(Onze heures trente-cinq minutes)
Le Président (M. Gaudreault): Alors, je vous demande d'être à l'ordre, s'il vous plaît. Je constate le quorum et je déclare la séance de la Commission de l'agriculture, des pêcheries, de l'énergie et des ressources naturelles ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires et je vous donne lecture du mandat. Le mandat de la commission est de tenir des auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le projet de loi n° 79, Loi modifiant la Loi sur les mines.
M. le secrétaire, pouvez-vous nous dire s'il y a des remplacements?
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Bouillé (Iberville) est remplacée par Mme Richard (Duplessis); M. Pinard (Saint-Maurice) est remplacé par M. McKay (L'Assomption).
Le Président (M. Gaudreault): O.K. J'aurais besoin du consentement pour que le député d'Ungava également puisse intervenir, prendre part à la commission.
M. Simard (Dubuc): Oui, c'est correct.
Le Président (M. Gaudreault): O.K. Merci. J'aurais également besoin du consentement pour poursuivre nos échanges avec les invités -- on a deux groupes ce matin -- au-delà du temps prévu parce qu'on a un peu de temps de retard. Alors, consentement?
M. Simard (Dubuc): Consenti.
Le Président (M. Gaudreault): Parfait. Merci. Je vais vous lire l'ordre du jour, qui est le suivant. Alors, l'ordre du jour: à 11 heures, on reçoit le Mouvement vert Mauricie, et, à midi, Rio Tinto, Fer et Titane. Et nous allons suspendre, bien, finalement, une demi-heure plus tard ou à peu près, là, donc vers 13 h 30.
Auditions (suite)
J'invite le premier groupe à prendre place. Et je vous rappelle le temps alloué pour la période de présentation, donc il y a 15 minutes d'exposé de l'organisme qui est devant nous, et on a 45 minutes d'échange avec l'ensemble des membres de la commission. Avant de vous exprimer, messieurs de l'organisme, je vous demande de vous identifier, de présenter ceux qui vous accompagnent et de vous en tenir, s'il vous plaît, à 15 minutes.
Mouvement vert Mauricie inc. (MVM)
M. Duguay (Michel): Bonjour. Alors, je me présente, Michel Duguay, professeur au Département de génie électrique et de génie informatique à l'Université Laval. Et je suis accompagné par Michel Fugère, qui est cofondateur du Mouvement vert Mauricie.
Alors, le Mouvement vert Mauricie a déposé un mémoire de 7 500 mots, c'est assez élaboré, et je ne pourrai que dire quelques mots sur ce mémoire ce matin dans l'espace de 15 minutes.
J'aimerais dire quelques mots sur Nicole Béland, celle qui a rédigé le mémoire. Nicole Béland, comme on voit à la section 1.1, est détentrice d'un baccalauréat en géologie de l'Université de Montréal. Elle a travaillé en exploration minière pendant deux ans puis en consultation environnementale pour diverses firmes de génie-conseil sur une période de 12 ans. Elle est porte-parole du Mouvement vert Mauricie, dans la Coalition Pour que le Québec ait meilleure mine!, elle est membre du conseil d'administration du Réseau québécois des groupes écologistes, le RQGE, et elle est membre du comité aviseur du mouvement pour sortir le Québec du nucléaire, le MSQN. Je suis moi-même coordonnateur pour le mouvement Sortons le Québec du nucléaire et j'aurai quelque mots à dire sur les mines d'uranium au cours de cette courte présentation.
Je vais tout de suite sauter à la conclusion, puisque le temps est très limité. Alors, si vous allez à la conclusion...
Une voix: ...
M. Duguay (Michel): Pardon? Ça va?
Le Président (M. Gaudreault): Allez-y, oui.
**(11 h 40)**M. Duguay (Michel): Donc, le point le plus important, c'est que le MVM souhaite réitérer sa demande qu'une vaste commission d'étude sur le secteur minier soit mise sur pied, du même type que la commission Coulombe pour le secteur forestier. Il est important que cette réforme aille beaucoup plus loin que les quelques amendements présentement suggérés afin d'assurer une certaine justice sociale, la protection des habitats naturels pour les futures générations et la juste redevance au Québec pour l'extraction de ses ressources non renouvelables au profit de compagnies privées.
Troisième paragraphe, considération très importante, pour cela, il faut considérer d'un angle beaucoup plus global la refonte de la Loi sur les mines en prenant en considération les autres lois et politiques québécoises et canadiennes en matière d'environnement. La Loi sur les mines doit également s'harmoniser avec la Loi sur le développement durable, qui est très chère au ministre des Ressources naturelles, à laquelle elle contrevient sur plusieurs aspects dans sa forme actuelle.
Selon le Mouvement vert Mauricie, l'objectif le plus important à atteindre dans cette réforme est l'abolition de la préséance des droits miniers sur tous les autres. Il faut en finir avec les pouvoirs abusifs du secteur minier. Il y a eu plusieurs présentations, comme vous le savez, dans cette Chambre où on référait aux droits miniers... Comment ça s'appelle en anglais, donc? C'est «free mining». Le «free mining», un concept légal qui remonte au XIXe siècle et qui, en somme, permet aux compagnies d'utiliser des techniques de colonialisme au Québec dans le secteur des mines. Alors, je pense que, si je mets mon input personnel, il est hautement temps de sauter d'un siècle, passer du XIXe siècle au XXIe siècle dans l'exploitation des ressources naturelles.
Toute la gestion du territoire -- je reviens au mémoire -- toute la gestion du territoire doit se baser sur le principe de la gestion par bassin versant. On déclare dans ce mémoire qu'une de nos ressources naturelles les plus importantes, c'est l'eau. Quand on regarde la carte géographique du Québec, c'est frappant, il y a 15 % du Québec qui est couvert d'eau fraîche. Moi, j'ai passé trois ans au Nouveau-Mexique. Sur la carte, on avait vu un lac, sur la carte. On est allés au lac, ma femme et moi, mes enfants, il n'y avait pas d'eau, c'était sec. Il y a de l'eau seulement après une pluie. Même chose pas loin d'où on habitait. J'habitais Albuquerque au Nouveau-Mexique, il y avait un ruisseau sur la «map». Je marchais tous les jours dans le ruisseau, il n'y avait pas d'eau. C'est quand il y a une grosse tempête, une fois par année, qu'il y a de l'eau. Au Québec, c'est fantastique, mais elle coûte combien, l'eau, au Québec? 2 $ le litre très souvent, plus cher que la gazoline, et c'est seulement récemment que le gouvernement a commencé à demander des redevances sur l'eau. Donc, beaucoup du mémorandum ici, du mémoire, c'est pour protéger les ressources d'eau. Si on laisse les minières faire n'importe quoi et contaminer la nappe phréatique dans beaucoup de régions, ce qui se passe souvent, bien on perd une des grandes ressources qu'on a, on va continuer à importer de l'eau de la France. Alors donc, la question de principe de gestion par bassin versant, c'est parce que l'eau, ça ne suit pas les frontières des comtés, ça suit les frontières des bassins versants.
Et, donc, je reviens au mémoire, en réservant beaucoup plus de superficie pour des aires protégées, ce qui... En ce moment, les compagnies minières, avec leurs claims, empêchent qu'on développe des aires protégées là où on veut... entièrement les exclure de l'exploration et de l'exploitation minière. Il faudrait également permettre à l'ensemble des Québécois de se prononcer sur la gestion de nos ressources collectives qui sont l'eau, les mines et la forêt.
Alors, je vais passer rapidement, quand même, sur les prochains paragraphes. Le mémoire note la Loi sur la qualité de l'environnement. Très souvent, dans le mémorandum -- ça devrait plaire au ministre des Ressources naturelles -- on parle de la Loi sur le développement durable, qui a été votée unanimement à l'Assemblée nationale le 19 avril 2006, et cette loi-là n'est pas respectée. Quand on fait une mine d'uranium puis qu'on fissionne l'uranium, on ne peut même pas le recycler, l'uranium, on fissionne l'uranium puis on fait des déchets radioactifs qui sont dangereux pour des centaines de milliers d'années. Au moins, le cuivre, le zinc, le fer, on peut le recycler. L'uranium, ça ne peut pas se recycler. Donc, la suggestion de ce mouvement, comme beaucoup d'autres mouvements écologistes, c'est de laisser l'uranium dans le sol. Si c'est tellement bon, l'uranium, bien peut-être que nos enfants, puis nos petits-enfants, puis arrière-petits-enfants devraient, un jour, avoir le droit de faire quelque chose avec.
Alors, un paragraphe plus loin, une chose que...
Une voix: ...
M. Duguay (Michel): Oui, les compagnies minières, oui. Une des conclusions, c'est que, quand on regarde les choses d'un oeil froid, un oeil d'économiste, les compagnies d'exploration minière sont trop subventionnées à l'heure actuelle. Il y a 14 compagnies qui ont fait des opérations -- ils allaient chercher des milliards de dollars de ressources -- qui n'ont rien payé au gouvernement du Québec. Ce n'est pas fort, tu sais, du point de vue économique, là. Vous savez fort bien qu'on manque d'argent. Bien, les mines, là, c'est peut-être une bonne place où aller en chercher. S'il y a de l'or dans le sol, peut-être que tout le Québec devrait en profiter.
Alors là, j'ai terminé la conclusion. Il me reste combien de temps?
Le Président (M. Gaudreault): Il vous reste à peu près six minutes.
M. Duguay (Michel): Six minutes. O.K. Alors là, j'aimerais souligner certaines choses dans le mémoire principal. Alors, Nicole Béland souligne quelque chose d'important, que vous encouragez la participation des citoyens sur une base volontaire. C'est très bien, je l'apprécie, mais, dans le domaine nucléaire, la société de gestion des déchets radioactifs va un peu plus loin que vous, elle voyage partout puis elle invite les gens, elle paie même leurs dépenses. Vous autres, vous ne payez pas une cenne aux volontaires. Alors, Nicole, qui n'a pas un gros revenu, est restée à Longueuil aujourd'hui, C'est moi, de l'Université Laval, qui présente, mais, normalement, ça aurait été elle. Alors, si vous voulez être sérieux, pour avoir une participation importante des citoyens, bien offrez-leur un petit budget. Tu sais, on est des petits citoyens sans revenus qui font face à des multinationales qui gèrent des milliards de dollars. Si vous êtes sérieux pour l'input de vos Québécois et Québécoises, bien peut-être que vous pourriez vous inspirer de la société fédérale, là, la SGDN, société de gestion des déchets radioactifs, au niveau fédéral, elle paie les dépenses de voyage, puis ils m'ont payé mes dépenses plusieurs fois.
Alors, une autre chose qui est importante à noter, c'est que vous savez fort bien que le Vérificateur général a fourni un rapport en avril 2009 et il a critiqué très fortement la gestion du secteur des mines au Québec. Il y a énormément de laxisme. Si on parle de... On veut que les compagnies minières respectent l'environnement, mais il n'y a pas d'inspecteurs. Il y a un inspecteur pour tout l'Abitibi-Témiscamingue et le Nord-du-Québec. En plus, ces inspecteurs-là n'ont même pas de moyens de transport. Un inspecteur, il n'a pas un hydravion à sa disposition, il embarque dans un véhicule tout-terrain qui est fourni par une compagnie minière. Je pense que, si vous voulez être sérieux... Il y a des milliards de dollars en jeu, là, on parle de dizaines de milliards. Moi, je suis un peu Américain. En fait, j'ai deux citoyennetés, Américain puis Canadien, et, aux États-Unis, je vous signale que les sénateurs puis les députés disaient souvent, là, qu'il faudrait faire attention aux milliards. Tu sais, «one billion here, one billion there, pretty soon it makes a pile of money». Quelques milliards ici et là, ça commence à faire de l'argent. Là, pour les compagnies minières, on parle de dizaines de milliards de dollars. Si vous voulez des milliards pour le système de santé puis l'éducation, peut-être qu'il faut agir de façon plus -- comment dire? -- stricte. Je n'ai pas le bon mot, mais...
Bon, je reviens à cette section où on parlait du Vérificateur général, qui se plaint de beaucoup de choses, comme vous le savez. La coalition à laquelle on appartient, nous autres, trouve qu'il est inacceptable de donner des permis pour de l'exploration puis l'exploitation éventuelle de l'uranium. Un point important que j'aimerais vous faire sur l'uranium, c'est qu'on a un gouvernement à Ottawa, le gouvernement de Stephen Harper, qui, le 31 mars, a sorti un rapport très important sur les isotopes radioactifs puis, lui, il recommande qu'on fasse des isotopes radioactifs pour la médecine nucléaire avec des cyclotrons, qui ne produisent pas de déchets radioactifs. Il dit: Si on peut faire quelque chose sans produire de déchets radioactifs, il y a un avantage économique et social très important. Bien, je pense que la même chose s'applique pour l'énergie. Au Québec, on a l'hydroélectricité, on a des gisements éoliens fantastiques, on a l'énergie solaire, l'énergie géothermique qu'on pourrait développer. On n'a pas besoin du nucléaire pour faire de l'énergie, alors pourquoi ne pas suivre la recommandation de ce comité de Harper? Faisons de l'énergie, mais sans faire de déchets radioactifs.
Alors, même chose pour les mines, les mines laissent des montagnes de déchets radioactifs. 85 % de la radioactivité qui était dans l'uranium, dans le sol, en ce moment, là, dans le granit, bien, quand on le sort, on enlève l'uranium, mais il reste le thorium, le radium, le radon, plein de choses qui sont radioactives, puis c'est laissé dans des montagnes puis souvent mal protégé. La société de gestion des déchets radioactifs fédérale, qui fait un très bon boulot, elle dit qu'une bonne place où mettre les déchets radioactifs, ça va être à 200, 300 mètres de profondeur dans le Bouclier canadien, qui est du granit. Là, on va se sentir en sécurité. En ce moment, les déchets radioactifs à Bécancour, ils sont en dessous d'un toit ordinaire ou dans le réacteur, un mètre de béton armé, mais, à côté, c'est juste une piscine avec un toit bien ordinaire, ils ne sont pas bien protégés. Puis, quand une mine d'uranium est laissée toute seule -- il y a plein de mines d'uranium abandonnées dans le monde entier -- les déchets radioactifs sont là, il pleut dessus, n'importe quoi, le vent, la radioactivité, ça s'en va un peu partout. Alors, les agences internationales qui regardent ça de près, maintenant, disent qu'il faut faire beaucoup plus qu'auparavant pour empêcher que la radioactivité des résidus miniers s'en aille un peu partout.
Puis le dernier point que je veux faire à propos du nucléaire, c'est que le nucléaire, c'est une grosse business bien sérieuse parce qu'il y a des armements nucléaires, des bombes qu'on peut faire avec le plutonium qui sort des déchets radioactifs qui sont à Bécancour. Alors, il y a toute une espèce de normes internationales auxquelles le Canada souscrit, puis une des suggestions, c'est que les provinces, les pays qui vont faire de l'uranium, bien...
**(11 h 50)**Le Président (M. Gaudreault): Il vous reste 30 secondes, monsieur...
M. Duguay (Michel): ...ils vont rapatrier les déchets radioactifs.
Le Président (M. Gaudreault): Il vous reste 30 secondes, M. Duguay.
M. Duguay (Michel): Donc, c'est ça, le danger, là. Si on commence à produire de l'uranium, la communauté internationale peut dire: O.K. Québec, vous avez fait de l'argent avec l'uranium, comme la Saskatchewan, bien, maintenant, vous allez vous occuper des déchets radioactifs. Mais l'Assemblée nationale, il y a deux ans, a voté contre le rapatriement des pays externes des déchets radioactifs. Je peux m'arrêter.
Le Président (M. Gaudreault): Merci. Alors, je vous remercie, M. Duguay. Nous allons maintenant procéder à la période d'échange avec les parlementaires en commençant par le groupe formant le gouvernement pour 22 min 30 s. Alors, M. le ministre.
Des voix: ...
Le Président (M. Gaudreault): M. le ministre.
M. Simard (Dubuc): Oui. Merci, M. le Président. Je m'informais parce que c'est des termes géologiques qui ne sont nécessairement pas les miens.
D'abord, d'entrée de jeu, je dois vous dire, je vous écoute, M. Duguay, puis je suis bien inquiet parce que vous comprendrez que le domaine minier, c'est une industrie qui fait travailler 15 000 familles et puis, je vous dirai, 30 000 emplois indirects également. Et je vais vous poser, d'entrée de jeu... Quand je vous écoute, je vais vous poser, d'entrée de jeu... Est-ce que vous êtes pour l'industrie minière?
M. Duguay (Michel): Oui, je suis en faveur de l'industrie minière, oui. Mais, quand on parle d'emplois, on peut avoir des emplois qui sont constructifs ou destructifs de l'environnement puis on peut avoir des emplois qui sont rentables ou non rentables. Si, par exemple, on faisait la réfection de Gentilly à un coût véritable, qui va être dans la fourchette de 6 à 10 milliards de dollars, oui, on maintient 800 emplois à Gentilly, mais ce n'est pas rentable, ça fait de l'électricité à 0,20 $ le kilowattheure. Si on fait La Romaine puis on sort de l'électricité à 0,12 $ le kilowattheure puis on vend ça aux États-Unis à 0,05 $, 0,06 $ le kilowattheure, on subventionne les États-Unis. Est-ce que le Québec est assez riche pour subventionner l'Ontario et les États-Unis? On pourrait avoir des emplois qui sont rentables. Il ne faut pas arrêter le discours politique à: Ah! on a créé 800 emplois, on a créé 10 000 emplois. Est-ce qu'ils sont rentables ou non rentables? Est-ce qu'on veut la prospérité économique ou pas?
Le Président (M. Gaudreault): Oui, M. le ministre.
M. Simard (Dubuc): Merci, M. le Président. C'est parce qu'on a rencontré un de vos collègues de l'Université Laval, M. Georges Beaudoin, et puis il nous a indiqué: «...il est important d'informer la commission que l'uranium n'est pas le seul élément radioactif, certains éléments majeurs[, dont le potassium,] et mineurs[, le thorium,] de la croûte terrestre sont aussi radioactifs.» Et c'est lui... On l'a écouté attentivement parce que c'est quand même un spécialiste, là, d'université, et je vais vous dire que, si on parle de l'uranium, on peut en parler, mais on parle ici du domaine minier. Et, à ce moment-là, je dois vous dire qu'on ne peut pas regarder seulement... Parce qu'on le sait, justement, M. Beaudoin nous a indiqué que les fonds de lacs étaient radioactifs. Et, si on parle de l'eau, il nous a dit qu'il y avait plus d'uranium ou encore de radioactivité dans les fonds de lacs. Ça fait qu'on va s'assurer justement que le Québec soit sécuritaire. Et ce qu'il faut comprendre, c'est que le dossier de l'uranium n'est pas terminé, il y a des... Encore une fois, le Comité sur la santé publique de Sept-Îles est en train de travailler à ce sujet-là, et vous comprendrez qu'on va, bien sûr, s'assurer que le domaine minier demeure sécuritaire pour l'ensemble des travailleurs et pour l'ensemble des Québécois.
Maintenant, vous dites également dans votre mémoire que vous voudriez que le MRNF... pas le MRNF parce que vous parlez du MDDEP, là, élimine ou... retirer des droits miniers à des fins d'intérêt public. D'abord, je vais vous dire que la gestion du territoire, c'est le MRNF qui l'a, ce n'est pas le MDDEP. C'est le rôle du ministère des Ressources naturelles et de la Faune de donner ou de retirer un droit minier.
Maintenant, j'imagine que vous n'êtes pas sans savoir que, si jamais le ministère retirait des droits miniers, il va devoir y avoir des compensations, des compensations, je vous dirai, quand même à un certain niveau, très importantes. Donc, j'imagine que vous avez pris ce fait-là en compte et j'aimerais vous entendre là-dessus parce que ça peut avoir des effets très majeurs sur l'économie du Québec, le fait de retirer des droits miniers, pas seulement budgétaires, sur l'image du Québec et sur l'image de l'industrie minière au Québec. J'aimerais vous entendre là-dessus.
M. Duguay (Michel): O.K. Mon collègue Michel Fugère va répondre.
M. Simard (Dubuc): D'accord. Merci.
M. Fugère (Michel): Alors, ça me fait plaisir d'être ici aujourd'hui. M. le ministre, je répondrais à cette question que les fameux droits miniers, là... En fait, on réalise que, dans le processus des claims, il y a des droits miniers qui gèlent finalement des portions de territoire depuis très longtemps, ce qui fait en sorte que, dans nos municipalités, dans nos régions, lorsqu'on veut organiser nos schémas d'aménagement puis affecter l'utilisation du territoire, il y a des grandes portions de territoire qui sont immobilisées, là. Or, je pense qu'il y aurait la possibilité d'assouplir un peu ces... en fait, de donner plus de pouvoir au gouvernement, de faire en sorte que, si un claim est claimé depuis un certain temps et puis qu'il n'y a pas rien eu, il n'y a pas eu de suivi de cette appropriation-là par une compagnie quelconque, bien, qu'on puisse dire: Bien, regardez, voilà, là, maintenant, ici, telle région préférerait que cette partie-là de son territoire, pour des raisons de qualité d'eau, ou de protection d'espèces menacées, ou pour dynamiser son industrie touristique... bien, veulent rapatrier cette portion de territoire là. Il me semble qu'il serait totalement décent que le gouvernement du Québec soit en mesure de pouvoir mettre des règles du jeu en place pour assurer des modifications à ces claims-là.
Alors, moi, je ne vois pas, je ne comprends pas qu'aujourd'hui qu'on soit totalement contraints de rester gelés avec des décisions, avec un processus qui a été mis en place, qui doit être modifié pour le bénéfice d'une nouvelle façon de voir et d'utiliser le territoire. De plus en plus, on parle de gestion par bassin versant puis d'approche écosystémique dans la gestion de nos territoires. On l'a vu avec la commission Coulombe, la commission Coulombe a probablement été l'endroit où on a vu naître le concept de la gestion par bassin versant, hein, où on a vraiment réussi à faire en sorte que, dans les institutions politiques, là, on a vu un endroit où on peut vraiment remodeler nos façons de faire dans l'utilisation du territoire.
Alors, actuellement, nous, qui venons des régions, bien on réalise que cette vision de gestion de l'eau par bassin versant, de planification écosystémique du territoire a énormément d'avantages, mais, bien entendu, elle se confronte à des décisions antérieures qui ont été prises parce qu'historiquement les décisions se prenaient de telle ou de telle façon. Mais là je pense que vous avez actuellement comme mandat de révolutionner un petit peu le secteur minier au Québec. Parce qu'effectivement c'est un héritage du passé qui n'a jamais vraiment subi une remise en question puis une modernisation des pratiques avec des exigences qui sont appropriées, alors, vraiment, moi, je pense que, là, actuellement, on a une occasion en or de vraiment ramener le développement durable, la gestion écosystémique, par bassin versant. Le dossier que vous pilotez actuellement est une occasion rêvée pour ce faire. Puis je sais que vous avez exprimé à plusieurs occasions votre grand souci de s'assurer que les règles du jeu du développement durable soient appliquées, bien là, là, probablement que c'est la plus belle porte qui vous est ouverte de pouvoir agir en conséquence et puis, bien entendu, de munir le gouvernement du Québec des règlements, des règles du jeu qui vont faire en sorte que l'industrie ne viendra pas par l'arrière essayer de poursuivre les citoyens à travers notre gouvernement pour se faire dédommager de manière indue.
n(12 heures)**Le Président (M. Gaudreault): Oui, M. le ministre.
M. Simard (Dubuc): Merci, M. le Président. D'abord, vous savez, vous n'êtes pas sans savoir qu'effectivement le projet de loi veut travailler... l'objectif, c'est de travailler avec les régions du Québec, travailler avec les CRNT, c'est-à-dire les commissions régionales sur le développement du territoire, et s'assurer, en collaboration avec les CRE justement, qu'on est capables de faire des choix sur les développements que l'on veut sur notre territoire parce que ce sont les gens des régions, nécessairement, qui vivent sur ce territoire-là. Donc, dans ce cadre-là, c'est justement ça que le projet de loi travaille parce qu'on veut le développement durable. Mais l'acceptation sociale est importante au niveau du projet de loi. Et, s'il y a quelqu'un qui sait quelque chose de ça, c'est véritablement la députée de Duplessis ici, et donc, dans ce cadre-là, on est là pour en parler.
Et je vous dirai, à ce moment-ci, que la... Mais, comme je vous disais tout à l'heure, ma préoccupation, moi, comme ministre, je veux qu'on prenne des décisions, oui, en fonction de respecter l'environnement, c'est très, très, très important, mais également je veux que les Québécois puissent avoir accès à de la richesse, donc distribuer la richesse sur le territoire. Mais, pour ça, il faut essayer d'avoir, je vous dirai... de demeurer compétitifs et de s'assurer justement que l'on respecte l'environnement et, par la même occasion, qu'on travaille avec les régions du Québec, travailler avec les résidents du territoire. Mais, encore une fois, il faut porter une attention particulière à ne pas tuer la poule aux oeufs d'or.
C'est fou de parler comme ça peut-être, là, vous allez dire, ce n'est pas... il faut faire ça d'une façon... Tout à l'heure, j'entendais votre collègue qui disait: Il faut être... -- j'ai pris une petite note de ça à quelque part, là -- il faut être sérieux. Bien, justement, c'est ça. Justement, on veut être très sérieux, protéger les emplois qui sont dédiés au domaine minier, respecter l'environnement et s'assurer que la, je vous dirai... que les milieux sont impliqués, les propriétaires terriens sont impliqués, et s'assurer qu'on fait les bons choix. C'est ça, l'objectif. Et, encore une fois, il faut demeurer vigilant là-dessus, et puis c'est la raison pour laquelle, d'ailleurs, j'apprécie que vous soyez ici pour nous ouvrir les yeux sur certains aspects.
Le Président (M. Gaudreault): M. Fugère.
M. Fugère (Michel): Alors, voyez-vous, M. le ministre, pour commenter ce que vous venez de dire, actuellement on convient qu'il y a une volonté exprimée, puis je suis bien heureux de la ressentir. Mais, quand on va sur le terrain, on a cité dans le mémoire trois cas concrets actuellement au Québec que l'on vit où ce souhait-là que vous, en tant que ministre, vous voulez voir s'implanter au Québec, bien ce n'est pas ce que l'on vit sur le territoire, ce n'est pas ce que les citoyens vivent lorsqu'il y a des projets miniers actuellement qui sont amenés à la population, et puis, pour bonifier votre désir, votre volonté, on a proposé des modifications, on a proposé des éléments qui doivent absolument être mis en place pour assurer que l'acceptabilité sociale soit reconnue.
Je sais que c'est une question qui préoccupe les gens ici, l'acceptabilité sociale, et à juste titre, mais, vous savez, si vous venez voir les citoyens pour leur demander, pour les... d'abord, pas pour leur demander, mais pour leur faire vivre une audience publique pour évaluer la pertinence ou non d'un projet minier et puis, pendant que les gens sont assis dans la salle, bien on voit les maisons en arrière du... par les fenêtres de la bâtisse où ils sont, les maisons sont déménagées, puis il n'y a pas eu d'autorisation, puis déjà la compagnie a oeuvré sur le territoire à acheter des résidences gré à gré avec les gens, on n'est pas dans un contexte où on peut vraiment amener l'acceptabilité sociale, on est dans un contexte où, la façon dont c'est fait, on va amener la dislocation des sociétés, des collectivités locales.
Alors, c'est pour ça que c'est très important d'agir très rapidement. Puis j'espère que les parlementaires vont avoir le temps de bien analyser ici les recommandations que Mme Béland nous a faites parce qu'elles sont, je pense, moi, susceptibles, justement, de faire tomber les barrières à l'acceptabilité sociale puis faire en sorte que, lorsqu'il y a un projet, bien la collectivité veut le projet, le Québec veut le projet, et puis que ça va effectivement contribuer à l'enrichissement de l'ensemble des joueurs de la société puis des utilisateurs du territoire.
Puis j'aimerais aussi peut-être spécifier un point. On parle souvent de local, hein? Moi, je vis à Saint-Mathieu-du-Parc, là, tout près du parc national de la Mauricie, là. Bien, quand il se passe quelque chose dans le fleuve, là, sur le fleuve Saint-Laurent, là, bien je suis personnellement touché là-dedans. Le fleuve m'appartient, je suis un Québécois, je... tout le Québec m'appartient. Demain matin, moi, je peux aller vivre où je veux, tu sais.
Une voix: ...Jonquière.
M. Fugère (Michel): Je peux aller vivre à Jonquière, effectivement. Alors, on revient souvent avec cet aspect du local, mais, quand on est rendu dans les mines, quand on est rendu dans les forêts, quand on est rendu dans l'énergie, là, là, on est... il y a la nécessité que le local dise, oui ou non, si elle veut du projet. Puis ça, il faut le respecter, je pense, avec beaucoup de précaution parce que c'est d'abord eux et avant tout qui sont concernés. Mais on a vu des collectivités qui peuvent souhaiter avoir un projet, puis l'ensemble du Québec ne le souhaiterait pas.
On a parlé, par exemple, de la possibilité d'éventuellement... de se retrouver au Québec, mettons, avec des mines, des déchets radioactifs de partout au Québec, au Canada, et puis on peut même dire: On sait même qu'il y a eu des négociations internationales où, si, par exemple, une province aurait une mine d'uranium, bien, qu'ils puissent se retrouver, dans une entente internationale, à devoir recevoir l'ensemble des déchets radioactifs qui proviennent du producteur d'uranium. Autrement dit, vous êtes un producteur d'uranium, vous produisez l'uranium, vous envoyez ça aux Français, ou aux Russes, ou «whatever». On utilise cet uranium-là. Les déchets qui sont produits par là pourraient éventuellement nous rebondir, et puis on devrait être contraints de recevoir, d'accueillir ces déchets-là.
