dans leur ensemble. Alors, je fais quoi, moi, avec M. Renaud? Puis on parle de
M. Renaud, mais ce n'est pas le seul. S'il avait un chèque puis qu'il est
allé donner un chèque au propriétaire vendeur, c'est parce qu'il est
prospère. Il y a une fierté à ce que les producteurs agricoles soient prospères, qu'ils soient bien, qui ont
travaillé fort. On le sait, en agriculture, ça prend 7 $ d'investissement
pour faire 1 $. M. Renaud, il n'y échappe pas, à ça, c'est un vrai
producteur agricole.
Alors, vous
nous demandez de travailler... ou, en tout cas, de penser à l'encontre d'un
producteur agricole. On parle de M.
Renaud, mais, comme je vous dis, il y en a d'autres ailleurs, là. Donc, il faut
se pencher... Je voulais juste avoir cette
réflexion-là de votre part, là, pour m'éclairer, comment on va travailler,
nous, de notre côté, comme législateurs, parce qu'on va aller à
l'encontre de certains producteurs agricoles.
La Présidente (Mme Léger) :
Malheureusement, c'est le temps que nous avons. J'ai la députée de Gouin.
Peut-être qu'on va être capable d'insérer... on regardera, là. Mme la députée
de Gouin.
Mme David (Gouin) : Merci, Mme la
Présidente. Pour combien de temps, s'il vous plaît?
La Présidente (Mme Léger) : Trois
minutes.
Mme David
(Gouin) : Merci. Ah! on est habitués, on a l'esprit de synthèse. Je
vous remercie beaucoup, beaucoup d'être
venus ici, ce matin, et on va peut-être, justement, continuer dans la même
direction. Ma compréhension de l'ensemble de la question, là... Vous avez soulevé plusieurs aspects :
problème de spéculation, problème, évidemment, d'achat de terres par la relève agricole, problème de
dézonage. J'étais contente que ce problème-là soit soulevé parce que j'ai
l'impression qu'il va devenir important. Il est déjà important dans les
régions limitrophes des grandes villes.
Mais
est-ce que je me trompe — et là j'ai vraiment envie de vous entendre — si je dis que ce que vous apportez
aujourd'hui, là, en plus de préoccupations très précises, hein, de gens qui
nous livrent des témoignages puis qui nous disent :
L'accaparement, ça nous a nui, ça nous nuit encore... est-ce que je me trompe
si je pense que, là, on est devant un débat
de société sur la vision qu'on a du développement agricole et des régions au
Québec? Est-ce que c'est ça, le débat de
fond? Est-ce qu'au Québec on va dire : On continue de privilégier la ferme
familiale, qui est généralement d'ampleur petite ou moyenne, disons — puis ça ne l'empêche pas d'être très
productrice et très efficace, là — plutôt qu'un modèle états-unien, albertain,
tu sais, grosses fermes, énormes, avec propriétaires d'entreprise, salariés?
Est-ce que vous avez l'impression que le fond de la question, c'est ce
débat-là? Puis, si c'est ça, bien, on va le faire.
La Présidente (Mme Léger) : M.
Simard.
M. Simard
(Yvon) : L'accaparement des terres, c'est un problème qu'il faut
régler à court terme. Ça, c'est indéniable.
Puis, avec les demandes qu'on vous a faites d'un registre et de 100 hectares,
il reste qu'on a un débat de fond à faire,
quelle sorte d'agriculture qu'on veut avoir, puis aussi, dans les régions,
quelle sorte d'agriculture qu'on... est-ce qu'on veut que les gens occupent le territoire, que l'agriculture dans
les régions grandisse aussi vite que ceux qui cultivent le Centre-du-Québec. On ne peut pas cultiver dans
les régions les mêmes produits qui se font dans le centre, la rentabilité
est moindre. Donc, si on veut penser à un
objectif ou à un débat de société, si on veut que l'agriculture soit répartie
sur l'ensemble du territoire, sur
l'ensemble du Québec, bien, il faudra peut-être penser à des moyens pour que
l'agriculture des régions se
développe à la même vitesse que le restant du Québec... que le
Centre-du-Québec, si on veut. Ça, bien, ça sera des mesures différentes.
Puis, en même
temps, pour répondre à madame tantôt sur la préoccupation d'un producteur,
bien, quand on cultive dans le centre
puis qu'on arrive, puis qu'on vient s'intégrer, essayer d'arriver dans une
région, généralement on a un petit
peu plus de cash de ramassé que ceux qui sont dans les régions parce que, si on
regarde le portrait de l'agriculture des
régions, les grands producteurs puis les grands revenus sont beaucoup moins
grands. Ça fait que la guerre n'est pas si égale quand on vient pour
acheter des terres, si ça peut répondre à votre question.
La Présidente (Mme Léger) : Si vous
pouvez me conclure, M. Vachon, en 30 secondes, je pourrais donner
30 secondes à M. Marquis. Si vous êtes capable.
M. Vachon
(Sylvain) : Je vais répondre... L'enjeu, là, c'est : Est-ce que
c'est réellement le modèle ou ce qu'on veut
comme ruralité et ce qu'on veut comme dynamisme de ruralité? La question qu'on
doit se poser, c'est : Comment on
peut contribuer, par le gisement que j'ai parlé tantôt, qui est le sol
arable... comment est-ce que ce sol arable là peut mieux contribuer à l'essor du Québec? Moi, là, je
ne veux pas répondre à la question. Moi, je l'ai, ma réponse. Je vous la
laisse deviner. L'enjeu, par rapport aux... 10 secondes?
La
Présidente (Mme Léger) : Sinon, je ne laisserai pas la parole à
M. Marquis. C'est vous, votre désir de solidarité ou pas.
M. Marquis, concluez, s'il vous plaît.
M. Marquis
(Gilbert) : Merci beaucoup. La première des choses, j'avais une
question pour madame ici. Quand elle me parlait d'un vrai producteur,
j'aurais aimé ça, l'entendre, c'est quoi, pour elle, un vrai producteur. Moi,
je me considère comme un vrai producteur, et nous tous.
Sauf que, bon,
je pense que le gros débat va se faire, là... Il y a une job à faire, puis il
faut qu'elle se fasse immédiatement.
Puis, après ça, bien, si on a d'autres idées, si on a de quoi, il va falloir
s'asseoir puis en... Mais, pour l'instant, il faut trouver le moyen
immédiat pour arrêter la... je vous dirais des noms, là, mais vous les savez.
La
Présidente (Mme Léger) : Mme Lemieux, M. Marquis, M. Bégin, M. Vachon,
M. Simard, Mme Lalancette et ceux qui
vous accompagnent, merci beaucoup. À la fédération de l'UPA de
l'Abitibi-Témiscamingue, du Bas-Saint-Laurent et du Saguenay—Lac-Saint-Jean,
merci.
Nous allons suspendre quelques instants pour que
La Financière agricole puisse venir s'installer.
(Suspension de la séance à 11 h 38)
(Reprise à 11 h 41)
La
Présidente (Mme Léger) : À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il
vous plaît! Je demanderais aux gens qui veulent parler de sortir de la salle. Merci. Mesdames messieurs, on sort de la salle si on veut parler. Vous pouvez
dans les corridors sans problème, c'est votre parlement.
Alors, nous allons reprendre correctement nos
travaux. Je vais demander à ceux qui veulent parler d'aller à l'extérieur de la
salle, s'il vous plaît. Mesdames, merci.
Une voix : ...
La
Présidente (Mme Léger) : Mme la députée de Gouin. Mme la
députée de Gouin. Merci. Merci.
Merci. Alors, nous recevons La Financière agricole. Vous allez me
redonner les temps que nous avons.
Une voix : ...
La
Présidente (Mme Léger) :
Vous avez 10 minutes de présentation. Alors, j'imagine que c'est M. Keating qui
va commencer. Et nous présenter avec qui vous êtes accompagné. Alors,
bienvenue à l'Assemblée nationale et au Parlement.
La Financière agricole du Québec
(FADQ)
M.
Keating (Robert) : Merci, Mme la Présidente. M. le
Vice-Président, mesdames et messieurs, membres de la Commission de l'agriculture, des pêcheries, de l'énergie et des
ressources naturelles, je désire,
avant de vous présenter mon allocution, vous présenter les personnes qui
m'accompagnent. À la table se trouve M. Ernest Desrosiers, qui est vice-président au financement à La Financière agricole du Québec.
J'ai aussi quelques collègues à l'arrière : M. Bertrand Carrier, directeur de la recherche et de la
planification, ainsi que M. Yannick Therrien, économiste à cette même
direction.
Je
tiens à vous souligner aussi, Mme la
Présidente, la présence de deux
membres de mon conseil
d'administration, M. Pierre Lemieux et M. Charles-Félix Ross,
qui sont deux représentants parmi les cinq représentants de l'UPA au conseil d'administration de La Financière
agricole du Québec.
Alors,
avant d'aborder le sujet, Mme la
Présidente, permettez-moi de vous
présenter la mission et les activités de La Financière agricole du Québec. La société a pour mission de soutenir, de promouvoir, dans
une perspective de développement
durable, le développement du secteur agricole et agroalimentaire. Elle met à la disposition des entreprises québécoises,
hein, les entreprises agricoles, des produits et des services en matière de
protection du revenu, d'assurance et
de financement agricole adaptés à la gestion des risques
inhérents à ce secteur d'activité. La Financière
agricole attache une importance particulière au développement du secteur primaire. Notre rôle a toujours été d'offrir un appui
aux entreprises agricoles, peu
importent le contexte et la conjoncture économique. Par ses
interventions diversifiées, la société contribue au développement économique du Québec. Elle offre une gamme d'outils financiers et de
gestion de risques pour préserver la stabilité économique et financière
des entreprises du secteur.
La Financière entretient des relations
d'affaires avec plus de 25 000 entreprises agricoles et forestières. De
plus, nous plaçons la relève agricole
au coeur de nos priorités en lui offrant une aide financière directe et
adaptée. Tous nos produits et
services sont offerts par l'entremise d'un réseau de centres et de comptoirs de
service accessibles dans toutes les régions du Québec.
Pour
le secteur du financement, le portefeuille de garanties de prêt atteint
4,5 milliards de dollars, ce qui représente près de la moitié du financement agricole à long terme au Québec. Nous
offrons notamment des garanties de prêt, une protection contre la hausse des taux d'intérêt, un appui à la
diversification et au développement régional ainsi qu'un appui financier
à la relève agricole.
Concernant
nos activités de financement, notre objectif est d'assurer le développement des
entreprises agricoles par un
financement responsable. Notre objectif premier est de permettre aux
agriculteurs québécois d'avoir accès à un financement adéquat à un coût équitable. Pour le programme de garanties de
prêt, le montant maximum de la garantie est de 5 millions de
dollars par entreprise.
En
ce qui a trait au Programme d'appui financier à la relève agricole, il est
unique en Amérique du Nord. Son objectif premier est d'inciter les jeunes de la relève à acquérir une formation
adéquate. Il peut faciliter aussi l'accès à la propriété pour les
jeunes, que ce soit lors d'un transfert ou au démarrage d'une entreprise agricole.
Comme
la valeur moyenne des actifs agricoles s'accroît dans le temps, on comprend que
cela représente un défi pour les jeunes d'acquérir ou de démarrer des
entreprises agricoles. C'est probablement le plus grand défi auquel font
face les jeunes agriculteurs du Québec. Les
montants accordés pour l'aide au démarrage peuvent atteindre 25 000 $
par entreprise, alors que la
subvention à l'établissement peut d'élever à 50 000 $ selon le niveau
de formation. De plus, la relève
bénéficie d'autres avantages, par exemple des frais minimums pour la garantie
de prêt et une protection accrue contre la hausse des taux d'intérêt.
D'autre
part, je souhaite attirer votre attention sur la formule vendeur-prêteur de La
Financière agricole du Québec. Elle
représente une façon unique et avantageuse de transférer une entreprise. Elle
permet à un prêteur, qu'il soit parent ou non, de conclure un prêt auprès de l'acheteur de l'entreprise en
obtenant une garantie de La Financière agricole. Cette formule
sécurise le prêteur alors que l'acheteur peut obtenir des modalités plus
souples.
Dans
sa dernière mise à jour économique, le gouvernement du Québec a d'ailleurs
annoncé un nouveau crédit d'impôt de
40 % relatif aux intérêts payés par l'acheteur lorsque la formule
vendeur-prêteur est utilisée. La valeur estimée de ce crédit est de
l'ordre de 2 millions de dollars pour les quatre prochaines années.
De
plus, le ministre des Finances a aussi annoncé une hausse de l'exonération
cumulative du gain en capital de 800 000 $
à 1 million de dollars lors de la vente d'une entreprise agricole ou de
pêche, pour un montant de 40 millions de dollars au cours des
quatre prochaines années.
Je
souligne finalement que La Financière participe activement au Fonds
d'investissement pour la relève agricole, fonds que vous avez rencontré
hier soir, et vous avez entendu son président et son directeur général.
Pour
en venir au phénomène d'accaparement des terres, je peux vous affirmer que
l'évolution de la valeur des terres
fait partie de nos préoccupations constantes. Depuis des années, nous compilons
plusieurs transactions relatives aux
terres agricoles dans toutes les régions du Québec. Cette information provient
notamment des transactions auxquelles nous
sommes associés par l'émission d'un certificat de garantie de prêt. Ces
informations permettent à nos conseillers en financement d'obtenir un éclairage sur des ventes comparables et de
compléter l'analyse de leurs dossiers en financement, par exemple
lorsque le projet concerne l'acquisition d'une terre.
La
valeur à l'hectare d'une terre agricole diffère d'une région à l'autre au Québec,
mais aussi au sein d'une même région.
Plusieurs facteurs influencent cette variation, notamment l'usage d'une terre,
sa localisation, les caractéristiques spécifiques
du sol, son état général et son accessibilité. La disponibilité des terres sur
un territoire donné à un moment précis ainsi que la proximité des marchés des
autres terres que possède l'acheteur peuvent également avoir un impact sur
la valeur accordée à une terre agricole.
Je
souhaiterais maintenant aborder certaines des pistes de réflexion contenues
dans le document produit par l'Assemblée
nationale. Comme vous le comprenez certainement, je rappelle que, sur
quelques-unes des pistes suggérées, les
sujets et questions dépassent le mandat et la mission de La Financière et
relèvent plus du ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de
l'Alimentation et du gouvernement du Québec.
Sur
les pistes de réflexion nos 2 et 3, je suis d'avis que l'idée
d'un mécanisme de suivi des terres est intéressante. Comme je l'ai mentionné plus haut, La Financière
agricole ne possède pas un registre de toutes les transactions sur les terres agricoles du Québec. Plusieurs de ces
informations existent déjà, mais à différents endroits, notamment au ministère
de l'Agriculture, des Pêcheries et de
l'Alimentation, à la Commission de protection du territoire agricole et dans
certains autres organismes gouvernementaux ou ministères. En somme, je
suis d'avis que La Financière pourrait apporter une précieuse
collaboration pour l'élaboration d'un tel mécanisme de suivi.
Sur
la piste de réflexion n° 5, il m'est bien difficile de répondre à la
question des principales raisons qui inciteraient les investisseurs à acquérir des terres agricoles
au Québec. Je souhaiterais plutôt soumettre certaines observations. En effet,
la bonne tenue de l'agriculture québécoise
en général a fait augmenter la concurrence par l'arrivée de nouveaux acheteurs,
des producteurs agricoles qui ont vu une
opportunité ou encore des personnes qui ne pratiquaient pas l'agriculture.
Alors que le bassin d'acheteurs
potentiels a augmenté, l'offre de terres agricoles, notamment dans certaines
régions du Québec, demeure limitée, sinon très limitée. L'environnement
d'affaires relativement stable en agriculture a également pu contribuer à une concurrence accrue. D'autre part,
le maintien des taux d'intérêt à des niveaux bas pendant une longue période est aussi un facteur d'accroissement de la
concurrence entre les investisseurs et les producteurs agricoles. Pour
la relève agricole, un tel phénomène rend complexe le transfert d'entreprise.
• (11 h 50) •
Sur
la piste de réflexion 8, concernant l'évolution des modèles d'affaires et la
ferme familiale, je tiens à dire que La Financière
accompagne les entreprises agricoles de partout au Québec dans la mesure où ces
dernières respectent nos critères d'admissibilité. Et, comme l'indique
la moyenne de nos garanties de prêt, à 300 000 $, on voit bien que
notre principale clientèle est constituée
d'entreprises de type plus familial. D'ailleurs, notre programme d'appui à la
diversification et au développement
régional permet d'appuyer de petites entreprises, notamment à démarrer, à
améliorer leur productivité, à développer une production biologique ou
encore à réaliser des travaux d'amélioration foncière.
Depuis
35 ans, il y a eu des changements majeurs à notre agriculture, des
changements qui se sont concrétisés par l'augmentation de la
productivité. Nos agriculteurs sont notamment beaucoup plus scolarisés.
L'équipement et la machinerie se sont
modernisés, l'innovation est présente partout. Les études de coûts de
production effectuées par le Centre d'études
des coûts de production agricole, le CECPA, démontrent une hausse de
l'efficacité pour l'ensemble des 16 productions
agricoles couvertes par le Programme d'assurance stabilisation du revenu
agricole, programme géré par La Financière agricole.
En
conclusion, l'agriculture au Québec et la manière de la pratiquer sont en
constante évolution. Pour La Financière agricole, les outils de gestion des risques que nous avons mis en place,
tant en assurance qu'en financement, contribuent au développement de l'entrepreneuriat des producteurs agricoles et
soutiennent leur capacité à prendre de l'expansion. D'ailleurs, c'est dans cette perspective que nous
avons mis en place avec des partenaires le Fonds d'investissement pour la
relève agricole, comme je le mentionnais. Il s'agit de combler un besoin pour
encourager des jeunes à démarrer des entreprises ou prendre la relève de fermes
existantes et devenir propriétaires.
Donc, à La Financière
agricole du Québec, le défi est de nous assurer que notre intervention soit
efficace et équitable afin d'appuyer adéquatement les entreprises agricoles et
aider la relève à s'établir en agriculture de manière durable. Dans ce contexte, il y a lieu d'analyser et d'étudier toute
l'information pertinente et disponible sur de longues périodes afin d'intervenir adéquatement. Enfin,
Mme la Présidente, je tiens à vous assurer de mon appui et de notre entière
collaboration au déroulement des travaux de la commission.
La
Présidente (Mme Léger) : Merci, M. Keating. Il vous restait
17 secondes, vous êtes dans le temps. Alors, pour la partie
ministérielle, pour faire l'échange, vous avez 16 minutes pour faire cet
échange-là, 16 minutes. Alors, M. le député de Mégantic, on commence?
M.
Bolduc : Oui. Merci, Mme la Présidente. Vous nous avez parlé
de plusieurs phénomènes. Vous avez — comment je dirais ça? — un état de fait sur le pourcentage des terres agricoles que vous
voyez les transactions. Parce que vous parlez de 25 000 agriculteurs sur les 42 000, on parle de
60 %. Est-ce que c'est à peu près le pourcentage de terres où vous avez
les informations financières au Québec?
M. Keating
(Robert) : Alors, nous, à La Financière...
La Présidente (Mme
Léger) : M. Keating.
M.
Keating (Robert) : Oui, Mme la Présidente, je m'excuse. Nous, à
La Financière, comme je l'ai mentionné, on a 50 % de l'encours de la dette à long terme de l'agriculture
québécoise. Est-ce que, année après année, nous sommes à 100 % des
transactions? Non. Est-ce que c'est 50 %? Je ne pourrais pas vous le dire
de façon précise. On a toujours l'ambition
de dire qu'on est à peu près à 50 % des transactions dans le financement
agricole année après année, mais c'est un
chiffre qui peut varier énormément. Et, au cours des dernières années, les
institutions financières, en raison des taux bas d'intérêt, ont été très agressives en termes de financement et
utilisent moins la garantie de prêt accordée par La Financière agricole du
Québec. Alors, elle est moins utilisée, mais elle est très utile pour les
producteurs, notamment pour les producteurs en démarrage, les plus
petits producteurs qui sont nos clients.
La Présidente (Mme
Léger) : M. le député de Mégantic.
M.
Bolduc :
Merci, Mme la Présidente. Vous nous parlez que vous voyez ou que vous consultez
au moins 50 % des transactions.
Je pourrais dire que c'est représentatif de l'ensemble des régions, j'imagine.
Est-ce que c'est à peu près égal à travers toutes les régions du Québec?
M. Keating
(Robert) : Nous avons, Mme la Présidente, fourni à la commission un
certain nombre de tableaux, et vous
avez utilisé les chiffres de Transac-Québec, que nous publions chaque année,
qui décrivent région par région les prix
et la valeur des terres en culture et des terres agricoles. Les terres
agricoles, comme vous le savez, étant celles où il y a les équipements,
les bâtisses et autres, là, alors que les terres en culture sont vraiment
celles qui sont en culture.
Alors, nous
l'avons publié et nous avons, pour chacune des années qu'on vous a fournies,
2013, 2012, un certain nombre de
chiffres. Vous voyez, par exemple, qu'au Saguenay—Lac-Saint-Jean la moyenne à l'hectare pour 2013,
nous n'avons pas pu l'établir parce
qu'on l'établit à partir de huit transactions et plus. En bas de huit
transactions, on ne peut pas vraiment
établir une moyenne et un chiffre qui, d'un point de vue statistique, pourrait
être satisfaisant pour nous, pour la
publication d'un tel outil, qui sert, comme je l'ai mentionné, à nos
conseillers en financement pour examiner d'autres projets d'acquisition de producteurs ou de refinancement
en garantie de prêt. Mais vous avez quand même un bon portrait au Québec avec l'étude que nous avons faite. On a
une moyenne régionale, et vous avez vu les hausses et les bas au cours des
années. Ça a progressé dans certaines régions presque du simple au double en
l'espace des cinq dernières années. Des régions comme la
Montérégie-Ouest, la Montérégie-Est, les prix à l'hectare moyens pour des
terres en culture sont à 20 000 $ et à 23 000 $. C'est
des prix très importants si vous considérez que ces terres, souvent, ont plus
de 200, 300, souvent 400 hectares de production en céréales, maïs-grain,
soya, notamment.
La Présidente (Mme Léger) : ...monsieur...
M.
Bolduc : Merci, Mme la Présidente. J'ai une question sur le cas de
l'Estrie, qui, comme par hasard, est ma région. C'est celle qui contient
le moins de données, est-ce que vous avez une explication là-dessus?
M. Keating
(Robert) : Nous avons des
données pour les terres agricoles pour l'Estrie, et non pas pour les terres
en culture probablement parce que,
sur les terres en culture, encore une
fois c'était huit transactions et
moins. Mais, si je regarde les terres
agricoles pour la région dont vous êtes le représentant, Mme la Présidente, vous voyez les moyennes, on a un prix à l'hectare à 3 699 $
en 2013 versus une moyenne à 6 061 $ en 2012. Donc, les chiffres ne
sont pas très concluants dans ce cas-ci. Et c'est la difficulté qu'on peut
avoir, là, on n'a pas accès à toutes les informations. La publication de Transac-Terres, c'est 400
transactions, la plupart, celles que nous faisons, mais aussi celles sur
lesquelles nous avons des informations additionnelles et qu'on peut
utiliser pour produire ce document.
Une voix : ...
M.
Bolduc : Merci. Merci, Mme la Présidente. Écoutez, si on regarde le
Québec — puis
vous avez un tableau qui nous donne
la valeur moyenne des terres au Québec — de 2004 à 2013, le prix moyen est passé de
6 300 $ à 12 687 $ l'hectare,
donc, grosso modo, un double. Tandis que, pour le Bas-Saint-Laurent, on est
passé de 1 836 $ à 3 103 $. Pour le Saguenay, bien,
on n'a pas toutes les données. De 2006, 2 900 $, à 2012 pour
3 300 $, donc à peu près 10 %. Puis l'Abitibi-Témiscamingue, bien là il y a peu de chiffres, là, mais, de
2006 à 2013, ça a à peu près doublé. Donc, il y a des variations
régionales très significatives. Vous nous avez donné quelques éléments de
réponse, puis là on revient à l'accaparement
des terres, est-ce que vous croyez que la spéculation, selon votre vision ou ce
que vous voyez dans le champ, pour les régions, a un effet large là où
ces spéculateurs-là sont présents?
M. Keating
(Robert) : Pour revenir, Mme la Présidente, au début de la question,
évidemment on a des moyennes pour des
régions comme le Saguenay—Lac-Saint-Jean,
mais ça varie beaucoup au sein même de la région. En Abitibi-Témiscamingue, il faut se rappeler que
c'est une région énorme, là. Encore ici, ça peut varier beaucoup. Et, au
Bas-Saint-Laurent, c'est la même situation,
vous avez une région très importante. Donc, dans certains endroits, Kamouraska,
qu'on a parlé dans la rencontre précédente,
ou la région de Rimouski, ou dans la région de Caplan, où nous avons un centre
de services, les prix vont varier énormément d'une région à l'autre. Donc, ce
sont des moyennes.
Comme je l'ai
mentionné, il est difficile pour moi de dire s'il y a eu spéculation ou non. Je
n'ai pas un mécanisme de suivi à La
Financière qui me permet de dire de façon précise, parce que je n'ai pas toutes
les transactions, qu'il y a eu spéculation
à Hébertville, ou au Saguenay—Lac-Saint-Jean-Nord, ou dans la Beauce, ou... Ça, je ne pourrais pas
vous le dire.
M.
Bolduc : À la page 5, vous nous parlez au bas de la page : Par
ailleurs, une formation adéquate et la mise à jour continue des connaissances s'avèrent des
conditions essentielles au succès. Je voudrais vous entendre là-dessus. Mais
aussi près de 400 jeunes sont soutenus
annuellement dans leur projet d'établissement à plein temps ou lors d'un
démarrage, est-ce que c'est la
moyenne annuelle que vous voyez au cours des années? Puis quels sont les vrais
besoins au Québec pour le remplacement... ou l'établissement des jeunes?
• (12 heures) •
M. Keating
(Robert) : Pour répondre à votre question, vous avez, effectivement,
un tableau que je vous ai fourni qui
permet de voir l'évolution des subventions au démarrage et à l'établissement.
En moyenne, grosso modo, ça varie un petit peu d'une année à l'autre, là, on peut
passer de 400 à 410, à 350. Mais, année après année, ça se tient autour de
400 interventions. Je dirais, grosso modo,
300 à l'aide à l'établissement, qui est à temps plein, et à peu près une centaine
au niveau du démarrage, où c'est un jeune de
la relève, mais qui est à temps partiel à ce moment-là. Alors, c'est ce que
l'on constate.
Hier,
j'entendais certains nombres, certains chiffres sur les finissants de nos
écoles, de nos universités et autres. C'est
sûr que ça ne couvre l'ensemble des finissants des instituts de technologie
agricole, ou certains cégeps, ou certaines polyvalentes, mais il faut comprendre que l'agriculture et le secteur
écoles étaient demandants de ces finissants. À titre d'exemple, à la faculté d'agriculture de
l'Université Laval, ces finissants, lorsqu'ils sortent, qu'ils graduent, ont un
emploi assuré. Alors, il n'y a pas de
finissant qui n'a pas d'emploi, hein, parce qu'il n'y a pas juste
l'agriculture, il y a tous les intermédiaires, il y a toutes les
institutions financières.
Lorsque La
Financière a débuté sous le nom de l'Office du crédit agricole en 1936, il n'y
avait pas beaucoup de conseillers en
financement. Il y en avait un peu dans le Mouvement Desjardins, dans les
caisses populaires. Si vous relisez les travaux de l'Assemblée... J'ai
eu la chance de prendre note d'un document publié en 1922 d'une commission qui touchait le crédit agricole, il n'y en avait pas
beaucoup, il y avait un peu de financement. Mais maintenant on peut calculer,
grosso modo, que plusieurs institutions ont
des centaines de conseillers en financement et qu'ils sont très actifs sur le
terrain. Vous avez tous les
intermédiaires, tous ceux qui sont actifs dans le secteur des intrants, tous
ceux qui vendent des produits. Alors,
ces gens-là — tous
ceux qui vendent de l'équipement — tous ces gens-là engagent des finissants
parce qu'ils sont bien formés, ils
sont intéressés et que l'agriculture, je l'ai dit dans mon allocution, à
l'heure actuelle, est très dynamique aussi, elle est très active.
À La Financière agricole, nous constatons que
nos programmes de soutien au revenu sont — on en est bien contents — peu utilisés pour l'instant, alors, parce
que les prix dans plusieurs secteurs sont très bons. Les prix au niveau du secteur porcin, en 2014, étaient exceptionnels.
Les prix au niveau des céréales, sans être aussi exceptionnels qu'en 2012,
étaient quand même très bons en 2014. Alors,
les prévisions qu'on a nous indiquent que l'agriculture va encore bien se
comporter. Donc, ça crée des demandes, ça crée de l'emploi.
Alors, nos
subventions, on n'en refuse pas, je vais vous dire. Et les gens sur le terrain,
ils connaissent l'existence de ces
subventions-là, ils viennent rencontrer nos conseillers en investissement, ils
font part de leurs projets. Ils n'ont pas nécessairement toujours la subvention au départ, ils ont sept ans pour
se conformer au programme, mais ils démarrent le processus.
La Présidente (Mme Léger) : M. le
député de Mégantic.
M.
Bolduc : Merci, Mme la Présidente. Écoutez, ce que vous nous dites
ici... Est-ce que vous avez, dans vos années depuis 2008... On a parlé de l'accaparement des terres et des
spéculateurs, est-ce que La Financière agricole a constaté, en fait, des clients pour la relève qui ont perdu,
finalement, des acquisitions ou des opportunités, dû à des spéculateurs ou,
disons, des industriels qui veulent acheter ces terres-là?
M. Keating
(Robert) : Bon, je répondrais par ceci. Au départ, La Financière
n'est pas associée d'aucune manière aux
institutions, aux organismes, aux financiers qui seraient actifs sur le marché
d'achat de terres soit en culture ou terres agricoles au Québec. On n'a pas financé aucun de ces groupes et on n'a
pas financé aucune de ces sociétés en capital-actions dans un passé
récent. Cependant, pour répondre à votre question, bien sûr que nous avons
constaté la présence de ces groupes. Nous en
avons été informés sans directement être liés aux transactions, cependant.
Alors donc, l'information, elle est
dans les journaux, dans les médias, dans les témoignages tels que celui de Mme
Lemieux, que j'ai entendu ce matin. Alors, ça, on le constate.
On constate
aussi que ces groupes, dans le secteur non pas du financement, mais dans le
secteur des assurances, que ce soit à
l'assurance récolte, que ce soit à l'assurance stabilisation, sont devenus,
effectivement, des clients de La Financière. Mais c'est le seul
constat qu'on peut faire, alors je ne peux pas aller plus loin que ça.
La
Présidente (Mme Léger) : Merci. Avant de poursuivre, donner la parole,
j'ai besoin de votre consentement pour qu'on ait... on poursuit de 10
minutes supplémentaires. Est-ce que ça va?
Des voix : Oui.
La Présidente (Mme Léger) :
Consentement? Consentement, d'accord. Alors, M. le député de Côte-du-Sud.
M. Morin : Merci, Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme Léger) : Il vous
reste trois minutes.
M. Morin : Oui. Je vais aller
assez rapidement.
M. Bolduc : ...aussi après...
M. Morin :
Oui. Bonjour, messieurs. À la piste de réflexion 8, à la page 10, vous nous
parlez que l'évolution du modèle
d'affaires et de la ferme familiale, en autant qu'il respecte nos critères
d'admissibilité... Tantôt, on a entendu un témoignage assez percutant. Est-ce que vous avez
déjà pensé à une solution catastrophe ou un plan d'urgence pour cette clientèle familiale, qui sont face à des gens qui
s'accaparent la location de terres qu'ils font depuis plusieurs
années? Et j'ai posé la question
tout à l'heure, là, une question administrative, est-ce que vous avez pensé quelque
chose qui pourrait contrer?
La Présidente (Mme Léger) : M.
Keating.
M. Keating
(Robert) : Oui, Mme la Présidente. Alors, hier soir, vous avez entendu le Fonds d'investissement pour la relève agricole, c'est certainement une solution qui a été
initiée par le gouvernement, par La Financière
agricole pour aider les jeunes à la relève de... soit s'ils n'ont pas la
capacité de s'acheter une terre, qu'on puisse l'acheter, au FIRA — je
pense que M. Lecomte a été très clair — et la louer avec un bail précis à un jeune
entrepreneur qui en aurait besoin et
qui n'aurait pas les moyens d'acheter cette terre-là. Donc, c'est une solution.
C'est certainement dans les pistes de solution qu'on peut examiner, puis c'est
une solution qui pourrait être, à la limite, développée. La même chose pour le
prêt.
Je veux aussi
mentionner que, dans les clients à La Financière agricole du Québec, si je
fais le partage par âge... On me pose
souvent la question : Travaillez-vous avec la relève? Pour les 30 ans
et moins, en 2013-2014, nos derniers chiffres,
c'était, dans nos clients au financement, 15 % de nos clients; en bas de
40 ans, 33 %. Si j'ajoute les deux, ça fait 48 %. Donc, près de
la moitié de nos clients au financement sont des gens qu'on peut considérer à
la relève. Alors, on est prêts, donc,
nous, à rencontrer ces gens de la relève, à discuter de leur projet, à évaluer
le potentiel du projet, la faisabilité, la rentabilité du projet — parce que les projets doivent être rentables
aussi — et à
prendre les risques nécessaires pour les accompagner. Mais, dans notre expérience, on n'a pas eu, nous, je
dirais, à financer un jeune de la relève ou autre contre un organisme
tel que vous mentionnez.
La Présidente (Mme Léger) : M. le
député d'Abitibi-Est. Une minute, même pas.
M. Bourgeois : Merci, Mme la
Présidente. Bon, vous nous dites, dans le fond, que vous êtes conscients du phénomène
de l'accaparement. Actuellement, ça ne semble pas influencer vos agirs, la
relation que vous avez avec vos clients.
Mais, dans l'analyse, éventuellement, si ça progresse, est-ce qu'il y a des
effets ou est-ce que vous auriez un intrant
supplémentaire en termes d'analyse? Je pense, entre autres, au cas qui nous a
été présenté, là, des gens de... les messieurs
Bégin, là, qui disent : Maintenant, on est rendus avec une terre qui est
enclavée par des grands propriétaires. Comment ça pourrait influencer
La Financière dans sa stratégie dans le futur?
M. Keating (Robert) : Oui. Au
départ, je veux vous...
La
Présidente (Mme Léger) : M. Keating, gardez votre réponse parce que
peut-être que vous allez être capable de répondre tout à l'heure, là.
Alors, je passe la parole au député de Berthier, le porte-parole de
l'opposition.
M.
Villeneuve : Merci, Mme la Présidente. Alors, bonjour,
messieurs. Oui, vous aurez peut-être l'occasion de répondre à la question de notre collègue
d'Abitibi-Est, là, éventuellement. Mais, pour l'heure, j'aimerais avoir des
précisions par rapport à ce que vous
avez affirmé. En fait, deux choses. Je commence par la première. Puis là vous
me corrigerez, je ne veux pas vous faire dire des choses que vous n'avez
pas dites.
Mais la
question, c'est : Est-ce que vous avez eu à traiter des dossiers, avec des
sociétés agricoles, de partenariat entre
un producteur et un fonds d'investissement? Ce n'est pas de savoir si vous avez
réussi à conclure des ententes. La question,
c'est de savoir est-ce que vous avez eu à traiter des dossiers de ce type-là,
et soit les traiter ou soit vous avez eu des demandes que vous avez
peut-être refusé de traiter. Mais, d'une façon ou d'une autre, est-ce que vous
avez eu à regarder... Et là je sens que les
mots sont importants, là, parce que vous êtes dans un domaine, inévitablement,
où vous allez être interpelés par des associations entre des futurs
locataires agricoles avec des fonds d'investissement qui vont créer des sociétés.
La question, elle est claire. J'aimerais ça, avoir de votre part, si possible,
une réponse claire.
La Présidente (Mme Léger) : M.
Keating.
M. Keating
(Robert) : Oui. Merci, Mme la Présidente. Si vous me demandez si on a
été directement impliqués dans une
transaction, discussion entre des organismes, mettons Pangea, et des
producteurs agricoles, ma réponse, c'est non.
M.
Villeneuve : ...ce n'est pas ça, la question, ce n'est pas si
vous avez eu à traiter... Est-ce que vous avez été interpelés? Est-ce que vous avez eu à regarder des
documents qui iraient dans le sens où vous auriez été sollicités pour,
justement, faire un montage?
• (12 h 10) •
M. Keating (Robert) : D'aucune
façon. D'aucune façon. Il est arrivé, cependant... il y a quelques cas où les
producteurs sont associés avec Pangea et sont aussi des producteurs — et
ils ont le droit — qui
ont reçu avant une garantie de prêt sur
financement. Mais on n'a pas eu à entrer dans la transaction, à travailler sur
la transaction ou à faire un montage financier. Mon vice-président au financement
est là, c'est lui qui suit ces dossiers plus que moi. Mais, M. Desrosiers,
vous pouvez...
La Présidente (Mme Léger) : M. Desrosiers.
M. Desrosiers (Ernest) : Alors, Mme
la Présidente, non, vraiment,
je n'ai rien à ajouter, je pense que les propos sont complets. C'est exactement ça, les agriculteurs qui étaient déjà
financés chez nous ont continué d'être financés chez nous, mais on n'est pas intervenus d'aucune façon.
Ils ne nous ont pas sollicités non plus pour participer dans leurs montages
financiers. Ce qu'on appelle les investisseurs, si on veut, ne nous ont pas
interpelés ou sollicités pour qu'on participe dans leurs montages
financiers.
M. Villeneuve :
D'accord.
La Présidente (Mme
Léger) : M. le député de Berthier.
M.
Villeneuve : D'accord. Mais il n'en demeure pas moins — puis vous l'avez dit tantôt, puis j'étais
tout à fait d'accord avec vous — on ne parle pas de choses illégales, là, on
parle, tout simplement, de possibilités qui sont tout à fait légales. Et donc vous n'avez eu d'aucune façon à
regarder un montage financier d'une association d'activité agricole avec
des fonds, vous n'avez pas eu à... Donc, d'accord, je prends bonne note de
votre réponse.
Autre
chose. Encore là, je suis prudent parce que je ne veux pas vous faire dire des
choses que vous n'avez pas dites, mais
tantôt vous avez précisé — et là, l'âge n'aidant pas, alors je vais mettre mes lunettes, comme
ça, ça va aider — vous
avez dit — je
l'ai pris en note tantôt, là — qu'il n'y aurait pas de spéculation au
Lac-Saint-Jean.
Une voix :
...
M. Villeneuve :
En fait, c'est un peu ce que vous avez dit — laissez-moi terminer — qu'il
n'y aurait pas de spéculation au
Lac-Saint-Jean. Mais, de toute évidence, vous financez des agriculteurs — vous l'avez dit tantôt — à une hauteur de 50 %... en fait, je ne sais plus combien de milliards,
là, 4,5 milliards, là, ce qui est 50 %, finalement, de la valeur
des financements, des prêts accordés au
Québec, là. Mais vous n'avez pas le choix d'établir, à tout le moins... Parce
que vous dites qu'il n'y a pas de
spéculation, vous dites que vous... On sait que vous financez les agriculteurs.
Alors, c'est quoi, la base pour la
garantie? Vous vous fiez sur quoi pour la garantie? Vous devez nécessairement
connaître le marché. Et comment vous en arrivez à conclure qu'il n'y a
pas de spéculation?
La Présidente (Mme
Léger) : M. Keating.
M.
