(Quatorze heures)
La
Présidente (Mme Léger) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Ayant
constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de l'agriculture, des pêcheries, de l'énergie et des
ressources naturelles ouverte et je demande donc à toutes les personnes
dans la salle de bien éteindre la sonnerie de votre téléphone cellulaire, s'il
vous plaît.
Et
aussi de vous dire que les travaux sont diffusés actuellement en direct. Alors,
parfois, nous sommes diffusés un peu
plus tard dans la soirée,
dépendant... mais une des salles de commission est toujours en direct. Alors, c'est nous, aujourd'hui, qui avons cet honneur d'être en direct aujourd'hui, et nous avons beaucoup
de monde. Bienvenue à vous tous. Alors,
on dit : Le Parlement est la maison du peuple. Alors, nous sommes bien
contents de vous voir en si grand nombre aujourd'hui pour l'ouverture
de notre séance. Espérons que vous allez la poursuivre. Parce qu'on est deux jours de temps, aujourd'hui et demain, en séance pour le dossier
de l'accaparement des terres agricoles, donc l'analyse du phénomène de
l'accaparement des terres agricoles.
On
se réunit aujourd'hui parce que nous avons des consultations particulières et
des audiences publiques dans le cadre
d'un mandat d'initiative. Je vous rappelle qu'un mandat d'initiative, c'est à
la demande d'un député, au départ, qui
fait partie de la Commission de l'agriculture, pêcheries, énergie et ressources
naturelles, donc la CAPERN, et les députés et les formations politiques doivent donner tous leur consentement pour
qu'on puisse avoir un mandat d'initiative. Un mandat d'initiative nous permet, dans le fond, d'étudier une question
que nous considérons importante au Québec. À moins que vous dites au bout de piste, que ce n'est pas
important, mais nous, on considère que c'est assez important pour l'étudier.
Alors,
on va entendre beaucoup de gens qui vont venir à la commission, ici, pour les
prochains jours. Je pense, aujourd'hui, nous allons recevoir la
Fédération québécoise des municipalités, qui sont déjà devant nous, l'Union des
producteurs agricoles, le Conseil des
entrepreneurs agricoles, la Fédération de la relève agricole du Québec, la MRC
de Kamouraska et la MRC du Lac-Saint-Jean-Est. Et, ensuite, nous allons
recevoir l'Institut de recherche et d'économie contemporaine, et on va finir la
soirée avec le Fonds d'investissement pour la relève agricole. On va ajourner
nos travaux en fin de soirée, vers 21
heures, et nous reprenons demain matin jusqu'à demain soir aussi pour la suite
des travaux, pour ces deux journées-là.
Les
gens ont eu la possibilité d'avoir ce qu'on appelle un document de consultation,
qui est tout... Vous avez tout en
ligne, vous êtes capables de suivre nos travaux en ligne présentement, puis
avoir les documents en ligne. Puis des gens ont pu déposer des mémoires aussi en ligne, et beaucoup d'entre vous,
des gens nous ont demandé d'assister à nos travaux ou avoir des
informations sur nos travaux.
Avant de poursuivre
et... de commencer, dans le fond, y a-t-il des remplacements, M. le secrétaire?
Le
Secrétaire : Oui, Mme la secrétaire. M. Chevarie
(Îles-de-la-Madeleine) est remplacé par M. Bolduc (Mégantic).
Remarques préliminaires
La
Présidente (Mme Léger) : Merci. Alors, nous avons des temps de
remarques préliminaires. On s'est donné quelques... Dans les formations politiques, les gens peuvent faire des
remarques préliminaires. Je vous rappelle, pour le parti du gouvernement, le Parti libéral du
Québec, vous avez six minutes pour des remarques préliminaires; l'opposition
officielle, par le Parti québécois,
3 min 30 s; et le deuxième groupe d'opposition, la CAQ,
2 min 30 s pour faire vos remarques préliminaires.
Alors, je laisse la
parole à monsieur de Saint-François. Non? De Beauce-Sud.
M.
Bolduc :
Mégantic, s'il vous plaît.
La Présidente (Mme
Léger) : Oui, Mégantic. Bien oui, M. Bolduc. Allez-y.
M. Ghislain Bolduc
M.
Bolduc : Merci, Mme la Présidente. Bonjour. Je voudrais,
tout d'abord, saluer mes collègues du gouvernement, les collègues de la première opposition, les
collègues de la deuxième opposition. Je vous salue, Mme la Présidente, ça me
fait plaisir de vous rencontrer ici
aujourd'hui. Et je salue tous les invités qui sont venus ici, très intéressés
par l'accaparement des terres agricoles.
Si
on regarde un peu l'ensemble des communiqués ou des mémoires qui nous ont été
envoyés, une des remarques fondamentales
que l'on voit le plus souvent, c'est de recommander au gouvernement d'avoir une
façon de mesurer les transactions des
terres agricoles pour, au moins, mesurer et évaluer ce qui se passe vraiment au
Québec. Donc, ça, c'est quelque chose qui semble revenir assez
fréquemment. Nous verrons dans le temps comment les recommandations
individuelles se développent.
Et il y a aussi plusieurs gens qui
nous recommandent de resserrer les achats, des transactions. Il y en a d'autres
aussi qui nous recommandent de regarder à
limiter les superficies agricoles. Avec les changements auxquels on fait face
aujourd'hui, c'est quelque chose qu'il va
être intéressant de poser des questions dans l'effet de voir l'importance que
ces choses-là peuvent avoir.
Quand
on considère l'ensemble des régions du Québec, il est très important de
réaliser qu'il y a déjà des variabilités très, très significatives au Québec. Si je regarde
l'Abitibi-Témiscamingue, qui a une valeur moyenne de 1 237 $ par
hectare, l'Outaouais,
4 108 $, Lanaudière, 16 464 $, les Laurentides,
11 000 $, la Montérégie Est et Ouest, autour de 18 000 $,
19 000 $ de l'hectare, et le
Centre-du-Québec, à 8 000 $, Chaudière-Appalaches, à
8 700 $, ensuite le Bas-Saint-Laurent, à 2 700 $, et l'Estrie, à 3 699 $, donc on voit
déjà, de prime abord, une variabilité relativement significative sur la valeur
des terres, naturellement, les plus élevées
étant centrées autour de la vallée du Saint-Laurent, où, là, il y a de plus en
plus d'intérêt, j'oserais dire. Mais
il y a quand même des choses très intéressantes. Si on compare avec
Chaudière-Appalaches, l'Estrie et le
Centre-du-Québec, où le Centre-du-Québec et Chaudière-Appalaches ont une valeur
plus du double de celle de l'Estrie, donc il y a définitivement des
phénomènes ici qu'il va être peut-être intéressant de comprendre.
Une autre chose, pour
moi, qui va être relativement intéressante... Parce qu'on parle d'accaparement
de terres agricoles, mais il y a aussi de la
forêt, O.K., des forêts qui sont exploitées ou non. Il y a aussi
l'acériculture, qui, dans le Sud du
Québec, a un impact très, très significatif sur la valeur des terres parce
qu'on sait très bien aujourd'hui qu'une érablière a une valeur fondamentale — dans ma région, en tout cas — de l'ordre de 15 000 $ à
17 000 $ de l'hectare. Donc, quand
on a une moyenne de 3 699 $ l'hectare, là, il y a définitivement des
variabilités, encore là, qui sont très, très larges.
Une
autre chose qui est intéressante à considérer à l'intérieur de ces enjeux-là,
c'est que, pour une ferme laitière, si
vous regardez la valeur de la ferme, le quota est généralement 50 % de la
valeur totale d'une ferme d'opération, et la machinerie, un 25 %, 30 %, et les terres, le restant de la
somme. Donc, ça aussi, je pense que c'est une question qu'il va falloir regarder avec attention parce que, si on
veut faire du transfert intergénérationnel, le problème n'est pas
nécessairement l'acquisition des terres, mais comme l'acquisition du
quota de lait, entre autres, et des autres biens par la suite. Donc, il y a toutes sortes de considérations à
l'intérieur de ce mandat-là qu'il va falloir porter des attentions pour
s'assurer qu'on aura des
recommandations que je qualifierais de légitimes et représentatives de ce que
l'on va entendre et observer à travers ce mandat d'initiative.
Maintenant, on nous
dit aussi que l'agriculture au Québec est centrée sur les fermes familiales. Ce
constat-là, peut-être qu'il va falloir aussi
l'approfondir parce que est-ce que c'est vraiment ça? Jusqu'où on va aller
aujourd'hui? Parce que ce qu'on
constate de plus en plus, c'est qu'il y a plus d'un agriculteur par ferme
laitière. La superficie agricole, le
nombre de vaches s'agrandit parce que ça permet généralement aux producteurs
d'améliorer leur qualité de vie et de partager,
si on veut, un risque qui est en train de devenir relativement grand quand on
considère les investissements que les producteurs sont obligés de faire
pour acquérir leurs biens.
La Présidente (Mme
Léger) : ...monsieur...
• (14 h 10) •
M.
Bolduc : Merci. En conclusion, je vais aussi vous mentionner
que, par exemple, je prends le comté de Mégantic, où, dans les derniers 30 ans, 30 % de la
superficie agricole du comté a été laissée soit en plantations ou en terres de
friche. Je ne connais pas l'effet
directement que ça a sur la valeur des terres agricoles. Ce n'est peut-être pas
un hasard que ce soit aussi la région qui a un bas prix, on verra. Donc,
je suis intéressé à écouter tout le monde.
La
Présidente (Mme Léger) : Merci, M. le député de Mégantic. Alors, je
passe la parole à l'opposition officielle. M. le député de Berthier,
pour sept minutes...
M. Villeneuve :
3 min 30 s.
La Présidente (Mme
Léger) : ...non, 10 min 30 s.
10 min 30 s.
M. Villeneuve :
3 min 30 s.
La Présidente (Mme
Léger) : Trois. Excusez-moi, trois minutes. Excusez-moi, on n'est même
pas dans...
M. André Villeneuve
M. Villeneuve :
3 min 30 s. Merci. Merci, Mme la Présidente. Et je tiens à vous
saluer et saluer aussi tout le personnel qui
vous accompagne et qui, assurément, va mener à bien cette commission. Je veux
saluer, évidemment, mon collègue ici
présent, à ma gauche, saluer notre redoutable recherchiste à ma droite et
saluer l'ensemble des parlementaires qui
sont ici présents à cette commission. Et, évidemment, je veux vous saluer tous
et toutes dans la salle. Bienvenue chez vous. Bienvenue chez vous.
Bienvenue au Parlement.
L'agriculture
au coeur de nos vies. L'agriculture joue un rôle fondamental, vital pour les
sociétés. La souveraineté alimentaire
est à la société ce que la cellule est à la vie. Cependant, produire en
quantité suffisante pour répondre aux besoins de notre monde est une chose, mais produire en quantité, et en qualité,
et en diversité en est une autre. Il n'y a pas si longtemps, ce que l'on retrouvait dans nos assiettes était
composé à plus de 70 % de produits d'ici, de chez nous. Aujourd'hui, c'est
à peine un peu plus de 30 %. Pourtant, nos produits sont de très grande
qualité, en particulier grâce aux restrictions d'utilisation de produits chimiques et autres substances du même acabit.
Évidemment, on comprendra tous que rien n'est parfait, il y a encore des améliorations à apporter à nos pratiques
agricoles, et nous les apporterons, j'en suis persuadé.
D'ailleurs, par comparaison avec
certains produits provenant d'autres pays, on peut dire que les productions de
nos agriculteurs d'ici sont de qualité nettement
supérieure. Cette qualité et cette diversité sont liées au modèle d'agriculture
québécois, qui repose sur la ferme familiale
et l'agriculteur propriétaire. Bien évidemment, ce modèle n'est pas sclérosé,
et il évolue, et il évoluera inexorablement,
tout comme la société, aussi bien dans le contexte québécois que mondial, et
nul ne pourra y échapper. Une question... Pardon, nul ne pourra y échapper.
Excusez-moi. Bon.
Une
question, Mme la Présidente, qui, à mon avis, mérite d'être posée
aujourd'hui : Devons-nous prendre des mesures pour contrer les impacts négatifs des achats ou de la location de
terres à grande échelle? Maintenant, comprenons-nous
bien, je ne suis pas en train de dire que nous vivons présentement une
situation catastrophique. Ce que j'affirme,
c'est qu'il ne faut pas attendre que la catastrophe arrive et que nous avons,
comme société, comme État, le devoir de
poser des gestes préventifs qui nous permettront d'élaborer une stratégie
prospective. Pour ce faire, il nous faut, dès à présent, nous doter d'outils nous permettant de mesurer, d'analyser et
d'encadrer une situation qui est en pleine évolution. Le rôle premier de l'État est d'assurer que
l'ensemble des acteurs aient en main toutes les données nécessaires pour être
en mesure de proposer et, ultimement,
de mettre en place un modèle qui correspond aux attentes et aux aspirations,
bien sûr, du monde agricole, mais aussi de toute la population du
Québec.
En
espérant que cette commission parlementaire permettra de bien analyser les différents
rouages du phénomène qui interpelle les élus que nous sommes ainsi que
le monde agricole et toute la société, laissons maintenant la parole, Mme la Présidente, aux représentants des
différents groupes que la commission a invités. Assurément, leur participation
nous amènera à mieux comprendre le phénomène
de l'accaparement des terres et à envisager les moyens nécessaires à l'État québécois pour jouer son rôle afin que le
monde agricole puisse prospérer comme il en est capable et réponde aux besoins de la population d'aujourd'hui et de
demain. Façonnons notre avenir à l'image de ce que nous sommes. Merci,
et bonne commission à tous.
La
Présidente (Mme Léger) : Merci, M. le député de Berthier. Je cède la
parole maintenant au deuxième groupe d'opposition. Mme la députée de
Mirabel.
Mme Sylvie D'Amours
Mme
D'Amours : Merci. À mon tour de vous saluer, Mme la Présidente, de
saluer mes collègues du gouvernement et du groupe d'opposition, ainsi
que tous les invités qui sont ici aujourd'hui, et mon collègue ici, juste à
côté de moi.
Donc,
notre formation politique est très heureuse du mandat d'initiative parce que
les terres agricoles, au Québec, c'est
des ressources qui sont non renouvelables, c'est le garde-manger des Québécois.
Alors, le mandat d'initiative va nous donner un portrait réel de la
situation au Québec — je
l'espère — de
nos terres agricoles.
Alors,
j'espère, et je souhaite, et je suis convaincue que, tout le monde, on sera en
mode d'écoute, en mode d'ouverture, en
mode de solution pour arriver à un consensus. Je pense pertinemment que le
mandat d'initiative de l'accaparement des
terres, qui est un gros mot... L'accaparement des terres, est-ce qu'on le vit
vraiment? Est-ce qu'on est mieux d'être en mode de prévention au lieu d'être en mode solution? Donc, après nos deux
journées en commission, on pourra commencer à travailler avec toutes les informations que les partenaires vont nous
avoir données. Alors, je nous souhaite et je vous souhaite une bonne
consultation. Merci.
Auditions
La
Présidente (Mme Léger) : Merci, Mme la députée de Mirabel. Alors,
maintenant, je vais donner un petit
peu des consignes pour la suite des
choses. Les groupes qui viennent devant nous, à moins qu'il y ait des groupes qui sont jumelés,
là... mais, en général, c'est 45 minutes, dont 10 minutes pour l'exposé du
groupe, de l'organisation qui est devant nous. Et après on a 35 minutes d'échange avec les membres de la commission
réparties évidemment, je rappelle : 17 min 30 s pour le gouvernement,
10 min 30 s pour le groupe d'opposition officielle et
sept minutes pour le deuxième
groupe d'opposition.
Et
nous commençons avec — je
vais vous souhaiter la bienvenue — la
Fédération québécoise des
municipalités, la FQM. Nous avons des
gens qui sont devant nous, et, si vous voulez nous les présenter... Je pense,
c'est M. Lehoux. M. le président, M. Lehoux...
M. Lehoux
(Richard) : Oui, bonjour.
La
Présidente (Mme Léger) :
...alors, bienvenue. Vous avez 10 minutes de présentation, mais juste nous indiquer qui est avec vous et...
Fédération québécoise des
municipalités (FQM)
M.
Lehoux (Richard) : Alors, oui, merci. Bonjour, Mme la Présidente,
aussi mesdames messieurs, membres de la Commission de l'agriculture, des pêcheries, de l'énergie et des ressources
naturelles. Effectivement, m'accompagnent ici, à ma gauche, M. Michel Gagnon, directeur des politiques à la fédération,
et M. Farid Harouni, qui est conseiller politique spécifiquement aux
dossiers agricoles et ressources naturelles.
Alors, la Fédération québécoise des
municipalités remercie la commission de lui permettre de présenter ses commentaires dans le cadre des consultations
particulières et auditions publiques sur le mandat d'initiative portant sur
l'accaparement des terres agricoles.
Le phénomène de l'accaparement des
terres est devenu, au cours des dernières années, un enjeu majeur pour les
sociétés préoccupées par leur souveraineté
alimentaire et la prospérité de leur agriculture. Les rumeurs d'achat de terres
par des étrangers ou par des groupes
d'acheteurs qui ne pratiquent pas l'agriculture, notamment au Saguenay—Lac-Saint-Jean et au Bas-Saint-Laurent, ont soulevé plusieurs inquiétudes parmi les
acteurs du milieu agricole, mais aussi du milieu municipal.
Nous ne le
rappellerons jamais assez, l'agriculture est un des moteurs économiques
essentiels à la survie de nombreuses
municipalités. En plus de nourrir la population du Québec et d'ailleurs, elle
lui a permis d'occuper les territoires ruraux
aux quatre coins de la province et a favorisé le développement de plusieurs
régions. L'agriculture doit jouer un rôle complet dans la structuration
de l'économie locale et régionale. Elle n'est pas seulement pourvoyeuse
d'emplois et distributrice de retombées,
elle est étroitement liée à l'identité des milieux et elle génère son
développement. Son potentiel doit
servir à l'élargissement des divers moyens pour créer de la richesse et assurer
la prospérité des communautés rurales.
Dans
le mémoire que la Fédération québécoise des municipalités a fait parvenir à la
commission, nous formulons trois principales recommandations sur la
question de l'accaparement des terres agricoles.
La
FQM recommande au gouvernement du Québec de confier à un organisme le mandat de
faire enquête afin d'obtenir les données réelles des différentes
transactions des propriétés vendues afin de quantifier le phénomène de l'accaparement des terres et d'en assurer une
analyse appropriée. Nous partageons ainsi le constat du Centre
interuniversitaire de recherche en
analyse des organisations, le CIRANO, qui indique, dans son document Acquisition
des terres agricoles par des
non-agriculteurs—Ampleur,
causes et portée du phénomène au Québec, publié en 2013, que les données numériques ne permettent pas de mesurer directement le phénomène
d'acquisition ou de possession des terres agricoles au Québec par des non-agriculteurs et que les investisseurs
non agriculteurs ne détiennent qu'une infime partie des terres agricoles,
soit moins de 14 %. Tout comme le
CIRANO, nous croyons que l'enjeu immédiat n'est pas nécessairement celui de
légiférer sur la question, mais bien
de collecter davantage d'information sur le phénomène et d'en assurer une
analyse appropriée.
Une
deuxième qui serait en conséquence, la Fédération québécoise des municipalités
recommande au gouvernement du Québec
de resserrer les règles d'acquisition des terres agricoles pour les
investisseurs non exploitants pour une période limitée afin de laisser le temps à l'organisme mandaté par le
gouvernement de collecter davantage d'information sur ce phénomène.
• (14 h 20) •
Finalement,
notre troisième recommandation serait que... l'on recommande au gouvernement du
Québec d'adopter le plan d'action qui
va permettre la mise en oeuvre des plans de développement de la zone et des activités
agricoles, les fameux PDZA. Pour la FQM, les plans de développement de
la zone agricole doivent être des outils de planification territoriale complémentaires aux autres démarches
de planification qui visent à favoriser l'exploitation du plein potentiel
agricole d'une MRC en se basant sur l'inventaire des possibilités de
développement agricole et sur la concertation.
L'élaboration des
plans de développement de la zone agricole, dans une approche de planification
globale du territoire, a de nombreux
avantages, car elle situe la zone agricole dans la dynamique d'ensemble du
territoire rural et permet aux élus
locaux d'entrevoir une vision multifonctionnelle du territoire tout en
encourageant la participation citoyenne aux enjeux de développement. De plus, la concertation liée à
l'élaboration des PDZA incite une plus grande communication entre les
acteurs et, conséquemment, est susceptible d'éviter des conflits.
Présentement,
plusieurs MRC ont complété leur PDZA. Ces plans adressent différentes problématiques
régionales de développement de
l'agriculture et, surtout, proposent des moyens ou des pistes d'action pour
favoriser le développement. Ainsi,
les investissements privés encadrés touchant notamment la mise en valeur des
terres agricoles, la relève agricole, la transformation agroalimentaire pourraient être bénéfiques au maintien de
la vitalité des communautés rurales. De l'avis de la FQM, la priorité est donc de s'assurer que ces investissements
garantissent : premièrement, l'usage agricole de la terre, sa mise
en valeur ou son exploitation dans une perspective de développement de
l'agriculture dans une région; deuxièmement,
l'implantation d'entreprises de deuxième et troisième transformation
alimentaire et de produits locaux et régionaux visant la création
d'emplois et de richesse.
Considérant
que ces plans de développement de la zone agricole réalisés à l'échelle d'une
MRC répertorient des pistes d'action
possibles, adaptées à chacune des réalités observées pour protéger les
territoires agricoles, aménager le territoire
et permettre le développement des communautés rurales, il apparaît donc
opportun pour la FQM que le gouvernement du Québec adopte un plan
d'action qui va permettre une mise en oeuvre de ces plans.
En
conclusion, la fédération espère que ces commentaires sauront enrichir les
travaux en cours et, plus particulièrement,
en assurer la pérennité des communautés locales. Cette consultation publique
est, nous le réitérons, judicieuse,
notamment dans le contexte de modernisation de l'État prôné par le gouvernement
du Québec et, surtout, dans sa volonté
d'une décentralisation vers les régions et les municipalités. Ce sont des
préoccupations importantes pour la vitalité des communautés, et la FQM assure les membres de la commission et le
gouvernement du Québec de toute sa collaboration en ce sens. Merci, Mme
la Présidente.
La
Présidente (Mme Léger) : Merci, M. Lehoux. Alors, on va commencer
l'échange. Alors, du côté du gouvernement, vous avez une période de
17 min 30 s pour faire l'échange avec la Fédération québécoise
des municipalités. Alors, M. le député de Mégantic.
M.
Bolduc : Merci, Mme la Présidente. Bonjour encore une fois.
Ça me fait plaisir de vous écouter aujourd'hui sur un nouveau sujet. Comme on vous rencontre presque régulièrement en
commission, donc il est bien agréable d'entendre la FQM, qui nous parle de toutes sortes de sujets et qui a des
compétences très larges. Moi, ce que j'aimerais savoir de vous, M. Lehoux, c'est : Est-ce que, dans
votre évaluation sur l'acquisition des terres... est-ce qu'il y a des
municipalités ou des régions qui vous semblent plus problématiques que
d'autres? Je vous ai parlé de prix tout à l'heure, là, mais est-ce que vous
avez une perception à travers ce que vous entendez de vos municipalités au
Québec?
La Présidente (Mme
Léger) : Alors, M. Lehoux, je vous amène à toujours vous diriger vers
la présidence, s'il vous plaît.
M. Lehoux
(Richard) : Merci, Mme la Présidente. À cette question, c'est sûr qu'on
n'a peut-être pas l'information, là,
totale que l'on voudrait avoir, et ça fait partie, en fin de compte... et c'est
la raison pour laquelle une de nos recommandations, c'est de nommer une
instance, là, qui pourrait faire, en fin de compte, là, ce répertoire-là. Mais
il faut comprendre qu'il y a quelques
années... puis on ne recule pas si lointain que ça pour penser que, dans la
région du Lac-Saint-Jean, il y a déjà
eu, puis on remonte aux années 2010, puis peut-être un petit peu avant aussi...
commencé, en fin de compte, à avoir
de l'acquisition de terres par des non-agriculteurs, mais aussi on en a vu
apparaître, là, dans les dernières années du côté du Bas-Saint-Laurent.
Et ce que vous avez soulevé, ce n'est sûrement pas à cause du prix des terres agricoles parce que le prix, dans ces régions-là,
n'était peut-être pas si élevé que ça. Mais il y avait quand même un aspect
intéressant, puis on le regarde, puis on le
voit aussi au niveau international, que de plus en plus, là, d'intérêts sont
portés vers l'acquisition de sols agricoles parce qu'on comprend que la
planète prend son expansion aussi, puis, d'ici 2050, 9 milliards d'individus à nourrir, ça va prendre du sol agricole, ça va
prendre des terres puis des gens qui vont travailler à les nourrir.
Ça fait qu'on
n'a pas l'évaluation de cette donnée-là actuellement, et c'est la raison pour
laquelle la fédération trouve très
pertinent, en fin ce compte, que le gouvernement nomme un organisme, en fin de compte, une instance pour faire ce
répertoire-là et puis, par la suite, d'avoir un suivi aussi. Parce que ce n'est
pas tout d'avoir juste le portrait aujourd'hui, mais qu'il y ait un suivi de fait lors de
transactions, je pense que c'est tout
à fait pertinent pour savoir que...
Pour la fédération québécoise, l'important,
c'est... on comprend que l'occupation dynamique du territoire, ça se fait aussi
avec des individus, et non juste avec des
gens, là, qui vont faire des acquisitions de terres et puis qui vont, par la
suite, là, oui, les cultiver, mais
que l'on va voir apparaître dans nos municipalités, là, deux fois par année
pour venir les ensemencer et les
récolter. Ça fait que c'est aussi... l'inquiétude qui est partagée par le
milieu municipal, c'est, oui, de voir partir des terres, de laisser aller des terres à des propriétaires externes, mais
aussi toute la question de l'occupation du territoire. La vitalité d'un
milieu, ça passe aussi par l'habitation de ce milieu-là.
La Présidente (Mme Léger) : M. le
député de Mégantic.
M.
Bolduc : Merci,
Mme la Présidente. Écoutez, je
voudrais vous entendre aussi sur une autre variable de ces enjeux-là, c'est qu'on a mentionné dans quelques
mémoires que l'agriculture au Québec était essentiellement
des fermes familiales. O.K.? Est-ce qu'on peut dire aujourd'hui que c'est encore le cas? Et est-ce que ce n'est pas plus ça, le risque,
parce que ça devient un peu des entreprises
avec des frères, des cousins, des familles plus élargies, je dirais, qu'un
père, une mère propriétaires à élever une famille? Est-ce que vous avez
des commentaires à ce sujet-là?
La Présidente (Mme Léger) : M.
Lehoux?
M. Lehoux
(Richard) : Mme la Présidente, peut-être un commentaire, puis juste pour vous mentionner,
étant agriculteur moi-même et ayant
vécu une transaction il y a trois ans exactement, c'est certain que cet enjeu-là... En tout
cas, je pense qu'on est préoccupés par cela
dans le milieu municipal aussi parce que, oui, l'enjeu de la ferme familiale,
c'est très pertinent et c'est prioritaire,
mais il faut voir aussi, là, jusqu'à quelle ampleur, en fin de compte,
lorsqu'on parle d'une entreprise
familiale... On parlait tout à l'heure... M. le député, vous mentionniez
des frères, des soeurs, des cousins, puis là on est rendu, des fois, à
la troisième génération, quatrième génération. Là, ça devient un petit peu plus...
pas quatrième génération, mais les liens
apparentés un petit peu plus éloignés, c'est un petit peu plus difficile. C'est pour ça qu'il
faut toujours rester dans la perspective, là, d'une occupation dynamique du
territoire, ce qui veut dire des fermes familiales, mais à dimension, aussi, humaine. Puis je pense que ça, il
ne faut pas le négliger parce que c'est ce qui fait le dynamisme aussi
d'un milieu.
Puis, lorsque je mentionnais d'entrée de jeu
dans le mémoire que l'agriculture, c'est un moteur économique important pour chacune de nos municipalités puis
dans les quatre coins du Québec, à des niveaux différents, vous me le direz, et j'en conviens, mais je pense que
l'agriculture et toute la deuxième et troisième transformation dans
l'agroalimentaire jouent un rôle
important comme moteurs de développement économique d'un milieu. Je pense qu'il
y a cet aspect-là aussi qui est très, très important, là, à notre
perception au niveau de la fédération.
La Présidente (Mme Léger) : Merci.
Je vais céder la parole au député de Beauce-Sud.
M. Dutil :
Oui. Merci, Mme la Présidente. Quand on a formé le zonage agricole, M. Lehoux,
vous vous rappelez de ça comme moi,
sans doute, ça fait un bout de temps, là, mais on souhaitait agrandir les
parcelles de terrain. Rappelez-vous qu'une
des règles était : Tu acquières une propriété adjacente, et tu ne peux
plus la rescinder. Ce qu'on vivait à ce moment-là, c'était une trop grande partition des terrains, on
s'est dit : Les unités plus grandes vont nous permettre d'avoir certaines
économies d'échelle et, donc, arriver à
faire des produits à un prix plus abordable. D'ailleurs, je discutais tout à
l'heure avec mon collègue
d'érablières, je ne connaissais pas cette économie d'échelle là, mais on
parlait d'une petite érablière où
s'installer, ça coûte 100 $ l'entaille, puis une plus grosse érablière, où
ça peut coûter 30 $ l'entaille. Donc, il y a cet aspect-là qui a
été bien important.
Donc,
aujourd'hui, on parle de l'accaparement des terres, puis ça peut être un sujet
qui est pertinent, qu'il faut adresser correctement, et, d'autre part,
on se retrouve dans nos régions avec l'impossibilité — à
moins de demander la permission de la Commission de
protection du territoire agricole, puis ça, c'est un processus assez long et
assez dispendieux — pour pouvoir rescinder. La personne qui a
acheté une terre, deux terres, trois terres, si elle n'a pas eu la sagesse d'en avoir une puis d'avoir l'autre au nom
d'une autre personne, puis l'autre au nom d'une autre personne, ne peut plus les rescinder. Alors, je voudrais avoir
votre opinion sur cette espèce de contradiction là que l'on rencontre entre
l'objectif initial de grossir les fermes
pour avoir une certaine économie d'échelle et l'accaparement des terres, dont
on parle, où il y a des unités plus grandes pour produire à meilleur
coût.
La Présidente (Mme
Léger) : M. Lehoux.
• (14 h 30) •
M.
Lehoux (Richard) : Mme la Présidente, dans un premier temps, je pense
que la première question de M. le député,
c'est de... l'ampleur, en fin de compte, des entreprises, ce n'est pas à nous,
dans le milieu municipal, à décider quelle
grosseur d'entreprise on doit avoir, mais on a quand même une préoccupation
très importante sur le morcellement des
sols. Parce que je pense que c'est ça à quoi vous faites allusion, M. le
député, c'est clair qu'il y a
eu, en fin de compte, là, oui,
des regroupements de fermes parce que le propriétaire... il y avait une fusion à
l'intérieur de la famille, que les enfants se rassemblaient et achetaient le voisin, le deuxième voisin, le
troisième voisin. Mais aujourd'hui, quand on arrive pour faire, en fin de compte, des cultures
commerciales, on s'entend-u, là, que ça ne prend pas nécessairement
100 hectares en culture, là, pour être capable d'être un producteur
maraîcher et de fournir un certain marché?
On
va vous donner des exemples. Ici, dans la grande région de Québec, il y aurait
un bassin quand même important de gens qui auraient de l'intérêt pour
des paniers, mais l'implantation de ces agriculteurs-là dans la grande région de Québec — là, j'inclus à l'intérieur de ça, là,
Chaudière-Appalaches et puis du côté de la Rive-Nord de la Capitale-Nationale — une
certaine problématique parce qu'on a des gens... J'ai vécu personnellement chez
nous, à la municipalité, comme maire, un
jeune qui avait quand même recruté, là, son marché pour l'implantation de ses
paniers de produits maraîchers, mais
qui s'est vu, en fin de compte, là, dans la problématique d'être obligé de
laisser tomber son projet parce qu'il
fallait qu'il fasse l'acquisition d'une terre, là, d'environ une trentaine
d'hectares, et ça lui en aurait pris cinq ou six, maximum, pour servir et
puis vivre aussi décemment de cette activité-là.
Ça
fait que je pense que d'établir une règle précise sur l'ampleur que doit avoir
une entreprise agricole, je pense que
ce n'est peut-être pas le but, mais l'objectif ultime de l'accaparement des
terres, à la perception de la fédération, c'est de dire d'avoir un certain contrôle parce qu'actuellement il n'y a
peut-être pas péril en la demeure, si je peux me permettre l'expression,
mais il ne faudrait peut-être pas attendre, là, qu'on en ait un pourcentage x,
là, qui soit propriété de ressources
externes ou de groupes d'investisseurs qui, eux, nécessairement, n'habitent pas
le territoire où est-ce qu'elle est
exploitée. On va me dire : Oui, il y a des productions, là, qui... des
producteurs qui sont acquis, et puis il y a toujours une activité qui se fait,
puis il y a l'activité humaine qui se passe, mais, si les gens viennent pour
travailler puis qu'ils retournent
dans les grands centres urbains, on comprend qu'on n'a pas d'activité
économique qui est suscitée sur le terrain.
Mais,
à votre question, M. le député, c'est clair que... Et on ne peut pas définir
nécessairement, mais l'opportunité d'avoir
une souplesse au niveau du morcellement des terres en lien avec... Et je m'en
remets à notre troisième recommandation,
qui était les plans de développement de la zone agricole, qui ont été réalisés
pour plusieurs MRC au Québec actuellement. Mais, dans l'application
concrète, on rencontre ces difficultés-là lorsqu'on arrive pour vouloir implanter de la relève, des jeunes qui voudraient
s'installer sur des fermes de plus petite taille, cette difficulté, là, de non
morceler des terres, là, qui ont été, là, jumelées, là, dans les années
passées.
La Présidente (Mme
Léger) : M. le député de Beauce-Sud.
M.
Dutil : Merci. Je vais m'éloigner un petit peu de
l'accaparement comme tel pour la prochaine question, mais je pense que c'est un sujet qui mérite d'être
abordé, c'est la problématique de ne pas pouvoir remettre en terres cultivables
les terres qui sont en friche ou en
reboisement. Vous connaissez cette règle-là, qui existe depuis maintenant, je
pense, une douzaine d'années ou une
quinzaine d'années, et est-ce que vous n'estimez pas que ça pose un problème?
C'est comme si on avait une espèce de
contradiction. On veut plus de terres agricoles, on veut plus de monde sur le
terrain pour s'occuper des terres
agricoles, on a de la dénatalité dans nos régions, mais on a un obstacle qui
est l'obstacle de si la terre, par malheur, a été en friche quelques
années, elle ne peut pas retourner à l'agriculture.
La Présidente (Mme
Léger) : M. Lehoux.
M.
Lehoux (Richard) : Oui, Mme la Présidente. C'est une problématique qui
nous interpelle, oui, beaucoup, le milieu
municipal, dans l'objectif où on a actuellement, par le biais de nos plans de
développement de la zone agricole que
chaque MRC a faits, cette sensibilité-là... J'ai perdu le sens de ma réponse.
Mais, juste pour vous mentionner, M. le député, que, pour nous, il y a
un impact qui est très majeur. C'est quoi...
M. Dutil :
Mme la Présidente, on...
La Présidente (Mme
Léger) : Allez-y, M. le député de Beauce-Sud.
M. Lehoux
(Richard) : Juste répéter votre question, M. le député, je m'excuse.
M. Dutil : Oui. Bien, on avait une règle... C'est une règle
de l'Environnement, hein? Je pense
qu'à l'époque ça avait été mis en place parce qu'il y avait trop de
phosphore, et on a dit : Temporairement, on va empêcher les terres qui sont en friche de
redevenir agricoles pour contrôler cet aspect-là. Moi, il me semble qu'on l'a
contrôlé, mais on a oublié d'enlever la règle qui était : On ne
peut plus remettre les terres en culture.
M.
Lehoux (Richard) : Oui, Mme la Présidente. C'est clair que, sur cet enjeu-là... Puis c'est
une loi qui remonte, là, je pense, au début des années 2000, un règlement
sur les exploitations agricoles, le fameux REA, et qui interdit, en fin de
compte, de déboiser pour compenser.
Et on vit actuellement dans plusieurs municipalités au Québec cette situation-là parce
qu'on va... comme municipalité qui a à expansionner son périmètre urbain, il y
a une problématique aussi qui est importante
parce que les agriculteurs nous disent : Bien, vous venez empiéter sur des
terres agricoles, mais nous, on n'a pas le droit d'aller, en fin de
compte, déboiser pour reprendre ces superficies-là.
Je peux comprendre la
dynamique qu'il y avait au début des années 2000 au niveau de certaines
analyses qui avaient été faites de cours d'eau où il y avait quand même, là,
des surplus de phosphore estimés, il faut bien le dire, à l'époque. Et ils sont peut-être aussi un peu moins
importants qu'ils avaient été estimés, et aussi le milieu agricole a quand
même fait un exercice important, et de revoir aujourd'hui cette
réglementation-là, je pense que ça serait une urgence nationale, si je peux me permettre, parce que... Et c'est clair que oui,
ça cause une problématique au niveau des agriculteurs qui ne peuvent pas non plus remettre en culture
des parties en friche ou déboisées, mais aussi ça permettrait à certaines
municipalités, lorsqu'ils agrandissent en
périmètre urbain, à tout le moins de donner la possibilité aux agriculteurs
d'aller chercher, là, des sols qui
sont en boisés pour les amener en sols agricoles. Parce que, les périmètres
urbains, on sait qu'à un moment
donné, là, on s'expansionne, on empiète sur le terrain qui est en culture, et
les agriculteurs font souvent le reproche aux municipalités : Bien, vous nous enlevez 15 hectares pour
faire de l'agrandissement du périmètre urbain, mais on n'a pas le droit,
nous, de notre côté. Ça fait qu'il y a quand même un facteur qui est non
négligeable et, je penserais, très important,
et, de ce côté-là, la Fédération québécoise des municipalités est très
interpellée, et même on est avec l'UPA pour voir, là... On est d'accord
sur cet enjeu-là majeur.
La Présidente (Mme
Léger) : Merci. M. le député de Beauce-Sud, ça va? M. le député de
Saint-Maurice.
M.
Giguère : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Tantôt, vous avez fait un
exposé sur l'agriculture, le rôle qu'elle a dans les régions. Donc, oui, on parle beaucoup d'accaparement des
terres, mais aussi, là, le rôle qu'elle peut jouer dans les régions, ce
rôle-là, il peut être majeur. Donc, quand on dit : Une région est
dynamique, vous avait parlé, là, des moyens
pour créer la richesse et assurer la prospérité de la communauté rurale, c'est
que... Où est-ce que je veux en venir, c'est
que la transformation, la deuxième, troisième transformation en région, donc,
souvent, ça prend des volumes. On a parlé
tantôt accaparement des terres, oui, mais ça prend des bons blocs de terres,
des fois, pour produire certains... Moi, je suis producteur de boeuf,
donc il faut être capable de produire des volumes en région pour être capable
de faire de la première et de la deuxième
transformation. Je crois qu'on se rejoint, qu'il y a beaucoup de... on pourrait
ramener du monde dans les régions, garder notre monde dans les régions
avec cela.
Donc, j'aimerais ça,
vous entendre — vous
venez d'en glisser un petit mot, là, avec mon collègue — sur
les terres, là, qu'on pourrait, là, remettre
en culture. Et aussi où est-ce que je veux en venir, c'est que ça nous prend
des bons blocs de terres. Donc,
c'est-u qu'on fait l'accaparement des terres, c'est qu'on... Ce n'est pas tout
à fait la même chose, là, qu'on
devrait, là... Est-ce qu'on devrait laisser aller ça ou pas pour faire de la
deuxième transformation en région, de la première et deuxième transformation?
La Présidente (Mme
Léger) : M. Lehoux.
M.
Lehoux (Richard) : Oui, Mme la Présidente. Puis je reviens toujours
sur cette importance de la deuxième et
troisième transformation pour créer de l'activité économique en région. On le
voit dans plusieurs régions au Québec, la transformation des produits agroalimentaires n'est pas faite
nécessairement en région, et on aurait à gagner à faire cette
transformation-là.
Sur
l'aspect de l'enjeu des blocs de terres, parce que oui, j'en conviens, ça va
prendre, à certains égards, certaines superficies
plus importantes... Mais je pense que la réflexion, et c'est pour ça qu'on
n'est pas prêt non plus, à la fédération, à dire : Il faut mettre une loi pour interdire totalement, là, et
puis de geler les superficies... Mais, lorsqu'on est en milieu agricole, pour cultiver, là, 300 à
400 hectares de sol, il faut quand même avoir... ça commence à faire quand
même des bons lopins, là, à cultiver,
et ce qui pourrait aider aussi à faire de la deuxième transformation. Juste
de... On ne peut pas statuer sur une façon de faire de façon, là,
uniforme et unilatérale. Moi, je pense qu'on a vraiment un bel outil que chacune des MRC a développé au Québec actuellement
et puis peut-être de se repencher pour aller un petit peu plus en
profondeur avec cet outil-là, le plan de développement de la zone et des
activités agricoles.
La Présidente (Mme
Léger) : M. le député de Saint-Maurice.
M. Giguère :
Oui, merci beaucoup.
La Présidente (Mme
Léger) : Il reste à peu près une minute.
M.
Giguère : Oui. Je voudrais vous ramener aussi sur... Vous demandez de
resserrer les règles d'acquisition. Donc, on va en entendre parler souvent, dans les prochains... bien,
aujourd'hui puis demain, le fameux, là, 100 hectares. Donc, pour la
relève agricole, ne pensez-vous pas que ça va mettre une pression, là, à la
hausse sur le prix des terres, le resserrement qu'on veut mettre, là, le
100 hectares, là, par entreprise?
La
Présidente (Mme Léger) : M. Lehoux.
• (14 h 40) •
M.
Lehoux (Richard) : Mme la Présidente, c'est sûr que, pour nous, on
n'est pas allés aussi loin, là, que de définir un nombre d'hectares. Le 100 hectares, là, ce n'est pas... Nous, ce
que l'on demande, en fin de compte, c'est de resserrer les règles pour un court laps de temps — on parle de deux ou trois ans — pour bien identifier c'est quoi, les
besoins, c'est quoi, le portrait
réel, et, par la suite, je pense qu'on sera en meilleure position pour prendre
une décision à l'égard, là, d'une superficie x, là, qui pourrait être
plus contrôlée, si on veut.
La Présidente (Mme
Léger) : Il reste 10 secondes.
M. Giguère :
Donc, c'est beau.
La Présidente (Mme
Léger) : Merci beaucoup, du côté du gouvernement. Maintenant, on va à l'opposition
officielle. M. le député de Berthier, vous avez 10 min 30 s d'échange
avec la Fédération québécoise des
municipalités.
M.
Villeneuve : Merci, Mme la Présidente. Alors, M. Lehoux, M. Gagnon,
M. Harouni, bonjour. C'est toujours un plaisir
de vous rencontrer. Tantôt, M. Lehoux, vous parliez de fermes à dimension
humaine. Et heureux d'apprendre — parce que je ne le savais pas — que
vous étiez agriculteur, et on doit le rester toujours dans l'âme, j'imagine
bien.
Une voix :
...
M.
Villeneuve : Tout à fait. Ma question, dans le fond, vous savez
que — et on
l'a répété à satiété — le modèle québécois, présentement, c'est un modèle
d'agriculteurs propriétaires. Selon vous, est-ce que ce modèle agriculteurs
propriétaires est un modèle à privilégier pour la suite des choses au Québec?
La Présidente (Mme
Léger) : M. Lehoux.
M.
Lehoux (Richard) : Mme la Présidente, M. le député, je pense que, si
on veut avoir des fermes à dimension humaine, je pense qu'on n'a pas le
choix d'avoir cette réflexion-là, si on veut habiter notre territoire. On a des
lois actuellement qui sont supposées de
prioriser l'occupation dynamique d'un territoire, mais l'occupation dynamique
d'un territoire, là, ce n'est pas
d'avoir non plus un propriétaire de terrains qui achète une partie d'une
municipalité ou 300 hectares de
terrain et qui réside, là, à 200 kilomètres plus loin. Je ne pense pas que
ça soit comme ça qu'on va dynamiser puis habiter un territoire.
La Présidente (Mme
Léger) : M. le député de Berthier.
M.
Villeneuve : Oui. Bien, écoutez, dans la même veine, si je peux
me permettre, vous parlez de l'agriculture comme devant entrer dans la dynamique d'ensemble du territoire rural. De
quelle façon l'accaparement des terres entre dans l'aspect de l'occupation du territoire selon vous? Et est-ce que
c'est négatif? Est-ce que vous avez des exemples concrets? Est-ce que
c'est négatif? Est-ce que c'est positif? Comment vous voyez ça, vous?
La Présidente (Mme
Léger) : M. Lehoux.
M.
Lehoux (Richard) : ...Mme la Présidente. Bien, c'est un peu comme je
viens de vous le mentionner, M. le député, c'est clair que, si on a une
propriété, là, qui... un acquéreur de terres, un investisseur de l'extérieur
qui achète x nombre d'hectares dans une
municipalité puis qu'il y a plus juste une personne qui réside dans ce
rang-là — parce
que, quand on est en milieu rural, nos agriculteurs résident dans les
rangs — je
pense qu'il y a une dynamique qui est très importante
quand on parle d'occupation de territoire, ça va coûter les mêmes frais à la
municipalité aussi pour entretenir, et il faut...
Outre
la question des coûts pour l'entretien, la desserte, en fin de compte, de ce
noyau rural là, je pense que ça fait
partie de la dynamique, là, et du dynamisme d'un milieu d'avoir des gens,
d'avoir une activité qui rayonne autour de cela. Moi, je reste convaincu que de la transformation dans
l'agroalimentaire, qu'elle soit sur une base plus petite... Parce qu'il
y a des besoins quand même au niveau, là, de productions de plus petite taille,
des productions qui sont actuellement
peut-être marginales, mais qui pourront prendre de l'expansion, donner
l'opportunité à ces gens-là de développer
ce type d'agriculture là pour permettre, en fin de compte, là, à chacun des
milieux d'aller y trouver, en fin de compte,
son change parce qu'il y a un facteur de développement économique, je reste
convaincu, qui est prioritaire pour l'ensemble
de nos municipalités rurales. Que l'on soit en Abitibi ou que ce soit dans le
Bas-Saint-Laurent, ou chez nous, dans
Chaudière-Appalaches, il y a toujours place, en fin de compte, là, au dynamisme
qui va être amené par le milieu, par l'activité agricole comme telle et
tout ce qui en découle.
Parce
qu'on parle beaucoup d'agriculture puis d'industrie de deuxième et troisième
transformation, mais, quand on a une
agriculture qui est prospère dans un milieu, bien, ça engendre aussi d'autres
activités économiques, un ensemble de professionnels, que ce soient des
comptables et des notaires, des gens qui habitent ce territoire-là et qui
l'occupent. Je pense qu'on a tendance
souvent à oublier, là, l'impact et toute l'ampleur que le milieu agricole peut
représenter sur le terrain.
La Présidente (Mme Léger) : M. le
député de Berthier.
M. Villeneuve :
Donc, on n'y échappe pas, l'occupation du territoire passe par, évidemment, sa
vitalité. Et vice versa, sa vitalité passe
par son occupation. Donc, plus il y aura de fermes en opération à échelle humaine,
comme vous le dites si bien, et plus, effectivement, le territoire sera
dynamisé et sera occupé.
Tantôt, vous
disiez — et je ne
veux pas... j'espère que c'est ça, si je vous cite mal, vous me le direz,
là : Il n'y a pas péril en la
demeure quand on parle présentement de l'accaparement des terres. Dans l'étude
de CIRANO, qui a été faite, il faut
bien se le dire, en 2012 sur une période de quatre mois, durant l'été, je
pense, il est dit à la fin, à la conclusion de l'étude, que le problème est marginal. On s'entend, là, que, si les
fonds d'investissement privés possédaient 25 % ou 30 % des terres agricoles du Québec, on le saurait,
hein, on ne serait peut-être pas ici à en discuter. Le problème, il ne se situe
peut-être pas nécessairement à savoir... Puis il faut le savoir, remarquez, là.
Mais, pour le moment, là, pour l'heure, là, moi, je pense que ce qu'il est
urgent de savoir, c'est l'accélération du phénomène, à quelle vitesse il
progresse. Et ça, on ne le sait pas. Et donc l'étude a été faite en 2012,
nous sommes en 2015.
Selon
vous — et je
sais que vous y avez répondu tantôt en partie, mais je vais vous reposer la
question, tout de même — même s'il n'y a pas péril en la demeure,
est-ce que l'État québécois, de par son rôle qu'il doit jouer dans toute la
cohésion sociale et dans tout le
développement du Québec, doit prendre le problème à bras-le-corps, aller
chercher les informations
pertinentes, en faire une analyse sérieuse, rigoureuse et, finalement, fournir
toute l'information? Je crois que les Québécois s'attendent à avoir cette
information-là pour être en mesure, justement, de prendre les décisions qui
seront les leurs pour l'avenir de l'agriculture puis pour l'avenir du
Québec tout entier.
La Présidente (Mme Léger) :
M. Lehoux. Vous n'avez pas le temps de boire, là. Ha, ha, ha!
Des voix : Ha, ha, ha!
