(Dix heures quatre minutes)
La
Présidente
(Mme Bouillé) : À
l'ordre, s'il vous plaît! Je déclare la séance de la Commission de l'agriculture, des pêcheries, de l'énergie et des ressources
naturelles ouverte. Je demande à
toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie
de leurs téléphones cellulaires.
La commission est réunie afin de procéder aux consultations
particulières et auditions publiques en vue d'étudier
l'acceptabilité pour le Québec du projet proposé par Enbridge Pipelines sur le
renversement vers l'est du flux de l'oléoduc 9B situé entre North
Westover et Montréal décrit notamment dans le document intitulé Inversion du
flux de l'oléoduc 9B d'Enbridge.
Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?
La
Secrétaire : Oui, Mme la Présidente. M. Goyer (Deux-Montagnes) est remplacé par M. Therrien (Sanguinet); M.
Billette (Huntingdon), par Mme Boulet (Laviolette); M. Paradis (Brome-Missisquoi), par M. Sklavounos (Laurier-Dorion); et M. Martel (Nicolet-Bécancour),
par M. Bonnardel (Granby).
Auditions (suite)
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Merci beaucoup. Ce matin, nous recevons les représentants de Greenpeace, de Nature Québec et d'Équiterre. Je souhaite la bienvenue aux représentants de Greenpeace. Vous disposez de 10 minutes pour votre exposé.
Je vous demande aussi, au début, de vous présenter, s'il vous plaît. La parole
est à vous.
Greenpeace
M. Mainville (Nicolas) : Merci. Merci,
Mme la Présidente. Représentants du gouvernement, des partis d'opposition,
c'est un plaisir d'être ici. Mon nom est Nicolas Mainville. Je suis directeur
de Greenpeace au Québec, accompagné d'une
chaise vide qui va se remplir bientôt,
M. Patrick Bonin, qui va se joindre à moi dans quelques instants, donc,
représentant de Greenpeace, effectivement, et c'est un plaisir pour nous de
venir vous parler aujourd'hui.
Il y a huit
ans exactement, jour pour jour, le 3 décembre 2005, il y avait 45 000
personnes dans les rues de Montréal lors
de la COP 11, si vous vous rappelez bien, qui demandaient au Québec et au
Canada de jouer le rôle de leader en termes de lutte aux changements climatiques. On se retrouve aujourd'hui, huit
ans plus tard, avec une demande d'une compagnie controversée, qui est
Enbridge, pour inverser son pipeline pour apporter du sable de l'Ouest canadien
vers le Québec. Aujourd'hui, Greenpeace veut
s'adresser à la commission avec un message très clair. Nous demandons à la
commission de rejeter le projet d'Enbridge pour quatre raisons principales.
La première,
c'est que ce projet va augmenter significativement les émissions de GES, de gaz
à effet de serre, d'un point de vue planétaire, donc va permettre
l'expansion des sables bitumineux. Et donc, en ouvrant la porte à cette inversion, le Québec cautionnerait une
augmentation massive des émissions de gaz à effet de serre. Deuxième
point, c'est qu'en acceptant ce projet on
pourrait augmenter significativement les émissions et les autres polluants,
donc les GES et les autres polluants
en provenance des raffineries du Québec. Autre point très important, ce projet
comporte d'immenses risques, des risques élevés de déversement, et,
évidemment, des déversements impliquent des risques à la santé des gens et,
évidemment, des coûts significatifs qui sont associés à ça. Finalement, notre
quatrième point que l'on veut présenter
aujourd'hui, c'est qu'il y a très peu de bénéfices pour les Québécois
comparativement aux risques que ce genre de projet peut engendrer. Donc, les bénéfices, on les voit pour les
producteurs et les raffineurs de produits pétroliers, mais très peu pour
la population québécoise.
Donc, un des
points qu'on veut mentionner, la première des choses, c'est que produire du
pétrole à partir des sables bitumineux
n'est pas la même chose que de produire du pétrole ailleurs sur la planète. Le
pétrole des sables bitumineux est
définitivement le pétrole le plus sale de la planète, très controversé. La
revue Nature, d'ailleurs, publiait en 2013, cette année, un bilan
des émissions de gaz à effet de serre provenant de l'ensemble du cycle de vie,
et, d'un point de vue production seulement
de pétrole provenant des sables bitumineux, on parle de trois à quatre fois
plus de gaz à effet de serre qu'un baril provenant de sources
conventionnelles. Donc, ça, c'est un point qu'on ne peut éviter, qu'on ne peut abandonner. Donc, lorsqu'on parle d'arrivée du
sable bitumineux au Québec, on parle de cette réalité qui est
l'augmentation des émissions de GES directement associée à la production comme
telle.
Un autre des points importants, c'est qu'on a,
évidemment, un mixte qui est proposé d'inclusion de pétrole provenant de l'Ouest canadien. Est-ce que ce sera
100 % du pétrole des sables bitumineux? Est-ce que ce sera la
moitié, le quart? Ce qui est clair, c'est que d'accepter
l'entrée du sable bitumineux dans ce pipeline, on parle d'augmentation significative de GES. Et donc, si 100 % du
pétrole qui rentre dans la ligne 9B est directement en provenance des
sables bitumineux, on parle d'une augmentation d'un peu plus de sept mégatonnes
de GES par année, donc l'équivalent d'environ
10 % des GES du Québec. Ça, c'est, évidemment, au niveau planétaire. Si
c'est 50 % des sables bitumineux qui rentrent dans ce pipeline-là, on parle d'environ 5 % des GES en
termes d'augmentation planétaire. Ça, c'est l'équivalent de deux à
quatre fois le projet du Suroît, qui a été bloqué ici, au Québec, justement
parce qu'on considérait que la lutte aux changements climatiques était
prioritaire et qu'il ne fallait surtout pas accepter ce genre d'augmentation
là.
Un des points
qui est extrêmement préoccupant, c'est, évidemment, la santé des gens. On va
parler de santé point de vue risque
de déversement, mais on va parler aussi de santé provenant des émissions de
polluants, donc provenant des raffineries
au Québec. Le raffinage, en passant d'un pétrole léger à un pétrole lourd, va
provoquer une augmentation des émissions de polluants et des GES. On
sait que Suncor a annoncé qu'il voulait augmenter sa capacité de raffinage. On parle de 220 millions de dollars de projet
de croissance de raffinerie, dont une unité de cokéfaction qui est
mentionnée, déjà bien mentionnée dans les médias. Donc, ce pétrole, qui
est plus lourd, entraîne, comme je disais, plus d'émissions de gaz à
effet de serre, mais aussi la libération de polluants importants pour la santé
des gens ici, au Québec, mais dans la ville de Montréal, donc les NOx,
les SOx, les composés organiques volatils, et autres.
Patrick arrive, donc je vais lui laisser la
parole. Je continuais, donc tu peux prendre le relais sur l'aspect qualité de
l'air.
• (10 h 10) •
M. Bonin
(Patrick) : Bonjour, Mme la Présidente. Mme la ministre, membres du gouvernement et de l'opposition,
bonjour. Désolé pour mon retard. Je pense
que c'est un peu représentatif de ce type de consultation rapidement
lancée, avec des délais très serrés, où on se retrouve tous à avoir des défis
majeurs.
Évidemment,
on vous a fait parvenir notre rapport, qui est conjoint avec l'AQLPA,
Greenpeace, AQLPA, qu'on a publié au
niveau du pétrole et l'arrivée du pétrole lourd au Québec,
dans lequel vous avez une panoplie d'informations. La présentation se résume essentiellement sur la question des gaz
à effet de serre d'un point de vue mondial, enjeu du raffinage à Montréal, comme vous l'avez vu.
On va passer maintenant sur d'autres enjeux.
Également, au niveau des ruptures, vous allez en entendre parler également cet après-midi, Richard Kuprewicz, qui est un spécialiste,
expert reconnu international au niveau de la sécurité des pipelines, qui
a produit un rapport pour une coalition d'ONG, donc Équiterre présentera ce
rapport plus en profondeur cet après-midi. Mais la conclusion essentielle à retenir par ce spécialiste qui est
allé à l'Office national de l'énergie,
c'est que le projet présente un risque de rupture élevé dans les premières
années de l'inversion. Donc, c'est certain que, quand on a ce type de rapport là, il y a matière à s'inquiéter, il y a
matière à fouiller la question et à voir comment se fait-il qu'un expert
en arrive à cette conclusion-là.
Évidemment, quand on parle du projet, il y a des
bénéfices qui sont vantés par l'industrie, essentiellement par les raffineries.
Ce qu'il faut voir, c'est qu'en cas de déversement, évidemment, ça va être la population
du Québec tout le long du pipeline, également la population de Montréal — on
parle quand même de centaines de milliers de personnes — qui
verrait son eau potable à risque. L'évaluation qui a été faite par The Goodman
Group, qui sont des spécialistes en environnement… Et vous aurez la chance, encore une fois, cet après-midi, d'avoir Mme Brigid Rowan, qui, normalement, devrait se
présenter, qui est du Goodman Group. Elle devrait se présenter avec Équiterre,
qui est coauteur de ce rapport-là où ils évaluent le coût d'un déversement — et,
encore une fois, gardez en tête qu'un coût, c'est
relatif, là — qui
peut varier de 1 milliard jusqu'à 10 milliards. Pourquoi? Essentiellement parce qu'on est dans la zone la plus habitée du Québec — même
chose au niveau de l'Ontario — et parce qu'il y a des centaines de
milliers de personnes, encore une fois, dont l'eau potable dépend de la qualité
de cette eau-là.
Évidemment, quelques bénéfices qui sont
concentrés aussi. À garder en tête que, si tous les risques, c'est la population
qui devra les assumer, les bénéfices seront concentrés essentiellement pour les raffineurs et pour les producteurs de sables bitumineux, producteurs de pétrole de
schiste également. Il n'y
aura pas de baisse de prix à la
pompe. Il y aura aussi à peine
quelques emplois qui seront créés. Donc, c'est certain qu'on nous fait miroiter
un projet, alors qu'au niveau économique les retombées ne sont pas nécessairement
de cette ampleur-là.
Donc, évidemment,
Greenpeace est très clair là-dessus, qu'on doit rejeter ce projet-là pour les
quatre raisons qu'on vous a présentées. Et c'est certain que ce qu'on
maintient encore une fois, c'est que — et avec tout le respect que
nous avons pour le travail que vous faites et l'importance du travail que vous
faites — ceci
n'est pas une évaluation environnementale
comme le Québec est habitué d'en avoir, avec un promoteur qu'on
peut questionner, avec une étude d'impact
qu'on peut avoir, qu'on peut challenger également, avec des gens à qui
on peut poser des questions et, surtout, avec des experts qui ont le temps d'aller de fond en comble au niveau de
la problématique pour l'analyser. Donc, il est certain qu'on est dans
une situation où on veut aussi qu'il y ait une contre-expertise indépendante de
ce qu'Enbridge a avancé ici, de ce que les autres ont avancé également. Essentiellement,
Enbridge au niveau de la canalisation, et le gouvernement, en ce sens, était censé faire une expertise
indépendante au niveau des données d'Enbridge. On espère que cette expertise-là sera faite. Évidemment, c'est
difficile, selon nous, de pouvoir se positionner là-dessus tant qu'il n'y
a pas une véritable évaluation indépendante qui se fait à partir d'une
expertise indépendante.
D'une
manière ou d'une autre, ce qui est certain, c'est que le gouvernement s'est donné comme objectif de réduire la consommation de pétrole de 30 %
d'ici 2020. Donc, d'une manière ou d'une autre, on devrait voir la
consommation de pétrole diminuer au Québec. Pas juste parce que c'est un
objectif du gouvernement, mais parce que c'est une nécessité et une réalité mondiale qu'on doit réduire les émissions de
gaz à effet de serre. Parce que je pense que vous avez déjà entendu parler
de l'urgence des changements climatiques, et donc on devrait avoir moins de
pétrole consommé au Québec,
mais aussi on devrait s'assurer que le Québec choisit les pétroles les moins polluants. Choisir
les pétroles les moins
polluants, ça veut dire que c'est
regarder l'ensemble du cycle de vie, comme Nicolas l'a présenté, de la
production en passant par le transport jusqu'à la consommation finale. Et,
malheureusement pour l'Alberta, le pétrole des sables bitumineux est catégorisé comme le pétrole le plus polluant par la revue
Nature, et il y a plein d'États à travers le monde qui s'en vont
dans l'autre direction — que
ce soit la Californie, la Colombie-Britannique — de choisir les
pétroles les moins polluants.
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Merci beaucoup pour votre
présentation. Nous allons maintenant procéder à la période d'échange
avec les membres de la commission en débutant par la partie gouvernementale.
Mme la ministre, la parole est à vous.
Mme
Zakaïb : Merci, Mme la Présidente. Je remercie les gens de
Greenpeace d'être ici avec nous aujourd'hui. M. Mainville, M. Bonin,
bienvenue à l'Assemblée nationale. J'ai pris connaissance de votre mémoire et
de votre allocution. Il me semble qu'il y a
certains points un peu exagérés dans ce que vous dites, et j'aimerais qu'on en
discute ensemble. Vous nous dites qu'il n'y
a pas de retombées économiques de ce projet-là. Vous semblez calculer les
retombées économiques seulement sur les emplois additionnels qui seraient
éventuellement créés. Quant à nous, quand on parle de retombées économiques, les emplois qui existent présentement sont
importants, les emplois qui existent aujourd'hui sont des emplois de qualité. Moi, mon désir dans tout ça, c'est de
protéger les travailleurs et les travailleuses de l'industrie de la pétrochimie au Québec. On a perdu Shell. Le
départ de Shell a été coûteux pour tout le secteur pétrochimique, pour les emplois de l'est de Montréal. Et il y a,
selon les chiffres du ministère, 51 000
travailleurs, travailleuses dans le domaine de la pétrochimie, et avoir accès à des intrants au même
prix que nos compétiteurs, c'est certain que ça joue dans la
compétitivité des entreprises.
Maintenant, vous
semblez faire fi dans votre analyse de toutes ces retombées économiques qui
existent déjà. Il y a des choses qu'on peut,
dans ce projet-là, questionner parce qu'on peut se dire : Peut-être
qu'Enbridge ne dit pas toute la
vérité. Peut-être
que, les raffineries, ce n'est pas vrai qu'elles vont créer de l'emploi. Il y a beaucoup
de peut-être. Mais il
y a une certitude, c'est que, présentement, il y a des gens qui travaillent et que ces entreprises-là,
les entreprises Suncor et Valero, ont accès à du pétrole
qui vient de l'étranger plus cher que leurs compétiteurs. Et ça, selon moi, ne serait-ce que ça, c'est des retombées économiques
de leur permettre, à ces entreprises-là, d'avoir accès à du pétrole moins cher pour
qu'elles continuent de se développer parce
que les investissements mondiaux se font nécessairement dans les
endroits où les compagnies font le plus d'argent.
Ça, c'est évident. Ni vous ni moi, on ne va changer ça, c'est comme ça que
ça fonctionne.
Alors,
là-dessus, j'aimerais vous entendre parce que,
nulle part dans votre exposé, on ne parle de ces travailleurs qui seraient
touchés si on fragilise l'industrie pétrochimique au Québec.
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Messieurs de Greenpeace.
M.
Bonin (Patrick) :
Volontiers. Merci pour la question. Il
y a une nécessité qui s'appelle de
faire une transition d'un modèle
économique non viable vers un autre modèle économique. Actuellement, il y a une réalité que les changements
climatiques sont causés par les émissions de gaz à effet de serre, et les industries
qui en sont responsables, et tous les humains
à travers la planète. Ce qu'on a comme projet qu'on nous propose, c'est d'aller
dans le sens contraire de la vision qu'on doit se donner au Québec.
C'est qu'au lieu de diminuer notre empreinte environnementale on est en train
de vouloir l'augmenter de l'ordre de 20 % au niveau des
émissions de gaz à effet de serre, 20 %, alors que le Québec n'est même pas sur la bonne voie pour atteindre ses
objectifs en 2020, alors que le gouvernement n'a même pas un nouveau
plan de lutte aux changements climatiques et qu'il a encore le plan que les
libéraux avaient à l'époque. Et là on voudrait,
en plus, rajouter et renforcer une industrie qu'on devrait aider à faire une
transition rapide pour, justement, se sortir
de ça parce qu'on sait qu'il n'y aura pas d'emplois sur une planète brûlée, on
sait qu'il n'y a pas de bonnes
jobs si on s'en va vers les changements climatiques catastrophiques, et le Québec
a un rôle à jouer là-dedans.
La réalité est aussi qu'il
y a une transition à faire. Et, ces industries-là, on ne peut pas les soutenir,
c'est comme si on voulait soutenir une industrie
qui émet du poison. C'est ça, les émissions de CO2. Au niveau
mondial, il y a des gens qui meurent à cause de ça. Donc, on ne peut
pas soutenir ce type d'industries là indéfiniment. Si le gouvernement ne voit pas venir l'importance d'une transition,
c'est parce qu'on n'est pas sérieux dans la lutte aux changements
climatiques.
• (10 h 20) •
M. Mainville
(Nicolas) : Peut-être un point à rajouter, c'est que, si on parle de développement
économique, il faut parler aussi des coûts environnementaux qui sont associés à ça. Lorsqu'on regarde les déversements qui se sont
passés dans la rivière Kalamazoo, par exemple, on parle de plus de 1 milliard
de coûts pour le nettoyage de ce genre de
déversement là. La question du pipeline d'Enbridge n'est pas s'il va y avoir
un déversement. La question, c'est où et quand, et donc est-ce que
nous, comme société, on est prêts à accepter ce risque-là et d'imposer aux
générations futures ce genre de risque là en acceptant cette
inversion-là. C'est un pipeline qui a 38 ans d'existence, qui est déjà vieux,
qui est risqué pour la santé et pour
l'environnement, et ce qu'on dit, que oui, il y a peut-être certains avantages
économiques, mais ils sont loin de faire le poids comparativement aux risques
environnementaux et aux risques économiques qui sont associés à des potentiels
déversements et à la pollution qui sont associés à ça.
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Mme la ministre.
Mme
Zakaïb :
Merci, Mme la Présidente. Quand vous parlez d'augmentation de 20 % des gaz
à effet de serre, j'imagine que c'est basé
sur le fait que vous prenez pour acquis que, dans ce pipeline, ce seront des
sables… du pétrole qui provient des sables bitumineux qui sera acheminé.
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Messieurs.
M.
Bonin (Patrick) : Bien, je pense que les promoteurs ont été très
clairs sur cet aspect-là, il y aura du pétrole des sables bitumineux et il y aura du pétrole de
schiste dans une proportion qui... je ne sais pas si vous avez eu la chance
de la savoir, que, malheureusement, je n'ai pas et qu'il n'y a personne qui a
été capable de répondre à cette question-là.
Mais
ce qu'il faut faire absolument, c'est ne pas mélanger pétrole de sables
bitumineux, et pétrole léger, et pétrole lourd. Parce qu'on peut avoir
du pétrole léger qui arrive à Montréal qui est du pétrole des sables
bitumineux, mais qui a été raffiné en
partie, qui a été valorisé dans l'Ouest canadien et qui fait que, d'un point de
vue mondial… Et c'est ce qu'on
explique quand on regarde l'ensemble du cycle de vie, c'est que, d'un point de
vue mondial, ça va être un pétrole plus polluant. Et actuellement, au
Québec, on a un pétrole bien moins polluant. On a un petit peu de pétrole lourd
qui vient de l'étranger, dont, en effet, il
faudrait rapidement se départir, comme la Californie se donne des objectifs de
réduire la teneur en carbone. Mais il ne
faut pas mélanger le fait que Suncor est un producteur de sables bitumineux,
qu'il veut lui-même se vendre aussi
du pétrole et que ça se peut qu'il l'envoie sous forme de bitume dilué, de
pétrole lourd, de mélange de bitume
et de pétrole synthétique ou de pétrole léger. Mais, sur l'ensemble du cycle de
vie, ce seront les mêmes émissions, c'est
juste qu'il y a une partie du raffinage qui va avoir été fait dans l'Ouest
canadien, et c'est là qu'il y a une différence.
Et, quand on parle de
pétrole de schiste, oui, il y aura du pétrole de schiste. Pour combien de
temps? Je ne le sais pas. Mais il faut garder
en tête aussi que c'est un pétrole non conventionnel qui a énormément
d'émissions de méthane, et c'est un des gaz principaux au niveau des
émissions de gaz à effet de serre. Donc, on est rendu dans du pétrole non
conventionnel sur toute la ligne, que ce soit pétrole de schiste… Et sables
bitumineux, c'est encore pire, et ça, c'est clair
au niveau des analyses de cycles de vie. Et la Californie est rendue à faire
ça, l'Union européenne a sur la table un projet qui vise à s'approvisionner de pétrole de moins en moins
polluant, et là le Québec s'en irait dans l'autre direction.
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Mme la ministre.
Mme
Zakaïb :
Il y a un point sur lequel on est tous d'accord, il faut que le Québec prenne
le virage de l'électrification des
transports. Maintenant, on parle tous d'une période de transition pendant
laquelle nos voitures vont continuer, en partie, de fonctionner à
l'essence, nos transports en commun, pour certains autobus, vont continuer de fonctionner à l'essence. Certains produits
nécessitent nécessairement du pétrole. Quand on parle de composites, on
veut faire des avions plus légers. Ces
avions-là, généralement, se font à base de produits plastiques dans lesquels il
y a du pétrole.
Maintenant, examinons
l'alternative. L'alternative, si le gouvernement du Québec dit non, c'est un
pipeline qui va fonctionner de l'est vers
l'ouest, dans lequel il va y avoir du pétrole, qui a 38 ans d'existence, sur
lequel on n'a aucun pouvoir ni de
réglementation, ni d'inspection, ni de sécurité, alors que, là, on a
l'opportunité de pouvoir mettre certaines conditions. On a également une
raffinerie à Québec qui va s'approvisionner dans l'Ouest de toute façon mais
qui va le faire par train. On a une
raffinerie à Montréal qui, elle, va s'approvisionner de pays comme l'Angola,
comme l'Algérie où il y a instabilité politique, mais également où
j'imagine que les conditions de travail des travailleurs, que la façon de procéder
est peut-être différente de ce qu'on a au Québec. Alors, on se retrouve avec un
pipeline qui, selon vous, est dangereux,
avec des gaz bitumineux qui vont arriver par train, dans certains cas par
camion. En quoi est-ce que le Québec est dans une meilleure position
avec ce scénario-là?
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Les représentants de Greenpeace.
M. Bonin
(Patrick) : Sur la question des produits, il est certain qu'on garde
en tête, là, que plus de 70 % de la
consommation de pétrole, c'est dans les transports au Québec. Donc, à la base,
la part du lion, elle est dans les transports, et, vous l'avez déjà mentionné, le gouvernement, entre autres, a
l'intention, semble-t-il, de réduire la consommation de pétrole dans les
transports. Évidemment, on pense qu'il y a beaucoup de choses à faire
là-dedans, et je pense que vous connaissez déjà plusieurs avenues pour le
faire.
Pour
ce qui est des autres produits, puis là je pourrais les mentionner, mais je ne
suis pas sûr qu'on veut rentrer dans les
avenues, là… Si vous êtes convaincus de lutter contre les changements
climatiques, je pense qu'il y a déjà une réflexion qui est amorcée, et
vous devriez avoir un plan pour atteindre les objectifs d'ici 2020, on imagine.
Les autres produits, on parle de bioplastique, par exemple, qui existe déjà,
et, ultimement, il faut, en effet, envisager… Et là je reviens, là, c'est à peine un petit peu plus que 20 %, là,
qui n'est pas dans le transport. Donc, on parle aussi de combustion
également. Donc, quand on parle des produits qui restent, là, ce n'est pas vrai
qu'il n'y a pas d'alternative et ce n'est pas vrai qu'on ne peut pas envisager
un monde sans pétrole parce que, de toute manière, il va falloir l'envisager.
Enbridge,
semble-t-il, ne voudra pas continuer à utiliser sa ligne de l'est vers l'ouest
parce que les raffineries en Ontario sont maintenant alimentées avec
l'inversion du pipeline. Mais la différence, c'est que ce n'est pas juste une inversion de pipeline, c'est qu'ils veulent
changer le type de pétrole qu'ils veulent mettre dans le pipeline aussi.
Donc, on a parlé des risques de déversement,
il y a une augmentation du flux, il y a un pétrole beaucoup plus visqueux qui
coule dans le fond de l'eau en cas de déversement. Et ça, on ne peut pas
passer à côté de cette question-là, elle est centrale. La question du type de pétrole qui passe dans le
tuyau et des risques en cas de déversement, c'est un pétrole qui coule dans
le fond de l'eau, puis qu'il va falloir
aller draguer littéralement la rivière pour le sortir de là, comme ils font à
Kalamazoo depuis trois ans, puis qu'il reste encore 700 000 litres dans le
fond de la rivière après 1 milliard d'investi. Et, si ça, ça se produit à
Montréal, je ne suis pas sûr que, d'un point de vue économique, on va être
vraiment gagnants.
M. Mainville (Nicolas) : Je pense
que, Mme la ministre, l'aspect le plus important, c'est qu'on ne peut pas se
permettre de jouer à la roulette russe avec la santé et la qualité de
l'environnement. On a une compagnie qui est délinquante,
qui a des immenses problèmes de déversements, une moyenne de 65 déversements
par année. Est-ce qu'on veut rentrer dans ce
tuyau-là un pétrole qui est plus visqueux, qui est plus corrosif et qui va
augmenter les risques? Et c'est ça,
la question, est-ce qu'on veut, justement, faire ce pari-là? Je crois que,
comme gouvernement, vous avez la responsabilité
d'évaluer ce risque-là très sérieusement et de regarder les autres alternatives
aussi. Nous, on est convaincus que ce n'est pas une avenue qui est
intéressante ni pour le Québec ni pour la planète.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Merci. M. le député de Roberval.
Mme
Zakaïb : …le
député de Repentigny qui voulait parler.
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Ah! il avait… Je m'excuse, le député de
Roberval avait déjà demandé la parole, Mme la ministre. M. le député de
Roberval.
M. Trottier : Merci, Mme la
Présidente. Merci, messieurs de Greenpeace. Bon, je pense que tout le monde convient que le pétrole, c'est polluant, sauf que
ce n'est pas si facile que ça de s'en passer. Je peux vous dire que je
fais partie de ceux qui souhaitent que,
rapidement, on puisse devenir dans un monde sans pétrole. C'est ma troisième
voiture hybride que j'achète, il y en a une
qui est rechargeable, mais, quand je regarde… Et je me demande, ici, si je ne
suis pas le seul qui a une auto rechargeable. Même, je me rappelle…
Une voix : Hybride, non, mais
rechargeable, oui.
M. Trottier : …je me rappelle
que l'ancienne présidente de Greenpeace était venue au Lac-Saint-Jean avec une
auto ordinaire, puis ça n'avait pas l'air à la maganer. Ça veut dire que ce
n'est pas si facile que ça de se passer du pétrole,
et sans… Moi, je pense qu'il faut qu'on convienne de ça. Puis moi, j'ai
l'impression que, si on veut se débarrasser du pétrole, il ne s'agit pas tant de dire qu'il faut empêcher
l'utilisation d'un pipeline ou pas, mais de convaincre les gens que
c'est un geste fondamental que de le faire. Et j'ai l'impression que c'est plus
là-dessus qu'il va falloir travailler.
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Merci. Merci, M. le député. Le temps imparti
au gouvernement est fini. Donc, M. le député de Laurier-Dorion.
M.
Sklavounos :
Merci, Mme la Présidente. Alors, je souhaite la bienvenue aux représentants de
Greenpeace. M. Mainville, M. Bonin, je vous dis qu'on n'aurait pas pu envisager
avoir des consultations sans vous avoir présents avec nous. Votre expertise est… Nous, ici, on essaie, en tant que
parlementaires, sans avoir nécessairement l'expertise… Nous ne venons pas tous de ce milieu-là, nous ne
sommes pas des scientifiques nécessairement, des ingénieurs, moi, je suis avocat. Nous cherchons à tracer une ligne… On
parle de développement durable, on cherche à tracer une ligne entre le
développement économique, le développement durable, la protection de
l'environnement, et ce n'est pas facile pour nous,
évidemment. On essaie de recueillir des informations un petit peu partout. C'est pour ça que je trouve que
votre présence est importante.
Moi, je suis content que vous êtes ici pour partager votre point de vue. Vous passez beaucoup plus de
temps à regarder ces questions-là que nous pouvons passer, et donc je respecte beaucoup
ce que vous faites, et je suis très content d'avoir l'occasion de
pouvoir échanger avec vous.
J'aimerais d'abord
vous poser une question au
niveau de la procédure qui a eu lieu
devant l'Office national de l'énergie.
Je sais qu'il y a une coalition de groupes qui y sont allés,
j'aimerais savoir, est-ce que votre point
de vue a été représenté à
l'intérieur de la coalition? Est-ce que vous vous êtes présentés vous-mêmes? Est-ce
que votre opinion a trouvé écho devant l'Office national de l'énergie? Juste parce
que je vois qu'il y a une coalition, mais je n'ai pas vu Greenpeace nécessairement. J'ai vu l'Association québécoise pour la lutte à la pollution atmosphérique, je pense,
qui était là-dedans. Pouvez-vous expliquer simplement si votre point de vue a été entendu devant l'Office national de l'énergie?
• (10 h 30) •
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
MM. Bonin et Mainville.
M. Bonin (Patrick) : Vous avez tout
à fait raison, Greenpeace ne faisait pas partie de la coalition des ONG. Greenpeace travaille de concert avec ces
organisations-là, et c'est un choix qu'on a fait sciemment de ne pas
participer à l'Office national de l'énergie parce que
c'était le premier projet véritable qui allait être évalué suite au projet de loi C-38, la loi mammouth du gouvernement Harper, où il y a eu un démantèlement, entre autres, de plusieurs lois environnementales pour faciliter
l'approbation des projets, que ce soit le pipeline ou de sables bitumineux, les
projets énergétiques. Et c'était également
un premier mandat où il y avait un mandat extrêmement restreint, extrêmement restreint dans le temps, mais aussi dans la portée et dans ce
qui allait être évalué. Greenpeace, il est clair que d'un point de vue mondial…
on regarde les émissions d'un point de vue mondial, les émissions de gaz
à effet de serre, et le mandat de
l'Office national de l'énergie ne regardait pas tout ce qui était en
amont de ce pipeline-là et tout ce qui était aval.
Et là on a
parlé beaucoup d'amont, mais il y a aussi l'aval dont on a
parlé, dont on parle amplement là-dedans.
Il y a les impacts d'avoir un changement potentiel de type de pétrole à Montréal
sur la qualité de l'air dans une réalité où Montréal est la deuxième pire des
villes au niveau de la qualité de l'air selon l'Organisation mondiale de la
santé, où, en 2010, on ne respectait pas les
standards pancanadiens au niveau des particules fines, où on était près de les
dépasser au niveau de l'ozone, et là on aurait potentiellement un pétrole plus
lourd, avec des investissements massifs faits par des raffineries pour en
raffiner davantage, alors qu'on sait très bien qu'on devrait s'en aller de
l'autre côté. Il y a aussi tous les enjeux autres qui sont la production de pétrole de coke,
l'entreposage du pétrole de coke à Montréal potentiellement, l'utilisation ultime de ce pétrole de coke là, le
transport par bateau entre Montréal et Québec, parce qu'il va y en avoir, du transport en bateau beaucoup
plus entre Montréal et Lévis de ce pétrole-là qu'il y en a actuellement,
et tous ces enjeux-là, l'Office national de l'énergie ne les regardait pas.
Et donc il était certain qu'on ne voulait pas
cautionner… qu'on s'est servi de notre absence à l'Office national de l'énergie pour décrier le fait
qu'actuellement… Et même Thomas Mulcair, là, M. Mulcair a dit qu'il n'a
pas confiance en ce processus-là, et c'est
ce pourquoi il s'oppose actuellement au projet d'Enbridge. Et regardez ce qui
s'est passé, il y a eu environ 170 personnes qui ont participé à l'Office
national de l'énergie, et, pour un projet similaire, Northern Gateway,
en Colombie-Britannique, il y en a eu 1 500. C'est 10… en fait, c'est ça,
c'est 10 fois plus. C'est quand même énorme et c'est ce pourquoi on n'a pas
participé à l'office, mais on a participé de concert avec les autres
organisations.
M. Mainville (Nicolas) : Peut-être
juste mentionner…
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Oui, monsieur.
M.
Mainville (Nicolas) : …un
petit point, c'est que la commission a une responsabilité immense
actuellement. On considère qu'effectivement
le processus de consultation au niveau fédéral a été bâclé, on a dénoncé le
démantèlement des lois environnementales par le gouvernement Harper, mais c'est
clair que votre responsabilité de négocier avec un projet aussi important d'un point de vue impact environnemental, impact
sur la santé, c'est immense. Mais je crois qu'il y a un précédent qui
est très risqué. Est-ce qu'on veut cautionner le premier projet suite à ce
démantèlement des lois environnementales
ici, au Québec, avec ce type de commission parlementaire là, avec tous les
risques qui sont associés à ça? Donc, c'est un dangereux précédent, selon
nous, qui doit, évidemment, attirer votre attention actuellement, là.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Merci. M. le député de Laurier-Dorion.
M.
Sklavounos :
Je comprends très bien ce que vous dites. Vous êtes d'ailleurs un groupe de
pression. Vous avez le choix de participer ou de ne pas participer,
évidemment. Lorsque le forum, vous dites, manque de crédibilité, à votre point
de vue, là, vous avez le droit de faire ça. Vous savez que nous, on a reproché
au gouvernement de ne pas avoir participé,
par exemple. Le gouvernement n'est pas un groupe de pression, c'est le
gouvernement du Québec, et l'Ontario était
là. Et, peu importe, nous croyons que, lorsqu'il s'agit… Parce que ça, qu'on
n'aime pas le processus, c'est une chose, mais que c'est l'entité, en quelque sorte, qui a juridiction et qu'on
décide, au niveau gouvernemental, de ne pas participer, nous, on a reproché ça au gouvernement. Mais je
comprends votre point de vue, vous n'êtes pas le gouvernement, vous êtes
un groupe de pression. Vous avez décidé de ne pas participer, et je vous
comprends.
On se rejoint sur d'autres points également.
Lorsque vous dites que le Québec n'a pas de plan de lutte aux changements
climatiques malgré des ambitieuses cibles, c'est quelque chose d'autre que nous
avons également dit. Lorsque le gouvernement
était libéral, il y avait un plan. Ce n'était peut-être pas le meilleur des
plans, il y avait peut-être des améliorations,
mais, au moins, il y avait un plan. Et, quand il y a un plan qui est en place,
on est capable de le critiquer, on est
capable de le travailler, on est capable de l'améliorer. Mais, lorsqu'il n'y a
pas de plan et il y a un vide, on ne sait pas. C'est beaucoup plus
difficile pour des groupes comme vous et d'autres à faire des suggestions ou à
aider à pousser le gouvernement dans la bonne direction.
Cette
commission, évidemment… On a entendu parler de cette commission depuis bientôt
un an, peut-être plus que ça. Vous
êtes ici… Vous l'avez mentionné d'entrée de jeu, nous avons une petite fenêtre,
nous devons rapidement vous entendre.
On va se rencontrer en séance de travail jeudi, on doit avoir un rapport pour
vendredi. Dites-nous, au niveau de votre
préparation, au niveau de la préparation d'autres groupes, est-ce que ce délai…
Vous l'avez mentionné, en quelque sorte, d'entrée de jeu, est-ce que
vous ne trouvez pas, en quelque sorte, que, si, au moins, le gouvernement avait
pris la décision de ne pas participer à l'Office national de l'énergie, ça
aurait été beaucoup mieux de commencer ici un petit
peu plus tôt, avoir le temps de vous permettre de faire vos recommandations,
vos représentations, avoir le temps peut-être, possiblement, comme d'autres personnes ont mentionné, d'avoir le
temps de faire quelques études indépendantes? Comment trouvez-vous ce
processus? Vous avez parlé du processus de l'Office national de l'énergie,
j'aimerais vous entendre sur ce processus actuel ici, à l'Assemblée nationale.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Messieurs de Greenpeace.
M.
Mainville (Nicolas) : Oui.
Je pense, c'est clair que le temps a manqué, mais c'est pour ça, d'ailleurs,
qu'on demande qu'il y ait une évaluation environnementale crédible,
indépendante qui fasse la lumière sur tout ça. C'est une responsabilité immense de commencer à gratter les réels impacts qui
sont impliqués dans ce projet-là. Donc, oui, il n'y a pas eu beaucoup de
temps, mais l'ensemble des groupes demandent actuellement qu'on fasse une
évaluation environnementale stratégique vraiment en profondeur. Et je pense que
c'est là la clé, on est dans un processus qui est limité, qui doit faire place
à un autre beaucoup plus en détail.
M. Bonin
(Patrick) : Et c'est certain que… C'est difficilement concevable, en
fait. Comment ça se fait qu'après un an, là, on se retrouve comme ça, à la
va-vite, d'avoir une commission parlementaire à la dernière minute où tout le monde est bousculé, où les citoyens
sont invités deux jours d'avance, où même nous, les groupes organisés,
c'est extrêmement demandant de faire ça, et
de savoir que vous, vous devez vous faire une tête rapidement sur une
panoplie d'enjeux? Et
j'en ai mentionné plusieurs, là, qui semblent… qu'on a très peur qu'ils ne
soient pas abordés, là. Pas juste le pipeline, là, c'est l'ensemble de
la chose. Et même le pipeline en tant que tel, Enbridge, la
Colombie-Britannique a suivi Northern
Gateway, l'évaluation environnementale, ils sont arrivés avec un rapport
dévastateur à la fin dans lequel ils critiquaient Enbridge, Enbridge
n'ayant pas un système de réponse de classe mondiale, Enbridge n'ayant pas été capable de la convaincre qu'ils étaient capables
d'intervenir correctement. Une panoplie de questions comme ça pour un
gouvernement qui avait suivi et qui est arrivé à la conclusion qu'Enbridge,
dans le fond, bien, on ne pouvait pas lui faire confiance, littéralement.
Donc, c'est certain
que, quand vous avez Enbridge qui vient ici pendant une heure et demie et qui
vend sa salade comme elle la vend très bien
à toutes les municipalités le long du pipeline, à qui elle donne des cadeaux,
comme elle le fait très bien dans les médias
avec toutes ses belles annonces, vous êtes dans une situation où vous allez
autoriser probablement un projet puis vous
avez à peine effleuré l'ensemble des enjeux. Puis c'est vrai que, s'il y a un
déversement, bien, c'est nous autres qui allons payer, les Québécois. Puis ce
n'est pas comme si ça n'avait pas existé, Enbridge est responsable du plus
grand déversement de l'histoire des États-Unis, là, le déversement pipelinier à
Kalamazoo, qu'ils nettoient encore.
Et,
au-delà de ça, il y a plein d'autres questions aussi. Mégantic, dans cette
tragédie-là, il y a aussi des déversements de pétrole qui ont été faits.
C'était un pétrole de schiste, qui est beaucoup moins lourd que le bitume des
sables bitumineux qui va transiter au
Québec. Et, trois mois après, nous, on est allés sur le terrain, dans la
Chaudière, dans la rivière Chaudière,
on est allés voir de quoi ça avait l'air, parce que le gouvernement n'avait
publié aucun résultat sur c'est quoi, la contamination encore dans la
rivière, et on s'est rendu compte qu'il y en avait qui dépassait des taux
hallucinants de contamination. C'est des
sérieuses questions, à savoir est-ce que le gouvernement, est-ce que le Québec
est prêt en cas de déversement… Et là on parle de bitume lourd près de
Montréal. Et, à la lumière de ce qu'on a vu, nous, sur le terrain de Mégantic… Et allez voir, là, il n'y a aucune
donnée encore du gouvernement qui a été publiée sur les contaminants
dans les sédiments à Mégantic, et ça fait cinq mois. Et, après trois mois,
nous, on est allés, il y avait du pétrole encore. Donc, il y a plusieurs
enjeux, et nous, on est inquiets.
La
Présidente
(Mme Bouillé) : M. le député de Laurier-Dorion.
• (10 h 40) •
M.
Sklavounos : Le temps commence à me manquer, je vais aller
rapidement avec quelques questions. Le fait que le pétrole soit traité avant d'arriver dans le pipeline, à Fort
McMurray, un premier traitement, est-ce que ça change quelque chose dans
votre analyse? Si c'était traité à partir de là, il arriverait plus léger, si
vous voulez. Est-ce que ça change quelque chose dans votre analyse ou non, le
fait qu'il y aurait un premier traitement à Fort McMurray?
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Messieurs.
M.
Bonin (Patrick) : Et, on l'a
dit, notre approche, elle est globale. Donc, d'un point de vue global, les émissions de gaz à effet de serre, il n'y aura pas de
différence. Les émissions de polluants de tout acabit, que ce soit
l'acidification, etc., il n'y aura
pas de différence. Au niveau de risque de déversement, c'est un pétrole qui est
moins visqueux dans le tuyau, c'est
surtout un pétrole qui ne coulerait peut-être pas en cas de déversement, comme
ça s'est passé à Kalamazoo. Mais, d'un point de vue global, on est tout
aussi inquiets.
La
Présidente
(Mme Bouillé) : M. le député de Laurier-Dorion, en 45
secondes.
M.
Sklavounos :
Deuxième question : Le fait de diminuer le transport ferroviaire, pour
vous, est-ce que c'est un argument en faveur
ou est-ce que vous trouvez… On comprend qu'entre Montréal et Lévis il y aura
des navires, des Panamax, mais de
diminuer le transport ferroviaire, est-ce que c'est un argument, ça, qui, vu la
tragédie de Lac-Mégantic… c'est quelque chose qui milite ou qui ferait
changer votre analyse?
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Messieurs, en 20 secondes.
M.
Bonin (Patrick) : Les pipelines déversent trois fois plus de litres
pour la même quantité transportée que les trains. Ils déversent moins
souvent, mais ils déversent davantage. Donc, c'est quand même… Il ne faut pas
se mettre dans une situation :
Qu'est-ce qu'on choisit, le train ou le pipeline? Non, c'est les énergies
vertes ou les énergies sales…
La
Présidente
(Mme Bouillé) : En terminant.
M. Bonin
(Patrick) : …c'est ça qu'il faut faire comme décision.
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Merci beaucoup. M. le député de Mercier, la
parole est à vous.
M. Khadir :
Merci, madame. Messieurs, bravo pour votre présentation! Il y aurait,
évidemment, beaucoup, beaucoup de questions
à poser. J'ai compris, donc, que, pour vous, l'évaluation de l'Office national
de l'énergie, au niveau fédéral, est
déjà très défaillante parce qu'elle… cette évaluation ne tient pas compte de
tout ce qui vient avant, de tout ce qui découle de ce passage-là, veut
juste évaluer l'inversion du pipeline.
Maintenant, pour ce qui arrive à Montréal et au
Québec une fois le pipeline inversé, on a appris que, quelle que soit la nature
du pétrole qui arrive à Montréal, il va falloir le transporter. Au-delà des
besoins de Suncor, il y a une partie qui est destinée à
Valero ici, à Lévis. Et là on a appris… et ça a vraiment renversé tout le monde
parce qu'Enbridge, pourtant, qui fait ça, qui a des contrats avec Valero, ne
nous a pas informés que ce pétrole-là doit être transporté par d'autres moyens. Il y a les bateaux-citernes, dont la
fréquence et surtout le trajet rend donc ce transport-là plus dangereux parce que c'est dans des cours d'eau
plus étroits, dans la même direction que l'eau, donc moins contrôlable en
termes de vitesse, en termes de déviation. Mais non seulement ça, on a appris
que ça va multiplier et augmenter le transport
ferroviaire parce que tout ne pourra pas être transporté uniquement par des
bateaux-citernes. On a appris même que Valero
est en train d'acheter des wagons. Est-ce que vous avez d'autres informations?
Et est-ce qu'Enbridge, comme ça, fait le
silence et tient dans l'ignorance souvent ses partenaires ailleurs qu'au
Québec? Parce que, là, ça ne va pas très bien, on a vu le rapport caviardé qu'ils ont soumis à
l'Office national de l'énergie, maintenant on apprend qu'ils ne nous disent
même pas que Valero va avoir besoin de trains pour transporter…
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
MM. Mainville et Bonin, en une minute.
M. Bonin
(Patrick) : Il est certain que… Et même l'Ontario et la ville de
Toronto ont eu les mêmes réflexions, là,
c'est très difficile d'avoir des réponses de la part d'Enbridge à leurs questions,
et que ce soit au niveau de l'intervention, là, est-ce qu'ils sont
capables d'intervenir correctement, est-ce qu'ils ont les capacités.
Au niveau de
ce qui va se passer, c'est sûr qu'honnêtement, au niveau du train, cet
aspect-là, moi, je n'en étais même pas saisi. Il y a aussi d'autres
barils, là. Ce n'est pas seulement Valero et Suncor qui vont prendre les
barils, il y a un autre, je crois, 25 000 barils à quelque part qu'on ne sait pas
encore où il s'en va. Et tout ça, c'est la technique de saucissonner des
projets pour les faire passer le plus facilement possible, et non pas d'avoir
la vision globale pour les évaluer et savoir
c'est quoi, l'impact réel, et, après ça, on prend des décisions avec des
mesures de mitigation. Et ce n'est pas ça qu'on a vu, malheureusement,
avec Enbridge, et ça doit être encore plus difficile pour vous, dans le cadre
d'une commission parlementaire, d'obtenir des réponses de leur part.
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Merci. Ceci met fin à l'échange. Donc, je
vous remercie, messieurs, pour votre présentation et pour les échanges.
Je demande maintenant aux représentants de
Nature Québec de prendre place et je suspends les travaux pour une minute.
(Suspension de la séance à 10 h 45)
(Reprise à 10 h 46)
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Bienvenue, messieurs de Nature Québec. Nous allons donc vous entendre
pour un exposé de 10 minutes, qui sera suivi
d'une période d'échange avec les membres de la commission.
La parole est à vous.
Nature Québec
M. Simard
(Christian) : 10 minutes,
c'est ça, hein? Merci, Mme la
Présidente. Je suis accompagné, à ma
droite, de Charles-Antoine Drolet, qui est
biologiste et vice-président de Nature Québec, et, à ma gauche, par Pierre
Ross, qui est recherchiste à Nature Québec. Et donc je vais d'abord,
donc, vous remercier de nous écouter, même si, comme vous le savez, comme vous
nous l'avez entendu dire, on pense que ce n'est pas la bonne tribune.
Vous savez,
dans mon ancienne vie ou dans une ancienne vie, j'ai été moi-même député sur la
scène fédérale, j'ai participé à des commissions parlementaires — des
comités parlementaires, on dit à Ottawa — et j'ai été aussi des deux côtés, là, pour recevoir… C'était très intéressant pour bonifier des projets de
loi, discuter, mais, pour faire
l'évaluation environnementale d'un projet comme Enbridge, où le promoteur n'est
pas là sur une base continue, où les experts ne sont pas là sur une base continue, il n'y a pas d'étude d'impact qui a été déposée, il n'y a pas
de période d'information, période d'échange et rapport d'une commission
d'enquête indépendante, donc on trouve que c'est vraiment, là, un processus...
et on a été extrêmement déçus d'entendre le ministre de l'Environnement nous
dire qu'il s'agissait d'une évaluation environnementale sans compromis, ce que
vous faites présentement.
Quelques jours, avec un rapport remis le
lendemain de vos travaux, ce n'est pas sérieux, et je vous invite à ne pas vous
satisfaire vous-mêmes de ce type d'exercice là, MM. et Mmes les députés, et de
demander, et d'exiger une évaluation
environnementale complète sur les projets de pipelines, Enbridge et
TransCanada. Éventuellement, il pourrait même, dans une audience de type
générique — c'est
comme ça qu'on les appelle — il
pourrait même aussi y avoir l'analyse du
transport du pétrole par rail. Ce n'est absolument pas normal que le Québec
abdique à ses responsabilités d'évaluation et même d'autorisation de
projets qui risquent d'avoir des impacts majeurs sur son environnement, mais
même sur l'orientation de ses politiques énergétiques et économiques.
Donc, pour
nous, c'est extrêmement important, pour Nature Québec, là, de réaliser qu'on ne
peut pas abdiquer. On pourrait et on
pense… le ministre pourrait, avec l'article 6.3 de la loi québécoise en
environnement, décréter une audience générique
sur le transport du pétrole sur son territoire, principalement par pipeline. Il
pourrait y avoir aussi modification réglementaire
pour qu'il y ait une phase d'autorisation, pour le Québec, des pipelines. On
pourrait dire, à ce moment-là, à Ottawa,
comme l'Ontario le fait, la Colombie-Britannique le fait — je ne vois pas comment on pourrait être un
peu moins souverains que ces deux
provinces-là ou moins nationalistes — donc l'ont fait, et de dire : Écoutez,
nous allons procéder à l'évaluation, nous allons
vérifier si c'est autorisable ou non, ces projets, dans l'intérêt du Québec et
de la planète, et vous devrez attendre une
autorisation. Ce n'est pas une course, et, avec l'Office national de l'énergie,
actuellement on voit ça comme une
course. On va autoriser très rapidement, en janvier 2014, sans doute au début
de l'année 2014, sans même toutes les données techniques, sans même une
étude décrivant l'état du pipeline.
• (10 h 50) •
Donc, Nature
Québec, c'est ce qu'on vous enjoint de faire, d'autant plus que l'étude d'impact qui a été déposée à l'Office national sur l'énergie, l'ONE, l'Office
national de l'énergie, l'ONÉ, qu'on dit, eh bien, que cette étude
d'impact est fortement lacunaire, ne regarde
pas les impacts en dehors des zones de travaux, hein? Vous savez, on inverse le
pipeline, donc on fait des travaux et on
analyse cinq kilomètres autour des travaux. Si on trouve des sols contaminés,
on les met sur des bâches, là, et, après
ça, on les remet, le traitement est nettement insuffisant, et donc on a donc
une étude d'impact faible, pleine de
carences. Mais, comme il y a une volonté si forte du gouvernement fédéral d'autoriser ces travaux-là, eh bien, pourquoi, finalement, les entreprises
en feraient plus que le client en demande, comme on dit?
Et malheureusement, au niveau de la consultation à l'Office national sur l'énergie, c'est les
parties prenantes, là. Si vous avez
un impact potentiel direct à l'inversion, vous pouvez vous présenter. Et, si
vous voulez questionner, par
exemple, l'exportation des sables bitumineux
comme quelque chose contribuant au dépérissement de la planète, parce que c'est de ça dont il s'agit, les sables bitumineux, eh bien,
vous n'avez pas votre place à ces audiences-là. Les lois mammouths, les deux fameuses lois, là, budgétaires, là, et
multisujets, eh bien, ont tronqué les processus d'évaluation au niveau
fédéral, ont fait que ce n'est plus l'Agence
canadienne d'évaluation environnementale qui fait l'évaluation, mais un office de l'énergie qui
a d'autres intérêts, et, dans le domaine du nucléaire, bien, c'est la Commission
canadienne de sûreté nucléaire. On a même prévu suspendre la loi des
pêches et des océans géographiquement pour favoriser l'étude de pipelines ou de
transport d'énergie. C'est des choses qui sont extrêmement graves. Et de ne pas
faire leur propre évaluation, c'est de cautionner…
c'est que le Québec, vous cautionnez ce type d'atteinte à la démocratie
et à l'environnement qui a été fait par le gouvernement fédéral.
Donc,
j'aimerais ça qu'il y ait un sursaut, là, ou un survol au niveau des intérêts
du Québec, une vision plus grande que se soumettre à un chantage à l'économie
ou à la ligne du jour, là, des «spin doctors» des deux raffineries, qui, un
jour, aiment le train, le lendemain, le
détestent, le surlendemain, l'aiment et changent complètement leur discours, et
menacent de fermeture, alors qu'on le sait, là, s'il y a des raffineries qui
ont fermé au Canada, c'est beaucoup plus dû à l'âge des raffineries, au fait qu'il y a des mégaraffineries qui poussent ailleurs
dans le monde, et ce n'est pas les sables bitumineux passant par
Enbridge qui vont changer les données fondamentales de ça. D'ailleurs, on dit
dans notre mémoire… on cite le Conference
Board du Canada, en 2011, qui dit que... il ne cite même pas le
coût d'approvisionnement ou la difficulté d'approvisionnement dans
les difficultés structurelles des raffineries au Québec. Je siège
personnellement sur... Combien il me reste de temps, Mme la Présidente?
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Il vous reste moins de quatre minutes.
M. Simard
(Christian) : Je siège
personnellement sur le comité de liaison avec la communauté de la
compagnie Valero, et Valero nous explique
qu'à peu près un peu plus du tiers va venir… enfin, 130 000
à 150 000 barils par jour
de leur production, là, qui atteint presque 300 000 barils par jour, là,
267 000, va venir d'Enbridge, et le reste va venir directement par train,
hein, jusqu'à 100 wagons par jour. Vous vous rappellerez que même Ultramar a
dit : Il faut absolument faire un
pipeline pour notre essence vers Montréal, il y a quelques années, parce qu'il
y avait eu des morts à Longueuil au
tournant de la décennie, là, du siècle, je crois, en 2000 ou en 1999, il y a eu
un fort déversement aussi dans une tourbière, la grande plée Bleue.
Donc, il faut sécuriser nos approvisionnements par pipeline. Mais aujourd'hui,
au moment où on se parle, il y a 50, 60,
bientôt 100 wagons par jour qui vont venir des sables bitumineux directement à
la raffinerie, plus Enbridge, plus des
bateaux qui vont amener leur pétrole d'Afrique du Nord, et du Kazakhstan, et
même éventuellement du Texas parce que
Valero a obtenu une permission du gouvernement américain de s'approvisionner au
Texas.
Donc, on n'a pas vraiment de problème
d'approvisionnement, on garde toutes les portes ouvertes et on veut justifier absolument Enbridge avec des petits
diaporamas. Ils nous l'ont fait, le petit coup de diapositives, puis on va
perdre des emplois payants, puis c'est intéressant, puis hou, hou, hou! Puis
c'est vrai qu'il y en a eu qui ont fermé, mais ça n'a pas rapport avec le coût d'approvisionnement. Mais Enbridge a tout
rapport avec une ouverture dans les marchés de l'Est d'un pétrole très sale, d'impacts potentiels sur l'environnement
au Québec. Il y a une stagiaire de maîtrise à l'INRS-Eau qui a fait un rapport pour Nature Québec, et qui a
analysé l'étude d'impact d'Enbridge, et qui a vu que... Vous savez, le
poste de Terrebonne est à 450 mètres de la
rivière Mascouche. On traverse la rivière des Outaouais, qui alimente, en fait,
le lac des Deux-Montagnes et, éventuellement,
même la prise d'eau de Montréal, on vous l'a déjà dit. Donc, il y a des
impacts sérieux sous-évalués.
Il faut dire
que la ligne 9B est la même que... la ligne 9 est la même... même âge, même structure que la ligne 6B qui a éclaté pour
Kalamazoo et qui ne fera pas l'objet, là, d'une réfection complète, là, ou ils
ne renouvelleront pas au complet pour ce
projet-là. Donc, s'il vous plaît, un regain de recherche du bien commun. De passer
par-dessus celui qui va être le plus
proche, près des milieux économiques pour aller chercher la droite aux
prochaines élections ou se partager, pour certains, la tarte de la CAQ — j'espère
que la CAQ va défendre quand même un petit peu sa tarte — et
donc pour aller chercher le vote
conservateur, et faire du clientélisme, puis d'avoir l'air de celui qui est le
plus proche et qui lave le plus économique, donc on vous invite, s'il
vous plaît, à vous élever au-dessus de ça.