Donc, il y a d'énormes responsabilités qui dépassent, qui dépassent, là, le petit besoin local. Alors, oui, il faut prioritairement assurer l'acceptabilité sociale des collectivités locales, mais il ne faut jamais échapper que ce sont des projets qui échappent grandement, qui sont vraiment de... Là, il est question de... c'est vraiment un dossier québécois, et puis, à ce niveau-là, bien il faut prendre les mesures pour assurer que, justement, les projets soient bien consultés au niveau local, mais qu'au niveau national, au niveau du Québec, bien on prenne la peine de laisser l'ensemble du Québec de bien se positionner, de bien dire ce qu'il veut avec son régime minier, comme on l'a fait avec la forêt.
Le Président (M. Gaudreault): Oui, M. le ministre.
M. Simard (Dubuc): Merci, M. le Président. Bien, je voudrais indiquer que, quand on parle d'acceptabilité sociale, là, on ne parle pas d'unanimité sociale. Je veux bien que tout le monde comprenne ça, là. L'acceptabilité sociale, on est dans un milieu démocratique. Donc, il faut faire attention, ce n'est pas l'unanimité, c'est l'acceptabilité sociale. Maintenant, vous savez comme moi que, bon, il y a de l'uranium en Saskatchewan, mais que l'uranium de Saskatchewan est dans le port de Montréal et puis est entreposé là pour exportation. C'est un secret que tout le monde connaît, j'imagine.
Donc, il y a une chose que je voudrais vérifier. Tout à l'heure, j'écoutais la... c'est-à-dire un résumé, un petit peu, du mémoire qui nous a été fait par M. Duguay -- c'est ça, c'est par M. Duguay -- et puis M. Duguay nous indiquait que, bon, les mines polluaient l'eau potable, etc. Est-ce que vous avez, je vous dirai, des faits à l'effet qu'il y a des mines qui ont pollué l'eau potable, là, puis qu'il n'y a pas eu d'action de posée à ce moment-là, puis que ces gens-là étaient en infraction, puis il ne s'est rien fait? J'aimerais vous entendre là-dessus. Est-ce que vous avez des preuves de ça... pas des preuves, mais des dossiers?
M. Duguay (Michel): Bien, en Ontario, il y a beaucoup de mines d'uranium qui...
M. Simard (Dubuc): Ici, au Québec.
M. Duguay (Michel): Bien, au Québec, il n'y a pas encore de mines d'uranium au Québec. Les mines d'uranium, au Canada, ont été en Ontario puis en Saskatchewan. En Ontario, il y a eu de nombreux cas où, les résidus miniers, il n'y avait pas de protection à l'époque, pas de loi, puis la pluie va dans les résidus miniers, ça descend ensuite dans la nappe phréatique, puis ça a affecté beaucoup de gens. Il y a eu des procès par les populations qui ont été touchées. Ils n'ont pas toujours gagné parce que, si vous attrapez le cancer, la partie opposée dit: Bien, prouve que ton cancer, il vient du produit de la mine puis il ne vient pas d'ailleurs. Très difficile à prouver. Puis, à part de ça, les particuliers, comme dans beaucoup de cas, ils n'ont pas beaucoup de ressources, tu fais affaire à des grosses compagnies qui engagent des batteries d'avocats contre des particuliers, comme à Shannon, là, l'histoire du trichloroéthylène.
Donc, en Ontario, il y a eu plein de cas de mines abandonnées, de mines qui ont pollué l'environnement, puis c'est pour ça, d'ailleurs, qu'il y a un mouvement, là, pour arrêter ce genre de chose, complètement changer les lois environnementales qui touchent les mines d'uranium.
**(12 h 10)**Le Président (M. Gaudreault): Oui, écoutez, je veux juste vous dire qu'il vous reste quelque trois minutes, là, pour cet échange avec le bloc gouvernemental.
M. Simard (Dubuc): D'accord. Je vais garder mes trois minutes, là, pour plus tard un peu. Je vais laisser la parole à mes collègues au moment où on se parle.
Le Président (M. Gaudreault): Alors, M. le député de Roberval et néanmoins ami.
M. Trottier: Oui. Merci, M. le Président. Je remercie le groupe de la Mauricie pour la présentation de son mémoire. Il est très important pour nous qu'il y ait des groupes qui soient davantage préoccupés par les questions de développement durable que par les aspects économiques. On en a vu hier, on va en voir d'autres. Je pense qu'il faut trouver un équilibre là-dedans, et il est important qu'on puisse avoir justement la version de chacun.
Puis, moi, je pense qu'on a un grand défi, c'est de faire un projet de loi qui va orienter nos entreprises pour 25 ans, minimum. Je pense que c'est important qu'on puisse avoir, on pourrait dire, un aspect extrêmement pesant par rapport à la question de l'environnement parce qu'il y a eu beaucoup de critiques qui ont été faites là-dessus. On sait qu'on a l'obligation, maintenant, d'aller plus loin que ce qui existait dans le passé.
Je vais me permettre un petit commentaire, entre autres par rapport à ce que le ministre a dit tout à l'heure, là, sur la question de l'acceptabilité sociale, là. Je pourrais vous dire qu'on comprend très bien la différence entre l'acceptabilité sociale puis l'unanimité. Ainsi, on peut dire qu'au Québec il y a une acceptabilité sociale certaine d'avoir une enquête publique sur la construction et le financement des partis politiques, mais il n'y a pas unanimité.
Une voix: Un exemple au hasard.
M. Trottier: Oui, c'est ça. Bon, par rapport à votre mémoire, en page 9, vous dites, là, que, dans les modifications proposées sur les droits des citoyens et des collectivités... Ça, je pense que c'est un aspect qui est vraiment essentiel dans le projet de loi parce qu'on a vu hier des témoignages, là, qui étaient assez émouvants, là, puis je pense qu'il y a un manque important dans le projet de loi par rapport à ça. Bon, vous dites qu'on doit obliger l'information, la consultation et le consentement préalable à la fois des propriétaires privés et locataires et également aussi des municipalités et, un petit peu plus loin, vous donnez des explications.
Est-ce que je comprends bien que vous êtes d'accord avec le processus d'information et de médiation accompagné de ressources techniques et juridiques qui était proposé, entre autres, par les gens de Malartic, là? Est-ce que vous êtes d'accord avec ce principe-là?
M. Duguay (Michel): Oui. Veux-tu élaborer? Vas-y.
M. Fugère (Michel): Oui, tout à fait, c'est exactement ça. Quand on dit: Aller chercher l'acceptabilité sociale, effectivement ce n'est pas d'aller chercher l'unanimité, mais c'est d'avoir un processus préalable à la décision d'aller de l'avant ou non avec les projets qui fait en sorte que, là, on... puis de s'assurer que les véritables concernés... On comprend qu'il y en a qui sont concernés, là, puis qu'il y a une question de business, puis ça, ça va, mais que les véritables concernés et tous les concernés puissent être dans des conditions où ils vont aller prendre de l'information sur le projet dans un contexte sain et puis qu'après ça ils vont pouvoir questionner ce projet-là dans un contexte sain, et puis aussi qu'ils puissent sentir que le processus dans lequel ils sont, ce n'est pas juste un processus pour justifier la décision, mais que c'est vraiment un processus qui est ouvert pour évaluer la décision. Parce qu'actuellement, là, ce qu'on vit avec les BAPE au Québec, là, bien il y a une expression, là, dans le monde environnemental, on dit: On va aller se faire passer au BAPE, hein? Parce que, là, finalement, on réalise que le processus du BAPE devient juste un processus pour justifier la décision des ministères, alors, parce que, très rarement, la représentation citoyenne est prise en considération. Très rarement.
Alors, tu sais, vous avez vraiment un défi de taille à relever parce que, là, vous avez l'occasion de modifier la façon pour le gouvernement d'assurer la reconnaissance du citoyen dans la vie de sa société. Et puis ça manque cruellement, et puis effectivement, lorsqu'on parle de BAPE, lorsqu'on parle d'assurer au citoyen les ressources financières pour pouvoir vraiment défendre ses intérêts, ça va de soi. Vous savez, des gens qui partent de Malartic, là, hein, puis qui descendent ici à leurs frais, là, pour venir vous dire, là: Ça n'a pas de bon sens, ce qu'on vit, là, c'est beaucoup, c'est beaucoup. Les organisations comme les nôtres, par exemple, qui, depuis 25 ans, travaillons, pour la plupart, tous bénévolement à faire en sorte que l'aspect environnemental de nos décisions sociétales soit respecté, tu sais, bien on fait tout ça pour... on fait tout ça avec pas de ressources. Alors, je pense, moi, que c'est une société qui ne file pas, tu sais. Il faut absolument qu'on soit capable de reconnaître les organisations et les individus pour leur donner les moyens de participer à la vie démocratique.
Le Président (M. Gaudreault): Oui. Alors, la députée de Duplessis.
Mme Richard (Duplessis): Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. En lisant votre mémoire, vous faites mention qu'il faudrait permettre aux MRC de soustraire toute partie de leur territoire à des travaux miniers en raison d'intérêt public. Vous faites mention également qu'il faudrait donner plus de pouvoir au BAPE. Je trouve ces propositions, je vous dirais, très intéressantes parce que, vous n'êtes pas sans le savoir, je suis la députée du comté de Duplessis, et ça a tellement été médiatisé au sujet de l'uranium à Sept-Îles. Et, vous savez, à chaque fois -- et c'est ça que je trouve déplorable -- à chaque fois que les citoyens osent lever le ton ou dénoncer tel ou tel projet, et plus particulièrement dans l'uranium à Sept-Îles, on dit: Vous êtes contre l'industrie minière. Écoutez, la région Côte-Nord s'est construite au fil des années avec l'industrie minière, et on cohabite très bien.
Il y a toute une question aussi d'acceptabilité sociale. Et, tantôt, j'écoutais le ministre, il dit: La députée, elle sait de quoi... Ça, sur ça, je vais vous donner raison, sur l'acceptabilité sociale, je pense que, moi, je l'ai compris, qu'est-ce que c'était. Et, quand on dit: Il faut la collaboration des gens, de la population, il faut la collaboration des CRE, moi, je pense que c'est les premiers intervenants, c'est les populations locales. Et on l'a vu plus particulièrement avec la compagnie Terra Ventures à Sept-Îles, où ça ne fonctionne pas. On avait une compagnie qui est venue s'installer sans que la population soit au courant, il y a eu des infractions qui avaient été commises. On avait demandé à la compagnie de corriger le tir, ils ne l'ont pas fait. Le MDDEP n'avait pas encore émis d'avis qu'ils continuaient les travaux. Et, par la suite, ce qu'on nous a dit: Bien, écoutez, là, il y a une question économique, on va être obligés d'avoir des compensations, comment on va arriver? La compagnie, elle a des droits, elle a des titres miniers, elle a ses claims. Et là c'est légal, ce qu'ils font. Vous avez toute une population qui se mobilise, conférence régionale des élus, conseil de ville, et là vous avez un ministre, un ministère qui n'est pas capable d'agir parce qu'il dit: Il va falloir que je compense financièrement cette compagnie-là.
Et je pense que, dans le projet de loi qui nous occupe présentement, il faudra tenir compte de ces populations parce que... À tort ou à raison, je ne suis pas une experte à savoir si vraiment l'uranium est dangereux ou pas pour la santé publique. Je vous dirais que je me fie quand même... J'ai quand même des médecins, à Sept-Îles, qui sont descendus dans la rue. Le ministre de la Santé, M. Bolduc, a quand même demandé au directeur de la santé publique du Québec de mettre un comité de travail sur pied. Donc, je vous dirais que ça commence à être questionnable, et je vois qu'il y a d'autres compagnies dans le petit village d'Aguanish qui s'apprêtent à faire la même chose. Écoutez, ils arrivent là, les populations ne sont pas au courant.
Moi, je voudrais vous entendre parce qu'on parle d'acceptabilité sociale. Dans d'autres projets, je vous dirais qu'il y a souvent des populations dans les régions comme la mienne où on voit des groupes tels que le vôtre, des fois, prendre position. Vous l'avez dit, ce qui se passe dans une petite région, des fois, au niveau du Québec, ça nous interpelle également. Est-ce que vous pensez que les premiers, les premiers concernés, au-delà des groupes environnementaux, puis je vous... bravo pour votre travail, mais ça ne devrait pas être les populations locales qui, elles-mêmes, moi, je pense, sont à même de décider pour leur avenir?
M. Fugère (Michel): Je dirais que vous avez totalement raison, mais il reste quand même un aspect important à considérer, Mme Richard, c'est qu'il y a des projets qui sont d'intérêt national. Prenons, par exemple, l'exemple de la centrale nucléaire de Gentilly-2, hein? Si vous vous en allez dans la petite ville de Gentilly, les gens de la place, hein, ils ont tous un frère, une soeur, un mononcle, une matante qui travaille là. Alors, pour eux autres, de vivre la pression, tu sais, de devoir dire: Bien, on serait peut-être mieux, cette centrale-là, de lui donner une autre vocation, c'est plus difficile, tu sais.
Alors, à Gentilly, certains prétendent -- moi, j'en doute, mais en tout cas -- certains prétendent qu'il y a une acceptabilité sociale de vouloir avoir le réacteur nucléaire qui fonctionne, mais je pense que ça dépasse de beaucoup, hein? Par exemple, si on prend l'exemple des mines, pour moi, les mines d'uranium plus spécifiquement, bien c'est quelque chose que, même si tout le monde chez vous voulait l'avoir, là, la mine d'uranium, là, bien, moi, je pense qu'en tant que Québécois j'ai place à discuter parce que l'uranium, là, à partir de l'uranium, il y a... Ça, c'est le début de chaîne, là, puis, au bout de la chaîne, là, il y a le déchet radioactif, hein? Et puis, entre les deux, là, il y a de la production d'électricité par un mode dangereux et puis, en plus de ça, il y a de l'utilisation militaire de la substance en question. Alors, il y a un enjeu géopolitique qui est très important quand on parle spécifiquement de ce dossier-là.
Puis, d'un autre côté, moi qui suis un ardent défenseur de l'éolien, je comprends très bien que des populations locales peuvent dire: Aïe! tu ne vas pas venir me mettre de l'éolien là, chez nous, parce que la façon... parce que, dans le fond, la façon dont on a présenté le projet n'a pas suivi un processus qui peut permettre une acceptabilité sociale, les gens n'étaient pas informés, etc. Puis ils pourraient très bien ne pas en vouloir aussi, puis je pense que c'est légitime. Mais là on n'est pas dans un contexte où on est en danger de manquer d'énergie au Québec, là, tu sais, hein? Même s'il n'y a pas un parc éolien à quelque part, là, demain au Québec, là, on ne va pas s'éclairer à la chandelle, là, tu sais.
**(12 h 20)**Le Président (M. Gaudreault): M. Duguay.
M. Duguay (Michel): Est-ce que je peux répondre aussi un petit peu à la députée de Duplessis?
Le Président (M. Gaudreault): Oui, oui.
M. Duguay (Michel): Dans le cas de l'uranium, il y a une nouvelle réglementation, là, qui vient de la Commission canadienne de sûreté nucléaire, puis ça stipule -- ça, c'est un document qui est sorti il n'y a pas longtemps, il y a juste quelques mois -- ça stipule que les résidus doivent être gardés de façon sécurisée pendant des milliers d'années parce que le radium... il y a beaucoup de radium, il y a beaucoup de produits de radioactivité qui restent dans le minerai, dans les résidus. Le radium, ça a un temps de vie de 1 500 ans, donc il faut que la compagnie fasse quelque chose, une enceinte tellement étanche puis tellement bien faite qu'elle garantisse que ça va être bon pour au moins 1 500 ans. Bien, du point de vue légal, là, les avocats du gouvernement, ils devraient être capables, quand on voit qu'ils ne font pas les choses correctement, ils devraient être capables de se servir de cette nouvelle réglementation fédérale puis de dire: Écoutez, vous autres, votre compagnie, là, Terra Ventures, ou une autre, vous n'êtes pas sérieux, votre affaire, ça ne va pas être bon pour 1 500 ans. Il me semble que vous avez des bons avocats au gouvernement. Il me semble qu'ils seraient capables de répondre aux questions que vous posez, M. le ministre.
Le Président (M. Gaudreault): Alors, je laisse la parole au député d'Ungava.
M. Ferland: Merci, M. le Président. Merci pour votre mémoire. L'exemple de ma collègue, là, de... Luc Ferland, premièrement, député d'Ungava. S'il y a une mine d'uranium un jour au Québec qui prendra racine, c'est au pied des monts Otish, si jamais c'est le cas. J'aimerais... Et, dans le cas de ma collègue de Duplessis, on a un exemple, à mon avis, flagrant, là, d'une arrivée ratée de la part d'une entreprise minière qui est venue quelque part sur le terrain sans aviser personne, et ainsi de suite. Je pense que, là, on va devoir être vigilants, nous, comme opposition, pour s'assurer que, dans le nouveau projet de loi, ces choses-là... Et là c'est lié à toute l'acceptabilité sociale, et ainsi de suite.
Dans le cas de l'uranium, chez nous, dans le Nord-du-Québec, quand est arrivée l'opposition au niveau des gens de Sept-Îles... Et je comprends ça, surtout de la manière dont l'entreprise a opéré, mais chez nous, depuis un an, on avait... Et, moi, j'avais demandé à la conférence régionale des élus, et, à la commission canadienne de la sécurité nucléaire, on a entrepris dans les communautés cries, en collaboration avec les Cris... Et, sur le territoire que je représente, le comté que je représente, c'est un territoire conventionné. Donc, une entreprise, qu'elle soit minière, forestière, qui veut développer l'éolien, qui veut aménager un parc, peu importe quel domaine... ou le tourisme, doit respecter... La base de l'intervention sur ce territoire-là, c'est les conventions. O.K.? Oui, il y a le BAPE, mais il y a le COMEV, il y a le COMEX, bon, et ces choses-là.
Mais, moi, j'aimerais vous entendre parce qu'on a fait venir les gens du nord de la Saskatchewan, des chefs de communautés cries, des gens là-bas qui vivent depuis 50 ans, qui travaillent dans les mines d'uranium dans ce secteur-là, et la commission canadienne est, oui, pas en consultation, mais en information... J'aimerais vous entendre, moi. Puis, où j'ai trouvé peut-être un manque au Québec, on ne trouve pas d'expertise nulle part au Québec. Et juste une parenthèse, j'ai demandé aussi, on a demandé, les gens chez nous, à l'entreprise elle-même, Strateco, de se retirer de ce processus-là -- parce que le pire vendeur, c'est le cordonnier dans ce cas-là -- et de laisser faire les citoyens, de laisser faire la population de s'approprier cette information-là. Mais souvent, au Québec, l'expertise... Parce qu'on n'a pas de mines d'uranium, la santé publique au Québec n'a pas d'expertise là-dedans. J'aimerais vous entendre parce que, dans le nord de la Saskatchewan, eux, ils sont venus nous dire, dans les communautés cries, qu'ils n'ont jamais eu de problème.
Le Président (M. Gaudreault): ...la parole en vous demandant d'être brefs parce que je sais qu'il y a d'autres questions en attente, puis, je pense, c'est préférable d'avoir plusieurs échanges. M. Fugère ou M. Duguay.
M. Duguay (Michel): Bon, bien, brièvement, là, en Saskatchewan, il y a des études scientifiques qui ont montré qu'il y a beaucoup de césium 137 qui vient de... qui sont dans la viande du caribou, puis on recommande aux populations autochtones de ne pas manger plus qu'une certaine quantité de viande par année ou par semaine de caribou. La Saskatchewan, moi, je n'ai pas regardé les dossiers dans les détails, là, la documentation est volumineuse, mais c'est quelque chose... Parce qu'ils produisent tellement d'uranium, ce n'est pas quelque chose qui est pris à la légère. Pendant longtemps, les mineurs dans les mines d'uranium absorbaient trop de radon puis ils mouraient de cancers. Puis là les compagnies ont commencé à installer les systèmes de ventilation pour enlever le radon des mines, mais c'est bien connu qu'historiquement, là, les mineurs, il y avait à peu près la moitié des mineurs dans les mines d'uranium qui mouraient de cancer du poumon. Et, en tout cas, je ne connais pas tous les dossiers en détail pour la Saskatchewan, mais c'est sûr qu'au Québec on manque d'expertise pour la raison que vous avez donnée, qu'on n'en a pas, de mines d'uranium, vous avez raison.
Le Président (M. Gaudreault): M. Fugère.
M. Fugère (Michel):M. le Président, pour votre information, là, je pense qu'il y a un document qui a été fait par l'Office national du film il y a quelques années, par M. Magnus Isacsson, là, un film qui s'appelle Uranium, où vous avez quand même là un portrait de la situation qui démontre la façon de faire, tu sais, à l'époque en tout cas, là, tu sais. Alors...
Puis, en plus de ça, moi, je pense que, si vraiment, là, il y avait une consultation vraiment bien ouverte, bien financée qui permet à ce qu'on aille chercher des expertises, là... Bien, on est capable d'aller en chercher, de l'expertise indépendante sur le sujet. Puis ça, c'est très important, effectivement, dans l'acceptabilité sociale parce que le citoyen, ce qu'il veut, lui, hein, il veut savoir de quoi il est question puis il veut être sûr que la personne qui vient lui présenter la problématique, là, n'a pas d'intérêt personnel là-dedans, qu'il est capable de donner des informations crédibles et indépendantes. Puis, moi, je suis capable de vous en trouver, des ressources, si vous en voulez.
Le Président (M. Gaudreault): Alors, Mme la députée de Duplessis ou M. le député... Mme la députée de Duplessis.
Mme Richard (Duplessis): Très brièvement -- merci, M. le Président -- parce que mon autre collègue a une autre question. Vous savez, on nous dit souvent, en tout cas dans le dossier de l'uranium à Sept-Îles: Écoutez, tracassez-vous pas, on est juste en forme exploratoire, on n'est pas près d'exploiter la mine, là. Peut-être qu'il n'y en aura même pas, de mine, chez vous. Qu'est-ce que vous pensez quand on nous sert cette réponse-là?
Le Président (M. Gaudreault): M. Fugère.
M. Fugère (Michel): Bien, premièrement, l'exploration minière, ce n'est pas léger non plus. Ça, d'abord, même on a une recommandation dans le mémoire, ici, qui dit qu'il faut s'assurer que... Bon, il y a différentes étapes dans l'exploration, puis, selon les étapes, bien on peut avoir des impacts qui sont plus ou moins importants. Alors, il faut les prendre en considération, ce n'est pas léger. Mais je pense que la question fondamentale qu'on doit se poser ici, dans cette Chambre, c'est: Pour ce qui s'appelle l'extraction de l'uranium, si on décide... si le ministre, qui aime le Québec puis qui veut s'assurer que nos Québécois ne se retrouvent pas avec de la radioactivité puis toutes les complexités que ça peut entraîner au niveau national puis international, s'il veut nous débarrasser des mines d'uranium, là, parce que l'acceptabilité sociale n'est pas là, bien pourquoi nous engager dans l'exploration, où vous allez dépenser des argents, l'argent qui est précieux, alors qu'on ne veut pas de l'uranium? Alors, mettons un point final à l'exploration, tout simplement. Exploration et exploitation.
Le Président (M. Gaudreault): Il reste trois minutes dans le bloc de l'opposition. Je cède la parole au député de L'Assomption.
M. McKay: Merci. Bien, bonjour. Je vous remercie pour votre mémoire. Il y a deux petits aspects que je voudrais pousser davantage. Ce qu'on appelle souvent l'écoconditionnalité, vous démontrez dans votre mémoire... vous parlez de cas où les compagnies ont obtenu des permis, même si c'étaient des délinquants environnementaux. On va nommer... C'est le cas de Terra Ventures, donc, qui, malgré le fait qu'ils ont pollué, qu'ils ont refusé de respecter leurs engagements, ont obtenu des permis par la suite, notamment pour la construction de routes. Donc, je voudrais savoir comment est-ce que vous pensez qu'on devrait appliquer cette condition, donc, de respecter les engagements pour pouvoir avoir d'autres permis.
Et, d'autre part, vous déplorez le fait qu'il y a seulement un inspecteur au ministère de l'Environnement pour couvrir tout le territoire, donc, du Nord-du-Québec et de la Côte-Nord. Est-ce que vous pensez que ce serait aux citoyens, avec leurs taxes, à financer ces inspecteurs-là ou est-ce qu'on ne devrait pas créer un fonds pour financer le suivi environnemental par le gouvernement, donc, du respect des engagements des compagnies minières?
Le Président (M. Gaudreault): Oui, rapidement, M. Duguay.
**(12 h 30)**M. Duguay (Michel): Bien, réponse rapide, moi, quand on parle d'un secteur, là, où les revenus sont de l'ordre... dans des dizaines de milliards de dollars, il me semble que, de la part du gouvernement, ça prend plus qu'un inspecteur. Tu sais, si on est sérieux du point de vue environnemental, c'est impossible qu'un inspecteur puisse couvrir ces immenses territoires. Donc, on revient à la proposition principale, que ce n'est pas suffisant d'avoir quelques amendements à la Loi sur les mines, il faut avoir une enquête publique sur le sujet, il faut que ce soit quelque chose de sérieux. Si on veut être prospères économiquement, il faut traiter les dossiers importants économiques de façon sérieuse.
Le Président (M. Gaudreault): Il reste encore deux minutes au bloc de l'opposition. Je ne sais pas si vous avez encore des questions, M. le député de Roberval.
M. Trottier: Oui. Est-ce que je comprends que, sur la question, là, d'intégrer dans le projet de loi des notions de développement durable, vous seriez favorables à ce que ça puisse s'intégrer dans le préambule ou ça devrait être ailleurs?
Le Président (M. Gaudreault): M. Fugère? M. Duguay?
M. Duguay (Michel): Dans le préambule de la loi?
M. Trottier: Oui, parce qu'il y en a qui nous ont suggéré, quelques groupes qui nous ont suggéré un certain nombre de dispositions qui seraient intégrées comme préambule. Bien là, présentement, il n'y a pas de préambule, mais un peu comme on a fait...
M. Duguay (Michel): Bien, d'ici un mois, nous autres, on peut vous suggérer des sections de la nouvelle loi à écrire. Comme vous avez suggéré à d'autres intervenants, là, on peut faire ça aussi, nous autres, dans les trois, quatre prochaines semaines.
M. Trottier: Je pense que ce serait très, très bien vu. Également, aussi, vous mentionnez que, dans le fond, on devrait rapetisser la période de temps pour verser les garanties parce que, dans le fond, j'ai l'impression que vous craignez qu'il y en ait qui ne versent pas finalement... qui fassent faillite avant ou qu'il y ait des problèmes. Est-ce que c'est dans ce sens-là?
M. Duguay (Michel): Oui, exactement.
Le Président (M. Gaudreault): Il vous reste encore du temps, M. le député de Roberval.
M. Trottier: O.K. Vous parlez de création de fonds régionaux de développement durable. Est-ce qu'à ce moment-là ça veut dire que vous pensez qu'il devrait y avoir une partie des redevances qui devraient être versées directement dans les régions pour assurer une diversification future?
M. Duguay (Michel): Oui, absolument. Absolument, oui.
M. Fugère (Michel): ...parce que, trop souvent, le développement... Particulièrement quand on est en région, on s'aperçoit que, nous, on fournit la ressource, la ressource quitte les régions, et puis, finalement, on n'a pas le plaisir de la plus-value, hein? Alors, ce serait très important, M. le ministre, qu'on assure, tu sais, qu'il y ait quelque chose qui reste dans les régions et puis que... Et puis très important d'assurer la deuxième et la troisième transformation au niveau minier. C'est le même problème en foresterie aussi, hein, on l'a remarqué.
Le Président (M. Gaudreault): Je vous remercie beaucoup. C'est ce qui met fin pour le bloc de l'opposition. Il restait 3 min 30 s au gouvernement, M. le ministre.
M. Simard (Dubuc): M. le Président, je vais laisser la parole à mon collègue de droite pour... Il a des interventions à faire, oui.
Le Président (M. Gaudreault): Le collègue à droite, alors le député de Rouyn-Noranda--Témiscamingue.
M. Bernard: Merci, M. le Président. D'entrée de jeu, bonjour, messieurs. Content de vous rencontrer. Je vais profiter des trois minutes pour rectifier beaucoup de faits qui sont écrits dans le mémoire si vous le permettez. Puis je le fais parce qu'à un moment donné c'est important pour les groupes qui vont venir, futurs, puis pour que les gens qui nous écoutent n'aient pas de préjugés et des faux fondements sur l'industrie minière.
Et je vais commencer... D'une part, le dossier de Terra Ventures, les gens ici m'ont informé que, lorsque la plainte a été déposée, les gens étant avertis, le ministère est intervenu et est en train de faire l'enquête sur la problématique de Terra Ventures, tel que vous l'avez souligné. Donc ça, c'est important. L'autre part, je concède, effectivement, qu'il y a besoin d'un suivi plus serré. Puis là, ça, tout le monde en convient, et ce seront des choses que le ministre, de toute façon, s'est engagé à poursuivre.
Un point important, quand je lis le mémoire... Puis, pour les gens... Je sais que les gens le font de bonne foi de manière générale, mais il y a beaucoup de faits qui sont rapportés dans les mémoires qui ne sont pas quantifiés. Par exemple, on dit: Il y a beaucoup de projets, il y a ci, il y a ça. Il n'y a jamais d'exemple, à part... Là, vous avez trois exemples en particulier. Puis ça, c'est important de le dire, on prend des données et qui ne sont pas quantifiées, rien, et il n'y a pas d'exemples concrets.
