To use the Calendar, Javascript must be activated in your browser.
For more information

Home > Parliamentary Proceedings > Committee Proceedings > Journal des débats (Hansard) of the Committee on Agriculture, Fisheries, Energy and Natural Resources

Advanced search in the Parliamentary Proceedings section

Start date must precede end date.

Skip Navigation LinksJournal des débats (Hansard) of the Committee on Agriculture, Fisheries, Energy and Natural Resources

Version finale

41st Legislature, 1st Session
(May 20, 2014 au August 23, 2018)

Monday, March 16, 2015 - Vol. 44 N° 28

Self-initiated order – Analysis of the farmland grabbing phenomenon


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Remarques préliminaires

M. Ghislain Bolduc

M. André Villeneuve

Mme Sylvie D'Amours

Auditions

Fédération québécoise des municipalités (FQM)

Union des producteurs agricoles (UPA)

Conseil des entrepreneurs agricoles (CEA)

Fédération de la relève agricole du Québec (FRAQ)

Municipalité régionale de comté de Lac‑Saint‑Jean‑Est (MRC de Lac-Saint-Jean-Est) et
municipalité régionale de comté de Kamouraska (MRC de Kamouraska)

Institut de recherche en économie contemporaine (IREC)

Fonds d'investissement pour la relève agricole (FIRA)

Autres intervenants

Mme Nicole Léger, présidente

M. Robert Dutil

M. Pierre Giguère

M. Sylvain Roy

M. Sébastien Schneeberger

M. Guy Hardy

M. Guy Bourgeois

*          M. Richard Lehoux, FQM

*          M. Marcel Groleau, UPA

*          M. Charles-Félix Ross, idem

*          M. Jacques Cartier, CEA

*          M. Gilles Brouillard, idem

*          M. Michel Saint-Pierre, idem

*          M. Pascal Hudon, FRAQ

*          M. Marc Lebel-Racine, idem

*          M. André Paradis, MRC de Lac-Saint-Jean-Est

*          M. Sabin Larouche, idem

*          M. Yvon Soucy, MRC de Kamouraska

*          M. Gervais Darisse, idem

*          M. Rosaire Ouellet, idem

*          M. Robert Laplante, IREC

*          M. François L'Italien, idem

*          M. Paul Lecomte, FIRA

*          M. Guy Blanchet, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Quatorze heures)

La Présidente (Mme Léger) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de l'agriculture, des pêcheries, de l'énergie et des ressources naturelles ouverte et je demande donc à toutes les personnes dans la salle de bien éteindre la sonnerie de votre téléphone cellulaire, s'il vous plaît.

Et aussi de vous dire que les travaux sont diffusés actuellement en direct. Alors, parfois, nous sommes diffusés un peu plus tard dans la soirée, dépendant... mais une des salles de commission est toujours en direct. Alors, c'est nous, aujourd'hui, qui avons cet honneur d'être en direct aujourd'hui, et nous avons beaucoup de monde. Bienvenue à vous tous. Alors, on dit : Le Parlement est la maison du peuple. Alors, nous sommes bien contents de vous voir en si grand nombre aujourd'hui pour l'ouverture de notre séance. Espérons que vous allez la poursuivre. Parce qu'on est deux jours de temps, aujourd'hui et demain, en séance pour le dossier de l'accaparement des terres agricoles, donc l'analyse du phénomène de l'accaparement des terres agricoles.

On se réunit aujourd'hui parce que nous avons des consultations particulières et des audiences publiques dans le cadre d'un mandat d'initiative. Je vous rappelle qu'un mandat d'initiative, c'est à la demande d'un député, au départ, qui fait partie de la Commission de l'agriculture, pêcheries, énergie et ressources naturelles, donc la CAPERN, et les députés et les formations politiques doivent donner tous leur consentement pour qu'on puisse avoir un mandat d'initiative. Un mandat d'initiative nous permet, dans le fond, d'étudier une question que nous considérons importante au Québec. À moins que vous dites au bout de piste, que ce n'est pas important, mais nous, on considère que c'est assez important pour l'étudier.

Alors, on va entendre beaucoup de gens qui vont venir à la commission, ici, pour les prochains jours. Je pense, aujourd'hui, nous allons recevoir la Fédération québécoise des municipalités, qui sont déjà devant nous, l'Union des producteurs agricoles, le Conseil des entrepreneurs agricoles, la Fédération de la relève agricole du Québec, la MRC de Kamouraska et la MRC du Lac-Saint-Jean-Est. Et, ensuite, nous allons recevoir l'Institut de recherche et d'économie contemporaine, et on va finir la soirée avec le Fonds d'investissement pour la relève agricole. On va ajourner nos travaux en fin de soirée, vers 21 heures, et nous reprenons demain matin jusqu'à demain soir aussi pour la suite des travaux, pour ces deux journées-là.

Les gens ont eu la possibilité d'avoir ce qu'on appelle un document de consultation, qui est tout... Vous avez tout en ligne, vous êtes capables de suivre nos travaux en ligne présentement, puis avoir les documents en ligne. Puis des gens ont pu déposer des mémoires aussi en ligne, et beaucoup d'entre vous, des gens nous ont demandé d'assister à nos travaux ou avoir des informations sur nos travaux.

Avant de poursuivre et... de commencer, dans le fond, y a-t-il des remplacements, M. le secrétaire?

Le Secrétaire : Oui, Mme la secrétaire. M. Chevarie (Îles-de-la-Madeleine) est remplacé par M. Bolduc (Mégantic).

Remarques préliminaires

La Présidente (Mme Léger) : Merci. Alors, nous avons des temps de remarques préliminaires. On s'est donné quelques... Dans les formations politiques, les gens peuvent faire des remarques préliminaires. Je vous rappelle, pour le parti du gouvernement, le Parti libéral du Québec, vous avez six minutes pour des remarques préliminaires; l'opposition officielle, par le Parti québécois, 3 min 30 s; et le deuxième groupe d'opposition, la CAQ, 2 min 30 s pour faire vos remarques préliminaires.

Alors, je laisse la parole à monsieur de Saint-François. Non? De Beauce-Sud.

M. Bolduc : Mégantic, s'il vous plaît.

La Présidente (Mme Léger) : Oui, Mégantic. Bien oui, M. Bolduc. Allez-y.

M. Ghislain Bolduc

M. Bolduc : Merci, Mme la Présidente. Bonjour. Je voudrais, tout d'abord, saluer mes collègues du gouvernement, les collègues de la première opposition, les collègues de la deuxième opposition. Je vous salue, Mme la Présidente, ça me fait plaisir de vous rencontrer ici aujourd'hui. Et je salue tous les invités qui sont venus ici, très intéressés par l'accaparement des terres agricoles.

Si on regarde un peu l'ensemble des communiqués ou des mémoires qui nous ont été envoyés, une des remarques fondamentales que l'on voit le plus souvent, c'est de recommander au gouvernement d'avoir une façon de mesurer les transactions des terres agricoles pour, au moins, mesurer et évaluer ce qui se passe vraiment au Québec. Donc, ça, c'est quelque chose qui semble revenir assez fréquemment. Nous verrons dans le temps comment les recommandations individuelles se développent.

Et il y a aussi plusieurs gens qui nous recommandent de resserrer les achats, des transactions. Il y en a d'autres aussi qui nous recommandent de regarder à limiter les superficies agricoles. Avec les changements auxquels on fait face aujourd'hui, c'est quelque chose qu'il va être intéressant de poser des questions dans l'effet de voir l'importance que ces choses-là peuvent avoir.

Quand on considère l'ensemble des régions du Québec, il est très important de réaliser qu'il y a déjà des variabilités très, très significatives au Québec. Si je regarde l'Abitibi-Témiscamingue, qui a une valeur moyenne de 1 237 $ par hectare, l'Outaouais, 4 108 $, Lanaudière, 16 464 $, les Laurentides, 11 000 $, la Montérégie Est et Ouest, autour de 18 000 $, 19 000 $ de l'hectare, et le Centre-du-Québec, à 8 000 $, Chaudière-Appalaches, à 8 700 $, ensuite le Bas-Saint-Laurent, à 2 700 $, et l'Estrie, à 3 699 $, donc on voit déjà, de prime abord, une variabilité relativement significative sur la valeur des terres, naturellement, les plus élevées étant centrées autour de la vallée du Saint-Laurent, où, là, il y a de plus en plus d'intérêt, j'oserais dire. Mais il y a quand même des choses très intéressantes. Si on compare avec Chaudière-Appalaches, l'Estrie et le Centre-du-Québec, où le Centre-du-Québec et Chaudière-Appalaches ont une valeur plus du double de celle de l'Estrie, donc il y a définitivement des phénomènes ici qu'il va être peut-être intéressant de comprendre.

Une autre chose, pour moi, qui va être relativement intéressante... Parce qu'on parle d'accaparement de terres agricoles, mais il y a aussi de la forêt, O.K., des forêts qui sont exploitées ou non. Il y a aussi l'acériculture, qui, dans le Sud du Québec, a un impact très, très significatif sur la valeur des terres parce qu'on sait très bien aujourd'hui qu'une érablière a une valeur fondamentale — dans ma région, en tout cas — de l'ordre de 15 000 $ à 17 000 $ de l'hectare. Donc, quand on a une moyenne de 3 699 $ l'hectare, là, il y a définitivement des variabilités, encore là, qui sont très, très larges.

Une autre chose qui est intéressante à considérer à l'intérieur de ces enjeux-là, c'est que, pour une ferme laitière, si vous regardez la valeur de la ferme, le quota est généralement 50 % de la valeur totale d'une ferme d'opération, et la machinerie, un 25 %, 30 %, et les terres, le restant de la somme. Donc, ça aussi, je pense que c'est une question qu'il va falloir regarder avec attention parce que, si on veut faire du transfert intergénérationnel, le problème n'est pas nécessairement l'acquisition des terres, mais comme l'acquisition du quota de lait, entre autres, et des autres biens par la suite. Donc, il y a toutes sortes de considérations à l'intérieur de ce mandat-là qu'il va falloir porter des attentions pour s'assurer qu'on aura des recommandations que je qualifierais de légitimes et représentatives de ce que l'on va entendre et observer à travers ce mandat d'initiative.

Maintenant, on nous dit aussi que l'agriculture au Québec est centrée sur les fermes familiales. Ce constat-là, peut-être qu'il va falloir aussi l'approfondir parce que est-ce que c'est vraiment ça? Jusqu'où on va aller aujourd'hui? Parce que ce qu'on constate de plus en plus, c'est qu'il y a plus d'un agriculteur par ferme laitière. La superficie agricole, le nombre de vaches s'agrandit parce que ça permet généralement aux producteurs d'améliorer leur qualité de vie et de partager, si on veut, un risque qui est en train de devenir relativement grand quand on considère les investissements que les producteurs sont obligés de faire pour acquérir leurs biens.

La Présidente (Mme Léger) : ...monsieur...

• (14 h 10) •

M. Bolduc : Merci. En conclusion, je vais aussi vous mentionner que, par exemple, je prends le comté de Mégantic, où, dans les derniers 30 ans, 30 % de la superficie agricole du comté a été laissée soit en plantations ou en terres de friche. Je ne connais pas l'effet directement que ça a sur la valeur des terres agricoles. Ce n'est peut-être pas un hasard que ce soit aussi la région qui a un bas prix, on verra. Donc, je suis intéressé à écouter tout le monde.

La Présidente (Mme Léger) : Merci, M. le député de Mégantic. Alors, je passe la parole à l'opposition officielle. M. le député de Berthier, pour sept minutes...

M. Villeneuve : 3 min 30 s.

La Présidente (Mme Léger) : ...non, 10 min 30 s. 10 min 30 s.

M. Villeneuve : 3 min 30 s.

La Présidente (Mme Léger) : Trois. Excusez-moi, trois minutes. Excusez-moi, on n'est même pas dans...

M. André Villeneuve

M. Villeneuve : 3 min 30 s. Merci. Merci, Mme la Présidente. Et je tiens à vous saluer et saluer aussi tout le personnel qui vous accompagne et qui, assurément, va mener à bien cette commission. Je veux saluer, évidemment, mon collègue ici présent, à ma gauche, saluer notre redoutable recherchiste à ma droite et saluer l'ensemble des parlementaires qui sont ici présents à cette commission. Et, évidemment, je veux vous saluer tous et toutes dans la salle. Bienvenue chez vous. Bienvenue chez vous. Bienvenue au Parlement.

L'agriculture au coeur de nos vies. L'agriculture joue un rôle fondamental, vital pour les sociétés. La souveraineté alimentaire est à la société ce que la cellule est à la vie. Cependant, produire en quantité suffisante pour répondre aux besoins de notre monde est une chose, mais produire en quantité, et en qualité, et en diversité en est une autre. Il n'y a pas si longtemps, ce que l'on retrouvait dans nos assiettes était composé à plus de 70 % de produits d'ici, de chez nous. Aujourd'hui, c'est à peine un peu plus de 30 %. Pourtant, nos produits sont de très grande qualité, en particulier grâce aux restrictions d'utilisation de produits chimiques et autres substances du même acabit. Évidemment, on comprendra tous que rien n'est parfait, il y a encore des améliorations à apporter à nos pratiques agricoles, et nous les apporterons, j'en suis persuadé.

D'ailleurs, par comparaison avec certains produits provenant d'autres pays, on peut dire que les productions de nos agriculteurs d'ici sont de qualité nettement supérieure. Cette qualité et cette diversité sont liées au modèle d'agriculture québécois, qui repose sur la ferme familiale et l'agriculteur propriétaire. Bien évidemment, ce modèle n'est pas sclérosé, et il évolue, et il évoluera inexorablement, tout comme la société, aussi bien dans le contexte québécois que mondial, et nul ne pourra y échapper. Une question... Pardon, nul ne pourra y échapper. Excusez-moi. Bon.

Une question, Mme la Présidente, qui, à mon avis, mérite d'être posée aujourd'hui : Devons-nous prendre des mesures pour contrer les impacts négatifs des achats ou de la location de terres à grande échelle? Maintenant, comprenons-nous bien, je ne suis pas en train de dire que nous vivons présentement une situation catastrophique. Ce que j'affirme, c'est qu'il ne faut pas attendre que la catastrophe arrive et que nous avons, comme société, comme État, le devoir de poser des gestes préventifs qui nous permettront d'élaborer une stratégie prospective. Pour ce faire, il nous faut, dès à présent, nous doter d'outils nous permettant de mesurer, d'analyser et d'encadrer une situation qui est en pleine évolution. Le rôle premier de l'État est d'assurer que l'ensemble des acteurs aient en main toutes les données nécessaires pour être en mesure de proposer et, ultimement, de mettre en place un modèle qui correspond aux attentes et aux aspirations, bien sûr, du monde agricole, mais aussi de toute la population du Québec.

En espérant que cette commission parlementaire permettra de bien analyser les différents rouages du phénomène qui interpelle les élus que nous sommes ainsi que le monde agricole et toute la société, laissons maintenant la parole, Mme la Présidente, aux représentants des différents groupes que la commission a invités. Assurément, leur participation nous amènera à mieux comprendre le phénomène de l'accaparement des terres et à envisager les moyens nécessaires à l'État québécois pour jouer son rôle afin que le monde agricole puisse prospérer comme il en est capable et réponde aux besoins de la population d'aujourd'hui et de demain. Façonnons notre avenir à l'image de ce que nous sommes. Merci, et bonne commission à tous.

La Présidente (Mme Léger) : Merci, M. le député de Berthier. Je cède la parole maintenant au deuxième groupe d'opposition. Mme la députée de Mirabel.

Mme Sylvie D'Amours

Mme D'Amours : Merci. À mon tour de vous saluer, Mme la Présidente, de saluer mes collègues du gouvernement et du groupe d'opposition, ainsi que tous les invités qui sont ici aujourd'hui, et mon collègue ici, juste à côté de moi.

Donc, notre formation politique est très heureuse du mandat d'initiative parce que les terres agricoles, au Québec, c'est des ressources qui sont non renouvelables, c'est le garde-manger des Québécois. Alors, le mandat d'initiative va nous donner un portrait réel de la situation au Québec — je l'espère — de nos terres agricoles.

Alors, j'espère, et je souhaite, et je suis convaincue que, tout le monde, on sera en mode d'écoute, en mode d'ouverture, en mode de solution pour arriver à un consensus. Je pense pertinemment que le mandat d'initiative de l'accaparement des terres, qui est un gros mot... L'accaparement des terres, est-ce qu'on le vit vraiment? Est-ce qu'on est mieux d'être en mode de prévention au lieu d'être en mode solution? Donc, après nos deux journées en commission, on pourra commencer à travailler avec toutes les informations que les partenaires vont nous avoir données. Alors, je nous souhaite et je vous souhaite une bonne consultation. Merci.

Auditions

La Présidente (Mme Léger) : Merci, Mme la députée de Mirabel. Alors, maintenant, je vais donner un petit peu des consignes pour la suite des choses. Les groupes qui viennent devant nous, à moins qu'il y ait des groupes qui sont jumelés, là... mais, en général, c'est 45 minutes, dont 10 minutes pour l'exposé du groupe, de l'organisation qui est devant nous. Et après on a 35 minutes d'échange avec les membres de la commission réparties évidemment, je rappelle : 17 min 30 s pour le gouvernement, 10 min 30 s pour le groupe d'opposition officielle et sept minutes pour le deuxième groupe d'opposition.

Et nous commençons avec — je vais vous souhaiter la bienvenue — la Fédération québécoise des municipalités, la FQM. Nous avons des gens qui sont devant nous, et, si vous voulez nous les présenter... Je pense, c'est M. Lehoux. M. le président, M. Lehoux...

M. Lehoux (Richard) : Oui, bonjour.

La Présidente (Mme Léger) : ...alors, bienvenue. Vous avez 10 minutes de présentation, mais juste nous indiquer qui est avec vous et...

Fédération québécoise des municipalités (FQM)

M. Lehoux (Richard) : Alors, oui, merci. Bonjour, Mme la Présidente, aussi mesdames messieurs, membres de la Commission de l'agriculture, des pêcheries, de l'énergie et des ressources naturelles. Effectivement, m'accompagnent ici, à ma gauche, M. Michel Gagnon, directeur des politiques à la fédération, et M. Farid Harouni, qui est conseiller politique spécifiquement aux dossiers agricoles et ressources naturelles.

Alors, la Fédération québécoise des municipalités remercie la commission de lui permettre de présenter ses commentaires dans le cadre des consultations particulières et auditions publiques sur le mandat d'initiative portant sur l'accaparement des terres agricoles.

Le phénomène de l'accaparement des terres est devenu, au cours des dernières années, un enjeu majeur pour les sociétés préoccupées par leur souveraineté alimentaire et la prospérité de leur agriculture. Les rumeurs d'achat de terres par des étrangers ou par des groupes d'acheteurs qui ne pratiquent pas l'agriculture, notamment au Saguenay—Lac-Saint-Jean et au Bas-Saint-Laurent, ont soulevé plusieurs inquiétudes parmi les acteurs du milieu agricole, mais aussi du milieu municipal.

Nous ne le rappellerons jamais assez, l'agriculture est un des moteurs économiques essentiels à la survie de nombreuses municipalités. En plus de nourrir la population du Québec et d'ailleurs, elle lui a permis d'occuper les territoires ruraux aux quatre coins de la province et a favorisé le développement de plusieurs régions. L'agriculture doit jouer un rôle complet dans la structuration de l'économie locale et régionale. Elle n'est pas seulement pourvoyeuse d'emplois et distributrice de retombées, elle est étroitement liée à l'identité des milieux et elle génère son développement. Son potentiel doit servir à l'élargissement des divers moyens pour créer de la richesse et assurer la prospérité des communautés rurales.

Dans le mémoire que la Fédération québécoise des municipalités a fait parvenir à la commission, nous formulons trois principales recommandations sur la question de l'accaparement des terres agricoles.

La FQM recommande au gouvernement du Québec de confier à un organisme le mandat de faire enquête afin d'obtenir les données réelles des différentes transactions des propriétés vendues afin de quantifier le phénomène de l'accaparement des terres et d'en assurer une analyse appropriée. Nous partageons ainsi le constat du Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations, le CIRANO, qui indique, dans son document Acquisition des terres agricoles par des non-agriculteursAmpleur, causes et portée du phénomène au Québec, publié en 2013, que les données numériques ne permettent pas de mesurer directement le phénomène d'acquisition ou de possession des terres agricoles au Québec par des non-agriculteurs et que les investisseurs non agriculteurs ne détiennent qu'une infime partie des terres agricoles, soit moins de 14 %. Tout comme le CIRANO, nous croyons que l'enjeu immédiat n'est pas nécessairement celui de légiférer sur la question, mais bien de collecter davantage d'information sur le phénomène et d'en assurer une analyse appropriée.

Une deuxième qui serait en conséquence, la Fédération québécoise des municipalités recommande au gouvernement du Québec de resserrer les règles d'acquisition des terres agricoles pour les investisseurs non exploitants pour une période limitée afin de laisser le temps à l'organisme mandaté par le gouvernement de collecter davantage d'information sur ce phénomène.

• (14 h 20) •

Finalement, notre troisième recommandation serait que... l'on recommande au gouvernement du Québec d'adopter le plan d'action qui va permettre la mise en oeuvre des plans de développement de la zone et des activités agricoles, les fameux PDZA. Pour la FQM, les plans de développement de la zone agricole doivent être des outils de planification territoriale complémentaires aux autres démarches de planification qui visent à favoriser l'exploitation du plein potentiel agricole d'une MRC en se basant sur l'inventaire des possibilités de développement agricole et sur la concertation.

L'élaboration des plans de développement de la zone agricole, dans une approche de planification globale du territoire, a de nombreux avantages, car elle situe la zone agricole dans la dynamique d'ensemble du territoire rural et permet aux élus locaux d'entrevoir une vision multifonctionnelle du territoire tout en encourageant la participation citoyenne aux enjeux de développement. De plus, la concertation liée à l'élaboration des PDZA incite une plus grande communication entre les acteurs et, conséquemment, est susceptible d'éviter des conflits.

Présentement, plusieurs MRC ont complété leur PDZA. Ces plans adressent différentes problématiques régionales de développement de l'agriculture et, surtout, proposent des moyens ou des pistes d'action pour favoriser le développement. Ainsi, les investissements privés encadrés touchant notamment la mise en valeur des terres agricoles, la relève agricole, la transformation agroalimentaire pourraient être bénéfiques au maintien de la vitalité des communautés rurales. De l'avis de la FQM, la priorité est donc de s'assurer que ces investissements garantissent : premièrement, l'usage agricole de la terre, sa mise en valeur ou son exploitation dans une perspective de développement de l'agriculture dans une région; deuxièmement, l'implantation d'entreprises de deuxième et troisième transformation alimentaire et de produits locaux et régionaux visant la création d'emplois et de richesse.

Considérant que ces plans de développement de la zone agricole réalisés à l'échelle d'une MRC répertorient des pistes d'action possibles, adaptées à chacune des réalités observées pour protéger les territoires agricoles, aménager le territoire et permettre le développement des communautés rurales, il apparaît donc opportun pour la FQM que le gouvernement du Québec adopte un plan d'action qui va permettre une mise en oeuvre de ces plans.

En conclusion, la fédération espère que ces commentaires sauront enrichir les travaux en cours et, plus particulièrement, en assurer la pérennité des communautés locales. Cette consultation publique est, nous le réitérons, judicieuse, notamment dans le contexte de modernisation de l'État prôné par le gouvernement du Québec et, surtout, dans sa volonté d'une décentralisation vers les régions et les municipalités. Ce sont des préoccupations importantes pour la vitalité des communautés, et la FQM assure les membres de la commission et le gouvernement du Québec de toute sa collaboration en ce sens. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Léger) : Merci, M. Lehoux. Alors, on va commencer l'échange. Alors, du côté du gouvernement, vous avez une période de 17 min 30 s pour faire l'échange avec la Fédération québécoise des municipalités. Alors, M. le député de Mégantic.

M. Bolduc : Merci, Mme la Présidente. Bonjour encore une fois. Ça me fait plaisir de vous écouter aujourd'hui sur un nouveau sujet. Comme on vous rencontre presque régulièrement en commission, donc il est bien agréable d'entendre la FQM, qui nous parle de toutes sortes de sujets et qui a des compétences très larges. Moi, ce que j'aimerais savoir de vous, M. Lehoux, c'est : Est-ce que, dans votre évaluation sur l'acquisition des terres... est-ce qu'il y a des municipalités ou des régions qui vous semblent plus problématiques que d'autres? Je vous ai parlé de prix tout à l'heure, là, mais est-ce que vous avez une perception à travers ce que vous entendez de vos municipalités au Québec?

La Présidente (Mme Léger) : Alors, M. Lehoux, je vous amène à toujours vous diriger vers la présidence, s'il vous plaît.

M. Lehoux (Richard) : Merci, Mme la Présidente. À cette question, c'est sûr qu'on n'a peut-être pas l'information, là, totale que l'on voudrait avoir, et ça fait partie, en fin de compte... et c'est la raison pour laquelle une de nos recommandations, c'est de nommer une instance, là, qui pourrait faire, en fin de compte, là, ce répertoire-là. Mais il faut comprendre qu'il y a quelques années... puis on ne recule pas si lointain que ça pour penser que, dans la région du Lac-Saint-Jean, il y a déjà eu, puis on remonte aux années 2010, puis peut-être un petit peu avant aussi... commencé, en fin de compte, à avoir de l'acquisition de terres par des non-agriculteurs, mais aussi on en a vu apparaître, là, dans les dernières années du côté du Bas-Saint-Laurent. Et ce que vous avez soulevé, ce n'est sûrement pas à cause du prix des terres agricoles parce que le prix, dans ces régions-là, n'était peut-être pas si élevé que ça. Mais il y avait quand même un aspect intéressant, puis on le regarde, puis on le voit aussi au niveau international, que de plus en plus, là, d'intérêts sont portés vers l'acquisition de sols agricoles parce qu'on comprend que la planète prend son expansion aussi, puis, d'ici 2050, 9 milliards d'individus à nourrir, ça va prendre du sol agricole, ça va prendre des terres puis des gens qui vont travailler à les nourrir.

Ça fait qu'on n'a pas l'évaluation de cette donnée-là actuellement, et c'est la raison pour laquelle la fédération trouve très pertinent, en fin ce compte, que le gouvernement nomme un organisme, en fin de compte, une instance pour faire ce répertoire-là et puis, par la suite, d'avoir un suivi aussi. Parce que ce n'est pas tout d'avoir juste le portrait aujourd'hui, mais qu'il y ait un suivi de fait lors de transactions, je pense que c'est tout à fait pertinent pour savoir que... Pour la fédération québécoise, l'important, c'est... on comprend que l'occupation dynamique du territoire, ça se fait aussi avec des individus, et non juste avec des gens, là, qui vont faire des acquisitions de terres et puis qui vont, par la suite, là, oui, les cultiver, mais que l'on va voir apparaître dans nos municipalités, là, deux fois par année pour venir les ensemencer et les récolter. Ça fait que c'est aussi... l'inquiétude qui est partagée par le milieu municipal, c'est, oui, de voir partir des terres, de laisser aller des terres à des propriétaires externes, mais aussi toute la question de l'occupation du territoire. La vitalité d'un milieu, ça passe aussi par l'habitation de ce milieu-là.

La Présidente (Mme Léger) : M. le député de Mégantic.

M. Bolduc : Merci, Mme la Présidente. Écoutez, je voudrais vous entendre aussi sur une autre variable de ces enjeux-là, c'est qu'on a mentionné dans quelques mémoires que l'agriculture au Québec était essentiellement des fermes familiales. O.K.? Est-ce qu'on peut dire aujourd'hui que c'est encore le cas? Et est-ce que ce n'est pas plus ça, le risque, parce que ça devient un peu des entreprises avec des frères, des cousins, des familles plus élargies, je dirais, qu'un père, une mère propriétaires à élever une famille? Est-ce que vous avez des commentaires à ce sujet-là?

La Présidente (Mme Léger) : M. Lehoux?

M. Lehoux (Richard) : Mme la Présidente, peut-être un commentaire, puis juste pour vous mentionner, étant agriculteur moi-même et ayant vécu une transaction il y a trois ans exactement, c'est certain que cet enjeu-là... En tout cas, je pense qu'on est préoccupés par cela dans le milieu municipal aussi parce que, oui, l'enjeu de la ferme familiale, c'est très pertinent et c'est prioritaire, mais il faut voir aussi, là, jusqu'à quelle ampleur, en fin de compte, lorsqu'on parle d'une entreprise familiale... On parlait tout à l'heure... M. le député, vous mentionniez des frères, des soeurs, des cousins, puis là on est rendu, des fois, à la troisième génération, quatrième génération. Là, ça devient un petit peu plus... pas quatrième génération, mais les liens apparentés un petit peu plus éloignés, c'est un petit peu plus difficile. C'est pour ça qu'il faut toujours rester dans la perspective, là, d'une occupation dynamique du territoire, ce qui veut dire des fermes familiales, mais à dimension, aussi, humaine. Puis je pense que ça, il ne faut pas le négliger parce que c'est ce qui fait le dynamisme aussi d'un milieu.

Puis, lorsque je mentionnais d'entrée de jeu dans le mémoire que l'agriculture, c'est un moteur économique important pour chacune de nos municipalités puis dans les quatre coins du Québec, à des niveaux différents, vous me le direz, et j'en conviens, mais je pense que l'agriculture et toute la deuxième et troisième transformation dans l'agroalimentaire jouent un rôle important comme moteurs de développement économique d'un milieu. Je pense qu'il y a cet aspect-là aussi qui est très, très important, là, à notre perception au niveau de la fédération.

La Présidente (Mme Léger) : Merci. Je vais céder la parole au député de Beauce-Sud.

M. Dutil : Oui. Merci, Mme la Présidente. Quand on a formé le zonage agricole, M. Lehoux, vous vous rappelez de ça comme moi, sans doute, ça fait un bout de temps, là, mais on souhaitait agrandir les parcelles de terrain. Rappelez-vous qu'une des règles était : Tu acquières une propriété adjacente, et tu ne peux plus la rescinder. Ce qu'on vivait à ce moment-là, c'était une trop grande partition des terrains, on s'est dit : Les unités plus grandes vont nous permettre d'avoir certaines économies d'échelle et, donc, arriver à faire des produits à un prix plus abordable. D'ailleurs, je discutais tout à l'heure avec mon collègue d'érablières, je ne connaissais pas cette économie d'échelle là, mais on parlait d'une petite érablière où s'installer, ça coûte 100 $ l'entaille, puis une plus grosse érablière, où ça peut coûter 30 $ l'entaille. Donc, il y a cet aspect-là qui a été bien important.

Donc, aujourd'hui, on parle de l'accaparement des terres, puis ça peut être un sujet qui est pertinent, qu'il faut adresser correctement, et, d'autre part, on se retrouve dans nos régions avec l'impossibilité — à moins de demander la permission de la Commission de protection du territoire agricole, puis ça, c'est un processus assez long et assez dispendieux — pour pouvoir rescinder. La personne qui a acheté une terre, deux terres, trois terres, si elle n'a pas eu la sagesse d'en avoir une puis d'avoir l'autre au nom d'une autre personne, puis l'autre au nom d'une autre personne, ne peut plus les rescinder. Alors, je voudrais avoir votre opinion sur cette espèce de contradiction là que l'on rencontre entre l'objectif initial de grossir les fermes pour avoir une certaine économie d'échelle et l'accaparement des terres, dont on parle, où il y a des unités plus grandes pour produire à meilleur coût.

La Présidente (Mme Léger) : M. Lehoux.

• (14 h 30) •

M. Lehoux (Richard) : Mme la Présidente, dans un premier temps, je pense que la première question de M. le député, c'est de... l'ampleur, en fin de compte, des entreprises, ce n'est pas à nous, dans le milieu municipal, à décider quelle grosseur d'entreprise on doit avoir, mais on a quand même une préoccupation très importante sur le morcellement des sols. Parce que je pense que c'est ça à quoi vous faites allusion, M. le député, c'est clair qu'il y a eu, en fin de compte, là, oui, des regroupements de fermes parce que le propriétaire... il y avait une fusion à l'intérieur de la famille, que les enfants se rassemblaient et achetaient le voisin, le deuxième voisin, le troisième voisin. Mais aujourd'hui, quand on arrive pour faire, en fin de compte, des cultures commerciales, on s'entend-u, là, que ça ne prend pas nécessairement 100 hectares en culture, là, pour être capable d'être un producteur maraîcher et de fournir un certain marché?

On va vous donner des exemples. Ici, dans la grande région de Québec, il y aurait un bassin quand même important de gens qui auraient de l'intérêt pour des paniers, mais l'implantation de ces agriculteurs-là dans la grande région de Québec — là, j'inclus à l'intérieur de ça, là, Chaudière-Appalaches et puis du côté de la Rive-Nord de la Capitale-Nationale — une certaine problématique parce qu'on a des gens... J'ai vécu personnellement chez nous, à la municipalité, comme maire, un jeune qui avait quand même recruté, là, son marché pour l'implantation de ses paniers de produits maraîchers, mais qui s'est vu, en fin de compte, là, dans la problématique d'être obligé de laisser tomber son projet parce qu'il fallait qu'il fasse l'acquisition d'une terre, là, d'environ une trentaine d'hectares, et ça lui en aurait pris cinq ou six, maximum, pour servir et puis vivre aussi décemment de cette activité-là.

Ça fait que je pense que d'établir une règle précise sur l'ampleur que doit avoir une entreprise agricole, je pense que ce n'est peut-être pas le but, mais l'objectif ultime de l'accaparement des terres, à la perception de la fédération, c'est de dire d'avoir un certain contrôle parce qu'actuellement il n'y a peut-être pas péril en la demeure, si je peux me permettre l'expression, mais il ne faudrait peut-être pas attendre, là, qu'on en ait un pourcentage x, là, qui soit propriété de ressources externes ou de groupes d'investisseurs qui, eux, nécessairement, n'habitent pas le territoire où est-ce qu'elle est exploitée. On va me dire : Oui, il y a des productions, là, qui... des producteurs qui sont acquis, et puis il y a toujours une activité qui se fait, puis il y a l'activité humaine qui se passe, mais, si les gens viennent pour travailler puis qu'ils retournent dans les grands centres urbains, on comprend qu'on n'a pas d'activité économique qui est suscitée sur le terrain.

Mais, à votre question, M. le député, c'est clair que... Et on ne peut pas définir nécessairement, mais l'opportunité d'avoir une souplesse au niveau du morcellement des terres en lien avec... Et je m'en remets à notre troisième recommandation, qui était les plans de développement de la zone agricole, qui ont été réalisés pour plusieurs MRC au Québec actuellement. Mais, dans l'application concrète, on rencontre ces difficultés-là lorsqu'on arrive pour vouloir implanter de la relève, des jeunes qui voudraient s'installer sur des fermes de plus petite taille, cette difficulté, là, de non morceler des terres, là, qui ont été, là, jumelées, là, dans les années passées.

La Présidente (Mme Léger) : M. le député de Beauce-Sud.

M. Dutil : Merci. Je vais m'éloigner un petit peu de l'accaparement comme tel pour la prochaine question, mais je pense que c'est un sujet qui mérite d'être abordé, c'est la problématique de ne pas pouvoir remettre en terres cultivables les terres qui sont en friche ou en reboisement. Vous connaissez cette règle-là, qui existe depuis maintenant, je pense, une douzaine d'années ou une quinzaine d'années, et est-ce que vous n'estimez pas que ça pose un problème? C'est comme si on avait une espèce de contradiction. On veut plus de terres agricoles, on veut plus de monde sur le terrain pour s'occuper des terres agricoles, on a de la dénatalité dans nos régions, mais on a un obstacle qui est l'obstacle de si la terre, par malheur, a été en friche quelques années, elle ne peut pas retourner à l'agriculture.

La Présidente (Mme Léger) : M. Lehoux.

M. Lehoux (Richard) : Oui, Mme la Présidente. C'est une problématique qui nous interpelle, oui, beaucoup, le milieu municipal, dans l'objectif où on a actuellement, par le biais de nos plans de développement de la zone agricole que chaque MRC a faits, cette sensibilité-là... J'ai perdu le sens de ma réponse. Mais, juste pour vous mentionner, M. le député, que, pour nous, il y a un impact qui est très majeur. C'est quoi...

M. Dutil : Mme la Présidente, on...

La Présidente (Mme Léger) : Allez-y, M. le député de Beauce-Sud.

M. Lehoux (Richard) : Juste répéter votre question, M. le député, je m'excuse.

M. Dutil : Oui. Bien, on avait une règle... C'est une règle de l'Environnement, hein? Je pense qu'à l'époque ça avait été mis en place parce qu'il y avait trop de phosphore, et on a dit : Temporairement, on va empêcher les terres qui sont en friche de redevenir agricoles pour contrôler cet aspect-là. Moi, il me semble qu'on l'a contrôlé, mais on a oublié d'enlever la règle qui était : On ne peut plus remettre les terres en culture.

M. Lehoux (Richard) : Oui, Mme la Présidente. C'est clair que, sur cet enjeu-là... Puis c'est une loi qui remonte, là, je pense, au début des années 2000, un règlement sur les exploitations agricoles, le fameux REA, et qui interdit, en fin de compte, de déboiser pour compenser. Et on vit actuellement dans plusieurs municipalités au Québec cette situation-là parce qu'on va... comme municipalité qui a à expansionner son périmètre urbain, il y a une problématique aussi qui est importante parce que les agriculteurs nous disent : Bien, vous venez empiéter sur des terres agricoles, mais nous, on n'a pas le droit d'aller, en fin de compte, déboiser pour reprendre ces superficies-là.

Je peux comprendre la dynamique qu'il y avait au début des années 2000 au niveau de certaines analyses qui avaient été faites de cours d'eau où il y avait quand même, là, des surplus de phosphore estimés, il faut bien le dire, à l'époque. Et ils sont peut-être aussi un peu moins importants qu'ils avaient été estimés, et aussi le milieu agricole a quand même fait un exercice important, et de revoir aujourd'hui cette réglementation-là, je pense que ça serait une urgence nationale, si je peux me permettre, parce que... Et c'est clair que oui, ça cause une problématique au niveau des agriculteurs qui ne peuvent pas non plus remettre en culture des parties en friche ou déboisées, mais aussi ça permettrait à certaines municipalités, lorsqu'ils agrandissent en périmètre urbain, à tout le moins de donner la possibilité aux agriculteurs d'aller chercher, là, des sols qui sont en boisés pour les amener en sols agricoles. Parce que, les périmètres urbains, on sait qu'à un moment donné, là, on s'expansionne, on empiète sur le terrain qui est en culture, et les agriculteurs font souvent le reproche aux municipalités : Bien, vous nous enlevez 15 hectares pour faire de l'agrandissement du périmètre urbain, mais on n'a pas le droit, nous, de notre côté. Ça fait qu'il y a quand même un facteur qui est non négligeable et, je penserais, très important, et, de ce côté-là, la Fédération québécoise des municipalités est très interpellée, et même on est avec l'UPA pour voir, là... On est d'accord sur cet enjeu-là majeur.

La Présidente (Mme Léger) : Merci. M. le député de Beauce-Sud, ça va? M. le député de Saint-Maurice.

M. Giguère : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Tantôt, vous avez fait un exposé sur l'agriculture, le rôle qu'elle a dans les régions. Donc, oui, on parle beaucoup d'accaparement des terres, mais aussi, là, le rôle qu'elle peut jouer dans les régions, ce rôle-là, il peut être majeur. Donc, quand on dit : Une région est dynamique, vous avait parlé, là, des moyens pour créer la richesse et assurer la prospérité de la communauté rurale, c'est que... Où est-ce que je veux en venir, c'est que la transformation, la deuxième, troisième transformation en région, donc, souvent, ça prend des volumes. On a parlé tantôt accaparement des terres, oui, mais ça prend des bons blocs de terres, des fois, pour produire certains... Moi, je suis producteur de boeuf, donc il faut être capable de produire des volumes en région pour être capable de faire de la première et de la deuxième transformation. Je crois qu'on se rejoint, qu'il y a beaucoup de... on pourrait ramener du monde dans les régions, garder notre monde dans les régions avec cela.

Donc, j'aimerais ça, vous entendre — vous venez d'en glisser un petit mot, là, avec mon collègue — sur les terres, là, qu'on pourrait, là, remettre en culture. Et aussi où est-ce que je veux en venir, c'est que ça nous prend des bons blocs de terres. Donc, c'est-u qu'on fait l'accaparement des terres, c'est qu'on... Ce n'est pas tout à fait la même chose, là, qu'on devrait, là... Est-ce qu'on devrait laisser aller ça ou pas pour faire de la deuxième transformation en région, de la première et deuxième transformation?

La Présidente (Mme Léger) : M. Lehoux.

M. Lehoux (Richard) : Oui, Mme la Présidente. Puis je reviens toujours sur cette importance de la deuxième et troisième transformation pour créer de l'activité économique en région. On le voit dans plusieurs régions au Québec, la transformation des produits agroalimentaires n'est pas faite nécessairement en région, et on aurait à gagner à faire cette transformation-là.

Sur l'aspect de l'enjeu des blocs de terres, parce que oui, j'en conviens, ça va prendre, à certains égards, certaines superficies plus importantes... Mais je pense que la réflexion, et c'est pour ça qu'on n'est pas prêt non plus, à la fédération, à dire : Il faut mettre une loi pour interdire totalement, là, et puis de geler les superficies... Mais, lorsqu'on est en milieu agricole, pour cultiver, là, 300 à 400 hectares de sol, il faut quand même avoir... ça commence à faire quand même des bons lopins, là, à cultiver, et ce qui pourrait aider aussi à faire de la deuxième transformation. Juste de... On ne peut pas statuer sur une façon de faire de façon, là, uniforme et unilatérale. Moi, je pense qu'on a vraiment un bel outil que chacune des MRC a développé au Québec actuellement et puis peut-être de se repencher pour aller un petit peu plus en profondeur avec cet outil-là, le plan de développement de la zone et des activités agricoles.

La Présidente (Mme Léger) : M. le député de Saint-Maurice.

M. Giguère : Oui, merci beaucoup.

La Présidente (Mme Léger) : Il reste à peu près une minute.

M. Giguère : Oui. Je voudrais vous ramener aussi sur... Vous demandez de resserrer les règles d'acquisition. Donc, on va en entendre parler souvent, dans les prochains... bien, aujourd'hui puis demain, le fameux, là, 100 hectares. Donc, pour la relève agricole, ne pensez-vous pas que ça va mettre une pression, là, à la hausse sur le prix des terres, le resserrement qu'on veut mettre, là, le 100 hectares, là, par entreprise?

La Présidente (Mme Léger) : M. Lehoux.

• (14 h 40) •

M. Lehoux (Richard) : Mme la Présidente, c'est sûr que, pour nous, on n'est pas allés aussi loin, là, que de définir un nombre d'hectares. Le 100 hectares, là, ce n'est pas... Nous, ce que l'on demande, en fin de compte, c'est de resserrer les règles pour un court laps de temps — on parle de deux ou trois ans — pour bien identifier c'est quoi, les besoins, c'est quoi, le portrait réel, et, par la suite, je pense qu'on sera en meilleure position pour prendre une décision à l'égard, là, d'une superficie x, là, qui pourrait être plus contrôlée, si on veut.

La Présidente (Mme Léger) : Il reste 10 secondes.

M. Giguère : Donc, c'est beau.

La Présidente (Mme Léger) : Merci beaucoup, du côté du gouvernement. Maintenant, on va à l'opposition officielle. M. le député de Berthier, vous avez 10 min 30 s d'échange avec la Fédération québécoise des municipalités.

M. Villeneuve : Merci, Mme la Présidente. Alors, M. Lehoux, M. Gagnon, M. Harouni, bonjour. C'est toujours un plaisir de vous rencontrer. Tantôt, M. Lehoux, vous parliez de fermes à dimension humaine. Et heureux d'apprendre — parce que je ne le savais pas — que vous étiez agriculteur, et on doit le rester toujours dans l'âme, j'imagine bien.

Une voix : ...

M. Villeneuve : Tout à fait. Ma question, dans le fond, vous savez que — et on l'a répété à satiété — le modèle québécois, présentement, c'est un modèle d'agriculteurs propriétaires. Selon vous, est-ce que ce modèle agriculteurs propriétaires est un modèle à privilégier pour la suite des choses au Québec?

La Présidente (Mme Léger) : M. Lehoux.

M. Lehoux (Richard) : Mme la Présidente, M. le député, je pense que, si on veut avoir des fermes à dimension humaine, je pense qu'on n'a pas le choix d'avoir cette réflexion-là, si on veut habiter notre territoire. On a des lois actuellement qui sont supposées de prioriser l'occupation dynamique d'un territoire, mais l'occupation dynamique d'un territoire, là, ce n'est pas d'avoir non plus un propriétaire de terrains qui achète une partie d'une municipalité ou 300 hectares de terrain et qui réside, là, à 200 kilomètres plus loin. Je ne pense pas que ça soit comme ça qu'on va dynamiser puis habiter un territoire.

La Présidente (Mme Léger) : M. le député de Berthier.

M. Villeneuve : Oui. Bien, écoutez, dans la même veine, si je peux me permettre, vous parlez de l'agriculture comme devant entrer dans la dynamique d'ensemble du territoire rural. De quelle façon l'accaparement des terres entre dans l'aspect de l'occupation du territoire selon vous? Et est-ce que c'est négatif? Est-ce que vous avez des exemples concrets? Est-ce que c'est négatif? Est-ce que c'est positif? Comment vous voyez ça, vous?

La Présidente (Mme Léger) : M. Lehoux.

M. Lehoux (Richard) : ...Mme la Présidente. Bien, c'est un peu comme je viens de vous le mentionner, M. le député, c'est clair que, si on a une propriété, là, qui... un acquéreur de terres, un investisseur de l'extérieur qui achète x nombre d'hectares dans une municipalité puis qu'il y a plus juste une personne qui réside dans ce rang-là — parce que, quand on est en milieu rural, nos agriculteurs résident dans les rangs — je pense qu'il y a une dynamique qui est très importante quand on parle d'occupation de territoire, ça va coûter les mêmes frais à la municipalité aussi pour entretenir, et il faut...

Outre la question des coûts pour l'entretien, la desserte, en fin de compte, de ce noyau rural là, je pense que ça fait partie de la dynamique, là, et du dynamisme d'un milieu d'avoir des gens, d'avoir une activité qui rayonne autour de cela. Moi, je reste convaincu que de la transformation dans l'agroalimentaire, qu'elle soit sur une base plus petite... Parce qu'il y a des besoins quand même au niveau, là, de productions de plus petite taille, des productions qui sont actuellement peut-être marginales, mais qui pourront prendre de l'expansion, donner l'opportunité à ces gens-là de développer ce type d'agriculture là pour permettre, en fin de compte, là, à chacun des milieux d'aller y trouver, en fin de compte, son change parce qu'il y a un facteur de développement économique, je reste convaincu, qui est prioritaire pour l'ensemble de nos municipalités rurales. Que l'on soit en Abitibi ou que ce soit dans le Bas-Saint-Laurent, ou chez nous, dans Chaudière-Appalaches, il y a toujours place, en fin de compte, là, au dynamisme qui va être amené par le milieu, par l'activité agricole comme telle et tout ce qui en découle.

Parce qu'on parle beaucoup d'agriculture puis d'industrie de deuxième et troisième transformation, mais, quand on a une agriculture qui est prospère dans un milieu, bien, ça engendre aussi d'autres activités économiques, un ensemble de professionnels, que ce soient des comptables et des notaires, des gens qui habitent ce territoire-là et qui l'occupent. Je pense qu'on a tendance souvent à oublier, là, l'impact et toute l'ampleur que le milieu agricole peut représenter sur le terrain.

La Présidente (Mme Léger) : M. le député de Berthier.

M. Villeneuve : Donc, on n'y échappe pas, l'occupation du territoire passe par, évidemment, sa vitalité. Et vice versa, sa vitalité passe par son occupation. Donc, plus il y aura de fermes en opération à échelle humaine, comme vous le dites si bien, et plus, effectivement, le territoire sera dynamisé et sera occupé.

