(Dix heures trente-deux minutes)
La Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Chers collègues, mesdames et messieurs, je déclare la séance ouverte de la Commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation.
Je rappelle le mandat de la commission. La commission est réunie aujourd'hui pour poursuivre les auditions publiques dans le cadre de son mandat d'initiative sur les nouveaux enjeux de la sécurité alimentaire.
M. le secrétaire, est-ce que nous avons des remplacements?
Le Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. M. Chenail (Beauharnois) est remplacé par Mme Delisle (Jean-Talon).
La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci beaucoup. Alors, je voudrais faire lecture de l'ordre du jour. Aujourd'hui, le 4 février 2004, nous allons entendre, dans l'ordre: l'Ordre professionnel des diététistes du Québec ? vous avez une heure de discussion avec nous; suivi par Confédération des syndicats nationaux, la CSN, à 11 h 30; la suspension à 12 h 30. Dans l'après-midi, à 14 heures, nous allons entendre l'Union paysanne et l'Union paysanne de Lanaudière; seront suivies par le groupe Greenpeace, à 15 heures; à 16 heures, la l'Association des médecins vétérinaires praticiens du Québec; à 17 heures, l'ACEF du Québec; et nous ajournerons nos travaux à 18 heures.
Alors, je propose l'adoption de l'ordre du jour. Ça va?
Une voix: ...
Auditions (suite)
La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci. Alors, nous entamons la période des auditions. Et je voudrais inviter M. Paul-Guy Duhamel, président de l'Ordre professionnel des diététistes du Québec, à prendre la parole. Vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire, 20 minutes d'échange avec chaque groupe parlementaire, incluant les questions et les réponses. Et je vous demanderais, s'il vous plaît, de présenter les personnes qui vous accompagnent. La parole est à vous.
Ordre professionnel
des diététistes du Québec (OPDQ)
M. Duhamel (Paul-Guy): Merci, Mme la Présidente. Alors, MM., Mmes les députés membres de la commission, au nom de l'Ordre professionnel des diététistes du Québec, je vous remercie de nous avoir invités. Alors, je suis Paul-Guy Duhamel, président de l'ordre. Et je tiens à souligner que je suis extrêmement heureux d'être ici parmi vous parce que le sujet de l'innocuité alimentaire en est un qui me passionne, qui m'intéresse depuis plus de 10 ans maintenant.
Alors, pour cette présentation, je serai épaulé de deux personnes. Alors, tout d'abord, à ma droite, vous avez Mme Hélène Laurendeau. Alors, vous la connaissez probablement à titre de personne qui travaille beaucoup dans les médias à titre de chroniqueur sur les sujets de l'alimentation, de la nutrition, de la gastronomie et de la santé, mais elle est également détentrice d'une maîtrise en épidémiologie et en biostatistique. Et, à ma gauche, je suis accompagné par Mme Claire Deraspe, qui est diététiste-nutritionniste et qui est détentrice d'une maîtrise en administration des affaires. Elle a une longue expérience à titre de gestionnaire. Elle est également animatrice, rédactrice et formatrice reconnue dans le secteur de la transformation et de la distribution alimentaire. Elle fait partie du corps professoral au Département de gestion hôtelière et de restauration au cégep de Limoilou, et elle est administratrice pour la région de Québec à l'ordre, et elle est également la trésorière de l'Ordre professionnel des diététistes du Québec.
Ceci étant dit, qui est l'Ordre professionnel des diététistes du Québec? Alors, c'est un ordre qui est constitué en vertu du Code des professions du Québec. C'est un organisme dont la mission est d'assurer la protection du public en matière de nutrition et d'alimentation par le contrôle de l'exercice de la profession, le maintien et le développement de la compétence professionnelle des diététistes et nutritionnistes. L'ordre contribue également à l'amélioration de la santé de la population et des individus en favorisant l'accès à des services professionnels de qualité ainsi qu'à une information judicieuse, rigoureuse et d'intérêt public qui permette une prise de décision éclairée en matière d'alimentation.
Les titres. Vous allez entendre «diététiste-nutritionniste», ou «nutritionnistes», ou «diététiste», ensemble ou séparément. Alors, ce sont deux titres réservés qui sont gérés par l'ordre et qui représentent une seule profession. Alors, grâce à leurs connaissances de pointe, les quelque 2 000 diététistes membres de l'ordre sont les seuls professionnels de la santé qui ont fait de la nutrition humaine et de l'alimentation leur champ d'activité professionnel. Alors, pour être diététiste, ça exige une formation hautement scientifique de trois ans et demi et complétée par 40 semaines de stage, principalement en nutrition clinique, en nutrition publique, en gestion de services alimentaires et en recherche.
Alors, pourquoi il est pertinent pour l'ordre de soumettre un mémoire, de participer aux travaux de la commission? Alors, l'innocuité des aliments est la condition fondamentale, essentielle et incontournable à garantir et à respecter pour qu'il soit possible d'intervenir en nutrition. Alors, vous comprendrez que, compte tenu de ce préalable extrêmement important, il était tout à fait pertinent que l'ordre fasse valoir aux gens de la commission et au public québécois ses vues des enjeux liés à l'innocuité alimentaire.
Alors, encore une fois, une autre constatation, vous aurez certainement remarqué que l'on s'abstient de traiter, dans le cadre des travaux de la commission, de sécurité alimentaire; on parle plutôt d'innocuité alimentaire ou de sécurité des aliments. Alors, tel que la définition que vous nous avez soumise, une définition qui est donnée par l'OMS et la FAO, la sécurité alimentaire, c'est l'«accès de tous les êtres humains, à tout moment, à une nourriture suffisante, saine et nutritive leur permettant de satisfaire leurs besoins énergétiques et leurs préférences alimentaires pour mener une vie [...] active». Ainsi, la sécurité alimentaire dépend de la capacité économique de tout individu de s'approvisionner en quantité adéquate en aliments sains et salubres. Or, les problématiques soulevées par la commission ne traitent pas de cette capacité économique. La commission pose des questions afin, à terme, de dégager des pistes d'action qui permettront de renforcer la confiance des consommateurs envers les aliments distribués au Québec. Parler de sécurité alimentaire dans un tel contexte serait incorrect.
Par conséquent, la commission devrait plutôt se référer au terme «innocuité alimentaire» ou encore «sécurité des aliments», qui est la traduction adéquate du terme anglophone «food safety». L'innocuité alimentaire englobe toutes les mesures à prendre afin d'éviter les risques relatifs à une éventuelle toxicité des aliments. L'ordre professionnel rappelle aux membres de la commission que cette distinction entre la sécurité alimentaire et l'innocuité alimentaire fait consensus auprès de la communauté scientifique, des groupes communautaires du pays, des agences et des ministères du gouvernement fédéral ainsi que des agences de la francophonie. Alors, il serait heureux que le gouvernement du Québec adopte le même référentiel.
Pour la présentation, pour le coeur de la présentation, nous allons tout d'abord faire le portrait de la situation socioéconomique des Québécois. Par la suite, je laisserai la parole à Mme Hélène Laurendeau, qui abordera la question de la relation de confiance entre les consommateurs et leurs aliments. Je prendrai la parole par la suite pour présenter la problématique de la responsabilité professionnelle en matière d'innocuité alimentaire. Mme Deraspe prendra le relais pour dresser le portrait de l'inégalité de la qualité au long de la chaîne agroalimentaire et plus particulièrement en ce qui a trait à la transformation et à la distribution. Je compléterai la présentation avec nos recommandations, qui ont pour objectif de renforcer la confiance des Québécois et des Québécoises à l'égard des aliments qu'ils consomment.
Alors, en termes de profil des Québécois. Alors, vous le savez, on a une population qui est en plein changement, et des caractéristiques importantes sont à noter parce qu'elles affectent aussi le lien à l'alimentation et à la santé. Premièrement, nous avons une population vieillissante. Nous avons également une population où l'écart entre les familles riches et les familles pauvres ne cesse de se creuser. Et on a également une population qui a un niveau d'analphabétisme élevé. Alors, ces trois caractéristiques représentent des risques accrus en matière de santé et de sécurité. À ça s'ajoute aussi un caractère multiculturel, qui s'ajoute, et, à ça, chaque ethnie porte évidemment un bagage culturel, social et religieux qui influence grandement les croyances à l'égard des aliments et par conséquent son mode de consommation. Alors, vous mettez tout ça ensemble et, bien entendu, il y a des problématiques socioéconomiques qui s'en dégagent et auxquelles on doit absolument porter une attention pour apporter des réponses intéressantes.
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(10 h 40)
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Alors, la relation de confiance entre les consommateurs et leurs aliments dépend de facteurs multiples et complexes. Plusieurs sociologues ont fait la démonstration que l'acte de se nourrir fait une large place au monde symbolique et à l'identité. Par conséquent, si je suis ce que je mange, mais je ne sais pas ce que je mange, je ne sais plus qui je suis. Alors, la question brûlante de l'innocuité alimentaire est d'abord symbolique et identitaire. Alors, afin de présenter notre section sur la relation de confiance entre les consommateurs et l'alimentation, je laisse la parole à Mme Laurendeau.
Mme Laurendeau (Hélène): Merci. Ce que je vais faire, c'est que je vais vous dresser grossièrement un portrait, peut-être rappeler les liens qui existent entre la nutrition et les grandes maladies, et je vais surtout m'attarder à vous brosser un tableau des nouvelles réalités des consommateurs d'aujourd'hui et des défis auxquels ils sont... nous sommes tous confrontés à chaque jour.
L'évolution médicale, on la connaît. Au début du XXe siècle, les principales menaces à la vie étaient l'insalubrité, le risque potentiel de famine, les maladies infectieuses. Mais, avec l'amélioration de l'hygiène publique et la quasi-disparition du risque de famine dans les pays industrialisés, ça a permis d'accroître sensiblement l'espérance de vie des hommes et des femmes. Il y a eu les progrès de l'alimentation et bien sûr également les progrès de la médecine et des soins d'urgence qui y sont pour beaucoup dans cette explication.
Aujourd'hui, XXIe siècle, les problèmes cardiovasculaires et le cancer constituent les maladies les plus meurtrières dans notre société d'abondance. Les maladies chroniques font de plus en plus l'objet de préoccupations de santé publique étant donné le vieillissement de la population ? M. Duhamel vient d'en parler ? et l'augmentation de plusieurs facteurs de risque qui y sont associés, dont l'obésité et la sédentarité. On attribue bien sûr aussi, et vous le savez, aux maladies chroniques une partie importante des pressions exercées sur les services et les coûts croissants du réseau de la santé.
L'OPDQ est d'avis que... l'OPDQ, l'ordre professionnel ? excusez-moi ? l'OPDQ est donc d'avis que la peur d'être malade ou le fait d'être atteint de ces maladies alimente le scepticisme à l'endroit de ce qui est mangé. Selon l'Organisation mondiale de la santé, l'épidémie de maladies non transmissibles qui s'étend rapidement et qui est déjà la cause de quelque 60 % des décès dans le monde est manifestement liée à des habitudes alimentaires universelles et à la consommation accrue d'aliments industrialisés, sucrés, gras ou salés.
Je vous donne quelques exemples rapidement des maladies dont je parle. Donc, le cancer. Dans les pays industrialisés, ça fait longtemps qu'on a démontré qu'environ 30 % des cancers seraient attribuables à des facteurs alimentaires. Au Canada, la probabilité de développer un cancer: 41 % chez les hommes, 35 % chez les femmes. Un malade sur cinq va en mourir. Et, parmi les stratégies de prévention de cette maladie, la diète figure au deuxième rang, tout de suite après la cessation du tabac.
L'alimentation aussi a un lien avec les maladies cardiovasculaires, qui sont la première cause de décès au Québec. Parmi les principaux facteurs biologiques, la majorité ont un lien avec l'alimentation. Donc, les habitudes alimentaires, la surcharge de poids, l'obésité abdominale, au niveau du ventre, l'hypertension artérielle, les problèmes de taux de gras dans le sang et le diabète ont tous un lien avec l'alimentation.
Je passe au diabète, maintenant. Au Québec 550 000 personnes et plus souffrent de diabète de type I ou II, et la progression de la maladie est telle qu'à la fin de la décennie dans laquelle nous sommes, plus de trois quarts de million des gens seront atteints de diabète. Et le problème, c'est qu'à l'heure actuelle 40 % des gens ne le savent pas, ne sont pas diagnostiqués. Il y a de nouvelles normes également, et donc les gens ne savent pas qu'ils souffrent de diabète et donc ne se soignent pas en conséquence. On sait qu'avec le diabète l'obésité, la sédentarité et une mauvaise alimentation ont un rôle à jouer dans cette maladie.
L'obésité, c'est le sujet de l'heure, on le sait. La prévalence de l'obésité double à tous les cinq ou 10 ans dans les pays industrialisés. Et, au Québec, on ne fait pas exception, la prévalence de l'obésité, l'excès de poids est en hausse. Donc, obésité, on parle de poids plus grand. Excès de poids, on parle plus peut-être d'embonpoint. Mais tout ça est à la hausse: près de 50 % chez les adultes, entre 1987 et 1998, donc dans à peu près une décennie; une hausse alarmante également chez les enfants, d'après tous les spécialistes en santé publique.
L'obésité, on le sait, c'est associé à des troubles de... à des maladies comme l'hypertension, maladies cardiovasculaires, diabète et nombreux types de cancer. Donc, tout ce que je viens de vous dire précédemment est interrelié. Qu'on parle d'obésité, de cancer, de maladies cardiovasculaires, de diabète, il faut préciser une chose, c'est que, même si on veut tous vivre en santé et le plus longtemps possible, l'OPDQ est d'avis que la nutrition ne peut pas être considérée seulement sous un point de vue strictement médical. C'est une approche beaucoup trop simpliste qui consiste à choisir des aliments selon qu'ils préviennent telle maladie ou telle maladie, et ça mène à des messages contradictoires.
Je vous donne un exemple. Pour prévenir l'ostéoporose, on dit qu'il faut consommer des produits laitiers, mais on dit aussi que le gras des produits laitiers est peut-être un facteur dans les maladies cardiovasculaires. On dit qu'il faut manger des fruits et légumes pour prévenir plusieurs maladies, mais qu'en est-il des pesticides? On dit qu'il faut manger du poisson, mais est-ce qu'il est contaminé aux polluants? Vous voyez. Donc, toutes les... C'est un véritable casse-tête.
Donc, l'ordre est d'avis qu'il est important de considérer l'alimentation dans son ensemble et non pas avec la lorgnette de regarder seulement tel ou tel nutriment. C'est le message qu'on croit qui devrait être véhiculé dans les médias et également à travers les différents programmes de prévention et d'éducation des consommateurs, étant donné aussi qu'il n'y a pas de garantie que... si on mange tel ou tel aliment, ce n'est pas une garantie absolue qu'on n'aura pas telle ou telle maladie. Voilà pour la question maladie.
La nouvelle réalité des consommateurs, c'est absolument fascinant, ça nous concerne aussi tous de près ou de loin. Quand on regarde les grandes tendances de consommation dans la dernière décennie ou à peu près, les études identifient trois phénomènes qui ont beaucoup influencé nos choix alimentaires: on est préoccupés pour la santé, on aspire à du temps libre et on cherche aussi la diversité. Dans une société où 70 % de la population occupe un emploi à temps plein ou partiel, il est clair que les consommateurs manquent de temps pour faire des emplettes, pour planifier et pour préparer des repas. On accorde également une partie importante de notre budget alimentaire, donc près de 28 %, aux repas pris au restaurant, de sorte qu'en raison de ce manque de temps-là on veut des aliments déjà préparés, des repas livrés à domicile, des solutions repas pratiques, des aliments utilisables au micro-ondes et des repas pour emporter. D'ailleurs, vous remarquerez que le nombre de services au volant est absolument incroyable, c'est présent partout. Et ce qui arrive, c'est que ces nouvelles alternatives là pour répondre aux besoins des consommateurs rendent très difficile le contrôle des portions ? si on est au restaurant, ce n'est pas nous qui décidons nécessairement ce qui se retrouve dans notre assiette ? et également les ingrédients qui ont composé ces aliments-là qui sont déjà préparés.
En plus de tous les aliments, imaginez, il y a tous les suppléments alimentaires. Donc, les gens se tournent vers des suppléments de multivitamines, minéraux, des fibres, des produits d'herboristerie, les nutraceutiques s'ajoutent à ça, les superaliments qu'on trouve sur le marché également, c'est-à-dire les aliments fonctionnels auxquels on attribue des rôles précis. Et ce que, nous, on se demande dans ça, c'est que: Est-ce que ça n'a pas un effet pernicieux sur les aliments ordinaires? C'est-à-dire que, est-ce que... Là, il y a des oeufs oméga-3, il y a des trucs enrichis en calcium, etc., et donc, cette mouvance, la question qu'on se pose: Est-ce que ça ne suggère pas dans l'esprit des consommateurs que les aliments ordinaires sont inadéquats pour le rétablissement, ou le maintien, ou l'amélioration de la santé?
Autre source de confusion, la majorité des Québécois et Québécoises se préoccupe de sa santé bien sûr, mais les gens se rendent compte que le dispositif, si vous voulez, là, production, transformation... donc toute la filière agroalimentaire est devenue complexe et opaque, et ça, ça inquiète, ça fait peur. Il n'y a plus le lien, là, court, et direct, et transparent qu'on avait ou en tout cas qu'on avait l'impression d'avoir autrefois. Et donc, ça, ça ajoute à la confusion des messages à caractère alimentaire.
Le manque de temps, ce n'est pas le seul problème des gens, aujourd'hui. On se préoccupe d'une alimentation santé, mais, un fait qui nous inquiète énormément, le niveau de compétence, de connaissances culinaires de base diminue. Oui, on achète beaucoup de livres de recettes, mais est-ce qu'on cuisine vraiment plus? Et, pour la première fois dans l'histoire de l'humanité, on croit avoir affaire à une génération d'illettrés culinaires, c'est-à-dire des gens qui aiment bien manger, qui veulent bien manger, mais qui n'ont pas les connaissances de base, des hommes, des femmes qui ignorent comment cuisiner, pour eux et pour leur famille, des aliments simples, des mets simples à partir d'ingrédients de base. Donc, comme on a des familles nombreuses, les familles sont éclatées, les horaires de travail sont compliqués, tout ça, qu'est-ce qu'on fait? On se tourne vers les aliments déjà préparés, la restauration rapide. Et on sait que, dans cette catégorie d'aliments-là, beaucoup de gras, beaucoup de sucre, très peu de vitamines, de minéraux et de fibres.
