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Version finale

40th Legislature, 1st Session
(October 30, 2012 au March 5, 2014)

Tuesday, December 3, 2013 - Vol. 43 N° 38

Special consultations and public hearings to examine the acceptability for Québec of Enbridge Pipelines Inc.’s proposed project to reverse the flow of pipeline 9B eastward between North Westover and Montréal, as described in the document entitled “Inversion du flux de l’oléoduc 9B d’Enbridge”


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Table des matières

Auditions (suite)

Greenpeace

Nature Québec

Équiterre

Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA)

Regroupement national des conseils régionaux en environnement du Québec (RNCREQ)

Document déposé

Association canadienne de pipelines d'énergie

Fédération québécoise des municipalités (FQM)

Document déposé

Chimie ParaChem SEC

Stratégies énergétiques (SE)

Coalition Vigilance Oléoducs (COVO)

Intervenants

Mme Marie Bouillé, présidente

Mme Élaine Zakaïb

M. Denis Trottier

M. Gerry Sklavounos

M. Amir Khadir

M. Scott McKay

M. Luc Trudel

M. Donald Martel

M. Jean D'Amour

Mme Lucie Charlebois

M. Sébastien Schneeberger

*          M. Nicolas Mainville, Greenpeace

*          M. Patrick Bonin, idem

*          M. Christian Simard, Nature Québec

*          M. Charles-Antoine Drolet, idem

*          M. Pierre Ross, idem

*          M. Sidney Ribaux, Équiterre

*          M. Steven Guilbeault, idem

*          Mme Brigid Rowan, idem

*          M. André Bélisle, AQLPA

*          Mme Sophie-Anne Legendre, idem

*          M. Alexandre Turgeon, RNCREQ

*          M. Philippe Bourke, idem

*          M. Philippe Reicher, Association canadienne de pipelines d'énergie

*          M. Jim Donihee, idem

*          M. Yvon Soucy, FQM

*          M. Farid Harouni, idem

*          M. André Brunelle, Chimie ParaChem SEC

*          M. Dominique Neuman, SE

*          M. Olivier Huard, COVO

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Dix heures quatre minutes)

La Présidente (Mme Bouillé) : À l'ordre, s'il vous plaît! Je déclare la séance de la Commission de l'agriculture, des pêcheries, de l'énergie et des ressources naturelles ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

La commission est réunie afin de procéder aux consultations particulières et auditions publiques en vue d'étudier l'acceptabilité pour le Québec du projet proposé par Enbridge Pipelines sur le renversement vers l'est du flux de l'oléoduc 9B situé entre North Westover et Montréal décrit notamment dans le document intitulé Inversion du flux de l'oléoduc 9B d'Enbridge.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, Mme la Présidente. M. Goyer (Deux-Montagnes) est remplacé par M. Therrien (Sanguinet); M. Billette (Huntingdon), par Mme Boulet (Laviolette); M. Paradis (Brome-Missisquoi), par M. Sklavounos (Laurier-Dorion); et M. Martel (Nicolet-Bécancour), par M. Bonnardel (Granby).

Auditions (suite)

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci beaucoup. Ce matin, nous recevons les représentants de Greenpeace, de Nature Québec et d'Équiterre. Je souhaite la bienvenue aux représentants de Greenpeace. Vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Je vous demande aussi, au début, de vous présenter, s'il vous plaît. La parole est à vous.

Greenpeace

M. Mainville (Nicolas) : Merci. Merci, Mme la Présidente. Représentants du gouvernement, des partis d'opposition, c'est un plaisir d'être ici. Mon nom est Nicolas Mainville. Je suis directeur de Greenpeace au Québec, accompagné d'une chaise vide qui va se remplir bientôt, M. Patrick Bonin, qui va se joindre à moi dans quelques instants, donc, représentant de Greenpeace, effectivement, et c'est un plaisir pour nous de venir vous parler aujourd'hui.

Il y a huit ans exactement, jour pour jour, le 3 décembre 2005, il y avait 45 000 personnes dans les rues de Montréal lors de la COP 11, si vous vous rappelez bien, qui demandaient au Québec et au Canada de jouer le rôle de leader en termes de lutte aux changements climatiques. On se retrouve aujourd'hui, huit ans plus tard, avec une demande d'une compagnie controversée, qui est Enbridge, pour inverser son pipeline pour apporter du sable de l'Ouest canadien vers le Québec. Aujourd'hui, Greenpeace veut s'adresser à la commission avec un message très clair. Nous demandons à la commission de rejeter le projet d'Enbridge pour quatre raisons principales.

La première, c'est que ce projet va augmenter significativement les émissions de GES, de gaz à effet de serre, d'un point de vue planétaire, donc va permettre l'expansion des sables bitumineux. Et donc, en ouvrant la porte à cette inversion, le Québec cautionnerait une augmentation massive des émissions de gaz à effet de serre. Deuxième point, c'est qu'en acceptant ce projet on pourrait augmenter significativement les émissions et les autres polluants, donc les GES et les autres polluants en provenance des raffineries du Québec. Autre point très important, ce projet comporte d'immenses risques, des risques élevés de déversement, et, évidemment, des déversements impliquent des risques à la santé des gens et, évidemment, des coûts significatifs qui sont associés à ça. Finalement, notre quatrième point que l'on veut présenter aujourd'hui, c'est qu'il y a très peu de bénéfices pour les Québécois comparativement aux risques que ce genre de projet peut engendrer. Donc, les bénéfices, on les voit pour les producteurs et les raffineurs de produits pétroliers, mais très peu pour la population québécoise.

Donc, un des points qu'on veut mentionner, la première des choses, c'est que produire du pétrole à partir des sables bitumineux n'est pas la même chose que de produire du pétrole ailleurs sur la planète. Le pétrole des sables bitumineux est définitivement le pétrole le plus sale de la planète, très controversé. La revue Nature, d'ailleurs, publiait en 2013, cette année, un bilan des émissions de gaz à effet de serre provenant de l'ensemble du cycle de vie, et, d'un point de vue production seulement de pétrole provenant des sables bitumineux, on parle de trois à quatre fois plus de gaz à effet de serre qu'un baril provenant de sources conventionnelles. Donc, ça, c'est un point qu'on ne peut éviter, qu'on ne peut abandonner. Donc, lorsqu'on parle d'arrivée du sable bitumineux au Québec, on parle de cette réalité qui est l'augmentation des émissions de GES directement associée à la production comme telle.

Un autre des points importants, c'est qu'on a, évidemment, un mixte qui est proposé d'inclusion de pétrole provenant de l'Ouest canadien. Est-ce que ce sera 100 % du pétrole des sables bitumineux? Est-ce que ce sera la moitié, le quart? Ce qui est clair, c'est que d'accepter l'entrée du sable bitumineux dans ce pipeline, on parle d'augmentation significative de GES. Et donc, si 100 % du pétrole qui rentre dans la ligne 9B est directement en provenance des sables bitumineux, on parle d'une augmentation d'un peu plus de sept mégatonnes de GES par année, donc l'équivalent d'environ 10 % des GES du Québec. Ça, c'est, évidemment, au niveau planétaire. Si c'est 50 % des sables bitumineux qui rentrent dans ce pipeline-là, on parle d'environ 5 % des GES en termes d'augmentation planétaire. Ça, c'est l'équivalent de deux à quatre fois le projet du Suroît, qui a été bloqué ici, au Québec, justement parce qu'on considérait que la lutte aux changements climatiques était prioritaire et qu'il ne fallait surtout pas accepter ce genre d'augmentation là.

Un des points qui est extrêmement préoccupant, c'est, évidemment, la santé des gens. On va parler de santé point de vue risque de déversement, mais on va parler aussi de santé provenant des émissions de polluants, donc provenant des raffineries au Québec. Le raffinage, en passant d'un pétrole léger à un pétrole lourd, va provoquer une augmentation des émissions de polluants et des GES. On sait que Suncor a annoncé qu'il voulait augmenter sa capacité de raffinage. On parle de 220 millions de dollars de projet de croissance de raffinerie, dont une unité de cokéfaction qui est mentionnée, déjà bien mentionnée dans les médias. Donc, ce pétrole, qui est plus lourd, entraîne, comme je disais, plus d'émissions de gaz à effet de serre, mais aussi la libération de polluants importants pour la santé des gens ici, au Québec, mais dans la ville de Montréal, donc les NOx, les SOx, les composés organiques volatils, et autres.

Patrick arrive, donc je vais lui laisser la parole. Je continuais, donc tu peux prendre le relais sur l'aspect qualité de l'air.

• (10 h 10) •

M. Bonin (Patrick) : Bonjour, Mme la Présidente. Mme la ministre, membres du gouvernement et de l'opposition, bonjour. Désolé pour mon retard. Je pense que c'est un peu représentatif de ce type de consultation rapidement lancée, avec des délais très serrés, où on se retrouve tous à avoir des défis majeurs.

Évidemment, on vous a fait parvenir notre rapport, qui est conjoint avec l'AQLPA, Greenpeace, AQLPA, qu'on a publié au niveau du pétrole et l'arrivée du pétrole lourd au Québec, dans lequel vous avez une panoplie d'informations. La présentation se résume essentiellement sur la question des gaz à effet de serre d'un point de vue mondial, enjeu du raffinage à Montréal, comme vous l'avez vu.

On va passer maintenant sur d'autres enjeux. Également, au niveau des ruptures, vous allez en entendre parler également cet après-midi, Richard Kuprewicz, qui est un spécialiste, expert reconnu international au niveau de la sécurité des pipelines, qui a produit un rapport pour une coalition d'ONG, donc Équiterre présentera ce rapport plus en profondeur cet après-midi. Mais la conclusion essentielle à retenir par ce spécialiste qui est allé à l'Office national de l'énergie, c'est que le projet présente un risque de rupture élevé dans les premières années de l'inversion. Donc, c'est certain que, quand on a ce type de rapport là, il y a matière à s'inquiéter, il y a matière à fouiller la question et à voir comment se fait-il qu'un expert en arrive à cette conclusion-là.

Évidemment, quand on parle du projet, il y a des bénéfices qui sont vantés par l'industrie, essentiellement par les raffineries. Ce qu'il faut voir, c'est qu'en cas de déversement, évidemment, ça va être la population du Québec tout le long du pipeline, également la population de Montréal — on parle quand même de centaines de milliers de personnes — qui verrait son eau potable à risque. L'évaluation qui a été faite par The Goodman Group, qui sont des spécialistes en environnement… Et vous aurez la chance, encore une fois, cet après-midi, d'avoir Mme Brigid Rowan, qui, normalement, devrait se présenter, qui est du Goodman Group. Elle devrait se présenter avec Équiterre, qui est coauteur de ce rapport-là où ils évaluent le coût d'un déversement — et, encore une fois, gardez en tête qu'un coût, c'est relatif, là — qui peut varier de 1 milliard jusqu'à 10 milliards. Pourquoi? Essentiellement parce qu'on est dans la zone la plus habitée du Québec — même chose au niveau de l'Ontario — et parce qu'il y a des centaines de milliers de personnes, encore une fois, dont l'eau potable dépend de la qualité de cette eau-là.

Évidemment, quelques bénéfices qui sont concentrés aussi. À garder en tête que, si tous les risques, c'est la population qui devra les assumer, les bénéfices seront concentrés essentiellement pour les raffineurs et pour les producteurs de sables bitumineux, producteurs de pétrole de schiste également. Il n'y aura pas de baisse de prix à la pompe. Il y aura aussi à peine quelques emplois qui seront créés. Donc, c'est certain qu'on nous fait miroiter un projet, alors qu'au niveau économique les retombées ne sont pas nécessairement de cette ampleur-là.

Donc, évidemment, Greenpeace est très clair là-dessus, qu'on doit rejeter ce projet-là pour les quatre raisons qu'on vous a présentées. Et c'est certain que ce qu'on maintient encore une fois, c'est que — et avec tout le respect que nous avons pour le travail que vous faites et l'importance du travail que vous faites — ceci n'est pas une évaluation environnementale comme le Québec est habitué d'en avoir, avec un promoteur qu'on peut questionner, avec une étude d'impact qu'on peut avoir, qu'on peut challenger également, avec des gens à qui on peut poser des questions et, surtout, avec des experts qui ont le temps d'aller de fond en comble au niveau de la problématique pour l'analyser. Donc, il est certain qu'on est dans une situation où on veut aussi qu'il y ait une contre-expertise indépendante de ce qu'Enbridge a avancé ici, de ce que les autres ont avancé également. Essentiellement, Enbridge au niveau de la canalisation, et le gouvernement, en ce sens, était censé faire une expertise indépendante au niveau des données d'Enbridge. On espère que cette expertise-là sera faite. Évidemment, c'est difficile, selon nous, de pouvoir se positionner là-dessus tant qu'il n'y a pas une véritable évaluation indépendante qui se fait à partir d'une expertise indépendante.

D'une manière ou d'une autre, ce qui est certain, c'est que le gouvernement s'est donné comme objectif de réduire la consommation de pétrole de 30 % d'ici 2020. Donc, d'une manière ou d'une autre, on devrait voir la consommation de pétrole diminuer au Québec. Pas juste parce que c'est un objectif du gouvernement, mais parce que c'est une nécessité et une réalité mondiale qu'on doit réduire les émissions de gaz à effet de serre. Parce que je pense que vous avez déjà entendu parler de l'urgence des changements climatiques, et donc on devrait avoir moins de pétrole consommé au Québec, mais aussi on devrait s'assurer que le Québec choisit les pétroles les moins polluants. Choisir les pétroles les moins polluants, ça veut dire que c'est regarder l'ensemble du cycle de vie, comme Nicolas l'a présenté, de la production en passant par le transport jusqu'à la consommation finale. Et, malheureusement pour l'Alberta, le pétrole des sables bitumineux est catégorisé comme le pétrole le plus polluant par la revue Nature, et il y a plein d'États à travers le monde qui s'en vont dans l'autre direction — que ce soit la Californie, la Colombie-Britannique — de choisir les pétroles les moins polluants.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci beaucoup pour votre présentation. Nous allons maintenant procéder à la période d'échange avec les membres de la commission en débutant par la partie gouvernementale. Mme la ministre, la parole est à vous.

Mme Zakaïb : Merci, Mme la Présidente. Je remercie les gens de Greenpeace d'être ici avec nous aujourd'hui. M. Mainville, M. Bonin, bienvenue à l'Assemblée nationale. J'ai pris connaissance de votre mémoire et de votre allocution. Il me semble qu'il y a certains points un peu exagérés dans ce que vous dites, et j'aimerais qu'on en discute ensemble. Vous nous dites qu'il n'y a pas de retombées économiques de ce projet-là. Vous semblez calculer les retombées économiques seulement sur les emplois additionnels qui seraient éventuellement créés. Quant à nous, quand on parle de retombées économiques, les emplois qui existent présentement sont importants, les emplois qui existent aujourd'hui sont des emplois de qualité. Moi, mon désir dans tout ça, c'est de protéger les travailleurs et les travailleuses de l'industrie de la pétrochimie au Québec. On a perdu Shell. Le départ de Shell a été coûteux pour tout le secteur pétrochimique, pour les emplois de l'est de Montréal. Et il y a, selon les chiffres du ministère, 51 000 travailleurs, travailleuses dans le domaine de la pétrochimie, et avoir accès à des intrants au même prix que nos compétiteurs, c'est certain que ça joue dans la compétitivité des entreprises.

Maintenant, vous semblez faire fi dans votre analyse de toutes ces retombées économiques qui existent déjà. Il y a des choses qu'on peut, dans ce projet-là, questionner parce qu'on peut se dire : Peut-être qu'Enbridge ne dit pas toute la vérité. Peut-être que, les raffineries, ce n'est pas vrai qu'elles vont créer de l'emploi. Il y a beaucoup de peut-être. Mais il y a une certitude, c'est que, présentement, il y a des gens qui travaillent et que ces entreprises-là, les entreprises Suncor et Valero, ont accès à du pétrole qui vient de l'étranger plus cher que leurs compétiteurs. Et ça, selon moi, ne serait-ce que ça, c'est des retombées économiques de leur permettre, à ces entreprises-là, d'avoir accès à du pétrole moins cher pour qu'elles continuent de se développer parce que les investissements mondiaux se font nécessairement dans les endroits où les compagnies font le plus d'argent. Ça, c'est évident. Ni vous ni moi, on ne va changer ça, c'est comme ça que ça fonctionne.

Alors, là-dessus, j'aimerais vous entendre parce que, nulle part dans votre exposé, on ne parle de ces travailleurs qui seraient touchés si on fragilise l'industrie pétrochimique au Québec.

La Présidente (Mme Bouillé) : Messieurs de Greenpeace.

M. Bonin (Patrick) : Volontiers. Merci pour la question. Il y a une nécessité qui s'appelle de faire une transition d'un modèle économique non viable vers un autre modèle économique. Actuellement, il y a une réalité que les changements climatiques sont causés par les émissions de gaz à effet de serre, et les industries qui en sont responsables, et tous les humains à travers la planète. Ce qu'on a comme projet qu'on nous propose, c'est d'aller dans le sens contraire de la vision qu'on doit se donner au Québec. C'est qu'au lieu de diminuer notre empreinte environnementale on est en train de vouloir l'augmenter de l'ordre de 20 % au niveau des émissions de gaz à effet de serre, 20 %, alors que le Québec n'est même pas sur la bonne voie pour atteindre ses objectifs en 2020, alors que le gouvernement n'a même pas un nouveau plan de lutte aux changements climatiques et qu'il a encore le plan que les libéraux avaient à l'époque. Et là on voudrait, en plus, rajouter et renforcer une industrie qu'on devrait aider à faire une transition rapide pour, justement, se sortir de ça parce qu'on sait qu'il n'y aura pas d'emplois sur une planète brûlée, on sait qu'il n'y a pas de bonnes jobs si on s'en va vers les changements climatiques catastrophiques, et le Québec a un rôle à jouer là-dedans.

La réalité est aussi qu'il y a une transition à faire. Et, ces industries-là, on ne peut pas les soutenir, c'est comme si on voulait soutenir une industrie qui émet du poison. C'est ça, les émissions de CO2. Au niveau mondial, il y a des gens qui meurent à cause de ça. Donc, on ne peut pas soutenir ce type d'industries là indéfiniment. Si le gouvernement ne voit pas venir l'importance d'une transition, c'est parce qu'on n'est pas sérieux dans la lutte aux changements climatiques.

• (10 h 20) •

M. Mainville (Nicolas) : Peut-être un point à rajouter, c'est que, si on parle de développement économique, il faut parler aussi des coûts environnementaux qui sont associés à ça. Lorsqu'on regarde les déversements qui se sont passés dans la rivière Kalamazoo, par exemple, on parle de plus de 1 milliard de coûts pour le nettoyage de ce genre de déversement là. La question du pipeline d'Enbridge n'est pas s'il va y avoir un déversement. La question, c'est où et quand, et donc est-ce que nous, comme société, on est prêts à accepter ce risque-là et d'imposer aux générations futures ce genre de risque là en acceptant cette inversion-là. C'est un pipeline qui a 38 ans d'existence, qui est déjà vieux, qui est risqué pour la santé et pour l'environnement, et ce qu'on dit, que oui, il y a peut-être certains avantages économiques, mais ils sont loin de faire le poids comparativement aux risques environnementaux et aux risques économiques qui sont associés à des potentiels déversements et à la pollution qui sont associés à ça.

La Présidente (Mme Bouillé) : Mme la ministre.

Mme Zakaïb : Merci, Mme la Présidente. Quand vous parlez d'augmentation de 20 % des gaz à effet de serre, j'imagine que c'est basé sur le fait que vous prenez pour acquis que, dans ce pipeline, ce seront des sables… du pétrole qui provient des sables bitumineux qui sera acheminé.

La Présidente (Mme Bouillé) : Messieurs.

M. Bonin (Patrick) : Bien, je pense que les promoteurs ont été très clairs sur cet aspect-là, il y aura du pétrole des sables bitumineux et il y aura du pétrole de schiste dans une proportion qui... je ne sais pas si vous avez eu la chance de la savoir, que, malheureusement, je n'ai pas et qu'il n'y a personne qui a été capable de répondre à cette question-là.

Mais ce qu'il faut faire absolument, c'est ne pas mélanger pétrole de sables bitumineux, et pétrole léger, et pétrole lourd. Parce qu'on peut avoir du pétrole léger qui arrive à Montréal qui est du pétrole des sables bitumineux, mais qui a été raffiné en partie, qui a été valorisé dans l'Ouest canadien et qui fait que, d'un point de vue mondial… Et c'est ce qu'on explique quand on regarde l'ensemble du cycle de vie, c'est que, d'un point de vue mondial, ça va être un pétrole plus polluant. Et actuellement, au Québec, on a un pétrole bien moins polluant. On a un petit peu de pétrole lourd qui vient de l'étranger, dont, en effet, il faudrait rapidement se départir, comme la Californie se donne des objectifs de réduire la teneur en carbone. Mais il ne faut pas mélanger le fait que Suncor est un producteur de sables bitumineux, qu'il veut lui-même se vendre aussi du pétrole et que ça se peut qu'il l'envoie sous forme de bitume dilué, de pétrole lourd, de mélange de bitume et de pétrole synthétique ou de pétrole léger. Mais, sur l'ensemble du cycle de vie, ce seront les mêmes émissions, c'est juste qu'il y a une partie du raffinage qui va avoir été fait dans l'Ouest canadien, et c'est là qu'il y a une différence.

Et, quand on parle de pétrole de schiste, oui, il y aura du pétrole de schiste. Pour combien de temps? Je ne le sais pas. Mais il faut garder en tête aussi que c'est un pétrole non conventionnel qui a énormément d'émissions de méthane, et c'est un des gaz principaux au niveau des émissions de gaz à effet de serre. Donc, on est rendu dans du pétrole non conventionnel sur toute la ligne, que ce soit pétrole de schiste… Et sables bitumineux, c'est encore pire, et ça, c'est clair au niveau des analyses de cycles de vie. Et la Californie est rendue à faire ça, l'Union européenne a sur la table un projet qui vise à s'approvisionner de pétrole de moins en moins polluant, et là le Québec s'en irait dans l'autre direction.

La Présidente (Mme Bouillé) : Mme la ministre.

Mme Zakaïb : Il y a un point sur lequel on est tous d'accord, il faut que le Québec prenne le virage de l'électrification des transports. Maintenant, on parle tous d'une période de transition pendant laquelle nos voitures vont continuer, en partie, de fonctionner à l'essence, nos transports en commun, pour certains autobus, vont continuer de fonctionner à l'essence. Certains produits nécessitent nécessairement du pétrole. Quand on parle de composites, on veut faire des avions plus légers. Ces avions-là, généralement, se font à base de produits plastiques dans lesquels il y a du pétrole.

Maintenant, examinons l'alternative. L'alternative, si le gouvernement du Québec dit non, c'est un pipeline qui va fonctionner de l'est vers l'ouest, dans lequel il va y avoir du pétrole, qui a 38 ans d'existence, sur lequel on n'a aucun pouvoir ni de réglementation, ni d'inspection, ni de sécurité, alors que, là, on a l'opportunité de pouvoir mettre certaines conditions. On a également une raffinerie à Québec qui va s'approvisionner dans l'Ouest de toute façon mais qui va le faire par train. On a une raffinerie à Montréal qui, elle, va s'approvisionner de pays comme l'Angola, comme l'Algérie où il y a instabilité politique, mais également où j'imagine que les conditions de travail des travailleurs, que la façon de procéder est peut-être différente de ce qu'on a au Québec. Alors, on se retrouve avec un pipeline qui, selon vous, est dangereux, avec des gaz bitumineux qui vont arriver par train, dans certains cas par camion. En quoi est-ce que le Québec est dans une meilleure position avec ce scénario-là?

La Présidente (Mme Bouillé) : Les représentants de Greenpeace.

M. Bonin (Patrick) : Sur la question des produits, il est certain qu'on garde en tête, là, que plus de 70 % de la consommation de pétrole, c'est dans les transports au Québec. Donc, à la base, la part du lion, elle est dans les transports, et, vous l'avez déjà mentionné, le gouvernement, entre autres, a l'intention, semble-t-il, de réduire la consommation de pétrole dans les transports. Évidemment, on pense qu'il y a beaucoup de choses à faire là-dedans, et je pense que vous connaissez déjà plusieurs avenues pour le faire.

Pour ce qui est des autres produits, puis là je pourrais les mentionner, mais je ne suis pas sûr qu'on veut rentrer dans les avenues, là… Si vous êtes convaincus de lutter contre les changements climatiques, je pense qu'il y a déjà une réflexion qui est amorcée, et vous devriez avoir un plan pour atteindre les objectifs d'ici 2020, on imagine. Les autres produits, on parle de bioplastique, par exemple, qui existe déjà, et, ultimement, il faut, en effet, envisager… Et là je reviens, là, c'est à peine un petit peu plus que 20 %, là, qui n'est pas dans le transport. Donc, on parle aussi de combustion également. Donc, quand on parle des produits qui restent, là, ce n'est pas vrai qu'il n'y a pas d'alternative et ce n'est pas vrai qu'on ne peut pas envisager un monde sans pétrole parce que, de toute manière, il va falloir l'envisager.

Enbridge, semble-t-il, ne voudra pas continuer à utiliser sa ligne de l'est vers l'ouest parce que les raffineries en Ontario sont maintenant alimentées avec l'inversion du pipeline. Mais la différence, c'est que ce n'est pas juste une inversion de pipeline, c'est qu'ils veulent changer le type de pétrole qu'ils veulent mettre dans le pipeline aussi. Donc, on a parlé des risques de déversement, il y a une augmentation du flux, il y a un pétrole beaucoup plus visqueux qui coule dans le fond de l'eau en cas de déversement. Et ça, on ne peut pas passer à côté de cette question-là, elle est centrale. La question du type de pétrole qui passe dans le tuyau et des risques en cas de déversement, c'est un pétrole qui coule dans le fond de l'eau, puis qu'il va falloir aller draguer littéralement la rivière pour le sortir de là, comme ils font à Kalamazoo depuis trois ans, puis qu'il reste encore 700 000 litres dans le fond de la rivière après 1 milliard d'investi. Et, si ça, ça se produit à Montréal, je ne suis pas sûr que, d'un point de vue économique, on va être vraiment gagnants.

M. Mainville (Nicolas) : Je pense que, Mme la ministre, l'aspect le plus important, c'est qu'on ne peut pas se permettre de jouer à la roulette russe avec la santé et la qualité de l'environnement. On a une compagnie qui est délinquante, qui a des immenses problèmes de déversements, une moyenne de 65 déversements par année. Est-ce qu'on veut rentrer dans ce tuyau-là un pétrole qui est plus visqueux, qui est plus corrosif et qui va augmenter les risques? Et c'est ça, la question, est-ce qu'on veut, justement, faire ce pari-là? Je crois que, comme gouvernement, vous avez la responsabilité d'évaluer ce risque-là très sérieusement et de regarder les autres alternatives aussi. Nous, on est convaincus que ce n'est pas une avenue qui est intéressante ni pour le Québec ni pour la planète.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci. M. le député de Roberval.

Mme Zakaïb : …le député de Repentigny qui voulait parler.

La Présidente (Mme Bouillé) : Ah! il avait… Je m'excuse, le député de Roberval avait déjà demandé la parole, Mme la ministre. M. le député de Roberval.

M. Trottier : Merci, Mme la Présidente. Merci, messieurs de Greenpeace. Bon, je pense que tout le monde convient que le pétrole, c'est polluant, sauf que ce n'est pas si facile que ça de s'en passer. Je peux vous dire que je fais partie de ceux qui souhaitent que, rapidement, on puisse devenir dans un monde sans pétrole. C'est ma troisième voiture hybride que j'achète, il y en a une qui est rechargeable, mais, quand je regarde… Et je me demande, ici, si je ne suis pas le seul qui a une auto rechargeable. Même, je me rappelle…

Une voix : Hybride, non, mais rechargeable, oui.

M. Trottier : …je me rappelle que l'ancienne présidente de Greenpeace était venue au Lac-Saint-Jean avec une auto ordinaire, puis ça n'avait pas l'air à la maganer. Ça veut dire que ce n'est pas si facile que ça de se passer du pétrole, et sans… Moi, je pense qu'il faut qu'on convienne de ça. Puis moi, j'ai l'impression que, si on veut se débarrasser du pétrole, il ne s'agit pas tant de dire qu'il faut empêcher l'utilisation d'un pipeline ou pas, mais de convaincre les gens que c'est un geste fondamental que de le faire. Et j'ai l'impression que c'est plus là-dessus qu'il va falloir travailler.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci. Merci, M. le député. Le temps imparti au gouvernement est fini. Donc, M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sklavounos : Merci, Mme la Présidente. Alors, je souhaite la bienvenue aux représentants de Greenpeace. M. Mainville, M. Bonin, je vous dis qu'on n'aurait pas pu envisager avoir des consultations sans vous avoir présents avec nous. Votre expertise est… Nous, ici, on essaie, en tant que parlementaires, sans avoir nécessairement l'expertise… Nous ne venons pas tous de ce milieu-là, nous ne sommes pas des scientifiques nécessairement, des ingénieurs, moi, je suis avocat. Nous cherchons à tracer une ligne… On parle de développement durable, on cherche à tracer une ligne entre le développement économique, le développement durable, la protection de l'environnement, et ce n'est pas facile pour nous, évidemment. On essaie de recueillir des informations un petit peu partout. C'est pour ça que je trouve que votre présence est importante. Moi, je suis content que vous êtes ici pour partager votre point de vue. Vous passez beaucoup plus de temps à regarder ces questions-là que nous pouvons passer, et donc je respecte beaucoup ce que vous faites, et je suis très content d'avoir l'occasion de pouvoir échanger avec vous.

J'aimerais d'abord vous poser une question au niveau de la procédure qui a eu lieu devant l'Office national de l'énergie. Je sais qu'il y a une coalition de groupes qui y sont allés, j'aimerais savoir, est-ce que votre point de vue a été représenté à l'intérieur de la coalition? Est-ce que vous vous êtes présentés vous-mêmes? Est-ce que votre opinion a trouvé écho devant l'Office national de l'énergie? Juste parce que je vois qu'il y a une coalition, mais je n'ai pas vu Greenpeace nécessairement. J'ai vu l'Association québécoise pour la lutte à la pollution atmosphérique, je pense, qui était là-dedans. Pouvez-vous expliquer simplement si votre point de vue a été entendu devant l'Office national de l'énergie?

• (10 h 30) •

La Présidente (Mme Bouillé) : MM. Bonin et Mainville.

M. Bonin (Patrick) : Vous avez tout à fait raison, Greenpeace ne faisait pas partie de la coalition des ONG. Greenpeace travaille de concert avec ces organisations-là, et c'est un choix qu'on a fait sciemment de ne pas participer à l'Office national de l'énergie parce que c'était le premier projet véritable qui allait être évalué suite au projet de loi C-38, la loi mammouth du gouvernement Harper, où il y a eu un démantèlement, entre autres, de plusieurs lois environnementales pour faciliter l'approbation des projets, que ce soit le pipeline ou de sables bitumineux, les projets énergétiques. Et c'était également un premier mandat où il y avait un mandat extrêmement restreint, extrêmement restreint dans le temps, mais aussi dans la portée et dans ce qui allait être évalué. Greenpeace, il est clair que d'un point de vue mondial… on regarde les émissions d'un point de vue mondial, les émissions de gaz à effet de serre, et le mandat de l'Office national de l'énergie ne regardait pas tout ce qui était en amont de ce pipeline-là et tout ce qui était aval.

Et là on a parlé beaucoup d'amont, mais il y a aussi l'aval dont on a parlé, dont on parle amplement là-dedans. Il y a les impacts d'avoir un changement potentiel de type de pétrole à Montréal sur la qualité de l'air dans une réalité où Montréal est la deuxième pire des villes au niveau de la qualité de l'air selon l'Organisation mondiale de la santé, où, en 2010, on ne respectait pas les standards pancanadiens au niveau des particules fines, où on était près de les dépasser au niveau de l'ozone, et là on aurait potentiellement un pétrole plus lourd, avec des investissements massifs faits par des raffineries pour en raffiner davantage, alors qu'on sait très bien qu'on devrait s'en aller de l'autre côté. Il y a aussi tous les enjeux autres qui sont la production de pétrole de coke, l'entreposage du pétrole de coke à Montréal potentiellement, l'utilisation ultime de ce pétrole de coke là, le transport par bateau entre Montréal et Québec, parce qu'il va y en avoir, du transport en bateau beaucoup plus entre Montréal et Lévis de ce pétrole-là qu'il y en a actuellement, et tous ces enjeux-là, l'Office national de l'énergie ne les regardait pas.

Et donc il était certain qu'on ne voulait pas cautionner… qu'on s'est servi de notre absence à l'Office national de l'énergie pour décrier le fait qu'actuellement… Et même Thomas Mulcair, là, M. Mulcair a dit qu'il n'a pas confiance en ce processus-là, et c'est ce pourquoi il s'oppose actuellement au projet d'Enbridge. Et regardez ce qui s'est passé, il y a eu environ 170 personnes qui ont participé à l'Office national de l'énergie, et, pour un projet similaire, Northern Gateway, en Colombie-Britannique, il y en a eu 1 500. C'est 10… en fait, c'est ça, c'est 10 fois plus. C'est quand même énorme et c'est ce pourquoi on n'a pas participé à l'office, mais on a participé de concert avec les autres organisations.

M. Mainville (Nicolas) : Peut-être juste mentionner…

La Présidente (Mme Bouillé) : Oui, monsieur.

M. Mainville (Nicolas) : …un petit point, c'est que la commission a une responsabilité immense actuellement. On considère qu'effectivement le processus de consultation au niveau fédéral a été bâclé, on a dénoncé le démantèlement des lois environnementales par le gouvernement Harper, mais c'est clair que votre responsabilité de négocier avec un projet aussi important d'un point de vue impact environnemental, impact sur la santé, c'est immense. Mais je crois qu'il y a un précédent qui est très risqué. Est-ce qu'on veut cautionner le premier projet suite à ce démantèlement des lois environnementales ici, au Québec, avec ce type de commission parlementaire là, avec tous les risques qui sont associés à ça? Donc, c'est un dangereux précédent, selon nous, qui doit, évidemment, attirer votre attention actuellement, là.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci. M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sklavounos : Je comprends très bien ce que vous dites. Vous êtes d'ailleurs un groupe de pression. Vous avez le choix de participer ou de ne pas participer, évidemment. Lorsque le forum, vous dites, manque de crédibilité, à votre point de vue, là, vous avez le droit de faire ça. Vous savez que nous, on a reproché au gouvernement de ne pas avoir participé, par exemple. Le gouvernement n'est pas un groupe de pression, c'est le gouvernement du Québec, et l'Ontario était là. Et, peu importe, nous croyons que, lorsqu'il s'agit… Parce que ça, qu'on n'aime pas le processus, c'est une chose, mais que c'est l'entité, en quelque sorte, qui a juridiction et qu'on décide, au niveau gouvernemental, de ne pas participer, nous, on a reproché ça au gouvernement. Mais je comprends votre point de vue, vous n'êtes pas le gouvernement, vous êtes un groupe de pression. Vous avez décidé de ne pas participer, et je vous comprends.

On se rejoint sur d'autres points également. Lorsque vous dites que le Québec n'a pas de plan de lutte aux changements climatiques malgré des ambitieuses cibles, c'est quelque chose d'autre que nous avons également dit. Lorsque le gouvernement était libéral, il y avait un plan. Ce n'était peut-être pas le meilleur des plans, il y avait peut-être des améliorations, mais, au moins, il y avait un plan. Et, quand il y a un plan qui est en place, on est capable de le critiquer, on est capable de le travailler, on est capable de l'améliorer. Mais, lorsqu'il n'y a pas de plan et il y a un vide, on ne sait pas. C'est beaucoup plus difficile pour des groupes comme vous et d'autres à faire des suggestions ou à aider à pousser le gouvernement dans la bonne direction.

Cette commission, évidemment… On a entendu parler de cette commission depuis bientôt un an, peut-être plus que ça. Vous êtes ici… Vous l'avez mentionné d'entrée de jeu, nous avons une petite fenêtre, nous devons rapidement vous entendre. On va se rencontrer en séance de travail jeudi, on doit avoir un rapport pour vendredi. Dites-nous, au niveau de votre préparation, au niveau de la préparation d'autres groupes, est-ce que ce délai… Vous l'avez mentionné, en quelque sorte, d'entrée de jeu, est-ce que vous ne trouvez pas, en quelque sorte, que, si, au moins, le gouvernement avait pris la décision de ne pas participer à l'Office national de l'énergie, ça aurait été beaucoup mieux de commencer ici un petit peu plus tôt, avoir le temps de vous permettre de faire vos recommandations, vos représentations, avoir le temps peut-être, possiblement, comme d'autres personnes ont mentionné, d'avoir le temps de faire quelques études indépendantes? Comment trouvez-vous ce processus? Vous avez parlé du processus de l'Office national de l'énergie, j'aimerais vous entendre sur ce processus actuel ici, à l'Assemblée nationale.

La Présidente (Mme Bouillé) : Messieurs de Greenpeace.

M. Mainville (Nicolas) : Oui. Je pense, c'est clair que le temps a manqué, mais c'est pour ça, d'ailleurs, qu'on demande qu'il y ait une évaluation environnementale crédible, indépendante qui fasse la lumière sur tout ça. C'est une responsabilité immense de commencer à gratter les réels impacts qui sont impliqués dans ce projet-là. Donc, oui, il n'y a pas eu beaucoup de temps, mais l'ensemble des groupes demandent actuellement qu'on fasse une évaluation environnementale stratégique vraiment en profondeur. Et je pense que c'est là la clé, on est dans un processus qui est limité, qui doit faire place à un autre beaucoup plus en détail.

M. Bonin (Patrick) : Et c'est certain que… C'est difficilement concevable, en fait. Comment ça se fait qu'après un an, là, on se retrouve comme ça, à la va-vite, d'avoir une commission parlementaire à la dernière minute où tout le monde est bousculé, où les citoyens sont invités deux jours d'avance, où même nous, les groupes organisés, c'est extrêmement demandant de faire ça, et de savoir que vous, vous devez vous faire une tête rapidement sur une panoplie d'enjeux? Et j'en ai mentionné plusieurs, là, qui semblent… qu'on a très peur qu'ils ne soient pas abordés, là. Pas juste le pipeline, là, c'est l'ensemble de la chose. Et même le pipeline en tant que tel, Enbridge, la Colombie-Britannique a suivi Northern Gateway, l'évaluation environnementale, ils sont arrivés avec un rapport dévastateur à la fin dans lequel ils critiquaient Enbridge, Enbridge n'ayant pas un système de réponse de classe mondiale, Enbridge n'ayant pas été capable de la convaincre qu'ils étaient capables d'intervenir correctement. Une panoplie de questions comme ça pour un gouvernement qui avait suivi et qui est arrivé à la conclusion qu'Enbridge, dans le fond, bien, on ne pouvait pas lui faire confiance, littéralement.

Donc, c'est certain que, quand vous avez Enbridge qui vient ici pendant une heure et demie et qui vend sa salade comme elle la vend très bien à toutes les municipalités le long du pipeline, à qui elle donne des cadeaux, comme elle le fait très bien dans les médias avec toutes ses belles annonces, vous êtes dans une situation où vous allez autoriser probablement un projet puis vous avez à peine effleuré l'ensemble des enjeux. Puis c'est vrai que, s'il y a un déversement, bien, c'est nous autres qui allons payer, les Québécois. Puis ce n'est pas comme si ça n'avait pas existé, Enbridge est responsable du plus grand déversement de l'histoire des États-Unis, là, le déversement pipelinier à Kalamazoo, qu'ils nettoient encore.

Et, au-delà de ça, il y a plein d'autres questions aussi. Mégantic, dans cette tragédie-là, il y a aussi des déversements de pétrole qui ont été faits. C'était un pétrole de schiste, qui est beaucoup moins lourd que le bitume des sables bitumineux qui va transiter au Québec. Et, trois mois après, nous, on est allés sur le terrain, dans la Chaudière, dans la rivière Chaudière, on est allés voir de quoi ça avait l'air, parce que le gouvernement n'avait publié aucun résultat sur c'est quoi, la contamination encore dans la rivière, et on s'est rendu compte qu'il y en avait qui dépassait des taux hallucinants de contamination. C'est des sérieuses questions, à savoir est-ce que le gouvernement, est-ce que le Québec est prêt en cas de déversement… Et là on parle de bitume lourd près de Montréal. Et, à la lumière de ce qu'on a vu, nous, sur le terrain de Mégantic… Et allez voir, là, il n'y a aucune donnée encore du gouvernement qui a été publiée sur les contaminants dans les sédiments à Mégantic, et ça fait cinq mois. Et, après trois mois, nous, on est allés, il y avait du pétrole encore. Donc, il y a plusieurs enjeux, et nous, on est inquiets.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Laurier-Dorion.

• (10 h 40) •

M. Sklavounos : Le temps commence à me manquer, je vais aller rapidement avec quelques questions. Le fait que le pétrole soit traité avant d'arriver dans le pipeline, à Fort McMurray, un premier traitement, est-ce que ça change quelque chose dans votre analyse? Si c'était traité à partir de là, il arriverait plus léger, si vous voulez. Est-ce que ça change quelque chose dans votre analyse ou non, le fait qu'il y aurait un premier traitement à Fort McMurray?

La Présidente (Mme Bouillé) : Messieurs.

M. Bonin (Patrick) : Et, on l'a dit, notre approche, elle est globale. Donc, d'un point de vue global, les émissions de gaz à effet de serre, il n'y aura pas de différence. Les émissions de polluants de tout acabit, que ce soit l'acidification, etc., il n'y aura pas de différence. Au niveau de risque de déversement, c'est un pétrole qui est moins visqueux dans le tuyau, c'est surtout un pétrole qui ne coulerait peut-être pas en cas de déversement, comme ça s'est passé à Kalamazoo. Mais, d'un point de vue global, on est tout aussi inquiets.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Laurier-Dorion, en 45 secondes.

M. Sklavounos : Deuxième question : Le fait de diminuer le transport ferroviaire, pour vous, est-ce que c'est un argument en faveur ou est-ce que vous trouvez… On comprend qu'entre Montréal et Lévis il y aura des navires, des Panamax, mais de diminuer le transport ferroviaire, est-ce que c'est un argument, ça, qui, vu la tragédie de Lac-Mégantic… c'est quelque chose qui milite ou qui ferait changer votre analyse?

La Présidente (Mme Bouillé) : Messieurs, en 20 secondes.

M. Bonin (Patrick) : Les pipelines déversent trois fois plus de litres pour la même quantité transportée que les trains. Ils déversent moins souvent, mais ils déversent davantage. Donc, c'est quand même… Il ne faut pas se mettre dans une situation : Qu'est-ce qu'on choisit, le train ou le pipeline? Non, c'est les énergies vertes ou les énergies sales…

La Présidente (Mme Bouillé) : En terminant.

M. Bonin (Patrick) : …c'est ça qu'il faut faire comme décision.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci beaucoup. M. le député de Mercier, la parole est à vous.

M. Khadir : Merci, madame. Messieurs, bravo pour votre présentation! Il y aurait, évidemment, beaucoup, beaucoup de questions à poser. J'ai compris, donc, que, pour vous, l'évaluation de l'Office national de l'énergie, au niveau fédéral, est déjà très défaillante parce qu'elle… cette évaluation ne tient pas compte de tout ce qui vient avant, de tout ce qui découle de ce passage-là, veut juste évaluer l'inversion du pipeline.

Maintenant, pour ce qui arrive à Montréal et au Québec une fois le pipeline inversé, on a appris que, quelle que soit la nature du pétrole qui arrive à Montréal, il va falloir le transporter. Au-delà des besoins de Suncor, il y a une partie qui est destinée à Valero ici, à Lévis. Et là on a appris… et ça a vraiment renversé tout le monde parce qu'Enbridge, pourtant, qui fait ça, qui a des contrats avec Valero, ne nous a pas informés que ce pétrole-là doit être transporté par d'autres moyens. Il y a les bateaux-citernes, dont la fréquence et surtout le trajet rend donc ce transport-là plus dangereux parce que c'est dans des cours d'eau plus étroits, dans la même direction que l'eau, donc moins contrôlable en termes de vitesse, en termes de déviation. Mais non seulement ça, on a appris que ça va multiplier et augmenter le transport ferroviaire parce que tout ne pourra pas être transporté uniquement par des bateaux-citernes. On a appris même que Valero est en train d'acheter des wagons. Est-ce que vous avez d'autres informations? Et est-ce qu'Enbridge, comme ça, fait le silence et tient dans l'ignorance souvent ses partenaires ailleurs qu'au Québec? Parce que, là, ça ne va pas très bien, on a vu le rapport caviardé qu'ils ont soumis à l'Office national de l'énergie, maintenant on apprend qu'ils ne nous disent même pas que Valero va avoir besoin de trains pour transporter…

La Présidente (Mme Bouillé) : MM. Mainville et Bonin, en une minute.

M. Bonin (Patrick) : Il est certain que… Et même l'Ontario et la ville de Toronto ont eu les mêmes réflexions, là, c'est très difficile d'avoir des réponses de la part d'Enbridge à leurs questions, et que ce soit au niveau de l'intervention, là, est-ce qu'ils sont capables d'intervenir correctement, est-ce qu'ils ont les capacités.

Au niveau de ce qui va se passer, c'est sûr qu'honnêtement, au niveau du train, cet aspect-là, moi, je n'en étais même pas saisi. Il y a aussi d'autres barils, là. Ce n'est pas seulement Valero et Suncor qui vont prendre les barils, il y a un autre, je crois, 25 000 barils à quelque part qu'on ne sait pas encore où il s'en va. Et tout ça, c'est la technique de saucissonner des projets pour les faire passer le plus facilement possible, et non pas d'avoir la vision globale pour les évaluer et savoir c'est quoi, l'impact réel, et, après ça, on prend des décisions avec des mesures de mitigation. Et ce n'est pas ça qu'on a vu, malheureusement, avec Enbridge, et ça doit être encore plus difficile pour vous, dans le cadre d'une commission parlementaire, d'obtenir des réponses de leur part.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci. Ceci met fin à l'échange. Donc, je vous remercie, messieurs, pour votre présentation et pour les échanges.

Je demande maintenant aux représentants de Nature Québec de prendre place et je suspends les travaux pour une minute.

(Suspension de la séance à 10 h 45)

(Reprise à 10 h 46)

La Présidente (Mme Bouillé) : Bienvenue, messieurs de Nature Québec. Nous allons donc vous entendre pour un exposé de 10 minutes, qui sera suivi d'une période d'échange avec les membres de la commission. La parole est à vous.

Nature Québec

M. Simard (Christian) : 10 minutes, c'est ça, hein? Merci, Mme la Présidente. Je suis accompagné, à ma droite, de Charles-Antoine Drolet, qui est biologiste et vice-président de Nature Québec, et, à ma gauche, par Pierre Ross, qui est recherchiste à Nature Québec. Et donc je vais d'abord, donc, vous remercier de nous écouter, même si, comme vous le savez, comme vous nous l'avez entendu dire, on pense que ce n'est pas la bonne tribune.

Vous savez, dans mon ancienne vie ou dans une ancienne vie, j'ai été moi-même député sur la scène fédérale, j'ai participé à des commissions parlementaires — des comités parlementaires, on dit à Ottawa — et j'ai été aussi des deux côtés, là, pour recevoir… C'était très intéressant pour bonifier des projets de loi, discuter, mais, pour faire l'évaluation environnementale d'un projet comme Enbridge, où le promoteur n'est pas là sur une base continue, où les experts ne sont pas là sur une base continue, il n'y a pas d'étude d'impact qui a été déposée, il n'y a pas de période d'information, période d'échange et rapport d'une commission d'enquête indépendante, donc on trouve que c'est vraiment, là, un processus... et on a été extrêmement déçus d'entendre le ministre de l'Environnement nous dire qu'il s'agissait d'une évaluation environnementale sans compromis, ce que vous faites présentement.

Quelques jours, avec un rapport remis le lendemain de vos travaux, ce n'est pas sérieux, et je vous invite à ne pas vous satisfaire vous-mêmes de ce type d'exercice là, MM. et Mmes les députés, et de demander, et d'exiger une évaluation environnementale complète sur les projets de pipelines, Enbridge et TransCanada. Éventuellement, il pourrait même, dans une audience de type générique — c'est comme ça qu'on les appelle — il pourrait même aussi y avoir l'analyse du transport du pétrole par rail. Ce n'est absolument pas normal que le Québec abdique à ses responsabilités d'évaluation et même d'autorisation de projets qui risquent d'avoir des impacts majeurs sur son environnement, mais même sur l'orientation de ses politiques énergétiques et économiques.

Donc, pour nous, c'est extrêmement important, pour Nature Québec, là, de réaliser qu'on ne peut pas abdiquer. On pourrait et on pense… le ministre pourrait, avec l'article 6.3 de la loi québécoise en environnement, décréter une audience générique sur le transport du pétrole sur son territoire, principalement par pipeline. Il pourrait y avoir aussi modification réglementaire pour qu'il y ait une phase d'autorisation, pour le Québec, des pipelines. On pourrait dire, à ce moment-là, à Ottawa, comme l'Ontario le fait, la Colombie-Britannique le fait — je ne vois pas comment on pourrait être un peu moins souverains que ces deux provinces-là ou moins nationalistes — donc l'ont fait, et de dire : Écoutez, nous allons procéder à l'évaluation, nous allons vérifier si c'est autorisable ou non, ces projets, dans l'intérêt du Québec et de la planète, et vous devrez attendre une autorisation. Ce n'est pas une course, et, avec l'Office national de l'énergie, actuellement on voit ça comme une course. On va autoriser très rapidement, en janvier 2014, sans doute au début de l'année 2014, sans même toutes les données techniques, sans même une étude décrivant l'état du pipeline.

• (10 h 50) •

Donc, Nature Québec, c'est ce qu'on vous enjoint de faire, d'autant plus que l'étude d'impact qui a été déposée à l'Office national sur l'énergie, l'ONE, l'Office national de l'énergie, l'ONÉ, qu'on dit, eh bien, que cette étude d'impact est fortement lacunaire, ne regarde pas les impacts en dehors des zones de travaux, hein? Vous savez, on inverse le pipeline, donc on fait des travaux et on analyse cinq kilomètres autour des travaux. Si on trouve des sols contaminés, on les met sur des bâches, là, et, après ça, on les remet, le traitement est nettement insuffisant, et donc on a donc une étude d'impact faible, pleine de carences. Mais, comme il y a une volonté si forte du gouvernement fédéral d'autoriser ces travaux-là, eh bien, pourquoi, finalement, les entreprises en feraient plus que le client en demande, comme on dit?

Et malheureusement, au niveau de la consultation à l'Office national sur l'énergie, c'est les parties prenantes, là. Si vous avez un impact potentiel direct à l'inversion, vous pouvez vous présenter. Et, si vous voulez questionner, par exemple, l'exportation des sables bitumineux comme quelque chose contribuant au dépérissement de la planète, parce que c'est de ça dont il s'agit, les sables bitumineux, eh bien, vous n'avez pas votre place à ces audiences-là. Les lois mammouths, les deux fameuses lois, là, budgétaires, là, et multisujets, eh bien, ont tronqué les processus d'évaluation au niveau fédéral, ont fait que ce n'est plus l'Agence canadienne d'évaluation environnementale qui fait l'évaluation, mais un office de l'énergie qui a d'autres intérêts, et, dans le domaine du nucléaire, bien, c'est la Commission canadienne de sûreté nucléaire. On a même prévu suspendre la loi des pêches et des océans géographiquement pour favoriser l'étude de pipelines ou de transport d'énergie. C'est des choses qui sont extrêmement graves. Et de ne pas faire leur propre évaluation, c'est de cautionner… c'est que le Québec, vous cautionnez ce type d'atteinte à la démocratie et à l'environnement qui a été fait par le gouvernement fédéral.

Donc, j'aimerais ça qu'il y ait un sursaut, là, ou un survol au niveau des intérêts du Québec, une vision plus grande que se soumettre à un chantage à l'économie ou à la ligne du jour, là, des «spin doctors» des deux raffineries, qui, un jour, aiment le train, le lendemain, le détestent, le surlendemain, l'aiment et changent complètement leur discours, et menacent de fermeture, alors qu'on le sait, là, s'il y a des raffineries qui ont fermé au Canada, c'est beaucoup plus dû à l'âge des raffineries, au fait qu'il y a des mégaraffineries qui poussent ailleurs dans le monde, et ce n'est pas les sables bitumineux passant par Enbridge qui vont changer les données fondamentales de ça. D'ailleurs, on dit dans notre mémoire… on cite le Conference Board du Canada, en 2011, qui dit que... il ne cite même pas le coût d'approvisionnement ou la difficulté d'approvisionnement dans les difficultés structurelles des raffineries au Québec. Je siège personnellement sur... Combien il me reste de temps, Mme la Présidente?

La Présidente (Mme Bouillé) : Il vous reste moins de quatre minutes.

M. Simard (Christian) : Je siège personnellement sur le comité de liaison avec la communauté de la compagnie Valero, et Valero nous explique qu'à peu près un peu plus du tiers va venir… enfin, 130 000 à 150 000 barils par jour de leur production, là, qui atteint presque 300 000 barils par jour, là, 267 000, va venir d'Enbridge, et le reste va venir directement par train, hein, jusqu'à 100 wagons par jour. Vous vous rappellerez que même Ultramar a dit : Il faut absolument faire un pipeline pour notre essence vers Montréal, il y a quelques années, parce qu'il y avait eu des morts à Longueuil au tournant de la décennie, là, du siècle, je crois, en 2000 ou en 1999, il y a eu un fort déversement aussi dans une tourbière, la grande plée Bleue. Donc, il faut sécuriser nos approvisionnements par pipeline. Mais aujourd'hui, au moment où on se parle, il y a 50, 60, bientôt 100 wagons par jour qui vont venir des sables bitumineux directement à la raffinerie, plus Enbridge, plus des bateaux qui vont amener leur pétrole d'Afrique du Nord, et du Kazakhstan, et même éventuellement du Texas parce que Valero a obtenu une permission du gouvernement américain de s'approvisionner au Texas.

Donc, on n'a pas vraiment de problème d'approvisionnement, on garde toutes les portes ouvertes et on veut justifier absolument Enbridge avec des petits diaporamas. Ils nous l'ont fait, le petit coup de diapositives, puis on va perdre des emplois payants, puis c'est intéressant, puis hou, hou, hou! Puis c'est vrai qu'il y en a eu qui ont fermé, mais ça n'a pas rapport avec le coût d'approvisionnement. Mais Enbridge a tout rapport avec une ouverture dans les marchés de l'Est d'un pétrole très sale, d'impacts potentiels sur l'environnement au Québec. Il y a une stagiaire de maîtrise à l'INRS-Eau qui a fait un rapport pour Nature Québec, et qui a analysé l'étude d'impact d'Enbridge, et qui a vu que... Vous savez, le poste de Terrebonne est à 450 mètres de la rivière Mascouche. On traverse la rivière des Outaouais, qui alimente, en fait, le lac des Deux-Montagnes et, éventuellement, même la prise d'eau de Montréal, on vous l'a déjà dit. Donc, il y a des impacts sérieux sous-évalués.