Keating (Robert) : Mme la Présidente, je ne me rappelle pas d'avoir
mentionné qu'il n'y avait pas de spéculation
au Lac-Saint-Jean. Alors, si je l'ai mentionné, je suis en faute. Mais ce que
j'ai mentionné pour le Lac-Saint-Jean, c'est
qu'il y a différentes situations parce que c'est une région qui est énorme. Il
peut y avoir des mouvements à la hausse dans certaines régions et des mouvements stables dans d'autres régions,
comme en Abitibi-Témiscamingue, comme au Bas-Saint-Laurent, comme ailleurs. Si c'est ce que vous avez compris,
c'est ce que j'ai voulu dire. Mais je n'ai pas dit qu'il n'y avait pas
de spéculation.
Pour
ce qui est de l'évaluation des dossiers sur garantie de prêt, elle tient compte
d'un ensemble de facteurs, non seulement
la valeur de la terre, si c'est une production sous gestion de l'offre, la
valeur des quotas, bien sûr, la valeur des équipements, la valeur des
bâtiments, etc. Nous prenons, nous, les garanties. Parce que la garantie
gouvernementale permet à une institution
financière de financer un producteur, mais évidemment, si le producteur est en
défaut de paiement, nous, à ce
moment-là, la responsabilité, elle appartient au gouvernement du Québec, à
La Financière agricole. Alors, on doit
s'assurer, nous, avant toute chose, d'avoir toutes les garanties nécessaires au
financement. Et on a, année après année, près de 4 000 garanties sur des prêts. Alors, c'est assez
considérable, c'est plus de 1 milliard de dollars de garanties de
prêt en financement agricole sur lesquelles La Financière participe.
La Présidente (Mme
Léger) : M. le député de Berthier.
M.
Villeneuve : Merci, Mme la Présidente. Alors, parfait. Moi, ça
éclaircit les choses. Alors, on peut aussi... Des fois, on parle, on a les oreilles un peu tendues
un peu tout le tour, alors... Mais on vérifiera dans les galées. Mais ça
confirme que vous n'avez pas précisé par rapport à la spéculation ou
non.
Tantôt,
vous avez dit autre chose aussi. Parce qu'hier j'ai posé la question à l'IREC,
et ils m'ont répondu que, bon, ce
n'était pas encore le cas, mais que ça viendrait assez rapidement, les fonds
d'investissement, présentement... Parce que la question à l'IREC,
c'était : Est-ce que les fonds d'investissement peuvent être attirés,
entre autres, parce qu'au Québec on a des
programmes gouvernementaux comme l'ASRA? Et là, tantôt, si j'ai bien
compris — puis
corrigez-moi si je me trompe — que les fonds d'investissement, tout comme
un producteur agricole, a accès au programme de l'ASRA. C'est le cas
présentement, c'est ce que je comprends.
M.
Keating (Robert) : Oui. Mme la Présidente, là-dessus, je vais quand
même expliquer un peu plus en détail.
Un producteur agricole, que ce soit une société en commandite ou par actions,
associée, où Pangea ou autre est partenaire — il y a
d'autres sociétés pour lesquelles on a l'assurance — c'est
le fruit de la terre, le fruit. Ce n'est pas la possession de la terre que nous assurons, c'est le fruit de la terre.
Alors, si vous produisez des grains, vous partagez le risque avec vos partenaires. S'il y a un
montant à être remboursé parce que le prix des grains est à la baisse, à ce moment-là le producteur est
admissible.
Alors, j'ai
fait un calcul rapide ce matin, on a à
peu près, au moment où on se parle, 5 000
hectares en assurance, soit à
l'assurance stabilisation des revenus agricoles soit à l'ASREC, à l'assurance
récolte. Alors, dans le cas de l'ASRA, environ 800 000 hectares assurés. Donc,
c'est moins de 1 % que nous avons. En assurance récolte, c'est plus
500 000. Donc, c'est à peu près
1 % des superficies que nous assurons à l'assurance récolte ou à
l'assurance stabilisation des revenus agricoles.
M. Villeneuve :
Merci, messieurs. Mme la Présidente, je céderais la parole si vous permettez.
La Présidente (Mme
Léger) : Il vous reste deux minutes, M. le député de Bonaventure,
réponse comprise.
M.
Roy : Oui. Merci, Mme la Présidente. Bonjour, messieurs. Une
question un peu économique : C'est quoi, les retombées d'une ferme familiale moyenne dans un
environnement donné? O.K.? Dans un village, dans une communauté, quelles sont les retombées économiques pour, je
dirais, l'environnement immédiat? Donc, une ferme de 1 million de dollars,
ça achète des affaires, là. O.K.? Donc, est-ce que vous avez des études pour un
peu chiffrer ça?
La Présidente (Mme
Léger) : M. Keating.
M.
Keating (Robert) : Moi, je n'ai pas d'étude pour le chiffrer. Une
ferme de 1 million de dollars, c'est une grosse ferme en général, hein? Une ferme laitière, même à
1 million, c'est une bonne ferme laitière. J'entendais beaucoup de chiffres hier. La valeur, les actifs moyens d'une
ferme laitière, c'est 2,2 millions de dollars. C'est les chiffres que nous
avons à partir de Statistique Canada. L'impact, bien sûr, il est considérable
en termes de travail, d'achats, de ventes, d'intrants et de vie sociale et
culturelle.
M. Desrosiers,
je ne sais pas si vous avez, vous, de votre côté... Nous, on ne fait pas
d'étude sur cet impact-là, là. Évidemment, là, on tombe plus au niveau
des politiques agricoles, au niveau de la présence en région, la ruralité, etc.
Mais, d'un point de vue personnel, c'est sûr
qu'une ferme qui a un chiffre d'affaires de 1 million, c'est une bonne
ferme, une ferme très active. C'est
un peu en bas des actifs moyens des fermes québécoises, qui tournent autour de
1,4, 1,5 million de dollars,
mais, dans une région comme en Gaspésie, comme dans le Bas-du-Fleuve, c'est une
belle activité et rentable par les
temps qui courent, surtout si vous êtes dans les productions, là... Même, en
fait, dans toutes les productions parce que, dans le veau d'embouche, par
exemple — parce
qu'il y en a plusieurs dans votre région — cette année, pour la première fois depuis plusieurs années, on ne paie
absolument aucun montant à l'assurance stabilisation. Enfin, on a versé
un peu trop au début de l'année, puis je pense qu'on a trop versé, alors...
mais c'est un phénomène exceptionnel.
La Présidente (Mme
Léger) : Merci. Merci M. Keating. Mme la députée de Mirabel, la
porte-parole du deuxième groupe d'opposition.
Mme
D'Amours : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, messieurs. Vous savez,
on a discuté que peut-être que la
CPTAQ pourrait être l'organisme qui pourrait faire un relevé de ce qui se
passe, là, au Québec au niveau des terres. Mais, d'après vous, avec toutes les informations disponibles, là, de
différentes organisations, MAPAQ, CPTAQ, Registre foncier, ne pensez-vous pas qu'on pourrait avoir
une vision globale plus rapide que juste lors des transactions? Est-ce que
vous pensez qu'on pourrait avoir une vision beaucoup plus rapide pour être
éclairés, pour prendre une décision rapidement?
M. Keating
(Robert) : Vous avez mentionné la CPTAQ. Je vais laisser ma collègue
répondre, elle sera là après-midi. Mais
c'est clair qu'avec toutes les informations que nous avons un mécanisme de
suivi — je ne
sais pas si c'est ce que vous
pensez — pourrait
probablement être réalisé assez rapidement, j'imagine, probablement au
ministère parce qu'ils ont quand même pas mal d'instruments pour le
faire, et nous, nous serions prêts à collaborer à cette réalisation-là. Mais, encore là, c'est une décision. Il y a une décision
ministérielle, il y a un ministre. Ce sera à lui à le décider, ce n'est pas à moi à le décider pour le
ministre. Si on a les argents, les ressources, et autres, pour l'établir, bien,
ce sera le ministre qui décidera. Mais il existe des instruments, on pourrait
l'avoir.
La Présidente (Mme
Léger) : Mme la députée de Mirabel.
Mme
D'Amours : Oui. Si je comprends bien, c'est que vous dites qu'avec
tout ce qu'on a comme information on pourrait avoir un portrait général
rapidement. C'est ce que vous me dites?
M.
Keating (Robert) : C'est ma compréhension, mais je ne suis pas au fait
de tous les détails des dossiers, là. Moi,
j'ai le portrait de ce que nous faisons à La Financière, mais je ne sais pas
exactement toute l'information, la compilation qu'on pourrait faire soit au ministère, ou à partir des données de la
CPTAQ, ou à partir des données du Registre foncier, qui est au ministère des Ressources naturelles. Il
y a, j'imagine, un travail, là, qui peut être important. Ce n'est pas à moi à
l'estimer, c'est au ministère et c'est au ministre à l'évaluer.
• (12 h 20) •
Mme
D'Amours : Selon votre expérience, les fonds d'investissement et les
producteurs agricoles dont on parlait ce
matin qui travaillaient de la même façon, là, sur l'accaparement des terres, est-ce que vous, vous avez des données?
De ce que vous connaissez, d'après vos connaissances,
là, le pourcentage de producteurs agricoles qui seraient comme reconnus
des gens qui accaparent des terres versus les fonds qui accaparent des terres.
M. Keating (Robert) : Non, malheureusement,
Mme la Présidente, je n'ai pas cette information.
Mme
D'Amours : La question aussi
quel je me posais, c'est que, présentement, il y a — je
regardais, là, dans votre document — des
endroits au Québec que c'est 19 000 $ versus, exemple, dans
Mirabel, c'est 11 000 $, 12 000 $,
et puis ailleurs c'est 3 000 $, 3 400 $. Ça veut dire que
le Québec a des terres où les valeurs sont beaucoup
plus importantes parce qu'il y a
de la spéculation, mais est-ce aussi parce que c'est des terres qui sont
cultivées avec des produits différents à cause de la région?
M. Keating
(Robert) : Mme la Présidente, la valeur des terres, comme je l'ai mentionné dans mon allocution,
est fonction d'un ensemble d'éléments, mais
c'est sûr que, dans certaines régions où les unités thermiques sont moindres,
on ne peut pas produire, à ce moment-là, le
même type de céréales, si on parle en
termes de céréales, que dans d'autres
régions. Alors, les meilleures terres du Québec
sont dans la vallée du Saint-Laurent, les plus importantes unités thermiques
sont dans la vallée du Saint-Laurent. Vous
êtes dans une région, à Mirabel... vous êtes représentante, Mme la Présidente, d'un endroit où il y a des unités thermiques où on peut produire, effectivement, du soya de bonne qualité et on peut produire aussi du maïs-grain de bonne qualité. Dans
certaines régions du Québec, le maïs-grain, malheureusement — je
pense à la région de Chaudière-Appalaches, mais en montant, en allant
vers le sud — un
peu plus difficile.
Le soya,
dernièrement, dans les dernières années, les semis... en fait, la production
des semences a considérablement progressé,
et on peut avoir de très bons rendements en soya même dans les terres du Bas-Saint-Laurent et même dans les terres du Saguenay—Lac-Saint-Jean. Alors, ça peut susciter des intérêts, ces développements
technologiques là, pour aller acquérir des terres dans des endroits où
les prix, effectivement, sont moins élevés qu'en Montérégie. Parce qu'en Montérégie, vous le savez, les producteurs se
battent pour avoir les terres, et les prix sont considérables. La moyenne que
nous avons, c'est pour l'année 2013, mais
nous entendons — sans
pouvoir le confirmer, mais de la part de producteurs — des
prix qui dépassent largement ces prix à
l'hectare. Alors, ça, on l'entend régulièrement, nos conseillers en financement l'entendent régulièrement, les
prix sont très élevés.
La Présidente (Mme Léger) : Il vous
reste environ 1 min 15 s.
Mme D'Amours : Si j'ai bien compris,
vous dites aussi que, bon, c'est une question de produits, mais je vais reprendre l'exemple de Mirabel,
dans la circonscription de Mirabel, il n'y
en a plus, de terres disponibles.
Est-ce que ça aussi, ce n'est pas une
façon d'augmenter les prix des terres? Parce que, là, les producteurs agricoles
qui sont près de la retraite qui
n'ont pas de relève agricole vendent leurs terres à des gens, puis là ils ont
plusieurs acheteurs, c'est l'offre et la demande. Est-ce que vous êtes d'accord
avec ça?
M. Keating
(Robert) : Mme la Présidente, étant engagé avec La Financière dans un secteur très économique,
très financier, je ne peux, évidemment, pas
vous contredire sur l'offre et la demande. Je l'ai mentionné dans mon
allocution, le nombre de terres agricoles limité, particulièrement dans
certaines régions, fait en sorte que les prix peuvent être importants. S'il y a des rendements
agronomiques intéressants, s'il y a possibilité de rentabiliser la terre, c'est sûr
qu'à ce moment-là les prix risquent
d'augmenter. En fonction de la localisation. Ce n'est pas partout que les
terres sont bonnes, certaines terres
sont moins bonnes. Et nous avons, nous, mis en place un programme de
développement régional, justement,
pour améliorer la qualité des terres en
améliorant le drainage, en améliorant le pH, l'acidité. Quand on parle de
chaulage, c'est ça, les terres sont
trop acides, en fait, il n'y a pas assez de pH. Alors, ça, on a un programme
qui est fait pour ça, qui touche
l'ensemble des régions du Québec. Mais un cas spécifique, par cas, il faudrait le
regarder de façon particulière.
La Présidente (Mme Léger) : Merci
bien. Je passe maintenant la parole à la députée de Gouin.
Mme David
(Gouin) : Merci, Mme la Présidente. Dans la continuité de la question de ma
collègue, mais de façon un peu
différente, si la rareté des terres disponibles finit par être effectivement — c'est
une question d'offre et de demande, c'est
clair — un
facteur d'augmentation du prix des terres, alors conviendrez-vous avez moi que,
dans les régions où les terres sont actuellement moins chères, elles pourraient devenir plus chères si, justement,
il y avait davantage d'accaparement des terres, et donc moins de terres disponibles à
l'achat? Et ce que ça ferait pour votre organisme, c'est que ça rendrait
un peu plus difficile, parce que
plus cher, le soutien à la relève agricole. Est-ce que c'est un raisonnement
qui se tient, ou non?
La Présidente (Mme Léger) : M.
Keating.
M. Keating
(Robert) : Mme la Présidente, beaucoup de si, si, si, là, alors beaucoup
d'hypothèses, là. Je ne suis pas dans le monde des hypothèses, mais dans le monde de la réalité économique et
financière. Ce que j'ai décrit pour la région de Mirabel pourrait être décrit
dans d'autres régions en fonction de l'offre et la demande. C'est le principe même qui va jouer.
Mme David
(Gouin) : O.K.
Donc, merci. Je pense que... C'est parce
que mes si ne sont pas totalement
des si, puisqu'il y a déjà phénomène d'accaparement des terres.
Une autre question
que j'aurais à ce moment-là pour vous, c'est : À votre avis, à partir de
votre pratique, de votre expérience,
est-ce que le soutien important — je
le vois bien dans votre mémoire, là — que
vous donnez à des gens qui font partie de la relève agricole, est-ce
qu'à votre avis ce soutien-là peut contribuer, justement, à ce que les gens de
la relève puissent procéder à l'achat de terres ou reprendre l'entreprise
familiale, ou se développer et, à ce moment-là, peut-être
indirectement empêcher l'accaparement des terres? Trouvez-vous que vous avez un
rôle à jouer dans ce dossier, autrement dit, à partir de votre pratique,
là?
La Présidente (Mme Léger) : M.
Keating.
M. Keating
(Robert) : Alors, autant la subvention
à l'établissement ou au démarrage peut jouer un rôle, bien sûr.
Et la mise en place du Fonds d'investissement pour la relève agricole, le FIRA,
joue un rôle aussi pour que la relève devienne
propriétaire — idéalement,
propriétaire. Il y a plusieurs cas, il
y a plusieurs histoires qui peuvent
se retrouver, plusieurs situations qui font que la personne ne deviendra pas nécessairement
propriétaire. L'objectif des programmes, notamment pour la relève, c'est la formation,
de stimuler la formation. Parce que je ne pense pas qu'avec 50 000 $ vous pouvez acheter une terre en Montérégie, là, mais
on vise, effectivement, à ce que les jeunes deviennent propriétaires dans
la plupart de nos programmes.
Mme David (Gouin) : O.K. Est-ce
qu'il me reste un petit peu de temps?
La
Présidente (Mme Léger) :
C'est tout le temps qu'il nous reste, malheureusement. Alors, M. Keating, M. Desrosiers, de La Financière
agricole du Québec, merci beaucoup. D'abord, ça va nous être très utile, votre document. Il y a des données très intéressantes
dans votre document. Merci bien.
Alors, je
vais suspendre les travaux jusqu'à 15 h 15, et on va recevoir la Commission de la protection du territoire
agricole, Pangea et l'Union paysanne cet après-midi. Merci.
(Suspension de la séance à 12 h 28)
(Reprise à 16 h 19)
La
Présidente (Mme Léger) :
Oui. Alors, à l'ordre! On va reprendre nos travaux. Alors, bienvenue à vous
tous qui êtes ici présents aujourd'hui. Alors, on a une réorganisation d'horaire. Je n'entrerai pas dans ça, là, je vais
le gérer comme je peux à l'instant
même, à mesure, pour être sûre que tout
le monde ait son intervention. Mais, en même temps, je demande la compréhension de tout
le monde pour ajuster... Si, entre
vous, vous êtes là à telle heure, alors c'est sûr qu'on a jusqu'à ce soir tard quand même,
malgré tout, mais on ne peut pas revenir nécessairement le lendemain.
Je peux comprendre les inquiétudes de chacun, là, que vous voulez qu'on
fasse ça le mieux possible. Alors, on
va commencer, puis ça va déjà bien débuter.
• (16 h 20) •
Alors, on a devant nous la Commission de la
protection du territoire agricole. Vous avez quand même votre 10 minutes d'intervention. Après, je vais donner le
temps de chacun des groupes, qui va être diminué un peu, là, pour arriver
à notre fin de soirée. Alors, M. Tremblay et
Mme Gouin, Mme la présidente, alors, de vous présenter, et je vous laisse
vous exprimer.
Commission de protection du
territoire
agricole du Québec (CPTAQ)
Mme Gouin
(Marie-Josée) : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Mme et MM. les députés, merci de l'invitation.
Mon nom est Marie-Josée Gouin, je suis
présidente de la Commission de protection du territoire agricole. J'ai le
plaisir d'être présente parmi vous aujourd'hui afin de vous présenter brièvement
la commission, ses mandats en regard du transfert
du droit de propriété et répondre du mieux possible à vos questions. Je suis
accompagnée de Me Pierre Legault, avocat à la commission.
La Commission de protection du territoire agricole du
Québec a été créée en 1978 en vertu de la Loi sur la protection du
territoire agricole, qui est devenue depuis la Loi sur la protection du
territoire et des activités agricoles, la LPTAA. La CPTAQ administre en outre la Loi sur
l'acquisition des terres agricoles par des non-résidents, la LATANR. La zone
agricole québécoise s'étend sur plus de
950 municipalités du Québec et couvre plus de 6,3 millions d'hectares. Et,
depuis sa révision, entre 1987 et 1992, sa superficie totale a connu une
variation de moins de 0,1 %.
La commission dispose de deux bureaux, l'un à Québec
et l'autre à Longueuil. L'organisation administrative
en place mise sur un encadrement territorial des fonctions opérationnelles, de
soutien et de conseil professionnel.
Ainsi, les directions des services
professionnels desservent chacune la moitié du territoire québécois
dont elle a la responsabilité.
La commission dispose également
d'une direction des services à la gestion et d'une direction des affaires
juridiques. Elle peut compter sur une
équipe d'environ 95 personnes, y compris les commissaires et vice-présidents au nombre de 12. Selon les
données du dernier rapport annuel,
2013-2014, la commission a traité 2 500 demandes d'autorisation et
1 700 déclarations. Elle
surveille l'application de la LPTAA et de la LATANR en procédant aux
vérifications et aux enquêtes appropriées et, s'il y a lieu, en
sanctionnant les infractions.
Tel que mentionné, la commission administre deux
lois. En vertu des dispositions prévues à la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles, la commission
étudie des demandes visant tout type d'utilisation à des fins autres que l'agriculture. La commission doit
aussi décider des demandes d'autorisation qui lui sont soumises relativement au démembrement de propriétés, à la
coupe d'érables dans une érablière ou à l'utilisation d'un tel boisé à des
fins autres que la
production acéricole. De plus, elle décide des demandes d'inclusion et
d'exclusion d'un lot de la zone agricole.
La deuxième loi
administrée par la CPTAQ, c'est la loi sur l'acquisition des terres par des
non-résidents. La LATANR, entrée en vigueur
en 1979, a été édictée pour encadrer l'acquisition des terres agricoles par des
non-résidents qui investissaient dans
le secteur foncier — valeur
refuge — en
misant sur l'urbanisation prochaine des terres agricoles et l'augmentation conséquente de leur valeur. La
loi sur les non-résidents a fait l'objet d'amendements qui sont entrés en vigueur le 30 octobre 2013 et qui permettent de
resserrer la définition du statut de résident du Québec prévue à l'article 2
de cette loi. Par ailleurs, ils revoient les critères d'évaluation des demandes
d'autorisation et établissent une limite de 1 000
hectares par année pouvant être acquis par des personnes non résidentes lorsque
celles-ci, personnes physiques ou morales, veulent acquérir une terre
agricole sans venir s'établir au Québec.
Cela
dit, la commission saisit
l'opportunité qui lui est offerte aujourd'hui dans le cadre de ce mandat d'initiative portant sur
l'accaparement des terres agricoles afin de vous informer davantage sur les dispositions
législatives des deux lois en ce qui concerne le transfert du droit de propriété. De par ses mandats découlant de ces
deux lois, la CPTAQ intervient à l'égard
de certains transferts du droit de propriété en zone agricole. En effet,
dans l'exercice de son mandat de protection du territoire agricole, la
commission doit décider des demandes de morcellement des lots situés en zone agricole, de
même que des transactions qui ont
pour effet de démembrer des fermes, c'est-à-dire lorsque l'actuel propriétaire se propose
d'aliéner un ou plusieurs lots tout en conservant un droit d'aliénation sur un lot
contigu ou réputé contigu.
Cette règle générale
souffre toutefois de quelques exceptions où la loi et la réglementation qui en
découlent permettent la transaction sans
avoir à obtenir l'autorisation de la commission. Tel est le cas à l'article 29.2 de la LPTAA,
où il est permis d'aliéner d'une superficie
d'au moins 100 hectares constituée par des lots contigus, alors que le
propriétaire conserve lui-même une superficie d'au moins
100 hectares de lots contigus.
Autre
cas, l'article 4 du règlement prévoit des situations où une personne
peut morceler sa propriété par l'aliénation de lots ou parties de lot à plus d'un acquéreur dans la mesure où elle
ne conserve aucun droit d'aliénation sur un lot. Cette aliénation peut
s'effectuer en autant que chacun des lots soit aliéné en faveur d'un producteur
agricole propriétaire lui-même d'un lot contigu et que l'ensemble des
transactions s'opère à l'intérieur d'un court délai de 15 jours. Cette exception permet donc de morceler sans
autorisation de la commission une terre agricole en autant que chacune des
parties soit remembrée à la ferme de
l'agriculteur voisin. Dans ces deux derniers cas, la commission
n'est pas directement avisée de ces transactions. La transaction
se passe devant notaire, et il n'y a aucune obligation de divulgation.
La
dernière situation, quant à elle, doit d'abord faire l'objet d'une déclaration auprès de la commission, l'article 32.1 de la LPTAA. Il s'agit de la situation où le propriétaire actuel souhaite réserver sa
résidence bénéficiant de droits acquis à l'occasion de la vente de sa
terre agricole, tel que le permet la loi. Au moment de cette vente, le
propriétaire doit faire valider sa
prétention de droits acquis quant à l'emplacement résidentiel qu'il se propose
de conserver. Il peut alors vendre le résidu de sa terre sans obtenir
préalablement une autorisation de la commission.
Finalement,
la vente de la totalité d'une terre agricole sans réserve de lots contigus n'est
pas réglementée par la loi. Les personnes qui y procèdent n'ont donc pas
à informer la commission de cette transaction.
Quant
à son mandat découlant de la Loi sur l'acquisition de terres agricoles par des
non-résidents, la commission doit décider des demandes d'acquisition de terres
agricoles de quatre hectares et plus par un non-résident du Québec, tel que prévu à l'article 8. En effet, l'acquisition
d'une terre agricole par un non-résident doit être autorisée par la commission.
En
conclusion, par ces deux lois, la commission connaît les transferts de propriété de terres
agricoles en faveur d'un non-résident
du Québec. Elle connaît aussi les transferts de propriété
lorsqu'il y a morcellement ou démembrement de la terre agricole. Toutefois, elle n'est pas avisée dans les cas
d'aliénation d'un bloc de 100 hectares avec réserve par le vendeur d'un bloc d'au moins 100 hectares.
Elle n'est pas avisée dans les cas de transaction ou morcellement d'une terre lorsqu'il y a un remembrement de chacun des
morceaux aux terres des producteurs agricoles voisins. Et enfin elle n'est pas avisée lors de transactions visant la
vente de la totalité d'une terre agricole. Alors, c'est tout pour ma
présentation. Merci.
La
Présidente (Mme Léger) :
Merci bien. Merci beaucoup. Alors, nous allons du côté ministériel. Ce que
j'ai pu faire dans un premier temps,
c'est, vous allez avoir, si on y arrive et si un groupe peut, tout à l'heure... On essaie d'arranger avec l'Union paysanne qu'on les voie un peu
après la soirée. Alors, si ça, c'est correct, on enlève une minute par formation
politique. Ça fait que je pense que vous ne pouvez pas m'en
vouloir pour une minute. Alors, M. le
député de Mégantic.
M.
Bolduc :
On a combien de temps, madame?
La Présidente (Mme
Léger) : 15 minutes.
M.
Bolduc : 15
minutes. O.K.
La
Présidente (Mme Léger) : Si
vous pouvez en prendre 13, 14, ça nous aide aussi, mais vous avez votre droit
de 15 minutes.
M.
Bolduc : O.K.
Bon, bien, merci, Mme la Présidente. Bonjour, madame. Bonjour, monsieur. Il me fait
plaisir de vous rencontrer ici
aujourd'hui pour vous entendre un peu, en
tout cas, sur l'accaparement des
terres agricoles, ce que vous n'avez
que peu mentionné dans votre allocution. Donc, de première introduction, je
voudrais juste savoir, est-ce que le phénomène d'accaparement des terres
est un phénomène que vous avez constaté à la CPTAQ?
• (16 h 30) •
Mme
Gouin (Marie-Josée) : Mme la Présidente, le phénomène, on peut le
constater de par ce qui... on suit l'actualité. Mais, concernant l'application des deux lois,
la commission n'a pas à tracer... ou faire une recherche particulière pour rendre ses décisions par
rapport aux demandes qui lui sont déposées.
La Présidente (Mme
Léger) : M. le député de Mégantic.
M.
Bolduc : Merci, Mme la Présidente. Donc, l'information que vous
détenez est la même que nous, on reçoit via les médias, et non vu votre
profession, vos activités dans le domaine agricole.
Mme Gouin
(Marie-Josée) : Et voilà.
M.
Bolduc : O.K. Et, maintenant, vous nous avez parlé d'acquisition de
terres. Donc, si quelqu'un achète une terre
au complet, je voudrais juste comprendre... Par exemple, quand on achète
100 hectares ou 1 000 hectares, il y a des voisins chaque bord, là. Si on achète l'ensemble
de la propriété, vous n'êtes pas informés de la transaction. C'est ce qu'on
a bien compris?
Mme Gouin
(Marie-Josée) : Exactement. Exactement. Si la vente de la propriété se
fait dans sa totalité, la commission ne...
il n'y a aucune divulgation obligatoire au niveau des notaires qui nous permet
de savoir que la terre a été vendue au complet.
M.
Bolduc : O.K. Tant et aussi longtemps, donc... puis sans regard de qui
l'achète, en autant qu'il n'y ait pas de changement de zonage.
Mme Gouin (Marie-Josée) : En autant qu'il n'y ait pas de changement de
zonage et si ce n'est pas un non-résident.
M.
Bolduc : O.K. Dans tous les autres cas, qu'on parle de 100 acres,
1 000 acres, 10 000 acres, ça n'a aucune importance?
Mme Gouin (Marie-Josée) : Exactement. Nous, on agit vraiment sur les
demandes de morcellement, et, lorsque je
disais, au niveau de la présentation, on voit les transactions, on voit les
demandes d'autorisation, s'il y a demande de morcellement, donc on peut savoir les vendeurs, les acheteurs à ce
moment-là. Autrement, dans la vente de totalité ou deux blocs de
100 hectares, il n'y a pas d'obligation de divulgation à ce niveau-là.
M.
Bolduc : Merci, Mme la Présidente. Combien de transactions annuelles
la commission voit par année au Québec actuellement?
Mme Gouin
(Marie-Josée) : On traite environ, au niveau d'aliénation de terres,
en demandes d'autorisation, environ 600 à 650 demandes d'autorisation par
année au niveau de la Loi sur la protection du territoire agricole.
Donc,
au niveau des transactions sur la loi sur les non-résidents, bien là ça varie
un peu. Anciennement, avant les
amendements, on comptait à peu près 50 demandes par année. Maintenant,
avec le registre qu'on tient au niveau aussi du quota de 1 000 hectares, donc on étudie les demandes une en
arrière de l'autre, il doit avoir environ peut-être 20 demandes,
là, en suspens, là, qu'on va traiter au fur et à mesure qu'on va rendre les
décisions dans chacun des dossiers.
M.
Bolduc : Mais, même quand on regarde l'ensemble des transactions — comment je dirais, donc? — entre les voisins, s'il n'y a pas de morcellement, vous n'êtes pas concernés par
ça, à moins du critère du 200 hectares, là, qu'il y aurait une transaction sur moins de 100 hectares et
que le propriétaire garde moins de 100 hectares. C'est les deux conditions,
j'ai bien compris?
Mme Gouin
(Marie-Josée) : Exactement. Exactement.
M. Bolduc :
Ça veut dire que tout ce qui est au-dessus de ça, là...
Mme Gouin (Marie-Josée) : Non, la vente dans sa totalité de la ferme
agricole, les morcellements de terre, on parle du 100 et du au moins 100 hectares. Et aussi, comme je le
présentais dans ma présentation, lorsqu'il y a une terre qui se vend dans sa totalité à l'exception de la
résidence, il y a une déclaration qui est faite pour la prétention de droits
acquis, mais à qui est vendue la terre,
est-ce qu'elle sera vendue, ça non plus, il n'y a aucune obligation de
divulgation à ce niveau-là. Donc, la commission ne détient pas ces
informations-là.
M. Bolduc :
Merci. Est-ce que vous avez une idée du pourcentage de transactions annuelles
sur le territoire agricole que la CPTAQ
enregistre ou voit? Est-ce que vous avez une idée ou si on n'a aucune idée
là-dessus, sur le total de transactions, là?
M. Legault
(Pierre) : C'est le nombre qu'on voit... Excusez.
La Présidente (Mme Léger) :
M. Tremblay.
M.
Legault (Pierre) : Non, Legault, Pierre.
La Présidente (Mme
Léger) : M. Legault.
M. Legault (Pierre) : Oui. On sait le nombre de demandes et de
déclarations qu'on reçoit, mais, lorsqu'il n'y a pas d'obligation de s'adresser à la commission, on ignore le nombre de
transactions qui peuvent être matérialisées dans une année.
M. Bolduc :
Merci. Je vais transférer à mon...
La Présidente (Mme
Léger) : M. le député de Saint-Maurice.
M.
Giguère : Oui. J'aurais une petite question. Quand vous parlez que
vous connaissez, là, les non-résidents, qu'est-ce c'est que vous
entendez par non-résidents?
La Présidente (Mme
Léger) : M. Legault.
M. Legault (Pierre) : Oui. C'est une personne qui
est ni citoyenne canadienne puis qui n'a pas résidé 1 095 jours
au Québec dans les 48 derniers mois
selon les derniers amendements, là, qui ont été apportés par l'Assemblée
nationale il y a une année et demie.
M. Giguère :
Donc, une entreprise qui est basée...
M. Legault
(Pierre) : Une entreprise, c'est d'autres critères.
La Présidente (Mme
Léger) : Attendez. Finissez votre question.
M. Giguère :
Non, je n'ai pas fini. Une entreprise, c'est ça, il y a d'autres critères pour
une entreprise. Donc, j'aimerais ça, les savoir parce que, si un...
M. Legault (Pierre) : Pour une personne morale, on
va s'intéresser de savoir qui détient les actions avec plein droit de vote puis qui est le membre du conseil
d'administration. Puis, dans les deux cas, il faut que la majorité des actions
soient détenues par des résidents du Québec
et que la majorité des administrateurs de la compagnie soient des résidents du
Québec.
M.
Giguère : Donc, une entreprise qui pourrait être basée au Québec, mais
pourrait être à 49 % détenue par une personne extérieure du Québec,
non-résident, si je comprends bien.
M. Legault
(Pierre) : Elle serait considérée comme une résidente du Québec s'il y
a plus de la moitié des administrateurs qui sont des résidents du Québec ou si
elle n'est pas contrôlée directement ou indirectement par des personnes qui ne
résident pas au Québec, là. C'est le libellé de l'article de loi.
M. Giguère :
Donc, s'il y a 49 %, mais qu'ils mettent, exemple, 95 % des sous,
elle est-u considérée comme un résident ou un non-résident, cette
entreprise-là?
M. Legault (Pierre) : Ces sous vont être mis dans les actions, puis,
s'il met 95 % des sous, il va avoir 95 % des actions,
normalement. Ou s'il y a d'autres...
M.
Giguère : Oui. Ma question, c'est que, s'il détient 49 % des
actions, il n'est pas obligé de mettre 49 % de l'argent. L'argent
peut rentrer plus... Ma question, elle vient de là, c'est que...
M. Legault
(Pierre) : Ça ne sera pas des actionnaires, ça va être du financement...
La Présidente (Mme
Léger) : ...vous entendre comme il faut, s'il vous plaît!
M. Giguère :
Non, mais c'est correct.
La Présidente (Mme
Léger) : M. le député de Saint-Maurice.
M. Giguère :
Allez-y.
La Présidente (Mme
Léger) : O.K. M. Legault.
M. Legault (Pierre) : ...de l'argent
mis par des financiers en arrière qui vont financer, mais qui ne seront pas
propriétaires. Ça va être des créanciers, tout simplement, de la compagnie.
M. Giguère : Donc, les
non-résidents... quand c'est un non-résident, il y a-tu une limite qu'ils
peuvent acheter pour faire l'achat au Québec? Un non-résident?
M. Legault (Pierre) : La commission peut autoriser un maximum de
1 000 hectares par année civile maintenant.
M. Giguère :
O.K. Je n'ai pas d'autre question.
La Présidente (Mme
Léger) : O.K. M. le député de...
M. Dutil :
Beauce-Sud.
La Présidente (Mme
Léger) : ...Beauce-Sud, à votre tour.
M. Dutil :
Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme
Léger) : N'oubliez pas de vous adresser à la présidence, hein, pour
être sûr que...
M.
Dutil : Oui. Alors, Mme la Présidente, ma question est la
suivante. Faisons l'hypothèse que quelqu'un a une terre ou des terres
adjacentes qu'il a acquises au fil du temps de 300 hectares et qu'il veut
les scinder en trois fois 100 hectares.
Il a besoin d'obtenir l'autorisation de la commission, même si probablement,
puisqu'il est 100 hectares, vous allez l'autoriser ou il n'a pas
besoin d'obtenir l'autorisation?
La Présidente (Mme
Léger) : Alors, M. Legault.
M. Legault (Pierre) : Oui, Mme la Présidente. L'exception est valide
pour un bloc de lots d'au moins 100 hectares lorsqu'on conserve au moins 100 hectares.
Dans l'hypothèse soulevée de 300 hectares, la personne pourrait transiger
en trois blocs distincts en autant que chacun des blocs soit interrelié
puis qu'il contienne au moins 100 hectares.
M. Dutil :
Mme la Présidente, sans s'adresser à la commission.
M. Legault (Pierre) : Sans s'adresser à la commission, sans aviser la
commission, il n'y a aucune obligation de...
M.
Dutil : O.K. Mais ces 100 hectares, ce n'est pas 54... Une
terre, c'est à peu près 54 hectares. Mais c'est 100 hectares,
c'est donc l'équivalent d'à peu près deux terres, ce que l'on appelait deux
terres, là. C'est beau, merci.
La Présidente (Mme
Léger) : M. le député de Mégantic.
M.
Bolduc : Merci, Mme la Présidente. J'aimerais vous entendre un peu sur
les terres de friche ou les terres qui sont
un peu abandonnées. Est-ce que la CPTAQ a aussi des notions du pourcentage de
ces terres-là? Puisqu'elles ne sont pas
occupées, elles restent vertes, j'imagine, là, mais est-ce qu'il y a quand même
un record de ça ou est-ce qu'il n'y a aucune information qui est
disponible à la CPTAQ là-dessus?
La Présidente (Mme
Léger) : Mme Gouin.
Mme Gouin (Marie-Josée) : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Au moment de
l'analyse de demande d'autorisation, selon
si c'est une demande de morcellement de terre ou une demande d'usage non
agricole, il y a une analyse qui est faite, et on sait à ce moment-là si la terre est en friche, si elle est assurée
au niveau de l'assurance récolte. On connaît aussi, par les demandes qu'on fait, à savoir qu'est-ce qu'on
prévoit faire avec cette terre-là, donc, mais il n'y a pas de répertoire, de consignation générale qui nous permet de dire
qu'il y a tant de superficie de terres en friche dans la totalité de la zone
agricole, disons.
• (16 h 40) •
M.
Bolduc : Merci, Mme la Présidente. Qui est responsable de déterminer
si l'assurance récolte est applicable ou pas à une terre, par exemple,
une terre de friche ou autre?
Mme Gouin
(Marie-Josée) : Ce n'est pas nous, à la commission. On ne touche pas à
ça. Nous, on utilise les données. Les
données sont géoréférencées, et on peut savoir si les superficies qu'on nous
dit, si elles ont été assurées ou pas dans les années précédentes.
M.
Bolduc : Maintenant,
est-ce qu'il y a des critères ou d'autres normes, à part les deux lois que vous
nous avez mentionnées, qui vous permettent de tracer des transactions ou
des... accès à des informations qui vous permettent d'accéder à d'autres informations sur l'accaparement, dans le sens
général, des terres? Est-ce qu'il y a d'autres activités que vous avez — parce
qu'on ne les connaît pas toutes, vos activités, là — qui vous permettraient de voir les
transactions sur les gros volumes de terres, que j'appellerais, pour des
sociétés à actions, là?
La Présidente (Mme Léger) :
M. Tremblay.
M.
Legault (Pierre) : Je m'appelle...
La Présidente (Mme
Léger) : M. Legault, excusez-moi.
M. Legault
(Pierre) : Oui, merci.
La Présidente (Mme
Léger) : Excusez-moi.
M. Legault
(Pierre) : Vous savez, la Loi sur la protection du territoire agricole
et celle de l'acquisition des terres
agricoles n'ont pas été adoptées avec un objectif quelconque à l'égard
de l'accaparement. Tu sais, ce n'est pas des outils qui sont actuellement adaptés face au phénomène, là, qui vous intéresse
ces jours-ci. La commission, son mandat est limité à l'application de
ces deux lois-là, ça fait qu'elle ne...
M.
Bolduc :
Merci. Je n'ai pas d'autre question.
La
Présidente (Mme Léger) : Ça
va? Alors, M. le député de Berthier, porte-parole de l'opposition
officielle.
M.
Villeneuve : Merci, Mme la Présidente. Alors, bonjour, madame. Bonjour, monsieur. Vous
êtes de retour parmi nous, donc chez
vous, au Parlement. C'est toujours un plaisir de vous recevoir. Écoutez,
on avait eu une discussion sur la possibilité de mettre un registre en place qui permettrait, justement,
d'avoir une vue d'ensemble, globale, complète sur les transactions qui se font au Québec présentement et, notamment, pour avoir un oeil
aussi sur les transactions qui se font par certains fonds
d'investissement privés, entre autres, mais c'est plus large que ça, on
comprend.
