(Quatorze
heures cinquante-neuf minutes)
La
Présidente
(Mme Bouillé) : À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté
le quorum, je déclare la séance de la Commission de l'agriculture, des pêcheries, de l'énergie
et des ressources naturelles ouverte.
Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre
la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.
La
commission est réunie aujourd'hui afin de procéder
aux consultations particulières sur le projet
de loi n° 46, Loi modifiant la Loi sur l'acquisition de terres
agricoles par des non-résidents.
Mme la secrétaire, y
a-t-il des remplacements?
La Secrétaire :
Non, Mme la Présidente, aucun remplacement.
• (15 heures) •
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Merci. Cet après-midi, nous entendrons les
représentants de l'Union des producteurs agricoles du Québec, de la Coalition
pour la souveraineté alimentaire de même que de l'Institut de recherche
en économie contemporaine.
Auditions (suite)
J'invite donc les
représentants de l'UPA à se présenter et à faire leur exposé. Vous disposez d'une
période de 10 minutes, qui sera suivie d'un échange avec les membres de la
commission et les ministres de 50 minutes. À vous la parole.
Union des producteurs agricoles du Québec (UPA)
M. Bilodeau
(Denis) : Parfait. Alors, bonjour, Mme la Présidente. Je vous remercie de l'accueil
que vous… et l'occasion que vous nous donnez de venir apporter nos commentaires
par rapport à ce projet de loi là. Salutations à M. le ministre de nous écouter et de nous entendre, et ainsi qu'aux
membres de la commission. Je pense que c'est une approche qui est très
intéressante, et on va vous le souligner plus tard.
M'accompagnent
aujourd'hui M. Stéphane Forest, avocat de carrière et qui s'assure que, dans
toutes ces écritures-là, il y a un aspect
qui correspond à nos attentes et à nos besoins, et aussi Charles-Félix Ross,
qui est directeur général adjoint dans l'organisation de l'UPA.
Alors, comme j'ai
mentionné — on
va essayer de procéder quand même assez rapidement parce qu'on est limités dans
le temps — oui,
c'est un projet de loi qu'on juge, nous autres, intéressant de par ses
objectifs. Je pense que ça fait en sorte… et
que ça atteint les objectifs qu'on s'attendait. Aussi, l'important là-dedans, c'est
que ça donne quand même un message,
ça trace une certaine ligne par rapport à la situation actuelle, qui, si on n'intervient
pas, pourrait, à la limite, devenir
très préoccupante par rapport au maintien de l'agriculture telle qu'on la
connaît aujourd'hui, basée sur des entreprises
familiales. Alors, à cet égard-là, je pense que les commentaires qu'on va vous
apporter vont venir en… de bonifier
ou enrichir votre projet de loi. Mais soyez assurés qu'à la base on trouve le
projet de loi quand même très satisfaisant.
Et c'est sûr qu'il s'attaque
au dossier de l'accaparement des terres par des non-résidents. En même temps aussi, si on irait un petit peu plus loin dans les
réflexions, probablement qu'il y a une autre préoccupation aussi qui, de
plus en plus, fait en sorte qu'on devra s'y pencher, toute la question de l'accaparement
des terres par des résidents, autrement dit
des gens qui résident ici, et on fait allusion à des fonds d'investissement.
Peu importe, l'effet peut être le même,
c'est que ça éloigne de la propriété des producteurs agricoles, la possibilité
d'acquérir des terres dans leur environnement, que ça soit pour établir une relève, que ça soit pour
augmenter la production sur une production agricole. Donc, si on limite l'accessibilité aux producteurs du fait qu'on
devient non compétitif, on comprend que, le paiement des terres, on doit
le faire à partir de ce que ça génère, comme
revenus. Donc, la valeur productive, pour nous autres, doit tout le temps
demeurer une certaine référence.
Alors,
sur les points qu'on vous propose, qu'on vous suggère de regarder, peut-être,
Stéphane, y aller au point de départ avec quelques points de précision,
là, qu'on aimerait apporter.
M. Forest (Stéphane) : Alors, merci, M. Bilodeau. Alors, le projet de loi s'articule
sur trois axes : les nouvelles exigences pour les non-résidents qui
s'établissent ici, les nouveaux critères d'analyse pour ceux qui ne viendront
pas s'établir ici, mais qui voudront acquérir et le seuil de
1 000 hectares.
Alors,
pour ce qui est des nouvelles exigences aux non-résidents, de passer de trois
ans dans quatre ans le délai de séjour pour obtenir son autorisation
définitive, alors l'union est très heureuse de voir que cette exigence-là a été
portée à cette durée-là, de même que l'obtention
obligatoire de la citoyenneté canadienne. On croit que cela permettra
aux personnes qui désirent réellement s'établir et contribuer à l'agriculture
au Québec de prouver, durant cette période de séjour, qu'ils sont sérieux dans
leur démarche.
Le
seul commentaire — et c'est
notre recommandation 1 que nous faisons à la page 3 — c'est le contrôle de ces
exigences-là. Nous savons que la Commission de protection du territoire
agricole a des ressources qui sont limitées en
ces périodes financières qui sont exigeantes pour l'État et les organismes
paragouvernementaux. Donc, ce qu'on dit, c'est qu'il faut que, ces exigences-là, il y ait un suivi de fait. Quand
un non-résident va venir s'installer ici puis qu'il va s'engager, avec sa déclaration assermentée, à
rester ici trois ans dans 48 mois, bien qui va surveiller ça? Et comment
ça va être fait? Est-ce que vont être mis à contribution les services
gouvernementaux, la Société de l'assurance automobile, les services canadiens de contrôle des douanes, par exemple? Alors, c'est
tout ça, là, qu'il faut… Ou on va continuer à se fier à la déclaration assermentée qui est déposée avec le formulaire de
demande d'acquisition des terres par les non-résidents. Alors, notre première demande tourne autour du
fait qu'il faut que la commission ait
les ressources pour appliquer ces nouveaux critères là,
ces nouvelles exigences là.
Le deuxième
axe, c'est les nouveaux critères, M.
le ministre, que vous proposez. Vous en proposez cinq, et notre premier commentaire, c'est par rapport à celui que
vous faites disparaître dans la loi actuelle. Dans la loi actuelle, il y
a un critère — on
parle toujours des non-résidents qui ne s'établissent pas ici, là — qui
tourne autour de l'homogénéité de la communauté et des exploitations agricoles.
Vous savez que c'est un critère fort dans cette loi-là, mais c'est également un critère fort dans la Loi de protection
du territoire agricole. Et, après analyse, nous, ce qu'on considère, c'est
que ce critère-là devrait demeurer dans la
loi sur l'acquisition des terres par les non-résidents, dans les cinq critères,
et qu'il devrait remplacer le critère 5° de l'occupation du territoire.
Pour ce qui
est des autres critères, nous avons des recommandations bien précises. Nous
sommes d'accord avec le critère proposé, 1 .
Le critère 2 , nous considérons que c'est
une avancée significative, puisque la valeur des transactions est au coeur du problème de l'acquisition des terres.
Donc, nous sommes très satisfaits que la commission puisse désormais
avoir ce critère-là d'analyse lorsqu'elle va
statuer sur les demandes d'autorisation de personnes qui désirent ne pas rester
ici.
Pour ce qui
est du critère qui concerne le développement économique — je crois que c'est le critère 3 — nous
vous suggérerions d'accoler, après le mot
«développement», les mots «agricole et forestier» pour ne pas que soit
détournée la mission première de l'acquisition des terres. C'est des terres
agricoles. Donc, on se retrouve avec un développement en général. Dans le
critère qui est proposé, on voudrait qu'il soit précisé par le développement
agricole et forestier privé, les terres qui sont en tenure privée, là, au
Québec.
La recommandation 4, qui est à la page 5,
concernant le critère 4 , on vous propose un ajustement de texte également
pour faire en sorte qu'on ne parle pas seulement que des terres agricoles, mais
bien également des terres privées
forestières. Vous savez que la sylviculture, c'est de l'agriculture, que l'activité
acéricole se passe dans les forêts privées. Donc, nous croyons que ça
compléterait bien le texte et les critères d'analyse par la CPTAQ.
Et, quant au dernier critère, nous croyons que l'occupation
du territoire est assez nouvelle dans les critères d'analyse que la CPTAQ, habituellement, a à gérer, notamment dans la Loi
sur la protection du territoire agricole, mais également dans cette
loi-là. Ça serait tout nouveau, et on considère qu'on serait mieux de demeurer
avec le critère de l'homogénéité de la communauté et de l'exploitation
agricole, puisque c'est un critère qui est solidement ancré dans l'analyse au cas par cas à la CPTAQ, et nous
croyons qu'il serait préférable que l'on parle encore une fois de ce critère-là.
Pour finir, le seuil de 1 000 hectares par
année, l'union est d'accord avec ce 1 000 hectares là, puisque, de toute façon, si on voit les demandes d'autorisation
qui ont été données ces dernières années, ça tourne autour de
1 000, 1 200 hectares par année. Alors, il n'y a pas d'inquiétude à
avoir là-dessus. On ne se pose seulement que quelques interrogations, puis ça sera à la CPTAQ, éventuellement, d'y répondre.
Mais ça peut poser quelques problèmes techniques de gestion parce que,
là, on va passer à tour de rôle. Puis, hier, je pense que la question a été
soulevée lorsque la FRAQ est passée. C'est
qui qui va passer en premier? C'est une course. Le premier qui arrive avec
1 000 hectares, on ferme boutique,
on s'en va à l'année prochaine? Il y a toute une question de gestion. Puis, si
la personne demande 1 000 hectares, mais elle est autorisée à 600, est-ce qu'il en reste 400 dans l'année?
Il y a toute une série de petites questions comme ça qui se soulèvent, qui ne sont pas fondamentales — je ne voudrais pas qu'on perde notre temps
là-dessus aujourd'hui — mais qui devront occuper la CPTAQ dans sa gestion
quotidienne au courant des prochains mois, lorsque cette disposition-là
sera adoptée. Pour moi, ça va.
M. Ross (Charles-Félix) : Donc, nous
terminons notre mémoire sur deux idées à explorer : une SADAQ puis une loi qui régirait les contrats de location
en agriculture. Ces deux idées-là s'inscrivent à l'union dans une vision
à long terme du développement de l'agriculture. Les réalités du monde agricole
changent. L'accaparement des terres agricoles
par des non-agriculteurs, c'est une réalité. Plus de 50 % de la zone
agricole protégée par la Commission de la protection du territoire agricole n'appartiennent pas à des producteurs
agricoles. Sur les 6 millions d'hectares zonés, il y a 3 millions qui appartiennent aux producteurs,
dont 1 million en boisés en forêt privée. Donc, il y a 2 millions
d'exploités, puis, sur les 2 millions,
qui sont exploités il y a 500 000 hectares de location. Donc, les fermes
spécialisées, les agriculteurs qui
vivent de l'agriculture, qui en font leur métier, on parle plus d'un taux de
location de 25 % en moyenne et, pour les grandes entreprises, de
30 % à 50 %. Donc, les réalités du monde agricole changent.
Deuxième réalité, c'est au niveau de la relève
agricole, le prix des terres s'est apprécié de 50 % au cours des deux
dernières années…
• (15 h 10) •
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
S'il vous plaît, M. Ross, en conclusion, s'il vous plaît.
M. Ross
(Charles-Félix) : En conclusion,
les réalités changent. Et c'est des idées sérieuses que nous proposons,
puis on pense que ça devrait être étudié sérieusement par le gouvernement.
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Je vous invite… De toute
façon, on va procéder à la période d'échange, puis peut-être inclure les
éléments que vous souhaitiez souligner dans votre présentation. Donc, nous
allons maintenant procéder à la période d'échange
avec les membres de la commission et le ministre. M. le
ministre, la parole est à
vous.
M.
Gendron :
Merci, Mme la Présidente. Je reconnais que 10 minutes ça passe vite dans la
présentation. On est habitués, nous autres
aussi, à ça, à être coupés, du temps. Bon. Merci à vous trois. Je vous connais,
puis je sais qui vous êtes, et je
suis heureux de constater que, dans les premiers mots, d'entrée de jeu, vous avez signalé que, sur les objectifs, vous croyez qu'il y a
là un projet de loi assez important pour y accorder votre appui quant aux objectifs.
Vous avez mentionné que ça vous apparaît
satisfaisant et vous avez ajouté : Bien, nous autres, ce qu'on souhaite, s'il y a capacité d'ajouter, améliorer, bonifier, qui est le terme usuel qu'on appelle…
Alors, il n'y a pas beaucoup de législateurs qui ne souhaitent pas qu'un
projet de loi soit bonifié.
Cependant,
c'est clair que vous convenez avec moi que ce qu'on souhaitait, c'est avoir des
opinions des intéressés, des gens qui
nous ont signifié qu'il n'y aurait pas de mémoire, mais ils étaient intéressés
à nous communiquer un certain nombre d'informations. Je vais en tenir compte dans l'évaluation, puis l'analyse, puis la décision finale. Le gouvernement
tenait à tenir des audiences. Bien sûr, il y a deux thèmes, des grandes
générales ou des audiences particulières. Alors, on l'a fait hier avec quelques groupes, on le fait aujourd'hui avec vous. Merci beaucoup que vous soyez là. Ce que je retiens, c'est
que, quant aux objectifs principaux, on peut compter sur vous.
Moi, je veux y aller tout
de suite de questions parce que, dans le fond, questions-échange, c'est là que
c'est le moment de passer vos affaires. Vous
avez sûrement appris ça au fil des ans — comme
institution, en
tout cas; l'UPA, je parle. Alors, plus on aura le temps d'échanger et de
mieux saisir les choses sur lesquelles vous voulez insister… J'en réglerais tout
de suite une couple, là. Le 1 000, pour répondre, parce que c'est le
moment de le faire… le 1 000 hectares, ce n'est pas compliqué, nous, on pense qu'annuellement c'est l'espèce de
disponibilité qu'on voudrait laisser aux résidents étrangers, c'est-à-dire les gens de l'étranger qui
veulent venir s'établir. C'est premier arrivé, premier servi. C'est ça
qu'on envisage comme logique, mais je ne ferai pas de discussion à n'en plus
finir là-dessus, là. Et vous êtes conscients probablement
qu'on n'a pas pigé ça dans un chapeau, on a regardé ce qui se fait ailleurs, on
a regardé des comparables, et c'est sur l'analyse des comparables… qui
se fait ailleurs qu'on est arrivés à retenir un nombre d'hectares limité.
Et il me semble qu'initier
un changement à une loi qui n'a pas été rafraîchie depuis de nombreuses années,
compte tenu du phénomène, pour contrer deux choses toujours… Les deux objectifs
premiers, là, c'est toujours les mêmes :
contrer l'accaparement puis contrer éventuellement une spéculation inutile.
Est-ce que ça va être complètement complet?
Bien, on verra à l'usage. Moi, je suis convaincu que non, mais il faut
commencer en quelque part. Et il y avait lieu de poser un geste, et, vous l'avez dit, moi, c'est surtout pour
contrer ce que j'ai trop entendu. Est-ce que le phénomène est aussi
important que ça? La réponse, c'est non en statistiques, mais moi, j'ai
toujours pensé qu'être guidé par la
prudence, la prévoyance, c'est légitime, c'est un acte sain dans une société,
et c'est dans ce sens-là que je souhaite avoir rapidement une
législation qui va donner une orientation puis un signal on ne peut plus clair.
Alors, dans les
questions, vous nous avez parlé, là, dans les critères… Je donne un exemple,
là, dans votre recommandation n° 3,
vous proposez d'ajouter les mots «agricole et forestier» pour définir la notion
de développement économique telle qu'énoncée
dans le critère 3 ° de l'article 16. Et, là j'aimerais avoir votre
attention, est-ce que vous ne croyez
pas, cependant, que ça peut venir en contradiction avec les efforts de l'UPA
pour faire reconnaître l'agriculture comme une activité économique
pleine et entière au même titre que les autres secteurs si on fait cette
distinction-là? Là, j'aimerais… un de vous
trois qui décide de me donner plus d'éclairage pour être certain que je
comprends bien la portée de votre recommandation.
M. Bilodeau
(Denis) : Oui. Bien, sur la portée économique, ce qu'on veut préciser, c'est
qu'on attribue une attention particulière au développement associé — étant donné qu'on est dans la zone
agricole — à l'agriculture
et à la foresterie. Et c'est clair
que, si, à l'intérieur de ce développement-là… C'est sûr que du… ça favorise,
ça provoque un développement économique régional si on l'aborde sous l'angle
de la région, là, sauf qu'au moins qu'on mentionne à l'intérieur de cette proposition-là... qu'on retienne qu'il y a une
certaine priorité à associer le développement économique à agriculture
et foresterie. Ça serait la première chose, la première chose qu'on pourrait
rechercher qui ferait en sorte qu'un projet,
il est bonifié versus un autre projet où ça serait uniquement visé que la
fonction retombées économiques soit considérée.
Donc, lorsqu'on analysera sous cet angle-là de retombées économiques, bien, qu'on
s'assure que la grosse partie de
retombées économiques provienne de l'agriculture et de la foresterie. C'est
dans ce sens-là qu'on veut l'amener, là.
M.
Gendron : O.K. Vu
qu'on est là-dedans, là, je continuerais à avoir quelques précisions, puis mon
collègue, tantôt, fera un aspect sur un problème plus particulier de l'homogénéité.
Je voudrais qu'il vous questionne là-dessus, et il va le faire, je vais lui
laisser du temps pour qu'il le fasse.
Vous
avez laissé voir que vous — vous
étant l'UPA — pour
ce qui est de l'occupation du territoire, vous croyez que ce vocable n'a pas sa place tout
de suite parce qu'on n'a pas développé de l'expertise, il n'y
a pas de jurisprudence à cet égard-là. Pourquoi qu'assez rapidement vous
balayez cet élément-là, alors qu'il y a des gens qui sont venus nous dire : Au contraire, il faudrait en faire le
premier critère? Et je sais pourquoi… Quand même, je veux vous
signaler — et
ça me surprend un peu, là, que ça n'ait pas été évalué dans ce sens-là — un
étranger qui arrive puis qui décide de se lancer
dans une production complètement différente du milieu dans lequel il
atterrit — et je n'ai
pas à arbitrer pourquoi qu'il va s'en venir en Abitibi plutôt qu'à
Nicolet ou plutôt qu'au Lac-Saint-Jean — il se peut que, s'il n'y a
pas d'analyse par la CPTAQ de la… Je vais
appeler ça, moi, l'occupation du territoire. J'aurais envie d'ajouter d'autres
mots, mais, pour tout de suite, je ne veux pas trop qualifier mon propos. Mais
il me semble que, s'il y a de la modernité à faire attention, c'est bien ça.
Un législateur devrait se
préoccuper de ce que ça signifie, l'arrivée d'un nouvel arrivant sur l'occupation
du territoire concerné. Le concerné
étant : Est-ce que tel type de production en Abitibi pourrait être très
questionnable, alors que le même type
de protection n'est pas du tout questionnable dans une autre région? Et il me
semble que c'est une réalité objective
qui devrait être prise en compte par rapport à garder un meilleur contrôle de
ce qui se passe dans nos régions en termes
d'arrivée d'un résident d'ailleurs, mais qui veut venir faire des choses, que
moi, j'ajouterais, qui correspondent un peu plus à la dynamique du milieu et qui s'intègrent assez bien dans le
milieu où il veut avoir soit une production ou soit une filière quelconque d'activité agricole. Parce que,
là, il faut faire attention aux mots, mais, dans un cas comme dans l'autre,
moi, je tiens énormément aux critères. Alors,
je vais vous l'indiquer tout de suite, avant de le balayer, ça va me
prendre des bonnes raisons. Alors, j'aimerais entendre vos bonnes raisons pour
le balayer.
M.
Bilodeau (Denis) : Bien, Stéphane
pourra compléter, mais, quand on l'aborde sous l'angle de l'homogénéité,
on l'amène surtout… C'est parce que l'homogénéité
ne veut pas nécessairement dire toute la même production, toute la même… les mêmes grosseurs d'entreprises. Tu sais,
dans une région donnée, il existe quand même… au fil du temps, il s'établit
un certain équilibre, une répartition au niveau des productions, puis on
suscite, puis on est vendeurs par rapport à
l'arrivée de nouvelles productions. Ce n'est pas sous cet angle-là. Sauf que,
dans une situation où il y a beaucoup de
superficies en jeu, dépendamment de la décision des gens, ils peuvent pratiquer
l'agriculture, mais est-ce que ça va faire en sorte que ça va tout
déstabiliser ce qui se passe alentour de cette nouvelle situation-là qui
pourrait être créée par un investissement
majeur dans une région donnée qui accapare quand même une très grande
superficie? Peut-être, Stéphane pourrait compléter, mais c'est sous cet
angle-là...
M.
Gendron :
Bien, pour tout de suite, merci, ça me va parce que c'est clair. Mais,
permettez-moi d'être brutal quelques secondes, si je vous disais que ça
a desservi bien des régions du Québec, le critère de l'homogénéité, vous me
répondez quoi?
• (15 h 20) •
M. Forest (Stéphane) : Je
vous dirais, M. le ministre, que la commission, en vertu de l'article 12,
regarde les particularités régionales dans les demandes qui sont sous la Loi
sur la protection du territoire et des activités agricoles. L'homogénéité, je
ne suis pas d'accord avec vous à l'effet que ça dessert les régions, puisque le
critère d'homogénéité dans la loi de
protection et la particularité régionale ont fait en sorte que la loi, au
courant des dernières années, a été très flexible et que le critère de l'homogénéité
a prouvé cette flexibilité-là dans le cas des demandes d'autorisation pour les
usages non agricoles. Et c'est la même chose ici, d'où notre demande.
Quand vous
nous justifiez votre intention de parler de l'occupation du territoire, je vous
dirais — puis
là c'est plus juridique, plus légistique — l'usage projeté — c'est
un peu des éléments que vous avez donnés — vous l'avez déjà dans le critère 1°. Ensuite de ça, l'effet de l'usage
sur le milieu, sur la région, vous l'avez déjà dans le critère 3°. Là,
on viendrait introduire une nouvelle affaire
avec la loi sur l'occupation et vitalité du territoire, qui n'est pas encore
adoptée. Vous avez des intentions, le ministère,
là-dessus, le ministère des Régions a des intentions, et on introduirait
cette notion-là qui n'est pas présente à la loi de protection du
territoire agricole, qui n'est pas présente dans la loi sur l'acquisition des terres. Il faut savoir que, dans l'autre loi,
ce qui est présent, c'est le développement économique, donc le critère un peu 3° de
votre projet de loi ici.
Alors, c'est pour ça qu'on est inquiets, puisque
l'homogénéité de la communauté n'empêchera pas, dans une région où il
y a quatre fermes de bovins, de
mettre un poulailler, jamais dans 100 ans, on va plutôt
voir… La commission va se retirer,
regarde l'homogénéité de la région. Des fois, c'est tout le village qu'elle
regarde. Des fois, c'est une section du village, une portion du territoire. Et là elle a toute la flexibilité. C'est
un gros critère de flexibilité, l'homogénéité de la communauté que la commission
a, puis l'enlever, je pense qu'on va perdre… nous pensons, à tout le moins, qu'on
va perdre une grande flexibilité.
M.
Gendron : Ce n'est
pas pour rien, là, que je suis content que vous soyez là, pour avoir votre
avis. Puis, c'est votre avis, il y a d'autres
avis de d'autres gens. Puis, parle-moi de ça, c'est ça, des consultations. Mais
j'ajouterais peut-être un petit fion, là, est-ce qu'encore là ça serait errer
de prétendre qu'on a moins dynamisé un certain nombre de territoires au Québec en étant passablement rigoureux sur l'interprétation
qu'on donnait à la notion d'homogénéité? Moi, j'ai vu ça bien souvent dans bien des décisions : Non, ça irait à l'encontre
de l'homogénéité. Puis, pourtant, mon petit jugement, je le reconnais, à
travers uniquement la demande que je pouvais apprécier, là, je trouvais que c'était
une maudite bonne affaire qu'ils
demandaient, puis ça avait de l'allure, selon moi. Et est-ce qu'on ne s'en sortirait pas plus en disant :
On va être pas mal plus adéquats si on dit : Il y a
cinq critères, les cinq doivent être pris en évaluation commune et
conjointe? Moi, que le 1° soit le 3°, puis le 5° soit le 2°, puis ainsi de
suite dans l'échelle, je m'en fous un peu. Mais l'indication que je voudrais
donner, c'est que les cinq paramètres doivent être pris en compte pour avoir ce
qu'on appelle une évaluation plus serrée du projet.
M.
Bilodeau (Denis) : Oui, c'est ça.
Mais, en même temps, vous reconnaissez qu'il se fait des efforts présentement,
puis on développe un outil qu'on nomme PDZA, qui va nous permettre un peu de
répartir ces espaces-là qui sont peut-être moins utilisés ou moins recherchés
pour faire en sorte qu'on puisse développer l'agriculture par l'arrivée, souvent, de nouvelles productions qui vont s'adapter
mieux à certaines portions de territoire. L'outil qu'on appelle PDZA, je
pense qu'il va jouer un grand rôle là-dedans. C'est ça.
Et, quand on
l'abordait tantôt, la question d'homogénéité, c'est un petit peu
ça, ne pas faire en sorte que ça vienne un peu défaire tout ce qui
existe. On va amener quelque chose qui vienne bonifier, qui vienne créer quelque
chose de nouveau, là, et non pas détruire ce qui existe.