M. Lehoux
(Richard) : Mme la Présidente, je pense que c'est très clair, oui, il
n'y a pas péril en la demeure, mais je
veux juste vous ramener à un fait. À l'assemblée des MRC, que la fédération
organise à chaque année, deux fois par année,
en 2010 — ça va
faire cinq ans au mois de mai — j'avais interpelé, parce qu'on avait eu, en
fin de compte, une situation qui nous
avait été amenée, le gouvernement du Québec, le ministre de l'Agriculture de
l'époque sur cette situation, là, d'accaparement des terres. On est il y
a cinq ans, et c'est certain que, l'augmentation de la cadence, on ne peut pas
exactement, là, dire que c'est en explosion, mais on voit, là, qu'il y a quand
même un plus grand intérêt de la part des investisseurs à acquérir des sols. Je
pense que l'objectif — puis
c'est la raison de la première recommandation que la fédération fait ici, à la commission — c'est de dire : On veut avoir le
portrait, et je pense que c'est important de le faire le plus rapidement
possible.
La deuxième,
de dire : Bien, on pourrait peut-être-tu, là, relever aussi, là, le pied
sur l'accélérateur pour certaines acquisitions
qui voudraient aller un peu rapidement? Je pense que ça pourrait faire état
aussi d'un grand intérêt. Moi, je pense
que le milieu municipal est tout à fait ouvert. Et on ne dit pas, là, que le
péril est dans la demeure puis que le feu est dans la bâtisse, si je peux me permettre, mais il ne faut quand même pas
attendre qu'il y ait 25 %, 30 % des sols avant de se poser ces questions-là et de lui réfléchir
comme il faut. Et la pertinence d'avoir une instance qui ferait ce portrait-là,
et avec un suivi aussi, parce que moi, je
trouve très important qu'on fasse le portrait et qu'on suive cette évolution-là
parce qu'on sait que, des fois, ça
peut aller plus rapidement que l'on pense, là. Ne pas faire l'exercice une fois
aux 15 ans non plus.
La Présidente (Mme Léger) : M. le
député de Berthier.
M.
Villeneuve : Merci, Mme la Présidente. En terminant, juste
préciser que, depuis 2012, lorsque l'étude a été faite par CIRANO,
d'autres fonds d'investissement privés ont vu le jour au Québec. Et, selon les
dires de l'étude, des chercheurs, ceux qui
étaient là à l'époque et ceux qui sont là maintenant sont très agressifs sur le
marché comme tel. Alors, tout
simplement, je voulais juste apporter cette précision-là. Donc, oui, il n'y a
pas péril en la demeure, effectivement, on n'est pas en péril, mais il
faut, en quelque part, s'assurer de mesurer le phénomène.
Merci beaucoup, M. Lehoux, M. Gagnon
et M. Harouni. Alors, je céderai la parole à mon collègue.
La Présidente (Mme Léger) : Alors,
M. le député de Bonaventure.
M. Roy :
Merci, Mme la Présidente. Bonjour, messieurs. Écoutez, il me reste à peine deux
minutes, donc, je vais être rapide.
En quoi la financiarisation du territoire agricole peut-elle modifier les
conditions de vie des agriculteurs qui veulent demeurer dans leur
région?
La Présidente (Mme Léger) :
M. Lehoux.
M. Lehoux
(Richard) : Question... Je pense que la... Il y a quand même un impact
important, là, quand on pense à la
financiarisation, là, pour que les gens puissent demeurer sur leur territoire
parce qu'on comprend que... Et puis on le voit aussi, là, dans plusieurs régions au Québec, la relève agricole est
là, elle est prête. Je pense qu'on a une belle relève, une belle
jeunesse qui est prête à s'installer sur les entreprises agricoles, mais avec
la difficulté que l'on rencontre de compétitionner
sur le marché avec des investisseurs qui font ça aussi, là, pour faire des
sous. Parce qu'il y a peut-être, dans
une perspective de moyen et long terme, un besoin, là, qui ne va être peut-être
pas, là... qui va être réel. Ça fait que je pense que c'est très pertinent d'avoir, en fin de compte, là, cette
réflexion pour pouvoir maintenir nos jeunes partout les régions à
dynamiser l'agriculture.
La Présidente (Mme
Léger) : M. le député de Berthier... excusez, de Bonaventure.
M.
Roy : Bonaventure. Mais la question, c'est : Est-ce qu'on
va voir une amélioration ou une détérioration des conditions de vie des agriculteurs au Québec si on
voit le phénomène spéculatif prendre de l'ampleur et peut-être de voir
de plus en plus d'agriculteurs devenir des locateurs de terrains où ils ont peu
ou pas, je dirais, de contrôle de...
La Présidente (Mme
Léger) : M. Lehoux.
• (14 h 50) •
M. Lehoux
(Richard) : Mme la Présidente, je pense que l'avenir de l'ensemble des
régions du Québec doit passer par des gens qui y habitent et des gens qui ont à
coeur, en fin de compte, leur entreprise. Pour la majorité des agriculteurs, je pense que c'est leur passion, et
puis d'être à l'emploi d'une entreprise qui demeure à l'autre bout de la
planète, je ne suis pas sûr que c'est ce que
les gens recherchent et ce qui va dynamiser le milieu. Je pense qu'il y a une
belle richesse dans notre relève qui est là
pour développer. C'est des entrepreneurs dans l'âme, et je suis convaincu
qu'ils sont capables de relever le
défi. Mais c'est certain que, si on n'intervient pas, on risque de voir cette
situation-là nous heurter.
La Présidente (Mme
Léger) : Il reste une vingtaine de secondes.
M.
Roy : Bien, écoutez,
je suis très sensible au phénomène de dévitalisation des régions. Parce que je ne
sais pas si vous suivez l'actualité,
bon, en ce moment, mais ce qu'on dit sur la Gaspésie est très déplorable,
et je voulais profiter de ces quelques secondes pour le dénoncer. Et
donc merci beaucoup.
La Présidente (Mme
Léger) : Nous passons maintenant au deuxième groupe d'opposition. Mme
la députée porte-parole de la CAQ, Mme la députée de Mirabel, à vous la parole,
puis pour un temps de sept minutes.
Mme
D'Amours : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, messieurs. Moi, j'aimerais que vous me
disiez, si vous avez la réponse, combien de municipalités ont terminé
leur plan, leur PDZA.
La Présidente (Mme
Léger) : M. Lehoux.
M.
Lehoux (Richard) : Mme la Présidente, je ne sais pas le nombre exact, mais on a, là, sûrement, là, pas loin d'une
cinquantaine, je pense — Farid,
si je ne me trompe pas — de
plans de développement de la zone agricole par territoire de MRC qui sont adoptés. Il y en a qui viennent de l'adopter,
il y en a que ça fait déjà quelque temps, il y en a qui ont un plan d'action qui est déjà en route.
Mais ce que l'on constate puis ce que l'on réalise avec plusieurs plans de
développement de la zone agricole, c'est qu'il y a certains freins, là, qui
sont occasionnés, et ça prendrait quelques assouplissements
au niveau législatif pour permettre, en fin de compte, une meilleure mise en
oeuvre de ces plans d'action là par les planifications qui ont été
faites sur chacun des territoires.
Et
l'objectif de cette planification-là, quand on la regarde concrètement, c'est
de laisser plus de latitude aussi à chacun
des milieux parce qu'on reste convaincus que l'action qui a été faite pour la
réalisation de ce plan de développement de la zone agricole là a été faite en concertation avec le milieu
agricole, avec le milieu municipal et les développeurs au niveau économique qui font partie aussi de la
société civile dans chacun de nos milieux. Il y a eu des belles réflexions,
des beaux échanges puis des beaux lieux de
concertation avec des plans d'action, mais il y a quand même, par la suite, un
frein qui est mis, là, lorsqu'on arrive pour
aller un petit peu plus loin. On avait tout à l'heure l'exemple, là, de pouvoir
enlever... en fin de compte, de déboiser
certaines parcelles de terrain pour permettre un agrandissement des sols en
culture. Je vous avais amené au
départ aussi l'opportunité de morceler des terres pour permettre des plus
petites unité que... en production
maraîchère, qui puissent naître. Ça fait que je pense qu'il y a quand même, là,
un facteur qui est important de ce côté-là.
La Présidente (Mme
Léger) : Mme la députée de Mirabel.
Mme D'Amours : Mais vous dites qu'il y a une cinquantaine de
municipalités qui l'auraient. Est-ce que, si c'était une exigence que toutes les municipalités se
dotent du plan, du PDZA, est-ce que ça ne pourrait pas aider, justement, à
avoir nos zones agricoles dynamiques, nos
zones agricoles... et, à ce moment-là, avoir un meilleur portrait de la zone
cultivée?
La Présidente (Mme
Léger) : M. Lehoux.
M.
Lehoux (Richard) : Mme la Présidente, quand on parle d'une
cinquantaine de MRC au Québec sur 87, là, si je ne me trompe pas, là, qui peuvent adopter des plans de développement,
il y en a d'autres qui vont débuter l'exercice, il faut comprendre que c'est un exercice aussi qui avait été mis de
l'avant par le ministère de l'Agriculture... là, on recule en 2008, là, pour les premiers, les huit projets
pilotes qui ont été démarrés à ce moment-là. Par la suite, en 2010, il est
venu d'autres plans de développement qui ont été... Parce qu'il faut comprendre
que les MRC qui l'ont adopté et qui l'ont
fait d'entrée de jeu avaient quand même une aide gouvernementale pour le mettre
en place, le plan de développement, mais,
si l'exercice... Je crois que oui, il serait pertinent qu'il soit fait par
l'ensemble des MRC au Québec, et ça définirait encore mieux, comme vous le dites, Mme la députée, de bien cerner les
zones dynamiques et où est-ce que l'on peut faire vraiment, là... intensifier l'activité agricole,
où est-ce qu'on peut aussi amener à cela des activités para-agricoles qui
peuvent aussi s'implanter en zone agricole, même si ce n'est pas de
l'agriculture proprement dite.
Il y a beaucoup d'exemples comme ça,
là, que l'on a sur le terrain qui pourraient être mis de l'avant, mais avec
une réalisation. C'est pour ça que, nous, ce
que l'on fait comme troisième recommandation, c'est de demander aussi quel
est le plan d'action du gouvernement actuel
dans la mise en place de nos plans de développement de la zone agricole. Parce
que oui, il y en a qui sont en place, mais,
je vous dirais, le carnet du plan d'action est loin d'être mis à l'avant-plan
parce que plein de contraintes, là,
de différents niveaux, et c'est la
raison pour laquelle la fédération demande, en fin de compte, c'est quoi, l'orientation du gouvernement actuel dans sa planification et puis la capacité, là, de pouvoir aussi
permettre la mise en action de ces plans de développement de la zone
agricole.
Mais
j'ajouterais aussi zone agricole, mais aussi l'activité agricole. Parce qu'on
parle beaucoup de protection du territoire, mais il faut
aussi — puis
on en est très conscients — la
protection des activités agricoles qui viennent avec ça. Parce qu'on
sait que, dans certains secteurs, il y a eu toutes sortes de problématiques qui
ont été soulevées soit par la poussière, par
les bruits, les odeurs, et tout. Ça
fait que je pense
qu'il y a une réflexion
importante qui doit être faite, mais aussi,
de la part de l'État, c'est quoi, le plan d'action pour les prochaines années
pour le développement de l'agriculture, en répétant toujours que c'est
un moteur d'activité économique très important pour le Québec.
La Présidente (Mme
Léger) : Mme la députée de Mirabel.
Mme
D'Amours : Je vais laisser mon collègue poser une question, M. le...
La Présidente (Mme
Léger) : Alors, M. le député de Drummond—Bois-Francs.
M.
Schneeberger :
Bonjour à vous...
La
Présidente (Mme Léger) : Oui, parce que vous pouvez vous céder la
parole, mais je demeure celle qui donne la parole.
Mme
D'Amours : Oui, pardon, je suis désolée.
La Présidente (Mme
Léger) : M. le député de Drummond—Bois-Francs, allez-y.
M.
Schneeberger :
Bonjour à vous tous. Dans votre mémoire, vous faites un lien avec l'accaparement des
terres agricoles et la souveraineté
alimentaire. Pour moi, la souveraineté alimentaire, c'est d'avoir, grosso modo,
là, c'est d'avoir le maximum
de terres possible pour cultiver et produire les fruits et légumes et les
besoins pour l'homme et aussi les animaux. Par contre, n'êtes-vous pas un
peu... je ne dirai pas en conflit, mais... Parce que, pour moi, un des
phénomènes principaux, si je puis
dire, de l'accaparement des terres, c'est surtout l'étalement urbain dans
certaines places, et, justement, vous êtes la fédération... C'est sûr qu'il y a
des villages au Québec qui travaillent beaucoup plus à pouvoir rester
en vie, mais, si je prends le cas de la Montérégie, où est-ce qu'on a les meilleures terres agricoles au Québec, c'est aussi l'endroit
où est-ce qu'il se perd, malheureusement,
le plus grand nombre de bonnes terres, et dû, nécessairement, à l'activité
surtout industrielle et les agglomérations.
Alors,
moi, je voudrais savoir un peu qu'est-ce que vous, vous faites là-dedans pour,
justement, en arriver que ce phénomène soit le plus réduit possible aussi, là.
Ça, c'est aussi une question qui fait un peu de l'accaparement des terres. Tu
sais, là, on parlait de... mais c'est parce qu'une terre, si elle est
cultivée, elle produit quand même, peu importe qui la cultive.
La Présidente (Mme
Léger) : M. Lehoux, dans une vingtaine de secondes.
M.
Lehoux (Richard) : Oui. Je pense que, toute la question de l'étalement
urbain, on en est très conscients, puis je pense que, dans l'ensemble de
nos municipalités, aussi. Mais c'est la raison pour laquelle on amenait tout à
l'heure la possibilité de revoir certaines
règles comme le Règlement sur les exploitations agricoles pour permettre, dans
certains secteurs où est-ce qu'il y a quand même beaucoup de boisés
encore au Québec, de le réaliser.
Il
faut juste ne pas perdre de vue qu'on veut aussi que les plans de développement
de la zone agricole... Que l'on soit
dans la couronne sud ou nord de Montréal, que l'on applique des règles x, mais
qu'elles soient différentes pour... que l'on soit chez nous, en Chaudière-Appalaches. C'est juste, je pense,
qu'il faut vraiment donner toute la capacité à ces plans de développement de la zone agricole là parce que
ça aura été fait en concertation avec les gens dans le milieu, autant le
milieu agricole que le milieu municipal.
Moi, je pense qu'il y a des outils là qui doivent être encore mieux utilisés,
là, et c'est la réflexion que la fédération voulait apporter.
La
Présidente (Mme Léger) : Merci. Je remercie, pour votre présentation,
la Fédération québécoise des municipalités. Pour les échanges qu'on
vient d'avoir, merci, M. Lehoux, M. Gagnon, M. Harouni.
Alors, je suspends
quelques instants pour permettre à l'Union des producteurs agricoles de venir
s'installer.
(Suspension de la séance à
14 h 59)
(Reprise à 15 h 1)
La
Présidente (Mme Léger) :
Alors, bienvenue à l'Union des
producteurs agricoles. Alors, si vous voulez bien vous présenter et présenter les gens qui vous accompagnent.
Et vous avez pour une période de 10 minutes...
Union
des producteurs agricoles (UPA)
M. Groleau
(Marcel) : Alors, merci beaucoup. Alors, je suis Marcel Groleau, président général de l'Union des producteurs agricoles. Et je
suis accompagné de M. Charles-Félix Ross, qui est le directeur de la division
Recherches économiques et politiques agricoles à l'UPA.
Alors, nous
vous remercions, membres de la commission, pour votre invitation à cette
initiative d'entendre les intéressés sur la question de l'accaparement
des terres au Québec, un dossier jugé prioritaire par notre organisation. J'aimerais aussi remercier... Vous le voyez, ça
intéresse beaucoup de gens. Il y a plusieurs producteurs agricoles, d'ailleurs,
qui sont ici cet après-midi — et la relève agricole — pour
entendre nos délibérations.
Le dossier de l'accaparement des terres soulève
donc des passions. N'allez pas croire qu'il est facile pour une organisation comme la nôtre de prendre position
dans un tel débat, car, pour certains, la présence d'investisseurs dans les transactions foncières constitue une occasion
de profiter d'une valeur accrue pour la vente de leurs terres. Il est clair
cependant que, pour la plupart, elle présente
un obstacle ou une menace au développement de leur entreprise ou à leur
propre établissement en agriculture. Aussi,
au-delà des intérêts privés des uns et des autres, nous savons qu'il en va de
l'intérêt général de l'agriculture, des agriculteurs d'aujourd'hui et de demain
et de la société québécoise tout entière.
Les terres agricoles sont limitées et
constituent un bien rare qui sert à la production d'un bien essentiel, la nourriture. Le phénomène d'accaparement des terres
ne peut être pris à la légère. C'est d'ailleurs avec cette vision, celle
du long terme et de l'intérêt général, que
le congrès général adoptait après plusieurs consultations une position qui sera
présentée ici cet après-midi.
Alors, nos analyses. Une analyse des
transactions que nous avons réalisée tout récemment a fait ressortir quatre raisons qui justifient une intervention
gouvernementale pour surveiller, encadrer et limiter la financiarisation des
terres agricoles. Ce sont quatre indices très factuels qui ne mentent pas quant
à l'accroissement du phénomène de l'accaparement
des terres : le premier, la hausse fulgurante du prix des terres; le
deuxième, l'augmentation des transactions foncières agricoles; le troisième, la présence de fonds d'investissement
dans le marché des terres; et le dernier, la concentration des
transactions.
Sur le
premier indice, le prix des terres agricoles s'est apprécié de 600 % au
cours des 23 dernières années. Un hectare de terre, qui valait, en
moyenne, 1620 $ en 1990, vaut aujourd'hui 10 115 $. Cette hausse
dépasse le taux de croissance de la
productivité économique des terres. Autrement dit, la valeur marchande des
terres agricoles s'est accrue plus
rapidement que leur valeur économique. Depuis 2010, le prix des terres
agricoles s'éloigne de la tendance des prix à long terme. Dans ce
contexte, un jeune de la relève peut difficilement espérer rentabiliser l'achat
de terres.
Le deuxième
point. En cinq ans, le nombre annuel de transactions foncières agricoles est
passé de 1 605 à 2 678, une hausse
de 67 %. Le marché des terres agricoles est donc beaucoup plus actif
aujourd'hui qu'il ne l'était il y a cinq ans. Pourquoi le nombre de transactions augmente-t-il? Quel est le profil des
vendeurs? Est-ce que les producteurs agricoles sont plus nombreux à prendre leur retraite? Est-ce qu'il y a plus
d'acquisitions qu'auparavant qui sont réalisées par des producteurs qui ne sont pas des exploitants
agricoles? Quel est le profil des acheteurs? Ces questions sont pertinentes,
mais sans réponse pour l'instant.
Le troisième point. L'analyse des transactions
foncières agricoles des dernières années révèle l'apparition de nouveaux acteurs sur le marché, notamment des
acteurs du monde financier : dans un premier temps, la Banque Nationale,
suivie de Pangea, Agriterra, Partenaires
agricoles SEC, Solifor, Haig et, dans une moindre mesure, le FIRA. Ensemble,
ils achètent à chaque année d'importantes superficies de terres dans des
régions très ciblées.
Et le dernier point. Au cours des cinq dernières années,
les 15 sociétés les plus actives sur le marché des terres
auraient acquis plus de 27 000 hectares. La société Pangea, à elle seule,
a déboursé plus de 26 millions pour acquérir 4 131 hectares. Pour ceux qui disent que le phénomène est marginal,
c'est l'équivalent des terres de 40 familles agricoles. En fait, il ne faudrait que 700 investisseurs
possédant chacun 4 000 hectares pour remplacer les 28 000 fermes du
Québec.
Au
Lac-Saint-Jean, avec des achats de 2 209 hectares en 1913-1914, Pangea a
occupé plus de 50 % du marché. Une
position aussi dominante n'est, ni plus ni moins, qu'une prise de contrôle du
marché. Pour nous, le modèle d'affaires proposé par Pangea est peu attrayant pour la relève entrepreneuriale,
qui n'a pas accès aux actifs ni à leur appréciation et qui doit, tout de
même, partager les risques liés aux opérations.
Ces quatre
indices sont autant de sonnettes d'alarme qui devraient alerter les autorités
du MAPAQ et de la Commission de protection du territoire agricole.
Au Québec, la
zone agricole est relativement petite. Au cours des dernières années, plusieurs
intervenants ont tenté de
marginaliser le phénomène d'accaparement des terres agricoles au Québec en
martelant que les producteurs détenaient près de 85 % des terres agricoles. La réalité est différente. Les
terres en culture occupent à peine 30 % de la zone agricole. Avec plus de 600 000 hectares de terres en
location, le taux de propriété des fermes québécoises se situerait plutôt entre
65 % et 70 %. Dans le territoire
de la Communauté métropolitaine de Montréal, ce taux est à 50 %. La
capacité de production de plusieurs fermes dépend donc de leur accès à
des terres en location, lesquelles appartiennent à des propriétaires promoteurs qui sont de moins en moins issus du
milieu agricole et qui attendent, pour certains, l'occasion d'en changer
la vocation.
Alors, nos
réflexions. La financiarisation des terres est un phénomène spéculatif. Les
fonds achètent des terres, car leur
valeur est à la hausse, et le rendement probable de leur investissement est
intéressant. Ce genre de procédé n'amène toutefois pas de capitaux en
agriculture. Les fonds achètent les actifs agricoles avec leurs capitaux et
s'accaparent les rendements de ces actifs,
rendements auparavant réinvestis en agriculture. Les fonds ne développent pas
non plus l'entrepreneuriat. Par
exemple, quand Pangea arrive, elle installe un seul opérateur par bloc de
1 000 hectares et elle pousse graduellement tous les producteurs en
périphérie qui, eux, ne voient plus de possibilité d'expansion.
Autre
question : Dans 10 ou 20 ans, qui va acheter les actifs de Pangea
lorsqu'ils seront à vendre? Sans doute, un plus gros fonds d'investissement, peut-être avec pignon sur rue à
Montréal, mais aussi peut-être dont le siège social sera à New York ou à
Hong Kong.
On ne peut
attendre pour agir, car la ressource terre est limitée. C'est un bien rare,
essentiel à la vie, à la sécurité alimentaire.
Les terres arables doivent être protégées, et on ne peut laisser une telle
responsabilité sociale entre les mains d'une
poignée d'individus. La protection des terres agricoles est un fait reconnu et
accepté depuis 35 ans au Québec. La loi de protection des terres agricoles protège tant bien que mal les terres
de l'accaparement des promoteurs. La loi sur l'acquisition par des
étrangers fait de même en regard de l'appétit des investisseurs non québécois.
La population mondiale va atteindre
9 milliards d'individus en 2050. Avec les changements climatiques et l'imprévisibilité de leur ampleur et de leurs effets,
chaque gouvernement a la responsabilité d'assurer à long terme la sécurité
alimentaire de sa population. Le phénomène d'accaparement des terres n'est pas
marginal au Québec, et les données présentées dans ce mémoire démontrent qu'il
s'accentue. L'accaparement des terres pourrait avoir des conséquences irréversibles sur le modèle d'agriculture
familiale québécois : l'abandon de plusieurs projets d'établissement de la
relève et de consolidation en raison
de l'incapacité des producteurs à concurrencer les sociétés d'investissement;
le passage d'une agriculture d'entrepreneurs à une agriculture de
salariés; la marginalisation des fermes de petite et moyenne taille; la
diminution significative du nombre de fermes; et l'aggravation de la
dévitalisation des territoires ruraux.
Donc, nos
demandes au gouvernement du Québec. Donc, doit, à très court terme, dresser le
portrait détaillé de la situation et
instaurer un mécanisme de suivi des transactions. Nous demandons cela depuis
déjà plusieurs années. Le Registre foncier
du Québec, les publications spécialisées dans lesquelles sont colligées toutes
les transactions relatives au monde agricole
ainsi que les données issues de la récente réforme cadastrale sont autant
d'outils permettant au MAPAQ ou à la Commission
de protection des terres agricoles de surveiller et de suivre l'évolution des
transactions foncières agricoles.
Dresser un
portrait plus complet des propriétaires de la zone agricole. L'information
nécessaire pour assurer un bon suivi des transactions existe, elle est
disponible et publique. Il suffit de la colliger, de la traiter et de procéder
aux analyses pertinentes.
Le deuxième point, c'est de...
• (15 h 10) •
La Présidente (Mme Léger) : Il vous
reste une minute.
M. Groleau
(Marcel) : Une minute? D'accord.
Alors, ce qu'on propose, c'est de limiter, pour les trois prochaines années, à 100 hectares l'acquisition par un
propriétaire, ou un individu, ou une entreprise. Pourquoi trois ans? Parce que ça permettrait pendant cette
période-là de... ça permettrait aux producteurs de continuer à transiger des
terres, pour la plupart — parce qu'on a
vérifié, selon les registres, encore
une fois, il y a très peu de producteurs qui ont acheté plus de 100 hectares par année pendant trois années — et ça limiterait l'action des fonds
d'investissement. Pendant cette période-là, donc, nous, ce qu'on souhaiterait, c'est qu'il y ait une vraie réflexion
autour de cet enjeu-là, l'établissement de la relève agricole, l'accès aux actifs agricoles de plus en
plus dispendieux, les outils pour accéder au crédit, pour accéder aux actifs
agricoles et toute la question de
l'établissement de la relève agricole et de la consolidation des entreprises.
Donc, c'est pour ça qu'on propose cette mesure-là.
Et aussi, en
terminant, lorsque M. Paradis a été nommé ministre de l'Agriculture, M.
Couillard lui a expressément demandé
de trouver des solutions à la financiarisation des terres agricoles et à la
difficulté pour les jeunes de s'établir en agriculture. Alors, si on laisse la situation actuelle s'accentuer,
c'est sûr que ce sera de plus en plus difficile de trouver des solutions
durables et à long terme. Alors, c'est pour ça qu'on demande cette espèce de
clause là qui limiterait à 100 hectares l'acquisition par année, l'acquisition
par une personne ou une entreprise.
La
Présidente (Mme Léger) : Merci, M. Groleau. Alors, on commence la
période d'échange, donc, avec la partie ministérielle. Vous avez 17 min 30 s.
Donc, je crois comprendre que c'est le député de Mégantic.
M.
Bolduc : Merci, Mme
la Présidente.
La
Présidente (Mme Léger) : Je
vous invite tous les deux, et autant l'organisation,
tout ça, de vous adresser à la présidence à chaque fois.
M.
Bolduc : Merci.
Écoutez, bonjour. Il me fait plaisir de vous rencontrer aujourd'hui. Vous nous
parlez, à l'accaparement des terres agricoles, début de la section 2, de
Cominaret vous nous parlez que la CPTAQ autorise annuellement, à la demande d'intervenants de toutes sortes, que près de
4 000 hectares de terres appartenant à la zone verte, qu'ils soient utilisés à d'autres fins que
l'agriculture, et, de ce nombre, 1 000 en sont exclus. Est-ce que c'est
vraiment la quantité de terres qui
sont autorisées à être exclues de l'agriculture annuellement? Et, si oui, de
quelle qualité sont-elles, ces terres-là?
La Présidente (Mme Léger) : M.
Groleau.
M. Groleau
(Marcel) : En fait, cette
statistique-là est une moyenne. En fait, sur 10 ans, c'est 4 000 hectares
par année en moyenne. Et, bon, oui,
c'est les meilleures terres du Québec habituellement parce que c'est pour des
agrandissements principalement de périmètres
urbains, construction de routes ou agrandissement de parcs industriels dans
la plupart des cas. Donc, c'est parmi les meilleures terres du Québec, oui.
La Présidente (Mme
Léger) : M. le député de Mégantic.
M.
Bolduc :
Merci, Mme la Présidente. À la page... vous nous parlez après ça de la zone
agricole, vous nous dites qu'avec
plus de 600 000 hectares de terres en location le taux de propriété des
fermes québécoises se situe autour de 65 % à 70 %. Ma compréhension — puis je suis peut-être dans l'erreur ici,
là — c'est
que beaucoup de ces anciens agriculteurs là préfèrent les louer que les vendre parce que ça leur permet de garder un
bien qui appartient à leur famille, mais peut-être que je n'ai pas la bonne perception. Est-ce que
vous pourriez expliquer pourquoi ce phénomène de location là s'étend?
M. Groleau
(Marcel) : Bien, je vais
demander à Charles, finalement, peut-être de faire le point là-dessus parce
que c'est important, parce que ça vient, en
quelque sorte, un peu clarifier l'analyse qu'a faite CIRANO de la situation.
Donc, c'est important de bien comprendre ce bout-là. Charles...
M. Ross (Charles-Félix) : Écoutez...
La Présidente (Mme Léger) : Alors,
M. Ross.
M. Groleau (Marcel) : Oui, pardon.
M. Ross
(Charles-Félix) : La réalité,
c'est que la zone cultivée au Québec, c'est 1,9 million d'hectares, et les
producteurs, pour cultiver cette zone-là,
ils en louent 600 000 hectares par année. Donc, le 600 000 hectares,
oui, dans certains cas, ça appartient
à des anciens agriculteurs. Mais, vous l'avez dit, des anciens agriculteurs, ça
peut appartenir aux générations
suivantes, mais ça n'appartient plus à des producteurs agricoles. Ce n'est plus
des producteurs agricoles, c'est
600 000 hectares. Et ça, on n'a aucune information de qui sont les
propriétaires de ces 600 000 hectares là. Ce qu'on sait, par
contre, c'est qu'entre 2006 et 2010 le taux de location, ce que les producteurs
agricoles louent aux autres, a augmenté de
10 points. Donc, on est passé, là, d'à peu près, là, un 20 % à un
35 % ou un 25 % à 35 % de taux de location. Donc, c'est un phénomène qui s'accroît. Et, si on
va au pourtour des villes, dans la région de Montréal, dans la CMM, on
parle d'un taux de location de 50 %.
La Présidente (Mme Léger) : M. le
député de Mégantic.
M.
Bolduc :
Merci, Mme la Présidente. Moi, j'ai aussi... Quand on regarde ce phénomène-là,
puis je regarde, entre autres, les
producteurs laitiers... Et je sais très bien que l'UPA est très concernée par
la relève agricole, mais, quand on regarde
la valeur des quotas, la valeur de la machinerie et la valeur des fermes, en
fait les quotas, entre autres, sont de très
loin des valeurs beaucoup plus supérieures au coût d'acquisition des terres
et que la problématique aujourd'hui, c'est la
dimension des terres, qui fait que les jeunes ne peuvent pas mettre en place
une capitalisation suffisante pour acquérir leurs terres, d'où une
déviation des terres vers d'autres utilisations ou d'autres formes
d'entreprises. Est-ce que vous pourriez commenter là-dessus, s'il vous plaît?
La Présidente (Mme Léger) : M.
Groleau.
M. Groleau
(Marcel) : En fait, dans
certaines régions, aujourd'hui la valeur des terres est plus importante pour
une entreprise agricole que la valeur du
quota. Selon la taille de l'exploitation laitière, nécessairement.
Mais l'augmentation du prix des
terres, qu'on a démontrée, là, le 600 % depuis 1990, c'est une... Et, si
on avait pris l'augmentation des cinq
dernières années, l'augmentation du prix des terres a été plus lourde à
supporter dans les transactions foncières ou dans les transactions
d'entreprises, dans bien des cas, que la valeur des quotas.
La Présidente (Mme Léger) : M. le
député de Mégantic.
M.
Bolduc : Merci,
Mme la Présidente. Vous avez mentionné
qu'il y avait, dans certains cas, plusieurs milliers d'entreprises qui avaient des terres au Québec
et vous nous avez fait une liste de certains joueurs très actifs, comme vous
les qualifiez, dans les cinq dernières
années, qui auraient acquéri pour 121 millions de dollars de terres. Est-ce que ça, ça inclut
seulement que les terres ou ça inclut aussi des actifs agricoles tels que des quotas de lait,
etc.? Parce que, si je prends, par
exemple, Pangea, là, je sais qu'elle acquiert environ 49 % d'une
participation dans des fermes. Donc, là-dedans, là, c'est l'ensemble de la ferme, pas seulement que
les terres. Ça fait que je suis un peu... Est-ce que vous pourriez clarifier
ça, s'il vous plaît?
La Présidente (Mme Léger) : M.
Groleau.
M. Groleau
(Marcel) : Oui. En fait, ce
sont des acquisitions de terres. Le 121 millions, c'est les acquisitions
de terres. Et, dans le cas de Pangea,
Pangea, quand elle achète les terres, le 49 % auquel vous faites
référence, c'est la compagnie de gestion qui va opérer les terres agricoles
achetées par Pangea, et, dans cette compagnie de gestion là, Pangea détient
49 % des actions. Alors, il faut faire
bien la distinction. Et c'est là, nous, où on dit que le modèle... En fait,
l'exploitant qui détient 51 % de
cette compagnie de gestion là détient soit les actifs qu'il a amenés dans cette
entreprise-là ou, à défaut, ne détient que des actions d'une entreprise
qui opère les terres. Donc, il ne détient pas l'actif foncier.
La
Présidente (Mme Léger) : ...M. le député de...
M.
Bolduc : O.K. Merci, Mme la Présidente. Le 11 septembre
2014, le ministre de l'Agriculture vous a envoyé une lettre en vous demandant que, si vous aviez connaissance de
transactions et de phénomènes d'accaparement, de lui transmettre l'information.
Est-ce que vous avez un document de réponse à cette lettre-là?
M. Groleau (Marcel) : En fait, cette demande-là, pour nous, on peut transmettre... Le
ministre a plus d'outils que nous
pour avoir un portrait plus détaillé des transactions, que n'importe quel autre
groupe dans la société, là. Moi, je peux
rapporter ce qui s'est passé chez mon voisin, je peux rapporter ce qu'untel ou
untel m'a dit ou je peux faire comme on
a fait, aller fouiller dans les registres fonciers puis relever les principaux
acheteurs des cinq dernières années. Mais, en fait, je pense que cette demande-là du ministre visait à peut-être
tenter de démontrer la marginalité de la situation, alors qu'en fait,
pour nous, la situation, elle s'accentue, et on ne peut pas parler de phénomène
marginal.
C'est un phénomène,
de toute façon, qui est mathématiquement appelé... juste d'un point de vue
finances, qui devient intéressant. Une
augmentation de 600 % depuis 1990, est-ce que ça va se répéter dans les 10
prochaines années? Je ne le sais pas.
Mais, basé sur le passé, il n'y a pas beaucoup d'investissements qui ont donné
autant que le rendement procuré par les terres agricoles. Donc, pour un
fonds d'investissement, c'est intéressant d'acheter ou d'avoir dans son
portefeuille des actifs aussi sûrs que les terres agricoles.
D'ailleurs,
ce n'est pas pour rien que la Caisse
de dépôt a mis 250 millions dans un fonds qui fait de l'achat, de l'acquisition de terres, un fonds américain qui
fait de l'acquisition de terres. Alors, le phénomène est mondial, là. Mettre
nos capitaux à l'abri dans des valeurs
sûres, tous les fonds d'investissement font ça. Alors, la situation est la même
au Québec qu'ailleurs dans le monde,
là. Et la preuve de ça, bien, encore une fois, c'est que la Caisse de dépôt
elle-même le fait.
• (15 h 20) •
La Présidente (Mme
Léger) : M. le député de Mégantic.
M.
Bolduc : Merci, Mme la Présidente. Si je comprends bien, ça
veut dire que vous n'avez pas... il n'y a pas eu de réponse à la lettre
au ministre officiellement, là, vous n'avez pas envoyé de lettre.
M. Groleau
(Marcel) : Bien, je pense que le mémoire, c'est une réponse.
M.
Bolduc :
O.K. Je vous remercie. Donc, je vais laisser ma...
La Présidente (Mme
Léger) : Alors, M. le député de Beauce-Sud, à votre tour.
M. Dutil :
Merci, Mme la Présidente. Tout à l'heure, vous avez mentionné qu'il y a
1,9 million d'hectares au Québec de disponibles. Ça, c'est les terres qui
sont en production ou ce sont l'ensemble des terres zonées agricoles?
La Présidente (Mme
Léger) : M. Groleau.
M. Groleau (Marcel) : Ça, ce sont les terres en production. Donc, dans la zone agricole, il y
a autour de 3,4, je crois, millions d'hectares, là, mais, en culture,
c'est 1,9 million d'hectares.
M.
Dutil : L'autosuffisance alimentaire exige combien de... On
sait qu'il y a eu une augmentation de productivité considérable depuis un siècle, là, mais on est
passé de 1 million à 8 millions d'habitants, puis probablement que l'autosuffisance
est plus difficile à obtenir à 8 millions d'habitants qu'à 1 million
d'habitants il y a un siècle.
M. Groleau (Marcel) : Oui, parce qu'on ne peut pas agrandir nos terres agricoles d'autant,
là. Mais je laisserais peut-être...
M. Dutil :
Justement, on a compensé par de la productivité supplémentaire.
M. Groleau
(Marcel) : Voilà. Mais Charles pourrait peut-être apporter quelques
éclairages là-dessus.
La Présidente (Mme
Léger) : Alors, M. Ross.
M. Ross (Charles-Félix) : Oui. Bien, sur la zone qui est protégée par la loi sur la protection du
territoire agricole, c'est
6,4 millions d'hectares. Donc, là-dessus, les producteurs en occupent
3,4 millions, puis, sur le 3,4 millions, il y en a 1,9 million en culture. Dans le 3,4, ils en
louent 600 000. Donc, ce qu'ils possèdent, c'est 2,8 . Donc, il y a
une bonne partie de la zone occupée
par les producteurs qui sont des territoires boisés, ce qui fait qu'il y a
1,9 million qui est cultivé. Mais
il y a un 3 millions d'hectares entre le 6,4 puis le 3,4, il y a un
3 millions d'hectares qui est protégé par la loi sur la protection du territoire agricole. Il n'y a pas de
producteurs qui occupent ces zones-là, mais c'est protégé quand même pour un potentiel futur. Et, là encore, on n'a
absolument aucune information sur qui sont les propriétaires de ces terres-là
et quelles sont les transactions qui opèrent
sur ces marchés-là. On n'a absolument aucune information. En fait,
l'agriculture, le 1,9 million
d'hectares, c'est ce qu'on dit, on n'occupe que 30 %, là, de la zone qui
est protégée par la Commission de la protection
du territoire agricole, et, une bonne partie de ces hectares-là, de ce fonds-là
foncier, on n'a absolument aucune idée de qui sont les propriétaires.
Et
à votre question sur l'autonomie alimentaire je vous dirais qu'on produit, en
termes de valeur d'aliments, là, sensiblement
ce que les Québécois consomment annuellement, mais c'est sûr qu'on produit
beaucoup de porc, de lait, de sirop
d'érable. Donc, il y a une partie de cette production-là qui est exportée soit
à l'extérieur du Canada ou à l'intérieur du Canada, mais on importe également en retour. Mais, au net, on produit
sensiblement, en argent, ce qu'on consomme au Québec.
M. Dutil :
Donc, on peut dire, Mme la Présidente, là, qu'on est autosuffisants sur le plan
alimentaire. Évidemment, il y a des
échanges, ça, c'est sûr. On ne produit pas d'oranges puis on achète des
oranges, mais on produit du porc puis on l'exporte. Bon, un dans l'autre,
on a plus ou moins zéro.
Ceci étant,
ça a dû évoluer à la baisse, j'imagine, ça, parce que plus la population
augmente, plus c'est difficile de
continuer à être autosuffisant sur le plan alimentaire, à moins que la
productivité suive, ce qui a peut-être été le cas, là, remarquez bien.
M. Groleau (Marcel) : Je vous dirais
que, depuis 20 ans, la productivité a certainement suivi. Je regarde la productivité, que ce soit au niveau des céréales,
animale, production laitière, végétale, je dirais que la productivité a suivi.
M. Dutil :
Vu l'augmentation de la population. Maintenant, je vais vous revenir avec deux
questions que j'ai posées tout à
l'heure qui m'inquiètent personnellement. Parce que, ça, je pense qu'on est
d'accord sur une chose, la situation de la pression sur le monde agricole n'est pas la même, dépendant des régions,
et nous, on fait partie des régions où il n'y en a plus, de pression. Au contraire, on se demande qui
on va aller mettre là parce qu'il y a moins d'enfants, il n'y a pas
d'immigration. Bon, en tout cas, je
ne vous conterai pas l'ensemble de nos problèmes, mais, quand on fait la
couronne sur le bord des États-Unis,
là, on s'éloigne de Lévis puis on s'éloigne de Beauce-Nord, qui est assez
productif, puis on s'en va vers la frontière
américaine, là, c'est le désert, ce n'est pas compliqué, c'est la friche, c'est
le reboisement. Nos ennemis pour l'agriculture, ce n'est pas les
spéculateurs.
Je repose la question, est-ce qu'il y a encore
lieu de maintenir le refus, par législation ou par règlement, de prendre les terres en friche puis de les recultiver, comme on le vit actuellement et qui avait été pour une cause, à mon avis, qui est
réglée, le phosphore?
M. Groleau
(Marcel) : Bien, nous, on
est tout à fait d'accord à ce que les terres en friche soient remises en
culture prioritairement. Ça, on le
demande, d'ailleurs, la réouverture du règlement sur les entreprises
agricoles, parce qu'actuellement,
dans ce règlement-là, les superficies en
culture sont limitées actuellement au Québec, donc on perd des superficies en
culture. Par le 4 000 hectares
par année qui est converti à d'autres fins que les fins agricoles, la zone
agricole se rétrécit au Québec.
M. Dutil : ...la friche.
M. Groleau (Marcel) : Bien, entre autres,
il y a ça. Mais la friche, ça représente, somme toute, à l'échelle du Québec, une petite portion, somme toute, là, il
faudrait la... Je ne l'ai pas en mémoire ici, mais ce n'est pas très important.
C'est moins important que ce qu'on perd à
chaque année par l'accroissement des périmètres urbains ou l'utilisation du sol
à d'autres fins que l'agriculture.
M. Dutil :
Je pense, Mme la Présidente, qu'on est d'accord avec le président là-dessus. La
différence, c'est que la friche est
localisée à des endroits où il y a une dévitalisation. Alors donc, c'est
important dans certains endroits, là. Ce n'est pas important sur
l'ensemble, je comprends bien.
M. Groleau
(Marcel) : Mais ça soulève
aussi pourquoi... Souvent, dans ces régions-là, bon, il y a moins d'intérêt
à y habiter, plus loin des centres, des sols
peut-être aussi moins propices à la diversification de l'agriculture,
production de céréales ou autres.
Mais il y a aussi d'autres phénomènes qu'uniquement les lois existantes au
Québec qui ont provoqué cette situation-là.
M. Dutil : Effectivement.
Moi, je pense que la dénatalité est le principal facteur, là, personnellement,
mais, effectivement, il peut avoir une multitude d'autres aspects.
L'autre
point, que j'ai soulevé tout à l'heure, que je tiens à resoulever, c'est qu'on
a certaines difficultés dans la revente des terres à des propriétaires
quand le propriétaire de la terre en a acheté plusieurs et ne peut pas les
rescinder autrement que par une décision de la CPTAQ, qui est difficile à
obtenir et qui est coûteuse à obtenir. Ils finissent par l'obtenir, là. Je pense qu'il y a des débats qui
se font, et, en général, la commission n'est pas déraisonnable. Mais c'est
un an, deux ans, 10 000 $ plus
tard, là, donc ça décourage certaines personnes. Que pensez-vous de cette
règle-là? Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de retoucher également la
règle du morcellement de façon à être un peu plus souple?
M. Groleau
(Marcel) : Avec M. Paradis,
on n'a pas eu l'occasion d'avoir cette discussion-là. On avait eu cette
discussion-là avec le gouvernement précédent sur la question du morcellement, et une des prérogatives avant de
parler de morcellement, ça devrait être de parler de la protection des activités
agricoles. La commission a dans son mandat de protéger les terres agricoles et
les activités agricoles. Par contre, le seul moyen que la commission a pour
protéger les activités agricoles, c'est d'assurer l'harmonie sur le territoire
agricole, donc de ne pas avoir, par
exemple, des élevages animaux à proximité de tables champêtres, ou d'utilisation de sites agrotouristiques, ou des choses comme ça. Mais c'est là où la situation...
On le voit, nous, il y a de plus en plus d'intolérance des citoyens aux activités agricoles : odeurs,
poussière, le voyagement des machineries sur les routes. Nous, on avait
dit : On peut s'asseoir puis parler de morcellement ou de comment on pourrait faciliter le morcellement pour
des projets agricoles, mais il faut s'assurer que ça se fasse dans le
respect et la protection des activités agricoles.
La Présidente (Mme Léger) : Merci.
Alors, M. le député de Saint-François.
M.
Hardy : Mme la Présidente, ma question est sur un paragraphe que je viens de voir, là,
sur l'augmentation des transactions qui se passent avec les terres
agricoles. Ma question est : Est-ce que les producteurs agricoles
sont plus nombreux à prendre leur
retraite et qu'ils n'ont pas personne
pour prendre la relève? Est-ce que vous avez fait une étude sur la relève
agricole? Est-ce qu'il y a beaucoup de jeunes qui veulent reprendre les terres
familiales?
La Présidente (Mme Léger) : Alors,
pour une vingtaine de secondes.
M. Groleau
(Marcel) : On a un taux, disons, d'établissement en agriculture
meilleur que dans les autres provinces canadiennes
au Québec. Donc, il y a deux raisons principales qui expliquent ça. On a des
meilleurs programmes pour aider la relève agricole à acheter ou à
devenir producteur agricole que les autres provinces. Et, dans les productions
sous gestion de l'offre particulièrement, il
y a un bon taux de renouvellement ou de transfert intergénérationnel qui se
fait, alors... Mais on n'aura jamais
assez... il faut toujours se soucier de plus en plus de cette question-là parce
que ça, c'est... Les taux qu'on a
aujourd'hui, c'est un reflet du passé, mais ce n'est pas une garantie pour
l'avenir. Nous, on vous dit aujourd'hui exactement ça : L'augmentation du prix des terres agricoles et
l'implication des financiers dans le milieu des terres agricoles...
La Présidente (Mme Léger) : Je vous
arrête.
M. Groleau (Marcel) : ...compliquent
cette situation-là.
• (15 h 30) •
La
Présidente (Mme Léger) : Si vous voulez poursuivre, peut-être que vous
allez être capable dans les autres questions que vous aurez,
M. Groleau. Alors, M. le député de Berthier, le porte-parole de l'opposition
officielle en matière d'agriculture, à votre tour. Vous avez
10 min 30 s.
M.
Villeneuve : Merci, Mme la Présidente. Alors, bonjour,
M. Groleau. Bonjour, M. Ross. On a abordé, évidemment... Au fil des gens qu'on va rencontrer,
assurément qu'il y aura de la redondance quelque peu, mais enfin je pense qu'il vaut mieux répéter parfois pour être
sûr qu'on a bien compris, là. Mais tantôt on discutait avec le groupe avant
vous du rapport CIRANO qui parlait d'un phénomène marginal. Certains vont le
qualifier d'épiphénomène, mais phénomène
marginal, restons sur ce point-là, ce qui n'est pas votre perception des
choses. Je veux juste rappeler que le rapport date quand même de 2012 et que,
depuis, il y a des joueurs qui se sont ajoutés dans la mêlée, si je peux dire
ça comme ça, des joueurs, donc des fonds d'investissement privés qui
sont agressifs sur le marché.
Vous, ce que
vous notez, c'est que le phénomène est différent d'une région à l'autre. On
prend le Lac-Saint-Jean, où 50 %... C'est la moitié des
transactions, ça, c'est énorme parce qu'à mon sens à moi... Je ne sais pas ce
que les collègues en pensent, ici, autour de
la table, là, mais c'est quand même énorme comme transactions. Alors, moi, ce
que j'aimerais savoir de votre part, c'est : Ce phénomène-là, que
vous, vous ne qualifiez pas de marginal, est-ce que vous considérez que, pour toutes sortes de raisons,
qu'il pourrait, j'allais dire, s'éteindre de lui-même? Est-ce qu'on prend une
chance? Comme on dit, est-ce qu'on prend une chance que les terres vont se
stabiliser en termes de hausse de valeur? Est-ce
qu'on prend une chance, finalement, que les investisseurs vont vouloir... Parce
que la vraie question qu'il faut se poser
aussi, c'est quoi, l'intérêt des fonds d'investissement privés? C'est quoi,
leur intérêt d'acheter des terres? Un fonds d'investissement privé, à
mon sens à moi, c'est un fonds qui doit, tôt ou tard, redonner des profits à
ses actionnaires. Tantôt, vous le disiez
bien — je pense
bien que c'est vous qui disiez ça — que les fonds d'investissement, dans le
fond, vont générer beaucoup moins
d'activité économique ou de retombées économiques que si c'est une ferme
familiale qui... ou plusieurs fermes familiales, finalement, qui sont en
activité sur le territoire.
Moi, je sais
que c'est redondant un peu, mais j'aimerais quand même vous entendre par
rapport à ces questions-là, qui sont
fondamentales. Pourquoi un fonds d'investissement privé s'intéresse-t-il aux
terres agricoles? C'est quoi, la raison première? Et, selon vous, est-ce que, le phénomène, on prend une chance
ou si l'État doit s'assurer d'avoir toute l'information en main, toutes les données en main pour être en mesure
d'informer la population? Comme on disait tantôt, il n'y a peut-être pas péril en la demeure, mais il
y a comme une perception ou un sentiment d'accélération de ce
phénomène-là actuellement au Québec.
La Présidente (Mme Léger) :
M. Groleau.
M. Groleau (Marcel) : Bien,
peut-être que Charles pourrait ajouter à ce que j'ai déjà dit, mais c'est...
