(Dix heures cinq minutes)
Le Président (M. Pinard): Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de l'agriculture, des pêcheries, de l'énergie et des ressources naturelles ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires, s'il vous plaît,
Le mandat de la commission est de tenir des auditions publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet de loi n° 18, Loi limitant les activités pétrolières et gazières.
Alors, Mme la secrétaire, avons-nous des remplacements ce matin?
La Secrétaire: Oui, M. le Président: Mme Bouillé (Iberville) est remplacée par M. McKay (L'Assomption), et M. Grondin (Beauce-Nord) est remplacé par Mme Roy (Lotbinière).
Le Président (M. Pinard): Alors, bienvenue. Alors, ce matin, nous recevons l'Association pétrolière et gazière du Québec. Alors, sans plus tarder, je demanderais au président de l'association de bien vouloir nous présenter les invités qui l'accompagnent pour fins d'enregistrement. Et vous connaissez très bien les règles du jeu: vous avez un 15 minutes de présentation, et, par la suite, il y aura période d'échange avec les parlementaires d'une durée de 45 minutes. Alors, M. le président...
Auditions (suite)
Association pétrolière et gazière du Québec
M. Bouchard (Lucien): Alors, bonjour, M. le Président. Bonjour, Mme la ministre, MM. et Mmes les députés membres de la commission. Je voudrais d'abord vous remercier de nous donner l'occasion de vous rencontrer et de vous faire valoir les représentations que nous aimons vous soumettre par rapport à ce projet de loi. À ma droite, m'accompagnent, M. Marc-André Lavoie, qui est le P.D.G. de la corporation Altai. À ma gauche, vous avez M. Peter Dorrins, qui est le chef des opérations chez Junex.
M. le Président, on se souviendra qu'au moment de la publication du rapport du BAPE, l'association, par ma voix, a fait savoir qu'elle accueillait favorablement ce rapport, et qu'elle en appuyait les recommandations, et qu'elle allait notamment s'activer à appuyer, de façon aussi active que possible, aussi positive que possible, les travaux du comité d'évaluation stratégique qui allait être formé.
Vous vous rappellerez aussi que l'effet de la mise en oeuvre des conclusions du rapport par le gouvernement a été en particulier de mettre un frein, à toutes fins pratiques, sur les activités gazières et pétrolières pour les détenteurs de permis de gaz de schiste durant les travaux de la commission. Ce n'est peut-être pas une interdiction juridique, mais, à toutes fins pratiques, il a été décidé, et nous en avons été d'accord, que, durant les travaux du comité, il faudrait marquer une sorte de pause avec les exceptions qui prévaudraient, et que cette pause était nécessaire.
Les bouleversements et l'émoi qu'ont suscité les débats qui ont entouré les premières activités sur le terrain des détenteurs de permis justifiaient, à notre avis, de se donner un répit, le temps d'étudier, le temps de s'en remettre à des faits, à des données scientifiques pour nous permettre à tous à la fois de nous familiariser avec la question et aussi pour aller voir dans quelle mesure il était possible, avec les meilleures technologies, de développer cette ressource de façon sécuritaire en conformité avec les impératifs de l'environnement, et surtout avec l'acceptation de la population, plaçant au centre de tout cela l'intérêt public avant tout intérêt privé.
Nous avons aussi fait remarquer que, si le gouvernement le souhaitait, les partenaires de l'association, les entreprises qui en étaient les membres, verraient très positivement une participation de l'État, de fonds publics, un partage dans les redevances mêmes, même une redéfinition des redevances à la faveur des informations que nous obtenions tous, et en conséquence il y a eu une lancée, là, très positive de l'opération.
**(10 h 10)** Mais nous avons aussi souligné qu'il y avait quand même une conséquence de tout cela qui créait une situation sur laquelle il fallait se pencher, c'était le sort des permis. Parce que, quand vous obtenez un permis, le permis est émis pour cinq ans, il est renouvelable une fois par année, maximum un autre cinq années, vous avez des obligations. Et, de toute façon, au bout du 10 ans, des 10 années maximum, votre permis, il tombe, là, à moins qu'il se passe des choses que prévoit la loi. Et surtout vous devez satisfaire le gouvernement que vous remplissez les obligations auxquelles sont assujettis les détenteurs de permis. Les permis ne sont pas octroyés à toutes fins pratiques pour rien faire, pour s'asseoir dessus, comme on dit. C'est pour développer la ressource, l'explorer, en affirmer la valeur, voir comment on pourrait la rentabiliser, comment on pourrait le faire correctement, et ainsi de suite.
Mais, à partir du moment où il y avait une sorte de frein général pendant un certain nombre d'années, là les gens étaient empêchés de remplir leurs obligations, s'exposaient à ce qu'on leur en fasse reproche. Le gouvernement aurait été fondé de leur en faire reproche. Par contre, c'est lui qui, à la suite du BAPE, avec notre accord, avait décidé qu'il fallait marquer une pause. Il fallait donc prévoir un tempérament, comment remédier à la situation. Alors, manifestement c'était de l'ordre de suspendre l'écoulement du temps, la durée des permis, en conformité avec le temps que prendraient les travaux du comité qui devaient aboutir, qui devront aboutir éventuellement à l'adoption d'une nouvelle loi sur les hydrocarbures qui va tracer un cadre, avec des exigences, etc.
Alors, c'est pour cela que ce projet de loi qui est devant vous et qui comporte un très petit nombre de dispositions, nous l'appuyons de façon très nette en ce qui concerne le paragraphe 3, le paragraphe 3 qui opère la suspension des permis. Il y a peut-être une précision juridique qu'on devrait obtenir et aussi une inquiétude, une inquiétude enfin qui est mineure, mais qu'il faut exprimer: le paragraphe 3, dans sa deuxième partie, montre bien que le permis va être suspendu, que la période de durée du permis, on appelle ça la période de validité du permis, va être suspendue. La suspension, ça connote l'expression que ça s'arrête un certain temps, puis ça repart là où c'était. Donc, si on a perdu trois ans, il y aura trois ans qui vont s'ajouter au bout du 10 ans original.
Par contre, quand vous lisez la première partie, l'arrêt est édicté pour deux ans, deux ans fixe, deux ans fixe, alors que, comme la logique, c'était de se coller sur la durée des travaux du comité, il se pourrait que les travaux du comité soient plus longs que deux ans. Et, moi, je ne m'y entends pas plus qu'un autre, mais je me rends bien compte que ça risque beaucoup d'être plus long que deux ans. C'est complexe, le mandat du comité est très large, il va y avoir des débats très intéressants, il y a des études innombrables à faire, il va y avoir des consultations constantes, et il y aura ensuite la préparation d'un projet de loi très complexe qui va nécessiter, lui aussi, des approbations, des consultations, de sorte que deux ans, c'est probablement trop court.
On a parlé de 30 mois déjà, je pense que Mme la ministre a déjà évoqué la possibilité de 30 mois, de même que le ministre, le collègue de l'Environnement. Ça peut être plus. Donc, ça ne peut pas être, de façon arithmétique et comme une horloge, de deux ans. Donc, nous soumettons qu'il faudrait harmoniser la durée de la suspension avec celle de la durée de l'arrêt qui la motive. Mais nous sommes bien sûr satisfaits de cette disposition, puisqu'elle tire une conclusion logique en termes du remède à apporter à la problématique que créait l'arrêt des travaux, du fait des travaux du comité.
Ceci étant dit, l'article 2 nous inquiète mais davantage. Par rapport à l'article 2, nous ne sommes pas ici pour faire des réclamations monétaires puis dire: Ça nous prend tant de plus, si vous voulez. Il faut constater que l'article 2 révoque des permis purement et simplement. Il révoque quels permis? Il révoque les permis qui portent sur les territoires de l'estuaire du Saint-Laurent et de la partie nord-ouest du golfe qui ont fait l'objet de la première étude environnementale stratégique qui s'est conclue par une mise en garde très, très nette dont le gouvernement a pris note et qui a inspiré chez la ministre des Ressources naturelles la décision d'annoncer qu'il n'y aurait pas d'exploration, de travaux de permis sur ce territoire qui a fait l'objet de la première étude environnementale. Bon. Le gouvernement a pris cette décision, mais puisque le gouvernement a pris cette décision, se pose la question: Qu'est-ce qui arrive des suites de la révocation des permis?
Alors, vous avez une disposition dans l'article 2 qui y pourvoit, puisque d'une façon non équivoque il est... l'article 4, pardon, statue très clairement qu'il n'y aura aucune indemnité de versée. Alors, on peut avoir un débat sur combien valaient ces permis lorsqu'ils ont été révoqués? Quelle était la valeur des travaux qui ont été effectués, parce qu'il y a eu des travaux qui ont été effectués, non pas seulement dans les territoires contigus, mais dans le fleuve même, à l'époque, par une compagnie qui est l'auteur de Altai, qui les a achetés par la suite. En tout cas, on peut certainement prétendre qu'il y a eu une valeur ajoutée à ces permis, que ces permis avaient une valeur, une valeur économique. Tellement, qu'ils font partie des actifs sur lesquels Junex, par exemple, a levé des fonds auprès d'investisseurs, en présentant un panier de permis. Même chose pour Altai, dont les permis révoqués constituent environ 38 % des permis que vous avez.
Alors, qu'est-ce qu'on fait avec ça? Je reviens à l'idée que ce n'est pas l'endroit pour entrer dans les complications juridiques pour voir: Est-ce que ça valait quelque chose, ça valait combien, etc. Bon. Mais il y a une chose, par exemple, qui est certaine, il y a un grand principe: c'est que, quand on révoque un droit, ou qu'on l'exproprie, il faut toujours l'assortir d'un mécanisme de réclamation pour évaluer la possibilité qu'il y ait une indemnité de versée. Et évidemment ce n'est pas le gouvernement qui fixe ça, ce n'est pas les détenteurs de permis. Il y a des tribunaux qui ont été constitués pour ça, le Québec en a. En général, dans les lois, tout le temps d'ailleurs, chaque fois qu'il y a expropriation ou révocation, on réfère les calculs de l'indemnisation à un tribunal compétent, un tribunal administratif, de différentes sortes, et le Québec est pourvu de ces instances qui permettent de statuer s'il y a une valeur ou pas, puis s'il y en a une, c'est combien.
C'est un grand principe dans toute société de droit, que, quand on révoque un droit puis qu'on l'exproprie, il faut prévoir une méthode d'évaluation de toutes indemnités qui pourraient être dues, mails il faut en faire la preuve. Il faut en faire la preuve. Alors, Altai est très inquiète de la situation, Junex aussi. Ils pensent que leurs actifs ont été diminués du fait de cette révocation. Est-ce qu'ils pourront en faire la démonstration? Ils pensent pouvoir la faire, mais ils la feront, ou ils ne réussiront pas, devant vous. Si les permis ne valent rien, le gouvernement, l'Assemblée nationale ne risque rien d'en permettre l'évaluation. Si ça ne vaut rien, ça ne coûtera rien. Mais, si ça vaut quelque chose, là, il y a un principe. Là, je ne voudrais pas me tromper, mais on a fait des vérifications, et, de mémoire d'homme et de femme, le gouvernement du Québec n'a jamais révoqué les droits sans assortir la disposition d'un mécanisme de réclamation et d'indemnisation.