Et comment on implante ça? On ne dit pas que ça passe inaperçu, mais de s'assurer
que ça ait un plus comme résultat. Et là, on fait allusion aussi, il faut que
ça demeure… C'est clair qu'il y a des critères par rapport à ce que ça
demeure relié à l'objectif principal, qui est le développement de l'agriculture
et la foresterie, là, mais, quand même,
il pourrait y avoir des dangers par
rapport à l'arrivée de super gros
projets qui pourraient faire en sorte d'un peu chambouler cette espèce d'équilibre
régional là qui existe. C'est dans ce sens-là qu'on le voit.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
M. le député de Roberval.
M.
Trottier : Oui.
Bonjour, messieurs. Très intéressant, vos explications, mais je voudrais
fouiller, justement, un petit peu plus sur cet aspect-là. Dans mon
ancienne vie, j'ai été maire d'une petite communauté agricole, Péribonka, qui était presque entièrement agricole, puis je pense
que, quand vous dites qu'il faut faire attention de ne pas mettre en
danger les activités existantes, je pense que je suis parfaitement d'accord
avec vous. Mais le défi qu'on a dans l'avenir,
c'est de trouver un équilibre entre ce qui existe présentement, puis ce qui s'en vient, puis… Parce
que, sinon, c'est que, là, on ne peut
pas bâtir l'avenir uniquement sur le passé, c'est que, là, il faut
qu'on soit capables d'avoir suffisamment d'ouverture pour être capables
de relever les défis d'aujourd'hui.
Puis c'est
sûr qu'il y a toutes sortes de nouveaux produits, de nouvelles
productions, puis on a des demandes de toutes sortes, là, qui existent.
Puis, dans le fond, ce que je veux savoir, c'est par rapport au critère d'homogénéité…
C'est parce que c'est un critère qui
est un peu élastique, là. Dans le fond, ce que je veux savoir : Est-ce que
vous êtes ouverts à ce qu'il y ait des nouvelles productions, qu'on soit capables de relever, disons-le,
le défi de l'avenir ou si on dit : Bien, nous autres, on ne prendra
pas de risque, là, on ne veut pas toucher à ce qui existe présentement? C'est
quoi, votre degré d'ouverture par rapport à des nouvelles entreprises avec des
nouveaux défis?
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Monsieur.
M. Bilodeau (Denis) : Oui. L'ouverture
est très grande, et c'est pour ça qu'on y met des énergies, dans la réalisation
des PDZA, entre autres, qui fait en sorte qu'on analyse le territoire et on
regarde de quelle manière on peut bonifier
par l'agriculture et la foresterie… de quelle manière on peut
bonifier le développement régional, tout l'aspect économique, dont
on a discuté un petit peu tantôt, comment on fait en sorte qu'on le bonifie.
Bon.
Si on l'analyse uniquement sur un angle d'occupation
du territoire, bien, ça peut nous amener, des fois, à peut-être un peu dévier,
là. Moi, je pense que, lorsqu'on porte la cible sur le développement de l'agriculture
et de la foresterie, bien, en tout cas… et dans un territoire donné qui est occupé par l'agriculture et la foresterie, c'est là un
petit peu, là, l'homogénéité qu'on recherche, tu sais. C'est ça
qu'on ne veut pas nécessairement briser. Mais c'est clair qu'on est
ouverts au développement, puis c'est ce qu'on veut aussi, c'est ce qu'on
souhaite, nous, c'est clair. Nouvelles productions, nouvelles idées, c'est sûr
qu'on est ouverts à ça.
M.
Trottier : …parce qu'il
faut être conscient que le défi des petites communautés, c'est de maintenir des
gens en place. Parce qu'on le voit, là, moi, chez nous, l'école vient de
fermer, puis on voit, là, dans plusieurs communautés agricoles que soit que l'école se transforme en centre communautaire ou
en foyer de personnes âgées. Mais, comme mon garçon me disait, quand
les écoles se transforment en centres pour personnes âgées, là, ce n'est pas un
gage d'avenir. J'aimerais mieux qu'on ouvre des écoles, puis c'est pour ça que,
pour nous, la question d'occupation du territoire est essentielle, parce qu'il faut être conscient qu'on ne pourra pas maintenir
une agriculture dynamique s'il n'y a plus de
monde, puis s'il n'y a plus de services,
puis il va y avoir des problèmes de relève agricole, etc. Ça fait qu'il faut
qu'on trouve, on pourrait dire, une solution qui va permettre à la fois
le maintien des activités, mais aussi de maintenir l'occupation du territoire
parce que, s'il n'y a plus de monde, je ne suis pas certain que ça va être bon
pour l'agriculture non plus.
M. Bilodeau (Denis) : Surtout maintenir l'occupation
du territoire puis maintenir l'intérêt à l'agriculture et au développement
régional basé sur une agriculture dans des régions où c'est l'agriculture qui
se pratique, puis la foresterie. Rien que le
fait de maintenir l'intérêt, c'est déjà une grosse démarche parce qu'on le
réalise dans certaines régions où on
voit des terres abandonnées, des terres en friche qui n'ont comme pas preneurs,
il n'y a personne qui semble être intéressé, donc ces terres-là vont à l'abandon.
C'est des pertes, c'est des pertes pour la société qu'on a aujourd'hui, là.
Donc, comment on valorise tous ces espaces-là, et tout ça, bien, regarde, ça,
là-dessus, on a de l'ouverture, là, aucun problème.
M. Trottier : Je comprends qu'on
va pouvoir compter sur vous autres pour trouver un équilibre dans tout ça.
M. Bilodeau (Denis) : C'est ça, ah oui!
M. Trottier : Merci.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Merci. M. le ministre.
M.
Gendron :
Oui, je retourne... je voudrais revenir rapidement sur la recommandation 1°.
Moi, je pense que vous avez raison de dire : Il faut absolument que
la CPTAQ, qui a développé une expertise, ait les outils, les moyens de s'assurer
qu'elle est en mesure de faire le travail. Mais, sur juste ce que j'appellerais,
moi, également mon passé antérieur, là, je n'aime pas beaucoup, là, dans une recommandation,
«toutes les ressources nécessaires». Alors, ce n'est pas grave, là, je
ne veux pas faire de sémantique. Moi, je suis d'accord pour leur donner les
ressources nécessaires, mais c'est sûr qu'on peut avoir des divergences d'opinions
sur «toutes les ressources» parce que c'est coûteux, toutes les ressources. Et il n'y a pas rien que ça, c'est
quasiment la notion, ça, de… La limite en mathématiques, là, c'est
notion vers laquelle on tend sans toutefois pouvoir l'atteindre. Alors, c'est
dangereux quand je vois ça dans un texte. Donc, je voulais faire la remarque.
L'autre,
rapidement, c'est clair que vous avez évoqué les PDZA, alors, un peu. Je le
sais que la loi ne touche pas vraiment là-dessus, mais j'aimerais, puisqu'on
a la chance de vous voir, là… À ma connaissance, vous êtes très favorables à
ces PDZA là, à les implanter un peu partout. Est-ce que vous auriez des
suggestions à nous faire pour renforcer,
effectivement, cet outil, pour diversifier davantage et ouvrir de nouvelles
perspectives? Avez-vous des commentaires à nous faire? Parce qu'il y a
des gens qui, même si la loi ne touchera pas ça spécifiquement, qui en ont profité pour nous donner quelques suggestions.
Alors, si vous avez une couple de commentaires à nous faire, je serais
très attentif. Et j'aurai une autre question avant de passer la parole aux
collègues.
• (15 h 30) •
M. Bilodeau (Denis) : Bien, c'est clair
qu'on favorise la mise en place des PDZA le plus possible dans toutes les MRC.
Avoir un outil supplémentaire pour, je ne le sais pas, mettre de la pression
sur les MRC pour qu'ils les réalisent, bien, je ne le sais pas. Je trouve quand
même que ça va bien, là, tu sais, il s'en développe beaucoup...
M.
Gendron : Et c'est
pris au sérieux. C'est pris au sérieux par la...
M.
Bilodeau (Denis) : C'est pris au
sérieux, c'est pris au sérieux et c'est… À la base de ça, c'est une
démarche de réflexion, hein, que les gens du milieu se réunissent alentour d'une
table puis regardent, à partir d'une photo, il se passe quoi dans notre région et comment on peut faire en sorte que...
Dans tel ou tel espace donné, bien, on n'obtient pas tout le potentiel qu'on peut avoir par rapport à
ces superficies-là ou à ces parties de territoire là, et on est surpris de
voir les suggestions qui arrivent alentour
de la table parce que se pointent des gens qui disent : Aïe! moi, j'aurais
quelque chose, j'aurais une idée par
rapport à ça ici. C'est ce partage d'idées là qui est bénéfique, là. Rien que
ça, là, c'est très enrichissant par rapport à une communauté, cette
réflexion-là, là.
M.
Gendron :
O.K. Merci. On va élaborer davantage. J'aurais été surpris également que vous
ne mentionniez pas, avec raison, que, d'après vous, ça prend quand même
une espèce de société plus large que les corrections qu'on va faire à la loi concernant l'arrivée d'éventuels
résidents étrangers qui vont se porter acquéreurs soit de productions ou
de terres agricoles, et là je veux parler de la SADAQ. Vous suggérez cette
instance-là. Ça fait longtemps que vous la portez,
que vous la documentez. Et moi, j'ai toujours dit la même chose, j'ai beaucoup
d'ouverture pour, éventuellement, penser que ça va prendre une instance
plus large. Mais je ne suis pas nécessairement encore complètement convaincu qu'il
faut que je choisisse cette instance-là plutôt qu'une autre, tout en
reconnaissant que ça va prendre probablement quelque chose, et le quelque chose
est à être défini en ce qui me concerne.
Mais ma question précise, ça serait la suivante.
À ma connaissance, c'est une réflexion qui a été portée davantage par le conseil d'administration de l'UPA, l'UPA
institutionnelle, et je ne me souviens pas d'avoir vu beaucoup de débats…Puis, le mot «débat», il ne faut
pas avoir peur de ça, là. Ce n'est pas grave de débattre, là, moi, je suis pour
ça, de débattre. Mais je ne me souviens pas
qu'il y ait eu de la discussion auprès des producteurs agricoles les plus
concernés par rapport à cette instance-là éventuellement. Est-ce qu'il y a eu
des discussions qui m'ont échappé? Est-ce que c'est eux qui vous ont sollicités
pour créer cette instance-là? J'aurais besoin d'un peu d'historique. Ce n'est
pas tellement bien savoir qu'est-ce que c'est, la SADAQ, j'en ai assez entendu
parler pour penser bien comprendre qu'est-ce que c'est. Mais j'aimerais savoir
un peu plus ça a été, dans vos cartons, projeté comment, puis qui étaient les
pousseux de puck — si
vous me permettez l'expression — les plus vigilants pour éventuellement
penser à cette instance-là?
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Messieurs, en une minute.
M.
Bilodeau (Denis) : Une minute?
O.K. Oui. Bien, je peux y aller rapidement. Oui, il y a eu une
consultation. Il y a eu une réflexion à la base par le conseil général,
exécutif de l'UPA. Mais, par la suite, il y a eu une présentation au congrès
général, et les congressistes ont abordé la question sous l'angle d'analyse qu'ils
en font, là. Puis, au moment... Puis je
comprends votre commentaire aussi, là, sauf que les producteurs s'entendent sur
deux choses. Il y a une obligation de réagir, de voir la tendance qui se
crée et les situations que ça crée aussi dans certaines régions. Il y a un certain problème, alors il faut se pencher sur ce
problème-là. Et de quelle manière qu'on va le régler, c'est
embryonnaire, là, on comprend, là, c'est un concept, mais il faut trouver une
manière d'intervenir.
Mais là c'est sûr que le point de vue des
producteurs, là, ce n'est pas... on n'a pas de chèque en blanc par rapport à ça, là, personne. Sauf que ça fait
partie des discussions, et les producteurs veulent trouver une solution par
rapport à cette problématique-là qui se crée graduellement et qui va avoir des
effets néfastes, là, par rapport à insécuriser nos entreprises agricoles qui
doivent compétitionner avec ces gens-là et, en même temps, éloigner la relève d'avoir
accès aux terres agricoles. Et, quand je
parle de relève, c'est aussi nouveaux producteurs, petits producteurs, et tout
ça, là, et ça a tout des conséquences, là.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Merci beaucoup. Merci. Nous allons maintenant procéder à l'échange avec les députés
de l'opposition en commençant par le groupe de l'opposition officielle. M. le
député de Huntingdon.
M.
Billette : Merci beaucoup, Mme la Présidente. M. Bilodeau, c'est
un plaisir de vous accueillir — je dirais réaccueillir — à l'Assemblée
nationale. Je pense que vous êtes un acteur important au niveau de la CAPERN.
M. Ross également et M. Forest. Félicitations pour votre présentation.
Je pense que c'était très intéressant, vous êtes rentrés vraiment dans le détail, dans le vif du sujet, qui
est la loi n° 46. Je vais aborder les questions relativement à votre
mémoire. Et vous avez ouvert la porte également sur la SADAQ. Je pense qu'on va
avoir la chance d'avoir l'IREC tantôt, qui ont fait une étude beaucoup plus
poussée.
Lorsqu'on
parle des exigences — M.
Forest, vous nous avez parlé des nouvelles exigences — la durée, vous étiez d'accord avec ça, et également l'obligation d'obtenir
la citoyenneté canadienne. La résidence, je pense que le producteur, ou l'acquéreur, ou l'immigrant, à ce moment-là,
qui se porte acquéreur d'une ferme ou d'un boisé privé pour faire un
projet agroalimentaire ou agroforestier… je
pense qu'il peut quand même réaliser c'est lui qui est responsable de cette
notion-là. Au niveau de la citoyenneté canadienne, il est à la merci, quand
même, d'Immigration Canada, où, là, on a un processus qui est quand même
bureaucratique sur lequel il n'a aucun contrôle sur la délivrance de sa
citoyenneté. Est-ce que vous pensez que
quelqu'un, par rapport à un mandat bureaucratique ou une obtention
bureaucratique, devrait être pénalisé au sens de la loi?
M. Bilodeau
(Denis) : Stéphane.
M. Forest
(Stéphane) : M. Billette, la question est quand même un
peu hypothétique. Il ne faut pas qu'on présume
que la décision de l'instance réglementaire fédérale serait négative, dans un
premier temps. Dans un deuxième temps,
il ne faut pas présumer que la bureaucratie qui est liée au phénomène de
demande de traitement... On est très au courant qu'une demande d'obtention
d'une citoyenneté, ça peut être long, mais c'est pour ça que le délai de trois
ans dans quatre… dans quatre ans, dans le
fond, la personne aura quatre ans, là, pour satisfaire les conditions. Et je
pense que c'est le ministère qui a fait
cette évaluation-là, puis il a pris des renseignements auprès des autorités
fédérales compétentes.
On
n'est pas capables, vous, de vous dire, de vous répondre si, oui ou non ou à
terme, il ne l'aura pas. C'est sûr que, s'il ne l'a pas à terme, ça a des conséquences sur son autorisation d'acquisition.
Ça, c'est indéniable, écrit comme tel dans la loi actuellement. Sauf que
vous avez vu ce qu'on a écrit dans notre mémoire, ça démontre tout le sérieux
du nouvel arrivant à s'implanter dans son milieu avec son projet agricole. Elle
est là, la force de ce critère-là, nous croyons.
M.
Billette :
O.K. Donc, si je comprends bien vos propos, si quelqu'un ne l'a pas reçue, la
législation est en vigueur pour dire : Si tu ne l'as pas reçu, excusez-moi
le terme, «too bad»? O.K. Parfait.
Je
veux revenir sur l'homogénéité. Je pense que c'est important. Monsieur... on
partage beaucoup de choses en commun, mais je pense que c'est une
question très importante, au niveau de l'homogénéité, et moi, je mettrais en
opposition ou en… pas en contradiction, mais juste à côté le mot
«diversification». Si, demain matin… On va
prendre le Centre-du-Québec. Je pense que les exemples concrets sont toujours
les plus efficaces, les plus réalistes. Si, demain matin, on arrive avec
le Centre-du-Québec, on dit : On va creuser des bassins, on va semer un
petit fruit rouge qui s'appelle la
canneberge, woup! ça défait notre tissu agroalimentaire, qui est principalement
sur la grande culture, le soya, le
maïs-grain, production laitière. Est-ce qu'en réinsérant le mot «homogénéité du
tissu de la terre»… Parce que, là, veux veux pas, on parle d'une diversification
complètement totale qui défait un petit peu le tissu agroalimentaire
traditionnel du Centre-du-Québec en ayant des bassins. Parce que c'est des
bassins, veux veux pas, la culture de la canneberge. Est-ce qu'on serait privés
d'une diversification de notre agriculture?
M. Bilodeau (Denis) : Il y en a eu beaucoup, des développements de la canneberge au
Centre-du-Québec — parce que moi, je suis originaire du
Centre-du-Québec — oui,
puis ça a fait en sorte qu'on a utilisé des terres qui étaient laissées pour
compte, des terres abandonnées où même, dans certains cas, ça a permis un peu
de défrichement pour implanter des nouveaux bassins. Puis c'est une production
qui a quand même une grande valeur. Mais peut-être que Stéphane pourrait faire
un bout parce qu'il est quand même concerné pas mal par ce dossier-là…
M. Forest
(Stéphane) : Oui, effectivement.
M. Bilodeau
(Denis) : …qui est particulier, je vous dirai, particulier.
M.
Billette :
Bien, c'est un exemple que je vous donne, là.
M. Bilodeau
(Denis) : Oui, oui, oui.
• (15 h 40) •
M. Forest
(Stéphane) : C'est un exemple, mais il est difficile de faire un lien
entre l'homogénéité puis la culture des
canneberges. Il faut savoir que, dans le Centre-du-Québec, les régions qui ont
été identifiées dans les schémas d'aménagement par les élus municipaux
pour le développement de la canneberge, ce sont eux, les élus municipaux, qui ont décidé que, dans les secteurs peu propices
aux cultures traditionnelles que vous avez mentionnées, on implante des
cannebergières. C'est pour ça que, dans cette région-là, les cannebergières se
sont développées, parce que les sols sont sablonneux, et manquent d'intrants,
manquent d'engrais, on n'a jamais développé le soya et le maïs en grande
superficie. On ne parle pas du bassin de Warwick, où, là, il y a beaucoup de
fermes laitières, on parle de d'autres régions, Saint-Louis-de-Blandford, etc.,
vous connaissez. Le long de la 20, dans le fond.
Alors, dans ces régions-là, le critère de l'homogénéité
ne vient pas défaire ça. Le critère de l'homogénéité, c'est un critère que la
CPTAQ peut se servir pour prendre le Polaroid de la situation par rapport à l'usage
qui va être implanté lui-même,
quel sera l'effet de l'usage futur sur la situation du secteur. Puis, la
jurisprudence, c'est sûr qu'elle est développée
en vertu de l'autre loi, la loi de protection. Puis, l'homogénéité, les
critères sont développés en vertu d'usages non agricoles qui s'implantent
dans un secteur homogène agricole. Là, on peut difficilement parler d'homogénéité
entre deux productions agricoles. Il n'intervient pas à ce niveau-là par la
CPTAQ, ce critère-là.
M.
Billette : Puis, au
niveau de l'usage, je pense
qu'on fait attention, on y revient au point 3, à ce moment-là, de votre mémoire,
au niveau de l'usage. Je sais que l'exemple, lorsque vous reprenez l'argumentaire
là-dessus, c'est : La vision de l'agriculture
de l'union ne passe pas par l'apparition de projets non agricoles dans la zone
agricole. Je pense qu'au niveau de l'usage il y a
une loi, qui est la loi de la protection du territoire agricole, qui
réglemente ça de façon très,
très sérieuse et de façon
très précise. C'est pour ça, l'argumentaire au niveau de l'usage, là, il y avait
deux termes au niveau de l'homogénéité,
au niveau de l'usage. Je pense que, l'usage, on a une loi qui est là, et, au
niveau de la diversification, versus l'homogénéité...
Il faut
voir également... Remettre l'homogénéité, c'est de savoir l'interprétation
du mot «homogénéité». Est-ce que c'est l'homogénéité du sol, de la
culture qui est pratiquée? Parce que, je vais dire, une réalité qu'on doit
vivre maintenant, c'est les changements climatiques. C'est sûr et
certain qu'une région dit : Nous autres, le bassin qu'on devrait faire, c'est du maïs-grain, les gens sèment du
2 700 unités thermiques dans une année, et il vient une gelée au mois
de septembre, c'est la région au complet...
Je vais vous donner un exemple encore plus
probant. Dans mon comté, l'an dernier, il y a eu une grêle dans Les-Jardins-de-Napierville.
Tout le monde s'en souvient, ça a été une catastrophe. Donc, il n'y avait
aucune… ou très peu de diversification de l'agriculture.
Je donne cet exemple-là, mais le gel en est un bon. Il y a des
cultures qui sont plus résistantes que d'autres. Donc, avoir quelque
chose de trop homogène met à risque beaucoup les producteurs en n'ayant qu'un seul tissu ou une seule rentabilité
agricole sur leurs terres. C'est un petit peu au niveau de l'homogénéité,
mais je pense qu'on peut avoir des
débats et des discussions assez longues et ardues là-dessus
parce que c'est toujours l'interprétation du mot
«homogénéité», comment qu'on peut l'interpréter.
Au niveau
de la gestion du 1 000 hectares,
vous avez soulevé quelque chose de très intéressant tantôt, j'aimerais savoir de votre part si vous avez une solution. C'est-u
le premier qui va arriver un petit peu… lorsqu'on arrive dans un buffet, tout le monde court pour avoir le dessus
du plat ou est-ce que ça va être à la relève immigrante? De quelle
manière... Vous auriez peut-être des
suggestions à nous faire à ce niveau-là parce que je pense que c'est important.
Est-ce que les gens vont attendre le
1er janvier, minuit, pour déposer leurs demandes? Parce qu'il faut se
souvenir que, les dernières années, la moyenne est quand même de
2 000 hectares qui ont été laissés, même si la législation, c'était
2 500 hectares. Donc, c'est
2 000 hectares en moyenne, et là on parle de
1 000 hectares. Est-ce que ça va être le premier arrivé, premier
servi, d'après vous, ou il y aurait des critères qui pourraient définir mieux
la répartition du 1 000 hectares?
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Messieurs.
M. Bilodeau (Denis) : Oui. Bien, en tout
cas, à travers le questionnement qu'on apporte là, à l'intérieur du mémoire, c'est ce à quoi on fait allusion. Il ne
faudrait pas que ça soit une course au mariage, là, tu sais, que, le
2 janvier, là, tout le monde est à la porte pour dire… que, si, le
1er janvier, ça ne travaille pas, le 2 janvier on cogne tous à porte pour dire... puis là c'est le premier
1 000 hectares, puis la porte s'ouvre, puis il dit... lui, il plante
son clou, là. C'est ça, là, comment on pourrait faire en sorte... Parce
que, pour nous autres, c'est encore plus intéressant… c'est qu'il y ait une répartition du 1 000 hectares. On
comprend que... Puis c'est avantageux d'avoir un maximum à un moment donné
qu'on doive respecter, mais comment on
pourrait le répartir? Je pense qu'il y aurait peut-être un peu de réflexion à
faire là-dedans, comment on fait en sorte pour ne pas que ça ait encore
une incidence trop marquante par rapport au fait que, bien, il y en a un qui
vient geler la disponibilité du 1 000 hectares par une demande, puis,
après ça, bien, «just too bad» pour les autres le restant de l'année, là, c'est
clair.
M.
Billette : Je pense
qu'on a exactement le même questionnement. Je pense qu'on va avoir une
réflexion similaire à effectuer au moment où on se parle. Et il y a une
proposition, hier, qui nous est venue que j'ai trouvée intéressante au niveau
de la limite pour le 1 000 hectares, qui était de limiter à
200 hectares par projet. C'est sûr qu'il y
a deux écoles de pensée. On a reçu Mme Bolduc, de Solidarité rurale, qui
disait qu'elle, à trois projets, ils ont dépassé amplement le 1 000 hectares, et tu as d'autres projets de
200 hectares. Est-ce qu'on se prive de gros projets à la merci d'avoir
de plus petits projets? Est-ce que c'est une solution qui serait envisageable
pour vous?
M.
Bilodeau (Denis) : Il y a une
réflexion à faire par rapport à ça, et il faudrait qu'il y ait probablement des
balises au point de départ, mais, après ça, vivre de l'expérience et comment on
peut utiliser ces balises-là. Mais, comme je vous dis, moi, je pense... Je ne
sais pas ce que vous en pensez, mes collègues, mais moi, je pense qu'on aurait
plus de retombées si on pourrait fractionner, si ça ne fait pas en sorte qu'à
un moment donné, «one shot», il y en a un qui arrive,
puis il a 1 000 hectares, puis c'est dans un secteur donné, alors qu'on
sait que la province est grande, hein, tu sais, puis il y aurait
beaucoup de possibilités peut-être ailleurs, là. Je pense qu'il faudrait...
M.
Billette : C'est
une excellente question que vous nous avez soulevée.