On
a compris aussi, quand on a discuté avec vous, que, présentement, vous n'aviez pas le mandat de mettre un tel registre en place,
mais que vous seriez prêts et que ça irait dans les cordes de la commission de
pouvoir tenir un tel registre. C'est toujours
le cas, je présume, parce que je pense que l'idée fait son chemin. Je ne sais
pas si ça va être dévolu à la commission ou ailleurs, mais j'ose espérer
qu'on va poser des gestes, là, comme parlementaires pour, justement, s'assurer que les Québécois aient toute l'information disponible, nécessaire, colligée et analysée, pour être en mesure de
prendre des bonnes décisions. Alors, je
présume que la commission est toujours d'avis qu'un tel registre permettrait d'avoir
une meilleure connaissance fine des transactions?
La Présidente (Mme
Léger) : Mme Gouin.
Mme Gouin (Marie-Josée) : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Écoutez, je reprendrai un peu ce qu'on a dit au mois de novembre passé. Vous connaissez un peu les
conditions dans lesquelles la commission travaille. On a parlé aussi, sans répéter
puis revenir avec ces enjeux-là, au niveau des délais de traitement. On
comprend aussi qu'en nombre de ressources on
est limités actuellement. Je vous dirais, à même les ressources et les
budgets qu'on a actuellement, ça serait très difficile, selon le mandat qu'on aurait, sans savoir aussi
l'ampleur du mandat, le suivi de données, le nombre de données, d'être
en mesure de vous dire que ce serait facile.
Si
c'est possible? Oui, c'est possible, mais encore faudrait-il vraiment
l'évaluer, puis voir qu'est-ce qu'on aurait à donner. Est-ce qu'on parle d'un registre? Est-ce qu'on parle aussi
d'évaluer, d'avoir une évaluation à la fin? Est-ce que c'est temporaire? Est-ce que c'est à long terme?
Mais il est certain que ce sont des éléments, là, qu'on... un mandat qu'on
pourrait, effectivement, prendre, mais dans un contexte où est-ce qu'on
pourrait avoir les ressources financières et humaines associées à ça, là.
M.
Villeneuve : Quand on
parle d'expertise, on voit que vous l'avez ou vous êtes en mesure de la
construire et de relever un tel défi.
Je
veux revenir... Tantôt, notre collègue de Saint-Maurice a abordé le
sujet au niveau de la loi sur l'acquisition des terres par des non-résidents. On avait aussi
discuté de ce point-là lorsqu'on s'est rencontrés à l'automne dernier et on
avait amené aussi le fait que la Banque
Nationale avait acquis des terres au Lac-Saint-Jean et qu'elle les a, d'une certaine façon, mis sous le parapluie de Pangea. Vous nous
aviez dit à l'époque que vous aviez envoyé une mise en demeure à la Banque
Nationale. Est-ce que c'est un document public? Est-ce que c'est possible qu'il
soit déposé? Est-ce que cette mise en demeure là peut être déposée à la commission?
La Présidente (Mme
Léger) : M. Legault.
M. Legault
(Pierre) : ...dans un dossier public.
Mme Gouin
(Marie-Josée) : C'est dans un dossier public, et oui, il est possible
de vous fournir la copie.
M. Villeneuve :
Merci. Et vous avez expliqué aussi...
La Présidente (Mme
Léger) : Alors, vous allez le déposer au secrétariat?
Mme Gouin
(Marie-Josée) : Oui.
La Présidente (Mme Léger) : Merci.
M.
Villeneuve : Vous
avez expliqué aussi que, pour que ce
soit légal, il faut que moins de 50 % des parts... puis là vous me corrigerez si je me trompe, là, ou, en
tout cas, maximum, 49 % des parts soient détenues par des intérêts
étrangers. Et aussi une autre condition, c'est que ce soit majoritaire au
niveau du conseil d'administration. Est-ce que cette vérification-là — je présume que oui, mais je vous pose la
question, tout de même — dans le cas qui concerne la Banque Nationale et Pangea,
est-ce que cette vérification-là a été faite?
La Présidente (Mme Léger) :
Mme Gouin.
Mme Gouin (Marie-Josée) : Mme la
Présidente, à l'heure actuelle, je ne pourrais pas vous répondre à cette question-là parce que c'est un... il faudrait voir
avec l'avocat au dossier. Mais il y a sûrement des vérifications. Si on a
envoyé une mise en demeure, c'est parce
qu'il y a eu des vérifications qui ont été faites à ce niveau-là. Mais on
pourrait vous fournir l'information à
ce niveau-là. Mais il est sûr que, si on a agi, c'est parce qu'on a vérifié les
faits à ce niveau-là.
M.
Villeneuve : On pourrait obtenir de votre part incessamment là,
une confirmation que ce travail-là a été effectué. Et, évidemment, s'il n'y a pas eu de suites, c'est
que tout est respecté en termes de gouvernance et en termes d'actionnariat.
C'est ça que je comprends? O.K.
Mme Gouin (Marie-Josée) : C'est au
moment où est-ce qu'on a envoyé la mise en demeure.
M.
Villeneuve : O.K. D'accord. Vous savez que l'UPA a proposé de
limiter à 100 hectares par année l'acquisition de terres cultivées pour donner un peu de temps,
un peu d'oxygène à tout le monde, là. Puis c'est 100 par année pendant trois ans pour, justement, qu'on puisse débattre
de cette situation-là de l'accaparement des terres, qu'on puisse y voir plus
clair pour être en mesure de prendre les
meilleures décisions possible. Puis tantôt je vous entendais dire que,
justement, la loi sur l'acquisition
des terres par des non-résidents, elle, c'est 1 000 hectares par
année, et là on parle de 100 hectares par année. Je voulais savoir si la commission ou vous-même vous étiez
penchés sur cette proposition-là de l'UPA. Et, évidemment, tout n'est pas parfait, est-ce que c'est une proposition qui
aurait du sens? Est-ce que c'est une proposition, à votre avis... Elle
pourrait être modulée aussi, il pourrait y avoir des critères, évidemment, des
critères objectifs, bien sûr, pour ne pas que ce soit du cas par cas non plus
puis, en même temps, que ce soit fait en toute transparence. Qu'est-ce que vous
en dites? Est-ce que vous avez une opinion là-dessus?
Mme Gouin
(Marie-Josée) : Bien,
écoutez, effectivement, il y a une possibilité d'être en mesure de suivre sûrement les transactions au niveau de cette
limite-là de 100 hectares, encore faut-il être en mesure d'avoir les
moyens législatifs pour savoir...
Admettons, si — je vous
donne un exemple — au
niveau d'un propriétaire, une ferme x qui a acheté une terre en début d'année de 60 hectares, elle se présente
à la commission par demande de morcellement pour venir acheter un 80 hectares, alors on dépasse le
100 hectares. Donc, c'est sûr qu'il faudrait mettre en place un mécanisme
pour qu'on soit en mesure, par une
déclaration obligatoire lors de demandes d'autorisation... ou un processus qui
pourrait nous permettre de suivre et
de savoir si on dépasse ou non le 100 hectares. Écoutez, c'est possible de
le faire, mais encore il faut mettre en place un registre particulier et
puis suivre les transactions, puis les propriétaires, s'ils forment des compagnies ou pas. Donc, ça pourrait peut-être
passer une déclaration obligatoire, là, de celui, ou celle, ou le demandeur,
ou la compagnie qui fait les demandes auprès
de la commission, là. Mais encore faut-il mettre un mécanisme particulier
à ce niveau-là.
M.
Villeneuve : Bien sûr. Si on mettait en place cette façon de
faire là, effectivement il faut être capable aussi de faire le suivi
pour y arriver. Bien, écoutez, Mme la Présidente, moi, ça répond à mes
questions. Alors, merci.
La Présidente (Mme Léger) : Bien,
merci. Mme la députée de Mirabel, la porte-parole du deuxième groupe
d'opposition.
Mme
D'Amours : Merci, Mme la Présidente. Moi, j'aimerais savoir, parce
qu'on vous demande... Ça fait quelques reprises
que mon collègue de Berthier vous demande si vous seriez en mesure de tenir ce
registre-là, et vous dites que oui,
avec les ressources et les moyens, vous seriez en mesure de le faire. Combien
de temps ça vous prendrait pour faire ce registre-là? Parce que, là,
c'est avec les transactions, puis une terre ne se vend pas à toutes les
semaines, là.
Mme Gouin (Marie-Josée) : Écoutez, oui, et même on en parle, Mme la
Présidente. On en parle, c'est certain. On suit le tout et on se demande si, advenant le cas, on aurait un tel
mandat. Oui, le temps. Oui, les limites. Oui, il faut vraiment l'analyser. Je serais malhonnête
aujourd'hui en vous disant : Écoutez, c'est facile, et puis on a vraiment
exploré et identifié les limites, et les
effets, et le temps pour faire ce registre-là, là. Mais, écoutez, si on a
mandat d'explorer ou de voir si un
tel registre pourrait être mis en place,
nous, on va prendre les moyens nécessaires pour vous donner les informations,
là.
Mais, à ce moment-ci, sans connaître l'ampleur de ce qu'on a besoin, ce que vous avez besoin
ou ce qu'on veut répertorier ou documenter, c'est difficile pour moi aujourd'hui
de m'avancer pour la commission en disant qu'on pourrait vous soumettre ou commencer un tel registre dans les prochains
mois ou dans la prochaine année, là. Je serais malhonnête de m'avancer à
ce niveau-là, là.
• (16 h 50) •
La Présidente (Mme
Léger) : Mme la députée de Mirabel.
Mme
D'Amours : Merci. Mais moi,
j'aimerais ça... Quand même, vous avez une idée. Parce qu'il y a quand même des milliers de fermes au
Québec, vous en voyez, vous disiez, 600...
Mme Gouin (Marie-Josée) : ...des
demandes d'autorisation.
Mme
D'Amours : ...demandes. Si
on fait le pourcentage, ça vous prendrait — en tout
cas, à mon sens, et j'aimerais vous
l'entendre dire — ça vous
prendrait quand même quelques années, plusieurs années avant de faire un
registre sur l'ensemble du territoire quand on parle de transactions,
O.K., des propriétaires...
La Présidente (Mme Léger) :
M. Legault.
M. Legault
(Pierre) : Est-ce qu'on s'en va à l'égard des transactions à
venir ou si on parle de remonter dans le passé pour savoir qui actuellement est
propriétaire? Est-ce qu'on s'intéresse uniquement aux futures transactions au
fur et à mesure où elles arrivent? Puis ce n'est pas toutes les terres
qui se vendent à chaque année, ça fait que c'est...
Mme
D'Amours : Je voudrais aussi, Mme la Présidente, poser une question
puis je voudrais, là, d'emblée, là, d'entrée
de jeu, vous dire que ce n'est pas ma pensée, ce n'est pas la pensée de mon
parti, mais, depuis deux jours que j'entends des gens puis qu'on essaie
de trouver des solutions, hein, chacun de notre côté, à réfléchir sur qu'est-ce
qui pourrait emmener une solution à l'accaparement
des terres, est-ce que, d'après votre expertise, d'après votre expérience...
Et là, je le répète, là, c'est vraiment une
question hypothétique, ce n'est pas ma volonté, je veux vraiment juste entendre
pour essayer de... Parce qu'il y a des gens
aussi qui nous interpellent, j'aimerais vraiment vous entendre, avec
l'expertise que vous avez, au niveau
du remboursement des taxes. S'il n'y avait plus de remboursement de taxes,
pensez-vous, selon votre expertise,
s'il y avait des investisseurs qui voulaient prendre des terres, comme des
fonds, et qui vont les cultiver, puis qui vont attendre que ça augmente,
pensez-vous que, s'il n'y avait plus de remboursement de taxes... est-ce que
ces gens-là seraient portés à acheter quand même des terres?
Mme Gouin
(Marie-Josée) : Écoutez, Mme la Présidente, c'est une question qui mérite réflexion à ce niveau-là. Puis je comprends votre question, qui est
ouverte, mais c'est certain qu'il y a toujours des moyens financiers, et il y a
sûrement... Vous me demandez de répondre à cette question-là, mais, si l'intérêt
financier n'est pas ou si... Écoutez, j'ai de la misère à vous répondre à cette question-là spécifiquement parce que
les intérêts... Pourquoi on achète les terres? Oui, on peut comprendre pourquoi les lois ont... Je
l'ai dit d'entrée de jeu dans mon texte, hein, au niveau des
non-résidents, on parlait de
spéculation, on parlait... Là, vous me parlez de remboursement de taxes. Est-ce que
le fait de rembourser ou non les taxes pourrait freiner ce phénomène-là?
Écoutez, la réponse... Vous posez la question, et c'est un très bon questionnement. De même, écoutez, c'est du
questionnement même qu'on se pose entre nous aussi, là, lorsqu'on réfléchit au niveau de
l'accaparement des terres : Est-ce
qu'il y a de l'accaparement? Est-ce
que c'est un phénomène... Est-ce
qu'on le documente? Est-ce qu'on
devrait tenir un registre? Est-ce que les taxes font en sorte que le
remboursement de taxes peut favoriser
ou non l'achat ou... Écoutez, c'est des réflexions... c'est large à ce
niveau-là. Mais oui, ce sont des faits
pertinents à amener sur la table, là.
Mme
D'Amours : Est-ce que
vous pensez qu'on serait en mesure, avec le registre que vous teneriez... que
vous seriez en mesure de nous donner un avis sur ça?
Mme Gouin
(Marie-Josée) :
Complémentaire avec les taxes? Écoutez, je ne peux pas vous répondre sans
savoir quelles données qu'on va tenir dans le registre est-ce que ça va
mener, par une évaluation, à savoir que ça a freiné s'il y a des remboursements de taxes ou pas. Mais je ne pourrais pas vous donner d'entrée de jeu, maintenant, quels seront les résultats de cette tenue
de registre là s'il y a registre, là.
La
Présidente (Mme Léger) :
Merci. Merci beaucoup. C'est tout
le temps que nous avions. D'ailleurs,
on était contents de vous recevoir
dernièrement lorsqu'on a fait notre mission aussi de vérification. Alors, merci, Mme Gouin, merci, M. Legault, merci à
la Commission de protection du territoire agricole du Québec.
Je vais suspendre quelques instants pour avoir
Pangea et la Ferme ALY Blackburn qui vont venir s'installer.
(Suspension de la séance à 16 h 55)
(Reprise à 16 h 58)
La Présidente (Mme Léger) : Alors, à
l'ordre, s'il vous plaît! On reprend nos travaux. Alors, nous recevons Pangea et la Ferme ALY Blackburn. Vous avez chacun
15 minutes de présentation. On va vous écouter, dans un premier temps, Pangea, et ensuite la
ferme, 15 minutes de temps. Dans l'ensemble, donc, vous avez 7 min 30 s et
7 min 30 s pour votre présentation,
et après on va faire les échanges. Alors, je crois que c'est M. Fortin,
qui est devant moi. Présentez avez qui vous êtes.
Pangea et Ferme ALY Blackburn
inc.
M.
Fortin (Serge) : Oui.
Bonjour, Mme la Présidente, Mmes et MM. les députés. Je suis très heureux
d'être parmi vous aujourd'hui et d'avoir l'opportunité de vous parler du modèle Pangea. Je suis Serge
Fortin. Je suis accompagné de Mme Marie-Christine Ethier et de
M. Patrice Garneau, de la Ferme ALY Blackburn. Pour le 15 minutes,
nous allons intégrer les deux présentations ensemble, et ça va couler pour ne
pas dépasser le 15 minutes.
Merci de nous donner
le forum aujourd'hui pour vous dire qui nous sommes et de vous faire connaître
nos véritables intentions et notre vision. Beaucoup
de choses se sont dites à notre sujet au cours des derniers mois, des dernières
semaines et encore à cette commission.
Beaucoup de mythes nous concernant ont, malheureusement,
été entretenus. Cet après-midi, je vais vous expliquer le modèle que nous avons
mis sur pied, un modèle qui répond à un besoin, à une demande et qui
contribue au développement de l'agriculture au Québec.
D'abord, comme
mentionné préalablement, je suis Serge Fortin, cofondateur de Pangea avec
l'entrepreneur Charles Sirois, un ami depuis
plus de 30 ans. Avec Pangea, Charles et moi avons combiné nos passions
respectives, soit l'agriculture et l'entrepreneuriat. Je suis convaincu
que personne dans cette salle ne s'oppose à l'idée de contribuer à développer
l'entrepreneuriat agricole au Québec, un énoncé de base où nous nous entendons
tous.
Parler de mon
parcours personnel. Sur le côté paternel, je viens d'une famille agricole ayant
plus de 300 ans d'histoire en agriculture. Je suis un passionné d'agriculture, j'ai appris à travailler dur avec
mon père et ma famille sur les
fermes. Du côté maternel, mes arrière-grands-parents ont été les premiers
défricheurs agriculteurs dans le sud de la région de Kamouraska,
Saint-Éleuthère, Saint-Athanase. J'ai des terres dans la région de Lanaudière
et je suis dans les grandes cultures céréalières depuis plusieurs
années. Auparavant, avec ma famille, nous étions dans la culture
maraîchère. Je suis donc loin d'être
un spéculateur, comme certains le définissent. Je ne passe pas mes journées
devant les écrans à regarder les
cours à la bourse, je développe
l'agriculture. Je m'assois sur mon tracteur, je cultive mes terres et j'aide
des jeunes de la relève agricole afin de s'assurer que leur famille
puisse en vivre.
Je
suis accompagné aujourd'hui de Patrice Garneau, un jeune producteur du Saguenay—Lac-Saint-Jean, un jeune de relève,
partenaire de Pangea. Je vais le laisser se présenter.
• (17 heures) •
M. Garneau (Patrice) : Alors, bonjour à tous. Je m'appelle Patrice
Garneau. Je suis un fier partenaire de Pangea et membre de l'UPA. Je suis un producteur laitier et de grandes cultures
à Métabetchouan, au Lac-Saint-Jean. Je suis ici pour venir vous expliquer pourquoi j'ai décidé de fonder une
coentreprise avec Pangea et ce que ça m'apporte, à moi.
M.
Fortin (Serge) : D'autres nous accompagnent aussi dans la salle
aujourd'hui. Ce sont des jeunes qui, avec Pangea, travaillent au
développement de l'agriculture québécoise.
Alors,
Pangea, c'est quoi? Pangea est née d'une volonté de développer l'agriculture
puis de l'exploiter à son plein potentiel. Nous avons débuté nos
opérations en 2013. Pangea, c'est une société agricole. C'est un regroupement d'agriculteurs propriétaires qui sont, et
demeurent propriétaires de leurs terres. Ce ne sont pas des employés, ce ne sont
pas des sous-traitants, ce sont des entrepreneurs décisionnels.
Premier
mythe à déboulonner : nous ne sommes pas un fonds d'investissement, nous
sommes des agriculteurs. Nos
investissements sont pour le développement de l'agriculture. Nous ne vendons pas
les terres, nous les travaillons afin de
leur rendre leur plein potentiel agricole. L'ensemble de nos partenaires sont
des passionnés d'agriculture, ils veulent vivre de l'agriculture. C'est ça, Pangea. Si vous regardez au tableau,
voici Pangea à l'heure actuelle. Nous avons sept sociétés opérantes et une en devenir. M. Patrice
Garneau, un modèle de relève non apparentée, va vous présenter sa coentreprise.
M. Garneau (Patrice) : Moi, je suis le troisième enfant d'une famille de
quatre. D'une famille d'agriculteurs, bien sûr, mon père et ma mère
étaient agriculteurs. Dans notre cas, nous étions beaucoup de relève pour
l'entreprise familiale, ça fait que j'ai
décidé d'aller étudier à l'ITA de Saint-Hyacinthe pour peut-être trouver
d'autres avenues dans le monde agricole. Je suis revenu au Saguenay—Lac-Saint-Jean
en 2002, je suis devenu employé de la Ferme ALY Blackburn à Métabetchouan. Et M. Blackburn et Mme Boily avaient deux
filles qui n'étaient pas intéressées par la ferme, ça fait que je lui ai offert de racheter la ferme.
Le processus a commencé officiellement en 2009 pour s'étaler sur cinq ans,
pour réussir à trouver, en tout cas, les
façons de faire pour leur achat non apparenté parce que c'est une grande dette.
Ça fait qu'en 2013 j'ai décidé d'appeler
M. Serge Fortin pour voir quelle façon Pangea pourrait m'aider à devenir
propriétaire de terres agricoles et le rachat de la Ferme ALY Blackburn.
Pangea,
pour moi, les gros avantages, ça m'a permis, bien sûr, de vivre de
l'agriculture, de ramener ma conjointe avec
moi. Parce qu'elle travaillait à l'extérieur, ça fait que notre rêve était de
travailler ensemble sur la Ferme ALY Blackburn, qu'on a rachetée, mais le taux d'endettement faisait qu'on ne pouvait
pas avoir assez de salaires pour nous deux. Ça fait qu'avec l'association Pangea, maintenant, on
travaille ensemble depuis le mois de novembre. Pangea m'a permis aussi de
devenir entrepreneur et de rester
entrepreneur, d'avoir le pouvoir décisionnel dans notre coentreprise, être
dirigeant de cette coentreprise-là.
Pangea m'amène de la formation, du mentorat, des comptables, aussi des
comptables de ma région bien sûr, des agronomes, toutes sortes d'aspects
qui font qu'entre nous on peut s'entraider.
Je vais aussi pouvoir
continuer à faire de la production laitière avec mon entreprise, qui s'appelle
la Ferme ALY Blackburn, qui est ma priorité.
Ma partie des profits de ma coentreprise avec Pangea, je les ramène dans la
Ferme ALY Blackburn pour pouvoir
m'avancer dans la technologie de ma ferme laitière et être plus rentable à
court et long terme.
Finalement,
bien sûr, j'ai fait une coentreprise avec Pangea pour ma relève, car j'ai trois
enfants, qui, peut-être, un jour,
seront intéressés à continuer, et je crois leur avoir amené amplement de choix dans
nos entreprises respectives. Je suis
un fier partenaire de Pangea, car je crois que c'est un nouveau modèle qui peut
nous aider, nous, la relève, à
diminuer le risque dans nos entreprises.
M. Fortin (Serge) : À titre d'exemple, une autre en Estrie, les
Cultures céréalières Lapointe. La famille Lapointe, trois générations, le grand-père, le père, le
fils, pas assez de propriété pour être capable de garder le fils sur les
terres, le fils a quitté. Ils nous
ont appelés, on a travaillé ensemble, nous avons acheté d'autres terres. Le
fils est revenu, s'est marié, a deux enfants. Il y avait deux maisons
dans le rang. Aujourd'hui, il y a trois maisons dans le rang.
D'autres
de nos partenaires agriculteurs que vous voyez sur la carte sont avec nous
aujourd'hui : Les Terres MJ, Jacquelin; Les Cultures MB, Martin;
Sovalex, Jérôme et sa conjointe Manon, qui sont avec nous.
Ce sont des
agriculteurs des régions qui habitent dans ces régions, pas à Montréal. Et
retenez que, parmi nos partenaires,
50 % ont moins de 35 ans. Lorsque vous regardez cette diapositive, nous
l'avons toujours présentée — elle
est sur notre site Internet — dans toutes nos
présentations, nous avons toujours parlé de nos partenaires et nous avons toujours mentionné les superficies. Nous n'avons
jamais caché les superficies que nous avions, et tout cela, c'était très
important pour nous dans un souci de transparence.
Le
modèle. Je vais vous expliquer comment fonctionne Pangea. La première chose que
vous devez retenir, c'est la boîte
verte en haut. Voilà un deuxième mythe à déboulonner. Ce qui est en haut, à
gauche, c'est que chacun reste propriétaire de ses terres. On les cultive ensemble, mais, encore une fois, chacun
reste propriétaire de ses terres. Par
exemple, Patrice, il a 240 hectares à lui, il en a conservé la
propriété. Moi, je garde les miennes. Nous avons un engagement à Pangea de
mettre nos terres à niveau. Toutes les futures terres... Avec les bénéfices de
notre coentreprise, les bénéfices qui sont générés, notre partenaire a toujours
le premier choix pour acheter les terres qui sont disponibles.
Comment
ça se passe? On commence avec le cercle jaune, on trouve toujours un partenaire
en région, une région où nous voulons
exploiter les grandes cultures, un partenaire qui a la passion, la connaissance de l'agriculture, qui connaît le
tissu socioéconomique dans sa région. On crée une société
opérante agricole. Dans notre langage, une SOA. En fait, cette SOA-là, c'est essentiellement une compagnie
de tracteurs, une compagnie qui a la capacité de cultiver nos terres respectives. Cette société-là, habituellement, n'a presque pas de dettes. Nos partenaires sont décisionnels, ce sont
eux qui prennent les décisions sur
les techniques de culture, sur les semences, sur les récoltes et sur les ventes
des denrées. Ce que Pangea amène,
c'est l'expertise et le mentorat. Les terres ne font pas partie du partage
51-49, chacun est propriétaire à 100 % de ses terres.
Je vais vous
présenter dans les prochaines «slides» comment Pangea est un partenaire pour l'agriculture,
la relève et les régions. Le modèle Pangea
crée des coentreprises agricoles rentables et durables avec une taille optimale
en grandes cultures, en cultures céréalières
et oléagineuses qui permettent d'optimiser les équipements, une planification
de la production des denrées qui nous font
passer de cultures majoritairement consommation animale au Québec pour de la consommation humaine,
qualité de semences et biologiques. Nous amenons une diversité des activités
avec nos partenaires par de la commercialisation, en leur donnant l'opportunité
de commercialiser et en investissant dans des micro-usines éventuellement pour
une première transformation de grains à la ferme en région.
On
investit pour rendre le plein potentiel à nos terres. Le préfet du
Lac-Saint-Jean, hier, vous l'a déjà mentionné, il y a une terre qu'on a
achetée là-bas, on ne pouvait même pas entrer en tracteur dedans il y a deux
ans, lorsqu'on l'a achetée. On l'a nivelée,
drainée, corrigé le pH, et maintenant nous avons eu une production exemplaire
cette année. Les gens du Lac-Saint-Jean vont vous en parler, c'est le
long de la grand-route.
• (17 h 10) •
Savez-vous,
au Québec, quand vous regardez la production pour la consommation humaine, on
ne produit même pas 8 % des
céréales qu'on consomme dans le pain ou dans le gâteau que vous avez mangé cet
après-midi. C'est pourquoi on
travaille avec les gens des régions pour être capables de développer des
projets pour des denrées régionales, avoir des denrées, exemple, au Lac-Saint-Jean avec les gens là-bas, avec le centre
de recherche d'Agrinova, pour être capables de voir comment on pourrait réintroduire
la gourgane au Lac-Saint-Jean. Le Lac était connu pour les bleuets et aussi par
la gourgane. La gourgane, aujourd'hui, est... minimum d'agriculteurs qui
en cultivent. Il y a beaucoup d'applications potentielles,
et nous sommes un fier partenaire des gens là-bas, et nous avons investi dans
de la recherche pour être capables de voir comment nous pourrions en
faire une réimplantation.
Partenaire
avec les agriculteurs, Pangea permet aux agriculteurs de, premièrement, garder
la propriété de leurs terres, d'être
décisionnels dans la gestion de leurs opérations. Moyennes entreprises,
minimum. O.K.? On leur permet des avantages
qui leur donnent une taille optimale. Avec cette taille optimale, ils peuvent
avoir un pouvoir d'achat, ils ont accès
à des nouvelles technologies et à des nouveaux marchés. Nous sommes une
alternative parmi d'autres qui contribue au développement agricole au Québec. Je pense que Patrice a déjà
mentionné les avantages que le modèle permet pour la relève. Vous pouvez regarder sur le tableau, au
Québec il y a seulement que18 % des agriculteurs qui ont moins de
44 ans. Et, je le redis, 50 % de nos partenaires agriculteurs,
dans Pangea, ont moins de 35 ans.
Pangea
s'est dotée d'une politique d'achat local. C'est un troisième mythe de dire que
ce n'est pas le cas. Nous avons
investi 15 millions dans les régions depuis un an et demi. Nos
investissements et dépenses génèrent des retombées économiques importantes pour les régions,
injectent des capitaux neufs dans le secteur agricole, revalorisent le
patrimoine agricole, favorisent l'occupation du territoire.
Qu'est-ce
que je veux dire par politique d'achat local? Les décisions d'achat de produits
et services reliés à toutes les activités des sociétés opérantes
agricoles sont prises en région par les partenaires agricoles. Les achats se
font au niveau local. Que ça soit pour les
professionnels, les notaires, les comptables, les agronomes, que ce soit pour
le travail qu'on fait, pour le
nivellement, tout se fait en région. Nous investissons dans les rénovations des
maisons et des bâtiments agricoles. Nous n'avons démoli aucune maison,
mais rénové les maisons périodiquement.
La Présidente (Mme
Léger) : 30 secondes.
M.
Fortin (Serge) : La hausse
de la valeur des terres agricoles est un phénomène qui existe depuis bien des
années avant Pangea. C'est donc un
quatrième mythe que de dire que nous en sommes responsables. Pour s'assurer d'éviter toute ambiguïté, nous nous sommes dotés d'une politique
d'achat au niveau des terres. Nous prenons deux évaluateurs indépendants, membres d'un ordre professionnel.
Ils nous donnent la valeur marchande, basée sur les prix moyens de la dernière année. Ils prennent la moyenne, ça fait
que nous prenons la moyenne des prix. Nous prenons des évaluations et nous les remettons au cédant. Ils ont une copie de
la valeur exacte de leurs terres. On a un souci de transparence lorsqu'il
vient les transactions.
Pour
conclure, nous sommes conscients qu'il y a une problématique de relève et de
propriété des terres et nous pensons
faire partie de la solution, et non pas du problème. Nous croyons aussi
primordial de considérer avec ouverture la diversité des options complémentaires du modèle actuel, surtout
lorsque ces modèles permettent aux jeunes agriculteurs de demeurer propriétaires de leurs terres et de
continuer d'en acquérir. J'espère avoir réussi à corriger certains mythes
qui circulaient à ce sujet. Nous sommes
disponibles pour les questions. Je m'excuse si ça a pris un peu plus de temps.
La
Présidente (Mme Léger) : C'est correct, M. Fortin. Merci beaucoup.
Merci de votre présentation. Je laisse la parole maintenant pour le côté
ministériel. Vous avez 21 minutes. Alors, le député de Côte-du-Sud.
M. Morin :
Merci, Mme la Présidente. M. Fortin... excusez, Mme Éthier, M. Fortin, M.
Garneau, bienvenue chez vous. Ce que
j'aimerais, compte tenu que je suis député de Côte-du-Sud, j'ai Kamouraska dans
mon comté... De quelle façon, quand vous êtes arrivés à Kamouraska, de
quelle façon que vous avez opéré? Avez-vous été voir l'évaluation foncière? De quelle façon, quand vous êtes arrivés
chez nous, que vous avez fait vos achats, vos transactions? De quelle
façon que vous avez pris contact avec les gens? Contez-moi l'histoire de
Kamouraska.
M. Fortin
(Serge) : O.K. Nous avons, au départ, regardé les différents
intervenants dans la région, que ce soient les groupes d'agronomes, que ce soient les fournisseurs, que ce soient
les coops, que ce soient les différentes personnes, et nous avons regardé... En passant, comme je vous
dis, ma famille vient de la région, ça fait que je connais assez bien la région pour y être allé souvent, et puis nous
avons regardé pour avoir des terres, des terres qui étaient disponibles. Nous
avons rencontré un vendeur qui, en
passant... ça faisait sept ans que sa terre était à vendre, et c'était annoncé,
c'était connu. Il a eu une
possibilité de trois acheteurs, les trois acheteurs ont été rejetés, faute de
financement, manque de financement. Lorsque
j'ai rencontré la personne, la personne était âgée et malade, son épouse aussi,
puis les gens voulaient déménager dans la région de Québec parce que
leur enfant, pour leur soutien, était ici, dans la région de Québec. Lorsque je
l'ai rencontrée puis j'ai réalisé que la
personne ne pouvait pas cultiver les terres, qu'elle les mettait en location,
je me suis retiré. Il y a quelqu'un qui cultive les terres, je ne
compétitionne pas contre un autre agriculteur, je me suis retiré. Trois, quatre mois après, il m'a appelé puis il m'a
dit : La personne ne peut pas acheter les terres, ça fait que je vais vous
les vendre. Nous avons fait deux
évaluations, nous lui avons donné l'évaluation et nous avons fait compléter la
transaction le 17 décembre.
M. Morin :
Oui, madame... Mais j'aimerais savoir, vous avez payé selon l'évaluation
foncière ou un pourcentage élevé de l'évaluation?
La Présidente (Mme Léger) : M.
Fortin.
M. Fortin
(Serge) : Bien, Mme la Présidente, nous avons payé selon l'évaluation
des deux évaluateurs, qui est une
valeur marchande en fonction des transactions qui avaient eu lieu dans la
région dans la dernière année. Et c'est en fonction d'une valeur
marchande. Pour les bâtiments, ça se rapproche assez près des évaluations
municipales.
M. Morin :
Ah bon! Puis, quand vous dites que vous achetez, vous prenez vos équipements en
région, chez nous, en Kamouraska, c'est ça que vous avez fait?
M.
Fortin (Serge) : Exact. Nous avons acheté les équipements du
concessionnaire qui est à Saint-André-de-Kamouraska et nous avons pris
les tracteurs sous le concessionnaire John Deere qui est sur le bord de la 20.
M. Morin : O.K. Pour
l'instant, merci.
La Présidente (Mme Léger) : M. le
député de Mégantic.
M.
Bolduc : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, messieurs. Bonjour,
madame. Il me fait plaisir de vous rencontrer ici aujourd'hui. Et j'aurais, premièrement, une question très simpliste,
mais qui est très pertinente : Est-ce que vous êtes membres de
l'UPA?
M. Fortin (Serge) : Définitivement,
membre de l'UPA.
M.
Bolduc : O.K. Bon, maintenant, vous avez fait une étude
macroéconomique relativement grande sur la production céréalière au monde et vous vous donnez un mandat de
développement de cultures céréalières et biologiques si j'ai bien
compris. Donc, vous n'avez aucun animal dans votre parc agricole?
M. Fortin (Serge) : Nous,
à l'intérieur de Pangea, nous n'avons pas de parc animal, mais nos
partenaires... Comme M. Garneau l'a
mentionné, il a lui-même des animaux, dans son cas, laitiers. Il y a d'autres
de nos partenaires qui ont du côté
laitier ou du côté boeuf. Et nous tenons compte de cela dans nos rotations de
terres pour qu'ils puissent avoir accès à du foin, à du fourrage pour
ces animaux.
M.
Bolduc : O.K. Maintenant, est-ce que ces... Parce que les productions
céréalières et biologiques dont vous nous parlez... Et vous nous parlez
aussi en introduction de votre évaluation macro de la production planétaire et
des besoins, et vous nous dites après que le
Québec ne produit que 8 % de sa demande de production céréalière en
consommation humaine. Est-ce que la vocation
de Pangea est d'augmenter cette production-là, cette autosuffisance-là au
Québec ou si vous visez un marché
d'exportation? Parce que, dans l'agriculture, c'est un vecteur important chez
nous.
M.
Fortin (Serge) : Mme la Présidente, excellente question. Oui, ce que
nous visons à l'intérieur de Pangea, c'est d'aller de plus en plus vers une culture pour consommation humaine et
même une qualité semence en allant vers le côté biologique. Est-ce que, dans certains cas, ça pourra amener
l'exportation? La réponse : Nous espérons que oui. Le Québec est déjà exportateur de beaucoup de denrées — exemple, le soya — et puis je pense que c'est une bonne source
de revenus pour nos agriculteurs.
Nous avons au Québec une excellente réputation dans la production de soya comme
exemple. Mais notre intention, c'est
de produire des denrées au Québec sur nos fermes, avec des micro-usines sur nos
fermes, pour être capables d'être dans la pleine valeur de la chaîne de
valeur pour nos partenaires.
M.
Bolduc : Vous parlez de micro-usines sur vos fermes. Est-ce que vous,
éventuellement, considérez de faire de la transformation ou... Je ne
suis pas sûr que j'ai bien compris, là, vos micro-usines.
M.
Fortin (Serge) : Oui. Notre intention, c'est d'être capables d'aller
vers une transformation primaire sur nos fermes. Pas faire du pain, pas faire des biscuits, mais faire une
farine, faire des flocons, faire des choses de cette façon-là avec les
productions de nos fermes.
M. Bolduc :
Maintenant, est-ce que vous considérez... Puis, comme on l'a vu, vous avez des
propriétés au Lac-Saint-Jean, en Estrie,
dans le Bas-Saint-Laurent. Est-ce que vos productions sont orientées vers ce
que je qualifierais de la production régionale ou si vous amenez
d'autres intrants, de nouvelles productions? Comment vous faites votre
planification à ce chapitre-là?
• (17 h 20) •
M.
Fortin (Serge) : Oui, Mme la Présidente. Toute notre planification est
faite avec nos partenaires, nos entrepreneurs
locaux. Avec eux, nous regardons les différentes possibilités pour chacune des
régions, être capables d'avoir des
différenciateurs, être capables d'avoir une marge de rentabilité, des profits
un peu supérieurs. Mais, en tout temps, la décision est laissée à
notre partenaire. Nous, ce que nous faisons, c'est que nous amenons des
opportunités, mais notre partenaire choisit laquelle des opportunités
qui lui plaît le plus. Peut-être que, si vous permettez, Mme la Présidente,
M. Garneau pourrait compléter.
M. Garneau
(Patrice) : Oui. Je voulais simplement dire aussi que, vu qu'on est
100 % les gestionnaires des coentreprises,
c'est vraiment nous qui dénichons les marchés, souvent québécois et régionaux.
Dans le fond, c'est un peu nous qui décidons de qui on achète nos
intrants et même à qui on revend les grains.
Quand
on a des idées, comme vous avez demandé, sur les microtransformations, c'est
nous, souvent, qui amenons les idées
à Pangea. Ensuite, Pangea nous appuie si, justement, ils trouvent que l'idée
est bonne, mais c'est tout le temps nous
qui amenons les idées. Puis, les marchés, bien, pour l'instant, vu que nous
décidons — et même
pour le futur — à
qui on vend, bien c'est régional et québécois à 100 % ou presque.
M.
Bolduc : Maintenant, si je comprends bien, vous... Parce que, si je
regarde les partenaires de Pangea, il y en a un petit à 660 acres, mais les autres, là, ça varie de
1 000 acres à 3 000 acres, puis c'est des groupes ou des
familles qui sont relativement
jeunes, comme vous l'avez bien mentionné. Comment vous en arrivez à faire ça
quand on considère qu'au Québec — puis on l'a entendu largement depuis
hier — que la
moyenne des agriculteurs possèdent 117 hectares de terre? Vous êtes
dans une gamme un peu différente. Pouvez-vous expliquer comment vous en arrivez
là?
M. Fortin (Serge) : Bien, Mme la Présidente, ce que nous avons fait,
c'est que nous avons regardé quelle était la taille optimale pour une ferme, pour être capable d'être rentable et
de permettre à une famille de bien en vivre. Nous sommes arrivés à la conclusion que les tailles
devraient être autour, mettons, de 600, 700, 800 hectares, à peu près. Ça
fait que ce que Pangea amène, c'est
l'opportunité pour les jeunes d'être capables d'avoir accès à ces superficies-là.
Nous les emmenons, et on travaille
tous ensemble pour être capables d'avoir toutes nos habilités de gestion, être
capables de gérer ces entreprises-là. Que ça soit une gestion
financière, ressources humaines, technologie d'exploitation, tout ça, ensemble
nous travaillons pour être capables d'avoir une gestion la plus exemplaire
possible des opérations.
Et
puis j'aimerais vous rappeler aussi qu'au niveau des terres que nous partageons
avec nos partenaires le rapport, à
peu près, c'est à peu près 40 % à 60 %. Nous possédons habituellement
60 % des terres, et notre partenaire, à peu près 40 % des terres, là. Ça fait qu'on est loin, là, de...