Et,
pour Nature Québec, il y va des enjeux locaux en environnement, donc des impacts sérieux sur les milieux naturels, même sur les humains, hein, quand on parle d'eau potable, et
il en va aussi d'enjeux globaux, là. Le Québec a tout à gagner de faire de l'économie d'énergie, de miser
sur les énergies renouvelables, d'électrifier les transports. Le pétrole de l'Alberta est compétiteur des ressources du Québec,
c'est un compétiteur. Et d'ouvrir… de faire le tapis devant le compétiteur, je
pense que ce n'est pas digne des intérêts
du Québec et des Québécois, et on devrait vraiment… sur l'avenir, une économie
sans carbone et ne pas favoriser l'accès aux marchés de notre compétiteur.
Merci.
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Merci beaucoup. Mme la ministre.
Mme
Zakaïb :
Mme la Présidente, je vais céder la parole au député de Repentigny.
La
Présidente
(Mme Bouillé) : M. le député de Repentigny.
Mme
Zakaïb :
Ah! pardon, je voudrais prendre quelques minutes, quand même, pour saluer les
gens. Merci.
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Allez-y, Mme la ministre.
Mme
Zakaïb : Alors, M.
Simard, M. Ross, M. Drolet, bienvenue à l'Assemblée nationale. Mon
confrère le député de Repentigny a certaines questions pour vous, alors
je vais lui céder la parole.
La
Présidente
(Mme Bouillé) : M. le député de Repentigny.
M.
McKay : Merci, Mme la Présidente. Bonjour. Bienvenue. Enfin, au-delà de votre
analyse du contexte politique, j'aimerais
ça revenir sur le fond du sujet, qui est, dans le fond, ce qu'on doit faire
pour pouvoir opérer cette transition, donc, vers une économie verte, comme vous avez mentionné à la fin de
votre intervention. Les gens qui sont venus avant vous, les gens de Greenpeace, ont proposé, par exemple, que le Québec doit réduire sa consommation d'essence pour
atteindre les objectifs de réduction d'ici
2020, de se fixer des objectifs de réduction de gaz à effet de serre, doit
établir un plan de transition pour, dans le fond, la grappe industrielle
pétrochimique pour, éventuellement, se transformer dans le sens d'une grappe industrielle qui travaillerait essentiellement à partir d'énergies puis de
ressources renouvelables. On parlait aussi
d'établir une norme sur la teneur en carbone des carburants. Il semble que,
bon, c'est à l'étude depuis un certain temps à la Commission européenne.
Donc,
par rapport à ces objectifs-là, est-ce que… Bon, moi, il me semble qu'il y en a
plusieurs, là, qui sont déjà amorcés
par l'actuel gouvernement, qu'on n'a peut-être pas… On ne va peut-être pas
assez vite, on ne va sûrement pas assez
loin pour vous, mais, par exemple, si on parle du programme qui a été annoncé
la semaine dernière par la ministre des Ressources naturelles pour convertir la consommation de mazout vers la
biomasse, on parle de création de 1 600 emplois verts, est-ce que ce n'est pas un exemple,
justement, de ce que le gouvernement fait puis ce qu'on doit continuer à
faire?
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Messieurs de Nature Québec.
• (11 heures) •
M. Simard (Christian) : Oui. J'étais un peu hypnotisé par la belle voix
grave du député de L'Assomption, mais c'est…
j'attendais la question. Regardez, oui, il y a des démarches qui sont faites,
hein? On peut penser… On accompagne des projets de biomasse à Nature
Québec à l'échelle locale pour substituer du mazout, mais je pense qu'il faut
faire quand même beaucoup plus que ça. On attend avec impatience parce que les
argents qui sont dans le Fonds vert sont un
peu inutilisés actuellement parce qu'on n'a pas encore les mesures prévues d'un
nouveau PACC II, le plan d'action sur les changements climatiques, pour
aller de l'avant avec des investissements, là, pour réduire de 25 % les
GES.
Vous
savez, même Enbridge reconnaît… et on le cite dans notre mémoire, même Enbridge
reconnaissent qu'eux autres, ils vont devoir même se diversifier et,
avec l'électrification des transports partout dans le monde — et
c'est cité quelque part dans le mémoire en
anglais — aller
vers les énergies renouvelables et investir dans l'électrification des transports. Donc, on est véritablement dans des
affaires temporaires, hein? Et nos raffineries veulent profiter d'un bas
prix pendant quelques années pas pour le refiler aux consommateurs, là, mais
pour rentabiliser davantage pour leurs actionnaires.
Mais ce n'est pas de l'avenir pour le Québec. Oui, certains États américains et
États européens contrôlent pour
limiter l'expansion des sables bitumineux parce que le pétrole non
conventionnel est particulièrement délétère pour le climat, oui, il y a ces possibilités-là. Je ne le
vois pas encore au Québec, mais il faut faire plus. Et, structurellement,
quand on permet le passage d'autoroutes de pétrole lourd sur son territoire, ce
n'est pas sans conséquence sur les orientations pour le Québec.
Et
vous le faites... Nous, ce qu'on propose bien concrètement, modification d'un
règlement sur l'évaluation des impacts
sur l'environnement, le Règlement 31.1, de mémoire, pour qu'il y ait un
processus d'autorisation par le Québec et une véritable évaluation environnementale du... C'est trop fondamental
pour que ça passe comme vous êtes en train de le laisser passer, comme une lettre à la poste, et donc vous faites
totalement... Vous savez, il n'y a pas de politique énergétique au niveau fédéral. En fait, c'est la politique des
lobbys du pétrole, qui répondent même non aux exigences de M. Obama, là,
d'élever leurs standards pour diminuer les GES en disant que c'est impossible,
le gouvernement fédéral qui diffère tout le
temps ses politiques de réduction de GES pour cette industrie-là. Et, en
analysant le projet d'Enbridge en commission parlementaire avec un petit
rapport le 6 décembre, là, moi, j'avoue, là, que j'ai mal au Québec et j'ai mal
personnellement de voir cette attitude-là.
Ce n'est pas digne de la classe politique à laquelle je pense avoir appartenu
à un certain moment donné. Trop fugitif, peut-être, mais je trouve que c'est
indigne. À quelques exceptions près, je dois le dire, mais exceptions,
malheureusement, beaucoup trop rares.
M. Drolet
(Charles-Antoine) : Oui. Mme la Présidente, il y a un excellent livre
dont je vous recommande la lecture, c'est Peeking
on Peak Oil, de Kjell Aleklett, qui est un spécialiste des pétroles au niveau mondial, qui est
professeur à l'Université d'Uppsala et qui a
été président d'un comité depuis plusieurs années qui analyse la disponibilité de pétrole au niveau mondial, et la production, et qui fait la
prédiction que l'approvisionnement en pétrole va devenir très problématique
très bientôt. Alors, le Québec n'aura pas le choix de devoir s'adapter à une situation
où le pétrole va devenir de plus en plus rare, et, d'ici une vingtaine d'années, on va déjà sentir considérablement le rythme de décroissance de
la production mondiale. En fait, depuis 2005, la production d'huile au niveau
mondial n'est plus limitée par la demande, mais elle est limitée par la disponibilité. Alors, c'est une situation nouvelle qui est
apparue et qui va s'affirmer davantage. Alors, le Québec n'aura pas le
choix de s'adapter à une situation de décroissance de la disponibilité de
pétrole.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Merci beaucoup, M. Drolet. M. le député de Saint-Maurice.
M. Trudel : Alors, bienvenue. Bonjour à tous, chers
collègues. Vous savez, il y a un an, il
y a eu une élection. Ça fait un
peu plus d'un an seulement que le Conseil des ministres s'est mis en place, et,
durant cette période, nous avons augmenté
les redevances des minières, les garanties financières pour les travaux environnementaux. On s'est fait accuser par
l'opposition quasiment à toutes les périodes de questions depuis ce temps-là d'avoir
arrêté le développement minier au Québec. On a une politique énergétique
en préparation. On a annoncé des politiques d'électrification des transports,
des programmes, comme mon collègue en a parlé, sur le développement de la
filière de la biomasse pour remplacer le
mazout, plus d'autres séries de programmes pour les raffineries... excusez-moi,
d'autres programmes pour la...
Une voix : ...
M. Trudel :
Pas les raffineries, je m'excuse, voyons, pour… En tout cas, peu importe,
excusez-moi. On a mis fin à la
filière nucléaire au Québec. On se fait souvent accuser d'avoir un conseil des
ministres ou des ministres écologistes, antidéveloppement. Je vous pose
deux questions : Est-ce qu'on est aussi pourris que le gouvernement
libéral qui était avant nous? Et est-ce que ça ne vaudrait pas la peine de nous
donner un bon quatre ans pour essayer de mettre en place jusqu'au bout nos
politiques?
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Messieurs.
M. Simard
(Christian) : Disons que
j'allais dire que, jusqu'à maintenant, vous avez prouvé que vous êtes
capables du meilleur et du pire, si j'ose dire. Et du meilleur, oui, je pense
que, maintenant, c'est reconnu que la fermeture de Gentilly-2, c'est vraiment intéressant. Je pense qu'il y a eu des belles
annonces. C'est sûr qu'on a hâte de passer à l'action sur
l'électrification des transports. Il y a des choses extrêmement intéressantes.
Par contre,
on voit encore ce matin qu'après avoir promis des redevances minières un peu… finalement,
il y a un manque à gagner énorme, et pas nécessairement dû seulement à la baisse des prix miniers. On a été déçus de
ça. Mais, depuis quelque temps, on
dirait que vos politiques sont un peu comme un buffet chinois dans le
domaine de l'énergie. C'est-à-dire que vous voulez tout faire, de l'efficacité énergétique, de
l'électrification des transports, un peu de pétrole de l'île d'Anticosti, éventuellement, mélangé à ça,
du Old Harry, faites du pipeline de l'Alberta un, deux, trois. Transport
par rail, oui, il faut faire attention. Mais, à part de dire que le fédéral ne
réglementait pas bien, bien, il me semble qu'on n'a pas tiré les pleines leçons
de Mégantic, on doit analyser ça.
Donc, je
pense qu'on manque de vision cohérente. Et votre gouvernement semble aller dans
beaucoup de sens à la fois, puis j'aimerais qu'il ait une vision plus cohérente. Je ne
m'avancerai pas parce que nous, on n'est pas partisans, là, Nature Québec, vous ne pourrez pas m'accuser de… partisan. Et
nous, Nature Québec, donc, des considérations sur le gouvernement
d'avant ou d'après... Là, vous êtes au pouvoir, vous êtes un gouvernement
minoritaire, mais, comme le disait Jean
Baril, qui est un spécialiste des questions d'évaluation environnementale,
rien ne vous empêche, comme gouvernement minoritaire, de faire une évaluation
environnementale complète des projets de pipeline sur le territoire. Et de faire ça, ce n'est pas contre l'économie.
C'est pour l'économie du Québec, c'est pour l'avenir, c'est pour nos
enfants. De ne pas le faire, c'est une grave responsabilité. Donc, vous ne
pouvez pas vous servir de vos vertus pour défendre vos vices. Je vous
répondrais comme ça.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
…
Des voix : …
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Non. S'il vous plaît! S'il
vous plaît! La parole est à M. le député de Roberval.
M.
McKay : …
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
S'il vous plaît, M. le député de Repentigny.
M.
Trottier : Oui.
Merci, Mme la Présidente. Merci, messieurs de Nature Québec.
Moi, je fais partie de ceux qui militent
en environnement depuis 30, sinon 40 ans. C'est sûr qu'il y a des
choses, je trouve, qui ne vont pas assez vite à mon goût, mais ce qu'on s'aperçoit, c'est que c'est…
Il faut tenir compte de toutes sortes d'éléments dans un gouvernement, puis je vous dirais que, sincèrement, j'ai l'impression qu'on progresse. Est-ce que ça progresse de façon
parfaite? Probablement pas, mais sincèrement… puis vous l'avez mentionné
vous-même, M. Simard, qu'il y a des éléments positifs dans la balance, puis je pense qu'il faut être conscient,
ce n'est pas possible… Tu sais, tout le monde est pour ça, d'avoir une
vision globale, tout le monde, même les
pétrolières, tout le monde, puis tout le monde dit… Aujourd'hui, on parle de
développement durable, mais, dans une société, il faut être capable de tenir
compte de toutes sortes d'éléments qui font
qu'à court terme on peut faire certaines choses puis qu'à moyen terme on va
pouvoir en faire d'autres, puis il faut faire progresser les citoyens. Puis les citoyens, je dirais, ils aimeraient ça
qu'on ait une baguette magique pour qu'on puisse dire : On fait
disparaître les taxes, on fait disparaître la pollution, on fait disparaître
bien des affaires. Mais c'est un petit peu plus compliqué que ça.
J'aimerais,
à cet effet-là… Peut-être une précision. Vous dites dans vos recommandations,
la recommandation no 5, d'assurer la décontamination des
sols — j'aimerais
que vous puissiez expliquer davantage — en disant que… Vous demandez
que «le promoteur ne se limite pas à une gestion des sols, mais qu'il s'engage
aussi à entreprendre une décontamination
totale du site contaminé». Est-ce que vous pourriez préciser à quoi ça fait
référence plus exactement?
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Les représentants de Nature Québec.
• (11 h 10) •
M. Simard (Christian) : …que vous reveniez au sujet qui est en cause, là,
parce qu'il ne s'agit pas d'un
bilan global des actions politiques de l'un
ou l'autre parti, mais là on parle du projet Enbridge, du fait qu'on n'en fera
pas une évaluation complète et indépendante, et je pense que, là-dessus,
c'est un sujet, là, vraiment crucial et fondamental.
En fait, il faut
savoir que, même avec les travaux prévus… Et Enbridge, c'est curieux, divise
son projet d'inversion en points : des
terminaux, des densitomètres, des aménagements de terminaux. Il fait un tour,
un cercle de cinq kilomètres, analyse
les impacts en les sous-estimant systématiquement et dit : Si on trouve
des sols contaminés… Parce que
l'opération de 40 ans, là, ne s'est pas faite sans des déversements, sans… et
il y a vraisemblablement des sols contaminés
le long de ce pipeline-là au fil des années. Ce n'est pas toujours des gros déversements, là. Et, si on en
trouve, on va en disposer de telle ou telle
façon. Et ce qu'ils proposent pour disposer, là, est véritablement le «low cost», c'est-à-dire
c'est ce qui coûte le moins cher. On met une bâche, on met le sol et on le
remet... S'il ne répond pas aux standards, on
verra à le traiter, mais il n'y a pas d'engagement très, très ferme à ce moment-là. Donc, déjà, là, dans les travaux, on est… Et aussi on n'analyse pas ce qui est entre
les points d'étude. Donc, c'est vraiment, selon nous, là, des évaluations
techniques et une étude d'impact qui n'est pas à la hauteur d'une entreprise
normale. Puis, naturellement, bien, Enbridge
et l'Office national de l'énergie ne questionnent pas l'approvisionnement et l'ouverture des
marchés vers les sables bitumineux, ce que vous devez faire. Donc, je
pense que, vraiment, là-dedans… Et ce n'est absolument pas antiéconomique, c'est
proéconomie de demain.
Vous
savez, d'habitude… je dis ça à mes amis des fois, les Québécois,
on était considérés comme des porteurs d'eau, hein? Mais de porteur
d'eau à transporteur de pétrole lourd, là, de l'Ouest vers les marchés de
l'Est, là, et particulièrement dans le projet TransCanada, là, selon nous, c'est
une question d'échelle et de qualité du produit. Mais essentiellement
ça ne sert pas les intérêts du Québec de devenir des porteurs de sables
bitumineux. Je pense que j'ai plus
d'ambition que ça, puis l'économie du Québec doit aller vers autre chose que ça. Mais d'en
faire l'évaluation... Est-ce qu'on a une communauté d'intérêts
avec l'Alberta au niveau énergétique? Est-ce qu'on a une communauté d'intérêts avec les politiques du gouvernement Harper, de trouver des marchés absolument
aux sables bitumineux, qui détruisent des quantités phénoménales de
forêts boréales, qui détruisent… et qui changent le climat de la planète? On ne
peut pas faire ça, en même temps de dire qu'on va réduire de 25 % nos GES
d'ici 2020.
Et
on doit absolument, au moins, l'analyser en profondeur. C'est vraiment notre
message. Oui, on aurait pu dire et on
pourrait vous remettre… On a des documents, là, sur les impacts locaux, là, des
travaux, mais on ne veut pas embarquer dans : On va faire un… On va
faire ça dans le respect de l'environnement. C'est nul au niveau global. Ce
n'est pas bon pour les gaz à effet de serre.
Ça ne répond pas aux intérêts stratégiques du Québec. Ça nuit aux gaz à effet
de serre, mais on va s'assurer, là, qu'ils améliorent un petit peu leur
équipe d'intervention ou qu'ils décontaminent plus le sol. On mérite mieux que
ce type de recommandation là. On le fait, là, parce que c'est notre devoir de
vérifier ça aussi, mais on n'a pas insisté là-dessus.
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Merci beaucoup. M. le député de
Laurier-Dorion.
M.
Sklavounos : Merci. Merci, Mme la Présidente. Alors, à mon
tour de souhaiter la bienvenue à Nature Québec, à M. Simard, M. Ross, M.
Drolet. Merci de votre présence. Et, évidemment, nous, ici… vous l'avez dit, et
je vais le dire d'entrée de jeu, moi, je
suis d'origine grecque, on m'a appris de ne jamais me proclamer expert et de me
méfier des experts, mais de toujours poser des questions. Et on essaie,
nous, de faire de notre mieux autour de la table. Ça, c'est Socrate, d'ailleurs. C'est Socrate. Alors, on n'a
pas l'expertise que vous avez, on n'a pas l'expertise. On entend, on
collige des renseignements. On essaie de tracer une ligne, tracer une ligne
équilibrée entre ce qu'est le développement économique... Parce que, vous le
savez, il y a des gens qui sont venus nous parler de l'est de Montréal, de
Lévis, des représentants des raffineries,
des travailleurs qui sont venus nous dire : Écoutez, c'est un projet qui
est bon. De toute façon, le pétrole
coule, ça va couler dans l'autre sens. Ça risque de renforcer… Ça risque de
donner des économies. Ça risque de renforcer un secteur. En même temps,
nous sommes des êtres humains comme tout le monde. Ce qui s'est passé à
Kalamazoo ne laisse personne indifférent. On veut aussi protéger
l'environnement. C'est notre environnement, c'est notre territoire.
Je vais
commencer en vous posant une première question. Il y a une coalition qui était
représentée par Écojustice, constituée
de différents groupes, qui est allée devant l'Office national de l'énergie. En
même temps, plus tôt, juste avant vous, on a entendu les représentants de Greenpeace
qui nous ont parlé du processus devant l'Office national de l'énergie comme étant, si vous voulez… je vais employer une
expression, mais, de leur point de vue, était un petit peu vicié parce qu'il y avait des aspects qui n'avaient pas été
regardés. Malgré ça, je trouve, à l'intérieur de la coalition Écojustice,
je trouve… Nature Québec, vous figurez à
l'intérieur de cette coalition. Pourquoi avez-vous cru nécessaire de
participer, d'aller devant l'Office national
de l'énergie malgré ce que Greenpeace semble avoir dit concernant le processus,
la loi mammouth, les changements? Pouvez-vous nous expliquer la raison
pour laquelle vous vous êtes présentés?
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Messieurs.
M. Simard
(Christian) : Je vois bien
que vous voulez me faire dire que nous, on a trouvé ça bon d'y aller,
mais pas le gouvernement du Québec, mais je ne tomberai pas dans ce piège-là,
là, et parce que, de toute façon, je crois que le gouvernement du Québec avait quelque chose comme 10 minutes, à peu près,
là. Donc, je pense qu'on… Et, effectivement, nous, on est allés par acquit de conscience avec un groupe, mais on ne pouvait pratiquement pas y aller
de nous-mêmes, on n'était pas
considérés, Nature Québec, comme étant une partie intéressée parce que
Nature Québec, son bureau officiel, il est sur la rue Salaberry, à Québec,
là, il n'est pas le long du pipeline. Donc, c'est… Et, vous voyez, c'était
presque un questionnaire de police pour un citoyen qui voulait
intervenir à l'Office national de l'énergie. On l'a fait, on l'a fait un peu
par acquit de conscience avec un expert, mais c'est un exercice extrêmement
frustrant, et on se pose encore aujourd'hui la question : Est-ce qu'on
cautionne ces processus-là?
Généralement, Nature Québec, on ne va pas trop
dans la chaise vide, mais dans ce cas-ci… Bon, que le gouvernement du Québec
n'y aille pas, c'est une chose. Mais qu'il ne fasse pas une véritable
consultation puis une évaluation en
profondeur et qu'il n'ait pas l'article 6.3, qu'il n'ait pas son propre procédé
d'autorisation, c'en est une autre. Donc,
moi, je peux très bien vivre avec le fait que le gouvernement du Québec ne va
pas à l'Office national sur l'énergie, mais, en contrepartie, qu'il se
contente d'un exercice partisan en commission parlementaire comme évaluation environnementale, là, je le juge très sévèrement.
Et je pense que, si tu ne vas pas voir Jacques, eh bien tu t'assures,
pour faire l'analyse d'un projet approfondie… et de te positionner en
autorisation, autorisation partielle ou refus, et de défendre haut et fort les
intérêts du Québec par rapport à l'expansion des sables bitumineux et tout ce
que cela comporte.
Et ça, c'est véritablement et… Mais ce serait
plus intéressant que vous reprochiez cela comme opposition au gouvernement que
de faire de la petite politique en leur disant : Vous n'êtes pas allés là,
mais, par ailleurs, en vous faisant le
porte-parole des raffineries dans une option à court terme davantage pour les
actionnaires de Valero et de Suncor que
pour les intérêts du Québec, en colportant, là, comme eux ou en vous faisant
souvent, au niveau de l'opposition… des oppositions, là, en mettant des épouvantails, là, de fermeture à tout
bout de champ. Si on veut augmenter les redevances, si on veut avoir une
loi sur les mines, si on veut avoir un encadrement un peu civilisé, là, non,
non, non, ils vont partir. Et ça aussi, ça fait porteur d'eau et petit Québec.
Merci.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
M. le député de Laurier-Dorion.
M.
Sklavounos :
De toute façon, on a entendu des groupes qui sont venus nous parler de ça, de
nous parler de l'impact de la
fermeture. Je n'ai pas témoigné, évidemment, devant cette commission. On a
essayé d'écouter tout le monde de la
même façon, démontrer une ouverture d'esprit. Ce sont des travailleurs qui sont
venus nous porter ces messages-là, on a posé des questions, mais…
Je veux profiter de votre expertise devant nous
aujourd'hui. Enbridge nous a soumis un renseignement comme quoi la National Academy of Sciences — je vais aller sur quelque chose de précis,
mais qui provoque beaucoup de questionnement — en
2013, a étudié le dilbit, le bitume dilué, et est venue à la conclusion qu'il
n'est pas plus corrosif. Maintenant, il y a
des gens qui sont venus nous dire : De toute façon, le pétrole coule dans
ce pipeline. On parle d'inverser,
donc le pétrole va couler. La question, c'est d'où le pétrole va venir et
comment qu'il va se rendre. Greenpeace est
venu nous dire : Ce n'est pas simplement une question d'où il va venir, le
fait qu'il coule, il coule, c'est qu'est-ce qui va couler à l'intérieur.
Des gens qui sont venus nous dire : Écoutez, c'est un pipeline qui date de
37 ans… — c'est
combien, c'est 37, c'est 38? — et qu'évidemment le bitume dilué serait plus
corrosif, aurait des chances de provoquer une corrosion, ou une perforation, ou etc. La National Academy of Sciences a
dit ça. Avez-vous une position sur ça? Est-ce que vous avez regardé
cette étude-là? Est-ce que c'est crédible? Est-ce que ce n'est pas crédible? Et
pourquoi?
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Messieurs de Nature Québec.
M. Ross
(Pierre) : Oui, merci.
Merci, Mme la Présidente. Oui, l'étude est crédible, mais, sur cette question-là,
il y a encore des débats. Il n'y a pas
entente, je dirais, là, sur… Mais l'autre… Parce que l'autre aspect, c'est que,
la plupart du temps, s'il y a une
corrosion, c'est de l'extérieur, ce n'est pas de l'intérieur. Or, même si le
dilbit est chauffé un peu plus pour être transporté, si on regarde à
Kalamazoo, c'est de l'extérieur qu'est venue la fissure parce que l'emballage,
si on veut, du pipeline avait fait défaut,
puis, bon, il y avait de l'humidité, puis tout ça, là. Donc, oui, c'est vrai,
mais, par ailleurs, ce n'est pas moins corrosif que les autres pétroles,
et les pipelines vont se corroder. Or, il ne faut pas en arriver à la conclusion que c'est plus
sécuritaire, je dirais, là. À la question de savoir est-ce que c'est plus dommageable, je pense qu'il y a des
bonnes études, puis tout ça, mais ce n'est pas clair encore, cette question-là.
• (11 h 20) •<E>
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
M. le député de Laurier-Dorion.
• (11 h 20) •
M.
Sklavounos : Si c'est de l'extérieur que la corrosion
affecte, bien, pourquoi donc est-ce qu'il y a cette inquiétude sur ce qui va aller à l'intérieur de la conduite, si c'est de
l'extérieur que la corrosion se passe? De l'extérieur, ce n'est pas plutôt les éléments qui agissent sur la
corrosion, et non pas ce qui coule à l'intérieur? J'essaie de
comprendre.
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Messieurs.
M. Simard (Christian) : Oui… me permettre et aussi demander sur les questions
plus à l'origine. Dans ça, en fait, vous
savez, le pipeline, je veux dire, on s'est fait expliquer, on a eu des
démonstrations, il peut y avoir, pendant quelques jours ou quelques semaines, un type de pétrole,
pendant quelques semaines, un autre type de pétrole. On peut mettre du
dilbit, on peut mettre du syncrude, on peut... Donc, c'est un poussant l'autre
dans le pipeline.
Dans
ce cas-ci, on a un pipeline âgé, le même que Kalamazoo, qu'on rafistole. On augmente son
débit, on fait entrer à l'intérieur
un produit qui n'est pas le produit habituel au cours des années, la pression,
et tout ça. Donc, c'est un facteur de risque, l'augmentation de pétrole
et d'avoir un nouveau type de pétrole à l'intérieur. Jusqu'où? C'est une
question qui se pose encore. Mais ce n'est
pas anodin d'inverser la ligne. Ce n'est pas juste : Elle est là, là.
D'inverser la ligne, et d'augmenter la pression, et d'introduire à
l'intérieur de ça un nouveau produit dont on ne connaît pas les effets sur le pipeline, c'est ces éléments-là qu'on questionne.
Mais, plus fondamentalement, c'est l'origine de ce même pétrole là, ce
même pétrole là, là, qui a des impacts importants.
Et,
si vous le permettez, M. Drolet pourrait aussi nous parler ce que ça signifie,
le dilbit en amont du pipeline, ce qu'on n'a pas pu faire avec l'ONE.
La
Présidente
(Mme Bouillé) : M. Drolet.
M. Drolet
(Charles-Antoine) : Quel aspect?
M. Simard
(Christian) : L'aspect en aval, là, des sables bitumineux comme...
M. Drolet (Charles-Antoine) : Ah oui! Il y a un aspect qui me tient à coeur
concernant la production de pétrole à partir
de sables bitumineux, c'est celui des impacts sociaux. Il y a une espèce de
malédiction dans le monde concernant la production de pétrole dans les pays en développement, et, au Canada, ça
se passe en Alberta, dans le nord de l'Alberta parce que les communautés autochtones qui sont exposées
aux contaminations provenant de l'exploitation des sables bitumineux ont des problèmes de santé graves qui vont
s'accentuant. Le bassin de la rivière Athabasca est, à toutes fins
pratiques, là, passablement contaminé par
les déversements accidentels provenant des... bien, des 10 étangs de retenue
des déchets. Alors, il y a donc cet
aspect-là qu'on oublie facilement et auquel on contribue si on devient client
régulier des pétroles provenant des sables bitumineux.
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Merci. M. le député de Laurier-Dorion.
M.
Sklavounos : Si jamais on était pour s'ériger contre, contre
le pétrole des sables bitumineux et dire : Écoutez, on n'en veut pas, est-ce qu'il n'est pas envisageable
de penser que les raffineries vont peut-être chercher à le faire venir
au Québec via rail, via transport
ferroviaire? La question qu'on se pose tous, on veut tous... et Mégantic a
instruit beaucoup de gens qui ne connaissaient pas ce sujet-là, qui
suivent et qui sont sensibilisés. Est-ce que, de toute façon, le pétrole des sables bitumineux va trouver une façon de se
rendre à nos raffineries, au Québec, si on ne le fait pas venir par
pipeline?
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Les représentants de Nature Québec.
M. Simard (Christian) : Oui. Je lisais… Je pense que c'est dans le Financial
Times qu'il y avait une analyse en disant : Pauvre Est. Ils
faisaient une analyse du projet Keystone, du projet Northern Gateway, puis ils
regardaient, puis ils disaient : Oh!
eux autres, ils vont y passer parce que c'est plus facile aller vers l'est, et
ça va être très difficile, ça va passer comme une locomotive au niveau
pression politique pour arriver vers l'est. Et ils trouvaient qu'il n'y avait
pas véritablement de mobilisation citoyenne comme on pouvait en trouver dans le
Midwest américain et en trouver dans l'Ouest canadien, et ils disaient que
c'était...
Mais
il est évident que le pipeline est une stratégie pour ouvrir de façon massive
celui-là, celui de TransCanada, prochaine étape, un million de barils
par jour dont aucun n'arrêtera au Québec. Et donc cette action-là est là. Et maintenant, oui, il y a la possibilité du rail,
puis il y en a. Mais ce que je vois, là, avec ce projet-là, c'est vraiment le
pire de tous les scénarios au niveau environnemental. C'est-à-dire que Valero
va prendre 130 000 barils environ… de barils par jour d'Enbridge qui vont transiter par bateau de Montréal jusqu'à
Lévis dans un chenal maritime, donc augmentant le risque au niveau
maritime. et dire : Il n'y a pas plus de bateaux. Ça, c'est comique quand
Valero nous dit : Ça va être le même
nombre de bateaux. Mais des bateaux qui viennent de l'Atlantique, qui
traversent dans le golfe et l'estuaire puis qui arrêtent à Québec, ce
n'est pas la même chose qu'un navettage continuel sur le fleuve, dans des
endroits très limités. Donc, on augmente le
risque par bateau de façon… On veut être sûr de mettre le CN et Enbridge en
compétition, ça fait qu'on prend 100
wagons par jour pour maintenir les prix bas, sans doute. 100 wagons par jour.
Et, même si Enbridge est là, ils ne les remplaceront pas, les 100
wagons, là. Ils nous ont dit : C'est à long terme, le contrat avec CN.
Donc, on a le train, on a Enbridge et on a les bateaux actuellement. C'est
vraiment, là, la totale.
Maintenant, il est clair et net qu'une des
problématiques, c'est que le train ne peut pas avaler toute la production des
sables bitumineux, et c'est pour ça qu'arrivent ces projets-là. Et on sait
aussi qu'ils ont des limites en termes de… Mais, pour le Québec, de faire l'analyse des projets de
pipeline et même du transport pétrolier sur son territoire et de mettre
des conditions… Parce que le CN a doublé son transport par rail l'année
d'avant, le double cette année et prévoit le
doubler l'an prochain, et il va y avoir des impacts énormes. Mais ils ne
pourront pas amener, parce que la limite de notre système ferroviaire…
suffisamment de barils vers l'est. Au moins, ça les restreint, hein?
Et je pense
que le Québec devrait se lever aussi puis dire… même si on n'est pas
souverains, là, de se lever pour exiger, là, un transport ferroviaire
plus sécuritaire parce que je crains d'autres Lac-Mégantic, d'autres grande
plée Bleue, d'autres incidents de Longueuil où il y a eu des morts, donc, oui,
parce qu'on augmente sur un vieux système ferroviaire
à la limite de la capacité… Mais c'est sûr que de dire non à Enbridge ou à
TransCanada, et pour que le Québec… protéger ses écosystèmes et son
économie d'énergie renouvelable, je pense que c'est plus profitable que
d'écouter le discours, là, de chantage à l'emploi, là, classique que nous font
nos deux raffineries.
M.
Sklavounos : Une
dernière question…
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
M. le député de Laurier-Dorion, 40 secondes.
M.
Sklavounos :
J'ai très peu de temps. Je veux sortir de la question le gouvernement actuel à
Ottawa, on ne va pas faire ça au
niveau partisan. Il y en a qui sont venus nous dire : Écoutez, c'est bien
mieux de s'approvisionner chez nous parce
que, comme vous l'avez dit, on n'est pas souverains, peut-être pas pour le
moment. Peut-être un jour, mais, pour le moment, on n'est pas souverains, on est à l'intérieur de la fédération.
Pourquoi ne pas s'approvisionner d'un pays où nous avons notre mot à
dire sur ce qui se passe, où nous avons des représentants au Parlement qui font
la réglementation? Aller chercher du pétrole
dans un pays étranger, où nous n'avons aucun contrôle et… de même façon, on
cède un petit peu de notre indépendance à ces pouvoirs étrangers.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Merci.
M.
Sklavounos : Il n'y
a pas de temps pour la réponse?
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
M. le député de Mercier.
M. Khadir : Bien, voilà. Alors, prenons la
balle au bond parce que… Merci, d'abord, d'être là. Vraiment, merci pour
ce plaidoyer plein de bon sens, et j'espère… je suis sûr que les députés,
surtout du gouvernement, qui se disent indépendantistes,
qui veulent participer à la grande démarche de notre peuple depuis 50 ans pour
cesser de projeter de nous-mêmes
l'image de porteurs d'eau, de porteurs de cailloux et, maintenant, de porteurs
de pétrole… Et je suis sûr qu'ils sont
sensibles, et je suis sûr qu'il va y avoir un réveil des consciences pour
éviter de bâcler cette évaluation de la manière dont on est en train de le faire. Mais il y a des informations qui
circulent comme quoi l'approvisionnement du Québec ou des raffineries
pourrait être menacé parce que, dans les pays du Moyen-Orient ou en Angola,
c'est insécuritaire.
Alors, je
voudrais vous demander, au cours des 40 dernières années, il y a eu plusieurs
guerres, des interventions majeures,
guerre en Irak, guerre en Afghanistan, conflits permanents au Moyen-Orient
alentour de la question palestinienne, révolutions, printemps arabe,
maintenant la guerre en Syrie. Est-ce que, malgré ça, est-ce que vous vous
rappelez, vous vous souvenez d'une interruption d'approvisionnement en pétrole
dans les raffineries de l'est de Montréal?
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Messieurs...
M. Khadir : …pour terminer.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Monsieur…
M. Khadir : Je m'excuse.
Deuxième question. Vous avez parlé que le pétrole de l'Alberta et l'économie du
Québec, notre énergie, nous sommes des
rivaux, en fait que le Québec ne doit pas participer à la croissance de
l'économie du pétrole sale de l'Alberta. Pourriez-vous, un petit peu, expliquer
aussi là-dessus?
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Messieurs.
• (11 h 30) •
M. Drolet (Charles-Antoine) : Oui.
Il y a des facteurs nouveaux au niveau mondial au point de vue
approvisionnement de pétrole, c'est l'intérêt qu'ont deux pays en développement
importants, la Chine et l'Inde, à vouloir
s'approvisionner en pétrole. Et la Chine fait des pieds et des mains pour
s'implanter partout où elle le peut pour s'assurer de la disponibilité de pétrole. En Guinée équatoriale, par exemple,
c'est un pays où on voit la mainmise chinoise de plus en plus évidente.
Alors, la situation, donc, évolue.
Et vous parlez d'approvisionnement en pétrole
menacé, à un moment donné les pays de l'OPEP avaient voté une réduction
volontaire de la production de pétrole pour augmenter le prix, et ça a eu un
impact important sur les économies parce que... Je dis sur les économies parce
que, maintenant, on s'aperçoit de plus en plus à quel point les économies
sont tributaires de la disponibilité de pétrole. Il y a une très étroite
association entre le prix du pétrole et le PIB des pays. Alors, quand on voit le prix du pétrole augmenter ou fluctuer,
on voit en même temps notre économie
menacée. Donc, c'est l'aspect qui me vient à l'esprit.
M.
Ross (Pierre) : Merci. La
ligne 9 est née d'une crainte de pénurie en... Elle est en fonction depuis
1976, mais c'est l'embargo de 1973. Mais déjà, à ce moment-là, le gouvernement
fédéral craignait l'entente qu'il avait avec les États-Unis sur le pétrole.
Mais c'est né d'une crainte. À partir du moment où cette crainte-là n'est plus
fondée et que, là, on va l'inverser…
Bon, on va l'inverser bien après, là, mais on va l'inverser parce que
le pétrole venant de l'extérieur est beaucoup moins cher, et puis, après
ça, on va le réinverser. C'est plus une question de prix, à la limite. Si on
voulait vraiment régler un problème de ce niveau-là, ça prendrait deux tuyaux
sur la ligne 9...
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Merci beaucoup.
M. Ross (Pierre) : ...est-ouest puis
un toujours ouest-est.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Merci, M. Ross.
Une voix : ...
M. Ross (Pierre) : Non, non, c'est
ça.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Donc, nous vous remercions, messieurs, pour votre présentation.
Et j'invite maintenant les représentants
d'Équiterre à prendre place à la table, et je suspends les travaux quelques
minutes.
(Suspension de la séance à 11 h 32)
(Reprise à 11 h 34)
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Bienvenue, madame, messieurs d'Équiterre. Donc, vous avez une période de 10 minutes pour présenter votre exposé, qui sera
suivie d'une période d'échange avec les membres de la commission. À vous
la parole.
Équiterre
M. Ribaux (Sidney) : Merci beaucoup,
Mme la Présidente. Je me présente, je suis Sidney Ribaux. Je suis le directeur général du groupe Équiterre. Je suis accompagné de Steven Guilbeault, qui est
notre directeur principal et la personne,
chez nous, qui suit les questions énergétiques, et également de Brigid Rowan, qui
ne travaille pas chez Équiterre, mais
qui est une économiste spécialisée sur les questions énergétiques depuis
20 ans, qui travaille chez le groupe Goodman, qui est une firme spécialisée sur des questions d'économie
d'énergie, que nous avons mandatée dans le cadre des audiences,
justement, de l'Office national d'énergie pour produire un rapport sur les
impacts économiques de… le projet qui fait l'objet
de la question devant vous. Alors, Mme Rowan sera disponible pour répondre à
vos questions, si vous en avez, sur ce rapport-là que nous vous avons
déposé.
Donc,
Équiterre, brièvement, c'est une organisation à but non lucratif qui est
présente au Québec depuis 20 ans, qui mobilise 100 000
sympathisants qui nous lisent à chaque mois, qui participent à nos projets, qui
participent à nos campagnes. On travaille
avec toutes sortes d'organisations pour mener à bien nos projets d'éducation et
nos campagnes de sensibilisation. On
a des bureaux à Montréal et à Québec et, chaque année, on est présents dans
presque toutes les régions du Québec via nos bénévoles, nos employés,
nos conférences, nos services et les projets qu'on mène.
Équiterre suit la question du dossier de
l'énergie en général depuis sa création, depuis 20 ans. On suit plus particulièrement la question des pipelines depuis
2008. Je vais vous en parler un petit peu plus tard, de cette
question-là, plus spécifiquement. Et nous
sommes, comme on le disait, intervenus devant l'Office national de l'énergie à
la fois pour les projets d'inversion
des oléoducs 9A d'Enbridge et 9B. Alors, je vais laisser mon collègue Steven
vous parler des enjeux reliés aux
impacts environnementaux et aux questions de sécurité, puis je reprendrai
brièvement la parole pour vous parler des enjeux économiques. Donc,
Steven.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Allez-y.
M.
Guilbeault (Steven) : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Merci, Sidney. Mesdames et messieurs, donc,
mon nom est Steven Guilbeault. Je suis le directeur principal chez Équiterre.
Pour nous, on
ne peut faire fi du projet qui est devant nous sans parler de la question des
changements climatiques. On pourrait en parler longtemps, je vous montre
simplement un acétate que j'ai emprunté au négociateur en chef de l'Union
européenne lors d'une rencontre des Nations unies sur les changements
climatiques, qui nous montre essentiellement…
Ça avait été produit lors des vagues de chaleur de l'été 2003 en Europe, où, je
vous le rappelle, il y a plus de
40 000 personnes qui ont perdu la vie en Europe, dont plus de 20 000
personnes dans la grande région parisienne. C'est la pire catastrophe
humaine depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Et ce qu'on voit sur le
graphique, c'est les températures à l'été de
2003 en noir. Et la courbe en rouge, c'est les projections selon le centre
Hadley, l'un des plus grands centres de recherche sur les changements
climatiques sur la planète, qui montrent l'évolution probable des températures dans le
sud de l'Europe au cours des prochaines décennies. Alors, lorsque j'ai emprunté
cet acétate-là, Arthur, le négociateur
en chef de l'Union européenne, disait : Si notre modèle a raison, les
températures de l'été 2003, qui ont
fait 40 000 victimes en Europe à l'été 2003, bien, à l'été 2040, en 2060,
ces températures-là en 2003 vont passer pour une fraîche journée d'automne.
Alors, c'est un peu vers ça où on se dirige.
Quant, plus spécifiquement, au projet
d'Enbridge, quand on regarde l'augmentation de la production prévue dans l'Ouest canadien, même dans l'Ouest de
l'Amérique du Nord, la majorité de l'augmentation de la production vient
des sables bitumineux. On produit
1,6 million de barils par jour, on veut en produire 5 millions de
barils par jour. Or, pour faire ça,
on a besoin de pipelines, on a besoin de sortir le pétrole des sables
bitumineux de l'Alberta. Ça, c'est une étude qui est dans notre mémoire et qui est tirée de la revue Nature,
l'une des plus prestigieuses revues scientifiques au monde et qui montre
que, sur une analyse de cycle de vie — en anglais, on parle de
«well-to-wheel», donc du puits à la roue, hein, du puits de pétrole jusqu'à l'utilisation — le pétrole issu des sables bitumineux est le
plus polluant sur la planète, encore plus
que celui du Nigeria, par exemple, ou celui du Venezuela, celui de l'Arabie
saoudite, du Koweït, bon, des États-Unis. Donc, c'est le plus polluant,
plus polluant que tout ce que l'on consomme présentement au Québec.
Je pense qu'il faut bien prendre conscience de
l'enjeu au niveau de la sécurité du public, des enjeux environnementaux. Alors, on vous a produit ce graphique-là. On va entrer
au Québec, là, dans quelques secondes. Donc, vous voyez le lac des Deux Montagnes, Rigaud à droite, et là on va
passer à travers Mirabel, Sainte-Anne-des-Monts, et on vous a… Donc, cette simulation-là, c'est fait à
partir de Google Earth, mais c'est le tracé exact du pipeline, et vous
allez voir qu'on passe à travers certaines des zones les plus densément
peuplées du Québec, on arrive en zone résidentielle. Là, jusque-là, ça va
bien, on est en zone agricole. Regardez, là, on arrive en zone
semi-industrielle et, maintenant, on est en
zone résidentielle. Et ça, c'est des images du déversement qu'il y a eu en
avril dernier en Arkansas. Alors, on a voulu illustrer un peu ce à quoi pourrait avoir l'air un déversement dans la
banlieue de Montréal. Alors là, on est à Terrebonne. Ça pourrait être
dans l'est de Montréal, ça pourrait être à Laval également.
• (11 h 40) •
Alors, tout
ça pour vous montrer qu'il y a des enjeux très importants, qu'Enbridge a une
feuille de route pathétique en matière de sécurité. Et Équiterre n'est
pas le seul à le dire, vous avez le Bureau sur la sécurité des transports des États-Unis
d'Amérique qui, dans son rapport de 2012, par rapport à l'accident de 2010,
disait l'an passé : Il y a une culture de négligence en matière de
sécurité chez Enbridge. Et, lorsque les journalistes de l'émission Enquête
de Radio-Canada ont demandé aux représentants du Bureau sur la
sécurité des transports : Oui, mais c'est arrivé il y a deux ans, cet accident-là, est-ce qu'ils n'ont pas changé leurs pratiques depuis?, leur
réponse a été de dire : Nous venons de publier notre rapport deux
ans après l'accident, s'ils avaient changé leurs pratiques, nous n'aurions pas
été aussi sévères.
Dans nos conclusions, ce qui est là, c'est un
des rapports qu'on vous a mis en annexe du mémoire, qui a été déposé devant l'Office national de l'énergie par
Richard Kuprewicz, qui est un expert sur les questions de sécurité dans
les pipelines et qui, lui, évalue... il
parle d'un risque élevé de rupture sur la ligne 9 au cours des premières années
de l'inversion. On a demandé à M. Kuprewicz : Ça veut dire quoi, un
risque élevé? Ça veut dire plus de 90 % de chances qu'il y ait rupture du
pipeline. Pourquoi? Parce que, comme dans l'accident de 2010, Enbridge continue
de faire les mauvais tests pour détecter les
problèmes avec ses pipelines. C'est exactement… le rapport de M. Kuprewicz
rejoint en ça le rapport du Bureau sur la sécurité des transports des
États-Unis d'Amérique.
Et,
d'ailleurs, je suis un peu sidéré, pour être très franc avec vous, que, dans le
document de consultation de la commission,
en matière de sécurité des transports on fait référence à un document du Sénat
canadien. Or, le gouvernement du Parti québécois s'appuie sur des
données du Sénat canadien. Je ne suis pas certain, mais je pense que notre ami M. Duffy était l'un des membres de la commission
sénatoriale qui a travaillé sur ce rapport-là. Il faudrait vérifier, je
ne suis pas certain. Mais on n'est pas allé
chercher les plus grandes sommités en matière de sécurité, on est allé
chercher le Sénat canadien, noyauté par les conservateurs, qui est devenu, au
cours des dernières années, une meneuse de claque des compagnies pétrolières et
des compagnies de pipelines. Je trouve ça un peu incroyable.
Je terminerai
sur un élément qui nous apparaît important, qui n'est pas dans le document de
consultation, qui était pourtant dans le document de consultation du
gouvernement sur la politique de mobilité durable, soit la question de l'adoption par le Québec d'une norme sur… à faible
teneur du carbone, des carburants, ce que fait la Californie, ce que fait l'Union européenne, ce que fait la
Colombie-Britannique. Alors, on propose de le faire dans le cadre de la
consultation sur la politique de mobilité durable, on est silencieux sur cet
enjeu-là dans le cadre du projet d'Enbridge. Or, aller de l'avant avec le projet d'Enbridge, ce serait aller
à l'encontre d'une telle norme comme celle qu'ont adoptée la Californie,
la Colombie-Britannique et l'Union européenne. Merci beaucoup.
M. Ribaux
(Sidney) : Alors, pour
parler brièvement des impacts économiques — puis, comme je vous le disais d'entrée de jeu, nous avons apporté avec nous
l'experte qu'on a mandatée qui est une des deux auteurs du rapport qu'on
vous a déposé sur les impacts économiques de ce pipeline — vous
dire, premièrement, que ce projet, initialement, de renversement de la ligne
d'Enbridge faisait partie d'un projet plus large dont il a déjà été question
ici, devant vous, qui était d'acheminer le pétrole de l'Ouest jusqu'au port de
Portland, au Maine, pour des fins d'exportation. Dans le fond, vous avez compris que toute la question de
la production du pétrole dans l'Ouest fait face à une problématique de
transport, donc d'acheminement de ce pétrole-là vers des marchés mondiaux, ce
qui explique en partie le différentiel de prix pour ce pétrole versus le prix
de référence qui est le brent.
Alors donc,
dans ce contexte-là, le projet, que nous suivons depuis plusieurs années,
d'Enbridge, était relié jusqu'à tout récemment à un projet d'exportation
vers le Maine. La capacité de ce pipeline, qui, présentement, vient de Portland à Montréal, est de
600 000 barils par jour. Donc, le potentiel existe pour que le
pétrole qui va arriver à Montréal ne fasse que transiter par Montréal,
et continue, et soit exporté. La capacité totale de raffinage au Québec est de
l'ordre de
400 000 barils par jour. On a présentement une capacité, juste avec
le pipeline Montréal-Portland, de 600 000 barils par jour. Si
on ajoute Enbridge, on monte à 900 000. Si on…
Une voix : …
M. Ribaux
(Sidney) : Oui. Si on
ajoute — je vais
terminer là-dessus — le
projet d'Énergie Est de
TransCanada, bien là on monte à 2 millions de barils qui transiteraient par le Québec. C'est clair qu'il y a
une partie significative de ce volume-là
qui est là pour exportation. Nous ne croyons pas que le fait de ne pas faire ce
pipeline-là va avoir des impacts significatifs sur les raffineries ou
sur les emplois au Québec. Et les bénéfices — je vais terminer
là-dessus — de
ce projet sont essentiellement reliés aux profits que feront les pétrolières.
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Merci beaucoup. Nous allons maintenant
procéder à la période d'échange avec les parlementaires en débutant par
Mme la ministre.
Mme
Zakaïb :
Merci, Mme la Présidente. Je tiens à saluer
M. Ribaux, M. Guilbeault, Mme Rowan. Merci d'être ici. Merci pour votre
mémoire. Merci pour votre présentation. J'ai une question pour M. Guilbeault.
Vous dites qu'Enbridge ne fait pas les bons tests, qu'Enbridge fait des mauvais
tests. Quels seraient les bons tests?
M. Guilbeault (Steven) : Bien, en
fait, c'est…
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Madame, messieurs.
M.
Guilbeault (Steven) :
Pardon. Oui. Alors, c'est très détaillé dans le rapport que nous avons mis en
annexe à notre mémoire, le rapport de M. Kuprewicz. Et, comme je le disais il y
a quelques minutes, il rejoint là-dessus tout à fait les conclusions du
rapport. Et vous pouvez aller lire simplement le sommaire, si vous ne voulez
pas vous taper tout le rapport, qui
fait plusieurs centaines de pages, de la Commission
sur la sécurité des transports des États-Unis
d'Amérique, mais qui dit qu'Enbridge ne fait
pas les bons tests. Je pense qu'on n'a pas vraiment le temps, dans le cadre de
la commission, de rentrer dans le détail, mais le rapport que
nous avons déposé est très détaillé au
niveau technique sur ces aspects-là.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Mme la ministre.
Mme
Zakaïb : Est-ce
que vous pourriez, au moins, nous dire, pour le bénéfice de tout le monde ici,
en quoi pourraient consister — peut-être que madame peut répondre à la
question — des
tests qui seraient appropriés ou nous référer… nous lire un passage du rapport,
peut-être?
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Madame, messieurs d'Équiterre.
Mme Rowan
(Brigid) : Je ne suis pas
l'auteure du rapport sur la sécurité des pipelines. Par contre, j'ai
travaillé de façon assez étendue avec
l'expert Kuprewicz, donc je peux vous dire... En fait, je
peux vous dire brièvement et aussi, probablement,
je peux aller dans son rapport et vous donner les citations plus précises.
Mais, de façon sommaire, le test qui est très important pour vérifier la
sécurité de cet oléoduc, c'est un test hydrostatique — «hydrotest»
en anglais — et
on passe de l'eau à une pression importante dans l'oléoduc.
Selon Richard Kuprewicz, Enbridge a une culture
de «denial», de négation envers ce genre de test. Enbridge prétend que ce genre de test peut être dangereux.
C'est sûr que c'est mieux de déverser de l'eau que du pétrole. Donc, ça serait un test important. Par ailleurs, Enbridge
prétend aussi que ce qu'ils appellent les «inline inspection», donc, en
français, inspection intérieure, je crois,
donc les racleurs instrumentés, etc., qui sont utilisés par Enbridge font la
job de détecter les fissures. En fait, la menace la plus importante à
cet oléoduc, c'est la fissuration, ce qu'on dit en anglais «stress corrosion cracking», donc, en français, la
fissuration par corrosion sous contrainte ou sous tension. C'est
spécifiquement ça. Les outils d'Enbridge ne détectent pas ces fissures-là.
Alors, les outils qu'utilise Enbridge... Alors, ce que Richard Kuprewicz dit,
c'est qu'un test hydrostatique serait une façon de détecter la menace
insidieuse aux pipelines.
M. Guilbeault (Steven) : C'est à la
page 33 et 34 du rapport qu'on vous a déposé en annexe, qui est, hélas, en
anglais, là, les audiences de l'office s'étant déroulées en anglais.
Une voix : …
• (11 h 50) •
Mme Rowan (Brigid) : Oui. Je pense
que c'est tout à fait nécessaire, mais, comme Enbridge a été... Dans les audiences devant l'ONE, Enbridge a
continuellement refusé les suggestions de ces tests-là. Et ce ne sont pas juste
des groupes écolos, je crois, le ministre de l'Ontario et d'autres... les
villes qui vont peut-être payer pour des ruptures qui insistent sur ce genre de
test là.
Par ailleurs,
je devrais souligner qu'il y a aussi une histoire que ces tests-là ne se font
pas à pression adéquate. Donc, si un
tel test est mandaté, il faudrait que
ça soit à pression adéquate. Enbridge et d'autres compagnies
énergétiques ont une histoire de ne pas faire de tests adéquats. Même si on
mandate un test, un «hydrostatic test», ils ne font pas les tests
nécessairement de façon adéquate. Donc, ça serait le test probablement le plus
important.
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Mme la ministre.
Mme
Zakaïb :
Merci, madame, pour l'information. Je vais maintenant céder la parole au député
de Repentigny.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
M. le député de Repentigny.
M.
McKay : Oui. Merci,
Mme la Présidente. Alors, bonjour à tous et toutes. Juste sur le dernier point,
là, sur les tests hydrostatiques, je pense
que ça a été relevé aussi que ce type de test là a été réalisé avant la mise en
service initiale du pipeline dans les
années 70 et aussi ça a été fait avant la première inversion, donc, qui a fait
en sorte que le flux du pipeline a été inversé de son sens initial vers
l'ouest. Et, maintenant qu'il reviendrait vers l'est, donc c'est peut-être un peu logique, si ça a été fait dans les deux
premiers cas, pourquoi ce n'est pas fait dans le troisième cas, là. J'avais
posé la question à Enbridge lors de leur
témoignage, et on nous a répondu que, si l'Office national de l'énergie leur
demande, qu'ils le feraient. Donc, peut-être qu'on pourrait encourager,
effectivement, l'ONE d'aller dans ce sens-là.
Moi, je
m'intéresse — d'ailleurs,
c'est la vidéo qui est à l'écran actuellement — à votre proposition d'instaurer une
norme sur la teneur en carbone des carburants. Alors, vous savez qu'au Québec
nous avons adopté un système de plafonnement
et d'échange des émissions de gaz à effet de serre, donc les émissions de gaz à
effet de serre sont plafonnées. S'il
y a une activité qui vient augmenter une émission, elle devrait être compensée
par une réduction ailleurs ou par des crédits
de compensation. Est-ce que vous pensez que cette norme sur la teneur en
carbone, ça pourrait, par exemple, dans le cadre du programme de
plafonnement et d'échange, être une valeur supplémentaire qui serait accordée,
donc, aux émissions qui proviennent de ce
type de pétrole là? Donc, à ce moment-là, on pourrait exiger davantage de
quotas, donc, plutôt que de traiter tous les pétroles au même niveau.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Madame, messieurs.
M. Guilbeault
(Steven) : C'est une
question intéressante. Il faut comprendre que le système de plafonnement
et échange québécois fait en sorte que, pour la plupart des industries, on leur
donne 80 % de leurs émissions historiques gratuitement, et là ils doivent... Comme l'objectif du Québec, sous
l'ancien gouvernement, était de 20 %, et la loi présentement au Québec est de réduire de 20 %
sur 90, on leur demande de réduire de 20 %. Ça veut dire qu'à
chaque fois qu'il y a une nouvelle
entreprise qui arrive et qui émet beaucoup de gaz à effet de serre, bien, ça
alourdit le fardeau de la société
québécoise pour atteindre notre objectif de 20 % légalement et 25 %,
tel qu'il a été présenté par le Parti québécois.