Par la suite, il y a des choses qui démontrent carrément... Puis je vais vous donner l'exemple des puits d'exploration, des puits de forage. O.K.? Quand vous posez les questions à la page 15 de votre mémoire, quand vous parlez des forages d'exploration, les propos qui sont tenus là sont complètement erronés, d'une part, parce que... D'ailleurs, vous soulevez des questions parce que vous n'avez pas les réponses et vous soulevez une inquiétude envers les gens, la population qui nous écoute, puis il n'y a rien là. Par exemple, 4.1.3: «Dans l'utilisation de la technique [au] forage au diamant, beaucoup d'eau doit être utilisée pour forer le roc. D'où provient cette eau? Est-elle récupérée adéquatement ou tout simplement rejetée sans traitement dans l'environnement?» Si les gens se renseignaient le moindrement de comment les choses se font, vous n'auriez jamais posé ces questions-là, d'une part. Et ça, c'est important de le dire, l'eau qu'ils prennent, c'est l'eau de surface. Et un trou de forage, c'est... on fore de la roche. La roche n'est pas contaminée, rien. Quand ils arrivent dans des zones minéralisées, les cas que ça arrive, ou autres, cela peut arriver, effectivement. Souvent, les eaux de surface... En plus, on frappe des nappes phréatiques, et ces puits-là deviennent des sources d'eau ultérieurement. Donc, il y a des choses qui existent là qui sont... il y a des questions qui sont soulevées qui ne sont pas vraies.
L'autre point important, l'industrie minière, au point de vue environnemental -- et je vous invite à rester pour la présentation qui va suivre -- l'industrie minière est encadrée au niveau des lois d'environnement et des règlements.
Le Président (M. Gaudreault): 30 secondes, M. le député.
M. Bernard: C'est un fait et c'est faux de dire qu'elles ne sont pas encadrées. La loi de développement durable, c'est une loi...
Le Président (M. Gaudreault): Il vous reste 30 secondes, M. le député.
M. Bernard: ...qui chapeaute le tout.
Et dernier point, en tant que parlementaires, en commission parlementaire, on entend toutes les parties. Quand on prend... Puis, hier, on a entendu des gens de Malartic, on a entendu les gens d'Osisko, mais, malheureusement, beaucoup de groupes ne feront pas l'effort d'aller voir toutes les parties avant de prendre position sur des enjeux. Et ça, je prends le temps de le dire aujourd'hui pour les gens qui nous écoutent, c'est important de se faire une opinion...
Le Président (M. Gaudreault): Merci.
M. Bernard: ...juste et exacte sur des projets.
Le Président (M. Gaudreault): Merci, M. le député. Alors, je remercie le Mouvement vert Mauricie, MM. Duguay et Fugère, et j'invite le prochain groupe, Rio Tinto, Fer et Titane, à prendre place. On suspend deux minutes.
(Suspension de la séance à 12 h 37)
(Reprise à 12 h 38)
Le Président (M. Gaudreault): Je vous demande de prendre place, on est prêts à poursuivre nos travaux. Alors, j'invite le prochain groupe à prendre place immédiatement, s'il vous plaît.
Alors, il me fait plaisir de vous accueillir. Vous êtes le groupe représentant Rio Tinto, Fer et Titane. Je vous demande de faire une présentation de 15 minutes qui sera suivie également d'une période d'échange avec les collègues ici présents des deux côtés. Vous avez donc 15 minutes, et je vous demande de débuter en vous présentant, s'il vous plaît.
Rio Tinto, Fer et Titane
Mme Beaudry (Dominique): Je m'excuse, est-ce que je pourrais faire distribuer des documents que j'ai déjà imprimés?
Le Président (M. Gaudreault): Certainement.
Mme Beaudry (Dominique): Ça va faire un peu le résumé de...
Le Président (M. Gaudreault): Les préposés ici vont s'en charger pour vous, madame.
Mme Beaudry (Dominique): Merci beaucoup.
Le Président (M. Gaudreault): Alors, si vous voulez vous présenter.
**(12 h 40)**Mme Beaudry (Dominique): Oui. Bonjour, donc, M. le Président, M. le ministre, sous-ministre, et les membres de la commission. Mon nom est Dominique Beaudry. Je suis directrice exécutive, Santé, sécurité, environnement et développement durable, pour la compagnie Rio Tinto, Fer et Titane. Et je suis accompagnée aujourd'hui de mon collègue, M. Marc Vincent, qui est directeur, Comptabilité de gestion.
Donc, j'aimerais remercier l'Assemblée nationale pour l'opportunité qu'elle offre à Rio Tinto, Fer et Titane de présenter en commission parlementaire les éléments de son mémoire sur le projet de loi n° 79 modifiant la Loi sur les mines. Et les éléments qui sont soulevés ici mettent en lumière certains aspects du projet de loi qui pourraient avoir des répercussions sur les entreprises minières, incluant la nôtre. Nous espérons que les commentaires qui sont émis et qui portent spécifiquement sur les aspects liés aux titres miniers, à la consultation publique et aux garanties financières vous seront utiles pour tenir compte de ces répercussions sur les entreprises dans l'analyse du projet de loi n° 79.
Donc, je vais faire ici un bref survol des activités de Rio Tinto, Fer et Titane pour présenter l'entreprise et j'enchaînerai avec les éléments du mémoire.
Le groupe de produits auquel Rio Tinto, Fer et Titane appartient est le leader mondial dans le marché du dioxyde de titane pour l'industrie du pigment. Notons que Rio Tinto, Fer et Titane regroupe les entités légales de QIT-Fer et Titane et de QMP, Les Poudres métalliques du Québec, et, depuis 60 ans, nous sommes un moteur économique dans nos deux régions d'accueil, donc la Côte-Nord et la Montérégie, avec plus de 1 900 emplois directs et des investissements au Québec de l'ordre de 1,2 milliard de dollars depuis les 10 dernières années.
Nous possédons des gisements de qualité, de longue durée, qui assurent la pérennité de nos activités au Québec bien au-delà de 2050. On parle ici de l'ilménite massive de la mine de Havre-Saint-Pierre et des sables titanifères de la mine QMM à Madagascar qui constituent depuis 2009 notre deuxième source de minerai. Ces minerais sont acheminés au complexe métallurgique de Sorel-Tracy pour leur transformation. Nous sommes la seule compagnie au Québec à faire la deuxième et la troisième transformation de sa production minière et, en plus, on fait notre propre mise en marché. On parle ici d'une véritable intégration verticale. Nous exportons 75 % de nos produits finis à travers le monde, dont 32 % en Europe, 29 % aux États-Unis, 11 % en Asie.
Rio Tinto, Fer et Titane a su, au fil des ans, créer de la valeur en diversifiant son produit vedette, qui est la scorie de titane, pour pénétrer les marchés du pigment au sulfate puis ensuite celui du pigment au chlore, tout en valorisant son sous-produit ferreux pour en faire une série, au fil des ans, de coproduits de haute qualité tels que la fonte en gueuses, l'acier en billettes de sections carrées et rondes et les poudres de fer et d'acier.
Les actifs de l'entreprise sont solides, ils nous permettent de traverser les cycles des marchés. Nous opérons en ce moment dans un marché où l'offre est plus grande que la demande pour le dioxyde de titane et où la diversification de nos produits est un facteur clé pour le maintien de nos parts de marché à moyen et long terme.
Si on passe maintenant aux éléments du mémoire, ceux qui touchent les titres miniers, nos activités s'accordent avec la vision de notre actionnaire Rio Tinto, qui est d'opérer des gisements, comme on l'a dit, de grand volume et de longue durée de vie afin de créer de la valeur pour l'actionnaire et les régions où nous opérons. Nous détenons un bloc de 247 claims miniers dans le secteur de Havre-Saint-Pierre, tous situés à proximité du gisement principal, qui couvrent des gisements satellites et qui sont maintenus en prévision de l'expansion des gisements actuels.
Des travaux d'exploration ont été effectués sur ces claims au cours des 60 dernières années, et le niveau de connaissance de leur potentiel minéral est à maturité. Cette connaissance du potentiel minéral nous a permis de bâtir une stratégie long terme de mise en valeur des gisements. Et cette stratégie-là est appuyée sur la recherche-développement et des programmes d'investissement majeurs pour la transformation du minerai, et elle est alignée sur les besoins du marché du pigment pour être capable de maintenir l'offre et le prix des produits.
Pour nous, il est peu utile de poursuivre les travaux d'exploration sur ces terrains au potentiel déjà évalué, et les propositions visant à réduire la flexibilité du renouvellement des titres miniers vont nous impacter. En effet, en réduisant les superficies couvertes, la provenance puis la durée de vie des crédits, puis en ne permettant pas de verser des crédits pour renouveler un claim, on augmente les coûts d'exploration qu'une entreprise doit assumer. Et puis, de plus, bien on a un risque aussi de pousser une entreprise... plutôt que de faire de grands programmes, bien, de morceler ses programmes d'exploration afin de ne pas perdre la valeur de ses investissements.
Donc, voici ce que nous recommandons pour cet élément: Que l'Assemblée nationale pourrait prévoir un mécanisme dans la loi permettant de conserver le paiement des droits miniers selon certaines justifications -- et ça pourrait être lié au niveau de connaissances sur les claims miniers ou ça pourrait être autre chose -- et maintenir les paramètres actuels relatifs à la superficie couverte, la provenance et la durée de vie des crédits pour le renouvellement des claims.
Si on aborde maintenant l'élément de la consultation publique, depuis des années, Rio Tinto, Fer et Titane maintient des liens étroits avec les membres des communautés voisines de ses opérations. Le principe de consultation publique est déjà intégré en bonne partie dans nos façons de faire et nous permet d'ajuster nos programmes à la réalité de nos régions d'accueil. Nous avons mis sur pied, avec les membres de nos communautés, trois comités de citoyens, dont un pour le suivi du parc à résidus miniers qu'on a à Sorel. Nous participons à l'Agenda 21 de Sorel-Tracy de même qu'au comité interministériel qui vient d'être mis sur pied dans le cadre du projet de la Romaine à Havre-Saint-Pierre. Nous organisons des consultations volontaires avant la mise en marche de grands projets, en plus de tenir celles qui sont obligatoires, préalables aux études d'impact.
À l'étape de l'émission du bail minier, les études de faisabilité ne sont pas toutes complétées, et il est difficile de produire un plan de réaménagement et de restauration qui soit conforme aux attentes du ministre et des communautés sans qu'on encoure des délais substantiels dans le calendrier de développement d'un projet minier. Nous croyons que la consultation requérant un plan de réaménagement et de restauration approuvé à cette étape arrive un petit peu trop tôt dans le processus d'analyse d'un projet minier et qu'elle devrait plutôt se tenir au moment de la demande d'un certificat d'autorisation qui encadre sa mise en opération. La consultation est d'ailleurs prévue par le ministère du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs pour certains projets miniers importants nécessitant des études d'impact.
Or, voici notre recommandation sur l'élément de consultation publique: Afin de faire place à la consultation publique pour des projets miniers qui ne sont pas inclus dans le processus actuel des études d'impact, l'Assemblée nationale devrait introduire dans la loi la mise en place d'un processus clair et prévisible de consultation qui pourrait être encadré par le ministère des Ressources naturelles, Faune au moment de la demande de CA.
Et, si on passe maintenant au dernier élément du mémoire, qui touche les garanties financières, en 2005-2006 Rio Tinto, Fer et Titane a participé au comité consultatif sur les garanties financières qui avait été sollicité à l'époque par le ministère des Ressources naturelles, Faune auprès de l'AMQ pour identifier des avenues à privilégier afin de rencontrer les attentes de l'État en matière de partage de risques sur les garanties financières. Le comité a déposé un rapport renfermant plusieurs recommandations à cet effet-là en 2006.
Rio Tinto, Fer et Titane appuie les éléments du projet de loi n° 79 sur la portée et la couverture de la garantie financière. Toutefois, ceux relatifs aux modalités de versement contraignent notre capacité d'investissement à court et moyen terme, laquelle est essentielle à notre plan de développement. Notre position concurrentielle à obtenir des fonds de notre actionnaire pourrait en être fragilisée. L'impact pourrait être significatif, à savoir le gel de fonds débutant 37 ans avant la fin de la vie de notre mine comparativement au risque réel qui est encouru par l'État si on tient compte de l'importance des activités autres que minières de Rio Tinto, Fer et Titane au Québec et de la durée de vie de sa mine à Havre-Saint-Pierre, qui est au-delà de 40 ans.
Afin de minimiser les effets du projet de loi sur les flux monétaires et la capacité d'emprunt des entreprises minières et assurer une certaine équité face aux autres secteurs industriels, le calendrier de versement de la garantie financière devrait considérer la période du plan stratégique d'investissement des entreprises, qui est généralement de l'ordre de cinq ans, et échelonner les versements sur une période qui tienne compte de la durée de vie de la mine. En se basant sur les recommandations de versement de la garantie financière du comité consultatif sur les garanties financières que j'ai nommé tout à l'heure, notre entreprise compléterait le paiement total de la garantie financière au moins 20 ans avant la fermeture de sa mine de Havre-Saint-Pierre.
Donc, voici notre recommandation: Une période de transition de cinq ans devrait être fixée pour les mines existantes, et le versement de la garantie financière devrait être échelonné sur un minimum de 10 ans pour les mines dont la durée de vie est plus grande que 10 ans.
Donc, c'était assez bref. Ça termine les éléments de notre mémoire, on est prêts à répondre à vos questions.
**(12 h 50)**Le Président (M. Gaudreault): Merci beaucoup, Mme Beaudry. Maintenant, on commence le bloc du groupe formant le gouvernement. Je laisse la parole au ministre.
M. Simard (Dubuc): Merci, M. le Président. Mme Beaudry, justement, on va commencer immédiatement par la fin de votre énoncé ou encore de votre présentation. Lorsqu'on parle des garanties financières, vous comprendrez que, pour l'ensemble des Québécois, le fait que l'on prend des garanties financières le plus rapidement possible est que c'est des mauvaises expériences que le gouvernement a vécues avec, je vous dirai, l'industrie minière. Donc, à partir de ce moment-là, vous comprendrez qu'il y a des entreprises... Peut-être pas le cas de Rio Tinto, là, il faut bien se le dire, sauf qu'il y a quand même des entreprises qui l'ont fait. On a, oui, eu le bail minier, sauf qu'avant que la mine termine, pour des raisons de marché, pour des raisons qu'on a trouvé des gisements plus intéressants ou plus payants ailleurs, on a levé le flail et puis on a laissé tout en plan. Donc, l'objectif, justement, du gouvernement, c'est de s'assurer que les Québécois ne font pas, je vous dirai, les frais de la restauration des sites, et c'est dans ce cadre-là que l'on veut prendre le maximum d'assurance pour les Québécois. Et, en tout cas, je regarde votre proposition qui... j'imagine que votre proposition va faire partie de certaines discussions que l'on va avoir avec l'opposition à ce niveau-là.
Mais j'aimerais vous entendre dans un dossier bien particulier, Mme Beaudry et M. Vincent. On parle beaucoup à cette commission-ci -- on va en parler encore plusieurs fois, j'imagine, là, étant donné qu'on commence les consultations -- on parle beaucoup de redevances, et puis on va en parler. Maintenant, on a, dernièrement, un pays qui a annoncé des redevances plus importantes pour... Puis je sais pertinemment -- et aussi mes collègues de l'opposition le savent également -- que l'Australie est un pays de mines important, et je sais également que Rio Tinto a des investissements, donc, en Australie. J'aimerais vous entendre par rapport à la position que votre entreprise prend ou encore quels effets que ça va avoir sur l'entreprise comme telle au niveau des décisions qui ont été prises, là, par l'Australie.
M. Vincent (Marc): Bon, je peux prendre la parole là-dessus. Vous faites sûrement référence à un énoncé de Tom Albanese, là, qui est le chef de la direction de Rio Tinto. Vous savez qu'un projet d'investissement dans le domaine minier, ça demande de l'argent peut-être à moins 15 ans avant l'exploitation, et c'est beaucoup de temps en avance dans le temps, et particulièrement ça demande beaucoup de fonds dans peut-être les années moins quatre, moins trois de l'exploitation. Donc, ces projets d'investissement là sont basés sur des paramètres de calcul qui nous permettent de s'assurer qu'on a un certain critère de rentabilité, étant donné qu'on est quand même là pour faire fructifier l'argent des actionnaires, c'est le but d'une organisation.
À ce moment-là, lorsque, dans le cas de l'Australie, par exemple, il y a des changements importants dans les paramètres qui sont... par exemple le paramètre de fiscalité, comme on a là, où on parle de 40 %, ce que ça fait, c'est que peut-être que ça aurait pu changer une décision qui a déjà été prise ou ça peut changer une décision qui va être prise. Et là ce qu'il faut voir, c'est que l'organisation, comme Rio Tinto, par exemple, est commise à certains rendements, et, pour ça, il y a un certain fonds d'investissement disponible à l'échelle de la planète. Donc, ces paramètres-là, quand ils changent rapidement dans un secteur de la planète par rapport à un autre, peuvent faire en sorte qu'on fasse des investissements qui ne sont pas dans les critères de rentabilité qui sont visés par l'organisation. Et, en plus, si ça arrive après le coup, bien, il est trop tard, l'investissement a déjà été fait. Donc, la période de récupération, à ce moment-là, se rallonge et devient plus longue au niveau du projet. Et je vous dirais que ça peut mettre en péril ces projets-là, d'une part, donc l'exploitation des gisements dans les pays en question, et ça peut peut-être aussi remettre en question certains investissements, par ailleurs, dans le monde entier, là, si on veut, pour l'organisation Rio Tinto, et particulièrement dans les investissements au Québec en ce qui nous concerne.
Et ce que ça fait référence, c'est sûr que, dans un contexte d'investissement, quand on parle d'une compagnie mère comme Rio Tinto, ici, au Québec, on est en compétition avec ce qui est demandé par toutes les autres unités d'affaires ailleurs dans le monde, à la même direction. Donc, chaque argument qui nous place en position... qui vient un peu amoindrir l'intérêt ou le rendement sur un projet qu'on pourrait avoir à mettre en place au Québec, par exemple, ou dans un autre pays, bien c'est une prise contre ce projet-là puis c'est peut-être un projet ailleurs dans le monde qui devient plus intéressant à ce moment-là.
Donc, le point qu'on voulait mentionner dans la garantie financière, c'était le fait qu'on se trouve à... la restauration, notre mine, comme la durée de vie est quand même assez longue, le moment où on a à geler des fonds d'investissement à court terme par rapport à l'obligation qu'on aura à rencontrer dans 40 ans, il y a quand même une longue période de temps entre les deux. Et ça, ça veut dire que ça nous capte des investissements ou ça nous grève notre budget d'investissement à plus court terme, de là notre recommandation d'étendre la période pour les mines déjà existantes, surtout dans le cas où, nous autres, on a une durée de vie qui est au moins de 40 ans et probablement plus.
Et, la question, bien, évidemment, la position du dirigeant de Rio Tinto était dans ce sens-là. Donc, quand les conditions changent rapidement, les paramètres changent. À ce moment-là, l'évaluation financière de la rentabilité du projet est remise en question. Et ce n'est pas une question de ne pas vouloir contribuer dans le secteur ou dans le pays, c'est une question d'avoir un impact de ce que ça représente et de montrer l'impact de ce que ça représente, et que ça pourrait mettre en question ces développements-là qui sont créateurs d'activité économique dans les secteurs. Je ne sais pas si ça répond à votre question.
Le Président (M. Gaudreault): M. le ministre.
M. Simard (Dubuc): Oui. Merci, M. le Président. Je sais que, bon... Bien, d'ailleurs, en se nommant, Mme Beaudry nous a parlé qu'elle était responsable de l'environnement chez Rio Tinto. J'aimerais savoir, de son côté, quel genre de... Parce que, souvent, là, ici, en comité de consultation, en commission, il y a beaucoup d'intervenants qui nous disent que, bon, environnementalement parlant, ici, au Québec, on pose les mauvais gestes, etc., mais j'aimerais l'entendre à ce niveau-là. Étant donné qu'elle est responsable chez Rio Tinto Alcan, une grande entreprise, j'aimerais l'entendre à ce niveau-là, de quelle façon elle voit les choses, est-ce qu'au Québec effectivement c'est «free-for-all» ou bien donc on a quand même des règles qui sont respectées et respectables.
Le Président (M. Gaudreault): ...bien de Rio Tinto, Fer et Titane. Alors, Mme Beaudry...
M. Simard (Dubuc): Oui. Alors là, excusez-moi, c'est vrai.
Le Président (M. Gaudreault): Oui, on est habitués chez nous...
M. Simard (Dubuc): C'est de la déformation, M. le Président.
Le Président (M. Gaudreault): Oui, c'est ça, c'est une déformation régionale.
M. Simard (Dubuc): Oui, c'est ça.
Mme Beaudry (Dominique): Notre nouveau président vient de Rio Tinto Alcan, alors c'est peut-être un petit...
Le Président (M. Gaudreault): Bien oui, M. Bouchard.
Mme Beaudry (Dominique): Écoutez, je crois qu'en matière de réglementation puis d'encadrement des entreprises minières au Québec on est vraiment... le Québec est quand même un... je ne pourrais pas... je dirais, un leader, en fait, ici. Il y a des très bonnes pratiques environnementales, et la réglementation qui nous encadre, elle est exhaustive. O.K.? On est encadrés au Québec autant par la Loi sur la qualité de l'environnement, la directive sur l'industrie minière, on a à remplir aussi beaucoup d'autres... à rencontrer des exigences au niveau du PRRI, vous savez, le Programme de réduction des rejets industriels. On a plusieurs règlements qui s'appliquent à l'industrie minière, et sans compter la réglementation aussi fédérale qui s'applique, là, pour, bon, la gestion des effluents et des gaz à effet de serre, etc. Donc, pour nous, on considère qu'on est très bien encadrés, O.K., et que ça va quand même relativement bien, on fait une bonne figure.
Le Président (M. Gaudreault): Oui, M. le ministre.
**(13 heures)**M. Simard (Dubuc): J'aurais, M. le Président, encore une autre question, qui concerne la deuxième et troisième transformation. Le groupe précédent, qui est un groupe environnementaliste, disait justement qu'il faudrait transformer nos ressources chez nous, alors qu'on sait que Rio Tinto Alcan, comme nos invités nous l'ont démontré, font beaucoup de deuxième et troisième transformation. Est-ce que vous aimeriez ou encore est-ce que vous avez des recommandations à faire par rapport à inciter les entreprises à faire de la deuxième et troisième transformation? Puis quel genre d'incitation que vous verriez qui serait intéressante justement pour créer de la richesse et s'assurer, encore une fois, que chez nous, au Québec, on s'assure de la deuxième puis troisième transformation de la part des investisseurs au niveau minier?
Le Président (M. Gaudreault): Alors, Rio Tinto, Fer et Titane.
M. Simard (Dubuc): Fer et Titane, excusez-moi.
Mme Richard (Duplessis): ...M. le ministre.
M. Simard (Dubuc): Oui.
Mme Beaudry (Dominique): Donc, c'est vrai, Rio Tinto, Fer et Titane fait de la deuxième, de la troisième transformation. Et, comme on disait, on est à peu près la seule entreprise minière à le faire ici, au Québec, et, effectivement, ce serait intéressant d'avoir des incitatifs pour faire cette deuxième et troisième transformation là. Je sais que, dans le passé, on a eu la chance d'avoir, en regard des redevances minières, une certaine compensation, si je peux dire... je ne sais pas si le mot est juste, mais si on remet des redevances minières. Et le fait d'investir, de réinvestir au Québec et de... donc, nous permettait d'avoir accès à certains programmes qui seront un peu en compensation, ces redevances-là, donc ça, ça nous aidait. Avec le budget qui est passé, cette redevance-là est disparue, donc on doit... ça ajoute à nos coûts encore, et ce n'est effectivement pas tellement incitatif pour les gens, là, de continuer et de poursuivre. Bien, on est lancés, les investissements sont faits, mais, pour une nouvelle entreprise, ça prendrait peut-être un peu plus d'incitatifs pour être capable de procéder à ces transformations ultérieures.
Le Président (M. Gaudreault): Oui, M. Vincent.
M. Vincent (Marc): Je voudrais juste ajouter là-dessus. On parle, dans ce cas-là, là, d'exemptions sur les droits miniers, sur l'impôt minier, et ça, nous, c'est quelque chose qui était avantageux pour nous autres. Mais il faut comprendre que notre mine, ça représente à peu près 25 % de nos dépenses d'exploitation au niveau de Rio Tinto, Fer et Titane. Le reste de ça est à Sorel-Tracy. C'est un gros complexe industriel. Donc, ce développement-là qu'on fait nécessite beaucoup d'investissements. On parlait de 1,2 milliard tantôt sur 10 ans, on a mis 500 millions, là, dans peut-être les cinq dernières années. Et, dans ce cadre-là, c'est là qu'on a pu bénéficier d'exemptions sur les droits miniers, sur l'impôt minier, étant donné que c'était sur de la transformation, et ça, ça demeure intéressant, et ça demeure quelque chose qu'on a apprécié puis qui est une motivation, là, et qui serait une motivation possiblement pour d'autres industries à faire pareil.
Le Président (M. Gaudreault): M. le ministre.
M. Simard (Dubuc): Merci, M. le Président. Je vais laisser maintenant la parole à mes collègues...
Le Président (M. Gaudreault): De l'opposition.
M. Simard (Dubuc): Oui.
Le Président (M. Gaudreault): Alors, je commence avec le député de Roberval.
M. Trottier: Oui. Merci, M. le Président. On vous remercie pour la présentation de votre mémoire. Je comprends, à la lecture de votre mémoire et de vos explications, que... J'ai l'impression qu'un jour, le plus rapproché possible, il faudra peut-être qu'il y ait des règles mondiales qui encadrent l'exploitation, l'exploration minière pour faire en sorte que les règles d'environnement, les redevances, etc., puissent se tenir d'un pays à l'autre, pour éviter justement que les gens disent: Bien là, moi, j'étais intéressé, je ne suis plus intéressé dans ces conditions-là. J'ai l'impression qu'il va falloir qu'on aille un peu plus loin qu'à l'heure actuelle.
Vous avez des préoccupations sur la question des claims. Ma collègue va revenir là-dessus, mais je pense qu'à ce moment-ci je pourrais faire une suggestion au gouvernement pour l'étude du projet de loi article par article. Je pense qu'il serait intéressant d'avoir un portrait de ce qui existe dans les autres pays, justement pour voir si on est dans la moyenne basse, supérieure ou inférieure par rapport à ce qui est proposé. Et vous dites, entre autres, là, que, par rapport à la question des claims, vous avez des inquiétudes parce qu'il faut éviter la promiscuité trop grande avec d'autres compagnies puis de réduire la spéculation, est-ce que vous pourriez expliquer un petit peu plus votre position par rapport à ça?
Mme Beaudry (Dominique): On a un bloc de claims qui entoure nos gisements. Ces claims-là, on connaît, comme je vous disais, leur potentiel. On n'isole pas des claims pour ne pas faire de travaux dessus puis pour empêcher d'autres d'avoir accès à ces claims-là, ce n'est pas du tout le cas. Par contre, on essaie d'avoir un bloc de claims qui est quand même compact si jamais on... Pas si jamais parce qu'il y a des gisements satellites, nos géologues nous le confirment. Quand on fera la mise en marché, la mise en valeur de ces gisements-là, imaginez s'il y avait des trous à l'intérieur de ces... et que, là, on a des compagnies qui viennent s'intégrer entre deux blocs, dans les gisements sur lesquels on a mis énormément d'investissements, O.K., pour faire... Comme je vous disais, encore là, la deuxième et troisième transformation, c'est notre matière première. Si on perd ce portfolio, là, de gisements là, pour nous, ça a un gros impact, là. Donc, ce n'est pas nécessairement la promiscuité, c'est plus dans le sens où est-ce que ce sont des gens qui viendraient s'approcher trop près de nos claims. On appelle ça des claims de protection parce que c'est des claims qu'on conserve pour être capables de faire l'expansion de nos gisements actuels. Donc, c'est vraiment plus une question, là, de protection des ressources qu'on a, qu'on connaît.
Le Président (M. Gaudreault): Alors, M. le député de Roberval.
M. Trottier: Oui. Vous mentionnez qu'il semble y avoir des difficultés au niveau du plan de réaménagement et de restauration. Est-ce que vous croyez que les avis sont donnés assez rapidement? Est-ce que vous croyez qu'il y a suffisamment de personnel au ministère pour être capable de donner des réponses dans un délai raisonnable?
Mme Beaudry (Dominique): Écoutez, les délais qui sont occasionnés par l'analyse des plans de réaménagement et de restauration peuvent être assez... ça peut arriver que ce soit assez long. O.K.? Par contre, si l'analyse d'un plan de réaménagement et de restauration se fait selon un certain échéancier puis ne bloque pas, au départ, l'acquisition soit d'un bail minier, et tout, à ce moment-là, pour nous, le délai a moins d'impact. Là où il y a beaucoup d'impact, c'est quand on établit le potentiel à un endroit, qu'on aimerait fixer ce potentiel-là pour être capables de planifier nos opérations. Et là d'avoir à présenter un plan et d'avoir à... qu'il soit analysé et approuvé, c'est ça, pour nous, c'est ce qui est difficile, là. Donc, il pourrait y avoir plus de ressources, pour répondre à votre question. Mais, dépendamment de l'échéancier dans le temps de cette analyse-là, ça a plus ou moins d'impact.
M. Trottier: Vous souhaitez que les montants qui sont mis en garantie pour la restauration puissent être sur une période plus longue, mais qu'est-ce qu'on fait avec les gens qui pourraient être délinquants? Comment est-ce qu'on peut se prémunir? Est-ce que vous souhaiteriez comme remplacement d'avoir une redevance qui servirait à compenser pour les fautifs? Ça pourrait être quoi? Parce qu'il y a des gens qui nous disent: On devrait verser 100 % au point de départ parce qu'il y a des compagnies -- c'est déjà arrivé au Québec -- qui, à l'intérieur de deux ans, ont fait faillite ou ont cessé les opérations, ils n'ont rien versé puis ils nous ont laissé avec une facture assez élevée. Comment est-ce qu'on règle ce cas-là?