Il faut dire que la ligne 9B est la même que... la ligne 9 est la même... même âge, même structure que la ligne 6B qui a éclaté pour Kalamazoo et qui ne fera pas l'objet, là, d'une réfection complète, là, ou ils ne renouvelleront pas au complet pour ce projet-là. Donc, s'il vous plaît, un regain de recherche du bien commun. De passer par-dessus celui qui va être le plus proche, près des milieux économiques pour aller chercher la droite aux prochaines élections ou se partager, pour certains, la tarte de la CAQ — j'espère que la CAQ va défendre quand même un petit peu sa tarte — et donc pour aller chercher le vote conservateur, et faire du clientélisme, puis d'avoir l'air de celui qui est le plus proche et qui lave le plus économique, donc on vous invite, s'il vous plaît, à vous élever au-dessus de ça.

Et, pour Nature Québec, il y va des enjeux locaux en environnement, donc des impacts sérieux sur les milieux naturels, même sur les humains, hein, quand on parle d'eau potable, et il en va aussi d'enjeux globaux, là. Le Québec a tout à gagner de faire de l'économie d'énergie, de miser sur les énergies renouvelables, d'électrifier les transports. Le pétrole de l'Alberta est compétiteur des ressources du Québec, c'est un compétiteur. Et d'ouvrir… de faire le tapis devant le compétiteur, je pense que ce n'est pas digne des intérêts du Québec et des Québécois, et on devrait vraiment… sur l'avenir, une économie sans carbone et ne pas favoriser l'accès aux marchés de notre compétiteur. Merci.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci beaucoup. Mme la ministre.

Mme Zakaïb : Mme la Présidente, je vais céder la parole au député de Repentigny.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Repentigny.

Mme Zakaïb : Ah! pardon, je voudrais prendre quelques minutes, quand même, pour saluer les gens. Merci.

La Présidente (Mme Bouillé) : Allez-y, Mme la ministre.

Mme Zakaïb : Alors, M. Simard, M. Ross, M. Drolet, bienvenue à l'Assemblée nationale. Mon confrère le député de Repentigny a certaines questions pour vous, alors je vais lui céder la parole.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Repentigny.

M. McKay : Merci, Mme la Présidente. Bonjour. Bienvenue. Enfin, au-delà de votre analyse du contexte politique, j'aimerais ça revenir sur le fond du sujet, qui est, dans le fond, ce qu'on doit faire pour pouvoir opérer cette transition, donc, vers une économie verte, comme vous avez mentionné à la fin de votre intervention. Les gens qui sont venus avant vous, les gens de Greenpeace, ont proposé, par exemple, que le Québec doit réduire sa consommation d'essence pour atteindre les objectifs de réduction d'ici 2020, de se fixer des objectifs de réduction de gaz à effet de serre, doit établir un plan de transition pour, dans le fond, la grappe industrielle pétrochimique pour, éventuellement, se transformer dans le sens d'une grappe industrielle qui travaillerait essentiellement à partir d'énergies puis de ressources renouvelables. On parlait aussi d'établir une norme sur la teneur en carbone des carburants. Il semble que, bon, c'est à l'étude depuis un certain temps à la Commission européenne.

Donc, par rapport à ces objectifs-là, est-ce que… Bon, moi, il me semble qu'il y en a plusieurs, là, qui sont déjà amorcés par l'actuel gouvernement, qu'on n'a peut-être pas… On ne va peut-être pas assez vite, on ne va sûrement pas assez loin pour vous, mais, par exemple, si on parle du programme qui a été annoncé la semaine dernière par la ministre des Ressources naturelles pour convertir la consommation de mazout vers la biomasse, on parle de création de 1 600 emplois verts, est-ce que ce n'est pas un exemple, justement, de ce que le gouvernement fait puis ce qu'on doit continuer à faire?

La Présidente (Mme Bouillé) : Messieurs de Nature Québec.

• (11 heures) •

M. Simard (Christian) : Oui. J'étais un peu hypnotisé par la belle voix grave du député de L'Assomption, mais c'est… j'attendais la question. Regardez, oui, il y a des démarches qui sont faites, hein? On peut penser… On accompagne des projets de biomasse à Nature Québec à l'échelle locale pour substituer du mazout, mais je pense qu'il faut faire quand même beaucoup plus que ça. On attend avec impatience parce que les argents qui sont dans le Fonds vert sont un peu inutilisés actuellement parce qu'on n'a pas encore les mesures prévues d'un nouveau PACC II, le plan d'action sur les changements climatiques, pour aller de l'avant avec des investissements, là, pour réduire de 25 % les GES.

Vous savez, même Enbridge reconnaît… et on le cite dans notre mémoire, même Enbridge reconnaissent qu'eux autres, ils vont devoir même se diversifier et, avec l'électrification des transports partout dans le monde — et c'est cité quelque part dans le mémoire en anglais — aller vers les énergies renouvelables et investir dans l'électrification des transports. Donc, on est véritablement dans des affaires temporaires, hein? Et nos raffineries veulent profiter d'un bas prix pendant quelques années pas pour le refiler aux consommateurs, là, mais pour rentabiliser davantage pour leurs actionnaires. Mais ce n'est pas de l'avenir pour le Québec. Oui, certains États américains et États européens contrôlent pour limiter l'expansion des sables bitumineux parce que le pétrole non conventionnel est particulièrement délétère pour le climat, oui, il y a ces possibilités-là. Je ne le vois pas encore au Québec, mais il faut faire plus. Et, structurellement, quand on permet le passage d'autoroutes de pétrole lourd sur son territoire, ce n'est pas sans conséquence sur les orientations pour le Québec.

Et vous le faites... Nous, ce qu'on propose bien concrètement, modification d'un règlement sur l'évaluation des impacts sur l'environnement, le Règlement 31.1, de mémoire, pour qu'il y ait un processus d'autorisation par le Québec et une véritable évaluation environnementale du... C'est trop fondamental pour que ça passe comme vous êtes en train de le laisser passer, comme une lettre à la poste, et donc vous faites totalement... Vous savez, il n'y a pas de politique énergétique au niveau fédéral. En fait, c'est la politique des lobbys du pétrole, qui répondent même non aux exigences de M. Obama, là, d'élever leurs standards pour diminuer les GES en disant que c'est impossible, le gouvernement fédéral qui diffère tout le temps ses politiques de réduction de GES pour cette industrie-là. Et, en analysant le projet d'Enbridge en commission parlementaire avec un petit rapport le 6 décembre, là, moi, j'avoue, là, que j'ai mal au Québec et j'ai mal personnellement de voir cette attitude-là. Ce n'est pas digne de la classe politique à laquelle je pense avoir appartenu à un certain moment donné. Trop fugitif, peut-être, mais je trouve que c'est indigne. À quelques exceptions près, je dois le dire, mais exceptions, malheureusement, beaucoup trop rares.

M. Drolet (Charles-Antoine) : Oui. Mme la Présidente, il y a un excellent livre dont je vous recommande la lecture, c'est Peeking on Peak Oil, de Kjell Aleklett, qui est un spécialiste des pétroles au niveau mondial, qui est professeur à l'Université d'Uppsala et qui a été président d'un comité depuis plusieurs années qui analyse la disponibilité de pétrole au niveau mondial, et la production, et qui fait la prédiction que l'approvisionnement en pétrole va devenir très problématique très bientôt. Alors, le Québec n'aura pas le choix de devoir s'adapter à une situation où le pétrole va devenir de plus en plus rare, et, d'ici une vingtaine d'années, on va déjà sentir considérablement le rythme de décroissance de la production mondiale. En fait, depuis 2005, la production d'huile au niveau mondial n'est plus limitée par la demande, mais elle est limitée par la disponibilité. Alors, c'est une situation nouvelle qui est apparue et qui va s'affirmer davantage. Alors, le Québec n'aura pas le choix de s'adapter à une situation de décroissance de la disponibilité de pétrole.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci beaucoup, M. Drolet. M. le député de Saint-Maurice.

M. Trudel : Alors, bienvenue. Bonjour à tous, chers collègues. Vous savez, il y a un an, il y a eu une élection. Ça fait un peu plus d'un an seulement que le Conseil des ministres s'est mis en place, et, durant cette période, nous avons augmenté les redevances des minières, les garanties financières pour les travaux environnementaux. On s'est fait accuser par l'opposition quasiment à toutes les périodes de questions depuis ce temps-là d'avoir arrêté le développement minier au Québec. On a une politique énergétique en préparation. On a annoncé des politiques d'électrification des transports, des programmes, comme mon collègue en a parlé, sur le développement de la filière de la biomasse pour remplacer le mazout, plus d'autres séries de programmes pour les raffineries... excusez-moi, d'autres programmes pour la...

Une voix : ...

M. Trudel : Pas les raffineries, je m'excuse, voyons, pour… En tout cas, peu importe, excusez-moi. On a mis fin à la filière nucléaire au Québec. On se fait souvent accuser d'avoir un conseil des ministres ou des ministres écologistes, antidéveloppement. Je vous pose deux questions : Est-ce qu'on est aussi pourris que le gouvernement libéral qui était avant nous? Et est-ce que ça ne vaudrait pas la peine de nous donner un bon quatre ans pour essayer de mettre en place jusqu'au bout nos politiques?

La Présidente (Mme Bouillé) : Messieurs.

M. Simard (Christian) : Disons que j'allais dire que, jusqu'à maintenant, vous avez prouvé que vous êtes capables du meilleur et du pire, si j'ose dire. Et du meilleur, oui, je pense que, maintenant, c'est reconnu que la fermeture de Gentilly-2, c'est vraiment intéressant. Je pense qu'il y a eu des belles annonces. C'est sûr qu'on a hâte de passer à l'action sur l'électrification des transports. Il y a des choses extrêmement intéressantes.

Par contre, on voit encore ce matin qu'après avoir promis des redevances minières un peu… finalement, il y a un manque à gagner énorme, et pas nécessairement dû seulement à la baisse des prix miniers. On a été déçus de ça. Mais, depuis quelque temps, on dirait que vos politiques sont un peu comme un buffet chinois dans le domaine de l'énergie. C'est-à-dire que vous voulez tout faire, de l'efficacité énergétique, de l'électrification des transports, un peu de pétrole de l'île d'Anticosti, éventuellement, mélangé à ça, du Old Harry, faites du pipeline de l'Alberta un, deux, trois. Transport par rail, oui, il faut faire attention. Mais, à part de dire que le fédéral ne réglementait pas bien, bien, il me semble qu'on n'a pas tiré les pleines leçons de Mégantic, on doit analyser ça.

Donc, je pense qu'on manque de vision cohérente. Et votre gouvernement semble aller dans beaucoup de sens à la fois, puis j'aimerais qu'il ait une vision plus cohérente. Je ne m'avancerai pas parce que nous, on n'est pas partisans, là, Nature Québec, vous ne pourrez pas m'accuser de… partisan. Et nous, Nature Québec, donc, des considérations sur le gouvernement d'avant ou d'après... Là, vous êtes au pouvoir, vous êtes un gouvernement minoritaire, mais, comme le disait Jean Baril, qui est un spécialiste des questions d'évaluation environnementale, rien ne vous empêche, comme gouvernement minoritaire, de faire une évaluation environnementale complète des projets de pipeline sur le territoire. Et de faire ça, ce n'est pas contre l'économie. C'est pour l'économie du Québec, c'est pour l'avenir, c'est pour nos enfants. De ne pas le faire, c'est une grave responsabilité. Donc, vous ne pouvez pas vous servir de vos vertus pour défendre vos vices. Je vous répondrais comme ça.

La Présidente (Mme Bouillé) :

Des voix :

La Présidente (Mme Bouillé) : Non. S'il vous plaît! S'il vous plaît! La parole est à M. le député de Roberval.

M. McKay :

La Présidente (Mme Bouillé) : S'il vous plaît, M. le député de Repentigny.

M. Trottier : Oui. Merci, Mme la Présidente. Merci, messieurs de Nature Québec. Moi, je fais partie de ceux qui militent en environnement depuis 30, sinon 40 ans. C'est sûr qu'il y a des choses, je trouve, qui ne vont pas assez vite à mon goût, mais ce qu'on s'aperçoit, c'est que c'est… Il faut tenir compte de toutes sortes d'éléments dans un gouvernement, puis je vous dirais que, sincèrement, j'ai l'impression qu'on progresse. Est-ce que ça progresse de façon parfaite? Probablement pas, mais sincèrement… puis vous l'avez mentionné vous-même, M. Simard, qu'il y a des éléments positifs dans la balance, puis je pense qu'il faut être conscient, ce n'est pas possible… Tu sais, tout le monde est pour ça, d'avoir une vision globale, tout le monde, même les pétrolières, tout le monde, puis tout le monde dit… Aujourd'hui, on parle de développement durable, mais, dans une société, il faut être capable de tenir compte de toutes sortes d'éléments qui font qu'à court terme on peut faire certaines choses puis qu'à moyen terme on va pouvoir en faire d'autres, puis il faut faire progresser les citoyens. Puis les citoyens, je dirais, ils aimeraient ça qu'on ait une baguette magique pour qu'on puisse dire : On fait disparaître les taxes, on fait disparaître la pollution, on fait disparaître bien des affaires. Mais c'est un petit peu plus compliqué que ça.

J'aimerais, à cet effet-là… Peut-être une précision. Vous dites dans vos recommandations, la recommandation no 5, d'assurer la décontamination des sols — j'aimerais que vous puissiez expliquer davantage — en disant que… Vous demandez que «le promoteur ne se limite pas à une gestion des sols, mais qu'il s'engage aussi à entreprendre une décontamination totale du site contaminé». Est-ce que vous pourriez préciser à quoi ça fait référence plus exactement?

La Présidente (Mme Bouillé) : Les représentants de Nature Québec.

• (11 h 10) •

M. Simard (Christian) : …que vous reveniez au sujet qui est en cause, là, parce qu'il ne s'agit pas d'un bilan global des actions politiques de l'un ou l'autre parti, mais là on parle du projet Enbridge, du fait qu'on n'en fera pas une évaluation complète et indépendante, et je pense que, là-dessus, c'est un sujet, là, vraiment crucial et fondamental.

En fait, il faut savoir que, même avec les travaux prévus… Et Enbridge, c'est curieux, divise son projet d'inversion en points : des terminaux, des densitomètres, des aménagements de terminaux. Il fait un tour, un cercle de cinq kilomètres, analyse les impacts en les sous-estimant systématiquement et dit : Si on trouve des sols contaminés… Parce que l'opération de 40 ans, là, ne s'est pas faite sans des déversements, sans… et il y a vraisemblablement des sols contaminés le long de ce pipeline-là au fil des années. Ce n'est pas toujours des gros déversements, là. Et, si on en trouve, on va en disposer de telle ou telle façon. Et ce qu'ils proposent pour disposer, là, est véritablement le «low cost», c'est-à-dire c'est ce qui coûte le moins cher. On met une bâche, on met le sol et on le remet... S'il ne répond pas aux standards, on verra à le traiter, mais il n'y a pas d'engagement très, très ferme à ce moment-là. Donc, déjà, là, dans les travaux, on est… Et aussi on n'analyse pas ce qui est entre les points d'étude. Donc, c'est vraiment, selon nous, là, des évaluations techniques et une étude d'impact qui n'est pas à la hauteur d'une entreprise normale. Puis, naturellement, bien, Enbridge et l'Office national de l'énergie ne questionnent pas l'approvisionnement et l'ouverture des marchés vers les sables bitumineux, ce que vous devez faire. Donc, je pense que, vraiment, là-dedans… Et ce n'est absolument pas antiéconomique, c'est proéconomie de demain.

Vous savez, d'habitude… je dis ça à mes amis des fois, les Québécois, on était considérés comme des porteurs d'eau, hein? Mais de porteur d'eau à transporteur de pétrole lourd, là, de l'Ouest vers les marchés de l'Est, là, et particulièrement dans le projet TransCanada, là, selon nous, c'est une question d'échelle et de qualité du produit. Mais essentiellement ça ne sert pas les intérêts du Québec de devenir des porteurs de sables bitumineux. Je pense que j'ai plus d'ambition que ça, puis l'économie du Québec doit aller vers autre chose que ça. Mais d'en faire l'évaluation... Est-ce qu'on a une communauté d'intérêts avec l'Alberta au niveau énergétique? Est-ce qu'on a une communauté d'intérêts avec les politiques du gouvernement Harper, de trouver des marchés absolument aux sables bitumineux, qui détruisent des quantités phénoménales de forêts boréales, qui détruisent… et qui changent le climat de la planète? On ne peut pas faire ça, en même temps de dire qu'on va réduire de 25 % nos GES d'ici 2020.

Et on doit absolument, au moins, l'analyser en profondeur. C'est vraiment notre message. Oui, on aurait pu dire et on pourrait vous remettre… On a des documents, là, sur les impacts locaux, là, des travaux, mais on ne veut pas embarquer dans : On va faire un… On va faire ça dans le respect de l'environnement. C'est nul au niveau global. Ce n'est pas bon pour les gaz à effet de serre. Ça ne répond pas aux intérêts stratégiques du Québec. Ça nuit aux gaz à effet de serre, mais on va s'assurer, là, qu'ils améliorent un petit peu leur équipe d'intervention ou qu'ils décontaminent plus le sol. On mérite mieux que ce type de recommandation là. On le fait, là, parce que c'est notre devoir de vérifier ça aussi, mais on n'a pas insisté là-dessus.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci beaucoup. M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sklavounos : Merci. Merci, Mme la Présidente. Alors, à mon tour de souhaiter la bienvenue à Nature Québec, à M. Simard, M. Ross, M. Drolet. Merci de votre présence. Et, évidemment, nous, ici… vous l'avez dit, et je vais le dire d'entrée de jeu, moi, je suis d'origine grecque, on m'a appris de ne jamais me proclamer expert et de me méfier des experts, mais de toujours poser des questions. Et on essaie, nous, de faire de notre mieux autour de la table. Ça, c'est Socrate, d'ailleurs. C'est Socrate. Alors, on n'a pas l'expertise que vous avez, on n'a pas l'expertise. On entend, on collige des renseignements. On essaie de tracer une ligne, tracer une ligne équilibrée entre ce qu'est le développement économique... Parce que, vous le savez, il y a des gens qui sont venus nous parler de l'est de Montréal, de Lévis, des représentants des raffineries, des travailleurs qui sont venus nous dire : Écoutez, c'est un projet qui est bon. De toute façon, le pétrole coule, ça va couler dans l'autre sens. Ça risque de renforcer… Ça risque de donner des économies. Ça risque de renforcer un secteur. En même temps, nous sommes des êtres humains comme tout le monde. Ce qui s'est passé à Kalamazoo ne laisse personne indifférent. On veut aussi protéger l'environnement. C'est notre environnement, c'est notre territoire.

Je vais commencer en vous posant une première question. Il y a une coalition qui était représentée par Écojustice, constituée de différents groupes, qui est allée devant l'Office national de l'énergie. En même temps, plus tôt, juste avant vous, on a entendu les représentants de Greenpeace qui nous ont parlé du processus devant l'Office national de l'énergie comme étant, si vous voulez… je vais employer une expression, mais, de leur point de vue, était un petit peu vicié parce qu'il y avait des aspects qui n'avaient pas été regardés. Malgré ça, je trouve, à l'intérieur de la coalition Écojustice, je trouve… Nature Québec, vous figurez à l'intérieur de cette coalition. Pourquoi avez-vous cru nécessaire de participer, d'aller devant l'Office national de l'énergie malgré ce que Greenpeace semble avoir dit concernant le processus, la loi mammouth, les changements? Pouvez-vous nous expliquer la raison pour laquelle vous vous êtes présentés?

La Présidente (Mme Bouillé) : Messieurs.

M. Simard (Christian) : Je vois bien que vous voulez me faire dire que nous, on a trouvé ça bon d'y aller, mais pas le gouvernement du Québec, mais je ne tomberai pas dans ce piège-là, là, et parce que, de toute façon, je crois que le gouvernement du Québec avait quelque chose comme 10 minutes, à peu près, là. Donc, je pense qu'on… Et, effectivement, nous, on est allés par acquit de conscience avec un groupe, mais on ne pouvait pratiquement pas y aller de nous-mêmes, on n'était pas considérés, Nature Québec, comme étant une partie intéressée parce que Nature Québec, son bureau officiel, il est sur la rue Salaberry, à Québec, là, il n'est pas le long du pipeline. Donc, c'est… Et, vous voyez, c'était presque un questionnaire de police pour un citoyen qui voulait intervenir à l'Office national de l'énergie. On l'a fait, on l'a fait un peu par acquit de conscience avec un expert, mais c'est un exercice extrêmement frustrant, et on se pose encore aujourd'hui la question : Est-ce qu'on cautionne ces processus-là?

Généralement, Nature Québec, on ne va pas trop dans la chaise vide, mais dans ce cas-ci… Bon, que le gouvernement du Québec n'y aille pas, c'est une chose. Mais qu'il ne fasse pas une véritable consultation puis une évaluation en profondeur et qu'il n'ait pas l'article 6.3, qu'il n'ait pas son propre procédé d'autorisation, c'en est une autre. Donc, moi, je peux très bien vivre avec le fait que le gouvernement du Québec ne va pas à l'Office national sur l'énergie, mais, en contrepartie, qu'il se contente d'un exercice partisan en commission parlementaire comme évaluation environnementale, là, je le juge très sévèrement. Et je pense que, si tu ne vas pas voir Jacques, eh bien tu t'assures, pour faire l'analyse d'un projet approfondie… et de te positionner en autorisation, autorisation partielle ou refus, et de défendre haut et fort les intérêts du Québec par rapport à l'expansion des sables bitumineux et tout ce que cela comporte.

Et ça, c'est véritablement et… Mais ce serait plus intéressant que vous reprochiez cela comme opposition au gouvernement que de faire de la petite politique en leur disant : Vous n'êtes pas allés là, mais, par ailleurs, en vous faisant le porte-parole des raffineries dans une option à court terme davantage pour les actionnaires de Valero et de Suncor que pour les intérêts du Québec, en colportant, là, comme eux ou en vous faisant souvent, au niveau de l'opposition… des oppositions, là, en mettant des épouvantails, là, de fermeture à tout bout de champ. Si on veut augmenter les redevances, si on veut avoir une loi sur les mines, si on veut avoir un encadrement un peu civilisé, là, non, non, non, ils vont partir. Et ça aussi, ça fait porteur d'eau et petit Québec. Merci.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sklavounos : De toute façon, on a entendu des groupes qui sont venus nous parler de ça, de nous parler de l'impact de la fermeture. Je n'ai pas témoigné, évidemment, devant cette commission. On a essayé d'écouter tout le monde de la même façon, démontrer une ouverture d'esprit. Ce sont des travailleurs qui sont venus nous porter ces messages-là, on a posé des questions, mais…

Je veux profiter de votre expertise devant nous aujourd'hui. Enbridge nous a soumis un renseignement comme quoi la National Academy of Sciences — je vais aller sur quelque chose de précis, mais qui provoque beaucoup de questionnement — en 2013, a étudié le dilbit, le bitume dilué, et est venue à la conclusion qu'il n'est pas plus corrosif. Maintenant, il y a des gens qui sont venus nous dire : De toute façon, le pétrole coule dans ce pipeline. On parle d'inverser, donc le pétrole va couler. La question, c'est d'où le pétrole va venir et comment qu'il va se rendre. Greenpeace est venu nous dire : Ce n'est pas simplement une question d'où il va venir, le fait qu'il coule, il coule, c'est qu'est-ce qui va couler à l'intérieur. Des gens qui sont venus nous dire : Écoutez, c'est un pipeline qui date de 37 ans… — c'est combien, c'est 37, c'est 38? — et qu'évidemment le bitume dilué serait plus corrosif, aurait des chances de provoquer une corrosion, ou une perforation, ou etc. La National Academy of Sciences a dit ça. Avez-vous une position sur ça? Est-ce que vous avez regardé cette étude-là? Est-ce que c'est crédible? Est-ce que ce n'est pas crédible? Et pourquoi?

La Présidente (Mme Bouillé) : Messieurs de Nature Québec.

M. Ross (Pierre) : Oui, merci. Merci, Mme la Présidente. Oui, l'étude est crédible, mais, sur cette question-là, il y a encore des débats. Il n'y a pas entente, je dirais, là, sur… Mais l'autre… Parce que l'autre aspect, c'est que, la plupart du temps, s'il y a une corrosion, c'est de l'extérieur, ce n'est pas de l'intérieur. Or, même si le dilbit est chauffé un peu plus pour être transporté, si on regarde à Kalamazoo, c'est de l'extérieur qu'est venue la fissure parce que l'emballage, si on veut, du pipeline avait fait défaut, puis, bon, il y avait de l'humidité, puis tout ça, là. Donc, oui, c'est vrai, mais, par ailleurs, ce n'est pas moins corrosif que les autres pétroles, et les pipelines vont se corroder. Or, il ne faut pas en arriver à la conclusion que c'est plus sécuritaire, je dirais, là. À la question de savoir est-ce que c'est plus dommageable, je pense qu'il y a des bonnes études, puis tout ça, mais ce n'est pas clair encore, cette question-là.

• (11 h 20) •<E>

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Laurier-Dorion.

(11 h 20)

M. Sklavounos : Si c'est de l'extérieur que la corrosion affecte, bien, pourquoi donc est-ce qu'il y a cette inquiétude sur ce qui va aller à l'intérieur de la conduite, si c'est de l'extérieur que la corrosion se passe? De l'extérieur, ce n'est pas plutôt les éléments qui agissent sur la corrosion, et non pas ce qui coule à l'intérieur? J'essaie de comprendre.

La Présidente (Mme Bouillé) : Messieurs.

M. Simard (Christian) : Oui… me permettre et aussi demander sur les questions plus à l'origine. Dans ça, en fait, vous savez, le pipeline, je veux dire, on s'est fait expliquer, on a eu des démonstrations, il peut y avoir, pendant quelques jours ou quelques semaines, un type de pétrole, pendant quelques semaines, un autre type de pétrole. On peut mettre du dilbit, on peut mettre du syncrude, on peut... Donc, c'est un poussant l'autre dans le pipeline.

Dans ce cas-ci, on a un pipeline âgé, le même que Kalamazoo, qu'on rafistole. On augmente son débit, on fait entrer à l'intérieur un produit qui n'est pas le produit habituel au cours des années, la pression, et tout ça. Donc, c'est un facteur de risque, l'augmentation de pétrole et d'avoir un nouveau type de pétrole à l'intérieur. Jusqu'où? C'est une question qui se pose encore. Mais ce n'est pas anodin d'inverser la ligne. Ce n'est pas juste : Elle est là, là. D'inverser la ligne, et d'augmenter la pression, et d'introduire à l'intérieur de ça un nouveau produit dont on ne connaît pas les effets sur le pipeline, c'est ces éléments-là qu'on questionne. Mais, plus fondamentalement, c'est l'origine de ce même pétrole là, ce même pétrole là, là, qui a des impacts importants.

Et, si vous le permettez, M. Drolet pourrait aussi nous parler ce que ça signifie, le dilbit en amont du pipeline, ce qu'on n'a pas pu faire avec l'ONE.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. Drolet.

M. Drolet (Charles-Antoine) : Quel aspect?

M. Simard (Christian) : L'aspect en aval, là, des sables bitumineux comme...

M. Drolet (Charles-Antoine) : Ah oui! Il y a un aspect qui me tient à coeur concernant la production de pétrole à partir de sables bitumineux, c'est celui des impacts sociaux. Il y a une espèce de malédiction dans le monde concernant la production de pétrole dans les pays en développement, et, au Canada, ça se passe en Alberta, dans le nord de l'Alberta parce que les communautés autochtones qui sont exposées aux contaminations provenant de l'exploitation des sables bitumineux ont des problèmes de santé graves qui vont s'accentuant. Le bassin de la rivière Athabasca est, à toutes fins pratiques, là, passablement contaminé par les déversements accidentels provenant des... bien, des 10 étangs de retenue des déchets. Alors, il y a donc cet aspect-là qu'on oublie facilement et auquel on contribue si on devient client régulier des pétroles provenant des sables bitumineux.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci. M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sklavounos : Si jamais on était pour s'ériger contre, contre le pétrole des sables bitumineux et dire : Écoutez, on n'en veut pas, est-ce qu'il n'est pas envisageable de penser que les raffineries vont peut-être chercher à le faire venir au Québec via rail, via transport ferroviaire? La question qu'on se pose tous, on veut tous... et Mégantic a instruit beaucoup de gens qui ne connaissaient pas ce sujet-là, qui suivent et qui sont sensibilisés. Est-ce que, de toute façon, le pétrole des sables bitumineux va trouver une façon de se rendre à nos raffineries, au Québec, si on ne le fait pas venir par pipeline?

La Présidente (Mme Bouillé) : Les représentants de Nature Québec.

M. Simard (Christian) : Oui. Je lisais… Je pense que c'est dans le Financial Times qu'il y avait une analyse en disant : Pauvre Est. Ils faisaient une analyse du projet Keystone, du projet Northern Gateway, puis ils regardaient, puis ils disaient : Oh! eux autres, ils vont y passer parce que c'est plus facile aller vers l'est, et ça va être très difficile, ça va passer comme une locomotive au niveau pression politique pour arriver vers l'est. Et ils trouvaient qu'il n'y avait pas véritablement de mobilisation citoyenne comme on pouvait en trouver dans le Midwest américain et en trouver dans l'Ouest canadien, et ils disaient que c'était...

Mais il est évident que le pipeline est une stratégie pour ouvrir de façon massive celui-là, celui de TransCanada, prochaine étape, un million de barils par jour dont aucun n'arrêtera au Québec. Et donc cette action-là est là. Et maintenant, oui, il y a la possibilité du rail, puis il y en a. Mais ce que je vois, là, avec ce projet-là, c'est vraiment le pire de tous les scénarios au niveau environnemental. C'est-à-dire que Valero va prendre 130 000 barils environ… de barils par jour d'Enbridge qui vont transiter par bateau de Montréal jusqu'à Lévis dans un chenal maritime, donc augmentant le risque au niveau maritime. et dire : Il n'y a pas plus de bateaux. Ça, c'est comique quand Valero nous dit : Ça va être le même nombre de bateaux. Mais des bateaux qui viennent de l'Atlantique, qui traversent dans le golfe et l'estuaire puis qui arrêtent à Québec, ce n'est pas la même chose qu'un navettage continuel sur le fleuve, dans des endroits très limités. Donc, on augmente le risque par bateau de façon… On veut être sûr de mettre le CN et Enbridge en compétition, ça fait qu'on prend 100 wagons par jour pour maintenir les prix bas, sans doute. 100 wagons par jour. Et, même si Enbridge est là, ils ne les remplaceront pas, les 100 wagons, là. Ils nous ont dit : C'est à long terme, le contrat avec CN. Donc, on a le train, on a Enbridge et on a les bateaux actuellement. C'est vraiment, là, la totale.

Maintenant, il est clair et net qu'une des problématiques, c'est que le train ne peut pas avaler toute la production des sables bitumineux, et c'est pour ça qu'arrivent ces projets-là. Et on sait aussi qu'ils ont des limites en termes de… Mais, pour le Québec, de faire l'analyse des projets de pipeline et même du transport pétrolier sur son territoire et de mettre des conditions… Parce que le CN a doublé son transport par rail l'année d'avant, le double cette année et prévoit le doubler l'an prochain, et il va y avoir des impacts énormes. Mais ils ne pourront pas amener, parce que la limite de notre système ferroviaire… suffisamment de barils vers l'est. Au moins, ça les restreint, hein?

Et je pense que le Québec devrait se lever aussi puis dire… même si on n'est pas souverains, là, de se lever pour exiger, là, un transport ferroviaire plus sécuritaire parce que je crains d'autres Lac-Mégantic, d'autres grande plée Bleue, d'autres incidents de Longueuil où il y a eu des morts, donc, oui, parce qu'on augmente sur un vieux système ferroviaire à la limite de la capacité… Mais c'est sûr que de dire non à Enbridge ou à TransCanada, et pour que le Québec… protéger ses écosystèmes et son économie d'énergie renouvelable, je pense que c'est plus profitable que d'écouter le discours, là, de chantage à l'emploi, là, classique que nous font nos deux raffineries.

M. Sklavounos : Une dernière question…

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Laurier-Dorion, 40 secondes.

M. Sklavounos : J'ai très peu de temps. Je veux sortir de la question le gouvernement actuel à Ottawa, on ne va pas faire ça au niveau partisan. Il y en a qui sont venus nous dire : Écoutez, c'est bien mieux de s'approvisionner chez nous parce que, comme vous l'avez dit, on n'est pas souverains, peut-être pas pour le moment. Peut-être un jour, mais, pour le moment, on n'est pas souverains, on est à l'intérieur de la fédération. Pourquoi ne pas s'approvisionner d'un pays où nous avons notre mot à dire sur ce qui se passe, où nous avons des représentants au Parlement qui font la réglementation? Aller chercher du pétrole dans un pays étranger, où nous n'avons aucun contrôle et… de même façon, on cède un petit peu de notre indépendance à ces pouvoirs étrangers.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci.

M. Sklavounos : Il n'y a pas de temps pour la réponse?

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Mercier.

M. Khadir : Bien, voilà. Alors, prenons la balle au bond parce que… Merci, d'abord, d'être là. Vraiment, merci pour ce plaidoyer plein de bon sens, et j'espère… je suis sûr que les députés, surtout du gouvernement, qui se disent indépendantistes, qui veulent participer à la grande démarche de notre peuple depuis 50 ans pour cesser de projeter de nous-mêmes l'image de porteurs d'eau, de porteurs de cailloux et, maintenant, de porteurs de pétrole… Et je suis sûr qu'ils sont sensibles, et je suis sûr qu'il va y avoir un réveil des consciences pour éviter de bâcler cette évaluation de la manière dont on est en train de le faire. Mais il y a des informations qui circulent comme quoi l'approvisionnement du Québec ou des raffineries pourrait être menacé parce que, dans les pays du Moyen-Orient ou en Angola, c'est insécuritaire.

Alors, je voudrais vous demander, au cours des 40 dernières années, il y a eu plusieurs guerres, des interventions majeures, guerre en Irak, guerre en Afghanistan, conflits permanents au Moyen-Orient alentour de la question palestinienne, révolutions, printemps arabe, maintenant la guerre en Syrie. Est-ce que, malgré ça, est-ce que vous vous rappelez, vous vous souvenez d'une interruption d'approvisionnement en pétrole dans les raffineries de l'est de Montréal?

La Présidente (Mme Bouillé) : Messieurs...

M. Khadir : …pour terminer.

La Présidente (Mme Bouillé) : Monsieur…

M. Khadir : Je m'excuse. Deuxième question. Vous avez parlé que le pétrole de l'Alberta et l'économie du Québec, notre énergie, nous sommes des rivaux, en fait que le Québec ne doit pas participer à la croissance de l'économie du pétrole sale de l'Alberta. Pourriez-vous, un petit peu, expliquer aussi là-dessus?

La Présidente (Mme Bouillé) : Messieurs.

• (11 h 30) •

M. Drolet (Charles-Antoine) : Oui. Il y a des facteurs nouveaux au niveau mondial au point de vue approvisionnement de pétrole, c'est l'intérêt qu'ont deux pays en développement importants, la Chine et l'Inde, à vouloir s'approvisionner en pétrole. Et la Chine fait des pieds et des mains pour s'implanter partout où elle le peut pour s'assurer de la disponibilité de pétrole. En Guinée équatoriale, par exemple, c'est un pays où on voit la mainmise chinoise de plus en plus évidente. Alors, la situation, donc, évolue.

Et vous parlez d'approvisionnement en pétrole menacé, à un moment donné les pays de l'OPEP avaient voté une réduction volontaire de la production de pétrole pour augmenter le prix, et ça a eu un impact important sur les économies parce que... Je dis sur les économies parce que, maintenant, on s'aperçoit de plus en plus à quel point les économies sont tributaires de la disponibilité de pétrole. Il y a une très étroite association entre le prix du pétrole et le PIB des pays. Alors, quand on voit le prix du pétrole augmenter ou fluctuer, on voit en même temps notre économie menacée. Donc, c'est l'aspect qui me vient à l'esprit.

M. Ross (Pierre) : Merci. La ligne 9 est née d'une crainte de pénurie en... Elle est en fonction depuis 1976, mais c'est l'embargo de 1973. Mais déjà, à ce moment-là, le gouvernement fédéral craignait l'entente qu'il avait avec les États-Unis sur le pétrole. Mais c'est né d'une crainte. À partir du moment où cette crainte-là n'est plus fondée et que, là, on va l'inverser… Bon, on va l'inverser bien après, là, mais on va l'inverser parce que le pétrole venant de l'extérieur est beaucoup moins cher, et puis, après ça, on va le réinverser. C'est plus une question de prix, à la limite. Si on voulait vraiment régler un problème de ce niveau-là, ça prendrait deux tuyaux sur la ligne 9...

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci beaucoup.

M. Ross (Pierre) : ...est-ouest puis un toujours ouest-est.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci, M. Ross.

Une voix : ...

M. Ross (Pierre) : Non, non, c'est ça.

La Présidente (Mme Bouillé) : Donc, nous vous remercions, messieurs, pour votre présentation.

Et j'invite maintenant les représentants d'Équiterre à prendre place à la table, et je suspends les travaux quelques minutes.

(Suspension de la séance à 11 h 32)

(Reprise à 11 h 34)

La Présidente (Mme Bouillé) : Bienvenue, madame, messieurs d'Équiterre. Donc, vous avez une période de 10 minutes pour présenter votre exposé, qui sera suivie d'une période d'échange avec les membres de la commission. À vous la parole.

Équiterre

M. Ribaux (Sidney) : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Je me présente, je suis Sidney Ribaux. Je suis le directeur général du groupe Équiterre. Je suis accompagné de Steven Guilbeault, qui est notre directeur principal et la personne, chez nous, qui suit les questions énergétiques, et également de Brigid Rowan, qui ne travaille pas chez Équiterre, mais qui est une économiste spécialisée sur les questions énergétiques depuis 20 ans, qui travaille chez le groupe Goodman, qui est une firme spécialisée sur des questions d'économie d'énergie, que nous avons mandatée dans le cadre des audiences, justement, de l'Office national d'énergie pour produire un rapport sur les impacts économiques de… le projet qui fait l'objet de la question devant vous. Alors, Mme Rowan sera disponible pour répondre à vos questions, si vous en avez, sur ce rapport-là que nous vous avons déposé.

Donc, Équiterre, brièvement, c'est une organisation à but non lucratif qui est présente au Québec depuis 20 ans, qui mobilise 100 000 sympathisants qui nous lisent à chaque mois, qui participent à nos projets, qui participent à nos campagnes. On travaille avec toutes sortes d'organisations pour mener à bien nos projets d'éducation et nos campagnes de sensibilisation. On a des bureaux à Montréal et à Québec et, chaque année, on est présents dans presque toutes les régions du Québec via nos bénévoles, nos employés, nos conférences, nos services et les projets qu'on mène.

Équiterre suit la question du dossier de l'énergie en général depuis sa création, depuis 20 ans. On suit plus particulièrement la question des pipelines depuis 2008. Je vais vous en parler un petit peu plus tard, de cette question-là, plus spécifiquement. Et nous sommes, comme on le disait, intervenus devant l'Office national de l'énergie à la fois pour les projets d'inversion des oléoducs 9A d'Enbridge et 9B. Alors, je vais laisser mon collègue Steven vous parler des enjeux reliés aux impacts environnementaux et aux questions de sécurité, puis je reprendrai brièvement la parole pour vous parler des enjeux économiques. Donc, Steven.

La Présidente (Mme Bouillé) : Allez-y.

M. Guilbeault (Steven) : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci, Sidney. Mesdames et messieurs, donc, mon nom est Steven Guilbeault. Je suis le directeur principal chez Équiterre.

Pour nous, on ne peut faire fi du projet qui est devant nous sans parler de la question des changements climatiques. On pourrait en parler longtemps, je vous montre simplement un acétate que j'ai emprunté au négociateur en chef de l'Union européenne lors d'une rencontre des Nations unies sur les changements climatiques, qui nous montre essentiellement… Ça avait été produit lors des vagues de chaleur de l'été 2003 en Europe, où, je vous le rappelle, il y a plus de 40 000 personnes qui ont perdu la vie en Europe, dont plus de 20 000 personnes dans la grande région parisienne. C'est la pire catastrophe humaine depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Et ce qu'on voit sur le graphique, c'est les températures à l'été de 2003 en noir. Et la courbe en rouge, c'est les projections selon le centre Hadley, l'un des plus grands centres de recherche sur les changements climatiques sur la planète, qui montrent l'évolution probable des températures dans le sud de l'Europe au cours des prochaines décennies. Alors, lorsque j'ai emprunté cet acétate-là, Arthur, le négociateur en chef de l'Union européenne, disait : Si notre modèle a raison, les températures de l'été 2003, qui ont fait 40 000 victimes en Europe à l'été 2003, bien, à l'été 2040, en 2060, ces températures-là en 2003 vont passer pour une fraîche journée d'automne. Alors, c'est un peu vers ça où on se dirige.

Quant, plus spécifiquement, au projet d'Enbridge, quand on regarde l'augmentation de la production prévue dans l'Ouest canadien, même dans l'Ouest de l'Amérique du Nord, la majorité de l'augmentation de la production vient des sables bitumineux. On produit 1,6 million de barils par jour, on veut en produire 5 millions de barils par jour. Or, pour faire ça, on a besoin de pipelines, on a besoin de sortir le pétrole des sables bitumineux de l'Alberta. Ça, c'est une étude qui est dans notre mémoire et qui est tirée de la revue Nature, l'une des plus prestigieuses revues scientifiques au monde et qui montre que, sur une analyse de cycle de vie — en anglais, on parle de «well-to-wheel», donc du puits à la roue, hein, du puits de pétrole jusqu'à l'utilisation — le pétrole issu des sables bitumineux est le plus polluant sur la planète, encore plus que celui du Nigeria, par exemple, ou celui du Venezuela, celui de l'Arabie saoudite, du Koweït, bon, des États-Unis. Donc, c'est le plus polluant, plus polluant que tout ce que l'on consomme présentement au Québec.

Je pense qu'il faut bien prendre conscience de l'enjeu au niveau de la sécurité du public, des enjeux environnementaux. Alors, on vous a produit ce graphique-là. On va entrer au Québec, là, dans quelques secondes. Donc, vous voyez le lac des Deux Montagnes, Rigaud à droite, et là on va passer à travers Mirabel, Sainte-Anne-des-Monts, et on vous a… Donc, cette simulation-là, c'est fait à partir de Google Earth, mais c'est le tracé exact du pipeline, et vous allez voir qu'on passe à travers certaines des zones les plus densément peuplées du Québec, on arrive en zone résidentielle. Là, jusque-là, ça va bien, on est en zone agricole. Regardez, là, on arrive en zone semi-industrielle et, maintenant, on est en zone résidentielle. Et ça, c'est des images du déversement qu'il y a eu en avril dernier en Arkansas. Alors, on a voulu illustrer un peu ce à quoi pourrait avoir l'air un déversement dans la banlieue de Montréal. Alors là, on est à Terrebonne. Ça pourrait être dans l'est de Montréal, ça pourrait être à Laval également.

• (11 h 40) •

Alors, tout ça pour vous montrer qu'il y a des enjeux très importants, qu'Enbridge a une feuille de route pathétique en matière de sécurité. Et Équiterre n'est pas le seul à le dire, vous avez le Bureau sur la sécurité des transports des États-Unis d'Amérique qui, dans son rapport de 2012, par rapport à l'accident de 2010, disait l'an passé : Il y a une culture de négligence en matière de sécurité chez Enbridge. Et, lorsque les journalistes de l'émission Enquête de Radio-Canada ont demandé aux représentants du Bureau sur la sécurité des transports : Oui, mais c'est arrivé il y a deux ans, cet accident-là, est-ce qu'ils n'ont pas changé leurs pratiques depuis?, leur réponse a été de dire : Nous venons de publier notre rapport deux ans après l'accident, s'ils avaient changé leurs pratiques, nous n'aurions pas été aussi sévères.

Dans nos conclusions, ce qui est là, c'est un des rapports qu'on vous a mis en annexe du mémoire, qui a été déposé devant l'Office national de l'énergie par Richard Kuprewicz, qui est un expert sur les questions de sécurité dans les pipelines et qui, lui, évalue... il parle d'un risque élevé de rupture sur la ligne 9 au cours des premières années de l'inversion. On a demandé à M. Kuprewicz : Ça veut dire quoi, un risque élevé? Ça veut dire plus de 90 % de chances qu'il y ait rupture du pipeline. Pourquoi? Parce que, comme dans l'accident de 2010, Enbridge continue de faire les mauvais tests pour détecter les problèmes avec ses pipelines. C'est exactement… le rapport de M. Kuprewicz rejoint en ça le rapport du Bureau sur la sécurité des transports des États-Unis d'Amérique.

Et, d'ailleurs, je suis un peu sidéré, pour être très franc avec vous, que, dans le document de consultation de la commission, en matière de sécurité des transports on fait référence à un document du Sénat canadien. Or, le gouvernement du Parti québécois s'appuie sur des données du Sénat canadien. Je ne suis pas certain, mais je pense que notre ami M. Duffy était l'un des membres de la commission sénatoriale qui a travaillé sur ce rapport-là. Il faudrait vérifier, je ne suis pas certain. Mais on n'est pas allé chercher les plus grandes sommités en matière de sécurité, on est allé chercher le Sénat canadien, noyauté par les conservateurs, qui est devenu, au cours des dernières années, une meneuse de claque des compagnies pétrolières et des compagnies de pipelines. Je trouve ça un peu incroyable.

Je terminerai sur un élément qui nous apparaît important, qui n'est pas dans le document de consultation, qui était pourtant dans le document de consultation du gouvernement sur la politique de mobilité durable, soit la question de l'adoption par le Québec d'une norme sur… à faible teneur du carbone, des carburants, ce que fait la Californie, ce que fait l'Union européenne, ce que fait la Colombie-Britannique. Alors, on propose de le faire dans le cadre de la consultation sur la politique de mobilité durable, on est silencieux sur cet enjeu-là dans le cadre du projet d'Enbridge. Or, aller de l'avant avec le projet d'Enbridge, ce serait aller à l'encontre d'une telle norme comme celle qu'ont adoptée la Californie, la Colombie-Britannique et l'Union européenne. Merci beaucoup.

M. Ribaux (Sidney) : Alors, pour parler brièvement des impacts économiques — puis, comme je vous le disais d'entrée de jeu, nous avons apporté avec nous l'experte qu'on a mandatée qui est une des deux auteurs du rapport qu'on vous a déposé sur les impacts économiques de ce pipeline — vous dire, premièrement, que ce projet, initialement, de renversement de la ligne d'Enbridge faisait partie d'un projet plus large dont il a déjà été question ici, devant vous, qui était d'acheminer le pétrole de l'Ouest jusqu'au port de Portland, au Maine, pour des fins d'exportation. Dans le fond, vous avez compris que toute la question de la production du pétrole dans l'Ouest fait face à une problématique de transport, donc d'acheminement de ce pétrole-là vers des marchés mondiaux, ce qui explique en partie le différentiel de prix pour ce pétrole versus le prix de référence qui est le brent.

Alors donc, dans ce contexte-là, le projet, que nous suivons depuis plusieurs années, d'Enbridge, était relié jusqu'à tout récemment à un projet d'exportation vers le Maine. La capacité de ce pipeline, qui, présentement, vient de Portland à Montréal, est de 600 000 barils par jour. Donc, le potentiel existe pour que le pétrole qui va arriver à Montréal ne fasse que transiter par Montréal, et continue, et soit exporté. La capacité totale de raffinage au Québec est de l'ordre de 400 000 barils par jour. On a présentement une capacité, juste avec le pipeline Montréal-Portland, de 600 000 barils par jour. Si on ajoute Enbridge, on monte à 900 000. Si on…

Une voix :

M. Ribaux (Sidney) : Oui. Si on ajoute — je vais terminer là-dessus — le projet d'Énergie Est de TransCanada, bien là on monte à 2 millions de barils qui transiteraient par le Québec. C'est clair qu'il y a une partie significative de ce volume-là qui est là pour exportation. Nous ne croyons pas que le fait de ne pas faire ce pipeline-là va avoir des impacts significatifs sur les raffineries ou sur les emplois au Québec. Et les bénéfices — je vais terminer là-dessus — de ce projet sont essentiellement reliés aux profits que feront les pétrolières.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci beaucoup. Nous allons maintenant procéder à la période d'échange avec les parlementaires en débutant par Mme la ministre.

Mme Zakaïb : Merci, Mme la Présidente. Je tiens à saluer M. Ribaux, M. Guilbeault, Mme Rowan. Merci d'être ici. Merci pour votre mémoire. Merci pour votre présentation. J'ai une question pour M. Guilbeault. Vous dites qu'Enbridge ne fait pas les bons tests, qu'Enbridge fait des mauvais tests. Quels seraient les bons tests?

M. Guilbeault (Steven) : Bien, en fait, c'est…

La Présidente (Mme Bouillé) : Madame, messieurs.

M. Guilbeault (Steven) : Pardon. Oui. Alors, c'est très détaillé dans le rapport que nous avons mis en annexe à notre mémoire, le rapport de M. Kuprewicz. Et, comme je le disais il y a quelques minutes, il rejoint là-dessus tout à fait les conclusions du rapport. Et vous pouvez aller lire simplement le sommaire, si vous ne voulez pas vous taper tout le rapport, qui fait plusieurs centaines de pages, de la Commission sur la sécurité des transports des États-Unis d'Amérique, mais qui dit qu'Enbridge ne fait pas les bons tests. Je pense qu'on n'a pas vraiment le temps, dans le cadre de la commission, de rentrer dans le détail, mais le rapport que nous avons déposé est très détaillé au niveau technique sur ces aspects-là.

La Présidente (Mme Bouillé) : Mme la ministre.

Mme Zakaïb : Est-ce que vous pourriez, au moins, nous dire, pour le bénéfice de tout le monde ici, en quoi pourraient consister — peut-être que madame peut répondre à la question — des tests qui seraient appropriés ou nous référer… nous lire un passage du rapport, peut-être?

La Présidente (Mme Bouillé) : Madame, messieurs d'Équiterre.

Mme Rowan (Brigid) : Je ne suis pas l'auteure du rapport sur la sécurité des pipelines. Par contre, j'ai travaillé de façon assez étendue avec l'expert Kuprewicz, donc je peux vous dire... En fait, je peux vous dire brièvement et aussi, probablement, je peux aller dans son rapport et vous donner les citations plus précises. Mais, de façon sommaire, le test qui est très important pour vérifier la sécurité de cet oléoduc, c'est un test hydrostatique — «hydrotest» en anglais — et on passe de l'eau à une pression importante dans l'oléoduc.

Selon Richard Kuprewicz, Enbridge a une culture de «denial», de négation envers ce genre de test. Enbridge prétend que ce genre de test peut être dangereux. C'est sûr que c'est mieux de déverser de l'eau que du pétrole. Donc, ça serait un test important. Par ailleurs, Enbridge prétend aussi que ce qu'ils appellent les «inline inspection», donc, en français, inspection intérieure, je crois, donc les racleurs instrumentés, etc., qui sont utilisés par Enbridge font la job de détecter les fissures. En fait, la menace la plus importante à cet oléoduc, c'est la fissuration, ce qu'on dit en anglais «stress corrosion cracking», donc, en français, la fissuration par corrosion sous contrainte ou sous tension. C'est spécifiquement ça. Les outils d'Enbridge ne détectent pas ces fissures-là. Alors, les outils qu'utilise Enbridge... Alors, ce que Richard Kuprewicz dit, c'est qu'un test hydrostatique serait une façon de détecter la menace insidieuse aux pipelines.

M. Guilbeault (Steven) : C'est à la page 33 et 34 du rapport qu'on vous a déposé en annexe, qui est, hélas, en anglais, là, les audiences de l'office s'étant déroulées en anglais.

Une voix :

• (11 h 50) •

Mme Rowan (Brigid) : Oui. Je pense que c'est tout à fait nécessaire, mais, comme Enbridge a été... Dans les audiences devant l'ONE, Enbridge a continuellement refusé les suggestions de ces tests-là. Et ce ne sont pas juste des groupes écolos, je crois, le ministre de l'Ontario et d'autres... les villes qui vont peut-être payer pour des ruptures qui insistent sur ce genre de test là.

Par ailleurs, je devrais souligner qu'il y a aussi une histoire que ces tests-là ne se font pas à pression adéquate. Donc, si un tel test est mandaté, il faudrait que ça soit à pression adéquate. Enbridge et d'autres compagnies énergétiques ont une histoire de ne pas faire de tests adéquats. Même si on mandate un test, un «hydrostatic test», ils ne font pas les tests nécessairement de façon adéquate. Donc, ça serait le test probablement le plus important.

La Présidente (Mme Bouillé) : Mme la ministre.

Mme Zakaïb : Merci, madame, pour l'information. Je vais maintenant céder la parole au député de Repentigny.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Repentigny.

M. McKay : Oui. Merci, Mme la Présidente. Alors, bonjour à tous et toutes. Juste sur le dernier point, là, sur les tests hydrostatiques, je pense que ça a été relevé aussi que ce type de test là a été réalisé avant la mise en service initiale du pipeline dans les années 70 et aussi ça a été fait avant la première inversion, donc, qui a fait en sorte que le flux du pipeline a été inversé de son sens initial vers l'ouest. Et, maintenant qu'il reviendrait vers l'est, donc c'est peut-être un peu logique, si ça a été fait dans les deux premiers cas, pourquoi ce n'est pas fait dans le troisième cas, là. J'avais posé la question à Enbridge lors de leur témoignage, et on nous a répondu que, si l'Office national de l'énergie leur demande, qu'ils le feraient. Donc, peut-être qu'on pourrait encourager, effectivement, l'ONE d'aller dans ce sens-là.

Moi, je m'intéresse — d'ailleurs, c'est la vidéo qui est à l'écran actuellement — à votre proposition d'instaurer une norme sur la teneur en carbone des carburants. Alors, vous savez qu'au Québec nous avons adopté un système de plafonnement et d'échange des émissions de gaz à effet de serre, donc les émissions de gaz à effet de serre sont plafonnées. S'il y a une activité qui vient augmenter une émission, elle devrait être compensée par une réduction ailleurs ou par des crédits de compensation. Est-ce que vous pensez que cette norme sur la teneur en carbone, ça pourrait, par exemple, dans le cadre du programme de plafonnement et d'échange, être une valeur supplémentaire qui serait accordée, donc, aux émissions qui proviennent de ce type de pétrole là? Donc, à ce moment-là, on pourrait exiger davantage de quotas, donc, plutôt que de traiter tous les pétroles au même niveau.