M. Bilodeau (Denis) : Mais je ne peux pas
vous dire aujourd'hui c'est-u 200, 300. Tu sais, c'est embêtant de se
prononcer, là.
M.
Billette : Je vais être assez honnête avec vous, je n'ai pas
la solution, moi non plus, c'est pour ça que je vous le demande. Vous
avez soulevé une excellente question, puis je pense qu'on pourra en discuter
lors de l'étude article par article parce
que je pense que ça va être quelque chose de très important à tenir compte
comme législateurs dans l'étude du projet de loi.
Vous avez parlé également, le 1 000 hectares,
vous étiez en accord. Parce que vous n'êtes pas les premiers à passer, on a eu des consultations hier. Il y a un
exemple, je pense, qui nous est arrivé. Je pense que la base vient même
de ce qu'on a vu auparavant avec l'arrivée des Van Winden dans les terres
noires des Jardins-de-Napierville, où ils sont arrivés, où c'était — hier,
j'ai utilisé le même terme — une
swompe. Les Van Winden, c'étaient des familles… des Hollandais. Ils sont encore omniprésents dans la région de Sherrington,
Hemmingford et Napierville, et ils sont arrivés avec un technique de
drainage des terres noires qui fait en sorte qu'aujourd'hui les légumes sont
produits à grande échelle, à très grande
quantité. C'est une richesse qu'on a dans le sud du Québec. On exporte une
grande partie de ces produits-là, on s'est développé une expertise.
Est-ce que,
des fois, le 1 000 hectares ne pourrait pas nous limiter à obtenir de
l'expertise d'autres pays? Comme eux, ils provenaient de la Hollande.
Est-ce que la Norvège, la Suède, qui ont des climats nordiques comme le
nôtre... Les vignobles, actuellement, sont
en plein développement. Si on se dit : On peut utiliser une terre rocheuse
qui est non propice à l'agriculture,
est-ce qu'on ne limite pas un petit peu l'expertise extérieure en limitant le
cap à 1 000 hectares?
M. Bilodeau (Denis) : Bien, regardez,
moi, je le vois sous l'angle, là... Puis peut-être que Stéphane pourrait
compléter, mais rien n'empêche que l'acquéreur potentiel, qui est non-résident,
qui acquiert 1 000 hectares puis il trouve ça intéressant… pourquoi il ne
viendrait pas résider au Québec? Il pourrait en acheter, des terres, après ça
sans problème.
M.
Billette :
Mais ça, il va falloir qu'il vienne quand même. S'il achète des terres, il va
falloir qu'il vienne, il faut qu'il reste au moins la moitié du temps
sur quatre ans. Mais...
M. Bilodeau (Denis) : …trouve ça
intéressant, le Québec, il faut qu'il y vienne aussi.
M.
Billette :
Parce qu'hier on a eu une proposition. Oui, on a le 1 000 hectares
pour des terres propices à la culture, à
l'élevage ou, en foresterie, à la coupe de bois, mais on a eu une proposition
qui dirait : Peut-être un autre petit montant pour des terres qui
sont non destinées actuellement à l'agriculture, puis on pourrait diversifier
notre agriculture, créer une banque
supplémentaire du 1 000 hectares, peut-être un 500 hectares ou
un autre 1 000 hectares dans des terres, je ne sais pas, qu'il
n'y a jamais eu d'agriculture, c'est en... c'est sûr qu'il faut vivre avec les
REA dans certaines régions, mais qui pourraient apporter une diversification de
notre agriculture ou de nos produits agroalimentaires du Québec.
M. Bilodeau (Denis) : Mais, en tout cas,
nous autres, on considère le 1 000 hectares comme étant suffisant, et il y
a d'autres possibilités aussi au-delà de ça à un certain moment donné.
Une voix : ...cinq minutes?
M.
Billette : Ça, on
fait ça rapidement parce que je veux vous parler absolument de la SADAQ. Au
niveau des PDZA, vous en avez parlé, le ministre en a parlé également, et, oui,
effectivement, je pense qu'il y a un excellent exercice de consultation. Moi, j'ai
vécu les jardins de Roussillon, qui était un des huit premiers PDZA qui étaient
mis en place. Ça n'a pas toujours été facile. Je pense qu'on en parlait avec l'UPA — dans
le temps c'était Saint-Jean-Valleyfield — avec les gens qui étaient là,
mais je pense que ça a été une belle réussite. On regarde également la MRC d'Argenteuil,
il y a des beaux projets qui ont été réalisés. Je pense que c'est un modèle.
La question
que je me pose — et
vous l'avez effleurée tantôt — oui,
on est en train de les mettre en place, et la crainte ou le désir que… qu'il se réalise, c'est que ça demeure des documents
tablettes. Par obligation, une MRC a dû le faire. Auriez-vous des suggestions à ce moment-là? Je sais qu'on
parlait de la SADAQ, des banques de terres, puis je pense que ça pourrait être un excellent exemple de banque de développement
de nos terres agricoles. Sans utiliser le mot «banque»,
là, mais «banque» pas au sens monétaire, mais au sens «registre de données», qu'est-ce que
vous pensez? Parce que la crainte qu'on a toujours, c'est qu'un document devienne tablette. Avec des belles possibilités,
des belles opportunités de
développement pour notre agroalimentaire, notre diversification au Québec, si
vous aviez des idées à ce moment-là, je pense que ça pourrait être
intéressant.
• (15 h 50) •
M.
Bilodeau (Denis) : Quand nos gens
sont appelés à aller participer à des… je ne dirai pas des négociations,
mais à regarder et analyser le territoire et voir le potentiel agricole à
développer, c'est clair que... En tout cas, quand on parle à nos gens, on leur dit : Assurez-vous que vous travaillez
dans une approche qui va être pratique, qui va avoir des résultats
concrets. Et ça aussi, ça nous agace, ça nous énerve. Ne pas produire un
document le plus épais possible qui fasse en sorte qu'on n'est pas capable de
réaliser le tiers de ce qui est proposé. Si vous en proposez 10 actions, c'est excellent. C'est mieux d'en proposer 10 et en
réaliser neuf que d'en proposer 50 puis en réaliser cinq, vous
comprenez? Et, nous autres, le message est
clair par rapport à... soyez le plus pratique possible à partir d'une
bonne analyse du potentiel et de l'intérêt
des gens, par rapport à ce qui peut être réaliste et réalisable. Sinon,
c'est une démarche futile, là, tu sais. Regarde, là, c'est clair, là, on ne veut pas que ce soit une démarche pour faire
une démarche. Autrement dit, bon, bien, dans ma MRC, je coche : PDZA
est réalisé. Je fais une coche. Non, ce n'est pas ça.
M.
Billette :
On met un tchèque pour l'avoir fait puis... Mais je pense que c'est un bel
outil, puis je pense qu'on partage les mêmes
opinions entre parlementaires, peu importent les partis politiques.
Je pense que c'est un bel outil, et c'est
de savoir comment bien l'utiliser par la suite. Ça va être la clé du succès du développement de certaines zones propices à l'agriculture qui sont
sous-utilisées à l'heure actuelle.
La SADAQ, je
n'entrerai pas dans le technique, il me reste peu de temps quand même,
hein? Il me reste quand même quatre minutes. Je pense qu'on va avoir l'IREC
tantôt, on va pouvoir faire l'exemple avec eux, on va pouvoir en discuter avec
eux, avec le modèle qu'ils nous proposent. Puis je pense que votre base
provient de l'étude qui a été produite par l'IREC au niveau de la SADAQ?
Parfait.
Je vais
revenir, mais j'ai une petite question, puis je m'en vais exactement sur le même chemin
que le ministre. Hier, on a un
mémoire qui nous a été déposé, il nous dit : «...une société d'aménagement et de développement
agricole du Québec[...]. Un outil qui n'a d'ailleurs jamais été demandé à la
base par les producteurs…» J'ai comme réagi un petit peu, puis je pense que le ministre
a eu exactement la même question. Puis on ne fait pas des échanges... mais, tu
sais, c'est une question... J'ai dit : Oup! quand je vais voir les
gens... Est-ce que c'est vraiment une demande qui est venue de la part des producteurs? C'est à savoir parce qu'ici, là, à l'aile parlementaire, c'est
deux membres de votre organisation. On n'en fait pas d'intérêt public
non plus, mais, je pense, c'est... on connaît bien nos syndicats de base, on
connaît bien également nos... Et vous avez
parlé des consultations auprès des gens, puis ce n'est pas... Parce que le
questionnement que j'ai, c'est comment ça réagit au niveau de la première ligne
de l'UPA. Je pense, c'est nos syndicats de base qui sont regroupés en syndicats
régionaux par la suite.
Et moi, je vais vous dire, je suis allé dans une
réunion d'un de mes syndicats de base, et ils ont passé une résolution contre une SADAQ. J'ai dit :
Oupelaïe! est-ce que c'est la même réaction? Parce que j'en ai seulement vu
qu'un, syndicat de base, est-ce que c'est la même réaction partout? Parce que
ce qui semble faire peur aux gens... Est-ce qu'ils
ont la connaissance suffisante? Je pense que vous avez fait une réunion l'autre
fois à Iberville, je pense, et il y avait beaucoup de monde pour s'informer.
C'est le droit de préemption. Est-ce que la réaction est partout, et c'est un
cas vraiment isolé que j'ai vécu, et si ces gens-là ont vraiment été consultés
à la base?
M. Bilodeau (Denis) : M. Ross.
M. Ross (Charles-Félix) : En fait, la SADAQ, elle vient à la base d'une
demande des producteurs que l'UPA intervienne dans le dossier d'accaparement
des terres. On avait la Banque Nationale qui achetait des terres agricoles au Lac-Saint-Jean pour les exploiter. Il y avait
des producteurs qui disaient que, dans la région de Saint-Hyacinthe, en Montérégie, il y avait les compagnies de transport
qui achetaient des terres agricoles, puis qu'il y avait une inquiétude
par rapport à ça. Et, oui, on a mandaté l'IREC, et l'idée de la SADAQ est
venue.
Et il y a plusieurs régions dans... Vous
parliez : Qui on a consulté? En Abitibi-Témiscamingue, la fédération
régionale a fait venir les gens de l'IREC pour venir leur présenter le projet
de la SADAQ, et les gens de l'Abitibi, les producteurs
qui étaient là, ils sont en faveur du projet. Dans plusieurs régions, l'IREC
est allé présenter son projet, et les producteurs
de ces régions-là, dans des assemblées ou des congrès annuels de secteurs,
étaient d'accord avec l'idée de la SADAQ.
Et, au dernier congrès général de l'UPA, M. Bilodeau l'a dit, le projet a été
présenté aux 400 congressistes du congrès général. Il y avait une
résolution qui avait été adoptée en atelier également qui demandait au
gouvernement de mettre en place des mesures qui s'apparentaient à une SADAQ ou
à une SAFER en France. Donc, oui, ça suscite des
questions. Et, je dirais, généralement, les producteurs reconnaissent qu'il y a
un problème au niveau de l'accaparement des terres, un problème au
niveau du prix des terres, et ils veulent que le gouvernement mette des
solutions en place, et l'idée de la SADAQ est ressortie assez clairement dans
une bonne partie de nos membres.
M.
Billette : Donc, c'est
une hypothèse parmi tant d'autres qui pourrait être développée en autant qu'il
y ait un outil pour freiner ça.
J'ai une
autre question également. Vous avez parlé des investisseurs tantôt, et c'est
une question que j'ai et que tout parlementaire et tout... c'est de faire
la différence entre un spéculateur et un agriculteur. Moi, je vais dire, c'est la grosse question à laquelle je ne peux pas
répondre. Exemple, M. Bilodeau a une compagnie, Québec 9525 inc., qui
se porte acquéreur de terres, il les
cultive. Est-ce que c'est un spéculateur ou un agriculteur? Vous parliez d'une
compagnie de transport tantôt. Si la
compagnie de transport, son promoteur décide de cultiver la ferme, d'avoir une rentabilité, c'est où on trace... Puis, il n'y a pas de pogne là-dedans, c'est juste pour m'éclairer,
c'est où on fait la différence... jusqu'où qu'on va pour faire la
différence entre un spéculateur et un producteur agricole? Je n'ai pas la
définition exacte d'où on tranche.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
En 30 secondes, M. Bilodeau.
M.
Bilodeau (Denis) : En
30 secondes, c'est : Le prix payé nous donne quand même
un bon éclairage, tu sais. Quand même, là, tu sais, par rapport à l'achat
des terres, ça peut être à la marge. Je comprends qu'un producteur, mettons, qu'il
a 1 000 hectares puis qu'il en acquiert 150, 200, tu sais, il est capable
de l'absorber. Mais, quand on voit apparaître des offres d'achat qui font en
sorte que c'est... tu ne peux pas justifier ça par rapport à une notion de productivité agricole, tu sais, il n'y a pas une
production agricole qui va permettre de rentabiliser le coût d'achat, d'une
part. Et, quand l'argent qui va permettre de rembourser ça...
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Je m'excuse. En terminant, M. Bilodeau.
M.
Bilodeau (Denis) : …provient de l'extérieur de l'agriculture, c'est là que
ça fait en sorte qu'on sort nos producteurs
de la compétitivité pour l'acquisition de ces terres-là. C'est ça, la démarche,
là. Et c'est clair que ça peut être un producteur
agricole, sauf qu'à la base, tu sais, de la manière qu'il s'installe, il n'y a
pas un producteur d'alentour qui va être capable de compétitionner parce
que l'argent, elle vient de l'extérieur puis elle vient de s'investir en
agriculture.
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Merci.
M. Bilodeau
(Denis) : C'est les effets, là…
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Merci beaucoup.
Maintenant, je cède la parole au député de… Nicolet-Bécancour.
M.
Martel :
Merci, Mme la Présidente.
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Je vais y arriver.
M.
Martel :
Merci. Bonjour, M. Ross, M. Forest, en particulier M. Bilodeau. On a déjà eu à
travailler sur d'autres tribunes, et je lui porte une attention particulière
parce que je sais qu'il avait des intérêts dans le comté de Nicolet-Bécancour. Et je reconnais là votre
discours, M. Bilodeau, tout à fait pratique, pas dogmatique, puis j'aime
ça, vous entendre, puis j'aime ça, le mémoire que vous avez fait par rapport au
projet de loi qu'on étudie.
Moi,
j'avais deux questions. La première, c'est que vous mettez en première
recommandation de mettre toutes les ressources nécessaires à la CPTAQ.
Ce que je comprends dans cette première recommandation là... Parce que, moi, la lecture que je fais actuellement, le traitement
des demandes à la CPTAQ, il prend des délais qui deviennent, ma foi, presque inacceptables. Je voyais avant, là, le
traitement d'une demande, peut-être six mois. On est rendu à un an puis,
des fois, plus que ça. Est-ce que c'est le délai qui est à la base de la
motivation de mettre ça en premier?
M. Bilodeau
(Denis) : Non, moi… On comprend que oui, l'accumulation de dossiers et
peut-être un certain manque de ressources
font en sorte qu'il y a des retards occasionnés. Puis, aussi, on n'est pas dans
une préoccupation de dire qu'on demande au gouvernement de donner toutes
les ressources, on est conscients qu'il faut être assez raisonnés et raisonnables. Mais c'est surtout par rapport au
suivi. En tout cas, si on met en place des recommandations par rapport à
la commission, bon, la commission autorise à
partir de tel, tel critère et fait certaines recommandations ou certaines
mesures qui doivent se mettre en place pour faire en sorte que ça vienne
valider l'autorisation.
Et,
quand les ressources sont insuffisantes... En tout cas, on a comme l'impression
qu'au niveau des suivis, si on veut
atteindre un bon objectif par rapport à l'application de cette nouvelle loi là,
c'est clair qu'il devra avoir un certain suivi et c'est sous cet angle-là que, nous autres, ça nous préoccupe. En tout
cas, il faudrait s'assurer qu'à la limite on ait les gens en nombre, là,
pour réaliser un suivi. Sinon, bon, bien, on a une loi, mais tu t'en vas sur l'autoroute 20
à 140, il n'y a personne qui se fait arrêter, bien : «Good», on s'en va à
140. Tu sais, c'est ça, hein?
M.
Martel : Merci. L'autre question, c'est... Hier, je pense
que c'est le Conseil des entrepreneurs agricoles qui a fait la demande pour qu'on mette en priorité l'obligation
de mettre en culture les terres qui vont être acquises. Parce qu'on comprend qu'un des objectifs du projet de loi qu'on
étudie, c'est qu'on reste propriétaire, qu'on s'assure d'une certaine propriété de nos terres agricoles, mais aussi c'est
essayer de diminuer les spéculations. C'est un élément, entre autres. Et, par
rapport à l'obligation de mettre... Parce qu'il
y a beaucoup de pièges, hein, pour les terres qui ne sont pas mises en
agriculture. Des fois, on les achète,
on n'a pas le goût de les mettre en agriculture, on sait qu'elles sont bien
placées, puis on se dit : Bien, s'il
n'y a pas d'agriculture, on fait une demande
de dézonage, bien, le prix va augmenter beaucoup. Est-ce que
vous partagez cette demande-là qu'on mette ça vraiment en priorité, l'obligation
de mettre en culture les terres acquises comme ça?
• (16 heures) •
M. Bilodeau (Denis) : Bien, c'est sûr que... Puis on travaille sur cette question-là
dans un autre domaine, là, en ce qui
regarde toute l'utilisation des terres, et ça découle des réflexions des PDZA
aussi. Nous autres, on est très préoccupés de faire en sorte... Et c'est large comme réflexion aussi, ça nous amène à
dire : Bon, bien, l'intérêt à cultiver, le dynamisme régional, et
tout ça, tu sais, faire en sorte qu'on n'en ait pas, de terres en friche, au
Québec, qu'on décide… À un moment donné, si
la terre n'est vraiment pas propice à l'agriculture, puis il n'y a pas d'autre
utilisation, qu'on la reboise. Si elle est bonne pour l'agriculture,
bien, qu'on fasse de l'agriculture. Mais c'est l'entredeux qu'on ne recherche
pas.
Alors,
c'est clair que quelqu'un qui voudrait acquérir des terres, superficie x, et
les mettre en standby pour dire que...
Non, moi, je pense que ce critère-là devient très intéressant pour s'assurer qu'au
moins ce soit à des fins agricoles et qu'on développe l'agriculture, tu
sais. Moi, je pense que c'est primordial, et c'est pour ça aussi qu'on l'a
amené à quelque part comme suggestion de
dire que la commission devrait tenir compte de tous ces critères-là, de l'ensemble
des critères, pas nécessairement un en particulier. Et je pense qu'il y
a un lien entre chacun des critères qui fait en sorte que, si on acquiert des terres par rapport à un non-résident
qui vient investir au Québec, bien, dans le domaine de l'agriculture, il
faut que ce soit utilisé à des fins agricoles et forestières, c'est clair.
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Nous vous remercions pour votre exposé et la
période d'échange.
J'invite maintenant
la Coalition pour la souveraineté alimentaire à prendre place à la table, et je
suspends les travaux quelques minutes. Merci.
(Suspension de la séance à 16 h 2)
(Reprise à 16 h 5)
La
Présidente
(Mme Bouillé) : J'invite
donc les représentants de la Coalition pour la souveraineté
alimentaire. Bienvenue. Vous bénéficiez donc d'une période de 10 minutes pour
faire votre exposé — j'apprécierais
que vous présentiez la personne qui vous accompagne — qui
sera suivie d'un échange de 50 minutes avec le ministre et les membres de la
commission.
Coalition
pour la souveraineté alimentaire (CSA)
M. Paré
(Frédéric) : Très bien.
Merci beaucoup. Alors, Mme
la Présidente, M. le ministre, Mmes et MM. les parlementaires, merci
beaucoup de recevoir la Coalition pour la souveraineté alimentaire. D'entrée
de jeu, j'aimerais vous présenter Charlotte Perrollaz, qui est une
Niçoise en visite au Québec depuis un an et demi, qui poursuit des études de maîtrise en droit international à l'Université
de Sherbrooke et en politique internationale appliquée. Alors, elle est
en stage à la coalition jusqu'au mois de décembre qui vient.
Donc, j'aimerais d'abord préciser que la mission
de la coalition est de promouvoir les mesures publiques nationales et les ententes internationales visant le droit des peuples à
définir leurs politiques alimentaires et agricoles dans l'optique du respect des droits humains et du
droit des pays à fonder leur sécurité alimentaire nationale sur leurs
propres territoires et ressources.
Ceci étant
dit, ça me permet, tout de suite, de vous dire que le propos de la coalition
cet après-midi, ce n'est pas de rentrer
dans les fins détails ni même de la loi n° 46, pas plus, d'ailleurs, que
la loi sur la protection des territoires agricoles. Ce n'est pas l'expertise de la coalition de le
faire, on va davantage intervenir sur les grands principes, sur l'ancrage
entre ce que ce projet de loi fait puis la
dimension internationale ou les questions d'accaparement des terres à l'échelle
du monde.
Donc, les
plus de 80 organisations membres de la Coalition pour la souveraineté alimentaire acceptent de s'unir pour promouvoir la réhabilitation de l'espace
politique en vue d'une forte gouvernance de nos systèmes alimentaires
avant qu'ils n'échappent irrémédiablement au contrôle collectif. Il y a deux
ans, dans le cadre de son Petit-déjeuner du bon goût de la gouvernance offert au Parlementaire, la coalition
avait invité le représentant de l'organisation GRAIN afin qu'il décrive le phénomène de l'accaparement des terres
agricoles de par le monde. Le travail de recherche et de veille sur
cette question a d'ailleurs valu à GRAIN et
à son chercheur conférencier, Devlin Kuyek, le prix Nobel alternatif reçu cinq
jours plus tard à Stockholm.
En remontant à la source du
mouvement en faveur de la souveraineté alimentaire, nous remarquons qu'il est intiment lié au phénomène de l'accaparement des
terres agricoles. C'est au Brésil que le concept est né suite à la
création d'un mouvement de paysans, le Mouvement des paysans sans terre. En
1984, le mouvement prend forme en réponse aux expulsions et aux expropriations
de nombreux paysans brésiliens spoliés et privés de leurs terres par ce qu'on
appelle les grands propriétaires.
En mai dernier, le gouvernement
du Québec dévoilait sa nouvelle politique de souveraineté alimentaire. Cette nouvelle démarche s'inscrit, y décrit-on, dans la
volonté du gouvernement de définir les politiques agricoles et
alimentaires les mieux adaptées, compte tenu
du contexte social, environnemental et économique du Québec, de le faire le
plus possible en privilégiant l'approvisionnement
national sans exclure les exportations et en mettant en valeur ses propres
ressources.
La coalition, d'entrée de jeu, salue donc le
projet de loi n° 46, Loi modifiant la Loi sur l'acquisition de terres
agricoles par des non-résidents, puisque ce dernier s'inscrit avantageusement
dans cette logique de définition de nos propres politiques adaptées.
La crise financière et alimentaire de 2008 a
abouti à un intérêt soudain des investisseurs pour les terres arables à l'échelle
planétaire. Au cours des années 2008 et 2009, on compte qu'en cinq ans le
nombre de transactions annuelles a littéralement explosé, passant de
2,8 millions d'hectares à 8,3 millions d'hectares, ce qui signifie
une augmentation de presque 300 %.
Ces
investissements sont faits officiellement sous prétexte de permettre, par l'acquisition
de ces terres, de lutter contre la
famine et de garantir aux populations un accès à des denrées alimentaires.
Mais, un constat s'impose, environ deux
tiers des investisseurs fonciers étrangers dans les pays en développement
tendent à exporter tout ce qu'ils produisent sur ces terres. Quant à la réaction de nombreux autres acteurs à la
crise financière de 2008, le foncier
agricole est devenu une nouvelle source de placement très sûre donnant
lieu à des bénéfices pour l'industrie de la finance dans le contexte de la
grande volatilité et de l'insécurité des placements en bourse.
La loi n° 46
contribue donc au renforcement d'une gouvernance préventive conditionnée et
transparente en prenant en compte la nature de l'investisseur et l'aspect
quantitatif de l'acquisition des terres. Cette démarche s'inscrit dans une
logique de conservation de la souveraineté alimentaire afin de ne pas
reproduire les schémas catastrophiques de nombreux pays. Voir l'histogramme qui
se trouve dans votre document. Et je cède la parole à Mme Perrollaz.
• (16 h 10) •
Mme
Perrollaz (Charlotte) : Rappelons
que le Canada a signé de nombreux accords et traités internationaux
concernant directement ou indirectement les questions d'alimentation et d'agriculture.
On y retrouve différentes références au droit à l'alimentation, à la santé, au
travail décent ou au développement. Ces traités et accords ont une influence
directe sur nos politiques nationales selon les dispositifs de mise en oeuvre
qui y sont prévus et le sérieux qu'on leur accorde.
Le 4 décembre 1986, lors de son assemblée
générale, les États membres du Haut-Commissariat aux droits de l'homme ont convenu d'une déclaration, la
Déclaration sur le droit au développement. Je vais vous lire le premier
article, qui est très pertinent en ce qui concerne l'accaparement des terres.
«Le droit au développement
est un droit inaliénable de l'homme en vertu duquel toute personne humaine et tous les peuples ont le droit de participer et de
contribuer à un développement économique, social, culturel et politique
dans lequel tous les droits de l'homme et
toutes les libertés fondamentales puissent être pleinement réalisés, et de
bénéficier de ce développement.