Mme Beaudry (Dominique): Ce que je pourrais vous dire, c'est: Premièrement, il n'y a pas tant de compagnies que ça. La majorité des compagnies minières rencontrent leurs obligations. O.K.? Donc là, on veut se prémunir d'un très faible pourcentage de compagnies qui sont délinquantes, et je crois... Puis d'ailleurs, dans les recommandations du comité consultatif qui a été... les recommandations qui ont été déposées dans le rapport en 2006, on parle de s'assurer d'avoir des gisements, que les gisements soient évalués, qu'il y ait des calculs de réserve qui soient faits de façon sérieuse, approuvés par des organismes, là, qui ont l'autorité pour évaluer ces ressources-là. On parle de vérifier aussi la solvabilité d'une entreprise parce que, je crois, qu'est-ce qu'il faut faire, c'est plutôt prévenir en amont qu'il y ait de la délinquance, qu'il y ait une compagnie ou une autre qui puisse s'en aller sans rencontrer ses obligations. L'idée d'avoir une redevance pour payer, moi, je pense qu'il faut faire de la prévention, il faut suivre les dossiers miniers, et puis il faut s'assurer de mettre des règles claires, précises, puis qu'on les suive, là, dans un processus qui peut être administratif, là, en amont.
Le Président (M. Gaudreault): M. le député de Roberval.
M. Trottier: Je suis d'accord avec vous que, si on peut faire de la prévention, on devrait le faire. Mais il faut être conscient que, dans une industrie qui est très cyclique, il peut arriver que la... on pourrait dire, la solvabilité d'une entreprise, qui était très bonne une année, puisse rapidement se détériorer, et je pense que c'est pour ça qu'il y a des gens qui disent: On doit mettre des règles plus sévères. Puis il faut bien penser qu'on a au moins 300 millions à restaurer au Québec. Je dirais que peut-être que, dans les dernières années, il y en a eu moins, mais il faut dire que, dans un passé pas si lointain, il y en a eu quand même beaucoup.
Mme Beaudry (Dominique): ...que je pourrais répondre, c'est que l'analyse de la solvabilité d'une compagnie pourrait se faire sur une base régulière, et, s'il y a un changement dans l'état de ses finances, il y a peut-être des règles qu'on pourrait mettre en place à ce moment-là.
**(13 h 10)**Le Président (M. Gaudreault): Oui, M. le député de Roberval.
M. Trottier: Oui, mais j'ai l'impression qu'une compagnie qui est capable de déposer d'avance, c'est probablement peut-être la meilleure preuve de sa solvabilité.
M. Vincent (Marc): Bien, moi, ce que je voudrais rajouter par rapport à ça, c'est que la meilleure garantie qu'on peut avoir face à une organisation, c'est son intégration verticale, à développer à l'intérieur même du pays les ressources minières. Parce que, là, je parle pour notre cas parce que c'est notre cas. Évidemment, pour valoriser la mine, on a au-dessus de 1 milliard d'investissements à Sorel-Tracy. C'est certain qu'il y a une garantie là pour l'organisation. C'est sûr que, dans le cas de mines où on va chercher... on prend puis on s'en va, je comprends, là. Je suis tout à fait d'accord, on est d'accord avec les fondements de la loi. Peut-être, il y aura lieu de voir là une distinction à faire, peut-être, et ça pourrait être quelque chose qui va dans le même sens qu'on disait tantôt, là, pour favoriser une intégration verticale.
Le Président (M. Gaudreault): M. le député de Roberval.
M. Trottier: Je pense que c'est une suggestion intéressante. Peut-être qu'il pourrait y avoir une différenciation. C'est bien évident qu'une entreprise qui a besoin, on pourrait dire, pour sa transformation, va probablement être plus motivée, pour ne pas dire d'autre chose, là. Peut-être qu'il y a une plus grande garantie à ce moment-là. C'est intéressant, ça, comme point de vue.
Beaucoup de mémoires nous demandent qu'il y ait une partie des redevances qui soit versée en région. Si on vous dit que ça ne coûte pas plus cher, est-ce que vous pensez que c'est une bonne mesure?
Le Président (M. Gaudreault): M. Vincent? Mme Beaudry?
Mme Beaudry (Dominique): Moi, je crois que la manière de fonctionner présentement, c'est qu'on paie des redevances à l'État. O.K.? Donc, je crois que l'État est capable, lui, de voir où il a à faire la distribution de ces redevances-là. Parce que l'industrie minière est redevable au ministère des Ressources naturelles, Faune.
M. Trottier: Il y a plusieurs groupes qui demandent qu'on puisse baliser davantage le processus dans le cas où il y a des relocalisations, dans le cas où il y aurait des expropriations, qu'on puisse avoir des services techniques, juridiques, qu'on puisse les accompagner puis qu'il y ait même un processus de médiation dans le cas où il doit y avoir une négociation pour le prix. Est-ce que vous êtes d'accord avec ces arguments?
Mme Beaudry (Dominique): Écoutez, moi, je regarderais ce qui se fait ailleurs, dans d'autres secteurs industriels ou dans d'autres secteurs de la société où on a besoin de faire de l'expropriation, que ce soit en construction, que ce soit dans les centres-villes, et autres, et je regarderais pour aligner un peu la manière que c'est fait à travers le Québec.
Le Président (M. Gaudreault): Mme la députée de Duplessis.
Mme Richard (Duplessis): Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Beaudry, M. Vincent. Vous savez que mon village natal est Havre-Saint-Pierre, donc je connais assez bien Rio Tinto, QIT Fer et Titane. Ça a changé, avant on disait...
Des voix: ...
Mme Richard (Duplessis): Avant, on disait juste QIT; maintenant, il ne faut pas oublier le Rio Tinto. Je pense, c'est extrêmement important.
Vous aviez parlé que vous aviez 247 claims, si je comprends bien, qui sont dormants. Ces 247 claims sont autour du lac Tio, où est le gisement principal de Rio Tinto?
Mme Beaudry (Dominique): Ils sont à proximité. Moi, je ne considère pas que ce sont des claims dormants. O.K.? Il y a quand même un certain niveau d'exploration qui est fait, mais ce sont des claims qu'on conserve comme, en fait, un portfolio, là, pour nos gisements.
Mme Richard (Duplessis): D'accord. Comme je vous dis, j'ai encore une résidence à Havre-Saint-Pierre, j'ai entendu parler que Rio Tinto avait un projet d'expansion de la mine au lac Tio, c'était, bon, créateur d'emplois, on augmentait la durée de vie de la mine. Est-ce que le gisement, le futur gisement... Parce que je suppose que, si on veut prendre de l'expansion puis créer de nouveaux emplois, c'est parce qu'on a regardé pour aussi un gisement qui est soit près du gisement actuel ou à proximité du lac Tio?
Mme Beaudry (Dominique): En fait, il ne s'agit pas d'un nouveau gisement. Le projet qu'on appelle le projet Tio 20-50, c'est un projet d'optimisation de notre accès à la ressource. O.K.? On a toujours le même gisement puis on a toujours les mêmes claims avec les gisements de satellite. Par contre, on a décidé, avec un nouveau modèle géologique, d'y accéder d'une façon différente et on va vouloir sortir le matériel stérile plus rapidement pour avoir accès à certaines zones. Donc ça, ça suppose des achats, là, d'équipements miniers, ça suppose plus de main-d'oeuvre, etc., et ça génère de la construction justement dans la municipalité de Havre-Saint-Pierre.
Mme Richard (Duplessis): Est-ce que, par rapport à la garantie du 100 %, et tout ça, est-ce que ça pourrait venir faire en sorte... Parce qu'on sait que c'est des déboursés de fonds, là, il faut que vous alliez voir les actionnaires, et est-ce que ça peut venir faire en sorte de dire: Bien, écoutez, nous, on est en train d'évaluer... Je sais que le cadre financier est extrêmement important dans des projets de telle envergure par rapport au projet de loi actuel.
M. Vincent (Marc): En fait, ce n'est pas tellement sur le 100 % parce qu'on est d'accord avec le fait de remonter la garantie de 70 % à 100 %. C'est plutôt dans la période où on doit livrer la garantie, si on veut.
Mme Richard (Duplessis): Je vous questionne comme ça, j'ai l'opportunité de vous avoir ici aujourd'hui. Pour venir de Havre-Saint-Pierre, on en entend souvent parler, vous savez que, bon, il y a un gisement à Madagascar, que QIT-Fer et Titane, bon, si le minerai était plus brut ou plus pur, peu importe, on pourrait éventuellement... Parce qu'on disait que la durée de vie au lac Tio, à Havre-Saint-Pierre... avait quand même une durée de vie limitée dans le temps. On pourrait s'approvisionner de Madagascar, mais le problème était, écoutez, le transport, le coût de transport du minerai. Parce que, pour mes collègues, il faut savoir que la deuxième, troisième transformation, c'est plus Sorel qui en profite que nous à Havre-Saint-Pierre, nous, hein, on fournit la ressource. Et, malheureusement, il y a 40 ans, on n'avait pas le projet Romaine, parce que je suis sûre que les plans du haut fourneau se seraient faits à Havre-Saint-Pierre. Mais est-ce qu'il y a de l'inquiétude à savoir... Ce gisement-là, je veux dire, il faut que vous alliez enlever le stérile pour aller chercher le minerai brut dans le nouveau projet d'expansion par rapport au gisement à Madagascar.
Mme Beaudry (Dominique): Le gisement de Madagascar, c'est un gisement qui nous permet de diversifier nos produits. Donc, on a en ce moment d'excellents produits qui sont faits à partir du minerai de Havre-Saint-Pierre. On a une scorie de titane qui est... 80 % qui est dirigé vers le marché aux sulfates. Et, avec le minerai de Havre-Saint-Pierre, on a fait énormément d'investissements, fin des années quatre-vingt-dix à aller jusqu'à aujourd'hui, pour enrichir cette scorie-là, pour la destiner à un autre marché. Donc, le gisement de Madagascar ne remplace pas le gisement de Havre-Saint-Pierre, c'est une troisième scorie, qu'on appelle, qui va s'adresser aussi au marché au chlore, mais qui est destinée à d'autres clients. Ce n'est pas un remplacement.
Mme Richard (Duplessis): Bien, vous en avez parlé un petit peu, qu'est-ce que ça aurait vraiment pour conséquence, les 247 claims, là, si on devait, dans le projet de loi, faire en sorte que vous aviez à les exploiter, là? Je comprends qu'ils ont été explorés, mais, si vous aviez à les exploiter... Parce que ce n'est pas juste au niveau des compétiteurs. Parce que, je pense, ce serait difficile, vu, je veux dire, les distances. Vous avez quand même le chemin de fer, et tout ça, mais, plus pour la compagnie en tant que telle, là, ce serait catastrophique?
M. Vincent (Marc): Je peux me permettre de répondre là-dessus. C'est déjà actuellement, là, quelque chose qu'on adresse au niveau de l'optimisation de Tio, qui est notre meilleure façon d'opérer. Et c'est déjà un défi, dans le sens qu'il y a beaucoup de matériel stérile. Donc, le ratio stérile-minerai est quand même assez élevé, ce qui, dans une mine... ce qui n'est pas souhaitable. Mais commencer à faire des différents puits aux différentes sources d'approvisionnement à gauche et à droite, en termes de coûts d'opération c'est la dernière des opportunités ou des alternatives qu'on aurait à considérer, là, ce ne serait pas vraiment intéressant. C'est certain que ça voudrait dire sortir des capitaux, sortir de l'investissement ou de la capacité à investir dans des projets d'expansion pour le transférer dans les projets de «pick and choose», si on veut, là, puis ce serait un peu compliqué.
Le Président (M. Gaudreault): Mme Beaudry.
Mme Beaudry (Dominique): Je vais compléter la réponse...
Le Président (M. Gaudreault): Oui.
Mme Beaudry (Dominique): ...parce que je crois que mon collègue parle de travaux d'exploration à faire sur ces claims-là. Si, moi, je reviens aux travaux d'exploration plutôt que d'exploitation, c'est qu'on connaît déjà le potentiel, comme je vous l'ai dit tout à l'heure, donc on ferait des travaux qui n'auraient pas de valeur ajoutée, O.K.? Donc, on ferait des travaux pour faire des travaux. Et puis, nous autres, au niveau de Rio Tinto, Fer et Titane, il y a un gros, gros aspect qui est la sécurité des travailleurs. Ça fait que, si on est capables de minimiser les travaux qui pourraient générer, là, des... S'ils sont un peu risqués, dans certains cas on aime mieux faire le paiement des crédits plutôt que de faire les travaux qui ne sont pas... pour nous, pas justifiés.
Mme Richard (Duplessis): Parce que vous en avez déjà fait?
Mme Beaudry (Dominique): On en a déjà fait.
Mme Richard (Duplessis): Exactement. Exactement.
Mme Beaudry (Dominique): Ça ne veut pas dire qu'on n'en fera pas.
Mme Richard (Duplessis): Non, non, je comprends.
Mme Beaudry (Dominique): On a des nouveaux modèles miniers... modèles géologiques, donc on va vouloir les tester, on va vouloir les poursuivre. Mais, en ce moment, comme je disais, l'exploration est à maturité.
Mme Richard (Duplessis): Je comprends. Par rapport à la restauration des sites, on n'en a pas beaucoup parlé, mais on comprend que, bon, la durée de vie... j'espère, moi, en tout cas, pour de nombreuses décennies. Est-ce que vous avez une opinion là-dessus? Parce qu'on a l'a vu, on a des gens qui sont venus nous dire: Bon, écoutez, vous savez, il y a des sites qui sont restés, comme ça, à l'abandon, et c'est souvent... bon, des fois, c'est des sites qui sont à proximité d'une population, et les gens ont à vivre avec tout ce que ça comprend, là.
**(13 h 20)**Mme Beaudry (Dominique): Je pense que juste l'exemple de Rio Tinto est assez frappant. Rio Tinto est une compagnie qui est vraiment très axée vers le développement durable et intègre dans ses manières de faire, autant le développement que la fermeture, la restauration de ses sites. Donc, moi, je vois la restauration d'un site... C'est une obligation de notre part, là, de procéder à cette restauration-là puis la remettre dans des états qui sont satisfaisants.
Le Président (M. Gaudreault): M. le député de Roberval.
M. Trottier: Vous nous avez dit tout à l'heure que, s'il y avait davantage d'incitatifs, on pourrait avoir davantage de transformation au Québec. Est-ce que vous pourriez donner des exemples d'incitatifs ou des balises, là, qui pourraient nous aider à...
M. Vincent (Marc): Bien, j'ai mentionné...
M. Trottier: ...à avancer dans cet aspect-là?
M. Vincent (Marc): Excusez. J'ai mentionné tantôt, là, au niveau de l'exemption d'impôt minier sur des investissements qui sont faits sur des projets qui sont en dehors des sites miniers, sur de l'industrie, par exemple. Ça, c'est quelque chose d'intéressant puis c'est quelque chose qui serait à maintenir. Ça, c'en est un, exemple.
Et, peut-être dans le cadre de ce que je mentionnais tantôt au niveau des mesures ou des garanties à formuler, ça pourrait faire partie de la détermination de la garantie, en fait, en actif tangible et puis en même temps... Bien là, je ne sais pas comment le concrétiser, là, dans des procédures ou des lois, là, mais, en quelque part, il y a un attachement, là, entre l'importance que tu accordes à bien exploiter une mine, bien exploiter un site dans une durée de vie qui inclut que tu as aussi une industrie à valoriser ailleurs. Automatiquement, pour une industrie, ça donne une importance encore plus importante au site minier. Et là je ne sais pas comment le formuler autrement, mais je pense que c'est quelque chose dans ce genre-là qui devrait être regardé, là. Mais on pourra...
Le Président (M. Gaudreault): M. le député de Roberval.
M. Trottier: Oui. Je comprends qu'à brûle-pourpoint ce n'est pas évident, là, mais, si vous aviez des suggestions dans les prochaines semaines ou même les prochains mois, parce qu'on va reprendre les travaux éventuellement plus tard, je pense, ce serait très intéressant, d'autant plus que vous avez une expertise dans le domaine, puis je pense qu'au Québec on se doit de favoriser la transformation dans tous les domaines.
Puis, si vous aviez des exemples précis d'éléments qui pourraient faire la différence puis qui pourraient faire en sorte que, dans le fond, on pourrait passer d'une société qui a été basée beaucoup sur l'exploitation des matières premières sans transformation à une avec transformation, je pense que ce serait... notre avenir. Et j'ai l'impression que l'ensemble des Québécois et des Québécoises seraient très heureux de ça, et je pense que ça pourrait redorer grandement le blason du secteur minier, qui a besoin, à mon avis, d'un certain nombre d'améliorations, pour ne pas dire d'autre chose.
Le Président (M. Gaudreault): Est-ce qu'il reste des questions de ce côté-ci? Il vous reste à peu près deux minutes. Ça va? Alors, je retourne du côté du gouvernement. Il vous reste un bloc de 10 minutes, oui, d'échange.
M. Simard (Dubuc): Merci, M. le Président. D'abord, rapidement, Mme Beaudry et M. Vincent -- je ne sais pas qui nous répondra -- plusieurs mémoires suggèrent la restauration ou encore, je vous dirai, le remplissage des mines à ciel ouvert, et puis une fois la vie de la mine terminée, bien sûr. J'aimerais vous entendre à ce sujet-là parce que, vous, vous travaillez déjà en environnement, Mme Beaudry, et puis j'apprécierais vraiment, là, que... d'abord, connaître quel effet ça aurait sur l'entreprise elle-même et puis également, au niveau des coûts, quels coûts ça aurait par rapport à la restauration. J'aimerais vous entendre là-dessus.
Le Président (M. Gaudreault): Mme Beaudry.
Mme Beaudry (Dominique): Le remplissage d'une fosse à ciel ouvert, ça fait partie de la planification de sa fermeture, hein? On va vouloir voir comment on va fermer un site minier. Donc, si c'est planifié... Puis j'ai des exemples, là, il y en a, des exemples de mines à ciel ouvert qui ont été remplies, c'est planifié, et on est capable de l'ordonnancer dans la durée, puis même on peut même le faire dans la durée de vie de la mine dans certains cas, c'est quelque chose qui peut être intéressant.
Il y a parfois où il y a des cas où ça ne s'applique pas et il y a aussi des cas où, même si on remplit la mine... Vous savez, il y a un facteur de foisonnement dans une mine. Quand on extrait du matériel, on ne peut pas tout remettre le matériel dans la mine non plus, donc il faut tenir compte un peu, là, du plan de fermeture.
Quand on arrive à une entreprise minière en fin de vie utile, ou, en tout cas, en plein milieu, puis que ça n'a pas été planifié, c'est plus difficile. O.K.? Il faut vraiment avoir un incitatif, là, environnemental fort pour être capable de justifier parce que c'est énormément de coûts, hein, transporter du matériel, puis dépendamment où il est entreposé, transporter du matériel pour remplir une fosse. Mais je ne suis pas contre le principe de remplir. D'abord, que ce soit planifié. Et je comprends aussi qu'à certains endroits, quand c'est peut-être plus proche d'une municipalité, que c'est peut-être plus sensible, ces éléments-là, si on n'est pas capable d'avoir un projet qui est attrayant avec la fosse en tant que telle sans qu'elle soit remplie, ça peut... J'espère que ça répond à votre question.
Le Président (M. Gaudreault): M. le ministre.
M. Simard (Dubuc): Bien, ça va, ça répond.
Le Président (M. Gaudreault): Merci.
M. Simard (Dubuc): Ce que je comprends, c'est que, lorsqu'on planifie l'exploitation d'une mine, il faut commencer immédiatement à regarder de quelle façon on va faire la restauration. Donc, au niveau de la logistique, de la mise en oeuvre, il faut s'assurer qu'on est en mesure de le faire tout au long de la vie de la mine pour ne pas arriver à la dernière minute, à la fin de la mine, puis... Parce qu'à ce moment-là ça crée des coûts supplémentaires et des coûts très importants, c'est ce que je comprends. Est-ce que c'est correct, ce que j'ai compris?
Le Président (M. Gaudreault): Mme Beaudry.
Mme Beaudry (Dominique): Oui, c'est, en bonne partie, ce que j'ai dit. Il peut y avoir des cas où est-ce que ce ne sera peut-être pas possible de remplir la fosse de la manière que la mine, elle est développée, O.K., puis justement la géométrie des gisements à l'intérieur. Dans certains cas, ça peut être possible. Il faut le planifier, il faut vraiment voir, au moment de faire le plan de réaménagement et de restauration, quels sont les scénarios, quelles sont les alternatives qu'on a, les opportunités qu'on a pour ça.
Le Président (M. Gaudreault): M. le ministre.
M. Simard (Dubuc): Merci, M. le Président. Je vais laisser la parole à mon collègue ici.
Le Président (M. Gaudreault): M. le député de Rouyn-Noranda--Témiscamingue.
M. Bernard: Merci, M. le Président. Premièrement, bonjour, Mme Beaudry, M. Vincent. Écoutez, je vais revenir sur certains points à la fin, mais je vais prendre quelques-uns de vos commentaires qui étaient très importants. Premièrement, le processus d'expropriation... Puis je l'expliquais aux gens de l'exposition hier, un processus d'expropriation, c'est une loi sur l'expropriation, et on ne peut pas faire un processus d'expropriation différent pour l'industrie minière que l'ensemble des autres secteurs industriels. Vous l'avez très bien noté puis vous avez raison parce qu'un processus d'expropriation, que ça soit pour une petite mine ou que ça soit pour un parc industriel ou un développement commercial, etc., c'est un processus d'expropriation. Et un citoyen qui a de la difficulté à négocier avec sa municipalité ou avec un ministère dans un processus d'expropriation, c'est la même chose qu'avec une industrie minière. Donc, d'une part, il y a un processus d'expropriation, et c'est différent d'un processus de médiation. Par exemple, comme plusieurs parlent, si on est en terrain privé pour aller faire de l'exploration et que la compagnie veut aller faire de l'exploration sur un terrain privé, doit s'entendre pour aller sur le terrain d'accueil, et là on a besoin d'un médiateur. C'est deux choses complètement différentes qu'il faut clarifier ici.
Un point, tantôt les gens riaient, deuxième, troisième transformation... Parce que l'opposition fait un peu de contradiction, ils veulent favoriser la deuxième, troisième transformation au Québec, et, en même temps, la compagnie Rio Tinto, Fer et Titane nous mentionnait qu'on transforme ici du minerai qui vient du Madagascar. Donc, en même temps, vous voulez... Bien, si le Québec, à un moment donné, se met des balises et des... pour favoriser, par exemple... Parce que c'est des compagnies qui sont intégrées, qui ont des enjeux. Ces compagnies-là sont des multinationales parce qu'elles sont présentes à l'ensemble du pays. Et, si le Québec commence à mettre certaines barrières à l'entrée, on est n'est pas certains que l'autre côté... Le plus bel exemple, c'est votre bauxite, c'est la bauxite. Donc, à un moment donné, il y a des règles aussi internationales. On peut favoriser, oui, la deuxième, troisième transformation de notre ressource, mais, dans des cas à l'opposé comme Raglan, par exemple, le minerai... On n'a pas de fonderies de nickel ici. Là, à ce moment-là, notre minerai est obligé de sortir du Québec. Donc, il faut être conséquent dans qu'est-ce qu'on se dit à l'ensemble de ces propos-là.
Au niveau des fosses, vous avez raison, puis la géométrie est un facteur important. Par exemple, il y a quelque temps, j'ai rencontré des gens de l'industrie des sables bitumineux et qui nous expliquaient... Parce que ce sont des gisements horizontaux, et, à ce moment-là, ils font leur premier trou et, par la suite, lors du développement, ils remplissent en arrière, donc, parce c'est un gisement horizontal au lieu d'un gisement, comme on a, nous autres, dans l'archéen, beaucoup plus vertical.
**(13 h 30)** Maintenant, un point important... Puis, je pense, vous soulevez un point important, l'industrie du fer, elle est unique au Québec et elle est particulière parce qu'en termes de nature des gisements -- puis ça, je pense que vous pouvez leur expliquer -- ce sont des gisements de très grande dimension. Et, à ce moment-là, la problématique que vous vivez, c'est que vous n'avez pas besoin de convertir immédiatement tout en bail minier pour exploiter, et vos réserves sont à l'extérieur encore sous forme de claims.
Mme Beaudry (Dominique): ...si je compare à l'industrie du fer, nous, évidemment, on est le fer et le titane, donc c'est un petit peu différent. Mais, effectivement, on a des réserves ou on a des gisements qui sont à l'extérieur, tu sais, de nos baux miniers comme tels. On connaît la nature du potentiel dans ce territoire-là qui est sous claim.
M. Bernard: Et, pour les gens qui nous écoutent, c'est différent que pour les mines d'or ou les mines de cuivre, etc., parce que les gisements ne sont pas de même nature. Donc, moi, je crois pertinemment qu'il faut voir, avec les réformes qu'on veut faire sur la dormance et autres, est-ce qu'il faudrait penser à des exceptions pour le cas qui vous préoccupe sur la Côte-Nord, que je crois qu'ils sont différents de qu'est-ce qu'on vit ailleurs, d'une part, puis vous l'avez souligné.
Un point où j'aimerais avoir quand même votre opinion, O.K., au niveau du... Actuellement, il y a des mines de fer qui sont en préparation, qui sont en développement. On pense au projet du lac Bloom puis on parle au projet aussi de New Millennium. Ce sont des nouvelles mines de fer. Moi, si je... Et, vous, vos mines sont là, comme vous l'avez bien dit, expliqué, depuis très longtemps. Et, à ce moment-là, quand je regarde une nouvelle mine, on sait pertinemment que l'horizon de développement, même s'il est sur 40 ans, il se fait par étapes. Alors, on peut, d'après moi, on peut arriver, au niveau des garanties financières, de dire: Regardez, dans notre première étape de 10 ans, qui est quand même une étape importante en termes d'investissement, vous faites vos infrastructures, vos moulins, etc., qui est majeur... Moi, je pense qu'on peut facilement arriver pour dire: Voici la première étape de 10 ans. Voici, si la mine fermait dans 10 ans, où qu'on serait. On pourrait, à ce moment-là, exiger les garanties financières pour la première tranche et qui, par la suite, comme n'importe quel autre projet minier, pourraient, à ce moment-là, être les garanties subséquentes rajoutées selon des périodes. Parce qu'on ne peut pas exiger 40 ans de garantie financière en ne sachant même pas si la mine va se rendre pour n'importe quel paramètre économique, donc est-ce qu'il y aurait moyen, pensez-vous, de moduler un peu, de dire qu'est-ce que vous demandez versus un développement de projet minier de plus longue envergure?
Le Président (M. Gaudreault): En moins d'une minute, s'il vous plaît, Mme Beaudry.
Mme Beaudry (Dominique): Écoutez, il faudrait qu'on l'étudie. O.K.? Ce que je peux voir, c'est que l'exploitation de la fosse, dans un gisement de fer, peut se faire peut-être par étapes. Par contre, il faut aussi regarder l'étendue des aires d'accumulation que ça va générer, O.K., et est-ce que ces aires-là vont être très étendues ou bien sur des petites portions. Si la topographie ne permet pas... ou, en tout cas, nous amène à mettre des résidus ou des stériles sur des superficies qui sont très grandes, bien on est obligés d'affecter quand même des montants de garantie sur des grandes superficies. Donc, c'est vraiment, je pense, au cas-par-cas. C'est au cas-par-cas.
Le Président (M. Gaudreault): Alors, merci beaucoup, Mme Beaudry, merci beaucoup, M. Vincent, de Rio Tinto, Fer et Titane. Merci à tous les collègues des deux côtés.
Et nous suspendons jusqu'à 15 heures. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 13 h 34)
(Reprise à 15 h 9)
Le Président (M. Gaudreault): Alors, chers collègues, je constate le quorum. Je déclare la séance de la Commission de l'agriculture, des pêcheries et des ressources naturelles ouverte. Je vous demande, à tous et à toutes, s'il vous plaît, d'éteindre la sonnerie de vos téléphones cellulaires.
Nous allons poursuivre sans plus tarder les auditions publiques sur le projet de loi n° 79 modifiant la Loi sur les mines. Je vois que le prochain groupe est déjà installé. Alors, je vous souhaite la bienvenue en vous demandant de vous présenter. Vous allez disposer de 15 minutes de présentation. Ensuite, il y aura un échange avec chacun des deux groupes parlementaires, d'abord le gouvernement et ensuite l'opposition. Alors, pour 15 minutes, monsieur, s'il vous plaît.
Société pour la nature et les parcs du
Canada, section Québec (SNAP-Québec)
M. Archambault (Sylvain): Merci. Oui, je me présente, Sylvain Archambault, biologiste. Je suis responsable, Aires protégées et territoire, à la Société pour la nature et les parcs du Canada, la SNAP.
M. le Président, M. le ministre, membres de la commission, tout d'abord, merci de nous permettre de participer à cette commission, une commission qui a été voulue le plus large possible -- et c'est très bien -- afin de permettre aux citoyens de s'exprimer sur un enjeu crucial.
**(15 h 10)** La Société pour la nature et les parcs du Canada, la SNAP, est un organisme à but non lucratif fondé en 1963, et ce qui en fait une des plus vieilles ONG environnementales au Canada. La SNAP se distingue par sa structure de base, composée de 13 sections régionales réparties dans la majorité des provinces et des territoires. La section québécoise, quant à elle, existe depuis maintenant huit ans. Nos actions concernent avant tout les terres publiques, où nous travaillons à la mise en place d'un véritable réseau d'aires protégées et à l'amélioration de la gestion des ressources naturelles dans un souci de conservation de la biodiversité. La SNAP s'intéresse aux questions minières dans la mesure où elles peuvent avoir des impacts énormes sur l'environnement et dans la mesure où elles sont un obstacle à la constitution du réseau québécois des aires protégées.