La question n'est pas banale puisque, si on se met à la place des investisseurs, l'investisseur, lui, quand il investit de l'argent à quelque part, il veut s'assurer de la sécurité juridique de ses droits. Et, à partir du moment où une entreprise, qu'elle soit québécoise, canadienne, américaine, australienne ou n'importe -- on en a de toutes les sortes, nous autres, dans notre association -- investit et obtient des permis légalement, en se prévalant, comme un bon citoyen corporatif, des droits que lui confère une loi, obtient l'émission des permis, souscrit aux conditions pour son émission, remplit les obligations qui l'entourent, bien, l'entreprise ne s'attend pas à ce qu'on lui coupe l'herbe sous les pieds sans indemnisation. Alors, les investisseurs, dans le monde, ils les regardent, les systèmes juridiques. Avant d'investir quelque part, ils vont voir comment ça se passe dans ce pays-là: C'est-u un pays de droit? Y a-t-il une sécurité juridique si jamais on est expropriés, c'est un grand principe. Expropriation sans indemnisation, c'est un principe très fondamental. Les pays qui se permettent de le faire -- c'est arrivé -- s'exposent à des problèmes considérables en termes d'investissements et de perception de la crédibilité pour un investisseur, bon.
Alors, je soumets, en toute déférence, qu'indépendamment de l'issue des recours -- je ne sais même pas s'ils vont les intenter -- que pourraient instituer des entreprises qui pensent être spoliées de leurs droits du fait de la révocation des permis, il y a la nécessité de pourvoir une indemnisation, ce que les Anglais appellent «due process of law». C'est un très mauvais message à envoyer à l'extérieur du Québec pour les investisseurs.
Le Président (M. Pinard): Merci beaucoup. Merci, M. Bouchard. Alors, sans plus tarder, je demanderais au côté ministériel de bien vouloir débuter la discussion avec nos invités.
Mme Normandeau: Oui.
Le Président (M. Pinard): Alors, Mme la ministre.
**(10 h 20)**Mme Normandeau: Merci, M. le Président. M. Bouchard, bienvenue. Bienvenue à vos collègues qui vous accompagnent ce matin, en ce lieu que vous connaissez bien, et je vous disais, d'entrée de jeu, qui n'a plus de secret pour vous. Alors, ça nous fait plaisir de vous retrouver à l'Assemblée nationale, M. Bouchard, sincèrement. Merci d'avoir accepté notre invitation pour le projet de loi n° 18.
Ce qu'on retient, c'est que votre association est en accord avec le contenu du projet de loi n° 18. J'imagine que, pour vos membres et votre association, il n'y avait pas une très grande surprise dans son contenu, étant entendu que le projet de loi vient rendre officiel ou légal ce que nous avons confirmé, comme gouvernement, dès septembre de l'année dernière. Je remarque aussi, M. Bouchard, que vous avez pris soin de commenter le choix qu'a fait notre gouvernement suite au rapport du BAPE et vous reconnaissez, comme nous, qu'une pause était nécessaire dans le contexte, évidemment, social que nous connaissons concernant le dossier gazier. Également, le fait que vous ayez admis que placer l'intérêt public en premier, en tout premier lieu, dans ce genre de débat, était effectivement la chose à faire.
M. Bouchard, mes questions vont porter sur deux enjeux que vous avez soulevés. Le premier, à l'article 3, parce que certains parlementaires voient dans l'article 3 une incongruité dans sa nature par rapport aux autres articles qui sont contenus dans le projet de loi n° 18. Certains prétendent ou semblent prétendre que nous devrions retirer l'article 3 qui vise les exemptions qui sont accordées aux détendeurs de droits du domaine gazier. Là-dessus, je souhaiterais vous entendre sur le plan juridique. Nous, on pense qu'il y a une ligne directrice dans le fait d'associer à la fois des dispositions qui concernent l'interdiction, pardon, de faire des travaux dans le fleuve, pardon, dans l'estuaire et dans le golfe et dans le fleuve, pardon, l'estuaire et le fleuve, je le répète, et le fait de vous accorder une exemption par rapport aux obligations qui sont imparties aux détenteurs de droits, la ligne directrice étant l'évaluation environnementale stratégique que nous avons menée en milieu marin et que nous allons mener en milieu terrestre. Alors, là-dessus, je souhaiterais vous entendre sur le plan juridique, parce qu'on aura à faire face à ce genre de question en étude détaillée. Je peux peut-être... J'essaie d'anticiper, évidemment, la position de mes collègues de l'opposition et déjà ce que je décode, c'est qu'on va peut-être tenter de faire soustraire l'article 3 du projet de loi, qui vise l'exemption que vous avez souhaitée. Alors, là-dessus, je souhaiterais vous entendre, sur le plan juridique, est-ce que vous voyez une quelconque incongruité, le fait que les articles qui portent sur l'estuaire et le fleuve soient, donc, inscrits dans le projet de loi avec un article qui concerne l'exemption des droits.
Deuxièmement, vous avez manifesté une inquiétude quant au libellé de l'article 3 sur la période de validité des permis. Et, si vous avez une suggestion à nous faire pour dissiper l'inquiétude que vous avez soulevée, quelles seraient, dans le libellé de l'article 3 actuel, les suggestions que vous avez à nous faire? Je vais peut-être vous laisser, M. Bouchard, avec vos collègues, le soin de répondre à ces deux premières questions et je reviendrai sur tout l'aspect lié à la compensation, si vous le permettez, par la suite.
Le Président (M. Pinard): Alors, M. Bouchard.
M. Bouchard (Lucien): Bien, si vous me permettez, je vois deux situations essentiellement différentes sur lesquelles le gouvernement devait se pencher au moment de rédiger le projet de loi. La situation de l'estuaire et de la partie nord-ouest du golfe est tout à fait distincte puisqu'elle a déjà fait l'objet d'une étude environnementale stratégique. La question a été évaluée, la question a été étudiée, la conclusion a été tirée et le gouvernement l'a faite sienne, à l'effet que c'est un territoire qui est fragile, c'est un territoire où il y avait des activités touristiques à protéger. Bon, alors, moi, je... Il faut constater, là, c'est un constat, que le gouvernement, au nom de l'intérêt public, au nom des impératifs qui ont été dégagés par le comité qui a évalué ce territoire, a conclu qu'il fallait le protéger, qu'il fallait donc édicter à son propos l'interdiction qui apparaît dans le projet de loi n° 18.
L'autre situation est tout à fait distincte. Ce sont les autres... c'est l'autre territoire, un autre territoire qui, lui, n'a pas encore fait l'objet d'une étude, mais qui est, cependant, présentement à l'aube d'en subir une très considérable, et qui va faire en sorte que ces permis-là ne pourront pas être exécutés. Les gens ont des permis, ils n'ont pas été annulés, ces permis-là, je ne vois pas que le gouvernement ait pu interdire des permis, il peut y avoir jusqu'à 200 millions de dollars d'investissements de fait sur ces territoires. Alors, que le gouvernement ait dit: Attention, on va voir, si vous êtes prêts à attendre... Puis, bon, je n'ai pas entendu encore de gens qui veulent poursuivre parce qu'ils vont attendre deux, trois ans, là. Je ne veux pas empêcher personne d'exercer les droits auxquels ils pourraient prétendre, mais l'association, le mandat que j'ai eu, moi, c'est d'accepter de participer aux travaux du comité. Donc, ça crée un problème parce que ces permis-là, ils vont perdre leur valeur, là. Ils sont légaux, les sociétés espèrent bien pouvoir s'en prévaloir pour développer la ressource éventuellement après les conclusions de l'étude qui va être faite. Donc, il faut un remède et, ce remède-là, vous l'avez apporté. Ça me paraît tout à fait cohérent. Vous auriez pu faire deux projets de loi, si les gens trouvent qu'il aurait fallu faire deux projets de loi. Oui, mais pourquoi faire deux projets de loi? On traite du même sujet, on distingue les deux situations, et puis on apporte des remèdes distincts et spécifiques pour chaque situation.
Deuxièmement, la question d'une suggestion que vous sollicitez, je sais que le gouvernement peut compter sur des légistes extrêmement expérimentés et qui vont pouvoir trouver toutes les solutions. Dès lors qu'un gouvernement dit à des légistes: Trouvez une solution, ils vont en trouver. Mais j'imagine qu'une solution qui viendrait à l'esprit, ce serait de donner à la ministre le pouvoir, par un décret, d'ajouter à la période de la suspension, si la suspension s'avérait plus longue que deux ans. Ça ne provoquerait pas de débat énorme, ce serait normal, puisque la suspension est justifiée par la durée des travaux, alors la ministre serait en mesure, le ou les ministres éventuellement, en mesure d'ajuster la période de suspension sur celle des travaux par simple décret. Ça pourrait être une façon de procéder.
Le Président (M. Pinard): Mme la ministre.
Mme Normandeau: Merci, M. Bouchard, pour votre suggestion. Donc, pour bien comprendre votre position, vous considérez que l'ensemble des articles qui apparaissent au projet de loi, dans le fond, bien que ce soient deux éléments distincts, c'est tout à fait approprié qu'ils se retrouvent dans un même projet de loi.
M. Bouchard (Lucien): Oui, mais...
Mme Normandeau: Parfait.
M. Bouchard (Lucien): ...s'il y a des gens qui veulent en faire deux, ils pourront en faire deux. Ce n'est pas...
Mme Normandeau: Oui. Mais j'arrive à ma question: Si l'article 3 faisait l'objet d'une opposition assez marquée, là... Ce que j'essaie de comprendre, c'est, si l'article 3, pour toutes sortes de raisons, n'était pas adopté à cette session-ci, quels seraient les impacts pour les membres de votre association?
M. Bouchard (Lucien): Bien, ils seraient énormes. On créerait un immense problème juridique. Ça placerait ces entreprises dans la situation de voir perdre les droits d'un permis, de permis qui leur ont été légalement octroyés. Ça les empêcherait, dans la plupart des cas, de faire les travaux qu'ils ont à l'esprit, et puis ensuite le gouvernement serait obligé, la ministre serait obligée de leur reprocher ensuite. Elle serait obligée de dire... les fonctionnaires seraient obligés de dire: Écoutez, vous avez des obligations, vous ne les avez pas remplies. Oui, mais là ils leur répondraient: On ne les a pas remplies parce que vous nous en avez empêchés. Mais non, il n'y a aucune loi qui nous permet, là... qui vous exempte là. Il faut qu'il y ait une loi qui nous exempte. Alors, ça créerait un problème juridique, puis, écoutez, il y en a qui vont penser à prendre des poursuites immédiatement. Puis ce n'est pas ça qu'il faut faire.