Tantôt, vous disiez — et je ne veux pas... j'espère que c'est ça, si je vous cite mal, vous me le direz, là : Il n'y a pas péril en la demeure quand on parle présentement de l'accaparement des terres. Dans l'étude de CIRANO, qui a été faite, il faut bien se le dire, en 2012 sur une période de quatre mois, durant l'été, je pense, il est dit à la fin, à la conclusion de l'étude, que le problème est marginal. On s'entend, là, que, si les fonds d'investissement privés possédaient 25 % ou 30 % des terres agricoles du Québec, on le saurait, hein, on ne serait peut-être pas ici à en discuter. Le problème, il ne se situe peut-être pas nécessairement à savoir... Puis il faut le savoir, remarquez, là. Mais, pour le moment, là, pour l'heure, là, moi, je pense que ce qu'il est urgent de savoir, c'est l'accélération du phénomène, à quelle vitesse il progresse. Et ça, on ne le sait pas. Et donc l'étude a été faite en 2012, nous sommes en 2015.

Selon vous — et je sais que vous y avez répondu tantôt en partie, mais je vais vous reposer la question, tout de même — même s'il n'y a pas péril en la demeure, est-ce que l'État québécois, de par son rôle qu'il doit jouer dans toute la cohésion sociale et dans tout le développement du Québec, doit prendre le problème à bras-le-corps, aller chercher les informations pertinentes, en faire une analyse sérieuse, rigoureuse et, finalement, fournir toute l'information? Je crois que les Québécois s'attendent à avoir cette information-là pour être en mesure, justement, de prendre les décisions qui seront les leurs pour l'avenir de l'agriculture puis pour l'avenir du Québec tout entier.

La Présidente (Mme Léger) : M. Lehoux. Vous n'avez pas le temps de boire, là. Ha, ha, ha!

Des voix : Ha, ha, ha!

M. Lehoux (Richard) : Mme la Présidente, je pense que c'est très clair, oui, il n'y a pas péril en la demeure, mais je veux juste vous ramener à un fait. À l'assemblée des MRC, que la fédération organise à chaque année, deux fois par année, en 2010 — ça va faire cinq ans au mois de mai — j'avais interpelé, parce qu'on avait eu, en fin de compte, une situation qui nous avait été amenée, le gouvernement du Québec, le ministre de l'Agriculture de l'époque sur cette situation, là, d'accaparement des terres. On est il y a cinq ans, et c'est certain que, l'augmentation de la cadence, on ne peut pas exactement, là, dire que c'est en explosion, mais on voit, là, qu'il y a quand même un plus grand intérêt de la part des investisseurs à acquérir des sols. Je pense que l'objectif — puis c'est la raison de la première recommandation que la fédération fait ici, à la commission — c'est de dire : On veut avoir le portrait, et je pense que c'est important de le faire le plus rapidement possible.

La deuxième, de dire : Bien, on pourrait peut-être-tu, là, relever aussi, là, le pied sur l'accélérateur pour certaines acquisitions qui voudraient aller un peu rapidement? Je pense que ça pourrait faire état aussi d'un grand intérêt. Moi, je pense que le milieu municipal est tout à fait ouvert. Et on ne dit pas, là, que le péril est dans la demeure puis que le feu est dans la bâtisse, si je peux me permettre, mais il ne faut quand même pas attendre qu'il y ait 25 %, 30 % des sols avant de se poser ces questions-là et de lui réfléchir comme il faut. Et la pertinence d'avoir une instance qui ferait ce portrait-là, et avec un suivi aussi, parce que moi, je trouve très important qu'on fasse le portrait et qu'on suive cette évolution-là parce qu'on sait que, des fois, ça peut aller plus rapidement que l'on pense, là. Ne pas faire l'exercice une fois aux 15 ans non plus.

La Présidente (Mme Léger) : M. le député de Berthier.

M. Villeneuve : Merci, Mme la Présidente. En terminant, juste préciser que, depuis 2012, lorsque l'étude a été faite par CIRANO, d'autres fonds d'investissement privés ont vu le jour au Québec. Et, selon les dires de l'étude, des chercheurs, ceux qui étaient là à l'époque et ceux qui sont là maintenant sont très agressifs sur le marché comme tel. Alors, tout simplement, je voulais juste apporter cette précision-là. Donc, oui, il n'y a pas péril en la demeure, effectivement, on n'est pas en péril, mais il faut, en quelque part, s'assurer de mesurer le phénomène.

Merci beaucoup, M. Lehoux, M. Gagnon et M. Harouni. Alors, je céderai la parole à mon collègue.

La Présidente (Mme Léger) : Alors, M. le député de Bonaventure.

M. Roy : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, messieurs. Écoutez, il me reste à peine deux minutes, donc, je vais être rapide. En quoi la financiarisation du territoire agricole peut-elle modifier les conditions de vie des agriculteurs qui veulent demeurer dans leur région?

La Présidente (Mme Léger) : M. Lehoux.

M. Lehoux (Richard) : Question... Je pense que la... Il y a quand même un impact important, là, quand on pense à la financiarisation, là, pour que les gens puissent demeurer sur leur territoire parce qu'on comprend que... Et puis on le voit aussi, là, dans plusieurs régions au Québec, la relève agricole est là, elle est prête. Je pense qu'on a une belle relève, une belle jeunesse qui est prête à s'installer sur les entreprises agricoles, mais avec la difficulté que l'on rencontre de compétitionner sur le marché avec des investisseurs qui font ça aussi, là, pour faire des sous. Parce qu'il y a peut-être, dans une perspective de moyen et long terme, un besoin, là, qui ne va être peut-être pas, là... qui va être réel. Ça fait que je pense que c'est très pertinent d'avoir, en fin de compte, là, cette réflexion pour pouvoir maintenir nos jeunes partout les régions à dynamiser l'agriculture.

La Présidente (Mme Léger) : M. le député de Berthier... excusez, de Bonaventure.

M. Roy : Bonaventure. Mais la question, c'est : Est-ce qu'on va voir une amélioration ou une détérioration des conditions de vie des agriculteurs au Québec si on voit le phénomène spéculatif prendre de l'ampleur et peut-être de voir de plus en plus d'agriculteurs devenir des locateurs de terrains où ils ont peu ou pas, je dirais, de contrôle de...

La Présidente (Mme Léger) : M. Lehoux.

• (14 h 50) •

M. Lehoux (Richard) : Mme la Présidente, je pense que l'avenir de l'ensemble des régions du Québec doit passer par des gens qui y habitent et des gens qui ont à coeur, en fin de compte, leur entreprise. Pour la majorité des agriculteurs, je pense que c'est leur passion, et puis d'être à l'emploi d'une entreprise qui demeure à l'autre bout de la planète, je ne suis pas sûr que c'est ce que les gens recherchent et ce qui va dynamiser le milieu. Je pense qu'il y a une belle richesse dans notre relève qui est là pour développer. C'est des entrepreneurs dans l'âme, et je suis convaincu qu'ils sont capables de relever le défi. Mais c'est certain que, si on n'intervient pas, on risque de voir cette situation-là nous heurter.

La Présidente (Mme Léger) : Il reste une vingtaine de secondes.

M. Roy : Bien, écoutez, je suis très sensible au phénomène de dévitalisation des régions. Parce que je ne sais pas si vous suivez l'actualité, bon, en ce moment, mais ce qu'on dit sur la Gaspésie est très déplorable, et je voulais profiter de ces quelques secondes pour le dénoncer. Et donc merci beaucoup.

La Présidente (Mme Léger) : Nous passons maintenant au deuxième groupe d'opposition. Mme la députée porte-parole de la CAQ, Mme la députée de Mirabel, à vous la parole, puis pour un temps de sept minutes.

Mme D'Amours : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, messieurs. Moi, j'aimerais que vous me disiez, si vous avez la réponse, combien de municipalités ont terminé leur plan, leur PDZA.

La Présidente (Mme Léger) : M. Lehoux.

M. Lehoux (Richard) : Mme la Présidente, je ne sais pas le nombre exact, mais on a, là, sûrement, là, pas loin d'une cinquantaine, je pense — Farid, si je ne me trompe pas — de plans de développement de la zone agricole par territoire de MRC qui sont adoptés. Il y en a qui viennent de l'adopter, il y en a que ça fait déjà quelque temps, il y en a qui ont un plan d'action qui est déjà en route. Mais ce que l'on constate puis ce que l'on réalise avec plusieurs plans de développement de la zone agricole, c'est qu'il y a certains freins, là, qui sont occasionnés, et ça prendrait quelques assouplissements au niveau législatif pour permettre, en fin de compte, une meilleure mise en oeuvre de ces plans d'action là par les planifications qui ont été faites sur chacun des territoires.

Et l'objectif de cette planification-là, quand on la regarde concrètement, c'est de laisser plus de latitude aussi à chacun des milieux parce qu'on reste convaincus que l'action qui a été faite pour la réalisation de ce plan de développement de la zone agricole là a été faite en concertation avec le milieu agricole, avec le milieu municipal et les développeurs au niveau économique qui font partie aussi de la société civile dans chacun de nos milieux. Il y a eu des belles réflexions, des beaux échanges puis des beaux lieux de concertation avec des plans d'action, mais il y a quand même, par la suite, un frein qui est mis, là, lorsqu'on arrive pour aller un petit peu plus loin. On avait tout à l'heure l'exemple, là, de pouvoir enlever... en fin de compte, de déboiser certaines parcelles de terrain pour permettre un agrandissement des sols en culture. Je vous avais amené au départ aussi l'opportunité de morceler des terres pour permettre des plus petites unité que... en production maraîchère, qui puissent naître. Ça fait que je pense qu'il y a quand même, là, un facteur qui est important de ce côté-là.

La Présidente (Mme Léger) : Mme la députée de Mirabel.

Mme D'Amours : Mais vous dites qu'il y a une cinquantaine de municipalités qui l'auraient. Est-ce que, si c'était une exigence que toutes les municipalités se dotent du plan, du PDZA, est-ce que ça ne pourrait pas aider, justement, à avoir nos zones agricoles dynamiques, nos zones agricoles... et, à ce moment-là, avoir un meilleur portrait de la zone cultivée?

La Présidente (Mme Léger) : M. Lehoux.

M. Lehoux (Richard) : Mme la Présidente, quand on parle d'une cinquantaine de MRC au Québec sur 87, là, si je ne me trompe pas, là, qui peuvent adopter des plans de développement, il y en a d'autres qui vont débuter l'exercice, il faut comprendre que c'est un exercice aussi qui avait été mis de l'avant par le ministère de l'Agriculture... là, on recule en 2008, là, pour les premiers, les huit projets pilotes qui ont été démarrés à ce moment-là. Par la suite, en 2010, il est venu d'autres plans de développement qui ont été... Parce qu'il faut comprendre que les MRC qui l'ont adopté et qui l'ont fait d'entrée de jeu avaient quand même une aide gouvernementale pour le mettre en place, le plan de développement, mais, si l'exercice... Je crois que oui, il serait pertinent qu'il soit fait par l'ensemble des MRC au Québec, et ça définirait encore mieux, comme vous le dites, Mme la députée, de bien cerner les zones dynamiques et où est-ce que l'on peut faire vraiment, là... intensifier l'activité agricole, où est-ce qu'on peut aussi amener à cela des activités para-agricoles qui peuvent aussi s'implanter en zone agricole, même si ce n'est pas de l'agriculture proprement dite.

Il y a beaucoup d'exemples comme ça, là, que l'on a sur le terrain qui pourraient être mis de l'avant, mais avec une réalisation. C'est pour ça que, nous, ce que l'on fait comme troisième recommandation, c'est de demander aussi quel est le plan d'action du gouvernement actuel dans la mise en place de nos plans de développement de la zone agricole. Parce que oui, il y en a qui sont en place, mais, je vous dirais, le carnet du plan d'action est loin d'être mis à l'avant-plan parce que plein de contraintes, là, de différents niveaux, et c'est la raison pour laquelle la fédération demande, en fin de compte, c'est quoi, l'orientation du gouvernement actuel dans sa planification et puis la capacité, là, de pouvoir aussi permettre la mise en action de ces plans de développement de la zone agricole.

Mais j'ajouterais aussi zone agricole, mais aussi l'activité agricole. Parce qu'on parle beaucoup de protection du territoire, mais il faut aussi — puis on en est très conscients — la protection des activités agricoles qui viennent avec ça. Parce qu'on sait que, dans certains secteurs, il y a eu toutes sortes de problématiques qui ont été soulevées soit par la poussière, par les bruits, les odeurs, et tout. Ça fait que je pense qu'il y a une réflexion importante qui doit être faite, mais aussi, de la part de l'État, c'est quoi, le plan d'action pour les prochaines années pour le développement de l'agriculture, en répétant toujours que c'est un moteur d'activité économique très important pour le Québec.

La Présidente (Mme Léger) : Mme la députée de Mirabel.

Mme D'Amours : Je vais laisser mon collègue poser une question, M. le...

La Présidente (Mme Léger) : Alors, M. le député de Drummond—Bois-Francs.

M. Schneeberger : Bonjour à vous...

La Présidente (Mme Léger) : Oui, parce que vous pouvez vous céder la parole, mais je demeure celle qui donne la parole.

Mme D'Amours : Oui, pardon, je suis désolée.

La Présidente (Mme Léger) : M. le député de Drummond—Bois-Francs, allez-y.

M. Schneeberger : Bonjour à vous tous. Dans votre mémoire, vous faites un lien avec l'accaparement des terres agricoles et la souveraineté alimentaire. Pour moi, la souveraineté alimentaire, c'est d'avoir, grosso modo, là, c'est d'avoir le maximum de terres possible pour cultiver et produire les fruits et légumes et les besoins pour l'homme et aussi les animaux. Par contre, n'êtes-vous pas un peu... je ne dirai pas en conflit, mais... Parce que, pour moi, un des phénomènes principaux, si je puis dire, de l'accaparement des terres, c'est surtout l'étalement urbain dans certaines places, et, justement, vous êtes la fédération... C'est sûr qu'il y a des villages au Québec qui travaillent beaucoup plus à pouvoir rester en vie, mais, si je prends le cas de la Montérégie, où est-ce qu'on a les meilleures terres agricoles au Québec, c'est aussi l'endroit où est-ce qu'il se perd, malheureusement, le plus grand nombre de bonnes terres, et dû, nécessairement, à l'activité surtout industrielle et les agglomérations.

Alors, moi, je voudrais savoir un peu qu'est-ce que vous, vous faites là-dedans pour, justement, en arriver que ce phénomène soit le plus réduit possible aussi, là. Ça, c'est aussi une question qui fait un peu de l'accaparement des terres. Tu sais, là, on parlait de... mais c'est parce qu'une terre, si elle est cultivée, elle produit quand même, peu importe qui la cultive.

La Présidente (Mme Léger) : M. Lehoux, dans une vingtaine de secondes.

M. Lehoux (Richard) : Oui. Je pense que, toute la question de l'étalement urbain, on en est très conscients, puis je pense que, dans l'ensemble de nos municipalités, aussi. Mais c'est la raison pour laquelle on amenait tout à l'heure la possibilité de revoir certaines règles comme le Règlement sur les exploitations agricoles pour permettre, dans certains secteurs où est-ce qu'il y a quand même beaucoup de boisés encore au Québec, de le réaliser.

Il faut juste ne pas perdre de vue qu'on veut aussi que les plans de développement de la zone agricole... Que l'on soit dans la couronne sud ou nord de Montréal, que l'on applique des règles x, mais qu'elles soient différentes pour... que l'on soit chez nous, en Chaudière-Appalaches. C'est juste, je pense, qu'il faut vraiment donner toute la capacité à ces plans de développement de la zone agricole là parce que ça aura été fait en concertation avec les gens dans le milieu, autant le milieu agricole que le milieu municipal. Moi, je pense qu'il y a des outils là qui doivent être encore mieux utilisés, là, et c'est la réflexion que la fédération voulait apporter.

La Présidente (Mme Léger) : Merci. Je remercie, pour votre présentation, la Fédération québécoise des municipalités. Pour les échanges qu'on vient d'avoir, merci, M. Lehoux, M. Gagnon, M. Harouni.

Alors, je suspends quelques instants pour permettre à l'Union des producteurs agricoles de venir s'installer.

(Suspension de la séance à 14 h 59)

(Reprise à 15 h 1)

La Présidente (Mme Léger) : Alors, bienvenue à l'Union des producteurs agricoles. Alors, si vous voulez bien vous présenter et présenter les gens qui vous accompagnent. Et vous avez pour une période de 10 minutes...

Union des producteurs agricoles (UPA)

M. Groleau (Marcel) : Alors, merci beaucoup. Alors, je suis Marcel Groleau, président général de l'Union des producteurs agricoles. Et je suis accompagné de M. Charles-Félix Ross, qui est le directeur de la division Recherches économiques et politiques agricoles à l'UPA.

Alors, nous vous remercions, membres de la commission, pour votre invitation à cette initiative d'entendre les intéressés sur la question de l'accaparement des terres au Québec, un dossier jugé prioritaire par notre organisation. J'aimerais aussi remercier... Vous le voyez, ça intéresse beaucoup de gens. Il y a plusieurs producteurs agricoles, d'ailleurs, qui sont ici cet après-midi — et la relève agricole — pour entendre nos délibérations.

Le dossier de l'accaparement des terres soulève donc des passions. N'allez pas croire qu'il est facile pour une organisation comme la nôtre de prendre position dans un tel débat, car, pour certains, la présence d'investisseurs dans les transactions foncières constitue une occasion de profiter d'une valeur accrue pour la vente de leurs terres. Il est clair cependant que, pour la plupart, elle présente un obstacle ou une menace au développement de leur entreprise ou à leur propre établissement en agriculture. Aussi, au-delà des intérêts privés des uns et des autres, nous savons qu'il en va de l'intérêt général de l'agriculture, des agriculteurs d'aujourd'hui et de demain et de la société québécoise tout entière.

Les terres agricoles sont limitées et constituent un bien rare qui sert à la production d'un bien essentiel, la nourriture. Le phénomène d'accaparement des terres ne peut être pris à la légère. C'est d'ailleurs avec cette vision, celle du long terme et de l'intérêt général, que le congrès général adoptait après plusieurs consultations une position qui sera présentée ici cet après-midi.

Alors, nos analyses. Une analyse des transactions que nous avons réalisée tout récemment a fait ressortir quatre raisons qui justifient une intervention gouvernementale pour surveiller, encadrer et limiter la financiarisation des terres agricoles. Ce sont quatre indices très factuels qui ne mentent pas quant à l'accroissement du phénomène de l'accaparement des terres : le premier, la hausse fulgurante du prix des terres; le deuxième, l'augmentation des transactions foncières agricoles; le troisième, la présence de fonds d'investissement dans le marché des terres; et le dernier, la concentration des transactions.

Sur le premier indice, le prix des terres agricoles s'est apprécié de 600 % au cours des 23 dernières années. Un hectare de terre, qui valait, en moyenne, 1620 $ en 1990, vaut aujourd'hui 10 115 $. Cette hausse dépasse le taux de croissance de la productivité économique des terres. Autrement dit, la valeur marchande des terres agricoles s'est accrue plus rapidement que leur valeur économique. Depuis 2010, le prix des terres agricoles s'éloigne de la tendance des prix à long terme. Dans ce contexte, un jeune de la relève peut difficilement espérer rentabiliser l'achat de terres.

Le deuxième point. En cinq ans, le nombre annuel de transactions foncières agricoles est passé de 1 605 à 2 678, une hausse de 67 %. Le marché des terres agricoles est donc beaucoup plus actif aujourd'hui qu'il ne l'était il y a cinq ans. Pourquoi le nombre de transactions augmente-t-il? Quel est le profil des vendeurs? Est-ce que les producteurs agricoles sont plus nombreux à prendre leur retraite? Est-ce qu'il y a plus d'acquisitions qu'auparavant qui sont réalisées par des producteurs qui ne sont pas des exploitants agricoles? Quel est le profil des acheteurs? Ces questions sont pertinentes, mais sans réponse pour l'instant.

Le troisième point. L'analyse des transactions foncières agricoles des dernières années révèle l'apparition de nouveaux acteurs sur le marché, notamment des acteurs du monde financier : dans un premier temps, la Banque Nationale, suivie de Pangea, Agriterra, Partenaires agricoles SEC, Solifor, Haig et, dans une moindre mesure, le FIRA. Ensemble, ils achètent à chaque année d'importantes superficies de terres dans des régions très ciblées.

Et le dernier point. Au cours des cinq dernières années, les 15 sociétés les plus actives sur le marché des terres auraient acquis plus de 27 000 hectares. La société Pangea, à elle seule, a déboursé plus de 26 millions pour acquérir 4 131 hectares. Pour ceux qui disent que le phénomène est marginal, c'est l'équivalent des terres de 40 familles agricoles. En fait, il ne faudrait que 700 investisseurs possédant chacun 4 000 hectares pour remplacer les 28 000 fermes du Québec.

Au Lac-Saint-Jean, avec des achats de 2 209 hectares en 1913-1914, Pangea a occupé plus de 50 % du marché. Une position aussi dominante n'est, ni plus ni moins, qu'une prise de contrôle du marché. Pour nous, le modèle d'affaires proposé par Pangea est peu attrayant pour la relève entrepreneuriale, qui n'a pas accès aux actifs ni à leur appréciation et qui doit, tout de même, partager les risques liés aux opérations.

Ces quatre indices sont autant de sonnettes d'alarme qui devraient alerter les autorités du MAPAQ et de la Commission de protection du territoire agricole.

Au Québec, la zone agricole est relativement petite. Au cours des dernières années, plusieurs intervenants ont tenté de marginaliser le phénomène d'accaparement des terres agricoles au Québec en martelant que les producteurs détenaient près de 85 % des terres agricoles. La réalité est différente. Les terres en culture occupent à peine 30 % de la zone agricole. Avec plus de 600 000 hectares de terres en location, le taux de propriété des fermes québécoises se situerait plutôt entre 65 % et 70 %. Dans le territoire de la Communauté métropolitaine de Montréal, ce taux est à 50 %. La capacité de production de plusieurs fermes dépend donc de leur accès à des terres en location, lesquelles appartiennent à des propriétaires promoteurs qui sont de moins en moins issus du milieu agricole et qui attendent, pour certains, l'occasion d'en changer la vocation.

Alors, nos réflexions. La financiarisation des terres est un phénomène spéculatif. Les fonds achètent des terres, car leur valeur est à la hausse, et le rendement probable de leur investissement est intéressant. Ce genre de procédé n'amène toutefois pas de capitaux en agriculture. Les fonds achètent les actifs agricoles avec leurs capitaux et s'accaparent les rendements de ces actifs, rendements auparavant réinvestis en agriculture. Les fonds ne développent pas non plus l'entrepreneuriat. Par exemple, quand Pangea arrive, elle installe un seul opérateur par bloc de 1 000 hectares et elle pousse graduellement tous les producteurs en périphérie qui, eux, ne voient plus de possibilité d'expansion.

Autre question : Dans 10 ou 20 ans, qui va acheter les actifs de Pangea lorsqu'ils seront à vendre? Sans doute, un plus gros fonds d'investissement, peut-être avec pignon sur rue à Montréal, mais aussi peut-être dont le siège social sera à New York ou à Hong Kong.

On ne peut attendre pour agir, car la ressource terre est limitée. C'est un bien rare, essentiel à la vie, à la sécurité alimentaire. Les terres arables doivent être protégées, et on ne peut laisser une telle responsabilité sociale entre les mains d'une poignée d'individus. La protection des terres agricoles est un fait reconnu et accepté depuis 35 ans au Québec. La loi de protection des terres agricoles protège tant bien que mal les terres de l'accaparement des promoteurs. La loi sur l'acquisition par des étrangers fait de même en regard de l'appétit des investisseurs non québécois.

La population mondiale va atteindre 9 milliards d'individus en 2050. Avec les changements climatiques et l'imprévisibilité de leur ampleur et de leurs effets, chaque gouvernement a la responsabilité d'assurer à long terme la sécurité alimentaire de sa population. Le phénomène d'accaparement des terres n'est pas marginal au Québec, et les données présentées dans ce mémoire démontrent qu'il s'accentue. L'accaparement des terres pourrait avoir des conséquences irréversibles sur le modèle d'agriculture familiale québécois : l'abandon de plusieurs projets d'établissement de la relève et de consolidation en raison de l'incapacité des producteurs à concurrencer les sociétés d'investissement; le passage d'une agriculture d'entrepreneurs à une agriculture de salariés; la marginalisation des fermes de petite et moyenne taille; la diminution significative du nombre de fermes; et l'aggravation de la dévitalisation des territoires ruraux.

Donc, nos demandes au gouvernement du Québec. Donc, doit, à très court terme, dresser le portrait détaillé de la situation et instaurer un mécanisme de suivi des transactions. Nous demandons cela depuis déjà plusieurs années. Le Registre foncier du Québec, les publications spécialisées dans lesquelles sont colligées toutes les transactions relatives au monde agricole ainsi que les données issues de la récente réforme cadastrale sont autant d'outils permettant au MAPAQ ou à la Commission de protection des terres agricoles de surveiller et de suivre l'évolution des transactions foncières agricoles.

Dresser un portrait plus complet des propriétaires de la zone agricole. L'information nécessaire pour assurer un bon suivi des transactions existe, elle est disponible et publique. Il suffit de la colliger, de la traiter et de procéder aux analyses pertinentes.

Le deuxième point, c'est de...

• (15 h 10) •

La Présidente (Mme Léger) : Il vous reste une minute.

M. Groleau (Marcel) : Une minute? D'accord. Alors, ce qu'on propose, c'est de limiter, pour les trois prochaines années, à 100 hectares l'acquisition par un propriétaire, ou un individu, ou une entreprise. Pourquoi trois ans? Parce que ça permettrait pendant cette période-là de... ça permettrait aux producteurs de continuer à transiger des terres, pour la plupart — parce qu'on a vérifié, selon les registres, encore une fois, il y a très peu de producteurs qui ont acheté plus de 100 hectares par année pendant trois années — et ça limiterait l'action des fonds d'investissement. Pendant cette période-là, donc, nous, ce qu'on souhaiterait, c'est qu'il y ait une vraie réflexion autour de cet enjeu-là, l'établissement de la relève agricole, l'accès aux actifs agricoles de plus en plus dispendieux, les outils pour accéder au crédit, pour accéder aux actifs agricoles et toute la question de l'établissement de la relève agricole et de la consolidation des entreprises. Donc, c'est pour ça qu'on propose cette mesure-là.

Et aussi, en terminant, lorsque M. Paradis a été nommé ministre de l'Agriculture, M. Couillard lui a expressément demandé de trouver des solutions à la financiarisation des terres agricoles et à la difficulté pour les jeunes de s'établir en agriculture. Alors, si on laisse la situation actuelle s'accentuer, c'est sûr que ce sera de plus en plus difficile de trouver des solutions durables et à long terme. Alors, c'est pour ça qu'on demande cette espèce de clause là qui limiterait à 100 hectares l'acquisition par année, l'acquisition par une personne ou une entreprise.

La Présidente (Mme Léger) : Merci, M. Groleau. Alors, on commence la période d'échange, donc, avec la partie ministérielle. Vous avez 17 min 30 s. Donc, je crois comprendre que c'est le député de Mégantic.

M. Bolduc : Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Léger) : Je vous invite tous les deux, et autant l'organisation, tout ça, de vous adresser à la présidence à chaque fois.

M. Bolduc : Merci. Écoutez, bonjour. Il me fait plaisir de vous rencontrer aujourd'hui. Vous nous parlez, à l'accaparement des terres agricoles, début de la section 2, de Cominaret vous nous parlez que la CPTAQ autorise annuellement, à la demande d'intervenants de toutes sortes, que près de 4 000 hectares de terres appartenant à la zone verte, qu'ils soient utilisés à d'autres fins que l'agriculture, et, de ce nombre, 1 000 en sont exclus. Est-ce que c'est vraiment la quantité de terres qui sont autorisées à être exclues de l'agriculture annuellement? Et, si oui, de quelle qualité sont-elles, ces terres-là?

La Présidente (Mme Léger) : M. Groleau.

M. Groleau (Marcel) : En fait, cette statistique-là est une moyenne. En fait, sur 10 ans, c'est 4 000 hectares par année en moyenne. Et, bon, oui, c'est les meilleures terres du Québec habituellement parce que c'est pour des agrandissements principalement de périmètres urbains, construction de routes ou agrandissement de parcs industriels dans la plupart des cas. Donc, c'est parmi les meilleures terres du Québec, oui.

La Présidente (Mme Léger) : M. le député de Mégantic.

M. Bolduc : Merci, Mme la Présidente. À la page... vous nous parlez après ça de la zone agricole, vous nous dites qu'avec plus de 600 000 hectares de terres en location le taux de propriété des fermes québécoises se situe autour de 65 % à 70 %. Ma compréhension — puis je suis peut-être dans l'erreur ici, là — c'est que beaucoup de ces anciens agriculteurs là préfèrent les louer que les vendre parce que ça leur permet de garder un bien qui appartient à leur famille, mais peut-être que je n'ai pas la bonne perception. Est-ce que vous pourriez expliquer pourquoi ce phénomène de location là s'étend?

M. Groleau (Marcel) : Bien, je vais demander à Charles, finalement, peut-être de faire le point là-dessus parce que c'est important, parce que ça vient, en quelque sorte, un peu clarifier l'analyse qu'a faite CIRANO de la situation. Donc, c'est important de bien comprendre ce bout-là. Charles...

M. Ross (Charles-Félix) : Écoutez...

La Présidente (Mme Léger) : Alors, M. Ross.

M. Groleau (Marcel) : Oui, pardon.

M. Ross (Charles-Félix) : La réalité, c'est que la zone cultivée au Québec, c'est 1,9 million d'hectares, et les producteurs, pour cultiver cette zone-là, ils en louent 600 000 hectares par année. Donc, le 600 000 hectares, oui, dans certains cas, ça appartient à des anciens agriculteurs. Mais, vous l'avez dit, des anciens agriculteurs, ça peut appartenir aux générations suivantes, mais ça n'appartient plus à des producteurs agricoles. Ce n'est plus des producteurs agricoles, c'est 600 000 hectares. Et ça, on n'a aucune information de qui sont les propriétaires de ces 600 000 hectares là. Ce qu'on sait, par contre, c'est qu'entre 2006 et 2010 le taux de location, ce que les producteurs agricoles louent aux autres, a augmenté de 10 points. Donc, on est passé, là, d'à peu près, là, un 20 % à un 35 % ou un 25 % à 35 % de taux de location. Donc, c'est un phénomène qui s'accroît. Et, si on va au pourtour des villes, dans la région de Montréal, dans la CMM, on parle d'un taux de location de 50 %.

La Présidente (Mme Léger) : M. le député de Mégantic.

M. Bolduc : Merci, Mme la Présidente. Moi, j'ai aussi... Quand on regarde ce phénomène-là, puis je regarde, entre autres, les producteurs laitiers... Et je sais très bien que l'UPA est très concernée par la relève agricole, mais, quand on regarde la valeur des quotas, la valeur de la machinerie et la valeur des fermes, en fait les quotas, entre autres, sont de très loin des valeurs beaucoup plus supérieures au coût d'acquisition des terres et que la problématique aujourd'hui, c'est la dimension des terres, qui fait que les jeunes ne peuvent pas mettre en place une capitalisation suffisante pour acquérir leurs terres, d'où une déviation des terres vers d'autres utilisations ou d'autres formes d'entreprises. Est-ce que vous pourriez commenter là-dessus, s'il vous plaît?

La Présidente (Mme Léger) : M. Groleau.

M. Groleau (Marcel) : En fait, dans certaines régions, aujourd'hui la valeur des terres est plus importante pour une entreprise agricole que la valeur du quota. Selon la taille de l'exploitation laitière, nécessairement. Mais l'augmentation du prix des terres, qu'on a démontrée, là, le 600 % depuis 1990, c'est une... Et, si on avait pris l'augmentation des cinq dernières années, l'augmentation du prix des terres a été plus lourde à supporter dans les transactions foncières ou dans les transactions d'entreprises, dans bien des cas, que la valeur des quotas.

La Présidente (Mme Léger) : M. le député de Mégantic.

M. Bolduc : Merci, Mme la Présidente. Vous avez mentionné qu'il y avait, dans certains cas, plusieurs milliers d'entreprises qui avaient des terres au Québec et vous nous avez fait une liste de certains joueurs très actifs, comme vous les qualifiez, dans les cinq dernières années, qui auraient acquéri pour 121 millions de dollars de terres. Est-ce que ça, ça inclut seulement que les terres ou ça inclut aussi des actifs agricoles tels que des quotas de lait, etc.? Parce que, si je prends, par exemple, Pangea, là, je sais qu'elle acquiert environ 49 % d'une participation dans des fermes. Donc, là-dedans, là, c'est l'ensemble de la ferme, pas seulement que les terres. Ça fait que je suis un peu... Est-ce que vous pourriez clarifier ça, s'il vous plaît?

La Présidente (Mme Léger) : M. Groleau.

M. Groleau (Marcel) : Oui. En fait, ce sont des acquisitions de terres. Le 121 millions, c'est les acquisitions de terres. Et, dans le cas de Pangea, Pangea, quand elle achète les terres, le 49 % auquel vous faites référence, c'est la compagnie de gestion qui va opérer les terres agricoles achetées par Pangea, et, dans cette compagnie de gestion là, Pangea détient 49 % des actions. Alors, il faut faire bien la distinction. Et c'est là, nous, où on dit que le modèle... En fait, l'exploitant qui détient 51 % de cette compagnie de gestion là détient soit les actifs qu'il a amenés dans cette entreprise-là ou, à défaut, ne détient que des actions d'une entreprise qui opère les terres. Donc, il ne détient pas l'actif foncier.

La Présidente (Mme Léger) : ...M. le député de...

M. Bolduc : O.K. Merci, Mme la Présidente. Le 11 septembre 2014, le ministre de l'Agriculture vous a envoyé une lettre en vous demandant que, si vous aviez connaissance de transactions et de phénomènes d'accaparement, de lui transmettre l'information. Est-ce que vous avez un document de réponse à cette lettre-là?

M. Groleau (Marcel) : En fait, cette demande-là, pour nous, on peut transmettre... Le ministre a plus d'outils que nous pour avoir un portrait plus détaillé des transactions, que n'importe quel autre groupe dans la société, là. Moi, je peux rapporter ce qui s'est passé chez mon voisin, je peux rapporter ce qu'untel ou untel m'a dit ou je peux faire comme on a fait, aller fouiller dans les registres fonciers puis relever les principaux acheteurs des cinq dernières années. Mais, en fait, je pense que cette demande-là du ministre visait à peut-être tenter de démontrer la marginalité de la situation, alors qu'en fait, pour nous, la situation, elle s'accentue, et on ne peut pas parler de phénomène marginal.

C'est un phénomène, de toute façon, qui est mathématiquement appelé... juste d'un point de vue finances, qui devient intéressant. Une augmentation de 600 % depuis 1990, est-ce que ça va se répéter dans les 10 prochaines années? Je ne le sais pas. Mais, basé sur le passé, il n'y a pas beaucoup d'investissements qui ont donné autant que le rendement procuré par les terres agricoles. Donc, pour un fonds d'investissement, c'est intéressant d'acheter ou d'avoir dans son portefeuille des actifs aussi sûrs que les terres agricoles.

D'ailleurs, ce n'est pas pour rien que la Caisse de dépôt a mis 250 millions dans un fonds qui fait de l'achat, de l'acquisition de terres, un fonds américain qui fait de l'acquisition de terres. Alors, le phénomène est mondial, là. Mettre nos capitaux à l'abri dans des valeurs sûres, tous les fonds d'investissement font ça. Alors, la situation est la même au Québec qu'ailleurs dans le monde, là. Et la preuve de ça, bien, encore une fois, c'est que la Caisse de dépôt elle-même le fait.

• (15 h 20) •

La Présidente (Mme Léger) : M. le député de Mégantic.

M. Bolduc : Merci, Mme la Présidente. Si je comprends bien, ça veut dire que vous n'avez pas... il n'y a pas eu de réponse à la lettre au ministre officiellement, là, vous n'avez pas envoyé de lettre.

M. Groleau (Marcel) : Bien, je pense que le mémoire, c'est une réponse.

M. Bolduc : O.K. Je vous remercie. Donc, je vais laisser ma...

La Présidente (Mme Léger) : Alors, M. le député de Beauce-Sud, à votre tour.

M. Dutil : Merci, Mme la Présidente. Tout à l'heure, vous avez mentionné qu'il y a 1,9 million d'hectares au Québec de disponibles. Ça, c'est les terres qui sont en production ou ce sont l'ensemble des terres zonées agricoles?

La Présidente (Mme Léger) : M. Groleau.

M. Groleau (Marcel) : Ça, ce sont les terres en production. Donc, dans la zone agricole, il y a autour de 3,4, je crois, millions d'hectares, là, mais, en culture, c'est 1,9 million d'hectares.

M. Dutil : L'autosuffisance alimentaire exige combien de... On sait qu'il y a eu une augmentation de productivité considérable depuis un siècle, là, mais on est passé de 1 million à 8 millions d'habitants, puis probablement que l'autosuffisance est plus difficile à obtenir à 8 millions d'habitants qu'à 1 million d'habitants il y a un siècle.

M. Groleau (Marcel) : Oui, parce qu'on ne peut pas agrandir nos terres agricoles d'autant, là. Mais je laisserais peut-être...

M. Dutil : Justement, on a compensé par de la productivité supplémentaire.

M. Groleau (Marcel) : Voilà. Mais Charles pourrait peut-être apporter quelques éclairages là-dessus.

La Présidente (Mme Léger) : Alors, M. Ross.

M. Ross (Charles-Félix) : Oui. Bien, sur la zone qui est protégée par la loi sur la protection du territoire agricole, c'est 6,4 millions d'hectares. Donc, là-dessus, les producteurs en occupent 3,4 millions, puis, sur le 3,4 millions, il y en a 1,9 million en culture. Dans le 3,4, ils en louent 600 000. Donc, ce qu'ils possèdent, c'est 2,8 . Donc, il y a une bonne partie de la zone occupée par les producteurs qui sont des territoires boisés, ce qui fait qu'il y a 1,9 million qui est cultivé. Mais il y a un 3 millions d'hectares entre le 6,4 puis le 3,4, il y a un 3 millions d'hectares qui est protégé par la loi sur la protection du territoire agricole. Il n'y a pas de producteurs qui occupent ces zones-là, mais c'est protégé quand même pour un potentiel futur. Et, là encore, on n'a absolument aucune information sur qui sont les propriétaires de ces terres-là et quelles sont les transactions qui opèrent sur ces marchés-là. On n'a absolument aucune information. En fait, l'agriculture, le 1,9 million d'hectares, c'est ce qu'on dit, on n'occupe que 30 %, là, de la zone qui est protégée par la Commission de la protection du territoire agricole, et, une bonne partie de ces hectares-là, de ce fonds-là foncier, on n'a absolument aucune idée de qui sont les propriétaires.

Et à votre question sur l'autonomie alimentaire je vous dirais qu'on produit, en termes de valeur d'aliments, là, sensiblement ce que les Québécois consomment annuellement, mais c'est sûr qu'on produit beaucoup de porc, de lait, de sirop d'érable. Donc, il y a une partie de cette production-là qui est exportée soit à l'extérieur du Canada ou à l'intérieur du Canada, mais on importe également en retour. Mais, au net, on produit sensiblement, en argent, ce qu'on consomme au Québec.

M. Dutil : Donc, on peut dire, Mme la Présidente, là, qu'on est autosuffisants sur le plan alimentaire. Évidemment, il y a des échanges, ça, c'est sûr. On ne produit pas d'oranges puis on achète des oranges, mais on produit du porc puis on l'exporte. Bon, un dans l'autre, on a plus ou moins zéro.

Ceci étant, ça a dû évoluer à la baisse, j'imagine, ça, parce que plus la population augmente, plus c'est difficile de continuer à être autosuffisant sur le plan alimentaire, à moins que la productivité suive, ce qui a peut-être été le cas, là, remarquez bien.

M. Groleau (Marcel) : Je vous dirais que, depuis 20 ans, la productivité a certainement suivi. Je regarde la productivité, que ce soit au niveau des céréales, animale, production laitière, végétale, je dirais que la productivité a suivi.

M. Dutil : Vu l'augmentation de la population. Maintenant, je vais vous revenir avec deux questions que j'ai posées tout à l'heure qui m'inquiètent personnellement. Parce que, ça, je pense qu'on est d'accord sur une chose, la situation de la pression sur le monde agricole n'est pas la même, dépendant des régions, et nous, on fait partie des régions où il n'y en a plus, de pression. Au contraire, on se demande qui on va aller mettre là parce qu'il y a moins d'enfants, il n'y a pas d'immigration. Bon, en tout cas, je ne vous conterai pas l'ensemble de nos problèmes, mais, quand on fait la couronne sur le bord des États-Unis, là, on s'éloigne de Lévis puis on s'éloigne de Beauce-Nord, qui est assez productif, puis on s'en va vers la frontière américaine, là, c'est le désert, ce n'est pas compliqué, c'est la friche, c'est le reboisement. Nos ennemis pour l'agriculture, ce n'est pas les spéculateurs.

Je repose la question, est-ce qu'il y a encore lieu de maintenir le refus, par législation ou par règlement, de prendre les terres en friche puis de les recultiver, comme on le vit actuellement et qui avait été pour une cause, à mon avis, qui est réglée, le phosphore?

M. Groleau (Marcel) : Bien, nous, on est tout à fait d'accord à ce que les terres en friche soient remises en culture prioritairement. Ça, on le demande, d'ailleurs, la réouverture du règlement sur les entreprises agricoles, parce qu'actuellement, dans ce règlement-là, les superficies en culture sont limitées actuellement au Québec, donc on perd des superficies en culture. Par le 4 000 hectares par année qui est converti à d'autres fins que les fins agricoles, la zone agricole se rétrécit au Québec.

M. Dutil : ...la friche.

M. Groleau (Marcel) : Bien, entre autres, il y a ça. Mais la friche, ça représente, somme toute, à l'échelle du Québec, une petite portion, somme toute, là, il faudrait la... Je ne l'ai pas en mémoire ici, mais ce n'est pas très important. C'est moins important que ce qu'on perd à chaque année par l'accroissement des périmètres urbains ou l'utilisation du sol à d'autres fins que l'agriculture.

M. Dutil : Je pense, Mme la Présidente, qu'on est d'accord avec le président là-dessus. La différence, c'est que la friche est localisée à des endroits où il y a une dévitalisation. Alors donc, c'est important dans certains endroits, là. Ce n'est pas important sur l'ensemble, je comprends bien.

M. Groleau (Marcel) : Mais ça soulève aussi pourquoi... Souvent, dans ces régions-là, bon, il y a moins d'intérêt à y habiter, plus loin des centres, des sols peut-être aussi moins propices à la diversification de l'agriculture, production de céréales ou autres. Mais il y a aussi d'autres phénomènes qu'uniquement les lois existantes au Québec qui ont provoqué cette situation-là.

M. Dutil : Effectivement. Moi, je pense que la dénatalité est le principal facteur, là, personnellement, mais, effectivement, il peut avoir une multitude d'autres aspects.

L'autre point, que j'ai soulevé tout à l'heure, que je tiens à resoulever, c'est qu'on a certaines difficultés dans la revente des terres à des propriétaires quand le propriétaire de la terre en a acheté plusieurs et ne peut pas les rescinder autrement que par une décision de la CPTAQ, qui est difficile à obtenir et qui est coûteuse à obtenir. Ils finissent par l'obtenir, là. Je pense qu'il y a des débats qui se font, et, en général, la commission n'est pas déraisonnable. Mais c'est un an, deux ans, 10 000 $ plus tard, là, donc ça décourage certaines personnes. Que pensez-vous de cette règle-là? Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de retoucher également la règle du morcellement de façon à être un peu plus souple?

M. Groleau (Marcel) : Avec M. Paradis, on n'a pas eu l'occasion d'avoir cette discussion-là. On avait eu cette discussion-là avec le gouvernement précédent sur la question du morcellement, et une des prérogatives avant de parler de morcellement, ça devrait être de parler de la protection des activités agricoles. La commission a dans son mandat de protéger les terres agricoles et les activités agricoles. Par contre, le seul moyen que la commission a pour protéger les activités agricoles, c'est d'assurer l'harmonie sur le territoire agricole, donc de ne pas avoir, par exemple, des élevages animaux à proximité de tables champêtres, ou d'utilisation de sites agrotouristiques, ou des choses comme ça. Mais c'est là où la situation... On le voit, nous, il y a de plus en plus d'intolérance des citoyens aux activités agricoles : odeurs, poussière, le voyagement des machineries sur les routes. Nous, on avait dit : On peut s'asseoir puis parler de morcellement ou de comment on pourrait faciliter le morcellement pour des projets agricoles, mais il faut s'assurer que ça se fasse dans le respect et la protection des activités agricoles.

La Présidente (Mme Léger) : Merci. Alors, M. le député de Saint-François.

M. Hardy : Mme la Présidente, ma question est sur un paragraphe que je viens de voir, là, sur l'augmentation des transactions qui se passent avec les terres agricoles. Ma question est : Est-ce que les producteurs agricoles sont plus nombreux à prendre leur retraite et qu'ils n'ont pas personne pour prendre la relève? Est-ce que vous avez fait une étude sur la relève agricole? Est-ce qu'il y a beaucoup de jeunes qui veulent reprendre les terres familiales?

La Présidente (Mme Léger) : Alors, pour une vingtaine de secondes.

M. Groleau (Marcel) : On a un taux, disons, d'établissement en agriculture meilleur que dans les autres provinces canadiennes au Québec. Donc, il y a deux raisons principales qui expliquent ça. On a des meilleurs programmes pour aider la relève agricole à acheter ou à devenir producteur agricole que les autres provinces. Et, dans les productions sous gestion de l'offre particulièrement, il y a un bon taux de renouvellement ou de transfert intergénérationnel qui se fait, alors... Mais on n'aura jamais assez... il faut toujours se soucier de plus en plus de cette question-là parce que ça, c'est... Les taux qu'on a aujourd'hui, c'est un reflet du passé, mais ce n'est pas une garantie pour l'avenir. Nous, on vous dit aujourd'hui exactement ça : L'augmentation du prix des terres agricoles et l'implication des financiers dans le milieu des terres agricoles...

La Présidente (Mme Léger) : Je vous arrête.

M. Groleau (Marcel) : ...compliquent cette situation-là.

• (15 h 30) •

La Présidente (Mme Léger) : Si vous voulez poursuivre, peut-être que vous allez être capable dans les autres questions que vous aurez, M. Groleau. Alors, M. le député de Berthier, le porte-parole de l'opposition officielle en matière d'agriculture, à votre tour. Vous avez 10 min 30 s.

M. Villeneuve : Merci, Mme la Présidente. Alors, bonjour, M. Groleau. Bonjour, M. Ross. On a abordé, évidemment... Au fil des gens qu'on va rencontrer, assurément qu'il y aura de la redondance quelque peu, mais enfin je pense qu'il vaut mieux répéter parfois pour être sûr qu'on a bien compris, là. Mais tantôt on discutait avec le groupe avant vous du rapport CIRANO qui parlait d'un phénomène marginal. Certains vont le qualifier d'épiphénomène, mais phénomène marginal, restons sur ce point-là, ce qui n'est pas votre perception des choses. Je veux juste rappeler que le rapport date quand même de 2012 et que, depuis, il y a des joueurs qui se sont ajoutés dans la mêlée, si je peux dire ça comme ça, des joueurs, donc des fonds d'investissement privés qui sont agressifs sur le marché.