La Présidente (Mme Léger) :
M. Ross.
M. Ross
(Charles-Félix) : Oui. En
fait, là, souvent, devant la cour, on dit à l'avocat adverse : Vous avez
erré en droit. Bien, CIRANO, il a
erré en économie en disant que les producteurs agricoles étaient propriétaires
à 84 % de leurs terres. Tous les chiffres le démontrent, le taux de propriété est entre
65 % et 70 %. Ça, c'est une vraie statistique, c'est une
réalité.
Au
Lac-Saint-Jean — puis
maintenant dans le Kamouraska — au Lac-Saint-Jean particulièrement, quand,
d'abord, la Banque Nationale a
acquis, sur une année ou deux, plus de 2 000 hectares de terres,
effectivement la Banque Nationale a
occupé, cette année-là, plus de 50 % du marché des transactions. Il y a à
peu près 130 000 hectares de terres cultivées au Lac-Saint-Jean, c'est à peu près 3 % du
territoire agricole du Québec, puis acheter 2 000 hectares une année,
on occupe le marché et on peut dicter
nos règles. Même chose pour Pangea, deux années plus tard, ils ont racheté des
terres de la Banque Nationale, ils
ont acheté également des terres directement des producteurs, donc ils ont eu
une position qui était dominante sur le marché et ils ont le pouvoir.
Nous,
l'information qu'on est allés chercher dans les registres, les informations
qu'on peut retrouver sur le Registre foncier, c'est que Pangea dispose
d'une marge de crédit d'au-dessus de 20 millions de dollars. Il n'y a pas
beaucoup d'agriculteurs, là, puis de jeunes
de la relève agricole qui ont 20, 25 millions de dollars dans leurs poches
pour acheter des terres agricoles.
Mais Pangea, c'est ses moyens. Puis ils ne le font pas en Montérégie, ils ne le
font pas dans Lanaudière, ils le font
au Lac-Saint-Jean, puis là ils veulent le faire au Kamouraska... ils l'ont fait
déjà au Kamouraska. Donc, ils ont une position
dominante. Ils veulent acheter des superficies qui sont importantes pour ces
régions-là, donc ils ont un impact et ils viennent compétitionner la
relève agricole pour l'achat de terres.
La Présidente (Mme
Léger) : M. le député de Berthier.
M.
Villeneuve : Oui. Puis là vous me corrigerez si je me trompe,
là, mais un agriculteur va bâtir son entreprise — agriculteur propriétaire — sur un actif qui, au fil des ans, va
nécessairement croître, des fois moins, des fois plus. Là, on a vu que,
depuis les 15 dernières années, c'était assez fulgurant, mais il y a eu
d'autres années où c'était moins élevé que
ça comme croissance au niveau de l'actif. Le modèle, entre autres, de Pangea,
lui, ce qu'il dit, c'est que vous
allez être locataire. Comment est-ce qu'un agriculteur-entrepreneur locataire — disons-le
comme ça — à
51 % des parts, s'il y a des profits — parce qu'il y a des années où les profits
peuvent être moins là, son loyer, il faut qu'il le paie pareil, là — comment il peut penser construire, bâtir son
avenir en agriculture si l'actif principal, qui ne se déprécie pas, au contraire, en général, qui est le fonds de
terre, ne lui appartient pas, et les risques qui lui appartiennent sont
plutôt... En tout cas, les chances
que ça devienne à lui un jour, ce n'est pas clair, ça non plus, là. Alors, moi,
j'aimerais vous entendre là-dessus.
La Présidente (Mme
Léger) : M. Groleau.
M. Groleau (Marcel) : Oui. C'est exactement le point qui nous inquiète le plus pour la relève
et l'entrepreneuriat. Au Québec, on a
28 000 fermes environ actuellement. C'est
28 000 entreprises, entrepreneurs, hommes et femmes, qui investissent à chaque jour pour développer leur
entreprise puis faire bonifier les capitaux dans lesquels ils ont investi,
c'est leur capital. Ma situation,
moi, en 1988, quand j'ai acheté de mes parents, si je n'avais pas participé ou
si l'appréciation de la valeur du
capital était allée à quelqu'un d'autre plutôt qu'aller à mon entreprise, je
n'aurais jamais pu continuer de me
développer parce que ces capitaux-là auraient peut-être été à des actionnaires
d'un fonds d'investissement qui, eux... leur intention n'était peut-être
pas de réinvestir en agriculture. Moi, j'ai ce levier-là de la valeur de mes
capitaux pour garantir mes créanciers, alors
continuer de développer et de faire des acquisitions, faire progresser. Donc,
la taille de mon entreprise a plus
que triplé depuis 1988, là, dans différents secteurs, là. Donc, c'est ça, la
capacité qu'offre le fait d'être propriétaire
de ses actifs. Ce que propose Pangea, ce n'est pas du tout ce modèle-là. Puis
tous les producteurs agricoles qui
sont derrière moi ici pourraient vous raconter ce que je viens de vous
raconter, c'est important, dans le développement d'une entreprise agricole, de pouvoir utiliser l'appréciation de la
valeur de ses actifs pour se développer. Alors, c'est essentiel que le
modèle...
Et
c'est ça, l'entreprise au Québec... l'agriculture, elle est familiale au
Québec. Puis, dans le monde, c'est presque exclusivement familial, l'agriculture. Et c'est démontré que
l'agriculture familiale est plus productive que l'agriculture par des fonds d'investissement parce que leur
intérêt, eux, ces fonds-là, peut varier dans le temps. Aujourd'hui, c'est
intéressant. Il se présente d'autres
bonnes affaires dans le futur, c'est quoi, mon intérêt de poursuivre en
agriculture? C'est quoi, mon intérêt
de diversifier s'il faut que je réinvestisse? Nous, comme producteurs
agricoles, notre seul intérêt, c'est d'investir et de développer nos
entreprises.
Alors,
lorsqu'on parle du modèle futur agricole québécois, bien, les décisions que
vous allez prendre cette année sont
très importantes pour le modèle futur d'occupation de notre territoire. C'est
pour ça que la FQM est ici, d'ailleurs. C'est pour ça qu'il y a tant de gens qui sont préoccupés par cette
situation-là. Et je lisais le communiqué de presse du Conseil des entrepreneurs agricoles, qui, eux aussi,
disent : Il faut protéger le modèle familial. Le seul endroit où on ne
s'accorde pas cette fois-ci, c'est
sur le fait de mettre une limite ou pas de 100 hectares pendant les trois
prochaines années pour trouver des
solutions et, pendant ces trois années-là, limiter l'action des fonds
d'investissement. Mais, sur le fait que notre agriculture familiale est
performante, je pense qu'il n'y a personne qui va contredire ça ici.
La
Présidente (Mme Léger) : Vous avez des supporteurs à l'arrière parce
qu'ils hochent la tête, M. Groleau. M. le député de...
M. Villeneuve :
Je céderai la parole à mon collègue, Mme la Présidente, avec votre accord.
La Présidente (Mme Léger) : Alors,
M. le député de Bonaventure.
M.
Roy : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, messieurs. Dans une
ancienne vie, on nous enseignait qu'il existait un phénomène de financiarisation du capital, où, au lieu d'investir sur
terre, dans des usines, des entreprises, on a décidé de prendre les sous puis de les jouer à la bourse
ou dans... et puis ce qui a amené des pertes d'emplois très significatives
dans l'économie, je dirais, industrielle dans les sociétés capitalistes. La
financiarisation du territoire agricole semble découler d'un surplus très important de liquidités où on cherche des
territoires d'investissement, et là je me demande si l'impact ne
pourrait pas être similaire à celui d'une économie plus industrielle, à savoir
diminution de l'intérêt à long terme de
faire des investissements qui vont susciter de la création d'emplois et de la
richesse. Et puis la question est très simple :
Dans un contexte comme celui-là, d'accaparement des terres agricoles par la
finance, quel avenir pour l'agriculture?
La Présidente (Mme Léger) :
M. Groleau.
• (15 h 40) •
M. Groleau
(Marcel) : Bien, si on
laisse aller le modèle de financiarisation et le modèle où les producteurs ne
sont plus propriétaires des capitaux, mais
uniquement des opérateurs et des exploitants du sol, c'est sûr que moi, je
pense qu'il va y avoir une diminution de la propriété québécoise
des terres agricoles à terme parce
que ces fonds d'investissement là qui vont constituer des
banques de terres deviennent inréressants pour des fonds plus gros qu'eux qui
veulent ajouter à leur portefeuille des actifs solides. Alors, c'est clair qu'à
mesure que ces fonds-là vont se constituer, s'il y a un fonds de 50 000 hectares
de terres au Québec parmi les plus belles terres du Québec, c'est sûr que, pour
un fonds international qui veut
ajouter de ces actifs-là dans son portefeuille, ça devient intéressant. Alors,
c'est ça, l'intérêt d'un fonds d'investissement, c'est de générer de
l'intérêt pour quelqu'un de plus important qui va s'en porter acquéreur, puis
eux vont «casher» la plus-value qu'ils ont
faite pendant la période où ils l'ont détenu. Alors, c'est sûr que cette
situation-là, pour moi, elle est préoccupante.
La
Présidente (Mme Léger) : Je dois maintenant céder la parole au
deuxième groupe d'opposition. Juste avant, je vais vous dire que nous
avons quand même invité... Vous avez, tout à l'heure, noté, M. Ross, on a
invité la Banque Nationale, mais ils ont
décliné l'invitation. Alors, je voulais quand même vous le signifier. Mme la
députée de Mirabel.
Mme
D'Amours : Merci, Mme la Présidente. On voit, bon, des partenaires
agricoles, Pangea a acheté des terres, mais
moi, je me dis tout le temps : S'il y a des acheteurs, c'est parce qu'il y
a des vendeurs. Alors, comment vous expliquez qu'un producteur agricole qui a travaillé toute sa vie en mode ferme
familiale arrive un jour à une décision qu'il va vendre sa terre à un
regroupement comme ça?
M. Groleau
(Marcel) : Oui. Bien, parce
que c'est sûr... Puis, on l'a dit d'entrée de jeu dans notre mémoire, pour
nous, l'UPA, ce n'est pas une situation facile parce qu'on le sait qu'on a des
producteurs qui sont vendeurs, puis eux, il est normal qu'ils veuillent aller chercher le meilleur prix pour la
vente de leurs terres. En contrepartie, on a des producteurs qui veulent consolider leur entreprise, puis eux
voient arriver dans le marché un compétiteur qu'ils ne sont pas capables
de soutenir ou de compétitionner. Alors, cette dualité-là, elle existe, et
c'est vrai dans tous les systèmes, là.
Nous, les
producteurs agricoles qui ont des terres à vendre, habituellement, aujourd'hui,
là, la demande est assez forte un peu
partout sur le territoire, sauf quelques exceptions. Et, dans ces
exceptions-là, les fonds d'investissement ne sont pas là actuellement, donc sauf... Les producteurs
trouvent preneur pour leurs terres, là, il n'y a pas de... Il y a vraiment,
par les producteurs existants, un intérêt à
consolider leur entreprise. Quand il y a un acre de terre à vendre, je peux
vous assurer qu'il y a plusieurs preneurs actuellement.
La Présidente (Mme Léger) : Mme la
députée de Mirabel.
Mme
D'Amours : Bon, on vit ce phénomène-là, mais c'est un phénomène qui
est mondial, comme vous disiez. Est-ce
que ce n'est pas des modèles — là, on est en 2015 — différents? Est-ce qu'ils ne peuvent pas
former une avenue? Peuvent-ils s'harmoniser? Est-ce qu'on a le droit de
dire à quelqu'un à qui tu vas vendre ta terre et combien tu vas la vendre? Alors, est-ce qu'il y a une façon de
faire, d'après vous — j'aimerais
ça, vous entendre là-dessus — qu'il y aurait des modèles différents, mais qu'on pourrait tous
bien prospérer dans le monde agricole avec ces modèles différents là?
La Présidente (Mme Léger) :
M. Groleau.
M. Groleau (Marcel) : Tout d'abord,
ce qu'on propose, là, ce n'est pas du tout de fixer le prix des terres et d'indiquer à qui un producteur peut vendre ou pas
sa terre. Ça, on n'est pas du tout là, là. Le marché des terres est un marché
libre, et il n'y a pas de personne qui en
fixe les prix, sauf le marché ou la pression sur le marché. Ça, on veut laisser
ça comme ça, mais on veut que ça soit un marché entre producteurs
agricoles.
Maintenant, est-ce qu'il y aurait une avenue
pour des investisseurs en agriculture qui voudraient mettre des capitaux,
investir des capitaux et partager et les risques et les rendements avec les
producteurs? C'est ce que font nos prêteurs.
Lorsque Mouvement Desjardins me fait un prêt, bien, il investit avec moi, puis
on partage ensemble un risque. Quand ça devient trop serré,
habituellement, lui, il se retire, là, mais on partage un risque et on partage
une partie des bénéfices, puisque lui, il a un rendement là-dessus.
Moi, je
dis... Et le trois ans, il est intéressant à ce niveau-là. Si on prend une
pause de trois ans où on dit aux fonds d'investissement :
Regarde, mettez-vous sur pause, là, puis réfléchissons ensemble est-ce qu'ils
ont un rôle ou est-ce qu'ils pourraient
jouer un rôle dans le développement de l'agriculture au Québec et dans le
développement de nos entreprises agricoles au Québec... Prenons-la, cette pause-là, puis réfléchissons. Je n'ai pas la
réponse à votre question, mais je
pense que, là, ça prend des capitaux
en agriculture. On le sait, ça en prend, comme dans les autres secteurs de l'économie,
mais il ne faut pas que ces
capitaux-là s'accaparent les actifs du secteur. Il faut qu'ils profitent au développement
du secteur, mais il ne faut pas qu'ils s'accaparent les actifs du
secteur.
La Présidente (Mme Léger) : Mme la
députée de Mirabel.
Mme
D'Amours : Il y a, dans toutes les revues, journaux, qu'on parle
depuis le tout début, là, de l'accaparement des terres depuis quelques années, il y a souvent une question qui est
soulevée, c'est le modèle des intégrateurs dans le porc versus l'accaparement des terres, les gens
qui... Donc, j'aimerais ça que vous me parliez de la différence entre ça,
entre les intégrateurs de porc et les... Bien, je dis intégrateurs en général.
M. Groleau (Marcel) : La
contractualisation, là?
Mme D'Amours : Et voilà.
M. Groleau
(Marcel) : O.K. La
contractualisation, dans le secteur des viandes, surtout dans le boeuf et dans
le porc, en Amérique du Nord — et même dans la volaille, là — c'est un modèle de développement. Bon, la
différence, c'est que, premièrement,
quand tu... Prenons n'importe quel groupe au Québec, là, ils ont leur
génétique, ils ont leurs méthodes ou leurs recettes pour l'élevage, ils
ont leurs abattoirs et leurs coupes de viande, et ils ont leurs marchés. Donc,
il y a comme une ligne de production de la
ferme jusqu'au client, et la contractualisation vise à assurer la meilleure
homogénéité possible dans cette ligne
de production là. Et nous, donc, on n'est pas contre ce modèle-là, hein, l'UPA,
le fait qu'il y ait de la
contractualisation. Là, où on veut assurer nos arrières ou les producteurs,
c'est, dans cette ligne de production là, il faut assurer que le producteur participe aux bénéfices de façon juste et
équitable. C'est ça, notre préoccupation, nous, dans ce modèle-là.
Dans le cas de l'accaparement des terres, on
n'est pas tout à fait là, là, ou on ne souhaite pas en arriver là non plus, là, mais le producteur qui n'est pas du tout
propriétaire des actifs, qui n'est que l'opérateur, c'est quoi... il n'a aucune
garantie, là. Tu sais, au moins, dans la
ligne de production de la viande, il a une expertise, il est là. Dans
l'accaparement des terres, on a vu
des gens qui ne sont pas restés longtemps associés, là. Ils ont fait quelques
mois, après ça ils ont été remplacés,
ils ne rencontraient pas les objectifs. C'est là où le producteur devient
vulnérable, et nous, on ne souhaite pas ce modèle-là.
La Présidente (Mme Léger) : Une
vingtaine de secondes.
Mme D'Amours : J'ai terminé. Merci,
Mme la Présidente.
La
Présidente (Mme Léger) : Bien, merci, M. Groleau, président de
l'Union des producteurs agricoles, et M. Ross, de l'échange que
nous avons eu.
J'arrête
quelques instants juste pour permettre maintenant au Conseil des entrepreneurs
agricoles de venir s'installer.
(Suspension de la séance à 15 h 48)
(Reprise à 15 h 51)
La Présidente (Mme Léger) : À
l'ordre, s'il vous plaît! Merci. Merci.
Des voix : ...
La
Présidente (Mme Léger) : À l'ordre, s'il vous plaît! Ceux qui veulent parler, je vous invite à aller
dans les couloirs, c'est votre
prérogative. Mais, si vous êtes ici, à la commission, je vous
demanderais le silence, s'il vous
plaît. Merci.
Alors, nous sommes heureux de recevoir le
Conseil des entrepreneurs agricoles. Alors, M. Cartier, qui est le président, bienvenue. Vous allez avoir
10 minutes pour votre présentation.
Et je vous invite avant de nous présenter les gens qui vous
accompagnent, et après on aura des échanges avec les formations politiques.
Conseil des
entrepreneurs agricoles (CEA)
M. Cartier
(Jacques) : Alors, merci, Mme la Présidente. Alors, Mme la Présidente
de la commission des pêcheries, de
l'énergie et des ressources naturelles, Mmes, MM. les députés, permettez-moi
d'abord de vous présenter les personnes qui m'accompagnent pour la
présentation. D'abord, à ma gauche, M. Gilles Brouillard, qui est
producteur agricole et administrateur du Conseil des entrepreneurs agricoles,
et, à ma droite, M. Michel Saint-Pierre, invité du Conseil des
entrepreneurs agricoles et observateur de l'évolution de l'agriculture
québécoise depuis de nombreuses années.
Alors, je
tiens à souligner aussi la présence de producteurs agricoles et de jeunes de la
relève qui ont jugé important de se
déplacer aujourd'hui pour soutenir le message du Conseil des entrepreneurs agricoles.
La majorité des gens qui sont derrière nous sont des gens qui sont ici pour nous
supporter dans notre démarche, comme des gens d'entreprises, alors des producteurs agricoles qui, par ailleurs, n'ont
jamais eu l'occasion de voter d'aucune façon en faveur des propositions que l'Union des producteurs agricoles vous a
présentées, des jeunes de la relève qui, eux non plus, n'ont pas eu l'occasion
de se prononcer sur les propositions qui
seront déposées par la Fédération de la relève agricole, le club-école de
l'Union des producteurs agricoles, qui répète le même message.
D'entrée
de jeu, le Conseil des entrepreneurs agricoles tient à souligner qu'il ne fait
d'aucune façon la promotion des
modèles d'agriculture proposés par des fonds d'investissement et décriés comme
étant de l'accaparement des terres agricoles. Nous avons même certaines
réserves sur la viabilité à moyen et à long terme de ce modèle d'affaires. Nous
partageons cependant encore moins et nous
nous dissocions complètement de la vision de ceux qui exigent un contrôle
des achats des terres et d'une intervention
réglementaire drastique pour régir les transactions. Cette approche prônée par
l'UPA aura sans aucun doute des conséquences
désastreuses pour les entreprises agricoles familiales existantes et surtout
pour la relève agricole.
L'achat des terres et
la mise en valeur sont au coeur de la réussite des fermes familiales
québécoises depuis toujours. La capacité et
la liberté pour les entreprises agricoles familiales d'acheter des terres sont
un facteur fondamental d'amélioration
de leur situation économique ainsi que de la qualité de vie des exploitants. Où
seraient les leaders agricoles de nos régions qui font la fierté de nos
villages et de notre agriculture si on les avait contraints dans le processus d'acquisition des terres? Auraient-ils pu
atteindre le statut actuel avec des plafonds maximums d'achat de terres ou s'ils
s'étaient vus interdire de procéder à certains achats?
Pensons
à l'entreprise Patates Dolbec dans la région de Portneuf, aux Maraîchers Van
Winden en Montérégie, aux frères
Raynault de la Ferme Bonneterre dans Lanaudière, à la Ferme Landrynoise dans les Bois-Francs ou encore à l'exemple de Denise Verreault et le développement
de la culture du chanvre en Gaspésie. Voulons-nous mettre fin à ces exemples
et à cette image de l'agriculture forte et dynamique? Ce sont ces entreprises
et combien d'autres leaders de notre secteur
agricole qui seront les premiers perdants d'un éventuel plafonnement des
superficies agricoles pouvant être achetées.
Cette mesure serait catastrophique pour les entreprises agricoles, pour la
relève et pour la viabilité économique des régions agricoles du Québec.
Comment
expliquer alors le lobby de l'UPA depuis 2011 d'aller convaincre le
gouvernement d'intervenir pour brimer
le droit de l'ensemble des entreprises agricoles du Québec
de transiger librement des terres agricoles? Les études réalités par AGECO et CIRANO concluent qu'il n'y a
pas de réel accaparement des terres agricoles au Québec. Il ne s'agit pas non plus d'une demande venue des producteurs,
comme l'a confirmé avec éloquence M. Denis Bilodeau, premier
vice-président de l'UPA, lors de la commission parlementaire, ici, en
octobre 2013, sur le projet de loi n° 46.
Le
dossier d'accaparement des terres agricoles et les propositions viennent des
dirigeants, de l'exécutif de l'UPA depuis
2011, et il ne trouve que très peu d'appui chez les producteurs. En fait, ils
n'ont jamais été vraiment consultés. Pour preuve, il y a tout au plus
une semaine, des producteurs agricoles de la Montérégie ont reçu une invitation
pour participer à des consultations sur les positions à prendre par leur
fédération concernant l'accaparement des terres, des consultations qui débuteront à compter du 23 mars prochain, soit
quatre ans après la prise de position des dirigeants de l'UPA, et tout
cela après la commission parlementaire qui tient aujourd'hui audience sur ce
sujet. Rappelons que les entreprises
agricoles de la Montérégie représentent pas moins de 25 % des fermes du Québec
et génèrent 30 % de l'ensemble des
revenus. Alors, on commencera à les consulter après la commission parlementaire, et non avant dans un vrai processus
démocratique.
Il faut noter que le
peu de support obtenu par l'UPA auprès des producteurs agricoles afin
d'instaurer une réglementation sur les transactions de terres l'a conduite à se
tourner vers le public cible des jeunes et de la relève en tentant d'associer
accaparement et financiarisation de l'agriculture. Pourtant, comme nous le
démontrons dans notre mémoire, il s'agit de
concepts distincts. Les propositions prônées par l'UPA sur l'accaparement des
terres ne règlent en rien les enjeux
de la relève agricole. Il faut réaliser qu'intervenir pour limiter ou contrôler
l'achat des terres sous une forme ou
une autre, c'est aussi encourager le développement des terres en location,
puisque les entreprises agricoles existantes devront, de toute façon,
prendre de l'expansion, et, si on ne peut acheter, ça se fera par location. Le
seul mouvement pouvant s'apparenter à de
l'accaparement des terres agricoles au Québec est causé par l'appétit insatiable des villes et
des villages qui, depuis de nombreuses années, ne... qui souhaitent
agrandir leur périmètre urbain au détriment de la zone agricole. Alors, il y a
des chiffres qui nous ont été mentionnés, je pense que c'est assez clair.
Alors, je vais
laisser M. Brouillard continuer.
La Présidente (Mme
Léger) : Alors, M. Brouillard.
• (16 heures) •
M. Brouillard (Gilles) : Pour le Conseil des entrepreneurs agricoles, si l'on veut demeurer
vigilant sur le dossier de
l'acquisition des terres agricoles, la prochaine étape consiste à la
réalisation d'une enquête par une équipe de chercheurs indépendants
auprès des agriculteurs et des propriétaires afin de raffiner encore davantage
le portrait de la tenure des terres
agricoles au Québec. Il s'agit d'un prérequis pour l'analyse du dossier. La
réalisation périodique d'une telle enquête à période déterminée serait pour le producteur agricole un moyen de
suivre l'évolution du phénomène, et ce, à moindre coût et à moindre
risque qu'un registre des transactions des terres agricoles. Un tel registre,
en raison de la nature des informations qui
seraient alors disponibles, pourrait jouer un rôle direct pour contribuer à
faire augmenter le prix des terres. L'Union
des producteurs agricoles fait dans ce dossier tout en son pouvoir pour brimer
le développement de leurs entreprises et
les empêcher de prendre l'expansion nécessaire au maintien de leurs fermes. De
plus, il attaque directement le patrimoine familial de certains de ses
membres en voulant les priver d'une digne retraite.
Quant
à l'enjeu de la relève agricole, il est beaucoup plus profond que celui d'un
plafonnement du nombre d'hectares des
terres agricoles pouvant être achetées annuellement par une entreprise agricole
ou par des fonds d'investissement. Devant l'évolution de notre agriculture, du modèle
des fermes familiales, de même que la diversité des enjeux que doit
surmonter la relève — par
exemple, prix des terres, financement, etc. — nous proposons à la CAPERN
d'analyser en profondeur cette question plutôt que l'accaparement. Le Conseil
des entrepreneurs agricoles juge prioritaire qu'une révision en profondeur des outils et des programmes disponibles pour
aider les jeunes à démarrer en agriculture, à prendre la relève des
fermes existantes ou encore à s'intégrer à une entreprise agricole déjà en
opération soit effectuée. Cette réflexion
doit inclure un examen des normes de production encadrant chacun des secteurs
agricoles pour identifier les dispositions spécifiques à un secteur qui
peuvent freiner et même empêcher l'implantation de la relève agricole. Les
programmes actuels d'aide à la relève dispensés par certaines fédérations sont
très marginaux et ne règlent en rien les problèmes des jeunes motivés à
s'implanter en agriculture.
Dans le
dossier de l'accaparement des terres et de la financiarisation, des termes que,
d'ailleurs, le Conseil des entrepreneurs agricoles ne partage pas, l'UPA fait encore une fois la
démonstration qu'elle n'hésite pas à faire fi du droit démocratique des agriculteurs et à prendre des
décisions qui feront reculer la situation de l'agriculture
au Québec. De fait, l'opposition que
l'UPA rencontre auprès des producteurs sur le dossier l'a forcée à adapter ses
propositions à de nombreuses occasions, mais toujours dans le but de
forcer la mise en place d'une réglementation. À quelle nouvelle proposition aurons-nous droit à la suite de cette commission
parlementaire? De l'avis du Conseil des entrepreneurs agricoles, il ne peut y avoir de bonne solution à un faux problème.
L'agriculture québécoise sera la grande perdante s'il fallait que l'État altère
la liberté fondamentale de transiger des terres dont disposent les
agriculteurs. Merci.
La
Présidente (Mme Léger) : Merci. Alors, nous allons du côté du
gouvernement. M. le député de Mégantic, vous débutez l'échange.
M.
Bolduc : Merci, Mme
la Présidente. Bonjour, messieurs. Bienvenue à la commission. Écoutez, moi,
j'ai plusieurs questions, en fait, sur votre
mémoire, que je trouve intéressant. Vous nous parlez qu'il y a certaines
régions qui ont des problèmes,
d'autres qui n'en ont pas. Moi, je vais vous parler de la région de l'Estrie,
où, par exemple, dans mon comté, on a
perdu, en 30 ans, 24 % du territoire agricole. Je ne vois pas
beaucoup — comment
je dirais ça? — de débat
là-dessus, mais ce n'est peut-être pas du
tout un phénomène unique. Est-ce que vous croyez ou pensez que les spéculations
ou que les investissements seraient plus
centrés sur l'agriculture de grande production autour de Montréal, la
spéculation, etc., ou, comme vous le dites très bien là-dedans, c'est un
phénomène qui n'existe pas du tout, là? On voit des différences régionales
appréciables. Je ne suis pas sûr qu'on peut les interpréter très bien. Quelle est
votre opinion à ce sujet-là?
La Présidente (Mme Léger) : Alors,
M. Cartier.
M. Cartier
(Jacques) : Alors, avant de répondre à votre question, il y a un
élément que je dois vous mentionner. J'ai
été invité, il y a quelques semaines, à participer à un conseil
d'administration élargi d'une des fédérations de l'UPA parce que je produis des pois, des fèves vertes,
des fèves jaunes et du maïs sucré, et, lorsque j'ai commencé, on m'a remis
ce qu'on appelle des règles d'éthique et de
déontologie. Je pense que c'est important de vous en parler aujourd'hui parce
qu'on est dans la maison de la démocratie ici. Alors, on nous remet ce
document-là puis on nous donne les devoirs généraux et les règles d'éthique. Alors, ce que ça dit, c'est que
l'administrateur ou le membre de comité évite en tout temps de critiquer ou de jeter le discrédit sur l'Union
des producteurs agricoles ou toute autre organisation qui y est affiliée. Et on
va plus loin que ça par la suite, on nous dit : «Le membre qui est invité
doit prendre connaissance de ce document et s'y
engager.» Et on dit : «Les actes suivants sont non limitatifs,
dérogatoires et susceptibles d'entraîner pour l'administrateur et les
membres de comités en défaut les sanctions prévues à l'article 13 du présent
code.»
Alors, le
fait d'attaquer publiquement à l'extérieur du cadre de l'organisation l'Union
des producteurs agricoles ou toute
autre organisation qui lui est affiliée dans le but manifeste de lui nuire ou
la discréditer ou le fait de militer ou d'agir activement pour une organisation en opposition directe avec les
orientations arrêtées par l'Union des producteurs agricoles ou toute autre organisation qui y est
affiliée... Et enfin, de façon générale, tout acte, geste ou déclaration
susceptible de causer un grave
préjudice à l'Union des producteurs agricoles ou à une organisation qui y est
affiliée peut nous amener des sanctions qui sont prévues.
Alors, je
pense que c'est important de le mentionner. Je suis sur un comité, comme j'ai
mentionné, et au Québec, à l'heure
actuelle, il y a entre 2 000 et 3 000 producteurs qui font partie
soit des syndicats locaux, des syndicats régionaux, des fédérations spécialisées, et tous ces gens-là
doivent remplir ce même document et le signer. Alors, ce que ça fait, c'est
que je suis dans une drôle de...
La Présidente (Mme Léger) :
...conclure un peu pour qu'il y ait quand même un échange, là.
M. Cartier (Jacques) : Oui, oui,
mais c'est parce que c'est important...
La Présidente (Mme Léger) : Je
comprends.
M. Cartier
(Jacques) : ...parce qu'avant de répondre aux questions je me mets
dans une situation délicate, alors, parce que je suis dans une
association opposée au monopole syndical.
Alors, pour
ce qui est de la question, pour revenir — parce que je pense que c'est un élément
important, puis je vais laisser
M. Saint-Pierre élaborer davantage tantôt — je trouve ça malheureux, aujourd'hui, quand
on parle qu'il y a des problèmes de
relève au Québec et qu'il y a des très, très belles superficies en culture qui
étaient occupées antérieurement par la production laitière, et, la production
s'étant concentrée avec les années, dans la région de Mégantic, si on descend
dans l'Est du Québec, à partir de Montmagny, vous avez ça aussi au
Lac-Saint-Jean, au Témiscamingue, des belles superficies agricoles qui sont redevenues en friche, faute de jeunes
pour prendre la relève. Ce n'est pas que la relève n'est pas là, la relève n'est pas nécessairement
intéressée à cultiver ces terres-là. Et on doit aussi penser qu'il y a des productions spécifiques pour des régions.
On ne fera pas du maïs-grain ou du soya partout au Québec, mais il y a des régions merveilleuses au Québec avec des
potentiels agricoles extraordinaires. On parle de sols de classe 2, de
sols de classe 3, des sols de grande valeur qui ne sont pas cultivés à
l'heure actuelle. Je vais laisser M. Saint-Pierre...
La
Présidente (Mme Léger) : Je vais revenir au député de Mégantic, puis
après peut-être qu'il pourra répondre si
ça correspond parce qu'il faut quand même qu'il y ait un échange. Vous avez eu
le temps de faire votre présentation, je
veux juste qu'il y ait un échange. Alors, je ne veux pas vous enlever votre
droit de parole, là, pas du tout, mais ayons un échange quand même. M.
le député de Mégantic.
M.
Bolduc :
Vous avez dit quelque chose, là, qui était très important pour moi, la relève
n'est pas nécessairement intéressée à
s'implanter dans certaines régions, là. Continuez là-dessus parce que ça, ça
m'intéresse beaucoup, parce que, pour
moi, le problème de la relève est un phénomène qui contribue énormément au
changement de formule traditionnelle, si
on veut. Parce que, si on ne peut pas laisser à nos enfants ce que nous, on a,
bien, il y a d'autres modèles qui se développent pour compenser. Donc,
je voudrais vous entendre là-dessus, là.
La Présidente (Mme Léger) :
M. Cartier? M. Saint-Pierre?
M. Saint-Pierre (Michel) : Oui.
La Présidente (Mme Léger) :
M. Saint-Pierre.
M.
Saint-Pierre (Michel) : Écoutez, à la lecture des documents qui ont
été produits sur le soi-disant phénomène d'accaparement des terres agricoles, les études de CIRANO, les études
d'AGECO aussi, la première réflexion que je me suis faite, c'est :
On passe à côté d'un véritable problème, je pense que c'est celui que vous
soulevez, c'est celui de la revitalisation de certaines régions qui sont
véritablement en perte de vitalité agricole.
Et là on
met beaucoup le focus sur une transaction ou des transactions, au fil des
années, de quelques milliers d'hectares, et ce dont on parle, les terres qui ont été abandonnées et qui sont
propres à faire de l'agriculture, on parle beaucoup plus de plusieurs dizaines de milliers et... Je dirais, je
suis très limité, je suis très conservateur dans mes chiffres, on devrait même
parler de centaines de milliers d'hectares
qui ont des qualités agricoles réelles, et pas nécessairement dans des régions
très éloignées. Dès qu'on s'éloigne un peu
de la vallée du Saint-Laurent, les deux côtés des rives entre Québec et
Montréal, on va trouver une quantité
importante de terres qui sont soit déjà qualifiées d'en friche ou qui sont tout
à fait désertées par l'agriculture
actuellement. Dans la région de l'Estrie, on en retrouve beaucoup. Dans
Mégantic aussi, on en trouve beaucoup.
C'est un problème, à mon avis, qui devrait beaucoup plus être la préoccupation
de ce moment-ci parce que, véritablement,
ce dont on parle, c'est de l'avenir de l'agriculture dans ces régions-là et des
gens qui seraient probablement prêts
à la faire. Alors, ça a été ma première réaction, le problème est tout autre
que celui de l'accaparement comme tel. Il
faut dire aussi que le mot «accaparement» n'est pas juste un euphémisme, il est
très fort comme mot. Et, quand on parle de quelques milliers d'hectares par rapport au phénomène dont je viens
de parler, on est loin de l'accaparement, on est loin des grands mots
comme ça.
La Présidente (Mme Léger) : M. le
député de Mégantic.
M.
Bolduc : Merci, Mme
la Présidente. Vous parlez aussi, à la page 4, que «l'achat des terres
peut permettre également au cédant de
quitter la production en capitalisant sur les investissements d'une vie pour
"assurer ses vieux jours"». C'est
vraiment le modèle traditionnel de la famille qui cède à ses enfants, mais la
vraie valeur... Parce qu'ils n'ont pas de fonds de pension, souvent ils n'ont pas d'autre chose que la valeur des
biens qu'ils ont acquis durant leur vie, et les jeunes, aujourd'hui, ont de la difficulté à acheter, si on
veut, la ferme. Surtout s'il y a plusieurs enfants, et un ou deux veulent
acquérir, les ressources financières nous
manquent. Est-ce que vous avez des solutions ou des modèles à nous proposer pour régler ce problème-là parce
que ça semble être plus important, là, que le reste?
• (16 h 10) •
M. Cartier
(Jacques) : Effectivement, je pense qu'on a très, très bien fait nos devoirs. Si vous avez eu la chance de parcourir notre mémoire, on a une multitude de
solutions pour les jeunes de la relève. Et ce qui est curieux, regardez
derrière nous, ici, la plupart des jeunes qui sont ici, ce sont des jeunes qui
nous appuient, qui font partie du groupe de producteurs qu'on représente et ce
sont des jeunes qui se sont investis en agriculture.
Il y a énormément
d'éléments. On a parlé justement, d'abord, d'augmenter la prime à l'établissement. Je pense qu'en fonction...
La formation académique, ça, je
pense, c'est le premier point. On sait qu'à l'heure actuelle l'aide maximale
est d'environ 40 000 $. Ça
pourrait être majoré de façon très, très importante. On a maintenant des jeunes
sur des fermes avec des formations
universitaires, et ce montant de 40 000 $ là est dérisoire par
rapport à la valeur du foncier
actuel, que ça soit au niveau des quotas ou au niveau des actifs
immobiliers.
On a parlé aussi... Un des éléments qui manquent
le plus au Québec à l'heure actuelle, je vous dirai, c'est l'accompagnement prétransaction. Quand vous parlez
d'un producteur qui quitte, souvent, malheureusement, c'est que ces gens-là ne font pas affaire avec les fiscalistes
reconnus, des spécialistes qui pourraient aider le cédant à aller tirer le
maximum de cette transaction-là avec le
moins d'impact fiscal possible autant pour lui que pour le jeune qui s'établit
en agriculture. Alors, combinez un bon notaire spécialisé en
droit agricole avec un bon fiscaliste, vous allez avoir exactement les mêmes avantages que n'importe quel type d'entreprise au Québec. Et ces possibilités-là sont là, mais sont très peu utilisées.
On va plus
loin que ça, on dit même : Par
la suite, c'est qu'on devrait même
supporter les jeunes dans ce qu'on appelle
un postinvestissement. Après que l'investissement est réalisé, ce qu'on dit, c'est que le gouvernement, par des aides, devrait aussi
aider les jeunes de la relève pendant les années qui viennent soit par une évaluation
financière, que ça soit fait par des
banquiers, que ça soit fait par des comptables, des agronomes spécialisés, justement
pour aider à orienter les jeunes pour
un meilleur développement de leur entreprise, et s'assurer une pérennité, et de développer une nouvelle génération d'entreprises familiales. Alors, tous les outils sont là, sont
potentiels, et c'est ce qu'on prône, justement, pour développer et maintenir la relève
agricole.
La Présidente (Mme Léger) : M. le député
de Mégantic.
M.
Bolduc : Vous nous parlez que le phénomène d'accaparement
des terres agricoles est, au pire, marginal à travers quelques transactions. Comment vous réagissez au
fait qu'on a rencontré d'autres groupes qui nous disent, eux, qu'il y a un phénomène réel? Vous nous avez
expliqué la position de l'UPA, là, mais est-ce que vous voyez, par exemple, un phénomène qui est orienté, comme je vous disais
plus tôt, au fait que le modèle familial traditionnel est de plus en plus difficile à faire, donc qu'on assiste à des changements d'entreprises via d'autres mécanismes que je qualifierais de plus financiers
que le modèle d'un père qui cède à son fils?
La Présidente (Mme Léger) : M.
Cartier.
M. Cartier (Jacques) : Je vais
laisser M. Brouillard répondre à cette question.
La Présidente (Mme Léger) : Alors,
M. Brouillard.
M. Brouillard (Gilles) : Dans la première
partie de la question, d'entrée de jeu, vous mentionnez que oui, effectivement, on entendait M. Ross tout à
l'heure qui remettait en question les
statistiques de CIRANO. Il faut quand
même
voir que CIRANO n'est pas si dans le champ que M. Ross laisse prétendre, là. Il
faut voir qu'il y a une bonne partie des terres qui sont en
location, qui sont louées aux opérateurs.
Je vous donne
un exemple de ça. La mère possède des terres... C'est un exemple qui est très personnel, mon père
possède des terres, mes soeurs, on loue à la
ferme familiale, mais il y a juste une carte de producteur agricole. Alors,
moi, je pense que la statistique de
80 %, 85 % propriétaires des terres, ça se tient. Ce que CIRANO a
dit, ça se tient. On ne peut pas
attaquer ça, là, aussi facilement, simplement en brandissant les pourcentages
de location, là, ce n'est pas vrai, non.
La Présidente (Mme Léger) : M. le
député de Mégantic.
M.
Bolduc :
Dans la région où j'habite, en fait on constate que souvent, aussi, les
propriétaires abandonnent parce qu'ils
sont rendus à l'âge de la retraite et, au lieu de disposer de leurs terres, ils
les louent. Est-ce que vous considérez ça comme un phénomène normal?
Parce que je vais vous dire ça de façon très simpliste, là, mais nos rangs
étaient... généralement, les petites
municipalités étaient pleines de fermes, on pouvait retrouver 10, 15 fermes.
Maintenant, il y a une ou deux fermes
qui, elles, sont propriétaires ou exploitent presque l'ensemble des rangs, là.
Puis ce modèle-là, je le vois dans l'Estrie, là, de façon très générale.
Est-ce que ça, pour vous, c'est un modèle qu'on devrait supporter ou s'il faut
encourager le changement plus rapidement?
La Présidente (Mme Léger) : M.
Cartier.
M. Cartier (Jacques) : Oui. Ce
modèle-là, il existe dans toutes les régions du Québec, et je vais vous dire pourquoi d'une façon très, très
simple. Ce que vous avez mentionné... Je prends l'exemple de l'Estrie parce que
c'est une région qui est peut-être
une des plus dynamiques au Québec dans le secteur laitier, incluant la région de
Mégantic, regardez la grosseur des
fermes maintenant. Les gens qui sont restés dans le secteur
laitier... Parce qu'on a passé de
60 000 fermes, il y a peut-être une trentaine d'années, à
5 800 fermes aujourd'hui, alors ce que ça a fait, c'est que les
producteurs, justement, ont acheté les
terres du voisinage, ont fait de la consolidation. Mais, curieusement, toutes
les résidences qui étaient là sont
toujours présentes, et, très, très souvent, les gens qui sont dans ces
résidences-là sont les employés de ces fermes-là.
Et ça, c'est un phénomène qui est naturel parce que soit que les gens aient
pris leur retraite, soit que des jeunes soient venus s'installer là avec des jeunes enfants, et c'est comme ça.
Que ce soit dans Saint-Hyacinthe, ou dans l'Estrie, ou au Lac-Saint-Jean, c'est toujours le même
phénomène parce que, souvent, les gens se disent, comme vous avez mentionné tantôt : C'est notre patrimoine,
pourquoi qu'on le céderait quand on sait qu'au cours des années il y a eu une
majoration des prix?
Et la
majoration des prix vient parce qu'il y a eu des bons résultats financiers en
agriculture au cours des dernières années.
Est-ce qu'on doit se blâmer, comme producteurs, d'avoir une situation
financière qui s'est améliorée? Écoutez, parler du phénomène, je pense que c'est exagéré. Pour moi, je trouve ça
exorbitant qu'on dise que c'est malheureux de faire de l'argent en agriculture. Si on fait de
l'argent en agriculture, c'est parce qu'on a investi, on a capitalisé, on a
consolidé des entreprises. Et c'est
ça qui a développé l'économie du Québec, c'est ça qui développe l'économie des
régions, et c'est ça qu'on veut
continuer de promouvoir dans toutes les régions du Québec, que ce soit en
Gaspésie, au Lac-Saint-Jean ou à Saint-Hyacinthe.
La Présidente (Mme Léger) : M. le
député de Mégantic? M. le député de Saint-Maurice.
M. Giguère : Oui.
La Présidente (Mme Léger) : Il vous
reste 2 min 30 s.
M. Giguère : O.K. Ça va être assez
court, mais moi...
La Présidente (Mme Léger) : Avec les
réponses comprises.
M. Giguère : Bien, on va y aller.
Donc, moi, quand on a commencé pour ces auditions-là, je me suis posé la question :
Chez moi, dans la Mauricie, c'est quoi, l'impact visuel? Donc, moi, j'ai une entreprise,
que vous avez nommée tantôt, qui est venue s'établir, en particulier, là,
s'est fait un bras économique dans ma région. Ça a été quoi, ce bras-là?
Qu'est-ce c'est que vous venez d'expliquer,
ça a été ça, c'est des terres qui sont semi-abandonnées ou abandonnées,
surtout, et puis qu'ils ont reprises,
qu'ils ont investi beaucoup, puis qu'aujourd'hui je me rends compte que, justement,
il y a encore du monde dans ces
maisons-là. C'est les enfants, souvent, de la génération suivante. Soit qu'ils
travaillent sur l'entreprise ou c'est les personnes qui ont loué — il y a beaucoup de location, en passant, à long terme — donc,
de ce producteur-là.
Qu'est-ce
c'est que ça a fait dans la région? C'est qu'on s'est aperçu qu'il y a
des petites PME que c'était un gros plus
pour eux parce que cette entreprise-là d'une certaine envergure demande des services
qu'ils viennent chercher dans la région.
Donc, qu'est-ce c'est que vous nous dites aujourd'hui, c'est qu'il ne
faudrait pas limiter le nombre d'hectares pendant quelques
années parce que ces genres d'entreprises là, qui sont
basées beaucoup sur la rentabilité, il
faut se le dire, il ne
faudrait pas arrêter ce phénomène-là ou ceux qui veulent, la relève, acheter
puis prendre un petit peu d'expansion.
Donc, moi,
j'aimerais ça, vous entendre parler, revenir sur la rentabilité des entreprises parce
qu'est-ce c'est que vous défendez,
c'est beaucoup ça, c'est des entreprises rentables. Il faut investir pour que
notre prochaine génération ait les outils,
qu'ils aient des entreprises rentables, qu'ils soient capables de se faire un
fonds de pension, qu'ils soient capables de léguer à leurs enfants à un
prix raisonnable.
La Présidente (Mme Léger) : M.
Cartier.
M. Cartier (Jacques) : M. Giguère,
il me fait plaisir de répondre, puis je pense que vous m'ouvrez une porte extraordinaire. Vous venez de mentionner :
Dans une entreprise rentable, il n'y a
jamais de problème de relève. Ça, c'est le premier point. On a mentionné tantôt l'entreprise Dolbec de
Saint-Ubalde. Je pense qu'il faut aussi le souligner, c'est le plus gros employeur de la région ou un des plus
gros employeurs, et c'est l'entreprise qui a le plus besoin de services au niveau
de tous les autres fournisseurs.
Je vais aller
plus loin que ça. Justement, dans le dossier qu'on travaille aujourd'hui, il y a
quelques années, il y avait une ferme à Sainte-Anne-de-la-Pérade qui
s'appelait ferme Rompré — et vous êtes dans le secteur du boeuf, vous savez de quoi je parle — des centaines d'hectares en culture, c'était une des plus grosses fermes... la plus
grosse dans la Mauricie dans le bovin
et une des plus grosses dans le bovin au Québec. Cette entreprise-là a
failli. Curieusement, c'est que les résidus de pommes de terre ou les pommes de terre de rejet étaient vendues à
ferme Rompré. Alors, ce qui est arrivé, c'est que les gens de ferme Dolbec ont acheté la ferme Rompré au
complet. Avec ce qui nous est proposé aujourd'hui, vous savez que cette transaction-là
aurait été impossible. Et ce que ça aurait fait, c'est qu'une des plus belles
fermes qu'on avait au Québec, en Mauricie, ça aurait été tout simplement l'abandon du projet de regrouper
les deux entités pour faire une entité que,
selon moi, ce que j'appelle complètement intégrée à partir de la production de
la pomme de terre d'alimentation pour arriver à une finalité.
La
Présidente (Mme Léger) : Merci, M. Cartier, c'est tout le temps que
nous avions. Alors, je passe maintenant à l'opposition officielle. M. le
député de Berthier.
• (16 h 20) •
M.
Villeneuve : Merci, Mme la Présidente. Mme la Présidente, nous
avons reçu, à l'automne dernier, la Commission de protection du territoire agricole, sa présidente et les gens qui
l'accompagnaient et nous avons abordé le sujet de se doter d'un outil
afin de colliger l'information au niveau des transactions qui se font dans le
monde agricole. Et, Mme la Présidente, ma
question s'adresserait à M. Saint-Pierre. Moi, j'aimerais savoir de la part de
M. Saint-Pierre, est-ce que c'est une bonne idée de créer un tel
registre pour pouvoir, justement, se faire une tête? Parce que, là, tantôt, là...
puis on y reviendra peut-être si j'ai du
temps, là, mais on ne sait pas combien de terres sont en location qui
appartiennent à des propriétaires, à des retraités, à des fonds
d'investissement.
Il y a des
chiffres... Puis CIRANO, là, moi, je l'ai lu hier, j'ai fini à
11 h 30 de le lire hier soir, là, et CIRANO, là, si vous lisez le début, là, c'est assez
hallucinant, hein, parce qu'ils n'arrêtent pas de dire que les faits ne sont
pas vérifiés, on n'est pas certains,
on n'est pas sûrs, mais ils arrivent à la fin en disant que l'accaparement des
terres, ça existerait, mais ça serait
marginal. Bon, on y reviendra tantôt, mais moi, j'aimerais savoir de la part de
M. Saint-Pierre qu'est-ce qu'il pense de la création d'un tel registre? Puis ça
pourrait être la commission, ils sont tout à fait d'accord, la commission,
à s'en occuper dans la mesure où on lui fournit des ressources et qu'ils ont le
mandat du ministre.
La Présidente (Mme Léger) : M.
Saint-Pierre.
M. Saint-Pierre
(Michel) : Écoutez, on ne peut certainement pas être contre l'idée de
mieux connaître le secteur et la
dynamique de son évolution. Je pense que... Quelle forme doit prendre la
structure qui collige le tout? Bon, c'est une question qu'on pourrait
regarder plus attentivement, mais l'idée générale, oui, c'est certainement une
très bonne idée.