C'est un débat convivial qu'il faut avoir autour de cette question-là. C'est un débat fondamental pour le Québec. Ce n'est pas un débat juridique qu'il faut faire. Il faut qu'on trouve des consensus autour du développement de ces ressources. Est-ce qu'on peut les développer ces ressources-là? Est-ce qu'il est pertinent de les développer? On va l'étudier, là. Il y a des gens, là, qui ont été nommés, puis qui vont être entourés d'appuis pour analyser la question dans le calme, dans la paix, parce qu'ils ne seront pas hantés par des travaux qui vont se poursuivre en même temps, sauf ceux qui seront requis pour des fins scientifiques, là, et pour certains autres travaux, j'imagine, de réparation de puits, d'entretien, enfin on ne peut pas tout imaginer ce qui peut arriver. Mais, en réalité, si on veut donner une chance à ce comité de fonctionner correctement puis de nous permettre d'arriver tous à la même place au Québec pour développer une ressource correctement, en faisant la preuve qu'on peut le faire correctement, bien, à ce moment-là, réglons le problème juridique des permis en attendant. Je pense que le gouvernement n'a pas le choix. L'Assemblée nationale non plus, je me permettrais de le dire en tout respect. Il faut régler la question.
Et la façon dont vous le réglez, bien, ça n'enlève pas de droit à personne. Ça ne préjuge de rien. Ça laisse toutes les options ouvertes à tout le monde, et ça permet, pendant tout ce temps-là, de travailler calmement, dans le calme, j'entends dans la sérénité de discussions, de dialogues scientifiques, de consultations en associant le grand public pour qu'on puisse comprendre mieux ce phénomène et prendre les meilleures décisions quand il s'agira de développer nos ressources. Merci.
Le Président (M. Pinard): Merci. Mme la ministre.
**(10 h 30)**Mme Normandeau: Ce que je retiens, M. Bouchard, de votre intervention, jusqu'à maintenant c'est que votre association est tout à fait disposée à travailler avec le gouvernement sans précipitation, travailler de façon constructive, vous l'avez dit, vous avez utilisé le qualificatif de «convivial», de travailler dans la sérénité. Est-ce que c'est possible pour vous, M. Bouchard, ce matin, de... Parce qu'on a entendu, bon, un joueur de l'industrie faire certaines déclarations dernièrement concernant la dynamique actuelle qui prévaut. Alors, ce qu'on comprend de votre intervention, c'est que le ministère de l'Environnement a fait publier un règlement il y a deux semaines maintenant, Vous êtes prêt à vous conformer justement à ces nouvelles règles dans le cadre de l'EES.
Alors, pour le bénéfice des citoyens, ce serait bien effectivement que vous puissiez le réitérer haut et fort, M. Bouchard, pour dissiper tout doute, enfin toute interprétation concernant une réelle volonté de la part des membres que vous représentez ici, ce matin, de contribuer à l'avancement des travaux avec le gouvernement.
Le Président (M. Pinard): M. Bouchard.
M. Bouchard (Lucien): Vous faites référence à ce projet de règlement qui a été publié récemment. On a encore quelques jours, là, pour déposer nos commentaires. Nous les avons recueillis, ils sont positifs; ils vont pointer du doigt quelques problèmes techniques. Mais, dans l'ensemble, évidemment, l'industrie va se soumettre aux règles strictes que le gouvernement va édicter, va aider même les comités dans la mesure où on sera requis de le faire, recueillir de l'information pour enrichir la réflexion et la définition des nouvelles normes et des critères, bien entendu, évidemment. C'est l'intérêt de l'industrie aussi. L'industrie ne peut pas développer ça de force.
Et puis, quand on parle de l'industrie, là, on ne parle pas seulement que de multinationales, et tout, il y a beaucoup de petites compagnies québécoises là-dedans, là. Et justement, ça, c'est une des raisons qui s'ajoutent à la nécessité de l'article 3, parce que les compagnies québécoises, bon, les membres qui font partie de l'association, ce n'est pas homogène, ça, c'est assez disparate: il y a de grandes compagnies, très bien nanties en termes de ressources, qui font des opérations partout dans le monde, qui ont donc des revenus et des capitaux, puis il y a des compagnies québécoises qui n'ont pas ces capitaux puis qui n'ont pas d'opérations ailleurs, qui n'ont pas de revenus ailleurs. Alors, si on compromet la valeur de leur permis en n'édictant pas l'article 3, il va arriver des malheurs à ces compagnies québécoises, puis ça va vouloir dire aussi qu'à ce moment-là ça va être des compagnies étrangères qui vont développer la ressource. Si on veut qu'il y ait une diversité d'investisseurs qui vont développer la ressource, il faut protéger les permis. C'est normal.
Mme Normandeau: C'est un point...
Le Président (M. Pinard): Mme la ministre.
Mme Normandeau: M. le Président, c'est un point fondamental que vous venez de soulever, M. Bouchard, parce que, dans la perception populaire, et c'est probablement un discours que certains de nos collègues vont réitérer haut et fort aujourd'hui, il y a une espèce de mythe entretenu volontairement par certains acteurs que le domaine gazier effectivement est composé de joueurs qui n'ont pas d'intérêt au Québec, qui ont peu d'intérêt pour le Québec, qui viennent ici, dans le fond, et qui ont leur siège social à l'extérieur. Alors, vous venez, dans le fond, apporter une nuance très, très importante par rapport aux plus petits joueurs qui, eux, sont Québécois.
Et, vous avez raison, les ressources naturelles qui sont au Québec appartiennent aux Québécois, mais on souhaite voir naître des joueurs québécois, mettre à contribution une expertise acquise depuis des années maintenant.
Donc, conclusion, M. Bouchard, cet article 3, vous en avez besoin dans le cadre de la présente législature... présente session. C'est ça? C'est ce qu'on comprend?
M. Bouchard (Lucien): Absolument. Et une des démonstrations, je dirais, incarnées de tout cela, c'est le cas de Junex. Junex détient, sinon la moitié, peut-être un plus de la moitié des permis qui ont été enregistrés. Et Junex, ce n'est pas une entreprise qui vient de Mars, là. C'est parti presque d'une épopée personnelle, celle de Jean-Yves Lavoie. Il faut connaître l'histoire de Jean-Yves Lavoie, un jeune ingénieur qui, quand il a vu que SOQUIP laissait aller les permis puis concluait, après 60 millions de dépenses de recherche, qu'il n'y avait pas de gaz puis de pétrole au Québec, a décidé, lui, de plonger dans l'opération et en a fait une aventure personnelle. Il a hypothéqué ses biens, il a travaillé tout le temps. C'est une sorte de croisée, là, lui. Puis finalement c'est grâce à lui qu'on a pu finalement, à la fin, procéder à la première fracturation efficace.
Alors, les valeurs qui ont été données à ces permis-là, c'est grâce à des travaux comme ceux de Jean-Yves Lavoie, des Québécois comme lui, puis il y en a d'autres, là, qui ont travaillé très fort là-dedans puis qui voudraient être au premier rang de ceux qui vont développer cette ressource lorsqu'elle se développera et lorsqu'elle le fera en conformité avec toutes les règles et exigences.
Le Président (M. Pinard): Mme la ministre.
Mme Normandeau: Est-ce que vous êtes prêt à passer en alternance? Je pourrais revenir sur le sujet des compensations, si vous le souhaitez, M. le Président.
Le Président (M. Pinard): Très bien. Alors, M. le député de Jonquière et critique officiel en matière d'énergie.
M. Gaudreault: J'aimerais mieux que la ministre poursuive et finisse son bloc.
Mme Normandeau: Non, non. On a toujours fonctionné par alternance...
Le Président (M. Pinard): Excusez-moi.
Mme Normandeau: ...et je souhaite, M. le Président, qu'on continue de fonctionner de cette façon.
Le Président (M. Pinard): Excusez-moi. Alors, vous pouvez également maintenir une certaine partie de votre temps pour revenir ultérieurement.
M. Gaudreault: O.K. Alors, merci, M. le Président. Alors, le député de Jonquière que je suis est bien heureux de rencontrer le député de Jonquière que vous avez été, et il me fait plaisir de vous recevoir ici avec d'autres représentants de votre association. On va avoir évidemment beaucoup de questions. Le projet de loi 18 est quand même assez bref, comme vous l'avez dit vous-même, mais ce n'est pas une raison pour dire qu'il n'a pas des impacts qui sont majeurs, effectivement.
Le premier objet du projet de loi porte sur, je dirais, le caractère rendre légal ou asseoir, dans une loi, la décision gouvernementale quant à un moratoire permanent à la suite de l'évaluation environnementale stratégique pour exploration, exploitation dans l'estuaire, dans le fleuve et notamment sur les îles du fleuve, et on parle d'autour de 80 îles. J'aimerais savoir si vous êtes d'accord avec les conclusions de cette étude environnementale stratégique quant à la diversité faunique, marine, environnementale exceptionnelle que représente cette portion... et fragile effectivement que représente cette portion du fleuve?
M. Bouchard (Lucien): Écoutez, moi, je ne suis pas un spécialiste, je n'ai pas procédé aux études auxquelles se sont livrés les experts qui ont composé ce groupe d'étude et, moi, je reconnais leur crédibilité. Et je pense qu'au terme d'un processus comme celui-là qui me paraît avoir été exhaustif et fait de façon objective, il faut se rendre compte qu'il y avait des conclusions à tirer et que les conclusions ont trouvé correctement, de la part du gouvernement, une formalisation qui aboutit aujourd'hui à l'article 2.
Oui, on a de grandes décisions à prendre qui vont être très, très difficiles à prendre parce qu'on sait qu'un train en cache un autre, là. On sait qu'en arrière de la question de l'estuaire, là, il y a Old Harry, il y a l'étude qui est en cours, il y a des décisions immenses à prendre. On sait très bien qu'un golfe, qu'une zone maritime, ça présente une fragilité particulière. Dans le cas de l'estuaire, on a conclu que, là, c'était tel qu'il fallait interdire l'exploitation. Dans le cas du golfe, les décisions vont être immenses. Je ne suis pas certain qu'il faut exporter les mêmes conclusions dans le cas du golfe, mais laissons se poursuivre l'étude qui est en place. On entend dire qu'il y a des gisements là qui peuvent être extrêmement considérables, comparables, sinon davantage, à Hibernia. On verra ce qu'il en est. En tout cas, les examens sommaires qui ont été faits permettent de voir des formations géologiques qui donnent des espérances considérables. On sait que Québec, par Hydro-Québec, par les droits à Hydro-Québec, a des droits sur la meilleure partie de Old Harry parce qu'il y a une partie qui est vraiment très riche d'espoir, une autre qui l'est un peu moins, celle de Terre-Neuve. Alors, il y aura de très grandes décisions à prendre. Alors, nous, on pense qu'il faut être très prudents.
Le gouvernement a pris sa décision pour l'estuaire, bon. Pour l'autre, il faudra voir parce que, quand on importe de 11 à 12 milliards de pétrole par année, si jamais on en trouve en très grande quantité chez nous et puis qu'il appert qu'on est capables de le développer correctement, les gens qui seront au pouvoir, qui seront aux affaires, les populations concernées auront des grandes décisions à prendre. Alors, oui, pour l'estuaire. Maintenant, pour le reste, il faudra faire attention de ne pas tirer de conclusions hâtives et de se livrer à des études approfondies pour s'assurer que, si on a des ressources chez nous, on pourra les développer. C'est toute la grande question de développer nos ressources qui est au fond là-dedans. Ce qui se profile en arrière de nos débats, c'est: Nous avons des ressources naturelles, elles sont magnifiques, il faut les préserver. Mais est-ce qu'on ne peut pas aussi les développer dans l'intérêt économique de notre population? Ça, c'est une grande question.
