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(Dix heures vingt-huit minutes)
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous
plaît;
La commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation
se réunit aux fins d'étudier les crédits de ce
ministère pour l'année budgétaire 1983-1984.
Sont membres de cette commission: M. Baril (Arthabaska), M. Beaumier
(Nicolet), M. Beauséjour (Iberville), M. Dupré (Saint-Hyacinthe),
M. Blouin (Rousseau) qui remplace M. Gagnon (Champlain); M. Garon
(Lévis), M. Houde (Berthier), M. Lévesque
(Kamouraska-Témiscouata), M. Lincoln (Nelligan), M. Mathieu
(Beauce-Sud), M. Vallières (Richmond).
Les intervenants sont: Mme Bacon (Chomedey), M. Bisaillon
(Sainte-Marie), M. Boucher (Rivière-du-Loup), M. Dubois (Huntingdon),
Mme Juneau (Johnson), M. Lachance (Bellechasse), M. LeMay (Gaspé), M.
Middlemiss (Pontiac), M. Picotte (Maskinongé).
Qui avait été nommé rapporteur de cette commission?
Le député de Gaspé? D'accord. Je présume que c'est
le même rapporteur, le député de Gaspé?
D'accord.
M. Mathieu: J'espère qu'il n'est pas contesté de la
part de l'équipe ministérielle.
Le Président (M. Gagnon): Non, non. Je veux seulement
m'informer parce que je n'ai pas présidé les premières
séances de cette commission. Je crois qu'à la suspension des
travaux nous en étions encore aux préliminaires. Est-ce que nous
avions abordé le programme 1?
M. Mathieu: Nous avions adopté deux programmes, M. le
Président.
Le Président (M. Gagnon): Deux programmes?
M. Mathieu: Mais, il faut revenir aux préliminaires. Ce
matin, si personne n'y voit d'inconvénient, peut-être pourrait-on
voir le programme 2 pour libérer le président de l'Office du
crédit agricole, si tout le monde est d'accord.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre? On
suggère de revenir au programme 2 ce matin pour libérer le
président de l'Office du crédit agricole et terminer le programme
2.
M. Garon: Cela marche.
Le Président (M. Gagnon): Cela va?
M. Mathieu: Après, nous pourrions revenir à nos
préliminaires. Toutefois, M. le Président, avant d'aller plus
loin, je voudrais demander ceci au ministre: Étant donné qu'hier
après-midi nous n'avons pas siégé ici à cause du
débat à l'Assemblée nationale, si on est à court de
temps ce soir, pourrait-on compter sur un consentement pour prolonger d'une
heure ou deux pour ne pas revenir une autre journée? Je crois que le
temps prévu pour l'étude de nos crédits finissait ce soir
à 22 heures?
M. Garon: Je ne le sais pas.
M. Mathieu: Bien, je crois que oui.
M. Garon: Oui? Cela marche.
M. Mathieu: Alors, si vous acceptez, à 22 heures, on
pourrait continuer jusqu'à épuisement.
Le Président (M. Gagnon): Donc, si on n'a pas
terminé, on pourra continuer? On pourra tout de même aussi se
reposer la question au cours de la soirée, je présume, M. le
député de Beauce-Sud?
M. Mathieu: C'est que je ne veux pas qu'on me dise à 22
heures: L'ordre de la Chambre est ainsi fait qu'il faut qu'on termine à
22 heures.
Le Président (M. Gagnon): Oui, absolument. Si la
commission est d'accord, on pourra prolonger. Dans nos règlements, il
est permis à la commission de dépasser 22 heures.
M. le député d'Arthabaska.
M. Mathieu: Très bien.
M. Baril (Arthabaska): Je voudrais savoir le temps qui avait
été alloué pour étudier les crédits du
ministère de l'Agriculture. Était-ce 20 heures?
Le Président (M. Gagnon): Alors, on
s'est entendu pour 20 heures. Actuellement, on a siégé
pendant huit heures et cinquante deux minutes.
M. Baril (Arthabaska): Oh! II nous en reste beaucoup. Si on fait
20 heures, on va finir tard cette nuit.
Le Président (M. Gagnon): Alors, il s'agirait de
s'entendre pour aller peut-être un peu plus rapidement si on veut
terminer autour de 22 heures.
M. Mathieu: Je croyais qu'on devait compléter pour 22
heures, ce soir. Mais si on n'est pas obligé de compléter pour 22
heures, je ne vois pas du tout d'inconvénient à ce qu'on revienne
la semaine prochaine.
Le Président (M. Gagnon): Bon. On reverra cela au cours de
la soirée.
M. Mathieu: Très bien, M. le Président.
Le Président (M. Gagnon): Programme 2. Est-ce que vous
aviez la parole, M. le député de Beauce-Sud? Ou vous l'aviez
demandée?
M. Mathieu: On n'a pas commencé.
Le Président (M. Gagnon): On n'avait pas commencé.
Alors, M. le ministre, sur le programme 2.
Financement agricole
M. Garon: Essentiellement, M. le Président, j'aimerais
dire que les montants dépensés en 1982 représentent
l'année la plus considérable en subventions au taux
d'intérêt, mais comme, vers la fin de l'année, les taux
d'intérêt ont un peu baissé, ceci a permis d'alléger
un peu le montant des sommes qui ont été dépensées
sous forme de subventions d'intérêt. On avait prévu un
montant d'environ 148 000 000 $ et on aura des crédits
périmés d'environ 13 000 000 $ qui sont dus essentiellement
à une baisse des taux d'intérêt.
Je pense que c'est le point marquant de l'année. Cela va. Je ne
veux pas prolonger.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Beauce-Sud.
M. Mathieu: J'aurais quelques questions rapides, M. le
Président. D'abord, je salue M. Moreau, le président de l'Office
du crédit agricole, ainsi que son équipe. Le ministre nous
disait, lors de ses propos préliminaires, qu'il y avait eu environ 1200
établissements au cours de l'année 1982. Je voudrais qu'il nous
dise ou que M. Moreau nous dise si c'est l'année civile 1982 ou
l'année fiscale du gouvernement; ensuite, s'il pouvait nous dire le
nombre d'établissements qui se sont prévalus de la subvention
traditionnelle de 8000 $ à l'établissement, ainsi que le nombre
de ceux qui se sont prévalus également de la nouvelle loi 64,
soit les 50 000 $ sans intérêt pour cinq ans.
M. Garon: II y a les deux. Il y a 239 cas sous forme de
prêts sans intérêt de 50 000 $ pendant cinq ans. Sur les 239
cas, il y a 42 groupes et 187 individus. Cette loi est entrée en vigueur
seulement au mois de septembre. Dans le cas des 8000 $ de subvention à
l'établissement, il y a eu 954 établissements qui
représentent 1099 personnes. Si on regarde le total, il s'agit donc pour
les deux ensemble de 1183 établissements représentant 1338
personnes, ainsi que 35% sous forme de groupes.
M. Mathieu: Pourriez-vous nous dire, comparativement à
l'année précédente, le nombre d'établissements
qu'il y avait eu?
M. Garon: C'est 1598 personnes. Si l'on compare 1598 personnes
l'année précédente et, l'an dernier, 1338, il y a donc une
petite baisse dans le nombre des personnes. Il faut dire que l'année
1982 a été sans doute la plus difficile, alors que c'est
passé de 1598 en 1981 à 1338 personnes en 1982.
M. Mathieu: Cela veut dire une diminution de 260.
M. Garon: Oui.
M. Mathieu: Ma question supplémentaire...
M. Garon: En termes d'établissements, c'est plus fort que
toutes les autres années, à l'exception de 1981 ou de 1982.
M. Mathieu: L'autre point que je voudrais demander...
M. Garon: C'est plus fort que la moyenne annuelle depuis dix
ans.
M. Mathieu: II y a une revendication constante de la part des
milieux agricoles afin que l'option entre les 8000 $ de subvention à
l'établissement ou les 50 000 $ de prêt sans intérêt
soit maintenu. Nous savons que cette option est donnée jusqu'au 31
décembre 1983. Est-ce que le gouvernement serait d'accord pour faire
droit à ces revendications de manière que, après le 1er
janvier 1984, les jeunes qui s'établissent aient encore l'option entre
les 8000 $ de subvention ou les 50 000 $ de prêt sans
intérêt pour cinq ans?
M. Garon: II n'y a pas de décision de
prise. J'en ai entendu parler par certaines personnes. Dans le cadre de
la refonte du crédit agricole, c'est une chose qui sera sûrement
étudiée.
M. Mathieu: Êtes-vous sympathique à cette
idée?
M. Garon: Je n'ai pas d'opinion jusqu'à maintenant. J'ai
regardé évoluer les choses. En 1982, on s'est rendu compte qu'il
y a eu tant de gens qui se sont prévalus du prêt sans
intérêt et tant qui se sont prévalus de la subvention dans
une période transitoire. On verra au cours de l'année 1983 ce que
cela donnera. J'aime autant attendre avant de prendre position sur cela.
M. Mathieu: Je voudrais vous mentionner que, d'après
plusieurs gens qui sont venus me consulter, à cause des règles de
la fiscalité qui n'ont pas été beaucoup
améliorées depuis le dernier budget, on ne peut pratiquement plus
avoir de transactions père-fils directement. Il faut plutôt un
transfert graduel, c'est-à-dire le père qui forme une
société, une corporation avec son fils. Il faut que le fils ait
20% de participation à l'entreprise pour être admissible à
la subvention. Donc, s'il a 20% de participation, il a droit à 20% des
50 000 $ de prêt sans intérêt pour cinq ans, ce qui fait 10
000 $ sans intérêt pour cinq ans. Dans plusieurs cas, on me dit
que cela les pénalise par rapport aux 8000 $. Je voudrais vous en faire
part. J'ai eu beaucoup de représentations à ce sens. On voudrait
que l'option soit maintenue après le 1er janvier 1984.
M. Garon: C'est ce qu'on veut voir aussi. C'est pour cela que je
ne veux pas me prononcer maintenant. On veut être certain qu'en accordant
les 50 000 $ de prêt sans intérêt pendant cinq ans il s'agit
de véritables établissements puisque le cultivateur doit
concéder au moins 20% des actions sur la ferme. Quand on ne
concède même pas 20% des actions sur la ferme à celui qui
s'établit, est-ce qu'il s'agit d'un véritable
établissement?
M. Mathieu: Vous pouvez demander les mêmes exigences; cela
ne vous empêche pas de les demander pour obtenir les 8000 $, avec les
mêmes critères.
M. Garon: C'est cela que je voudrais regarder.
M. Mathieu: M. le Président, j'aimerais connaître
les normes ou les critères exigés par l'office pour que quelqu'un
soit accepté quand il fait une demande de 50 000 $ de prêt sans
intérêt pour cinq ans. Pour la formation, est-ce qu'on exige un
cours d'agriculture? Quel âge, quel capital disponible le jeune doit-il
avoir en sa possession etc? Je ne voudrais pas tout le catalogue, mais les
grandes lignes.
M. Garon: II y en a plusieurs. Il doit être
âgé d'au moins 18 ans à la date de réception par
l'office ou, selon le cas, par la société de la demande
écrite de prêt ou de prise en charge d'un prêt fait par
cette exploitation pour les fins de son établissement, être
âgé de moins de 40 ans et posséder une expérience
agricole pertinente d'au moins deux ans ou une expérience agricole
pertinente d'au moins un an, pourvu que, dans ce dernier cas, il ait suivi
pendant au moins...
Je suis un peu étonné. Je vois un dépliant et j'ai
l'impression qu'il ne reflète pas ce qui avait été
décidé, parce qu'on parle de deux ans d'expérience ou un
an d'expérience et deux ans de scolarité, alors que je pense que
c'est l'inverse qui avait été décidé: deux ans de
scolarité ou un an de scolarité et deux ans d'expérience,
mais il faudrait que je vérifie. De mémoire il me semble que
c'était...
M. Mathieu: Mais regardez, M. le Président, je ne vous en
fais pas grief, mais peut-être pourrait-on avoir la réponse au
feuilleton quand ce sera prêt, quelque chose comme cela, pour simplifier
la procédure. C'est parce qu'il y a beaucoup de gens qui nous demandent
cela et je pense qu'à l'étude des crédits c'est une bonne
occasion de vous le demander. Donc, si le ministre acceptait, on pourrait
considérer qu'il s'agit d'une question au feuilleton et vous y
répondrez.
M. Garon: Posez-la donc au feuilleton pour que je ne l'oublie pas
et que vous disiez ensuite que je n'y ai pas répondu.
M. Mathieu: Très bien. Alors, c'est tout pour moi, M. le
Président.
Le Président (M. Gagnon): Cela va? M. le
député de Huntingdon?
M. Dubois: Non, je n'ai pas demandé la parole.
Le Président (M. Gagnon): Non. D'accord. Alors, est-ce que
le programme 2 est adopté?
M. Mathieu: Avant de l'adopter, s'il n'y a pas d'autres
questions, je voudrais dire à M. Moreau et à son équipe
que lorsqu'il a instauré - inventé, je devrais dire - la formule
tandem dans les années 1977 ou 1978, si je me souviens bien, je crois
que ce fut vraiment une révolution dans le domaine du financement
agricole. À cette époque, j'étais plutôt dans la
pratique privée
notariale au service des agriculteurs. On appréhendait un peu ce
genre de mutation, de transformation. Je crois que cela s'est
révélé une formule très efficace, très
souple et je voudrais rendre hommage à M. Moreau, ainsi qu'à son
équipe parce que franchement je crois que les agriculteurs sont les
grands gagnants. Cela a diminué les délais et cela a
été...
M. Garon: Si cela avait mal été, vous auriez dit
que le gouvernement a pris...
M. Mathieu: Si cela avait mal été, cela aurait
dépendu de vous. Cela va bien, cela dépend de M. Moreau.
M. Garon: C'est cela.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Huntingdon.
M. Dubois: M. le Président, je voudrais seulement
vérifier un point avec le ministre. On a vu l'an passé que le
ministre de l'Agriculture a imposé des taux particuliers ou a
imposé aux membres de prêter au taux préférentiel
sans ajouter le 0,5%. Il semblerait qu'il y a eu une révision de la part
du ministre dernièrement qui permettrait aux banques de prêter au
taux préférentiel de 13,5%. Est-ce que c'est réel?
M. Garon: Le taux de base est devenu depuis le 1er mai le taux de
base plus 0,5%.
M. Dubois: Alors, le ministre est revenu sur ses positions
antérieures.
M. Garon: Non, cela a varié. Les taux
d'intérêt varient dans le temps. Cela a déjà
été le taux de base plus 1,5%; cela a déjà
été le taux de base plus 1%; cela a déjà le taux de
base. Là, c'est le taux de base plus 0,5%. Vous voyez la souplesse qu'il
y a dans l'application des taux. On suit la conjoncture économique. Il
s'agit d'aller chercher l'argent au meilleur marché possible.
M. Mathieu: Vous allez à la pêche.
M. Garon: Vous comprenez que chaque fois aussi les institutions
financières essaient toujours de dire: On ne prêtera pas ou vont
avoir des réticences. C'est pour cela que, quand je suis allé
à Trois-Rivières au début de la semaine, j'ai
mentionné que la fédération de la Mauricie nous avait
déjà fait savoir qu'elle pensait à se retirer ou encore
qu'on bloquait certains dossiers. Je l'ai dit publiquement, j'ai eu une
réaction immédiate qu'au contraire on ne voulait pas se retirer.
J'étais content de l'entendre. C'est ce que je voulais savoir.
C'était peut-être bon de le dire publiquement pour que les gens
parlent publiquement parce que, vous savez, les institutions financières
nous menacent tout le temps: Si vous ne faites pas ceci, on ne fera pas cela;
c'est ceci et c'est cela. C'est évident que les institutions
financières veulent prêter le plus cher possible et nous, on veut
emprunter au meilleur marché possible pour les cultivateurs.
M. Dubois: M. le Président, on s'est aperçu l'an
dernier que c'était une menace du ministre envers les institutions
prêteuses plutôt qu'une menace des institutions prêteuses
envers le ministère de l'Agriculture ou l'Office du crédit
agricole. Car il y a plusieurs producteurs agricoles qui n'ont pu obtenir de
prêt parce qu'aucune banque ne voulait prêter. D'accord, il y a eu
des caisses populaires dans certaines régions qui prêtaient et
d'autres dans certaines autres régions qui ne prêtaient pas parce
qu'elles n'avaient pas les fonds nécessaires.
M. Garon: Non. Vous avez eu des prêts dans toutes les
régions. Pourriez-vous me nommer des régions où les
caisses populaires ne prêtaient pas?
M. Dubois: II y a la région du député de
Berthier. (10 h 45)
M. Houde: Ils ont retardé énormément. La
caisse régionale de Juliette - je vous l'avais dit, à part cela,
ici en commission -ne voulait pas prêter. Il y a 58 caisses qui font
partie de la régionale de Lanaudière et elles ne voulaient pas.
Je vous l'avais mentionné. À un moment donné, après
les pressions de l'Opposition...
Une voix: Ah!
M. Houde: Oui, oui, après les pressions de l'Opposition -
c'est confirmé aujourd'hui -à partir du 1er mai, vous avez
donné aux banques ce qu'elles avaient demandé l'an passé
et je pense - M. Moreau peut peut-être nous le dire - qu'il y aura plus
de demandes qui seront acheminées vers ces bureaux parce que les banques
sont maintenant reconnues par le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries
et de l'Alimentation pour obtenir les mêmes avantages que les autres.
M. Garon: Ce n'est pas du tout cela. Voici ce qui est
arrivé. Lorsque l'an dernier on a établi le taux
préférentiel, les banques ont pris une position de
négociation. Elles l'ont dit publiquement. Alors que les taux
d'intérêt étaient très élevés, environ
20%, les marges bénéficiaires étaient plus grandes et,
à ce moment-là, nous avons établi un taux
préférentiel. Quand les gens lisent ça dans les journaux,
il est difficile ensuite de bouger sans perdre la face dans les
négociations. Comme nous avions établi un taux
préférentiel, il y a eu des prêts consentis par les caisses
populaires. Le taux d'intérêt étant aujourd'hui aux
environs de 10%, Il% ou 12%, les marges bénéficiaires sont moins
grandes; parce que le taux est moins élevé, la marge de profit
est moins grande. Les institutions bancaires en ont profité pour
commencer à prêter.
M. Houde: De qui cela dépend-il? Les intérêts
ont baissé considérablement. Ce matin, je regardais dans le
journal, c'est Il,25%. De qui cela dépend-il, selon vous?
M. Garon: Que les taux d'intérêt baissent?
M. Houde: Que les taux d'intérêt aient baissé
autant que cela. De quoi cela dépend-il?
M. Garon: C'est qu'on a tellement bloqué l'économie
au Canada que les gens économisent beaucoup parce qu'ils ont peur. Comme
ils économisent beaucoup, il y a plus d'argent à prêter que
de gens qui veulent emprunter. Comme il y a beaucoup d'argent dans les
institutions financières, les taux d'intérêt sont plus
bas.
M. Houde: Est-ce que cela peut dépendre des mêmes
personnes qui les avaient fait monter?
M. Garon: Non.
M. Houde: Ahî Cela ne dépend pas des mêmes
personnes?
M. Garon: Non.
M. Houde: J'ai de la difficulté à comprendre.
Expliquez-moi cela en deux mots que ce ne sont pas les mêmes personnes
qui les ont fait monter qui les font descendre?
Le Président (M. Gagnon): On va s'entendre, M. le
député de Berthier. Le ministre aura la parole et après...
Il ne faudrait peut-être pas parler en même temps.
M. Dubois: J'avais la parole, M. le Président, tout
à l'heure.
M. Garon: Je vais l'expliquer d'une façon très
simple. Le gouverneur de la Banque du Canada a monté les taux
d'intérêt d'une façon artificielle.
M. Houde: Qui est-ce le gouverneur de la Banque du Canada?
M. Garon: M. Bouey.
M. Houde: Oui, est-ce que c'est le fédéral?
M. Garon: C'est fédéral. Il a monté les taux
d'intérêt. D'ailleurs, les taux d'intérêt au Canada
étaient de 3% ou 4% plus élevés que les taux
américains. Quand il disait qu'on suivait le taux d'intérêt
américain, cela n'était pas vrai. On avait un taux
d'intérêt beaucoup plus élevé que le taux
américain. Pour une période, ce qui a été rare dans
l'histoire du Canada, on a eu des taux d'intérêt beaucoup plus
élevés que chez les Américains. Ce qui arrive
actuellement, c'est qu'il y a beaucoup d'argent dans les institutions
financières et qu'il y a une pression pour faire baisser les taux
d'intérêt. Il y a beaucoup d'argent dans les institutions
financières qui ont accumulé cet argent parce que les gens ne
voulaient pas emprunter à ces taux-là. Les épargnes se
sont accumulées. Cela a créé une pression pour faire
baisser les taux d'intérêt.
M. Houde: La question que je vous posais était bien
simple. La réponse est bien plus longue que la question. J'ai
demandé si c'étaient les mêmes personnes qui étaient
responsables de la diminution et de la hausse. La réponse était
oui ou non. Et la même personne, c'était le
fédéral.
M. Garon: Non, ce ne sont pas les mêmes
phénomènes. Ce ne sont pas les mêmes noms.
M. Houde: Ce ne sont pas les mêmes personnes. D'accord.
Continuons, d'abord, parce qu'on pourrait passer toute la journée
là-dessus.
Le Président (M. Gagnon): M. le député, s'il
vous plaît! M. le ministre, vous avez la parole.
M. Garon: Ce ne sont pas les mêmes
phénomènes. Le taux d'intérêt qui augmentait
au-dessus du taux américain au cours de la période où on a
eu des taux jusqu'à 24% était une volonté de la Banque du
Canada qui, par la détermination de son taux d'escompte, a fixé
les taux à des niveaux très élevés. C'est
très simple au fond. Dans la période qu'on a connue, même
l'automne dernier et l'hiver dernier, on a vu annoncer dans les journaux des
institutions financières qui étaient prêtes à
financer des automobiles et toutes sortes de biens à des taux
d'intérêt qui étaient beaucoup plus bas que le
marché. Pourquoi? Parce que l'argent leur sortait par les oreilles. Il
fallait qu'elles prêtent quelque part pour avoir des revenus.
Malgré le taux d'escompte élevé, les institutions
financières prêtaient à un taux plus bas que le taux
d'escompte pour certains types de prêts pour pouvoir sortir de l'argent
parce qu'il y en
avait trop en caisse.
M. Houde: M. le Président, cela ne répond pas
à ma question, mais cela ne fait rien. Passons à une autre.
Une voix: M. le Président...
Le Président (M. Gagnon): Écoutez, M. le
député de Berthier, c'est moi qui préside. Il me fera
plaisir de vous donner la parole si vous la demandez.
M. Houde: Je ne veux pas la ravoir tout de suite.
Le Président (M. Gagnon): Je ne veux pas savoir si vous
voulez l'avoir. Vous n'avez qu'à la demander. J'aimerais, pour qu'on
s'entende bien, qu'un seul intervenant à la fois parle.
M. Garon: Vous avez raison.
Le Président (M. Gagnon): Lorsque le ministre ou un
député a la parole, il faudrait la lui laisser.
M. le député de Huntington.
M. Garon: M. le Président...
Le Président (M. Gagnon): Oui, M. le ministre.
M. Garon: ...le député de Berthier est nerveux.
M. Houde: Non, du tout.
M. Garon: Je ne sais pas pourquoi, mais il est d'une
agressivité débordante.
M. Houde: Le patinage, je n'aime pas cela.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Huntingdon, vous avez la parole.
M. Dubois: M. le Président, ma question ne portait pas sur
M. Bouey ou sur le gouvernement fédéral; elle portait directement
et strictement sur l'attitude cavalière que le ministre de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation a eue envers les
agriculteurs du Québec qui n'ont pas tous pu se prévaloir
d'emprunts des institutions bancaires. Ils ont dû aller aux caisses
populaires, qui avaient de l'argent disponible, pour leurs prêts. Le
ministre devrait reconnaître son erreur. Je connais l'humilité du
ministre. Il devrait, pour les fins du journal des Débats,
reconnaître l'erreur qu'il a faite l'an passé, l'attitude qu'il a
eue envers les producteurs agricoles et avouer qu'il a dû redresser ou
changer son attitude cette année pour satisfaire les besoins des
agriculteurs. C'était le but de ma question, M. le Président, et
j'aimerais que le ministre dise: D'accord, je reconnais mon erreur.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Garon: M. le Président, on change le taux en fonction
des fluctuations du marché. Il est possible qu'on change à
nouveau dans six mois. Nous suivons le marché avec beaucoup d'attention
et nous essayons toujours d'obtenir les meilleurs taux pour les agriculteurs,
ce que nous avons fait chaque fois que nous avons changé les taux, afin
d'obtenir les meilleurs taux pour les agriculteurs. Je peux vous dire que la
politique agressive du crédit agricole que nous développons au
Québec a permis aux agriculteurs du Québec d'obtenir les
meilleurs taux, j'en suis persuadé, au Canada et peut-être
même sur une plus grande étendue parce que nous avons une
politique vigoureuse. Le député de Huntingdon aimerait qu'on ait
une attitude molle, servile.
M. Dubois: Je n'ai jamais dit cela, M. le Président.
Question de règlement.
M. Garon: C'est évident...
Le Président (M. Gagnon): Question de règlement, M.
le député de Huntingdon.
M. Dubois: M. le Président, je suis toujours d'accord pour
respecter l'agriculteur et ses besoins financiers, mais le ministre devrait
reconnaître que l'an dernier...
Le Président (M. Gagnon): Si vous voulez, ce n'est pas une
question de règlement, vous pourrez y revenir après.
M. le ministre, vous avez la parole.
M. Garon: Alors, nous voulons que les prêts agricoles se
fassent au meilleur coût possible pour les agriculteurs. C'est pour cela
que, dans la refonte du crédit agricole, il va falloir analyser en vue
de savoir s'il n'est pas bon que des gens puissent faire des
dépôts auprès du crédit agricole, parce qu'on pourra
obtenir ainsi de l'argent à meilleur coût. Actuellement, le total
des prêts du crédit agricole québécois se chiffre
à 1 300 000 000 $, ce qui veut dire que le crédit agricole du
Québec prête presque autant, à lui seul, que le
crédit agricole fédéral.
Il est très important qu'on obtienne l'argent au meilleur
coût possible. Je peux vous dire que les gens qui travaillent à la
refonte du crédit agricole ont le mandat d'examiner - ce n'est pas
décidé - s'il n'y a pas une meilleure façon d'aller
chercher de l'argent à meilleur coût. Je l'ai dit à
plusieurs reprises: Quand un agriculteur vend sa ferme, je souhaite
qu'il puisse déposer le produit de la vente de sa ferme auprès de
l'office. Je vois des agriculteurs qui achètent des rentes
viagères qui ne rapportent à peu près rien. Je trouve cela
malheureux. Les agriculteurs reçoivent le produit du travail de leur vie
et, ensuite, ils vendent leur ferme, qui constitue leur fonds de retraite, et
ils placent cet argent dans des rentes viagères qui ne rapportent
quasiment rien, à des taux d'intérêt minimes. Un
agriculteur d'une soixantaine d'années serait peut-être
intéressé à déposer le montant de la vente de sa
ferme auprès du crédit agricole, obtenant un taux
d'intérêt qui serait bon marché pour nous, mais
élevé pour lui, ce qui ferait qu'on aurait de l'argent à
meilleur coût pour prêter aux agriculteurs.
Qu'y a-t-il de mauvais là-dedans? Il faut regarder cela. Il y a
peut-être aussi des gens qui ont des bas de laine et qui seraient
intéressés à investir dans l'agriculture. Il y a des gens
qui seraient intéressés à cela, vous savez. Si le
Crédit agricole français est l'institution bancaire la plus
importante en France, cela doit vouloir dire quelque chose. Au Québec,
qu'on ait un crédit agricole qui joue un rôle plus grand dans le
monde rural, ce ne serait pas au détriment du monde rural ou du monde
agricole, au contraire. C'est une idée qui est nouvelle et qu'il faut
regarder attentivement. Je pense que les agriculteurs, d'ailleurs, à la
suite d'une déclaration que j'avais faite il y a environ deux ans
à ce sujet, ont commencé à regarder eux-mêmes cet
aspect. Je peux vous dire que vous seriez surpris de l'intérêt que
peuvent avoir certaines institutions financières à regarder
l'avenir dans cette perspective.
Quand on a un encours de près de 1 300 000 000 $, quand les
ventes des agriculteurs se chiffrent par dizaines et dizaines de millions par
année, cela représente des montants considérables et il
faut être alerte pour voir des solutions d'avenir, pour voir aussi
combien coûtera le crédit agricole dans cinq ans. Actuellement, il
y a 1 300 000 000 $ de prêts, mais dans cinq ans, ce sera combien? 2 000
000 000 $ ou 3 000 000 000 $? Je pense que c'est très important. 1% ou
0,05% ou 2% de taux d'intérêt représente des sommes
considérables sur l'encours volumineux qu'il y a au crédit
agricole.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Huntingdon.
M. Dubois: M. le Président, je pense bien que tous les
membres de cette commission ont reçu à leur bureau de
comté, l'an passé, des agriculteurs qui se plaignaient de ne
pouvoir emprunter à leur banque traditionnelle. Ceux qui faisaient
affaires avec la Banque Nationale, la Banque Royale ou la Banque de Commerce
ont vu toutes ces institutions bloquer les prêts à cause de la
décision du ministre indiquant que les institutions financières
devaient prêter au taux préférentiel au lieu du taux
préférentiel plus 0,5%, comme elles le faisaient dans les
années passées.
Quand le ministre dit qu'il n'a pas participé à perturber
le monde agricole dans ce sens, M. le Président, il faut être
totalement détaché de la réalité pour dire cela,
parce que j'ai eu, à mon bureau de comté, des centaines de cas
l'an passé. Les gens me téléphonaient et me disaient:
Qu'est-ce qu'on fait? Les institutions qui étaient habituées
à leur prêter de l'argent ne pouvaient plus le faire parce que le
ministre imposait un taux d'intérêt. Cela a été le
problème l'an passé. Je pense que je ne suis pas le seul
député de comté rural qui a eu ces problèmes. Je ne
sais pas si d'autres collègues sont prêts à en faire part,
mais cela a été général à travers le
Québec. Je voulais en faire part au ministre. Je suis content qu'il soit
revenu sur sa décision, qu'il ait laissé les banques
réaliser un profit qui est très minime sur des prêts, parce
que 0,5%, c'est assez minime. C'est un taux qu'on peut appeler très
préférentiel, parce que seulement les grosses entreprises
très solides peuvent obtenir un prêt au taux
préférentiel plus 0,5%. Ce n'est pas n'importe qui qui peut
obtenir cela.
M. le Président, j'aimerais que le ministre reconnaisse quand
même que, l'an passé, il a fait une erreur et qu'il est revenu sur
sa décision. Je suis content qu'il l'ait fait. Cela ouvre la porte aux
agriculteurs pour aller emprunter à leur banque traditionnelle. C'est
tout ce que je voulais indiquer, M. le Président.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre. Ensuite, la
parole sera au député d'Art habaska.
M. Garon: Je ferai remarquer au député que, quand
on dit que le taux préférentiel est un taux qui est accessible
seulement aux grandes corporations, il faut dire que le crédit agricole
québécois bénéficie d'une assurance; donc, il n'y a
aucun risque de perte.
M. Dubois: Ce n'est pas cela.
M. Garon: Zéro risque de perte. Il n'y a pas un risque,
aucun risque, parce qu'il y a une assurance sur le crédit agricole.
L'expertise, en plus, est faite par le crédit agricole qui émet
un certificat de prêt à l'institution financière. Ensuite,
il s'agit d'une administration minime pour le prêt à long terme,
puisque le taux d'intérêt est calculé à tous les
mois, mais les paiements
se font deux fois par année. À quel prix devrait-on payer
ce service aux banques? C'est un prêt qui est très
intéressant pour les institutions financières, parce qu'il y a
peu d'administration pour les institutions financières dans ce
prêt à long terme. Pourquoi devrait-on payer un taux qui serait le
taux des entreprises qui représentent un commerce différent? Il
faut tenir compte de la réalité. Dans le cas du crédit
agricole à long terme, le cultivateur fait ses remboursements deux fois
par année, les taux d'intérêt sont calculés à
tous les mois de façon presque automatique et le risque est nul. Je
pense qu'on doit avoir accès, à ce moment-là, aux
meilleurs taux.
M. Dubois: M. le Président, je vais m'appuyer sur la
réalité la plus pure et la plus simple: L'an passé, les
banques ne voulaient pas prêter; cette année, étant
donné que le ministre est revenu à son habitude de 1981, les
banques prêtent. Je pense qu'on ne peut pas avoir une meilleure
explication de cela.
Le Président (M. Gagnon): M. le député
d'Arthabaska.
M. Baril (Arthabaska): M. le Président, j'ai vite compris
que le taux d'intérêt que le ministre a peut-être
imposé aux institutions financières n'était pas dans son
intérêt, premièrement, ou dans l'intérêt du
ministère; c'était surtout dans l'intérêt des
agriculteurs. L'Opposition devrait au moins comprendre cela, d'abord. Si tu
fais un prêt de 150 000 $, 200 000 $ ou de 250 000 $ à 0,5%,
pensez un peu ce que l'agriculteur épargnera lui aussi. Les banques
n'ont pas embarqué dans le coup, elles ont tenu tête et c'est leur
affaire. Je félicite les caisses qui, elles, ont quand même
embarqué et appuyé le gouvernement dans cela. Je pense que les
caisses populaires ont peut-être compris ou ont peut-être pris plus
l'intérêt des agriculteurs que l'Opposition ne le prend. (Il
heures)
De toute façon, M. le Président, ma question est celle-ci.
Au début de la semaine quand le ministre a participé au sommet de
Trois-Rivières, il a été question, justement, de ces taux
d'intérêt. Il en a fait part à la fédération
de Trois-Rivières qui a été lente, très lente
même, à embarquer dans cette politique, dans ce programme. Ce
n'était peut-être pas la place pour le ministre de passer sa
remarque et d'expliquer exactement pourquoi la fédération de
Trois-Rivières n'a pas voulu embarquer là-dedans. Cela a
semé un peu d'ambiguïté et de malaise auprès de la
plupart des gens qui sont là parce qu'on connaît la
crédibilité des caisses populaires dans la population en
général. La question que le ministre a posée a
laissé l'impression au niveau de tous les participants qui
étaient au sommet que le ministre voulait planter les caisses. Les
personnes que j'ai pu rencontrer après, je leur ai expliqué que
le ministre avait raison - tout en acceptant, encore une fois, que ce
n'était pas l'endroit pour faire votre remarque - en leur disant
exactement la cause. Eh bien, là, les gens comprenaient et ils donnaient
raison au ministre.
Dans l'après-midi, le ministre est parti et le président
de la fédération, M. Trudel, a fait une rectification en
conférence de presse et au sommet également, en disant que cela
faisait un an et demi qu'il faisait des démarches et des pressions au
niveau de l'office, au niveau du ministre pour faire corriger les taux
d'intérêt. Il a, quand même, été honnête
sur ce point-là, il disait: la fédération de
Trois-Rivières n'était pas la seule à s'opposer à
cela. Il ne parlait pas des autres caisses. Il parlait des institutions
financières. Pour être bien clair, la Fédération des
caisses populaires de Trois-Rivières a été à peu
près la seule caisse qui a embarqué avec les banques et cela,
malgré la volonté de plusieurs caisses locales qui
n'étaient pas satisfaites de la décision de leur
fédération, voyez-vous.
Pour conclure mon intervention, le président, M. Trudel, a
répété que cela faisait un an et demi qu'il faisait des
pressions et que le ministre faisait la sourde oreille, car il n'avait pas
encore eu de réponse à sa demande. J'aimerais demander s'il n'y
aurait pas une possibilité peut-être de donner une information
très spéciale à la Fédération des caisses
populaires de Trois-Rivières puisque, depuis le 1er mai, cela est
corrigé et elle ne semble pas être au courant encore. Est-ce que
l'office ou le ministre peuvent communiquer avec M. Trudel et lui dire:
Écoute un peu, au moins depuis le 1er mai la chose est corrigée?
C'est ce que je voulais souligner, que le ministre n'avait pas
été assez explicite lors du sommet et il ne s'est pas fait aimer
à cause de cela. Je trouve cela un peu malheureux et cela a semé
beaucoup d'ambiguïté. Nous-mêmes en région, selon la
procédure du sommet, on n'a pas pu expliquer ou rectifier les dires ou
les données du président de la fédération.