La SNAP fait partie de la Coalition Pour que le Québec ait meilleure mine! dont plusieurs des groupes membres vont témoigner devant vous. Ils soulèveront beaucoup d'enjeux sociaux, environnementaux, de santé publique, et nous partageons ces inquiétudes. Toutefois, notre présentation, aujourd'hui, va porter essentiellement sur les difficultés de compléter le réseau québécois des aires protégées sous le régime minier actuel, un régime qui consacre la préséance des droits miniers sur toute autre forme d'utilisation du territoire.
Avant de continuer, je veux absolument mentionner que l'industrie minière, c'est un élément important de l'économie québécoise, et on ne peut pas le nier, mais elle doit clairement améliorer ses pratiques. Un peu pour paraphraser le nom de la coalition, il faut que le Québec ait meilleure mine, et non pas que le Québec n'ait plus de mines. En bout de ligne, l'industrie minière elle-même aurait tout à gagner à devenir un meilleur citoyen corporatif. L'industrie forestière semble l'avoir compris, et l'entente historique annoncée hier entre l'Association des produits forestiers du Canada, dont des compagnies aussi importantes qu'AbitibiBowater, Kruger, Tembec, et huit groupes environnementaux, dont la SNAP, est un témoignage éloquent qu'on peut dépasser la confrontation et obtenir des gains environnementaux concrets.
En 2006, le gouvernement du Québec adoptait la Loi sur le développement durable, ce qui annonçait un changement majeur dans la façon dont on entrevoit l'utilisation de nos ressources. Le gouvernement se doit maintenant d'intégrer ces valeurs dans les législations qu'il adopte. Un bel exemple nous est donné par la Loi sur l'aménagement durable du territoire forestier, où la participation citoyenne et la protection de l'environnement, par l'entremise de la gestion écosystémique, trouvent maintenant toute leur place, une loi qui, avec courage, fait table rase de l'ancien régime forestier.
La Loi sur les mines, malgré certains efforts, n'est pas à la hauteur. L'occasion aurait été bonne, pourtant, de dépoussiérer cette loi devenue désuète et de repartir sur de nouvelles bases. Une bonne façon d'annoncer ses couleurs serait d'intégrer à la Loi sur les mines un préambule un peu à l'image de ce que l'on retrouve dans la Loi sur l'aménagement durable du territoire forestier, un préambule qui viendrait établir clairement les valeurs qui sous-tendent la loi elle-même. Ce préambule pourrait, par exemple, affirmer le caractère non renouvelable de la ressource, l'importance de l'exploiter avec parcimonie tout en obtenant de justes redevances pour l'ensemble de la collectivité, la nécessité de ne pas alourdir le passif environnemental du Québec et toujours retrouver en filigrane du texte de loi un souci constant de justice sociale. Ce préambule serait d'une grande importance pour établir sur des bases solides l'esprit de la loi et mettre des balises claires autour desquelles s'articulerait par la suite le texte de loi. Vous trouverez dans le mémoire une ébauche de ce que pourrait être un tel préambule.
Mais il y a aussi le but de la loi. L'article 17 stipule que la loi «vise à favoriser la prospection, la recherche, l'exploration et l'exploitation des substances minérales». Cette façon d'aborder la gestion du secteur minier est à l'origine de bien des problèmes. Cette formulation devrait être modifiée, à notre sens, pour viser plutôt l'encadrement des activités minières. Il est vrai que l'article 17 spécifie qu'il faille tenir compte des autres possibilités d'utilisation du territoire, mais nulle part dans le texte de loi ne trouve-t-on de mécanisme précis de mise en oeuvre de cette intention. Le but de la loi devrait être donc d'offrir une vision englobante inspirée des principes énoncés dans la Loi sur le développement durable. Un de ces principes, d'ailleurs, c'est la préservation de la biodiversité, puis un des outils privilégiés pour y parvenir, c'est la constitution d'un réseau adéquat d'aires protégées. Le gouvernement du Québec, après avoir atteint la cible de 8 %, a maintenant haussé la barre à 12 %, mais le réseau actuel comporte encore des failles majeures. Plusieurs régions, dont le sud du Québec, la forêt commerciale, les milieux marins, sont en grave déficit d'aires protégées, il faut, sans tarder, combler les lacunes.
La planification du réseau d'aires protégées ne se fait pas à l'aveuglette, et les territoires proposés par le MDDEP sont soigneusement choisis pour protéger les sites les plus écologiquement importants, les plus représentatifs, et toujours avec un souci de configurer l'aire protégée de façon optimale. Cependant, les aires protégées candidates se butent souvent à la présence de titres miniers. Le MDDEP doit alors redessiner ces territoires d'intérêt pour contourner les claims, même aux dépens de la valeur écologique du site. La bataille semble toujours perdue d'avance pour les aires protégées, un peu comme si un titre minier était le meilleur usage possible du territoire.
La grande facilité d'acquisition d'un claim par un simple clic de souris complique grandement la planification des aires protégées, et c'est un véritable veto qui peut parfois être imposé par l'industrie. Par exemple, lors des audiences publiques pour le parc national de Kuururjuaq au Nunavik, la communauté locale a clairement fait savoir son désir d'agrandir légèrement le projet d'un parc national pour protéger le mont Nuvialuk, un site de grande importance pour les Inuits. Peu de temps après l'audience, les compagnies minières déjà présentes dans le secteur acquéraient la totalité des claims sur le mont Nuvialuk, rendant ainsi sa protection impossible.
Selon les données les plus récentes du MRNF, en date du 5 mai 2010, il y aurait 6,44 % du territoire québécois qui comporte des claims actifs ou en demande. Ça peut sembler peu, mais il ne faut pas oublier que 85 % du territoire québécois, autant privé que public, est disponible à l'industrie et peut être claimé. D'un simple clic de souris, quelqu'un peut bloquer un projet d'aire protégée. Alors, pour bien comprendre le pouvoir que ça implique au niveau du territoire, on peut pousser le raisonnement à l'extrême. Je pourrais, demain matin, m'asseoir devant mon ordinateur, acquérir tous les claims disponibles au Québec, un total d'environ 2,5 millions de claims. L'opération me coûterait la rondelette somme de 180 millions de dollars, mais, ce faisant, je pourrais, à moi seul, bloquer complètement toute création d'aire protégée pour les prochaines deux années. Je vous rassure, c'est peu probable que je passe à l'action, mais on peut comprendre par cet exemple l'immense pouvoir que donne le régime actuel à certaines compagnies, à certains individus.
Il est vrai que la Loi sur les mines fournit quelques mécanismes pour prévenir ce genre de situation, mais les mécanismes pour mettre en réserve des territoires ne s'appliquent que s'il y a absence de claim au départ. S'il y a déjà des claims, si le MRNF juge qu'il y a un quelconque potentiel minier, même sans claim, la mise en réserve pour protection devient très difficile, voire impossible.
Des exemples. La présence de claims peut déterminer la configuration des aires protégées en dépit de l'importance écologique des sites. Les exemples sont nombreux. On pense au projet de parc national Albanel-Témiscamie-Otish, où le secteur ouest des monts Otish a été exclu; le site de la rivière George, qui comporte une importante enclave fragmentant presque en deux le site; le projet de parc cri Assinica, où une profonde enclave nuit à l'intégrité du projet; la réserve de biodiversité Piché-Lemoine, où on a exclu les immenses marais de la partie nord, le secteur le plus écologiquement important.
Dans d'autres cas, la présence de claims empêche l'agrandissement d'aires protégées: le parc national de Pingualuit, qui fait la fierté des Inuits, on voit 73 claims qui empêchent la protection du canyon de la rivière Puvirnituq malgré la volonté maintes fois répétée des Inuits et malgré des engagements formels au niveau du plan directeur; le parc national d'Aiguebelle, où un projet d'agrandissement, depuis 1992, achoppe à cause de la présence de claims; le parc national de la Gaspésie, où un secteur d'importance pour la centaine de caribous en voie de disparition ne peut être protégé malgré que le plan directeur, depuis 30 ans, évoque la possibilité d'intégrer le secteur dans le parc.
En complément d'une réelle volonté politique d'agir, certains outils légaux pourraient être utiles. Par exemple, l'article 82 de la Loi sur les mines autorise déjà le ministre à exproprier un claim pour fins d'utilité publique. Nous recommandons de modifier l'article 82 pour parler plutôt d'intérêt public, un terme beaucoup plus englobant qui pourrait inclure différentes utilisations du territoire, y compris les territoires d'intérêt écologique, les aires protégées.
L'idée a déjà un équivalent à l'article 35 de la Loi sur l'aménagement durable du territoire forestier, où le ministre peut, dans les limites d'un écosystème forestier exceptionnel, exproprier un claim s'il «risque de porter atteinte à la conservation de la diversité biologique». Donc, un article similaire pourrait être intégré à la Loi sur les mines permettant au MRNF ou au MDDEP, conjointement ou individuellement, de procéder à l'expropriation d'un titre minier dans le cas d'un projet de création ou d'agrandissement d'une aire protégée.
Des modifications pourraient aussi être apportées au concept de réserve d'État afin de concilier les usages et permettre la poursuite d'activités d'exploration dans un projet d'aire protégée sous condition d'encadrement sévère et avec un temps limité, une limite de cinq ans nous paraissant raisonnable pour y évaluer le potentiel minier. C'est une durée qui a d'ailleurs déjà été évoquée par l'Association de l'exploration minière du Québec.
**(15 h 20)** Un autre obstacle de taille, c'est toute la question de potentiel minier. Même en l'absence de claim, le MRNF invoque souvent la présence de potentiel minier pour bloquer les propositions de territoire d'intérêt provenant du MDDEP. C'est vrai que les ressources minérales ne sont pas réparties uniformément. Certains secteurs ont un très fort potentiel, alors que de grandes portions de territoire n'ont qu'un intérêt marginal. Nous recevons présentement des messages contradictoires. Certains affirment que les progrès futurs de la technologie, les meilleures techniques d'exploration vont rendre pratiquement tout le territoire intéressant. D'autres, comme l'Association de l'exploration minière du Québec, disent que «seule -- et je cite -- une minuscule portion du territoire est encore propice à la découverte de gisements miniers». Afin d'avoir l'heure juste, nous recommandons qu'un comité d'experts indépendant procède à une évaluation du potentiel minier dans les cas où une aire protégée est bloquée par un possible potentiel minéral. Un processus similaire existe déjà pour les parcs nationaux fédéraux en territoire nordique et pour les aires marines de conservation.
Abordons maintenant le principe de zone tampon. Présentement, les claims peuvent être adossés directement aux limites d'une aire protégée. Le cas du parc national d'Aiguebelle est très parlant, puisque 46 % de son périmètre est directement accolé à des claims. Les aires protégées ne sont pas sous cloche de verre, elles sont soumises aux impacts des activités qui ont lieu en périphérie. Autrement dit, la pollution ne respecte pas les frontières administratives. Pourtant, les gestionnaires des aires protégées n'ont aucun moyen d'intervenir concernant les activités qui ont cours en dehors de l'aire protégée.
J'aimerais vous rappeler le cas de Terra Ventures, qui explorait jusqu'à tout récemment à Sept-Îles, aux portes mêmes de la réserve aquatique de la rivière Moisie, un des joyaux du Québec. Les claims se trouvent immédiatement accolés à l'aire protégée, à l'intérieur même du bassin versant, et toute pollution au sol peut éventuellement se retrouver dans la rivière. En juillet 2009, le MDDEP a émis un constat d'infraction pour -- et je cite -- «contamination importante aux hydrocarbures». Deux tonnes de sol contaminé ont dû être enlevées. En octobre, nouveau constat d'infraction, trois tonnes de sol contaminé enlevées.
Le Président (M. Gaudreault): Il vous reste deux minutes, M. Archambault.
M. Archambault (Sylvain): Tout ça à quelques mètres de l'aire protégée de la rivière Moisie, une des plus belles rivières à saumon du Québec. Alors, vous comprendrez qu'on devienne un peu inquiets quand on voit des activités minières se dérouler aux portes des aires protégées.
On pourrait s'inspirer du RNI, qui interdit de procéder à des activités forestières à 60 mètres d'une réserve écologique, qui interdit d'opérer une sablière à 100 mètres d'une réserve écologique. On peut même penser au guide d'implantation de la villégiature sur terre publique du MRNF, qui demande 1 000 mètres entre les baux de villégiature et une réserve écologique. Alors, si c'est bon pour des chalets ou des sablières, pourquoi est-ce qu'on ne pourrait pas mettre en place une mesure équivalente pour les activités minières? Donc, nous recommandons d'amender l'article 304 en ce sens.
Un autre enjeu de grande importance qui n'est pas abordé dans le projet de loi n° 79 mais qu'on doit soulever, puisqu'il relève de la Loi sur les mines, c'est toute la question pétrolière dans le sud du Québec. Ces permis d'exploration couvrent la quasi-totalité du territoire. Des exemples. Dans les basses-terres du Saint-Laurent, 95 %, soit la quasi-totalité du territoire, est sous permis de pétrole et gaz. Dans les Appalaches, c'est 62 %. Et, dans les deux cas, les aires protégées sont à moins de 5 %. Tout ça, dans le sud du Québec, là où les besoins en conservation sont de loin les plus criants.
Encore une fois, ces permis viennent geler complètement des territoires pour de nombreuses années. Le problème risque bientôt de se transporter dans l'estuaire et le golfe, au moment où moins de 1 % du territoire est protégé. Lorsque l'actuel moratoire sera levé, d'ici quelques années, et si le golfe se couvre de permis d'exploration, comment pourra-t-on protéger nos milieux marins? Alors, ce qu'on recommande, en fait, c'est d'entreprendre une sérieuse réflexion sur cette problématique afin de dénouer l'impasse.
En guise de conclusion, on peut s'inspirer -- on peut dire qu'on peut s'inspirer -- du secteur forestier, qui a su prendre le virage environnemental. Le secteur minier pourrait, lui aussi, jouer un rôle de leader dans ce domaine, et c'est ce que je nous souhaite. Merci.
Le Président (M. Gaudreault): Merci beaucoup, M. Archambault. Je vais laisser la parole maintenant au ministre pour le bloc du gouvernement.
M. Simard (Dubuc): Merci, M. le Président. Merci, M. Archambault, de votre mémoire. Et puis, bien sûr, vous comprendrez que j'ai quelques questions à vous poser. Quand vous dites que le MRNF, par rapport à, je vous dirais, sa vision sur la gestion, sur la mise en place de différentes possibilités d'aires protégées, est en conflit d'intérêts ou encore vous faites planer des doutes sur la neutralité du processus du MRNF parce que vous dites qu'il est juge et partie, j'aimerais vous entendre là-dessus. Pouvez-vous nous faire part, M. Archambault, d'exemples concrets où il semble que le MRNF a utilisé une approche dont la neutralité n'était pas évidente, où la neutralité était douteuse? Parce que vous en parlez quand même passablement dans votre mémoire.
M. Archambault (Sylvain): J'ai peut-être été un peu loin dans mes affirmations. Ce que je voulais dire, c'est que, dans la majorité des cas d'aires protégées proposées, il y a toujours le potentiel minier qui vient un peu... qui vient interférer, qui vient un peu mettre des embûches un peu au processus. Si je compare avec le processus fédéral d'évaluation, on ne demande pas à Énergie et Ressources d'évaluer le potentiel minier, on demande à la commission géologique, qui est un organisme gouvernemental mais, quand même, qui a une certaine indépendance face au reste du gouvernement.
Je ne veux pas du tout, du tout mettre en cause la... Le MRNF a facilement, amplement les qualifications, les connaissances, la montagne de données pour évaluer le potentiel minier. Mais, à notre sens, peut-être un processus un petit peu plus... où d'autres parties pourraient amener leur son de cloche et dire peut-être: Le potentiel n'est peut-être pas si grand là, il est peut-être plus grand ailleurs ou... C'est tout simplement dans cette optique-là qu'on avait amené, là, la remarque.
Le Président (M. Gaudreault): M. le ministre.
M. Simard (Dubuc): M. le Président, je veux juste dire à M. Archambault qu'on... d'après les dernières analyses, il y a 5,5 % du territoire québécois, qui, soit dit en passant, est un grand, grand territoire, là... 5,5 % du territoire québécois est claimé, donc il en reste beaucoup, beaucoup, beaucoup. Mais je pense que, oui, il faut quand même faire les choses correctement, et puis le gouvernement, comme vous le savez, M. Archambault, a la volonté de faire 50 % de territoires protégés dans le Nord-du-Québec. Donc, en tout cas, c'est un objectif, là. Comment voyez-vous la mise en place de cet objectif justement pour que 50 % du territoire du Nord québécois devienne des aires protégées? C'est sûr que ça ne se fera pas dans une année, puis on ne fera pas ça, là, d'un coup, là, mais comment voyez-vous le processus que l'on peut prendre pour effectivement mettre 50 % du Nord-du-Québec en parcs ou en aires protégées?
M. Archambault (Sylvain): Bien, tout d'abord, c'est en impliquant le maximum d'acteurs, comme Mme Normandeau a déjà commencé... comme Mme la ministre a déjà commencé à faire avec tout le processus de planification du plan Nord. Il s'agit d'aller chercher les spécialistes dans les divers domaines. Que ce soit du côté géologique, du côté forestier, du côté environnemental, un tas de scientifiques sont déjà impliqués dans l'identification de territoires, puis c'est ça, je pense, qui est vraiment l'étape cruciale. C'est de procéder un petit peu à l'inverse qu'on a toujours fait. On développe le territoire et, après ça, on essaie de gruger, d'aller chercher des petits morceaux à protéger. Mais, si on inversait un petit peu la façon de penser et qu'on protégeait ou on ciblait les sites d'importance, les sites vraiment cruciaux, on met ça en place et, après, on peut arrimer toute la procédure avec l'industrie. Disons que c'est un petit peu d'aller, au départ, cibler les territoires d'importance.
**(15 h 30)**Le Président (M. Gaudreault): M. le ministre.
M. Simard (Dubuc): Merci, M. le Président. Dans votre mémoire, vous en avez parlé tout à l'heure aussi, M. Archambault, le gouvernement, dans son projet de loi, a l'intention de travailler avec les communautés régionales, c'est-à-dire les CRNT, bien sûr avec les CRE, l'ensemble des CRE des différentes régions du Québec, pour que les CRNT puissent, avec, bien sûr, le conseil d'administration des CRE, travailler sur c'est quoi on veut avoir comme développement de notre territoire, est-ce que c'est un développement écosystémique dans tel, tel secteur, est-ce que... Pensez-vous que c'est la bonne orientation à avoir par rapport à l'objectif du projet de loi?
M. Archambault (Sylvain): Oui, je pense que c'est une excellente approche d'impliquer vraiment les régions, de leur donner... de laisser s'exprimer sur les enjeux locaux, sur leurs priorités locales. On a très bien vu la première journée d'audiences où la Fédération québécoise des municipalités est venue dire que, oui, on veut, on veut s'impliquer dans le développement de nos régions, mais, pour ça, il faut qu'on puisse dire à l'industrie minière: Il y a certains territoires qui sont importants pour nous. Certains territoires, pour des motifs de conflit d'usage, on ne peut pas voir d'activité minière dans ces secteurs-là. Donc, moi, je trouve que c'est une approche extrêmement importante qu'on permette aux communautés locales, qu'on permette aux MRC de se prononcer sur ces enjeux-là.
M. Simard (Dubuc): Merci. Ça m'amène à...
Le Président (M. Gaudreault): M. le ministre, oui.
M. Simard (Dubuc): M. le Président, ça m'amène à poser la question suivante à M. Archambault. Dans votre mémoire, la septième recommandation de votre mémoire porte sur l'article 304 de la Loi sur les mines. Vous proposez, au premier alinéa de... l'article 304 soit amendé pour être comme ceci: Sur recommandation du MDDEP, le gouvernement... le ministre doit, par arrêté... plutôt que: «Le ministre peut, [en] arrêté, réserver à l'État ou soustraire [un] jalonnement», etc. Là, je vais vous épargner, tout le monde, de ça, là.
Pourquoi limiter le pouvoir du ministre de la sorte? De plus, votre formulation n'implique pas la concertation avec les MRC, comme je vous ai posé la question tantôt, et les municipalités... Parce que vous semblez le souhaiter, c'est pour ça que je vous pose ça comme question.
M. Archambault (Sylvain): Simplement, vous excuserez mes formulations. N'étant pas légiste, n'ayant pas de formation d'avocat, parfois c'est assez rudimentaire, je vais en convenir, comme formulation. L'idée de tout ça, autrement dit, c'est de permettre au MDDEP... On parle d'aires protégées, donner une force un petit peu plus grande au MDDEP de faire valoir ces territoires d'intérêt pour aires protégées. Alors, pour l'instant, la façon que l'article est conçu, le MDDEP souhaite des choses, et le ministre des Ressources naturelles et Faune dispose. On voulait tout simplement donner une plus grande prise au MDDEP dans ces décisions-là importantes. Il n'est pas question d'exclure les MRC ou les régions. Bien au contraire, c'est de...
Le Président (M. Gaudreault): M. le ministre.
M. Simard (Dubuc): Merci, M. le Président. Je veux juste indiquer que, moi non plus, je ne suis pas légiste. Puis il a la même maladie que moi, là, ce n'est pas un problème.
Le Président (M. Gaudreault): Oui, puis ceux qui le sont, ils ne sont pas malades non plus.
M. Simard (Dubuc): Non.
Le Président (M. Gaudreault): En tout cas, pas tous.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Gaudreault): Avez-vous encore besoin de temps, M. le ministre?
M. Simard (Dubuc): Moi, M. le Président, je serais prêt, à ce moment-ci -- je ne sais pas si mes collègues... -- je serais prêt à laisser la parole aux collègues de l'opposition.
Le Président (M. Gaudreault): ...parole à l'opposition.
M. Simard (Dubuc): Oui, c'est ça.
Le Président (M. Gaudreault): Alors, le député de Roberval, vous avez la parole.
M. Trottier: Oui. Merci, M. le Président. Tout d'abord, je remercie M. Archambault et son organisation pour son mémoire, il y a d'excellentes suggestions. Ce que je comprends, dans le fond, c'est que vous ne vous opposez pas au développement minier, mais vous voulez rechercher une espèce d'équilibre entre la mise en place d'aires protégées et le développement minier. Puis, dans le fond, quand vous parliez tout à l'heure, vous parliez que, dans le fond, on pourrait prendre des claims, puis je me demandais si les groupes écologistes pouvaient prendre des claims puis en faire des aires protégées. Puis je me demandais quelle serait la réaction des minières si c'était aussi facile de faire, un peu comme disait Christian Simard cette semaine, «click and protect», là, je me demandais quelle sorte de réaction les gens auraient. Je pense qu'il faut trouver un équilibre dans tout ça, puis ce serait quoi? Vous proposez, entre autres, là, qu'il y ait des zones tampons, ça peut être intéressant. Bon, vous dites, dans le fond, qu'on devrait identifier avant les zones. Est-ce qu'il y aurait d'autres moyens qui pourraient nous permettre de trouver cet équilibre-là?
Le Président (M. Gaudreault): M. Archambault.
M. Archambault (Sylvain): Oui. Bien, tout d'abord, je vais revenir sur votre proposition que les groupes environnementaux prennent des claims, justement c'est ce qui a été fait en 2003, au moment des audiences publiques sur les monts Groulx sur la Côte-Nord. Il y avait beaucoup, beaucoup de claims de la compagnie Falconbridge, je crois, qui étaient adossés au projet d'aire protégée, et on a formé un regroupement de quatre groupes environnementaux avec les Innus de Pessamit, et on a, chacun, pris un claim -- c'est quand même assez cher, c'est autour de 75 $ le claim -- donc, au milieu de tout ça, un peu... puis on a fait, bon, un événement, une conférence de presse pour remettre nos claims au gouvernement de bonne foi, etc.
Donc, ce que vous me demandiez, c'est des moyens de conciliation entre l'industrie et... Premièrement, c'est de se parler. Ça, c'est dans tous les domaines, c'est un petit peu l'embûche première, on ne se parle pas puis on se confronte. Se parler, il y a des possibilités de s'entendre. On regarde l'entente qui est survenue la semaine dernière entre trois juniors minières et la communauté innue de Pessamit, il y a possibilité de s'entendre.
Il y a des territoires, au niveau de l'industrie minière, qui sont extrêmement riches, on en convient, jamais qu'on ne penserait revenir là-dessus. Mais, d'autre part, il y a des territoires, au niveau écologique, qui sont aussi extrêmement riches et... O.K. Pour certaines personnes, une forêt, c'est une forêt, c'est une forêt, mais il y a certains secteurs, pour différentes conditions, qui ont des particularités extrêmement importantes. Donc, en s'assoyant, en discutant ensemble, il y a moyen de... Puis on propose possiblement de permettre certaines modalités de l'exploration dans des sites qui sont importants pour une période finie, une période stricte.
Le Président (M. Gaudreault): M. le député de Roberval.
M. Trottier: Dans cet esprit-là, vous dites que vous recommandez que les consultations publiques proposées à l'article 33 soient tenues non pas par le promoteur lui-même, mais par un organisme indépendant et neutre tel que le BAPE. Est-ce que vous auriez d'autres suggestions? Est-ce que, par exemple, les MRC pourraient être l'organisme qui pourrait faire cette première consultation publique? Est-ce que vous auriez d'autres suggestions?
M. Archambault (Sylvain): On n'a pas pensé à cette avenue-là, mais, oui, la MRC pourrait, à la rigueur, tenir ces consultations-là. C'est certainement plus léger comme organisation que le BAPE, quoique le BAPE a une très, très grande expertise, ils savent comment conduire des audiences d'une façon neutre, tout le monde respecte leurs recommandations. L'idée, c'est qu'on voyait très, très mal le promoteur faire lui-même la consultation, présenter lui-même ses documents, faire lui-même le rapport de la consultation au gouvernement, on trouve qu'il y a beaucoup...
Le Président (M. Gaudreault): M. le député de Roberval.
M. Trottier: Ce que je comprenais de ça, c'était que le BAPE resterait là pareil, mais c'est comme, on pourrait dire, une première étape, on pourrait dire, pour vérifier, on pourrait dire, un certain nombre d'éléments au niveau de l'acceptabilité sociale. Mais je ne penserais pas que ça enlèverait le BAPE, je pense que le BAPE va rester là parce qu'il y a toutes sortes... toute une série de considérations. Ce serait peut-être plus au niveau, là, d'une consultation préalable, à ce moment-là, là, qui pourrait se faire.
Vous proposez d'avoir un préambule, un peu comme dans la Loi sur les forêts, je pense que ça pourrait être intéressant. Parce que, dans le fond, vous notez que, dans le fond, il n'y a pas d'orientation autre que l'exploration dans les mines, et même vous proposez un amendement, là, à l'article 17 sur la mission, et je pense que ça, ça pourrait être drôlement intéressant. Parce que, dans le fond, à partir du moment où on dit: Oui, on est d'accord pour le développement minier, mais dans une perspective de développement durable, avec un encadrement, c'est très pertinent, ce que vous suggérez par rapport à ça.
Vous suggérez aussi une consultation publique pour les autochtones, est-ce que vous pourriez en parler davantage? Qu'il y ait un processus, peut-être, qui pourrait être différent, complémentaire, là, est-ce que vous pourriez donner davantage d'information là-dessus?
Le Président (M. Gaudreault): M. Archambault.
M. Archambault (Sylvain): Oui. Présentement, bien, on sait que le territoire conventionné, Convention de la Baie James-Nord québécois, il y a des audiences publiques pour tous les projets miniers directement avec soit les Cris, les Naskapis ou les Inuits. Dans le territoire non conventionné -- bon, je vais prendre l'exemple des Innus -- il serait bon d'avoir des consultations particulières pour eux, exactement comme dans la Loi sur l'aménagement durable du territoire forestier, où on prévoit des consultations particulières pour les peuples autochtones.
Le Président (M. Gaudreault): M. le député de Roberval.
M. Trottier: Vous proposez également aussi qu'on facilite la création d'aires protégées dans certaines zones qui sont passablement claimées, puis je vous comprends, là, parce que, quand on regarde les cartes, là, il y a des endroits, là, que ça va être assez difficile, puis je pense qu'on aurait dû identifier les aires protégées avant, puis, à ce moment-là, on aurait pu dire: Bien, ce qui reste, vous pouvez claimer.
Puis il y a une autre préoccupation par rapport à ça, recherche de pétrole et de gaz naturel. Quand on voit ce qui se passe au niveau du golfe du Mexique, qu'on invente au fur et à mesure les solutions de rechange, est-ce que vous avez des inquiétudes?
Le Président (M. Gaudreault): M. Archambault.
M. Archambault (Sylvain): Effectivement, je peux dire qu'on a de grosses inquiétudes. Présentement, il y a un moratoire sur le golfe, il n'y a pas de permis d'exploration dans le golfe du Saint-Laurent. Il y a des évaluations environnementales stratégiques qui ont commencé, qui vont aboutir l'été 2011 et 2012 finalement. Suite à ça, bien c'est possible que le moratoire soit levé. Ce qu'on a peur, dans un premier temps, c'est que vous avez... Vous voyez la figure, les basses-terres du Saint-Laurent, vous voyez les figures sur la Gaspésie, on a peur que le golfe soit couvert de permis en l'espace de quelques jours, avant qu'on ait identifié des secteurs d'importance pour la conservation, avant qu'on ait pris des mesures pour soustraire ces territoires-là à l'activité pétrolière. Ça, c'est la première crainte.
La deuxième crainte, bien, comme beaucoup de gens au Québec, comme beaucoup de gens qui sont riverains du golfe Saint-Laurent, comme les gens des Îles-de-la-Madeleine entre autres, on a des grosses inquiétudes quand on voit ce qui se passe présentement dans le golfe du Mexique.