La question
de vente de fermes, il faut comprendre aussi la dynamique. Et souvent on oublie
cette réalité-là, une terre, c'est
quelque chose qui est une opportunité... Quand elle est à vendre, elle est une
opportunité unique, et souvent on
dit : Dans un espace de 30 ans, il ne s'en représentera pas d'autre,
opportunité comme celle-là, de l'acheter. Et qui a l'opportunité? C'est un voisin ou un autre voisin.
Mais il y a dans sa nature même une forme de surenchère qui crée en bonne partie l'augmentation de la valeur des
terres. Mais ce que je voulais dire, c'est que les transactions se font sur une
base beaucoup plus globale d'une ferme. Et
là on ne mesure pas ça par 100 hectares ou 50 hectares. C'est parfois petit,
parfois grand, mais, cette opportunité-là, on ne peut pas la scinder, on ne
peut pas dire : On va maintenant faire un morcellement et on va faire un bloc de 100 hectares, et, celui-là, on va
le vendre. C'est quelque chose qui est vraiment dans la nature même d'une transaction sur un actif qui est très rare et
pour lequel on ne peut pas faire de mezzanine, là, on n'est pas en train de construire quelque chose
pour lequel on va faire un deuxième étage. La terre, elle est là, on l'achète
ou on ne l'achète pas. Alors, c'est dans
cette dynamique-là, puis il faut regarder également les recommandations qui
avaient été faites.
La Présidente (Mme Léger) : M. le
député de Berthier.
M.
Villeneuve : Bien, vous allez pouvoir, Mme la Présidente... M.
Cartier, la question va s'adresser à vous, alors vous pourrez faire un complément de réponse à la réponse de M.
Saint-Pierre si vous le voulez. Moi, j'aimerais savoir, M. Cartier, combien y a-t-il de transactions
d'entreprises propriétaires agriculteurs, là, de 100 hectares? Combien y a-t-il
de transactions annuellement de plus de 100 hectares? Est-ce que vous
connaissez la réponse?
La Présidente (Mme Léger) : M.
Cartier.
M. Cartier
(Jacques) : Je vais vous
dire que, sérieusement, il y aurait une grande difficulté à connaître la
réponse, mais sauf que je peux vous
dire, sur ma propriété, j'ai au moins trois entités de 120 à 150 hectares. Et,
demain matin, si mon fils décède, on
ne sait jamais, on ne souhaite jamais ça, mais, si la chose arrive, j'aurai trois
entités minimales de 100 hectares et plus à céder. Alors, c'est pour ça...
Puis il y a peut-être...
Dans la
réponse de M. Saint-Pierre, j'ai un élément que je dois ajouter. Il y a une
différence fondamentale entre la
création d'un registre et de faire une enquête sur la situation
des fermes au Québec. Faire un registre, pour moi, c'est une première étape pour aller vers un contrôle
plus important. À l'heure actuelle, on est en une période de restrictions
budgétaires au Québec, que ça soit la commission ou ailleurs... Parce
que j'ai été commissaire pendant six ans. Si vous voulez commencer à développer des structures
additionnelles pour... tout simplement
parce qu'à partir de la minute où vous
voulez commencer à installer un registre et tous les autres éléments qui ont
été proposés, là, incluant les limites de 100 hectares, et autres, là,
c'est que vous alourdissez, tout simplement, le processus de transaction.
Une
transaction, à l'heure actuelle, sérieuse, quand on parle de chiffres
importants, là — parce
que, quand on parle de centaines
d'hectares, on parle de millions de dollars, là — vous incluez les notaires, le système
bancaire, on peut parler de mois
puis, peut-être, voire pas loin d'une année dans certains cas. Alors, si vous
incluez en plus un autre processus qu'on
doit se référer, bien, écoutez, on va se ramasser dans une situation qui va
être aberrante. On restera comme on est là, on louera nos terres en attendant, avec des options d'achat, tant et
aussi longtemps que le système ne
sera pas modifié. Alors, ça, je pense que c'est des éléments importants.
Mais, de penser qu'on peut connaître la limite
des 100 hectares sur une base d'entité, je pense que ce serait présomptueux, qui que ce soit au Québec, à l'heure actuelle, de mentionner qui va avoir 100 hectares ou pas. Sauf que ce que je peux vous dire, c'est que la plupart des
fermes voisines de chez nous sont toutes aussi des fermes de plus de
100 hectares. Dans plusieurs cas, on parle de 300, 400, 500 hectares,
et ces fermes-là, le jour, s'il n'y a pas de relève, qu'elles seront disposées, c'est clair qu'il va y avoir des... par
grandes entités. Et il faut comprendre que l'agriculture évolue
aussi en termes de superficies comme en termes de résultats financiers.
La Présidente (Mme Léger) : M. le
député de Berthier.
M.
Villeneuve : Merci, Mme la Présidente. Peut-être que, si on
avait un registre, on le saurait, hein, combien de fermes. Bon, mais je ne veux pas embarquer là-dessus.
Je veux juste, peut-être, vous reposer la question, M. Cartier : Que
diriez-vous si la proposition de l'UPA, qui
est de dire 100 hectares, que ça pourrait... Tu sais, à un moment donné,
on est logique, là, s'il y a une
ferme qui dit : Moi, je veux acquérir 125, là, est-ce que vous, vous voyez
un mécanisme quelconque qui pourrait
peut-être permettre, justement, lorsque c'est une ferme agricole, un
agriculteur propriétaire qui veut acquérir une terre, elle a 125, 132 ou 98... est-ce que vous pensez que c'est
possible d'imaginer un mécanisme qui le permettrait, tout de même, et qui empêcherait... Parce que je crois
comprendre que vous n'êtes pas tout à fait en accord avec la philosophie
des fonds d'investissement privés, c'est ce
que j'ai cru comprendre. Alors, l'idée, c'est justement de pouvoir permettre
l'expansion, j'allais
dire, de fermes agricoles propriétaires, mais est-ce qu'il n'y a pas moyen de
trouver une solution? Avez-vous
quelque chose à proposer qui permettrait, tout de même, l'acquisition de terres
agricoles? On parle de 100, mais je pense que les gens sont ouverts à
regarder pour trouver une solution.
M. Cartier
(Jacques) : Effectivement, ce qui est proposé, c'est ça qui est
curieux, c'est que, là, on nous dit : Trois
ans de moratoire avec 100 hectares. Si la situation politique change au
Québec, on réduira à 60, on réduira à 50, on évoluera à 125 dépendamment
du bon vouloir, des relations qu'on aura avec les gens du gouvernement. Ça,
c'est une situation qui, à mon sens, est
complètement aberrante. Si quelqu'un veut acheter une terre qui dépasse
100 hectares, dans la proposition qui est faite à l'heure actuelle,
ce que vous venez de me suggérer, c'est qu'on fera du cas par cas dans chacune
des situations.
Une
ferme moyenne, à l'heure actuelle, si on regarde... on a parlé des fermes
laitières tantôt, et, que ce soient des fermes laitières ou céréalières, le montant d'investissement pour une
ferme moyenne dans le secteur laitier, seulement qu'en contingentement on parle de 1,5 million de dollars. Si vous
ajoutez les bâtiments, les animaux, vous êtes déjà rendu possiblement à 2,5 millions, 3 millions,
et vous n'avez pas le foncier pour supporter ça, est-ce qu'on sera obligé à
chaque fois de faire un cas
d'exception? Alors, s'il y a un cas d'exception, il va falloir qu'il y ait un
mécanisme de contrôle parce que vous
allez vous ramasser, ça va être les amis des amis qui vont avoir certaines
possibilités de transaction, tandis que le système actuel, c'est que c'est la liberté d'entreprise pour chacun des
producteurs agricoles comme dans tous les autres secteurs d'activité. Que ça soit un contracteur, que ça soit un
industriel, quand il veut acheter une entreprise, il a toujours la
liberté de le faire. Mais nous, dans le secteur agricole, parce que c'est
différent, on veut nous limiter.
La Présidente (Mme
Léger) : M. le député de Berthier.
M.
Villeneuve : Merci, Mme la Présidente. Et, si l'exception,
c'étaient les fonds d'investissement privés, M. Cartier? Si c'était ça, l'exception, et qu'on mettait des
critères objectifs en place qui permettraient un certain fonctionnement...
Puis je veux revenir sur l'accaparement des
terres parce que, vous savez, un éclipse, là... C'est une éclipse ou un
éclipse? Peu importe si c'est
féminin, masculin, là, c'est marginal parce que ça n'arrive pas souvent. On
s'entend? L'accaparement des terres,
en 2012 ça a été jugé marginal par CIRANO. Mais il y a des fonds qui se sont
créés depuis, et, dans le document de
CIRANO, c'est très clair que lui, il dit qu'ils sont très agressifs et qu'ils
lèvent même des fonds, ils lèvent des fonds pour être capables,
justement, d'élaborer des stratégies pour acquérir davantage de terres.
Alors, d'un problème
marginal ou inexistant, selon ce que je vous entends dire, on est peut-être
rendus à un problème qui s'accélère et qui
pourrait devenir moins que marginal si l'État ne prend pas les moyens,
justement, pour avoir l'information,
l'analyser, la colliger, en tirer des conclusions et, finalement, peut-être se
donner des outils pour qu'on puisse, comme société, finalement être
maîtres de nos décisions et du modèle que l'on veut en agriculture.
La Présidente (Mme
Léger) : M. Cartier.
M. Cartier
(Jacques) : Allez-y, M. Brouillard, à vous.
La Présidente (Mme
Léger) : M. Brouillard.
M. Brouillard
(Gilles) : Bien, M. Villeneuve, mettre en place la mesure
réglementaire...
La Présidente (Mme
Léger) : ...la présidence tout le temps.
M. Brouillard
(Gilles) : Pardon, Mme la...
La Présidente (Mme
Léger) : Vous parlez à la présidence. Merci.
• (16 h 30) •
M. Brouillard (Gilles) : Excusez-moi. Mme la Présidente, mettre en place
une réglementation qui va faire perdre le
droit de transiger des terres ou qui va limiter ce droit-là des agriculteurs,
c'est essayer d'abattre une mouche avec un calibre 12. Actuellement, c'est ça que ça nous dit, CIRANO. Le
gouvernement a tout à fait un pouvoir d'enquête qui est à sa disposition. Il peut mener une enquête et aller
chercher ces données-là, aller les chercher puis voir l'évolution, de façon
ponctuelle, de faire enquête là-dessus sans
mettre en place des structures qui vont faire en sorte qu'on va manquer, nous
autres, comme agriculteurs... qu'on pourrait manquer des opportunités d'acheter
des terres.
Et
il ne faut jamais oublier qu'un registre, là, qui va avoir accès à
ça, Mme la Présidente? Et est-ce
que ça ne peut pas venir même contribuer à faire augmenter la valeur des terres? Parce que tous ces mécanismes-là
qui sont proposés vont faire en sorte
qu'il y a des momentums qui vont se manquer, et ça peut provoquer des
surenchères de la valeur par la
suite. La transaction ne se fait pas au bon moment, elle est reportée à plus
tard. Bien, plus tard, ça se peut que ça coûte plus cher.
La
Présidente (Mme Léger) : Merci. Je passe maintenant au deuxième groupe
d'opposition. Mme la députée de Mirabel.
Mme
D'Amours : Merci, Mme la Présidente. Vous savez, l'accaparement des
terres, là on parle toujours pour le
Québec, mais c'est un phénomène mondial. Puis, d'après vous, si, comme vous le
mentionnez, ce n'est pas un phénomène ici, là, que l'on vit, par votre mémoire, ne
faut-il pas être en mode prévention? Parce qu'on n'y échappera pas, là, on fait
partie du monde, et ailleurs il y a un
phénomène qui existe, il y a un phénomène qui est là. Alors, au Québec, si on
ne le vit pas maintenant, ne faut-il pas être en mode prévention?
La Présidente (Mme Léger) : M.
Cartier.
M. Cartier (Jacques) : Allez-y, M.
Saint-Pierre.
La Présidente (Mme Léger) : M.
Saint-Pierre.
M. Saint-Pierre (Michel) : Merci,
Mme la Présidente. Je ne pense pas qu'il faut confondre le phénomène d'accaparement qui se produit, qui se fait
ailleurs, par exemple, par les Chinois en Afrique, avec ce qui se produit ici.
D'une part, le Québec est une des
administrations les mieux outillées pour empêcher, justement, l'acquisition par
des intérêts extérieurs. On a eu une
sorte de nouvelle, un jour, que les Chinois venaient acheter des terres au
Québec qui ne s'est jamais matérialisée, cette chose-là. On a une
loi — je
pense qu'il y a seulement deux provinces au Canada qui ont des lois semblables, la Colombie-Britannique et nous — et qui empêche l'acquisition de fermes, de
terres par des non-résidents. C'est
déjà une très grande contrainte qui fait en sorte qu'on n'est pas du tout dans
le même univers que celui d'accaparement des terres. Parce qu'effectivement, là, on regarde la croissance de la
population mondiale, je pense que c'est deux choses. Il n'y en a pas ici, à toutes fins utiles,
véritablement. Le mot est fort. Je le mentionnais tout à l'heure, le mot
«accaparement», on parle de... Dans
une région, ça peut avoir un impact plus grand, mais, de façon générale, sur
l'ensemble du Québec, qui, comme on
l'a mentionné précédemment, exploite environ 1 900 000 hectares sur
une base de production réelle, c'est vraiment très, très peu. Donc, on n'est
pas là et on est bien à l'abri de ce genre de phénomène là qui nous tomberait
dessus un jour, là.
La Présidente (Mme Léger) : Mme la
députée de Mirabel.
Mme
D'Amours : Une société comme... pour ne pas tous les nommer, là, mais
comme Partenaires agricoles ou AgriTerra,
c'est des gens d'affaires, des gens qui veulent investir, mais ne pensez-vous
pas que... Parce que, tout à l'heure, M.
Cartier a dit que peut-être qu'avec un registre ça donnerait peut-être lieu à
des augmentations parce qu'on saurait, bon... Donc, ne pensez-vous pas que ces gens-là, les gens d'affaires,
n'achèteront pas des terres... ils ne surévalueront pas les terres, ils n'achèteront pas des terres plus cher
parce que... Il y a un rendement qui doit arriver avec ça, là, ce n'est pas
juste acheter le fonds de terre puis d'attendre. Il peut y avoir des mesures
différentes pour des gens comme ça. Mais quelqu'un
qui veut investir, qui travaille la terre, qui a des revenus, c'est comme
n'importe quel autre producteur, s'ils ne sont pas capables d'avoir des
revenus décents, qu'est-ce que ça leur donne d'acheter ces terres-là?
La Présidente (Mme Léger) : M.
Cartier.
M. Cartier (Jacques) : ...le
registre?
M. Brouillard (Gilles) : Oui.
La Présidente (Mme Léger) : M.
Brouillard.
M.
Brouillard (Gilles) : Bien, par rapport au registre, pour donner un exemple concret, le danger du registre,
c'est... Par exemple, nous autres, comme agriculteurs, dans nos rangs, on
connaît nos voisins, on connaît leur historique, on peut savoir, à un
moment donné, qu'il y en a un qui s'en va à la retraite. On est capables de
savoir ça, dans notre microenvironnement, si on veut. Mon beau-frère, qui est dans la salle ici, en arrière, par exemple, a acheté ses terres de cette façon-là, il a su qu'il y avait quelqu'un
qui s'en allait à la retraite.
Si on met en
place un registre, Mme la Présidente, et avec tout un détail des propriétaires, je
veux dire, il peut y avoir une action
ciblée par des groupes mieux organisés que moi comme producteur, tout seul, qui
peuvent aller solliciter ces acheteurs
que moi, je suis capable d'identifier parce
que je suis sur place, et aller faire
des offres, et contribuer de cette façon-là à faire augmenter le prix
des terres.
La
Présidente (Mme Léger) : Mme la députée de Mirabel... M. Cartier, vous voulez compléter? Mme la députée de Mirabel, vous voulez
revenir? M. Cartier.
M. Cartier
(Jacques) : Peut-être
un autre élément à ajouter. À l'heure
actuelle, lorsqu'on
parle de transactions de terres, pour en avoir acheté sept depuis 15 ans, des
parcelles, on fonctionne beaucoup, au Québec, dans le monde agricole, par le ouï-dire. On sait ce qui s'est payé dans le coin, on
sait ce qu'untel a payé, mais il y a assez souvent aussi ce que j'appelle de l'enflure verbale. Et on sait
que chaque terre a son évaluation propre dépendamment si elle est drainée, si elle est nivelée, son potentiel agricole, le
pourcentage de superficie qui est en boisé ou les bâtiments de ferme qu'on a
à supporter. Alors, chacun est libre de
faire sa propre transaction. Un registre ne vous donnera absolument
aucune information sur tous ces éléments-là parce que
c'est des éléments spécifiques à chacune des entités agricoles, et de penser
que demain matin... Comme M.
Brouillard a dit, bien, si vous voyez
dans le registre qu'il y en a une qui s'est vendue à tel prix ou pour telle situation, bien, ce que vous faites, c'est que vous
donnez l'information à peu près à tout le monde pour faire un «cost plus» pour la fois suivante, puis
dire : Bien, écoute, elle s'est payée tel prix. Bien, la prochaine, on va
la payer...
Et l'exemple le plus
frappant, on l'a à Saint-Hyacinthe. L'an passé, il s'est vendu une terre d'une
soixantaine d'arpents à 1 million de
dollars. Alors, les gens se sont mis à calculer, ils ont dit : Bien,
celle-là a valu ça, bien, moi, pour la
prochaine que je vais acheter ou les... Puis même les producteurs, maintenant,
au lieu de vendre des terres de gré à gré, ce qu'ils font, c'est qu'ils demandent des soumissions dans les journaux
pour avoir une plus-value encore plus importante. Alors, on est rendu là. Mais on ne parle plus de
3 000 hectares, comme on parle au Lac-Saint-Jean, on est rendu de
parler de 40 000 à 50 000 hectares dans certains cas.
La Présidente (Mme
Léger) : Mme la députée de Mirabel, une minute, qu'il vous reste avec
les réponses.
Mme
D'Amours : Les terres agricoles... Tantôt, vous avez mentionné qu'on
n'exigerait pas ça à d'autres sphères d'activité
que l'agriculture. Exemple, quelqu'un qui est plombier puis qui veut vendre son
entreprise, on... Bon. Mais un plombier,
il peut se partir n'importe où, en ville. Mais une terre agricole, ça ne se
déménage pas. Une terre agricole, ça reste
là. C'est une entreprise, mais... On ne veut pas les mettre à part, mais c'est
un monde à part parce que tu ne peux pas vendre ta terre puis la prendre, l'amener en dessous de ton bras puis de
déménager avec, là, elle est là puis elle reste là. Ça fait que, donc, au niveau des transactions,
c'est complètement différent d'une vente d'une plomberie, une vente de terre agricole. Vous avez mis ça un peu dans le
même bateau. Moi, j'aimerais savoir pourquoi vous êtes sur cette position-là.
La Présidente (Mme
Léger) : M. Cartier.
M.
Cartier (Jacques) : Bien, écoutez, moi, je vais répondre exactement ce
que le député de Mégantic mentionnait tantôt :
Il y a 28 % de son territoire qui est retourné en friche. On a une
multitude de jeunes... Puis c'est ce que je vous ai dit au départ, il y a des potentiels agricoles dans plusieurs régions
du Québec, et, même dans votre secteur, si on regarde la région d'Oka, il y a encore des belles terres
qui sont possédées par des urbains, qui sont plus ou moins cultivées, et qui
auraient un potentiel agricole extraordinaire, et qui ne sont peut-être pas
nécessairement valorisées.
Alors,
pour moi, c'est une chose qui est importante. Il y a des transactions qui se
font en agriculture comme dans tous
les autres secteurs, et la liberté... Puis ça a été mentionné, je pense, par
mes deux confrères, l'opportunité, lorsqu'elle se présente pour acquérir
une terre, comme vous avez mentionné, elle peut être la terre voisine, mais
elle peut être à 20 kilomètres de chez
vous aussi. Maintenant, avec les équipements qu'on a, avec les outils qu'on a,
il n'y a aucun problème pour un
producteur céréalier ou un pomiculteur d'avoir un verger à 20 kilomètres
de chez lui et s'en occuper. Alors, pour moi, ce n'est pas un critère pour
qu'on différencie un producteur agricole de n'importe quel chef d'entreprise
dans n'importe quel secteur.
La
Présidente (Mme Léger) : Merci. C'est tout le temps que nous avons. Je
remercie le Conseil des entrepreneurs agricoles. M. Cartier, M.
Saint-Pierre, M. Brouillard, merci.
Je vais suspendre
quelques instants pour laisser la place à la Fédération de la relève agricole
du Québec.
(Suspension de la séance à
16 h 39)
(Reprise à 16 h 41)
La
Présidente (Mme Léger) : À l'ordre, s'il vous plaît! Merci. Je demanderais aux gens qui ont... qui
peuvent quitter... À l'ordre, s'il vous plaît! À
l'ordre, s'il vous plaît! Merci. Ceux
qui veulent quitter, c'est le temps, s'il
vous plaît. Sinon, on reste
silencieux.
Des voix :
...
La Présidente (Mme
Léger) : Il y a quelques caucus encore. Je vous demanderais le
silence, s'il vous plaît.
Des voix :
...
La
Présidente (Mme Léger) :
Merci. Merci. Je vous demanderais de quitter les lieux, ceux qui ont à quitter
les lieux, et les autres, d'être en silence,
s'il vous plaît. Merci bien. Je vous rappelle qu'on ne peut pas
faire des applaudissements ou d'avoir
du public, malheureusement, c'est... La parole est aux gens qui interviennent,
les échanges. Vous pouvez être là sans problème, mais pas de manifestation
quelconque. Dehors, vous pouvez le faire. On a un certain ordre dans nos
travaux.
Alors,
je suis heureuse de recevoir la fédération... Nous recevons la Fédération de la
relève agricole du Québec. M. le
président, M. Hudon, vous avez 10 minutes
pour intervenir. Vous présentez la personne qui vous accompagne, et
après on aura des échanges avec les formations politiques. Alors, bienvenue.
Fédération de la relève agricole du Québec (FRAQ)
M. Hudon
(Pascal) : Merci, Mme la Présidente. Bien, ça va être Marc qui va faire la
présentation, l'introduction.
M. Lebel-Racine
(Marc) : Donc, bonjour à tous les membres de la commission. Merci,
madame...
La Présidente (Mme Léger) : Vous
avez dit Marc, mais on a besoin de savoir qui vous êtes, M. Marc.
M. Lebel-Racine (Marc) : Oui. Donc,
c'est Marc Lebel-Racine.
La Présidente (Mme Léger) :
Lebel-Racine, merci.
M. Lebel-Racine (Marc) : Je suis
coordonnateur à la Fédération de la relève agricole du Québec.
La Présidente (Mme Léger) : Merci.
M.
Lebel-Racine (Marc) : Donc, merci, Mme la Présidente. Et bonjour à tous les membres de la commission.
D'abord, merci pour l'invitation. En fait,
je suis accompagné de Pascal Hudon, qui est président de la FRAQ. Notre
fédération rassemble des jeunes
passionnés d'agriculture de 16 à 39 ans. La FRAQ compte 13 syndicats
régionaux affiliés et constitue le porte-parole de la relève agricole de
partout au Québec depuis 1982.
Donc, on va
profiter de cette tribune pour alimenter la réflexion sur l'accaparement des
terres, un dossier d'une importance
capitale pour la relève. Donc, on est convaincus de l'urgence d'agir sur cette problématique et, surtout, de l'importance d'élargir le débat à l'ensemble de
la population du Québec.
Les activités
agricoles ont un caractère structurant pour toute société.
Aussi, la terre est une ressource stratégique et limitée. Au Québec, la valeur moyenne des terres agricoles a été
multipliée par un facteur de six de 1990 à 2013, et de nouveaux joueurs de gros calibre sont venus
brasser les cartes sur le marché foncier. L'acquisition de vastes terres
agricoles par des fonds d'investissement est le type d'accaparement qui est le plus médiatisé par les temps qui
courent, mais ce n'est pas le seul.
L'accaparement pratiqué par des promoteurs immobiliers, comme on le voit en ce
moment avec le dossier des Soeurs de
la Charité dans la Capitale-Nationale, et aussi des types d'accaparement par
des grands propriétaires fonciers et
par certains producteurs agricoles produisent le même effet sur la relève, c'est-à-dire de rendre de plus en plus difficile l'accès à la terre.
Depuis quelque temps, on assiste impuissants à
l'écart grandissant entre la valeur marchande des entreprises agricoles, basée sur la valeur des actifs, et leur
valeur productive, établie à partir des revenus de la ferme. Et on est loin
d'un fait isolé, il s'agit d'un problème
généralisé pour lequel on doit trouver des solutions rapidement.
Vient ensuite une question
fondamentale : Qui va faire vivre les écoles, les entreprises locales et les services de proximité en région?
Qui va maintenir les terres en
culture, si ce n'est les jeunes et leurs familles, qui occupent le territoire
de façon dynamique, en pratiquant une
profession qui les passionne? Chose certaine, la relève veut continuer à être
maître de ses actifs, de ses décisions
et de son avenir. La zone agricole constitue un patrimoine collectif à protéger
pour les générations actuelles et futures.
La relève en est bien consciente, mais elle ne pourra pas en assurer la
pérennité si elle demeure dans l'incertitude politique et le flou
juridique.
Mon collègue Pascal peut en témoigner un bref
instant parce qu'il a connu cette situation de proche dans le Kamouraska
dernièrement.
M. Hudon
(Pascal) : Bien, la société Pangea a acheté 800 hectares — ce qui vaut à peu près huit fermes familiales — dans le Kamouraska à l'automne 2014. Cette
société prévoit doubler ses superficies dans un avenir rapproché dans le Kamouraska. Les jeunes sont principalement
inquiets de ce qu'ils voient. Ils sont impuissants dans la rapidité et la
facilité dans laquelle les nouveaux
acquéreurs s'accaparent de leurs terres. À preuve, une rencontre a été faite le
23 octobre dernier suite à l'annonce
que Pangea était dans le Kamouraska, nous avons réussi à mobiliser plus de 125
jeunes en moins d'une semaine de préavis.
Je pense que,
pour bien documenter les impacts sur la relève et identifier les meilleures
pistes de solution pour y faire face, il faut avoir en main des outils
fiables pour réaliser un suivi et une veille stratégique sur ces transactions foncières. Le prix des terres augmente à vue
d'oeil, et la relève est inquiète. L'accès à la terre devient de plus en plus
difficile. Pas moins de 32 000
hectares ont été acquis au Québec par une dizaine de sociétés privées de 2009 à
2014. Il faut rapidement aller
chercher un portrait détaillé de la situation et adopter des mesures pour
s'assurer que la relève ne paie pas le fort prix de la spéculation sur
nos terres. On veut continuer à pratiquer le métier qui nous passionne.
M.
Lebel-Racine (Marc) : Donc, plus les cas d'accaparement s'accumulent,
plus on voit que la main invisible du marché peut produire des effets
dommageables sur l'établissement des jeunes en agriculture. Sans suivi et sans régulation, c'est l'individualisme qui prime, et
c'est généralement les jeunes qui écopent. Or, ça prend de la volonté politique
et des actions concrètes pour appuyer la
relève. Celle-ci doit composer avec la concurrence déloyale que lui livrent des
acteurs financiers de plus en plus influents sur le marché agricole.
D'entrée de
jeu, rappelons qu'il n'y a pas de recette miracle pour permettre aux jeunes de
se prémunir contre la spéculation
foncière. Seule une combinaison de mesures complémentaires cohérentes et
flexibles saura assurer la pérennité de
nos fermes familiales et faciliter les transferts entre les générations. À la
lumière du manque d'information sur le nombre et l'identité des propriétaires de la zone agricole, la première étape
consiste, selon nous, à mandater un organisme pour colliger ces données
essentielles sur les transactions foncières. Il va de soi qu'un portrait
exhaustif de la situation et une plus grande transparence nous
aideraient à y voir plus clair. À ce sujet, on croit que la Commission de
protection du territoire agricole du Québec est bien placée pour assumer cette
responsabilité.
Dans
la même veine, le ministre de l'Agriculture dispose de toute la marge de
manoeuvre nécessaire pour limiter l'acquisition de terres par acheteur à
un maximum de 100 hectares par année. Cette mesure temporaire sur trois ans ralentirait l'action des fonds d'investissement et
une telle mesure nous donnerait aussi plus de temps pour brosser un portrait
plus étoffé de la situation.
Il serait
d'ailleurs intéressant d'adopter un mécanisme de surveillance et de régulation
du marché foncier inspiré des
sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural en France, les SAFER.
Donc, ces organismes ont le mandat d'acheter des terres pour ensuite les
louer ou les revendre en priorité aux jeunes agriculteurs français.
D'autre part,
il existe une disposition dans la loi constitutive du MAPAQ qui permettrait au
ministre de l'Agriculture de créer
des banques de terres et de favoriser les relèves qui cherchent à s'établir. Ça
éviterait d'avoir à mettre sur pied un
nouvel organisme, qu'il soit public, mixte ou privé, et le ministre pourrait
s'inspirer du succès des banques de terres qui ont vu le jour dans les MRC de Brome-Missisquoi, Argenteuil,
Memphrémagog et Val-Saint-François et qui ont donné des résultats probants à ce jour. On gagnerait
collectivement à reproduire ces projets ailleurs au Québec afin de continuer à jumeler des relèves non apparentées à des
propriétaires grâce à des ententes de partenariat, de location, de transfert,
de mentorat ou encore de démarrage.
On pourrait
aussi parler de l'absence, à l'heure actuelle, d'un encadrement législatif pour
la location des terres, la nécessité
d'adopter des mesures fiscales et réglementaires pour inciter l'utilisation des
terres à des fins agricoles, de l'importance de mettre sur pied un fonds
de développement agricole ou encore de l'importance de bonifier l'aide au
démarrage. Donc, on voit que ce n'est pas les solutions qui manquent pour le
gouvernement.
En
conclusion, le phénomène d'accaparement des terres n'a rien d'une fatalité. Une
multitude de mesures sont à notre
portée pour soutenir la relève. Un véritable projet de société doit s'appuyer sur un secteur agricole fort et
prospère. Il en va de la santé
économique du Québec et, indirectement, de notre sécurité alimentaire.
Les jeunes qui ont une passion pour
la profession agricole sont à la croisée des chemins avec les récents
développements qui mettent en danger notre modèle agricole et l'accès à la terre. Ne laissons pas le problème
dégénérer. Soutenons notre relève, celle qui a le pouvoir de nourrir le monde de demain. Retroussons-nous
les manches pour trouver des solutions face à l'abandon de plusieurs projets d'établissement et de consolidation
d'entreprises existantes. Continuons de miser sur un modèle basé sur l'entrepreneuriat et la jeunesse, un modèle qui
fait vivre nos régions et nos campagnes. Après tout, la terre, c'est la racine
de notre avenir. Merci de votre attention,
et j'aimerais profiter du deux minutes qu'il nous reste pour laisser mon
collègue Pascal conclure.
• (16 h 50) •
M. Hudon
(Pascal) : Oui. Je voulais
conclure. Parce que, tantôt, on a parlé un peu de notre organisation, la FRAQ,
comment qu'elle est composée. Oui, on est
affiliés à l'Union des producteurs
agricoles, on siège au conseil
général en même part que les autres
syndicats spécialisés, mais je tiens à préciser que la Fédération de la relève
agricole du Québec a des C.A. à tous les deux mois. Il y a un jeune par
région qui vient siéger au niveau de la FRAQ. On est capables de prendre
nos décisions tout seuls. Oui, on est le
club-école de l'union, on ne s'en cache pas, mais je pense qu'on n'a pas besoin
de l'union main dans la main pour prendre des décisions. C'est le seul point
que je voulais rajouter.
La
Présidente (Mme Léger) : Une
bonne mise au point. Merci bien. Alors, maintenant, nous passons du
côté ministériel, députés ministériels. Alors, M. le député de Mégantic.
M.
Bolduc : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, messieurs. Ça me fait plaisir de vous recevoir ici aujourd'hui. Et j'aimerais, premièrement,
voir un peu la différence que vous voyez... Parce que, si on écoute les
précédents mémoires, finalement on
entend : Oui, il y a un problème, non, il n'y a pas de problème, oui, il y
a un problème. Donc, ça peut devenir un
peu confus, là, mais est-ce que vous pourriez m'identifier les raisons
fondamentales... Parce que vous avez mentionné : 42 000 hectares en cinq ans qui ont été
achetés par spéculation. Puis, si vous avez de la documentation là-dessus,
je serais bien intéressé à la faire déposer.
La Présidente (Mme Léger) : M.
Hudon.
M. Hudon
(Pascal) : Je comprends mal
la question. Vous m'avez dit que vous voulez... On va vous envoyer la documentation
nécessaire. C'est les chiffres qu'on a eus puis qu'on vous transpose.
M.
Bolduc : O.K. Non, mais, s'il serait possible, j'aimerais
bien que vous puissiez nous les déposer, qu'on puisse constater, finalement, l'ampleur du phénomène,
comme vous le mentionnez, puis voir ça. Ce que moi, je disais, c'est que
c'est confus parce que l'UPA prend une
position, le conseil prend une autre position, vous prenez une autre position.
Donc, j'essaie de démêler un peu tout ça.
Puis je
voudrais juste vous poser une question qui est un peu pointue : Comment se
fait-il — puis
je l'ai mentionné précédemment — que
les jeunes entrepreneurs ont de la difficulté à se trouver des terres à des
prix abordables? Puis, comme j'ai
mentionné, dans mon comté spécifiquement de Mégantic, il y a eu une perte
de 24 % de la superficie agricole en 30 ans? Je trouve ça un peu contradictoire en termes de
modèle. Ou c'est-u parce que les jeunes ne veulent pas vivre en Estrie? Est-ce qu'il y a une problématique particulière
pour se ramasser avec le fait que nous, on perd beaucoup de terres, puis elles s'en vont principalement en sapins de Noël, en boisés, en friche?
Personne n'est intéressé à les acheter, ces terres-là, puis j'en ai, de
ça, en quantité. J'ai un peu de problématique avec ça. Est-ce que vous pourriez
m'aider?
M. Hudon (Pascal) : En Estrie...
La Présidente (Mme
Léger) : M. Hudon.
M. Hudon
(Pascal) : Oui, excusez.
Oui, Mme la Présidente. En Estrie, j'ai rencontré... Son nom m'échappe,
c'est une madame qui s'occupe un peu
des banques de terres. Elle m'a dit : La problématique qu'on a présentement
dans ces secteurs-là — puis
je peux le vivre dans le Bas-Saint-Laurent — c'est
qu'on a de la misère à savoir, les propriétaires de ces terrains-là qui sont en friche, on a de la
misère a savoir qu'est-ce que c'est qu'ils veulent faire de ces terres-là. Ces
propriétaires-là, qui ont des terres en friche, on ne sait pas ce qu'ils
veulent faire. Ils veulent-u faire du dézonage? Ils veulent-u conserver leur
territoire agricole?
Il faudrait
caractériser un peu ces territoires-là. Parce que, souvent, l'agriculture, on
pense que c'est animal puis céréalier,
mais, oui, il y a des jeunes qui pourraient peut-être être intéressés à
ces terres dont vous mentionnez. Mais je pense qu'il va y avoir un travail pour répertorier ces propriétaires-là,
savoir un peu c'est quoi, là, le type d'agriculture qu'ils veulent faire, est-ce qu'ils veulent la
conserver parce que c'est un bien familial, est-ce qu'ils veulent, en bout de
ligne, là, la dézoner. Je pense qu'il va y avoir un travail à faire à long
terme là-dessus.
La Présidente (Mme Léger) : M. le
député de Lac-Mégantic.
M.
Bolduc : Merci. Moi, j'aimerais comprendre un peu comment
il se fait que les entrepreneurs puis les spéculateurs, ils trouvent leur compte à acheter des terres agricoles,
puis notre relève agricole, elle, elle n'est pas capable de les rentabiliser. C'est un peu ce que vous nous
dites, parce que ça va prendre de l'aide financière
supplémentaire, etc. Comment ça se
fait qu'il y a des groupes qui sont intéressés à les acquérir,
ces terres-là, et, il semble même, à des prix supérieurs, de les
rentabiliser, de faire de l'argent avec, puis il y a d'autres groupes
d'individus qui sont encore plus adaptés, en
fait ils ont généralement grandi sur les terres, ils viennent de là, ils comprennent
l'environnement, etc., puis ils ne sont pas capables de
compétitionner avec eux? Je vois une dichotomie ici, pourriez-vous m'éclairer là-dessus?
La Présidente (Mme Léger) : M. Hudon.
M. Hudon
(Pascal) : Bien, je pense
que tout le monde le sait, présentement, que la bourse, ce n'est pas rentable, l'or
a chuté, ça fait que la manne, présentement, pour investir de l'argent, c'est
les terres agricoles. Est-ce qu'ils font vraiment
de l'argent en cultivant la terre? Moi, j'ai un point d'interrogation, puis il
y a beaucoup de gens qui ont ce point d'interrogation
là. J'aimerais qu'ils ouvrent les livres pour qu'on puisse regarder parce que
j'ai de la misère à voir comment qu'on
peut rentabiliser une terre avec le capital qu'ils investissent là-dessus. Le
jeune qui part demain matin en agriculture, il part avec rien. En agriculture, on a le défaut d'avoir une valeur
spéculative, et non agronomique. Chez nous, la terre, elle vaut présentement 3 500 $ l'acre, puis
je ne vois pas comment je pourrais la rentabiliser en cultivant de l'orge. Je
suis capable de l'acheter
présentement parce que, vu que j'ai une entreprise, je suis capable de
l'amortir sur les autres terres. Mais un jeune, demain matin, qui part
de zéro, il faut qu'il soit vraiment passionné, puis ça va prendre des moyens financiers, puis ça va prendre certaines
législations pour pouvoir faire en sorte qu'il puisse faire son rêve
d'agriculteur.
La Présidente (Mme Léger) : M. le
député de Mégantic. Non? M. le député de Saint-Maurice.
M.
Giguère : Oui. On a parlé beaucoup de fermes familiales, puis c'est un
modèle qu'on aime garder au Québec, et
puis, dans la relève agricole, souvent c'est dans la famille, mais j'aimerais
ça que vous me disiez... Vous avez parlé de relève non apparentée, donc un petit peu développer sur ça, et dans quel
domaine ces jeunes-là s'en vont, est-ce c'est dans les productions
contingentées, est-ce que c'est de la grande culture. J'aimerais ça...
La Présidente (Mme Léger) :
M. Hudon.
M. Hudon (Pascal) : C'est une bonne
question. Le dernier recensement que le MAPAQ a fait sur la relève agricole, on voyait une tangente sur les
productions non contingentées. Mais il y a beaucoup de producteurs... il y a
des producteurs qui souhaitent avoir
une relève non apparentée. La relève non apparentée, elle vise toutes sortes de
productions. Je ne pense pas que ça
soit spécifique à la gestion de l'offre ou pas, les jeunes veulent être
propriétaires, ils veulent prendre leurs
décisions eux-mêmes, ça fait que... Il y a un rêve là-dedans, de devenir
producteur agricole, parce que je vous rappelle qu'il y a 900 à 1 000 diplômés par année en agriculture, tous
diplômes confondus. Ça fait que la relève est là, il manque juste le
petit coup de pouce pour les aider à s'établir puis à faire en sorte qu'ils
soient des entrepreneurs puis qu'ils contribuent à la vitalité de leur région.
M.
Giguère : O.K. Vous avez ouvert la porte qu'il y a à peu près 900 à
1 000 jeunes qui sortent, là, par année, donc, dans le domaine
agricole. La question : Y a-t-il de la place pour eux dans l'agriculture
du Québec de 2015?
La Présidente (Mme Léger) :
M. Hudon.
M. Hudon
(Pascal) : Moi, je pense qu'il y a de la place pour tout le monde en
agriculture si on enlève les gens qui
ne sont pas agriculteurs, là. Les gens qui achètent des terres pour acquérir
dans le but de faire de la spéculation, je ne pense pas qu'on peut les qualifier comme agriculteurs. Je pense que, si
on enlève ce type d'acquéreurs de terres là, je pense qu'il y a de la place
pour tout le monde, oui.
M.
Giguère : O.K. Et vous proposez quand même plusieurs solutions pour
aider à la relève, donc beaucoup d'outils aussi, là, pour guider les transferts d'entreprises. Donc, c'est une
bonne chose, mais, en même temps, c'est que ceux qui prennent leur
retraite, on le sait, même quand c'est dans la parenté, c'est une question de
gros sous, une question de rentabilité. On voit beaucoup de transferts de
fermes, puis, quand l'entreprise... On est agriculteurs, puis on a des images,
des fois, préconçues. L'entreprise va bien. Tel producteur, ça va bien, son
entreprise, il y a une certaine rentabilité,
et le transfert se fait relativement bien. Et on en voit d'autres où est-ce que
la rentabilité est plus ou moins là quelques
années avant le transfert, et souvent c'est là que ça arrête, la production.
Donc, est-ce que vous pensez qu'on pourrait
amener une aide aussi beaucoup avant, là, le transfert, là, des entreprises
agricoles, amener une aide aux agriculteurs côté, là, entrepreneurial,
côté, là, gestion de...
La Présidente (Mme Léger) :
M. Hudon.
• (17 heures) •
M. Hudon
(Pascal) : On en parle dans notre mémoire, il y a un problème au
niveau de... Ce n'est pas un problème d'agriculteur,
c'est un problème de société, c'est qu'on n'est pas préparés à notre retraite.
Beaucoup de producteurs pensent à vendre
de leur actif pour pouvoir avoir une retraite dorée, mais je pense qu'il y a
une sensibilisation qu'il va falloir qui se fasse avant... Tu sais, à 50 ans, quand ça va bien, puis on n'a
pas mal aux genoux, là, bien, c'est le temps de penser à ta retraite parce que ce n'est pas le temps de penser, à 59 ans, le
matin que tu te lèves tout croche, puis il y a une vache à terre, puis il faut que tu vendes dans un an. Je
pense qu'il y a une sensibilisation à faire auprès des producteurs agricoles
dans le but d'épargner puis dans le but de faciliter le transfert des entreprises
agricoles à des relèves non apparentées.
Parce que
le phénomène de la spéculation va faire en sorte que les transferts entre pères
et fils aussi vont être un enjeu
majeur, parce que l'agriculture est basée sur une bulle spéculative. La plupart
du temps, le père fait un don au jeune, mais, au fil des ans, ce don-là augmente. Puis les gens qui veulent
faire un don, à un moment donné peut-être bien qu'ils vont y penser si l'écart est de
plus en plus grand. Ça fait qu'il y a
un danger sur cette bulle spéculative là. Puis, la relève agricole, je pense qu'on l'a bien transmis dans
notre mémoire, puis on espère qu'à court terme il va y avoir des mesures
pour atténuer ça.
La Présidente (Mme Léger) : M. le
député de Beauce-Sud.
M. Dutil : Oui. Vous avez, tout à l'heure, parlé de Banque
de terres. Voulez-vous nous expliquer le fonctionnement de ça? Vous n'avez pas élaboré plus longuement là-dessus.
M. Hudon
(Pascal) : Banque de terres,
dans le fond, c'est un mariage entre un cédant puis une
relève. La journée que le cédant, il
veut avoir une relève non apparentée, il fait affaire avec Banque de terres,
qui prend son nom en note. Puis la
même affaire pour la relève. La relève, si elle cherche une terre, elle donne
son nom, elle donne ce qu'elle veut faire
plus tard, puis il y a un mariage qui se fait entre les deux. Dans le fond, Banque de terres font en sorte qu'il y ait un mariage, qu'ils expliquent un peu... Ils
s'arrangent, voir s'ils ont des affinités ensemble. Puis, à date, ça marche
super bien, puis ils pensent même à
faire une banque de terres au niveau provincial, puis nous autres, on va les
appuyer là-dedans.
M. Dutil : Et donc c'est un échange d'information pour des gens qui ne sont pas nécessairement apparentés qui veulent savoir ce qui peut se passer, qui est à
vendre, qui est acheteur, de façon à ce qu'on puisse...
M. Hudon
(Pascal) : Mais c'est quand même
assez confidentiel, là. Ce n'est pas tout
le monde, demain matin, qui sait qui est à vendre. C'est vraiment
un jumelage qui est fait avec... Entre guillemets, on l'appelle la marieuse,
là. C'est son terme qu'on lui donne, là, amicalement parlant. Mais, dans
le fond, c'est ça, c'est un lien qui se fait entre ces deux personnes-là, puis on espère qu'au niveau provincial ça va aller de
l'avant parce qu'on voit des belles retombées dans les MRC qu'on a en cours. Puis les MRC, dans
leur PDZA, je pense que ça a ressorti beaucoup dans les PDZA qui ont été faits, puis nous
autres, on encourage Banque de terres à aller de l'avant.
M. Dutil : ...le député
de Mégantic, Mme la Présidente, parlait tout à l'heure de la situation dans l'Estrie. On a la même situation, nous autres, dans... dès qu'on
s'éloigne trop du fleuve, là, on a exactement la même situation. Moi, je suis de Beauce-Sud.
Beauce-Sud, on est collés tout le long de la frontière, là.
Donc, il y a des endroits très dynamiques sur le plan industriel, mais, sur le plan
agricole, on s'aperçoit que la relève n'est pas là. Les villages diminuent de population, puis il y a probablement de
l'agriculture à faire là.
Alors, je
vous dis ça parce que l'impression qu'on a quand on discute ici, à la
CAPERN, quand on discute avec des
gens, c'est qu'il y a vraiment deux Québec : un où il
y a de la spéculation parce qu'il y a
de la pression démographique, puis
ça, c'est plus autour de Montréal et de la région; et là où il y a
une désertification démographique, là, puis on s'aperçoit que les terres en friche augmentent. Vous, vous
venez de Kamouraska. Ça ne semble pas être le cas. À Kamouraska, il y a l'air d'avoir une pression sur les
terres agricoles puis un prix. Est-ce que vous l'attribuez uniquement à des
groupes comme Pangea ou s'il y a une dynamique agricole plus forte à cause de
votre proximité, peut-être, de...
M. Hudon
(Pascal) : Bien, dans
Kamouraska, ce que c'est qui est bizarre, c'est une MRC quand même
assez petite, puis il y a beaucoup de producteurs agricoles, mais il y a
beaucoup de classes de terres. On a sur le bord du fleuve où est-ce que
la terre est quand même classée... est quand même bien, là, c'est quand même
une terre pas de roches, puis ça se cultive super bien. Puis plus qu'on
monte dans les hauts pays, bien, plus la terre est difficile de cultiver.
Non,
c'est sûr et certain que Pangea, ce n'est pas le seul à avoir fait augmenter
les terres. Je ne vous le cacherai pas,
il y a beaucoup de producteurs qui ont fait de la spéculation sur
des terres. Ils avaient besoin de la terre, ça fait qu'ils l'ont achetée. Mais on a vu l'impact de Pangea
dans Kamouraska parce que, suite à la mobilisation qu'on a eue, les jeunes
ont décidé de faire un petit comité. Puis on
faisait du porte-à-porte pour aller
chercher des appuis, puis on s'est assis avec une institution financière, puis ils m'ont dit : Pascal, c'est
assez terrible, le nombre de demandes que j'ai eues pour faire un prêt pour acheter une terre. J'ai dit :
Comment ça se fait? Il y a beaucoup de producteurs à Kamouraska qui louaient
de la terre parce que leur situation
financière ne leur permettait pas de faire cet investissement-là. Ou, sinon, le
propriétaire demandait trop cher, ça
fait qu'on louait la terre pour l'autosuffisance de la ferme. Mais, quand ils
ont su que Pangea était dans le
Kamouraska, bien, ça a fait planer une incertitude au-dessus de la MRC. Ça fait
que le prix de la personne, bien, c'est
rendu le prix du producteur. Il dit : C'est inimaginable, la gymnastique
qu'il a fallu qu'on fasse pour que les gens puissent acquérir de la
terre.
C'est bien, ça a fait bouger les choses, mais,
au point de vue financier, au point de vue de l'endettement des entreprises,
je ne pense pas que c'est une bonne chose personnellement. Puis il y a beaucoup
de jeunes de la relève qui louent de
la terre présentement parce
qu'ils sont en démarrage, puis il y a une incertitude qui plane au-dessus de
leur tête parce qu'il n'y a rien qui
encadre la location des terres, il n'y a rien qui légifère la location des
terres soit dans sa durée ou sur
l'investissement qu'il y a à faire sur les terres agricoles. Ça fait que oui,
les producteurs, ils ont amené un impact sur le prix des terres dans le Kamouraska, mais je pense que Pangea a eu
un impact beaucoup plus grand que les producteurs eux-mêmes.
M. Dutil : Donc, Mme
la Présidente, le phénomène
des terres en friche, chez vous ça n'existe, à toutes fins pratiques, pas, là.
M. Hudon
(Pascal) : Bien, ça existe
dans les hauts plateaux. Tantôt, la MRC de Kamouraska va déposer... mémoire,
oui, il y a des parcelles de terre qui sont en reboisement, puis ils ont de la difficulté
à avoir preneur.
M. Dutil : Sur le bord de la
frontière américaine, grosso modo.
M. Hudon (Pascal) : Oui.
M. Dutil : C'est beau. Merci,
Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Léger) : Oui. M.
le député d'Abitibi-Est.
M.