À ça s'ajoute le fait que le ministère de l'Éducation délaisse la responsabilité dont il s'acquittait jadis pour l'enseignement des pratiques culinaires de base. On sait que la nouvelle réforme scolaire n'oblige plus les écoles primaires et secondaires à offrir des cours comme l'économie familiale, et, parmi les diététistes qui sont rattachés au milieu scolaire, les notions de nutrition et d'alimentation sont dorénavant... j'exclus le Mois de la nutrition, mais sont dorénavant incluses dans les cours d'éducation physique et à la santé.
Autre réalité inquiétante donc, l'alimentation à deux vitesses. Je vois le temps qui avance, je vais aller rapidement. Mais c'est vraiment un phénomène inquiétant. C'est que, si on se tourne vers les aliments prêts à manger, qui ont connu un bond phénoménal, croquettes de poulet, de pizza puis... croquettes de poulet, de poisson, pizzas, etc., qu'on achète déjà préparés, nous constatons qu'il y a une alimentation à deux vitesses, c'est-à-dire une alimentation pour les riches qui ont les moyens de s'acheter des bonnes solutions repas déjà préparés avec des ingrédients de qualité, qui sont aussi bons au goût, et une alimentation pour les gens qui sont moins bien nantis, qui vont devoir se rabattre sur ce qu'on appelle, nous, les faux raccourcis ou les aliments de piètre valeur nutritive.
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(10 h 50)
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Pourtant, si on cuisine à partir des aliments de base, le prix est le même, qu'on soit riche ou pauvre, si on cuisine à partir de riz, de pâtes, de gruau, de viandes, de volailles, de fruits et légumes, de pommes de terre et de carottes, etc. Au Québec, on a la chance d'avoir une alimentation de qualité, en abondance et à des prix quand même abordables. Mais il n'en demeure pas moins que le prix à payer pour se nourrir sainement n'est pas forcément plus élevé si on sait cuisiner et faire les bons choix.
Les consommateurs ont aussi un rôle important à jouer en matière d'innocuité. On sait que tous les acteurs de la chaîne doivent y participer, mais les consommateurs ne connaissent pas assez l'importance de leurs manipulations à domicile, donc à partir du moment où ils vont acheter l'aliment à l'épicerie ou ailleurs et ils vont l'amener à la maison. Et il y a des toxi-infections alimentaires importantes. Le Centre québécois d'inspection des aliments montre que 50 % des toxi-infections alimentaires sont survenues à domicile. Souvent, le consommateur va mettre la faute... ou en tout cas va questionner ailleurs, mais il va moins se questionner à la maison. Donc, les principales erreurs que lui-même va faire: cuisson inadéquate des aliments, contamination croisée, non-respect des températures d'entreposage ou de cuisson recommandées. On estime que 96 % à 99 % des cas de maladie et des décès dus à des maladies d'origine alimentaire pourraient ne pas être signalés. Pourquoi? Parce que les gens vont souvent confondre les symptômes de la grippe avec les symptômes d'une maladie d'origine alimentaire.
Je termine en vous disant que... Je peux aller ici, tout de suite, en étiquetage?
Une voix: Oui.
La Présidente (Mme Houda-Pepin): Il vous reste deux minutes.
Mme Laurendeau (Hélène): Bon. Alors, je termine là-dessus. Mais ce que je veux dire, c'est qu'il faut mieux connaître le consommateur d'aujourd'hui. Et l'OPDQ craint également qu'à trop vouloir informer on finit par ne plus rien dire et à alimenter la confusion.
M. Duhamel (Paul-Guy): Avec votre...
La Présidente (Mme Houda-Pepin): Bien sûr, M. le Président.
M. Duhamel (Paul-Guy): Avec votre permission, on prendrait peut-être quelques minutes supplémentaires. Alors donc, j'en viendrais à ce moment-ci à parler de la responsabilité professionnelle en innocuité alimentaire. Alors, ce qu'on remarque, à l'ordre, c'est qu'il y a des professionnels qui s'engagent d'un bout à l'autre de la chaîne agroalimentaire. Donc, en début de chaîne agroalimentaire, on retrouve des vétérinaires, des agronomes, et, auprès des consommateurs, il y a les diététistes-nutritionnistes. Entre les deux, il y a peut-être quelques chimistes, bien entendu, mais grosso modo le constat que l'on fait, c'est qu'il n'y a pas de professionnels qui engagent leur responsabilité justement en matière d'innocuité alimentaire afin de fournir des aliments de qualité aux Québécois.
Alors, ceci étant dit, on fait une observation puis on pousse le raisonnement un peu plus loin, on regarde quelles sont les formations qui sont disponibles au Québec qui mènent au travail en innocuité alimentaire, et force est de constater qu'il n'y en a aucune. Il n'existe aucun programme de formation particulier reconnu par le ministère de l'Éducation du Québec qui mène vers un emploi en innocuité alimentaire, ni d'association de praticiens dans ce secteur et encore moins d'ordre professionnel pour normaliser la pratique en matière d'innocuité alimentaire. Alors, tout ça nous mène à croire et à constater qu'il y a un nombre important d'individus qui profitent de ce vide pour s'improviser consultants, experts en innocuité alimentaire. Ça, c'est une constatation qui est importante.
Ceci étant dit, quel est l'autre portrait qu'on pourrait dresser de la profession en innocuité alimentaire? Alors, il existe un titre d'emploi en innocuité alimentaire qui est reconnu, c'est le titre d'inspecteur, et ce sont les gens qui travaillent notamment pour le MAPAQ ou pour la ville de Montréal. Alors, dans ce cas-là, les formations qui sont requises, c'est une formation de niveau collégial en technologie des aliments, et plusieurs des personnes qui postulent pour ces emplois-là ont des baccalauréats dans divers secteurs, et la formation initiale, elle est améliorée par le MAPAQ.
Ceci étant dit ? je voudrais juste terminer sur ce point-là ? ailleurs au Canada, il existe une formation qui est reconnue en matière d'innocuité alimentaire, elle est dispensée par cinq universités et une province, la Colombie-Britannique, où ce titre-là est réservé. Alors donc, pour ainsi dire, au Québec, outre les inspecteurs qui ont une formation maison, il n'y a personne qui peut travailler de manière adéquate en innocuité alimentaire.
La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci beaucoup, M. Duhamel. Vous aurez la chance de revenir sur les recommandations que vous n'avez pas pu aborder, lors des échanges avec les collègues. Parlant des collègues, je voudrais saluer une des collègues qui n'est pas avec nous parce qu'elle est malade, la députée de Pontiac. Ce mandat d'initiative lui tient à coeur, elle a été avec nous depuis le début, elle y a travaillé assidûment. Alors, on lui souhaite bonne chance, et j'espère qu'on la verra en forme la semaine prochaine. M. le député de Nicolet-Yamaska.
M. Morin (Nicolet-Yamaska): Merci, Mme la Présidente. Je voudrais, premièrement, vous...
La Présidente (Mme Houda-Pepin): Pour le premier 10 minutes. Je rappelle qu'on fonctionne par des blocs de 10 minutes.
M. Morin (Nicolet-Yamaska): Merci.
La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci.
M. Morin (Nicolet-Yamaska): Je voudrais vous souhaiter la plus cordiale bienvenue. Et c'est avec beaucoup d'intérêt qu'on vous a entendus. Et ce n'est pas un sujet facile nécessairement, mais, en même temps, l'intérêt qu'on y apporte va de plus en plus croître avec l'avènement d'autres groupes d'ici la fin de la commission. Mais il y a un éclairage tout à fait différent qui nous arrive de tout bord, tout côté. Moi, ce matin, je m'attendais de vous entendre, bon, vous êtes des spécialistes en diététique, puis ça va très bien. Nous, les orientations de la commission, on a orienté de telle façon qu'on a dit: Bon, on va vérifier, on va aller se renseigner le plus possible sur la sécurité alimentaire.
Je vous entends, puis effectivement, vous avez tout à fait raison, quand on regarde notre assiette... On veut que les gens qui sont en train de regarder leur assiette se sentent rassurés et disent: Ce qu'il y a dans mon assiette, c'est sécurisant, ce n'est pas dangereux que je le mange. Sauf qu'à partir de ce que je viens d'entendre c'est... Un des objectifs, qu'on se disait: Est-ce qu'il y a des dangers à ce que je mange tel produit aujourd'hui? Par contre, quand je vous entends, je me pose d'autres questions, c'est... Effectivement, à la longue, il peut y en avoir, des dangers. Est-ce que, le produit en question qui se retrouve dans mon assiette, s'il y a un taux de sucre très élevé que je ne connais pas ou auquel je ne fais pas attention pendant cinq ans de temps... Là, il y a un problème de sécurité alimentaire aussi.
Mais je vais y aller plus sur l'innocuité, que vous avez parlé beaucoup, puis je pense que vous avez raison de clarifier les termes. Peut-être à propos de l'approche HACCP, O.K.? On a entendu parler hier beaucoup de cette approche-là. Et on demandait à certains groupes qui sont venus nous rencontrer: Est-ce qu'il y aurait lieu, est-ce que vous seriez d'accord que l'approche HACCP soit à chacun des niveaux ou à chacune des étapes de la chaîne alimentaire? On nous répondait assez régulièrement: Oui, nous sommes tout à fait d'accord, mais à quel prix?
Moi, la question que je veux vous poser, c'est... Bon, je pense que vous êtes aussi d'accord parce que, dans votre mémoire, à la page 7, vous le recommandez. Mais est-ce que vous avez des suggestions à faire pour faire en sorte que ce soit acceptable, au niveau de l'investissement, à chacune des étapes de la chaîne alimentaire?
M. Duhamel (Paul-Guy): Alors, bien, merci beaucoup de nous donner l'occasion de parler justement du HACCP. Alors, bien entendu, notre préoccupation par rapport à ce système de gestion de la qualité, on le regarde avec notre point de vue de près du consommateur, donc en termes de gestion de services alimentaires notamment en institutions qu'on appelle les centres hospitaliers, des centres hospitaliers de soins de longue durée, les écoles et partout où il y a une clientèle vulnérable, et à risque, et captive. Alors, bien entendu, le HACCP, pour nous, est une solution qui nous paraît intéressante. D'ailleurs, on a travaillé, au cours des dernières années, avec le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec, à un comité pour développer une norme HACCP adaptée aux services alimentaires. Malheureusement, les travaux ont été stoppés à cause de restrictions budgétaires. Donc, les travaux, qui étaient en voie, qui étaient en bonne voie, bien, on ne veut pas les continuer.
M. Morin (Nicolet-Yamaska): Mais, selon vous, est-ce que la qualité des aliments de la chaîne alimentaire actuellement au Québec... si vous aviez une note à donner, à partir de 0 à 10, ce serait quoi? Est-ce qu'on a une bonne note actuellement au niveau de qualité de nos aliments dans la chaîne alimentaire?
M. Duhamel (Paul-Guy): Je vais m'abstenir de répondre entièrement à votre question parce qu'il y a différents types d'aliments au Québec, donc on ne peut pas donner une cote générale pour une alimentation de manière globale. Ce qu'on peut dire, c'est que, oui, au Québec, il y a des produits, comme Mme Laurendeau le mentionnait un peu plus tôt, il y a des produits de qualité qui sont intéressants et qui sont là, à être utilisés. Le problème n'est pas là. Le problème, il est ailleurs. Le problème vient que les gens utilisent de plus en plus des aliments qui sont transformés et qui voient ces qualités diminuées ou affectées d'une manière ou d'une autre, ce qui fait que la qualité initiale ne se retrouve plus nécessairement dans l'assiette du consommateur.
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(11 heures)
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M. Morin (Nicolet-Yamaska): Est-ce que, vous, les spécialistes dans le domaine de la diététique, est-ce que vous avez, mettons, certaines orientations ou certaines opinions ? vous en avez sûrement ? sur les OGM? Quand vous me parlez de transformation d'aliments, est-ce que vous avez des études à ce niveau-là, que les aliments qui seraient transformés ont des impacts majeurs sur la santé des personnes qui ingurgitent ces aliments-là?
M. Duhamel (Paul-Guy): En matière d'OGM, on s'est bien abstenus de parler spécifiquement des OGM parce que, quant à nous, il y a un débat spécifique à faire sur les aliments issus des biotechnologies et sur les biotechnologies à caractère alimentaire. Dans ce cas-ci, c'est une commission qui traite des problématiques liées à l'innocuité alimentaire, et donc on s'est attardés à cette problématique-là. Les OGM ont bien entendu un volet d'innocuité alimentaire, mais faire le débat des OGM, ce n'est pas faire le débat de l'innocuité alimentaire, et vice versa. Donc, c'est bien pour ça. Alors, en matière d'études, les études sont extrêmement contradictoires et, puisqu'elles sont contradictoires, je m'abstiendrai encore une fois d'avoir une opinion claire sur les OGM. Tout ce qu'on peut dire, c'est qu'il y a un flou, et le flou inquiète, et, parce que le flou inquiète, on préférait agir avec mesure.
La Présidente (Mme Houda-Pepin): Vous voulez ajouter quelque chose? S'il vous plaît, vous identifier.
Mme Laurendeau (Hélène): Excusez-moi. Oui, Hélène Laurendeau. On en parlait sur la route en s'en venant. Aussi, quand on regarde ce qui est fait en Europe, la décision d'étiqueter un aliment contenant des OGM est basée sur des normes minimales détectables. C'est un peu comme les tests qu'on fait, de dépistage, chez les athlètes. Ce n'est pas parce qu'on n'est pas capable de le détecter qu'il n'y en a pas non plus. Donc, ça complique, en fait, toute cette question des OGM. Est-ce qu'on étiquette ou non? Est-ce que ça va...
Nous, on trouve qu'il y a déjà assez de confusion dans l'étiquetage tout court, parce qu'il y a non seulement les étiquetages, mais il y a des logos, il y a des allégations santé, sur les emballages des aliments, il y a des appellations d'origine contrôlée, il y a des certifications particulières biologiques, ou peu importe, et donc, il y a des programmes ciblés dans les supermarchés, mais, à un moment donné, même les consommateurs nous disent que, de lire l'étiquette, ça prend trois heures, faire l'épicerie, là, quand on commence à tout regarder ça de près et donc que c'est déjà source de questionnement.
Et on demande aussi si ce qui a été décidé sur l'étiquetage nutritionnel, dans quelle mesure c'est utile pour les simples consommateurs et dans quelle mesure c'est bien compris. Donc, même si on étiquetait, qu'est-ce que le consommateur, en bout de ligne, fait de ça, s'il en est de même que du tableau d'information nutritionnelle ou plein de choses où on donne des pourcentages puis, bon, comment... Et ça, on trouve qu'il manque d'études pour vraiment mieux connaître les consommateurs et avoir un suivi aussi dans le temps par rapport à ça, à la compréhension.
M. Morin (Nicolet-Yamaska): Parce que vous savez comme moi qu'il y a un débat actuellement sur l'étiquetage ou non. Mais actuellement vous n'êtes pas nécessairement... vous ne voulez pas nécessairement faire des recommandations au gouvernement ou au législateur pour lui dire: Il serait bien qu'on étiquette, ou il ne serait pas nécessairement bien, ou peut-être qu'on n'a pas assez de données actuellement pour se prononcer là-dessus.
M. Duhamel (Paul-Guy): Une des recommandations que l'on fait, et vous l'aurez remarqué dans notre mémoire, c'est qu'on dit que, oui, un étiquetage, mais un étiquetage qui soit clair, rigoureux, précis, et dans l'intérêt du consommateur, et utile au consommateur. En ce moment, ce qu'on... Donc, on n'est pas nécessairement pour un étiquetage obligatoire. Il y a déjà énormément d'information. Si on pouvait déjà commencer par faire un ménage dans l'information en disant que l'information qu'on retrouve sur une étiquette doit être claire, rigoureuse, précise et, comme on dit, utile uniquement pour le consommateur, il y aurait un grand pas de fait.
La Présidente (Mme Houda-Pepin): Très bien. Je vous remercie. Merci beaucoup, M. le député. Alors, puisque vous nous interpellez, M. Duhamel, concernant la définition qu'on a adoptée dans le thème que la commission a choisi, c'est tout à fait... vous avez tout à fait raison de votre point de vue, comme diététistes et comme Ordre des diététistes. Nous nous sommes aussi questionnés sur l'innocuité, c'est quelque chose qui est compris dans la réflexion que nous voulons faire, mais nous voulons faire un débat beaucoup plus large en pensant à la sécurité alimentaire du point de vue du consommateur. Le consommateur qui a une assiette devant lui, ce qui le préoccupe, c'est sa sécurité alimentaire. Et notre préoccupation, effectivement, c'est de rejoindre les consommateurs, préoccupation que vous partagez avec nous d'ailleurs dans votre mémoire.
Ceci étant dit, ce n'est pas sur la sémantique que je veux échanger avec vous. Vous avez des recommandations fort intéressantes, axées beaucoup sur la formation, c'est un point qui est important. Dans votre présentation et dans votre mémoire, vous avez fait un lien très direct entre l'alimentation et les problèmes de santé, et ça, en soi, je pense que c'est très important, c'est un des axes majeurs de notre réflexion. Et, dans le public, nécessairement, ce lien-là n'est pas évident. Mais vous l'avez démontré dans votre mémoire, et les chiffres que vous nous avez donnés concernant les maladies cardiovasculaires le confèrent, l'hypertension, le diabète, etc., ça a des liens avec l'alimentation. Ça peut paraître évident, mais, au niveau des gestes qui sont posés, le lien n'est pas automatiquement fait.
Je vais aller à la page 17, votre recommandation n° 1, et vous dites: «Que soient conçus des programmes continus et permanents de formation en alimentation ? de la fourche à la fourchette ? et en nutrition à l'intention des enfants fréquentant les centres de la petite enfance ainsi que des élèves du primaire et du secondaire, et faire de ces programmes une partie intégrante de la formation de base des futurs citoyens du Québec.» Je trouve ça fort intéressant comme recommandation d'abord parce qu'on va aller, à la base, introduire les valeurs de précaution et de prévention qui sont finalement en amont de toute la problématique que vous soulevez: santé et nutrition. Et j'aimerais vous entendre là-dessus. Parce que, actuellement, on me dit que les éducatrices dans les CPE s'efforcent finalement de regarder les menus pour les enfants, et, vous, vous voulez aller plus loin, vous voulez qu'il y ait une formation qui soit donnée. Et ça va rejoindre, en fin de compte, la préoccupation que vous avez soulevée de l'obésité et de la sédentarité. Expliquez-nous un peu ce que vous entendez par là.