La Présidente (Mme Bouillé) : Madame, messieurs.

M. Guilbeault (Steven) : C'est une question intéressante. Il faut comprendre que le système de plafonnement et échange québécois fait en sorte que, pour la plupart des industries, on leur donne 80 % de leurs émissions historiques gratuitement, et là ils doivent... Comme l'objectif du Québec, sous l'ancien gouvernement, était de 20 %, et la loi présentement au Québec est de réduire de 20 % sur 90, on leur demande de réduire de 20 %. Ça veut dire qu'à chaque fois qu'il y a une nouvelle entreprise qui arrive et qui émet beaucoup de gaz à effet de serre, bien, ça alourdit le fardeau de la société québécoise pour atteindre notre objectif de 20 % légalement et 25 %, tel qu'il a été présenté par le Parti québécois.

Je vous disais que la Californie, l'Union européenne, la Colombie-Britannique ont déjà adopté ce genre de norme là. Ce sont aussi tous des États qui ont soit un marché du carbone, comme la Californie ou l'Union européenne, ou, dans le cas de la Colombie-Britannique, c'est une taxe sur le carbone. Alors, c'est très complémentaire comme mesure et c'est un outil de plus. La bourse du carbone est un des outils parmi beaucoup d'autres pour nous aider à réduire nos émissions de gaz à effet de serre. La norme californienne sur les véhicules, comme le Québec l'a adoptée avec la Californie, est une autre mesure qui nous permet de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Alors, cette norme-là sur la faible teneur en carbone des carburants est très complémentaire au marché du carbone.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Saint-Maurice.

M. Trudel : ...reste environ juste trois minutes, là. Je voudrais vous dire que je partage une bonne partie des constats que vous faites sur l'état de notre planète, sur la question des changements climatiques, ainsi de suite. Je souhaite aussi vivement — peut-être autant que vous — le développement de toutes les filières d'énergie verte pour remplacer le pétrole, ainsi de suite.

Pour moi, par contre, il y a une question qui est très importante, c'est la période de transition. Et je suis originaire de Shawinigan, en Mauricie, comme vous, et on a vécu chez nous une transition économique très brutale, très, très rapide des électrotechnologies vers la pétrochimie, entre autres, là, ailleurs au Québec. On en vit encore aujourd'hui les retombées, et je peux vous comparer un peu le Shawinigan de l'époque, qui était une des villes les plus riches, avec un niveau de bonheur social très élevé, à, aujourd'hui, une des villes les plus pauvres et avec des problématiques sociales très dures. Par contre, on a une qualité d'air maintenant, surtout qu'on a assisté à la fermeture, là, de la dernière grande usine polluante, Alcan, chez nous, une qualité de l'air très enviable maintenant.

Considérant que la consommation, les besoins en produits pétroliers, pétrochimiques seront encore présents, considérant aussi le fait que les technologies vertes ne sont pas encore toutes développées, seriez-vous ouverts à ce que, pour ce qui est du Québec, et surtout en pensant aux travailleurs de l'est de Montréal, entre autres, à ce qu'on ait une transition modérée pour qu'on puisse bénéficier encore d'une présence de l'activité économique, parce qu'il y aura une consommation de produits pétroliers, tout en accélérant les travaux de façon importante, là, pour le développement de la filière verte chez nous?

La Présidente (Mme Bouillé) : Les représentants d'Équiterre.

M. Guilbeault (Steven) : C'est une excellente question. On est tout à fait favorables à une transition juste et équitable. Là-dessus, on rejoint plusieurs syndicats canadiens, par exemple, et québécois qui ont travaillé sur ces questions-là. Comment on opère la transition? Est-ce qu'on opère la transition en continuant d'investir dans des infrastructures qui nous enferment dans une dynamique pétrolière ou est-ce qu'on reprend ces investissements-là et on les dirige vers des secteurs qui nous permettent... Bon, on peut parler de l'électrification des transports, on peut parler du réaménagement urbain, qui n'est pas de la technologie, mais qui est une façon très efficace de réduire notre dépendance au pétrole. On a présenté un rapport en 2009 qui s'appelle Changer de direction, qui démontre comment on peut réduire de 60 %, seulement dans le transport des passagers, notre consommation de pétrole d'ici 2030 au Québec, ce qui rejoint l'objectif que Mme Marrois...

M. McKay :

M. Guilbeault (Steven) : … — exactement, merci, M. McKay — avait annoncé lors de la campagne électorale, lorsqu'elle était venue nous visiter à Équiterre, de réduire notre dépendance au pétrole de 60 % d'ici 2030. Mais, si on continue d'investir dans les combustibles fossiles, bien, on n'opérera pas la transition, et là il va y avoir un choc.

Et regardez ce que disent le Fonds mondial international, l'Agence internationale de l'énergie. D'ailleurs, quand on parle des besoins, de la croissance de la demande pétrolière, on dit : L'Agence internationale de l'énergie dit ça. On suit toujours le seul des trois scénarios qui prévoit une croissance de la demande. On oublie toujours de parler des deux autres scénarios qui prévoient en fonction des mesures qui ont déjà été mises en application par différents pays pour réduire leur dépendance au pétrole, et la troisième mesure, réduire les émissions de gaz à effet de serre, je devrais dire, mais parallèlement aussi réduire leur dépendance au pétrole, le troisième scénario de l'Agence internationale de l'énergie nous amène vers une transition, à condition que les pays qui ont pris des engagements de réduire leurs émissions et qui les ont mis en place et ceux qui ont promis de le faire le fassent, mais cette transition-là, elle est en train de s'opérer. La consommation de pétrole au Québec, au Canada, en Amérique du Nord, depuis presque une décennie, a plafonné et a même commencé à diminuer. Alors, on n'est pas en expansion. Et je rejoins un peu le député de Mercier, M. Khadir, tout à l'heure, qui disait : Est-ce qu'il y a un risque à l'approvisionnement présentement au Québec? Terre-Neuve, ce n'est pas exactement une dictature. On peut dire ce qu'on veut, là, mais la mer du Nord, l'Algérie est un pays quand même très stable depuis plusieurs années. Alors, quand on nous parle de l'Arabie saoudite, du Nigeria, c'est un faible pourcentage de nos importations de pétrole au Québec.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci. Merci beaucoup. Donc, maintenant, nous allons procéder à l'échange avec les partis d'opposition. Auparavant, je dois demander le consentement des membres de la commission parce que ce matin, au début de la commission, le représentant de la CAQ était M. Bonnardel, et il serait remplacé par le député de Nicolet-Bécancour. Donc, j'ai besoin du consentement des membres de la commission.

Des voix : Consentement.

La Présidente (Mme Bouillé) : Consentement. Merci beaucoup. M. le député de Laurier-Dorion, la parole est à vous.

• (12 heures) •

M. Sklavounos : Merci, Mme la Présidente. Alors, à mon tour de souhaiter la bienvenue aux représentants d'Équiterre, M. Ribaux, M. Guilbeault, Mme Rowan. Merci beaucoup de votre présence et des informations que vous nous donnez. Vous avez une expertise, de l'expérience et vous avez regardé cette question beaucoup plus longuement que nous avons, nous, les parlementaires, le temps de l'examiner avec le peu de temps que nous avons.

J'ai remarqué, vers la fin de votre mémoire, cependant, vous avez mentionné que le processus que nous sommes en train de tenir ici est non inclusif. Ça a été dit assez clairement. Je me souviens que, lorsque nous recevions des demandes provenant des leaders pour la participation des groupes, parce que ces demandes me venaient directement, je n'ai jamais dit non à un groupe. Alors, pouvez-nous expliquer qui exactement... de qui vous parlez lorsque vous dites que ces groupes-là… Parce qu'évidemment, lorsque le gouvernement, qui n'a pas cru nécessaire d'aller devant l'Office national de l'énergie… Peu importent les critiques qu'on peut apporter au processus, le gouvernement de l'Ontario était là, le gouvernement n'a pas cru nécessaire de profiter de cette tribune-là pour faire valoir la position du Québec. On entreprend une consultation assez rapidement, avec un rapport qui va sortir vendredi. Qui, selon vous, aurait dû être ici et entendu qui ne sera pas entendu?

La Présidente (Mme Bouillé) : Madame, messieurs.

M. Ribaux (Sidney) : Bien, en fait, c'est une excellente question, puis j'en profite pour vous dire qu'on assiste présentement, au niveau fédéral, à un désengagement sévère au niveau environnemental. Le gouvernement fédéral, présentement, fait tout en son pouvoir pour faire la promotion d'un secteur très particulier qui est le secteur pétrolier. Il le fait sur la scène internationale, il le fait sur la scène canadienne, il investit beaucoup d'argent en publicité, en promotion, en relations publiques. Et non seulement ça, mais il déréglemente, donc il est en train d'enlever toutes les barrières réglementaires environnementales de consultation du public et d'évaluation à l'égard de ces projets-là.

Ça m'amène à votre question. Dans ce contexte-là, j'aurais cru, comme citoyen du Québec, que le gouvernement aurait pris l'initiative pour faire sa propre évaluation environnementale, sa propre consultation, ce que nous n'avons pas, malheureusement, avec une commission parlementaire. Évidemment, l'une des choses… Pour répondre plus spécifiquement à votre question, l'un des enjeux que nous avons avec une commission parlementaire, c'est que nous sommes à Québec, et le projet est dans le sud-ouest du Québec. Alors, il y a moult citoyens, moult comités de citoyens qui auraient souhaité être entendus, qui seraient peut-être venus à des consultations d'un bureau d'audiences publiques en environnement ou d'un autre type de consultations qui auraient été faites sur place, qui auraient été accessibles, d'une part.

D'autre part, il y a des organisations qui se sont d'ailleurs désistées parmi ceux et celles que vous avez invités. Est-ce qu'elles se sont désistées parce qu'il y avait insuffisance d'information? Lorsqu'on fait une évaluation environnementale, généralement on a le promoteur devant nous, on peut poser des questions, il y a une séance d'information. Bref, il y a un processus qui nous permet, comme citoyen ou comme organisation intéressée, qu'on soit une municipalité, une entreprise ou un groupe, d'aller chercher l'information avant d'intervenir sur ces questions-là. Donc, c'est clair qu'il y a des organisations qui auraient participé à un type de processus comme ça. Maintenant, est-ce qu'ils seraient venus jusqu'à Québec à une commission parlementaire? Ça, je ne peux pas répondre pour eux, évidemment.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sklavounos : Vous commencez au début, là… Juste après la pertinence des critères, dans votre mémoire, vous commencez au début, la lutte aux changements climatiques. Et, s'il y a une différence qui saute aux yeux, lorsque c'est un groupe voué à la protection de l'environnement qui vient devant nous ou lorsque c'est un groupe qui veut faire la promotion du projet, c'est que les groupes nous parlent d'un point de vue… d'une approche plus globale, regarder la contribution des sables bitumineux, par exemple, aux gaz à effet de serre.

J'ai une question pour vous parce qu'il y a plusieurs qui ont dit : Il faut regarder ça de manière globale. Le fait, c'est que ça devient très difficile, selon moi — et je vous lance ça pour votre commentaire — de regarder ça au niveau global lorsqu'on ne sait pas encore… on n'a pas de plan de lutte aux changements climatiques clairement établi au niveau du Québec. Il y avait un plan de lutte de l'ancien gouvernement, il y a une cible maintenant qui est plus ambitieuse. Mais c'est une chose, avoir une cible, puis c'est une autre chose de dire et d'avoir un plan de match ou la route qui mène à l'atteinte de la cible. Alors, je me demande si on est équipés pour discuter de manière globale lorsqu'on... Et il y a d'autres... Nature Québec semblait nous dire qu'il y avait des annonces, mais il manquait une stratégie ou un point de vue global afin de pouvoir évaluer ce que le gouvernement est en train de faire. Le fait qu'il n'y a pas de plan de lutte détaillé aux changements climatiques, est-ce que vous trouvez que ça nuit, ou ça nous empêche de débattre correctement, ou de prendre une approche vraiment globale en regardant cette question-là?

La Présidente (Mme Bouillé) : Madame, messieurs d'Équiterre.

M. Ribaux (Sidney) : Je répondrais de deux façons à votre question. Premièrement, est-ce que nous souhaiterions avoir un plan d'action adopté pour atteindre la cible de moins 25 %? Oui, c'est clair. À notre avis, la raison, je pense, qu'on aborde cette question-là d'une façon très globale, comme vous le dites, c'est qu'on s'attaque à une problématique qui est globale. Alors, si, au Québec, on fait des efforts pour atteindre moins 20 % ou moins 25 % d'ici 2020, on devrait être cohérent. Puis je pense que ce serait ça, le massage — en tout cas, un des messages qu'on vous envoie aujourd'hui — il faut que le gouvernement soit cohérent dans ses politiques. Alors, comment, en fait, via un pipeline, favoriser le développement des sables bitumineux, qui sont l'une des principales raisons que le Canada n'atteindra pas ses cibles à l'égard des gaz à effet de serre, d'une part, et, d'autre part, se donner un plan d'action très ambitieux ou une cible ambitieuse de réduction des gaz à effet de serre? L'un va complètement à l'encontre de l'autre. Je ne sais pas si, Steven, tu veux compléter.

M. Guilbeault (Steven) : Bien, j'ai été membre du comité consultatif du gouvernement précédent, je suis membre du comité aviseur du gouvernement actuel, et, effectivement, c'est un peu difficile de débattre d'un projet comme ça avec… On a une cible encore plus ambitieuse que la cible précédente et on ne sait pas encore comment on va l'atteindre. Même la cible précédente, plusieurs analystes disaient : Écoutez, c'est une cible ambitieuse. Alors là, on a une cible encore plus ambitieuse que la cible ambitieuse précédente.

Rappelons-nous que les sables bitumineux, c'est moins de 3 % de l'économie canadienne. Pourtant, d'ici 2020, c'est plus de 50 % de l'augmentation des émissions de gaz à effet de serre du Canada. 3 % de l'économie, 50 % de l'augmentation des émissions de gaz à effet de serre du Canada. Nous ne sommes pas présentement complices de ça. Si on dit oui à ce projet-là, nous allons, au Québec, devenir complices de ce projet-là. Les efforts que nous faisons, que les citoyens ont fait, que les municipalités font, que les entreprises ont fait au Québec au cours des dernières années, on pourrait effacer du revers de la main tous ces gains-là qu'on a faits. Pour nous, c'est un non-sens total.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sklavounos : À ceux qui nous ont dit, messieurs, madame, que, de toute façon, ce pétrole-là des sables bitumineux va trouver une façon de se rendre à nos raffineries et que le pipeline est le moindre mal, si vous voulez, ou la façon la plus sécuritaire de le faire venir, qu'est-ce que vous répondez? Évidemment, on a tous Mégantic… Qu'on le dise, qu'on ne le dise pas, c'est l'éléphant, c'est dans la pièce, c'est avec nous. On traîne ça avec nous, on a une responsabilité collective qui nous habite à tous les jours, qu'on soit de cet endroit ou non, en tant que Québécois. Si on s'érige en blocage, on dit : Non, on n'en veut pas dans le pipeline, on ne fera pas ça par pipeline, est-ce qu'on se tire dans le pied? Est-ce qu'on pousse plutôt ceux qui veulent l'avoir, les raffineries qui veulent s'approvisionner, à avoir recours au système de rail?

La Présidente (Mme Bouillé) : Madame, messieurs.

M. Guilbeault (Steven) : Merci, Mme la Présidente. Vous savez, il y a une espèce de double discours au niveau d'une partie de l'industrie canadienne et québécoise à ce niveau-là parce que, quand on lit la presse anglophone, quand on lit la presse albertaine, quel est le débat présentement en Alberta? «Oil sands are going to be landlocked.» Les sables bitumineux vont être… ils sont pris au niveau du territoire pour les… Qu'est-ce qu'il faut pour les déprendre? Des pipelines. Alors, si on dit non au projet de pipeline, bien, ce n'est pas vrai que la production va passer de 1,6 million de barils à 5 millions de barils par jour. Pourquoi est-ce qu'on a besoin de Keystone XL, de Northern Gateway, du renversement de la ligne 9, d'Énergie Est? Parce qu'on veut augmenter la production des sables bitumineux de l'Alberta et qu'on ne peut pas faire ça à l'aide des trains. Les trains ne permettent… On arrive à une saturation du transport par train en Amérique du Nord de par ce qui se produit déjà dans le Dakota du Nord. On peut déplacer une fraction… D'ailleurs, Suncor a dit : Ah! si vous ne nous donnez pas votre pipeline, on va le prendre par train. Mais c'est 10 % qu'on va prendre par train, à peu près, peut-être 15 %. Donc, de dire non au pipeline, c'est une façon de freiner l'expansion des sables bitumineux. Écoutez, au niveau environnemental, au niveau des droits de la personne, au niveau… j'ai déjà parlé des émissions de gaz à effet de serre. Alors, pour nous, c'est un enjeu qui est hors de contrôle et ce n'est pas le gouvernement conservateur de Stephen Harper qui va être notre bouée de sauvetage à ce niveau-là au Canada, hélas!

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sklavounos : Le temps commence à me manquer. J'ai regardé rapidement… J'ai pris votre suggestion, je regarde l'Executive Summary du rapport de M. Kuprewicz, et, évidemment, il dit qu'Enbridge utilise le Mass Balance System, qui est une approche qui n'est pas la meilleure et qui a fait en sorte que ça a pris 17 heures, dans le cas de Michigan, de pouvoir… Est-ce que vous pouvez nous expliquer rapidement, là, pour les nuls, c'est quoi, le Mass Balance System? Et est-ce qu'Enbridge, quand il nous dit qu'ils ont changé leur façon de faire depuis Kalamazoo, est-ce qu'ils utilisent toujours le MBS, le Mass Balance System?

La Présidente (Mme Bouillé) : Messieurs, madame, en 20 minutes… 20 secondes. Pas 20 minutes, 20 secondes.

• (12 h 10) •

Mme Rowan (Brigid) : Le problème, le Mass Balance System se rapporte à un système de détection de fuites. Or, ce qui est plus important et le risque principal à cet oléoduc-là, c'est le risque de rupture. Alors, Richard Kuprewicz a dit carrément : Il y a un risque élevé de rupture. En plus, le système de détection de fuites avec le Mass Balance System et l'intervention en cas d'urgence ne sont pas adéquats selon Richard. Et vous pouvez lire davantage, mais les deux sont problématiques.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci beaucoup. M. le député de Nicolet-Bécancour.

M. Martel : Merci, Mme la Présidente. Bonjour à vous trois. Deux questions : une petite question technique; la deuxième, un petit peu plus philosophique, que je vais amener par la suite. Mais vous avez parlé tantôt que les risques étaient plus grands dans les premières années de l'inversion du flux, je n'ai pas compris pourquoi que c'était plus risqué les premières années.

La Présidente (Mme Bouillé) : …représentants d'Équiterre.

M. Guilbeault (Steven) : Excusez-moi. En fait, la conclusion de M. Kuprewicz, c'est que le risque est élevé au cours des premières années. Il ne dit pas : Il est plus élevé à court terme qu'à moyen terme. Il dit juste : Il y a un risque élevé de rupture, qu'il y ait… Là, je l'ai en… bien, en fait, je l'ai ici en français, là, qui est une traduction de… Donc, il ne fait pas une différence au niveau temporel, il dit qu'il y a un risque élevé, à court terme, de rupture, essentiellement.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Nicolet-Bécancour.

M. Martel : Bien, vous alliez peut-être ajouter quelque chose?

Mme Rowan (Brigid) : Oui. Est-ce que j'ai besoin… O.K. Oui, je voulais ajouter quelque chose. Effectivement, la conclusion de Richard Kuprewicz, c'est qu'à court terme il y a un risque plus élevé. Je crois que la raison pour cela, c'est qu'on change complètement le profil hydraulique. Donc, ce n'est pas juste une question de renverser un cours d'eau, c'est vraiment… Parce que j'ai vu certains qui appuient le projet dire : C'est juste comme changer les pipes, oui. Ce n'est vraiment pas ça, c'est… La raison pour laquelle c'est plus dangereux, c'est qu'on a un panier de brut qui est différent, premièrement. Ça change la pression à l'interne de ce pipeline-là, donc, surtout avec le «bitumen» dilué et le Bakken, qui est très léger. Donc, on change un panier de brut léger à un panier de brut lourd. Les deux sont dans le pipeline, les deux, et c'est cette pression-là qui fait… de façon à empirer le «stress crack corrosion», donc, la fissuration qui est déjà présente. Tout le profil hydraulique du pipeline change aussi.

Alors, c'est pour ça, je crois, que, probablement, Richard… Je ne suis pas dans sa tête, mais je crois qu'il croit que la rupture se passera dans les premières années parce que c'est vraiment dans ces années-là qu'on commence. Donc, si le pipeline tient la route pendant cinq, 10 ans, je crois que ça va probablement être plus... on va probablement dire, à plus long terme, l'intégrité va être moins dangereuse que dans les premières années. Mais, vraiment, dans les premières années, on a des préoccupations très graves, et c'est vraiment pour ça que je suis ici.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci beaucoup. M. le député de Mercier.

M. Khadir : Merci, madame. Merci, M. Ribaux, Mme Rowan, M. Guilbeault. Vous avez dit que le processus d'évaluation fédéral est dénué de crédibilité parce qu'il y a une grosse pression politique. Vous savez que les mêmes pressions politiques, le même lobbying intensif... en fait, du lobby le plus puissant sur la scène canadienne, sur la scène québécoise et sur la scène nord-américaine, le lobby est très intense ici. Donc, on a eu de la difficulté, disons, à voir une remise en question d'un projet qui semble avoir l'aval du gouvernement, malheureusement. Donc, vous l'avez vu dans les questions, en fait la question la plus élaborée de la ministre, où elle a été la plus critique vis-à-vis un des présentateurs, c'est survenu ce matin, à la première présentation par Greenpeace, ce qui en dit long sur l'intention du gouvernement.

Maintenant, donc, je pense que la question de la sécurité est essentielle. Vous avez dit 90 % de risque qu'un accident survienne le long du trajet. Est-ce que vous pourriez plus élaborer là-dessus, quels sont les éléments qui nous disent que c'est à cette hauteur-là?

La Présidente (Mme Bouillé) : …représentants d'Équiterre.

M. Guilbeault (Steven) : Bien, donc, pourquoi 90 %? C'est suite à l'analyse à la fois du… Il faut savoir que la ligne 9B est très semblable à la ligne 6B du Michigan, donc c'est… Et M. Kuprewicz a travaillé sur l'accident de Kalamazoo de Marshall, alors il a travaillé avec le bureau sur la sécurité des transports aux États-Unis d'Amérique, donc il connaît bien ce genre de pipeline là, et, finalement, c'est son étude de 6B et de 9B qui l'amène à conclure que le risque est très élevé. Je pourrais rentrer, là, dans les… Brigid, veux-tu en rajouter un peu? Merci.

Mme Rowan (Brigid) : Oui, j'aimerais beaucoup en ajouter. En fait, je vous réfère à la page 28 du rapport de M. Kuprewicz. En fait, tout son rapport est axé sur comment il arrive à cette conclusion-là. Mais, quand on va à la page 28 de son rapport, on a un peu le résumé de sa pensée dans la conclusion 9. Donc, juste pour commencer, j'aimerais souligner que M. Kuprewicz, ce n'est pas n'importe qui, c'est quelqu'un avec 40 ans d'expérience dans l'industrie. Il siège régulièrement sur des comités de PHMSA, c'est le Pipeline and Hazardous Materials Safety Administration. Donc, c'est quelqu'un qui ne fait pas ce genre d'évaluation à la légère, quand même, il le fait très, très rarement. Donc, je vous réfère aux points 1 à 7. Donc…

La Présidente (Mme Bouillé) : Madame, je m'excuse, le temps est écoulé.

Mme Rowan (Brigid) : Donc, voilà. Alors, vous avez juste besoin de voir ça, mais principalement, comme Steven a dit, c'est l'enquête de 6B, mais en combinaison avec toutes ces études qu'il a faites de façon très rigoureuse, avec le témoignage d'Enbridge dans l'ONE, et je vous conseille fortement de le lire.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci. Sur ce, la commission suspend ses travaux jusqu'après les affaires courantes.

(Suspension de la séance à 12 h 17)

(Reprise à 15 h 29)

La Présidente (Mme Bouillé) : Cet après-midi, nous recevons les représentants de l'AQLPA, du Regroupement national des conseils régionaux en environnement du Québec et de l'Association canadienne de pipelines d'énergie. Je souhaite la bienvenue aux représentants de l'AQLPA. Vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Je vous demanderais de vous présenter en commençant.

Association québécoise de lutte contre
la pollution atmosphérique (AQLPA)

M. Bélisle (André) : Merci, Mme la Présidente. Bonjour à tous les gens de la commission. Je m'appelle André Bélisle, je suis président de l'AQLPA. Je suis accompagné de ma collègue Sophie-Anne Legendre, de l'AQLPA également, qui est rédactrice du mémoire qu'on va vous présenter, mais aussi d'un rapport sur lequel j'aimerais attirer votre attention de façon urgente, rapport qu'on a produit en septembre dernier, qui s'intitule Ce que vous devez savoir sur la venue du pétrole de l'Ouest au Québec mais que les compagnies pétrolières préféreraient que vous ne sachiez pas. Alors, le but de notre propos sera de faire la distinction entre les formes de pétrole, puisque ce n'est pas tout de la mélasse pareille, c'est très différent d'un puits à l'autre et d'un producteur à l'autre.

D'abord, l'AQLPA, bien, c'est un groupe environnemental voué à l'éducation populaire et qui existe au Québec depuis juillet 1982. Donc, on va fêter notre 32e anniversaire dans pas long, et j'ai la grande fierté de dire que, tous les dossiers qu'on a menés au fil de l'histoire environnementale du Québec, eh bien, on a toujours eu gain de cause parce qu'on a toujours établi notre opinion de façon très rigoureuse, très fondée. Et le rapport dont on parle ici, bien, c'est un rapport qui a été vérifié par la Faculté de génie civil et génie des eaux de l'Université Laval, alors chaque aspect technique est vérifié par trois Ph. D., que ce soit au niveau génie ou au niveau santé. Voilà.

Alors, sans plus tarder, nous vous présentons ce mémoire que vous avez reçu, qui porte spécialement sur l'inversion du pipeline d'Enbridge, la ligne 9. Et très rapidement, bien, écoutez, l'AQLPA, comme je le disais tantôt, on est un groupe qui milite surtout, d'une part, pour identifier les menaces pour la qualité de l'air et qui milite aussi, et surtout, et davantage, je dirais, sur les solutions qu'on devrait mettre en oeuvre pour améliorer la qualité de l'air, et bien sûr qu'on suit ça depuis 32 ans.

 (15 h 30)

Et on aimerait ici juste faire un clin d'oeil à la commission avec un propos ou un avant-propos, si vous voulez, qui se lit ainsi : «À l'instar de plusieurs groupes citoyens, sociaux et environnementaux, l'AQLPA tient à exprimer sa profonde déception à l'égard de la forme restrictive de la présente consultation. En outre, face à des enjeux d'une telle importance, l'AQLPA s'explique mal le fait que le gouvernement du Québec n'ait pas réalisé une évaluation environnementale complète, laquelle aurait permis à la population et aux décideurs de porter un jugement éclairé sur ce projet.» Car, en passant du pétrole léger conventionnel au pétrole lourd non conventionnel, il y aura de lourdes conséquences en termes de pollution atmosphérique globalement et régionalement.

Là-dessus, je vais rapidement passer au préambule avant de céder la parole à ma collègue Sophie-Anne. C'est un peu pour se mettre au diapason. Alors, le Québec, quant à nous, est à l'heure des choix responsables. Au moment où les compagnies pétrolières et le gouvernement canadien poussent de toutes leurs forces pour faire doubler, même tripler la production de pétrole lourd bitumineux, le pétrole le plus polluant qui soit, et ce, en totale contradiction avec la nécessité et l'urgence de réduire sérieusement les émissions de gaz à effet de serre partout dans le monde, le Québec est à l'heure des choix responsables.

Le gouvernement du Québec acceptera-t-il la logique des compagnies pétrolières qui imposent, dans leurs intérêts, l'abandon des approvisionnements en pétrole léger, propre et beaucoup moins polluant pour les remplacer par le pétrole le plus polluant au monde? Il est important d'en comprendre les conséquences globalement et plus spécifiquement au Québec. Une rigoureuse évaluation de ces conséquences et des alternatives est nécessaire. Parmi les conséquences connues, l'arrivée du pétrole bitumineux entraînerait une importante augmentation des polluants atmosphériques quand, au contraire, le gouvernement du Québec et du Canada devraient assurer l'atteinte de leurs objectifs de réduction de gaz à effet de serre et autres polluants de l'air. Au-delà des conséquences, il y a les risques, et Enbridge n'est pas à l'abri des risques. Il importe de réaliser que ces risques sont, d'abord et avant tout, le lot de millions de citoyens, et, dans ce cas précis, Enbridge propose d'augmenter les risques par l'inversion et l'augmentation du flot de pétrole. Les citoyens doivent être entendus et doivent pouvoir faire valoir leurs opinions et leurs droits. Ils doivent aussi être protégés.

En conclusion, pour les raisons mentionnées plus haut et pour toutes celles présentées dans ce mémoire, l'AQLPA s'oppose à la venue du pétrole bitumineux et du pétrole de schiste au profit aveugle des raffineries québécoises. Nous estimons qu'il y aurait certainement un recul environnemental et une augmentation déraisonnable des risques pour les populations. Par ailleurs, nous estimons qu'il n'y a aucun danger qui guette les approvisionnements en pétrole léger et qu'il n'y a pas ou très peu d'avantages économiques réels à passer à un pétrole bitumineux lourd.

Alors, je cède la parole à ma collègue Sophie-Anne, qui va vous présenter les faits sur lesquels on base notre opinion.

Mme Legendre (Sophie-Anne) : Alors, il y a plusieurs faits sur lesquels repose la position de l'AQLPA. Je vous en énumère 20. Bien sûr, on pourra revenir sur tous les autres pendant la période de questions, commentaires.

Donc, d'abord — et c'est très important — la sécurité énergétique du Québec n'est pas en jeu. À court ou moyen terme, les raffineries du Québec pourraient très bien continuer de s'approvisionner en pétrole léger d'outre-mer, un pétrole beaucoup moins polluant sur l'ensemble de son cycle de vie.

L'eau potable de centaines de milliers de personnes, possiblement de millions de personnes, incluant celles de la grande région de Montréal, serait mise à grand risque.

Le transport de pétrole bitumineux comporte des risques de déversement aux conséquences graves, tant pour l'environnement que pour la santé humaine. En cas de fuite ou de déversement en milieu habité, c'est à un cocktail atmosphérique complexe de produits toxiques auquel les citoyens et les citoyennes seraient exposés.

En moyenne, les émissions de GES du puits à la roue sont de 14 à 20 fois plus élevées pour les bruts de pétrole bitumineux canadien que pour la moyenne pondérée des carburants de transport vendus ou distribués aux États-Unis. Pour sa production, un baril de pétrole extrait des sables bitumineux émet de trois à 4,5 fois plus de GES qu'un baril de pétrole produit aux États-Unis ou au Canada à partir de sources conventionnelles.

En termes de pollution émise sur l'ensemble du cycle de vie des pétroles reçus et raffinés au Québec, seul le pétrole du Nigeria, qui représentait moins de 1 % du total reçu en 2012, est plus polluant que celui du pétrole issu des sables bitumineux.

Les bitumes tirés des gisements de sables pétrolifères de l'Alberta sont très visqueux. Ils ont une teneur en soufre qui varie de 4,6 % à 4,9 %, soit cinq fois plus que dans le pétrole conventionnel moyen.

Les émissions atmosphériques provenant du raffinage sont, entre autres, fonction du type de pétrole raffiné, de leur densité, de leur teneur en soufre et du type de raffinerie impliquée. En passant d'un pétrole léger à un pétrole lourd, les émissions de GES liées au raffinage pourraient aller jusqu'à tripler.

Les raffineries québécoises émettent déjà des quantités importantes de contaminants atmosphériques affectant la qualité de l'air, et donc la santé des populations. L'arrivée du pétrole albertain, plus lourd que le pétrole raffiné jusqu'à présent, augmenterait leurs émissions au moment même où Montréal et le Québec connaissent des problèmes de qualité de l'air.

Bien que présentement alimentées principalement en pétrole léger et à faible intensité carbonique, les raffineries québécoises sont déjà parmi les plus grandes émettrices industrielles de GES au Québec. Il serait irresponsable de ne pas considérer très sérieusement l'augmentation de la pollution à prévoir avec le raffinage de pétrole plus lourd.

Si le projet d'inversion du flux dans l'oléoduc d'Enbridge va de l'avant, Suncor pourrait construire une unité de cokéfaction à Montréal. Celle-ci augmenterait la quantité de coke de pétrole produite et utilisée au Québec. Le coke de pétrole est très volatil. Il peut créer des problèmes de santé publique si l'entreposage ou la manutention est inadéquat. Par unité d'énergie produite, comparativement au charbon, le «petcoke», donc le pétrole de coke, le coke de pétrole, émettrait de cinq à 10 fois plus de CO2. Pour un baril de bitume des sables bitumineux, c'est entre 15 % à 30 % qui se retrouvera sous forme de coke de pétrole, donc un résidu du raffinage.

Le pétrole albertain étant plus riche en soufre, le résidu du procédé de raffinage de coke de pétrole sera aussi plus riche en soufre. L'usage du coke de pétrole comme combustible entraînera fort probablement des émissions accrues de SO2.

Le Québec est déjà le principal marché de consommation pour le coke de pétrole au Canada, dépassant largement l'Ontario et l'Alberta réunis. Un projet de cimenterie à Port-Daniel, en Gaspésie, est présentement proposé et pourrait devenir un des… sinon le plus important incinérateur à coke de pétrole au Québec et peut-être même en Amérique du Nord. À lui seul, ce projet pourrait faire augmenter de 2 millions de tonnes le bilan de GES québécois, tout dépendant de la production, et tout ça sans l'évaluation par le Bureau d'audiences publiques en environnement du Québec, le BAPE.

Plusieurs études démontrent que les retombées économiques des projets d'exploitation de pétrole de sables bitumineux sont marginales pour les provinces autres que l'Alberta.

Puis enfin, au niveau des emplois — je le sais que c'est un argument qui est cher à l'industrie — au niveau des emplois, ce n'est pas tant la création d'emplois qu'on entrevoit avec l'inversion plutôt que le maintien d'emplois déjà existants. Merci.

M. Bélisle (André) : Alors, Mme la Présidente, en conclusion, considérant l'ampleur des enjeux, l'AQLPA estime que le gouvernement du Québec doit s'opposer à la venue et à l'utilisation au Québec du pétrole bitumineux et du pétrole de schiste, mener une véritable évaluation environnementale du projet de pipeline d'Enbridge, incluant toutes les facettes de ce projet, dont son impact sur les changements climatiques et les impacts liés au transport du pétrole, à son raffinage, à la production et à la consommation de coke de pétrole, tout en évaluant sérieusement les alternatives.

Face à un projet similaire de raffinage de pétrole lourd de l'Alberta, la ville de Benicia, en Californie, a d'ailleurs exigé une véritable évaluation environnementale qui analysera, entre autres, ce qu'aura comme impacts le changement de type de combustible raffiné sur la qualité de l'air et les émissions de GES. Benicia, c'est juste à côté de Los Angeles. J'ai presque terminé, Mme la Présidente.

Adopter dans sa prochaine politique de mobilité durable une norme sur la teneur en carbone des carburants forçant l'étiquetage et l'approvisionnement en pétrole à faible teneur de carbone, basée sur l'ensemble du cycle de vie.

D'ici là, on demande au gouvernement du Québec d'adopter un plan permettant une réduction significative de consommation de pétrole dans les transports, 30 % d'ici 2020; adopter un plan de lutte aux changements climatiques qui permet de réduire les émissions au Québec de 25 % sous les niveaux de 1990 d'ici 2020; adopter une politique sur la qualité de l'air; adopter une norme sur la teneur en carbone des carburants forçant l'étiquetage et l'approvisionnement en pétrole à faible teneur en carbone, basée sur l'ensemble du cycle de vie, incluant production, transport, raffinage et combustion finale; et, dernièrement, refuser de céder aux pressions de l'entreprise Enbridge et du gouvernement canadien qui visent à limiter au minimum l'évaluation environnementale et les considérations éthiques liées à ce projet.

• (15 h 40) •

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci beaucoup. Donc, nous allons procéder à la période d'échange avec les parlementaires en débutant par la partie gouvernementale. Mme la ministre.

Mme Zakaïb : Merci, Mme la Présidente. Bienvenue, Mme Belisle, M. Legendre. Merci de vous être prêtés à cet exercice. Merci pour votre rapport et pour votre allocution.

Je constate qu'une bonne partie de votre rapport est basée sur le fait que le pétrole qui serait acheminé, s'il y avait renversement du débit, serait du pétrole provenant des gaz bitumineux. Est-ce que vous auriez la même conclusion si ce n'est pas du pétrole qui provient des gaz bitumineux?

Une voix :

Mme Zakaïb : Les sables bitumineux, je m'excuse.

La Présidente (Mme Bouillé) : Madame, monsieur…

Mme Zakaïb : Les sables bitumineux.

La Présidente (Mme Bouillé) : Madame, monsieur de l'AQLPA.

M. Bélisle (André) : Oui. André Belisle, oui. Écoutez, ce qu'il faut bien comprendre, là, c'est qu'on a un jargon technique, là, qui essaie de nous faire avaler que le pétrole des sables bitumineux reste en Alberta, et ici on n'a que du pétrole raffiné qui s'appelle synbit, dilbit ou syndilbit. Mais tout ça part du même pétrole des sables bitumineux, et on ajoute aussi dans ce transport-là du pétrole qui provient du pétrole de schiste de Bakken. La portion de pétrole conventionnel qu'on pourrait recevoir de l'Ouest est à peu près inexistante maintenant. Alors, on ne parle que de pétrole des sables bitumineux ou de pétrole de schiste. Et je cède la parole à Sophie-Anne.

Mme Legendre (Sophie-Anne) : En fait, pour ramener ça de façon très simple, il faut distinguer deux types de pétrole : conventionnel et non conventionnel. Dans le cas du pétrole issu des sables bitumineux et des pétroles de schiste, on parle de pétrole qui est non conventionnel. Ce qui nous intéresse vraiment, c'est l'empreinte carbonique de ces pétroles-là. Donc, la réponse, c'est : Oui, on s'y opposerait aussi si c'était exclusivement du pétrole de schiste. Pas seulement pour la raison d'empreinte carbonique, mais aussi de pollution des sols, des eaux et de l'air et tout ce que ça fait subir aux populations qui sont proches de ces sites d'exploitation là.

La Présidente (Mme Bouillé) : Mme la ministre

Mme Zakaïb : Bien, j'ai posé la question aux deux entreprises qui sont des clientes d'Enbridge — c'est elles qui vont acheter du pétrole, et Enbridge, finalement, c'est le transporteur du pétrole — et l'une d'entre elles m'a dit que le pétrole acheté serait du pétrole de la Saskatchewan. Est-ce que ça, c'est du pétrole qui provient des sables bitumineux?

La Présidente (Mme Bouillé) : Madame, monsieur.

M. Bélisle (André) : Une bonne partie de la production de la Saskatchewan, c'est du pétrole bitumineux. Il y a du pétrole conventionnel, mais qui est en décroissance et il y a aussi, mêlé à travers ça, du pétrole de schiste. Alors, on reste quand même, dans la plus grande partie de ce pétrole-là, dans du pétrole non conventionnel.

La Présidente (Mme Bouillé) : Mme la ministre.

Mme Zakaïb : Une autre question. Vous parlez de l'augmentation, qu'un des risques… En fait, c'est un pipeline qui fonctionne dans un sens, on pense à l'inverser et à augmenter le débit. Vous dites que l'augmentation du débit ou du flot augmenterait les risques. Est-ce que ça augmente les risques de fissure ou, en cas de déversement, ça fait en sorte que ça déverse plus?

La Présidente (Mme Bouillé) : Les représentants de l'AQLPA.

Mme Legendre (Sophie-Anne) : Le BTS, le Bureau de la sécurité du transport du Canada, a bien documenté ça, que, parmi les facteurs favorisant les fuites et les déversements au niveau des pipelines, il y avait notamment l'augmentation de la pression dans les pipelines et les changements de direction dans les pipelines. Donc, c'est très bien documenté, je vous inviterais à consulter les rapports du BTS sur la question.

La Présidente (Mme Bouillé) : Mme la ministre.

Mme Zakaïb : On nous a dit que ce pipeline avait été inversé une première fois, et il n'y a pas eu vraiment de problèmes lors de la première inversion. Pourquoi, lors de la deuxième inversion, il y aurait, à ce moment-là, des problèmes?

La Présidente (Mme Bouillé) : M. Belisle, Mme Legendre.

M. Bélisle (André) : La réponse est bien simple, c'est qu'on passerait d'un pétrole léger conventionnel à un pétrole lourd non conventionnel, et ça fait toute la différence au monde.

La Présidente (Mme Bouillé) : Mme la ministre.

Mme Zakaïb : Encore une fois… Tantôt, vous nous disiez que c'était du pétrole qui pouvait provenir des sables bitumineux, mais que c'était un pétrole léger, donc un pétrole qui a déjà été traité. En fait, là, j'ai de la difficulté à comprendre la différence — puis là vous allez peut-être me l'expliquer — entre du pétrole lourd, du pétrole léger parce que les gens qui achètent nous ont dit qu'ils n'ont pas les capacités pour raffiner du pétrole lourd, donc il faut qu'ils achètent du pétrole léger.

Expliquez-nous pourquoi vous pensez que c'est du pétrole lourd et est-ce que les raffineries, qui sont les clients, ont les capacités pour raffiner du pétrole lourd.

La Présidente (Mme Bouillé) : Madame, monsieur de l'AQLPA.

M. Bélisle (André) : …un complément, là. Vas-y.

Mme Legendre (Sophie-Anne) : Bien, je pense que l'industrie est quand même la mieux placée pour dire ce qu'elle peut raffiner ou pas raffiner. Par contre, je vous référerais à la page 22 dans notre mémoire qu'on présente aujourd'hui, le pétrole, quand il est issu des sables bitumineux — et c'est d'ailleurs le problème — il doit subir plusieurs transformations, autant mécaniques que chimiques, pour devenir liquide et être acheminé dans le tuyau. Il est donc préraffiné en Alberta. Donc, on parle d'un pétrole très lourd. Moi, ce qui m'intéresse, c'est la densité des chaînes carboniques puis la teneur en soufre. Donc, c'est vraiment c'est quoi, la composition chimique de ce produit-là. Quand il part de l'Alberta, de notre compréhension, pour devenir un pétrole plus léger, il est donc préraffiné. C'est pour ça qu'on dit qu'une fois arrivé ici c'est un pétrole léger. On ne peut pas faire abstraction de l'ensemble du cycle de vie du produit, on ne peut pas dire : Il arrive ici, il est à 30 % d'API, mais, quand on l'a tiré du sol, il était à 11 %. Il n'y a aucun produit qu'on accepterait de consommer sans avoir une idée de l'impact total sur l'ensemble du cycle de vie. Donc, oui, il est préraffiné là-bas, mais son poids carbonique demeure quand même phénoménal et incomparable à tous les autres types de pétrole dans le monde.

M. Bélisle (André) : Et, en même temps, Mme la Présidente, si vous me permettez, Mme la ministre, il m'apparaît un peu naïf et même illusoire de croire que les producteurs comme Suncor, qui sont les plus gros producteurs de pétrole dans les sables bitumineux, tout à coup, décideraient de ne plus se fournir eux-mêmes le pétrole qu'ils produisent. Alors là, on est dans une situation où, oui, présentement, il reste encore un peu de pétrole léger, il y a du pétrole de schiste, mais le but ultime de toute l'opération, c'est d'ouvrir les marchés internationaux au pétrole lourd de l'Alberta, quitte à en faire un préraffinage dans l'Ouest. Mais, vous savez, dans l'Ouest, on connaît des problèmes de pollution de l'air qui sont absolument incroyables. Et, quand on dit que le pétrole de l'Alberta est un pétrole sale, ce n'est pas parce qu'il vient de l'Alberta qu'il est sale, c'est parce que sa composition et sa façon d'être produit en font le pire problème environnemental qu'on connaît au monde. Alors, le Québec est à l'heure des choix responsables.

La Présidente (Mme Bouillé) : Mme la ministre.

Mme Zakaïb : Merci, Mme la Présidente. Est-ce que je dois en conclure que ce que vous nous suggérez, c'est le statu quo, donc que les raffineries québécoises continuent de s'approvisionner en Angola, en Algérie, et ça, alors qu'elles nous disent que ça pose un problème au niveau de leur… que, finalement, elles paient leurs intrants beaucoup plus cher que leurs concurrents de l'Ontario ou du Nord-Est américain?

La Présidente (Mme Bouillé) : Madame, monsieur.

M. Bélisle (André) : Vas-y.

Mme Legendre (Sophie-Anne) : Bien, je trouve ça drôle qu'on utilise le terme statu quo, là. Ce qu'on veut, ce qu'on essaie de faire, c'est de protéger ou même de faire augmenter des marges de profit de raffineries. C'est ça qui est en jeu ici, c'est la marge de profit des raffineries. Parce qu'il n'y aura pas d'économies à la pompe pour le citoyen, il n'y aura aucun avantage pour le Québec à obtenir son baril moins cher. Ce n'est pas ici qu'il est produit, ce pétrole-là, c'est en Alberta. Donc, quand on parle de statu quo, je trouve que c'est un mauvais choix de mots, on dirait qu'on n'est pas pour le progrès. Ce n'est pas vrai. Je pense qu'être pour le progrès dans le domaine du pétrole, c'est de choisir le pétrole, pour le temps de la transition, qui ait le moins d'impact sur les changements climatiques. C'est ça, faire un choix responsable. Les raffineries vont continuer à produire, même si le pétrole vient de l'Alberta, que c'est un pétrole hyperléger… pas de l'Alberta, je m'excuse, de l'Algérie. S'il vient d'ailleurs dans le monde, si on choisit des pétroles légers, ce n'est pas choisir le statu quo, c'est continuer, c'est maintenir les emplois dans la pétrochimie, c'est maintenir la position qu'on a dans la pétrochimie, mais c'est faire le choix responsable de mettre dans la machine à saucisses la meilleure viande possible, pas aller chercher ce qu'il y a de pire sur la planète. Puis, quand je dis ce qu'il y a de pire, je ne pense pas seulement aux sables bitumineux. Je pense que, de plus en plus, c'est un enjeu qu'il va falloir adresser, c'est celui du pétrole de schiste partout sur la planète.

M. Bélisle (André) : Et, vous savez, Mme la ministre, une chose importante aussi, on nous présente ça comme une extrême urgence, en cas de sécurité nationale. Bien, il n'y en a pas, de problème d'approvisionnement en pétrole. Au contraire, on nous dit qu'on en produit de plus en plus, il n'y a aucun problème. Et le pétrole qu'on utilise au Québec présentement, bien il n'y a aucune des sources de ce pétrole-là… Vous avez nommé l'Angola, qui est probablement un des plus petits, comme le Nigéria. Mais en Algérie il n'y a pas de problème, et ça représente 40 % de nos approvisionnements. Et, si jamais l'Afrique devait disparaître de la face du monde, bien, notre voisin, Terre-Neuve, produit un pétrole qui est aussi propre que le pétrole d'Algérie, qui est classé parmi les pétroles les plus légers, donc les moins polluants du monde.

Alors, il y a plein d'alternatives. Et là le gouvernement du Québec, s'il est cohérent avec ses engagements, doit manifester son opinion pour s'assurer qu'on respecte nos engagements et qu'on agit de façon responsable. On sort de la rencontre de Varsovie, et, je pense, la communauté internationale scientifique nous a rappelé l'urgence d'agir de façon plus responsable. Alors, notre tour est venu, c'est au Québec maintenant d'agir de façon responsable.

• (15 h 50) •

La Présidente (Mme Bouillé) : Mme la ministre.

Mme Zakaïb : M. Bélisle, les raffineries sont venues nous dire ici que, présentement, elles paient leur approvisionnement plus cher que leurs concurrents dans un monde où aujourd'hui, partout à travers le monde, on peut s'approvisionner en pétrole, partout à travers le monde, on peut raffiner du pétrole. Les entreprises, qu'elles se situent au Québec ou qu'elles soient internationales, quand elles prennent des décisions, elles les prennent en fonction des profits, vous le savez comme moi. Et, s'il y a des investissements à faire, s'il y a des décisions à prendre, on va les prendre ou on va faire ces investissements dans les endroits dans le monde où ils sont le plus rentables. Quand on paie ses intrants 20 % à 25 % plus cher que son concurrent, c'est certain qu'on n'est pas compétitif. Vous nous parlez de maintien d'emplois comme si les emplois, ils existent maintenant, ils vont être encore là, peu importe le coût de l'approvisionnement. On a déjà perdu Shell, il nous reste deux raffineurs au Québec. Est-ce que vous nous dites que, selon vous, ça n'a aucun impact, le coût d'approvisionnement, pour ces raffineurs et que ces emplois, qui sont des emplois de qualité… C'est là-dessus… Vous savez, nous, comme gouvernement… En tout cas, les députés du Parti québécois sont très sensibles aux emplois dans l'est de Montréal, et, pour nous, ces emplois-là nécessitent qu'on s'attarde à toute l'industrie pétrochimique et qu'on l'aide à être concurrentielle. Et, selon vous, le fait qu'on paie nos intrants plus cher que tous nos compétiteurs, ça ne compte pas dans la balance?

La Présidente (Mme Bouillé) : Les représentants de l'AQLPA.

M. Bélisle (André) : Je pense qu'il y a plus que ça dans la balance, Mme la ministre. Avec tout le respect que je vous dois, ce n'est pas qu'une question de sous. Ce que vous nous proposez ou ce que les compagnies pétrolières nous proposent, c'est de faire une aubaine en mettant l'environnement et la sécurité des gens en jeu. Bien, je pense qu'il n'y a pas d'économie à faire dans une situation d'extrême urgence environnementale. Alors, c'est de fausser un peu le débat.

Maintenant, ça, c'est une vieille rengaine, hein? Moi, je me souviens — peut-être qu'il y en a parmi les plus vieux, là, M. McKay était là à l'époque — dans les années 80, quand on a eu à demander des améliorations technologiques au niveau des compagnies pétrolières dans le cadre de l'accord de réduction des pluies acides, bien, on nous a servi la même rengaine, que ce n'était pas possible, qu'on ne pouvait pas faire ça, que ça coûtait trop cher. Eh bien, il y en a qui ne l'ont pas fait, qui ont fermé. Il y en a d'autres qui l'ont fait et qui ont passé au travers de la crise. Eh bien, on est dans la même situation. Nous, on ne peut pas prendre le discours des compagnies comme une vérité non questionnable. Par contre, il y a une chose qui est certaine, on doit assumer nos responsabilités, on doit respecter nos engagements. Vas-y, Sophie-Anne.

Mme Legendre (Sophie-Anne) : Ce n'est pas pour rien — j'aimerais revenir sur le prix des intrants — que le pétrole bitumineux est moins cher que les autres pétroles, c'est qu'il est de moindre qualité. C'est aussi pour ça qu'il est moins cher et c'est aussi parce qu'il n'a pas accès aux marchés internationaux. Quand on va renverser le flot, tout d'un coup il va avoir beaucoup plus facilement accès aux marchés internationaux, et c'est les économistes qui l'ont mis en lumière, dès que le pétrole bitumineux et les pétroles de l'Ouest auront été désenclavés, le prix devrait arriver assez rapidement à l'équilibre. Donc, les économies que nous font miroiter les raffineurs, c'est des économies qui ne dureront pas, il n'y a pas de pérennité là-dedans. Un jour, les prix, et assez rapidement, les prix vont devenir les mêmes pour tous les types de barils de pétrole, comme on le voit.

Ceci dit, à chacun son métier. Il y en a pour qui la préservation des emplois, peu importe ce que ça implique pour les collectivités, c'est ça qui est important. Moi, je pense que le message qu'on a apporté aujourd'hui, ce n'est pas de préserver ou pas des emplois, ce n'est pas nos stratégies pour mettre de l'avant des emplois plus verts ou moins verts. Nous, ce qu'on est venus ici vous dire, c'est que le pétrole de l'Ouest, celui qu'on veut nous apporter présentement, c'est le pire pétrole de la planète en termes d'intensité carbonique. Je n'essaie pas de diaboliser, là, les techniques utilisées en Alberta ou même pour le pétrole de schiste, je fais juste vous dire que, dans les faits, c'est un pétrole qui a une intensité carbonique beaucoup plus élevée, ça va être de 14 à 20 fois plus émetteur de gaz à effet de serre. Et ça, je ne pense pas que le Québec non plus peut faire l'économie de ça.

M. Bélisle (André) : Et, si vous me permettez, en complément, Mme la ministre, je reviens à l'exemple des années 90 dans toutes les activités qui ont dû être mises en place pour réduire les émissions en fonction des pluies acides, bien, il y a des raffineries qui ont décidé qu'elles ne voulaient pas se moderniser, qui faisaient… il y a des raffineries qui ne voulaient pas faire les modernisations nécessaires pour réduire les émissions, pour respecter les réductions nécessaires pour les pluies acides, mais il y en a d'autres qui l'ont fait. Et c'est comme ça qu'Ultramar est devenue la plus grosse raffinerie, et nous avons même appuyé Ultramar dans son développement parce que c'était une solution à la réduction des émissions qui causaient les pluies acides. Alors, nous, on est ouverts à ça, mais on n'est pas ouvert à un discours qui dit : C'est comme ça, et pas autrement, et on se fout des engagements ou des responsabilités environnementales. Ça, on n'acceptera jamais ça.

La Présidente (Mme Bouillé) : Mme la ministre, en une minute.

Mme Zakaïb : M. le député de Repentigny avait une question, je vais lui laisser la parole.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Repentigny, en une minute.

M. McKay : Bien, en une minute, vous avez lu la politique de mobilité durable. J'imagine que vous avez remarqué qu'on y propose une norme sur la teneur en carbone des carburants. Vous le reprenez dans votre mémoire, est-ce que c'est un exemple de chose qu'on peut et qu'on doit faire?

M. Bélisle (André) : Tout à fait.

La Présidente (Mme Bouillé) : En 30 secondes.