«Le droit de l'homme au développement suppose
aussi la pleine réalisation du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, qui comprend, sous réserve des
dispositions pertinentes des deux pactes internationaux relatifs aux
droits de l'homme, l'exercice de leur droit inaliénable à la pleine
souveraineté sur toutes leurs richesses et leurs ressources naturelles.
«[...]Les
États doivent prendre, sur le plan national, toutes les mesures nécessaires
pour la réalisation du droit au développement
et ils assurent notamment l'égalité des chances de tous dans l'accès aux
ressources de base, à l'éducation, aux services de santé, à l'alimentation,
au logement, à l'emploi et à une répartition équitable du revenu.»
Le phénomène
de l'accaparement des terres comporte deux dimensions à prendre en compte afin
d'établir une gouvernance foncière préventive, conditionnée et
transparente. La première concerne le statut de l'investisseur, alors que la
deuxième relève, quant à elle, de l'aspect quantitatif des terres agricoles.
On l'a vu
précédemment, la terre agricole a pour certains une vocation purement
économique et financière. C'est en
cela que la gouvernance foncière devient indispensable. L'organisation GRAIN a
affirmé dans un rapport paru en août 2012 que, sur 416 cas d'accaparement
de terres identifiés, plus de la moitié, soit 228 cas, l'ont été en Afrique.
Alors que la plupart vanteront la qualité du
climat afin de justifier le choix de placement de leurs investissements, les
faits réels résident en l'absence de contraintes d'établissement et d'exploitation
des terres agricoles africaines, permettant alors aux investisseurs de mener
leurs opérations comme ils l'entendent.
La coalition
salue le renforcement des conditions d'obtention de terres agricoles par les
non-résidents prévu par le projet de
loi n° 46, exigeant alors que la personne ait résidé au moins 1 095
jours au cours des 48 mois précédant la date de l'acquisition d'une
terre agricole québécoise.
Selon une étude AGECO, les terres agricoles
québécoises peuvent être très attractives pour les investisseurs étrangers, puisque leur valeur a connu une
augmentation considérable depuis les années 90. Nous parlons d'une
croissance de 400 %. Ainsi, les terres québécoises ont rapporté au cours
des dernières années un rendement annuel de 9,1 %, ce qui est bien plus
que les rendements des bons du Trésor et bien moins risqué que la bourse.
La Banque
mondiale évaluait, quant à elle, en 2011, que l'accaparement des terres
agricoles à l'échelle planétaire s'étendait
sur 45 millions d'hectares en 2008 et 2009, soit la taille de la Suède ou
de la Californie. Il est raisonnable de croire à un lien entre l'acquisition par des non-résidents intéressés par l'exportation
et la faim dans les pays où ils investissent, d'autant plus que les deux tiers des acquisitions étrangères, comme on l'a
dit précédemment, sont destinées à l'exportation. Pour ça, vous avez un
tableau dans le mémoire qui explique bien ces liens.
Pour la
coalition, elle regarde les évolutions observées du phénomène d'accaparement
des terres. Le fait que le gouvernement
du Québec… enfin, que vous ayez limité la quantité de terres de toutes les
demandes d'acquisition qu'il pourrait recevoir d'une année à l'autre au
total et dans quelles conditions elles seraient reçues permet de préserver la souveraineté alimentaire du Québec. Par
conséquent, la limite d'acquisition des terres agricoles fixée à 1 000
hectares par année de la superficie totale de ces dernières va dans le sens d'une
gouvernance foncière préventive, conditionnée et transparente laissant le
Québec maître de son territoire.
M. Paré (Frédéric) : Je vais reprendre la
parole pour terminer sur trois commentaires ou bonifications que la coalition
pense seraient pertinents pour cette loi-là. Le phénomène de l'accaparement des
terres porte directement atteinte au droit
au développement. Le droit de l'homme au développement suppose aussi l'exercice
de leur droit inaliénable à la pleine
souveraineté sur toutes leurs richesses et leurs ressources naturelles. La
question des droits de l'homme est au coeur de l'accaparement des
terres, notamment le droit au travail décent. La FAO compte actuellement plus
de 129 millions de filles et de garçons
qui ont entre cinq et 17 ans et qui se consacrent à l'élevage ou à la
production vivrière. Ainsi, les
investisseurs promettent aux populations locales une vie meilleure, alors qu'en
espèce on n'a jamais été dans une situation aussi inquiétante.
Toutes les constatations de violation des droits
de l'homme ont amené le rapporteur spécial des Nations unies pour l'alimentation, M. Olivier De Schutter,
à demander au Conseil des droits de l'homme de reconnaître le droit à la
terre en tant que droit de l'homme à part entière. On a presque terminé. La
coalition demande donc au gouvernement du Québec
que le projet de loi n° 46, Loi modifiant la Loi sur l'acquisition de
terres par des non-résidents, fasse clairement référence au droit de l'homme
posé par la question du foncier.
Deuxième élément, la régulation du foncier pour
les résidents. Afin de mieux appréhender le phénomène de l'accaparement des
terres dans son ensemble et de préserver la souveraineté alimentaire du Québec,
le gouvernement devrait prendre en compte dans ses lois futures de la mutation
du phénomène vers les résidents. Au Canada, et plus particulièrement au Québec, de nouvelles méthodes d'acquisition de
terres agricoles ont vu le jour. En effet, comme l'a démontré le rapport de l'Institut de recherche en
économie contemporaine, les nouveaux fonds d'investissement canadiens tels qu'Agriterra prévoient de générer des
rendements à long terme provenant des revenus de location et de l'augmentation
de la valeur des terres. Les paysans propriétaires seraient alors relégués au
rang de simples locataires. Au cours de l'année 2011-2012, la Banque Nationale
du Canada a acheté au Lac-Saint-Jean 277 hectares auprès d'une dizaine d'agriculteurs,
créant du coup une propriété 30 fois plus grande que la ferme québécoise
moyenne. Ces nouvelles méthodes développées
par des nouveaux propriétaires plus intéressés par le profit que par le monde
agricole nécessitent un cadre
législatif spécifique dans le but de s'assurer que les producteurs agricoles et
la relève aient accès à la propriété des terres dans le futur.
La
coalition ne statue pas sur la manière dont cette régulation du foncier pour
les résidents devrait s'exercer, d'autres organisations le font avec beaucoup d'expertise.
Mais les questions de la concentration économique, donc la quantité des terres
détenues, et le prix des terres…
La
Présidente
(Mme Bouillé) : En conclusion.
M. Paré (Frédéric)
: …devraient être traités.
Et
finalement — je vais
le dire dans mes mots pour que ça soit un petit peu plus court — on aimerait, dans le fond, que cette question de la régulation du foncier
soit accompagnée d'une réflexion par le gouvernement sur la question de
la régulation du commerce des aliments. Et le propos derrière ça, c'est que, s'il
y a une telle pression sur le foncier, sur la
question foncière, sur les terres agricoles, c'est parce qu'aussi il y a une
pression puis il y a un intérêt à concentrer les économies sur les denrées agricoles produites. C'est pour nous deux
questions intimement liées, et le gouvernement du Québec, comme on l'a fait avec le cas de la
culture, devrait briller par l'exemple et trouver une manière de procurer
aux aliments un statut particulier de sorte d'enlever un peu de pression sur le
foncier, sur la valeur ou la marchandisation du foncier.
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Merci beaucoup, M. Paré et
Mme Perrollaz. Vous aurez, de toute façon, l'occasion, là, dans les
prochaines minutes de donner plus de détails sur votre position lors de l'échange.
Donc, on va commencer la période d'échange avec vous en commençant par le
ministre.
• (16 h 20) •
M.
Gendron : Alors, M. Paré et Mme Perrollaz, c'est
tout un honneur d'avoir l'occasion de vous avoir à l'intérieur de nos
murs parce que, d'entrée de jeu, d'abord, vous avez salué le projet de loi
comme tel tout en ayant la sagesse, selon
moi, de dire : Bien, nous, on n'ira pas sur les articles comme tels puis
le détail du projet de loi. Par contre, l'objectif qui est visé correspond, depuis sûrement plusieurs
années avant nous, même, à nos paramètres de base, de fondation. Moi, je
n'ai pas la connaissance que vous avez de
votre instance, mais j'ai eu l'occasion d'aller jaser avec la FAO à Rome
lors de mon voyage en Italie, et c'est sûr qu'on a la chance d'avoir ce qu'on appelle
une instance où ses paramètres puis ses objectifs
sont de l'ordre planétaire plutôt que strictement notre réalité québécoise. Et
c'est toujours intéressant d'avoir une perspective beaucoup plus large
que strictement ce sur quoi on souhaitait avoir des avis, et c'est pour ça que
je salue quand même votre présence, et on est heureux d'avoir votre
contribution.
Moi, je vais prendre
connaissance davantage du mémoire que vous avez produit et je ne suis jamais
mal à l'aise, là, de dire — j'en cite juste un, là : «Il faut
rappeler que la disponibilité de la terre vient en tête des principaux
facteurs de production indispensables aux activités d'agriculture, puis…» Après
ça, bien, il y a du découlant. Alors, si on se rappelle de ça, il y a une légitimité à vouloir restreindre l'accaparement
le plus possible par des tiers pleins de vertu, je n'en disconviens pas, mais qui auraient peut-être
des velléités de prendre ça plus gros qu'on le souhaite, davantage d'opérer un glissement locataires plutôt que propriétaires.
Alors, on arrive toujours à la conviction que plus on aura de
propriétaires de nos sols, puis que c'est
des Québécois institutionnalisés, si vous me permettez l'expression, dans le
sens qu'ils sont ici depuis longtemps
puis ils font partie des régions puis de la culture régionale ou du Québec,
bien, ça risque d'éloigner la crainte légitime que vous aviez ou que
vous énonciez, là, de la spéculation ou de tentatives toujours
intégrationnistes poussées, si vous me permettez l'expression, pour ne pas
aller dans tous les genres.
Cependant,
mettez-vous à notre place, ce n'est pas évident de dire : On est heureux
de les recevoir, ils n'ont pas tellement
d'opinions sur le projet de loi qui est sur la table. Donc, je peux bien poser
toutes sortes de questions, alors que nous,
on souhaitait… Et, il n'y a pas de blâme, il n'y a pas de problème, on va
trouver pareil la façon d'échanger, puis j'en suis très heureux que vous soyez là. Alors, allons-y tout de suite, une
première question. Vous ne l'avez pas déployé, mais on sent que, vous, il n'y a aucun doute dans votre
esprit sur la pertinence d'agir comme législateur sur la réalité de la
notion d'accaparement. Est-ce que je me trompe avec un tel jugement que je
viens de prononcer?
M. Paré (Frédéric) : Non, du tout. On pense même que c'est une responsabilité d'État de le
faire parce qu'on est devant un bien public qui conduit à la production
des aliments, qui s'adonne à être un besoin fondamental. Donc, s'il y a un secteur où l'intérêt public est en cause, c'est
bien celui-là, comme celui de l'eau, ou les soins de santé, ou… On n'est
pas dans le téléphone cellulaire ou dans le téléviseur à écran plat, là, on est
dans l'alimentation des populations du monde puis de celle du Québec.
M.
Gendron :
J'apprécie. Deuxièmement, mais, dans la même lignée, vous êtes probablement
conscients qu'il y a des gens qui ont fait
toutes sortes d'études, pas mal d'argent de dépensé pour dire que le problème,
il n'est pas grave, il n'est pas
urgent, le problème n'est pas apparent. Vous avez sûrement entendu ça parce que
moi, je ne sais pas… Où vous demeurez, vous?
M. Paré (Frédéric)
: Moi, j'habite à Mont-Saint-Hilaire.
M.
Gendron :
Ah bon. Donc, vous êtes chez nous, comme tout le monde. Donc, vous avez
sûrement entendu parler que, la prétention
de certains, bien, le problème n'est pas si grave que ça. On a essayé de monter
quelque chose avec ça, et c'est
peut-être bien inutile, on légifère sur des choses qui ne sont pas nécessaires.
Alors, ce n'est sûrement pas votre point de vue?
M. Paré (Frédéric) : Non, pas du tout. Je pense que l'État a une
responsabilité préventive à cet égard-là puis je pense qu'on fait dans
la sagesse préventive par ce projet de loi là. Donc, non, je pense que c'est
très heureux qu'on le prévienne, d'autant qu'il
y a moins d'une année c'est la FAO, avec son comité sur la sécurité
alimentaire, qui adoptait des mesures…
on appelle ça des directives volontaires en matière de foncier, de gestion du
foncier. Donc, c'est une préoccupation qui est mondiale, puis, avant que
ça nous rattrape comme ailleurs sur la planète, bien, on est mieux de prévenir
les problèmes.
M.
Gendron : Et il y a des gens — puis là ça va être mon dernier point
là-dessus — qui sont
venus nous dire : Bien, ça serait
peut-être plus important de développer une connaissance beaucoup plus fine du
phénomène d'accaparement des terres en statistiques, en… pourquoi ils
ont des intentions de venir s'accaparer de nos terres, essayer de fouiller
davantage uniquement le sujet. Encore là, vous ne semblez pas être de cet
avis-là.
Lorsqu'un
législateur a une responsabilité dans les grandes orientations d'une société,
il a le droit de prétendre que ce n'est pas quand le problème aura pris
de l'ampleur et que ça soit plus difficile… qu'il n'y a pas lieu de donner des
signaux on ne peut plus clairs de la volonté gouvernementale de donner une
direction, une orientation, en disant : Nous,
les étrangers, ils sont les bienvenus ici s'ils font des productions qui
correspondent à nos valeurs, qu'ils sont enlignés par rapport à la réalité de nos sols et qu'ils ne
viennent pas uniquement se porter acquéreurs pour des fins de
spéculation, compte tenu que… Pensez-vous qu'on
ne le sait pas que ça peut être attrayant, ça, pour n'importe qui qui voit la
valeur foncière augmenter assez rapidement,
de dire : Bien, ça pourrait être un bon placement dans 15, 20 ans, là,
genre, devenir des peintures, des
tableaux… pour faire de la spéculation, alors que vous avez, vous autres, des
préoccupations liées… excessivement proches de la réalité de garantir
une alimentation de qualité au plus grand nombre de citoyens de la terre? Parce que votre dimension est planétaire.
Donc, en conséquence, si on regarde davantage nos sols pour cet
objectif-là, bien, que ça soit peu, beaucoup, passionnément en termes d'impact,
c'est une bonne logique que le législateur…
Chez
nous, là, les terres, là, ce n'est pas de la spéculation qu'on veut, c'est des
activités agricoles. C'est de même que vous comprenez l'intérêt du
projet de loi qu'on dépose, indépendamment que vous n'avez pas commenté chacun
des articles puis les détails. Est-ce que je lis bien votre pensée?
M. Paré (Frédéric) : Oui, oui, tout à fait. Je pense que, dans votre commentaire, question,
il y avait aussi l'idée : Est-ce que
c'est mieux de… Est-ce qu'il faudrait d'abord analyser, puis fouiller la
question, puis bien la décortiquer pour la comprendre avant de réguler? Moi, je pense que l'un n'empêche pas l'autre,
je pense qu'il faut réguler et bien connaître le phénomène. Ça ne m'apparaît pas du tout contradictoire. Au contraire, c'est
plutôt complémentaire, puis ça permet de mettre à jour de temps à autre la régulation si on veut s'assurer, là,
qu'elle colle à la réalité. Donc, c'est complémentaire.
M.
Gendron : Bien, en tout cas, moi, je peux vous dire, là, que
je suis pas mal de votre avis. Une question d'ordre plus général, par exemple… Et là c'est juste,
encore là, par expérience que vous avez que je n'ai peut-être pas, là.
Quand vous souhaitez que le projet de loi n° 46, là, inclue une disposition,
là, où formellement on inscrirait ce qu'on appelle la promotion des droits de l'homme, j'essaie juste de comprendre. De l'inscrire,
je n'ai pas de trouble à saisir ça. Mon problème, c'est : Ça serait quoi, le lien de l'inscrire par rapport
à la réalité de l'instance qui aura la responsabilité d'en assurer son suivi, son vécu? Là, je ne suis pas capable de
voir, qu'il soit inscrit ou pas, comment la CPTAQ pourra faire cette relation entre une inscription dans ce projet de
loi là liée à ce qu'on appelle la notion de promotion des droits de l'homme…
Et, moi, ce n'est pas parce que je suis en
désaccord, je ne suis pas capable de saisir d'aucune façon le lien ou la
capacité…
On dit : Le
législateur ne peut pas parler pour ne rien dire, et là j'aurais l'impression
qu'il parle pour ne rien dire. Pas sur l'orientation,
mais sur la capacité de donner suite à cette noble et digne… On n'est pas dans
la définition d'un préambule d'une
charte internationale ou mondiale qui établit une série de principes en
disant : Bien là, ça, c'est juste ce qu'on appelle le corridor de
conditionnement avant de faire une application d'une législation. Parce que j'ai
sorti un peu puis j'en ai vu quelques-unes
ailleurs. Donc, je ne suis pas capable de voir pourquoi vous avez le goût
pareil de nous dire : Non, non,
moi, j'y tiens, j'aimerais ça que vous regardiez la possibilité concrète, là, d'écrire
en quelque part dans un article un
attachement à la question des droits humains ou des droits de l'homme eu égard
au phénomène de l'alimentation.
M. Paré (Frédéric) : Bien, je pense que, dans le projet de loi n° 46, il y a un énoncé
de critères, ou de… il y a certains critères qui sont énoncés, quatre ou
cinq, je crois…
M.
Gendron :
C'est cinq, oui.
M. Paré (Frédéric)
: …qui devraient guider l'appréciation dans les dossiers de demandes d'achat.
Moi, je ne suis pas un juriste puis je ne suis pas un spécialiste de l'architecture
du droit puis de la rédaction des lois, mais, s'il y a des critères là,
peut-être qu'un tel critère pourrait être rajouté à cet endroit-là. Peut-être
que c'est plus dans un préambule, mais j'entends bien, là, que ce n'est pas une
convention internationale dont on parle.
Mais là vous me posez
une bonne question, à savoir quel effet ça peut avoir sur le gestionnaire, là,
c'est une excellente question. Mais
peut-être que, si c'était rajouté, donc, dans les critères, cette idée qu'il y
a une préoccupation de s'assurer que la manière dont c'est opéré puis la
manière dont sont répartis les 1 000 hectares en question devrait tenir compte de principes ou de critères référant
aux droits de l'homme… je ne sais pas comment ça peut être formulé, là, mais pour que le plus grand nombre en profite,
pour que, je ne sais pas, moi, les régions en profitent, pour qu'on ait
cette sensibilité qui se trouve dans les textes internationaux. Mais…
M.
Gendron : Vous
déployez…
M.
Paré (Frédéric) : …c'est une bonne question.
M.
Gendron : Non, non, mais ça nous permet de… j'appelle
élargir nos horizons quand on a la chance d'avoir des gens qui ont
traité des questions plus larges que juste notre réalité.
Vous
aviez l'air également à insister sur toute la question des violations que vous
avez appelées… à un moment donné, là, observées lors des accaparements.
Là, j'aimerais ça avoir un peu plus de détails, pourquoi qu'il y aurait davantage de violations des droits humains par le
biais d'un accaparement pour… J'ai de la misère à voir, là, pourquoi que vous faites rapidement ce lien-là. De quel
type de violations, liées à ce que j'appellerais aux travailleurs et
travailleuses qui, éventuellement, auraient
à oeuvrer sur ces terres-là? Est-ce que ça va jusque-là? Parce que nous, ici,
au Québec, vous savez comment ça marche, on légifère ça par un autre
cadre législatif qui est conditions minimales de travail, ou la question de la syndicalisation ou pas, ou peu
importe, les normes minimales de travail, peu importe. Sur une ferme, ça
existe, ça, des normes minimales de travail
pour contrer les malveillances ou les comportements indignes eu égard
aux travailleurs, travailleuses.
Donc,
je ne peux pas voir, là, quelqu'un de l'étranger se décide d'acquérir davantage
de terres, en quoi il y aurait une ouverture plus grande sur la réalité
que vous décrivez, à savoir que ça, ça crée des violations plus massives des
droits humains.
• (16 h 30) •
M. Paré (Frédéric) : Non, c'est sûr que le Québec est une société démocratique, une société
de droit. On a tout un filet social, toute une armature de droits qui
protègent les travailleurs, qui protègent les propriétaires. Donc, on n'est pas dans une situation comme en Afrique, où,
de connivence avec l'État, des grands fonds d'investissement ou des grandes entreprises pourraient s'accaparer des
dizaines de milliers d'hectares puis en évacuer les paysans qui les
cultivaient sur du droit coutumier. On n'est pas du tout dans cette réalité-là,
de sorte que la question de la violation des droits fondamentaux des personnes
se pose moins ici certainement parce que je pense qu'on a des lois, puis des
règlements, puis des mesures publiques qui protègent ces droits-là. Voilà.
M.
Gendron :
Madame veut ajouter? Oui, madame.
Mme Perrollaz
(Charlotte) : Ça reste dans la logique préventive du projet de loi. Enfin,
nous, pour une gouvernance préventive… C'est vrai que, pour nous, on a pu
remarquer que les dérives, elles étaient économiques et humanitaires. Et, dans cette logique de prévention là, il y a beaucoup
de droits de l'homme qui peuvent être violés par l'accaparement des terres. On a le droit à l'alimentation. Est-ce que
ces gens-là n'ont plus accès à leurs terres et ne peuvent plus consommer
les denrées alimentaires qui sont produites sur ces terres, puisqu'elles vouées
à l'exportation? Donc, le droit à l'alimentation est un petit peu mis à mal.
Ensuite, on a le droit au développement, puisqu'ils n'ont plus accès à leurs
ressources et à leurs richesses naturelles, choses auxquelles ils ont droit.
Enfin, il y a plusieurs droits. On a
remarqué ces dérives-là, et c'est vrai que, pour nous, dans cette logique de
prévention, c'était logique de demander à ce que ce soit une référence.
M.
Gendron : Oui, merci. C'est sûr que vous avez indiqué d'entrée
de jeu, là, que vous ne vouliez pas intervenir dans votre présentation sur des détails, et il faut respecter ça, mais j'aimerais
ça, puisqu'on a la chance de vous avoir… Qu'est-ce que ça vous dit, ça, un plafond limitatif, là, à peu près, de
1 000 hectares sur une base annuelle pour les étrangers? Vous devez comprendre que, si on fait ça, c'est
justement pour donner plus de garanties qu'on va conserver un beaucoup
plus grand pourcentage de propriétaires fonciers que de locataires fonciers en
étant très minutieux sur le volume de terres
annuel. J'espère que vous avez bien saisi, dans le projet de loi, que c'est
1 000, total, par année, 1 000 hectares par année pour les
acquéreurs éventuels, résidents étrangers. Ce n'est pas la grandeur du projet.
Nous autres, on dit : On met 1 000, par année, hectares à la
disposition d'investisseurs étrangers.
Alors,
est-ce que vous avez quand même des opinions là-dessus? Est-ce que ça vous
tente de nous donner des indications? Est-ce que vous seriez plus
généreux que nous ou plus sévères que nous sur la limitation?
M. Paré (Frédéric)
: Ça aurait été écrit 2 000, puis on aurait probablement été d'accord.
Ou ça aurait été écrit 500, puis on aurait sans doute aussi été d'accord. Je
pense que l'important, c'est qu'il y ait une limite, c'est surtout ça qui compte. Est-ce que 1 000
hectares sur les 2 % de territoire agricole du Québec, compte tenu de sa
superficie… est-ce que c'est raisonnable? Je ne suis pas placé pour le dire,
mais, encore une fois, ce qui compte, c'est qu'il y ait une limite puis qu'il y
ait des conditions aussi qui soient associées à ça aussi.
M.
Gendron :
Bien, moi, j'apprécie le fait que vous mentionnez qu'effectivement la logique
de ça… Oui, on pourrait s'obstiner sur le
quantum, mais c'est clair que ce qu'on visait davantage, c'est une limite, Et
on ne l'a pas tirée de notre chapeau,
là. Quand on fera l'article par article, on sera en mesure de détailler
davantage. Moi, ça ne me tente pas de soulever
des litiges où il n'y en a pas, mais je suis content que vous indiquiez que,
très clairement, l'important, c'était d'avoir une limite.
Mon collègue voudrait
poser une courte question.
La
Présidente
(Mme Bouillé) : M. le député de Roberval.
M.
Trottier : Oui. Merci beaucoup pour votre témoignage. J'ai assisté, il y a quelque
temps, à une présentation que vous avez faite, justement, sur l'accaparation
des terres au niveau mondial. Ça avait allumé quelque chose, comme on dit, puis on voit que
c'est un phénomène, là, qui n'est pas terminé, loin de là. Mais est-ce que
vous auriez des exemples de pays qui ont fait des législations qui, on
pourrait dire, sont porteuses d'avenir? Puis est-ce que vous pourriez nous
donner des exemples dont on pourrait s'inspirer éventuellement?
Mme Perrollaz (Charlotte) : J'ai vu plusieurs textes… Je ne saurais plus vous citer les
auteurs, honnêtement, on en a vu tellement, mais qui disaient que les lois comme celle qui était prévue par le Québec
allaient dans le sens, en tout
cas,
des directives de la FAO pour une gouvernance responsable, qui prévoient, en
fait, ce que peut être une gouvernance déficiente,
défaillante et une gouvernance responsable, et c'est vrai que la loi du Québec s'inscrivait
dans la gouvernance responsable.