Bourgeois : Je veux revenir
à votre marieuse. Dans le processus entre le propriétaire de la terre et le
jeune de la relève, y a-tu
un genre de contrat? Parce que ce que je comprends, c'est une location qui se
fait dans un premier temps, mais
est-ce que c'est un engagement de part et d'autre vers une acquisition
potentielle? Y a-tu des termes qui sont établis dès le départ?
M. Hudon
(Pascal) : Oui, c'est une
entente avec le cédant puis la relève. Il
y a beaucoup... il y a
des jeunes qui ne partent pas en
location, il y a des jeunes qui achètent carrément l'entreprise, mais oui, ceux qui partent
en location, ils ont des contrats
types. Banque de terres encourage beaucoup ce contrat-là parce que ça fait en
sorte que ça amène une sécurité à la
relève. Sachant très bien qu'elle loue pour une dizaine d'années, bien, elle
est capable d'investir. Si ça ne marche pas, bien, le cédant, il va
falloir qu'il rembourse les investissements que la relève a faits.
Ça fait qu'il y a beaucoup de terres qui sont
sous-utilisées au Québec — on
l'a vu tantôt avec les locations de terres — justement parce qu'on ne peut pas investir
sur ces terres-là. Pourquoi moi, j'irais mettre un tuyau de drain dans
la terre, pourquoi j'irais mettre de
l'engrais chimique ou de la chaux, sachant très bien que peut-être bien que,
dans deux ans, le propriétaire va me mettre dehors? Je pense qu'on
pourrait augmenter notre gain productif en ayant des contrats de location de
terres. Puis oui, Banque de terres, elle encourage beaucoup les contrats à long
terme.
M.
Bourgeois : En
complémentaire, Mme la Présidente. Donc, à
ce moment-là, ça pourrait être aussi
un frein à la spéculation parce que,
si les deux parties s'entendent au départ, donc ça éviterait le phénomène...
S'il arrive un acquéreur qui ferait
monter le marché, s'il y a déjà une entente entre les deux parties, est-ce que ça
peut aller jusqu'à cet effet-là?
M. Hudon
(Pascal) : Je ne pense pas, parce que
le prix de la location est quand même basé sur le prix d'achat de la terre. Ça veut dire qu'il faudrait peut-être bien cibler un prix de
location de terre. Mais le prix que le jeune loue, il faut quand même qu'il soit raisonnable. Il faut qu'il
arrive dans ses frais, il faut qu'il fasse de l'argent en bout de ligne, il
faut qu'il amène de la nourriture sur la table. Mais le prix... habituellement,
le prix de vente, c'est lui qui dit... c'est le prix de location. Ça fait que non, je ne pense pas que ça
réduirait la spéculation parce que le prix de vente base le prix de la
location.
M. Bourgeois : O.K. Merci.
La
Présidente (Mme Léger) : On
a dans notre document de consultation à la page 5... dans la relève agricole, M. Hudon, on dit : «L'âge moyen des
exploitants agricoles au Québec est passé de 47 ans en 2006 à 51,4 [...] en 2011.
Cela indique sans doute que les jeunes sont peu nombreux parmi les acquéreurs.»
Qu'est-ce que vous pensez de ça?
M. Hudon (Pascal) : Bien, je
pense qu'on vit le contexte de la
période baby-boomers. C'est pareil en agriculture, il y a de plus en plus de gens qui augmentent en âge,
puis on ne fait pas exception en agriculture.
Mais moi, je vous dis, là, que, si vous outillez vos jeunes pour devenir
entrepreneurs, bien, les jeunes vont répondre à l'appel.
La Présidente (Mme
Léger) : Je cède la parole maintenant au député de Berthier, de
l'opposition officielle.
• (17 h 10) •
M.
Villeneuve : Merci, Mme la Présidente. Je veux aborder le
sujet... Bien, le sujet, on l'a abordé tantôt, mais c'est parce qu'on est un peu dans la sémantique,
hein? On a vu tantôt, les gens avant vous... on nous dit que l'accaparement
des terres n'existe pas. Alors, je suis allé voir les synonymes, on peut
s'entendre sur un synonyme peut-être, là, parce que — puis je
veux vous entendre là-dessus, je sais que vous avez répondu à la question
tantôt — vous,
vous le sentez sur le terrain, vous
le voyez, puis c'est concret. Je pense même qu'il y a eu certaines transactions
qui n'ont pas pu être réalisées parce
que, justement, des fonds d'investissement privés sont sur le terrain.
Évidemment, plus il y a de joueurs sur le terrain, moins il y a de
terres, bien, on s'entend que les prix augmentent.
Donc,
il y avait «mainmise». «Mainmise», bon, moi, écoutez, je n'ai pas problème avec
ça. Si «accaparement», là, ça ne fait
pas le bonheur à certaines personnes, on peut peut-être parler de mainmise.
Mais il y a une chose qui est sûre, parce
qu'à un moment donné il va falloir qu'on... Puis je pense qu'il va falloir
qu'on arrive à s'entendre sur... Le fait est qu'il y a présentement sur le terrain des fonds d'investissement privés
qui achètent à gros prix puis qui font en sorte que les prix augmentent, qui sont un obstacle... un de
plus, peut-être, mais que la relève a à surmonter. Alors, je pense qu'il va falloir qu'on arrive à s'entendre là-dessus, à tout le moins, qu'il y a vraiment un problème à ce niveau-là. Et, je le
répète, je l'ai dit tantôt, CIRANO
date de 2012, il s'est rajouté des fonds qui sont agressifs sur le marché présentement qui n'étaient pas là lorsque
CIRANO a fait son étude. Alors, vivement qu'ils actualisent leur étude pour
qu'on... Et eux ne nient pas l'accaparement, ils disent que c'est
marginal. Donc, ça existe.
Alors,
je veux juste voir, de votre côté, comment vous voyez ça, qu'il y a certaines
personnes... Puis ils ont le droit, remarquez, là, mais comment on va
arriver, justement, à s'entendre sur le fait que le phénomène, il existe et il
est probablement en accélération actuellement?
La Présidente (Mme
Léger) : Alors, M. Hudon.
M.
Hudon (Pascal) : Bien, s'il
était marginal en 2012, on peut dire qu'aujourd'hui ça s'est accentué.
En 2012, il n'y avait pas Pangea, et Banque Nationale avait commencé à
penser à acheter les terres au Saguenay—Lac-Saint-Jean. Mais, encore là, après le
krach boursier, bien, je pense que tout
le monde a décidé d'aller investir
dans les terres agricoles. Puis ça, c'est un dossier qu'on n'aura jamais
l'unanimité. Je pense que vous êtes tous conscients, là...
On
a parlé tantôt de l'âge des agriculteurs qui a augmenté. Bien, ces gens-là, ils
sont tous prêts à vendre dans les prochaines
années, puis nous autres, la relève agricole, bien, on ne peut pas...
excusez-moi l'expression, mais on ne peut pas lancer des roches à quelqu'un qui veut vendre à plein prix sa terre
agricole. Je pense, c'est un choix qu'ils font, sauf que, si... on peut-u enlever quelques irritants
qui font en sorte que la relève agricole ne peut pas s'établir puis elle ne
peut pas dynamiser notre secteur? Je me répète encore une fois, il y a beaucoup
de jeunes entrepreneurs. On sort de notre congrès, il y a une semaine, notre thématique était même les
terres agricoles. On a eu des tables rondes, on a sorti des belles conclusions, mais la conclusion qu'on en ressort, c'est
des jeunes qui veulent être propriétaires, qui veulent prendre des décisions, qui sont prêts à prendre des risques,
mais qui veulent avoir le gain itou, là. Ils ne veulent pas juste être partie
d'une société opérante qui leur gère juste le risque.
M.
Villeneuve : O.K. À tout le moins, on l'aura abordé à nouveau, puis peut-être que, d'ici la fin de
la commission, on réussira à s'entendre sur ça, «mainmise» ou
«accaparement». Mais il y a une chose qui est sûre, le phénomène, il est là,
il existe.
Tantôt,
vous avez dit qu'il y a de 900 à 1 000
diplômés par année. Combien, là-dessus, réalisent leur rêve? Parce que
c'est une passion, c'est un rêve, c'est évident, on vous regarde... Puis moi,
j'ai vu le petit vidéo, justement, dans Kamouraska,
et je regardais la... il y avait, je ne sais pas, 60, 70 jeunes. Alors, de mon
âge, il y en avait un, dans le fond, c'est
tout. C'étaient tous des jeunes qui étaient là, c'était de toute beauté à voir,
et je me dis : S'il y en a entre 900 et 1 000... Puis ce que j'ai
lu aussi quelque part, c'est que beaucoup se dirigent dans la gestion aussi,
beaucoup dans la gestion d'entreprise. Que
font ces jeunes-là? On se parle aujourd'hui, là, il y en a eu 900 à 1 000
l'an passé, il va y en avoir 900 encore cette année. Qu'est-ce qui
arrive? Il arrive quoi en bout de piste? Parce qu'ils...
La Présidente (Mme
Léger) : M. Hudon.
M. Villeneuve :
Allez-y, oui.
M.
Hudon (Pascal) : Bien, ces jeunes-là, quand ils sont prêts à réaliser
leur rêve, bien, tout comme entrepreneur, ils font un plan d'affaires, puis, quand ils voient que ça ne marche
pas, bien, ils réorientent leur carrière. Au Québec, on a quand même un bon taux de renouvellement de
producteurs relève. Tantôt, vous avez dit que les producteurs avaient 51 ans, mais on est quand même la province la plus
jeune en agriculture au Canada. Il faut quand même être fier. Ça veut dire qu'on a une relève dynamique, puis surtout
qu'on a un système qui fait en sorte que les jeunes puissent s'établir. Mais
ces jeunes-là, habituellement, ils refont
une orientation de carrière ou, sinon, il y a des producteurs qui sont prêts à
dire adieu à leur retraite dorée puis à faire des concessions pour qu'il
y ait une pérennité dans leur entreprise. Mais moi, je vous dis que ces
jeunes-là, là, sont prêts, là.
La
Présidente (Mme Léger) : M. le député de Bonaventure.
M. Roy :
Merci, Mme la Présidente. Bonjour, messieurs. Vous avez dit tout à l'heure
qu'il y avait un climat d'incertitude — je ne me souviens plus dans quelle
région — que les
gens de Pangea s'étaient manifestés puis que ça avait créé chez les gens qui louaient des terres, bon,
une problématique, puis qu'ils voulaient aller acheter, si j'ai bien compris,
les terres qu'ils louaient. Est-ce que ces gens-là ont réussi à le faire?
Est-ce qu'ils ont réussi à devenir propriétaires? Est-ce qu'il y a eu des
conditions qui ont amélioré, je dirais, leur prévisibilité?
M.
Hudon (Pascal) : Je ne suis pas prêt à répondre avec une certitude,
là, mais, à entendre parler mon conseiller financier, je pense qu'il a réussi, une bonne partie, à placer parce
que, toute la semaine, il remplissait des contrats. Mais oui, à
majorité, il a réussi, mais il m'a dit que c'était une bonne gymnastique pour
rentrer ça dans les prêts que les producteurs
avaient actuellement. Parce que les producteurs aiment mieux être
propriétaires, ça, on ne se le cachera pas, on veut que l'actif... L'actif,
dans ma culture, augmente. On veut bénéficier de ça aussi, là. C'est comme quand on fait une location de terre, c'est parce
que soit qu'on n'est pas prêt à
l'acquérir tout de suite ou bien soit qu'on vient de démarrer puis on n'a pas les liquidités nécessaires.
Mais oui, sûrement que la majorité des personnes ont réussi, mais il y a beaucoup de gens aussi qui attendent parce
que sûrement qu'il va y avoir une surenchère, là.
M.
Roy : Par rapport à la location de terres, vous avez dit aussi que... Bon, on parlait de
terres en friche, des terres qui ne
sont pas prises parce que les gens ne veulent pas aller investir sur une
terre qui ne leur appartient pas.
C'est ce que j'ai compris. Donc, on n'ira pas mettre de drainage,
etc. Par contre, vous semblez dire
aussi qu'il y a des gens qui louent, qui améliorent les terres, mais qu'ils
n'ont pas, semble-t-il, de contrat qui les protège à long terme. C'est ce que
j'ai compris.
M.
Hudon (Pascal) : Bien, ces gens-là, quand ils n'ont pas de contrat,
habituellement ils ne font pas d'investissement. Au prix que ça coûte, drainer une terre, puis l'investissement de la
chauler, ces gens-là ne prennent pas le risque, à moins d'avoir un contrat à long terme puis, si jamais
ils sont évincés de leur terre, qu'ils ont un remboursement pour
l'investissement qu'ils ont fait.
Mais, habituellement, ces terres-là, à très forte majorité, on ne fait pas
d'investissement là-dessus parce qu'il y a trop un gros risque de perdre
notre investissement.
M.
Roy : Est-ce que ce sont les propriétaires qui louent leurs
terres qui ne veulent pas signer de contrat ou c'est un manque de communication? Qu'est-ce qui fait en
sorte qu'on n'arrive pas à s'entendre sur... Bon, tant qu'à avoir une terre en
friche, aussi bien de la louer puis de permettre à des gens de produire dessus.
Est-ce que c'est un problème de communication
ou vraiment il y a des propriétaires qui disent : Tu ne toucheras pas à
ça? Ou est-ce que... Parce que, là, on a une problématique, on dit qu'il y a des terres en friche au Québec, il
faudrait les occuper. Où est-ce que ça ne fonctionne pas réellement?
La Présidente (Mme
Léger) : M. Hudon.
M.
Hudon (Pascal) : Je vais vous dire franchement, vous me posez une
bonne question, puis je ne pourrai pas vous
répondre avec certitude parce qu'on ne le sait pas pourquoi. Moi,
personnellement, je ne sais pas pourquoi, puis notre fédération ne le
sait pas. On ne peut pas vous répondre à ça, désolé.
M.
Roy : C'est vous qui avez fait naître la question. Écoutez...
Bon, ça serait tout pour moi, Mme la Présidente. Merci beaucoup.
La
Présidente (Mme Léger) : C'est bien, M. le député de Bonaventure.
Est-ce que, dans la relève agricole, il y a des jeunes femmes?
M. Hudon
(Pascal) : Bien oui.
La Présidente (Mme
Léger) : Oui?
M.
Hudon (Pascal) : Oui, au fil des ans, la relève féminine est de plus
en plus présente, puis même il y a beaucoup de filles qui partent en agriculture puis qui décident de partir une
entreprise. Les proportions augmentent dans... Je vous invite à aller voir le recensement du portrait de
la relève agricole du MAPAQ, puis c'est assez impressionnant, la quantité
de jeunes femmes qui décident d'aller en agriculture.
La
Présidente (Mme Léger) : Alors, Mme la députée de Mirabel, j'ai mis la
table un peu parce que, depuis ce matin,
toutes les associations, on n'a que des hommes, il n'y a pas de femmes qui sont
représentées dans les associations. En
tout cas, on va peut-être en avoir demain, mais on n'en a pas aujourd'hui, de
ce que je comprends. Alors, Mme la députée de Mirabel, à votre tour.
Mme
D'Amours : Merci, Mme la Présidente. Moi, j'aimerais savoir combien de
membres a la FRAQ.
M. Hudon
(Pascal) : Dans les dernières années, on jouait à peu près dans les
2 000 membres. Cette année, on a eu une baisse à cause de notre
système d'adhésion en ligne qui a fait défaut, là. Cette année, on est à
1 600 membres.
Mme
D'Amours : Si vous êtes à 1 600 membres, Mme la Présidente,
j'aimerais savoir combien qui sont des néo-relèves agricoles dans votre
organisme.
M. Hudon
(Pascal) : Si je comprends bien la question, les gens qui ne sont pas
issus de relève agricole?
Mme
D'Amours : En fait, vous êtes de la Fédération de la relève agricole.
Moi, j'aimerais savoir, de vos membres, est-ce qu'ils sont tous des
enfants de parents qui ont des fermes ou si vous avez des néo-relèves
agricoles?
M.
Hudon (Pascal) : Non. Nous, nos membres, c'est... il faut que les
jeunes portent un intérêt à l'agriculture. C'est la seule condition qu'on a à part l'âge, là, il faut que les
jeunes aiment l'agriculture pour rentrer dans la relève agricole. C'est le seul critère qu'on a. Au sein de mon
conseil d'administration, j'ai une étudiante en Abitibi-Témiscamingue qui est une relève non apparentée, elle espère, un
jour, avoir une ferme. Au Saguenay—Lac-Saint-Jean, j'ai M. Girard, là, qui loue 10 hectares de terre, et il se croit
que... grande culture commerciale. Il espère avoir, un jour, sa propre
entreprise. On a beaucoup de jeunes, oui, qui espèrent devenir
producteurs agricoles, même au sein de mon C.A.
Mme
D'Amours : J'aimerais savoir, Mme la Présidente, de combien, sur vos
1 600, combien ne sont pas des enfants d'agriculteurs.
La Présidente (Mme
Léger) : M. Hudon? M. Lebel-Racine.
• (17 h 20) •
M.
Lebel-Racine (Marc) : Merci, Mme la Présidente. On pourrait aller
consulter nos archives là-dessus ou nos données à jour puis vous fournir l'information. Mais ce qu'on peut dire
pour l'instant, c'est que, sur la quantité de membres qu'on a, il y en a tous domaines confondus, déjà
établis, en voie de s'établir ou simplement passionnés par l'agriculture,
donc encore aux études, mais qui s'intéressent
au domaine et qui veulent participer aux orientations de notre fédération. Puis, comme on le disait, la proportion de femmes tend à prendre de
l'expansion dans ces dernières années. Donc, c'est assez varié.
Puis,
pour ce qui est de la relève non apparentée, on sait qu'il y en a. Pour ce qui
est de la proportion, on va vous fournir ça dans les prochains jours.
La
Présidente (Mme Léger) : Ça
fait que je vous demanderais de nous le fournir au secrétariat, là, pour avoir
la... Madame la... Ah! d'accord. M. le député de Drummond.
M.
Schneeberger : Oui. Bonjour à vous deux. Tantôt, vous
parliez justement des valeurs au niveau de la relève beaucoup. Bon, il y a l'accaparement des terres,
il y a aussi la relève agricole, ce qui est un peu lié. Mais, dans le fond,
c'est plus large que ça, la relève agricole.
Sauf que vous parlez aussi des valeurs des terres, et vous disiez que, bon,
bien, il y a des personnes qui feront
peut-être moins une retraite dorée, et autres. Mais aussi, des fois, on entend
les parents qui vendent à leur fils
ou leur fille : Bon, bien, j'ai vendu à moitié prix pour qu'il puisse
arriver. Mais, dans le fond, est-ce qu'il n'a pas juste vendu la terre
ce qu'elle vaut réellement? Ne trouvez-vous pas qu'au Québec il y a peut-être
une surenchère des terres? Parce que moi, je
regarde, souvent les terres qui sont vendues, moi, personnellement, mon père
a une ferme laitière, il a vendu, on a
racheté une autre terre. Mais la terre qu'il a achetée pour la cultiver, s'il
n'avait pas eu l'argent du quota
laitier qu'il a mis là-dessus, il n'arriverait pas, là. C'est ça, la réalité,
puis il a mis beaucoup d'argent là-dessus.
Mais, aujourd'hui
encore, moi, pour ma relève, là, on oublie ça carrément parce que mes voisins,
qui sont des producteurs porcins ou de
volaille, qui font beaucoup plus d'argent parce qu'ils ont des quotas, et
autres, parce que, là, tu sais, ils ont une grosse entreprise, ils sont
capables d'acheter des terres, même si elle n'est pas rentable pour eux, parce qu'ils se la mettent, tu sais... ça rentre
dans le lot... Pour moi, on oublie ça parce que je ne serai jamais capable de
payer une terre la valeur réelle, ce que j'appelle la valeur marchande de
production.
Alors,
dans vos coins, vous avez des terres qui sont un peu moins productives
dépendamment de ce qu'on fait. Il
faut toujours... Ça aussi, c'est une bonne raison. Tout à l'heure, le député de Mégantic parlait des terres, pourquoi qu'en Estrie il y avait moins de terres, parce que
probablement que c'est une question de qualité de la
terre, de rentabilité, quand on veut
la cultiver, dépendamment des cultures. Alors, moi, ce que j'en reviens, est-ce
que, dans votre région, est-ce qu'il
n'y a pas peut-être une surenchère pour
développer une relève qui soit efficace, mais avec aussi un prix qui soit
correct, selon la valeur... pas la valeur marchande, selon la
valeur de rentabilité? Comme toute autre entreprise, finalement, quand
on achète une entreprise, si elle n'est pas rentable parce qu'on paie
trop cher, on n'arriverait pas, là.
M.
Hudon (Pascal) : Bien, vous
venez de résumer notre mémoire. Dans
le fond, c'est ça qu'on dit, on dit
que l'actif agricole est basé sur une
bulle spéculative. Moi, chez nous, si ma terre vaut 3 500 $, je ne pense pas que la valeur agronomique, c'est ça avec de la petite céréale.
Oui, vous le mentionnez, présentement les producteurs qui sont déjà établis
sont capables de l'acheter parce qu'ils sont
capables de l'amortir sur d'autres actifs qu'ils ont présentement, mais un
jeune qui démarre demain matin, il
faut qu'il soit en mesure d'acheter ces actifs-là d'une valeur agroéconomique
qui a du sens, là, parce que, présentement, dans le monde agricole,
c'est une bulle spéculative.
Puis, pour
répondre un peu pourquoi que les terres en Estrie puis pourquoi d'autres terres
ne sont pas achetées puis sont
dévalorisées, bien, moi, je tiens à vous dire, là, Pangea n'ira pas là, là,
Partenaires agricoles n'ira pas là. Ces gens-là vont où est-ce que la terre a un
potentiel, où est-ce qu'ils sont capables d'augmenter la valeur des terres dans
les prochaines années puis où est-ce qu'il
va y avoir une rentabilité à la vendre dans 10, 15 ans. Je vous mentionne que,
par chez nous, dans le Kamouraska, ils
n'iront pas à Saint-Gabriel-Lalemant puis ils n'iront pas à
Saint-Onésime-d'Ixworth parce qu'il y
a trop de roches, puis c'est vallonneux, puis il n'y a pas de potentiel, à long
terme, d'arriver à rentabiliser leur
investissement, même à bénéficier... Ça fait que oui, la bulle spéculative fait
en sorte que la relève, elle ne trouve pas sa place dans le monde
agricole.
M.
Schneeberger :
Est-ce qu'il reste du temps?
La Présidente (Mme
Léger) : Une minute.
M.
Schneeberger : O.K. Bien, c'est parce que, souvent, ce qu'on
a entendu depuis le début de cet après-midi, c'est qu'on attribue beaucoup l'augmentation des terres de certaines
régions à Pangea. Dans mon coin, il n'y a pas de de Pangea, pas du tout, parce que les terres sont
déjà beaucoup plus élevées que leur valeur, comme vous disiez tantôt, là...
moi, ce que je disais, la valeur de
productivité et la valeur agricole. Alors, c'est sûr que Pangea n'ira pas là,
ils ne feront pas d'argent, et c'est ça, la réalité.
Alors,
tu sais, ce n'est pas juste Pangea qui fait monter le prix des terres, c'est
aussi les agriculteurs qui, des fois... Moi, je le sais, j'ai travaillé dans le domaine, j'ai vendu des
machineries agricoles, puis j'ai fait le tour du Québec parce que j'ai labouré partout avec une compagnie que je
ne nommerai pas, mais qui est rouge et verte. Alors, ça vous dit quelque
chose probablement pour les agriculteurs.
Mais on labourait, puis je peux vous dire qu'à des places c'est le fun,
labourer, puis, à d'autres places, j'ai trouvé les agriculteurs courageux de
labourer là parce que la terre était blanche, pas parce qu'il y avait de la chaux, c'est parce qu'il y avait
bien de la roche. Alors, tu sais, c'est très large, l'agriculture, et c'est
pour ça que moi, je me dis :
C'est tout mettre la faute sur un, ce n'est peut-être pas juste eux qu'il y a
quelque chose, il y a d'autres choses
aussi qui... C'est ce qu'on appelle un peu le voisin gonflable, là, c'est qu'on
veut toujours avoir plus gros que l'autre, puis là on met plus. Parce qu'il y a ce phénomène-là, mais le problème,
c'est que, pour la relève, on n'est plus dans ce jeu-là parce que nous, on n'a pas le choix, il faut avoir un plan
financier qui soit correct, là, avec, tu sais, une approche qui... parce
qu'on a rien à mettre en actif, on part à zéro, là, et c'est là le problème.
La Présidente (Mme
Léger) : Merci. C'est tout le temps que nous avions.
M.
Schneeberger :
C'est tout. Bon, en tout cas.
La
Présidente (Mme Léger) :
Merci à la Fédération de la relève agricole du Québec.
M. Hudon, M. Lebel-Racine, merci d'être là.
Je vais suspendre les
travaux pour que nous puissions recevoir la MRC du Lac-Saint-Jean-Est et la MRC
de Kamouraska qui vont venir s'installer.
(Suspension de la séance à
17 h 26)
(Reprise à 17 h 28)
La Présidente (Mme
Léger) : À l'ordre, s'il vous plaît! Nous reprenons nos travaux. Nous
allons recevoir la MRC du Lac-Saint-Jean-Est et la MRC de Kamouraska.
Mais, juste avant, pour les collègues parlementaires, nous avons un
petit retard d'une quinzaine de minutes, donc j'ai besoin de votre... Messieurs
de l'opposition, j'ai besoin de votre assentiment,
de votre accord pour élargir de 15 minutes, à moins qu'on est capable, dépendant
du type de questions qu'on va avoir avec nos invités...
Une voix :
C'est beau.
La Présidente (Mme
Léger) : C'est beau?
Des voix :
Consentement.
La
Présidente (Mme Léger) : Consentement, merci. Alors, nous recevons...
Je ne sais pas qui va commencer la parole. M. Larouche? Non? C'est qui
qui commence?
Une voix :
...Mme la Présidente.
La Présidente (Mme
Léger) : Présentez-vous, dites-moi qui va commencer. Vous allez avoir
7 min 30 s par MRC. Donc, deux fois 7 min 30 s,
vous avez un 15 minutes ensemble que l'équipe... Parce que vous êtes jumelés.
Alors, en général, on avait 10 minutes, mais c'est 15 minutes à deux parce que
vous êtes ensemble. Alors, allez-y et présentez-vous.
Municipalité
régionale de comté de Lac‑Saint‑Jean‑Est
(MRC de Lac-Saint-Jean-Est) et municipalité régionale
de comté de Kamouraska (MRC de Kamouraska)
M. Paradis
(André) : Alors, merci. André Paradis, préfet de la MRC
Lac-Saint-Jean-Est. Je suis accompagné de
M. Sabin Larouche, directeur général de la MRC. Je suis également maire de la
municipalité de Saint-Henri-de-Taillon, une municipalité rurale de 778
habitants.
Bonjour à tous. La municipalité régionale de
comté de Lac-Saint-Jean-Est a été invitée par la Commission de l'agriculture,
des pêcheries, de l'énergie et des ressources naturelles à soumettre ce mémoire
dans le cadre du mandat d'initiative portant sur le phénomène d'accaparement
des terres agricoles.
• (17 h 30) •
Forte de plus
de 20 ans d'implication au sein de son milieu, la MRC Lac-Saint-Jean-Est a
développé une large expertise
concernant l'intervention publique sur le territoire de Lac-Saint-Jean-Est et
elle possède un point de vue privilégié sur les enjeux
concernant le développement de son milieu. Elle croit donc être en mesure de
se prononcer sur certains éléments à prendre en compte lors d'une
réflexion sur l'avenir de l'agriculture et de l'agroalimentaire du Québec.
Le développement durable de l'agriculture est ainsi une préoccupation majeure de la
MRC de Lac-Saint-Jean-Est. D'ailleurs, le schéma d'aménagement révisé, entré en
vigueur en juin 2001, contient bon nombre d'orientations et d'actions
visant le développement durable de l'agriculture.
La tenue, par
la Commission de l'agriculture, des
pêcheries, de l'énergie et des ressources naturelles, d'un mandat
d'initiative relativement à l'analyse du phénomène de l'accaparement
des terres agricoles confirme la nécessité de cerner les défis que représente ce phénomène.
La MRC de Lac-Saint-Jean-Est décrira dans ce mémoire
ses préoccupations sur le sujet,
où il devient de plus en plus évident que nous avons tous une responsabilité partagée dans la protection et la mise en valeur du territoire
agricole, et par une occupation dynamique et viable du territoire.
La MRC de Lac-Saint-Jean-Est comprend 14 municipalités regroupant environ 52 000 personnes. La ville d'Alma, la ville centre, compte plus pour la moitié de ce
total. Les 13 autres municipalités se répartissent dans la catégorie
allant de 5 000 à moins de
1 000 habitants. La MRC occupe une superficie de
2 709 kilomètres carrés, dont 62,2 % est le fait de territoires municipalisés. Dans notre MRC,
40 % du territoire municipalisé est occupé par l'agriculture. Il s'agit,
certes, de l'un des milieux agricoles les plus actifs de la région du
Saguenay—Lac-Saint-Jean.
M.
Larouche (Sabin) : Alors,
merci, M. Paradis. Donc, au niveau agricole, la MRC de Lac-Saint-Jean-Est,
ses particularités, c'est qu'il y a trois grands secteurs différents
dans notre MRC.
On a le sud
de notre MRC... Pour ceux qui ont le mémoire, il y a une carte qui est jointe,
là, en annexe. La partie sud se
compose d'un milieu agricole très, très dynamique, les meilleures terres
agricoles du Saguenay—Lac-Saint-Jean.
On retrouve beaucoup de fermes laitières.
C'est particulier parce que, chez nous, les fermes laitières sont en grand
nombre.
Alors, le secteur centre, M. Paradis l'a
dit, c'est une ville industrialisée, notre ville centre, qui compte près de
30 000 habitants, principalement avec des grandes entreprises, qui
sont Résolu et RTA.
Le secteur
nord de notre MRC, où l'agriculture est déstructurée actuellement parce qu'on
voit beaucoup, beaucoup de ventes de fermes qui ont eu lieu, également,
c'est un secteur où la terre, la qualité des sols est un petit peu moins bonne. Donc, on retrouve beaucoup de bleuetières.
Plus on va vers le nord, là, les bleuets, c'est un produit qui est très prisé.
Effectivement, les entreprises dans le
bleuet font des bonnes affaires. Mais, au niveau des fermes laitières, on en
retrouve beaucoup moins dans le
secteur nord de notre MRC que dans le secteur sud. Donc, c'est un peu le
portrait géographique de notre MRC.
Au niveau de
l'accaparement des terres, bien, 2010, Banque Nationale qui a commencé à
étendre ses tentacules plus vers le
nord du Lac-Saint-Jean. Chez nous, c'est à peu près 3 000 hectares
actuellement qui est sous emprise de ce qu'on appelle les investisseurs, là, le terme qu'on entend cet
après-midi. Pangea a à peu près 2 000 hectares actuellement. Puis il y a un autre groupe, qu'on appelle
Investerre, qu'on connaît moins, également, qui est chez nous. Donc, c'est
quand même... depuis quelques années,
il y a eu beaucoup, beaucoup, là, de terres qui ont été achetées par ce qu'on
appelle ces investisseurs-là, l'accaparement des terres.
Ce qu'il est
important de remarquer, c'est qu'ils se sont... les achats se sont faits dans
les deux secteurs très agricoles de
notre MRC, également le sud, qui est... qu'on disait qu'il y avait des fermes
de très, très grande qualité au niveau laitier, mais également au secteur nord. Il y a beaucoup d'achats de terres qui
ont été faits au secteur nord. Puis une particularité, c'est qu'il y a des investissements qui ont été
réalisés par, entre autres, Pangea au secteur nord sur des terres qui, actuellement, étaient en friche, qui étaient
laissées à l'abandon, donc qui étaient complètement déstructurées, où les
arbres commençaient à pousser. Même si on aime bien la forêt chez nous
puis qu'on... C'est un moteur, mais on préfère davantage avoir l'agriculture. Mais il y a des investissements
importants qui ont été réalisés, je pense, par ces investisseurs-là pour remettre en production ces terres-là. Au
niveau du drainage, au niveau du nivelage, ça a commandé quand même des investissements importants. On ne se prononce
pas sur si c'est bon ou pas bon, mais, en tout cas, pour chez nous, pour
le paysage, là, le fait de remettre en culture, là, des terres, c'est quand
même significatif.
Donc, pour ce
qui est de l'accaparement des terres, c'est ça, chez nous, c'est quand même
3 000 hectares qui ont été
acquis. Là, on fait référence aux différentes études qui ont été nommées tout à
l'heure — on n'y
reviendra pas — l'IREC,
CIRANO et AGECO, là, donc, qui ont été longuement, tantôt, apportées.
On irait directement aux pistes de réflexion.
Alors, M. Paradis.
M. Paradis (André) : Effectivement...
La
Présidente (Mme Léger) : Je voulais juste dire que c'était
M. Larouche, pour les besoins audio, qui avait parlé. Parce que c'est moi qu'il faut qui cède la parole,
parce qu'on a besoin aussi de niveau audio, là. Alors, allez-y, M. Paradis.
M. Paradis
(André) : Merci. Donc, dans un premier temps, pour dresser le portrait
de la situation au Québec, on est
d'avis que, dans le cadre de l'analyse du phénomène d'accaparement des terres
agricoles, il apparaît nécessaire à ce
stade-ci de dresser un portrait clair de la situation afin de documenter les impacts liés au phénomène.
On l'a entendu tout à l'heure sur d'autres présentations, et certains de
vos collègues en ont fait mention également, donc il serait absolument important
qu'à partir de données des organismes municipaux responsables de la fabrication
d'un rôle d'évaluation... il serait sans
doute possible d'en évaluer concrètement l'ampleur du phénomène à une période
donnée. Évidemment, le succès d'un tel exercice repose sur la possibilité
de mettre en place les ressources humaines et financières pour la
réalisation de l'état de la situation. Nous croyons donc que tous les
organismes susceptibles de posséder des informations qui faciliteraient la
cueillette de données seraient disposés à apporter leur contribution pour
établir un diagnostic de la situation.
M.
Larouche (Sabin) : Donc, qu'est-ce qui incite les investisseurs à acquérir
des terres principalement chez nous...
La Présidente (Mme Léger) :
M. Larouche.
M.
Larouche (Sabin) : ... — oui, c'est à mon tour? — au Lac-Saint-Jean-Est? Évidemment,
historiquement, là, c'est des grosses
fermes laitières. Puis, il y a plusieurs années, principalement, la culture
servait à nourrir le bétail, O.K., les
vaches laitières, évidemment. Mais, depuis plusieurs années, on assiste à une
mutation, une migration. De plus en plus, les agriculteurs vont cultiver des céréales. O.K.? Donc, c'est un
phénomène qui est présent depuis quelques années chez nous, sauf qu'avec l'accroissement de la
population mondiale on se rend bien compte qu'il va y avoir une pression très,
très forte, là, pour alimenter notre monde.
Donc, on pense que, dans quelques années, les cultures vont changer
probablement au niveau des céréales,
ainsi de suite, pour permettre davantage à aller peut-être vers l'humain ou
encore vers le bétail, mais il va y avoir beaucoup de pression pour
nourrir la planète, ça, on est clair.
Par contre,
au niveau de la spéculation, c'est un phénomène qu'effectivement il ne faut pas
nier. Il y a sûrement des
investisseurs qui vont investir pour spéculer. Par contre, dans le temps,
pendant plusieurs années, c'est quoi, le retour pour les investisseurs... de ces actionnaires ou ces actionnaires-là?
Quand ils vont toucher leurs billes, ça, on ne le sait pas non plus parce que, la terre, il va falloir qu'ils
la revendent dans plusieurs années s'ils veulent avoir un rendement, alors que,
là, ce n'est qu'un capital passif. Jusqu'à quand ça va le demeurer? On ne le
sait pas trop.
Au niveau de
l'accaparement des terres, la relève agricole, certes que, s'il y a une
spéculation à la hausse des valeurs, ça
va nuire à la relève agricole, mais nous, on est convaincus qu'avant le
phénomène d'accaparement des terres il y a un problème de relève agricole à la base. Puis, quand on jase avec nos
jeunes agriculteurs chez nous — puis on est en train de terminer notre plan de développement de la zone
agricole — ce qu'on
se fait dire, que les outils pour soutenir la relève agricole ne sont pas du tout adaptés aux besoins
des jeunes. On nous dit : Que ça soit FIRA ou les gens de la fédération
agricole, on n'est pas capables d'accéder du
tout à nos terres parce que les outils ne sont pas adaptés en fonction des
réalités d'aujourd'hui sur le terrain.
Autre élément...
La Présidente (Mme Léger) : Merci...
M. Larouche (Sabin) : Oui?
La Présidente (Mme Léger) : ...c'est
tout le temps qui est...
M. Larouche (Sabin) : C'est terminé?
La Présidente (Mme Léger) : Oui.
M.
Larouche (Sabin) : En tout
cas, dans notre mémoire, on parle de beaucoup d'autres choses, là, ça fait
que... Peut-être, le mot de la fin, M. Paradis?
M. Paradis (André) : Merci beaucoup
de nous avoir entendus...
La Présidente (Mme Léger) : Quelques
secondes.
M. Paradis (André) : Nous serons
disponibles pour vos réponses.
La
Présidente (Mme Léger) : O.K. Bien, c'est ça, vous allez pouvoir
partager, dans le fond, avec les gens. Alors, maintenant, nous avons la
MRC de Kamouraska. Alors, M. le préfet, M. Soucy.
M. Soucy
(Yvon) : Oui. Merci beaucoup, Mme
la Présidente. Puis, bien, en fait, je suis accompagné des maires de Sainte-Anne-de-la-Pocatière, M. Rosaire
Ouellet, et de Saint-André de Kamouraska, M. Gervais Darisse. Bien, en
fait, je les
appelle mes experts parce que tous deux ont oeuvré dans le financement agricole
durant leur carrière. Puis je tiendrais également à souligner la contribution du service d'aménagement de la MRC
de Kamouraska, la rédaction du mémoire, en particulier, de
Mme Maryse Hénault-Tessier, qui est la directrice du service
d'aménagement.
Je vais vous
présenter le portrait du territoire de Kamouraska. M. Darisse va
poursuivre avec les questionnements que
nous avons quant aux modèles d'affaires des investisseurs non agricoles, et
M. Ouellet va poursuivre avec, en fait, des pistes de réflexion
qu'on souhaite amener à la commission.
D'entrée
de jeu, nous tenons à vous remercier de nous donner l'occasion d'exprimer aux
membres de la Commission de
l'agriculture, des pêcheries, de l'énergie et des ressources naturelles nos
préoccupations face au phénomène d'accaparement des terres. L'agroalimentaire constitue une caractéristique du
territoire et de l'identité kamouraskoise, et, considérant son importance sur l'occupation et la vitalité du
territoire, il va de soi que le monde municipal s'en occupe et s'en préoccupe.
Voici, d'ailleurs,
quelques éléments qui reflètent bien le dynamisme agricole de la région. Le
Kamouraska compte plus de
400 fermes et possède une superficie agricole de
77 942 hectares. C'est la MRC du Bas-Saint-Laurent qui a la plus
importante superficie en culture et la plus forte densité d'unités animales par
hectare de zone agricole. Toutes les municipalités
kamouraskoises possèdent d'importantes superficies agricoles. Celles-ci
représentent parfois jusqu'à 96 % du territoire municipalisé. Non
seulement hôte de la première école d'agriculture permanente au Canada — aujourd'hui, l'ITA — ainsi
que de la première école de laiterie, le Kamouraska a su, de tout temps,
innover et se démarquer en matière d'agriculture.
Il peut ainsi, à juste titre, être considéré comme le berceau de l'agriculture
au Québec, voire même au Canada.
• (17 h 40) •
Encore
aujourd'hui, l'innovation est l'un des moteurs de développement. En témoigne
d'ailleurs la concentration de
plusieurs centres d'innovation, d'expertise et de formation qui travaillent
avec les entreprises à améliorer leur productivité. Donc, le CDBQ, CEPOQ, Biopterre en sont des
exemples. Le Kamouraska a toujours su saisir les opportunités et accueillir
favorablement les innovations, les modèles
d'affaires et les nouvelles façons de faire lui permettant de confirmer son
rôle de leader agroalimentaire.
Une MRC
agricole. Pour bien comprendre les préoccupations des élus par rapport au
phénomène d'accaparement des terres,
soulignons quelques particularités de notre territoire. La santé financière
globale du Kamouraska sur le plan agricole
peut être qualifiée de très bonne. La partie nord du territoire est
caractérisée par une agriculture dynamique dans des sols de très bonne qualité. Plus au sud, dans le Haut-Pays, on
trouve un milieu plus agroforestier. M. Hudon vous l'a dit un peu
plus tôt. À noter, d'ailleurs, que ce secteur de la MRC témoigne des plus
faibles indices de développement socioéconomique.
La
dynamisation du territoire constitue ainsi l'enjeu clé pour les élus du
Kamouraska. Le développement et la mise
en valeur de l'agriculture sont perçus comme l'un des moyens privilégiés pour
parvenir à cette dynamisation. À cet effet,
les outils dont se sont dotés le milieu, que l'on pense au plan de
développement de la zone agricole ou à la planification stratégique, visent, entre autres, à s'assurer que
l'agriculture et le bioalimentaire soient de réels moteurs de développement
au Kamouraska.
M. Darisse pourrait poursuivre si vous le
permettez, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Léger) :
M. Darisse.
M. Darisse
(Gervais) : Alors, des questions sur le modèle d'affaires des
investisseurs non agricoles. Alors, au cours
de l'automne 2014, une société d'investissement agricole a effectué
l'acquisition d'environ 346 hectares de terre dans la région, ce qui est équivalent à plus de
deux fois la superficie moyenne des entreprises agricoles kamouraskoises.
Suite à ces premières acquisitions, les
municipalités et la MRC ont jugé opportun de signaler leur inquiétude face à ce
type de transaction, considérant que ce
phénomène est appelé à se reproduire. Ainsi, cette approche suscite certaines
craintes relativement au prix des terres agricoles, à la diversification
de l'agriculture, à l'occupation du territoire, au rôle de producteur en tant qu'entrepreneur, à l'achat
local et à la vitalité des communautés. Diverses questions se posent quant
à l'emprise des communautés sur leur
agriculture, sur la protection qu'offre le système actuel et sur l'impact de ce
type de modèle, notamment sur la relève.
Alors, en ce
qui a trait aux retombées locales, on se posait des questions à savoir est-ce
que les achats locaux et la fourniture
de services seront toujours priorisés. On se posait la question à savoir est-ce
que les cultures seront adaptées ou
vont tenir compte des besoins locaux. Serait-il possible de développer une
agriculture de proximité avec la multiplication de ce modèle
d'agriculture?
Certes, selon l'information transmise par les
investisseurs, le modèle d'affaires développé vise la création de coentreprises dont 51 % des actifs demeurent
propriété du partenaire agriculteur. Néanmoins, les informations disponibles
au Registraire des entreprises ne nous
permettent pas de savoir quelle est la réelle proportion de participation des différents
partenaires. Nous nous interrogeons donc toujours sur l'emprise réelle que
pourrait avoir le partenaire local dans les décisions concernant la gestion de
l'entreprise. De plus, l'absence d'information quant à la part d'investissement
de chaque partenaire peut complexifier les
démarches dans le cas de défaut de paiement de taxes, ce qui préoccupe
directement le monde municipal. Des données précises et détaillées quant à la
part des investisseurs propriétaires permettraient de mieux cerner les
enjeux en lien avec ce type de transaction. Nous questionnons également la
pertinence de l'exonération du paiement du
droit de mutation dont bénéficient de telles entreprises, dont une forte
proportion des parts est détenue par un
investisseur hors du territoire. Alors, l'adresse de Pangea, c'est 1250,
boulevard René-Lévesque, ce n'est pas dans la municipalité de
Saint-André.
Un impact sur la
relève et sur le prix des terres. Les élus du Kamouraska ont aussi entendu les
craintes et les préoccupations de la relève
agricole, laquelle est bien présente au Kamouraska et constitue un élément clé
pour assurer à
long terme le dynamisme agricole du territoire tout en contribuant à la vie
économique et sociale des communautés. Il est vrai que le modèle proposé
par les grands investisseurs peut probablement paraître attrayant pour certains
jeunes entrepreneurs. Néanmoins, la
spéculation sur les prix des terres que ce modèle peut engendrer constitue une
menace pour la relève
entrepreneuriale qui souhaite développer des fermes familiales. D'ailleurs,
soulignons que le modèle de ferme familiale
contribue fortement à l'occupation du territoire. Ce sont des entrepreneurs et
coentrepreneurs locaux travaillant et
vivant au sein de leur communauté. On peut légitimement se questionner si les
entreprises dont une importante part appartient
à des investisseurs non agricoles de l'extérieur du territoire ont autant de
retombées en termes de vitalité et de dynamisation
du territoire. Dans ce contexte, nous nous interrogeons s'il est justifié que les entreprises financées par des
investisseurs non agricoles puissent
bénéficier au même titre que les fermes familiales de l'ensemble des programmes
de l'État.
Alors, je laisse la
parole à mon collègue.
La Présidente (Mme
Léger) : ...beaucoup de temps.
Une voix :
Rapidement.
M.
Ouellet (Rosaire) :
Rapidement, quelques pistes de réflexion. La mise sur pied du capital patient.
Soulignons qu'une bonne partie de nos préoccupations soulevées ici
provient du fait...
La
Présidente (Mme Léger) : Je
vais vous arrêter. Est-ce qu'on peut faire un consentement pour donner un petit
peu de secondes de plus?
Une voix :
...
La Présidente (Mme
Léger) : D'accord, oui. Alors, allez-y, M. Ouellet.
M. Ouellet (Rosaire) : Soulignons qu'une bonne partie de nos
préoccupations soulevées ici provient du fait que les terres qui ont
fait l'objet d'acquisition et celles sur lesquelles les investisseurs ont actuellement
des visées, à notre connaissance, sont parmi
les meilleures terres du Kamouraska, dynamiques et non sujettes à quelque
déprise agricole. Tel que nous l'avons signifié d'entrée de jeu, le
Kamouraska est ouvert à l'innovation et aux opportunités, et il serait souhaitable de pouvoir voir dans des capitaux
extérieurs une opportunité. Pour ce faire, il faudrait que les investissements
étrangers de la région se fassent dans les secteurs du territoire qui en ont le
plus besoin et de manière à favoriser les productions assurant des retombées
locales.
Ainsi,
plusieurs terres du Haut-Pays gagneraient à être optimisées, mais ne le sont
pas, faute de moyens financiers adéquats
sur le territoire. Ces grands investisseurs ne pourraient-ils pas contribuer à
ces projets? Ces terres pourraient être adéquates pour recevoir certaines cultures spécialisées, notamment
pour des variétés nécessitant un certain capital patient. Pourquoi ne pas développer de cultures fruitières
ou de noix, lesquelles nécessitent, certes, des investissements sur plusieurs
années, mais qui pourraient contribuer à la
remise en culture de certaines terres ainsi qu'à la dynamisation du territoire?
La Présidente (Mme
Léger) : On va le faire avec des questions, là, on va pouvoir...
M.
Ouellet (Rosaire) : Je vous
invite à aller voir notre mémoire parce que je n'étais qu'au début des
solutions proposées, et nous ne venons pas ici juste pour quêter, nous
avons des solutions.
La
Présidente (Mme Léger) :
Oui, merci. Merci, M. Ouellet. Alors, nous avons 22 min 30 s
ici, 13 min 30 s, l'opposition
officielle, neuf minutes pour les
échanges que nous aurons avec les groupes. Je vous invite, chers parlementaires, de poser la question soit nécessairement à M. Paradis, le préfet de la MRC de Lac-Saint-Jean-Est, ou
M. Soucy, de la MRC de Kamouraska,
qui... donnerez la parole aux autres si, le moindrement, vous voulez donner la
parole. O.K.? De bien identifier quelle MRC vous voulez poser la
question.
Alors, allez-y, M. le
député de Mégantic.
M.
Bolduc : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, messieurs. Il me fait plaisir de vous
rencontrer ici aujourd'hui. Moi, j'avais une première question pour
M. Paradis. Quand vous dites : La MRC occupe un territoire de
2 709 kilomètres carrés dont
40 % du territoire municipalisé est occupé par l'agriculture, là ça
devient compliqué parce qu'il y a des territoires municipalisés, etc.
Combien vous avez d'hectares en culture actuellement? Est-ce que vous...
M.
Paradis (André) : Dans le
fond, le pourcentage qu'on vous a mis là est pour vous dire que, dans 40 %
des municipalités urbanisées, il y a des terres agricoles, donc il y a
des fermes, il y a de l'activité agricole.
M.
Bolduc : Oui. Mais
il y a 62 %, le fait d'être territoire municipalisé, donc c'est...
40 % de ce 60 % là, là. C'est ce que je comprends bien?
M. Paradis
(André) : Exactement. Exactement.
M.
Bolduc : O.K. Donc,
ça représente à peu près 60 000 hectares si je comprends bien, puis...
Ça va-tu?
M. Paradis
(André) : Ça va pour le moment, oui.
M.
Bolduc :
60 000? O.K.
M. Paradis (André) : Oui, environ,
là, hein?
M.
Bolduc : Environ.
M. Paradis (André) : On va ajouter
«environ» à toutes les fois pour être sûr que...
M.
Bolduc : O.K. Mais ensuite vous nous dites qu'il y a
trois entreprises qui auraient acquéri 2 760 hectares, ce qui va représenter à peu près... Ici, là, on est
de l'ordre de 3 %, à peu près, de votre territoire agricole. Grosso modo, là.