M. Bélisle (André) : Mme la Présidente, merci beaucoup. Tout à fait. Et nous, quand ce sera devenu une réalité, bien, on va vous féliciter. Entre temps, on va vous encourager.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci beaucoup. Maintenant, M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sklavounos : Merci, Mme la Présidente. Alors, à mon tour de souhaiter la bienvenue à M. Bélisle et Mme Legendre, les représentants de l'Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique. Merci. Je crois que c'est important de vous avoir avec nous, d'avoir votre point de vue, votre expertise sur cette question-là. Nous avouons bien franchement à ceux qui viennent devant nous qu'évidemment nous sommes des parlementaires, nous n'avons pas nécessairement l'expertise qui… Ce que nous nous sommes donné comme mandat est assez important et se fait à l'intérieur d'une durée de temps qui est assez limitée. On essaie de colliger des bouts et des morceaux partout et se faire une tête. Ce n'est pas évident. Alors, on vous remercie en nous aidant à faire ce cheminement-là.

J'avais une première question pour vous. Je pense que vous avez aussi fait partie de la coalition qui est allée présenter devant l'Office national de l'énergie… Est-ce que c'est exact que vous avec fait partie du groupe qui est allé?

La Présidente (Mme Bouillé) : Monsieur, madame de l'AQLPA.

M. Bélisle (André) : Oui, tout à fait. Sauf que, bon, on n'y a pas été personnellement, on était représentés, il y avait des gens, là… En fait, c'est Équiterre, là, nous, on faisait partie de la coalition. Mais oui, on était là.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sklavounos : Merci, Mme la Présidente. Je sais aussi, M. Bélisle, vous avez récemment été nommé aussi sur le Comité consultatif en changements climatiques ici, au Québec. J'ai vu le communiqué passer le 15 novembre, il me semble. On est allés à Varsovie. Le ministre est allé à Varsovie. J'étais avec le ministre à Varsovie, je l'ai accompagné. On a eu l'opportunité, l'occasion de discuter, entre autres, de notre bourse du carbone, l'entente avec la Californie, et tout le reste qui a été entamé par notre gouvernement et qui a été continué, qui a abouti sous le gouvernement du Parti québécois. Et, évidemment, les gens peuvent, théoriquement, saluer une augmentation de cible parce qu'on… Chez les libéraux, c'était 20 %. Là, on parle de 25 %. Mais on essaie de discuter de cette question-là puis maintenir une vue globale de la question, mais il me semble que c'est un petit peu difficile alors qu'on n'a pas encore de plan d'action, de lutte. On a une cible. La cible est ambitieuse, je suis d'accord avec tout le monde de dire qu'elle est ambitieuse. Mais la question que les gens se posent, c'est si c'est réaliste. Et, lorsqu'on nous demande de considérer et d'évaluer ce qu'on est en train de faire et d'avoir une certaine cohérence, je me demande à quel point on peut le faire alors qu'on ne sait pas comment qu'on compte… on n'a pas la carte pour savoir comment qu'on va se rendre au 25 %, est-ce qu'on a la marge de manoeuvre, est-ce qu'on ne l'a pas.

Vous qui serez appelé, évidemment, à donner votre opinion sur ces questions-là comme membre du comité consultatif, trouvez-vous que c'est difficile de nous positionner en n'ayant aucune idée comment on va atteindre ce 25 % sans plan d'action pour le Québec, alors qu'il y avait un plan d'action qui était en place? Il n'y a personne qui nous a dit qu'on allait reprendre le plan d'action du parti libéral, du gouvernement libéral, et le reconduire, on semble parler d'un autre. Pouvez-vous nous donner votre point de vue là-dessus?

La Présidente (Mme Bouillé) : Madame, monsieur.

• (16 heures) •

M. Bélisle (André) : Oui, tout à fait. Tout d'abord, il y a plusieurs questions dans votre question, là. Oui, j'ai été invité à siéger sur le comité consultatif. Il y avait un comité qui existait sous l'ancien gouvernement, votre gouvernement, et j'ai été appelé à critiquer de façon très fréquente le fait qu'on avait établi un plan insuffisant, et ça a été reconnu, et qu'on nous disait régulièrement : Kyoto, tout est beau, c'est dans la poche, tout est réglé, on n'avait pas commencé à travailler encore. Eh bien, là, quand le nouveau gouvernement arrive et augmente les cibles de réduction de 20 % à 25 %, et qu'on n'a toujours pas de plan, bien, la même logique s'applique.

Alors là, il faut sortir du discours où on fait de belles promesses, où on nous présente toutes sortes de belles volontés, où on est… On nous présente, nous, les Québécois comme les plus fins, les plus gentils, les plus tout, mais, avant d'être écolo, moi, je suis un gars de la construction. Et, avant de dire que la job est finie, là, bien, je m'assure de voir qu'on a établi un plan, qu'on l'a mis en action et qu'on a réalisé ce que le plan proposait. Alors là, ce qui doit changer au Québec, c'est d'arrêter de jouer du violon et d'agir de façon responsable. Et, quand on l'a fait au Québec, à toutes les fois l'économie du Québec en a été gagnante. Et moi, je vous disais que je suis un gars de la construction, bien, j'ai bâti la Baie James tout à coup, hein? Et ça, je pense, c'est quelqu'un du Parti libéral qui avait eu cette idée-là il y a longtemps, hein, et qui, après ça, il a passé l'autre bord, il est allé au Parti québécois. Bien, je pense que tout le monde au Québec se rappelle que, quand, au Québec, on a mis la barre haute pour produire l'énergie la plus propre et être indépendants au niveau énergétique, c'est ce qui a mis le Québec au monde. Eh bien, c'est ce qu'on vous demande de faire encore.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sklavounos : On a parlé, entre autres, du fait qu'il y aurait un premier traitement, et on ne sait pas dans quelle proportion, et comment, et ce que ça représenterait comme quantité. C'est quand même… J'avoue qu'on ne sait pas exactement quelle proportion du pétrole sera traitée à Fort McMurray, on nous a dit qu'il y aurait une partie qui subirait un premier traitement. Vous, vous dites : Écoutez, il faut prendre en compte le cycle de vie complet, il faut commencer au début. Est-ce que ce premier traitement est simplement pour faciliter le passage dans les conduites? Est-ce que ça n'a aucune incidence sur le passage dans les… Parce qu'il sert à quelque chose, ce premier traitement. Alors, est-ce que c'est pour qu'il arrive et qu'il soit reçu par les raffineries en ce moment, qui est la capacité de recevoir? Est-ce que c'est pour faciliter son passage? Et pourquoi, lorsqu'il arrive au Québec puis il est traité une première fois… Réexpliquez-moi pourquoi ça ne compte pas, en quelque sorte, ça, comme un produit plus léger lorsqu'il arrive à destination.

La Présidente (Mme Bouillé) : Les représentants…

M. Bélisle (André) :

La Présidente (Mme Bouillé) : Un instant. Les représentants de l'AQLPA.

M. Bélisle (André) : Je vais demander à Sophie-Anne de répondre aux aspects plus techniques de votre question, mais j'aimerais attirer votre attention sur quelque chose dont ne parle pas beaucoup ici. Présentement, la production dans les sables bitumineux est en train d'acidifier un territoire au nord-est de Fort McMurray qui comporte les Territoires du Nord-Ouest, le nord de la Saskatchewan, du Manitoba. On est en train d'acidifier un territoire équivalent au territoire qu'on avait connu acidifié dans l'Est, où ça avait pris 150 ans… Bien, on est en train d'acidifier ce territoire-là en 25 ans. O.K.? On est en train de faire bien pire, si vous voulez, beaucoup plus rapidement. Bien, ça, il faut en prendre conscience et il faut se rappeler, le monde entier nous dit que le Canada est devenu un voyou environnemental à cause des sables bitumineux. Alors, on est dans ce contexte-là.

Maintenant, quand on préraffine là-bas, bien, c'est ça qui cause l'acidification et la pollution dont je vous parle, que Sophie-Anne pourra vous présenter de façon plus détaillée. Mais il ne faut pas sortir de ce contexte-là, là, il ne faut pas penser que, parce que tout à coup ce pétrole-là arrive sous forme un peu raffinée au Québec, qu'il n'y a pas de problème, ce n'est pas vrai, là.

Mme Legendre (Sophie-Anne) : Pour revenir sur les aspects plus techniques, oui, il est prévalorisé là-bas. Comme je le disais tout à l'heure, quand on tire le pétrole des sables bitumineux, c'est vraiment sous forme solide, donc il faut absolument le traiter, le premier traitement pour le transformer en bitume dilué, donc pour que ça puisse s'écouler. Avant ça, c'est solide, ça ne s'écoulerait même pas. Ensuite, le degré de raffinage est selon les besoins des raffineurs et des raffineries, mais il faut le raffiner. Ça peut être ensuite raffiné encore plus pour être encore plus liquide. Donc, ça arriverait ici, en fait, oui, sous forme plus légère, mais jamais aussi légère que les pétroles de l'Algérie, par exemple.

L'autre point sur lequel je voudrais attirer votre attention — puis André a commencé à mettre la table là-dessus — c'est la teneur en soufre des produits pétroliers. Les produits pétroliers issus des sables bitumineux sont beaucoup plus soufrés, donc — on dit acides aussi — que les produits pétroliers de l'Algérie, et donc on va raffiner ici… on va raffiner selon les besoins qu'on en a. Encore une fois, je vous inviterais à poser ces questions-là aux gens qui travaillent en raffinerie. C'est des passionnés de raffinage, ils vont encore mieux pouvoir vous expliquer tout ça. Moi, j'aimerais attirer votre attention sur le fait que, le soufre, il y en a beaucoup plus dans les pétroles bitumineux que dans les pétroles légers, et, quand on raffine ici aussi, ça fait des impacts sur l'environnement, mais aussi sur la santé des populations. On a dit beaucoup, en 2012, que c'était génial parce que la qualité de l'air s'était beaucoup améliorée dans l'est de Montréal. C'est vrai que les emplois, c'est important dans l'est de Montréal, mais la qualité de l'air puis la santé des enfants et des personnes âgées aussi, c'est important dans l'est de Montréal.

Oui, on est rendus très bons, l'est s'est beaucoup amélioré, sauf pour ce qui est du soufre. Les concentrations de soufre dans l'est de Montréal demeurent encore en concentration deux fois plus élevée que partout ailleurs sur l'île. Donc, c'est, encore une fois, un point qu'il faut prendre en considération, surtout sachant qu'en plus de l'acidification des cours d'eau et de la nature en général, des océans, il y a plein d'autres impacts que ça peut avoir, notamment la corrosion des matériaux et plein d'enjeux de santé publique.

M. Bélisle (André) : Mme la Présidente, si vous permettez, je pense, je dois aussi ou on doit aussi attirer votre attention sur deux choses. Le Vérificateur général du Canada, dans un rapport, il n'y a pas tellement longtemps, blâmait les compagnies pétrolières et gazières de l'Ouest d'avoir régulièrement, et depuis longtemps, largement sous-estimé les impacts environnementaux de leurs opérations. O.K.? Bien là, je pense qu'il ne faut pas trop, trop se fier à ce que tout est beau, c'est le pétrole le meilleur au monde, là, il faut aller à la base, il faut aller aux faits et regarder la situation.

Et, je vous rappellerai, on avait demandé au Vérificateur général du Québec de faire la même chose ici, et c'est lui qui avait dit que oui, il est grand temps qu'on passe de la parole aux actes dans la lutte aux changements climatiques parce qu'on a fait beaucoup de promesses au Québec, mais on commence à peine à en voir les résultats et on est très en retard. Kyoto, on l'a manqué complètement. Eh bien, là, que ce soit le moins 20 ou le moins 25 — et nous, on souhaite le moins 25 en 2020 — bien, ça ne se fera pas avec des prières, ça va se faire avec des actes concrets.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sklavounos : Il reste un petit peu de temps. J'aimerais juste combiner deux questions qui sont plutôt de nature économique. Vous ne vous êtes pas prononcés sur ces questions-là, donc je vous lance. Il y a eu des représentants des travailleurs de l'est de Montréal et de l'industrie qui sont venus nous dire... non seulement ont parlé d'un maintien d'emplois si le projet était autorisé, mais il y aurait des modifications aux installations qui auraient à se faire, qui donneraient lieu à des emplois au moins temporaires pour les transformations. Et je le mentionne parce qu'à un moment donné, dans votre présentation, vous avez dit qu'on parlait principalement d'un maintien. Ils semblaient dire, de l'autre côté, oui, qu'il y a un maintien, mais qu'il y aurait aussi des emplois qui seraient créés au moins temporairement pour la modification. J'aimerais vous entendre là-dessus.

Mais j'ai un autre point. C'est un point qui est peut-être plutôt dans le domaine du nationalisme économique, si vous voulez, mais il y a des gens qui sont venus nous dire : Il est peut-être un petit peu plus propre, mais c'est un pétrole qui vient d'ailleurs. Pourquoi ne pas envoyer nos sous en Alberta? Et il y en a qui nous ont dit que c'est des concurrents, puis il y en a d'autres qui ont fait remarquer : Écoutez, on fait partie d'une fédération où il y a des transferts, il y a de la péréquation, cet argent-là revient au Québec. C'est deux questions. Il ne reste pas beaucoup de temps, mais j'aimerais vous entendre sur les deux, s'il vous plaît.

La Présidente (Mme Bouillé) : Monsieur, madame, en 40 secondes.

M. Bélisle (André) : Mme la Présidente, merci beaucoup. Le Québec n'est pas condamné au pire pétrole de la planète. On a toujours les approvisionnements qui peuvent provenir des sources qu'on a présentement. Et, si jamais on devait avoir un problème, bien, Terre-Neuve, qui est notre voisin, qui est dans la fédération aussi, produit un pétrole qui est aussi propre que le pétrole de l'Algérie. Puis je pense qu'il y aurait peut-être moyen de se servir de ça comme levier pour développer de meilleurs rapports avec Terre-Neuve, mais je ne rentrerai pas dans la politique. Je pense que c'est faux de partir de la prémisse qu'on est condamnés à ça, on est condamnés si on le veut.

La Présidente (Mme Bouillé) : En terminant.

M. Bélisle (André) : Si on vise à assumer nos responsabilités, on ne l'est pas.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci beaucoup. M. le député de Nicolet-Bécancour.

M. Martel : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, vous deux, particulièrement M. Forcier, un concitoyen de Fortierville. Vous venez de Fortierville, oui?

M. Bélisle (André) : Non, non, non, d'une belle place qui s'appelle Frampton.

M. Martel : Ah! bien, je confonds. Je confonds.

M. Bélisle (André) : Oui, Chaudière-Appalaches.

M. Martel : Je veux vous dire que moi, j'entends très bien ce que vous dites. C'est vraiment éclairant, puis on ne peut pas dire que vous ne jouez pas avec notre conscience, là. Je veux dire, on n'est pas sourds, on n'a pas... Moi, personnellement, je n'ai pas l'expertise pour analyser, critiquer ce que vous dites, mais je l'entends bien.

Tantôt, vous avez parlé du pétrole de Terre-Neuve. Moi, je prends pour acquis que… Supposons que le projet ne se réalise pas, je pense que c'est indéniable qu'il va y avoir plus de transport par train. On va en acheter quand même, du pétrole de l'Ouest. Pas autant que s'il arrivait par oléoduc, je comprends, mais on va augmenter le trafic ferroviaire. Moi, je me demandais, ce que vous dites par rapport à Terre-Neuve, est-ce que ça ne serait pas un incitatif pour nous d'exploiter peut-être plus rapidement le pétrole dans Old Harry?

• (16 h 10) •

La Présidente (Mme Bouillé) : Madame, monsieur de l'AQLPA.

M. Bélisle (André) : Mme la Présidente, merci. Bien, nous, notre opinion est très claire, là, ce serait une erreur absolument remarquable de se lancer dans la production de pétrole dans le golfe du Saint-Laurent pour toutes les raisons qu'on connaît. C'est une mer intérieure fermée, avec des conditions d'hiver absolument hors des moyens qu'on a pour assumer toute intervention s'il y avait un problème.

Vous avez soulevé la question du transport par… pétrole, bien, ça me permet d'attirer votre attention sur un fait dont on ne parle pas assez. Présentement, l'Alberta a tellement augmenté sa production de pétrole que ça dépasse nos capacités de contrôle, de transport, et ils veulent multiplier encore. Bien, que ce soit par pipeline ou par train, on va multiplier d'autant les risques. Eh bien, ça, ça va aussi dans le sens contraire de nos engagements par rapport à la lutte aux gaz à effet de serre et aux changements climatiques.

Alors, bon, maintenant, revenons à Terre-Neuve. Bien, si on exclut Old Harry, je pense qu'on peut faire un deal avec Terre-Neuve puis dire : Bien, on pourrait s'approvisionner d'Hibernia, on pourrait s'approvisionner d'Hebron, on pourrait… Il y a plusieurs projets dans l'Atlantique qui sont à l'extérieur du golfe du Saint-Laurent, qui posent beaucoup moins de problèmes… qui est un pétrole beaucoup plus propre et qui, en fait de transport, permettrait de réduire les distances par rapport à l'Algérie, à Ultramar ou à l'Amérique. Donc, même si on regardait sous cet angle-là — et là je vous laisserai faire les négociations nécessaires — bien, si on s'approvisionnait à Terre-Neuve, on réduit les distances de transport, on réduit les risques de transport. Bien, il y a plein d'alternatives. On n'est pas condamnés au pire pétrole du monde, ce n'est pas vrai.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci. M. le député de Mercier.

M. Khadir : Merci, Mme la Présidente. Mme Legendre, M. Bélisle, bienvenue. Donc, il y a peu à peu un certain nombre, je dirais, de légendes et, disons, de perceptions qui sont en train de tomber et d'autres, je dirais, constats qui s'imposent. D'abord, donc, on comprend que le pétrole qui va être inversé, ça va essentiellement être du pétrole lourd, du pétrole non conventionnel. Il s'impose de plus en plus, d'après les questions qu'on a posées à plusieurs groupes et experts ou des gens qui ont produit des rapports ici, que ce n'est pas une simple opération, là, de changement de direction dans un tuyau, l'inversion elle-même, plus la pression supplémentaire à cause de l'augmentation du débit sont parmi les principaux facteurs de risque d'accident de déversement.

On a appris que ça entraînait des coûts supplémentaires en matière de santé, puisque vous dites que les taux de SO2 sont déjà le double dans l'est de Montréal. Donc, avec l'augmentation de l'activité de la cokéfaction, c'est des risques accrus. Ça, ça a des coûts sur la santé, l'impact sur les problèmes respiratoires, qui sont un des problèmes de santé les plus fréquents et qui sont les plus coûteux actuellement pour les gens en bas âge et aux extrêmes d'âge, en fait, à Montréal.

Ensuite, vous avez aussi mentionné que, sur le plan opportunités économiques, si on avait, par exemple, des normes de teneur en carbone qui faisaient en sorte qu'Ultramar était encouragée à utiliser un pétrole léger, en fait on encouragerait Ultramar par rapport à des raffineries à l'extérieur du Québec qui utilisent le pétrole lourd.

Donc, considérant tout ça, si on avait organisé un BAPE plutôt que la commission, qui n'est pas experte et critique, si on avait organisé un BAPE, est-ce que ça aurait passé le test du BAPE, le projet d'inversion d'Enbridge selon vous, votre…

M. Bélisle (André) : …je peux comprendre…

La Présidente (Mme Bouillé) : Madame, monsieur.

M. Bélisle (André) : Excusez, Mme la Présidente, j'ai de la misère à me rappeler que je suis en ville, je ne suis pas dans le bois. Bon. Tout ça pour vous dire qu'il faut se rappeler qu'on est dans un contexte fédéral, et il y a des juridictions différentes. Ça, ça pose un certain problème. Ça n'empêche pas le Québec d'émettre son opinion, et je souhaite que le Québec soit assez courageux pour émettre son opinion. Maintenant, est-ce que ce serait un BAPE? Je pense que le BAPE pourrait certainement jouer un rôle important, mais on parle d'abord d'une évaluation environnementale stratégique ou générique de l'ensemble de la question avec les alternatives pour être capables de se faire une idée.

Parce que là, finalement, ce qui est arrivé, c'est qu'on nous amenés dans un canal où on nous dit : Il n'y a pas d'alternative, c'est comme un entonnoir. C'est par là que ça passe ou ça ne passe pas. Bien, ce n'est pas vrai, ça. O.K.? Alors, nous, on dit : On peut prendre le temps. Il n'y a pas de danger, là, les compagnies, que ce soit Ultramar ou Shell, vont continuer à travailler, il va y avoir encore du pétrole qui va arriver. On a le temps d'évaluer une situation et de faire des choix judicieux, et ça va pouvoir permettre, d'après moi… Comme on a vu dans les années 90, quand Ultramar…

La Présidente (Mme Bouillé) : En terminant.

M. Bélisle (André) : …a reçu le mandat de remplacer les vieilles raffineries qui fermaient, bien, ça, ça a été d'encourager le progrès dans l'industrie. Bien, c'est quoi, le contraire du progrès? Bien, c'est le regret. Eh bien, c'est ça, si on ne va pas dans le sens du progrès, on va se retrouver en contradiction avec tous nos engagements, c'est sûr.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci beaucoup, M. Bélisle, Mme Legendre.

J'invite maintenant le Regroupement national des conseils régionaux en environnement du Québec à prendre place à la table, et je suspends les travaux pour une minute.

(Suspension de la séance à 16 h 15)

(Reprise à 16 h 17)

La Présidente (Mme Bouillé) : Nous reprenons nos travaux. Messieurs, bienvenue. Vous disposez d'une période de 10 minutes pour votre exposé, qui sera suivi d'une période d'échange avec les parlementaires. Je vous demanderais, en débutant, de vous présenter, s'il vous plaît. La parole est à vous.

Regroupement national des conseils régionaux
en environnement du Québec (RNCREQ)

M. Turgeon (Alexandre) : Merci, Mme la Présidente. Je me présente, Alexandre Turgeon. Je suis directeur du Conseil régional de l'environnement de la région la Capitale Nationale, également administrateur du Regroupement national des conseils régionaux de l'environnement. J'accompagne aujourd'hui Philippe Bourke, le directeur du regroupement, qui va vous faire la présentation. Je lui cède la parole.

M. Bourke (Philippe) : Merci beaucoup. Donc, comme nous n'avons que 10 minutes et qu'on est des habitués de la commission, on va couper court aux présentations et se limiter à dire qu'aujourd'hui on représente les 16 conseils régionaux de l'environnement et que le but de notre regroupement, c'est de protéger l'environnement et de promouvoir le développement durable dans une perspective de défense de l'intérêt public.

Donc, il y a une description plus détaillée des CRE et du regroupement dans notre mémoire. Soulignons toutefois que les CRE sont particulièrement actifs dans le secteur de l'énergie et qu'ils se sont penchés avec sérieux sur la question de l'avenir énergétique du Québec, notamment à travers les Rendez-vous de l'énergie et, plus récemment, avec la démarche Par notre propre énergie.

En préambule, comme l'ont souligné plusieurs groupes de citoyens, sociaux et environnementaux, le regroupement tient à exprimer sa profonde déception face à la forme restrictive de la présente consultation. En outre, devant des enjeux d'une telle importance, le regroupement s'explique mal le fait que Québec n'ait pas réalisé une évaluation environnementale complète, laquelle aurait permis à la population et aux décideurs de porter un jugement éclairé à l'égard de ce projet.

Maintenant, contrairement aux autres organisations environnementales qui se sont impliquées beaucoup dans ce dossier-là depuis plusieurs mois comme l'AQLPA, qu'on vient d'entendre, c'est la première fois que le regroupement prend officiellement position dans le dossier. Mais, même si le sujet semble en apparence assez simple, il est pourtant d'une grande complexité pour nous. Il a nécessité une réflexion très prudente et très approfondie, ce qui explique peut-être, justement, le délai qu'on a mis avant de prendre position officiellement. On est donc heureux de vous partager aujourd'hui le fruit de cette réflexion. Notre objectif est assez simple, on veut vous convaincre que vous avez tort de vous astreindre à une analyse aussi étroite du projet. Le gouvernement du Québec doit définitivement élargir le cadre de son analyse et évaluer ce projet dans une perspective globale. On va utiliser deux arguments pour vous convaincre. Le premier est éthique, l'autre est légal.

• (16 h 20) •

Sur le plan éthique, on réfère au devoir du Québec à l'égard des pressions et des menaces qui pèsent sur les conditions d'existence sur terre. Même si on préfère tous l'oublier, plusieurs rapports internationaux publiés au cours de la dernière décennie contribuent à dresser un portrait alarmant de l'état de l'environnement mondial. Je me permets de citer deux passages de notre mémoire, qu'on retrouve en page 7 et 8 et qui concernent, justement, ces rapports : «Avec la sortie de la récente publication intitulée Turn Down the Heat réunissant les données scientifiques les plus récentes [sur] le climat, Jim Yong Kim, président de la Banque mondiale, a déclaré que "si nous n'agissons pas contre le changement climatique, nous risquons de léguer à nos enfants un monde radicalement différent de celui que nous connaissons aujourd'hui. Le changement climatique est l'un des principaux obstacles auxquels se heurtent les efforts de développement, et nous avons la responsabilité morale d'agir pour le bien des générations futures, en particulier les plus pauvres."»

Autre citation : «Dans [un] plus récent rapport sur l'état de la planète, le Programme des Nations unies sur l'environnement affirme que "les pressions exercées sur les écosystèmes terrestres poussent ces derniers vers leurs limites biophysiques et que ces limites sont presque déjà atteintes. Dans certains cas, elles sont […] dépassées. […]Si l'humanité ne modifie pas d'urgence ses façons de faire, plusieurs seuils critiques vont être franchis, au-delà desquels des changements abrupts et généralement irréversibles pour les fonctions de base de la vie sur terre pourraient se produire".»

Reconnaissant cela, le Québec ne peut pas, moralement, fermer les yeux devant des projets qui s'inscrivent dans une logique qui accroît ces pressions et ces menaces. Les projets de pipeline d'Enbridge et de TransCanada, comme aussi ceux de Keystone XL et de Northern Gateway, visent un objectif clair, augmenter la capacité d'accès au marché du pétrole albertain pour permettre aux compagnies pétrolières canadiennes de vendre plus de pétrole, plus rapidement et plus cher. Si l'on veut préserver les conditions d'existence sur terre, la poursuite de cette exploitation à ce rythme et à ces conditions n'est pas possible. Le RNCREQ considère inadmissible que le Québec, qui se dit leader de la lutte aux changements climatiques et promoteur du développement durable, reste les bras croisés devant ces faits. Il doit plutôt se demander quel rôle il peut jouer pour tenter de corriger cette situation-là.

Sur le plan légal maintenant, nous vous rappelons que le gouvernement du Québec est assujetti à la Loi sur le développement durable, qui a été adoptée à l'unanimité en 2006. Cette loi impose à Québec d'élargir son analyse en prenant en compte l'ensemble des 16 principes de la loi. J'en prends deux, comme ça, en exemple. Le regroupement considère que, par son analyse restrictive, Québec ne respecte pas le principe d'équité et solidarité sociale en fermant les yeux sur le fait que les projets d'oléoduc s'inscrivent dans une logique d'exploitation rapide des ressources non renouvelables sans que ne soient pris en compte les besoins des générations futures et l'usage qu'elles pourraient faire de ces ressources.

Un autre principe qui est ignoré est celui du partenariat et coopération intergouvernementale. Ce principe stipule que les actions entreprises sur un territoire doivent prendre en considération leurs impacts à l'extérieur de celui-ci. Or, le Québec, dans son analyse, ferme les yeux sur les impacts des projets de pipeline en amont, soit au moment de l'extraction du pétrole. Pour toutes ces raisons, tant que cette situation perdurera, le regroupement s'oppose à la production de pétrole à partir des sables bitumineux et aux infrastructures de transport destinées à en favoriser le développement.

Le regroupement est d'avis que la façon la plus optimale pour le Québec de gérer sa filière pétrole est de mettre en oeuvre une stratégie musclée visant la réduction de la consommation de cette forme d'énergie sur son territoire. Réduire la dépendance au pétrole étranger, c'est légitime et nécessaire. Mais ce qui est primordial, c'est de réduire la dépendance au pétrole tout court. Pour le regroupement, il est possible de réduire la consommation de pétrole au Québec sans pour autant nuire à la qualité de vie et au développement, au contraire. D'ailleurs, des efforts en ce sens sont déjà mis en oeuvre par le gouvernement, comme la Stratégie d'électrification des transports, mais cela est loin d'être suffisant.

Les conseils régionaux de l'environnement, appuyés par un important collectif de partenaires, ont signé en 2011 une déclaration d'engagement pour promouvoir une stratégie ambitieuse visant la réduction de la consommation de pétrole. Les signataires affirment, entre autres, qu'une réduction progressive et planifiée de la consommation du pétrole aura assurément des impacts positifs sur le développement économique régional, la balance commerciale québécoise, l'emploi et notre qualité de vie, lesquels sont supérieurs aux éventuels impacts négatifs du statu quo. Ce faisant, c'est toute notre société qui en sortirait gagnante. Notre leadership saurait assurément inspirer le monde.

Malgré ce qui précède, le regroupement est conscient qu'en dépit de toute notre bonne volonté notre dépendance aux hydrocarbures, surtout au pétrole, est telle qu'il nous serait impossible de nous en passer à brève échéance. La consommation de ces formes d'énergie restera nécessaire au Québec pour de nombreuses années encore. La question des sources d'approvisionnement demeure donc importante et entière. Or, comme nous l'avons souligné plus tôt, le mode d'extraction du pétrole des sables bitumineux fait fi des préoccupations relatives aux changements climatiques et à l'épuisement accéléré des ressources naturelles non renouvelables. En somme, nous exploitons ces ressources sans égard aux intérêts et aux besoins des générations futures. Devant ce constat, le Québec doit se demander quel rôle il peut jouer pour limiter les impacts de l'exploitation des sables bitumineux sur l'environnement.

Le regroupement estime que le Québec pourrait jouer un rôle important pour contraindre le gouvernement canadien et l'industrie pétrolière canadienne à s'engager concrètement et avec sérieux dans la lutte contre les changements climatiques et dans la prévention des dommages environnementaux et sociaux associés à l'exploitation des sables bitumineux. L'autorisation des projets de pipeline constitue une opportunité de le faire en imposant des conditions à l'acceptation des projets d'oléoduc. Pour que les projets de pipeline soient acceptables, le regroupement estime que le gouvernement du Québec doit imposer cinq conditions, et je termine avec ça.

Que le gouvernement du Québec adopte et mette en oeuvre un plan d'action sérieux et contraignant de réduction des gaz à effet de serre destiné à répondre de manière concrète aux impératifs de la stabilisation à 2 °C du climat mondial;

Que le Canada impose aux entreprises qui exploitent le pétrole canadien des normes d'émission de GES équivalentes aux émissions issues de sources de pétrole conventionnelles;

Que le Canada investisse massivement, par l'entremise de toutes les provinces, dans les solutions visant la réduction de la consommation de pétrole comme le transport collectif et actif ainsi que dans le développement des énergies renouvelables; qu'il engage à cet égard une conversation pancanadienne sur l'importance d'une économie à faible empreinte carbone et sur le développement des énergies renouvelables;

Quatrième condition : que les promoteurs optent pour les tracés de moindres impacts environnementaux et sociaux et que ces impacts soient correctement mitigés. En outre, les promoteurs doivent faire la démonstration que leurs installations sont sécuritaires, qu'ils appliquent les plus hauts standards en matière de plans de contrôle et de suivi, qu'ils démontrent lors de la tenue de consultations publiques, outre l'accord des propriétaires fonciers concernés, l'obtention d'un réel consensus social dans chacune des communautés concernées au long du parcours, le tout assorti de garanties financières suffisantes en cas d'incident.

Et, finalement, que les entreprises de raffinage démontrent qu'elles mettront en place les technologies appropriées pour que ce type de pétrole n'augmente pas les émissions de GES et la pollution atmosphérique associées à leurs activités. Merci.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci, messieurs du regroupement. Nous allons procéder maintenant à la période d'échange avec les parlementaires en débutant par la partie gouvernementale. Mme la ministre.

Mme Zakaïb : Merci, Mme la Présidente. M. Bourke, M. Turgeon, bienvenue à l'Assemblée nationale. Merci pour votre mémoire et pour votre présentation. Comme plusieurs Québécois, comme, je pense, la grande majorité des Québécois, nous sommes tous très soucieux du réchauffement de la planète, nous sommes tous très soucieux de l'émission de gaz à effet de serre. Et le début de votre allocution était à l'effet que le Québec doit jouer un rôle important comme leader mondial, et je pense que le gouvernement a pris déjà des mesures pour faire en sorte que notre… L'électrification des transports, entre autres, et tous les investissements qu'on fait en biomasse, en éolien… Vous savez qu'on a l'électricité la plus propre au monde. Tout ça démontre à quel point le peuple québécois, comme son gouvernement, a à coeur la protection de l'environnement.

Maintenant, quand on parle… vos conclusions seraient-elles les mêmes si le pétrole importé de l'Ouest canadien était du pétrole traditionnel?

La Présidente (Mme Bouillé) : Messieurs du regroupement.

• (16 h 30) •

M. Turgeon (Alexandre) : Je pense que l'AQLPA a bien souligné tout à l'heure que le pétrole de l'Ouest, c'est probablement le pire pétrole mondial auquel on peut s'approvisionner. Donc, la question reste hypothétique.

Ceci dit, sur le bilan environnemental du Québec, malgré ce qu'on fait de bien en termes de production d'énergie, on a encore beaucoup de travail à faire. On est une société extrêmement dépendante du pétrole. Les Québécois ont tendance à oublier qu'on consomme davantage, en quantité d'énergie, de pétrole pour répondre à nos besoins énergétiques qu'on consomme d'électricité produite avec nos centrales hydroélectriques. Et cette dépendance-là au pétrole et à l'industrie automobile qu'elle alimente est grandement responsable de notre déficit commercial au Québec. On ne produit pas d'autos au Québec, on ne produit pas de pétrole au Québec, et on a tout intérêt, sur le plan économique, à sortir de cette dépendance-là et, par la même occasion, travailler de façon sérieuse à corriger nos émissions de gaz à effet de serre, qui restent extrêmement élevées, considérant nos sources de production d'électricité.

Alors, moi, je pense qu'on a un vaste chantier. Et on ne peut pas dire : C'est important, l'environnement, c'est important, les questions des changements climatiques, et, somme toute, ne rien faire, annoncer, semaine après semaine, des nouveaux prolongements d'autoroutes dans toutes les régions du Québec, et ne rien faire d'un point de vue du développement des transports collectifs. Il faut que le Québec agisse. Et ce n'est pas en ouvrant la voie à l'exportation du pétrole albertain au Québec, voire l'exporter ailleurs en transitant par le Québec, qu'on va améliorer ce bilan environnemental là.

La Présidente (Mme Bouillé) : Mme la ministre.

Mme Zakaïb : Je suis en désaccord avec vous. Je pense que le Québec agit. Je pense que le Québec prend des moyens, autant pour le transport collectif que pour le transport individuel, vers l'électrification des transports. Maintenant, il y a des gens qui conduisent une automobile à essence, et je pense qu'au Québec on va toujours… Il y a une période de transition et, présentement, la très grande majorité des Québécois ont besoin d'essence pour mettre dans leur voiture.

Une fois qu'on se dit ça, quel est le moindre mal? Quel est le moindre mal? Est-ce que… Puis je suis d'accord avec vous que l'Association québécoise de lutte contre la pollution est venue nous dire qu'il n'y avait pas de pétrole traditionnel dans l'Ouest canadien, sauf qu'il y a des gens qui sont venus nous dire qu'eux s'approvisionnaient en pétrole traditionnel, et non pas en pétrole qui provient des sables bitumineux, mais bien en pétrole traditionnel. Si c'était le cas — parce que, ça, ça va se vérifier, là, on va avoir les moyens de vérifier ça — si, effectivement, c'est du pétrole traditionnel qui vient de la Saskatchewan ou des provinces de l'Ouest, est-ce qu'à ce moment-là votre position serait la même?

La Présidente (Mme Bouillé) : Messieurs.

M. Turgeon (Alexandre) : Encore une fois, je pense qu'on doit mettre nos énergies et forcer, dans le rapport de force avec Ottawa comme gouvernement du Québec… forcer Ottawa à mettre des conditions qui tendent à réduire les émissions de gaz à effet de serre, qui tendent à mettre en place les conditions que le regroupement suggère. L'exportation du pétrole albertain vers la Colombie-Britannique, ce ne serait pas possible sans l'autorisation de la Colombie-Britannique. C'est la même chose pour le Québec, c'est une question de rapport de force politique, et il y a des conditions qui peuvent être imposées pour s'assurer qu'on va améliorer notre bilan environnemental et forcer le Canada, par le fait même, à poser des gestes pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Philippe, tu veux compléter?

M. Bourke (Philippe) : Oui. Juste un élément, Mme la Présidente. Il y a deux choses qu'on soulève par rapport à la question du pétrole. Il y a, effectivement, les enjeux par rapport aux changements climatiques, mais l'autre logique que j'ai voulu souligner — puis elle est très claire, même dans le document de consultation — c'est la tendance vers l'exploitation accélérée de ce pétrole-là. Donc, on fait fi, totalement fi, du fait que ce sont des ressources non renouvelables et on est dans une course tout à fait illogique visant à brûler ce pétrole-là le plus rapidement possible, alors qu'on sait très bien que c'est une source d'énergie excessivement précieuse, qu'on a du mal à s'en passer et qu'on aurait besoin longtemps. Et donc c'est ce questionnement-là qu'il faut faire, peu importe… Et ça, c'est l'autre volet du propos. Donc, que ça soit du pétrole, disons-le, conventionnel, c'est toute cette logique de la course à en produire le plus rapidement possible.

Et j'ai tenté de la faire, la démonstration, dans le mémoire, plus on s'en va vers du pétrole qui est coûteux à produire, ce qu'on appelle le retour sur l'investissement énergétique… Donc, les compagnies pétrolières font peu d'argent pour un baril de pétrole qu'elles produisent. Donc le réflexe, j'appelle ça… l'idée, c'est : Si on veut faire autant de profit qu'on en faisait avant, il faut en vendre beaucoup, rapidement et très vite. C'est ça, la logique. Alors, tant qu'on… puis plus on va aller… plus on va vers ça… parce que plus on va aller, plus ça va être coûteux et difficile à extraire du pétrole, alors la tendance, pour les compagnies pétrolières, c'est de l'éliminer le plus vite possible, voilà. Alors, ça, c'est une autre préoccupation que vous devez regarder et pour laquelle on a des questionnements à poser.

M. Turgeon (Alexandre) : Et, si on a quelque chose à faire avec l'argent des Québécois… Pour revenir sur votre affirmation du départ à l'effet que beaucoup de Québécois utilisent leur voiture, ce qu'on a tendance à oublier, c'est qu'on force, on contraint les Québécois. On est dépendants de l'automobile, on n'a pas de choix. On n'a pas d'alternative dans notre mode d'aménagement du territoire, on n'a pas d'alternative dans la façon dont on a développé notre territoire, et c'est ces alternatives-là qu'il faut qu'on développe pour leur offrir un choix, aux Québécois, autant en matière de localisation qu'en matière de transport. Et ce n'est pas en faisant les investissements qu'on a faits dans les trois, quatre dernières décennies qu'on va arriver à changer ces choix-là. Alors, qu'on prenne l'argent des Québécois pour développer les alternatives et que ces alternatives-là soient créatrices d'emplois et de richesse au Québec plutôt qu'en Alberta ou à l'étranger.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Repentigny.

M. McKay : Oui. Bonjour. Dans la même veine, vous parlez d'offrir des choix aux Québécois pour se déplacer ou, dans l'aménagement du territoire, pour avoir moins besoin de… être moins dépendants par rapport à la voiture individuelle. À votre sens, est-ce que ça va coûter plus cher aux Québécois d'aller dans ce sens-là ou s'ils vont avoir plus d'argent dans leurs poches?

M. Turgeon (Alexandre) : …plus.

La Présidente (Mme Bouillé) : Les représentants du regroupement

M. Turgeon (Alexandre) : Excusez-moi, Mme la Présidente. Ils vont en avoir définitivement plus. C'est vraiment… Le «tout à l'automobile», c'est vraiment le choix le plus coûteux pour les Québécois, pour leur économie. C'est le mode de transport le plus coûteux sur le plan individuel. Plus qu'on développe les transports collectifs, plus qu'on offre des alternatives et qu'on réduit les besoins en termes de déplacement, plus qu'on ramène de l'argent dans la poche des Québécois. Et c'est aussi parce qu'on a une industrie qui… On a une industrie qui font des trains légers, qui font des trains de banlieue, qui font des tramways, qui font des autobus au Québec. On n'a pas ça dans le secteur automobile. En plus, c'est créateur d'emplois, en plus d'être plus économique pour les ménages québécois.

Un ménage qui a besoin d'avoir deux voitures ou plus pour ses besoins, là, c'est 160 000 $, 180 000 $ qu'il ne peut pas mettre sur l'hypothèque d'une maison. Et ça, ça a un coût que, trop souvent, on ignore, qu'on ne fait pas le calcul. On prend ça comme une fatalité d'être obligé d'avoir une automobile, alors que nos conditions climatiques nous conduiraient vers dire : Aïe! vraiment, l'automobile, ce n'est pas fait pour nous, là, compte tenu de notre climat. Alors, il faut qu'on engage notre économie, notre aménagement du territoire, nos moyens de transport vers une réduction de cette dépendance-là à l'automobile et, conséquemment, au pétrole.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Repentigny.

M. McKay : Oui. D'ailleurs, je me souviens… Puis vous avez sûrement participé à l'époque à cette consultation-là où on nous demandait quel objectif de réduction de gaz à effet de serre pour le Québec, là, à l'horizon 2020, et puis une des choses… Je ne sais pas si vous aviez remarqué ça, mais plus l'objectif de réduction était élevé — puis là les scénarios du gouvernement arrêtaient à 20 %, même si nous, à l'opposition, à l'époque, on demandait d'aller à 25 % aussi pour voir… — la modélisation du ministère des Finances montrait, bon, certains impacts très mineurs sur… négatifs sur le produit intérieur brut du Québec. Par contre, moi, ça m'avait frappé, on voyait, le revenu moyen des ménages augmentait de plus en plus, plus on avait un objectif de réduction de gaz à effet de serre élevé. Vous expliquez ça comment?

La Présidente (Mme Bouillé) : Messieurs.

M. Bourke (Philippe) : Effectivement, je pense que — Alexandre en a parlé tantôt — au Québec, c'est le pétrole qui occupe à peu près autant de part que l'hydroélectricité dans notre bilan de consommation d'énergie, et, conséquemment, c'est là qu'on peut faire des gains, vraiment, en réduction de gaz à effet de serre. Puis le pétrole, on le consomme où? On le consomme dans nos véhicules. Et donc, si on réduit la consommation… Si, par exemple, les Québécois, sans modifier, par exemple, le confort d'un véhicule, mais en choisissant un à moindre consommation, bien, c'est clair que d'abord le… probablement que le véhicule leur coûterait beaucoup moins cher, ils paieraient moins cher en assurance, ils paieraient moins cher en immobilisation et moins cher en carburant, et tout cet argent-là resterait dans leurs poches, ils pourraient l'utiliser pour d'autres fins et faire rouler l'économie québécoise plutôt que de faire rouler l'économie des pays qui produisent du pétrole ou qui fabriquent des voitures.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Repentigny.

• (16 h 40) •

M. McKay : Oui. Maintenant, si le fait, justement, d'avoir des modes de transport puis de consommation qui réduisent notre consommation de pétrole fait en sorte qu'on a moins besoin de l'auto puis qu'on a plus d'argent dans nos poches pour faire d'autres choses avec ces sous-là, comment est-ce qu'on explique que les gens bloquent les voies réservées aux autobus sur les autoroutes autour de Québec? Bien, je pense que c'est un peu une boutade, là, mais c'est juste pour illustrer le fait qu'il y a encore un peu loin de la coupe aux lèvres. Je pense que les gens ne réalisent pas encore… Puis je vous mentionne ça parce que j'ai entendu M. Bourke récemment, là, au congrès de l'Association des biologistes du Québec, qui disait qu'il y avait un gros manque en termes d'éducation. Je pense que vous vous disiez même qu'au point où on en est là ça prendrait un gouvernement qui accepterait de perdre ses élections parce que ça serait tellement impopulaire de mettre en place les mesures.

Bon, mais, si on perd les élections, à ce moment-là il y a des bonnes chances que le gouvernement qui va nous suivre va défaire ces mesures-là. Alors, on tournerait un peu en rond. Donc, j'imagine que… Qu'est-ce que vous voyez, en termes, tu sais, dans les… rapidement, là, qu'on pourrait mettre en oeuvre au Québec pour nous faire faire des avancées importantes en termes d'appui populaire puis d'éducation populaire pour faire en sorte que ces choses-là se sachent davantage puis que les politiciens aient davantage de pression pour faire les bons choix?

La Présidente (Mme Bouillé) : Messieurs du regroupement.

M. Turgeon (Alexandre) : Bien, moi, je pense que ça, c'est un autre enjeu fédéral-Québec. Si vous avez des pouvoirs en matière de radiodiffusion, je vous dirais de fermer le 93,3 puis CHOI-FM… CHOI Radio X à Québec, là. Je pense que la société québécoise ne s'en porterait que mieux, même si Radio-Canada ne pourrait pas se payer leur tête le vendredi soir.

Il n'y a pas d'endroit où on développe l'offre en matière de transport collectif au Québec où, rapidement, la demande sature cette nouvelle offre là. Dès qu'on développe une nouvelle ligne de train de banlieue, une nouvelle ligne, un nouveau Métrobus, on est rapidement à saturation. Le Métrobus, à Québec, transporte 58 000 passagers par jour, alors qu'à Portland, en Oregon, aux États-Unis, on passe à un mode tramway à partir de 20 000 puis, à Lyon, en France, on passe au mode tramway à partir de 30 000 passagers par jour. Alors, il y a une forte demande pour transporter autrement, et je pense qu'il faut que vous soyez un peu plus imperméables aux pluies de vindictes, d'appels à la violence automobile que peuvent faire certains animateurs de radio à Québec. Moi, je pense qu'il y a quelque chose de frustrant quand on est dans une automobiliste, puis qu'on voit une voie réservée à côté, puis on se dit : Oh! il me semble que si j'y allais, ça irait plus vite. Sauf que c'est ça qui fait qu'elle est drôlement efficace, cette voie réservée là qui a été implantée la semaine dernière à Québec, et il faut poursuivre dans cette voie-là, il faut continuer d'améliorer l'offre en matière de transport collectif. Il faut que ça devienne un choix naturel et responsable pour les gens d'utiliser le transport collectif.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Repentigny, une minute.

M. McKay : Oui. Bien, je vois que vous nous suggérez des conditions envers le gouvernement fédéral puis aussi envers les promoteurs de pipelines. Enfin, je… C'est sûr que, par rapport à la situation actuelle, ça semble être beaucoup leur demander, mais, dans le fond, effectivement, c'est pas mal le minimum. Mais là vous savez qu'on fonctionne par consensus autour de la table. Qu'est-ce que vous diriez pour appuyer ça, pour ne pas que, si jamais, de notre côté, on proposait des choses comme ça, qu'on passe tout simplement pour vouloir faire de la politique souverainiste, là? Pensez-vous que ça pourrait rallier l'ensemble des groupes parlementaires, ce type de proposition là? Sur quelle base?

La Présidente (Mme Bouillé) : Messieurs, en 15 secondes.

M. Bourke (Philippe) : Bien, moi, je pense que ça n'a aucun égard aux positions politiques des différents partis, c'est un devoir, comme on l'a exprimé, un devoir de responsabilité en tant que Québécois, peu importe le parti. Et je pense que ça fait énormément de sens, et ça démontrerait tout le sérieux que le Québec porte à ces enjeux-là.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci. M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sklavounos : Merci, Mme la Présidente. Alors, à mon tour de souhaiter la bienvenue à M. Bourke, M. Turgeon du Regroupement national des conseils régionaux en environnement du Québec. Merci pour votre présence ici aujourd'hui, votre participation, le mémoire que vous avez déposé.

Évidemment, vous êtes un petit peu critiques concernant cette consultation que nous tenons actuellement. Je lis dans votre mémoire que vous trouvez que la forme est restrictive. Et vous avez mentionné le fait qu'elle n'est pas appuyée par une évaluation environnementale. Et j'imagine que les délais et le fait qu'on doit procéder assez rapidement… Ce sont des défis même pour nous, évidemment, pour essayer de se faire une tête sur cette question-là, et nous avouons candidement — je pense que tous pourront le faire — que nous ne sommes pas des experts. Alors, nous sommes en train de profiter de l'expertise des gens qui se sont présentés devant nous pour essayer de se faire une tête et essayer de tracer un juste milieu entre différents concepts. Parce que vous savez sans doute, ayant suivi probablement les travaux, nous avons des gens qui sont venus faire des représentations purement de nature économique, parlant de projets, création d'emplois, maintien d'emplois, nous avons d'autres qui viennent prendre un angle, comme vous le faites, un petit peu plus au niveau de la lutte contre les changements climatiques, et on essaie, en tant que parlementaires, d'essayer de tracer un juste milieu du mieux que nous pouvons.

Au niveau de la discussion sur notre dépendance, si vous voulez — une expression qui est employée — au pétrole et le reste, est-ce que vous trouvez que c'est difficile pour nous d'avoir ces discussions, alors que… Et, si vous avez suivi, plus tôt, M. Bélisle a parlé du plan d'action du gouvernement libéral, du gouvernement précédent comme ayant été imparfait, et, évidemment, tout est perfectible. Mais, en ce moment, le Québec, alors qu'il s'est donné une cible qui est plus ambitieuse… Et nous sommes allés à Varsovie, le ministre et moi, avec cette cible-là. Par contre, c'était un petit peu difficile de répondre comment on allait atteindre cette cible ambitieuse, plus ambitieuse que le gouvernement précédent, sans avoir un plan d'action. Comment trouvez-vous que ça affecte nos discussions? Comment pouvons-nous faire cette analyse correctement, pouvoir comparer les choses, connaître, déterminer qu'est-ce qui est notre marge de manoeuvre, s'il en est une, sans avoir de plan d'action, sans avoir le dépôt d'un plan d'action de la part du gouvernement pour la lutte aux changements climatiques?

La Présidente (Mme Bouillé) : Messieurs.

M. Turgeon (Alexandre) : Bien, écoutez, le plan d'action sur les changements climatiques qui a été déposé en mai 2012 par votre gouvernement à l'époque est certainement perfectible, mais il n'en constituait pas moins un excellent plan d'action sur les changements climatiques, à notre sens. Il mettait l'aménagement du territoire au coeur des priorités, le transport également complémentaire à l'aménagement du territoire, et je pense qu'il faisait appel à peu près à 10 endroits à la nécessité de cohérence dans l'action gouvernementale. Ce n'est pas tout d'avoir un bon plan d'action avec des bonnes mesures ciblées pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, encore faut-il que l'ensemble de l'action gouvernementale concoure aux mêmes objectifs. Et ça, c'est extrêmement important. Alors, moi, je pense que, si on poursuit dans la même voie — et le plan d'action visait 20 % — et qu'on bonifie ce plan-là pour atteindre un 25 %, on va juste arriver avec un meilleur plan.

Sur la question de l'expertise, que vous avez soulevée — vous l'avez soulevée dans votre commentaire et vous l'avez également soulignée à l'AQLPA tout à l'heure — pour nous, c'était une des questions qu'on se disait et qu'on souhaitait… C'est une question... Et ce sont des enjeux extrêmement complexes, et c'est probablement une des choses qui nous a surpris par le choix de dire : C'est en commission parlementaire qu'on va étudier la question d'Enbridge. Moi, je pense que, si, en votre âme et conscience, vous ne vous sentez pas parfaitement à l'aise avec l'ensemble des faits qui ont été exposés, parfois contradictoires, bien, peut-être qu'une des grandes recommandations de la commission, ça devrait être de dire : Ça nous prend une commission d'experts, ça nous prend des études indépendantes qui se penchent plus avant sur cette question-là.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sklavounos : Je suis content d'entendre votre commentaire sur le plan d'action, évidemment. Nous, on a proposé au gouvernement, s'il n'était pas pour déposer rapidement un plan d'action, puisqu'il est nécessaire à nos discussions… On a appelé au gouvernement de simplement reconduire le plan d'action qui avait été déposé en 2012, comme vous dites, quitte à le bonifier, on était prêts. Évidemment, il y a eu mise sur pied d'un comité consultatif — M. Bélisle, d'ailleurs, est sur ce comité-là — nous allons attendre, malheureusement, qu'on nous dépose ce plan-là. C'est très difficile de discuter sans avoir ce cadre-là. Et c'est ce qui a été relevé par M. Simard, de Nature Québec, qui nous disait : Les annonces, en quelque sorte, du gouvernement, malgré le fait qu'il y a du potentiel là-dedans, il manque une certaine cohérence, une certaine stratégie d'ensemble.

Vous parlez du fait que l'acceptabilité sociale — à l'intérieur du mémoire — n'occupe pas beaucoup de place, ça a été évoqué sur quelques lignes, et vous en faites une certaine critique. Si j'étais pour vous proposer qu'en quelque sorte cette commission parlementaire… Et elle a été décrite différemment, de différentes façons par le ministre de l'Environnement, qui n'est pas présent — je n'ai pas le droit de faire ça, mais... je suis désolé — comme un exercice plutôt politique, qu'on avait un pouvoir politique, un pouvoir de persuasion, mais qu'évidemment la décision revenait à l'Office national de l'énergie, là, qui a la juridiction dans cette affaire. Si j'étais pour vous proposer que ce qu'on fait ici est, en quelque sorte, un exercice d'acceptabilité sociale, en tant qu'élus de différentes régions, de différentes formations politiques, nous sommes en train de faire ça… Évidemment, il n'y a personne autour de la table... Je sais que notre collègue... au moins un de nos collègues a écrit un livre, il peut prétendre avoir une certaine expertise, mais ce n'est pas tout le monde autour de la table qui peut prétendre d'avoir l'expertise nécessaire pour prendre la place d'un scientifique dans ce dossier-là. Mais, si je vous disais qu'on est en train, ensemble, avec vous, d'essayer de faire un exercice d'acceptabilité sociale, qu'est-ce que vous répondrez?

• (16 h 50) •

La Présidente (Mme Bouillé) : Les représentants du regroupement.

M. Bourke (Philippe) : Bien, écoutez, moi, j'ai eu le privilège de me pencher régulièrement sur les enjeux d'acceptabilité sociale, j'ai participé à des conférences, des colloques sur cet enjeu-là. Vous le dites bien, c'est un processus. Donc, d'en discuter, c'est déjà une partie d'un effort pour atteindre l'acceptabilité sociale.