**(15 h 40)**Le Président (M. Gaudreault): M. le député de Roberval.
M. Trottier: Oui. Vous expliquez, à la page 11 de votre mémoire par rapport aux sites géologiques exceptionnels, qu'en décembre 2005 la loi a été amendée pour introduire le concept de site géologique exceptionnel. Je pense que tout le monde était heureux de voir cette apparition-là. Mais ce que vous nous dites, c'est que, dans le fond, quatre ans et demi plus tard, force est de constater que, malgré de très nombreuses propositions provenant du public et malgré plusieurs promesses, dont celle de la Stratégie minérale qui, il y a un an, promettait qu'il y en aurait 50 en 2013, aucun site géologique exceptionnel n'a encore été officiellement désigné. Comment vous expliquez ça?
Le Président (M. Gaudreault): M. Archambault.
M. Archambault (Sylvain): Oui. Je suis content que vous abordiez la question parce que c'était ma dernière page, puis je n'ai pas eu le temps de la lire, j'ai sauté à la conclusion immédiatement. Quatre ans et demi plus tard, il n'y a aucun site géologique exceptionnel qui est officiellement désigné au niveau de la Gazette officielle. Ce qu'on a fait, on a fait des soustractions temporaires au jalonnement. Même pas des soustractions qui sont gazettées, mais des soustractions temporaires. Certaines sont venues à échéance. Pourquoi? C'est la grande question. Ce n'est pas des très grands territoires, mais, à notre sens, ce serait faire preuve de bonne foi, dire: Oui, des aires protégées, on s'y intéresse. Regardez, on a nos propres aires protégées. Parce que c'est des sites importants, des sites de patrimoine géologique, patrimoine géomorphologique, des sites de patrimoine aussi archéologique d'une grande importance, et on n'a aucune idée qu'est-ce qui se passe avec ça.
Le Président (M. Gaudreault): M. le député de Roberval.
M. Trottier: Je comprends que, pour vous, c'est peut-être difficile de donner une explication, mais c'est quand même... Quand on dit, là, 2005, ça fait quatre ans. Est-ce que vous pensez que c'est parce qu'il manque de personnel? Est-ce que vous pensez que c'est parce qu'il n'y a pas vraiment une volonté politique ou...
Le Président (M. Gaudreault): M. Archambault.
M. Archambault (Sylvain): Il y a une volonté politique. On regarde la Stratégie minérale qui a été rendue publique l'été dernier, on annonce 50 sites géologiques exceptionnels pour 2013. Donc, à mon sens, c'est un engagement. Mais là on est un an plus tard, puis il n'y a toujours rien, ça fait que...
M. Trottier: Oui. Disons que je vais me...
M. Archambault (Sylvain): Mais peut-être qu'il y a le manque de personnel...
M. Trottier: ...permettre un commentaire, là, disons que ça ressemble à bien d'autres engagements. Je vais passer la parole à mon collègue d'Ungava.
Le Président (M. Gaudreault): Oui. Alors, M. le député d'Ungava.
M. Ferland: Merci. Merci, M. le Président. Vous avez parlé tout à l'heure dans les... Excusez, mon nom est Luc Ferland. Je suis le député pour le comté d'Ungava, Nord-du-Québec, tout le secteur du Nunavik et Baie-James.
Vous avez abordé... vous avez parlé un peu tantôt du parc national des Pingualuit, puis, bon, il y a un immense parc aussi de prévu, projeté dans l'embouchure de la rivière George, et ainsi de suite. Bon, il y a plusieurs endroits, dont sept parcs aussi, l'aménagement de sept parcs prévu pour d'ici, je pense, 2013, en tout cas, là, pour... et qui devraient faire partie ou... on ne le sait pas trop, trop encore, mais du 50 %, là, du territoire protégé qui va être extrait à toute exploitation des ressources naturelles. Ça a été un engagement aux dernières élections du côté du Parti libéral, mais ça aussi, on attend toujours.
Dans les consultations, quand on parle... Vous avez parlé au niveau des premières nations. Parce que mon comté, je représente une région qui est conventionnée, contrairement à d'autres régions au Québec. Vous avez parlé des Innus de la Côte-Nord, mais, dans certaines démarches, où il y a, oui, la présence significative de premières nations, mais aussi la présence, aussi, significative de non-autochtones qui partagent un même territoire, il y en a qui vont appeler ça l'occupation du territoire. J'aime mieux habiter un territoire que l'occuper. C'est pas mal moins fatigant, puis tu as plus de plaisir à l'habiter qu'à l'occuper.
Mais il reste souvent dans les démarches... Puis vous avez abordé un peu tantôt, bon, le plan proposé, le Plan nord, par le gouvernement, là, où il y a des gens, oui, je conviens qu'ils sont au travail, mais on attend toujours de voir qu'est-ce que ça va donner. Mais, dans ces milieux-là, les régions qui, souvent... Et plusieurs, moi, comme député, m'ont abordé, le fait qu'ils ne possèdent pas l'expertise nécessaire pour aborder une foule de sujets, dont la protection de l'environnement, dont les mines, dont la forêt, bon, que ce soit le tourisme, ce soit... et ça devient compliqué, et ils souhaiteraient avoir davantage le support, l'accompagnement, l'appui du gouvernement ou des différents ministères, ce qui n'est pas vrai. Et c'est vrai aussi, puis je... Première partie.
Deuxième partie, j'aimerais vous entendre sur les ententes convenues entre des compagnies minières et certaines communautés comme les Inuits... Mais, au niveau des Cris, ça, c'est conventionné, c'est... mais, même encore là... et celles que vous avez abordées sur la Côte-Nord. Parce que, souvent, les compagnies vont convenir d'ententes sans l'accompagnement du gouvernement, et il peut se négocier toutes sortes d'affaires, un peu comme on a vu dans le développement de l'éolien dans la vallée du Saint-Laurent ou ailleurs, où l'entreprise arrive, va négocier avec la MRC, avec le cultivateur, puis on ne sait pas trop, trop ce qui se passe là. J'aimerais vous entendre sur ces deux aspects-là, le manque d'expertise souvent et l'accompagnement par rapport aux démarches de négociation d'ententes.
Le Président (M. Gaudreault): M. Archambault.
M. Archambault (Sylvain): Oui. Je crois que c'est un bon point que vous soulevez parce que l'expertise, en milieu nordique, est inégale entre les différentes communautés. Je pense, là, immédiatement à l'entente entre la... pour la mine Raglan et les Inuits. C'est une entente qui, à notre sens, est assez exceptionnelle, les Inuits gagnent beaucoup de points. C'est une entente qui a été négociée rondement avec eux autres, mais ils ont une grande expertise. Au niveau de la négociation, ils ont beaucoup d'expertise. Il y a certaines communautés qui n'ont pas cette expertise-là, et je pense, hier, à Mme Kirouac qui parlait des citoyens de Malartic où, désespérément, on aurait besoin de l'appui du gouvernement, un appui technique pour négocier avec la compagnie. Sûrement qu'en milieu isolé, parfois, les ressources sont beaucoup plus faibles, et ce serait certainement quelque chose d'important, hein, parce qu'on va être, avec le plan Nord, on va être appelé à voir souvent de ce genre de négociation, de ce genre d'intervention.
Le Président (M. Gaudreault): M. le député d'Ungava.
M. Ferland: O.K. Oui, moi, par contre, moi, je ne pense pas que ce soit le plan Nord qui va faire en sorte que... Parce que, déjà, on assiste à des négociations. On ne développera pas le Nord avec des miroirs puis des bracelets. C'est fini, cette époque-là. Moi, je pense qu'il faut aller beaucoup plus loin que ça. Et l'exemple que vous donnez de l'entente avec la mine Xstrata, Raglan, dans le Grand Nord, la première entente... Parce que, moi, j'ai demandé à avoir une copie de cette entente-là -- mais c'est privé -- entre l'entreprise et les communautés. Mais qu'il y ait eu entente, ça, je trouve ça correct, c'est parfait. Mais il y a eu des manques quand même parce que l'entente est intervenue avec trois villages inuits seulement, alors que l'ensemble de la communauté inuite, les 14 villages auraient voulu tirer profit un peu de ça. Vous voyez un peu le côté biaisé de cette démarche-là ou l'absence du gouvernement, ou du ministère, ou des ministères concernés dans cette démarche-là.
C'est vrai aussi... Je pourrais vous parler de l'entente intervenue avec la compagnie Inmet pour le projet Troilus au nord de Chibougamau avec la communauté de Mistissini, et ça touchait aussi Nemaska. Ça, c'est Hydro-Québec sur la Côte-Nord présentement avec les Cris. Bon. Donc, à mon avis... Puis j'aimerais, si vous pouvez aller un petit peu plus loin ou si vous avez fait une réflexion là-dessus, par rapport à ces démarches-là... Moi, une des craintes... Puis ce n'est pas juste moi qui la soulève, c'est des gens qui... soit des groupes, et on l'a entendu ici depuis le début, je suis certain qu'on va le réentendre, il y a une crainte à ce niveau-là, là où on convient d'ententes à partir de ressources naturelles qui appartiennent à tout le Québec, qui appartiennent aux... et ça, ça soulève un certain questionnement. Je ne sais pas si vous avez une opinion là-dessus, ou des suggestions, ou des commentaires à faire dans une démarche comme celle-là.
Le Président (M. Gaudreault): M. Archambault.
M. Archambault (Sylvain): Oui. Je pense que vous êtes beaucoup plus au fait que moi de certaines ententes en milieu nordique. Je pense que vous avez raison, que les ressources doivent être partagées. Les redevances de ces ressources-là -- premièrement, c'est des ressources québécoises -- doivent aussi être partagées avec les communautés qui en sont immédiatement les plus rapprochées aussi, donc essayer d'atteindre un équilibre entre tout ça, que l'ensemble du Québec en profite, mais aussi que les communautés impliquées directement en profitent aussi abondamment.
Le Président (M. Gaudreault): M. le député d'Ungava, oui, il reste encore un cinq minutes, certain.
**(15 h 50)**M. Ferland: Ah, merveilleux! Écoute, c'est quasiment un après-midi, ça. O.K. Bon. Mais je parle de territoire, mais c'est pour l'ensemble du Québec aussi. Parce que plusieurs groupes le soulèvent, même les entreprises elles-mêmes aimeraient profiter ou avoir l'expertise. Parce que, quand une entreprise arrive sur un territoire donné, que ce soit sur la Côte-Nord ou en Abitibi-Témiscamingue, on l'a vu dans le cas de Malartic, ou arrive dans le Nord-du-Québec, où ils sont complètement ignorants des conventions existantes, les droits des premières nations, qu'est-ce que ça veut dire, et, là, entament des discussions, des négociations sans connaître les bases sur lesquelles ont été convenues ces ententes-là et l'esprit qui sous-tend ces ententes-là. J'entends la «Paix des Braves», la Convention de la Baie James et du Nord québécois, ainsi de suite.
Les compagnies ne sont pas plus au courant, encore beaucoup moins au courant, elles arrivent sur le territoire, et là, bien souvent... Et ça serait tout à leur avantage, aussi à l'avantage des populations concernées, d'avoir une base de ces ententes-là dès le départ ou des droits des premières nations, des Innus sur la Côte-Nord, même s'il n'y a pas d'entente de convenue au moment où on se parle. Ça a été vrai à Malartic parce que les gens sont venus se plaindre un peu là-dedans. Est-ce que le gouvernement, le ministère, selon vous, devrait non seulement être un accompagnateur, mais jouer un rôle de premier plan en amont, dès le départ, pour informer?
Le Président (M. Gaudreault): M. Archambault.
M. Archambault (Sylvain): Oui, je pense que l'idée peut être bonne. Une grosse compagnie n'a pas d'excuse de ne pas connaître les enjeux locaux, ils peuvent engager des gens, des gens qui sont très au courant. Je pense à la quantité de compagnies juniors qui ont peu de personnel, peu de ressources, et donc, à ce moment-là, je pense, c'est une très bonne idée d'avoir une espèce d'accompagnement avec toutes les ressources gouvernementales sur les connaissances en milieu nordique, sur les connaissances des conventions, etc. Ça serait certainement quelque chose d'extrêmement important pour que les démarches se fassent bien, qu'on évite les erreurs.
Le Président (M. Gaudreault): M. le député d'Ungava, est-ce que c'est terminé? Ou M. le député de Roberval?
M. Ferland: ...
Le Président (M. Gaudreault): Oui, allez, M. le député d'Ungava.
M. Ferland: O.K. Au niveau... Parce que, même si on est dans le secteur de l'environnement, en tout cas le secteur qui vous préoccupe le plus, mais vous êtes aussi préoccupé par, quand même, l'avenir de l'industrie minière aussi dans le respect des... de trouver un genre de juste équilibre. Moi, j'aimerais vous entendre un peu, mais vous ne l'abordez pas nécessairement dans le mémoire. Peu importe la décision ou le projet de loi, qu'il soit éventuellement adopté, on n'est pas rendus à cette étape-là, mais on souhaite la meilleure loi possible en bout de piste, mais les retombées... Et puis il y aura toujours des entreprises minières, on va toujours opérer des mines, ces choses-là. Moi, je pense que le développement durable, il y a une partie aussi qui est importante quand on regarde les retombées locales dans les milieux, que ce soit au niveau de l'emploi, l'accès à l'emploi, la formation, ces choses-là, j'aimerais vous entendre un peu là-dessus. Parce que, oui, exploiter, mais pas juste pour extraire le minerai puis l'envoyer en Australie ou je ne sais pas où se faire... Donc, l'importance, oui, d'extraire les ressources naturelles, mais qu'il y ait des retombées, au premier chef, dans les communautés ou les villes concernées à proximité.
Le Président (M. Gaudreault): Alors, M. Archambault. Il reste deux minutes à tout le bloc.
M. Archambault (Sylvain): O.K. Donc, oui, ce serait extrêmement important que... On parle d'une ressource qui n'est pas renouvelable, c'est bien clair. Donc, il faut que les communautés bénéficient au maximum de retombées, qu'il y ait des fonds mis sur place localement pour encourager d'autres initiatives par la suite. Qu'on parle de deuxième transformation, de formation de la main-d'oeuvre, tout ça, ça serait extrêmement important parce qu'on va toujours vivre dans le cycle de ville-compagnie qui meurt à petit feu après l'épuisement de la ressource. Des mines, parfois, ça peut durer 10 ans, ça peut durer 50 ans, mais, parfois, c'est assez rapide. Disons que c'est... On parle de développement durable, c'est certain que la ressource minière n'est pas renouvelable. Mais les impacts, c'est là-dessus qu'on devrait jouer beaucoup, s'assurer que les impacts bénéfiques sur les communautés, sur l'ensemble du Québec soient maximisés. Il en tient de l'avenir de tout le monde, je pense.
Le Président (M. Gaudreault): Merci beaucoup. Il resterait une minute... Ça va? O.K. Alors, je retourne du côté du gouvernement, il vous reste 14 minutes. M. le ministre.
M. Simard (Dubuc): M. le Président, merci. Je voudrais d'abord corriger un petit peu l'affirmation du député d'Ungava, là, quand il dit que... pour corriger, que ça serait important que le gouvernement soit présent. Il y a des entreprises qui ont négocié avec des communautés, c'est un fait, c'est vrai, Mais ce n'est pas parce que le gouvernement ne voulait pas être présent, c'est beaucoup plus parce que les entreprises se sont présentées aux différentes communautés et puis elles ont négocié des choses. On leur demande de ne pas le faire, mais sauf qu'on ne peut empêcher de le faire, c'est... Véritablement, elles se sont entendues avec les communautés, mais ça n'a rien à voir, ça n'enlève rien aux Québécois, ce sont des coûts supplémentaires que ces entreprises-là vont subir en raison qu'elles prennent des ententes avant d'avoir parlé au gouvernement.
Effectivement, le gouvernement a une expertise pour parler aux premières nations en raison que ça fait plusieurs années que le ministère travaille avec les premières nations. Si les entreprises veulent ne pas utiliser le ministère, c'est libre à eux. Mais ce qu'il faut comprendre, c'est qu'effectivement ils ont le droit de le faire. À partir de ce moment-là, on ne peut pas les obliger à utiliser l'expertise des ministères.
Maintenant, M. le Président, tout à l'heure, M. Archambault, vous avez parlé du processus fédéral d'évaluation. Je voudrais vous entendre, que pensez-vous, actuellement, du travail qui est en train de se faire par rapport à l'harmonisation des processus d'évaluation environnementale au niveau des deux gouvernements? On essaie de mettre en oeuvre... justement d'harmoniser la démarche, est-ce que vous pouvez nous entretenir là-dessus?
Le Président (M. Gaudreault): M. Archambault.
M. Archambault (Sylvain): ...mon possible. Je sais qu'il y a une tendance actuellement au niveau du gouvernement fédéral de simplifier les procédures d'évaluation, entre autres pour accélérer les procédures. On a des grosses réticences là-dessus, dans le sens où, dès qu'on accélère des processus, c'est qu'on coupe les coins rond, c'est qu'on peut laisser passer certaines choses. Donc, à notre sens, il faut plutôt aller vers le raffinement des processus d'évaluation, et non pas leur... pas de disparition, mais leur amaigrissement.
Le Président (M. Gaudreault): M. le ministre.
M. Simard (Dubuc): Quand, M. le Président, M. Archambault parle de virer les coins rond, j'aimerais vous entendre. C'est parce que, dans les deux processus, il y avait, je vous dirai, de la redondance d'une façon inimaginable, là. Les entreprises s'y perdaient, j'imagine que les organismes environnementaux s'y perdaient aussi parce qu'autant pour créer une aire protégée, autant pour créer une mine, autant pour n'importe quoi, excusez-moi l'expression, mais une vache perdait son veau, je veux dire. Donc, le fait d'harmoniser, justement, les deux démarches pour s'assurer qu'on fait bien les choses, qu'elles sont faites dans les règles de l'art, ne croyez-vous pas que c'est mieux pour l'ensemble de la population, ou l'ensemble des organismes comme le vôtre, ou l'ensemble des entreprises qui voudraient nécessairement aboutir à quelque chose le plus rapidement possible? Parce qu'on pourrait nécessairement perdre des investissements, comme on pourrait perdre la patience de groupes pour créer des aires protégées. C'est la raison pour laquelle je vous pose cette question.
Le Président (M. Gaudreault): M. Archambault.
M. Archambault (Sylvain): Oui. Je suis d'accord avec vous. Là, présentement, on est impliqués devant les audiences publiques pour le projet Matoush au nord de Chibougamau, et je dois vous avouer que c'est assez complexe. Des fois, on y perd un peu notre latin. Si la démarche d'harmonisation est vraiment pour faciliter les choses et enlever, comme vous dites, les redondances, oui. Mais, à partir du moment où c'est pour accélérer... Parce que, quand on pense d'accélérer la décision sur un projet final, notre réaction, nous, c'est qu'on accélère en coupant des choses. Si l'évaluation est faite d'une façon aussi propre et détaillée, oui, harmonisons pour faciliter les choses pour tout le monde, et pour les groupes environnementaux et pour les compagnies. Mais, dès que c'est pour couper dans le gras, là, ou dans les choses importantes, non, ça ne marche pas, là.
Le Président (M. Gaudreault): M. le ministre.
**(16 heures)**M. Simard (Dubuc): Oui. Je comprends, vous avez raison là-dessus. L'idée, ce n'est pas de couper dans les choses importantes, mais beaucoup plus d'être plus efficace tout en ayant la démarche la plus, je vous dirai, la plus exhaustive possible pour respecter l'environnement et s'assurer qu'on fait des bonnes choses. C'est exactement dans ce but-là aussi que j'imagine que les deux gouvernements vont travailler.
Maintenant, j'étais heureux aussi de vous entendre tout à l'heure lorsque vous disiez que les organismes environnementaux souhaiteraient que l'industrie minière puisse nécessairement travailler en collaboration avec eux pour s'assurer que les règles ou encore les attentes de chacun soient à la hauteur. Et je pense que, oui, c'est une bonne chose, puis on pourrait même être incités à favoriser ça. Parce que la réalité veut qu'on n'ait pas des ennemis, mais beaucoup plus des amis. Parce qu'on vit tous sur cette terre-là, on veut créer de la richesse, mais aussi on veut respecter l'environnement. Je pense que ce serait une bonne chose. J'étais heureux de vous entendre là-dessus et j'espère que l'industrie nous entend également.
Maintenant, M. le Président, si vous me permettez, je voudrais quand même revenir sur un... C'est parce que, pour l'ensemble des Québécois, pour l'ensemble des intervenants qui viennent nous voir ici, là, je suis un petit peu tanné de ça, je vous le dis, là. Hier, on a fait une... j'ai fait une sortie là-dessus. Parce qu'encore tantôt j'ai entendu le député de Roberval sortir à l'effet que, ah! on sait bien, les promesses gouvernementales... Je m'excuse, je ne suis pas au salon bleu ici, je suis ici, moi, pour étudier un projet de loi, pour m'assurer que l'ensemble des Québécois qui s'assoient ici, à cette table-ci... Ils ont beau être de n'importe quel parti, ils ne sont pas là pour ça. Ils sont là pour discuter de leurs attentes, ils sont là pour discuter du projet de loi, pour savoir comment on peut faire pour s'entendre ensemble, pour s'assurer que le Québec va se développer convenablement en respectant l'environnement, et c'est ça que j'ai l'intention de faire. Moi, je ne suis pas ici pour me chicaner avec l'opposition, je veux travailler en collaboration. Mais, si c'est ça qu'on cherche, je pense qu'on fait fausse route. Et je voulais justement, en tout respect des gens qui viennent ici, je voulais au moins dire ce que je pense là-dessus. Je m'excuse, là, mais c'est comme ça que je travaille, moi.
Ça fait que, moi, M. le Président, j'aurais une autre question à poser au monsieur qui est assis ici, M. Archambault, parce que je pense que c'est important. Vous disiez tout à l'heure, M. Archambault, que vous travaillez avec la compagnie sur les monts Otish, j'aimerais que vous me parliez un petit peu de l'expérience que vous faites à ce niveau-là, le processus environnemental.
Le Président (M. Gaudreault): M. Archambault.
M. Archambault (Sylvain): O.K. Non, on ne travaille pas avec la compagnie, c'est que, présentement, il y a un projet de mine d'uranium. C'est un projet exploratoire tout près des monts Otish, on a été impliqués dans ce processus-là. Donc, mercredi prochain, il y a la première partie des audiences où la compagnie va venir expliquer sa démarche. À la fin de l'été, il va y avoir la deuxième partie. Donc, c'est à ce niveau-là, disons, que... Surtout, ce qui nous inquiète, c'est que le projet de mine est à quelques kilomètres du projet de parc national Albanel-Témiscamie-Otish, dans le bassin versant de la rivière Témiscamie. Donc, on a certaines craintes à ce niveau-là, c'est pour ça qu'on suit le processus, là, de près. Je pourrai vous en parler plus abondamment la semaine prochaine parce que je vais rencontrer... passer deux jours là-bas pour assister aux audiences.
Le Président (M. Gaudreault): M. le ministre.
M. Simard (Dubuc): Merci, M. le Président.
Le Président (M. Gaudreault): Ça va?
M. Simard (Dubuc): Ça va. Je ne sais pas si mes collègues veulent poser des questions.
Le Président (M. Gaudreault): Bien, il reste six minutes, à peu près.
M. Bernard: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Gaudreault): ...M. le député de Rouyn-Noranda--Témiscamingue.
M. Bernard: Bonjour, M. Archambault. Content de vous revoir. Je vais continuer. Bien, vous parliez des monts Otish, puis, juste à titre d'info, la grande dualité de la problématique avec les aires protégées puis le potentiel minéral, c'est que, souvent, il y a un lien entre la biodiversité et la nature avec son substrat rocheux en dessous. Et plusieurs zones avec de la biodiversité différente, il y a un lien direct, et il faut, à ce moment-là, trouver justement l'équilibre. Et, dans la, je dirais, notion d'intérêt public, il faut regarder les deux dans le sens suivant: Est-ce que tu dis: On garde un territoire pour son potentiel de développement économique ou un potentiel de préservation et qu'est-ce que... Le grand défi, c'est de faire l'arbitrage entre les deux sur une perspective à long terme. L'exemple des monts Otish, c'est un type de roche particulier, d'âge protozoïque, etc., qui fait qu'il y avait un potentiel uranifère avec. Donc, il y a ce lien-là qui est là puis qui est permanent.
Concernant les aires protégées, vous avez des recommandations que je trouve intéressantes puis que, moi-même, je prône souvent au niveau de l'industrie depuis longtemps, c'est-à-dire une période... de dire: S'il y a un potentiel, par exemple, de réserve de biodiversité ou autre, faire une aire protégée, et même dans un parc -- je pense, chez moi, au mont Kanasuta -- de dire à l'industrie minière: Regardez, vous dites qu'il y a un potentiel, allez-y, on vous donne un délai de tant d'années pour faire les travaux. Et, moi, je pense qu'il y a quelque chose, qu'il faut que l'industrie s'ouvre à cette dynamique-là, personnellement. Donc, votre recommandation, moi, je la trouve intéressante à cet égard-là.
Un point que vous allez me permettre... que je vais revenir avec vous, vous parlez du parc d'Aiguebelle, et c'est important de clarifier aux gens qui nous écoutent... Moi, je suis arrivé en Abitibi-Témiscamingue, à Rouyn-Noranda, en 1986, au moment de la création du parc d'Aiguebelle. À cette époque-là, il y avait un parc d'Aiguebelle qui était existant et il y avait autour qu'est-ce qui s'appelait la réserve d'Aiguebelle. Et ils ont créé le parc, la réserve, elle demeurait. La réserve, donc... pouvait avoir des travaux sur la réserve en termes d'exploration, et autres, comme les réserves. En 1992, suite à une entente, qu'est-ce qui était la réserve a été converti et joint au parc, et, à ce moment-là, l'entente a été convenue de dire: Maintenant, on permet l'exploration, les autres travaux à qu'est-ce qui était accoté à la limite de l'ancienne réserve, donc. Puis il y a eu une entente en région puis un arrêté ministériel là-dessus, et le périmètre que vous réclamez a été donc exclu sciemment parce que déjà... Sans ça, on s'en va vers une zone... Tu dis: On prend une zone tampon, on l'inclut dans le parc. Là, tu as un groupe qui arrive, on redemande une nouvelle zone tampon, donc ça ne finit plus. Alors ça, c'est important de le dire, c'est un consensus qu'il y avait eu à cette époque-là en région.
Un autre point important qui est intéressant -- puis ça m'est revenu à mes anciens souvenirs -- il y a un groupe au Canada qui s'appelle Canadian Aboriginal Mining Association, O.K., qui... le président est Hans Matthew. Ce groupe-là est un groupe qui accompagne les communautés autochtones en termes de développement et d'ententes, et, d'ailleurs, en 2000 ou en 1999, il y avait eu une rencontre qui avait eu lieu à Chibougamau à laquelle j'avais participé. Donc, ce groupe-là est là, et, à l'époque, justement, les ententes qu'on parle au Québec, celle de Troilus et celle de Raglan, étaient dans les premières ententes modernes signées entre des entreprises et des communautés. Alors, je lance le signal aux gens, il y a l'assemblée générale annuelle à Winnipeg, 7 et 9 novembre 2010. Et, pour les communautés autochtones qui écoutent, je pense que c'est important de transmettre cette information-là. Ces gens-là sont là, et c'est un organisme de sommités mondiales. M. Matthew est intervenu dans de nombreux projets à la grandeur de la planète pour tout ce qui est développement autochtone, d'une part.
Un point que je voulais voir avec vous... Le niveau des aires protégées, j'en parlais tantôt, puis, pour avoir... Je vous parlais du cas de Kanasuta, et autres. Actuellement, pour avoir suivi le processus, je me suis rendu compte que, souvent, aussi on parle d'un niveau de connaissances géologiques, mais, en même temps, au niveau de la biodiversité de la nature, on s'est rendu compte aussi avec le temps que même le ministère du Développement durable n'a pas une connaissance fine de toute sa biodiversité et des types d'espèces. Par exemple, on va arriver, ils vont trouver une nouvelle espèce végétale, ou autre, à un endroit, mais ne savent pas sa distribution à l'extérieur de l'endroit. Donc, rapidement, on pourrait arriver puis dire: Voici, on en fait une aire protégée parce qu'on vient de le trouver à cet endroit-là. Mais, plus tard, on va se rendre compte que, oui, on trouve les autres lieux de distribution, et, à ce moment-là, c'est de trouver l'équilibre. Qu'est-ce qu'on veut en termes de biodiversité, c'est d'avoir des zones représentatives, mais également des zones d'exception. Et, avec le temps, le ministère du Développement durable, eux aussi accumulent des connaissances pour mieux définir les réserves d'aires protégées. C'est un peu l'oeuf et la poule, là, mais, en même temps, au niveau géologique, aussi on a cette dynamique-là. Moi, à ce moment-là... Puis, au niveau des sites géologiques exceptionnels, on a un cas extrême, c'est Miguasha...
Le Président (M. Gaudreault): Écoutez...
M. Bernard: ...puis on a trouvé d'autres zones où... Puis c'est facile de dire que tu fais des aires exceptionnelles, mais, regardez, on vient de trouver les roches les plus vieilles de la planète il y a deux ans de ça, O.K., et déjà ça a été intégré.
Le Président (M. Gaudreault): M. le député, si vous voulez une réponse, c'est parce qu'il reste 30 secondes.
M. Bernard: Oui. Donc, moi, je pense que les recommandations que vous faites sont... il faut en prendre en ligne de compte. Le niveau d'aires protégées, le gouvernement veut aller de l'avant. Puis il va falloir la collaboration de tous les acteurs, comme vous l'avez très bien dit, pour pouvoir vraiment cerner les bons endroits puis les meilleurs, puis, moi, je vous invite à continuer votre travail que vous faites au sein des différents groupes et organismes. Merci.
Le Président (M. Gaudreault): Oui ou non, il vous reste 10 secondes.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bernard: Est-ce qu'il y a des commentaires?
M. Archambault (Sylvain): Merci beaucoup.
Le Président (M. Gaudreault): Il reste une minute au bloc de l'opposition. En recommandant de vous en tenir au projet de loi, M. le député de Roberval.