Vous, ce que vous notez, c'est que le phénomène est différent d'une région à l'autre. On prend le Lac-Saint-Jean, où 50 %... C'est la moitié des transactions, ça, c'est énorme parce qu'à mon sens à moi... Je ne sais pas ce que les collègues en pensent, ici, autour de la table, là, mais c'est quand même énorme comme transactions. Alors, moi, ce que j'aimerais savoir de votre part, c'est : Ce phénomène-là, que vous, vous ne qualifiez pas de marginal, est-ce que vous considérez que, pour toutes sortes de raisons, qu'il pourrait, j'allais dire, s'éteindre de lui-même? Est-ce qu'on prend une chance? Comme on dit, est-ce qu'on prend une chance que les terres vont se stabiliser en termes de hausse de valeur? Est-ce qu'on prend une chance, finalement, que les investisseurs vont vouloir... Parce que la vraie question qu'il faut se poser aussi, c'est quoi, l'intérêt des fonds d'investissement privés? C'est quoi, leur intérêt d'acheter des terres? Un fonds d'investissement privé, à mon sens à moi, c'est un fonds qui doit, tôt ou tard, redonner des profits à ses actionnaires. Tantôt, vous le disiez bien — je pense bien que c'est vous qui disiez ça — que les fonds d'investissement, dans le fond, vont générer beaucoup moins d'activité économique ou de retombées économiques que si c'est une ferme familiale qui... ou plusieurs fermes familiales, finalement, qui sont en activité sur le territoire.

Moi, je sais que c'est redondant un peu, mais j'aimerais quand même vous entendre par rapport à ces questions-là, qui sont fondamentales. Pourquoi un fonds d'investissement privé s'intéresse-t-il aux terres agricoles? C'est quoi, la raison première? Et, selon vous, est-ce que, le phénomène, on prend une chance ou si l'État doit s'assurer d'avoir toute l'information en main, toutes les données en main pour être en mesure d'informer la population? Comme on disait tantôt, il n'y a peut-être pas péril en la demeure, mais il y a comme une perception ou un sentiment d'accélération de ce phénomène-là actuellement au Québec.

La Présidente (Mme Léger) : M. Groleau.

M. Groleau (Marcel) : Bien, peut-être que Charles pourrait ajouter à ce que j'ai déjà dit, mais c'est...

La Présidente (Mme Léger) : M. Ross.

M. Ross (Charles-Félix) : Oui. En fait, là, souvent, devant la cour, on dit à l'avocat adverse : Vous avez erré en droit. Bien, CIRANO, il a erré en économie en disant que les producteurs agricoles étaient propriétaires à 84 % de leurs terres. Tous les chiffres le démontrent, le taux de propriété est entre 65 % et 70 %. Ça, c'est une vraie statistique, c'est une réalité.

Au Lac-Saint-Jean — puis maintenant dans le Kamouraska — au Lac-Saint-Jean particulièrement, quand, d'abord, la Banque Nationale a acquis, sur une année ou deux, plus de 2 000 hectares de terres, effectivement la Banque Nationale a occupé, cette année-là, plus de 50 % du marché des transactions. Il y a à peu près 130 000 hectares de terres cultivées au Lac-Saint-Jean, c'est à peu près 3 % du territoire agricole du Québec, puis acheter 2 000 hectares une année, on occupe le marché et on peut dicter nos règles. Même chose pour Pangea, deux années plus tard, ils ont racheté des terres de la Banque Nationale, ils ont acheté également des terres directement des producteurs, donc ils ont eu une position qui était dominante sur le marché et ils ont le pouvoir.

Nous, l'information qu'on est allés chercher dans les registres, les informations qu'on peut retrouver sur le Registre foncier, c'est que Pangea dispose d'une marge de crédit d'au-dessus de 20 millions de dollars. Il n'y a pas beaucoup d'agriculteurs, là, puis de jeunes de la relève agricole qui ont 20, 25 millions de dollars dans leurs poches pour acheter des terres agricoles. Mais Pangea, c'est ses moyens. Puis ils ne le font pas en Montérégie, ils ne le font pas dans Lanaudière, ils le font au Lac-Saint-Jean, puis là ils veulent le faire au Kamouraska... ils l'ont fait déjà au Kamouraska. Donc, ils ont une position dominante. Ils veulent acheter des superficies qui sont importantes pour ces régions-là, donc ils ont un impact et ils viennent compétitionner la relève agricole pour l'achat de terres.

La Présidente (Mme Léger) : M. le député de Berthier.

M. Villeneuve : Oui. Puis là vous me corrigerez si je me trompe, là, mais un agriculteur va bâtir son entreprise — agriculteur propriétaire — sur un actif qui, au fil des ans, va nécessairement croître, des fois moins, des fois plus. Là, on a vu que, depuis les 15 dernières années, c'était assez fulgurant, mais il y a eu d'autres années où c'était moins élevé que ça comme croissance au niveau de l'actif. Le modèle, entre autres, de Pangea, lui, ce qu'il dit, c'est que vous allez être locataire. Comment est-ce qu'un agriculteur-entrepreneur locataire — disons-le comme ça — à 51 % des parts, s'il y a des profits — parce qu'il y a des années où les profits peuvent être moins là, son loyer, il faut qu'il le paie pareil, là — comment il peut penser construire, bâtir son avenir en agriculture si l'actif principal, qui ne se déprécie pas, au contraire, en général, qui est le fonds de terre, ne lui appartient pas, et les risques qui lui appartiennent sont plutôt... En tout cas, les chances que ça devienne à lui un jour, ce n'est pas clair, ça non plus, là. Alors, moi, j'aimerais vous entendre là-dessus.

La Présidente (Mme Léger) : M. Groleau.

M. Groleau (Marcel) : Oui. C'est exactement le point qui nous inquiète le plus pour la relève et l'entrepreneuriat. Au Québec, on a 28 000 fermes environ actuellement. C'est 28 000 entreprises, entrepreneurs, hommes et femmes, qui investissent à chaque jour pour développer leur entreprise puis faire bonifier les capitaux dans lesquels ils ont investi, c'est leur capital. Ma situation, moi, en 1988, quand j'ai acheté de mes parents, si je n'avais pas participé ou si l'appréciation de la valeur du capital était allée à quelqu'un d'autre plutôt qu'aller à mon entreprise, je n'aurais jamais pu continuer de me développer parce que ces capitaux-là auraient peut-être été à des actionnaires d'un fonds d'investissement qui, eux... leur intention n'était peut-être pas de réinvestir en agriculture. Moi, j'ai ce levier-là de la valeur de mes capitaux pour garantir mes créanciers, alors continuer de développer et de faire des acquisitions, faire progresser. Donc, la taille de mon entreprise a plus que triplé depuis 1988, là, dans différents secteurs, là. Donc, c'est ça, la capacité qu'offre le fait d'être propriétaire de ses actifs. Ce que propose Pangea, ce n'est pas du tout ce modèle-là. Puis tous les producteurs agricoles qui sont derrière moi ici pourraient vous raconter ce que je viens de vous raconter, c'est important, dans le développement d'une entreprise agricole, de pouvoir utiliser l'appréciation de la valeur de ses actifs pour se développer. Alors, c'est essentiel que le modèle...

Et c'est ça, l'entreprise au Québec... l'agriculture, elle est familiale au Québec. Puis, dans le monde, c'est presque exclusivement familial, l'agriculture. Et c'est démontré que l'agriculture familiale est plus productive que l'agriculture par des fonds d'investissement parce que leur intérêt, eux, ces fonds-là, peut varier dans le temps. Aujourd'hui, c'est intéressant. Il se présente d'autres bonnes affaires dans le futur, c'est quoi, mon intérêt de poursuivre en agriculture? C'est quoi, mon intérêt de diversifier s'il faut que je réinvestisse? Nous, comme producteurs agricoles, notre seul intérêt, c'est d'investir et de développer nos entreprises.

Alors, lorsqu'on parle du modèle futur agricole québécois, bien, les décisions que vous allez prendre cette année sont très importantes pour le modèle futur d'occupation de notre territoire. C'est pour ça que la FQM est ici, d'ailleurs. C'est pour ça qu'il y a tant de gens qui sont préoccupés par cette situation-là. Et je lisais le communiqué de presse du Conseil des entrepreneurs agricoles, qui, eux aussi, disent : Il faut protéger le modèle familial. Le seul endroit où on ne s'accorde pas cette fois-ci, c'est sur le fait de mettre une limite ou pas de 100 hectares pendant les trois prochaines années pour trouver des solutions et, pendant ces trois années-là, limiter l'action des fonds d'investissement. Mais, sur le fait que notre agriculture familiale est performante, je pense qu'il n'y a personne qui va contredire ça ici.

La Présidente (Mme Léger) : Vous avez des supporteurs à l'arrière parce qu'ils hochent la tête, M. Groleau. M. le député de...

M. Villeneuve : Je céderai la parole à mon collègue, Mme la Présidente, avec votre accord.

La Présidente (Mme Léger) : Alors, M. le député de Bonaventure.

M. Roy : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, messieurs. Dans une ancienne vie, on nous enseignait qu'il existait un phénomène de financiarisation du capital, où, au lieu d'investir sur terre, dans des usines, des entreprises, on a décidé de prendre les sous puis de les jouer à la bourse ou dans... et puis ce qui a amené des pertes d'emplois très significatives dans l'économie, je dirais, industrielle dans les sociétés capitalistes. La financiarisation du territoire agricole semble découler d'un surplus très important de liquidités où on cherche des territoires d'investissement, et là je me demande si l'impact ne pourrait pas être similaire à celui d'une économie plus industrielle, à savoir diminution de l'intérêt à long terme de faire des investissements qui vont susciter de la création d'emplois et de la richesse. Et puis la question est très simple : Dans un contexte comme celui-là, d'accaparement des terres agricoles par la finance, quel avenir pour l'agriculture?

La Présidente (Mme Léger) : M. Groleau.

• (15 h 40) •

M. Groleau (Marcel) : Bien, si on laisse aller le modèle de financiarisation et le modèle où les producteurs ne sont plus propriétaires des capitaux, mais uniquement des opérateurs et des exploitants du sol, c'est sûr que moi, je pense qu'il va y avoir une diminution de la propriété québécoise des terres agricoles à terme parce que ces fonds d'investissement là qui vont constituer des banques de terres deviennent inréressants pour des fonds plus gros qu'eux qui veulent ajouter à leur portefeuille des actifs solides. Alors, c'est clair qu'à mesure que ces fonds-là vont se constituer, s'il y a un fonds de 50 000 hectares de terres au Québec parmi les plus belles terres du Québec, c'est sûr que, pour un fonds international qui veut ajouter de ces actifs-là dans son portefeuille, ça devient intéressant. Alors, c'est ça, l'intérêt d'un fonds d'investissement, c'est de générer de l'intérêt pour quelqu'un de plus important qui va s'en porter acquéreur, puis eux vont «casher» la plus-value qu'ils ont faite pendant la période où ils l'ont détenu. Alors, c'est sûr que cette situation-là, pour moi, elle est préoccupante.

La Présidente (Mme Léger) : Je dois maintenant céder la parole au deuxième groupe d'opposition. Juste avant, je vais vous dire que nous avons quand même invité... Vous avez, tout à l'heure, noté, M. Ross, on a invité la Banque Nationale, mais ils ont décliné l'invitation. Alors, je voulais quand même vous le signifier. Mme la députée de Mirabel.

Mme D'Amours : Merci, Mme la Présidente. On voit, bon, des partenaires agricoles, Pangea a acheté des terres, mais moi, je me dis tout le temps : S'il y a des acheteurs, c'est parce qu'il y a des vendeurs. Alors, comment vous expliquez qu'un producteur agricole qui a travaillé toute sa vie en mode ferme familiale arrive un jour à une décision qu'il va vendre sa terre à un regroupement comme ça?

M. Groleau (Marcel) : Oui. Bien, parce que c'est sûr... Puis, on l'a dit d'entrée de jeu dans notre mémoire, pour nous, l'UPA, ce n'est pas une situation facile parce qu'on le sait qu'on a des producteurs qui sont vendeurs, puis eux, il est normal qu'ils veuillent aller chercher le meilleur prix pour la vente de leurs terres. En contrepartie, on a des producteurs qui veulent consolider leur entreprise, puis eux voient arriver dans le marché un compétiteur qu'ils ne sont pas capables de soutenir ou de compétitionner. Alors, cette dualité-là, elle existe, et c'est vrai dans tous les systèmes, là.

Nous, les producteurs agricoles qui ont des terres à vendre, habituellement, aujourd'hui, là, la demande est assez forte un peu partout sur le territoire, sauf quelques exceptions. Et, dans ces exceptions-là, les fonds d'investissement ne sont pas là actuellement, donc sauf... Les producteurs trouvent preneur pour leurs terres, là, il n'y a pas de... Il y a vraiment, par les producteurs existants, un intérêt à consolider leur entreprise. Quand il y a un acre de terre à vendre, je peux vous assurer qu'il y a plusieurs preneurs actuellement.

La Présidente (Mme Léger) : Mme la députée de Mirabel.

Mme D'Amours : Bon, on vit ce phénomène-là, mais c'est un phénomène qui est mondial, comme vous disiez. Est-ce que ce n'est pas des modèles — là, on est en 2015 — différents? Est-ce qu'ils ne peuvent pas former une avenue? Peuvent-ils s'harmoniser? Est-ce qu'on a le droit de dire à quelqu'un à qui tu vas vendre ta terre et combien tu vas la vendre? Alors, est-ce qu'il y a une façon de faire, d'après vous — j'aimerais ça, vous entendre là-dessus — qu'il y aurait des modèles différents, mais qu'on pourrait tous bien prospérer dans le monde agricole avec ces modèles différents là?

La Présidente (Mme Léger) : M. Groleau.

M. Groleau (Marcel) : Tout d'abord, ce qu'on propose, là, ce n'est pas du tout de fixer le prix des terres et d'indiquer à qui un producteur peut vendre ou pas sa terre. Ça, on n'est pas du tout là, là. Le marché des terres est un marché libre, et il n'y a pas de personne qui en fixe les prix, sauf le marché ou la pression sur le marché. Ça, on veut laisser ça comme ça, mais on veut que ça soit un marché entre producteurs agricoles.

Maintenant, est-ce qu'il y aurait une avenue pour des investisseurs en agriculture qui voudraient mettre des capitaux, investir des capitaux et partager et les risques et les rendements avec les producteurs? C'est ce que font nos prêteurs. Lorsque Mouvement Desjardins me fait un prêt, bien, il investit avec moi, puis on partage ensemble un risque. Quand ça devient trop serré, habituellement, lui, il se retire, là, mais on partage un risque et on partage une partie des bénéfices, puisque lui, il a un rendement là-dessus.

Moi, je dis... Et le trois ans, il est intéressant à ce niveau-là. Si on prend une pause de trois ans où on dit aux fonds d'investissement : Regarde, mettez-vous sur pause, là, puis réfléchissons ensemble est-ce qu'ils ont un rôle ou est-ce qu'ils pourraient jouer un rôle dans le développement de l'agriculture au Québec et dans le développement de nos entreprises agricoles au Québec... Prenons-la, cette pause-là, puis réfléchissons. Je n'ai pas la réponse à votre question, mais je pense que, là, ça prend des capitaux en agriculture. On le sait, ça en prend, comme dans les autres secteurs de l'économie, mais il ne faut pas que ces capitaux-là s'accaparent les actifs du secteur. Il faut qu'ils profitent au développement du secteur, mais il ne faut pas qu'ils s'accaparent les actifs du secteur.

La Présidente (Mme Léger) : Mme la députée de Mirabel.

Mme D'Amours : Il y a, dans toutes les revues, journaux, qu'on parle depuis le tout début, là, de l'accaparement des terres depuis quelques années, il y a souvent une question qui est soulevée, c'est le modèle des intégrateurs dans le porc versus l'accaparement des terres, les gens qui... Donc, j'aimerais ça que vous me parliez de la différence entre ça, entre les intégrateurs de porc et les... Bien, je dis intégrateurs en général.

M. Groleau (Marcel) : La contractualisation, là?

Mme D'Amours : Et voilà.

M. Groleau (Marcel) : O.K. La contractualisation, dans le secteur des viandes, surtout dans le boeuf et dans le porc, en Amérique du Nord — et même dans la volaille, là — c'est un modèle de développement. Bon, la différence, c'est que, premièrement, quand tu... Prenons n'importe quel groupe au Québec, là, ils ont leur génétique, ils ont leurs méthodes ou leurs recettes pour l'élevage, ils ont leurs abattoirs et leurs coupes de viande, et ils ont leurs marchés. Donc, il y a comme une ligne de production de la ferme jusqu'au client, et la contractualisation vise à assurer la meilleure homogénéité possible dans cette ligne de production là. Et nous, donc, on n'est pas contre ce modèle-là, hein, l'UPA, le fait qu'il y ait de la contractualisation. Là, où on veut assurer nos arrières ou les producteurs, c'est, dans cette ligne de production là, il faut assurer que le producteur participe aux bénéfices de façon juste et équitable. C'est ça, notre préoccupation, nous, dans ce modèle-là.

Dans le cas de l'accaparement des terres, on n'est pas tout à fait là, là, ou on ne souhaite pas en arriver là non plus, là, mais le producteur qui n'est pas du tout propriétaire des actifs, qui n'est que l'opérateur, c'est quoi... il n'a aucune garantie, là. Tu sais, au moins, dans la ligne de production de la viande, il a une expertise, il est là. Dans l'accaparement des terres, on a vu des gens qui ne sont pas restés longtemps associés, là. Ils ont fait quelques mois, après ça ils ont été remplacés, ils ne rencontraient pas les objectifs. C'est là où le producteur devient vulnérable, et nous, on ne souhaite pas ce modèle-là.

La Présidente (Mme Léger) : Une vingtaine de secondes.

Mme D'Amours : J'ai terminé. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Léger) : Bien, merci, M. Groleau, président de l'Union des producteurs agricoles, et M. Ross, de l'échange que nous avons eu.

J'arrête quelques instants juste pour permettre maintenant au Conseil des entrepreneurs agricoles de venir s'installer.

(Suspension de la séance à 15 h 48)

(Reprise à 15 h 51)

La Présidente (Mme Léger) : À l'ordre, s'il vous plaît! Merci. Merci.

Des voix : ...

La Présidente (Mme Léger) : À l'ordre, s'il vous plaît! Ceux qui veulent parler, je vous invite à aller dans les couloirs, c'est votre prérogative. Mais, si vous êtes ici, à la commission, je vous demanderais le silence, s'il vous plaît. Merci.

Alors, nous sommes heureux de recevoir le Conseil des entrepreneurs agricoles. Alors, M. Cartier, qui est le président, bienvenue. Vous allez avoir 10 minutes pour votre présentation. Et je vous invite avant de nous présenter les gens qui vous accompagnent, et après on aura des échanges avec les formations politiques.

Conseil des entrepreneurs agricoles (CEA)

M. Cartier (Jacques) : Alors, merci, Mme la Présidente. Alors, Mme la Présidente de la commission des pêcheries, de l'énergie et des ressources naturelles, Mmes, MM. les députés, permettez-moi d'abord de vous présenter les personnes qui m'accompagnent pour la présentation. D'abord, à ma gauche, M. Gilles Brouillard, qui est producteur agricole et administrateur du Conseil des entrepreneurs agricoles, et, à ma droite, M. Michel Saint-Pierre, invité du Conseil des entrepreneurs agricoles et observateur de l'évolution de l'agriculture québécoise depuis de nombreuses années.

Alors, je tiens à souligner aussi la présence de producteurs agricoles et de jeunes de la relève qui ont jugé important de se déplacer aujourd'hui pour soutenir le message du Conseil des entrepreneurs agricoles. La majorité des gens qui sont derrière nous sont des gens qui sont ici pour nous supporter dans notre démarche, comme des gens d'entreprises, alors des producteurs agricoles qui, par ailleurs, n'ont jamais eu l'occasion de voter d'aucune façon en faveur des propositions que l'Union des producteurs agricoles vous a présentées, des jeunes de la relève qui, eux non plus, n'ont pas eu l'occasion de se prononcer sur les propositions qui seront déposées par la Fédération de la relève agricole, le club-école de l'Union des producteurs agricoles, qui répète le même message.

D'entrée de jeu, le Conseil des entrepreneurs agricoles tient à souligner qu'il ne fait d'aucune façon la promotion des modèles d'agriculture proposés par des fonds d'investissement et décriés comme étant de l'accaparement des terres agricoles. Nous avons même certaines réserves sur la viabilité à moyen et à long terme de ce modèle d'affaires. Nous partageons cependant encore moins et nous nous dissocions complètement de la vision de ceux qui exigent un contrôle des achats des terres et d'une intervention réglementaire drastique pour régir les transactions. Cette approche prônée par l'UPA aura sans aucun doute des conséquences désastreuses pour les entreprises agricoles familiales existantes et surtout pour la relève agricole.

L'achat des terres et la mise en valeur sont au coeur de la réussite des fermes familiales québécoises depuis toujours. La capacité et la liberté pour les entreprises agricoles familiales d'acheter des terres sont un facteur fondamental d'amélioration de leur situation économique ainsi que de la qualité de vie des exploitants. Où seraient les leaders agricoles de nos régions qui font la fierté de nos villages et de notre agriculture si on les avait contraints dans le processus d'acquisition des terres? Auraient-ils pu atteindre le statut actuel avec des plafonds maximums d'achat de terres ou s'ils s'étaient vus interdire de procéder à certains achats?

Pensons à l'entreprise Patates Dolbec dans la région de Portneuf, aux Maraîchers Van Winden en Montérégie, aux frères Raynault de la Ferme Bonneterre dans Lanaudière, à la Ferme Landrynoise dans les Bois-Francs ou encore à l'exemple de Denise Verreault et le développement de la culture du chanvre en Gaspésie. Voulons-nous mettre fin à ces exemples et à cette image de l'agriculture forte et dynamique? Ce sont ces entreprises et combien d'autres leaders de notre secteur agricole qui seront les premiers perdants d'un éventuel plafonnement des superficies agricoles pouvant être achetées. Cette mesure serait catastrophique pour les entreprises agricoles, pour la relève et pour la viabilité économique des régions agricoles du Québec.

Comment expliquer alors le lobby de l'UPA depuis 2011 d'aller convaincre le gouvernement d'intervenir pour brimer le droit de l'ensemble des entreprises agricoles du Québec de transiger librement des terres agricoles? Les études réalités par AGECO et CIRANO concluent qu'il n'y a pas de réel accaparement des terres agricoles au Québec. Il ne s'agit pas non plus d'une demande venue des producteurs, comme l'a confirmé avec éloquence M. Denis Bilodeau, premier vice-président de l'UPA, lors de la commission parlementaire, ici, en octobre 2013, sur le projet de loi n° 46.

Le dossier d'accaparement des terres agricoles et les propositions viennent des dirigeants, de l'exécutif de l'UPA depuis 2011, et il ne trouve que très peu d'appui chez les producteurs. En fait, ils n'ont jamais été vraiment consultés. Pour preuve, il y a tout au plus une semaine, des producteurs agricoles de la Montérégie ont reçu une invitation pour participer à des consultations sur les positions à prendre par leur fédération concernant l'accaparement des terres, des consultations qui débuteront à compter du 23 mars prochain, soit quatre ans après la prise de position des dirigeants de l'UPA, et tout cela après la commission parlementaire qui tient aujourd'hui audience sur ce sujet. Rappelons que les entreprises agricoles de la Montérégie représentent pas moins de 25 % des fermes du Québec et génèrent 30 % de l'ensemble des revenus. Alors, on commencera à les consulter après la commission parlementaire, et non avant dans un vrai processus démocratique.

Il faut noter que le peu de support obtenu par l'UPA auprès des producteurs agricoles afin d'instaurer une réglementation sur les transactions de terres l'a conduite à se tourner vers le public cible des jeunes et de la relève en tentant d'associer accaparement et financiarisation de l'agriculture. Pourtant, comme nous le démontrons dans notre mémoire, il s'agit de concepts distincts. Les propositions prônées par l'UPA sur l'accaparement des terres ne règlent en rien les enjeux de la relève agricole. Il faut réaliser qu'intervenir pour limiter ou contrôler l'achat des terres sous une forme ou une autre, c'est aussi encourager le développement des terres en location, puisque les entreprises agricoles existantes devront, de toute façon, prendre de l'expansion, et, si on ne peut acheter, ça se fera par location. Le seul mouvement pouvant s'apparenter à de l'accaparement des terres agricoles au Québec est causé par l'appétit insatiable des villes et des villages qui, depuis de nombreuses années, ne... qui souhaitent agrandir leur périmètre urbain au détriment de la zone agricole. Alors, il y a des chiffres qui nous ont été mentionnés, je pense que c'est assez clair.

Alors, je vais laisser M. Brouillard continuer.

La Présidente (Mme Léger) : Alors, M. Brouillard.

• (16 heures) •

M. Brouillard (Gilles) : Pour le Conseil des entrepreneurs agricoles, si l'on veut demeurer vigilant sur le dossier de l'acquisition des terres agricoles, la prochaine étape consiste à la réalisation d'une enquête par une équipe de chercheurs indépendants auprès des agriculteurs et des propriétaires afin de raffiner encore davantage le portrait de la tenure des terres agricoles au Québec. Il s'agit d'un prérequis pour l'analyse du dossier. La réalisation périodique d'une telle enquête à période déterminée serait pour le producteur agricole un moyen de suivre l'évolution du phénomène, et ce, à moindre coût et à moindre risque qu'un registre des transactions des terres agricoles. Un tel registre, en raison de la nature des informations qui seraient alors disponibles, pourrait jouer un rôle direct pour contribuer à faire augmenter le prix des terres. L'Union des producteurs agricoles fait dans ce dossier tout en son pouvoir pour brimer le développement de leurs entreprises et les empêcher de prendre l'expansion nécessaire au maintien de leurs fermes. De plus, il attaque directement le patrimoine familial de certains de ses membres en voulant les priver d'une digne retraite.

Quant à l'enjeu de la relève agricole, il est beaucoup plus profond que celui d'un plafonnement du nombre d'hectares des terres agricoles pouvant être achetées annuellement par une entreprise agricole ou par des fonds d'investissement. Devant l'évolution de notre agriculture, du modèle des fermes familiales, de même que la diversité des enjeux que doit surmonter la relève — par exemple, prix des terres, financement, etc. — nous proposons à la CAPERN d'analyser en profondeur cette question plutôt que l'accaparement. Le Conseil des entrepreneurs agricoles juge prioritaire qu'une révision en profondeur des outils et des programmes disponibles pour aider les jeunes à démarrer en agriculture, à prendre la relève des fermes existantes ou encore à s'intégrer à une entreprise agricole déjà en opération soit effectuée. Cette réflexion doit inclure un examen des normes de production encadrant chacun des secteurs agricoles pour identifier les dispositions spécifiques à un secteur qui peuvent freiner et même empêcher l'implantation de la relève agricole. Les programmes actuels d'aide à la relève dispensés par certaines fédérations sont très marginaux et ne règlent en rien les problèmes des jeunes motivés à s'implanter en agriculture.

Dans le dossier de l'accaparement des terres et de la financiarisation, des termes que, d'ailleurs, le Conseil des entrepreneurs agricoles ne partage pas, l'UPA fait encore une fois la démonstration qu'elle n'hésite pas à faire fi du droit démocratique des agriculteurs et à prendre des décisions qui feront reculer la situation de l'agriculture au Québec. De fait, l'opposition que l'UPA rencontre auprès des producteurs sur le dossier l'a forcée à adapter ses propositions à de nombreuses occasions, mais toujours dans le but de forcer la mise en place d'une réglementation. À quelle nouvelle proposition aurons-nous droit à la suite de cette commission parlementaire? De l'avis du Conseil des entrepreneurs agricoles, il ne peut y avoir de bonne solution à un faux problème. L'agriculture québécoise sera la grande perdante s'il fallait que l'État altère la liberté fondamentale de transiger des terres dont disposent les agriculteurs. Merci.

La Présidente (Mme Léger) : Merci. Alors, nous allons du côté du gouvernement. M. le député de Mégantic, vous débutez l'échange.

M. Bolduc : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, messieurs. Bienvenue à la commission. Écoutez, moi, j'ai plusieurs questions, en fait, sur votre mémoire, que je trouve intéressant. Vous nous parlez qu'il y a certaines régions qui ont des problèmes, d'autres qui n'en ont pas. Moi, je vais vous parler de la région de l'Estrie, où, par exemple, dans mon comté, on a perdu, en 30 ans, 24 % du territoire agricole. Je ne vois pas beaucoup — comment je dirais ça? — de débat là-dessus, mais ce n'est peut-être pas du tout un phénomène unique. Est-ce que vous croyez ou pensez que les spéculations ou que les investissements seraient plus centrés sur l'agriculture de grande production autour de Montréal, la spéculation, etc., ou, comme vous le dites très bien là-dedans, c'est un phénomène qui n'existe pas du tout, là? On voit des différences régionales appréciables. Je ne suis pas sûr qu'on peut les interpréter très bien. Quelle est votre opinion à ce sujet-là?

La Présidente (Mme Léger) : Alors, M. Cartier.

M. Cartier (Jacques) : Alors, avant de répondre à votre question, il y a un élément que je dois vous mentionner. J'ai été invité, il y a quelques semaines, à participer à un conseil d'administration élargi d'une des fédérations de l'UPA parce que je produis des pois, des fèves vertes, des fèves jaunes et du maïs sucré, et, lorsque j'ai commencé, on m'a remis ce qu'on appelle des règles d'éthique et de déontologie. Je pense que c'est important de vous en parler aujourd'hui parce qu'on est dans la maison de la démocratie ici. Alors, on nous remet ce document-là puis on nous donne les devoirs généraux et les règles d'éthique. Alors, ce que ça dit, c'est que l'administrateur ou le membre de comité évite en tout temps de critiquer ou de jeter le discrédit sur l'Union des producteurs agricoles ou toute autre organisation qui y est affiliée. Et on va plus loin que ça par la suite, on nous dit : «Le membre qui est invité doit prendre connaissance de ce document et s'y engager.» Et on dit : «Les actes suivants sont non limitatifs, dérogatoires et susceptibles d'entraîner pour l'administrateur et les membres de comités en défaut les sanctions prévues à l'article 13 du présent code.»

Alors, le fait d'attaquer publiquement à l'extérieur du cadre de l'organisation l'Union des producteurs agricoles ou toute autre organisation qui lui est affiliée dans le but manifeste de lui nuire ou la discréditer ou le fait de militer ou d'agir activement pour une organisation en opposition directe avec les orientations arrêtées par l'Union des producteurs agricoles ou toute autre organisation qui y est affiliée... Et enfin, de façon générale, tout acte, geste ou déclaration susceptible de causer un grave préjudice à l'Union des producteurs agricoles ou à une organisation qui y est affiliée peut nous amener des sanctions qui sont prévues.

Alors, je pense que c'est important de le mentionner. Je suis sur un comité, comme j'ai mentionné, et au Québec, à l'heure actuelle, il y a entre 2 000 et 3 000 producteurs qui font partie soit des syndicats locaux, des syndicats régionaux, des fédérations spécialisées, et tous ces gens-là doivent remplir ce même document et le signer. Alors, ce que ça fait, c'est que je suis dans une drôle de...

La Présidente (Mme Léger) : ...conclure un peu pour qu'il y ait quand même un échange, là.

M. Cartier (Jacques) : Oui, oui, mais c'est parce que c'est important...

La Présidente (Mme Léger) : Je comprends.

M. Cartier (Jacques) : ...parce qu'avant de répondre aux questions je me mets dans une situation délicate, alors, parce que je suis dans une association opposée au monopole syndical.

Alors, pour ce qui est de la question, pour revenir — parce que je pense que c'est un élément important, puis je vais laisser M. Saint-Pierre élaborer davantage tantôt — je trouve ça malheureux, aujourd'hui, quand on parle qu'il y a des problèmes de relève au Québec et qu'il y a des très, très belles superficies en culture qui étaient occupées antérieurement par la production laitière, et, la production s'étant concentrée avec les années, dans la région de Mégantic, si on descend dans l'Est du Québec, à partir de Montmagny, vous avez ça aussi au Lac-Saint-Jean, au Témiscamingue, des belles superficies agricoles qui sont redevenues en friche, faute de jeunes pour prendre la relève. Ce n'est pas que la relève n'est pas là, la relève n'est pas nécessairement intéressée à cultiver ces terres-là. Et on doit aussi penser qu'il y a des productions spécifiques pour des régions. On ne fera pas du maïs-grain ou du soya partout au Québec, mais il y a des régions merveilleuses au Québec avec des potentiels agricoles extraordinaires. On parle de sols de classe 2, de sols de classe 3, des sols de grande valeur qui ne sont pas cultivés à l'heure actuelle. Je vais laisser M. Saint-Pierre...

La Présidente (Mme Léger) : Je vais revenir au député de Mégantic, puis après peut-être qu'il pourra répondre si ça correspond parce qu'il faut quand même qu'il y ait un échange. Vous avez eu le temps de faire votre présentation, je veux juste qu'il y ait un échange. Alors, je ne veux pas vous enlever votre droit de parole, là, pas du tout, mais ayons un échange quand même. M. le député de Mégantic.

M. Bolduc : Vous avez dit quelque chose, là, qui était très important pour moi, la relève n'est pas nécessairement intéressée à s'implanter dans certaines régions, là. Continuez là-dessus parce que ça, ça m'intéresse beaucoup, parce que, pour moi, le problème de la relève est un phénomène qui contribue énormément au changement de formule traditionnelle, si on veut. Parce que, si on ne peut pas laisser à nos enfants ce que nous, on a, bien, il y a d'autres modèles qui se développent pour compenser. Donc, je voudrais vous entendre là-dessus, là.

La Présidente (Mme Léger) : M. Cartier? M. Saint-Pierre?

M. Saint-Pierre (Michel) : Oui.

La Présidente (Mme Léger) : M. Saint-Pierre.

M. Saint-Pierre (Michel) : Écoutez, à la lecture des documents qui ont été produits sur le soi-disant phénomène d'accaparement des terres agricoles, les études de CIRANO, les études d'AGECO aussi, la première réflexion que je me suis faite, c'est : On passe à côté d'un véritable problème, je pense que c'est celui que vous soulevez, c'est celui de la revitalisation de certaines régions qui sont véritablement en perte de vitalité agricole.

Et là on met beaucoup le focus sur une transaction ou des transactions, au fil des années, de quelques milliers d'hectares, et ce dont on parle, les terres qui ont été abandonnées et qui sont propres à faire de l'agriculture, on parle beaucoup plus de plusieurs dizaines de milliers et... Je dirais, je suis très limité, je suis très conservateur dans mes chiffres, on devrait même parler de centaines de milliers d'hectares qui ont des qualités agricoles réelles, et pas nécessairement dans des régions très éloignées. Dès qu'on s'éloigne un peu de la vallée du Saint-Laurent, les deux côtés des rives entre Québec et Montréal, on va trouver une quantité importante de terres qui sont soit déjà qualifiées d'en friche ou qui sont tout à fait désertées par l'agriculture actuellement. Dans la région de l'Estrie, on en retrouve beaucoup. Dans Mégantic aussi, on en trouve beaucoup. C'est un problème, à mon avis, qui devrait beaucoup plus être la préoccupation de ce moment-ci parce que, véritablement, ce dont on parle, c'est de l'avenir de l'agriculture dans ces régions-là et des gens qui seraient probablement prêts à la faire. Alors, ça a été ma première réaction, le problème est tout autre que celui de l'accaparement comme tel. Il faut dire aussi que le mot «accaparement» n'est pas juste un euphémisme, il est très fort comme mot. Et, quand on parle de quelques milliers d'hectares par rapport au phénomène dont je viens de parler, on est loin de l'accaparement, on est loin des grands mots comme ça.

La Présidente (Mme Léger) : M. le député de Mégantic.

M. Bolduc : Merci, Mme la Présidente. Vous parlez aussi, à la page 4, que «l'achat des terres peut permettre également au cédant de quitter la production en capitalisant sur les investissements d'une vie pour "assurer ses vieux jours"». C'est vraiment le modèle traditionnel de la famille qui cède à ses enfants, mais la vraie valeur... Parce qu'ils n'ont pas de fonds de pension, souvent ils n'ont pas d'autre chose que la valeur des biens qu'ils ont acquis durant leur vie, et les jeunes, aujourd'hui, ont de la difficulté à acheter, si on veut, la ferme. Surtout s'il y a plusieurs enfants, et un ou deux veulent acquérir, les ressources financières nous manquent. Est-ce que vous avez des solutions ou des modèles à nous proposer pour régler ce problème-là parce que ça semble être plus important, là, que le reste?

• (16 h 10) •

M. Cartier (Jacques) : Effectivement, je pense qu'on a très, très bien fait nos devoirs. Si vous avez eu la chance de parcourir notre mémoire, on a une multitude de solutions pour les jeunes de la relève. Et ce qui est curieux, regardez derrière nous, ici, la plupart des jeunes qui sont ici, ce sont des jeunes qui nous appuient, qui font partie du groupe de producteurs qu'on représente et ce sont des jeunes qui se sont investis en agriculture.

Il y a énormément d'éléments. On a parlé justement, d'abord, d'augmenter la prime à l'établissement. Je pense qu'en fonction... La formation académique, ça, je pense, c'est le premier point. On sait qu'à l'heure actuelle l'aide maximale est d'environ 40 000 $. Ça pourrait être majoré de façon très, très importante. On a maintenant des jeunes sur des fermes avec des formations universitaires, et ce montant de 40 000 $ là est dérisoire par rapport à la valeur du foncier actuel, que ça soit au niveau des quotas ou au niveau des actifs immobiliers.

On a parlé aussi... Un des éléments qui manquent le plus au Québec à l'heure actuelle, je vous dirai, c'est l'accompagnement prétransaction. Quand vous parlez d'un producteur qui quitte, souvent, malheureusement, c'est que ces gens-là ne font pas affaire avec les fiscalistes reconnus, des spécialistes qui pourraient aider le cédant à aller tirer le maximum de cette transaction-là avec le moins d'impact fiscal possible autant pour lui que pour le jeune qui s'établit en agriculture. Alors, combinez un bon notaire spécialisé en droit agricole avec un bon fiscaliste, vous allez avoir exactement les mêmes avantages que n'importe quel type d'entreprise au Québec. Et ces possibilités-là sont là, mais sont très peu utilisées.

On va plus loin que ça, on dit même : Par la suite, c'est qu'on devrait même supporter les jeunes dans ce qu'on appelle un postinvestissement. Après que l'investissement est réalisé, ce qu'on dit, c'est que le gouvernement, par des aides, devrait aussi aider les jeunes de la relève pendant les années qui viennent soit par une évaluation financière, que ça soit fait par des banquiers, que ça soit fait par des comptables, des agronomes spécialisés, justement pour aider à orienter les jeunes pour un meilleur développement de leur entreprise, et s'assurer une pérennité, et de développer une nouvelle génération d'entreprises familiales. Alors, tous les outils sont là, sont potentiels, et c'est ce qu'on prône, justement, pour développer et maintenir la relève agricole.

La Présidente (Mme Léger) : M. le député de Mégantic.

M. Bolduc : Vous nous parlez que le phénomène d'accaparement des terres agricoles est, au pire, marginal à travers quelques transactions. Comment vous réagissez au fait qu'on a rencontré d'autres groupes qui nous disent, eux, qu'il y a un phénomène réel? Vous nous avez expliqué la position de l'UPA, là, mais est-ce que vous voyez, par exemple, un phénomène qui est orienté, comme je vous disais plus tôt, au fait que le modèle familial traditionnel est de plus en plus difficile à faire, donc qu'on assiste à des changements d'entreprises via d'autres mécanismes que je qualifierais de plus financiers que le modèle d'un père qui cède à son fils?

La Présidente (Mme Léger) : M. Cartier.

M. Cartier (Jacques) : Je vais laisser M. Brouillard répondre à cette question.

La Présidente (Mme Léger) : Alors, M. Brouillard.

M. Brouillard (Gilles) : Dans la première partie de la question, d'entrée de jeu, vous mentionnez que oui, effectivement, on entendait M. Ross tout à l'heure qui remettait en question les statistiques de CIRANO. Il faut quand même voir que CIRANO n'est pas si dans le champ que M. Ross laisse prétendre, là. Il faut voir qu'il y a une bonne partie des terres qui sont en location, qui sont louées aux opérateurs.

Je vous donne un exemple de ça. La mère possède des terres... C'est un exemple qui est très personnel, mon père possède des terres, mes soeurs, on loue à la ferme familiale, mais il y a juste une carte de producteur agricole. Alors, moi, je pense que la statistique de 80 %, 85 % propriétaires des terres, ça se tient. Ce que CIRANO a dit, ça se tient. On ne peut pas attaquer ça, là, aussi facilement, simplement en brandissant les pourcentages de location, là, ce n'est pas vrai, non.

La Présidente (Mme Léger) : M. le député de Mégantic.

M. Bolduc : Dans la région où j'habite, en fait on constate que souvent, aussi, les propriétaires abandonnent parce qu'ils sont rendus à l'âge de la retraite et, au lieu de disposer de leurs terres, ils les louent. Est-ce que vous considérez ça comme un phénomène normal? Parce que je vais vous dire ça de façon très simpliste, là, mais nos rangs étaient... généralement, les petites municipalités étaient pleines de fermes, on pouvait retrouver 10, 15 fermes. Maintenant, il y a une ou deux fermes qui, elles, sont propriétaires ou exploitent presque l'ensemble des rangs, là. Puis ce modèle-là, je le vois dans l'Estrie, là, de façon très générale. Est-ce que ça, pour vous, c'est un modèle qu'on devrait supporter ou s'il faut encourager le changement plus rapidement?

La Présidente (Mme Léger) : M. Cartier.

M. Cartier (Jacques) : Oui. Ce modèle-là, il existe dans toutes les régions du Québec, et je vais vous dire pourquoi d'une façon très, très simple. Ce que vous avez mentionné... Je prends l'exemple de l'Estrie parce que c'est une région qui est peut-être une des plus dynamiques au Québec dans le secteur laitier, incluant la région de Mégantic, regardez la grosseur des fermes maintenant. Les gens qui sont restés dans le secteur laitier... Parce qu'on a passé de 60 000 fermes, il y a peut-être une trentaine d'années, à 5 800 fermes aujourd'hui, alors ce que ça a fait, c'est que les producteurs, justement, ont acheté les terres du voisinage, ont fait de la consolidation. Mais, curieusement, toutes les résidences qui étaient là sont toujours présentes, et, très, très souvent, les gens qui sont dans ces résidences-là sont les employés de ces fermes-là. Et ça, c'est un phénomène qui est naturel parce que soit que les gens aient pris leur retraite, soit que des jeunes soient venus s'installer là avec des jeunes enfants, et c'est comme ça. Que ce soit dans Saint-Hyacinthe, ou dans l'Estrie, ou au Lac-Saint-Jean, c'est toujours le même phénomène parce que, souvent, les gens se disent, comme vous avez mentionné tantôt : C'est notre patrimoine, pourquoi qu'on le céderait quand on sait qu'au cours des années il y a eu une majoration des prix?

Et la majoration des prix vient parce qu'il y a eu des bons résultats financiers en agriculture au cours des dernières années. Est-ce qu'on doit se blâmer, comme producteurs, d'avoir une situation financière qui s'est améliorée? Écoutez, parler du phénomène, je pense que c'est exagéré. Pour moi, je trouve ça exorbitant qu'on dise que c'est malheureux de faire de l'argent en agriculture. Si on fait de l'argent en agriculture, c'est parce qu'on a investi, on a capitalisé, on a consolidé des entreprises. Et c'est ça qui a développé l'économie du Québec, c'est ça qui développe l'économie des régions, et c'est ça qu'on veut continuer de promouvoir dans toutes les régions du Québec, que ce soit en Gaspésie, au Lac-Saint-Jean ou à Saint-Hyacinthe.

La Présidente (Mme Léger) : M. le député de Mégantic? M. le député de Saint-Maurice.

M. Giguère : Oui.

La Présidente (Mme Léger) : Il vous reste 2 min 30 s.

M. Giguère : O.K. Ça va être assez court, mais moi...

La Présidente (Mme Léger) : Avec les réponses comprises.

M. Giguère : Bien, on va y aller. Donc, moi, quand on a commencé pour ces auditions-là, je me suis posé la question : Chez moi, dans la Mauricie, c'est quoi, l'impact visuel? Donc, moi, j'ai une entreprise, que vous avez nommée tantôt, qui est venue s'établir, en particulier, là, s'est fait un bras économique dans ma région. Ça a été quoi, ce bras-là? Qu'est-ce c'est que vous venez d'expliquer, ça a été ça, c'est des terres qui sont semi-abandonnées ou abandonnées, surtout, et puis qu'ils ont reprises, qu'ils ont investi beaucoup, puis qu'aujourd'hui je me rends compte que, justement, il y a encore du monde dans ces maisons-là. C'est les enfants, souvent, de la génération suivante. Soit qu'ils travaillent sur l'entreprise ou c'est les personnes qui ont loué — il y a beaucoup de location, en passant, à long terme — donc, de ce producteur-là.

Qu'est-ce c'est que ça a fait dans la région? C'est qu'on s'est aperçu qu'il y a des petites PME que c'était un gros plus pour eux parce que cette entreprise-là d'une certaine envergure demande des services qu'ils viennent chercher dans la région. Donc, qu'est-ce c'est que vous nous dites aujourd'hui, c'est qu'il ne faudrait pas limiter le nombre d'hectares pendant quelques années parce que ces genres d'entreprises là, qui sont basées beaucoup sur la rentabilité, il faut se le dire, il ne faudrait pas arrêter ce phénomène-là ou ceux qui veulent, la relève, acheter puis prendre un petit peu d'expansion.

Donc, moi, j'aimerais ça, vous entendre parler, revenir sur la rentabilité des entreprises parce qu'est-ce c'est que vous défendez, c'est beaucoup ça, c'est des entreprises rentables. Il faut investir pour que notre prochaine génération ait les outils, qu'ils aient des entreprises rentables, qu'ils soient capables de se faire un fonds de pension, qu'ils soient capables de léguer à leurs enfants à un prix raisonnable.

La Présidente (Mme Léger) : M. Cartier.

M. Cartier (Jacques) : M. Giguère, il me fait plaisir de répondre, puis je pense que vous m'ouvrez une porte extraordinaire. Vous venez de mentionner : Dans une entreprise rentable, il n'y a jamais de problème de relève. Ça, c'est le premier point. On a mentionné tantôt l'entreprise Dolbec de Saint-Ubalde. Je pense qu'il faut aussi le souligner, c'est le plus gros employeur de la région ou un des plus gros employeurs, et c'est l'entreprise qui a le plus besoin de services au niveau de tous les autres fournisseurs.

Je vais aller plus loin que ça. Justement, dans le dossier qu'on travaille aujourd'hui, il y a quelques années, il y avait une ferme à Sainte-Anne-de-la-Pérade qui s'appelait ferme Rompré — et vous êtes dans le secteur du boeuf, vous savez de quoi je parle — des centaines d'hectares en culture, c'était une des plus grosses fermes... la plus grosse dans la Mauricie dans le bovin et une des plus grosses dans le bovin au Québec. Cette entreprise-là a failli. Curieusement, c'est que les résidus de pommes de terre ou les pommes de terre de rejet étaient vendues à ferme Rompré. Alors, ce qui est arrivé, c'est que les gens de ferme Dolbec ont acheté la ferme Rompré au complet. Avec ce qui nous est proposé aujourd'hui, vous savez que cette transaction-là aurait été impossible. Et ce que ça aurait fait, c'est qu'une des plus belles fermes qu'on avait au Québec, en Mauricie, ça aurait été tout simplement l'abandon du projet de regrouper les deux entités pour faire une entité que, selon moi, ce que j'appelle complètement intégrée à partir de la production de la pomme de terre d'alimentation pour arriver à une finalité.

La Présidente (Mme Léger) : Merci, M. Cartier, c'est tout le temps que nous avions. Alors, je passe maintenant à l'opposition officielle. M. le député de Berthier.

• (16 h 20) •

M. Villeneuve : Merci, Mme la Présidente. Mme la Présidente, nous avons reçu, à l'automne dernier, la Commission de protection du territoire agricole, sa présidente et les gens qui l'accompagnaient et nous avons abordé le sujet de se doter d'un outil afin de colliger l'information au niveau des transactions qui se font dans le monde agricole. Et, Mme la Présidente, ma question s'adresserait à M. Saint-Pierre. Moi, j'aimerais savoir de la part de M. Saint-Pierre, est-ce que c'est une bonne idée de créer un tel registre pour pouvoir, justement, se faire une tête? Parce que, là, tantôt, là... puis on y reviendra peut-être si j'ai du temps, là, mais on ne sait pas combien de terres sont en location qui appartiennent à des propriétaires, à des retraités, à des fonds d'investissement.