J'aimerais que le ministre ou M. Moreau ou l'office informe M. Trudel pour
qu'au moins il ne continue pas à dire qu'ils ne s'entendent pas. Depuis
le 1er mai, cela a été adapté à la situation
économique ou à la situation des taux d'intérêt
qu'on connaît aujourd'hui.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Garon: Je ne suis pas à l'intérieur du mouvement
des caisses populaires pour savoir quelles sont les stratégies
développées
lorsqu'on veut faire des pressions politiques. Je sais une chose, par
exemple, c'est que régulièrement on fait sur le gouvernement
différentes formes de pression politique avec plus ou moins de vigueur.
On utilise le gouvernement. On utilise souvent l'Opposition qui tombe dans le
panneau.
Je vais donner des exemples concrets. Quand, dans le cas du sucre,
l'Opposition se renseigne auprès de l'Institut canadien du sucre on lui
dit: Regardez donc qui finance l'Institut canadien du sucre? Ce sont nos
concurrents. C'est évident à ce moment-là qu'en
travaillant avec le document de l'Institut canadien du sucre je ne m'attends
pas qu'on nous félicite parce qu'on est en lutte avec les raffineries de
sucre de l'Ontario. Comme, dans le cas de la Raffinerie de sucre du
Québec, les résultats sont avantageusement comparables à
ceux des grandes raffineries de l'Ontario, on n'aime pas cela un joueur qui
n'est pas dans l'équipe. Vous savez, c'est de notoriété
publique que, dans le sucre, au Canada, les entreprises s'entendent assez bien.
Quand elles voient arriver un nouveau joueur qui ne suit pas les mêmes
règles du jeu, c'est fatigant. Alors, on fait des pressions.
De la même façon, par exemple, quand une entreprise veut
avoir des avantages du gouvernement, elle utilise les médias en disant:
Si vous ne faites pas cela, je vais fermer. Quand vous connaissez les bilans
des entreprises, quand vous savez les revenus qu'elles font... Des gens qui
font de l'argent habituellement n'ont pas l'intention de fermer boutique. Mais,
on fait toujours peser ce genre de menaces sur le gouvernement. Ou encore on
considère l'argent qui vient du gouvernement un peu comme de l'argent de
monopoly: on peut en imprimer à volonté. Il faut rigoureusement
défendre les fonds publics.
Vous savez, à ce sujet, à Trois-Rivières, ce que je
souhaitais, c'était un engagement de la part de la
Fédération régionale des caisses populaires comme quoi
elle était intéressée à faire du prêt
agricole et elle l'a pris publiquement, cet engagement. C'est ce que je
souhaitais et elle l'a fait. Maintenant, qu'il y ait eu des dossiers
retardés... Il y a toutes sortes de pressions qui sont exercées
parce qu'on veut avoir certaines choses. Je comprends que les caisses
populaires veulent obtenir le taux le plus élevé possible. Mais,
nous aussi, nous voulons obtenir le meilleux taux possible pour les
agriculteurs. Et c'est pour cela que, devant les expériences qu'on a
vécues au cours des dernières années, je pense qu'il va
falloir envisager d'autres solutions pour ne pas être pris dans une
souricière face à des institutions financières qui souvent
se concertent.
Quand les membres de l'Institut canadien des banquiers se rencontrent et
décident d'adopter une position commune, notre marge de manoeuvre n'est
pas tellement grande. Je me souviens que M. Duplessis, dans les années
trente-six, avant les élections, avant la guerre, avait
été dans les pattes des financiers. Il avait promis de
s'organiser pour ne plus retomber dans les pattes des financiers parce que,
quand ceux-ci essaient de s'entendre pour faire danser quelqu'un, ils peuvent
le faire danser. Si on ne veut pas danser, surtout quand on ne sait pas
très bien danser, ce qu'il faut, c'est avoir des solutions de rechange
pour ne pas avoir à danser. C'est cela que je dis: Dans la refonte du
crédit agricole, nous allons faire en sorte de trouver les
différentes solutions possibles pour avoir l'argent au meilleur
marché possible afin que, devant n'importe quelle situation, on puisse
maintenir des prêts agricoles bas, quelle que soit la position que
prennent les institutions financières pour augmenter les taux quand on
pense que les taux qu'elles demandent sont trop élevés.
Le Président (M. Gagnon): M. le député
d'Arthabaska.
M. Baril (Arthabaska): Oui. Il y a un autre fait qui s'est
produit également, M. le Président, et je suis certain que cela
va chatouiller les oreilles de l'Opposition. Quand on parle du gouvernement
fédéral, du gouvernement canadien, on les voit tout de suite se
dresser contre tous ceux qui peuvent parler, ceux qui ne sont pas favorables
à certaines politiques. Et, après que la politique de l'Office du
crédit agricole a été mise en application, depuis les
changements du taux d'intérêt, depuis un an ou un an et demi, au
sujet des prêts d'amélioration de fermes - les banques ne
prêtaient pas, non plus - ils se sont vite retournés et sont
allés voir le gouvernement fédéral. Ils se sont fait
garantir les prêts à un taux, par exemple, qui donnait une marge
de manoeuvre de 1%. Si le gouvernement fédéral avait
appuyé le gouvernement du Québec, cela aurait été
beaucoup plus avantageux pour les agriculteurs. Ce n'est ni le gouvernement
fédéral, ni le gouvernement du Québec qui en aurait
profité, mais les agriculteurs. On dit souvent que c'est toujours nous,
au Québec, qui ne voulons pas négocier et qu'il y a des malvats
là-dedans. Mais, le gouvernement fédéral a profité
d'une situation pour faire payer davantage aux agriculteurs: 1%
d'intérêt de plus. Si c'est cela, le fédéralisme
rentable, que l'Opposition m'explique pour qui c'est rentable. Est-ce pour les
banques ou pour les financiers, comme vient de le souligner le ministre, ou si
c'est pour l'ensemble de la population, l'ensemble des agriculteurs?
M. Mathieu: Quelle est la pertinence?
M. Baril (Arthabaska): C'est pertinent, on parle du taux
d'intérêt. Je savais que cela agacerait leurs oreilles.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Garon: Je suis d'accord avec le député
d'Arthabaska.
M. Mathieu: Oui, vous vous comprenez, tous les deux.
M. Garon: Puisque, comme ministre de l'Agriculture, mon devoir
n'est pas d'obtenir le taux le plus élevé, mais le taux le plus
bas pour les agriculteurs, je pense que je fais mon travail en essayant
d'obtenir le meilleur taux pour les agriculteurs.
Les institutions financières se plaignent au ministre des
Finances, qui est leur interlocuteur pour toutes sortes d'emprunts; cela ne
m'étonne pas, car cela fait aussi partie du jeu. Ils nous trouvent un
peu rigides sur le taux d'intérêt sauf que dans aucune province,
par exemple, les institutions financières n'ont les avantages qu'elles
ont au Québec. C'est cela qu'il faut dire. Quand la banque me dit - elle
ne me fait pas pleurer quand elle me dit cela - Si le taux au Québec est
meilleur marché que dans les autres provinces, cela va avoir l'air
drôle, on lui répond que cela n'aura pas l'air drôle. Dans
les autres provinces, avez-vous l'expertise fournie par l'Office du
crédit agricole au Québec? Avez-vous les assurances de
remboursement total - aucun risque - que vous avez au Québec? Vous
n'avez pas cela. Alors, il est normal que vous prêtiez à meilleur
marché au Québec. Mais les institutions financières savent
qu'elles auront des explications à donner dans les autres provinces
parce qu'on leur dira: Comment se fait-il que vous prêtez à
meilleur marché au Québec? Ce sera long d'expliquer qu'au
Québec elles ont des avantages qu'elles n'ont pas dans les autres
provinces afin d'avoir un meilleur taux pour les agriculteurs. Elles voudraient
exiger le même taux dans les autres provinces qu'au Québec. La
réalité n'est pas la même puisqu'on fournit des garanties
au Québec que les autres provinces n'offrent pas. On fournit aussi une
expertise qui n'est pas fournie dans les autres provinces.
Quand la banque est obligée d'engager des agronomes, des experts,
des analystes financiers pour déterminer si le prêt est bon ou non
et pour suivre les dossiers, cela coûte de l'argent. Quand c'est fait par
l'Office du crédit agricole qui émet un certificat et qu'ensuite
la banque peut faire le prêt, car, par ce certificat, elle a la certitude
d'être payée s'il y a des pertes, cela vaut de l'argent. Cela vaut
des points d'intérêt. C'est le débat fondamental.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Huntingdon.
M. Dubois: Le député d'Arthabaska, au lieu de
s'attaquer toujours au fédéral comme il le fait d'une
façon coutumière, devrait quand même reconnaître que
le ministre a été l'instrument d'un blocage
privilégié des prêts au Québec, l'an
passé...
M. Baril (Arthabaska): Défendez le
fédéral.
M. Dubois: ...et que, au moins, certains agriculteurs ont pu se
dépanner avec des prêts fédéraux.
M. Baril (Arthabaska): Avec quel pourcentage de plus?
M. Dubois: Bien oui, mais, même si c'était 1%, quand
cela prend de l'argent, il faut en trouver quelque part. L'an passé, le
ministre a littéralement bloqué les prêts.
M. Baril (Arthabaska): Si le gouvernement fédéral
avait appuyé la politique du gouvernement du Québec, les banques
auraient prêté.
M. Dubois: Je pense qu'il faut regarder les deux
côtés d'une médaille.
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Baril (Arthabaska): Arrêtez donc de défendre le
gouvernement fédéral!
M. Dubois: Je ne défends pas le gouvernement
fédéral. Je défends la logique pure et simple.
Le Président (M. Gagnon): M. le député
d'Arthabaska, la parole est au député de Huntingdon.
M. Baril (Arthabaska): Bien, voyons donc!
M. Mathieu: II est nerveux.
M. Baril (Arthabaska): Pas du tout. Regardez-vous de votre
bord.
Le Président (M. Gagnon): Si vous voulez vous adresser au
président.
M. Dubois: M. le Président, je voulais tout simplement
défendre la logique pure et simple. Quand le ministre de l'Agriculture
bloque les prêts...
M. Baril (Arthabaska): Le gouvernement fédéral.
M. Dubois: ...il faut qu'un autre instrument soit disponible pour
prêter aux agriculteurs. Alors, le fédéral a
prêté aux agriculteurs l'an passé.
M. Baril (Arthabaska): Le fédéralisme rentable.
M. Dubois: Je pense que cela a été salubre pour
plusieurs producteurs qui étaient en panne.
M. Baril (Arthabaska): Le fédéralisme rentable,
c'est cela.
M. Dubois: Le ministre devrait le reconnaître et le
député d'Arthabaska également.
M. Baril (Arthabaska): C'est le fédéralisme
rentable à tant de pourcentage de plus.
Le Président (M. Gagnon): M. le député
d'Arthabaska, s'il vous plaît. Est-ce que vous demandez la parole, M. le
député d'Arthabaska?
M. Houde: Je ne sais pas s'il est nerveux, mais...
M. Baril (Arthabaska): Pardon?
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que vous demandez la
parole?
M. Baril (Arthabaska): Ah non! Non. J'ai terminé.
Une voix: II n'a plus rien à dire.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Beauce-Sud? Non. Alors, est-ce que le programme 2 sera adopté?
M. Mathieu: M. le Président, en conclusion, une
revendication semble revenir de la part du milieu agricole quant à une
espèce de procédure d'appel pour des prêts de l'Office du
crédit agricole. Nous savons qu'à l'Office du crédit
agricole il y a une commission d'appel, comme on l'appelle. Ce sont trois
agriculteurs, je crois, qui sont nommés pour un certain territoire. Cela
semble être une revendication dans les demandes de l'UPA ou du monde
rural à savoir qu'il y ait une espèce de comité d'appel
à l'Office du crédit agricole.
M. Garon: Ah oui!
M. Mathieu: Je ne sais si le ministre ou M. Moreau aurait des
renseignements à nous fournir là-dessus ou encore des nouvelles
données.
M. Garon: Voyez-vous, il faut être cohérent un peu
dans les représentations. Des gens et vous-même, M. le
député de Beauce-Sud, nous reprochez occasionnellement de trop
prêter. En même temps, vous voudriez avoir un comité d'appel
pour pouvoir renverser des décisions de la commission. On y a
pensé longuement. Vous savez qu'un comité d'appel, où tous
les cas viendraient, coûterait cher à administrer,
premièrement. J'ai déjà fait faire une étude
là-dessus pour voir ce que cela donnerait et cela coûte cher.
Deuxièmement, je suis sensible aux critiques qui sont faites et qui nous
disent en même temps d'être ouverts sur de bons projets et
d'être prudents pour ne pas prêter d'argent sur des projets qui ont
peu de chance de succès. Un comité d'appel viendrait faire quoi?
Il ne ferait pas plus, à mon avis, que ce qui est fait actuellement.
Lorsqu'un cultivateur a un refus de son prêt, la plupart du temps, il va
voir son député qui m'écrit ou qui écrit au
président de l'office pour faire réviser le cas par la centrale
afin de voir si le projet a été bien administré. (Il h
15)
Des gens m'ont écrit et j'ai demandé au président
de l'Office du crédit agricole s'il pouvait réviser le cas, le
faire revoir par un groupe de la centrale pour savoir si la décision qui
avait été prise était la bonne. II y a eu plusieurs cas de
révisés, sans ingérence politique, mais sur la foi du
dossier. Il peut arriver qu'un analyste de crédit en région soit
plus sévère qu'un autre sur tel type de production. C'est humain
on ne peut pas avoir des gens qui sont comme des ordinateurs, qui jugent tous
les cas de la même façon. Mais la formule de révision, qui
est officieuse, qui est pratiquée à l'office m'apparaît
actuellement satisfaisante.
Je crois qu'une commission d'appel comme il y a au
fédéral... Mais le fédéral ne prête pas. Il a
peu d'argent disponible. On prête actuellement à peu près
six fois plus que le gouvernement fédéral. On peut bien mettre
des commissions d'appel quand on ne prête pas d'argent. On peut dire:
Vous l'auriez eu si on avait de l'argent. Une commission d'appel peut dire: On
vous l'aurait prêté, mais on n'a pas d'argent à vous
prêter. Tandis que nous, on préfère mettre plus d'argent
sur les prêts qu'avoir un organisme additionnel qui créerait une
"structurite" plus grande.
Si on regarde la région de la Beauce, l'an passé, la
Société du crédit agricole a fait 30 prêts. Dans la
grande Beauce, je parle des comtés de Beauce, de Frontenac, de
Mégantic et d'Arthabaska, 30 prêts pour une somme de 2 500 000 $,
et le crédit agricole du Québec a fait 180 prêts, pour une
somme de 13 000 000 $. Si on regarde seulement le comté de Beauce, la
Beauce même, excluant les comtés de Frontenac, de
Mégantic et d'Arthabaska, c'est encore pire. Le crédit
agricole fédéral a fait six prêts. L'Office du
crédit agricole québécois 69 prêts, onze fois
plus.
M. Mathieu: Ce n'était pas le but de ma question, je
voulais parler d'appel.
M. Garon: Savez-vous combien il a prêté dans la
Beauce pour montrer qu'il fait confiance à la région de la
Beauce? Il y a eu six prêts, pour 273 000 $, de la part du
fédéral; au Québec, 69 prêts, pour 4 846 000 $.
C'est 20 fois plus en montant d'argent du Québec que du
fédéral dans la Beauce. Si demain matin le Québec devenait
indépendant on n'aurait pas besoin de prêter beaucoup plus dans la
Beauce pour avoir tous les prêts de la Beauce. On aurait seulement 273
000 $ à prêter et personne ne serait privé de rien.
M. Mathieu: La Beauce est capable de faire son
indépendance elle-même, M. le Président, comme c'est
parti.
Le ministre a fait un exercice de diversion. Je parlais d'une
espèce de comité d'appel; il est rendu avec la Beauce et il est
rendu pas mal loin. Si je comprends bien ses propos, il n'est pas prêt
à retenir la suggestion de ceux qui lui demandent un comité
d'appel. Tantôt, il a dit qu'on lui reprochait de trop prêter, etc.
Ce n'est pas la question. Trop prêter ou ne pas assez prêter, ce
n'est pas le point. Le point que je soulève c'est si vous êtes
d'accord pour une espèce de comité d'appel. Je conclus que c'est
non.
M. Garon: Pas actuellement parce qu'on est en train de faire une
refonte du crédit agricole. Il est évident que c'est un des
aspects qui peuvent être considérés dans cela.
Personnellement, je peux vous dire qu'après avoir vu des projets
à ce point de vue cela coûte de l'argent sur le plan
administratif. C'est un rouage de plus. Le processus de révision actuel,
je trouve qu'il est satisfaisant.
M. Mathieu: Cela ne veut pas dire que le comité d'appel va
toujours changer les décisions des analystes, cela ne veut pas dire
cela.
M. Garon: Non, sauf que ceux qui ont des projets qui n'ont pas
été acceptés vont aller au comité d'appel et cela
va nous faire un...
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre, on va laisser
terminer le député de Beauce-Sud et après vous pourrez
répondre.
M. Garon: D'accord.
M. Mathieu: Je ne suis pas formaliste sur cela, M. le
Président. Je ne suis pas susceptible pourvu qu'on vienne à bout
d'avoir des réponses. Il y a également le phénomène
de ce que j'appellerais "refus à la source". Vous avez des statistiques
de refus. J'imagine qu'il y en a une certaine quantité, je ne sais pas
combien. Il y a des fois des agriculteurs qui se plaignent à tort ou
à raison, je ne porte pas de jugement sur le bien-fondé du
phénomène. Ils nous disent: On est allé faire une demande
et c'est un refus à la source, c'est-à-dire que ce n'est pas
compilé dans le nombre de refus que l'office peut mettre dans des
statistiques étant donné que cela a été
refusé à la source même. Parfois, les agriculteurs nous
disent: Qu'est-ce que je peux faire pour contrer cela? S'il y avait une
espèce de comité d'appel formé d'agriculteurs ils se
sentiraient peut-être plus à l'aise.
Le personnel est restreint dans nos régions. Les agriculteurs,
encore une fois, à tort ou à raison, nous disent: Untel ne m'aime
pas la face. Comprenez-vous? Je ne veux pas du tout ici entacher la
réputation des officiers régionaux de l'office; ce n'est pas du
tout la question, mais c'est peut-être un aspect. S'il y avait eu un
comité d'appel peut-être que l'individu se serait... Dans la
plupart des cas, j'imagine qu'il y aurait quand même un refus; j'en suis
bien conscient parce qu'à l'expérience, d'après ce qui se
passe à la Société du crédit agricole, quand un
individu est refusé, c'est très rare que c'est renversé en
appel. C'est très rare. Mais c'est peut-être seulement parce que
l'agriculteur se sentirait plus en confiance en parlant avec des gens comme
lui, même si c'est refusé que de dire: C'est parce que l'officier
ne m'aime pas la face.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Garon: C'est pour cela que j'ai dit que dans ces cas la
révision peut être faite. J'ai vu des cas qui ont
été révisés. J'en ai vu plusieurs. Maintenant, vous
n'avez pas d'idée du nombre de personnes... Je dois vous dire
qu'à mon bureau de comté, par exemple, des personnes viennent qui
ne demeurent pas dans mon comté et qui donnent une adresse, par exemple,
chez une cousine ou chez une tante ou chez un oncle. Elles viennent s'asseoir
dans mon bureau et disent: Écoutez, M. Garon, cela fait 30 ans que je
suis en ville. J'aimerais m'établir en agriculture. Combien donnez-vous
d'argent si je m'établis en agriculture? Je leur demande: Dans quoi
voulez-vous vous établir? Ils répondent: Je ne sais pas. Dans
quoi pensez-vous que je devrais aller?
M. Mathieu: Au moins, votre propagande fait effet.
M. Garon: Non. Je peux vous dire que de nombreuses personnes me
disent qu'elles aiment le grand air et que, plutôt que d'être dans
une manufacture, elles aimeraient cela travailler au grand air comme
cultivateurs et me demandent dans quel domaine elles devraient s'orienter.
Souvent, je leur dis: Allez voir les gens du crédit agricole. Ils
pourront vous conseiller. Mais j'imagine le nombre de demandes de cette nature
qu'il peut y avoir. M. Moreau me disait qu'actuellement il peut avoir 18 000
entrevues dans une année et qu'il peut y avoir environ 3500 prêts
nouveaux dans une année, ce qui veut dire qu'il y a plusieurs personnes
qui poursuivent un rêve bucolique qu'elles n'achèvent jamais,
comme le disait José Maria de Heredia - est-ce bien Heredia qui disait
cela: Midi, roi des étés étendu sur la plaine? - quand il
parlait des vaches "dont le regard poursuit le rêve intérieur
qu'elles n'achèvent jamais."
M. Mathieu: Le voici poète.
M. Garon: Mais c'est pour vous dire qu'avec une commission
d'appel il y aurait des milliers de cas. Je pense que les cas sérieux
nous viennent sous forme de demandes de révision. Il faudrait quasiment
créer un deuxième Office du crédit agricole pour revoir
tous les projets de gens qui voudraient avoir des prêts ou qui pensent
qu'on devrait leur donner la chance de poursuivre le rêve campagnard que
le sang de leurs ancêtres qui coule dans leurs veines leur demande de se
rapprocher de leurs racines.
M. Mathieu: M. le Président, le ministre est meilleur dans
la prose que dans la poésie.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Huntingdon.
M. Garon: Quand je vous regarde, je pense au poème de
Baudelaire qui disait: "La nature est un temple où de vivants piliers
laissent parfois sortir de confuses paroles. L'homme y passe à travers
des forêts de symboles qui l'observent avec un regard familier."
M. Dubois: Cela va bien dans le journal des Débats,
cela.
M. Houde: Tout cela ce n'est pas pour eux. C'est bon pour les
Montréalais.
M. Dubois; M. le Président, dans son petit refrain
politique tout à l'heure, le ministre a voulu établir un
parallèle entre le nombre de prêts consentis par l'office et le
nombre de prêts consentis par la société. Je pense qu'il
faudrait bien réaliser que la société n'est pas en
concurrence avec l'office directement. Ce sont deux services parallèles.
Par contre, je pense que les prêts de la société sont en
parallèle ou sont un palliatif aux prêts agricoles consentis par
l'office. Je ne voudrais, quand même, pas faire une comparaison du nombre
de prêts consentis par l'un ou l'autre. Je pense qu'il n'y a aucune
relation qui peut se faire entre les deux. D'ailleurs, on est tous conscients
que l'office prête à un taux inférieur à celui de la
société. C'est bien sûr que le producteur qui peut obtenir
un prêt de l'Office du crédit agricole va aller à l'office
premièrement. Je pense que c'est ne pas être juste que de faire un
parallèle entre le nombre de prêts consentis par l'un ou par
l'autre, strictement pour des fins politiques. Je voulais préciser ce
point-là, M. le Président.
La question particulière que je voulais poser: j'aimerais savoir
combien de terres ont été reprises ou mises en vente par l'office
durant l'exercice financier 1982-1983. Je ne sais pas si vous avez les
chiffres.
M. Garon: Pour répondre à la première partie
de votre question, il n'y a rien qui empêche la société de
prêter à meilleur marché. Nous n'avons aucune objection
à ce que la société fasse davantage de prêts au
Québec, baisse son taux d'intérêt et se sente davantage en
concurrence. On serait content que la société le fasse. On n'a
pas objection à ce qu'elle prête de l'argent.
M. Dubois: La politique de la société n'est pas
particulière au Québec, M. le ministre, elle est la même
pour tout le Canada. Je pense qu'il faut réaliser cela.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Huntingdon.
M. Dubois: II la prend quand il veut; je la prendrai quand je
veux, avec votre permission.
Une voix: Pas de caméra ici.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre, vous avez la
parole.
M. Garon: À la fin de l'exercice financier du 1er avril
1982, 19 terres, dont 2 louées étaient acquises par l'office. Le
31 mars 1983, l'inventaire était de 31 terres, dont 2 louées.
M. Dubois: Est-ce que vous avez un nombre précis de terres
qui ont été remises à la banque de terres que vous avez
créée il y a quelques années?
M. Garon: La banque de terres a commencé à
fonctionner cette année. Elle a
été constituée, elle a été
organisée, la réglementation a été faite.
Maintenant, dans le plan triennal de développement de la production
céréalière il y a un volet sur une banque de terres
arables. Actuellement, des travaux se font entre l'Office du crédit
agricole et le ministère pour définir les modalités de
fonctionnement cohérentes entre le ministère et l'office pour
exploiter la banque de terres arables. Cette année, nous avons des
budgets pour exploiter la banque de terres arables. Cela fera, au cours des
prochaines semaines, l'objet d'une annonce pour que les agriculteurs puissent
puiser dans cet instrument, qui sera un instrument extraordinaire de mise en
valeur des terres en friche au Québec.
M. Dubois: Est-ce qu'éventuellement la banque de terres
administrera les terres reprises par l'office?
M. Garon: Cela pourrait être possible.
M. Dubois: Quand la réglementation sera-t-elle
publiée?
M. Garon: La réglementation est déjà
publique.
M. Dubois: Publique. M. Garon: Oui.
Le Président (M. Gagnon): Le programme 2 est-il
adopté?
M. Mathieu: Adopté, M. le Président.
Le Président (M. Gagnon): Le programme 2 est adopté
avec l'ensemble de ses éléments.
M. Garon: Unanimement ou sur division?
M. Mathieu: Unanimement, M. le Président.
Le Président (M. Gagnon): Unanimement, j'ai compris. De 1
à 9 inclusivement. Quel autre programme prenez-vous?
M. Mathieu: On pourrait aller aux remarques
préliminaires.
Le Président (M. Gagnon): On recommence les remarques
préliminaires?
Discussion générale
M. Mathieu: C'est-à-dire que le ministre n'avait pas eu
l'occasion de répondre à nos nombreuses questions.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Garon: Je n'ai pas mes notes.
M. Mathieu: Je lui citerais deux vers de Lamartine, M. le
Président, étant donné qu'il était poète
tantôt: "Borné dans sa nature, infini dans ses voeux."
M. Garon: C'est plutôt un proverbe notarial quand on parle
de bornes. Les spécialistes des bornes sont plutôt les
notaires.
M. Mathieu: Ce sont plutôt les arpenteurs. (Il h 30)
M. Garon: En parlant de poésie, je dirai que le Parti
libéral dans l'agriculture me fait penser à l'albatros de
Baudelaire quand il arrive sur le pont du navire. Autant il est habile dans
l'air, autant il est malhabile sur terre.
M. Mathieu: Moins habile dans les conférences de presse
que la machine de propagande, j'en conviens, M. le Président, mais
peut-être plus réaliste et plus au fait des vrais besoins des
agriculteurs.
M. Jean Garon
M. Garon: M. le Président, je répondrai
brièvement aux remarques du député de Beauce-Sud. Quand le
député de Beauce-Sud a parlé de l'orientation du
ministère, c'est exact que nous avons orienté le ministère
au cours des dernières années en fonction des marchés et
qu'autrefois le ministère était davantage orienté en
fonction de la production. Il essayait de développer la production.
M. Mathieu: II ose dire cela.
Le Président (M. Gagnon): Vous avez la parole, M. le
ministre.
M. Garon: Un des changements importants qui se sont faits au
cours des dernières années, c'est l'orientation
systématique en fonction des marchés, parce qu'il est mauvais de
vouloir faire produire des gens sans s'occuper de la mise en marché.
Cela ne veut pas dire que la mise en marché fonctionne comme un moteur
dans l'huile, parce qu'on ne contrôle pas toutes les variables d'une mise
en marché qu'on souhaiterait la plus ordonnée possible; il y a
tellement de variables dans la mise en marché, il y a tellement de
facteurs qui jouent et qu'on ne contrôle pas. Vous remarquez, par
exemple, que, lorsque les prix baissent, l'Opposition me dit que c'est
malheureux que les prix baissent et que je
ne me suis pas occupé des prix et de la mise en marché;
mais quand les prix montent, cela dépend des États-Unis.
Nous avons dit que nous ferions des efforts particuliers cette
année et l'an prochain pour améliorer la façon de faire la
mise en marché des produits, la sécurité de la mise en
marché, aussi la garantie de paiement, ce que souhaitent les
agriculteurs, aussi la sécurité en ce qui concerne la
santé des animaux. C'est ce que nous voulons faire pour mieux
développer ces marchés. Évidemment, tout était
à faire dans ce secteur puisqu'il n'y avait pas grand-chose de fait
antérieurement, mais aujourd'hui, c'est toute l'équipe qui dirige
le ministère qui a la préoccupation des marchés.
Je ne pourrai jamais, et aucun fonctionnaire ne le pourra,
contrôler la température. Le député de Beauce-Sud me
disait, il y a deux ans, que c'était à cause de nos programmes
trop ambitieux qu'il y avait des surplus de sirop d'érable. Cette
année, je ne sais pas s'il va me dire que c'est à cause de nos
programmes pas assez ambitieux qu'il va y avoir une pénurie de sirop
d'érable...
M. Mathieu: II n'y a pas de pénurie du tout. Vous
êtes complètement débranché de la
réalité!
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre, vous avez
toujours la parole.
M. Garon: ...puisque la saison a été beaucoup moins
forte cette année et qu'il est certain qu'il ne restera plus de
réserves de sirop d'érable cette année, à un moment
donné. Je parle du bon sirop d'érable. Je ne parle pas du sirop
qui ressemble à de la mélasse; je parle du vrai sirop, du sirop
doré, du sirop d'une couleur d'ambre.
M. Houde: Comme le député de Beauce-Sud.
M. Garon: C'est pourquoi il faut développer cette mise en
marché qui va permettre une augmentation de la production du sirop
d'érable. Prenons l'an dernier, on a eu une année exceptionnelle
dans les légumes en termes de rendement, pas seulement au Québec,
mais dans toute l'Amérique du Nord, de sorte que la production de
carottes, si ma mémoire est bonne, a doublé par rapport à
l'année précédente. Je me rappelle avoir regardé
les statistiques vers le mois'de mars ou d'avril. Alors que, l'année
précédente, on avait mis en marché 500 000 sacs de 50
livres de carottes, cette année, à pareille date, on avait mis 1
500 000 sacs de carottes en marché. Cela veut dire que, finalement, les
entrepôts se sont vidés. Je pense qu'il n'y a pas beaucoup de
carottes actuellement dans les entrepôts au Québec.
Or, une année où il y a une production comme l'an dernier,
va-t-on dire que le gouvernement a trop encouragé les gens à
produire de la carotte? Ce n'est pas cela, c'est que, dans l'agriculture, il y
aura toujours des fluctuations qui sont incontrôlables, parce qu'il y a
de bonnes années et de mauvaises années. Cette année, il a
plu comme il n'a jamais plu depuis quarante ans au mois d'avril et au
début de mai.
M. Mathieu: C'est la faute du fédéral.
M. Garon: Les pluies sont interprovinciales. Elles sont sous la
juridiction fédérale; les pluies acides en particulier qui
transportent la pollution. Justement, les pluies acides, qui occasionnent des
dépenses additionnelles aux agriculteurs pour combattre cette
acidité qui s'étend sur nos plaines et sur nos terres, devraient
être contrôlées avec plus de fermeté par le ministre
de l'Environnement au fédéral. C'est exact. C'est un
problème fédéral.
M. Mathieu: Cela ne dépend plus du bon Dieu; cela
dépend du fédéral maintenant.
M. Garon: La pluie dépend du bon Dieu. L'acidité
qu'il y a dans la pluie dépend du fédéral qui, lui, ne
voit pas à combattre cette pollution. De la même façon, si
nos anguilles vont manger du Mirex dans le lac Ontario, c'est parce que le
fédéral n'a pas été assez vigilant et que nos
poissons qui migrent vont se corrompre dans le lac Ontario.
Une voix: Pas dans nos rivières du Québec.
M. Garon: Tandis que les anguilles qui restent dans les
rivières du Québec, justement, sont très bonnes à
manger. Il n'y a aucun problème.
Une voix: II en a fait.
M. Garon: Quoi? Qu'est-ce qu'il dit là?
Le Président (M. Gagnon): D'accord. Allez-y.
M. Garon: Donc, orientation en fonction des marchés, ce
qui ne veut pas dire qu'il n'y aura pas des années où il y aura
des surplus. Les prix de la plupart des produits dépendent d'un
phénomène international ou nord-américain. Par exemple,
quand le prix du porc est élevé, cela ne dépend pas du
ministre et, quand le prix du porc est bas, cela ne dépend pas du
ministre ou du ministère, non plus. On est dans un marché
nord-américain, mais aussi international. Les variations dans les stocks
et les goûts des
consommateurs entraînent des changements dans les prix. C'est la
même chose pour le boeuf.
J'écoutais le discours du député de Beauce-Sud.
Hier, il faisait un aparté lorsqu'il disait qu'on avait des gens dans
des productions où il y a des difficultés. C'est évident
que l'année 1982 a été caractérisée par des
bas prix dans le domaine agro-alimentaire, à l'exception du porc.
Quelques années auparavant, quelques mois auparavant, c'était le
porc qui subissait des bas prix. On ne peut pas changer cela dans l'état
actuel des choses, parce que nous n'avons pas le contrôle sur les
importations. Seul le gouvernement fédéral pourrait, s'il le
désirait, avoir un certain contrôle sur les importations et, de
cette façon, contrôler les prix. L'indépendance du
Québec, par ailleurs, nous donnerait des outils - que nous n'avons pas
actuellement - de contrôle des importations et des prix et permettrait,
à ce moment-là, de régulariser les approvisionnements des
consommateurs québécois à des prix plus stables, donc plus
avantageux pour les consommateurs et pour les producteurs agricoles.
En termes d'autosuffisance céréalière -c'est le
deuxième sujet dont a traité le député de
Beauce-Sud, je prends surtout ses grands thèmes - j'ai été
surpris de constater que - il est évident que l'autosuffisance est un
thème que personne ne peut combattre -il la combat quand même dans
les faits. Le Québec peut produire davantage de céréales,
c'est pourquoi nous avons mis en place une politique en treize points pour
accroître notre degré d'autosuffisance
céréalière. Ce que les gens considéraient comme un
rêve difficile à réaliser il y a quelques années,
ils le considèrent maintenant comme une perspective ou un objectif qui
peut être atteint en fonction de l'augmentation de notre production
animale.
Le plan d'accélération vers l'auto-suffisance
céréalière qui a été mis en place cette
année va nous permettre sûrement d'accroître
considérablement - on espère atteindre 70% à la fin de
l'année 1985 - l'autosuffisance dans le domaine des
céréales. Cela ferait en sorte que plus de personnes
utiliseraient les sols - on utiliserait davantage nos sols au Québec -
que plus de personnes pourraient gagner leur vie dans le domaine des
céréales et qu'en même temps on serait moins
dépendants des autres pour notre production
céréalière.
Il faut aussi développer des variétés mieux
adaptées à notre climat. Ce n'est pas impossible. C'est pourquoi,
dans ce programme nous avons mis en place un volet qui porte sur les parcelles
de démonstration. Nous souhaitons avoir, dans les dix régions
céréalières du Québec, 200 parcelles de
démonstration pour la mise au point de variétés
adaptées à chacune des régions du
Québec.
Nous voulons aussi mettre l'accent sur le programme de recherche des
céréales, celui-ci passant de 1 100 000 $ à 2 000 000 $
par année. Pourquoi? Pour développer des variétés
mieux adaptées à notre climat. Un pays comme le Danemark, avec 4
500 000 de population, un des plus hauts niveaux de vie au monde,
indépendant depuis 1905, qui est, en termes d'autosuffisance
alimentaire, un des grands exportateurs mondiaux de produits laitiers et de
viande, produit une grande quantité d'orge. L'orge est une
céréale adaptée à notre climat qui vient tôt;
il n'y a pas de danger de gel. Il vient au mois d'août. Comme on a
beaucoup de vent, au Québec, il y a le problème des averses. Les
tiges penchent, cassent et se couchent sur le champ.
M. Dubois: Cela dépend du fédéral, le vent,
je suppose?
M. Garon: Cela ne dépend pas du fédéral,
mais l'orge imite les fédéralistes qui se penchent et se
couchent. Nous voulons trouver des variétés...
Une voix: Ils peuvent se tenir debout.