Je vous
disais que la Californie, l'Union européenne, la Colombie-Britannique ont déjà
adopté ce genre de norme là. Ce sont aussi tous des États qui ont soit
un marché du carbone, comme la Californie ou l'Union européenne, ou, dans le cas de la Colombie-Britannique, c'est une
taxe sur le carbone. Alors, c'est très complémentaire comme mesure et
c'est un outil de plus. La bourse du carbone est un des outils parmi beaucoup
d'autres pour nous aider à réduire nos émissions
de gaz à effet de serre. La norme californienne sur les véhicules, comme le
Québec l'a adoptée avec la Californie, est
une autre mesure qui nous permet de réduire les émissions de gaz à effet de
serre. Alors, cette norme-là sur la faible teneur en carbone des
carburants est très complémentaire au marché du carbone.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
M. le député de Saint-Maurice.
M. Trudel : ...reste environ
juste trois minutes, là. Je voudrais vous dire que je partage une bonne partie
des constats que vous faites sur l'état de
notre planète, sur la question des changements climatiques, ainsi de suite. Je
souhaite aussi vivement — peut-être autant que vous — le développement de toutes les filières
d'énergie verte pour remplacer le pétrole, ainsi de suite.
Pour moi, par
contre, il y a une question qui est très importante, c'est la période de transition.
Et je suis originaire de Shawinigan, en Mauricie, comme vous, et on a
vécu chez nous une transition économique très brutale, très, très rapide des électrotechnologies vers la
pétrochimie, entre autres, là, ailleurs au Québec. On en vit encore aujourd'hui
les retombées, et je peux vous comparer un
peu le Shawinigan de l'époque, qui était une des villes les plus riches, avec
un niveau de bonheur social très élevé, à,
aujourd'hui, une des villes les plus pauvres et avec des problématiques sociales
très dures. Par contre, on a une qualité
d'air maintenant, surtout qu'on a assisté à la fermeture, là, de
la dernière grande usine polluante, Alcan, chez nous, une qualité de
l'air très enviable maintenant.
Considérant que la consommation, les besoins en
produits pétroliers, pétrochimiques seront encore présents, considérant aussi
le fait que les technologies vertes ne sont pas encore toutes développées,
seriez-vous ouverts à ce que, pour ce qui
est du Québec, et surtout en pensant aux travailleurs de l'est de Montréal,
entre autres, à ce qu'on ait une transition modérée pour qu'on puisse
bénéficier encore d'une présence de l'activité économique, parce qu'il y aura une consommation de produits pétroliers, tout en
accélérant les travaux de façon importante, là, pour le développement de
la filière verte chez nous?
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Les représentants d'Équiterre.
M. Guilbeault
(Steven) : C'est une excellente question. On est tout à fait favorables
à une transition juste et équitable. Là-dessus, on rejoint plusieurs syndicats
canadiens, par exemple, et québécois qui ont travaillé sur ces questions-là. Comment on opère la transition?
Est-ce qu'on opère la transition en continuant d'investir dans des
infrastructures qui nous enferment dans une dynamique pétrolière ou est-ce
qu'on reprend ces investissements-là et on les dirige
vers des secteurs qui nous permettent... Bon, on peut parler de
l'électrification des transports, on peut parler du réaménagement urbain, qui
n'est pas de la technologie, mais qui est une façon très efficace de réduire
notre dépendance au pétrole. On a présenté
un rapport en 2009 qui s'appelle Changer de direction, qui démontre
comment on peut réduire de 60 %,
seulement dans le transport des passagers, notre consommation de pétrole d'ici
2030 au Québec, ce qui rejoint l'objectif que Mme Marrois...
M.
McKay :
…
M. Guilbeault (Steven) : … — exactement, merci, M. McKay — avait annoncé lors de la campagne
électorale, lorsqu'elle était venue nous visiter à Équiterre, de réduire notre
dépendance au pétrole de 60 % d'ici 2030. Mais, si on continue d'investir
dans les combustibles fossiles, bien, on n'opérera pas la transition, et là il
va y avoir un choc.
Et
regardez ce que disent le Fonds mondial international, l'Agence internationale
de l'énergie. D'ailleurs, quand on parle
des besoins, de la croissance de la demande pétrolière, on dit : L'Agence
internationale de l'énergie dit ça. On suit toujours le seul des trois scénarios qui prévoit une croissance de la
demande. On oublie toujours de parler des deux autres scénarios qui
prévoient en fonction des mesures qui ont déjà été mises en application par
différents pays pour réduire leur dépendance au pétrole, et la troisième
mesure, réduire les émissions de gaz à effet de serre, je devrais dire, mais parallèlement aussi réduire leur dépendance au
pétrole, le troisième scénario de l'Agence internationale de l'énergie
nous amène vers une transition, à condition
que les pays qui ont pris des engagements de réduire leurs émissions et qui les
ont mis en place et ceux qui ont promis de
le faire le fassent, mais cette transition-là, elle est en train de s'opérer.
La consommation de pétrole au Québec,
au Canada, en Amérique du Nord, depuis presque une décennie, a plafonné et a
même commencé à diminuer. Alors, on n'est pas en expansion. Et je
rejoins un peu le député de Mercier, M. Khadir, tout à l'heure, qui disait : Est-ce qu'il y a un risque à
l'approvisionnement présentement au Québec? Terre-Neuve, ce n'est pas
exactement une dictature. On peut dire ce qu'on veut, là, mais la mer du Nord,
l'Algérie est un pays quand même très stable depuis plusieurs années. Alors,
quand on nous parle de l'Arabie saoudite, du Nigeria, c'est un faible
pourcentage de nos importations de pétrole au Québec.
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Merci. Merci beaucoup.
Donc, maintenant, nous allons procéder à l'échange avec les partis
d'opposition. Auparavant, je dois demander le consentement des membres de la
commission parce que ce matin, au début de la commission, le représentant de la
CAQ était M. Bonnardel, et il serait remplacé par le député de
Nicolet-Bécancour. Donc, j'ai besoin du consentement des membres de la
commission.
Des voix :
Consentement.
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Consentement. Merci beaucoup. M. le député
de Laurier-Dorion, la parole est à vous.
• (12 heures) •
M.
Sklavounos :
Merci, Mme la Présidente. Alors, à mon tour de souhaiter la bienvenue aux
représentants d'Équiterre, M. Ribaux, M.
Guilbeault, Mme Rowan. Merci beaucoup de votre présence et des informations que
vous nous donnez. Vous avez une expertise,
de l'expérience et vous avez regardé cette question beaucoup plus longuement
que nous avons, nous, les parlementaires, le temps de l'examiner avec le
peu de temps que nous avons.
J'ai
remarqué, vers la fin de votre mémoire, cependant, vous avez mentionné que le
processus que nous sommes en train de
tenir ici est non inclusif. Ça a été dit assez clairement. Je me souviens que,
lorsque nous recevions des demandes provenant des leaders pour la
participation des groupes, parce que ces demandes me venaient directement, je
n'ai jamais dit non à un groupe. Alors,
pouvez-nous expliquer qui exactement... de qui vous parlez lorsque vous dites que ces groupes-là… Parce qu'évidemment, lorsque le gouvernement, qui n'a pas cru nécessaire d'aller devant
l'Office national de l'énergie… Peu importent les critiques qu'on peut
apporter au processus, le gouvernement de l'Ontario était là, le gouvernement n'a pas cru nécessaire de profiter de
cette tribune-là pour faire valoir la position du Québec. On entreprend une consultation assez rapidement, avec un rapport
qui va sortir vendredi. Qui, selon vous, aurait dû être ici et entendu
qui ne sera pas entendu?
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Madame, messieurs.
M. Ribaux
(Sidney) : Bien, en fait, c'est une excellente question, puis j'en
profite pour vous dire qu'on assiste présentement, au niveau fédéral, à un
désengagement sévère au niveau environnemental. Le gouvernement fédéral, présentement, fait tout en son pouvoir
pour faire la promotion d'un secteur très particulier qui est le secteur
pétrolier. Il le fait sur la scène internationale, il le fait sur la scène
canadienne, il investit beaucoup d'argent en publicité, en promotion, en
relations publiques. Et non seulement ça, mais il déréglemente, donc il est en
train d'enlever toutes les barrières réglementaires environnementales de
consultation du public et d'évaluation à l'égard de ces projets-là.
Ça m'amène à votre
question. Dans ce contexte-là, j'aurais cru, comme citoyen du Québec, que le gouvernement aurait pris l'initiative pour faire
sa propre évaluation environnementale, sa propre consultation, ce que
nous n'avons pas, malheureusement, avec une
commission parlementaire. Évidemment, l'une des choses… Pour répondre
plus spécifiquement à votre question, l'un
des enjeux que nous avons avec une commission parlementaire, c'est que nous
sommes à Québec, et le projet est dans le
sud-ouest du Québec. Alors, il y a moult citoyens, moult comités de
citoyens qui auraient souhaité être entendus,
qui seraient peut-être venus à des consultations d'un bureau d'audiences
publiques en environnement ou d'un autre
type de consultations qui auraient été faites sur place, qui auraient été
accessibles, d'une part.
D'autre part, il y a des organisations
qui se sont d'ailleurs désistées parmi ceux et celles que vous avez
invités. Est-ce qu'elles se sont désistées
parce qu'il y avait insuffisance d'information? Lorsqu'on fait une évaluation
environnementale, généralement on a le
promoteur devant nous, on peut poser des questions, il y a une séance d'information. Bref, il y a un processus qui nous
permet, comme citoyen ou comme organisation intéressée, qu'on soit une municipalité, une entreprise ou un groupe,
d'aller chercher l'information avant d'intervenir sur ces questions-là.
Donc, c'est clair qu'il y a des
organisations qui auraient participé à un type de processus comme ça.
Maintenant, est-ce qu'ils seraient venus jusqu'à Québec à une commission
parlementaire? Ça, je ne peux pas répondre pour eux, évidemment.
La
Présidente
(Mme Bouillé) : M. le député de Laurier-Dorion.
M.
Sklavounos : Vous commencez au début, là… Juste après la
pertinence des critères, dans votre mémoire, vous commencez au début, la
lutte aux changements climatiques. Et, s'il y a une différence qui saute aux
yeux, lorsque c'est un groupe voué à la
protection de l'environnement qui vient devant nous ou lorsque c'est un groupe
qui veut faire la promotion du projet, c'est que les groupes nous
parlent d'un point de vue… d'une approche plus globale, regarder la
contribution des sables bitumineux, par exemple, aux gaz à effet de serre.
J'ai
une question pour vous parce qu'il y a plusieurs qui ont dit : Il faut regarder ça de manière
globale. Le fait, c'est que ça
devient très difficile, selon moi — et
je vous lance ça pour votre commentaire — de
regarder ça au niveau global lorsqu'on ne sait pas encore… on n'a pas de
plan de lutte aux changements climatiques clairement établi au niveau du Québec. Il y avait un plan de lutte de l'ancien gouvernement, il
y a une cible maintenant qui est plus ambitieuse. Mais c'est une
chose, avoir une cible, puis c'est une autre chose de dire et d'avoir un plan
de match ou la route qui mène à l'atteinte
de la cible. Alors, je me demande si on est équipés pour discuter de manière
globale lorsqu'on... Et il
y a d'autres... Nature Québec semblait nous dire qu'il y avait des
annonces, mais il manquait une stratégie ou un point de vue global afin de pouvoir évaluer ce que le gouvernement est en train de faire. Le fait qu'il
n'y a pas de plan de lutte
détaillé aux changements climatiques, est-ce que vous trouvez que ça nuit, ou
ça nous empêche de débattre correctement, ou de prendre une approche vraiment
globale en regardant cette question-là?
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Madame, messieurs d'Équiterre.
M. Ribaux (Sidney) : Je répondrais de deux façons à votre question. Premièrement, est-ce que nous souhaiterions avoir un plan d'action adopté
pour atteindre la cible de moins 25 %? Oui, c'est clair. À notre avis, la
raison, je pense, qu'on aborde cette
question-là d'une façon très globale, comme vous le dites, c'est qu'on
s'attaque à une problématique qui est
globale. Alors, si, au Québec, on fait des efforts pour atteindre moins 20 % ou moins 25 % d'ici 2020, on
devrait être cohérent. Puis je pense que ce
serait ça, le massage — en tout cas, un des messages qu'on vous envoie
aujourd'hui — il
faut que le gouvernement soit cohérent dans
ses politiques. Alors, comment, en
fait, via un pipeline, favoriser le développement des sables bitumineux,
qui sont l'une des principales raisons que le Canada n'atteindra pas ses cibles
à l'égard des gaz à effet de serre, d'une part, et, d'autre part, se donner un plan
d'action très ambitieux ou une cible ambitieuse de réduction des gaz à effet de
serre? L'un va complètement à l'encontre de l'autre. Je ne sais pas si, Steven,
tu veux compléter.
M. Guilbeault
(Steven) : Bien, j'ai été membre du comité consultatif du gouvernement
précédent, je suis membre du comité aviseur du gouvernement actuel, et,
effectivement, c'est un peu difficile de débattre d'un projet comme ça avec… On a une cible encore plus
ambitieuse que la cible précédente et on ne sait pas encore comment on
va l'atteindre. Même la cible précédente, plusieurs analystes disaient :
Écoutez, c'est une cible ambitieuse. Alors là, on a une cible encore plus
ambitieuse que la cible ambitieuse précédente.
Rappelons-nous
que les sables bitumineux, c'est moins de 3 % de l'économie canadienne.
Pourtant, d'ici 2020, c'est plus de 50 % de l'augmentation des
émissions de gaz à effet de serre du Canada. 3 % de l'économie, 50 %
de l'augmentation des émissions de gaz à effet de serre du Canada. Nous ne
sommes pas présentement complices de ça. Si
on dit oui à ce projet-là, nous allons, au Québec, devenir complices de ce
projet-là. Les efforts que nous faisons, que les citoyens ont fait, que
les municipalités font, que les entreprises ont fait au Québec au cours des
dernières années, on pourrait effacer du revers de la main tous ces gains-là
qu'on a faits. Pour nous, c'est un non-sens total.
La
Présidente
(Mme Bouillé) : M. le député de Laurier-Dorion.
M.
Sklavounos :
À ceux qui nous ont dit, messieurs, madame, que, de toute façon, ce pétrole-là
des sables bitumineux va trouver une façon de se rendre à nos raffineries et
que le pipeline est le moindre mal, si vous voulez, ou la façon la plus sécuritaire de le faire venir, qu'est-ce que vous
répondez? Évidemment, on a tous Mégantic… Qu'on le dise, qu'on ne le dise pas, c'est l'éléphant, c'est
dans la pièce, c'est avec nous. On traîne ça avec nous, on a une
responsabilité collective qui nous habite à tous les jours, qu'on soit de cet
endroit ou non, en tant que Québécois. Si on
s'érige en blocage, on dit : Non, on n'en veut pas dans le pipeline, on ne
fera pas ça par pipeline, est-ce qu'on se tire dans le pied? Est-ce
qu'on pousse plutôt ceux qui veulent l'avoir, les raffineries qui veulent
s'approvisionner, à avoir recours au système de rail?
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Madame, messieurs.
M.
Guilbeault (Steven) : Merci,
Mme la Présidente. Vous savez, il y a une espèce de double discours au
niveau d'une partie de l'industrie
canadienne et québécoise à ce niveau-là parce que, quand on lit la presse
anglophone, quand on lit la presse albertaine, quel est le débat
présentement en Alberta? «Oil sands are going to be landlocked.» Les sables
bitumineux vont être… ils sont pris au niveau du territoire pour les… Qu'est-ce
qu'il faut pour les déprendre? Des pipelines.
Alors, si on dit non au projet de pipeline, bien, ce n'est pas vrai que la
production va passer de 1,6 million de barils à 5 millions de barils par jour. Pourquoi est-ce qu'on a
besoin de Keystone XL, de Northern Gateway, du renversement de la ligne 9, d'Énergie Est? Parce qu'on veut
augmenter la production des sables bitumineux de l'Alberta et qu'on ne
peut pas faire ça à l'aide des trains. Les
trains ne permettent… On arrive à une saturation du transport par train en
Amérique du Nord de par ce qui se
produit déjà dans le Dakota du Nord. On peut déplacer une fraction… D'ailleurs,
Suncor a dit : Ah! si vous ne nous donnez pas votre pipeline, on va
le prendre par train. Mais c'est 10 % qu'on va prendre par train, à peu
près, peut-être 15 %. Donc, de dire non
au pipeline, c'est une façon de freiner l'expansion des sables bitumineux.
Écoutez, au niveau environnemental, au niveau des droits de la personne,
au niveau… j'ai déjà parlé des émissions de gaz à effet de serre. Alors, pour nous, c'est un enjeu qui est hors de contrôle et
ce n'est pas le gouvernement conservateur de Stephen Harper qui va être
notre bouée de sauvetage à ce niveau-là au Canada, hélas!
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
M. le député de Laurier-Dorion.
M.
Sklavounos : Le
temps commence à me manquer. J'ai regardé rapidement… J'ai pris votre
suggestion, je regarde l'Executive Summary
du rapport de M. Kuprewicz, et, évidemment, il dit qu'Enbridge utilise le
Mass Balance System, qui est une approche qui n'est pas la meilleure et
qui a fait en sorte que ça a pris 17 heures, dans le cas de Michigan, de pouvoir… Est-ce que vous pouvez nous
expliquer rapidement, là, pour les nuls, c'est quoi, le Mass Balance System? Et est-ce qu'Enbridge, quand il nous dit
qu'ils ont changé leur façon de faire depuis Kalamazoo, est-ce qu'ils
utilisent toujours le MBS, le Mass Balance System?
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Messieurs, madame, en 20 minutes…
20 secondes. Pas 20 minutes, 20 secondes.
• (12 h 10) •
Mme Rowan
(Brigid) : Le problème, le
Mass Balance System se rapporte à un système de détection de fuites. Or,
ce qui est plus important et le risque
principal à cet oléoduc-là, c'est le risque de rupture. Alors, Richard
Kuprewicz a dit carrément : Il y a un risque élevé de rupture. En
plus, le système de détection de fuites avec le Mass Balance System et
l'intervention en cas d'urgence ne sont pas adéquats selon Richard. Et vous
pouvez lire davantage, mais les deux sont problématiques.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Merci beaucoup. M. le député de Nicolet-Bécancour.
M.
Martel :
Merci, Mme la Présidente. Bonjour à vous trois. Deux questions : une
petite question technique; la deuxième,
un petit peu plus philosophique, que je vais amener par la suite. Mais vous
avez parlé tantôt que les risques étaient
plus grands dans les premières années de l'inversion du flux, je n'ai pas
compris pourquoi que c'était plus risqué les premières années.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
…représentants d'Équiterre.
M.
Guilbeault (Steven) :
Excusez-moi. En fait, la conclusion de M. Kuprewicz, c'est que le risque
est élevé au cours des premières
années. Il ne dit pas : Il est plus élevé à court terme qu'à moyen terme.
Il dit juste : Il y a un risque élevé de rupture, qu'il y ait… Là,
je l'ai en… bien, en fait, je l'ai ici en français, là, qui est une traduction
de… Donc, il ne fait pas une différence au niveau temporel, il dit qu'il y a un
risque élevé, à court terme, de rupture, essentiellement.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
M. le député de Nicolet-Bécancour.
M.
Martel : Bien, vous
alliez peut-être ajouter quelque chose?
Mme Rowan
(Brigid) : Oui. Est-ce que
j'ai besoin… O.K. Oui, je voulais ajouter quelque chose. Effectivement,
la conclusion de Richard Kuprewicz, c'est qu'à court terme il y a un risque
plus élevé. Je crois que la raison pour cela, c'est
qu'on change complètement le profil hydraulique. Donc, ce n'est pas juste une
question de renverser un cours d'eau, c'est
vraiment… Parce que j'ai vu certains qui appuient le projet dire : C'est
juste comme changer les pipes, oui. Ce n'est vraiment pas ça, c'est… La raison pour laquelle c'est plus dangereux,
c'est qu'on a un panier de brut qui est différent, premièrement. Ça change la pression à l'interne de
ce pipeline-là, donc, surtout avec le «bitumen» dilué et le Bakken, qui
est très léger. Donc, on change un panier de brut léger à un panier de brut
lourd. Les deux sont dans le pipeline, les deux,
et c'est cette pression-là qui fait… de façon à empirer le «stress crack
corrosion», donc, la fissuration qui est déjà présente. Tout le profil
hydraulique du pipeline change aussi.
Alors, c'est
pour ça, je crois, que, probablement, Richard… Je ne suis pas dans sa tête,
mais je crois qu'il croit que la
rupture se passera dans les premières années parce que c'est vraiment dans ces
années-là qu'on commence. Donc, si le pipeline
tient la route pendant cinq, 10 ans, je crois que ça va probablement être
plus... on va probablement dire, à plus long terme, l'intégrité va être moins dangereuse que dans les premières
années. Mais, vraiment, dans les premières années, on a des
préoccupations très graves, et c'est vraiment pour ça que je suis ici.
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Merci beaucoup. M. le député de Mercier.
M. Khadir : Merci, madame. Merci,
M. Ribaux, Mme Rowan, M. Guilbeault. Vous avez dit que le
processus d'évaluation fédéral est dénué de crédibilité parce qu'il y a une
grosse pression politique. Vous savez que les mêmes pressions politiques, le même lobbying intensif... en fait, du lobby le
plus puissant sur la scène canadienne, sur la scène québécoise et sur la scène nord-américaine, le
lobby est très intense ici. Donc, on a eu de la difficulté, disons, à voir
une remise en question d'un projet qui
semble avoir l'aval du gouvernement, malheureusement. Donc, vous l'avez vu
dans les questions, en fait la question la
plus élaborée de la ministre, où elle a été la plus critique vis-à-vis un des
présentateurs, c'est survenu ce matin, à la première présentation par
Greenpeace, ce qui en dit long sur l'intention du gouvernement.
Maintenant, donc, je pense que la question de la
sécurité est essentielle. Vous avez dit 90 % de risque qu'un accident survienne le long du trajet. Est-ce que
vous pourriez plus élaborer là-dessus, quels sont les éléments qui nous
disent que c'est à cette hauteur-là?
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
…représentants d'Équiterre.
M.
Guilbeault (Steven) : Bien,
donc, pourquoi 90 %? C'est suite à l'analyse à la fois du… Il faut savoir
que la ligne 9B est très semblable à la ligne 6B du Michigan, donc
c'est… Et M. Kuprewicz a travaillé sur l'accident de Kalamazoo de Marshall, alors il a travaillé avec
le bureau sur la sécurité des transports aux États-Unis d'Amérique,
donc il connaît bien ce genre de pipeline
là, et, finalement, c'est son étude de 6B et de 9B qui l'amène à conclure que
le risque est très élevé. Je pourrais rentrer, là, dans les… Brigid,
veux-tu en rajouter un peu? Merci.
Mme Rowan
(Brigid) : Oui, j'aimerais beaucoup
en ajouter. En fait, je vous réfère à la page 28 du rapport de M. Kuprewicz. En fait, tout son rapport est
axé sur comment il arrive à cette conclusion-là. Mais, quand on va à la
page 28 de son rapport, on a un peu le
résumé de sa pensée dans la conclusion 9. Donc, juste pour commencer,
j'aimerais souligner que M. Kuprewicz, ce n'est pas n'importe qui,
c'est quelqu'un avec 40 ans d'expérience dans l'industrie. Il siège régulièrement sur des comités de PHMSA, c'est le Pipeline and Hazardous Materials
Safety Administration. Donc, c'est quelqu'un qui ne fait pas ce
genre d'évaluation à la légère, quand même, il le fait très, très rarement.
Donc, je vous réfère aux points 1 à 7. Donc…
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Madame, je m'excuse, le temps est écoulé.
Mme Rowan
(Brigid) : Donc, voilà.
Alors, vous avez juste besoin de voir ça, mais principalement, comme
Steven a dit, c'est l'enquête de 6B, mais en
combinaison avec toutes ces études qu'il a faites de façon
très rigoureuse, avec le témoignage d'Enbridge dans l'ONE, et je vous
conseille fortement de le lire.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Merci. Sur ce, la commission suspend ses travaux jusqu'après les affaires
courantes.
(Suspension de la séance à 12 h 17)
(Reprise à 15 h 29)
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Cet après-midi, nous recevons les représentants de l'AQLPA, du
Regroupement national des conseils régionaux
en environnement du Québec et de l'Association canadienne de pipelines d'énergie. Je souhaite la bienvenue aux représentants de l'AQLPA. Vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Je vous
demanderais de vous présenter en commençant.
Association québécoise
de lutte contre
la pollution atmosphérique (AQLPA)
M. Bélisle
(André) : Merci, Mme la Présidente. Bonjour à tous les gens de la commission. Je m'appelle
André Bélisle, je suis président de l'AQLPA.
Je suis accompagné de ma collègue Sophie-Anne Legendre, de l'AQLPA également,
qui est rédactrice du mémoire qu'on va vous
présenter, mais aussi d'un rapport sur lequel j'aimerais attirer votre
attention de façon urgente, rapport qu'on a produit en septembre
dernier, qui s'intitule Ce que vous devez savoir sur la venue du
pétrole de l'Ouest au Québec mais que les compagnies pétrolières préféreraient
que vous ne sachiez pas. Alors,
le but de notre propos sera de faire la distinction entre les formes de
pétrole, puisque ce n'est pas tout de la mélasse pareille, c'est très différent
d'un puits à l'autre et d'un producteur à l'autre.
D'abord,
l'AQLPA, bien, c'est un groupe environnemental voué à l'éducation populaire et qui existe au Québec depuis
juillet 1982. Donc, on va fêter notre 32e anniversaire dans pas long, et j'ai
la grande fierté de dire que, tous les
dossiers qu'on a menés au fil de l'histoire environnementale du Québec,
eh bien, on a toujours eu gain de cause parce qu'on a toujours établi notre opinion de façon très
rigoureuse, très fondée. Et le rapport dont on parle ici, bien, c'est un
rapport qui a été vérifié par la Faculté de génie civil et génie des eaux de
l'Université Laval, alors chaque aspect technique est vérifié par trois Ph. D.,
que ce soit au niveau génie ou au niveau santé. Voilà.
Alors,
sans plus tarder, nous vous présentons ce mémoire que vous avez reçu, qui porte
spécialement sur l'inversion du pipeline d'Enbridge, la ligne 9. Et très
rapidement, bien, écoutez, l'AQLPA, comme je le disais tantôt, on est un groupe
qui milite surtout, d'une part, pour identifier les menaces pour la qualité de
l'air et qui milite aussi, et surtout, et davantage, je dirais, sur les solutions
qu'on devrait mettre en oeuvre pour améliorer la qualité de l'air, et bien sûr
qu'on suit ça depuis 32 ans.
• (15 h 30) •
Et
on aimerait ici juste faire un clin d'oeil à la commission avec un propos ou un
avant-propos, si vous voulez, qui se
lit ainsi : «À l'instar de plusieurs groupes citoyens, sociaux et
environnementaux, l'AQLPA tient à exprimer sa profonde déception à l'égard de la forme restrictive de la
présente consultation. En outre, face à des enjeux d'une telle
importance, l'AQLPA s'explique mal le fait que le gouvernement du Québec n'ait
pas réalisé une évaluation environnementale complète, laquelle aurait permis à
la population et aux décideurs de porter un jugement éclairé sur ce projet.»
Car, en passant du pétrole léger
conventionnel au pétrole lourd non conventionnel, il y aura de lourdes
conséquences en termes de pollution atmosphérique globalement et
régionalement.
Là-dessus,
je vais rapidement passer au préambule avant de céder la parole à ma collègue
Sophie-Anne. C'est un peu pour se
mettre au diapason. Alors, le Québec, quant à nous, est à l'heure des choix
responsables. Au moment où les compagnies pétrolières et le gouvernement
canadien poussent de toutes leurs forces pour faire doubler, même tripler la
production de pétrole lourd bitumineux, le pétrole le plus polluant qui soit,
et ce, en totale contradiction avec la nécessité
et l'urgence de réduire sérieusement les émissions de gaz à effet de serre
partout dans le monde, le Québec est à l'heure des choix responsables.
Le
gouvernement du Québec acceptera-t-il la logique des compagnies pétrolières qui
imposent, dans leurs intérêts, l'abandon
des approvisionnements en pétrole léger, propre et beaucoup moins polluant pour
les remplacer par le pétrole le plus polluant au monde? Il est important
d'en comprendre les conséquences globalement et plus spécifiquement au Québec. Une rigoureuse évaluation de ces
conséquences et des alternatives est nécessaire. Parmi les conséquences
connues, l'arrivée du pétrole bitumineux
entraînerait une importante augmentation des polluants atmosphériques quand, au
contraire, le gouvernement du Québec et du
Canada devraient assurer l'atteinte de leurs objectifs de réduction de gaz à
effet de serre et autres polluants de
l'air. Au-delà des conséquences, il y a les risques, et Enbridge n'est pas à
l'abri des risques. Il importe de réaliser
que ces risques sont, d'abord et avant tout, le lot de millions de citoyens,
et, dans ce cas précis, Enbridge propose d'augmenter les risques par
l'inversion et l'augmentation du flot de pétrole. Les citoyens doivent être
entendus et doivent pouvoir faire valoir leurs opinions et leurs droits. Ils
doivent aussi être protégés.
En conclusion, pour
les raisons mentionnées plus haut et pour toutes celles présentées dans ce
mémoire, l'AQLPA s'oppose à la venue du
pétrole bitumineux et du pétrole de schiste au profit aveugle des raffineries
québécoises. Nous estimons qu'il y aurait certainement un recul environnemental
et une augmentation déraisonnable des risques pour
les populations. Par ailleurs, nous estimons qu'il n'y a aucun danger qui
guette les approvisionnements en pétrole léger et qu'il n'y a pas ou
très peu d'avantages économiques réels à passer à un pétrole bitumineux lourd.
Alors, je cède la
parole à ma collègue Sophie-Anne, qui va vous présenter les faits sur lesquels
on base notre opinion.
Mme Legendre (Sophie-Anne) : Alors, il y a plusieurs faits sur lesquels repose
la position de l'AQLPA. Je vous en énumère 20. Bien sûr, on pourra
revenir sur tous les autres pendant la période de questions, commentaires.
Donc,
d'abord — et c'est
très important — la
sécurité énergétique du Québec n'est pas en jeu. À court ou moyen terme,
les raffineries du Québec pourraient très bien continuer de s'approvisionner en
pétrole léger d'outre-mer, un pétrole beaucoup moins polluant sur l'ensemble de
son cycle de vie.
L'eau
potable de centaines de milliers de personnes, possiblement de millions de
personnes, incluant celles de la grande région de Montréal, serait mise
à grand risque.
Le transport de
pétrole bitumineux comporte des risques de déversement aux conséquences graves,
tant pour l'environnement que pour la santé humaine. En cas de fuite ou de déversement
en milieu habité, c'est à un cocktail atmosphérique complexe de produits
toxiques auquel les citoyens et les citoyennes seraient exposés.
En
moyenne, les émissions de GES du puits à la roue sont de 14 à 20 fois plus
élevées pour les bruts de pétrole bitumineux canadien que pour la
moyenne pondérée des carburants de transport vendus ou distribués aux États-Unis.
Pour sa production, un baril de pétrole
extrait des sables bitumineux émet de trois à 4,5 fois plus de GES qu'un baril
de pétrole produit aux États-Unis ou au Canada à partir de sources
conventionnelles.
En termes de
pollution émise sur l'ensemble du cycle de vie des pétroles reçus et raffinés
au Québec, seul le pétrole du Nigeria, qui représentait moins de 1 % du
total reçu en 2012, est plus polluant que celui du pétrole issu des sables
bitumineux.
Les
bitumes tirés des gisements de sables pétrolifères de l'Alberta sont très
visqueux. Ils ont une teneur en soufre qui varie de 4,6 % à
4,9 %, soit cinq fois plus que dans le pétrole conventionnel moyen.
Les émissions
atmosphériques provenant du raffinage sont, entre autres, fonction du type de
pétrole raffiné, de leur densité, de leur
teneur en soufre et du type de raffinerie impliquée. En passant d'un pétrole
léger à un pétrole lourd, les émissions de GES liées au raffinage
pourraient aller jusqu'à tripler.
Les
raffineries québécoises émettent déjà des quantités importantes de contaminants
atmosphériques affectant la qualité
de l'air, et donc la santé des populations. L'arrivée du pétrole albertain,
plus lourd que le pétrole raffiné jusqu'à présent, augmenterait leurs
émissions au moment même où Montréal et le Québec connaissent des problèmes de
qualité de l'air.
Bien
que présentement alimentées principalement en pétrole léger et à faible
intensité carbonique, les raffineries
québécoises sont déjà parmi les plus grandes émettrices industrielles de GES au
Québec. Il serait irresponsable de ne
pas considérer très sérieusement l'augmentation de la pollution à prévoir avec
le raffinage de pétrole plus lourd.
Si le projet d'inversion du flux dans l'oléoduc
d'Enbridge va de l'avant, Suncor pourrait construire une unité de cokéfaction à Montréal. Celle-ci augmenterait
la quantité de coke de pétrole produite et utilisée au Québec. Le coke
de pétrole est très volatil. Il peut créer
des problèmes de santé publique si l'entreposage ou la manutention est
inadéquat. Par unité d'énergie produite,
comparativement au charbon, le «petcoke», donc le pétrole de coke, le coke de
pétrole, émettrait de cinq à 10 fois
plus de CO2. Pour un baril de bitume des sables bitumineux, c'est
entre 15 % à 30 % qui se retrouvera sous forme de coke de
pétrole, donc un résidu du raffinage.
Le pétrole albertain étant plus riche en soufre,
le résidu du procédé de raffinage de coke de pétrole sera aussi plus riche en
soufre. L'usage du coke de pétrole comme combustible entraînera fort
probablement des émissions accrues de SO2.
Le Québec est
déjà le principal marché de consommation pour le coke de pétrole au Canada,
dépassant largement l'Ontario et
l'Alberta réunis. Un projet de cimenterie à Port-Daniel, en Gaspésie, est
présentement proposé et pourrait devenir
un des… sinon le plus important incinérateur à coke de pétrole au Québec et
peut-être même en Amérique du Nord. À lui seul, ce projet pourrait faire
augmenter de 2 millions de tonnes le bilan de GES québécois, tout
dépendant de la production, et tout ça sans l'évaluation par le Bureau
d'audiences publiques en environnement du Québec, le BAPE.
Plusieurs études démontrent que les retombées économiques
des projets d'exploitation de pétrole de sables bitumineux sont marginales pour
les provinces autres que l'Alberta.
Puis enfin, au niveau des emplois — je le
sais que c'est un argument qui est cher à l'industrie — au
niveau des emplois, ce n'est pas tant la création d'emplois qu'on entrevoit
avec l'inversion plutôt que le maintien d'emplois déjà existants. Merci.
M. Bélisle (André) : Alors, Mme la
Présidente, en conclusion, considérant l'ampleur des enjeux, l'AQLPA estime que le gouvernement du Québec doit
s'opposer à la venue et à l'utilisation au Québec du pétrole bitumineux
et du pétrole de schiste, mener une véritable évaluation environnementale du
projet de pipeline d'Enbridge, incluant toutes les facettes de ce projet, dont
son impact sur les changements climatiques et les impacts liés au transport du
pétrole, à son raffinage, à la production et à la consommation de coke de
pétrole, tout en évaluant sérieusement les alternatives.
Face à un
projet similaire de raffinage de pétrole lourd de l'Alberta, la ville de
Benicia, en Californie, a d'ailleurs exigé
une véritable évaluation environnementale qui analysera, entre autres, ce
qu'aura comme impacts le changement de type
de combustible raffiné sur la qualité de l'air et les émissions de GES.
Benicia, c'est juste à côté de Los Angeles. J'ai presque terminé, Mme la
Présidente.
Adopter dans
sa prochaine politique de mobilité durable une norme sur la teneur en carbone
des carburants forçant l'étiquetage et l'approvisionnement en pétrole à
faible teneur de carbone, basée sur l'ensemble du cycle de vie.
D'ici là, on
demande au gouvernement du Québec d'adopter un plan permettant une réduction
significative de consommation de pétrole dans les transports, 30 %
d'ici 2020; adopter un plan de lutte aux changements climatiques qui permet de réduire les émissions au Québec de
25 % sous les niveaux de 1990 d'ici 2020; adopter une politique sur
la qualité de l'air; adopter une norme sur
la teneur en carbone des carburants forçant l'étiquetage et l'approvisionnement
en pétrole à faible teneur en carbone, basée sur l'ensemble du cycle de vie,
incluant production, transport, raffinage et combustion
finale; et, dernièrement, refuser de céder aux pressions de l'entreprise Enbridge et du gouvernement
canadien qui visent à limiter au minimum l'évaluation environnementale et les
considérations éthiques liées à ce projet.
• (15 h 40) •
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Merci beaucoup. Donc, nous allons procéder à la période d'échange avec les
parlementaires en débutant par la partie gouvernementale. Mme la ministre.
Mme
Zakaïb : Merci,
Mme la Présidente. Bienvenue, Mme
Belisle, M. Legendre. Merci de vous être prêtés à cet exercice. Merci
pour votre rapport et pour votre allocution.
Je constate qu'une
bonne partie de votre rapport est basée sur le fait que le pétrole qui serait
acheminé, s'il y avait renversement du débit, serait du pétrole
provenant des gaz bitumineux. Est-ce que vous auriez la même conclusion si ce
n'est pas du pétrole qui provient des gaz bitumineux?
Une voix : …
Mme
Zakaïb : Les
sables bitumineux, je m'excuse.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Madame, monsieur…
Mme
Zakaïb : Les
sables bitumineux.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Madame, monsieur de l'AQLPA.
M. Bélisle (André) : Oui. André
Belisle, oui. Écoutez, ce qu'il faut bien comprendre, là, c'est qu'on a un jargon technique, là, qui essaie de nous faire
avaler que le pétrole des sables bitumineux reste en Alberta, et ici on
n'a que du pétrole raffiné qui s'appelle synbit, dilbit ou syndilbit. Mais tout
ça part du même pétrole des sables bitumineux, et on
ajoute aussi dans ce transport-là du pétrole qui provient du pétrole de schiste
de Bakken. La portion de pétrole conventionnel qu'on pourrait recevoir de
l'Ouest est à peu près inexistante maintenant. Alors, on ne parle que de
pétrole des sables bitumineux ou de pétrole de schiste. Et je cède la parole à
Sophie-Anne.
Mme
Legendre (Sophie-Anne) : En
fait, pour ramener ça de façon très simple, il faut distinguer deux types
de pétrole : conventionnel et non
conventionnel. Dans le cas du pétrole issu des sables bitumineux et des
pétroles de schiste, on parle de pétrole qui est non conventionnel. Ce
qui nous intéresse vraiment, c'est l'empreinte carbonique de ces pétroles-là.
Donc, la réponse, c'est : Oui, on s'y opposerait aussi si c'était
exclusivement du pétrole de schiste. Pas seulement pour la raison d'empreinte
carbonique, mais aussi de pollution des sols, des eaux et de l'air et tout ce
que ça fait subir aux populations qui sont proches de ces sites d'exploitation
là.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Mme la ministre
Mme
Zakaïb : Bien, j'ai posé la question aux deux entreprises
qui sont des clientes d'Enbridge — c'est
elles qui vont acheter du pétrole, et
Enbridge, finalement, c'est le transporteur du pétrole — et
l'une d'entre elles m'a dit que le pétrole
acheté serait du pétrole de la Saskatchewan. Est-ce que ça, c'est du pétrole qui provient des
sables bitumineux?
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Madame, monsieur.
M. Bélisle
(André) : Une bonne partie
de la production de la Saskatchewan, c'est du pétrole bitumineux. Il y a du pétrole conventionnel, mais qui
est en décroissance et il y a aussi, mêlé à travers ça, du pétrole de schiste.
Alors, on reste quand même, dans la plus grande partie de ce pétrole-là, dans
du pétrole non conventionnel.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Mme la ministre.
Mme
Zakaïb : Une autre question. Vous parlez de
l'augmentation, qu'un des risques… En fait, c'est un pipeline qui
fonctionne dans un sens, on pense à l'inverser et à augmenter le débit. Vous
dites que l'augmentation du débit ou du flot
augmenterait les risques. Est-ce que ça augmente les risques de fissure ou, en
cas de déversement, ça fait en sorte que ça déverse plus?
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Les représentants de l'AQLPA.
Mme
Legendre (Sophie-Anne) : Le
BTS, le Bureau de la sécurité du transport du Canada, a bien documenté
ça, que, parmi les facteurs favorisant les fuites et les déversements au niveau
des pipelines, il y avait notamment l'augmentation de la pression dans les
pipelines et les changements de direction dans les pipelines. Donc, c'est très
bien documenté, je vous inviterais à consulter les rapports du BTS sur la
question.
La Présidente (Mme Bouillé) : Mme la
ministre.
Mme
Zakaïb : On nous a dit que
ce pipeline avait été inversé une première fois, et il n'y a pas eu vraiment
de problèmes lors de la première inversion.
Pourquoi, lors de la deuxième inversion, il y aurait, à ce moment-là, des
problèmes?
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
M. Belisle, Mme Legendre.
M. Bélisle
(André) : La réponse est
bien simple, c'est qu'on passerait d'un pétrole léger conventionnel à un
pétrole lourd non conventionnel, et ça fait toute la différence au monde.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Mme la ministre.
Mme
Zakaïb : Encore une fois… Tantôt, vous nous disiez que
c'était du pétrole qui pouvait provenir des sables bitumineux, mais que
c'était un pétrole léger, donc un pétrole qui a déjà été traité. En fait, là,
j'ai de la difficulté à comprendre la différence — puis là vous allez peut-être
me l'expliquer — entre
du pétrole lourd, du pétrole léger parce que les gens qui achètent nous ont dit qu'ils n'ont
pas les capacités pour raffiner du pétrole lourd, donc il faut qu'ils
achètent du pétrole léger.
Expliquez-nous pourquoi vous pensez que c'est du
pétrole lourd et est-ce que les raffineries, qui sont les clients, ont les
capacités pour raffiner du pétrole lourd.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Madame, monsieur de l'AQLPA.
M. Bélisle (André) : …un complément,
là. Vas-y.
Mme Legendre (Sophie-Anne) : Bien,
je pense que l'industrie est quand même la mieux placée pour dire ce qu'elle
peut raffiner ou pas raffiner. Par contre, je vous référerais à la page 22 dans
notre mémoire qu'on présente aujourd'hui, le pétrole, quand il est issu des sables
bitumineux — et c'est
d'ailleurs le problème — il doit subir plusieurs transformations,
autant mécaniques que chimiques, pour devenir liquide et être acheminé dans le
tuyau. Il est donc préraffiné en Alberta.
Donc, on parle d'un pétrole très lourd. Moi, ce qui m'intéresse, c'est la
densité des chaînes carboniques puis la teneur en soufre. Donc, c'est
vraiment c'est quoi, la composition chimique de ce produit-là. Quand il part de
l'Alberta, de notre compréhension, pour
devenir un pétrole plus léger, il est donc préraffiné. C'est pour ça qu'on dit
qu'une fois arrivé ici c'est un pétrole léger. On ne peut pas faire abstraction
de l'ensemble du cycle de vie du produit, on ne peut pas dire : Il arrive ici, il est à 30 % d'API, mais,
quand on l'a tiré du sol, il était à 11 %. Il n'y a aucun produit
qu'on accepterait de consommer sans avoir
une idée de l'impact total sur l'ensemble du cycle de vie. Donc, oui, il est
préraffiné là-bas, mais son poids carbonique demeure quand même phénoménal et
incomparable à tous les autres types de pétrole dans le monde.
M. Bélisle
(André) : Et, en même temps,
Mme la Présidente, si vous me permettez, Mme la ministre, il m'apparaît un peu naïf et même illusoire de croire que les
producteurs comme Suncor, qui sont les plus gros producteurs de pétrole dans les sables bitumineux, tout à coup,
décideraient de ne plus se fournir eux-mêmes le pétrole qu'ils produisent.
Alors là, on est dans une situation où, oui, présentement, il reste encore un
peu de pétrole léger, il y a du pétrole de schiste, mais le but ultime de toute l'opération, c'est d'ouvrir les marchés
internationaux au pétrole lourd de l'Alberta, quitte à en faire un préraffinage dans l'Ouest. Mais, vous
savez, dans l'Ouest, on connaît des problèmes de pollution de l'air qui
sont absolument incroyables. Et, quand on
dit que le pétrole de l'Alberta est un pétrole sale, ce n'est pas parce qu'il
vient de l'Alberta qu'il est sale,
c'est parce que sa composition et sa façon d'être produit en font le pire
problème environnemental qu'on connaît au monde. Alors, le Québec est à
l'heure des choix responsables.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Mme la ministre.
Mme
Zakaïb :
Merci, Mme la Présidente. Est-ce que je dois en conclure que ce que vous nous
suggérez, c'est le statu quo, donc
que les raffineries québécoises continuent de s'approvisionner en Angola, en
Algérie, et ça, alors qu'elles nous disent que ça pose un problème au
niveau de leur… que, finalement, elles paient leurs intrants beaucoup plus cher
que leurs concurrents de l'Ontario ou du Nord-Est américain?
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Madame, monsieur.
M. Bélisle (André) : Vas-y.
Mme
Legendre (Sophie-Anne) :
Bien, je trouve ça drôle qu'on utilise le terme statu quo, là. Ce qu'on veut,
ce qu'on essaie de faire, c'est de protéger
ou même de faire augmenter des marges de profit de raffineries. C'est ça qui
est en jeu ici, c'est la marge de profit des raffineries. Parce qu'il n'y aura
pas d'économies à la pompe pour le citoyen, il n'y aura aucun avantage pour le Québec à obtenir son baril moins cher.
Ce n'est pas ici qu'il est produit, ce pétrole-là, c'est en Alberta.
Donc, quand on parle de statu quo, je trouve que c'est un mauvais choix de
mots, on dirait qu'on n'est pas pour le progrès. Ce n'est pas vrai. Je pense
qu'être pour le progrès dans le domaine du pétrole, c'est de choisir le pétrole, pour le temps de la transition, qui ait
le moins d'impact sur les changements climatiques. C'est ça, faire un
choix responsable. Les raffineries vont continuer à produire, même si le
pétrole vient de l'Alberta, que c'est un pétrole hyperléger… pas de l'Alberta, je m'excuse, de l'Algérie. S'il vient
d'ailleurs dans le monde, si on choisit des pétroles légers, ce n'est pas choisir le statu quo, c'est
continuer, c'est maintenir les emplois dans la pétrochimie, c'est
maintenir la position qu'on a dans la pétrochimie, mais c'est faire le choix
responsable de mettre dans la machine à saucisses la meilleure viande possible, pas aller chercher ce qu'il y a
de pire sur la planète. Puis, quand je dis ce qu'il y a de pire, je ne
pense pas seulement aux sables bitumineux. Je pense que, de plus en plus, c'est
un enjeu qu'il va falloir adresser, c'est celui du pétrole de schiste partout
sur la planète.
M. Bélisle
(André) : Et, vous savez,
Mme la ministre, une chose importante aussi, on nous présente ça comme une extrême urgence, en cas de sécurité nationale.
Bien, il n'y en a pas, de problème d'approvisionnement en pétrole. Au
contraire, on nous dit qu'on en produit de plus en plus, il n'y a aucun
problème. Et le pétrole qu'on utilise au Québec présentement, bien il n'y a aucune des sources de ce pétrole-là… Vous
avez nommé l'Angola, qui est probablement un des plus petits, comme le Nigéria. Mais en Algérie il n'y a pas de problème,
et ça représente 40 % de nos approvisionnements. Et, si jamais l'Afrique devait disparaître de la
face du monde, bien, notre voisin, Terre-Neuve, produit un pétrole qui
est aussi propre que le pétrole d'Algérie,
qui est classé parmi les pétroles les plus légers, donc les moins polluants du
monde.
Alors, il y a
plein d'alternatives. Et là le gouvernement du Québec, s'il est cohérent avec
ses engagements, doit manifester son opinion pour s'assurer qu'on
respecte nos engagements et qu'on agit de façon responsable. On sort de la rencontre de Varsovie, et, je pense, la
communauté internationale scientifique nous a rappelé l'urgence d'agir de
façon plus responsable. Alors, notre tour est venu, c'est au Québec maintenant
d'agir de façon responsable.
• (15 h 50) •
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Mme la ministre.
Mme
Zakaïb :
M. Bélisle, les raffineries sont venues nous dire ici que, présentement, elles
paient leur approvisionnement plus cher que leurs concurrents dans un monde où aujourd'hui,
partout à travers le monde, on peut s'approvisionner en pétrole, partout à
travers le monde, on peut raffiner du pétrole. Les entreprises, qu'elles se situent au Québec ou qu'elles soient internationales, quand elles prennent des décisions, elles les prennent en fonction des profits, vous le savez comme moi. Et, s'il y a
des investissements à faire, s'il y a des décisions à
prendre, on va les prendre ou on va faire ces investissements dans les
endroits dans le monde où ils sont le plus rentables. Quand on paie ses intrants 20 %
à 25 % plus cher que son concurrent, c'est certain qu'on n'est pas
compétitif. Vous nous parlez de maintien d'emplois comme si les emplois,
ils existent maintenant, ils vont être encore là, peu importe le coût de
l'approvisionnement. On a déjà perdu Shell, il nous reste deux raffineurs au
Québec. Est-ce que vous nous dites que, selon
vous, ça n'a aucun impact, le coût d'approvisionnement, pour ces raffineurs et
que ces emplois, qui sont des emplois de
qualité… C'est là-dessus… Vous savez, nous, comme gouvernement… En tout cas,
les députés du Parti québécois sont très sensibles aux emplois dans
l'est de Montréal, et, pour nous, ces emplois-là nécessitent qu'on s'attarde à
toute l'industrie pétrochimique et qu'on l'aide à être concurrentielle. Et,
selon vous, le fait qu'on paie nos intrants plus cher que tous nos
compétiteurs, ça ne compte pas dans la balance?
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Les représentants de l'AQLPA.
M. Bélisle (André) : Je pense qu'il y a plus que ça dans la balance, Mme la ministre. Avec
tout le respect que je vous dois, ce
n'est pas qu'une question de sous. Ce que vous nous proposez ou ce que les
compagnies pétrolières nous proposent, c'est de faire une aubaine en
mettant l'environnement et la sécurité des gens en jeu. Bien, je pense qu'il n'y a pas d'économie à faire dans une situation
d'extrême urgence environnementale. Alors, c'est de fausser un peu le débat.
Maintenant,
ça, c'est une vieille rengaine, hein? Moi, je me souviens — peut-être qu'il y en a parmi les plus
vieux, là, M. McKay était là à l'époque — dans les années 80, quand on
a eu à demander des améliorations technologiques au niveau des compagnies pétrolières dans le cadre de l'accord de
réduction des pluies acides, bien, on nous a servi la même rengaine, que ce n'était pas possible, qu'on ne
pouvait pas faire ça, que ça coûtait trop cher. Eh bien, il y en a qui ne
l'ont pas fait, qui ont fermé. Il y en a d'autres qui l'ont fait et qui ont
passé au travers de la crise. Eh bien, on est dans la même situation. Nous, on ne peut pas prendre le
discours des compagnies comme une vérité non questionnable. Par contre,
il y a une chose qui est certaine, on doit
assumer nos responsabilités, on doit respecter nos engagements. Vas-y, Sophie-Anne.
Mme Legendre (Sophie-Anne) : Ce n'est pas pour rien — j'aimerais revenir sur le prix des
intrants — que
le pétrole bitumineux est moins cher que les autres pétroles, c'est qu'il est
de moindre qualité. C'est aussi pour ça qu'il est
moins cher et c'est aussi parce qu'il n'a pas accès aux marchés internationaux.
Quand on va renverser le flot, tout d'un coup il va avoir beaucoup plus
facilement accès aux marchés internationaux, et c'est les économistes qui l'ont
mis en lumière, dès que le pétrole bitumineux et les pétroles de l'Ouest auront
été désenclavés, le prix devrait arriver assez rapidement à l'équilibre. Donc, les économies que nous font miroiter les
raffineurs, c'est des économies qui ne dureront pas, il n'y a pas de
pérennité là-dedans. Un jour, les prix, et assez rapidement, les prix vont
devenir les mêmes pour tous les types de barils de pétrole, comme on le voit.
Ceci
dit, à chacun son métier. Il y en a pour qui la préservation des emplois, peu
importe ce que ça implique pour les collectivités, c'est ça qui est
important. Moi, je pense que le message qu'on a apporté aujourd'hui, ce n'est
pas de préserver ou pas des emplois, ce
n'est pas nos stratégies pour mettre de l'avant des emplois plus verts ou moins
verts. Nous, ce qu'on est venus ici vous
dire, c'est que le pétrole de l'Ouest, celui qu'on veut nous apporter
présentement, c'est le pire pétrole
de la planète en termes d'intensité carbonique. Je n'essaie pas de diaboliser,
là, les techniques utilisées en Alberta ou même pour le pétrole de schiste, je fais juste vous dire que, dans les
faits, c'est un pétrole qui a une intensité carbonique beaucoup plus
élevée, ça va être de 14 à 20 fois plus émetteur de gaz à effet de serre. Et
ça, je ne pense pas que le Québec non plus peut faire l'économie de ça.
M. Bélisle
(André) : Et, si vous me permettez, en complément, Mme la ministre, je
reviens à l'exemple des années 90 dans toutes les activités qui ont dû être
mises en place pour réduire les émissions en fonction
des pluies acides, bien, il y a
des raffineries qui ont décidé qu'elles ne voulaient pas se moderniser, qui
faisaient… il y a des raffineries qui ne voulaient pas faire les modernisations
nécessaires pour réduire les émissions, pour respecter les réductions nécessaires
pour les pluies acides, mais il y en a d'autres qui l'ont fait. Et c'est comme
ça qu'Ultramar est devenue la plus grosse
raffinerie, et nous avons même appuyé Ultramar dans son développement parce que c'était une solution à la réduction des
émissions qui causaient les pluies acides. Alors, nous, on est ouverts à ça,
mais on n'est pas ouvert à un discours qui
dit : C'est comme ça, et pas autrement, et on se fout des engagements ou
des responsabilités environnementales. Ça, on n'acceptera jamais ça.
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Mme la ministre, en une minute.
Mme
Zakaïb :
M. le député de Repentigny avait une question, je vais lui laisser la parole.
La
Présidente
(Mme Bouillé) : M. le député de Repentigny, en une minute.
M.
McKay : Bien, en une minute, vous avez lu la politique de
mobilité durable. J'imagine que vous avez remarqué qu'on y propose une norme sur la teneur en carbone
des carburants. Vous le reprenez dans votre mémoire, est-ce que c'est un
exemple de chose qu'on peut et qu'on doit faire?
M. Bélisle
(André) : Tout à fait.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
En 30 secondes.
M.
Bélisle (André) : Mme la
Présidente, merci beaucoup. Tout à fait. Et nous, quand ce sera devenu une
réalité, bien, on va vous féliciter. Entre temps, on va vous encourager.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Merci beaucoup. Maintenant, M. le député de Laurier-Dorion.
M.
Sklavounos : Merci,
Mme la Présidente. Alors, à mon tour de souhaiter la bienvenue à M. Bélisle et Mme Legendre, les représentants de l'Association
québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique. Merci. Je crois
que c'est important de vous avoir avec nous,
d'avoir votre point de vue, votre expertise sur cette question-là. Nous
avouons bien franchement à ceux qui viennent devant nous qu'évidemment nous
sommes des parlementaires, nous n'avons pas nécessairement
l'expertise qui… Ce que nous nous sommes donné comme mandat est assez important
et se fait à l'intérieur d'une durée de temps qui est assez limitée. On
essaie de colliger des bouts et des morceaux partout et se faire une tête. Ce
n'est pas évident. Alors, on vous remercie en nous aidant à faire ce
cheminement-là.
J'avais une première question pour vous. Je
pense que vous avez aussi fait partie de la coalition qui est allée présenter devant l'Office national de l'énergie…
Est-ce que c'est exact que vous avec fait partie du groupe qui est allé?
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Monsieur, madame de l'AQLPA.