M. Paradis
(André) : Effectivement. Vous avez sur la carte, là, qu'on vous a remise, là, les secteurs où
ils ont été acquis.
M.
Bolduc : Et vous nous avez parlé tout à l'heure que ces entreprises-là ont remis en production des terres qui n'étaient pas utilisées, donc là j'ai un peu de
difficultés à comprendre. Est-ce que c'est un inconvénient ou un avantage
qu'ils soient là, eux, ou... Ce n'est pas
clair dans ma tête, votre position par rapport à ces investisseurs-là dans
votre MRC, là.
M. Paradis
(André) : Oui. Bien, je vais
essayer d'éclaircir votre lanterne, comme on dit. Dans le secteur nord,
là où des entreprises ont acquis certaines parties de terres, certaines parties
étaient, je dirais, inoccupées ou encore...
M.
Bolduc : En friche.
• (17 h 50) •
M. Paradis
(André) : ...elles n'étaient
pas en culture. Ils ont remis en culture ces terres-là, et ça a permis, effectivement, d'avoir une plus-value, si je peux m'exprimer ainsi, pour le secteur
nord de la MRC. Comme M. Larouche l'a
mentionné tout à l'heure, on a deux secteurs qui sont complètement
différents, là, sur... Mais il y
avait quand même dans le secteur nord une propriété qui était en
culture qui a été acquise au début
par la Banque Nationale et, par la suite, par Pangea. Donc, pour nous,
pour le secteur nord, ce fut un plus, c'est clair.
M.
Bolduc : O.K. Puis,
pour le secteur sud, l'autre partie.
M. Paradis (André) : Pour le secteur
sud, je dirais que ça a été un plus médium.
M.
Bolduc : Un plus
médium.
Des voix : Ha, ha, ha!
M.
Bolduc : Ça fait
qu'expliquez-moi ça, s'il vous plaît.
La Présidente (Mme Léger) : Ça
vient-u du Lac-Saint-Jean, ça?
M. Paradis (André) : Une patente du
Lac-Saint-Jean.
La Présidente (Mme Léger) : Une
patente du Lac-Saint-Jean.
M. Paradis (André) : Non, je dirais
que ça a été un plus... ça a été acceptable, mettons. Mettons que ça a été acceptable. La situation n'est pas catastrophique,
on ne peut pas comparer cette situation-là à l'arrivée du caribou forestier
au niveau du monde forestier, là. Si on
s'entend bien, oui, il y a des activités là, il y a de la coentreprise
également dans ce secteur-là. Donc,
pour nous, ce n'est pas la fin du monde actuellement. C'est ce qu'on a mis dans
notre mémoire, de toute manière.
C'est important de bien mentionner
que ça ne fait pas tout à fait l'unanimité
de notre comité consultatif agricole, qu'on a rencontré avant de venir ici et qui nous a aidés à
monter le mémoire, mais c'est important de savoir que, dans notre MRC,
les deux pôles s'y trouvent quand même assez aisément avec la situation.
La Présidente (Mme Léger) : M. le
député.
M.
Bolduc :
Merci, Mme la Présidente. Donc, si je comprends bien, la position de la MRC est
que la venue de ces entreprises-là
n'a pas été — comment
je dirais ça? — un
négatif ou une problématique significative dans l'agriculture de
votre région.
La Présidente (Mme Léger) : Je
pensais que vous étiez pour dire un moyen moins.
M.
Bolduc :
J'hésite un peu parce que je ne suis pas vraiment originaire du Lac-Saint-Jean,
mais je vais essayer.
La
Présidente (Mme Léger) : Un moins moyen.
M.
Bolduc : Mais que ça ne vous a pas vraiment dérangé ou ça
n'a pas vraiment nui au développement de votre agriculture, ça a été plus un plus. Et est-ce que vous préconisez, je
dirais, des intérêts continuels comme ça qui viendraient aussi continuer
à développer pour compenser ce qui vous manque actuellement? Parce que vous
avez un problème de relève agricole aussi si
j'ai bien compris votre mémoire, là. Donc, comment vous voyez ça? Puis
qu'est-ce que vous pourriez faire
pour les aider? Je sais que vous avez des recommandations, là, que j'ai vues,
mais, la MRC, comment vous voyez ça, vous?
La Présidente (Mme
Léger) : M. Paradis.
M.
Paradis (André) : Oui. Assez rapidement, vous mentionner que, dans le
mémoire, vous voyez qu'on est en réflexion
sur comment on va aborder ce problème-là s'il devient de plus en plus criant.
Pour le moment, on ne peut pas dire
que ça soulève les passions négatives sur notre territoire. Chacun y trouve son
compte à quelque part, chacun est capable de comprendre les situations, et je pense que ce qui est le plus
important là-dedans, puis ce qu'on n'a pas pu tout à l'heure faute de temps, mais ce n'est pas grave, vous en
avez pris connaissance... il faut trouver le moyen de supporter la relève
agricole. Comment on va le faire? M.
Larouche avait déjà une opinion là-dessus. Si vous permettez, Mme la Présidente,
je vais lui permettre de terminer cette réponse-là tout en prenant une gorgée
d'eau pour moi, là.
La Présidente (Mme
Léger) : Alors, M. Larouche.
M. Larouche (Sabin) : D'entrée de jeu, tout à l'heure, vous avez parlé beaucoup de
positivisme de l'arrivée de ces joueurs-là, mais je vous dirais qu'il
faut mettre un peu de nuances, là, parce que, pour avoir participé...
Une voix :
Un moins plus.
M. Larouche (Sabin) : Non, pour avoir participé activement au PDZA qui est sur le point
d'être déposé chez nous, on marche sur des oeufs, là. Je veux dire,
André l'a dit, les agriculteurs entre eux, puis tout le monde du monde agricole, on en parle abondamment, mais on dirait
que tout le monde fait attention pour ne pas trop grafigner l'autre parce
que ce n'est pas une position... Les
positions sont campées, mais, en même temps, les solutions sont... le mitoyen
n'est pas encore trouvé, là, par
rapport... Parce que tu as des agriculteurs qui sont en fin de carrière, aucune
relève. Il ne savent plus quoi faire,
ils vont être obligés de vendre, puis la relève n'est pas capable de l'acheter
parce qu'il n'y a pas de capitaux. Là, on est en face de gens,
probablement des investisseurs qui ont beaucoup de capitaux. J'ai fait la
suggestion aux gens de Pangea : Il n'y
aurait pas moyen de faire un mariage entre les capitaux puis les jeunes de la
relève à quelque part pour être
capable d'établir des jeunes? Il faudrait l'explorer. En tout cas, moi, je ne
suis pas dans leurs bottes non plus, là, mais, en tout cas, il faudrait
voir.
La Présidente (Mme
Léger) : Allez-y, M. le député de Mégantic.
M.
Bolduc : Ma compréhension est que Pangea se trouve à être un
partenaire minoritaire, justement, au potentiel de relève agricole. Il semble — en tout cas, ma compréhension — être un outil financier qui permet aux
jeunes d'acquérir des biens.
Naturellement, ils ont juste une majorité faible qui leur permet d'opérer,
mais, dans le temps, ça leur permet de
se consolider, de prendre de l'expérience. Et ce que j'en comprends, c'est que
ces entreprises-là aussi sont, je dirais, productives, ils engagent des agronomes, des spécialistes, ce qui peut
leur permettre d'améliorer leur productivité. Est-ce que je comprends
bien ou si vous voyez autre chose?
M. Larouche (Sabin) : Bien, c'est sûr que, nous, la compréhension qu'on en a... Parce qu'on
les a rencontrés également pour se
faire une tête, là, puis ce qu'on entend, là... c'est sûr qu'on n'avait pas la
main sur la Bible, là, mais, en
tout cas, ils pensent que c'est pour remettre en opération... Ils font de
l'exploitation dans notre territoire, puis c'est productif, puis c'est pour faire du rendement, puis ils donnent la
chance à des gens de cultiver la terre chez nous. Puis ce qu'on escompte, c'est que les retombées soient chez nous également. Mais on a un peu
d'incertitude par rapport à l'achat local,
comme les gens l'ont dit tout à l'heure. Mais il faut s'assurer que les achats
aussi au niveau des grains, tout ça, se fassent chez nous, là.
M.
Bolduc :
O.K. Merci.
La Présidente (Mme
Léger) : Oui, M. le député de Mégantic.
M.
Bolduc : J'avais aussi une question... M. Soucy, vous
étiez en train de nous élaborer des recommandations. Est-ce qu'on
pourrait les avoir, vos recommandations que... Vous étiez en train de nous
préparer ça, là, donc je serais intéressé à vous entendre là-dessus.
La Présidente (Mme
Léger) : M. Soucy?
M. Soucy (Yvon) : Oui. Je vais laisser M. Ouellet, peut-être,
terminer, on avait quelques recommandations. Puis peut-être un complément aussi sur la question que
vous avez posée aux gens de Lac-Saint-Jean-Est. Eh bien, chez nous, le phénomène est un peu contraire, là, on l'a dit,
c'est vraiment au niveau des meilleures terres agricoles que les transactions
se font, puis nous, on verrait d'un très bon
oeil que des transactions se fassent dans des terres en déprise ou en friche,
là. Puis je vais laisser M. Ouellet compléter pour les
recommandations.
La
Présidente (Mme Léger) : M. Ouellet, vous pouvez aller avec les
recommandations, il y a un échange qui peut se faire par la suite.
M.
Ouellet (Rosaire) : Oui, Mme la Présidente. Merci. Je ne veux pas
reprendre les recommandations qui ont été
faites dans d'autres mémoires ou que j'ai entendues cet après-midi. Par contre,
je pense que ce qu'il serait important de
comprendre, comme M. Soucy vient de le dire, c'est qu'il existe dans la
diversification agricole des façons de travailler sur les terres qui sont dites actuellement en
déprise, ou en friche, ou abandonnées. Le problème des terres du Haut-Pays
chez nous, ce sont des terres, entre
guillemets, des terres de roches où c'est difficile de cultiver. Ce ne sont pas
des terres pour la production de
céréales, ce sont des terres à production de fourrage où on peut faire
l'élevage du boeuf de boucherie ou de
l'agneau. Mais on peut aussi, dans ces terres-là, faire des productions
agricoles qui demandent du capital patient.
Je
m'explique. Si, par exemple, demain matin, vous voulez implanter un verger,
bien ça va prendre 10 ans avant que les pommes soient là. Donc, ça
prend du capital patient. Mais, pendant ces 10 ans là, ces pommiers-là, il
faut les entretenir, ça prend quelqu'un qui
va travailler là-dessus. Donc, pendant les 10 premières années, ce sont
des dépenses, et pas des revenus.
C'est vrai pour tous les arbres fruitiers. C'est vrai aussi pour la culture de
noix. C'est vrai aussi pour d'autres
types de cultures de petits fruits qui, actuellement, sont en demande sur le
marché, mais pour lesquels il n'y a pas de production parce qu'il n'y a pas d'investisseurs. Donc, quand j'ai
rencontré les gens de Pangea, je leur ai fait part de cette réalité-là, mais ça n'a pas eu l'air à les
intéresser trop, trop. Je pense que le rendement, ils veulent l'avoir maintenant,
même s'ils disent dans leurs publications
qu'ils ont du capital patient. Bien, si, vraiment, ils ont du capital patient,
ils pourraient nous donner ça.
L'autre
solution, bien, il faudrait commencer par rendre publiques les proportions des
parts de chaque partenaire financier. Moi, demain matin, si je m'en vais
au registre des entreprises financières puis je regarde, je vois Pangea. En-dessous de Pangea, je ne vois plus rien. C'est
qui, ça, Pangea? On peut peut-être me dire que c'est M. Sirois, mais,
en arrière de M. Sirois, c'est qui? Il
faut descendre dans la pyramide. C'est qui qui possède vraiment le capital, ça,
on ne l'a pas actuellement. Donc, il
faudrait qu'on trouve une façon, au niveau des registres des entreprises, de
nous permettre, comme intervenants
municipaux, de savoir à qui on a affaire et s'assurer aussi que les politiques
et programmes en place soient adaptés aux réalités des fermes familiales
et à la relève.
Ces gens-là qui sont
sur le boulevard René-Lévesque à Montréal, qui viennent investir chez nous puis
qui ne paient même pas de droits de
mutation, les profits, là, le 49 % de profit, là, est-ce qu'il va être
réinvesti chez nous ou bien donc s'il va s'en aller sur boulevard
René-Lévesque à Montréal? Je n'ai rien contre les Montréalais, là, mais je vais
commencer à favoriser les investissements
chez nous avant d'aller ailleurs. Donc, c'est quoi, les retombées qu'on va
avoir chez nous? C'est absent du
modèle d'affaires. Bref, nous, ça a été clair, à la MRC de Kamouraska, et
unanime de la part des maires, c'est un modèle d'affaires qui ne nous habille
pas. Alors, on leur a dit. Maintenant, on n'a pas de moyen de les empêcher de venir faire affaire chez nous, sauf
qu'on ne leur déroulera pas le tapis rouge, on ne leur fera pas des grands
sourires. On leur a dit clairement que ce n'était pas un modèle d'affaires qui
nous habillait.
La Présidente (Mme
Léger) : M. le député de Mégantic.
M.
Bolduc :
Merci, Mme la Présidente. Écoutez, je comprends bien votre affaire, mais
maintenant vous nous parlez d'une
problématique pour les hautes terres, là, puis j'imagine que vous avez le même
problème que mon collègue ici dans la
Beauce et moi dans Mégantic, où on a beaucoup de terres, comme vous les
qualifiez, de roches, O.K., puis des terres
de friche qui ne sont pas utilisées. Est-ce que vous êtes en train de nous dire
qu'on devrait s'associer pour faire du développement dans ces terres-là
ou les remettre en opération?
• (18 heures) •
La Présidente (Mme
Léger) : Alors, M. Soucy.
M. Soucy (Yvon) : Bien, comme je vous le disais tantôt, nous, on verrait d'un très bon
oeil que des investisseurs viennent pour
remettre en culture ou redonner une plus-value aux terres du Haut-Pays, mais actuellement ce n'est pas le cas, là. Puis
M. Ouellet, je pense qu'il l'a bien exprimé, c'est qu'à partir du
moment où vous investissez sur des terres qui sont peut-être — moi, je ne suis pas agronome, Gervais
pourrait peut-être continuer — au niveau agronomique, là, moins intéressantes, bien, vous avez peut-être
plus d'investissements à faire. Vous avez également peut-être un retour sur l'investissement qui est à plus long terme,
donc qui est moins intéressant. C'est pour ça, nous, on croit... Puis, en tout
cas, j'ai vu que, dans Lac-Saint-Jean-Est,
quand même, il y a des terres en déprise qui ont été remises en culture,
mais... Bien, nous, on serait prêts à
s'associer à des gens qui viendraient investir au Kamouraska. Puis j'en suis
sûr, puis pour avoir parlé aux gens
de la relève, aussi, là... Mais ce n'est pas le cas actuellement, là.
Actuellement, c'est sur les meilleures terres que les transactions se font. Puis c'est nouveau, ça se fait beaucoup à
Saint-André. M. le maire pourrait poursuivre, là.
La Présidente (Mme
Léger) : Oui. Alors, M. Darisse.
M. Darisse (Gervais) :
Oui. Merci, Mme la Présidente. Effectivement, à Saint-André, c'étaient des sols
qui étaient en culture, qui étaient
en production de céréales. Alors, dans ce cas-là, ce n'était pas une
sous-utilisation, c'étaient des sols
qui étaient pleinement utilisés. Et la plus-value, on ne la voit pas, là, par
rapport à avant et après. Alors, si Pangea est désireux, a du capital pour développer des sols avec un moins bon
potentiel, les communautés vont en voir l'avantage. À cette étape-ci, quand on a des beaux sols et
qu'on... Les transactions qu'il y a eu à Saint-André, il y avait des personnes
de la relève intéressées, mais ils ne pouvaient pas lutter avec les prix qui
étaient offerts par Pangea.
La Présidente (Mme
Léger) : M. le député de Mégantic.
M.
Bolduc : Merci, Mme la Présidente. Écoutez, je vais poser la
question aux deux groupes, en fait : Est-ce que vous avez des solutions comme MRC, O.K., pour
essayer de réexploiter ou de remettre en opération? Vous avez des bonnes
idées, là, ici, là, mais ce que ça nous
prend finalement, c'est de la relève agricole, des gens qui seraient intéressés
à aller travailler dans ces
secteurs-là qui sont moins potentiels, mais on pourrait quand même élever du
boeuf ou faire du fourrage. En fait,
il y a des possibilités significatives, là. Est-ce que les MRC, dans vos plans,
vous avez regardé comment ou des modèles pour essayer de remettre ces
choses-là en état?
La Présidente (Mme
Léger) : M. Paradis.
M.
Paradis (André) : ...juste en complémentaire, Mme la Présidente, si
vous voulez, juste ramener qu'il n'y a pas que des terres en friche au
Lac-Saint-Jean. Il ne faudrait pas penser que tout notre secteur est des terres
en friche, là.
M. Bolduc :
Non, non, mais je comprends qu'il y a deux secteurs, là.
M. Paradis
(André) : Parce qu'on a de très bonnes terres, c'est là le moyen, là,
plus ce moyen-là, là.
M. Bolduc :
Oui, oui, oui. Mais je comprends les deux secteurs, là...
M. Paradis (André) : Vous comprenez ce que je veux dire? Parce que,
là, on était quasiment partis à complètement défricher le territoire,
là.
M. Bolduc :
Non, non, non.
Une voix :
Madame la...
La Présidente (Mme
Léger) : M. Ouellet.
M. Ouellet
(Rosaire) : Oui.
La Présidente (Mme
Léger) : M. Ouellet.
M.
Ouellet (Rosaire) : Mme la Présidente, oui, des solutions, il y en a.
On regarde ce qui s'est fait un peu en Estrie avec les banques de terres, mais les banques de terres, ce n'est pas
nécessairement une solution. Ce qu'il faut trouver, c'est des cultures adaptées à ces types de sols là. Et
la caractérisation des sols que nous sommes en train d'effectuer avec le
ministère au Bas-Saint-Laurent va nous
permettre de pouvoir agencer des types de sols avec des types de cultures qui
vont performer dans ces types de sols là. Et, pour ça, ça prend des
investissements.
Moi,
je sais que, dans les sols graveleux... Si vous voulez avoir des arbres
fruitiers, vous ne plantez pas ça dans sols
qui sont riches. On plante ça dans des sols graveleux, qui se drainent bien, et
ces sols-là seraient propices à ça. Mais, je l'ai dit tantôt, plantez 500 pommiers, vous n'avez pas votre
rentabilité le lendemain matin, vous l'avez dans 10 ans. Alors, qui est prêt à mettre des fonds? Un jeune
qui sort de la relève, là, il serait prêt à travailler puis à faire ça, là,
mais il n'a pas le fric pour faire ça, puis il n'a surtout pas le fric
pour attendre 10 ans avant d'avoir sa première paie.
Donc,
ça prend du capital patient pour faire ce type d'agriculture là. La meilleure
illustration que vous pouvez avoir de ça, ce sont les producteurs qui
ont parti dans la production de vignes. Et, vous le savez comme moi, ils ont commencé par quoi? Pas parce qu'ils étaient de la
relève, ils ont commencé par hobby, parce qu'ils avaient les moyens de le faire, parce qu'ils avaient les moyens
d'attendre un retour sur l'investissement. Et c'est la problématique des
cultures dites particulières ou des
cultures qui ne sont pas très exploitées au Québec, pour lesquelles il y a des
sols pour les faire, mais ça prend du
capital patient. Et ça, on pensait que ces fonds-là pouvaient faire un mixte
avec certains autres types de productions puis attendre. Mais, comme je vous
l'ai dit, lorsqu'on les a rencontrés, ça n'a pas eu l'air à les intéresser trop
fort.
La Présidente (Mme
Léger) : ...Mégantic...
M. Bolduc :
Bien, il y avait l'autre groupe...
La Présidente (Mme
Léger) : M. Larouche, il reste à peu près trois minutes.
M. Larouche (Sabin) : ...historiquement, là, les jeunes, ils veulent
s'installer avec des fermes laitières. O.K.? Donc, de père en fils, ça a toujours été ça. Puis le paysage à
Lac-Saint-Jean-Est, c'est des vaches à la grandeur, puis c'est du lait à la grandeur. Mais ce n'est pas
accessible pour les jeunes d'atteindre les investissements que ça commande, là.
Déjà, ceux qui veulent faire des transferts
à leur relève, c'est même difficile. Contrairement à quelqu'un qui va se
débarrasser de tout, vend le quota,
vend la ferme, garde juste les terres pour la location, il a bien du fun, il a
une belle retraite dorée, mais...
Puis même les
mécanismes de gestion du lait mettent aussi des freins dans la patente. Dans la
municipalité de M. le maire, là, il y a une
ferme agricole en plein milieu... près du périmètre urbain, il y a de la
relève, il y a un voisin dans le bout
du rang qui est contigu à ces fermes qui pourrait peut-être être capable de
faire un mariage pour agrandir, faire l'expansion de la ferme, mais il
ne peut pas acheter le quota de gré à gré, le quota va s'en aller dans la
province, puis il n'est pas capable d'y
retoucher. Donc, il a bien... pouvoir agrandir sa ferme, mais le quota, il va
sortir de la région, là. Il va en
racheter à la graine, ça fait que... Tu sais, c'est tout des éléments, là... On
en rajoute, on en rajoute, puis c'est comme ça tout le temps pour la
relève, là.
La Présidente (Mme
Léger) : Merci, M. Larouche. M. le député d'Abitibi-Est.
M.
Bourgeois : Oui, juste rapidement... De ce que je comprends, là, on
s'est éloigné un peu de l'accaparement, on était rendu dans le profil, dans le fond, d'exploitation des terres.
Mais, de l'autre côté, pour les vendeurs, vous êtes, les deux MRC, aussi... Avec ces gens-là qui sont
actuellement vos payeurs de taxes, qui veulent vendre leurs terres, comment
on fait l'arbitrage là-dedans, dans ces situations-là?
La Présidente (Mme
Léger) : Alors, M. Soucy.
M. Soucy (Yvon) : On pourrait dire qu'on l'exprime dans notre mémoire aussi, là, la
vitalité agricole, là, contribue au
dynamisme du territoire, là. Puis on parle beaucoup d'occupation du territoire,
puis c'est un sujet qui est d'actualité, là, la vitalité, mais, si on ne peut pas assurer à nos jeunes d'être en
mesure d'assurer la relève agricole, bien, c'est difficile d'avoir des villages qui vont être vivants, des
écoles, là, où il va y avoir des enfants puis, donc, une diversité économique,
là, dans nos milieux.
Donc,
oui, on comprend, là, que certains propriétaires, là, puissent vouloir tirer
peut-être davantage, là, par la vente de
leurs terres, mais écoutez... mais je crois que... Chez nous, on a beaucoup de
fermes familiales, puis la plupart souhaitent aussi, là, être en mesure de transférer la ferme à leurs enfants quand
c'est possible. Et, M. Darisse, je crois que vous vouliez compléter
là-dessus.
M. Darisse
(Gervais) : Oui, bien...
La Présidente (Mme
Léger) : Oui. Est-ce que, monsieur...
M. Darisse (Gervais) :
Oui. Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme
Léger) : Est-ce que, M. le député... est-ce que je laisse...
M.
Bourgeois : Oui, mais j'aimerais aussi avoir la...
La Présidente (Mme
Léger) : Parce qu'il reste à peu près... même pas une minute, là.
M.
Bourgeois : Ah! O.K.
La Présidente (Mme
Léger) : Allez-y, M. Darisse.
M.
Darisse (Gervais) : Oui. Bien, antérieurement, j'ai travaillé à
l'établissement de jeunes avec peu de capital, et ce n'étaient pas des fermes de 3 000 hectares comme le
modèle préconisé par Pangea. On est capables de démarrer en agriculture
avec des modèles beaucoup plus petits, 50, 75, 100 hectares, et avec moins
de capital. Qu'est-ce que ça a comme
conséquence? C'est qu'au bout de cinq, six ans il y a des enfants à l'école, il
y a des gens qui s'investissent dans le
milieu, il y a des gens qui contribuent à la vitalité de notre milieu. Le
modèle qui est proposé, dans notre municipalité particulièrement, ça n'apporte strictement rien, à part de maintenir une
tradition de production de céréales sur céréales. Alors, si ces fermes-là n'avaient pas été achetées
par Pangea, peut-être que le vendeur aurait été frustré d'un prix de vente,
mais c'est sûr qu'il y aurait eu des jeunes — puis ils cognaient à la porte — qui se seraient installés puis qui auraient
fait progresser le milieu.
La Présidente (Mme
Léger) : Merci. Merci beaucoup. M. le député de Berthier.
M. Villeneuve :
Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme
Léger) : Bien identifier à qui vous voulez faire la... à qui...
M. Villeneuve :
Oui. Bien, écoutez, d'abord, bonsoir, tout le monde. Heureux de voir que
finalement... Parce qu'on a discuté
en commission de votre présence ici, puis on s'est dit : Bien, on va les
mettre ensemble. Puis savez-vous que c'est un mariage heureux. En tout
cas, pour ma part.
Moi, je vous propose
un... En fait, je vous propose d'essayer de comprendre ce qui s'est passé dans
le cas du Lac-Saint-Jean au niveau des
terres au nord qui ont été achetées par Pangea. À l'époque — puis là vous la connaissez beaucoup mieux que moi, l'histoire — Banque Nationale a fait un achat, ça a été
un coup de tonnerre dans le ciel au Québec, les gens n'ont vraiment pas, mais vraiment pas aimé, et Banque Nationale
devait se départir de cela, elle était prise avec une patate chaude.
Et
là j'apprends que Pangea ne serait pas intéressée aux terres — excusez le terme — de roches, comme vous dites, là, ils ne sont pas intéressés là-bas parce
que... Pourquoi, alors, se sont-ils retrouvés — et je vous pose la question — à acquérir des terres au nord du
Lac-Saint-Jean?
Moi,
je pense... En tout cas, il faudrait poser la question à Pangea. On aura
peut-être l'occasion de les voir, de leur poser la question demain, mais est-ce qu'ils ont dépanné la Banque
Nationale? Parce que vous savez que la Commission de la protection du territoire agricole leur a
même envoyé une mise en demeure leur signifiant qu'ils n'avaient pas le droit
de posséder ces terres-là. Et la Banque
Nationale a dû trouver un acheteur, et c'est Pangea qui les a achetées. Alors,
je pense qu'il y a eu peut-être, et
il y aura... Je ne veux pas présumer de rien, mais je pense que ce serait une saprée bonne explication
pourquoi ils ont acquis cette terre-là au Lac-Saint-Jean. Parce que, de toute
évidence, avec ce que je viens d'entendre de
Kamouraska, ils ne sont pas intéressés à ce genre de terres là. La preuve,
c'est que c'est l'exception qui confirme
la règle parce que, pour la règle, ce n'est que des belles terres
qu'ils acquièrent, à ce que je sache. J'aimerais savoir qui veut peut-être
commenter là-dessus, mais je vous propose cette explication-là.
• (18 h 10) •
La Présidente (Mme
Léger) : M. Paradis.
M.
Paradis (André) : Merci, Mme la Présidente. Tout d'abord, il
faut comprendre qu'au Lac-Saint-Jean-Est c'est les meilleures terres du Québec.
Des voix :
Ha, ha, ha!
M. Villeneuve :
C'est le plus beau coin du Québec aussi. C'est le plus beau coin du Québec,
oui.
La Présidente (Mme
Léger) : Vous pensez que toutes les MRC du Québec vont être d'accord,
là, vous, là?
Une voix :
Je suis bien d'accord avec ça. Je suis bien d'accord avec ça.
M.
Paradis (André) : Bien
comprendre, c'est que, du côté
secteur nord, c'est un secteur qui, jadis, avant que nous étions, vous et moi, certainement au monde, était
très cultivé et était très productif. Les municipalités de Sainte-Monique,
de L'Ascension, de Saint-Ludger-de-Milot,
qui sont au nord, qui n'ont presque plus de terres agricoles cultivées,
l'étaient beaucoup dans le temps, ça a été délaissé au fur et à mesure.
Et plus ça va, au secteur nord, plus on s'en vient vers le Lac-Saint-Jean comme tel, et moins il y a de
producteurs qui ont de la relève. Donc, au secteur nord, ce qui a été acquis
par la Banque Nationale dans un premier
temps était une raison de manque de relève du producteur, qui a voulu vendre
pour avoir sa retraite, dans le fond.
L'autre
méga-agriculteur qu'on a, on n'a pas de relève non plus, et c'est celui dont M.
Larouche faisait mention tantôt. Il
voudrait bien vendre à l'autre producteur dans le milieu urbanisé de
Saint-Henri-de-Taillon, qui a des enfants, qui a deux enfants, qui a une relève, que chacun des enfants a quatre
enfants, donc ça y va là-dedans, là. Donc, là, il va y avoir de la relève pour longtemps fort
probablement, mais c'est là qu'on se bute à une problématique de transfert de
quotas pour être intéressé à avoir une
méga-ferme. Donc, au secteur nord, c'est la situation qui est arrivée. Les
terres qui ont été acquises par la Banque Nationale et, dernièrement,
par Pangea n'étaient pas toutes en friche, il y en avait déjà cultivées. Mais
ils en ont remis en état, ce qui a fait en sorte de bonifier l'agriculture au
nord.
Au
sud, c'est les meilleures terres du Québec. Je le répète encore une fois, là, le secteur sud
a toujours été renommé pour avoir les meilleures
terres, aussi également à cause du microsystème du Lac-Saint-Jean, où il y a vraiment
une situation, du côté de Métabetchouan—Lac-à-la-Croix, qui est exceptionnelle. Et donc
Pangea a eu une coentreprise que vous
allez certainement... Je
pense que c'est à l'ordre du jour, là, la ferme Blackburn et fils, une affaire de même, en tout cas, vont venir vous raconter
l'histoire. Mais, du côté secteur sud, c'est de la bonne terre partout, et il y a
moins d'acquisitions présentement par les groupes financiers qu'il y a
eu dans le secteur nord.
Maintenant,
on a vu qu'ils s'en viennent aussi au secteur sud, mais ça se fait d'une façon — puis
c'est ce que je voulais mentionner tantôt
avec mon moyen plus, là — correcte.
On n'entend pas d'agriculteurs être accotés au mur pour être obligés de
faire quelque chose. La façon est peut-être différente que de la Banque
Nationale, où ça a fait un boum, là, partout au Lac-Saint-Jean, dans le
grand nord, là, du Lac-Saint-Jean, qu'on appelle, nous, Normandin, Roberval et Saint-Félicien. Ça se fait d'une façon plus
correcte pour les discussions. C'est ce qu'on sent. C'est peut-être ça qui fait
en sorte qu'il n'y a pas de confrontation pour l'instant.
La Présidente (Mme
Léger) : M. le député de Berthier.
M.
Villeneuve : Oui. Bien, moi, j'aimerais entendre... Parce que,
dans le fond, le scénario que je vous proposais tantôt, je voulais juste voir si c'était plausible de penser ça. Parce
que la Banque Nationale était vraiment mal prise, là, et Pangea a donc acquis... a
mis... en fait, la banque a mis sous le parapluie de Pangea ces terres-là pour,
justement, se dégager d'une situation dans laquelle elle s'était
malencontreusement mise.
Mais,
bon, ceci étant dit... Et là j'écoutais les gens du Kamouraska, tantôt, qui
disaient : Bien, écoutez, nous, on a des terres chez nous. Pangea, venez investir, et on veut, par contre,
avoir certaines garanties. Est-ce que ça va répondre aux besoins locaux
en termes de production? Est-ce qu'il va y avoir des... Parce qu'imaginez un
instant où un fonds d'investissement privé
acquiert une masse importante de terres contiguës, là, hein? Le jour où ils
auront ça, l'achat local, pour eux
autres, c'est un coup de téléphone, puis, au niveau des coopératives, puis au
niveau... Eux, là, c'est du rendement. On va se le dire, là, vraiment,
là, ils cherchent un rendement. C'est normal, ils ont des gens qui s'attendent
à avoir un rendement tôt ou tard. Alors,
c'est clair que... Et puis ils vous le disent, d'ailleurs... Ils ne vous ont
pas dit : Oui, oui, on va acheter
local, puis on s'engage à le faire. Puis, même s'ils le faisaient, même s'ils
le faisaient... Pangea, on peut dire que, bon, on est d'accord ou pas avec leur philosophie. Ce qu'ils nous disent, on n'a pas à remettre ça en
cause. Ils nous le disent, on les
croit. Mais, le jour où ils vendent, toute la philosophie qu'eux auront mise en
place, ce sera autre chose, là, et on aura
un problème peut-être, à ce
moment-là, qui sera encore plus grave. Je ne sais pas si vous voulez commenter
là-dessus, là, monsieur du Kamouraska.
Une voix :
M. Darisse pourrait...
La Présidente (Mme
Léger) : M. Darisse.
M.
Darisse (Gervais) : Oui, Mme la Présidente. Alors, oui, effectivement, on est pas mal
insécurisés par cette question-là. Je veux rappeler comment s'est faite la
transaction dans notre secteur l'automne dernier. Pangea a fait le tour de toutes les municipalités de la MRC pour les
informer qu'ils avaient l'intérêt de développer un projet. À Saint-André,
on les a rencontrés à la fin d'octobre, et
un conseiller a posé la question : Coudon, avez-vous des projets en cours? Non,
nous n'en avons pas, et vous serez les
premiers informés si nous en avons. Alors, on a été vraiment
surpris quand on a vu le contrat dans
lequel on indiquait une date de signature avant contrat au mois de septembre.
Alors, les négociations, là... les
voisins, ils voulaient acheter, ils voulaient acheter, mais ils ne comprenaient
pas qu'est-ce qui se passait : Non, je ne suis pas à vendre, je ne suis pas à vendre. Le
jour où est-ce que ça a été déposé au bureau de publicité des
droits, on était faits, tout le monde.
M. Villeneuve :
C'est ça, il était trop tard.
M.
Darisse (Gervais) : Puis il y avait
deux, trois familles, là, qui venaient de perdre des espoirs de s'établir parce
que c'est quand même un gros bloc de
terres qui a été acheté. Alors, oui, c'est insécurisant, puis c'est une forme d'expropriation,
une forme de perte de pouvoir.
Tantôt,
on a soulevé la question des municipalités qui sont privées du droit de mutation. Quand la Banque Nationale achète des sols, elle paie des droits de mutation. Dans ce cas-là,
Pangea, boulevard René-Lévesque, ne paie pas de droits de mutation, alors, parce que c'est une société
agricole en devenir. Je ne sais pas quand, mais en tout cas. Alors là, moi, je
suis en déficit, là, de droits de mutation.
La Présidente (Mme
Léger) : M. le député de Bonaventure.
M.
Roy : Merci, Mme la Présidente. Quand vous dites en déficit,
est-ce que vous pouvez chiffrer les pertes associées...
La Présidente (Mme
Léger) : M. Darisse.
M.
Darisse (Gervais) : Oui, oui, c'est indiqué dans le contrat, environ
2 800 $, mais il y a exemption du droit de mutation. Puis ce n'est pas insignifiant, là.
Pour les petites municipalités, 700 de population, 2 800 $, c'est
2 800 $.
M.
Roy : C'est un emploi plusieurs semaines. Tout à l'heure, vous
avez parlé de coentreprises, du modèle d'affaires 51 %-49 %.
Comment ça se vit, ça? Si vous avez des exemples, j'aimerais ça, vous entendre
parler de ce modèle-là. Comment ça se vit
quotidiennement pour des gens qui sont dans cette situation-là concrètement,
là, sur le plancher des vaches, si vous me permettez l'expression?
La Présidente (Mme
Léger) : M. Ouellet.
M.
Ouellet (Rosaire) : Bien, dans le modèle d'affaires, généralement,
51 %-49 %, il y a une intégration, pas mal, de décisions. C'est-à-dire que la propriété
foncière, à 51 %, elle reste au producteur agricole, mais 49 %, là,
il est comme un peu à la merci de ses
fournisseurs, qui l'ont habitué à fournir à la fois des intrants et des services.
Ça fait qu'à partir du moment où ça ne fonctionne plus pour une raison ou pour
une autre, parce que l'achat s'est fait en dehors du village, parce
qu'il n'a pas fait le bon achat, il n'a pas fait la bonne variété, quand la
chicane prend, le 51 %, là, il n'est plus propriétaire de grand-chose, là,
il est propriétaire de 51 % de l'ensemble des terres, hein?
Une voix :
...
M. Ouellet (Rosaire) :
Oui, oui, oui. Je vois un non, là. Oui, oui, c'est comme ça qu'il est
propriétaire, et c'est comme ça que
c'est l'autre qui finit par prendre les décisions. Parce qu'à partir du moment
où tu as perdu pratiquement le
contrôle de ton entreprise autant dans la forme des intrants... Parce que c'est
ça qu'ils vont fournir, des intrants. Puis, après ça, ils vont racheter les récoltes, puis ils vont revendre les
récoltes supposément à bon prix. L'autre partenaire va avoir les
réductions sur les intrants, il va avoir les meilleurs prix sur les marchés,
mais il ne décide plus rien.
Au moins, dans le
modèle — parce
qu'on en a parlé un peu cette après-midi — contractuel dans
l'intégration porcine, bien, le producteur
reste maître de ses capacités de production. Il est maître de son fond de terre
puis il est maître de ses bâtisses.
Si, avec l'entrepreneur en question, le contrat ne fait plus son affaire, ils
peuvent se séparer puis ils peuvent faire
un contrat avec quelqu'un d'autre, ce qui n'est pas le cas là. L'infrastructure
de production, là, en agriculture, c'est la terre. Ce n'est pas les bâtisses, c'est la terre. Donc, si tu perds la
moitié de tes infrastructures, même s'ils disent que ça reste là puis qu'ils gardent 51 %, 51 %,
là, le jour où la chicane va pogner, je peux vous garantir c'est qui qui va
avoir les moyens de payer l'avocat.
La Présidente (Mme
Léger) : Moins d'une minute, M. le député, avec la réponse comprise.
M.
Roy : Écoutez, avez-vous un exemple de situation problématique
sans être nominatif? Ou vous ne voulez pas rentrer là-dedans, peut-être.
M.
Ouellet (Rosaire) : J'aimerais mieux ne pas rentrer là-dedans parce
que j'ai des exemples où je risquerais de glisser avec du nominatif, ce
qui ne m'intéresse pas.
M. Roy :
C'est bon, c'est parfait. Bien, ça me va. Merci beaucoup.
• (18 h 20) •
La Présidente (Mme
Léger) : Merci. Mme la députée de Mirabel.
Mme
D'Amours : Je vous remercie, Mme la Présidente. Bonjour, messieurs. Tout à l'heure, j'ai entendu que, la MRC de Lac-Saint-Jean-Est, qu'il y aurait bientôt son PDZA de terminé. Est-ce que,
dans Kamouraska, vous avez fait l'exercice? Est-ce que c'est terminé?
La Présidente (Mme
Léger) : M. Soucy.
M. Soucy (Yvon) :
Oui. Merci, Mme la Présidente. On est dans le processus. C'était davantage un
comité technique, là, qui a travaillé, puis on va commencer bientôt, là,
les travaux, disons, plus politiques, là, puis...
La Présidente (Mme
Léger) : Mme la députée de Mirabel.
Mme
D'Amours : Je suis surprise
du 51 %-49 %, là, quand on
parle de Pangea parce que le modèle d'affaires, c'est que les producteurs agricoles sont propriétaires de leur terre,
Pangea est propriétaire de leur terre, puis ce qu'ils mettent en commun, c'est la machinerie. Alors, j'ai de la
misère, là... Si ça ne fonctionne pas, le producteur agricole garde ses terres,
puis Pangea aussi, là. Ça fait que je vois mal... À moins qu'il y ait une
participation d'un jeune de la relève qui n'aurait pas de terre et qui aurait
une participation juste sur les tracteurs, les... bon, là, ça, je peux
comprendre. Mais habituellement, quand il y
a un 49 %-51 %, chacun est propriétaire, chacun, de sa terre. En
plus, le propriétaire de la terre qui est associé à Pangea, quand il
travaille sur la terre de Pangea, il est payé. S'il travaille sur les autres
terres avec la machinerie en commun, il est payé et, en plus, il a un
pourcentage sur les profits.
Alors,
j'aimerais ça, vous entendre, si vous, dans votre secteur, il y a des terres
qui sont comme je l'explique ou s'il n'y en a pas du tout, puis que
c'est juste des gens qui sont là comme des locataires.
La Présidente (Mme
Léger) : M. Ouellet.
M.
Ouellet (Rosaire) : Oui, madame. Je comprends très bien votre
question, puis, effectivement, c'est un peu leur modèle d'affaires, sauf
qu'au bout de deux années, lorsque vous êtes entré dans ce modèle d'affaires
là, c'est imbriqué les uns dans les autres.
Autrement dit, les deux qui sont en association, ils travaillent pour un bloc,
mettons, de 200 hectares, alors
qu'avant il y a un 100 hectares qui appartient à un puis il y a un
90 hectares qui appartient à l'autre, ils travaillaient séparément.
Une fois que vous avez fait cet exercice-là, détricoter un chandail, là, quand
toutes les imbrications des fournisseurs
sont toutes prises là-dedans, là, détricoter ça, c'est compliqué parce que, sur
le terrain, quand on travaille, on
travaille sur un horizon, avec des équipements qui vont correspondre à un
modèle de 200 hectares. Si, demain
matin, la chicane pogne, puis on se retrouve avec 100 hectares, il n'y en
a plus, d'équipement, là. Là, il y a des pertes, puis là, là, le propriétaire qui se retrouve avec son 51 %,
là, il faut qu'il reparte pas à zéro, mais pas loin, puis souvent ils ne
sont plus capables de repartir. C'est là qu'il devient...
La Présidente (Mme
Léger) : Mme la députée de Mirabel.
M. Ouellet
(Rosaire) : C'est le modèle d'affaires... c'est le défaut de ce modèle
d'affaires là.
Mme D'Amours : Merci, Mme la
Présidente.
M. Paradis
(André) : Mme la Présidente, juste pour notre PDZA...
La Présidente (Mme Léger) : Oui,
vous voulez compléter, monsieur...
M. Paradis (André) : Notre PDZA au
Lac-Saint-Jean-Est.
La Présidente (Mme Léger) : M.
Paradis.
M. Paradis (André) : M. Larouche.
La Présidente (Mme Léger) : Ça va,
Mme la députée de Mirabel?
Mme D'Amours : Oui. Oui, oui, merci.
La Présidente (Mme Léger) : M.
Larouche.
M. Larouche (Sabin) : Notre plan de
développement de la zone agricole, nous, il va être présenté aux élus le 24 mars prochain. Il est comme, entre guillemets,
terminé, il reste à avoir l'assentiment de la sanction du conseil de la MRC qui va en prendre connaissance. Donc, ce fut
très intéressant. C'est notre deuxième, en passant. Nous, on avait fait un
plan de développement agroalimentaire en
2008. Là, on refait une demande dans le PDZA. Donc, c'est une version révisée, là,
si on veut, là, de, déjà, un plan agroalimentaire qu'il y avait à la MRC de
Lac-Saint-Jean-Est.
La Présidente (Mme Léger) : Mme la
députée de Mirabel.
Mme
D'Amours : Tout à l'heure, on a parlé de relève agricole, vous disiez
qu'il y avait de la place pour de la relève
agricole. Bon, il y a quelques années, on avait trois relèves pour un
producteur agricole. Maintenant, c'est un, un. Il n'y a pas eu de transaction qui a été au ralenti ou qui a été trop
vite dans les terres agricoles, ça se fait selon l'âge des producteurs
agricoles qui avancent en âge, puis tout ça. Puis là vous dites qu'il y aurait
de la relève agricole, mais, quand les gens
achètent les fermes, quand des Pangea, Agriterra — on va tous les nommer pour ne pas en nommer
juste un — achètent
des terres, bien, ils sont où, la relève agricole, pour les acheter?
Parce qu'une relève agricole qui sort, là, les
900 à 1 000 que la relève agricole, la FRAQ nous expliquait qu'il y avait, bien, on a beau vouloir, là... Tout
ébéniste qui sort de l'école ou tout dentiste qui sort de l'école, ils veulent
tous avoir un bureau à leur nom, ils veulent
tous, mais ça prend du capital. Et, s'ils n'en ont pas, ils doivent faire leurs
preuves dans certains bureaux, et ensuite
ramasser leur capital, et ouvrir leur bureau. Mais 900 et 1 000 relèves
agricoles, ils veulent tous avoir une ferme, mais ils n'ont pas de
capital nécessairement. Alors, ils n'en avaient pas plus il y a trois ans, les 900 à 1 000 qui sortent.
Alors, comment on fait pour comprendre cette réponse que vous nous avez donnée?
La Présidente (Mme Léger) : M.
Soucy.
M. Soucy
(Yvon) : Bien, en fait, on l'a
dit, le phénomène, au Kamouraska, est relativement nouveau, là, puis, si ce phénomène-là — puis, je pense, M. Darisse l'a évalué chez
lui, à Saint-André — a
effectivement un effet à la hausse sur
le prix des terres, bien, il est là, le problème, là. Comment voulez-vous...
Déjà, la relève a de la difficulté à s'installer. Si le prix des terres
est à la hausse parce que les transactions se font à un prix beaucoup plus
élevé que ce qu'elles se faisaient
historiquement, bien, c'est un frein de plus, là, à la relève. Donc, ça ne
facilite sûrement pas la relève agricole.
M. Ouellet (Rosaire) : Et, Mme la
Présidente...
La Présidente (Mme Léger) : M.
Ouellet.
M. Ouellet
(Rosaire) : ...un autre élément, que M. Soucy ne mentionne pas, c'est
que, lorsque vient le temps de repasser
les rôles d'évaluation, les prix des terres ont monté, tout a monté, puis ça
fait remonter le prix des terres des autres producteurs, ça fait monter leurs comptes de taxes, ça a un effet sur le
programme du gouvernement de remboursement de taxes. Il n'y a rien... Rien ne se perd, rien ne se crée là-dedans,
là, mais ça fait partie de la problématique. Donc, ces gens-là de la relève... Il y a une chose peut-être
pour la majorité de la commission parlementaire... Il y a des producteurs
agricoles ici, j'en vois un, là. Ils le savent, eux autres, en agriculture,
pour faire 1 $, ça prend 7 $ d'investissement. Trouvez-moi dans le commerce puis dans l'industrie
un taux d'investissement semblable. Vous retrouvez ça uniquement dans
des mines.
Alors, il ne faut pas comparer ça à la relève
d'un dépanneur, ou à la relève d'une plomberie, ou... C'est 7 $ d'investissement. Alors, la relève, quand ils
sortent de l'école, ils vont généralement travailler deux, trois ans, ils vont
se faire une espèce de petit capital, ils
reviennent puis ils viennent cogner à la porte de La Financière agricole la
plupart du temps, et, à partir des
programmes qui sont là, à partir des relèves apparentées et non apparentées, il
y a des programmes qui peuvent les
accompagner. Et mon collègue M. Darisse a travaillé assez longtemps comme
conseiller en financement agricole à
La Financière, les jeunes qui prenaient la relève de leurs parents et des jeunes
qui arrivaient puis qui n'avaient pas de ferme, on en a parti, et ils
ont réussi. La preuve que ça se fait.
La Présidente (Mme Léger) :
Merci. On est contents que vous êtes venus ici, en commission parlementaire,
parce qu'en discussion avec les parlementaires
on ne pouvait pas avoir toutes les MRC du Québec, malgré qu'elles pouvaient
déposer des mémoires. On souhaitait vous avoir, vos deux MRC. Alors, merci, M.
Paradis, M. Soucy, M. Larouche, M. Ouellet, M. Darisse, des MRC du
Lac-Saint-Jean-Est et MRC de Kamouraska, d'être venus ici aujourd'hui.
Et,
pour compléter, nous allons suspendre nos travaux, dans le fond. Je dis-tu
suspendre? On va reprendre nos travaux... Je suspends, mais on revient à
19 h 30 pour la suite des choses. Merci.
(Suspension à 18 h 28)
(Reprise à 19 h 31)
La Présidente (Mme
Léger) : À l'ordre, s'il vous plaît! Nous reprenons nos travaux.
Je
rappelle que la commission se réunit afin de procéder aux consultations particulières et des auditions
publiques dans le cadre du mandat
d'initiative — donc, un
mandat apporté par les députés de la commission — portant sur l'analyse du phénomène
d'accaparement des terres agricoles.
Nous
avons eu l'occasion, cet après-midi, de rencontrer la Fédération québécoise des
municipalités, l'Union des producteurs
agricoles, le Conseil des entrepreneurs agricoles, la Fédération de la relève
agricole du Québec, la MRC de Lac-Saint-Jean-Est
et MRC de Kamouraska, et nous recevons ce soir l'Institut de recherche en
économie contemporaine, M. Laplante et M. L'Italien, et, par
après, le Fonds d'investissement pour la relève agricole.
Alors,
je vous rappelle un peu notre façon de procéder. Donc, on va entendre...
D'abord, bienvenue. Merci d'être là. Au
plaisir. Alors, on va vous entendre. Vous avez une dizaine de minutes de
mémoire, une dizaine de minutes pour faire votre présentation et, après, un échange avec les formations politiques,
chacune l'une après l'autre avec vous. Alors, je ne sais pas si c'est
vous qui commencez, M. Laplante, vous présentez vraiment la personne qui
est avec vous.