M. Garon: ...qui sont fermes, qui se tiennent debout et qui ne
cassent pas devant le vent qui souffle trop fortement. Il y a eu une
amélioration considérable des variétés d'orge.
Actuellement, il y a l'orge Sophie qui a la tige un peu plus raide et qui,
apparemment, casse moins et donne un meilleur rendement. Si on avait une
variété parfaitement adaptée à notre climat, on
pourrait produire de l'orge dans tout le Québec. En termes de
développement agro-alimentaire, je dirais que la priorité va
à la recherche pour découvrir ces variétés.
Si on pouvait trouver des variétés de mais et de
blé encore plus hâtives, résistantes à
l'humidité, résistantes à la fusariose, on aurait aussi un
problème de réglé. On a un climat plus humide, on a un
hiver, on a plus de pluie alors que, dans l'Ouest, c'est trop sec. Ils auraient
besoin de variétés qui ne nécessitent pas trop d'eau.
Nous, on a beaucoup d'eau, trop d'eau et c'est pour cela qu'on fait du drainage
tandis qu'eux font de l'irrigation pour avoir de l'eau dans les périodes
où ils n'en ont pas.
Cette recherche doit se faire et c'est un des volets importants de notre
politique céréalière. On a fait des efforts
considérables, au cours de l'automne, on a travaillé des heures,
des centaines d'heures à ce projet pour mettre au point une série
de programmes qui vont propulser le Québec vers une plus grande
autosuffisance céréalière. Nous l'avons dit dans le
communiqué de presse et c'est ce qu'a
souligné le député de Beauce-Sud. Le
député de Beauce-Sud connaît maintenant l'importance des
céréales au Québec, puisqu'il a fait la tournée
avec nous pour le rapport Gilson. Il est important d'être moins
dépendant sur le plan des céréales.
Au cours des prochaines années, si les experts ont raison - ils
ont souvent tort, mais parfois ils ont raison - on anticipe des pénuries
de céréales à mesure que la population mondiale va
augmenter. On dit que la population mondiale va augmenter, va occuper davantage
le sol agricole et qu'il pourrait y avoir de plus en plus de pénurie.
Or, on a eu des bonnes saisons à la suite l'une de l'autre, ce qui est
un peu exceptionnel, de sorte qu'on a eu des surplus de céréales
au cours des deux dernières années.
Les ensemencements, à ce qu'on me dit, sont beaucoup plus faibles
cette année aux États-Unis; il y a 30% moins d'ensemencement
parce que le président des États-Unis a une politique de
compensation pour les agriculteurs qui n'ensemenceraient pas afin de liquider
les surplus. Il peut arriver par la suite, lorsque les stocks seront bas, au
lieu d'avoir deux ou trois bonnes années de suite, qu'on connaisse deux
ou trois mauvaises années de suite. Là, on a le
phénomène inverse, on a une véritable pénurie. Les
gens peuvent dire que, quand il y a des surplus, le fait d'avoir une politique
céréalière peut sembler contradictoire. Non, puisque, ce
qui est important, c'est d'avoir une autosuffisance la plus forte possible pour
être de moins en moins dépendant en termes d'approvisionnement sur
les marchés extérieurs. Ce n'est pas une politique pour 24
heures; c'est une politique à long terme, une politique d'utilisation de
nos ressources. C'est pour cela que cette politique, pour nous, est très
importante. (Il h 45)
Le député de Beauce-Sud a parlé aussi de la liste
des clients. Il a parlé du ticket modérateur.
M. Mathieu: Je ne sais pas si on aurait pu échanger sur
divers points à ce moment-ci?
M. Garon: On pourra le faire après. Je voudrais finir mon
introduction.
M. Mathieu: Oui, d'accord.
M. Garon: La liste des clients, c'est-à-dire la liste des
cultivateurs qui font affaires avec le ministère, à mon avis, est
très importante. C'est l'un des instruments dont nous voulons nous
doter, lequel n'a jamais été complètement abandonné
par les agronomes dans les bureaux locaux. Même quand - je dois dire que
c'est une sagesse de la part de nos bureaux locaux - les gens au
ministère ont eu l'intention, à un moment donné, de faire
faire des enquêtes qui auraient remplacé les fiches des
agriculteurs, je pense que nos agronomes locaux ont été sages de
maintenir eux-mêmes les fiches des agriculteurs dans leurs bureaux pour
garder l'inventaire existant.
Nous avons voulu avoir un instrument de gestion plus efficace. Je peux
vous dire que l'une des raisons qui m'ont amené à penser à
cela, c'est le recensement fédéral de 1981. Au recensement
fédéral de 1981, on a été étonné de
constater que les chiffres qu'on avait véhiculés concernant la
progression de la production céréalière entre 1976 et 1981
comportaient des erreurs considérables. Devant la politique qui avait
été adoptée au Québec, le gouvernement
fédéral avait un échantillonnage pour déterminer
les productions céréalières; les statisticiens avaient des
échantillonnages qui n'étaient pas révélateurs de
la production au Québec, de la croissance de la production au
Québec, puisqu'un grand nombre de nouveaux agriculteurs se
lançaient dans la production céréalière. Les
échantillonnages ne tenaient pas compte de ces nouveaux agriculteurs qui
entraient dans la production céréalière. C'était
quoi, le chiffre? Il y avait un taux de 20% d'erreur, au-dessus de 300 000 ou
de 400 000 tonnes. Dans les statistiques, avant de faire le recensement de
1981, on avait constaté que les statisticiens fédéraux ne
s'étaient pas rendu compte que l'augmentation de la production avait
été beaucoup plus forte entre 1978 et 1981 que tout le monde ne
l'avait anticipé. On disait qu'on avait 276 000 acres en production,
alors qu'en faisant le recensement de 1981 on s'est rendu compte qu'on
dépassait 400 000 acres en maïs. Et, on ne peut pas faire des
politiques bien ajustées avec des instruments d'analyse de l'ordre des
statistiques, des inventaires décennaux.
Avec la nouvelle liste des agriculteurs, la fiche de l'agriculteur qui a
été étudiée longuement par le service des
études économiques et les différentes personnes au
ministère qui ont beaucoup travaillé là-dessus, on va
pouvoir avoir, chaque année, un inventaire global réel de toute
la production québécoise qui va être un instrument de
gestion extraordinaire. Évidemment, il va falloir s'habituer à
travailler avec cet instrument de gestion et avec les miniordinateurs qui
aujourd'hui peuvent être utilisés beaucoup plus facilement que les
immenses machines qu'on avait autrefois. Il va être possible d'avoir,
d'une façon permanente, une mise à jour presque quotidienne et
l'inventaire véritable de la production agricole
québécoise. Et c'est un instrument de gestion qu'il est important
d'avoir en 1983 pour les années qui viennent.
Nous avons pensé, puisque nous rendrons cette fiche obligatoire
pour faire affaires
avec le ministère, qu'il ne serait pas mauvais d'avoir en
même temps un instrument d'information pour les agriculteurs - non pas de
propagande, comme l'ont laissé entendre certains membres de l'Opposition
- de renseignement sur les politiques agricoles et surtout sur les programmes
ou encore sur les découvertes technologiques ou encore sur la
technologie qui, on le pense, devrait être utilisée par les
agriculteurs. Par exemple, prenons les méthodes de drainage. Cette
année, on a fait plus de 80 assemblées au cours des mois de
février et de mars pour expliquer le cheminement des gens du
ministère concernant le drainage et la façon d'utiliser la
machinerie pour faire du drainage en tenant compte des coûts des
différents types de machines. On se rend compte qu'il y a des travaux
qu'on peut faire aujourd'hui avec des machines qu'on n'utilisait pas autrefois,
avec des grattes plutôt qu'avec des bulldozers ou encore de la machinerie
lourde; enfin, on peut utiliser d'autres types d'équipement pour faire
ces travaux. Cela développe une nouvelle technologie afin de travailler
le sol pour le mettre au point.
Devant le manque d'instruments de communication, il serait utile d'avoir
une revue du ministère qui irait dans chaque famille d'agriculteurs. Il
est évident qu'on pourrait dire qu'on va envoyer la revue gratuitement,
mais ce qui est gratuit n'a jamais la même valeur que ce qui est
payé. On a parlé d'un ticket modérateur. En fait, ce n'est
pas à un ticket modérateur qu'on a pensé, mais il
s'agirait plutôt de faire contribuer à la revue qui serait un
bulletin ou une revue de renseignements pour les agriculteurs pour mieux les
renseigner sur les programmes du ministère et également sur les
innovations technologiques qui peuvent être utilisées au niveau
des agriculteurs. On hésite. Est-ce qu'elle devrait coûter 10 $,
15 $ ou 20 $ par année? D'abord, ce n'est pas encore accepté par
le gouvernement. C'est un projet. Comme vous en avez parlé, j'aime
autant en parler aussi ouvertement. C'est un projet que j'espère voir
accepter. Ce n'est pas vendu d'avance. Je suis obligé de convaincre mes
collègues à différents niveaux. Mais, personnellement, je
suis convaincu que ce serait un instrument important pour développer
l'agriculture au Québec. Ce document, à mon avis, devrait
être payé, enfin cette revue devrait se vendre aussi dans les
kiosques au Québec. Ce serait une bonne revue, qui serait la revue du
ministère et qui n'entrerait pas en conflit avec d'autres. Prenez le
journal La terre de chez nous, il concerne les fins syndicales. Nous allons
maintenir nos pages dans ce journal parce que nous avons besoin de
communications hebdomadaires avec l'union des agriculteurs. Mais cela pourrait
jouer un rôle.
Il y a aussi un autre instrument qu'on souhaite se donner le plus
rapidement possible. Je dois rencontrer des gens bientôt qui ont entendu
parler de ce projet du ministère que j'ai demandé pour la
cartographie permanente des sols. On m'a dit qu'on pourrait utiliser
avantageusement des satellites pour faire cet inventaire. Pourquoi ne
tiendrait-on pas à jour annuellement l'utilisation des sols au
Québec, de sorte qu'on pourrait mieux gérer le
développement de l'agriculture au Québec? Si on avait une
cartographie annuelle, qui serait mise à jour chaque année et
qu'on analyserait au cours de l'automne, on pourrait l'adapter au
développement de nos politiques pour l'année suivante en tenant
compte de ce qui existe.
Par exemple, si on savait comment sont utilisés les sois dans les
zones agricoles -avec les moyens techniques d'aujourd'hui comme le satellite,
la photographie aérienne, le micro-ordinateur, il est possible de
gérer l'agriculture d'une façon efficace - à ce
moment-là, on pourrait faire les séances d'information
nécessaires pour dire que, dans telle région, par exemple, on ne
fait pas assez de céréales ou encore, on produit tel type de
céréales alors que les sols seraient mieux adaptés
à telle autre production. Ou encore on se rendrait compte si nos sols
sont utilisés de façon optimale. Ou encore on verrait quels sont
les sols zonés "agricoles" qui ne sont pas utilisés pour
l'agriculture et on pourrait se demander pourquoi ils ne le sont pas. Est-ce
qu'ils sont simplement encore sous spéculation? Est-ce qu'ils
appartiennent à des gens qui en sont les propriétaires et qui ne
les utilisent pas? Nos mesures d'incitation fiscale en ce qui concerne
l'évaluation foncière et la fiscalité foncière
pourraient être adaptées davantage en vue d'inciter les gens qui
détiennent des terres dans les zones agricoles qui ne sont pas
utilisés pour l'agriculture à les utiliser pour l'agriculture.
Autrement, cela pourrait coûter cher de ne pas les utiliser.
Il n'y a rien de mal à ce que quelqu'un qui a de l'argent
possède une terre parce qu'il veut faire un gain de capital sur un
période d'années avec cette terre. Mais c'est mal si ce sol est
gardé inactif. Des banquiers me disaient qu'en Californie c'est une
forme de placement: les gens achètent de la terre comme investissement.
Les gens qui ont un bon revenu, qui ne veulent pas en avoir plus annuellement
mais veulent des gains qui vont apparaître lorsqu'ils réaliseront
leurs gains de capital plusieurs années plus tard investissent dans le
sol. Mais entre-temps, pendant cette période de dix, quinze ou vingt ans
où ils possèdent la terre, ils la louent à des
agriculteurs à des prix très faibles parce qu'ils
préfèrent avoir une terre qui prend plus de valeur si elle est
utilisée que si elle ne l'est pas.
En fonction d'une meilleure
connaissance de l'utilisation des terres au Québec, on pourrait
développer des manières d'inciter les gens qui possèdent
de la terre agricole qui est bonne pour l'agriculture et qui n'est pas
utilisée à l'utiliser.
J'espère que ces paroles de ce matin seront inscrites à
l'Université Laval dans les livres dont vous parlez. C'est un programme
d'avenir que nous traçons aujourd'hui, programme dont on parle au
ministère depuis les rencontres mémorables de Montmagny qui ont
duré deux jours, où nous avons fait le point pour les
années à venir. Nous sommes convaincus que la liste des
agriculteurs avec l'inventaire permanent, une cartographie annuelle des sols,
pour voir comment se développe l'utilisation des sols au Québec,
l'utilisation ou la non-utilisation des terres agricoles dans les zones
agricoles, et une revue au ministère seront des instruments de gestion
extraordinaires pour les années qui s'en viennent.
Aussi on aura bientôt des instruments de gestion au
ministère qui vont nous rapprocher plus du XXIe siècle
que du XXe siècle. Pourquoi? Parce qu'il faut aujourd'hui
utiliser la technologie qui est disponible. Vous savez, si on regarde
l'histoire, M. Ouellet, qui est à mes côtés et qui
était étudiant en sciences sociales un peu avant moi, se rappelle
que les premiers professeurs de sciences sociales, d'économie, de
statistiques étaient des agronomes. Si les sciences sociales ont
été développées au Québec, cela a
été en grande partie par des agronomes, la plupart de nos
professeurs de sciences sociales ayant une formation agronomique. Je
m'étais toujours demandé pourquoi les gens avaient besoin dans le
domaine agricole de données statistiques. On le réalise
très peu, les gens du monde agricole ne font pas assez leur propre
promotion. Il n'y a pas de secteur d'activité humaine dont la
productivité augmente à un rythme aussi rapide que le domaine
agroalimentaire. C'est peu connu. Au cours des années passées,
des agronomes qui ont travaillé dans le domaine agricole ont
développé des techniques économiques de statistiques pour
mieux analyser l'agriculture. Pour les années qui viennent, si on veut
continuer et aller encore plus rapidement dans ce sens, il va falloir
également se doter des meilleurs instruments d'analyse que la
technologie moderne ait mis à la disposition de l'homme ou de la
personne, si vous voulez. C'est pourquoi, grâce aux instruments qui
seront utilisés par le ministère au cours des prochains mois, ce
virage technologique sur le plan administratif au ministère sera un
changement très important. On pourra dire que 1983 et 1984 auront
été, au ministère de l'Agriculture, sur le plan de la
gestion, sur le plan de l'analyse, sur le plan de la prospective, les
années les plus importantes qu'on aura vécues pour se diriger
vers le
XXIe siècle avec les yeux grands ouverts.
M. Mathieu: C'est dommage que cela ne ressorte pas dans le
budget, M. le Président.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre.
M. Garon: Cela ne coûte pas cher. Il faut se servir des six
pouces qu'on a au-dessus des yeux.
Le Président (M. Gagnon): Sur ces dernières
paroles, nous ajournons nos travaux jusqu'après la période des
questions. C'est cela? Alors, la commission de l'agriculture, des
pêcheries et de l'alimentation ajourne ses travaux sine die, parce qu'on
va avoir un appel de l'Assemblée nationale.
(Suspension de la séance à 12 h 01)
(Reprise de la séance à 16 h 15)
Le Président (M. Gagnon): La commission de l'agriculture,
des pêcheries et de l'alimentation poursuit l'étude des
crédits pour l'année 1983-1984. Lors de la suspension de nos
travaux, nous étions encore dans les notes préliminaires. Si je
me rappelle bien, M. le député de Beauce-Sud, vous aviez des
questions à poser au ministre.
M. Hermann Mathieu
M. Mathieu: Le ministre avait répondu à mes
questions. Je ne voudrais pas allonger le débat indûment, mais il
y a des choses pas mal fondamentales que j'aimerais vider. Ce n'est pas du
temps perdu même si on semble aller à l'encontre du
règlement. En effet, lorsqu'on arrivera aux programmes, la discussion
qui est faite servira.
Le ministre, ce matin, semblait laisser supposer qu'on se
prononçait contre sa politique céréalière. Si je
l'interprète mal, il me corrigera. Le ministre dit que c'est vrai, les
citations que je lui ai servies de ses propres discours selon lesquelles il
s'occupe d'abord des marchés et, ensuite, de la production. C'est cela
que le ministre a toujours prêché, que les libéraux
s'occupaient seulement de la production et que lui était pour s'occuper
des marchés avant de s'occuper de la production. M. le Président,
ce qu'on observe dans le sens commun, c'est le contraire du discours du
ministre. On s'aperçoit qu'il a tellement insisté, mis des
règles favorables à l'augmentation de la production sans trouver
de marchés au préalable.
M. Garon: Quelle production?
M. Mathieu: Dans le porc, pour ne nommer que celui-là.
M. Garon: II y a des marchés dans le porc sauf que le prix
a été bas.
M. Mathieu: Nous sommes autosuffisants à 165%.
M. Garon: À 155%.
M. Mathieu: On a monté plus haut que cela.
M. Garon: Oui, exporter, c'est correct. M. Mathieu: Oui,
mais la planification... M. Garon: Dans le lait...
M. Mathieu: Le lait, oui, mais c'est parce qu'on est
contingenté par un office national.
M. Garon: Oui, mais on produit 135% de ce qu'on consomme.
M. Mathieu: D'accord, je ne voudrais pas étendre le
débat, mais il y a un point sur lequel je voudrais attirer l'attention.
J'ai un article de journal - vous savez que j'ai un bon stagiaire M. le
ministre; j'espère que vous ne lui ferez pas une offre d'emploi avant
que la commission soit finie - Le Soleil, du 30 mars...
M. Garon: Je me demande à qui il est fidèle. Il
était fidèle à M. Ryan. Je ne sais pas à qui il est
fidèle maintenant.
M. Mathieu: ...1977: La proposition du PQ...
M. Garon: Êtes-vous le patron du recherchiste?
M. Mathieu: M. le ministre fait des exercices de diversion.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Beauce-Sud, vous avez la parole.
M. Mathieu: Quand on arrive à un point sensible, il fait
toujours des exercices de diversion. Le 30 mars 1977, dans le journal Le
Soleil, un article de M. Marc Lestage: La proposition du PQ: investir dans la
production plutôt que de combler les pertes de revenus. Je pense que
c'est très évocateur.
M. Garon: En quelle année?
M. Mathieu: Le 30 mars 1977. Vous étiez à votre
apogée, M. le ministre. La comète partait dans le ciel et puis...
"La proposition du PQ: investir dans la production plutôt que de combler
les pertes de revenus."
M. Garon: Depuis ce temps-là, 20 productions ont
été assurées par l'assurance-stabilisation.
M. Mathieu: Or, M. le Président, qu'est-ce que les
agriculteurs disaient en 1974-1975? Ils disaient - je me souviens très
bien d'un mouvement de masse, l'UPA - Vos petites subventions, gardez-les.
Donnez-nous une assurance-stabilisation qui se tienne debout. C'est à
peu près cela qu'ils disaient. L'assurance-stabilisation fut
créée sous le régime précédent. Je reprends
les paroles du ministre de l'Agriculture dans le volume, intitulé
Discours, conférences de presse et communiqués d'hommes
politiques québécois, Jean Garon. Lui, comparativement aux
autres, a plusieurs volumes à la bibliothèque. Le ministre ne
savait même pas que cela existait. Je cite la cote pour qu'on s'entende
bien.
Une voix: Une bonne cote.
M. Mathieu: 35437140008D611 Garon, volume 1. Il a une bonne cote,
M. le sous-ministre, mais je pense que vous devriez le mettre à l'index
parfois.
À la suite des excellentes mesures qui avaient été
prises par son prédécesseur, le ministre disait le 25 avril 1977:
"Notes pour l'allocution du ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et
de l'Alimentation, M. Jean Garon, devant les membres de la Corporation des
agronomes du Québec au pavillon Comtois de l'Université Laval.
"Je reconnais - et je rends hommage à mes prédécesseurs
immédiats - que l'on a enregistré des progrès au cours des
dernières années. L'adoption d'un programme de
développement agro-alimentaire intégré a tracé la
voie et préparé le terrain pour une action massive dans ce
secteur." Le ministre, d'abord, n'en reconnaît pas la paternité:
c'est à peu près son plus beau discours depuis qu'il est
ministre, M. le Président.
M. Garon: Voyez-vous, dans les ministères, les
fonctionnaires nous préparent des notes pour des discours, mais cela ne
veut pas dire qu'on les lit. Je n'ai jamais lu ces notes-là, je ne
comprends pas...
M. Mathieu: Vous ne lisez pas le meilleur.
M. Garon: Ils m'ont préparé toutes sortes de notes,
mais je ne les lisais pas.
M. Mathieu: Qu'il l'ait lu ou pas lu, ce n'est pas mes troubles,
M. le Président.
M. Garon: Cela doit être M. Lussier qui voulait que je lui
rende hommage. Il a dû
l'envoyer lui-même à l'Université Laval.
Une voix: II faut ajouter que cela ne s'est pas
répété, par exemple.
M. Mathieu: Or, c'était peut-être du temps où
le ministre n'avait pas pris le contrôle de tout l'appareil. On sait que
maintenant il a domestiqué l'appareil du ministère. Mais ce que
je veux faire valoir par là, c'est qu'il reconnaissait qu'avant lui il y
avait eu quelque chose de fait. Maintenant, il ne le reconnaît plus. Il
est arrivé avec sa baguette magique, qu'il a touchée, et tout fut
créé. Une chance qu'il a eu des collaborateurs comme j'en vois
autour. Je ne les nommerai pas, ce n'est pas nécessaire, parce que j'en
oublierais sans doute. Sans eux, cela n'irait pas si bien, son affaire.
Ceci pour vous dire, M. le Président, que le régime
antérieur et le régime qui a suivi se sont
préoccupés de répondre aux besoins des agriculteurs qui
disaient: Donnez-nous des bons prix pour nos produits. Donnez-nous une bonne
assurance-stabilisation. Vos petites subventions, gardez-les. C'est à
peu près l'esprit qui régnait au sein du monde agricole à
ce moment-là. Donc, ce que je vous dis, c'est que je ne voudrais pas -
et j'allume une lumière jaune au ministre - qu'il détourne les
fins du Régime d'assurance-stabilisation. Les fins du Régime
d'assurance-stabilisation, rappelons-le-nous bien - et si je ne suis pas exact
dans mon énoncé, qu'on me contredise - c'était d'assurer
des revenus décents et raisonnables aux agriculteurs. Les agriculteurs
ont profité du régime et l'ont apprécié. Ce
n'était pas le but de ce régime d'augmenter l'autosuffisance.
Quant à la notion d'augmenter l'autosuffisance, je n'ai rien contre
cela. Il faudrait être complètement débranché de la
réalité et d'une certaine fierté et du sens de
l'économie pour être contre cela. Je ne suis absolument pas contre
la notion d'augmenter l'autosuffisance. Mais je ne voudrais pas qu'on
détourne le Régime d'assurance-stabilisation de sa propre fin. On
ne l'a pas créé comme un moyen d'augmenter l'autosuffisance
céréalière; on l'a créé pour apporter des
revenus décents et raisonnables aux agriculteurs. Donc, le ministre est
en train de dévier le principe de cette loi en faisant miroiter à
la Duplessis les bienfaits de l'autosuffisance: Un peuple qui se nourrit est un
peuple fort, disait M. Duplessis, etc. D'ailleurs, je remarque une certaine
complaisance quand il cite M. Duplessis: il devient épanoui et a l'oeil
vif. Il a sûrement des ressemblances et une admiration sans borne.
M. Garon: Non, c'est parce qu'on m'a dit qu'à cette
époque vous étiez bleu. C'était pour vous faire plaisir,
comme le député de Huntingdon.
M. Mathieu: Je dis au ministre: Ne détournez pas les fins
et les buts du Régime d'assurance-stabilisation. On aura l'occasion
d'expliciter davantage quand on sera rendu au programme en question, mais cela
n'a pas été fait dans le but d'augmenter l'autosuffisance, parce
que les agriculteurs contribuent au Régime d'assurance-stabilisation
pour un tiers. Nous allons voir, quand nous serons rendus à ce programme
dans l'étude du budget, qu'on prévoit des sommes plus
considérables.
Je vous dis immédiatement que nous sommes tout à fait
favorables, encore, à ce régime d'assurance-stabilisation que le
gouvernement libéral avait mis en marche. Nous voulons que les
agriculteurs aient des revenus raisonnables, des revenus dont ils ont besoin,
assurés, et non pas qu'on les lance à l'aventure comme certains
l'ont été par l'offre de subventions très
alléchantes. Quand on offre des subventions de 60 000 $ ou 70 000 $
à un agriculteur pour établir un parc d'engraissement de boeufs,
il en voit sûrement le bon côté. Souvent, cet individu a
payé sa ferme, il y a 20 ans, peut-être 15 000 $ ou 20 000 $, et
il a monté son affaire. Quand on lui fait une offre comme
celle-là, il ne réalise pas immédiatement l'importance des
investissements qu'il doit faire. Une fois que le programme est
réalisé, on s'aperçoit que c'était un cadeau de
Grecs, un cadeau empoisonné, parce que, souvent, cela met cette
entreprise agricole en mauvaise posture financière.
Or, quand le ministre disait ce matin que les libéraux
étaient contre l'autosuffisance, je ne suis absolument pas contre et je
suis d'accord avec une notion réaliste de l'autosuffisance quand c'est
économiquement souhaitable. Mais je me dis qu'on ne peut pas être
autosuffisant en tout. En théorie, on pourrait être autosuffisant
en tout, mais à quel prix! On pourrait être autosuffisant en
bananes, comme je vous le disais hier, en produire en serres chaudes, mais quel
prix nous coûteront-elles?
M. Garon: Je vais vous mettre en charge du service, si on fait un
service de bananes.
M. Mathieu: D'accord.
M. Garon: Vous semblez avoir des idées
là-dessus.
M. Mathieu: Donc, M. le Président, je fais bien la
distinction.
Je reviens maintenant à l'article du Soleil. "La proposition du
PQ: investir dans la production agricole plutôt que de combler les pertes
de revenus." Dans cet article, M. Lestage disait ceci - je me permets de
citer
quelques extraits, parce que c'est très important - "Si on s'en
remet aux prévisions de dépenses publiées hier, il semble
évident que le ministère de l'Agriculture espère assurer
la relance de l'agriculture en investissant dans la production pour tirer un
meilleur parti de chaque ferme plutôt que de garantir le remboursement de
pertes auxquelles les producteurs s'exposent." Il écrit plus loin: "En
d'autres termes, le ministère de l'Agriculture propose de placer plus
d'argent à la disposition des agriculteurs pour leur permettre
d'agrandir leur exploitation, d'améliorer le rendement de leurs terres
par le drainage et de solutionner leurs problèmes de main-d'oeuvre en
proposant un nouveau programme d'embauché subventionné".
On a parlé de votre programme. Vous l'avez créé et
vous l'avez tellement dévié de ses fonctions originales que les
agriculteurs le boudent maintenant. Je continue: "Ces améliorations
doivent permettre de rendre chaque ferme québécoise plus
efficace, donc plus rentable. Dès lors, le ministère de
l'Agriculture peut se permettre de réduire les crédits qu'il
consacre à la stabilisation des revenus". Il envisage déjà
de couper les crédits à la stabilisation, à ce
moment-là, M. le Président.
L'article conclut par une revendication de l'UPA qui demandait "une
bonne assurance-stabilisation pour placer les producteurs à l'abri des
importantes fluctuations de prix qui les empêchent souvent de toucher un
prix juste pour leurs produits agricoles sur le marché". Donc, les
agriculteurs veulent une meilleure stabilisation; le ministre, lui, voulait une
meilleure production.
Ce que je dis au ministre, c'est de -avec votre programme
d'autosuffisance en céréales qui est souhaitable en soi - ne pas
détourner le but de l'assurance-stabilisation qui n'a pas
été créée comme un instrument pour augmenter
l'autosuffisance en matière de production de céréales,
mais qui a été mise sur pied pour assurer des revenus
décents, justes et équitables aux agriculteurs.
M. le Président, le ministre parle d'indépendance. Je
pense que l'indépendance, pour une nation ou pour un peuple, est comme
pour un individu. Quand vous avez dix ou douze ans, vous n'êtes pas
très indépendant; quand vous devenez indépendant
économiquement, le reste suit. Commençons donc par nous occuper
d'économie avant de nous occuper d'indépendance. Je pense que le
gouvernement veut faire le contraire. Qu'il s'occupe de nous rendre
indépendants sur le plan économique, d'être plus forts,
d'avoir des politiques de relance, pas des discours, des politiques.
Arrêtez de taxer l'emploi en doublant la taxe sur les services de
santé, la taxe à la CSST, la contribution de l'employeur, les
taxes à l'emploi qui augmentent toujours la part de l'employeur chaque
fois qu'il crée un emploi. (16 h 30)
M. le Président, avant d'entreprendre l'étude des
programmes un par un, je voudrais demander au ministre - il y a fait allusion
ce matin - concernant la demande de garantie de paiement des produits agricoles
préparée par l'UPA, ce qu'il pense de cela, s'il serait
plutôt favorable à ce mémoire que j'ai trouvé bien
préparé; il y a jusqu'à un projet de loi de prévu
à la fin. Vu que le ministre en a parlé, je voudrais qu'il nous
dise ce qu'il en est de cela et s'il prévoit que ce mémoire qui
lui a été présenté par l'UPA, concernant la
garantie de paiement des produits agricoles, pourra devenir une
réalité au cours des prochains mois.
M. Garon: Vous voulez le savoir? M. Mathieu: Oui.
M. Garon: C'est commencé puisque, la semaine prochaine
sans doute, possiblement -parce que là, il va y avoir la nouvelle loi
pour ouvrir Madelipêche - nous adopterons les règlements en vertu
de la loi de la Régie des grains. Dans les règlements, il y a des
garanties de paiement pour les producteurs de céréales. En
même temps, nous sommes à travailler au règlement sur les
encans et, là-dedans, nous voulons aussi étudier les garanties de
paiement. Sauf que c'est compliqué, parce qu'écrire un
mémoire, c'est plus facile que de régler le problème.
M. Mathieu: Une grande vérité.
M. Garon: Comme les professionnels coûtent cher, que les
banques sont "chèrantes", les garanties de paiement sont
dispendieuses.
M. Mathieu: Socialisons!
M. Garon: Si les garanties de paiement sont trop fortes, il y a
des entreprises qui vont fermer leurs portes. Je vois que le
député de Beauce-Sud a des lectures de chevet qui sont des bonnes
lectures, et, s'il lit comme il le faut tout ce que j'ai dit au cours des
dernières années, il va être allé à la bonne
école.
M. Mathieu: Ce n'est pas d'hier que je lis le ministre, M. le
Président.
M. Garon: On le voit aussi. Les gens le constatent. Ils disent
que le député de Beauce-Sud devient meilleur en agriculture.
M. Mathieu: Vous l'écrirez dans vos
communiqués.
M. Garon: Pardon?
M. Mathieu: Vous l'indiquerez dans vos communiqués.
M. Garon: II n'est pas encore assez grand pour être
indépendant, par exemple, car il commence. L'indépendance, vous
en avez dit un mot tantôt et j'aimerais en profiter pour vous en dire un
mot. Il n'y a pas longtemps, je suis allé en Islande. Vous savez que
l'Islande a le plus haut niveau de vie au monde. Cela ne veut pas dire qu'ils
n'ont pas de problème car ils en ont, mais ils ont le plus haut niveau
de vie au monde. Ils ont 250 000 de population. Ils ont adapté des
choses à leur pays. C'est un peuple indépendant. Je passais avec
un monsieur et je regardais toutes les choses qu'ils ont créées
par eux-mêmes, qu'ils ont faites d'eux-mêmes. Je regardais les
toits des maisons et ce sont des toits qui penchent comme les toits qu'on avait
avant.
M. Mathieu: C'est nouveau cela, des toits qui penchent.
M. Garon: Je regardais cela et tous les toits penchaient. Il n'y
a pas de toits plats. Il me faisait remarquer que les toits plats font de
l'eau. Nous autres, on a encore un peu de colonialisme. On imite trop les gens
d'ailleurs plutôt que de développer nos propres méthodes.
C'est peut-être pour cela qu'on est encore si dépendants.
L'indépendance, c'est d'abord dans l'esprit. Je ne sais pas si vous avez
lu Alberto Memmi qui écrit des livres pour se libérer de ses
chaînes. L'indépendance, c'est dans l'esprit en grande partie.
Quand on parle du phénomène du colonialisme, vous savez
qu'aux États-Unis pendant la guerre pour la liberté des esclaves,
il y a des esclaves américains qui allaient sur les tribunes pour dire
aux gens de voter contre cela, parce qu'ils étaient bien dans
l'esclavage: ils n'avaient pas besoin de se préoccuper de rien, car
leurs maîtres se préoccupaient d'eux et réglaient tout;
s'ils faisaient mal, ils les fouettaient pour les ramener dans le bon chemin.
Alors, ils disaient: On n'a pas de problème
M. Mathieu: Et les garanties de paiement?
M. Garon: Ils ont combattu l'abolition de l'esclavage, de sorte
que je dis que la question de l'indépendance, c'est dans l'esprit: si on
pense qu'on est aussi bon que les autres ou si on pense qu'on n'est pas aussi
bon que les autres.
M. Mathieu: Ce n'est pas cela du tout, M. le
Président.
M. Garon: C'est pour cela que j'ai vu des peuples, par exemple,
les Islandais 240 000, et les Norvégiens 45 000. Ils ont un statut de
souveraineté-association. Ils ont même leur propre monnaie avec le
Danemark. Ils ont 45 000 de population. Ils pèchent autant de poisson
qu'au Canada, que dans les provinces maritimes. Ils font des gros bateaux. Mais
c'est un peuple qui est presque autosuffisant dans l'industrie du mouton. Ils
mangent beaucoup de mouton...
M. Mathieu: M. le Président, les garanties de
paiement?
M. Garon: ...tandis que nous, on a la crainte. La crainte, c'est
dans l'esprit. Cela me fait de la peine pour le député de
Beauce-Sud parce qu'il représente un comté qui est un peu
frondeur. Les gens ont hébergé les troupes américaines qui
essayaient de libérer le Québec en 1775. Ils ont
été punis pendant des années par la suite parce que le
régime anglais a fait coucher des soldats dans chacune des maisons de la
Beauce. Des régiments complets couchaient dans la Beauce.
M. Mathieu: Ils n'aiment pas le gouvernement depuis ce
temps-là.
M. Garon: Dans chacune des maisons, il y avait un soldat anglais
ou deux. Vous savez, dans ce temps-là, les maisons avaient à peu
près deux ou trois pièces. Cinq ou six enfants couchaient dans la
même pièce et parmi eux, il y avait un soldat anglais. Cela devait
être agréable! Et les Beaucerons sont devenus des gens à
l'esprit indépendant. La Beauce, ce n'est pas loin de Lévis.
Lévis, c'est un nom important dans l'histoire, parce que c'est la
dernière victoire française en Amérique du Nord. Ce n'est
pas pour rien que je suis député de ce comté. Mais
Lévis et la Beauce ensemble, normalement, ce sont des gens qui ne
craignent pas l'avenir.
M. Mathieu: À la prochaine élection, on va
être correct.
M. Garon: Pardon?
M. Mathieu: On va se "matcher" à la prochaine
élection.
M. le Président, je voudrais que le ministre me réponde
sur...
M. Garon: Les garanties de paiement, on travaille
là-dessus.
M. Mathieu: ...la loi des garanties de paiement. Est-ce que vous
pensez que cela peut être mis en oeuvre...
M. Garon: Dans les céréales, aussitôt qu'on
aura adopté notre loi. Je vous ai
répondu au début. C'est cela, vous avez mes tomes à
lire à l'Université Laval.
M. Mathieu: M. le Président...
M. Garon: J'en ai combien de tomes?
M. Mathieu: Ce n'est pas à l'Université Laval. Je
ne vous le dis pas. Je ne veux pas blesser votre humilité.
M. Garon: Je peux vous dire que, dans le prochain
règlement des céréales, il y a des mesures pour les
producteurs de céréales et qu'on pense en avoir également
dans le prochain règlement sur les encans.