Comme disait mon collègue, si, à la fin de votre exercice, vous considérez que c'était simplement une étape d'approfondissement, de votre part, de ces enjeux-là qui vous conduit à dire : Il faudrait avoir d'autres étapes avant de prendre des vraies décisions parce qu'il va falloir pousser les enjeux au niveau des expertises, au niveau de l'ouverture sur les impacts globaux, bien, assurément qu'après coup on aura dit : Bien, la partie qu'ils ont faite en commission parlementaire, qui était le début, disons, de la réflexion, assurément on pourrait dire que ça a une connotation de début d'un processus d'acceptabilité. Mais visiblement on n'est pas à l'acceptabilité en ce moment ni ici ni à l'extérieur, là, il y a encore beaucoup de résistance, puis il va continuer à en avoir dans ce projet-là parce que ça se bâtit, l'acceptabilité.

M. Turgeon (Alexandre) : Il y a des enjeux environnementaux associés aux projets des pipelines. Dans ce cas que vous étudiez ici, celui d'Enbridge, il y a des enjeux de sécurité, puis il y a des enjeux économiques. Je vous dirais — puis là je vais mettre mon chapeau de contribuable et d'électeur québécois, là — que, moi, ce que j'entends, pour les gens qui s'intéressent un petit peu à cette question-là, il y a beaucoup de craintes de la part des municipalités sur les enjeux de sécurité, il y a beaucoup de craintes sur les enjeux à caractère environnemental puis il y a une incompréhension d'où est-ce qu'ils vont avec les enjeux économiques associés à ce projet-là.

L'industrie, à la dernière minute, en commission, vous font valoir des enjeux de création d'emplois liés à la transformation des raffineries pour être capable de traiter ce pétrole-là qui viendrait de l'Ouest, mais je m'excuse, là, si on investit pour s'assurer une transition vers une économie moins dépendante du pétrole dans notre économie et dans nos transports, ça va en créer tout autant, sinon davantage, d'emplois, et au Québec. Or, les pétrolières ne vont pas non plus, demain matin, arrêter d'avoir des sources d'approvisionnement multiples parce qu'on dirait non à l'inversion de ces pipelines-là. Donc, l'enjeu économique, je ne le vois jute pas. Au contraire, pour nous, il ne paraîtrait que positif que de dire non à ce projet-là pour l'intérêt économique du Québec seulement, mais il y a d'autres enjeux qui sont des enjeux de sécurité et d'environnement qu'il faut aussi prendre en compte. Alors, pour nous, c'est une décision qui s'inscrit en… c'est complètement non logique de vouloir poursuivre l'inversion du pipeline d'Enbridge.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sklavounos : Les travailleurs qui sont venus nous voir… On a eu des travailleurs, ce n'est pas nécessairement juste les entreprises. Évidemment, les entreprises, les raffineries allaient parler pour le projet, mais on a eu des groupes de travailleurs, des syndicats, et autres, qui sont venus nous dire que non seulement il y aurait maintien d'un certain nombre d'emplois, en plus la création de certains emplois, au moins temporaires, puisqu'on doit modifier les installations pour accueillir… en même temps, nous parlaient de cette possibilité d'usine de cokéfaction, si vous voulez, qui… Et je sais que vous l'avez décrite, et tout le monde la décrit comme étant assez polluante, mais, pour eux, représentait de l'emploi, du travail, etc. Ça a été amené de ce point de vue là.

En même temps, il y avait un argument qui revenait souvent — et, je dois vous dire, je l'ai soumis à M. Bélisle également plus tôt — il y a des gens qui comprennent mal pourquoi on envoie nos dollars à l'étranger au lieu de les envoyer en Alberta. Il y en a qui pensent, qui ont soumis le fait qu'on est des concurrents avec l'Alberta. Il y en a d'autres qui sont venus dire : Écoutez, nous faisons partie de la même fédération. Puis, oui, peut-être, c'est plus polluant d'une certaine façon, ils le raffinent, ils font un prétraitement à Fort McMurray, il arrive un petit peu plus léger. Puis, à la fin de la journée, cet argent-là retourne dans les coffres chez les Québécois à cause de la péréquation, etc. Est-ce que c'est quelque chose qui est, pour vous, loufoque ou ce n'est pas une certaine façon de dire : Écoutez, dans le fond, on garde l'argent à l'intérieur de notre fédération, l'argent nous revient en quelque part?

La Présidente (Mme Bouillé) : MM. Turgeon et Bourke, en 1 min 30 s, en 1 min 30 s.

M. Turgeon (Alexandre) : Moi, je veux bien croire que l'argent… L'argent, je veux bien croire qu'il reste à l'intérieur de la fédération, mais l'argent, il va toujours revenir plus vite aux Québécois et profiter à l'économie québécoise quand il reste au Québec et quand cet argent-là est investi au Québec. Imaginez si des travailleurs de l'industrie du tabac étaient venus vous voir il y a 50 ans en disant aux parlementaires : Aïe! ne faites pas de campagne contre le tabagisme, hein, parce qu'il y a des emplois associés à l'industrie du tabac, hein, il ne faudrait surtout pas qu'on touche à cette industrie-là. C'est un peu le même débat aussi qu'on a aujourd'hui. Et pourtant l'argent que les Québécois ne mettent plus dans le tabac, ils le mettent ailleurs dans l'économie, ils font rouler l'économie autrement. Alors, c'est la même chose en matière de décarbonisation et de réduction de la dépendance au pétrole. Encourageons l'ensemble de nos cycles économiques à sortir de la dépendance au pétrole, on va n'en sortir que gagnants parce qu'il y a davantage d'argent qui va retomber au Québec, qui va profiter au gouvernement du Québec pour améliorer ses finances que par le biais de la péréquation, qui, de toute façon, est de plus en plus légère.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci. M. le député de Nicolet-Bécancour.

M. Martel : Merci, Mme la Présidente. Bonsoir à vous deux. C'est dommage parce que je vais m'attaquer un petit peu plus à la forme qu'au fond. Il y a des choses que vous avez dites qui m'ont dérangé, et je ne peux pas laisser passer ça. Vous dites, première phrase de votre mémoire : «…le [regroupement] tient à exprimer sa profonde déception à l'égard de la forme restrictive de la présente consultation.»

Vous êtes un regroupement d'organismes régionaux. Vous savez très, très bien que le mandat d'étudier cette question-là… Le Québec fait encore partie du Canada. Le mandat d'étudier ce projet-là, ça appartient à l'Office national de l'énergie, un organisme canadien — c'est triste, mais c'est encore comme ça — et l'Assemblée nationale a fait un choix, d'entendre la population pour voir qu'est-ce que les gens disent, pour se faire une opinion, et vous venez nous reprocher cette forme-là.

Vous venez ici, vous prônez — puis je ne sais pas d'où est-ce que vous sortez ça — d'éliminer des radios commerciales qui sont... Qu'on partage, oui on non, les opinions, c'est des entités légales, il y a beaucoup de gens, ici, qui écoutent ces stations de radio là.

Moi, là, je me demande si... Est-ce que vous faites de la politique? Je me demande où est-ce que vous prenez votre mandat pour venir affirmer des choses comme ça. Je pose la question très... Honnêtement, où est-ce que vous prenez un mandat de venir mentionner des choses comme ça ici?

La Présidente (Mme Bouillé) : Messieurs du regroupement.

M. Turgeon (Alexandre) : Sur votre question sur l'Office de l'énergie, je pense que ça a été sans doute dit par d'autres gens avant nous, ça a été dit dans les médias dans les dernières semaines, l'Office de l'énergie, n'y participe pas qui veut. C'est extrêmement difficile de se faire reconnaître, c'est complexe comme processus, et il y a beaucoup de doutes quant à l'impartialité des décisions qui sont rendues par l'Office de l'énergie.

Et, tout en étant encore dans une fédération, la Colombie-Britannique, elle, ne s'est pas gênée pour imposer ses conditions au gouvernement canadien pour donner son accord au gouvernement canadien quant au projet de pipeline entre la Colombie-Britannique et l'Alberta. Alors, je ne vois pas pourquoi le Québec en ferait moins et pourquoi on n'utiliserait pas tout autant notre rapport de force pour, nous aussi, imposer nos conditions quant à l'exportation du pétrole albertain.

M. Bourke (Philippe) : Juste pour mentionner que, sur les radios, évidemment, c'est une boutade que mon collègue a faite en son nom personnel, et il n'y a nulle part dans nos recommandations réflexions et positions du regroupement qui concernent les radios.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci. M. le député de Mercier.

• (17 heures) •

M. Khadir : Bien, pour rassurer mon collègue de la CAQ, je voudrais dire : Attendez au moins que Québec solidaire arrive au pouvoir avant de considérer la fermeture ou pas des radios-poubelles. Puis je vous promets qu'on va organiser une audience publique et une réflexion collective sur comment certaines radios abusent de leur droit de diffusion et alimentent le mensonge et la désinformation. Bon.

Mais, ceci étant dit, pour revenir… je voudrais distribuer une page du précédent document, le document soumis par l'AQLPA, pour la ministre parce qu'elle revient continuellement, je veux dire, sur cette confusion entretenue par l'industrie, les promoteurs de l'inversion du pipeline, comme quoi il pourrait y avoir d'autre chose que du pétrole des sables bitumineux et ses dérivés dans le tuyau qu'Enbridge veut inverser. Je le dépose ici. Ce rapport montre clairement que les limites du pétrole conventionnel sont atteintes. Tout ce qui peut augmenter en circulation sur les rails comme dans les pipelines, c'est du produit de sables bitumineux et ses dérivés. D'accord? Et les groupes qui viennent ici nous encouragent à réfléchir en fonction de ça, qu'on a une responsabilité.

Parce que ce que j'ai compris de votre intervention, c'est que l'accord que le Québec veut donner — le gouvernement du Parti québécois — à l'inversion du pipeline reviendrait à favoriser le développement, donc, des sables bitumineux. Donc, on se rend complices, en quelque sorte. Un gouvernement qui se dit indépendantiste et souverainiste se rend complice, d'abord, de l'État le plus voyou à l'échelle internationale sur le plan environnemental, l'État canadien, en quelque sorte, qui représente l'industrie pétrolière de l'Alberta. Et, ce faisant, en fait, on vient en contradiction à l'ensemble de nos engagements au cours des 20, 25 dernières années, on sabote, donc, toutes les initiatives prises jusqu'à maintenant.

Maintenant, je comprends que vous nous demandez d'exercer un rapport de force politique. Pouvez-vous nous expliquer les éléments qu'a mis sur table la Colombie-Britannique, les exigences qui la distinguent et qui feraient en sorte qu'au moins… J'espère que les députés ici présents du Parti québécois entendent bien qu'on n'a pas le droit, nous, comme gouvernement dirigé par un parti qui est indépendantiste, d'avoir des exigences en deçà de la Colombie-Britannique. Très bien.

La Présidente (Mme Bouillé) : Messieurs.

M. Bourke (Philippe) : Malheureusement, je n'ai pas en main les conditions, effectivement, qui ont été mises de l'avant par la Colombie-Britannique et qui les ont conduits devant un refus de… et du gouvernement… probablement que ça s'appliquait aux deux, de refus du projet. Ceci dit, je pense que c'est peut-être quelque chose qui pourrait être approfondi par une nouvelle commission qui serait plus large et qui pourrait regarder ce genre de proposition là.

La Présidente (Mme Bouillé) : En terminant.

M. Khadir :

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député…

M. Khadir :

Document déposé

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Mercier, votre temps est écoulé, d'autant plus… Donc, on vous remercie. Je vais accepter le dépôt du document, mais je vous rappelle, M. le député de Mercier, que le document doit être déposé à la présidence, qui accepte ou refuse le document, et qu'elle le distribue après. D'accord?

M. Khadir : Vous pouvez l'accepter, Mme la Présidente?

La Présidente (Mme Bouillé) : Oui, oui, je l'ai dit, je l'ai accepté. Mais je vous rappelle la procédure à respecter aussi, M. le député de Mercier. Merci.

Donc, je vais inviter maintenant l'Association canadienne de pipelines d'énergie à prendre place à la table et je suspends les travaux pour deux minutes.

(Suspension de la séance à 17 h 3)

(Reprise à 17 h 5)

La Présidente (Mme Bouillé) : Messieurs de l'Association canadienne de pipelines d'énergie, bienvenue. Vous disposez d'une période de 10 minutes pour votre exposé, et je vous demanderais de vous présenter au début. Merci.

Association canadienne de pipelines d'énergie

M. Reicher (Philippe) : Alors, bonjour, Mme la Présidente et membres du comité. Je m'appelle Philippe Reicher et je suis le vice-président des Relations extérieures de l'Association canadienne des pipelines d'énergie, donc la CEPA. Et je suis accompagné de mon collègue Jim Donihee, le chef de l'exploitation à la CEPA. Je vous remercie de nous donner l'occasion de soumettre des commentaires à la Commission de l'agriculture, des pêcheries, de l'énergie et des ressources naturelles.

La CEPA représente 13 entreprises pipelinières, lesquelles transportent 97 % du pétrole brut terrestre et de la production de gaz naturel au Canada. Nos membres exploitent actuellement à peu près 115 000 kilomètres de pipelines au Canada, dont un peu plus de 1 000 kilomètres au Québec. De fait, nous avons toujours affiché d'excellents bilans en matière de sécurité au cours de nos 70 années d'exploitation de pipelines au Québec, depuis, en fait, la création du pipeline Portland-Montréal, en 1941.

Une chose que je dois clarifier, c'est que nous sommes ici pour parler des initiatives au niveau de l'industrie. Nous ne pouvons pas parler, justement, sur les projets spécifiques, car, dans notre cas, beaucoup de nos membres sont en concurrence commerciale. Donc, on peut simplement parler de ce que nous faisons au niveau de l'industrie.

Ces autoroutes énergétiques font partie des infrastructures canadiennes vitales. De plus, les pipelines de transport canadiens font l'objet d'une supervision réglementaire rigoureuse de la part de l'Office national de l'énergie. Nos membres ont pris un engagement sans faille afin que nos réseaux de pipelines soient les plus fiables au monde. En fait, notre secteur tente d'atteindre un nombre d'incidents nul et s'emploie expressément à atteindre ce but.

La CEPA soutient des organismes de réglementation solides et aptes, et, tel que nous l'avons mentionné auparavant, notre secteur est hautement réglementé. Dans les faits, lorsqu'il s'agit de réglementation, nos organismes prennent en considération la durée totale du cycle de vie des pipelines. Cela signifie que les étapes de conception, de construction, d'exploitation et de mise hors service font l'objet d'une étroite surveillance de la part des agences de réglementation qui s'assurent que les pipelines sont exploités de façon sûre et responsable.

L'organisme de réglementation n'est pas le seul à devoir garantir la sécurité et l'intégrité des pipelines. Les entreprises membres de la CEPA se sont engagées à constamment développer le secteur des pipelines d'énergie afin qu'il soit sûr, mais aussi socialement et environnementalement durable pour tous les Canadiens. Et, contrairement à l'idée générale, il n'existe aucune raison de négliger la sécurité, puisque tous les frais reliés à l'intégrité et à la maintenance des pipelines sont inclus dans les droits réglementés par l'ONE, qui paie les producteurs. La façon dont ces droits sont créés et réglementés élimine l'envie de bâcler les mesures de sécurité afin de conserver un avantage concurrentiel. Au lieu, cela crée une forte motivation de collaborer sur des pratiques recommandées et des documents d'orientation qui respectent les normes et les règlements, et même les surpassent.

Maintenant, je vais donner parole à mon collègue Jim, qui va décrire les initiatives importantes que nous avons mises en oeuvre au niveau de la sécurité et de l'amélioration de la performance au niveau environnemental.

• (17 h 10) •

M. Donihee (Jim) : Mme la Présidente, mesdames et messieurs, c'est un retour bien… pour moi depuis que j'ai étudié au Collège militaire royal, ça fait de nombreuses années. Mais j'aimerais vous parler de notre programme angulaire de l'association, ce qui s'appelle CEPA Integrity First. Ce programme constitue la pierre angulaire de notre grande attention à la sécurité. Il encourage nos membres à travailler ensemble afin de consolider les performances de notre secteur en développant conjointement et en appliquant individuellement des pratiques optimales. En 2013, ces efforts ont porté sur l'intégrité des pipelines et sur les interventions d'urgence.

Il y a quelques points très importants, ceux qui sont développés cette année. C'est que notre conseil d'administration, auparavant, avait quelques vice-présidents dans le conseil. La gouvernance totale s'est complètement reformée. Maintenant, ce sont seulement les chefs de compagnies qui font partie de notre conseil d'administration. Ils se visent les uns les autres dans les yeux quand il y a des problèmes. Ils travaillent avec grande diligence pour augmenter ce qui est déjà une performance très haute pour notre industrie.

Il y a aussi une entente d'aide mutuelle qui est très importante, et ce qui a été développé cette année. Cette nouvelle entente d'aide mutuelle signifie que tous les membres de la CEPA peuvent s'entraider en partageant un apport de ressources humaines, d'équipement et d'outils, ce qui contribue à améliorer leur capacité à intervenir dans le cadre d'une urgence. Cette entente à travers le secteur aidera à faciliter une intervention encore plus rapide afin de protéger la population, l'environnement et la propriété au cours d'opérations d'urgence.

Nous faisons tout notre possible afin d'atteindre un nombre d'incidents nul. Pour cela, nous appliquons de strictes normes et systèmes en ce qui concerne la conception, la construction, l'exploitation et la maintenance de nos pipelines. En tant qu'entreprises membres de la CEPA, nous nous engageons à constamment nous améliorer grâce à l'utilisation des systèmes de gestion et au développement d'une culture de la sécurité, très répandue dans notre secteur. À cette fin, plus de 120 experts issus de notre secteur se rencontrent régulièrement pour partager les leçons apprises, pour développer des nouvelles technologies et pour favoriser une sécurité ininterrompue lors de l'exploitation de nos pipelines.

À l'égard de notre gestion des urgences, le programme prioritaire CEPA Integrity First garantit que les membres de la CEPA évaluent régulièrement les pipelines et les emprises et appliquent des pratiques de gestion des risques afin de minimiser les effets négatifs sur la population, la propriété ou l'environnement dans le cas d'une urgence. Ils font tout leur possible pour atteindre ou surpasser tous les règlements nouveaux et existants. Ils forment et travaillent conjointement avec les agences d'intervention d'urgence locales et les membres des communautés afin de répondre en cas d'urgence. Ils disposent de plan d'intervention d'urgence qui est conforme à un système de commandement des interventions, le SCI, qui est reconnu internationalement. Ils disposent de l'équipement, des ressources et du personnel d'urgence hautement formé requis pour intervenir efficacement dans n'importe quelle situation. Nous examinons régulièrement nos plans d'intervention d'urgence. Nous effectuons des exercices et nous en partageons les leçons apprises avec nos pairs afin d'améliorer constamment nos capacités d'intervention. Et je repasse la parole à mon collègue pour conclure.

M. Reicher (Philippe) : Alors, quelques observations finales. Donc, tout comme les principales autoroutes et les voies fluviales, les pipelines sont cruciaux pour le transport de l'énergie à travers notre pays. Les membres de la CEPA sont les exploitants d'infrastructures cruciales pour le transport d'énergie entre les zones de production et les régions de consommation. Nous fournissons un service essentiel permettant aux communautés et à nos économies locales de prospérer. Cependant, nous comprenons notre imputabilité face aux citoyens du Québec et de tout le Canada ainsi que notre responsabilité d'être les gardiens sûrs et fiables de l'environnement. Nous demeurons résolus à travailler avec le gouvernement et tous les intervenants afin que le public continue à approuver ce que nous faisons. On parle de cette acceptabilité sociale, nous y croyons absolument fermement. La mise en oeuvre du programme CEPA Integrity First ainsi que la création de l'entente mutuelle en cas d'urgence démontrent concrètement l'engagement des membres de la CEPA à atteindre des normes de sécurité et de fiabilité rigoureuses dans tout le secteur. Les citoyens québécois ont de très fortes attentes vis-à-vis de notre secteur, et nous restons déterminés à améliorer nos très solides performances en matière de sécurité. La CEPA vous remercie de lui avoir donné l'occasion de vous renseigner sur notre secteur. Merci.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci beaucoup. Messieurs, nous allons maintenant procéder à la période d'échange avec les parlementaires en débutant avec la ministre. Mme la ministre, la parole est à vous.

Mme Zakaïb : Merci, Mme la Présidente. Bonsoir, messieurs. Merci de vous être prêtés à cet exercice. Merci pour vos commentaires. De quelle façon vos… Si j'ai bien compris, là, les entreprises qui opèrent des pipelines sont membres de votre association. Donc, Enbridge est membre de votre association. De quelle façon est-ce que les membres de votre association vérifient l'intégrité des pipelines? Enbridge nous a parlé de différentes techniques. J'aimerais ça que vous y reveniez et que vous nous expliquiez. Des gens sont venus nous dire ici que la meilleure façon de tester l'intégrité, ce sont des tests hydrostatiques. J'aimerais que vous nous en parliez. En fait, quelles sont les façons de vérifier l'intégrité? Et est-ce que les tests hydrostatiques sont vraiment la meilleure façon de vérifier l'intégrité d'un pipeline?

La Présidente (Mme Bouillé) : Messieurs de l'association.

M. Reicher (Philippe) : D'abord, les tests hydrostatiques, c'est un des outils que nous pouvons utiliser quand, justement, on essaie de comprendre l'intégrité des pipelines, ce n'est pas le seul test. La technologie que nous utilisons, par exemple, quand nous envoyons des instruments qui peuvent, justement, détecter des anomalies est aussi performante que le système hydrostatique. Donc, ce que nous disons, nous, à notre niveau, c'est que, quand on regarde la gestion des pipelines en général, il y a toutes sortes d'outils qu'un opérateur ou un exploitant va utiliser. Le test hydrostatique, c'est une façon de le faire et ce n'est certainement pas la seule façon.

La Présidente (Mme Bouillé) : Mme la ministre.

Mme Zakaïb : Merci, Mme la Présidente. Des gens sont venus nous dire que votre façon de… excusez le terme, là, mais scanner le pipeline, vous le faites de l'intérieur et que la corrosion est généralement à l'extérieur, alors que... donc, cette façon de mesurer l'intégrité serait incomplète, et que le test hydrostatique, en fait, c'est de l'eau avec de la pression énorme, et que, là, on verrait les fuites, les suintements, les craquements, et que c'est préférable que ce soit de l'eau qui s'écoule plutôt que du pétrole, alors, que ce serait donc le test le plus approprié et le moins dommageable, puisqu'on ramasserait l'eau puis on pourrait réparer, si j'ai bien compris, les fissures. Qu'est-ce que vous répondez à cet argument-là?

La Présidente (Mme Bouillé) : Messieurs.

M. Reicher (Philippe) : Merci. Alors, une fois de plus, comme vous le savez très bien, comme nous sommes réglementés par l'Office national de l'énergie, ce qui se passe dans un cas comme ça, si, par exemple, l'Office national de l'énergie détermine qu'un test hydrostatique serait quelque chose de pertinent à faire, la compagnie le fera. Donc, ce n'est pas une question de... c'est vraiment une question... Ce qui se passe, c'est qu'on peut avoir certaines recommandations, mais, fondamentalement, c'est le régulateur qui va prendre la décision de nous dire si on va choisir une technique particulière ou l'autre. Mais, une fois de plus, c'est important de dire que le test hydrostatique, c'est une façon de pouvoir véritablement mesurer l'intégrité d'un pipeline.

La Présidente (Mme Bouillé) : Mme la ministre.

Mme Zakaïb : Peut-être que je vais vous poser une question dont vous ne connaissez pas la réponse, mais, si jamais c'est le cas, vous n'avez qu'à me le dire, là. On a beaucoup parlé de corrosion depuis le début de cette commission. On entend parler que certains pétroles seraient plus corrosifs que d'autres, que les pétroles qui proviennent des sables bitumineux seraient les plus corrosifs. Êtes-vous en mesure d'infirmer ou d'affirmer cette affirmation-là, là?

La Présidente (Mme Bouillé) : Les représentants de l'association.

M. Reicher (Philippe) : Merci, Mme la Présidente. Oui. Alors, cette idée qu'en fait les sables bitumineux sont... ou c'est-à-dire les sables dilbit, donc le «bitumen» dilué est plus corrosif que le pétrole conventionnel ou un peu plus lourd, ce n'est pas vrai. Il y a eu toutes sortes d'études qui ont été faites, scientifiques, et, d'ailleurs, la dernière, qui vient quand même de l'Académie des sciences aux États-Unis, a prouvé clairement, clairement, que le «bitumen» dilué n'est pas plus corrosif que d'autres, et d'ailleurs... Donc, il y a eu plusieurs études scientifiques qui ont été faites, qui l'ont prouvé. Donc, on est totalement confortables avec ce produit. Et, d'ailleurs, il y a maintenant des systèmes de pipelines qui transportent ce genre de produits depuis pratiquement 20, 25 ans, il n'y a absolument aucune information ou aucune donnée qui voudrait vous dire qu'en fait ces pipelines sont moins sécuritaires que d'autres.

La Présidente (Mme Bouillé) : Mme la ministre.

Mme Zakaïb : Je n'ai pas d'autre question.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Roberval.

• (17 h 20) •

M. Trottier : Merci, Mme la Présidente. Merci, messieurs. Est-ce que vous pouvez nous... Il y a beaucoup de questions qui sont posées ou d'inquiétudes qui proviennent du fait de l'âge du tuyau. C'est quoi, l'espérance de vie d'un tuyau en bonne santé?

La Présidente (Mme Bouillé) : Messieurs.

M. Donihee (Jim) : Là, c'est un domaine dans lequel je ne suis pas expert, mais on voit que… Comme j'ai mentionné dans mes commentaires, on voit qu'avec le développement de nouvelles technologies, de la façon que les racleurs intelligents, qu'on les appelle, qui travaillent... qui voyagent dans les pipelines, la technologie avec laquelle on peut détecter des anomalies avance très rapidement. Alors, quand on a l'occasion de voir s'il y a des choses qui doivent être soit examinées ou bien repérées, on peut les regarder. Alors, tout ça, dire qu'à ce temps-ci nous avons des pipelines dans l'association qui sont en marche pendant 50 ans et qui sont encore complètement sécuritaires dans leur exploitation. Il y a parfois des petits morceaux de pipeline où on voit des anomalies peut-être après une vingtaine d'années qui démontrent qu'il y a des risques, on les répare, on les... on enlève, tu sais, la couverture, on les regarde de plus proche avec différents outils, et puis, si nécessaire, ils sont réparés, absolument.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Roberval.

M. Trottier : Il y a plusieurs intervenants qui nous ont mentionné qu'il n'y avait pas beaucoup de valves de sécurité. Est-ce que vous pensez que le fait d'ajouter des valves de sécurité avant les cours d'eau pourrait aider à sécuriser à la fois le tuyau, mais aussi peut-être que ça pourrait réussir à rendre les gens plus confiants dans le produit?

La Présidente (Mme Bouillé) : Messieurs de l'association.

M. Reicher (Philippe) : Les valves, ça dépend. C'est vraiment très spécifique, hein, où on met ces valves. Mais il est clair qu'en général, quand on commence à étudier le tracé d'un pipeline, on identifie les endroits qui sont plus problématiques par rapport à l'environnement, et, généralement, ce qu'on fait, potentiellement, on pourrait, justement, installer des valves à des endroits comme cela, justement pour réduire le déversement s'il y avait un déversement. Donc, c'est typiquement... ça fait partie de l'étude d'un tracé d'un nouveau pipeline ou d'un pipeline existant. C'est justement d'identifier les endroits qu'il serait logique d'avoir des valves, absolument. C'est tout à fait... c'est ce qui se passe.

La Présidente (Mme Bouillé) : Mme la ministre.

Mme Zakaïb : Merci, Mme la Présidente. Je veux revenir sur quelque chose que vous avez dit en réponse à la question de mon collègue. On a beaucoup entendu parler de l'âge de ce pipeline, et on nous a dit que 40 ans, c'était très vieux pour un pipeline. C'est pourtant très jeune, 40 ans, mais, pour un pipeline, c'est peut-être différent. Votre réponse disait : On peut réparer, on peut savoir où il y a des problèmes. Mais c'est quoi, l'âge moyen des pipelines en général? Et est-ce que... Des gens sont venus nous dire : Un pipeline, ça peut être éternel si on y apporte l'entretien dont il a besoin. Est-ce que vous pouvez nous donner une réponse un peu plus précise? C'est certain qu'on peut toujours réparer, là, mais c'est quoi… Est-ce que c'est un vieux pipeline, ce pipeline?

M. Reicher (Philippe) : ...

La Présidente (Mme Bouillé) : Messieurs.

M. Reicher (Philippe) : Excusez-moi. Comme je vous l'avais dit auparavant, il y a un pipeline qui a été construit au Québec en 1941, donc ça fait maintenant 70 ans. Donc, un pipeline peut être opérationnel pendant des années, des décennies, quoi. C'est vraiment fondamentalement basé sur comment on gère ce pipeline et comment on gère les risques. Un pipeline, c'est un tuyau d'acier, c'est de l'acier, fondamentalement. Donc, ce qu'il faut faire, c'est justement… Comme mon collègue le disait, il y a toutes sortes d'outils que nous utilisons pour pouvoir prévenir à l'avance, potentiellement, des problèmes. Et l'avantage que nous avons dans notre industrie, c'est que la technologie a un apport très important pour cela parce que nous suivons, d'une certaine façon, le même genre de technologie que la radiographie, c'est-à-dire ce que nous pouvons maintenant détecter aujourd'hui est beaucoup plus pointu que ce que nous pouvions détecter il y a 10, ou 15, ou 20 ans. Donc, ça continue toujours à s'améliorer. Donc, ça, c'est le côté positif.

Répondre à votre question, comme je vous l'ai dit, il y a véritablement des membres de notre association qui ont des pipelines qui sont maintenant en opération depuis les années 50.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Roberval.

M. Trottier : Oui. Il y a beaucoup de préoccupations de la part des gens de la question de la sécurité à court terme pour un déversement, mais il y a des gens qui se questionnent avec raison sur la sécurité à long terme en fonction d'un produit qui est polluant, qui, dans le fond, détruit l'écosystème ou qui affecte le… qui affecte nos… qui augmente les gaz à effet de serre. Qu'est-ce que vous pensez de ça? Puis qu'est-ce qu'on peut faire pour être capables d'utiliser ce produit-là, mais d'une manière qui serait moins corrosive pour le futur?

La Présidente (Mme Bouillé) : Les représentants de l'association.

M. Reicher (Philippe) : En fait, je veux essayer de comprendre votre question, vous posez… Fondamentalement, nous, on veut garder le produit à l'intérieur du gazoduc ou de l'oléoduc. Ça, c'est fondamental. Et, en fait, si vous regardez notre taux de fiabilité au Canada spécifiquement, nous sommes autour de 99,999 % de taux de fiabilité. Mais, quand il y a un déversement, c'est quelque chose qui nous concerne, on est soucieux de cela. C'est une combinaison entre avoir la gestion correcte de ces pipelines et, en plus, d'être bien préparé en cas d'une défaillance. Les deux choses combinées nous permettent d'avoir quand même un système sécuritaire et de réduire les problématiques que vous avez énoncées. J'espère que j'ai répondu à votre question. Non?

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Roberval.

M. Trottier : Je comprends que vous êtes plus dans le transport, mais ce que je vous demande, c'est… C'est un produit qui émet beaucoup de gaz à effet de serre, qui, dans le fond, est corrosif pas seulement sur le tuyau ou sur l'environnement immédiat, mais corrosif sur l'avenir de la planète. Est-ce qu'il y a des technologies qui vont nous permettre bientôt d'avoir du pétrole moins corrosif? Est-ce qu'on peut penser qu'on va transporter dans le futur du pétrole qui va être moins dommageable pour l'environnement?

La Présidente (Mme Bouillé) : Messieurs, en une minute.

M. Reicher (Philippe) : …en dehors de ma compétence parce que moi, je ne suis pas là-dedans. Mais il est clair que, si vous voyez ce qui s'est passé, même depuis maintenant une vingtaine d'années… On a tendance à regarder la production de pétrole d'une façon assez statique, c'est-à-dire que la façon dont on exploitait le pétrole dans les années 80, 90 n'a pas changé. On sait très bien que ça a changé énormément. Peut-être, pour certaines personnes, ça n'a pas changé assez rapidement, mais fondamentalement, encore une fois de plus, l'apport de la technologie, les réglementations qui ont changé montrent quand même qu'il y a une amélioration claire dans la façon dont on exploite le pétrole aujourd'hui par rapport à ce qui se faisait il y a même 10 ans, même peut-être moins que ça. Donc, il y a quand même un désir clair, on voit le… Des millions de dollars sont utilisés chaque année, justement, pour essayer de trouver de nouvelles technologies qui nous permettraient de réduire les impacts environnementaux qui sont liés à l'exploitation du pétrole. Ça, c'est clair, ça se passe.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci. M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sklavounos : Merci, Mme la Présidente. Alors, je souhaite la bienvenue à l'Association canadienne des pipelines d'énergie. M. Donihee, M. Reicher, merci d'être ici avec nous pour répondre à nos questions. Merci de votre participation.

Napoléon a eu son Waterloo, l'industrie des pipelines a eu son Kalamazoo, et le transport ferroviaire a eu son Lac-Mégantic. Les gens sont venus nous dire qu'évidemment, comparés au transport ferroviaire, les pipelines sont plus sécuritaires, c'est une façon plus sûre comparée à d'autres manières, les camions-citernes. L'autre jour, je regardais les nouvelles et qu'il y avait eu un déversement sur l'autoroute, un camion-citerne qui avait perturbé le trafic, et, évidemment, on a eu à faire appel au ministère de l'Environnement, et etc., pour déversement de ce genre-là. Moi, j'aimerais savoir… Le représentant, M. Prud'Homme, est venu devant nous, Enbridge est venue devant nous, et je lui ai posé la question sur Kalamazoo, et Enbridge a été assez claire, nous disant : Écoutez, on n'est pas la même compagnie. J'emploie l'expression qu'il a employée, on va se souvenir : Nous ne sommes pas la même compagnie. Moi, je veux savoir de vous — vous utilisez l'acronyme anglais, Canadian Energy Pipeline Association, CEPA — vous, là, il aurait fallu et il a fallu que vous fassiez un postmortem. Vous êtes encore… l'industrie porte… c'est une entreprise, mais toute l'industrie est touchée par ce qui arrive dans une entreprise à un endroit. Le nettoyage est encore en train de se faire. Les Québécois ne peuvent pas faire abstraction de ça lorsqu'ils regardent ça.

Et la question que je vous pose : Qu'est-ce qui se fait différemment aujourd'hui? Ça, c'était en 2010. Qu'est-ce qui se fait, concrètement, différemment aujourd'hui qui va rassurer une population qui écoute nos travaux et qui dit : Si c'est arrivé là, pourquoi pas dans l'Outaouais, pourquoi pas chez nous? Qu'est-ce qui est fait? Puis, honnêtement, vous avez l'expertise pour nous répondre concrètement, vous êtes des experts dans le domaine. Dites-nous pourquoi ça pourrait… Il n'y a pas un 100 %, là, vous allez me dire. Il n'y a rien qui est à 100 %, je vous entends. Mais qu'est-ce que vous faites différemment, concrètement, aujourd'hui pour empêcher que ça réarrive, ça?

• (17 h 30) •

La Présidente (Mme Bouillé) : Messieurs de l'association.

M. Reicher (Philippe) : …parole à Jim pour en parler un peu plus parce que ça va… il va revenir sur des points qu'il a déjà discutés. Mais ce qui s'est passé à Kalamazoo, ça a été un choc. Ça a été un choc pour la compagnie et ça a été un choc pour l'industrie. On est très clairs dans cela, ça nous a permis d'apprendre beaucoup de choses. Ça nous a forcés, vraiment, de nous regarder dans notre miroir, et de mieux comprendre exactement ce que nous faisons, et d'être absolument engagés à essayer de s'améliorer. Ça, c'est absolument crucial.

Et, d'ailleurs, le programme que nous avons institué, qui s'appelle CEPA Integrity First, est véritablement clairement l'engagement de l'industrie canadienne de se concentrer tous les jours à trouver des façons de faire les choses mieux, d'être plus sécuritaires et d'être plus performants. Parce que Kalamazoo et, d'ailleurs, d'autres déversements nous ont réveillés, absolument. Et peut-être, Jim, tu veux…

M. Donihee (Jim) : Je peux vous dire que nous avons complété une étude de Kalamazoo. Comme vous avez suggéré, il y a plusieurs choses qui sont arrivées. En premier, c'est une des raisons pour lesquelles nous avons les chefs de compagnie qui font le tour du conseil administratif maintenant, puisque, comme j'ai dit tout à l'heure, ils se visent les uns les autres dans les yeux s'il y a des questions de performance. Nous avons aussi complété une étude de tous les genres des chartes, là, dans les derniers 20 ans, et on a vu qu'il y avait un facteur commun qui était la façon que le centre de contrôle était mené et des procédures bien, bien, bien établies dans le centre de contrôle.

Alors, comme j'ai mentionné tout à l'heure, il y a les 120 experts, dont une cinquantaine d'entre eux se sont mis ensemble pour créer une «best practice» qui sera appliquée à tous nos membres, et alors je peux fier que les leçons ont été apprises. On aimerait surtout éliminer tous les risques, ce qui n'est pas possible, mais qu'on travaille avec sûreté et nos coeurs pour éliminer les risques qui sont encore là.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sklavounos : Plus spécifiquement, il y avait la question de l'erreur humaine, possibilité qu'il y ait une erreur humaine. Enbridge nous a dit qu'on a enlevé ou minimisé la possibilité d'erreur humaine, on a diminué nos temps de réaction pour nous rendre. On nous a parlé de valves pour protéger plus concrètement. Pouvez-vous nous parler un petit peu plus concrètement? J'ai compris l'intention, puis, honnêtement, on n'est pas ici pour faire votre procès, il y a eu d'autres endroits où on a fait votre procès. Mais les améliorations au niveau technique, pas aller dans les détails, mais juste nous dire quelques éléments qui sont différents aujourd'hui.

La Présidente (Mme Bouillé) : Messieurs.

M. Donihee (Jim) : Mes expériences d'une de mes premières vies étaient dans nos forces aériennes. Après chaque excursion, on regarde quel était le plan, comment est-ce que ça a été actionné, quelles sont les leçons et qu'est-ce qu'on va changer pour s'améliorer après chaque étape de l'opération. Et puis c'est cette intention, cette culture de sécurité qu'on voit qui est bien appliquée partout dans l'industrie du pipeline maintenant. Alors, les gens parlent, les leçons sont développées et elles sont réparties partout dans l'industrie. Et même l'ONE, l'office national, est au fur et à mesure d'exiger une culture de sécurité aussi. Alors, ce n'est pas juste les compagnies, mais on travaille en collaboration avec l'office pour travailler beaucoup plus. Et, en plus, la technologie est absolument sur la performance humaine pour encore améliorer l'exploitation des pipelines.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sklavounos : Mme la Présidente, si vous me permettez, je vais donner l'occasion au député de Rivière-du-Loup—Témiscouata de faire...

La Présidente (Mme Bouillé) : Tout à fait. M. le député de Rivière-du-Loup—Témiscouata.

M. D'Amour : Merci beaucoup. Alors, bienvenue à la commission. D'entrée de jeu, tout à l'heure, vous avez parlé des entreprises que vous représentez, il y en a 13. Vous avez parlé d'un réseau de 115 000 kilomètres. Et le chiffre m'a échappé, concernant le Québec, il y a combien de kilomètres?

La Présidente (Mme Bouillé) : ...

M. Reicher (Philippe) : Un peu plus de 1 000 kilomètres, 1 200.

M. D'Amour : 1 200. C'est quand même mineur comparativement à certains autres territoires. Il faut tenir compte aussi de ce qu'est le Québec sur le plan géographique.

Je dirais, au cours des 10 dernières années, les statistiques reliées aux événements malheureux, à des accidents, à des déversements, peu importe, quel est le portrait?

La Présidente (Mme Bouillé) : Messieurs de l'association.

M. Reicher (Philippe) : On vient, en fait, de conduire une étude sur cela, et, d'ailleurs, cette information est d'ailleurs sur notre site Web. Depuis les 10 dernières années, nous avons en moyenne… ce que nous appelons des défaillances importantes, en moyenne, trois, trois défaillances importantes sur notre réseau. La façon dont on définit une défaillance d'importance, c'est quand il y a une rupture d'un pipeline, ou alors quand quelqu'un est blessé grièvement, ou potentiellement une perte de vie, ou alors un incendie qui a été créé, qui n'a pas été intentionnel. Ça, c'est la façon dont nous définissons une défaillance significative. C'est, en moyenne, trois depuis les 10 dernières années.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Rivière-du-Loup—Témiscouata.

M. D'Amour : Pas trois par année, trois au cours des 10 dernières années. Je comprends bien?

M. Reicher (Philippe) : Trois par année, en moyenne.

M. D'Amour : Trois par année.

M. Reicher (Philippe) : Oui. Et que ça soit gazoduc ou oléoduc, hein? Ce n'est pas...

M. D'Amour : Vous avez, tout à l'heure, abordé la question des technologies. Quand vous dites qu'on arrive à prévenir les problèmes, on fait appel aux technologies les plus avancées, parlez-nous de ces technologies-là. Parce qu'on parle d'un côté de technologie, mais, en même temps, on parle de trois événements en moyenne par année. Pour moi, là, ça m'apparaît quand même sérieux. Alors, faites-moi le parallèle avec les technologies que vous employez.

La Présidente (Mme Bouillé) : Messieurs, en 1 min 30 s.

M. Donihee (Jim) : Vous verrez que même les critères que mon collègue a expliqués, la plupart des trois qu'il a mentionnés sont quand même des exigences très petites, si vous voulez, qui seront sur les terrains d'opération des compagnies. Et on peut dire très fièrement que, dans les 50 dernières années d'opération des pipelines, il n'y a aucune perte de vie dans les civils. Malheureusement, il y avait quelques-unes de les employés. Mais c'est quand même une industrie qui est extrêmement sécuritaire dans la façon de ses opérations.

Et, comme Philippe a dit aussi, les chefs de compagnie ont absolument... qu'on arrive à une incidence de nulle, de zéro pour les incidents, et c'est pour ça que les programmes comme Integrity First vont vraiment faire la différence quand on continue nos opérations.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci. M. le député de Nicolet-Bécancour.

M. Martel : Merci, Mme la Présidente. Bonsoir, vous deux. Ce matin, on avait des gens d'Équiterre, je crois, qui nous mentionnaient que les premières années de l'inversion, là, du pétrole, comme on voit ici, là, les premières années sont beaucoup plus risquées pour arriver à un incident, notamment à cause... Bien là, ça ne sera plus la même sorte de pétrole, la composition du pétrole. Il y a la densité, la pression. Il ne se passe pas la même chose dans les tuyaux qu'il se passait auparavant, et j'aimerais ça vous entendre par rapport à ça parce que moi, je trouvais ça logique, là, comme explication, ce qu'ils nous donnaient ce matin.

La Présidente (Mme Bouillé) : Les représentants de l'association.

• (17 h 40) •

M. Reicher (Philippe) : Alors, cette étude qu'Équiterre a présentée, moi, je ne connais pas les détails, donc je ne peux pas vraiment me prononcer. Mais, une fois de plus, moi, je reviens à ce qui se passe tout le temps au Canada quand une compagnie de pipeline veut changer sa façon d'exploiter un pipeline, il y a un processus extrêmement rigoureux qui regarde tous les angles techniques qui vont, justement, pouvoir prouver au gouvernement que ce pipeline sera sécuritaire. Donc, tous ces facteurs que vous avez énoncés seront absolument considérés par l'Office national de l'énergie, et moi, je peux vous dire que l'Office national de l'énergie ne va pas approuver un projet qui ne sera pas sécuritaire. Il n'y a aucune raison pour laquelle on aurait un projet qui serait approuvé, approbé par un régulateur si le promoteur de ce projet ne peut pas montrer et démontrer que ce pipeline sera sécuritaire, c'est clair.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député, en 45 secondes.

M. Martel : Bien, peut-être que vous n'aurez pas le temps de répondre, mais, dans les municipalités, le réseau d'aqueduc, parfois il y a des fuites, et ça va prendre beaucoup de temps avant d'identifier ça. Comment vous pouvez, à la grandeur des trajets qu'ont les oléoducs, détecter… Comment ça se passe concrètement, de la détection de fuites?

La Présidente (Mme Bouillé) : Messieurs, en 20 secondes.

M. Donihee (Jim) : Il y a des senseurs de pression, d'intégrité tout le long des pipelines. Et puis, comme j'ai dit voilà quelques minutes, les centres de contrôle, qui sont menés 24 heures par jour, 365 jours par année, les détectent avec les valves dont il y avait aussi une question…

La Présidente (Mme Bouillé) : En terminant.

M. Donihee (Jim) : En place, on peut l'arrêter et on voit que… sans hésitation maintenant. Même qu'auparavant les compagnies de pipelines arrêtent les opérations pour être certaines et vérifier immédiatement si, vraiment, il y a une fuite ou non.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci beaucoup. M. le député de Mercier.

M. Khadir : Bonjour. Merci, messieurs. Est-ce que vous niez le fait que le Bureau de sécurité du transport a révélé en novembre, en début de cette même… enfin, du mois dernier, que votre technologie ne détecte qu'une fuite sur 10?

La Présidente (Mme Bouillé) : Messieurs de l'association.

M. Reicher (Philippe) : Je ne suis pas… Moi, je ne suis pas…

M. Khadir : Radio-Canada, 7 novembre.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Mercier, un instant, là. M. le député de Mercier, vous avez la… Oui.

M. Khadir : Est-ce que vous niez le fait que…

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Mercier, il répondait, là, à votre question.

M. Reicher (Philippe) : De toute façon, ce que nous voulons dire une fois de… Ça revient à ce que nous avons dit, c'est que nous pensons et nous travaillons sur le fait que n'importe quel déversement ou n'importe quelle défaillance, c'est quelque chose que nous voulons réparer. C'est absolument ce que nous voulons faire.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Mercier.

M. Khadir : Est-ce que vous niez le fait que, malgré tout ce que vous faites — et je ne remets pas en question votre bonne intention, après tout vous voulez préserver votre industrie — entre 2008 et 2012, suivant le Bureau de sécurité du transport du Canada, on a vu une croissance de 100 % des accidents? Vous voyez, il y a une moyenne, à peu près, aux alentours de 80 avant, et là on a une augmentation jusqu'à 160, c'est une augmentation croissante. Et tout ce qui s'est passé au cours des dernières années, c'est quoi? C'est l'avancement en âge du réseau, l'inversion de certains pipelines et, surtout, l'augmentation de la pression et la nature changeante du pétrole, c'est-à-dire de plus en plus au Canada… de plus en plus de pétrole dérivé des sables bitumineux. Si ce n'est pas ces raisons-là, inversion, augmentation de pression et la nature différente, c'est-à-dire du pétrole lourd, c'est quoi, les raisons de cette augmentation?

La Présidente (Mme Bouillé) : Messieurs, en une minute.

M. Reicher (Philippe) : …comme je ne connais pas exactement cet outil, je ne peux pas véritablement me prononcer sur cela parce que je ne sais pas quelles sont exactement la nature de ces incidents. Il y a certainement… Les études que nous avons faites à notre niveau disent clairement que ce n'est certainement pas une raison… parce qu'il y a plus de sables bitumineux qui sont transportés par les pipelines qui rendent, par exemple, les pipelines moins sécuritaires ou que ça soit un changement de pression. Il ne faut pas oublier, de toute façon, que la pression que nous avons ou que nous pouvons appliquer sur un pipeline est totalement dictée par, dans notre cas, l'Office national de l'énergie. On ne peut pas pressuriser un pipeline plus que les standards. Donc, nous devons respecter les standards de pression.

M. Khadir : Oui, mais…

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député, je m'excuse, le temps est écoulé. Merci.

Sur ce, la commission suspend ses travaux jusqu'à 19 h 30. Merci.

(Suspension de la séance à 17 h 45)

(Reprise à 19 h 30)

La Présidente (Mme Bouillé) : À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre! La commission reprend ses travaux. Ce soir, nous entendrons les représentants de…

Des voix :

La Présidente (Mme Bouillé) : … — on tourne, Mme la ministre — la Fédération québécoise des municipalités, de ParaChem, de Stratégies énergétiques et de la Coalition Vigilance Oléoducs.

Ce soir, le député de Drummond—Bois-Francs remplacerait le député de Nicolet-Bécancour, qui remplaçait le député de Granby. Donc, j'ai besoin du consentement des membres de la commission.

Des voix :

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci beaucoup. Donc, messieurs, bienvenue. Vous avez une période de 10 minutes pour faire votre exposé, qui sera suivi d'une période d'échange. Et je vous demanderais de vous présenter en commençant votre exposé.

Fédération québécoise des municipalités (FQM)

M. Soucy (Yvon) : Merci beaucoup, Mme Bouillé. Je me présente, je suis Yvon Soucy. Je suis préfet élu au suffrage universel — j'aime ça, le dire — de la MRC de Kamouraska. Je préside également à la FQM la commission sur l'énergie et les ressources naturelles. Je suis accompagné de Farid Harouni et de Jean-Christian Roy, qui sont conseillers politiques à la FQM.

En fait, je vais vous faire part des commentaires de la Fédération québécoise des municipalités qui concernent essentiellement l'aspect environnemental, l'aspect sécurité publique et l'aspect redevances, là, du projet d'inversion de l'oléoduc.

Donc, madame, c'est avec grand intérêt que la Fédération québécoise des municipalités a pris connaissance de la tenue, par la Commission de l'agriculture, des pêcheries, de l'énergie et des ressources naturelles de l'Assemblée nationale du Québec, d'une consultation publique sur le projet de la société Enbridge, qui souhaite inverser le flux de l'oléoduc 9B. Il s'agit d'un projet important comptant des milliers de kilomètres d'oléoduc répartis sur le territoire de plusieurs MRC et municipalités locales, notamment dans les zones principalement agricoles et forestières. À cet égard, la FQM est très préoccupée par les risques environnementaux et de sécurité qui sont associés à ce projet.

Comptant plus de 1 000 municipalités locales et MRC membres et représentant près de 7 000 élus, la FQM a été la première organisation à réclamer, par des résolutions adoptées par le conseil d'administration au mois de mai dernier, une étude environnementale sérieuse qui permettra d'obtenir une appréciation réelle des risques environnementaux et de sécurité publique occasionnés par le renversement du flux de pétrole. C'est pourquoi elle souhaite que l'exploitation d'un oléoduc, autant que la cessation de celui-ci, se réalise en harmonie avec les milieux d'accueil et génère des retombées économiques structurantes.

Il est reconnu publiquement que l'acceptabilité sociale est une condition essentielle au succès de tous les projets de développement. Dans ce contexte, les préoccupations exprimées et les propositions mises de l'avant par la FQM découlent essentiellement de la responsabilité première des MRC et des municipalités, soit d'orienter et protéger le développement de leur territoire et faire respecter les orientations de leur schéma d'aménagement et de développement. À cet égard, la FQM se limitera aux sujets qui préoccupent les municipalités locales et les MRC plutôt que d'analyser l'ensemble des questions qui seront débattues concernant le projet d'inversion du flux de l'oléoduc 9B de la société Enbridge.

La protection de l'environnement. Au Québec, la Loi sur la qualité de l'environnement prévoit que diverses catégories de projets, d'ouvrages ou de travaux doivent faire l'objet d'une étude environnementale avant de passer de la phase de la conception à celle de la réalisation. L'article 2 du Règlement sur l'évaluation et l'examen des impacts sur l'environnement, qui découle de la Loi sur la qualité de l'environnement, dresse la liste des types de projets assujettis à l'évaluation environnementale, dont celui-ci : «La construction d'une installation de gazéification ou de liquéfaction du gaz naturel ou la construction d'un oléoduc d'une longueur de plus de 2 km dans une nouvelle emprise, à l'exception des conduites de transport de produits pétroliers placées sous une rue municipale.»

Pour la FQM, une étude environnementale du projet d'inversion du flux de l'oléoduc 9B de la société Enbridge est impérative afin d'analyser l'ensemble des facteurs pouvant influencer les écosystèmes et la qualité de vie de la population. Une telle étude permettrait aussi aux MRC et municipalités locales de s'informer et de s'exprimer sur un projet susceptible d'avoir un impact sur leur territoire. C'est une préoccupation dont la FQM avait fait part au ministère du Développement durable, de l'Environnement, de la Faune et des Parcs lors du dépôt de son mémoire concernant le projet de règlement sur le prélèvement des eaux et leur protection.

À cet égard, notre fédération désire connaître les risques d'un tel projet pendant les différentes phases de sa réalisation, construction, exploitation et cessation des activités, notamment quant à la protection des sources d'eau potable et aux risques de contamination qui y sont associés. En ce sens, la FQM réclame une étude environnementale couvrant l'ensemble du projet d'inversion du flux de l'oléoduc 9B de la société Enbridge. Aussi, nous vous demandons de mandater le BAPE pour passer en revue les aspects juridiques, techniques et administratifs afin de limiter les impacts sur l'environnement.

La sécurité publique. La présence d'un oléoduc peut avoir des incidences sur la vie et la sécurité des personnes qui vivent le long de son tracé. Pour la FQM, il est capital que les activités ayant trait à l'exploitation d'un oléoduc soient menées de manière à éviter toute nuisance aux activités quotidiennes des habitants des territoires municipalisés.

Le milieu municipal est un intervenant de première ligne en matière de sécurité publique. À ce titre, les municipalités doivent identifier les risques anthropiques sur leur territoire, élaborer des schémas d'aménagement de sécurité incendie et adopter des plans de mesures d'urgence. Des efforts humains et financiers importants sont consentis afin d'éviter ou de prévenir les sinistres. Les événements tragiques survenus au Lac-Mégantic justifient les préoccupations des élus municipaux quant aux risques que pourrait occasionner le projet d'inversion du flux de l'oléoduc 9B de la société Enbridge.

À cet égard, il est essentiel pour la FQM de connaître la nature et le niveau de risque que comporte le projet d'inversion du flux de l'oléoduc 9B de la société Enbridge afin de sécuriser les citoyens et les intervenants en sécurité publique, et ce, avant le début des travaux. Les municipalités doivent être prêtes à intervenir de façon adéquate en cas de catastrophe. La responsabilité de l'entreprise doit être claire en cas de sinistre. De plus, la FQM considère qu'il est nécessaire que l'étude environnementale du projet d'inversion du flux de l'oléoduc 9B de la société Enbridge propose des solutions concrètes permettant de maintenir un haut niveau de sécurité des personnes et de l'environnement.

Enfin, pour la FQM, cette évaluation environnementale doit être menée de façon extrêmement rigoureuse et utiliser des critères d'évaluation reconnus dans le domaine de la sécurité publique. La FQM considère également qu'il appartient au générateur de risques d'assumer les coûts de sécurité engendrés par ses activités. Par conséquent, il est essentiel de prévoir un cadre qui garantira l'atteinte d'un tel objectif. Le Québec doit avoir tiré les leçons des événements du Lac-Mégantic.