M. Bélisle (André) : Oui, tout à
fait. Sauf que, bon, on n'y a pas été personnellement, on était représentés, il
y avait des gens, là… En fait, c'est Équiterre, là, nous, on faisait partie de
la coalition. Mais oui, on était là.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
M. le député de Laurier-Dorion.
M.
Sklavounos :
Merci, Mme la Présidente. Je sais aussi, M. Bélisle, vous avez récemment été
nommé aussi sur le Comité consultatif en changements climatiques ici, au
Québec. J'ai vu le communiqué passer le 15 novembre, il me semble. On est allés à Varsovie. Le ministre est
allé à Varsovie. J'étais avec le ministre à Varsovie, je l'ai
accompagné. On a eu l'opportunité,
l'occasion de discuter, entre autres, de notre bourse du carbone, l'entente
avec la Californie, et tout le reste qui a été entamé par notre
gouvernement et qui a été continué, qui a abouti sous le gouvernement du Parti québécois. Et, évidemment, les gens peuvent,
théoriquement, saluer une augmentation de cible parce qu'on… Chez les
libéraux, c'était 20 %. Là, on parle de 25 %. Mais on essaie de
discuter de cette question-là puis maintenir une vue globale de la question, mais il me semble que c'est un petit peu
difficile alors qu'on n'a pas encore de plan d'action, de lutte. On a une cible. La cible est ambitieuse, je suis
d'accord avec tout le monde de dire qu'elle est ambitieuse. Mais la
question que les gens se posent, c'est si
c'est réaliste. Et, lorsqu'on nous demande de considérer et d'évaluer ce qu'on
est en train de faire et d'avoir une certaine cohérence, je me demande à
quel point on peut le faire alors qu'on ne sait pas comment qu'on compte… on n'a pas la carte pour savoir
comment qu'on va se rendre au 25 %, est-ce qu'on a la marge de
manoeuvre, est-ce qu'on ne l'a pas.
Vous qui serez appelé, évidemment, à donner
votre opinion sur ces questions-là comme membre du comité consultatif,
trouvez-vous que c'est difficile de nous positionner en n'ayant aucune idée
comment on va atteindre ce 25 % sans
plan d'action pour le Québec, alors qu'il y avait un plan d'action qui était en
place? Il n'y a personne qui nous a dit qu'on allait reprendre le plan
d'action du parti libéral, du gouvernement libéral, et le reconduire, on semble
parler d'un autre. Pouvez-vous nous donner votre point de vue là-dessus?
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Madame, monsieur.
• (16 heures) •
M. Bélisle
(André) : Oui, tout à fait.
Tout d'abord, il y a plusieurs questions dans votre question, là. Oui, j'ai
été invité à siéger sur le comité
consultatif. Il y avait un comité qui existait sous l'ancien gouvernement,
votre gouvernement, et j'ai été appelé à critiquer de façon très
fréquente le fait qu'on avait établi un plan insuffisant, et ça a été reconnu,
et qu'on nous disait régulièrement : Kyoto, tout est beau, c'est dans la
poche, tout est réglé, on n'avait pas commencé à travailler encore. Eh bien,
là, quand le nouveau gouvernement arrive et augmente les cibles de réduction de
20 % à 25 %, et qu'on n'a toujours pas de plan, bien, la même logique
s'applique.
Alors là, il faut sortir du discours où on fait
de belles promesses, où on nous présente toutes sortes de belles volontés, où
on est… On nous présente, nous, les Québécois comme les plus fins, les plus
gentils, les plus tout, mais, avant d'être
écolo, moi, je suis un gars de la construction. Et, avant de dire que la job
est finie, là, bien, je m'assure de voir qu'on a établi un plan, qu'on l'a mis en action et qu'on a réalisé ce
que le plan proposait. Alors là, ce qui doit changer au Québec, c'est d'arrêter de jouer du violon et
d'agir de façon responsable. Et, quand on l'a fait au Québec, à toutes les
fois l'économie du Québec en a été gagnante.
Et moi, je vous disais que je suis un gars de la construction, bien, j'ai bâti
la Baie James tout à coup, hein? Et ça, je
pense, c'est quelqu'un du Parti libéral qui avait eu cette idée-là il y a
longtemps, hein, et qui, après ça, il a
passé l'autre bord, il est allé au Parti québécois. Bien, je pense que tout le
monde au Québec se rappelle que, quand, au Québec, on a mis la barre
haute pour produire l'énergie la plus propre et être indépendants au niveau
énergétique, c'est ce qui a mis le Québec au monde. Eh bien, c'est ce qu'on
vous demande de faire encore.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
M. le député de Laurier-Dorion.
M.
Sklavounos :
On a parlé, entre autres, du fait qu'il y aurait un premier traitement, et on
ne sait pas dans quelle proportion, et comment, et ce que ça
représenterait comme quantité. C'est quand même… J'avoue qu'on ne sait pas exactement quelle
proportion du pétrole sera traitée à Fort McMurray, on nous a dit qu'il y
aurait une partie qui subirait un
premier traitement. Vous, vous dites : Écoutez, il faut prendre en compte
le cycle de vie complet, il faut commencer au début. Est-ce que ce premier traitement est simplement pour faciliter le
passage dans les conduites? Est-ce que ça n'a aucune incidence sur le passage dans les… Parce qu'il
sert à quelque chose, ce premier traitement. Alors, est-ce que c'est
pour qu'il arrive et qu'il soit reçu par les
raffineries en ce moment, qui est la capacité de recevoir? Est-ce que c'est
pour faciliter son passage? Et
pourquoi, lorsqu'il arrive au Québec puis il est traité une première fois…
Réexpliquez-moi pourquoi ça ne compte pas, en quelque sorte, ça, comme
un produit plus léger lorsqu'il arrive à destination.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Les représentants…
M. Bélisle (André) : …
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Un instant. Les représentants de l'AQLPA.
M. Bélisle
(André) : Je vais demander à
Sophie-Anne de répondre aux aspects plus techniques de votre question, mais j'aimerais attirer votre attention sur
quelque chose dont ne parle pas beaucoup ici. Présentement, la production
dans les sables bitumineux est en train
d'acidifier un territoire au nord-est de Fort McMurray qui comporte les
Territoires du Nord-Ouest, le nord de
la Saskatchewan, du Manitoba. On est en train d'acidifier un territoire équivalent
au territoire qu'on avait connu
acidifié dans l'Est, où ça avait pris 150 ans… Bien, on est en train
d'acidifier ce territoire-là en 25 ans. O.K.? On est en train de faire bien pire, si vous voulez, beaucoup plus
rapidement. Bien, ça, il faut en prendre conscience et il faut se rappeler, le monde entier nous dit que le
Canada est devenu un voyou environnemental à cause des sables
bitumineux. Alors, on est dans ce contexte-là.
Maintenant,
quand on préraffine là-bas, bien, c'est ça qui cause l'acidification et la
pollution dont je vous parle, que Sophie-Anne pourra vous présenter de
façon plus détaillée. Mais il ne faut pas sortir de ce contexte-là, là, il ne
faut pas penser que, parce que tout à coup ce pétrole-là arrive sous forme un
peu raffinée au Québec, qu'il n'y a pas de problème, ce n'est pas vrai, là.
Mme
Legendre (Sophie-Anne) :
Pour revenir sur les aspects plus techniques, oui, il est prévalorisé là-bas.
Comme je le disais tout à l'heure, quand on
tire le pétrole des sables bitumineux, c'est vraiment sous forme solide, donc
il faut absolument le traiter, le premier traitement pour le transformer
en bitume dilué, donc pour que ça puisse s'écouler. Avant ça, c'est solide, ça ne s'écoulerait même pas. Ensuite, le degré
de raffinage est selon les besoins des raffineurs et des raffineries,
mais il faut le raffiner. Ça peut être ensuite raffiné encore plus pour être
encore plus liquide. Donc, ça arriverait ici, en fait, oui, sous forme plus
légère, mais jamais aussi légère que les pétroles de l'Algérie, par exemple.
L'autre point sur lequel je voudrais attirer
votre attention — puis
André a commencé à mettre la table là-dessus — c'est la teneur en soufre des produits
pétroliers. Les produits pétroliers issus des sables bitumineux sont
beaucoup plus soufrés, donc — on dit acides aussi — que les produits pétroliers de l'Algérie, et
donc on va raffiner ici… on va raffiner
selon les besoins qu'on en a. Encore une fois, je vous inviterais à poser ces
questions-là aux gens qui travaillent en raffinerie. C'est des passionnés de raffinage, ils vont encore mieux
pouvoir vous expliquer tout ça. Moi, j'aimerais attirer votre attention sur le fait que, le soufre, il y
en a beaucoup plus dans les pétroles bitumineux que dans les pétroles
légers, et, quand on raffine ici aussi, ça fait des impacts sur
l'environnement, mais aussi sur la santé des populations. On a dit beaucoup, en
2012, que c'était génial parce que la qualité de l'air s'était beaucoup
améliorée dans l'est de Montréal. C'est vrai
que les emplois, c'est important dans l'est de Montréal, mais la qualité de
l'air puis la santé des enfants et des personnes âgées aussi, c'est important
dans l'est de Montréal.
Oui, on est rendus très bons, l'est s'est beaucoup
amélioré, sauf pour ce qui est du soufre. Les concentrations de soufre dans l'est de Montréal
demeurent encore en concentration deux fois plus élevée que partout ailleurs
sur l'île. Donc, c'est, encore une
fois, un point qu'il faut prendre en considération, surtout sachant qu'en plus
de l'acidification des cours d'eau et de la nature en général, des
océans, il y a plein d'autres impacts que ça peut avoir, notamment la corrosion
des matériaux et plein d'enjeux de santé publique.
M. Bélisle
(André) : Mme la Présidente, si vous permettez, je pense, je dois aussi ou on doit aussi attirer
votre attention sur deux choses. Le Vérificateur général du Canada, dans un
rapport, il n'y a pas tellement longtemps, blâmait
les compagnies pétrolières et gazières de l'Ouest d'avoir régulièrement, et depuis longtemps, largement sous-estimé les impacts environnementaux de leurs opérations. O.K.?
Bien là, je pense qu'il ne faut pas trop, trop se fier à ce que tout est beau, c'est le pétrole le meilleur au
monde, là, il faut aller à la base, il faut aller aux faits et regarder la
situation.
Et, je vous
rappellerai, on avait demandé au Vérificateur
général du Québec de faire la même
chose ici, et c'est lui qui avait dit que oui, il est grand temps qu'on
passe de la parole aux actes dans la lutte aux changements climatiques parce qu'on a fait beaucoup de promesses au Québec, mais on commence à
peine à en voir les résultats et on est très en retard. Kyoto, on l'a manqué complètement. Eh bien, là, que ce soit le
moins 20 ou le moins 25 — et
nous, on souhaite le moins 25 en 2020 — bien, ça ne se fera pas avec
des prières, ça va se faire avec des actes concrets.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
M. le député de Laurier-Dorion.
M.
Sklavounos :
Il reste un petit peu de temps. J'aimerais juste combiner deux questions qui
sont plutôt de nature économique. Vous ne
vous êtes pas prononcés sur ces questions-là, donc je vous lance. Il y a
eu des représentants des travailleurs de l'est de Montréal et de l'industrie qui sont venus nous dire... non seulement ont parlé d'un maintien d'emplois
si le projet était autorisé, mais il
y aurait des modifications aux installations qui auraient à se faire, qui donneraient lieu à des emplois au moins temporaires pour les
transformations. Et je le mentionne parce
qu'à un moment donné, dans votre présentation, vous avez dit qu'on parlait
principalement d'un maintien. Ils semblaient dire, de l'autre côté, oui,
qu'il y a un maintien, mais qu'il y aurait
aussi des emplois qui seraient créés au moins temporairement pour la modification.
J'aimerais vous entendre là-dessus.
Mais j'ai un autre
point. C'est un point qui est peut-être plutôt dans le domaine du nationalisme
économique, si vous voulez, mais il y a des gens qui sont venus nous
dire : Il est peut-être un petit peu plus propre, mais c'est un pétrole
qui vient d'ailleurs. Pourquoi ne pas envoyer nos sous en Alberta? Et il y en a
qui nous ont dit que c'est des concurrents,
puis il y en a d'autres qui ont fait remarquer : Écoutez,
on fait partie d'une fédération où il y
a des transferts, il y a de la
péréquation, cet argent-là revient au Québec. C'est deux questions. Il ne reste
pas beaucoup de temps, mais j'aimerais vous entendre sur les deux, s'il vous
plaît.
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Monsieur, madame, en 40 secondes.
M. Bélisle (André) : Mme la Présidente, merci
beaucoup. Le Québec
n'est pas condamné au pire pétrole de la planète. On a toujours les approvisionnements qui peuvent provenir des sources qu'on a
présentement. Et, si jamais on
devait avoir un problème, bien, Terre-Neuve, qui est notre voisin, qui est dans la fédération aussi, produit un
pétrole qui est aussi propre que le
pétrole de l'Algérie. Puis je pense qu'il y aurait peut-être
moyen de se servir de ça comme levier pour développer de meilleurs
rapports avec Terre-Neuve, mais je ne rentrerai pas dans la politique. Je pense
que c'est faux de partir de la prémisse qu'on est condamnés à ça, on est
condamnés si on le veut.
La
Présidente
(Mme Bouillé) : En terminant.
M. Bélisle
(André) : Si on vise à assumer nos responsabilités, on ne l'est pas.
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Merci beaucoup. M. le député de
Nicolet-Bécancour.
M.
Martel :
Merci, Mme la Présidente. Bonjour, vous deux, particulièrement M. Forcier, un
concitoyen de Fortierville. Vous venez de Fortierville, oui?
M. Bélisle
(André) : Non, non, non, d'une belle place qui s'appelle Frampton.
M.
Martel :
Ah! bien, je confonds. Je confonds.
M. Bélisle
(André) : Oui, Chaudière-Appalaches.
M.
Martel : Je veux vous dire que moi, j'entends très bien ce
que vous dites. C'est vraiment éclairant, puis on ne peut pas dire que
vous ne jouez pas avec notre conscience, là. Je veux dire, on n'est pas sourds,
on n'a pas... Moi, personnellement, je n'ai pas l'expertise pour analyser,
critiquer ce que vous dites, mais je l'entends bien.
Tantôt,
vous avez parlé du pétrole de Terre-Neuve. Moi, je prends pour acquis que…
Supposons que le projet ne se réalise
pas, je pense que c'est indéniable qu'il va y avoir plus de transport par
train. On va en acheter quand même, du pétrole de l'Ouest. Pas autant
que s'il arrivait par oléoduc, je comprends, mais on va augmenter le trafic
ferroviaire. Moi, je me demandais, ce que vous dites par rapport à Terre-Neuve,
est-ce que ça ne serait pas un incitatif pour nous d'exploiter peut-être plus
rapidement le pétrole dans Old Harry?
• (16 h 10) •
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Madame, monsieur de l'AQLPA.
M. Bélisle (André) : Mme la Présidente, merci.
Bien, nous, notre opinion est très claire, là, ce serait une erreur absolument remarquable de se lancer dans la
production de pétrole dans le golfe du Saint-Laurent pour toutes les
raisons qu'on connaît. C'est une mer
intérieure fermée, avec des conditions d'hiver absolument hors des moyens qu'on
a pour assumer toute intervention s'il y avait un problème.
Vous avez soulevé la question
du transport par… pétrole, bien, ça me permet d'attirer votre attention sur un fait dont on ne parle pas assez. Présentement, l'Alberta a tellement augmenté sa production de pétrole que ça dépasse
nos capacités de contrôle, de transport, et ils veulent multiplier encore.
Bien, que ce soit par pipeline ou par train, on va multiplier d'autant les risques. Eh bien, ça, ça va aussi dans
le sens contraire de nos engagements par
rapport à la lutte aux gaz à
effet de serre et aux changements climatiques.
Alors, bon,
maintenant, revenons à Terre-Neuve. Bien, si on exclut Old Harry, je pense
qu'on peut faire un deal avec Terre-Neuve puis dire : Bien, on pourrait s'approvisionner d'Hibernia, on
pourrait s'approvisionner d'Hebron, on pourrait… Il y a plusieurs
projets dans l'Atlantique qui sont à l'extérieur du golfe du Saint-Laurent, qui
posent beaucoup moins de problèmes… qui est un pétrole beaucoup plus propre et
qui, en fait de transport, permettrait de réduire les distances par rapport à
l'Algérie, à Ultramar ou à l'Amérique. Donc, même si on regardait sous cet
angle-là — et là je vous laisserai faire les négociations nécessaires — bien,
si on s'approvisionnait à Terre-Neuve, on réduit les distances de transport, on
réduit les risques de transport. Bien, il y a plein d'alternatives. On n'est
pas condamnés au pire pétrole du monde, ce n'est pas vrai.
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Merci. M. le député de Mercier.
M. Khadir : Merci, Mme la Présidente. Mme Legendre, M. Bélisle, bienvenue. Donc, il y a
peu à peu un certain nombre, je dirais, de légendes et, disons, de
perceptions qui sont en train de tomber et d'autres, je dirais, constats qui s'imposent. D'abord, donc, on comprend que
le pétrole qui va être inversé, ça va essentiellement être du pétrole lourd, du pétrole non
conventionnel. Il s'impose de plus en plus, d'après les questions qu'on a
posées à plusieurs groupes et experts ou des
gens qui ont produit des rapports ici, que ce n'est pas une simple opération,
là, de changement de direction dans
un tuyau, l'inversion elle-même, plus la pression supplémentaire à cause de
l'augmentation du débit sont parmi les principaux facteurs de risque
d'accident de déversement.
On a appris que ça entraînait des coûts
supplémentaires en matière de santé, puisque vous dites que les taux de SO2 sont déjà le double dans l'est de Montréal. Donc,
avec l'augmentation de l'activité de la cokéfaction, c'est des risques accrus. Ça, ça a des coûts sur la santé,
l'impact sur les problèmes respiratoires, qui sont un des problèmes de
santé les plus fréquents et qui sont les
plus coûteux actuellement pour les gens en bas âge et aux extrêmes d'âge, en
fait, à Montréal.
Ensuite, vous avez aussi mentionné que, sur le
plan opportunités économiques, si on avait, par exemple, des normes de teneur
en carbone qui faisaient en sorte qu'Ultramar était encouragée à utiliser un
pétrole léger, en fait on encouragerait Ultramar par rapport à des raffineries
à l'extérieur du Québec qui utilisent le pétrole lourd.
Donc,
considérant tout ça, si on avait organisé un BAPE plutôt que la commission, qui
n'est pas experte et critique, si on
avait organisé un BAPE, est-ce que ça aurait passé le test du BAPE, le projet
d'inversion d'Enbridge selon vous, votre…
M. Bélisle (André) : …je peux
comprendre…
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Madame, monsieur.
M. Bélisle
(André) : Excusez, Mme la
Présidente, j'ai de la misère à me rappeler que je suis en ville, je ne
suis pas dans le bois. Bon. Tout ça pour vous dire qu'il faut se rappeler qu'on
est dans un contexte fédéral, et il y a des juridictions différentes. Ça, ça
pose un certain problème. Ça n'empêche pas le Québec d'émettre son opinion, et
je souhaite que le Québec soit assez
courageux pour émettre son opinion. Maintenant, est-ce que ce serait un BAPE?
Je pense que le BAPE pourrait
certainement jouer un rôle important, mais on parle d'abord d'une évaluation
environnementale stratégique ou générique de l'ensemble de la question avec les
alternatives pour être capables de se faire une idée.
Parce que là, finalement, ce qui est arrivé,
c'est qu'on nous amenés dans un canal où on nous dit : Il n'y a pas d'alternative, c'est comme un entonnoir. C'est par
là que ça passe ou ça ne passe pas. Bien, ce n'est pas vrai, ça. O.K.? Alors, nous, on dit : On peut prendre le
temps. Il n'y a pas de danger, là, les compagnies, que ce soit Ultramar ou
Shell, vont continuer à travailler, il va y
avoir encore du pétrole qui va arriver. On a le temps d'évaluer une situation
et de faire des choix judicieux, et ça va pouvoir permettre, d'après
moi… Comme on a vu dans les années 90, quand Ultramar…
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
En terminant.
M. Bélisle (André) : …a reçu le
mandat de remplacer les vieilles raffineries qui fermaient, bien, ça, ça a été d'encourager le progrès dans l'industrie. Bien,
c'est quoi, le contraire du progrès?
Bien, c'est le regret. Eh bien, c'est ça, si on ne va pas dans le sens
du progrès, on va se retrouver en contradiction avec tous nos engagements,
c'est sûr.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Merci beaucoup, M. Bélisle, Mme Legendre.
J'invite maintenant
le Regroupement national des conseils régionaux en environnement du Québec à prendre place à la table, et je suspends
les travaux pour une minute.
(Suspension de la séance à 16 h 15)
(Reprise à 16 h 17)
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Nous reprenons nos travaux. Messieurs, bienvenue. Vous disposez d'une période
de 10 minutes pour votre exposé, qui sera suivi d'une période d'échange
avec les parlementaires. Je vous demanderais, en débutant, de vous présenter, s'il
vous plaît. La parole est à vous.
Regroupement national
des conseils régionaux
en environnement du Québec (RNCREQ)
M. Turgeon (Alexandre) : Merci, Mme
la Présidente. Je me présente, Alexandre Turgeon. Je suis directeur du Conseil régional de l'environnement de la région la Capitale
Nationale, également
administrateur du Regroupement national
des conseils régionaux de l'environnement. J'accompagne aujourd'hui Philippe Bourke, le
directeur du regroupement, qui va vous faire la présentation. Je lui
cède la parole.
M. Bourke
(Philippe) : Merci beaucoup. Donc, comme nous n'avons que 10 minutes et qu'on est des
habitués de la commission, on va couper court aux présentations et se limiter à
dire qu'aujourd'hui on représente les 16 conseils régionaux de l'environnement et que le but
de notre regroupement, c'est de protéger l'environnement et de
promouvoir le développement durable dans une perspective de défense de l'intérêt
public.
Donc, il y a
une description plus détaillée des CRE et du regroupement dans notre mémoire.
Soulignons toutefois que les CRE sont particulièrement actifs dans le
secteur de l'énergie et qu'ils se sont penchés avec sérieux sur la question de
l'avenir énergétique du Québec, notamment à travers les Rendez-vous de
l'énergie et, plus récemment, avec la démarche Par notre propre énergie.
En préambule, comme l'ont souligné plusieurs
groupes de citoyens, sociaux et environnementaux, le regroupement tient à exprimer sa profonde déception face à la forme
restrictive de la présente consultation. En outre, devant des enjeux
d'une telle importance, le regroupement s'explique mal le fait que Québec n'ait
pas réalisé une évaluation environnementale complète, laquelle aurait permis à
la population et aux décideurs de porter un jugement éclairé à l'égard de ce
projet.
Maintenant,
contrairement aux autres organisations environnementales qui se sont impliquées beaucoup
dans ce dossier-là depuis plusieurs
mois comme l'AQLPA, qu'on vient d'entendre, c'est la première fois que le
regroupement prend officiellement position
dans le dossier. Mais, même si le sujet semble en apparence assez simple, il
est pourtant d'une grande complexité pour nous. Il a nécessité une
réflexion très prudente et très approfondie, ce qui explique peut-être, justement,
le délai qu'on a mis avant de prendre position officiellement. On est donc
heureux de vous partager aujourd'hui le
fruit de cette réflexion. Notre objectif est assez simple, on veut vous convaincre que
vous avez tort de vous astreindre à une analyse aussi étroite du projet.
Le gouvernement du Québec doit définitivement élargir le cadre de son analyse
et évaluer ce projet dans une perspective globale. On va utiliser deux
arguments pour vous convaincre. Le premier est éthique, l'autre est légal.
• (16 h 20) •
Sur le plan éthique, on réfère au devoir du Québec
à l'égard des pressions et des menaces qui pèsent sur les conditions
d'existence sur terre. Même si on préfère tous l'oublier, plusieurs rapports
internationaux publiés au cours de la
dernière décennie contribuent à dresser un portrait alarmant de l'état de l'environnement mondial. Je me permets de citer
deux passages de notre mémoire, qu'on retrouve en page 7 et 8 et qui
concernent, justement, ces rapports : «Avec la sortie de la
récente publication intitulée Turn Down the Heat réunissant les données
scientifiques les plus récentes [sur] le
climat, Jim Yong Kim, président de la Banque mondiale, a déclaré que "si
nous n'agissons pas contre le changement climatique, nous risquons de
léguer à nos enfants un monde radicalement différent de celui que nous
connaissons aujourd'hui. Le changement climatique est l'un des principaux
obstacles auxquels se heurtent les efforts de développement, et nous
avons la responsabilité morale d'agir pour le bien des générations futures, en
particulier les plus pauvres."»
Autre citation : «Dans [un] plus récent
rapport sur l'état de la planète, le Programme des Nations unies sur l'environnement affirme que "les pressions exercées sur les écosystèmes terrestres
poussent ces derniers vers leurs limites biophysiques et que ces limites sont presque déjà atteintes. Dans
certains cas, elles sont […] dépassées. […]Si l'humanité ne modifie pas d'urgence ses façons de faire, plusieurs seuils critiques vont être franchis, au-delà
desquels des changements abrupts et généralement irréversibles pour les
fonctions de base de la vie sur terre pourraient se produire".»
Reconnaissant
cela, le Québec ne peut pas, moralement, fermer les yeux devant
des projets qui s'inscrivent dans une logique qui accroît ces pressions
et ces menaces. Les projets de pipeline d'Enbridge et de TransCanada, comme
aussi ceux de Keystone XL et de Northern
Gateway, visent un objectif clair, augmenter la capacité d'accès au marché du
pétrole albertain pour permettre aux
compagnies pétrolières canadiennes de vendre plus de pétrole, plus rapidement
et plus cher. Si l'on veut préserver
les conditions d'existence sur terre, la poursuite de cette exploitation à ce
rythme et à ces conditions n'est pas possible. Le RNCREQ considère
inadmissible que le Québec, qui se dit leader de la lutte aux changements climatiques et promoteur du développement durable, reste les bras croisés devant ces faits. Il doit
plutôt se demander quel rôle il peut jouer pour tenter de corriger cette
situation-là.
Sur le plan légal maintenant, nous vous
rappelons que le gouvernement du Québec est assujetti à la Loi sur le développement
durable, qui a été adoptée à l'unanimité en 2006. Cette loi impose à Québec
d'élargir son analyse en prenant en compte l'ensemble des 16 principes de la
loi. J'en prends deux, comme ça, en exemple. Le regroupement considère que, par son analyse restrictive, Québec
ne respecte pas le principe d'équité et solidarité sociale en fermant
les yeux sur le fait que les projets
d'oléoduc s'inscrivent dans une logique d'exploitation rapide des ressources
non renouvelables sans que ne soient pris en compte les besoins des
générations futures et l'usage qu'elles pourraient faire de ces ressources.
Un autre
principe qui est ignoré est celui du partenariat et coopération intergouvernementale. Ce principe stipule que les
actions entreprises sur un territoire doivent prendre en
considération leurs impacts à
l'extérieur de celui-ci. Or,
le Québec, dans son analyse, ferme les yeux sur les impacts des projets de
pipeline en amont, soit au moment de l'extraction
du pétrole. Pour toutes ces raisons, tant que cette situation
perdurera, le regroupement s'oppose à la production de pétrole à partir des sables bitumineux et aux infrastructures de transport destinées à en favoriser le développement.
Le regroupement est d'avis que la façon la plus
optimale pour le Québec de gérer sa filière pétrole est de mettre en oeuvre une stratégie musclée visant la
réduction de la consommation de cette forme d'énergie sur son
territoire. Réduire la dépendance au pétrole étranger, c'est légitime et
nécessaire. Mais ce qui est primordial, c'est de réduire la dépendance au
pétrole tout court. Pour le regroupement, il est possible de réduire la
consommation de pétrole au Québec sans pour autant nuire à la qualité de vie et
au développement, au contraire. D'ailleurs, des efforts en ce sens sont déjà
mis en oeuvre par le gouvernement, comme la Stratégie d'électrification des
transports, mais cela est loin d'être suffisant.
Les conseils
régionaux de l'environnement, appuyés par un important collectif de
partenaires, ont signé en 2011 une déclaration d'engagement pour promouvoir une stratégie ambitieuse visant
la réduction de la consommation de pétrole. Les
signataires affirment, entre autres, qu'une réduction progressive et planifiée
de la consommation du pétrole aura assurément
des impacts positifs sur le développement
économique régional, la balance
commerciale québécoise, l'emploi et notre qualité de vie,
lesquels sont supérieurs aux éventuels impacts négatifs du statu quo. Ce
faisant, c'est toute notre société qui en sortirait gagnante. Notre leadership
saurait assurément inspirer le monde.
Malgré ce qui
précède, le regroupement est conscient qu'en dépit de toute notre bonne volonté
notre dépendance aux hydrocarbures, surtout au pétrole, est telle qu'il
nous serait impossible de nous en passer à brève échéance. La consommation de ces formes d'énergie restera
nécessaire au Québec pour de nombreuses années encore. La question
des sources d'approvisionnement demeure
donc importante et entière. Or, comme nous l'avons souligné plus tôt, le mode d'extraction du pétrole
des sables bitumineux fait fi des préoccupations relatives aux changements
climatiques et à l'épuisement accéléré des
ressources naturelles non renouvelables. En somme, nous exploitons ces
ressources sans égard aux intérêts et aux besoins des générations
futures. Devant ce constat, le Québec doit se demander quel rôle il peut jouer
pour limiter les impacts de l'exploitation des sables bitumineux sur
l'environnement.
Le regroupement estime que le Québec pourrait
jouer un rôle important pour contraindre le gouvernement canadien et l'industrie pétrolière canadienne à
s'engager concrètement et avec sérieux dans la lutte contre les
changements climatiques et dans la prévention des dommages environnementaux et
sociaux associés à l'exploitation des sables bitumineux. L'autorisation des
projets de pipeline constitue une opportunité de le faire en imposant des
conditions à l'acceptation des projets
d'oléoduc. Pour que les projets de pipeline soient acceptables, le regroupement
estime que le gouvernement du Québec doit imposer cinq conditions, et je
termine avec ça.
Que le
gouvernement du Québec adopte et mette en oeuvre un plan d'action sérieux et
contraignant de réduction des gaz à
effet de serre destiné à répondre de manière concrète aux impératifs de la
stabilisation à 2 °C du climat mondial;
Que le Canada
impose aux entreprises qui exploitent le pétrole canadien des normes d'émission
de GES équivalentes aux émissions issues de sources de pétrole
conventionnelles;
Que le Canada
investisse massivement, par l'entremise de toutes les provinces, dans les
solutions visant la réduction de la consommation de pétrole comme le
transport collectif et actif ainsi que dans le développement des énergies
renouvelables; qu'il engage à cet égard une conversation pancanadienne sur
l'importance d'une économie à faible empreinte carbone et sur le développement
des énergies renouvelables;
Quatrième
condition : que les promoteurs optent pour les tracés de moindres impacts
environnementaux et sociaux et que ces impacts soient correctement mitigés.
En outre, les promoteurs doivent faire la démonstration que leurs installations sont sécuritaires, qu'ils appliquent
les plus hauts standards en matière de plans de contrôle et de suivi,
qu'ils démontrent lors de la tenue de
consultations publiques, outre l'accord des propriétaires fonciers concernés,
l'obtention d'un réel consensus social dans
chacune des communautés concernées au long du parcours, le tout assorti de
garanties financières suffisantes en cas d'incident.
Et,
finalement, que les entreprises de raffinage démontrent qu'elles mettront en
place les technologies appropriées pour que ce type de pétrole
n'augmente pas les émissions de GES et la pollution atmosphérique associées à
leurs activités. Merci.
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Merci, messieurs du regroupement. Nous
allons procéder maintenant à la période d'échange avec les
parlementaires en débutant par la partie gouvernementale. Mme la ministre.
Mme
Zakaïb :
Merci, Mme la Présidente. M. Bourke, M. Turgeon, bienvenue à l'Assemblée
nationale. Merci pour votre mémoire
et pour votre présentation. Comme plusieurs Québécois, comme, je pense, la
grande majorité des Québécois, nous sommes tous très soucieux du
réchauffement de la planète, nous sommes tous très soucieux de l'émission de gaz à effet de serre. Et le début de votre
allocution était à l'effet que le Québec doit jouer un rôle important comme
leader mondial, et je pense que le
gouvernement a pris déjà des mesures pour faire en sorte que notre…
L'électrification des transports,
entre autres, et tous les investissements qu'on fait en biomasse, en éolien…
Vous savez qu'on a l'électricité la plus
propre au monde. Tout ça démontre à quel point le peuple québécois, comme son
gouvernement, a à coeur la protection de l'environnement.
Maintenant, quand on parle… vos conclusions
seraient-elles les mêmes si le pétrole importé de l'Ouest canadien était du
pétrole traditionnel?
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Messieurs du regroupement.
• (16 h 30) •
M. Turgeon (Alexandre) : Je pense
que l'AQLPA a bien souligné tout à l'heure que le pétrole de l'Ouest, c'est
probablement le pire pétrole mondial auquel on peut s'approvisionner. Donc, la
question reste hypothétique.
Ceci dit, sur
le bilan environnemental du Québec, malgré ce qu'on fait de bien en termes de
production d'énergie, on a encore beaucoup de travail à faire. On est
une société extrêmement dépendante du pétrole. Les Québécois ont tendance à oublier qu'on consomme davantage, en
quantité d'énergie, de pétrole pour répondre à nos besoins énergétiques qu'on consomme d'électricité produite avec nos
centrales hydroélectriques. Et cette dépendance-là au pétrole et à
l'industrie automobile qu'elle alimente est grandement responsable de notre
déficit commercial au Québec. On ne produit pas d'autos au Québec, on ne produit pas de pétrole au Québec, et on a tout
intérêt, sur le plan économique, à sortir de cette dépendance-là et, par
la même occasion, travailler de façon sérieuse à corriger nos émissions de gaz
à effet de serre, qui restent extrêmement élevées, considérant nos sources de
production d'électricité.
Alors, moi,
je pense qu'on a un vaste chantier. Et on ne peut pas dire : C'est
important, l'environnement, c'est important,
les questions des changements climatiques, et, somme toute, ne rien faire,
annoncer, semaine après semaine, des nouveaux
prolongements d'autoroutes dans toutes les régions du Québec, et ne rien faire
d'un point de vue du développement des
transports collectifs. Il faut que le Québec agisse. Et ce n'est pas en ouvrant
la voie à l'exportation du pétrole albertain au Québec, voire l'exporter
ailleurs en transitant par le Québec, qu'on va améliorer ce bilan
environnemental là.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Mme la ministre.
Mme
Zakaïb :
Je suis en désaccord avec vous. Je pense que le Québec agit. Je pense que le
Québec prend des moyens, autant pour
le transport collectif que pour le transport individuel, vers l'électrification
des transports. Maintenant, il y a
des gens qui conduisent une automobile à essence, et je pense qu'au Québec on
va toujours… Il y a une période de transition et, présentement, la très
grande majorité des Québécois ont besoin d'essence pour mettre dans leur
voiture.
Une fois
qu'on se dit ça, quel est le moindre mal? Quel est le moindre mal? Est-ce que…
Puis je suis d'accord avec vous que
l'Association québécoise de lutte contre la pollution est venue nous dire qu'il
n'y avait pas de pétrole traditionnel dans
l'Ouest canadien, sauf qu'il y a des gens qui sont venus nous dire qu'eux
s'approvisionnaient en pétrole traditionnel, et non pas en pétrole qui provient des sables bitumineux, mais bien en
pétrole traditionnel. Si c'était le cas — parce que, ça, ça va se vérifier, là,
on va avoir les moyens de vérifier ça — si, effectivement, c'est du
pétrole traditionnel qui vient de la Saskatchewan ou des provinces de l'Ouest,
est-ce qu'à ce moment-là votre position serait la même?
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Messieurs.
M. Turgeon
(Alexandre) : Encore une
fois, je pense qu'on doit mettre nos énergies et forcer, dans le rapport
de force avec Ottawa comme gouvernement du
Québec… forcer Ottawa à mettre des conditions qui tendent à réduire les émissions de gaz à effet de serre, qui tendent à
mettre en place les conditions que le regroupement suggère.
L'exportation du pétrole albertain vers la
Colombie-Britannique, ce ne serait pas possible sans l'autorisation de la
Colombie-Britannique. C'est la même
chose pour le Québec, c'est une question de rapport de force politique, et il y
a des conditions qui peuvent être imposées pour s'assurer qu'on va
améliorer notre bilan environnemental et forcer le Canada, par le fait même, à
poser des gestes pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Philippe,
tu veux compléter?
M. Bourke
(Philippe) : Oui. Juste un élément, Mme la Présidente. Il y a deux
choses qu'on soulève par rapport à la question du pétrole. Il y a,
effectivement, les enjeux par rapport aux changements climatiques, mais l'autre
logique que j'ai voulu souligner — puis elle est très claire, même dans le
document de consultation — c'est
la tendance vers l'exploitation accélérée de
ce pétrole-là. Donc, on fait fi, totalement fi, du fait que ce sont des
ressources non renouvelables et on
est dans une course tout à fait illogique visant à brûler ce pétrole-là le plus
rapidement possible, alors qu'on sait très bien que c'est une source d'énergie excessivement précieuse, qu'on a du
mal à s'en passer et qu'on aurait besoin longtemps. Et donc c'est ce questionnement-là qu'il faut
faire, peu importe… Et ça, c'est l'autre volet du propos. Donc, que ça
soit du pétrole, disons-le, conventionnel, c'est toute cette logique de la
course à en produire le plus rapidement possible.
Et j'ai tenté de la faire, la démonstration,
dans le mémoire, plus on s'en va vers du pétrole qui est coûteux à produire, ce qu'on appelle le retour sur
l'investissement énergétique… Donc, les compagnies pétrolières font peu
d'argent pour un baril de pétrole qu'elles
produisent. Donc le réflexe, j'appelle ça… l'idée, c'est : Si on veut
faire autant de profit qu'on en faisait avant, il faut en vendre
beaucoup, rapidement et très vite. C'est ça, la logique. Alors, tant qu'on… puis plus on va aller… plus on va vers ça… parce
que plus on va aller, plus ça va être coûteux et difficile à extraire du
pétrole, alors la tendance, pour les
compagnies pétrolières, c'est de l'éliminer le plus vite possible, voilà.
Alors, ça, c'est une autre préoccupation que vous devez regarder et pour
laquelle on a des questionnements à poser.
M. Turgeon (Alexandre) : Et, si on a
quelque chose à faire avec l'argent des Québécois… Pour revenir sur votre affirmation du départ à l'effet que beaucoup
de Québécois utilisent leur voiture, ce qu'on a tendance à oublier,
c'est qu'on force, on contraint les
Québécois. On est dépendants de l'automobile, on n'a pas de choix. On n'a pas
d'alternative dans notre mode d'aménagement du territoire, on n'a pas
d'alternative dans la façon dont on a développé notre territoire, et c'est ces alternatives-là qu'il faut qu'on développe pour
leur offrir un choix, aux Québécois, autant en matière de localisation
qu'en matière de transport. Et ce n'est pas en faisant les investissements
qu'on a faits dans les trois, quatre dernières décennies qu'on va arriver à
changer ces choix-là. Alors, qu'on prenne l'argent des Québécois pour développer les alternatives et que ces
alternatives-là soient créatrices d'emplois et de richesse au Québec plutôt
qu'en Alberta ou à l'étranger.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
M. le député de Repentigny.
M.
McKay : Oui. Bonjour. Dans la même veine, vous parlez
d'offrir des choix aux Québécois pour se déplacer ou, dans l'aménagement du
territoire, pour avoir moins besoin de… être moins dépendants par rapport à la
voiture individuelle. À votre sens, est-ce que ça va coûter plus cher aux Québécois
d'aller dans ce sens-là ou s'ils vont avoir plus d'argent dans leurs poches?
M. Turgeon (Alexandre) : …plus.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Les représentants du regroupement
M. Turgeon
(Alexandre) : Excusez-moi, Mme la Présidente. Ils vont en avoir
définitivement plus. C'est vraiment… Le «tout à l'automobile», c'est vraiment
le choix le plus coûteux pour les Québécois, pour leur économie. C'est le mode de transport le plus coûteux sur le plan
individuel. Plus qu'on développe les transports collectifs, plus qu'on
offre des alternatives et qu'on réduit les besoins en termes de déplacement,
plus qu'on ramène de l'argent dans la poche des
Québécois. Et c'est aussi parce qu'on a une industrie
qui… On a une industrie qui font des trains légers, qui font des trains de banlieue, qui font des tramways, qui
font des autobus au Québec. On n'a pas ça dans le secteur automobile.
En plus, c'est créateur d'emplois, en plus d'être plus économique pour les
ménages québécois.
Un ménage qui
a besoin d'avoir deux voitures ou plus pour ses besoins, là, c'est 160 000 $, 180 000 $ qu'il
ne peut pas mettre sur l'hypothèque d'une maison. Et ça, ça a un coût que, trop
souvent, on ignore, qu'on ne fait pas le calcul.
On prend ça comme une fatalité d'être obligé d'avoir une automobile, alors que
nos conditions climatiques nous conduiraient
vers dire : Aïe! vraiment, l'automobile, ce n'est pas fait pour nous, là,
compte tenu de notre climat. Alors, il faut
qu'on engage notre économie, notre aménagement du territoire, nos moyens de
transport vers une réduction de cette dépendance-là à l'automobile et,
conséquemment, au pétrole.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
M. le député de Repentigny.
M.
McKay :
Oui. D'ailleurs, je me souviens… Puis vous avez sûrement participé à l'époque à
cette consultation-là où on nous demandait quel objectif de réduction de
gaz à effet de serre pour le Québec, là, à l'horizon 2020, et puis une des
choses… Je ne sais pas si vous aviez remarqué ça, mais plus l'objectif de
réduction était élevé — puis
là les scénarios du gouvernement arrêtaient à 20 %, même si nous, à
l'opposition, à l'époque, on demandait d'aller à 25 % aussi pour voir… — la modélisation du ministère des Finances
montrait, bon, certains impacts très mineurs sur… négatifs sur le
produit intérieur brut du Québec. Par contre, moi, ça m'avait frappé, on
voyait, le revenu moyen des ménages augmentait
de plus en plus, plus on avait un objectif de réduction de gaz à effet de serre
élevé. Vous expliquez ça comment?
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Messieurs.
M. Bourke
(Philippe) : Effectivement, je pense que — Alexandre en a parlé tantôt — au Québec, c'est le pétrole qui occupe à peu près autant de part que
l'hydroélectricité dans notre bilan de consommation d'énergie, et,
conséquemment, c'est là qu'on peut faire des
gains, vraiment, en réduction de gaz à effet de serre. Puis le pétrole, on le
consomme où? On le consomme dans nos
véhicules. Et donc, si on réduit la consommation… Si, par exemple, les
Québécois, sans modifier, par exemple,
le confort d'un véhicule, mais en choisissant un à moindre consommation, bien,
c'est clair que d'abord le… probablement
que le véhicule leur coûterait beaucoup moins cher, ils paieraient moins cher
en assurance, ils paieraient moins
cher en immobilisation et moins cher en carburant, et tout cet argent-là
resterait dans leurs poches, ils pourraient l'utiliser pour d'autres
fins et faire rouler l'économie québécoise plutôt que de faire rouler
l'économie des pays qui produisent du pétrole ou qui fabriquent des voitures.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
M. le député de Repentigny.
• (16 h 40) •
M.
McKay : Oui.
Maintenant, si le fait, justement, d'avoir des modes de transport puis de
consommation qui réduisent notre consommation de pétrole fait en sorte qu'on a
moins besoin de l'auto puis qu'on a plus d'argent dans nos poches pour faire d'autres choses avec ces sous-là, comment est-ce
qu'on explique que les gens bloquent les voies réservées aux autobus sur les autoroutes autour de Québec? Bien, je
pense que c'est un peu une boutade, là, mais c'est juste pour illustrer
le fait qu'il y a encore un peu loin de la coupe aux lèvres. Je pense que les
gens ne réalisent pas encore… Puis je vous
mentionne ça parce que j'ai entendu M. Bourke récemment, là, au congrès de
l'Association des biologistes du Québec, qui disait qu'il y avait un
gros manque en termes d'éducation. Je pense que vous vous disiez même qu'au
point où on en est là ça prendrait un gouvernement qui accepterait de perdre
ses élections parce que ça serait tellement impopulaire de mettre en place les
mesures.
Bon, mais, si
on perd les élections, à ce moment-là il y a des bonnes chances que le gouvernement qui va nous suivre va défaire ces mesures-là. Alors, on
tournerait un peu en rond. Donc, j'imagine que… Qu'est-ce que vous voyez, en termes, tu sais, dans les… rapidement,
là, qu'on pourrait mettre en oeuvre au Québec pour nous faire faire des avancées
importantes en termes d'appui populaire puis d'éducation populaire pour faire
en sorte que ces choses-là se sachent davantage puis que les politiciens aient
davantage de pression pour faire les bons choix?
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Messieurs du regroupement.
M. Turgeon (Alexandre) : Bien, moi,
je pense que ça, c'est un autre enjeu fédéral-Québec. Si vous avez des pouvoirs en matière de radiodiffusion, je vous
dirais de fermer le 93,3 puis CHOI-FM… CHOI Radio X à Québec,
là. Je pense que la société québécoise ne s'en porterait que mieux, même si
Radio-Canada ne pourrait pas se payer leur tête le vendredi soir.
Il n'y a pas d'endroit où on développe l'offre
en matière de transport collectif au Québec où, rapidement, la demande sature
cette nouvelle offre là. Dès qu'on développe une nouvelle ligne de train de
banlieue, une nouvelle ligne, un nouveau
Métrobus, on est rapidement à saturation. Le Métrobus, à Québec,
transporte 58 000 passagers par
jour, alors qu'à Portland, en Oregon, aux
États-Unis, on passe à un mode tramway à partir de 20 000 puis, à Lyon, en
France, on passe au mode tramway à partir de
30 000 passagers par jour. Alors, il y a une forte demande pour
transporter autrement, et je pense qu'il faut que vous soyez un peu plus imperméables aux
pluies de vindictes, d'appels à la violence automobile que peuvent faire certains animateurs de radio à
Québec. Moi, je pense qu'il y a quelque chose de frustrant quand on est
dans une automobiliste, puis qu'on voit une voie réservée à côté, puis on se
dit : Oh! il me semble que si j'y allais, ça irait plus vite. Sauf que c'est ça qui fait qu'elle est drôlement
efficace, cette voie réservée là qui a été implantée la semaine dernière
à Québec, et il faut poursuivre dans cette voie-là, il faut continuer
d'améliorer l'offre en matière de transport collectif. Il faut que ça devienne
un choix naturel et responsable pour les gens d'utiliser le transport
collectif.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
M. le député de Repentigny, une minute.
M.
McKay : Oui. Bien,
je vois que vous nous suggérez des conditions envers le gouvernement fédéral
puis aussi envers les promoteurs de pipelines. Enfin, je… C'est sûr que, par
rapport à la situation actuelle, ça semble être beaucoup leur demander, mais, dans le fond, effectivement, c'est pas mal
le minimum. Mais là vous savez qu'on fonctionne par consensus autour de
la table. Qu'est-ce que vous diriez pour appuyer ça, pour ne pas que, si
jamais, de notre côté, on proposait des choses comme ça, qu'on passe tout
simplement pour vouloir faire de la politique souverainiste, là? Pensez-vous que ça pourrait rallier l'ensemble des
groupes parlementaires, ce type de proposition là? Sur quelle base?
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Messieurs, en 15 secondes.
M. Bourke
(Philippe) : Bien, moi, je pense que ça n'a aucun égard aux positions
politiques des différents partis, c'est
un devoir, comme on l'a exprimé, un devoir de responsabilité en tant que
Québécois, peu importe le parti. Et je pense que ça fait énormément de
sens, et ça démontrerait tout le sérieux que le Québec porte à ces enjeux-là.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Merci. M. le député de Laurier-Dorion.
M.
Sklavounos : Merci,
Mme la Présidente. Alors, à mon tour de souhaiter la bienvenue à
M. Bourke, M. Turgeon du
Regroupement national des conseils régionaux en environnement du Québec. Merci
pour votre présence ici aujourd'hui, votre participation, le mémoire que
vous avez déposé.
Évidemment,
vous êtes un petit peu critiques concernant cette consultation que nous tenons
actuellement. Je lis dans votre
mémoire que vous trouvez que la forme est restrictive. Et vous avez mentionné
le fait qu'elle n'est pas appuyée par une
évaluation environnementale. Et j'imagine que les délais et le fait qu'on doit
procéder assez rapidement… Ce sont des défis même pour nous, évidemment,
pour essayer de se faire une tête sur cette question-là, et nous avouons candidement — je pense que tous pourront le faire — que nous ne sommes pas des experts. Alors,
nous sommes en train de profiter de
l'expertise des gens qui se sont présentés devant nous pour essayer de se faire
une tête et essayer de tracer un juste milieu entre différents concepts.
Parce que vous savez sans doute, ayant suivi probablement les travaux, nous
avons des gens qui sont venus faire des représentations purement de nature
économique, parlant de projets, création d'emplois,
maintien d'emplois, nous avons d'autres qui viennent prendre un angle, comme
vous le faites, un petit peu plus au niveau de la lutte contre les
changements climatiques, et on essaie, en tant que parlementaires, d'essayer de
tracer un juste milieu du mieux que nous pouvons.
Au niveau de
la discussion sur notre dépendance, si vous voulez — une expression qui est employée — au pétrole et le reste, est-ce que
vous trouvez que c'est difficile pour nous d'avoir ces discussions, alors que…
Et, si vous avez suivi, plus tôt,
M. Bélisle a parlé du plan d'action du gouvernement libéral, du
gouvernement précédent comme ayant été imparfait, et, évidemment, tout
est perfectible. Mais, en ce moment, le Québec, alors qu'il s'est donné une
cible qui est plus ambitieuse… Et nous
sommes allés à Varsovie, le ministre et moi, avec cette cible-là. Par contre,
c'était un petit peu difficile de
répondre comment on allait atteindre cette cible ambitieuse, plus ambitieuse
que le gouvernement précédent, sans
avoir un plan d'action. Comment trouvez-vous que ça affecte nos discussions?
Comment pouvons-nous faire cette analyse
correctement, pouvoir comparer les choses, connaître, déterminer qu'est-ce qui
est notre marge de manoeuvre, s'il en
est une, sans avoir de plan d'action, sans avoir le dépôt d'un plan d'action de
la part du gouvernement pour la lutte aux changements climatiques?
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Messieurs.
M. Turgeon (Alexandre) : Bien,
écoutez, le plan d'action sur les changements climatiques qui a été déposé en
mai 2012 par votre gouvernement à l'époque est certainement perfectible, mais
il n'en constituait pas moins un excellent
plan d'action sur les changements climatiques, à notre sens. Il mettait
l'aménagement du territoire au coeur des priorités, le transport
également complémentaire à l'aménagement du territoire, et je pense qu'il
faisait appel à peu près à 10 endroits à la
nécessité de cohérence dans l'action gouvernementale. Ce n'est pas tout d'avoir
un bon plan d'action avec des bonnes mesures ciblées pour réduire les
émissions de gaz à effet de serre, encore faut-il que l'ensemble de l'action
gouvernementale concoure aux mêmes objectifs. Et ça, c'est extrêmement
important. Alors, moi, je pense que, si on poursuit dans la même voie — et le
plan d'action visait 20 % — et qu'on bonifie ce plan-là pour
atteindre un 25 %, on va juste arriver avec un meilleur plan.
Sur la question de l'expertise, que vous avez
soulevée — vous
l'avez soulevée dans votre commentaire et vous
l'avez également soulignée à l'AQLPA tout à l'heure — pour nous, c'était une des questions qu'on
se disait et qu'on souhaitait… C'est
une question... Et ce sont des enjeux extrêmement complexes, et c'est
probablement une des choses qui nous a surpris par le choix de
dire : C'est en commission parlementaire qu'on va étudier la question
d'Enbridge. Moi, je
pense que, si, en votre âme et conscience, vous ne vous sentez pas parfaitement
à l'aise avec l'ensemble des faits qui ont été exposés, parfois contradictoires, bien, peut-être qu'une des grandes
recommandations de la commission, ça devrait être de dire : Ça nous prend une commission
d'experts, ça nous prend des études indépendantes qui se penchent plus
avant sur cette question-là.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
M. le député de Laurier-Dorion.
M.
Sklavounos : Je suis content
d'entendre votre commentaire sur le plan d'action, évidemment. Nous, on a
proposé au gouvernement, s'il n'était
pas pour déposer rapidement un plan d'action, puisqu'il est nécessaire à nos
discussions… On a appelé au gouvernement de simplement reconduire le plan
d'action qui avait été déposé en 2012, comme vous dites, quitte à le bonifier,
on était prêts. Évidemment, il y a eu mise sur pied d'un comité
consultatif — M. Bélisle,
d'ailleurs, est sur ce comité-là — nous allons attendre, malheureusement, qu'on
nous dépose ce plan-là. C'est très difficile de discuter sans avoir ce
cadre-là. Et c'est ce qui a été relevé par M. Simard, de Nature Québec,
qui nous disait : Les annonces, en quelque sorte, du gouvernement, malgré
le fait qu'il y a du potentiel là-dedans, il manque une certaine cohérence, une
certaine stratégie d'ensemble.
Vous parlez
du fait que l'acceptabilité sociale — à l'intérieur du mémoire — n'occupe pas beaucoup de place, ça a été évoqué sur quelques lignes, et vous en faites
une certaine critique. Si j'étais pour vous proposer qu'en quelque sorte
cette commission parlementaire… Et elle a
été décrite différemment, de différentes façons par le ministre de
l'Environnement, qui n'est pas présent — je n'ai pas le droit de faire ça, mais... je
suis désolé — comme un
exercice plutôt politique, qu'on avait un pouvoir politique, un pouvoir
de persuasion, mais qu'évidemment la décision revenait à l'Office national de l'énergie, là, qui a la juridiction dans cette
affaire. Si j'étais pour vous proposer que ce qu'on fait ici est, en quelque
sorte, un exercice d'acceptabilité sociale,
en tant qu'élus de différentes régions, de différentes formations politiques,
nous sommes en train de faire ça… Évidemment, il n'y a personne autour
de la table... Je sais que notre collègue... au moins un de nos collègues a écrit un livre, il peut prétendre avoir une certaine
expertise, mais ce n'est pas tout le
monde autour de la table qui peut prétendre d'avoir l'expertise nécessaire pour
prendre la place d'un scientifique dans ce dossier-là. Mais, si je vous
disais qu'on est en train, ensemble, avec vous, d'essayer de faire un exercice
d'acceptabilité sociale, qu'est-ce que vous répondrez?
• (16 h 50) •
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Les représentants du regroupement.
M. Bourke (Philippe) : Bien,
écoutez, moi, j'ai eu le privilège de me pencher régulièrement sur les enjeux
d'acceptabilité sociale, j'ai participé à des conférences, des colloques sur
cet enjeu-là. Vous le dites bien, c'est un processus. Donc, d'en discuter,
c'est déjà une partie d'un effort pour atteindre l'acceptabilité sociale.
Comme disait mon collègue, si, à la fin de votre
exercice, vous considérez que c'était simplement une étape d'approfondissement, de votre part, de ces
enjeux-là qui vous conduit à dire : Il faudrait avoir d'autres étapes
avant de prendre des vraies décisions
parce qu'il va falloir pousser les enjeux au niveau des expertises, au niveau de
l'ouverture sur les impacts globaux, bien,
assurément qu'après coup on aura dit : Bien, la partie qu'ils ont faite en
commission parlementaire, qui était le début, disons, de la réflexion, assurément on pourrait
dire que ça a une connotation de début d'un
processus d'acceptabilité. Mais visiblement on n'est pas à l'acceptabilité en
ce moment ni ici ni à l'extérieur,
là, il y a encore beaucoup de résistance, puis il va continuer à en
avoir dans ce projet-là parce que ça se bâtit, l'acceptabilité.