Ça fait qu'on essaie de les faire grandir, de monter avec nous vers une taille
optimale.
M. Bolduc : Maintenant, si
je comprends bien, dans votre SOA, c'est l'ensemble des équipements et des
biens que j'appellerais mobiles qui
se déplacent entre les deux fermes : tracteurs, la somme des équipements,
des récolteuses, de la machinerie,
etc., et vous nous dites que c'est toujours 51 % propriété de
l'agriculteur avec lequel vous faites affaire. J'ai bien compris?
M. Fortin
(Serge) : Oui, Mme la Présidente. La SOA, en effet, c'est une société
d'équipements. Ce sont ces équipements
conjoints là que nous avons qui cultivent les terres respectives de chacun, où
chacun est resté propriétaire de ses
terres. Mais, peu importent les terres qui sont cultivées, la société opérante,
c'est la société qui garde les bénéfices. Ça fait que c'est la société opérante qui bénéficie, qui décide quelle
terre à cultiver en premier, et tout ça. La notion du 51 %, c'est
la notion qu'on l'on veut que notre partenaire soit la personne décisionnelle.
M.
Bolduc : O.K. Mais, de l'autre côté, Pangea est entièrement — comment je dirais ça? — autonome quant à ces choix de culture
sur la superficie de terrain qui les concerne? Non?
M.
Fortin (Serge) : Non, Mme la Présidente, notre société décide
conjointement de ce qui va être produit sur les deux terres. Chacun reste propriétaire, mais c'est la SOA qui regarde...
C'est nous puis c'est notre partenaire qui prenons la décision finale, quelles sont les meilleures
cultures à faire sur nos terres. Même si on est chacun propriétaires, la
gestion se fait sur les terres comme si elles étaient communes. Je ne
sais pas si M. Garneau peut compléter.
M. Garneau
(Patrice) : C'est parce qu'aussi on est tous, Mme la Présidente, on
est tous dans des régions différentes, les
SOA. Puis M. Fortin vient d'une région qui est différente du Saguenay—Lac-Saint-Jean, ça fait qu'il se fie beaucoup sur ce que nous, on fait puis ce qu'on
connaît depuis les dernières années dans les céréales et les cultures qu'on
était habitués de faire. Ça veut dire que, conjointement, nos terres sont
autour de la SOA, mais c'est moi, comme gestionnaire,
qui décide quoi qu'on va semer de chaque côté. On est habitués dans nos
secteurs, qui sont différents partout à travers le Québec.
M.
Bolduc : Donc, si je comprends bien, si vous êtes dans le soya et le
maïs, toutes les superficies concernées par votre SOA vont être dans ce
type de production là, à l'exception de vos productions animales qui sont les
vôtres spécifiquement. Est-ce que c'est correct, ça?
M. Garneau (Patrice) : Bien là, dans notre secteur, le Saguenay—Lac-Saint-Jean, ce n'est pas tout à fait soya, maïs, il y a
céréales aussi. Mais, si je décide de vouloir faire soya-maïs à 100 %, j'en parle à M. Fortin, mais
habituellement il respecte notre décision.
M. Bolduc :
Donc, ça va bien de ce côté-là. Je pense que j'ai d'autres...
M.
Bourgeois : Mme la Présidente.
La Présidente (Mme
Léger) : M. le député d'Abitibi-Est.
M.
Bourgeois : Oui. Je veux bien comprendre parce que, depuis hier, on a
des gens qui viennent nous parler de leur
quotidien, des impacts qui tournent autour de l'accaparement des terres. Mais
j'essaie de mieux comprendre votre modèle,
et parce que vous nous illustrez... Ça me donne l'impression que vous oeuvrez
comme un levier qui permet de développer
une entreprise agricole de façon rapide, de l'emmener à ce qui est l'équivalent
de trois ou quatre générations... pour
arriver avec un modèle, une entreprise d'une taille et d'un volume d'opération
équivalents. Est-ce que cette lecture-là, ça correspond à ce que vous
avez comme modèle?
M. Fortin (Serge) : Oui, Mme la Présidente. Ça correspond pas mal à ce que nous avons comme
modèle. Pangea, contrairement à la
majorité des autres organisations, nous sommes partenaires avec l'agriculteur,
avec notre entrepreneur, nous sommes avec lui et nous lui emmenons
l'envergure pour s'assurer que l'organisation va être rentable et que la
famille va pouvoir en vivre. Ça fait que nous sommes partenaires avec lui.
M. Garneau
(Patrice) : Oui. Mme la Présidente, je voudrais ajouter aussi que,
dans mon cas, la ferme ALY Blackburn, que
j'étais en rachat, Pangea m'amène, avec la coentreprise, des revenus
supplémentaires que je n'avais pas, tu sais, que je... il fallait que je
cherche pour réussir à faire le rachat de la Ferme ALY Blackburn. Ça me prenait
une sécurité financière, puis Pangea, avec
une coentreprise, m'amène de la terre, des équipements, du mentorat qui font
qu'on... Moi, ma sécurité financière a été bonifiée dans ma Ferme ALY
Blackburn pour notre partage avec la coentreprise.
M.
Bourgeois : Mme la Présidente, toujours dans la même optique, donc, à la suite de ce
maillage-là, si je peux l'appeler
ainsi, lorsque vous faites d'autres acquisitions... Parce que, bon, il y a au départ une
définition de l'entreprise, la mise
en commun de certaines ressources, lorsqu'il se fait des acquisitions, ça
fonctionne comment dans votre processus entre partenaires? Est-ce que
c'est un coût d'acquisition qui est partagé ou... Avez-vous des scénarios de ce
côté-là?
M. Fortin (Serge) : Oui, Mme la
Présidente. Dans le cas d'acquisition des terres, habituellement c'est notre partenaire en région qui en a la connaissance le
premier parce qu'il connaît la région, il connaît les partenaires, il connaît
les voisins, et nous
avons toujours une discussion à savoir si... Parce que rappelez-vous que la
propriété des terres reste la propriété individuelle, ce n'est pas la
société opérante, mais notre partenaire parle toujours de comment on peut l'acheter, est-ce que c'est lui qui va l'acheter,
est-ce que c'est nous. Nous, on donne
toujours préférence à notre partenaire pour qu'il passe en premier pour acheter les
terres. Dépendamment de la situation, ça se peut que ça soit nous qui l'achetons
sous la recommandation de notre partenaire, mais un achat de terre est toujours
propriété d'un ou de l'autre.
M. Bourgeois : Oui. Je voudrais
avoir le commentaire de...
M. Garneau
(Patrice) : Oui. Mme la Présidente, dans mon cas, justement, le 600 acres... bien, le 240 hectares
de la Ferme ALY Blackburn, présentement on
se fait toujours offrir des terres à vendre autour de mon secteur
que je cultive. Dans mon cas, oui, je
veux en racheter, ce qui va venir avec les prochaines années, mais, pour
l'instant, je suis déjà très content
d'avoir mon 600 acres et de pouvoir le rentabiliser. Mais, dans les prochaines
années, comme on a dit avec M. Fortin, à toutes les fois qu'on va avoir
des offres, c'est toujours moi qui ai le premier choix de...
M. Fortin
(Serge) : Dans la deuxième
partie, pour le choix des équipements,
parce qu'il y a des équipements qu'on doit acheter parce qu'on grossit
ou il faut remplacer, notre partenaire vient avec les recommandations, et puis
nous regardons la meilleure façon de les payer ou de les financer.
M. Bourgeois : Encore dans la même
lignée, dans la stratégie de Pangea spécifiquement, là vous avez un partenariat, mais est-ce que vous regardez
d'autres secteurs? Et qu'est-ce qui gouverne votre choix? Est-ce que c'est les liquidités que vous avez en lien avec la
possibilité d'acquisition de terres ou c'est plutôt de trouver un partenaire
pour, après ça, venir influencer la décision?
• (17 h 30) •
M. Fortin
(Serge) : Mme la Présidente, les liquidités sont toujours tenues en
considération parce que nous sommes privés.
C'est Charles personnellement et moi personnellement, et avec la Banque
Nationale comme étant, là, vraiment minoritaire
et passive. Ça fait que ce sont nos argents personnels. Ça fait
que la liquidité est définitivement toujours regardée en
premier. Et nous regardons les opportunités au Québec, dans d'autres régions,
mais le plus important pour nous, c'est de trouver des partenaires. Le plus difficile, c'est de trouver des jeunes
entrepreneurs agricoles, d'avoir des jeunes qui ont la connaissance, cette fibre entrepreneuriale là, le désir de vouloir apprendre, le
désir de travailler avec quelqu'un
d'autre. Ça fait que, pour nous, notre plus grand défi, c'est à ce
niveau-là.
M.
Bourgeois : Ma dernière question, Mme la Présidente : Pangea,
vous considérez-vous comme des agriculteurs ou un fonds
d'investissement?
M. Fortin
(Serge) : Bien, Mme la Présidente, nous sommes définitivement des agriculteurs. Je suis agriculteur,
j'ai tout le temps eu des fermes. Nous sommes dans les opérations agricoles,
nous sommes agriculteurs.
La Présidente (Mme Léger) : Il y a
encore trois minutes et quelques. Oui, M. le député de Saint-François.
M.
Hardy : Bonjour, madame. Bonjour, messieurs. Ma question s'adresse,
Mme la Présidente, à M. Garneau. Lors de... Vous m'avez dit que vous
aviez trois enfants?
M. Garneau (Patrice) : Oui.
M.
Hardy : O.K. Et puis, à un moment donné, vous allez arriver à votre
retraite, vous voulez les passer à vos enfants à ce moment-là, est-ce qu'il y a une protection entre vous et Pangea
pour que vous puissiez vendre la terre à vos enfants en premier?
M. Garneau
(Patrice) : Oui, Mme la Présidente. Oui, je suis content qu'on me pose la question. Justement,
dans nos contrats, dans nos papiers qu'on a faits avec Pangea, eux
autres vont toujours mettre la priorité sur la relève des partenaires. C'est
bien écrit dans nos contrats, puis c'était quelque chose qui nous tenait à
coeur, à tous.
M. Fortin
(Serge) : Si vous permettez,
dans toutes nos ententes avec tous les partenaires, on parle toujours
de succession, dans tous les cas.
M.
Hardy : Donc, Mme la Présidente, ça serait protégé à ce
moment-là pour les enfants de M.
Garneau si jamais il y a quelque
chose, à moins que les jeunes ne
veuillent plus rien savoir de la terre, là. À ce moment-là, c'est d'autre
chose.
M. Garneau
(Patrice) : Bien, oui, Mme la Présidente. Moi, dans mon cas, je suis tombé sur M. Yvon Blackburn et Claire Boily, qui ont été deux vendeurs extraordinaires. Ils m'ont donné la chance de me lancer à 100 % propriétaire dans une ferme laitière et de grandes cultures. Ça
veut dire que, le jour que je vais passer le flambeau, si mes trois jeunes
ne sont pas intéressés, c'est sûr que je
vais essayer la continuité de l'entreprise, comme on m'a donné la chance. Mais,
avec Pangea, c'est sûr que nos enfants à nous, en tout cas, à moi et Karine,
sont toujours en priorité. Ensuite, bien, on donnera la chance à quelqu'un
d'autre si ça arrive.
M.
Hardy : Mme la Présidente, si vous, M. Garneau, vous avez votre voisin
qui est à vendre, et puis vous désirez acheter
son lopin de terre ou sa terre, et puis les moyens ne sont pas là, là, à
l'heure actuelle, est-ce que Pangea peut l'acheter et vous la passer
plus tard ou ça demeure la propriété de Pangea?
M. Garneau
(Patrice) : C'est ce qu'on a
mis, justement, dans nos contrats — oui, Mme
la Présidente — dans nos contrats, on a toujours
le choix de racheter des terres que Pangea a acquéries. Tant qu'elles restent
dans notre SOA — bien,
dans notre SOA, dans notre secteur — on
a toujours le choix de les racheter. On a premier choix à
l'achat. Là, dans mon cas, comme je vous disais, je vais rentabiliser eux
autres que j'ai présentement, puis, après ça, bien, on a toujours le choix de racheter les terres...
Puis on est premier acheteur sur les terres si, un jour, Pangea décide de
vendre.
M.
Hardy : Dernière question,
Mme la Présidente : Si Pangea achète des terres qui sont à vendre,
puis il n'y a pas de
relève, et vous les achetez, de quelle façon que vous allez opérer la terre,
vous placez des gens à salaire pour travailler la terre ou...
M. Fortin
(Serge) : Oui. Bien, est-ce que
je peux répondre? Avec notre partenaire en région, nous regardons les besoins,
les besoins en main-d'oeuvre, les besoins qu'eux vont avoir pour opérer toutes
ces terres-là, mais la décision finale de l'employé, du type d'employé,
comment ça va être fait, c'est la décision de notre partenaire.
M. Hardy : Merci, Mme la Présidente.
La
Présidente (Mme Léger) :
Merci. Nous passons maintenant au député de Berthier, le porte-parole de l'opposition
officielle. Vous avez 12 min 36 s.
M.
Villeneuve : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, madame. Bonjour, messieurs. Heureux de voir que vous avez accepté l'invitation de la commission.
M. Fortin, est-ce que vous étiez présent ce matin à la commission, aux travaux de la commission?
M. Fortin (Serge) : Non, je n'étais
pas présent, mais j'ai écouté les travaux de la commission.
M.
Villeneuve : Bon.
Vous avez écouté les travaux, parfait. Donc, vous avez entendu les témoignages
des jeunes de Kamouraska et du Lac-Saint-Jean, l'Abitibi-Est aussi, bien
sûr. Mais ce n'est pas vous qui étiez
présent à ce moment-là au
niveau de l'acquisition des terres, donc je m'en tiendrai à Kamouraska.
Vous avez la
chance aujourd'hui d'être devant la commission et de pouvoir, effectivement... Tantôt, vous
parliez de déboulonner des mythes ou
de corriger des perceptions. Ma question est simple : Que répondez-vous aux jeunes de
ce matin dans leurs témoignages? Je crois
ici sincèrement, que... En tout cas, j'imagine qu'on a tous été un peu secoués
d'entendre ce qu'on a entendu, notamment
aussi hier... C'est hier, je pense, qu'on a rencontré les MRC, justement, de Kamouraska aussi, Bas-Saint-Laurent. Alors, que répondez-vous à ces gens-là? Parce que,
là, honnêtement, moi, je vous le dis, là, j'ai un dilemme, là. Là, j'ai votre version que j'entends
depuis tantôt, j'ai la version de beaucoup d'intervenants, de beaucoup de relève agricole, de beaucoup
d'agriculteurs dans les régions, présentement, qui voient votre modèle comme
une menace. C'est carrément ça, là. On va se
dire les vraies choses, là, on est là pour ça, là, ils
voient votre modèle comme une menace.
Et ce que j'ai entendu ce matin de la part des jeunes qui ont témoigné, je peux
vous dire que ça secoue, puis ce n'est pas rassurant pour la suite des
choses. Alors, qu'est-ce que vous leur répondez aujourd'hui?
M. Fortin
(Serge) : Bien,
premièrement, que je pense qu'il y a un problème réel, il y a un vrai problème
pour les jeunes aujourd'hui. Je pense qu'il y
a toute une situation démographique au Québec avec les agriculteurs plus âgés
et les jeunes qui veulent prendre la relève.
Je pense qu'il y a un prix sur les terres qui est un prix qui est aussi élevé.
En passant, le prix sur les terres,
là, je ne veux pas le faire monter, hein? Je suis acheteur de terres moi-même,
ça fait que je n'ai aucune intention
de faire monter les prix. Ça fait qu'il y a tout un dilemme pour être capable
d'aider les jeunes, puis on doit trouver quelque chose pour leur donner
un coup de main.
Je pense que le modèle de Pangea peut être une
solution pour certains des jeunes. Je pense que vous avez eu M. Garneau, vous en avez d'autres en arrière qui
sont dans cette situation-là. En passant, nous avons rencontré ces personnes,
nous avons rencontré les jeunes. Nous essayons de rencontrer les gens en
région, nous essayons de rencontrer les responsables
de l'UPA et les jeunes de la relève pour leur expliquer notre modèle. Et ce que
je vous explique, c'est ce que nous
leur avons expliqué, et puis nous voulons donner un coup de main, par contre,
nous sommes une organisation privée,
et puis qu'on a une limite à ce que nous pouvons faire. Mais définitivement,
là, il y a quelque chose qui doit être fait
pour la relève, puis on tire notre bout. Nous, on croit aux entrepreneurs, puis
on veut développer les jeunes entrepreneurs au Québec.
La Présidente (Mme Léger) : M. le
député.
M. Villeneuve : Oui. Oui, je
comprends. Allez-y, M. Garneau.
M. Garneau (Patrice) : Oui. Oui, Mme la Présidente. Moi, je me considère
aussi comme une relève. Je ne sais pas
si... Vous voyez qu'on est partis... En tout cas, dans mon cas, on est partis
de loin. C'est un cas vécu aussi, je suis une relève. Si je n'aurais pas eu la chance avec
Pangea, puis j'aurais parti peut-être de rien, il y aurait toujours eu un
voisin plus gros que moi qui m'aurait
acheté, là, puis ça aurait pu être un producteur ou autre chose. Dans le cas de
Pangea, c'est nous, habituellement,
qui se font offrir les terres en premier, c'est nous qui décidons avec M.
Fortin. On en discute, si on veut
acheter, justement, le voisin ou les terres plus loin. Il y a des dois qu'il y
a des grandes distances. Ça fait que ce n'est pas toujours le... Pangea a, d'après moi, le dos large pour les terres
tout le tour, comme quoi que les prix augmentent ou que c'est de la faute à Pangea si je n'ai pas réussi à
acheter une terre, mais, dans la plupart des cas, sur une dizaine de cas que
j'ai vus dans la dernière année, ce n'est
pas Pangea qui les a achetées, puis, en plus, c'est des voisins qui sont
beaucoup plus... je ne dirais pas
plus gros, mais qui sont là depuis beaucoup plus longtemps que moi. Ça fait
qu'à un moment donné il faut donner peut-être des chances un peu à tout
le monde aussi de réussir à rentabiliser nos entreprises.
M.
Villeneuve : Parce que je l'ai souligné ce matin, ce qu'on
entend comme discours de la part de... Vous l'avez dit tantôt, d'ailleurs que, quand vous voyez qu'il
y a un acheteur qui se présente, local, vous vous tassez. Moi, ce n'est pas ce que j'ai entendu de la part des gens qui
sont intervenus ce matin ici. Ça, c'est ce que vous avez dit tantôt, là, que
vous vous tassez quand il y a un acheteur
local. Ou, en tout cas, vous avez évoqué l'exemple d'une dame ou d'un monsieur
qui étaient malades et puis qui vous ont
rappelé au bout de trois mois pour dire : Finalement, on vous vend à vous.
Vous vous êtes tassés parce que vous
voyiez que les terres étaient déjà louées, puis vous avez dit : Bon, je
n'interviens pas. Mais ce n'est pas
ça que moi, j'ai entendu, puis je pense que je ne suis pas le seul à ne pas
avoir entendu exactement ça. Mais ça, écoutez, je pense que...
M.
Fortin (Serge) : ...vous ne pouvez pas laisser des choses comme ça
dans les airs sans me laisser la chance de répondre. Si vous me
permettez, Mme la Présidente...
La Présidente (Mme
Léger) : Oui, M. Fortin.
M.
Fortin (Serge) : ...il est complètement faux de dire que nous n'aidons
pas les jeunes. Quand il y a une compétition...
Une voix :
...
M.
Fortin (Serge) : Non, non, je vais reprendre, je vais recorriger mon
texte. Lorsqu'il y a un autre agriculteur, lorsque nous savons qu'il y a quelqu'un qui est en agriculture qui
compétitionne contre nous, nous nous retirons. Nous avons neuf cas dans la région de Métabetchouan.
Quatre à cinq cas, nous avions des ententes, et les gens ont changé d'idée,
il est arrivé d'autre chose, on s'est retirés. On a déchiré les offres d'achat,
dans certains cas, qui étaient approuvées. Quand
il y a quelqu'un d'autre, quand on sait qu'il y a un agriculteur qui
compétitionne contre nous, on se retire. S'il y a une évaluation sur la terre, elle vaut 1 000 $,
on donne 1 000 $. S'il y a quelqu'un qui va à 1 001 $, je
ne mets pas 1 001 $. Si
quelqu'un est à 800 $, je vais mettre 1 000 $, je vais donner la
juste valeur au cédant. Mais, s'il y a un agriculteur qui est là qui
compétitionne avec nous, on se retire.
La Présidente (Mme
Léger) : M. le député de Berthier.
• (17 h 40) •
M.
Villeneuve : Merci. Je vous entends, mais j'entends un autre
discours aussi, malheureusement pour vous. Mais vous avez suivi les
travaux de la commission, donc vous avez entendu la même chose que moi.
Je
veux juste vous amener aussi sur... Tantôt, vous disiez que le fait que votre
société d'investissement ou d'autres sociétés
d'investissement privées investissent le marché et convoitent des terres au
Québec n'était pas la cause... vous n'étiez
pas la cause, en tout cas — vous parliez de vous tantôt — de la hausse de l'évaluation des terres.
J'ai devant moi ici, là, un tableau
de la La Financière agricole du Québec qui démontre, là... Et je sais que
vous êtes entré en 2012, je pense, vous avez été... en août 2012,
je crois, que votre société a été mise en place?
Une voix :
...
M.
Villeneuve : Oui. Mais on voit qu'il y a quand même... Puis
vous avez raison. Si on regarde depuis 1992, je pense qu'il y a eu une augmentation assez importante des terres. Mais il
y a une chose qui est sûre, c'est que l'arrivée de sociétés comme la vôtre ou d'autres vient,
évidemment, mettre une pression à la hausse. On ne peut pas nier ça, ce serait
comme nier que la pluie ne mouille pas, là.
Quand on a plus d'acheteurs potentiels qu'il y a de vendeurs, inévitablement
ça va créer un effet à la hausse sur la
valeur des terres. En tout cas, si vous me dites le contraire, allez-y, je vais
vous entendre là-dessus.
La Présidente (Mme
Léger) : M. Fortin.
M.
Fortin (Serge) : Oui, Mme la Présidente. Ce que je vous mentionne, à
chaque fois que nous achetons des terres, nous prenons des évaluations, deux évaluateurs complètement indépendants,
professionnels, qui font la moyenne, et nous payons la moyenne des terres. Les terres montent partout à travers le
monde, les terres montent au Québec. Lorsque les taux d'intérêt sont bas
et lorsque le prix des denrées est à la hausse, un actif comme une terre
agricole va aller en augmentant, c'est un fait. Mais je paie le prix moyen, le
prix de la valeur marchande des terres.
Il y a
beaucoup de terres qui sont à vendre présentement, et puis ce que nous, nous
regardons... Puis c'est beaucoup de
terres à vendre parce qu'il y a une population d'agriculteurs qui est âgée. Et
puis ce qu'on essaie de faire, c'est de payer la valeur marchande. Nous n'avons aucun intérêt à
faire monter le prix des terres. Tantôt, vous utilisiez le mot «fonds d'investissement», nous ne sommes pas un fonds
d'investissement, on est une société d'agriculture. Charles et moi, on
est privés, c'est nous qui sommes là. M. Garneau, je pense...
M. Villeneuve : Non. Juste,
Mme la Présidente, je vais...
M. Fortin (Serge) : ...M. Garneau
voulait compléter.
La Présidente (Mme Léger) : M. le
député de Berthier.
M. Villeneuve : Parce que je
n'ai pas beaucoup de temps, je m'excuse. Vous aurez peut-être l'occasion de... peut-être, ça va dans ce que vous vouliez dire,
là. Bon, ce qu'on appelle les SOA, sociétés opérantes agricoles, est-ce que,
dans tous les cas, lorsque vous créez une
SOA, est-ce que dans tous les cas, l'agriculteur, qui est partenaire avec vous
dans la SOA, est à 51 % des parts?
M. Fortin
(Serge) : Mme la Présidente, dans quelques cas, ce n'est pas le cas à
cause que c'est une relève. Dans certains
cas, financièrement, ils ne peuvent pas suivre à 51 %. Mais, dans tous les
cas où ce n'est pas 51 %, nous faisons avec notre partenaire une planification pour lui laisser le 51 %
financier. Mais, dans tous les cas, même s'il n'a pas le 51 %
financier, il est le 51 % décisionnel. Les décisions opérationnelles,
c'est quand même lui qui les prend.
Peut-être, M. Garneau peut rajouter si...
La Présidente (Mme Léger) : Ça va,
M. le député de Berthier?
M. Villeneuve : Oui, ça va.
La Présidente (Mme Léger) : Oui.
M. Garneau
(Patrice) : Oui, Mme la
Présidente, oui. Moi, c'est pour appuyer ses dires. Dans mon cas, justement,
on vise le 51 %. Présentement, on ne
l'a pas, mais, dans la dernière année, toutes les opérations ont été gérées par
moi simplement. Je n'ai pas eu de
pression ou quelque chose pour dire de semer ça ou de vendre à telle personne,
ça a tout été fait par moi à 100 %.
M.
Villeneuve : Lorsque vous faites l'acquisition de terres, ça
arrive, je pense, que la personne va les louer, et elle va être
locataire, finalement, sans être propriétaire, hein? Ce que j'affirme là est
vrai, là?
M. Fortin (Serge) : Peut-être
expliquer votre question, s'il vous plaît?
M.
Villeneuve : Bien, dans certains cas, on parle souvent
d'agriculteurs qui deviendraient locataires. Vous me suivez? Il y a des cas comme ça où, chez vous,
l'agriculteur devient locataire parce qu'il n'est pas propriétaire du fonds
de terre. Ça va jusque-là?
M. Fortin (Serge) : Oui. Oui.
M.
Villeneuve : Je sais que votre associé, M. Charles Sirois,
avait déclaré avec le chef de la deuxième opposition avait déclaré que,
lui, ce qu'il voulait, c'était ni plus ni moins une économie de propriétaires.
Cette philosophie-là de M. Sirois versus l'application du modèle, vous ne
trouvez pas qu'il y a des contradictions?
La Présidente (Mme Léger) : M.
Fortin.
M. Fortin
(Serge) : Si vous me permettez, Mme la Présidente, ce que nous
voulons, c'est des partenaires, des agriculteurs
qui soient propriétaires parce que, pour être en agriculture, vous devez être
propriétaire. Vous devez de plus en plus avoir la motivation puis d'être
capable d'avoir du fonds de terre, de vos propres équipements. Nous sommes
aussi agriculteurs, nous avons les fonds de terre. Nous permettons à nos
partenaires d'avoir accès sans dette à cette
envergure-là pour qu'eux puissent être rentables et, avec la profitabilité
et la rentabilité de l'organisation, qu'eux puissent acheter des terres, eux
aussi. Si des terres c'est bon pour moi, des terres, c'est bon pour eux.
La Présidente (Mme Léger) : M. le député
de Berthier.
M.
Villeneuve : Dans le
modèle que vous proposez... Parce que c'est toujours une question de rapport de
force, là. Il faut comprendre qu'à
51 % des parts de l'agriculteur au
niveau de l'opérationnel versus la
SOA qui a 49 % le rapport de force, il est complètement inégal, là,
j'entends en termes de masse critique au total de Pangea.
Et j'aurais une autre question par la même
occasion. Vous aurez l'occasion peut-être de nous le dire ici publiquement parce que les craintes dans le milieu
présentement, c'est aussi le fait que Pangea ayant une masse critique très importante, on l'a vu sur le tableau tantôt,
et c'est porté à croître... Je ne crois pas que vous allez arrêter, là, c'est
porté à
croître. Donc, cette masse critique là, qui va augmenter, qui est déjà grande, a une capacité d'achat importante.
Est-ce qu'aujourd'hui vous nous dites
que vous faites vos achats dans les régions de façon systématique de façon à
encourager l'achat local, disons-le
comme ça, si vous voulez? Parce que c'est une grande crainte présentement du
milieu agricole. J'aimerais vous entendre là-dessus.
La Présidente (Mme Léger) : M.
Fortin.
M. Fortin
(Serge) : Mme la Présidente, j'aimerais corriger, au départ le
51 %, ce n'est pas moi qui l'ai, c'est le partenaire. Ça fait que c'est celui qui a la décision. Nous avons une
politique d'achat local, et c'est toujours notre partenaire qui prend la décision de qui il va acheter ses
intrants, de qui il va acheter ses équipements, de qui il va acheter ses
semences et à qui il va vendre, la
commercialisation. Ça fait que c'est notre partenaire qui prend la décision.
Nous lui emmenons des opportunités...
M.
Villeneuve : ...je suis d'accord avec vous, mais il n'en
demeure pas moins que le fonds de terre, c'est vraiment, de un, le fonds de pension puis c'est aussi le
levier important en agriculture, alors que tout ce qui s'appelle machinerie,
et autres, vous le savez comme moi, vous
êtes en affaires, hein, c'est, ni plus ni moins, de la dépréciation, et ce
n'est pas ça qui prend de la valeur
au final, là. Et, si, à 51 %, l'agriculteur décide d'acheter, il va
acheter où c'est le moins cher, on s'entend.
Et, si Pangea a la possibilité d'avoir une masse critique comme elle a
présentement et probablement plus grande dans les prochaines années, il va acheter où, vous pensez? Il va acheter où ça coûte le moins cher, entre
vous et moi, et est-ce que le régional va être capable de compétitionner
avec des prix que vous pourrez avoir sur le plan national ou international?
M. Fortin
(Serge) : Bien, si vous me
permettez, Mme la Présidente, au niveau des opérations, avec le type de
cultures que nous faisons en grandes
cultures et si les choses sont faites avec tous les produits de valeur ajoutée
que je vous ai parlé tantôt, la
profitabilité d'une SOA devrait être plus grande que la profitabilité d'une
terre. Ça fait que la partie rentabilité va venir
plus de la SOA. Ça fait que...
M. Villeneuve : ...parce que,
tôt ou tard, les prix vont chuter. C'est que présentement les prix sont bons,
vous avez raison. Mais éventuellement les prix chuteront.
La
Présidente (Mme Léger) : En conclusion. Conclusion. Ça va? Mme la
députée de Mirabel,
c'est à votre tour.
Mme D'Amours : Merci, Mme la
Présidente.
La
Présidente (Mme Léger) :
J'ai besoin, pour poursuivre, par
contre, le consentement... On a une
quinzaine de minutes... Donc, on va
terminer à 18 heures au lieu de moins quart. Ça va?
Consentement? Oui. Allez-y, Mme la
députée de Mirabel.
Mme
D'Amours : Ma question
est auprès de M. Fortin. Comment faites-vous la recherche de vos partenaires?
Est-ce que vous avez des chercheurs de terres ou si c'est des gens qui vous
appellent parce qu'ils ont entendu parler de votre entreprise?
M. Fortin
(Serge) : Mme la Présidente, les partenaires viennent de diverses sources : des gens qui nous
connaissent, qui nous appellent directement, notre site Internet, par les gens du milieu. Nous, ce que nous
faisons, nous faisons tout le temps
une tournée des gens du milieu, les agronomes, les gens qui sont là, le domaine
financier, le domaine des équipements,
voir quels sont les jeunes en région qui ont un esprit d'entrepreneuriat et qui
veulent grandir. Ça fait que nous
avons une source d'entrée de plusieurs façons. Notre expertise, c'est d'être
capable de s'asseoir, passer du temps avec
l'entrepreneur, voir comment on peut travailler ensemble, puis voir s'il a
la fibre entrepreneuriale, et comment on peut travailler ensemble. La relation,
le discours dure quatre, cinq, six, sept, huit mois avant d'arriver à une
décision des deux côtés à faire un partenariat.
Mme
D'Amours : Mme la Présidente, j'aimerais ça, aussi entendre M. Fortin sur... La question,
c'est : Avez-vous déjà eu des conflits avec vos partenaires? Et, si
oui, avez-vous une convention d'associés pour que chacun en sorte gagnant-gagnant? Parce qu'on entendait, là, des gens s'inquiéter sur ça. Est-ce qu'il y a
des dates aussi limites à ce que, si
vous avez un partenaire... Si je prends l'exemple que vous avez avec monsieur
ici aujourd'hui, qui, dans je ne sais pas, moi, 10 ans, 15 ans, aimerait devenir seul partenaire, là, il
n'aurait plus besoin de vous, est-ce que vous avez une convention qui
dit qu'il y a une porte de sortie pour vous et que l'agriculteur peut racheter?
M. Fortin
(Serge) : Définitivement. Mme la Présidente, pour répondre à la
première partie de votre question, nous
n'avons eu aucun conflit depuis le début, depuis que nous avons commencé. Les
choses se sont tout le temps discutées entre
nous. Chacun amène, comme M. Garneau mentionnait tantôt, son expertise,
son plus, son moins. Nous emmenons notre
vision, notre compréhension, et les présentations se finissent tout le temps :
Bien, qu'est-ce c'est que tu vas faire comme
entrepreneur? Ça fait qu'on amène des options, on en discute; puis, moi, mon
discours, c'est : Qu'est-ce que tu vas faire comme entrepreneur?
C'est toi. Et on le supporte dans la décision.
Tous
les papiers que nous avons ensemble emmènent une discussion toujours à
l'interne pour être capables de régler
les problèmes entre nous. Mais, s'il y avait une discorde, il y a des
mécanismes assez aisés, si notre partenaire veut sortir, pour sortir de
l'entente, puis il va conserver ses terres lorsqu'il va sortir de l'entente.
• (17 h 50) •
Mme
D'Amours : Mme la Présidente, j'aimerais ça, aussi savoir, mais, si
jamais, dans le voisinage, là, il n'y a plus de terres à vendre, il y a le producteur qui est avec vous, qui,
lui, voudrait faire de l'expansion, il y a une relève, mais qui n'est
pas encore prête à acheter, mais qui commence sa vie et qui a besoin d'avoir un
salaire, ça fait que, là, à ce moment-là, il
n'y a plus d'opportunité parce qu'il n'y a aucune terre qui est à vendre
alentour, est-ce qu'il a l'opportunité d'acheter votre terre pour
agrandir? Est-ce qu'il y a une ouverture vers cette façon de faire?
M. Fortin
(Serge) : Mme la Présidente, il y a une ouverture sur ce côté-là,
comme M. Garneau l'a mentionné. Si, après
un certain temps, il n'y a pas de terres, on peut regarder pour vendre les
terres à notre partenaire. Mais laissez-moi dire que présentement, au Québec, ce n'est pas la situation, il y a
vraiment des terres, là, disponibles en grande quantité et... Mais
l'opportunité est là quand même pour notre partenaire.
Mme
D'Amours : ...opportunité, est-ce que c'est écrit en quelque part?
Est-ce qu'il y a un contrat qui est écrit? Est-ce qu'on protège le producteur, le jeune qui arrive, là relève qui,
dans 10 ans, 15 ans, voudrait agrandir, mais qui n'aurait plus la
possibilité dans 10 ans et dans 15 ans?
M. Garneau (Patrice) : Je peux
répondre? Oui, Mme la Présidente, on a vraiment un contrat de société avec Pangea qui nous met premiers sur le rachat de
terres et premiers sur les achats de terres futurs. Ça fait qu'avec Pangea
on est toujours, toujours les premiers avec notre entreprise à nous en partant.
M. Fortin
(Serge) : Il faut se rappeler la grande, grande, grande différence
avec Pangea. Ce que nous voulons, c'est
créer des entrepreneurs. On va tout faire pour créer des entrepreneurs en
région. C'est mon ADN, c'est ça que j'ai fait toute ma vie, c'est ce que Charles a fait toute sa vie, c'est créer
des entrepreneurs, nous voulons créer des entrepreneurs.
Mme
D'Amours : Quand vous dites que vous êtes deux partenaires, que vous
mettez de l'argent personnel, c'est parce
que vous avez réussi dans d'autres domaines, naturellement, qui n'est sûrement
pas l'agriculture, là, on connaît vos passés.
Mais on a entendu plusieurs groupes, là, ici qui s'inquiètent des sociétés
comme la vôtre — parce
que je dois vous dire, vous êtes très
populaires, on vous a nommés souvent — comme la vôtre, là, qui quitteraient, à un
moment donné, des terres parce que le
profit ne serait plus au rendez-vous. Est-ce que c'est votre intérêt financier
qui va vous guider ou si c'est votre intérêt de producteur agricole?
Parce qu'il y
a deux choses qu'on discute, puis qu'à mon sens, là, elles sont parallèles, ça
ne va pas ensemble, c'est que, quand
tu es un producteur agricole —j'en suis une — quand on travaille sur la terre, puis que ça
a été nos ancêtres qui étaient là, on
a un lien de sang, un lien d'appartenance complètement différent d'un
propriétaire de dépanneur qui a fait sa vie, qui a élevé ses enfants
avec le dépanneur, puis qu'au bout de 25 ans il le vend. C'est un déchirement
pour un producteur agricole de perdre ses
terres. Vous, quand ce ne sera pas le cas ou que l'agriculture ira moins bien,
quelle est... Dans quelle partie vous
êtes? Est-ce que vous êtes des entrepreneurs qui, à tout prix, allez faire de
l'argent ou si vous allez être une personne de coeur, comme un producteur
agricole?
M. Fortin
(Serge) : Nous sommes une personne de coeur, d'agriculture. C'est la
passion, c'est ce que j'ai fait. J'ai passé par des hauts et des bas en
agriculture aussi, j'ai tout le temps eu des terres. Et puis c'est sûr, comme
toute organisation... Moi, mon exemple,
c'est : Dans la salle, ça prend de l'air pour respirer parce que personne
ne va vivre, là. N'importe quelle
business, ça prend être capable d'être rentable pour être capable d'en vivre,
c'est un peu normal. Mais l'agriculture,
c'est quelque chose de différent, c'est quelque chose d'une passion, il y a un
patrimoine. Si je veux acheter votre
maison, je n'aime pas la couleur de la salle de bain, vous ne serez pas fâchée
beaucoup. Si je veux acheter la terre, je
n'aime pas votre terre, je viens de vous fâcher, j'ai fâché votre grand-père,
votre arrière-grand-père et les petits-enfants qui vont revenir après ne seront pas en bonne situation. Une terre,
c'est un patrimoine, c'est quelque chose qui nous est près au coeur,
puis c'est le comportement que nous avons.
Mme D'Amours : Est-ce que j'ai
encore du temps?
La Présidente (Mme Léger) : Vous
avez encore presque deux minutes, un peu moins de deux minutes.
Mme
D'Amours : O.K. Qu'est-ce que ça vous fait de vous lever le matin...
Parce que, là, on a une discussion avec plusieurs organismes depuis deux
jours. Ce matin, c'était très touchant, les deux jeunes, là, de l'Abitibi,
c'était émouvant. Ils ont parlé avec leur
coeur, et, pour eux autres, là, bon, quand on les écoute... Et je ne veux pas
douter de leur parole du tout, je me
suis mise à leur place. Vous n'êtes pas dans ce dossier-là, mais vous allez
voir pourquoi je vous parle d'eux.
Vous savez,
la terre qu'ils ont voulu acheter, puis qu'ils étaient prêts à acheter au même
prix que la famille Renaud, eh bien,
cette terre-là, ça faisait trois ans qu'elle était à vendre, et les jeunes...
Le père, je ne sais pas qu'est-ce qu'il a fait, pourquoi qu'il ne l'a pas achetée. Parce que moi, quand ma fille veut
s'installer, j'ai acheté le voisin avant qu'elle dise : Je suis prête à acheter. Il était à vendre avant
qu'elle ne soit prête. Donc, là, il y a toujours un contexte familial, toujours
un contexte
financier, mais quand vous... Comme pour vous, là, je reviens à vous, quand
vous vous levez le matin puis qu'on vous
dit : Vous n'êtes pas un vrai producteur agricole, parce que vous avez
assez d'argent pour faire un chèque puis acheter une terre, on ne vous considère pas comme un producteur agricole,
comment vous vous sentez, vous, dans cette situation dans le monde
agricole d'aujourd'hui? Parce que vous payez votre cotisation de l'UPA.