Les retombées économiques locales. Après avoir étudié soigneusement chacun des impacts environnementaux de ce type de projet et sous réserve qu'il soit démontré comme condition préalable par le BAPE que l'exploitation d'un oléoduc ne constitue pas une menace ni pour l'environnement ni pour la sécurité publique, la FQM croit que les entreprises qui exploitent ces infrastructures doivent démontrer une responsabilité sociale en versant une compensation aux communautés locales qui subissent les impacts et assument les risques. La compensation pourrait prendre diverses formes, et la FQM propose que le gouvernement entame dès maintenant le dialogue avec le milieu municipal pour définir le modèle idéal.

Pour la FQM, les préoccupations formulées ci-dessus sont les conditions essentielles pour assurer un développement durable de l'industrie de l'exploitation des oléoducs au Québec. Dans ce contexte, la fédération souhaite que ces suggestions puissent enrichir les travaux en cours de la commission et qu'elle en tienne compte.

Donc, en vous réitérant, madame, notre collaboration entière dans ce dossier, veuillez recevoir nos salutations distinguées. Et c'est signé par notre président, Bernard Généreux.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci beaucoup, M. Soucy. Nous allons maintenant procéder à la période d'échange avec les parlementaires en débutant par la partie gouvernementale. Mme la ministre, la parole est à vous.

• (19 h 40) •

Mme Zakaïb : Merci, Mme la Présidente. Bonsoir, messieurs. Merci pour votre allocution ainsi que pour la lettre que vous nous avez adressée. Effectivement, le gouvernement partage vos préoccupations. Je pense que l'ensemble des citoyens sont inquiets. Maintenant, le but de cette commission, c'est de faire le point sur les préoccupations des gens.

Vous mentionnez dans votre lettre la nécessité, selon vous, de faire un BAPE. Vous citez un article de la Loi sur la qualité de l'environnement qui dit, et je cite : «La construction d'une installation…» Je vais reprendre un peu plus haut, là, que… «L'article 2 du Règlement sur l'évaluation et l'examen des impacts sur l'environnement, qui découle de la Loi sur la qualité de l'environnement, dresse la liste des types de projets assujettis à l'évaluation environnementale, dont celui-ci : "La construction d'une installation de gazéification ou de liquéfaction du gaz naturel — ce qui n'est pas le cas aujourd'hui — ou — et là on dit — la construction d'un oléoduc d'une longueur de plus de 2 km dans une nouvelle emprise…"» En quoi croyez-vous que le fait d'inverser un oléoduc déjà existant dans une emprise déjà existante, ça donne juridiction au BAPE pour une étude environnementale?

La Présidente (Mme Bouillé) : Messieurs de la FQM.

M. Soucy (Yvon) : Oui, merci beaucoup. Nous, en fait, on veut que le BAPE se penche sur la question parce que, comme élus municipaux, je vous dirais qu'on est interpellés quotidiennement, là, sur la question. Moi, je viens de la région du Bas-Saint-Laurent, on a un autre projet qui est similaire, là, qui est en élaboration, qui est celui de TransCanada, puis je vous dirais que les élus sont en première ligne, mais on n'a pas nécessairement toutes les réponses puis on pense que le BAPE a les compétences pour fournir, en fait, tout l'argumentaire dont aura besoin le gouvernement du Québec, là, pour pouvoir prendre une position éclairée sur le projet. Donc, c'est en partie pour ça qu'on souhaite que le BAPE se penche sur le projet.

La Présidente (Mme Bouillé) : Mme la ministre.

Mme Zakaïb : Oui, en effet, l'autre dossier dont il est question, dont vous parlez, là, celui de TransCanada, ce serait la construction d'un oléoduc de plus de deux kilomètres. Je pense que, dans ce cas-là, le BAPE aurait juridiction, ce qui, aujourd'hui, est un peu différent.

Maintenant, notre rôle comme élus, c'est de regarder de quelle façon, si jamais ce projet-là voit le jour et si la commission nationale de l'énergie donne son accord, pour l'ensemble des citoyens du Québec, on peut préserver l'intégrité du pipeline et, si jamais il y a rupture ou déversement, de quelle façon on peut, le plus rapidement possible, agir parce qu'on le sait, il n'y a aucun moyen de transport qui est un moyen totalement sécuritaire. Est-ce que vous avez des demandes particulières concernant la capacité d'intervention limitée de certaines municipalités en cas d'urgence? Parce que ça peut faire partie des recommandations de notre commission vis-à-vis Enbridge, ça peut également être le cas vis-à-vis des différents ministères qui peuvent être impliqués, est-ce que vous avez des demandes particulières à cet égard-là?

La Présidente (Mme Bouillé) : Messieurs.

M. Soucy (Yvon) : Je vous dirais, certainement que, pour les petites municipalités, peut-être que ça peut être un défi plus grand. Par contre, les services incendie sont de plus en plus regroupés soit dans des régies, ou peu importe, par le biais des MRC. Donc, les services incendie se donnent les moyens, là, d'intervenir efficacement puis de prendre en charge leurs responsabilités. Mais ce que je vous dirais, c'est que, nous, là, la question de la sécurité, c'est vraiment la question… il y a la question environnementale aussi, mais c'est une des questions prioritaires, puis sur laquelle il ne doit pas y avoir de compromis, puis on ne doit pas lésiner.

Vous savez, s'il y a un bris puis que… en fait, qu'il y a un renversement de produits pétroliers, ça peut être nos sources d'eau potable qui sont affectées, ça peut avoir des répercussions énormes sur la qualité de vie de nos citoyens, ça peut être le… Déjà, le passage d'un oléoduc peut peut-être réduire la valeur foncière des propriétés. On voit qu'il y a quand même beaucoup d'enjeux qui sont présents, puis donc on veut qu'il y ait, pour en revenir à la question de la sécurité, des protocoles clairs qui soient définis pas… puis des plans d'intervention également qui soient faits, puis pas seulement au bon vouloir de la compagnie qui va construire ou qui va inverser le flux, mais on veut que le… en fait, ça sera peut-être dans vos recommandations, mais qu'en bout de ligne l'Office national de l'énergie oblige les compagnies à avoir de tels protocoles, à former les services de sécurité incendie ou les services d'urgence des municipalités, leur donner les moyens financiers aussi de prendre en charge ces responsabilités-là.

Parce que c'est bien beau dire : Nos services incendie ou nos services d'urgence vont répondre, mais il faut qu'ils aient les moyens de répondre. Ça prend peut-être des équipements également qui sont spécialisés, ça prend de la formation, ça prend de la mise à jour. Ce n'est pas tout de les former une fois puis de dire : Bien là, vous faites le travail, il faut également, là… Puis ça, moi, je l'ai dit dans l'autre dossier, celui de TransCanada, mais les gens qui répondent à nos services d'urgence à Calgary, là, ils doivent être capables de répondre en français parce que, chez nous, là, des intervenants de première ligne qui parlent anglais, moi, je n'en connais pas beaucoup, là. Ça fait que c'est toutes ces questions-là qui nous confrontent, là, puis donc on voulait en faire part dans la lettre, mais je me permets d'apporter un peu plus de précisions.

La Présidente (Mme Bouillé) : Mme la ministre.

Mme Zakaïb : Je vous remercie beaucoup. Je pense que les suggestions que vous nous faites sont très à propos, là. La formation, vous donnez aux municipalités les moyens financiers pour répondre, former les services de sécurité. On a également parlé de faire ce que j'ai appelé comme des exercices de feu avec les municipalités concernées pour qu'on apprenne à agir rapidement, qu'on apprenne à agir efficacement. Ça fait que ça aussi, ça pourrait, j'imagine, être des choses qui peuvent aider, en tout cas, si jamais il y a un accident, qu'on puisse réagir le plus rapidement possible.

La Présidente (Mme Bouillé) : MM. les représentants de la FQM.

Mme Zakaïb : Je vais céder la parole au député de Roberval.

La Présidente (Mme Bouillé) : Oui, de Roberval. M. le député de Roberval.

M. Trottier : Merci, Mme la Présidente. Vous mentionnez dans vos recommandations qu'il devrait y avoir une compensation aux communautés. Vous dites : Ça pourrait prendre diverses formes. Quand on parle de ça avec les représentants de l'entreprise, ils nous disent : On paie déjà des taxes. Est-ce que vous pouvez nous donner une idée de ce que ça peut représenter dans une petite municipalité? Puis est-ce que vous croyez… Bien, j'ai l'impression que vous croyez que ce n'est pas suffisant, là, mais est-ce que vous avez une idée de ce que ça peut représenter, la taxe qui est payée dans une petite municipalité?

La Présidente (Mme Bouillé) : Messieurs.

M. Soucy (Yvon) : Bien, pas vraiment, là. Je peux vous donner l'information que TransCanada nous a donnée, là, en nous parlant… mais, écoutez, je n'ai pas validé auprès de l'évaluateur, là, mais en nous parlant peut-être d'une valeur portable au rôle de 1 750 000 $ du kilomètre qui serait dépréciée, là, selon une formule, là, de dépréciation, là. Par contre, je ne peux pas vous assurer que c'est l'information, là… que c'est ce qui arrive dans le cas d'Enbridge, là.

M. Trottier : Mais, quand vous dites… 

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Roberval.

M. Trottier : … — merci — 1 million du kilomètre, ça, c'est l'évaluation ou c'est la taxe?

M. Soucy (Yvon) : C'est l'évaluation portable au rôle.

M. Trottier : O.K. L'évaluation. Ça veut dire que, si, par exemple, c'était 1 $ du 100 $, ça voudrait dire que ça ferait, à ce moment-là, à peu près 10 000 $.

M. Soucy (Yvon) : Oui, environ. Ce qu'on nous a dit chez TransCanada, peut-être 15 000 $ du kilomètre.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Roberval.

M. Trottier : C'est ça. On ne peut pas dire que c'est le pactole.

M. Soucy (Yvon) : Non, bien, écoutez…

La Présidente (Mme Bouillé) : MM. les représentants de la FQM.

M. Soucy (Yvon) : Est-ce que je peux répondre? Pardon. Non, bien, pour tous les inconvénients que ça peut générer dans certains milieux, là, effectivement ce n'est peut-être pas suffisant. Il y a la question de la valeur foncière puis du fait que c'est peut-être portable au rôle, effectivement. Ça, c'est une chose, là, c'est la fiscalité, mais il y a toute la question également, là, de compensation pour des communautés qui sont touchées, pour les impacts qu'elles subissent, là. Bien, je pense, c'est d'autre chose, il faut peut-être dissocier ça de toute la question fiscale puis de taxation.

Par contre, pour revenir à la question fiscale, il y a également… Sur un tracé d'un oléoduc — moi, je n'ai pas la réponse, mais je me questionne — est-ce que ça a comme impact, par exemple, de faire diminuer la valeur des propriétés? Puis, si oui, bien, il faut diminuer cette valeur-là qui est dépréciée du bénéfice qu'on reçoit de la taxation. Donc, lorsqu'on nous parle peut-être de 15 000 $ du kilomètre, ce n'est probablement pas au net, là. Mais ça, c'est une chose. Mais, les compensations, nous, on pense qu'avec la quantité de pétrole qui va passer… qui passe dans ces oléoducs-là — puis là on parle même d'augmenter la capacité — écoutez, je pense que les communautés qui subissent les inconvénients, là, seraient en droit de s'attendre à avoir des compensations. Puis les compagnies, comme bons citoyens corporatifs, feraient, je pense, une excellente affaire, ça contribuerait peut-être également à l'acceptabilité sociale des projets, là, qui, on le sait, n'est pas souvent là aussi, là.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Roberval.

• (19 h 50) •

M. Trottier : Dans le fond, ce que vous nous dites, c'est que l'évaluation, c'est tout à fait normal de payer. Quelqu'un qui a un terrain vague, il va payer une évaluation sur le terrain, mais il n'y a pas beaucoup de risques pour la municipalité, ça n'amène pas beaucoup de problèmes futurs ou potentiels, alors qu'eux, compte tenu du fait que c'est un produit qui peut avoir un potentiel de catastrophe plus important, ça demande d'autres types de compensation.

Puis est-ce que vous avez une idée à ce sujet-là, de ce que ça peut représenter, pour une municipalité, de se préoccuper de la présence d'un pipeline, là? Est-ce que, par rapport à des exercices ou par rapport à des équipements… Puis c'est sûr aussi que, si jamais il y avait une catastrophe, bien là on tombe dans une autre dimension, mais, on pourrait dire, la gestion annuelle qui tient compte de la présence d'un pipeline comme ça, est-ce que vous avez une idée de ce que ça peut représenter?

La Présidente (Mme Bouillé) : Les représentants de la FQM.

M. Soucy (Yvon) : Malheureusement, non, je n'ai pas d'idée. Par contre, comme élus, je peux vous dire que ça occupe passablement parce que les citoyens nous interpellent beaucoup, manifestent leur inquiétude. Il faut comprendre que les élus municipaux sont toujours… les députés aussi, je suis convaincu, là, mais ils sont toujours en première ligne pour recevoir les préoccupations des citoyens, puis, pour un élu, ça occupe beaucoup.

Pour ce qui est de toutes les interventions ou la préparation qu'on aura à faire pour assurer la sécurité, je ne pourrais, malheureusement, pas vous répondre.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Roberval.

M. Trottier : Oui. Ça veut dire que, si je comprends bien, vous souhaitez qu'il y ait une table de travail, peut-être, d'établie avec le gouvernement pour, justement, établir les différents impacts que ça peut avoir pour être capable de fixer une compensation équitable, à ce moment-là?

La Présidente (Mme Bouillé) : Messieurs.

M. Soucy (Yvon) : Oui, c'est ça, monsieur.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Roberval.

M. Trottier : Hier, on a rencontré les gens de l'UPA, qui nous disaient qu'auparavant les entreprises faisaient affaire directement avec des particuliers. Puis c'est sûr que, quand une multinationale rencontre un particulier, disons que les relations ne sont pas tout à fait d'égal à égal, là, puis on peut dire toutes sortes de choses à quelqu'un en disant : Ton voisin a accepté à tel prix, etc. Est-ce que la FQM, par rapport à des petites municipalités qui n'ont pas toujours les services d'expertise, est-ce que vous prenez en charge, on pourrait dire, une négociation avec Enbridge pour l'ensemble des municipalités ou si ça se fait encore individuellement? Puis je voudrais savoir, est-ce que la FQM a rencontré Enbridge comme telle?

La Présidente (Mme Bouillé) : Messieurs de la FQM.

M. Soucy (Yvon) : Non, on n'a pas rencontré Enbridge. Par contre, écoutez, actuellement, là — je vous parlerai encore, malheureusement, pour TransCanada parce que c'est un dossier que je connais mieux — il n'est nullement question de compensations. Donc, lorsqu'on parle de compensations, on nous réfère toujours au fait que c'est portable au rôle. C'est pour ça qu'on demande que le gouvernement du Québec crée un comité qui pourrait se pencher sur la question puis s'assurer que les communautés touchées puissent recevoir, là, des compensations qui seraient adéquates.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Roberval? Ça va? Au niveau de la partie gouvernementale, c'est beau? Merci. M. le député de Laurier-Dorion… Ah! M. le député de Rivière-du-Loup—Témiscouata.

M. D'Amour : Alors, merci beaucoup, Mme la Présidente. J'ai lu vos observations, je vous ai écoutés. J'ai été maire moi-même pendant un certain nombre d'années à Rivière-du-Loup, on se connaît bien, M. Soucy, on est voisins de comté. Je peux comprendre certaines de vos préoccupations, sincèrement. Je peux comprendre aussi… Puis, à travers les mots que vous utilisez, je sens une forme de sentiment d'impuissance, jusqu'à un certain point. Est-ce que vous avez eu l'occasion de rencontrer Enbridge? Je comprends que non?

La Présidente (Mme Bouillé) : Messieurs.

Des voix : Non.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député.

M. D'Amour : O.K. Il n'y a pas eu de rencontre à venir jusqu'à maintenant?

La Présidente (Mme Bouillé) : Les représentants de la FQM.

M. Soucy (Yvon) : Non.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Rivière-du-Loup—Témiscouata.

M. D'Amour : Merci. Mon collègue de Laurier-Dorion a eu l'occasion, au cours des derniers jours, hein, depuis le début des consultations particulières, de parler d'un comité de vigilance qui ferait en sorte d'atténuer certaines craintes ou, à tout le moins, de provoquer des discussions que vous n'avez pas eues encore. Vous parlez beaucoup de TransCanada dans notre région, mais on n'est pas là pour TransCanada, on est là pour Enbridge. Le comité de vigilance, qui mettrait en place différentes instances, notamment Enbridge, le ministère des Ressources naturelles, l'Environnement, Développement durable, le MAMROT, le ministère des Affaires municipales, comment c'est reçu du côté de la Fédération québécoise des municipalités?

La Présidente (Mme Bouillé) : Messieurs.

M. Soucy (Yvon) : Nous, on voit d'un très bon oeil, là, toutes les initiatives qui auront pour but d'assurer que les projets soient sécuritaires, qu'ils respectent également toutes les questions environnementales qui rejoignent les préoccupations des municipalités, bien entendu. Puis c'est sûr qu'on souhaite, si ce comité de vigilance là est mis sur pied, pouvoir y être interpellés aussi puis pouvoir alimenter vos réflexions, également vos travaux.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Rivière-du-Loup—Témiscouata.

M. D'Amour : Lorsque vous dites, page 4 de votre présentation : «Les municipalités doivent être prêtes à intervenir de façon adéquate en cas de catastrophe», ça implique quoi? Quelle est la vision de la FQM à ce niveau-là?

La Présidente (Mme Bouillé) : Messieurs de la FQM.

M. Soucy (Yvon) : Écoutez, c'est sûr qu'on a besoin de… Comme je vous disais tantôt, ça prend des protocoles qui sont clairs puis définis. Par exemple, là, je ne sais pas quelles seront les chaînes, là, de traitement, là, de l'information, mais, si, par exemple, un maire ou un service d'urgence d'une municipalité appelle chez Enbridge puis dit : On a une fuite chez nous, puis c'est validé, on vous le dit, qu'on a une fuite, là, bien, il faut qu'ils ferment la valve, là. Donc, ça prend des procédures qui sont claires, des protocoles. Devant le doute, là, moi, je pense qu'il n'y a pas de chance à prendre. C'est que le flux doit être immédiatement arrêté, puis les vérifications doivent être faites. Puis, écoutez, on doit également donner à nos services d'urgence une formation adéquate pour répondre à ce type d'événements là parce que c'est quand même des événements particuliers puis qui nécessitent certainement des interventions également, là, qui sont appropriées.

Donc, nos services incendie doivent avoir les moyens nécessaires, la formation. Comme je vous disais, si ça prend des équipements particuliers, on doit les mettre à la portée de nos services incendie, le suivi également sur la formation. Donc, je ne suis peut-être pas la personne pour vous dire exactement tout ce que ça prend, mais, comme élu, par contre, j'ai une bonne idée, là, j'ai une bonne idée, puis je sais que c'est quand même des questions qui sont souvent assez onéreuses aussi, hein? Vous le savez, comme vous le disiez, vous avez été maire, là, d'une ville, là, puis, lorsqu'on parle d'intervention d'urgence, de sécurité incendie, assez souvent ce sont nos services de sécurité incendie, bien, écoutez, c'est des équipements qui sont quand même très dispendieux, qui ne serviront peut-être jamais, mais dont on ne peut pas se passer si on en a besoin.

La Présidente (Mme Bouillé) : Monsieur le… Allez-y, monsieur.

M. Soucy (Yvon) : Oui. Puis c'est ça, si je peux compléter, on parlait également dans notre lettre, là, les plans d'intervention aussi, là, puis les plans d'intervention, peut-être, adaptés à la réalité de chaque région. Par chez nous, M. D'Amour, on est une région à fort risque sismique, donc ce n'est pas pareil comme ailleurs. Donc, les plans d'intervention ne seront peut-être pas les mêmes puis la conception aussi du… Bien, en fait, là, on est avec Enbridge, là, mais Enbridge aussi, ce qui nous inquiète, c'est l'âge aussi du pipeline, là, qui a quand même 37 ans de vie, là. Donc, puisqu'on parle de sécurité, là, c'est un élément également dont je voulais vous faire part.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Rivière-du-Loup—Témiscouata.

M. D'Amour : Est-ce que vous avez abordé, au sein de la FQM, le volet économique d'un projet comme celui-là?

La Présidente (Mme Bouillé) : Messieurs.

M. Soucy (Yvon) : Nous, écoutez, comme je vous disais au départ, on n'est pas ici pour se prononcer ni en faveur ni contre, là. Nous, ce qui nous préoccupe, c'est surtout… c'est l'aspect environnemental. Si on est rassurés, en fait, là, sur l'aspect environnemental, sur la sécurité puis si on a les compensations adéquates… On comprend que le pétrole, il faut qu'il transige d'une façon ou d'une autre. Si ce n'est pas de cette façon-là, ça va être d'une autre façon qui est peut-être moins sécuritaire, même. Ça, on le comprend. Puis on comprend que ce sont des projets, quand même, qui peuvent, s'ils sont bien faits puis s'ils sont bien encadrés, qu'on se donne toutes les marges de sécurité nécessaires, ce sont des projets, oui, qui peuvent être intéressants d'un point de vue économique. Puis ça, on est conscients de ça.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Rivière-du-Loup—Témiscouata.

M. D'Amour : Effectivement, Mme la Présidente, ma question n'était pas de savoir si vous étiez pour ou contre. Ma question était simple, là : Est-ce que vous avez évalué les impacts économiques potentiels pour les communautés qui seront touchées?

La Présidente (Mme Bouillé) : Les représentants de la FQM.

M. Soucy (Yvon) : Non.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député.

M. D'Amour : Vous parlez de compensations. L'UPA, l'Union des producteurs agricoles, s'est présentée ici, devant la commission, et eux n'ont pas réclamé ce type de compensation là. Ce qu'ils ont dit pour un nouveau projet du type de celui de TransCanada dans votre région, qui est aussi la mienne, c'est une chose, mais ça a déjà été fait dans le cas de la conduite dont on parle, du pipeline dont on parle. Vous n'avez pas parlé à l'UPA non plus?

La Présidente (Mme Bouillé) : Messieurs.

• (20 heures) •

M. Soucy (Yvon) : Bien, écoutez, oui, il y a peut-être une distinction entre TransCanada, qui n'est pas construit, puis Enbridge, qui est construit, mais, par contre, le pétrole transite quand même, les risques sont là. Les risques seront peut-être plus grands dans le futur, compte tenu que la capacité va être augmentée, compte tenu que l'infrastructure continue de prendre de l'âge. On pense que ça mérite des compensations.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Rivière-du-Loup—Témiscouata.

M. D'Amour : Non, je ne suis pas du tout en désaccord avec l'idée d'une compensation. Je vous l'ai dit, j'ai été maire, là, ce qui peut entrer dans les coffres des communautés locales, c'est important. Le défi, il est là, là, pour vous autres dans les municipalités, il y a une conduite qui passe. C'est clair que, sur le plan incendie puis à travers le vécu de chacune des communautés, chacune des communautés a ses particularités qui font en sorte qu'on se doit de s'attarder à un élément comme celui-là.

Moi, j'oserais vous suggérer de rencontrer les gens d'Enbridge. Je pense qu'en termes d'organisation qui représente les municipalités ou une bonne partie des municipalités du Québec ce serait sain de le faire. De rencontrer l'Union des producteurs agricoles, ce serait aussi sain de le faire. Sur la question du comité de vigilance, vous êtes déjà, je pense, assez bien positionnés. Sur la question des compensations, de toute évidence la réflexion est à faire aussi, et vous devez le faire le plus rapidement possible pour être en mesure de vous mettre à niveau, là. Les gens que vous représentez comme fédération, j'ose prétendre aujourd'hui qu'ils attendent de vous cet élément-là.

En même temps, vous réclamez un BAPE, puis, là-dessus, j'aimerais que vous reveniez pour explorer cette avenue-là, pourquoi puis exactement comment les choses devraient se passer pour vous.

La Présidente (Mme Bouillé) : Messieurs de la FQM.

M. Soucy (Yvon) : Oui. Bien, en fait, j'ai eu l'occasion de le dire un peu plus tôt, mais nous, comme fédération, comme élus municipaux, on pense que le BAPE va permettre vraiment d'éclairer ou d'enrichir la réflexion que le gouvernement aura sur le projet puis de faire des représentations qui seront également adéquates. Vous savez, vous l'avez dit, là, c'est vrai qu'on se sent un peu démunis. Vous avez été maire, vous aussi. Lorsqu'on se rend compte que nos outils de planification n'ont aucun impact, là, sur un projet comme celui-là, c'est sûr qu'on se sent démuni. Donc, le BAPE, à tout le moins, même s'il n'a peut-être pas l'autorité d'imposer quoi que ce soit, moi, je pense qu'il a quand même une autorité morale, puis les gens… Pour toute la question environnementale, le BAPE pourrait porter une réflexion très enrichissante sur l'ensemble du projet.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Rivière-du-Loup—Témiscouata.

M. D'Amour : Quand vous dites, page 3 : «C'est une préoccupation dont la FQM avait fait part au ministère du Développement durable» sur la question environnementale, est-ce que vous leur avez parlé directement ou vous leur avez transmis un document? Est-ce que vous avez eu un retour?

La Présidente (Mme Bouillé) : Les représentants de la FQM.

M. D'Amour : Dernier paragraphe de la page 3, M. Soucy.

M. Soucy (Yvon) : Non, on n'a pas eu de pourparlers à ce sujet-là.

M. D'Amour : O.K. Vous avez transmis…

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Rivière-du-Loup—Témiscouata.

M. D'Amour : Pardonnez-moi, Mme la Présidente. C'est une préoccupation que vous avez transmise au ministère de l'Environnement, vous le dites, là, en mai dernier, vous n'avez… en fait, vous n'avez pas eu de retour.

La Présidente (Mme Bouillé) : Messieurs.

M. Harouni (Farid) : On a envoyé une résolution par rapport au projet d'inversion du pipeline d'Enbridge juste pour demander comme quoi qu'ils mandatent le BAPE pour pouvoir analyser un peu ce projet-là. Mais on a eu un accusé de réception, mais c'est tout.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci, M. Harouni. M. le député de Rivière-du-Loup—Témiscouata.

M. D'Amour : Tout de même étonnant, parce que vous représentez la Fédération québécoise des municipalités. Vous représentez combien de municipalités au total?

La Présidente (Mme Bouillé) : Messieurs.

M. Soucy (Yvon) : On représente 1 000 municipalités et MRC.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Rivière-du-Loup—Témiscouata.

M. D'Amour : Étonnant, Mme la Présidente, 1 000 municipalités et MRC au Québec, pas eu de retour sur un sujet aussi important. On ne parle pas d'un dépanneur qu'on va ouvrir sur le coin d'une rue, là, on parle d'Enbridge. Et la Fédération québécoise des municipalités, Mme la Présidente, c'est quand même une instance sérieuse, et, je le répète, pas eu de retour du ministère de l'Environnement quant aux requêtes que vous avez soulevées, que vous avez proposées au ministère. Moi, ça m'interroge quand même beaucoup. Alors, ce que je retiens, là, c'est qu'il y a des conversations à y avoir entre la FQM et Enbridge, avec le ministère de l'Environnement, avec l'Union des producteurs agricoles. Il y a un travail à faire aujourd'hui sans trop tarder. Moi, je retiens ça de votre présentation, M. Soucy.

La Présidente (Mme Bouillé) : Messieurs.

M. Soucy (Yvon) : Oui. Bien, en fait, il n'y avait pas vraiment de question, là, à ce stade-ci, mais, oui, je reçois vos commentaires, M. D'Amour.

Mme Charlebois :

La Présidente (Mme Bouillé) : Bien, il reste 40 secondes, Mme la députée de Soulanges.

Mme Charlebois : Ah! bien, non, on va laisser faire.

M. D'Amour : C'est plus qu'il n'en faut, non?

La Présidente (Mme Bouillé) : Vous laissez faire. Oui, M. Soucy.

M. Soucy (Yvon) : Si vous me le permettez, j'ajouterais peut-être une chose parce que ce n'est pas dans la lettre, mais c'est dans le communiqué qu'on a émis. En ce qui concerne le fonds de prévoyance qui a été suggéré par la ville de Montréal, je vous dirais qu'on souscrit entièrement à ça, puis on croit que c'est une excellente idée également, là, on pense que ça pourrait être une bonne chose.

La Présidente (Mme Bouillé) : Bien, merci. On en prend bonne note. M. le député de Drummond—Bois-Francs.

M. Schneeberger : Oui. Merci, Mme la Présidente. Dans le troisième paragraphe, vous mentionnez que vous réclamez d'avoir des études environnementales sérieuses. C'est sûr qu'on voit multiples études. Par le mot «sérieux», vous, avez-vous soumis, je ne sais pas, des critères de recommandation au niveau des études, des critères que vous voudriez qui ressortent dans l'étude, c'est-à-dire… En tout cas, je vous le demande, une liste de critères qui pourraient faire en sorte que les impacts environnementaux sur tel point, tel point, tel point… Y a-tu des points que vous avez soumis qui vous tiennent à coeur, finalement?

La Présidente (Mme Bouillé) : Messieurs de la FQM.

M. Soucy (Yvon) : Non, mais c'est pour ça qu'on l'a mis. Mais c'était également parce qu'on considère que le BAPE est une instance sérieuse, là, qui peut répondre à ces questions-là.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de…

Une voix :

La Présidente (Mme Bouillé) : Un instant. M. le député de Drummond—Bois-Francs, vous avez la parole.

M. Schneeberger : Excusez-moi, Mme la Présidente. Vous parlez plus loin de programmes de compensation. Moi, je voudrais savoir parce que, souvent, bon, on a des programmes de compensation… Est-ce que la FQM souhaiterait avoir plus, dans le sens… Souvent, on parle de programmes de compensation, des sommes d'argent qui sont données soit directement aux citoyens ou à la municipalité, sauf que souvent, en cas de catastrophe, ce n'est pas nécessairement ça qui va faire en sorte que la municipalité va être plus en mesure, justement, de contrôler les dommages. Est-ce qu'à ce moment-là… est-ce qu'il y aurait un fonds, peut-être, d'indemnisation, tu sais, dans le fond, comme une assurance qui permettrait, justement, de venir en aide à une municipalité touchée ou directement à acheter des équipements pour, justement, faire face à des éventuels dommages environnementaux?

La Présidente (Mme Bouillé) : Messieurs.

M. Soucy (Yvon) : En ce qui concerne les compensations, on dit bien, là, que c'est après avoir été rassurée sur tout l'aspect environnemental et sécuritaire que la FQM peut souscrire, puis on souhaite, là, qu'il y ait des compensations.

Pour ce qui est des services d'urgence, je pense que ça va de soi, là. Ce n'est même pas dans les revendications pour les compensations, c'est que les compagnies doivent assumer les frais pour les municipalités, là, de la formation des intervenants, des équipements qui sont requis, de la mise à jour. Ça, ce n'est pas aux municipalités, puis ce n'est pas aux contribuables à assumer ça, puis ce n'est pas non plus aux compensations qui seront versées. Les compensations, comme je vous le disais tantôt, c'est beaucoup plus pour assurer l'acceptabilité sociale du projet, pour que les compagnies également agissent comme bons citoyens corporatifs. Écoutez, c'est des millions et des millions de dollars qui transitent dans ces canalisations-là. Les municipalités, les communautés touchées, là, doivent être en droit de s'attendre, là, à avoir des compensations adéquates.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci beaucoup. M. le député de Mercier.

M. Khadir : Merci, Mme la Présidente. M. Soucy, M. Roy, M. Harouni, bienvenue. Dans un, je dirais, précieux moment de spontanéité et de vérité, l'actuel ministre de l'Enseignement supérieur disait, il y a quelques mois, que le lobby des affaires écrase la classe politique. Je ne sais pas à quelle décision, observation dans son gouvernement il référait, je n'oserais pas aller sur ce terrain-là, mais je constate avec ravissement que ça ne s'applique pas, en tout cas, à la FQM.

Vous venez d'énoncer une série de demandes que j'aurais aimé émaner du gouvernement, par exemple, un gouvernement qui se dit indépendantiste, souverainiste, de ne pas s'enfarger dans ces considérations que c'est du ressort législatif fédéral, faire comme le gouvernement de la Colombie-Britannique, qui rejoint un peu votre proposition d'une autre manière. Vous, vous demandez un BAPE, quelle que soit la juridiction concernée, mais parce que c'est un instrument approprié pour évaluer tous les impacts. Le gouvernement de la Colombie-Britannique ne se satisfait pas de l'ONE, il demande à Enbridge de se soumettre à une commission mixte d'examen qui impliquerait l'agence d'évaluation environnementale canadienne également.

Mais, comme vous également, la Colombie-Britannique, contrairement au document de consultation soumis par le gouvernement, au document de travail, qui ne dit pas un mot… demande que la Colombie-Britannique reçoive sa juste part des bénéfices fiscaux et économiques parce que ce projet est risqué et entraîne, pour la province, et l'environnement, et les contribuables, des risques importants.

Pour ce qui est de l'Union des producteurs agricoles, pour corriger ce qui a été dit tout à l'heure, eux disaient : Ce n'est pas en notre moyen, on a déjà signé des contrats. Mais ça n'empêche pas le gouvernement, pour Enbridge comme pour TransCanada, de réclamer… Le gouvernement a le moyen. toujours, d'une perception de redevances, des moyens de réclamer des compensations qui pourraient vous aider. Est-ce que vous trouvez que ça serait une avenue?

• (20 h 10) •

La Présidente (Mme Bouillé) : Les représentants de la FQM.

M. Soucy (Yvon) : Bien, écoutez, si on s'adresse à la commission puis qu'on vous fait part de l'importance, pour nos municipalités membres, de recevoir des compensations adéquates, je pense que c'est le message, effectivement, qu'on vous transmet, puis on espère que cela apparaîtra dans le rapport de la commission.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci. M. le député de Mercier, 30 secondes.

M. Khadir : L'autre élément, vous savez, Enbridge, la seule fois qu'il y a eu une demande faite par des municipalités en Ontario, voici le plan d'intervention d'urgence qu'ils ont soumis, caviardé de bord en bord. La ministre ici a demandé qu'Enbridge soumette les résultats de leurs excavations, les 600 excavations qu'ils ont menées sur le territoire québécois, Enbridge a refusé de s'engager. Est-ce que vous trouvez ça acceptable?

La Présidente (Mme Bouillé) : Monsieur, en 10 secondes.

M. Soucy (Yvon) : En 10 secondes. Bien, écoutez, ça fait également partie de nos revendications. Nos municipalités doivent avoir accès à toute l'information, notamment lorsqu'il y a des inspections. On souhaite que les rapports d'inspection nous soient transmis. S'il y a des catastrophes, on veut avoir toute l'information puis on veut être en mesure, là, d'agir rapidement. On espère qu'il n'y aura pas de catastrophe, bien entendu, mais je pense que la base…

La Présidente (Mme Bouillé) : En terminant.

M. Soucy (Yvon) : ...la base d'une bonne réaction, c'est, effectivement, l'information.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci beaucoup pour votre présentation.

J'invite maintenant les représentants de ParaChem à prendre place à la table, et je suspends les travaux pour une minute.

(Suspension de la séance à 20  h 12)

(Reprise à 20 h 14)

La Présidente (Mme Bouillé) : La commission reprend…

Des voix :

La Présidente (Mme Bouillé) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux.

Des voix :

Document déposé

La Présidente (Mme Bouillé) : À l'ordre, s'il vous plaît! S'il y a des discussions, je vous demande de sortir de la salle de la commission. Merci. J'accepte le dépôt d'un document sur les pipelines par la CEPA, la Canadian Energy Pipeline Association, sur la corrosion, entre autres, des pipelines. Donc, ces documents vont être distribués aux membres de la commission.

Bienvenue, maintenant, aux représentants de ParaChem. Vous bénéficiez d'une période de 10 minutes pour votre exposé — je vous indiquerai au moment de la dernière minute — et suivi d'un échange avec les parlementaires. Je vous demande aussi de vous identifier, s'il vous plaît

Chimie ParaChem SEC

M. Brunelle (André) : Bien, merci, Mme la Présidente. Mon nom est André Brunelle. Je suis directeur général de Chimie ParaChem et je suis accompagné de M. Bruno Charest, notre directeur du service technique. Nous tenons, d'abord, à remercier la commission de nous avoir invités à cette rencontre. Nous félicitons le gouvernement pour la qualité du document qu'il a déposé pour cette consultation publique. Le côté économique a été très bien illustré en faveur du rérenversement.

Je commencerai mon allocution par un point de sécurité, une pratique bien instituée dans le milieu industriel au début de chaque réunion, même celles du conseil d'administration. Je vous parlerai ensuite de la vision gouvernementale qui a permis à Chimie ParaChem de voir le jour et de devenir un des piliers de l'écologie industrielle dans l'est de Montréal. Je vous parlerai de Chimie ParaChem et comment, au jour le jour, nous concilions l'environnement et la sécurité dans notre quête d'augmenter le rendement et la fiabilité de nos opérations. Je vous glisserai un mot au sujet de notre comité de citoyens, qui assure un dialogue indispensable pour garder le droit de cohabiter.

Enfin, je ne suis pas ici pour vous faire aimer le pétrole, mais plutôt pour vous inciter à consommer de façon responsable, à vous aider à réaliser que le pétrole est omniprésent dans notre vie de tous les jours, et j'espère qu'à la fin de mon exposé vous serez d'accord avec moi que, tant que nous utiliserons ces produits, il vaut mieux les fabriquer localement avec les meilleures pratiques disponibles, avec des gens compétents, dans le souci de la sécurité et de l'environnement et ainsi bénéficier des retombées plutôt que de les importer, car il y a toujours quelqu'un d'autre très intéressé à le faire pour nous. Mais, pour ce faire, il faut avoir accès à de la matière première compétitive.

Alors, le moment de sécurité. Chez ParaChem, avant de faire un travail, un des nombreux outils que nous mettons en pratique est la règle des trois questions. Et j'ai d'autres exemplaires pour vous. Tous les employés ont ce petit aide-mémoire dans leur poche qui les incite à se demander, avant de faire un travail, qu'est-ce qui pourrait mal tourner, qu'est-ce qui pourrait faire que ça tourne mal et qu'est-ce que je pourrais faire pour empêcher que ça tourne mal. C'est très efficace, et je vous encourage tous à l'utiliser dans vos activités de tous les jours. Je suis très fier de nos employés pour plusieurs raisons. L'une d'elles est le fait qu'ils travaillent sans accident avec perte de temps depuis presque 10 ans. Les entrepreneurs le font depuis plus de trois ans.

Nous disons tout d'abord merci au gouvernement du Québec d'avoir cru dans la chaîne du polyester au début des années 2000 en participant, par l'entremise de la SGF, dans la formation de Chimie ParaChem, CEPSA Chimie Montréal et Selenis. Cette chaîne est unique au Canada. La raffinerie Suncor fournit le xylène, un produit qui est issu du pétrole après une première transformation. Chimie ParaChem le transforme en paraxylène, qui est, à son tour, transformé par CEPSA en PTA. Selenis complète la formation du PET en réagissant le PTA avec l'éthylène glycol. Ces usines, qui sont à la fine pointe de la technologie et opérées par des Québécois compétents, comprennent dans leurs actions de tous les jours que le succès économique ne peut se réaliser aux dépens de la sécurité et de l'environnement.

Chimie ParaChem comble 8 % de la production nord-américaine et seulement 1 % de la production mondiale. Certains vous diront que, même si la chaîne disparaît au Québec, on ne manquera pas de produits. Ils ont raison, mais tellement tort si on pense à la création de valeur. L'enjeu des gaz à effet de serre est mondial. Toute transformation va générer des gaz à effet de serre. Si le produit est fabriqué ailleurs, les GES seront émis ailleurs, sans valeur ajoutée pour le Québec.

Chimie ParaChem peut recevoir sa matière première par train, par bateau et par pipeline directement de la raffinerie voisine. Notre usine fonctionne 365 jours par année, 24 heures par jour. Il est donc primordial d'avoir accès à tous les modes de transport pour assurer l'alimentation en continu de l'usine au meilleur prix possible. La distance a un impact direct sur le coût de la matière première.

Chimie ParaChem est au coeur de l'écologie industrielle dans l'est de Montréal. Ce maillage serré permet de réduire notre empreinte environnementale parce que nous nous échangeons des produits et des services. Par exemple, nous fournissons de la vapeur et d'autres services auxiliaires à nos voisins, nous recevons du gaz de raffinerie pour nos besoins énergétiques, nous réduisons le besoin d'inventaire par la proximité. Toutes ces actions réduisent notre empreinte environnementale.

Chimie ParaChem possède un programme d'inspection pour assurer l'intégrité de ses équipements et utilise les meilleures techniques disponibles. Je vous en parle parce que nous utilisons les techniques d'inspection utilisées par Enbridge et nous savons que leur approche est solide. J'entendais, la semaine dernière, Mme Foisy, de la Chambre de commerce de l'Est de Montréal, vous relater son expérience lors de sa visite d'une excavation exploratoire d'Enbridge à Mirabel. Il n'y a rien de mieux que de le voir pour comprendre.

• (20 h 20) •

Ceci m'amène à vous parler de notre comité de citoyens, créé en 2002. Nous établissons un dialogue avec nos citoyens locaux en tout temps et, lors de nos rencontres, nous leur expliquons ce que nous faisons, comment nous le faisons et répondons à leurs questions. Par exemple, on révise toutes les étapes qui mènent à la construction d'une usine et du maintien de son intégrité, comment on gère les changements. On parle de nos procédures de sécurité, d'environnement, d'hygiène industrielle, on visite les installations. On y discute aussi comment on analyse les incidents, les quasi-incidents, aussi appelés les «passé proche». Les citoyens nous confient ce qu'ils pensent, leurs impressions et leurs appréciations de nos façons de faire.

Les hydrocarbures sont à la base de plusieurs produits de consommation, que ce soit l'emballage léger, les pièces d'avion et d'auto qui allègent leur poids et permettent de réduire leur consommation d'hydrocarbures, les vêtements, les matériaux utilisés par les hôpitaux, l'isolation de nos maisons, le shampoing, les détergents à lessive liquides, tous vos appareils électroniques, votre brosse à dents, etc.

Notons que le PET est une molécule qui présente plusieurs avantages, dont la capacité d'être un matériau léger, stable et entièrement recyclable. Ce produit de base est intimement lié à notre mode de vie moderne. Ainsi, ce soir, prenez le temps de réaliser tout ce qui vous entoure qui est à base de polyester. Les contenants d'emballage ultralégers dans votre frigo, regardez en dessous du contenant et cherchez le sigle 1, le PET, complètement recyclable. Pensez à votre chemise en polyester, votre polar, le chandail de hockey du Canadien et, bientôt, celui des Nordiques.

La semaine dernière, l'AIEM vous a mentionné l'étude qu'elle a entreprise sur le futur industriel de l'est de Montréal avec l'aide de l'École polytechnique de Montréal. Cette vision s'articule autour du concept d'écologie industrielle. Chez ParaChem, nous sommes convaincus que l'est peut être cette terre d'accueil pour des projets d'avenir et structurants qui profiteraient des infrastructures existantes afin de supporter et de favoriser la recherche, le développement et l'utilisation des technologies innovantes, tout comme nous l'avons fait lors de la venue de Selenis Canada, le dernier maillon de la chaîne du polyester.

À partir du document préparé en 2003 par le ministère de l'Industrie et du Commerce, nous avons indiqué sur le tableau les fermetures d'usines depuis ce temps. On a, par exemple, la disparition complète de la filière des oléfines, avec Pétromont en tête, qui produisait le polyéthylène. L'accessibilité à de la matière première compétitive a été un facteur déterminant dans la fermeture. À cette époque, les journaux indiquaient que l'opération allait coûter 160 millions à la SGF, partenaire dans Pétromont. En fait, ce qu'on n'a pas mentionné, c'est la valeur ajoutée injectée directement dans l'économie québécoise entre 1980 et 2008, soit quelque 200 millions par an sur le PIB du Québec, pour un total de plus de 5 milliards. Malgré la fermeture de Pétromont, on continue d'utiliser de l'eau de Javel qui est embouteillée dans des contenants avec du polyéthylène fabriqué ailleurs.

Sur l'autre diagramme publié par Enbridge en 2010, on distingue, par une étoile rouge, les raffineurs des États-Unis qui ont déjà accès au pétrole de l'Ouest. Comme le marché nord-américain des carburants est un marché mature, nous croyons que celui-ci subira d'autres contractions et consolidations. À noter que la diapositive montre les détails du projet où le pipeline MPL pouvait être renversé, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.

Alors, si vous me permettez une petite analogie, imaginons que la contraction du marché nord-américain est représentée par un ours. Si je suis un raffineur, et que mon collègue est aussi un raffineur, et qu'il y a un ours qui nous court après, je n'ai pas besoin de courir plus vite que l'ours, je dois juste courir plus vite que mon collègue, et c'est ce qui arrive actuellement. On note, depuis la fermeture de la raffinerie Shell à Montréal, au moins quatre autres raffineries qui ont fermé leurs portes.

Alors, en conclusion, nous sommes conscients que le marché est en évolution et que nous devons, collectivement, revoir à la baisse notre utilisation des combustibles fossiles et de consommer de façon responsable. Il faut travailler sur la transition. Mais, tant que nous faisons le choix de consommer un produit, il vaut mieux le fabriquer localement, selon les meilleures pratiques, plutôt que d'offrir à quelqu'un d'autre ailleurs de le faire à notre place. Mais, pour ce faire, il faut avoir accès à de la matière première compétitive. On aura beau avoir les meilleures usines, des règles de fonctionnement strictes et des gens compétents, si nous n'avons pas accès à de la matière première de façon compétitive, nos chances de succès sont compromises. La pétrochimie québécoise demande humblement la permission de courir aussi vite que les autres, car cela nous donnera la chance de pouvoir les dépasser par nos autres actions, c'est-à-dire la sécurité, la fiabilité et l'écologie industrielle. Merci infiniment pour l'opportunité que vous m'avez donnée aujourd'hui.

La Présidente (Mme Bouillé) : Nous vous remercions. Mme la ministre.

Mme Zakaïb : Merci, Mme la Présidente. Tout d'abord, permettez-moi de saluer les gens de ParaChem, un pilier de l'écologie industrielle. Vous savez que je suis députée de Richelieu, où se situe la Technopole en écologie industrielle, à Sorel-Tracy. Alors, je suis très heureuse de vous avoir devant nous aujourd'hui. Je crois fermement que l'écologie industrielle, c'est une voie de l'avenir. C'est d'utiliser les déchets de certains pour en faire des matières premières pour d'autres, et l'exemple que vous donniez tantôt en est un qui est édifiant.

J'ai noté certaines citations de votre mémoire et je vous en remercie, vous nous dites que vous n'êtes pas ici pour aimer le pétrole. En fait, il n'y a personne qui a envie qu'un oléoduc passe sous son terrain. En fait, il n'y a personne qui a le goût d'être le grand défenseur du pétrole, sauf que, vous le disiez, on en utilise, on en consomme. On en consomme pour nos voitures, on en consomme pour d'autres produits.

Et mon collègue le député de Laurier-Dorion citait Socrate au début de la journée en disant qu'on ne peut pas se prétendre expert. Moi, je ne me prétendrai pas experte ni dans le pétrole, ni en chimie, ni en corrosion, mais je pense que je m'y connais un peu en avantages comparatifs des sociétés. Et, quand on a à compétitionner dans un monde qu'on connaît, un monde de mondialisation, et que nos intrants coûtent plus cher que ceux de la compétition… Et j'ai bien aimé quand vous parliez de l'ours, votre citation de l'ours tantôt — je pense, c'est la journée des citations — où vous dites que l'important, c'est de courir plus vite que son voisin, ce n'est pas de courir plus vite que l'ours. L'industrie pétrochimique au Québec, selon le document de consultation, représente 51 000 emplois, 2,5 milliards de dollars de salaires, et vous faites partie de ces 51 000 emplois. J'aimerais que vous me parliez de ce désavantage comparatif qu'a présentement l'industrie et que pourrait avoir l'industrie. Parce que, si les Ontariens ont accès à du pétrole moins cher, on sait que les Américains ont déjà du pétrole moins cher, notre industrie, est-ce qu'elle va tout simplement, comme certains prétendent, juste faire un peu moins d'argent ou si on peut mettre en péril toute une industrie?

La Présidente (Mme Bouillé) : Messieurs de ParaChem.

M. Brunelle (André) : Merci, Mme la Présidente. Je pense que ce qu'il est important de noter, c'est que des compagnies ont besoin de voir en avant. Pendant une certaine période, ils peuvent accepter les coûts, mais c'est clair que, si votre compétiteur a un avantage concurrentiel sur vous et que vous ne voyez pas le bout où est-ce que vous pouvez courir aussi vite que lui, c'est ça qui met en péril pour le futur et c'est surtout ça qu'il faut savoir. Et quelque part, quand le renversement s'est fait pour la ligne 9 à la fin des années 90, c'était clair que le marché, à ce moment-là, demandait ça. Et, quand on regarde les prix de la matière première, c'est clair qu'il y a un avantage marqué important. Il y en a beaucoup d'autres qui vous en ont parlé, et présentement ces autres raffineurs là courent plus vite que les raffineurs qui sont dans l'est. Et, si ça reste comme ça, c'est un différentiel qui, peut-être, un jour, va se rééquilibrer, comme ça s'était rééquilibré. Mais ce temps-là est important parce que, pendant ce temps-là, il faut que ces raffineries qui sont ici, au Québec, sentent qu'il y a de l'avenir, qu'ils vont pouvoir être compétitifs. Pas pour juste investir demain, mais investir pour les cinq prochaines années, les 10 prochaines années, et c'est surtout ça qui est important.

Donc, au niveau de la compétition, si tu ne cours pas aussi vite que l'autre et que tu ne vois pas la chance de pouvoir courir aussi vite que lui, à ce moment-là tu peux décider de dire : Bon, bien, est-ce que je veux aller dans cette direction-là et investir ici ou je vais aller investir ailleurs, où est-ce que je vois qu'il y a une portée à long terme? Et c'est surtout ça qu'il faut vérifier.

La Présidente (Mme Bouillé) : Mme la ministre.

• (20 h 30) •

Mme Zakaïb : J'ai aussi retenu un autre passage de votre mémoire, et je cite : «…tant que nous utiliserons ces produits, vaut mieux les fabriquer localement avec les meilleures pratiques disponibles, avec des gens compétents, dans le souci de la sécurité et de l'environnement, et ainsi bénéficier des retombées, plutôt que de les importer…» Ça m'amène à une question. On nous a dit que, présentement, il y a suffisamment de pétrole partout à travers le monde, que ce n'est pas nécessaire de permettre au pétrole de l'Ouest canadien d'avoir accès au marché canadien et qu'on n'a pas de pénurie d'approvisionnement. À ce moment-là, vous qui faites partie de cette filière du polyester, est-ce qu'il y a pour vous un problème à utiliser le pétrole qui vient de l'étranger? Et j'imagine qu'on va en revenir toujours à cet avantage concurrentiel qui est le prix.

Et je vais vous permettre de répondre, mais avant je vais vous poser une deuxième question par rapport à ce désavantage concurrentiel qu'on a présentement par rapport au prix. On nous dit que l'avantage serait limité dans le temps. On nous a également dit, certaines personnes qui sont venues ici : Le jour où le prix mondial sera le même prix que le prix du pétrole qui vient de l'Ouest canadien, tout le monde aura les mêmes conditions. Pendant un certain temps, on pourrait bénéficier d'un avantage, ça veut dire un prix qui est plus bas, mais, un jour, ce prix-là deviendra le même prix que le prix mondial. Il y a des gens qui prétendent ça. Et d'autres sont venus nous dire : Bien, à ce moment-là, au moins, on aura, tout le monde, accès au même prix puis on ne sera pas désavantagés. Vous qui faites partie de cette industrie dans la filière du polyester, quelle est votre opinion par rapport à ça?

La Présidente (Mme Bouillé) : Messieurs.

M. Brunelle (André) : Merci, Mme la Présidente. Ce qui est important de savoir, c'est que, quand on regarde le prix du brent et le prix du WTI, on le voit tous les jours, les fluctuations, et ça fait une certaine période. Donc, quand on dit : Oui, à un moment donné, on va avoir le même prix, ce qu'il faut savoir, c'est que, présentement, les raffineries du Québec sont désavantagées par rapport aux autres raffineries en Amérique du Nord. Et c'est toujours une question de combien de temps tu vas vouloir subir ce désavantage. Et, quand tu regardes à investir, tu as une chance d'investir dans un endroit où est-ce que la compétition est déjà… tu as déjà le bon prix ou tu investis à un endroit où est-ce que tu ne sais pas exactement combien de temps ça va prendre pour avoir le même prix... Alors, c'est surtout une question de se positionner, et pourquoi ne pas offrir aux deux raffineries du Québec d'être en compétition avec les autres raffineries en Amérique du Nord? Le pétrole, c'est la matière première, et de ne pas compétitionner, combien de temps tu peux le garder, ça, c'est les raffineurs qui pourraient vous le dire.

Pour ce qui est de la pétrochimie, quand j'utilise ma matière première, bien, ça vient d'une raffinerie. Vous pouvez comprendre, parce que je l'ai mentionné au niveau de la distance, la raffinerie qui nous fait de la matière première est de l'autre côté de la rue. Évidemment, si, à un moment donné, ils décident d'aller investir ailleurs, ça peut prendre un certain temps. Mais qu'ils décident de ne plus être local, ça veut dire que ma matière première va venir de beaucoup plus loin. Et, à ce moment-là, c'est toujours une question de distance — plus ça vient de loin, évidemment, plus ça coûte cher — et c'est une question de compétitivité.

La Présidente (Mme Bouillé) : Mme la ministre.

Mme Zakaïb : Je ne sais pas si vous avez les compétences pour répondre à ma question, mais je vais quand même la poser. Puis, si ce n'est pas dans vos cordes, dites-le-moi, là. Je sais que vous travaillez dans l'industrie de la pétrochimie. Vous savez que, pour nous, la sécurité des gens puis la protection de l'environnement, c'est important. Des gens sont venus nous dire que le pétrole qui vient de l'Ouest a un plus grand risque de corrosion sur le pipeline. Vous qui travaillez dans cette industrie-là, est-ce que vous avez les connaissances pour nous dire si vous pensez que c'est le cas, que le risque de corrosion est plus important quand on parle de pétrole qui vient de l'Ouest canadien? Parce qu'on a un pipeline qui fonctionne, présentement il y a du pétrole qui passe dans ce pipeline-là, et on se dit : Est-ce qu'on augmente le risque en inversant le flot? Et on nous répond, certaines personnes, que c'est… il y a un risque de corrosion plus grand dans le pétrole qui s'en vient dans un sens par rapport à celui qui coule présentement. Est-ce que vous pouvez répondre à cette question-là? Est-ce qu'il y a vraiment un risque de corrosion plus important?