Il y a des chiffres... Puis CIRANO, là, moi, je l'ai lu hier, j'ai fini à 11 h 30 de le lire hier soir, là, et CIRANO, là, si vous lisez le début, là, c'est assez hallucinant, hein, parce qu'ils n'arrêtent pas de dire que les faits ne sont pas vérifiés, on n'est pas certains, on n'est pas sûrs, mais ils arrivent à la fin en disant que l'accaparement des terres, ça existerait, mais ça serait marginal. Bon, on y reviendra tantôt, mais moi, j'aimerais savoir de la part de M. Saint-Pierre qu'est-ce qu'il pense de la création d'un tel registre? Puis ça pourrait être la commission, ils sont tout à fait d'accord, la commission, à s'en occuper dans la mesure où on lui fournit des ressources et qu'ils ont le mandat du ministre.

La Présidente (Mme Léger) : M. Saint-Pierre.

M. Saint-Pierre (Michel) : Écoutez, on ne peut certainement pas être contre l'idée de mieux connaître le secteur et la dynamique de son évolution. Je pense que... Quelle forme doit prendre la structure qui collige le tout? Bon, c'est une question qu'on pourrait regarder plus attentivement, mais l'idée générale, oui, c'est certainement une très bonne idée.

La question de vente de fermes, il faut comprendre aussi la dynamique. Et souvent on oublie cette réalité-là, une terre, c'est quelque chose qui est une opportunité... Quand elle est à vendre, elle est une opportunité unique, et souvent on dit : Dans un espace de 30 ans, il ne s'en représentera pas d'autre, opportunité comme celle-là, de l'acheter. Et qui a l'opportunité? C'est un voisin ou un autre voisin. Mais il y a dans sa nature même une forme de surenchère qui crée en bonne partie l'augmentation de la valeur des terres. Mais ce que je voulais dire, c'est que les transactions se font sur une base beaucoup plus globale d'une ferme. Et là on ne mesure pas ça par 100 hectares ou 50 hectares. C'est parfois petit, parfois grand, mais, cette opportunité-là, on ne peut pas la scinder, on ne peut pas dire : On va maintenant faire un morcellement et on va faire un bloc de 100 hectares, et, celui-là, on va le vendre. C'est quelque chose qui est vraiment dans la nature même d'une transaction sur un actif qui est très rare et pour lequel on ne peut pas faire de mezzanine, là, on n'est pas en train de construire quelque chose pour lequel on va faire un deuxième étage. La terre, elle est là, on l'achète ou on ne l'achète pas. Alors, c'est dans cette dynamique-là, puis il faut regarder également les recommandations qui avaient été faites.

La Présidente (Mme Léger) : M. le député de Berthier.

M. Villeneuve : Bien, vous allez pouvoir, Mme la Présidente... M. Cartier, la question va s'adresser à vous, alors vous pourrez faire un complément de réponse à la réponse de M. Saint-Pierre si vous le voulez. Moi, j'aimerais savoir, M. Cartier, combien y a-t-il de transactions d'entreprises propriétaires agriculteurs, là, de 100 hectares? Combien y a-t-il de transactions annuellement de plus de 100 hectares? Est-ce que vous connaissez la réponse?

La Présidente (Mme Léger) : M. Cartier.

M. Cartier (Jacques) : Je vais vous dire que, sérieusement, il y aurait une grande difficulté à connaître la réponse, mais sauf que je peux vous dire, sur ma propriété, j'ai au moins trois entités de 120 à 150 hectares. Et, demain matin, si mon fils décède, on ne sait jamais, on ne souhaite jamais ça, mais, si la chose arrive, j'aurai trois entités minimales de 100 hectares et plus à céder. Alors, c'est pour ça... Puis il y a peut-être...

Dans la réponse de M. Saint-Pierre, j'ai un élément que je dois ajouter. Il y a une différence fondamentale entre la création d'un registre et de faire une enquête sur la situation des fermes au Québec. Faire un registre, pour moi, c'est une première étape pour aller vers un contrôle plus important. À l'heure actuelle, on est en une période de restrictions budgétaires au Québec, que ça soit la commission ou ailleurs... Parce que j'ai été commissaire pendant six ans. Si vous voulez commencer à développer des structures additionnelles pour... tout simplement parce qu'à partir de la minute où vous voulez commencer à installer un registre et tous les autres éléments qui ont été proposés, là, incluant les limites de 100 hectares, et autres, là, c'est que vous alourdissez, tout simplement, le processus de transaction.

Une transaction, à l'heure actuelle, sérieuse, quand on parle de chiffres importants, là — parce que, quand on parle de centaines d'hectares, on parle de millions de dollars, là — vous incluez les notaires, le système bancaire, on peut parler de mois puis, peut-être, voire pas loin d'une année dans certains cas. Alors, si vous incluez en plus un autre processus qu'on doit se référer, bien, écoutez, on va se ramasser dans une situation qui va être aberrante. On restera comme on est là, on louera nos terres en attendant, avec des options d'achat, tant et aussi longtemps que le système ne sera pas modifié. Alors, ça, je pense que c'est des éléments importants.

Mais, de penser qu'on peut connaître la limite des 100 hectares sur une base d'entité, je pense que ce serait présomptueux, qui que ce soit au Québec, à l'heure actuelle, de mentionner qui va avoir 100 hectares ou pas. Sauf que ce que je peux vous dire, c'est que la plupart des fermes voisines de chez nous sont toutes aussi des fermes de plus de 100 hectares. Dans plusieurs cas, on parle de 300, 400, 500 hectares, et ces fermes-là, le jour, s'il n'y a pas de relève, qu'elles seront disposées, c'est clair qu'il va y avoir des... par grandes entités. Et il faut comprendre que l'agriculture évolue aussi en termes de superficies comme en termes de résultats financiers.

La Présidente (Mme Léger) : M. le député de Berthier.

M. Villeneuve : Merci, Mme la Présidente. Peut-être que, si on avait un registre, on le saurait, hein, combien de fermes. Bon, mais je ne veux pas embarquer là-dessus. Je veux juste, peut-être, vous reposer la question, M. Cartier : Que diriez-vous si la proposition de l'UPA, qui est de dire 100 hectares, que ça pourrait... Tu sais, à un moment donné, on est logique, là, s'il y a une ferme qui dit : Moi, je veux acquérir 125, là, est-ce que vous, vous voyez un mécanisme quelconque qui pourrait peut-être permettre, justement, lorsque c'est une ferme agricole, un agriculteur propriétaire qui veut acquérir une terre, elle a 125, 132 ou 98... est-ce que vous pensez que c'est possible d'imaginer un mécanisme qui le permettrait, tout de même, et qui empêcherait... Parce que je crois comprendre que vous n'êtes pas tout à fait en accord avec la philosophie des fonds d'investissement privés, c'est ce que j'ai cru comprendre. Alors, l'idée, c'est justement de pouvoir permettre l'expansion, j'allais dire, de fermes agricoles propriétaires, mais est-ce qu'il n'y a pas moyen de trouver une solution? Avez-vous quelque chose à proposer qui permettrait, tout de même, l'acquisition de terres agricoles? On parle de 100, mais je pense que les gens sont ouverts à regarder pour trouver une solution.

M. Cartier (Jacques) : Effectivement, ce qui est proposé, c'est ça qui est curieux, c'est que, là, on nous dit : Trois ans de moratoire avec 100 hectares. Si la situation politique change au Québec, on réduira à 60, on réduira à 50, on évoluera à 125 dépendamment du bon vouloir, des relations qu'on aura avec les gens du gouvernement. Ça, c'est une situation qui, à mon sens, est complètement aberrante. Si quelqu'un veut acheter une terre qui dépasse 100 hectares, dans la proposition qui est faite à l'heure actuelle, ce que vous venez de me suggérer, c'est qu'on fera du cas par cas dans chacune des situations.

Une ferme moyenne, à l'heure actuelle, si on regarde... on a parlé des fermes laitières tantôt, et, que ce soient des fermes laitières ou céréalières, le montant d'investissement pour une ferme moyenne dans le secteur laitier, seulement qu'en contingentement on parle de 1,5 million de dollars. Si vous ajoutez les bâtiments, les animaux, vous êtes déjà rendu possiblement à 2,5 millions, 3 millions, et vous n'avez pas le foncier pour supporter ça, est-ce qu'on sera obligé à chaque fois de faire un cas d'exception? Alors, s'il y a un cas d'exception, il va falloir qu'il y ait un mécanisme de contrôle parce que vous allez vous ramasser, ça va être les amis des amis qui vont avoir certaines possibilités de transaction, tandis que le système actuel, c'est que c'est la liberté d'entreprise pour chacun des producteurs agricoles comme dans tous les autres secteurs d'activité. Que ça soit un contracteur, que ça soit un industriel, quand il veut acheter une entreprise, il a toujours la liberté de le faire. Mais nous, dans le secteur agricole, parce que c'est différent, on veut nous limiter.

La Présidente (Mme Léger) : M. le député de Berthier.

M. Villeneuve : Merci, Mme la Présidente. Et, si l'exception, c'étaient les fonds d'investissement privés, M. Cartier? Si c'était ça, l'exception, et qu'on mettait des critères objectifs en place qui permettraient un certain fonctionnement... Puis je veux revenir sur l'accaparement des terres parce que, vous savez, un éclipse, là... C'est une éclipse ou un éclipse? Peu importe si c'est féminin, masculin, là, c'est marginal parce que ça n'arrive pas souvent. On s'entend? L'accaparement des terres, en 2012 ça a été jugé marginal par CIRANO. Mais il y a des fonds qui se sont créés depuis, et, dans le document de CIRANO, c'est très clair que lui, il dit qu'ils sont très agressifs et qu'ils lèvent même des fonds, ils lèvent des fonds pour être capables, justement, d'élaborer des stratégies pour acquérir davantage de terres.

Alors, d'un problème marginal ou inexistant, selon ce que je vous entends dire, on est peut-être rendus à un problème qui s'accélère et qui pourrait devenir moins que marginal si l'État ne prend pas les moyens, justement, pour avoir l'information, l'analyser, la colliger, en tirer des conclusions et, finalement, peut-être se donner des outils pour qu'on puisse, comme société, finalement être maîtres de nos décisions et du modèle que l'on veut en agriculture.

La Présidente (Mme Léger) : M. Cartier.

M. Cartier (Jacques) : Allez-y, M. Brouillard, à vous.

La Présidente (Mme Léger) : M. Brouillard.

M. Brouillard (Gilles) : Bien, M. Villeneuve, mettre en place la mesure réglementaire...

La Présidente (Mme Léger) : ...la présidence tout le temps.

M. Brouillard (Gilles) : Pardon, Mme la...

La Présidente (Mme Léger) : Vous parlez à la présidence. Merci.

• (16 h 30) •

M. Brouillard (Gilles) : Excusez-moi. Mme la Présidente, mettre en place une réglementation qui va faire perdre le droit de transiger des terres ou qui va limiter ce droit-là des agriculteurs, c'est essayer d'abattre une mouche avec un calibre 12. Actuellement, c'est ça que ça nous dit, CIRANO. Le gouvernement a tout à fait un pouvoir d'enquête qui est à sa disposition. Il peut mener une enquête et aller chercher ces données-là, aller les chercher puis voir l'évolution, de façon ponctuelle, de faire enquête là-dessus sans mettre en place des structures qui vont faire en sorte qu'on va manquer, nous autres, comme agriculteurs... qu'on pourrait manquer des opportunités d'acheter des terres.

Et il ne faut jamais oublier qu'un registre, là, qui va avoir accès à ça, Mme la Présidente? Et est-ce que ça ne peut pas venir même contribuer à faire augmenter la valeur des terres? Parce que tous ces mécanismes-là qui sont proposés vont faire en sorte qu'il y a des momentums qui vont se manquer, et ça peut provoquer des surenchères de la valeur par la suite. La transaction ne se fait pas au bon moment, elle est reportée à plus tard. Bien, plus tard, ça se peut que ça coûte plus cher.

La Présidente (Mme Léger) : Merci. Je passe maintenant au deuxième groupe d'opposition. Mme la députée de Mirabel.

Mme D'Amours : Merci, Mme la Présidente. Vous savez, l'accaparement des terres, là on parle toujours pour le Québec, mais c'est un phénomène mondial. Puis, d'après vous, si, comme vous le mentionnez, ce n'est pas un phénomène ici, là, que l'on vit, par votre mémoire, ne faut-il pas être en mode prévention? Parce qu'on n'y échappera pas, là, on fait partie du monde, et ailleurs il y a un phénomène qui existe, il y a un phénomène qui est là. Alors, au Québec, si on ne le vit pas maintenant, ne faut-il pas être en mode prévention?

La Présidente (Mme Léger) : M. Cartier.

M. Cartier (Jacques) : Allez-y, M. Saint-Pierre.

La Présidente (Mme Léger) : M. Saint-Pierre.

M. Saint-Pierre (Michel) : Merci, Mme la Présidente. Je ne pense pas qu'il faut confondre le phénomène d'accaparement qui se produit, qui se fait ailleurs, par exemple, par les Chinois en Afrique, avec ce qui se produit ici. D'une part, le Québec est une des administrations les mieux outillées pour empêcher, justement, l'acquisition par des intérêts extérieurs. On a eu une sorte de nouvelle, un jour, que les Chinois venaient acheter des terres au Québec qui ne s'est jamais matérialisée, cette chose-là. On a une loi — je pense qu'il y a seulement deux provinces au Canada qui ont des lois semblables, la Colombie-Britannique et nous — et qui empêche l'acquisition de fermes, de terres par des non-résidents. C'est déjà une très grande contrainte qui fait en sorte qu'on n'est pas du tout dans le même univers que celui d'accaparement des terres. Parce qu'effectivement, là, on regarde la croissance de la population mondiale, je pense que c'est deux choses. Il n'y en a pas ici, à toutes fins utiles, véritablement. Le mot est fort. Je le mentionnais tout à l'heure, le mot «accaparement», on parle de... Dans une région, ça peut avoir un impact plus grand, mais, de façon générale, sur l'ensemble du Québec, qui, comme on l'a mentionné précédemment, exploite environ 1 900 000 hectares sur une base de production réelle, c'est vraiment très, très peu. Donc, on n'est pas là et on est bien à l'abri de ce genre de phénomène là qui nous tomberait dessus un jour, là.

La Présidente (Mme Léger) : Mme la députée de Mirabel.

Mme D'Amours : Une société comme... pour ne pas tous les nommer, là, mais comme Partenaires agricoles ou AgriTerra, c'est des gens d'affaires, des gens qui veulent investir, mais ne pensez-vous pas que... Parce que, tout à l'heure, M. Cartier a dit que peut-être qu'avec un registre ça donnerait peut-être lieu à des augmentations parce qu'on saurait, bon... Donc, ne pensez-vous pas que ces gens-là, les gens d'affaires, n'achèteront pas des terres... ils ne surévalueront pas les terres, ils n'achèteront pas des terres plus cher parce que... Il y a un rendement qui doit arriver avec ça, là, ce n'est pas juste acheter le fonds de terre puis d'attendre. Il peut y avoir des mesures différentes pour des gens comme ça. Mais quelqu'un qui veut investir, qui travaille la terre, qui a des revenus, c'est comme n'importe quel autre producteur, s'ils ne sont pas capables d'avoir des revenus décents, qu'est-ce que ça leur donne d'acheter ces terres-là?

La Présidente (Mme Léger) : M. Cartier.

M. Cartier (Jacques) : ...le registre?

M. Brouillard (Gilles) : Oui.

La Présidente (Mme Léger) : M. Brouillard.

M. Brouillard (Gilles) : Bien, par rapport au registre, pour donner un exemple concret, le danger du registre, c'est... Par exemple, nous autres, comme agriculteurs, dans nos rangs, on connaît nos voisins, on connaît leur historique, on peut savoir, à un moment donné, qu'il y en a un qui s'en va à la retraite. On est capables de savoir ça, dans notre microenvironnement, si on veut. Mon beau-frère, qui est dans la salle ici, en arrière, par exemple, a acheté ses terres de cette façon-là, il a su qu'il y avait quelqu'un qui s'en allait à la retraite.

Si on met en place un registre, Mme la Présidente, et avec tout un détail des propriétaires, je veux dire, il peut y avoir une action ciblée par des groupes mieux organisés que moi comme producteur, tout seul, qui peuvent aller solliciter ces acheteurs que moi, je suis capable d'identifier parce que je suis sur place, et aller faire des offres, et contribuer de cette façon-là à faire augmenter le prix des terres.

La Présidente (Mme Léger) : Mme la députée de Mirabel... M. Cartier, vous voulez compléter? Mme la députée de Mirabel, vous voulez revenir? M. Cartier.

M. Cartier (Jacques) : Peut-être un autre élément à ajouter. À l'heure actuelle, lorsqu'on parle de transactions de terres, pour en avoir acheté sept depuis 15 ans, des parcelles, on fonctionne beaucoup, au Québec, dans le monde agricole, par le ouï-dire. On sait ce qui s'est payé dans le coin, on sait ce qu'untel a payé, mais il y a assez souvent aussi ce que j'appelle de l'enflure verbale. Et on sait que chaque terre a son évaluation propre dépendamment si elle est drainée, si elle est nivelée, son potentiel agricole, le pourcentage de superficie qui est en boisé ou les bâtiments de ferme qu'on a à supporter. Alors, chacun est libre de faire sa propre transaction. Un registre ne vous donnera absolument aucune information sur tous ces éléments-là parce que c'est des éléments spécifiques à chacune des entités agricoles, et de penser que demain matin... Comme M. Brouillard a dit, bien, si vous voyez dans le registre qu'il y en a une qui s'est vendue à tel prix ou pour telle situation, bien, ce que vous faites, c'est que vous donnez l'information à peu près à tout le monde pour faire un «cost plus» pour la fois suivante, puis dire : Bien, écoute, elle s'est payée tel prix. Bien, la prochaine, on va la payer...

Et l'exemple le plus frappant, on l'a à Saint-Hyacinthe. L'an passé, il s'est vendu une terre d'une soixantaine d'arpents à 1 million de dollars. Alors, les gens se sont mis à calculer, ils ont dit : Bien, celle-là a valu ça, bien, moi, pour la prochaine que je vais acheter ou les... Puis même les producteurs, maintenant, au lieu de vendre des terres de gré à gré, ce qu'ils font, c'est qu'ils demandent des soumissions dans les journaux pour avoir une plus-value encore plus importante. Alors, on est rendu là. Mais on ne parle plus de 3 000 hectares, comme on parle au Lac-Saint-Jean, on est rendu de parler de 40 000 à 50 000 hectares dans certains cas.

La Présidente (Mme Léger) : Mme la députée de Mirabel, une minute, qu'il vous reste avec les réponses.

Mme D'Amours : Les terres agricoles... Tantôt, vous avez mentionné qu'on n'exigerait pas ça à d'autres sphères d'activité que l'agriculture. Exemple, quelqu'un qui est plombier puis qui veut vendre son entreprise, on... Bon. Mais un plombier, il peut se partir n'importe où, en ville. Mais une terre agricole, ça ne se déménage pas. Une terre agricole, ça reste là. C'est une entreprise, mais... On ne veut pas les mettre à part, mais c'est un monde à part parce que tu ne peux pas vendre ta terre puis la prendre, l'amener en dessous de ton bras puis de déménager avec, là, elle est là puis elle reste là. Ça fait que, donc, au niveau des transactions, c'est complètement différent d'une vente d'une plomberie, une vente de terre agricole. Vous avez mis ça un peu dans le même bateau. Moi, j'aimerais savoir pourquoi vous êtes sur cette position-là.

La Présidente (Mme Léger) : M. Cartier.

M. Cartier (Jacques) : Bien, écoutez, moi, je vais répondre exactement ce que le député de Mégantic mentionnait tantôt : Il y a 28 % de son territoire qui est retourné en friche. On a une multitude de jeunes... Puis c'est ce que je vous ai dit au départ, il y a des potentiels agricoles dans plusieurs régions du Québec, et, même dans votre secteur, si on regarde la région d'Oka, il y a encore des belles terres qui sont possédées par des urbains, qui sont plus ou moins cultivées, et qui auraient un potentiel agricole extraordinaire, et qui ne sont peut-être pas nécessairement valorisées.

Alors, pour moi, c'est une chose qui est importante. Il y a des transactions qui se font en agriculture comme dans tous les autres secteurs, et la liberté... Puis ça a été mentionné, je pense, par mes deux confrères, l'opportunité, lorsqu'elle se présente pour acquérir une terre, comme vous avez mentionné, elle peut être la terre voisine, mais elle peut être à 20 kilomètres de chez vous aussi. Maintenant, avec les équipements qu'on a, avec les outils qu'on a, il n'y a aucun problème pour un producteur céréalier ou un pomiculteur d'avoir un verger à 20 kilomètres de chez lui et s'en occuper. Alors, pour moi, ce n'est pas un critère pour qu'on différencie un producteur agricole de n'importe quel chef d'entreprise dans n'importe quel secteur.

La Présidente (Mme Léger) : Merci. C'est tout le temps que nous avons. Je remercie le Conseil des entrepreneurs agricoles. M. Cartier, M. Saint-Pierre, M. Brouillard, merci.

Je vais suspendre quelques instants pour laisser la place à la Fédération de la relève agricole du Québec.

(Suspension de la séance à 16 h 39)

(Reprise à 16 h 41)

La Présidente (Mme Léger) : À l'ordre, s'il vous plaît! Merci. Je demanderais aux gens qui ont... qui peuvent quitter... À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Merci. Ceux qui veulent quitter, c'est le temps, s'il vous plaît. Sinon, on reste silencieux.

Des voix : ...

La Présidente (Mme Léger) : Il y a quelques caucus encore. Je vous demanderais le silence, s'il vous plaît.

Des voix : ...

La Présidente (Mme Léger) : Merci. Merci. Je vous demanderais de quitter les lieux, ceux qui ont à quitter les lieux, et les autres, d'être en silence, s'il vous plaît. Merci bien. Je vous rappelle qu'on ne peut pas faire des applaudissements ou d'avoir du public, malheureusement, c'est... La parole est aux gens qui interviennent, les échanges. Vous pouvez être là sans problème, mais pas de manifestation quelconque. Dehors, vous pouvez le faire. On a un certain ordre dans nos travaux.

Alors, je suis heureuse de recevoir la fédération... Nous recevons la Fédération de la relève agricole du Québec. M. le président, M. Hudon, vous avez 10 minutes pour intervenir. Vous présentez la personne qui vous accompagne, et après on aura des échanges avec les formations politiques. Alors, bienvenue.

Fédération de la relève agricole du Québec (FRAQ)

M. Hudon (Pascal) : Merci, Mme la Présidente. Bien, ça va être Marc qui va faire la présentation, l'introduction.

M. Lebel-Racine (Marc) : Donc, bonjour à tous les membres de la commission. Merci, madame...

La Présidente (Mme Léger) : Vous avez dit Marc, mais on a besoin de savoir qui vous êtes, M. Marc.

M. Lebel-Racine (Marc) : Oui. Donc, c'est Marc Lebel-Racine.

La Présidente (Mme Léger) : Lebel-Racine, merci.

M. Lebel-Racine (Marc) : Je suis coordonnateur à la Fédération de la relève agricole du Québec.

La Présidente (Mme Léger) : Merci.

M. Lebel-Racine (Marc) : Donc, merci, Mme la Présidente. Et bonjour à tous les membres de la commission. D'abord, merci pour l'invitation. En fait, je suis accompagné de Pascal Hudon, qui est président de la FRAQ. Notre fédération rassemble des jeunes passionnés d'agriculture de 16 à 39 ans. La FRAQ compte 13 syndicats régionaux affiliés et constitue le porte-parole de la relève agricole de partout au Québec depuis 1982.

Donc, on va profiter de cette tribune pour alimenter la réflexion sur l'accaparement des terres, un dossier d'une importance capitale pour la relève. Donc, on est convaincus de l'urgence d'agir sur cette problématique et, surtout, de l'importance d'élargir le débat à l'ensemble de la population du Québec.

Les activités agricoles ont un caractère structurant pour toute société. Aussi, la terre est une ressource stratégique et limitée. Au Québec, la valeur moyenne des terres agricoles a été multipliée par un facteur de six de 1990 à 2013, et de nouveaux joueurs de gros calibre sont venus brasser les cartes sur le marché foncier. L'acquisition de vastes terres agricoles par des fonds d'investissement est le type d'accaparement qui est le plus médiatisé par les temps qui courent, mais ce n'est pas le seul. L'accaparement pratiqué par des promoteurs immobiliers, comme on le voit en ce moment avec le dossier des Soeurs de la Charité dans la Capitale-Nationale, et aussi des types d'accaparement par des grands propriétaires fonciers et par certains producteurs agricoles produisent le même effet sur la relève, c'est-à-dire de rendre de plus en plus difficile l'accès à la terre.

Depuis quelque temps, on assiste impuissants à l'écart grandissant entre la valeur marchande des entreprises agricoles, basée sur la valeur des actifs, et leur valeur productive, établie à partir des revenus de la ferme. Et on est loin d'un fait isolé, il s'agit d'un problème généralisé pour lequel on doit trouver des solutions rapidement. Vient ensuite une question fondamentale : Qui va faire vivre les écoles, les entreprises locales et les services de proximité en région? Qui va maintenir les terres en culture, si ce n'est les jeunes et leurs familles, qui occupent le territoire de façon dynamique, en pratiquant une profession qui les passionne? Chose certaine, la relève veut continuer à être maître de ses actifs, de ses décisions et de son avenir. La zone agricole constitue un patrimoine collectif à protéger pour les générations actuelles et futures. La relève en est bien consciente, mais elle ne pourra pas en assurer la pérennité si elle demeure dans l'incertitude politique et le flou juridique.

Mon collègue Pascal peut en témoigner un bref instant parce qu'il a connu cette situation de proche dans le Kamouraska dernièrement.

M. Hudon (Pascal) : Bien, la société Pangea a acheté 800 hectares — ce qui vaut à peu près huit fermes familiales — dans le Kamouraska à l'automne 2014. Cette société prévoit doubler ses superficies dans un avenir rapproché dans le Kamouraska. Les jeunes sont principalement inquiets de ce qu'ils voient. Ils sont impuissants dans la rapidité et la facilité dans laquelle les nouveaux acquéreurs s'accaparent de leurs terres. À preuve, une rencontre a été faite le 23 octobre dernier suite à l'annonce que Pangea était dans le Kamouraska, nous avons réussi à mobiliser plus de 125 jeunes en moins d'une semaine de préavis.

Je pense que, pour bien documenter les impacts sur la relève et identifier les meilleures pistes de solution pour y faire face, il faut avoir en main des outils fiables pour réaliser un suivi et une veille stratégique sur ces transactions foncières. Le prix des terres augmente à vue d'oeil, et la relève est inquiète. L'accès à la terre devient de plus en plus difficile. Pas moins de 32 000 hectares ont été acquis au Québec par une dizaine de sociétés privées de 2009 à 2014. Il faut rapidement aller chercher un portrait détaillé de la situation et adopter des mesures pour s'assurer que la relève ne paie pas le fort prix de la spéculation sur nos terres. On veut continuer à pratiquer le métier qui nous passionne.

M. Lebel-Racine (Marc) : Donc, plus les cas d'accaparement s'accumulent, plus on voit que la main invisible du marché peut produire des effets dommageables sur l'établissement des jeunes en agriculture. Sans suivi et sans régulation, c'est l'individualisme qui prime, et c'est généralement les jeunes qui écopent. Or, ça prend de la volonté politique et des actions concrètes pour appuyer la relève. Celle-ci doit composer avec la concurrence déloyale que lui livrent des acteurs financiers de plus en plus influents sur le marché agricole.

D'entrée de jeu, rappelons qu'il n'y a pas de recette miracle pour permettre aux jeunes de se prémunir contre la spéculation foncière. Seule une combinaison de mesures complémentaires cohérentes et flexibles saura assurer la pérennité de nos fermes familiales et faciliter les transferts entre les générations. À la lumière du manque d'information sur le nombre et l'identité des propriétaires de la zone agricole, la première étape consiste, selon nous, à mandater un organisme pour colliger ces données essentielles sur les transactions foncières. Il va de soi qu'un portrait exhaustif de la situation et une plus grande transparence nous aideraient à y voir plus clair. À ce sujet, on croit que la Commission de protection du territoire agricole du Québec est bien placée pour assumer cette responsabilité.

Dans la même veine, le ministre de l'Agriculture dispose de toute la marge de manoeuvre nécessaire pour limiter l'acquisition de terres par acheteur à un maximum de 100 hectares par année. Cette mesure temporaire sur trois ans ralentirait l'action des fonds d'investissement et une telle mesure nous donnerait aussi plus de temps pour brosser un portrait plus étoffé de la situation.

Il serait d'ailleurs intéressant d'adopter un mécanisme de surveillance et de régulation du marché foncier inspiré des sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural en France, les SAFER. Donc, ces organismes ont le mandat d'acheter des terres pour ensuite les louer ou les revendre en priorité aux jeunes agriculteurs français.

D'autre part, il existe une disposition dans la loi constitutive du MAPAQ qui permettrait au ministre de l'Agriculture de créer des banques de terres et de favoriser les relèves qui cherchent à s'établir. Ça éviterait d'avoir à mettre sur pied un nouvel organisme, qu'il soit public, mixte ou privé, et le ministre pourrait s'inspirer du succès des banques de terres qui ont vu le jour dans les MRC de Brome-Missisquoi, Argenteuil, Memphrémagog et Val-Saint-François et qui ont donné des résultats probants à ce jour. On gagnerait collectivement à reproduire ces projets ailleurs au Québec afin de continuer à jumeler des relèves non apparentées à des propriétaires grâce à des ententes de partenariat, de location, de transfert, de mentorat ou encore de démarrage.

On pourrait aussi parler de l'absence, à l'heure actuelle, d'un encadrement législatif pour la location des terres, la nécessité d'adopter des mesures fiscales et réglementaires pour inciter l'utilisation des terres à des fins agricoles, de l'importance de mettre sur pied un fonds de développement agricole ou encore de l'importance de bonifier l'aide au démarrage. Donc, on voit que ce n'est pas les solutions qui manquent pour le gouvernement.

En conclusion, le phénomène d'accaparement des terres n'a rien d'une fatalité. Une multitude de mesures sont à notre portée pour soutenir la relève. Un véritable projet de société doit s'appuyer sur un secteur agricole fort et prospère. Il en va de la santé économique du Québec et, indirectement, de notre sécurité alimentaire. Les jeunes qui ont une passion pour la profession agricole sont à la croisée des chemins avec les récents développements qui mettent en danger notre modèle agricole et l'accès à la terre. Ne laissons pas le problème dégénérer. Soutenons notre relève, celle qui a le pouvoir de nourrir le monde de demain. Retroussons-nous les manches pour trouver des solutions face à l'abandon de plusieurs projets d'établissement et de consolidation d'entreprises existantes. Continuons de miser sur un modèle basé sur l'entrepreneuriat et la jeunesse, un modèle qui fait vivre nos régions et nos campagnes. Après tout, la terre, c'est la racine de notre avenir. Merci de votre attention, et j'aimerais profiter du deux minutes qu'il nous reste pour laisser mon collègue Pascal conclure.

• (16 h 50) •

M. Hudon (Pascal) : Oui. Je voulais conclure. Parce que, tantôt, on a parlé un peu de notre organisation, la FRAQ, comment qu'elle est composée. Oui, on est affiliés à l'Union des producteurs agricoles, on siège au conseil général en même part que les autres syndicats spécialisés, mais je tiens à préciser que la Fédération de la relève agricole du Québec a des C.A. à tous les deux mois. Il y a un jeune par région qui vient siéger au niveau de la FRAQ. On est capables de prendre nos décisions tout seuls. Oui, on est le club-école de l'union, on ne s'en cache pas, mais je pense qu'on n'a pas besoin de l'union main dans la main pour prendre des décisions. C'est le seul point que je voulais rajouter.

La Présidente (Mme Léger) : Une bonne mise au point. Merci bien. Alors, maintenant, nous passons du côté ministériel, députés ministériels. Alors, M. le député de Mégantic.

M. Bolduc : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, messieurs. Ça me fait plaisir de vous recevoir ici aujourd'hui. Et j'aimerais, premièrement, voir un peu la différence que vous voyez... Parce que, si on écoute les précédents mémoires, finalement on entend : Oui, il y a un problème, non, il n'y a pas de problème, oui, il y a un problème. Donc, ça peut devenir un peu confus, là, mais est-ce que vous pourriez m'identifier les raisons fondamentales... Parce que vous avez mentionné : 42 000 hectares en cinq ans qui ont été achetés par spéculation. Puis, si vous avez de la documentation là-dessus, je serais bien intéressé à la faire déposer.

La Présidente (Mme Léger) : M. Hudon.

M. Hudon (Pascal) : Je comprends mal la question. Vous m'avez dit que vous voulez... On va vous envoyer la documentation nécessaire. C'est les chiffres qu'on a eus puis qu'on vous transpose.

M. Bolduc : O.K. Non, mais, s'il serait possible, j'aimerais bien que vous puissiez nous les déposer, qu'on puisse constater, finalement, l'ampleur du phénomène, comme vous le mentionnez, puis voir ça. Ce que moi, je disais, c'est que c'est confus parce que l'UPA prend une position, le conseil prend une autre position, vous prenez une autre position. Donc, j'essaie de démêler un peu tout ça.

Puis je voudrais juste vous poser une question qui est un peu pointue : Comment se fait-il — puis je l'ai mentionné précédemment — que les jeunes entrepreneurs ont de la difficulté à se trouver des terres à des prix abordables? Puis, comme j'ai mentionné, dans mon comté spécifiquement de Mégantic, il y a eu une perte de 24 % de la superficie agricole en 30 ans? Je trouve ça un peu contradictoire en termes de modèle. Ou c'est-u parce que les jeunes ne veulent pas vivre en Estrie? Est-ce qu'il y a une problématique particulière pour se ramasser avec le fait que nous, on perd beaucoup de terres, puis elles s'en vont principalement en sapins de Noël, en boisés, en friche? Personne n'est intéressé à les acheter, ces terres-là, puis j'en ai, de ça, en quantité. J'ai un peu de problématique avec ça. Est-ce que vous pourriez m'aider?

M. Hudon (Pascal) : En Estrie...

La Présidente (Mme Léger) : M. Hudon.

M. Hudon (Pascal) : Oui, excusez. Oui, Mme la Présidente. En Estrie, j'ai rencontré... Son nom m'échappe, c'est une madame qui s'occupe un peu des banques de terres. Elle m'a dit : La problématique qu'on a présentement dans ces secteurs-là — puis je peux le vivre dans le Bas-Saint-Laurent — c'est qu'on a de la misère à savoir, les propriétaires de ces terrains-là qui sont en friche, on a de la misère a savoir qu'est-ce que c'est qu'ils veulent faire de ces terres-là. Ces propriétaires-là, qui ont des terres en friche, on ne sait pas ce qu'ils veulent faire. Ils veulent-u faire du dézonage? Ils veulent-u conserver leur territoire agricole?

Il faudrait caractériser un peu ces territoires-là. Parce que, souvent, l'agriculture, on pense que c'est animal puis céréalier, mais, oui, il y a des jeunes qui pourraient peut-être être intéressés à ces terres dont vous mentionnez. Mais je pense qu'il va y avoir un travail pour répertorier ces propriétaires-là, savoir un peu c'est quoi, là, le type d'agriculture qu'ils veulent faire, est-ce qu'ils veulent la conserver parce que c'est un bien familial, est-ce qu'ils veulent, en bout de ligne, là, la dézoner. Je pense qu'il va y avoir un travail à faire à long terme là-dessus.

La Présidente (Mme Léger) : M. le député de Lac-Mégantic.

M. Bolduc : Merci. Moi, j'aimerais comprendre un peu comment il se fait que les entrepreneurs puis les spéculateurs, ils trouvent leur compte à acheter des terres agricoles, puis notre relève agricole, elle, elle n'est pas capable de les rentabiliser. C'est un peu ce que vous nous dites, parce que ça va prendre de l'aide financière supplémentaire, etc. Comment ça se fait qu'il y a des groupes qui sont intéressés à les acquérir, ces terres-là, et, il semble même, à des prix supérieurs, de les rentabiliser, de faire de l'argent avec, puis il y a d'autres groupes d'individus qui sont encore plus adaptés, en fait ils ont généralement grandi sur les terres, ils viennent de là, ils comprennent l'environnement, etc., puis ils ne sont pas capables de compétitionner avec eux? Je vois une dichotomie ici, pourriez-vous m'éclairer là-dessus?

La Présidente (Mme Léger) : M. Hudon.

M. Hudon (Pascal) : Bien, je pense que tout le monde le sait, présentement, que la bourse, ce n'est pas rentable, l'or a chuté, ça fait que la manne, présentement, pour investir de l'argent, c'est les terres agricoles. Est-ce qu'ils font vraiment de l'argent en cultivant la terre? Moi, j'ai un point d'interrogation, puis il y a beaucoup de gens qui ont ce point d'interrogation là. J'aimerais qu'ils ouvrent les livres pour qu'on puisse regarder parce que j'ai de la misère à voir comment qu'on peut rentabiliser une terre avec le capital qu'ils investissent là-dessus. Le jeune qui part demain matin en agriculture, il part avec rien. En agriculture, on a le défaut d'avoir une valeur spéculative, et non agronomique. Chez nous, la terre, elle vaut présentement 3 500 $ l'acre, puis je ne vois pas comment je pourrais la rentabiliser en cultivant de l'orge. Je suis capable de l'acheter présentement parce que, vu que j'ai une entreprise, je suis capable de l'amortir sur les autres terres. Mais un jeune, demain matin, qui part de zéro, il faut qu'il soit vraiment passionné, puis ça va prendre des moyens financiers, puis ça va prendre certaines législations pour pouvoir faire en sorte qu'il puisse faire son rêve d'agriculteur.

La Présidente (Mme Léger) : M. le député de Mégantic. Non? M. le député de Saint-Maurice.

M. Giguère : Oui. On a parlé beaucoup de fermes familiales, puis c'est un modèle qu'on aime garder au Québec, et puis, dans la relève agricole, souvent c'est dans la famille, mais j'aimerais ça que vous me disiez... Vous avez parlé de relève non apparentée, donc un petit peu développer sur ça, et dans quel domaine ces jeunes-là s'en vont, est-ce c'est dans les productions contingentées, est-ce que c'est de la grande culture. J'aimerais ça...

La Présidente (Mme Léger) : M. Hudon.

M. Hudon (Pascal) : C'est une bonne question. Le dernier recensement que le MAPAQ a fait sur la relève agricole, on voyait une tangente sur les productions non contingentées. Mais il y a beaucoup de producteurs... il y a des producteurs qui souhaitent avoir une relève non apparentée. La relève non apparentée, elle vise toutes sortes de productions. Je ne pense pas que ça soit spécifique à la gestion de l'offre ou pas, les jeunes veulent être propriétaires, ils veulent prendre leurs décisions eux-mêmes, ça fait que... Il y a un rêve là-dedans, de devenir producteur agricole, parce que je vous rappelle qu'il y a 900 à 1 000 diplômés par année en agriculture, tous diplômes confondus. Ça fait que la relève est là, il manque juste le petit coup de pouce pour les aider à s'établir puis à faire en sorte qu'ils soient des entrepreneurs puis qu'ils contribuent à la vitalité de leur région.

M. Giguère : O.K. Vous avez ouvert la porte qu'il y a à peu près 900 à 1 000 jeunes qui sortent, là, par année, donc, dans le domaine agricole. La question : Y a-t-il de la place pour eux dans l'agriculture du Québec de 2015?

La Présidente (Mme Léger) : M. Hudon.

M. Hudon (Pascal) : Moi, je pense qu'il y a de la place pour tout le monde en agriculture si on enlève les gens qui ne sont pas agriculteurs, là. Les gens qui achètent des terres pour acquérir dans le but de faire de la spéculation, je ne pense pas qu'on peut les qualifier comme agriculteurs. Je pense que, si on enlève ce type d'acquéreurs de terres là, je pense qu'il y a de la place pour tout le monde, oui.

M. Giguère : O.K. Et vous proposez quand même plusieurs solutions pour aider à la relève, donc beaucoup d'outils aussi, là, pour guider les transferts d'entreprises. Donc, c'est une bonne chose, mais, en même temps, c'est que ceux qui prennent leur retraite, on le sait, même quand c'est dans la parenté, c'est une question de gros sous, une question de rentabilité. On voit beaucoup de transferts de fermes, puis, quand l'entreprise... On est agriculteurs, puis on a des images, des fois, préconçues. L'entreprise va bien. Tel producteur, ça va bien, son entreprise, il y a une certaine rentabilité, et le transfert se fait relativement bien. Et on en voit d'autres où est-ce que la rentabilité est plus ou moins là quelques années avant le transfert, et souvent c'est là que ça arrête, la production. Donc, est-ce que vous pensez qu'on pourrait amener une aide aussi beaucoup avant, là, le transfert, là, des entreprises agricoles, amener une aide aux agriculteurs côté, là, entrepreneurial, côté, là, gestion de...

La Présidente (Mme Léger) : M. Hudon.

• (17 heures) •

M. Hudon (Pascal) : On en parle dans notre mémoire, il y a un problème au niveau de... Ce n'est pas un problème d'agriculteur, c'est un problème de société, c'est qu'on n'est pas préparés à notre retraite. Beaucoup de producteurs pensent à vendre de leur actif pour pouvoir avoir une retraite dorée, mais je pense qu'il y a une sensibilisation qu'il va falloir qui se fasse avant... Tu sais, à 50 ans, quand ça va bien, puis on n'a pas mal aux genoux, là, bien, c'est le temps de penser à ta retraite parce que ce n'est pas le temps de penser, à 59 ans, le matin que tu te lèves tout croche, puis il y a une vache à terre, puis il faut que tu vendes dans un an. Je pense qu'il y a une sensibilisation à faire auprès des producteurs agricoles dans le but d'épargner puis dans le but de faciliter le transfert des entreprises agricoles à des relèves non apparentées.

Parce que le phénomène de la spéculation va faire en sorte que les transferts entre pères et fils aussi vont être un enjeu majeur, parce que l'agriculture est basée sur une bulle spéculative. La plupart du temps, le père fait un don au jeune, mais, au fil des ans, ce don-là augmente. Puis les gens qui veulent faire un don, à un moment donné peut-être bien qu'ils vont y penser si l'écart est de plus en plus grand. Ça fait qu'il y a un danger sur cette bulle spéculative là. Puis, la relève agricole, je pense qu'on l'a bien transmis dans notre mémoire, puis on espère qu'à court terme il va y avoir des mesures pour atténuer ça.

La Présidente (Mme Léger) : M. le député de Beauce-Sud.

M. Dutil : Oui. Vous avez, tout à l'heure, parlé de Banque de terres. Voulez-vous nous expliquer le fonctionnement de ça? Vous n'avez pas élaboré plus longuement là-dessus.

M. Hudon (Pascal) : Banque de terres, dans le fond, c'est un mariage entre un cédant puis une relève. La journée que le cédant, il veut avoir une relève non apparentée, il fait affaire avec Banque de terres, qui prend son nom en note. Puis la même affaire pour la relève. La relève, si elle cherche une terre, elle donne son nom, elle donne ce qu'elle veut faire plus tard, puis il y a un mariage qui se fait entre les deux. Dans le fond, Banque de terres font en sorte qu'il y ait un mariage, qu'ils expliquent un peu... Ils s'arrangent, voir s'ils ont des affinités ensemble. Puis, à date, ça marche super bien, puis ils pensent même à faire une banque de terres au niveau provincial, puis nous autres, on va les appuyer là-dedans.

M. Dutil : Et donc c'est un échange d'information pour des gens qui ne sont pas nécessairement apparentés qui veulent savoir ce qui peut se passer, qui est à vendre, qui est acheteur, de façon à ce qu'on puisse...

M. Hudon (Pascal) : Mais c'est quand même assez confidentiel, là. Ce n'est pas tout le monde, demain matin, qui sait qui est à vendre. C'est vraiment un jumelage qui est fait avec... Entre guillemets, on l'appelle la marieuse, là. C'est son terme qu'on lui donne, là, amicalement parlant. Mais, dans le fond, c'est ça, c'est un lien qui se fait entre ces deux personnes-là, puis on espère qu'au niveau provincial ça va aller de l'avant parce qu'on voit des belles retombées dans les MRC qu'on a en cours. Puis les MRC, dans leur PDZA, je pense que ça a ressorti beaucoup dans les PDZA qui ont été faits, puis nous autres, on encourage Banque de terres à aller de l'avant.

M. Dutil : ...le député de Mégantic, Mme la Présidente, parlait tout à l'heure de la situation dans l'Estrie. On a la même situation, nous autres, dans... dès qu'on s'éloigne trop du fleuve, là, on a exactement la même situation. Moi, je suis de Beauce-Sud. Beauce-Sud, on est collés tout le long de la frontière, là. Donc, il y a des endroits très dynamiques sur le plan industriel, mais, sur le plan agricole, on s'aperçoit que la relève n'est pas là. Les villages diminuent de population, puis il y a probablement de l'agriculture à faire là.

Alors, je vous dis ça parce que l'impression qu'on a quand on discute ici, à la CAPERN, quand on discute avec des gens, c'est qu'il y a vraiment deux Québec : un où il y a de la spéculation parce qu'il y a de la pression démographique, puis ça, c'est plus autour de Montréal et de la région; et là où il y a une désertification démographique, là, puis on s'aperçoit que les terres en friche augmentent. Vous, vous venez de Kamouraska. Ça ne semble pas être le cas. À Kamouraska, il y a l'air d'avoir une pression sur les terres agricoles puis un prix. Est-ce que vous l'attribuez uniquement à des groupes comme Pangea ou s'il y a une dynamique agricole plus forte à cause de votre proximité, peut-être, de...

M. Hudon (Pascal) : Bien, dans Kamouraska, ce que c'est qui est bizarre, c'est une MRC quand même assez petite, puis il y a beaucoup de producteurs agricoles, mais il y a beaucoup de classes de terres. On a sur le bord du fleuve où est-ce que la terre est quand même classée... est quand même bien, là, c'est quand même une terre pas de roches, puis ça se cultive super bien. Puis plus qu'on monte dans les hauts pays, bien, plus la terre est difficile de cultiver.

Non, c'est sûr et certain que Pangea, ce n'est pas le seul à avoir fait augmenter les terres. Je ne vous le cacherai pas, il y a beaucoup de producteurs qui ont fait de la spéculation sur des terres. Ils avaient besoin de la terre, ça fait qu'ils l'ont achetée. Mais on a vu l'impact de Pangea dans Kamouraska parce que, suite à la mobilisation qu'on a eue, les jeunes ont décidé de faire un petit comité. Puis on faisait du porte-à-porte pour aller chercher des appuis, puis on s'est assis avec une institution financière, puis ils m'ont dit : Pascal, c'est assez terrible, le nombre de demandes que j'ai eues pour faire un prêt pour acheter une terre. J'ai dit : Comment ça se fait? Il y a beaucoup de producteurs à Kamouraska qui louaient de la terre parce que leur situation financière ne leur permettait pas de faire cet investissement-là. Ou, sinon, le propriétaire demandait trop cher, ça fait qu'on louait la terre pour l'autosuffisance de la ferme. Mais, quand ils ont su que Pangea était dans le Kamouraska, bien, ça a fait planer une incertitude au-dessus de la MRC. Ça fait que le prix de la personne, bien, c'est rendu le prix du producteur. Il dit : C'est inimaginable, la gymnastique qu'il a fallu qu'on fasse pour que les gens puissent acquérir de la terre.