Et, au niveau du secondaire et même, je dirais, du primaire, vers la fin du primaire, lorsque les habitudes alimentaires sont déjà établies et que les enfants ont appris à manger des pizzas, des chips, etc. ? je ne veux pas tous les nommer, là ? et que, dans leurs écoles, il y a des fois des machines d'alimentation qui ne sont pas nécessairement ce qu'il y a de plus nutritif mais qu'il y a du sucre, du gras et tout ce que vous avez soulevé, comment est-ce qu'on peut, dans les milieux scolaires, faire en sorte que les valeurs que vous défendez puissent devenir des valeurs qui suscitent l'adhésion et de l'école et du personnel enseignant et des élèves?
M. Duhamel (Paul-Guy): Je vous remercie beaucoup de nous donner l'occasion de nous exprimer sur ce sujet-là. C'est un aspect de notre mémoire qui nous tient particulièrement à coeur. Alors, comme vous l'avez mentionné très justement et très clairement, il y a définitivement dans cette recommandation un aspect de prévention. Bien entendu, si les enfants, dès le plus jeune âge, apprennent à faire ce qui doit être fait, on estime qu'il va y avoir un travail de prévention incroyable qui va avoir été fait et extrêmement utile à l'ensemble de la société.
Pourquoi aller au-delà, comme vous le mentionniez, tout simplement de s'assurer que les menus soient justes et équilibrés? Tout simplement parce que ce qu'on remarque que chez les jeunes... notamment en CPE, chez les jeunes enfants, il y a un plaisir extraordinaire à vouloir faire quelque chose, à vouloir manipuler des aliments, à vouloir apprendre, et donc c'est un endroit extraordinaire pour inculquer des méthodes de préparation des aliments. Et un des constats que l'on faisait, dont on vous faisait part en début de présentation, c'est qu'il y a une perte du savoir alimentaire, une perte de culture alimentaire. Donc, une des manières de redonner une culture alimentaire, c'est justement d'apprendre aux enfants à cuisiner. Et, à cet âge-là, au CPE, croyez-moi, c'est un moment extraordinaire pour leur apprendre à manipuler les aliments et à les préparer.
Au primaire, bien entendu, c'est un excellent moment pour justement inculquer des bases en nutrition et continuer l'apprentissage alimentaire. Ce qu'on remarquait aussi ? et on n'a pas eu le temps tellement de le mentionner, mais, dans le mémoire, on le trouve ? les gens ne savent plus où se trouvent les aliments, d'où viennent les aliments, comment ils sont transformés, et, bien entendu, rendu à l'âge adulte, ça pose un problème en termes de perception de la chaîne agroalimentaire. Donc, si, au niveau du primaire, on donne l'occasion sur une base régulière justement de familiariser les enfants à la chaîne de production agroalimentaire, l'oeuf, il vient d'où et il passe par quoi pour aboutir sur le comptoir du supermarché ? ça, c'est un aliment relativement simple, mais, quand on parle d'aliments plus complexes comme le pain, quand on parle aussi du poisson, avec l'importation, les fruits, avec l'importation ? quand les gens finissent par comprendre d'où viennent les produits alimentaires, ça rassure les gens et ils sont en mesure de faire des choix éclairés.
Et ce qu'on remarque, à travers d'autres programmes ? notamment je vais en mentionner un ici, à Québec, qui s'appelle Le Pignon Bleu ou, à Montréal, Les ateliers cinq-épices ? ce qu'on remarque, c'est que, lorsque les gens sont en mesure de faire des choix éclairés, il y a toutes sortes de retombées extrêmement positives sur la santé, sur la cohésion sociale et sur la qualité de vie en famille. Alors, ça, c'est une chose.
n(11 h 10)n Et, rendu au secondaire, on sait qu'au secondaire, et c'est tout à fait normal, les jeunes ont envie de prendre des tangentes divergentes de ce qui a été inculqué, mais, au moins, rendus à ce niveau-là, s'ils ont les connaissances de base en nutrition, en alimentation et qu'on fait juste pousser un petit peu plus ça, même s'ils divergent en mangeant des pizzas, des hamburgers, des boissons gazeuses, et ainsi de suite, on sait par expérience ? et c'est documenté ? que les gens, rendus à l'âge adulte, reviennent aux éléments qui leur ont été montrés plus tôt. Alors, c'est un volet de prévention et aussi de transmission de savoir alimentaire.
La Présidente (Mme Houda-Pepin): Bien. Merci beaucoup. Je vais vous redonner la parole tantôt à travers la question qui va être posée par le député de Portneuf. M. le député de Portneuf.
M. Soucy: Merci, Mme la Présidente. Alors, bienvenue. À notre tour, bienvenue ici, à la commission. J'ai écouté attentivement les propos de madame, qui évidemment nous interpellent, parce qu'on nous parle du fait que les jeunes n'apprennent plus, évidemment, ce que c'est que de faire à manger puis on perd le savoir. Est-ce que vous nous feriez une recommandation à l'effet de revenir, exemple, aux cours d'économie familiale, entre guillemets? Est-ce que c'est une des recommandations?
On revient ensuite, après ça, avec... Vous dites: Les gens sont pressés, on s'en va vers une alimentation de masse. On n'a qu'à regarder la superficie des supermarchés, alors... Puis, d'un autre côté, vous dites: Bien là il y a beaucoup de connaissances, il faudrait prendre le temps de s'assurer de ce qu'on mange. On regarde simplement des fois le contenu, les ingrédients contenus dans un aliment qu'on achète, puis finalement il faudrait sortir le dictionnaire pour comprendre ce qu'on mange. Moi, ce que je comprends, c'est que ce n'est pas à la portée de M. et Mme Tout-le-monde, c'est à la portée, je vous dirais, d'une élite très cultivée. Alors, comment... qu'est-ce que vous suggérez, d'une part, pour que les jeunes réapprennent? On a parlé des CPE, mais est-ce qu'à la maison il n'y a pas un rôle important à jouer, d'une part?
Ma deuxième question s'adresserait peut-être à vous, monsieur. Dans le document, vous nous dites que la... Je reprends un des commentaires par rapport à l'inspection des aliments. On dit que le manque d'homogénéité dans la qualité des intervenants au Québec est inquiétant, surtout en regard des pratiques ailleurs au Canada. Hier, on se faisait dire: Bien, nous autres, au Québec, on est les champions, puis le reste du Canada, ils sont ordinaires. Alors, j'aimerais ça que vous fassiez un petit peu la part des choses, du moins un autre côté de la médaille.
La Présidente (Mme Houda-Pepin): M. Duhamel.
M. Duhamel (Paul-Guy): D'accord. Peut-être juste mentionner, sur l'inspection... Mme Deraspe complétera par rapport à la question, et puis je laisserai Mme Laurendeau répondre à votre question sur l'enseignement à la maison. Alors, par rapport à l'inspection des aliments, il faut comprendre deux choses. Les gens de l'UPA qui sont venus hier, Équiterre et Option consommateurs notamment, ont parlé notamment de leur point de vue unique sur la chaîne agroalimentaire, qui est au niveau de la transformation et de la production alimentaire. Nous, notre point de vue, il est en bout de chaîne, c'est-à-dire près du consommateur, c'est-à-dire avec la restauration, c'est avec les services alimentaires et c'est avec la distribution. Donc, notre point de vue est différent. Alors, bien entendu, on regarde la même réalité mais avec deux paires de lunettes complètement différentes.
Et, ceci dit, quand on parle de l'inspection alimentaire, le système qui est mis en place, il est intéressant, il part de principes qui sont rigoureux et pertinents. Le problème, ce n'est pas ça, c'est que, à notre bout de la lorgnette, il est épuisé. Alors, c'est ça, notre principal point lié à l'inspection des aliments, alors. Et, par rapport à ce que vous disiez, on ne dit pas que l'inspection en tant que telle, le système d'inspection au Québec est moins bon qu'ailleurs au Canada. Ce que l'on dit par rapport au Canada, c'est qu'ici on a des gens qui travaillent en innocuité alimentaire sans une formation reconnue, alors qu'ailleurs au Canada il existe une formation reconnue qui est encadrée. Alors, c'est la différence qu'on fait. Donc, il faudrait peut-être faire la part des choses entre ces deux problématiques là.
La Présidente (Mme Houda-Pepin): Bien. Alors, on reviendra à d'autres questions. Mme la députée de Deux-Montagnes.
Mme Robert: Merci, Mme la Présidente. Merci pour votre contribution. J'irai peut-être, dans la chaîne, beaucoup plus proche de la partie consommateur que de l'autre partie, parce que j'apprécie énormément l'approche que vous avez sur le sujet. Alors, je vais aller directement à votre recommandation 9. Je la trouve très intéressante et je pense que, d'une certaine façon, elle... Je vous pose la question: Est-ce qu'elle ne serait pas, d'une certaine façon, prioritaire... ou quelque chose de mettre de l'avant pour vraiment en arriver à atteindre vos autres recommandations, que ce soit une meilleure formation, une... refaire la culture alimentaire, que ce soit pour une meilleure formation pour les inspecteurs ou différentes autres...
Est-ce que le MAPAQ... Est-ce que ça va dans une mission du MAPAQ? Ça nous apparaît à première vue impensable. Parce qu'on dit: Il y a un point de vue santé, il y a un point de vue social, il y a un point de vue humanitaire et il y a un point de vue aussi économique. Alors, est-ce qu'on doit redéfinir la mission du MAPAQ, qui est surtout, à l'heure actuelle, économique, pour lui donner justement des volets qui touchent à d'autres missions qu'on a encadrées dans d'autres ministères? Et pourtant on se rend compte, à l'heure actuelle, que nos ministères doivent souvent modifier un peu leur approche. On parle de développement durable, on parle de... Alors, c'est dans ce sens-là que je vous pose la question. Pour moi, il m'apparaît que votre recommandation 9... peut-être une agence qui pourrait faire démarrer, qui pourrait soutenir une redéfinition d'approche. Voilà.
La Présidente (Mme Houda-Pepin): M. Duhamel.
M. Duhamel (Paul-Guy): Merci. Merci de nous donner l'occasion encore une fois de parler de cette recommandation-là qui nous tient particulièrement à coeur. Par cette recommandation-là, ce qu'il faut comprendre, c'est que ce qui se fait en ce moment au MAPAQ est intéressant, il y a un travail de valeur qui se fait. Et je serais mal placé pour dire le contraire, on travaille avec le MAPAQ sur plusieurs dossiers.
La question qui se pose, c'est, comme dans plusieurs autres dossiers, c'est la notion apparente de conflit d'intérêts. Et souvent l'apparence de conflit d'intérêts est aussi dangereuse et pernicieuse que le conflit réel. Et ce qu'on se dit c'est que, étant donné que l'alimentation est un sujet qui est tellement complexe, qui touche les gens au plus profond d'eux-mêmes, on ne peut pas continuer à travailler, à essayer de faire un travail de valeur, un travail qui est important en ayant toujours à côté une mission de développement économique qui, au bout du compte, porte ombrage à ce travail de protection du public. Et cet ombrage-là, qu'il soit réel ou apparent, cet ombrage-là, il faut absolument s'en dégager. Et, si on réussissait à dégager cette mission de protection du public d'un mandat de développement économique, je pense que ce serait un élément extrêmement important qui apporterait une cohérence au système de protection des aliments, de protection des consommateurs et qui rassurerait en grande partie les consommateurs par rapport à leur approvisionnement alimentaire.
Mais encore une fois je tiens à souligner que le travail qui se fait au MAPAQ, il est intéressant. Cette recommandation-là ne veut pas dire que ce qui se fait n'est pas intéressant, loin de là. C'est juste que, pour le mettre en valeur et lui apporter la lumière dont il aurait besoin, il faudrait lui donner une place à part entière.
La Présidente (Mme Houda-Pepin): Oui, très bien. D'autres questions? Oui, M. le député de Drummond.
M. Jutras: Il y a quelques minutes, le député de Nicolet-Yamaska a soulevé la question de la norme HACCP, et vous en parlez dans votre mémoire, et vous recommandez que ça devrait effectivement être adopté, là, à l'ensemble de la chaîne alimentaire. Mais il me semble que vous avez plus ou moins répondu à la question, alors je vous la repose. Parce que, à date, dans le cadre de la présente commission, il a été question de cette norme-là, mais les remarques qu'on nous a faites, c'était: Bien, combien ça coûte ça, là? Autrement dit...
Une voix: ...restaurateurs.
M. Jutras: Entre autres, les restaurateurs mais l'UPA aussi, tu sais, ils disaient: Bon, bien là on en a déjà suffisamment lourd sur le dos, si vous nous demandez de rajouter d'autres normes, là, nous autres, on n'a pas l'argent pour ça. Il va falloir, comme on dit, il va falloir qu'il y ait quelqu'un qui paie pour ça. Et c'est pour ça que je vous repose la question. Parce que je considère que, quand même, chez nous, présentement, au Québec, on a un bon système, là, généralement, là. Puis, moi, je n'ai pas peur devant une assiette, et généralement je mange de bon goût, et... Bon. Alors, jusqu'où on doit aller avec ça et combien ça va coûter? Puis, entre autres, je me rappelle des restaurateurs hier qui nous disaient: Bien là, nous ? puis souvent ce sont des petites entreprises, là ? on n'a pas les moyens de rajouter des normes qui vont alourdir la facture.
La Présidente (Mme Houda-Pepin): M. Duhamel.
n(11 h 20)nM. Duhamel (Paul-Guy): Alors donc, pour répondre à cette question-là de manière plus précise, je vais revenir au début de la présentation. Je vous disais, en début de présentation, que l'innocuité alimentaire, la qualité des aliments est une condition sine qua non pour qu'on puisse parler de nutrition, et c'est une économie qu'on ne peut pas faire. Au Québec, on ne peut pas faire l'économie de normes de qualité notamment en matière de services alimentaires. Par rapport aux restaurateurs, je comprends aisément leur point de vue étant donné qu'ils ont de toutes petites entreprises, et une norme comme celle-là est extrêmement imposante en termes de travail et complexe à mettre en place. On s'entend là-dessus.
Nous, quand on en parle, on en parle essentiellement au niveau des institutions où se trouvent des clientèles fragilisées et vulnérables, donc les centres hospitaliers, les centres hospitaliers de soins de longue durée, les écoles et les endroits où il y a des personnes qui doivent s'alimenter et s'approvisionner auprès de services alimentaires et qui sont captifs de ces services alimentaires là. Mais, pour donner peut-être plus d'ampleur à la réponse, je laisserais la parole à Mme Deraspe qui saura mieux vous répondre encore.
Mme Deraspe (Claire): O.K. Pour ce qui est de l'application de cette norme-là, je pense que ce qu'il faut comprendre, c'est que, si tout le monde parlait le même langage... Parce que je pense qu'on est présentement... les gens développent des systèmes... Si on prend la chaîne agroalimentaire globalement, on sait qu'en transformation alimentaire le programme HACCP est assez développé parce qu'on fait des exportations, c'est un programme qui est mondialement reconnu, tout ça. Alors, évidemment, il y a des gens qui ont investi dans ça, ont mis leurs entreprises à la norme HACCP. Et on se dit: À l'autre bout, qu'est-ce qui se passe? Comment se fait-il qu'on n'a pas vraiment cette norme-là au niveau des restaurateurs, tout ça?
Il y a des gens qui font des choses, il y a des gens qui font des choses qui se dégagent de HACCP, mais on n'a pas de consensus. Les gens développent chez eux des petites choses. Les gens qui ont plus les moyens vont développer, ceux qui en ont moins les moyens vont laisser leur service un peu comme ça. Puis vous disiez vous-même tantôt que l'Association des restaurateurs vous disait: Mais on n'a pas les moyens nécessairement. Je pense qu'on est peut-être rendus à l'heure où on devrait ensemble développer des normes, et ces normes-là, on pourrait par la suite les appliquer et aider tout le monde, finalement. Si tout le monde parle le même langage, ça va coûter moins cher à tout le monde, finalement.
Alors, je pense que c'est dans cette optique-là que le MAPAQ serait bienvenu de mettre de l'avant une norme comme celle-là, de la développer d'abord pour les places où les gens sont fragiles, comme M. Duhamel vient de le dire, et par la suite cette norme-là pourra faire ses petits et s'impliquer un peu partout. Et, nous, on croit, à l'OPDQ, que, quand on partage les mêmes choses ? on a parlé beaucoup de formation ? si on partage la même culture, c'est beaucoup plus facile par la suite de mettre en place ces moyens-là pour contrôler les points critiques à travers toutes nos opérations. Alors, je vous dirais, c'est quelque chose qui est manquant à la fin de la chaîne. Si tout le monde de la production, de la transformation, de la distribution parlait ce même langage là, ce serait drôlement intéressant.
La Présidente (Mme Houda-Pepin): Deux minutes, M. le député de Drummond.
M. Jutras: Bien, je voyais que monsieur voulait rajouter quelque chose, M. le président.
La Présidente (Mme Houda-Pepin): Ah, O.K. Oui, allez-y, M. Duhamel.
M. Jutras: Parfait.
M. Duhamel (Paul-Guy): Merci. Alors, il y avait aussi la dimension du coût dans votre question. Alors, en termes de coût, on est mal placés pour vous dire ça coûterait combien. Par contre, ce qu'on peut vous dire, c'est que, en ce moment, en termes de coût, pour les seules toxi-infections d'origine alimentaire qui sont déclarées ? donc on parle entre 1 % et 3 % ? ça représente au Canada 1 milliard de dollars en termes de perte de productivité. Ça, c'est juste pour ce qui est déclaré. Et on sait que 96 % à 99 % des toxi-infections d'origine alimentaire demeurent non déclarées.
Ce qu'on sait aussi, c'est qu'il y a des engorgements dans les urgences qui coûtent de l'argent à l'État, et ça, on n'a pas besoin de faire la démonstration ici. Donc, de ne rien faire qui permettrait justement d'améliorer la qualité des aliments a un coût, et ce coût-là est documenté. À savoir ce que ça coûterait, j'ose espérer que ça coûterait nettement moins cher et que ça permettrait de faire des économies d'échelle et désengorgerait une partie de nos urgences.
La Présidente (Mme Houda-Pepin): Très bien. Ça va? Merci. M. le député d'Iberville.