M.
Fortin (Serge) : Je paie les
cotisations, et même plusieurs. Je suis un agriculteur. Je me lève à tous les
matins pour l'agriculture. Ça fait quelques années que je ne fais que ça
parce que c'est ma passion et ce que j'aime. Quand j'entends des cas comme ce matin, ça me déchire le coeur, ce n'est pas
des situations faciles. Malheureusement, il y en a beaucoup parmi l'agriculture, parmi la relève. Il y en a, des personnes
plus âgées. Je reçois sur mon site Internet plus de demandes, plus de cas problèmes que je suis
capable d'en manager. O.K.? Si je vous sortais la liste que j'ai, là, vous
verriez, ce n'est pas facile. Et, quand on est capables de donner un
coup de main, on essaie de donner un coup de main.
La
Présidente (Mme Léger) :
Merci. Alors, il me faut le consentement pour que le député de
Gouin puisse intervenir. Il a un
trois minutes d'intervention. Alors, j'ai besoin du consentement, puisqu'il
n'est pas membre de notre commission.
Des voix :
Consentement.
La Présidente (Mme
Léger) : Consentement.
Une voix :
...
La Présidente (Mme
Léger) : Oui, député de Mercier. Qu'est-ce que j'ai dit, le député de
quoi?
Une voix :
Vous avez dit Gouin.
La Présidente (Mme
Léger) : Gouin, bien... Alors, vous avez trois minutes, M. le député
de Mercier.
M. Khadir : D'abord,
M. Fortin, les amis qui l'accompagnent, bienvenue ici. Vous savez que
Québec solidaire est farouchement
opposé à l'accaparement des terres et leur achat par des gros investisseurs. En
fait, nous sommes d'avis que les
terres agricoles doivent appartenir aux fermiers, aux fermières propriétaires,
pas à des sociétés millionnaires. On aimerait que ça soit des
agriculteurs, et non des spéculateurs qui prennent pleine possession de ces
terres.
Maintenant,
parmi les entreprises, quand même, vous êtes peut-être parmi les plus
sympathiques. D'ailleurs, vous vous
êtes présenté comme un fermier. Mais j'ai l'impression que c'est plus
genregentleman-farmer, genre pour quelques arpents verts, parce que,
quand je regarde sur votre site, vous êtes ingénieur, vous avez été dans les
technologies des télécommunications depuis
le milieu des années 70, dans des restructurations de compagnies,
d'entreprises, Pages jaunes, Bell Canada, Tata Téléservices. C'est
plutôt ça.
Alors,
j'ai des questions à poser parce que ça m'inquiète un peu. Pourquoi est-ce
qu'une société sympathique de fermiers
a besoin de tant de gens, de grosses pointures qui viennent de secteurs de la
finance, des grosses corporations comme
Price Waterhouse, Chabot Thornton, des spécialistes en finance? Et pourquoi
même deux personnes à temps plein, dont
une très grosse pointure en communication, en marketing? Pourquoi est-ce que
vous avez besoin de ça? Première question.
Deuxième
question. Vous savez que Charles Sirois, votre collègue, est partisan des
pratiques fiscales agressives pour
éviter de payer de l'impôt. À la tête de la CIBC, il s'est même justifié, il a
des filiales... La CIBC a des filiales, puis il les a défendues pour éviter... de moins payer d'impôt aux Québécois.
Alors, ça m'inquiète. Est-ce que Pangea est enregistrée dans un paradis
fiscal? Est-ce que Pangea Corp. LLC, à Delaware, est-ce que c'est vous?
Deuxième question.
Troisième
question. Si monsieur ici, à côté de vous, arrive un moment, il a une décision
à prendre, il veut faire quelque
chose, vous, vous n'êtes pas d'accord, il fait un «shotgun agreement»avec
vous... Lui, il n'a pas de gros sous, là, qu'est-ce que vous allez faire? Lui, il veut développer une agriculture
d'une telle manière qui corresponde à sa région, aux besoins de ses
gens, puis, vous, vos considérations financières ne le permettent pas. Qui va
l'emporter?
M. Fortin
(Serge) : Vous avez posé...
La Présidente (Mme Léger) : Alors, M. Fortin, vous avez à peu près
40 secondes — même
pas — pour
répondre.
M.
Fortin (Serge) : Ça m'a pris 40 secondes pour prendre toutes les
notes. Vous avez beaucoup de questions, beaucoup de commentaires.
Un,
je vais commencer à vous dire que, comme vous, je suis contre les spéculateurs,
je suis contre les gens qui sont dans
les terres agricoles pour être là pour être capables de les revendre et de
faire un grand profit. Ce n'est pas notre modèle. Je suis exactement comme vous, complètement contre. J'ai une
carrière assez grande à l'international, j'ai tout le temps eu des terres. Toutes les photos de
tracteurs que vous voyez là, c'est moi qui est assis sur le tracteur. J'aime ma
chemise à carreaux et je suis fier de l'avoir. Et prenez tous les tracteurs,
tous les équipements, là, c'est moi qui est là.
M. Khadir :
...financiers...
M. Fortin (Serge) : Quels gens
financiers?
M.
Khadir : Tous les financiers...
La Présidente (Mme
Léger) : M. Fortin. M. Fortin...
M. Khadir :
Bien, il me demande, M. Tardif...
La Présidente (Mme
Léger) : M. le député, je demande... Est-ce que vous avez terminé?
M. Fortin
(Serge) : Bien, non, parce qu'il y en avait beaucoup, mais je...
La Présidente (Mme
Léger) : J'ai quelques secondes, cinq secondes.
M.
Fortin (Serge) : Bien, M. Tardif, pour votre information, il est
ici, dans la salle, en arrière, c'est un agronome. Mais, dans une
organisation comme Pangea, nous avons quelques dossiers, nous avons...
La
Présidente (Mme Léger) : Alors, je vous remercie, M. Fortin,
Mme Éthier, M. Garneau, Pangea et la Ferme ALY Blackburn.
Merci beaucoup d'être ici, aujourd'hui. Et, avant de suspendre les travaux,
j'ai besoin du député de Côte-du-Sud, de
Berthier et de Mirabel s'ils peuvent venir me voir ici pour les travaux de ce
soir. Nous allons recevoir
l'Union paysanne...
Des voix :
...
La Présidente (Mme
Léger) : Je m'excuse, je m'excuse. Je m'excuse! Nous recevons ce soir...
Des voix :
...
La
Présidente (Mme Léger) : MM.
les députés! Merci. Nous recevons ce
soir l'Union paysanne, les Partenaires agricoles, la Coalition pour la
souveraineté alimentaire et M. Jean-Philippe Meloche, professeur adjoint.
Je suspends les
travaux jusqu'à 19 h 30. Merci.
(Suspension de la séance à 18
heures)
(Reprise à 19 h 37)
La
Présidente (Mme Léger) :
Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Alors, bienvenue à vous tous encore une fois.
Nous entamons notre soirée ensemble.
Nous allons recevoir ce soir l'Union paysanne, les Partenaires agricoles SEC,
la Coalition pour la souveraineté alimentaire et M. Jean-Philippe
Meloche, professeur adjoint.
Je
vous rappelle que nous sommes dans un mandat d'initiative à la Commission de
l'agriculture, des pêcheries, de l'énergie
et des ressources naturelles, la CAPERN, pour faire l'étude, dans le fond, de
l'accaparement des terres agricoles.
Nous
avons ce soir devant nous pour commencer l'Union paysanne. Bienvenue. Vous avez
10 minutes de présentation, et
après on aura 28 minutes d'échange entre nous. Je vous dirai après comment
fonctionne le temps alloué à chacune des formations politiques. Alors,
présentez-vous. Et bienvenue.
Union paysanne (UP)
M.
Laplante (Maxime) : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Donc, Maxime
Laplante, accompagné de Mme Caroline
Pageau. Je suis agronome au départ. J'ai une vie un peu compliquée avec une
petite ferme. Prof de math, agronome au travers, un paquet d'enfants,
etc.
Je
vais me faire d'emblée un peu l'avocat du diable. On a lu, évidemment, le document
que vous nous avez remis comme
prélude à la commission actuelle, et on s'est tout de suite très distancés des
prémisses qui y apparaissent pour prendre une piste complètement
différente. Donc, je vais me faire un peu l'avocat du diable.
J'ai
entendu les interventions de Pangea tout à l'heure par le biais de
M. Fortin, et il y a des trucs que je comprenais moins. Exemple, on reproche à Pangea... il était
même question de savoir si c'était un véritable agriculteur. Bon, sous prétexte qu'il a fait des affaires en
communication avant, là il décide de passer à l'agriculture, on se
demande : Est-ce que c'est un
vrai? La définition d'un vrai agriculteur, est-ce qu'il faut absolument que ce
soit une relève familiale? On a tracé
le portrait de la relève familiale au Québec, j'en ai moi-même fait l'analyse
il y a cinq ans, et presque la moitié de la relève agricole au Québec n'est pas familiale. Ce sont des gens qui nous
arrivent de l'extérieur de la famille, des gens qui sont allés faire un bac en relations industrielles,
dont les parents sont plombiers ou électriciens et qui décident de faire un
saut en agriculture. Donc, le modèle papa,
fiston dans l'entreprise laitière, ça existe encore, mais ce n'est plus le seul
modèle.
On
reproche à Pangea de ne pas nécessairement... quoi, de ne pas être une
agriculture de métier? Pourtant, on n'a pas beaucoup entendu de commentaires négatifs lorsqu'il s'était agi de
l'industrie porcine sous intégration, en plus en faisant de l'exportation dans les pays asiatiques. Pourtant,
c'était de l'accaparement de terres agricoles. On n'a pas beaucoup suscité
d'émotion à propos des agrocarburants, qui
étaient même chose, monopolisation de territoires agricoles, de grandes
surfaces pour faire des carburants pour des voitures, alors qu'en
principe l'agriculture devrait servir à nourrir la population.
Donc,
vous voyez un peu où est-ce que je m'en vais avec ça. Donc, je pense que Pangea
n'est pas la source du problème, mais
plutôt la conséquence logique d'un système qu'on a mis en place depuis un
demi-siècle et qui fait en sorte qu'aujourd'hui
on n'arrive pas à installer notre propre relève sur les terres agricoles, et
que, d'autre part, ceux qui veulent quitter
l'agriculture ne sont pas capables de le faire décemment. Lorsque, tout à l'heure,
on entendait M. Fortin qui parlait d'un de ses partenaires, justement, qui a essayé de vendre pendant sept
ans et qui, finalement, arrive à trouver
un acheteur, on peut comprendre la situation.
• (19 h 40) •
Entre autres, donc, pour nous, c'est
clairement un symptôme, une conséquence, et on va revoir qu'est-ce qui fait en sorte que la relève agricole au Québec
n'arrive pas à s'installer. Les jeunes du Kamouraska, je pense qu'on aurait pu
leur fournir une aide à la relève sans que ça passe nécessairement en
concurrence avec Pangea. Est-ce que Pangea ou AgriTerra, toute la question des
fonds d'investissement, est un problème majeur au Québec? Le groupe CIRANO de
recherche a d'abord fait état que, pour l'instant, extrêmement marginal, moins
de 2 %.
Et ceci est basé sur la présomption
qu'il n'y a que 2 millions d'hectares agricoles au Québec.
Je me suis permis une légère
recherche dans Statistique Canada
remontant aux années 51. Je n'étais pas vieux à cette époque-là, j'en conviens.
Et, en 51, il y avait au Québec non pas 2
millions, mais 6,8 millions d'hectares cultivés en agriculture, trois fois et
demie plus qu'actuellement. J'ai
moi-même sur ma terre, dans le bois, des piquets de clôture qui restent, des
tas de roches, etc., il y en a
partout. Bon. Ça fait que, finalement, le problème est-il majeur? Pas sûr, mais
là, présentement, ça semble faire l'objet d'un gros débat.
Qu'est-ce qui bloque la relève?
Premièrement, tout le système de gestion de l'offre fait en sorte que les
entreprises se concentrent. Si ça me
coûte 25 000 $ par vache pour avoir accès à la production laitière et
qu'en plus j'ai obligation d'avoir un
minimum de l'équivalent de cinq vaches... On calcule en kilos de matière grasse
plutôt qu'en vaches, là, mais j'arrondis.
Et, en plus, je n'ai pas le droit de faire ma mise en marché personnellement,
mon lait sera éventuellement saisi, mis
en marché. Moi, finalement, j'ai le prix du grossiste, et là je n'ai pas le
droit de faire de lait. Là, si je veux faire du mouton, de l'agneau lourd, ah! je vais être soumis à l'agence
obligatoire de l'agneau lourd contrôlée par l'UPA ou une de ses filiales par le biais des fédérations ou des
syndicats. Si je veux faire des oeufs, ou de la volaille, ou du dindon, j'ai
droit à 24, 24 dindons. Si je veux faire du poulet, j'ai droit à 99. On s'en va
où avec ça?
Donc, la relève se plaint, d'une part,
de ne pas avoir accès aux principaux secteurs de production, en particulier
les productions animales. C'est étendu,
d'ailleurs, au lapin et au sirop d'érable. Donc, j'ai été producteur de lapins
pendant 30 ans et je le suis encore,
je n'ai jamais reçu de quota de production. Donc, je fais comment pour bâtir
une entreprise autour de ça?
Présentement, je me retrouve dans la situation personnelle où j'ai 220 arpents
de terre. Bon, en hectares, ça fait quoi, à peu près 70 hectares, grosso
modo. Je fais quoi avec ça? Présentement, c'est encore moi qui cultive en bonne partie. Je fais quoi dans 10 ans, ou dans 15
ans, ou dans 20 ans avec ça? Il va me rester quoi? Je ne veux pas avoir de monoculture transgénique de maïs pour
exportation. Ça ne me tente pas, c'est mon choix personnel. Je ne peux pas
avoir de vaches laitières dessus. Je ne peux
pas avoir d'érablière. Pourtant, j'ai un potentiel de 2 000 entailles, et
ça ne me tente pas d'être poursuivi par la Fédération des producteurs
acéricoles de l'UPA parce que je veux faire ma mise en marché moi-même.
Et c'est ça que veut la relève. Si
vous faites le tour des ITA, des centres de formation agricole, ce que vous allez
voir, ce sont des jeunes, oui, qui sont
issus de la famille agricole, fils de fermiers laitiers, etc., et vous avez un
pourcentage grandissant de gens qui
veulent faire autre chose, agriculture de créneau, biologique, du terroir, et
on leur bloque systématiquement — ou à peu près — l'installation. Donc, tout le système de
gestion de l'offre est une entrave, en premier.
La deuxième, c'est la CPTAQ, la
Commission de protection du territoire agricole qui décide, par exemple, de
gérer la spéculation foncière à même
échelle, que tu sois aux abords de Montréal ou dans le fin fond du Kamouraska,
et qui entrave ainsi le jeune qui voudrait morceler un lot. Je ne veux
pas acheter 300 hectares de terre. Les jeunes qu'on rencontre... On en a rencontré 70, jeunes, dans Kamouraska il y a trois
semaines, un mois. Eux autres, ce qu'ils veulent, c'est un petit lopin. Mais ils veulent avoir quoi,
cinq hectares, 10 hectares, 15 hectares puis être capables de faire quelque
chose, ils ne veulent pas avoir une
entreprise d'un million et demi avec l'investissement qui va avec. Et la CPTAQ
leur dit : Bien, écoutez, si
l'agriculture n'est pas votre occupation principale, bien, vous n'avez pas le
droit de morceler un lot. Si, par
hasard, ils arrivent à obtenir un lot, la CPTAQ va leur dire : Écoutez,
vous n'avez pas le droit de construire votre maison parce que vous n'avez pas l'agriculture comme occupation
principale. Donc, on a une série d'entraves actuellement qui font en sorte qu'on bloque notre relève, et là
c'est sûr qu'après ça Pangea s'installe, ou d'autres, puis il va en venir
d'autres.
Et
on peut se demander également comment ça se fait que Pangea — je
prends Pangea parce que l'exemple était là, mais il y en a d'autres,
effectivement, vous comprenez — se spécialise particulièrement dans la
production céréalière en monoculture et
d'oléagineux. On parle soya, entres autres. Est-ce qu'il n'y aurait pas un
lien, par hasard, avec le fait que
l'ASRA, l'assurance stabilisation du revenu agricole, subventionne ce type de
production? On pourrait peut-être parier que, si le programme de l'ASRA
était modifié, ce qui avait été fortement recommandé par le rapport
Saint-Pierre, que sans doute que ça deviendrait moins intéressant d'en faire,
de grandes monocultures céréalières.
Ça fait qu'en somme, si vous voulez
éviter Pangea, il va falloir arrêter de garder la tête dans le sable, il va
falloir régler d'autres problèmes.
Les solutions. La première, appliquer le rapport Pronovost. Le rapport
Pronovost recommandait clairement...
Il disait : La ferme qu'on veut avoir au Québec, c'est une ferme qui est
diversifiée, proximité, du terroir, du bio
éventuellement, etc. On veut avoir des circuits courts de mise en marché. On
veut revoir le système de financement. On veut revoir le système de
monopole de représentation syndicale. C'est ça, la solution pour éviter Pangea.
Et, si vous
ne faites pas ça, ce qui pend derrière, vous avez déjà... Je dis vous, ce n'est
pas vous personnellement, là, prenez-le
pas comme ça. Mais, si vous avez déjà accordé un monopole de représentation
syndicale à une organisation privée, que vous avez en plus accordé le
contrôle de la mise en marché en situation de monopole, vous avez même accordé le contrôle de
Colbex-Levinoff avec les résultats qu'on connaît, vous avez accordé le contrôle
du sirop d'érable avec les poursuites
qu'on connaît devant la Régie des marchés agricoles, et là, maintenant, vous
envisageriez le contrôle des
transactions de terres agricoles concentré dans le même organisme qui
permettrait de décider : Ah! ceci est un bon agriculteur, un vrai, et celui-là n'en est pas un,
et c'est ça qui nous pend au bout du nez, je n'ose pas imaginer la suite.
J'arrête pour l'instant, et il me fera plaisir de répondre aux questions.
La
Présidente (Mme Léger) : Merci. Puis, comme vous dites, prenez-le pas
personnellement non plus, mais vous êtes
bien Maxime Laplante. On n'a pas eu le temps de dire qui vous êtes. Alors,
Maxime Laplante, et vous êtes accompagné de Mme Caroline Pageau.
M. Laplante (Maxime) : Oui.
La Présidente
(Mme Léger) : Exactement.
Alors, on s'en va avec le parti ministériel. Vous avez 13 minutes.
M. Morin : 13 minutes. Merci.
La Présidente (Mme Léger) : Alors,
M. le député de Côte-du-Sud.
M. Morin :
Merci. Bonjour, madame. Bonjour, M. Laplante. Je vous entends, votre discours
est agréable, mais je pense que vous,
de votre côté, vous exagérez parce que, si je regarde ici, Profil de la relève
agricole dans le Bas-Saint-Laurent, la
région présente un taux de renouvellement de génération plus important,
64 %. Donc, ce n'est pas tout à fait le langage que vous tenez. C'est certain qu'il y a peut-être
des aberrations, mais, au niveau de la relève, en Kamouraska on réussit bien.
Puis, quand,
tantôt, vous avez parlé de mise en marché du sirop d'érable, je ne suis pas
sûr, je pense que vous êtes capable
de faire votre mise en marché chez vous si vous avez quelques érables. Et on me
corrigera si ce n'est pas la vérité. Merci, madame...
La Présidente (Mme Léger) : M.
Laplante.
M.
Laplante (Maxime) : Oui. Merci, Mme la Présidente. Le portrait de la
relève que j'ai tracé faisait état d'un constat provincial. Là, vous
parlez d'un résultat régional. Moi, je vous dis, à l'échelle provinciale, c'est
entre 40 % et 50 % de la relève qui est d'origine en dehors de la
famille. C'est basé sur les statistiques du recensement de 2006. Et d'ailleurs l'étude m'a été demandée par le
ministère de l'Agriculture, et c'est ce que j'ai réalisé en 2010, à ce
moment-là.
Deuxièmement, dans le dossier du sirop d'érable,
j'ai rencontré à peu près un millier d'agriculteurs de sirop d'érable dans les dernières années, et j'en ai
encore rencontré la semaine dernière, et il y en a même qui se font poursuivre
pour des sommes plus qu'importantes. Et
pourtant ils ont fait leur mise en marché eux-mêmes, de petits contenants de
sirop d'érable directement produits à la
ferme. Et pourtant le plan conjoint n'est pas supposé toucher ce genre de mise
en marché là, et pourtant ils se sont fait poursuivre. Je suis en mesure
de documenter ceci.
M. Morin : Mme la Présidente,
est-ce que...
La Présidente (Mme Léger) : M. le
député.
M. Morin :
Oui. Est-ce que ces gens-là qui se sont fait poursuivre avaient acheté du sirop
d'érable d'ailleurs?
M. Laplante (Maxime) : Non, c'est
leur production qu'ils ont mise en marché à la ferme.
M. Morin : O.K. Ça, je ferai
une petite recherche là-dessus.
M. Laplante (Maxime) : Tout à fait.
M. Morin : O.K. Je vais
laisser d'autres...
La Présidente (Mme Léger) : M. le
député de Beauce-Sud.
M. Dutil :
Vous nous avez dit tout à l'heure, M. Laplante, qu'il y avait
6 800 000 hectares qui étaient exploités dans les années 50.
M. Laplante (Maxime) : C'est exact.
M. Dutil : Il s'est passé
quoi?
• (19 h 50) •
M. Laplante (Maxime) : Très bonne
question. Je me suis posé la question, évidemment. Il y avait, dans les années 50, 60, juste en Gaspésie 12 000
fermes laitières. Le chiffre est officiel. Il ne vient pas de moi, il vient des
statistiques officielles. On peut se
demander qu'est-ce qui s'est passé avec ces 12 000 fermes là.
Effectivement, elles ont disparu et elles sont retournées, en bonne partie, en concessions
forestières. Il y a une dizaine d'années, j'ai eu à épauler — je vous donne juste un exemple — à Saint-Omer, qui est à la bordure là-bas, un groupe de jeunes qui
voulaient s'installer pour redémarrer un
minimum d'agriculture. Là, on parle de quelque chose de léger au départ :
jardin, peut-être une couple de moutons, des poules, etc., puis on verra
comment ça évolue par la suite.
La
municipalité leur a d'abord interdit l'accès à la terre, donc s'était
dit : Bon, on va arrêter de déneiger des chemins pour vous rendre jusque-là, on ferme. Bon, ça fait
que les jeunes se sont quand même débrouillés, ils ont acheté leur propre
charrue pour ouvrir à leurs frais le chemin
pour se rendre jusqu'à leurs terres. La MRC a tenté de bloquer, a tenté
de leur empêcher ça parce que,
non, ce sont des concessions forestières, il est hors de question
qu'on fasse autre chose que de la concession
forestière, il n'y aura pas
d'agriculture là. Ils sont allés jusqu'en cour, et le juge a fini par leur
accorder le droit, à leurs frais, de continuer à payer leur charrue et
de déneiger leur chemin pour se rendre jusque chez eux.
Bon, ces 12 000
fermes laitières là, on peut présumer que les gens ne faisaient pas ça dans les
arbres ou sur de la roche, il y a des terres. Elles sont peut-être moins
fertiles, moins intéressantes, moins d'unités thermiques qu'à Saint-Hyacinthe, etc., je peux comprendre. Il y a
d'autres choses à faire, justement. C'est ça, le portrait qu'on voit avec
la relève, c'est que les jeunes veulent
faire autre chose que simplement du lait ou de la monoculture céréalière. Vous
les regardez aller dans les centres de formation, ils veulent faire des
paniers bio. Ils aimeraient bien mettre de la viande dans le panier, par exemple, puis ils aimeraient bien
rajouter... J'ai rencontré la Coopérative La Mauve la semaine dernière encore dans le comté de Bellechasse qui nous
disent : Bien, nous autres, on aimerait ça, être capables de mettre des
poulets, parce que nos clients, ils
aimeraient ça, avoir des poulets. On a 250 producteurs dans notre réseau, un
assez grand nombre de consommateurs,
acheteurs, évidemment, mais on n'arrive pas à mettre de poulets, ou de lapins,
ou d'alcool, entre autres. Bien, le vin, non, là, mais c'est un autre
contrôle de monopole, oui.
La Présidente (Mme
Léger) : ...M. le député...
M. Dutil :
C'est beau, merci.
La Présidente (Mme
Léger) : Ça va. M. le député de Saint-Maurice.
M.
Giguère : Oui. Vous proposez quand même une agriculture... Bon, on va
y aller assez raide, là, vous voulez proposer une agriculture comme mon
père faisait dans les années 60, un petit peu, là, être capable d'en vivre, là,
il vivotait. Vous venez de parler qu'à cause des quotas puis des
contingentements on n'était pas capables de mettre, là, certaines choses dans des paniers. Moi, je viens de la Mauricie, je suis
producteur de boeuf, ce n'est pas contingenté. On a des producteurs qui ont voulu essayer de mettre du
boeuf dans leurs paniers, et j'en suis un, de ceux-là, en passant. Et je
regarde en arrière de vous, puis il y a un autre producteur, là, dans une autre
région qui a fait la même chose, et c'est extrêmement
difficile. Pour en vivre, de l'agriculture, aujourd'hui, ça nous prend quand
même un certain volume — et pas vivoter, en
vivre — et
qu'est-ce c'est que vous nous avez expliqué depuis le début, c'est un modèle,
je crois, un peu plus paysan, dans
l'image avec des poules, puis c'est bien beau, bucolique, mais il faut être
capable de vivre de l'agriculture. C'est un peu ce modèle-là que vous préconisez un petit peu. J'aimerais ça
que... Côté économique, vous le savez, on a des paiements à faire. Peu importe ce qu'on est, il faut payer notre compte
de taxes, notre compte d'électricité. Donc, dans votre modèle, est-ce
que c'est viable?
La Présidente (Mme
Léger) : M. Laplante.
M.
Laplante (Maxime) : Merci, Mme la Présidente. Ah! que je l'attendais,
celle-là. Si vous me faites tellement plaisir à me poser des questions,
c'est parfait.
On
ne revendique pas un modèle particulier, on revendique une place. C'est
complètement différent. On a élaboré un
projet — pour
répondre à la première partie de votre question — de gestion de l'offre 2.0. Je ne suis pas en
faveur de jeter, comme disait Jacques
Proulx, le bébé avec l'eau du bain, mais il va falloir qu'il se passe une
sérieuse réflexion en profondeur de la
gestion de l'offre. Comment ça se fait... Et, d'ailleurs, j'avais organisé un
colloque sur la question, gestion de
l'offre et plans conjoints, et j'ai invité personnellement les présidents des
fédérations des syndicats de l'UPA, qui sont venus d'ailleurs, et tous étaient unanimes pour dire : Des vaches à
25 000 $, puis des poules à 250 $, puis des poulets à 800 $
le mètre carré d'élevage, ça n'a aucun sens. C'est un blocage incroyable de
relève.
On veut une refonte
de qu'est-ce qui empêche d'avoir, par exemple, comme la Belgique l'a déjà eu
dans les années 80-90, deux systèmes de
quotas. On aurait un quota commercial, comme on l'a au Québec présentement, le
camion passe, puis le lait part à la
transformation laitière, etc. Et le deuxième quota est pour le lait qui va être
vendu directement à la ferme. On
parle Belgique, l'Allemagne faisait la même chose. Ce n'est quand même pas un
pays sous-développé, 5 % de la
mise en marché... J'ai moi-même travaillé sur des fermes laitières en Allemagne
dans les années 80, 5 % du quota pouvait être vendu directement à la ferme. C'est d'ailleurs permis au Canada,
soit dit en passant. L'Alberta a le droit... vous avez le droit, en Alberta, de
vendre 50 litres de lait par jour à la ferme sans aucune difficulté, c'est
légal, et pourtant ils sont soumis au
système de gestion de l'offre aussi. Ils ont juste différencié la chose. On
demande... Et, juste à faire un espace hors
quota qui existe déjà dans le reste du Canada, on ne demande pas mer et monde,
1 % du marché. C'est une question économique. Les gens qu'on
rencontre...
M. Giguère :
Oui. J'aimerais...
La Présidente (Mme Léger) : M.
Laplante, essayez d'être...
M. Giguère :
Un petit peu plus court parce qu'on aimerait revenir, là, dans notre...
La Présidente (Mme Léger) : ...parce
que, dans le fond, on veut en profiter pour faire un échange.
M. Giguère : ...pourquoi on est ici.
La
Présidente (Mme Léger) : Alors, ça va permettre un échange. Si vous
voulez être plus concis, on apprécierait. M. le député de Saint-Maurice.
M.
Giguère : O.K. Où est-ce que je voulais en venir, c'est qu'on parle
d'accaparement des terres ici aujourd'hui. Donc, dans mon esprit à moi, c'est que, si on a un modèle d'entreprise
viable économiquement et que l'entreprise est capable de prendre de
l'expansion, il faut être capable de bien en vivre.
Parce que
vous avez apporté un point tantôt, puis, ce bout-là, je suis parfaitement
d'accord avec vous — je ne
suis pas tout à fait, tout le temps
contre vous, là — les
personnes qui quittent la production, souvent elles n'ont pas de fonds
de pension. Donc, ce qu'ils font, c'est que... leur fonds de pension, c'est
leur fonds de terre. Donc, ils essaient d'aller chercher le maximum sur leur fonds de terre. Donc, on vit une
problématique économique qui fait, dans l'agriculture, un fonds de terre... Donc, là, on arrive avec
l'accaparement des terres, là, entre guillemets, là, que ce soit entre
producteurs ou le plus offrant qui arrive. Donc, je pense que j'aimerais
ça que vous élaboriez un petit peu sur ce petit bout là.
M.
Laplante (Maxime) : Merci.
La CPTAQ part un peu du principe que, s'il
y a au moins 100 hectares, que c'est
présumé éventuellement rentable et
qu'en bas de ça on présume que ça va l'être pas mal moins. Pourtant, un acre de
bleuets, ça rapporte à peu près
30 000 $. Et il y a un
paquet de secteurs qui peuvent être très intéressants économiquement. On en
a fait la démonstration, d'ailleurs. Là, je
parle économie. J'ai fait moi-même des études en économie politique à côté de
mon bac en agriculture, j'ai une petite idée
de la question et je suis convaincu que la rentabilité économique passe,
justement, par des fermes de plus petite taille, diversifiées.
On a fait,
sur mandat du MAPAQ, il y a quatre ans, analyses en France et en Suisse, qui ne
sont pas, encore là, tout à fait des
pays sous-développés, et on a fait le constat très clair que la plupart des
entreprises qu'on a vues vivaient à deux
régimes : une partie de leur production qui est sur une base industrielle
ou commerciale et une partie qui est faite en mise en marché directe
parce qu'ils ont réalisé que, de un, la transformation, la plus-value à la
ferme augmente la rentabilité, et, en même temps, ce n'est pas de mettre tous
ses oeufs dans le même panier.
Je parlais de la CPTAQ tout à l'heure. On a des
projets de jeunes...
La Présidente (Mme Léger) : ...
M.
Laplante (Maxime) : Oui. Parce que l'exemple vaut la peine, je suis
conscient du compteur. Une ferme sur l'île
d'Orléans, ils font des oies, des oeufs, etc., et ils veulent faire table
champêtre. Vous avez vu le jugement de la cour qui dit : Hon! Interdit. La table champêtre, en zone verte au
Québec, est considérée comme une nuisance aux activités agricoles,
interdit.
J'en ai un
deuxième, qui est arrivé il y a deux semaines. La personne en question... ils
ont une production, ils font des paniers bios, puis un bon volume,
150 clients, ça roule, c'est, financièrement, parfaitement rentable, leur
affaire. Ils ont voulu élaborer, ils font camping
à la ferme. Les gens peuvent débarquer, agrotourisme, la tente sur le bord du
champ, s'installent, ils repartent le lendemain, dans deux jours.
Interdit, activité nuisible aux activités agricoles.
Dernier cas,
une entreprise dans Portneuf. En hiver — en hiver — ils sont dans le bois, ils font des sentiers patinables au travers des arbres, à côté de leur
ferme. Activité interdite parce que nuisible aux activités agricoles. On fait
quoi?
La Présidente (Mme Léger) : M. le
député de Saint-Maurice, 1 min 30 s, à peu près, qu'il reste.
M. Giguère : O.K. Donc, pour vous,
est-ce que vous voyez la problématique ou l'accaparement des terres présentement au Québec entre soit des producteurs
ou des entreprises, là... Est-ce que vous voyez ce phénomène-là, vous
sentez ce phénomène-là parmi vos membres? Parce que vous avez quand même des
membres, là.
M. Laplante (Maxime) : Ce
que je constate d'abord, c'est un contrôle de plus en plus étouffant. Et je
reprends les termes de M. Pronovost
lors de la commission du même nom, l'agriculture, au Québec, manque d'oxygène.
On demande un espace, et c'est ce qui
n'est pas là présentement, et c'est ça qui est une source majeure de problèmes
de... On a été obligés de
subventionner... Les programmes de l'ASRA, là, ça nous coûte pas loin d'un
demi-milliard par année, là. On a une agriculture
qui est quand même soutenue financièrement de façon très
substantielle. L'intégration porcine, sans subvention, je ne suis pas sûr qu'on en serait rendu là. Donc,
ces entreprises-là, qu'on leur donne l'espace. Ce sont les entrepreneurs...
c'est à eux autres de décider qu'est-ce
qu'ils veulent faire. Donnons-leur la chance de pouvoir démarrer ce qu'ils
veulent et de faire leur mise en
marché comme ils l'entendent. Ce sont d'abord des entrepreneurs. Le
rapport Saint-Pierre disait clairement ça : Laissons la place aux
entrepreneurs.
M.
Giguère : Donc, ces entrepreneurs-là qui vont acheter les blocs de
terres... Parce que j'en ai un, moi, dans ma région, un modèle d'entrepreneur agricole qui a acheté des blocs de
terres dans ma région, 1 100 acres. Donc, pour vous, c'est
quand même, là... c'est correct, c'est...
M.
Laplante (Maxime) : Ce n'est pas que c'est correct. J'aimerais mieux,
personnellement — et
pas juste moi, tous à l'Union
paysanne — que
ce soit plus diversifié, axé sur la mise en marché à proximité, etc. Mais
pourquoi lancer la pierre à Pangea
alors que toutes les conditions qu'on a mises en place favorisent ce modèle-là?
Donc, je ne suis pas en faveur de la
concentration des terres, mais, si on continue à garder le même modèle qu'on a
sans appliquer le rapport Pronovost,
sans appliquer le rapport Saint-Pierre, sans appliquer le rapport Bolduc aussi,
bien, on va avoir des Pangea et multiples.
• (20 heures) •
La Présidente
(Mme Léger) : Merci. Nous
passons maintenant au député de Bonaventure pour l'opposition officielle.
M. Roy : Merci, Mme
la Présidente. Bonjour,
M. Laplante, Mme Pageau. Écoutez, vous ouvrez grand le débat, hein? On ne peut pas dire que vous allez dans le
particulier. Vous avez parlé de l'UPA, de la CPTAQ, de la Régie des marchés agricoles, etc., mais j'aimerais quand même
vous rappeler qu'on est dans un mandat d'initiative pour entendre des groupes sur la problématique potentielle de
la financiarisation des terres agricoles. O.K.? On a eu des exposés de
nombre d'individus qui sont venus
nous dire qu'écoutez ça ne permet pas à la relève de s'installer. On a eu des
gens qui ont un peu... qui ont défendu le modèle, et, dans ces
circonstances, j'aimerais vous recentrer un peu sur le débat, sur l'objectif du
mandat d'initiative. Et la question,
c'est : Si on ne déploie pas... Je vais la poser autrement : Est-ce
qu'il est nécessaire de déployer un environnement normatif par rapport à la problématique potentielle de financiarisation des terres
agricoles? Donc, si on fait quelque
chose, qu'est-ce qu'on fait? Et, si on ne fait rien, quels pourraient être les
impacts? Juste nous recentrer là-dessus.
La Présidente (Mme Léger) : M.
Laplante.
M. Laplante
(Maxime) : Merci. Je vais
répondre à l'inverse. Si on ne fait rien, ce qui est clair, c'est que l'UPA
va vouloir, par le biais de la SADAQ ou
d'une quelconque société d'aménagement, s'occuper de la gestion des transactions agricoles. Et ça, c'est un aspect qui est extrêmement inquiétant, c'est un ajout sur les situations de monopole actuelles.
De deux,
qu'est-ce qu'on fait? Il faut ouvrir le modèle. Si on décide d'intervenir, vous
allez le faire comment? Si on ne
change pas le modèle, comment peut-on s'y prendre pour empêcher Pangea? On va
s'y prendre sur quelle base, on va
interdire à Pangea les transactions de plus de 100 hectares? Et
l'intégrateur porcin, lui, on fait quoi avec? Celui qui déciderait de
prendre 2 000 hectares pour faire des agrocarburants pour
exportation, on fait quoi avec ça? Vous allez entrer
dans une zone juridique extrêmement tordue et nébuleuse, vous ne serez pas
capables de faire le tri, là. J'entendais les commentaires tout à l'heure à l'effet : Mais est-ce que c'est
un vrai agriculteur? Est-ce que c'est un gentleman-farmer? Je trouve ça très, très déplacé dans le contexte,
je dois dire. Donc, moi, je pense de façon convaincue que la solution, elle
passe par une refonte de notre modèle agricole. Sinon, je ne vois pas vraiment
comment on peut faire du rapiéçage.
La Présidente (Mme Léger) : Député
de Bonaventure.
M. Roy :
Vous conviendrez avec nous qu'il faut commencer... Il faut y aller par
morceaux, on ne peut pas embrasser ça...
En tout cas, ça me semble difficile actuellement d'y aller «at large», on remet
tout en question. Ça serait un chantier extrêmement complexe. On a un mandat d'initiative, je reviens sur
l'enjeu ici présent, et, écoutez, est-ce que vous considérez que ça
pourrait être compatible avec l'agriculture familiale, la financiarisation des
terres agricoles?
M.
Laplante (Maxime) : L'agriculture familiale, c'est un concept du
siècle dernier. Encore là, là, je mentionne l'exemple que Walmart, c'est
aussi une entreprise familiale, et, bon, ce n'est pas nécessairement ça qu'on
veut avoir comme modèle. Si vous voulez
avoir des solutions concrètes, O.K., courtes, faciles à voter dans un
parlement, la première, c'est
l'article 8 sur la Loi sur les producteurs agricoles, qui va permettre à
plusieurs associations d'avoir droit au chapitre, d'avoir droit
d'influencer le modèle agricole, de un.
La deuxième,
c'est la mise en application de l'article 63 sur la Loi de la mise en marché
des produits agricoles du Québec.
C'est déjà dans la loi, vous n'avez même pas besoin de la changer, il faut
juste l'appliquer. Cette loi dit que tout
produit qui est vendu directement à la ferme, directement au consommateur — c'est plus qu'à la ferme, au consommateur — n'a pas à être soumis à quelque plan
conjoint, ou gestion de l'offre, ou quoi que ce soit. O.K.? Sauf que, deuxième phrase, la régie peut en décider
autrement si elle juge qu'il peut y avoir une menace pour le marché. Bien sûr,
avec mes 30 lapins, bien sûr, je suis
une menace pour Loblaws. O.K.? Bon, vous voyez un peu l'absurdité de la chose.
Ça, c'est deux mesures extrêmement concrètes
qu'il y a moyen de faire : appliquer la loi, l'article 63, modifier
deux mots sur l'article 8. Ça, c'est court, simple. Si vous voulez
une méthode rapide, c'est un début.
M. Roy : Merci. Je vais céder
la parole à mon collègue.
La Présidente (Mme Léger) : Alors,
M. le député de Beauharnois.
M. Leclair :
Merci, Mme la Présidente. Alors, bonsoir, M. Laplante, Mme Pageau.