C'est bien, ça a fait bouger les choses, mais, au point de vue financier, au point de vue de l'endettement des entreprises, je ne pense pas que c'est une bonne chose personnellement. Puis il y a beaucoup de jeunes de la relève qui louent de la terre présentement parce qu'ils sont en démarrage, puis il y a une incertitude qui plane au-dessus de leur tête parce qu'il n'y a rien qui encadre la location des terres, il n'y a rien qui légifère la location des terres soit dans sa durée ou sur l'investissement qu'il y a à faire sur les terres agricoles. Ça fait que oui, les producteurs, ils ont amené un impact sur le prix des terres dans le Kamouraska, mais je pense que Pangea a eu un impact beaucoup plus grand que les producteurs eux-mêmes.

M. Dutil : Donc, Mme la Présidente, le phénomène des terres en friche, chez vous ça n'existe, à toutes fins pratiques, pas, là.

M. Hudon (Pascal) : Bien, ça existe dans les hauts plateaux. Tantôt, la MRC de Kamouraska va déposer... mémoire, oui, il y a des parcelles de terre qui sont en reboisement, puis ils ont de la difficulté à avoir preneur.

M. Dutil : Sur le bord de la frontière américaine, grosso modo.

M. Hudon (Pascal) : Oui.

M. Dutil : C'est beau. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Léger) : Oui. M. le député d'Abitibi-Est.

M. Bourgeois : Je veux revenir à votre marieuse. Dans le processus entre le propriétaire de la terre et le jeune de la relève, y a-tu un genre de contrat? Parce que ce que je comprends, c'est une location qui se fait dans un premier temps, mais est-ce que c'est un engagement de part et d'autre vers une acquisition potentielle? Y a-tu des termes qui sont établis dès le départ?

M. Hudon (Pascal) : Oui, c'est une entente avec le cédant puis la relève. Il y a beaucoup... il y a des jeunes qui ne partent pas en location, il y a des jeunes qui achètent carrément l'entreprise, mais oui, ceux qui partent en location, ils ont des contrats types. Banque de terres encourage beaucoup ce contrat-là parce que ça fait en sorte que ça amène une sécurité à la relève. Sachant très bien qu'elle loue pour une dizaine d'années, bien, elle est capable d'investir. Si ça ne marche pas, bien, le cédant, il va falloir qu'il rembourse les investissements que la relève a faits.

Ça fait qu'il y a beaucoup de terres qui sont sous-utilisées au Québec — on l'a vu tantôt avec les locations de terres — justement parce qu'on ne peut pas investir sur ces terres-là. Pourquoi moi, j'irais mettre un tuyau de drain dans la terre, pourquoi j'irais mettre de l'engrais chimique ou de la chaux, sachant très bien que peut-être bien que, dans deux ans, le propriétaire va me mettre dehors? Je pense qu'on pourrait augmenter notre gain productif en ayant des contrats de location de terres. Puis oui, Banque de terres, elle encourage beaucoup les contrats à long terme.

M. Bourgeois : En complémentaire, Mme la Présidente. Donc, à ce moment-là, ça pourrait être aussi un frein à la spéculation parce que, si les deux parties s'entendent au départ, donc ça éviterait le phénomène... S'il arrive un acquéreur qui ferait monter le marché, s'il y a déjà une entente entre les deux parties, est-ce que ça peut aller jusqu'à cet effet-là?

M. Hudon (Pascal) : Je ne pense pas, parce que le prix de la location est quand même basé sur le prix d'achat de la terre. Ça veut dire qu'il faudrait peut-être bien cibler un prix de location de terre. Mais le prix que le jeune loue, il faut quand même qu'il soit raisonnable. Il faut qu'il arrive dans ses frais, il faut qu'il fasse de l'argent en bout de ligne, il faut qu'il amène de la nourriture sur la table. Mais le prix... habituellement, le prix de vente, c'est lui qui dit... c'est le prix de location. Ça fait que non, je ne pense pas que ça réduirait la spéculation parce que le prix de vente base le prix de la location.

M. Bourgeois : O.K. Merci.

La Présidente (Mme Léger) : On a dans notre document de consultation à la page 5... dans la relève agricole, M. Hudon, on dit : «L'âge moyen des exploitants agricoles au Québec est passé de 47 ans en 2006 à 51,4 [...] en 2011. Cela indique sans doute que les jeunes sont peu nombreux parmi les acquéreurs.» Qu'est-ce que vous pensez de ça?

M. Hudon (Pascal) : Bien, je pense qu'on vit le contexte de la période baby-boomers. C'est pareil en agriculture, il y a de plus en plus de gens qui augmentent en âge, puis on ne fait pas exception en agriculture. Mais moi, je vous dis, là, que, si vous outillez vos jeunes pour devenir entrepreneurs, bien, les jeunes vont répondre à l'appel.

La Présidente (Mme Léger) : Je cède la parole maintenant au député de Berthier, de l'opposition officielle.

• (17 h 10) •

M. Villeneuve : Merci, Mme la Présidente. Je veux aborder le sujet... Bien, le sujet, on l'a abordé tantôt, mais c'est parce qu'on est un peu dans la sémantique, hein? On a vu tantôt, les gens avant vous... on nous dit que l'accaparement des terres n'existe pas. Alors, je suis allé voir les synonymes, on peut s'entendre sur un synonyme peut-être, là, parce que — puis je veux vous entendre là-dessus, je sais que vous avez répondu à la question tantôt — vous, vous le sentez sur le terrain, vous le voyez, puis c'est concret. Je pense même qu'il y a eu certaines transactions qui n'ont pas pu être réalisées parce que, justement, des fonds d'investissement privés sont sur le terrain. Évidemment, plus il y a de joueurs sur le terrain, moins il y a de terres, bien, on s'entend que les prix augmentent.

Donc, il y avait «mainmise». «Mainmise», bon, moi, écoutez, je n'ai pas problème avec ça. Si «accaparement», là, ça ne fait pas le bonheur à certaines personnes, on peut peut-être parler de mainmise. Mais il y a une chose qui est sûre, parce qu'à un moment donné il va falloir qu'on... Puis je pense qu'il va falloir qu'on arrive à s'entendre sur... Le fait est qu'il y a présentement sur le terrain des fonds d'investissement privés qui achètent à gros prix puis qui font en sorte que les prix augmentent, qui sont un obstacle... un de plus, peut-être, mais que la relève a à surmonter. Alors, je pense qu'il va falloir qu'on arrive à s'entendre là-dessus, à tout le moins, qu'il y a vraiment un problème à ce niveau-là. Et, je le répète, je l'ai dit tantôt, CIRANO date de 2012, il s'est rajouté des fonds qui sont agressifs sur le marché présentement qui n'étaient pas là lorsque CIRANO a fait son étude. Alors, vivement qu'ils actualisent leur étude pour qu'on... Et eux ne nient pas l'accaparement, ils disent que c'est marginal. Donc, ça existe.

Alors, je veux juste voir, de votre côté, comment vous voyez ça, qu'il y a certaines personnes... Puis ils ont le droit, remarquez, là, mais comment on va arriver, justement, à s'entendre sur le fait que le phénomène, il existe et il est probablement en accélération actuellement?

La Présidente (Mme Léger) : Alors, M. Hudon.

M. Hudon (Pascal) : Bien, s'il était marginal en 2012, on peut dire qu'aujourd'hui ça s'est accentué. En 2012, il n'y avait pas Pangea, et Banque Nationale avait commencé à penser à acheter les terres au Saguenay—Lac-Saint-Jean. Mais, encore là, après le krach boursier, bien, je pense que tout le monde a décidé d'aller investir dans les terres agricoles. Puis ça, c'est un dossier qu'on n'aura jamais l'unanimité. Je pense que vous êtes tous conscients, là...

On a parlé tantôt de l'âge des agriculteurs qui a augmenté. Bien, ces gens-là, ils sont tous prêts à vendre dans les prochaines années, puis nous autres, la relève agricole, bien, on ne peut pas... excusez-moi l'expression, mais on ne peut pas lancer des roches à quelqu'un qui veut vendre à plein prix sa terre agricole. Je pense, c'est un choix qu'ils font, sauf que, si... on peut-u enlever quelques irritants qui font en sorte que la relève agricole ne peut pas s'établir puis elle ne peut pas dynamiser notre secteur? Je me répète encore une fois, il y a beaucoup de jeunes entrepreneurs. On sort de notre congrès, il y a une semaine, notre thématique était même les terres agricoles. On a eu des tables rondes, on a sorti des belles conclusions, mais la conclusion qu'on en ressort, c'est des jeunes qui veulent être propriétaires, qui veulent prendre des décisions, qui sont prêts à prendre des risques, mais qui veulent avoir le gain itou, là. Ils ne veulent pas juste être partie d'une société opérante qui leur gère juste le risque.

M. Villeneuve : O.K. À tout le moins, on l'aura abordé à nouveau, puis peut-être que, d'ici la fin de la commission, on réussira à s'entendre sur ça, «mainmise» ou «accaparement». Mais il y a une chose qui est sûre, le phénomène, il est là, il existe.

Tantôt, vous avez dit qu'il y a de 900 à 1 000 diplômés par année. Combien, là-dessus, réalisent leur rêve? Parce que c'est une passion, c'est un rêve, c'est évident, on vous regarde... Puis moi, j'ai vu le petit vidéo, justement, dans Kamouraska, et je regardais la... il y avait, je ne sais pas, 60, 70 jeunes. Alors, de mon âge, il y en avait un, dans le fond, c'est tout. C'étaient tous des jeunes qui étaient là, c'était de toute beauté à voir, et je me dis : S'il y en a entre 900 et 1 000... Puis ce que j'ai lu aussi quelque part, c'est que beaucoup se dirigent dans la gestion aussi, beaucoup dans la gestion d'entreprise. Que font ces jeunes-là? On se parle aujourd'hui, là, il y en a eu 900 à 1 000 l'an passé, il va y en avoir 900 encore cette année. Qu'est-ce qui arrive? Il arrive quoi en bout de piste? Parce qu'ils...

La Présidente (Mme Léger) : M. Hudon.

M. Villeneuve : Allez-y, oui.

M. Hudon (Pascal) : Bien, ces jeunes-là, quand ils sont prêts à réaliser leur rêve, bien, tout comme entrepreneur, ils font un plan d'affaires, puis, quand ils voient que ça ne marche pas, bien, ils réorientent leur carrière. Au Québec, on a quand même un bon taux de renouvellement de producteurs relève. Tantôt, vous avez dit que les producteurs avaient 51 ans, mais on est quand même la province la plus jeune en agriculture au Canada. Il faut quand même être fier. Ça veut dire qu'on a une relève dynamique, puis surtout qu'on a un système qui fait en sorte que les jeunes puissent s'établir. Mais ces jeunes-là, habituellement, ils refont une orientation de carrière ou, sinon, il y a des producteurs qui sont prêts à dire adieu à leur retraite dorée puis à faire des concessions pour qu'il y ait une pérennité dans leur entreprise. Mais moi, je vous dis que ces jeunes-là, là, sont prêts, là.

La Présidente (Mme Léger) : M. le député de Bonaventure.

M. Roy : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, messieurs. Vous avez dit tout à l'heure qu'il y avait un climat d'incertitude — je ne me souviens plus dans quelle région — que les gens de Pangea s'étaient manifestés puis que ça avait créé chez les gens qui louaient des terres, bon, une problématique, puis qu'ils voulaient aller acheter, si j'ai bien compris, les terres qu'ils louaient. Est-ce que ces gens-là ont réussi à le faire? Est-ce qu'ils ont réussi à devenir propriétaires? Est-ce qu'il y a eu des conditions qui ont amélioré, je dirais, leur prévisibilité?

M. Hudon (Pascal) : Je ne suis pas prêt à répondre avec une certitude, là, mais, à entendre parler mon conseiller financier, je pense qu'il a réussi, une bonne partie, à placer parce que, toute la semaine, il remplissait des contrats. Mais oui, à majorité, il a réussi, mais il m'a dit que c'était une bonne gymnastique pour rentrer ça dans les prêts que les producteurs avaient actuellement. Parce que les producteurs aiment mieux être propriétaires, ça, on ne se le cachera pas, on veut que l'actif... L'actif, dans ma culture, augmente. On veut bénéficier de ça aussi, là. C'est comme quand on fait une location de terre, c'est parce que soit qu'on n'est pas prêt à l'acquérir tout de suite ou bien soit qu'on vient de démarrer puis on n'a pas les liquidités nécessaires. Mais oui, sûrement que la majorité des personnes ont réussi, mais il y a beaucoup de gens aussi qui attendent parce que sûrement qu'il va y avoir une surenchère, là.

M. Roy : Par rapport à la location de terres, vous avez dit aussi que... Bon, on parlait de terres en friche, des terres qui ne sont pas prises parce que les gens ne veulent pas aller investir sur une terre qui ne leur appartient pas. C'est ce que j'ai compris. Donc, on n'ira pas mettre de drainage, etc. Par contre, vous semblez dire aussi qu'il y a des gens qui louent, qui améliorent les terres, mais qu'ils n'ont pas, semble-t-il, de contrat qui les protège à long terme. C'est ce que j'ai compris.

M. Hudon (Pascal) : Bien, ces gens-là, quand ils n'ont pas de contrat, habituellement ils ne font pas d'investissement. Au prix que ça coûte, drainer une terre, puis l'investissement de la chauler, ces gens-là ne prennent pas le risque, à moins d'avoir un contrat à long terme puis, si jamais ils sont évincés de leur terre, qu'ils ont un remboursement pour l'investissement qu'ils ont fait. Mais, habituellement, ces terres-là, à très forte majorité, on ne fait pas d'investissement là-dessus parce qu'il y a trop un gros risque de perdre notre investissement.

M. Roy : Est-ce que ce sont les propriétaires qui louent leurs terres qui ne veulent pas signer de contrat ou c'est un manque de communication? Qu'est-ce qui fait en sorte qu'on n'arrive pas à s'entendre sur... Bon, tant qu'à avoir une terre en friche, aussi bien de la louer puis de permettre à des gens de produire dessus. Est-ce que c'est un problème de communication ou vraiment il y a des propriétaires qui disent : Tu ne toucheras pas à ça? Ou est-ce que... Parce que, là, on a une problématique, on dit qu'il y a des terres en friche au Québec, il faudrait les occuper. Où est-ce que ça ne fonctionne pas réellement?

La Présidente (Mme Léger) : M. Hudon.

M. Hudon (Pascal) : Je vais vous dire franchement, vous me posez une bonne question, puis je ne pourrai pas vous répondre avec certitude parce qu'on ne le sait pas pourquoi. Moi, personnellement, je ne sais pas pourquoi, puis notre fédération ne le sait pas. On ne peut pas vous répondre à ça, désolé.

M. Roy : C'est vous qui avez fait naître la question. Écoutez... Bon, ça serait tout pour moi, Mme la Présidente. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Léger) : C'est bien, M. le député de Bonaventure. Est-ce que, dans la relève agricole, il y a des jeunes femmes?

M. Hudon (Pascal) : Bien oui.

La Présidente (Mme Léger) : Oui?

M. Hudon (Pascal) : Oui, au fil des ans, la relève féminine est de plus en plus présente, puis même il y a beaucoup de filles qui partent en agriculture puis qui décident de partir une entreprise. Les proportions augmentent dans... Je vous invite à aller voir le recensement du portrait de la relève agricole du MAPAQ, puis c'est assez impressionnant, la quantité de jeunes femmes qui décident d'aller en agriculture.

La Présidente (Mme Léger) : Alors, Mme la députée de Mirabel, j'ai mis la table un peu parce que, depuis ce matin, toutes les associations, on n'a que des hommes, il n'y a pas de femmes qui sont représentées dans les associations. En tout cas, on va peut-être en avoir demain, mais on n'en a pas aujourd'hui, de ce que je comprends. Alors, Mme la députée de Mirabel, à votre tour.

Mme D'Amours : Merci, Mme la Présidente. Moi, j'aimerais savoir combien de membres a la FRAQ.

M. Hudon (Pascal) : Dans les dernières années, on jouait à peu près dans les 2 000 membres. Cette année, on a eu une baisse à cause de notre système d'adhésion en ligne qui a fait défaut, là. Cette année, on est à 1 600 membres.

Mme D'Amours : Si vous êtes à 1 600 membres, Mme la Présidente, j'aimerais savoir combien qui sont des néo-relèves agricoles dans votre organisme.

M. Hudon (Pascal) : Si je comprends bien la question, les gens qui ne sont pas issus de relève agricole?

Mme D'Amours : En fait, vous êtes de la Fédération de la relève agricole. Moi, j'aimerais savoir, de vos membres, est-ce qu'ils sont tous des enfants de parents qui ont des fermes ou si vous avez des néo-relèves agricoles?

M. Hudon (Pascal) : Non. Nous, nos membres, c'est... il faut que les jeunes portent un intérêt à l'agriculture. C'est la seule condition qu'on a à part l'âge, là, il faut que les jeunes aiment l'agriculture pour rentrer dans la relève agricole. C'est le seul critère qu'on a. Au sein de mon conseil d'administration, j'ai une étudiante en Abitibi-Témiscamingue qui est une relève non apparentée, elle espère, un jour, avoir une ferme. Au Saguenay—Lac-Saint-Jean, j'ai M. Girard, là, qui loue 10 hectares de terre, et il se croit que... grande culture commerciale. Il espère avoir, un jour, sa propre entreprise. On a beaucoup de jeunes, oui, qui espèrent devenir producteurs agricoles, même au sein de mon C.A.

Mme D'Amours : J'aimerais savoir, Mme la Présidente, de combien, sur vos 1 600, combien ne sont pas des enfants d'agriculteurs.

La Présidente (Mme Léger) : M. Hudon? M. Lebel-Racine.

• (17 h 20) •

M. Lebel-Racine (Marc) : Merci, Mme la Présidente. On pourrait aller consulter nos archives là-dessus ou nos données à jour puis vous fournir l'information. Mais ce qu'on peut dire pour l'instant, c'est que, sur la quantité de membres qu'on a, il y en a tous domaines confondus, déjà établis, en voie de s'établir ou simplement passionnés par l'agriculture, donc encore aux études, mais qui s'intéressent au domaine et qui veulent participer aux orientations de notre fédération. Puis, comme on le disait, la proportion de femmes tend à prendre de l'expansion dans ces dernières années. Donc, c'est assez varié.

Puis, pour ce qui est de la relève non apparentée, on sait qu'il y en a. Pour ce qui est de la proportion, on va vous fournir ça dans les prochains jours.

La Présidente (Mme Léger) : Ça fait que je vous demanderais de nous le fournir au secrétariat, là, pour avoir la... Madame la... Ah! d'accord. M. le député de Drummond.

M. Schneeberger : Oui. Bonjour à vous deux. Tantôt, vous parliez justement des valeurs au niveau de la relève beaucoup. Bon, il y a l'accaparement des terres, il y a aussi la relève agricole, ce qui est un peu lié. Mais, dans le fond, c'est plus large que ça, la relève agricole. Sauf que vous parlez aussi des valeurs des terres, et vous disiez que, bon, bien, il y a des personnes qui feront peut-être moins une retraite dorée, et autres. Mais aussi, des fois, on entend les parents qui vendent à leur fils ou leur fille : Bon, bien, j'ai vendu à moitié prix pour qu'il puisse arriver. Mais, dans le fond, est-ce qu'il n'a pas juste vendu la terre ce qu'elle vaut réellement? Ne trouvez-vous pas qu'au Québec il y a peut-être une surenchère des terres? Parce que moi, je regarde, souvent les terres qui sont vendues, moi, personnellement, mon père a une ferme laitière, il a vendu, on a racheté une autre terre. Mais la terre qu'il a achetée pour la cultiver, s'il n'avait pas eu l'argent du quota laitier qu'il a mis là-dessus, il n'arriverait pas, là. C'est ça, la réalité, puis il a mis beaucoup d'argent là-dessus.

Mais, aujourd'hui encore, moi, pour ma relève, là, on oublie ça carrément parce que mes voisins, qui sont des producteurs porcins ou de volaille, qui font beaucoup plus d'argent parce qu'ils ont des quotas, et autres, parce que, là, tu sais, ils ont une grosse entreprise, ils sont capables d'acheter des terres, même si elle n'est pas rentable pour eux, parce qu'ils se la mettent, tu sais... ça rentre dans le lot... Pour moi, on oublie ça parce que je ne serai jamais capable de payer une terre la valeur réelle, ce que j'appelle la valeur marchande de production.

Alors, dans vos coins, vous avez des terres qui sont un peu moins productives dépendamment de ce qu'on fait. Il faut toujours... Ça aussi, c'est une bonne raison. Tout à l'heure, le député de Mégantic parlait des terres, pourquoi qu'en Estrie il y avait moins de terres, parce que probablement que c'est une question de qualité de la terre, de rentabilité, quand on veut la cultiver, dépendamment des cultures. Alors, moi, ce que j'en reviens, est-ce que, dans votre région, est-ce qu'il n'y a pas peut-être une surenchère pour développer une relève qui soit efficace, mais avec aussi un prix qui soit correct, selon la valeur... pas la valeur marchande, selon la valeur de rentabilité? Comme toute autre entreprise, finalement, quand on achète une entreprise, si elle n'est pas rentable parce qu'on paie trop cher, on n'arriverait pas, là.

M. Hudon (Pascal) : Bien, vous venez de résumer notre mémoire. Dans le fond, c'est ça qu'on dit, on dit que l'actif agricole est basé sur une bulle spéculative. Moi, chez nous, si ma terre vaut 3 500 $, je ne pense pas que la valeur agronomique, c'est ça avec de la petite céréale. Oui, vous le mentionnez, présentement les producteurs qui sont déjà établis sont capables de l'acheter parce qu'ils sont capables de l'amortir sur d'autres actifs qu'ils ont présentement, mais un jeune qui démarre demain matin, il faut qu'il soit en mesure d'acheter ces actifs-là d'une valeur agroéconomique qui a du sens, là, parce que, présentement, dans le monde agricole, c'est une bulle spéculative.

Puis, pour répondre un peu pourquoi que les terres en Estrie puis pourquoi d'autres terres ne sont pas achetées puis sont dévalorisées, bien, moi, je tiens à vous dire, là, Pangea n'ira pas là, là, Partenaires agricoles n'ira pas là. Ces gens-là vont où est-ce que la terre a un potentiel, où est-ce qu'ils sont capables d'augmenter la valeur des terres dans les prochaines années puis où est-ce qu'il va y avoir une rentabilité à la vendre dans 10, 15 ans. Je vous mentionne que, par chez nous, dans le Kamouraska, ils n'iront pas à Saint-Gabriel-Lalemant puis ils n'iront pas à Saint-Onésime-d'Ixworth parce qu'il y a trop de roches, puis c'est vallonneux, puis il n'y a pas de potentiel, à long terme, d'arriver à rentabiliser leur investissement, même à bénéficier... Ça fait que oui, la bulle spéculative fait en sorte que la relève, elle ne trouve pas sa place dans le monde agricole.

M. Schneeberger : Est-ce qu'il reste du temps?

La Présidente (Mme Léger) : Une minute.

M. Schneeberger : O.K. Bien, c'est parce que, souvent, ce qu'on a entendu depuis le début de cet après-midi, c'est qu'on attribue beaucoup l'augmentation des terres de certaines régions à Pangea. Dans mon coin, il n'y a pas de de Pangea, pas du tout, parce que les terres sont déjà beaucoup plus élevées que leur valeur, comme vous disiez tantôt, là... moi, ce que je disais, la valeur de productivité et la valeur agricole. Alors, c'est sûr que Pangea n'ira pas là, ils ne feront pas d'argent, et c'est ça, la réalité.

Alors, tu sais, ce n'est pas juste Pangea qui fait monter le prix des terres, c'est aussi les agriculteurs qui, des fois... Moi, je le sais, j'ai travaillé dans le domaine, j'ai vendu des machineries agricoles, puis j'ai fait le tour du Québec parce que j'ai labouré partout avec une compagnie que je ne nommerai pas, mais qui est rouge et verte. Alors, ça vous dit quelque chose probablement pour les agriculteurs. Mais on labourait, puis je peux vous dire qu'à des places c'est le fun, labourer, puis, à d'autres places, j'ai trouvé les agriculteurs courageux de labourer là parce que la terre était blanche, pas parce qu'il y avait de la chaux, c'est parce qu'il y avait bien de la roche. Alors, tu sais, c'est très large, l'agriculture, et c'est pour ça que moi, je me dis : C'est tout mettre la faute sur un, ce n'est peut-être pas juste eux qu'il y a quelque chose, il y a d'autres choses aussi qui... C'est ce qu'on appelle un peu le voisin gonflable, là, c'est qu'on veut toujours avoir plus gros que l'autre, puis là on met plus. Parce qu'il y a ce phénomène-là, mais le problème, c'est que, pour la relève, on n'est plus dans ce jeu-là parce que nous, on n'a pas le choix, il faut avoir un plan financier qui soit correct, là, avec, tu sais, une approche qui... parce qu'on a rien à mettre en actif, on part à zéro, là, et c'est là le problème.

La Présidente (Mme Léger) : Merci. C'est tout le temps que nous avions.

M. Schneeberger : C'est tout. Bon, en tout cas.

La Présidente (Mme Léger) : Merci à la Fédération de la relève agricole du Québec. M. Hudon, M. Lebel-Racine, merci d'être là.

Je vais suspendre les travaux pour que nous puissions recevoir la MRC du Lac-Saint-Jean-Est et la MRC de Kamouraska qui vont venir s'installer.

(Suspension de la séance à 17 h 26)

(Reprise à 17 h 28)

La Présidente (Mme Léger) : À l'ordre, s'il vous plaît! Nous reprenons nos travaux. Nous allons recevoir la MRC du Lac-Saint-Jean-Est et la MRC de Kamouraska. Mais, juste avant, pour les collègues parlementaires, nous avons un petit retard d'une quinzaine de minutes, donc j'ai besoin de votre... Messieurs de l'opposition, j'ai besoin de votre assentiment, de votre accord pour élargir de 15 minutes, à moins qu'on est capable, dépendant du type de questions qu'on va avoir avec nos invités...

Une voix : C'est beau.

La Présidente (Mme Léger) : C'est beau?

Des voix : Consentement.

La Présidente (Mme Léger) : Consentement, merci. Alors, nous recevons... Je ne sais pas qui va commencer la parole. M. Larouche? Non? C'est qui qui commence?

Une voix : ...Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Léger) : Présentez-vous, dites-moi qui va commencer. Vous allez avoir 7 min 30 s par MRC. Donc, deux fois 7 min 30 s, vous avez un 15 minutes ensemble que l'équipe... Parce que vous êtes jumelés. Alors, en général, on avait 10 minutes, mais c'est 15 minutes à deux parce que vous êtes ensemble. Alors, allez-y et présentez-vous.

Municipalité régionale de comté de Lac‑Saint‑Jean‑Est
(MRC de Lac-Saint-Jean-Est) et municipalité régionale
de comté de Kamouraska (MRC de Kamouraska)

M. Paradis (André) : Alors, merci. André Paradis, préfet de la MRC Lac-Saint-Jean-Est. Je suis accompagné de M. Sabin Larouche, directeur général de la MRC. Je suis également maire de la municipalité de Saint-Henri-de-Taillon, une municipalité rurale de 778 habitants.

Bonjour à tous. La municipalité régionale de comté de Lac-Saint-Jean-Est a été invitée par la Commission de l'agriculture, des pêcheries, de l'énergie et des ressources naturelles à soumettre ce mémoire dans le cadre du mandat d'initiative portant sur le phénomène d'accaparement des terres agricoles.

• (17 h 30) •

Forte de plus de 20 ans d'implication au sein de son milieu, la MRC Lac-Saint-Jean-Est a développé une large expertise concernant l'intervention publique sur le territoire de Lac-Saint-Jean-Est et elle possède un point de vue privilégié sur les enjeux concernant le développement de son milieu. Elle croit donc être en mesure de se prononcer sur certains éléments à prendre en compte lors d'une réflexion sur l'avenir de l'agriculture et de l'agroalimentaire du Québec.

Le développement durable de l'agriculture est ainsi une préoccupation majeure de la MRC de Lac-Saint-Jean-Est. D'ailleurs, le schéma d'aménagement révisé, entré en vigueur en juin 2001, contient bon nombre d'orientations et d'actions visant le développement durable de l'agriculture.

La tenue, par la Commission de l'agriculture, des pêcheries, de l'énergie et des ressources naturelles, d'un mandat d'initiative relativement à l'analyse du phénomène de l'accaparement des terres agricoles confirme la nécessité de cerner les défis que représente ce phénomène. La MRC de Lac-Saint-Jean-Est décrira dans ce mémoire ses préoccupations sur le sujet, où il devient de plus en plus évident que nous avons tous une responsabilité partagée dans la protection et la mise en valeur du territoire agricole, et par une occupation dynamique et viable du territoire.

La MRC de Lac-Saint-Jean-Est comprend 14 municipalités regroupant environ 52 000 personnes. La ville d'Alma, la ville centre, compte plus pour la moitié de ce total. Les 13 autres municipalités se répartissent dans la catégorie allant de 5 000 à moins de 1 000 habitants. La MRC occupe une superficie de 2 709 kilomètres carrés, dont 62,2 % est le fait de territoires municipalisés. Dans notre MRC, 40 % du territoire municipalisé est occupé par l'agriculture. Il s'agit, certes, de l'un des milieux agricoles les plus actifs de la région du Saguenay—Lac-Saint-Jean.

M. Larouche (Sabin) : Alors, merci, M. Paradis. Donc, au niveau agricole, la MRC de Lac-Saint-Jean-Est, ses particularités, c'est qu'il y a trois grands secteurs différents dans notre MRC.

On a le sud de notre MRC... Pour ceux qui ont le mémoire, il y a une carte qui est jointe, là, en annexe. La partie sud se compose d'un milieu agricole très, très dynamique, les meilleures terres agricoles du Saguenay—Lac-Saint-Jean. On retrouve beaucoup de fermes laitières. C'est particulier parce que, chez nous, les fermes laitières sont en grand nombre.

Alors, le secteur centre, M. Paradis l'a dit, c'est une ville industrialisée, notre ville centre, qui compte près de 30 000 habitants, principalement avec des grandes entreprises, qui sont Résolu et RTA.

Le secteur nord de notre MRC, où l'agriculture est déstructurée actuellement parce qu'on voit beaucoup, beaucoup de ventes de fermes qui ont eu lieu, également, c'est un secteur où la terre, la qualité des sols est un petit peu moins bonne. Donc, on retrouve beaucoup de bleuetières. Plus on va vers le nord, là, les bleuets, c'est un produit qui est très prisé. Effectivement, les entreprises dans le bleuet font des bonnes affaires. Mais, au niveau des fermes laitières, on en retrouve beaucoup moins dans le secteur nord de notre MRC que dans le secteur sud. Donc, c'est un peu le portrait géographique de notre MRC.

Au niveau de l'accaparement des terres, bien, 2010, Banque Nationale qui a commencé à étendre ses tentacules plus vers le nord du Lac-Saint-Jean. Chez nous, c'est à peu près 3 000 hectares actuellement qui est sous emprise de ce qu'on appelle les investisseurs, là, le terme qu'on entend cet après-midi. Pangea a à peu près 2 000 hectares actuellement. Puis il y a un autre groupe, qu'on appelle Investerre, qu'on connaît moins, également, qui est chez nous. Donc, c'est quand même... depuis quelques années, il y a eu beaucoup, beaucoup, là, de terres qui ont été achetées par ce qu'on appelle ces investisseurs-là, l'accaparement des terres.

Ce qu'il est important de remarquer, c'est qu'ils se sont... les achats se sont faits dans les deux secteurs très agricoles de notre MRC, également le sud, qui est... qu'on disait qu'il y avait des fermes de très, très grande qualité au niveau laitier, mais également au secteur nord. Il y a beaucoup d'achats de terres qui ont été faits au secteur nord. Puis une particularité, c'est qu'il y a des investissements qui ont été réalisés par, entre autres, Pangea au secteur nord sur des terres qui, actuellement, étaient en friche, qui étaient laissées à l'abandon, donc qui étaient complètement déstructurées, où les arbres commençaient à pousser. Même si on aime bien la forêt chez nous puis qu'on... C'est un moteur, mais on préfère davantage avoir l'agriculture. Mais il y a des investissements importants qui ont été réalisés, je pense, par ces investisseurs-là pour remettre en production ces terres-là. Au niveau du drainage, au niveau du nivelage, ça a commandé quand même des investissements importants. On ne se prononce pas sur si c'est bon ou pas bon, mais, en tout cas, pour chez nous, pour le paysage, là, le fait de remettre en culture, là, des terres, c'est quand même significatif.

Donc, pour ce qui est de l'accaparement des terres, c'est ça, chez nous, c'est quand même 3 000 hectares qui ont été acquis. Là, on fait référence aux différentes études qui ont été nommées tout à l'heure — on n'y reviendra pas — l'IREC, CIRANO et AGECO, là, donc, qui ont été longuement, tantôt, apportées.

On irait directement aux pistes de réflexion. Alors, M. Paradis.

M. Paradis (André) : Effectivement...

La Présidente (Mme Léger) : Je voulais juste dire que c'était M. Larouche, pour les besoins audio, qui avait parlé. Parce que c'est moi qu'il faut qui cède la parole, parce qu'on a besoin aussi de niveau audio, là. Alors, allez-y, M. Paradis.

M. Paradis (André) : Merci. Donc, dans un premier temps, pour dresser le portrait de la situation au Québec, on est d'avis que, dans le cadre de l'analyse du phénomène d'accaparement des terres agricoles, il apparaît nécessaire à ce stade-ci de dresser un portrait clair de la situation afin de documenter les impacts liés au phénomène. On l'a entendu tout à l'heure sur d'autres présentations, et certains de vos collègues en ont fait mention également, donc il serait absolument important qu'à partir de données des organismes municipaux responsables de la fabrication d'un rôle d'évaluation... il serait sans doute possible d'en évaluer concrètement l'ampleur du phénomène à une période donnée. Évidemment, le succès d'un tel exercice repose sur la possibilité de mettre en place les ressources humaines et financières pour la réalisation de l'état de la situation. Nous croyons donc que tous les organismes susceptibles de posséder des informations qui faciliteraient la cueillette de données seraient disposés à apporter leur contribution pour établir un diagnostic de la situation.

M. Larouche (Sabin) : Donc, qu'est-ce qui incite les investisseurs à acquérir des terres principalement chez nous...

La Présidente (Mme Léger) : M. Larouche.

M. Larouche (Sabin) : ... — oui, c'est à mon tour? — au Lac-Saint-Jean-Est? Évidemment, historiquement, là, c'est des grosses fermes laitières. Puis, il y a plusieurs années, principalement, la culture servait à nourrir le bétail, O.K., les vaches laitières, évidemment. Mais, depuis plusieurs années, on assiste à une mutation, une migration. De plus en plus, les agriculteurs vont cultiver des céréales. O.K.? Donc, c'est un phénomène qui est présent depuis quelques années chez nous, sauf qu'avec l'accroissement de la population mondiale on se rend bien compte qu'il va y avoir une pression très, très forte, là, pour alimenter notre monde. Donc, on pense que, dans quelques années, les cultures vont changer probablement au niveau des céréales, ainsi de suite, pour permettre davantage à aller peut-être vers l'humain ou encore vers le bétail, mais il va y avoir beaucoup de pression pour nourrir la planète, ça, on est clair.

Par contre, au niveau de la spéculation, c'est un phénomène qu'effectivement il ne faut pas nier. Il y a sûrement des investisseurs qui vont investir pour spéculer. Par contre, dans le temps, pendant plusieurs années, c'est quoi, le retour pour les investisseurs... de ces actionnaires ou ces actionnaires-là? Quand ils vont toucher leurs billes, ça, on ne le sait pas non plus parce que, la terre, il va falloir qu'ils la revendent dans plusieurs années s'ils veulent avoir un rendement, alors que, là, ce n'est qu'un capital passif. Jusqu'à quand ça va le demeurer? On ne le sait pas trop.

Au niveau de l'accaparement des terres, la relève agricole, certes que, s'il y a une spéculation à la hausse des valeurs, ça va nuire à la relève agricole, mais nous, on est convaincus qu'avant le phénomène d'accaparement des terres il y a un problème de relève agricole à la base. Puis, quand on jase avec nos jeunes agriculteurs chez nous — puis on est en train de terminer notre plan de développement de la zone agricole — ce qu'on se fait dire, que les outils pour soutenir la relève agricole ne sont pas du tout adaptés aux besoins des jeunes. On nous dit : Que ça soit FIRA ou les gens de la fédération agricole, on n'est pas capables d'accéder du tout à nos terres parce que les outils ne sont pas adaptés en fonction des réalités d'aujourd'hui sur le terrain.

Autre élément...

La Présidente (Mme Léger) : Merci...

M. Larouche (Sabin) : Oui?

La Présidente (Mme Léger) : ...c'est tout le temps qui est...

M. Larouche (Sabin) : C'est terminé?

La Présidente (Mme Léger) : Oui.

M. Larouche (Sabin) : En tout cas, dans notre mémoire, on parle de beaucoup d'autres choses, là, ça fait que... Peut-être, le mot de la fin, M. Paradis?

M. Paradis (André) : Merci beaucoup de nous avoir entendus...

La Présidente (Mme Léger) : Quelques secondes.

M. Paradis (André) : Nous serons disponibles pour vos réponses.

La Présidente (Mme Léger) : O.K. Bien, c'est ça, vous allez pouvoir partager, dans le fond, avec les gens. Alors, maintenant, nous avons la MRC de Kamouraska. Alors, M. le préfet, M. Soucy.

M. Soucy (Yvon) : Oui. Merci beaucoup, Mme la Présidente. Puis, bien, en fait, je suis accompagné des maires de Sainte-Anne-de-la-Pocatière, M. Rosaire Ouellet, et de Saint-André de Kamouraska, M. Gervais Darisse. Bien, en fait, je les appelle mes experts parce que tous deux ont oeuvré dans le financement agricole durant leur carrière. Puis je tiendrais également à souligner la contribution du service d'aménagement de la MRC de Kamouraska, la rédaction du mémoire, en particulier, de Mme Maryse Hénault-Tessier, qui est la directrice du service d'aménagement.

Je vais vous présenter le portrait du territoire de Kamouraska. M. Darisse va poursuivre avec les questionnements que nous avons quant aux modèles d'affaires des investisseurs non agricoles, et M. Ouellet va poursuivre avec, en fait, des pistes de réflexion qu'on souhaite amener à la commission.

D'entrée de jeu, nous tenons à vous remercier de nous donner l'occasion d'exprimer aux membres de la Commission de l'agriculture, des pêcheries, de l'énergie et des ressources naturelles nos préoccupations face au phénomène d'accaparement des terres. L'agroalimentaire constitue une caractéristique du territoire et de l'identité kamouraskoise, et, considérant son importance sur l'occupation et la vitalité du territoire, il va de soi que le monde municipal s'en occupe et s'en préoccupe.

Voici, d'ailleurs, quelques éléments qui reflètent bien le dynamisme agricole de la région. Le Kamouraska compte plus de 400 fermes et possède une superficie agricole de 77 942 hectares. C'est la MRC du Bas-Saint-Laurent qui a la plus importante superficie en culture et la plus forte densité d'unités animales par hectare de zone agricole. Toutes les municipalités kamouraskoises possèdent d'importantes superficies agricoles. Celles-ci représentent parfois jusqu'à 96 % du territoire municipalisé. Non seulement hôte de la première école d'agriculture permanente au Canada — aujourd'hui, l'ITA — ainsi que de la première école de laiterie, le Kamouraska a su, de tout temps, innover et se démarquer en matière d'agriculture. Il peut ainsi, à juste titre, être considéré comme le berceau de l'agriculture au Québec, voire même au Canada.

• (17 h 40) •

Encore aujourd'hui, l'innovation est l'un des moteurs de développement. En témoigne d'ailleurs la concentration de plusieurs centres d'innovation, d'expertise et de formation qui travaillent avec les entreprises à améliorer leur productivité. Donc, le CDBQ, CEPOQ, Biopterre en sont des exemples. Le Kamouraska a toujours su saisir les opportunités et accueillir favorablement les innovations, les modèles d'affaires et les nouvelles façons de faire lui permettant de confirmer son rôle de leader agroalimentaire.

Une MRC agricole. Pour bien comprendre les préoccupations des élus par rapport au phénomène d'accaparement des terres, soulignons quelques particularités de notre territoire. La santé financière globale du Kamouraska sur le plan agricole peut être qualifiée de très bonne. La partie nord du territoire est caractérisée par une agriculture dynamique dans des sols de très bonne qualité. Plus au sud, dans le Haut-Pays, on trouve un milieu plus agroforestier. M. Hudon vous l'a dit un peu plus tôt. À noter, d'ailleurs, que ce secteur de la MRC témoigne des plus faibles indices de développement socioéconomique.

La dynamisation du territoire constitue ainsi l'enjeu clé pour les élus du Kamouraska. Le développement et la mise en valeur de l'agriculture sont perçus comme l'un des moyens privilégiés pour parvenir à cette dynamisation. À cet effet, les outils dont se sont dotés le milieu, que l'on pense au plan de développement de la zone agricole ou à la planification stratégique, visent, entre autres, à s'assurer que l'agriculture et le bioalimentaire soient de réels moteurs de développement au Kamouraska.

M. Darisse pourrait poursuivre si vous le permettez, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Léger) : M. Darisse.

M. Darisse (Gervais) : Alors, des questions sur le modèle d'affaires des investisseurs non agricoles. Alors, au cours de l'automne 2014, une société d'investissement agricole a effectué l'acquisition d'environ 346 hectares de terre dans la région, ce qui est équivalent à plus de deux fois la superficie moyenne des entreprises agricoles kamouraskoises. Suite à ces premières acquisitions, les municipalités et la MRC ont jugé opportun de signaler leur inquiétude face à ce type de transaction, considérant que ce phénomène est appelé à se reproduire. Ainsi, cette approche suscite certaines craintes relativement au prix des terres agricoles, à la diversification de l'agriculture, à l'occupation du territoire, au rôle de producteur en tant qu'entrepreneur, à l'achat local et à la vitalité des communautés. Diverses questions se posent quant à l'emprise des communautés sur leur agriculture, sur la protection qu'offre le système actuel et sur l'impact de ce type de modèle, notamment sur la relève.

Alors, en ce qui a trait aux retombées locales, on se posait des questions à savoir est-ce que les achats locaux et la fourniture de services seront toujours priorisés. On se posait la question à savoir est-ce que les cultures seront adaptées ou vont tenir compte des besoins locaux. Serait-il possible de développer une agriculture de proximité avec la multiplication de ce modèle d'agriculture?

Certes, selon l'information transmise par les investisseurs, le modèle d'affaires développé vise la création de coentreprises dont 51 % des actifs demeurent propriété du partenaire agriculteur. Néanmoins, les informations disponibles au Registraire des entreprises ne nous permettent pas de savoir quelle est la réelle proportion de participation des différents partenaires. Nous nous interrogeons donc toujours sur l'emprise réelle que pourrait avoir le partenaire local dans les décisions concernant la gestion de l'entreprise. De plus, l'absence d'information quant à la part d'investissement de chaque partenaire peut complexifier les démarches dans le cas de défaut de paiement de taxes, ce qui préoccupe directement le monde municipal. Des données précises et détaillées quant à la part des investisseurs propriétaires permettraient de mieux cerner les enjeux en lien avec ce type de transaction. Nous questionnons également la pertinence de l'exonération du paiement du droit de mutation dont bénéficient de telles entreprises, dont une forte proportion des parts est détenue par un investisseur hors du territoire. Alors, l'adresse de Pangea, c'est 1250, boulevard René-Lévesque, ce n'est pas dans la municipalité de Saint-André.

Un impact sur la relève et sur le prix des terres. Les élus du Kamouraska ont aussi entendu les craintes et les préoccupations de la relève agricole, laquelle est bien présente au Kamouraska et constitue un élément clé pour assurer à long terme le dynamisme agricole du territoire tout en contribuant à la vie économique et sociale des communautés. Il est vrai que le modèle proposé par les grands investisseurs peut probablement paraître attrayant pour certains jeunes entrepreneurs. Néanmoins, la spéculation sur les prix des terres que ce modèle peut engendrer constitue une menace pour la relève entrepreneuriale qui souhaite développer des fermes familiales. D'ailleurs, soulignons que le modèle de ferme familiale contribue fortement à l'occupation du territoire. Ce sont des entrepreneurs et coentrepreneurs locaux travaillant et vivant au sein de leur communauté. On peut légitimement se questionner si les entreprises dont une importante part appartient à des investisseurs non agricoles de l'extérieur du territoire ont autant de retombées en termes de vitalité et de dynamisation du territoire. Dans ce contexte, nous nous interrogeons s'il est justifié que les entreprises financées par des investisseurs non agricoles puissent bénéficier au même titre que les fermes familiales de l'ensemble des programmes de l'État.

Alors, je laisse la parole à mon collègue.

La Présidente (Mme Léger) : ...beaucoup de temps.

Une voix : Rapidement.

M. Ouellet (Rosaire) : Rapidement, quelques pistes de réflexion. La mise sur pied du capital patient. Soulignons qu'une bonne partie de nos préoccupations soulevées ici provient du fait...

La Présidente (Mme Léger) : Je vais vous arrêter. Est-ce qu'on peut faire un consentement pour donner un petit peu de secondes de plus?

Une voix : ...

La Présidente (Mme Léger) : D'accord, oui. Alors, allez-y, M. Ouellet.

M. Ouellet (Rosaire) : Soulignons qu'une bonne partie de nos préoccupations soulevées ici provient du fait que les terres qui ont fait l'objet d'acquisition et celles sur lesquelles les investisseurs ont actuellement des visées, à notre connaissance, sont parmi les meilleures terres du Kamouraska, dynamiques et non sujettes à quelque déprise agricole. Tel que nous l'avons signifié d'entrée de jeu, le Kamouraska est ouvert à l'innovation et aux opportunités, et il serait souhaitable de pouvoir voir dans des capitaux extérieurs une opportunité. Pour ce faire, il faudrait que les investissements étrangers de la région se fassent dans les secteurs du territoire qui en ont le plus besoin et de manière à favoriser les productions assurant des retombées locales.

Ainsi, plusieurs terres du Haut-Pays gagneraient à être optimisées, mais ne le sont pas, faute de moyens financiers adéquats sur le territoire. Ces grands investisseurs ne pourraient-ils pas contribuer à ces projets? Ces terres pourraient être adéquates pour recevoir certaines cultures spécialisées, notamment pour des variétés nécessitant un certain capital patient. Pourquoi ne pas développer de cultures fruitières ou de noix, lesquelles nécessitent, certes, des investissements sur plusieurs années, mais qui pourraient contribuer à la remise en culture de certaines terres ainsi qu'à la dynamisation du territoire?

La Présidente (Mme Léger) : On va le faire avec des questions, là, on va pouvoir...

M. Ouellet (Rosaire) : Je vous invite à aller voir notre mémoire parce que je n'étais qu'au début des solutions proposées, et nous ne venons pas ici juste pour quêter, nous avons des solutions.

La Présidente (Mme Léger) : Oui, merci. Merci, M. Ouellet. Alors, nous avons 22 min 30 s ici, 13 min 30 s, l'opposition officielle, neuf minutes pour les échanges que nous aurons avec les groupes. Je vous invite, chers parlementaires, de poser la question soit nécessairement à M. Paradis, le préfet de la MRC de Lac-Saint-Jean-Est, ou M. Soucy, de la MRC de Kamouraska, qui... donnerez la parole aux autres si, le moindrement, vous voulez donner la parole. O.K.? De bien identifier quelle MRC vous voulez poser la question.

Alors, allez-y, M. le député de Mégantic.

M. Bolduc : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, messieurs. Il me fait plaisir de vous rencontrer ici aujourd'hui. Moi, j'avais une première question pour M. Paradis. Quand vous dites : La MRC occupe un territoire de 2 709 kilomètres carrés dont 40 % du territoire municipalisé est occupé par l'agriculture, là ça devient compliqué parce qu'il y a des territoires municipalisés, etc. Combien vous avez d'hectares en culture actuellement? Est-ce que vous...

M. Paradis (André) : Dans le fond, le pourcentage qu'on vous a mis là est pour vous dire que, dans 40 % des municipalités urbanisées, il y a des terres agricoles, donc il y a des fermes, il y a de l'activité agricole.