M. Rioux: Merci, Mme la Présidente. Moi, je vais vous parler de traçabilité, parce qu'on en a entendu parler dans plusieurs mémoires. Mais ce qu'on se rend compte, c'est que c'est une mesure qui a l'air à servir une fois qu'est arrivée, exemple, la vache folle, où est-ce qu'on a trouvé l'origine, la provenance. Sauf que est-ce que le consommateur a été protégé?
Vous nous avez parlé, vous autres, beaucoup d'innocuité. À partir de ce moment-là, c'est peut-être ce qui est le plus important. Si on prend, au niveau de la vache folle, en Europe, on nous dit: On le sait, effectivement, toutes les vaches n'ont pas juste été inspectées, mais aussi ont été testées. Donc, le consommateur est sûr que, dans son assiette, il n'y aura pas... il va y avoir une viande de qualité et qui va être saine.
Au Canada et aux États-Unis, on nous dit que c'est un pourcentage minime qui est testé. On est un petit peu dans la même question que mon confrère: Est-ce qu'on doit aller jusque-là pour assurer la sécurité? Parce qu'il y a des coûts qui sont tellement importants. Puis là on parle juste dans un domaine, là. On parle beaucoup de la vache folle, mais il y a d'autres productions alimentaires au Québec. Est-ce qu'il faut aller jusque-là? Est-ce qu'on est capable de se payer ça, comme société, ou il n'y a pas d'autres moyens qu'on est capable de se donner pour s'assurer d'avoir cette sécurité alimentaire là?
La Présidente (Mme Houda-Pepin): M. Duhamel.
M. Duhamel (Paul-Guy): Je pense que de poser la question, c'est aussi d'y répondre. Est-ce qu'on doit attendre une prochaine crise pour établir un système de traçabilité? Je pense qu'on a déjà un exemple qui a fait déjà suffisamment de bruit et je pense que, suite à ça, je pense que faire preuve de prévention et d'être proactif en cette matière-là, ça n'a pas de prix. Et, pour plus répondre en détail sur le niveau de la traçabilité, encore une fois, je céderai la parole à Mme Deraspe.
Mme Deraspe (Claire): Je dirais, moi, que ce qu'on peut penser, c'est que, souvent, quand on met en place des systèmes, évidemment, oui, on fait face à des coûts importants dès le départ. Par contre, c'est des économies par la suite qu'on peut y gagner, et ces économies-là sont à long terme, sont sur plusieurs années. On entendait tantôt le chiffre de 1 milliard par rapport aux toxi-infections, les pertes économiques qu'on a eues avec l'arrêt du boeuf canadien, etc. Je pense qu'il faut mettre en place certains systèmes qui vont nous garantir et qui vont garantir au consommateur la qualité de son assiette. Et il faut le faire en pensant à l'avenir. Il faut penser à l'avenir, en se disant: Qu'est-ce qu'on va économiser? Vers où on s'en va, avec ça? Alors, l'OPDQ est d'avis finalement que les coûts de prévention... il faut prévenir plutôt que de constater les dégâts, puis ramasser par après les coûts, puis dire: On aurait peut-être dû, finalement. On serait peut-être mieux de le faire avant de dire: On aurait peut-être dû.
La Présidente (Mme Houda-Pepin): Monsieur, avez-vous terminé?
M. Rioux: Non.
La Présidente (Mme Houda-Pepin): Allez-y.
M. Rioux: En fait, sur la traçabilité, c'est qu'on peut aller chercher, avoir les origines, sauf que ça ne nous dit pas... Le mal est déjà fait, souvent, quand on fait la traçabilité. Est-ce qu'on doit aller... Je repose ma question. Au niveau, exemple, de la vache folle, de savoir... En Europe, les gens sont sûrs que leur viande a été testée et que leur viande, elle est saine. Ici, on nous dit qu'il y en a seulement un pourcentage qui est testé, qu'on sait que finalement cette viande-là est sécuritaire, on fait finalement des échantillonnages. Est-ce qu'on doit aller, en Amérique du Nord, aller aux normes européennes, est-ce qu'on doit aller jusque-là, aux coûts, ou les échantillonnages sont suffisants pour assurer la sécurité de la population?
La Présidente (Mme Houda-Pepin): M. Duhamel.
M. Duhamel (Paul-Guy): Merci. Par rapport à cette question-là, je vous dirais, je pense que les vétérinaires et les agronomes seraient nettement mieux placés que nous pour répondre à cette question-là. D'autre part, je voudrais juste compléter sur la question de l'intérêt de la traçabilité. On parlait d'étiquetage un peu plus tôt, en disant qu'il faut une information pertinente, rigoureuse, judicieuse et transparente sur les étiquettes. La traçabilité est un outil incontournable pour pouvoir produire une information comme celle-là.
La Présidente (Mme Houda-Pepin): Très bien. Merci. J'aurais une question à vous poser en rapport avec la recommandation n° 2. Vous dites: «Que les normes d'étiquetage ? nous sommes dans l'étiquetage maintenant ? tiennent compte des préoccupations des consommateurs, qu'elles soient transparentes, rigoureuses, compréhensibles et surtout qu'elles visent l'intérêt supérieur des consommateurs uniquement; à cet égard, le gouvernement du Québec pourrait s'inspirer des règles en vigueur dans l'Union européenne.» D'abord, je trouve cette recommandation fort intéressante parce que vous la prenez du point de vue des consommateurs. Les normes en vigueur auxquelles vous faites référence par rapport à l'Union européenne, c'est lesquelles?
n(11 h 30)nM. Duhamel (Paul-Guy): Je vous dirais que notamment l'étiquetage des OGM est extrêmement intéressant, c'est-à-dire, comme Mme Laurendeau l'expliquait un peu plus tôt, on n'étiquette pas «sans OGM», on étiquette «avec OGM» à cause des difficultés de détection. Dans un premier temps, c'est extrêmement clair, c'est simple, et les limites de détection sont respectueuses de ce que les laboratoires sont en mesure de faire, et ça, c'est extrêmement intéressant, le consommateur s'y retrouve. Aussi, en termes d'appellation d'origine contrôlée, les étiquettes sont généralement relativement claires, on sait d'où viennent les aliments qu'on mange. Ici, quand on se rend au supermarché, c'est encore heureux si on trouve que c'est produit aux États-Unis. Mais encore, c'est fabriqué où aux États-Unis? Quand ça vient du Chili, c'est où? Qu'est-ce que ça veut dire? Et donc une étiquette qui est transparente, à l'image de ce qui se fait en Europe, permettrait d'obtenir des informations comme celles-là et qui, d'une certaine manière, permettrait de mettre en valeur des produits alimentaires qui sont faits ici, qui sont dignes d'intérêt, mais, parce que l'information n'est pas là, bien... elle est noyée dans la masse de produits alimentaires.
La Présidente (Mme Houda-Pepin): D'accord. À la recommandation n° 7, vous dites: «Que soient mis en vigueur dans les plus brefs délais les règlements qui permettraient de rendre opérants tous les volets de la loi sur la qualité des aliments.» On entend souvent des groupes se présenter et nous demander plus de réglementation, plus de législation. Vous, vous nous dites: La loi est là, il faudrait qu'elle soit appliquée. À quoi est-ce que vous faites référence? Quels sont les volets de la loi sur la qualité des aliments qui ne sont pas appliqués en ce moment et sur lesquels vous voulez qu'on mette de l'emphase?
M. Duhamel (Paul-Guy): Alors, par rapport à ça, je vous dirais tout simplement que, lorsque le projet de loi n° 123 a été adopté en juin 2000, le ministre de l'Agriculture de l'époque avait mentionné... Et vous l'avez dans le communiqué de presse dont j'ai pris des extraits que vous retrouvez dans le mémoire. Alors, si vous me donnez quelques instants pour que je puisse le retrouver avec plus de précision...
Une voix: Page 23, à la page 23 du mémoire.
M. Duhamel (Paul-Guy): Alors, le communiqué du ministère disait à cette époque-là que la nouvelle loi, donc la loi qui est en vigueur aujourd'hui... Je saute quelques points, mais il y avait un point qui m'a... Le troisième point, c'était: «Responsabilise davantage les exploitants, notamment pour la production et la mise en marché des produits sains et en ce qui a trait à la formation et à l'état de santé des manipulateurs.» Or, quand on regarde la loi P-29 à l'article 40, si ma mémoire est bonne, il est mentionné tout simplement que le ministre peut indiquer les formations appropriées pour les manipulateurs et les gestionnaires, et il n'y a toujours pas de règlement qui nous dit ça veut dire quoi, ça, «le ministre peut» et à quoi on fait particulièrement référence.
Et, à l'époque, je me rappelle, M. Laurent Pellerin de l'UPA avait fait des commentaires en disant: C'est bien beau de parler de règlements à venir pour baliser ces outils-là, est-ce qu'on va en avoir? Et le ministre de l'époque avait mentionné qu'on était pour avoir une commission parlementaire pour débattre de ces points-là à l'automne qui suivait, donc on parle de l'automne 2000, et on attend toujours soit une commission parlementaire, soit un projet de réglementation sur ces sujets-là, et ça n'aboutit toujours pas. Et ce qui mène quand même à une situation paradoxale, c'est que les inspecteurs font une inspection par laquelle ils peuvent théoriquement prendre en compte le fait que les gens ont été formés ou non, mais, comme il n'y a toujours pas de formation obligatoire reconnue, cet aspect-là de l'inspection ne peut pas être mis en valeur.
La Présidente (Mme Houda-Pepin): Bien. Votre recommandation n° 9, où vous voulez créer une agence indépendante du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation pour l'ensemble de la question d'innocuité et de la sécurité des aliments. Tantôt, dans votre réponse, vous avez dit que l'une des raisons, c'est parce qu'il y a comme une apparence de conflit d'intérêts que le ministère soit en même temps celui qui supervise la question de la sécurité alimentaire. Hier, nous avons entendu des groupes qui nous ont dit tout à fait le contraire en disant que la sécurité alimentaire, du fait que ça touche à la santé publique, du fait que ça touche à des questions qui doivent se situer au-dessus de toute considération d'intérêt privé, ça devrait être fait par le gouvernement. Vous, vous y voyez une apparence de conflit d'intérêts. En quelques mots, qu'est-ce que ça signifie pour vous, ça?
M. Duhamel (Paul-Guy): D'accord, on parle toujours d'un point de vue du public. Bien entendu, quand on parle d'une agence, on ne parle pas d'une agence privée, on parle d'une agence qui répond directement au gouvernement, d'une part. D'autre part, quand on parle de créer une agence gouvernementale, c'est que la responsabilité en matière d'innocuité alimentaire, elle est partagée entre le MAPAQ et le ministère de la Santé. Et donc, bien entendu, s'il y avait une seule agence qui pourrait coordonner tout ça, ça permettrait également de mieux coordonner les efforts en fonction d'objectifs précis et particuliers. Et là, en ce moment, c'est un petit peu difficile parce que la loi sur notamment la gestion des toxi-infections alimentaires, elle est gérée entre deux ministères avec deux missions qui sont parfois différentes. Alors, si on rapatrie ça sous le même chapeau, toujours sur un point de vue de protection du public, et qui répond directement au gouvernement, je pense que ça permettrait de rendre l'opération beaucoup plus transparente et à l'avantage du consommateur.
La Présidente (Mme Houda-Pepin): Très bien. Alors, l'enveloppe du temps qui vous a été allouée étant terminée, je vous remercie pour votre contribution, M. Duhamel, Mme Deraspe et Mme Laurendeau. Vous nous avez éclairés du point de vue des diététistes, et c'est très important, votre point de vue. Merci beaucoup.
Une voix: Merci à vous.
La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci. Alors, je j'invite maintenant les représentants de la Confédération des syndicats nationaux du Québec, la CSN, à se présenter.
(Changement d'organisme)
La Présidente (Mme Houda-Pepin): J'appelle la CSN à la table. S'il vous plaît! À l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît!
Alors, bienvenue aux représentants de la Confédération des syndicats nationaux. M. Roger Valois, vice-président de la CSN, bienvenue. Si vous voulez bien nous présenter les personnes qui vous accompagnent, vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire ? vous êtes un homme rompu à cet exercice ? et en même temps nous présenter les membres qui vous accompagnent. Et vous avez 20 minutes.
Confédération des syndicats nationaux (CSN)
M. Valois (Roger): Merci, Mme la Présidente. Donc, avec moi, qui m'accompagne ce matin, il y a Jean Lortie, qui est le président de la Fédération du commerce de la CSN, qui représente 40 000 membres, dont 20 000 dans l'agroalimentaire. Et, avec moi aussi, j'ai le plaisir d'avoir Qussaï Samak, qui est ingénieur chimiste, conseiller syndical de la CSN, ingénieur chimiste et aussi membre de la Table nationale de l'environnement et de l'économie du fédéral.
Donc, je ne vous ferai pas une lecture magistrale du document, vous l'avez sans doute, pour rester dans le thème, dévoré, parce que les mémoires de la CSN sont toujours assez recherchés. Enfin. Donc, je vais passer directement au résumé.
La CSN d'abord est heureuse de pouvoir contribuer au débat en tirant profit de sa place privilégiée d'organisation syndicale représentant une composante principale du milieu, les travailleuses et les travailleurs, et un agent économique et social de changement. L'industrie agroalimentaire est créatrice de richesse, d'emplois et assure un développement économique à plusieurs régions du Québec. C'est une industrie vulnérable à toute crise de confiance quand la salubrité des aliments est remise en question par les consommateurs ? l'histoire récente l'a démontré.
Les travailleuses et les travailleurs des industries agroalimentaires, du grain au magasin, n'ont pas voix au chapitre pour assurer la sécurité alimentaire au Québec. Ils sont dans l'angle mort des préoccupations des pouvoirs publics et des gestionnaires de l'industrie. Aucune réglementation, peu de dispositions au chapitre des conventions collectives assurent une quelque forme de protection à tout salarié qui voudrait aviser toute autorité publique des problèmes de qualité dans la production, la transformation ou la distribution d'aliments.
Le droit pour chaque travailleuse ou travailleur de pouvoir de façon responsable et non abusive arrêter la production, la transformation ou la distribution d'aliments, aviser l'employeur qu'il semble y avoir un risque à la santé de la population de poursuivre cette production, d'être capable d'alerter un organisme réglementaire gouvernemental afin d'appuyer la démarche de la travailleuse ou du travailleur, c'est le droit et devoir d'alerte. Le devoir d'alerte est la responsabilité de la travailleuse ou du travailleur d'une entreprise agroalimentaire de s'assurer que ce qu'il produit, transforme ou distribue est propre à la consommation.
De la formation, de l'information et de la transparence au niveau du processus de production sont des préalables pour l'implantation d'un programme de droit et devoir d'alerte. C'est un devoir de citoyen responsable de son emploi et de la santé de ses concitoyens. Le droit et devoir d'alerte pour les salariés des industries agroalimentaires est un concept faisant appel au devoir de citoyen de chaque travailleuse et travailleur vis-à-vis son entreprise, sa famille et sa communauté. Le droit et devoir d'alerte doit non seulement être introduit dans les conventions collectives de travail de l'industrie agroalimentaire mais également au niveau législatif, assurant une protection efficace contre toute forme de représailles pour avoir exercé un droit d'alerte. Le droit de refus prévu à la Loi de la santé et sécurité du Québec devrait être un modèle de référence pour introduire le droit et devoir d'alerte pour les salariés des industries agroalimentaires.
n(11 h 40)n La Commission parlementaire de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation de l'Assemblée nationale du Québec doit pleinement utiliser son pouvoir d'initiative pour innover sur le front de la sécurité alimentaire au Québec. Elle peut, par l'introduction du concept de droit et devoir d'alerte des salariés des industries agroalimentaires, être un modèle pour les autres sociétés préoccupées de la sécurité alimentaire.
Nous croyons que des normes d'étiquetage obligatoire pour les OGM et les aliments contenant des OGM devraient être adoptées afin de permettre aux consommatrices et consommateurs de faire des choix éclairés sur les aliments qu'ils consomment. À cette fin, nous encourageons le Québec à jouer un rôle de premier plan en vue d'élaborer un système d'encadrement d'étiquetage obligatoire aux échelles pancanadienne et continentale. Les différents paliers de gouvernement doivent développer davantage leurs capacités techniques et scientifiques de recherche ainsi que celles des grands établissements de recherche et d'enseignement afin d'acquérir une plus grande indépendance dans leur capacité de valider, au besoin, l'innocuité environnementale et sanitaire des OGM. Une telle capacité est aussi requise pour contrôler la fiabilité de l'information disponible aux consommateurs une fois qu'un système d'étiquetage obligatoire est mis en place.
Nous croyons fermement qu'un tel débat doit être élargi à d'autres facteurs et pratiques qui ont des incidences majeures sur la sécurité alimentaire et la qualité de l'environnement. On est ouverts à la discussion avec la commission parce qu'on pense que c'est peut-être une commission qui a une particularité. Parce qu'on n'est pas ici pour donner d'exemples, on n'en a pas. On est ici pour vous dire qu'on s'inquiète de la façon... le désengagement déjà de 4,4 millions, gouvernemental. On est ici pour vous dire qu'on est inquiets de voir comment, dans un contexte dans lequel les consommatrices et consommateurs ont une préoccupation pour ce qu'elles mangent et ce qu'ils mangent, ou ce qu'ils boivent, puis ce qu'ils respirent aussi, qui est accrue davantage, de voir qu'on peut se désengager comme État au niveau de l'inspection, au niveau de ce qu'on a comme contrôle...
Donc, c'est le signal qu'on envoie à la commission. Et on est prêts à échanger de façon plus large. Et c'est pour ça que je n'ai pas voulu lire le mémoire de façon magistrale, pour qu'on puisse avoir plus de temps d'échange entre nous, parce qu'on a des préoccupations, autant au niveau de la Fédération du commerce, qui eux ont les préoccupations du monde qui font de ce travail-là leur pain quotidien, et au niveau aussi de toute l'expérience qu'on a et des connaissances de ce côté-là. Donc, on est ouverts, Mme la Présidente, à toutes les discussions que MM., Mmes les députés voudront bien nous...
Parce qu'on n'est pas ici, là, pour citer quelques exemples que ce soit, parce que la fragilité de l'agroalimentaire au Québec, c'est une préoccupation qu'on a. Parce que, on l'a vu, un cas de vache folle au Canada a suffi pour la panique. Donc, on n'est pas ici, là... On n'a pas d'exemples à donner, on n'en cherche pas, on est ici pour vous dire qu'il y a une préoccupation de ce qui s'en vient parce qu'on est dans ce domaine-là. Et c'est comme si on avait oublié que, dans la production à la consommation, il y avait du monde qui y travaille. C'est pour ça qu'on dit que les travailleuses puis les travailleurs de ce secteur-là sont un peu dans l'angle mort de ceux qui se préoccupent de la question. Voilà. Je ne sais pas si Jean ou Qussaï ont des choses à rajouter. Oui, Jean.