Après,
les exemples pour les gouvernances défaillantes, je pense que c'est surtout l'Afrique.
On le sait qu'ils ont un gros problème de gouvernance foncière, de
gouvernance tout court. Donc, c'est vrai que, quand on voit les... Enfin, il y a plusieurs
données dans le mémoire. C'est vrai qu'on voit qu'ils ont énormément...
Ils ont, des fois, 16 % de leur
territoire qui appartient à des étrangers, avec un taux, un pourcentage de
sous-alimentation de 14 %, ce qui est énorme. Et c'est vrai que c'est, voilà, gouvernance défaillante et gouvernance
responsable, et c'est les deux exemples qu'on peut vous donner, là. Voilà. Mais, concrètement, il n'y a
pas beaucoup de données sur... Et puis les États ne sont pas encore
prêts, vraiment, à légiférer là-dessus. Donc, c'est vrai que c'est assez
difficilement trouvé.
M. Trottier :
Autrement dit, il y a beaucoup de gens qui sont préoccupés par le phénomène,
mais il n'y a pas encore vraiment
d'actions concrètes. Puis c'est sûr que les pays qui sont peut-être
les plus mal pris, entre guillemets, on pourrait dire, laissent la porte ouverte. Puis c'est sûr qu'à ce moment-là, quand les spéculateurs ou, on pourrait dire, les grandes
organisations ont besoin… bien, ils commencent par ces pays-là parce que c'est
là que c'est le plus facile, c'est là que c'est le moins cher puis...
Mme Perrollaz
(Charlotte) : Puis il y a moins de transparence.
M.
Trottier : Mais, comme
on dit, il ne faut pas attendre d'être pognés avec le problème pour être
capables de réagir, mais... Ça fait qu'autrement dit ce que vous nous
dites, c'est : On est sur la bonne voie, puis on risque d'être plus un
leader qu'un suiveux là-dedans? Bien, c'est bien.
M. Paré (Frédéric)
: Je pense que c'est pas mal, ça.
Mme Perrollaz
(Charlotte) : Oui.
La
Présidente
(Mme Bouillé) : M. le ministre.
M.
Gendron :
Ça va. Bien, écoutez, moi, ça me satisfait. Je sais qu'il nous restait un peu
de temps, mais j'ai complété les éléments sur lesquels je voulais attirer votre
attention et nous nourrir davantage. Alors, je vous remercie beaucoup. Très
heureux d'avoir eu l'occasion de faire ce court échange avec vous. Merci.
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Merci. Moi, j'aurais une question. À la page 4 de
votre mémoire, vous parlez : «Un
constat s'impose, "environ deux tiers des investisseurs fonciers étrangers
dans les pays en développement
tendent à exporter tout ce qu'ils produisent [de] leurs terres".» Puis on
a plein de cas, particulièrement en Afrique, là, et... Puis là vous
dites : «Ainsi, la réalité est tout autre, puisque l'acquisition des
terres n'est désormais qu'une simple stratégie d'approvisionnement par des
gouvernements…»
Il
y a une base, au Québec, d'organisations de mise en marché des produits
agricoles qui sont basées sur les coûts de production, par exemple, donc
un prix décent aux producteurs qui couvre au moins leurs coûts de production.
Avez-vous des inquiétudes par rapport à ça,
un investisseur étranger, par exemple, qui viendrait et qui soit n'est pas
habitué à la mise en marché collective ou à couvrir les coûts de production, au
moins, comme base de prix?
M. Paré (Frédéric)
: Que ces personnes n'adhèrent pas à cette idée ou que...
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Oui, qu'ils n'adhèrent
pas, qu'ils ne sont pas habitués avec ce principe-là, alors qu'au Québec
toute l'organisation de la mise en marché est basée sur ça, là.
M. Paré (Frédéric)
: C'est une très bonne question. J'imagine, là, que c'est...
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Merci.
M. Paré (Frédéric)
: ...derrière cette question, il y a la culture des personnes arrivantes.
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Avez-vous des inquiétudes face à ça, vous?
M. Paré (Frédéric)
: Moi, je n'en vois pas. Il faudrait que j'y pense, là.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
O.K. Madame?
M. Paré (Frédéric) :
C'est une excellente question.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
O.K. Parfait. M. le député...
M. Paré (Frédéric) : Je ne sais pas si
tous les pays ont un rapport égal ou semblable à la mise en marché collective
ou au fait collectif, mais je pense qu'ici, au Québec, c'est clairement une
valeur, hein? Si on regarde un peu l'histoire
coopérative, l'histoire syndicale, c'est des mouvements très forts en agriculture, c'est des réflexes très,
très forts. Je ne crois pas qu'il y ait beaucoup d'égal dans d'autres pays.
Donc, je pense que c'est une bonne question, mais il faudrait y réfléchir.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Réfléchissez-y. M. le député de Huntingdon.
M.
Billette : Merci
beaucoup. Je vous souhaite, premièrement, la bienvenue ici, à ce... Je pense, c'est un exercice qui s'impose pour pouvoir avoir la meilleure législation, la plus efficace, la plus efficiente également sur le terrain
sur un projet, je vais vous dire, de loi qui
vous touche encore plus près. On connaît tous la Coalition de souveraineté alimentaire, ça a même inspiré le ministre
pour sa politique. Mais, au moins, je vois que l'or vert, qui sonne
comme le livre vert… à ce moment-là, donc, vous allez toucher les deux
côtés de la médaille.
Mais, plus sérieusement, j'ai trouvé ça intéressant, votre présentation. Premièrement, on connaît le fondement même,
l'histoire qui part du Brésil, qui a fait en sorte que la Coalition pour la souveraineté alimentaire a pris place.
Je pense que c'est un projet de loi qui vous interpelle de façon directe, c'est
la base même de votre existence. Et, juste pour démêler un petit peu… Parce que, je vois, là — on a reçu le groupe de l'Union des
producteurs agricoles tantôt — je vois que vous avez exactement la
même adresse sur le boulevard Roland-Therrien, le président de l'UPA, et je ne
sais pas si c'est de facto ou… C'est quoi, le lien avec l'Union des producteurs
agricoles et votre groupe?
• (16 h 40) •
M. Paré
(Frédéric) : La Coalition pour la
souveraineté alimentaire est constituée en OBNL à charte
fédérale. Elle regroupe 80 organisations dont la moitié sont des organisations
agricoles, la plupart, presque toutes, membres de l'Union des producteurs agricoles, mais pas toutes. Il y a, par exemple,
l'Union des cultivateurs franco-ontariens, il y a Les Producteurs laitiers du Canada, les
Producteurs de poulet du Canada. Donc, il y a certaines organisations
agricoles qui ne sont pas affiliées à l'Union des producteurs agricoles.
Le conseil d'administration de la coalition est
constitué, à parts égales, de trois sièges par collège électoral. Il y a un collège électoral qui est réservé aux
organisations agricoles. Donc, bien que la moitié des organisations
membres de la coalition sont des
organisations agricoles, les organisations agricoles composent le quart du
conseil d'administration. Il y a un
collège qui est réservé aux autres organisations qu'on appelle d'opérateurs
économiques, ici des transformateurs, les détaillants, par exemple la Fédération des coops d'alimentation du
Québec, les coopératives comme Agropur, La Coop fédérée. Il y a un autre collège qui est réservé aux organisations
consuméristes en sécurité alimentaire, environnementale comme Équiterre, Option Consommateurs. Et,
finalement, il y a un collège qui est réservé à des organisations qui ne
font pas de ces questions agricoles et alimentaires leur quotidien, mais qui s'y
intéressent comme, par exemple, les grands syndicats,
le Syndicat de la fonction publique du Québec, la CSN, la CSD, la CSQ, le
Chantier de l'économie sociale, et ainsi
de suite. Donc, toutes ces organisations sont organisées comme ça en conseils d'administration
qui se rencontrent quatre ou cinq fois par année.
M.
Billette : C'est
intéressant parce que, je veux dire, on vous rencontre souvent dans vos
activités, que ce soit au congrès,
avec le déjeuner qu'on a à chaque année, mais je pense que c'est
important de connaître bien à qui on s'adresse pour savoir également d'où vous venez et où vous vous en allez également. Puis, je suis obligé de citer
votre mémoire, je pense qu'il y a un
travail fastidieux qui a été fait pour réaliser ce mémoire-là. Et vous parlez
beaucoup de l'historique, un petit
peu ce qu'on voit également se produire beaucoup au niveau des pays africains.
Vous parlez du Mali, je pense, qui était un exemple le plus frappant
lorsque j'ai lu votre mémoire, où presque tout ce qui est produit par les gens
qui ont acheté des fermes est exporté, je crois, parce que je ne l'ai pas en
couleurs, malheureusement.
Mais, si on
regarde ici, au niveau du Québec, c'est une réalité, quand même, que la
perception des gens qui est très différente
de ces pays-là, c'est un pays industrialisé, et, selon vous… Puis, je vous pose
la question, personne n'a une boule magique non plus ou des diseurs de
bonne aventure, mais la réalité, c'est : En 1979, si on n'avait pas eu la
Loi sur la protection du territoire agricole et, surtout, la loi sur les
non-résidents, d'acquisition des terres par les non-résidents, est-ce que c'est un phénomène qui aurait pu se
produire ici, selon vous? Parce qu'on le voit, la plupart des études l'ont
dit, M. le ministre l'a dit tantôt, la
plupart des études le confirment qu'il n'y a pas de réalité d'accaparement des
terres par les étrangers ici, au
Québec. Si on n'avait pas eu ces deux lois-là, c'est-u une réalité avec
laquelle on aurait pu vivre aujourd'hui?
M. Paré (Frédéric) : Bien, si on regarde,
en tout cas, l'augmentation de la valeur des terres puis si on se fiait à cette statistique-là, bien on aurait des raisons importantes
de le croire. Puis le cas de l'Afrique nous renseigne aussi sur cette question-là, puisque ce n'est pas
tellement pour son climat peut-être plus favorable que le nôtre autant que pour
le manque d'encadrement que l'accaparement s'est produit là-bas. Donc, il n'y a
pas de raison de croire que, si on n'avait pas eu ces législations-là, ça ne se
serait pas passé ici, là.
Juste avant, je crois, là… Je ne suis pas un
spécialiste de la question, mais, dans les années 76, 75, avec les Jeux olympiques qu'on a organisés, moi, j'ai
souvent entendu que des étrangers avaient acheté des lots de terre juste
avant l'entrée en vigueur de cette loi-là puis que ces lots-là sont restés en
friche longtemps, longtemps, longtemps, jusqu'à des
opérations de démembrement ou de remembrement par des municipalités où elles se
trouvaient. Donc, c'est grâce à cette loi-là
que j'allais dire qu'elles sont restées
en friche, mais que, finalement, elles ont été remembrées. Donc, ça justifie — votre
question — ça
justifie le traitement préventif ou la pertinence de prévenir ici, ce que ce projet de loi là fait.
M.
Billette : J'ai une question. Vous parlez beaucoup de l'augmentation des terres, du prix des terres actuellement, que ce soit au Québec, au Canada,
aux États-Unis, un
petit peu partout, et la question
qu'on peut se poser actuellement, et tout
le monde se la pose : Comment qu'on
peut quand même aller chercher une rentabilité en ayant un actif
qui est l'outil de travail d'un agriculteur, qui est la terre en tant
que telle? C'est un produit de base qui en émerge à ce moment-là, et la question
que je me pose... J'ai posé la question hier, puis, la question, je n'ai pas la
réponse, c'est aussi simple que ça, puis je
vous la pose : Est-ce que notre manière de financer les actifs agricoles,
souvent basée sur une valeur, autrement dit, les prêteurs de sommes d'argent,
que ça soit La Financière
agricole du Québec, que ça soit
Financement Canada, qui basent ça uniquement sur une valeur au lieu d'une
rentabilité d'un projet, ne pourrait pas causer un problème au niveau de
l'augmentation des terres?
Parce que,
souvent, lorsqu'on va partir une entreprise... Dans une autre vie, j'ai été
dans le démarrage d'entreprises, et
on disait souvent : On fait un plan d'affaires, on regarde la rentabilité,
on évalue à ce moment-là sur la rentabilité. Est-ce que vous pensez qu'on a peut-être laissé la notion
au niveau financier, du côté rentabilité versus un prix sur des
garanties, qu'on est devenus beaucoup plus… au niveau des organismes de
financement, qui relèvent quand même des paliers gouvernementaux, peut-être
moins un petit peu de la FCA, FarmCredit, mais au niveau de La Financière
agricole, qu'on y va beaucoup plus sur des garanties sur l'actif que sur la
rentabilité d'un projet en tant que tel?
M. Paré (Frédéric) : C'est un point de
vue qui est intéressant, mais, en même temps, j'ai l'impression que les producteurs agricoles ont pu profiter d'une
certaine façon… puis ont pu se développer par des emprunts fondés ou
basés sur des garanties sur des actifs qui prenaient de la valeur. Donc, il n'y
a probablement pas que du mauvais dans cette manière
de voir les choses, mais ça a aussi l'effet pervers que vous nommez qui est l'augmentation
du prix des terres, là, qui n'est comme pas jugulée ou qui n'est comme
pas contenue. Donc, je ne suis pas un spécialiste de cette question-là, mais votre proposition, me semble... ça tient,
mais, en même temps, je pense qu'il y a comme la contrepartie, que ça
permet à des producteurs d'emprunter, là, sur des valeurs puis de développer
leur exploitation.
M.
Billette : O.K. Une
autre question pour vous. Si on retourne à votre mémoire, la page 18, le
premier paragraphe, en haut, au point 7,
vous dites : «Le projet de loi — et le ministre allait un petit peu
là-dessus, mais je veux approfondir
avec vous — n° 46,
Loi modifiant [l'acquisition] — le projet de loi qu'on parle
actuellement — répond
au grand nombre de problématiques que pose le phénomène d'accaparement des
terres par des non-résidents.»
J'ai une
interrogation parce que, si on regarde le rapport d'AGECO à la page 88, si on
regarde celui de l'IREC en entrée de jeu, à la page 1, on regarde celui
de CIRANO à la page 53, si on regarde également ce qui a sorti en 2010 de la
part de Desjardins, ils nous disent qu'on ne retrouvait pas une problématique,
et vous, vous semblez nous dire : Il y
a une problématique. Est-ce que vous avez cerné cette problématique-là au
niveau du Québec? Parce que, par la suite, vous y allez au niveau du Québec et vous dites un «grand nombre de
problématiques que pose le phénomène de l'accaparement des terres par
des non-résidents». Avez-vous cerné, vous, une problématique?
M. Paré (Frédéric) : Non, mais il y a une
problématique à l'échelle planétaire puis il y a une tentation à l'échelle planétaire. Donc, c'est dans ce sens-là
que je disais tout à l'heure que c'est un projet de loi préventif, et c'est
là qu'est sa sagesse. Moi, je n'ai pas documenté du tout l'accaparement des
terres au Québec, je ne suis pas…
M.
Billette : Je
voulais juste être certain…
M. Paré
(Frédéric) : Oui. On connaît tous
le cas du Saguenay, là, parce qu'il a été longuement puis amplement
diffusé puis rendu public, mais, à part celui-là, on n'en sait pas grand-chose,
là.
• (16 h 50) •
M.
Billette :
Parfait. Également, on parle beaucoup, là… C'est deux lois-là qui sont, je
pense… qui travaillent main dans la
main et qui nous ont permis de… qui ont été adoptées dans les années 70, qui
nous ont permis de préserver pour notre milieu agricole, pour les fins
de nourrir les Québécois et les Québécoises… Je pense que ça a été… En toute humilité, je vais vous dire, ça a été un succès
quand même. Vous l'aviez adopté dans le temps, et on voit les chiffres
qui sortent au niveau du Québec :
84 %, c'est propriétaire. Et, si on regarde au niveau de la France, où c'est
rendu seulement que 30 %, c'est des exploitants-propriétaires.
On est en
train de regarder, on renouvelle la loi sur les non-résidents, l'acquisition
par des non-résidents. Est-ce que vous croyez, au niveau de la Loi sur
la protection du territoire agricole, il n'y a pas un renouvellement important
qui doit être fait pour s'ajuster? Parce que beaucoup de gens nous ont
dit : Il faut toujours moderniser une loi, c'est toujours… On vit dans un
monde dynamique, il y a des manières différentes de faire les choses. Et on
parle souvent du problème de relève au niveau des coûts des terres, mais
également de l'acquisition, et qu'on n'a qu'à penser les lots contigus dans la
Loi sur la protection du territoire agricole, l'accès à une ferme pour un
jeune, de morceler un petit lot pour pouvoir démarrer sa ferme tant qu'il n'a
pas 100 hectares d'achetés. Puis on voit le coût d'une ferme actuellement à l'hectare.
Le coût, hier, un jardinier nous parlait de 50 000 $ de l'hectare.
Donc, ça fait un montant très, très important. Est-ce qu'il n'y aurait pas
lieu, du même souffle, de renouveler, à ce moment-là, cette Loi de la
protection du territoire agricole?
M. Paré (Frédéric) : Bien, je pense que le législateur devrait, en
tout temps, s'assurer de l'adéquation entre ses lois, ses règlements puis ces réalités qui changent au fur et à mesure. Mais, en même temps, le législateur a une responsabilité qui
incombe seulement au législateur qui est l'intérêt commun, qui est le bien
commun. C'est le seul qui peut prétendre ça puis qui a même la responsabilité
de faire ça. Ça fait que je pense que, quand le législateur fait son travail,
il doit toujours se rappeler qu'il est le garant du bien commun, puis, dans le
cas de l'alimentation puis de l'agriculture, il y a beaucoup de questions de bien commun qui se posent. Ça
fait que oui, il y a des intérêts privés. Je veux dire, les fermes, c'est des entreprises privées,
les transformateurs. Je veux dire 95 %,
et probablement plus, des opérations du système alimentaire sont opérées
par des entreprises privées, mais raison de plus pour que le législateur reste
toujours très vigilant parce que ces entreprises privées opèrent un système
alimentaire qui est branché sur du bien commun.
Ça fait que oui, le législateur a à revoir, je pense, constamment son
encadrement, mais toujours en se rappelant qu'il est, surtout dans le cas de l'agriculture puis de l'alimentation,
dans un secteur névralgique branché sur des questions fondamentales. Ça fait que, là, je vous réponds
comme sur le plan des valeurs, mais je pense qu'il faut… Je ne suis pas
sûr que c'est toujours présent, ça, dans la manière dont on requestionne ces
lois-là.
Ça fait que, dans le cas du foncier, c'est la
question de l'accès aux terres, donc la relève, tout ça, toutes des questions qui se posent. C'est la capacité des communautés
à se nourrir de leur territoire puis à ne pas trop dépendre des
territoires voisins, puis, sur le plan
national, la même chose. Donc, il y a des responsabilités fondamentales dans
ça, puis je vais le dire de façon générale : Est-ce que le Québec a le
droit d'opérer son système alimentaire avec sa contrainte de ses 5 °C
moyens sur le territoire? Je pense qu'on pourrait comme poser cette question-là
de façon globale. C'est sûr qu'il y a
d'autres contraintes, là,
géoclimatophysiques, là, comme la topologie et la pluviométrie, mais on est
comme contraints à l'intérieur de ça.
Donc,
je pense que le législateur doit toujours se rappeler de sa responsabilité à l'égard
du droit à l'alimentation, à l'égard
des autres droits de l'homme, puis tenir compte de son 5°, puis qu'il en fait
18°, en moyenne, en Nouvelle-Zélande, puis
que produire des aliments en Nouvelle-Zélande, ça coûte moins cher qu'ici, puis
que ce n'est pas une raison pour abandonner aux forces du marché nos 5°.
Et, donc, ça prend un législateur qui est capable de se tenir debout, puis de protéger les 5°, puis les mettre en valeur parce
que, quand, en 2050, on va être 9 milliards de personnes sur la terre,
bien toutes les agricultures vont être requises. La 5° va être requise, puis la
24°, puis la 18°, l'aride, la montagneuse, la… Toutes ces agricultures-là vont être requises, et c'est la
responsabilité de l'État de s'assurer que la 5°, ou l'aride, ou la
montagneuse va être encore là en 2050, donc.
Là,
je l'exprime d'une façon très, très générale. Mais, parce que votre question
était quand même assez précise, là, sur : Est-ce qu'on devrait
revoir la Loi sur la protection du territoire agricole?, donc la réponse, c'est
oui, je pense qu'on devrait, en tout temps,
revoir nos lois, mais toujours en se gardant à l'esprit que l'État a une responsabilité que les entreprises n'ont pas.
M.
Billette : O.K.
Vous avez, tantôt, entrouvert la porte, M. Paré, au niveau du 1 000 hectares. Je ne sais pas si c'est
Mme Perrollaz ou vous, M. Paré, qui avez entrouvert la porte au niveau du
1 000 hectares, la répartition. On sait que, dans les années passées, les moyennes de… ça tournait autour de
2 000 hectares, puis là on a seulement que 1 000 hectares. Puis je n'ai pas la réponse. On a posé la question
également aux gens de l'Union des producteurs agricoles tantôt. Je
pense, ce n'est pas évident à faire. Vous
avez statué tantôt sur les droits de l'homme, par rapport à la répartition.
Est-ce que vous avez une manière qu'on peut… — et il
y a d'autres gens hier qui nous ont parlé de 200 hectares par projet — de pouvoir répartir ce 1 000 hectares là? Parce
que, demain matin, si, le 2 janvier
ou le 1er janvier… parce qu'habituellement c'est fermé le 1er janvier,
le 2 janvier, à 8 heures, le matin, il y a une ligne devant la porte pour
déposer le premier projet de 1 000
hectares, je pense ça va en faire des mécontents au cours de l'année. Est-ce
que vous avez une opinion ou une
manière qu'on pourrait répartir ce 1 000 hectares là? Parce que, si on se
fie aux statistiques des dernières années, c'est moins que le volume qui a été distribué. De quelle
manière qu'on pourrait répartir ça pour ne pas se priver de projets qui,
en même temps, pourraient être bénéfiques aussi bien pour l'agriculture québécoise
ou la diversité de notre agriculture?
M. Paré (Frédéric) : Le diable est dans les détails. C'est une très, très
bonne question. Je pense qu'on devrait, avant de
déterminer concrètement une façon, je ne sais pas, moi, 100 hectares dans 10
régions ou les 10 régions les plus propices,
mettons, là, on devrait tenir compte des tendances lourdes. Et remarquez, par exemple, que la dimension des fermes au Québec a quand même beaucoup,
beaucoup augmenté dans les dernières années. Il faudrait tenir compte de la relève puis des gens qui veulent rentrer en
agriculture. Est-ce que, compte tenu de ces problématiques-là ou de ces questions-là, on devrait davantage
offrir ou offrir ces lots en plus petits lots? Je pense qu'il faut, avant de
déterminer donc, bref, la manière dont ça
devrait se répartir, il faudrait camper des critères puis décider à quel enjeu
on veut d'abord ou en priorité s'adresser dans cette question-là. Parce
que, quand même, bon, ce n'est pas beaucoup, mais c'est quand même un espace
sur lequel on pourrait agir en énonçant de tels critères de priorité. Donc,
moi, il me semble que je commencerais par faire ça avant de déterminer une
technique de répartition un peu arbitraire, d'une certaine façon.
M.
Billette : Mais, je dois vous avouer, très intéressant. Ça a
été un plaisir pour moi de vous rencontrer et d'entendre vos réponses également, qui sont quand même constructives,
qui nous apportent un point de vue important comme législateurs. Donc,
je pense qu'on va passer la parole au deuxième groupe d'opposition...
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Au deuxième groupe d'opposition.
M.
Billette :
...mais je tiens à vous remercier chaleureusement de votre présence.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
M. le député de Nicolet-Bécancour. Je l'ai eu cette fois-ci.
M.
Martel :
Merci, Mme la Présidente. Bonjour à vous deux. Merci pour votre présence. C'est
intéressant, l'éclairage que vous amenez,
puis moi, ce que je retiens essentiellement, c'est que vous dites : Comme
législateurs, on est dans la bonne direction, c'est important de s'occuper
de ça.
J'ai deux
questions, mais avant j'ai... Parce qu'en regardant ça... Puis je me
disais : Vous nous éveillez vraiment à des choses qu'on ne prend pas nécessairement tout le temps... on ne
prend pas tout le temps le temps de réfléchir. Moi, je me disais, ce n'est
pas dans la coutume, normalement on entend… Mais moi, j'aurais quasiment une
demande à vous faire. Je trouverais ça
intéressant que vous vous penchiez aussi sur le phénomène de la culture du
cannabis sur les terres agricoles. Il
y a des effets qu'on sous-estime par rapport au prix des terres, par rapport à
l'utilisation, par rapport à... Je vous dis juste ça, mais ce serait
vraiment intéressant que vous réfléchissiez sur cette question-là.
Deux petites
choses. J'aimerais ça vous entendre... Parce que, tantôt, vous avez mentionné…
Puis, je trouve ça intéressant, vous
avez fait un lien entre… Je ne le sais pas, le message que vous nous envoyez par rapport à ça, mais vous avez fait un
lien entre la terre agricole qui peut être acquise et le lieu de résidence du
propriétaire. J'ai-tu mal compris ou vous
avez parlé... vous avez fait un lien entre le propriétaire de la ferme, celui
qui en est propriétaire puis où est-ce qu'est son lieu de résidence?