M. Mathieu: C'est souhaitable, mais ce n'est pas suffisant. Je
vais vous donner un exemple, M. le ministre...
M. Garon: Je ne dis pas que c'est souhaitable. On va avoir des
mesures.
M. Mathieu: II faut que vous ayez un programme universel. Des
gens de mon comté ont vendu leur récolte de sirop d'érable
l'année passée...
M. Garon: Oui, oui, c'est plus compliqué que cela.
M. Mathieu: ...à des gens de Montréal ou
d'ailleurs...
M. Garon: C'est compliqué les garanties de paiement?
M. Mathieu: ...et puis, ils ont bénéficié de
l'avance de 0,40 $ la livre de sirop prévue par le gouvernement
fédéral. Vous savez que, pour bénéficier de cette
avance, il faut que l'agriculteur signe une promesse de remboursement au cas
où le commerçant ne rembourserait pas au bout d'un an. Comme de
fait, le commerçant est devenu insolvable depuis. Alors, l'agriculteur
qui a eu une garantie de 0,40 $ du gouvernement fédéral doit le
rembourser maintenant. Cela veut dire qu'il n'aura rien pour sa récolte
de sirop d'érable de l'année passée. Il n'y a aucune
production agricole à l'abri de cela. Prenez dans l'horticulture...
M. Garon: Actuellement, le lait est complètement
assuré.
M. Mathieu: Ah, sous le régime fédéral, une
chance!
M. Garon: Non, non, non. Je parle de la Régie des
marchés agricoles du Québec.
M. Mathieu: Oui.
M. Garon: Et, deuxièmement, je vous dis qu'il y en aura
une dans les céréales. Actuellement, on fait une étude sur
les encans. On regardera aussi cela par rapport aux abattoirs où ils
achètent directement. Sauf que...
M. Mathieu: Oui.
M. Garon: ...l'UPA parle d'un projet de loi-cadre, comme en
Ontario. J'ai rencontré récemment le ministre de l'Agriculture de
l'Ontario - M. Ouellet était là - et je lui ai parlé de
cela. Je lui ai dit: Écoutez donc, il paraît que vous avez une loi
merveilleuse en Ontario sur la garantie de paiement? Il m'a regardé en
se demandant de quoi je parlais. Je lui ai dit: Au Québec, on me dit que
vous avez une loi exceptionnelle pour garantir des paiements. Cela a pris un
bout de temps et il a dit: Oui, on a une loi dans le boeuf. Un haut
fonctionnaire qui était présent a dit: On en a une, mais on
l'applique seulement dans le boeuf. Je lui ai dit: Comment cela, vous ne
l'appliquez pas ailleurs? Il m'a dit: Ce n'est pas facile à
appliquer.
Alors, dans le fond, on devancera l'Ontario avec les
céréales et les encans. On va avoir le lait. Mais, ce n'est pas
facile d'avoir une garantie de paiement parce que, si on garantit beaucoup,
cela coûte cher. Si cela coûte trop cher, cela rentre dans les
dépenses d'exploitation. À ce moment-là, on aura moins
d'entreprises qui vont pouvoir fonctionner. Donc, une moins grande concurrence
pour les achats. Or, tout cela n'est pas facile à appliquer. Mais on est
conscient du problème. On a dit qu'on allait trouver des mesures.
D'ailleurs, on a consulté les producteurs dans la production
céréalière. Il paraît qu'ils ont trouvé cela
de leur goût. Quand on parlera tantôt de la Régie des
grains, si on a le temps de s'y rendre ce soir, on pourra en dire un mot.
Demain, on doit, justement rencontrer les fonctionnaires du ministère
pour parler du règlement sur les encans où, là aussi, on
veut placer des mesures.
M. Mathieu: Je conclus en disant que la garantie de paiement, en
général, n'a pas l'air d'être pour demain. Je voudrais
amener le ministre à nous dire quelques mots sur l'environnement, parce
qu'il n'en a pas parlé. Je vais lui citer un éditorial de La
terre de chez nous, du 28 avril 1983: "Agriculteurs, contestez les exigences de
l'environnement;" Autrement dit, c'est un appel à la
désobéissance civile. Un autre article de La terre de chez nous,
le 21 avril 1983, qui dit: "Le MAPAQ et l'UPA défendent sensiblement les
mêmes positions". Est-ce que le ministre pourrait confirmer ou infirmer
cette nouvelle et nous dire s'il est d'accord avec l'UPA sur les positions de
celle-ci face à l'environnement?
M. Garon: II y a un comité tripartite qui travaille et qui
est constitué de représentants du ministère de
l'Environnement, de représentants du ministère de l'Agriculture
et de représentants de l'Union des producteurs agricoles. Il y a des
discussions et, comme dans des discussions il y a différents points qui
doivent être débattus, il reste actuellement le problème,
dans la révision de la réglementation, des fumiers solides.
J'ai eu encore une réunion l'autre soir, au bureau...
M. Mathieu: Mais je ne parle pas de l'avis du comité; je
voudrais avoir l'avis du ministère.
M. Garon: Oui, oui,... une réunion où
différents points ont été étudiés. Quand on
est en discussion, je comprends que, dans un journal, on puisse écrire
cela comme cela. Ce ne serait pas faux de dire qu'on a des opinions sur
certaines choses, qui se ressemblent. Sur d'autres aussi, on essaie de
faciliter un rapprochement sur ce que les gens disent de part et d'autre pour
en arriver à des solutions qui soient équitables et protectrices
de l'environnement et, aussi, qui coûtent le moins cher possible aux
agriculteurs.
Justement, en m'en venant à cette commission, j'ai
rencontré le ministre de l'Environnement, M. Ouellette. Je lui ai
demandé: Puis, comment cela va? Il a dit: Ah! Hier, il y a eu des
discussions, apparemment, et il y a eu plusieurs points de rapprochement entre
les agriculteurs et le ministère de l'Environnement. Mes fonctionnaires
m'ont fait un rapport là-dessus ce matin. Voyez-vous, actuellement, il y
a des discussions et, comme dans d'autres discussions, le problème n'est
pas encore réglé. Mais j'ai bon espoir qu'on va arriver à
un règlement qui va être équitable et dont tout le monde
sera content.
M. Mathieu: Mais j'ai demandé si le ministre était
d'accord avec la position de l'UPA. Là, il vient de passer par le
comité tripartite et tout le pedigree, mais cela ne répond pas
à ma question. Il y a un désaccord profond entre l'UPA et le
ministère de l'Environnement. Où le ministre se situe-t-il dans
cela? Je veux le savoir. Depuis 1977 que ce problème pourrit, M. le
Président.
M. Garon: Wo! 1972.
M. Mathieu: En tout cas, cela fait sept ans que vous êtes
là et il n'est pas encore réglé.
M. Garon: Oui, oui. Cela ne fait pas encore sept ans.
M. Mathieu: Là, on peut bien parler de Bourassa et de tous
les autres avant lui.
M. Garon: On a déjà eu un premier règlement
qui a été adopté au printemps de 1981. On avait convenu
qu'après un peu plus d'un an d'application on réviserait le
règlement pour voir comment il avait fonctionné pendant un
an.
M. Mathieu: Je m'excuse, monsieur...
M. Garon: Là, on est dans le processus de
révision.
M. Mathieu: ...mais où vous situez-vous? Êtes-vous
d'accord avec l'UPA ou d'accord avec le ministère de l'Environnement? Ce
sont deux antagonistes. Ils ne s'entendent pas.
M. Garon: Non. Actuellement, il y a des discussions. Le
rôle du ministère de l'Environnement est de protéger
l'environnement. L'UPA, qui représente les agriculteurs, je pense, en
principe autant que nous, le ministère de l'Agriculture, souhaite
protéger l'environnement. Maintenant, il peut y avoir différentes
façons de voir les modalités de la protection de l'environnement.
Là, il y a des discussions. Mais là où les agriculteurs
ont notre appui, c'est dans le sens que, tout en sachant que le
ministère de l'Environnement doit protéger l'environnement et les
agriculteurs aussi, en même temps, on ne souhaite pas que cela se fasse
par des mesures les plus dispendieuses. S'il y a moyen de trouver des
façons de protéger l'environnement à 100% et au meilleur
coût possible, c'est ce qu'on souhaite. C'est pourquoi ces
délibérations ont lieu afin de trouver des façons
acceptables pour les agriculteurs et pour le ministère de
l'Environnement de protéger l'environnement contre la pollution.
M. Mathieu: Face à l'incitation de l'UPA à la
désobéissance civile, où vous situez-vous? Quelle est
votre réaction? (16 h 45)
M. Garon: Je lui ai demandé de ne pas faire cela. J'ai
dit: Ce qu'il faut, au fond, c'est hâter les discussions pour en arriver
à des terrains d'entente. Je dois vous dire qu'au cours de la
dernière réunion à laquelle j'ai assisté - cela
avait, justement, lieu au ministère de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation - on a senti qu'un grand rapprochement
s'était fait ce soir-là. Le ministre de l'Environnement me disait
que, dans les discussions qui ont eu lieu hier, il y avait encore un
rapprochement qui se faisait. Ce n'est pas facile, mais je pense qu'on va
arriver à un règlement révisé qui va satisfaire
tout le monde.
M. Mathieu: Dans la question avec débat que j'ai eue
vendredi dernier avec le ministre de l'Environnement...
M. Garon: Oui.
M. Mathieu: ...celui-ci me disait qu'il y a eu de la souplesse,
bien sûr, mais que le problème se situe au niveau de la norme
d'étanchéité. Le ministre me dit qu'il accepte des
lagunes, c'est-à-dire des réservoirs creusés dans le sol,
mais il met une norme d'étanchéité tellement
sévère que cela équivaut à du béton. Il
accepte, mais la norme d'étanchéité est trop
sévère.
M. Garon: Voyez-vous, c'est qu'on compare avec d'autres normes
d'étanchéité ailleurs, comme en Ontario. On se dit: Bon,
quelle devrait être la norme au Québec, comment cela devrait-il
être fait? C'est cela qui est en discussion.
M. Mathieu: M. le Président, sur l'engagement du Parti
québécois, je vous cite le journal La Feuille d'érable du
mercredi 25 mars 1981. On voit le ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation dans toute sa splendeur, le ministre de
l'Environnement, le député d'Arthabaska. Il est dit: "Le Parti
québécois s'engage dans un second mandat - on en a
déjà la moitié de passé - à aider
financièrement les éleveurs du Québec pour l'installation
sur leur ferme de l'équipement nécessaire pour prévenir la
pollution des cours d'eau créée par les productions animales."
Face à cet engagement, où en êtes-vous? Où vous
situez-vous dans le moment?
M. Garon: Je me situe dans la même ligne de
pensée.
M. Mathieu: Mais est-ce que cela veut dire que cela va toujours
rester le statu quo?
M. Garon: Non. On a adopté après les
élections un règlement qui avait été discuté
longuement. Au fond, les cultivateurs étaient heureux parce qu'ils nous
disaient: Pour la première fois, on va savoir quelles sont les
règles du ministère de l'Environnement parce qu'il n'y a jamais
eu de règles écrites ou connues au ministère de
l'Environnement. L'adoption du règlement a fait en sorte que les
règles sont devenues connues. Maintenant, on a un règlement qu'on
peut discuter parce qu'il est connu. Avant, on appliquait des règles qui
n'étaient pas connues, des règles cachées, hypocrites et
qui étaient l'arbitraire total. Tandis que dans un régime
démocratique, sous un gouvernement social-démocrate, on a
préféré avoir un règlement écrit,
rédigé, public, connu, critiquable, révisable,
améliorable pour faire en sorte que tout le monde soit content. Ce n'est
pas facile.
Vous remarquerez, quand on parle de pollution, qu'il y a beaucoup de
pollution et que ce n'est pas facile de trouver des normes. Je peux vous dire
que les discussions auxquelles j'ai assisté montrent qu'il y a un
progrès qui se fait pour arriver à quelque chose qui va
satisfaire tout le monde. Mais cela prend un certain temps, une certaine
délibération. Le domaine de la pollution de l'environnement, cela
fait tellement peu de temps que les gouvernements s'en préoccupent au
Québec que l'expérience acquise n'est pas considérable. On
est arrivé au gouvernement en 1976 et il n'y avait même pas de
ministère de l'Environnement véritable. On a créé
un ministère de l'Environnement. Il y a eu beaucoup de travail de fait.
Je dirais que la principale lacune est que c'est un ministère jeune, que
c'est une préoccupation récente au Québec grâce au
gouvernement actuel, de sorte qu'il y a beaucoup de choses qui ne sont pas
connues. Il y a plusieurs choses qui demandent des recherches, qui demandent
des discussions. Dans des discussions, il peut y avoir de l'affrontement, mais
ce n'est pas nécessairement négatif.
Je vais vous donner un exemple. Je ne sais pas si le
député de Saint-Hyacinthe est ici. Vous rappelez-vous quand on
voulait l'usine d'épuration? Cela a amené un grand débat
à Saint-Hyacinthe, le pétage de bretelles, les matamores, on
faisait des déclarations. Il fallait absolument installer l'usine dans
la zone verte. La commission a dit: Non, il y a de la place dans la zone
blanche. Finalement, apparemment, on a trouvé un site qui fait que tout
le monde est satisfait. Cela a pris du temps, mais on a trouvé un site
qui n'endommage pas les terres agricoles, qui est dans la zone blanche.
Apparemment, c'est un bon site et ce ne sera pas un des plus coûteux, au
contraire.
Voyez-vous, c'est ce qui fait la différence entre l'homme et
l'animal; quand ils ont des problèmes, ils ne doivent pas se mordre,
mais se parler. Quand vous voyez des animaux qui se rencontrent, qu'il y a une
discussion, elle peut devenir orageuse.
M. Mathieu: Vous devriez faire cela avec le
fédéral.
M. Garon: Mais les êtres humains discutent entre eux pour
essayer de trouver des solutions, même si cela dure longtemps. Je peux
vous dire une chose - M. Ouellet le sait parce qu'on vit les mêmes choses
- Le problème du ministère de l'Agriculture, de moins en moins,
mais encore beaucoup, c'est qu'il a beaucoup de conflits avec beaucoup de
ministères. On en a un certain nombre de
réglés, mais il y en a encore à régler.
C'est qu'il y a trop d'intervenants qui veulent dicter des solutions à
l'agriculture sans nécessairement connaître le secteur. Dans le
passé, l'agriculture était le parent pauvre qui se faisait
toujours manger la laine sur le dos. Je pense que le ministère de
l'Agriculture s'est plus affirmé depuis quelques années, de sorte
qu'il peut y avoir des débats plus vigoureux et que le ministère
de l'Agriculture, qui défend le secteur agro-alimentaire, peut davantage
faire valoir son point de vue. Le débats peuvent être longs et
c'est le prix à payer dans une société civilisée si
on veut vivre le plus harmonieusement possible, mais je préfère
qu'il y ait des débats plutôt qu'il ne se fasse rien.
Actuellement, on peut dire que, dans ce sens, les débats qui se font
entre le ministère de l'Environnement, l'Union des producteurs agricoles
et le ministère de l'Agriculture sont des discussions que je
qualifierais de positives, qui vont dans le sens de l'amélioration de la
protection de l'environnement au meilleur coût possible.
M. Mathieu: M. le Président, vu que je ne peux avoir de
réponse satisfaisante à la question de l'environnement, pas plus
qu'aux garanties de paiement, je vais passer à un autre aspect que le
ministre a soulevé dans son introduction: les produits de
l'érable. Je voudrais brièvement faire le point de la situation
parce que le ministre disait, en ouvrant le séance ou en me
répondant ce matin, qu'il n'y avait plus d'inventaires, que le
problème était réglé. En tout cas, c'est ce que
j'ai cru comprendre et je peux dire que, s'il n'y a plus d'inventaires, cela ne
dépend pas de lui mais du bon Dieu, M. le Président, qui a fait
en sorte qu'on a eu de moins bonnes récoltes depuis trois ans.
Je voudrais d'abord prendre encore une fois une de ses citations, dans
mon petit Albert ici. Le ministre disait le 25 avril 1977 devant les membres de
la Corporation des agronomes du Québec au pavillon Comtois de
l'Université Laval...
M. Garon: Quelle année?
M. Mathieu: 1977. Oui, oui. Il est là-dedans. Tout est
là-dedans.
M. Garon: On va surveiller quelles sont les notes qu'on lui a
envoyées, d'un discours que je n'ai jamais fait.
M. Mathieu: Alors, le ministre disait: "II ne servirait cependant
à rien - je suis d'accord, M. le Président, avec ses
énoncés; c'est dommage que ce qu'il dit ne passe dans les faits
parce que ce qu'il dit est pas mal formidable des fois, pas à 100%, mais
généralement - d'augmenter notre production agricole et d'assurer
le développement du secteur de la transformation si nous ne sommes pas
en mesure d'assurer en même temps un écoulement normal de notre
production dans les marchés domestiques et étrangers. À
cette fin, il nous faudra, entre autres, favoriser et améliorer une mise
en marché ordonnée des produits agricoles du Québec en
utilisant tous les moyens afin de favoriser la concertation des acheteurs de
produits agricoles, tant sur le plan québécois qu'à
l'exportation."
Je dois conclure, M. le Président, que je pense que ce n'est pas
le ministre qui rédige ses discours, d'après ce que j'ai compris
ce matin, mais qu'il devrait mettre comme ministre de l'Agriculture celui qui
rédige ses discours. Au moins les intentions passeraient à la
réalité. Alors, M. le Président, le ministre disait - je
prends dans le domaine de l'érable - qu'il ne sert à rien
d'augmenter la production si on ne s'occupe pas des marchés.
Dans le domaine de l'érable, le ministre...
M. Garon: II était bon, votre sirop, cette
année.
M. Mathieu: ...est arrivé au ministère et je cite
des articles de journaux: "Québec accorde une aide à la
modernisation des érablières." "Nouveau programme d'aide
technique et financière." "Une industrie à développer."
Etc.
M. Garon: Est-ce qu'il vous reste encore du sirop?
M. Mathieu: M. le Président, en 1979 dans la Beauce, il y
avait une élection partielle, sa limousine sillonnait tous les jours
tous les rangs du comté et le ministre disait même: On va ouvrir
600 000 érables dans le canton de Dorset pour...
M. Garon: Je n'ai jamais dit cela.
M. Mathieu: M. le Président, c'est une promesse du Parti
québécois en 1979.
M. Garon: Ah non!
M. Mathieu: Une promesse du PQ, un engagement comme vous le
dites. Il disait: 600 000 érables. J'ai même eu des formules
d'enregistrement par la poste comme citoyen du comté. On recevait les
feuilles par courrier. On n'avait qu'à écrire notre nom, notre
adresse et le nombre d'érables qu'on voulait et c'était tout.
C'était facile. On disait: Vous ne croyez pas que cela créera des
surplus?
Une voix: II n'y a rien là.
M. Mathieu: Ah: II n'y a rien là. Cela
augmente seulement de 6%. Le Japon, l'Allemagne et tous les autres pays
courent après nous pour avoir du sirop d'érable. Allons-y.
M. Garon: En 1979, c'était vrai.
M. Mathieu: Je reprends ici une conférence de presse du
ministre le 28 août 1978, Il h 37. Il disait: "II y a une pénurie
de sirop d'érable au Québec". Il disait plus loin - il disait
bien des choses - "Nous n'avons pas actuellement la quantité en
inventaire pour pouvoir remplir ces commandes." Il disait plus loin:
"L'orientation nouvelle du ministère, c'est de commencer par la
commercialisation, développer les marchés, la qualité pour
développer le potentiel physique. Autrement, on embarque les
cultivateurs dans des goulots d'étranglement." C'est bien vrai qu'il
disait cela. Il disait plus loin: "Alors, c'est une industrie qu'il faut
développer au maximum et, pour cela, il faut accroître la
production qui n'est pas assez forte au Québec pour avoir des
inventaires plus réguliers." Je ne dirai pas tout ce qu'il a dit parce
que ce serait très long. Il disait encore plus loin -je ne peux pas tout
retenir - "Assurer un approvisionnement plus abondant et plus régulier
à des marchés en pleine expansion. On manque de sirop
d'érable actuellement."
M. Garon: Cela est vrai.
M. Mathieu: Plus loin, M. Houle demandait: "Est-ce que le
marché est capable d'absorber cela?" Réponse de M. Garon: "Disons
qu'il s'agit de gens qui sont déjà sous entaille". Est-ce que ce
sont de nouvelles entailles? Il répondait à côté de
la question comme il le fait souvent. Mlle d'Abbadie demande: "M. Garon, ces 5
000 000 $ que vous allez investir sur la période de temps rapporteront
combien au niveau du marché de l'érable? Cela augmentera de
combien monétairement? Est-ce que cela va augmenter, se stabiliser ou
quoi?" M. Garon répond à côté de la question: "Cela
permettra une meilleure qualité d'eau d'érable, une plus grande
régularité d'approvisionnement".
Or, M. le Président, ce qu'on constate, c'est qu'encore là
nous avons malheureusement commandé une augmentation de production sans
nous préoccuper des marchés au début. Le ministre nous
disait même qu'il y avait un marché au Japon et qu'au Japon ce
n'étaient pas des cigares au rhum, mais des cigares à
l'érable. On était supposé faire des cigares à
l'érable. À la page Il de la conférence de presse:
"À part de cela, il y a des usages industriels importants. Au Japon, par
exemple, on se sert du sirop d'érable pour aromatiser les cigares. Au
lieu d'avoir des cigares au rhum, on a le cigare à l'érable. Que
voulez-vous? Les gens sont comme cela. Ils font aussi des pilules avec cela.
Nous avons ici des pastilles Vicks, eux autres ont des pastilles Mirable. Il
peut y avoir un tiers érable, un tiers miel, deux tiers érable,
un tiers miel, moitié, moitié ou plus de miel que
d'érable. J'ai vu les pastilles et c'est bon."
Je veux vous dire que le problème de l'industrie de
l'érable n'est pas du tout résolu parce qu'il y a des
agriculteurs qui ont deux récoltes qui ne sont pas payées, trois
avec celle de cette année. On suppose que celle de cette année
sera payée. La récolte de 1981 n'est pas payée, la
récolte de 1982, non plus. C'est vraiment lamentable dans cette
industrie-là, on ne peut pas vous expliquer comment cela pourrait
être justifié. (17 heures)
Le ministre m'a déjà dit en réponse à une
question: Pour régler le problème de l'érable, il faut
augmenter la production pour avoir de l'inventaire pour répondre aux
commandes. Il m'avait déjà dit cela. Il dit: Avant, on n'avait
pas d'inventaires réguliers; maintenant, il faut en avoir. Est-ce normal
que ce soit chaque producteur qui supporte les inventaires? On veut des
inventaires pour ouvrir un marché. Le ministre me disait - et
là-dessus il avait raison - On ouvre des marchés en Allemagne, en
Europe, au Japon, partout et on fait des efforts de promotion. On
dépense des centaines de milliers de dollars et il arrive deux ou trois
petites années et on n'a plus ce qu'il faut pour maintenir nos
marchés ouverts. J'adhère à cela. Je comprends que cela a
du bon, mais, quand il arrive de grosses années, est-ce au producteur de
supporter seul cet inventaire? Il n'en est pas capable.
M. Garon: Dans le lait, ce sont les producteurs qui supportent
les inventaires.
M. Mathieu: Oui, mais c'est organisé d'une manière
nationale, avec l'aide des gouvernements, etc. Ici, dans le domaine de
l'érable, je me dis qu'on a affaire à une production mondiale.
Nous sommes sur le plan mondial les leaders. C'est nous qui produisons au
Québec à peu près 80% de la production mondiale. Or, nous
avons tout ce qu'il faut pour influencer les marchés. On ne peut pas
dire que cela dépend du fédéral ou des États-Unis.
Voilà une production que nous maîtrisons nous-mêmes. Alors,
j'aimerais que dans cette production le ministre influence les marchés
et qu'il nous fasse une politique cohérente qui soit de nature à
assurer la survie de cette entreprise.
Si je me permettais, je ferais humblement une suggestion au ministre;
j'en aurais une à lui faire. J'aimerais qu'il me dise s'il trouve que
cela du bon sens. On s'entend que, lorsqu'il y a des années de trop
grosse récolte, il y a un problème de surplus des
inventaires à supporter. Le ministre me dira peut-être qu'il y a
un plan conjoint et qu'il savait tout cela. D'accord, le plan conjoint a sa
place, je ne le renie pas, mais le plan conjoint n'empêchera pas qu'on va
avoir des années de grosse production avec des inventaires à
supporter.
Pourquoi le ministre ne ferait-il pas pour le sirop d'érable
à peu près ce qui se passe pour le blé et pour le lait?
Nous avons des instruments qui sont sous la juridiction du ministre de
l'Agriculture. Cela s'appelle, notamment, la Raffinerie de sucre, SOQUIA; il y
a également la coopérative de Plessisville. Il y a
également des entrepreneurs de l'entreprise privée. Il me semble
qu'avec une volonté politique ce serait facile de régler le
problème de l'industrie de l'érable parce que le problème
est celui du support des inventaires dans les années de grosse
production. Pour ne pas créer de nouveaux organismes, la Raffinerie de
sucre aurait seulement à dire: J'achète les surplus de
production. C'est la raffinerie qui aurait le réservoir d'une
année à l'autre où pourraient s'approvisionner les
marchés extérieurs, un peu comme la Commission canadienne du
blé pour le blé, au lieu que les inventaires soient
supportés par chaque agriculteur dans son hangar et dans sa cave.
M. Garon: Oui, mais vous nous blâmez de faire cela avec la
Raffinerie de sucre.
M. Mathieu: Ce n'est pas le même problème, M. le
Président.
M. Garon: Vous nous avez blâmés
là-dessus.
M. Mathieu: Ce n'est pas le même problème du tout.
Ne détournez pas le problème.
M. Garon: Que fait de bien la Raffinerie de sucre,
trouvez-vous?
M. Mathieu: M. le Président, il faut, dans le domaine de
l'industrie de l'érable, un organisme régulateur qui, entre les
grosses années et les petites années, puisse fournir le
marché et empêcher les agriculteurs d'être dans des
situations financières précaires. Il n'est pas normal que
l'organisme régulateur soit la cave des producteurs. Cet organisme
régulateur pourrait assurer une sécurité
d'approvisionnement aux marchés déjà ouverts et, de
même, à tous les détaillants et distributeurs. La
raffinerie pourrait, si elle avait cette vocation, coordonner les
activités de tous les intervenants dans le domaine de l'industrie,
coopératives, transformation; elle pourrait également
pénétrer les marchés en négociant avec les
comptoirs Agropur, avec d'autres également.
Le gouvernement du Québec n'a jamais fait sa part pour
régler le problème des surplus d'inventaire du sirop
d'érable. Le gouvernement du Canada a aidé avec la loi C-2, en
fournissant une avance de 0,40 $ la livre pour un an sans intérêt.
Je dis au gouvernement du Québec: Vous devriez, par l'entremise de la
Raffinerie de sucre, faire en sorte que cette raffinerie soit l'organisme
régulateur. Donc, une année, s'il y a 10 000 000 de livres de
sirop de trop, ce sera, par sa participation, au gouvernement du Québec
de le supporter. Quand arriveront de petites années, on aura l'organisme
régulateur pour continuer à maintenir nos marchés à
l'extérieur.
M. Garon: Oui, on n'est pas contre cela, sauf que...
M. Mathieu: Donc, cela prend une volonté politique?
M. Garon: Non, cela prend d'abord le premier choix des
agriculteurs.
M. Mathieu: M. le Président, le choix des agriculteurs n'a
rien à voir dans cela.
M. Garon: Mais oui, il faut d'abord avoir un organisme, une forme
de plan conjoint pour le surplus des agriculteurs. Il faut, à ce
moment-là, pouvoir avoir une certaine structure d'organisation qui,
habituellement, est faite sous forme de plan conjoint qui prévoit ce
qu'on fait avec les surplus. On n'est pas contre cela. Mais s'il n'y a pas de
discipline de la part des producteurs ou si les producteurs
préfèrent spéculer... N'oubliez pas une chose: Pour qu'on
puisse faire cela, il faut, en même temps, qu'il y ait une
régularisation du commerce.
Je prends, par exemple, une entreprise dans la Beauce, Culinar, qui est
dans le domaine de la pâtisserie et qui voit à un
approvisionnement considérable dans la Beauce. Je l'ai dit à
plusieurs reprises: Je souhaitais que le dynamisme beauceron se manifeste dans
Culinar en utilisant, par exemple, du sirop d'érable. Au Québec,
quand on va dans les restaurants, on voit des fraises le matin au
déjeuner dans de petits contenants, on voit des framboises, du beurre
d'arachides, du miel, on ne voit pas de sirop d'érable. Je pense qu'il y
a un manque de dynamisme de la part de l'entreprise qui ne s'est pas
trouvée à avoir ces petits contenants. On me dit que Culinar
pourrait être intéressée à le faire, mais cela
prendrait des garanties d'approvisionnement. Pour donner des garanties
d'approvisionnement...
M. Mathieu: Mais, par la Raffinerie de
sucre, vous l'auriez, la garantie d'approvisionnement. C'est justement
ce que je vous démontre.
M. Garon: Mais ce qu'il faut, c'est qu'il existe d'abord un
organisme qui s'occupe de faire la commercialisation du sucre avec les
producteurs. Habituellement, cela se fait sous forme de plan conjoint. C'est la
formule. À ce moment-là, les gens signent des approvisionnements
avec le plan conjoint. Cela prend une certaine discipline; autrement, une bonne
année, les gens vont vendre le sirop à leur porte et, une
mauvaise année, ils vont vendre le surplus par l'intermédiaire de
l'organisme. On ne peut pas fonctionner comme cela. On ne peut pas
développer des marchés véritablement intéressants
si on n'a pas les sécurités d'approvisionnement. Pour avoir les
sécurités d'approvisionnement, cela prend des organismes en
place.
M. Mathieu: Je vois que le ministre n'a pas la volonté
politique. Ceci me fait dire: "Les producteurs de sirop d'érable
déçus par le ministre Garon".
M. Garon: Où est-ce? Montrez-le-moi. M. Mathieu: Le
Courrier de Frontenac. M. Garon: Pardon?
M. Mathieu: Vous n'avez pas de bons services de recherche, M. le
ministre, on est obligé de vous produire...
M. Garon: N'étant pas Narcisse, je ne lis pas beaucoup
mes...
M. Mathieu: Vos oeuvres?
M. Garon: Non. Je n'ai pas le temps; j'ai seulement le temps d'en
préparer d'autres.
M. Houde: À part cela, il n'écrit rien...
M. Mathieu: Oui. M. le Président, je ferme la
parenthèse.
M. Garon: Pardon?
M. Houde: ...le ministre. Alors, il faut qu'il lise les autres.
C'est ce qu'il dit. Il dit qu'il n'écrit rien; il faut qu'il lise les
autres.
M. Garon: Qui a dit que je n'écrivais rien?
M. Houde: Vous avez dit en Chambre que vous n'écriviez
rien.
M. Garon: Je n'ai jamais dit cela.
M. Mathieu: M. le Président, je ferme la
parenthèse.
M. Garon: Je passe à travers environ une plume par jour.
J'écris tout le temps.
M. Houde: Je vous ai écouté en Chambre.
M. Garon: Je n'ai jamais aussi souvent signé mon nom que
depuis que je suis ministre.
M. Mathieu: M. le Président, je voulais vous mentionner
que cet article, cette résolution qui demande au gouvernement de
créer un organisme régulateur ou de confier cette charge à
la Raffinerie de sucre émanait d'un colloque régional que j'avais
tenu en octobre 1982, colloque auquel avaient participé 250
agriculteurs.
M. Garon: Où était-ce?
M. Mathieu: À Saint-Georges de Beauce. Je crois, M. le
Président, que c'est la solution de l'avenir.
M. Garon: Quoi?
M. Mathieu: Que la Raffinerie de sucre soit l'organisme
régulateur pour absorber les surplus de sirop d'érable d'une
année à l'autre pour fournir les marchés qu'on a
déjà ouverts. Si le ministre n'a pas la volonté politique,
au moins, j'aimerais qu'il forme une équipe pour étudier ce sujet
afin de voir s'il n'y aurait pas des voies de solution. Il y a sûrement
des voies de solution. Je peux vous dire, M. le Président, que le
ministre n'a rien fait pour soulager les producteurs de sirop d'érable
aux prises avec ce problème. Le gouvernement du Québec doit faire
sa part. Je comprends qu'ils n'ont pas été méchants,
qu'ils n'ont pas fait de marche, de manifestation. S'ils sont
excédés, ils pourraient le faire.
M. Garon: Cette année, il n'y aura pas assez de sirop.
M. Mathieu: M. le Président, là n'est pas la
question. Cela ne réglera pas le cas des agriculteurs dont la
récolte n'a pas été payée pour l'année 1981
et pour l'année 1982.
Maintenant, en concluant là-dessus, je voudrais demander au
ministre, face à la Société coopérative des
producteurs de sucre d'érable de Plessisville, si le ministre a un
certain droit de regard sur cet organisme.
M. Garon: Non.
M. Mathieu: Est-ce que cet organisme a déjà
bénéficié de la part du ministère de
subventions ou d'aide pour trouver de nouveaux marchés?
M. Garon: Par l'Institut international de l'érable, oui.
L'Institut international de l'érable est un organisme qui a fait la
promotion du sirop d'érable, des produits de l'érable et que nous
avons largement subventionné, plus particulièrement
l'année dernière, pour faire de la promotion.
M. Mathieu: Ah:
M. Garon: Maintenant, il faut développer la promotion en
même temps que la production. Comme la production n'est pas très
forte cette année, on ne mettra sans doute pas autant d'effort dans la
promotion, parce que l'on va manquer de sirop.
Quand vous parlez de comités, de gens qui travaillent sur les
questions du sirop d'érable à la Raffinerie de sucre, qu'est-ce
qui vous dit que ce n'est pas déjà en place?
M. Mathieu: En tout cas, je ne dis pas que ce n'est pas en place.
Si c'est en place, je vais être bien content, mais j'aimerais que vous
nous l'annonciez.
M. Garon: Je n'annonce jamais les affaires qui se
préparent. J'annonce les choses seulement quand elles sont
réalisées. C'est une leçon que j'ai apprise de M.
Drapeau.
M. Mathieu: Seulement quand c'est réalisé.
M. Garon: Vous remarquerez que M. Jean Drapeau n'annonce jamais
ses projets. Il annonce les choses juste quand les affaires sont
prêtes.
M. Mathieu: Votre centre agro-alimentaire...
M. Garon: Je ne fais jamais de promesse.
M. Mathieu: ...que vous avez promis avant les dernières
élections pour la région de Québec au montant de 16 000
000 $.
M. Garon: Je n'ai jamais promis cela.
M. Mathieu: M. le Président, je vous apporterai demain la
coupure de presse.
M. Garon: Un centre agro-alimentaire. M. Mathieu: Pour la
région de Québec. M. Garon: Non.
M. Mathieu: En mars 1981, cela adonnait que c'était en
période électorale.
Cela n'a probablement rien à voir avec cela, avec les
élections. Il ne se rappelle même plus ses promesses, tellement il
en a fait.
M. Garon: Je me rappelle mes promesses. Je n'en fais pas.
M. Mathieu: Jamais, jamais? M. Garon: Non.
M. Mathieu: Votre engagement en ce qui concerne l'environnement
agricole.
M. Garon: Cela en est une.
M. Mathieu: Vous vous rappelez celle-là:
M. Garon: Oui.
M. Mathieu: Vous ne vous rappelez pas les autres. Vous venez de
dire que vous n'en faites jamais.
M. Garon: C'est très rare.
M. Mathieu: II passe de jamais à rare.
M. Garon: Non, mais, là-dessus, si vous le remarquez, je
ne suis pas seul.
M. Mathieu: Mais vous êtes la pièce maîtresse.
Vous êtes le gros morceau.
M. Garon: II n'est pas impossible que tout cela soit mis en place
bientôt.
M. Mathieu: En tout cas, pour conclure dans le domaine de
l'érable, je crois qu'il faut agir avec cette production de la
même manière qu'on a agi pour le lait ou le blé,
c'est-à-dire avoir un organisme régulateur...
M. Garon: Pour le blé.
M. Mathieu: ...pour le soutiens des inventaires d'une
année à l'autre...