M. Lortie (Jean): Alors...
M. Valois (Roger): Excusez-moi, madame, si je préside à votre place.
La Présidente (Mme Houda-Pepin): Oui, il n'y a pas de problème. Tant que vous avez votre enveloppe de temps, vous pouvez parler et donner la parole à vos collègues.
M. Valois (Roger): C'est ça. Vous avez présidé votre bout, je vais présider le mien aussi.
La Présidente (Mme Houda-Pepin): Bien, exactement.
M. Lortie (Jean): Alors, je...
La Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors, M. Lortie.
M. Lortie (Jean): Alors, bonjour. Je remercie la commission de tenir ces audiences publiques dans une période qui permet d'avoir un peu de visibilité sur cette question-là actuellement, donc la période stratégique du début février, où l'Assemblée nationale ne siège pas. La tourmente de cet automne aussi a fait en sorte que ce débat-là n'aurait pas pu se faire dans une atmosphère des plus sereines comme elle peut se faire depuis quelques jours.
C'est clair que la préoccupation de la sécurité alimentaire au Québec, elle est la nôtre, puisqu'on travaille dans les usines, on travaille dans les fermes d'élevage, dans les couvoirs, mais aussi dans les entrepôts qui distribuent ces aliments-là et dans des marchés d'alimentation. On représente près de 20 000 hommes et femmes qui au quotidien nourrissent le Québec, si on veut, et qui sont très conscients de la vulnérabilité. Le vice-président de la CSN, M. Valois, le disait bien, nous ne sommes pas ici pour faire une chasse aux sorcières, bien au contraire. Depuis trois ans qu'à la CSN et à la Fédération du commerce... et on a fait ce travail-là aussi en partenariat avec la Confédération française démocratique du travail, qui, elle, a fait une université d'été en 2001 sur cette question de la sécurité alimentaire. Nous nous sommes inspirés de ce travail lors de notre colloque, l'an dernier, et au présent mémoire de la commission parlementaire.
L'objectif, c'est de donner une voix au chapitre à une femme ou un homme qui, dans une usine, dans une ferme ou dans un marché d'alimentation, juge que ce qu'elle produit, ce qu'elle transforme ou distribue est un danger pour la santé publique. Il n'existe aucun volet nulle part dans le monde où ce pouvoir-là de retrait ou de cessation du travail peut se faire. Le seul exemple, on l'a en santé et sécurité, la loi de 1979, particulièrement l'article 12, que vous retrouvez dans le mémoire, le mentionne: Un travailleur peut exercer un droit de refus s'il juge que ça met en danger son intégrité physique.
Nous disons que, dans l'agroalimentaire, nous devrions introduire le même principe, puisque les travailleuses et travailleurs ne peuvent pas le faire actuellement, ils subissent immédiatement des représailles. S'ils avaient à exercer un droit de refus, d'arrêter la chaîne de production ou de cesser de vendre un produit, ils n'ont aucun encadrement. Oui, la convention collective peut être un palier, nous avons commencé la négociation de clauses de conventions collectives sur le droit et le devoir d'alerte, mais c'est nettement insuffisant, puisque ça n'atteint que les travailleurs syndiqués et, au moment des renouvellements de conventions... certaines peuvent atteindre jusqu'à dix ans, donc le délai peut être assez long. Mais les travailleurs non syndiqués n'ont aucune protection à cet effet-là. Et, comme la Loi de santé et sécurité n'a pas créé le chaos au Québec, lorsqu'elle a été introduite, en 1979, sur le droit de refus, bien, on pense que, sur un sujet aussi sensible que la sécurité alimentaire, parce que ça va dans les assiettes des hommes et des femmes du Québec, ceux et celles qui les produisent pensent que le droit et le devoir d'alerte permettraient de rajouter un label supplémentaire à la sécurité.
Oui, il y a des normes, ISO, HACCP. On pense qu'il y a un maillon qui n'existe pas, qui n'est pas dans les préoccupations de personne. Je vous dirais que, depuis hier qu'on écoute les audiences, personne ne parle de l'homme et de la femme qui opèrent la machine, qui coupent la viande, qui distribuent. Alors, c'est notre perspective. Notre expertise se situe à ce niveau-là. Nous disons: Prenons des initiatives vigoureuses au Québec, oui, qui peuvent paraître coûteuses... Parce qu'on a entendu hier les représentants de l'UPA dire, ou de la Coopérative fédérée, que ça peut être coûteux, mais je pense qu'il n'y a pas de prix à la sécurité alimentaire. Pour l'exportation de nos produits agroalimentaires, un rajout, un label qui dirait: Le travailleur et la travailleuse le consommeraient avec plaisir, ce produit, c'est un ajout supplémentaire, c'est un garant supplémentaire. Nos gens sont fiers de faire ce qu'ils font. Ils travaillent dans des usines de la ferme au magasin, ils considèrent que rajouter ce maillon-là va calmer le jeu sur l'inquiétude que la population a de plus en plus sur sa sécurité alimentaire. Ça s'inscrit très bien dans les travaux de la commission. Et, bien, c'est dans ce sens-là.
Comme expertise, nous représentons 200 quelques syndicats, près de 20 000 membres qui sont dans cette industrie-là, nous sommes sur la ligne de front, mais on pense qu'on pourrait, pour une première fois qu'on fait un débat au Québec sur cette question-là, introduire ce concept-là qui serait tout à fait innovateur. Il y a des inspirations, la loi de 1979. On a des textes de conventions collectives qu'on a soumis, on va en négocier sous peu. Nous sommes à la préparation d'un texte type pour l'ensemble de nos syndicats des industries agroalimentaires. Et on pense que ce débat-là peut être porteur pour garantir aux Québécoises et aux Québécois et aux exportations de produits agroalimentaires un élément de plus, un maillon supplémentaire aux normes qui existent déjà.
La Présidente (Mme Houda-Pepin): Vous avez huit, neuf minutes pour votre temps de parole pour la présentation du mémoire.
M. Samak (Qussaï): Merci, Mme la Présidente. Mesdames et messieurs...
La Présidente (Mme Houda-Pepin): Veuillez vous identifier.
M. Samak (Qussaï): Qussaï Samak. Excusez-moi.
La Présidente (Mme Houda-Pepin): Bienvenue.
M. Samak (Qussaï): J'ai cru que c'était fait par M. Valois. Juste quelques ajouts à ce qui a été dit. Je crois que c'est... L'originalité et l'importance de la proposition faite par la CSN et la Fédération de commerce, c'est précisément le fait que les travailleurs sont des agents de production au même titre et avec la même importance que l'investisseur, le capital, et, en ce sens-là, il faut absolument qu'ils soient reconnus comme cogarants de la qualité du produit qu'ils mettent sur le marché. C'est le maillon le plus important, en fait, avec le contact le plus intime. Ils ont une responsabilité très importante, et il faut que la société, le pouvoir public vienne sanctionner la centralité de ce rôle-là. L'importance de reconnaître, de leur donner les moyens d'intervenir au besoin, calqués sur le modèle de la Loi sur la santé et sécurité du travail, est un ajout très important dans le système.
Et il faut reconnaître également que le droit de refuser un travail perçu comme étant dangereux pour soi-même ou pour les autres est une pratique qui a fait ses preuves. Au début, on pensait que ça allait être utilisé d'une façon abusive; il n'en est rien. Si vous parlez maintenant aux patrons, au patronat québécois, ils savent très bien que ce droit est exercé d'une façon très responsable, et il n'y a personne maintenant qui veut le mettre en question. Alors, il y a un modèle là qu'on peut utiliser.
J'aimerais ajouter aussi que ce genre de droits, ils viennent en amont, le plus en amont possible dans la chaîne. Et, on le sait, que ce soit dans la protection de l'environnement, la santé et sécurité au travail ou n'importe quel domaine, les interventions à caractère préventif, au début de la chaîne, en amont, sont beaucoup plus efficaces et beaucoup moins chères que les interventions à caractère correctif, après.
n(11 h 50)n Et j'enchaîne avec les discussions que vous avez eues avec les intervenants avant nous sur le coût de tout ça. Le coût de tout ça est justement très élevé en aval. C'est tout à fait ça. Le système HACCP et tous les systèmes imaginables sont beaucoup plus efficaces quand ils sont basés sur les interventions le mieux placées, le plus efficaces, toujours en amont. Et on vous soumet que reconnaître le droit de cogarants de qualité aux travailleurs du Québec dans ce secteur va aller très loin dans le renforcement de ce principe qui a fait ses preuves ailleurs. Et j'ai peut-être... Je vais arrêter là parce qu'il y a quelques minutes. Si vous avez des questions, peut-être reviendrai-je.
La Présidente (Mme Houda-Pepin): Bon, bien, alors... Oui, M. Valois.
M. Valois (Roger): Je veux juste souligner un aspect des fois qu'on oublie. Il m'arrive souvent de visiter des milieux de travail et notamment dans l'alimentation, et c'est même difficile pour moi de vous transmettre la fierté des gens qui y travaillent. C'est difficile. J'ai toujours évité les photographes, pour les petits casques, mais ça, c'est une autre affaire, là. Mais la fierté du monde de nous faire visiter leur milieu de travail, et comment ils préparent, et comment ils travaillent, ça... Au niveau des entrepôts, pour ce qu'ils appellent le frais puis le congelé, au niveau des abattoirs de poulets, des abattoirs de porcs, partout où on va, c'est cette fierté-là du monde qui nous disent: Voici comment...
Et, quand on sort de là, là, on n'a pas le goût de ne pas en manger, de ce qu'ils produisent. C'est ça que Jean disait tantôt. J'en ai visité beaucoup, des milieux de travail qui sont dans l'agroalimentaire et jamais je n'ai eu de répulsion quand je suis sorti, contrairement, tu sais, à ce qu'on peut... Un abattoir de porcs, c'est sûr que, quand on le visite du début à la fin, au début, c'est un peu rough, là, parce qu'ils montent dans la dalle puis ce n'est pas jojo, mais toute la transformation, hein...
Une voix: ...
M. Valois (Roger): Bien, c'est ça, voilà, puis on dirait que les animaux sont... Les abattoirs de boeufs, c'est pareil. Mais la fierté du monde de nous démontrer comment ils font ça, avec un professionnalisme, avec beaucoup d'attention et beaucoup d'hygiène... Ils sont fiers de ça. C'est sûr que, moi, je ne suis pas capable de le transmettre. J'essaie de le transmettre pour que vous puissiez comprendre comment ce monde-là, ils sont déjà impliqués. Parce que c'est leur marque, hein? Quand ils vont au magasin, souvent, ils sont fiers de voir l'étal, hein? Que ce soit avec Agropur, que ce soit avec Olymel, que ce soit avec les entrepôts, le monde, ils voient leurs produits, il y a une fierté là-dedans. Mais on insiste d'abord pour les impliquer dans ce processus.
La Présidente (Mme Houda-Pepin): Très bien. Je vous remercie beaucoup, M. Valois. Certainement que vous avez été assez loquace pour transmettre la fierté des travailleurs dans le milieu agroalimentaire, puis votre message est bien compris. M. le député de Nicolet-Yamaska, pour le premier 10 minutes.
M. Morin (Nicolet-Yamaska): Merci, Mme la Présidente. Merci de votre présentation. C'est un point de vue fort intéressant. Et, comme vous avez dit tantôt, M. Valois, on n'avait pas rencontré des gens qui manipulent les produits. Parce que depuis hier on dit: Bon, bien, là, voici ce qui se retrouve dans nos assiettes, mais il y a des gens qui ont préparé et il y a des gens aussi qui, dans la chaîne alimentaire, ont fait en sorte que ces aliments-là se retrouvent devant nous.
Point de vue intéressant aussi du fait que la protection ou la sécurité alimentaire vient du fait aussi que vos travailleurs et travailleuses dans certains domaines... Moi, je serais curieux de vous entendre là-dessus. Si, dans un abattoir, on est en train d'abattre un animal quelconque ou on s'aperçoit que ? ou ça peut être dans un autre domaine, je ne sais pas, moi, Agropur ou... en tout cas, je ne veux pas nommer d'entreprises nécessairement ? on s'aperçoit qu'il y a un problème, il y a un problème au niveau de la sécurité alimentaire, actuellement, ce que vous me dites, c'est que vos travailleurs et travailleuses ne peuvent pas déclarer ce problème-là? Est-ce qu'ils ont le droit de le déclarer ou...
M. Valois (Roger): Jacques est plus au quotidien là-dessus, il va vous répondre. Parce que la Fédération intervient, elle, plus dans les milieux de travail que la Confédération.
La Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors, M. Lortie.
M. Lortie (Jean): Alors, tout à fait. Ça, je vous rassure à cet effet-là, il n'y a pas de problème. Nous, ce qu'on dit: Il faut renforcer. C'est-à-dire que, vous avez tout à fait raison, le travailleur va dire: Cette carcasse d'animal là est malade, parce qu'on donne de la formation, parce que HACCP est arrivé depuis quelques années dans les abattoirs de porcs et de poulets, donc la carcasse, le travailleur peut, dans certains cas, l'identifier. Ce qu'on constate, par contre, c'est que la formation est limitée. Lorsqu'il y a des normes HACCP, c'est la partie qui concerne directement le travailleur qui lui est transmise. De quoi est le programme général? On ne l'a pas. Le syndicat, si les employés sont syndiqués dans l'entreprise, n'a pas accès à l'information, n'a pas accès à la formation sur le programme.
Donc, on dit: Il y a des lacunes de ce côté-là, sur l'accessibilité à tout le processus, la prise de connaissance. Au même titre qu'on pourrait avoir la formation sur les coupes de viande spécialisées, ça, ça va, au même titre qu'on pourrait avoir l'accès sur de l'hygiène de base, ça pourrait aller, on pense que l'introduction de nouvelles normes qui apparaissent de plus en plus dans les industries et qui vont dépasser seulement l'abattage... Il y a certainement des efforts importants de formation et de participation. Les travailleurs actuellement ont le droit de dire: Wo, wo! ça ne va pas, là, ici.
Bien, moi, je vous dirais que le risque qu'on a à moyen terme, à cause de cette insécurité qui est de plus en plus grande dans l'opinion publique, à cause de cette vulnérabilité de l'industrie, de l'inquiétude palpable... Notre monde nous disait, au colloque de l'agroalimentaire... On avait eu des présentations sur HACCP. Ça a soulevé littéralement le colloque, en disant: Nous n'existons pas. Quand un programme HACCP est créé, le travailleur, comme entité... pas, entre l'outil et l'industriel ou les gens du contrôle de la qualité, le travailleur, comme étant un maillon d'une norme HACCP, n'existe pas; son syndicat encore moins. Donc, c'est ça, le débat qu'on fait.
Je vous dirais que les employeurs sont assez allergiques à ce qu'on dit parce que, en même temps, ça atteint les droits de gérance. Nous, ce qu'on dit, c'est qu'on veut insérer un processus non abusif, tout comme dans la Loi de santé et sécurité, en disant: Peut-on de bonne foi dire: Je stoppe la production, je considère qu'il y a un problème? Les gens du contrôle de la qualité arrivent, ils interviennent, ils disent: Non, ça va. Le syndicat peut intervenir en disant: Non, ça ne va pas, il y a un problème; faisons appel à un acteur extérieur. Comme à la Loi de santé et sécurité, un inspecteur de la commission arrive, il juge et il rend jugement, et, si ça va, ça va. Ici, l'inspecteur, on pense que c'est le gouvernement, puisqu'on pense qu'il doit y avoir un acteur qui n'est pas vulnérable, n'appartenant pas au contrôle de la qualité de l'entreprise. C'est ça, le débat qu'on porte comme CSN. Les gens du contrôle de la qualité sont en huis clos à l'intérieur de l'entreprise, ils sont là pour des impératifs de production. Bien, nous, ce qu'on dit, c'est... On ne fait pas de chasse aux sorcières, au contraire, on dit: Donnons-nous donc des garants pour le futur, ce maillon-là peut-être renforcé de façon significative.
Et, lors de notre congrès, au mois de mai, on a fait un débat important sur cette question-là. Des militants de différentes usines sont venus témoigner de comment se faisait la sanitation et on a pu identifier où on pourrait potentiellement avoir des risques. Alors, c'est ça qu'on fait. Oui, ça existe, la possibilité d'arrêter, mais je vous dirais que le vent souffle quand ça se fait.
M. Morin (Nicolet-Yamaska): Bon, ce que vous venez de dire, c'est: Oui, ça existe. Ce qui existe, est-ce que ça s'appelle, comme vous le dites dans votre mémoire, un devoir d'alerte?
M. Lortie (Jean): Non.
M. Morin (Nicolet-Yamaska): C'est un devoir d'alerte? Non?
M. Lortie (Jean): Ce qui existe, c'est, en vertu, mettons, d'une norme HACCP, le travailleur doit identifier les points de contrôle.
M. Morin (Nicolet-Yamaska): Oui, ça, ça va.
M. Lortie (Jean): Bon, il a tout son processus. C'est là qu'il intervient, pas plus que là.
M. Morin (Nicolet-Yamaska): Où il y a des normes HACCP. Mais où il y en a pas?
M. Lortie (Jean): Il y en a pas, c'est les normes de l'entreprise, les normes de la clientèle extérieure qui dit: J'ai un contrat à livrer à Hong Kong sur du pain, ou du lait, ou des produits, c'est le client qui a visité l'usine qui a établi ses normes ou c'est les normes de l'entreprise, il n'y a pas d'autres choses.
M. Morin (Nicolet-Yamaska): J'aimerais ça... Je vais vous lire, à la page 5 dans votre mémoire, vous dites: «Les travailleurs et les travailleuses ne peuvent pas jouer leur plein rôle de cogarant de la qualité des produits alimentaires qui est le fruit de leur travail. Ils ne disposent d'aucune protection contre d'éventuelles représailles ni dans la convention collective de travail ni au niveau réglementaire.» Ce que vous venez de me dire, ce n'est pas tout à fait ça.