Vous n'avez pas fait de... Non?
M. Paré (Frédéric) : Si je l'ai fait, là,
ce n'était pas mon intention de le faire.
M.
Martel :
Peut-être, vous avez parlé de
non-résidents, puis, moi, dans ma tête, le non-résident, c'était peut-être quelqu'un
de... Ce n'est pas grave. L'autre affaire que je voulais vous demander, c'est :
J'aimerais ça vous entendre parler de
la dimension des entreprises agricoles qu'on voit de plus en plus. On n'est pas partis d'où est-ce qu'on est aujourd'hui, les entreprises
ont beaucoup pris de l'expansion au fil des années. J'aimerais ça vous entendre
par rapport à ça.
• (17 heures) •
M. Paré
(Frédéric) : Bien, de façon
générale, l'agriculture est insérée dans des marchés. Ça fait que qui dit
marché dit force de marché, dit avantage
comparatif, dit au plus fort la poche. C'est toujours les plus gros qui
gagnent, là. Ça fait que la
concentration économique dans l'agriculture, elle se vit partout à l'échelle
planétaire. Elle se vit peut-être un petit peu moins chez nous parce qu'on a, par exemple, la gestion de l'offre, qui
garantit des prix à la moitié des agriculteurs, à peu près, du Québec,
ce qui fait qu'ils sont moins, peut-être, tentés ou ils se sentent moins
obligés de faire des économies d'échelle sans cesse, là. Si on avait, par
exemple, la ferme moyenne laitière de la Californie ici, on en aurait besoin de
350 pour faire la production que les 6 400 font présentement.
Donc, je pense que la façon de répondre à ça, c'est
que l'agriculture est insérée dans des marchés puis que le phénomène de la concentration puis du rachat des
terres par les voisins, et tout, bien, c'est une réponse, en quelque
sorte, à ce traitement très marchand, de
façon générale, de l'agriculture puis des terres. Et je pense que le rôle de l'État,
c'est de contenir ça. Ce n'est pas d'opérer lui-même le système
alimentaire, comme les Soviétiques l'ont fait, il y a je ne sais pas combien d'années,
mais c'est de contenir les intérêts. Puis pourquoi les contenir? C'est parce qu'on
n'est pas dans les téléphones cellulaires ou les écrans plats, là, les télés à
écran plat, c'est parce que c'est… il y a derrière ça une responsabilité d'État.
Donc, la coalition revendique… En fait, pour
résumer l'affaire, la coalition revendique l'État en agriculture. Aujourd'hui, on discute d'une loi où l'État se met
en mode préventif par rapport à une question importante. À chaque fois que
l'État, pour la coalition, intervient dans ce sens-là pour contenir des
intérêts privés dans un contexte où on parle d'aliments,
bien, la coalition va saluer ces efforts-là. Donc, la dimension des fermes, c'est
un peu une réaction, c'est une manifestation
de ce monde très marchand dans lequel on est puis, malheureusement, dans
lequel, beaucoup, l'agriculture se situe. Donc, je pense qu'il ne s'agit
pas de remplacer le système alimentaire actuel, mais il s'agit pour le
législateur de faire son travail puis de surveiller ces courants, ces
tendances-là.
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Merci beaucoup. C'est tout le temps qui
était disponible. Donc, merci beaucoup pour votre exposé, l'échange qui
a suivi.
Et donc j'invite maintenant l'IREC, l'Institut
de recherche en économie contemporaine, à prendre place à la table, et je vais
suspendre les travaux quelques minutes.
(Suspension de la séance à 17 h 2)
(Reprise à 17 h 4)
La
Présidente
(Mme Bouillé) : À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, nous
accueillons maintenant les représentants de l'Institut de recherche en économie contemporaine. MM. Robert Laplante
et François L'Italien, bienvenue. Donc, vous disposez d'une période de 10 minutes pour votre exposé. Par la suite, il
y a aura une période d'échange de 50 minutes avec le ministre et les
membres de la commission. La parole est à vous.
Institut de recherche en
économie
contemporaine (IREC)
M. Laplante (Robert) : Merci, Mme la
Présidente. Nous remercions les membres de la commission de nous donner l'occasion
de partager nos préoccupations et le résultat de notre travail. L'Institut de
recherche en économie contemporaine est un organisme scientifique
indépendant sans but lucratif qui poursuit des travaux dans un grand nombre de
champs d'intérêt public et, en particulier, dans le domaine des ressources
naturelles. Nous conduisons des recherches sur tous les volets des ressources
naturelles québécoises, la forêt, les mines, l'eau et, bien entendu, le sol,
puisqu'il s'agit d'une ressource stratégique. Et nous espérons, avec le mémoire
que nous avons déposé, contribuer à la bonification du projet qui nous est
soumis.
François L'Italien,
qui est chargé de projet à l'IREC, va vous présenter brièvement
les grandes lignes du travail que nous avons déposé.
M. L'Italien (François) : Merci beaucoup.
Alors, Mme la Présidente, M. le ministre, chers membres de la commission,
à mon tour de vous remercier de nous accueillir aujourd'hui. D'entrée de jeu, nous tenons à souligner le
fait que l'institut voit d'un bon oeil le
projet de loi actuel. Les trois principaux éléments dont on propose de modifier
le contenu sur la loi de l'acquisition
des terres par des non-résidents nous apparaissent être cohérents à l'égard du
modèle agricole québécois qui a été
historiquement adopté au Québec. Donc, le resserrement de la définition de ce
que c'est, un résident, l'analyse des demandes d'acquisition de terres d'un
point de vue multifactoriel et la limitation des superficies totales qui sont
accordées à des non-résidents par année nous semblent être intéressants et tout
à fait pertinents pour aller donner à la loi une actualisation et un mordant
nouveau.
Étant donné
qu'on est les derniers à passer, évidemment vous pardonnerez le fait que ce qui
nous apparaît pertinent va peut-être
vous sembler une redite, mais nous tenons quand même à le dire et à le
souligner. La loi sur l'acquisition des terres par les non-résidents est un des piliers du modèle agricole
québécois, un des piliers législatifs. Bon, vous le savez très bien qu'il y a un contexte qui est derrière la
mise en place de cette loi-là. Ce qui nous semble important à souligner
ici, c'est que la loi a été instituée à un moment où la spéculation foncière
pointait à peine à l'horizon, et les législateurs n'ont pas attendu que le phénomène ait acquis des proportions importantes pour
agir. Ça nous semble tout à fait important et essentiel pour qu'on
puisse cadrer l'actuel débat sur l'accaparement ou l'acquisition des terres
agricoles. Et la loi sur l'acquisition des terres par des non-résidents est d'autant
plus importante qu'elle fixe ou, du moins, elle pointe un élément important du
modèle agricole qui est celui du contrôle de la propriété des terres par les
propriétaires et les producteurs agricoles au Québec.
Cette loi-là,
qui a été instituée à la fin des années 70, trouve aujourd'hui une
nouvelle pertinence face à une donne, une
nouvelle donne qui se manifeste d'une façon assez massive depuis la fin des
années 90, début 2000, bon, vis-à-vis le phénomène d'accaparement des terres. Alors, les gens de la Coalition sur
la souveraineté alimentaire, avant nous, je pense, vous en ont parlé, essentiellement le
développement d'une agriculture de capitaux qui se déploie à l'échelle
internationale est nouvelle vis-à-vis le
contexte antérieur de mise en place de la loi. Donc, lorsqu'on parle d'investisseurs
étrangers, on ne parle plus
maintenant de particuliers qui détiennent une fortune personnelle, mais bien de
fonds d'investissement très, très, très capitalisés ou de
transnationales qui cherchent à se positionner dans des filières déterminantes
aussi bien pour l'approvisionnement en commodités agricoles destinées à usage
humain que non humain, hein — on pense notamment à la filière des biocarburants — et donc, évidemment, ça pose un certain
nombre de défis pour les législateurs et ceux qui doivent réagir
vis-à-vis cette nouvelle donne là.
En fait, dans
le rapport que nous avons déposé l'année dernière, nous avions identifié deux
grandes dynamiques qui travaillent le phénomène d'accaparement des
terres ou d'acquisition massive des terres à l'échelle internationale. Premièrement, l'augmentation prévue, oui, des
marchés, de la demande en commodités agricoles à travers le monde. Il y
a des marchés dans les pays industrialisés
émergents qui voient leur régime… leur alimentation se transformer à
vitesse grand V. On parle notamment du basculement d'une alimentation basée sur
les céréales à une alimentation carnée qui,
donc, met des pressions sur les systèmes agroalimentaires internationaux. Et,
deuxième élément important, ce que nous avions identifié comme étant la
financiarisation du foncier agricole.
• (17 h 10) •
Alors, qu'est-ce
que la financiarisation? Je ne me perdrai pas dans les détails, c'est le fait
que, de plus en plus, les économies
réelles, les économies productives fondées sur les biens et services sont de
plus en plus régies, déterminées, orientées
par les stratégies d'investissement de fonds spéculatifs ou de sociétés de
capitaux dans le marché international, et, depuis la fin des années 90, cette nouvelle donne là a fait en
sorte que l'ensemble des terres agricoles de la planète agricole est vu par ces investisseurs-là comme un nouvel
actif très intéressant pour leur portefeuille et qui est au centre de
leur stratégie d'investissement et de capitalisation. On n'a pas besoin d'aller
très, très loin, on sait que la Caisse de dépôt et placement a annoncé au printemps dernier un investissement de 250 millions
dans un fonds américain qui se spécialise dans l'acquisition des terres, un fonds qui gère des régimes de retraite
des services publics aux États-Unis. Évidemment, la caisse a été sommée de s'expliquer, si, oui ou
non, elle était active sur le foncier au Québec, mais, en dépit des
réponses qu'elle nous a données, elle a envoyé un coup de sonde extrêmement
important à l'égard de cette donne-là comme quoi tous les investisseurs
partagent la même lecture des faits.
Alors, est-ce que le Québec est impacté par ces
investissements étrangers là? Alors, la réponse, c'est, bien évidemment, non.
Je pense que vous avez entre les mains une série de rapports qui ont été
produits au courant des deux dernières années qui montrent que le phénomène est
marginal pour l'instant et que, vis-à-vis la liste courte des investisseurs étrangers, qu'ils soient saudi,
sud-coréens ou chinois, le Québec n'est pas sur les radars des
investisseurs.
Ceci dit, ça ne veut pas dire que, parce que les
investisseurs étrangers voient dans la perspective d'investir au Québec un
placement assez risqué ou trop complexe à opérer, que la dynamique d'accaparement
des terres ou de placement de liquidités
importantes sur le foncier agricole n'est pas présente au Québec. Je voudrais
souligner ici le fait qu'il y a un
effet qui s'avère, finalement, paradoxal de la loi sur l'acquisition des terres
par des non-résidents. La loi a, finalement,
protégé le marché des capitaux québécois à l'égard des investisseurs étrangers
vis-à-vis le foncier agricole québécois, hein? On
a voulu protéger la propriété, le contrôle des terres des investisseurs
étrangers, mais ça a pour effet, finalement,
de permettre aux investisseurs québécois qui ont une raison sociale et qui sont
enregistrés à Montréal ou à Québec d'agir
sur le marché des terres au Québec d'une manière assez libre, puisque c'est un
marché qui est protégé par la loi sur l'acquisition des terres par les
non-résidents. Alors, je souligne seulement ça.
Selon nous, le projet de loi ici, qui vise à
modifier la loi sur l'acquisition des terres, est un pas dans la bonne direction,
mais un pas insuffisant pour les raisons que je viens d'évoquer. Il y a des
acteurs financiers aujourd'hui au Québec,
vous le savez aussi bien que moi, qui se positionnent sur le foncier agricole.
Nous n'en sommes actuellement qu'à
des tout débuts d'un phénomène qui pourrait prendre de l'ampleur, hein? Il s'agit
bien ici de souligner le caractère hypothétique de la situation. Mais,
comme, je pense, d'autres acteurs avant nous l'ont dit ou d'autres intervenants
dans le débat public l'ont souligné, il ne
faut pas attendre que la situation ait atteint des seuils critiques avant d'agir.
Alors, c'est la responsabilité, le rôle du
législateur de voir venir les coups et de se préparer en fonction des
perspectives qu'on est en mesure de dégager.
Nous avons proposé, à l'IREC, la création d'une
société d'aménagement et de développement agricole du Québec, qui serait un dispositif supplémentaire pour venir bonifier,
renforcer, consolider le modèle agricole québécois. Il ne s'agit pas ici d'un outil législatif qui vise à
limiter les activités, mais plutôt de donner aux différentes régions
agricoles du Québec un outil supplémentaire pour structurer leur développement,
structurer leur économie régionale et qui ne vient
pas simplement contrecarrer ou limiter les effets de la spéculation, mais qui
vient remplir toute une série d'autres fonctions importantes,
stratégiques pour la relance du modèle agricole québécois. Il est de notre avis
que le cycle du modèle agricole québécois,
le cycle de lois et de dispositifs qui ont été mis en place entre les
années 50 et 70, arrive à un certain terme et que nous sommes, d'une
certaine façon, à un carrefour, et que nous devons saisir l'occasion de la
problématique autour de l'acquisition des terres pour relancer le modèle en le
bonifiant avec cet outil-là. Alors, la proposition que nous avons avancée...
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
En conclusion, M. L'Italien.
M. L'Italien (François) : Oui, en
conclusion, oui. La société d'aménagement et de développement agricole serait
un outil flexible qui permettrait aux différentes régions de procéder à l'acquisition
de terres et d'établissements qui seraient
jugés stratégiques par ces régions-là. Alors, il ne serait pas ici question
d'acheter toutes les terres ou tous les établissements, mais bel et bien
ceux qui présenteraient un caractère stratégique.
Et, deuxième
fonction, de pallier au manque d'information et de veille stratégique qui fait, au Québec, actuellement l'objet, je
pense, d'un consensus. Nous manquons d'information sur les transactions qui portent sur le foncier agricole, je
pense que ça a été souligné par à peu près tous les rapports de recherche dont
vous disposez. Nous devons avoir une meilleure
connaissance du territoire pour mieux agir dessus, et les sociétés d'aménagement et de développement
agricole du Québec, en étant dans différentes
régions, pourraient, justement, assumer cette fonction-là en ayant une vue fine
du territoire. Je vous remercie beaucoup.
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Merci beaucoup. Donc, nous allons procéder à la période d'échange
maintenant en commençant par la partie gouvernementale. M. le ministre, la
parole est à vous.
M.
Gendron : Bien, écoutez, merci, Mme la Présidente. Je veux remercier M. Laplante et M. L'Italien, que j'ai
eu l'occasion d'entendre à une couple d'endroits
dans ma carrière. Même chose, M. Laplante. C'est toujours
un apport additionnel de recevoir des gens, là, de l'Institut de
recherche en économie contemporaine parce que, comme vous l'avez mentionné, on a eu l'occasion de bénéficier
de vos rapports, de vos productions, de vos analyses sur plusieurs sujets liés aux ressources du Québec,
et c'est la même chose dans le domaine qui est le nôtre aujourd'hui.
D'entrée de
jeu, écoutez, vous avez joué un peu
de musique en arrivant, là, c'était intéressant. On voit d'un bon oeil, voit de la cohérence, et d'accord avec la limitation par rapport au seuil qu'on a
fixé. Vous dites : C'est intéressant et c'est pertinent. Alors, c'est difficile, là, de ne pas être en accord
avec ça. Parce que, vous l'avez dit, quand on est dernier, on peut redire des choses qui ont été dites, mais ce
n'est pas grave lorsqu'elles s'inscrivent, là... qu'elles viennent
corroborer la justesse du législateur d'intervenir dans un secteur où on n'a peut-être
pas toute la connaissance requise ou à la fine pointe de l'actualité en termes
de pertinence. Mais, à coup sûr, donner des signaux que l'État doit s'assurer
qu'on rencontre davantage nos grands objectifs, c'est ça, l'objectif de la législation.
Vous avez indiqué : Oui, mais ce n'est probablement
pas suffisant, et il y aura lieu d'aller plus loin. Je n'en disconviens pas, au
contraire. Mais il faut commencer en quelque part, et la modernisation de ces
deux lois-là, qui ont joué un rôle, d'après
moi, de protection sans avoir toute la connaissance, bravo… Là, il y a quand même
de l'inquiétude parce que… On y
reviendra tantôt, là, avec des questions précises, mais moi,
je suis content de voir le point de
vue que vous avez développé davantage dans le mémoire que dans le 10
minutes pour l'exposé.
Et j'aurais quelques questions. Alors, j'y vais tout
de suite, une première question. Là, je suis dans des notes qu'on m'avait préparées, mais je pense l'avoir vu
dans votre mémoire, vous dites : Le phénomène d'accaparement des
terres au Québec est une grande inconnue jusqu'ici, puisqu'on n'a pas de
données substantielles. Et le terme qui est employé — en tout cas, dans l'expression «l'ampleur du phénomène d'accaparement des terres est
une grande inconnue», c'est votre note, là — alors là, j'ai un peu
de misère. Est-ce que je dois donner la pleine valeur au sens du mot «sur l'ampleur», puisqu'on n'a pas les données? Est-ce que
vous vouliez dire davantage les conséquences qu'il peut y avoir? Qu'il y
en ait peu, beaucoup,
passionnément, les dommages sont les mêmes. Si ce n'est pas balisé tout de suite, il risque effectivement, par
rapport à l'objectif,
d'avoir plus de locataires à court terme que de propriétaires, ou échapper
tranquillement au
contrôle de nos terres, ou, encore là, encourager nous-mêmes
la spéculation. C'est plus ces réalités-là qui faisaient partie du
vocable «l'ampleur du phénomène d'accaparement» ou je me trompe en l'analysant
comme ça?
• (17 h 20) •
M. L'Italien
(François) : Non, je pense
que vous ne vous trompez pas. En fait, il
y a deux choses qu'on voulait souligner à travers cette
indication-là. C'est, premièrement, bon, si une nouvelle, un bulletin de
Radio-Canada a semé un émoi terrible au sein
des rangs des producteurs, des organisations puis des institutions publiques au
sujet de la possibilité que des
investisseurs chinois achètent des fermes porcines en Montérégie, c'est qu'il y
a, effectivement, des points d'interrogation sur le suivi du phénomène.
Deuxième chose, on voulait aussi souligner le
fait qu'on ne peut pas comparer des pommes avec des oranges. Ce qui se passe en Afrique, en Asie, dans certains
pays de l'Amérique du Sud, voire en Europe de l'Est, c'est très différent de ce qui peut se passer ici, hein? La structure
de détention et de gestion des terres agricoles au Québec a
favorisé dans l'histoire des petites superficies qui rendent plus
complexes pour des investisseurs l'acquisition massive de terres, on doit
négocier avec un plus grand nombre de propriétaires.
Ceci dit, par
le terme «d'ampleur», on voulait dire qu'on doit aussi regarder l'effet
proportionnel, y aller avec des chiffres
absolus. Évidemment qu'on n'est pas à des 15 000 hectares à la fois, on n'est pas dans
des grosses superficies comme il y a,
par exemple, dans certains pays comme le sud du Soudan ou… Ce n'est pas des
15 000 hectares qui sont transigés
ici, c'est des plus petites superficies d'une façon absolue mais qui peuvent
avoir à terme comme effet déstructurant sur le territoire et l'économie agricole
régionale, en gros, les mêmes effets, toutes proportions gardées. Donc, on doit y aller avec des pincettes, et nous
devons avoir une façon de mesurer les effets, aussi bien de ceux qui
opèrent sur le marché que des effets sur l'économie
régionale agricole. Nous devons avoir une vue plus fine et nous en
appelons, justement, aux institutions
publiques pour se doter d'instruments pour faire ce suivi-là et cette analyse
multifactorielle là de l'incidence de ce nouveau paradigme financier.
M.
Gendron :
Bien, moi, je trouve que c'est des précisions qui éclairent et qui sont
nécessaires. Alors, merci, comme première question, de vos commentaires.
Dans plusieurs de vos documents ou textes que j'ai
lus, là, vous faites souvent référence — et vous me corrigerez si c'était le cas ou si c'est
nécessaire — à la
référence de l'agriculteur de métier. J'ai vu ça à plusieurs reprises,
là, et je pourrais le citer dans votre propre mémoire, l'agriculteur de métier.
Parce que moi, je ne suis pas certain de bien saisir
la définition que vous donnez parce que je n'ai pas vu à aucun endroit une
définition précise ou une description précise de ce que vous entendez par un agriculteur de métier. Donc, j'aimerais
ça vous écouter là-dessus, parce que ça peut avoir de l'importance si je
faisais une mauvaise lecture de ce que vous voulez dire par ce vocable.
M. Laplante (Robert) : Bien,
essentiellement, M. le ministre, l'agriculture, au Québec, vous le savez, s'est
développée sur le modèle de la ferme
familiale, donc sur le modèle de la petite production réglée, gérée, exploitée
par, généralement, un fermier résidant sur
sa ferme ou aux alentours. Quand on parle de l'agriculture de métier, on parle
donc dans notre proposition… nous parlons de
continuer ce choix de soutenir une agriculture de petite production. Petite
étant une notion relative, puisqu'elle
évolue dans le temps. On s'entend que 30 arpents, ce n'est plus suffisant
maintenant, mais d'une production,
donc, qui permet à la fois l'occupation optimale du territoire, la
diversification des milieux par la multiplication des propriétaires
exploitants.
Et, bien
entendu, ça réfère également à son terme opposé, qui est l'agriculture
financiarisée, où, essentiellement, le propriétaire est une société
financière anonyme qui n'habite pas le milieu, bien entendu, et qui,
essentiellement, va continuer d'exploiter les terres mais va les exploiter sur
le mode de l'industrialisation et de la salarialisation. Il va développer, donc, du salariat agricole, et les
décisions, les choix d'investissement comme d'exploitation se prennent
en dehors du milieu. C'est l'effet le plus déstructurant que peut avoir cette
agriculture financiarisée là. Elle va sortir du milieu les producteurs, ceux qui prennent des décisions, ceux qui ont l'initiative,
ceux qui font la vie d'un milieu. Donc, l'idée de privilégier une agriculture de métier, c'est de faire le choix
de s'assurer que ceux qui vivent de l'agriculture en vivent sous toutes les modalités, et non pas
seulement sous le mode du salariat déterminé par des puissances
anonymes.
M.
Gendron :
Bien, c'est assez clair, mais j'aimerais ça… Parce que ça ouvre toutes sortes
de perspectives, et j'en lance une où
j'aimerais ça, si vous avez des commentaires à faire, même si vous n'êtes pas
obligés… Parce qu'en gros c'est
soutenir des plus petites unités de production. Tu sais, on a beau causer
longtemps, mais ça revient à ça. Et, pour soutenir des plus petites
unités de production, est-ce que ça veut dire qu'il faudrait être davantage
favorable au lotissement de la zone verte?
Moi, j'aimerais vous entendre là-dessus parce que moi, je peux vous dire
qu'effectivement, si on n'ouvre pas davantage à des productions où on a moins
besoin d'hectorage, si vous me permettez l'expression, même si le mot n'est
peut-être pas approprié, ça va être difficile parce que des circuits courts...
Il y a de plus en plus d'engouement pour des
productions diversifiées, variées qui n'ont pas besoin d'autant d'hectares qu'on
connaît aujourd'hui dans l'utilisation du zonage agricole, entre autres. Puis le lotissement, là, ce n'est pas
automatique, là, ce n'est pas évident de faire du lotissement aujourd'hui avec la zone verte. Et je ne suis pas en train de
dire que je n'aime pas garder le maximum d'espace de zone verte. Mais,
si on veut, effectivement, revenir davantage au propriétaire qui habite sa
terre, dans le concept que vous venez de définir, ça va être difficile. Alors,
comment vous voyez ça, concilier ces usages-là?
M. Laplante (Robert) : Nous n'avons pas exploré
cet aspect des choses dans notre mémoire, puisque nous étions davantage préoccupés de souligner le caractère déstructurant de
la pénétration de l'agriculture de capital dans le milieu. Une petite
production, encore une fois, c'est un terme varié et dont l'ampleur peut être
définie sous différents critères, mais l'idée, c'est d'avoir
des producteurs agricoles qui vivent de leurs fermes et qui les habitent et les
exploitent. 100 hectares, 200 hectares, 500 hectares, c'est
selon.
La création d'une
SADAQ, entre autres, d'une société d'aménagement et de développement, a justement
comme avantage de mettre en lumière que ce
qui est important, c'est non
seulement de protéger le territoire,
c'est d'en consacrer la vocation
comme étant définie sur la production d'une ferme familiale. Et ça, c'est
fondamental. La SADAQ pourrait permettre — et,
pour nous, c'est capital — de réunir des conditions beaucoup plus
propices à l'établissement de la relève parce qu'on préserverait des terres et on pourrait les mettre à l'abri,
un tant soit peu, des effets spéculatifs que, par définition,
recherchent d'abord et avant tout les investisseurs financiers. Ils ne sont pas
là pour l'agriculture; l'agriculture est un effet
secondaire de leurs placements. Alors, bien sûr, s'ils font l'acquisition de
terres, ils vont continuer d'y investir pour que l'appréciation continue
de monter, mais, pour eux, ce n'est pas l'agriculture qui est l'objectif.