Bien, je vous écoute, puis, comme mon
collègue l'a dit, vous ratissez très, très large. Puis je ne veux pas vous
mettre des mots dans la bouche, là, mais
je vous entends parler de la CPTAQ, de l'UPA, et tout ça, qui, à tort ou à
raison, là, défendent l'agriculture à leur manière, dans leur regroupement, à leur vision des choses. Vous dites
pour... Là, on parle surtout de l'accaparement des terres, mais vous dites : Pour faire place...
Parce que c'est vrai que, souvent, on se promène dans n'importe quel congrès,
puis on dit :
Bien, la relève agricole, il faut aller travailler avec la relève agricole. Mais vous semblez nous dire
que — puis
dans votre quasi-conclusion — il
faut juste choisir le modèle agricole que l'on veut. Mais, d'après vous, là...
Vous en avez dit pas mal, là, dans les
dernières minutes, mais est-ce que vous pensez qu'au-delà... Si on dit que l'UPA, et,
mettons, la CPTAQ, et les autres groupes... est-ce que vous pensez qu'ils sont
assez flexibles pour, justement, permettre la nouvelle agriculture dont vous parlez, à plus petite échelle, là? Parce
que, là, vous semblez dire : Les règles ne le permettront jamais. Si on ne change pas ça, on l'oublie tout
de suite, puis la raison familiale reste quasiment un fétiche, et non une
réalité.
M.
Laplante (Maxime) : Vous avez, effectivement, un point important. On
demande, entre autres, qu'il y ait un débat,
une réévaluation du mandat de la CPTAQ et de l'interprétation qu'elle fait. Exemple,
un des critères importants de la
CPTAQ, c'est de respecter l'homogénéité du territoire. Oui, mais, justement, on
ne voudrait pas encourager la diversité du territoire? Donc, juste l'interprétation... Le 100 hectares, ce
n'est pas dans la loi, ça, la protection du territoire agricole, c'est une interprétation que la commission en
fait. Quand j'avais parlé avec M. Ouimet, l'ancien président, effectivement
il avait clarifié ce point-là avec moi.
Donc, on peut
très bien envisager... Refaisons l'analyse en 2015 du mandat de la CPTAQ.
Refaisons l'analyse, comme débat de société, comme on l'a entamé avec
Pronovost, sur la gestion de l'offre. On ne veut pas l'éliminer. Je pense qu'après 50, 60 ans de régime,
peut-être qu'on devrait se poser la question : Est-ce que ça a été
bénéfique? Est-ce qu'on a atteint les
objectifs d'implantation de relève? Est-ce qu'on a atteint les objectifs
d'occupation du territoire? Et c'est ce qui me ramène à la question
fondamentale : À quoi sert l'agriculture? Parce qu'il ne faut pas se le
cacher, les agriculteurs, là, on est une
gang de chialeux. O.K.? Puis Vigneault en faisait état aussi, et les
agriculteurs, ils vont toujours essayer
de... Effectivement, ils sont liés avec des contraintes du milieu, etc.,
climatiques, et compagnie, mais il faut juste leur permettre de faire un peu autre chose. En tout cas, je vais couper
court parce que j'en ai une qui me regarde attentivement.
La Présidente (Mme Léger) : ...40 secondes,
à peu près, réponse comprise.
M. Leclair :
Bien, j'aimerais juste... j'aimerais vous entendre... Parce qu'il y a toujours
l'appât du gain, là, dans tout ça,
là. Lorsqu'on dit de limiter aux petites productions, puis lorsque les terres
se vendent à des prix catastrophiques... C'est assez dur d'arrêter ça
quand l'argent est là. Comment vous voyez ça?
M.
Laplante (Maxime) : Tout à fait. On a tenu notre congrès il y a un
mois, à peu près, et il y a un atelier qui portait, effectivement,
là-dessus. On avait invité des conférenciers pour nous parler, justement, de
projets de fiducies foncières, par exemple,
justement, dans le contexte actuel, comment on fait pour, quand même, faire
quelque chose. Bon, il y a le projet
de la Ferme Cadet Roussel, par exemple, qui essaie de déconnecter la valeur
spéculative de la ferme de façon à ce
qu'on puisse utiliser le territoire, les bâtiments, faire de l'agriculture
pendant 40, 50 ans. C'est un projet qui existe également dans d'autres pays à travers la planète, autant en
Afrique qu'en Europe, etc. Donc, c'est une des avenues.
On peut
trouver des palliatifs temporaires pour certaines situations particulières,
mais il ne faut pas oublier que l'agriculture
au Québec, on a lourdement subventionné depuis des décennies un modèle
agro-industriel, il ne faut pas se surprendre
si ça a marché. C'est-à-dire qu'on a provoqué un accroissement des intensités
de fermes, de la spécialisation, etc. N'essayez pas de produire des
grains... avec l'ASRA, là, ça ne passe pas dans le programme.
La Présidente (Mme Léger) : Merci,
merci. Mme la députée de Mirabel.
Mme
D'Amours : Merci, Mme la Présidente. Ma question s'adresse à
M. Laplante : Croyez-vous, M. Laplante, qu'il y a de la place pour plusieurs modèles de
fermes? Parce que, depuis un certain temps, on parle de paysans agricoles,
d'agriculteurs, de producteurs, d'entrepreneurs, et, à force de rencontrer des
gens, de voir la dimension des fermes, je m'aperçois qu'il y a des gens qui
aiment se définir comme paysans et il y a des gens qui aiment se définir comme
des entrepreneurs. Est-ce qu'il y a de la place, vous pensez, au Québec pour
tous ces modèles d'agriculteurs, d'affaires?
• (20 h 10) •
M.
Laplante (Maxime) : Absolument. Ils existent d'ailleurs à l'échelle
planétaire. Partout dans le monde, on a des entreprises... J'ai vécu en
Allemagne pendant un assez bon bout de temps pour le voir, on a des entreprises
qui vont avoir 3 000,
4 000 acres de terres qui font de la monoculture céréalière, ou
légumière, ou quoi que ce soit. Et, à côté de ça, on a la ferme qui a un hectare et demi qui fait
mise en marché directe, transformation à la ferme. Ils vendent du lait, du
fromage, de la viande abattue à la ferme,
etc., puis tout ça cohabite. On a même vu en Suisse des coopératives de fromage
gruyère haut de gamme où ils sont 10 coopérants ensemble qui ont acheté la
fromagerie. Ils embauchent le fromager, puis
il y en a un qui a 200 vaches laitières, puis l'autre,
il a encore ses quatre vaches dans les alpages qu'il trait à la main dans une chaudière, et les 10 sont partenaires
dans le même projet de coopérative de gruyère. Pourvu que la qualité y soit,
pourquoi est-ce qu'on ferait un tri entre le gros ou le petit?
Mme
D'Amours : Est-ce que,
d'après vous, on... Comment on pourrait y arriver, à cohabiter toutes ces
sphères-là : paysan, agriculteur, producteur, entrepreneur?
M.
Laplante (Maxime) : Le
premier changement, c'est effectivement la loi sur le monopole de représentation. Il faut donner une voix au chapitre à ces gens-là. Le deuxième, comme je le
mentionnais, c'est l'application de l'article 63, qui permettrait à ces gens-là, au moins, de faire
la mise en marché de leurs productions. Présentement, si je ne peux pas faire la mise en marché de mes lapins, de mon
sirop, du lait, des oeufs et du poulet, je ne vais pas très loin. On a
envisagé, mon
épouse et moi, il y a une quinzaine d'années, de se faire une petite unité de
transformation alimentaire à la maison où
on pourrait... mais on n'y arrive pas, je n'ai pas le droit de vendre la
production. Donc, je suis condamné à faire de l'autarcie parce que je
n'ai pas le droit de mettre en marché ce que je produis avec mes enfants.
Mme
D'Amours : D'après vous, si on regarde, là, la sphère, là — vous allez me comprendre — paysanne, où c'est des petites fermes
avec très peu de poules, deux, trois moutons, que vous en avez 10 dans une
région, est-ce que l'apport que ces gens-là
vont apporter de la façon dont ils cultivent... est-ce que vous pensez que
l'occupation des régions se porterait mieux s'il y avait plus de petits
agriculteurs comme ça, de petits paysans, si on les nomme comme ça?
M.
Laplante (Maxime) : Et comment. Le programme de l'ASRA, à lui seul,
coûte environ 500 millions de dollars par année. Mettez ça à
10 000 $ par ferme, et vous
en remettez 50 000 $ sur
les rails par année. Ça, le 10 000 $ de différence, j'avais monté
ce que j'ai appelé un contrat vert. Donc, il serait non plus... on finit le programme
des subventions et on fait un contrat.
Le problème du financement de l'agriculture, c'est que présentement on subventionne au volume de production.
Qu'il soit exporté ou pas, qu'il serve à
notre population, ça, ça n'est pas important dans le modèle qu'on
a actuellement. L'agriculture doit d'abord servir à nourrir notre propre population
en quantité et en qualité. Ça, c'est le premier objectif. On n'est pas contre l'exportation, mais il va falloir
arrêter de subventionner l'exportation. Il va falloir arrêter de subventionner
l'intégration comme on le fait présentement parce que ce n'est pas l'objectif
que la société veut.
Le
deuxième, c'est de protéger les
ressources qui vont avec. Donc, on devrait protéger le sol, l'eau, les
travailleurs agricoles, d'ailleurs,
peut-être leur donner des meilleures conditions de travail, leur donner le
droit de syndicalisation, ainsi de
suite, et d'occuper le territoire de façon décentralisée. Si vous donnez
10 000 $ en contrat, vous
demandez au fermier de créer de
l'emploi, de protéger les bandes riveraines, les brise-vent, d'avoir plusieurs
productions pour avoir une diversité
biologique, etc., il n'est pas rémunéré par le marché pour ça. Pourquoi
il le ferait? Pourquoi il maintiendrait des brise-vent autour de la ferme alors que ce n'est pas subventionné,
ce n'est à peu près pas financé? Donc, ce qu'on dit, c'est que pourquoi vous ne donnez pas...
Vous vous attendez à ce que ces services-là, environnementaux, création
d'emplois, soient fournis par le
fermier, récompensez-le pour ça. Donc, un contrat vert, ce n'est pas une
subvention, c'est un contrat. Ça se fait déjà. La Suisse fonctionne déjà
comme ça depuis une trentaine d'années ou à peu près.
Mme
D'Amours : J'ai fini?
La Présidente (Mme
Léger) : 20 secondes.
Mme
D'Amours : 20 secondes...
La Présidente (Mme
Léger) : Une question puis peut-être...
Mme
D'Amours : En fait, pensez-vous vraiment que, s'il n'y avait plus le
monopole syndical, que les gens arrêteraient d'être membres de l'UPA?
M.
Laplante (Maxime) : Pas du tout, et j'espère que non. Ils
représentent, effectivement, une partie du monde agricole, mais je dis bien une partie du monde agricole. Je ne me sens
pas personnellement représenté par l'UPA, au cas où vous ne l'auriez pas
remarqué.
Des voix :
Ha, ha, ha!
La Présidente (Mme
Léger) : Merci. Merci. Je donne la parole au député de Mercier pour
deux minutes.
M. Khadir :
Merci, Mme la Présidente. Donc, ce que j'ai compris de votre intervention, vous
n'êtes pas du tout d'accord avec la spéculation
foncière menée par plusieurs fonds d'investissement parfois majeurs et
étrangers au Québec, mais vous dites
que ce n'est pas là le problème, que ce soit Pangea ou autre chose, ce sont les
symptômes. Mais il faut reconnaître
qu'il y a une plaie béante, on a besoin peut-être, en attendant de régler le
reste, d'un pansement. Est-ce que vous
êtes d'accord avec cette approche? Sans oublier le reste, sans oublier la
maladie chronique en arrière, on est d'accord?
M.
Laplante (Maxime) : Je ne le vois pas actuellement comme une plaie
béante, je suis plus d'avis que le groupe de recherche CIRANO... que,
pour l'instant, pour l'instant, c'est un phénomène très marginal.
M. Khadir :
J'y arrive. Regardez, moi, depuis que je suis à l'Assemblée nationale, en 2008,
c'est là que j'ai commencé à me pencher plus sur les questions agricoles, et
nous avons été le premier parti... d'abord, le seul parti à reconnaître la diversité de l'agriculture et à insister sur le fait qu'il faut mettre fin
au monopole syndical. Même si on n'a pas
grand-chose à reprocher à l'UPA, mais on voudrait une diversification. Sauf que
nous le proposons — je
l'ai répété à chaque fois au gouvernement, ça ne passe pas — appliquons le rapport Pronovost :
multifonctionnalité, viser le Québec d'abord
dans la production, assurer la relève, bon, tout ça. Puis ensuite il y a eu un
autre gouvernement qui l'a remplacé, ils
n'ont pas été plus que ça motivés non plus à mettre en place les
recommandations Pronovost. C'est quoi, la raison? Pourquoi est-ce qu'un rapport qui, pourtant,
lorsqu'on se penche, tout le monde est d'accord, pourquoi on ne l'implante
pas selon vous? C'est quoi, la résistance? Ça vient d'où?
M. Laplante (Maxime) :
J'essaie de l'analyser, répondre à cette question-là depuis une bonne quinzaine
d'années, à vrai dire, et je pense
que, tant que les gens n'ont pas vécu
une situation personnelle qui les touche, c'est un peu
difficile. L'agriculture est devenue un domaine assez complexe. Comprendre
un plan conjoint, là, c'est affreux, c'est une migraine garantie. À ce moment-là, ce n'est pas
facile d'aborder cette question-là. Les gens constatent la nécessité de briser
le monopole lorsqu'ils sont personnellement confrontés à.
M. Khadir : Le rapport Pronovost, ce n'est pas juste briser
le monopole, c'est un ensemble de recommandations, là.
M. Laplante
(Maxime) : Absolument, c'est une des 40 quelques recommandations, tout
à fait d'accord.
M. Khadir :
Bon. Parce qu'en le présentant comme ça on augmente la résistance.
M. Laplante
(Maxime) : Oui.
La
Présidente (Mme Léger) : Je vous remercie, c'est tout le temps que nous
avons. Merci beaucoup, M. Laplante, Mme Pageau, de l'Union
paysanne.
Alors, je vais
suspendre quelques instants pour que les Partenaires agricoles puissent venir
s'installer.
(Suspension de la séance à
20 h 17)
(Reprise à 20 h 18)
La Présidente (Mme
Léger) : Alors, merci. Alors, nous recevons... Je vais vous demander, peut-être,
d'aller à l'extérieur si vous voulez... M. Laplante, M. le député... Oui,
merci. On a un horaire un peu serré, on essaie de tout récupérer le temps, là.
Alors, merci aux Partenaires agricoles d'être devant nous. Nous avons
Mme Éloïse Gagnon, M. Clément
Gagnon, et M. Claude Lanciault, et une quatrième personne que vous allez
m'identifier. Mme la présidente,
allez-y, vous avez 10 minutes, et après on aura des échanges.
Partenaires agricoles SEC
Mme Gagnon (Éloïse) : Merci, Mme la Présidente. Merci, chers députés. Donc, vous m'avez
présentée, je suis Éloïse Gagnon,
présidente et cofondatrice de Partenaires agricoles. À ma gauche, mon père et
le cofondateur de Partenaires agricoles,
M. Clément Gagnon, M. Claude Lanciault, producteur agricole et membre de
notre conseil d'administration; et, à ma droite, M. Jean Béliveau,
agronome.
Mme la Présidente, l'agriculture fait partie de la vie des Québécois
depuis des centaines d'années. Elle est la fibre même du tissu social autour duquel des villages, des villes et des
métropoles se sont bâtis. Il en est donc de notre devoir à tous et à chacun non seulement de protéger
cette agriculture, mais surtout de s'assurer de sa survie, de son
épanouissement et de sa pérennité.
Chez
Partenaires agricoles, nous sommes des agriculteurs au sens propre du terme.
Nous achetons, opérons et gérons dans
un esprit de libre entreprise et de libre marché les terres agricoles de ceux
et celles qui veulent nous les vendre. Notre
activité économique est souhaitable, nécessaire, voire
requise et profitable pour assurer la pérennité des terres agricoles du Québec.
Nous sommes un levier financier parmi d'autres à la création de la richesse
rurale.
• (20 h 20) •
Dressons le portrait
agricole du Québec. Au Québec, la zone agricole est de 6,3 millions d'hectares,
ce qui représente près de 4 % du territoire. Plus de la moitié de ces
territoires est occupée par des fermes, soit 3,3 millions d'hectares. De cette superficie, 1,9 million
d'hectares sont des terres en culture, un peu plus de 1 million d'hectares
sont des terres boisées ou humides et
400 000 hectares sont des pâturages cultivés ou naturels, des terres
en jachère ou d'autres terres
agricoles. 84 % de l'occupation du territoire appartient aux agriculteurs,
et 14 %, à des non-agriculteurs. Un fait rarissime même dans le
reste du Canada, et d'autant plus dans le reste du monde.
Soutenir
qu'il y a accaparement des terres agricoles uniquement par des sociétés
d'investissement est donc fondamentalement inacceptable. Selon les conclusions
de l'IREC commandées par l'UPA l'accaparement des terres agricoles par des non-agriculteurs serait un enjeu
majeur, une menace que le gouvernement du Québec devrait empêcher. Nous nous questionnons devant de telles
conclusions. Des études sérieuses, tels la commission Pronovost, Desjardins,
CIRANO, le Groupe AGECO, La Coop fédérée,
prouvent et démontrent très clairement que la prémisse de l'IREC d'un enjeu majeur ou d'une menace de la part des
sociétés d'investissement ne correspond pas à la réalité du Québec agricole.
À
qui profite donc cet acharnement? Même dans l'hypothèse où les sociétés
spécialisées achetaient au cours des cinq
prochaines années 100 000 hectares sur les
3 462 935 hectares de terres agricoles, cela ne représenterait
que 2,88 % de l'actif. Le prix
moyen d'un hectare de terre au Québec, toutes régions confondues... Parce qu'on
l'a vu souvent, différentes régions
ont différents prix. Et, lorsqu'on confond les régions, le prix moyen est de
10 000 $ l'hectare. Si on fait le calcul, à 100 000 hectares,
10 000 $ l'hectare, c'est 1 milliard de dollars. Associer aussi
facilement le terme «spéculation» aux activités
des sociétés spécialisées en gestion de terres agricoles, c'est carrément faire
fausse route. Notre business, c'est de faire de l'agriculture, et non
pas de la spéculation.
Les données
dévoilées par l'ISQ sur le vieillissement des exploitants agricoles nous
obligent à saisir l'importance d'effectuer des changements profonds dans
la façon traditionnelle de faire de l'agriculture. Les exploitants de
55 ans et plus
ont augmenté de 46 % entre 1991 et 2011. Les jeunes, la relève de moins de
35 ans, ont diminué de 65 % entre ces mêmes dates, 1991 et 2011. Le Québec a connu sa période dite modèle
familial où la très grande majorité des enfants travaillaient à la ferme. Or, le monde a changé depuis les
années 50, le Québec est passé à un enfant en moyenne par famille en 2011. Le modèle unique de la ferme familiale en
agriculture n'est, malheureusement, plus le seul modèle applicable en 2015. Nos agriculteurs sont vieillissants,
endettés, et la relève, malgré que passionnée et motivée, n'est pas suffisante
pour combler le manque. Les
agriculteurs en âge de penser à leur retraite ou de profiter des fruits de leur
dur labeur sont en droit de monnayer
leur actif agricole, ce qui représente, en fait, leur fonds de pension. Ils ne
devraient pas être soumis à des contraintes et à des embûches
administratives injustifiées.
Selon les
études commandées à l'IREC — toujours par l'UPA — en mars et novembre 2012, l'IREC
recommande la mise en place d'une
société de développement et d'aménagement agricole du Québec, une SADAQ, modèle
français inspiré des SAFER. La
création d'une autre société d'État serait donc la réponse à un problème
d'occupation du territoire agricole à
des fins de spéculation. L'IREC aurait donc trouvé une réponse,
malheureusement, à un problème qui n'existe pas. Et des solutions à un
problème qui n'existe pas, ça ne marche jamais. À cette époque de rigueur
administrative, économique et financière,
pourquoi investir dans la création d'une autre société d'État alors que le
gouvernement a déjà en place des
structures et peut compter sur du personnel
professionnel compétent, que ce ça soit au MAPAQ, à la FADQ, à la CPTAQ et dans les MRC, pour assurer la
surveillance et la protection du patrimoine agricole? Il devient, par ailleurs,
urgent de répondre aux questions
suivantes : Qui devrait vendre? Qui devrait acheter et qui devrait être
propriétaire des terres agricoles du Québec? Nous ne croyons pas qu'une SADAQ
soit un outil adéquat. À qui bénéficierait réellement cette
superstructure?
En ce qui concerne la relève agricole,
l'érosion de la main-d'oeuvre se manifeste dans tous les secteurs d'activité économique, incluant l'agriculture. La relève a
diminué de 182 % depuis 1991. La valeur des immobilisations agricoles
crée, par ailleurs, un problème
supplémentaire de transfert parce que l'appréciation du prix des terres est
plus rapide que l'augmentation de
leur potentiel économique, appréciation qui s'est enclenchée depuis plus de
huit ans, soit avant l'arrivée des
sociétés d'investissement, et une appréciation qui est d'ailleurs soutenue par
les producteurs agricoles eux-mêmes.
Dans le contexte connu de tous, vieillissement, relève, endettement,
l'entrepreneuriat agricole prend ici tout son sens. L'entrepreneuriat agricole n'est pas un luxe,
c'est une nécessité. Soyons clairs, il n'y a pas d'avenir pour la relève si on
ne change pas, si on ne vient pas aider ce modèle d'affaires de la ferme
familiale. Comme l'écrivait le professeur universitaire
Sylvain Charlebois le 13 mars dernier dans La Presse,«il faut [...] trouver des moyens pour démocratiser l'agriculture
afin de permettre à ceux ayant les compétences nécessaires de mieux gérer notre
richesse agricole et d'assurer une meilleure
relève». Ces moyens, ces solutions résident dans un maillage des intérêts
des intervenants agricoles déjà en place, soit l'UPA, le MAPAQ, la FADQ,
la FRAQ et les sociétés d'investissement.
Pour nous,
une SADAQ ou l'ajout d'un moratoire n'apporterait aucune solution à la problématique
de la vocation agricole du territoire, à l'établissement de la relève agricole,
au transfert générationnel, à l'établissement du financement. Ces initiatives pourraient venir couper radicalement les
sources de financement et de crédit aux agriculteurs. On a peine à concevoir qu'une banque, un syndicat
bancaire ou des institutions financières prêteraient si on sait d'avance
que le prêt serait gelé pour un an, deux ans
ou trois ans sans possibilité de vendre l'entreprise agricole en cas de
difficultés financières du producteur. En...
La
Présidente (Mme Léger) : En conclusion.
Mme Gagnon (Éloïse) : Exact. En conclusion, Mme la Présidente, nous
rejetons toute démarche dédiée à l'acquisition
de terres agricoles du Québec qui soit dans un but purement spéculatif. Nous
rejetons toute entreprise agricole qui
ne soit pas axée sur la gestion, l'opération, la valorisation et la pérennité
des terres agricoles. Et nous rejetons toute entité qui ne ferait pas
une place de choix à la relève. Mesdames et messieurs, merci.
La Présidente (Mme Léger) : Merci beaucoup,
Mme Gagnon. C'est toujours beau de voir un père et sa fille. Merci d'être ensemble en commission parlementaire,
ici. Merci d'être partenaires. Alors, je cède la parole aux députés
ministériels pour 13 minutes. M. le député de Mégantic.
M. Bolduc : Merci, Mme la Présidente. Madame, on
n'a pas... beaucoup de temps, mais j'aimerais bien que vous nous donniez un peu votre présentation en synthèse
de Partenaires agricoles, quand est-ce que vous avez été créés, combien
de terres vous possédez, nous donner un peu une idée de qui vous êtes.
• (20 h 30) •
Mme Gagnon (Éloïse) : Qui on est, de ce qu'on fait. Mme la Présidente,
alors, je vais tout d'abord commencer par
dire un peu le modèle d'affaires de Partenaires agricoles, qui se distingue
peut-être des autres sociétés d'investissement qu'on a pu entendre ou dont on a entendu parler. Partenaires agricoles
est une société d'investissement qui acquiert soit à 100 % ou à 50 %, en partenariat, des
terres agricoles. Quand nous achetons des terres agricoles à 50 %, c'est
avec la relève, la relève qui vient
nous voir, qui nous dit : Écoutez, nous, on veut faire un partenariat avec
vous soit parce qu'on veut prendre de l'expansion, soit parce qu'on veut
gérer le fardeau de la gestion quotidienne des opérations.
Quand nous achetons une terre agricole à
100 %, c'est que nous l'achetons avec des exploitants qui veulent léguer. Ils n'ont pas de relève proche, familiale
ou autre, et ils veulent monétiser leur actif agricole, alors on achète leur
terre agricole. Quand on achète les terres
agricoles, on garde tout le personnel qui est en place avec nous. On demande
aux exploitants qui sont déjà en place de
rester avec nous au moins pour une période de trois ans. Dans certains cas, on
comprend qu'il y a des exploitants agricoles
qui souffrent, qui sont malades, alors on fait une exception. Mais, si ce n'est
pas le cas, parce que
ces gens-là ont l'historique de la terre avec eux, on leur demande de rester
avec nous. Donc, voici un peu le modèle de partenariat de Partenaires
agricoles.
On a en ce moment quatre terres qu'on est sous
gestion... Pardon.
La Présidente (Mme
Léger) : M. le député de Mégantic.
M. Bolduc :
Merci, Mme la Présidente. De quelle superficie on parle pour ces quatre
terres-là?
Mme Gagnon
(Éloïse) : Mme la Présidente, je laisserais la parole à mon...
La Présidente (Mme
Léger) : M. Gagnon.
M. Gagnon
(Clément) : Mme la Présidente, ça totalise 1 550 hectares.
M. Bolduc :
Puis dans quelles régions elles sont localisées, ces terres-là?
M.
Gagnon (Clément) : Nous privilégions trois centres, qu'on appelle,
nous, des centres de développement, soit dans Québec-Appalaches, le
Centre-du-Québec, mon coin d'origine, Lotbinière et le Témiscamingue.
M. Bolduc :
Témiscamingue. Puis, le deuxième, vous avez mentionné la région de...
M. Gagnon
(Clément) : Le Centre-du-Québec, Lotbinière...
M. Bolduc :
O.K. Centre-du-Québec. O.K.
M. Gagnon
(Clément) : ...Trois-Rivières d'un côté du canal et...
M. Bolduc :
Puis depuis combien d'années votre groupe est en opération?
M. Gagnon
(Clément) : Depuis 2012.
M.
Bolduc : 2012. O.K. Est-ce que vous avez une spécialité agricole ou
vous allez dans tous les champs d'activité?
M.
Gagnon (Clément) : Nous avons sept cultures, elles ne sont pas
exclusives, là, mais le soya, canola, maïs-grain, avoine nue, chanvre,
pommes de terre.
M.
Bolduc : Maintenant, vous avez été ici une bonne partie de la journée,
donc vous avez entendu beaucoup de débats
sur le sujet de la commission, ce qui est l'accaparement des terres. Est-ce que
vous considérez que vous faites de l'accaparement des terres?
Mme Gagnon (Éloïse) : Mme la Présidente, quand on me dit accaparement de terres agricoles, ce
à quoi moi, je pense, je pense aux
entreprises chinoises qui vont dans certains pays d'Afrique, qui achètent
1 million d'hectares et qui gardent
pour eux tout le produit que ces terres-là procurent. Ça, pour moi, c'est de
l'accaparement de terres agricoles.
Quand
je regarde ce que nous, on fait... Parce que je ne peux pas me prononcer pour
ce que les autres font. Mais, quand
je regarde ce que nous, on fait, quand je vais sur le terrain, quand je parle à
la relève, quand je parle aux agronomes, aux agriculteurs vieillissants qui nous appellent et disent : Non, on
vous voit comme une forme de solution, je ne vois pas en quoi on fait de l'accaparement de terres
agricoles. On fait de la création d'emplois, on fait de la création de la
richesse rurale, on aide les gens qui
veulent monnayer leur actif agricole à le faire. Et, si on achète une terre et
que, deux ans après, il y a une
relève qui dit : Aïe! écoutez, vous, la terre que vous avez achetée, elle
est juste à côté de la terre de mon père, est-ce que je pourrais vous la racheter?, oui, absolument. Je suis une
relève, je suis une entrepreneure, je comprends c'est quoi, avoir un rêve, une vision, une mission.
Donc, nous, notre objectif, c'est d'aider, justement, cette relève-là à faire
le pas dans l'agriculture et d'avoir le
financement nécessaire pour le faire. Donc, pour répondre à votre question,
Mme la Présidente, accaparement de terres dans ce sens-là, non, je ne le vois
pas.
M.
Bolduc : O.K. Donc, vous préconisez un nouveau modèle d'investissement
qui se fait via un capital-actions, O.K., à partir duquel vous allez
travailler en partenariat avec les producteurs locaux, j'imagine.
Mme Gagnon
(Éloïse) : Exact.
M. Bolduc :
Et l'approvisionnement se fait localement aussi?
Mme Gagnon
(Éloïse) : Exact.
M. Bolduc :
O.K. Donc, un peu le modèle de Pangea, mais dans un autre champ d'activité, à
une autre échelle. Non, mais sans...
Mme
Gagnon (Éloïse) : Complètement différent, mais oui, à peu près le
même.
M.
Bolduc : Non, mais je comprends, là. O.K. Maintenant, quand vous parlez de partenariat à 50 % avec une relève agricole, pourriez-vous élaborer sur comment vous
faites ces ententes-là? Et, si le partenaire ou la relève veut acheter les
terres, est-ce qu'il y a des modalités qui font que le partenariat, là, peut
changer, évoluer, se développer? Comment vous faites ça?
Mme Gagnon (Éloïse) : Absolument. Mme la
Présidente, quand on fait un
partenariat R50-50 avec une relève, c'est justement, pour nous, une
façon de les aider à la prochaine étape, qui est, pour eux, de détenir 100 %
de la terre. Donc, c'est sûr qu'on les
achemine, qu'on les aide à passer à travers les différentes étapes pour se
rendre là. Donc, quand on fait un partenariat 50-50, c'est un
partenariat tant au niveau des dépenses, au niveau de la gestion, au niveau des
achats de terres si, justement,
l'agriculteur souhaite augmenter la superficie qu'il exploite. Et, s'il nous
dit : Bien, écoutez, nous, on
fait un partenariat 50-50 pour huit ans, pour 10 ans, mais qu'après trois ans
il dit : Écoutez, moi, maintenant, avec les connaissances que j'ai
acquises, avec l'assurance que j'ai prise dans la gestion de mes terres
agricoles, j'aimerais maintenant vous
racheter votre 50 %, il y a possibilité de le faire, absolument. On
regarde exactement la valeur de la terre, on regarde l'évaluation qui est faite par la municipalité, on regarde
l'évaluation qui est faite de façon indépendante par des évaluateurs
indépendants, on établit un prix, et il nous rachète.
M.
Bolduc : Est-ce que vous pourriez nous donner... Est-ce que vous
établissez ce prix-là en fonction du marché courant? Est-ce que ça,
c'est dans l'entente initiale, dans le contrat initial? Comment...
Mme Gagnon
(Éloïse) : Oui, exact. C'est vraiment établi sur la juste valeur
marchande.
M. Bolduc :
Juste valeur marchande.
Mme Gagnon
(Éloïse) : Donc, c'est pour ça qu'on va regarder l'évaluation
municipale. Ensuite, on va aussi regarder
des évaluations indépendantes qui se sont faites. On va regarder les
transactions qui se sont faites dans la région, courantes. Je ne vais pas aller prendre un prix dans une région qui
n'est pas applicable à une autre région, donc vraiment localement qu'est-ce qui se fait. Et, ensuite, on
va discuter, on va parler d'un prix. Mais le nom Partenaires agricoles vient
de ça, d'un partenariat. Quand je travaille,
on travaille avec une relève à 50 %, moi, je veux qu'elle ait 100 %.
Donc, c'est un dialogue ouvert. Ce
n'est pas : De notre côté, on établit un prix, voici notre prix, voici
l'offre finale. C'est un dialogue ouvert qu'on continue d'avoir avec
eux.
M. Bolduc :
Outre l'apport pécunier, qu'est-ce que vous amenez à la table de vos
partenaires?
Mme Gagnon
(Éloïse) : Des agronomes, de l'expérience.
M. Bolduc :
De l'expertise.
Mme Gagnon
(Éloïse) : De l'expertise, exactement.
M. Bolduc :
O.K. Donc, ça, c'est un des points très importants. Maintenant, ces
agronomes-là, c'est des gens d'expérience, c'est des gens qui...
Une voix :
...
M.
Bolduc : Ah! il est là, le coupable? O.K. Non, mais c'est important
parce que, si on veut accroitre la productivité, il faut amener soit de la technologie, ou de la compétence, ou les deux,
c'est encore mieux. Mais c'est ça que vous faites dans la réalité.
Mme Gagnon (Éloïse) : Mme la Présidente, ce qu'on apporte, nous, avec nous, c'est
l'expérience et la passion des
agronomes qui ont aussi la même vision que nous, la même mission que nous qui
est de transmettre cette connaissance-là à la relève et, justement, leur permettre d'apprendre et de continuer.
Parce que ce qu'on apprend à l'école, c'est une chose. Et ce qu'il y a dans la vraie vie, c'est souvent
une autre. Donc, c'est d'accompagner ces jeunes-là avec des gens d'expérience
pour leur permettre d'être mieux outillés pour gérer leurs propres terres.
M. Bolduc : Vous avez vu les modèles dont on a discuté, qu'est-ce que vous pensez
du débat de l'Union paysanne précédemment
où on voudrait ouvrir l'agriculture? Est-ce que c'est quelque chose qui semble
répondre un peu au modèle que vous voulez développer ou vous êtes
ailleurs? Ou comment vous voyez ça?
Mme Gagnon (Éloïse) : L'Union paysanne, ils ont leur vision, ils ont leur façon de voir les
choses. Nous, Partenaires agricoles,
on a la nôtre. Je pense que le mandat d'initiative présent, je pense que
c'était une nécessité. Nous sommes bien contents qu'il ait lieu parce
que je pense que ça donne l'opportunité à différents intervenants de se faire entendre et d'expliquer, justement, qu'est-ce
qu'on entend par accaparement des terres agricoles et ce que ça représente
pour notre garde-manger du Québec.
La Présidente (Mme
Léger) : Oui.
Mme Gagnon (Éloïse) : Mme la
Présidente, M. Lanciault...
La Présidente (Mme Léger) : Oui,
bien sûr. C'est M. Lanciault? Oui.
• (20 h 40) •
M. Lanciault (Claude) : Oui.
Moi, je suis un producteur agricole, je siège sur le conseil d'administration
de Partenaires agricoles. Je n'ai aucun
projet avec Partenaires agricoles, dans le sens que je ne suis pas lié d'aucune
façon. Moi, mon but principal, c'est que je vois arriver... Juste faire
un petit préambule pour revenir, moi, je vois arriver des nouveaux
capitaux — tout
le monde devrait être content — qui s'en vont dans le monde agricole.
Deuxième chose, comment peut-on les orienter
tout en conservant la pérennité agricole puis la relève agricole? Moi, je me
vois un peu comme la conscience agricole au sein du conseil
d'administration.
Mais, si on
revient à votre question de tantôt avec l'Union paysanne, sans dire que c'est
des voeux pieux, c'est agréable, ça
peut être bucolique, et ainsi de suite, mais il faut toujours garder en tête la
rentabilité. Si tu as une mauvaise année...
En 2014, on sait que, les producteurs agricoles ici, ça n'a pas été terrible.
Mets-en deux, trois de suite, à un moment donné ça prend des capitaux pour supporter ça. Donc, il faut toujours
garder en tête, peu importe le modèle de production, c'est la
rentabilité. Sinon, tes financiers, que ça soit les caisses, banques ou ainsi
de suite, ils vont venir tirer la plug.
La Présidente (Mme Léger) : Merci.
C'est tout le temps que nous avons. M. le député de Bonaventure.
M. Roy : Merci, Mme la
Présidente. Donc, bonsoir, Mme Gagnon, M. Gagnon, M. Lanciault
et M. Béliveau. Question très large : Quel est votre intérêt à
investir dans l'achat de terres agricoles?
Mme Gagnon (Éloïse) : Mme la
Présidente...
M. Gagnon
(Clément) : Mme la Présidente, c'est toujours... c'est un cas de
relève, hein? Il faut que tu laisses la place à ta relève, qu'elle se
manifeste, mais ce n'est pas l'envie...
La Présidente (Mme Léger) : Elle
vous a donné un coup de coude, allez-y.
M. Gagnon (Clément) : Elle m'a
autorisé. Notre intérêt, M. le député de Bonaventure, il est fondamental. J'ai 69 ans, 70 bientôt. Je suis en affaires
depuis presque tout le temps. J'ai fait le constat... Parce que nous avons été
pendant plusieurs années dans les
ressources naturelles. Ma fille, en retour de voyage aux États-Unis pour les
ressources, elle entend parler des terres agricoles, elle me revient, on
constate.
Ma famille,
les Gagnon, on cultive la terre depuis 1668. D'abord, l'île d'Orléans,
Château-Richer, ils ont descendu jusqu'à
Lotbinière — je suis
originaire de Fortierville, le plus beau village dans le comté de
Lotbinière — et ils
ont descendu dans Lotbinière. Alors,
on cultive la terre. Mes parents, mes grands-parents, toute ma famille est dans
le domaine agricole. Alors, il y a
quelques années, en 2012, on s'est dit : Qu'est-ce qu'on peut faire, nous,
pour l'agriculture? Il y a un domaine... Chose fondamentale que personne ne peut nier, la population est
vieillissante. Il y a trois 55 ans pour un 20 ans. On s'en va à vitesse grand V vers un mur de ciment. Peu
importe ce qu'on a dit, qu'est-ce qui se dit depuis deux jours, là, c'est ça,
la réalité. La réalité, il y a trois
55 ans, on s'en va... Le 55 ans et plus, là, nous, on en a, là, on en
a six actuellement qu'on est en train de négocier, malades. Malades, un
certain âge, pas de relève et endettés.
On a peu
soulevé le problème de l'endettement des producteurs agricoles. C'est un
problème majeur. Le problème majeur, madame, messieurs, ce n'est pas
l'accaparement. Le mot est tout à fait erroné, là, c'est plutôt l'occupation du
territoire. Puis il n'y a pas d'accaparement
au Québec, là. L'accaparement, c'est quand tu accapares 500 000,
1 million d'hectares, comme disait tantôt Éloïse. Ça, tu accapares,
mais pas les quelques milliers d'hectares au Québec.
Alors, nous,
on s'est dit : Qu'est-ce qu'on peut ajouter à ça? Qu'est-ce qu'on peut
faire pour l'agriculture? Parce que
c'est visible, là, on s'en va à vitesse grand V, le Québec... On s'est
dit : Bon, nous, notre rapport, notre legs à la société, on va réunir des investisseurs québécois à
100 % qui partagent avec nous la notion fondamentale de pérennité des
terres agricoles et aussi un
rendement. Si tu n'as pas de rendement, tu n'as pas de business. Il faut être
clair là-dessus. Alors, si tu n'as
pas de rendement sur tes terres de tes cultures, ne sois pas dans
l'agriculture. Alors, c'est ça, rapidement dit, qui nous a amenés dans
le domaine.
La Présidente (Mme Léger) : M. le
député de Bonaventure.
M. Roy : Ce matin, je pense
que vous avez entendu, quand même, les cris du coeur des jeunes qui sont venus
présenter des situations problématiques, qui nous parlaient, là, du fait qu'ils
n'avaient pas la possibilité d'acheter des terres.