M. Lortie (Jean): Je reprécise. Un travailleur qui, sur une chaîne de production, déciderait unilatéralement d'arrêter la production, le vent va souffler, oui. Le contrôle de la qualité va intervenir, il va y avoir des pressions énormes. Il n'est pas encadré. Si l'employeur décide de le suspendre ou de le congédier, s'il est dans un milieu non-syndiqué, bien, je vais vous dire qu'il n'y a personne qui va s'occuper de ça. Pour le travailleur non-syndiqué, il est vulnérable. Quand le directeur de la production va dire: Tu recommences la machine et tu pars ta production ? qu'est-ce que vous voulez que je vous dise ? il n'y a aucun moyen d'appel à l'aide, contrairement à la Loi de la santé et sécurité, où il y a toute une mécanique ? on vous l'a mis en annexe ? le droit de refus. Nous, on dit: Dans l'agroalimentaire, il devrait exister ça pour d'abord permettre au travailleur qui est très fier de faire sa production de dire: J'ai un ajout supplémentaire; moi aussi, je participe, je suis un cogarant. Ça n'existe pas actuellement.
Nous, les constats qu'on fait? La formation est souvent inadéquate. On doit renforcer le volet formation des travailleurs qui ont à faire de l'inspection, qui ont à faire l'application des normes. Il y a un problème à ce niveau-là, ça, il est clairement identifié, l'aspect formation. Souvent, vous savez, dans les institutions agroalimentaires, il y a gens qui ont été peu scolarisés. On est en renouvellement de main-d'oeuvre actuellement dans beaucoup de ces industries, même en pénurie dans certains cas. Nous, on dit: La question de la formation doit être renforcée pour permettre justement d'exercer ce droit-là de façon intelligente.
n(12 heures)n On veut être un cogarant parce qu'on dit que c'est le futur qui va garantir. Je vous dirais que le problème actuellement, ce qu'on peut identifier, c'est: les normes HACCP ne font pas... ne donnent pas de voix au chapitre. Toute autre norme inventée par quelque brillant savant ne donne jamais voix au chapitre au travailleur dans un processus de contrôle. Ça peut occasionner un problème. Et c'est ça, le message qu'on vous lance ce matin, c'est cette précaution, cette prévention qu'on veut faire parce que, à moyen terme, avec les bouleversements, l'arrivée des maladies, bon, la fièvre aviaire qui est déjà rendue en Europe, on le constate depuis quelques jours, ça voyage très vite et l'insécurité prend des aspects plus palpables. On se rappelle tous de la Federal Packers. Le nom a disparu au Canada, Federal Packers. Nous, on ne veut pas ça. On gagne notre vie dans ces usines-là, on gagne notre vie dans les magasins.
M. Valois (Roger): Et d'autant plus, pour ajouter juste en apport à... La pression qu'on peut exercer ne se fait qu'avec l'employeur. Puis il n'y a pas personne qui pourrait convaincre la Confédération, ou une fédération, ou même le syndicat de sortir sur la place publique pour dire: Il faut arrêter ça. C'est fini, ce serait fini. On ne peut pas faire ça, nous autres. On ne peut pas sortir en disant: À telle place, on produit telle affaire. J'hésite même à... Je ne donnerai pas de nom, l'exemple pourrait être mal cité. On ne peut pas se servir d'une pression externe, par exemple, dans un milieu de travail, une fonderie, que c'est dangereux, on arrête. Le boss ne veut pas? On peut toujours le publiciser. Mais, dans le domaine dans lequel on est, la pression doit se faire entre l'employeur, l'employé, le syndicat, s'il y en a un, mais il faut avoir quelqu'un du gouvernement qui va venir dire: Ça ne marche pas. Parce que, autrement, on n'a pas d'autres moyens que de se convaincre mutuellement que ce qu'on produit n'est pas bon. On ne peut pas sortir sur la place publique, on vient de scraper notre ouvrage, puis ce n'est pas notre intérêt, là, ni l'intérêt du patron ni le nôtre. Donc, la conciliation pour reprendre le travail ou l'arrêter, ça se fait dans un circuit très fermé parce qu'on ne peut pas... Aussitôt que c'est public, c'est comme d'assassiner l'entreprise.
M. Morin (Nicolet-Yamaska): En fait, ce que vous faites, dans votre mémoire, ou ce que vous nous dites, vous allumez une lumière jaune.
M. Lortie (Jean): Tout à fait.
M. Valois (Roger): Oui.
M. Lortie (Jean): C'est tout à fait ça, le message.
M. Morin (Nicolet-Yamaska): Merci.
La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci beaucoup.
M. Valois (Roger): Mais une lumière jaune qui pourrait être très radieuse parce qu'à partir du moment où on pourrait, hein... Elle pourrait devenir très lumineuse. À partir du moment où on pourrait garantir que les employés qui sont là, ce qu'on fait, on peut intervenir puis c'est tout à fait correct, on dit que ça va peut-être bien devenir une marque de commerce qui vient du Québec, où, là, bien, c'est «approved», tu sais. En tout cas, c'est notre prétention.
La Présidente (Mme Houda-Pepin): Très bien. Merci beaucoup, M. Valois. Les échanges sont fort intéressants. Effectivement, vous apportez un point de vue nouveau, nouveau. Et vous avez dit, dans votre déclaration, que ça ne se fait nulle part. Alors, vous voulez que le Québec innove dans ce domaine, n'est-ce pas, qu'on soit à l'avant-garde?
Vous faites référence à l'Europe, dans votre mémoire, dans votre présentation, puis vous travaillez un peu avec les gens parce que vous êtes dans une syndicale internationale. En Europe, ils ont resserré les règles de contrôle ? et je parle ici des parlementaires, hein, ce n'est pas seulement l'opinion publique ? et, entre autres, il y a un projet de règlement qui est actuellement à l'étude, qui vise à contrôler les entreprises annuellement et selon le principe de désigner et blâmer, ce qu'on appelle «name and shame», hein? Est-ce que cette formule, hein, qui est une façon d'inspecter, d'aller dans l'entreprise, de contrôler sur une base régulière ? et, quand on dit contrôler, ça veut dire contact avec les travailleurs, n'est-ce pas ? ça pourrait répondre aux attentes que vous suggérez?
Parce que, en fait, ce que vous nous demandez, vous, c'est carrément d'introduire un élément nouveau dans la convention collective. On prend bonne note, vous comprenez, comme commission, mais on n'est pas en mesure, comme commission, de nous prononcer là-dessus, sachant que ça engage le ministère du Travail, ça engage le ministère de l'Agriculture. Et la commission évidemment reçoit votre proposition, mais les gens avec lesquels vous devez négocier, c'est au niveau du gouvernement. Mais il n'en demeure pas moins, cette formule de «name and shame», est-ce que ça répondrait peut-être à l'objectif que vous visez?
M. Lortie (Jean): Je vous répondrais, Mme la Présidente, en vous disant: Nous préférons l'expression «whistle-blowing» que «name and shame». On trouve que c'est un peu moins dangereux parce que, M. Valois le disait bien, «shame» veut dire place publique probablement et des coulées dans la place publique. On ne veut pas ça. Je donnais l'exemple plus tôt des années soixante-dix, la Federal Packers.
Au contraire, en Europe, nos collègues de la CFDT, la Fédération agroalimentaire, à laquelle on a participé à leur université d'été, ont élaboré aussi ce concept de droit et devoir d'alerte, mais il y a des blocages importants au niveau de l'Union européenne parce que les pays ne sont pas égaux, surtout avec l'arrivée des nouveaux pays de l'Est. Mais surtout ce qu'ils disent, c'est: La chambre patronale agroalimentaire française est d'accord, le ministre, mais il n'y a pas vraiment de volonté sur cet aspect qui s'appelle «whistle-blowing», droit et devoir d'alerte, pour intervenir dans une usine.
La convention collective, ne vous inquiétez pas, on va s'occuper de ce terrain-là, madame. Je pense, on a une certaine expertise. On a commencé. Je vous dirais qu'on effarouche les employeurs évidemment en arrivant à ça. On dépose actuellement des projets de conventions collectives où on prévoit cette norme de droit et devoir d'alerte. Puis on l'a fait de façon préliminaire à Matane. On était contents, l'employeur et le syndicat étaient très contents du produit parce que, quand ils vont exporter, ils vont dire: Regardez, on a un droit d'alerte, ici. On va aller un peu plus loin, on va aller jusqu'au droit d'arrêter la chaîne de production. Alors, c'est une négociation, alors c'est, comme je dis souvent, un huis clos entre l'employeur et le syndicat local, et c'est le rapport de force local ou l'intérêt mutuel des parties d'introduire ce principe-là.
Sur la question réglementaire, nous, ce qu'on souhaite, c'est qu'il y ait un arbitre extérieur de l'entreprise, du syndicat local ou du travailleur qui est non syndiqué, qui puisse arriver rapidement, comme un inspecteur de la santé et sécurité au travail du MAPAQ ou d'un organisme ? j'avoue là-dedans qu'on n'a pas creusé la question: doit-il être indépendant du ministère de l'Agriculture ou être une agence? bref, ce débat-là peut se poursuivre ? et qui vient rapidement visiter l'usine et dit: Quels sont les facteurs de risque que le travailleur a identifiés? L'eau coule, il y a des bactéries, la viande est contaminée, il y a des excréments d'animaux qui... bon, n'importe quoi, il peut arriver un problème, et l'inspecteur juge en fonction des règles, en disant: Oui, effectivement, le travailleur avait raison, j'ordonne le nettoiement de la chaîne de production, j'arrête immédiatement. Parce que c'est ça, l'objectif.
En Europe, ils veulent développer beaucoup le «name and shame», ils sont beaucoup plus catégoriques, c'est d'identifier au pilori l'entreprise fautive. Vous comprendrez que, dans l'atmosphère actuellement de chasse aux sorcières sur cet élément-là de sécurité alimentaire, ce serait tout à fait désastreux pour un État comme le Québec, qui est quand même petit sur la place mondiale dans l'agroalimentaire. On n'est pas un joueur majeur, on n'est que 7 millions, même si on exporte des milliards, particulièrement dans l'industrie porcine et le cacao, quand même, on n'est pas sur cette patinoire-là.
Les Européens prennent cette mesure, disons, plus radicale. Nous, nous préférons l'expression qui est venue des pâtes et papiers, qui s'appelait le «whistle-blowing» ? sonnez l'alarme, il y a quelque chose qui ne va pas bien ? et de le faire d'abord auprès de l'entreprise, la convention collective ou la règle qu'on pourrait donner, mais, au-delà de là, appel à l'aide d'un arbitre extérieur qui, en fonction d'une réglementation, va pouvoir dire: Oui ou non, il avait raison ou pas raison. D'où la notion de non abusive, aussi, parce que, évidemment, on n'a pas intérêt, s'il y a une commande importante à livrer au Japon, de commencer à saboter la production. Il n'y a personne qui va embarquer là-dedans.
La Présidente (Mme Houda-Pepin): Très bien.
M. Lortie (Jean): Ça, je vous dirais que je le place par rapport à la différence européenne.
La Présidente (Mme Houda-Pepin): Très bien. Merci beaucoup. Mme la députée de Soulanges.
Mme Charlebois: Merci, Mme la Présidente. J'ai un petit peu de commentaires à vous émettre et j'aimerais vous entendre sur ce que je vais vous émettre. On parle du droit, là, de rapporter finalement des irrégularités et d'arrêter la production. Et je me demandais si vous considérez qu'une formation supplémentaire dans chaque type de production sera nécessaire en vue de ne pas faire arrêter justement la production pour rien, parce qu'on sait qu'il y a des coûts rattachés à ça. Et je me demandais s'il n'y aurait pas une étape au préalable, au niveau du contrôle de qualité, qui serait favorable avant d'arrêter, ou vis-à-vis d'un canal comme avec l'inspecteur du MAPAQ, si vous aviez pensé à une avenue. Parce que, mon inquiétude, c'est arrêter la production sans qu'il y ait une formation préalable ou... Je ne sais pas si vous comprenez ce que je veux dire, là, j'ai de la difficulté à...
M. Lortie (Jean): Ah, si vous permettez, je pourrais vous répondre là-dessus. L'impératif, je vous dirais, ça coûte beaucoup moins cher de former les gens que d'arrêter une ligne de production. Ça, je suis d'accord avec vous, et rapidement. Il y a un problème de formation, actuellement, on pense, dans les industries agroalimentaires. On pourrait relever de façon significative tous les niveaux de formation de base, lecture, apprentissage, alphabétisation, à la maîtrise des langues, hein, de plus en plus, parce qu'on a des exportations, et à des normes de sanitation, etc. On pourrait certainement faire les efforts.
Le contrôle de la qualité, oui, on pense que c'est le premier intervenant. Mais vous savez que l'impératif de contrôle de la qualité est toujours soumis à l'impératif de livrer la marchandise, de livrer la production. Ce qu'on nous dit, c'est: Souvent, si les gens du contrôle de la qualité ont de la crédibilité dans l'entreprise, les impératifs de production vont être liés à ça. Si les gens du contrôle de la qualité sont moins forts, bien, évidemment, c'est un appel ou un palier qui est plus difficile à utiliser. Ça joue beaucoup. Si vous avez un échéancier trop serré sur une commande, le contrôle de la qualité, il faut qu'il fasse... il va faire sa job, ça, c'est clair, je vous l'ai dit tantôt, il n'y a pas de problème de ce côté-là, mais ça met un goulot d'étranglement, qu'on pense qu'on doit aller à l'extérieur de l'entreprise pour l'appel à l'aide; d'abord, dans l'entreprise, donc l'employeur... Ça peut dire contrôle de la qualité, mais ça peut aller voir le directeur de l'usine, ça peut même aller au conseil d'administration de l'entreprise.
Vous savez que l'OCDE travaille actuellement sur la gouvernance des entreprises. La CSN va déposer, dans le cadre de ce texte-là, le droit et devoir d'alerte en agroalimentaire, parce qu'ils disent: On doit avoir, tant les actionnaires, que les travailleurs dans les usines, que le citoyen, le droit d'intervenir auprès de l'entreprise pour lui dire de corriger des pratiques. On voit Parmalat, le scandale qui a lieu en Italie actuellement. Alors, ce débat-là de la gouvernance des entreprises, bien, avec le débat que vous posez, bien, contrôle de la qualité, oui, des impératifs là de trouver une solution, ce que M. Valois disait tantôt: Tentons-le, arbitrons; si on ne peut pas, allons ailleurs. Et c'est ça qui va faire en sorte que ça va donner plus de rigueur au processus. Et, quand le label «contrôlé par un travailleur», donc «prêt à la consommation», «je le mangerais moi-même»... Et, moi, j'ai visité beaucoup d'usines également. On part toujours avec des sacs. Quand on visite une usine de jus, de chocolat, on part avec des sacs. Le monde sont tellement fiers de nous donner ça. Puis habituellement c'est très savoureux, on se régale...
n(12 h 10)nM. Valois (Roger): Au début on hésitait, en pensant que c'étaient des pots-de-vin. Mais ils ont dit: Non, non, non, prenez-les..
M. Lortie (Jean): Oui, c'est ça. Alors, on accepte toujours avec plaisir, puis surtout quand c'est le chocolat. Alors, on part avec des kilos de produits alimentaires, on est fiers. Je vous dirais que, quand on rentre dans l'abattage, la première partie, c'est un peu plus difficile, mais, à la fin, quand on part avec ces produits-là... Donc, vous voyez, le contrôle de la qualité, premier appel; deuxième appel, la direction de l'entreprise; troisième, l'extérieur. Et c'est là qu'est le débat.
La Présidente (Mme Houda-Pepin): D'accord. Mme la députée de Soulanges, rapidement, oui.
Mme Charlebois: Oui, rapidement. Est-ce que vous croyez que, pour chaque usine ou, en tout cas, où sont les travailleurs dans l'entreprise, il devrait y avoir, dépendamment du type de production, un genre de critère établi pourquoi on arrête la production, ce qui ferait partie de la formation, évidemment?
M. Lortie (Jean): Tout à fait. Pour votre question si ce droit et devoir d'alerte là est prévu dans la convention collective, on a même rajouté, nous, dans une clause qu'on est en train de préparer, une disposition où l'employeur va former les salariés sur l'exercice de ce droit-là, donc les former sur la sanitation, sur le contrôle biologique des aliments, les former sur la capacité d'arrêter la production et les conséquences. Et on va devenir donc un partenaire, un cogarant, comme je vous disais. Donc, on formerait les gens sur comment l'exercer correctement et non abusif pour que, évidemment, ce ne soit pas discrédité, que les gens ? puis je vous le dis clairement ? que les gens n'utilisent pas ça à tout impératif et que ce soit fait pour dire: On sonne l'alarme. Si c'est fait à toutes les heures, tous les jours, vous allez comprendre que c'est fini, hein, l'employeur va dire: Vous n'êtes pas crédibles. Et on va être d'accord.
Mme Charlebois: Les critères seraient adaptés selon le type d'entreprise?
M. Lortie (Jean): Tout à fait, selon le... Une boulangerie, une industrie de production de yogourt, du chocolat ou un abattage de poulets, vous allez comprendre que ce n'est pas du tout les mêmes risques sanitaires par rapport à chacune des industries. Alors, adapté sur l'inspection de la carcasse ou l'inspection du produit, le chocolat ou le pain, qu'il n'y ait pas de bactéries dans la farine, etc., ou la cuisson s'est faite correctement, ou de transformation des viandes... On voit ça de plus en plus dans les marchés d'alimentation, les gens préparent des mets cuisinés. Alors, on dit: Ça, il va falloir réinvestir ce terrain-là parce qu'il faut donner des moyens à la travailleuse ou au travailleur ? particulièrement, c'est des travailleuses qui préparent ces mets cuisinés là pour les gens, et c'est de plus en plus populaire, soit dans des usines ou dans les marchés d'alimentation ? leur donner ces moyens-là de détecter eux-mêmes et, après ça, dire: Comment je peux exercer mon droit d'alerte et mon droit de refus? un peu comme je le fais en santé et sécurité.
Puis, je vous dirais que dans beaucoup d'usines on a des agents de santé et sécurité, évidemment, prévention, payés par l'employeur en vertu de la Loi de la santé et sécurité, qui font ça à plein temps, de s'assurer que la prévention...
La Présidente (Mme Houda-Pepin): Très bien, M. Lortie. On va revenir à vous.
M. Lortie (Jean): Oui.
La Présidente (Mme Houda-Pepin): Mme la députée de Deux-Montagnes.
Mme Robert: Merci, Mme la Présidente. Alors, bonjour. Poursuivant sur la... quel pourcentage des travailleurs de l'agroalimentaire sont syndiqués, environ?
M. Lortie (Jean): 30 %, madame.
Mme Robert: 30 %.