Le Président (M. Pinard): Merci. M. le député de Jonquière.
M. Gaudreault: Oui. Mais, précisément sur la question de l'estuaire et du territoire qui est couvert par le premier volet du projet de loi n° 18, vous reconnaissez néanmoins la compétence du comité qui a fait l'évaluation environnementale stratégique et les conclusions ou le bien-fondé des...
M. Bouchard (Lucien): Il n'y a pas de raison de contester la compétence des gens qui ont été nommés pour faire cette étude, aucune raison.
M. Gaudreault: Et pouvez-vous nous confirmer il y a combien de permis qui sont couverts par ce premier volet du projet de loi et combien d'entreprises sont touchées par ces territoires, entre autres sur les îles?
M. Bouchard (Lucien): ...
Le Président (M. Pinard): Ça va?
M. Bouchard (Lucien): Neuf entreprises, 31 permis. Je ne sais pas si c'est conforme aux informations du ministère? Oui.
M. Gaudreault: Oui.
Mme Normandeau: Oui. La réponse, c'est oui.
M. Bouchard (Lucien): Oui.
**(10 h 40)**M. Gaudreault: Oui, tout à fait, c'est conforme. Alors, neuf entreprises et 31 permis couverts par ce territoire. Et vous dites que l'article 4 vous inquiète quant aux indemnités... qu'il n'y a pas d'indemnités prévues, donc, pour ces neuf entreprises qui détiennent 31 permis. Mais je voudrais juste savoir quelle interprétation que vous faites... Parce que tout à l'heure vous avez associé ces révocations à de l'expropriation. C'est des droits qui ont été accordés, 31 permis, 31 droits on pourrait dire, qui ont été accordés à neuf entreprises. Par rapport à l'ensemble du territoire, c'est quand même une portion congrue, je dirais. Et, par ailleurs, à l'article 3, il y a quand même une prolongation de deux ou trois ans, là, tout dépendant des droits, de la durée des droits d'exploration.
Alors, est-ce que vous ne trouvez pas que, pour neuf entreprises qui détiennent 31 permis, la qualité, la fragilité exceptionnelle du fleuve et de tout ce territoire de l'estuaire devrait primer d'une certaine manière?
M. Bouchard (Lucien): La fragilité, ça, c'est à lier avec la décision d'interdire l'exploration, c'est une chose. Mais les conséquences de l'abolition d'un droit, c'en est une autre. Et, si on pense, par exemple, que ce n'est peut-être pas une valeur très importante, ce n'est peut-être pas considérable, mais à partir de quel niveau de valeur on peut exproprier sans compensation? Il y a une question de principe là-dedans. Et je dirais même qu'au-delà de la question des neuf entreprises puis des 31 permis il y a surtout la réputation du Québec. Le gouvernement du Québec, là, je l'affirme mais peut-être que je peux me tromper... jamais un gouvernement puis une Assemblée nationale n'ont adopté des lois expropriatrices ou révocatrices sans pourvoir la loi d'un mécanisme d'indemnisation. S'il y a des exemples, ce n'est pas des bons exemples, mais je n'en connais pas. En tout cas, je peux vous dire que, quand j'étais aux affaires, au gouvernement, je pense que je me serais interdit de faire des choses comme ça. Parce que qu'est-ce qu'ils vont penser les investisseurs dans le monde, là? On n'est pas tout seuls dans le monde, le Québec, là, nous autres, là. Il y en a d'autres qui investissent. Quand ils vont regarder le Québec, ils vont dire: Est-ce une place où on peut investir en toute sécurité? Est-ce qu'on peut s'en remettre à la stabilité des droits qui seront octroyés par le gouvernement? S'ils disent: Oui, oui, oui, mais par contre ils ont déjà fait une exception, ils l'ont déjà fait. S'ils l'ont déjà fait, peut-être pas ce gouvernement-là, peut-être pas le gouvernement qui va suivre, mais un jour n'importe qui pourrait invoquer le précédent pour le faire, puis, en plus, ça peut décourager. Vous savez, ça peut décourager des investisseurs. Pourquoi est-ce qu'on se fait mal comme ça? Pourquoi?
Alors, faisons comme toutes les sociétés de droit. S'il s'avère qu'il y a des dommages de causés, des valeurs, bon, qu'on laisse un tribunal compétent statuer là-dessus. Il peut conclure que c'est zéro, il peut conclure un peu, un peu moins, plus, et personne ne pourra nous reprocher, au Québec, d'adopter des lois qui spolient des droits individuels de propriété. Vous me direz: La Charte des droits ne protège pas la propriété, en terme de droit fondamental, comme elle protège d'autres droits individuels. Et vous pourriez me dire: Le Parlement a tous les droits, l'Assemblée nationale a tous les droits, elle peut statuer. Sans préjuger de l'étanchéité de l'argument, je sais que c'est un argument très puissant, ce qui m'inquiéterait, moi, ce n'est pas les poursuites, c'est la réputation que ça ferait au Québec.
Le Président (M. Pinard): Merci, M. Bouchard. Mme la députée Lotbinière.
Mme Roy: Oui, merci, M. le Président. Merci, M. Bouchard. Je comprends très bien ce dont vous parlez parce qu'on le vit beaucoup dans mon comté, c'est un endroit où il y a de tout, chez nous. Il y a l'exploration du gaz de schiste, les éoliennes, dans ma MRC il y a la centrale nucléaire, donc on comprend beaucoup ces... puis il y a les tourbières aussi chez nous qui sont des milieux sensibles. Ce qu'on comprend très bien -- parce que les nappes d'eau ne sont pas loin des tourbières -- ce qu'on comprend très bien, c'est qu'il y a deux choses dans la balance: il y a le droit de propriété puis il y a l'intérêt public. Puis ça, c'est des balanciers qui doivent toujours s'entreposer. Puis, dans les intérêts privés, il y a quelque chose de fondamental dans notre droit depuis le traité de Jean sans Terre, c'est le droit de propriété puis le contrat. Ça, ça soutient puis ça fait toute l'économie de notre droit. Quand on se permet d'aller à l'encontre de ces droits individuels là, c'est pour l'intérêt public. Donc, le public, le collectif, est redevable envers cet individu-là que l'on a privé de son droit reconnu dans notre économie. Donc, c'est toute l'économie du droit qui est faite là-dessus. Donc, c'est la raison pour laquelle, lorsqu'on exproprie pour passer une route, on indemnise; lorsqu'on décide de faire une aire protégée à un endroit, on indemnise. C'est la raison pour laquelle, quand l'intérêt du public prime, le privé, qui doit céder la place pour l'intérêt collectif, doit être indemnisé. Moi, j'ai bien compris que ce ça que vous nous avez expliqué. Ça veut dire par là que, l'article 4, vous n'êtes pas d'accord.
Le Président (M. Pinard): M. Bouchard.
M. Bouchard (Lucien): Non, je ne suis pas d'accord, je ne suis pas d'accord, mais c'est surtout que je voudrais exprimer l'interrogation que j'ai à l'esprit: Pourquoi est-ce que le Québec se ferait mal comme ça? Pourquoi est-ce qu'on propagerait une image comme ça? Pourquoi envoyer une image comme ça? Parce que, en termes pécuniaires, c'est peut-être rien, je ne le sais pas, moi. Il y a des avocats qui plaident, puis, à la fin, ça se pourrait que Junex se fasse dire: Non, non, c'était des permis, il n'y a pas eu de travail fait directement sur le site, vous avez fait des travaux... Bon, il y a toutes sortes d'arguments qui seraient plaidés. Ça se pourrait que c'est zéro: très bien, ça va être zéro, ou d'autres, ça pourrait être un peu plus. Mais c'est le principe de pourvoir des gens qui sont privés de droits de pouvoir se faire indemniser s'ils peuvent en faire la preuve. Vous le faites partout dans vos lois. Lisez les lois dans les statuts du Québec: partout, partout c'est prévu.
Mme Roy: J'ai oublié de vous dire qu'en plus de ça il y a le pipeline qui passe chez nous, puis il y a les oléoducs, et ces propriétaires-là, qui sont privés de l'usage de leurs terrains, sont grandement contents d'être indemnisés pour les désavantages que fait le bien public, qu'on a mis au-dessus, les oléoducs et les... Donc, si on admet ça pour un citoyen ordinaire, là, les cultivateurs de chez nous, on a tendance à démoniser les compagnies, diaboliser un peu les compagnies, puis leur dire qu'eux n'auraient pas le droit à cette indemnité-là, moi, je pense que ça ne tient pas la route, un tel jugement.
M. Bouchard (Lucien): Moi, je vous dirai que je n'impute pas au gouvernement puis à ceux qui ont rédigé le projet de loi un motif de démonisation des corporations. Je pense que les gens ont dit: Il n'y a pas eu de travaux, on pense qu'il n'y a pas eu de travaux, on pense qu'il n'y a pas vraiment de perte, donc ce n'est pas nécessaire de pourvoir à une indemnisation. Je pense que ça a été ça, probablement, le raisonnement, mais qui est très dangereux. Et puis, personnellement, je pense que... je donne mon opinion...
Mme Roy: Vous êtes en train de nous dire qu'on n'a peur de rien finalement?
M. Bouchard (Lucien): Qu'on n'a peur de rien?
Mme Roy: Oui, s'il n'y a pas eu de travaux?
M. Bouchard (Lucien): Bien non, mais non... Moi, j'ai peur de tout.
Le Président (M. Pinard): Très rapidement.
Mme Roy: Vous avez peur de tout?
M. Bouchard (Lucien): J'ai peur de tout.
Mme Roy: Merci, monsieur...
Le Président (M. Pinard): Alors, merci beaucoup...
M. Bouchard (Lucien): Surtout quand je viens m'asseoir ici devant vous, là.
Le Président (M. Pinard): Merci, ceci complète le bloc...
Mme Roy: Pas devant... j'espère?
Le Président (M. Pinard): Ceci complète le bloc de Mme la députée de Lotbinière. Alors, nous passons maintenant au député de Mercier. 3 min 45 s, M. le député.
M. Khadir: Oui, merci, M. le Président. C'est bien court. Bienvenue, M. Bouchard, à l'Assemblée nationale.
M. Bouchard, beaucoup de gens, surtout des souverainistes, des indépendantistes, se sont désolés de vous voir passer, disons, comme représentant de l'industrie pétrolière et gazière. C'est sûr que, pour les indépendantistes que nous sommes, il est assez inconcevable qu'on puisse servir les intérêts d'une nation tout en travaillant ardemment à protéger les intérêts de multinationales étrangères qui cherchent en fait à spolier nos ressources naturelles, comme ils l'ont fait pour le plus clair des dernières années pour ce qui est des ressources gazières, pétrolières, des ressources aussi minérales. Je n'ai pas besoin de faire beaucoup de démonstration là-dessus, c'est désolant... mais aussi pour notre peuple.