M. Garon: Oui, cela prend un plan conjoint.
M. Mathieu: ...pour faire la fluctuation entre les grandes et les
petites productions, les grandes et les petites récoltes. Le
gouvernement du Québec a son devoir, son obligation à remplir
dans ce domaine-là. J'aimerais que le ministre nous annonce s'il y a un
comité de formé, s'il va accoucher de quelque chose pour qu'on
n'arrive pas l'an prochain avec la même situation et pour que le ministre
n'attende pas que ce soit le bon Dieu qui règle ses problèmes
à sa place.
M. Garon: Ce que je ne comprends pas, c'est que vous me faites un
débat de deux
semaines pour dire que la Raffinerie de sucre est un
éléphant blanc et que cela ne devrait pas exister et, en
même temps, vous voudriez...
M. Houde: Non, on n'a jamais dit cela.
M. Garon: Oui, vous avez dit cela. C'est écrit à
pleines pages...
M. Mathieu: M. le Président, on veut lui donner une
vocation, à votre Raffinerie de sucre.
M. Garon: Là, vous vous êtes aperçu que vous
faisiez fausse route et vous avez commencé à vous
dédire.
M. Houde: Ce n'est pas le cas. On n'a pas dit cela, M. le
ministre. Qu'il retire ses paroles, si c'est cela qu'il nous dit.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Berthier.
M. Houde: Est-ce que je peux avoir la parole, M. le
Président?
Le Président (M. Gagnon): Oui, je peux vous donner la
parole.
M. Garon: Je vous dirais même...
M. Houde: Est-ce que c'est moi qui ai la parole?
Le Président (M. Gagnon): Oui.
M. Houde: M. le ministre. Vous ne viendrez pas nous dire cet
après-midi qu'on a dit qu'on était contre la Raffinerie de sucre
et qu'on ne voulait plus avoir de Raffinerie de sucre. C'est
complètement le contraire. (17 h 15)
M. Mathieu: Bien, oui. M. le Président, le
député de Huntingdon serait en mesure de faire le point sur cette
situation, rendu à l'étude des crédits.
M. Garon: C'est connu de la population. Cela a été
entendu à la télévision. Les gens savent maintenant que le
Parti libéral était contre la raffinerie. Il ne voulait rien
savoir de cela. Il était contre...
M. Houde: C'est faux.
M. Mathieu: C'est complètement faux, M. le
Président.
M. Garon: ...la commercialisation. C'est un
discours-feuilleton.
M. Houde: II est donc menteur!
M. Garon: Le député de Huntingdon disait que cela
nous coûtait trop cher de produire du sucre au Québec. Cela
prendrait de la canne à sucre, pas de la betterave. La canne à
sucre ne pousse pas au Québec. La betterave, c'est une méthode
bonne pour les pays sous-développés. C'est cela qu'a dit le
député de Huntingdon. Et c'est écrit, c'est
enregistré.
M. Dubois: Je n'ai pas dit que la betterave était un
produit pour les pays sous-développés. Je n'ai pas dit cela. La
canne à sucre, oui, pas la betterave.
M. Garon: C'est écrit dans le journal des Débats.
Vous avez parlé de la betterave. Depuis que j'ai rectifié vous
avez dû recevoir un tas d'appels téléphoniques vous disant
que vous étiez dans l'erreur.
Le Président (M. Gagnon): C'est un débat qui a
duré deux semaines. Si vous voulez, on va revenir à
l'étude des crédits, parce que je remarque qu'il reste encore 10
programmes et 30 éléments à étudier. Et il nous
reste environ 7 heures.
M. Dubois: M. le Président...
Le Président (M. Gagnon): Oui.
M. Dubois: ...malgré que la discussion soit très
large, j'ai des sujets à soulever.
Le Président (M. Gagnon): D'accord.
M. Mathieu: Fort bien, M. le Président, mais je conclus en
disant au ministre que la Raffinerie de sucre, je crois qu'il serait bon
qu'elle ait une vocation supplémentaire et complémentaire
à l'industrie de l'érable. Ce sont des choses qui, me
semble-t-il, doivent se compléter. Et nous avons ici au Québec
tout ce qu'il faut pour régler le problème de l'entreprise de
l'érable. Tout ce qu'il faut, c'est une volonté politique de
coordonner tous les éléments qui existent déjà, M.
le Président.
M. Garon: C'est dans cet esprit-là que nous avons
adopté une loi qui parle de politique sucrière et qui donne des
pouvoirs très vastes à la Raffinerie de sucre, justement pour
qu'on ait une politique du sucre. Qu'il s'agisse du sucre de betterave, du
sucre de canne, du sucre blanc, du sucre brun, de la cassonade, de la
mélasse, des alcools, du sirop d'érable, tout cela entre dans le
cadre d'une politique du sucre.
M. Mathieu: Mais, vous n'avez rien de cohérent.
M. Garon: C'est le député d'Arthabaska qui vient
d'arriver. Je le prends à témoin
que les libéraux nous ont dit hier qu'ils étaient contre
la raffinerie, que c'est un éléphant blanc qui avait
coûté trop cher. Ils disaient qu'on avait de l'équipement
rouillé, plein de sucre dans le moteur.
M. Mathieu: M. le Président, j'ai dit cela relativement
à la "scrap" que vous avez achetée de Triple A Sugar...
M. Baril (Arthabaska): C'est cela, ils disaient que
c'était un tas de ferraille.
Le Président (M. Gagnon): D'accord. M. le ministre, on
reviendra à vous tantôt. M. le député de
Huntingdon.
M. Dubois: M. le Président, étant donné que
la discussion est très large - le ministre nous a même
parlé de ses options indépendantistes tout à l'heure -
....
Le Président (M. Gagnon): Je comprends.
Planification, recherche et enseignement
M. Dubois: ...il y a un sujet qui me tient à coeur et dont
le ministre est au courant. Il s'agit du Northern Creek, au sujet duquel a
été réalisée cet hiver une étude qui devrait
être au bureau du ministre, apparemment.
M. Garon: Pardon?
M. Dubois: Une étude sur le Northern Creek, une
dernière étude. C'est la septième année, la
septième commission parlementaire à laquelle je participe et le
sujet de ce cours d'eau a été soulevé souvent. Je pense
bien que le ministre est au courant des désastres de 1981, où il
y a eu des pertes de récoltes très importantes. Ce cours d'eau
touche également plusieurs gros producteurs agricoles, où il y a
de très gros investissements. De plus, le ministre est bien au courant
que plusieurs des produits provenant de ces fermes sont exportés aux
États-Unis. Il y a de très gros producteurs de laitue, de
carotte, d'oignon. Le ministre connaît les pertes de 1981. Je pense que
de hauts fonctionnaires ont visité les lieux pour finalement aboutir
à une étude l'hiver dernier.
On va attendre que le ministre revienne. Ah! oui, c'est important,
certain. Je vais attendre. Je suis prêt à attendre deux heures. Le
ministre est-il prêt à me dire oui tout de suite?
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre, vous avez une
réponse?
M. Garon: Le député de Huntingdon apprendra que le
gouvernement actuel a été sage de faire faire des études
parce que les études actuelles - je ne les ai pas encore vues, mais les
sous-ministres les ont en leur possession actuellement, ils sont en train de
les analyser - tendraient à démontrer que cela a
été une erreur qu'on commet au Québec depuis 30 ans de
creuser des cours d'eau qui baissent la nappe phréatique et qui ont pour
effet de faire disparaître les terres noires. Les études qu'on a
en notre possession et qui sont en train d'être analysées auraient
pour effet de démontrer que cela a été une erreur de
creuser ces cours d'eau. Au contraire, il aurait fallu trouver des moyens de
stabiliser l'eau à des niveaux acceptables sans creuser autant qu'on l'a
fait et faire baisser année après année le bassin des
terres noires où se trouve le Northern Creek. Cette étude est
volumineuse et est en train d'être examinée, car il s'agit d'un
phénomène complexe. C'est pourquoi, avant de recommander quelque
chose, les sous-ministres sont en train d'étudier ce qui a
été fait sur le Northern Creek.
M. Dubois: M. le ministre, la méthode que l'on prendra
pour régler le problème relève du ministère - je
suis d'accord - pour autant qu'on règle le problème un jour. Il y
a certaines terres très productrices qui ont un niveau égal
à celui du fond du cours d'eau actuellement. Alors, dans ce sens, c'est
certain qu'il y a un problème à régler. La façon
dont il sera réglé est l'affaire du ministère, d'accord.
Il reste quand même que ce problème est soulevé depuis
plusieurs années.
Vos officiers ont constaté en 1981 des dommages très
élevés aux récoltes. On pouvait aller en chaloupe sur les
terres de la région, là-bas. Je peux vous dire que ce printemps,
jusqu'à il y a une semaine, avec les pluies torrentielles qu'on a eues,
les producteurs étaient très inquiets. Ils ne savaient même
pas s'ils étaient pour semer cette année parce qu'ils se disaient
que, s'ils dépensaient 100 000 $ ou 200 000 $ en semis et qu'ils
n'avaient pas de récolte, ils étaient mieux de ne pas semer.
Plusieurs m'ont fait part de cette observation. C'est un dossier qui existe
depuis longtemps, dont vous êtes au courant depuis longtemps. On me dit
qu'il y a peut-être un ou deux mois que l'étude a
été réalisée.
M. Garon: Selon l'étude, il y aurait deux approches
opérationnelles pour résoudre le problème. Il faut faire
un choix. Ce choix-là comporte deux choses: quel est le meilleur
système qui va protéger les terres noires et qui, en même
temps, va assurer la sécurité dans l'écoulement des eaux
pour éviter que chaque année, année après
année, lorsqu'il y a des surplus de pluie au printemps, il y ait des
débordements dans les terres noires? Au fond, ce qu'on nous
recommande, c'est de faire maintenant une évaluation
concrète de ces deux méthodes pour voir laquelle des deux est la
meilleure.
M. Dubois: Est-ce qu'on peut s'attendre à une intervention
cette année? Les gens sont tellement inquiets dans la région.
Vous savez quand même quel est le volume de production qui se fait
là-bas. Si on calculait l'évaluation des pertes depuis dix ans
causées par le Northern Creek...
M. Garon: Cela aurait été une erreur de continuer
à intervenir comme on le fait depuis des années, année
après année, à court terme. On a fait faire une
étude globale et on a réalisé que les interventions
ponctuelles contribuaient justement non pas à résoudre le
problème, mais à le maintenir à perpétuité.
On avait l'impression qu'après avoir creusé un cours d'eau on
avait réglé le problème. Au fond, on réglait un
problème et on en créait un plus grand parce qu'on affectait
l'ensemble du bassin des terres noires. Je pense que vous savez aussi bien que
moi que la valeur des terres noires est inestimable.
Donc, on aime mieux prendre une année de plus et faire vraiment
une étude qui va nous permettre de mettre en place des systèmes
qui vont nous permettre de conserver et de préserver ces sols pour
l'avenir parce que c'est trop important. Je crois que, de ce point de vue, on
est mieux de prendre une année de plus et d'appliquer des solutions qui
vont être permanentes plutôt que de faire encore une intervention
qui va nous donner l'impression ou l'illusion qu'on résout le
problème en faisant une action, encore une fois, ponctuelle. Quand M.
Garon aura pris connaissance de l'étude et des recommandations, j'ai
bien l'impression qu'on va aller à une autre étape.
M. Dubois: Vous n'êtes pas sans savoir, quand même,
que ce dossier traîne depuis longtemps. Il y a eu plusieurs
études, peut-être pas aussi sérieuses que celle qui a
été effectuée l'hiver dernier. Je pense qu'ondevrait être rendu, un jour, aux recommandations et à
l'aboutissement des travaux, quels qu'ils soient. Je ne mets pas en question ce
que vous allez faire pour régler le problème. Loin de là,
je ne suis pas expert dans le domaine. Je ne sais pas quelle solution vous
retiendrez, mais il reste que je pense qu'à la suite des millions et des
millions de pertes de récoltes accumulées année
après année, toujours causées par le même
problème, il faut tôt ou tard, arriver à une solution. Je
pense que les producteurs maraîchers sont en droit de s'attendre à
une solution à brève échéance et non dans quelques
années.
Je comprends qu'il y a des deniers publics qui vont aller
là-dedans. On veut se servir de la meilleure méthode possible. Je
suis d'accord avec cela, mais il reste qu'après sept ans... Enfin, cela
fait bien plus longtemps que sept ans, mais c'est la septième fois que
j'arrive à la commission parlementaire et que je discute de ce sujet et
que, année après année, on fait des promesses et des
promesses. Finalement, ces promesses n'aboutissent à rien. Je pense que
les producteurs, méritent d'être servis et qu'ils participent
largement à l'économie agricole puisque la plupart d'entre eux
font un certain nombre d'exportations aux États-Unis. Ils participent
à l'économie du Québec. Je pense bien qu'ils
méritent, quand même, une attention particulière parce que
c'est un des cours d'eau qui causent le plus de problèmes sur le plan
financier au Québec. Le ministre, je suis bien d'accord avec lui, croit
aux terres noires, aux capacités productrices des terres noires. C'est
bien beau d'y croire, mais il faut poser des gestes concrets un jour.
J'espère que le ministre va arriver avec des solutions qui vont
régler le problème une fois pour toutes et non pas à
courte échéance. C'est pour cela que je voulais intervenir dans
ce dossier pour m'assurer, au moins, qu'il y a une volonté politique
d'arriver à quelque chose, tôt ou tard, mais dans des
délais assez brefs. S'il faut encore aller vers une autre année
d'étude, cela veut dire que ce n'est pas certain que l'an prochain il y
aura des interventions. On refoule tout le temps, mais on est rendu à la
septième année et cela va être la huitième tout
à l'heure, et cela va être la neuvième et on ne sera pas
plus avancé. Je peux vous dire que les producteurs sont très
inquiets. S'il tombe trois pouces d'eau, ils risquent de perdre leurs
récoltes. Trois pouces d'eau dans deux jours, c'est un risque de perte
de récoltes. Connaissant les coûts d'ensemencement, je pense qu'on
est en droit de se poser des questions sur l'opportunité de desservir ou
de ne plus desservir les agriculteurs dans ce sens-là. Il faut aboutir
à quelque chose un jour.
M. Garon: Actuellement, je dirais que la plus grosse
inquiétude qu'ils doivent avoir c'est la disparition graduelle des
terres noires si on continue à appliquer les anciennes méthodes
qu'on a appliquées. C'est tout ce que je peux vous dire
là-dessus.
M. Dubois: II y a de l'érosion, je suis d'accord. Il n'y a
pas de la terre noire seulement dans la région du Northern Creek, il y
en a quand même ailleurs. Il y a une diminution, une baisse du niveau du
sol de un pouce, un pouce et quart, annuellement. Cela ne se produit pas
seulement dans la région du Northern Creek, cela se produit partout dans
les régions de terres noires. Peu importe, la solution retenue pour
Northern
Creek n'empêchera pas le niveau du sol de descendre dans d'autres
régions de terres noires. S'il y a une possibilité de ralentir
cette descente, tant mieux, parce que c'est une richesse qu'on a et qu'on doit
conserver le plus longtemps possible. Je suis d'accord là-dessus. De
toute façon, c'est à une solution du problème qu'il
faudrait arriver un jour.
Sur un autre sujet, M. le ministre, on nous parle souvent de la
disparition possible du centre de recherche sous serre de Sainte-Martine.
M. Garon: Oui.
M. Dubois: Certains disent qu'il s'en va vers L'Assomption. L'an
passé, j'ai soulevé ce cas, ici en commission parlementaire.
À ce moment-là, le ministre m'a dit qu'il était en train
de penser où irait le centre de recherche sous serre, au Jardin
botanique de Montréal, étant donné qu'il y avait des
possibilités là, selon les propos du ministre, ou ailleurs; ou,
on pourrait le laisser où il était. Est-ce qu'il y a des faits
nouveaux que le ministre pourrait nous annoncer actuellement?
M. Garon: Oui, les faits nouveaux, c'est que nous voulons vendre
la ferme qui est à Sainte-Martine parce qu'elle sera plus productive si
elle appartient à des gens qui font la culture que si nous la gardons.
On espère vendre en même temps les serres qui s'y trouvent. C'est
ce qu'on veut faire. Étant donné la localisation des producteurs
sous serre, la décision n'est pas définitive encore. Je pense
toujours à une collaboration avec le Jardin botanique ou encore à
quelque chose dans le bout de L'Assomption ou peut-être aux deux. C'est
dans cette orientation qu'on veut prendre une décision. Ce n'est pas un
choix contre Sainte-Martine, c'est que la localisation des producteurs sous
serre se trouve plus dans cette région. (17 h 30)
M. Dubois: Je pense que le ministre est au courant que, de plus
en plus, il y a érection de serres dans les régions de
Saint-Rémi, Sainte-Clothilde, Sherrington Saint-Urbain, Sainte-Martine,
Saint-Isidore; enfin, il y a plusieurs constructions nouvelles tous les ans.
Tôt ou tard, je pense bien qu'on va atteindre autant de serres dans la
région sud que dans la région nord de Montréal. Le sens
des discussions, l'an dernier, n'était pas tout à fait cela. Le
ministre se posait encore des questions, se demandait si on ne devrait pas
retourner tout cela au Jardin botanique. Avec les experts que vous avez
à l'Université Laval, les possibilités de nos scientistes
en recherche sur la production sous serre, les perspectives de
développement sur le plan génétique, enfin sur
plusieurs...
M. Garon: Ce que j'aimerais, c'est faire un protocole d'entente
avec le Jardin botanique. J'en ai dit un mot à M. Bourque, du Jardin
botanique. On doit se revoir éventuellement. À cause d'un
surcroît de travail, je ne l'ai pas vu récemment, mais je compte
le voir - je le vois, habituellement, chaque année, à ce temps-ci
- et j'aimerais qu'on ait un protocole d'entente entre le ministère de
l'Agriculture et le Jardin botanique, pour qu'il y ait une collaboration
soutenue avec le Jardin botanique de Montréal, qui est un des plus
grands jardins botaniques au monde. Le Québec n'a pas les moyens d'avoir
plusieurs jardins botaniques comme celui de Montréal. Il en a un grand
et je pense qu'il peut jouer un rôle avec nos instituts de technologie
agricole et avec les gens du ministère, avec l'Université Laval
aussi. Mais, il faut dire qu'une institution d'enseignement est d'abord
là pour les fins de l'enseignement.
J'ai vu le député de Saint-Hyacinthe, nous avons justement
parlé récemment de l'Institut de technologie agricole et nous
devons reparler de ce que devrait être un centre d'exercice pratique dans
la région de Saint-Hyacinthe. Pour tout cela, la production sous serre,
la production florale, je souhaite un véritable protocole d'entente
d'ample envergure entre les grands intervenants de ce secteur au
Québec.
La collaboration que j'ai eue du Jardin botanique, à l'occasion
des Floralies, a été un moment agréable pour moi. J'ai
trouvé chez ces gens une véritable collaboration, un souci
très vif du développement horticole et du développement
des techniques. Je pense que son directeur, M. Bourque, est un homme
exceptionnel; dans mon esprit, il a contribué pour une large part au
succès des Floralies. Il n'est pas le seul, mais, pour l'aspect
botanique, il fut le principal responsable, au point de vue de l'horticulture,
des Floralies. Il y avait d'autres aspects. Si on le peut -et je le dis pour
faire le plus rapidement possible - on voudrait, avec le Jardin botanique et le
ministère de l'Agriculture, contribuer à la formation des gens et
aussi à la recherche, et - vous savez, le Jardin botanique de
Montréal est un jardin botanique, mais il y a aussi le parc floral de
l'île Notre-Dame - trouver un débouché pour nos
étudiants pour leur permettre d'apprendre et pratiquer. À
l'Université Laval aussi, l'horticulture est un secteur qu'on veut
développer, avec l'aide de l'Association des producteurs horticoles du
Québec. J'espère qu'on pourra en arriver cette année
à une véritable politique sur ce plan et c'est dans cette voie
que je souhaite qu'on se dirige.
M. Dubois: À moins de faire erreur, M. le ministre, je
crois qu'il y a encore des superficies de terrain disponibles, là
où sont situées les serres au Jardin botanique de
Montréal, pour construire de nouvelles serres, si on veut pousser
la recherche pour la tomate sous serre, le concombre sous serre ou d'autres
produits horticoles.
M. Garon: Moi, dans la recherche, je vais vous dire une chose. Je
voudrais qu'on fasse de la recherche non pas pour le plaisir des chercheurs
mais pour les fins d'une véritable politique de recherche. C'est aussi
un des sujets qui seront connus en 1983, c'est-à-dire une politique de
recherche agro-alimentaire au Québec qui fera en sorte qu'il y aura des
fonds pour les universités faisant de la recherche plus libre, mais
aussi une recherche dirigée dans le sens suivant: on a une politique
céréalière au Québec; on veut accroître la
production des céréales. On ne peut pas attendre les chercheurs
qui auraient le goût de faire des recherches sur les
céréales. On veut, aussi, ce que j'appellerais "caller les
shuts". On veut qu'il y ait de la recherche dans le domaine des
céréales parce qu'on a besoin d'avoir des variétés
de céréales adaptées à notre climat. Il va falloir
mettre des fonds pour dire: II y a des fonds pour des projets de recherche qui
répondront à nos besoins.
Il faut absolument avoir une politique de recherche dans le domaine des
fumiers. On a donné un certain nombre de projets, mais il faudrait
être encore plus directif. Je pense que le gouvernement peut jouer un
râle supplétif, mais supplétif à quelque chose qui
existe. Quand il manque des choses, le gouvernement devra prendre le leadership
lui-même. Dans le domaine des fumiers, il va falloir jouer un rôle
de leadership encore plus grand que celui qu'on joue actuellement pour
résoudre cette question-là de façon définitive. Il
nous faut donc une politique de recherche où le ministère de
l'Agriculture jouera un râle plus grand que celui qu'il joue actuellement
en collaboration avec les organismes existants. Au cours de cette année,
on verra un énoncé de politique de recherche dans le domaine
agro-alimentaire pour véritablement assumer le leadership qu'on devrait
assumer encore plus qu'on ne le fait actuellement.
M. Dubois: M. le Président, étant donné que
le ministre parle de recherche, on devrait aussi parler de budget. On peut
constater que l'Ontario met environ 12% de son budget dans la recherche,
comparé à environ 3% au Québec. On s'aperçoit qu'en
Ontario les budgets de recherche sont beaucoup plus importants que ceux du
Québec. Si on veut vraiment faire de la recherche, il faudra des budgets
parce que le budget de l'Ontario se situe à environ 12%.
M. Garon: II faut regarder les choses de façon relative.
Le budget de l'Université de Guelph se retrouverait possiblement dans le
budget du ministère de l'Agriculture. C'est l'Université de
Guelph qui fait la recherche. Quant au budget du ministère de
l'Agriculture de l'Ontario, il est à peu près la moitié de
celui du Québec. Cela veut dire que, à l'égard du
pourcentage que vous mentionnez, il faut voir les choses relativement.
M. Dubois: Je parle de pourcentage, mais si on parle de chiffre
réel, c'est...
M. Garon: Les engagements du gouvernement du Québec dans
la recherche sont aussi forts que ceux de l'Ontario, mais la partie
fédérale est plus forte en Ontario qu'elle ne l'est au
Québec.
M. Dubois: ...27 000 000 $, je pense, en Ontario, strictement
à même le budget provincial. On ne parle pas des installations
relevant de la capitale nationale; on parle strictement du budget ontarien.
D'autres recherches sont faites par Agriculture Canada dans la région de
la capitale nationale, c'est sûr. M. le ministre, je ne suis pas pour la
dépense de fonds publics dans le sens qu'il y aurait deux centres de
recherche pour la tomate, deux centres de recherche pour le concombre, deux
centres de recherche pour la laitue. Si on peut arriver à faire de la
recherche appliquée au Jardin botanique dans les cultures qui nous
intéressent, sans pour autant dépenser d'autres fonds publics
pour des installations dans le comté de L'Assomption - j'entends souvent
dire que tout ce qui est à Sainte-Martine ou que le genre de recherche
qui se fait à Sainte-Martine irait vers L'Assomption si cela n'est pas
une nécessité, si l'installation dans le comté de
L'Assomption n'est qu'une décision politique n'amenant rien de plus que
les recherches exécutées au Jardin botanique, je serais bien
d'accord pour que cela demeure là. Cela satisferait les gens du nord de
Montréal aussi bien que ceux du sud de Montréal. Je pense que les
possibilités existent au Jardin botanique.
Je pense bien qu'il n'est pas nécessaire de dépenser des
fonds publics pour se diriger vers deux centres de recherche quand on peut
avoir les grands spécialistes au même endroit et beaucoup plus
intéressés, en plus. Les grands spécialistes sont beaucoup
plus intéressés d'aller travailler à Montréal ou de
travailler à l'Université Laval que de travailler à
Sainte-Martine ou à L'Assomption. Je pense qu'il s'agit d'un autre
problème qu'il faudrait évaluer. Il est bien beau d'envoyer des
fonctionnaires en région, mais il est plus facile de les envoyer
à Montréal, il est plus facile de les envoyer à
Québec que de les envoyer à L'Assomption ou à
Sainte-Martine. Dans ce sens-là, je pense qu'on peut avoir des experts
qui se déplacent plus facilement et qui sont
beaucoup plus intéressés à travailler dans un
centre. Au niveau de la location de résidences ou des communications,
Montréal est quand même mieux située que L'Assomption ou
Sainte-Martine. Ce n'est pas que je veuille que cela disparaisse de
Sainte-Martine, si c'est pour le bien de la recherche. Au moins, qu'on ne
prenne pas une décision politique pour dire: On fait une implantation
dans un comté autre que celui de Huntingdon qui n'apportera rien de
plus. C'est dans ce sens-là que je voulais faire mon intervention et
faire remarquer au ministre que j'ai entendu le rapport de hauts-fonctionnaires
du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation,
sur les inconvénients d'envoyer, à partir de Québec,
à partir de l'Université Laval, des recherchistes, en
région, soit à Sainte-Martine ou ailleurs, cela n'a pas
d'importance. Ces gens sont beaucoup plus intéressés à
aller travailler à Montréal, s'il le faut, qu'à se
déplacer en dehors de la ville à 15, 20, 30 ou 40 milles.
J'espère, M. le ministre, que votre décision sera sage dans ce
sens et qu'elle répondra aux besoins des producteurs sous serre. Ils
attendent cela, parce qu'on a quand même besoin de recherche et de fonds
publics pour aller vers un meilleur développement de nos
possibilités de culture sous serre.
M. Garon: On prend toujours de sages décisions. Vous
comprenez qu'on aime aussi les fonctionnaires qui aiment la campagne autant que
le ville.
M. Dubois: Je pense que, sur le plan des communications...
M. Garon: Au ministère de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation, c'est assez important.
M. Dubois: ...et des coûts, en fonds publics aussi, c'est
plus facile à Montréal qu'en région. Je pense que le
ministre ne pourra pas dire le contraire. De toute façon, M. le
Président, peut-être que d'autres voudraient intervenir sur ce
sujet.
Le Président (M. Gagnon): Oui.
M. Mathieu: Sur ce programme, puisque nous sommes en plein
programme 1, M. le Président, à votre satisfaction, sans doute,
je voudrais d'abord constater que la recherche, malgré les belles
paroles du ministre, est le parent pauvre du budget de l'Agriculture. On a
remarqué que, lorsque la recherche décroît, les primes
d'assurances agricoles, d'assurance-stabilisation et d'assurance-récolte
augmentent. Nous constatons à l'élément 1, à la
planification et études économiques...
M. Garon: Est-ce qu'on parle de l'élément 1?
M. Mathieu: Oui, M. le Président. M. Garon:
D'accord.
M. Mathieu: ...une diminution de près de 212 000 $, alors
que nous croyons que c'est là que nous devrions investir, dans la
planification, pour éviter l'improvisation dont fut victime
l'agriculture du Québec depuis plusieurs années. Il serait
nécessaire qu'on ait une meilleure planification, et une meilleure
orientation. À ce sujet, je serais désireux que le ministre me
dise où en est rendu le sommet sur la recherche en préparation
depuis trois ans et dont le document fut actualisé au moins trois fois
et si ce sommet va se tenir au cours de l'année.
M. Garon: Oui, le sommet devrait se tenir au cours de
l'année. Au sujet du document actualisé, si vous avez vu la
première version, c'est un document descriptif seulement. Nous n'avons
pas considéré, le sous-ministre et moi, que ce document
était prêt. Il fallait continuer à chercher...
M. Mathieu: Une deuxième version.
M. Garon: ...pour faire une meilleure version. J'ai reçu,
récemment, une nouvelle version, un nouveau document...
M. Mathieu: Une quatrième version?
M. Garon: ...une dernière version que je n'ai pas encore
lue, mais que je vais lire prochainement.
Je n'ai pas entendu parler qu'il y a eu quatre versions.
Chez nous, les documents sont toujours bien polis avant de sortir. C'est
pour cela qu'on peut les publier après. Voyez les publications du
ministre.
M. Mathieu: II a dit tantôt qu'il ne disait pas tout ce
qu'il y avait d'écrit là-dessus. M. le Président, le
ministre dit qu'il les polit avant de les publier dans le volume que j'ai
cité à plusieurs reprises, mais, après cela, il vient
renier ses propres propos mentionnés dans ce volume. Ils sont
peut-être trop polis? (17 h 45)
M. Garon: Non, c'est qu'il s'agissait d'être prêt. Il
y a des groupes qui travaillent sur l'état de la conjoncture. Encore
hier soir, on avait une discussion au Comité de développement
économique sur la recherche. Il y a beaucoup de coordination qui doit se
faire dans le domaine de la recherche. On va encore donner un avis avec le
sous-ministre
dans les prochains jours sur des questions concernant la recherche. Vous
savez, la préoccupation du gouvernement en instituant le
ministère de la Science et de la Technologie est une indication que le
premier ministre souhaite une plus grande cohérence dans les efforts de
recherche au niveau du Québec. Des fois, c'est évident que cela a
soulevé un peu de poussière, le fait d'avoir un ministre
nommé à la Science et à la Technologie, qui remet en cause
certaines affaires. Parfois, il y a des discussions entre les différents
ministères pour savoir comment tout cela doit se coordonner.
Actuellement, au niveau de la recherche scientifique, c'est une des
préoccupations du ministère. Je dois dire qu'en même temps
que ces organismes centraux étaient mis en place des efforts ont
été faits au ministère au niveau de la recherche
proprement agro-alimentaire et que, au cours des prochains mois, les gens de
Québec connaîtront mieux les orientations qu'on prend.
À propos de la recherche, étant moi-même un ancien
professeur d'université, je vous dirai que, dans les universités
comme dans les endroits de recherche, le plus important est dans les cerveaux
plutôt que dans les bâtisses. De belles universités avec des
nonos dedans ne donnent pas grand-chose. Il faut des cerveaux.
M. Mathieu: II faut des budgets aussi.
M. Garon: Pardon?
M. Mathieu: II faut des budgets aussi.
M. Garon: II faut des cerveaux. La formation des chercheurs est
une grande préoccupation. Si vous prenez la décision de former
des gens avec des doctorats aujourd'hui, vous allez avoir des docteurs
plusieurs années plus tard. Former des gens pour la recherche, c'est ce
qu'il y a de plus long à faire pour un peuple. Une des grandes
inquiétudes, c'est que, justement, peu de gens s'orientent actuellement
dans le domaine agro-alimentaire dans des études supérieures. Il
faut - M. Ouellet en parle souvent - penser à des méthodes pour
faire en sorte que plus d'étudiants au Québec s'orientent vers
des études de deuxième et de troisième cycle dans le
domaine agroalimentaire.
Le développement technologique j'avais ici tantôt M.
Marcoux, directeur du service technique - est un des aspects les plus
importants. Si notre base est trop faible, on aura beau vouloir faire tout ce
qu'on voudra, on n'aura pas d'équipes considérables. Il faut
actuellement mettre en place des équipes, augmenter le nombre de
chercheurs et investir dans la matière grise, beaucoup plus qu'investir
dans quoi que ce soit d'autre.
M. Mathieu: J'adhère à vos belles paroles, mais je
déplore que les budgets ne soient pas en proportion.
M. Garon: Les budgets ne sont pas mauvais, c'est que...
M. Mathieu: Je crois que vous manquez le virage
technologique.
M. Garon: Non, je ne dirais pas cela. Vous savez que
l'utilisation des budgets est souvent plus importante que leur grosseur. Vous
pouvez avoir un bien gros budget mal utilisé qui sera moins utile qu'un
petit budget bien utilisé. Dans le domaine de la recherche,
actuellement, on a réfléchi beaucoup là-dessus et je pense
qu'actuellement on est prêt à poser les gestes nécessaires.
On aurait bien pu aller très vite, avoir une politique de recherche dans
le secteur agro-alimentaire à moitié pensée. On a
préféré y mettre le temps qu'il fallait. Je me rappelle -
lorsque vous parlez des premières versions - des discussions qu'on a
eues au cours des années. Il est vrai qu'entre la première
version et aujourd'hui il s'est passé plusieurs mois, même
quelques années - je ne me souviens pas de la date de la première
version - mais le cheminement était sans doute nécessaire.
M. Mathieu: Est-ce que le sommet aura lieu bientôt?
M. Garon: Je ne peux pas annoncer de date immédiatement
parce qu'il y a une question de disponibilité de temps. On peut faire
tant de travail dans une journée. Il n'est pas impossible que le
projet... Cela peut avoir lieu ce printemps, cela peut avoir lieu à
l'automne. Cela n'est pas encore fixé.
M. Mathieu: En 1983?
M. Garon: Au cours de l'année 1983.
M. Mathieu: Bon, voici une bonne nouvelle. À propos de
recherche, je donne un exemple: au programme 1, élément 3,
catégorie 08, sous-catégorie 91, à la page 37 de votre
cahier vert pour du matériel informatique à l'Institut de
technologie agricole de Saint-Hyacinthe, 4000 $. Où voulez-vous qu'ils
aillent avec cela?
M. Garon: Pardon?
M. Mathieu: 4000 $ pour le matériel informatique. Ils
n'iront pas loin avec cela.
M. Garon: Non.
M. Mathieu: Est-ce que vous trouvez que c'est assez?
M. Garon: Dans le domaine de l'informatique, on dépense
beaucoup d'argent. Actuellement, il s'agit de contrats pour mettre les
bulletins sur informatique. Il n'y a pas de recherche.
M. Mathieu: C'est indiqué: "Matériel informatique:
un micro-ordinateur Superset avec possibilité de Fortran, etc.: 4000 $.
En parlant d'incohérence, M. le Président, je voudrais vous citer
un cas. Peut-être que le ministre aura l'occasion - peut-être qu'on
ne l'a jamais saisi de ce problème - d'aller dans son programme de
développement d'atelier vache-veau.
M. Garon: Oui.
M. Mathieu: Le programme ne permet pas de dépenses pour
l'amélioration du cheptel.
Le Président (M. Gagnon): Cela me tenterait de vous
suggérer, M. le député de Beauce-Sud, qu'on termine le
programme 1, parce que j'ai l'impression qu'on va avoir...
M. Mathieu: Je suis dans le programme 1.
Le Président (M. Gagnon): Oui.
M. Garon: C'est dans le programme 3.
Le Président (M. Gagnon): Cela serait dans le programme 3,
à mon point de vue.
M. Garon: Atelier vache-veau, c'est dans le programme 3. On est
au programme 1.
M. Mathieu: C'est de l'aspect recherche que je veux parler.
Le Président (M. Gagnon): Ah! Bon! M. Mathieu: C'est
l'aspect recherche.
Le Président (M. Gagnon): D'accord, allez!
M. Garon: Vous cherchez le programme.
M. Mathieu: Oui, c'est cela, M. le Président. Je voudrais
vous dire qu'on produit des veaux qui sont trop petits, dont le marché
ne veut pas et, en conséquence, nos parcs d'engraissement de boeufs
s'alimentent dans l'Ouest. Pourquoi? Parce qu'on n'a pas d'argent pour la
recherche en vue de l'amélioration du cheptel.
M. Garon: C'est plus compliqué que cela.
M. Mathieu: C'est une revendication que j'ai eue à
quelques reprises.
M. Garon: Oui. Je vais vous laisser parler, M. Ouellet. Vous
êtes, justement, un éleveur.