M. Lortie (Jean): Un petit peu moins que... Au Québec.
Mme Robert: Bon. Alors, c'est une introduction d'un droit d'alerte. Vous avez dit tout à l'heure que vous faisiez vous-même, à l'intérieur des groupes de travailleurs, une certaine formation. Est-ce qu'elle est longue, cette formation-là? Est-ce que c'est une formation simplement d'appoint, qui est rattachée à l'endroit où ces gens-là travaillent, selon le type de travail qu'ils font? Puis vous me dites 30 , donc 70 % du reste, à l'heure actuelle, n'ont à peu près aucune formation, à moins que l'employeur permette une formation en rapport avec la qualité des aliments et l'innocuité des aliments.
Et j'irais avec des questions qui sont peut-être hors de votre rapport aux travailleurs, en vous demandant: Est-ce que... Parce que vous avez visité beaucoup, les gens sont fiers de travailler là-dedans. Je pense que ça peut faire des aliments qui sont un petit peu meilleurs au sortir, en tout cas ça aide, ça ne nuit pas. Est-ce que vous croyez que les gens sont suffisamment informés de ce qui se trouve dans leur assiette? Moi, je sais que j'ai été en production agricole, j'ai fait moi-même aussi de la transformation ? parce qu'on parle de produits du terroir, etc. ? et je ne sais pas si les gens savent ce qu'ils retrouvent dans leur assiette. Là, je vous pose la question pour côtoyer cette... Et c'est sûr que ce n'est pas votre domaine, mais qu'est-ce que vous pensez des étiquetages ou appellations des produits du terroir qui...
M. Lortie (Jean): Alors, M. Valois va aller sur les étiquetages. Sur la question de la formation, je vous dirais, syndiqués ou non, l'employeur, s'il y a un programme HACCP, doit former parce que ça fait partie des règles pour obtenir sa certification. Alors, ça n'a rien à voir... Quand c'est syndiqué, la chance qu'on a, bien, évidemment, ça permet d'avoir un acteur collectif au nom des salariés qui parle à l'employeur pour dire: Écoute, ça manque de formation. On a souvent de bonnes dispositions dans nos conventions collectives sur la formation de la main-d'oeuvre.
Je vous dirais que la question de la formation est un débat, au Québec. Pour les employeurs, c'est encore une dépense et non pas un actif, former les salariés, particulièrement dans les industries agroalimentaires. Il y a beaucoup de résistance, on l'a vu lors de notre colloque l'année passée, même des employeurs nous le confirmaient, des directeurs généraux d'entreprises importantes au Québec nous disaient: C'est difficile, oui, on a à convaincre nos conseils d'administration d'investir sur la formation de la main-d'oeuvre.
Avec l'arrivée de ces normes d'autorégulation que l'entreprise se donne pour pouvoir être certifiée à l'exportation ou avoir une norme HACCP, ISO, etc., de plus en plus, cette autorégulation provoque de la formation accélérée. Mais c'est une formation qui est pointue sur le poste de travail. On te dit quoi faire pour que, toi, tu puisses faire ce que les normes HACCP te donnent à faire, comme quand tu fais ton inventaire et tu fais ton contrôle. On trouve qu'il y a des lacunes importantes. Il faut avoir aussi la vision globale, l'objectif, la mission, pourquoi on doit avoir cette norme-là, donc de la formation. Comme vous le disiez un peu, nos gens sont souvent peu informés sur les risques sanitaires, ils sont peu informés sur l'ensemble des conséquences des épidémies... ou des épizooties, pardon. Alors, on pense qu'on doit développer beaucoup plus ce créneau-là.
Évidemment, notre responsabilité, nous, comme syndicat, ce n'est pas faire de la formation sur le travail comme tel, c'est davantage de la formation sur, par exemple, le droit et devoir d'alerte, ça, ça va être notre responsabilité, comme organisation, de faire aussi l'exercice, hein, au quotidien des droits collectifs. Mais je vous dirais que l'employeur a une responsabilité importante. Et, on le constate, ça coûte cher, la formation, pour la plupart, et c'est difficile de faire débloquer ça, aller vers de l'investissement. Il y aurait un terrain incroyable à défricher. Oui, 30 % de la main-d'oeuvre est syndiquée, dans la grande industrie principalement, elle est pratiquement toute syndiquée. Là où ce l'est moins, c'est la distribution, hein, la distribution des aliments, c'est beaucoup moins syndiqué. C'est ce qui fait que c'est inférieur au 40 %, la main-d'oeuvre syndiquée, au Québec. M. Valois va répondre sur la question des étiquetages.
M. Valois (Roger): Au niveau des étiquetages, peut-être que... La préoccupation des consommateurs et des consommatrices au Québec, on l'a dit tantôt, peut-être qu'ils savent moins ce qu'ils mangent, mais ils cherchent pas mal à savoir ce qu'ils mangent, par exemple. Parce que, au niveau de la lecture, hein, je me souviens, dans les magasins d'alimentation, des étals des aliments bios, à l'époque, c'était tout petit, et maintenant ça prend de plus en plus de place, parce que le consommateur, la consommatrice sont de plus en plus préoccupés de savoir c'est quoi qui compose. Puis il y a des émissions de télévision là-dessus qui sont assez d'instruction, en disant: Regardez sur l'étiquette. Puis, dans plusieurs cas, c'est le sucre qui vient en premier, mais ça, c'est une autre histoire. Mais, tu sais, souvent, au niveau de l'étiquetage, le monde sont de plus en plus intéressés à savoir ce qu'il y a dans le produit. Et la sensibilisation des individus se fait par l'obligation. Les OGM, il y en a qui sont favorables, d'autres qui le sont moins. On dit: Bien, mettez-le sur l'étiquette. S'il y en a, ceux qui sont favorables, ils vont continuer, ceux qui ne le sont pas vont au moins savoir qu'il y en a. Ça, là-dessus, c'est une question d'information.
Et, Jean l'a dit, au niveau de la formation des individus, on a vu la victoire, presque, du Conseil du patronat quand le gouvernement a baissé la norme du 1 % pour dire que ceux qui n'avaient pas beaucoup d'employés, ils n'étaient pas obligés de former. Ils ont fait un party. Bien là c'est quoi, cette histoire-là? Former le monde qui travaillent pour nous autres pour qu'ils travaillent mieux puis qu'ils forment mieux, c'était l'enfance de l'art, on s'est battu pour avoir ça. Et, eux autres, ils crient pour ne pas payer. Mon grand-père disait: Ceux qui vont à l'école longtemps, ils feraient n'importe quoi pour ne pas travailler. Je veux dire, ça a changé beaucoup. La notion d'instruction, au Québec, a changé, la formation a changé beaucoup. Ceux qui vont à l'école longtemps, ce n'est pas parce qu'ils ne veulent pas travailler. C'est quoi, cette histoire-là?
Bien, quand on arrive dans un milieu de travail, notre formation sur le travail est assez... c'est «basic», c'est l'a b c. Ceux qui travaillent dans un abattoir de poulets, qui accrochent le poulet, ils ne leur font pas visiter la shop à la grandeur. On se bat là-dessus: Pourquoi tu ne leur montres pas, une fois que tu vas l'avoir accroché, où est-ce qu'il va aller, puis la façon de l'accrocher aussi, les conséquences que ça peut avoir au niveau de la peau, au niveau de... Bien, ça, là, il faut se battre, Jean l'a dit, il faut se battre avec les employeurs pour dire qu'ils forment leur monde. Et c'est une dépense pour eux autres, ce n'est pas un investissement, c'est une dépense. Puis, nous autres, on dit que c'est de l'investissement.
C'est quoi, l'idée? Bien là ils veulent que le pouvoir public et que le secteur public des écoles forment ça à leur place. Puis, quand on veut avoir de l'argent pour les écoles, ils crient pour qu'on coupe, en plus. Bien là décidez-vous, là! On va se former où? On va aller sur Mars puis on va revenir, pour se former? Ça n'a pas de bon sens. On ne peut pas demander aux écoles, aux cégeps puis aux universités de former le monde, puis leur couper les budgets pour la formation, puis, quand ils arrivent en milieu de travail leur dire: Comment ça se fait que tu n'as pas été formé? Qu'est-ce que tu as appris à l'école? Bien oui... Je n'ai pas appris ça à l'école, là. Tu sais, faire du bacon, puis abattre des poulets, puis abattre des porcs, là, l'Université de Montréal ne donne pas ça encore, là, tu sais, ce n'est pas... Il faut que ce soit formé là, il faut que ce soit du monde qui insiste pour être formé. Et là-dessus on travaille. Mais, nous, on ne dit pas au monde comment procéder, là, on n'est pas rendus là, là, on n'est pas experts tant que ça, là...
n(12 h 20)nLa Présidente (Mme Houda-Pepin): Il vous reste trois minutes, Mme la députée de Deux-Montagnes.
M. Valois (Roger): Mais l'étiquetage, c'est de plus en plus exigeant, puis c'est ce qu'on demande aussi au gouvernement, d'être plus explicite au niveau de l'étiquetage.
La Présidente (Mme Houda-Pepin): Oui. Alors, c'est M. le député de Nicolet-Yamaska.
M. Morin (Nicolet-Yamaska): Rapidement, une dernière question. Les droits que vous réclamez, si vous les aviez ? c'est une question hypothétique ? est-ce que vous pensez que vous pourriez arrêter éventuellement une production?
M. Lortie (Jean): Si ce droit-là existait, monsieur, autant dans la convention collective que dans la législation, les gens l'exerceraient, si ça existait, parce que ça leur donnerait une base, un outil, une sécurité, comme en santé et sécurité, hein?
Mme Robert: Une responsabilité.
M. Lortie (Jean): Une responsabilité. Parce qu'on le dit bien, c'est le droit et le devoir d'alerte, on le rappelle bien que ce n'est pas juste un droit. On a un devoir collectif aussi de s'assurer que ce qu'on produit, on va le consommer. Ça, sur la question du devoir, je vous dirais, on a un peu moins de travail à faire que sur la question de la notion de droit, parce que c'est quand même assez complexe, là, on en parle depuis ce matin. Mais je vous dirais que, si ça existait, les gens l'exercerait. Probablement que ça se réglerait localement entre les gens du contrôle de la qualité avec la direction de l'entreprise, si les quelques incidents qu'on pourrait avoir... bien, c'est là que ça se réglerait. Mais les gens sauraient que ça existe. Ça donne un peu plus de raideur à la colonne vertébrale quand tu sais que tu es capable d'arrêter la chaîne de production, que tu peux arrêter ça, parce que même la livraison de la commande est mieux d'être retardée, parce que tu penses que, comme travailleur, non abusivement, tu peux l'arrêter. Et, je vais vous dire, si ça existait, les gens seraient très contents d'avoir ce pouvoir-là.
M. Valois (Roger): Mais il faut être sécurisant aussi. Parce que, en 1979, quand on a acquis le droit de cesser de travailler en santé et sécurité, le Conseil du patronat voyait le Québec arrêté au complet. Ça n'a pas été catastrophique tant que ça, là, hein. On peut sortir les chiffres, c'est un droit individuel puis qui est exercé de façon très correcte. Il y a des fois quelques abus mais... des fois, c'est les deux côtés, mais il n'y a pas eu la vision noire qui avait été déposée à l'époque en commission parlementaire. L'avantage de l'expérience, c'est ça. En commission parlementaire, le Patronat de l'époque, c'était Dufour qui était là: Le Québec était arrêté, tout le monde était pour arrêter de travailler, les moyens de production... Aie, écoutez bien, là! Regardez aujourd'hui. C'est comme la loi antiscab, hein? On n'était pas compétitifs, puis on n'était pas ci, puis finalement les autres, ils copient quasiment sur nous.
Donc, il faut dire: C'est un droit. Et, à partir du moment où on a un droit d'arrêter, la contrepartie arrive, c'est qu'il y en a qui font plus attention pour ne pas qu'on l'exerce. Ça, c'est... En santé et sécurité, ça s'est avéré comme ça.
La Présidente (Mme Houda-Pepin): Je redonne quand même la parole à la députée de Deux-Montagnes. Il vous reste une minute si vous voulez poser une question.
Mme Robert: Oh, moi, ça va, je n'avais pas... Je terminais sur cette question-là. Je pense qu'il y avait un intervenant qui voulait ajouter quelque chose, je lui donne la chance de le faire.
M. Samak (Qussaï): Merci, Mme la députée. Juste ajouter un mot sur l'importance d'une reconnaissance réglementaire ou législative de ce droit. C'est que la tendance actuelle, c'est ? on donne des noms, assez jolis, d'ailleurs ? la prise en charge par le milieu, la responsabilisation des partenaires sociaux sur le terrain. C'est joli, c'est plein de bon sens aussi mais dans la mesure où il y a un désengagement qui vient avec ça. M. Lortie, tantôt, dans le couloir, on parlait et il disait que de plus en plus les inspecteurs même disent: De plus en plus, ce n'est pas l'inspection visuelle, dans le temps, mais plutôt le travail d'«auditing», papier, hein, sur la qualité. Parce qu'il y a moins d'inspections, il y a moins d'inspecteurs, il a moins de budget, on dit: Responsabilisation et prise en charge par le milieu.
Alors, on dit: C'est d'autant plus important, dans un contexte où il y a un recul et un désengagement, d'outiller correctement les partenaires sociaux sur le terrain pour faire ce travail en amont, c'est d'autant plus important de le faire. Donc, une reconnaissance de ce droit par un outil législatif ou réglementaire pourrait effectivement combler la carence de ce désengagement sous le poids des coupures, etc. C'est malheureux, mais ça arrive aussi. Voilà.
Mme Robert: Alors, prise en charge mais par tous les milieux, pas juste le patron.
M. Samak (Qussaï): Tout à fait, voilà.
La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci beaucoup...
M. Valois (Roger): C'est la sagesse de la vieille Égypte, hein, qui...
La Présidente (Mme Houda-Pepin): Très bien.
Des voix: Ha, ha, ha!
La Présidente (Mme Houda-Pepin): L'Égypte est vieille mais pas Qussaï.
Des voix: Ha, ha, ha!
La Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors, M. le député d'Iberville, suivi par le député de Portneuf.
M. Rioux: Merci, Mme la Présidente. Peut-être juste une réflexion. Quand vous avez parlé tout à l'heure du 1 %, je vous rappelle qu'il y a des normes qui disent que l'entreprise qui ne fait pas de formation est fermée après cinq ans. Donc, je pense que c'est implicite que les entreprises qui veulent survivre font leur formation puis font leur recherche et développement.
Là-dessus, je reviens sur une proposition, là, que je trouve qu'on a débattue beaucoup, le droit et le devoir d'alerte. Je pense que, effectivement, la notion de devoir, je pense qu'on doit s'assurer que les citoyens aient des aliments sains dans leur assiette, et je pense que c'est quelque chose d'élémentaire, c'est un besoin essentiel, je pense qu'il devrait exister.
Ce que j'ai compris, dans votre démarche, vous nous dites: Les travailleurs qui sont syndiqués et où est-ce qu'il y a des normes HACCP, il n'y a pas de problème effectivement, il existe déjà, le mécanisme est en place. Au niveau des autres entreprises syndiquées où est-ce qu'il n'y a pas les normes HACCP, le travailleur peut l'exercer, et effectivement a le devoir de l'exercer, et est protégé par son syndicat. Par contre, il lui manque peut-être une partie, c'est la connaissance, d'être capable finalement d'identifier, finalement qu'il est capable d'alerter, de dire: Bien, il y a un problème, là, dans la chaîne de production, qui pourrait se rendre jusque dans l'assiette du consommateur.
La troisième partie, et c'est celle-là où est-ce que le droit, on devrait davantage le retrouver, c'est ? la question qui a été posée par ma consoeur tout à l'heure: il y a seulement 30 % des travailleurs, dans le milieu agroalimentaire, qui est syndiqué. Et c'est là que pourrait s'exercer et assurer... il faudrait assurer la protection du travailleur, finalement, qu'il puisse exercer son devoir, mais, de l'autre côté, que ce soit un droit qui soit protégé. Est-ce que, dans... Et là je vous ne demanderai pas des noms et de dénoncer. Mais, par votre expérience, est-ce que vous avez eu, dans le milieu non syndiqué, des cas qui vous ont été rapportés où la mesure que vous proposez là, c'est pour prévenir, faire de la prévention, ou vous nous l'amenez suite à des cas que vous avez entendu parler?
La Présidente (Mme Houda-Pepin): M. Lortie.
M. Lortie (Jean): À deux niveaux, la réponse. D'abord, sur la norme HACCP, syndiqués ou pas syndiqués, je vous dirais que le syndicat n'a aucun droit de regard, aucun. Actuellement, les syndicats n'ont aucun droit de regard sur la sanitation, comme acteurs représentant collectivement les travailleurs d'une usine, ou d'un marché d'alimentation, ou de quelque endroit que ce soit. On va l'introduire, nous, dans les conventions collectives, pour devenir cet acteur-là. Donc, devant l'employeur, quel que soit son nom, on va lui dire: Nous devenons un acteur et nous sommes cogarants de la qualité, voici les mécanismes: j'arrête la ligne de production mais en autant que, que, que... il y a de la formation adéquate sur les conséquences ? ce que la députée de Soulanges mentionnait un peu plus tôt ? et etc. Donc, ça, ça existe, syndiqués ou non syndiqués. On a syndiqué des gens dans le milieu de travail... Oui, pardon?
M. Rioux: Est-ce qu'il y a des réticences, au niveau des entreprises, que vous soyez...
M. Lortie (Jean): Effarouchées.
M. Rioux: Oui?
M. Lortie (Jean): Très effarouchées. Les employeurs, je vous dirais qu'ils tapent du pied. À quelques reprises, dans des discussions très informelles, de grandes entreprises ont dit: Qu'est-ce que c'est ça? C'est quoi que vous voulez là-dessus? Alors, ils sont très inquiets. Je vous dirais qu'il n'y a pas beaucoup d'enthousiasme, à date. Il y en a eu à Matane, je l'ai mentionné, qui est dans le mémoire de la CSN. L'employeur était d'accord, il trouvait que c'était très intéressant pour ses clientèles futures dans son marché. Je vous dirais qu'à date les employeurs sont plutôt nerveux. Parce que vous amenez un acteur supplémentaire à son contrôle de qualité, donc son droit de gérance, et l'inquiétude qu'il a, c'est comme l'inquiétude de 1979: Ils vont arrêter toujours la production. Ce qui n'est pas le cas, hein, je vous le disais. Et là c'est là qu'on introduit, nous, la notion, dans la convention collective, de la formation, les conséquences, l'exercice, la capacité de le faire et d'encadrer ça. Donc, le syndicat devient cet acteur de devoir l'exercer.