La Présidente (Mme Bouillé) : Les représentants de ParaChem.

M. Brunelle (André) : Merci, Mme la Présidente. Au niveau du pétrole, souvent ce que je dis, c'est : Prenez… L'analogie, c'est de prendre une poêle en fonte. Ça arrive, des fois, qu'il y a un peu de corrosion dans le fond. Qu'est-ce qu'on fait pour empêcher la corrosion? On va mettre un peu d'huile dedans. Les hydrocarbures comme tels, ce n'est pas corrosif, et il y a plusieurs… il y a même des études qui étaient citées dans le document que vous avez fait qui mentionnent ça. Et, si le pipeline est bien entretenu, au niveau de la corrosion comme telle ce n'est pas un… En tout cas, pour nous, les hydrocarbures, ce n'est pas un problème, qu'ils viennent de l'Ouest ou de l'Est.

La Présidente (Mme Bouillé) : Mme la ministre.

Mme Zakaïb : En fait, tantôt, on nous a cité une étude américaine, puis j'ai pris un peu de temps pour la lire. Bon, naturellement, il y a plusieurs pages et puis plusieurs mots scientifiques dans tout ça, mais j'ai cru comprendre que les risques de corrosion viennent de l'eau et des acides en lisant le document qui est là. Est-ce que, selon vous, il y a plus d'eau ou plus d'acide présent dans le pipeline quand on importe du pétrole qui vient de l'Ouest canadien?

La Présidente (Mme Bouillé) : Messieurs.

M. Brunelle (André) : Ce que je sais… Parce que ce n'est pas moi qui achète le pétrole comme tel, mais il y a des spécifications là-dessus pour aller dans le pipeline, et, oui, vous avez raison, c'est justement ça. Ce n'est pas le pétrole comme tel qui est corrosif, c'est les impuretés. Et ce qu'on en sait par les études, c'est que, dans les conditions de transport, il n'y a pas de problème avec ces genres de pétrole là.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Saint-Maurice.

M. Trudel : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bienvenue. Avant que la rencontre commence, nous avons fait, un collègue et moi, un petit moment de sécurité, comme vous le dites, puis je veux poser la question : Qu'est-ce qui pourrait mal tourner? Bien, la première chose, c'est la séance. Ensuite, qu'est-ce qui pourrait faire mal tourner? Puis je me suis dit : Bon, ça doit être le député de Mercier, quelque chose comme ça. C'était une blague.

Ceci dit, je veux revenir un peu sur le début de votre allocution, quand vous avez remercié le gouvernement du support que vous aviez eu pour créer votre grappe industrielle et votre entreprise, surtout. Bien, je vous dirais, c'est une époque où le gouvernement assurait un certain leadership en matière économique, où on bénéficiait aussi d'une grande expertise dans l'animation des grappes ou des filières industrielles. Ça a beaucoup changé depuis 10 ans, puis, malheureusement, on se concentre surtout sur le rendement comptable plutôt que le rendement économique. Et j'ai toujours trouvé ça très malheureux, et je crois que, si vous êtes encore là aujourd'hui, c'est un bon témoignage de l'importance du rôle du gouvernement dans le développement économique, comment animer des tables, des grappes industrielles, des secteurs d'activité.

J'ai des questions à vous poser concernant certains éléments qu'il y a dans votre mémoire. Entre autres, vous avez mentionné, vous l'avez dit tantôt, là : «Si le produit est fabriqué ailleurs, les GES seront émis ailleurs sans valeur ajoutée pour le Québec.» Bon, j'aimerais ça que vous nous définissiez, parce qu'on a très peu touché à ça… Si vos produits ne sont pas fabriqués ici, chez vous, au Québec, où est située la compétition? Quelles entreprises, mais aussi au niveau de location sur le… en tout cas, l'endroit dans le monde où pourraient provenir vos produits qui seraient, de toute façon, là, consommés ici, au Québec?

La Présidente (Mme Bouillé) : Les représentants de ParaChem.

M. Brunelle (André) : Merci, Mme la Présidente. Nos produits comme tels, en Amérique du Nord, bien, il faut aller au Texas, il faut aller en Alabama pour avoir des producteurs. Il n'y a pas personne d'autre au Canada qui est dans la chaîne du polyester comme telle, mais pour le paraxylène... Et, comme je vous dis, on représente 1 % de la production mondiale, alors notre capacité… Je veux dire, malheureusement, demain matin, on disparaîtrait, et, vous avez raison, on aurait accès à ces produits-là quand même. Il n'y aurait aucun changement, excepté qu'on n'aurait pas fait travailler des gens ici, on n'aurait pas entretenu des équipements et créé de la valeur ajoutée. C'est comme si vous achetez votre sandwich. Bien, oui, vous pouvez l'acheter. Mais, quand vous la fabriquez, vous mettez les choses ensemble, vous créez de la valeur. Et, à ce moment-là, c'est de ça qu'on parle, de la valeur ajoutée, de pouvoir créer ici ces produits-là.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci. M. le député de Saint-Maurice.

M. Trudel : Spécifiquement, là, entre autres dans tout ce qui s'appelle les tissus, la couture, ainsi de suite, là, on voit souvent de la production de tee-shirts, de pièces de vêtements à l'étranger, entre autres dans des pays comme la Birmanie, le Bangladesh, ainsi de suite. On connaît là-bas les normes environnementales plus ou moins strictes, les conditions de travail dans lesquelles les travailleurs oeuvrent, des salaires de misère, des conditions souvent dangereuses. La question que je me pose, c'est que, si ce n'est pas produit ici, chez nous, si on n'appuie pas cette filière industrielle pour qu'elle demeure bien vivante chez nous, les vêtements qu'on va porter n'auront pas été… certainement pas produits dans les mêmes conditions. Êtes-vous capables de vous comparer, pas nécessairement en termes de coût de revient, mais en termes de normes appliquées pour la production, par rapport à la compétition qui vient, entre autres, de l'Asie, ainsi de suite?

La Présidente (Mme Bouillé) : Messieurs.

M. Brunelle (André) : Merci. C'est difficile pour moi de vous parler des autres, je ne peux pas vous dire. Mais ce que je peux vous dire, par exemple, c'est que je suis convaincu qu'au Québec les règles qu'on a, les règles strictes qu'on… On connaît ces règlements-là, on connaît la façon de faire, on connaît comment c'est important, l'environnement, la sécurité. Et ça, on est confiants que la façon de faire, au Québec, est solide, et on a, je ne dirais pas, la prétention, mais peut-être on a cette vision qu'on est capables de bien faire les choses et qu'il n'y a pas grand monde ailleurs qui pourrait nous dépasser pour être capables de faire les produits. Alors, c'est cette compétence, cette expertise.

Et je ne l'ai pas mentionné tantôt, mais nos techniciens viennent de l'Institut des procédés industriels du cégep Maisonneuve. Et je me souviens — bon, bonsoir, Mme la ministre — je me souviens d'une visite de Mme Léger qui était venue à l'usine, et il y a un de nos employés qui lui a serré la main. Et, je me souviens encore, il était un grand gaillard, avec ses habits, et il dit : Bonjour, madame, vous m'avez enseigné à l'école. Et je pense que Mme Léger, à ce moment-là, s'est rendu compte qu'on parle beaucoup de la pétrochimie, c'est comme abstrait, mais, quand tu vois comment ça fonctionne, quand on rentre dans la salle de contrôle, on voit les gens qui sont... tu vois qu'ils connaissent ça puis qu'ils aiment ça, et je pense que ça, c'est ce qui est bon pour le Québec. Donc, on a l'impression que, la pétrochimie, on ne connaît pas bien ça, mais, quand on y va, on regarde ça, on regarde les compétences, on voit comment c'est fait, on est, je pense, en très bonne position au Québec.

• (20 h 40) •

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci beaucoup. Mme la députée de Soulanges.

Mme Charlebois : Merci, Mme la Présidente. Excusez-moi, j'étais concentrée dans mes mémoires. Alors, bonsoir. Merci d'être là. Et c'est drôlement intéressant parce que ça nous amène un autre point de vue. On ne parle pas que du pétrole brut, on parle des produits dérivés et de tout ce qu'entre autres ParaChem — on dit ParaChem?

Une voix : On dit ParaChem.

Mme Charlebois : …ParaChem, bon — alors, ParaChem peut produire, mais aussi les produits dérivés. Puis je me suis amusée à faire un petit calcul rapide — corrigez-moi si je me trompe — ParaChem, CEPSA Chimie Montréal et Selenis utilisent tous des produits dérivés du pétrole, n'est-ce pas? Oui?

M. Brunelle (André) : Absolument.

La Présidente (Mme Bouillé) : Allez-y.

M. Brunelle (André) : Absolument, oui.

Mme Charlebois : Et ça regroupe tout près de 300 emplois. Est-ce que ce sont des emplois que vous pourriez qualifier… De quel type d'emplois parle-t-on, bref?

La Présidente (Mme Bouillé) : Messieurs de ParaChem.

M. Brunelle (André) : La plupart des emplois, c'est des techniciens en opération. Alors, c'est des gens qui ont un D.E.C., qui sortent d'une technique du cégep Maisonneuve, et donc c'est des techniciens. On a aussi des ingénieurs, on a des comptables, on a des inspecteurs. On a des gens pour l'entretien, donc des mécaniciens, des tuyauteurs. Donc, on a une panoplie de gens. Imaginez-vous des tuyaux, des pompes. Regardez un peu, je vous dirais, votre piscine en arrière, bien, il y a une pompe, il y a des tuyaux. Dans l'usine, c'est plein de pompes et de tuyaux comme ça, il y a des vaisseaux, donc il faut faire de l'inspection, l'entretenir.

Et tous ces gens-là travaillent dans un environnement qui… On cherche, à tous les jours, qu'il soit sécuritaire et de prévenir… On fait beaucoup, beaucoup de prévention aussi. On parle beaucoup d'intervention, mais ce qu'on veut, c'est de ne pas être obligé d'intervenir. Donc, il y a beaucoup de prévention qui se fait, que ce soit dans le design des équipements, que ce soit dans l'entretien préventif. On est même rendus à faire de l'entretien prédictif, et ça, c'est extrêmement important pour garder nos usines fiables, sécuritaires et d'être capables de le faire longtemps.

La Présidente (Mme Bouillé) : Mme la députée de Soulanges.

Mme Charlebois : Merci, Mme la Présidente. Donc, c'est une main-d'oeuvre qui est là, qui… Je vais aller direct au but, s'il n'y avait pas le renversement de la ligne, peut-être qu'il y a une partie de cette main-d'oeuvre-là qui serait appelée à disparaître en raison d'un manque de compétitivité, et, comme le disait Mme la ministre, le coût sur les intrants aurait sûrement un impact.

La Présidente (Mme Bouillé) : Messieurs.

M. Brunelle (André) : C'est sûr que la qualité des gens qu'on a chez nous… Ils sont qualifiés pour faire de la pétrochimie, et, quand on fait… On appelle ça des opérations unitaires, c'est-à-dire de de s'occuper des équipements, des pompes, des échangeurs de chaleur. Ces gens-là pourraient probablement travailler ailleurs. Mais, évidemment, s'il y a moins de joueurs locaux et s'ils veulent continuer de travailler dans ce domaine-là, bien, à ce moment-là, peut-être qu'il faudrait qu'ils aillent ailleurs, et ce n'est pas ce qu'on cherche, dans le fond.

La Présidente (Mme Bouillé) : Mme la députée de Soulanges.

Mme Charlebois: Non, vous avez tout à fait raison. Puis est-ce que l'impact de la fermeture de Shell, vous avez pu la déceler, vous avez perdu de cette expertise ou de ces employés? Quand Shell a fermé, là, est-ce que ça a eu un impact sur toutes les entreprises dont je viens de faire la nomenclature?

La Présidente (Mme Bouillé) : Les représentants de ParaChem.

M. Brunelle (André) : Un exemple qu'on pourrait donner, c'est qu'on a un de nos employés que son fils était, justement, à l'Institut des procédés industriels, et, quand la raffinerie Shell a annoncé sa fermeture… Parce que c'est du bon travail, mais c'est méconnu, les gens ne connaissent pas qu'est-ce que c'est de travailler en usine, et c'est pour ça qu'on essaie d'aller plus dans les écoles, d'attirer les jeunes, surtout avec des opérateurs, des jeunes qui vont leur parler, et qu'ils se rendent compte que, quand même, c'est des emplois intéressants.

Alors, l'anecdote que je voulais donner, c'est que, justement, ce père… son fils, plutôt, avec la fermeture de la raffinerie Shell, a décidé de réorienter sa carrière et de s'en aller dans un autre domaine qui est quand même de l'instrumentation. J'ai oublié de mentionner tantôt, on a aussi beaucoup, beaucoup d'électronique et on a des techniciens d'instrumentation dans nos usines. Alors, son fils est allé comme technicien d'instrumentation et il travaille dans un des membres de la chaîne du polyester, donc… Mais c'est pour vous donner le fait que, quand une usine ferme, ça crée des craintes, et, à ce moment-là, on peut avoir plus de difficultés à avoir de la main-d'oeuvre qui décide de s'en aller dans un domaine qui semble... Parce qu'on entend parler tous les jours des fermetures et... En tout cas, moi, je trouve ça captivant, et ce que j'espère, c'est qu'il y a d'autres jeunes que ça va leur tenter que ça soit captivant aussi et qu'ils réussissent à faire leur vie là-dedans.

La Présidente (Mme Bouillé) : Mme la députée de Soulanges.

Mme Charlebois : Est-ce qu'en ce moment les employés vous parlent de toute cette crainte? Parce que, là, il y a la commission parlementaire qui se tient, il y a eu l'ONE qui a tenu ses auditions, il y a beaucoup d'articles de... beaucoup de presse, là, autour du renversement de l'oléoduc. Est-ce que vous sentez, de la part de votre main-d'oeuvre, de vos employés, de tous les partenaires, une inquiétude en ce moment?

La Présidente (Mme Bouillé) : Messieurs.

M. Brunelle (André) : Toutes les occasions de parler de l'importance d'avoir accès à de la matière première... Et j'ai l'impression que, quand on en parle, on explique pourquoi, que c'est des produits qu'on utilise tous les jours, les gens ne savent pas nécessairement ça. Quand on a la chance d'en parler — et merci de nous avoir invités à venir ici, à la commission — je pense que c'est comme ça… En donnant de l'information, on laisse les gens se faire une idée en leur donnant l'information, et je pense que les gens, plutôt que de vouloir se laisser influencer... Et, surtout, on le voit dans nos comités de citoyens, quand, les gens, on leur donne l'information, ils sont contents de pouvoir se faire une tête. Et ça, je pense que c'est la meilleure façon de pouvoir bien expliquer les projets.

La Présidente (Mme Bouillé) : Mme la députée de Soulanges.

Mme Charlebois : Merci, Mme la Présidente. Vous avez sûrement entendu mon collègue de Laurier-Dorion parler de l'unité de vigilance, qui regrouperait certaines instances, dont le ministère des Ressources naturelles, le ministère du Développement durable et, bon, l'ONE, Enbridge. Que pensez-vous de faire… Parce que vous parlez, là, de concilier l'environnement… augmenter le rendement chez vous, mais pensez-vous que ce serait une bonne idée que de créer cette unité de vigilance, faire en sorte que l'information puisse se transmettre facilement, mais qu'aussi cette information-là puisse descendre sur le terrain, plus près des citoyens, faire en sorte que les gens se sentent plus informés, et aient accès à de l'information rapidement, et… Bref, plus on est informé, j'imagine que plus on est sécurisé, là.

La Présidente (Mme Bouillé) : Messieurs.

M. Brunelle (André) : Ce qui est extrêmement intéressant... Nous, notre comité de citoyens, on l'a depuis 2002. Donc, ça fait déjà 11 ans. Et, je vous dis, les gens aiment ça, ils veulent connaître. Et l'avantage d'avoir un comité de citoyens comme ça, c'est de pouvoir vulgariser ce qu'on fait. C'est clair que, quand on est quelqu'un... un technicien, et on parle avec nos termes techniques, on peut perdre les gens assez facilement. L'avantage du comité comme ça, c'est de dire : On n'a pas tout à fait compris, voulez-vous réexpliquer? Et, quand on réussit à faire ça, les gens, ça ne veut pas dire qu'ils vont tout comprendre ce qu'on leur dit, mais ce qu'ils voient, par exemple, c'est qu'on connaît ça, on sait comment faire, on sait pourquoi c'est important de faire de la prévention et on est prêts à parler de tous les sujets. Et ça, je pense que c'est... Ça prend du temps, gagner cette crédibilité-là. Mais, quand on réussit à discuter, les gens voient d'un bon oeil.

Et un des plus beaux compliments que j'ai eus, à un moment donné il y avait certaines coupures de presse qui disaient que, l'est de Montréal, la pollution était importante. Et, je me souviens, on avait rencontré des gens un peu plus âgés — je veux faire attention — mais, quelque part, qui se disaient... Tu sais, ça fait longtemps qu'ils étaient dans l'est de Montréal. Et, après qu'on ait expliqué qu'est-ce qu'on faisait, ils nous ont dit : Aïe! On est contents de voir qu'il y a des gens qui connaissent ça, qui s'en occupent. Et ça, au bout de la ligne, je pense que c'est un bon commentaire. On aime ça en parler. Et aussi l'autre commentaire qu'ils faisaient, c'est : Il me semblait bien aussi que c'est bien moins pire qu'avant au niveau de la qualité de l'air. Et ça, je pense que ça rassurait beaucoup les gens. La technologie a beaucoup évolué, et ça, il faut s'en rendre compte. Ce n'est pas parce que, dans l'est de Montréal, la qualité de l'air s'est améliorée, ce n'est pas juste parce qu'il y a des raffineries ou d'autres usines qui ont fermé, c'est que la technologie s'est améliorée, et on peut en profiter.

La Présidente (Mme Bouillé) : Mme la députée de Soulanges.

Mme Charlebois : Merci, Mme la Présidente. Il y a quelqu'un qui est venu hier — je ne me souviens plus le nom du groupe, peut-être que mon collègue s'en souviendra — qui a amené un élément positif, puis, honnêtement, j'ai trouvé ça intéressant, dans le sens où la personne, elle dit : C'est une occasion d'améliorer nos façons de faire. Plutôt que de voir juste le problème, il voyait une occasion là de parfaire nos façons de faire dans le transport du pétrole, notamment.

Parce que moi, je vous dirais que je demeure à Vaudreuil-Soulanges, qui est en Montérégie — il fallait que je le place dans ma présentation — et je demeure... Mon comté, c'est Soulanges, en fait, et je vous dirai que j'ai plein de citoyens — puis, malheureusement, à la suite de Mégantic — qui sont venus me voir puis qui voient passer beaucoup de trains chargés de pétrole. Ils passent déjà, hein? Et, si le pipeline n'est pas renversé, j'imagine qu'il va y en avoir davantage. Puis je vous dirai que mon bureau de comté n'est pas très loin de la voie ferrée, je les vois puis je les entends, puis mon bureau vibre. Bon, il y a toutes sortes de façons… Il y a quelqu'un qui nous a dit hier... Bien, c'est le maire de Montréal qui nous a dit : Il faudrait ajouter à la liste, justement, le transport par pipeline pour faire en sorte de renforcer la sécurité autour des pipelines, comme l'a été le transport par train, etc. Est-ce que vous voyez ça d'un bon oeil, vous? Voyez-vous qu'on peut s'améliorer dans le transport du pétrole plutôt que de voir juste les mauvais côtés de ça?

• (20 h 50) •

La Présidente (Mme Bouillé) : Les représentants de ParaChem.

M. Brunelle (André) : C'est une question qu'on se pose tous les jours, comment on peut faire mieux. Et c'est comme ça que ParaChem a réussi à devenir meilleure, parce que tous les gens, chez nous, pensent de cette façon-là. Et, quand vous dites que vous êtes juste à côté, je fais l'analogie, Mme Léger, son bureau a une vue imprenable sur la raffinerie Suncor. Je veux dire, c'est assez difficile d'être plus proche que ça. Et, quelque part, ça fait partie de notre réalité, et cette cohabitation-là, bien, il faut l'apprivoiser. Il faut connaître, il faut savoir et il faut bien faire les choses. Et ça, on demeure convaincus que les Québécois sont des gens compétents, qu'on peut bien faire les choses, et tout ce qu'on dit, c'est : Donnez-nous la chance de pouvoir courir aussi vite que les autres.

La Présidente (Mme Bouillé) : Mme la députée de Soulanges.

Mme Charlebois : On a entendu beaucoup… Parce que, vous savez, mon comté, c'est un comté rural où il y a beaucoup d'agriculture, beaucoup d'eau, je suis entourée d'eau, et on a entendu beaucoup de choses, notamment sur les assurances, sur un fonds de prévoyance, sur… L'UPA nous a parlé d'un fonds postcession pour les générations futures. Avez-vous un point de vue là-dessus? C'est-à-dire comment on peut faire en sorte que la population soit rassurée, au cas où il y aurait, malheureusement, un déversement? Mais aussi comment peut-on faire pour s'assurer que les nappes phréatiques, l'eau qui pourrait être puisée par les autres villes, parce que ça marche par bassins versants… Comment peut-on faire pour rassurer la population s'il y a lieu de rassurer… Voyez-vous un mécanisme qui serait potentiellement rassurant pour la population, c'est-à-dire au niveau des assurances, au niveau d'un fonds de prévoyance, au niveau des terres agricoles? Parce que moi, j'ai questionné Enbridge, puis on m'a dit… je ne me souviens plus à quelle page, mais c'est bien écrit qu'il n'y avait pas de limite à rembourser ou à défrayer les frais encourus, même les pertes de revenus agricoles. Mais, au-delà de tout ça, s'il arrivait quelque chose, l'eau potable, comment peut-on s'approvisionner, etc.? Avez-vous un point de vue là-dessus?

La Présidente (Mme Bouillé) : Messieurs, en 40 secondes.

M. Brunelle (André) : 40 secondes. Merci.

Mme Charlebois : Excusez-moi.

M. Brunelle (André) : Ce qui est important, c'est qu'on peut… Évidemment, là, on parle d'intervention, O.K., toujours de l'intervention. Le meilleur moyen de ne pas être obligé d'intervenir, c'est la prévention. Et, dans ces pipelines-là, je vous le dis, il y a plusieurs excavations qui sont faites. J'ai eu la chance d'en visiter, on en a, des pipelines aussi à l'usine. Et, quelque part, ce qui est important, c'est que les technologies qui existent aujourd'hui permettent de visualiser — c'est une façon de le dire, mais c'est un peu comme une écographie — sur 360 degrés non seulement l'intérieur, mais l'extérieur du tuyau. Et certaines excavations qui ont été faites, exploratoires, c'était pour aller vérifier quand on appelle ça des défauts, mais, dans le fond… Et c'est Mme Foisy qui dit : Hein, vous avez creusé ici pour ça? Et elle relativisait le fait que le défaut était très petit, mais Enbridge est allé le voir quand même. Et ça, la prévention, c'est la meilleure façon, si on veut, de ne pas être obligé d'intervenir.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci. M. le député de Drummond—Bois-Francs.

M. Schneeberger : Oui. Merci, Mme la Présidente. Dans la partie où est-ce que vous dites que vous comblez 8 % de la production nord-américaine et 1 % de la production mondiale, la venue d'un projet comme Enbridge, est-ce que ça permettrait de consolider cette production-là ou même, voire, de l'augmenter et, par la suite, justement créer des emplois? Et, dans ce cas-ci, je pense, c'est dans le comté de Pointe-aux-Trembles. Alors, je voudrais vous entendre là-dessus, sur la possibilité, peut-être, de création d'emplois, même, qui seraient… ou actuellement ce serait juste de conserver la production actuelle.

La Présidente (Mme Bouillé) : Messieurs de ParaChem.

M. Brunelle (André) : Ce qui est important, c'est, évidemment, d'assurer la pérennité de ce qui est là, et la matière première compétitive est la première façon de le faire. Et on prend la prétention aussi… Parce qu'évidemment, pour faire le polyester, bien, il y a quatre usines, mais, ailleurs aussi, il faut qu'il y ait plusieurs usines. Et le fait qu'on ait de l'hydroélectricité au Québec, on a dans la chaîne probablement une des meilleures positions, on pourrait dire peut-être un des PET les plus verts en Amérique du Nord. Alors, si vous me dites : Est-ce qu'on devrait en faire plus?, bien, peut-être qu'au lieu de faire juste 8 % on devrait pouvoir en faire plus pour en faire moins ailleurs et d'équilibrer de cette façon-là.

Donc, ce qu'on veut, ce qu'on espère surtout, c'est qu'il y ait pérennité, qu'on puisse continuer à opérer. Mais surtout ce qui est intéressant, c'est de voir c'est quoi, les prochaines technologies pour la transition, comment on peut se servir du tissu industriel qu'on a présentement pour aller chercher d'autres technologies et d'aller vers les technologies du futur aussi ou des nouvelles productions. Et ça, pour que ça puisse arriver, évidemment il faut être capable de rester là et d'avoir de la matière première compétitive.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Drummond—Bois-Francs.

M. Schneeberger : O.K. Toujours sous la même approche, est-ce que… Le domaine de la pétrochimie, c'est un domaine qui est très large. Et puis, quand on se met à comptabiliser tous les produits qui sont d'origine pétrolière, même si moi, je pense toujours que le pétrole, c'est un mal nécessaire actuellement, c'est énorme, là, le nombre de produits qui se font à base du pétrole. Est-ce que, dans le cas de Montréal, avec un projet comme ça, ça permettrait peut-être pas vous directement, mais dans votre domaine, dans le domaine pétrochimique… ça permettrait de peut-être aller rechercher des emplois qui se sont perdus dans le passé?

La Présidente (Mme Bouillé) : Messieurs, en 30 secondes.

M. Brunelle (André) : Bien, c'est sûr que c'est ce qu'on espère. Si la pérennité est là, à ce moment-là, quand on regarde vers le futur, on se demande : Ailleurs, qu'est-ce qui se fait comme nouvelles technologies? Est-ce qu'on peut amener ces nouvelles technologies là? Et le fait qu'on ait déjà ce tissu-là, on peut se servir… Au lieu de prendre une usine, de la mettre isolée, qu'elle est obligée de se donner tous ses services, si on est capables de l'amener dans un tissu industriel qui est déjà là — pas n'importe quelle usine, là, des usines qui sont à la fine pointe de la technologie — qui va vers le futur, et, à ce moment-là, on peut faire de l'écologie industrielle ensemble, ça, ça rend plus solide le tissu industriel. Oui, c'est ce qu'on espère, d'être capables de faire pour le futur, et on a bon espoir d'aller dans cette direction-là.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Mercier.

M. Khadir : Merci, Mme la Présidente. M. Charest, M. Brunelle, bienvenue. J'ai moins de trois minutes, alors est-ce que je peux compter sur votre collaboration pour des réponses courtes?

La Présidente (Mme Bouillé) : Messieurs.

M. Brunelle (André) : Oui.

M. Khadir : Très bien. Alors, vous faites de...

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Mercier.

M. Khadir : Vous faites de l'écologie industrielle?

M. Brunelle (André) : Oui.

La Présidente (Mme Bouillé) : Messieurs.

M. Khadir : Donc, à vous entendre, vous...

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Mercier.

M. Khadir : S'il vous plaît, Mme la Présidente, on peut procéder sans être interrompus tout le temps.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Mercier, vous allez vous soumettre à la procédure. Allez.

M. Khadir : À vous entendre, vous êtes très, très soucieux de l'environnement, de l'écologie.

La Présidente (Mme Bouillé) : Messieurs.

M. Brunelle (André) : Oui.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Mercier.

M. Khadir : Est-ce que c'est vrai que Suncor est majoritaire dans ParaChem, Suncor?

La Présidente (Mme Bouillé) : Messieurs les représentants de ParaChem.

M. Brunelle (André) : Suncor est 51 % dans ParaChem, oui.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Mercier.

M. Khadir : Suncor a des investissements de 5 milliards de dollars juste dans un seul projet, sans parler des autres en Alberta, dans le sable bitumineux. Parlez-nous un peu des sables bitumineux et leur impact sur la planète.

La Présidente (Mme Bouillé) : Messieurs.

M. Brunelle (André): Rapidement, ce que je peux dire, c'est que, quand on parle des sables bitumineux, c'est une ressource qu'on sait, qu'on connaît. Et je voudrais juste prendre l'analogie aussi, quand on parle des sables bitumineux… Je prends un téléphone cellulaire. Je me souviens, le premier téléphone cellulaire portatif que j'ai eu… O.K.? Je ne sais pas si vous vous en souvenez, mais il y avait le téléphone, qui était quand même assez gros, et la batterie qui était grosse comme une boîte à chaussures. Aujourd'hui, ce n'est pas la même grosseur. Donc, dans les sables bitumineux, oui, on en entendait parler avant, mais les efforts qui sont faits pour être capable de rendre ce pétrole-là environnementalement plus responsable, il y a beaucoup, beaucoup d'argent qui se dépense de ce côté-là, et ça n'arrêtera pas. Il faut penser que la technologie est la façon d'être capable d'innover, et c'est ce qui a permis à ParaChem, à tous les joueurs qui sont là, d'avoir... assurer la pérennité. Si on avait la même usine qu'on avait en 1994, on ne serait plus là aujourd'hui. Et c'est comme ça qu'on réussit à bien faire les choses, et je suis convaincu que les sables bitumineux doivent améliorer leur bilan environnemental, et ils vont continuer à travailler là-dessus.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Mercier.

M. Khadir : Je rappelle à tous les auditeurs que c'est exactement l'argument, ça, c'est l'argument central du ministre de l'Environnement canadien, Joe Oliver, qui est réputé sur la scène internationale… le gouvernement canadien, comme le gouvernement voyou en matière environnementale. En fait, donc, vous niez l'expertise internationale des groupes environnementaux, l'expertise du rapport de l'ONU, le rapport du GIEC. Vous niez même l'évaluation du gouvernement américain sur le fait que le sable bitumineux, pour les années à venir, est le pétrole le plus sale et avec l'empreinte environnementale la plus catastrophique sur la planète. Comment voulez-vous être crédibles, alors, sur vos prétentions écologiques, vous qui êtes possédés à plus de 50 % par Suncor?

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci. Donc, messieurs, nous vous remercions pour cet échange. Et j'invite maintenant le représentant…

Une voix :

La Présidente (Mme Bouillé) : … — eh, eh, eh! s'il vous plaît! — de Stratégies énergétiques à prendre place à la table, et je suspends les travaux pour une minute.

(Suspension de la séance à 21 heures)

(Reprise à 21 h 2)

La Présidente (Mme Bouillé) : Nous reprenons nos travaux de la commission. Nous souhaitons bienvenue au représentant de Stratégies énergétiques. Vous avez 10 minutes pour faire votre exposé, qui sera suivi d'un échange avec les parlementaires. Me Neuman, c'est ça?

Stratégies énergétiques (SE)

M. Neuman (Dominique) : Oui. Merci, Mme la Présidente. Alors, je me présente, Dominique Neuman. Je représente l'organisme Stratégies énergétiques, qui est un organisme environnemental actif depuis 1999. Nous intervenons régulièrement sur des dossiers énergétiques et environnementaux devant différents forums, dont la Régie de l'énergie du Québec, dans différentes commissions parlementaires, devant le BAPE, devant des instances municipales. Et également, récemment, nous avons présenté un mémoire assez volumineux devant l'Office national de l'énergie dans le cadre de son dossier d'étude sur le pipeline 9B d'Enbridge. Et je pense que les auteurs du document de consultation se sont un petit peu inspirés de notre mémoire, nous avons reconnu certaines traces de certains propos que nous avions présentés.

Nous remercions la commission de nous avoir invités. Nous avons déposé aujourd'hui un mémoire à la commission qui est très sommaire parce que nous n'avons pas eu beaucoup de temps pour le préparer et nous allons vous en soumettre les grandes lignes. D'abord, le principe que nous vous soumettons, c'est qu'il appartient à toute société, nation ou État de se préoccuper des aspects économiques, sociaux et environnementaux du cycle complet de la vie des biens qu'elle consomme. Il appartient à toute société, nation ou État de viser à maximiser les bénéfices économiques, sociaux et environnementaux liés au cycle de vie de ces biens tout en réduisant ou en compensant leurs désavantages. Or, le Québec consomme des produits pétroliers de diverses natures, que ce soit de l'essence, de l'huile de chauffage, des plastiques, de l'asphalte. À ce titre, il appartient donc à la société québécoise de se préoccuper des impacts économiques, sociaux et environnementaux durant le cycle de vie du pétrole qui lui permet de consommer ces produits.

Dans notre mémoire, nous invitons le gouvernement du Québec à émettre un énoncé clair et détaillé de ses orientations — c'est la section 2 du mémoire, paragraphe 10° — un énoncé clair de ses orientations quant au développement du secteur pétrolier, incluant son transport, son raffinage, et sa transformation, et sa consommation au Québec, et incluant ses orientations quant aux conditions de sa production. Un tel énoncé servira de repère et de guide aux différents intervenants concernés. Pourquoi un tel énoncé? Parce qu'il y a des choses que le Québec peut exiger, peut imposer par ses lois et règlements. Il y en a d'autres que le Québec ne peut pas imposer, mais qu'il peut inciter à faire au moyen de ce qu'on pourrait appeler un partenariat. Je ne veux pas m'enfarger dans les termes, mais ça pourrait prendre le nom d'un partenariat, d'une collaboration, d'un épaulement entre le gouvernement, et les secteurs industriels concernés, et aussi les intervenants sociaux et environnementaux concernés par ces enjeux.

Nous avons identifié huit aspects que devrait contenir un tel énoncé d'orientation. D'une part, que le gouvernement du Québec favorise le raffinage et la transformation au Québec du pétrole brut qui y est transporté selon un volume égal ou supérieur au volume des produits pétroliers et autres dérivés du pétrole qui sont consommés au Québec. Donc, ça signifie que le secteur économique du raffinage et de la transformation pétrolière, la pétrochimie du Québec, sera soutenu par le gouvernement du Québec, lequel orientera son maintien et son développement dans le sens des autres orientations gouvernementales que nous énonçons.

À titre illustratif, le gouvernement du Québec aura, un jour prochain, à se prononcer sur un projet de construction par TCPL d'un terminal portuaire à Cacouna. Ce projet, logiquement, devrait être défavorisé, puisqu'il consiste à exporter à la fois la pollution… Donc, on exporterait du pétrole brut non traité vers d'autres endroits, peut-être des pays asiatiques qui ont des super-raffineries et qui n'ont pas les mêmes normes environnementales que nous avons. Donc, on exporterait la pollution vers ces pays-là et on exporterait également les emplois et les investissements. Donc, à la fois pour des motifs économiques et environnementaux, il est souhaitable que le pétrole qui transite, qui est transporté au Québec soit raffiné et traité ici.

Un deuxième aspect est que le gouvernement favorise au Québec le transport, le raffinage et la transformation de pétrole léger et doux plutôt que lourd et sulfureux. Puis j'ajouterais au moins dans la même proportion que l'on a actuellement de pétrole léger et doux dans la grappe actuelle, dans le secteur du raffinage, dans le secteur de la pétrochimie au Québec, qui fonctionne bien actuellement avec cette proportion que l'on a actuellement. Donc, nous favorisons le maintien, au moins, de cette proportion de pétrole léger et doux, et qui serait en plus à faible teneur en abrasifs et à faible teneur en H2S.

Ces éléments sont développés davantage à la fin de notre mémoire. Peut-être que j'aurai le temps de le développer davantage, mais je vais passer à un autre sujet pour l'instant, qui est un des motifs pour lesquels il est souhaitable également que le Québec se concentre sur le raffinage du pétrole léger et doux. C'est un motif géopolitique ou géoéconomique, comme nous l'avons exprimé dans certains documents que nous avons émis. C'est que les raffineries du Sud des États-Unis, au Texas, le long du golfe du Mexique, ont déjà été converties pour traiter du pétrole lourd, alors que c'est dans le Nord-Est américain, au Québec, au Nouveau-Brunswick, en Ontario, en Pennsylvanie, dans différents autres États de ce qu'on appelle le PADD 1 ou 2, là, je ne me rappelle pas lequel des deux… Cette région, qui est la nôtre, est déjà spécialisée en traitement de pétrole léger et doux, au point tel…

Et je vais vous donner un exemple. Au Texas, il y a un gisement de même nature que Bakken qui s'appelle Eagle Ford. C'est un gisement de pétrole très léger, ultraléger, encore plus que celui de Bakken. Il est à deux pas des raffineries du Texas et de Louisiane, mais ce n'est pas là que ce pétrole est traité. Il est exporté vers cette région du Nord-Est américain, y compris à Québec. Valero a fait venir par vaisseaux du pétrole du Texas pour le raffiner ici, pour faire un test, c'était au début de 2013. Le test a marché. Donc, maintenant, du pétrole de Eagle Ford arrive au Québec, chez Valero par train parce que nous avons cette expertise, nos raffineries sont… Donc, il n'est pas souhaitable de convertir nos raffineries qui fonctionnent avec du pétrole léger et lourd pour ajouter encore davantage de raffineries qui… excusez, du pétrole léger et doux pour ajouter encore en Amérique du Nord des raffineries qui traiteraient du pétrole lourd, puisque nous ne sommes pas capables de compétitionner avec les raffineries déjà spécialisées à cet effet au Texas. Il y a une spécialisation géographique qu'il faut respecter, et c'est une des raisons pour lesquelles nous devons favoriser le traitement du pétrole léger et doux au Québec.

Évidemment, un aspect qui est sous-jacent, c'est qu'il est, évidemment, préférable de transporter du pétrole par oléoduc plutôt que par voie maritime ou ferroviaire. Les composantes ferroviaires et maritimes sont des composantes mobiles, donc elles font appel à des décisions humaines continuellement. Il y a donc un plus grand risque sécuritaire que par voie d'oléoduc.

Le troisième élément que devraient contenir ces orientations serait que, pour le pétrole transporté au Québec, le gouvernement du Québec exige le respect des lois du Québec, des règlements municipaux relatifs à l'environnement et à la sécurité civile. Peut-être que, dans certains cas, le Québec n'a pas la juridiction de l'imposer, mais il peut, par des partenariats avec l'industrie, s'assurer que l'équivalent de ce que donnerait un assujettissement à ces lois soit respecté, et c'est en ce sens qu'il est crucial qu'il y ait ce contact entre le gouvernement et les secteurs industriels concernés.

Dans certains domaines, le gouvernement a des outils qui lui permettent d'influencer le développement et de l'orienter vers la continuation du raffinage de pétrole léger et doux. C'est, par exemple, au niveau des certificats d'autorisation. Si une raffinerie comme, par exemple, celle de Suncor à Montréal envisage de se convertir ou d'agrandir ses installations pour du pétrole lourd, cela prendrait un certificat d'autorisation environnemental, et le gouvernement peut passer le message que ce n'est pas quelque chose qu'il considérerait favorablement si une telle demande était soumise.

• (21 h 10) •

La Présidente (Mme Bouillé) : En terminant.

M. Neuman (Dominique) : Oui. Donc, écoutez, il y a d'autres éléments dans notre mémoire que je vous invite à consulter. Également, un aspect, c'est que le gouvernement du Québec peut influencer également ce qui se fait aux sites de production — au pluriel — tel que décrit dans le mémoire, non pas de façon réglementaire, mais par ses contacts à la fois avec l'industrie au Québec et avec le gouvernement du Québec pour influencer certaines choses. Donc, je suis prêt à répondre à vos questions.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci beaucoup. Nous allons procéder à la période d'échange en commençant par la partie gouvernementale. Mme la ministre.

Mme Zakaïb : Merci, Mme la Présidente. Me Neuman, bonsoir. Merci de vous être déplacé pour venir nous rencontrer. M. le député de Repentigny a des questions pour vous.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Repentigny.

M. McKay : Oui, merci. Alors, merci, Mme la Présidente. Bonsoir, Me Neuman. Je vais commencer par déclarer que j'ai déjà travaillé avec vous. Donc, déclaration d'intérêts dans le passé, mais ça fait quand même quelques années de ça. Mais juste...

M. Neuman (Dominique) : ...transparence.

M. McKay : Oui, pour la transparence, de un, et aussi pour rappeler que vous êtes intervenu régulièrement devant la régie de...notamment, devant la Régie de l'énergie. Et moi, j'avais collaboré avec vous sur toute la question du Plan d'efficacité énergétique de la défunte Régie de l'énergie, et on travaillait spécifiquement sur toute la question, justement, de l'efficacité énergétique dans les transports et toute la question de la réduction de la consommation de carburants. Donc, vous avez déjà une expertise reconnue là-dedans et pour intervenir devant les instances réglementaires, les tribunaux administratifs, ce qui fait que je suis quand même peut-être un peu surpris du fait que vous parliez d'assujettir toute la question du transport de pétrole sur des bases volontaires à la législation puis à la réglementation, la législation et réglementation gouvernementale et aussi municipale.

Qu'est-ce qui fait que vous pensez qu'on devrait lancer ce message-là? Finissons là. C'est parce que j'ai l'habitude de poser des longues questions, hein, alors je vais la finir.

La Présidente (Mme Bouillé) : Me Neuman.

M. Neuman (Dominique) : Oui. Je veux bien qu'on comprenne dans quel sens nous parlons d'assujettissement volontaire. C'est qu'il y a certaines objections quant au caractère fédéral du transport de produits pétroliers qui pourraient amener à mettre en doute la capacité du Québec à imposer certains aspects de sa législation. Notre préférence, ça serait, évidemment, que le gouvernement tente par tous les moyens de faire respecter de façon obligatoire — pas volontaire, obligatoire — ses lois en matière de sécurité environnement.

Nous pensons, par exemple, la Loi sur la sécurité civile, s'il y avait un règlement d'adopté... Je pense que c'est un règlement de mise en oeuvre de l'article 8, je pense, de la Loi sur la sécurité civile. Si ce règlement était mis en oeuvre, il nous semble que, comme il s'agit d'une loi d'application générale, qu'elle pourrait s'appliquer de plein droit au secteur du transport pétrolier. Mais il se peut qu'il y ait certaines objections, et ce que nous voulons éviter, c'est de retarder la mise en oeuvre de ces normes importantes en raison de conflits juridictionnels. Et c'est pour ça qu'il est important qu'en plus de maximiser les efforts pour assujettir de façon obligatoire ce secteur aux lois existantes il y a d'autres moyens additionnels qui devraient être entrepris pour essayer, de façon collaborative, de s'assurer que ces entreprises respectent ces normes.

On a beaucoup parlé de transmission de l'information sur les risques, sur le contenu, sur la propriété, sur la nature du produit à la fois au gouvernement du Québec, aux municipalités. C'est quelque chose qui serait visé par cet article de la Loi sur la sécurité civile. Mais, en plus de l'imposer, ça se pourrait qu'on puisse convaincre l'entreprise concernée, Enbridge, de soumettre cette information de façon volontaire et même de s'assujettir au processus des plans de sécurité civile, du plan national et des plans municipaux, des plans de mesures d'urgence, de s'assujettir volontairement, comme si elle était soumise à la loi, pour éviter un débat fédéral-provincial sur la question.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci. M. le député de Repentigny.

M. McKay : O.K. Donc, si je comprends bien, ce que vous nous dites, c'est que, dans le cas, par exemple, où la Loi sur la sécurité civile peut nous permettre d'agir, dans le cas où la Loi sur la qualité de l'environnement du Québec peut nous permettre d'agir, utilisons ces leviers législatifs. Par contre, ne nous limitons pas à ça et allons plus loin. Même si on ne peut pas l'imposer devant les tribunaux, peut-être qu'on peut s'asseoir de bonne foi avec les gens.

Et j'ai l'impression que ça... je ne sais pas si vous avez... Vous avez sûrement suivi les travaux de la commission. Si vous avez entendu la proposition de l'opposition officielle qui parlait de l'unité de vigilance, où un certain nombre de ministères et d'organismes pourraient collaborer ensemble, est-ce qu'à votre sens votre proposition va dans cette direction-là?

La Présidente (Mme Bouillé) : Monsieur.

M. Neuman (Dominique) : Je m'excuse, je n'ai que suivi des bribes de la commission, donc je n'ai pas le texte de la proposition de l'opposition à ce sujet.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député.

M. McKay : Il n'y a pas vrai de texte, mais...

M. Neuman (Dominique) : Oui, enfin...

M. McKay : Bien, le député de Laurier-Dorion pourra revenir peut-être là-dessus tout à l'heure.

Ce que je retiens, c'est que vous dites aussi que, dans le Nord-Est de l'Amérique, c'est le seul endroit où les raffineries n'ont pas encore été converties à du brut lourd. Donc, vous nous recommandez d'accompagner la grappe de l'industrie pétrochimique dans le sens de maintenir cette situation-là, d'en faire un avantage géoéconomique. Qu'est-ce qu'on peut faire avec les intervenants du milieu pour s'assurer de ça? Par exemple, d'un point de vue réglementaire, on peut empêcher s'il y a une demande pour pouvoir convertir les raffineries, mais comment est-ce qu'on peut aller au-devant des coups et plutôt éviter de se retrouver devant cette situation-là?

La Présidente (Mme Bouillé) : Me Neuman.

• (21 h 20) •

M. Neuman (Dominique) : Oui. Bien, pour aller au-devant des coups, bon, en plus de l'imposition réglementaire, du contrôle que le gouvernement a sur les certificats d'autorisation, bien ce serait de s'assurer que l'industrie, que les différents acteurs de l'industrie ont ce qu'il faut actuellement avec le pétrole léger et doux. On veut éviter de se retrouver devant une situation où, pour une raison quelconque, quelque chose irait mal, de plus en plus mal, et qu'après qu'un acteur de l'industrie, un acteur majeur, par exemple, s'adresse au gouvernement en disant : On ferme, à moins que vous fassiez telle et telle chose. C'est plutôt de les accompagner au fur et à mesure, de voir s'il y a des problèmes quelconques et tenter des les résoudre avec eux. Mais actuellement il y a une industrie qui fonctionne avec du pétrole léger et doux pour l'essentiel, il y a un peu de pétrole lourd qui est raffiné à Montréal, et il n'y a pas de raison que ça ne continue pas de cette manière, à moins qu'il y ait des imprévus.

Un imprévu que je mentionne, qui est, je pense, le huitième point des mesures que nous proposons, c'est la variation de prix. C'est qu'actuellement, de façon conjoncturelle, depuis 2010, le prix du pétrole de l'Ouest, du pétrole léger de l'Ouest est inférieur à celui du pétrole léger international de brent. Selon à la fois Enbridge… Enbridge, dans le dossier pas, ici, de l'oléoduc 9B, mais le dossier de Northern Gateway, Enbridge prédit que, d'ici 2016‑2018, le pétrole de l'Ouest coûtera plus cher que le pétrole international si certaines infrastructures sont réalisées. Également, devant l'Office national de l'énergie, dans le dossier auquel nous participions, l'expert commun de Valero et Suncor a prédit que les prix vont s'harmoniser au même niveau en 2016‑2018. Donc, il y a un risque que cette situation conjoncturelle ne dure pas 30 ans, qui est la durée de vie de l'oléoduc 9B après inversion, qu'après quelques années que les prix puissent aller dans l'autre sens, comme ils l'ont toujours fait. Depuis 1974, les prix, pendant une certaine période, ils étaient plus élevés dans l'Ouest, pendant une autre période, ils étaient moins élevés dans l'Ouest. Donc, il se peut que ça se poursuive.

Or, Suncor et Valero ont un problème, ils ont signé pour 10 ans. Si le projet se réalise, Suncor et Valero ont signé, c'est dans les documents de l'Office national de l'énergie, se sont engagés à acheter du pétrole de l'Ouest pour la quasi-totalité du volume de ce pipeline, donc, quel que soit le prix, quelle que soit la situation conjoncturelle qui existera à ce moment-là. Et ce qui serait non souhaitable, ce qui serait dangereux, c'est que, devant cette situation, une entreprise comme Suncor puisse se dire : Le pétrole léger de l'Ouest me coûte trop cher, mais par contre, si je faisais venir du pétrole lourd de l'Ouest, peut-être que j'y trouverais un avantage. Alors, il faut essayer de voir si le gouvernement du Québec ne pourrait pas prévenir les coups, si on voit que quelque chose se passe au niveau de l'évolution de prix, qu'il puisse devenir moins avantageux de faire venir du pétrole léger de l'Ouest, est-ce qu'on peut s'assurer au moins qu'il n'y aurait pas cet effet pervers qui… consister à intéresser le secteur du raffinage de Montréal à traiter plutôt du pétrole lourd.

Un des moyens de cela, ce serait que le gouvernement du Québec défende la position qu'il a toujours tenue devant l'Office national de l'énergie en 1974 et en 1997, qui consiste à favoriser la reréversibilité rapide et aisée du pipeline 9B. Ça a été la position… Nous avons les documents de l'époque que le gouvernement a proposés. À une certaine époque, devant l'office, le gouvernement souhaitait la reréversibilité à court délai de six semaines. Il souhaitait que, si une situation conjoncturelle se passe, pouvoir le rerévertir en six… d'abord, en deux semaines, puis il a changé, il a accepté six semaines. Donc, c'est ce… peut-être que le… il y aura lieu, avant les prochaines… à l'expiration du délai de 30 ans, de redemander à l'office… que le gouvernement collabore à ce qu'Enbridge redemande à l'office de pouvoir reréinverser le pipeline si jamais l'écart de prix tournait dans l'autre sens.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Repentigny.

M. McKay : Oui, merci. C'est un point de vue quand même assez original par rapport à ce qu'on a entendu jusqu'à maintenant, mais qui va dans le sens, je pense, des préoccupations de bien des gens. Vous parlez d'un énoncé de principe aussi dans lequel… et ça recoupe, je crois, les recommandations d'autres groupes environnementaux qui sont venus plus tôt aujourd'hui, où on nous demandait, au gouvernement du Québec, de faire pression pour que le Canada prenne des engagements contraignants par rapport à la réduction de ses émissions de gaz à effet de serre, édicte des normes contraignantes relatives aussi aux émissions de gaz à effet de serre, aux émissions atmosphériques et aux impacts sur l'eau, ce qui… On s'entend qu'actuellement le gouvernement conservateur, à Ottawa, va dans le sens complètement inverse, mais dans quel sens est-ce que… Vous dites : Le gouvernement doit user de son influence afin d'amener le Canada dans ce sens-là. Qu'est-ce que le gouvernement du Québec peut faire, à part d'édicter des énoncés de principes?

La Présidente (Mme Bouillé) : Messieurs.

M. Neuman (Dominique) : Oui. Bonne question. Donc, vous venez de faire référence au sixième élément du contenu des orientations que nous proposons, qui est l'article 11.6 du mémoire. Bien, écoutez, c'est une bonne question : Qu'est-ce que le gouvernement peut faire? Bien, écoutez, le gouvernement du Québec a différents forums à l'intérieur du Canada. Également, quand je parle du gouvernement du Québec, on parle du gouvernement du Québec et de la grappe industrielle du raffinage et de la pétrochimie. Peut-être que cette collaboration avec l'industrie, et avec les groupes environnementaux, et avec les groupes sociaux peut contribuer à influencer le gouvernement du Canada dans ce sens.

Mais nous sommes très conscients que le gouvernement du Canada ne bouge pas beaucoup. Actuellement, c'en est rendu que c'est le gouvernement fédéral américain qui essaie de convaincre le gouvernement canadien d'adopter des normes atmosphériques plus sévères pour son pétrole comme condition implicite à ce que le pipeline Keystone XL soit approuvé. Donc, le gouvernement américain, lui aussi fait des pressions sur le Canada. Incidemment, pressions qu'il n'est pas capable de faire devant son propre Congrès, mais ça, c'est une autre histoire. Mais, en tout cas, il y a différents gestes, qu'on pourrait appeler la diplomatie fédérale-provinciale, qui peuvent être posés et qui porteraient non seulement sur l'établissement de normes environnementales sur la qualité de l'air, de l'eau et des sols, mais également, comme on le mentionne, insister pour que le pétrole lourd qui se trouve en Alberta soit traité, soit converti en pétrole synthétique léger avant d'être transporté. En effet, nous énonçons différents motifs pour lesquels le pétrole lourd, en raison de ses impuretés, est plus abrasif que le pétrole léger. Donc, surtout quand on parle d'une conduite vieillissante comme celle d'Enbridge 9B, ça peut poser un risque, un risque accru.

Et, en fait, il a été question, il y a quelques instants auprès de l'intervenant précédent, de corrosion, et il y a une distinction qui doit être faite entre l'abrasion et la corrosion. Actuellement, il y a une membrane protectrice à l'intérieur de l'oléoduc qui empêche le pétrole et ses impuretés d'être en contact avec le métal. Donc, tant que la membrane est là, il n'y a pas de corrosion. S'il y a des abrasifs dans le pétrole qui déchirent la membrane, les impuretés… et parfois les mêmes impuretés qui déchirent la membrane peuvent réagir chimiquement — la corrosion, c'est un phénomène chimique — avec le métal et amorcer un processus de corrosion. Donc, c'est pour ça qu'il est préférable que le pétrole soit léger, non abrasif au point de départ. Et je crois que Suncor a parlé d'un projet qu'elle avait eu avec Total, projet qui s'appelle Voyageur, qui consiste à ajouter une nouvelle usine de traitement du pétrole lourd pour en faire du pétrole synthétique, et ce projet, regrettablement, a été, au moins temporairement, abandonné. Le gouvernement du Québec pourrait contribuer à ce qu'il soit réactivé.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci. M. le député de Laurier-Dorion.

• (21 h 30) •

M. Sklavounos : Merci, Mme la Présidente. Alors, merci, M. Neuman. Et merci à l'organisme que vous représentez, Stratégies énergétiques. J'ai cru comprendre également que vous êtes allés devant l'Office national de l'énergie et que vous avez fait une présentation assez exhaustive devant l'Office national de l'énergie également. J'ai certaines questions à vous poser, d'abord vous demander, en quelque sorte… Il est très logique et très cartésien, votre mémoire, et là vous commencez au début en parlant d'un énoncé d'orientation. On commence par le début, je vais vous proposer d'abord... simplement vous dire : Il me semble que le fait de ne pas encore avoir eu un dépôt du plan d'action de ce gouvernement en vue d'atteindre sa cible de 25 %... Parce qu'évidemment vous allez vous souvenir, notre gouvernement, le gouvernement précédent, avait comme cible 20 %, mais avait un plan d'action qui accompagnait sa cible.