Je dirais que c'est bien simple. Vous avez seulement à acheter du
Limousin. Je suis un éleveur de Limousin. Je ne pense pas que ce soit un
gros problème de recherche. Au fond, c'est un problème de
convaincre les agriculteurs de faire des croisements comme on l'a fait dans le
porc. Tant qu'on a essayé de produire du porc en utilisant seulement une
race, on n'a pas avancé, jusqu'au jour où on a utilisé des
croisements pour aller chercher les caractéristiques de
différentes races. C'est le problème, actuellement, dans le
boeuf. On a commencé, d'une part, avec les vieilles races anglaises
qu'on avait ici depuis longtemps et qui étaient bien implantées
et, d'autre part, on est parti avec des troupeaux laitiers qu'on a
croisés. Je pense que cela a été une erreur, parce que
partir des animaux laitiers pour en venir à produire des veaux pour
faire du boeuf, c'est bien long. Ce ne sont pas des races bouchères.
C'est vrai que c'est une erreur. Maintenant, vous verrez peut-être qu'au
cours de l'année il y aura sûrement des efforts qui vont
être faits pour essayer d'inciter les agriculteurs à utiliser
davantage des croisements qui leur permettront d'avoir des veaux qui arrivent
au marché et qui sont en meilleure condition.
Vous avez raison, présentement, c'est dommage, mais une grosse
partie de nos veaux arrivent à l'automne et n'ont pas les
caractéristiques qu'exigent les parcs d'engraissement. Ils ne sont pas
suffisamment bien développés pour qu'on trouve une
rentabilité à les finir. C'est tout simplement le reflet de
l'industrie du boeuf qui balbutie encore, qui débute. Vous savez
très bien -vous l'avez dit vous-même hier - qu'avant d'avoir
quinze ans il faut avoir dix ans, il faut avoir huit ans, il faut avoir cinq
ans aussi. Alors, l'industrie du boeuf est encore jeune. Cela va demander des
efforts pour corriger cela, mais cela va demander surtout des efforts de
persuasion et de vulgarisation auprès des producteurs, parce que les
races, on les a. Le centre d'insémination est là, il y en a, des
races. C'est une question de convaincre les agriculteurs de s'ouvrir aux
nouvelles technologies. Je pense que c'est normal. Il y a un apprentissage
à faire la-dedans. On n'a pas produit 12 000 livres de lait de moyenne
en l'espace d'un an. Cela a pris du temps. On y a mis les moyens. Là, on
est en train de les mettre, les moyens. Pour les résultats, ne vous
inquiétez pas. Vous allez avoir le même problème,
peut-être: des surplus de bons veaux, dans quelques années.
Le Président (M. Gagnon): Sur le même
sujet, M. le député d'Arthabaska.
M. Baril (Arthabaska): Oui, M. le Président. J'aimerais
que soit M. Ouellet ou M. Garon me réponde. J'ai rencontré un bon
éleveur de mon comté...
M. Garon: M. Ménard.
M. Baril (Arthabaska): Oui, M. Ménard. D'ailleurs, M.
Garon était venu avec moi le rencontrer. Je ne sais pas quel programme
on a au ministère qui oblige les agriculteurs à mettre un taureau
par 40 vaches. Il me semble que c'est 40 vaches. 30 vaches.
M. Garon: II ne faut pas épuiser le taureau.
M. Baril (Arthabaska): C'est ce que M. Ménard disait.
Une voix: C'est du sexisme.
M- Baril (Arthabaska): M. Ménard nous soulignait qu'on n'a
pas de règlements au sujet de l'âge du taureau. Il y en a qui vont
flanquer un petit taureau de neuf, dix ou onze mois avec 30 vaches. Le pauvre
taureau va se faire mourir. Sur la progéniture, cela a des effets. Les
veaux qui naissent ainsi sont beaucoup plus petits que s'il y avait le nombre
de têtes...
M. Garon: Un gros taureau.
M. Baril (Arthabaska): ...ou que si vous aviez un bon gros
taureau avec moins de bétail.
M. Garon: Vous voyez, lorsqu'on dit: Bon coq n'est pas gras, ce
n'est pas nécessairement vrai.
M. Mathieu: J'espère que vous n'appliquez pas cela aux
humains.
M. Baril (Arthabaska): Lui-même avait fait
l'expérience avec ses animaux, remarquez bien, et il suggérait
qu'on devrait améliorer nos programmes pour fixer l'âge du
taureau.
M. Garon: Je pense qu'il y a un programme où on dit que
l'agriculteur qui s'est fait un plan de développement a le droit
d'acheter un taureau par 30 vaches. Il peut être subventionné
jusqu'à concurrence de 600 $ mais pour un taureau par 30 vaches. Cela
veut dire que, si l'agriculteur a 60 vaches, on subventionne 2 taureaux mais
s'il juge qu'il ne veut pas "maganer" son taureau, il en achètera 3.
Nous en subventionnons deux, parce qu'on pense qu'un taureau qui est costaud un
peu, 30 vaches ne devraient pas le "maganer" du tout.
Évidemment, quant à déterminer l'âge auquel
il doit utiliser le taureau, on pense que les agriculteurs devraient savoir
qu'un taureau de 12 mois peut facilement saillir une quinzaine de vaches; 30
vaches, c'est peut-être trop. Il s'agirait au niveau des conseils
techniques -pour répondre à M. Baril - de dire à
l'agriculteur qu'il prend un risque s'il utilise un jeune taureau, non pas que
les veaux seront petits - je ne crois pas cela parce que la
génétique est dans le taureau; elle n'est pas dans la grosseur -
mais que son taureau ne travaillera peut-être plus l'année
suivante parce qu'il ne sera plus bon. C'est, tout simplement, un conseil
technique qu'il s'agit de donner; ce n'est pas le programme qui n'est pas
bon.
M. Baril (Arthabaska): M. Ouellet, je ne veux pas contester le
programme. On doit, d'ailleurs, vous rencontrer, M. Garon et M. Ménard.
À partir des expériences et des études qu'il a faites, il
est capable de démontrer que, même si la génétique
est dans le taureau, du fait que le taureau dans une stabulation libre - je ne
sais pas comment les producteurs de boeuf appellent cela - il peut s'accoupler
avec deux, trois, quatre vaches par jour. Il peut y en avoir quatre ou cinq en
même temps en chaleur; je ne sais pas si c'est le vrai mot. Dans ces
circonstances, les veaux naissent plus petits; avec le temps, ils finissent par
grossir, mais il leur faut plus de temps à engraisser. M. Ménard
peut nous le prouver.
M. Garon: J'ai hâte de voir, parce que j'ai
l'expérience contraire.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Beauce-Sud.
M. Mathieu: Je conclus ce programme en disant qu'on ne peut pas
improviser dans ce domaine. Quant aux parcs d'engraissement de boeuf qui ont
été lancés depuis quatre ou cinq ans de façon un
peu improvisés, je pense qu'il aurait mieux valu qu'on planifie
davantage, qu'on fasse les recherches; parce que, avec la
génétique, les conséquences dans les descendants, dans la
race, on ne peut pas monter un cheptel en deux ans. C'est pourquoi il faut une
recherche mieux approfondie. Je voudrais plaider la cause des gens au
ministère qui sont en charge de ce programme 1, Planification, recherche
et enseignement. Nous savons tous qu'ils jouent un rôle très
important. Le but de mes propos était de démontrer qu'ils sont
mal équipés pour ce qui est des budgets. Je pense qu'on devrait
faire des efforts plus généreux au programme 1 pour avoir une
meilleure planification en recherche et en enseignement; d'où
découlera toute la qualité de l'agriculture dans l'avenir.
Le Président (M. Gagnon): Programme 1,
éléments 1, 2 et 3, adopté?
M. Mathieu: Adopté.
Le Président (M. Gagnon): Adopté. Nous suspendons
nos travaux jusqu'à 20 heures.
(Suspension de la séance à 18 heures)
(Reprise de la séance à 20 h 27)
Le Président (M. Gagnon): La commission de l'agriculture,
des pêcheries et de l'alimentation poursuit ses études. Lors de la
suspension de nos travaux, nous étions rendus au programme 3. Les
programmes 1 et 2 ont été adoptés. M. le ministre,
avez-vous quelque chose à dire sur le programme 3?
M. Garon: Non, je ne voudrais pas prendre trop de temps. Je sais
que ce soir on doit normalement terminer les travaux.
M. Mathieu: C'est un point important que je voudrais
élucider, M. le Président. Le ministre dit qu'on doit terminer
les travaux ce soir. Je voudrais savoir combien nous avons passé
d'heures à étudier ces crédits.
M. Garon: Moi, je ne suis pas pressé. On peut passer 20,
30, 40, 50 heures, il n'y a pas de problème.
Le Président (M. Gagnon): On s'était entendu, je
crois, sur 20 heures. On a douze heures et sept minutes de faites. Il reste
sept heures et cinquante-trois minutes.
M. Garon: On n'est pas pressé.
M. Mathieu: Alors, si on fait deux heures ce soir,
voyez-vous...
M. Garon: On n'est pas pressé. On est des couche-tard.
M. Mathieu: ...il va rester cinq heures.
Une voix: On reviendra après la Saint-Jean-Baptiste.
M. Mathieu: En tout cas...
M. Garon: II reste juste deux éléments de
programme. Je pense que si vous posiez de bonnes questions...
M. Mathieu: M. le Président, je vous ferai remarquer que
ce ne sont pas les questions qui sont longues, ce sont les réponses.
C'est l'absence de réponses qui est longue à motiver.
M. Garon: Vous avez des questions, mais, comme on a tellement de
projets dans l'esprit, les réponses sont longues.
M. Dubois: Quand le ministre tombe dans les satellites, je vous
assure que c'est assez loin de l'agriculture.
M. Mathieu: Et dans les poètes.
M. Garon: Les satellites? Pourquoi l'agriculture serait-elle
privée des satellites?
M. Dubois: Non, je veux dire... M. Garon: Pourquoi?
M. Dubois: ...que ce n'est pas dans les crédits.
M. Garon: Pourquoi, en agriculture, reviendrait-on à la
voiture à cheval, comme autrefois, ou à la lampe à
l'huile?
M. Mathieu: Ce n'est pas dans les crédits, les
satellites.
Le Président (M. Gagnon): Attention! On va être
difficiles à suivre pour le journal des Débats, parce qu'on parle
tous ensemble.
Alors, sur le programme 3, est-ce que vous avez des choses à
dire, M. le ministre?
Aide à la production agricole
M. Garon: Pour gagner du temps et en donner davantage à
l'Opposition pour poser ses questions, je ne dirai pas un mot, M. le
Président.
Le Président (M. Gagnon): Alors, M. le
député de Beauce-Sud, avez-vous des questions sur le programme
3?
M. Mathieu: M. le Président, j'aurais d'abord une
explication à demander au ministre.
M. Garon: Oui.
M. Mathieu: On voit ici que le programme 3 dans son ensemble
subit, par rapport à l'an dernier, une diminution de 5 560 000 $. C'est
le programme Aide à la production agricole. Si je comprends bien, le
programme pour le développement de la culture
céréalière doit être prévu à ce
programme. Alors, je m'étonne. Si on annonce un programme de 50 000 000
$ pour trois ans, qui est de nature à propulser la production
céréalière du Québec d'une manière
extraordinaire, cela fait 16 500 000 $ par année. Nous nous serions
attendus d'avoir des crédits supplémentaires par rapport à
l'an dernier, mais nous constatons qu'il y a des crédits
inférieurs de
5 500 000 $. Cela veut dire que, si le ministre n'avait pas
annoncé son programme qui nous propulse à l'avant-garde, on
aurait 21 000 000 $ de moins que l'an passé. Je conclus donc que le
ministre n'a rien annoncé du tout.
M. Garon: Voyez-vous, tout est dans la comptabilité. Si
vous regardez le fonctionnement, vous remarquez qu'on passe de 41 205 000 $
à 37 132 000 $.
M. Mathieu: Quel élément, M. le
Président?
M. Garon: Dans le programme 3 à la page gauche de votre
volume, nous avez les dépenses de fonctionnement pour le personnel, les
autres dépenses, le capital et les transferts. Vous verrez que le
fonctionnement pour le personnel diminue de 4 000 000 $, c'est-à-dire
qu'il y a 4 000 000 $ de moins pour le fonctionnement, le traitement, les
salaires parce qu'il y a diminution des traitements due à la compression
de l'effectif et au nouveau mode de vérification du programme des
travaux mécanisés. Une plus grande efficacité du
ministère nous fait épargner 4 000 000 $ malgré les
augmentations de salaires. C'est de l'efficacité administrative.
M. Mathieu: Je ne voudrais pas que le ministre nous fasse une
manoeuvre de diversion, M. le Président.
M. Garon: Laissez-moi finir. Je n'ai pas fini mon explication, je
commence. C'est tout à l'honneur du ministère d'administrer ainsi
des programmes. Je vous dirai aussi qu'à la demande de l'UPA, qui
souhaitait que les agriculteurs prennent des responsabilités plus
rapidement, on aurait consenti à ce que la période de transition
soit plus longue. Les agriculteurs étaient prêts à prendre
des responsabilités. S'il y avait des problèmes au point de vue
du drainage, nous avons changé le programme Sol-Plus exactement comme le
demandait l'Union des producteurs agricoles. Il faut que tous les plans qui
sont utilisés soient faits par des ingénieurs, que les
corrections de plans soient faites par des ingénieurs. L'entrepreneur
s'engage à faire les travaux selon les plans des ingénieurs. Cela
veut dire que, s'il y a un problème de drainage, l'agriculteur saura
qu'il peut poursuivre en responsabilité professionnelle ou en
responsabilité de travaux de construction l'ingénieur et le
constructeur, conjointement. Je pense que cela serait plus facile.
M. Dubois: Pour aboutir à rien au bout de dix ans.
M. Garon: Est-ce que vous savez que les Ontariens ont des
problèmes épouvantables parce qu'ils n'ont pas fait de
règles aussi strictes qu'au Québec? Nous avons fait des
règles strictes. Je pense qu'aujourd'hui le ministère de
l'Agriculture, en collaboration avec l'Union des producteurs agricoles, a
trouvé une formule qui est sûrement la plus économique, la
plus efficace et la plus productive. Je suis persuadé que l'Opposition
n'a pas un mot à dire.
M. Mathieu: M. le Président, est-ce que vous permettez une
question?
M. Garon: Je vais finir. Je vais faire tout le pataclan et,
après, on reviendra aux questions.
M. Dubois: C'est que vous parliez de vos ingénieurs et des
entrepreneurs.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Huntington, aussitôt que le ministre aura terminé sa
réponse.
M. Garon: On m'a dit qu'on dépensait moins d'argent cette
année, alors que vous verrez que l'efficacité fait qu'on
dépensera l'argent à la bonne place. L'indexation de certaines
dépenses de fonctionnement et de transfert de crédits du
programme 8 relatives à la décentralisation des dépenses
des véhicules du ministère ajoutera 545 000 $. Diminution des
budgets de capital: 136 700 $. Dans les programmes de transfert que vous voyez
à l'élément 10, il y a un montant de 9 000 000 $ qu'on a
placé là qui est le nouveau programme triennal de
développement de la production céréalière et
d'amélioration des fourrages.
M. Mathieu: Vous avez 9 000 000 $; c'est moins que l'an
passé.
M. Garon: Non, au programme d'investissement dans les
céréales. Il y a des plus et il y a des moins.
M. Mathieu: II y a plus de moins que de plus.
M. Garon: Prenez votre crayon. Vous calculez cela à
l'oeil. Prenons nos crayons et additionnons serré. Le nouveau programme
triennal de développement de la production
céréalière et de l'amélioration des fourrages, 9
000 000 $ de plus. Vous allez voir que les silos vont piquer dans le ciel.
À l'automne, vous ne reconnaîtrez plus les
municipalités.
M. Mathieu: Faites votre exposé et, après cela, je
vous poserai des questions précises. C'est une mesure de diversion que
vous faites là.
M. Garon: Je ne "diversifie" rien. Je vais vous dire une chose.
Je fais 110 000
milles par année. Je vois les villages changer à vue
d'oeil. Autrefois, le clocher était tout seul dans le ciel, il piquait
droit au ciel, tout seul. Aujourd'hui, il est entouré de silos. Quand on
les inaugure dans les centres régionaux avec les curés, je dis:
M. le curé, il me fait plaisir de voir le pouvoir temporel et le pouvoir
spirituel se côtoyer dans nos villages, maintenant. Avant, il n'y avait
que le spirituel. Nos gens et les curés sont contents de voir le
spirituel et le temporel se côtoyer.
Une voix: Parlez-vous de Cérébec?
M. Garon: Cérébec a recommencé son
exploitation.
M. Mathieu: Avec du grain local?
M. Garon: Le grain est toujours local.
M. Mathieu: Toujours dans Cérébec? Y-a-t-il une
poche de grain local dans Cérébec?
M. Garon: Cérébec est une entreprise de grain
local. Quand la Société coopérative de Saint-Narcisse
voulait acheter avec Cérébec l'entreprise les Pelouses Boulet,
nous étions d'accord au ministère, mais les créanciers
n'ont pas voulu. Si aujourd'hui, l'entreprise n'a pas été vendue
à une entreprise coopérative, à un producteur local, il ne
faut pas blâmer le ministère de l'Agriculture. L'histoire de cela
se fera un peu plus tard.
Diminution progressive du programme d'hivernement des bovins parce que
les bovins diminueront sur une période de cinq ans, comme nous l'avaient
demandé les producteurs. Le montant qui est prévu en moins cette
année, 429 900 $; on s'était entendu avec les producteurs,
surtout avec ceux de l'Abitibi, qui avaient fait valoir ce point de vue
initialement.
Terminaison du programme d'achat d'équipement
spécialisé pour les grains. Il y a donc 1 000 000 $ qui
n'apparaît plus au budget. Le programme de pierre à chaux s'est
terminé cette année à la demande du Conseil du
trésor: 1 000 000 $ de moins. Certains programmes régionaux qui
arrivaient à échéance cette année: 400 000 $ de
moins. Diminution des budgets affectés au paiement des engagements
reportés de 1981 à 1982. Il s'agit de travaux
mécanisés de 2 300 000 $ et de drainage de 4 175 000 $. Il s'agit
d'un roulement de 6 475 000 $ qui roulait d'année en année dont
on a arrêté le roulement cette année puisqu'on a
réglé tout cela l'an passé.
M. Mathieu: C'est à ce poste-là que vous avez
toujours roulé l'Opposition en disant: On a tant d'engagements de
pris.
Alors, les auditeurs s'imaginaient qu'il s'agissait de travaux
réalisés et d'argent déboursé.
M. Garon: Si vous regardez mes déclarations, chaque
année, j'ai toujours fait la distinction entre les roulements. J'ai
toujours fait la distinction. J'ai toujours été très
prudent là-dessus. Il s'agissait de roulements de paiements. C'est un
peu normal, parce qu'il y avait des travaux qui s'effectuaient.
M. Mathieu: Le référendum, les
élections.
M. Garon: L'efficacité administrative était moins
grande à ce moment-là. Aujourd'hui, avec une plus grande
efficacité administrative, on peut payer dans l'année,
facilement. Il y a donc 6 475 000 $ de roulement qui n'apparaîtront plus.
On a réglé tout cela l'an passé. Autre diminution dans
divers programmes où l'argent n'a pas été
dépensé et on ne pense pas qu'il sera dépensé, 1
690 000 $. Cela représente une diminution totale de 5 559 900 $ en
tenant compte de tous ces facteurs-là.
Des crédits additionnels de 3 000 000 $ seront ajoutés en
cours d'exercice. On est autorisé à penser que, si nos programmes
fonctionnent bien, on pourra aller chercher des crédits
supplémentaires à l'automne de 3 000 000 $. C'est une
soupape.
Une voix: Le pouvoir temporel va être encore plus fort avec
3 000 000 $ de plus de silos.
M. Garon: Les 9 000 000 $ pourront se transformer en 12 000 000
$.
M. Mathieu: C'est comme une chatte, elle va avoir des petits.
M. Garon: II y a aussi une somme de 2 530 000 $ qui sera
transférée au ministère pour le programme de soutien de
l'emploi agricole Agri-travail. Là encore, il s'agit d'une somme
importante.
M. Mathieu: Je comprends, il ne vaut rien, ce
programme-là.
M. Garon: Non, ils dépensent quand même 3 000 000 $.
Ce n'est pas des "pinottes". Évidemment, CD. Howe disait: "What is a
million?" Mais vous, comme notaire et moi, comme avocat de Lévis, on
sait que 1 000 000 $, cela représente beaucoup d'argent. On n'est pas
des millionnaires, ni l'un ni l'autre. On sait qu'avec un million de dollars on
peut faire vivre beaucoup de personnes. C'est pourquoi, moi, chaque million que
je peux grafigner
d'un bord ou de l'autre, je vais vous dire une chose: Je le grafigne en
péché pour le ministère de l'Agriculture. On sait qu'avec
1 000 000 $ au ministère de l'Agriculture on peut faire travailler
beaucoup de monde. Agri-travail est un programme qui était très
populaire. On espère que, sur le plan administratif, ce programme pourra
rouler dans l'huile, de sorte qu'on affectera à l'agriculture autant
d'argent qu'on le pourra pour aider les agriculteurs à accomplir le
travail sur leur ferme.
Donc, si vous voyez l'ensemble du programme, le ministère
évolue graduellement vers une plus grande efficacité
administrative. Ce que souhaitent les agriculteurs, c'est qu'on mette l'argent
où cela compte. Et vous savez, si on regarde les années 1930,
1940, 1950, le ministère a subventionné durant ces années
jusqu'aux engrais chimiques. Aujourd'hui, il n'y a plus grand monde qui parle
de subventionner les engrais chimiques. Je sais, quand on parle de
subventionner la pierre à chaux que plusieurs personnes vont dire que
cela s'est fait un peu trop vite, d'autres, pas assez vite. Il va y avoir des
discussions. Je sais que le député de Bellechasse a fait
plusieurs représentations pour dire que le trésor n'aurait pas
dû faire enlever le programme de pierre à chaux
immédiatement. Alors, on s'est posé la question. Au
ministère de l'Agriculture, on aurait peut-être aimé
attendre plus longtemps, mais il y a une directive qui a été
donnée. Et dans les programmes de fonctionnement, notre politique est de
moins en moins active. Et c'est pour cela que c'est un point qui est important.
On veut intervenir de moins en moins dans le fonctionnement et intervenir de
plus en plus dans les investissements. Essentiellement, l'engrais chimique et
la pierre à chaux sont des dépenses de fonctionnement. Cela ne
veut pas dire qu'on n'aurait pas pu attendre deux ou trois ans pour terminer le
programme de pierre à chaux. Par ailleurs, la modernisation de
l'agriculture actuelle peut faire en sorte que nos gens vont utiliser encore
autant de pierre à chaux et vont peut-être obtenir de meilleurs
prix sans avoir de subvention du gouvernement, parce qu'ils pourront
négocier de meilleurs prix. L'un dans l'autre, nous espérons que
la pierre à chaux va être utilisée autant dans l'avenir
qu'elle l'a été dans le passé et peut-être davantage
dans l'avenir, sans contrainte administrative gouvernementale. Cela irait dans
le sens que souhaite l'Opposition d'avoir moins de règlements, moins de
paperasse et d'encourager l'initiative du milieu.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Beauce-Sud.
M. Mathieu: M. le Président, pour ne pas noyer le poisson
- parce que le programme de 50 000 000 $ pour favoriser le développement
de la culture céréalière nous intéresse beaucoup -
je voudrais que le ministre nous trace le profil des budgets qu'il entend
consacrer à ce programme de 50 000 000 $ pour l'année 1983-1984,
1984-1985 et 1985-1986, puisque c'est un programme triennal. Donc, je ne
voudrais pas de diversion. Je veux savoir pour 1983-1984 combien vous avez,
combien pour 1984-1985, combien pour 1985-1986. Il faut que cela arrive
à 50 000 000 $ pour les trois années.
M. Houde: C'est bien pensé.
M. Garon: Ce qu'on prévoit dépenser cette
année, c'est-à-dire consacrer à l'investissement, c'est 12
670 000 $; 18 670 000 $ l'an prochain et, en 1985-1986, 18 660 000 $. Alors,
vous voyez que la plus grosse année ne sera pas nécessairement
l'année de l'élection.
M. Mathieu: Bien oui, 1985-1986.
M. Garon: C'est 10 000 $ de moins que l'année
précédente. (20 h 45)
M. Mathieu: Bien, 12 670 000 $ en 1983-1984, 18 670 000 $ en
1984-1985, 18 660 000 $ en 1985-1986. C'est bien cela? Où est la
diminution?
M. Garon: 10 000 $ de moins. M. Mathieu: Où?
M. Garon: Dans le dernier chiffre, il y a 10 000 $ de moins. Pas
10 000 000 $, 10 000 $ de moins.
M. Mathieu: Ah! 10 000 $ de moins, excusez.
M. Garon: Bien, cela compte.
M. Mathieu: M. le Président, à propos des 12 670
000 $ qui seront non pas dépensés, parce que ce terme horripile
le ministre, tout comme M. Duplessis...
M. Garon: Ah! on ne dépense jamais.
M. Mathieu: ...mais consacrés... Parce qu'il est rendu
qu'il ne dépense plus, il consacre. Cela va bien avec le pouvoir
spirituel et matériel dont il parlait tantôt. C'est rendu qu'il
consacre. Je pense qu'il va bientôt entrer dans les ordres s'il continue
comme cela. Peut-être y est-il déjà, mais qu'il ne le dit
pas par humilité ou par modestie. D'ailleurs, il se fait un orgueuil de
son humilité.
Les 12 670 000 $ qu'il prévoit consacrer à son programme
pour l'année
1983-1984, je voudrais que le ministre nous dise où nous les
retrouvons au programme 3 des crédits que nous étudions
présentement?
M. Garon: Vous les retrouvez en partie seulement.
M. Mathieu: En partie seulement.
M. Garon: Vous apprendrez que, comme ministre de l'Agriculture,
il faut négocier tout le temps. Il faut être habile pour
négocier des budgets et les faire augmenter.
M. Mathieu: Un vrai poisson rouge.
M. Houde: Un poisson rouge dans un aquarium.
M. Garon: Dans le 3,1.
M. Mathieu: Dans 3.1, mise en valeur.
M. Garon: Oui. Il n'est pas réparti. C'est la plus grande
assurance de le dépenser entièrement parce que, si vous le
répartissez, après vous ne pouvez faire les virements voulus.
Quand vous êtes un ministre d'expérience, vous ne
répartissez pas, vous affectez.
M. Mathieu: II consacre et il affecte. Une voix: II
affectionne.
M. Garon: Je vais vous dire pourquoi. Cela prend des
années de compréhension de ces budgets avec tous les gars
rusés du Conseil du trésor et les fonctionnaires qui sont
payés à temps plein pour nous empêcher de dépenser.
Ce qu'il faut que vous fassiez, c'est que, si vous vous enfargez dans les
fleurs du tapis, vous avez des montants d'argent répartis un peu partout
et, ensuite, vous ne pouvez plus les virer et, s'il y a un programme qui ne
fonctionne pas vous périmez de l'argent.
Cette année, j'ai mis tout cela dans un pot: 3.1, Mise en valeur
des productions. Cela représente 9 000 000 $. Après cela, on peut
virer ce montant d'argent comme on le veut. S'il y a un programme qui ne
fonctionne pas, on peut virer l'argent dans un autre pour en faire fonctionner
un autre qui va bien. C'est la façon la plus efficace sur le plan
administratif de faire les choses.
M. Mathieu: Alors, le ministre fait un acte de foi...
M. Garon: C'est cela.
M. Mathieu: ...et d'espérance, et moi, je fais un acte de
charité envers lui.
M. Garon: Tout ce que j'espère, c'est que le sous-ministre
adjoint à l'administration me fera des rapports fidèles toutes
les semaines, tous les mois; pas trop peureux parce que, s'il est trop peureux,
on aura des crédits périmés à la fin de
l'année parce qu'on va se mettre des "buffers", comprenez-vous, au cas
où il y aurait plus de dépenses qu'il avait prévues, mais
s'il ne se met pas de "buffers", on dépensera tout l'argent.
M. Mathieu: Mais, M. le Président, je veux bien
comprendre, imaginez-vous, si le ministre est capable, avec ses
entourloupettes, de passer à travers tout le filtre du Conseil du
trésor où il y a beaucoup de spécialistes. Je ne suis pas
un spécialiste, au contraire.
M. Garon: Non, M. le député. Nous en avons aussi.
Vous n'avez pas idée, sur ces affaires de budget, à quel point
l'expérience est importante. Vous savez, on m'a dit que, dans le temps
de l'Union Nationale, le ministre de l'Agriculture se vantait de ne pas avoir
dépensé son budget. Il disait: M. Duplessis, j'ai
épargné tant d'argent au budget. Nous, nous essayons de
l'affecter à 100%, nous essayons d'aller chercher de l'argent dans les
budgets supplémentaires parce qu'on sait que chaque dollar
dépensé s'en va dans le développement de l'agriculture.
C'est pourquoi il faut essayer de placer l'argent de façon à
pouvoir faire le maximum de virements.
Vous savez qu'un ministère comme le ministère de
l'Agriculture a peut-être entre 70, 80 programmes différents, une
foule de programmes différents. C'est impossible, au début de
l'année - je vous le dis sincèrement de penser combien vous allez
dépenser dans chacun des programmes. Je l'ai dit, à un moment
donné, à la suite du gel des pommiers, on avait prévu 250
000 $ et on a dépensé 910 000 $. Cela avait fonctionné
beaucoup plus qu'on ne l'avait prévu. C'est impossible de prévoir
l'enthousiasme des agriculteurs. Des fois, un programme ne marchera pas du tout
et, l'année suivante, il va marcher au coton. Que fait-on? Il faut
trouver des manières sur le plan administratif pour pouvoir virer les
fonds d'un programme à l'autre selon que l'un fonctionne et que l'autre
ne fonctionne pas. C'est très important.
M. Dubois: Est-ce que M. Bérubé est d'accord avec
cela?
M. Garon: Si on le fait comme il faut, oui. Il s'agit de ne pas
le lui dire tout le temps.
M. Dubois: S'il y a 26, 27 ou 28 ministres qui font la même
chose, Bérubé a un paquet de problèmes à
vérifier...
M. Garon: Non, Bérubé, habituellement...
M. Dubois: M. Bérubé, je devrais dire.
M. Garon: Le président du Conseil du trésor, un
lapsus. J'espère que le monsieur qui enregistre va effacer cela pour
garder mes bonnes relations avec le Conseil du trésor. M.
Bérubé nous demande essentiellement de rester dans nos budgets.
Au fond, ce que M. Bérubé fait en tant que président du
Conseil du trésor, il dit: Vous avez un budget, un budget
négocié difficilement ou durement et, une fois qu'il est
négocié, vous pouvez souvent faire des choses à la
condition de rester dans le cadre de votre budget. Ce qui est important sur le
plan administratif, c'est d'avoir une bonne équipe, c'est-à-dire
de faire un suivi des dossiers. Si vous faites un mauvais suivi, ce n'est pas
facile. On a 80 bureaux locaux et 12 bureaux régionaux avec des milliers
de chèques à faire, on fait environ 140 000 chèques au
ministère de l'Agriculture. Cela veut dire qu'il faut savoir constamment
ce qu'on dépense et, si on ne le sait pas constamment, on ne peut pas
faire de virements, parce qu'on pense qu'on va le dépenser alors qu'on
ne le dépense pas. C'est comme cela que l'on peut périmer des
crédits. Si on a un suivi très sévère, on sait
qu'actuellement il y a tel engagement, alors qu'on a tant d'argent pour faire
des virements. C'est pour cela que les ordinateurs dont je vous parlais cet
après-midi sont importants, pour pouvoir garder une comptabilité
précise. Quand les fonctionnaires sont trop modérés, ils
prennent de trop gros "buffers", ils ne prennent pas de risque et ils se
mettent une plus grosse marge de sécurité. À ce
moment-là, on dépense moins en se disant qu'il y a des
dépenses engagées qui seront dépensées par les
agriculteurs.
M. Dubois: Vous voulez dire que la qualité du ministre ne
compte plus, c'est la qualité du sous-ministre en titre et des
sous-ministres adjoints.
M. Garon: Tout ensemble. Je ne travaille pas tout seul. Si
j'étais tout seul, je serais un malade. Il y a des places pour les
personnes qui, comme cela, pensent qu'elles sont seules à pouvoir tout
faire.
M. Dubois: Je parle de la qualité.
M. Garon: On a une bonne équipe. Ils sont
modérés; parfois, je pourrais prendre plus de risques.
M. Houde: S'ils deviennent libéraux, ce sera mieux.
M. Garon: Prenez la raffinerie. Je leur ai souvent dit de prendre plus
de risques, prenez plus de contrats sur le sucre. Ils disent: Oui, mais
supposons qu'on reçoit trop de betteraves, on sera incapables de les
raffiner.
M. Dubois: Écraser les compagnies privées, il n'y a
rien là.
M. Garon: Pardon?
M. Dubois: Écraser les compagnies privées, il n'y a
rien là.
M. Garon: II faut risquer parfois au cas... C'est là,
lorsque vous prenez votre marge de sécurité, si vous prenez une
marge trop grande, vous dépensez moins. C'est cela qui est
important.
M. Dubois: C'est là le problème.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Beauce-Sud.
M. Garon: Quand je vous dis cela, je vois M. Pelletier qui est
ici, il sait jusqu'à quel point, en cours d'année, on se demande
si tel programme fonctionne. Est-ce qu'il y en a un qui ne fonctionne pas? S'il
y en a un qui ne fonctionone pas, on peut virer les fonds au fur et à
mesure. C'est une grande préoccupation quand on a un budget comme le
nôtre. Vous savez, pour avoir un budget de 400 000 000 $, il faut se
battre à mort. Il y a 28 ministères. Il faut se débattre
et avoir des arguments pour avoir l'argent. Quand on l'a, on peut le
dépenser. Il faut être efficace sur le plan administratif pour
pouvoir affecter le maximum des fonds qu'on a obtenus lors des
négociations. Les fonctionnaires, quand ils sont là pendant un
certain temps, savent à quel point c'est de l'ouvrage de faire cela.
Quand le ministère de l'Agriculture émet des chèques, il
ne s'agit pas de chèques de 1 000 000 $. Je vous ai dit à un
moment donné que les travaux mécanisés du ministère
de l'Agriculture représentaient 14 003 clients pour un seul programme,
que le drainage souterrain comprenait environ 3600 clients, deux programmes, et
qu'on avait une multitude de programme au ministère. Pour faire le suivi
de tout cela, il faut une grande efficacité administrative.
Je vais vous dire quelque chose. Je parle parfois avec des
collègues qui voient les mémoires qui arrivent des
différents ministères. Aujourd'hui, le ministère de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation est
considéré comme un des plus efficaces sur le plan administratif
au gouvernement du Québec. C'est un honneur pour tous ceux qui y
travaillent parce qu'il y a beaucoup de personnes qui travaillent au
ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de
l'Alimentation. Je me souviens de la première fois où je suis
allé au Conseil du trésor en 1976, tout le monde a
éclaté de rire, la deuxième fois aussi. Après la
réunion, j'ai dit: Pourquoi rit-on quand les gens du ministère de
l'Agriculture arrivent? C'était le folklore, le ministère de
l'Agriculture. Aujourd'hui, quand on entre, on ne rit pas, parce que le
ministère de l'Agriculture est considéré comme un
modèle. Hier encore, j'étais à une réunion avec M.
Parizeau et les ministres économiques, et quelqu'un disait: J'ai
préparé un projet de règlement. On lui a demandé:
Comment avez-vous fait cela? Et il a répondu: J'ai pris comme
modèle le ministère de l'Agriculture. De plus en plus, dans
l'administration gouvernementale et dans les différentes
réglementations des pouvoirs, dans les travaux et les textes qui sont
faits sur le plan administratif, le ministère de l'Agriculture est un
modèle qui est suivi.
M. Mathieu: II a eu de bons prédécesseurs.
M. Garon: Non, je vais vous dire une chose sur les
prédécesseurs: II y a des gens qui ont travaillé fort
actuellement...
Une voix: Bien oui! Une voix:Eh bien! M.
Mathieu: M. le Président.
M. Houde: Vous rendrez hommage à vos
prédécesseurs.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Beauce-Sud.
M. Mathieu: M. le Président, on est venu à bout
d'avancer un peu. Le ministre dit que la part des 50 000 000 $ cette
année apparaît à l'élément 1 du programme 3,
Mise en valeur des productions. L'année passée, nous avions 46
000 000 $ - j'arrondis les chiffres - cette année, nous avons 50 000 000
$; alors, on a 4 000 000 $ de plus. Alors, plus 4 000 000 $ moins 12 000 000 $
donnent moins 8 000 000 $. Regardez le programme 3, élément 1,
Mise en valeur des productions.