M. Bolduc : Oui. Mais il y a 62 %, le fait d'être territoire municipalisé, donc c'est... 40 % de ce 60 % là, là. C'est ce que je comprends bien?

M. Paradis (André) : Exactement. Exactement.

M. Bolduc : O.K. Donc, ça représente à peu près 60 000 hectares si je comprends bien, puis... Ça va-tu?

M. Paradis (André) : Ça va pour le moment, oui.

M. Bolduc : 60 000? O.K.

M. Paradis (André) : Oui, environ, là, hein?

M. Bolduc : Environ.

M. Paradis (André) : On va ajouter «environ» à toutes les fois pour être sûr que...

M. Bolduc : O.K. Mais ensuite vous nous dites qu'il y a trois entreprises qui auraient acquéri 2 760 hectares, ce qui va représenter à peu près... Ici, là, on est de l'ordre de 3 %, à peu près, de votre territoire agricole. Grosso modo, là.

M. Paradis (André) : Effectivement. Vous avez sur la carte, là, qu'on vous a remise, là, les secteurs où ils ont été acquis.

M. Bolduc : Et vous nous avez parlé tout à l'heure que ces entreprises-là ont remis en production des terres qui n'étaient pas utilisées, donc là j'ai un peu de difficultés à comprendre. Est-ce que c'est un inconvénient ou un avantage qu'ils soient là, eux, ou... Ce n'est pas clair dans ma tête, votre position par rapport à ces investisseurs-là dans votre MRC, là.

M. Paradis (André) : Oui. Bien, je vais essayer d'éclaircir votre lanterne, comme on dit. Dans le secteur nord, là où des entreprises ont acquis certaines parties de terres, certaines parties étaient, je dirais, inoccupées ou encore...

M. Bolduc : En friche.

• (17 h 50) •

M. Paradis (André) : ...elles n'étaient pas en culture. Ils ont remis en culture ces terres-là, et ça a permis, effectivement, d'avoir une plus-value, si je peux m'exprimer ainsi, pour le secteur nord de la MRC. Comme M. Larouche l'a mentionné tout à l'heure, on a deux secteurs qui sont complètement différents, là, sur... Mais il y avait quand même dans le secteur nord une propriété qui était en culture qui a été acquise au début par la Banque Nationale et, par la suite, par Pangea. Donc, pour nous, pour le secteur nord, ce fut un plus, c'est clair.

M. Bolduc : O.K. Puis, pour le secteur sud, l'autre partie.

M. Paradis (André) : Pour le secteur sud, je dirais que ça a été un plus médium.

M. Bolduc : Un plus médium.

Des voix : Ha, ha, ha!

M. Bolduc : Ça fait qu'expliquez-moi ça, s'il vous plaît.

La Présidente (Mme Léger) : Ça vient-u du Lac-Saint-Jean, ça?

M. Paradis (André) : Une patente du Lac-Saint-Jean.

La Présidente (Mme Léger) : Une patente du Lac-Saint-Jean.

M. Paradis (André) : Non, je dirais que ça a été un plus... ça a été acceptable, mettons. Mettons que ça a été acceptable. La situation n'est pas catastrophique, on ne peut pas comparer cette situation-là à l'arrivée du caribou forestier au niveau du monde forestier, là. Si on s'entend bien, oui, il y a des activités là, il y a de la coentreprise également dans ce secteur-là. Donc, pour nous, ce n'est pas la fin du monde actuellement. C'est ce qu'on a mis dans notre mémoire, de toute manière. C'est important de bien mentionner que ça ne fait pas tout à fait l'unanimité de notre comité consultatif agricole, qu'on a rencontré avant de venir ici et qui nous a aidés à monter le mémoire, mais c'est important de savoir que, dans notre MRC, les deux pôles s'y trouvent quand même assez aisément avec la situation.

La Présidente (Mme Léger) : M. le député.

M. Bolduc : Merci, Mme la Présidente. Donc, si je comprends bien, la position de la MRC est que la venue de ces entreprises-là n'a pas été — comment je dirais ça? — un négatif ou une problématique significative dans l'agriculture de votre région.

La Présidente (Mme Léger) : Je pensais que vous étiez pour dire un moyen moins.

M. Bolduc : J'hésite un peu parce que je ne suis pas vraiment originaire du Lac-Saint-Jean, mais je vais essayer.

La Présidente (Mme Léger) : Un moins moyen.

M. Bolduc : Mais que ça ne vous a pas vraiment dérangé ou ça n'a pas vraiment nui au développement de votre agriculture, ça a été plus un plus. Et est-ce que vous préconisez, je dirais, des intérêts continuels comme ça qui viendraient aussi continuer à développer pour compenser ce qui vous manque actuellement? Parce que vous avez un problème de relève agricole aussi si j'ai bien compris votre mémoire, là. Donc, comment vous voyez ça? Puis qu'est-ce que vous pourriez faire pour les aider? Je sais que vous avez des recommandations, là, que j'ai vues, mais, la MRC, comment vous voyez ça, vous?

La Présidente (Mme Léger) : M. Paradis.

M. Paradis (André) : Oui. Assez rapidement, vous mentionner que, dans le mémoire, vous voyez qu'on est en réflexion sur comment on va aborder ce problème-là s'il devient de plus en plus criant. Pour le moment, on ne peut pas dire que ça soulève les passions négatives sur notre territoire. Chacun y trouve son compte à quelque part, chacun est capable de comprendre les situations, et je pense que ce qui est le plus important là-dedans, puis ce qu'on n'a pas pu tout à l'heure faute de temps, mais ce n'est pas grave, vous en avez pris connaissance... il faut trouver le moyen de supporter la relève agricole. Comment on va le faire? M. Larouche avait déjà une opinion là-dessus. Si vous permettez, Mme la Présidente, je vais lui permettre de terminer cette réponse-là tout en prenant une gorgée d'eau pour moi, là.

La Présidente (Mme Léger) : Alors, M. Larouche.

M. Larouche (Sabin) : D'entrée de jeu, tout à l'heure, vous avez parlé beaucoup de positivisme de l'arrivée de ces joueurs-là, mais je vous dirais qu'il faut mettre un peu de nuances, là, parce que, pour avoir participé...

Une voix : Un moins plus.

M. Larouche (Sabin) : Non, pour avoir participé activement au PDZA qui est sur le point d'être déposé chez nous, on marche sur des oeufs, là. Je veux dire, André l'a dit, les agriculteurs entre eux, puis tout le monde du monde agricole, on en parle abondamment, mais on dirait que tout le monde fait attention pour ne pas trop grafigner l'autre parce que ce n'est pas une position... Les positions sont campées, mais, en même temps, les solutions sont... le mitoyen n'est pas encore trouvé, là, par rapport... Parce que tu as des agriculteurs qui sont en fin de carrière, aucune relève. Il ne savent plus quoi faire, ils vont être obligés de vendre, puis la relève n'est pas capable de l'acheter parce qu'il n'y a pas de capitaux. Là, on est en face de gens, probablement des investisseurs qui ont beaucoup de capitaux. J'ai fait la suggestion aux gens de Pangea : Il n'y aurait pas moyen de faire un mariage entre les capitaux puis les jeunes de la relève à quelque part pour être capable d'établir des jeunes? Il faudrait l'explorer. En tout cas, moi, je ne suis pas dans leurs bottes non plus, là, mais, en tout cas, il faudrait voir.

La Présidente (Mme Léger) : Allez-y, M. le député de Mégantic.

M. Bolduc : Ma compréhension est que Pangea se trouve à être un partenaire minoritaire, justement, au potentiel de relève agricole. Il semble — en tout cas, ma compréhension — être un outil financier qui permet aux jeunes d'acquérir des biens. Naturellement, ils ont juste une majorité faible qui leur permet d'opérer, mais, dans le temps, ça leur permet de se consolider, de prendre de l'expérience. Et ce que j'en comprends, c'est que ces entreprises-là aussi sont, je dirais, productives, ils engagent des agronomes, des spécialistes, ce qui peut leur permettre d'améliorer leur productivité. Est-ce que je comprends bien ou si vous voyez autre chose?

M. Larouche (Sabin) : Bien, c'est sûr que, nous, la compréhension qu'on en a... Parce qu'on les a rencontrés également pour se faire une tête, là, puis ce qu'on entend, là... c'est sûr qu'on n'avait pas la main sur la Bible, là, mais, en tout cas, ils pensent que c'est pour remettre en opération... Ils font de l'exploitation dans notre territoire, puis c'est productif, puis c'est pour faire du rendement, puis ils donnent la chance à des gens de cultiver la terre chez nous. Puis ce qu'on escompte, c'est que les retombées soient chez nous également. Mais on a un peu d'incertitude par rapport à l'achat local, comme les gens l'ont dit tout à l'heure. Mais il faut s'assurer que les achats aussi au niveau des grains, tout ça, se fassent chez nous, là.

M. Bolduc : O.K. Merci.

La Présidente (Mme Léger) : Oui, M. le député de Mégantic.

M. Bolduc : J'avais aussi une question... M. Soucy, vous étiez en train de nous élaborer des recommandations. Est-ce qu'on pourrait les avoir, vos recommandations que... Vous étiez en train de nous préparer ça, là, donc je serais intéressé à vous entendre là-dessus.

La Présidente (Mme Léger) : M. Soucy?

M. Soucy (Yvon) : Oui. Je vais laisser M. Ouellet, peut-être, terminer, on avait quelques recommandations. Puis peut-être un complément aussi sur la question que vous avez posée aux gens de Lac-Saint-Jean-Est. Eh bien, chez nous, le phénomène est un peu contraire, là, on l'a dit, c'est vraiment au niveau des meilleures terres agricoles que les transactions se font, puis nous, on verrait d'un très bon oeil que des transactions se fassent dans des terres en déprise ou en friche, là. Puis je vais laisser M. Ouellet compléter pour les recommandations.

La Présidente (Mme Léger) : M. Ouellet, vous pouvez aller avec les recommandations, il y a un échange qui peut se faire par la suite.

M. Ouellet (Rosaire) : Oui, Mme la Présidente. Merci. Je ne veux pas reprendre les recommandations qui ont été faites dans d'autres mémoires ou que j'ai entendues cet après-midi. Par contre, je pense que ce qu'il serait important de comprendre, comme M. Soucy vient de le dire, c'est qu'il existe dans la diversification agricole des façons de travailler sur les terres qui sont dites actuellement en déprise, ou en friche, ou abandonnées. Le problème des terres du Haut-Pays chez nous, ce sont des terres, entre guillemets, des terres de roches où c'est difficile de cultiver. Ce ne sont pas des terres pour la production de céréales, ce sont des terres à production de fourrage où on peut faire l'élevage du boeuf de boucherie ou de l'agneau. Mais on peut aussi, dans ces terres-là, faire des productions agricoles qui demandent du capital patient.

Je m'explique. Si, par exemple, demain matin, vous voulez implanter un verger, bien ça va prendre 10 ans avant que les pommes soient là. Donc, ça prend du capital patient. Mais, pendant ces 10 ans là, ces pommiers-là, il faut les entretenir, ça prend quelqu'un qui va travailler là-dessus. Donc, pendant les 10 premières années, ce sont des dépenses, et pas des revenus. C'est vrai pour tous les arbres fruitiers. C'est vrai aussi pour la culture de noix. C'est vrai aussi pour d'autres types de cultures de petits fruits qui, actuellement, sont en demande sur le marché, mais pour lesquels il n'y a pas de production parce qu'il n'y a pas d'investisseurs. Donc, quand j'ai rencontré les gens de Pangea, je leur ai fait part de cette réalité-là, mais ça n'a pas eu l'air à les intéresser trop, trop. Je pense que le rendement, ils veulent l'avoir maintenant, même s'ils disent dans leurs publications qu'ils ont du capital patient. Bien, si, vraiment, ils ont du capital patient, ils pourraient nous donner ça.

L'autre solution, bien, il faudrait commencer par rendre publiques les proportions des parts de chaque partenaire financier. Moi, demain matin, si je m'en vais au registre des entreprises financières puis je regarde, je vois Pangea. En-dessous de Pangea, je ne vois plus rien. C'est qui, ça, Pangea? On peut peut-être me dire que c'est M. Sirois, mais, en arrière de M. Sirois, c'est qui? Il faut descendre dans la pyramide. C'est qui qui possède vraiment le capital, ça, on ne l'a pas actuellement. Donc, il faudrait qu'on trouve une façon, au niveau des registres des entreprises, de nous permettre, comme intervenants municipaux, de savoir à qui on a affaire et s'assurer aussi que les politiques et programmes en place soient adaptés aux réalités des fermes familiales et à la relève.

Ces gens-là qui sont sur le boulevard René-Lévesque à Montréal, qui viennent investir chez nous puis qui ne paient même pas de droits de mutation, les profits, là, le 49 % de profit, là, est-ce qu'il va être réinvesti chez nous ou bien donc s'il va s'en aller sur boulevard René-Lévesque à Montréal? Je n'ai rien contre les Montréalais, là, mais je vais commencer à favoriser les investissements chez nous avant d'aller ailleurs. Donc, c'est quoi, les retombées qu'on va avoir chez nous? C'est absent du modèle d'affaires. Bref, nous, ça a été clair, à la MRC de Kamouraska, et unanime de la part des maires, c'est un modèle d'affaires qui ne nous habille pas. Alors, on leur a dit. Maintenant, on n'a pas de moyen de les empêcher de venir faire affaire chez nous, sauf qu'on ne leur déroulera pas le tapis rouge, on ne leur fera pas des grands sourires. On leur a dit clairement que ce n'était pas un modèle d'affaires qui nous habillait.

La Présidente (Mme Léger) : M. le député de Mégantic.

M. Bolduc : Merci, Mme la Présidente. Écoutez, je comprends bien votre affaire, mais maintenant vous nous parlez d'une problématique pour les hautes terres, là, puis j'imagine que vous avez le même problème que mon collègue ici dans la Beauce et moi dans Mégantic, où on a beaucoup de terres, comme vous les qualifiez, de roches, O.K., puis des terres de friche qui ne sont pas utilisées. Est-ce que vous êtes en train de nous dire qu'on devrait s'associer pour faire du développement dans ces terres-là ou les remettre en opération?

• (18 heures) •

La Présidente (Mme Léger) : Alors, M. Soucy.

M. Soucy (Yvon) : Bien, comme je vous le disais tantôt, nous, on verrait d'un très bon oeil que des investisseurs viennent pour remettre en culture ou redonner une plus-value aux terres du Haut-Pays, mais actuellement ce n'est pas le cas, là. Puis M. Ouellet, je pense qu'il l'a bien exprimé, c'est qu'à partir du moment où vous investissez sur des terres qui sont peut-être — moi, je ne suis pas agronome, Gervais pourrait peut-être continuer — au niveau agronomique, là, moins intéressantes, bien, vous avez peut-être plus d'investissements à faire. Vous avez également peut-être un retour sur l'investissement qui est à plus long terme, donc qui est moins intéressant. C'est pour ça, nous, on croit... Puis, en tout cas, j'ai vu que, dans Lac-Saint-Jean-Est, quand même, il y a des terres en déprise qui ont été remises en culture, mais... Bien, nous, on serait prêts à s'associer à des gens qui viendraient investir au Kamouraska. Puis j'en suis sûr, puis pour avoir parlé aux gens de la relève, aussi, là... Mais ce n'est pas le cas actuellement, là. Actuellement, c'est sur les meilleures terres que les transactions se font. Puis c'est nouveau, ça se fait beaucoup à Saint-André. M. le maire pourrait poursuivre, là.

La Présidente (Mme Léger) : Oui. Alors, M. Darisse.

M. Darisse (Gervais) : Oui. Merci, Mme la Présidente. Effectivement, à Saint-André, c'étaient des sols qui étaient en culture, qui étaient en production de céréales. Alors, dans ce cas-là, ce n'était pas une sous-utilisation, c'étaient des sols qui étaient pleinement utilisés. Et la plus-value, on ne la voit pas, là, par rapport à avant et après. Alors, si Pangea est désireux, a du capital pour développer des sols avec un moins bon potentiel, les communautés vont en voir l'avantage. À cette étape-ci, quand on a des beaux sols et qu'on... Les transactions qu'il y a eu à Saint-André, il y avait des personnes de la relève intéressées, mais ils ne pouvaient pas lutter avec les prix qui étaient offerts par Pangea.

La Présidente (Mme Léger) : M. le député de Mégantic.

M. Bolduc : Merci, Mme la Présidente. Écoutez, je vais poser la question aux deux groupes, en fait : Est-ce que vous avez des solutions comme MRC, O.K., pour essayer de réexploiter ou de remettre en opération? Vous avez des bonnes idées, là, ici, là, mais ce que ça nous prend finalement, c'est de la relève agricole, des gens qui seraient intéressés à aller travailler dans ces secteurs-là qui sont moins potentiels, mais on pourrait quand même élever du boeuf ou faire du fourrage. En fait, il y a des possibilités significatives, là. Est-ce que les MRC, dans vos plans, vous avez regardé comment ou des modèles pour essayer de remettre ces choses-là en état?

La Présidente (Mme Léger) : M. Paradis.

M. Paradis (André) : ...juste en complémentaire, Mme la Présidente, si vous voulez, juste ramener qu'il n'y a pas que des terres en friche au Lac-Saint-Jean. Il ne faudrait pas penser que tout notre secteur est des terres en friche, là.

M. Bolduc : Non, non, mais je comprends qu'il y a deux secteurs, là.

M. Paradis (André) : Parce qu'on a de très bonnes terres, c'est là le moyen, là, plus ce moyen-là, là.

M. Bolduc : Oui, oui, oui. Mais je comprends les deux secteurs, là...

M. Paradis (André) : Vous comprenez ce que je veux dire? Parce que, là, on était quasiment partis à complètement défricher le territoire, là.

M. Bolduc : Non, non, non.

Une voix : Madame la...

La Présidente (Mme Léger) : M. Ouellet.

M. Ouellet (Rosaire) : Oui.

La Présidente (Mme Léger) : M. Ouellet.

M. Ouellet (Rosaire) : Mme la Présidente, oui, des solutions, il y en a. On regarde ce qui s'est fait un peu en Estrie avec les banques de terres, mais les banques de terres, ce n'est pas nécessairement une solution. Ce qu'il faut trouver, c'est des cultures adaptées à ces types de sols là. Et la caractérisation des sols que nous sommes en train d'effectuer avec le ministère au Bas-Saint-Laurent va nous permettre de pouvoir agencer des types de sols avec des types de cultures qui vont performer dans ces types de sols là. Et, pour ça, ça prend des investissements.

Moi, je sais que, dans les sols graveleux... Si vous voulez avoir des arbres fruitiers, vous ne plantez pas ça dans sols qui sont riches. On plante ça dans des sols graveleux, qui se drainent bien, et ces sols-là seraient propices à ça. Mais, je l'ai dit tantôt, plantez 500 pommiers, vous n'avez pas votre rentabilité le lendemain matin, vous l'avez dans 10 ans. Alors, qui est prêt à mettre des fonds? Un jeune qui sort de la relève, là, il serait prêt à travailler puis à faire ça, là, mais il n'a pas le fric pour faire ça, puis il n'a surtout pas le fric pour attendre 10 ans avant d'avoir sa première paie.

Donc, ça prend du capital patient pour faire ce type d'agriculture là. La meilleure illustration que vous pouvez avoir de ça, ce sont les producteurs qui ont parti dans la production de vignes. Et, vous le savez comme moi, ils ont commencé par quoi? Pas parce qu'ils étaient de la relève, ils ont commencé par hobby, parce qu'ils avaient les moyens de le faire, parce qu'ils avaient les moyens d'attendre un retour sur l'investissement. Et c'est la problématique des cultures dites particulières ou des cultures qui ne sont pas très exploitées au Québec, pour lesquelles il y a des sols pour les faire, mais ça prend du capital patient. Et ça, on pensait que ces fonds-là pouvaient faire un mixte avec certains autres types de productions puis attendre. Mais, comme je vous l'ai dit, lorsqu'on les a rencontrés, ça n'a pas eu l'air à les intéresser trop fort.

La Présidente (Mme Léger) : ...Mégantic...

M. Bolduc : Bien, il y avait l'autre groupe...

La Présidente (Mme Léger) : M. Larouche, il reste à peu près trois minutes.

M. Larouche (Sabin) : ...historiquement, là, les jeunes, ils veulent s'installer avec des fermes laitières. O.K.? Donc, de père en fils, ça a toujours été ça. Puis le paysage à Lac-Saint-Jean-Est, c'est des vaches à la grandeur, puis c'est du lait à la grandeur. Mais ce n'est pas accessible pour les jeunes d'atteindre les investissements que ça commande, là. Déjà, ceux qui veulent faire des transferts à leur relève, c'est même difficile. Contrairement à quelqu'un qui va se débarrasser de tout, vend le quota, vend la ferme, garde juste les terres pour la location, il a bien du fun, il a une belle retraite dorée, mais...

Puis même les mécanismes de gestion du lait mettent aussi des freins dans la patente. Dans la municipalité de M. le maire, là, il y a une ferme agricole en plein milieu... près du périmètre urbain, il y a de la relève, il y a un voisin dans le bout du rang qui est contigu à ces fermes qui pourrait peut-être être capable de faire un mariage pour agrandir, faire l'expansion de la ferme, mais il ne peut pas acheter le quota de gré à gré, le quota va s'en aller dans la province, puis il n'est pas capable d'y retoucher. Donc, il a bien... pouvoir agrandir sa ferme, mais le quota, il va sortir de la région, là. Il va en racheter à la graine, ça fait que... Tu sais, c'est tout des éléments, là... On en rajoute, on en rajoute, puis c'est comme ça tout le temps pour la relève, là.

La Présidente (Mme Léger) : Merci, M. Larouche. M. le député d'Abitibi-Est.

M. Bourgeois : Oui, juste rapidement... De ce que je comprends, là, on s'est éloigné un peu de l'accaparement, on était rendu dans le profil, dans le fond, d'exploitation des terres. Mais, de l'autre côté, pour les vendeurs, vous êtes, les deux MRC, aussi... Avec ces gens-là qui sont actuellement vos payeurs de taxes, qui veulent vendre leurs terres, comment on fait l'arbitrage là-dedans, dans ces situations-là?

La Présidente (Mme Léger) : Alors, M. Soucy.

M. Soucy (Yvon) : On pourrait dire qu'on l'exprime dans notre mémoire aussi, là, la vitalité agricole, là, contribue au dynamisme du territoire, là. Puis on parle beaucoup d'occupation du territoire, puis c'est un sujet qui est d'actualité, là, la vitalité, mais, si on ne peut pas assurer à nos jeunes d'être en mesure d'assurer la relève agricole, bien, c'est difficile d'avoir des villages qui vont être vivants, des écoles, là, où il va y avoir des enfants puis, donc, une diversité économique, là, dans nos milieux.

Donc, oui, on comprend, là, que certains propriétaires, là, puissent vouloir tirer peut-être davantage, là, par la vente de leurs terres, mais écoutez... mais je crois que... Chez nous, on a beaucoup de fermes familiales, puis la plupart souhaitent aussi, là, être en mesure de transférer la ferme à leurs enfants quand c'est possible. Et, M. Darisse, je crois que vous vouliez compléter là-dessus.

M. Darisse (Gervais) : Oui, bien...

La Présidente (Mme Léger) : Oui. Est-ce que, monsieur...

M. Darisse (Gervais) : Oui. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Léger) : Est-ce que, M. le député... est-ce que je laisse...

M. Bourgeois : Oui, mais j'aimerais aussi avoir la...

La Présidente (Mme Léger) : Parce qu'il reste à peu près... même pas une minute, là.

M. Bourgeois : Ah! O.K.

La Présidente (Mme Léger) : Allez-y, M. Darisse.

M. Darisse (Gervais) : Oui. Bien, antérieurement, j'ai travaillé à l'établissement de jeunes avec peu de capital, et ce n'étaient pas des fermes de 3 000 hectares comme le modèle préconisé par Pangea. On est capables de démarrer en agriculture avec des modèles beaucoup plus petits, 50, 75, 100 hectares, et avec moins de capital. Qu'est-ce que ça a comme conséquence? C'est qu'au bout de cinq, six ans il y a des enfants à l'école, il y a des gens qui s'investissent dans le milieu, il y a des gens qui contribuent à la vitalité de notre milieu. Le modèle qui est proposé, dans notre municipalité particulièrement, ça n'apporte strictement rien, à part de maintenir une tradition de production de céréales sur céréales. Alors, si ces fermes-là n'avaient pas été achetées par Pangea, peut-être que le vendeur aurait été frustré d'un prix de vente, mais c'est sûr qu'il y aurait eu des jeunes — puis ils cognaient à la porte — qui se seraient installés puis qui auraient fait progresser le milieu.

La Présidente (Mme Léger) : Merci. Merci beaucoup. M. le député de Berthier.

M. Villeneuve : Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Léger) : Bien identifier à qui vous voulez faire la... à qui...

M. Villeneuve : Oui. Bien, écoutez, d'abord, bonsoir, tout le monde. Heureux de voir que finalement... Parce qu'on a discuté en commission de votre présence ici, puis on s'est dit : Bien, on va les mettre ensemble. Puis savez-vous que c'est un mariage heureux. En tout cas, pour ma part.

Moi, je vous propose un... En fait, je vous propose d'essayer de comprendre ce qui s'est passé dans le cas du Lac-Saint-Jean au niveau des terres au nord qui ont été achetées par Pangea. À l'époque — puis là vous la connaissez beaucoup mieux que moi, l'histoire — Banque Nationale a fait un achat, ça a été un coup de tonnerre dans le ciel au Québec, les gens n'ont vraiment pas, mais vraiment pas aimé, et Banque Nationale devait se départir de cela, elle était prise avec une patate chaude.

Et là j'apprends que Pangea ne serait pas intéressée aux terres — excusez le terme — de roches, comme vous dites, là, ils ne sont pas intéressés là-bas parce que... Pourquoi, alors, se sont-ils retrouvés — et je vous pose la question — à acquérir des terres au nord du Lac-Saint-Jean?

Moi, je pense... En tout cas, il faudrait poser la question à Pangea. On aura peut-être l'occasion de les voir, de leur poser la question demain, mais est-ce qu'ils ont dépanné la Banque Nationale? Parce que vous savez que la Commission de la protection du territoire agricole leur a même envoyé une mise en demeure leur signifiant qu'ils n'avaient pas le droit de posséder ces terres-là. Et la Banque Nationale a dû trouver un acheteur, et c'est Pangea qui les a achetées. Alors, je pense qu'il y a eu peut-être, et il y aura... Je ne veux pas présumer de rien, mais je pense que ce serait une saprée bonne explication pourquoi ils ont acquis cette terre-là au Lac-Saint-Jean. Parce que, de toute évidence, avec ce que je viens d'entendre de Kamouraska, ils ne sont pas intéressés à ce genre de terres là. La preuve, c'est que c'est l'exception qui confirme la règle parce que, pour la règle, ce n'est que des belles terres qu'ils acquièrent, à ce que je sache. J'aimerais savoir qui veut peut-être commenter là-dessus, mais je vous propose cette explication-là.

• (18 h 10) •

La Présidente (Mme Léger) : M. Paradis.

M. Paradis (André) : Merci, Mme la Présidente. Tout d'abord, il faut comprendre qu'au Lac-Saint-Jean-Est c'est les meilleures terres du Québec.

Des voix : Ha, ha, ha!

M. Villeneuve : C'est le plus beau coin du Québec aussi. C'est le plus beau coin du Québec, oui.

La Présidente (Mme Léger) : Vous pensez que toutes les MRC du Québec vont être d'accord, là, vous, là?

Une voix : Je suis bien d'accord avec ça. Je suis bien d'accord avec ça.

M. Paradis (André) : Bien comprendre, c'est que, du côté secteur nord, c'est un secteur qui, jadis, avant que nous étions, vous et moi, certainement au monde, était très cultivé et était très productif. Les municipalités de Sainte-Monique, de L'Ascension, de Saint-Ludger-de-Milot, qui sont au nord, qui n'ont presque plus de terres agricoles cultivées, l'étaient beaucoup dans le temps, ça a été délaissé au fur et à mesure. Et plus ça va, au secteur nord, plus on s'en vient vers le Lac-Saint-Jean comme tel, et moins il y a de producteurs qui ont de la relève. Donc, au secteur nord, ce qui a été acquis par la Banque Nationale dans un premier temps était une raison de manque de relève du producteur, qui a voulu vendre pour avoir sa retraite, dans le fond.

L'autre méga-agriculteur qu'on a, on n'a pas de relève non plus, et c'est celui dont M. Larouche faisait mention tantôt. Il voudrait bien vendre à l'autre producteur dans le milieu urbanisé de Saint-Henri-de-Taillon, qui a des enfants, qui a deux enfants, qui a une relève, que chacun des enfants a quatre enfants, donc ça y va là-dedans, là. Donc, là, il va y avoir de la relève pour longtemps fort probablement, mais c'est là qu'on se bute à une problématique de transfert de quotas pour être intéressé à avoir une méga-ferme. Donc, au secteur nord, c'est la situation qui est arrivée. Les terres qui ont été acquises par la Banque Nationale et, dernièrement, par Pangea n'étaient pas toutes en friche, il y en avait déjà cultivées. Mais ils en ont remis en état, ce qui a fait en sorte de bonifier l'agriculture au nord.

Au sud, c'est les meilleures terres du Québec. Je le répète encore une fois, là, le secteur sud a toujours été renommé pour avoir les meilleures terres, aussi également à cause du microsystème du Lac-Saint-Jean, où il y a vraiment une situation, du côté de Métabetchouan—Lac-à-la-Croix, qui est exceptionnelle. Et donc Pangea a eu une coentreprise que vous allez certainement... Je pense que c'est à l'ordre du jour, là, la ferme Blackburn et fils, une affaire de même, en tout cas, vont venir vous raconter l'histoire. Mais, du côté secteur sud, c'est de la bonne terre partout, et il y a moins d'acquisitions présentement par les groupes financiers qu'il y a eu dans le secteur nord.

Maintenant, on a vu qu'ils s'en viennent aussi au secteur sud, mais ça se fait d'une façon — puis c'est ce que je voulais mentionner tantôt avec mon moyen plus, là — correcte. On n'entend pas d'agriculteurs être accotés au mur pour être obligés de faire quelque chose. La façon est peut-être différente que de la Banque Nationale, où ça a fait un boum, là, partout au Lac-Saint-Jean, dans le grand nord, là, du Lac-Saint-Jean, qu'on appelle, nous, Normandin, Roberval et Saint-Félicien. Ça se fait d'une façon plus correcte pour les discussions. C'est ce qu'on sent. C'est peut-être ça qui fait en sorte qu'il n'y a pas de confrontation pour l'instant.

La Présidente (Mme Léger) : M. le député de Berthier.

M. Villeneuve : Oui. Bien, moi, j'aimerais entendre... Parce que, dans le fond, le scénario que je vous proposais tantôt, je voulais juste voir si c'était plausible de penser ça. Parce que la Banque Nationale était vraiment mal prise, là, et Pangea a donc acquis... a mis... en fait, la banque a mis sous le parapluie de Pangea ces terres-là pour, justement, se dégager d'une situation dans laquelle elle s'était malencontreusement mise.

Mais, bon, ceci étant dit... Et là j'écoutais les gens du Kamouraska, tantôt, qui disaient : Bien, écoutez, nous, on a des terres chez nous. Pangea, venez investir, et on veut, par contre, avoir certaines garanties. Est-ce que ça va répondre aux besoins locaux en termes de production? Est-ce qu'il va y avoir des... Parce qu'imaginez un instant où un fonds d'investissement privé acquiert une masse importante de terres contiguës, là, hein? Le jour où ils auront ça, l'achat local, pour eux autres, c'est un coup de téléphone, puis, au niveau des coopératives, puis au niveau... Eux, là, c'est du rendement. On va se le dire, là, vraiment, là, ils cherchent un rendement. C'est normal, ils ont des gens qui s'attendent à avoir un rendement tôt ou tard. Alors, c'est clair que... Et puis ils vous le disent, d'ailleurs... Ils ne vous ont pas dit : Oui, oui, on va acheter local, puis on s'engage à le faire. Puis, même s'ils le faisaient, même s'ils le faisaient... Pangea, on peut dire que, bon, on est d'accord ou pas avec leur philosophie. Ce qu'ils nous disent, on n'a pas à remettre ça en cause. Ils nous le disent, on les croit. Mais, le jour où ils vendent, toute la philosophie qu'eux auront mise en place, ce sera autre chose, là, et on aura un problème peut-être, à ce moment-là, qui sera encore plus grave. Je ne sais pas si vous voulez commenter là-dessus, là, monsieur du Kamouraska.

Une voix : M. Darisse pourrait...

La Présidente (Mme Léger) : M. Darisse.

M. Darisse (Gervais) : Oui, Mme la Présidente. Alors, oui, effectivement, on est pas mal insécurisés par cette question-là. Je veux rappeler comment s'est faite la transaction dans notre secteur l'automne dernier. Pangea a fait le tour de toutes les municipalités de la MRC pour les informer qu'ils avaient l'intérêt de développer un projet. À Saint-André, on les a rencontrés à la fin d'octobre, et un conseiller a posé la question : Coudon, avez-vous des projets en cours? Non, nous n'en avons pas, et vous serez les premiers informés si nous en avons. Alors, on a été vraiment surpris quand on a vu le contrat dans lequel on indiquait une date de signature avant contrat au mois de septembre. Alors, les négociations, là... les voisins, ils voulaient acheter, ils voulaient acheter, mais ils ne comprenaient pas qu'est-ce qui se passait : Non, je ne suis pas à vendre, je ne suis pas à vendre. Le jour où est-ce que ça a été déposé au bureau de publicité des droits, on était faits, tout le monde.

M. Villeneuve : C'est ça, il était trop tard.

M. Darisse (Gervais) : Puis il y avait deux, trois familles, là, qui venaient de perdre des espoirs de s'établir parce que c'est quand même un gros bloc de terres qui a été acheté. Alors, oui, c'est insécurisant, puis c'est une forme d'expropriation, une forme de perte de pouvoir.

Tantôt, on a soulevé la question des municipalités qui sont privées du droit de mutation. Quand la Banque Nationale achète des sols, elle paie des droits de mutation. Dans ce cas-là, Pangea, boulevard René-Lévesque, ne paie pas de droits de mutation, alors, parce que c'est une société agricole en devenir. Je ne sais pas quand, mais en tout cas. Alors là, moi, je suis en déficit, là, de droits de mutation.

La Présidente (Mme Léger) : M. le député de Bonaventure.

M. Roy : Merci, Mme la Présidente. Quand vous dites en déficit, est-ce que vous pouvez chiffrer les pertes associées...

La Présidente (Mme Léger) : M. Darisse.

M. Darisse (Gervais) : Oui, oui, c'est indiqué dans le contrat, environ 2 800 $, mais il y a exemption du droit de mutation. Puis ce n'est pas insignifiant, là. Pour les petites municipalités, 700 de population, 2 800 $, c'est 2 800 $.

M. Roy : C'est un emploi plusieurs semaines. Tout à l'heure, vous avez parlé de coentreprises, du modèle d'affaires 51 %-49 %. Comment ça se vit, ça? Si vous avez des exemples, j'aimerais ça, vous entendre parler de ce modèle-là. Comment ça se vit quotidiennement pour des gens qui sont dans cette situation-là concrètement, là, sur le plancher des vaches, si vous me permettez l'expression?

La Présidente (Mme Léger) : M. Ouellet.

M. Ouellet (Rosaire) : Bien, dans le modèle d'affaires, généralement, 51 %-49 %, il y a une intégration, pas mal, de décisions. C'est-à-dire que la propriété foncière, à 51 %, elle reste au producteur agricole, mais 49 %, là, il est comme un peu à la merci de ses fournisseurs, qui l'ont habitué à fournir à la fois des intrants et des services. Ça fait qu'à partir du moment où ça ne fonctionne plus pour une raison ou pour une autre, parce que l'achat s'est fait en dehors du village, parce qu'il n'a pas fait le bon achat, il n'a pas fait la bonne variété, quand la chicane prend, le 51 %, là, il n'est plus propriétaire de grand-chose, là, il est propriétaire de 51 % de l'ensemble des terres, hein?

Une voix : ...

M. Ouellet (Rosaire) : Oui, oui, oui. Je vois un non, là. Oui, oui, c'est comme ça qu'il est propriétaire, et c'est comme ça que c'est l'autre qui finit par prendre les décisions. Parce qu'à partir du moment où tu as perdu pratiquement le contrôle de ton entreprise autant dans la forme des intrants... Parce que c'est ça qu'ils vont fournir, des intrants. Puis, après ça, ils vont racheter les récoltes, puis ils vont revendre les récoltes supposément à bon prix. L'autre partenaire va avoir les réductions sur les intrants, il va avoir les meilleurs prix sur les marchés, mais il ne décide plus rien.

Au moins, dans le modèle — parce qu'on en a parlé un peu cette après-midi — contractuel dans l'intégration porcine, bien, le producteur reste maître de ses capacités de production. Il est maître de son fond de terre puis il est maître de ses bâtisses. Si, avec l'entrepreneur en question, le contrat ne fait plus son affaire, ils peuvent se séparer puis ils peuvent faire un contrat avec quelqu'un d'autre, ce qui n'est pas le cas là. L'infrastructure de production, là, en agriculture, c'est la terre. Ce n'est pas les bâtisses, c'est la terre. Donc, si tu perds la moitié de tes infrastructures, même s'ils disent que ça reste là puis qu'ils gardent 51 %, 51 %, là, le jour où la chicane va pogner, je peux vous garantir c'est qui qui va avoir les moyens de payer l'avocat.

La Présidente (Mme Léger) : Moins d'une minute, M. le député, avec la réponse comprise.

M. Roy : Écoutez, avez-vous un exemple de situation problématique sans être nominatif? Ou vous ne voulez pas rentrer là-dedans, peut-être.

M. Ouellet (Rosaire) : J'aimerais mieux ne pas rentrer là-dedans parce que j'ai des exemples où je risquerais de glisser avec du nominatif, ce qui ne m'intéresse pas.

M. Roy : C'est bon, c'est parfait. Bien, ça me va. Merci beaucoup.

• (18 h 20) •

La Présidente (Mme Léger) : Merci. Mme la députée de Mirabel.

Mme D'Amours : Je vous remercie, Mme la Présidente. Bonjour, messieurs. Tout à l'heure, j'ai entendu que, la MRC de Lac-Saint-Jean-Est, qu'il y aurait bientôt son PDZA de terminé. Est-ce que, dans Kamouraska, vous avez fait l'exercice? Est-ce que c'est terminé?

La Présidente (Mme Léger) : M. Soucy.

M. Soucy (Yvon) : Oui. Merci, Mme la Présidente. On est dans le processus. C'était davantage un comité technique, là, qui a travaillé, puis on va commencer bientôt, là, les travaux, disons, plus politiques, là, puis...

La Présidente (Mme Léger) : Mme la députée de Mirabel.

Mme D'Amours : Je suis surprise du 51 %-49 %, là, quand on parle de Pangea parce que le modèle d'affaires, c'est que les producteurs agricoles sont propriétaires de leur terre, Pangea est propriétaire de leur terre, puis ce qu'ils mettent en commun, c'est la machinerie. Alors, j'ai de la misère, là... Si ça ne fonctionne pas, le producteur agricole garde ses terres, puis Pangea aussi, là. Ça fait que je vois mal... À moins qu'il y ait une participation d'un jeune de la relève qui n'aurait pas de terre et qui aurait une participation juste sur les tracteurs, les... bon, là, ça, je peux comprendre. Mais habituellement, quand il y a un 49 %-51 %, chacun est propriétaire, chacun, de sa terre. En plus, le propriétaire de la terre qui est associé à Pangea, quand il travaille sur la terre de Pangea, il est payé. S'il travaille sur les autres terres avec la machinerie en commun, il est payé et, en plus, il a un pourcentage sur les profits.

Alors, j'aimerais ça, vous entendre, si vous, dans votre secteur, il y a des terres qui sont comme je l'explique ou s'il n'y en a pas du tout, puis que c'est juste des gens qui sont là comme des locataires.

La Présidente (Mme Léger) : M. Ouellet.

M. Ouellet (Rosaire) : Oui, madame. Je comprends très bien votre question, puis, effectivement, c'est un peu leur modèle d'affaires, sauf qu'au bout de deux années, lorsque vous êtes entré dans ce modèle d'affaires là, c'est imbriqué les uns dans les autres. Autrement dit, les deux qui sont en association, ils travaillent pour un bloc, mettons, de 200 hectares, alors qu'avant il y a un 100 hectares qui appartient à un puis il y a un 90 hectares qui appartient à l'autre, ils travaillaient séparément. Une fois que vous avez fait cet exercice-là, détricoter un chandail, là, quand toutes les imbrications des fournisseurs sont toutes prises là-dedans, là, détricoter ça, c'est compliqué parce que, sur le terrain, quand on travaille, on travaille sur un horizon, avec des équipements qui vont correspondre à un modèle de 200 hectares. Si, demain matin, la chicane pogne, puis on se retrouve avec 100 hectares, il n'y en a plus, d'équipement, là. Là, il y a des pertes, puis là, là, le propriétaire qui se retrouve avec son 51 %, là, il faut qu'il reparte pas à zéro, mais pas loin, puis souvent ils ne sont plus capables de repartir. C'est là qu'il devient...

La Présidente (Mme Léger) : Mme la députée de Mirabel.

M. Ouellet (Rosaire) : C'est le modèle d'affaires... c'est le défaut de ce modèle d'affaires là.

Mme D'Amours : Merci, Mme la Présidente.

M. Paradis (André) : Mme la Présidente, juste pour notre PDZA...

La Présidente (Mme Léger) : Oui, vous voulez compléter, monsieur...

M. Paradis (André) : Notre PDZA au Lac-Saint-Jean-Est.

La Présidente (Mme Léger) : M. Paradis.

M. Paradis (André) : M. Larouche.

La Présidente (Mme Léger) : Ça va, Mme la députée de Mirabel?

Mme D'Amours : Oui. Oui, oui, merci.

La Présidente (Mme Léger) : M. Larouche.

M. Larouche (Sabin) : Notre plan de développement de la zone agricole, nous, il va être présenté aux élus le 24 mars prochain. Il est comme, entre guillemets, terminé, il reste à avoir l'assentiment de la sanction du conseil de la MRC qui va en prendre connaissance. Donc, ce fut très intéressant. C'est notre deuxième, en passant. Nous, on avait fait un plan de développement agroalimentaire en 2008. Là, on refait une demande dans le PDZA. Donc, c'est une version révisée, là, si on veut, là, de, déjà, un plan agroalimentaire qu'il y avait à la MRC de Lac-Saint-Jean-Est.

La Présidente (Mme Léger) : Mme la députée de Mirabel.

Mme D'Amours : Tout à l'heure, on a parlé de relève agricole, vous disiez qu'il y avait de la place pour de la relève agricole. Bon, il y a quelques années, on avait trois relèves pour un producteur agricole. Maintenant, c'est un, un. Il n'y a pas eu de transaction qui a été au ralenti ou qui a été trop vite dans les terres agricoles, ça se fait selon l'âge des producteurs agricoles qui avancent en âge, puis tout ça. Puis là vous dites qu'il y aurait de la relève agricole, mais, quand les gens achètent les fermes, quand des Pangea, Agriterra — on va tous les nommer pour ne pas en nommer juste un — achètent des terres, bien, ils sont où, la relève agricole, pour les acheter?

Parce qu'une relève agricole qui sort, là, les 900 à 1 000 que la relève agricole, la FRAQ nous expliquait qu'il y avait, bien, on a beau vouloir, là... Tout ébéniste qui sort de l'école ou tout dentiste qui sort de l'école, ils veulent tous avoir un bureau à leur nom, ils veulent tous, mais ça prend du capital. Et, s'ils n'en ont pas, ils doivent faire leurs preuves dans certains bureaux, et ensuite ramasser leur capital, et ouvrir leur bureau. Mais 900 et 1 000 relèves agricoles, ils veulent tous avoir une ferme, mais ils n'ont pas de capital nécessairement. Alors, ils n'en avaient pas plus il y a trois ans, les 900 à 1 000 qui sortent. Alors, comment on fait pour comprendre cette réponse que vous nous avez donnée?

La Présidente (Mme Léger) : M. Soucy.

M. Soucy (Yvon) : Bien, en fait, on l'a dit, le phénomène, au Kamouraska, est relativement nouveau, là, puis, si ce phénomène-là — puis, je pense, M. Darisse l'a évalué chez lui, à Saint-André — a effectivement un effet à la hausse sur le prix des terres, bien, il est là, le problème, là. Comment voulez-vous... Déjà, la relève a de la difficulté à s'installer. Si le prix des terres est à la hausse parce que les transactions se font à un prix beaucoup plus élevé que ce qu'elles se faisaient historiquement, bien, c'est un frein de plus, là, à la relève. Donc, ça ne facilite sûrement pas la relève agricole.

M. Ouellet (Rosaire) : Et, Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Léger) : M. Ouellet.

M. Ouellet (Rosaire) : ...un autre élément, que M. Soucy ne mentionne pas, c'est que, lorsque vient le temps de repasser les rôles d'évaluation, les prix des terres ont monté, tout a monté, puis ça fait remonter le prix des terres des autres producteurs, ça fait monter leurs comptes de taxes, ça a un effet sur le programme du gouvernement de remboursement de taxes. Il n'y a rien... Rien ne se perd, rien ne se crée là-dedans, là, mais ça fait partie de la problématique. Donc, ces gens-là de la relève... Il y a une chose peut-être pour la majorité de la commission parlementaire... Il y a des producteurs agricoles ici, j'en vois un, là. Ils le savent, eux autres, en agriculture, pour faire 1 $, ça prend 7 $ d'investissement. Trouvez-moi dans le commerce puis dans l'industrie un taux d'investissement semblable. Vous retrouvez ça uniquement dans des mines.

Alors, il ne faut pas comparer ça à la relève d'un dépanneur, ou à la relève d'une plomberie, ou... C'est 7 $ d'investissement. Alors, la relève, quand ils sortent de l'école, ils vont généralement travailler deux, trois ans, ils vont se faire une espèce de petit capital, ils reviennent puis ils viennent cogner à la porte de La Financière agricole la plupart du temps, et, à partir des programmes qui sont là, à partir des relèves apparentées et non apparentées, il y a des programmes qui peuvent les accompagner. Et mon collègue M. Darisse a travaillé assez longtemps comme conseiller en financement agricole à La Financière, les jeunes qui prenaient la relève de leurs parents et des jeunes qui arrivaient puis qui n'avaient pas de ferme, on en a parti, et ils ont réussi. La preuve que ça se fait.

La Présidente (Mme Léger) : Merci. On est contents que vous êtes venus ici, en commission parlementaire, parce qu'en discussion avec les parlementaires on ne pouvait pas avoir toutes les MRC du Québec, malgré qu'elles pouvaient déposer des mémoires. On souhaitait vous avoir, vos deux MRC. Alors, merci, M. Paradis, M. Soucy, M. Larouche, M. Ouellet, M. Darisse, des MRC du Lac-Saint-Jean-Est et MRC de Kamouraska, d'être venus ici aujourd'hui.

Et, pour compléter, nous allons suspendre nos travaux, dans le fond. Je dis-tu suspendre? On va reprendre nos travaux... Je suspends, mais on revient à 19 h 30 pour la suite des choses. Merci.

(Suspension à 18 h 28)

(Reprise à 19 h 31)

La Présidente (Mme Léger) : À l'ordre, s'il vous plaît! Nous reprenons nos travaux.

Je rappelle que la commission se réunit afin de procéder aux consultations particulières et des auditions publiques dans le cadre du mandat d'initiative — donc, un mandat apporté par les députés de la commission — portant sur l'analyse du phénomène d'accaparement des terres agricoles.

Nous avons eu l'occasion, cet après-midi, de rencontrer la Fédération québécoise des municipalités, l'Union des producteurs agricoles, le Conseil des entrepreneurs agricoles, la Fédération de la relève agricole du Québec, la MRC de Lac-Saint-Jean-Est et MRC de Kamouraska, et nous recevons ce soir l'Institut de recherche en économie contemporaine, M. Laplante et M. L'Italien, et, par après, le Fonds d'investissement pour la relève agricole.