Donc,
lotissement, pas lotissement, etc., justement on pense que c'est un ordre de
préoccupation qui serait beaucoup mieux
servi si on crée une instance qui,
localement, comme la SADAQ pourrait l'être, permet au milieu de faire ses
choix quant à la mise en valeur d'un
territoire que, par ailleurs, la loi de protection du territoire agricole
préserve. Ça permet donc d'évaluer
et de juger à quelles conditions un milieu choisit et privilégie de se
développer.
M.
Gendron : Mais là, parce
que vous m'amenez sur ce terrain-là,
là, de la SADAQ, c'est vous, M. L'Italien, qui êtes le concepteur
de cette bibitte-là, à peu près, là?
M. L'Italien (François) : On pourrait
dire ça.
M.
Gendron : Bon. Pour tout de suite, là, on va la
qualifier de même, là. Et est-ce que je serais dans le champ, puis sans jeu de mots, là, en prétendant que cette
SADAQ-là serait financée à 100 %
par les fonds publics et elle serait multipliée par le nombre requis,
dans le sens qu'il faut avoir 10, 12 SADAQ, puis il pourrait y avoir une SADAQ
par région? Et là, si c'est exact, est-ce
que c'est aussi exact que l'Union des producteurs agricoles aurait une espèce de droit de préemption,
un droit de regard plus important que n'importe qui d'autre sur la gestion et l'attribution
des différents demandeurs de la SADAQ? Est-ce que je résume assez bien votre...
M. L'Italien (François) : Bien, écoutez,
ça ne se dit pas qu'un ministre est dans le champ, je pense que c'est quelque
chose de… Je vais laisser à ça l'opposition, c'est… Non, écoutez…
M.
Gendron : C'est
bien, ça. Là, je vous reconnais, M. L'Italien.
• (17 h 30) •
M. L'Italien
(François) : Ça me permet, justement,
de préciser et peut-être même de clarifier, avant que d'autres
questions surviennent, de ces deux modalités importantes là que sont le
financement de la SADAQ et du droit de préemption. Alors, la proposition que
nous avons avancée tient compte, justement, du fait qu'une institution publique
créée en 2013-2014, dans ces années-ci, doit
tenir compte d'un aspect névralgique qui est celui de son financement.
Et, compte tenu des finances publiques actuelles, je pense que c'est absolument
clair que le gouvernement du Québec ne peut pas défrayer… Surtout lorsqu'on
parle d'actifs aussi capitalisés que sont les terres et les fermes, on ne peut
pas demander un effort budgétaire de cet ordre-là.
Donc, nous
avons proposé une formule de financement qui, plutôt que de diaboliser les investisseurs financiers, permettrait de canaliser
leurs liquidités. En fait, la formule que nous avons retenue est l'émission d'obligations,
qui pourrait être organisée par la société dans son pôle national, c'est-à-dire
dans son pôle central, qui aurait la capacité d'émettre
ces obligations-là qui seraient garanties par le gouvernement du Québec. En
fait, là s'arrêterait la contribution du gouvernement, qui serait de garantir les obligations, mais comme on le
fait avec Hydro-Québec, ou la SAQ, ou n'importe quelle institution
parapublique où le gouvernement devient le garant de l'émission des
obligations.
Et ces
obligations-là pourraient venir garnir le portefeuille d'investisseurs qui sont
à la recherche de placements qui offrent à la fois une sécurité
financière — parce
que, les obligations, on ne se mentira pas, c'est un actif important pour les
fonds de pension, l'essentiel des portefeuilles des fonds de pension est garni
d'obligations — et,
en même temps, du rendement parce qu'il y a
des institutions financières qui ont un mandat d'intérêt général. Je pense
notamment à la Caisse de dépôt et placement, je pense aussi à des fonds de
travailleurs comme la FTQ ou la Fondaction de la CSN qui pourraient être éventuellement intéressées de placer une certaine
partie de leur portefeuille dans ces obligations-là en sachant très bien
que leurs liquidités non seulement rapporteraient un certain rendement qui
serait arrimé au taux de rendement des
obligations du gouvernement du Québec, mais aussi qui aurait des effets
structurants pour le milieu agricole au
Québec, qui est une des fonctions de la Caisse de dépôt, hein, de faire du
développement économique. Donc, première source de financement.
Deuxième
source de financement, bien, créer un fonds de développement agricole qui
serait sous gestion de la société, et
ce fonds d'investissement là pourrait émettre des parts qui pourraient être
acquises par des fonds privés. Là encore,
le rendement serait assorti d'un certain niveau de risque, assez faible, mais
qui pourrait être attrayant pour des investisseurs pour les mêmes
raisons qu'ils investissent actuellement dans les terres. Donc, l'idée ici, la
formule qu'on propose, c'est de mettre à
contribution la finance, hein, de définanciariser l'agriculture, de canaliser
ces finances-là en disant : On a
besoin de liquidités, et, dans une sorte d'intérêt mutuel, procurer un certain
rendement aux investisseurs, et, en même temps, utiliser ces sommes-là
et ces liquidités-là pour réaliser un mandat d'intérêt général qui serait celui
de maintenir notre modèle agricole et de permettre à la relève de s'implanter.
Alors, ça, c'est pour la formule de financement.
Sur le droit de
préemption, alors j'ai fait le tour du Québec pour présenter la SADAQ.
Évidemment, une des principales questions
qui revient sur le tapis, c'est le droit de préemption, ça fait peur à beaucoup
de monde. Écoutez, le droit de
préemption, je ne le cache pas, provient directement de la formule des affaires
et est, en ce moment, analysé par l'agence
foncière belge. Il y en a d'autres pays qui y pensent actuellement parce que,
lorsque les mises, lors de l'achat de terres,
ne suffisent plus, hein, lorsque… Par exemple, si une SADAQ régionale fait une
offre d'acquisition d'une terre au prix
du marché à un producteur qui sort, à un cédant, à un producteur qui sort, et
que la SADAQ a comme fonction de limiter
l'inflation du prix des terres, le prix qu'il va proposer au producteur ne sera
pas deux fois le prix, hein? Ça va être en gros ce que le marché
offrirait pour un actif x dans telles conditions de marché.
Alors, qu'est-ce
qu'on fait dans une situation où, comme dans le cas du Lac-Saint-Jean, où la
Banque Nationale a offert beaucoup plus que ce que le marché est en
mesure d'offrir pour un tel actif? Et nous pensons qu'un droit de préemption
pourrait être un instrument stratégique utilisé d'une façon parcimonieuse,
très, très, très bien balisé. On n'est pas
en Europe ici, on est en Amérique du Nord, on sait à quoi réfèrent, disons, les
valeurs de liberté d'entreprise. Mais, en
même temps, je pense qu'au Québec il y a un consensus autour de l'idée que,
pour pouvoir maintenir un modèle de petites et moyennes entreprises,
nous devons avoir des régulations, nous devons avoir des barrières qui donnent
aux entrepreneurs d'ici les moyens de se
développer relativement à l'abri des gros, en Amérique du Nord, qui disposent
de capitaux importants. Donc, si nous n'avons
pas un instrument comme le droit de préemption, la business va parler.
Et la business, lorsqu'elle parle, en ce
moment, avec les capitaux dont certains acteurs détiennent, la SADAQ serait
disqualifiée.
Donc, le
droit de préemption serait d'abord et avant tout, selon nous, un élément
dissuasif qui, lorsqu'il serait utilisé, devrait passer par toute une série d'étapes de comités consultatifs. En
fait, le droit de préemption, en France, si je prends ce cas-là, doit
avoir l'autorisation ministérielle. Alors, vous voyez qu'il y a une série de
loquets, hein? C'est comme lors de la
Deuxième Guerre mondiale, il fallait 12 clés pour avoir accès au piton qui
permette de faire sauter une bombe. On parlerait
de la même chose, c'est-à-dire il y aurait beaucoup, beaucoup de loquets qui
devraient être déverrouillés pour pouvoir mener à pareille disposition.
Mais le simple fait que ce droit de préemption là existe dissuaderait, selon
nous, certains investisseurs d'agir d'une
façon assez agressive sur le foncier par le simple fait que cette mesure-là
existerait.
M.
Gendron :
Oui, mais… Et, si vous me permettez, rapidement, parce que je veux juste saisir
ça, je ne suis pas sûr de bien comprendre, est-ce que, pour vous, le
droit de présomption…
M. L'Italien (François) : Préemption.
M.
Gendron :
…de préemption — pardon,
ce n'est pas pareil pantoute, là, mais le droit de préemption — devrait
être accompagné d'une espèce d'instance de régulation qui serait un pouvoir de
révision?
M. L'Italien (François) : Complètement.
Ça existe déjà en France.
M.
Gendron : …d'accord.
Donc…
M. L'Italien (François) : Tout à fait.
Là, où c'est appliqué, il y a déjà ça.
M.
Gendron : Ça prend
les deux.
M. L'Italien
(François) : Et ça me permet
aussi de spécifier le fait que ce n'est
pas l'UPA ou n'importe quelle autre
organisation agricole qui aurait la capacité de décréter l'utilisation de ce
droit-là. On s'entend ici que l'on réunirait autour d'une table les différentes parties prenantes qui ont intérêt à
ce qu'une agriculture de capitaux soit limitée dans une région. On pourrait penser qu'au moment où la
transaction qui a eu lieu au Lac-Saint-Jean... il y a plusieurs parties
prenantes dans cette économie régionale là
qui auraient eu intérêt
à ce que la Banque Nationale ne fasse pas cette transaction-là.
M.
Gendron : Bien,
merci, parce que, comme il ne reste que deux minutes, mon collègue veut y
aller…
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
M. le député de Roberval.
M. Trottier : Merci beaucoup
pour votre contribution. Vous avez mentionné que, même si ce n'était pas un problème
majeur à l'heure actuelle puis que, comme on dit, on n'est pas dans le même
contexte que dans d'autres pays, il pourrait y avoir des facteurs qui
pourraient accélérer ce phénomène-là. Est-ce que vous pourriez nous en dire un
peu plus? Vous avez abordé un peu la question, mais ce serait quoi, les
principaux facteurs qui pourraient accélérer le phénomène d'accaparation des
terres?
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
En deux minutes.
M. Laplante (Robert) : En deux minutes.
Il y en a plusieurs, mais c'est évident que le remembrement des terres par
acquisition est un processus qui enclenche une logique. S'il n'y a pas de
loquet pour dire : À partir d'un certain
seuil, le milieu s'interpose et réfléchit sur ce qui est en train de se passer,
la logique spéculative est celle du plus petit qui est mangé par un moyen qui, lui, évidemment, met la table pour
devenir le menu d'un plus gros. Essentiellement, en Amérique du Nord, ce
mouvement-là, il est amorcé partout sur le continent. Il y a au Québec des
transactions encore très modestes, mais, au Canada et
surtout aux États-Unis, ce mouvement de remembrement s'est beaucoup accentué, et il y a des transactions qui
concernent des centaines de milliers d'hectares maintenant. O.K.? On a
littéralement sorti la petite production du Midwest américain.
Bon, alors,
évidemment, nous ne sommes pas dans cette situation, mais on n'a pas besoin d'attendre
que l'incendie se déclare pour mettre
un détecteur de fumée. Donc, le principal facteur, c'est que désormais les
investisseurs institutionnels sont tous tenus d'avoir de l'investissement
dans le foncier. Permettons-leur d'acheter des obligations de la SADAQ plutôt
que de contribuer à la spéculation sur le prix des terres.
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Merci beaucoup. Avant de passer la parole
aux députés de l'opposition, je veux juste
revenir sur la préemption. En droit des affaires, c'est dans les statuts de la
société. Moi, ce que je comprends, c'est que c'est soit par la loi soit
par un contrat entre les intéressés. Vous autres, vous amenez quoi comme idée,
là, que ça soit légiféré par le gouvernement?
• (17 h 40) •
M. L'Italien (François) : En fait, la
SADAQ serait une institution publique, hein, qui ferait l'objet d'une loi par l'Assemblée nationale, exactement comme les
autres institutions publiques au Québec, et le droit de préemption serait enchâssé dans la loi, effectivement.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
O.K. Merci. M. le député de Huntingdon.
M.
Billette : Merci beaucoup, Mme la
Présidente. C'est un plaisir de vous
rencontrer. Je pense que vous avez fait couler beaucoup d'encre
depuis quelques semaines suite à vos deux rapports, quand même, qui ont suivi
sur l'accaparement des terres. Je veux faire
un petit bout, mais je veux revenir sur la SADAQ, je pense
que c'est un sujet… On a l'honneur de
vous avoir aujourd'hui, donc je vous souhaite la bienvenue à cette commission,
M. L'Italien, M. Laplante. J'avais peut-être deux questions.
Premièrement, M. L'Italien, tantôt, lors de
votre présentation, vous avez dit que le Québec n'était pas du tout sur le
radar des investisseurs étrangers. Vous avez parlé de d'autres régions qui l'étaient.
Y a-tu une raison? C'est-u vraiment les deux lois, de la protection du territoire
agricole et la loi sur les non-résidents, qui ont fait en sorte qu'on a
pu se protéger?
M. L'Italien (François) : Bien, vous
voulez que je réponde tout de suite?
M.
Billette : Oui.
M. L'Italien (François) : Bien, écoutez,
c'est sûr qu'il y a beaucoup de facteurs. Je pense qu'en ce moment les pays occidentaux ne sont pas sur la liste
courte des investisseurs étrangers pour toute une série de raisons. Bon, je pense que les pays occidentaux ont des politiques
agricoles assez fortes. Dans, plusieurs cas, il y a des lois qui ressemblent beaucoup à
la loi sur l'acquisition des terres par des non-résidents, mais ça n'explique
pas tout. Des conditions agroclimatiques,
c'est certain que les pays du Nord disposent de facteurs qui apparaissent
comme, disons, handicapant des investissements, alors notamment sur les
coûts de production. Il faut chauffer les fermes, on est un petit peu plus loin
des marchés.
Il y a aussi, comme je l'ai expliqué, la
structure du modèle de gestion et de détention du territoire agricole au Québec,
hein? On a favorisé historiquement un modèle qui était basé sur des petites et
moyennes superficies de terres, ce qui complexifie la tâche des
investisseurs parce qu'ils doivent négocier avec beaucoup de producteurs à la
fois. Et il y a tout, on va dire, un effet aussi culturel et
social de désapprobation, hein? Juste à voir la réaction que ça a suscité
au Lac-Saint-Jean, il y a un… Bon, est-ce que cet effet-là peut maintenir la
route longtemps? C'est une autre question. Il
y a beaucoup de choses qu'on tient pour acquises et éternelles, alors qu'en
fait… Bon, je pense qu'essentiellement ça tourne autour de ça.
Bon, je l'ai dit, l'éloignement des marchés. C'est
certain que nous avons au sud un pays qui produit beaucoup et qui exporte beaucoup, alors que l'Afrique est vue justement,
pour toute une série de raisons négatives cette fois-ci... L'absence de
politiques agricoles dans beaucoup de pays, la proximité des marchés, des
conditions agroclimatiques intéressantes, un
mode de détention des terres qui était basé sur la propriété commune ou la
possession commune, hein? Dans
beaucoup de pays, il n'y a même pas de titres de propriété, hein, c'est l'État
qui est fiduciaire de l'utilisation des terres communes. Donc, lorsque l'État vend des terres agricoles à des
investisseurs en promesse de retour d'investissement, bien, les paysans
n'ont pratiquement rien à dire, ils sont évincés purement et simplement.
M.
Billette :
Merci beaucoup. Je veux tomber sur la SADAQ parce que je pense qu'on a eu
beaucoup de questionnements au niveau des autres groupes qui sont passés
avant, et vous avez, je pense, une expertise, vous avez étudié un phénomène. Et je veux revenir un petit peu sur les différents
rapports qui ont été… Vous l'avez dit en entrée de jeu, au niveau de l'IREC,
même, vous en avez parlé, une problématique qui est inexistante. CIRANO en
parle à la page 53. AGECO en parle en page
88. Desjardins également en a parlé dans leur rapport. Moi, la question que je
me pose, c'est : Si on regarde,
exemple, un modèle SWOT, qui est forces, faiblesses, opportunités, menaces,
comment qu'on peut arriver à une hypothèse, lorsqu'on n'a pas les faits
en tant que tels, qui va bien représenter, à ce moment-là, la réalité
environnementale, à ce moment-là, l'environnement d'affaires et d'arriver avec
un modèle qui dit qu'un problème qu'on ne cerne pas, mais on va le prévoir… C'est
un questionnement que je me pose.
M.
Laplante (Robert) : Bien, vous
avez raison. Ça nous amène sur des débats de méthodologie, on peut les
faire. Ce que nous avons dit, nous n'avons pas dit que le phénomène était
absent, nous avons dit qu'il n'y a pas de crise d'accaparement des terres. Ça,
c'est une différence, d'abord, sémantique importante à établir.
Ensuite, il faut bien comprendre que le
phénomène de l'accaparement des terres, ce n'est pas d'abord par l'observation des transactions qu'on peut le
détecter, c'est par les transformations dans les stratégies de portefeuille
des investisseurs, c'est là que ça se passe.
Alors, actuellement, partout sur la terre, les investisseurs sont dans un
paradigme d'investissement dans lequel il y a du foncier agricole. Et, quand on
veut jouer le jeu de la concurrence et qu'on est un gestionnaire de fonds, on doit avoir dans son portefeuille du foncier
agricole. Alors, ce n'est qu'une question de temps pour trouver l'investissement opportun. La Caisse de dépôt, qui se comporte en gestionnaire institutionnel dans un
marché hautement compétitif, l'a évidemment compris. C'est pourquoi elle a, elle
aussi, contribué à la création d'un fonds de 250 millions. La Caisse de dépôt a dit qu'elle ne ferait pas ici ce qu'elle va
faire ailleurs, mais imaginez qu'ailleurs on peut tenir le
même raisonnement et que, donc, les actifs fonciers agricoles québécois
peuvent être dans la mire. Maintenant, est-ce
qu'ils deviennent plus juteux maintenant
ou dans 10 ans? Ça, c'est une question d'opportunité. Mais, dans les faits, on
sait que, pour que ça devienne un actif intéressant, le processus de
remembrement doit être enclenché. C'est ce qu'on a observé aux États-Unis et c'est
ce qu'on peut observer ici.
Alors, le commentaire que nous avons fait sur le projet
de loi qui nous est soumis, c'est qu'il
ne suffit pas que ce soit des non-résidents parce que des institutions
financières bien québécoises, bien de chez nous peuvent faire la même chose. C'est la préoccupation que nous avons,
et nous savons, parce que nos institutions financières jouent le jeu du marché — et c'est normal — nous savons que, tôt ou tard, ça va se
produire. Et, de fait, dans l'année qui vient de se passer, au moins
deux fonds ont été créés. Ont-ils acheté une terre à Saint-Thomas-Didyme? C'est
important de le savoir. Mais ce qui est plus
important, c'est de savoir qu'ils sont en train de balayer le territoire, qu'ils
sont en prospection, et c'est pourquoi il faut, de façon préventive, s'outiller
pour éviter que les conduites de ces investisseurs-là bloquent l'accès à la relève. C'est la principale cause de
la non-acceptabilité sociale de ces pratiques-là. Au Lac-Saint-Jean, on
l'a vu, la spéculation sur les terres vient de condamner la génération
montante. Et ça, évidemment, c'est un choix de société, et vous me permettrez d'y
souscrire. Je pense qu'une société ne se développe pas en bloquant l'avenir de
sa jeunesse.
M.
Billette : Parfait.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
M. le député de Huntingdon.
M.
Billette :
On doit jouer avec un environnement également ici, je vais demander… Parce que
j'ai beaucoup de questions au niveau de la SADAQ. C'est un honneur de
vous avoir, on pourra se rencontrer par la suite parce que j'ai beaucoup de
questionnements. Vous parlez beaucoup des capitaux comme une problématique.
Vous avez dit : On va monter une structure
qui est apparentée à la SAFER. Je vais revenir sur les SAFER tantôt. C'est un
milieu qu'on apprend, quand même, qu'on avait peu entendu parler.
Vous voyez beaucoup les capitaux comme une
problématique. Pourquoi, des fois, dans la vie, on ne prendrait pas un problème puis l'amener comme une solution?
On a un outil ici qui s'appelle un FIRA, où on a eu Desjardins qui ont
investi dedans. On a eu également La Financière agricole qui a mis des sous.
Desjardins sont présents également. Le Fonds
de solidarité, ils ont investi dans un fonds pour notre relève. Vous
dites : On a un problème. D'un côté, des gens qui veulent être
participatifs dans un marché qui est le marché agricole; on a les jeunes, d'un
côté, qui se recherchent une manière de
financer, d'avoir des partenaires pour pouvoir devenir propriétaires des
terres. On a un outil qui s'appelle le FIRA. Je sais qu'il y a deux
parties... Il y a une partie de votre SADAQ, je pense qu'il faut une base de
données. Ça, on ne s'obstinera pas là-dessus,
je pense que c'est clair, mais c'est plus un éclaircissement. Et, je vais vous
demander une réponse courte, est-ce
qu'une problématique pourrait devenir, pour nos jeunes, une solution avec les
fonds d'investissement?
M. L'Italien
(François) : Bon, rapidement, je
ne pense pas que les capitaux comme tels posent problème. Mais, les
capitaux, si on ne les oriente pas de façon satisfaisante, là ils peuvent être effectivement
problématiques. Donc, en tant que tel, ce n'est pas ça, la question.
Au niveau du
FIRA, écoutez, actuellement, puisque je travaille sur un autre mandat qui concerne
indirectement le FIRA, qui concerne l'endettement des fermes, je peux vous dire
que le FIRA, actuellement, se voit déposséder d'une certaine part de marché au
niveau des prêts agricoles par d'autres investisseurs qui prêtent à des agriculteurs.
Et le mandat du FIRA, on va dire, est de
venir bonifier l'offre de crédit et, éventuellement, d'installation des jeunes,
mais son mandat ne va pas aussi loin
que celui de la société. Nous avons proposé la SADAQ dans l'objectif d'avoir un
mandat large, qui a d'autres
fonctions que simplement de faire du prêt ou d'acheter des terres en vue de les
louer aux futurs producteurs, hein? L'objectif
est véritablement de donner à la communauté régionale un actif institutionnel
de plus qui serait conforme aux priorités de développement des PDZA,
hein? Donc, ici, le FIRA est un peu éloigné de cette question-là.
Et, deuxième élément important, le FIRA n'est
pas une institution publique. Le FIRA est capitalisé par trois institutions financières et n'a de comptes à
rendre qu'à ces institutions-là. Il n'y a
pas plus de parties prenantes autour de la table que ces trois institutions-là. La SADAQ serait une institution publique qui mettrait autour de la table plusieurs parties
prenantes et qui mobiliserait, qui serait une institution de mobilisation du
milieu agricole et qui devrait rendre des comptes à l'ensemble des parties
prenantes.
• (17 h 50) •
M.
Billette : …un petit peu plus sur la SAFER, je pense qu'il y a beaucoup de questionnements.
Les gens ont questionné beaucoup
sur le droit de préemption, je pense qu'on va y revenir tantôt, et c'est ce qui
accroche beaucoup. Si on regarde le programme de SAFER qu'il y a en France, je pense que c'est
un modèle qui est présent depuis quelques années. Vous avez parlé tantôt
de propriétaires agriculteurs. Si on regarde le modèle au Québec, c'est 84 %
qui sont des exploitants agriculteurs. Je
pense que la loi en est pour beaucoup parce que, si on regarde le Canada, qui
est à 64 %... En France, depuis qu'ils ont mis une SAFER en place,
on est passé de 50 % à 30 % de propriétaires. Donc, on n'est plus sur
une base de propriétaires agriculteurs, mais de propriétaires locateurs.
Si
on regarde, également il y a d'autres questionnements au niveau de la SAFER.
Les coûts d'administration d'une SAFER, en France, sont de 6 % à
12 %. Vous voulez avoir un taux de rendement de 5 %. Ça veut dire qu'avant
de pouvoir sortir un profit supplémentaire à
5 % on va parler d'un profit, d'un gain sur la terre de 17 %. Je
pourrai vous donner les documents où on parle du taux d'opération d'une
structure supplémentaire au Québec, qui risque de coûter entre 6 % et
12 % d'administration. Qu'on exige un rendement de 5 %, donc on va
tomber à 17 %.
Un autre problème
également, je ne sais pas si vous l'avez exploré au niveau du projet de SADAQ
que vous proposez, c'est les SMI, les
superficies minimales d'implantation, que vous avez parlé tantôt. Puis, je pense,
oui, il y a lieu d'y aller, mais, en
France, ils ont passé de 40 hectares à 25 hectares. Si on dépasse trois fois le
modèle, vous n'avez plus le droit,
vous n'êtes plus éligible à l'obtention de nouvelles fermes. Puis, si on
regarde... Je vais vous donner un exemple. Quelqu'un qui veut grossir son quota de vaches est soumis à un PAF, plan
agroenvironnemental en fertilisation. Demain matin, il dit : Moi, je veux agrandir ma production laitière, mais
je n'ai plus de ferme parce que ma cote de phosphore est accotée. Qu'est-ce qu'on fait? Donc, on retarde
des projets de croissance animale en fonction d'un SMI. Je ne sais pas
si vous avez regardé au niveau de la superficie minimale d'implantation, en
France c'est trois fois 25 hectares. Ça veut dire
que les fermes ici, rendu à 75 hectares, si on prend exactement le même nombre,
je ne sais pas si vous avez chiffré, on serait exactement au même
endroit.