M. Trottier: Oui, M. le Président. Bon, je ne veux pas faire une grande chicane avec ça, là, mais juste rappeler au ministre, là, que, notre collaboration, il peut compter sur elle. S'il y a une consultation puis s'il y a beaucoup de groupes aujourd'hui, puis cette semaine, puis dans les prochaines semaines, c'est parce que, nous, on a demandé qu'il y ait des consultations générales, on voulait entendre tout le monde, on veut entendre les gens. Puis je pense qu'il faut démêler les allégations puis les faits. Tu sais, quand on dit que le gouvernement annonce quelque chose en 2005 puis que, quatre ans et demi plus tard, il ne s'est rien passé, bien là c'est un fait, ça. Puis quand même qu'on dira que... Tu sais, je vais reprendre la phrase de notre invité, qui dit: «Ce retard n'est-il pas symptomatique du peu de considération accordé aux aires protégées?» Bien, ça correspond, disons-le, à une vitesse de croisière qui est assez petite, pour ne pas dire d'autres choses. Puis je l'inviterais aussi...
Le Président (M. Gaudreault): Merci. C'est fini, monsieur...
M. Trottier: ...peut-être à...
Le Président (M. Gaudreault): M. le député, désolé, votre temps est écoulé. Alors, merci beaucoup, M. Archambault, de la Société pour la nature et les parcs du Canada, section Québec, on vous remercie. Puis j'invite la personne du Groupe de recherche sur les activités minières en Afrique à se présenter. Merci.
On suspend quelques minutes.
(Suspension de la séance à 16 h 10)
(Reprise à 16 h 11)
Le Président (M. Gaudreault): Alors, nous en sommes à l'écoute du dernier groupe pour la journée, le Groupe de recherche sur les activités minières en Afrique. Bonjour, madame. Bienvenue à la commission. Et je vous invite à vous présenter, s'il vous plaît, et à y aller tout de suite de votre présentation. Vous avez 15 minutes, et ensuite nous procédons à une période d'échange avec les deux groupes ici représentés. Merci.
Groupe de recherche sur les activités
minières en Afrique (GRAMA)
Mme Laforce (Myriam): Bonjour, M. le Président. Bonjour, les membres de la commission. Je m'appelle Myriam Laforce. Je suis agente de recherche au Groupe de recherche sur les activités minières en Afrique, une composante de la Chaire C.-A. Poissant de recherche sur la gouvernance et l'aide au développement à l'UQAM. D'abord, je voudrais vous remercier de nous permettre de nous exprimer dans le cadre de ces consultations aujourd'hui. Comme groupe de recherche, on a toujours eu comme souci de rendre nos travaux disponibles, de les mettre au profit de la collectivité puis de participer à des débats publics comme celui-ci sur des thèmes qui nous intéressent.
Il peut peut-être sembler étrange qu'un groupe de recherche sur les activités minières en Afrique intervienne aujourd'hui dans le cadre d'une consultation sur la réforme de la Loi sur les mines au Québec. En fait, ce qui nous amène ici, c'est un récent projet de recherche qu'on vient tout juste de conclure, financé par le Conseil de recherche en sciences humaines du Canada et qui nous a amenés à nous intéresser aux enseignements qu'on peut tirer de l'expérience canadienne et québécoise en matière de gouvernance de l'industrie minière. Et ce qu'on a cherché à mettre en lumière dans le cadre de ce projet, ce sont surtout les relations qui se tissent entre les différents acteurs concernés par le déploiement de projets miniers dans une région donnée, donc, évidemment, les communautés locales concernées, les entrepreneurs miniers et le gouvernement. Alors, le mémoire que je vais vous présenter aujourd'hui s'appuie sur les résultats de ces travaux récents. Nous ne sommes donc pas spécialistes de la question des mines au Québec, mais les travaux qu'on a menés dans le cadre de ce projet de recherche en particulier ont conduit à des résultats intéressants dont nous souhaitions vous faire part dans le cadre de cette consultation. Alors, voilà.
Dans une recherche publiée en 2003 et en 2004, notre groupe a révélé l'ampleur des impacts de la réforme des codes miniers en Afrique sur le rôle des États et sur la capacité des gouvernements africains à veiller à la satisfaction des objectifs de développement durable à long terme. Ce qui était apparu dans ces recherches antérieures, c'était que les conditions prévues par la loi, tout comme celles, d'ailleurs, qui n'étaient pas prévues par la loi, jouaient un rôle fondamental dans la détermination des retombées possibles du secteur pour les populations nationales des pays qui avaient fait l'objet de cette étude. En bref, donc, la capacité de faire en sorte que l'exploitation minière se convertisse en développement, voire en développement durable, dépend largement de la législation minière, des normes qu'elle définit et aussi des rôles qu'elle assigne aux différents acteurs qui sont concernés.
Donc, ce constat tiré de nos études passées nous a amenés à aborder l'enjeu de la gouvernance de l'industrie minière au Québec en nous penchant d'abord sur le cadre législatif qui régit le secteur ici. À cet effet, nos recherches nous ont amenés à identifier diverses contraintes qui nuisent à une participation équilibrée des parties prenantes au processus de prise de décision concernant l'encadrement du secteur minier au Québec. Ce que nous avons observé comme étant des points d'achoppement -- je vais les évoquer au cours des prochaines minutes -- représente pour notre groupe autant de facteurs qui sont susceptibles de réduire la légitimité des entrepreneurs miniers, mais également du régulateur de l'État dans un contexte où les modes d'utilisation du territoire au Québec font l'objet aujourd'hui de débats.
Ainsi, nous sommes d'avis que le présent processus de révision de la Loi sur les mines constitue une occasion intéressante pour revoir les principes fondateurs qui sont à l'origine de ces contraintes afin de les rendre davantage conformes aux réalités actuelles. Et donc, pour illustrer ces principes fondateurs qu'on considère problématiques, je vais faire un petit retour en arrière. La première législation minière dont s'est doté le Québec en 1880, l'Acte général des mines de Québec, a été adoptée dans un contexte historique bien précis qu'il est intéressant de rappeler. À l'époque, les États-Unis venaient tout juste d'entériner leur première législation minière, et c'est sur la base du modèle de la loi américaine que la loi québécoise de 1880 a été définie. Et la loi américaine, ce qu'elle faisait en quelque sorte, c'était entériner et officialiser les pratiques et les procédures mises en place par les mineurs eux-mêmes pour réguler leurs activités dans le cadre de la ruée vers l'or californienne qui avait lieu, donc, à la fin du XIXe siècle. C'est donc une forme d'autorégulation qui a été entérinée et officialisée par la suite par la législation aux États-Unis, et c'est sur la base de ce modèle que notre loi a été définie. Donc, c'est un ensemble de règles peu contraignantes pour les promoteurs miniers que les législateurs ont créé à l'époque.
Le fameux principe de «free mining», dont je sais qu'il a été question ici, dans le cadre de cette consultation, au cours des dernières journées, donc le principe du «free mining», c'est un principe qui permet, privilégie le libre accès à la propriété, à l'exploitation de la ressource, qui consacre l'appropriation unilatérale de la ressource à travers le système du claim. Donc, il y a trois éléments centraux à ce système: d'abord, la possibilité d'acquérir librement un droit de propriété sur les ressources minières; ensuite, des garanties de pouvoir se livrer à des activités d'exploration; et, en cas de découverte, la garantie de pouvoir exploiter les ressources identifiées.
Donc, tout ça date du XIXe siècle. Évidemment, on ne veut pas sous-estimer l'importance des mutations que l'industrie minière a connues depuis et toutes les adaptations qui ont été... les modifications qui ont été apportées à la législation québécoise par la suite, au cours du XXe siècle. Ceci dit, le libre accès à la propriété et à l'exploitation des ressources minérales représente, selon plusieurs analystes, toujours un principe inscrit dans le coeur de la politique minière québécoise, qui est largement incitatrice et qui a été placée, tout au cours du XXe siècle, sous le signe de la continuité. Aujourd'hui, d'ailleurs, ce principe se trouve toujours dans la législation minière québécoise alors qu'on reconnaît que le régime minier s'appuie sur un accès le plus large possible au territoire, où le premier arrivé obtient avec son titre le droit exclusif d'y rechercher les substances minérales et, surtout, l'assurance de pouvoir obtenir, évidemment sous certaines conditions, le droit d'exploiter les substances minérales découvertes.
Ainsi, l'article 235 de la Loi sur les mines, tel que légèrement amendé par le projet de loi n° 79 actuellement en discussion, prévoit toujours la possibilité de recourir à l'expropriation dans les cas où l'acquisition de gré à gré d'un bien ou d'un droit nécessaire à l'exécution des travaux aurait échoué. Donc, bien que, pour le ministère, le régime québécois favorise la mise en valeur des ressources minérales en tenant compte des autres possibilités d'utilisation du territoire, le libre accès à la ressource, pour les prospecteurs, pour les promoteurs miniers, demeure toujours garanti par la loi, entrant donc en conflit avec des modes alternatifs de mise en valeur du territoire qui ne jouissent pas d'un tel traitement.
En vertu des modifications aujourd'hui proposées à la Loi sur les mines, la prise en compte de ces autres modes d'utilisation du territoire ne semble permise qu'à travers le pouvoir du ministre de soustraire des territoires à l'activité minière en fonction des planifications régionales. Si ceci est, on le reconnaît, une avancée qu'il faut saluer, ça demeure une mesure que l'on dit exceptionnelle, et donc on questionne la mesure dans laquelle les modes alternatifs d'utilisation du territoire pourront bel et bien être considérés dans les processus décisionnels qui sont mis en oeuvre en matière d'accès à la ressource et au territoire. Donc, au-delà des rares territoires sujets à être ainsi soustraits à l'activité minière au cours des prochaines années, la permanence du principe de «free mining» dans notre législation participe, selon nous, toujours à circonscrire la capacité d'intervention de l'État dans le secteur, qui pourrait être motivée, par exemple, pour des raisons d'intérêt public ou en vue de la prise en compte de positions de groupes d'intérêt particuliers tels que les peuples autochtones. L'appropriation unilatérale de la ressource via le système du claim, qui intervient de fait avant tout débat public sur l'intérêt de développer une mine dans une région donnée, fait en sorte que, dans bien des cas, l'exploitation minière va apparaître comme le seul mode valable -- ou le plus valable -- de mise en valeur du territoire d'un point de vue économique.
**(16 h 20)** Alors que l'on reconnaît de manière croissante la valeur des processus de gestion concernés -- je pense qu'aujourd'hui ça fait consensus à l'intérieur de la société québécoise -- une tension semble avoir été créée dans le processus d'implantation des projets miniers entre la préséance des droits miniers prévue par la loi et la nécessité de tenir compte des besoins et des intérêts des populations concernées. Ce que, nous, on a observé, ce que tous les intervenants sur le terrain observent d'ailleurs, c'est que de plus en plus cette tension qui existe entre la loi et les nouvelles nécessités semble devoir être résolue par la signature d'ententes privées particulières entre promoteurs et communautés locales, dont vous avez discuté tout juste avant. Ces ententes prennent souvent la forme, donc, d'ententes sur les répercussions et avantages, qu'on appelle en anglais les «impact and benefit agreements». Leur usage s'est nettement répandu au Canada depuis les années quatre-vingt-dix.
En fait, c'est 56 ententes de ce type au Canada qui ont été conclues entre les compagnies minières et les communautés autochtones depuis. Et le dernier exemple à ce jour, qui a été aussi évoqué, c'est l'entente conclue entre le Conseil des Innus de la réserve de Betsiamites et trois compagnies d'exploration minière dans les dernières semaines. Pour nous, la multiplication de ces ententes, loin d'être circonstancielle, répond à un contexte bien particulier. Ces ententes en viendraient aujourd'hui à représenter, ni plus ni moins, des nouvelles façons de réguler l'investissement minier qui sont opérationnalisées en marge des régimes légaux formels. Ces ententes jouent certainement un rôle très important dans une meilleure redistribution des retombées issues de l'investissement dans une région donnée tout comme, d'ailleurs, dans l'acceptabilité sociale des projets miniers proposés, donc à la fois dans la régulation, mais aussi dans la légitimation des projets miniers, si vous voulez.
Ces ententes n'en demeurent pas moins de nature essentiellement informelle et présentent en ce sens différents risques qu'il est important, d'après nous, de considérer. Les recherches qu'on a menées tendent à indiquer que la négociation de telles ententes peut effectivement donner lieu à des processus qui varient grandement selon les cas, selon les parties en négociation. En ce sens, en comparaison avec les régimes légaux formels, qui doivent être appliqués rigoureusement, ces ententes contiennent... présentent, en fait, une large part d'arbitraire.
Tout en donnant lieu à l'expression d'asymétries de pouvoir, souvent au désavantage des communautés locales visées qui n'ont pas toujours les moyens de déterminer les modalités et les enjeux des négociations, ces processus ont également pu, dans les cas que nous avons étudiés, notamment à l'international, être source de conflits et faire naître des demandes d'indemnisation et de compensation illimitées adressées à l'endroit des entrepreneurs miniers. En ce sens, selon nous, la situation actuelle, qui tend vers le développement croissant de telles ententes, donc de relations directes entre les promoteurs miniers, entre les développeurs et les communautés locales, donc, dans le but d'assurer la régulation et la légitimation des projets, n'est pas à l'avantage ni des populations concernées, ni des investisseurs eux-mêmes, ni même de l'État, qui, dans ces circonstances, selon nous, hérite d'un rôle subsidiaire qui peut porter atteinte à la légitimité même du gouvernement. Ainsi donc, sans mettre en doute la valeur intrinsèque de ces ententes, le risque est bien réel que l'on en vienne de plus en plus, au Québec, à s'en remettre à de tels contrats privés pour mieux réguler, gérer et encadrer les projets miniers, et ce, en marge des lois, toujours fondées sur le principe de «free mining».
Alors que le projet de loi n° 79 vise, entre autres, à améliorer la participation citoyenne dans le cadre de l'approbation des projets miniers -- c'est l'article 33 du projet de loi actuellement en discussion -- seule l'étape de l'émission du bail minier, bien après la délivrance d'un claim, doit être assujettie à la tenue d'une consultation publique. Or, les travaux d'exploration avancée qui interviennent avant cette étape et peuvent être librement effectués sur le territoire donnent eux-mêmes lieu à une série d'impacts potentiels et tendent à influer sur les décisions qui vont pouvoir être prises par la suite. Donc, en ce sens, le projet de loi ne remet pas en question les principes définis par le «free mining» et qui octroient dans la plupart des cas aux entrepreneurs la priorité d'accès aux ressources et au territoire.
Alors, en conclusion, alors que la proposition de révision de la Loi sur les mines doit conduire à réfléchir aux pratiques actuelles et à reconnaître le rôle fondamental des lois dans la défense de l'intérêt public en matière de développement économique et de développement du territoire, le mémoire que l'on présente aujourd'hui vise à mettre en lumière la nécessité d'une réforme en profondeur des principes fondateurs de notre régime minier. Certes, ces principes fondateurs contribuent à faire du Québec une terre attrayante pour l'investissement minier à travers le monde, comme l'a révélé une enquête de l'Institut Fraser. Mais, à notre sens, les contraintes que ces principes génèrent pour une prise en compte des positions de l'ensemble des acteurs concernés, dans le contexte actuel, contiennent les germes de conflits qui peuvent porter atteinte à la stabilité du climat d'investissement que recherchent ces mêmes investisseurs. En ce sens, le Québec doit profiter de cette occasion pour faire oeuvre de pionnier en offrant un cadre régulatoire non seulement attrayant, mais aussi en conférant une légitimité accrue aux promoteurs par la mise en place d'un régime d'accès à la ressource transparent et adapté aux réalités sociales, économiques, environnementales actuelles, un régime qui puisse s'inscrire directement dans la logique du développement durable, désormais incontournable dans la définition des politiques publiques au Québec.
Le Président (M. Gaudreault): Madame, il vous reste 30 secondes.
Mme Laforce (Myriam): Ah! j'y allais des... Rapidement, les recommandations que l'on propose. D'abord, vous vous en doutez avec le discours que je viens de tenir, de revoir le principe du «free mining», veiller à éliminer la préséance de la Loi sur les mines, notamment en ce qui concerne les dispositions en matière de libre accès à la ressource, par rapport à d'autres textes législatifs, dont la Loi sur le développement durable.
Et, dans un deuxième temps, on propose que les principes de la démocratie participative, donc l'information, la participation...
Le Président (M. Gaudreault): Merci...
Mme Laforce (Myriam): ...citoyenne, prévalent à tous les stades du cycle minier. Merci.
Le Président (M. Gaudreault): Merci beaucoup, Mme Laforce. Alors, le bloc du gouvernement, M. le ministre.
M. Simard (Dubuc): M. le Président, je vais poser la question suivante à Mme Laforce: Si la loi était revue dans un contexte où l'annonce... de renoncer au principe de l'accès aux ressources, croyez-vous que de telles ententes ne seraient plus requises ou encore qu'elles seraient négociées à meilleure base si on enlevait ça? Parce que, là, on signe des ententes, on s'entend avec des communautés, etc. Mais, si on enlève le «free mining», pensez-vous qu'on n'aurait pas besoin de faire ça quand même?
Le Président (M. Gaudreault): Mme Laforce.
Mme Laforce (Myriam): C'est-à-dire que ce qu'on propose... Nous, ce qu'on constate, c'est que la permanence du «free mining» a fait en sorte que, pour que la situation actuelle fonctionne bien... Parce que je pense que, surtout en comparaison avec ce qui se passe justement dans certains pays africains ou certains pays d'Amérique latine qu'on étudie, les choses, dans le domaine minier, au Québec, vont relativement bien, et ce qu'on observe, c'est qu'une des raisons pour lesquelles la situation est gérable, c'est la possibilité de conclure de telles ententes. Nous, ce qu'on propose, c'est, oui, la révision du principe de «free mining», mais également le fait de présenter une loi qui inclut d'autres mécanismes. Par exemple, il existe, dans certaines législations à l'international, des mécanismes qui prévoient une certaine forme de redistribution de la rente minière qui est perçue par le gouvernement à tous les niveaux, donc au niveau local, là où une mine s'implante, ensuite au niveau des populations régionales, et avec divers degrés de... c'est-à-dire un pourcentage relatif aux impacts prévus dans les différents milieux. Donc, évidemment, la révision du principe de «free mining», en soi, n'éliminera pas la pertinence que les populations locales cherchent à retirer des bénéfices des projets miniers qui s'implantent dans leur environnement, mais, en revoyant ce principe-là, on pourrait faire en sorte de faire des plans d'aménagement du territoire en amont des processus actuels, où un claim minier est accordé, et ensuite, une fois qu'une ressource est découverte, bien le choix s'impose de lui-même.
Le Président (M. Gaudreault): M. le ministre.
M. Simard (Dubuc): Vous savez, Mme Laforce, le gouvernement investit beaucoup d'argent dans Géologie Québec pour faire beaucoup de connaissances sur le territoire, véritablement bien connaître les richesses potentielles qu'il y a sur l'ensemble du territoire. Donc, si on enlève le «free mining», il faut comprendre qu'automatiquement on vient... On fait un salon à chaque année pour justement susciter l'intérêt auprès des investisseurs, pour démontrer nos connaissances sur le territoire. Donc, si on enlève le «free mining», comment pensez-vous qu'on va être en mesure d'intéresser les promoteurs par rapport aux connaissances que l'on a et que l'on présente sur l'ensemble du territoire? Parce que tout ça, ça fait partie d'une vision. Ça fait partie d'une vision. Nous avons un magasin, voilà notre magasin, et puis on a ça à vous offrir. Est-ce que vous êtes intéressé à investir chez nous? Si vous êtes intéressé, voilà, vous pouvez nécessairement donner votre intérêt, mais sauf qu'il y a des règles qui sont bien établies. Par la suite, si vous tombez sur un territoire privé, vous devez absolument vous entendre avec le propriétaire privé avant de faire l'exploration sur son terrain. Ça, c'est une règle, là, qui est établie.
Donc, ce n'est pas nécessairement si ouvert que ça quand on regarde ça. Le «free mining», oui, c'est vrai qu'on peut pointer sur une carte, sur un ordinateur un point, dire: Oui, ça m'intéresse, là, au niveau d'une connaissance. Potentiellement parlant, la géologie fait que ça pourrait être intéressant pour notre entreprise. Maintenant, on va aller vérifier, et si... Il y a des règles après ça pour vérifier, là. Ce n'est pas «open bar», puis tout le monde fait ce qu'il veut sur le territoire, puis: Ôtez-vous, on arrive, là. Ce n'est pas comme ça que ça marche.
J'aimerais vous entendre à ce sujet-là parce que, quand je lis votre mémoire... En passant, je m'excuse infiniment, j'ai oublié de vous remercier d'être ici. Et puis j'apprécie énormément, puis je pense que l'ensemble de la commission apprécie votre présence par rapport à votre mémoire, mais, quand je le lis, j'ai des préoccupations et je vous les... je pose mes préoccupations, bien sûr, et c'est la raison pour laquelle je dis que... De quelle façon vous voyez ça différemment? Parce que vous comprendrez que c'est une industrie qui crée beaucoup d'emplois et également beaucoup d'emplois indirects, et, lorsqu'on lit votre mémoire, on a de quoi être inquiets. Honnêtement, on a de quoi être inquiets, je veux vous entendre là-dessus.
**(16 h 30)**Le Président (M. Gaudreault): Mme Laforce.
Mme Laforce (Myriam): Bon, tout d'abord, je tiens à vous dire qu'on n'a pas fait de recommandations spécifiques comme certainement d'autres organisations qui se sont présentées ici dans les derniers jours l'ont fait précisément parce qu'on n'est pas des spécialistes des questions minières. Ceci dit, notre souci, dans le cadre du projet qu'on a mené et dont les résultats de recherche ont servi à la rédaction de ce mémoire, c'était de voir comment la gouvernance de l'industrie minière au Québec peut être menée en conformité avec les principes de développement durable, en conformité avec les droits des communautés locales, des populations d'être entendues, d'être informées, qui figurent d'ailleurs à la Loi sur le développement durable.
Évidemment, je suis tout à fait d'accord que les entrepreneurs miniers doivent avoir une certaine sécurité au niveau de leurs titres miniers pour pouvoir être intéressés à faire des affaires ici, il n'y a pas de doute là-dessus, doivent pouvoir bénéficier d'une certaine exclusivité du droit d'exploration et d'exploitation minière sur un claim qu'ils se sont vu octroyer. Ce qu'on questionne, nous, c'est que ce droit permette le développement quasi automatique d'un projet d'exploitation minière à partir du moment où une ressource a été découverte, donc le... Oui, tout à fait, vous avez raison que les... à partir du moment où on procède à des travaux d'exploration, on doit obtenir de gré à gré le consentement des propriétaires du sol... en fait, de la surface.
Ceci dit, il y a la clause d'expropriation qui est disponible et qui peut... Ce qu'on a observé dans certains pays d'Amérique latine, c'est que cette clause, le même type de clause existe aussi dans les législations, et on y a rarement recours. Je ne connais pas, pour tout vous avouer, je ne connais pas l'utilisation qui en est faite ici, au Québec. Ceci dit, l'existence de cette clause peut influer sur les négociations de gré à gré qui surviennent entre un propriétaire foncier, quel qu'il soit, et un promoteur minier. Donc, c'est à ce niveau-là que, nous, on trouve problématiques les dispositions prévues par l'actuelle Loi sur les mines.
Le Président (M. Gaudreault): M. le ministre.
M. Simard (Dubuc): Admettons que la Loi sur l'expropriation, parce que c'est une loi qui est à part, ça, O.K., ça n'a rien à voir avec... La Loi sur les mines peut s'en servir, là, sauf que c'est une loi qui est... Les municipalités peuvent s'en servir pour un projet, un parc industriel, n'importe quoi. C'est une loi qui est... c'est une loi du Québec qui existe justement pour s'assurer qu'on ne donne pas de droit de veto à qui que ce soit sur un développement ou encore sur, je vous dirai, une aire protégée potentielle. Avoir une maison en plein milieu d'une aire protégée, mettons que ce n'est pas tellement agréable non plus, là, sauf que c'est une loi qui est là pour servir, je vous dirai, une vision de développement ou autre pour le grand public, pour, je dirai, le peuple québécois. Maintenant, si on enlevait ça, ne croyez-vous pas qu'on donnerait un droit de veto sur tout genre de développement au Québec à un individu en particulier? Merci, M. le Président.
Le Président (M. Gaudreault): Mme Laforce.
Mme Laforce (Myriam): On s'est intéressés aussi à ce qui se faisait dans le domaine de l'éolien au Québec, qui vous intéresse, qui doit certainement aussi intéresser la commission. Dans le cadre du développement des projets éoliens, certaines lois passées par certaines municipalités ont pu carrément, justement, donner un droit de veto à des élus pour conduire au rejet d'un projet éolien. Le promoteur avait investi beaucoup d'argent dans la prospection éolienne, qui n'est évidemment pas du même ordre du tout que l'industrie minière, ça, on en convient, mais, dans ce cas-ci, les municipalités jouissent du droit de définir des lois, de mettre en oeuvre des schémas d'aménagement du territoire où ils peuvent se permettre de dire non à un projet de développement d'énergie éolienne, qui, il faut l'admettre, sont à bien moins grande incidence environnementale que les projets de l'industrie minière.
Donc, sans aller dans le détail, nous, ce qu'on questionne, c'est pourquoi l'industrie minière jouit d'un statut particulier. Évidemment, les retombées sur l'économie locale sont importantes en termes de création d'emplois, en termes de redevances qui peuvent être retirées par l'État, on le reconnaît et on ne remet pas en question l'intérêt de voir le développement de projets miniers ici, au Québec. Mais ce qu'on questionne, c'est dans quelle mesure on ne pourrait pas rééquilibrer un peu les modes d'approbation des projets de développement économique au Québec pour les rendre tributaires ou, en tout cas, pour les assujettir au même type de procédure.
Le Président (M. Gaudreault): M. le ministre.
M. Simard (Dubuc): Mme Laforce, avant de réaliser un projet minier, il faut passer par, d'abord, un processus de consultation qui est... Avant ça, c'était 7 000 tonnes. Dans le projet de loi, on tombe à 3 000 tonnes journalières. Et puis maintenant, également, tout ce qui est en bas de 3 000 tonnes, obligatoirement un processus de consultation publique. Donc là, l'ensemble de la population va pouvoir se prononcer.
Également, comme je disais tout à l'heure, les CRE, par rapport à leurs commissions sur les ressources naturelles et le territoire, là, vont pouvoir se prononcer également, soit pour réserver des territoires par rapport aux développements qu'ils vont vouloir se faire, et, à partir de ce moment-là, à partir de ce moment-là, la population va pouvoir se prononcer d'une façon importante.
Maintenant, si, dans un territoire donné, il y a une personne ou deux personnes versus, je vous dirai, l'ensemble de la population qui se prononcent négativement par rapport à un projet, le processus de la Loi sur l'expropriation donne l'opportunité, à ce moment-là, à l'ensemble de la communauté de poser un geste, au gouvernement de poser un geste pour s'assurer que le développement, lui, va servir le développement de la région, le développement d'un secteur donné par rapport à la volonté de l'ensemble ou de la majorité de la population.
Mais, quand je lis vos propos, ce que je comprends... Peut-être que je suis dans le champ, Mme Laforce, là, peut-être que je suis dans le champ complètement, mais, quand je lis puis quand j'écoute vos propos, vous voulez pratiquement donner des droits de veto à des individus sur des développements régionaux ou des développements, je vous dirai, locaux par rapport à une grande partie de la population. C'est ça qui m'inquiète.
Le Président (M. Gaudreault): Mme Laforce.
Mme Laforce (Myriam): J'ai probablement très mal expliqué, dans ce cas, parce que ce n'est pas du tout le cas. L'idée est, au contraire, de donner à la majorité le droit de pouvoir décider en amont. Parce qu'on sait très bien qu'à partir du moment où un projet minier est proposé il y a des intérêts économiques en jeu, on sait quelle est la ressource, on sait quel est le potentiel, surtout avec les prix actuels des métaux et des minéraux. Donc, à partir de ce moment-là, à notre sens, les négociations, les discussions... Oui, l'intérêt de tenir une consultation est important, est grand et important, mais, à notre avis, ces réflexions doivent pouvoir se tenir en amont. Donc, on doit pouvoir être en mesure de décider des régions où, oui, le développement minier peut être mené, conduit dans l'intérêt de tous et, s'il le faut, des régions où on puisse extraire... c'est-à-dire soustraire, des régions qu'on puisse carrément soustraire du développement minier, et ces décisions-là doivent pouvoir être prises en amont de la discussion qui survient ensuite dans le cadre de consultations pour un projet minier en particulier, qu'il soit de 3 000 ou de 7 000 tonnes.
Le Président (M. Gaudreault): M. le ministre.
M. Simard (Dubuc): Merci beaucoup, M. le Président. Je vais laisser la parole à mes collègues de l'opposition, je vais revenir plus tard.
Le Président (M. Gaudreault): Alors, M. le député de Roberval.
**(16 h 40)**M. Trottier: Oui. Merci, M. le Président. Tout d'abord, je vous remercie beaucoup pour votre mémoire, une réflexion très intéressante.
Puis je vais d'abord commencer sur la question de l'expropriation. C'est parce que je vous comprends d'avoir certaines réserves par rapport à ça, parce qu'il faut être conscient que, si tout le monde s'entend que l'État doit pouvoir, pour le bien commun, exproprier un individu, que ce soit, par exemple, pour une route, que ce soit pour une école ou un parc, je pense que ça, ça va bien, mais il faut être conscient que, quand on se sert d'une loi d'expropriation pour un privé qui enlève un autre droit à un privé, c'est questionnable parce que, là... C'est que, là, ce n'est plus le bien commun, c'est le bien d'une entreprise par rapport au bien d'un privé. C'est deux privés, et là, à ce moment-là, c'est que l'État vient au service du plus gros par rapport au plus petit. Je pense que c'est questionnable, puis on doit avoir une réflexion par rapport à ça.