M. Turgeon (Alexandre) : Il y a des
enjeux environnementaux associés aux projets des pipelines. Dans ce cas que
vous étudiez ici, celui d'Enbridge, il y a des enjeux de sécurité, puis il y a
des enjeux économiques. Je vous dirais — puis
là je vais mettre mon chapeau de contribuable et d'électeur québécois,
là — que,
moi, ce que j'entends, pour les gens
qui s'intéressent un petit peu à cette question-là, il
y a beaucoup de craintes de la
part des municipalités sur les enjeux
de sécurité, il y a beaucoup de craintes sur les enjeux à caractère environnemental puis il y a une incompréhension d'où est-ce qu'ils
vont avec les enjeux économiques associés à ce projet-là.
L'industrie, à la dernière minute, en commission,
vous font valoir des enjeux de création d'emplois liés à la transformation des raffineries pour être capable
de traiter ce pétrole-là qui viendrait de l'Ouest, mais je m'excuse, là,
si on investit pour s'assurer une transition
vers une économie moins dépendante du pétrole dans notre économie
et dans nos transports, ça va en créer tout autant, sinon davantage,
d'emplois, et au Québec. Or, les pétrolières ne vont pas non plus, demain matin, arrêter d'avoir des sources d'approvisionnement multiples parce qu'on dirait non à l'inversion de ces
pipelines-là. Donc, l'enjeu économique, je ne le vois jute pas. Au contraire,
pour nous, il ne paraîtrait que positif que de
dire non à ce projet-là pour l'intérêt économique du Québec seulement, mais il y a
d'autres enjeux qui sont des enjeux de sécurité
et d'environnement qu'il
faut aussi prendre en compte. Alors,
pour nous, c'est une décision qui s'inscrit en… c'est complètement non
logique de vouloir poursuivre l'inversion du pipeline d'Enbridge.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
M. le député de Laurier-Dorion.
M.
Sklavounos : Les travailleurs qui sont venus nous voir… On a eu des travailleurs, ce n'est pas
nécessairement juste les entreprises.
Évidemment, les entreprises, les raffineries allaient parler pour le projet,
mais on a eu des groupes de travailleurs, des syndicats, et autres, qui sont venus nous
dire que non seulement il y aurait maintien d'un certain nombre
d'emplois, en plus la création de certains emplois, au moins temporaires,
puisqu'on doit modifier les installations pour
accueillir… en même temps, nous parlaient de cette possibilité d'usine de cokéfaction, si vous voulez, qui… Et je sais que vous l'avez décrite,
et tout le monde la décrit comme étant assez polluante, mais, pour
eux, représentait de l'emploi, du travail, etc. Ça a été amené de ce point
de vue là.
En même temps, il y
avait un argument qui revenait souvent — et, je dois vous dire, je
l'ai soumis à M. Bélisle également plus
tôt — il y a des gens qui comprennent mal pourquoi on envoie nos dollars à
l'étranger au lieu de les envoyer en Alberta. Il y en a qui pensent, qui
ont soumis le fait qu'on est des concurrents avec l'Alberta. Il y en a d'autres qui sont venus dire : Écoutez, nous
faisons partie de la même fédération. Puis, oui, peut-être, c'est plus
polluant d'une certaine façon, ils le
raffinent, ils font un prétraitement à Fort McMurray, il arrive un petit peu plus léger. Puis, à la fin de
la journée, cet argent-là retourne dans les coffres chez les Québécois
à cause de la péréquation, etc. Est-ce
que c'est quelque chose qui est, pour vous, loufoque ou ce n'est pas une
certaine façon de dire : Écoutez, dans le fond, on garde l'argent à
l'intérieur de notre fédération, l'argent nous revient en quelque part?
La
Présidente
(Mme Bouillé) : MM. Turgeon et Bourke, en 1
min 30 s, en 1 min 30 s.
M. Turgeon
(Alexandre) : Moi, je veux bien croire que l'argent… L'argent, je veux
bien croire qu'il reste à l'intérieur de la
fédération, mais l'argent, il va toujours revenir plus vite aux Québécois
et profiter à l'économie québécoise
quand il reste au Québec et quand cet argent-là est investi au Québec. Imaginez
si des travailleurs de l'industrie du tabac
étaient venus vous voir il y a 50 ans en disant aux parlementaires :
Aïe! ne faites pas de campagne contre le tabagisme, hein, parce qu'il y
a des emplois associés à l'industrie du tabac, hein, il ne faudrait surtout pas
qu'on touche à cette industrie-là. C'est un peu le même débat aussi qu'on a aujourd'hui. Et pourtant l'argent que les Québécois ne mettent plus dans le tabac, ils le mettent ailleurs dans l'économie, ils font rouler l'économie autrement. Alors,
c'est la même chose en matière de
décarbonisation et de réduction de la dépendance au pétrole. Encourageons l'ensemble
de nos cycles économiques à sortir de la dépendance au pétrole, on va
n'en sortir que gagnants parce qu'il y a davantage d'argent qui va retomber au Québec,
qui va profiter au gouvernement du Québec pour améliorer ses finances que par
le biais de la péréquation, qui, de toute façon, est de plus en plus légère.
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Merci. M. le député de Nicolet-Bécancour.
M.
Martel : Merci, Mme la Présidente. Bonsoir à vous deux. C'est dommage parce que
je vais m'attaquer un petit peu plus à la forme qu'au fond. Il y a
des choses que vous avez dites qui m'ont dérangé, et je ne peux pas laisser
passer ça. Vous dites, première phrase de
votre mémoire : «…le
[regroupement] tient à exprimer sa profonde déception à l'égard de la
forme restrictive de la présente consultation.»
Vous êtes un
regroupement d'organismes régionaux. Vous savez très, très bien que le mandat
d'étudier cette question-là… Le Québec fait
encore partie du Canada. Le mandat d'étudier ce projet-là, ça appartient à
l'Office national de l'énergie, un organisme canadien — c'est
triste, mais c'est encore comme ça — et l'Assemblée nationale a
fait un choix, d'entendre la population pour voir qu'est-ce que les gens
disent, pour se faire une opinion, et vous venez nous reprocher cette forme-là.
Vous venez ici, vous
prônez — puis
je ne sais pas d'où est-ce que vous sortez ça — d'éliminer des radios commerciales qui sont... Qu'on partage, oui on
non, les opinions, c'est des entités légales, il y a beaucoup de gens,
ici, qui écoutent ces stations de radio là.
Moi, là, je me
demande si... Est-ce que vous faites de la politique? Je me demande où est-ce
que vous prenez votre mandat pour venir
affirmer des choses comme ça. Je pose la question très... Honnêtement, où
est-ce que vous prenez un mandat de venir mentionner des choses comme ça
ici?
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Messieurs du regroupement.
M. Turgeon
(Alexandre) : Sur votre question sur l'Office de l'énergie, je pense
que ça a été sans doute dit par d'autres
gens avant nous, ça a été dit dans les médias dans les dernières semaines,
l'Office de l'énergie, n'y participe pas qui veut. C'est extrêmement
difficile de se faire reconnaître, c'est complexe comme processus, et il y a
beaucoup de doutes quant à l'impartialité des décisions qui sont rendues par
l'Office de l'énergie.
Et,
tout en étant encore dans une fédération, la Colombie-Britannique, elle, ne
s'est pas gênée pour imposer ses conditions au gouvernement canadien
pour donner son accord au gouvernement canadien quant au projet de pipeline
entre la Colombie-Britannique et l'Alberta. Alors, je ne vois pas pourquoi le
Québec en ferait moins et pourquoi on n'utiliserait pas tout autant notre
rapport de force pour, nous aussi, imposer nos conditions quant à l'exportation
du pétrole albertain.
M. Bourke (Philippe) :
Juste pour mentionner que, sur les radios, évidemment, c'est une boutade que
mon collègue a faite en son nom personnel, et il n'y a nulle part dans nos
recommandations réflexions et positions du regroupement qui concernent les
radios.
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Merci. M. le député de Mercier.
• (17 heures) •
M. Khadir :
Bien, pour rassurer mon collègue de la CAQ, je voudrais dire : Attendez au
moins que Québec solidaire arrive au pouvoir
avant de considérer la fermeture ou pas des radios-poubelles. Puis je vous
promets qu'on va organiser une
audience publique et une réflexion collective sur comment certaines radios
abusent de leur droit de diffusion et alimentent le mensonge et la
désinformation. Bon.
Mais,
ceci étant dit, pour revenir… je voudrais distribuer une page du précédent
document, le document soumis par l'AQLPA, pour la ministre parce qu'elle
revient continuellement, je veux dire, sur cette confusion entretenue par l'industrie, les promoteurs de l'inversion du
pipeline, comme quoi il pourrait y avoir d'autre chose que du pétrole des
sables bitumineux et ses dérivés dans le
tuyau qu'Enbridge veut inverser. Je le dépose ici. Ce rapport montre clairement
que les limites du pétrole
conventionnel sont atteintes. Tout ce qui peut augmenter en circulation sur les
rails comme dans les pipelines, c'est
du produit de sables bitumineux et ses dérivés. D'accord? Et les groupes qui
viennent ici nous encouragent à réfléchir en fonction de ça, qu'on a une
responsabilité.
Parce que ce que j'ai compris de votre
intervention, c'est que l'accord que le Québec veut donner — le gouvernement du Parti québécois — à l'inversion du pipeline reviendrait à
favoriser le développement, donc, des sables bitumineux. Donc, on se rend complices, en quelque sorte. Un
gouvernement qui se dit indépendantiste et souverainiste se rend complice, d'abord, de l'État le plus voyou à
l'échelle internationale sur le plan environnemental, l'État canadien,
en quelque sorte, qui représente l'industrie
pétrolière de l'Alberta. Et, ce faisant, en fait, on vient en contradiction à
l'ensemble de nos engagements au cours des
20, 25 dernières années, on sabote, donc, toutes les initiatives prises jusqu'à
maintenant.
Maintenant,
je comprends que vous nous demandez d'exercer un rapport de force politique.
Pouvez-vous nous expliquer les éléments qu'a mis sur table la
Colombie-Britannique, les exigences qui la distinguent et qui feraient en sorte qu'au moins… J'espère que les députés ici
présents du Parti québécois entendent bien qu'on n'a pas le droit, nous,
comme gouvernement dirigé par un parti qui
est indépendantiste, d'avoir des exigences en deçà de la Colombie-Britannique.
Très bien.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Messieurs.
M. Bourke
(Philippe) : Malheureusement, je n'ai pas en main les conditions,
effectivement, qui ont été mises de l'avant
par la Colombie-Britannique et qui les ont conduits devant un refus de… et du
gouvernement… probablement que ça s'appliquait aux deux, de refus du
projet. Ceci dit, je pense que c'est peut-être quelque chose qui pourrait être
approfondi par une nouvelle commission qui serait plus large et qui pourrait
regarder ce genre de proposition là.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
En terminant.
M. Khadir : …
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
M. le député…
M. Khadir : …
Document déposé
La
Présidente
(Mme Bouillé) : M. le député de Mercier, votre temps est
écoulé, d'autant plus… Donc, on vous remercie.
Je vais accepter le dépôt du document, mais je vous rappelle, M. le député de
Mercier, que le document doit être déposé à la présidence, qui accepte
ou refuse le document, et qu'elle le distribue après. D'accord?
M. Khadir : Vous pouvez
l'accepter, Mme la Présidente?
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Oui, oui, je l'ai dit, je l'ai accepté. Mais
je vous rappelle la procédure à respecter aussi, M. le député de
Mercier. Merci.
Donc, je vais
inviter maintenant l'Association canadienne de pipelines d'énergie à prendre
place à la table et je suspends les travaux pour deux minutes.
(Suspension de la séance à 17 h 3)
(Reprise à 17 h 5)
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Messieurs de l'Association canadienne de pipelines d'énergie, bienvenue. Vous disposez d'une période de 10 minutes pour
votre exposé, et je vous demanderais de vous présenter au début. Merci.
Association canadienne de pipelines d'énergie
M. Reicher
(Philippe) : Alors,
bonjour, Mme la Présidente et membres du comité. Je m'appelle Philippe
Reicher et je suis le vice-président des Relations extérieures de l'Association canadienne des pipelines
d'énergie, donc la CEPA. Et je suis accompagné de mon collègue Jim
Donihee, le chef de l'exploitation à la CEPA. Je vous remercie de nous donner l'occasion de soumettre des commentaires à la Commission de
l'agriculture, des pêcheries, de l'énergie et des ressources naturelles.
La CEPA représente 13 entreprises pipelinières,
lesquelles transportent 97 % du pétrole brut terrestre et de la production de gaz naturel au Canada. Nos membres
exploitent actuellement à peu près 115 000 kilomètres de pipelines
au Canada, dont un peu
plus de 1 000 kilomètres au Québec. De fait, nous avons toujours affiché
d'excellents bilans en matière de sécurité au cours de nos 70 années
d'exploitation de pipelines au Québec, depuis, en fait, la création du pipeline
Portland-Montréal, en 1941.
Une chose que
je dois clarifier, c'est que nous sommes ici pour parler des initiatives au
niveau de l'industrie. Nous ne pouvons pas parler, justement, sur les
projets spécifiques, car, dans notre cas, beaucoup de nos membres sont en
concurrence commerciale. Donc, on peut simplement parler de ce que nous faisons
au niveau de l'industrie.
Ces
autoroutes énergétiques font partie des infrastructures canadiennes vitales. De
plus, les pipelines de transport canadiens
font l'objet d'une supervision réglementaire rigoureuse de la part de l'Office
national de l'énergie. Nos membres ont
pris un engagement sans faille afin que nos réseaux de pipelines soient les
plus fiables au monde. En fait, notre secteur tente d'atteindre un
nombre d'incidents nul et s'emploie expressément à atteindre ce but.
La CEPA soutient des organismes de
réglementation solides et aptes, et, tel que nous l'avons mentionné auparavant,
notre secteur est hautement réglementé. Dans les faits, lorsqu'il s'agit de
réglementation, nos organismes prennent en considération la durée totale du
cycle de vie des pipelines. Cela signifie que les étapes de conception, de
construction, d'exploitation et de mise hors service font l'objet d'une étroite
surveillance de la part des agences de réglementation qui s'assurent que les
pipelines sont exploités de façon sûre et responsable.
L'organisme de réglementation n'est pas le seul
à devoir garantir la sécurité et l'intégrité des pipelines. Les entreprises
membres de la CEPA se sont engagées à constamment développer le secteur des
pipelines d'énergie afin qu'il soit sûr,
mais aussi socialement et environnementalement durable pour tous les Canadiens.
Et, contrairement à l'idée générale,
il n'existe aucune raison de négliger la sécurité, puisque tous les frais
reliés à l'intégrité et à la maintenance des pipelines sont inclus dans
les droits réglementés par l'ONE, qui paie les producteurs. La façon dont ces
droits sont créés et réglementés élimine
l'envie de bâcler les mesures de sécurité afin de conserver un avantage
concurrentiel. Au lieu, cela crée une
forte motivation de collaborer sur des pratiques recommandées et des documents
d'orientation qui respectent les normes et les règlements, et même les
surpassent.
Maintenant,
je vais donner parole à mon collègue Jim, qui va décrire les initiatives
importantes que nous avons mises en oeuvre au niveau de la sécurité et
de l'amélioration de la performance au niveau environnemental.
• (17 h 10) •
M. Donihee (Jim) : Mme la
Présidente, mesdames et messieurs, c'est un retour bien… pour moi depuis que
j'ai étudié au Collège militaire royal, ça fait de nombreuses années. Mais
j'aimerais vous parler de notre programme angulaire
de l'association, ce qui s'appelle CEPA Integrity First. Ce programme constitue
la pierre angulaire de notre grande attention
à la sécurité. Il encourage nos membres à travailler ensemble afin de
consolider les performances de notre secteur en développant conjointement et en appliquant individuellement des
pratiques optimales. En 2013, ces efforts ont porté sur l'intégrité des
pipelines et sur les interventions d'urgence.
Il y a
quelques points très importants, ceux qui sont développés cette année. C'est
que notre conseil d'administration, auparavant,
avait quelques vice-présidents dans le conseil. La gouvernance totale s'est
complètement reformée. Maintenant, ce
sont seulement les chefs de compagnies qui font partie de notre conseil
d'administration. Ils se visent les
uns les autres dans les yeux quand il y a des
problèmes. Ils travaillent avec grande diligence pour augmenter ce qui est déjà une
performance très haute pour notre industrie.
Il y a aussi une entente d'aide mutuelle qui est
très importante, et ce qui a été développé cette année. Cette nouvelle entente d'aide mutuelle signifie que tous
les membres de la CEPA peuvent s'entraider en partageant un apport de ressources
humaines, d'équipement et d'outils,
ce qui contribue à améliorer leur capacité à intervenir dans le cadre
d'une urgence. Cette entente à travers le secteur aidera à faciliter une
intervention encore plus rapide afin de protéger la population, l'environnement
et la propriété au cours d'opérations d'urgence.
Nous faisons tout notre possible afin d'atteindre
un nombre d'incidents nul. Pour cela, nous appliquons de strictes normes et
systèmes en ce qui concerne la conception, la construction, l'exploitation et
la maintenance de nos pipelines. En tant qu'entreprises membres de la CEPA,
nous nous engageons à constamment nous améliorer grâce à l'utilisation des systèmes de gestion et au
développement d'une culture de la sécurité, très répandue dans notre
secteur. À cette fin, plus de 120 experts
issus de notre secteur se rencontrent régulièrement pour partager les leçons
apprises, pour développer des
nouvelles technologies et pour favoriser une sécurité ininterrompue lors de
l'exploitation de nos pipelines.
À l'égard de
notre gestion des urgences, le programme prioritaire CEPA Integrity First
garantit que les membres de la CEPA
évaluent régulièrement les pipelines et les emprises et appliquent des
pratiques de gestion des risques afin de minimiser les effets négatifs
sur la population, la propriété ou l'environnement dans le cas d'une urgence.
Ils font tout leur possible pour atteindre ou surpasser tous les règlements
nouveaux et existants. Ils forment et travaillent conjointement avec les agences d'intervention d'urgence locales et les
membres des communautés afin de répondre en cas d'urgence. Ils disposent
de plan d'intervention d'urgence qui est conforme à un système de commandement
des interventions, le SCI, qui est reconnu
internationalement. Ils disposent de l'équipement, des ressources et du
personnel d'urgence hautement formé requis pour intervenir efficacement dans
n'importe quelle situation. Nous examinons régulièrement
nos plans d'intervention d'urgence. Nous effectuons des exercices et nous en
partageons les leçons apprises avec nos pairs afin d'améliorer
constamment nos capacités d'intervention. Et je repasse la parole à mon
collègue pour conclure.
M. Reicher (Philippe) : Alors, quelques observations finales. Donc, tout
comme les principales autoroutes et les voies fluviales, les pipelines sont cruciaux pour le transport de
l'énergie à travers notre pays. Les membres de la CEPA sont les exploitants d'infrastructures cruciales pour le
transport d'énergie entre les zones de production et les régions de
consommation. Nous fournissons un service essentiel permettant aux communautés
et à nos économies locales de prospérer. Cependant, nous comprenons notre imputabilité face aux
citoyens du Québec et de tout le Canada ainsi que notre responsabilité
d'être les gardiens sûrs et fiables de l'environnement. Nous demeurons résolus
à travailler avec le gouvernement et tous les intervenants afin que le public
continue à approuver ce que nous faisons. On parle de cette acceptabilité sociale, nous y croyons absolument
fermement. La mise en oeuvre du programme CEPA Integrity First ainsi que
la création de l'entente mutuelle en cas d'urgence démontrent concrètement
l'engagement des membres de la CEPA à atteindre des normes de sécurité et de
fiabilité rigoureuses dans tout le secteur. Les citoyens québécois ont de très fortes attentes vis-à-vis de notre
secteur, et nous restons déterminés à améliorer nos très solides performances
en matière de sécurité. La CEPA vous
remercie de lui avoir donné l'occasion de vous renseigner sur notre secteur.
Merci.
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Merci beaucoup. Messieurs, nous allons
maintenant procéder à la période d'échange avec les parlementaires en débutant
avec la ministre. Mme la ministre, la parole est à vous.
Mme
Zakaïb : Merci, Mme la Présidente. Bonsoir, messieurs. Merci
de vous être prêtés à cet exercice. Merci pour vos commentaires. De quelle façon vos… Si j'ai bien compris, là, les entreprises qui opèrent des pipelines sont membres de
votre association. Donc, Enbridge est membre de votre association. De quelle
façon est-ce que les membres de votre association vérifient l'intégrité des pipelines? Enbridge nous
a parlé de différentes techniques. J'aimerais ça que vous y reveniez
et que vous nous expliquiez. Des gens sont venus nous dire ici que la meilleure
façon de tester l'intégrité, ce sont
des tests hydrostatiques. J'aimerais que vous nous en parliez. En fait, quelles
sont les façons de vérifier l'intégrité? Et est-ce que les tests
hydrostatiques sont vraiment la meilleure façon de vérifier l'intégrité d'un
pipeline?
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Messieurs de l'association.
M. Reicher (Philippe) : D'abord, les tests hydrostatiques, c'est un des outils
que nous pouvons utiliser quand, justement, on essaie de comprendre l'intégrité des
pipelines, ce n'est pas le seul test. La technologie que nous
utilisons, par exemple, quand nous envoyons des instruments qui peuvent, justement,
détecter des anomalies est aussi performante que
le système hydrostatique. Donc, ce que nous disons, nous, à
notre niveau, c'est que, quand on regarde la gestion des pipelines en
général, il y a toutes sortes d'outils qu'un opérateur ou un exploitant va
utiliser. Le test hydrostatique, c'est une façon de le faire et ce n'est certainement
pas la seule façon.
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Mme la ministre.
Mme
Zakaïb : Merci, Mme la Présidente. Des gens sont venus nous dire que votre façon de… excusez le terme, là, mais scanner le pipeline, vous le faites de
l'intérieur et que la corrosion est généralement à l'extérieur, alors que...
donc, cette façon de mesurer l'intégrité serait incomplète, et que le test
hydrostatique, en fait, c'est de l'eau avec de la pression énorme, et que, là, on verrait les fuites, les
suintements, les craquements, et que c'est préférable que ce soit de l'eau
qui s'écoule plutôt que du pétrole, alors, que ce serait donc le test le plus
approprié et le moins dommageable, puisqu'on ramasserait
l'eau puis on pourrait réparer, si j'ai bien compris, les fissures. Qu'est-ce
que vous répondez à cet argument-là?
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Messieurs.
M. Reicher
(Philippe) : Merci. Alors, une fois de plus, comme vous le savez très
bien, comme nous sommes réglementés par
l'Office national de l'énergie, ce qui se passe dans un cas comme ça, si, par
exemple, l'Office national de l'énergie
détermine qu'un test hydrostatique serait quelque chose de pertinent à faire,
la compagnie le fera. Donc, ce n'est pas
une question de... c'est vraiment une question... Ce qui se passe, c'est qu'on
peut avoir certaines recommandations, mais, fondamentalement, c'est le
régulateur qui va prendre la décision de nous dire si on va choisir une
technique particulière ou l'autre. Mais, une fois de plus, c'est important de
dire que le test hydrostatique, c'est une façon de pouvoir véritablement
mesurer l'intégrité d'un pipeline.
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Mme la ministre.
Mme
Zakaïb :
Peut-être que je vais vous poser une question dont vous ne connaissez pas la
réponse, mais, si jamais c'est le cas, vous
n'avez qu'à me le dire, là. On a beaucoup parlé de corrosion depuis le début de
cette commission. On entend parler que certains pétroles seraient plus
corrosifs que d'autres, que les pétroles qui proviennent des sables bitumineux
seraient les plus corrosifs. Êtes-vous en mesure d'infirmer ou d'affirmer cette
affirmation-là, là?
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Les représentants de l'association.
M. Reicher
(Philippe) : Merci, Mme la Présidente. Oui. Alors, cette idée qu'en
fait les sables bitumineux sont... ou
c'est-à-dire les sables dilbit, donc le «bitumen» dilué est plus corrosif que
le pétrole conventionnel ou un peu plus lourd, ce n'est pas vrai. Il y a eu toutes sortes d'études qui ont été
faites, scientifiques, et, d'ailleurs, la dernière, qui vient quand même de l'Académie des sciences aux
États-Unis, a prouvé clairement, clairement, que le «bitumen» dilué
n'est pas plus corrosif que d'autres, et
d'ailleurs... Donc, il y a eu plusieurs études scientifiques qui ont été
faites, qui l'ont prouvé. Donc, on est totalement confortables avec ce
produit. Et, d'ailleurs, il y a maintenant des systèmes de pipelines qui
transportent ce genre de produits depuis pratiquement 20, 25 ans, il n'y a
absolument aucune information ou aucune donnée qui voudrait vous dire qu'en
fait ces pipelines sont moins sécuritaires que d'autres.
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Mme la ministre.
Mme
Zakaïb : Je n'ai
pas d'autre question.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
M. le député de Roberval.
• (17 h 20) •
M.
Trottier : Merci, Mme la Présidente. Merci, messieurs. Est-ce que vous pouvez nous...
Il y a beaucoup de questions
qui sont posées ou d'inquiétudes qui proviennent du fait de l'âge du tuyau.
C'est quoi, l'espérance de vie d'un tuyau en bonne santé?
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Messieurs.
M. Donihee (Jim) : Là, c'est un
domaine dans lequel je ne suis pas expert, mais on voit que… Comme j'ai mentionné
dans mes commentaires, on voit qu'avec le développement de nouvelles technologies,
de la façon que les racleurs intelligents,
qu'on les appelle, qui travaillent... qui voyagent dans les pipelines, la technologie avec laquelle on peut
détecter des anomalies avance très rapidement. Alors, quand on a l'occasion de voir s'il y a
des choses qui doivent être soit examinées ou bien repérées, on peut les
regarder. Alors, tout ça, dire qu'à ce temps-ci nous avons des pipelines dans l'association qui sont en marche pendant 50
ans et qui sont encore complètement sécuritaires dans leur exploitation.
Il y a parfois des petits morceaux de pipeline où on voit des anomalies peut-être
après une vingtaine d'années qui démontrent qu'il y a des risques, on les répare, on les... on enlève, tu sais, la
couverture, on les regarde de plus proche avec différents outils, et
puis, si nécessaire, ils sont réparés, absolument.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
M. le député de Roberval.
M. Trottier : Il y a
plusieurs intervenants qui nous ont mentionné qu'il n'y avait pas beaucoup de
valves de sécurité. Est-ce que
vous pensez que le fait d'ajouter des valves de sécurité avant les cours d'eau
pourrait aider à sécuriser à la fois le tuyau, mais aussi peut-être que
ça pourrait réussir à rendre les gens plus confiants dans le produit?
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Messieurs de l'association.
M. Reicher (Philippe) : Les valves,
ça dépend. C'est vraiment très spécifique, hein, où on met ces valves. Mais il est clair qu'en général, quand on commence
à étudier le tracé d'un pipeline, on identifie les endroits qui sont
plus problématiques par rapport à l'environnement, et, généralement, ce qu'on fait, potentiellement, on pourrait,
justement, installer des valves à des
endroits comme cela, justement pour réduire le déversement s'il y avait un
déversement. Donc, c'est typiquement...
ça fait partie de l'étude d'un tracé d'un nouveau pipeline ou d'un pipeline
existant. C'est justement d'identifier les endroits qu'il serait logique
d'avoir des valves, absolument. C'est tout à fait... c'est ce qui se passe.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Mme la ministre.
Mme
Zakaïb : Merci, Mme
la Présidente. Je veux revenir sur quelque chose que vous avez dit en réponse à
la question de mon collègue. On a beaucoup
entendu parler de l'âge de ce pipeline, et on nous a dit que 40 ans,
c'était très vieux pour un pipeline. C'est
pourtant très jeune, 40 ans, mais, pour un pipeline, c'est peut-être
différent. Votre réponse disait :
On peut réparer, on peut savoir où il
y a des problèmes. Mais c'est quoi,
l'âge moyen des pipelines en général? Et est-ce que... Des gens sont
venus nous dire : Un pipeline, ça peut être éternel si on y apporte
l'entretien dont il a besoin. Est-ce que vous pouvez nous donner une
réponse un peu plus précise? C'est certain qu'on peut toujours réparer, là,
mais c'est quoi… Est-ce que c'est un vieux pipeline, ce pipeline?
M. Reicher (Philippe) : ...
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Messieurs.
M. Reicher (Philippe) : Excusez-moi.
Comme je vous l'avais dit auparavant, il y a un pipeline qui a été construit au
Québec en 1941, donc ça fait maintenant 70 ans. Donc, un pipeline peut être
opérationnel pendant des années, des
décennies, quoi. C'est vraiment fondamentalement basé sur comment on gère ce
pipeline et comment on gère les risques. Un pipeline, c'est un tuyau
d'acier, c'est de l'acier, fondamentalement. Donc, ce qu'il faut faire, c'est justement… Comme mon collègue le disait, il y a
toutes sortes d'outils que nous utilisons pour pouvoir prévenir à
l'avance, potentiellement, des problèmes. Et l'avantage que nous avons dans
notre industrie, c'est que la technologie a un apport très important pour cela
parce que nous suivons, d'une certaine façon, le même genre de technologie que
la radiographie, c'est-à-dire ce que nous
pouvons maintenant détecter aujourd'hui est beaucoup plus pointu que ce que
nous pouvions détecter il y a 10, ou 15, ou 20 ans. Donc, ça continue toujours
à s'améliorer. Donc, ça, c'est le côté positif.
Répondre à
votre question, comme je vous l'ai dit, il y a véritablement des membres de
notre association qui ont des pipelines qui sont maintenant en opération
depuis les années 50.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
M. le député de Roberval.
M.
Trottier : Oui. Il y a beaucoup de préoccupations de la part
des gens de la question de la sécurité à court terme pour un déversement, mais il y a des gens qui se questionnent avec
raison sur la sécurité à long terme en fonction d'un produit qui est polluant, qui, dans le fond, détruit l'écosystème
ou qui affecte le… qui affecte nos… qui augmente les gaz à effet de serre. Qu'est-ce que vous pensez de ça?
Puis qu'est-ce qu'on peut faire pour être capables d'utiliser ce
produit-là, mais d'une manière qui serait moins corrosive pour le futur?
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Les représentants de l'association.
M. Reicher (Philippe) : En fait, je veux essayer de comprendre votre
question, vous posez… Fondamentalement, nous, on veut garder le produit à l'intérieur du gazoduc ou de
l'oléoduc. Ça, c'est fondamental. Et, en fait, si vous regardez notre
taux de fiabilité au Canada spécifiquement, nous sommes autour de 99,999 %
de taux de fiabilité. Mais, quand il y a un
déversement, c'est quelque chose qui nous concerne, on est soucieux de cela.
C'est une combinaison entre avoir la gestion
correcte de ces pipelines et, en plus, d'être bien préparé en cas d'une
défaillance. Les deux choses combinées nous permettent d'avoir quand
même un système sécuritaire et de réduire les problématiques que vous avez
énoncées. J'espère que j'ai répondu à votre question. Non?
La
Présidente
(Mme Bouillé) : M. le député de Roberval.
M.
Trottier : Je comprends que vous êtes plus dans le transport,
mais ce que je vous demande, c'est… C'est un produit qui émet beaucoup
de gaz à effet de serre, qui, dans le fond, est corrosif pas seulement sur le
tuyau ou sur l'environnement immédiat, mais corrosif sur l'avenir de la
planète. Est-ce qu'il y a des technologies qui vont nous permettre bientôt d'avoir du pétrole moins
corrosif? Est-ce qu'on peut penser qu'on va transporter dans le futur du
pétrole qui va être moins dommageable pour l'environnement?
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Messieurs, en une minute.
M. Reicher (Philippe) : …en dehors de ma compétence parce que moi, je ne
suis pas là-dedans. Mais il est clair que, si vous voyez ce qui s'est
passé, même depuis maintenant une vingtaine d'années… On a tendance à regarder
la production de pétrole d'une façon assez
statique, c'est-à-dire que la façon dont on exploitait le pétrole dans les
années 80, 90 n'a pas changé. On sait très bien que ça a changé énormément.
Peut-être, pour certaines personnes, ça n'a pas changé assez rapidement, mais fondamentalement, encore une fois de plus,
l'apport de la technologie, les réglementations qui ont changé montrent quand même qu'il y a une
amélioration claire dans la façon dont on exploite le pétrole aujourd'hui
par rapport à ce qui se faisait il y a même 10 ans, même peut-être moins que
ça. Donc, il y a quand même un désir clair, on
voit le… Des millions de dollars sont utilisés chaque année, justement, pour
essayer de trouver de nouvelles technologies qui nous permettraient de
réduire les impacts environnementaux qui sont liés à l'exploitation du pétrole.
Ça, c'est clair, ça se passe.
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Merci. M. le député de Laurier-Dorion.
M.
Sklavounos :
Merci, Mme la Présidente. Alors, je souhaite la bienvenue à l'Association
canadienne des pipelines d'énergie. M. Donihee, M. Reicher, merci d'être ici
avec nous pour répondre à nos questions. Merci de votre participation.
Napoléon a eu son
Waterloo, l'industrie des pipelines a eu son Kalamazoo, et le transport
ferroviaire a eu son Lac-Mégantic. Les gens
sont venus nous dire qu'évidemment, comparés au transport ferroviaire, les
pipelines sont plus sécuritaires,
c'est une façon plus sûre comparée à d'autres manières, les camions-citernes.
L'autre jour, je regardais les nouvelles
et qu'il y avait eu un déversement sur l'autoroute, un camion-citerne qui avait
perturbé le trafic, et, évidemment, on a eu à faire appel au ministère
de l'Environnement, et etc., pour déversement de ce genre-là. Moi, j'aimerais savoir…
Le représentant, M. Prud'Homme, est venu devant nous, Enbridge est venue devant
nous, et je lui ai posé la question sur Kalamazoo, et Enbridge a été assez
claire, nous disant : Écoutez, on n'est pas la même compagnie. J'emploie l'expression qu'il a employée, on va se
souvenir : Nous ne sommes pas la même compagnie. Moi, je veux
savoir de vous — vous utilisez l'acronyme anglais, Canadian
Energy Pipeline Association, CEPA — vous, là, il aurait fallu et il a
fallu que vous fassiez un postmortem. Vous êtes encore… l'industrie porte…
c'est une entreprise, mais toute l'industrie
est touchée par ce qui arrive dans une entreprise à un endroit. Le nettoyage
est encore en train de se faire. Les Québécois ne peuvent pas faire
abstraction de ça lorsqu'ils regardent ça.
Et
la question que je vous pose : Qu'est-ce qui se fait différemment aujourd'hui? Ça,
c'était en 2010. Qu'est-ce qui se
fait, concrètement, différemment aujourd'hui qui va rassurer une population qui
écoute nos travaux et qui dit : Si c'est arrivé là, pourquoi pas
dans l'Outaouais, pourquoi pas chez nous? Qu'est-ce qui est fait? Puis,
honnêtement, vous avez l'expertise pour nous
répondre concrètement, vous êtes des experts dans le domaine. Dites-nous pourquoi
ça pourrait… Il n'y a pas un 100 %, là, vous allez me dire. Il n'y
a rien qui est à 100 %, je vous entends. Mais qu'est-ce que vous faites
différemment, concrètement, aujourd'hui pour empêcher que ça réarrive, ça?
• (17 h 30) •
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Messieurs de l'association.
M. Reicher (Philippe) : …parole à
Jim pour en parler un peu plus parce que ça va… il va revenir sur des points qu'il a déjà discutés. Mais ce qui s'est
passé à Kalamazoo, ça a été un choc. Ça a été un choc pour la compagnie
et ça a été un choc
pour l'industrie. On est très clairs dans cela, ça nous a permis d'apprendre
beaucoup de choses. Ça nous a forcés,
vraiment, de nous regarder dans notre miroir, et de mieux comprendre exactement
ce que nous faisons, et d'être absolument engagés à essayer de
s'améliorer. Ça, c'est absolument crucial.
Et, d'ailleurs, le programme que nous avons
institué, qui s'appelle CEPA Integrity First, est véritablement clairement l'engagement de l'industrie canadienne
de se concentrer tous les jours à trouver des façons de faire les choses
mieux, d'être plus sécuritaires et d'être
plus performants. Parce que Kalamazoo et, d'ailleurs, d'autres déversements
nous ont réveillés, absolument. Et peut-être, Jim, tu veux…
M. Donihee (Jim) : Je peux vous dire
que nous avons complété une étude de Kalamazoo. Comme vous avez suggéré, il y a plusieurs choses qui sont
arrivées. En premier, c'est une des raisons pour lesquelles nous avons les
chefs de compagnie qui font le tour du
conseil administratif maintenant, puisque, comme j'ai dit tout à l'heure, ils
se visent les uns les autres dans les
yeux s'il y a des questions de performance. Nous avons aussi complété une étude
de tous les genres des chartes, là,
dans les derniers 20 ans, et on a vu qu'il y avait un facteur commun qui était
la façon que le centre de contrôle était mené et des procédures bien,
bien, bien établies dans le centre de contrôle.
Alors, comme j'ai mentionné tout à l'heure, il y
a les 120 experts, dont une cinquantaine d'entre eux se sont mis ensemble pour créer une «best practice» qui
sera appliquée à tous nos membres, et alors je peux fier que les leçons
ont été apprises. On aimerait surtout éliminer tous les risques, ce qui n'est
pas possible, mais qu'on travaille avec sûreté et nos coeurs pour éliminer les
risques qui sont encore là.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
M. le député de Laurier-Dorion.
M.
Sklavounos : Plus
spécifiquement, il y avait la question de l'erreur humaine, possibilité qu'il y
ait une erreur humaine. Enbridge nous a dit qu'on a enlevé ou minimisé la
possibilité d'erreur humaine, on a diminué nos temps de réaction pour nous rendre. On nous a parlé de valves pour
protéger plus concrètement. Pouvez-vous nous parler un petit peu plus concrètement? J'ai compris
l'intention, puis, honnêtement, on n'est pas ici pour faire votre procès, il y
a eu d'autres endroits où on a fait votre
procès. Mais les améliorations au niveau technique, pas aller dans les détails,
mais juste nous dire quelques éléments qui sont différents aujourd'hui.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Messieurs.
M. Donihee (Jim) : Mes expériences
d'une de mes premières vies étaient dans nos forces aériennes. Après chaque excursion, on regarde quel était le plan,
comment est-ce que ça a été actionné, quelles sont les leçons et
qu'est-ce qu'on va changer pour s'améliorer
après chaque étape de l'opération. Et puis c'est cette intention, cette culture
de sécurité qu'on voit qui est bien
appliquée partout dans l'industrie du pipeline maintenant. Alors, les gens
parlent, les leçons sont développées et elles sont réparties partout
dans l'industrie. Et même l'ONE, l'office national, est au fur et à mesure d'exiger une culture de sécurité aussi. Alors, ce
n'est pas juste les compagnies, mais on travaille en collaboration avec
l'office pour travailler beaucoup plus. Et, en plus, la technologie est absolument
sur la performance humaine pour encore améliorer l'exploitation des pipelines.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
M. le député de Laurier-Dorion.
M.
Sklavounos : Mme la
Présidente, si vous me permettez, je vais donner l'occasion au député de Rivière-du-Loup—Témiscouata
de faire...
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Tout à fait. M. le député de Rivière-du-Loup—Témiscouata.
M.
D'Amour : Merci
beaucoup. Alors, bienvenue à la commission.
D'entrée de jeu, tout à
l'heure, vous avez parlé des entreprises
que vous représentez, il y en a 13. Vous avez parlé d'un réseau de 115 000 kilomètres.
Et le chiffre m'a échappé, concernant le Québec, il y a combien de kilomètres?
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
...
M. Reicher (Philippe) : Un peu plus
de 1 000 kilomètres, 1 200.
M.
D'Amour :
1 200. C'est quand même mineur comparativement à certains autres
territoires. Il faut tenir compte aussi de ce qu'est le Québec sur le
plan géographique.
Je dirais, au
cours des 10 dernières années, les statistiques reliées aux événements
malheureux, à des accidents, à des déversements, peu importe, quel est
le portrait?
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Messieurs de l'association.
M. Reicher
(Philippe) : On vient, en fait, de conduire une étude sur cela, et,
d'ailleurs, cette information est d'ailleurs sur notre site Web. Depuis les
10 dernières années, nous avons en moyenne… ce que nous appelons des défaillances
importantes, en moyenne, trois, trois défaillances importantes sur notre
réseau. La façon dont on définit une défaillance d'importance, c'est quand il y a une rupture d'un
pipeline, ou alors quand quelqu'un est blessé grièvement, ou
potentiellement une perte de vie, ou alors un incendie qui a été créé, qui n'a
pas été intentionnel. Ça, c'est la façon dont nous définissons une défaillance
significative. C'est, en moyenne, trois depuis les 10 dernières années.
La
Présidente
(Mme Bouillé) : M. le député de Rivière-du-Loup—Témiscouata.
M.
D'Amour :
Pas trois par année, trois au cours des 10 dernières années. Je comprends
bien?
M. Reicher
(Philippe) : Trois par année, en moyenne.
M.
D'Amour :
Trois par année.
M. Reicher (Philippe) :
Oui. Et que ça soit gazoduc ou oléoduc, hein? Ce n'est pas...
M.
D'Amour :
Vous avez, tout à l'heure, abordé la question des technologies. Quand vous
dites qu'on arrive à prévenir les problèmes,
on fait appel aux technologies les plus avancées, parlez-nous de ces
technologies-là. Parce qu'on parle
d'un côté de technologie, mais, en même temps, on parle de trois événements en
moyenne par année. Pour moi, là, ça m'apparaît quand même sérieux.
Alors, faites-moi le parallèle avec les technologies que vous employez.
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Messieurs, en 1 min 30 s.
M. Donihee (Jim) : Vous verrez que même les critères que mon collègue a expliqués, la
plupart des trois qu'il a mentionnés sont quand même des exigences très
petites, si vous voulez, qui seront sur les terrains d'opération des compagnies. Et on peut dire très fièrement que,
dans les 50 dernières années d'opération des pipelines, il n'y a
aucune perte de vie dans les civils.
Malheureusement, il y avait quelques-unes de les employés. Mais c'est quand
même une industrie qui est extrêmement sécuritaire dans la façon de ses
opérations.
Et,
comme Philippe a dit aussi, les chefs de compagnie ont absolument... qu'on
arrive à une incidence de nulle, de zéro pour les incidents, et c'est
pour ça que les programmes comme Integrity First vont vraiment faire la
différence quand on continue nos opérations.
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Merci. M. le député de Nicolet-Bécancour.
M.
Martel : Merci, Mme la Présidente. Bonsoir, vous deux. Ce
matin, on avait des gens d'Équiterre, je crois, qui nous mentionnaient
que les premières années de l'inversion, là, du pétrole, comme on voit ici, là,
les premières années sont beaucoup plus
risquées pour arriver à un incident, notamment à cause... Bien là, ça ne sera
plus la même sorte de pétrole, la
composition du pétrole. Il y a la densité, la pression. Il ne se passe pas la
même chose dans les tuyaux qu'il se passait auparavant, et j'aimerais ça
vous entendre par rapport à ça parce que moi, je trouvais ça logique, là, comme
explication, ce qu'ils nous donnaient ce matin.
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Les représentants de l'association.
• (17 h 40) •
M. Reicher (Philippe) : Alors, cette étude qu'Équiterre a présentée, moi,
je ne connais pas les détails, donc je ne peux pas vraiment me
prononcer. Mais, une fois de plus, moi, je reviens à ce qui se passe tout le
temps au Canada quand une compagnie de
pipeline veut changer sa façon d'exploiter un pipeline, il y a un processus
extrêmement rigoureux qui regarde tous les angles techniques qui vont, justement,
pouvoir prouver au gouvernement que ce pipeline sera sécuritaire. Donc, tous ces facteurs que vous avez énoncés seront absolument
considérés par l'Office national de l'énergie, et moi, je peux vous dire
que l'Office national de l'énergie ne va pas approuver un projet qui ne sera
pas sécuritaire. Il n'y a aucune raison pour
laquelle on aurait un projet qui serait approuvé, approbé par un régulateur si
le promoteur de ce projet ne peut pas montrer et démontrer que ce
pipeline sera sécuritaire, c'est clair.
La
Présidente
(Mme Bouillé) : M. le député, en 45 secondes.
M.
Martel :
Bien, peut-être que vous n'aurez pas le temps de répondre, mais, dans les
municipalités, le réseau d'aqueduc, parfois il y a
des fuites, et ça va prendre beaucoup de temps avant d'identifier ça. Comment vous
pouvez, à la grandeur des trajets qu'ont les
oléoducs, détecter… Comment ça se passe concrètement, de la détection de
fuites?
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Messieurs, en 20 secondes.
M. Donihee (Jim) : Il y a des senseurs de
pression, d'intégrité tout le long des pipelines. Et puis, comme j'ai
dit voilà quelques minutes, les centres de
contrôle, qui sont menés 24 heures par jour, 365 jours par année, les détectent
avec les valves dont il y avait aussi une question…
La
Présidente
(Mme Bouillé) : En terminant.
M.
Donihee (Jim) : En place, on
peut l'arrêter et on voit que… sans hésitation maintenant. Même
qu'auparavant les compagnies de pipelines arrêtent les opérations pour être
certaines et vérifier immédiatement si, vraiment, il y a une fuite ou non.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Merci beaucoup. M. le député de Mercier.
M. Khadir : Bonjour. Merci, messieurs. Est-ce que vous niez le fait que le Bureau
de sécurité du transport a révélé en novembre, en début de cette même…
enfin, du mois dernier, que votre technologie ne détecte qu'une fuite sur 10?
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Messieurs de l'association.
M. Reicher (Philippe) : Je ne suis
pas… Moi, je ne suis pas…
M. Khadir : Radio-Canada, 7
novembre.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
M. le député de Mercier, un instant, là. M. le député de Mercier, vous avez la…
Oui.
M. Khadir : Est-ce que vous
niez le fait que…
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
M. le député de Mercier, il répondait, là, à votre question.
M. Reicher
(Philippe) : De toute façon, ce que nous voulons dire une fois de… Ça revient à ce que nous
avons dit, c'est que nous pensons et nous
travaillons sur le fait que n'importe quel déversement ou n'importe quelle
défaillance, c'est quelque chose que nous voulons réparer. C'est absolument ce
que nous voulons faire.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
M. le député de Mercier.
M. Khadir : Est-ce que vous niez le fait que, malgré tout ce que vous faites — et
je ne remets pas en question votre bonne intention, après tout vous
voulez préserver votre industrie — entre 2008 et 2012, suivant le Bureau de
sécurité du transport du Canada,
on a vu une croissance de 100 %
des accidents? Vous voyez, il y a une moyenne, à peu près, aux alentours
de 80 avant, et là on a une augmentation jusqu'à 160, c'est une augmentation
croissante. Et tout ce qui s'est passé au
cours des dernières années, c'est quoi? C'est l'avancement en âge du réseau,
l'inversion de certains pipelines et, surtout,
l'augmentation de la pression et la nature changeante du pétrole, c'est-à-dire
de plus en plus au Canada… de plus en
plus de pétrole dérivé des sables bitumineux. Si ce n'est pas ces raisons-là,
inversion, augmentation de pression et la nature différente, c'est-à-dire
du pétrole lourd, c'est quoi, les raisons de cette augmentation?
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Messieurs, en une minute.
M. Reicher (Philippe) : …comme je ne
connais pas exactement cet outil, je ne peux pas véritablement me prononcer sur cela parce que je ne sais pas
quelles sont exactement la nature de ces incidents. Il y a certainement…
Les études que nous avons faites à notre niveau disent clairement que ce n'est
certainement pas une raison… parce qu'il y a
plus de sables bitumineux qui sont transportés par les pipelines qui rendent,
par exemple, les pipelines moins sécuritaires ou que ça soit un
changement de pression. Il ne faut pas oublier, de toute façon, que la pression
que nous avons ou que nous pouvons appliquer sur un pipeline est totalement
dictée par, dans notre cas, l'Office national de l'énergie. On ne peut pas
pressuriser un pipeline plus que les standards. Donc, nous devons respecter les
standards de pression.
M. Khadir : Oui, mais…
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
M. le député, je m'excuse, le temps est écoulé. Merci.
Sur ce, la commission suspend ses travaux
jusqu'à 19 h 30. Merci.
(Suspension de la séance à 17 h 45)
(Reprise à 19 h 30)
La
Présidente
(Mme Bouillé) : À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre! La
commission reprend ses travaux. Ce soir, nous entendrons les
représentants de…
Des voix : …
La
Présidente
(Mme Bouillé) : … — on tourne, Mme la ministre — la Fédération québécoise des
municipalités, de ParaChem, de Stratégies énergétiques et de la Coalition
Vigilance Oléoducs.
Ce
soir, le député de Drummond—Bois-Francs remplacerait le député de Nicolet-Bécancour, qui remplaçait
le député de Granby. Donc, j'ai besoin du consentement des membres de la
commission.
Des voix : …
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Merci beaucoup. Donc, messieurs, bienvenue. Vous avez une période de 10 minutes pour faire votre exposé, qui sera
suivi d'une période d'échange. Et je vous demanderais de vous présenter
en commençant votre exposé.
Fédération québécoise
des municipalités (FQM)
M. Soucy (Yvon) : Merci beaucoup,
Mme Bouillé. Je me présente, je suis Yvon Soucy. Je suis préfet élu au suffrage universel — j'aime ça, le dire — de la MRC de Kamouraska. Je préside
également à la FQM la commission sur l'énergie
et les ressources naturelles. Je suis accompagné de Farid Harouni et de Jean-Christian
Roy, qui sont conseillers politiques à la FQM.
En fait, je
vais vous faire part des commentaires de la Fédération québécoise des
municipalités qui concernent essentiellement l'aspect environnemental,
l'aspect sécurité publique et l'aspect redevances, là, du projet d'inversion de
l'oléoduc.
Donc, madame,
c'est avec grand intérêt que la Fédération québécoise des municipalités a pris
connaissance de la tenue, par la
Commission de l'agriculture, des pêcheries, de l'énergie et des ressources
naturelles de l'Assemblée nationale du
Québec, d'une consultation publique sur le projet de la société Enbridge, qui
souhaite inverser le flux de l'oléoduc 9B. Il s'agit d'un projet
important comptant des milliers de kilomètres d'oléoduc répartis sur le
territoire de plusieurs MRC et municipalités locales, notamment dans les zones
principalement agricoles et forestières. À cet égard, la FQM est très
préoccupée par les risques environnementaux et de sécurité qui sont associés à
ce projet.
Comptant plus
de 1 000 municipalités locales et MRC membres et représentant près de
7 000 élus, la FQM a été la première
organisation à réclamer, par des résolutions adoptées par le conseil
d'administration au mois de mai dernier, une étude environnementale
sérieuse qui permettra d'obtenir une appréciation réelle des risques
environnementaux et de sécurité publique
occasionnés par le renversement du flux de pétrole. C'est pourquoi elle
souhaite que l'exploitation d'un oléoduc,
autant que la cessation de celui-ci, se réalise en harmonie avec les milieux
d'accueil et génère des retombées économiques structurantes.
Il est
reconnu publiquement que l'acceptabilité sociale est une condition essentielle
au succès de tous les projets de développement. Dans ce contexte, les
préoccupations exprimées et les propositions mises de l'avant par la FQM
découlent essentiellement de la responsabilité première des MRC et des
municipalités, soit d'orienter et protéger le développement
de leur territoire et faire respecter les orientations de leur schéma
d'aménagement et de développement. À cet égard, la FQM se limitera aux
sujets qui préoccupent les municipalités locales et les MRC plutôt que
d'analyser l'ensemble des questions qui
seront débattues concernant le projet d'inversion du flux de l'oléoduc 9B
de la société Enbridge.
La protection de l'environnement. Au Québec, la
Loi sur la qualité de l'environnement prévoit que diverses catégories de projets, d'ouvrages ou de travaux
doivent faire l'objet d'une étude environnementale avant de passer de la
phase de la conception à celle de la réalisation. L'article 2 du Règlement
sur l'évaluation et l'examen des impacts sur l'environnement,
qui découle de la Loi sur la qualité de l'environnement, dresse la liste des
types de projets assujettis à l'évaluation environnementale, dont
celui-ci : «La construction d'une installation de gazéification ou de
liquéfaction du gaz naturel ou la
construction d'un oléoduc d'une longueur de plus de 2 km dans une nouvelle
emprise, à l'exception des conduites de transport de produits pétroliers
placées sous une rue municipale.»
Pour la FQM,
une étude environnementale du projet d'inversion du flux de l'oléoduc 9B
de la société Enbridge est impérative
afin d'analyser l'ensemble des facteurs pouvant influencer les écosystèmes et
la qualité de vie de la population. Une telle étude permettrait aussi
aux MRC et municipalités locales de s'informer et de s'exprimer sur un projet
susceptible d'avoir un impact sur leur territoire. C'est une préoccupation dont
la FQM avait fait part au ministère du Développement
durable, de l'Environnement, de la Faune et des Parcs lors du dépôt de son
mémoire concernant le projet de règlement sur le prélèvement des eaux et
leur protection.
À cet égard, notre fédération désire connaître
les risques d'un tel projet pendant les différentes phases de sa réalisation,
construction, exploitation et cessation des activités, notamment quant à la
protection des sources d'eau potable et aux risques de contamination qui y sont
associés. En ce sens, la FQM réclame une étude environnementale couvrant l'ensemble du projet d'inversion du flux
de l'oléoduc 9B de la société Enbridge. Aussi, nous vous demandons
de mandater le BAPE pour passer en revue les aspects juridiques, techniques et
administratifs afin de limiter les impacts sur l'environnement.
La sécurité
publique. La présence d'un oléoduc peut avoir des incidences sur la vie et la
sécurité des personnes qui vivent le
long de son tracé. Pour la FQM, il est capital que les activités ayant trait à
l'exploitation d'un oléoduc soient menées de manière à éviter toute
nuisance aux activités quotidiennes des habitants des territoires
municipalisés.
Le milieu municipal est un intervenant de
première ligne en matière de sécurité publique. À ce titre, les municipalités
doivent identifier les risques anthropiques sur leur territoire, élaborer des
schémas d'aménagement de sécurité incendie
et adopter des plans de mesures d'urgence. Des efforts humains et financiers
importants sont consentis afin d'éviter
ou de prévenir les sinistres. Les événements tragiques survenus au Lac-Mégantic
justifient les préoccupations des élus municipaux quant aux risques que
pourrait occasionner le projet d'inversion du flux de l'oléoduc 9B de la
société Enbridge.
À cet égard, il est
essentiel pour la FQM de connaître la nature et le niveau de risque que
comporte le projet d'inversion du flux de
l'oléoduc 9B de la société Enbridge afin de sécuriser les citoyens et les
intervenants en sécurité publique, et
ce, avant le début des travaux. Les municipalités doivent être prêtes à
intervenir de façon adéquate en cas de catastrophe. La responsabilité de
l'entreprise doit être claire en cas de sinistre. De plus, la FQM considère
qu'il est nécessaire que l'étude
environnementale du projet d'inversion du flux de l'oléoduc 9B de la
société Enbridge propose des solutions concrètes permettant de maintenir
un haut niveau de sécurité des personnes et de l'environnement.
Enfin, pour
la FQM, cette évaluation environnementale doit être menée de façon extrêmement
rigoureuse et utiliser des critères
d'évaluation reconnus dans le domaine de la sécurité publique. La FQM considère
également qu'il appartient au générateur
de risques d'assumer les coûts de sécurité engendrés par ses activités. Par
conséquent, il est essentiel de prévoir un cadre qui garantira l'atteinte d'un tel objectif. Le Québec doit
avoir tiré les leçons des événements du Lac-Mégantic.
Les retombées
économiques locales. Après avoir étudié soigneusement chacun des impacts
environnementaux de ce type de projet et
sous réserve qu'il soit démontré comme condition préalable par le BAPE que
l'exploitation d'un oléoduc ne
constitue pas une menace ni pour l'environnement ni pour la sécurité publique,
la FQM croit que les entreprises qui exploitent
ces infrastructures doivent démontrer une responsabilité sociale en versant une
compensation aux communautés locales
qui subissent les impacts et assument les risques. La compensation pourrait
prendre diverses formes, et la FQM propose
que le gouvernement entame dès maintenant le dialogue avec le milieu municipal
pour définir le modèle idéal.