Institut de recherche en économie contemporaine (IREC)
M. Laplante
(Robert) : Merci, Mme la Présidente. Alors, tout d'abord, un
chaleureux remerciement pour l'accueil que
vous nous faites. Un mot sur l'IREC. L'Institut de recherche en économie
contemporaine est un organisme scientifique sans but lucratif voué à la
promotion des compétences dans le domaine économique, à la recherche et à l'enrichissement du débat public par la
réalisation de travaux qui, nous l'espérons, peuvent mieux contribuer à
discerner l'intérêt général et à enrichir les conceptions du bien
commun. C'est dans ce cadre que nous avons été amenés à nous intéresser au phénomène de l'accaparement des
terres. Et ce phénomène, nous le suivons déjà depuis quelques années.
Nous avons publié des travaux qui seront portés en annexe au mémoire que nous
avons déposé.
Sans
plus tarder, j'invite François L'Italien, qui est chercheur chez nous et
docteur en sociologie, à vous présenter les grandes lignes du mémoire
que nous avons déposé.
La Présidente (Mme
Léger) : Alors, M. L'Italien.
M. L'Italien (François) : Merci beaucoup. À mon tour de vous remercier, membres de la commission, de nous accueillir aujourd'hui. Comme
Robert Laplante vient de le mentionner, l'IREC a publié deux rapports sur le
sujet de l'accaparement des terres. D'abord,
un premier rapport en 2012, qui portait sur le phénomène proprement dit à
l'échelle internationale et un balayage de la situation
au Québec. Une des premières considérations sur lesquelles
notre rapport a débouché, c'est que
nous étions face à une absence de données crédibles, rigoureuses sur la question,
et nous évoquions un certain nombre
de scénarios et de possibilités de relance pour faire face au phénomène
et renouveler ce que nous, on appelle
le modèle agricole québécois. On a ensuite déposé, en septembre de la même
année, un autre rapport qui visait à
défendre une formule institutionnelle qui s'appelle la Société d'aménagement et de
développement agricole du Québec, sur laquelle je vais revenir en fin d'exposé.
L'idée, c'est de vous présenter ici l'étendue des recherches qu'on a faites sur
le sujet.
Alors,
l'accaparement des terres, pour l'IREC, c'est, évidemment, une question
d'intérêt général. Il ne s'agit pas ici de contrebalancer des intérêts de producteurs vis-à-vis des
investisseurs, il s'agit de penser à long terme la question du
territoire et des activités agricoles du Québec. Nous pensons que nous devons
avoir une perspective qui se situe dans l'histoire,
dans l'histoire de long terme du Québec. Et, à cet effet, nous pensons que
l'accaparement des terres n'est pas un
phénomène économique comme un autre et qu'il pose une série d'enjeux qui sont à
peu près les mêmes que ceux qui se posaient
dans les années 50 et 60, lorsqu'ont été établies une série de mesures qui
visaient à protéger le territoire et les activités agricoles du Québec.
Alors,
je mentionnerai simplement deux dispositions législatives que vous connaissez bien :
la loi sur la protection du
territoire agricole et des activités agricoles et la loi sur l'acquisition des
terres par des non-résidents. Ces deux lois-là ont eu, d'abord et avant tout, comme objectif de limiter l'impact que
les investisseurs pouvaient avoir sur le territoire agricole du Québec, qui déjà, à cette époque-là, commençait
à se ratatiner. La loi sur l'acquisition des terres par des non-résidents
visait à protéger le Québec vis-à-vis des investisseurs étrangers, et cette loi
a très bien fait son travail si on se fie aux statistiques dont la Commission
de protection du territoire agricole peut nous fournir. Et la Loi sur la
protection du territoire et des activités
agricoles, là aussi, semble avoir fait un bon travail, malgré le fait qu'il y a,
évidemment, matière à perfectibilité.
L'objectif de cette loi-là était de contrer des investisseurs en ville qui
voulaient faire tantôt de la reconversion de zonage, tantôt de la
spéculation immobilière.
Donc,
il y avait déjà, dans les années 60, ce phénomène-là. Et nous sommes confrontés
à ce phénomène-là, mais en version
2.0, puisque, depuis les années 2000, il y a une nouvelle donne
internationale qui s'est pointée qui s'appelle la financiarisation de l'économie et qui met à l'avant-plan des acteurs
d'une nouvelle nature que sont les fonds de pension et les sociétés d'investissement et qui détiennent
des capitaux d'une ampleur inégalée jusqu'à ce jour-là, et donc le vecteur
de la financiarisation du foncier, puisque la financiarisation s'attaque à tous
les secteurs de la vie économique, cette financiarisation
du foncier là est arrivée aux portes du Québec, qu'on le veuille ou non. Le
document de préparation pour la
commission le montre. À l'échelle internationale, il y a déjà eu une sonnette
d'alarme qui a été activée par plusieurs organisations agricoles, réseaux de chercheurs universitaires et
observateurs internationaux qui ont soulevé, évidemment, les effets très déstructurants, destructifs de
l'accaparement à l'échelle internationale, mais ce serait s'abuser de dire que
cette situation-là n'existe pas ici en
comparant des chiffres et en se laissant abuser par les formules-chocs au
niveau des superficies.
Alors,
évidemment, les investisseurs qui opèrent sur le territoire québécois
n'acquièrent pas, du jour au lendemain, 50 000 acres ou une
dizaine de mille d'hectares, ne mettent pas à la porte des dizaines de milliers
de paysans, mais le paradigme sous-jacent
est le même, la logique qui est derrière la financiarisation opère aussi bien
dans les pays du Sud qu'au Québec. La
différence notable et majeure, c'est que nous disposons d'une politique
agricole solide, musclée, mais, pour
la raison pour laquelle nous sommes ici ce soir, qui présente des failles que,
selon l'IREC, nous devrions colmater en renouvelant la réflexion qui a
eu lieu dans les années 50 et 60.
Selon nous, il
n'y a absolument aucune raison qui nous empêcherait aujourd'hui de compléter
cet appareil institutionnel là qui a
été déjà mis en place. Nous voyons que la loi sur l'acquisition des terres par
des non-résidents a fait un bon travail, mais qu'elle permet à des
investisseurs québécois indigènes d'opérer en toute liberté, puisque ces investisseurs bénéficient, d'une certaine façon,
d'une enclave protégée par les lois. Alors, c'est un effet pervers d'avoir
développé une mesure institutionnelle qui
nous prémunissait contre les investisseurs étrangers, mais qui ne voyait pas
venir — évidemment, dans les années 60, la
donne était différente — le fait que des investisseurs québécois pourraient, un
jour, jouer la partie contre des producteurs de métier et des exploitants de
leurs fermes.
À ce
titre-là, lorsqu'on entend des arguments que l'agriculture québécoise basée sur
le modèle de l'agriculture familiale
ne serait pas assez performante, qu'elle ne serait pas assez compétitive à
l'échelle internationale, je vous renvoie à une étude que nous avons publiée récemment qui porte sur les
dynamiques financières des fermes au Québec. À partir d'une enquête sur l'endettement des fermes, nous
voulions vérifier si la performance financière des fermes du modèle agricole québécois s'avérait comparable à
l'échelle du Canada, et ce que nous avons montré, c'est que, si l'endettement
des fermes au Québec est légèrement
supérieur au reste du Canada, l'effet de levier que les fermes québécoises
développent grâce à cet
endettement-là est supérieur au reste du Canada. Ce que ça veut dire en gros,
c'est que la performance financière des
fermes québécoises, aussi bien au niveau de la productivité du capital qu'au
niveau de la rentabilité économique de ces
fermes-là... le Québec se situe dans le peloton de tête du modèle agricole
lorsqu'on le compare à l'échelle canadienne. Donc, l'argument de la productivité et de la compétitivité des fermes au
Québec ne peut pas tenir lorsqu'on veut justifier l'implantation d'une
agriculture de capitaux au Québec.
La SADAQ,
pour en dire deux mots — on pourra peut-être y revenir lors de la période de
questions — c'est
une formule institutionnelle qui a du
coffre, on l'admet d'emblée, mais elle nous apparaît être une mesure
structurante qui non seulement permettrait de limiter l'activité des
investisseurs à l'échelle du Québec, mais donnerait aussi aux régions agricoles les moyens de se redéployer, de se
développer, puisque c'est effectivement le cas que, dans certaines localités,
les investisseurs vont profiter de plus en plus de la faiblesse que certaines
fermes présentent, certaines faiblesses financières,
certaines faiblesses sociales au niveau du renouvellement et de la relève. Les
investisseurs vont tabler sur ce chaînon manquant là, ce chaînon mou là
pour pouvoir acheter des fermes et des établissements à grande échelle.
Donc, nous pensons que nous devons rapidement
nous doter d'une mesure d'initiative de l'importance de la SADAQ. La question, ce n'est pas : Est-ce que
c'est la SADAQ ou non? La question, c'est : Est-ce que nous devons mettre
de l'avant une institution qui permettrait
de relancer le modèle agricole québécois de telle manière que l'on puisse
encore, dans 60 ans, dire qu'il y a
un modèle basé sur les fermes familiales qui est présent dans toutes les
régions du Québec et qui est présent dans tous les secteurs de
production? Je vous remercie.
• (19 h 40) •
La Présidente (Mme Léger) : Merci.
Alors, nous allons commencer la période d'échange. Pour les députés
ministériels, 17 min 30 s que vous avez pour cette première
partie de la soirée.
M.
Bolduc : Merci, Mme
la Présidente. Bonsoir, messieurs. Il nous fait plaisir de vous recevoir ici.
Première question bien compliquée :
Qu'est-ce que c'est, la SADAQ? Étant donné qu'on n'a pas votre mémoire en main,
on n'a pas d'information.
M. Laplante (Robert) : Alors, la
SADAQ, c'est la Société d'aménagement et de développement agricole du Québec. C'est le mécanisme institutionnel que nous
avons décrit et proposé pour encadrer les opérations financières sur le domaine foncier agricole québécois. Nous l'avons
recommandée parce que, d'abord — et le document de préparation de la commission l'a bien établi — l'État lui-même est presque dans le
brouillard complet eu égard à ce qui se passe sur le plan des transactions sur le domaine agricole. Il
faut donc une fonction de veille mieux organisée et beaucoup plus musclée
que ce que nous donne, par exemple, le registre
des transactions. Et il faut également pouvoir contenir les pressions qui
s'exercent sur la captation spéculative de la valeur des fermes. Et ça, c'est
fondamental, c'est un mécanisme qui permet de fournir à la relève agricole et aux entrepreneurs agriculteurs qui
veulent agrandir leur établissement d'accéder à des propriétés foncières
à des conditions hors spéculation. Donc, ces deux fonctions-là peuvent être
remplies... Nous les avons,
nous, définies dans une société qui serait autonome. Ça pourrait très bien être
rempli par la Commission de protection du
territoire agricole ou toute autre structure analogue, le but étant surtout de
ne pas soumettre l'agriculture du Québec au laisser-faire spéculatif
partout sur le territoire.
La Présidente (Mme
Léger) : M. le député de Mégantic.
M.
Bolduc : Merci, Mme la Présidente. Premièrement, juste pour
faire un petit recul, comment vous en êtes arrivés à faire une étude... ou des études, en fait, sur
l'accaparement des terres agricoles au Québec? Quelqu'un vous a mandatés
ou c'est de l'intérêt public qu'est... Pouvez-vous nous expliquer un peu d'où
vous arrivez avec...
La Présidente (Mme
Léger) : M. Laplante.
M. Laplante (Robert) : Oui. L'IREC est un organisme sans but lucratif
qui conduit son propre programme de travail
et qui, à l'occasion, s'adjoint à des partenaires pour financer une partie des
travaux, puisque la recherche est une activité assez dispendieuse. Et,
dans le cas du rapport sur l'accaparement des terres, nous avons obtenu une
partie du financement auprès de l'UPA, qui
était un des organismes, évidemment, les plus directement concernés par les
tendances lourdes du développement de l'agriculture.
Cela
étant dit, comme toujours, l'IREC assume seule la responsabilité de ce qu'elle
publie. Et nous avons effectivement, à toutes
les occasions, déclaré à chaque fois les parties prenantes dans la réalisation
de nos mandats, mais ça n'engage que nous. Et que nous.
La Présidente (Mme
Léger) : M. le député de Mégantic.
M.
Bolduc : Merci, Mme la Présidente. Vous avez parlé qu'à l'échelle internationale il y avait
des impacts très négatifs et qu'à
l'échelle du Québec, à ce point-ci, ce n'était pas critique, mais qu'il y avait des failles dans le système. Pourriez-vous élaborer sur ces failles-là
et des mécaniques de solution si vous en avez vu?
>63 La Présidente (Mme Léger) :
M. L'Italien.
M. L'Italien (François) : Oui. Merci, Mme la Présidente. Alors, il y a plusieurs
organismes agricoles internationaux
et, comme je l'ai mentionné aussi, des
réseaux de chercheurs universitaires qui se sont penchés sur la question d'accaparement des terres. Ça me permet de préciser que le concept de l'accaparement
des terres a pu, pendant un certain
temps, apparaître connoté, alors que, maintenant, on le voit, il se
neutralise au niveau conceptuel, au niveau académique, de plus en plus de chercheurs l'utilisent sans avoir d'affiliation particulière
avec une couleur politique ou une autre. L'idée, c'est qu'il y a un fait
massif qui est que, depuis la crise de 2008 en particulier, les investisseurs
internationaux, les investisseurs institutionnels
cherchent des actifs qui présentent un profil particulier pour leurs
portefeuilles, ils cherchent un type d'actif qui va leur procurer un rendement soutenu et qui garantit une sécurité
financière, c'est-à-dire un actif qui n'est pas corrélé au marché. Alors, vous le savez aussi bien que
moi, les grands gestionnaires de fonds internationaux cherchent, évidemment,
toujours des occasions de rendement, et les
observateurs n'ont pas manqué de faire un lien direct entre l'impact qu'a eu
l'achat de terres massif dans les pays,
notamment, africains ou sud-américains et cette tendance de financiarisation
là.
Au
Québec, vous voyez, en 2012, lorsqu'on a publié le rapport, la Banque Nationale
venait juste... la semaine précédant
le dépôt du rapport, on apprenait que
la Banque Nationale était sur les terres agricoles au Lac-Saint-Jean. Et, depuis 2012, vous voyez
le nombre d'acteurs qui se sont ajoutés, ce qui nous laisse penser que nous
avions raison déjà dès 2012 de soulever le fait que nous sommes face à
une logique qui commence, au Québec, à s'implanter. Évidemment, on n'est pas comme au Sud-Soudan ou en Ukraine où les
effets sont déjà bien constatables et souvent irréversibles. Nous
mentionnions dans le rapport que nous avions la possibilité d'agir dès aujourd'hui
pour empêcher que le phénomène prenne des
proportions qui sont, justement, irréversibles. Ce n'est pas un luxe, c'est une responsabilité que nous avons, selon nous, à l'égard du modèle agricole dont on
a hérité et qui est cohérent, comme je l'ai mentionné, avec l'action institutionnelle que l'Assemblée
nationale a décidé de mettre de
l'avant dans les années 60, 70. Il
n'y a rien de nouveau dans
cette idée-là que de vouloir bonifier l'arrangement institutionnel au profit de
l'intérêt général.
Maintenant,
pourquoi proposer la SADAQ? Bien, nous pensons que de mettre une série de
règlements et de lois pour pouvoir
contenir, limiter l'action des investisseurs institutionnels ou des firmes non
agricoles ne sera pas suffisant. Les
firmes sont en mesure de pouvoir trouver plusieurs façons — par, par exemple, des sociétés à
numéro — plusieurs
manières de contourner les lois, c'est un
fait, et nous pensons que nous devons avoir aussi une institution de premier plan qui peut intervenir sur le foncier agricole. Il existe déjà
dans le monde — je pense, notamment en Belgique, en France, en Espagne — des
institutions de cet ordre-là qui,
selon un gradient de plus ou moins grande intervention, donnent à l'État,
dans son coffre à outils, un instrument
d'intervention qui lui permet d'agir et qui est souvent mis au service des
collectivités.
La Présidente (Mme
Léger) : M. le député de Mégantic.
M.
Bolduc :
Je vais passer la parole au député...
La Présidente (Mme
Léger) : M. le député de Beauce-Sud.
M. Dutil :
Merci, madame. Une des composantes de la pression qui existe sur les terres agricoles... Vous mentionnez
la financiarisation, vous nous sensibilisez à ça, mais une des composantes est,
évidemment, l'augmentation de la population.
Quand on dit qu'on va être 9 milliards d'habitants au lieu de 7 dans une
trentaine d'années, ça va avoir un effet
sur la pression pour utiliser les terres agricoles pour d'autres raisons que
l'agriculture. On a le même phénomène aussi...
On était 1 million il y a un siècle, on est rendus 8. Si on est
64 millions dans un siècle, là on a un problème, hein? On est d'accord. Est-ce que vous n'estimez pas
que, dans la pression qu'il y a pour diminuer le nombre de terres agricoles,
il n'y a pas aussi cette composante-là dont
il faudrait tenir compte? Je le dis pour la région particulière de Montréal, où
les meilleures terres sont là. On sait que l'immigration reste à Montréal, ne
vient pas dans nos régions. Nous, on a le problème
contraire, exactement le contraire. Nous autres, on est en train de se vider.
Mais là on se demande pourquoi il y a des
pressions pour enlever des terres agricoles, bien, c'est pour mettre le monde,
pour que le monde aille habiter à quelque part.
• (19 h 50) •
La Présidente (Mme
Léger) : M. Laplante.
M. Laplante (Robert) : La pression démographique existe, effectivement.
Elle a été, en grande partie, contenue par la loi sur la protection du territoire
agricole. L'étalement urbain est sous contrôle. Ce qui ne veut pas dire que les
pressions diminuent, il y en a toujours. Mais l'essentiel de ce qui
caractérise la logique de l'accaparement des terres n'est pas démographique, c'est financier. Les
portefeuilles des grandes institutions financières, désormais, comportent, à
des degrés variables, une classe
d'actifs que constitue le foncier agricole. Et c'est pour constituer cette
classe d'actifs et, si vous voulez,
pour lutter à armes égales avec les concurrents que les institutions
financières, les maisons de courtage, les maisons de placement veulent
avoir dans leurs portefeuilles de l'actif foncier.
Alors,
ça, dans la mesure où c'est une règle de marché qui s'est instaurée, l'effet
pervers que nous avons dénoncé est le
suivant. C'est que les modifications récentes — c'est 2013, je crois — à la loi sur l'acquisition des terres par
les non-résidents ont créé une situation
assez paradoxale parce que ces dispositions ont renforcé les manières d'éviter
que les étrangers spéculateurs, entre
guillemets, s'accaparent des terres québécoises, mais, ce faisant, on a
curieusement laissé le champ
libre — et un
champ protégé — aux
institutions financières, qui peuvent continuer de spéculer sur le territoire
du Québec sans avoir, eux, à assumer la concurrence des étrangers, alors ce qui
place les agriculteurs et la population québécoise
dans une situation très, très paradoxale. Alors, ça, c'est une brèche qu'il
faut absolument colmater parce que ça ne tient pas compte, mais
absolument pas, là, des vraies réalités du marché.
L'autre élément,
c'est qu'il faut bien comprendre que les pressions démographiques et le zonage
agricole, ce n'est qu'un élément. Le domaine
agricole québécois est un joyau très, très fragile. Seulement 2 % du
territoire est constitué de terres
arables, et le domaine agricole protégé n'est pas en culture. À saturation, il
y a à peine moins de 40 % du territoire agricole qui est mis en
culture. C'est donc dire qu'il reste un énorme morceau qui peut faire la
convoitise.
M. Dutil :
...réponse sur cet aspect-là, Mme la Présidente, parce que j'aimerais en poser
une seconde qui est exactement...
La Présidente (Mme
Léger) : Allez-y. Peut-être raccourcir un peu, M. Laplante, pour
permettre l'échange.
M.
Dutil : Je comprends très bien ce que vous nous dites sur les
autres, mais nous, là, nous, ce que nous vivons actuellement, c'est le champ libre. Le champ, il est libre. Il n'y a
plus personne dans le champ parce qu'il n'y a plus personne qui habite dans le rang, parce qu'il n'y a plus
personne qui fait des enfants, parce que, bon, etc., là, vous comprenez le
problème assez facilement. Et on cherche des
solutions pour que le champ, il ne soit plus libre, justement, qu'on réussisse
à s'assurer qu'on survit dans nos régions,
faute de natalité et sans immigration, à occuper le territoire, puis on n'est
pas capables, là. Je vous le dis, là,
ça fait 40 ans que ça dure, la dénatalité, puis on n'est pas capables.
Avez-vous une bonne idée pour nous autres?
La Présidente (Mme
Léger) : M. L'Italien.
M. L'Italien (François) : Merci, Mme la Présidente. C'est une très bonne question que vous posez
là. En fait, il s'agit ici de
distinguer deux choses : des obstacles qui se présentent à la relève
agricole et, dans certaines régions, la dévitalisation des localités, qui, justement, compromet l'attractivité
de ces régions-là à l'égard d'une relève non apparentée et le fait qu'il y ait des investisseurs qui
s'intéressent non pas à ces régions-là en particulier seulement, mais à des
terres qui présentent un potentiel de rendement à court terme très
intéressant. Alors, il faut bien distinguer les choses. Faire un diagnostic concernant les obstacles qui se
présentent à la relève et à la reproduction du modèle agricole basé sur
l'agriculture familiale, c'est une
chose. Une fois ce diagnostic-là fait ou ce constat-là fait, rien n'empêche que
le gouvernement du Québec lance une gigantesque corvée pour qu'on puisse
trouver ensemble des solutions pour relancer ce modèle-là basé sur
l'agriculture familiale. Ceci est une première chose.
Deuxième
chose, l'idée n'est pas de complètement exclure ceux qui, comme Pangea ou...
partenaires agricoles veulent venir
faire des affaires au Québec, mais est-ce qu'il n'y aurait pas manière
d'orienter leurs activités de telle façon que des lots qui seraient, par
exemple, laissés en friche puissent être mis en production grâce à ces
investisseurs-là? Pourquoi est-ce que ces
investisseurs-là vont directement là où il y a déjà des établissements mis en
production et qu'ils vont trouver des
producteurs qui n'ont pas de relève?
Ils pourraient peut-être faire leur effort dans des régions qui ont,
justement, des problèmes de déprise pour augmenter la capacité de production
alimentaire.
La Présidente (Mme Léger) : M. le
député de Beauce-Sud.
M.
Dutil : D'ailleurs,
vous êtes au courant, sans doute, qu'une terre en friche ne peut pas être
ramenée en culture dans le cadre de la législation actuelle. Qu'en
pensez-vous?
La Présidente (Mme Léger) : M.
Laplante.
M.
Laplante (Robert) : Oui.
Bien, nous sommes là précisément dans les modalités qui doivent être prises en
compte quand on veut soutenir le développement du terroir. La question de rendre disponible et de rendre accessible la
terre pour la relève ou pour d'éventuels producteurs en expansion peut
poser des problèmes pratiques comme ceux que vous évoquez là, et c'est précisément ces problèmes-là que règlent, par exemple, les SAFER en France et en
Belgique, qui vont faire
l'acquisition temporaire de terres qui sont susceptibles, soit parce qu'il n'y
a pas de relève, soit parce qu'il y a des événements de la vie qui font que le producteur doit quitter... et qui
prennent le relais, qui soit évitent la dévalorisation de la ferme, soit la remettent en production pour
la rendre intéressante à une relève qui peut, à ce moment-là, l'acquérir à
des conditions de financement convenables et dans des conditions de
productivité qui vont lui permettre de pouvoir rapidement générer des revenus. On comprend qu'un jeune qui prend une
terre en friche, même s'il la paie moins cher qu'une terre productive, va avoir
des problèmes de financement parce que ses revenus ne seront pas au rendez-vous.
La Présidente (Mme Léger) : M. le
député de Beauce-Sud.
M. Dutil : C'est beau. Merci.
La Présidente
(Mme Léger) : Est-ce qu'il y a quelqu'un d'autre... Vous avez encore
un petit deux minutes. Bien, on va...
M.
Bolduc : ...écoutez,
moi, j'avais...
La Présidente (Mme Léger) : Allez-y,
M. le député de Mégantic.
M.
Bolduc :
Merci, Mme la Présidente. Écoutez, vous nous dites que l'agriculture familiale
du Québec, elle est très productive
en comparaison avec le reste de l'agriculture canadienne. Est-ce que vous avez
fait des études pour d'autres régions
du monde comme l'Amérique du Sud ou l'Europe? Et quelles sont vos constatations
les plus évidentes, je dirais?
La Présidente (Mme Léger) :
M. L'Italien.
M.
L'Italien (François) : Merci, Mme
la Présidente. Alors, la réponse est : Non, on n'a, évidemment, pas fait
ce type d'études. En fait, je ne connais pas
de firme au Québec ou de groupe de recherche qui ait fait ce genre d'études là,
puisqu'il faut avoir des données de première main, il faut savoir aussi
repositionner les chiffres dans le modèle institutionnel,
ce qu'évidemment les chercheurs des pays concernés peuvent faire. Donc, non,
effectivement, nous, on n'a pas fait
ça à l'échelle internationale. On s'est, d'abord et avant tout, consacrés à la
situation du Québec et du Canada. Et,
encore là, le Canada, on n'a pas fait province par province, on a établi des
comparaisons sur des ratios d'ensemble qui
sont souvent évoqués dans la littérature scientifique ou dans la presse
spécialisée, donc qui sont utilisés... On n'a pas innové ou on n'a pas
été originaux, simplement qu'on a complété le portrait.
M.
Bolduc : Dernière
petite question, rapidement...
La Présidente (Mme Léger) :
30 secondes.
M.
Bolduc : Il ne me
reste pas beaucoup de temps, hein?
La Présidente (Mme Léger) :
30 secondes.
M.
Bolduc :
O.K. Donc, quand vous parlez de performances financières qui sont supérieures à
celles du Canada, on a un taux d'endettement... Est-ce que vous pourriez
dire que notre rendement de l'investissement marginal est très profitable pour
le Québec dans son sens général?
La Présidente (Mme Léger) :
M. L'Italien.
M. L'Italien (François) : Bon, écoutez,
nous... C'est une question qui est large, on a...
La Présidente (Mme Léger) : Vous
avez 10 secondes pour répondre.
M.
L'Italien (François) : En fait,
le titre du rapport s'intitulait L'endettement des fermes : un portrait
contrasté. Nous voulions mettre
en perspective des assertions trop faciles, trop rapides à l'effet que le
modèle agricole québécois est surendetté,
est pris dans une spirale d'endettement qui pourrait occasionner des problèmes
à long terme. Nous pensons qu'il y a
matière, effectivement, à poser des questions. Mais l'endettement, s'il est
séparé de l'effet de levier qu'il provoque, ne peut pas être compris comme tel. Et nous avons
fait un lien entre l'endettement et le levier financier qui venait avec l'endettement, et nous avons, à partir de
Statistique Canada, nous avons relevé que les indicateurs financiers québécois
étaient ou bien dans le peloton de tête, voire légèrement supérieurs.
La
Présidente (Mme Léger) : Merci. M. le député de Berthier et
porte-parole de l'opposition officielle en matière d'agriculture. Vous
avez 10 min 30 s.
M.
Villeneuve : Merci. Merci, Mme la Présidente. Alors, bonsoir,
messieurs. Merci d'avoir accepté l'invitation de venir apporter vos lumières à la commission. Question simple :
Au niveau des fonds d'investissement privés au Québec, est-ce qu'on peut
mettre une date où on voit vraiment, là, que ces fonds-là s'intéressent au
Québec particulièrement? Question simple.
La Présidente (Mme Léger) :
M. Laplante.
• (20 heures) •
M.
Laplante (Robert) : Bien,
pour une fois, on n'était en retard sur personne. Le mouvement d'accaparement
s'est accéléré au lendemain de la crise financière de 2008. Alors, dès 2010, il y a
des gens qui s'activaient sur le territoire, et ça va en s'amplifiant.
M.
Villeneuve : Donc,
les terres du Québec sont convoitées, sont vraiment
très, très convoitées. Il y a des éléments propices à cela, là, il y a un terreau... Excusez le jeu de mots, mais il y a
un terreau fertile en quelque part. Il
y a plusieurs éléments, et je
présume que vous en avez une liste, de ces éléments-là qui font en sorte que
les investisseurs décident tout à coup — c'est
le cas de le dire — de
s'investir, puis, oui, on est assez d'accord avec l'accélération du processus
à l'heure où on se parle, là. Alors, quels sont ces éléments-là?
La Présidente (Mme Léger) :
M. Laplante.
M. Laplante (Robert) : Il y en a
plusieurs qu'on peut identifier, mais le premier, qui est sans doute le plus spectaculaire et qui explique le mieux la
précipitation avec laquelle les gens s'activent sur le terrain, c'est le
rendement, le rendement rapide, le
plus rapide possible, le rendement élevé le plus rapide possible. C'est
pourquoi ils n'achètent pas des
terres en friche, ils convoitent des unités qui sont bien situées, avec un
potentiel agronomique intéressant et la possibilité de faire des acquisitions dans un endroit où il y
aura de la croissance possible, alors, de façon à soit remembrer ces terres
pour en faire de plus grandes unités, soit pour en modifier la régie de
culture, pour produire d'autres denrées. Parce qu'évidemment les spéculateurs visent du rendement sur l'appréciation
des fermes et du rendement sur les récoltes où il y a des marchés les plus juteux, les plus payants,
ce qui fait qu'à terme c'est un vecteur qui déplace les cultures vers des
cultures de grands marchés, vers les cultures d'exportation.
M.
Villeneuve : Parce que qui dit fonds d'investissement dit
nécessairement un retour sur l'investissement, un jour, aux actionnaires. On s'entend là-dessus?
Donc, il faut penser qu'ils ont une garantie en achetant une terre. Même
s'ils paient un peu plus cher, ils ont quand
même une garantie d'avoir rapidement des produits à écouler sur le marché,
donc avoir des revenus que cette terre-là va produire. Et, en plus, ils ont
aussi des programmes du gouvernement qui permettent
la stabilisation, hein, on pense à l'assurance stabilisation. Est-ce que, selon
vous, les programmes gouvernementaux sont aussi un élément facilitant ou un élément
qu'eux, ils apprécient, principalement lorsqu'ils s'établissent... lorsqu'ils
décident d'investir dans l'achat de terres au Québec?
La Présidente (Mme Léger) :
M. L'Italien.
M.
L'Italien (François) : À notre
connaissance, les investisseurs qui sont sur le terrain — les investisseurs non agricoles qui sont sur le terrain — ne sont pas nécessairement susceptibles de
réclamer de l'ASRA rapidement. Ça ne veut
pas dire qu'ils ne le feront pas de manière massive dans les prochaines années,
mais il faut savoir qu'un des principaux débouchés qui s'est démarqué dans les dernières années, c'est les
grandes cultures, les cultures commerciales, où il y avait un débouché rapide. Pour plusieurs raisons :
il y a eu des chocs alimentaires au tournant des années 2008, 2009, il y a une
demande croissante en biocarburants, il y a une demande croissante pour ce type
de denrées là.
Donc, est-ce
que ces acteurs-là sont susceptibles de savoir en plus qu'il existe un
mécanisme de soutien au revenu dans les années de vaches maigres? C'est
bien évident, surtout que ce mécanisme-là est quand même appuyé par le gouvernement du Québec, il n'est pas basé sur un
calcul de long terme. Donc, là aussi, on a une espèce d'effet pervers du
modèle agricole québécois, où on visait à soutenir un type de ferme... C'est
très clair dans le rapport Héon, on tient à moderniser
les fermes pour qu'on sorte de la culture de subsistance des années 50,
mais on fait quand même le pari que les fermes familiales vont faire la
job.
Et l'ASRA, dans les années 70, est un de
ces mécanismes-là pour pouvoir donner aux producteurs agricoles l'assurance
d'avoir un revenu garanti, puisque — et on le voit en ce moment de
plus en plus avec les changements climatiques — ils sont soumis à tous les risques. Donc,
d'avoir un revenu garanti, ça permet au modèle agricole québécois une pérennité, une stabilité. Donc, c'est évident que,
si des investisseurs qui, eux, par ailleurs, peuvent, à n'importe quel moment, retirer leurs billes... Parce qu'il faut
quand même reconnaître ça, les investisseurs, au moment où le prix des terres,
hypothétiquement, redescend, vont
s'organiser pour vendre, et qui, du jour au lendemain, va racheter? Alors là,
on est face à un modèle où l'habitation du territoire
n'est pas une variable, nous sommes face à un modèle qui veut salarialiser
les producteurs.
M.
Villeneuve : ...puis vous me corrigez si je me trompe, mais il
y a eu un début de vente de terres par des fonds dans l'Est américain, je pense, récemment, et, bon, ça a dû s'arrêter
rapidement, là, parce que ça n'a pas fait de vagues plus que ça, là.
Mais effectivement, donc, il va arriver un jour où, si les terres cessent de
s'apprécier ou même se déprécient, qu'à ce moment-là ils vont, évidemment,
vouloir s'en départir. Oui, allez-y, monsieur...
La Présidente (Mme
Léger) : M. L'Italien.
M. L'Italien (François) : Bien, je pense qu'il
faut s'attendre à ce que les
mouvements qui régissent les philosophies de gestion et les impératifs de rentabilité de ces acteurs-là commencent à régir la façon
dont le foncier est organisé au Québec. Si c'est ce modèle-là qu'on veut
laisser aller, il faut s'attendre à ce qu'il y ait du «in» puis du «out» et que
la manière dont est occupé le territoire
agricole québécois, la façon dont sont constitués les circuits de
production... Vous savez, il y a
toute une économie agricole régionale qui vit à partir des
producteurs de métier, de la ferme familiale, les coops, les écoles. C'est toute une vie économique qui entoure l'agriculture familiale, et
cette agriculture de capitaux là, elle n'en a rien à cirer.
M. Laplante (Robert) :
En complément, si vous permettez.
La Présidente (Mme
Léger) : M. Laplante, oui.
M. Laplante
(Robert) : Oui. Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme
Léger) : Ça va, M. le député de Berthier?
M. Laplante (Robert) : En complément, la stratégie de rendement maximal,
le plus rapide possible, aux États-Unis en particulier, a donné lieu, à partir du milieu des années 80, à un
gigantesque mouvement de consolidation des terres par l'agriculture de capital. Ça a vidé
littéralement le Midwest américain. Vous avez au Midwest d'immenses fermes qui
sont exploitées par des sociétés qui ont des
employés salariés qui viennent pour faire la récolte, faire la semence, mais,
entre-temps, il n'y a plus personne dans la
petite communauté, les familles sont disparues. Ce remembrement-là, il est
inévitable pour aller chercher le rendement.
Il y a une logique là-dedans, et donc c'est clair que, si on ne regarde que le
volume de production sans regarder le nombre
de producteurs, nous perdons de vue le caractère structurant de l'économie
locale. Alors, il va peut-être se produire
plus de boisseaux dans le nord du Lac-Saint-Jean, mais, là où il y avait 50
familles, il y aura une société et 50
employés temporaires qu'on aura recrutés au Guatemala pour le temps de la
récolte. C'est une autre façon de concevoir le développement du
territoire.
La Présidente (Mme
Léger) : M. le député de Bonaventure, pour 2 min 30 s,
à peu près.
M.
Roy : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, messieurs. Quel
pourcentage des liquidités spéculatives vont vers l'accaparement des
terres agricoles, selon vous, dans les portefeuilles?
Une voix :
...
M. Roy :
Vous n'avez pas ces...
M. L'Italien
(François) : On n'a pas ces...
La Présidente (Mme
Léger) : M. L'Italien.
M. L'Italien (François) : On ne dispose pas de ces données-là. C'est des données, d'abord,
avec raison, qui sont confidentielles.
Parce que les modèles d'affaires des investisseurs,
règle générale, sont réservés à ceux qui ont des parts, donc on n'a pas eu
accès aux circulaires ou aux rapports, par exemple, de Partenaires agricoles ou
de Pangea. Ce sont tantôt des
sociétés privées, tantôt des sociétés en nom collectif, mais qui ne présentent
pas une gouvernance très transparente. Donc,
de là, nous, pour nous, l'impératif d'avoir des mesures institutionnelles qui
vont obliger, contraindre ces investisseurs-là à montrer, comme n'importe quelle institution qui opère dans un domaine
public et qui a des impacts majeurs sur l'intérêt général... pour nous
montrer ce genre de données financières là.
Pour
vous donner une idée, pour conclure, la Caisse de dépôt et placement annonçait,
il y a deux ans, un placement de
250 millions dans un fonds de pension américain qui est consacré à
l'acquisition de terres à l'échelle internationale, et plusieurs personnes au Québec, plusieurs
observateurs, étant donné que ça coïncidait avec la proposition de la formule
de la SADAQ, ont dit : Bien, ce 250 millions là, pourquoi vous ne
capitalisez pas la SADAQ? Bon.
La Présidente (Mme
Léger) : M. le député de Bonaventure.
M.
Roy : Merci. Si les grands mouvements spéculatifs retirent
leurs billes, donc, comme on disait tout à l'heure, de l'accaparement des terres agricoles pour les
transférer vers un autre secteur qui offrirait plus de profitabilité, je ne
sais pas, un retour vers les mines ou le pétrole, c'est quoi, le décor?
Qu'est-ce qui se passe par la suite? On fait quoi, là?
La Présidente (Mme Léger) : M.
Laplante.
• (20 h 10) •
M.
Laplante (Robert) : Ça, on
le sait déjà. On a déjà quelques exemples de ça. Alors, quand ils retirent
leurs billes, ils coupent,
évidemment, les dépenses. Alors, ils cessent de cultiver et ils attendent de
trouver un acheteur. Ça tombe en friche puis ça peut se dévaluer. On a vu des
fonds faire des radiations. Mais, évidemment, ce qui est détruit est disparu. Alors, les fermes familiales qu'il y
avait là, elles ne reviendront pas. Ça va demander une énorme opération pour
remettre ce territoire dans le circuit agricole.
Alors,
évidemment, pour l'instant, à l'échelle de l'Amérique du Nord, on n'a pas
encore vu de mouvement massif de reconversion de ces terres-là vers
d'autres usages, soit les biocarburants ou... quoique, déjà,
une partie importante de la
production de maïs aux États-Unis est dirigée vers la production d'éthanol. Ça
change avec le gaz de schiste. Mais il reste
qu'essentiellement il y a quelque
chose de quasi irréversible à laisser
rentrer l'agriculture de capitaux dans une région. Ça détruit le terroir, ça en fait autre
chose, ça en fait un actif financier qui, lui, obéit à des règles qui sont
différentes.
La
Présidente (Mme Léger) :
Merci. Mme la députée de Mirabel, la porte-parole de la CAQ pour l'agriculture.
Mme
D'Amours : Merci, Mme la
Présidente. Vous mentionnez souvent la SADAQ, le penchant de la SAFER, j'imagine, en Europe. Comment pouvez-vous penser
que la SADAQ, ça serait la solution si... En France, les terres, c'est 33 %
qui appartiennent aux Français. Alors, quelle est la différence que nous, ici,
au Québec, parce qu'on aurait une SADAQ qui serait... le pourcentage
resterait à peu près à 80 %, comme on a là, qui arrêterait, là,
l'hémorragie?
La Présidente (Mme Léger) : M.
L'Italien.
M.
L'Italien (François) : C'est une
très bonne question. Lorsqu'on a proposé la création d'une SADAQ, évidemment,
loin était de nous l'idée de vouloir importer directement, de façon carrée, les
SAFER au Québec, puis en changeant simplement
le nom, en disant : C'est une SADAQ, alors qu'on reprendrait tout des
SAFER. Vous avez raison, le contexte institutionnel,
le contexte national de la France n'est pas le même que le Québec. Le Québec
est en Amérique du Nord, le Québec
est une province, et donc n'est pas un pays, ce qui limite, évidemment, une
série de choses au sujet de la régulation d'ensemble des activités,
notamment sur la politique étrangère ou la politique d'exportation.
L'idée, pour
nous, était de proposer une idée qui s'inspirait d'un mécanisme, en France, qui
est déjà existant, qui est les SAFER et qui a quand même montré, malgré le fait
qu'on les ait critiquées de toutes parts... Ceux et celles qui les ont critiquées, il n'y en a pas beaucoup là-dedans
qui accepteraient aujourd'hui de s'en priver. On les critique, évidemment,
parce qu'il y a tout le temps quelqu'un qui
n'est pas content en France, là, de quelque chose, mais, dans les dernières
années, les SAFER se sont vu octroyer des nouvelles responsabilités dans
l'État français parce qu'elles sont devenues des instances de régulation et de gouvernance régionale stratégique pour le
développement rural et régional. Donc, l'idée, c'était de s'inspirer des meilleures pratiques qui se font à l'échelle
internationale et de soumettre ça au débat, de présenter cette formule-là et de la laisser, comme n'importe
quel débat qui porte sur une institution, de la laisser évoluer en fonction
des débats. Vous savez, quand on a créé la
Caisse de dépôt et de placement, on s'en n'est pas caché, on s'inspirait
principalement de la Caisse de dépôts
et de consignations. Qui, aujourd'hui, voudrait se priver de la Caisse de dépôt
et de placement?
La Présidente (Mme Léger) : Mme la
députée de Mirabel.
Mme
D'Amours : Dans votre document, si je me souviens bien, là, il y avait
le droit de préemption. J'aimerais ça que vous expliquiez qu'est-ce que
c'est.
M.
L'Italien (François) : Bien, le
droit de préemption, c'est une disposition que les SAFER se sont vu octroyer
par le gouvernement français, par une loi,
qui est la capacité de la SAFER d'interrompre une transaction entre deux
acteurs et, en particulier, entre un
acteur, un cédant, et un acquéreur qui présente un profil qui ne correspond pas
au consensus développé à l'échelle régionale.
Il faut
savoir que le droit de préemption n'est pas quelque chose d'utilisé de façon...
j'ai envie de dire, qui n'est pas
utilisé à chaque jour. C'est quelque chose qui est utilisé de façon
parcimonieuse et qui, en plus, doit subir toute une série d'évaluations et d'examens de la part des
acteurs locaux jusqu'aux acteurs nationaux. Le ministère des Finances et
celui de l'Agriculture doivent donner leur
aval pour qu'il y ait un droit de préemption. Alors, nous avons proposé cette
mesure-là, sachant très bien qu'il y aurait
des réactions. Nous pensons quand même que ça devrait faire partie en partie
ou en totalité de la formule. Pourquoi? Parce que, sans avoir un mécanisme de
cet ordre-là, c'est bien évident que des investisseurs...
Et, en l'absence d'autres mécanismes de régulation, c'est évident que les
investisseurs vont toujours offrir une
prime à un cédant qui veut faire monter les enchères. Et donc, à des moments
stratégiques, à des moments cruciaux, lorsque, par exemple, un certain
nombre...
Admettons
qu'on accepte l'hypothèse qu'il y a eu une consolidation importante de terres
au Lac-Saint-Jean — je
dis un chiffre comme ça,
7 000 hectares de terre, mettons, une grosse «batch» au
Lac-Saint-Jean — bien,
que, là, l'acquéreur futur de cette
grosse «batch» de terres là puisse être bloqué par le droit de préemption, que
la SADAQ québécoise, qui aurait, évidemment, l'aval des acteurs
locaux, des acteurs régionaux, des acteurs nationaux, pourrait interrompre
cette transaction-là, mais pour des
motifs, je le répète, qui sont d'intérêt général. L'idée, ici, ce n'est pas de
créer une mesure qui viendrait créer un embrouillamini supplémentaire.
C'est vraiment une disposition de dernière minute, de...
Une voix : De dernière
instance.
M.
L'Italien (François) : ...de
dernière instance — merci — pour
pouvoir prémunir contre des transactions. Et c'est aussi une mesure de dissuasion parce que nous pensons que
juste l'institution de cette mesure-là dissuaderait à l'avance des
investisseurs de se lancer dans l'acquisition de terres.
La Présidente (Mme Léger) : Mme la
députée de Mirabel.
M.
Schneeberger : Oui.
Il reste combien de temps?
La Présidente (Mme Léger) : Ah! M.
le député de Drummond, deux minutes.
M.
Schneeberger : O.K.
La Présidente (Mme Léger) : M. le
député de Drummond—Bois-Francs.
M.
Schneeberger : Parfait. Une question purement
hypothétique, mais on parlait tantôt... Parce que vous m'avez l'air
assez ferrés au niveau de la finance et des approches comme ça, on sait bien
que, depuis quelques années, là, les fonds
de retraite, là, ils cherchent beaucoup d'autres capitaux parce que, bon, les
obligations à terme, et autres, il n'y a pas de rendement, et, bon, on se retourne au niveau de l'agriculture. Est-ce que, justement, à ce moment-là... C'est là que
c'est hypothétique, si on parle d'investissement en agriculture, ça veut
dire que ces gens-là s'attendent à des rendements. Est-ce que ça ne pourrait
pas devenir en contrepartie un genre d'assurance pour l'agriculture en général vu
qu'on sait que les capitaux. puis tout ça, ça mène le monde, c'est large, ça a beaucoup
de poids, alors que souvent l'agriculture, aujourd'hui,
on en parle quand il y a un gros problème, mais, sinon, ça ne fait pas vraiment
jamais la manchette, là, des grands
quotidiens? Est-ce qu'à ce moment-là il n'y
aurait pas, des fois, des pressions
au niveau des gouvernements, et autres, pour dire : Regardez, là, c'est important,
l'agriculture, il faut qu'il y ait des rendements parce que
nous, on dépend aussi de ces
rendements-là? Ça ferait en sorte que l'agriculture, s'il y aurait un problème,
bien, peut-être qu'elle serait mise plus de l'avant.
M.
Laplante (Robert) : En fait,
les actifs fonciers sont une assurance pour les institutions financières, pas
pour les agriculteurs. Et essentiellement la situation que ça crée est la suivante, c'est que
l'appréciation de la valeur foncière est
disproportionnée par rapport au rendement productif attendu de l'agriculture. C'est ce qui fait que, si le prix de la terre est trop élevé, un acquéreur, même excellent
producteur, ne réussira pas à générer les revenus pour faire les paiements.
Alors, il faut contenir cette disposition-là parce que cette asymétrie-là entre
l'appréciation de la valeur foncière et la capacité
de générer des revenus fait en sorte que c'est extrêmement difficile d'entrer
dans la profession quand on est un jeune et d'y rester quand on est une entreprise
moyenne, comme l'est la majorité des fermes du Québec.
La
Présidente (Mme Léger) : Merci beaucoup. Je remercie l'Institut de recherche en économie contemporaine,
M. Robert Laplante et M. François L'Italien. Merci beaucoup.
Alors, je
vais suspendre quelques instants, le temps que le Fonds d'investissement pour la relève agricole vienne s'installer.
(Suspension de la séance à 20 h 18)
(Reprise à 20 h 20)
La
Présidente (Mme Léger) : À
l'ordre, s'il vous plaît! Alors, nous reprenons nos travaux. Alors, nous
allons entendre le Fonds d'investissement pour la relève agricole, MM. Blanchet et Lecomte. Alors, c'est M.
Blanchet qui va parler, j'imagine, au
début. Non, M. Lecompte? Alors, bienvenue à la commission parlementaire pour
l'étude de l'accaparement des terres
agricoles. Alors, vous avez 10 minutes
pour la présentation, et, après, échange avec les formations politiques.
Fonds d'investissement
pour la relève agricole (FIRA)
M. Lecomte
(Paul) : Mme la Présidente, M. le vice-président, mesdames messieurs
de la CAPERN, merci beaucoup de l'invitation.
D'entrée de jeu, M. Blanchet m'accompagne. M. Blanchet est président
du Fonds d'investissement pour la
relève agricole. Et nous accompagnent aussi trois administrateurs :
M. Ernest Desrosiers, vice-président au financement à La Financière agricole du Québec, mandataire pour le
gouvernement; Mme Chantal Brunet, directrice aux investissements stratégiques et relations avec les
commanditaires pour Desjardins Entreprises, qui représente le Capital régional coopératif Desjardins; ainsi que
M. Gilles Cardinal, administrateur désigné par le Fonds de solidarité de
la FTQ.
Au nom du FIRA, je vous remercie de
l'opportunité que vous nous offrez d'intervenir au sein de la commission.
Pour nous, c'est une occasion unique de
présenter le FIRA à cette commission dans le cadre de votre analyse sur
l'accaparement des terres agricoles au Québec.
Les
présentations précédentes ont été assez éloquentes. Je crois que vous avez
couvert énormément de sujets à propos
de l'accaparement. Les perceptions et les préoccupations ont été énoncées.
Donc, nous allons profiter de la tribune pour statuer un petit peu sur
qu'est-ce que le FIRA, qu'est-ce que peut faire le FIRA, sa mission, ses
activités, avant d'échanger davantage avec la commission sur la solution FIRA
au Québec.
Avec
l'augmentation de la valeur des actifs de production et, particulièrement, de
la valeur des terres agricoles, la relève
fait face à un défi à l'accès au crédit nécessaire pour s'établir dans le
secteur agricole. De façon générale, les jeunes ont peu de capitaux accumulés et se trouvent en situation de compétition
avec des entreprises diversifiées par leur taille et par leur activité. Ces particularités font en
sorte qu'il peut être difficile à des jeunes de développer une entreprise dans
le secteur agricole.