Moi, j'ai reçu... sachant qu'il y avait une commission, il y a une jeune citoyenne de Montréal qui m'a écrit, en fait, quelque chose qu'elle voulait que je vous lise: «Lucien Bouchard, la nation québécoise mérite mieux que ce que vous êtes venu lui proposer.»M. Bouchard (Lucien): ...
M. Khadir: En fait, elle vous écrit.
M. Bouchard (Lucien): À moi?
M. Khadir: Oui. «...la nation québécoise mérite mieux...»
M. Bouchard (Lucien): À travers vous, vous êtes le facteur, vous êtes le facteur...
Le Président (M. Pinard): ...
M. Khadir: Oui, je suis le facteur, je suis l'humble facteur d'une citoyenne.
Le Président (M. Pinard): S'il vous plaît, on s'adresse à la présidence.
M. Khadir: Je souhaiterais... M. le Président...
Le Président (M. Pinard): Merci.
M. Khadir: ...voici la lettre qui est adressée à M. Bouchard. En fait, vous êtes venu... M. Bouchard est venu proposer qu'on protège le droit individuel d'entreprises qui voient leurs propriétés spoliées. Alors, elle, elle dit, cette jeune, elle nous dit que «la nation québécoise travaille fort, elle lutte pour demeurer souveraine, sur sa terre, de ses richesses.» Puis elle commence à citer Gatien Lapointe dans son Ode au Saint-Laurent: «Et l'âpreté du soleil sur sa nuque, Et la rude espérance et la haute justice, Et la patience fidèle de ses pas.»
Malheureusement, vous n'avez pas été fidèle à cet engagement que nous devons avoir comme serviteur du bien public...
M. Bouchard (Lucien): Est-ce que je suis ici pour subir des jugements moraux de ce monsieur?
Le Président (M. Pinard): Monsieur...
M. Bouchard (Lucien): Est-ce que c'est la tradition, maintenant, dans cette enceinte, que de porter des jugements de nature morale sur les gens qui y comparaissent?
Le Président (M. Pinard): Monsieur... M. Bouchard...
M. Khadir: Bien, c'est parce que vous servez l'intérêt de... M. Bouchard...
M. Bouchard (Lucien): Mais, c'est absolument indigne, ça! Où est-ce qu'on est?
Le Président (M. Pinard): M. Bouchard...
M. Khadir: M. Bouchard...
M. Bouchard (Lucien): C'est la cour du roi Pétaud!
M. Khadir: M. Bouchard, je m'excuse.
Le Président (M. Pinard): S'il vous plaît!
M. Khadir: Je ne veux pas vous insulter personnellement.
Le Président (M. Pinard): S'il vous plaît!
**(10 h 50)**M. Khadir: Vous avez eu un rôle... Le Président (M. Pinard): S'il vous plaît!
M. Bouchard (Lucien): Vous me dites que je n'ai pas été fidèle aux Québécois, monsieur.
M. Khadir: M. Bouchard...
M. Bouchard (Lucien): Écoutez...
M. Khadir: ...vous n'avez pas été fidèle au rôle de réserve...
M. Bouchard (Lucien): ...je ne vous reconnais aucun droit de porter des jugements sur ma fidélité aux Québécois.
M. Khadir: ...qui incombe à un premier ministre.
M. Bouchard (Lucien): Aucun droit.
Le Président (M. Pinard): Tel que... C'est tout le temps, tout le temps...
M. Bouchard (Lucien): Aucun droit. Il est en dehors de ses pompes, là, lui, M. le Président.
M. Khadir: M. le Président, est-ce que...
Le Président (M. Pinard): M. Bouchard, tout d'abord je tiens à vous mentionner, au nom des collègues de la commission parlementaire, on voudrait vous remercier d'avoir pris la peine ce matin de vous être déplacé avec les deux autres membres qui vous accompagnent pour venir représenter l'industrie et pour nous permettre de vous questionner, de vous demander votre point de vue sur le projet de loi n° 18. Et tous les collègues, j'imagine, sans exception, j'imagine, sont heureux de vous rencontrer ce matin.
Alors, oui, il y a certaines choses qui se passent différemment depuis la dernière élection en commission parlementaire. Nous essayons de maintenir, de maintenir, au meilleur, le décorum en ce parlement et en cette commission, et nous allons continuer tant et aussi longtemps que vous allez être parmi nous.
M. Bouchard (Lucien): Alors, je vais répondre à la question parce qu'il y a une question dans ce qu'il a dit.
M. Khadir: M. le Président, je n'ai pas terminé.
M. Bouchard (Lucien): J'ai cru déceler une question dans ce qu'il disait, quand même.
M. Khadir: M. le Président, je n'ai pas terminé...
Le Président (M. Pinard): Alors, pour l'instant, il nous reste 1 min 15 s pour répondre à la question, M. Bouchard.
M. Bouchard (Lucien): Bien, la question: Est-ce que c'est l'intérêt de la nation québécoise...
M. Khadir: J'ai été interrompu. M. le Président. Est-ce qu'il y a une présidence à cette commission?
Le Président (M. Pinard): Excusez-moi. Pardon, monsieur.
M. Khadir: M. le Président, j'ai été interrompu...
Le Président (M. Pinard): Une question de règlement, M. le député de Mercier?
M. Khadir: J'ai été interrompu à plusieurs reprises. Je n'ai pas pu faire ma déclaration et poser ma question. Si vous permettez, j'invite M. Bouchard à être patient, je vais lui poser une question très précise.
Le Président (M. Pinard): Alors, voulez-vous la poser par le biais de la présidence?
M. Khadir: Oui, je vais y arriver. Parce qu'il faut le contextualiser. M. Bouchard est ici parce qu'il s'inquiète des droits d'exploration et d'exploitation des compagnies qui sont en grande majorité des compagnies américaines ou canadiennes à l'extérieur du Québec. Il se trouve qu'il pense que c'est eux qui ont fait l'exploration et, disons, qui ont mené les études. Et il nous a même dit que l'entreprise Junex, par exemple, qui est le seul exemple québécois qu'il peut nous citer, ça a été réalisé parce que la SOQUIP avait laissé aller les permis. Or, vous savez que, dans un texte de Jacques Gélinas, on a appris en janvier dernier qu'en fait c'est M. Bouchard et M. André Caillé, lorsqu'il était président d'Hydro-Québec, qui ont liquidé la SOQUIP, la Société québécoise d'initiatives pétrolières, qui, à la fin des années quatre-vingt-dix, dans les années quatre-vingt-dix, était en contrôle de tous ces permis et avait fait pendant 40 ans, 30 ans, des explorations et l'investigation qui ont été remis littéralement à l'industrie privée. Et c'est M. Bouchard qui a forcé la SOQUIP à renoncer à son mandat et qui a fini de la liquider, d'accord?
Alors, je voudrais lui demander: Comment alors est-ce qu'il peut aujourd'hui venir réclamer des droits pour ces entreprises privées qui nous ont spoliés, qui nous ont dépossédés de 30 ans d'investissements publics dans la SOQUIP...
Le Président (M. Pinard): Alors, merci infiniment, M. le député de Mercier.M. Bouchard (Lucien): ...pour l'investigation pétrolière et gazière?
Le Président (M. Pinard): Merci infiniment, M. le député de Mercier. Le temps est maintenant complété. Votre temps imparti est complété.
M. Khadir: ...sur l'histoire de la SOQUIP et de sa liquidation.
Le Président (M. Pinard): Veuillez me transmettre votre document pour le dépôt. Bon.
M. Bouchard (Lucien): ...permis bien avant que j'arrive au pouvoir, là. Ils ont même investi 40 millions en Alberta à même les 100 millions qui leur avaient été octroyés. Et c'est ce jeune ingénieur, qui travaillait pour la SOQUIP à l'époque, qui a décidé de reprendre le flambeau puis d'essayer de prouver qu'il y en avait... Deuxièmement, pour la question principale, elle est de fond. Vous faites référence à la nation québécoise dont nous sommes tous et dont les intérêts nous tiennent tous à coeur. Et je vous soumets, monsieur, qu'il faut se préoccuper de la possibilité, pour la nation québécoise et pour le Québec, de recevoir des investissements. Et on ne peut pas s'imaginer que les investissements ne peuvent venir que du Québec. Tous les pays au monde reçoivent des investissements étrangers; le Québec n'en reçoit pas assez, pas assez, en reçoit moins qu'autrefois même. Il faut absolument que nous nous assurions que le développement du Québec, que le développement de la nation québécoise puisse s'effectuer en particulier avec la contribution des investissements privés qui viennent de corporations. Et je ne comprends pas cette espèce d'urticaire...
Le Président (M. Pinard): Alors, merci beaucoup.
M. Bouchard (Lucien): ...que vous faites quand vous parlez des corporations.
Le Président (M. Pinard): Je regrette, M. Bouchard.
M. Bouchard (Lucien): Les corporations sont des citoyens qui ont des droits.
Le Président (M. Pinard): Je regrette, M. Bouchard, je ne voudrais pas consacrer le double du temps normalement imparti au député de Mercier et pénaliser les autres membres de la commission. Alors, le temps de réponse sera un temps prolongé, aux travaux de la commission.
Alors, je passe maintenant du côté ministériel en vous mentionnant qu'il vous reste huit minutes.
Mme Normandeau: Oui. M. le Président, je comprends nos règles parlementaires, mais par respect pour M. Bouchard qui a été un premier ministre, qui a servi les Québécois, si vous voulez compléter votre réponse, M. Bouchard, à notre collègue de Mercier, je serai tout à fait disposée à céder quelques minutes de temps. Je pense que ce serait important que vous puissiez... si vous souhaitez évidemment compléter votre réponse.
M. Bouchard (Lucien): Je ne comprends pas... Je comprends mal cette espèce de réticence à admettre le rôle que le secteur privé, que le secteur d'affaires, que les investisseurs, que les créateurs d'emplois jouent dans le développement d'une société. Dans le monde entier, ces gens-là apportent une contribution, d'autant plus que souvent avec les capitaux qui viennent de citoyens ordinaires qui investissent dans ces entreprises. On est tous très fiers de voir que nous avons chez nous des gens, même des francophones, là, qui ont accédé au plus haut niveau en développement de grandes entreprises internationales, puis on pourrait les nommer. Puis on est très contents de voir qu'ils s'en vont à l'étranger investir aussi, qu'ils prennent des places importantes, qu'ils ouvrent des horizons pour les jeunes qui poussent puis qui veulent aller partout affirmer leur talent dans le monde. Alors, pourquoi est-ce qu'on refuserait à d'autres de venir également investir au Québec? Ce n'est pas logique tout ça.
Le Président (M. Pinard): Alors, merci beaucoup. Merci, M. Bouchard. Mme la ministre.
Mme Normandeau: Oui. Merci, M. Bouchard.
Une voix: ...
Mme Normandeau: Non. Je me...
M. Khadir: ...
Le Président (M. Pinard): Fini, fini. C'est terminé, M. le député de Mercier. Alors...