Et, je l'ai dit et j'ai eu l'occasion de le redire à quelques reprises, on est allés à Varsovie. J'ai accompagné le ministre de l'Environnement, on est allés à Varsovie et, évidemment, on a parlé de la bourse du carbone, on a parlé du travail qui avait été fait par notre gouvernement, qui a abouti, sous le gouvernement du Parti québécois, avec la Californie, les gens étaient intéressés, etc. Mais, lorsqu'arrivait le temps de justifier ou de parler de notre cible ambitieuse de 25 %, le plan d'action qui devrait accompagner une cible n'est pas au rendez-vous. Il y a eu, évidemment, dépôt en 2012 d'un plan d'action pour couvrir la prochaine période qui a été déposé par le précédent gouvernement. Il n'a pas été reconduit, on ne sait pas ce qui se passe à ce niveau-là. On a eu Greenpeace qui a, en quelque sorte, dit la même chose.

J'aimerais vous entendre là-dessus, si on est pour fixer des orientations, si on est pour regarder... Et vous parlez spécifiquement de l'orientation quant au développement du secteur pétrolier, mais, évidemment, le secteur pétrolier, les transports sont un émetteur, évidemment, des gaz à effet de serre. Trouvez-vous que c'est nécessaire, avant de débuter au début, d'avoir une bonne idée de quelles sont nos cibles et comment nous allons y parvenir, quelle est notre marge de manoeuvre? Si on est pour orienter, il faut quand même avoir une idée où on s'en va, comment on va se rendre à cette cible-là.

Le Président (M. Trudel) : M. Neuman.

M. Neuman (Dominique) : Oui. Je suis tout à fait d'accord, il y a énormément de travail à faire et beaucoup de retard dans ce travail qui doit être fait. À la fois au niveau des cibles et des mesures du gouvernement du Canada et du gouvernement du Québec, il y a beaucoup de choses à faire. Et je vais vous donner un exemple qui a été mentionné tout à l'heure, ce sont les cibles d'efficacité énergétique. Il y a actuellement dans la politique énergétique de 2006-2015 du gouvernement du Québec un objectif de réduction entre 2006 et 2015 de 10 % de la consommation pétrolière du Québec... en produits pétroliers. Il y avait une agence, l'Agence de l'efficacité énergétique, qui avait un certain mandat, de contribuer à réaliser l'atteinte de cet objectif. Cette agence était sujette à la supervision de la Régie de l'énergie, qui a fait un travail très exhaustif de surveillance des actions de l'agence à cet égard, un travail très rigoureux, chiffré, pour vérifier ce qui a été fait, et la Régie de l'énergie a déploré le manque d'actions de l'Agence de l'efficacité énergétique pour atteindre cette cible.

Par la suite, l'Agence de l'efficacité énergétique a été dissoute et intégrée au ministère, mais ce n'est pas tellement ça, la gravité du problème. La gravité, c'est qu'en changeant d'organisme on a également supprimé la supervision par la Régie de l'énergie. Donc, actuellement, je ne sais pas ce qui se fait par ce qu'on appelle le Bureau de l'efficacité et de l'innovation énergétiques, qui succède à l'agence. Il y a un rapport microscopique de ce bureau qui est joint en annexe au rapport annuel du ministère des Ressources naturelles, presque pas de chiffres, presque pas de ventilation, presque pas d'information. Et il semble que l'objectif, qui est toujours en vigueur aujourd'hui, de réduire de 10 % la consommation de produits pétroliers du Québec, que cet objectif semble oublié. En tout cas, s'il n'est pas oublié, il n'est pas très visible, il n'y a plus grand suivi qui se fait. Donc, ça fait partie des choses...

Il y a une commission itinérante sur la politique énergétique. Peut-être qu'elle va énoncer quelque chose sur ces sujets. Mais, en tout cas, il y a beaucoup de choses à faire pour, à la fois, réduire la consommation énergétique et réduire les émissions de gaz à effet de serre, à la fois dans une perspective du Québec et dans une perspective du Canada.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sklavounos : J'étais également heureux de vous entendre parler de la présence du Québec en 1997 devant l'Office national de l'énergie parce qu'il y a eu à ce moment-là de la prévoyance, il y a eu... Évidemment, lorsque le gouvernement du Québec... C'était Bernard Landry qui, à ce moment-là, avait fait les représentations pour le Québec, c'était le gouvernement de Lucien Bouchard qui était au pouvoir au Québec. À ce moment-là, on avait prévu la possibilité, comme vous avez mentionné, de cette possibilité de fluctuation qui rendrait… en quelque sorte, peut-être dans les intérêts du Québec, un renversement, si vous voulez, du pipeline à un moment donné. C'est pour cette raison-là que nous aussi, nous avons, en quelque sorte, cru nécessaire, nous avons... Nous étions de l'opinion que le gouvernement actuel aurait dû se présenter devant l'Office national de l'énergie, même si… On n'est pas contre les consultations qui se déroulent ici. Si on peut étendre… donner la voix à d'autres qui n'ont pas pu être entendus, on est pour ça. Par contre, on croyait que c'est une démarche qui aurait dû se faire.

Vous avez mentionné aussi dans votre mémoire le fait qu'il faudrait favoriser un premier traitement. À Fort McMurray par exemple, on a entendu qu'il y a, dans certains cas, un premier traitement qui se fait là. On a eu, entre autres, l'AQLPA qui est venue nous dire qu'il faut regarder le cycle de vie au complet, on ne pourrait pas faire abstraction du fait qu'à un moment donné ce pétrole a été lourd, même s'il arriverait au Québec moins lourd. Et, en même temps, vous avez dit : Il faudrait quand même rester ouvert à la possibilité qu'à un moment donné il serait possiblement plus intéressant d'aussi développer une capacité de raffiner du pétrole lourd à Montréal et à Québec. Mon collègue semblait dire que c'est une opinion… Parce que je suis sûr que, si certains groupes étaient encore dans la salle, ils auraient trouvé ça quand même un petit peu moins intéressant. Est-ce que c'est contradictoire, ça, ou est-ce que, tout simplement, vous regardez à un petit peu plus long terme ou à moyen terme pour nous dire : Écoutez, ça pourrait devenir intéressant? Parce que, là, ça semble un petit peu contradictoire. Vous parlez d'une première transformation à Fort McMurray, faire venir du pétrole plus léger. Après ça, vous dites : Il faudrait rester ouvert à la possibilité de raffiner du pétrole brut. J'aimerais juste être sûr que je vous ai compris là-dedans. Alors, je vous donne cette occasion-là de juste clarifier ça pour moi.

La Présidente (Mme Bouillé) : Me Neuman.

M. Neuman (Dominique) : O.K. Ce que nous recommandons, c'est de garder au moins la proportion actuelle de pétrole léger dans le mixte de raffinage au Québec. Donc, ce pétrole léger, ça peut être du pétrole de schiste, de Bakken, ça peut être du pétrole de schiste ou conventionnel à différents points d'Alberta et de Saskatchewan ou ça peut être du pétrole synthétique qui provient du pétrole lourd, mais qui n'est plus du pétrole lourd. Et je tiens à faire une distinction — et je pense qu'elle a déjà été faite, notamment par l'AQLPA — qu'on ne parle pas de dilbit. Dilbit, c'est du bitume dilué, c'est du pétrole lourd qui, de toute façon, doit avoir un liquide qui n'est pas de l'eau pour pouvoir être transporté. Mais ce n'est pas de ça que je parle, je parle de pétrole synthétique. O.K.?

Mais, au-delà de cela, il y a des décisions à prendre. C'est-à-dire si le gouvernement du Canada prend part aux engagements internationaux qui sont attendus de lui et de l'ensemble des nations et qu'il en résulte, par exemple, que l'extraction du pétrole lourd diminue ou, à tout le moins, n'augmente pas... C'est peut-être quelque chose qui va se passer, mais ça dépendra des engagements du gouvernement du Canada, que le Québec peut influencer, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, mais nous ne contrôlons pas la quantité d'extraction de pétrole lourd bitumineux qui se réalisera au cours des prochaines années en Alberta.

Ça fait qu'au moins, si un tel pétrole est extrait et est destiné à se rendre au Québec, qu'il n'arrive pas ici à l'état lourd, mais qu'il soit transformé en pétrole léger pour différentes raisons liées à l'impact que ça a sur la conduite elle-même, l'oléoduc lui-même, comme j'ai mentionné, l'abrasivité plus grande qu'a ce pétrole. Et nous avons fourni... il y a certaines données chiffrées qui comparent ça à l'abrasivité d'un sand-blasting que le… Ce que subit la conduite est très fortement supérieur à un sand-blasting permanent à l'intérieur de la conduite.

• (21 h 40) •

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sklavounos : Au niveau géostratégique, nous avons eu des gens qui sont venus nous dire : Même s'il s'agit d'un pétrole plus lourd, on aurait intérêt à pouvoir sécuriser notre approvisionnement de nos partenaires canadiens à l'intérieur de la fédération, toujours mieux que d'aller chercher son pétrole à l'étranger. Le député de Mercier, entre autres, et d'autres semblaient dire aussi : Écoutez, avez-vous vu une rupture dans le transport du pétrole? Il n'y en a pas eu, donc c'est bien théorique comme question. D'autres qui semblaient dire : Écoutez, il y a des bénéfices qui nous reviennent comme Québécois à cause de notre appartenance à la fédération canadienne. Alors, lorsqu'il y a un profit qui est fait à ce niveau-là, à cause de notre péréquation et le fonctionnement de notre fédération, il y a un bénéfice.

Vous, vous pensez quoi de ça? Admettons, évidemment… Et on admet que le pétrole qui vient de l'Algérie, par exemple, est un pétrole léger d'une bonne qualité, vous voyez comment cette question-là au point de vue géostratégique?

La Présidente (Mme Bouillé) : Me Neuman, en 15 secondes.

M. Neuman (Dominique) : Oui. Du point de vue géostratégique, en tout cas, il y a une distinction à faire dans votre question. Vous parlez de pétrole lourd, mais actuellement les raffineries du Québec utilisent très peu de pétrole lourd. Et ça impliquerait un changement dans la stratégie de raffinage du Québec de se convertir au pétrole lourd, et c'est pour ça, nous favorisons le maintien du mixte actuel et de tenter, de façon réglementaire ou incitative, à décourager la conversion vers ce pétrole lourd. J'aurais pu élaborer davantage, mais…

La Présidente (Mme Bouillé) : Sûrement, mais, je suis désolée, le temps est écoulé pour l'opposition officielle. M. le député de Drummond—Bois-Francs.

M. Schneeberger : Oui. Merci,, Mme la Présidente. Je veux juste bien comprendre ce que vous énoncez dans vos propos. Là, en premier, lieu, vous dites qu'idéalement ce serait d'amener du pétrole que vous dites léger. O.K.? Ça, c'est du pétrole qui a été en partie raffiné ou qui a été…

La Présidente (Mme Bouillé) : Monsieur.

M. Neuman (Dominique) : On parle de source du pétrole. Donc, le pétrole de schiste, de Bakken, est déjà du pétrole léger. Le pétrole d'Eagle Ford, au Texas, est déjà du pétrole léger. Il y a d'autres sources en Alberta et en Saskatchewan de pétrole qui est déjà léger.

En plus de ça, le pétrole dit lourd qui proviendrait des sables bitumineux en Alberta, lui, n'est pas léger, mais il peut être converti en pétrole synthétique qui, lui, est léger. Donc, il est converti à la source, puisqu'il y a déjà des usines à cet effet. Il y en avait une, que j'ai mentionnée tout à l'heure, de Total Suncor, qui s'appelle Voyageur, un autre projet qui n'a pas eu lieu, et c'est de ça qu'on parle quand on parle de pétrole léger. C'est un pétrole qui provient soit d'une source où il est déjà à l'état de pétrole léger. Pétrole léger et doux, doux étant dit par opposition à sulfureux. Et le pétrole des sables bitumineux est à la fois lourd et sulfureux.

M. Schneeberger : Mme la Présidente…

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député.

M. Schneeberger : …quand vous dites que le… Dans le fond, ce que vous dites, c'est que, même si on inverse le flux de l'oléoduc, si on l'inverse avec du pétrole que vous nommez léger, il y aura un impact environnemental qui sera peut-être moins, dû, justement, à… ou ça nuit beaucoup moins à l'oléoduc dans ce cas-ci. Alors, ça, ça veut dire que le pétrole lourd est beaucoup plus abrasif.

Mais, en même temps, vous dites qu'il faudrait peut-être voir si on pourrait, des fois, inverser le flux en cas de nécessité. Mais là si le flux… On revient encore à nouveau avec le même débat. Ça fait que, là, le débat du flux… Certains parlent que ça peut être dangereux, mais c'est là qu'à un moment donné ça vient dur à suivre parce que, là, à un moment donné, inverser le flux, je veux dire, le train… Moi, chez nous, à Drummondville, quand le train passe, là, qu'il voyage, les wagons est-ouest ou ouest-est, là, c'est le même danger, là. Alors, moi, je trouve ça un peu complexe, dans le sens que, dans le fond, vous dites : Oui, l'oléoduc, c'est un bon moyen de transport, mais, par contre, nous, on serait… ce serait beaucoup mieux d'amener du pétrole dit léger, et non lourd, et d'en faire…

La Présidente (Mme Bouillé) : En terminant.

M. Schneeberger : …un premier raffinage, si on peut dire comme ça, sur place, là, en Alberta.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Mercier.

M. Khadir : Merci, Mme la Présidente. M. Neuman, bienvenue. Vous avez dit que, dans ses représentations, Enbridge, pour le Northern Gateway, disait, affirmait que le prix du pétrole de sables bitumineux va, à terme — j'imagine, à court terme — en fait, s'égaliser avec le pétrole léger, il va y avoir un équilibrage des prix, alors qu'ici il tient le discours contraire avec les autres promoteurs de l'inversion du pipeline. Donc, j'en déduis qu'à une des deux places l'entreprise ment à quelqu'un. Est-ce que j'ai raison de penser ça?

La Présidente (Mme Bouillé) : Monsieur.

M. Neuman (Dominique) : Je n'utiliserais pas le terme «mentir», mais disons que la position d'Enbridge est exagérée des deux côtés.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député…

M. Khadir : Mais j'en déduis…

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Mercier.

M. Khadir : Merci de me retenir, Mme la Présidente, parce que je m'emporte, c'est bien connu, puis on est tout le temps en chicane avec les… Je trouve regrettable qu'à chaque fois je doive vous prier de ne pas trop interrompre l'échange normal entre celui ou celle qui est venu ici…

La Présidente (Mme Bouillé) : Demandez-vous, M. le député…

M. Khadir : Bien, laissez-moi… Je prends de mon temps, Mme la Présidente, pour vous…

La Présidente (Mme Bouillé) : …un passe-droit par rapport aux autres collègues?

M. Khadir : Non, non. Je ne vous demande pas de passe-droit, mais pas d'interrompre continuellement. Il y a un échange qui se fait… Puis, moi, ça fait quatre ans que je suis ici, il y a d'autres présidences qui s'exercent, je dirais, de manière plus judicieuse pour protéger le peu de temps qui nous est accordé. Ceci étant dit…

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Mercier, je suis désolée, mais c'est un propos très irrespectueux envers la présidence. Je vous avise de cela et… Est-ce que vous me demandez un passe-droit à votre égard? Vos autres collègues respectent la procédure.

M. Khadir : Je vous signale qu'il y a des méthodes de présidence des commissions qui sont pratiquées par nombre de vos collègues et qui n'interrompent pas la conversation entre celui ou celle qui est venu présenter un mémoire et les députés. C'est tout. Je ne vous ai pas manqué de respect, j'ai dit : Une manière plus judicieuse d'assurer que le 2 min 30 s n'est pas consommé par ce va-et-vient constant.

La Présidente (Mme Bouillé) : Voulez-vous contester ma présidence, M. le député?

M. Khadir : Là, c'est parce que vous épuisez ma patience, je suis obligé d'en parler.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Mercier.

M. Khadir : Oui. Qu'est-ce que vous voulez, Mme la Présidente?

La Présidente (Mme Bouillé) : Voulez-vous contester ma présidence?

M. Khadir : Pardon?

La Présidente (Mme Bouillé) : Voulez-vous contester ma présidence?

M. Khadir : Non, non. Je ne conteste pas la présidence.

La Présidente (Mme Bouillé) : Alors, vous allez vous conformer aux règles.

M. Khadir : Mme la Présidente, je vous ai déjà implorée de faire preuve…

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Mercier, vous me coupez la parole, je vous parle. Vous coupez constamment la parole. Voulez-vous contester ma présidence, M. le député de Mercier?

M. Khadir : Je vous ai déjà répondu, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Bouillé) : C'est non, donc vous allez vous conformer aux règles de procédure qui sont dans cette commission. M. le député de Mercier, quand je vous donne la parole, vous prenez la parole. Quand je la confie à une autre personne, vous attendez. Vous allez vous y conformer?

M. Khadir : Qui ne dit mot consent, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Bouillé) : Ah! je suis contente que vous consentiez, M. le député de Mercier. Donc…

M. Khadir : Vous êtes satisfaite?

La Présidente (Mme Bouillé) : Est-ce que vous êtes satisfait, vous?

M. Khadir : Moi, je ne suis pas satisfait. Mais vous, vous êtes satisfaite, c'est ce qui importe.

La Présidente (Mme Bouillé) : Moi non plus, monsieur. Moi non plus, M. le député de Mercier.

M. Khadir : Très bien. Alors, qu'est-ce qu'on fait?

La Présidente (Mme Bouillé) : Bien, vous vous conformez ou vous contestez ma présidence?

M. Khadir : Bien, je vous ai dit oui. Est-ce que j'ai d'autre choix que de me conformer à vos méthodes?

La Présidente (Mme Bouillé) : À mes méthodes. Vous allez donc respecter ce que vos collègues font dans cette commission. Nous reprenons.

M. Khadir : Expliquez-moi en quoi vous ai-je manqué de respect, madame…

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député… Vous me coupez encore la parole, M. le député de Mercier, vous ne faites que ça.

M. Khadir : ...d'allumer mon indicateur, j'estime que vous me donnez le droit de parler.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Mercier, ce n'est pas moi qui ai le contrôle de votre indicateur. Donc, arrêtez de blâmer les autres, là, assumez ce que vous faites. Moi aussi, le mien est ouvert, M. le député de Mercier. Allez-vous vous conformer, M. le député?

M. Khadir : J'ai déjà dit, déjà à deux reprises, que qui ne dit mot consent et j'accepte votre autorité. Ai-je le choix, de toute façon?

• (21 h 50) •

La Présidente (Mme Bouillé) : Parfait. M. le député de Mercier, allez-y avec votre question.

M. Khadir : Très bien. Donc, l'échafaudage financier avec lequel Enbridge, et les promoteurs, et le gouvernement essaient de nous convaincre que c'est dans l'intérêt du Québec et des raffineurs du Québec ne tient pas beaucoup?

La Présidente (Mme Bouillé) : M. Neuman.

M. Neuman (Dominique) : Il y a des prévisions qui ont été soumises par Enbridge selon lesquelles il y aurait une quantité faramineuse d'emplois qui seraient préservés si l'inversion a lieu et perdus si l'inversion n'a pas lieu. Cet échafaudage ne tient pas. Par contre, ce qui existe, c'est qu'il y a une situation conjoncturelle selon laquelle, temporairement, le prix du pétrole léger de l'Ouest est plus élevé que le prix léger importé, et cette situation est réelle. Il faut que le gouvernement s'assure qu'il n'y a pas de perte d'emploi, qu'il n'y ait pas de perte d'entreprises durant cette situation conjoncturelle. L'inversion du pipeline 9B, si elle se réalise, interviendra vers la fin de cette période conjoncturelle. Mais, selon différentes analyses économiques, par la suite les prix vont soit s'harmoniser, soit qu'il pourrait y avoir des fluctuations encore à la hausse ou à la baisse d'un pétrole par rapport à l'autre. Et il faut que le gouvernement se prémunisse contre ça aussi, que, si le pétrole de l'Ouest — et je parle du pétrole léger de l'Ouest — devient, effectivement, plus cher que le pétrole léger importé… il faut qu'il y ait un plan B du gouvernement pour s'assurer que, là encore, qu'il n'y aura pas de risques à la fois pour les emplois, pour les investissements du Québec. Et c'est dans ce cadre-là que nous avons parlé de réinversion, ce qui était la position traditionnelle du Québec et que même l'Office national de l'énergie appuyait.

La Présidente (Mme Bouillé) : En terminant.

M. Neuman (Dominique) : ...

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci beaucoup. J'invite maintenant le représentant de la Coalition Vigilance Oléoducs de prendre place à la table et je suspends les travaux quelques minutes.

(Suspension de la séance à 21 h 52)

(Reprise à 21 h 54)

La Présidente (Mme Bouillé) : Nous reprenons les travaux. M. Huard, bienvenue. Vous disposez de 10 minutes pour présenter votre exposé, qui sera suivi par une période d'échange avec les parlementaires. Merci.

Coalition Vigilance Oléoducs (COVO)

M. Huard (Olivier) : Alors, j'aimerais juste préciser pour entrée de jeu que j'ai donné à la secrétaire de la commission deux documents pour présenter notre coalition, dont, entre autres, un mémoire en provenance de...

Une voix :

M. Huard (Olivier) : Oui, Sainte-Justine-de-Newton. Je voulais faire le lien parce que c'est le premier village où entre le pipeline sur le territoire du Québec. Et, moi, de mon côté, ma vie est partagée entre Repentigny et Pointe-aux-Trembles. Donc, on représente par ces deux choses un peu chaque extrémité du pipeline. Donc, voilà pour les présentations.

La Coalition Vigilance Oléoducs, que je représente, est composée de citoyennes et de citoyens qui ont à coeur la sécurité de leur milieu et un environnement sain. Nous provenons majoritairement de la grande région de Montréal et, surtout, des municipalités où passe l'oléoduc d'Enbridge. Donc, ça représente cinq régions administratives différentes. Nous sommes le seul groupe issu de la base citoyenne invité à cette commission avec le Conseil traditionnel mohawk. Je voudrais rappeler que nous avons fait une action conjointe le 16 novembre au parc national d'Oka. Pour nous, ça allait de soi de s'allier avec les autochtones. Ça a été décrit dans les nouvelles — et on ne l'avait pas réalisé — comme étant une action incroyable parce que c'était la première fois que des non-autochtones et des autochtones s'alliaient depuis la crise d'Oka. Mais, bon, comme je disais, on est les seuls groupes citoyens à être invités dans cette commission. Alors, si votre but était d'écouter les citoyens, je pense que c'est un échec.

Suite aux audiences de l'Office national de l'énergie, le ministre Blanchet avait d'ailleurs évoqué vouloir tenir une consultation large, plus inclusive pour l'ensemble des Québécois. Eh bien, ça, c'est une promesse qu'on pense non tenue. Et d'ailleurs j'aurais aimé que le ministre Blanchet soit ici parce que c'est plutôt notre interlocuteur principal depuis le début de notre implication dans ce dossier.

Pour mettre les choses au clair, ma présence ici ne doit pas être interprétée comme une légitimation de la tentative du gouvernement à montrer qu'il est à l'écoute des citoyens. Il s'agit plutôt, à nos yeux, d'une consultation bâclée, l'équivalent du «greenwashing», dont est friande l'industrie pétrolière, mais appliqué tristement au processus démocratique. Cette consultation est aussi extrêmement irrespectueuse pour les citoyens, voire même insultante. À titre d'exemple, nous avons su hier après-midi que nous avions une place pour parler ce soir, soit un peu plus de 24 heures. J'ai personnellement dû prendre congé de mon travail et arranger toute ma vie familiale en quelques heures pour être capable de venir aujourd'hui et je devais en plus élaborer un texte représentatif et démocratique de ma coalition parce que c'est ce qu'on fait dans notre coalition, de la démocratie. Et ce n'est pas comme si on ne savait pas qu'on existait, ça fait plus qu'un an qu'on intervient dans le dossier.

Dès le départ, la présente commission nous a indiqué que ça ne valait même pas la peine de s'inscrire parce qu'il n'y avait pas de place. D'autres sources nous ont ensuite informés que, même si nous étions refusés, le fait de s'inscrire laisserait des traces publiques. Est-ce que nous avons été l'objet d'une tactique douteuse pour protéger l'image du gouvernement? La question se pose. Face à cette situation, nous avons convoqué une conférence de presse avec d'autres groupes alliés jeudi dernier pour dénoncer l'absence des groupes citoyens. Et là, surprise, le lendemain, vendredi passé, nous recevons une invitation pour s'inscrire. Ceci ajoute une couche de déception aux membres qui font partie de notre coalition. La question qui revient souvent, c'est : Comment on peut être aussi peu professionnel et aussi peu respectueux? Tu sais, c'est notre gouvernement national, après tout, et les gens sont très déçus.

Bon, assez pour la procédure. La COVO a été créée parce que nous ne nous sentions pas écoutés, mais aussi pas informés. Depuis, nous avons fait nos devoirs. On dira peut-être que nous ne sommes pas des experts en titre, mais nous sommes néanmoins des experts de notre milieu. Et nous sommes d'ailleurs plus experts que la plupart des gens autour de cette table, comme semble l'approuver le député de Laurier-Dorion depuis ce matin, pour l'avoir écouté.

Maintenant, nous savons beaucoup de choses. Nous savons que les impacts sur notre eau potable et nos rivières sont désastreux lorsqu'un déversement arrivera. Et nous savons qu'il va arriver, il ne manque que le lieu et le moment. Nous savons aussi qu'il y a déjà eu des déversements et qu'Enbridge n'a pas cru bon informer les municipalités, comme la fuite que nous avons découverte récemment par hasard à Terrebonne. Ce genre d'incident a plus que doublé en 10 ans. Ça aussi, nous le savons. Nous avons aussi appris que des impacts sur la santé se feraient sentir par l'accroissement des activités de raffinage dans l'est de Montréal, cela ferait augmenter les maladies respiratoires dans ce secteur où l'air est déjà très affecté, avec des incidences d'asthme plus élevées qu'ailleurs chez les enfants.

Nous avons entendu les nombreuses inquiétudes des citoyens touchés, comme Mme Durocher en conférence de presse, ce matin, qui est très malmenée par les pratiques irrespectueuses d'Enbridge. Nous avons entendu qu'il y a eu des dons aux municipalités de la part de la compagnie Enbridge. Ces dons-là, bien, nous ne sommes pas en désaccord qu'Enbridge puisse payer pour des mesures de sécurité, mais, quand c'est un chèque donné, et c'est tout, eh bien…

Mme Zakaïb : Mme la Présidente, question de règlement. Est-ce que les partis… Est-ce que les gens de Québec solidaire peuvent passer des documents au témoin pendant qu'il témoigne?

• (22 heures) •

La Présidente (Mme Bouillé) : Je vous demanderais de garder un certain décorum dans cette commission, s'il vous plaît, puis ça s'adresse à tout le monde. Ce qui serait souhaitable, c'est de ne pas interrompre le témoin. Monsieur, continuez.

M. Huard (Olivier) : Donc, c'est ça. Mais on aimerait que, s'il y a des paiements à faire aux municipalités pour les aider à faire de la sécurité, que ce soit géré indépendamment. On vient de savoir un peu ce qui se passe dans les municipalités récemment, donc on aimerait que ces fonds-là soient gérés de façon plus transparente.

Plein d'informations nous ont été données, comme par exemple, lors de la fonte des neiges, il n'y a pas d'intervention possible dans la rivière des Outaouais. Donc, s'il arrive une catastrophe, ça va être très difficile d'intervenir à ce moment-là de l'année.

Nous avons ensuite réalisé qu'Enbridge dit une chose et son contraire. En novembre 2012, ils ont affirmé que Sainte-Justine-de-Newton… à Sainte-Justine-de-Newton qu'ils ne pourraient jamais raffiner le pétrole bitumineux à Montréal et qu'il faudrait nécessairement le faire passer par des bateaux. Maintenant que la ville de Montréal a demandé un bénéfice économique, ils affirment maintenant qu'on pourrait en raffiner une partie, mais quelle garantie nous avons?

D'ailleurs, dans l'ancien comté de M. McKay, nous avons l'usine Electrolux qui faisait de nombreuses promesses, et on sait très bien ce qui s'est passé après plusieurs subventions, nous vivons une fermeture assez sauvage. Donc, quelle garantie nous avons de la part de cette compagnie qu'elle va respecter son engagement? Enbridge, d'ailleurs, affirme être équipée des équipements modernes, mais nous savons aussi qu'il reste encore des valves manuelles sur le long du parcours du pipeline. Une valve manuelle, je ne sais pas si vous savez, c'est… s'il arrive un dégât, il faut que les gens partent en camion puis aillent la fermer manuellement. Ça peut prendre un certain temps. Et nous savons maintenant ce que les responsables de nos communautés ne savent pas. Plusieurs municipalités nous ont informés qu'elles n'ont pas de plan d'urgence et que la seule chose qu'ils connaissent d'Enbridge en cas de pépin, c'est son numéro de téléphone. Même les pompiers volontaires nous ont affirmé ne pas avoir la procédure pour réagir convenablement en cas d'une fuite importante, même moyenne.

Nous avons aussi acquis des certitudes. C'est que le projet ne peut se réaliser sans l'approbation du gouvernement du Québec. Le tuyau est peut-être de juridiction fédérale, mais tout autour demande une approbation de Québec. Juste la soi-disant expansion de la raffinerie Suncor demandera, à elle seule, plusieurs certificats d'autorisation du ministère de l'Environnement. Nous avons la certitude que, si le Québec aurait vraiment la volonté de protéger ses citoyens, il pourrait le faire en imposant des normes de sécurité élevées et bloquer le projet si elles ne sont pas respectées, comme l'a fait la Colombie-Britannique récemment.

Nous avons aussi la certitude que l'économie du Québec ne serait pas affectée de façon sérieuse si le projet est rejeté. Le gouvernement du Québec nous a lui-même donné l'exemple par la fermeture de Gentilly et la fin de l'amiante. Il s'agit de la fin de deux industries nocives qui se fait en passant par une transition, évidemment. Et c'est ce que, justement, tout le monde réclame, une transition, dans le cas du pétrole.

Mais il reste tant de choses à savoir. C'est pourquoi la première revendication de la coalition depuis le début est celle qui est la plus pertinente. Nous demandons la tenue d'une étude scientifique rigoureuse, publique, crédible et complète. En termes techniques, c'est générique. Nous demandons aussi un fonds d'immobilisations d'au moins 1 milliard géré indépendamment et financé par les entreprises. Pas juste Enbridge, le Montréal-Portland et tous les autres pipelines qu'il pourrait y avoir éventuellement.

En terminant, j'aimerais rappeler que, contrairement à vous qui m'écoutez, les citoyens et citoyennes dont je porte la voix auront à vivre longtemps avec les conséquences de vos décisions. Nous allons continuer à côtoyer le pipeline bien après que vos mandats seront terminés. Nous pensons que notre avenir, que vous décidez en ce moment, n'est pas dans le pétrole. On entend souvent que le risque zéro n'existe pas, eh bien, dans ce cas-ci, il existe, c'est de diminuer notre utilisation du pétrole jusqu'à ce qu'un jour les gens de nos communautés n'auront plus à vivre avec ce pipeline dans leur cour. Vous avez le pouvoir d'assurer durablement la sécurité de vos électeurs, de vos concitoyens, et c'est ce que nous demandons de faire aujourd'hui. Et juste dernière petite information, la pétition en ligne à ce sujet atteint 11 000 noms ce soir.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci. Nous allons maintenant procéder à la période d'échange avec les parlementaires en débutant par la partie gouvernementale. M. le député de Saint-Maurice.

M. Trudel : …j'ai des petites questions, tout d'abord, au préalable, là, à adresser au témoin. Tout au long des audiences, depuis le début, les gens qui étaient venus témoigner, ils avaient fait part de leurs liens avec certaines parties soit autour de la table, ou d'autres témoins, ou d'autres groupes qui étaient venus témoigner. J'ai quelques questions à vous poser au préalable, donc. Avez-vous des connaissances, des liens avec qui que ce soit autour de la table, ici, ce soir?

La Présidente (Mme Bouillé) : M. Huard.

M. Huard (Olivier) : Bien, moi, en fait, je représente la COVO ici. Si vous avez un problème avec le fait d'avoir un rôle à jouer, je trouve ça difficile parce que vous-même, vous avez un rôle à jouer en ce moment. Moi, j'ai des implications politiques, j'ai des implications sociales. Je suis avant tout un citoyen qui est concerné par l'environnement et je prends tous les moyens possibles pour faire valoir mes positions. Donc, je fais partie de partis politiques, je fais partie de groupes et je suis un des cofondateurs de la COVO.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. Huard, je vais vous inviter à vous adresser à moi, O.K., comme présidente. Merci. M. le député de Saint-Maurice.

M. Trudel : Deux... Bien, je vais vous dire, Mme la Présidente, qu'à part le fait que ça soit adressé à moi directement… Ça, pour moi, c'est secondaire, mais c'est que ce n'était pas du tout la question, là. Je n'ai posé qu'une question bien simple, j'ai demandé s'il avait des liens quelconques, puis je lui demanderais, tu sais, juste pour une question d'éthique, de morale, comme d'autres ont été appelés à le faire, entre autres, par le député de Mercier, de dévoiler certaines accointances avec des gens ici. Moi, j'ai peut-être la réponse, mais j'aimerais ça qu'il ait au moins l'honnêteté de dévoiler le fait qu'il pourrait y avoir les liens.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. Huard.

M. Huard (Olivier) : Bien, je trouve plate que les gens trouvent que je ne suis pas honnête. En fait, moi, j'ai dit que j'étais un citoyen qui a des valeurs écologistes et je prends tous les moyens pour les faire avancer. Donc, le parti, puisque c'est la question que vous proposez, parce que ça a été proposé, justement, par... Excusez, je vous parle à vous parce que ça vous a été soufflé à l'oreille, le parti qui représente mieux mes convictions, c'est Québec solidaire. Les groupes qui représentent mieux mes convictions, c'est Greenpeace et la Fondation Rivières.

La Présidente (Mme Bouillé) : Parfait. Merci beaucoup.

M. Huard (Olivier) : Si vous voulez, aussi, je suis animateur scout aussi.

La Présidente (Mme Bouillé) : Parfait. M. le député de Saint-Maurice.

M. Trudel : Et je trouve ça déplorable de la façon... J'ai posé une question très, très simple, c'était une invitation très simple à donner une information qui était pour le moins, pour moi, là, minimum dans les circonstances, et, avec le type de réponse qu'on a eu là, moi, je... En tout cas, je suis très déçu du comportement du témoin.

Ceci dit, peut-être que d'autres collègues ont des questions. À ce moment-ci, j'en ai déjà assez entendu. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Repentigny.

M. McKay : Oui. Bien, je vais poser une petite question à notre invité, puisqu'on se connaît un peu. C'est un citoyen de ma circonscription, de pas loin qui... J'ai eu le plaisir de l'avoir comme adversaire de Québec solidaire à quelques reprises, et c'est certainement un gentleman. Je trouve ça un peu dommage qu'effectivement qu'il... Je pense que ça transparaissait déjà un petit peu... Enfin, vous avez mentionné...

La Présidente (Mme Bouillé) : …vous vous adressez à moi.

M. McKay : Oui. Alors, M. Huard a mentionné qu'il déplorait le fait qu'il y aurait eu une... En tout cas, il reprenait un peu les termes du député de Mercier, là, qui disait qu'il y aurait eu de la manipulation de la part du secrétariat de la commission sur les listes de témoins. Alors, le député de Mercier aurait pu lui expliquer comment sont dressées ces listes-là. Mais je voudrais savoir, avant la...

Une voix : ...

La Présidente (Mme Bouillé) : Une question de règlement, M. le député de Mercier?

M. McKay : Oui, mais je voudrais poser une...

La Présidente (Mme Bouillé) : Un instant. Est-ce que c'est une question de règlement?

M. Khadir : Oui. Mes collègues n'ont pas le droit de m'imputer des motifs et surtout de rapporter sans fondement des propos que je n'ai jamais tenus sur le Secrétariat de l'Assemblée.

La Présidente (Mme Bouillé) : On n'impute pas de motifs. Je veux juste souligner que ce sont les bureaux des leaders qui décident qui témoigne ou ne témoigne pas. Continuez, M. le député de Repentigny.

M. McKay : Exactement. Donc, la liste est établie par les bureaux des leaders parlementaires...

La Présidente (Mme Bouillé) : ...tous les partis.

M. McKay : ...et donc sur consensus des groupes. Et je voudrais savoir, est-ce qu'il est exact qu'avant la publication de l'article du Devoir la semaine dernière que vous n'aviez jamais fait de demande auprès de la commission, vous n'aviez jamais formulé de demande auprès de la commission pour être entendu sur ce sujet-ci?

La Présidente (Mme Bouillé) : M. Huard.

• (22 h 10) •

M. Huard (Olivier) : Pour préciser, je n'ai pas beaucoup aimé la référence à mon appartenance politique parce que je trouve que ça dilue mon propos. Moi, je représente des gens ici et je n'aime pas qu'on diminue le débat à ma seule personne. Donc, c'est pour préciser, là. Ce n'est pas moi qui est ici, là, je parle au nom de plusieurs personnes.

Donc, pour ce qui est de la question précise de M. le député de Repentigny, en fait c'est que nous, on nous a dit de ne pas nous inscrire à la commission parce qu'il n'y avait plus de place. Et, lorsqu'on a su que, finalement, ça aurait été quand même intéressant de s'inscrire, même s'il n'y avait plus de place, on a décidé, à la place, de faire une conférence de presse pour dénoncer le fait qu'il n'y avait pas de groupes citoyens. Le lendemain de la conférence de presse, on a eu une invitation.

La Présidente (Mme Bouillé) : Je veux juste spécifier que c'est une consultation particulière sur des listes déjà établies par l'Assemblée nationale. M. le député de Repentigny.

M. McKay : Oui. Bien, on pourrait expliquer à M. Huard comment ça fonctionne, mais enfin le fait est qu'il reconnaît qu'il n'avait pas fait de demande et qu'à partir du moment où il y a des gens qui se sont désistés… Parce que c'est comme ça que ça marche, ça fonctionne sur toutes les commissions, que, lorsqu'il y a des désistements, bien, à ce moment-là, les gens qui ont fait des demandes et qui n'ont pas pu être entendus, bien, ces gens-là, naturellement, sont contactés par le personnel de la commission sur recommandation des leaders des groupes parlementaires.

Et votre député aurait pu vous l'expliquer très simplement, ce qui aurait évité de faire des interventions politiques dans un débat où vous souhaitez… Et je vous encourage… j'encourage M. Huard à aller dans ce sens-là, Mme la Présidente, je l'encourage, lorsqu'il représente des comités de citoyens, ce qui est excellent et très bien, de s'assurer qu'il le fasse d'une façon non partisane parce que c'est probablement la meilleure façon de faire… mais c'est à lui de le juger, puis c'est à ces comités-là de le juger, mais la meilleure façon de faire valoir son point de vue auprès de l'ensemble des groupes parlementaires. Parce que c'est de ça dont il s'agit lors de ce mandat en particulier de la commission, c'est d'essayer d'établir, là, un consensus le plus large possible, et c'est ce qui va faire en sorte qu'on pourra le mieux faire valoir les intérêts des citoyens et des citoyennes du Québec, alors que, si on en fait un débat partisan, bien, on va avoir beaucoup de… je pense que notre position serait affaiblie devant le gouvernement fédéral. Alors, ayant précisé cela, je n'aurais pas d'autre question.

La Présidente (Mme Bouillé) : Parfait. Du côté de la partie gouvernementale, pas d'autres questions? Merci beaucoup. M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sklavounos : Merci, Mme la Présidente. Alors, je souhaite la bienvenue à M. Huard, de la Coalition Vigilance Oléoducs. Il nous fait plaisir de vous avoir, M. Huard. Vous êtes un citoyen, et moi, je pense qu'à chaque occasion qu'on puisse avoir l'occasion d'entendre un citoyen on devrait le faire. Votre appartenance politique, vos opinions politiques ne m'intéressent pas. Moi, je représente des gens de ma circonscription de Laurier-Dorion. Il y a plusieurs de ces gens-là qui ont voté pour Québec solidaire, pour le Parti québécois, je les représente. Je ne trouve pas ça pertinent, votre allégeance, votre… Moi, ce qui m'intéresse, c'est vos opinions, c'est le fait que vous êtes présent aujourd'hui. C'est vos opinions que je veux entendre, et je ne veux pas passer du temps à poser des questions sur vos allégeances et comment vous avez voté, je trouve ça pas pertinent. Je trouve qu'en autant que vos propos sont sur le sujet, qu'on a l'obligation de vous entendre, vous êtes un citoyen.

Ceci étant dit, j'aimerais juste poser certaines questions. Vous avez parlé de la couverture d'assurance de 1 milliard de dollars que vous suggérez, on l'a entendu ailleurs. Pour vous, est-ce que c'est une couverture d'assurance ou plutôt un fonds de prévoyance? Comment, selon vous, on devrait essayer de mettre en place ce mécanisme pour pouvoir, en cas de déversement, en cas d'accident, compenser des citoyens, des localités?

La Présidente (Mme Bouillé) : Monsieur.

M. Huard (Olivier) : Je n'ai pas parlé d'assurance, j'ai parlé de fonds de prévoyance. On s'est basé sur les impacts financiers de la catastrophe de Kalamazoo, on a regardé aussi les fonds insuffisants qui étaient disponibles pour Lac-Mégantic, donc on s'est dit que, dans le fond, ce serait une somme jugée suffisante dans le cas d'un déversement majeur. Mais ce n'est pas une assurance.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci. M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sklavounos : En même temps, ce qui nous a été soulevé comme bénéfice de cette approche-là, c'est que l'argent pourrait parvenir, se rendre aux citoyens plus rapidement, alors qu'une couverture d'assurance nécessiterait possiblement des litiges qui prennent du temps. C'est ce qui nous a été dit par d'autres intervenants.

J'aimerais aussi vous poser une question. L'information nous est parvenue au niveau de la MRC de Vaudreuil-Soulanges. Je sais que, par le passé, il y a eu… Et vous n'êtes pas le premier à nous dire que des municipalités ont eu certaines difficultés au niveau de la communication, au niveau des plans d'urgence. Je ne sais pas si vous étiez au courant, on m'a avisé qu'en réponse à une demande de la MRC de Vaudreuil-Soulanges, qui est évidemment touchée particulièrement par le pipeline, qu'Enbridge a organisé une rencontre le 11 décembre avec les 23 maires de la MRC pour transmettre de l'information sur les plans d'intervention d'urgence d'Enbridge. Je me demande si c'est parvenu aux oreilles des citoyens. Est-ce que c'est quelque chose dont vous avez été informé ou c'est quelque chose que vous apprenez ce soir?

La Présidente (Mme Bouillé) : M. Huard.

M. Huard (Olivier) : Bien, on sait que les actions d'Enbridge se sont multipliées dans les derniers mois. Si les critiques que nous formulons ont un impact, je m'en réjouis. Cela dit, le pipeline a 38 ans, ça aurait été bien que ce genre de rencontre là se fasse avant ou plus fréquemment. Mais je suis très heureux que la sécurité augmente dans nos communautés.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sklavounos : Ceci étant dit, je veux aussi reprendre une partie de ce que vous avez dit. Vous savez que, nous, ça fait longtemps qu'on parle d'une consultation au niveau québécois. Le ministre de l'Environnement — et vous l'avez dit de votre façon — ça fait longtemps qu'il a fait miroiter des consultations. On se retrouve aujourd'hui un petit peu pris par le temps parce qu'évidemment l'Office national de l'énergie va remettre son rapport début 2014. On a organisé des travaux, ça se fait assez rapidement. On est censés produire un rapport, selon la motion qui a été votée, pour le 6, pour vendredi. Alors, c'est peut-être pour cette raison-là qu'à un moment donné on vous aurait répondu qu'il n'y avait pas de place.

Je pense, par contre, que, si le gouvernement avait agi plus tôt en organisant plus tôt ces consultations-là, alors que le ministre en parlait beaucoup, mais il a attendu un petit peu à la dernière minute, juste avant la fin de la session, peut-être qu'on aurait pu entendre davantage de citoyens. Alors, sur ce point-là, je vous entends, je vous comprends et je vous dirais même que je suis d'accord avec vous. Ça ne veut pas dire que je partage tout ce que vous avez dit ou tout ce que vous pensez, mais simplement, à ce niveau-là, démocratique, je vous donne raison. Je pense qu'on aurait pu faire mieux, on aurait pu prendre plus de temps, on aurait pu commencer plus tôt. Et, comme j'avais dit à quelques reprises, je pense qu'on aurait dû aller aussi devant l'Office national de l'énergie, même s'il y a plein de critiques à formuler, puis j'ai entendu des critiques formulées, parce qu'on a la tribune. N'importe quelle tribune, il faut en profiter, je pense, au niveau de ces questions-là.

J'ai proposé, en début des consultations, une unité de vigilance. C'est une proposition que j'avais faite au gouvernement. Le but de l'unité… D'abord, la composition de l'unité de vigilance — et j'ai dit tout de suite qu'elle n'était pas dessinée, je voulais vous entendre, entendre les citoyens, entendre les municipalités, les représentants des municipalités — je voyais ça un petit peu comme suit. On allait essayer de réunir le ministère des Ressources naturelles, le ministère du Développement durable, l'Office national de l'énergie, qui a le bâton dans le dossier — on s'entend tous pour dire qu'ils ont le bâton — Enbridge, et c'était le but… Et dernièrement on commence à réfléchir, évidemment, au MAMROT, le ministère responsable des Affaires municipales, parce que nous entendons beaucoup de municipalités qui veulent avoir un rôle à jouer. Et cette unité de vigilance aurait comme mandat de recueillir les renseignements, suivre le dossier, faire une surveillance avec l'expertise que nos ministères ont, les représentants de ces ministères, et que cette information serait transmise aux citoyens, aux populations touchées et qui permettrait d'avoir une mesure de transparence qui, de l'aveu de plusieurs, est quelque chose qui manque ou qu'on aurait pu faire mieux dans le dossier. J'aimerais vous entendre là-dessus. Est-ce que vous verrez d'un bon oeil la mise sur pied d'une telle unité de vigilance?

La Présidente (Mme Bouillé) : M. Huard.

M. Huard (Olivier) : Bon, c'est une longue question. Au début, vous parliez de la commission parlementaire. Je voudrais rappeler que, pour nous, la COVO, l'Office national de l'énergie n'est pas crédible. La commission parlementaire, c'est insuffisant. Nous, nous voulons une étude indépendante, crédible, et rigoureuse, et publique. C'est ça qu'on veut. Donc, la commission parlementaire, entre nous, si elle est plus longue, elle reste insuffisante parce que ça prend les experts et ça prend des travaux devant public.

Maintenant, pour la deuxième partie de votre question, bon, nous, on aimerait avoir des résultats concrets en tant que citoyens. Donc, je pense que les structures en place sont capables de faire déjà ce que vous proposez. Il suffit de leur donner les moyens d'intervenir puis de leur donner plus d'information. Il suffit de les bonifier, en fait. Je ne peux pas parler de votre projet. Ça me semble bien, mais je sais qu'il y a déjà… Tu sais, déjà, informer les pompiers volontaires, comme j'ai dit, de quoi faire en cas de déversement de pipeline, ce sera déjà un début.

• (22 h 20) •

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci. M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sklavounos : La raison pour laquelle… Et je vais poursuivre un petit peu cet échange avec vous, parce que — et nous l'avons avoué autour de la table — on est des députés, on apprend en faisant ces travaux-là. J'ai même qualifié cet exercice-là un petit peu comme un exercice d'acceptabilité sociale, en quelque sorte, parce qu'évidemment nous n'avons pas tous… Notre collègue de Repentigny a quand même une certaine expertise qu'on pourrait appeler expertise. Il a une expérience dans le domaine, il écrit à ce niveau-là également. Mais c'est pour cette raison-là qu'on proposait ces représentants des ministères. Évidemment, c'est non partisan. Il y a une expertise qui est concrète, qui existe à l'intérieur de ces ministères-là. C'est des représentants neutres, apolitiques qui regarderaient la question avec toute la distance nécessaire et qui permettraient d'alimenter les populations locales avec des renseignements qui seraient contrevérifiés. Ça ne viendrait pas simplement d'Enbridge, il y aurait l'Office national, il y aurait le ministère des Ressources naturelles…

La Présidente (Mme Bouillé) : En terminant.

M. Sklavounos : …il y aurait le MAMROT, et c'est pour cette raison-là qu'on propose cette structure-là. Mais il ne reste pas de temps pour une réponse, hein, dans le fond?

La Présidente (Mme Bouillé) : C'est terminé.

M. Sklavounos : En tout cas, je vous remercie. On aura certainement d'autres occasions de pouvoir échanger. Merci beaucoup de votre présence.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci. M. le député de Drummond—Bois-Francs.

M. Schneeberger : Oui. Merci, Mme la Présidente. Vous, vous mentionnez dans votre petit feuillet que… vous dites, entre autres, que c'est mauvais pour l'économie, que la ligne 9 ne créera que trois emplois permanents. On s'entend là-dessus, ce n'est pas une très grande création d'emplois, mais ce n'est quand même pas négatif. Par contre, tout à l'heure, ParaChem nous mentionnait que, si cela ne créerait pas des emplois supplémentaires, ça maintiendrait surtout les emplois déjà existants. Est-ce que, ça, vous prenez ça en considération dans votre approche?

La Présidente (Mme Bouillé) : M. Huard.

M. Huard (Olivier) : Bien, en fait, c'est ça, c'est qu'on parle beaucoup des jobs depuis que… je suis témoin depuis ce matin. En fait, nous, c'est que c'est un secteur qui est à risque, qui est même nocif pour l'environnement et qu'on veut garder pour des jobs, donc, pour des emplois. Nous, la question qu'on pose, c'est : Combien d'emplois ne sont pas créés parce qu'on ne stimule pas assez le secteur des énergies vertes et des énergies renouvelables? Je pense que ce qui serait bien, comme les autres industries nocives, ce serait de voir à une transition pour diminuer ce secteur d'emploi, de transférer ces emplois-là vers des emplois plus verts. Et, quand on parle de transition, on ne parle jamais de demain matin. Quand on parle… Je pense que, par exemple, Gentilly, ça va se faire sur plusieurs années, les gens vont avoir le temps de prendre leur retraite, ils vont avoir le temps de… Tu sais, on va avoir le temps d'aménager les emplois des gens. Donc, ça peut se faire de la même façon avec l'industrie pétrolière. Le temps qu'on électrifie les transports, par exemple, on va avoir encore besoin de pétrole, mais il faut commencer maintenant pour diminuer maintenant.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Drummond—Bois-Francs.

M. Schneeberger : Bien, à ce que je sache, je pense qu'actuellement, là, le gouvernement du Québec, peu importe le parti, a fait tout… Je pense qu'on est tous pour ça, de faire des efforts environnementaux. Il n'y a pas personne qui s'oppose, ici, à faire ça. Maintenant, c'est que la réalité fait en sorte qu'encore aujourd'hui on a encore besoin de pétrole, malheureusement. Et puis, moi, ce que je voudrais savoir… C'est qu'il y a beaucoup de groupes comme vous… On parle d'approche environnementale, je suis tout à fait là-dessus, mais la réalité fait en sorte qu'encore aujourd'hui le pétrole, on en a besoin, et puis que ce soit… surtout pour l'asphaltage de nos routes. Le bitume, ça vient directement du pétrole. Alors, est-ce que vous, vous proposez des alternatives pour… Mettons que je parle du bitume pour l'asphalte de nos routes, là, proposez-vous une alternative qui est viable au niveau financier quand on connaît surtout, ici, notre déficit actuellement? Je vous écoute là-dessus.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. Huard, en 10 secondes.

M. Huard (Olivier) : Bien, comme j'ai précisé, on n'est pas des experts techniques. Tout ce qu'on voit, c'est un foisonnement de recherches scientifiques de tous les genres, plein de découvertes qui ne reçoivent pas le financement adéquat parce qu'on est dans un système économique qui valorise le pétrole. Si on sort de ce système-là puis qu'on va dans un système qui valorise d'autres choses, ces recherches-là vont être financées adéquatement.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci. M. le député de Mercier.

M. Khadir : Merci, Mme la Présidente. Je profite un peu de mon temps pour souligner l'intervention très noble, empreinte de noblesse, du député de Laurier-Dorion, qui a permis de recentrer l'attention de la commission sur la vraie nature de la participation de M. Olivier Huard, c'est-à-dire comme citoyen qui est préoccupé par ce que… qui vient traduire ici les préoccupations d'un groupe de citoyens le long du trajet d'Enbridge qui veulent se faire entendre et qui, en raison non pas de la commission ou de son secrétariat, mais de la réponse reçue du bureau du ministre de l'Environnement, ont été conduits à penser de manière erronée qu'il était préférable qu'ils ne demandent même pas à être entendus, ne laissant donc aucune trace dans les travaux de l'Assemblée.

J'estime que Québec solidaire… Après vous avoir entendu, j'estime vraiment que Québec solidaire est chanceux, doit s'estimer honoré de bénéficier de la préférence de M. Oliver Huard, d'un citoyen qui semble très engagé dans le milieu environnemental, et j'espère qu'à l'avenir… En tout cas, je pense qu'à l'avenir n'importe quel parti qui jouit de cet appui-là venant de citoyens pleinement engagés dans leur milieu qui, gratuitement, de manière bénévole, se tapent ces commissions, contrairement aux promoteurs qui sont grassement payés, les lobbys qui sont grassement payés pour, ici, venir faire la promotion de leurs projets, tout parti qui jouirait de cet appui devrait s'estimer chanceux.

Ceci étant dit, je comprends donc qu'il y a au sein de votre comité de citoyens une réflexion sur des emplois alternatifs qui ne trouvent pas d'appui aujourd'hui en raison de notre persistance du lobby qui s'exerce pour maintenir notre économie dans le pétrole. Pouvez-vous nous donner quelques exemples?

La Présidente (Mme Bouillé) : M. Huard.

M. Huard (Olivier) : Bien, en fait, nous, on a beaucoup d'agriculteurs avec nous, des petits agriculteurs. Et, pour nous, un des premiers impacts du pipeline, ce serait de perdre des terres de valeur. Dans la région de Vaudreuil, on a des agriculteurs qui font des miracles avec des petites parcelles de terre, et donc c'est ça qu'on n'aimerait pas voir disparaître. Parce qu'une fois que les terrains vont être contaminés ça va être très difficile.

Après ça, comme je vous dis, nous, ce qu'on fait, c'est que, depuis plus d'un an, on lit la littérature, on lit ce qui peut être fait et on se rend compte aussi de tout ce qui est bloqué. Donc, je ne peux pas vous dire exactement tout qu'est-ce qui se passe. Nous, notre expertise, c'est auprès des citoyens, mais on sait que, par exemple, pour l'efficacité énergétique, il y aurait énormément de choses qu'on pourrait faire et qui libéreraient de l'électricité pour faire autre chose pour remplacer le pétrole, justement.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci. Je lève maintenant la séance, et la commission ajourne ses travaux au mercredi 4 décembre, après les affaires courantes. Merci.

(Fin de la séance à 22 h 28)

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