Le
FIRA a été inauguré en 2011. C'est le résultat d'une initiative du gouvernement
du Québec qui visait à mettre en
place des solutions en regard au problème d'accès aux actifs agricoles par la
relève. Dans cette initiative, il s'est joint à deux partenaires significatifs qui avaient à coeur le développement des
entreprises agricoles et, surtout, le développement de la relève au Québec. Ainsi, La Financière
agricole, qui a été nommée mandataire par le gouvernement du Québec, s'est
jointe au Capital régional coopératif
Desjardins ainsi qu'au Fonds de solidarité de la FTQ pour créer le FIRA. Le
FIRA est un fonds indépendant, une
société en commandite dans laquelle chacun des partenaires s'est engagé à
investir jusqu'à 25 millions de dollars pour un fonds de
75 millions pour la relève.
Le
FIRA est un fonds d'investissement unique en son genre. Il est destiné à
soutenir la relève agricole. Et je vous définis un petit peu plus la relève un
peu plus tard. L'objectif est de les aider dans des démarrages, dans
l'expansion et la consolidation de leurs activités et aussi dans le
transfert d'entreprise.
La vision que le FIRA
a, c'est de permettre l'entrée et le maintien en agriculture d'un plus grand
nombre de jeunes qui désirent de vivre
d'agriculture en favorisant surtout des conditions favorables à leur
développement et à leur activité. Par
son action, FIRA soutient une forme d'agriculture principalement réalisée par
des entrepreneurs en démarrage ou qui
n'ont pas encore atteint la stabilité financière leur permettant de recourir à
l'ensemble des soutiens financiers qu'il y a sur le marché. Les outils FIRA sont développés pour complémenter les
outils financiers sur le marché. L'objectif de notre modèle d'affaires, c'est de permettre l'accès aux actifs soit en
aidant la relève à les acquérir par eux autres mêmes, soit carrément en faisant l'acquisition à leur
place dans le but de les aider et de les prioriser à les acquérir dans le
futur.
Le
positionnement de marché de FIRA reflète un peu sa réflexion et son
orientation. Le FIRA s'adresse exclusivement
à des jeunes de 18 à 40 ans — donc, la relève — qui désirent réaliser leur projet de
s'établir ou de poursuivre leurs
activités agricoles, comme je disais précédemment. Les critères de
qualification visent et sont orientés vers le succès des entreprises.
Donc, on a une sélection qui se fait au niveau de leur préparation. Est-ce
qu'ils ont une formation pertinente et adéquate? Et est-ce qu'ils ont pris une
expérience de travail qui va leur permettre de bien réussir?
Naturellement,
FIRA a voulu rajouter une touche de plus à ce cheminement-là pour assurer leur
succès. On exige un plan d'encadrement de façon à pouvoir les suivre et
pouvoir les aider à se développer au niveau de leur entreprise agricole. Ainsi,
aussi, on fait un certain suivi tout au long de l'activité qu'ils vont avoir
avec le FIRA.
L'approche
financière de FIRA est assez concrète : aider les jeunes qualifiés à
accéder aux biens de production nécessaires à leurs projets. Ainsi, nous
ne visons pas seulement les terres, mais bien l'ensemble des actifs agricoles
nécessaires à la production. Soyons clairs, notre intérêt n'est pas les actifs,
mais bien la relève agricole elle-même.
Bien qu'on ait une
grande latitude d'action au niveau des outils, FIRA a focussé son intérêt sur
deux outils principaux qui sont relativement faciles à promouvoir et faciles
aussi d'accès pour l'ensemble de la profession. Ces deux outils sont le prêt
subordonné et l'achat-location de terre.
Avant
tout, dans le cadre du prêt, c'est
important de se rappeler que les jeunes qui doivent partir en agriculture
doivent avoir une structure financière qui se tient, et, de façon générale, le
marché exige certaines mises de fonds ou collatéraux pour les aider à partir en
agriculture.
Quand le prêt FIRA,
le prêt subordonné FIRA, a été créé, notre objectif était de compenser la mise
de fonds nécessaire que les jeunes ont
besoin pour démarrer en agriculture et aussi d'offrir des conditions qui
seraient souhaitables à leur
démarrage. Avec cet outil, on offre aux jeunes un congé de paiement jusqu'à
trois ans au démarrage de façon à les aider
à partir leurs opérations et à structurer leur fonds de roulement. Ce
financement peut aller jusqu'à hauteur de 250 000 $. Cette façon de travailler avec eux autres leur
permet d'enclencher plus rapidement un projet qui est prometteur ou témoin
d'une certaine rentabilité ou potentiel de
réussite au niveau de nos jeunes. Le prêt FIRA est un levier supplémentaire que
le marché ne leur offrait pas à ce jour et qu'on espère fonctionnel et
utile.
Le
second outil qu'on a offert aux jeunes sur le marché, plus en phase un peu avec
l'analyse que fait présentement la
commission, c'est notre achat-location de terre. L'approche préconisée
s'approche grandement d'une pratique qui avait lieu au travers les âges où les producteurs donnaient une chance à un
jeune de s'établir en l'aidant à acquérir la ferme, souvent en le finançant eux autres mêmes ou
carrément en lui prêtant la ferme jusqu'à temps qu'il soit en mesure de l'acquérir.
Ainsi,
dans le cadre d'un projet qui est soumis par un jeune, on ne fera pas de
démarchage d'achat de terre, mais, bien, on va travailler avec nos
jeunes entrepreneurs. FIRA pourrait faire l'acquisition d'une terre disposant
ou non de bâtiments — donc,
ce n'est pas juste des terres qu'on va regarder, mais bien des terres et
parfois aussi des fermes complètes — de façon à les aider à accéder à un bail à
long terme et de les aider à s'investir dans leur entreprise. L'objectif
principal de cet outil-là, c'est de donner
accès aux jeunes aux actifs nécessaires à la production lorsqu'ils ne disposent
pas de la mise de fonds nécessaire ou
lorsque ça risquerait de mettre en danger leur structure financière. À terme
d'exemple, en termes de consolidation
d'entreprise, ça devient important de penser que la structure financière d'une
entreprise peut être fragilisée par des acquisitions trop onéreuses.
Ce mode d'accès à la
propriété vise à synchroniser l'achat de la terre avec le moment où
l'entreprise, nos entrepreneurs sont en
mesure de faire face aux réalités financières qui vont suivre. Concrètement,
cet outil-là va se structurer sur un bail de long terme qui permet de
mieux voir comment structurer l'entreprise, c'est-à-dire un bail de 15 ans. Le locataire
va pouvoir agir en tant que, ce qu'on appelle dans le langage commun,
propriétaire. Donc, il va pouvoir vaquer à ses occupations, faire les
réinvestissements nécessaires ou utiles, et jusqu'à temps qu'il soit capable de
passer aux opérations normales et de pouvoir penser à réacquérir
l'entreprise.
Tant que le
bail est actif, le locataire conserve une priorité d'achat. C'est ici que FIRA
est relativement unique par rapport à
son offre. Outre 15 ans de bail, on offre une priorité d'achat tout au long de
la durée du bail à nos jeunes ainsi
que l'option de mettre fin au bail pour quelque motif que ce soit, que ce soit
pour quitter l'agriculture, faire d'autres choses ou passer à l'achat dès qu'ils sont prêts à le faire. Lorsque le
locataire est prêt à faire l'acquisition, le prix va être déterminé par
un évaluateur agréé indépendant du FIRA, quelqu'un qui va donner une juste
valeur marchande au moment de la
transaction. Un prix va être déterminé à ce moment-là. Un processus d'arbitrage
est même prévu dans le cadre du bail afin d'éliminer toute situation...
Une voix : ...
M. Lecomte
(Paul) : Une minute? Oh! madame, merci. Donc, de façon à rendre le
bail le plus transparent possible. Et
le bail va toujours être signé en présence d'un notaire afin de mettre en
perspective ce dans quoi notre jeune s'engage.
Rapidement,
je vous dirais pour conclure, FIRA a fait une quarantaine d'investissements
depuis son démarrage. Ce fut un
démarrage, comme toute entreprise qui part de zéro, où on a appris à connaître
le marché, où on s'est investis graduellement.
On a travaillé davantage avec le prêt subordonné qu'avec l'achat-location, mais
l'achat-location nous a permis de
faire jusqu'à ce jour 11 acquisitions réparties dans cinq grandes régions du
Québec, qui sont aussi bien dans des
régions où l'activité est concentrée et la compétition très forte pour les acquisitions
qu'en région périphérique. Donc, notre
rôle, on essaie de le jouer le mieux possible et de rendre accessible à un plus
grand nombre de jeunes l'activité agricole au Québec.
J'aimerais
souligner, avant de conclure, un élément. FIRA est parti d'une idée, d'un concept. Mais on avait le souci d'avoir le pouls du marché, donc on a créé un comité consultatif dès le début du FIRA afin de garder un certain arrimage avec le marché. Et à ce conseil siègent des représentants du FIRA ainsi que des représentants de l'UPA et de la Fédération de la relève agricole, la FRAQ, où on peut
partager sur nos opinions, sur ce qu'il s'est fait, et partager sur nos
perspectives, nos perceptions, et qu'est-ce qui pourrait être amélioré. Soit dit en
passant, l'ensemble des commentaires et des échanges lors de ce comité font l'objet de nos discussions
lors du conseil d'administration de façon continue en vue de parfaire les
outils qu'on offre à l'ensemble du marché.
• (20 h 30) •
La Présidente (Mme Léger) : Merci,
M. Lecomte.
M. Lecomte (Paul) : Et je vais
conclure ainsi et vous inviter à poser vos questions, s'il vous plaît.
La Présidente (Mme Léger) : Merci.
Vous allez pouvoir revenir, probablement, avec les questions.
M. Lecomte (Paul) : Merci, Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme Léger) : Alors,
M. le député de Mégantic.
M.
Bolduc :
Merci, Mme la Présidente. Bonsoir, messieurs. Il me fait plaisir de vous
écouter et de comprendre un peu
comment FIRA fonctionne. Vous avez dit que la FRAQ puis la FTQ, qu'ils avaient
investi 75 millions chaque, mais je pense que j'en ai manqué un.
M. Lecomte (Paul) : 25.
M.
Bolduc
: 25?
M. Lecomte (Paul) : Je m'excuse, Mme
la Présidente. Est-ce que je peux répondre?
La Présidente (Mme Léger) : Allez-y,
M. Lecomte, oui.
M. Lecomte
(Paul) : Les trois partenaires, Capital régional et coopératif
Desjardins, le Fonds de solidarité de la FTQ ainsi que le gouvernement du Québec vont investir jusqu'à
25 millions chacun dans ce fonds. On s'entend bien que c'est un fonds qui est sur appel de capital, donc
c'est des engagements à s'investir jusqu'à hauteur de 25 millions chacun.
La Présidente (Mme Léger) : M. le
député de Mégantic.
M.
Bolduc :
Merci. Donc, vous avez parti avec un capital. Maintenant, vous avez deux
méthodes ou deux outils, comme on
disait, les frais subordonnés... Maintenant, l'organisme, votre objectif,
est-ce que c'est d'être un organisme sans but lucratif? Ou comment vous vous payez ou comment vous générez vos
revenus? Vous couvrez vos frais comment, etc., là?
M. Lecomte
(Paul) : Le fonds... Mme la Présidente?
La Présidente (Mme Léger) : ...
M. Lecomte (Paul) : Le fonds est
financé par les trois partenaires, qui apportent les sommes nécessaires aux investissements
et couvrent les frais d'administration. L'objectif à terme est de faire en
sorte que ce fonds-là puisse s'autosuffire. Cependant,
l'action qu'on doit avoir auprès de la jeunesse — et on ne se le cachera pas, on est en agriculture, les marges ne sont pas toujours
très élevées — il faut
penser avoir des outils où le rendement attendu n'est pas très élevé de la part de nos partenaires. L'objectif de ce fonds relativement unique n'est pas
de générer des revenus ou des rendements, c'est bien de jouer notre rôle d'aider des jeunes, un plus grand nombre
de jeunes à s'installer en agriculture.
Et notre objectif général
est de couvrir l'ensemble des fonds à partir des revenus qu'on
peut générer sur les prêts ainsi que sur la location et la revente
d'immeubles.
La Présidente (Mme Léger) : M. le
député de Mégantic.
M.
Bolduc : Merci, Mme la Présidente. Est-ce
qu'on peut dire, comme ça, que vous êtes un organisme antiaccaparement
des terres agricoles?
La Présidente (Mme Léger) : M.
Lecomte.
M. Lecomte
(Paul) : Je trouve que c'est une question peut-être un petit peu
insinueuse, sans méchanceté. Mais la
façon de travailler, on travaille vraiment avec des projets qui sont soumis par
les jeunes. Donc, les jeunes nous arrivent des quatre coins du Québec avec des entreprises ou des terrains, ou des
fermes, ou des actifs encore qu'ils ont précisément identifiés dans le cadre de leur projet, et on les
accompagne dans ce cadre-là. Donc, on n'a pas une approche de consolidation d'entreprise, nécessairement, ou d'établir des
portefeuilles de terres. Donc, dans cette approche-là, je dirais, oui,
on est peut-être une réponse ou une solution
à une perception qui serait dans ce style-là. Mais notre objectif, c'est les
jeunes.
La Présidente (Mme Léger) : M. le
député de Mégantic.
M.
Bolduc :
Merci, Mme la Présidente. Votre organisme a quatre ans... ou près de quatre
ans, là, mais vous nous avez
mentionné tout à l'heure que vos prêts peuvent aller jusqu'à 15 ans ou à un
maximum de 250 000 $, congé de paiement pendant trois ans. Donc, c'est généreux, là, puis
je ne m'en plains pas, mais la question, c'est qu'à la fin, quand le jeune
entrepreneur est prêt à racheter, vous nous
avez dit que vous faites évaluer l'entreprise ou les actifs par une firme
agréée et que c'est le prix de
l'entente. Ce que ça impose, c'est une discipline fiscale aux jeunes qui va
être significative parce que le gain de son travail pendant les 15
années, c'est le vendeur qui les a, pas l'acheteur. O.K.?
Donc, je
voudrais que vous élaboriez un peu sur cette mécanique-là, là. Vous n'êtes,
évidemment, pas rendus là encore ou vous avez peut-être quelques
expériences. Allez-y là-dessus.
La Présidente (Mme Léger) : M.
Lecomte.
M. Lecomte
(Paul) : ...Mme la Présidente. J'aime votre question. Techniquement
parlant, le projet FIRA a été bâti
avec un horizon d'investissement de 15 ans. Comme je vous ai mentionné, nous
avons deux outils de financement : le prêt subordonné d'un côté et, de l'autre côté, l'achat-location. Soit
dit en passant, ces deux projets sont complémentaires, peuvent être
utilisés simultanément.
La durée de
vie et la façon de travailler, il faut remonter un petit peu. Chacun des
produits travaille d'une façon un petit peu différente. Dans le prêt
subordonné, on comprend bien qu'il s'agit d'un prêt conventionnel, de type conventionnel, dans lequel nous avons une option
pour aider les jeunes à structurer le démarrage de leur entreprise. Donc,
c'est un financement qui va regarder un
horizon de 15 ans, mais remboursé sur une période de 12 ans à la limite. Il
peut le rembourser les
15 premières années, mais il pourrait profiter du moratoire des trois
premières années. Donc, pour le prêt, ça devient quelque chose de
classique. Au niveau financier, je n'irai pas plus loin que ça.
Au niveau de
l'achat-location, ça m'offre l'opportunité de vous présenter un petit peu notre
mode de fonctionnement. Chaque
dossier est étudié au mérite. La vision qu'on a, c'est une vision qui est
vraiment orientée vers le succès des
jeunes et leur potentiel de succès. On ne juge pas, on cherche à encourager et
à supporter les jeunes qui se sont préparés
à l'avance grâce à cette opportunité d'affaires là. La préparation, nous, on se
dit : C'est des jeunes qui ont mis les chances de leur côté avec
leur formation, qui ont mis les chances de leur côté en allant chercher
l'expérience pertinente et, lorsqu'ils se
présentent à nous, qui nous présentent un projet structuré, qui semble
démontrer un potentiel pour nous
racheter dans un certain horizon. À l'heure actuelle, on essaie de voir s'il y
a une perspective de rachat potentiel dans
une période de cinq à 10 ans. Ce n'est pas vrai qu'on va faire tous les projets
qui vont se présenter, mais, lorsque ces
projets vont démontrer une forme de potentiel de rachat dans un horizon de cinq
à 10 ans, on va être beaucoup plus encouragés à s'investir dans ces
projets-là et avancer avec eux autres.
Naturellement,
les conditions qu'on a mises au départ, c'est des conditions pour s'assurer
d'avoir des modèles plus à succès que
tout projet qui pourrait se présenter demain matin. Donc, cette perspective-là
fait en sorte qu'on joue sur des
modèles qui ont démontré leur capacité à rencontrer ce qu'ils disaient qu'ils
allaient faire dans leur plan d'affaires, et, après ça, on les suit annuellement au niveau de leur succès
d'entreprise. Ainsi, à chaque année, on va prendre le temps de jaser avec eux autres,
savoir s'ils ont atteint les objectifs annuels, s'ils s'orientent vers un
résultat qui va leur permettre de
mettre de côté ce qu'il leur faudra pour pouvoir racheter — à la rigueur, ça pourrait être aussi grâce à
un prêt subordonné — réussir
à racheter éventuellement. Mais on va les suivre régulièrement pour voir si le
projet d'affaires qu'ils ont établi se
dirige vers la conclusion qu'on avait établie au départ, c'est-à-dire d'être
capable de racheter l'immeuble dans un certain horizon.
À la limite,
on va regarder aussi comment on peut sécuriser certaines entreprises. Parce
qu'il y a des enjeux par rapport à la
durée et aux conditions de bail qu'on va retrouver souvent sur le marché
agricole. Donc, certaines entreprises, on
va leur offrir à ce moment-là un bail d'une durée de 15 ans qui va
garantir que, tout au long de cette période-là, ils vont avoir accès à
le racheter, même si, dans la perspective de 15 ans, tout ne sera pas toujours
évident.
Donc, je vous
dirais, dans l'ensemble, on a le souci de les accompagner, on a le souci de
leur donner l'opportunité de rachat
et les privilèges du bail qu'on leur offre et on cherche à s'assurer, en les
suivant adéquatement, qu'ils vont être capables de le faire.
La Présidente (Mme Léger) : M. le
député de Mégantic.
M.
Bolduc :
Merci, Mme la Présidente. Écoutez, vous avez parlé d'une aide pour les jeunes
sur le plan, je dirais ici, dans ce cas-ci, financier, mais, sur le plan
technique, sur le plan agriculture, est-ce que vous avez des agronomes, des spécialistes,
des gens qui vont les aider aussi à optimiser leur production ou leurs
activités agricoles?
La Présidente (Mme Léger) : M.
Lecomte.
M. Lecomte
(Paul) : Mme la Présidente, je vais en profiter pour faire un amalgame
au niveau de la réponse par rapport à
ce qu'on a dit précédemment. Dans les conditions de financement qu'on a
établies, on a statué sur le fait qu'on demande à nos jeunes d'avoir un plan d'encadrement, ce qui est assez, je
dirais... on ne dira pas unique, mais qui n'est pas d'une pratique normale dans le monde financier courant. Ce plan
d'encadrement là, on veut que les jeunes établissent, pour leur profil, pour leur entreprise, pour leur
initiative, un cheminement critique dans lequel ils vont s'associer les bons
partenaires. Nous cherchons à garder la
structure financière... Et c'est là que je fais l'amalgame, on cherche à garder
une structure financière la plus
simple possible pour avoir les coûts d'opération les moins élevés possible et
transférer le moins possible de
charges dans le cadre des projets qu'on fait. Donc, par le plan d'encadrement,
par l'ensemble des conditions qu'on
donne, on cherche à demander aux jeunes à se structurer et à pouvoir faire en
sorte de bien s'entourer grâce à un plan d'encadrement et à des coûts
qui sont raisonnables de notre côté.
• (20 h 40) •
La Présidente (Mme Léger) : M. le
député de Mégantic.
M.
Bolduc : Merci.
Vous nous avez mentionné tout à l'heure que vous aviez 40 projets depuis
le démarrage. Grosso modo, ça fait 10 par année.
Est-ce que vous considérez ça un énorme succès, un petit succès ou... Comment
vous voyez l'évolution de FIRA dans le temps? Disons, on voit où vous
êtes, comment vous voyez votre futur?
La Présidente (Mme Léger) :
M. Lecompte.
M. Lecomte (Paul) : Merci, Mme la
Présidente. Je vais reprendre les mots et juste les décortiquer de façon différente. C'est une moyenne d'une dizaine de
dossiers réalisés par année. On en a autorisé un peu plus que ça, soit dit en
passant, qui ne se sont pas tous réalisés
pour différentes conditions de marché ou de décisions d'entrepreneurs, mais ça
a été une progression. Donc, nos investissements de première année ont
été de l'ordre d'à peine un demi-million. Et, la dernière année, on est rendus à 4 millions d'investissement.
Et, à chaque année, on double l'investissement de l'année précédente, et
on croit que cette progression-là devrait s'enclencher encore pour la prochaine
année.
Quand FIRA
est arrivé, il y a à peine quatre ans, c'était une idée assez
novatrice dans le monde financier d'avoir un tel outil. Et il y avait une culture aussi à apprivoiser, et la culture
avait à s'apprivoiser à cet outil-là. Donc, je crois qu'en quatre ans on a fait les premiers pas
intéressants, et la lancée semble intéressante pour les prochaines années. En tout cas, ce qu'on en retrouve au
niveau de la consultation que les jeunes font auprès de notre service, c'est de
plus en plus de jeunes qui nous
appellent pour savoir comment partir leurs projets et comment les solutions
FIRA peuvent venir compléter l'offre de services financiers qu'il y a
sur le marché actuellement.
La Présidente (Mme Léger) : M. le
député de Mégantic.
M.
Bolduc : Merci,
Mme la Présidente. Comment vous
rejoignez votre clientèle pour faire vos contacts puis établir les bons
ponts, là, aux bonnes places?
La Présidente (Mme Léger) :
M. Lecompte.
M. Lecomte
(Paul) : ...Mme la Présidente. Nos réseaux principaux sont relativement simples. Je vous dirais, le
réseau de conseilleurs, conseillères de La
Financière agricole du Québec est un point de chute pour prendre contact avec
nous. Le réseau du MAPAQ des conseillers relève nous sert agréablement. Je vous
dirais, après ça, on a travaillé beaucoup avec les réseaux Groupes conseils agricoles au Québec,
le Réseau-Agri aussi, qui nous donnent aussi un coup de
main en divulguant l'information sur qui on est et comment nous joindre. Et
toutes les institutions financières qui sont informées du service
complémentaire à leurs services qu'on offre nous redirigent les jeunes.
Maintenant,
depuis quatre ans, on commence à parler un peu de FIRA, et la marque de FIRA
commence à se faire un peu. Donc, les
jeunes communiquent aussi directement avec nous, et on les réintroduit dans le
réseau de façon à aller chercher les outils dont ils ont besoin le plus
efficacement possible.
La Présidente (Mme Léger) : M. le
député de Mégantic.
M.
Bolduc : Merci,
Mme la Présidente. Quel âge ont, en
général, les jeunes que vous avez aidés à date? Est-ce qu'ils sont dans
le bas du créneau, dans le haut du créneau ou...
M. Lecomte
(Paul) : Statistiquement
parlant, l'âge moyen tourne autour de 30 ans, au niveau de l'âge moyen
des jeunes. Donc, on a des jeunes autant qui
avaient atteint l'âge de 39 ans que des jeunes qui sortaient quasiment de
l'école, à 21, 22 ans. Donc,
l'écart type, on s'entend bien, avec un petit nombre de dossiers, l'écart type
serait dur à préciser plus que ça. Mais l'âge moyen est de 30, 31.
M.
Bolduc : Maintenant, est-ce que vous couvrez toutes les régions du Québec,
ou seulement qu'une ou quelques régions, ou... comment
vous faites ça?
M. Lecomte (Paul) : J'ai le grand
plaisir de dire à la commission qu'on a la chance d'avoir des dossiers dans 14 des 15 régions administratives où on
retrouve de l'agriculture au Québec. Les investissements au niveau fonds terrien
se retrouvent dans cinq régions. Et, comme
je disais un peu plus tôt, ces cinq régions sont aussi bien centrales, dans les
régions à forte compétition, je dirais, que
dans des régions périphériques. Donc, c'est des projets que les jeunes nous ont
apportés qui ont fait qu'on a pu s'investir dans ces régions-là. Il n'y a pas
eu de sollicitation de la part de FIRA, c'est vraiment... on accompagne nos
jeunes au maximum de ce qu'on est capable de faire.
M.
Bolduc : Quels sont les plus grands défis auxquels vous
faites face dans l'aide à ces jeunes-là aujourd'hui ou... Qu'est-ce que
vous voyez comme difficultés...
M. Lecomte (Paul) : Mme la
Présidente, je dirais qu'on revient au principe de base de trouver une activité
agricole qui va être suffisamment rentable à
moyen et long terme pour permettre l'émancipation des jeunes d'une bonne
façon en perspective du coût des actifs. Les
coûts des actifs sont toujours élevés. Donc, on doit trouver des jeunes qui ont
le potentiel, les compétences, les
qualités pour pouvoir se démarquer dans un marché... bien, dépendamment... on
s'entend, il y a beaucoup
de types de production. La matrice agricole est une matrice
multidimensionnelle, on ne se le cachera pas. Les secteurs, les régions, les types de production, la mixité de la
productivité ou la spécialisation vont avoir beaucoup d'enjeux. Et le prix
des actifs demeure un enjeu important, et trouver une fenêtre de rentabilité à moyen et
à long terme, ça prend des
compétences, ça prend des qualités et ça prend une préparation, définitivement,
importante de la part de nos jeunes.
La Présidente (Mme Léger) : M. le
député de Mégantic.
M.
Bolduc : Merci,
Mme la Présidente. Est-ce que
vous pouvez nous donner un peu le détail des marchés ou des segments
dans lesquels ces investissements-là se font? Est-ce qu'on parle ici de marchés
plus traditionnels, comme producteur de
lait, producteur de boeuf, de poulet, etc., ou si vous êtes dans des segments
innovants comme les petits fruits ou, je ne sais pas, moi... Il y a des
cultures potentielles dans le futur, là, on verra, mais comment vous développez
ces segments-là?
M. Lecomte (Paul) : Mme la
Présidente, à titre de boutade, oui, on a eu des demandes dans des secteurs
très novateurs nouvellement légalisés. Cependant, on ne s'y pas est investis.
Des voix : Ha, ha, ha!
M. Lecomte
(Paul) : Je vais vous
inviter à regarder... Nous avons déposé seulement notre allocution
ainsi qu'une page, un tableau
sommaire présentant l'état, la situation de notre portefeuille. On a essayé de regrouper
les secteurs de production le mieux
possible, mais, comme vous allez voir, actuellement on a travaillé dans tous types de production.
Et je vous les nommerais de façon très
simple, des animaux à fourrure qui ont pratiquement disparu au Québec
en passant par les grandes cultures,
les productions laitières et en revenant dans les paniers bios, qui sont en
émergence, je dirais, de façon un petit peu gratuite, et tous les coins du Québec. Donc, actuellement, je vous dirais, on ne parlera pas de
concentration. On amène un outil qui
est unique, qui est complémentaire aux marchés financiers actuels, et chaque
dossier est étudié au mérite, à la
pièce, sans esprit de concentration dans un coin ou non. C'est vraiment
l'aide aux jeunes qui est orientée, et c'est là qu'on espère distinguer
notre offre de façon évidente.
La Présidente (Mme Léger) : Une
minute, qu'il vous reste.
M.
Bolduc : Il me
reste...
La
Présidente (Mme Léger) : Une.
• (20 h 50) •
M.
Bolduc : Une
minute. Ah! bien, écoutez, une question que j'ai : Comment vous en arrivez à pouvoir
faire des évaluations que moi, je qualifierais d'objectives? Prenons
un marché que vous avez mentionné tout
à l'heure, des animaux à
fourrure, qui est un marché qui n'est pas extrêmement lucratif de ces temps-ci,
comment vous en arrivez à établir la profitabilité ou le potentiel de développement
d'une telle ferme? Ce n'est pas évident des fois, là.
M.
Lecomte (Paul) : Mme la Présidente, je dirais quasiment la question piège. Mais la question
fondamentale : On se doit de
s'entourer et d'aller chercher l'information partout où on peut la trouver. On se doit de
faire confiance à nos jeunes qui nous
présentent des projets. On leur demande toujours de s'être bien
préparés, formés et, comme je disais, d'avoir préparé un plan d'affaires qui se tient, de s'être informés aux bonnes
sources, d'avoir du concret dans leur projet de façon à le rendre crédible. Et nous, on va valider avec
les différentes sources qu'on est capable de trouver, et, je vous dirais,
on n'a pas de limitation trop, trop. On
fouille partout au Québec, on va sortir des frontières du Québec
pour trouver de l'information au besoin, il n'y a pas le choix. Et on
doit être honnêtes entre nous, on va discuter du dossier en conseil d'administration régulièrement de façon à
décortiquer le dossier, mais à focusser beaucoup sur les entrepreneurs et leur
niveau de préparation, et comment ils se
structurent, et comment on peut croire en leur chance de succès, comment ils
se sont préparés.
La
Présidente (Mme Léger) : Vous étiez bien partis, l'un et l'autre. Je
vous laissais aller, ça allait bien. M. le député de Berthier.
M.
Villeneuve : Merci, Mme la Présidente. Alors, bonsoir, messieurs.
Merci d'être là, surtout à cette heure qui commence... Bien, celle-là n'est pas bonne, heureusement, là, il est
moins tard que ça. Alors, j'imagine qu'on va voir à réparer l'horloge
d'ici peu de temps.
La
Présidente (Mme Léger) : On est très surpris parce qu'elle fonctionne
toujours. Ça fait qu'on ne sait pas ce qui s'est passé pendant notre
relâche scolaire, là.
M.
Villeneuve : Tantôt, on a reçu la fédération des jeunes,
justement, de la relève agricole, et ils nous disaient — puis je pense que tout le monde a été un peu surpris — il y a entre... quoi, c'est 80... c'est 900
et 1 000 jeunes... On aurait tendance à penser 90 ou 100 jeunes, mais non, c'est entre 900 et 1 000 jeunes
qui, à chaque année, sortent de l'école et qui ont le rêve et la passion de l'agriculture. Est-ce que vous
êtes confrontés à des choix difficiles au cours d'une année financière,
exemple?
Parce
que je regarde, vous avez accès à 75 millions, je crois, de fonds, c'est
ça. 25 millions, donc il y a trois parties. Et donc est-ce que vous êtes confrontés dans l'année à des choix
difficiles ou... Parce que vous ne pouvez pas, évidemment, là, tout investir vos fonds dans la même année,
alors est-ce que vous devez, à un moment donné, dire : Bien, écoute, le
projet est super beau, mais celui-là, on ne
pourra pas, parce que, cette année,
on a... Parce que, j'imagine, entre 900 et 1 000 jeunes
qui veulent percer, qui, effectivement, doivent travailler et démontrer leurs
compétences, démontrer la rentabilité de l'entreprise, ils ont un gros travail
à faire. C'est ce que je comprends de vos explications, là, ils doivent
démontrer vraiment, mais vraiment, là, de belle façon, là, leurs atouts qu'ils
ont pour se lancer en agriculture.
La Présidente (Mme
Léger) : M. Lecomte.
M.
Lecomte (Paul) : Mme la Présidente, je vous dirais, nous sommes un
fonds relativement jeune. Je le répète parce qu'à ce jour aucune
limitation en termes d'investissements, de restrictions financières ne nous a
limités à nous investir. On a redirigé beaucoup
de jeunes dans les réseaux de façon à peaufiner leurs dossiers, à les raffiner
pour augmenter leurs chances de
succès de façon à ce que ce qu'ils vont investir eux autres mêmes en temps, en
énergie et en argent dans leurs
projets soit bien investi, au même titre que ce qu'on pourrait apporter pour
les aider à réussir. À ce jour, je vous dirais, aucune restriction ne nous a limités ou n'est en voie de nous limiter à
court terme, d'après moi, à nous investir dans des projets qui nous
semblent aligner suffisamment de chances de succès et de réussite.
M.
Villeneuve : Donc, la mise de fonds dont vous disposez est
suffisante. Si le gouvernement décidait d'augmenter la mise de fonds, vous ne verriez pas
nécessairement d'avantage ou si vous pourriez, tout simplement, en ayant des
fonds supplémentaires, permettre justement, peut-être, d'ouvrir plus
largement les possibilités à la relève?
M.
Lecomte (Paul) : Mme la Présidente, l'initiative FIRA, comme telle,
est une initiative qui a changé un peu la culture québécoise au niveau de l'achat de terres et de la façon que la
propriété se passe avec les projets qu'on soutient. D'une part, je dirais, actuellement on fait
connaître l'option. À l'heure qu'on se parle, on entrevoit une croissance du
besoin. Est-ce qu'à moyen terme il y
aurait nécessité ou utilité à avoir plus de fonds à réinvestir? Je vous
dirais : J'anticipe une croissance
de la demande et une augmentation de notre participation, de notre contribution
au niveau des investissements sans
trop de difficulté. Jusqu'à quel niveau cela ira-t-il? Je me garderais une
petite réserve parce qu'on se doit d'évoluer en même temps que le marché
évolue.
Au niveau du
prêt subordonné, ça prend beaucoup plus d'interventions pour consommer beaucoup
de fonds à ce niveau-là. Et, soit dit
en passant, les trois quarts de nos interventions sont sous forme de prêts
subordonnés actuellement, donc on garde un équilibre au niveau des
outils, je dirais, par rapport aux montants qu'on investit. Au niveau du prêt subordonné, je crois que l'ensemble des fonds
qu'on dispose nous permet aussi de suffire pendant un grand bout de temps.
Maintenant, qu'est-ce que l'avenir
dira? Comment s'orientera... Et comment la réponse se fera dans les prochaines
années? Si la tendance se maintient, je
crois qu'il va falloir se rasseoir dans quelques années pour discuter comment
on peut avoir une intervention encore
plus large. Et, s'il y a des fonds disponibles, ça pourrait être une avenue
potentielle.
M.
Villeneuve : Vous dites dans la lettre que vous avez adressée à
la commission... vous dites, page 4, dernier paragraphe : «Le produit achat-location de terres gagne en
popularité auprès de la relève et des conseillers agricoles.» Pourquoi? Pourquoi il gagne en popularité, selon
vous? Et, en plus, ce que je comprends, c'est que les conseillers agricoles,
eux aussi, considèrent que c'est plus avantageux. C'est quoi, les raisons?
M.
Lecomte (Paul) : Mme la Présidente, lorsque FIRA a été lancé... On se
rappellera aussi tous les discours qu'on a eus aujourd'hui, toutes les interventions, je crois, ont été assez
claires. J'ai entendu une question quand même aussi assez précise :
Quand est-ce qu'on avait vu l'arrivée de nouveaux fonds? FIRA est venu au monde
en 2011 suite à certains événements, et à
peu près en même temps que d'autres fonds qui ont ressurgi. Et la perception
qui en a été faite largement, au niveau des fonds, a été relativement
négative. Et l'idée culturellement ancrée d'être propriétaire de nos immeubles lorsqu'on est producteur agricole est assez bien
ancrée, aussi bien auprès des producteurs que des conseillers. Avec la démonstration de ce qu'on a fait et de ce qu'on
peut faire, tranquillement les gens apprivoisent le concept et viennent forer
un petit peu plus à savoir jusqu'à quel point on pourrait intervenir.
Donc,
lorsqu'on voit les interventions... Et je pense à une intervention qu'on a
faite du côté de l'Abitibi, soit dit en passant, où deux jeunes bien préparés, formation agronomique, sont venus
nous voir pour pouvoir les aider à prendre pied et à stabiliser l'accès aux terres pour pouvoir poursuivre... pas seulement
démarrer, mais bien poursuivre leur activité bovine. Bien, on a investi dans un projet comme ça, et ces
idées, et ces modèles-là commencent à faire école tranquillement. Et ça
prend des exemples pour pouvoir montrer à tous qu'il y a peut-être des
avantages, et il faut trouver où est-ce qu'on retrouve nos avantages dans ces
outils-là. Les conseillers, les producteurs, tranquillement, apprennent à
connaître ces outils-là et apprivoisent le
fait que ça peut peut-être leur servir. Et, si ça peut leur servir, ils font
appel lorsque c'est nécessaire.
La Présidente (Mme
Léger) : M. le député de Berthier?
M. Villeneuve :
Non.
La Présidente (Mme
Léger) : M. le député de Bonaventure.
M.
Roy : Merci, Mme la Présidente. Bonsoir, messieurs. J'ai comme l'impression que
vous avez débuté prudemment et en
construisant une certaine expertise, en voyant le marché, en voyant la demande,
etc. Aujourd'hui, combien de demandes vous pouvez recevoir
annuellement?
M.
Lecomte (Paul) : Je vous
dirais, à l'heure qu'on se parle, Mme
la Présidente, à l'heure qu'on se
parle on doit recevoir des demandes
d'information... Je vais y aller par types parce qu'on s'apprivoise, et le marché nous apprivoise, on développe notre expertise graduellement. On
s'entend qu'on est venus s'investir dans un créneau de marché qui n'était
pas occupé. Donc, c'est une solution relativement unique, c'est un créneau qui
n'était pas occupé par les institutions financières.
On ne veut pas rentrer en compétition avec eux autres d'aucune façon, on veut
apporter des outils qui ne sont pas sur le marché ou qui ne sont pas
dans les réseaux conventionnels.
M. Roy :
...
M. Lecomte (Paul) :
Je m'excuse...
M. Roy :
Le nombre de demandes...
M. Lecomte
(Paul) : Donc, tranquillement, je dirais, on répond à des demandes de
l'ordre d'à peu près 200 à 250 demandes
d'information par année. En dossiers analysés, à peu près la moitié de ces
dossiers-là nous présentent des projets
relativement structurés. Et, de ce nombre-là, en général, je vous dirais, on
est à l'ordre de un sur 10 qui va faire l'objet d'une analyse avec
recommandation.
M.
Roy : Quels sont les principaux critères de refus? Quels sont
les... bon, je ne dirais pas les problématiques que vous voyez, mais qu'est-ce qui manque... Il doit y
avoir une récurrence de quelque chose que vous revoyez dans certains
dossiers qui manque pour que le dossier puisse cheminer ou que c'est très
éclectique et...
M. Lecomte (Paul) : Mme la
Présidente, c'est relativement éclaté, je vous dirais, mais, parmi les
principales raisons : préparation
insuffisante, c'est-à-dire évaluation de marché qui n'est pas au rendez-vous;
anticipation ou préparation au
concept de production, donc, incomplète. Beaucoup de dossiers demeurent
vivants, soit dit en passant, au niveau des projets parce que, souvent, on les dirige à raffiner le plan d'affaires
d'une façon à ce qu'il devienne acceptable. Et souvent ce qu'on apprend, c'est que, justement, dans ce
cheminement-là, il rentre dans les cordes du marché conventionnel, et beaucoup de projets qui ont apparu sur notre table
ont été financés ultimement par le marché conventionnel. Donc, notre solution, relativement unique, est assez nichée.
Et ultimement, lorsque les projets deviennent plus accessibles au marché
conventionnel, ils se redirigent vers ce marché-là, et qui peut les servir
adéquatement.
M.
Roy : Très bien. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme
Léger) : Mme la députée de Mirabel.
Mme
D'Amours : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bonsoir, messieurs. La
préparation des dossiers, vous dirigez vos jeunes où quand le plan
d'affaires n'est pas complet?
M.
Lecomte (Paul) : Les réseaux agricoles sont relativement bien
structurés au Québec. Comme je vous parlais tantôt, les différents partenaires que nous avons, les conseillers en
relève du MAPAQ, les conseillers financiers du réseau de La Financière agricole et les groupes-conseils,
ainsi que plusieurs conseillers indépendants offrent de bons services
sur le marché québécois et, souvent, sont capables de les accompagner.
J'ai
négligé, dans certaines régions — excusez, j'ai peut-être passé un peu
vite — les
centres locaux de développement, les
CLD, ainsi que les SADC offrent aussi des services complémentaires où ils
permettent d'aider les jeunes à parfaire leurs plans d'affaires et à se
structurer.
Donc,
le réseau québécois est assez bien pourvu en experts au niveau de la préparation
des plans d'affaires, en experts en
gestion, et, après ça, on peut rajouter tous les conseillers techniques, les
experts techniques qu'il va y avoir dans les différentes organisations
gouvernementales et non gouvernementales.
• (21 heures) •
Mme
D'Amours : Tout à l'heure, vous avez dit que, bon, votre organisme a
quatre ans d'existence, que vous avez probablement,
là, si j'ai bien compris, des grilles, des balises, vous demandez un potentiel,
bon, pour les jeunes. Est-ce que vos
fonds peuvent servir... Parce que tout à l'heure, dans un autre groupe, ça a
été avancé, ça, qu'il y avait des investisseurs auxquels on parle aujourd'hui qui disent... qui accaparent les terres. Il y avait un regroupement qui
disait qu'ils auraient aimé que ces compagnies-là
investissent dans des terres où il y avait un rendement dans cinq ans, dans
sept ans. On avait donné comme
exemple la pomiculture ou les vignes. Est-ce que vos fonds, c'est des fonds qui
sont patients? Est-ce qu'un jeune qui arrive chez vous qui a une idée
d'un verger ou d'un vignoble, est-ce que vos fonds vont appuyer cette...
La Présidente (Mme
Léger) : M. Lecomte.
M.
Lecomte (Paul) : Merci. Je
vous dirais, le prêt subordonné a été créé dans cette perspective-là expressément. Le moratoire des trois premières années... Et, comme je disais tantôt,
on s'est donné une latitude au niveau du travail, mais le moratoire des
trois premières années a été créé de façon à standardiser le modèle pour le
rendre le plus fonctionnel possible aux besoins
agricoles, à ceux qui ont besoin de s'investir. Donc, le trois ans de moratoire
permet à la plupart des projets qu'on supporte dans ce cadre-là de
structurer leur fonds de roulement ou d'attendre les premiers revenus.
À
titre d'exemple, on a investi avec des jeunes dans la camerise, investissement
fruitier où les plants prennent trois,
quatre, cinq ans avant d'atteindre une certaine forme de maturité. Les
premières récoltes peuvent commencer autour de la troisième année, un peu comme dans le bleuet ou la canneberge.
Donc, pendant les trois premières années, ils n'ont pas besoin de faire de remboursement d'aucune
façon. Donc, ce capital-là est une forme de capital patient qui les attend
pendant cette période-là pour leur donner,
justement, le temps de recevoir les premiers revenus. Ce trois ans de moratoire
là peut aussi servir, dans le cadre
des producteurs qui démarrent dans le boeuf, à réussir à engraisser leurs
premiers veaux. Avoir et engraisser
leurs premiers veaux, avant la vente, peut prendre 24, 36 mois. Donc, cet
outil-là a été conçu dans cette perspective-là, ce qui est un peu
différent de l'achat-location.
Mme
D'Amours : Mais, quand on parle, moi, je... spécifiquement quand on
parle de pommier qui prend cinq ans, puis
qu'on n'a pas une grande récolte, quand on parle des vignes qui ont quatre ans,
mais qui n'ont presque pas de récolte et
qui... ça prend un an avant de faire des produits, de la transformation, est-ce
que vos fonds sont aptes à... Est-ce qu'il y a une ouverture à ces productions-là, un jeune qui veut s'établir, qui
a étudié puis qui veut s'en aller dans la pomiculture, mais qui ne veut pas aller acheter un verger qui
est déjà établi, qui veut s'en aller dans une région où le dynamisme est un
peu laisser-aller, et que, là, ils veulent
redynamiser leur région, puis qu'il voudrait arriver avec une nouvelle
production?
M.
Lecomte (Paul) : J'ai hésité un petit peu dans ma réponse et je m'en
excuse. La réponse, quand je disais : On a la capacité d'adapter nos
outils, et le prêt subordonné est le modèle standard, de base, bien, à la
rigueur, un projet qui nous serait
présenté dans un tel cadre pourrait faire l'objet d'une recommandation de façon
à bien accompagner les jeunes pour
réussir à partir et atteindre les premiers revenus avant d'avoir à affronter
les obligations du remboursement. On a une ouverture à faire une grande souplesse pour réussir à s'adapter à
l'ensemble des productions, définitivement, oui. Là, je m'excuse, je me
suis adressé à vous, mais...
La Présidente (Mme
Léger) : Vous faites bien ça.
M. Lecomte
(Paul) : À cette heure-là, c'est correct?
La Présidente (Mme
Léger) : C'est très bien, on finit bien la journée.
M. Lecomte
(Paul) : Merci.
La Présidente (Mme Léger) : Mme la
députée de Mirabel.
Mme
D'Amours : Merci, Mme la Présidente. Quand vous parlez de
40 démarrages, qu'il y a 11 acquisitions sur les
40 démarrages, si je comprends bien, il y en a 29 qui sont en location?
M. Lecomte (Paul) : Il y en a 29 qui
sont en prêt subordonné.
Mme D'Amours : En prêt subordonné.
M. Lecomte
(Paul) : C'est ça. Les 11 acquisitions sont des locations. Donc,
c'est des locations avec option, on espère, de pouvoir nous racheter
dans un horizon certain.
Mme
D'Amours : Est-ce que vous pensez, avec ceux qui sont en location,
qui, dans, je dirais, cinq ans, probablement dix ans, vous n'arrivez pas
à vous entendre... Est-ce qu'il y a un organisme ou un comité à part qui va
être un peu le médiateur entre vous, les investisseurs, là, et les locataires...
les locateurs?
La Présidente (Mme Léger) :
M. Lecomte.
M. Lecomte
(Paul) : Merci. Je vais apporter la précision parce que j'ai écourté
un peu ma présentation tantôt, et je
m'en excuse, j'aurais dû accélérer un petit peu plus. À l'intérieur des baux
qu'on offre à nos jeunes, on offre un bail d'une durée de 15 ans qui est assez hors du commun. On offre une
première option d'achat, on offre l'encadrement de dire dans quel contexte on est capable de revendre
l'immeuble à ces jeunes locataires là en priorité sans accepter d'aucune
façon des offres de n'importe quel côté,
donc ne pas embarquer dans aucun
surenchérissement. Et aussi on prévoit un mécanisme d'arbitrage. Au cas où le prix déterminé par l'évaluateur
agréé ne serait pas adéquat ou serait discutable aux yeux du locataire, un processus d'arbitrage est
prévu au contrat de bail dès le départ. Et, je le précise simplement, chacune des parties nommera
un arbitre, et les deux arbitres en nommeront un troisième, et le processus
d'arbitrage supporté par le FIRA
déterminera l'issue de la transaction. Donc, on a prévu, au niveau du contrat du bail, initialement,
notre... 15 secondes.
La Présidente (Mme Léger) : Oui,
d'accord.
M. Lecomte
(Paul) : Notre perspective était d'offrir ce que le marché n'offrait
pas, c'est-à-dire un bail relativement novateur, structurant, encadrant
pour la relève qui voulait faire affaire avec nous et, on l'espère, à cette
image.
La Présidente (Mme Léger) : Est-ce
que, M. Blanchet, vous voulez dire un petit mot de conclusion?
M. Blanchet (Guy) : Ah! tout
simplement vous dire que moi, je suis au FIRA — je ne suis dans aucune des trois organisations, je suis là comme président
objectif et neutre le plus possible — et que je trouve que c'est une organisation
qui a sa place aujourd'hui et dans le futur.
J'ai été, moi, au ministère de l'Agriculture, j'ai eu, effectivement, à
travailler avec la relève agricole,
puis il y a des jeunes là-dedans, là, tu sais, qui ont besoin d'un petit coup
de main au bon moment, puis la bonne
démarche, l'encadrement puis les moyens financiers, ça fait partie... c'est des
entreprises d'affaires. Donc, le FIRA est en mesure de répondre à un
certain nombre de jeunes qui, autrement, ne trouveront pas sur le marché l'aide
financière dont ils auraient besoin. C'est
pour ça que moi, je suis embarqué là avec beaucoup de goût puis beaucoup
d'appétit.
La
Présidente (Mme Léger) : Vous avez le mot de la fin, M. Blanchet.
Alors, M. Blanchet, M. Lecomte, du Fonds d'investissement pour la relève agricole, merci
beaucoup. Restez là, s'il vous plaît, parce que je veux quand même terminer
les travaux correctement.
D'abord, je
remercie tous les participants aux auditions publiques, aujourd'hui, qui sont
venus exposer leur vision et leurs
commentaires tout le long de la journée. Nous allons recevoir aussi demain la
Fédération de l'UPA de l'Abitibi-Témiscamingue,
du Bas-Saint-Laurent, du Saguenay—Lac-Saint-Jean. Nous allons recevoir la Financière
agricole du Québec, la Commission de
protection du territoire agricole du Québec, le Pangea, Union paysanne, les
Partenaires agricoles, la Coalition
pour la souveraineté alimentaire et, de l'Université de Montréal, M. Meloche,
Jean-Philippe Meloche, qui seront au rendez-vous demain.
Merci à la
population qui nous a écoutés... d'abord, qui était ici aujourd'hui. Plusieurs
étaient ici, on a eu beaucoup de gens
qui sont venus en commission, merci d'avoir été là, de suivre nos travaux, ceux
qui sont à la maison, qui suivent nos
travaux en direct depuis ce matin... ce midi, dans le fond, cet après-midi,
lorsqu'on a commencé. Merci à vous, chers députés, chers membres de la
commission parlementaire.
Alors, je
lève la séance, à ce moment-ci, de la commission, et on ajourne nos travaux
sine die... non, à demain, pas vrai, demain. On se voit demain matin, à
10 heures.
(Fin de la séance à 21 h 8)