Pour la FQM,
les préoccupations formulées ci-dessus sont les conditions essentielles pour
assurer un développement durable de
l'industrie de l'exploitation des oléoducs au Québec. Dans ce contexte, la
fédération souhaite que ces suggestions puissent enrichir les travaux en
cours de la commission et qu'elle en tienne compte.
Donc, en vous
réitérant, madame, notre collaboration entière dans ce dossier, veuillez
recevoir nos salutations distinguées. Et c'est signé par notre
président, Bernard Généreux.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Merci beaucoup, M. Soucy. Nous allons maintenant procéder à la période
d'échange avec les parlementaires en débutant par la partie gouvernementale.
Mme la ministre, la parole est à vous.
• (19 h 40) •
Mme
Zakaïb : Merci, Mme
la Présidente. Bonsoir, messieurs.
Merci pour votre allocution ainsi que pour la lettre que vous nous avez adressée. Effectivement, le gouvernement partage vos préoccupations. Je pense
que l'ensemble des citoyens sont inquiets. Maintenant, le but de cette commission,
c'est de faire le point sur les préoccupations des gens.
Vous mentionnez dans votre lettre la nécessité,
selon vous, de faire un BAPE. Vous citez un article de la Loi sur la qualité de l'environnement qui dit, et je
cite : «La construction d'une installation…» Je vais reprendre un peu
plus haut, là, que… «L'article 2 du
Règlement sur l'évaluation et l'examen des impacts sur
l'environnement, qui découle de la Loi sur la qualité de
l'environnement, dresse la liste des types de projets assujettis à l'évaluation
environnementale, dont celui-ci :
"La construction d'une installation de gazéification ou de liquéfaction du
gaz naturel — ce qui
n'est pas le cas aujourd'hui — ou — et là
on dit — la
construction d'un oléoduc d'une longueur de plus de 2 km dans une nouvelle
emprise…"» En quoi croyez-vous que le fait d'inverser un oléoduc déjà
existant dans une emprise déjà existante, ça donne juridiction au BAPE pour une
étude environnementale?
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Messieurs de la FQM.
M. Soucy (Yvon) : Oui, merci
beaucoup. Nous, en fait, on veut que le BAPE se penche sur la question parce que, comme élus municipaux, je vous dirais qu'on
est interpellés quotidiennement, là, sur la question. Moi, je viens de
la région du Bas-Saint-Laurent, on a un
autre projet qui est similaire, là, qui est en élaboration, qui est celui de
TransCanada, puis je vous dirais que les
élus sont en première ligne, mais on n'a pas nécessairement toutes les réponses
puis on pense que le BAPE a les
compétences pour fournir, en fait, tout l'argumentaire dont aura besoin le
gouvernement du Québec, là, pour pouvoir prendre une position éclairée
sur le projet. Donc, c'est en partie pour ça qu'on souhaite que le BAPE se
penche sur le projet.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Mme la ministre.
Mme
Zakaïb :
Oui, en effet, l'autre dossier dont il est question, dont vous parlez, là,
celui de TransCanada, ce serait la
construction d'un oléoduc de plus de deux kilomètres. Je pense que, dans
ce cas-là, le BAPE aurait juridiction, ce qui, aujourd'hui, est un peu différent.
Maintenant, notre rôle comme élus, c'est de
regarder de quelle façon, si jamais ce projet-là voit le jour et si la commission nationale de l'énergie donne son
accord, pour l'ensemble des citoyens du Québec, on peut préserver
l'intégrité du pipeline et, si jamais il y a
rupture ou déversement, de quelle façon on peut, le plus rapidement possible,
agir parce qu'on le sait, il n'y a
aucun moyen de transport qui est un moyen totalement sécuritaire. Est-ce que
vous avez des demandes particulières concernant la capacité
d'intervention limitée de certaines municipalités en cas d'urgence? Parce que
ça peut faire partie des recommandations de
notre commission vis-à-vis Enbridge, ça peut également être le cas vis-à-vis
des différents ministères qui peuvent être impliqués, est-ce que vous avez des
demandes particulières à cet égard-là?
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Messieurs.
M. Soucy
(Yvon) : Je vous dirais,
certainement que, pour les petites municipalités, peut-être que ça peut être
un défi plus grand. Par contre, les services incendie sont de plus en plus
regroupés soit dans des régies, ou peu importe, par le biais des MRC. Donc, les services incendie
se donnent les moyens, là, d'intervenir efficacement puis de prendre en charge leurs responsabilités. Mais ce que je vous
dirais, c'est que, nous, là, la question de la sécurité, c'est vraiment
la question… il y a la question
environnementale aussi, mais c'est une des questions prioritaires, puis sur
laquelle il ne doit pas y avoir de compromis, puis on ne doit pas
lésiner.
Vous savez,
s'il y a un bris puis que… en fait, qu'il y a un renversement de produits
pétroliers, ça peut être nos sources
d'eau potable qui sont affectées, ça peut avoir des répercussions énormes sur
la qualité de vie de nos citoyens, ça peut être le… Déjà, le passage
d'un oléoduc peut peut-être réduire la valeur foncière des propriétés. On voit
qu'il y a quand même beaucoup d'enjeux qui sont présents, puis donc on veut
qu'il y ait, pour en revenir à la question de la sécurité, des protocoles clairs qui soient définis pas… puis des plans
d'intervention également qui soient faits, puis pas seulement au bon
vouloir de la compagnie qui va construire ou qui va inverser le flux, mais on
veut que le… en fait, ça sera peut-être dans
vos recommandations, mais qu'en bout de ligne l'Office national de l'énergie
oblige les compagnies à avoir de tels
protocoles, à former les services de sécurité incendie ou les services
d'urgence des municipalités, leur donner les moyens financiers aussi de
prendre en charge ces responsabilités-là.
Parce que
c'est bien beau dire : Nos services incendie ou nos services d'urgence
vont répondre, mais il faut qu'ils aient
les moyens de répondre. Ça prend peut-être des équipements également qui sont
spécialisés, ça prend de la formation, ça prend de la mise à jour. Ce
n'est pas tout de les former une fois puis de dire : Bien là, vous faites
le travail, il faut également, là… Puis ça, moi, je l'ai dit dans l'autre
dossier, celui de TransCanada, mais les gens qui répondent à nos services d'urgence à Calgary, là, ils doivent être
capables de répondre en français parce que, chez nous, là, des
intervenants de première ligne qui parlent anglais, moi, je n'en connais pas beaucoup,
là. Ça fait que c'est toutes ces questions-là qui nous confrontent, là, puis
donc on voulait en faire part dans la lettre, mais je me permets d'apporter un
peu plus de précisions.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Mme la ministre.
Mme
Zakaïb : Je vous
remercie beaucoup. Je pense que les suggestions que vous nous faites sont très
à propos, là. La formation, vous donnez aux municipalités les moyens financiers
pour répondre, former les services de sécurité.
On a également parlé de faire ce que j'ai appelé comme des exercices de feu
avec les municipalités concernées pour qu'on apprenne à agir rapidement, qu'on apprenne à agir efficacement. Ça fait
que ça aussi, ça pourrait, j'imagine, être des choses qui peuvent aider,
en tout cas, si jamais il y a un accident, qu'on puisse réagir le plus rapidement
possible.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
MM. les représentants de la FQM.
Mme
Zakaïb : Je vais
céder la parole au député de Roberval.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Oui, de Roberval. M. le député de Roberval.
M.
Trottier : Merci, Mme la Présidente. Vous mentionnez dans vos recommandations qu'il devrait y avoir une compensation aux communautés. Vous
dites : Ça pourrait prendre diverses formes. Quand on parle de ça avec les
représentants de l'entreprise, ils nous disent : On paie déjà des
taxes. Est-ce que vous pouvez nous donner une idée de ce que
ça peut représenter dans une petite municipalité? Puis est-ce que vous croyez…
Bien, j'ai l'impression que vous croyez que
ce n'est pas suffisant, là, mais est-ce
que vous avez une idée de ce que ça
peut représenter, la taxe qui est payée dans une petite municipalité?
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Messieurs.
M. Soucy
(Yvon) : Bien, pas vraiment,
là. Je peux vous donner l'information que TransCanada nous a donnée, là, en nous
parlant… mais, écoutez, je n'ai pas validé auprès de l'évaluateur, là, mais en
nous parlant peut-être d'une valeur portable
au rôle de 1 750 000 $ du kilomètre qui serait
dépréciée, là, selon une formule, là, de dépréciation, là. Par contre,
je ne peux pas vous assurer que c'est l'information, là… que c'est ce qui
arrive dans le cas d'Enbridge, là.
M. Trottier : Mais, quand
vous dites…
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
M. le député de Roberval.
M. Trottier : … — merci — 1 million
du kilomètre, ça, c'est l'évaluation ou c'est la taxe?
M. Soucy (Yvon) : C'est l'évaluation
portable au rôle.
M.
Trottier : O.K. L'évaluation. Ça veut dire que, si, par
exemple, c'était 1 $ du 100 $, ça voudrait dire que ça ferait,
à ce moment-là, à peu près 10 000 $.
M. Soucy (Yvon) : Oui, environ. Ce
qu'on nous a dit chez TransCanada, peut-être 15 000 $ du kilomètre.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
M. le député de Roberval.
M.
Trottier : C'est ça. On ne peut pas dire que c'est le pactole.
M. Soucy
(Yvon) : Non, bien, écoutez…
La
Présidente
(Mme Bouillé) : MM. les représentants de la FQM.
M. Soucy
(Yvon) : Est-ce que je peux répondre? Pardon. Non, bien, pour tous les
inconvénients que ça peut générer dans
certains milieux, là, effectivement ce n'est peut-être pas suffisant. Il y a la
question de la valeur foncière puis du fait que c'est peut-être portable
au rôle, effectivement. Ça, c'est une chose, là, c'est la fiscalité, mais il y
a toute la question également, là, de
compensation pour des communautés qui sont touchées, pour les impacts qu'elles
subissent, là. Bien, je pense, c'est d'autre chose, il faut peut-être dissocier
ça de toute la question fiscale puis de taxation.
Par
contre, pour revenir à la question fiscale, il y a également… Sur un tracé d'un
oléoduc — moi, je
n'ai pas la réponse, mais je me
questionne — est-ce
que ça a comme impact, par exemple, de faire diminuer la valeur des
propriétés? Puis, si oui, bien, il faut
diminuer cette valeur-là qui est dépréciée du bénéfice qu'on reçoit de la
taxation. Donc, lorsqu'on nous parle peut-être de 15 000 $ du
kilomètre, ce n'est probablement pas au net, là. Mais ça, c'est une chose.
Mais, les compensations, nous, on pense qu'avec
la quantité de pétrole qui va passer… qui passe dans ces oléoducs-là — puis
là on parle même d'augmenter la
capacité — écoutez,
je pense que les communautés qui subissent les inconvénients, là, seraient en droit de s'attendre à avoir des
compensations. Puis les compagnies, comme bons citoyens corporatifs,
feraient, je pense, une excellente affaire, ça contribuerait peut-être
également à l'acceptabilité sociale des projets, là, qui, on le sait, n'est pas
souvent là aussi, là.
La
Présidente
(Mme Bouillé) : M. le député de Roberval.
• (19 h 50) •
M. Trottier :
Dans le fond, ce que vous nous dites, c'est que l'évaluation, c'est tout à fait
normal de payer. Quelqu'un qui a un terrain
vague, il va payer une évaluation sur le terrain, mais il n'y a pas beaucoup de
risques pour la municipalité, ça n'amène pas beaucoup de problèmes
futurs ou potentiels, alors qu'eux, compte tenu du fait que c'est un produit
qui peut avoir un potentiel de catastrophe plus important, ça demande d'autres
types de compensation.
Puis est-ce que vous
avez une idée à ce sujet-là, de ce que ça peut représenter, pour une
municipalité, de se préoccuper de la présence d'un pipeline, là? Est-ce que,
par rapport à des exercices ou par rapport à des
équipements… Puis c'est sûr aussi que, si jamais il y avait
une catastrophe, bien là on tombe dans une autre dimension, mais, on pourrait
dire, la gestion annuelle qui tient compte de la présence d'un pipeline comme
ça, est-ce que vous avez une idée de ce que ça peut représenter?
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Les représentants de la FQM.
M. Soucy (Yvon) : Malheureusement, non, je n'ai pas d'idée. Par contre,
comme élus, je peux vous dire que ça occupe
passablement parce que les citoyens nous interpellent beaucoup,
manifestent leur inquiétude. Il faut comprendre que les élus municipaux
sont toujours… les députés aussi, je suis convaincu, là, mais ils sont toujours
en première ligne pour recevoir les préoccupations des citoyens, puis, pour un
élu, ça occupe beaucoup.
Pour
ce qui est de toutes les interventions ou la préparation qu'on aura à faire
pour assurer la sécurité, je ne pourrais, malheureusement, pas vous
répondre.
La
Présidente
(Mme Bouillé) : M. le député de Roberval.
M. Trottier :
Oui. Ça veut dire que, si je comprends bien, vous souhaitez qu'il y ait une
table de travail, peut-être, d'établie avec le gouvernement pour, justement,
établir les différents impacts que ça peut avoir pour être capable de
fixer une compensation équitable, à ce moment-là?
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Messieurs.
M. Soucy
(Yvon) : Oui, c'est ça, monsieur.
La
Présidente
(Mme Bouillé) : M. le député de Roberval.
M.
Trottier : Hier, on a
rencontré les gens de l'UPA, qui nous disaient qu'auparavant les entreprises
faisaient affaire directement avec des particuliers. Puis c'est sûr que, quand une multinationale
rencontre un particulier, disons que les relations ne sont pas tout à
fait d'égal à égal, là, puis on peut dire toutes sortes de choses à quelqu'un
en disant : Ton voisin a accepté à tel prix, etc. Est-ce que la FQM, par
rapport à des petites municipalités qui n'ont pas toujours les services d'expertise, est-ce que
vous prenez en charge, on pourrait dire, une négociation avec Enbridge pour
l'ensemble des municipalités ou si ça se fait encore individuellement? Puis je
voudrais savoir, est-ce que la FQM a rencontré Enbridge comme telle?
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Messieurs de la FQM.
M.
Soucy (Yvon) : Non, on n'a
pas rencontré Enbridge. Par contre, écoutez, actuellement, là — je
vous parlerai encore, malheureusement, pour TransCanada parce que c'est
un dossier que je connais mieux — il n'est nullement question
de compensations. Donc, lorsqu'on parle de compensations, on nous réfère toujours
au fait que c'est portable au rôle.
C'est pour ça qu'on demande que le gouvernement
du Québec crée un comité qui pourrait
se pencher sur la question puis s'assurer que les communautés touchées
puissent recevoir, là, des compensations qui seraient adéquates.
La
Présidente
(Mme Bouillé) : M. le député de Roberval? Ça va? Au niveau de la partie gouvernementale, c'est beau? Merci. M. le député de Laurier-Dorion… Ah! M. le
député de Rivière-du-Loup—Témiscouata.
M.
D'Amour : Alors, merci
beaucoup, Mme la Présidente. J'ai lu vos observations, je vous ai écoutés. J'ai
été maire moi-même pendant un certain nombre d'années à Rivière-du-Loup, on se
connaît bien, M. Soucy, on est voisins de comté. Je peux comprendre
certaines de vos préoccupations, sincèrement. Je peux comprendre aussi… Puis, à travers les mots que vous utilisez, je
sens une forme de sentiment d'impuissance, jusqu'à un certain point. Est-ce
que vous avez eu l'occasion de rencontrer Enbridge? Je comprends que non?
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Messieurs.
Des voix : Non.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
M. le député.
M.
D'Amour : O.K. Il
n'y a pas eu de rencontre à venir jusqu'à maintenant?
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Les représentants de la FQM.
M. Soucy (Yvon) : Non.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
M. le député de Rivière-du-Loup—Témiscouata.
M.
D'Amour : Merci.
Mon collègue de Laurier-Dorion a eu l'occasion, au cours des derniers jours,
hein, depuis le début des consultations
particulières, de parler d'un comité de vigilance qui ferait en sorte
d'atténuer certaines craintes ou, à tout le moins, de provoquer des
discussions que vous n'avez pas eues encore. Vous parlez beaucoup de TransCanada dans notre région, mais on n'est pas
là pour TransCanada, on est là pour Enbridge. Le comité de vigilance,
qui mettrait en place différentes instances,
notamment Enbridge, le ministère des Ressources naturelles,
l'Environnement, Développement durable, le MAMROT, le ministère des Affaires
municipales, comment c'est reçu du côté de la Fédération québécoise des
municipalités?
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Messieurs.
M. Soucy
(Yvon) : Nous, on voit d'un
très bon oeil, là, toutes les initiatives qui auront pour but d'assurer
que les projets soient sécuritaires, qu'ils respectent également toutes les
questions environnementales qui rejoignent les préoccupations des municipalités, bien entendu. Puis c'est sûr qu'on
souhaite, si ce comité de vigilance là est mis sur pied, pouvoir y être
interpellés aussi puis pouvoir alimenter vos réflexions, également vos travaux.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
M. le député de Rivière-du-Loup—Témiscouata.
M.
D'Amour : Lorsque
vous dites, page 4 de votre présentation : «Les municipalités doivent
être prêtes à intervenir de façon adéquate
en cas de catastrophe», ça implique quoi? Quelle est la vision de la FQM à ce niveau-là?
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Messieurs de la FQM.
M. Soucy
(Yvon) : Écoutez, c'est sûr qu'on a besoin de… Comme je vous disais
tantôt, ça prend des protocoles qui
sont clairs puis définis. Par exemple, là, je ne sais pas quelles seront les chaînes,
là, de traitement, là, de l'information, mais, si, par exemple, un maire
ou un service d'urgence d'une municipalité appelle chez Enbridge puis
dit : On a une fuite chez nous, puis
c'est validé, on vous le dit, qu'on a une fuite, là, bien, il faut qu'ils
ferment la valve, là. Donc, ça prend des
procédures qui sont claires, des protocoles. Devant le doute, là, moi, je pense
qu'il n'y a pas de chance à prendre. C'est que le flux doit être immédiatement arrêté, puis les vérifications doivent être faites. Puis, écoutez,
on doit également donner à nos services d'urgence une formation adéquate pour
répondre à ce type d'événements là parce que c'est quand même des événements particuliers puis qui nécessitent certainement
des interventions également, là, qui sont appropriées.
Donc, nos services incendie doivent avoir les
moyens nécessaires, la formation. Comme je vous disais, si ça prend des
équipements particuliers, on doit les mettre à la portée de nos services
incendie, le suivi également sur la formation.
Donc, je ne suis peut-être pas la personne pour vous dire exactement
tout ce que ça prend, mais, comme élu, par contre, j'ai une bonne idée,
là, j'ai une bonne idée, puis je sais que c'est quand même des questions
qui sont souvent assez onéreuses
aussi, hein? Vous le savez, comme vous le disiez, vous avez été maire, là,
d'une ville, là, puis, lorsqu'on
parle d'intervention
d'urgence, de sécurité incendie, assez souvent ce sont nos services de sécurité
incendie, bien, écoutez, c'est des équipements qui sont quand même
très dispendieux, qui ne serviront peut-être jamais, mais dont on ne peut pas se
passer si on en a besoin.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Monsieur le… Allez-y, monsieur.
M. Soucy
(Yvon) : Oui. Puis c'est ça,
si je peux compléter, on parlait également dans notre lettre, là, les plans
d'intervention aussi, là, puis les plans d'intervention, peut-être, adaptés à
la réalité de chaque région. Par chez nous, M. D'Amour,
on est une région à fort risque sismique, donc ce n'est pas pareil comme ailleurs.
Donc, les plans d'intervention ne
seront peut-être pas les mêmes puis la conception aussi du… Bien,
en fait, là, on est avec Enbridge, là, mais Enbridge aussi, ce qui nous inquiète, c'est l'âge aussi du
pipeline, là, qui a quand même 37 ans de vie, là. Donc, puisqu'on parle de sécurité, là, c'est un
élément également dont je voulais vous faire part.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
M. le député de Rivière-du-Loup—Témiscouata.
M.
D'Amour : Est-ce
que vous avez abordé, au sein de la
FQM, le volet économique d'un projet
comme celui-là?
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Messieurs.
M. Soucy
(Yvon) : Nous, écoutez,
comme je vous disais au départ, on n'est pas ici pour se prononcer ni en
faveur ni contre, là. Nous, ce qui nous
préoccupe, c'est surtout… c'est l'aspect environnemental. Si on est rassurés,
en fait, là, sur l'aspect environnemental, sur la sécurité puis si on a
les compensations adéquates… On comprend que le pétrole, il faut qu'il transige d'une façon ou d'une autre. Si
ce n'est pas de cette façon-là, ça va être d'une autre façon qui est
peut-être moins sécuritaire, même. Ça, on le
comprend. Puis on comprend que ce sont des projets, quand même, qui peuvent,
s'ils sont bien faits puis s'ils sont bien
encadrés, qu'on se donne toutes les marges de sécurité nécessaires, ce sont des
projets, oui, qui peuvent être intéressants d'un point de vue économique. Puis
ça, on est conscients de ça.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
M. le député de Rivière-du-Loup—Témiscouata.
M.
D'Amour :
Effectivement, Mme la Présidente, ma question n'était pas de savoir si vous
étiez pour ou contre. Ma question était simple, là : Est-ce que
vous avez évalué les impacts économiques potentiels pour les communautés qui
seront touchées?
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Les représentants de la FQM.
M. Soucy (Yvon) : Non.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
M. le député.
M.
D'Amour :
Vous parlez de compensations. L'UPA, l'Union des producteurs agricoles, s'est
présentée ici, devant la commission, et eux n'ont pas réclamé ce type de
compensation là. Ce qu'ils ont dit pour un nouveau projet du type de celui de TransCanada dans votre région,
qui est aussi la mienne, c'est une chose, mais ça a déjà été fait dans
le cas de la conduite dont on parle, du pipeline dont on parle. Vous n'avez pas
parlé à l'UPA non plus?
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Messieurs.
• (20 heures) •
M. Soucy
(Yvon) : Bien, écoutez, oui,
il y a peut-être une distinction entre TransCanada, qui n'est pas
construit, puis Enbridge, qui est construit,
mais, par contre, le pétrole transite quand même, les risques sont là. Les
risques seront peut-être plus grands
dans le futur, compte tenu que la capacité va être augmentée, compte tenu que
l'infrastructure continue de prendre de l'âge. On pense que ça mérite
des compensations.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
M. le député de Rivière-du-Loup—Témiscouata.
M.
D'Amour : Non, je
ne suis pas du tout en désaccord avec l'idée d'une compensation. Je vous l'ai
dit, j'ai été maire, là, ce qui peut entrer
dans les coffres des communautés locales, c'est important. Le défi, il est là,
là, pour vous autres dans les
municipalités, il y a une conduite qui passe. C'est clair que, sur le
plan incendie puis à travers le vécu de chacune des communautés, chacune
des communautés a ses particularités qui font en sorte qu'on se doit de
s'attarder à un élément comme celui-là.
Moi,
j'oserais vous suggérer de rencontrer les gens d'Enbridge. Je pense qu'en
termes d'organisation qui représente les municipalités ou une bonne partie des municipalités du Québec
ce serait sain de le faire. De rencontrer l'Union des producteurs agricoles, ce serait aussi sain de le
faire. Sur la question du comité de vigilance, vous êtes déjà, je pense, assez bien positionnés. Sur la question des
compensations, de toute évidence la réflexion est à faire aussi, et vous
devez le faire le plus rapidement possible
pour être en mesure de vous mettre à niveau, là. Les gens que vous représentez
comme fédération, j'ose prétendre aujourd'hui qu'ils attendent de vous cet
élément-là.
En même temps, vous
réclamez un BAPE, puis, là-dessus, j'aimerais que vous reveniez pour explorer
cette avenue-là, pourquoi puis exactement comment les choses devraient se
passer pour vous.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Messieurs de la FQM.
M. Soucy
(Yvon) : Oui. Bien, en fait,
j'ai eu l'occasion de le dire un peu plus tôt, mais nous, comme
fédération, comme élus municipaux, on pense que le BAPE va permettre vraiment
d'éclairer ou d'enrichir la réflexion que le gouvernement
aura sur le projet puis de faire des représentations qui seront également
adéquates. Vous savez, vous l'avez dit,
là, c'est vrai qu'on se sent un peu démunis. Vous avez été maire, vous aussi.
Lorsqu'on se rend compte que nos outils de planification n'ont aucun impact, là, sur un projet comme celui-là,
c'est sûr qu'on se sent démuni. Donc, le BAPE, à tout le moins, même s'il n'a peut-être pas l'autorité
d'imposer quoi que ce soit, moi, je pense qu'il a quand même une
autorité morale, puis les gens… Pour toute
la question environnementale, le BAPE pourrait porter une réflexion très
enrichissante sur l'ensemble du projet.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
M. le député de Rivière-du-Loup—Témiscouata.
M.
D'Amour : Quand
vous dites, page 3 : «C'est une préoccupation dont la FQM avait fait part
au ministère du Développement durable» sur la question environnementale, est-ce
que vous leur avez parlé directement ou vous leur avez transmis un document?
Est-ce que vous avez eu un retour?
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Les représentants de la FQM.
M.
D'Amour : Dernier
paragraphe de la page 3, M. Soucy.
M. Soucy (Yvon) : Non, on n'a pas eu
de pourparlers à ce sujet-là.
M.
D'Amour : O.K. Vous
avez transmis…
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
M. le député de Rivière-du-Loup—Témiscouata.
M.
D'Amour :
Pardonnez-moi, Mme la Présidente. C'est une préoccupation que vous avez
transmise au ministère de l'Environnement, vous le dites, là, en mai
dernier, vous n'avez… en fait, vous n'avez pas eu de retour.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Messieurs.
M. Harouni
(Farid) : On a envoyé une
résolution par rapport au projet d'inversion du pipeline d'Enbridge
juste pour demander comme quoi qu'ils mandatent le BAPE pour pouvoir analyser
un peu ce projet-là. Mais on a eu un accusé de réception, mais c'est tout.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Merci, M. Harouni. M. le député de Rivière-du-Loup—Témiscouata.
M.
D'Amour :
Tout de même étonnant, parce que vous représentez la Fédération québécoise des
municipalités. Vous représentez combien de municipalités au total?
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Messieurs.
M. Soucy (Yvon) : On représente
1 000 municipalités et MRC.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
M. le député de Rivière-du-Loup—Témiscouata.
M.
D'Amour :
Étonnant, Mme la Présidente, 1 000 municipalités et MRC au Québec, pas eu
de retour sur un sujet aussi important. On ne parle pas d'un dépanneur
qu'on va ouvrir sur le coin d'une rue, là, on parle d'Enbridge. Et la Fédération québécoise des municipalités, Mme la
Présidente, c'est quand même une instance sérieuse, et, je le répète,
pas eu de retour du ministère de l'Environnement quant aux requêtes que vous
avez soulevées, que vous avez proposées au ministère.
Moi, ça m'interroge quand même beaucoup. Alors, ce que je retiens, là, c'est
qu'il y a des conversations à y avoir entre la FQM et Enbridge, avec le
ministère de l'Environnement, avec l'Union des producteurs agricoles. Il y a un
travail à faire aujourd'hui sans trop tarder. Moi, je retiens ça de votre
présentation, M. Soucy.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Messieurs.
M. Soucy
(Yvon) : Oui. Bien, en fait,
il n'y avait pas vraiment de question, là, à ce stade-ci, mais, oui, je
reçois vos commentaires, M. D'Amour.
Mme
Charlebois : …
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Bien, il reste 40 secondes, Mme la députée
de Soulanges.
Mme
Charlebois : Ah!
bien, non, on va laisser faire.
M. D'Amour : C'est plus qu'il n'en
faut, non?
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Vous laissez faire. Oui, M. Soucy.
M. Soucy
(Yvon) : Si vous me le
permettez, j'ajouterais peut-être une chose parce que ce n'est pas dans la
lettre, mais c'est dans le communiqué qu'on a émis. En ce qui concerne le fonds
de prévoyance qui a été suggéré par la ville
de Montréal, je vous dirais qu'on souscrit entièrement à ça, puis on croit que
c'est une excellente idée également, là, on pense que ça pourrait être
une bonne chose.
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Bien, merci. On en prend bonne note. M. le
député de Drummond—Bois-Francs.
M.
Schneeberger : Oui.
Merci, Mme la Présidente. Dans le troisième paragraphe, vous mentionnez que
vous réclamez d'avoir des études
environnementales sérieuses. C'est sûr qu'on voit multiples études. Par le mot
«sérieux», vous, avez-vous soumis, je ne
sais pas, des critères de recommandation au niveau des études, des critères que
vous voudriez qui ressortent dans
l'étude, c'est-à-dire… En tout cas, je vous le demande, une liste de critères
qui pourraient faire en sorte que les impacts environnementaux sur tel
point, tel point, tel point… Y a-tu des points que vous avez soumis qui vous
tiennent à coeur, finalement?
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Messieurs de la FQM.
M. Soucy (Yvon) : Non, mais c'est
pour ça qu'on l'a mis. Mais c'était également parce qu'on considère que le BAPE
est une instance sérieuse, là, qui peut répondre à ces questions-là.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
M. le député de…
Une voix : …
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Un instant. M. le député de Drummond—Bois-Francs, vous avez la parole.
M.
Schneeberger :
Excusez-moi, Mme la Présidente. Vous parlez plus loin de programmes de
compensation. Moi, je voudrais savoir parce
que, souvent, bon, on a des programmes de compensation… Est-ce que la FQM
souhaiterait avoir plus, dans le sens… Souvent, on parle de programmes de
compensation, des sommes d'argent qui sont données soit directement aux citoyens ou à la municipalité, sauf que souvent, en cas
de catastrophe, ce n'est pas nécessairement ça qui va faire en sorte que la municipalité va être plus en
mesure, justement, de contrôler les dommages. Est-ce qu'à ce moment-là… est-ce
qu'il y aurait un fonds, peut-être, d'indemnisation, tu sais, dans le fond,
comme une assurance qui permettrait, justement, de venir en aide à une
municipalité touchée ou directement à acheter des équipements pour, justement,
faire face à des éventuels dommages environnementaux?
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Messieurs.
M. Soucy
(Yvon) : En ce qui concerne
les compensations, on dit bien, là, que c'est après avoir été rassurée
sur tout l'aspect environnemental et
sécuritaire que la FQM peut souscrire, puis on souhaite, là, qu'il y ait des
compensations.
Pour ce qui
est des services d'urgence, je pense que ça va de soi, là. Ce n'est même pas
dans les revendications pour les compensations, c'est que les compagnies
doivent assumer les frais pour les municipalités, là, de la formation des intervenants, des équipements qui sont requis,
de la mise à jour. Ça, ce n'est pas aux municipalités, puis ce n'est pas
aux contribuables à assumer ça, puis ce
n'est pas non plus aux compensations qui seront versées. Les compensations,
comme je vous le disais tantôt, c'est
beaucoup plus pour assurer l'acceptabilité sociale du projet, pour que les
compagnies également agissent comme bons
citoyens corporatifs. Écoutez, c'est des millions et des millions de dollars
qui transitent dans ces canalisations-là. Les municipalités, les
communautés touchées, là, doivent être en droit de s'attendre, là, à avoir des
compensations adéquates.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Merci beaucoup. M. le député de Mercier.
M. Khadir : Merci, Mme la Présidente. M. Soucy,
M. Roy, M. Harouni, bienvenue. Dans un, je dirais, précieux moment de
spontanéité et de vérité, l'actuel ministre de l'Enseignement supérieur disait,
il y a quelques mois, que le lobby des
affaires écrase la classe politique. Je ne sais pas à quelle décision,
observation dans son gouvernement il référait, je n'oserais pas aller sur ce terrain-là, mais je constate avec
ravissement que ça ne s'applique pas, en tout cas, à la FQM.
Vous venez d'énoncer
une série de demandes que j'aurais aimé émaner du gouvernement, par exemple, un
gouvernement qui se dit indépendantiste,
souverainiste, de ne pas s'enfarger dans ces considérations que c'est du
ressort législatif fédéral, faire comme le gouvernement de la
Colombie-Britannique, qui rejoint un peu votre proposition d'une autre manière. Vous, vous demandez un BAPE,
quelle que soit la juridiction concernée, mais parce que c'est un instrument approprié pour évaluer tous les
impacts. Le gouvernement de la Colombie-Britannique ne se satisfait pas
de l'ONE, il demande à Enbridge de se
soumettre à une commission mixte d'examen qui impliquerait l'agence
d'évaluation environnementale canadienne également.
Mais,
comme vous également, la Colombie-Britannique, contrairement au document de
consultation soumis par le gouvernement,
au document de travail, qui ne dit pas un mot… demande que la Colombie-Britannique reçoive sa juste part des bénéfices fiscaux et économiques parce que
ce projet est risqué et entraîne, pour la province, et l'environnement, et les contribuables, des
risques importants.
Pour
ce qui est de l'Union des producteurs
agricoles, pour corriger ce qui a été
dit tout à l'heure, eux disaient : Ce n'est pas en notre moyen, on a déjà signé des
contrats. Mais ça n'empêche pas le gouvernement, pour Enbridge comme pour TransCanada, de réclamer… Le gouvernement a le moyen. toujours, d'une perception de redevances, des moyens
de réclamer des compensations qui pourraient vous aider. Est-ce que vous
trouvez que ça serait une avenue?
• (20 h 10) •
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Les représentants de la FQM.
M. Soucy (Yvon) : Bien, écoutez, si on s'adresse à la commission
puis qu'on vous fait part de l'importance, pour nos municipalités
membres, de recevoir des compensations adéquates, je pense que c'est le
message, effectivement, qu'on vous transmet, puis on espère que cela apparaîtra
dans le rapport de la commission.
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Merci. M. le député de Mercier, 30 secondes.
M. Khadir :
L'autre élément, vous savez, Enbridge, la seule fois qu'il y a eu une demande
faite par des municipalités en Ontario, voici le plan d'intervention
d'urgence qu'ils ont soumis, caviardé de bord en bord. La ministre ici a demandé qu'Enbridge soumette les résultats de
leurs excavations, les 600 excavations qu'ils ont menées sur le territoire
québécois, Enbridge a refusé de s'engager. Est-ce que vous trouvez ça acceptable?
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Monsieur, en 10 secondes.
M. Soucy (Yvon) : En 10 secondes. Bien, écoutez, ça fait également partie de nos revendications. Nos municipalités
doivent avoir accès à toute l'information, notamment lorsqu'il y a des
inspections. On souhaite que les rapports
d'inspection nous soient transmis. S'il y a des catastrophes, on veut avoir
toute l'information puis on veut être en mesure, là, d'agir rapidement.
On espère qu'il n'y aura pas de catastrophe, bien entendu, mais je pense que la
base…
La
Présidente
(Mme Bouillé) : En terminant.
M. Soucy
(Yvon) : ...la base d'une bonne réaction, c'est, effectivement,
l'information.
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Merci beaucoup pour votre présentation.
J'invite maintenant
les représentants de ParaChem à prendre place à la table, et je suspends les
travaux pour une minute.
(Suspension de la séance à 20
h 12)
(Reprise à 20 h 14)
La
Présidente
(Mme Bouillé) : La commission reprend…
Des voix :
…
La
Présidente
(Mme Bouillé) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission
reprend ses travaux.
Des voix :
…
Document déposé
La
Présidente
(Mme Bouillé) : À l'ordre, s'il vous plaît! S'il y a des
discussions, je vous demande de sortir de la
salle de la commission. Merci. J'accepte le dépôt d'un document
sur les pipelines par la CEPA, la Canadian Energy Pipeline Association, sur la corrosion, entre
autres, des pipelines. Donc, ces documents vont être distribués aux membres de la commission.
Bienvenue, maintenant,
aux représentants de ParaChem. Vous bénéficiez d'une période de 10 minutes pour
votre exposé — je vous indiquerai au moment de la dernière minute — et
suivi d'un échange avec les parlementaires. Je vous demande aussi de
vous identifier, s'il vous plaît
Chimie ParaChem SEC
M.
Brunelle (André) : Bien,
merci, Mme la Présidente. Mon nom est André Brunelle. Je suis directeur
général de Chimie ParaChem et je suis accompagné de M. Bruno Charest, notre
directeur du service technique. Nous tenons, d'abord, à remercier la commission
de nous avoir invités à cette rencontre. Nous félicitons le gouvernement pour
la qualité du document qu'il a déposé pour cette consultation publique. Le côté
économique a été très bien illustré en faveur du rérenversement.
Je
commencerai mon allocution par un point de sécurité, une pratique bien
instituée dans le milieu industriel au début
de chaque réunion, même celles du conseil
d'administration. Je vous parlerai
ensuite de la vision gouvernementale qui
a permis à Chimie ParaChem de voir le jour et de devenir un des piliers de
l'écologie industrielle dans l'est de Montréal. Je vous parlerai de Chimie ParaChem et comment, au
jour le jour, nous concilions l'environnement et la sécurité dans notre quête
d'augmenter le rendement et la fiabilité de nos opérations. Je vous glisserai
un mot au sujet de notre comité de citoyens, qui assure un dialogue
indispensable pour garder le droit de cohabiter.
Enfin, je ne suis pas ici pour vous faire aimer
le pétrole, mais plutôt pour vous inciter à consommer de façon responsable, à vous aider à réaliser que le
pétrole est omniprésent dans notre vie de tous les jours, et j'espère qu'à la
fin de mon exposé vous serez d'accord
avec moi que, tant que nous utiliserons ces produits, il vaut mieux les
fabriquer localement avec les
meilleures pratiques disponibles, avec des gens compétents, dans le souci de la
sécurité et de l'environnement et ainsi bénéficier des retombées plutôt
que de les importer, car il y a toujours quelqu'un d'autre très intéressé à le
faire pour nous. Mais, pour ce faire, il faut avoir accès à de la matière
première compétitive.
Alors, le
moment de sécurité. Chez ParaChem, avant de faire un travail, un des nombreux
outils que nous mettons en pratique
est la règle des trois questions. Et j'ai d'autres exemplaires pour vous. Tous
les employés ont ce petit aide-mémoire dans leur poche qui les incite à
se demander, avant de faire un travail, qu'est-ce qui pourrait mal tourner, qu'est-ce qui pourrait faire que ça tourne mal et
qu'est-ce que je pourrais faire pour empêcher que ça tourne mal. C'est très efficace, et je vous encourage tous à
l'utiliser dans vos activités de tous les jours. Je suis très fier de nos
employés pour plusieurs raisons. L'une
d'elles est le fait qu'ils travaillent sans accident avec perte de temps depuis
presque 10 ans. Les entrepreneurs le font depuis plus de trois ans.
Nous disons tout d'abord merci au gouvernement
du Québec d'avoir cru dans la chaîne du polyester au début des années 2000 en
participant, par l'entremise de la SGF, dans la formation de Chimie ParaChem,
CEPSA Chimie Montréal et Selenis. Cette
chaîne est unique au Canada. La raffinerie Suncor fournit le xylène, un produit
qui est issu du pétrole après une
première transformation. Chimie ParaChem le transforme en paraxylène, qui est,
à son tour, transformé par CEPSA en
PTA. Selenis complète la formation du PET en réagissant le PTA avec l'éthylène
glycol. Ces usines, qui sont à la fine pointe de la technologie et
opérées par des Québécois compétents, comprennent dans leurs actions de tous
les jours que le succès économique ne peut se réaliser aux dépens de la
sécurité et de l'environnement.
Chimie
ParaChem comble 8 % de la production nord-américaine et seulement 1 %
de la production mondiale. Certains
vous diront que, même si la chaîne disparaît au Québec, on ne manquera pas de
produits. Ils ont raison, mais tellement
tort si on pense à la création de valeur. L'enjeu des gaz à effet de serre est
mondial. Toute transformation va générer des gaz à effet de serre. Si le
produit est fabriqué ailleurs, les GES seront émis ailleurs, sans valeur
ajoutée pour le Québec.
Chimie
ParaChem peut recevoir sa matière première par train, par bateau et par
pipeline directement de la raffinerie voisine. Notre usine fonctionne
365 jours par année, 24 heures par jour. Il est donc primordial d'avoir accès à
tous les modes de transport pour assurer
l'alimentation en continu de l'usine au meilleur prix possible. La distance a
un impact direct sur le coût de la matière première.
Chimie
ParaChem est au coeur de l'écologie industrielle dans l'est de Montréal.
Ce maillage serré permet de réduire notre empreinte environnementale parce
que nous nous échangeons des produits et des services. Par exemple, nous fournissons de la vapeur et d'autres services
auxiliaires à nos voisins, nous recevons du gaz de raffinerie pour nos
besoins énergétiques, nous réduisons le besoin d'inventaire par la proximité.
Toutes ces actions réduisent notre empreinte environnementale.
Chimie
ParaChem possède un programme d'inspection pour assurer l'intégrité de ses
équipements et utilise les meilleures techniques disponibles. Je vous en
parle parce que nous utilisons les techniques d'inspection utilisées par Enbridge et nous savons que leur approche est
solide. J'entendais, la semaine
dernière, Mme Foisy, de la Chambre
de commerce de l'Est de Montréal,
vous relater son expérience lors de sa visite d'une excavation exploratoire
d'Enbridge à Mirabel. Il n'y a rien de mieux que de le voir pour comprendre.
• (20 h 20) •
Ceci m'amène
à vous parler de notre comité de citoyens, créé en 2002. Nous établissons un
dialogue avec nos citoyens locaux en
tout temps et, lors de nos rencontres, nous leur expliquons ce que nous
faisons, comment nous le faisons et
répondons à leurs questions. Par
exemple, on révise toutes les étapes
qui mènent à la construction d'une usine et du maintien de son intégrité, comment on gère les changements. On parle de
nos procédures de sécurité, d'environnement, d'hygiène industrielle, on visite les installations. On y discute
aussi comment on analyse les incidents, les quasi-incidents, aussi appelés les «passé proche». Les citoyens
nous confient ce qu'ils pensent, leurs impressions et leurs appréciations
de nos façons de faire.
Les hydrocarbures sont à la base de plusieurs
produits de consommation, que ce soit l'emballage léger, les pièces d'avion et d'auto qui allègent leur poids
et permettent de réduire leur consommation d'hydrocarbures, les vêtements,
les matériaux utilisés par les hôpitaux, l'isolation de nos maisons, le
shampoing, les détergents à lessive liquides, tous vos appareils
électroniques, votre brosse à dents, etc.
Notons que le PET est une molécule qui
présente plusieurs avantages, dont la capacité d'être un matériau léger,
stable et entièrement recyclable. Ce produit
de base est intimement lié à notre mode de vie moderne. Ainsi, ce soir,
prenez le temps de réaliser tout ce qui vous
entoure qui est à base de polyester. Les contenants d'emballage ultralégers
dans votre frigo, regardez en dessous
du contenant et cherchez le sigle 1, le PET, complètement recyclable. Pensez à
votre chemise en polyester, votre polar, le chandail de hockey du
Canadien et, bientôt, celui des Nordiques.
La semaine dernière,
l'AIEM vous a mentionné l'étude qu'elle a entreprise sur le futur industriel de
l'est de Montréal avec l'aide de l'École
polytechnique de Montréal. Cette vision s'articule autour du concept d'écologie
industrielle. Chez ParaChem, nous sommes
convaincus que l'est peut être cette terre d'accueil pour des projets d'avenir
et structurants qui profiteraient des infrastructures existantes afin de
supporter et de favoriser la recherche, le développement et l'utilisation des
technologies innovantes, tout comme nous l'avons fait lors de la venue de
Selenis Canada, le dernier maillon de la chaîne du polyester.
À
partir du document préparé en 2003 par le ministère de l'Industrie et du
Commerce, nous avons indiqué sur le tableau
les fermetures d'usines depuis ce temps. On a, par exemple, la disparition
complète de la filière des oléfines, avec Pétromont en tête, qui produisait le polyéthylène. L'accessibilité à de
la matière première compétitive a été un facteur déterminant dans la fermeture. À cette époque, les journaux indiquaient
que l'opération allait coûter 160 millions à la SGF, partenaire dans Pétromont. En fait, ce qu'on n'a
pas mentionné, c'est la valeur ajoutée injectée directement dans
l'économie québécoise entre 1980 et 2008, soit quelque 200 millions par an
sur le PIB du Québec, pour un total de plus de 5 milliards. Malgré la
fermeture de Pétromont, on continue d'utiliser de l'eau de Javel qui est
embouteillée dans des contenants avec du polyéthylène fabriqué ailleurs.
Sur l'autre diagramme
publié par Enbridge en 2010, on distingue, par une étoile rouge, les raffineurs
des États-Unis qui ont déjà accès au pétrole
de l'Ouest. Comme le marché nord-américain des carburants est un marché mature,
nous croyons que celui-ci subira d'autres contractions et consolidations. À
noter que la diapositive montre les détails du projet où le pipeline MPL
pouvait être renversé, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.
Alors, si vous me
permettez une petite analogie, imaginons que la contraction du marché
nord-américain est représentée par un ours.
Si je suis un raffineur, et que mon collègue est aussi un raffineur, et qu'il y
a un ours qui nous court après, je
n'ai pas besoin de courir plus vite que l'ours, je dois juste courir plus vite
que mon collègue, et c'est ce qui arrive actuellement. On note, depuis
la fermeture de la raffinerie Shell à Montréal, au moins quatre autres
raffineries qui ont fermé leurs portes.
Alors,
en conclusion, nous sommes conscients que le marché est en évolution et que
nous devons, collectivement, revoir à
la baisse notre utilisation des combustibles fossiles et de consommer de façon
responsable. Il faut travailler sur la transition.
Mais, tant que nous faisons le choix de consommer un produit, il vaut mieux le
fabriquer localement, selon les meilleures
pratiques, plutôt que d'offrir à quelqu'un d'autre ailleurs de le faire à notre
place. Mais, pour ce faire, il faut avoir
accès à de la matière première compétitive. On aura beau avoir les meilleures
usines, des règles de fonctionnement strictes et des gens compétents, si
nous n'avons pas accès à de la matière première de façon compétitive, nos
chances de succès sont compromises. La
pétrochimie québécoise demande humblement la permission de courir aussi vite
que les autres, car cela nous donnera
la chance de pouvoir les dépasser par nos autres actions, c'est-à-dire la
sécurité, la fiabilité et l'écologie industrielle. Merci infiniment pour
l'opportunité que vous m'avez donnée aujourd'hui.
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Nous vous remercions. Mme la ministre.
Mme
Zakaïb : Merci, Mme la Présidente. Tout d'abord,
permettez-moi de saluer les gens de ParaChem, un pilier de l'écologie industrielle. Vous savez que je suis
députée de Richelieu, où se situe la
Technopole en écologie industrielle, à Sorel-Tracy. Alors, je suis très
heureuse de vous avoir devant nous aujourd'hui. Je crois fermement que l'écologie
industrielle, c'est une voie de l'avenir.
C'est d'utiliser les déchets de certains pour en faire des matières premières
pour d'autres, et l'exemple que vous donniez tantôt en est un qui est édifiant.
J'ai
noté certaines citations de votre mémoire et je vous en remercie, vous nous
dites que vous n'êtes pas ici pour aimer le pétrole. En fait, il n'y a
personne qui a envie qu'un oléoduc passe sous son terrain. En fait, il n'y a
personne qui a le goût d'être le grand
défenseur du pétrole, sauf que, vous le disiez, on en utilise, on en consomme.
On en consomme pour nos voitures, on en consomme pour d'autres produits.
Et mon collègue le
député de Laurier-Dorion citait Socrate au début de la journée en disant qu'on
ne peut pas se prétendre expert. Moi, je ne
me prétendrai pas experte ni dans le pétrole, ni en chimie, ni en corrosion,
mais je pense que je m'y connais un peu en avantages comparatifs des
sociétés. Et, quand on a à compétitionner dans un monde qu'on connaît, un monde
de mondialisation, et que nos intrants coûtent plus cher que ceux de la
compétition… Et j'ai bien aimé quand vous
parliez de l'ours, votre citation de l'ours tantôt — je
pense, c'est la journée des citations — où vous dites que
l'important, c'est de courir plus vite que son voisin, ce n'est pas de courir
plus vite que l'ours. L'industrie pétrochimique au Québec, selon le document de
consultation, représente 51 000 emplois, 2,5 milliards de dollars de salaires, et vous faites partie de ces 51 000
emplois. J'aimerais que vous me parliez de ce désavantage comparatif
qu'a présentement l'industrie et que pourrait avoir l'industrie. Parce que, si
les Ontariens ont accès à du pétrole moins cher, on sait que les Américains ont
déjà du pétrole moins cher, notre industrie, est-ce qu'elle va tout simplement,
comme certains prétendent, juste faire un peu moins d'argent ou si on peut
mettre en péril toute une industrie?
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Messieurs de ParaChem.
M. Brunelle (André) : Merci, Mme la
Présidente. Je pense que ce qu'il est important de noter, c'est que des
compagnies ont besoin de voir en avant. Pendant une certaine période, ils
peuvent accepter les coûts, mais c'est clair que, si votre compétiteur a un avantage concurrentiel
sur vous et que vous ne voyez pas le bout où est-ce que vous pouvez
courir aussi vite que lui, c'est ça qui met en péril pour le futur et c'est
surtout ça qu'il faut savoir. Et quelque part, quand le renversement s'est fait pour la ligne 9 à la fin des années 90,
c'était clair que le marché, à ce moment-là, demandait ça. Et, quand on
regarde les prix de la matière première, c'est clair qu'il y a un avantage
marqué important. Il y en a beaucoup d'autres qui vous en ont parlé, et
présentement ces autres raffineurs là courent plus vite que les raffineurs qui sont dans l'est. Et, si ça reste comme ça,
c'est un différentiel qui, peut-être, un jour, va se rééquilibrer, comme ça
s'était rééquilibré. Mais ce temps-là est important parce que, pendant ce
temps-là, il faut que ces raffineries qui sont ici, au Québec, sentent qu'il y a de l'avenir, qu'ils vont pouvoir être
compétitifs. Pas pour juste investir demain, mais investir pour les cinq
prochaines années, les 10 prochaines années, et c'est surtout ça qui est
important.
Donc, au niveau de la compétition, si tu ne
cours pas aussi vite que l'autre et que tu ne vois pas la chance de pouvoir courir aussi vite que lui, à ce moment-là
tu peux décider de dire : Bon, bien, est-ce que je veux aller dans
cette direction-là et investir ici ou je vais aller investir ailleurs, où
est-ce que je vois qu'il y a une portée à long terme? Et c'est surtout ça qu'il
faut vérifier.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Mme la ministre.
• (20 h 30) •
Mme
Zakaïb :
J'ai aussi retenu un autre passage de votre mémoire, et je cite : «…tant
que nous utiliserons ces produits,
vaut mieux les fabriquer localement avec les meilleures pratiques disponibles,
avec des gens compétents, dans le souci
de la sécurité et de l'environnement, et ainsi bénéficier des retombées, plutôt
que de les importer…» Ça m'amène à une question. On nous a dit que,
présentement, il y a suffisamment de pétrole partout à travers le monde, que ce
n'est pas nécessaire de permettre au pétrole
de l'Ouest canadien d'avoir accès au marché canadien et qu'on n'a pas de
pénurie d'approvisionnement. À ce moment-là, vous qui faites partie de cette
filière du polyester, est-ce qu'il y a pour vous un problème à utiliser le
pétrole qui vient de l'étranger? Et j'imagine qu'on va en revenir toujours à
cet avantage concurrentiel qui est le prix.
Et je vais vous permettre de répondre, mais
avant je vais vous poser une deuxième question par rapport à ce désavantage concurrentiel qu'on a présentement par rapport au prix. On nous dit que l'avantage serait limité dans le temps.
On nous a également dit, certaines personnes qui sont venues ici : Le jour
où le prix mondial sera le même prix que le
prix du pétrole qui vient de l'Ouest canadien, tout le monde aura les mêmes
conditions. Pendant un certain temps, on pourrait bénéficier d'un
avantage, ça veut dire un prix qui est plus bas, mais, un jour, ce prix-là
deviendra le même prix que le prix mondial. Il y a
des gens qui prétendent ça. Et d'autres sont venus nous dire : Bien, à ce moment-là, au moins, on aura, tout le monde, accès au même prix puis on ne
sera pas désavantagés. Vous qui faites partie de cette industrie dans la filière
du polyester, quelle est votre opinion par rapport à ça?
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Messieurs.
M.
Brunelle (André) : Merci, Mme la Présidente. Ce qui est important de savoir, c'est que, quand on regarde le prix du brent et le prix du WTI, on le voit tous
les jours, les fluctuations, et ça fait une certaine période. Donc, quand
on dit : Oui, à un moment donné, on va
avoir le même prix, ce qu'il faut savoir, c'est que, présentement, les raffineries du Québec sont
désavantagées par rapport aux autres raffineries en Amérique du Nord. Et c'est toujours une question de combien de temps tu vas vouloir subir ce désavantage. Et, quand tu regardes à
investir, tu as une chance d'investir dans un endroit où est-ce que la compétition est déjà… tu
as déjà le bon prix ou tu investis à
un endroit où est-ce que tu ne sais pas exactement combien de temps ça va prendre pour avoir le même
prix... Alors, c'est surtout une question de se positionner, et pourquoi
ne pas offrir aux deux raffineries du Québec
d'être en compétition avec les autres raffineries en Amérique du Nord?
Le pétrole, c'est la matière première, et de
ne pas compétitionner, combien de temps tu peux le garder, ça, c'est les
raffineurs qui pourraient vous le dire.
Pour ce qui
est de la pétrochimie, quand j'utilise ma matière première, bien, ça vient
d'une raffinerie. Vous pouvez comprendre, parce que je l'ai mentionné au
niveau de la distance, la raffinerie qui nous fait de la matière première est de l'autre côté de la rue. Évidemment, si, à
un moment donné, ils décident d'aller investir ailleurs, ça peut
prendre un certain temps. Mais qu'ils décident de ne plus être local, ça veut
dire que ma matière première va venir de beaucoup plus loin. Et, à ce moment-là, c'est toujours une question de
distance — plus ça
vient de loin, évidemment, plus ça coûte cher — et
c'est une question de compétitivité.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Mme la ministre.
Mme
Zakaïb :
Je ne sais pas si vous avez les compétences pour répondre à ma question, mais
je vais quand même la poser. Puis, si
ce n'est pas dans vos cordes, dites-le-moi, là. Je sais que vous travaillez
dans l'industrie de la pétrochimie. Vous savez que, pour nous, la
sécurité des gens puis la protection de l'environnement, c'est important. Des
gens sont venus nous dire que le pétrole qui
vient de l'Ouest a un plus grand risque de corrosion sur le pipeline. Vous qui
travaillez dans cette industrie-là, est-ce
que vous avez les connaissances pour nous dire si vous pensez que c'est le cas,
que le risque de corrosion est plus important quand on parle de pétrole
qui vient de l'Ouest canadien? Parce qu'on a un pipeline qui fonctionne,
présentement il y a du pétrole qui passe dans ce pipeline-là, et on se
dit : Est-ce qu'on augmente le risque en
inversant le flot? Et on nous répond, certaines personnes, que c'est… il y a un
risque de corrosion plus grand dans le pétrole
qui s'en vient dans un sens par rapport à celui qui coule présentement. Est-ce
que vous pouvez répondre à cette question-là? Est-ce qu'il y a vraiment
un risque de corrosion plus important?
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Les représentants de
ParaChem.
M. Brunelle (André) : Merci, Mme la Présidente. Au niveau du pétrole, souvent ce que je dis,
c'est : Prenez… L'analogie,
c'est de prendre une poêle en fonte. Ça arrive, des fois, qu'il y a un peu de
corrosion dans le fond. Qu'est-ce qu'on fait pour empêcher la corrosion?