M. Garon: II ne faut pas compter comme cela.
M. Mathieu: Bien, je compte...
M. Garon: Non, dans un budget global, il y a des dépenses
qui ne reviennent pas, il y a des dépenses récurrentes et des
dépenses non récurrentes. Quand les dépenses sont non
récurrentes et que vous avez le même montant, vous avez un certain
nombre de dépenses qui ne reviennent pas, donc, une partie du montant
revient pour autre chose.
M. Mathieu: Je suis d'accord, M. le Président. Alors, si
le montant n'était pas revenu - j'accepte ce qu'il dit - cela veut dire
que cette année, s'il n'avait pas son programme, on aurait 46 000 000 $
plus 4 000 000 $ moins 12 000 000 $. Cela veut dire qu'on aurait 42 000 000 $
au lieu de 46 000 000 $ à l'élément 1. Quand ce sont des
choses qui ne reviennent pas, elles ne reviennent pas.
M. Garon: II n'y a pas de 41 000 000 $ là.
M. Mathieu: Regardez, l'année passée, vous aviez 46
000 000 $ à l'élément 1 et cette année 50 000 000
$, cela fait 4 000 000 $ de plus.
M. Garon: Oui, c'est cela.
M. Mathieu: Vous avez dit tantôt que, cette année,
vous consacrez 12 670 000 $.
M. Garon: Oui.
M. Mathieu: Alors, les 12 000 000 $...
M. Garon: II apparaît 9 000 000 $. J'ai dit que j'avais une
entente pour pouvoir aller en crédits supplémentaires pour 3 000
000 $ dont j'avais besoin. Donc, il y a seulement 9 000 000 $ qui apparaissent
là-dedans.
M. Mathieu: M. le Président, cela veut dire justement - je
veux bien décortiquer cela - que, lorsque le ministre a fait sa
propagande avec conférence de presse et tout ce que vous voulez, il n'a
rien annoncé, parce que, s'il avait annoncé quelque chose, on
aurait cette année les 46 000 000 $ de l'année passée plus
9 000 000 $, ce qui ferait 55 000 000 $.
M. Garon: Oui, mais vous n'avez pas enlevé le fonds de
roulement. Il y avait 6 000 000 $ qui roulaient d'année en année.
On l'a réglé l'an passé et il ne roule plus.
M. Mathieu: Je comprends, mais ce n'est pas de l'argent neuf.
M. Garon: C'est de l'argent neuf certain, s'il ne roule pas. On a
6 000 000 $ dans le budget de cette année. Ce n'est pas une
dépense de l'an passé parce qu'on a arrêté le
roulement. On a fait un ménage-Avant, le ministère payait
lentement, il y avait toujours un roulement. Au point de vue budgétaire,
on a gardé le roulement pour avoir plus de crédits. Mais, comme
on est
maintenant efficace, qu'on est capable de payer plus vite, on s'est
entendu avec le Conseil du trésor pour dire qu'on règle cette
année et qu'on ne veut pas perdre de l'argent. Avant, pour payer, cela
prenait tellement de temps. Les cultivateurs me disaient: Pour avoir un
chèque, cela prend six, sept, huit mois. Cela prend combien de temps
maintenant pour les travaux mécanisés? À peu près
30 jours après les travaux. Ce n'est plus la même chose qu'avant.
Le ministère est plus efficace. (21 heures)
M. Mathieu: Lors de la prochaine élection, allez-vous
garantir qu'il n'y aura pas de roulement l'année suivante? On sait ce
que c'est, le roulement. C'étaient des engagements que vous preniez
à cause du référendum et des élections. Vous n'avez
pas assez d'argent pour les payer. Le gars recevait une lettre lui disant qu'il
allait être payé après le 1er avril. Il ne savait pas trop
ce que cela voulait dire: Mon budget est défoncé.
M. Garon: Je vais vous dire une chose. Le budget
d'élection, c'est la première fois qu'il n'a pas augmenté.
En 1981, c'était la première fois que le budget n'augmentait pas
par rapport à l'année précédente.
M. Mathieu: II n'avait pas augmenté, mais il y avait des
engagements de pris qui ont été payés en 1982.
M. Garon: Non, au mois d'avril, on ne dépense pas un
cent.
M. Mathieu: Vous le dites.
M. Garon: Les élections ont eu lieu au mois d'avril.
M. Mathieu: Comme cela, si les budgets ont été
respectés, il n'y a pas eu de roulement cette année.
M. Garon: On a fait des élections le 13 avril 1981. On
n'avait pas dépensé d'argent sur le budget de 1981.
L'année financière commençait le 1er avril. Pensez-vous
qu'on a manqué d'argent, rendu au 13 avril?
M. Mathieu: Vous venez de me faire une savante théorie
pour m'expliquer qu'il y avait du roulement de l'année
précédente.
M. Garon: Oui.
M. Mathieu: Puis là, vous venez de dire qu'il n'y en a
plus.
M. Garon: Chaque année, il y avait un montant qui
roulait.
M. Mathieu: Je ne suis pas satisfait.
L'année prochaine, si je comprends bien, quand le budget va
sortir pour le programme 3, élément 1, si on reconduit les
mêmes montants, les 50 000 000 $ comprendraient les 18 000 000 $ la part
du budget triennal qu'il a consacrée à son programme de mise en
valeur des céréales.
M. Garon: L'année prochaine, cela sera en plus.
M. Mathieu: Cela va être 50 000 000 $, plus les 18 000 000
$.
M. Garon: C'est cela.
M. Mathieu: Cela fera 68 000 000 $.
M. Garon: Ce sera 18 000 000 $.
M. Houde: Cela fera 68 000 000 $ en tout.
M. Garon: Ah non! Pas nécessairement. Cela dépend
de ce qu'on fait par rapport au programme qu'il y a là.
M. Mathieu: Justement...
M. Garon: L'an prochain, pour le programme
céréalier, cela va être 18 000 000 $.
M. Mathieu: Alors, vous vous organisez pour annoncer votre
programme de 50 000 000 $ donc, 12 000 000 $, moins 3 000 000 $, qui sont une
possibilité. Il vend la peau de l'ours avant de l'avoir tué.
M. Garon: Non, j'ai la certitude.
M. Mathieu: II vient de nous dire que c'est une
possibilité d'aller chercher 3 000 000 $ en crédits
supplémentaires.
M. Garon: Ce n'est pas de même que cela marche.
M. Mathieu: C'est bien cela que vous avez dit tantôt.
M. Garon: Oui, mais vous avez vu. Vous vous êtes plaint
hier et vous avez dit: Dans le discours inaugural, c'était tel montant;
dans le discours sur le budget, c'était tant. C'est parce qu'on ne
s'avoue jamais vaincu au ministère de l'Agriculture.
M. Mathieu: On s'aperçoit de cela maintenant.
M. Garon: À la première bataille pour obtenir des
fonds, on a obtenu tant. On a pensé que ce n'était pas assez.
Entre le discours inaugural du premier ministre et le discours sur le budget,
on est allé chercher
un montant additionnel. C'est pour cela qu'au discours sur le budget le
montant est plus gros qu'au discours inaugural. Entre-temps, on a dit: On a un
bon programme, un programme fantastique, à treize volets. Tout le monde
a travaillé là-dessus; c'est la propulsion de l'autosuffisance
alimentaire de 50% à 70%; il faut nous appuyer. C'est là que le
Conseil des ministres et que le comité des priorités ont dit: Ils
ont raison, les gars de l'Agriculture, il faut leur donner plus d'argent, car
on est en train de les priver. Ils nous ont donc donné plus d'argent.
C'est là qu'on a pu annoncer 50 000 000 $.
Comme le budget était imprimé à ce moment, il y
avait 9 000 000 $. Ils ont dit: Comme on vous donne l'autorisation d'aller
jusqu'à 12 000 000 $, s'il vous en manque dans votre budget avec 9 000
000 $, vous pouvez compter sur 3 000 000 $ additionnels. Dans le budget
supplémentaire, on vous laisse aller. De sorte que cela veut dire qu'on
peut compter pour trois ans sur 50 000 000 $.
M. Mathieu: Je comprends, mais c'est de l'argent de
"monopoly".
M. Garon: Non, non. Quand on paie les chèques aux
entrepreneurs qui ont fait le creusage des cours d'eau, ils ne veulent pas
d'argent de "monopoly", mais ils veulent des vraies piastres.
M. Mathieu: Je comprends mal, peut-être que je ne suis pas
assez versé en économie. Je ne sais pas si mes collègues
ont saisi. Mais, quand on a pour l'année 1982-1983 46 000 000 $, puis
qu'on annonce 12 000 000 $ de plus, cela fait 58 000 000 $ l'année
suivante. Donc, vous avez coupé ailleurs.
Une voix: II y a peut-être une autre explication.
M. Mathieu: Je comprends son explication, mais, seulement, ce
qu'il a coupé, il ne peut pas le mettre dans d'autres programmes. Vous
auriez bien pu couper...
M. Garon: C'est un peu comme quand vous regardez la mer. Vous
dites: La marée baisse, puis elle monte, où va l'eau?
M. Houde: On n'aura pas la réponse, car il ne veut pas la
donner.
M. Mathieu: En tout cas, M. le Président...
M. Houde: Non, non, une minute. C'est bien beau de jouer au fou,
et vous avez beau rire, mais les chiffres sont là. Je sais compter. Deux
plus deux, cela fait encore quatre. Avec lui, on ne pourra pas savoir si deux
plus deux cela fait quatre, cela peut peut-être faire sept,
peut-être un, peut-être plus, ou rien non plus.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Berthier, vous aviez demandé la parole?
M. Houde: Non, je suis en train de montrer au ministre à
compter.
Le Président (M. Gagnon): Alors, on vous laisse la
parole.
M. Houde: II faudrait qu'il sache qu'on sait compter, nous aussi.
Avec lui, on ne le sait plus.
M. Garon: Je vais vous dire une chose.
M. Houde: Cela fait une heure qu'on est là-dessus!
M. Garon: M. le député de Berthier, je vais vous
dire une chose: Les silos, cette année, vont marcher "à la
planche". Les silos à grain, les silos à fourrage vont marcher
"à la planche". On va se promener dans le décor en disant:
Bâtissez-en, les cultivateurs du Québec, on veut que vous soyez de
moins en moins dépendants des importations de céréales de
l'Ouest et on va avoir de l'argent pour les payer.
M. Mathieu: M. le Président, peut-être que je vois
mal, mais...
M. Garon: Pensez-vous que le député d'Arthabaska,
que je vois ici, ne dira pas...
M. Mathieu: Ah non...
M. Garon: ...aux silos à grain Victoria: Engagez du monde
et faites des silos, parce qu'il faut que cela soit bâti au Québec
à 100%? Dans tous nos programmes de céréales, les treize
volets, on paie seulement si le produit est fabriqué à 100% au
Québec; pas une once faite à l'extérieur, à 100% au
Québec. C'est la condition du programme pour développer la
technologie québécoise. Dans le temps des silos à grain,
l'entreprise Lemire, à Victoriaville, a eu jusqu'à 150
employés.
M. Baril (Arthasbaka): Sur le même point, M. le
Président.
Le Président (M. Gagnon): Deux personnes ont
demandé la parole sur le même point. Le député de
Huntingdon avait demandé la parole depuis longtemps.
M. Mathieu: Sur le même sujet.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Beauce-Sud.
M. Mathieu: Je ne veux pas être désagréable
envers mon collègue. Juste un mot.
Le Président (M. Gagnon): Oui.
M. Mathieu: II me semble qu'il y a une imposture
là-dedans. Ce n'est pas de valeur d'annoncer 18 000 000 $ dans le
même élément en enlevant des choses ailleurs. Donc, il
n'annonce rien.
M. Garon: Non, non, ce n'est pas cela. C'est que vous avez eu un
budget, l'an passé, de 50 000 000 $. À l'intérieur de
cela, vous avez des choses qui ne reviennent pas. Si vous n'aviez rien eu de
neuf, votre budget aurait baissé à tant, à 40 000 000 $,
supposons.
M. Mathieu: Oui, c'est cela que je vous dis, il aurait
baissé.
M. Garon: Oui, mais c'est parce qu'il y a des dépenses non
récurrentes. C'est comme quand vous payez votre assurance automobile
chaque année. Si vous avez un accident une année et que vous
payez 1000 $ pour réparer une aile d'automobile ou - comment on dit
cela, un "hood" - un capot d'automobile qui a une bosse, si vous n'avez pas
d'accident l'année suivante, vous ne paierez pas encore 1 000 $ pour
votre capot ou votre aile. Alors, vous avez dépensé 1000 $ de
moins. Mais, si, cette année-là, vous faites peinturer votre
automobile pour 1500 $, votre budget pour l'automobile va être encore
plus élevé que l'année précédente, mais cela
va être pour autre chose. C'est cela, le budget. Dans le budget, on a
certains montants qui représentent des dépenses non
récurrentes qu'on fait une année et qu'on n'a pas besoin de faire
l'année suivante. Mais, si on garde un budget plus haut, c'est parce
qu'on a des montants qui sont affectés pour de nouvelles choses.
M. Mathieu: Mais, dans l'ensemble de l'exercice d'une
année à l'autre, il y a eu 6 000 000 $ - si c'est 6 000 000 $
cette année que vous récupérez en dépenses
récurrentes - quelque part qui ont été annoncés et
qui n'ont jamais été livrés; ils sont coupés,
à un moment donné.
M. Garon: Non. C'est ce que j'ai dit tantôt, ce sont les
dépenses qui roulent. C'est le roulement.
M. Mathieu: Cela, c'étaient les engagements pris.
M. Garon: Si vous regardez des programmes...
M. Mathieu: Vous les payez plus tard.
M. Garon: Vous rappelez-vous, à un moment donné,
que le président de l'UPA du Bas-Saint-Laurent - je l'ai nommé en
Chambre quelques fois...
M. Mathieu: M. Michaud.
M. Garon: ...M. Michaud, c'est cela, vous vous le rappelez - me
disait, au sujet des programmes, que s'il n'y avait pas d'argent l'an prochain,
le programme ne reviendrait pas? J'ai dit non, parce que la clause qui est
inscrite dans le programme a pour but d'empêcher de dépenser plus
que le budget que l'on a pour l'année. C'était pour
empêcher des dépenses qui auraient pu être plus
élevées que le budget qu'on avait. De la manière
indiquée dans le budget, c'était pour empêcher cela. C'est
cette clause-là, dans les différents programmes, qui a
empêché les dépenses de roulement. On dépense
uniquement notre budget de l'année et on a enlevé des roulements
dans des fonds.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Huntingdon.
M. Dubois: La semaine prochaine, on va apporter un tableau, parce
qu'on ne comprendra rien ce soir.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Huntingdon.
M. Garon: Voyons donc! C'est simple. Ce n'est pas une question de
fou, cela.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Garon: C'est une question de comprendre.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre, M. le
député de Huntingdon a une question.
M. Garon: Ne venez pas me dire...
M. Dubois: Je vais demeurer dans le cadre du sujet discuté
par le ministre. C'est très large aussi. Cela déborde le
programme 3, mais, de toute façon le ministre a indiqué tout
à l'heure ses nouvelles procédures d'inspection de drainage,
où la responsabilité échoit à l'entrepreneur, d'une
part, et, l'ingénieur, de l'autre.
M. Garon: C'est l'entrepreneur entièrement.
M. Dubois: II y a l'ingénieur qui fait les plans, qui suit
les travaux.
M. Garon: L'entrepreneur appellera l'ingénieur en
garantie.
M. Dubois: Alors, cela veut dire que l'agriculteur...
M. Garon: Lui, il s'est engagé à suivre les plans
de l'ingénieur.
M. Dubois: ...peut revenir conjointement contre deux
personnes?
M. Garon: Non. L'agriculteur reviendra contre l'entrepreneur.
Lui, il s'est engagé à suivre un plan d'ingénieur initial
ou corrigé. Il a toujours suivi le plan de l'ingénieur. Alors,
s'il a vraiment suivi le plan de l'ingénieur, cela marche. Si cela ne
marche pas, c'est que le plan de l'ingénieur n'était pas bon.
M. Dubois: II y a quand même deux groupes qui sont
impliqués. L'entrepreneur peut être impliqué et
également l'ingénieur. D'accord?
M. Garon: Je vais vous dire une chose là-dessus. On est en
avance sur l'Ontario. Le problème actuel en Ontario, c'est que les
champs deviennent des lacs.
M. Dubois: Si on se souvient de l'ancien programme, enfin, de la
grande lancée du drainage au Québec, le premier entrepreneur
privé, c'était en 1968. Après cela, c'est en 1971 à
peu près que sont arrivées les nouvelles techniques: le drain de
plastique, les taupes. Là, cela a monté en flèche, en
1971-1972. C'est là que, vraiment, le drainage a commencé. Quand
le ministre est arrivé en 1976, les structures étaient là,
l'équipement était là, il n'y avait pas autant
d'entrepreneurs qu'aujourd'hui. Mais, on peut dire quand même que la
nouvelle technologie de drainage existait; le drain de plastique existait. Les
producteurs allaient de plus en plus vers le drainage. Les programmes
étaient assez intéressants, le suivi des travaux était
exercé par Hydraulique agricole de Montréal, pour notre
région. Des techniciens et des ingénieurs allaient
vérifier les travaux. Plus tard, le ministre a fait connaître sa
nouvelle vision, à savoir que les plans n'étaient plus
préparés par Hydraulique agricole, mais par des firmes
privées, payées par le producteur.
Tout à l'heure, vous mentionniez le fait, M. le ministre, que,
s'il y a mauvaise exécution des travaux, le cultivateur se tourne vers
son entrepreneur; ce dernier peut se tourner vers l'ingénieur, si les
plans sont mal faits. Alors, il y a quand même deux personnes qui peuvent
être tenues responsables simultanément. Est-ce que vous avez des
cas de jurisprudence qui peuvent prouver que le producteur agricole serait
mieux servi par le fait de pouvoir se tourner vers l'entrepreneur et ce dernier
vers l'ingénieur pour des pertes subies à la suite de mauvaises
installations? Est-ce que la procédure actuelle rend un meilleur service
à l'agriculteur que la procédure antérieure où
c'étaient des employés ou des officiers d'Hydraulique agricole
qui faisaient le suivi de l'inspection et qui recommandaient le paiement?
Est-ce que vous pouvez confirmer, actuellement, que le producteur agricole est
mieux servi qu'il ne l'était?
M. Garon: Oui.
M. Dubois: C'est cela que je veux vous demander. Est-ce que vous
avez des cas de jurisprudence qui peuvent le confirmer? Parce que le pauvre
producteur qui est poigne avec une installation mal faite actuellement et qui
va en cour contre l'entrepreneur, si ce dernier accuse son ingénieur
d'avoir mal fait les plans, cela prend combien d'années, pensez-vous,
pour régler un tel problème? Je ne le sais pas. C'est cela que je
vous demande. Est-ce que vous avez des cas de jurisprudence à ce
sujet?
M. Garon: Quelle est la solution alternative que vous
proposeriez?
M. Dubois: Pardon?
M. Garon: Qu'est-ce que vous proposeriez comme solution?
M. Dubois: Non, je vous parle d'un système vers l'autre.
Vous avez votre système, celui que vous avez mis en place, votre
système d'inspection qui se fait par des entreprises privées
d'ingénieurs et l'entrepreneur a ses responsabilités, comme il
les a toujours eues. Si l'officier du ministère ou la cour décide
demain matin que les travaux ont été mal exécutés,
soit à cause de plans mal faits ou de travaux mal exécutés
par l'entrepreneur, comment l'agriculteur peut-il s'en sortir au mieux? Est-ce
que, dans vos visions à vous, à la suite de vos nouvelles
données, de votre nouvelle politique, l'agriculteur va s'en sortir mieux
qu'il ne s'en sortait en 1972, 1973, 1974, 1975, 1976, avec les
procédures qui existaient? C'est cela que je veux vous demander.
M. Garon: Moi, j'en suis totalement convaincu. Les
méthodes qu'on a utilisées font en sorte qu'on responsabilise
chacun. Au ministère, avant 1976, c'était un "jouage à la
mère" perpétuel, c'est-à-dire que personne n'était
responsable et qu'on essayait de remplacer tout le monde. Actuellement, quand
l'entrepreneur fait des travaux, il doit avoir à la base un plan
d'ingénieur. Et, si le plan d'ingénieur, au cours des travaux,
révèle qu'il y a des problèmes, il doit être
corrigé par un autre plan d'ingénieur. L'entrepreneur
s'engage à suivre le plan. Il y a toujours quelqu'un qui est
responsable. Et aussi, en même temps, comme la surveillance des travaux
est faite avec les agriculteurs eux-mêmes plutôt qu'avec les gens
du ministère, l'agriculteur a intérêt à suivre
lui-même ses travaux. Quant à la surveillance qu'on fait, c'est
pour faire en sorte que les paiements de subventions correspondent aux travaux
qui ont effectivement été réalisés, de sorte qu'on
replace la responsabilité où elle doit être. Le cultivateur
qui est un homme d'affaires et qui a la responsabilité d'une ferme doit
surveiller ce qui est fait chez lui par un entrepreneur responsable qui a
utilisé les plans d'un ingénieur qui est censé être
responsable. Auparavant, tout cela était fait un peu comme dans un
jardin d'enfance. (21 h 15)
M. Dubois: C'est très discutable. On va revenir
là-dessus, tout à l'heure.
M. Garon: C'est notre conception des choses.
M. Dubois: Pas la conception, la pratique.
M. Garon: C'est très pratique. Moi, je vais vous dire une
chose. De ma grande expérience dans les secteurs de l'agriculture et des
pêches maintenant, on a toujours essayé de considérer les
agriculteurs et les pêcheurs comme des bébés, alors que ce
sont des gens responsables qui dirigent des entreprises plus grosses que la
plupart de tout ce qu'on a, nous autres, chacun d'entre nous, comme
entreprise.
L'autre jour, j'ai rencontré le président de l'UPA de
Saint-Hyacinthe. J'ai vu sa photographie dans le journal. Comment
s'appelle-t-il donc?
Une voix: Jean-Yves Couillard.
M. Garon: M. Jean-Yves Couillard. Il disait, dans le journal La
Presse - moi, je lui ai dit: M. Couillard, quand vous venez me voir, vous ne me
dites pas cela - qu'il avait une entreprise de 800 000 $. Savez-vous qu'un gars
qui a une entreprise de 800 000 $ au Québec - il y a plusieurs
cultivateurs qui en ont une - c'est plus gros que plusieurs petites entreprises
au Québec? Combien y a-t-il de petites entreprises commerciales qui ont
moins d'investissement que 800 000 $? Un très grand nombre. On a
toujours un peu considéré le cultivateur, dans le passé,
avant 1977 ou 1978... On a changé les programmes en
conséquence.
Hier, on rencontrait, M. Ouellet et moi, deux des plus grands chefs
d'entreprise qu'il y ait au Québec. Ils nous racontaient qu'il y a des
pêcheurs qui avaient des bateaux évalués à plus de
500 000 $. Ils étaient allés les voir pour négocier le
prix du poisson, leur assurant une qualité et une livraison en dedans de
tant d'heures à partir de la sortie de l'eau du poisson. Je me rappelle
que - et M. Ouellet, qui est à côté de moi, s'en souvient -
quand on a commencé à dire que cela se passerait ainsi dans
quelques années, par exemple, en 1980, quand le secteur des pêches
est arrivé au ministère, je disais: Ahl Vous savez bien que les
pêcheurs ne feront jamais cela, etc. On sous-estime les gens de chez
nous. Je dis que les gens de chez nous, agriculteurs ou pêcheurs, sont
des gens d'entreprise qui ont des investissements considérables. Un
pêcheur qui a un bateau de 600 000 $, c'est de l'argent:
M. Houde: Est-ce que ce sont ceux-là que vous avez saisis,
dernièrement?
M. Garon: Les bateaux qu'on a saisis? M. Houde: Oui.
M. Garon: Ils n'appartenaient pas à des individus. Ils
appartenaient à des corporations. Justement, ils auraient dû leur
appartenir. Et notre politique sera de les remettre à des entreprises
privées, à des particuliers.
M. Dubois: Mais là, on est loin du drainage. On est dans
les bateaux et on est dans la pêche.
M. Garon: Non. C'est la même conception des choses, soit de
considérer les gens comme responsables.
M. Dubois: Cela ne répond pas tout à fait à
mes questions de tout à l'heure.
M. Garon: Je vais vous dire une chose. Que de gens ai-je vu
arriver dans mon bureau pour me dire: M. Garon, j'ai envie de prendre de l'air
pur, je vais m'établir sur une ferme. Le gars s'est établi sur
une ferme. Il avait l'impression qu'il n'avait besoin d'aucune
préparation, ni de scolarité, ni de connaissances. Il croyait
qu'on arrive dans l'agriculture un peu comme un oiseau qui se pose sur une
branche et qui fait ses besoins sur la tête du passant. C'est un peu
comme cela. Nous pensons que, pour être un cultivateur efficace, il faut
des connaissances aussi poussées que pour n'importe quelle
profession.
Je vais vous dire une chose. Je regarde les vaches. J'ai visité
plusieurs parcs d'engraissement. Je regarde les boeufs passer et je peux vous
dire que, de l'un à l'autre, je ne reconnais pas la différence.
Je me rappelle, quand j'étais à Saint-Romuald avec M. Paul
Couture, qu'il y avait une barrière pour entrer sur le terrain de
l'encan. Le gars a ouvert la barrière et il y avait dix veaux ensemble.
Il a dit qu'il y en avait un de
blessé. Je regarde les dix veaux et je lui demande: Lequel? Il me
dit: Le deuxième à gauche. Je savais lequel, mais j'ai
demandé: A quelle patte? Il dit: Regardez la patte d'en arrière,
elle ne porte pas à terre. Là, quand j'ai su quelle patte
c'était, je l'ai regardée et je l'ai vue.
M. Houde: Parce qu'il était tout penché?
M. Garon: Non, parce que, quand un gars ouvre une barrière
et qu'il voit cela se passer, il a une connaissance des choses. J'ai
rencontré des éleveurs de boeufs à qui j'ai
demandé: Qu'est-ce que vous faites, comme éleveurs de boeufs,
pour gagner votre vie? Un gars m'a dit: Je me mets dans le chambranle de la
porte pendant deux ou trois heures et je regarde mes animaux un par un et je
peux voir s'il y en a un qui est malade, s'il y en a un qui ne file pas ou ce
qui se passe dans mon troupeau. C'est une connaissance poussée des
choses.
M. Dubois: On s'éloigne pas mal du sujet. J'ai posé
des questions très précises.
M. Garon: Non, on ne s'éloigne pas tant que cela. Vous
savez, quand un client s'en va chez un médecin, le docteur dit: À
quelle place as-tu mal mon petit garçon? Il dit: J'ai mal dans le dos.
Alors, cela donne au médecin une indication, en partant, de l'endroit
où il doit chercher. Quand le boeuf est dans le parc et que le
cultivateur est tout seul et qu'il le regarde, il n'y a personne pour lui dire
à quelle place il a mal. S'il ne s'en aperçoit pas à
temps, ils vont tous y passer peut-être. Cela impose une connaissance des
choses qu'on a toujours sous-évaluée. Je vais vous dire une
chose: Au cours des années, on aurait du penser, au ministère de
l'Agriculture, à faire connaître ce que c'est d'être
agriculteur, les talents que cela présuppose pour être
agriculteur. On a pensé souvent que les agriculteurs étaient des
gens folkloriques. Aujourd'hui, quand vous regardez les cultivateurs, il y en a
à peu près le quart qui ont plus que treize ans de
scolarité. Combien de personnes maintenant vont à
l'université pour devenir cultivateurs? J'ai perdu deux sous-ministres
qui sont partis du ministère pour devenir cultivateurs.
Une voix: Le troisième?
M. Garon: II y a un sous-ministre en titre qui est
cultivateur.
M. Houde: Cela ne dépend pas seulement du Parti
québécois si l'agriculture aujourd'hui est en santé.
Non?
M. Garon: Je sens cela tous les jours. Depuis sept ans, je me
débats pour les cultivateurs. Personne ne me l'a dit comme cela, mais
j'appelle des organismes parfois pour dire telle ou telle chose. Je sens
indirectement que, pour beaucoup de personnes encore, l'agriculture, c'est
quelque chose qui n'est pas aussi industriel qu'un autre secteur. Quand je dis
aux gens, par exemple: Les cochons, au Québec, c'est quasiment 800 000
000 $, les gars se regardent. Parlez du tourisme. Pour beaucoup de personnes,
le tourisme, cela rapporte, c'est épouvantable! Cela rapporte 1 000 000
000 $ par année au Québec, le tourisme. Les vaches à la
ferme, cela rapporte plus de 1 000 000 000 $; les cochons rapportent quasiment
800 000 000 $ cette année. Mais si vous dites aux gens: Le porc rapporte
autant que le tourisme quasiment, le lait rapporte plus que le tourisme, la
plupart des gens au Québec ne vous croiront pas. Ils voient les
Américains les poches bourrées d'argent, avec des Cadillac du
Texas. Ils disent: Cela paye, le tourisme. Ce n'est pas vrai, ce n'est pas cela
qui paye le plus. L'agriculture rapporte plus. Regardez le nombre de secteurs
industriels qui rapportent moins.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre. Je ne sais pas
si le député de Huntingdon a eu sa réponse.
M. Dubois: Je ne suis pas tellement satisfait de la
réponse.
Une voix: Cela fait dix minutes et il n'a pas répondu
encore.
M. Dubois: Peut-être que je pourrais poser une autre
question et ramener le ministre dans le droit chemin.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Huntingdon.
M. Dubois: Ma question est toujours là et on n'y a pas
répondu. Sur le plan pratique revenons non pas aux années
d'antan, mais, par exemple, aux années 1970-1976. L'exécution des
travaux se faisait d'après un plan préparé et suivi par
l'Hydraulique agricole. D'accord. À la fin des travaux, une
vérification était faite par un technicien de l'Hydraulique
agricole. Je n'ai rien contre cela que ce soit un technicien de l'hydraulique
ou que ce soit une firme d'ingénieurs privée. Ce n'est pas cela,
le problème. Je me situe sur le plan pratique pour le producteur. S'il y
avait un problème d'exécution de travaux, le technicien ou
l'ingénieur de l'hydraulique en faisait part à l'entrepreneur et
celui-ci faisait les rectifications parce qu'il n'avait pas le choix, de toute
façon, de les faire; il devait faire un travail décent et
convenable. Cela n'a pas changé.
Mais aujourd'hui, si l'agriculteur s'aperçoit qu'il y a des
défectuosités dans l'installation des drains souterrains, il va
revenir contre son entrepreneur, c'est bien sûr. L'entrepreneur peut
dire, à tort ou à raison, que les plans n'ont pas
été exécutés d'une façon convenable ou que
les plans ne respectent pas les besoins de la ferme ou n'importe quoi. Alors,
l'agriculteur est pris pour aller en cour, si cela ne se règle pas entre
ces deux personnes, et à actionner l'entrepreneur. L'entrepreneur
actionne l'ingénieur. Quand pensez-vous que l'agriculteur pourra avoir
gain de cause ou régler le litige? Cela peut traîner des
années en cour. Je me rappelle qu'antérieurement à 1976 un
problème tel se réglait toujours à l'amiable et toujours
immédiatement parce que l'entrepreneur savait qu'il serait
désavoué et qu'il ne pourrait plus faire de drainage s'il ne
réglait pas ce problème-là immédiatement. Je me
demande de quelle façon on pourrait dire qu'actuellement l'agriculteur,
qui est le principal intervenant, serait mieux servi qu'il ne l'était
dans les années antérieures à 1976.
M. Garon: Je vais laisser répondre M. Ouellet. Il a
plusieurs cas à l'esprit; il m'en mentionnait à l'oreille pendant
que vous parliez. Je vais le laisser parler et je compléterai.
M. Dubois: En plus, je voudrais juste ajouter un petit
élément. Je voudrais simplement dire au ministre que je ne pense
pas avoir de leçons à prendre de lui sur ce qu'est un
agriculteur. Je suis venu au monde là-dedans, j'ai grandi
là-dedans et j'ai toujours suivi cela. Je ne pense que le ministre
puisse me donner de leçons. Je voudrais le spécifier.
M. Garon: Le tort des gens, c'est de penser que, dans le domaine
agricole... Vous savez, un cultivateur, comme un pêcheur, vit dans son
milieu et connaît son milieu. Le meilleur ingénieur sur la terre
peut faire de beaux plans dans son bureau, mais, quand il arrive sur la terre
d'un cultivateur, le cultivateur peut lui dire que l'eau se ramasse à
telle place. Il peut expliquer tous les phénomènes qui se passent
sur sa terre parce qu'il la connaît habituellement comme le fond de sa
poche. La même chose pour les pêcheurs qui connaissent des choses.
Je me rappelle que, l'an dernier, à Sept-îles, on me racontait que
les ingénieurs avait dessiné le plan du quai de Sept-îles.
Les pêcheurs ont dit que, si les ingénieurs faisaient le quai de
telle façon ils préféraient ne pas en avoir. Les
ingénieurs ont demandé pourquoi. Ils ont répondu: Parce
que, si vous faites le quai de telle façon, avec les vents du nord qui
sont habituellement les vents qui soufflent chez nous, on ne pourra pas sortir
de ce quai la plupart du temps parce qu'il y aura trop de vent. Il y a trop de
vent qui vient de ce côté-là.
Quand j'ai fait les plans, les contrats à Newport, Blanc-Sablon,
Cap-aux-Meules, j'ai exigé des firmes d'ingénieurs qu'elles
consultent la population et que, s'il y avait une divergence entre la
population et les ingénieurs, l'arbitrage se fasse dans mon bureau,
ajoutant que je ne signerais les plans que s'il y avait entente entre les deux.
Ils faut que les professionnels arrêtent de se prendre pour d'autres.
Dans le domaine de la nature, dans le domaine agricole, dans le domaine de la
pêche, les gens qui ont vécu des dizaines d'années
là-dedans ont souvent des centaines d'années de connaissances par
transmission; ils connaissent des choses que des professionnels ne connaissent
pas. Il faut respecter cela. C'est pour cela que, lorsqu'un cultivateur parle
du drainage d'une terre... Sacrifice! Je me rappelle que, quand j'étais
dans mon village, on pouvait prédire le temps rien qu'en regardant voler
les oiseaux. J'ai perdu cela parce qu'il y a longtemps que j'ai quitté
le village. D'après les vagues sur le fleuve, la couleur de l'eau on
pouvait prévoir le temps qu'il ferait dans tant d'heures et on ne se
trompait jamais. L'observation héréditaire servait.
Sur une terre, le cultivateur qui a vu comment cela se passait, beaucoup
de choses qui se sont transmises de génération en
génération, qui sont le fruit d'observations de centaines
d'années. Aujourd'hui, on va dire qu'un ingénieur
diplômé de l'université, qui a pris son crayon et qui a
tracé une ligne entre deux points, connaît mieux le territoire?
Moi, je dis "bullshit"! Je ne crois pas à cela. C'est pourquoi on a mis
en place des plans qui font en sorte qu'il y ait un plan d'ingénieur, un
entrepreneur qui suit le plan de l'ingénieur, mais aussi le cultivateur
qui suit les plans et qui a dû normalement donner des instructions
à l'ingénieur quand celui-ci les a faits. C'est cela qu'on essaie
de marier. Je n'en dirai pas plus, je vais laisser M. Ouellet compléter.
Vous avez vu bien des problèmes comme sous-ministre.
Moi, ce que j'ajouterais, c'est que ce qui arrivait, c'est qu'il y avait
dans le système que vous avez mentionné tout à l'heure et
que vous disiez idéal...
M. Dubois: Je n'ai pas dit qu'il était idéal, j'ai
dit qu'il fonctionnait bien. C'est autre chose.