M. Khadir: ...
Le Président (M. Pinard): Je suis très patient ce matin, M. le député de Mercier. S'il vous plaît, votre temps est terminé!
M. Khadir: Je questionne votre partialité parce que... Je voulais demander à la ministre, si elle le veut bien, qu'elle m'accorde un temps équivalent à ce qu'elle a accordé à M. Bouchard pour contextualiser.
Le Président (M. Pinard): Votre temps est terminé, M. le député de Mercier, et, si vous continuez d'agir comme ça, je vais vous aviser pour une première fois.
M. Khadir: J'ai compris que vous êtes partial.
Le Président (M. Pinard): Oui, très patient.
Des voix: ...
Mme Normandeau: Bien, M. le Président, là, je ne peux que déplorer, là, ce genre d'attitude. Chaque fois que le député de Mercier prend le micro en commission, ça vire toujours en foire d'empoigne. Tu sais, je veux dire, est-ce qu'on pourrait effectivement faire montre, là, de respect pour les gens qui prennent le soin de se déplacer, de venir nous entretenir de leur vision des choses par rapport au projet de loi n° 18? Alors, je n'ai... M. le Président, vous souhaitez peut-être que je vous cite le titre du Journal de Québec ce matin, M. le Président. Ça va exactement dans la même lignée que vous tenez ici, toujours en commission parlementaire.
Ceci étant, M. le Président, mon objectif, ce n'est pas d'entretenir un débat avec mon collègue de Mercier, c'est plutôt de m'entretenir avec M. Bouchard et revenir, s'il le veut bien, sur l'aspect lié aux compensations, donc, dans le projet de loi. Il y a deux écoles... Enfin, je ne dirai pas deux écoles de pensée, mais M. Bouchard, les arguments que vous portez sur le plan juridique sont tout à fait fondés. De notre côté, on porte des arguments de nature plus politique que juridique. Et le projet de loi, dans sa forme actuelle, je pense, démontre un bel équilibre qu'il faut avoir quant à la reconnaissance de la contribution de l'industrie gazière et pétrolière aux activités économiques du Québec. D'un côté, on a une disposition à son article 3 qui prévoit une exemption. D'ailleurs, on a un précédent porté en 1998 par le Parti québécois dans le golfe, lorsque le moratoire a été décrété. Alors, on a fait adopter une disposition pour suspendre... pour éviter, en fait, la suspension des permis. Alors, c'est précisément sur ce précédent que nous nous appuyons pour légitimer la présence de l'article 3 dans le projet de loi.
Pour ce qui est des compensations, M. Bouchard, dans le contexte actuel, disons-nous les choses franchement, je ne crois pas que les citoyens auraient apprécié qu'on puisse compenser des entreprises gazières dans le contexte extrêmement, hautement émotif qui nous a occupés au cours des derniers mois, des dernières semaines. Ceci étant, M. le Président, je reconnais la validité de vos arguments sur le plan juridique. Mais, sur le plan politique, le gouvernement a porté un tout autre message.
Dans ce cas-ci, on va s'employer à partager avec vous quels sont les impacts, mais, à notre connaissance, il n'y a aucuns travaux qui ont été faits en milieu marin de la part des entreprises. Et, s'il y a un cas de figure, peut-être, qui pourrait être documenté davantage, c'est peut-être celui de Junex justement. Si M. Dorrins de Junex souhaite s'exprimer sur le sujet pour connaître les impacts de cette décision sur son entreprise, ça nous fera plaisir de l'entendre.
Mais ce que je souhaiterais porter à votre attention, M. Bouchard, c'est qu'on entend bien l'appel que vous nous lancez ce matin. Par contre, comme ministre des Ressources naturelles, je dois dire ceci. On ne peut pas comparer, par exemple, l'industrie ou les dispositions qui sont contenues dans le projet de loi pour le fleuve et l'estuaire, qui sont des exceptions, par rapport à une dynamique, par exemple, minière qui prévaut sur le territoire québécois.
Vous dites dans le fond: Quel message on envoie aux investisseurs étrangers? Le message, par exemple, porté par le Plan Nord est un message extrêmement positif, et je pense que les investisseurs sont en mesure de faire la part des choses. Et la part des choses qu'ils s'emploient à faire, c'est de reconnaître qu'effectivement le milieu marin il y a une spécificité sur le plan des écosystèmes, de la biodiversité, qui est propre à ce type d'activité qui n'a rien à voir avec ce qu'on fait en milieu terrestre, dans le secteur minier.
Alors, le message, le message que nous lançons, dans le fond, c'est dire aux investisseurs: Au Québec, on souhaite mettre en valeur nos ressources naturelles, et vous avez raison d'insister sur notre capacité de mettre tout ce potentiel-là en valeur, mais de le faire en fonction des principes du développement durable. Alors, le message qu'on souhaite lancer, c'est celui-là. Mais je pense que l'industrie peut faire la part des choses et de reconnaître qu'effectivement il y a un milieu fragile très exceptionnel. Et, dans ce sens-là, M. le Président, je souhaiterais terminer mon intervention en disant à M. Bouchard qu'on prend acte de sa demande, on va la regarder très, très en détail, mais, sur le plan politique, ce message, et cette décision qui a été prise, M. le Président, en est un qui nous permet de tenir compte aussi de l'état d'esprit dans lequel se situent nos citoyens à l'endroit de l'émergence de cette filière gazière et pétrolière. Puis, évidemment, ça me fera plaisir d'entendre M. Bouchard sur cette question.
**(11 heures)**M. Bouchard (Lucien): Ah! une minute, si vous me permettez.
Le Président (M. Pinard): Un commentaire, M. Bouchard?
M. Bouchard (Lucien): Si vous permettez. Si vous permettez. Avec respect, madame, il faut distinguer entre la question de la fragilité des secteurs à protéger, je n'en disconviens pas. C'est la question plus large qui en effet est de nature juridique, mais qui s'insère dans une conception démocratique de la législation. Est-ce qu'il faudrait envoyer ce message-là que, dans certains cas, pour des raisons politiques, quand on juge qu'il y a des raisons politiques, dans certains cas, on peut annuler des droits sans compensation? Si vous allez ailleurs ou si vous parlez avec des investisseurs, puis que vous leur dites qu'il y a des raisons politiques, eux autres, là, ils vont en tenir compte, là. Ils vont dire: Des raisons politiques, c'est très suggestif, c'est conjoncturel. Donc, il se peut que. Ce qui est écrit dans la loi est écrit dans la loi, mais ça peut être enlevé pour des raisons politiques éventuelles.
C'est justement ça qui crée l'insécurité et l'instabilité qui ne sont pas propices, pour le moins, convenons-en, à convaincre les investisseurs d'investir dans le Québec. C'est ce que j'avais à dire, puis je respecte votre opinion.
Mme Normandeau: Oui, oui, oui. M. le Président, peut-être un complément d'information pour M. Bouchard. Sur le plan économique, je pense que vous conviendrez avec nous que tout l'appétit que suscite actuellement le Plan Nord, tout le secteur minier au Québec, on connaît une effervescence extraordinaire, et tous les promoteurs qui ont eu l'occasion de confirmer certains projets d'investissement, depuis maintenant quelques semaines, ont dit: Écoutez, le Québec est une terre propice à l'investissement. C'est une terre bénie des dieux pour investir.
Moi, M. Bouchard, je pense, puis en tout respect pour vous, que les promoteurs peuvent faire la part des choses, et cette disposition dans la loi, elle est exceptionnelle, elle répond à un contexte bien particulier qui est bien circonscrit, qui est celui du milieu marin. Je parlais tantôt de bel équilibre dans le projet de loi pour l'industrie, peut-être ajouter le fait que le gouvernement du Québec va, sur le plan public, investir 6 millions de dollars pour améliorer nos connaissances dans le secteur gazier et pétrolier, et ces connaissances-là vont pouvoir être partagées avec l'industrie. Donc, dans ces conditions-là, il y a une forme, comment dire, de reconnaissance non seulement de votre contribution, mais également le gouvernement est prêt également à continuer de vous accompagner pour la suite des choses. Merci.
Le Président (M. Pinard): Merci.
M. Bouchard (Lucien): Merci, M. le Président. Merci, madame. Merci, messieurs.
Le Président (M. Pinard): Alors, nous allons poursuivre avec l'opposition officielle. Une question de règlement? Oui.
M. Khadir: En fait, question de privilège. Je crois que mes privilèges de député ont été lésés par votre présidence. Alors que j'étais en train de faire une intervention, le principal intéressé, ici, a interrompu ma présentation et, plutôt que de protéger mes droits...
Le Président (M. Pinard): Alors, je tiens immédiatement à vous dire que vous ne pouvez pas m'imputer de motifs.
M. Khadir: Excusez-moi, M. le Président, je dois terminer mon intervention.
Le Président (M. Pinard): On est habitués de vous entendre.
M. Khadir: Plutôt que de protéger mes droits, vous vous êtes érigé plutôt contre moi au lieu de me permettre de terminer mon intervention de manière sereine, en protégeant mon droit et ma liberté de parole.
Le Président (M. Pinard): Alors, je vous inviterais à lire le règlement de l'Assemblée nationale, qui a été fait avant que vous entriez ici, en ce Parlement, un lieu démocratique, je vous inviterais à lire comme il faut, et vous allez vous apercevoir qu'à l'intérieur du règlement il vous est impossible de m'imputer des motifs. Alors, à partir d'immédiatement...
M. Khadir: Mais c'est parce que vous...
Le Président (M. Pinard): ...alors à partir d'immédiatement...
M. Khadir: ...vous m'avez imputé des motifs... vous m'avez imputé des motifs, M. le Président.
Le Président (M. Pinard): ...je cède la parole au député de L'Assomption. M. le député.
M. McKay: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, bonjour, M. Bouchard, bonjour aux gens qui vous accompagnent.
Je voudrais vous dire, d'entrée de jeu, que, sur l'article 3, notre groupe parlementaire partage très largement vos préoccupations. Sur l'article 4, par contre, en ce qui concerne les compensations, je ne veux pas lancer un débat là-dessus, on aura l'occasion de faire le débat entre parlementaires, mais peut-être vous rappeler qu'il y a quand même un nouveau droit de l'environnement. Il y a une loi, la loi sur l'eau qui a été adoptée ici à l'unanimité de l'Assemblée nationale en 2009, qui reconnaît le rôle de l'État comme gardien des intérêts collectifs de la nation dans ses ressources en eau, et c'est très clairement stipulé dans cette loi que, lorsque l'intérêt collectif de la nation dans ses ressources en eau est remis en cause, la prorogation de permis ne peut donner lieu à aucune compensation de la part de l'État, et ça aurait été bien que la ministre nous rappelle cet élément de droit.