On nous a parlé aussi du danger de la dévitalisation de certains villages, bon,
du danger aussi de voir des terres peut-être usées un peu de manière
prématurée, etc. Dans un contexte où un jeune est en compétition avec un de vos
processus d'achat, comment vous allez réagir?
Mme Gagnon
(Éloïse) : Mme la Présidente, j'ai non seulement entendu le cri du coeur de ces jeunes ce matin,
mais je l'ai compris parce que,
comme je disais tantôt, je sais c'est quoi, être une relève, je sais
c'est quoi, devoir travailler
très dur pour arriver à ses fins. Donc, je comprends ces jeunes-là.
Là, où je changerais peut-être
la prémisse de votre question, c'est quand vous dites : Quand un jeune est
en compétition avec vous. Non, un jeune, une
relève n'est pas en compétition avec Partenaires agricoles. Un jeune qui veut
s'établir dans une région, il me dit : Écoutez, moi, je veux acheter x
terres. Parfait, excellent, est-ce qu'on l'achète ensemble? Si vous avez des
embûches administratives à aller vous
chercher du financement ailleurs, on va vous tendre la main, on va l'acheter avec vous, cette
terre-là. Et, au moment où vous allez être prêt, où vous allez avoir
l'assurance que vous allez pouvoir
gérer à bon escient cette terre-là à 100 %, on va vous la revendre. Pas à un prix avec une
prime, pas à un prix exorbitant, exactement
au même prix que votre marché local vend ses terres agricoles. C'est pour ça que je vous dis : Pas en
compétition, mais en partenariat avec Partenaires agricoles. Les...
M. Gagnon (Clément) : Écoutez, c'est
le cas de la relève... Mme la Présidente, est-ce que je peux?
La Présidente (Mme Léger) : Allez-y,
M. Gagnon, si monsieur... M. le député de Bonaventure, ça va?
M. Roy : Oui, allez-y.
M. Gagnon
(Clément) : Oui. Je disais tantôt, parce que c'est fondamental pour la
société québécoise : On achète soit 100 %, soit 50 %. 50 %,
c'est un cas de relève. 100 %, c'est quelqu'un, comme je vous disais
tantôt, un cas... On a un cas, cas de
relève, 40 ans, qui a vu très grand, il s'est endetté trop. Il dit : Moi,
le 100 %, je ne veux pas, j'ai 40 ans. J'ai dit : Le 100%, je n'en
veux pas non plus, tu es trop jeune. Nous, on veut un partenaire. Il dit :
50 %, je ne peux pas. Et c'est dans la région du député... Et j'ai dit : Qu'est-ce que tu
serais capable de faire? Il dit : Si vous m'aidez, là, 80-20. Après
consultation, on accepte, puis on va t'aider pour ton 20 %, alors, puis le
80 %, bien, il est à nous... Excuse-moi, 80 % est à nous,
20 % à lui.
La Présidente (Mme Léger) : M. le
député de Bonaventure, il vous reste une minute.
M. Roy :
Vous avez actuellement 1 550 hectares. C'est ça que j'ai bien
compris. Dans le modèle, combien d'hectares sont à 50 % — je ne
sais pas si vous pouvez nous le dire — et à 100 %? Je veux
dire...
M. Gagnon (Clément) : C'est
moitié-moitié.
M. Roy : Moitié-moitié.
M. Gagnon (Clément) : Oui.
M. Roy : Vous avez à peu près
775 hectares qui vous appartiennent.
M. Gagnon (Clément) : Autour de,
oui.
M. Roy : O.K. Écoutez, c'est quoi le modèle? Donc, si je comprends bien, vous avez des structures de partenariat
qui sont différentes selon la volonté
d'engagement d'un agriculteur ou d'un jeune. Ce n'est pas un modèle unique, c'est
différent...
M. Gagnon (Clément) : Absolument. Ce
n'est pas un modèle unique.
Mme Gagnon
(Éloïse) : Mme la
Présidente, c'est pour ça qu'on dit qu'on s'adapte à la relève. C'est ça qu'on
dit. Quand on crée de la relève, on crée des possibilités pour elle. C'est ça
que ça veut dire.
La Présidente (Mme Léger) : Merci
beaucoup. Mme la députée de Mirabel.
Mme
D'Amours : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bonsoir, messieurs,
madame. Ce matin, aujourd'hui, on entendait
un autre groupe, Pangea, qui disait que le producteur agricole qui était
associé avec lui, qui avait 51 % des parts, c'était lui qui
décidait, en fait, ce qu'il allait produire sur la terre, la machinerie qu'il
achetait, quel concessionnaire il voulait aller, il voulait garder ça... Est-ce
que, chez vous, c'est la même chose?
• (20 h 50) •
Mme Gagnon
(Éloïse) : Mme la
Présidente, quand nous, on achète une terre à 50 %, la personne qui nous
la vend veut continuer d'être
impliquée, on s'entend, mais il y a toujours un dialogue. Donc, entre nos
agronomes et lui, ils vont discuter
des cultures, des travaux qu'il y a à faire sur la terre, de la machinerie qui
est nécessaire. Donc, si
l'agriculteur dit : Écoutez,
moi, je fais telle, telle, telle culture et que les agronomes, tout le monde disent : Oui, ce sont des bonnes cultures, on va continuer,
l'année prochaine on va faire des rotations, c'est une question de dialogue, ce
n'est pas... C'est pour ça que le 50-50
intéresse beaucoup les gens avec qui on parle, parce que
les questions, les réponses, les solutions, on les trouve ensemble. Et, souvent, ces producteurs agricoles là vont
poser des questions à l'agronome, dire : Qu'est-ce que tu en penses? Moi, je ferais ça comme ça. Ça
fait 10 ans que je fais ça de même. Est-ce que je continue de le faire de
même? Puis l'agronome, il dit : Peut-être
qu'on pourrait faire ça autrement, voici les solutions que j'apporte. Donc,
c'est vraiment une question de dialogue.
Mme
D'Amours : Est-ce que vous
avez des contrats d'écrits quand il y
a une relève qui est à 0 %, là, qui arrive, qui dit : Moi, je n'ai pas de capital, je
voudrais me partir en affaires? Vous avez une ferme que vous avez achetée,
est-ce que la relève a dans le
contrat d'engagement que vous signez avec... est-ce qu'il y a, dans 10 ans, le
choix d'acheter ou si c'est en tout
temps? Est-ce qu'il y a un contrat, des papiers de signés qui garantissent au
producteur ou la relève de, un jour, devenir propriétaire?
Mme Gagnon
(Éloïse) : Oui, absolument.
Mais il y a aussi... on fait un constat avec la relève, est-ce qu'ils ont,
à un moment donné — à un moment qu'eux jugent opportun — la capacité financière de prendre une part
de l'actionnariat et aussi, ce qui
est très important, est-ce qu'ils ont la capacité de gérer la terre aussi à un
certain pourcentage. Et, une fois qu'on
a ces conditions-là de réunies, oui, on s'assoit ensemble, et on regarde, et on
dit : O.K. Parfait. Combien tu penses que tu es capable de gérer? Combien est-ce que tu penses que tu es
capable d'acheter? Et, de là, on s'en va en grandissant.
Mme
D'Amours : Là, on vous écoute, vous avez une mission, vous avez une
passion, une mission. Demain matin, on
est tous contents, on a de la relève, ils ont de l'argent. Demain matin, vous
n'avez plus de fermes, vous les avez vendues à vos relèves — c'est
hypothétique, là — est-ce
que votre but... Dans le fond, ma question : Est-ce que votre but, c'est
d'avoir plusieurs fermes ou si c'est d'en avoir en attendant que la relève
arrive? J'essaie de comprendre votre vision, votre mission. Je sais que vous êtes des gens d'affaires puis vous venez de
d'autres milieux, puis que c'est courant qu'il y a du mentorat, qu'il y a des gens d'affaires qui vont
investir dans les entreprises, mais, en agriculture, c'est assez rare. On n'a à
peu près jamais vu ça, là, c'est là qu'on le voit. Alors, demain matin, là, ça
va tout le temps bien en agriculture, toutes les productions vont bien,
toute votre relève achète les fermes. Est-ce que vous allez vous retirer?
M. Gagnon
(Clément) : Mme la Présidente, on a estimé, nous, qu'il y avait 100 000 hectares de disponibles au Québec d'ici les cinq prochaines années. Il y en aura 200 000 dans
les années suivantes. L'espace, il est énorme. Comme Éloïse le
soulignait tantôt, qui va racheter ces terres-là? Nous, on est pour la relève.
Puis on a des témoignages de la relève, on
fait tout pour intéresser la relève. Mais ça nous prend de l'argent, et de un.
Et, deux, pour répondre à votre question, il y en aura toujours et il y en aura de plus en plus. Je vous dis, notre
vision à nous, notre point de vue à nous, c'est qu'on s'en va vers un mur de ciment avec nos terres
agricoles si on ne fait rien. Hier matin, j'écoutais — c'est parce qu'on est ici depuis hier midi — certains avaient de la difficulté à avoir
les chiffres. Pourtant, c'est très simple, il y a 29 437 fermes au Québec. La dette moyenne des fermes au Québec
est de 441 788 $. L'actif moyen d'une ferme, là, c'est
1 675 429 $. La valeur
nette moyenne, 1 233 640 $, et la dette sur la valeur nette est
de 35,81 %. Population vieillissante, endettée, peu de relève. Le
marché, il est énorme.
La
Présidente (Mme Léger) : Merci. J'arrête là. Alors, je veux remercier
Mme Éloïse Gagnon, M. Clément Gagnon, M. Claude Lanciault, M. Jean
Béliveau, des Partenaires agricoles. Merci infiniment de votre venue.
Je suspends quelques instants, le temps que le
groupe de la Coalition pour la souveraineté alimentaire puisse s'installer
(Suspension de la séance à 20 h 55)
(Reprise à 20 h 57)
La
Présidente (Mme Léger) : À l'ordre! Merci. Nous sommes heureux de
recevoir la Coalition pour la souveraineté alimentaire. M. André
Beaudoin, merci. Bienvenue. Vous avez 10 minutes de présentation.
Coalition pour la souveraineté
alimentaire (CSA)
M.
Beaudoin (André D.) : Merci beaucoup. Donc, je suis André Beaudoin,
d'abord et avant tout agriculteur en Mauricie.
Je suis secrétaire général d'UPA Développement international, qui est membre de
la Coalition souveraineté alimentaire
depuis sa fondation, et c'est donc à ce titre de représentant de la coalition
que je me trouve devant vous aujourd'hui.
Donc, la
Coalition de la souveraineté alimentaire a été créée suite à la Déclaration de
Montréal, c'est-à-dire il y a sept
ans, et elle est née d'une volonté d'une quarantaine d'organisations qui sont
réunies au sein de quatre collèges dans la coalition, quatre collèges qui représentent les syndicats agricoles
et les syndicats des travailleurs dans l'agroalimentaire, les coopératives et leurs fédérations, les
organisations environnementales, les organisations qui s'intéressent à la
sécurité alimentaire et au consumérisme, ainsi que les organisations de
développement international dont je fais partie.
La Coalition
de la souveraineté alimentaire aurait pu se nommer autrement. En Europe, par
exemple, on parle de préférence
communautaire quand on veut décrire l'importance qu'on accorde à l'alimentation
sur un territoire donné. On parle
aussi de plus en plus d'agriculture territorialisée. Tous ces termes, en fait,
définissent cette notion à laquelle on est
attachés, c'est-à-dire la capacité de décider des politiques alimentaires et
agricoles dans une région donnée, dans un pays, et donc c'est un élément
important à tenir en compte.
• (21 heures) •
Donc, la
coalition est heureuse de se retrouver ici aujourd'hui pour parler de quelque
chose qui est assez fondamental, la
question de l'accaparement des terres. Et, dans ce sens-là, de par sa
composition, de par sa position, la coalition est, en quelque sorte, une forme d'observatoire. Et je
vous ai dit qu'il y avait des membres de la coalition qui interviennent en coopération
internationale, et, à ce titre, on a été à même, depuis plusieurs décennies,
d'observer le phénomène d'accaparement des terres.
Je ne vous
apprendrai rien en vous disant que ce
phénomène d'accaparement a été, pour la première fois, identifié ou nommé par les paysans sans terres du Brésil.
Mais on sait également que, par
exemple au Salvador, il y a
eu une large rétrocession des terres
qui a été orchestrée, entre autres, par les États-Unis parce que
ce pays-là devenait ingouvernable, du
fait qu'au fil du temps l'accaparement des terres avait fait en sorte que
c'étaient des grands groupes, des multinationales qui avaient le pied sur le territoire
sans que le monde... en fait, les citoyens de ce pays puissent intervenir. On sait, au
Chili, qu'on peut même presque parler
de... Si on sait qu'il y a des paysans sans terres, on peut même dire qu'il y a
des pays dont les gouvernements sont presque sans terres parce
que, finalement, la terre appartient
à des étrangers. Et le Chili est un
bel exemple, les plus grandes surfaces, les plus beaux territoires
du Chili appartiennent à des intérêts étrangers. Et, pour juste finir sur cet aspect-là, l'an passé, en Italie, il y a
22 000 propriétés agricoles
qui sont passées dans les mains d'étrangers.
Donc, ce
n'est pas un phénomène qui est québécois, canadien, c'est un phénomène qui est
mondial. Et, dans ce sens-là, je
pense que c'est important de s'y arrêter parce que, même si on ne voit pas de
problème ici dans l'immédiat, selon
l'angle par lequel on le regarde, force est de constater qu'il peut en devenir
un assez important. Et donc le premier élément
qu'il faut tenir compte, c'est de savoir que présentement, s'il y a un intérêt
si grand pour le foncier, c'est parce que
c'est un des investissements les plus rentables et qu'on est, dans bien des
régions du Québec, déjà dans une situation où la valeur spéculative des terres est plus grande que la valeur
agronomique. Et ça, c'est un problème fondamental pour des investissements agricoles comme pour n'importe
quel secteur d'activité économique lorsque la valeur... Lorsque la rentabilité ne se retrouve pas, du fait que la
valeur est surestimée, bien, il y a d'autres formes d'intérêts qui entrent en
jeu, et, la plupart du temps, ça s'appelle de la spéculation.
Donc, la
valeur spéculative des terres vient interférer, à notre point de vue, sur la
capacité... ce qu'on appelle les accès
pour l'agriculture familiale. Donc, je le dirais dans d'autres mots, les excès
du capitalisme viennent nuire aux accès nécessaires à l'agriculture familiale. Et ces accès-là sont les
suivants. D'abord, les intrants. Donc, dans les intrants, on retrouve la terre, l'eau, les semences, les
engrais, etc. Les connaissances et la recherche. De plus en plus, on se rend
compte que ce qui accompagne les
investissements des spéculateurs, c'est d'avoir un contrôle sur la
connaissance, donc tout le service-conseil qui est offert, qui échappe,
finalement, à des intérêts déliés de l'exploitation agricole. Les technologies
et les techniques adaptées. Le financement.
C'est un élément qui vient tout juste d'être soulevé avant moi, mais il faut
savoir que, lorsque tu ne possèdes pas de
terre, ta capacité d'obtenir du financement, elle est drôlement plus limitée.
Et donc c'est un cercle vicieux dans
lequel on s'enlise présentement en acceptant qu'une solution... Et, encore là,
je veux être clair, on ne dit pas
qu'il faut bannir, mais on dit que, si on ne circonscrit pas le phénomène, on
glisse dangereusement vers une situation qui va être de plus en plus
difficile à contrôler.
L'autre aspect qui nous apparaît extrêmement
important, c'est que le Québec a fait des efforts depuis très longtemps pour circonscrire le phénomène de la
spéculation des terres. On a commencé avec le zonage agricole en 1976.
On a voté une loi pour l'acquisition par des non-résidents des terres
agricoles. On l'a fait dans quel but? On l'a fait, justement, dans le but de circonscrire le phénomène, et on est obligé de
se rendre compte que le concept de non-résident, comme n'importe quel concept, évolue dans une société, et aujourd'hui
force est de constater que des groupes qui sont peut-être à ce moment-ci d'intérêt québécois, mais qui sont non-résidents au sens de la
définition qu'on s'est donnée à l'époque de cette loi... C'est-à-dire ce
n'est pas des gens qui vivent dans la région, ce n'est pas des gens qui vivent
de l'agriculture. Donc, en quelque sorte, ils sont non-résidents
de l'agriculture, et ça a pour effet qu'il faut imaginer... Et c'est là, moi, je pense, qu'on doit avoir en tête le
phénomène, c'est... la première génération n'est peut-être pas un problème
qui est insurmontable, mais ces regroupements de terres vont être transférables
de quelle manière et auprès de quels investisseurs?
On sait que la Caisse de dépôt et placement du Québec investit dans des terres
à travers des fonds ailleurs dans le monde. Pourquoi ce serait différent
chez nous?
Donc, le vrai
problème, c'est l'incapacité de contrôler le phénomène et de se retrouver dans
une situation où, petit à petit,
finalement, les transferts de ces actifs-là vont se faire à travers des fonds
qui vont être de plus en plus difficiles à, je dirais, à repérer, qui vont se fondre dans le portrait économique
mondial, et là ça va complètement échapper, je dirais, à l'intérêt du
Québec. Et donc, pour nous, c'est un élément extrêmement important.
On a parlé
beaucoup, les deux derniers jours, de la capacité de garder le patrimoine
familial agricole. Bien, si, dans le contexte dans lequel on évolue,
c'est de plus en plus difficile de garder le patrimoine familial agricole,
quelle garantie qu'on a, dans l'état des
lieux actuel, que l'État québécois, avec les éléments dont il dispose, va être
en mesure de conserver le patrimoine
agricole au niveau collectif? Or, on admet volontiers que, dans d'autres
secteurs, ça prend des aires
protégées. On a la forêt publique pour, justement, préserver les intérêts
collectifs des Québécois, et on ne ferait rien pour ce qui est le garde-manger des Québécois, c'est-à-dire les terres
agricoles? Je pense que ce serait une erreur assez importante si on
faisait ça.
On sait,
actuellement, que ce qui intéresse les grands investisseurs, c'est des lots de
terres, des volumes importants regroupés.
Mais ce n'est pas, justement, ce qui est en train de se faire, du remembrement
de terres à travers des fonds qui sont
à leur première génération et qui, tantôt, feront l'envie de certains groupes,
certains intérêts spéculatifs qui diront : Bien, voici une belle occasion, au Québec, dans un territoire où
l'agriculture est quand même dynamique, de posséder des terres, donc,
avec des volumes importants?
Voilà les
principaux éléments qu'on voulait faire ressortir dans le cadre de cette
intervention, Mme la Présidente.
La
Présidente (Mme Léger) : Merci. Merci beaucoup, M. Beaudoin.
Alors, l'équipe du gouvernement, ministérielle, c'est à monsieur... Dans
le fond, c'est Mégantic qui va commencer, M. le député de Mégantic.
M.
Bolduc : Merci, Mme la Présidente. Bonsoir, monsieur. Ça me fait
plaisir de vous recevoir. Écoutez, vous nous parlez à la page 5 de la notion de résident et non-résident.
Je vous lis le texte : «Cependant, selon la coalition, un "résident" au sens de la loi devrait
être considéré comme un "non-résident" — bien, c'est frapper une loi, là, ça — lorsqu'il acquiert des terres agricoles qu'il ne cultivera ou n'habitera pas
lui-même.» Je ne sais pas, là, mais, dans la région où je demeure, là, de ça, là, vous allez... tout le
monde va être proscrit, là. On va avoir un problème assez sérieux. Je comprends
mal le sens de cet élément-là parce que des terres...
M. Beaudoin (André D.) : Bien, je
peux tenter de vous l'expliquer à travers mes propos. C'est qu'à partir du moment où, d'abord, une personne morale achète des
terres, c'est déjà en soi une difficulté de le qualifier de résident, bien qu'on sait qu'au sens de la loi il l'est.
Mais, en fait, notre propos est assez simple, c'est : À partir du moment
où c'est des intérêts qui ne sont pas
agricoles, hein, qui sont des fonds spéculatifs, qui... même s'ils sont
québécois, qui détiennent des territoires, nous, on estime qu'il faut
faire évoluer la notion de la loi qui stipulait qu'on veut bloquer la route aux
non-résidents. Parce qu'on considère que,
quand cette loi-là a été passée, on n'avait pas le phénomène d'accaparement
des terres. Maintenant, on sait que c'est
quelque chose qui est en progression. Le rythme de croissance des achats de
terres par des intérêts autres que des agriculteurs, on le sait qu'il
est en croissance.
Donc, à
savoir si c'est excessif, pas excessif, grave, pas grave, la vraie question
aujourd'hui, ce n'est pas celle-là, c'est
de se dire : Est-ce que c'est quelque chose qui nous guette et qui peut
être un danger réel, une menace réelle pour le développement de l'agriculture dans le futur? Et nous, on pense que
oui, et donc on dit : Il faut faire évoluer dans la loi le concept
de non-résident. Voilà.
• (21 h 10) •
M.
Bolduc (Mégantic) :
O.K. Si je regarde, par exemple, le prix des érablières, qui, depuis
10 ans, a monté d'à peu près 300 %
en favorisant, par le contrôle de la mise en marché, un prix fixe, donc on n'a
pas mis de prix sur les quotas, mais
le prix des érables est passé de 20 $ l'entaille à 60 $ l'entaille.
Là, ici, on a dit — puis on
l'a entendu abondamment dans les deux derniers jours — que
la valeur des terres agricoles a doublé, en fait, depuis 10 ans.
M. Beaudoin (André D.) :
5 000 $ quelque chose à 10 000 $.
M.
Bolduc
(Mégantic) : De 6 000 $ à 12 000 $
l'hectare, là, grosso modo. Mais, fondamentalement, vous nous avez dit
aussi tout à l'heure que la croissance des prix croît beaucoup plus rapidement
que la production, la valeur de production
qui en ressort de ces terres-là, ce qui fait un amenuisement ou une réduction
du rendement dans le temps. Si ça,
c'est vrai, comment se fait-il qu'il y ait de l'accaparement des terres par des
spéculateurs quand le potentiel de croissance est en déclin? Je suis un
peu confus par ça.
M.
Beaudoin (André D.) : D'abord, quand on est producteur agricole, ce
qui nous intéresse, c'est notre capacité de vivre de l'agriculture. Donc, quand on achète un bien agricole, une
terre en l'occurrence, on regarde ce qu'elle peut nous offrir, ce qu'elle peut nous rapporter. Quand
on est un investisseur, ce qu'on regarde, c'est notre capacité de spéculer.
En d'autres termes, il faut arrêter de se
mettre la tête dans le sable. C'est clair que les gens qui achètent des terres aujourd'hui, leur objectif, ce n'est pas de les
conserver, ces terres-là, c'est de les vendre. Et, tant qu'il y aura une croissance
sur la valeur des terres, il y aura un
intérêt, pour un spéculateur, d'acheter des terres. Donc, c'est aussi simple
que ça. Ça s'observe au Québec, ça
s'observe ailleurs dans le monde. À partir du moment où ce sont des fonds qui
achètent des terres, on se rend compte que le nombre de transactions
change de mains régulièrement, au même titre que n'importe quelle action ou bien qui est acheté sur les marchés
boursiers. Donc, l'objectif d'un spéculateur, ce n'est pas de garder la terre
pour la cultiver ou la faire cultiver. La
faire cultiver, c'est quelque chose qui lui permet d'attendre une bonne
occasion pour être capable de
revendre son actif, comme si vous achetez à la bourse des actions dans
n'importe quelle entreprise.
M.
Bolduc
(Mégantic) : On a mentionné aujourd'hui à plusieurs reprises,
en fait, qu'il y a beaucoup de terres au
Québec qui sont en location. Vous l'avez entendu aussi. Et ces terres de
location là, est-ce que ce n'est pas de l'accaparement ou de la spéculation? Parce que les propriétaires
ne veulent pas s'en départir, soi-disant pour une valeur émotive, mais l'argent, des fois, a beaucoup d'enjeux sur les
émotions. J'ai un peu de difficultés à différencier, si vous voulez, le
propriétaire que vous qualifiez de
non-résident parce qu'il ne l'occupe pas, la terre sur laquelle... ou les
terres qu'il avait, il les a louées à un autre producteur. Comment...
c'est-à-dire voyez-vous un peu...
M.
Beaudoin (André D.) : Je vois, mais là je trouve qu'on s'amuse un peu
avec le concept. Parce que, écoutez, là,
je suis producteur agricole, je suis propriétaire d'un certain nombre de terres
et je suis aussi locataire. Bon, je loue une terre, entre autres, d'un type qui est rendu depuis longtemps à la
retraite, qui, effectivement, ne veut pas vendre la terre et qui veut la léguer à ses enfants, mais qui ne
la cultivera pas. Mais il est toujours là, dans le rang. O.K.? Je ne considère
pas que ça, c'est de l'accaparement des
terres parce que oui, c'est mon voisin, je le cultive, au même titre que tu
peux être dans la municipalité
voisine. Ce n'est pas de ce phénomène-là qu'on parle. On ne parle pas de
consolider des entreprises agricoles,
on parle d'un phénomène où les gens viennent acheter des blocs de terres de 1 000,
2 000 hectares dans le but intentionnel, non avoué de les
revendre avec un bénéfice. C'est ça, la réalité.
Donc, on peut
bien essayer de vouloir camoufler les faits, mais ce fait-là, il est réel, il
est observable, il est mesurable. Si
on ne peut pas l'observer encore au Québec parce qu'il est trop récent, allons voir un peu
ailleurs comment ça se passe, et vous
allez vous rendre compte que le phénomène, le mode opératoire, il est connu, il
est facile à documenter et il mène irrémédiablement à l'endroit qu'on
vous présente présentement.
M.
Bolduc : Parce que je n'ai pas détaillé tout votre
mémoire, est-ce que vous avez des solutions, vous préconisez qu'on arrête à 1 000 hectares?
Pouvez-vous nous donner les pistes de solution que vous préconisez pour régler
ce type de problème que vous nous décrivez ce soir?
M.
Beaudoin (André D.) : En
tant que Coalition de la souveraineté alimentaire, on n'a pas de solution, je
dirais, formelle, a, b, c, d. Ce
qu'on dit, c'est qu'il faut que l'État réfléchisse à un mode de régulation qui demeure
dans l'esprit de ce que l'État québécois
a toujours préconisé depuis, au moins, les années 70
sous le gouvernement libéral avec Robert Bourassa, qui a amené à
la première loi du zonage agricole et la loi des acquéreurs non résidents.
Donc,
si on demeure dans cet esprit, et qu'on fait évoluer les concepts, et qu'on
ajuste notre réglementation, on pense
qu'on est capable de laisser vivre l'ensemble des agricultures existantes sur
le territoire du Québec et qu'on va mieux baliser, qu'on va mieux
circonscrire la spéculation des terres.
M.
Bolduc : Est-ce que vous
croyez... Et puis c'est un phénomène bien documenté aussi, c'est que, si on
regarde... Puis, dans nos régions
rurales, en fait, les rangs étaient pleins de monde. O.K.? On
retrouvait — j'en
avais beaucoup dans mon
comté — des
rangs qui avaient huit, 10, 12, 15 fermes, qui, maintenant, en ont une, deux et des propriétaires, des fermes que je
pourrais qualifier de plus ou moins familiales parce qu'on a passé une
génération, des fois on est à la deuxième,
troisième génération où, là, c'est des cousins ou la parenté est un peu plus
éloignée, là. Mais on retrouve une espèce
d'amalgame où les rangs, en fait, sont propriété d'un ou deux cultivateurs.
Puis ce phénomène-là ne va pas en se ralentissant,
mais plutôt, je dirais, en accélérant. On dirait qu'il faut être gros aujourd'hui pour réussir puis être capable de
vivre. Ils sont plusieurs sur une ferme, ils ont des employés, ce qui leur
donne des qualités de vie comparables à des gens, des professionnels qui travaillent sur un horaire de
40 heures, etc. À un moment
donné, ça va devenir un peu croisé
ou un peu nébuleux, tout ça, là. Comment vous voyez cet élément-là?
M.
Beaudoin (André D.) : Oui,
mais là je ne veux pas faire l'amalgame de ce que j'ai pu entendre plus tôt, on
est ici pour l'accaparement des terres.
Donc, je pourrais vous donner des opinions sur d'autres sujets, mais ce à quoi
vous référez, là, c'est l'évolution normale. L'agriculture du Québec n'est pas désincarnée de l'économie
du Québec, et le Québec
n'est pas désincarné de l'économie
mondiale. C'est bien dommage, mais quatre vaches au Québec,
tu ne peux pas vivre, puis, au
Burkina Faso, tu peux être relativement riche puis envoyer tes enfants à l'école. Donc,
les deux sont en agriculture
familiale. Donc, le phénomène que vous décrivez, ce n'est pas uniquement dans
le village chez vous, c'est partout au Québec. Moi, je viens d'une municipalité où, dans le rang chez nous, il
y avait 11 producteurs laitiers,
il reste un producteur laitier et moi qui suis producteur avec mes trois
enfants. Et le rang d'à côté, c'est la même chose. Ça...
Je
vous ai parlé tout à l'heure de l'excès du capitalisme qui enlève les accès à
la ferme familiale. Ça, je dirais, c'est
une réflexion plus globale. Ça campe l'ensemble de la problématique, puis on ne peut pas le
prendre isolément. Mais, dans le cas de l'accaparement des terres, si on
veut s'attaquer à cette problématique-là, il y a un moyen relativement simple de le faire, c'est de garder l'esprit dans
lequel le législateur québécois est intervenu depuis 40 ans, d'adapter les
concepts, de les faire évoluer dans le
contexte d'aujourd'hui et de modifier la législation pour s'assurer
qu'on restera dans l'esprit qu'on a souhaité depuis 40, 50 ans. Au
niveau de la coalition, c'est ce qu'on propose.
• (21 h 20) •
La Présidente (Mme
Léger) : Quelques secondes, M. le député d'Abitibi-Est.
M.
Bourgeois : Bien, rapidement,
moi, j'ai entendu... Si je regarde le modèle de l'UPA dans les créneaux et les
groupes qui sont venus nous présenter, que
ça soit Partenaires agricoles ou Pangea, tout le monde, dans le fond, dit : Il y a comme des modèles qu'il faut atteindre si on veut
viser une rentabilité puis permettre à la relève d'avoir accès. Mais ils
sont où, ceux qui font de l'accaparement juste pour spéculatif?
M.
Beaudoin (André D.) : Bien, écoutez,
ce n'est pas moi qui vais vous les... Je ne vous livrerai pas les noms aujourd'hui, vous êtes une commission capable de
faire ces études-là. Mais, en ce qui me concerne, c'est assez facile à
observer, les différents modèles.
La Présidente (Mme
Léger) : Merci. M. le député de Bonaventure.
M. Roy :
Merci, Mme la Présidente. Bonsoir, M. Beaudoin.
M. Beaudoin (André
D.) : Bonsoir.
M.
Roy : Vous amenez une
position qui est partagée par plusieurs intervenants. Par contre, je suis un peu
déçu sur l'élément où vous ne voulez pas vous avancer à proposer un environnement
normatif. Vous devez avoir réfléchi à quelques
pistes ou éléments d'action. Parce qu'en même temps nous, on est là pour écouter tout le monde, pour
voir s'il y a des propositions autant d'un bord que de l'autre.
M.
Beaudoin (André D.) : Bien, en fait, comme je vous ai expliqué, il y a
des gens plus avisés que la Coalition pour
la souveraineté alimentaire pour vous amener des pistes concrètes, détaillées,
par exemple, sur le normatif. Je vous rappellerai
que la coalition représente aujourd'hui... Tantôt, j'ai dit 40 membres
initialement, on est rendus 80 membres au niveau de la coalition. C'est donc un large éventail au Québec de
gens qui vont exactement dans le sens de ce que vous avez entendu
majoritairement depuis deux jours.
La
piste qu'on donne, qui nous apparaît la plus raisonnable dans le contexte
actuel, parce qu'on pense que la solution,
elle est du côté de la raison, hein, que ça ne sera pas quelque chose qu'on va
trancher au couteau... Demain matin, on
n'empêchera pas, dans le monde dans lequel on vit, des groupes d'acquérir des
terres, mais on est capable de le baliser, je me répète, dans l'esprit de ce que le législateur a fait depuis
40 ans en faisant évoluer les concepts. Si on est d'accord avec l'idée qu'un groupe d'intérêts ou qu'un
fonds... Un fonds, c'est encore plus facile à identifier, c'est assez difficile
de le qualifier de résident, même si cette
personne morale a une adresse au Québec, hein? Donc, si on y va sur cette base,
on va être capable de baliser, de
circonscrire et on restera avec des modèles novateurs, dynamiques, qui restent
centrés sur la priorité, qui est de
permettre à l'agriculture d'évoluer et, d'un point de vue privé — parce qu'on n'est pas contre cet aspect-là — qu'il y ait des injections de fonds qui
viennent d'ailleurs que de l'État ou d'autres mécanismes collectifs. Donc, sans décrire une loi, sans l'écrire, je
pense que, dans nos propos, il y a ce qu'il faut pour être capable de baliser,
je dirais, une nouvelle législation qui
garantirait... en tout cas, qui préserverait, dans le même esprit qu'on l'a
fait avec la loi du zonage agricole, qui nous préserverait contre la
spéculation indue.
M. Roy :
Vous nous avez apporté des statistiques sur l'Afrique, l'Australie, l'Europe de
l'Est, etc., le monde, est-ce qu'il y a eu
des actions, à votre connaissance, dans certains pays pour essayer de réguler,
contrôler? Et qu'est-ce qu'on a vu émerger comme problématique majeure?
Sans aller dans le détail, là, mais est-ce qu'il y a eu des actions concrètes
ou des tentatives de normalisation?
M.
Beaudoin (André D.) :
Absolument. Bien, d'abord, il y a la FAO qui a proposé en 2012 une loi
volontaire, une législation
volontaire qui permet d'aborder cette question-là pour les législateurs, mais il y a des actions
concrètes qui sont posées dans un
certain pays qui... Mais, à ma connaissance, je ne connais pas de pays qui ont
une législation qui interdise. Mais
il y a de plus en plus de pays qui mettent un frein parce que,
dans bien des pays, la propriété terrienne, particulièrement dans les pays
en développement et dans les pays émergents, la terre appartient généralement à l'État, comme nos forêts publiques, et donc l'État
se réserve le droit ou décide qu'il freine, il empêche... Et ce qu'on observe,
c'est que, de plus en plus, il y a une réflexion qui est faite pour préserver, pour
garder à l'intérieur du pays les meilleures terres, d'essayer de les conserver pour les exploitants
locaux parce que ça crée des tensions et des pressions sociales de plus en plus grandes.
M. Roy :
Merci, ça me va.
La Présidente (Mme
Léger) : Merci. Mme la députée de Mirabel.
Mme
D'Amours : Merci, Mme la Présidente. Bonsoir, M. Meloche. Moi,
j'aimerais ça, revenir sur le groupe qu'on
a vu ce matin, les deux jeunes de l'Abitibi qui parlaient du groupe Renaud. Si
je comprends bien, là... Puis je veux juste
vous mettre dans le contexte. Vous connaissez peut-être l'histoire, là, le
groupe Renaud, c'est le père, la mère, les deux fils et les deux filles, ils ont 35 000 entailles dans
Mirabel d'érables, 600 000 poulets, 1 500 boeufs, puis ils
sont saturés parce que, dans Mirabel,
il n'y a pas de terres à vendre. Alors, est-ce que vous pensez que, parce qu'il
a acheté des terres en Abitibi et que
cette terre-là, d'ailleurs, était à vendre depuis trois ans, qu'il devient un
non-résident, qu'il n'aurait pas le droit d'acheter des terres parce que
c'est un non-résident? Qu'est-ce qu'on dit à un producteur comme ça qui, de père en fils, de génération en
génération... Ces Renaud-là, qui sont des producteurs agricoles, qu'est-ce que
vous leur dites? Est-ce qu'on lui dit : Non, c'est terminé, ta
ferme, elle reste de cette façon-là, puis tu ne peux plus faire d'expansion? Parce que, d'après vous, il
deviendrait un non-résident, puis il faudrait réfléchir à légiférer pour qu'il
n'ait pas le droit d'acheter ailleurs que dans Mirabel.
M. Beaudoin (André
D.) : Bien, d'abord, vous me permettrez de ne pas répondre au nom de
la coalition à M. Renaud, mais je vous
dirai, moi, que la notion d'acceptation sociale, là, c'est quelque chose de
généralement bien accepté dans notre
société. Si on a été capables, comme société, de se positionner sur, par
exemple, les mégaporcheries, je ne vois pas pourquoi que, comme société,
on ne serait pas capables de faire ce débat-là sur l'occupation du territoire.
Et
la vraie question qu'il faut se poser, ce n'est pas d'en faire une figure de
cas avec M. Untel ou Mme Unetelle, c'est de se poser la
question... En fait, il y a deux questions qu'on peut se poser sous-jacentes à
ça, c'est : Après que M. Renaud
ait acquis tout ça, la journée qu'il va vendre, il va pouvoir vendre à qui? Si
c'est Cargill qui vient acheter, est-ce qu'on va être à l'aise avec ça
au Québec? Je pose la question.
Mme
D'Amours : Et, s'il vendait aux deux jeunes de ce matin, est-ce que...
M. Beaudoin (André
D.) : Bien, justement...
Mme
D'Amours : ...est-ce que le débat serait le même? Vous dites qu'il ne
faut pas parler de... voyons, je ne dirai pas de dossiers pointus comme
ça...
M. Beaudoin (André
D.) : Non, non, ce n'est pas ça, ce n'est pas ça que je vous dis, je
vous...
Mme
D'Amours : ...mais, je m'excuse, tu sais, il y a des groupes qui se
sont exprimés puis qui ont donné des faits,
qui ont donné des personnes en exemple. Moi, je reprends cet exemple-là, puis
je veux savoir si vous considérez ces gens-là comme des non-résidents.
La
Présidente (Mme Léger) : M. Beaudoin.
M.
Beaudoin (André D.) : Je dis que le cas de figure, que je ne le
connais pas vraiment, mais, de la façon que vous me le décrivez, ce sont des producteurs établis chez eux. Mais,
s'ils vont acheter des terres ailleurs et que ce n'est pas eux qui les exploitent parce qu'ils sont chez
eux — je
présume que, quand tu as 35 000 entailles, que tu as autant de
bouvillons qu'ils ont, et tout ça, ça ne
doit pas être eux qui font le train soir et matin en Abitibi — donc, la question se pose : Est-ce que c'est des non-résidents en Abitibi?
Dans ma définition, oui. Personnellement, oui, ce sont des non-résidents
en Abitibi.
Parce
que je vous dis que, si on poursuit ce modèle-là, il est assez facile à suivre,
suivez le raisonnement, puis vous allez vous rendre compte que, dans une
génération, ça va échapper au contrôle du Québec, comme ça a échappé partout ailleurs sur la planète. On ne fera pas
exception et on va être obligés de légiférer dans un contexte pas mal plus
dramatique qu'on peut le faire présentement.
• (21 h 30) •
La Présidente (Mme
Léger) : Ça va? M. le député de Drummond—Bois-Francs.
M.
Schneeberger :
Oui, bonjour... bonsoir, plutôt, à cette heure-là.
La Présidente (Mme
Léger) : 30 secondes.
M.
Schneeberger :
30 secondes?
M. Leclair :
Juste lui dire bonsoir...
M.
Schneeberger :
Oui, c'est ça. Vous parlez des excès de capitalisme ou des spéculateurs
productifs, mais est-ce que, à ce moment-là, les propres agriculteurs, dépendamment des régions comme la mienne
dans le coin de Drummond, ne seraient
pas, en effet, des spéculateurs, à un certain point, quand ils achètent des
terres qu'ils n'ont pas besoin, juste au cas où qu'ils pourraient la
revendre plus cher?
La Présidente (Mme
Léger) : Réponse courte.