On va mettre un peu d'huile dedans. Les hydrocarbures comme tels, ce n'est pas
corrosif, et il y a plusieurs… il y a même des études qui étaient citées dans
le document que vous avez fait qui mentionnent
ça. Et, si le pipeline est bien entretenu, au niveau de la corrosion comme
telle ce n'est pas un… En tout cas, pour nous, les hydrocarbures, ce
n'est pas un problème, qu'ils viennent de l'Ouest ou de l'Est.
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Mme la ministre.
Mme
Zakaïb : En fait, tantôt, on nous a cité une étude
américaine, puis j'ai pris un peu de temps pour la lire. Bon,
naturellement, il y a plusieurs pages et puis plusieurs mots scientifiques dans
tout ça, mais j'ai cru comprendre que les risques de corrosion viennent de
l'eau et des acides en lisant le document qui est là. Est-ce que, selon vous,
il y a plus d'eau ou plus d'acide présent dans le pipeline quand on importe du
pétrole qui vient de l'Ouest canadien?
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Messieurs.
M. Brunelle (André) : Ce que je sais… Parce que ce n'est pas moi qui achète le pétrole comme
tel, mais il y a des spécifications
là-dessus pour aller dans le pipeline, et, oui, vous avez raison, c'est
justement ça. Ce n'est pas le pétrole comme tel qui est corrosif, c'est
les impuretés. Et ce qu'on en sait par les études, c'est que, dans les
conditions de transport, il n'y a pas de problème avec ces genres de pétrole
là.
La
Présidente
(Mme Bouillé) : M. le député de Saint-Maurice.
M.
Trudel : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bienvenue. Avant
que la rencontre commence, nous avons fait, un collègue et moi, un petit
moment de sécurité, comme vous le dites, puis je veux poser la question :
Qu'est-ce qui pourrait mal tourner? Bien, la première chose, c'est la séance. Ensuite,
qu'est-ce qui pourrait faire mal tourner? Puis je me suis dit : Bon, ça
doit être le député de Mercier, quelque chose comme ça. C'était une blague.
Ceci
dit, je veux revenir un peu sur le début de votre allocution, quand vous avez
remercié le gouvernement du support
que vous aviez eu pour créer votre grappe industrielle et votre entreprise,
surtout. Bien, je vous dirais, c'est une époque où le gouvernement assurait un certain leadership en matière
économique, où on bénéficiait aussi d'une grande expertise dans l'animation des grappes ou des filières industrielles. Ça
a beaucoup changé depuis 10 ans, puis, malheureusement, on se concentre
surtout sur le rendement comptable plutôt que le rendement économique. Et j'ai
toujours trouvé ça très malheureux, et je crois que, si vous êtes encore là
aujourd'hui, c'est un bon témoignage de l'importance du rôle du gouvernement
dans le développement économique, comment animer des tables, des grappes
industrielles, des secteurs d'activité.
J'ai
des questions à vous poser concernant certains éléments qu'il y a dans votre
mémoire. Entre autres, vous avez mentionné,
vous l'avez dit tantôt, là : «Si le produit est fabriqué ailleurs, les GES
seront émis ailleurs sans valeur ajoutée pour le Québec.» Bon,
j'aimerais ça que vous nous définissiez, parce qu'on a très peu touché à ça… Si
vos produits ne sont pas fabriqués ici, chez
vous, au Québec, où est située la compétition? Quelles entreprises, mais aussi
au niveau de location sur le… en tout cas, l'endroit dans le monde où
pourraient provenir vos produits qui seraient, de toute façon, là, consommés
ici, au Québec?
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Les représentants de ParaChem.
M. Brunelle
(André) : Merci, Mme la Présidente. Nos produits comme tels, en
Amérique du Nord, bien, il faut aller au Texas, il faut aller en Alabama pour
avoir des producteurs. Il n'y a pas personne d'autre au Canada qui est dans la chaîne du polyester comme telle, mais
pour le paraxylène... Et, comme je vous dis, on représente 1 % de
la production mondiale, alors notre
capacité… Je veux dire, malheureusement, demain matin, on disparaîtrait, et,
vous avez raison, on aurait accès à ces produits-là quand même. Il n'y
aurait aucun changement, excepté qu'on n'aurait pas fait travailler des gens
ici, on n'aurait pas entretenu des équipements et créé de la valeur ajoutée.
C'est comme si vous achetez votre sandwich.
Bien, oui, vous pouvez l'acheter. Mais, quand vous la fabriquez, vous mettez
les choses ensemble, vous créez de la
valeur. Et, à ce moment-là, c'est de ça qu'on parle, de la valeur ajoutée, de
pouvoir créer ici ces produits-là.
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Merci. M. le député de Saint-Maurice.
M. Trudel :
Spécifiquement, là, entre autres dans tout ce qui s'appelle les tissus, la
couture, ainsi de suite, là, on voit souvent
de la production de tee-shirts, de pièces de vêtements à l'étranger, entre
autres dans des pays comme la Birmanie, le Bangladesh, ainsi de suite.
On connaît là-bas les normes environnementales plus ou moins strictes, les conditions de travail dans lesquelles les
travailleurs oeuvrent, des salaires de misère, des conditions souvent
dangereuses. La question que je me pose,
c'est que, si ce n'est pas produit ici, chez nous, si on n'appuie pas cette
filière industrielle pour qu'elle
demeure bien vivante chez nous, les vêtements qu'on va porter n'auront pas été…
certainement pas produits dans les mêmes
conditions. Êtes-vous capables de vous comparer, pas nécessairement en termes
de coût de revient, mais en termes de
normes appliquées pour la production, par rapport à la compétition qui vient,
entre autres, de l'Asie, ainsi de suite?
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Messieurs.
M. Brunelle (André) : Merci. C'est
difficile pour moi de vous parler des autres, je ne peux pas vous dire. Mais ce que je peux vous dire, par exemple, c'est
que je suis convaincu qu'au Québec les règles qu'on a, les règles
strictes qu'on… On connaît ces
règlements-là, on connaît la façon de faire, on connaît comment c'est
important, l'environnement, la
sécurité. Et ça, on est confiants que la façon de faire, au Québec, est solide,
et on a, je ne dirais pas, la prétention, mais peut-être on a cette vision qu'on est capables de bien faire les choses
et qu'il n'y a pas grand monde ailleurs qui pourrait nous dépasser pour
être capables de faire les produits. Alors, c'est cette compétence, cette
expertise.
Et je ne l'ai
pas mentionné tantôt, mais nos techniciens viennent de l'Institut des procédés
industriels du cégep Maisonneuve. Et je me souviens — bon,
bonsoir, Mme la ministre — je
me souviens d'une visite de Mme Léger qui était
venue à l'usine, et il y a un de nos employés qui lui a serré la main. Et, je
me souviens encore, il était un grand gaillard, avec ses habits, et il dit : Bonjour, madame, vous m'avez enseigné à l'école. Et je pense que Mme
Léger, à ce moment-là, s'est
rendu compte qu'on parle beaucoup de la pétrochimie, c'est comme abstrait,
mais, quand tu vois comment ça fonctionne,
quand on rentre dans la salle de contrôle, on voit les gens qui sont... tu vois
qu'ils connaissent ça puis qu'ils aiment
ça, et je pense que ça, c'est ce qui est bon pour le Québec.
Donc, on a l'impression que, la pétrochimie, on ne connaît pas bien ça, mais, quand on y va, on regarde ça,
on regarde les compétences, on voit comment c'est fait, on est, je
pense, en très bonne position au Québec.
• (20 h 40) •
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Merci beaucoup. Mme la députée de Soulanges.
Mme
Charlebois : Merci,
Mme la Présidente. Excusez-moi,
j'étais concentrée dans mes mémoires. Alors, bonsoir. Merci d'être là.
Et c'est drôlement intéressant parce que ça nous amène un autre point de vue.
On ne parle pas que du pétrole brut, on parle des produits dérivés et de tout
ce qu'entre autres ParaChem — on dit ParaChem?
Une voix : On dit ParaChem.
Mme
Charlebois : …ParaChem, bon — alors, ParaChem peut produire, mais aussi les produits
dérivés. Puis je me suis amusée à
faire un petit calcul rapide — corrigez-moi
si je me trompe — ParaChem, CEPSA Chimie Montréal et Selenis utilisent tous des produits
dérivés du pétrole, n'est-ce pas? Oui?
M. Brunelle (André) : Absolument.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Allez-y.
M. Brunelle (André) : Absolument,
oui.
Mme
Charlebois : Et ça regroupe tout près de 300 emplois. Est-ce
que ce sont des emplois que vous pourriez qualifier… De quel type
d'emplois parle-t-on, bref?
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Messieurs de ParaChem.
M.
Brunelle (André) : La
plupart des emplois, c'est des techniciens en opération. Alors, c'est des gens
qui ont un D.E.C., qui sortent d'une
technique du cégep Maisonneuve, et donc c'est des techniciens. On a aussi des
ingénieurs, on a des comptables, on a des
inspecteurs. On a des gens pour l'entretien, donc des mécaniciens, des
tuyauteurs. Donc, on a une panoplie
de gens. Imaginez-vous des tuyaux, des pompes. Regardez un peu, je vous dirais,
votre piscine en arrière, bien, il y a
une pompe, il y a des tuyaux. Dans l'usine, c'est plein de pompes
et de tuyaux comme ça, il y a des vaisseaux, donc il faut faire de
l'inspection, l'entretenir.
Et tous ces gens-là travaillent dans un environnement
qui… On cherche, à tous les jours, qu'il soit sécuritaire et de prévenir… On fait beaucoup,
beaucoup de prévention aussi. On parle beaucoup
d'intervention, mais ce qu'on veut, c'est de ne pas être obligé
d'intervenir. Donc, il y a beaucoup de prévention qui se fait, que ce soit dans
le design des équipements, que ce soit dans l'entretien préventif. On est même
rendus à faire de l'entretien prédictif, et ça, c'est extrêmement important
pour garder nos usines fiables, sécuritaires et d'être capables de le faire longtemps.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Mme la députée de Soulanges.
Mme
Charlebois : Merci,
Mme la Présidente. Donc, c'est une main-d'oeuvre qui est là, qui… Je vais aller direct au but, s'il n'y avait pas
le renversement de la ligne, peut-être qu'il y a une partie de cette main-d'oeuvre-là
qui serait appelée à disparaître en raison d'un manque de compétitivité, et,
comme le disait Mme la ministre, le coût sur les intrants aurait sûrement un
impact.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Messieurs.
M.
Brunelle (André) : C'est sûr
que la qualité des gens qu'on a chez nous… Ils sont qualifiés pour faire de
la pétrochimie, et, quand on fait… On appelle ça des opérations unitaires,
c'est-à-dire de de s'occuper des équipements, des pompes,
des échangeurs de chaleur. Ces gens-là pourraient probablement travailler
ailleurs. Mais, évidemment, s'il y a moins de joueurs locaux et s'ils veulent
continuer de travailler dans ce domaine-là, bien, à ce moment-là, peut-être
qu'il faudrait qu'ils aillent ailleurs, et ce n'est pas ce qu'on cherche, dans
le fond.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Mme la députée de Soulanges.
Mme
Charlebois:
Non, vous avez tout à fait raison. Puis est-ce que l'impact de la fermeture de
Shell, vous avez pu la déceler, vous
avez perdu de cette expertise ou de ces employés? Quand Shell a fermé, là,
est-ce que ça a eu un impact sur toutes les entreprises dont je viens de
faire la nomenclature?
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Les représentants de ParaChem.
M.
Brunelle (André) : Un
exemple qu'on pourrait donner, c'est qu'on a un de nos employés que son fils
était, justement, à l'Institut des procédés industriels, et, quand la
raffinerie Shell a annoncé sa fermeture… Parce que c'est du bon travail, mais c'est méconnu, les gens ne connaissent
pas qu'est-ce que c'est de travailler en usine, et c'est pour ça qu'on essaie d'aller plus dans les écoles,
d'attirer les jeunes, surtout avec des opérateurs, des jeunes qui vont leur
parler, et qu'ils se rendent compte que, quand même, c'est des emplois
intéressants.
Alors,
l'anecdote que je voulais donner, c'est que, justement, ce père… son fils,
plutôt, avec la fermeture de la raffinerie
Shell, a décidé de réorienter sa carrière et de s'en aller dans un autre
domaine qui est quand même de l'instrumentation.
J'ai oublié de mentionner tantôt, on a aussi beaucoup, beaucoup d'électronique
et on a des techniciens d'instrumentation
dans nos usines. Alors, son fils est allé comme technicien d'instrumentation et
il travaille dans un des membres de la chaîne du polyester, donc… Mais
c'est pour vous donner le fait que, quand une usine ferme, ça crée des craintes, et, à ce moment-là, on peut avoir
plus de difficultés à avoir de la main-d'oeuvre qui décide de s'en aller
dans un domaine qui semble... Parce
qu'on entend parler tous les jours
des fermetures et... En tout cas, moi, je trouve ça captivant, et ce que
j'espère, c'est qu'il y a d'autres jeunes que ça va leur tenter que ça soit
captivant aussi et qu'ils réussissent à faire leur vie là-dedans.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Mme la députée de Soulanges.
Mme
Charlebois : Est-ce
qu'en ce moment les employés vous parlent de toute cette crainte? Parce que,
là, il y a la commission parlementaire qui se tient, il y a eu l'ONE qui a tenu
ses auditions, il y a beaucoup d'articles de... beaucoup de presse, là, autour du renversement de l'oléoduc. Est-ce que
vous sentez, de la part de votre main-d'oeuvre, de vos employés, de tous
les partenaires, une inquiétude en ce moment?
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Messieurs.
M.
Brunelle (André) : Toutes
les occasions de parler de l'importance d'avoir accès à de la matière
première... Et j'ai l'impression que, quand on en parle, on explique pourquoi,
que c'est des produits qu'on utilise tous les jours, les gens ne savent pas nécessairement ça. Quand on a
la chance d'en parler — et merci de nous avoir invités à venir ici, à la
commission — je
pense que c'est comme ça… En donnant de l'information, on laisse les gens se
faire une idée en leur donnant l'information,
et je pense que les gens, plutôt que de vouloir se laisser influencer... Et,
surtout, on le voit dans nos comités
de citoyens, quand, les gens, on leur donne l'information, ils sont contents de
pouvoir se faire une tête. Et ça, je pense que c'est la meilleure façon
de pouvoir bien expliquer les projets.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Mme la députée de Soulanges.
Mme
Charlebois :
Merci, Mme la Présidente. Vous avez sûrement entendu mon collègue de
Laurier-Dorion parler de l'unité de vigilance,
qui regrouperait certaines instances, dont le ministère des Ressources
naturelles, le ministère du Développement durable et, bon, l'ONE,
Enbridge. Que pensez-vous de faire… Parce que vous parlez, là, de concilier l'environnement… augmenter le rendement chez vous,
mais pensez-vous que ce serait une bonne idée que de créer cette unité de vigilance, faire en sorte que
l'information puisse se transmettre facilement, mais qu'aussi cette
information-là puisse descendre sur
le terrain, plus près des citoyens, faire en sorte que les gens se sentent plus
informés, et aient accès à de l'information rapidement, et… Bref, plus
on est informé, j'imagine que plus on est sécurisé, là.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Messieurs.
M.
Brunelle (André) : Ce qui est
extrêmement intéressant... Nous, notre comité de citoyens, on l'a depuis
2002. Donc, ça fait déjà 11 ans. Et, je vous dis, les gens aiment ça, ils
veulent connaître. Et l'avantage d'avoir un comité de citoyens comme ça, c'est
de pouvoir vulgariser ce qu'on fait. C'est clair que, quand on est quelqu'un...
un technicien, et on parle avec nos termes
techniques, on peut perdre les gens assez facilement. L'avantage du comité
comme ça, c'est de dire : On n'a
pas tout à fait compris, voulez-vous réexpliquer? Et, quand on réussit à faire
ça, les gens, ça ne veut pas dire qu'ils
vont tout comprendre ce qu'on leur dit, mais ce qu'ils voient, par exemple,
c'est qu'on connaît ça, on sait comment faire, on sait pourquoi c'est important de faire de la prévention et on
est prêts à parler de tous les sujets. Et ça, je pense que c'est... Ça prend du temps, gagner cette
crédibilité-là. Mais, quand on réussit à discuter, les gens voient d'un bon
oeil.
Et un des plus beaux
compliments que j'ai eus, à un moment donné il y avait certaines coupures de
presse qui disaient que, l'est de Montréal,
la pollution était importante. Et, je me souviens, on avait rencontré des gens
un peu plus âgés — je veux faire attention — mais, quelque part, qui se disaient... Tu
sais, ça fait longtemps qu'ils étaient dans l'est de Montréal. Et, après
qu'on ait expliqué qu'est-ce qu'on faisait, ils nous ont dit : Aïe! On est
contents de voir qu'il y a des gens qui
connaissent ça, qui s'en occupent. Et ça, au bout de la ligne, je pense que
c'est un bon commentaire. On aime ça
en parler. Et aussi l'autre commentaire qu'ils faisaient, c'est : Il me
semblait bien aussi que c'est bien moins pire qu'avant au niveau de la qualité de l'air. Et ça, je pense que ça
rassurait beaucoup les gens. La technologie a beaucoup évolué, et ça, il faut s'en rendre compte. Ce
n'est pas parce que, dans l'est de Montréal, la qualité de l'air s'est
améliorée, ce n'est pas juste parce qu'il y a des raffineries ou d'autres
usines qui ont fermé, c'est que la technologie s'est améliorée, et on peut en
profiter.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Mme la députée de Soulanges.
Mme
Charlebois :
Merci, Mme la Présidente. Il y a quelqu'un qui est venu hier — je ne
me souviens plus le nom du groupe, peut-être
que mon collègue s'en souviendra — qui a amené un élément positif, puis,
honnêtement, j'ai trouvé ça
intéressant, dans le sens où la personne, elle dit : C'est une occasion
d'améliorer nos façons de faire. Plutôt que de voir juste le problème, il voyait une occasion là de parfaire nos façons
de faire dans le transport du pétrole, notamment.
Parce que
moi, je vous dirais que je demeure à Vaudreuil-Soulanges, qui est en
Montérégie — il
fallait que je le place dans ma présentation — et je
demeure... Mon comté, c'est Soulanges, en fait, et je vous dirai que j'ai plein
de citoyens — puis, malheureusement, à la suite de
Mégantic — qui sont
venus me voir puis qui voient passer beaucoup de trains chargés de pétrole. Ils passent déjà, hein? Et, si le pipeline
n'est pas renversé, j'imagine qu'il va y en avoir davantage. Puis je vous dirai que mon bureau de comté n'est
pas très loin de la voie ferrée, je les vois puis je les entends, puis
mon bureau vibre. Bon, il y a toutes sortes
de façons… Il y a quelqu'un qui nous
a dit hier... Bien, c'est le maire de Montréal qui nous a dit : Il
faudrait ajouter à la liste, justement, le transport par pipeline pour faire en
sorte de renforcer la sécurité autour des pipelines, comme l'a été le transport
par train, etc. Est-ce que vous voyez ça d'un bon oeil, vous? Voyez-vous qu'on
peut s'améliorer dans le transport du pétrole plutôt que de voir juste les
mauvais côtés de ça?
• (20 h 50) •
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Les représentants de ParaChem.
M. Brunelle (André) : C'est une question
qu'on se pose tous les jours, comment on peut faire mieux. Et c'est comme ça que ParaChem a réussi à devenir
meilleure, parce que tous les gens, chez nous, pensent de cette
façon-là. Et, quand vous dites que vous êtes
juste à côté, je fais l'analogie, Mme Léger, son bureau a une vue imprenable
sur la raffinerie Suncor. Je veux
dire, c'est assez difficile d'être plus proche que ça. Et, quelque part, ça
fait partie de notre réalité, et cette cohabitation-là,
bien, il faut l'apprivoiser. Il faut connaître, il faut savoir et il faut bien
faire les choses. Et ça, on demeure convaincus que les Québécois sont
des gens compétents, qu'on peut bien faire les choses, et tout ce qu'on dit,
c'est : Donnez-nous la chance de pouvoir courir aussi vite que les autres.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Mme la députée de Soulanges.
Mme
Charlebois : On a entendu beaucoup… Parce que, vous
savez, mon comté, c'est un comté rural où il y a beaucoup d'agriculture,
beaucoup d'eau, je suis entourée d'eau, et on a entendu beaucoup de choses,
notamment sur les assurances, sur un
fonds de prévoyance, sur… L'UPA nous a parlé d'un fonds postcession pour les
générations futures. Avez-vous un point de vue là-dessus? C'est-à-dire
comment on peut faire en sorte que la population soit rassurée, au cas où il y aurait, malheureusement, un
déversement? Mais aussi comment peut-on faire pour s'assurer que les
nappes phréatiques, l'eau qui pourrait être
puisée par les autres villes, parce que ça marche par bassins versants… Comment
peut-on faire pour rassurer la population s'il y a lieu de rassurer… Voyez-vous
un mécanisme qui serait potentiellement rassurant
pour la population, c'est-à-dire au niveau des assurances, au niveau d'un fonds
de prévoyance, au niveau des terres agricoles? Parce que moi, j'ai
questionné Enbridge, puis on m'a dit… je ne me souviens plus à quelle page,
mais c'est bien écrit qu'il n'y avait pas de limite à rembourser ou à défrayer
les frais encourus, même les pertes de revenus agricoles. Mais, au-delà de tout ça, s'il arrivait quelque chose, l'eau
potable, comment peut-on s'approvisionner, etc.? Avez-vous un point de
vue là-dessus?
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Messieurs, en 40 secondes.
M. Brunelle (André) : 40 secondes. Merci.
Mme
Charlebois :
Excusez-moi.
M. Brunelle
(André) : Ce qui est important, c'est qu'on peut… Évidemment, là, on
parle d'intervention, O.K., toujours de
l'intervention. Le meilleur moyen de ne pas être obligé d'intervenir, c'est la
prévention. Et, dans ces pipelines-là, je vous le dis, il y a plusieurs
excavations qui sont faites. J'ai eu la chance d'en visiter, on en a, des pipelines aussi à l'usine. Et, quelque part, ce
qui est important, c'est que les technologies qui existent aujourd'hui
permettent de visualiser — c'est une façon de le dire, mais c'est un
peu comme une écographie — sur 360 degrés non seulement l'intérieur, mais l'extérieur du tuyau. Et certaines excavations qui ont
été faites, exploratoires, c'était pour aller vérifier quand on appelle ça des défauts, mais, dans le
fond… Et c'est Mme Foisy qui dit : Hein, vous avez creusé ici pour
ça? Et elle
relativisait le fait que le défaut était très petit, mais Enbridge est allé le
voir quand même. Et ça, la prévention, c'est la meilleure façon, si on
veut, de ne pas être obligé d'intervenir.
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Merci. M. le député de Drummond—Bois-Francs.
M.
Schneeberger : Oui. Merci, Mme la Présidente. Dans la partie
où est-ce que vous dites que vous comblez 8 % de la production nord-américaine et 1 % de la
production mondiale, la venue d'un projet comme Enbridge, est-ce que ça permettrait de consolider cette production-là ou
même, voire, de l'augmenter et, par la suite, justement créer des
emplois? Et, dans ce cas-ci, je pense, c'est dans le comté de
Pointe-aux-Trembles. Alors, je voudrais vous entendre là-dessus, sur la
possibilité, peut-être, de création d'emplois, même, qui seraient… ou
actuellement ce serait juste de conserver la production actuelle.
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Messieurs de ParaChem.
M. Brunelle
(André) : Ce qui est important, c'est, évidemment, d'assurer la
pérennité de ce qui est là, et la matière
première compétitive est la première façon de le faire. Et on prend la
prétention aussi… Parce qu'évidemment, pour
faire le polyester, bien, il y a quatre usines, mais, ailleurs aussi, il faut
qu'il y ait plusieurs usines. Et le fait qu'on ait de l'hydroélectricité
au Québec, on a dans la chaîne probablement une des meilleures positions, on
pourrait dire peut-être un des PET les plus
verts en Amérique du Nord. Alors, si vous me dites : Est-ce qu'on devrait
en faire plus?, bien, peut-être qu'au
lieu de faire juste 8 % on devrait pouvoir en faire plus pour en faire
moins ailleurs et d'équilibrer de cette façon-là.
Donc, ce qu'on veut,
ce qu'on espère surtout, c'est qu'il y ait pérennité, qu'on puisse continuer à
opérer. Mais surtout ce qui est intéressant,
c'est de voir c'est quoi, les prochaines technologies pour la transition,
comment on peut se servir du tissu
industriel qu'on a présentement pour aller chercher d'autres technologies et
d'aller vers les technologies du futur aussi ou des nouvelles
productions. Et ça, pour que ça puisse arriver, évidemment il faut être capable
de rester là et d'avoir de la matière première compétitive.
La
Présidente
(Mme Bouillé) : M. le député de Drummond—Bois-Francs.
M.
Schneeberger :
O.K. Toujours sous la même approche, est-ce que… Le domaine de la pétrochimie,
c'est un domaine qui est très large. Et
puis, quand on se met à comptabiliser tous les produits qui sont d'origine
pétrolière, même si moi, je pense
toujours que le pétrole, c'est un mal nécessaire actuellement, c'est énorme,
là, le nombre de produits qui se font
à base du pétrole. Est-ce que, dans le cas de Montréal, avec un projet comme
ça, ça permettrait peut-être pas vous directement,
mais dans votre domaine, dans le domaine pétrochimique… ça permettrait de
peut-être aller rechercher des emplois qui se sont perdus dans le passé?
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Messieurs, en 30 secondes.
M. Brunelle (André) : Bien, c'est sûr que c'est ce qu'on espère. Si la pérennité est là, à ce
moment-là, quand on regarde vers le futur, on se demande :
Ailleurs, qu'est-ce qui se fait comme nouvelles technologies? Est-ce qu'on peut amener ces nouvelles technologies là? Et le
fait qu'on ait déjà ce tissu-là, on peut se servir… Au lieu de prendre
une usine, de la mettre isolée, qu'elle est
obligée de se donner tous ses services, si on est capables de l'amener dans un
tissu industriel qui est déjà là — pas n'importe quelle usine, là, des usines
qui sont à la fine pointe de la technologie — qui
va vers le futur, et, à ce moment-là, on
peut faire de l'écologie industrielle ensemble, ça, ça rend plus solide le
tissu industriel. Oui, c'est ce qu'on espère, d'être capables de faire
pour le futur, et on a bon espoir d'aller dans cette direction-là.
La
Présidente
(Mme Bouillé) : M. le député de Mercier.
M. Khadir :
Merci, Mme la Présidente. M. Charest, M. Brunelle, bienvenue. J'ai
moins de trois minutes, alors est-ce que je peux compter sur votre
collaboration pour des réponses courtes?
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Messieurs.
M. Brunelle
(André) : Oui.
M. Khadir :
Très bien. Alors, vous faites de...
La
Présidente
(Mme Bouillé) : M. le député de Mercier.
M. Khadir :
Vous faites de l'écologie industrielle?
M. Brunelle
(André) : Oui.
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Messieurs.
M. Khadir : Donc, à vous
entendre, vous...
La
Présidente
(Mme Bouillé) : M. le député de Mercier.
M. Khadir :
S'il vous plaît, Mme la Présidente, on peut procéder sans être interrompus tout
le temps.
La
Présidente
(Mme Bouillé) : M. le député de Mercier, vous allez vous
soumettre à la procédure. Allez.
M. Khadir :
À vous entendre, vous êtes très, très soucieux de l'environnement, de
l'écologie.
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Messieurs.
M. Brunelle
(André) : Oui.
La
Présidente
(Mme Bouillé) : M. le député de Mercier.
M. Khadir :
Est-ce que c'est vrai que Suncor est majoritaire dans ParaChem, Suncor?
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Messieurs les représentants de ParaChem.
M. Brunelle
(André) : Suncor est 51 % dans ParaChem, oui.
La
Présidente
(Mme Bouillé) : M. le député de Mercier.
M. Khadir :
Suncor a des investissements de 5 milliards de dollars juste dans un seul
projet, sans parler des autres en Alberta, dans le sable bitumineux.
Parlez-nous un peu des sables bitumineux et leur impact sur la planète.
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Messieurs.
M. Brunelle (André): Rapidement, ce que je peux dire, c'est que, quand on parle des sables
bitumineux, c'est une ressource qu'on sait, qu'on connaît. Et je
voudrais juste prendre l'analogie aussi, quand on parle des sables bitumineux… Je prends un téléphone cellulaire. Je
me souviens, le premier téléphone cellulaire portatif que j'ai eu… O.K.?
Je ne sais pas si vous vous en souvenez, mais il y avait le téléphone, qui
était quand même assez gros, et la batterie qui était grosse comme une boîte à
chaussures. Aujourd'hui, ce n'est pas la même grosseur. Donc, dans les sables
bitumineux, oui, on en entendait parler avant, mais les efforts qui sont faits
pour être capable de rendre ce pétrole-là environnementalement
plus responsable, il y a beaucoup, beaucoup d'argent qui se dépense de ce
côté-là, et ça n'arrêtera pas. Il
faut penser que la technologie est la façon d'être capable d'innover, et c'est
ce qui a permis à ParaChem, à tous les joueurs qui sont là, d'avoir...
assurer la pérennité. Si on avait la même usine qu'on avait en 1994, on ne
serait plus là aujourd'hui. Et c'est comme ça qu'on réussit à bien faire les
choses, et je suis convaincu que les sables bitumineux doivent améliorer leur
bilan environnemental, et ils vont continuer à travailler là-dessus.
La
Présidente
(Mme Bouillé) : M. le député de Mercier.
M. Khadir :
Je rappelle à tous les auditeurs que c'est exactement l'argument, ça, c'est
l'argument central du ministre de
l'Environnement canadien, Joe Oliver, qui est réputé sur la scène
internationale… le gouvernement canadien, comme le gouvernement voyou en
matière environnementale. En fait, donc, vous niez l'expertise internationale
des groupes environnementaux, l'expertise du rapport de l'ONU, le rapport du
GIEC. Vous niez même l'évaluation du gouvernement américain sur le fait que le
sable bitumineux, pour les années à venir, est le pétrole le plus sale et avec
l'empreinte environnementale la plus catastrophique sur la planète. Comment
voulez-vous être crédibles, alors, sur vos prétentions écologiques, vous qui
êtes possédés à plus de 50 % par Suncor?
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Merci. Donc, messieurs, nous vous remercions
pour cet échange. Et j'invite maintenant le représentant…
Une voix :
…
La
Présidente
(Mme Bouillé) : … — eh, eh, eh! s'il vous plaît! — de Stratégies énergétiques à prendre
place à la table, et je suspends les travaux pour une minute.
(Suspension de la séance à
21 heures)
(Reprise à 21 h 2)
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Nous reprenons nos travaux de la commission. Nous souhaitons bienvenue
au représentant de Stratégies énergétiques. Vous avez 10 minutes pour faire
votre exposé, qui sera suivi d'un échange avec les parlementaires. Me Neuman,
c'est ça?
Stratégies énergétiques (SE)
M. Neuman
(Dominique) : Oui. Merci, Mme la Présidente. Alors, je me présente,
Dominique Neuman. Je représente l'organisme
Stratégies énergétiques, qui est un organisme environnemental actif depuis
1999. Nous intervenons régulièrement
sur des dossiers énergétiques et environnementaux devant différents forums,
dont la Régie de l'énergie du Québec,
dans différentes commissions parlementaires, devant le BAPE, devant des
instances municipales. Et également, récemment,
nous avons présenté un mémoire assez volumineux devant l'Office national de
l'énergie dans le cadre de son dossier
d'étude sur le pipeline 9B d'Enbridge. Et je pense que les auteurs du document
de consultation se sont un petit peu inspirés de notre mémoire, nous
avons reconnu certaines traces de certains propos que nous avions présentés.
Nous
remercions la commission de nous avoir invités. Nous avons déposé aujourd'hui
un mémoire à la commission qui est
très sommaire parce que nous n'avons pas eu beaucoup de temps pour le préparer
et nous allons vous en soumettre les
grandes lignes. D'abord, le principe que nous vous soumettons, c'est qu'il
appartient à toute société, nation ou État de se préoccuper des aspects
économiques, sociaux et environnementaux du cycle complet de la vie des biens
qu'elle consomme. Il appartient à toute société, nation ou État de viser à
maximiser les bénéfices économiques, sociaux et environnementaux liés au cycle
de vie de ces biens tout en réduisant ou en compensant leurs désavantages. Or,
le Québec consomme des produits pétroliers de diverses natures, que ce soit de
l'essence, de l'huile de chauffage, des plastiques,
de l'asphalte. À ce titre, il appartient donc à la société québécoise de se
préoccuper des impacts économiques, sociaux et environnementaux durant
le cycle de vie du pétrole qui lui permet de consommer ces produits.
Dans notre mémoire,
nous invitons le gouvernement du Québec à émettre un énoncé clair et détaillé
de ses orientations — c'est
la section 2 du mémoire, paragraphe 10° — un
énoncé clair de ses orientations quant au développement du secteur
pétrolier, incluant son transport, son raffinage, et sa transformation, et sa
consommation au Québec, et incluant ses orientations quant aux
conditions de sa production. Un tel énoncé servira de repère et de guide aux
différents intervenants concernés. Pourquoi
un tel énoncé? Parce qu'il y a des
choses que le Québec peut exiger, peut imposer par ses lois et règlements. Il y en a d'autres que le
Québec ne peut pas imposer, mais qu'il peut inciter à faire au moyen de
ce qu'on pourrait appeler un partenariat. Je
ne veux pas m'enfarger dans les termes, mais ça pourrait prendre le nom d'un
partenariat, d'une collaboration, d'un
épaulement entre le gouvernement, et les secteurs industriels concernés, et
aussi les intervenants sociaux et environnementaux concernés par ces
enjeux.
Nous avons identifié
huit aspects que devrait contenir un tel énoncé d'orientation. D'une part, que
le gouvernement du Québec favorise le
raffinage et la transformation au Québec du pétrole brut qui y est transporté
selon un volume égal ou supérieur au volume
des produits pétroliers et autres dérivés du pétrole qui sont consommés au
Québec. Donc, ça signifie que le secteur
économique du raffinage et de la transformation pétrolière, la pétrochimie du
Québec, sera soutenu par le gouvernement du Québec, lequel orientera son
maintien et son développement dans le sens des autres orientations
gouvernementales que nous énonçons.
À
titre illustratif, le gouvernement du Québec aura, un jour prochain, à se
prononcer sur un projet de construction par TCPL d'un terminal portuaire à Cacouna. Ce projet, logiquement,
devrait être défavorisé, puisqu'il consiste à exporter à la fois la pollution… Donc, on exporterait du
pétrole brut non traité vers d'autres endroits, peut-être des pays
asiatiques qui ont des super-raffineries et qui n'ont pas les mêmes normes
environnementales que nous avons. Donc, on exporterait la pollution vers ces
pays-là et on exporterait également les emplois et les investissements. Donc, à
la fois pour des motifs économiques et environnementaux, il est souhaitable que
le pétrole qui transite, qui est transporté au Québec soit raffiné et traité
ici.
Un
deuxième aspect est que le gouvernement favorise au Québec le transport, le
raffinage et la transformation de pétrole léger et doux plutôt que lourd
et sulfureux. Puis j'ajouterais au moins dans la même proportion que l'on a actuellement de pétrole léger et doux dans la
grappe actuelle, dans le secteur du raffinage, dans le secteur de la
pétrochimie au Québec, qui fonctionne bien actuellement avec cette proportion
que l'on a actuellement. Donc, nous favorisons le maintien, au moins, de cette
proportion de pétrole léger et doux, et qui serait en plus à faible teneur en
abrasifs et à faible teneur en H2S.
Ces
éléments sont développés davantage à la fin de notre mémoire. Peut-être que
j'aurai le temps de le développer davantage,
mais je vais passer à un autre sujet pour l'instant, qui est un des motifs pour
lesquels il est souhaitable également que
le Québec se concentre sur le raffinage du pétrole léger et doux. C'est un
motif géopolitique ou géoéconomique, comme nous l'avons exprimé dans
certains documents que nous avons émis. C'est que les raffineries du Sud des
États-Unis, au Texas, le long du golfe du
Mexique, ont déjà été converties pour traiter du pétrole lourd, alors que c'est
dans le Nord-Est américain, au
Québec, au Nouveau-Brunswick, en Ontario, en Pennsylvanie, dans différents
autres États de ce qu'on appelle le PADD 1 ou 2, là, je ne me rappelle
pas lequel des deux… Cette région, qui est la nôtre, est déjà spécialisée en
traitement de pétrole léger et doux, au point tel…
Et
je vais vous donner un exemple. Au Texas, il y a un gisement de même nature que
Bakken qui s'appelle Eagle Ford. C'est un gisement de pétrole très léger,
ultraléger, encore plus que celui de Bakken. Il est à deux pas des
raffineries du Texas et de Louisiane, mais
ce n'est pas là que ce pétrole est traité. Il est exporté vers cette région du
Nord-Est américain, y compris à Québec. Valero a fait venir par
vaisseaux du pétrole du Texas pour le raffiner ici, pour faire un test, c'était au début de 2013. Le test
a marché. Donc, maintenant, du pétrole de Eagle Ford arrive au Québec,
chez Valero par train parce que
nous avons cette expertise, nos raffineries sont… Donc, il n'est pas
souhaitable de convertir nos raffineries qui fonctionnent avec du
pétrole léger et lourd pour ajouter encore davantage de raffineries qui…
excusez, du pétrole léger et doux pour
ajouter encore en Amérique du Nord des raffineries qui traiteraient du pétrole
lourd, puisque nous ne sommes pas capables de compétitionner avec les raffineries déjà
spécialisées à cet effet au Texas. Il
y a une spécialisation géographique qu'il faut respecter, et c'est une
des raisons pour lesquelles nous devons favoriser le traitement du
pétrole léger et doux au Québec.
Évidemment,
un aspect qui est sous-jacent, c'est qu'il est, évidemment, préférable de
transporter du pétrole par oléoduc plutôt
que par voie maritime ou ferroviaire. Les composantes ferroviaires et maritimes
sont des composantes mobiles, donc elles font appel à des décisions
humaines continuellement. Il y a donc un plus grand risque sécuritaire que par
voie d'oléoduc.
Le
troisième élément que devraient contenir ces orientations serait que, pour le
pétrole transporté au Québec, le gouvernement du Québec exige le respect
des lois du Québec, des règlements municipaux relatifs à l'environnement et à la sécurité civile. Peut-être que, dans
certains cas, le Québec n'a pas la juridiction de l'imposer, mais il peut, par
des partenariats avec l'industrie, s'assurer
que l'équivalent de ce que donnerait un assujettissement à ces lois soit
respecté, et c'est en ce sens qu'il est crucial qu'il y ait ce contact entre le
gouvernement et les secteurs industriels concernés.
Dans certains
domaines, le gouvernement a des outils qui lui permettent d'influencer le
développement et de l'orienter vers la continuation du raffinage de pétrole
léger et doux. C'est, par exemple, au niveau des certificats d'autorisation. Si une raffinerie comme, par
exemple, celle de Suncor à Montréal envisage de se convertir ou
d'agrandir ses installations pour du pétrole
lourd, cela prendrait un certificat d'autorisation environnemental, et le
gouvernement peut passer le message
que ce n'est pas quelque chose qu'il considérerait favorablement si une telle
demande était soumise.
• (21 h 10) •
La
Présidente
(Mme Bouillé) : En terminant.
M. Neuman (Dominique) : Oui. Donc, écoutez, il y a d'autres éléments dans
notre mémoire que je vous invite à consulter.
Également, un aspect, c'est que le gouvernement du Québec peut influencer
également ce qui se fait aux sites de production — au
pluriel — tel
que décrit dans le mémoire, non pas de façon réglementaire, mais par ses
contacts à la fois avec l'industrie au Québec et avec le gouvernement du Québec
pour influencer certaines choses. Donc, je suis prêt à répondre à vos
questions.
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Merci beaucoup. Nous
allons procéder à la période d'échange en commençant par la partie
gouvernementale. Mme la ministre.
Mme
Zakaïb :
Merci, Mme la Présidente. Me Neuman, bonsoir. Merci de vous être déplacé pour
venir nous rencontrer. M. le député de Repentigny a des questions pour vous.
La
Présidente
(Mme Bouillé) : M. le député de Repentigny.
M.
McKay : Oui, merci. Alors, merci, Mme la Présidente.
Bonsoir, Me Neuman. Je vais commencer par déclarer que j'ai déjà
travaillé avec vous. Donc, déclaration d'intérêts dans le passé, mais ça fait
quand même quelques années de ça. Mais juste...
M. Neuman
(Dominique) : ...transparence.
M.
McKay : Oui, pour la transparence, de un, et aussi pour
rappeler que vous êtes intervenu régulièrement devant la régie
de...notamment, devant la Régie de l'énergie. Et moi, j'avais collaboré avec
vous sur toute la question du Plan d'efficacité énergétique de la défunte Régie
de l'énergie, et on travaillait spécifiquement sur toute la question, justement,
de l'efficacité énergétique dans les transports et toute la question de la
réduction de la consommation de carburants.
Donc, vous avez déjà une expertise reconnue là-dedans et pour intervenir devant
les instances réglementaires, les
tribunaux administratifs, ce qui fait que je suis quand même peut-être un peu
surpris du fait que vous parliez d'assujettir toute la question du transport de pétrole sur des bases volontaires à la
législation puis à la réglementation, la législation et réglementation
gouvernementale et aussi municipale.
Qu'est-ce
qui fait que vous pensez qu'on devrait lancer
ce message-là? Finissons là. C'est parce
que j'ai l'habitude de poser
des longues questions, hein, alors je vais la finir.
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Me Neuman.
M. Neuman (Dominique) : Oui. Je veux bien qu'on comprenne dans quel sens
nous parlons d'assujettissement volontaire. C'est qu'il y a certaines objections
quant au caractère fédéral du transport de produits pétroliers qui pourraient amener à mettre en doute la capacité du
Québec à imposer certains aspects de sa législation. Notre préférence,
ça serait, évidemment, que le gouvernement
tente par tous les moyens de faire respecter de façon obligatoire — pas volontaire, obligatoire — ses
lois en matière de sécurité environnement.
Nous pensons, par
exemple, la Loi sur la sécurité civile, s'il y avait un règlement d'adopté...
Je pense que c'est un règlement de mise en oeuvre de l'article 8, je pense, de
la Loi sur la sécurité civile. Si ce règlement était mis en oeuvre, il nous semble que, comme il s'agit
d'une loi d'application générale, qu'elle pourrait s'appliquer de plein
droit au secteur du transport pétrolier. Mais il se peut qu'il y ait certaines objections,
et ce que nous voulons éviter, c'est de retarder
la mise en oeuvre de ces normes importantes en raison de conflits
juridictionnels. Et c'est pour ça qu'il est important qu'en plus de
maximiser les efforts pour assujettir de façon obligatoire ce secteur aux lois
existantes il y a d'autres moyens additionnels qui devraient être entrepris
pour essayer, de façon collaborative, de s'assurer que ces entreprises
respectent ces normes.
On a beaucoup parlé de transmission de
l'information sur les risques, sur le contenu, sur la propriété, sur la nature
du produit à la fois au gouvernement du Québec, aux municipalités. C'est
quelque chose qui serait visé par cet article de la Loi
sur la sécurité civile. Mais, en plus de l'imposer, ça se pourrait qu'on puisse
convaincre l'entreprise concernée, Enbridge, de soumettre cette information de
façon volontaire et même de s'assujettir au processus des plans de sécurité
civile, du plan national et des plans municipaux, des plans de mesures
d'urgence, de s'assujettir volontairement, comme si elle était soumise à la
loi, pour éviter un débat fédéral-provincial sur la question.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Merci. M. le député de Repentigny.
M.
McKay :
O.K. Donc, si je comprends bien, ce que vous nous dites, c'est que, dans le
cas, par exemple, où la Loi sur la sécurité civile peut nous permettre
d'agir, dans le cas où la Loi sur la qualité de l'environnement du Québec peut nous permettre d'agir, utilisons ces leviers
législatifs. Par contre, ne nous limitons pas à ça et allons plus loin.
Même si on ne peut pas l'imposer devant les tribunaux, peut-être qu'on peut
s'asseoir de bonne foi avec les gens.
Et j'ai
l'impression que ça... je ne sais pas si vous avez... Vous avez sûrement suivi
les travaux de la commission. Si vous
avez entendu la proposition de l'opposition officielle qui parlait de l'unité
de vigilance, où un certain nombre de ministères
et d'organismes pourraient collaborer ensemble, est-ce qu'à votre sens votre
proposition va dans cette direction-là?
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Monsieur.
M. Neuman
(Dominique) : Je m'excuse,
je n'ai que suivi des bribes de la commission, donc je n'ai pas le texte
de la proposition de l'opposition à ce sujet.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
M. le député.
M.
McKay : Il n'y a
pas vrai de texte, mais...
M. Neuman (Dominique) : Oui,
enfin...
M.
McKay : Bien, le
député de Laurier-Dorion pourra revenir peut-être là-dessus tout à l'heure.
Ce que je retiens, c'est que vous dites aussi
que, dans le Nord-Est de l'Amérique, c'est le seul endroit où les raffineries
n'ont pas encore été converties à du brut lourd. Donc, vous nous recommandez
d'accompagner la grappe de l'industrie
pétrochimique dans le sens de maintenir cette situation-là, d'en faire un
avantage géoéconomique. Qu'est-ce qu'on
peut faire avec les intervenants du milieu pour s'assurer de ça? Par exemple,
d'un point de vue réglementaire, on peut empêcher s'il y a une demande pour pouvoir convertir les raffineries,
mais comment est-ce qu'on peut aller au-devant des coups et plutôt
éviter de se retrouver devant cette situation-là?
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Me Neuman.
• (21 h 20) •
M. Neuman
(Dominique) : Oui. Bien,
pour aller au-devant des coups, bon, en plus de l'imposition
réglementaire, du contrôle que le gouvernement a sur les certificats
d'autorisation, bien ce serait de s'assurer que l'industrie, que les différents acteurs de l'industrie ont ce qu'il
faut actuellement avec le pétrole léger et doux. On veut éviter de se
retrouver devant une situation où, pour une raison quelconque, quelque chose
irait mal, de plus en plus mal, et qu'après qu'un acteur de l'industrie, un acteur majeur, par exemple, s'adresse au gouvernement en disant : On ferme, à moins que vous fassiez telle et telle chose. C'est plutôt
de les accompagner au fur et à mesure, de voir s'il y a des problèmes
quelconques et tenter des les résoudre avec eux. Mais actuellement il y a une
industrie qui fonctionne avec du pétrole léger et doux pour l'essentiel, il y a un peu de pétrole lourd qui est raffiné à Montréal,
et il n'y a pas de raison que ça ne continue pas de
cette manière, à moins qu'il y ait des imprévus.
Un imprévu
que je mentionne, qui est, je pense, le huitième point des mesures que nous
proposons, c'est la variation de prix. C'est qu'actuellement, de façon
conjoncturelle, depuis 2010, le prix du pétrole de l'Ouest, du pétrole léger de l'Ouest est inférieur à celui du pétrole léger
international de brent. Selon à la fois Enbridge… Enbridge, dans le
dossier pas, ici, de l'oléoduc 9B, mais le
dossier de Northern Gateway, Enbridge prédit que, d'ici 2016‑2018, le pétrole de l'Ouest coûtera
plus cher que le pétrole international si certaines infrastructures sont
réalisées. Également, devant l'Office national
de l'énergie, dans le dossier auquel nous participions, l'expert commun de
Valero et Suncor a prédit que les prix vont s'harmoniser au même niveau
en 2016‑2018. Donc, il y a un risque que cette situation conjoncturelle ne dure
pas 30 ans, qui est la durée de vie de
l'oléoduc 9B après inversion, qu'après quelques années que les prix puissent
aller dans l'autre sens, comme ils l'ont toujours fait. Depuis 1974, les prix,
pendant une certaine période, ils étaient plus élevés dans l'Ouest, pendant une
autre période, ils étaient moins élevés dans l'Ouest. Donc, il se peut que ça
se poursuive.
Or, Suncor et
Valero ont un problème, ils ont signé pour 10 ans. Si le projet se réalise,
Suncor et Valero ont signé, c'est
dans les documents de l'Office national de l'énergie, se sont engagés à acheter
du pétrole de l'Ouest pour la quasi-totalité du volume de ce pipeline,
donc, quel que soit le prix, quelle que soit la situation conjoncturelle qui
existera à ce moment-là. Et ce qui serait
non souhaitable, ce qui serait dangereux, c'est que, devant cette situation,
une entreprise comme Suncor puisse se dire : Le pétrole léger de
l'Ouest me coûte trop cher, mais par contre, si je faisais venir du pétrole lourd de l'Ouest, peut-être que j'y
trouverais un avantage. Alors, il faut essayer de voir si le gouvernement du
Québec ne pourrait pas prévenir les coups,
si on voit que quelque chose se passe au niveau de l'évolution de prix,
qu'il puisse devenir moins avantageux de
faire venir du pétrole léger de l'Ouest, est-ce qu'on peut s'assurer au moins
qu'il n'y aurait pas cet effet pervers qui… consister à intéresser le
secteur du raffinage de Montréal à traiter plutôt du pétrole lourd.
Un
des moyens de cela, ce serait que le gouvernement du Québec défende la position
qu'il a toujours tenue devant l'Office
national de l'énergie en 1974 et en 1997, qui consiste à favoriser la
reréversibilité rapide et aisée du pipeline 9B. Ça a été la position…
Nous avons les documents de l'époque que le gouvernement a proposés. À une
certaine époque, devant l'office, le
gouvernement souhaitait la reréversibilité à court délai de six semaines. Il
souhaitait que, si une situation conjoncturelle
se passe, pouvoir le rerévertir en six… d'abord, en deux semaines, puis il a
changé, il a accepté six semaines. Donc,
c'est ce… peut-être que le… il y aura lieu, avant les prochaines… à
l'expiration du délai de 30 ans, de redemander à l'office… que le gouvernement collabore à ce qu'Enbridge redemande à
l'office de pouvoir reréinverser le pipeline si jamais l'écart de prix
tournait dans l'autre sens.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
M. le député de Repentigny.
M.
McKay :
Oui, merci. C'est un point de vue quand même assez original par rapport à ce
qu'on a entendu jusqu'à maintenant,
mais qui va dans le sens, je pense, des préoccupations de bien des gens. Vous
parlez d'un énoncé de principe aussi dans lequel… et ça recoupe, je
crois, les recommandations d'autres groupes environnementaux qui sont venus plus tôt
aujourd'hui, où on nous demandait, au gouvernement
du Québec, de faire pression pour que
le Canada prenne des
engagements contraignants par rapport à la réduction de ses émissions de gaz à
effet de serre, édicte des normes contraignantes
relatives aussi aux émissions de gaz à effet de serre, aux émissions
atmosphériques et aux impacts sur l'eau, ce qui… On s'entend qu'actuellement le gouvernement conservateur, à
Ottawa, va dans le sens complètement inverse, mais dans quel sens est-ce que… Vous dites : Le
gouvernement doit user de son influence afin d'amener le Canada dans ce
sens-là. Qu'est-ce que le gouvernement du Québec peut faire, à part d'édicter
des énoncés de principes?
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Messieurs.
M. Neuman
(Dominique) : Oui. Bonne
question. Donc, vous venez de faire référence au sixième élément du contenu des orientations que nous proposons, qui
est l'article 11.6 du mémoire. Bien, écoutez, c'est une bonne
question : Qu'est-ce que le
gouvernement peut faire? Bien, écoutez, le gouvernement du Québec a différents
forums à l'intérieur du Canada.
Également, quand je parle du gouvernement du Québec, on parle du gouvernement
du Québec et de la grappe industrielle du raffinage et de la
pétrochimie. Peut-être que cette collaboration avec l'industrie, et avec les
groupes environnementaux, et avec les
groupes sociaux peut contribuer à influencer le gouvernement du Canada dans ce
sens.
Mais nous
sommes très conscients que le gouvernement du Canada ne bouge pas beaucoup.
Actuellement, c'en est rendu que c'est le gouvernement fédéral américain
qui essaie de convaincre le gouvernement canadien d'adopter des normes atmosphériques plus sévères pour son
pétrole comme condition implicite à ce que le pipeline Keystone XL soit
approuvé. Donc, le gouvernement américain, lui aussi fait des pressions sur le
Canada. Incidemment, pressions qu'il n'est
pas capable de faire devant son propre Congrès, mais ça, c'est une autre
histoire. Mais, en tout cas, il y a différents gestes, qu'on pourrait appeler la diplomatie fédérale-provinciale, qui
peuvent être posés et qui porteraient non seulement sur l'établissement
de normes environnementales sur la qualité de l'air, de l'eau et des sols, mais
également, comme on le mentionne, insister
pour que le pétrole lourd qui se
trouve en Alberta soit traité, soit converti en pétrole synthétique léger
avant d'être transporté. En effet,
nous énonçons différents motifs pour lesquels le pétrole lourd, en raison de
ses impuretés, est plus abrasif que
le pétrole léger. Donc, surtout quand on parle d'une conduite vieillissante comme celle d'Enbridge 9B, ça
peut poser un risque, un risque accru.
Et, en fait, il a été question, il y a quelques
instants auprès de l'intervenant précédent, de corrosion, et il y a une
distinction qui doit être faite entre l'abrasion et la corrosion. Actuellement,
il y a une membrane protectrice à l'intérieur
de l'oléoduc qui empêche le pétrole et ses impuretés d'être en contact avec le
métal. Donc, tant que la membrane est
là, il n'y a pas de corrosion. S'il y a des abrasifs dans le pétrole qui
déchirent la membrane, les impuretés… et parfois les mêmes impuretés qui
déchirent la membrane peuvent réagir chimiquement — la corrosion, c'est un
phénomène chimique — avec le métal et amorcer un processus de
corrosion. Donc, c'est pour ça qu'il est préférable que le pétrole soit
léger, non abrasif au point de départ. Et je crois que Suncor a parlé d'un
projet qu'elle avait eu avec Total, projet qui s'appelle Voyageur, qui consiste
à ajouter une nouvelle usine de traitement du pétrole lourd pour en faire du
pétrole synthétique, et ce projet, regrettablement, a été, au moins
temporairement, abandonné. Le gouvernement du Québec pourrait contribuer à ce
qu'il soit réactivé.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Merci. M. le député de Laurier-Dorion.
• (21 h 30) •
M.
Sklavounos : Merci,
Mme la Présidente. Alors, merci, M. Neuman. Et merci à l'organisme que vous
représentez, Stratégies énergétiques. J'ai cru comprendre également que vous
êtes allés devant l'Office national de l'énergie
et que vous avez fait une présentation assez exhaustive devant l'Office
national de l'énergie également. J'ai certaines questions à vous poser,
d'abord vous demander, en quelque sorte… Il est très logique et très cartésien,
votre mémoire, et là vous commencez au début
en parlant d'un énoncé d'orientation. On commence par le début, je vais
vous proposer d'abord... simplement vous
dire : Il me semble que le fait de ne pas encore avoir eu un dépôt du plan
d'action de ce gouvernement en vue
d'atteindre sa cible de 25 %... Parce qu'évidemment vous allez vous
souvenir, notre gouvernement, le gouvernement précédent, avait comme
cible 20 %, mais avait un plan d'action qui accompagnait sa cible.
Et, je l'ai dit et j'ai eu l'occasion de le
redire à quelques reprises, on est allés à Varsovie. J'ai accompagné le ministre de l'Environnement, on est allés à
Varsovie et, évidemment, on a parlé de la bourse du carbone, on a parlé
du travail qui avait été fait par notre
gouvernement, qui a abouti, sous le gouvernement du Parti québécois, avec la
Californie, les gens étaient
intéressés, etc. Mais, lorsqu'arrivait le temps de justifier ou de parler de
notre cible ambitieuse de 25 %, le plan d'action qui devrait
accompagner une cible n'est pas au rendez-vous. Il y a eu, évidemment, dépôt en
2012 d'un plan d'action pour couvrir la
prochaine période qui a été déposé par le précédent gouvernement. Il n'a pas
été reconduit, on ne sait pas ce qui se passe à ce niveau-là. On a eu
Greenpeace qui a, en quelque sorte, dit la même chose.