Beaucoup
de producteurs également au niveau d'un... La production agricole, la culture
québécoise, surtout dans la grande culture, c'est un domaine, je pense,
que, souvent, le retour sur l'investissement, de façon propre, est très, très limité au niveau des bénéfices. Je vais vous dire,
on voit de grandes fermes, les gens ont peine à vivre souvent. On a de
plus en plus d'exploitants agricoles qui ont un travail à l'extérieur pour
pouvoir joindre les deux bouts. Souvent, le salaire ou la rentabilité de sa ferme va être pris sur le gain, le gain sur l'actif
le jour qu'il va la revendre. Et, souvent, il n'est pas capitalisé, seulement qu'au moment de la retraite,
où il y a une transition, parce qu'il y a deux relèves, il y a la
famille et il y a tout. Je vais dire, c'est
priver peut-être un agriculteur d'avoir une rentabilité suffisante, à ce
moment-là, pour pouvoir s'assurer une certaine retraite.
Tu sais, on dresse un
portrait. Il y a des choses en France, puis, le droit de préemption, lorsqu'on
regarde en France de la manière que c'est
déterminé, c'est des syndicats, des élus qui prennent des décisions. Souvent,
les décisions sont aléatoires, sont
prises de façon régionale par quelqu'un, puis c'est-u un fonctionnaire assis
dans un bureau ou quelqu'un ne connaît pas la réalité, c'est-u son
voisin immédiat, où il y a une réalité en tant que telle sur la terre? Je vais
vous dire, ce que je vous transmets, là, c'est
des commentaires de la part des agriculteurs, des questionnements que les
gens ont, surtout lorsqu'on dit qu'on a
passé d'un projet de 50 % à 30 %, parce que, là-bas, de la manière
que ça fonctionne, ils vont transférer aux générations ultérieures pour
s'assurer d'avoir éventuellement une rentabilité dans un futur beaucoup plus
éloigné. J'en ai vu beaucoup, je pense que c'est du questionnement qu'on a, c'est
de l'inquiétude de la part des agriculteurs, et je pense que c'est des
questions...
Puis,
une autre question également — j'en ai beaucoup, là, vous ne pourrez pas
toutes y répondre, mais je mets la table — vous allez me faire la différence entre un
agriculteur puis également quelqu'un qui est au niveau d'un spéculateur,
quelqu'un qui arrive, qui a une compagnie,
Québec 9522 inc., qui produit. Il achète sa ferme, comment qu'on va
faire pour savoir s'il produit? Oui, l'individu a une compagnie, exemple, de
transport, que vous avez donné tantôt, mais il est agriculteur également. Comment qu'on fait pour déterminer la
différence entre un spéculateur et un agriculteur? Je pense que c'est une question très difficile à
répondre, où on trace la ligne. Est-ce que ça peut aller avec une accréditation
d'agriculteur, par un processus qui serait sélectif? C'est la question que je… Il
n'y a pas de problème.
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Messieurs, j'espère que vous avez noté les questions
M.
Billette :
Il y en a beaucoup.
La
Présidente
(Mme Bouillé) : ...parce qu'en cinq minutes vous avez la
possibilité de répondre en rafale.
M. L'Italien (François) : Bon. Écoutez, bien, je vous remercie de vos questions. Je pense que…
Bon, avoir su que ça allait être une
séance de discussion sur les SADAQ, je pense que je me serais rafraîchi la
mémoire sur les SAFER. Écoutez, sur les SAFER en France, ce que vous
évoquez est vrai. Ceci dit, le lien de causalité unilatéral que vous établissez
entre l'existence des SAFER et la diminution du taux de propriétaires producteurs,
il faudrait quand même l'analyser en
profondeur pour voir si c'est à cause de l'action des SAFER que le nombre de
propriétaires producteurs a diminué. Ça, c'est la première interrogation
que j'aurais vis-à-vis cette corrélation un peu simple, en tout respect.
La
seconde, c'est que j'ai envie de dire : Si on ne fait rien au Québec, il
se pourrait très bien que ce taux-là diminue plus rapidement ici. Donc,
la question, ultimement, qu'on pose, nous, c'est : Est-ce qu'on accepte de
ne rien faire? Et là on se dit : Bien,
le prix que l'on va payer à ne rien faire serait inférieur à celui qui serait
lié à celui qu'on fait quelque chose.
Nous avons mis sur la table cette proposition-là parce qu'on pense que ne rien
faire coûterait un prix supplémentaire pour
le modèle agricole québécois que de faire quelque chose. Et faire quelque
chose, ça veut dire : Face à la nouvelle conjoncture à laquelle on
est confrontés, et qui n'est pas, selon toute vraisemblance, n'est pas prête de
s'arrêter parce qu'il y a une série de
facteurs qui concourent à accélérer la nouvelle donne, nous pensons qu'une
institution supplémentaire qui vient agir serait pertinente.
Je ne voudrais pas
embarquer dans les SAFER parce qu'en fait les SAFER ont été instituées pour
plusieurs raisons, plusieurs fonctions qui étaient complémentaires à l'époque,
dans l'après-guerre, dans les années 60. C'est de Gaulle qui l'a mis en place, le gouvernement de Gaulle, qui voulait
assurer sa souveraineté alimentaire, il faut le dire, et il y avait un intérêt de plus en plus grand qui était
exprimé par les producteurs agricoles de l'époque de garder une
agriculture terrienne, de, on va dire,
régionaliser face à une dynamique de consolidation qui était en voie de s'implanter
suite au plan Marshall. Il y avait de
plus en plus de capitaux qui s'implantaient, et le gouvernement a décidé de
prendre les moyens qu'il fallait pour
limiter la capacité de l'agriculture de capitaux de s'implanter, de remembrer
des lots parce qu'il y avait aussi
une problématique de productivité des lots. Pour toute une série de raisons
historiques, en France, le territoire est extrêmement morcelé, et il fallait avoir un instrument actif de
remembrement. Et avoir simplement des lois ne suffisait plus pour remembrer les lots, et les SAFER apparaissaient
comme un instrument pour opérer ceci. Et, dernière chose, oui, permettre
à la relève de s'installer. Les coûts d'implantation étaient en explosion, et
il fallait trouver un dispositif pour favoriser l'implantation de la relève
agricole sur le foncier.
Alors,
évidemment qu'il y a toute une série d'effets pervers ou d'effets néfastes de
la SAFER. Premièrement, je dirais que
n'importe quelle institution crée son lot d'effets secondaires qui peuvent être
gérés. Et, si ces effets secondaires là viennent qu'à compromettre le
mandat initial, oui, elles doivent être abolies ou neutralisées. Mais ce n'est
pas notre point de vue. Et, deuxièmement, je
lai déjà dit, le Québec est différent du reste du monde, différent de l'Europe,
et tout ce que nous avons proposé ici doit être compris à la lumière de
notre contexte, de notre tradition, de notre réalité, de nos coutumes, de notre culture. Donc, on peut bien
évoquer toute une série d'effets pervers des SAFER, mais, les SAFER,
nous l'avons évoqué dans le rapport simplement comme une espèce de patron qui
va nécessairement faire l'objet d'une épreuve à l'égard de la réalité
québécoise. Robert voulait peut-être réagir vis-à-vis…
• (18 heures) •
M.
Laplante (Robert) : Oui. Bien,
écoutez, nulle part il n'a été question de transposer tel quel le modèle
français. C'est un exemple parmi d'autres dans les pays développés. On aurait
pu en choisir ailleurs, de fait en Scandinavie en particulier. Mais, cela étant dit, le principal mérite d'un instrument
comme la SADAQ est celui de mobiliser les forces vives du milieu et,
donc, de faire confiance au jugement des parties prenantes. Et, de ce point de
vue là, je pense que les agriculteurs québécois ont, depuis longtemps, montré à
la fois leur capacité d'initiative et leur imagination quand il s'agit d'être
solidaires.
La différence entre un agriculteur puis un
spéculateur, on peut en parler longuement, mais, d'un point de vue de l'entreprise,
c'est très facile à distinguer. O.K.? Un agriculteur, c'est quelqu'un dont c'est
le coeur de sa mission, l'agriculture. Sa
ferme, c'est le coeur de sa mission. Un spéculateur, un investisseur en
agriculture, le coeur de sa mission, c'est
le rendement financier. S'il peut passer par l'agriculture pour en obtenir,
soit, mais, s'il doit passer par la confiserie, s'il doit passer par la fabrication de chaussures, il
va le faire. Un agriculteur veut faire de l'agriculture. Un agriculteur, en
tant qu'acteur économique, en tant qu'agent économique, il est, comme tous les
autres acteurs économiques, susceptible de profiter tantôt, tantôt de subir les
effets de la spéculation.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Merci beaucoup. Merci. Il vous reste 30 secondes, M. le député.
M.
Billette :
30 secondes. Aïe! je vous remercie beaucoup. Je pense que c'était important, puis
M. L'Italien l'a bien dit. Je vous
remercie beaucoup d'être venus. Je pense, c'est intéressant, vous suscitez…
Comme vous avez dit, c'est une discussion.
Je vais vous dire, oui, ça suscite les discussions actuellement dans la
campagne. Oui, il faut penser à notre relève agricole. On les recevait
hier. C'est important, il faut leur donner les outils pour s'assurer de la
pérennité de notre relève agricole ici, au
Québec. Je pense, c'est un débat… Vous avez mis la table, puis je pense que c'est
des échanges qu'on pourra ravoir de
façon ultérieure. Puis, je vous remercie beaucoup, je pense que c'est des
échanges qui sont pertinents et, surtout, importants à avoir pour l'avenir
de l'agriculture québécoise. Donc, merci beaucoup de votre présence, puis on
pourra rediscuter du sujet hors commission.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Merci. M. le député de Nicolet-Bécancour.
M.
Martel : Merci, Mme
la Présidente. Bonjour, les deux. Deux questions. La première, c'est très
rapide. La deuxième va être un petit peu
plus à développement. Le fruit de la SADAQ, est-ce que ça fait suite à une
demande de l'UPA? Est-ce que c'est l'UPA qui vous a demandé d'étudier la
problématique au niveau ou c'est vraiment…
M.
Laplante (Robert) : Non. Je vais
vous expliquer. L'Institut de recherche en économie contemporaine est un
institut indépendant. Nous conduisons notre programme de travail, mais, comme
nous ne sommes pas subventionnés, il arrive
que nous demandions à des partenaires de participer au financement, en partie,
des recherches que nous conduisons. Alors,
dans ce cas-ci, puisque nous travaillions sur la problématique de l'accaparement
des sols, on a proposé à l'UPA de souscrire au projet.
Je ne veux
pas les accabler, mais ça nous a coûté pas mal plus cher que ce qu'ils nous ont
donné. Ils ont contribué à la réalisation du projet, et, pour ce mandat
comme pour tous les autres, l'IREC est toujours en totale indépendance. C'est
notre crédibilité que nous engageons quand on signe un rapport.
M.
Martel :
Très bien. Moi, je veux juste essayer de comprendre parce qu'il y a une
problématique au niveau de la hausse
des terres agricoles. Le fait que les terres augmentent, on a une agriculture
de plus en plus endettée. L'augmentation des terres, ça augmente aussi
les frais de gestion, les frais de taxes, etc. On vit actuellement une époque
où les taux d'intérêt sont très, très bas. Je suis
inquiet des fois, quand je réfléchis, que ça pourrait augmenter, notamment au niveau de l'agriculture. Moi, je comprends que la
SADAQ peut, dans une transaction particulière, avoir un effet bénéfique
pour contrer une espèce de surenchère. Cependant, à long terme, compte tenu de
l'objectif de faire de l'argent, pour ceux
qui vont investir dans la SADAQ, c'est évident qu'il n'y a aucune motivation à
freiner l'augmentation des terres agricoles
si on veut qu'il y ait une pérennité par rapport à ça. Moi, je trouve que c'est
un peu le chat qui tourne alentour de sa queue, là.
M. L'Italien (François) : Vous voulez
dire le fait que des vendeurs aient intérêt à ce que le prix des terres
continue à augmenter. Est-ce que j'ai bien compris votre question?
M.
Martel : Bien, la
SADAQ a intérêt à ce que les prix augmentent, la valeur augmente pour la valeur
des portefeuilles, là.
M.
Laplante (Robert) : Bon, je crois
comprendre votre préoccupation. Il faut bien saisir que, d'abord, la
SADAQ, comme acteur économique dans le
foncier, ce n'est pas contraignant. O.K.? Ce sont les agriculteurs qui,
volontairement, choisissent de passer par la SADAQ, il n'est pas question de
fermer le marché. Bon, premièrement.
Deuxièmement,
l'idée qu'il y a derrière la SADAQ, c'est que l'appréciation de ses actifs
fonciers, effectivement, contribue à améliorer son portefeuille. Mais, la SADAQ ayant
pour mission de, justement, améliorer les conditions pour l'exercice de l'agriculture de métier, serait
particulièrement intéressée, par
exemple, à investir sur les
propriétés qu'elle aurait dans son portefeuille pour bonifier l'actif,
donc le drainage, etc., et également à utiliser et à mettre en valeur des sols agricoles qui, actuellement, ne le sont pas, mis en valeur, soit parce que l'agriculteur
vieillissant ne voit pas l'intérêt de
le faire, soit parce que, pour une relève, ces lots-là porteraient trop de
contraintes à l'investissement, justement. Donc, cette
partie-là de l'appréciation du portefeuille de la SADAQ est générée par l'augmentation globale de la valeur du foncier agricole dans le milieu, mais c'est une augmentation qui repose sur l'investissement
réel, donc dans l'actif, donc dans sa bonification, et non pas dans une
logique spéculative seulement.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Merci. C'est tout le temps que nous avions pour l'échange. Nous vous remercions,
messieurs.
Et je vais suspendre les travaux quelques
minutes. Merci.
(Suspension de la séance à 18 h 7)
(Reprise à 18 h 9)
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre!
Remarques finales
Nous allons maintenant procéder à l'étape des
remarques finales en débutant par le deuxième groupe d'opposition. M. le
député… Excusez…
Une voix : …Martel.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Bon, à ce moment-là, donc, nous allons… J'invite maintenant le député de
Huntingdon et porte-parole…
M.
Billette : Ce n'est
pas le gouvernement qui commence habituellement les remarques finales?
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
Non. Non.
M.
Billette : O.K.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
M. le député de Huntingdon…
M.
Billette : Je n'obstinerai
pas 37 ans d'expérience.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
M. le député de...
Une voix : ...
• (18 h 10) •
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
S'il vous plaît! M. le député de Huntingdon et porte-parole de l'opposition officielle en matière d'agriculture et pêcheries,
je vous invite à faire vos remarques finales pour une période maximale
de six minutes.
M.
Stéphane Billette
M.
Billette :
Bien, merci beaucoup, Mme la Présidente. On vient de terminer, je pense, deux
jours d'un sujet qui préoccupe beaucoup les agriculteurs, les
agricultrices du Québec, puis je pense que c'est important de débattre. C'est un projet de loi qui a un petit peu débordé lorsqu'on
voit la globalité de la réalité. On parle beaucoup d'accaparement des terres, on a eu beaucoup d'allégations au niveau
des Chinois qui achetaient des terres, des choses comme ça. Il y a
plusieurs rapports qui ont été produits. Je
veux dire, d'entrée de jeu, je pense, c'est une révision de la loi, puis pour
ne pas faire de partisanerie non plus, que j'accepte bien. Je pense qu'on
en a débattu, et il y a des choses intéressantes au niveau du projet de loi en tant que tel. Et je pense que le
bout d'information qui nous manque, c'est au niveau de l'organisme qui
met en application la loi, au niveau de la Commission de protection du
territoire agricole. Je sais qu'il était dans la liste. Il y a eu un ordre de
la Chambre, il n'était pas retenu à ce moment-là.
Donc, je
pense que ça serait intéressant, par la suite, avant de débuter l'étude article
par article, je pense, ça serait intéressant
de pouvoir entendre la Commission de protection du territoire agricole parce
que j'ai quand même beaucoup d'interrogations au niveau de la mise en
application de la loi ou de l'interprétation qu'il y a eu en face. Parce que,
comme législateur, je pense, c'est important. On entend les gens qui, à ce
moment-là, sont des acteurs importants, mais
il y a également la Commission de protection du territoire agricole du Québec
également qui est un joueur important. Donc,
je pense, ce serait à voir avec M. le ministre. Donc, on pourrait avoir un… et
surtout les agriculteurs, beaucoup plus important.
Il y a des modifications qui se
voulaient nécessaires, quand même. On allonge le délai, passant de deux ans à quatre ans. Il y a eu beaucoup d'interrogations au
niveau du 1 000 hectares, je pense qu'on va pouvoir échanger là-dessus.
Le seuil, lorsqu'on parle des dernières années,
c'était un seuil de 2 000 hectares en moyenne qui était atteint au
niveau de l'acquisition des fermes. Au
niveau du 1 000 hectares — et on voit qu'il n'y a pas grand monde qui
ont la réponse à savoir comment qu'on
va prioriser les projets qui vont arriver — s'il en arrive un le 2 janvier, à 8 heures,
le matin, avec un projet de 1 000 hectares, qu'est-ce qu'on fait
avec le reste? Est-ce qu'il y a lieu… Je pense qu'on va avoir des précisions à
apporter là-dessus qui sont très importantes.
Je
pense, la prochaine étape va être le principe, qu'on va faire au salon bleu.
Mais, avant tout, je veux remercier beaucoup les partenaires, je pense,
qui ont suscité un débat, les gens qui sont venus ici en audition. Je pense, c'était
essentiel de les entendre. Ils ont fait un excellent travail, ils nous ont
apporté beaucoup d'éclairage, d'informations également pertinentes à l'avancement
de l'agriculture. Donc, je tiens à les remercier énormément de leur apport à la
législation. Puis, je pense, c'est l'objectif
principal des consultations lorsqu'on a un projet de loi. Ça fait que nous,
comme législateurs, on ne peut pas avoir l'absolu
de la vérité. Donc, c'est important que des experts comme ça viennent
nous faire valoir leurs points ou éclaircir leurs points. Je pense, ça a été un
exercice très profitable.
Mais,
au-delà de la loi n° 46, qui apporte une modification sur la loi de l'acquisition
des terres par des non-résidents, on voit que l'accaparement des terres,
la relève agricole suscitent beaucoup d'inquiétude et d'interrogations dans les
milieux ruraux et dans le milieu agroforestier également. On l'oublie,
malheureusement. On parle souvent des terres, mais
également il y a l'agroforestier qui est très important. Mon opinion, je pense,
il va falloir aller beaucoup plus loin, les gens sont… C'est une réalité, la relève agricole. Je pense que, lorsque
la moyenne d'âge est de plus de 55 ans, il faut penser à notre relève et
leur permettre d'avoir un actif qui va leur permettre de poursuivre l'agriculture,
un domaine qu'ils aiment, auquel ils
adhèrent. Donc, je vous remercie beaucoup, Mme la Présidente. Je pense, ça a
été un exercice… et on va sûrement se revoir à l'article par article.
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Merci beaucoup, M. le député de Huntingdon.
Et, maintenant, M. le ministre de l'Agriculture,
des Pêcheries et de l'Alimentation, vous disposez d'un maximum de six minutes
pour vos remarques finales.
M. François Gendron
M.
Gendron : Je vous
remercie, Mme la Présidente. Alors, je pense que je ne les emploierai pas parce
qu'à la fin d'un exercice comme celui-là il
faut dégager, d'après moi… d'abord, un, convenir que c'était requis d'entendre
des gens intéressés de nous faire des
commentaires sur les principaux principes du projet de loi. Lorsqu'on fait des
audiences réduites, si vous me permettez l'expression,
c'est pour entendre les plus concernés sur l'économie générale du projet
de loi. Alors, l'économie générale du projet
de loi pour lequel les gens ont pris la peine de nous faire un mémoire,
essentiellement, les constats sont les mêmes, il n'y a pas beaucoup de
variables sur les constats.
Est-ce
que c'est pertinent de se préoccuper de ce dossier-là? On peut avoir des
opinions contraires, mais, de ceux qu'on
a entendus, c'est passablement unanime parce que, la plupart, on souhaite que c'est
préférable de prévenir que de guérir,
et il n'est pas requis, comme ça a été dit par la plupart des intervenants, de
tout savoir sur une chose pour s'occuper de la chose. Alors, moi, c'est de même que, comme ministre, je
prétendais qu'il y avait lieu, assez rapidement, de donner des indications qu'en ce qui concerne la
spéculation foncière, l'accaparement par des étrangers, il fallait donner le
signal que ce dossier-là, pour le gouvernement actuel du Québec, est une
préoccupation et qu'il y avait lieu de baliser les trois, quatre éléments
sur lesquels on va jouer parce qu'à
un moment donné il ne faut pas élargir trop la plage, raffermir le terme
de la notion de résident pour s'assurer que c'est des gens qui ont vraiment l'intention
de s'établir chez nous puis de cultiver. Alors, là-dessus, on pourrait faire beaucoup
de déploiement, mais on va toujours arriver à la même place.
Sur le 100 hectares, on dit : Il a fait l'objet…
Une voix : Le 1 000.
M.
Gendron : …le 1 000 — pardon — il a fait l'objet de beaucoup de
questionnement. Non, moi, ce n'est pas ce que j'ai entendu. La plupart trouvent que c'est raisonnable, requis. Le
questionnement, c'est dans les modalités, dans les modalités d'application
pour cerner plus et mieux l'application du 1 000 hectares qui constitue la
banque disponible d'acquisition par rapport
aux investisseurs étrangers. Puis c'est légitime, article par article, pas de
refaire le débat, mais de dire :
On va donner les précisions, pourquoi que c'est 1 000, comment on entend s'assurer
qu'il n'y ait pas de bousculade ingérable à la porte, pour prendre une
image. On va s'assurer que ça se fasse correctement et convenablement.
Notre critique de l'opposition officielle laisse
voir qu'il manque le point de vue d'une instance qui aura la responsabilité de ce que j'appelle s'assurer, si jamais — ce que je souhaite de tout coeur, là — on
obtient l'adoption de ce projet de loi là, de s'occuper de l'administrer. Mais la Commission
de protection du territoire agricole, moi, je veux lui laisser sa pleine et entière neutralité, et c'est
très rare que le législateur va demander à celui qui aura la responsabilité de donner suite au projet de
loi : Viens nous dire comment tu vois ça, toi, si je te confiais la responsabilité.
Ce n'est pas évident par rapport à sa pleine et entière neutralité. C'est quand
même une instance avec des mécanismes d'expertise développés au fil du temps qui va passablement vouloir garder son objectivité, sa façon d'entrevoir… justement, dû à
son expertise, qu'elle a eu à gérer depuis
plusieurs années les données qui tournent autour des réalités qu'on veut
baliser. Et je ne dis pas que je suis
complètement fermé, mais moi, je ne crois pas que c'était pertinent de dire à
la commission : Je t'invite à me
dire comment tu vas faire ça. Et là on pourra peut-être regarder d'autres
mécanismes moins larges que celui d'audience traditionnelle dans une
commission parlementaire. On pourra regarder, effectivement, là, si, en séance
de travail, on pourrait avoir une séance de travail avec eux autres sur comment
ils… Puis je ne sais pas, là. Je veux dire, on sera ouverts à des suggestions.
Et c'est
clair, par contre, qu'on a constaté que les gens qui avaient des choses à nous
dire là-dessus, c'est important d'avoir
eu leur point de vue pour élargir la rétention d'éléments de bonification parce
que ce n'est pas la science infuse. Quand
un législateur développe quelque chose, il y a toute la question du Comité de
législation qui donne un principe assez uniformisé qu'on appelle l'économie
générale d'un projet de loi.
Il y a également pour la plupart, même s'il n'était
pas question d'une instance de régulation pour la suite des choses… Que ça soit SADAQ ou d'autres instruments,
ça, il y a peu de gens qui ne nous ont pas parlé de la nécessité de
regarder ça. Est-ce qu'on doit en créer une nouvelle qui est celle qui nous est
suggérée? Moi, j'ai, effectivement, une réflexion,
comme ministre, à faire et à poursuivre, et, effectivement, dans les étapes
subséquentes, on va probablement arriver à peu près au même moment pour
vous suggérer quelque chose, et, à ce moment-là, on verra si le meilleur outil,
c'est celui qui nous est proposé ou d'autres.
Une voix : …
M.
Gendron : Oui.
La
Présidente
(Mme Bouillé) :
En conclusion, M. le ministre.
M.
Gendron : Alors, moi, je remercie les collègues parlementaires, je remercie les intervenants. C'est nourrissant et stimulant de voir que le sujet avait l'air à
intéresser des gens qui vont nous permettre d'avoir peut-être éventuellement les ajouts requis
pour faire de ce projet de loi là ce qu'il faut pour contrer le phénomène.
Merci.
La
Présidente
(Mme Bouillé) : Merci, M. le ministre. Je tiens, moi aussi, à remercier le ministre,
les membres de la commission et le personnel de soutien qui assure le
bon déroulement de nos travaux.
Je lève maintenant
la séance, et, la commission ayant accompli son mandat, ajourne ses travaux
sine die. Merci.
(Fin de la séance à 18 h 20)