Alors, je vous rappelle un peu notre façon de procéder. Donc, on va entendre... D'abord, bienvenue. Merci d'être là. Au plaisir. Alors, on va vous entendre. Vous avez une dizaine de minutes de mémoire, une dizaine de minutes pour faire votre présentation et, après, un échange avec les formations politiques, chacune l'une après l'autre avec vous. Alors, je ne sais pas si c'est vous qui commencez, M. Laplante, vous présentez vraiment la personne qui est avec vous.

Institut de recherche en économie contemporaine (IREC)

M. Laplante (Robert) : Merci, Mme la Présidente. Alors, tout d'abord, un chaleureux remerciement pour l'accueil que vous nous faites. Un mot sur l'IREC. L'Institut de recherche en économie contemporaine est un organisme scientifique sans but lucratif voué à la promotion des compétences dans le domaine économique, à la recherche et à l'enrichissement du débat public par la réalisation de travaux qui, nous l'espérons, peuvent mieux contribuer à discerner l'intérêt général et à enrichir les conceptions du bien commun. C'est dans ce cadre que nous avons été amenés à nous intéresser au phénomène de l'accaparement des terres. Et ce phénomène, nous le suivons déjà depuis quelques années. Nous avons publié des travaux qui seront portés en annexe au mémoire que nous avons déposé.

Sans plus tarder, j'invite François L'Italien, qui est chercheur chez nous et docteur en sociologie, à vous présenter les grandes lignes du mémoire que nous avons déposé.

La Présidente (Mme Léger) : Alors, M. L'Italien.

M. L'Italien (François) : Merci beaucoup. À mon tour de vous remercier, membres de la commission, de nous accueillir aujourd'hui. Comme Robert Laplante vient de le mentionner, l'IREC a publié deux rapports sur le sujet de l'accaparement des terres. D'abord, un premier rapport en 2012, qui portait sur le phénomène proprement dit à l'échelle internationale et un balayage de la situation au Québec. Une des premières considérations sur lesquelles notre rapport a débouché, c'est que nous étions face à une absence de données crédibles, rigoureuses sur la question, et nous évoquions un certain nombre de scénarios et de possibilités de relance pour faire face au phénomène et renouveler ce que nous, on appelle le modèle agricole québécois. On a ensuite déposé, en septembre de la même année, un autre rapport qui visait à défendre une formule institutionnelle qui s'appelle la Société d'aménagement et de développement agricole du Québec, sur laquelle je vais revenir en fin d'exposé. L'idée, c'est de vous présenter ici l'étendue des recherches qu'on a faites sur le sujet.

Alors, l'accaparement des terres, pour l'IREC, c'est, évidemment, une question d'intérêt général. Il ne s'agit pas ici de contrebalancer des intérêts de producteurs vis-à-vis des investisseurs, il s'agit de penser à long terme la question du territoire et des activités agricoles du Québec. Nous pensons que nous devons avoir une perspective qui se situe dans l'histoire, dans l'histoire de long terme du Québec. Et, à cet effet, nous pensons que l'accaparement des terres n'est pas un phénomène économique comme un autre et qu'il pose une série d'enjeux qui sont à peu près les mêmes que ceux qui se posaient dans les années 50 et 60, lorsqu'ont été établies une série de mesures qui visaient à protéger le territoire et les activités agricoles du Québec.

Alors, je mentionnerai simplement deux dispositions législatives que vous connaissez bien : la loi sur la protection du territoire agricole et des activités agricoles et la loi sur l'acquisition des terres par des non-résidents. Ces deux lois-là ont eu, d'abord et avant tout, comme objectif de limiter l'impact que les investisseurs pouvaient avoir sur le territoire agricole du Québec, qui déjà, à cette époque-là, commençait à se ratatiner. La loi sur l'acquisition des terres par des non-résidents visait à protéger le Québec vis-à-vis des investisseurs étrangers, et cette loi a très bien fait son travail si on se fie aux statistiques dont la Commission de protection du territoire agricole peut nous fournir. Et la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles, là aussi, semble avoir fait un bon travail, malgré le fait qu'il y a, évidemment, matière à perfectibilité. L'objectif de cette loi-là était de contrer des investisseurs en ville qui voulaient faire tantôt de la reconversion de zonage, tantôt de la spéculation immobilière.

Donc, il y avait déjà, dans les années 60, ce phénomène-là. Et nous sommes confrontés à ce phénomène-là, mais en version 2.0, puisque, depuis les années 2000, il y a une nouvelle donne internationale qui s'est pointée qui s'appelle la financiarisation de l'économie et qui met à l'avant-plan des acteurs d'une nouvelle nature que sont les fonds de pension et les sociétés d'investissement et qui détiennent des capitaux d'une ampleur inégalée jusqu'à ce jour-là, et donc le vecteur de la financiarisation du foncier, puisque la financiarisation s'attaque à tous les secteurs de la vie économique, cette financiarisation du foncier là est arrivée aux portes du Québec, qu'on le veuille ou non. Le document de préparation pour la commission le montre. À l'échelle internationale, il y a déjà eu une sonnette d'alarme qui a été activée par plusieurs organisations agricoles, réseaux de chercheurs universitaires et observateurs internationaux qui ont soulevé, évidemment, les effets très déstructurants, destructifs de l'accaparement à l'échelle internationale, mais ce serait s'abuser de dire que cette situation-là n'existe pas ici en comparant des chiffres et en se laissant abuser par les formules-chocs au niveau des superficies.

Alors, évidemment, les investisseurs qui opèrent sur le territoire québécois n'acquièrent pas, du jour au lendemain, 50 000 acres ou une dizaine de mille d'hectares, ne mettent pas à la porte des dizaines de milliers de paysans, mais le paradigme sous-jacent est le même, la logique qui est derrière la financiarisation opère aussi bien dans les pays du Sud qu'au Québec. La différence notable et majeure, c'est que nous disposons d'une politique agricole solide, musclée, mais, pour la raison pour laquelle nous sommes ici ce soir, qui présente des failles que, selon l'IREC, nous devrions colmater en renouvelant la réflexion qui a eu lieu dans les années 50 et 60.

Selon nous, il n'y a absolument aucune raison qui nous empêcherait aujourd'hui de compléter cet appareil institutionnel là qui a été déjà mis en place. Nous voyons que la loi sur l'acquisition des terres par des non-résidents a fait un bon travail, mais qu'elle permet à des investisseurs québécois indigènes d'opérer en toute liberté, puisque ces investisseurs bénéficient, d'une certaine façon, d'une enclave protégée par les lois. Alors, c'est un effet pervers d'avoir développé une mesure institutionnelle qui nous prémunissait contre les investisseurs étrangers, mais qui ne voyait pas venir — évidemment, dans les années 60, la donne était différente — le fait que des investisseurs québécois pourraient, un jour, jouer la partie contre des producteurs de métier et des exploitants de leurs fermes.

À ce titre-là, lorsqu'on entend des arguments que l'agriculture québécoise basée sur le modèle de l'agriculture familiale ne serait pas assez performante, qu'elle ne serait pas assez compétitive à l'échelle internationale, je vous renvoie à une étude que nous avons publiée récemment qui porte sur les dynamiques financières des fermes au Québec. À partir d'une enquête sur l'endettement des fermes, nous voulions vérifier si la performance financière des fermes du modèle agricole québécois s'avérait comparable à l'échelle du Canada, et ce que nous avons montré, c'est que, si l'endettement des fermes au Québec est légèrement supérieur au reste du Canada, l'effet de levier que les fermes québécoises développent grâce à cet endettement-là est supérieur au reste du Canada. Ce que ça veut dire en gros, c'est que la performance financière des fermes québécoises, aussi bien au niveau de la productivité du capital qu'au niveau de la rentabilité économique de ces fermes-là... le Québec se situe dans le peloton de tête du modèle agricole lorsqu'on le compare à l'échelle canadienne. Donc, l'argument de la productivité et de la compétitivité des fermes au Québec ne peut pas tenir lorsqu'on veut justifier l'implantation d'une agriculture de capitaux au Québec.

La SADAQ, pour en dire deux mots — on pourra peut-être y revenir lors de la période de questions — c'est une formule institutionnelle qui a du coffre, on l'admet d'emblée, mais elle nous apparaît être une mesure structurante qui non seulement permettrait de limiter l'activité des investisseurs à l'échelle du Québec, mais donnerait aussi aux régions agricoles les moyens de se redéployer, de se développer, puisque c'est effectivement le cas que, dans certaines localités, les investisseurs vont profiter de plus en plus de la faiblesse que certaines fermes présentent, certaines faiblesses financières, certaines faiblesses sociales au niveau du renouvellement et de la relève. Les investisseurs vont tabler sur ce chaînon manquant là, ce chaînon mou là pour pouvoir acheter des fermes et des établissements à grande échelle.

Donc, nous pensons que nous devons rapidement nous doter d'une mesure d'initiative de l'importance de la SADAQ. La question, ce n'est pas : Est-ce que c'est la SADAQ ou non? La question, c'est : Est-ce que nous devons mettre de l'avant une institution qui permettrait de relancer le modèle agricole québécois de telle manière que l'on puisse encore, dans 60 ans, dire qu'il y a un modèle basé sur les fermes familiales qui est présent dans toutes les régions du Québec et qui est présent dans tous les secteurs de production? Je vous remercie.

• (19 h 40) •

La Présidente (Mme Léger) : Merci. Alors, nous allons commencer la période d'échange. Pour les députés ministériels, 17 min 30 s que vous avez pour cette première partie de la soirée.

M. Bolduc : Merci, Mme la Présidente. Bonsoir, messieurs. Il nous fait plaisir de vous recevoir ici. Première question bien compliquée : Qu'est-ce que c'est, la SADAQ? Étant donné qu'on n'a pas votre mémoire en main, on n'a pas d'information.

M. Laplante (Robert) : Alors, la SADAQ, c'est la Société d'aménagement et de développement agricole du Québec. C'est le mécanisme institutionnel que nous avons décrit et proposé pour encadrer les opérations financières sur le domaine foncier agricole québécois. Nous l'avons recommandée parce que, d'abord — et le document de préparation de la commission l'a bien établi — l'État lui-même est presque dans le brouillard complet eu égard à ce qui se passe sur le plan des transactions sur le domaine agricole. Il faut donc une fonction de veille mieux organisée et beaucoup plus musclée que ce que nous donne, par exemple, le registre des transactions. Et il faut également pouvoir contenir les pressions qui s'exercent sur la captation spéculative de la valeur des fermes. Et ça, c'est fondamental, c'est un mécanisme qui permet de fournir à la relève agricole et aux entrepreneurs agriculteurs qui veulent agrandir leur établissement d'accéder à des propriétés foncières à des conditions hors spéculation. Donc, ces deux fonctions-là peuvent être remplies... Nous les avons, nous, définies dans une société qui serait autonome. Ça pourrait très bien être rempli par la Commission de protection du territoire agricole ou toute autre structure analogue, le but étant surtout de ne pas soumettre l'agriculture du Québec au laisser-faire spéculatif partout sur le territoire.

La Présidente (Mme Léger) : M. le député de Mégantic.

M. Bolduc : Merci, Mme la Présidente. Premièrement, juste pour faire un petit recul, comment vous en êtes arrivés à faire une étude... ou des études, en fait, sur l'accaparement des terres agricoles au Québec? Quelqu'un vous a mandatés ou c'est de l'intérêt public qu'est... Pouvez-vous nous expliquer un peu d'où vous arrivez avec...

La Présidente (Mme Léger) : M. Laplante.

M. Laplante (Robert) : Oui. L'IREC est un organisme sans but lucratif qui conduit son propre programme de travail et qui, à l'occasion, s'adjoint à des partenaires pour financer une partie des travaux, puisque la recherche est une activité assez dispendieuse. Et, dans le cas du rapport sur l'accaparement des terres, nous avons obtenu une partie du financement auprès de l'UPA, qui était un des organismes, évidemment, les plus directement concernés par les tendances lourdes du développement de l'agriculture.

Cela étant dit, comme toujours, l'IREC assume seule la responsabilité de ce qu'elle publie. Et nous avons effectivement, à toutes les occasions, déclaré à chaque fois les parties prenantes dans la réalisation de nos mandats, mais ça n'engage que nous. Et que nous.

La Présidente (Mme Léger) : M. le député de Mégantic.

M. Bolduc : Merci, Mme la Présidente. Vous avez parlé qu'à l'échelle internationale il y avait des impacts très négatifs et qu'à l'échelle du Québec, à ce point-ci, ce n'était pas critique, mais qu'il y avait des failles dans le système. Pourriez-vous élaborer sur ces failles-là et des mécaniques de solution si vous en avez vu?

>63 La Présidente (Mme Léger) : M. L'Italien.

M. L'Italien (François) : Oui. Merci, Mme la Présidente. Alors, il y a plusieurs organismes agricoles internationaux et, comme je l'ai mentionné aussi, des réseaux de chercheurs universitaires qui se sont penchés sur la question d'accaparement des terres. Ça me permet de préciser que le concept de l'accaparement des terres a pu, pendant un certain temps, apparaître connoté, alors que, maintenant, on le voit, il se neutralise au niveau conceptuel, au niveau académique, de plus en plus de chercheurs l'utilisent sans avoir d'affiliation particulière avec une couleur politique ou une autre. L'idée, c'est qu'il y a un fait massif qui est que, depuis la crise de 2008 en particulier, les investisseurs internationaux, les investisseurs institutionnels cherchent des actifs qui présentent un profil particulier pour leurs portefeuilles, ils cherchent un type d'actif qui va leur procurer un rendement soutenu et qui garantit une sécurité financière, c'est-à-dire un actif qui n'est pas corrélé au marché. Alors, vous le savez aussi bien que moi, les grands gestionnaires de fonds internationaux cherchent, évidemment, toujours des occasions de rendement, et les observateurs n'ont pas manqué de faire un lien direct entre l'impact qu'a eu l'achat de terres massif dans les pays, notamment, africains ou sud-américains et cette tendance de financiarisation là.

Au Québec, vous voyez, en 2012, lorsqu'on a publié le rapport, la Banque Nationale venait juste... la semaine précédant le dépôt du rapport, on apprenait que la Banque Nationale était sur les terres agricoles au Lac-Saint-Jean. Et, depuis 2012, vous voyez le nombre d'acteurs qui se sont ajoutés, ce qui nous laisse penser que nous avions raison déjà dès 2012 de soulever le fait que nous sommes face à une logique qui commence, au Québec, à s'implanter. Évidemment, on n'est pas comme au Sud-Soudan ou en Ukraine où les effets sont déjà bien constatables et souvent irréversibles. Nous mentionnions dans le rapport que nous avions la possibilité d'agir dès aujourd'hui pour empêcher que le phénomène prenne des proportions qui sont, justement, irréversibles. Ce n'est pas un luxe, c'est une responsabilité que nous avons, selon nous, à l'égard du modèle agricole dont on a hérité et qui est cohérent, comme je l'ai mentionné, avec l'action institutionnelle que l'Assemblée nationale a décidé de mettre de l'avant dans les années 60, 70. Il n'y a rien de nouveau dans cette idée-là que de vouloir bonifier l'arrangement institutionnel au profit de l'intérêt général.

Maintenant, pourquoi proposer la SADAQ? Bien, nous pensons que de mettre une série de règlements et de lois pour pouvoir contenir, limiter l'action des investisseurs institutionnels ou des firmes non agricoles ne sera pas suffisant. Les firmes sont en mesure de pouvoir trouver plusieurs façons — par, par exemple, des sociétés à numéro — plusieurs manières de contourner les lois, c'est un fait, et nous pensons que nous devons avoir aussi une institution de premier plan qui peut intervenir sur le foncier agricole. Il existe déjà dans le monde — je pense, notamment en Belgique, en France, en Espagne — des institutions de cet ordre-là qui, selon un gradient de plus ou moins grande intervention, donnent à l'État, dans son coffre à outils, un instrument d'intervention qui lui permet d'agir et qui est souvent mis au service des collectivités.

La Présidente (Mme Léger) : M. le député de Mégantic.

M. Bolduc : Je vais passer la parole au député...

La Présidente (Mme Léger) : M. le député de Beauce-Sud.

M. Dutil : Merci, madame. Une des composantes de la pression qui existe sur les terres agricoles... Vous mentionnez la financiarisation, vous nous sensibilisez à ça, mais une des composantes est, évidemment, l'augmentation de la population. Quand on dit qu'on va être 9 milliards d'habitants au lieu de 7 dans une trentaine d'années, ça va avoir un effet sur la pression pour utiliser les terres agricoles pour d'autres raisons que l'agriculture. On a le même phénomène aussi... On était 1 million il y a un siècle, on est rendus 8. Si on est 64 millions dans un siècle, là on a un problème, hein? On est d'accord. Est-ce que vous n'estimez pas que, dans la pression qu'il y a pour diminuer le nombre de terres agricoles, il n'y a pas aussi cette composante-là dont il faudrait tenir compte? Je le dis pour la région particulière de Montréal, où les meilleures terres sont là. On sait que l'immigration reste à Montréal, ne vient pas dans nos régions. Nous, on a le problème contraire, exactement le contraire. Nous autres, on est en train de se vider. Mais là on se demande pourquoi il y a des pressions pour enlever des terres agricoles, bien, c'est pour mettre le monde, pour que le monde aille habiter à quelque part.

• (19 h 50) •

La Présidente (Mme Léger) : M. Laplante.

M. Laplante (Robert) : La pression démographique existe, effectivement. Elle a été, en grande partie, contenue par la loi sur la protection du territoire agricole. L'étalement urbain est sous contrôle. Ce qui ne veut pas dire que les pressions diminuent, il y en a toujours. Mais l'essentiel de ce qui caractérise la logique de l'accaparement des terres n'est pas démographique, c'est financier. Les portefeuilles des grandes institutions financières, désormais, comportent, à des degrés variables, une classe d'actifs que constitue le foncier agricole. Et c'est pour constituer cette classe d'actifs et, si vous voulez, pour lutter à armes égales avec les concurrents que les institutions financières, les maisons de courtage, les maisons de placement veulent avoir dans leurs portefeuilles de l'actif foncier.

Alors, ça, dans la mesure où c'est une règle de marché qui s'est instaurée, l'effet pervers que nous avons dénoncé est le suivant. C'est que les modifications récentes — c'est 2013, je crois — à la loi sur l'acquisition des terres par les non-résidents ont créé une situation assez paradoxale parce que ces dispositions ont renforcé les manières d'éviter que les étrangers spéculateurs, entre guillemets, s'accaparent des terres québécoises, mais, ce faisant, on a curieusement laissé le champ libre — et un champ protégé — aux institutions financières, qui peuvent continuer de spéculer sur le territoire du Québec sans avoir, eux, à assumer la concurrence des étrangers, alors ce qui place les agriculteurs et la population québécoise dans une situation très, très paradoxale. Alors, ça, c'est une brèche qu'il faut absolument colmater parce que ça ne tient pas compte, mais absolument pas, là, des vraies réalités du marché.

L'autre élément, c'est qu'il faut bien comprendre que les pressions démographiques et le zonage agricole, ce n'est qu'un élément. Le domaine agricole québécois est un joyau très, très fragile. Seulement 2 % du territoire est constitué de terres arables, et le domaine agricole protégé n'est pas en culture. À saturation, il y a à peine moins de 40 % du territoire agricole qui est mis en culture. C'est donc dire qu'il reste un énorme morceau qui peut faire la convoitise.

M. Dutil : ...réponse sur cet aspect-là, Mme la Présidente, parce que j'aimerais en poser une seconde qui est exactement...

La Présidente (Mme Léger) : Allez-y. Peut-être raccourcir un peu, M. Laplante, pour permettre l'échange.

M. Dutil : Je comprends très bien ce que vous nous dites sur les autres, mais nous, là, nous, ce que nous vivons actuellement, c'est le champ libre. Le champ, il est libre. Il n'y a plus personne dans le champ parce qu'il n'y a plus personne qui habite dans le rang, parce qu'il n'y a plus personne qui fait des enfants, parce que, bon, etc., là, vous comprenez le problème assez facilement. Et on cherche des solutions pour que le champ, il ne soit plus libre, justement, qu'on réussisse à s'assurer qu'on survit dans nos régions, faute de natalité et sans immigration, à occuper le territoire, puis on n'est pas capables, là. Je vous le dis, là, ça fait 40 ans que ça dure, la dénatalité, puis on n'est pas capables. Avez-vous une bonne idée pour nous autres?

La Présidente (Mme Léger) : M. L'Italien.

M. L'Italien (François) : Merci, Mme la Présidente. C'est une très bonne question que vous posez là. En fait, il s'agit ici de distinguer deux choses : des obstacles qui se présentent à la relève agricole et, dans certaines régions, la dévitalisation des localités, qui, justement, compromet l'attractivité de ces régions-là à l'égard d'une relève non apparentée et le fait qu'il y ait des investisseurs qui s'intéressent non pas à ces régions-là en particulier seulement, mais à des terres qui présentent un potentiel de rendement à court terme très intéressant. Alors, il faut bien distinguer les choses. Faire un diagnostic concernant les obstacles qui se présentent à la relève et à la reproduction du modèle agricole basé sur l'agriculture familiale, c'est une chose. Une fois ce diagnostic-là fait ou ce constat-là fait, rien n'empêche que le gouvernement du Québec lance une gigantesque corvée pour qu'on puisse trouver ensemble des solutions pour relancer ce modèle-là basé sur l'agriculture familiale. Ceci est une première chose.

Deuxième chose, l'idée n'est pas de complètement exclure ceux qui, comme Pangea ou... partenaires agricoles veulent venir faire des affaires au Québec, mais est-ce qu'il n'y aurait pas manière d'orienter leurs activités de telle façon que des lots qui seraient, par exemple, laissés en friche puissent être mis en production grâce à ces investisseurs-là? Pourquoi est-ce que ces investisseurs-là vont directement là où il y a déjà des établissements mis en production et qu'ils vont trouver des producteurs qui n'ont pas de relève? Ils pourraient peut-être faire leur effort dans des régions qui ont, justement, des problèmes de déprise pour augmenter la capacité de production alimentaire.

La Présidente (Mme Léger) : M. le député de Beauce-Sud.

M. Dutil : D'ailleurs, vous êtes au courant, sans doute, qu'une terre en friche ne peut pas être ramenée en culture dans le cadre de la législation actuelle. Qu'en pensez-vous?

La Présidente (Mme Léger) : M. Laplante.

M. Laplante (Robert) : Oui. Bien, nous sommes là précisément dans les modalités qui doivent être prises en compte quand on veut soutenir le développement du terroir. La question de rendre disponible et de rendre accessible la terre pour la relève ou pour d'éventuels producteurs en expansion peut poser des problèmes pratiques comme ceux que vous évoquez là, et c'est précisément ces problèmes-là que règlent, par exemple, les SAFER en France et en Belgique, qui vont faire l'acquisition temporaire de terres qui sont susceptibles, soit parce qu'il n'y a pas de relève, soit parce qu'il y a des événements de la vie qui font que le producteur doit quitter... et qui prennent le relais, qui soit évitent la dévalorisation de la ferme, soit la remettent en production pour la rendre intéressante à une relève qui peut, à ce moment-là, l'acquérir à des conditions de financement convenables et dans des conditions de productivité qui vont lui permettre de pouvoir rapidement générer des revenus. On comprend qu'un jeune qui prend une terre en friche, même s'il la paie moins cher qu'une terre productive, va avoir des problèmes de financement parce que ses revenus ne seront pas au rendez-vous.

La Présidente (Mme Léger) : M. le député de Beauce-Sud.

M. Dutil : C'est beau. Merci.

La Présidente (Mme Léger) : Est-ce qu'il y a quelqu'un d'autre... Vous avez encore un petit deux minutes. Bien, on va...

M. Bolduc : ...écoutez, moi, j'avais...

La Présidente (Mme Léger) : Allez-y, M. le député de Mégantic.

M. Bolduc : Merci, Mme la Présidente. Écoutez, vous nous dites que l'agriculture familiale du Québec, elle est très productive en comparaison avec le reste de l'agriculture canadienne. Est-ce que vous avez fait des études pour d'autres régions du monde comme l'Amérique du Sud ou l'Europe? Et quelles sont vos constatations les plus évidentes, je dirais?

La Présidente (Mme Léger) : M. L'Italien.

M. L'Italien (François) : Merci, Mme la Présidente. Alors, la réponse est : Non, on n'a, évidemment, pas fait ce type d'études. En fait, je ne connais pas de firme au Québec ou de groupe de recherche qui ait fait ce genre d'études là, puisqu'il faut avoir des données de première main, il faut savoir aussi repositionner les chiffres dans le modèle institutionnel, ce qu'évidemment les chercheurs des pays concernés peuvent faire. Donc, non, effectivement, nous, on n'a pas fait ça à l'échelle internationale. On s'est, d'abord et avant tout, consacrés à la situation du Québec et du Canada. Et, encore là, le Canada, on n'a pas fait province par province, on a établi des comparaisons sur des ratios d'ensemble qui sont souvent évoqués dans la littérature scientifique ou dans la presse spécialisée, donc qui sont utilisés... On n'a pas innové ou on n'a pas été originaux, simplement qu'on a complété le portrait.

M. Bolduc : Dernière petite question, rapidement...

La Présidente (Mme Léger) : 30 secondes.

M. Bolduc : Il ne me reste pas beaucoup de temps, hein?

La Présidente (Mme Léger) : 30 secondes.

M. Bolduc : O.K. Donc, quand vous parlez de performances financières qui sont supérieures à celles du Canada, on a un taux d'endettement... Est-ce que vous pourriez dire que notre rendement de l'investissement marginal est très profitable pour le Québec dans son sens général?

La Présidente (Mme Léger) : M. L'Italien.

M. L'Italien (François) : Bon, écoutez, nous... C'est une question qui est large, on a...

La Présidente (Mme Léger) : Vous avez 10 secondes pour répondre.

M. L'Italien (François) : En fait, le titre du rapport s'intitulait L'endettement des fermes : un portrait contrasté. Nous voulions mettre en perspective des assertions trop faciles, trop rapides à l'effet que le modèle agricole québécois est surendetté, est pris dans une spirale d'endettement qui pourrait occasionner des problèmes à long terme. Nous pensons qu'il y a matière, effectivement, à poser des questions. Mais l'endettement, s'il est séparé de l'effet de levier qu'il provoque, ne peut pas être compris comme tel. Et nous avons fait un lien entre l'endettement et le levier financier qui venait avec l'endettement, et nous avons, à partir de Statistique Canada, nous avons relevé que les indicateurs financiers québécois étaient ou bien dans le peloton de tête, voire légèrement supérieurs.

La Présidente (Mme Léger) : Merci. M. le député de Berthier et porte-parole de l'opposition officielle en matière d'agriculture. Vous avez 10 min 30 s.

M. Villeneuve : Merci. Merci, Mme la Présidente. Alors, bonsoir, messieurs. Merci d'avoir accepté l'invitation de venir apporter vos lumières à la commission. Question simple : Au niveau des fonds d'investissement privés au Québec, est-ce qu'on peut mettre une date où on voit vraiment, là, que ces fonds-là s'intéressent au Québec particulièrement? Question simple.

La Présidente (Mme Léger) : M. Laplante.

• (20 heures) •

M. Laplante (Robert) : Bien, pour une fois, on n'était en retard sur personne. Le mouvement d'accaparement s'est accéléré au lendemain de la crise financière de 2008. Alors, dès 2010, il y a des gens qui s'activaient sur le territoire, et ça va en s'amplifiant.

M. Villeneuve : Donc, les terres du Québec sont convoitées, sont vraiment très, très convoitées. Il y a des éléments propices à cela, là, il y a un terreau... Excusez le jeu de mots, mais il y a un terreau fertile en quelque part. Il y a plusieurs éléments, et je présume que vous en avez une liste, de ces éléments-là qui font en sorte que les investisseurs décident tout à coup — c'est le cas de le dire — de s'investir, puis, oui, on est assez d'accord avec l'accélération du processus à l'heure où on se parle, là. Alors, quels sont ces éléments-là?

La Présidente (Mme Léger) : M. Laplante.

M. Laplante (Robert) : Il y en a plusieurs qu'on peut identifier, mais le premier, qui est sans doute le plus spectaculaire et qui explique le mieux la précipitation avec laquelle les gens s'activent sur le terrain, c'est le rendement, le rendement rapide, le plus rapide possible, le rendement élevé le plus rapide possible. C'est pourquoi ils n'achètent pas des terres en friche, ils convoitent des unités qui sont bien situées, avec un potentiel agronomique intéressant et la possibilité de faire des acquisitions dans un endroit où il y aura de la croissance possible, alors, de façon à soit remembrer ces terres pour en faire de plus grandes unités, soit pour en modifier la régie de culture, pour produire d'autres denrées. Parce qu'évidemment les spéculateurs visent du rendement sur l'appréciation des fermes et du rendement sur les récoltes où il y a des marchés les plus juteux, les plus payants, ce qui fait qu'à terme c'est un vecteur qui déplace les cultures vers des cultures de grands marchés, vers les cultures d'exportation.

M. Villeneuve : Parce que qui dit fonds d'investissement dit nécessairement un retour sur l'investissement, un jour, aux actionnaires. On s'entend là-dessus? Donc, il faut penser qu'ils ont une garantie en achetant une terre. Même s'ils paient un peu plus cher, ils ont quand même une garantie d'avoir rapidement des produits à écouler sur le marché, donc avoir des revenus que cette terre-là va produire. Et, en plus, ils ont aussi des programmes du gouvernement qui permettent la stabilisation, hein, on pense à l'assurance stabilisation. Est-ce que, selon vous, les programmes gouvernementaux sont aussi un élément facilitant ou un élément qu'eux, ils apprécient, principalement lorsqu'ils s'établissent... lorsqu'ils décident d'investir dans l'achat de terres au Québec?

La Présidente (Mme Léger) : M. L'Italien.

M. L'Italien (François) : À notre connaissance, les investisseurs qui sont sur le terrain — les investisseurs non agricoles qui sont sur le terrain — ne sont pas nécessairement susceptibles de réclamer de l'ASRA rapidement. Ça ne veut pas dire qu'ils ne le feront pas de manière massive dans les prochaines années, mais il faut savoir qu'un des principaux débouchés qui s'est démarqué dans les dernières années, c'est les grandes cultures, les cultures commerciales, où il y avait un débouché rapide. Pour plusieurs raisons : il y a eu des chocs alimentaires au tournant des années 2008, 2009, il y a une demande croissante en biocarburants, il y a une demande croissante pour ce type de denrées là.

Donc, est-ce que ces acteurs-là sont susceptibles de savoir en plus qu'il existe un mécanisme de soutien au revenu dans les années de vaches maigres? C'est bien évident, surtout que ce mécanisme-là est quand même appuyé par le gouvernement du Québec, il n'est pas basé sur un calcul de long terme. Donc, là aussi, on a une espèce d'effet pervers du modèle agricole québécois, où on visait à soutenir un type de ferme... C'est très clair dans le rapport Héon, on tient à moderniser les fermes pour qu'on sorte de la culture de subsistance des années 50, mais on fait quand même le pari que les fermes familiales vont faire la job.

Et l'ASRA, dans les années 70, est un de ces mécanismes-là pour pouvoir donner aux producteurs agricoles l'assurance d'avoir un revenu garanti, puisque — et on le voit en ce moment de plus en plus avec les changements climatiques — ils sont soumis à tous les risques. Donc, d'avoir un revenu garanti, ça permet au modèle agricole québécois une pérennité, une stabilité. Donc, c'est évident que, si des investisseurs qui, eux, par ailleurs, peuvent, à n'importe quel moment, retirer leurs billes... Parce qu'il faut quand même reconnaître ça, les investisseurs, au moment où le prix des terres, hypothétiquement, redescend, vont s'organiser pour vendre, et qui, du jour au lendemain, va racheter? Alors là, on est face à un modèle où l'habitation du territoire n'est pas une variable, nous sommes face à un modèle qui veut salarialiser les producteurs.

M. Villeneuve : ...puis vous me corrigez si je me trompe, mais il y a eu un début de vente de terres par des fonds dans l'Est américain, je pense, récemment, et, bon, ça a dû s'arrêter rapidement, là, parce que ça n'a pas fait de vagues plus que ça, là. Mais effectivement, donc, il va arriver un jour où, si les terres cessent de s'apprécier ou même se déprécient, qu'à ce moment-là ils vont, évidemment, vouloir s'en départir. Oui, allez-y, monsieur...

La Présidente (Mme Léger) : M. L'Italien.

M. L'Italien (François) : Bien, je pense qu'il faut s'attendre à ce que les mouvements qui régissent les philosophies de gestion et les impératifs de rentabilité de ces acteurs-là commencent à régir la façon dont le foncier est organisé au Québec. Si c'est ce modèle-là qu'on veut laisser aller, il faut s'attendre à ce qu'il y ait du «in» puis du «out» et que la manière dont est occupé le territoire agricole québécois, la façon dont sont constitués les circuits de production... Vous savez, il y a toute une économie agricole régionale qui vit à partir des producteurs de métier, de la ferme familiale, les coops, les écoles. C'est toute une vie économique qui entoure l'agriculture familiale, et cette agriculture de capitaux là, elle n'en a rien à cirer.

M. Laplante (Robert) : En complément, si vous permettez.

La Présidente (Mme Léger) : M. Laplante, oui.

M. Laplante (Robert) : Oui. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Léger) : Ça va, M. le député de Berthier?

M. Laplante (Robert) : En complément, la stratégie de rendement maximal, le plus rapide possible, aux États-Unis en particulier, a donné lieu, à partir du milieu des années 80, à un gigantesque mouvement de consolidation des terres par l'agriculture de capital. Ça a vidé littéralement le Midwest américain. Vous avez au Midwest d'immenses fermes qui sont exploitées par des sociétés qui ont des employés salariés qui viennent pour faire la récolte, faire la semence, mais, entre-temps, il n'y a plus personne dans la petite communauté, les familles sont disparues. Ce remembrement-là, il est inévitable pour aller chercher le rendement. Il y a une logique là-dedans, et donc c'est clair que, si on ne regarde que le volume de production sans regarder le nombre de producteurs, nous perdons de vue le caractère structurant de l'économie locale. Alors, il va peut-être se produire plus de boisseaux dans le nord du Lac-Saint-Jean, mais, là où il y avait 50 familles, il y aura une société et 50 employés temporaires qu'on aura recrutés au Guatemala pour le temps de la récolte. C'est une autre façon de concevoir le développement du territoire.

La Présidente (Mme Léger) : M. le député de Bonaventure, pour 2 min 30 s, à peu près.

M. Roy : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, messieurs. Quel pourcentage des liquidités spéculatives vont vers l'accaparement des terres agricoles, selon vous, dans les portefeuilles?

Une voix : ...

M. Roy : Vous n'avez pas ces...

M. L'Italien (François) : On n'a pas ces...

La Présidente (Mme Léger) : M. L'Italien.

M. L'Italien (François) : On ne dispose pas de ces données-là. C'est des données, d'abord, avec raison, qui sont confidentielles. Parce que les modèles d'affaires des investisseurs, règle générale, sont réservés à ceux qui ont des parts, donc on n'a pas eu accès aux circulaires ou aux rapports, par exemple, de Partenaires agricoles ou de Pangea. Ce sont tantôt des sociétés privées, tantôt des sociétés en nom collectif, mais qui ne présentent pas une gouvernance très transparente. Donc, de là, nous, pour nous, l'impératif d'avoir des mesures institutionnelles qui vont obliger, contraindre ces investisseurs-là à montrer, comme n'importe quelle institution qui opère dans un domaine public et qui a des impacts majeurs sur l'intérêt général... pour nous montrer ce genre de données financières là.

Pour vous donner une idée, pour conclure, la Caisse de dépôt et placement annonçait, il y a deux ans, un placement de 250 millions dans un fonds de pension américain qui est consacré à l'acquisition de terres à l'échelle internationale, et plusieurs personnes au Québec, plusieurs observateurs, étant donné que ça coïncidait avec la proposition de la formule de la SADAQ, ont dit : Bien, ce 250 millions là, pourquoi vous ne capitalisez pas la SADAQ? Bon.

La Présidente (Mme Léger) : M. le député de Bonaventure.

M. Roy : Merci. Si les grands mouvements spéculatifs retirent leurs billes, donc, comme on disait tout à l'heure, de l'accaparement des terres agricoles pour les transférer vers un autre secteur qui offrirait plus de profitabilité, je ne sais pas, un retour vers les mines ou le pétrole, c'est quoi, le décor? Qu'est-ce qui se passe par la suite? On fait quoi, là?

La Présidente (Mme Léger) : M. Laplante.

• (20 h 10) •

M. Laplante (Robert) : Ça, on le sait déjà. On a déjà quelques exemples de ça. Alors, quand ils retirent leurs billes, ils coupent, évidemment, les dépenses. Alors, ils cessent de cultiver et ils attendent de trouver un acheteur. Ça tombe en friche puis ça peut se dévaluer. On a vu des fonds faire des radiations. Mais, évidemment, ce qui est détruit est disparu. Alors, les fermes familiales qu'il y avait là, elles ne reviendront pas. Ça va demander une énorme opération pour remettre ce territoire dans le circuit agricole.

Alors, évidemment, pour l'instant, à l'échelle de l'Amérique du Nord, on n'a pas encore vu de mouvement massif de reconversion de ces terres-là vers d'autres usages, soit les biocarburants ou... quoique, déjà, une partie importante de la production de maïs aux États-Unis est dirigée vers la production d'éthanol. Ça change avec le gaz de schiste. Mais il reste qu'essentiellement il y a quelque chose de quasi irréversible à laisser rentrer l'agriculture de capitaux dans une région. Ça détruit le terroir, ça en fait autre chose, ça en fait un actif financier qui, lui, obéit à des règles qui sont différentes.

La Présidente (Mme Léger) : Merci. Mme la députée de Mirabel, la porte-parole de la CAQ pour l'agriculture.

Mme D'Amours : Merci, Mme la Présidente. Vous mentionnez souvent la SADAQ, le penchant de la SAFER, j'imagine, en Europe. Comment pouvez-vous penser que la SADAQ, ça serait la solution si... En France, les terres, c'est 33 % qui appartiennent aux Français. Alors, quelle est la différence que nous, ici, au Québec, parce qu'on aurait une SADAQ qui serait... le pourcentage resterait à peu près à 80 %, comme on a là, qui arrêterait, là, l'hémorragie?

La Présidente (Mme Léger) : M. L'Italien.

M. L'Italien (François) : C'est une très bonne question. Lorsqu'on a proposé la création d'une SADAQ, évidemment, loin était de nous l'idée de vouloir importer directement, de façon carrée, les SAFER au Québec, puis en changeant simplement le nom, en disant : C'est une SADAQ, alors qu'on reprendrait tout des SAFER. Vous avez raison, le contexte institutionnel, le contexte national de la France n'est pas le même que le Québec. Le Québec est en Amérique du Nord, le Québec est une province, et donc n'est pas un pays, ce qui limite, évidemment, une série de choses au sujet de la régulation d'ensemble des activités, notamment sur la politique étrangère ou la politique d'exportation.

L'idée, pour nous, était de proposer une idée qui s'inspirait d'un mécanisme, en France, qui est déjà existant, qui est les SAFER et qui a quand même montré, malgré le fait qu'on les ait critiquées de toutes parts... Ceux et celles qui les ont critiquées, il n'y en a pas beaucoup là-dedans qui accepteraient aujourd'hui de s'en priver. On les critique, évidemment, parce qu'il y a tout le temps quelqu'un qui n'est pas content en France, là, de quelque chose, mais, dans les dernières années, les SAFER se sont vu octroyer des nouvelles responsabilités dans l'État français parce qu'elles sont devenues des instances de régulation et de gouvernance régionale stratégique pour le développement rural et régional. Donc, l'idée, c'était de s'inspirer des meilleures pratiques qui se font à l'échelle internationale et de soumettre ça au débat, de présenter cette formule-là et de la laisser, comme n'importe quel débat qui porte sur une institution, de la laisser évoluer en fonction des débats. Vous savez, quand on a créé la Caisse de dépôt et de placement, on s'en n'est pas caché, on s'inspirait principalement de la Caisse de dépôts et de consignations. Qui, aujourd'hui, voudrait se priver de la Caisse de dépôt et de placement?

La Présidente (Mme Léger) : Mme la députée de Mirabel.

Mme D'Amours : Dans votre document, si je me souviens bien, là, il y avait le droit de préemption. J'aimerais ça que vous expliquiez qu'est-ce que c'est.

M. L'Italien (François) : Bien, le droit de préemption, c'est une disposition que les SAFER se sont vu octroyer par le gouvernement français, par une loi, qui est la capacité de la SAFER d'interrompre une transaction entre deux acteurs et, en particulier, entre un acteur, un cédant, et un acquéreur qui présente un profil qui ne correspond pas au consensus développé à l'échelle régionale.

Il faut savoir que le droit de préemption n'est pas quelque chose d'utilisé de façon... j'ai envie de dire, qui n'est pas utilisé à chaque jour. C'est quelque chose qui est utilisé de façon parcimonieuse et qui, en plus, doit subir toute une série d'évaluations et d'examens de la part des acteurs locaux jusqu'aux acteurs nationaux. Le ministère des Finances et celui de l'Agriculture doivent donner leur aval pour qu'il y ait un droit de préemption. Alors, nous avons proposé cette mesure-là, sachant très bien qu'il y aurait des réactions. Nous pensons quand même que ça devrait faire partie en partie ou en totalité de la formule. Pourquoi? Parce que, sans avoir un mécanisme de cet ordre-là, c'est bien évident que des investisseurs... Et, en l'absence d'autres mécanismes de régulation, c'est évident que les investisseurs vont toujours offrir une prime à un cédant qui veut faire monter les enchères. Et donc, à des moments stratégiques, à des moments cruciaux, lorsque, par exemple, un certain nombre...

Admettons qu'on accepte l'hypothèse qu'il y a eu une consolidation importante de terres au Lac-Saint-Jean — je dis un chiffre comme ça, 7 000 hectares de terre, mettons, une grosse «batch» au Lac-Saint-Jean — bien, que, là, l'acquéreur futur de cette grosse «batch» de terres là puisse être bloqué par le droit de préemption, que la SADAQ québécoise, qui aurait, évidemment, l'aval des acteurs locaux, des acteurs régionaux, des acteurs nationaux, pourrait interrompre cette transaction-là, mais pour des motifs, je le répète, qui sont d'intérêt général. L'idée, ici, ce n'est pas de créer une mesure qui viendrait créer un embrouillamini supplémentaire. C'est vraiment une disposition de dernière minute, de...

Une voix : De dernière instance.

M. L'Italien (François) : ...de dernière instance — merci — pour pouvoir prémunir contre des transactions. Et c'est aussi une mesure de dissuasion parce que nous pensons que juste l'institution de cette mesure-là dissuaderait à l'avance des investisseurs de se lancer dans l'acquisition de terres.

La Présidente (Mme Léger) : Mme la députée de Mirabel.

M. Schneeberger : Oui. Il reste combien de temps?

La Présidente (Mme Léger) : Ah! M. le député de Drummond, deux minutes.

M. Schneeberger : O.K.

La Présidente (Mme Léger) : M. le député de Drummond—Bois-Francs.

M. Schneeberger : Parfait. Une question purement hypothétique, mais on parlait tantôt... Parce que vous m'avez l'air assez ferrés au niveau de la finance et des approches comme ça, on sait bien que, depuis quelques années, là, les fonds de retraite, là, ils cherchent beaucoup d'autres capitaux parce que, bon, les obligations à terme, et autres, il n'y a pas de rendement, et, bon, on se retourne au niveau de l'agriculture. Est-ce que, justement, à ce moment-là... C'est là que c'est hypothétique, si on parle d'investissement en agriculture, ça veut dire que ces gens-là s'attendent à des rendements. Est-ce que ça ne pourrait pas devenir en contrepartie un genre d'assurance pour l'agriculture en général vu qu'on sait que les capitaux. puis tout ça, ça mène le monde, c'est large, ça a beaucoup de poids, alors que souvent l'agriculture, aujourd'hui, on en parle quand il y a un gros problème, mais, sinon, ça ne fait pas vraiment jamais la manchette, là, des grands quotidiens? Est-ce qu'à ce moment-là il n'y aurait pas, des fois, des pressions au niveau des gouvernements, et autres, pour dire : Regardez, là, c'est important, l'agriculture, il faut qu'il y ait des rendements parce que nous, on dépend aussi de ces rendements-là? Ça ferait en sorte que l'agriculture, s'il y aurait un problème, bien, peut-être qu'elle serait mise plus de l'avant.

M. Laplante (Robert) : En fait, les actifs fonciers sont une assurance pour les institutions financières, pas pour les agriculteurs. Et essentiellement la situation que ça crée est la suivante, c'est que l'appréciation de la valeur foncière est disproportionnée par rapport au rendement productif attendu de l'agriculture. C'est ce qui fait que, si le prix de la terre est trop élevé, un acquéreur, même excellent producteur, ne réussira pas à générer les revenus pour faire les paiements. Alors, il faut contenir cette disposition-là parce que cette asymétrie-là entre l'appréciation de la valeur foncière et la capacité de générer des revenus fait en sorte que c'est extrêmement difficile d'entrer dans la profession quand on est un jeune et d'y rester quand on est une entreprise moyenne, comme l'est la majorité des fermes du Québec.

La Présidente (Mme Léger) : Merci beaucoup. Je remercie l'Institut de recherche en économie contemporaine, M. Robert Laplante et M. François L'Italien. Merci beaucoup.

Alors, je vais suspendre quelques instants, le temps que le Fonds d'investissement pour la relève agricole vienne s'installer.

(Suspension de la séance à 20 h 18)

(Reprise à 20 h 20)

La Présidente (Mme Léger) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, nous reprenons nos travaux. Alors, nous allons entendre le Fonds d'investissement pour la relève agricole, MM. Blanchet et Lecomte. Alors, c'est M. Blanchet qui va parler, j'imagine, au début. Non, M. Lecompte? Alors, bienvenue à la commission parlementaire pour l'étude de l'accaparement des terres agricoles. Alors, vous avez 10 minutes pour la présentation, et, après, échange avec les formations politiques.

Fonds d'investissement pour la relève agricole (FIRA)

M. Lecomte (Paul) : Mme la Présidente, M. le vice-président, mesdames messieurs de la CAPERN, merci beaucoup de l'invitation. D'entrée de jeu, M. Blanchet m'accompagne. M. Blanchet est président du Fonds d'investissement pour la relève agricole. Et nous accompagnent aussi trois administrateurs : M. Ernest Desrosiers, vice-président au financement à La Financière agricole du Québec, mandataire pour le gouvernement; Mme Chantal Brunet, directrice aux investissements stratégiques et relations avec les commanditaires pour Desjardins Entreprises, qui représente le Capital régional coopératif Desjardins; ainsi que M. Gilles Cardinal, administrateur désigné par le Fonds de solidarité de la FTQ.

Au nom du FIRA, je vous remercie de l'opportunité que vous nous offrez d'intervenir au sein de la commission. Pour nous, c'est une occasion unique de présenter le FIRA à cette commission dans le cadre de votre analyse sur l'accaparement des terres agricoles au Québec.

Les présentations précédentes ont été assez éloquentes. Je crois que vous avez couvert énormément de sujets à propos de l'accaparement. Les perceptions et les préoccupations ont été énoncées. Donc, nous allons profiter de la tribune pour statuer un petit peu sur qu'est-ce que le FIRA, qu'est-ce que peut faire le FIRA, sa mission, ses activités, avant d'échanger davantage avec la commission sur la solution FIRA au Québec.

Avec l'augmentation de la valeur des actifs de production et, particulièrement, de la valeur des terres agricoles, la relève fait face à un défi à l'accès au crédit nécessaire pour s'établir dans le secteur agricole. De façon générale, les jeunes ont peu de capitaux accumulés et se trouvent en situation de compétition avec des entreprises diversifiées par leur taille et par leur activité. Ces particularités font en sorte qu'il peut être difficile à des jeunes de développer une entreprise dans le secteur agricole.