M. Beaudoin (André
D.) : Bien, réponse courte, c'est que c'est difficile à dire, à
répondre clairement à votre question parce que
là, je veux dire, vous prêtez une intention. Moi, ce que je dis, c'est que,
tant qu'un producteur exploite la
ferme, je ne peux pas qualifier cet individu-là de quelqu'un qui s'accapare des
terres. À partir du moment où, ce que je vous ai défini tout à l'heure, où, finalement, ça échappe à une
personne ou à un groupe à travers un fonds, à travers un mécanisme
quelconque, là je pense qu'on parle d'accaparement des terres.
M.
Schneeberger :
Non, mais...
M. Beaudoin (André
D.) : Mais est-ce que les producteurs...
La Présidente (Mme
Léger) : Merci, c'est tout le temps qu'on a.
M.
Schneeberger :
C'est parce que, là, moi, je parle de producteurs...
La
Présidente (Mme Léger) : On
serait partis pour une bonne demi-heure encore, hein, je crois. Merci beaucoup,
M. Beaudoin, de la Coalition de la souveraineté alimentaire.
Je vais suspendre
quelques instants pour que M. Jean-Philippe Meloche, professeur adjoint à
l'Université de Montréal, puisse venir s'installer.
(Suspension de la séance à 21 h 31)
(Reprise à 21 h 32)
La Présidente (Mme
Léger) : Merci. À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, bonsoir, M.
Jean-Philippe Meloche, professeur adjoint à
l'Université de Montréal, la faculté
de l'aménagement. Beau champ d'expertise. Je suis allée voir un petit
peu votre bibliographie, surtout votre expertise de développement local et
régional, développement urbain et immobilier, et d'autres éléments qui ne
touchent pas nécessairement ce qu'on va faire ce soir avec vous. Je vois des recherches en valorisation urbaine dans un
contexte de décroissance, puis avec Ivanohé, l'Observatoire Ivanhoé Cambridge.
Je vois aussi l'acquisition des terres
agricoles par des non-agriculteurs au Québec avec l'organisme subventionnaire
le MAPAQ. Même chose avec CIRANO.
Bon, vous avez plusieurs publications et réalisations. Merci de l'intérêt que
vous avez, M. Meloche, vous aussi.
Alors, vous avez 10
minutes, présentation, et après on va faire les échanges. Bienvenue.
M.
Jean-Philippe Meloche
M. Meloche
(Jean-Philippe) : Merci, Mme
la Présidente. Donc, vous aurez compris que je suis un spécialiste plus des questions foncières et de développement
économique du territoire que d'agriculture proprement dite. En fait, je viens vous parler de l'étude qu'on a réalisée
et qu'on a publiée en 2013, donc, il y a un petit peu plus de deux ans, qui
a été réalisée pour le compte du MAPAQ,
réalisée au CIRANO en collaboration avec un cochercheur de l'Université Laval,
qui est Guy Debailleul. Et cette étude-là
nous avait été commandée parce qu'il y avait en 2012, dans l'année 2012, des
achats de terres agricoles au Lac-Saint-Jean
faites par, entre autres, des partenaires qui achetaient des terres avec de
l'argent du fonds de pension des employés de la Banque Nationale.
Et l'objectif de ces achats-là était de créer
une grande terre. Donc, évidemment, quand on essaie de créer une grande terre, les premières terres qu'on peut
acheter, on va les acheter à relativement bon prix. Mais plus on veut grossir
le lot, plus on veut compléter, hein, si on
veut, le lot, bien, plus il va falloir aller acheter des terres dont les
propriétaires ne sont pas
nécessairement prêts à vendre, et là il faudra faire des offres de plus en plus
élevées. Et là il y a eu surenchère sur certaines terres, et on se posait la question : Y a-t-il
spéculation foncière sur les terres agricoles? Et pourquoi est-ce que
des gens des milieux financiers s'intéressent-ils aux terres agricoles?
On nous avait demandé d'essayer de quantifier,
de qualifier le phénomène, d'en mesurer l'ampleur et les conséquences sur l'économie du Québec. La première
chose qu'on a constatée, c'est qu'il n'existe pas, à l'heure actuelle — et je ne pense pas que la situation
ait changé — de
base de données qui nous permette de quantifier de façon précise le phénomène. On a des transactions avec un ensemble
de compagnies à numéro dont on ne sait pas trop l'activité réelle, et
d'essayer vraiment de croiser ça avec les données de propriétaires,
c'est un travail relativement impossible. Donc, c'était très difficile
pour nous de quantifier le phénomène.
Alors, ce qu'on a décidé de faire, c'est
d'essayer de le qualifier et de l'estimer de façon très indirecte. Donc, c'est-à-dire, on est partis de données de recensement agricole, on est partis
d'études sur la location de terres en Ontario,
dans le sud de l'Ontario,
on est partis d'un ensemble de données qualitatives tirées d'entrevues, puis on
a essayé, par rapport à tout ça, d'essayer de voir si les mêmes choses
qu'on voit en Ontario se produisent au Québec dans les mêmes
proportions. Étant donné qu'on n'a
pas tout à fait la même proportion de terres en location qu'en Ontario,
bien, on estime qu'il y aurait probablement pas plus de 2 % des terres du Québec qui seraient possédées par des
investisseurs. Ce chiffre-là n'est pas rigoureux,
c'est une estimation. Personne ne l'a contesté, donc la plupart des acteurs
s'entendent pour dire que ce n'est probablement
pas plus que ça. Mais, en réalité, on n'en a aucune idée. On sait que ce n'est
probablement pas 10 % ou 15 %. Est-ce que c'est 1,5 %, 1,8 %, 2,4 %? Ça, vraiment, il
n'y a absolument personne qui peut le dire. Somme toute, 2 %, c'est
un phénomène qui est relativement petit.
Quand on utilise le mot «accaparement», généralement on ne fait pas référence
à ces proportions-là.
La deuxième
chose qu'on a essayé de vérifier, c'est que, bon, beaucoup de gens
disaient : Oui, la proportion est très
petite, mais l'essentiel des achats de terres se font actuellement par des
investisseurs. Donc, on a essayé de parler à des agents immobiliers qui transigeaient dans les terres agricoles, on a
parlé à des gens du milieu agricole, on a parlé à des investisseurs pour
essayer de voir qui achète les terres agricoles au Québec. Et ce qui est
ressorti le plus, c'est que les terres agricoles sont essentiellement achetées
par des agriculteurs. Et, dans les endroits où on paie le plus cher, là où il y a vraiment surenchère, c'est, la plupart du
temps, des agriculteurs qui font ces achats-là. Pourquoi? Il faut remonter
quand même deux ans dans le passé. En 2012,
il y avait quand même une bonne année au niveau du prix des céréales, donc une bonne rentabilité au niveau agricole, et
ça a été un bon moment pour plusieurs agriculteurs d'essayer de consolider
les terres agricoles.
Et, quand on essaie de mesurer le prix des
terres agricoles, on est toujours confronté à essayer de mesurer la différence entre ce qu'on appellerait le prix
moyen d'une terre et son prix marginal. Le prix marginal, c'est quoi? C'est
la dernière terre achetée. Il faut
comprendre qu'un agriculteur qui veut prendre de l'expansion par rapport à sa
ferme est prêt à payer beaucoup plus
cher pour la ferme qui est juxtaposée à la sienne, c'est-à-dire celle du
voisin, qu'une terre qui serait
localisée à 20 kilomètres de là. Pourquoi? Parce qu'il va pouvoir amortir son
achat sur le capital qu'il possède déjà. C'est-à-dire ses équipements, ses infrastructures, il va pouvoir les
amortir sur la terre d'à côté. Pas certain qu'il est capable de le faire sur la terre à 20 kilomètres.
Autrement dit, pour cet agriculteur-là, la terre d'à côté, avec les mêmes
caractéristiques que la terre qui est localisée à 20 kilomètres, ne vaut
pas le même prix.
Quand on
essaie de mesurer combien vaut une terre agricole, le seul moyen qu'on a, c'est
d'essayer de mesurer les
transactions, les dernières transactions réalisées. On a une idée des valeurs
des dernières terres transigées, mais on n'a pas une idée de la valeur moyenne des terres parce qu'il faudrait transiger
toutes les terres d'un seul coup. C'est quelque chose qu'on ne fait jamais. Donc, évidemment, on est toujours confrontés
à ça. Et ce qui fait que, des fois, les prix peuvent monter très haut si on est dans des phénomènes de
consolidation, c'est effectivement parce que les gens essaient d'acheter
des terres précises, localisées à des endroits précis, et il peut y avoir
surenchère pour avoir accès à ces terres-là.
Donc, en
gros, dans les conclusions qu'on a fait ressortir, le phénomène de possession
de terres par des investisseurs est
relativement petit, et l'essentiel des personnes qui achètent des terres sont
des agriculteurs qui consolident les terres agricoles. Donc, évidemment, il y a quand même une portion
d'investisseurs, et cette portion-là semble être en croissance. Et là, encore là, je vous dis : Semble être
en croissance parce que, sans chiffres précis, je ne peux pas vous dire, vous
affirmer qu'elle est réellement en
croissance. Mais, étant donné les acteurs avec lesquels vous avez parlé dans
les derniers jours, vous pouvez
comprendre que c'est des acteurs qui sont entrés sur le marché récemment. Comme
ils sont entrés sur le marché récemment, on sait qu'il y a un mouvement,
donc probablement qu'il y a croissance des investisseurs dans les terres
agricoles. Jusqu'à quel point? On n'en a aucune idée.
• (21 h 40) •
Et
c'est certain que cette présence-là vient un peu changer le paysage, vient un
peu bousculer les choses, vient un
peu générer des inquiétudes, et nous, on a essayé de voir dans notre étude
est-ce que ces inquiétudes-là sont fondées ou pas. Parmi les inquiétudes qu'on est capable de dire qu'elles sont
vraiment fondées, entre autres celles sur le développement local. En réalité, ce qu'on fait quand on a des
investisseurs qui achètent les terres agricoles, c'est qu'on sépare le capital agricole du travail agricole,
O.K., une sorte de capitalisation du travail
agricole. En faisant ça, on sépare aussi
deux revenus : le revenu du capital, le revenu du travail. Les
agriculteurs gardent le revenu du travail, puisque ce sont eux qui travaillent la terre, ce sont eux qui
font la production. Par contre, le revenu du capital va aller à des
propriétaires de capitaux, donc des investisseurs, en séparant les deux,
en supposant que les deux n'habitent pas au même endroit. Présentement, comme c'est essentiellement des propriétaires exploitants, le revenu du capital et le revenu de
l'agriculture sont tous à la même place, au même endroit, dans les
poches de l'agriculteur, qui va probablement consommer ces revenus-là localement. En séparant les deux, je
retire de certaines régions une portion des recettes qui auraient pu être
générées dans cette région-là, ce qui aurait
un impact négatif en termes de développement
économique dans les régions
rurales du Québec.
Une autre problématique qui a été soulevée beaucoup,
celle de la relève. Et là, évidemment, il y a tout l'enjeu démographique lié à la relève, il y a
tout l'enjeu économique où on a consolidé des fermes pendant plusieurs
années, puis on essaie de transférer
des grosses entreprises à des petits entrepreneurs. Ce n'est pas facile.
Mathématiquement, il y a beaucoup de
choses qui ne cadrent pas dans l'enjeu de la relève. Là où les investisseurs
amènent, disons, une perspective négative,
c'est que plus il y a de gens qui veulent acheter des terres, bien,
plus les terres devraient se vendre cher, hein? Toutes choses étant égales par
ailleurs, plus il y a
d'acheteurs, plus ça se vend cher, donc plus c'est difficile pour la relève.
C'est donc une barrière supplémentaire à la relève.
Cela dit, si
la relève ne peut pas entrer dans le marché parce que les fermes
consolidées sont rendues trop grandes, le
fait de séparer la propriété du capital du travail agricole peut être vu comme
un outil positif pour permettre à la relève de faire de l'agriculture sans avoir à s'endetter outre mesure sur
l'achat du capital. Donc, il y a un côté négatif à ça, il y a un côté potentiellement positif.
Comme le phénomène est très jeune, très peu étudié, c'est très difficile de
donner des conclusions claires sur la
réalité du phénomène. On peut avoir des perspectives sur la chose, mais des
conclusions claires, c'est difficile d'en tirer, puisqu'on n'a pas de
données qui nous permettent de l'étudier adéquatement.
La
Présidente (Mme Léger) :
Merci bien. Alors, je passe la parole aux députés du gouvernement. M. le député de Mégantic? Oui.
M. Bolduc : Merci,
Mme la Présidente. Bonsoir, M.
Meloche. Vous nous avez donné beaucoup — comment
je dirais ça? — de
jus économique. O.K.? Mais moi, je voudrais, premièrement, parler un peu de
cette consolidation-là parce que,
comme on a vu, la consolidation fait augmenter les prix rapidement. Puis on a
vu, avec les données pertinentes, que
le prix a doublé dans les 10 dernières années et que ce gain marginal là...
Finalement, on peut bien comprendre qu'un exploitant qui a un revenu de 40 000 $
puis qui peut le monter à 60 000 $, il a un gain net très
significatif. Donc, la valeur potentielle
de la consolidation est très intéressante parce que le revenu marginal est
intéressant pour améliorer la qualité de vie. Une fois qu'on en a assez
pour manger, on peut aller un peu plus loin puis dépenser des sous.
Comment on
différencie, si on veut, cette consolidation-là du gain ou du produit de la
ferme, de l'agriculture, qui, lui,
n'a pas vraiment une croissance aussi vite? Il y a un phénomène où le phénomène
va s'arrêter par lui-même parce qu'il n'y a plus la rentabilité. C'est
rien qu'un modèle mathématique, mais comment vous voyez cette dimension-là?
M. Meloche
(Jean-Philippe) : C'est qu'en fait il y a plusieurs éléments qui vont
justifier le prix d'une terre. Le rendement agricole, c'est un des
éléments. Les taux d'intérêt n'ont jamais été aussi bas, c'est la raison pour
laquelle vos propriétés résidentielles ont
une valeur jamais atteinte. C'est la même chose pour les terres agricoles,
puisque c'est un bien complémentaire.
Les produits financiers qui servent à acheter de l'immobilier sont à très bas
prix, ce qui fait que l'immobilier, toutes sortes d'immobilier... même
les terres agricoles sont plus facilement accessibles qu'elles ne l'ont jamais été, ce qui fait que les prix vont monter.
Il n'y a pas que le facteur de rendement agricole qui explique la valeur
élevée des terres actuellement, il y a un ensemble de facteurs qui viennent
l'expliquer.
M.
Bolduc : Si je traduis bien votre commentaire, si le taux d'intérêt
montait de 2 % ou 3 %, il serait très possible que l'accaparement potentiel ou le phénomène,
comme vous l'avez appelé, disparaîtrait de lui-même parce que la rentabilité
économique pourrait être ailleurs, donc l'intérêt pourrait s'éliminer ou se
régler de lui-même.
M. Meloche (Jean-Philippe) : Pour la
valeur des terres, oui. Aussi pour l'intérêt que les gens du milieu de la finance peuvent avoir pour les terres agricoles.
Il faut comprendre que le phénomène... pourquoi est-ce que le phénomène a
été... pourquoi on en a parlé beaucoup en 2012, c'était que le prix du grain était très
élevé. Mais ce n'était pas la seule raison.
En réalité, si vous regardez la conjoncture économique, à partir de 2006-2007, aux États-Unis, le marché foncier traditionnel s'est complètement écroulé, des pertes de 25 %, en moyenne, aux
États-Unis sur les actifs fonciers traditionnels.
Vous avez le marché boursier, qui, en 2009, se met à s'écrouler, et, en 2012,
il ne s'était pas encore remis.
Ça va bien depuis deux ans maintenant, vous avez
les taux d'intérêt qui sont en baisse de façon importante partout. Donc, la plupart des investissements traditionnels de type bons du trésor deviennent moins intéressants. On
a une crise des finances publiques en Europe qui fait que des investissements qu'on jugeait très, très, très sûrs sont de moins en
moins sûrs. Alors là, les investisseurs se disent : Moi, dans mon
portefeuille, tout se dégrade. Qu'est-ce qui reste qui a une valeur sûre, qui est intéressant puis qui,
dans le futur, va m'amener un rendement intéressant? Et là c'est là que les
terres agricoles, qui
étaient peut-être en dessous de la pile des investissements potentiels, se sont
retrouvées soudainement sur le dessus de la pile comme étant un très bon
investissement. C'est quelque chose qui est, effectivement,
conjoncturel, puisque le marché boursier est
en train de se remettre, le foncier traditionnel est en train de se remettre
aussi. Il s'agirait que les taux d'intérêt montent, et on parlerait
beaucoup moins d'investissement dans les terres agricoles, oui.
M.
Bolduc : O.K. Vous avez parlé de la relève, mais un problème qu'on
retrouve de façon très commune, en fait, dans nos régions, c'est que
l'agriculture traditionnelle a fait son gain ou son profit, finalement, sur le
capital. Et les propriétaires ou les
parents, en fait, qui arrivent en fin de cycle de carrière ont un capital qui
est à peu près inaccessible en termes de coûts à la relève, et eux ne
peuvent pas le donner parce que le capital, c'est vraiment le gain d'une vie. Comment on peut extraire, si on veut, ces
variables-là? Et comment on pourrait aider notre relève et satisfaire le besoin
de retraite de ces agriculteurs-là qui ne se sont jamais construit un fonds de
pension? Est-ce que ce serait aussi simple de dire qu'on va les forcer à se bâtir un fonds de pension, ce qui va
leur permettre de transférer la terre en relève, puis on a réglé notre
problème? Je voudrais vous entendre sur cette approche-là.
M. Meloche (Jean-Philippe) : En
espérant que le fonds de pension n'investisse pas dans les terres agricoles.
Des voix : Ha, ha, ha!
M. Bolduc : Oui, peut-être. Bien,
c'est un bon placement, il paraît.
M. Meloche
(Jean-Philippe) : Vous comprenez que c'est la même chose, c'est un
fonds de pension que ces terres agricoles là pour les agriculteurs.
M. Bolduc : Exactement. Exactement.
M. Meloche
(Jean-Philippe) : Et vous dites : Les terres agricoles, on ne
peut pas les donner à la relève. Oui, on peut les donner à la relève. Ça reste un choix. Les agriculteurs sont
propriétaires de leurs actifs, ils ont le choix de les léguer ou de les vendre. Maintenant, s'ils veulent les
vendre, ils vont les vendre à la personne qui est prête à payer le plus cher.
Malheureusement pour certains, si c'est des
investisseurs, bien, ils vont probablement les vendre à des investisseurs. Il
faut trouver quelqu'un qui est prêt à
acquérir ce capital-là soit pour l'exploiter soi-même, soit pour le faire
exploiter par d'autres. Mais, s'il n'y a personne pour acquérir le
capital, la valeur du capital, c'est zéro.
M.
Bolduc : ...c'est bien. Quand vous parlez de développement local...
Puis là vous parlez de développement local pour le capital parce que, si le propriétaire est à Paris, ça ne nous
apporte pas beaucoup de sous ici, là. Mais, à part l'opération, l'activité d'utilisation de la ferme, vous avez
vu, sur le plan macroéconomique, il y a de plus en plus d'accaparement des
terres en Europe, en Afrique, etc. Comment vous percevez cette menace-là dans
le contexte québécois?
M. Meloche
(Jean-Philippe) : Bien, la menace internationale au Québec, on l'a
étudiée parce qu'il faut se souvenir qu'à
l'époque où on nous a demandé de fouiller le phénomène, on parlait de Chinois
qui achetaient des terres massivement en
Montérégie. On a posé beaucoup de questions sur ces Chinois-là, à savoir où ils
étaient, quels types de terres ils avaient achetées, puis plus on posait de questions, moins il y avait de Chinois,
finalement, en Montérégie qui achetaient des terres. On a une loi au Québec, qui est la loi sur
l'acquisition de terres par des non-résidents, qui empêche toute personne qui
ne réside pas 366 jours ou plus sur
deux ans de pouvoir acquérir une terre. Force est de constater que la loi
fonctionne bien. On n'a aucune démonstration que la loi ne fonctionne
pas.
M. Bolduc : Ça va. Est-ce que...
La Présidente (Mme Léger) : M. le
député de Côte-du-Sud.
• (21 h 50) •
M. Morin :
Oui. Simplement une petite réaction. Votre conclusion de votre étude ressemble
beaucoup à Groupe AGECO pour La Coop
fédérée, mais il y a une dernière phrase chez eux qui se lit comme suit : «L'élargissement du mandat du FIRA ou la création de fonds d'investissement institutionnels destinés à soutenir les projets
d'installation méritent d'être examinés très sérieusement comme
solution, au moins partielle, à cet enjeu.» Est-ce que vous avez une opinion?
M. Meloche
(Jean-Philippe) : Méritent
d'être étudiés, oui. Le FIRA est une bonne solution si on pense que les
jeunes ne sont pas capables d'acquérir les terres agricoles. Bon, le FIRA, je
crois, mise beaucoup sur les jeunes non apparentés,
c'est-à-dire ceux qui n'ont pas de lien de parenté qui sont déjà
implantés dans le milieu de l'agriculture. Pour essayer
d'insérer ces jeunes-là qui ne peuvent pas hériter de rien, bien, on peut faire
des acquisitions ou de la garantie de prêt
pour eux pour qu'ils puissent acquérir des terres agricoles. C'est un outil qui
m'apparaît pertinent pour essayer d'aider la relève à entrer sur le
marché, oui.
M. Morin : Merci.
La Présidente (Mme Léger) : M. le
député de Saint-Maurice.
M.
Giguère : Oui. Vous avez
parlé au début qu'il y a beaucoup de transactions qui se font présentement au Québec,
dans les dernières années, et que le prix
des terres, là, c'étaient surtout les producteurs agricoles entre eux qui
faisaient monter le prix des
terres, qu'il n'était pas basé sur le rendement agronomique, là, qu'il était
basé, le prix... Donc, parce que ça fait
quand même deux jours qu'on entend dire que, ceux qui accaparent les terres, on
parle d'entreprises, là, extérieures,
que c'est à cause d'eux. Mais, sur le terrain, vraiment, c'est qu'il y a
beaucoup de producteurs agricoles qui achètent des petites quantités ou des moyennes
quantités de terres... qui font monter quand même le prix régionalement,
un prix artificiel.
M. Meloche
(Jean-Philippe) : Ce sont
les principaux acheteurs de terres. Maintenant, le prix des terres, c'est
l'ensemble des acheteurs. Mais l'influence
première sur le prix des terres, c'est les agriculteurs qui créent cette
pression-là. Moi, je parle de l'année
2012. Je ne peux pas vous parler des changements qu'il y aurait eu dans les
deux dernières années, je ne les ai
pas observés. Mais, en 2012, c'étaient beaucoup de consolidations de terres agricoles. Donc, les
endroits où on nous pointait du doigt
les terres qui avaient été achetées le plus cher quand on posait la question :
Mais qui a acheté ces terres-là?, la
réponse était la même partout : Ce sont des agriculteurs, des producteurs.
Bon, à l'époque, on nous disait : Le producteur de poulet avait beaucoup d'argent, réinvestissait beaucoup,
donc... Est-ce que c'est la vérité ou est-ce que c'est de la spéculation? Mais je vous dirais que la
plupart des acteurs consultés, si ce n'est pas la totalité, s'entendaient pour
dire qu'à ces endroits-là c'étaient essentiellement des agriculteurs qui
achetaient les terres.
M.
Giguère : O.K.
Puis aussi on a entendu parler aujourd'hui — puis
je vous rejoins sur ça, étant agriculteur — c'est nos amis agriculteurs alentour,
souvent, qui font monter les prix.
Et puis on a
parlé tantôt que le domaine agricole, c'est des entreprises qui sont très
endettées au Québec, ont un...
Ils sont assez âgés, avec un taux
d'endettement assez élevé. Donc, on va revenir sur les taux d'intérêt. Il
risque d'y avoir un impact majeur si
les taux d'intérêt montent. Parce que ces producteurs-là sont en difficultés
financières, là, ils sont précaires
présentement. Donc, si les taux d'intérêt montent, ils vont avoir un retour du
balancier. Pensez-vous de voir un retour du balancier sur le prix des
terres?
M. Meloche
(Jean-Philippe) : C'est certain que ça va minimalement freiner la
hausse, potentiellement créer une baisse.
Mais, comme je vous dis, il faut avoir une conjoncture de plusieurs facteurs
ensemble. Le fait que le taux d'intérêt soit bas est un des facteurs qui expliquent le prix élevé des terres. Le
fait que le prix du grain soit élevé, c'est un autre facteur. Mais, si vous avez un prix du grain qui
baisse en même temps qu'un taux d'intérêt qui monte, comprenez que, là,
vous avez un cocktail qui met en péril la rentabilité de beaucoup d'entreprises
agricoles.
M.
Giguère : O.K. Et puis les entreprises agricoles que nous avons au
Québec qui sont en production, qui vont dans d'autres régions, tantôt vous avez dit qu'à 20 kilomètres ça
serait peut-être moins intéressant. Moi, j'en ai une à peu près à 80 kilomètres de chez moi, une
entreprise qui est venue investir chez nous, et puis qui prend la machinerie de
son secteur, puis qui l'amène chez
nous, puis, pour eux, l'amortissement, ça vaut la peine. Donc, il y a plusieurs
modèles, donc, le domaine agricole.
Ça a un impact quand même. Quand ils sont arrivés dans la région, ils ont
acheté des terres, ils ont mis des terres
en culture, ils consomment dans la région. Donc, c'est un modèle... au Québec,
il peut y avoir plusieurs modèles.
M. Meloche
(Jean-Philippe) : Oui, en fait, dans nos recherches, on n'avait pas
d'indication comme quoi il existe
quelque part dans le monde un modèle unique qui est vraiment meilleur que tous
les autres. Il existe une variété de
modèles un peu partout dans le monde avec certains avantages, certains
inconvénients. Mais nous, on n'a pas eu dans la littérature qu'on lisait
un modèle unique qui serait vraiment gagnant, là.
M.
Giguère : Puis, au Québec, aussi on a le prix des terres qui sont
disparates, là, d'une région à l'autre. Puis, des fois, c'est disparate
dans deux régions similaires. Donc, c'est là qu'on voit plus d'impact quand le
prix est bas. Quand les terres commencent à
se vendre un petit peu plus cher, on pense tout de suite qu'il y a accaparement
des terres. Présentement, on a ce
phénomène-là, puis j'ai aimé que vous avez dit : Il y a peut-être plus ou
moins — parce qu'on
n'a aucune donnée, là — 2 % des terres qui appartiendraient à
des groupes qu'on met le mot «accaparement», puis qui fait...
«Accaparement», ça fait gros pour 2 %, là. Vous avez élaboré un petit peu
pour ça, c'est un mot qui...
M. Meloche (Jean-Philippe) : Bien,
le mot «accaparement» est une traduction de ce qu'on appellerait le «land-grabbing». C'est un phénomène qui se passe à
l'échelle mondiale. Dans certains pays, on parle de 30 %, 40 %,
50 % des terres agricoles qui seraient en possession d'entreprises
étrangères. Au Québec, les étrangers possèdent 0,2 % des superficies
agricoles, et les investisseurs, 2 %. Le mot «accaparement» est
inapproprié pour la situation du Québec.
La Présidente (Mme Léger) : Merci.
M. le député de Bonaventure.
M. Roy :
Merci, Mme la Présidente. Bonsoir, M. Meloche. Tout à l'heure, vous nous avez
dit qu'essentiellement les achats se
faisaient par les agriculteurs. Par contre, si je ne me trompe, le cas du
Lac-Saint-Jean est un peu différent. On
parle de 50 % des terres qui auraient été achetées par des fonds
d'investissement. Donc, en termes d'échantillonnage, selon votre analyse, je pense qu'on aurait
peut-être certains ajustements à faire en prenant compte de certaines réalités
spécifiques à des régions.
Si je comprends bien, les terres
agricoles deviennent des valeurs refuges, étant donné le bas taux d'intérêt.
Et, si les taux ne montent pas...
Parce qu'on parle quand même d'une certaine stabilité. Parce que, si les taux
montent, il y a un paquet de monde
qui vont peut-être avoir des problèmes à payer leurs hypothèques, etc. Est-ce
qu'on peut parler d'une accentuation du phénomène d'achat des terres
agricoles au Québec par des fonds d'investissement?
M.
Meloche (Jean-Philippe) : On peut probablement parler d'une
accentuation. Autrement dit, il y a une pente montante. Est-ce que c'est une pente douce ou une pente raide? Je ne
pourrais pas vous dire. Je ne pense pas que personne ne peut vous le dire, de toute façon. C'est
peut-être là le principal problème. Comme on n'a aucune unité de mesure, on ne
sait pas de quoi on parle. Si on avait des unités de mesure, on pourrait
comparer le phénomène année sur année en le mesurant
de la même façon à chaque fois et voir si, vraiment, il y a un changement rapide,
fondamental, important. Ce qu'on
voit, c'est que des gens s'intéressent aux terres agricoles pour y investir.
Étant donné la démographie du Québec, étant
donné la structure des entreprises agricoles actuelles, étant donné là où on
s'en va, moi, ça m'apparaît inévitable. On s'en va dans une direction où les forces nous poussent dans cette
direction-là. Maintenant, à savoir est-ce qu'on y va à visière baissée, à grande vitesse, là, vraiment,
moi, je vous dirais, on y va un peu à l'aveugle. Ça, c'est vrai. Mais ça ne
m'apparaît pas être d'une vitesse démesurée ou avec une frénésie importante,
là.
La
Présidente (Mme Léger) : On a un nouveau mot qu'on dit, c'est «médium
moyen», là, comme on sortait hier. Peut-être que c'est une pente médium
plus...
M.
Roy : Mais, en tant que chercheur, si je comprends bien, vous
nous proposez les lumières de la connaissance pour, à quelque part, essayer de développer des instruments de veille et
d'analyse ou, je dirais, de suivi du phénomène. Est-ce que c'est quelque
chose que vous considérez réaliste et extrêmement difficile à implanter ou que
c'est...
M.
Meloche (Jean-Philippe) : Ce n'est pas nécessairement difficile à
implanter. Je ne sais pas dans quelle mesure, sur le plan légal, on peut le faire, mais, je veux dire, tout acte de
vente doit être notarié. Une fois que l'acte est notarié, on peut
ajouter des conditions au fait qu'on va notarier, c'est-à-dire de remplir un
certain formulaire et de l'envoyer au ministère
de l'Agriculture en disant : Bien, voici, c'est moi, le nouveau
propriétaire. Voici qui je suis. Voici mon pedigree d'entreprise. Et là, bien, avec ces données-là, on
peut juste cocher des cases et se dire : Bien, maintenant, on a l'an zéro.
On ne sait pas ce que c'était avant, mais on
a l'année zéro. Bien, à l'année un, on peut déjà comparer avec l'année zéro
à savoir dans quel sens est-ce que ça
évolue. Et ça, actuellement, on ne peut pas le faire. Donc, selon moi, ce ne
serait pas très compliqué que d'avoir
ces chiffres-là, et ça permettrait soit, un, de calmer certaines craintes ou
soit, deux, d'orienter les politiques publiques qu'on doit mettre en
place parce qu'on va mieux comprendre le phénomène.
M. Roy :
C'est bien. Ça me va, Mme la Présidente. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme
Léger) : Mme la députée de Mirabel.
• (22 heures) •
Mme
D'Amours : Merci, Mme la Présidente. Bonsoir, monsieur. Tout à
l'heure, vous parliez, là, de développement local, quand il y avait un investissement avec un producteur agricole,
que nécessairement le profit se divisait en deux, qu'il y en a qui restait, une partie, dans la
localité, mais que le reste du capital s'en allait ailleurs. Je vous parle de
ça parce que ce que mon collègue a
apporté tout à l'heure, c'est que les producteurs
agricoles, ils réinvestissent tout le temps leur capital parce qu'ils innovent, ils se mettent à jour. Il y a un tracteur
qui lâche, on va... Alors, est-ce que vous êtes en train de dire que, parce qu'ils vont être associés avec
des fonds d'investissement comme Pangea ou Partenaires agricoles, qu'ils
vont devenir demain matin, là, très, très performants, qu'ils vont avoir beaucoup
de capital, puis que le capital va se séparer en deux?
M.
Meloche (Jean-Philippe) : Non. Ça n'a aucun lien avec la performance même
de l'agriculture. C'est-à-dire plutôt que d'être propriétaire du
tracteur, vous le louez. Ça ne change rien à l'utilisation et à l'optimisation
que vous pouvez faire du tracteur pour
l'agriculture. Ce qu'il faut comprendre là-dedans, quand on dit qu'on sépare
deux choses, c'est qu'à l'heure
actuelle l'agriculteur est propriétaire des capitaux, c'est-à-dire doit
investir dans le capital, et ce capital-là génère lui-même du rendement.
Autrement dit, il se loue lui-même sa terre, l'agriculteur, actuellement. Donc,
son rendement de loyer, c'est son rendement
de capital. Par contre, pour être capable de payer son propre loyer qu'il se
paie à lui-même, il doit travailler
comme agriculteur et générer des bénéfices de l'activité agricole. On peut
séparer les deux choses.
Quand c'est une seule
et même personne, ça ne donne absolument rien d'en parler, mais, quand ça
devient deux personnes différentes, bien là
il faut comprendre combien vaut le capital, combien rapporte le capital,
combien vaut le travail et combien rapporte le travail. Quand on sépare
ces deux éléments-là, bien, c'est à ce moment-là qu'on est capable de voir que de posséder du capital, ça
génère un rendement sur le capital. Par contre, avoir des connaissances et une
expertise, ça met à profit, et ça valorise le territoire, et ça génère des
recettes par l'activité économique qu'on fait.
Mme
D'Amours : Mme la Présidente, je voudrais savoir aussi... Vous aviez
mentionné tout à l'heure qu'il y a des producteurs
qui peuvent léguer la terre, les biens à leur enfant, mais ils peuvent aussi
les vendre quand ils n'ont pas de relève.
Et vous dites qu'ils les vendent plus cher de ce que ça vaut. Puis ce qu'on
entendait aujourd'hui avec les regroupements qu'on a vus, les fonds d'investissement, les Partenaires agricoles,
Pangea de ce monde, qui, eux, quand ils achètent une terre, ils font deux évaluations puis ils paient
le prix que ça vaut... Alors, qui paie plus cher? Est-ce que c'est les fonds ou
les producteurs eux-mêmes entre eux autres?
M.
Meloche (Jean-Philippe) : J'ose espérer que personne ne paie plus cher
que ce que ça vaut. En réalité, on n'a
aucun moyen de savoir combien vaut une terre, à moins qu'elle soit transigée.
La seule vérité qui existe dans la valeur d'un bien, c'est son prix de transaction. À ce moment-là, peu importe le
prix qui est payé, c'est malheureusement la vérité. Qu'on soit d'accord ou pas, on peut s'obstiner,
mais le vrai prix d'une terre, c'est le prix où le vendeur et l'acheteur se
sont entendus entre eux pour
dire : Voici la valeur que ça vaut. Évidemment, le vendeur aurait toujours
voulu acheter plus cher et l'acheteur
aurait toujours voulu acheter moins cher. Ils vont arriver à un certain point
où ils vont se dire : Dans cette zone-là,
oui, on s'entend. C'est très difficile pour moi de vous dire : Les terres
se transigent au-dessus du prix de ce qu'elles valent. C'est une phrase qui n'a aucun sens. Les terres se transigent
toujours à leur valeur, puisqu'elles ont une valeur qui est liée à leur
transaction. Il n'existe aucun autre moyen d'évaluer la valeur d'un objet que
de le transiger.
Mme
D'Amours : J'aimerais vous dire... Bon, moi, je suis contente de vous
entendre dire que l'accaparement, c'est
un gros mot, qu'on ne vit pas ça présentement au Québec. J'étais aussi contente
qu'un de mes collègues demande un mandat
d'initiative parce que, quand on regarde mondialement ce qui se passe, on n'est
pas à l'abri de ça, et il faut se doter de lois, de règlements pour
faire en sorte que ça ne nous arrive pas ici, au Québec.
Alors,
tantôt, on vous a posé la question : Est-ce que vous pensez qu'on devrait
faire une analyse, une veille? Moi, ma
question, c'est : Étant donné qu'on est en situation financière au
Québec... Vous la connaissez, on en parle de long et en large. Est-ce que vous pensez qu'il serait
peut-être préférable, au lieu d'investir dans des analyses et des veilles,
étant donné que c'est un petit
montant, un petit pourcentage... ne pensez-vous pas qu'on devrait investir sur
les moyens pour que ça ne nous arrive
pas au lieu de rentrer dans des veilles, dans un processus qui peut prendre un
an, deux ans et que le phénomène peut arriver plus vite qu'on pense, et
qu'il peut gruger nos terres agricoles? D'après vous, j'aimerais vous entendre,
votre opinion là-dessus, est-ce qu'on serait mieux d'agir maintenant que
d'essayer d'analyser?
La Présidente (Mme Léger) : Une
réponse en quelques secondes.
M. Meloche
(Jean-Philippe) : On a très rarement un bon remède quand on n'a pas un
bon diagnostic. À l'heure actuelle,
on n'a pas de bon diagnostic, on ne peut pas mettre en place un remède parce
qu'on ne sait pas on fait un remède à quoi exactement.
La
Présidente (Mme Léger) : Ça
va compter comme fin. Avant de quitter puis de terminer les travaux, j'aimerais
avoir quelques minutes d'attention quand
même. Oui, il est dépassé 22 heures, puis nous sommes encore au Parlement
en commission parlementaire. Pour ceux qui
nous écouteront et qui nous écoutent, même si c'est un horaire de faire du 9 à
5, ce n'est pas notre cas comme parlementaires, et vous tous qui avez
suivi nos travaux.
Je remercie
vraiment tous les invités, qui ont généré beaucoup d'intérêt dans le sujet.
C'est une amorce, effectivement. Nous avons des mémoires qui ont été
déposés. Je dois déposer les mémoires des groupes : l'UMQ, AgriTerra,
Protec-Terre, Mouvement Ceinture verte et la Fédération de l'UPA
Outaouais-Laurentides, que je dépose à l'instant même pour compléter nos
travaux.
Je veux dire
aussi merci à vous tous, les parlementaires, d'une part. Je remercie tous les
invités qui sont venus. Vous avez eu
des échanges fructueux, intelligents, connaissants. Plusieurs, vous le vivez.
Alors, merci beaucoup de ces échanges-là.
Merci à M.
Turgeon et toute l'équipe de secrétariat parce que ça demande toujours, quand
même, beaucoup de coordination, ces
audiences-là. Et surtout que, dans le temps que nous avions, d'avoir deux jours
intenses de travaux... Merci, M.
Verreault, qui avez commencé les travaux — du service de recherche — et qu'il y a beaucoup de travail pour la
suite des choses.
Merci,
évidemment, à la population qui nous écoute et qui suit les travaux, et des
nouveaux... nouvelles personnes qui
seront peut-être intéressées par le sujet. Je remercie les médias ici déjà
présents qui ont suivi beaucoup nos travaux : Terre de chez nous, qui êtes ici avec nous; La vie agricole,
qui êtes avec nous. Merci beaucoup d'avoir suivi ces travaux-là d'une façon intense. Vous avez été aussi studieux
qu'on l'a été. Merci aux autres médias qui nous ont suivis et qui ont
aussi écrit quelques papiers pour alimenter les discussions et les informations
sur le terrain.
Alors, on va
délibérer. La suite des choses, c'est qu'on va délibérer comme membres de la
commission. On va avoir des échanges
entre nous. On va poursuivre nos travaux, plus la partie huis clos, de travail
d'équipe. On aura à élaborer un type
de rapport ou des recommandations et essayer d'aller chercher les consensus
entre nous. Ça, ça va nous appartenir, nous tous, pour la suite des
choses.
Alors, merci,
M. Meloche, évidemment, de votre participation à vous aussi. Vous avez été la
clôture de nos travaux.
Et je lève donc la séance. La commission ajourne
ses travaux au jeudi 19 mars parce qu'on se retrouve jeudi, à
13 heures, pour séance de travail.
(Fin de la séance à 22 h 8)