Vous mentionnez que vous avez fait des recherches sur différents pays, je voudrais savoir s'il existe soit un consensus ou des orientations à l'effet qu'il devrait y avoir des règles similaires dans l'ensemble des pays sur l'exploitation minière. Que ce soit au niveau des conditions de santé, que ce soit au niveau des normes environnementales ou autrement, est-ce qu'il y a quelque chose qui pointe à l'horizon à ce niveau-là?
Le Président (M. Gaudreault): Mme Laforce.
Mme Laforce (Myriam): Les recherches qu'on a conduites dans les dernières années nous ont amenés à observer qu'effectivement de plus en plus -- en tout cas, pour ce qui concerne les pays du Sud -- il y a un mouvement vers une harmonisation des législations minières, mais ça se fait plus qu'en vertu de certaines normes de santé publique ou normes environnementales, ça s'est fait principalement en vue de libéraliser ces lois minières pour relancer des industries qui étaient parfois moribondes, qui étaient sous le contrôle de compagnies, de sociétés d'État, sociétés minières d'État. Donc, il y avait ce mouvement.
Et, d'ailleurs, ce qu'on a observé, nous, en Afrique, c'est que le processus était cumulatif, c'est-à-dire qu'à partir du moment où, par exemple, le Ghana a redéfini sa loi minière les pays qui ont procédé au même type de démarche par la suite sont allés toujours plus loin, donc, dans la révision de leurs lois minières, dans la libéralisation et dans l'ouverture de leur industrie à l'égard des sociétés minières étrangères. Et, d'ailleurs, les compagnies canadiennes ont largement profité de ces modifications apportées aux lois en Afrique et en Amérique latine. D'après nous, l'harmonisation des législations minières à travers le monde est intéressante justement dans un souci de permettre d'offrir à l'industrie des conditions stables et prévisibles d'investissement, mais il n'en demeure pas moins que chaque gouvernement, chaque État doit pouvoir faire le débat des conditions qu'il juge les plus susceptibles de conduire à un développement optimal de ses ressources minières dans l'intérêt des populations concernées.
Le Président (M. Gaudreault): Merci. M. le député de Roberval.
M. Trottier: Oui. Je comprends qu'il y a encore beaucoup de travail à faire pour avoir un développement durable du secteur minier sur la planète.
Quand vous dites qu'il y a... vous soulevez l'idée qu'à cause du principe du «free mining», dans le fond, c'est que, là, on s'en remet à des contrats privés, j'ai comme l'impression que ce que vous nous dites, c'est que le principal, c'est-à-dire les négociations pour avoir des retombées économiques, une certaine forme d'acceptabilité sociale, ça se fait en dehors de la loi parce que, dans le fond, la loi n'a rien prévu. Ça fait que, dans le fond, les communautés s'organisent pour remplir les vides parce que l'État n'a pas comblé ces aspects-là. Est-ce que je me trompe?
Le Président (M. Gaudreault): Mme Laforce.
Mme Laforce (Myriam): En d'autres mots, c'est ce qu'on peut dire, oui, c'est... Évidemment, dans un monde idéal, l'État devrait pouvoir être l'intermédiaire tout désigné entre la volonté d'une entreprise minière à exploiter un gisement et les intérêts de la population locale. Or, ce que, nous, on observe comme étant le processus de régulation et de légitimation, c'est-à-dire que l'État impose des règles à l'entrepreneur et lui accorde par le fait même une certaine légitimité qui rejaillit, si vous voulez, sur les communautés locales dans la mesure où le projet devient acceptable socialement parce qu'on l'assujettit à certains critères spécifiques qui vont permettre de retirer des retombées de ce projet. Et, donc, c'est cette espèce de mécanisme idéal là qui, d'après nous, est tronqué par la permanence de ce principe-là dans notre législation qui fait en sorte que le développement d'un projet minier a préséance sur d'autres modes d'utilisation du territoire qui pourraient être promus par d'autres acteurs.
Le Président (M. Gaudreault): M. le député de Roberval.
M. Trottier: Je comprends que c'est difficile de trouver une formule qui remplacerait le «free mining» tout en permettant le développement minier. Tout à l'heure, le ministre vous a posé des questions, mais est-ce qu'il y aurait un certain nombre d'éléments... Sans dire que vous êtes capable de préciser vraiment comment ça pourrait se passer, mais est-ce qu'il y aurait un certain nombre d'éléments, de pistes qui pourraient nous aider davantage? C'est sûr que, bon, vous dites qu'il y aurait le droit à l'information, consultation, prérogative des municipalités, mais, en dehors de ce que vous décrivez, est-ce qu'il y aurait d'autres éléments qui pourraient nous aider à proposer quelque chose qui pourrait être un meilleur équilibre entre les droits et devoirs de chacun?
Le Président (M. Gaudreault): Mme Laforce.
Mme Laforce (Myriam): On ne s'est pas penchés sur les divers moyens qui pourraient exister et qui pourraient permettre d'encadrer l'octroi des claims sur le territoire actuellement. Évidemment, il y a certainement une partie de cette question-là qui réside à ce niveau-là. Nous, on revient sur l'importance du droit à l'information, le droit à un propriétaire foncier d'obtenir l'information sur la délivrance d'un claim -- ça, c'est prévu par la loi telle que proposée, telle qu'amendée par le projet de loi dont on discute aujourd'hui -- mais aussi d'obtenir l'information sur les travaux d'exploration qui vont être exécutés sur ce territoire-là et sur les possibilités qu'ensuite ça amène à un projet d'exploitation.
Pour nous, la clé, comme vous l'avez souligné tout à l'heure... Nous, ce qu'on observe, c'est que de plus en plus la régulation de l'industrie minière est extraite des processus de prise de décision démocratique, des instances démocratiques qui existent à l'heure actuelle tant au niveau des municipalités que des MRC, et donc, nous, on a un souci de redonner cette capacité-là à nos instances municipales et régionales d'avoir voix au chapitre quand vient le temps de prendre une décision de cette importance-là.
Le Président (M. Gaudreault): M. le député de Roberval.
M. Trottier: Oui, une dernière question, et je vais céder la parole à mon collègue de L'Assomption. Dans cet esprit-là, ce que vous dites, dans le fond, c'est qu'à partir du moment où on reconnaîtrait le pouvoir des instances locales et régionales, c'est déjà un pas dans la bonne direction pour être capable d'avoir un meilleur équilibre entre les intérêts de chacun?
Mme Laforce (Myriam): Dans la mesure, oui, où notre système politique est basé sur la représentativité des élus à toutes les échelles, oui, effectivement, on pourrait dire ça.
Le Président (M. Gaudreault): M. le député de L'Assomption.
M. McKay: Oui, merci. Bonjour. Alors, je vous remercie aussi pour votre mémoire, votre présentation. Je pense que, lorsque, l'an dernier, le Vérificateur général a sorti son rapport, ça a eu l'effet d'une bombe sur assez... disons, assez largement, là, au Québec parce qu'on a réalisé que, dans le domaine minier, on n'était peut-être pas aussi modernes ou, en tout cas, le secteur minier avait bénéficié traditionnellement, au Québec, de certains avantages, disons. Et puis vous le mettez en lumière très bien dans votre présentation, là, de quelle philosophie, finalement, ça relève, même historiquement, lorsqu'en Californie, bon, on a voulu encadrer un peu la ruée vers l'or, mais on a confié aux mineurs eux-mêmes et aux prospecteurs le soin de se réguler. C'est certain que ça a évolué au Québec depuis ce temps-là, depuis les années soixante, mais il y a quand même toujours cette espèce de préjugé favorable à partir du moment où quelqu'un a planté sa... À l'époque, je ne sais pas s'il plantait son poteau, là. Alors, maintenant, ça se fait par ordinateur. Mais, à partir du moment où tu as établi ce droit-là, tu as un avantage sur tous les autres puis, comme vous le soulevez, un avantage par rapport même aux élus municipaux, dont c'est le mandat d'appliquer la réglementation de zonage, de planification du territoire.
Et ce que vous mettez en lumière aussi, je pense, assez clairement, c'est le fait que, bon, on favorise... Puis, je pense, le projet de loi va tout à fait dans ce sens-là, de favoriser des ententes privées particulières entre promoteurs et communautés locales. Alors, le fait que... Et vous mettez en lumière aussi que ça, ça peut causer des problèmes pas seulement à la communauté, mais aussi aux promoteurs et aussi à l'État parce qu'à un moment donné ça peut créer des attentes et, bon, finalement créer des conflits. Et il y a une large part d'arbitraire là-dedans, et donc je pense que c'est un message important que vous lancez à la commission ici, que, dans le fond, ce projet de loi là devrait permettre... à tout le moins, de laisser moins de place à l'arbitraire et d'encadrer cette situation-là où il y a encore trop de... bon, justement, trop d'arbitraire.
Moi, par rapport à la consultation publique, je sais, d'autres avant vous ont déploré le fait que l'on confie au promoteur la responsabilité de tenir des consultations préalables. On s'entend que, lorsque... éventuellement, avant d'accorder le bail minier, il devrait y avoir une audience publique du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement, mais, avant ça, on confie au promoteur le rôle d'aller voir la communauté. Est-ce que vous pensez que le projet de loi, s'il allait effectivement dans ce sens-là, dans le sens actuel, est-ce que ça ne viendrait pas confirmer, plutôt que de clarifier, le fait qu'on confie, donc, on confie le rôle de... -- comment je vous dirais ça? -- que l'on confirme, dans le fond, cette tendance à aller vers des ententes privées plutôt que d'aller vers un encadrement plus étatique, là, des activités sur le territoire?
**(16 h 50)**Le Président (M. Gaudreault): Mme Laforce.
Mme Laforce (Myriam): C'est-à-dire que, pour ce qui concerne la consultation publique, c'est le cas un peu partout dans le monde, c'est généralement, effectivement, les compagnies minières qui sont responsables de tenir ces consultations. Maintenant, il est de la responsabilité du gouvernement, de l'État, de prévoir dans les lois quelles sont les modalités de cette consultation publique. Alors, je ne serais pas prête à dire que, tel que les consultations publiques sont menées actuellement, ça participe à extraire, disons, du processus démocratique l'approbation d'un projet minier. Évidemment, l'entreprise a un grand rôle à jouer dans ces consultations, mais, nous, ce qu'on prône, c'est qu'effectivement les normes en matière de consultation publique soient claires pour réduire au maximum l'incertitude. Et, tant que la consultation est prévue par les lois et qu'on en décrit clairement les modalités, je pense que ça ne pose pas problème.
Le Président (M. Gaudreault): Oui, M. le député de L'Assomption.
M. McKay: Oui. Juste quel genre de modalités? Je sais, par exemple, que, par exemple, au Bureau d'audiences publiques, les commissaires sont régis par un code de déontologie, d'une part, et, d'autre part, doivent remplir annuellement une déclaration d'intérêt. Parce que, si, dans le fond, c'est le promoteur lui-même sans intermédiaire qui tient la consultation, c'est un peu... il me semble que ça semble plutôt biaisé au départ, donc il faudrait qu'il y ait une tierce partie qui puisse consulter et s'assurer que ces gens-là soient neutres et... Est-ce que vous ne pensez pas que c'est important ou vous pensez qu'à ce niveau-là on peut confier au promoteur lui-même le soin de s'asseoir en avant et de faire un peu comme, nous, on fait avec vous aujourd'hui, là, donc je serais le promoteur, et, vous, vous seriez un citoyen qui viendrait me faire part de ses doléances?
Le Président (M. Gaudreault): Mme Laforce.
Mme Laforce (Myriam): Quand j'ai évoqué les modalités de la consultation publique, ça peut aller de la précision, par exemple, de l'endroit où doit être tenue la consultation publique, près de la localité où le projet minier est envisagé, jusqu'à, justement, les intérêts ou les possibles conflits d'intérêts des personnes invitées à participer à cette consultation publique là.
Maintenant, je ne connais pas dans le détail les lois qui encadrent les processus de consultation publique ici, ici, au Québec. Le projet de loi n° 79 -- et c'est nouveau -- qui prévoit qu'on consulte les populations locales dans le cadre de l'approbation d'un projet d'exploitation minière, doit certainement référer à une législation qui existe en matière de consultation publique ici, mais je ne suis pas assez au fait de cette législation pour commenter aujourd'hui.
Le Président (M. Gaudreault): Merci. M. le député d'Ungava, il reste 1 min 30 s pour votre question et la réponse.
M. Ferland: O.K. Merci, M. le Président. À la page 2, votre dernier paragraphe, là, L'importance de la loi, je vais lire juste la dernière phrase parce que je vais laisser faire la Guinée, le Mali, les... On aurait pu parler de la Nouvelle-Calédonie, là, des... mais on dit: «Ainsi, il est apparu que les conditions prévues par la loi [...] jouaient un rôle fondamental dans la détermination des retombées possibles du secteur minier pour les communautés locales potentiellement affectées par les projets ou pour les populations nationales.» Est-ce que vous pensez, selon vous, que le projet de loi qu'on propose aujourd'hui, avec les modifications... Et là c'est lié aussi aux consultations auprès des populations concernées parce que, quand on parle de développement durable, il ne faut pas que ça serve juste à la compagnie elle-même, il faut s'assurer que la compagnie va respecter certaines règles pour qu'il y ait des retombées économiques dans les communautés, parce qu'on sait que l'industrie minière se fait dans un temps court, là, cinq ans, sept ans ou 10 ans, une durée de vie. Moi, j'aimerais vous entendre un peu davantage là-dessus, dans d'autres pays où il y a des ententes comme ça, où la loi... est-ce qu'il y a quelque chose qui prévoit que la compagnie minière doit assurer par une concertation des retombées économiques dans les villages, les municipalités à proximité de l'exploitation d'une mine?
Le Président (M. Gaudreault): 10 secondes, Mme Laforce.
Mme Laforce (Myriam): Dans un pays, entre autres, que j'ai étudié personnellement, ce qui est prévu, c'est un mécanisme... je l'ai évoqué tout à l'heure, mais c'est un mécanisme qui fait en sorte que la rente minière qui est perçue par l'État est redistribuée de manière spécifique...
M. Ferland: Donc, les redevances.
Mme Laforce (Myriam): ...et explicite vers les communautés directement affectées et selon différents paliers de gouvernement, différents pourcentages de redistribution.
Le Président (M. Gaudreault): Merci. Merci beaucoup. Alors, le député de Mercier, vous avez un temps de 4 min 30 s, question et réponse.
M. Khadir: Mme Laforce, merci d'être là. Vraiment, je suis très impressionné par votre mémoire, par le regard historique que ça nous offre. Je trouve très intéressant... Je ne sais pas si on a tous noté le bas de page en page 3, la note 3 sur le fait que, dans le fond, notre loi actuelle, qui conserve le «free mining», qui intéresse le ministre, n'est-ce pas, le «free mining», auquel tient le ministre, datant de 1880, finalement ce principe-là est largement inspiré des lois américaines qui, elles-mêmes, ont été introduites dans une espèce de ruée vers l'or, plus ou moins dans un contexte de gouvernance adéquate parce que la Californie, pendant cinq ans, ayant été conquise par le Mexique, était, en fait, sans autorité gouvernementale en mesure d'encadrer les pratiques, puis il y a eu une... en fait, les entrepreneurs miniers ont été laissés à eux-mêmes de définir un cadre juridique.
Autrement dit, là, quand Bernard Généreux, de la Fédération québécoise des municipalités, est venu dire ici que la pratique dans le domaine minier au Québec, à certains égards, ressemble à un contexte colonial, bien il avait une intuition très, très juste, c'est vraiment, là... Notre loi, surtout l'aspect «free mining» tel qu'encore conservé dans le projet de loi du ministre, conserve l'esprit, hein, l'essence... Autrement dit, l'esprit de cette loi, c'est quoi? C'est ce que me disaient certains citoyens. Je ne sais pas si vous l'avez entendue, celle-là d'Abitibi, qui disait: Écoutez, M. Khadir, ici la Loi des mines est au-dessus de la loi divine, entendant par là que, si vous êtes propriétaire, en principe, dans n'importe quel pays capitaliste, la propriété privée, c'est sacré, mais les minières peuvent venir toujours vous déposséder.
Maintenant, ma question: Est-ce qu'il y a des pays où on a mis fin au «free mining»? Dans un contexte postcolonial ou dans un contexte récent, est-ce qu'on a des exemples en Afrique ou ailleurs, à votre connaissance, où on a mis fin au «free mining», où on a introduit des principes de gestion concertée, comme vous dites, où, par exemple, les autorités locales dans un territoire sont aussi... ont un droit de veto, il n'y a pas juste le gouvernement central qui peut autoriser?
**(17 heures)**Le Président (M. Gaudreault): Mme Laforce.
Mme Laforce (Myriam): À notre connaissance, non. Les cas qu'on a étudiés, même au contraire, je dirais que, dans la plupart des cas, les législations minières qui ont été revues à peu près partout... enfin, dans tous les pays à fort potentiel minier en Amérique latine, en Afrique, depuis les années quatre-vingt-dix, ça s'est fait en prenant nos lois en modèle à bien des égards. Et, d'ailleurs, c'est une des retombées du projet de recherche dont est issu ce mémoire, c'est-à-dire qu'on a réfléchi à comment nos lois, avec leurs défauts, ont pu servir de modèle à la définition des lois qui jouent un rôle fondamental dans le développement de tels pays, dans les pays du Sud.
M. Khadir: Donc, ce qui est arrivé...
Le Président (M. Gaudreault): M. le député de Mercier, oui.
M. Khadir: Ce qui est arrivé, donc, si je comprends bien, dans les années quatre-vingt-dix, c'est un peu ce qui est arrivé dans le milieu financier, où, à cause de certains pouvoirs politiques qui ont été consentants, qui ont été en quelque sorte, je dirais, complaisants, on a permis au milieu financier de se déréguler avec les conséquences désastreuses qu'on voit aujourd'hui, hein, les marchés financiers et le contrecoup absolument néfaste sur l'épargne, les petits épargnants et les citoyens. Donc, il est même fort... Parce que, ça, c'est très intégré. Beaucoup d'observateurs disent que le secteur minier, le secteur financier et le secteur pharmaceutique sont les trois secteurs les plus intégrés dans le monde en termes capitaux, en termes de modèle, et donc c'est le même phénomène qui s'est passé, des autorités publiques ont accepté la logique qu'il faut rabaisser les standards, donc rabaisser les standards des autres pays dans le monde aux standards du Canada, que certains chercheurs comme un des auteurs de Barrick Gold...
Le Président (M. Gaudreault): M. le député, 30 secondes.
M. Khadir: ...parlent de minéralo-État, c'est-à-dire un État, là, qui est au service des entreprises minières. Est-ce que vous voyez quand même certains pays comme l'Équateur ou la Bolivie comme étant en train de reprendre un peu le dessus?
Mme Laforce (Myriam): Et, d'ailleurs, on a constaté le peu de retombées offertes par les conditions prévues par la loi au cours des années quatre-vingt-dix pour les communautés locales, et il y a eu un mouvement vers une reréglementation dans le domaine environnemental...
Le Président (M. Gaudreault): Merci. Je suis obligé de vous arrêter, Mme Laforce, le temps est écoulé, et en plus on nous appelle, par la cloche, pour aller voter.
Alors, nous allons suspendre quelques minutes, le temps d'aller voter pour la motion du mercredi, et nous reviendrons, parce qu'il reste un bloc de 9 min 15 s au gouvernement, avec Mme Laforce. Alors, si vous acceptez de nous attendre quelques minutes.
(Suspension de la séance à 17 h 3)
(Reprise à 17 h 16)
Le Président (M. Gaudreault): Alors, nous reprenons...
Des voix: ...
Le Président (M. Gaudreault): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Nous reprenons nos travaux. Il restait 9 min 15 s au bloc gouvernemental. Alors, M. le ministre, la parole est à vous.
M. Simard (Dubuc): Merci, M. le Président. Je vais laisser la parole à mon collègue d'Abitibi.
Le Président (M. Gaudreault): Rouyn-Noranda-- Témiscamingue.
M. Bernard: Combien de temps, M. le Président?
Le Président (M. Gaudreault): Neuf minutes.
M. Bernard: Merci. Merci. Bonjour, Mme Laforce. Écoutez, premièrement, permettez-moi de vous saluer et vous remercier pour votre mémoire parce que c'est intéressant de le voir sur un point de vue législatif, et donc ça éclaire beaucoup de choses pour nous, les parlementaires, pour les gens qui écoutent.
Je vais revenir pour faire un historique, si vous le permettez, sur le «free mining», O.K., puis l'historique du claim pour expliquer aux gens pourquoi le claim existe, qu'il a été mis en place à l'époque, puis l'histoire s'est répétée, je vous dirais, jusqu'à peu près il y a une vingtaine d'années. Quand les prospecteurs, à l'époque, arrivaient sur les territoires, les territoires étaient non arpentés, non cartographiés, et le seul repère qu'ils pouvaient faire pour implanter un claim ou leur territoire d'arpentage était d'installer quatre poteaux pour faire leur territoire, O.K., parce qu'ils arrivaient à l'époque, et il n'y avait rien. Et l'Abitibi, c'était la même chose, quand on regarde toutes les anciennes villes, Chibougamau, c'est la même chose. Quand on regarde les contours des claims, c'est des contours très irréguliers, et la règle était que chaque prospecteur devait s'accoter sur les claims adjacents pour délimiter les territoires. Donc, c'était normal que les gens, après ça, pour ne pas se faire voler leurs claims, et autres, qu'ils prennent des ententes entre eux pour dire: Voici comment on s'organise entre nous. C'était une question, à l'époque, de technologie.
Maintenant, au cours des dernières années, avec l'arrivée des satellites, le géopositionnement, et autres, on a redéfini les claims dans les territoires où qu'il n'y en avait pas pour qu'ils soient coordonnés avec les coordonnées géographiques. Parce que la faiblesse des claims à l'époque était que, quand il y avait une découverte, tu avais des prospecteurs, des fraudeurs qui y allaient puis qui allaient couper les poteaux de claims de ceux qui étaient passés avant, créer des conflits pour, à ce moment-là, créer une controverse pour essayer d'aller accaparer une partie du gisement. Alors, c'est pour ça que tout s'est fait à l'époque et a été remodifié avec le temps, pour sécuriser.
Puis vous l'avez très bien souligné, qu'est-ce qu'il fallait avoir, c'est des claims qui sont légaux, légitimes, et autres. Donc, l'histoire du claim est arrivée parce qu'il n'y avait pas... Puis j'ai vu des vieilles cartes de claims de l'Abitibi-Témiscamingue, des cartes des années 1920, 1930, les premiers prospecteurs faisaient eux autres mêmes les premières cartes topographiques. Ils dessinaient les lacs puis les ruisseaux de manière approximative et positionnaient leurs poteaux de claims, et ces claims-là, dans certains cas, perdurent depuis ces années-là et, souvent, sont des zones de conflit parce qu'on ne retrouve plus les poteaux des claims, donc. Et toute la dynamique autour de ça était celle-là, celle du claim. Pourquoi? Parce qu'on n'avait pas les technologies, et les gens arrivaient avant. C'est ça, l'histoire du claim.
Donc, le droit de jalonner et le droit d'exploiter, il avait été défini entre les gens parce que justement... Je pense qu'il y a des pays, entre autres, où qu'on voit... Et le député de Mercier soulevait beaucoup de problématiques, il y a des pays où que les droits de propriété des entreprises... Parce qu'il y a des régimes, quand même, où on sait qu'il y a de la corruption, dès que tu as un changement de gouvernement, changement de dictateur, et autres, les droits miniers sont renversés, il y a des propriétés que des gens sont expropriés, et autres, et redonnées à d'autres compagnies minières, et on... L'histoire de l'Afrique, entre autres, récente en est un exemple à cet égard-là. Donc, un des premiers critères, c'est vraiment d'avoir un régime stable pour permettre l'investissement à cet égard-là. Et je pense que qu'est-ce qu'on a ici est un modèle parce que, le modèle d'un clic, un claim, maintenant il n'y a plus de conflits sur le territoire pour la validité des claims.
**(17 h 20)** Un point intéressant, donc, aussi au niveau des consultations très rapprochées, il y a des exemples, puis je vous invite à aller, les gens, vous renseigner. Mines Aurizon a un projet qui s'appelle Joanna, et les gens, dès les stades... très tôt, sont allés consulter tous les résidents autour, ils ont fait des rencontres de consultation avec tous les groupes d'intervenants et la MRC, ça a été piloté par l'entreprise, et les conclusions de ça sont même insérées dans leur rapport, étude de faisabilité. Et, s'il y a quelque chose, je crois, que, nous, en tant que parlementaires, on devrait s'inspirer, c'est du travail qui a été fait par Michel Gilbert, que je salue. Il n'est plus chez mines Aurizon. Il était le vice-président Exploration puis il a fait un travail fantastique, de faire évoluer la mentalité minière vers des relations de proximité plus importantes envers les citoyens. Et j'aurais aimé que M. Gilbert vienne ici puis présenter le processus qu'ils ont fait parce que je pense que dans... C'est la volonté du ministre, d'ailleurs, de faire évoluer l'étape plus tôt vers un processus d'information et de consultation envers le citoyen, plus tôt dans le processus pour, à la suite, passer au processus du BAPE si le projet évolue vers une étude éventuellement de faisabilité et une étude d'exploitation.
Moi, avec tout ce que vous avez fait, vos travaux, moi, je regarde, la dynamique qu'on vit actuellement est une dynamique, souvent, d'information et que les citoyens... Peu importe le pays, ici ou autre, c'est que les gens ne connaissent pas les processus d'information, et celui-ci n'est pas assez évolué. Puis je pense que vous allez beaucoup vers ça, essayer de mieux évoluer... oui, faire évoluer le «free mining» et l'actualiser parce que les conflits existent maintenant où qu'il y a des lots et des droits de surface. Donc, moi, je suis d'accord avec vous, puis quel serait quand même globalement un message que vous pourriez lancer à la commission pour dire, en s'inspirant de toute votre... ce que vous connaissez, de dire: Voici une piste vers laquelle vous devriez travailler? Nous, les parlementaires.
Mme Laforce (Myriam): La question du pouvoir des instances représentatives locales, régionales est clé d'après moi, d'après nous, d'après notre groupe de recherche, dans le cadre des processus d'approbation des projets miniers. La question de l'acceptabilité sociale, pour ne pas qu'un projet dépende justement du veto d'une ou de deux personnes, doit revenir au niveau des instances décisionnelles des institutions qui existent à l'heure actuelle. Je pense que c'est d'ailleurs un message qui est revenu, qui a été lancé par plusieurs interlocuteurs que vous avez rencontrés dans le cadre de cette commission. À notre sens, c'est clé. Et c'est à ce niveau-là qu'on trouve que le principe de «free mining» est problématique parce qu'il remet en question les prérogatives qui pourraient exister à ce niveau-là.
Et, si je peux me permettre de revenir sur la question de la définition des lois à l'échelle internationale puis de comment on s'est servi du modèle du «free mining» pour définir les lois un peu partout dans les pays du Sud dans les années quatre-vingt-dix, ce pourquoi, nous, on prône aujourd'hui de remettre en question ceci, c'est, entre autres, parce que, tel qu'appliqué dans d'autres contextes nationaux, tel que reproduit, ce modèle-là a créé littéralement des problèmes. Et ça a été, entre autres, reconnu pas seulement par des chercheurs comme nous, mais par la revue des industries extractives que la Banque mondiale a mise en branle en 2003 en vue de repenser son implication, donc l'implication de la banque, de la Banque mondiale, dans le secteur minier dans les pays du Sud, et ce processus de revue là a révélé tous les problèmes qui ont été légués par les lois telles qu'on les a redéfinies dans les années quatre-vingt-dix à partir de tels principes. Évidemment, les contextes politiques sont complètement différents de ce qu'on vit au Québec quand on parle de pays africains ou de pays en Amérique latine, mais il y a différents... c'est pour ça qu'on parle de points d'achoppement, il y a des problèmes en lien avec ces principes-là, et puis c'est dans ce sens qu'on invite les parlementaires à revoir ça.
M. Bernard: 30 secondes. Droits autochtones à l'extérieur du Québec ou du Canada versus l'industrie minière. Les droits autochtones ailleurs qu'au Canada.
Mme Laforce (Myriam): Ailleurs? Bien, évidemment, en Afrique, il n'est pas question de droits autochtones. En Amérique latine, oui, c'est très présent, les communautés autochtones sont fortement mobilisées. Et puis, dans certains cas -- justement, on évoquait tout à l'heure la Bolivie -- ça a conduit à une remise en cause, justement, des principes à travers lesquels le développement minier était prévu dans les années quatre-vingt-dix.
Le Président (M. Trottier): ...secondes.
M. Simard (Dubuc): Rapidement. Est-ce que vous pensez que c'est vraiment le principe du «free mining» qui est le problème ou vous voyez beaucoup plus les législations en cause dans les autres pays, au niveau de la consultation des populations?
Mme Laforce (Myriam): Il y a un problème au niveau de la... Le fait qu'on prévoie l'intégration des communautés visées seulement en aval du processus d'installation d'une entreprise d'exploration minière, le fait que ceci ne soit pas prévu en amont, ça pose problème, et ça, c'est principalement lié au «free mining». Au-delà de toutes les autres dispositions de consultation qui ont été adoptées au fil des ans dans toutes ces législations dans les autres pays, il reste ce problème-là qui persiste, et c'est en ce sens-là que, nous, on considère que le Québec pourrait faire oeuvre de pionnier dans la révision de ces principes-là.
Le Président (M. Trottier): Nous vous remercions, Mme Laforce.
Et la commission va suspendre ses travaux à demain, après les affaires courantes. Merci.
(Fin de la séance à 17 h 26)