Par contre... comme je vous disais, sur l'article 3, pour la prolongation des permis, la suspension temporaire des obligations de réaliser des travaux en fonction de la Loi sur les mines, je vous ferais remarquer que j'ai déposé un projet de loi, le projet de loi n° 396, visant l'arrêt provisoire des activités d'exploration et d'exploitation des gaz de schiste. Et, là-dedans, on retrouve justement des dispositions pour prolonger la durée des permis pendant la durée d'arrêt de travaux et aussi un pouvoir qui permet de prolonger la durée des permis, de suspendre la nécessité d'effectuer certains travaux, et ceci, par arrêté ministériel. Mais ce qu'il y a comme contrepartie dans ce projet de loi, là, c'est un moratoire, donc on arrête temporairement la jouissance de ces permis et donc on prolonge pendant cette durée-là. Donc, à votre sens, à partir de quel moment commence ce frein, comme vous l'avez mentionné, ou cette pause qui est imposée et à partir de quel moment, donc, est-ce qu'on va arrêter cette fin-là?
Et je voudrais profiter de l'occasion pour vous citer quelques extraits d'une présentation d'un de vos membres, Michael Binnion de Questerre, qui, le 19 mai 2011, à Oslo, parlait à ses actionnaires -- c'est disponible sur le site Internet de Questerre -- il disait: «Suite au BAPE, il est faux de prétendre que la fracturation est interdite. Elle reste permise s'il s'agit de puits examinés dans le cadre l'EES, ou s'il s'agit de puits pilotes. Or, c'est ce que nous prévoyons faire de toute façon. Donc, durant les deux années à venir, l'on ne nous restreint aucunement dans ce que nous voulions faire de toute façon.» Il poursuit, un peu plus loin en disant: «Questerre est certaine qu'elle sera autorisée à aller de l'avant pendant la période de deux ans avec la fracturation de ces deux puits déjà creusés l'an dernier. Il en est de même de la fracturation dans quatre autres puits -- il spécifie -- trois de Canbriam et un de Junex.» Et il ajoute: «De plus, j'ai l'impression que le gouvernement s'attend à avoir beaucoup plus que six puits pilotes durant cette période de deux ans.»
Donc, je comprends que vous appeliez à un remède à l'article, qui vous serait accordé si on adoptait l'article 3, mais, d'après M. Binnion, il n'y a pas de maladie. Alors, moi, je vous demanderais: Pour qu'il y ait un remède, ne faudrait-il pas qu'il y ait un arrêt pur et simple de la fracturation hydraulique, qu'on puisse dire, oui, à partir de tel moment, il y a une décision du gouvernement de mettre un frein, et pas une pause, mais un frein? Et, pendant cette période de l'évaluation environnementale stratégique, qu'est-ce qu'on va connaître de plus? Parce que, une autre chose que M. Binnion nous affirme aussi, c'est qu'on ne va rien connaître, on ne va rien apprendre de plus, ça va être essentiellement un exercice éducatif pour les Québécois et surtout pour les fonctionnaires du ministère des Ressources naturelles.
Le Président (M. Pinard): M. Bouchard, en une minute...
M. Bouchard (Lucien): Il y a trois questions.
**(11 h 10)**Le Président (M. Pinard): ...malheureusement.
M. Bouchard (Lucien): J'ai cru déceler trois questions: ça commence quand, ça finit quand? Le projet de loi prévoit que ça commence quand la loi est en vigueur, là, la période. Et ça va finir quand l'arrêt va finir. L'arrêt, je ne peux pas vous dire quand, vous le savez autant que moi, c'est une fois les travaux du comité terminés, une fois la nouvelle loi sur les hydrocarbures adoptée et sanctionnée, et là il y aura un régime qui sera en vigueur sans contraintes, et c'est à ce moment-là que la suspension devrait prendre fin.
Deuxièmement, M. Binnion a lu, comme vous et comme moi, dans les journaux qu'à la suite de la recommandation qui a été agréée par le gouvernement, la recommandation du BAPE, il n'y aura de fracturation que si elle contribue, elle enrichit, par des données scientifiques, les travaux du comité. Alors, ça passe par des fourches caudines, là, une grille, là. Il faut que ça puisse recueillir des données scientifiques qui pourront ajouter à l'information dont on aura besoin, dont auront besoin les travaux du comité.
Troisièmement, vous avez fait référence à un commentaire de M. Binnion considérant que c'était un comité à saveur éducative et même politique. Bien, il peut avoir son opinion, mais, moi, je pense qu'en effet il y a un côté pédagogique là-dedans, ce comité va aider à éclairer les gens. Il y a toutes sortes de choses qui s'affirment de part et d'autre. J'imagine que les gens, quand ils lisent ça, ils ne savent plus qui croire, là. Alors, je pense qu'un point de vue objectif, qui va être émis par une instance qui travaille de façon scientifique et sereine, ça devrait pouvoir éclairer. Comme, par exemple, vous savez qu'il y a un comité parlementaire à Londres qui a rendu publique, il y a quelques jours, une étude et qui conclut qu'ils ne voient pas de risques de contamination, là, qu'ils ne voient pas... ne connaissent pas de cas de contamination de l'eau. Mais ça, il y a plusieurs études qui sont en marche. On en a une, les Américains en ont une, il y en a partout, des études. Ça va beaucoup nous aider de conclure. Et moi, je pense que c'est une étude qui n'est... d'un comité qui n'est pas politique, là, qui n'est pas uniquement pédagogique. C'est un comité très, très important...
Le Président (M. Pinard): Alors, merci.
M. Bouchard (Lucien): ...qui va beaucoup nous aider à prendre des décisions.
Le Président (M. Pinard): Merci beaucoup, M. Bouchard. Alors, ceci met fin aux périodes d'échange, et nous allons procéder aux remarques finales, et j'inviterais madame...
Des voix: ...
Une voix: Pouvez-vous suspendre, qu'on aille saluer nos invités?
Le Président (M. Pinard): Oui, je vais suspendre quelques instants pour...
(Suspension de la séance à 11 h 12)
(Reprise à 11 h 17)
Le Président (M. Pinard): ...s'il vous plaît! Merci. Alors, nous reprenons.
Document déposé
Je vous fais mention immédiatement, tel que le prévoit le règlement, que le président donne son acquiescement au dépôt d'une lettre d'opinion qui nous a été transmise tout à l'heure par le député de Mercier.
Alors, nous procédons aux remarques finales. Le gouvernement a 7 min 30 s, l'opposition officielle, 6 minutes, l'ADQ, 1 min 30 s, le député de Mercier n'a pas de remarques finales.
Donc, nous allons procéder immédiatement. Alors, Mme la députée de Lotbinière...
Mme Roy: Merci.
Le Président (M. Pinard): ...1 min 30 s. S'il vous plaît.
Remarques finales
Mme Sylvie Roy
Mme Roy: Merci, M. le Président. Ce que je déplore, je le déplore depuis longtemps parce que la première crise de cette nature qu'on a vécue dans mon comté, bien, j'étais mairesse à l'époque, c'était la MRC de Bécancour, c'était toute la crise sur le moratoire porcin, et puis ce qui était déplorable au début, c'était que des agriculteurs, du monde honnête qui exerçait une opération licite, soient le centre de débats extrêmement émotifs. Et puis cette émotivité-là ne nous a pas aidés, ne nous a pas guidés. Et puis, lorsque l'émotivité est devenue à son comble, bien, il n'y avait plus de logique, il n'y avait plus de rationnel dans la discussion, et puis on ne pouvait plus discuter sereinement. Lorsque l'industrie du gaz de schiste est intervenue dans mon comté, j'ai tout de suite essayé de puiser à même cette expérience-là pour éviter que le débat devienne émotif puis qu'on ne puisse pas discuter.
Le problème est que les coups de gueule sont plus populaires que les discussions sur le fond, et on l'a vu ici aussi, en commission parlementaire. Ces débats émotifs là, je pense, ne servent pas les politiciens, ne servent pas la cause du Québec, ne servent pas la nation du Québec, le peuple du Québec. Je pense qu'il faudrait, nous, en tant que politiciens, donner l'exemple, faire un appel au rationnel et aller de l'avant sur le fond des choses. Parce que sinon, M. le Président, on dessert les Québécois.
Le Président (M. Pinard): Bien. Alors, j'inviterais maintenant le critique officiel en matière d'énergie et député de Jonquière. M. le député, vous avez un temps de parole de 6 minutes pour vos remarques finales.
M. Sylvain Gaudreault
M. Gaudreault: Oui. Merci beaucoup, M. le Président. Alors, d'entrée de jeu, comme remarques finales, je voudrais remercier les groupes qui sont venus témoigner devant nous depuis la semaine passée, tous les groupes qui ont pris la peine de se préparer, parfois un peu à la dernière minute, remercier également les collègues, autant du côté du gouvernement que de notre côté, de l'opposition. Il y a eu, bon, quelques...Une voix: ...
**(11 h 20)**M. Gaudreault: Du côté des oppositions, oui. Il y a eu quelques levées de boucliers, mais ça fait partie de notre travail. Mon collègue de L'Assomption en particulier, et ma recherchiste, Mme Sylvie Pigeon, que je remercie également.
Avant d'aller plus loin lors de l'étude article par article, voici mes premières remarques quant aux auditions particulières auxquelles nous venons de mettre fin. Vous savez, moi, je constate que, pour protéger le fleuve Saint-Laurent qui est un peu comme l'épine dorsale du Québec, hein, quand on regarde la carte, il ne faut pas ménager les efforts pour le protéger. Et, dans ce sens, c'est pour ça qu'on avait adopté le principe du projet de loi n° 18, c'est qu'à la suite de l'évaluation environnementale stratégique il faut absolument tout mettre en oeuvre pour protéger notre fleuve, et j'insiste sur le «notre», sur ce pronom parce qu'on a vraiment une relation intime avec le fleuve Saint-Laurent. Et je pense que, que ce soit le fleuve ou que ce soit les îles qui sont sur ce fleuve et les rives également, il faut tout mettre en oeuvre pour le protéger.
Ceci étant dit, je remarque également que, lors des auditions que nous avons eues ces derniers jours et aujourd'hui, il n'y a pas unanimité sur le projet de loi n° 18. Il y a unanimité quant à la nécessité de protéger le fleuve, comme je viens de le dire, mais il n'y a pas unanimité quant aux modalités d'application de cette protection. Il y a également des divergences d'interprétation sur un certain nombre d'articles. Ça a l'air drôle à dire «sur un certain nombre d'articles» quand c'est un projet de loi qui n'en a que cinq. Alors, il y a des divergences d'interprétation quant à la portée, je dirais, de ces articles. Et je pense que, lors de l'étude article par article, nous aurons à préciser ces choses-là ensemble. Je compte sur la collaboration de la ministre pour qu'on précise davantage ce projet de loi qui a quand même une portée importante.
Exemple: Qu'en est-il sur le territoire couvert? Moi, je remarque que, dans les auditions que nous avons eues ici, plusieurs -- j'aurais aimé questionner l'APGQ là-dessus, mais on n'a pas eu le temps -- plusieurs intervenants seraient favorables à protéger la zone de 19 km entre la pointe ouest de l'île d'Anticosti jusqu'à à portion est de la limite est du territoire qui est couvert par le projet de loi n° 18. Je pense qu'il va falloir qu'on réfléchisse là-dessus. On aura également à faire une réflexion sérieuse sur rivière des Prairies, la rivière des Mille-Îles et le lac des Deux Montagnes également qui font partie, selon certaines interprétations géographiques du bassin hydrographique du fleuve Saint-Laurent. Alors, je pense qu'on aura à préciser ça également.