J'aimerais
vous entendre là-dessus, si on est pour fixer des orientations, si on est pour
regarder... Et vous parlez spécifiquement de l'orientation quant au
développement du secteur pétrolier, mais, évidemment, le secteur pétrolier, les transports sont un émetteur, évidemment, des
gaz à effet de serre. Trouvez-vous que c'est nécessaire, avant de
débuter au début, d'avoir une bonne idée de quelles sont nos cibles et comment
nous allons y parvenir, quelle est notre marge de manoeuvre? Si on est pour
orienter, il faut quand même avoir une idée où on s'en va, comment on va se
rendre à cette cible-là.
Le Président (M. Trudel) : M.
Neuman.
M. Neuman (Dominique) : Oui. Je suis
tout à fait d'accord, il y a énormément de travail à faire et beaucoup de retard dans ce travail qui doit être fait. À la
fois au niveau des cibles et des mesures du gouvernement du Canada et du
gouvernement du Québec, il y a beaucoup de
choses à faire. Et je vais vous donner un exemple qui a été mentionné
tout à l'heure, ce sont les cibles d'efficacité énergétique. Il y a actuellement
dans la politique énergétique de 2006-2015 du gouvernement du Québec un
objectif de réduction entre 2006 et 2015 de 10 % de la consommation
pétrolière du Québec... en produits
pétroliers. Il y avait une agence, l'Agence de l'efficacité énergétique, qui
avait un certain mandat, de contribuer
à réaliser l'atteinte de cet objectif. Cette agence était sujette à la
supervision de la Régie de l'énergie, qui a fait un travail très exhaustif de surveillance des actions
de l'agence à cet égard, un travail très rigoureux, chiffré, pour
vérifier ce qui a été fait, et la Régie de
l'énergie a déploré le manque d'actions de l'Agence de l'efficacité énergétique
pour atteindre cette cible.
Par la suite,
l'Agence de l'efficacité énergétique a été dissoute et intégrée au ministère,
mais ce n'est pas tellement ça, la
gravité du problème. La gravité, c'est qu'en changeant d'organisme on a
également supprimé la supervision par la Régie de l'énergie. Donc,
actuellement, je ne sais pas ce qui se fait par ce qu'on appelle le Bureau de
l'efficacité et de l'innovation
énergétiques, qui succède à l'agence. Il y a un rapport microscopique de ce
bureau qui est joint en annexe au rapport annuel du ministère des
Ressources naturelles, presque pas de chiffres, presque pas de ventilation,
presque pas d'information. Et il semble que
l'objectif, qui est toujours en vigueur aujourd'hui, de réduire de 10 % la
consommation de produits pétroliers du Québec, que cet objectif semble oublié.
En tout cas, s'il n'est pas oublié, il n'est pas très visible, il n'y a plus
grand suivi qui se fait. Donc, ça fait partie des choses...
Il y a une commission itinérante sur la
politique énergétique. Peut-être qu'elle va énoncer quelque chose sur ces
sujets. Mais, en tout cas, il y a beaucoup de choses à faire pour, à la fois,
réduire la consommation énergétique et réduire
les émissions de gaz à effet de serre, à la fois dans une perspective du Québec
et dans une perspective du Canada.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
M. le député de Laurier-Dorion.
M.
Sklavounos : J'étais également heureux de vous entendre parler de la présence du
Québec en 1997 devant l'Office national de l'énergie parce qu'il y a eu
à ce moment-là de la prévoyance, il y a eu... Évidemment, lorsque le gouvernement du Québec... C'était Bernard Landry qui, à ce moment-là, avait fait les représentations pour le Québec, c'était le gouvernement de Lucien
Bouchard qui était au pouvoir au Québec. À ce moment-là, on avait prévu la
possibilité, comme vous avez mentionné, de cette possibilité de fluctuation qui
rendrait… en quelque sorte, peut-être dans les intérêts du Québec,
un renversement, si vous voulez, du pipeline à un moment donné. C'est pour
cette raison-là que nous aussi, nous avons, en quelque sorte, cru nécessaire,
nous avons... Nous étions de l'opinion que le gouvernement actuel aurait dû se présenter devant l'Office national de
l'énergie, même si… On n'est pas contre les consultations qui se déroulent
ici. Si on peut étendre… donner la voix à
d'autres qui n'ont pas pu être entendus, on est pour ça. Par contre,
on croyait que c'est une démarche qui aurait dû se faire.
Vous avez mentionné aussi dans votre mémoire le
fait qu'il faudrait favoriser un premier traitement. À Fort McMurray par
exemple, on a entendu qu'il y a, dans certains cas, un premier traitement qui
se fait là. On a eu, entre autres, l'AQLPA qui est venue nous dire qu'il faut
regarder le cycle de vie au complet, on ne pourrait pas faire
abstraction du fait qu'à un moment donné ce
pétrole a été lourd, même s'il arriverait au Québec moins lourd. Et, en même temps, vous avez dit : Il faudrait quand
même rester ouvert à la possibilité qu'à un moment donné il serait possiblement plus intéressant
d'aussi développer une capacité de raffiner du pétrole lourd à Montréal et à Québec.
Mon collègue semblait dire que c'est une
opinion… Parce que je suis sûr que, si certains groupes étaient encore dans la
salle, ils auraient trouvé ça quand même un
petit peu moins intéressant. Est-ce que
c'est contradictoire, ça, ou est-ce
que, tout simplement, vous regardez à un petit peu plus long terme ou à moyen terme pour
nous dire : Écoutez, ça pourrait devenir intéressant? Parce que, là,
ça semble un petit peu contradictoire. Vous
parlez d'une première transformation à Fort McMurray, faire venir du
pétrole plus léger. Après ça, vous
dites : Il faudrait rester ouvert à la possibilité de raffiner du pétrole
brut. J'aimerais juste être sûr que je vous ai compris là-dedans. Alors,
je vous donne cette occasion-là de juste clarifier ça pour moi.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Me Neuman.
M. Neuman (Dominique) : O.K. Ce que
nous recommandons, c'est de garder au moins la proportion actuelle de pétrole léger dans le mixte de
raffinage au Québec. Donc, ce pétrole léger, ça peut être du pétrole de
schiste, de Bakken, ça
peut être du pétrole de schiste ou conventionnel à différents points d'Alberta
et de Saskatchewan ou ça peut être du pétrole synthétique qui provient
du pétrole lourd, mais qui n'est plus du pétrole lourd. Et je tiens à faire une distinction — et je pense qu'elle a déjà été faite,
notamment par l'AQLPA — qu'on ne parle pas de dilbit. Dilbit, c'est du bitume dilué, c'est du pétrole lourd qui,
de toute façon, doit avoir un liquide qui n'est pas de l'eau pour
pouvoir être transporté. Mais ce n'est pas de ça que je parle, je parle de
pétrole synthétique. O.K.?
Mais, au-delà de cela, il y a des décisions à
prendre. C'est-à-dire si le gouvernement du Canada prend part aux engagements internationaux qui sont attendus
de lui et de l'ensemble des nations et qu'il en résulte, par exemple,
que l'extraction du pétrole lourd diminue
ou, à tout le moins, n'augmente pas... C'est peut-être quelque chose qui va se
passer, mais ça dépendra des engagements du
gouvernement du Canada, que le Québec peut influencer, comme je l'ai
mentionné tout à l'heure, mais nous ne contrôlons pas la quantité d'extraction
de pétrole lourd bitumineux qui se réalisera au cours des prochaines années en
Alberta.
Ça fait qu'au
moins, si un tel pétrole est extrait et est destiné à se rendre au Québec,
qu'il n'arrive pas ici à l'état lourd, mais qu'il soit transformé en
pétrole léger pour différentes raisons liées à l'impact que ça a sur la
conduite elle-même, l'oléoduc lui-même,
comme j'ai mentionné, l'abrasivité plus grande qu'a ce pétrole. Et nous avons
fourni... il y a certaines données chiffrées
qui comparent ça à l'abrasivité d'un
sand-blasting que le… Ce que subit la conduite est très fortement
supérieur à un sand-blasting permanent à l'intérieur de la conduite.
• (21 h 40) •
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
M. le député de Laurier-Dorion.
M.
Sklavounos : Au
niveau géostratégique, nous avons eu des gens qui sont venus nous dire :
Même s'il s'agit d'un pétrole plus lourd, on
aurait intérêt à pouvoir sécuriser notre approvisionnement de nos partenaires
canadiens à l'intérieur de la fédération, toujours mieux que d'aller chercher
son pétrole à l'étranger. Le député de Mercier, entre autres, et d'autres semblaient
dire aussi : Écoutez, avez-vous vu une rupture dans le transport du
pétrole? Il n'y en a pas eu, donc
c'est bien théorique comme question. D'autres qui semblaient dire : Écoutez,
il y a des bénéfices qui nous reviennent comme Québécois à cause de
notre appartenance à la fédération canadienne. Alors, lorsqu'il y a un profit
qui est fait à ce niveau-là, à cause de notre péréquation et le fonctionnement
de notre fédération, il y a un bénéfice.
Vous, vous
pensez quoi de ça? Admettons, évidemment… Et on admet que le pétrole qui vient de
l'Algérie, par exemple, est un pétrole léger d'une bonne qualité, vous
voyez comment cette question-là au point
de vue géostratégique?
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Me Neuman, en 15 secondes.
M. Neuman
(Dominique) : Oui. Du point
de vue géostratégique, en tout cas, il y a une distinction à faire dans votre question. Vous parlez de pétrole lourd, mais
actuellement les raffineries du Québec utilisent très peu de pétrole
lourd. Et ça impliquerait un changement dans
la stratégie de raffinage du Québec de se convertir au pétrole lourd, et c'est
pour ça, nous favorisons le maintien
du mixte actuel et de tenter, de façon réglementaire ou incitative, à
décourager la conversion vers ce pétrole lourd. J'aurais pu élaborer
davantage, mais…
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Sûrement, mais, je suis désolée, le temps
est écoulé pour l'opposition officielle. M. le député de Drummond—Bois-Francs.
M.
Schneeberger :
Oui. Merci,, Mme la Présidente. Je veux juste bien comprendre ce que vous
énoncez dans vos propos. Là, en premier, lieu, vous dites qu'idéalement
ce serait d'amener du pétrole que vous dites léger. O.K.? Ça, c'est du pétrole
qui a été en partie raffiné ou qui a été…
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Monsieur.
M. Neuman (Dominique) : On parle de
source du pétrole. Donc, le pétrole de schiste, de Bakken, est déjà du pétrole
léger. Le pétrole d'Eagle Ford, au Texas, est déjà du pétrole léger. Il y a
d'autres sources en Alberta et en Saskatchewan de pétrole qui est déjà léger.
En plus de ça, le pétrole dit lourd qui
proviendrait des sables bitumineux en Alberta, lui, n'est pas léger, mais il peut être converti en pétrole synthétique qui,
lui, est léger. Donc, il est converti à la source, puisqu'il y a déjà des
usines à cet effet. Il y en avait une, que
j'ai mentionnée tout à l'heure, de Total Suncor, qui s'appelle Voyageur, un
autre projet qui n'a pas eu lieu, et
c'est de ça qu'on parle quand on parle de pétrole léger. C'est un pétrole qui
provient soit d'une source où il est déjà à l'état de pétrole léger.
Pétrole léger et doux, doux étant dit par opposition à sulfureux. Et le pétrole
des sables bitumineux est à la fois lourd et sulfureux.
M.
Schneeberger : Mme
la Présidente…
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
M. le député.
M.
Schneeberger :
…quand vous dites que le… Dans le fond, ce que vous dites, c'est que, même si
on inverse le flux de l'oléoduc, si on
l'inverse avec du pétrole que vous nommez léger, il y aura un impact
environnemental qui sera peut-être moins,
dû, justement, à… ou ça nuit beaucoup moins à l'oléoduc dans ce cas-ci. Alors,
ça, ça veut dire que le pétrole lourd est beaucoup plus abrasif.
Mais, en même temps, vous dites qu'il
faudrait peut-être voir si on pourrait, des fois, inverser le flux en cas
de nécessité. Mais là si le flux… On revient
encore à nouveau avec le même débat. Ça fait que, là, le débat du flux…
Certains parlent que ça peut être dangereux,
mais c'est là qu'à un moment donné ça vient dur à suivre parce que, là, à un
moment donné, inverser le flux, je veux dire, le train… Moi, chez nous, à
Drummondville, quand le train passe, là, qu'il voyage, les wagons est-ouest ou ouest-est, là, c'est le même danger, là.
Alors, moi, je trouve ça un peu complexe, dans le sens que, dans le fond, vous dites : Oui,
l'oléoduc, c'est un bon moyen de transport, mais, par contre, nous, on
serait… ce serait beaucoup mieux d'amener du pétrole dit léger, et non lourd,
et d'en faire…
La
Présidente
(Mme Bouillé) : En terminant.
M.
Schneeberger :
…un premier raffinage, si on peut dire comme ça, sur place, là, en Alberta.
La
Présidente
(Mme Bouillé) : M. le député de Mercier.
M. Khadir :
Merci, Mme la Présidente. M. Neuman, bienvenue. Vous avez dit que, dans ses
représentations, Enbridge, pour le Northern
Gateway, disait, affirmait que le prix du pétrole de sables bitumineux va, à
terme — j'imagine,
à court terme — en
fait, s'égaliser avec le pétrole léger, il va y avoir un équilibrage des prix,
alors qu'ici il tient le discours contraire avec les autres promoteurs de
l'inversion du pipeline. Donc, j'en déduis qu'à une des deux places
l'entreprise ment à quelqu'un. Est-ce que j'ai raison de penser ça?
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Monsieur.
M. Neuman
(Dominique) : Je n'utiliserais pas le terme «mentir», mais disons que
la position d'Enbridge est exagérée des deux côtés.
La
Présidente
(Mme Bouillé) : M. le député…
M. Khadir :
Mais j'en déduis…
La
Présidente
(Mme Bouillé) : M. le député de Mercier.
M. Khadir :
Merci de me retenir, Mme la Présidente, parce que je m'emporte, c'est bien
connu, puis on est tout le temps en chicane avec les… Je trouve regrettable qu'à
chaque fois je doive vous prier de ne pas trop interrompre l'échange
normal entre celui ou celle qui est venu ici…
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Demandez-vous, M. le député…
M. Khadir :
Bien, laissez-moi… Je prends de mon temps, Mme la Présidente, pour vous…
La
Présidente
(Mme Bouillé) : …un passe-droit par rapport aux autres
collègues?
M. Khadir : Non, non. Je ne vous demande pas de passe-droit,
mais pas d'interrompre continuellement. Il y a un échange qui se fait… Puis, moi, ça fait quatre ans que
je suis ici, il y a d'autres présidences qui s'exercent, je dirais, de manière
plus judicieuse pour protéger le peu de temps qui nous est accordé. Ceci étant
dit…
La
Présidente
(Mme Bouillé) : M. le député de Mercier, je suis désolée, mais c'est un propos très
irrespectueux envers la présidence.
Je vous avise de cela et… Est-ce que vous me demandez un passe-droit à votre
égard? Vos autres collègues respectent la procédure.
M. Khadir :
Je vous signale qu'il y a des méthodes de présidence des commissions qui sont
pratiquées par nombre de vos collègues et
qui n'interrompent pas la conversation entre celui ou celle qui est venu
présenter un mémoire et les députés. C'est tout. Je ne vous ai pas
manqué de respect, j'ai dit : Une manière plus judicieuse d'assurer que le
2 min 30 s n'est pas consommé par ce va-et-vient constant.
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Voulez-vous contester ma présidence, M. le
député?
M. Khadir :
Là, c'est parce que vous épuisez ma patience, je suis obligé d'en parler.
La
Présidente
(Mme Bouillé) : M. le député de Mercier.
M. Khadir :
Oui. Qu'est-ce que vous voulez, Mme la Présidente?
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Voulez-vous contester ma présidence?
M. Khadir : Pardon?
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Voulez-vous contester ma présidence?
M. Khadir : Non, non. Je ne
conteste pas la présidence.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Alors, vous allez vous conformer aux règles.
M. Khadir : Mme la Présidente,
je vous ai déjà implorée de faire preuve…
La
Présidente
(Mme Bouillé) : M. le député de Mercier, vous me coupez la parole, je vous parle. Vous
coupez constamment la parole. Voulez-vous contester ma présidence, M. le député
de Mercier?
M. Khadir : Je vous ai déjà
répondu, Mme la Présidente.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
C'est non, donc vous allez vous conformer aux règles de procédure qui sont dans cette commission. M. le député de Mercier,
quand je vous donne la parole, vous prenez la parole. Quand je la confie
à une autre personne, vous attendez. Vous allez vous y conformer?
M. Khadir : Qui ne dit mot
consent, Mme la Présidente.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Ah! je suis contente que vous consentiez, M. le député de Mercier. Donc…
M. Khadir : Vous êtes
satisfaite?
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Est-ce que vous êtes satisfait, vous?
M. Khadir : Moi, je ne suis
pas satisfait. Mais vous, vous êtes satisfaite, c'est ce qui importe.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Moi non plus, monsieur. Moi non plus, M. le député de Mercier.
M. Khadir : Très bien. Alors,
qu'est-ce qu'on fait?
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Bien, vous vous conformez ou vous contestez ma présidence?
M. Khadir : Bien, je vous ai
dit oui. Est-ce que j'ai d'autre choix que de me conformer à vos méthodes?
La
Présidente
(Mme Bouillé) : À mes méthodes. Vous allez donc respecter ce
que vos collègues font dans cette commission. Nous reprenons.
M. Khadir : Expliquez-moi en
quoi vous ai-je manqué de respect, madame…
La
Présidente
(Mme Bouillé) : M. le député… Vous me coupez encore la
parole, M. le député de Mercier, vous ne faites que ça.
M. Khadir : ...d'allumer mon
indicateur, j'estime que vous me donnez le droit de parler.
La
Présidente
(Mme Bouillé) : M. le député de Mercier, ce n'est pas moi
qui ai le contrôle de votre indicateur. Donc, arrêtez de blâmer les
autres, là, assumez ce que vous faites. Moi aussi, le mien est ouvert, M. le
député de Mercier. Allez-vous vous conformer, M. le député?
M. Khadir : J'ai déjà dit,
déjà à deux reprises, que qui ne dit mot consent et j'accepte votre autorité.
Ai-je le choix, de toute façon?
• (21 h 50) •
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Parfait. M. le député de Mercier, allez-y avec votre question.
M. Khadir : Très bien. Donc, l'échafaudage financier avec lequel
Enbridge, et les promoteurs, et le gouvernement essaient de nous
convaincre que c'est dans l'intérêt du Québec et des raffineurs du Québec ne
tient pas beaucoup?
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
M. Neuman.
M. Neuman (Dominique) : Il y a des prévisions qui ont été soumises par Enbridge
selon lesquelles il y aurait une quantité faramineuse d'emplois qui seraient
préservés si l'inversion a lieu et perdus si l'inversion n'a pas lieu.
Cet échafaudage ne tient pas. Par contre,
ce qui existe, c'est qu'il y a une situation conjoncturelle selon laquelle,
temporairement, le prix du pétrole léger de
l'Ouest est plus élevé que le prix léger importé, et cette situation est
réelle. Il faut que le gouvernement s'assure qu'il n'y a pas de perte d'emploi,
qu'il n'y ait pas de perte d'entreprises durant cette situation conjoncturelle. L'inversion du pipeline 9B, si elle se
réalise, interviendra vers la fin de cette période conjoncturelle. Mais, selon différentes analyses économiques,
par la suite les prix vont soit s'harmoniser, soit qu'il pourrait y avoir
des fluctuations encore à la hausse ou à la baisse d'un pétrole par rapport à
l'autre. Et il faut que le gouvernement se
prémunisse contre ça aussi, que, si le pétrole de l'Ouest — et
je parle du pétrole léger de l'Ouest — devient, effectivement, plus cher que le pétrole léger importé… il faut qu'il y
ait un plan B du gouvernement pour s'assurer que, là encore, qu'il n'y
aura pas de risques à la fois pour les emplois, pour les investissements du
Québec. Et c'est dans ce cadre-là que nous avons parlé de réinversion, ce qui
était la position traditionnelle du Québec et que même l'Office national de
l'énergie appuyait.
La
Présidente
(Mme Bouillé) : En terminant.
M. Neuman
(Dominique) : ...
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Merci beaucoup. J'invite maintenant le
représentant de la Coalition Vigilance Oléoducs de prendre place à la table et
je suspends les travaux quelques minutes.
(Suspension de la séance à
21 h 52)
(Reprise à 21 h 54)
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Nous reprenons les
travaux. M. Huard, bienvenue. Vous disposez de 10 minutes pour présenter
votre exposé, qui sera suivi par une période d'échange avec les parlementaires.
Merci.
Coalition Vigilance Oléoducs (COVO)
M. Huard
(Olivier) : Alors, j'aimerais juste préciser pour entrée de jeu que
j'ai donné à la secrétaire de la commission deux documents pour présenter notre
coalition, dont, entre autres, un mémoire en provenance de...
Une voix :
…
M. Huard (Olivier) : Oui, Sainte-Justine-de-Newton. Je voulais faire le lien parce que c'est
le premier village où entre le pipeline sur le territoire du Québec. Et,
moi, de mon côté, ma vie est partagée entre Repentigny et Pointe-aux-Trembles.
Donc, on représente par ces deux choses un peu chaque extrémité du pipeline.
Donc, voilà pour les présentations.
La
Coalition Vigilance Oléoducs, que je représente, est composée de citoyennes et
de citoyens qui ont à coeur la sécurité de leur milieu et un
environnement sain. Nous provenons majoritairement de la grande région de
Montréal et, surtout, des municipalités où
passe l'oléoduc d'Enbridge. Donc, ça représente cinq régions administratives
différentes. Nous sommes le seul groupe issu
de la base citoyenne invité à cette commission avec le Conseil traditionnel
mohawk. Je voudrais rappeler que nous avons
fait une action conjointe le 16 novembre au parc national d'Oka. Pour nous, ça
allait de soi de s'allier avec les autochtones. Ça a été décrit dans les
nouvelles — et
on ne l'avait pas réalisé — comme
étant une action incroyable parce que c'était la première fois que des
non-autochtones et des autochtones s'alliaient depuis la crise d'Oka. Mais, bon, comme je disais, on est les seuls groupes
citoyens à être invités dans cette commission. Alors, si votre but était
d'écouter les citoyens, je pense que c'est un échec.
Suite aux audiences
de l'Office national de l'énergie, le ministre Blanchet avait d'ailleurs évoqué
vouloir tenir une consultation large, plus
inclusive pour l'ensemble des Québécois. Eh bien, ça, c'est une promesse qu'on
pense non tenue. Et d'ailleurs j'aurais aimé
que le ministre Blanchet soit ici parce que c'est plutôt notre interlocuteur
principal depuis le début de notre implication dans ce dossier.
Pour
mettre les choses au clair, ma présence ici ne doit pas être interprétée comme
une légitimation de la tentative du gouvernement à montrer qu'il est à
l'écoute des citoyens. Il s'agit plutôt, à nos yeux, d'une consultation bâclée,
l'équivalent du «greenwashing», dont est
friande l'industrie pétrolière, mais appliqué tristement au processus
démocratique. Cette consultation est aussi
extrêmement irrespectueuse pour les citoyens, voire même insultante. À titre
d'exemple, nous avons su hier
après-midi que nous avions une place pour parler ce soir, soit un peu plus de
24 heures. J'ai personnellement dû
prendre congé de mon travail et arranger toute ma vie familiale en quelques
heures pour être capable de venir aujourd'hui et je devais en plus
élaborer un texte représentatif et démocratique de ma coalition parce que c'est
ce qu'on fait dans notre coalition, de la
démocratie. Et ce n'est pas comme si on ne savait pas qu'on existait, ça fait
plus qu'un an qu'on intervient dans le dossier.
Dès le départ, la
présente commission nous a indiqué que ça ne valait même pas la peine de
s'inscrire parce qu'il n'y avait pas de place. D'autres sources nous ont
ensuite informés que, même si nous étions refusés, le fait de s'inscrire
laisserait des traces publiques. Est-ce que nous avons été l'objet d'une tactique
douteuse pour protéger l'image du
gouvernement? La question se pose. Face à cette situation, nous avons convoqué
une conférence de presse avec d'autres
groupes alliés jeudi dernier pour dénoncer l'absence des groupes citoyens. Et
là, surprise, le lendemain, vendredi passé, nous recevons une invitation
pour s'inscrire. Ceci ajoute une couche de déception aux membres qui font
partie de notre coalition. La question qui revient souvent, c'est :
Comment on peut être aussi peu professionnel et aussi peu respectueux? Tu sais,
c'est notre gouvernement national, après tout, et les gens sont très déçus.
Bon, assez pour la
procédure. La COVO a été créée parce que nous ne nous sentions pas écoutés,
mais aussi pas informés. Depuis, nous avons
fait nos devoirs. On dira peut-être que nous ne sommes pas des experts en
titre, mais nous sommes néanmoins des experts de notre milieu. Et nous
sommes d'ailleurs plus experts que la plupart des gens autour de cette table,
comme semble l'approuver le député de Laurier-Dorion depuis ce matin, pour
l'avoir écouté.
Maintenant, nous savons beaucoup de choses. Nous
savons que les impacts sur notre eau potable et nos rivières sont désastreux
lorsqu'un déversement arrivera. Et nous savons qu'il va arriver, il ne manque
que le lieu et le moment. Nous savons aussi
qu'il y a déjà eu des déversements et qu'Enbridge n'a pas cru bon informer les
municipalités, comme la fuite que nous avons
découverte récemment par hasard à Terrebonne. Ce genre d'incident a plus que
doublé en 10 ans. Ça aussi, nous le savons.
Nous avons aussi appris que des impacts sur la santé se feraient sentir par
l'accroissement des activités de raffinage dans l'est de Montréal, cela ferait
augmenter les maladies respiratoires dans ce secteur où l'air est déjà très
affecté, avec des incidences d'asthme plus élevées qu'ailleurs chez les
enfants.
Nous avons entendu les nombreuses inquiétudes
des citoyens touchés, comme Mme Durocher en conférence de presse, ce matin, qui est très malmenée par les pratiques
irrespectueuses d'Enbridge. Nous avons entendu qu'il y a eu des dons aux municipalités de la part de la
compagnie Enbridge. Ces dons-là, bien, nous ne sommes pas en désaccord
qu'Enbridge puisse payer pour des mesures de sécurité, mais, quand c'est un
chèque donné, et c'est tout, eh bien…
Mme
Zakaïb :
Mme la Présidente, question de règlement. Est-ce que les partis… Est-ce que les
gens de Québec solidaire peuvent passer des documents au témoin pendant
qu'il témoigne?
• (22 heures) •
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Je vous demanderais de garder un certain
décorum dans cette commission, s'il vous plaît, puis ça s'adresse à tout
le monde. Ce qui serait souhaitable, c'est de ne pas interrompre le témoin.
Monsieur, continuez.
M. Huard (Olivier) : Donc, c'est ça.
Mais on aimerait que, s'il y a des paiements à faire aux municipalités pour les aider à faire de la sécurité, que ce soit
géré indépendamment. On vient de savoir un peu ce qui se passe dans les municipalités
récemment, donc on aimerait que ces fonds-là soient gérés de façon plus
transparente.
Plein d'informations nous ont été données, comme par
exemple, lors de la fonte des neiges,
il n'y a pas d'intervention possible dans la
rivière des Outaouais. Donc, s'il arrive une catastrophe, ça va être très
difficile d'intervenir à ce moment-là de l'année.
Nous avons ensuite réalisé qu'Enbridge dit une
chose et son contraire. En novembre 2012, ils ont affirmé que
Sainte-Justine-de-Newton… à Sainte-Justine-de-Newton qu'ils ne pourraient jamais
raffiner le pétrole bitumineux à Montréal et qu'il faudrait nécessairement le faire passer
par des bateaux. Maintenant que la ville de Montréal a demandé un bénéfice économique, ils affirment maintenant
qu'on pourrait en raffiner une partie, mais quelle garantie nous avons?
D'ailleurs, dans l'ancien comté de M. McKay, nous avons l'usine Electrolux qui
faisait de nombreuses promesses, et on sait très bien ce qui s'est passé
après plusieurs subventions, nous vivons une fermeture assez sauvage. Donc, quelle garantie nous avons de la part de cette
compagnie qu'elle va respecter son engagement? Enbridge, d'ailleurs, affirme être
équipée des équipements modernes, mais nous savons aussi qu'il reste encore des
valves manuelles sur le long du parcours du pipeline. Une valve
manuelle, je ne sais pas si vous savez, c'est… s'il arrive un dégât, il faut
que les gens partent en camion puis aillent
la fermer manuellement. Ça peut prendre un certain temps. Et nous savons
maintenant ce que les responsables de nos
communautés ne savent pas. Plusieurs municipalités nous ont informés qu'elles n'ont pas de
plan d'urgence et que la seule chose qu'ils connaissent d'Enbridge en cas de
pépin, c'est son numéro de téléphone. Même les pompiers volontaires nous ont
affirmé ne pas avoir la procédure pour réagir convenablement en cas d'une fuite
importante, même moyenne.
Nous avons
aussi acquis des certitudes. C'est que le projet ne peut se réaliser sans l'approbation du gouvernement du Québec.
Le tuyau est peut-être de juridiction fédérale, mais tout autour demande
une approbation de Québec.
Juste la soi-disant expansion de la raffinerie Suncor demandera, à elle seule, plusieurs
certificats d'autorisation du ministère de
l'Environnement. Nous avons la certitude
que, si le Québec aurait vraiment la volonté de protéger ses citoyens,
il pourrait le faire en imposant des normes de sécurité élevées et
bloquer le projet si elles ne sont pas respectées, comme l'a fait la Colombie-Britannique
récemment.
Nous avons aussi la certitude que l'économie du Québec
ne serait pas affectée de façon sérieuse si le projet est rejeté. Le gouvernement
du Québec nous a lui-même donné l'exemple par la fermeture de Gentilly et la
fin de l'amiante. Il s'agit de la fin de
deux industries nocives qui se fait en passant par une transition, évidemment.
Et c'est ce que, justement, tout le monde réclame, une transition, dans
le cas du pétrole.
Mais il reste
tant de choses à savoir. C'est pourquoi la première revendication de la coalition
depuis le début est celle qui est la
plus pertinente. Nous demandons la tenue d'une étude scientifique rigoureuse,
publique, crédible et complète. En termes techniques, c'est générique.
Nous demandons aussi un fonds d'immobilisations d'au moins 1 milliard géré
indépendamment et financé par les entreprises. Pas juste Enbridge, le
Montréal-Portland et tous les autres pipelines qu'il pourrait y avoir
éventuellement.
En terminant, j'aimerais rappeler que,
contrairement à vous qui m'écoutez, les citoyens et citoyennes dont je porte la voix auront à vivre longtemps avec les
conséquences de vos décisions. Nous allons continuer à côtoyer le
pipeline bien après que vos mandats seront terminés. Nous pensons que notre
avenir, que vous décidez en ce moment, n'est pas
dans le pétrole. On entend souvent que le risque zéro n'existe pas, eh bien,
dans ce cas-ci, il existe, c'est de diminuer notre utilisation du
pétrole jusqu'à ce qu'un jour les gens de nos communautés n'auront plus à vivre
avec ce pipeline dans leur cour. Vous avez le pouvoir d'assurer durablement la
sécurité de vos électeurs, de vos concitoyens, et c'est ce
que nous demandons de faire aujourd'hui. Et juste dernière petite information,
la pétition en ligne à ce sujet atteint 11 000 noms ce soir.
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Merci. Nous allons maintenant procéder à la
période d'échange avec les parlementaires en débutant par la partie
gouvernementale. M. le député de Saint-Maurice.
M. Trudel :
…j'ai des petites questions, tout d'abord, au préalable, là, à adresser au
témoin. Tout au long des audiences,
depuis le début, les gens qui étaient venus témoigner, ils avaient fait part de
leurs liens avec certaines parties soit autour de la table, ou d'autres témoins, ou d'autres groupes qui étaient
venus témoigner. J'ai quelques questions à vous poser au préalable,
donc. Avez-vous des connaissances, des liens avec qui que ce soit autour de la
table, ici, ce soir?
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
M. Huard.
M. Huard
(Olivier) : Bien, moi, en
fait, je représente la COVO ici. Si vous avez un problème avec le fait
d'avoir un rôle à jouer, je trouve ça difficile parce que vous-même, vous avez
un rôle à jouer en ce moment. Moi, j'ai des implications
politiques, j'ai des implications sociales. Je suis avant
tout un citoyen qui est concerné par l'environnement et je prends tous les moyens possibles pour faire
valoir mes positions. Donc, je fais partie de partis politiques, je fais
partie de groupes et je suis un des cofondateurs de la COVO.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
M. Huard, je vais vous inviter à vous adresser à moi, O.K.,
comme présidente. Merci. M. le député de Saint-Maurice.
M. Trudel : Deux... Bien, je
vais vous dire, Mme la Présidente, qu'à part le fait que ça soit adressé à moi directement… Ça, pour moi, c'est secondaire, mais c'est que ce n'était pas du tout
la question, là. Je n'ai posé qu'une question bien
simple, j'ai demandé s'il avait des liens quelconques, puis je lui demanderais,
tu sais, juste pour une question d'éthique, de morale, comme d'autres ont été
appelés à le faire, entre autres, par le député de Mercier, de dévoiler
certaines accointances avec des gens ici. Moi, j'ai peut-être la réponse, mais
j'aimerais ça qu'il ait au moins l'honnêteté de dévoiler le fait qu'il pourrait
y avoir les liens.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
M. Huard.
M. Huard
(Olivier) : Bien, je trouve
plate que les gens trouvent que je ne suis pas honnête. En fait, moi, j'ai
dit que j'étais un citoyen qui a des valeurs écologistes et je prends tous les
moyens pour les faire avancer. Donc, le parti, puisque c'est la question que vous proposez, parce que ça a été proposé,
justement, par... Excusez, je vous parle à vous parce que ça vous a été soufflé à l'oreille, le parti
qui représente mieux mes convictions, c'est Québec solidaire. Les
groupes qui représentent mieux mes convictions, c'est Greenpeace et la
Fondation Rivières.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Parfait. Merci beaucoup.
M. Huard (Olivier) : Si vous voulez,
aussi, je suis animateur scout aussi.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Parfait. M. le député de Saint-Maurice.
M. Trudel :
Et je trouve ça déplorable de la façon... J'ai posé une question très, très
simple, c'était une invitation très simple à donner une information qui
était pour le moins, pour moi, là, minimum dans les circonstances, et, avec le
type de réponse qu'on a eu là, moi, je... En tout cas, je suis très déçu du
comportement du témoin.
Ceci dit, peut-être que d'autres collègues ont
des questions. À ce moment-ci, j'en ai déjà assez entendu. Merci beaucoup.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
M. le député de Repentigny.
M.
McKay : Oui. Bien,
je vais poser une petite question à notre invité, puisqu'on se connaît un peu.
C'est un citoyen de ma circonscription, de pas loin qui... J'ai eu le plaisir
de l'avoir comme adversaire de Québec solidaire à quelques reprises, et c'est certainement un gentleman. Je trouve ça un
peu dommage qu'effectivement qu'il... Je pense que ça transparaissait
déjà un petit peu... Enfin, vous avez mentionné...
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
…vous vous adressez à moi.
M.
McKay : Oui. Alors,
M. Huard a mentionné qu'il déplorait le fait qu'il y aurait eu une... En
tout cas, il reprenait un peu les termes du
député de Mercier, là, qui disait qu'il y aurait eu de la manipulation de la
part du secrétariat de la commission sur les listes de témoins. Alors,
le député de Mercier aurait pu lui expliquer comment sont dressées ces
listes-là. Mais je voudrais savoir, avant la...
Une voix : ...
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Une question de règlement, M. le député de
Mercier?
M.
McKay : Oui, mais
je voudrais poser une...
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Un instant. Est-ce que c'est une question de règlement?
M. Khadir : Oui. Mes
collègues n'ont pas le droit de m'imputer des motifs et surtout de rapporter
sans fondement des propos que je n'ai jamais tenus sur le Secrétariat de
l'Assemblée.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
On n'impute pas de motifs. Je veux juste souligner que ce sont les bureaux des
leaders qui décident qui témoigne ou ne témoigne pas. Continuez, M. le député
de Repentigny.
M.
McKay : Exactement.
Donc, la liste est établie par les bureaux des leaders parlementaires...
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
...tous les partis.
M.
McKay : ...et donc
sur consensus des groupes. Et je voudrais savoir, est-ce qu'il est exact
qu'avant la publication de l'article du Devoir
la semaine dernière que vous n'aviez jamais fait de demande auprès de la
commission, vous n'aviez jamais formulé de demande auprès de la commission pour
être entendu sur ce sujet-ci?
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
M. Huard.
• (22 h 10) •
M. Huard
(Olivier) : Pour préciser,
je n'ai pas beaucoup aimé la référence à mon appartenance politique
parce que je trouve que ça dilue mon propos. Moi, je représente des gens ici et
je n'aime pas qu'on diminue le débat à ma seule personne. Donc, c'est pour
préciser, là. Ce n'est pas moi qui est ici, là, je parle au nom de plusieurs
personnes.
Donc, pour ce qui est de la question précise de
M. le député de Repentigny, en fait c'est que nous, on nous a dit de ne pas
nous inscrire à la commission parce qu'il n'y avait plus de place. Et,
lorsqu'on a su que, finalement, ça aurait
été quand même intéressant de s'inscrire, même s'il n'y avait plus de place, on
a décidé, à la place, de faire une conférence de presse pour dénoncer le
fait qu'il n'y avait pas de groupes citoyens. Le lendemain de la conférence de presse,
on a eu une invitation.
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Je
veux juste spécifier que c'est une consultation particulière sur des listes
déjà établies par l'Assemblée nationale. M. le député de Repentigny.
M.
McKay : Oui. Bien,
on pourrait expliquer à M. Huard comment ça fonctionne, mais enfin le fait
est qu'il reconnaît qu'il n'avait pas fait de demande et qu'à partir du moment
où il y a des gens qui se sont désistés… Parce que c'est comme ça que ça
marche, ça fonctionne sur toutes les commissions, que, lorsqu'il y a des désistements, bien, à ce moment-là, les gens qui ont fait des demandes et qui n'ont pas pu être entendus,
bien, ces gens-là, naturellement,
sont contactés par le personnel de la commission sur recommandation des leaders
des groupes parlementaires.
Et votre député aurait pu vous l'expliquer très
simplement, ce qui aurait évité de faire des interventions politiques dans un
débat où vous souhaitez… Et je vous encourage… j'encourage M. Huard à
aller dans ce sens-là, Mme la Présidente, je
l'encourage, lorsqu'il représente des comités de citoyens, ce qui est excellent
et très bien, de s'assurer qu'il le
fasse d'une façon non partisane parce que c'est probablement la meilleure façon
de faire… mais c'est à lui de le juger,
puis c'est à ces comités-là de le juger, mais la meilleure façon de faire
valoir son point de vue auprès de l'ensemble des groupes parlementaires.
Parce que c'est de ça dont il s'agit lors de ce mandat en particulier de la
commission, c'est d'essayer d'établir, là,
un consensus le plus large possible, et c'est ce qui va faire en sorte qu'on
pourra le mieux faire valoir les intérêts des citoyens et des citoyennes
du Québec, alors que, si on en fait un débat partisan, bien, on va avoir beaucoup de… je pense que notre position
serait affaiblie devant le gouvernement fédéral. Alors, ayant précisé
cela, je n'aurais pas d'autre question.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Parfait. Du côté de la partie gouvernementale, pas d'autres questions? Merci
beaucoup. M. le député de Laurier-Dorion.
M.
Sklavounos : Merci,
Mme la Présidente. Alors, je souhaite la bienvenue à M. Huard, de la
Coalition Vigilance Oléoducs. Il nous fait plaisir de vous avoir,
M. Huard. Vous êtes un citoyen, et moi, je pense qu'à chaque occasion qu'on puisse avoir l'occasion d'entendre
un citoyen on devrait le faire. Votre appartenance politique, vos
opinions politiques ne m'intéressent pas. Moi, je représente des gens de ma
circonscription de Laurier-Dorion. Il y a plusieurs de ces gens-là qui ont voté pour Québec solidaire, pour le Parti
québécois, je les représente. Je ne trouve pas ça pertinent, votre
allégeance, votre… Moi, ce qui m'intéresse, c'est vos opinions, c'est le fait
que vous êtes présent aujourd'hui. C'est vos opinions que je veux entendre, et
je ne veux pas passer du temps à poser des questions sur vos allégeances et
comment vous avez voté, je trouve ça pas pertinent. Je trouve qu'en autant que
vos propos sont sur le sujet, qu'on a l'obligation de vous entendre, vous êtes
un citoyen.
Ceci
étant dit, j'aimerais juste poser certaines questions. Vous avez parlé de la
couverture d'assurance de 1 milliard de dollars que vous suggérez, on l'a entendu ailleurs. Pour vous, est-ce
que c'est une couverture d'assurance ou plutôt un fonds
de prévoyance? Comment, selon vous, on devrait essayer de mettre en place ce
mécanisme pour pouvoir, en cas de déversement, en cas d'accident, compenser des
citoyens, des localités?
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Monsieur.
M. Huard
(Olivier) : Je n'ai pas parlé d'assurance, j'ai parlé de fonds de
prévoyance. On s'est basé sur les impacts financiers de la catastrophe de Kalamazoo,
on a regardé aussi les fonds insuffisants qui étaient disponibles pour Lac-Mégantic, donc on s'est dit que, dans le fond, ce serait une somme jugée suffisante dans le cas d'un
déversement majeur. Mais ce n'est pas une assurance.
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Merci. M. le député de Laurier-Dorion.
M.
Sklavounos :
En même temps, ce qui nous a été soulevé comme bénéfice de cette approche-là,
c'est que l'argent pourrait parvenir, se rendre aux citoyens plus rapidement,
alors qu'une couverture d'assurance nécessiterait possiblement des litiges qui
prennent du temps. C'est ce qui nous a été dit par d'autres intervenants.
J'aimerais
aussi vous poser une question. L'information nous est parvenue au niveau de la
MRC de Vaudreuil-Soulanges. Je sais que, par le passé, il y a eu… Et
vous n'êtes pas le premier à nous dire que des municipalités ont eu certaines difficultés
au niveau de la communication, au niveau des plans d'urgence. Je ne sais pas si
vous étiez au courant, on m'a avisé qu'en réponse à une demande de la MRC de
Vaudreuil-Soulanges, qui est évidemment touchée particulièrement par le
pipeline, qu'Enbridge a organisé une rencontre le 11 décembre avec les 23
maires de la MRC pour transmettre de
l'information sur les plans d'intervention d'urgence d'Enbridge. Je me demande
si c'est parvenu aux oreilles des citoyens. Est-ce que c'est quelque
chose dont vous avez été informé ou c'est quelque chose que vous apprenez ce
soir?
La
Présidente
(Mme Bouillé) : M. Huard.
M. Huard (Olivier) : Bien, on sait que les actions d'Enbridge se sont multipliées dans les
derniers mois. Si les critiques que nous formulons ont un impact, je
m'en réjouis. Cela dit, le pipeline a 38 ans, ça aurait été bien que ce
genre de rencontre là se fasse avant ou plus fréquemment. Mais je suis très
heureux que la sécurité augmente dans nos communautés.
La
Présidente
(Mme Bouillé) : M. le député de Laurier-Dorion.
M.
Sklavounos : Ceci étant dit, je veux aussi reprendre une
partie de ce que vous avez dit. Vous savez que, nous, ça fait longtemps qu'on parle d'une consultation au
niveau québécois. Le ministre de l'Environnement — et vous l'avez dit de votre façon — ça fait longtemps qu'il a fait miroiter des
consultations. On se retrouve aujourd'hui un petit peu pris par le temps parce qu'évidemment l'Office national de
l'énergie va remettre son rapport début 2014. On a organisé des travaux,
ça se fait assez rapidement. On est censés
produire un rapport, selon la motion qui a été votée, pour le 6, pour
vendredi. Alors, c'est peut-être pour cette raison-là qu'à un moment donné on
vous aurait répondu qu'il n'y avait pas de place.
Je pense, par contre,
que, si le gouvernement avait agi plus tôt en organisant plus tôt ces
consultations-là, alors que le ministre en parlait beaucoup, mais il a attendu
un petit peu à la dernière minute, juste avant la fin de la session, peut-être qu'on aurait pu entendre
davantage de citoyens. Alors, sur ce point-là, je vous entends, je vous
comprends et je vous dirais même que je suis
d'accord avec vous. Ça ne veut pas dire que je partage tout ce que vous avez dit
ou tout ce que vous pensez, mais
simplement, à ce niveau-là, démocratique, je vous donne raison. Je pense qu'on
aurait pu faire mieux, on aurait pu
prendre plus de temps, on aurait pu commencer plus tôt. Et, comme j'avais dit à
quelques reprises, je pense qu'on aurait dû aller aussi devant l'Office
national de l'énergie, même s'il y a plein de critiques à formuler, puis j'ai
entendu des critiques formulées, parce qu'on a la tribune. N'importe quelle
tribune, il faut en profiter, je pense, au niveau de ces questions-là.
J'ai proposé, en
début des consultations, une unité de vigilance. C'est une proposition que
j'avais faite au gouvernement. Le but de
l'unité… D'abord, la composition de l'unité de vigilance — et j'ai dit tout de suite qu'elle
n'était pas dessinée, je voulais vous
entendre, entendre les citoyens, entendre les municipalités, les représentants
des municipalités — je voyais ça un petit peu comme suit. On
allait essayer de réunir le ministère des Ressources naturelles, le ministère du Développement durable, l'Office
national de l'énergie, qui a le bâton dans le dossier — on s'entend tous pour dire qu'ils ont
le bâton — Enbridge,
et c'était le but… Et dernièrement on commence à réfléchir, évidemment, au MAMROT, le ministère responsable des Affaires
municipales, parce que nous entendons beaucoup de municipalités qui
veulent avoir un rôle à jouer. Et cette unité de vigilance aurait comme mandat
de recueillir les renseignements, suivre le
dossier, faire une surveillance avec l'expertise que nos ministères ont, les
représentants de ces ministères, et que cette information serait transmise aux citoyens, aux populations touchées et
qui permettrait d'avoir une mesure de transparence qui, de l'aveu de plusieurs, est quelque chose qui
manque ou qu'on aurait pu faire mieux dans le dossier. J'aimerais vous
entendre là-dessus. Est-ce que vous verrez d'un bon oeil la mise sur pied d'une
telle unité de vigilance?
La
Présidente
(Mme Bouillé) : M. Huard.
M. Huard
(Olivier) : Bon, c'est une
longue question. Au début, vous parliez de la commission parlementaire.
Je voudrais rappeler que, pour nous, la
COVO, l'Office national de l'énergie n'est pas crédible. La commission
parlementaire, c'est
insuffisant. Nous, nous voulons une étude indépendante, crédible, et rigoureuse,
et publique. C'est ça qu'on veut. Donc,
la commission parlementaire, entre nous, si elle est plus longue, elle reste
insuffisante parce que ça prend les experts et ça prend des travaux
devant public.
Maintenant,
pour la deuxième partie de votre question, bon, nous, on aimerait avoir des résultats concrets en tant que
citoyens. Donc, je pense que les structures en place sont capables de faire déjà
ce que vous proposez. Il suffit de leur
donner les moyens d'intervenir puis de leur donner plus d'information. Il suffit de les bonifier, en fait. Je ne peux pas parler de votre projet. Ça me semble bien, mais je
sais qu'il y a déjà… Tu sais, déjà, informer les pompiers
volontaires, comme j'ai dit, de quoi faire en cas de déversement de pipeline,
ce sera déjà un début.
• (22 h 20) •
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Merci. M. le député de Laurier-Dorion.
M.
Sklavounos : La
raison pour laquelle… Et je vais poursuivre un petit peu cet échange avec vous,
parce que — et
nous l'avons avoué autour de la table — on
est des députés, on apprend en faisant ces travaux-là. J'ai même qualifié cet exercice-là un petit peu comme un exercice d'acceptabilité sociale, en quelque sorte, parce qu'évidemment nous n'avons
pas tous… Notre collègue de Repentigny a quand même une certaine expertise
qu'on pourrait appeler expertise. Il a
une expérience dans le domaine, il écrit à ce niveau-là également. Mais c'est
pour cette raison-là qu'on proposait ces représentants des ministères.
Évidemment, c'est non partisan. Il y a une expertise qui est concrète, qui
existe à l'intérieur de ces ministères-là. C'est des représentants neutres,
apolitiques qui regarderaient la question avec toute la distance nécessaire et
qui permettraient d'alimenter les populations locales avec des renseignements
qui seraient contrevérifiés. Ça ne viendrait pas simplement d'Enbridge, il y
aurait l'Office national, il y aurait le ministère des Ressources naturelles…
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
En terminant.
M.
Sklavounos :
…il y aurait le MAMROT, et c'est pour cette raison-là qu'on propose cette
structure-là. Mais il ne reste pas de temps pour une réponse, hein, dans
le fond?
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
C'est terminé.
M.
Sklavounos :
En tout cas, je vous remercie. On aura certainement d'autres occasions de
pouvoir échanger. Merci beaucoup de votre présence.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Merci. M. le député de Drummond—Bois-Francs.
M.
Schneeberger :
Oui. Merci, Mme la Présidente. Vous, vous mentionnez dans votre petit feuillet
que… vous dites, entre autres, que
c'est mauvais pour l'économie, que la ligne 9 ne créera que trois emplois
permanents. On s'entend là-dessus, ce
n'est pas une très grande création d'emplois, mais ce n'est quand même pas
négatif. Par contre, tout à l'heure, ParaChem nous mentionnait que, si
cela ne créerait pas des emplois supplémentaires, ça maintiendrait surtout les
emplois déjà existants. Est-ce que, ça, vous prenez ça en considération dans
votre approche?
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
M. Huard.
M. Huard
(Olivier) : Bien, en fait,
c'est ça, c'est qu'on parle beaucoup des jobs depuis que… je suis témoin
depuis ce matin. En fait, nous, c'est que
c'est un secteur qui est à risque, qui est même nocif pour l'environnement et
qu'on veut garder pour des jobs, donc, pour des emplois. Nous, la
question qu'on pose, c'est : Combien d'emplois ne sont pas créés parce qu'on ne stimule pas assez le secteur
des énergies vertes et des énergies renouvelables? Je pense que ce qui
serait bien, comme les autres industries nocives, ce serait de voir à une
transition pour diminuer ce secteur d'emploi, de
transférer ces emplois-là vers des emplois plus verts. Et, quand on parle de
transition, on ne parle jamais de demain matin. Quand on parle… Je pense
que, par exemple, Gentilly, ça va se faire sur plusieurs années, les gens vont
avoir le temps de prendre leur retraite, ils
vont avoir le temps de… Tu sais, on va avoir le temps d'aménager les emplois
des gens. Donc, ça peut se faire de la même
façon avec l'industrie pétrolière. Le temps qu'on électrifie les transports,
par exemple, on va avoir encore besoin de pétrole, mais il faut
commencer maintenant pour diminuer maintenant.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
M. le député de Drummond—Bois-Francs.
M.
Schneeberger :
Bien, à ce que je sache, je pense qu'actuellement, là, le gouvernement du
Québec, peu importe le parti, a fait tout…
Je pense qu'on est tous pour ça, de faire des efforts environnementaux. Il n'y
a pas personne qui s'oppose, ici, à faire ça. Maintenant, c'est que la
réalité fait en sorte qu'encore aujourd'hui on a encore besoin de pétrole, malheureusement. Et puis, moi, ce que je
voudrais savoir… C'est qu'il y a beaucoup de groupes comme vous… On
parle d'approche environnementale, je suis tout à fait là-dessus, mais la
réalité fait en sorte qu'encore aujourd'hui le pétrole, on en a besoin, et puis que ce soit… surtout pour l'asphaltage
de nos routes. Le bitume, ça vient directement du pétrole. Alors, est-ce que vous, vous proposez des
alternatives pour… Mettons que je parle du bitume pour l'asphalte de nos
routes, là, proposez-vous une alternative qui est viable au niveau financier
quand on connaît surtout, ici, notre déficit actuellement? Je vous écoute
là-dessus.
La
Présidente
(Mme Bouillé) : M. Huard, en 10 secondes.
M. Huard
(Olivier) : Bien, comme j'ai
précisé, on n'est pas des experts techniques. Tout ce qu'on voit, c'est
un foisonnement de recherches scientifiques de tous les genres, plein de
découvertes qui ne reçoivent pas le financement adéquat parce qu'on est dans un
système économique qui valorise le pétrole. Si on sort de ce système-là puis
qu'on va dans un système qui valorise d'autres choses, ces recherches-là vont
être financées adéquatement.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Merci. M. le député de Mercier.
M. Khadir : Merci, Mme la Présidente. Je
profite un peu de mon temps pour souligner l'intervention très noble,
empreinte de noblesse, du député de Laurier-Dorion, qui a permis de recentrer
l'attention de la commission sur la vraie
nature de la participation de M. Olivier Huard, c'est-à-dire comme citoyen
qui est préoccupé par ce que… qui vient traduire ici les préoccupations d'un groupe de citoyens le long du
trajet d'Enbridge qui veulent se faire entendre et qui, en raison non pas de la commission ou de son
secrétariat, mais de la réponse reçue du bureau du ministre de
l'Environnement, ont été conduits à penser de manière erronée qu'il était
préférable qu'ils ne demandent même pas à être entendus, ne laissant donc
aucune trace dans les travaux de l'Assemblée.
J'estime que
Québec solidaire… Après vous avoir entendu, j'estime vraiment que Québec
solidaire est chanceux, doit s'estimer honoré de bénéficier de la
préférence de M. Oliver Huard, d'un citoyen qui semble très engagé dans le
milieu environnemental, et j'espère qu'à
l'avenir… En tout cas, je pense qu'à l'avenir n'importe quel parti qui jouit
de cet appui-là venant de citoyens pleinement engagés dans leur milieu qui,
gratuitement, de manière bénévole, se tapent ces
commissions, contrairement aux promoteurs qui sont grassement payés, les lobbys
qui sont grassement payés pour, ici, venir faire la promotion de leurs
projets, tout parti qui jouirait de cet appui devrait s'estimer chanceux.
Ceci étant dit, je comprends donc qu'il y a au
sein de votre comité de citoyens une réflexion sur des emplois alternatifs qui ne trouvent pas d'appui
aujourd'hui en raison de notre persistance du lobby qui s'exerce pour
maintenir notre économie dans le pétrole. Pouvez-vous nous donner quelques
exemples?
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
M. Huard.
M. Huard (Olivier) : Bien, en fait,
nous, on a beaucoup d'agriculteurs avec nous, des petits agriculteurs. Et, pour nous, un des premiers impacts du pipeline, ce
serait de perdre des terres de valeur. Dans la région de Vaudreuil, on a
des agriculteurs qui font des miracles avec des petites parcelles de terre, et
donc c'est ça qu'on n'aimerait pas voir disparaître. Parce qu'une fois que les
terrains vont être contaminés ça va être très difficile.
Après ça, comme je vous dis, nous, ce qu'on
fait, c'est que, depuis plus d'un an, on lit la littérature, on lit ce qui peut
être fait et on se rend compte aussi de tout ce qui est bloqué. Donc, je ne
peux pas vous dire exactement tout qu'est-ce
qui se passe. Nous, notre expertise, c'est auprès des citoyens, mais on sait
que, par exemple, pour l'efficacité énergétique, il y aurait énormément
de choses qu'on pourrait faire et qui libéreraient de l'électricité pour faire
autre chose pour remplacer le pétrole, justement.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Merci. Je lève maintenant la séance, et la commission ajourne ses travaux au
mercredi 4 décembre, après les affaires courantes. Merci.
(Fin de la séance à 22 h 28)