Le FIRA a été inauguré en 2011. C'est le résultat d'une initiative du gouvernement du Québec qui visait à mettre en place des solutions en regard au problème d'accès aux actifs agricoles par la relève. Dans cette initiative, il s'est joint à deux partenaires significatifs qui avaient à coeur le développement des entreprises agricoles et, surtout, le développement de la relève au Québec. Ainsi, La Financière agricole, qui a été nommée mandataire par le gouvernement du Québec, s'est jointe au Capital régional coopératif Desjardins ainsi qu'au Fonds de solidarité de la FTQ pour créer le FIRA. Le FIRA est un fonds indépendant, une société en commandite dans laquelle chacun des partenaires s'est engagé à investir jusqu'à 25 millions de dollars pour un fonds de 75 millions pour la relève.

Le FIRA est un fonds d'investissement unique en son genre. Il est destiné à soutenir la relève agricole. Et je vous définis un petit peu plus la relève un peu plus tard. L'objectif est de les aider dans des démarrages, dans l'expansion et la consolidation de leurs activités et aussi dans le transfert d'entreprise.

La vision que le FIRA a, c'est de permettre l'entrée et le maintien en agriculture d'un plus grand nombre de jeunes qui désirent de vivre d'agriculture en favorisant surtout des conditions favorables à leur développement et à leur activité. Par son action, FIRA soutient une forme d'agriculture principalement réalisée par des entrepreneurs en démarrage ou qui n'ont pas encore atteint la stabilité financière leur permettant de recourir à l'ensemble des soutiens financiers qu'il y a sur le marché. Les outils FIRA sont développés pour complémenter les outils financiers sur le marché. L'objectif de notre modèle d'affaires, c'est de permettre l'accès aux actifs soit en aidant la relève à les acquérir par eux autres mêmes, soit carrément en faisant l'acquisition à leur place dans le but de les aider et de les prioriser à les acquérir dans le futur.

Le positionnement de marché de FIRA reflète un peu sa réflexion et son orientation. Le FIRA s'adresse exclusivement à des jeunes de 18 à 40 ans — donc, la relève — qui désirent réaliser leur projet de s'établir ou de poursuivre leurs activités agricoles, comme je disais précédemment. Les critères de qualification visent et sont orientés vers le succès des entreprises. Donc, on a une sélection qui se fait au niveau de leur préparation. Est-ce qu'ils ont une formation pertinente et adéquate? Et est-ce qu'ils ont pris une expérience de travail qui va leur permettre de bien réussir?

Naturellement, FIRA a voulu rajouter une touche de plus à ce cheminement-là pour assurer leur succès. On exige un plan d'encadrement de façon à pouvoir les suivre et pouvoir les aider à se développer au niveau de leur entreprise agricole. Ainsi, aussi, on fait un certain suivi tout au long de l'activité qu'ils vont avoir avec le FIRA.

L'approche financière de FIRA est assez concrète : aider les jeunes qualifiés à accéder aux biens de production nécessaires à leurs projets. Ainsi, nous ne visons pas seulement les terres, mais bien l'ensemble des actifs agricoles nécessaires à la production. Soyons clairs, notre intérêt n'est pas les actifs, mais bien la relève agricole elle-même.

Bien qu'on ait une grande latitude d'action au niveau des outils, FIRA a focussé son intérêt sur deux outils principaux qui sont relativement faciles à promouvoir et faciles aussi d'accès pour l'ensemble de la profession. Ces deux outils sont le prêt subordonné et l'achat-location de terre.

Avant tout, dans le cadre du prêt, c'est important de se rappeler que les jeunes qui doivent partir en agriculture doivent avoir une structure financière qui se tient, et, de façon générale, le marché exige certaines mises de fonds ou collatéraux pour les aider à partir en agriculture.

Quand le prêt FIRA, le prêt subordonné FIRA, a été créé, notre objectif était de compenser la mise de fonds nécessaire que les jeunes ont besoin pour démarrer en agriculture et aussi d'offrir des conditions qui seraient souhaitables à leur démarrage. Avec cet outil, on offre aux jeunes un congé de paiement jusqu'à trois ans au démarrage de façon à les aider à partir leurs opérations et à structurer leur fonds de roulement. Ce financement peut aller jusqu'à hauteur de 250 000 $. Cette façon de travailler avec eux autres leur permet d'enclencher plus rapidement un projet qui est prometteur ou témoin d'une certaine rentabilité ou potentiel de réussite au niveau de nos jeunes. Le prêt FIRA est un levier supplémentaire que le marché ne leur offrait pas à ce jour et qu'on espère fonctionnel et utile.

Le second outil qu'on a offert aux jeunes sur le marché, plus en phase un peu avec l'analyse que fait présentement la commission, c'est notre achat-location de terre. L'approche préconisée s'approche grandement d'une pratique qui avait lieu au travers les âges où les producteurs donnaient une chance à un jeune de s'établir en l'aidant à acquérir la ferme, souvent en le finançant eux autres mêmes ou carrément en lui prêtant la ferme jusqu'à temps qu'il soit en mesure de l'acquérir.

Ainsi, dans le cadre d'un projet qui est soumis par un jeune, on ne fera pas de démarchage d'achat de terre, mais, bien, on va travailler avec nos jeunes entrepreneurs. FIRA pourrait faire l'acquisition d'une terre disposant ou non de bâtiments — donc, ce n'est pas juste des terres qu'on va regarder, mais bien des terres et parfois aussi des fermes complètes — de façon à les aider à accéder à un bail à long terme et de les aider à s'investir dans leur entreprise. L'objectif principal de cet outil-là, c'est de donner accès aux jeunes aux actifs nécessaires à la production lorsqu'ils ne disposent pas de la mise de fonds nécessaire ou lorsque ça risquerait de mettre en danger leur structure financière. À terme d'exemple, en termes de consolidation d'entreprise, ça devient important de penser que la structure financière d'une entreprise peut être fragilisée par des acquisitions trop onéreuses.

Ce mode d'accès à la propriété vise à synchroniser l'achat de la terre avec le moment où l'entreprise, nos entrepreneurs sont en mesure de faire face aux réalités financières qui vont suivre. Concrètement, cet outil-là va se structurer sur un bail de long terme qui permet de mieux voir comment structurer l'entreprise, c'est-à-dire un bail de 15 ans. Le locataire va pouvoir agir en tant que, ce qu'on appelle dans le langage commun, propriétaire. Donc, il va pouvoir vaquer à ses occupations, faire les réinvestissements nécessaires ou utiles, et jusqu'à temps qu'il soit capable de passer aux opérations normales et de pouvoir penser à réacquérir l'entreprise.

Tant que le bail est actif, le locataire conserve une priorité d'achat. C'est ici que FIRA est relativement unique par rapport à son offre. Outre 15 ans de bail, on offre une priorité d'achat tout au long de la durée du bail à nos jeunes ainsi que l'option de mettre fin au bail pour quelque motif que ce soit, que ce soit pour quitter l'agriculture, faire d'autres choses ou passer à l'achat dès qu'ils sont prêts à le faire. Lorsque le locataire est prêt à faire l'acquisition, le prix va être déterminé par un évaluateur agréé indépendant du FIRA, quelqu'un qui va donner une juste valeur marchande au moment de la transaction. Un prix va être déterminé à ce moment-là. Un processus d'arbitrage est même prévu dans le cadre du bail afin d'éliminer toute situation...

Une voix : ...

M. Lecomte (Paul) : Une minute? Oh! madame, merci. Donc, de façon à rendre le bail le plus transparent possible. Et le bail va toujours être signé en présence d'un notaire afin de mettre en perspective ce dans quoi notre jeune s'engage.

Rapidement, je vous dirais pour conclure, FIRA a fait une quarantaine d'investissements depuis son démarrage. Ce fut un démarrage, comme toute entreprise qui part de zéro, où on a appris à connaître le marché, où on s'est investis graduellement. On a travaillé davantage avec le prêt subordonné qu'avec l'achat-location, mais l'achat-location nous a permis de faire jusqu'à ce jour 11 acquisitions réparties dans cinq grandes régions du Québec, qui sont aussi bien dans des régions où l'activité est concentrée et la compétition très forte pour les acquisitions qu'en région périphérique. Donc, notre rôle, on essaie de le jouer le mieux possible et de rendre accessible à un plus grand nombre de jeunes l'activité agricole au Québec.

J'aimerais souligner, avant de conclure, un élément. FIRA est parti d'une idée, d'un concept. Mais on avait le souci d'avoir le pouls du marché, donc on a créé un comité consultatif dès le début du FIRA afin de garder un certain arrimage avec le marché. Et à ce conseil siègent des représentants du FIRA ainsi que des représentants de l'UPA et de la Fédération de la relève agricole, la FRAQ, où on peut partager sur nos opinions, sur ce qu'il s'est fait, et partager sur nos perspectives, nos perceptions, et qu'est-ce qui pourrait être amélioré. Soit dit en passant, l'ensemble des commentaires et des échanges lors de ce comité font l'objet de nos discussions lors du conseil d'administration de façon continue en vue de parfaire les outils qu'on offre à l'ensemble du marché.

• (20 h 30) •

La Présidente (Mme Léger) : Merci, M. Lecomte.

M. Lecomte (Paul) : Et je vais conclure ainsi et vous inviter à poser vos questions, s'il vous plaît.

La Présidente (Mme Léger) : Merci. Vous allez pouvoir revenir, probablement, avec les questions.

M. Lecomte (Paul) : Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Léger) : Alors, M. le député de Mégantic.

M. Bolduc : Merci, Mme la Présidente. Bonsoir, messieurs. Il me fait plaisir de vous écouter et de comprendre un peu comment FIRA fonctionne. Vous avez dit que la FRAQ puis la FTQ, qu'ils avaient investi 75 millions chaque, mais je pense que j'en ai manqué un.

M. Lecomte (Paul) : 25.

M. Bolduc : 25?

M. Lecomte (Paul) : Je m'excuse, Mme la Présidente. Est-ce que je peux répondre?

La Présidente (Mme Léger) : Allez-y, M. Lecomte, oui.

M. Lecomte (Paul) : Les trois partenaires, Capital régional et coopératif Desjardins, le Fonds de solidarité de la FTQ ainsi que le gouvernement du Québec vont investir jusqu'à 25 millions chacun dans ce fonds. On s'entend bien que c'est un fonds qui est sur appel de capital, donc c'est des engagements à s'investir jusqu'à hauteur de 25 millions chacun.

La Présidente (Mme Léger) : M. le député de Mégantic.

M. Bolduc : Merci. Donc, vous avez parti avec un capital. Maintenant, vous avez deux méthodes ou deux outils, comme on disait, les frais subordonnés... Maintenant, l'organisme, votre objectif, est-ce que c'est d'être un organisme sans but lucratif? Ou comment vous vous payez ou comment vous générez vos revenus? Vous couvrez vos frais comment, etc., là?

M. Lecomte (Paul) : Le fonds... Mme la Présidente?

La Présidente (Mme Léger) : ...

M. Lecomte (Paul) : Le fonds est financé par les trois partenaires, qui apportent les sommes nécessaires aux investissements et couvrent les frais d'administration. L'objectif à terme est de faire en sorte que ce fonds-là puisse s'autosuffire. Cependant, l'action qu'on doit avoir auprès de la jeunesse — et on ne se le cachera pas, on est en agriculture, les marges ne sont pas toujours très élevées — il faut penser avoir des outils où le rendement attendu n'est pas très élevé de la part de nos partenaires. L'objectif de ce fonds relativement unique n'est pas de générer des revenus ou des rendements, c'est bien de jouer notre rôle d'aider des jeunes, un plus grand nombre de jeunes à s'installer en agriculture. Et notre objectif général est de couvrir l'ensemble des fonds à partir des revenus qu'on peut générer sur les prêts ainsi que sur la location et la revente d'immeubles.

La Présidente (Mme Léger) : M. le député de Mégantic.

M. Bolduc : Merci, Mme la Présidente. Est-ce qu'on peut dire, comme ça, que vous êtes un organisme antiaccaparement des terres agricoles?

La Présidente (Mme Léger) : M. Lecomte.

M. Lecomte (Paul) : Je trouve que c'est une question peut-être un petit peu insinueuse, sans méchanceté. Mais la façon de travailler, on travaille vraiment avec des projets qui sont soumis par les jeunes. Donc, les jeunes nous arrivent des quatre coins du Québec avec des entreprises ou des terrains, ou des fermes, ou des actifs encore qu'ils ont précisément identifiés dans le cadre de leur projet, et on les accompagne dans ce cadre-là. Donc, on n'a pas une approche de consolidation d'entreprise, nécessairement, ou d'établir des portefeuilles de terres. Donc, dans cette approche-là, je dirais, oui, on est peut-être une réponse ou une solution à une perception qui serait dans ce style-là. Mais notre objectif, c'est les jeunes.

La Présidente (Mme Léger) : M. le député de Mégantic.

M. Bolduc : Merci, Mme la Présidente. Votre organisme a quatre ans... ou près de quatre ans, là, mais vous nous avez mentionné tout à l'heure que vos prêts peuvent aller jusqu'à 15 ans ou à un maximum de 250 000 $, congé de paiement pendant trois ans. Donc, c'est généreux, là, puis je ne m'en plains pas, mais la question, c'est qu'à la fin, quand le jeune entrepreneur est prêt à racheter, vous nous avez dit que vous faites évaluer l'entreprise ou les actifs par une firme agréée et que c'est le prix de l'entente. Ce que ça impose, c'est une discipline fiscale aux jeunes qui va être significative parce que le gain de son travail pendant les 15 années, c'est le vendeur qui les a, pas l'acheteur. O.K.?

Donc, je voudrais que vous élaboriez un peu sur cette mécanique-là, là. Vous n'êtes, évidemment, pas rendus là encore ou vous avez peut-être quelques expériences. Allez-y là-dessus.

La Présidente (Mme Léger) : M. Lecomte.

M. Lecomte (Paul) : ...Mme la Présidente. J'aime votre question. Techniquement parlant, le projet FIRA a été bâti avec un horizon d'investissement de 15 ans. Comme je vous ai mentionné, nous avons deux outils de financement : le prêt subordonné d'un côté et, de l'autre côté, l'achat-location. Soit dit en passant, ces deux projets sont complémentaires, peuvent être utilisés simultanément.

La durée de vie et la façon de travailler, il faut remonter un petit peu. Chacun des produits travaille d'une façon un petit peu différente. Dans le prêt subordonné, on comprend bien qu'il s'agit d'un prêt conventionnel, de type conventionnel, dans lequel nous avons une option pour aider les jeunes à structurer le démarrage de leur entreprise. Donc, c'est un financement qui va regarder un horizon de 15 ans, mais remboursé sur une période de 12 ans à la limite. Il peut le rembourser les 15 premières années, mais il pourrait profiter du moratoire des trois premières années. Donc, pour le prêt, ça devient quelque chose de classique. Au niveau financier, je n'irai pas plus loin que ça.

Au niveau de l'achat-location, ça m'offre l'opportunité de vous présenter un petit peu notre mode de fonctionnement. Chaque dossier est étudié au mérite. La vision qu'on a, c'est une vision qui est vraiment orientée vers le succès des jeunes et leur potentiel de succès. On ne juge pas, on cherche à encourager et à supporter les jeunes qui se sont préparés à l'avance grâce à cette opportunité d'affaires là. La préparation, nous, on se dit : C'est des jeunes qui ont mis les chances de leur côté avec leur formation, qui ont mis les chances de leur côté en allant chercher l'expérience pertinente et, lorsqu'ils se présentent à nous, qui nous présentent un projet structuré, qui semble démontrer un potentiel pour nous racheter dans un certain horizon. À l'heure actuelle, on essaie de voir s'il y a une perspective de rachat potentiel dans une période de cinq à 10 ans. Ce n'est pas vrai qu'on va faire tous les projets qui vont se présenter, mais, lorsque ces projets vont démontrer une forme de potentiel de rachat dans un horizon de cinq à 10 ans, on va être beaucoup plus encouragés à s'investir dans ces projets-là et avancer avec eux autres.

Naturellement, les conditions qu'on a mises au départ, c'est des conditions pour s'assurer d'avoir des modèles plus à succès que tout projet qui pourrait se présenter demain matin. Donc, cette perspective-là fait en sorte qu'on joue sur des modèles qui ont démontré leur capacité à rencontrer ce qu'ils disaient qu'ils allaient faire dans leur plan d'affaires, et, après ça, on les suit annuellement au niveau de leur succès d'entreprise. Ainsi, à chaque année, on va prendre le temps de jaser avec eux autres, savoir s'ils ont atteint les objectifs annuels, s'ils s'orientent vers un résultat qui va leur permettre de mettre de côté ce qu'il leur faudra pour pouvoir racheter — à la rigueur, ça pourrait être aussi grâce à un prêt subordonné — réussir à racheter éventuellement. Mais on va les suivre régulièrement pour voir si le projet d'affaires qu'ils ont établi se dirige vers la conclusion qu'on avait établie au départ, c'est-à-dire d'être capable de racheter l'immeuble dans un certain horizon.

À la limite, on va regarder aussi comment on peut sécuriser certaines entreprises. Parce qu'il y a des enjeux par rapport à la durée et aux conditions de bail qu'on va retrouver souvent sur le marché agricole. Donc, certaines entreprises, on va leur offrir à ce moment-là un bail d'une durée de 15 ans qui va garantir que, tout au long de cette période-là, ils vont avoir accès à le racheter, même si, dans la perspective de 15 ans, tout ne sera pas toujours évident.

Donc, je vous dirais, dans l'ensemble, on a le souci de les accompagner, on a le souci de leur donner l'opportunité de rachat et les privilèges du bail qu'on leur offre et on cherche à s'assurer, en les suivant adéquatement, qu'ils vont être capables de le faire.

La Présidente (Mme Léger) : M. le député de Mégantic.

M. Bolduc : Merci, Mme la Présidente. Écoutez, vous avez parlé d'une aide pour les jeunes sur le plan, je dirais ici, dans ce cas-ci, financier, mais, sur le plan technique, sur le plan agriculture, est-ce que vous avez des agronomes, des spécialistes, des gens qui vont les aider aussi à optimiser leur production ou leurs activités agricoles?

La Présidente (Mme Léger) : M. Lecomte.

M. Lecomte (Paul) : Mme la Présidente, je vais en profiter pour faire un amalgame au niveau de la réponse par rapport à ce qu'on a dit précédemment. Dans les conditions de financement qu'on a établies, on a statué sur le fait qu'on demande à nos jeunes d'avoir un plan d'encadrement, ce qui est assez, je dirais... on ne dira pas unique, mais qui n'est pas d'une pratique normale dans le monde financier courant. Ce plan d'encadrement là, on veut que les jeunes établissent, pour leur profil, pour leur entreprise, pour leur initiative, un cheminement critique dans lequel ils vont s'associer les bons partenaires. Nous cherchons à garder la structure financière... Et c'est là que je fais l'amalgame, on cherche à garder une structure financière la plus simple possible pour avoir les coûts d'opération les moins élevés possible et transférer le moins possible de charges dans le cadre des projets qu'on fait. Donc, par le plan d'encadrement, par l'ensemble des conditions qu'on donne, on cherche à demander aux jeunes à se structurer et à pouvoir faire en sorte de bien s'entourer grâce à un plan d'encadrement et à des coûts qui sont raisonnables de notre côté.

(20 h 40)

La Présidente (Mme Léger) : M. le député de Mégantic.

M. Bolduc : Merci. Vous nous avez mentionné tout à l'heure que vous aviez 40 projets depuis le démarrage. Grosso modo, ça fait 10 par année. Est-ce que vous considérez ça un énorme succès, un petit succès ou... Comment vous voyez l'évolution de FIRA dans le temps? Disons, on voit où vous êtes, comment vous voyez votre futur?

La Présidente (Mme Léger) : M. Lecompte.

M. Lecomte (Paul) : Merci, Mme la Présidente. Je vais reprendre les mots et juste les décortiquer de façon différente. C'est une moyenne d'une dizaine de dossiers réalisés par année. On en a autorisé un peu plus que ça, soit dit en passant, qui ne se sont pas tous réalisés pour différentes conditions de marché ou de décisions d'entrepreneurs, mais ça a été une progression. Donc, nos investissements de première année ont été de l'ordre d'à peine un demi-million. Et, la dernière année, on est rendus à 4 millions d'investissement. Et, à chaque année, on double l'investissement de l'année précédente, et on croit que cette progression-là devrait s'enclencher encore pour la prochaine année.

Quand FIRA est arrivé, il y a à peine quatre ans, c'était une idée assez novatrice dans le monde financier d'avoir un tel outil. Et il y avait une culture aussi à apprivoiser, et la culture avait à s'apprivoiser à cet outil-là. Donc, je crois qu'en quatre ans on a fait les premiers pas intéressants, et la lancée semble intéressante pour les prochaines années. En tout cas, ce qu'on en retrouve au niveau de la consultation que les jeunes font auprès de notre service, c'est de plus en plus de jeunes qui nous appellent pour savoir comment partir leurs projets et comment les solutions FIRA peuvent venir compléter l'offre de services financiers qu'il y a sur le marché actuellement.

La Présidente (Mme Léger) : M. le député de Mégantic.

M. Bolduc : Merci, Mme la Présidente. Comment vous rejoignez votre clientèle pour faire vos contacts puis établir les bons ponts, là, aux bonnes places?

La Présidente (Mme Léger) : M. Lecompte.

M. Lecomte (Paul) : ...Mme la Présidente. Nos réseaux principaux sont relativement simples. Je vous dirais, le réseau de conseilleurs, conseillères de La Financière agricole du Québec est un point de chute pour prendre contact avec nous. Le réseau du MAPAQ des conseillers relève nous sert agréablement. Je vous dirais, après ça, on a travaillé beaucoup avec les réseaux Groupes conseils agricoles au Québec, le Réseau-Agri aussi, qui nous donnent aussi un coup de main en divulguant l'information sur qui on est et comment nous joindre. Et toutes les institutions financières qui sont informées du service complémentaire à leurs services qu'on offre nous redirigent les jeunes.

Maintenant, depuis quatre ans, on commence à parler un peu de FIRA, et la marque de FIRA commence à se faire un peu. Donc, les jeunes communiquent aussi directement avec nous, et on les réintroduit dans le réseau de façon à aller chercher les outils dont ils ont besoin le plus efficacement possible.

La Présidente (Mme Léger) : M. le député de Mégantic.

M. Bolduc : Merci, Mme la Présidente. Quel âge ont, en général, les jeunes que vous avez aidés à date? Est-ce qu'ils sont dans le bas du créneau, dans le haut du créneau ou...

M. Lecomte (Paul) : Statistiquement parlant, l'âge moyen tourne autour de 30 ans, au niveau de l'âge moyen des jeunes. Donc, on a des jeunes autant qui avaient atteint l'âge de 39 ans que des jeunes qui sortaient quasiment de l'école, à 21, 22 ans. Donc, l'écart type, on s'entend bien, avec un petit nombre de dossiers, l'écart type serait dur à préciser plus que ça. Mais l'âge moyen est de 30, 31.

M. Bolduc : Maintenant, est-ce que vous couvrez toutes les régions du Québec, ou seulement qu'une ou quelques régions, ou... comment vous faites ça?

M. Lecomte (Paul) : J'ai le grand plaisir de dire à la commission qu'on a la chance d'avoir des dossiers dans 14 des 15 régions administratives où on retrouve de l'agriculture au Québec. Les investissements au niveau fonds terrien se retrouvent dans cinq régions. Et, comme je disais un peu plus tôt, ces cinq régions sont aussi bien centrales, dans les régions à forte compétition, je dirais, que dans des régions périphériques. Donc, c'est des projets que les jeunes nous ont apportés qui ont fait qu'on a pu s'investir dans ces régions-là. Il n'y a pas eu de sollicitation de la part de FIRA, c'est vraiment... on accompagne nos jeunes au maximum de ce qu'on est capable de faire.

M. Bolduc : Quels sont les plus grands défis auxquels vous faites face dans l'aide à ces jeunes-là aujourd'hui ou... Qu'est-ce que vous voyez comme difficultés...

M. Lecomte (Paul) : Mme la Présidente, je dirais qu'on revient au principe de base de trouver une activité agricole qui va être suffisamment rentable à moyen et long terme pour permettre l'émancipation des jeunes d'une bonne façon en perspective du coût des actifs. Les coûts des actifs sont toujours élevés. Donc, on doit trouver des jeunes qui ont le potentiel, les compétences, les qualités pour pouvoir se démarquer dans un marché... bien, dépendamment... on s'entend, il y a beaucoup de types de production. La matrice agricole est une matrice multidimensionnelle, on ne se le cachera pas. Les secteurs, les régions, les types de production, la mixité de la productivité ou la spécialisation vont avoir beaucoup d'enjeux. Et le prix des actifs demeure un enjeu important, et trouver une fenêtre de rentabilité à moyen et à long terme, ça prend des compétences, ça prend des qualités et ça prend une préparation, définitivement, importante de la part de nos jeunes.

La Présidente (Mme Léger) : M. le député de Mégantic.

M. Bolduc : Merci, Mme la Présidente. Est-ce que vous pouvez nous donner un peu le détail des marchés ou des segments dans lesquels ces investissements-là se font? Est-ce qu'on parle ici de marchés plus traditionnels, comme producteur de lait, producteur de boeuf, de poulet, etc., ou si vous êtes dans des segments innovants comme les petits fruits ou, je ne sais pas, moi... Il y a des cultures potentielles dans le futur, là, on verra, mais comment vous développez ces segments-là?

M. Lecomte (Paul) : Mme la Présidente, à titre de boutade, oui, on a eu des demandes dans des secteurs très novateurs nouvellement légalisés. Cependant, on ne s'y pas est investis.

Des voix : Ha, ha, ha!

M. Lecomte (Paul) : Je vais vous inviter à regarder... Nous avons déposé seulement notre allocution ainsi qu'une page, un tableau sommaire présentant l'état, la situation de notre portefeuille. On a essayé de regrouper les secteurs de production le mieux possible, mais, comme vous allez voir, actuellement on a travaillé dans tous types de production. Et je vous les nommerais de façon très simple, des animaux à fourrure qui ont pratiquement disparu au Québec en passant par les grandes cultures, les productions laitières et en revenant dans les paniers bios, qui sont en émergence, je dirais, de façon un petit peu gratuite, et tous les coins du Québec. Donc, actuellement, je vous dirais, on ne parlera pas de concentration. On amène un outil qui est unique, qui est complémentaire aux marchés financiers actuels, et chaque dossier est étudié au mérite, à la pièce, sans esprit de concentration dans un coin ou non. C'est vraiment l'aide aux jeunes qui est orientée, et c'est là qu'on espère distinguer notre offre de façon évidente.

La Présidente (Mme Léger) : Une minute, qu'il vous reste.

M. Bolduc : Il me reste...

La Présidente (Mme Léger) : Une.

(20 h 50)

M. Bolduc : Une minute. Ah! bien, écoutez, une question que j'ai : Comment vous en arrivez à pouvoir faire des évaluations que moi, je qualifierais d'objectives? Prenons un marché que vous avez mentionné tout à l'heure, des animaux à fourrure, qui est un marché qui n'est pas extrêmement lucratif de ces temps-ci, comment vous en arrivez à établir la profitabilité ou le potentiel de développement d'une telle ferme? Ce n'est pas évident des fois, là.

M. Lecomte (Paul) : Mme la Présidente, je dirais quasiment la question piège. Mais la question fondamentale : On se doit de s'entourer et d'aller chercher l'information partout où on peut la trouver. On se doit de faire confiance à nos jeunes qui nous présentent des projets. On leur demande toujours de s'être bien préparés, formés et, comme je disais, d'avoir préparé un plan d'affaires qui se tient, de s'être informés aux bonnes sources, d'avoir du concret dans leur projet de façon à le rendre crédible. Et nous, on va valider avec les différentes sources qu'on est capable de trouver, et, je vous dirais, on n'a pas de limitation trop, trop. On fouille partout au Québec, on va sortir des frontières du Québec pour trouver de l'information au besoin, il n'y a pas le choix. Et on doit être honnêtes entre nous, on va discuter du dossier en conseil d'administration régulièrement de façon à décortiquer le dossier, mais à focusser beaucoup sur les entrepreneurs et leur niveau de préparation, et comment ils se structurent, et comment on peut croire en leur chance de succès, comment ils se sont préparés.

La Présidente (Mme Léger) : Vous étiez bien partis, l'un et l'autre. Je vous laissais aller, ça allait bien. M. le député de Berthier.

M. Villeneuve : Merci, Mme la Présidente. Alors, bonsoir, messieurs. Merci d'être là, surtout à cette heure qui commence... Bien, celle-là n'est pas bonne, heureusement, là, il est moins tard que ça. Alors, j'imagine qu'on va voir à réparer l'horloge d'ici peu de temps.

La Présidente (Mme Léger) : On est très surpris parce qu'elle fonctionne toujours. Ça fait qu'on ne sait pas ce qui s'est passé pendant notre relâche scolaire, là.

M. Villeneuve : Tantôt, on a reçu la fédération des jeunes, justement, de la relève agricole, et ils nous disaient — puis je pense que tout le monde a été un peu surpris — il y a entre... quoi, c'est 80... c'est 900 et 1 000 jeunes... On aurait tendance à penser 90 ou 100 jeunes, mais non, c'est entre 900 et 1 000 jeunes qui, à chaque année, sortent de l'école et qui ont le rêve et la passion de l'agriculture. Est-ce que vous êtes confrontés à des choix difficiles au cours d'une année financière, exemple?

Parce que je regarde, vous avez accès à 75 millions, je crois, de fonds, c'est ça. 25 millions, donc il y a trois parties. Et donc est-ce que vous êtes confrontés dans l'année à des choix difficiles ou... Parce que vous ne pouvez pas, évidemment, là, tout investir vos fonds dans la même année, alors est-ce que vous devez, à un moment donné, dire : Bien, écoute, le projet est super beau, mais celui-là, on ne pourra pas, parce que, cette année, on a... Parce que, j'imagine, entre 900 et 1 000 jeunes qui veulent percer, qui, effectivement, doivent travailler et démontrer leurs compétences, démontrer la rentabilité de l'entreprise, ils ont un gros travail à faire. C'est ce que je comprends de vos explications, là, ils doivent démontrer vraiment, mais vraiment, là, de belle façon, là, leurs atouts qu'ils ont pour se lancer en agriculture.

La Présidente (Mme Léger) : M. Lecomte.

M. Lecomte (Paul) : Mme la Présidente, je vous dirais, nous sommes un fonds relativement jeune. Je le répète parce qu'à ce jour aucune limitation en termes d'investissements, de restrictions financières ne nous a limités à nous investir. On a redirigé beaucoup de jeunes dans les réseaux de façon à peaufiner leurs dossiers, à les raffiner pour augmenter leurs chances de succès de façon à ce que ce qu'ils vont investir eux autres mêmes en temps, en énergie et en argent dans leurs projets soit bien investi, au même titre que ce qu'on pourrait apporter pour les aider à réussir. À ce jour, je vous dirais, aucune restriction ne nous a limités ou n'est en voie de nous limiter à court terme, d'après moi, à nous investir dans des projets qui nous semblent aligner suffisamment de chances de succès et de réussite.

M. Villeneuve : Donc, la mise de fonds dont vous disposez est suffisante. Si le gouvernement décidait d'augmenter la mise de fonds, vous ne verriez pas nécessairement d'avantage ou si vous pourriez, tout simplement, en ayant des fonds supplémentaires, permettre justement, peut-être, d'ouvrir plus largement les possibilités à la relève?

M. Lecomte (Paul) : Mme la Présidente, l'initiative FIRA, comme telle, est une initiative qui a changé un peu la culture québécoise au niveau de l'achat de terres et de la façon que la propriété se passe avec les projets qu'on soutient. D'une part, je dirais, actuellement on fait connaître l'option. À l'heure qu'on se parle, on entrevoit une croissance du besoin. Est-ce qu'à moyen terme il y aurait nécessité ou utilité à avoir plus de fonds à réinvestir? Je vous dirais : J'anticipe une croissance de la demande et une augmentation de notre participation, de notre contribution au niveau des investissements sans trop de difficulté. Jusqu'à quel niveau cela ira-t-il? Je me garderais une petite réserve parce qu'on se doit d'évoluer en même temps que le marché évolue.

Au niveau du prêt subordonné, ça prend beaucoup plus d'interventions pour consommer beaucoup de fonds à ce niveau-là. Et, soit dit en passant, les trois quarts de nos interventions sont sous forme de prêts subordonnés actuellement, donc on garde un équilibre au niveau des outils, je dirais, par rapport aux montants qu'on investit. Au niveau du prêt subordonné, je crois que l'ensemble des fonds qu'on dispose nous permet aussi de suffire pendant un grand bout de temps.

Maintenant, qu'est-ce que l'avenir dira? Comment s'orientera... Et comment la réponse se fera dans les prochaines années? Si la tendance se maintient, je crois qu'il va falloir se rasseoir dans quelques années pour discuter comment on peut avoir une intervention encore plus large. Et, s'il y a des fonds disponibles, ça pourrait être une avenue potentielle.

M. Villeneuve : Vous dites dans la lettre que vous avez adressée à la commission... vous dites, page 4, dernier paragraphe : «Le produit achat-location de terres gagne en popularité auprès de la relève et des conseillers agricoles.» Pourquoi? Pourquoi il gagne en popularité, selon vous? Et, en plus, ce que je comprends, c'est que les conseillers agricoles, eux aussi, considèrent que c'est plus avantageux. C'est quoi, les raisons?

M. Lecomte (Paul) : Mme la Présidente, lorsque FIRA a été lancé... On se rappellera aussi tous les discours qu'on a eus aujourd'hui, toutes les interventions, je crois, ont été assez claires. J'ai entendu une question quand même aussi assez précise : Quand est-ce qu'on avait vu l'arrivée de nouveaux fonds? FIRA est venu au monde en 2011 suite à certains événements, et à peu près en même temps que d'autres fonds qui ont ressurgi. Et la perception qui en a été faite largement, au niveau des fonds, a été relativement négative. Et l'idée culturellement ancrée d'être propriétaire de nos immeubles lorsqu'on est producteur agricole est assez bien ancrée, aussi bien auprès des producteurs que des conseillers. Avec la démonstration de ce qu'on a fait et de ce qu'on peut faire, tranquillement les gens apprivoisent le concept et viennent forer un petit peu plus à savoir jusqu'à quel point on pourrait intervenir.

Donc, lorsqu'on voit les interventions... Et je pense à une intervention qu'on a faite du côté de l'Abitibi, soit dit en passant, où deux jeunes bien préparés, formation agronomique, sont venus nous voir pour pouvoir les aider à prendre pied et à stabiliser l'accès aux terres pour pouvoir poursuivre... pas seulement démarrer, mais bien poursuivre leur activité bovine. Bien, on a investi dans un projet comme ça, et ces idées, et ces modèles-là commencent à faire école tranquillement. Et ça prend des exemples pour pouvoir montrer à tous qu'il y a peut-être des avantages, et il faut trouver où est-ce qu'on retrouve nos avantages dans ces outils-là. Les conseillers, les producteurs, tranquillement, apprennent à connaître ces outils-là et apprivoisent le fait que ça peut peut-être leur servir. Et, si ça peut leur servir, ils font appel lorsque c'est nécessaire.

La Présidente (Mme Léger) : M. le député de Berthier?

M. Villeneuve : Non.

La Présidente (Mme Léger) : M. le député de Bonaventure.

M. Roy : Merci, Mme la Présidente. Bonsoir, messieurs. J'ai comme l'impression que vous avez débuté prudemment et en construisant une certaine expertise, en voyant le marché, en voyant la demande, etc. Aujourd'hui, combien de demandes vous pouvez recevoir annuellement?

M. Lecomte (Paul) : Je vous dirais, à l'heure qu'on se parle, Mme la Présidente, à l'heure qu'on se parle on doit recevoir des demandes d'information... Je vais y aller par types parce qu'on s'apprivoise, et le marché nous apprivoise, on développe notre expertise graduellement. On s'entend qu'on est venus s'investir dans un créneau de marché qui n'était pas occupé. Donc, c'est une solution relativement unique, c'est un créneau qui n'était pas occupé par les institutions financières. On ne veut pas rentrer en compétition avec eux autres d'aucune façon, on veut apporter des outils qui ne sont pas sur le marché ou qui ne sont pas dans les réseaux conventionnels.

M. Roy : ...

M. Lecomte (Paul) : Je m'excuse...

M. Roy : Le nombre de demandes...

M. Lecomte (Paul) : Donc, tranquillement, je dirais, on répond à des demandes de l'ordre d'à peu près 200 à 250 demandes d'information par année. En dossiers analysés, à peu près la moitié de ces dossiers-là nous présentent des projets relativement structurés. Et, de ce nombre-là, en général, je vous dirais, on est à l'ordre de un sur 10 qui va faire l'objet d'une analyse avec recommandation.

M. Roy : Quels sont les principaux critères de refus? Quels sont les... bon, je ne dirais pas les problématiques que vous voyez, mais qu'est-ce qui manque... Il doit y avoir une récurrence de quelque chose que vous revoyez dans certains dossiers qui manque pour que le dossier puisse cheminer ou que c'est très éclectique et...

M. Lecomte (Paul) : Mme la Présidente, c'est relativement éclaté, je vous dirais, mais, parmi les principales raisons : préparation insuffisante, c'est-à-dire évaluation de marché qui n'est pas au rendez-vous; anticipation ou préparation au concept de production, donc, incomplète. Beaucoup de dossiers demeurent vivants, soit dit en passant, au niveau des projets parce que, souvent, on les dirige à raffiner le plan d'affaires d'une façon à ce qu'il devienne acceptable. Et souvent ce qu'on apprend, c'est que, justement, dans ce cheminement-là, il rentre dans les cordes du marché conventionnel, et beaucoup de projets qui ont apparu sur notre table ont été financés ultimement par le marché conventionnel. Donc, notre solution, relativement unique, est assez nichée. Et ultimement, lorsque les projets deviennent plus accessibles au marché conventionnel, ils se redirigent vers ce marché-là, et qui peut les servir adéquatement.

M. Roy : Très bien. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Léger) : Mme la députée de Mirabel.

Mme D'Amours : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bonsoir, messieurs. La préparation des dossiers, vous dirigez vos jeunes où quand le plan d'affaires n'est pas complet?

M. Lecomte (Paul) : Les réseaux agricoles sont relativement bien structurés au Québec. Comme je vous parlais tantôt, les différents partenaires que nous avons, les conseillers en relève du MAPAQ, les conseillers financiers du réseau de La Financière agricole et les groupes-conseils, ainsi que plusieurs conseillers indépendants offrent de bons services sur le marché québécois et, souvent, sont capables de les accompagner.

J'ai négligé, dans certaines régions — excusez, j'ai peut-être passé un peu vite — les centres locaux de développement, les CLD, ainsi que les SADC offrent aussi des services complémentaires où ils permettent d'aider les jeunes à parfaire leurs plans d'affaires et à se structurer.

Donc, le réseau québécois est assez bien pourvu en experts au niveau de la préparation des plans d'affaires, en experts en gestion, et, après ça, on peut rajouter tous les conseillers techniques, les experts techniques qu'il va y avoir dans les différentes organisations gouvernementales et non gouvernementales.

• (21 heures) •

Mme D'Amours : Tout à l'heure, vous avez dit que, bon, votre organisme a quatre ans d'existence, que vous avez probablement, là, si j'ai bien compris, des grilles, des balises, vous demandez un potentiel, bon, pour les jeunes. Est-ce que vos fonds peuvent servir... Parce que tout à l'heure, dans un autre groupe, ça a été avancé, ça, qu'il y avait des investisseurs auxquels on parle aujourd'hui qui disent... qui accaparent les terres. Il y avait un regroupement qui disait qu'ils auraient aimé que ces compagnies-là investissent dans des terres où il y avait un rendement dans cinq ans, dans sept ans. On avait donné comme exemple la pomiculture ou les vignes. Est-ce que vos fonds, c'est des fonds qui sont patients? Est-ce qu'un jeune qui arrive chez vous qui a une idée d'un verger ou d'un vignoble, est-ce que vos fonds vont appuyer cette...

La Présidente (Mme Léger) : M. Lecomte.

M. Lecomte (Paul) : Merci. Je vous dirais, le prêt subordonné a été créé dans cette perspective-là expressément. Le moratoire des trois premières années... Et, comme je disais tantôt, on s'est donné une latitude au niveau du travail, mais le moratoire des trois premières années a été créé de façon à standardiser le modèle pour le rendre le plus fonctionnel possible aux besoins agricoles, à ceux qui ont besoin de s'investir. Donc, le trois ans de moratoire permet à la plupart des projets qu'on supporte dans ce cadre-là de structurer leur fonds de roulement ou d'attendre les premiers revenus.

À titre d'exemple, on a investi avec des jeunes dans la camerise, investissement fruitier où les plants prennent trois, quatre, cinq ans avant d'atteindre une certaine forme de maturité. Les premières récoltes peuvent commencer autour de la troisième année, un peu comme dans le bleuet ou la canneberge. Donc, pendant les trois premières années, ils n'ont pas besoin de faire de remboursement d'aucune façon. Donc, ce capital-là est une forme de capital patient qui les attend pendant cette période-là pour leur donner, justement, le temps de recevoir les premiers revenus. Ce trois ans de moratoire là peut aussi servir, dans le cadre des producteurs qui démarrent dans le boeuf, à réussir à engraisser leurs premiers veaux. Avoir et engraisser leurs premiers veaux, avant la vente, peut prendre 24, 36 mois. Donc, cet outil-là a été conçu dans cette perspective-là, ce qui est un peu différent de l'achat-location.

Mme D'Amours : Mais, quand on parle, moi, je... spécifiquement quand on parle de pommier qui prend cinq ans, puis qu'on n'a pas une grande récolte, quand on parle des vignes qui ont quatre ans, mais qui n'ont presque pas de récolte et qui... ça prend un an avant de faire des produits, de la transformation, est-ce que vos fonds sont aptes à... Est-ce qu'il y a une ouverture à ces productions-là, un jeune qui veut s'établir, qui a étudié puis qui veut s'en aller dans la pomiculture, mais qui ne veut pas aller acheter un verger qui est déjà établi, qui veut s'en aller dans une région où le dynamisme est un peu laisser-aller, et que, là, ils veulent redynamiser leur région, puis qu'il voudrait arriver avec une nouvelle production?

M. Lecomte (Paul) : J'ai hésité un petit peu dans ma réponse et je m'en excuse. La réponse, quand je disais : On a la capacité d'adapter nos outils, et le prêt subordonné est le modèle standard, de base, bien, à la rigueur, un projet qui nous serait présenté dans un tel cadre pourrait faire l'objet d'une recommandation de façon à bien accompagner les jeunes pour réussir à partir et atteindre les premiers revenus avant d'avoir à affronter les obligations du remboursement. On a une ouverture à faire une grande souplesse pour réussir à s'adapter à l'ensemble des productions, définitivement, oui. Là, je m'excuse, je me suis adressé à vous, mais...

La Présidente (Mme Léger) : Vous faites bien ça.

M. Lecomte (Paul) : À cette heure-là, c'est correct?

La Présidente (Mme Léger) : C'est très bien, on finit bien la journée.

M. Lecomte (Paul) : Merci.

La Présidente (Mme Léger) : Mme la députée de Mirabel.

Mme D'Amours : Merci, Mme la Présidente. Quand vous parlez de 40 démarrages, qu'il y a 11 acquisitions sur les 40 démarrages, si je comprends bien, il y en a 29 qui sont en location?

M. Lecomte (Paul) : Il y en a 29 qui sont en prêt subordonné.

Mme D'Amours : En prêt subordonné.

M. Lecomte (Paul) : C'est ça. Les 11 acquisitions sont des locations. Donc, c'est des locations avec option, on espère, de pouvoir nous racheter dans un horizon certain.

Mme D'Amours : Est-ce que vous pensez, avec ceux qui sont en location, qui, dans, je dirais, cinq ans, probablement dix ans, vous n'arrivez pas à vous entendre... Est-ce qu'il y a un organisme ou un comité à part qui va être un peu le médiateur entre vous, les investisseurs, là, et les locataires... les locateurs?

La Présidente (Mme Léger) : M. Lecomte.

M. Lecomte (Paul) : Merci. Je vais apporter la précision parce que j'ai écourté un peu ma présentation tantôt, et je m'en excuse, j'aurais dû accélérer un petit peu plus. À l'intérieur des baux qu'on offre à nos jeunes, on offre un bail d'une durée de 15 ans qui est assez hors du commun. On offre une première option d'achat, on offre l'encadrement de dire dans quel contexte on est capable de revendre l'immeuble à ces jeunes locataires là en priorité sans accepter d'aucune façon des offres de n'importe quel côté, donc ne pas embarquer dans aucun surenchérissement. Et aussi on prévoit un mécanisme d'arbitrage. Au cas où le prix déterminé par l'évaluateur agréé ne serait pas adéquat ou serait discutable aux yeux du locataire, un processus d'arbitrage est prévu au contrat de bail dès le départ. Et, je le précise simplement, chacune des parties nommera un arbitre, et les deux arbitres en nommeront un troisième, et le processus d'arbitrage supporté par le FIRA déterminera l'issue de la transaction. Donc, on a prévu, au niveau du contrat du bail, initialement, notre... 15 secondes.

La Présidente (Mme Léger) : Oui, d'accord.

M. Lecomte (Paul) : Notre perspective était d'offrir ce que le marché n'offrait pas, c'est-à-dire un bail relativement novateur, structurant, encadrant pour la relève qui voulait faire affaire avec nous et, on l'espère, à cette image.

La Présidente (Mme Léger) : Est-ce que, M. Blanchet, vous voulez dire un petit mot de conclusion?

M. Blanchet (Guy) : Ah! tout simplement vous dire que moi, je suis au FIRA — je ne suis dans aucune des trois organisations, je suis là comme président objectif et neutre le plus possible — et que je trouve que c'est une organisation qui a sa place aujourd'hui et dans le futur. J'ai été, moi, au ministère de l'Agriculture, j'ai eu, effectivement, à travailler avec la relève agricole, puis il y a des jeunes là-dedans, là, tu sais, qui ont besoin d'un petit coup de main au bon moment, puis la bonne démarche, l'encadrement puis les moyens financiers, ça fait partie... c'est des entreprises d'affaires. Donc, le FIRA est en mesure de répondre à un certain nombre de jeunes qui, autrement, ne trouveront pas sur le marché l'aide financière dont ils auraient besoin. C'est pour ça que moi, je suis embarqué là avec beaucoup de goût puis beaucoup d'appétit.

La Présidente (Mme Léger) : Vous avez le mot de la fin, M. Blanchet. Alors, M. Blanchet, M. Lecomte, du Fonds d'investissement pour la relève agricole, merci beaucoup. Restez là, s'il vous plaît, parce que je veux quand même terminer les travaux correctement.

D'abord, je remercie tous les participants aux auditions publiques, aujourd'hui, qui sont venus exposer leur vision et leurs commentaires tout le long de la journée. Nous allons recevoir aussi demain la Fédération de l'UPA de l'Abitibi-Témiscamingue, du Bas-Saint-Laurent, du Saguenay—Lac-Saint-Jean. Nous allons recevoir la Financière agricole du Québec, la Commission de protection du territoire agricole du Québec, le Pangea, Union paysanne, les Partenaires agricoles, la Coalition pour la souveraineté alimentaire et, de l'Université de Montréal, M. Meloche, Jean-Philippe Meloche, qui seront au rendez-vous demain.

Merci à la population qui nous a écoutés... d'abord, qui était ici aujourd'hui. Plusieurs étaient ici, on a eu beaucoup de gens qui sont venus en commission, merci d'avoir été là, de suivre nos travaux, ceux qui sont à la maison, qui suivent nos travaux en direct depuis ce matin... ce midi, dans le fond, cet après-midi, lorsqu'on a commencé. Merci à vous, chers députés, chers membres de la commission parlementaire.

Alors, je lève la séance, à ce moment-ci, de la commission, et on ajourne nos travaux sine die... non, à demain, pas vrai, demain. On se voit demain matin, à 10 heures.

(Fin de la séance à 21 h 8)

Document(s) related to the sitting