M. Garon: Ce qui arrive, c'est que le producteur se fiait sur
nous. Nous, en plus de donner la subvention, on se rendait responsable de
l'exécution des travaux. C'est tellement vrai qu'il y a des producteurs
qui n'allaient même pas voir dans le champ si les drains étaient
bien installés. On pense que la responsabilité du
ministère est de
subventionner l'agriculteur et de surveiller s'il utilise la subvention
pour les fins pour lesquelles on la donne. Après cela, c'est sa
responsabilité personnelle. L'agriculteur qui se construit une grange,
utilise les services d'un ingénieur, d'un architecte ou d'un
entrepreneur. Jamais il ne nous a demandé de faire la surveillance de
cela; il est capable de le faire. Pour quelle raison, dans les travaux
mécanisés, faudrait-il maintenir un système de
paternalisme? (21 h 30)
Un autre point important aussi, c'est que les entrepreneurs aujourd'hui
sont accrédités. C'est beaucoup plus difficile d'être
entrepreneur aujourd'hui que ce ne l'était. Ils sont
accrédités maintenant. Ils doivent répondre à des
critères beaucoup plus sévères en termes de machinerie et
en termes de compétence. C'est vérifié maintenant. Il y a
des choses nouvelles qui sont intervenues dans ce secteur. Je pense que ce que
M. Garon vous a dit - c'est pour cela que je vous ai dit que, d'après
moi, il vous avait pas mal tout dit - c'est que les producteurs sont capables
de faire cette surveillance de leurs travaux. On va jouer notre rôle et
eux vont jouer le leur, parce que, sans cela, on n'en sortira pas.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Huntingdon.
M. Dubois: M. le Président, j'aimerais indiquer pour le
journal des Débats et pour les fins de la discussion aussi que, de 1968
à 1976, il s'installait beaucoup de drains de terre cuite. L'agriculteur
participait bien davantage aux travaux d'exécution de son drainage qu'il
ne peut y participer actuellement avec des taupes qui vont faire 15 000, 20
000, 25 000 et, des fois, 30 000 pieds par jour. Il n'a le temps de rien voir
et les tuyaux sont dans la terre. Le producteur agricole n'est pas dans le
champ quand l'exécution des travaux se fait. Je peux vous dire que c'est
la très grande majorité. J'ai été entrepreneur en
drainage de 1968 à 1975 et je vous assure que dans le temps où le
cultivateur participait avec sa propre main-d'oeuvre pour mettre les tuyaux de
terre cuite d'un pied dans la machine, il voyait...
M. Garon: Si le producteur qui paie la moitié des frais
pour faire égoutter sa terre n'est pas dans le champ, pourquoi
voudriez-vous que nous y soyons? Ce n'est pas très logique.
M. Dubois: Ce que je vous dis, c'est que la participation de
l'agriculteur n'est pas plus grande actuellement; elle est même moins
grande qu'elle ne l'était dans l'exécution des travaux. À
tort ou à raison, les agriculteurs ne suivent pas l'installation de
leurs drains autant qu'ils la suivaient quand ils prenaient des tuyaux de douze
pouces, de quatre pouces ou de six pouces de diamètre qu'ils
installaient dans le sol. On ne peut pas comparer les deux façons.
M. Garon: S'ils n'y sont pas, ce n'est pas à tort ou
à raison; c'est sûrement à tort, parce qu'ils devraient y
être.
M. Dubois: Vous arrivez dans le temps des foins ou dans le temps
des récoltes; le producteur n'a pas le temps de s'occuper de voir si le
plan est bien suivi. Il se fie à son entrepreneur. S'il y a un litige,
il va se réveiller en cour. C'est aussi simple que cela, il n'a pas bien
le choix.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Beauce-Sud.
M. Mathieu: M. le Président, je voudrais seulement poser
une question au ministre. Quand il nous fait ces comparaisons de travaux
effectués en matière de drainage, il compare 1976-1982 avec
1908-1976. Pourquoi commence-t-il en 1908?
M. Garon: C'est le début du drainage au Québec.
Quand je donne les chiffres de 1908 à la date d'aujourd'hui, je donne
toujours en même temps les chiffres à partir d'environ 1940
où on a commencé à en faire pour la peine. Je sais bien
que, de 1908 à 1940 environ, il ne s'en est pas fait beaucoup. Au
début du drainage, à partir de 1908, j'additionne les chiffres
et, après, je donne la partie réelle où il s'est fait le
plus de travaux.
M. Mathieu: M. le ministre, vous rendez-vous compte que vos
programmes de drainage souterrain et de travaux mécanisés sont
boudés par le cultivateur moyen, le producteur agricole moyen ou petit
qui, lui, trouve plus profitable de renoncer à la subvention, de ne pas
avoir de plan d'ingénieur, de prendre la machine qui lui convient et
d'effectuer ses travaux chez lui? Il y a beaucoup de petits agriculteurs qui me
disent: Si on suit les normes du ministère, il faut mettre le tuyau
à tant de pieds de distance, en parallèle, et il faut ensuite
avoir une machine accréditée. Des fois, le voisin a une bonne
machine qui fait notre affaire à un prix raisonnable. On sait à
quelle place l'eau coule chez nous. On sait qu'elle ne coulera pas en montant,
qu'elle va couler en descendant. Or, à cause de la coupure de 10%, le
ministère remboursant seulement 40% au lieu de 50% comme avant, et
à cause du fait également que des fois il y a de plus grosses
machines - le coût de location de la machinerie ne peut dépasser
60 $ l'heure, si je ne me trompe pas; si la location de la machinerie
coûte 80 $ l'heure,
le ministère donne 30 $, car il y a un prix maximal qu'il ne faut
pas dépasser l'agriculteur dit: Au lieu de faire venir
l'ingénieur pour me faire faire un plan...
Ce ne sont pas toutes des belles terres comme dans la région de
Richelieu et de Saint-Hyacinthe. Dans nos régions, souvent l'agriculteur
a une petite parcelle à drainer dans un coin et une autre petite
parcelle dans un autre coin, et, quand il s'agit de donner 1500 $ à 2000
$ pour faire faire un plan et ensuite payer pour la surveillance et la
vérification ultérieure, il nous dit: Cela ne paye pas. Je
préfère être libre de faire les travaux comme je le voudrai
et renoncer à la subvention. J'aime mieux les faire à ma guise
avec la machine que je voudrai, quand je le voudrai et ne pas avoir
d'inspection sur le dos, parce que je sais où l'eau coule. Est-ce que
vous vous rendez compte de cela? Est-ce que vous avez des plaintes, vous aussi,
à ce sujet? J'en ai eu de nombreuses. La semaine passée,
j'étais dans le Témiscouata et j'ai rencontré un groupe de
producteurs agricoles. C'est la principale chose qu'ils m'ont dite.
Premièrement, il y a eu la subvention à la chaux qui est
coupée, ce qui les affecte beaucoup. Deuxièmement, il y avait
cela...
M. Garon: Pas dans le Témiscouata. La carrière
à chaux est juste à côté.
M. Mathieu: En tout cas. Deuxièmement, il y avait les
travaux mécanisés, le drainage souterrain.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Mathieu: Est-ce que vous avez reçu des plaintes
à ce sujet? Êtes-vous prêt à polir votre programme un
peu pour qu'il soit plus malléable et qu'il puisse s'appliquer à
ces plus petits producteurs?
M. Garon: II s'applique aux petits. Vous savez, dans le drainage
souterrain et dans le drainage de surface, les travaux mécanisés,
vous avez 14 003 bénéficiaires sur environ 38 000 cultivateurs
commerciaux. C'est 40% dans une année. Quand vous regardez en termes de
drainage souterrain, l'année record est 1982: 129 000 acres. C'est
quelque chose, en acrage. Depuis qu'on est au gouvernement...
M. Mathieu: Je comprends, ce n'est pas là mon
problème. Ma question n'est pas celle-là.
M. Garon: ...on a drainé, au Québec, 665 228
acres.
M. Mathieu: Vous devriez le mettre en arpents, cela en ferait
plus.
M. Garon: Pardon? Je ne veux pas souffler les chiffres. 665 000
acres. Dans le temps des libéraux, il s'en faisait du drainage au
Québec, mais il s'en faisait bien plus en Ontario. Actuellement, on en
fait plus au Québec qu'en Ontario. Pourquoi?
M. Houde: Ils ont fini de le faire là-bas.
M. Garon: Pourquoi n'en faisaient-ils pas autant?
M. Houde: Parce qu'ils étaient plus avancés en
Ontario que nous.
M. Garon: Le député de Huntingdon a dit
tantôt que, lorsqu'on avait fait du drainage au Québec
c'était la découverte du siècle; il ne s'en faisait nulle
part ailleurs, on commençait. Ce n'est pas vrai. Mais, c'était
"embouveté" dans des systèmes de patronage où il fallait
passer par les bureaux d'ingénieurs choisis par le parti au pouvoir. Il
fallait donner 1 $ l'heure pour passer par l'entrepreneur choisi par le
gouvernement au pouvoir pour faire les travaux; l'entrepreneur aussi. Ensuite,
il fallait payer 20 $ pour avoir son plan de drainage par la firme choisie par
le gouvernement; sur les cinq ou six firmes qui en faisaient, il y en avait
deux qui avaient été ouvertes par des députés
libéraux. C'était un "scheme" de sorte que cela "embouvetait"
comme dans des goulots d'étranglement, un peu comme les rivières
de la Beauce du temps où les rivières n'avaient pas
été draguées, les îles enlevées; cela
inondait, cela ne passait pas.
Alors, ce que l'on a fait, on a changé ça, on a dit:
Aujourd'hui, le cultivateur va choisir son ingénieur, il va choisir son
entrepreneur. C'est la meilleure façon d'enlever le patronage. C'est
cela qui a fait la différence. Là, les écluses se sont
ouvertes, l'eau s'est mise à couler, on s'est mis à avoir 120 000
acres de drainage par année. Pourquoi? Parce que l'on a enlevé
les "gimmicks" là-dedans. C'est pour cela que le cultivateur est
content. Moi, je me rappelle la première année que l'on a
enlevé cela. Je passais et j'arrêtais sur le bord de la route, je
voyais un gars qui rentrait au bord de sa grange, j'arrêtais et je
disais: Comment vous trouvez nos programmes? Combien de cultivateurs m'ont dit:
M. Garon, avant, quand j'étais obligé de prendre l'entrepreneur
que le gouvernement avait choisi, il reportait cela à l'automne quand il
avait fini de faire des travaux sur les routes. Il disait: Je peux venir le 15
novembre. Il disait quasiment: Mon siffleux, tu as besoin d'être
prêt le 15 novembre; si tu n'es pas content à 6 heures du matin,
je n'irai pas. Il dit aujourd'hui: M. Garon, vous avez changé ça
et, aujourd'hui, c'est moi qui décide. Et puis, je dis à
l'entrepreneur: mon "clisse", tu
vas être là à Il heures le 13 août, et si tu
n'es pas là, j'en prends un autre. Le gars disait: Je suis content,
c'est moi qui suis le "boss" chez nous. Vous n'avez pas idée du nombre
de cultivateurs qui m'ont dit ça. J'ai bien dit: Mon "clisse", j'ai pas
dit autre chose. Le cultivateur décide sur sa terre et cela est
important. C'est un changement de mentalités.
Moi, j'ai vu des gérants de caisses populaires qui m'ont dit une
chose; ils ont dit: Avant 1976, c'est drôle, le gars rentrait et je lui
disais: Qu'est que vous faites, monsieur? Il disait: Moi, je suis cultivateur,
et il était quasiment gêné de le dire. Puis, aujourd'hui,
tu demandes à un cultivateur: Vous, monsieur, vous êtes dans
quelle ligne? Il dit: Moi, monsieur, je suis cultivateur, et le gars est
content et fier. Je pense qu'une des grandes améliorations qui ont
été apportées au cours des dernières années,
plus que tous les programmes, c'est que le cultivateur, aujourd'hui, n'est pas
gêné de dire qu'il est cultivateur. La fierté d'être
ce qu'on est et de faire ce qu'on fait, c'est le plus grand moteur humain.
Autrefois, les gens étaient tellement brassés et bardasses qu'ils
étaient gênés de dire ce qu'ils faisaient.
M. Dubois: C'est du charriage éhonté, cela.
M. Garon: En tout cas, moi, c'est ce que je pense.
Une voix: Ce que vous pensez et la réalité, ce sont
deux choses.
Le Président (M.Gagnon): M. le député de
Beauce-Sud.
M. Mathieu: M. le Président, à propos de drainage,
j'aurais une question un peu plus scientifique à poser au ministre. Le
Comité contre la pollution de la rivière des Hurons et du bassin
de Chambly est venu en commission parlementaire....
M. Garon: Le quoi des Hurons?
M. Mathieu: Le Comité contre la pollution de la
rivière des Hurons...
M. Garon: Quels Hurons. C'est où, les Hurons?
M. Mathieu: ...et du bassin de Chambly. M. Garon: Des
Hurons, les Indiens? M. Houde: La rivière des Hurons.
M. Garon: C'est parce que vous avez dit les "Zurons".
M. Mathieu: Le Comité contre la pollution de la
rivière des Hurons...
M. Garon: Comment cela s'écrit? M. Mathieu:
R-I-V-I-È-R-E .
M. Houde: On va l'écrire et on va lui envoyer.
Une voix: La prononciation...
M. Mathieu: D-E-S...
M. Garon: Des "Zurons" ou bien des...
M. Mathieu: ...H-U-R-O-N-S.
M. Garon: ...des Hurons?
M. Mathieu: Des Hurons.
M. Garon: C'est parce que vous avez dit des "Zurons".
M. Mathieu: Je recommence, M. le Président. Le
Comité contre la pollution de la rivière des Hurons...
M. Garon: Je ne dirais pas des "zhérons" quand ce sont des
hérons.
M. Houde: Ce ne sont pas des étrons non plus.
M- Mathieu: ...et du bassin de Chambly, le 18 octobre 1978,
à l'occasion d'une commission parlementaire sur l'environnement, disait
ceci: "Des statistiques nous apprennent, que depuis 100 ans, les
États-Unis ont perdu 40% de leurs terres cultivables en raison de la
monoculture, de l'utilisation des engrais chimiques et d'un drainage
inconsidéré des terres agricoles. Le drainage est donc
égalemnt un aspect important dans l'équilibre écologique
agricole et, sans s'étendre sur cette question, il est important de
relever que le drainage effectué présentement ne repose, en fait,
que sur la productivité immédiate sans considérer son
influence sur l'accélération du débit de l'eau et sur le
ravalement de l'humus qui se retrouve dans nos rivières au lieu
d'être sur nos terres." C'était dans le journal des
Débats.
M. Garon: Qui a dit cela dans le journal des Débats?
M. Mathieu: Ce sont les représentants du Comité
contre la pollution de la rivière des Hurons et du bassin de
Chambly.
M. Garon: Qui sont-ils, ces gars-là? Vous me citez cela
comme argument d'autorité.
M. Mathieu: C'est M. Tétrault. M. Garon: M.
Tétrault, qui est-il? M. Mathieu: C'était leur
représentant.
M. Garon: Vous citez cela comme un argument d'autorité. Si
vous me dites Bossuet, je sais qui il est, mais, si vous me dites
Tétrault de la rivière des Hurons, je ne sais pas qui il est.
M. Mathieu: Connaissez-vous les 6 000 000 de
Québécois?
M. Garon: Non, mais j'aimerais savoir de quelle autorité
on parle.
M. Mathieu: Ce sont des personnes venues comparaître devant
la commission parlementaire de l'environnement. Ils ont posé des
questions, je pense, qui méritent qu'on y réfléchisse. Ils
disaient, entre autres choses, qu'avec le drainage la nappe d'eau
phréatique diminuait, était à trois ou quatre pieds plus
basse dans le sol et que cela pouvait, dans 40 ou 50 ans, apporter des
problèmes d'alimentation en eau potable.
M. Garon: On a dit que dans les terres noires cela causait des
problèmes.
M. Mathieu: Bon. Ce n'est pas une attrape ou une question pour
perdre du temps. Je trouvais que cette question méritait d'être
soulevée. Il y a des experts ici et je voudrais savoir ce qu'ils pensent
de cela. Je ne prends pas position et je ne dis pas qu'ils ont raison ou pas,
car je ne le sais pas.
M. Garon: Le drainage, ce n'est pas baisser la nappe
phréatique, mais sortir l'eau très rapidement après une
grosse pluie pour laisser aux plantes le soin de se développer, car cela
ne baisse pas la nappe, mais cela sort l'eau rapidement. C'est son seul
but.
M. Mathieu: Cela n'a pas comme conséquence de faire
baisser la nappe?
M. Garon: Jamais de la vie. Ce sont les cours d'eau qui font
baisser les nappes. C'est tout un paquet de facteurs, mais pas le drainage en
particulier.
M. Mathieu: Ici, on évoquait cela comme argument à
la commission parlementaire de l'environnement. Alors, je vous le
mentionne.
M. Garon: II y a aussi un autre argument faux. Aux
États-Unis, les superficies ont augmenté en 100 ans; elles sont
passées à plus de 1 000 000 000. Il y a 100 ans, elles
n'étaient pas de 1 000 000 000.
M. Mathieu: Alors, je ne veux pas dire que c'est une
autorité, mais seulement une chose que j'ai vue en passant et je me suis
dit que cela vaudrait peut-être la peine d'avoir l'avis des experts
à ce sujet.
Le Président (M. Gagnon): Je regrette, mais le
député de Huntingdon attend. Il n'avait pas terminé
tantôt. (21 h 45)
M. Dubois: J'aurais seulement une courte question qui ne se
rapporte pas directement au drainage, mais a trait à
l'égouttement des sols. Il y a une remarque qui est souvent
formulée par des producteurs agricoles qui ont drainé leurs
terres; ceux-ci nous disent que leurs égouts collecteurs arrivent un ou
deux pieds en bas du fond du cours d'eau. Généralement, quand on
accorde un permis de drainage et une subvention, on s'attend que l'égout
collecteur puisse couler dans un cours d'eau qui descend, qui est
nettoyé. Ce n'est pas une chose qui arrive très peu souvent,
c'est très fréquent. En tout cas, dans la région
sud-ouest, dans le comté de Huntingdon, c'est une remarque qui est
souvent formulée par beaucoup de producteurs. Ils s'attendent à
une intervention rapide du ministère. On peut leur dire que le cours
d'eau va être creusé dans quelque temps ou dans quelques mois ou
au printemps, je ne le sais pas. Deux ans, trois ans ou quatre ans
après, on s'aperçoit qu'il y a encore des collecteurs qui
arrivent en bas du niveau du cours d'eau et l'intervention n'est pas faite. Je
me demande s'il y a lieu, à certains moments, d'accorder un permis de
drainage quand on sait pertinemment que l'exécution du cours d'eau ne se
fera pas l'année qui suit, le printemps qui suit ou dans l'année
de l'exécution du drainage. Ce sont des remarques très
fréquentes depuis plusieurs années. Cela ne date pas d'hier; cela
date de plusieurs années.
M. Garon: Non, non, j'ai entendu cela très souvent. C'est
pour cette raison, comme vous venez de le mentionner, que nous
accélérons le programme des cours d'eau. C'est pour cela que,
cette année, on aura une année record dans les cours d'eau. On a
déjà pour plus de 8 000 000 $ de travaux d'engagés. D'ici
le mois de juillet, on aura une autre tranche de 5 000 000 $ sûrement
d'engagée. Pourquoi? Parce qu'on veut faire une année record
justement pour pallier cette chose. Cela ne dépend pas
entièrement de nous. Souvent ce sont des problèmes de chemin de
fer, vous l'avez remarqué...
M. Dubois: Oui, cela peut arriver.
M. Garon: ...et parfois le long des
routes. Maintenant, l'ajustement entre le ministère de
l'Agriculture, et le ministère des Transports fonctionne beaucoup mieux,
on a moins de problèmes qu'avant.
M. Dubois: II va de soi qu'avant d'accepter une demande en
drainage et de procéder à l'exécution il est important de
vérifier si le cours d'eau peut recevoir les collecteurs. C'est une
remarque qui peut toucher tout le Québec, mais particulièrement
la région sud-ouest, où on a un problème assez
fréquent avec cela. Il peut arriver à certaines occasions que ce
soit un chemin de fer qui bloque l'exécution de travaux de cours d'eau.
Ce n'est peut-être pas aussi fréquent qu'on peut le penser, mais
c'est possible. Cela peut arriver aussi que ce soient des fossés le long
des routes, qui touchent le ministère des Transports où l'entente
entre le ministère de l'Agriculture et celui des Transports n'est pas
rapide. Je me dis que, si on place des fonds publics dans l'exécution de
travaux de drainage, il faudrait tout de même s'assurer au
préalable que le cours d'eau peut recevoir le collecteur. C'est
très fréquent. Je dirais que cela peut représenter
jusqu'à 15% ou 20% de l'exécution des travaux de drainage dont le
collecteur n'arrive pas au-dessus du niveau du fond du cours d'eau. C'est
très fréquent. Je crois que c'est un point important parce que
lorsqu'on place des dollars publics dans l'exécution de travaux de
drainage - ce n'est pas un blâme que je fais, c'est simplement une
remarque que je fais - ce serait très important que ce soit
surveillé de près. Je ne sais pas ce qui arriverait aux travaux
de drainage si c'était bloqué durant deux ans ou trois ans. Les
drains peuvent se remplir et, ensuite, leur efficacité sera
diminuée d'autant. Les producteurs agricoles formulent souvent cette
plainte.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que vous l'avez
noté?
M. Garon: On l'a noté.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Berthier.
M. Houde: J'aimerais que le ministre m'écoute bien. Pour
rectifier la déclaration qu'il avait faite cet après-midi au
sujet des députés de l'Opposition, je vais citer au texte ce que
j'ai dit dans mon discours, quant à moi toujours: "On n'est pas contre
les gens qui travaillent à la Raffinerie de sucre de Saint-Hilaire, loin
de là. On n'est pas contre eux, pas du tout. Je dis: Qu'ils maintiennent
ce qui avait été recommandé dans l'étude
déposée en 1978 et les gens travailleront encore. J'aime bien les
voir travailler. Les camionneurs ont le droit de transporter de la betterave et
du sucre aussi.
Je n'ai rien contre cela."
M. Garon: Qui a dit cela?
M. Houde: C'est moi qui ai dit cela.
M. Garon: Quand?
M. Houde: Je vais tout vous donner. Le 18 mai 1983, à 16 h
25.
M. Garon: Vous n'avez pas dit le reste. Il en manquerait un petit
bout.
M. Houde: Ah bien! Attendez! Je vais vous en lire encore, si vous
voulez. "Mais j'inviterai le député de Verchères à
aller se promener sur la rue Notre-Dame à Montréal, près
de la Raffinerie de sucre Saint-Laurent, pour savoir ce qu'il va se faire dire
aujourd'hui. Il va probablement se faire dire des choses pas agréables
à entendre par son ministre et par quelques fonctionnaires. Pas tous,
parce que certains fonctionnaires ne sont pas d'accord avec ce qui se fait. Il
y en a d'autres qui sont d'accord pour endosser le gouvernement et endosser
leur ministre." Je suis d'accord là-dessus.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Berthier, est-ce que c'était dans le but de rectifier des faits?
M. Garon: Quel fonctionnaire est contre?
M. Houde: Oui, oui, c'est parce qu'il voulait en avoir plus
long.
Le Président (M. Gagnon): Je voudrais bien qu'on revienne
aux crédits.
M. Houde: Oui, oui, d'accord là-dessus. Mais je voulais,
pour les besoins du ministre...
M. Garon: Mais quel fonctionnaire est contre ce qu'on fait?
M. Houde: Écoutez, M. le ministre. Ce n'est pas cela. Ne
jouez donc pas sur les mots! Cela fait longtemps, cela fait depuis 20 h 30 que
vous jouez sur les chiffres. J'espère que vous ne jouerez pas sur les
mots maintenant. C'est textuel et je peux le déposer à part cela,
si vous voulez.
M. Garon: Non, non. Je vais vous dire une chose, M. le
député de Berthier. Vous avez inscrit, à tort ou à
raison, dans votre philosophie un débat sur la raffinerie de sucre, sur
la proposition du député de Huntingdon contre les immobilisations
et la commercialisation faites par la raffinerie. Après l'avoir
déposé, vous vous êtes rendu compte que vous étiez
dans l'erreur. Vous
avez essayé de réduire le débat de deux mercredis
à un seul. Le parti gouvernemental a décidé que vous aviez
une question pour deux mercredis et qu'on utiliserait les deux mercredis.
M. Dubois: Ce n'est pas cela du tout. Un instant. Question de
règlement.
M. Garon: Nous avons refusé de ramener cela à un
mercredi.
Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse. Là, on va
revenir au...
M. Dubois: Question de règlement. Le ministre est en train
d'induire cette commission en erreur.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Huntingdon.
M. Dubois: Quand j'ai demandé à mon chef
d'enregistrer cette motion dans le débat du mercredi...
Une voix: Toi, tes "bebelles", pis dans ta cour!
Le Président (M. Gagnon): Un instant: S'il vous
plaît:
M. Dubois: Bien, qu'il s'assoie et qu'il reste à sa place.
D'accord?
Le Président (M. Gagnon): Non, mais, écoutez, je
n'ai pas entendu ce qu'il a dit et ce n'était pas enregistré, non
plus.
M. Dubois: Non, mais moi, je l'ai entendu.
Le Président (M. Gagnon): Vous avez la parole et
adressez-vous au président, s'il vous plaît.
M. Dubois: II restait trois semaines de débat du mercredi
quand j'ai enregistré ma motion.
M. Garon: Pardon?
M. Dubois: II restait trois semaines de débat du mercredi
quand j'ai enregistre ma motion.
M. Garon: Comment, trois semaines?
M. Dubois: Parce qu'au 1er juin il n'y a plus de débat le
mercredi.
M. Garon: Oui.
M. Dubois: Le 1er juin, c'est la motion de la fin de la
session.
M. Garon: On est prêt à faire trois mercredis sur la
betterave.
M. Dubois: Bon. Écoutez! On avait plusieurs motions
à présenter pour les trois mercredis qui restaient. On avait
plusieurs débats à soumettre. On aurait aimé qu'il y ait
trois débats pour les trois derniers mercredis. C'est pour cette raison
qu'on a demandé un mercredi pour faire le débat sur la Raffinerie
de sucre du Québec. On avait aussi plusieurs autres motions à
présenter le mercredi. Étant donné qu'il en reste trois
avant la fin de cette session-ci et qu'on avait plusieurs débats
à soumettre, on voulait avoir trois mercredis pour trois motions
différentes. C'est strictement dans ce sens-là. On aurait pu
passer trois mercredis sur la même motion et j'étais
prêt.
Le Président (M. Gagnon): Ce n'était pas une
question de règlement, mais je vous ai permis de rectifier les faits.
Alors, si vous voulez, on va revenir maintenant à l'étude des
crédits. M. le député de Beauce-Sud.
M. Mathieu: Oui. M. le Président. Je voyais, dans un
article de la Presse du 8 novembre 1982, "Objectif de Garon - je m'excuse de
dire le nom du ministre, je sais que c'est contre le règlement, mais je
cite un texte - éliminer les terres en friche". Il disait, entre autres
choses: "II est scandaleux qu'une terre agricole reste en friche". C'est bien
cela. Vous en reconnaissez la paternité.
M. Garon: Ah! Cela, je l'ai dit.
M. Mathieu: Dans un autre article du journal La Presse, sous la
signature de M. Pierre Gingras: "Le Québec au même niveau qu'en
1971; baisse de 226 000 acres de terres en culture en cinq ans".
M. Garon: Quelle en est la source?
M. Mathieu: M. Pierre Gingras, du journal La Presse.
M. Garon: Non, non, mais où a-t-il pris ces chiffres?
M. Mathieu: "La superficie des terres en culture du Québec
a diminué de 226 000 acres de 1976 à 1981".
M. Garon: Cela ne veut rien dire.
M. Mathieu: "L'équivalent de près de cinq fois
l'île d'Orléans, pour en revenir pratiquement au même niveau
qu'en 1971".
M. Garon: Non, non. Cela ne veut rien dire.
M. Mathieu: Plus loin: "Selon les chiffres de Statistique Canada
provenant de la plus récente analyse du dernier recensement, la
région centrale du Québec -Montréal, Saint-Hyacinthe, rive
sud, Châteauguay, Valleyfield, Juliette - est la seule dans la province
qui ait vu la superficie de ses terres en culture augmenter".
M. Garon: Oui. Maintenant, c'est quoi une terre en culture?
M. Mathieu: Plus loin: "Au gouvernement, on n'arrive pas à
s'expliquer cette chute dramatique de la superficie des terres en culture".
M. Garon: Non, mais c'est très simple à
expliquer.
M. Mathieu: De quelle manière?
M. Garon: Qu'est-ce qu'une terre en culture? En connaissez-vous
la définition?
M. Mathieu: D'après ce que vous avez dit...
M. Garon: Je vais vous le dire. Une terre en culture, c'est une
terre en céréales, en fourrage, en foin et en
pâturage...
M. Mathieu: Même en friche.
M. Garon: Alors, vous avez, au Québec, des terres de
pâturage et elles vont diminuer considérablement parce que, de
plus en plus, on pratique le "zero grazing". Qu'est-ce qui se passe? Une grande
augmentation des terres en culture de céréales fourragères
et beaucoup moins de terres en pâturage parce que les cultivateurs ne
pratiquent plus le pâturage. Ils sont plus modernes que dans le temps des
rouges. Les terres en culture, selon la définition du temps, il y en a
moins, mais ça ne veut rien dire, ça.
M. Mathieu: C'est comme votre programme de 50 000 000 $, il y en
a plus, mais ça ne veut rien dire, non plus.
M. Garon: Pardon?
M. Mathieu: C'est comme votre programme de 50 000 000 $ pour les
céréales; il y en a plus, mais ça ne veut rien dire.
Là, il y a moins de terres en culture, mais ça ne veut rien
dire.
M. Garon: C'est quoi, une terre en culture? Il faut le
définir.
M. Mathieu: Pour compléter sur les travaux
mécanisés et Sol-Plus, le ministre me corrigera, si je
l'interprète mal. Je conclus en disant qu'il n'est pas question qu'il
modifie le programme de drainage souterrain; il va rester ce qu'il est dans le
moment, si je comprends bien. Relativement aux plans des ingénieurs, aux
frais assumés par le producteur agricole, c'est figé, ça
ne changera pas.
M. Garon: Cette année? M. Mathieu: Oui.
M. Garon: Cela va bien actuellement, tout le monde est
content.
M. Mathieu: Pour vous, tout le monde est content. C'est curieux,
car on a beaucoup de représentations et beaucoup de gens ne sont pas
contents.
M. Garon: Ils demandent quoi?
M. Mathieu: Ce que je veux savoir, c'est s'il sera
amélioré ou s'il va demeurer comme cela.
M. Garon: II est lancé, il est signé et il a
été autorisé.
M. Mathieu: Bon! II va rester comme ça. Maintenant, en ce
qui concerne les travaux mécanisés, comme on l'a
dénoncé l'année dernière et l'année
précédente, les fossés sur une ferme ne sont pas
subventionnés et la participation du gouvernement a passé de 50%
à 40%; est-ce que cela va demeurer ainsi?
M. Garon: Cette année, oui.
M. Mathieu: Bon. Ce n'est pas une bonne nouvelle. Maintenant, je
voudrais revenir sur le fameux programme de 50 000 000 $ pour l'augmentation de
l'autosuffisance en céréales, pour nous propulser dans un monde
meilleur. Est-ce l'intention du ministre de procéder à la
construction de silos régionaux à même ce programme?
M. Garon: Oui, deux silos: un dans l'Outaouais et un dans les
Cantons de l'Est. Deux silos.
M. Mathieu: Où, dans les Cantons de l'Est?
M. Garon: Cela va dépendre des projets. On a à peu
près circonscrit la région et on espère que quelqu'un va
nous présenter un projet. C'est là qu'il y a des besoins.
M. Mathieu: Beaucoup de producteurs nous disent qu'en ce qui
concerne les silos à la ferme, c'est une bonne politique, cela a
été apprécié. C'est un programme
fédéral-provincial. Le fédéral a participé
à 50% de ce programme. On nous dit, en ce qui concerne les silos
régionaux, que ce fut une mauvaise politique, que cette réserve
régionale n'était pas nécessaire, qu'elle fut
boudée par les producteurs. Avez-vous toujours l'intention, à la
suite du désastre des silos régionaux, d'en bâtir encore
deux autres?
M. Garon: Ce n'est pas un désastre, ils ne fournissent
pas.
M. Mathieu: Ils ne fournissent pas?
M. Garon: Je me rappelle le silo d'Amqui. Les centres
régionaux se sont tous agrandis. Ils ont construit d'autres silos
à leurs frais, sans qu'on les subventionne.
M. Dubois: Combien ont changé de mains depuis le
début?
M. Garon: J'en connais deux. M. Dubois: Nommez-les
donc.
M. Garon: Trois. Il y en a un à Saint-Jean, Bermick, qui a
été vendu à Leblanc et Lafrance. Un autre à
Sainte-Brigide, qui appartenait à Gilbert Côté et qui a
été vendu à Fulgence Ménard et un autre, Serebec,
qui, pour raison d'impôts, a été bloqué dans sa
construction et qui été vendu je ne sais pas à qui.
M. Mathieu: Dans Charlevoix, est-ce qu'il y en a un?
Une voix: Et dans Iberville?
M. Garon: Oui, il y a la Coopérative de Charlevoix.
M. Mathieu: Est-ce que cela va bien?
M. Garon: Je n'ai pas eu de nouvelles récemment.
M. Mathieu: Mon collègue vous parlait d'Iberville. Vous
voulez dire Saint-Jean?
Le Président (M. Gagnon): Celui de Saint-Jean, je
suppose.
M. Garon: Saint-Jean, Bermick, qui a été vendu
à Leblanc et Lafrance.
M. Mathieu: N'est-il pas vrai que ces silos sont utilisés
contrairement à la vocation qu'on leur avait attribuée au
début? C'était juste pour entreposer des céréales
de provenance locale.
M. Garon: Oui.
M. Mathieu: Est-ce ce qu'ils font?
M. Garon: Dans la saison, oui. Sûrement, oui.
Le Président (M. Gagnon): II est 22 heures. Si la
commission veut continuer ses travaux, je suis bien prêt à le
faire, mais il me faut l'assentiment de la commission.
M. Garon: On peut aller jusqu'à 22 h 15.
M. Dubois: Je n'avais qu'une courte question.
Le Président (M. Gagnon): De toute façon, je veux
vous demander si le programme 3, avec ses quatre éléments, est
adopté. (22 heures)
M. Mathieu: Je préférerais attendre, M. le
Président. Ce n'est pas par mesquinerie que je vous demande cela. Etant
donné que c'est un programme très important, puis étant
donné le programme de 50 000 000 $ annoncé par le ministre, je
pense que cela mérite une réflexion supplémentaire. Je
voudrais bien connaître les tenants et les aboutissants de cela. Le
ministre n'est pas facile à effeuiller.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Huntingdon.
M. Dubois: C'est une question sur les règlements. Nous
avons combien d'heures d'accumulées au niveau de nos travaux
actuellement?
Le Président (M. Gagnon): II vous reste 6 h 31, pour
autant que l'on finisse à 22 heures exactement.
M. Dubois: Est-ce que le ministre est prêt à
continuer la semaine prochaine?
M. Garon: Je n'ai pas l'impression que je suis prêt
à boire la coupe jusqu'à la lie.
M. Dubois: Est-ce que c'est un ordre du leader parlementaire?
Le Président (M. Gagnon): Ce que nous allons faire, nous
allons ajourner nos travaux sine die et l'ordre de la Chambre nous permettra de
revenir mardi.
M. Houde: En 30 secondes, je voudrais remercier le ministre de ne
pas avoir répondu à la rectification que je lui ai
énoncée textuellement à partir de la transcription des
débats de la Chambre. Merci.
M. Garon: C'est une façon de parler.
Vous avez lu une partie de votre exposé.
M. Houde: Non, ce n'est pas cela. Écoutez, vous en avez
assez long, ce n'est pas nécessaire d'en faire un roman. Quand je dis
que je pars et que j'arrive, c'est quelque chose.
M. Garon: Nous, on prendra de votre exposé les bouts qu'on
veut bien prendre. Vous avez pris un bout qui vous justifiait et vous l'avez
mis là pour vous couvrir.
M. Houde: Vous n'en aviez pas assez?
M. Garon: Mais vous avez parlé contre la raffinerie. Vous
êtes contre la raffinerie.
M. Houde: Même si je parle contre quelque chose, cela ne
veut pas dire...
Le Président (M. Gagnon): La commission de l'agriculture,
des pêcheries et de l'alimentation ajourne ses travaux sine die.
(Fin de la séance à 22 h 01)