Quant au fameux article 3 qui est en soit l'équivalent d'un projet de loi, si on veut, quant à sa portée, hein -- Mme la ministre elle-même l'a dit que, quant à ça, ça aurait pu faire partie de deux projets de loi -- M. Bouchard vient de nous le dire également -- bon, là-dessus, on aura à se questionner, il faudra que la ministre nous dise quelles informations on n'a pas jusqu'à maintenant que nous permettraient d'avoir des forages supplémentaires dans le cadre de l'évaluation environnementale stratégique. Il y a des milliers et des milliers de forages qui se font au sud de la frontière dans des bases géologiques comparables à celles de l'Utica, ici, au Québec. Alors, moi, je pense qu'on aura sérieusement des questions à poser parce que, comme nous le disait l'AQLPA, la semaine passée, lorsqu'ils sont venus nous rencontrer ici, on prolonge les permis qui ont été accordés pendant deux à trois ans, et il n'y a pas de contrepartie en échange de ça. Alors, devrait-on, par exemple, envisager carrément de faire ressortir, dans l'article 3 du projet de loi, l'interdiction de faire tout forage? Si, en plus, dans les projets de règlement pour les certificats d'autorisation du côté du ministère de l'Environnement, on n'a pas ces garanties-là, alors, moi, je me questionne sérieusement sur ce qu'on pourrait avoir de plus comme information scientifique qu'on n'a pas déjà ailleurs. Je l'amène sous forme de question, je sais que l'étude article par article du projet de loi nous permettra d'aller plus en profondeur là-dessus.
Et je termine, M. le Président, avec la question des indemnités. L'article 4 porte à confusion sur plus son emplacement. Moi, je pense qu'on devra voir avec la ministre si on pourrait le déplacer comme un alinéa distinct de l'article 2 pour vraiment faire ressortir que les indemnités... la question d'aucune indemnité, là, ne s'applique que sur les droits qui ont été accordés sur la partie estuaire. Comme ça, ça serait déjà une clarification importante. Sur le fond des choses, je veux juste vous rappeler que, dans le projet de loi n° 396 déposé par mon illustre collègue de L'Assomption, à l'article 5, on dit que «l'application de la présente loi ne donne lieu à aucune indemnité de la part de l'État». Alors, je pense que, sur le fond des choses, on peut s'entendre, mais, sur la mécanique, je pense que l'article 2 serait plus approprié pour recevoir cette question-là. Merci.
Le Président (M. Pinard): Alors, merci beaucoup, M. le critique officiel de l'opposition et député de Jonquière. Alors, Mme la ministre, pour vos remarques finales...
Mme Normandeau: Oui.
Le Président (M. Pinard): ...un temps de parole de 7 min 30 s.
Mme Nathalie Normandeau
Mme Normandeau: Oui. Merci, M. le Président. Alors, je souhaite à mon tour remercier mes collègues du côté ministériel de leur assiduité à nos travaux qui nous ont menés à entendre plusieurs groupes en commission parlementaire dans le cadre d'un processus de consultations particulières, joindre ma voix à celle de mon collègue de Jonquière pour les remercier de leur présence. Ils ont accepté de participer à nos travaux dans un délai relativement court, mais, malgré tout, M. le Président, ils ont tenu des propos extrêmement pertinents dans le contexte de nos travaux.
Alors, ce projet de loi, M. le Président, quoi qu'en dise notre collègue de Jonquière, moi, ce que j'ai compris, c'est que l'ensemble des groupes sont favorables au projet de loi n° 18. C'est vrai qu'il y a certaines modalités, effectivement, qui ont été questionnées, mais tous les groupes sont venus nous dire et témoigner de l'importance que ce projet de loi soit adopté à cette session-ci, c'est exactement le message qui a été soutenu et véhiculé par M. Lucien Bouchard il y a quelques minutes à peine. Bien sûr, M. le Président, on va procéder à l'article par article, à l'étude article par article de ce projet de loi. On souhaite que cette étude se fasse le plus rapidement possible et on aura l'occasion, avec nos collègues, l'ensemble des oppositions, de discuter des tenants et aboutissants de chacune des dispositions. Je souhaiterais réitérer à notre collègue de Jonquière qu'il peut compter sur ma collaboration habituelle, j'oserais même dire dans certains cas quasi inconditionnelle, M. le Président, pour qu'on puisse donc faire avancer ce projet de loi. Est entendu qu'il s'agit ici de défendre l'intérêt public, parce que c'est de ça dont il est question, M. le Président, la défense des intérêts du public et des citoyens que nous représentons.
Si ce projet de loi a été aussi bien accueilli, avec soulagement par certaines populations côtières, c'est que notre gouvernement a bien entendu l'appel des citoyens entre autres qui vivent dans l'estuaire, ils sont près de 180 000. Et, je tiens à le réitérer, on a été plus loin, M. le Président, on a étendu la mesure de précaution, le principe de précaution, si vous me permettez l'expression, au fleuve. Il y a 86 îles qui sont visées, effectivement, et non pas 80, dans le projet de loi. Alors donc, dans ces circonstances, M. le Président, nous avons fait la bonne chose. Comme gouvernement, on a cru bon avoir une assise légale qui nous permet de donner une plus grande force à la décision que j'ai eu l'occasion de rendre en septembre dernier, alors c'est ce qui explique le dépôt du projet de loi n° 18.
Alors, je n'anticipe pas de problème en particulier compte tenu que je décode de la part de nos collègues du Parti québécois leur désir de travailler avec nous à l'avancement de ce projet de loi. Par contre, M. le Président, sur la dimension liée aux compensations, parce que c'est un des messages qui a été véhiculé par l'Association gazière et pétrolière ce matin, notre position demeure la même, notre gouvernement n'a pas l'intention, M. le Président, d'offrir une quelconque indemnité à l'industrie, puis je souhaite revenir sur ce que j'ai dit ce matin. Il y a deux arguments, ou trois arguments qui militent en faveur de cette position que nous avons choisi d'adopter. La première, c'est qu'on est extrêmement sensibles aux préoccupations des citoyens, également l'état d'esprit dans lequel les gens que nous représentons se situe concernant tout l'enjeu qui a émergé sur la filière gazière, en particulier dans les schistes, M. le Président. Deuxièmement, c'est une décision politique que nous assumons totalement. Troisièmement, on pense qu'il y a un bel équilibre dans le projet de loi pour ce qui est de la reconnaissance de la contribution de l'industrie à l'économie du Québec. Et j'oserais dire, quatrièmement, il faut se rappeler que le gouvernement du Québec va, à ses frais, aux frais des contribuables québécois, investir, je disais 6 millions ce matin, c'est 7 millions de dollars qui vont nous permettre de faire l'acquisition de connaissances dans le cadre de certains travaux qui seront autorisés, des travaux qui seront faits -- M. Bouchard l'a confirmé ce matin -- en concertation avec l'industrie. Il nous a dit: On est prêts à travailler avec le gouvernement pour qu'on puisse effectivement améliorer nos connaissances.
**(11 h 30)** Alors, dans ces circonstances, M. le Président, je souhaiterais dire à notre collègue que je suis tout à fait disposée à regarder certains éléments. Par exemple, à l'article 4, on pourrait faire basculer à l'article 2 pour éviter qu'il y ait une quelconque... qu'il y ait des ambiguïtés quant à l'interprétation, qu'il n'y ait pas d'interprétation quant aux entreprises qui sont visées sur la non-indemnité. Alors, sur le plan juridique, si nos avocats l'ont inscrit dans un article distinct de l'article 2, pourtant il y a un lien entre les deux, il y a sûrement une raison, évidemment on va le questionner, mais si, sur le plan juridique, on peut changer, on peut faire basculer l'article 4 en sous-paragraphe ou alinéa, peu importe, de l'article 2 puis que ça n'a pas d'impact, au contraire, ça permet de dissiper toute forme d'interprétation, on va le faire, là. Alors, je souhaite dire à notre collègue qu'on est... je suis tout à fait ouverte sur le plan législatif à regarder comment on peut améliorer les choses. C'est toujours comme ça qu'on a travaillé, et c'est de cette façon, M. le Président, que j'entends gouverner pour la suite des choses.
Notre collègue m'interpelle, je ne peux faire fi de cette gestuelle, M. le Président, qu'il s'emploie à me dessiner, là, mais je devine déjà ses propos concernant la frontière, en fait le méridien de longitude, là, sur lequel le projet de loi s'appuie. Tout d'abord, le méridien de longitude sur lequel s'appuie le projet de loi, c'est le méridien de longitude qui couvre le territoire de l'EES2. Alors, la bonne nouvelle, M. le Président, c'est que le territoire de longitude... le méridien de longitude auquel réfère l'EES1 en est un qui embrasse une partie de la pointe de l'île d'Anticosti. La bonne nouvelle, M. le Président, c'est qu'avec un méridien de longitude tel qu'il est prévu dans le projet de loi, donc on va venir se revalider... ou se valider, je vais dire ça comme ça, par rapport aux données qu'aura recueilli l'EES1 sur le territoire de 19 km auquel réfère notre collègue.
Ceci étant, M. le Président, je souhaiterais dire ceci à notre collègue de Jonquière, parce que j'ai eu une discussion avec Mario Gosselin, qui est le sous-ministre à l'Énergie, il y a quelques instants. Là, on a un EES2 qui est en cours, qui va se terminer quelque part en 2012, automne 2012. Les conclusions ne seront pas disponibles, là, dans l'état actuel des choses, avant novembre 2012. On va faire connaître les conclusions. Il y a de fortes chances, M. le Président, qu'on soit obligés de déposer un autre projet de loi concernant le golfe parce qu'on ne peut pas présumer à l'avance est-ce qu'on va lever totalement, partiellement le moratoire, est-ce qu'il y aura certains secteurs qui demanderont à être protégés par une loi. Alors, vous voyez le portrait, là.
Ça fait que si jamais, M. le projet... M. le Président -- M. le projet de loi -- M. le Président, on doit déposer un autre projet de loi, puis s'il faut retourner modifier ce méridien de longitude, on le fera en temps et lieu. Mais la recommandation que je formule à notre collègue à ce stade-ci, c'est de conserver ce qui est inscrit dans le projet de loi, tout ça parce que l'EES nous permet de nous valider par rapport à des informations qu'a recueillies dans ce secteur-là l'EES1.
Alors, on le fait, je dirais même, par mesure de précaution. On pourrait peut-être être tentés, M. le Président, tout de suite de pousser le méridien de longitude ici, mais là on hypothéquerait le territoire qui est visé par l'étude qui est visée par l'EES2. Alors, voilà, c'est ce que j'ai à dire, M. le Président, pour notre défense dans le cadre de ces remarques finales, puis vivement l'étude article par article avec nos collègues des oppositions.
Le Président (M. Pinard): Alors, merci beaucoup, Mme la ministre. Alors, la commission ayant accompli son mandat, elle ajourne ses travaux sine die. Merci beaucoup à vous tous de vous être présentés ce matin. Merci, madame.
(Fin de la séance à 11 h 33)