On a syndiqué des gens qui arrivaient d'entreprises assez maganés, hein, permettez-moi l'expression. Je vous dirais qu'en les syndiquant ça apurait aussi les comptes, si vous me permettez aussi l'expression, parce qu'il y avait un acteur qui rentrait dans l'usine, qui pouvait dire: Écoutez, au niveau de la santé et sécurité, il y a des ravages dans cette usine-là, les gens ont des accidents, il y a des problèmes de toutes sortes. Le fait qu'ils se syndiquaient, c'était souvent le facteur, parce qu'ils trouvaient que c'était insalubre et incapables de vivre, il faisait trop chaud, il faisait trop froid, ils avaient les pieds dans l'eau à la journée longue. Ils cognaient à la CSN puis ils se syndiquaient. Et rapidement on négociait, par la convention collective, un réaménagement, je vous dirais, assez radical de ces conditions-là, ou l'employeur carrément quittait le Québec parce qu'il ne pouvait plus exercer à cause de la présence d'un syndicat.
Mais je vous dirais que, quand on est syndiqué, ça permet d'atténuer énormément d'aspérités sur les conditions d'exercice de santé et sécurité parce que le syndicat est un acteur qui peut soit faire venir l'inspecteur, sans représailles, hein... Parce que, je vous dirais, oui, 30 % de la main-d'oeuvre est syndiquée dans les industries agroalimentaires, le droit et devoir d'alerte, c'est aussi pour ceux qui ne sont pas syndiqués, qui peuvent avoir appel à un inspecteur qui va dire: Le travailleur a raison, il ne doit pas subir de représailles parce qu'il a exercé ce droit-là. C'est surtout à eux, comme la Loi de la santé et sécurité le prévoit, c'est pour les syndiqués et non-syndiqués. Bien, le droit d'alerte, dans l'agroalimentaire, c'est aussi pour les deux groupes. Syndiqués, ça les aide, ils ont un outil collectif qui peut les aider en cas de congédiement, on peut faire toutes les représentations au Tribunal du travail. Mais, dans les non-syndiqués, il faut qu'ils soient capables d'être à l'abri des représailles. C'est ça, la notion, parce qu'on veut protéger aussi ces gens-là de ce côté-là.
La Présidente (Mme Houda-Pepin): Très bien. M. le député de Portneuf.
M. Soucy: Alors, merci, Mme la Présidente. Je vous ai écoutés, dans votre préambule, dans votre introduction, vous avez fait part qu'en fait il y avait une bonne collaboration puis une très grande fierté des travailleurs dans le domaine de l'alimentation. Et puis vous nous avez décrit des situations qui faisaient en sorte que vous êtes sortis de là avec des petits paquets puis vous étiez assurés de la qualité des éléments qui étaient là.
n(12 h 30)n Alors, comment, après nous avoir dit que la situation est quand même très intéressante, comment en arriver par la suite avec une norme... en tout cas, une exigence supplémentaire qui pourrait avoir... qui pourrait générer des augmentations de coûts? Parce qu'on a parlé... Je ne parle pas de la formation, mais je parle de l'inspection. Parce que tantôt vous avez dit: À chaque fois qu'on va arrêter l'usine, pour quelque raison que ce soit, l'inspecteur devra être là. Donc, ça va engendrer des coûts supplémentaires.
D'autre part, on sait que, dans l'alimentation, l'élasticité, la variation du coût par rapport à la propension de la personne à acheter est assez limitée, on parle de 4 %, 5 %. Alors, est-ce qu'on va se permettre d'avoir des coûts, disons, plus grands et puis prendre le risque de perdre évidemment une partie du marché, quand on sait qu'on ne contrôle pas tous les aliments qui viennent de l'extérieur, là, en termes, là, des qualités que vous relevez?
Donc, on est dans un système où il y a beaucoup de concurrence, c'est difficile, les moindres variations sont susceptibles d'engendrer des effets qu'on ne connaît pas nécessairement. Alors, évidemment, moi aussi, de mon côté, je pense que vous avez décrit une situation qui était intéressante, puis là, après ça, vous arrivez avec presque une situation qui nous apparaît dangereuse. Alors, j'aimerais ça que vous me fassiez l'équilibre entre les deux.
Puis évidemment vous me permettrez, Mme la Présidente, de revenir sur les propos de M. Valois. Ce n'était pas à l'ordre du jour, mais le fait d'avoir parlé de la modification au niveau de la formation ou du standard, je comprends que... vous avez décrit une situation tantôt que, moi, je ne perçois pas nécessairement. Je veux juste vous dire qu'en 2002 les plus petits travailleurs ont constitué... je dirais, les plus petites entreprises ont constitué un fonds... ont contribué pour 75 % d'un fonds de 30 millions qui n'a pas été, justement, dépensé en formation, il est dans un fonds qui est attribué à la formation mais qui n'a pas été investi auprès des employés. Donc, il y a encore de l'argent au niveau de la formation.
La Présidente (Mme Houda-Pepin): Très bien. Il nous reste deux minutes, si vous voulez bien...
M. Lortie (Jean): Rapidement.
La Présidente (Mme Houda-Pepin): Oui.
M. Lortie (Jean): Je pense qu'on ne doit jamais lésiner sur les coûts de la qualité. Ça, je pense que tout industriel pourrait vous le confirmer. Nous, on dit: On fait de la prévention. Dans notre métier, en santé et sécurité ou au niveau des droits collectifs, on veut faire de la prévention. Le débat qu'on place ce matin, c'est un débat de prévention pour le futur. Ce qu'on pense, c'est... la conjoncture porte à penser que, dans les prochaines années, il va y avoir de violentes tourmentes sur la question de la sécurité alimentaire, traçabilité, OGM, etc., épizootie, de toutes les sortes. Donc, on dit: Faisons de la prévention, donnons à des gens qui sont sur la ligne de front la capacité de garantir à l'entreprise son avenir, hein.
Il n'y a rien de pire qu'un scandale comme la Federal Packers pour détruire une industrie. Le nom a même disparu du Québec. Je ne voudrais surtout pas que ça arrive à quelque industriel que ce soit. Et le débat que je ferai avec eux, en disant: Allez-vous lésiner sur les coûts, chipoter sur les coûts de la qualité, quand vous pourriez rajouter un label supplémentaire en disant: Les employés mangeraient de ce produit-là? C'est pour ça que je vous disais que, quand on visite les usines, il n'y a pas de problème. Puis ça je veux être clair là-dessus, il n'y a pas de problème.
Mais notre monde nous le dit, et c'est les dirigeantes et les dirigeants des syndicats locaux qui nous le disent: Le futur nous inquiète. Et c'est sur ça qu'on mise, et c'est pour ça qu'on a déposé ce mémoire ce matin, pour le futur, en disant: Donnons un droit mais un devoir également de garantir aux Québécois et aux exportations québécoises une sécurité alimentaire impeccable, hors de tout questionnement possible. Je regarde ce qui s'est passé en Europe, la viande, en Angleterre, c'est un désastre pour l'industrie bovine anglaise, il y a des centaines de milliers de travailleurs qui ont perdu leur emploi. Il ne faudrait surtout pas vivre ça au Québec. Je pense que ce serait une catastrophe pour l'industrie et surtout les régions du Québec, régions productrices et transformatrices.
La Présidente (Mme Houda-Pepin): Très bien. Alors, ceci clôt le débat avec les représentants de la Confédération des syndicats nationaux. M. Valois, M. Lortie et M. Samak, la commission vous remercie.
Et, en ce qui nous concerne, je suspends nos travaux à 14 heures cet après-midi. Merci de votre collaboration et bon appétit.
(Suspension de la séance à 12 h 34)
(Reprise à 14 h 2)
La Présidente (Mme Houda-Pepin): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, je déclare la séance de la Commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation ouverte. Nous poursuivons nos auditions publiques sur le mandat d'initiative relativement à la sécurité alimentaire.
J'invite le prochain groupe, qui est l'Union paysanne. Alors, je vous invite à vous présenter, s'il vous plaît. Alors, M. Roméo Bouchard, président de l'Union paysanne, je vous demanderais, s'il vous plaît, de nous présenter les membres qui vous accompagnent. Vous avez une vingtaine de minutes, en fait, 20 minutes pour présenter votre mémoire, et suivra 20 minutes d'échange avec chaque groupe parlementaire, pour un total d'une heure. À vous la parole, M. Bouchard.
Union paysanne et
Union paysanne de Lanaudière
M. Bouchard (Roméo): Alors, bonjour, Mme la Présidente et les députés. On vous remercie de nous accueillir. On est ici quatre personnes. Je suis le président de l'Union paysanne; Maxime Laplante, à ma droite, est agronome et secrétaire général de l'Union paysanne; à ma gauche, Charles Mercier, qui est biologiste responsable de l'équipe de l'Union paysanne à Montréal, qui a traité des annexes plus techniques; et Mme Céline...
Une voix: Poissant.
M. Bouchard (Roméo): ...Poissant, qui est responsable de l'Union paysanne dans la région de Lanaudière. Et on a demandé de joindre le mémoire de Lanaudière avec nous aujourd'hui, ça nous fait un temps un peu serré, mais on va essayer de travailler dans ce contexte-là.
La Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors, on vous remercie de votre compréhension, M. Bouchard, parce qu'on a effectivement plusieurs groupes et on veut les entendre tous, et, dans certains cas, il faut les regrouper.
M. Bouchard (Roméo): D'accord. Cette commission-là nous intéresse au plus haut point, à l'Union paysanne, parce qu'on travaille justement à mettre... à promouvoir une alternative au modèle industriel d'agriculture et d'alimentation. Or, quant à nous, c'est précisément le développement des méthodes d'agriculture industrielles et aussi des méthodes commerciales industrielles actuellement qui ont créé finalement dans le public des doutes très importants sur la qualité des aliments. Ces méthodes industrielles là ont changé beaucoup l'alimentation et la façon de la produire. Et les procédés industriels utilisés ne sont pas au-dessus de tout soupçon. Le mystère qui entoure ces procédés, les intérêts économiques et politiques énormes qu'il y a derrière ça, c'est autant de facteurs qui font que les gens ont un peu perdu confiance dans la qualité et la sécurité des aliments. Et les maladies propres à notre époque viennent nourrir cette méfiance-là, quand on parle des cancers, des allergies, des déficiences immunitaires, de l'infertilité, de l'obésité, etc.
Je voudrais partir la réflexion avec la question de la vache folle. La façon dont on a réagi à l'épidémie de la vache folle est un indicateur, indique comment on conçoit le problème de la sécurité alimentaire et comment on essaie d'y répondre. On a su très tôt que, enfin, la cause, la seule cause identifiée à la maladie de la vache folle, c'est le fait qu'on ait utilisé des farines animales. On pourrait croire que suite à tout ce que ça a causé de problèmes en Europe on aurait rapidement, ailleurs, donc ici, au Canada, aussi au Québec, complètement interdit les farines carnées. Ce n'est pas ce qui s'est passé. On a maintenu les farines carnées. On en a interdit juste certaines parties même si on savait que, en faisant ça, les farines carnées allaient circuler clandestinement très facilement. Et là, maintenant qu'on a trouvé une vache folle en Alberta, qu'on est en train de détruire l'industrie, on n'a pas encore interdit les farines carnées, on a juste élargi un petit peu les interdictions, etc.
En d'autres mots, ce que révèle ce qu'on a fait depuis trois, quatre ans là-dessus, c'est qu'on préfère abattre des troupeaux, indemniser à coup de millions, mettre des puces dans les oreilles des animaux et surtout augmenter le nombre d'inspections ? ce qui est toujours une goutte d'eau, de toute façon ? pour rassurer les clients étrangers. Mais ces mesures peuvent tout au plus éliminer les carcasses d'animaux qui sont malades, ne guérissent pas la maladie, ne s'attaquent pas aux causes de la maladie. Et, de là, on déduit que le problème de sécurité alimentaire n'est beaucoup... moins un problème d'inspection, de normes, de traçabilité qu'un problème de pratiques agricoles et agroalimentaires non sécuritaires et même carrément dangereuses. Notre système d'homologation, d'inspection et de traçabilité n'est guère plus qu'une opération de marketing, il est fait pour la sécurité psychologique des clients, mais non pas pour assurer la sécurité réelle des aliments. Donc, on ne dit pas qu'il ne faut pas des mesures d'inspection, des mesures de traçabilité, mais l'essentiel, si on veut s'attaquer aux problèmes des maladies et de l'altération des aliments, c'est dans les pratiques agricoles et les pratiques de l'industrie agroalimentaire qu'il faut aller chercher.
Qu'est-ce que c'est, ces pratiques-là, d'après nous ? on ne fait que les énumérer, là ? qui sont non sécuritaires et qu'on est portés à ne pas prendre au sérieux parce qu'on pense qu'il y a des normes, puis il y a des inspections, puis tout est solide, puis tout est sérieux, tu sais? La première pratique, je dirais, générale, c'est l'industrialisation qu'il y a eu et la concentration qu'il y a eu de l'agriculture. Toute la chaîne alimentaire aujourd'hui est en concentration. Les aliments ainsi produits sur des fermes-usines sont transformés dans des usines et distribués dans des chaînes d'épiceries à grande surface, ce qui nécessite un nombre incalculable d'interventions et d'altérations du produit pour assurer sa disponibilité, sa conservation et sa bonne apparence partout, en tout temps et au meilleur prix. Et nos aliments font en moyenne 2 500 km, et les épidémies voyagent avec les aliments. Alors, on se retrouve avec un système qui génère de grands problèmes de sécurité et d'innocuité des aliments. Il n'y en a plus d'aliments frais, pratiquement. Il n'y a plus d'aliments vivants dans ce système-là, où tout circule autour de la planète avant d'arriver dans notre assiette.
n(14 h 10)n Les pratiques agricoles les plus dangereuses, à mon point de vue, auxquelles il va falloir s'attaquer soit pour les contraindre, soit pour les éliminer, soit carrément pour les interdire: les engrais chimiques et les fumiers liquides, première affaire, avec les monocultures qui suivent. Ça a tellement appauvri les sols en oligoéléments, entre autres, et en matières organiques que tous ceux qui analysent les aliments qui sont produits dans ces terres-là appauvries, désertifiées, en réalité, disent que ces aliments-là sont de plus en plus carencés en oligoéléments qui sont essentiels pour l'immunité de notre système.
Les pesticides, l'autre chapitre, qui laissent des résidus partout, qui font des grenouilles à six pattes, donc qui fabriquent de l'infertilité un peu partout, y compris 50 % de diminution de la fertilité chez les hommes en Amérique, probablement que ça a quelque chose à faire avec ça. Le mode d'emploi des pesticides est à toutes fins pratiques le mode d'emploi des compagnies sur les bidons. Le 5 % de pertes qu'on avait par les maladies avant les pesticides n'a pas été modifié. Avec les pesticides, il faut en ajouter continuellement de nouveaux parce qu'il y a des résistances, on est encore à peu près à 5 % de pertes, là, ça n'a rien arrangé dans le système et ça a déréglé tout l'écosystème. Donc, un chapitre très important qu'il ne faut pas laisser de côté.
Les antibiotiques, on sait qu'on les utilise beaucoup dans les élevages et que ça crée des résistances qui vont être de plus en plus graves. Les hormones de croissance, c'est un produit hautement contesté par tous les experts européens, un grand nombre... et, nous, on les utilise, c'est homologué, il n'y a aucun problème, etc., sauf dans le lait, mais tout le monde sait que beaucoup de producteurs de lait utilisent la somatotropine. Elle circule facilement en venant des États-Unis, n'importe comment, il n'y a pas de contrôle.
Les farines carnées, là c'est un chapitre où on devrait carrément intervenir de façon très claire. Les farines carnées, il y a de nombreux risques, dangers de déviance tout au long du processus de préparation et de distribution. On a découvert qu'il n'était pas rare qu'on y ajoute d'autres éléments, comme des boues septiques et des fumiers. Les consommateurs ont raison d'être saisis de répugnance et de peur devant des procédés aussi contraires à la nature. Et on a des preuves là-dessus. Il n'y a aucune raison de maintenir la tolérance qu'on a envers les farines carnées.
L'utilisation des semences et d'animaux transgéniques, beaucoup vont en parler dans cette commission-là, on ne prétend pas être les meilleurs spécialistes là-dessus, mais ce sont des procédés qui altèrent de plus en plus les aliments et qui... Du point de vue agricole, la contamination rapide des plantes et des animaux transgéniques met en péril la survie des espèces naturelles et des cultures biologiques en plus de permettre à quelques multinationales de s'assurer une mainmise sur l'ensemble de l'agriculture mondiale. Alors, nous, on pense, non seulement il faut étiqueter les OGM, mais il faut interdire l'usage des semences et des animaux transgéniques en agriculture, sinon on perd complètement le contrôle de notre agriculture. Bon. La concentration des animaux dans les grands élevages, c'est un problème aussi qui amène les épidémies, les animaux élevés en réclusion, etc.
Il y a tout l'aspect maintenant de la mise en marché commerciale. C'est des centaines de produits. J'ai relevé quelque part, là, 32 colorants, 22 agents de conservation, 16 antioxydants, 32 agents de texture, 16 autres produits. En tout cas, ça ne finit plus les produits qu'on met dans les aliments transformés actuellement. L'irradiation des aliments, on est complètement contre ça. C'est un procédé de conservation qui est devenu nécessaire à cause de l'énorme circulation des aliments, ce n'est pas...
Donc, les mesures de contrôle qu'il y a là-dessus, sur lesquelles on se repose, quant à nous, beaucoup de gens ont perdu confiance dans ces mesures-là parce que les scientifiques et les organismes de contrôle sont visiblement asservis aux grands intérêts économiques et politiques en jeu. Le processus n'est pas transparent. Le processus n'est pas neutre. Et il y a une sorte d'instrumentalisation de la nature qui est servie, et du vivant, qui est autorisée là-dedans qui heurte de plein fouet les valeurs des gens dans la population.
La Commission d'éthique de la science et de la technologie, dans son rapport, que vous connaissez sûrement, est allée directement dans ce sens-là. Si les processus ne deviennent pas plus transparents, s'il n'y a pas des citoyens du domaine social qui sont là, si on ne tient pas compte des valeurs de la population, on ne va nulle part, avec des experts qui la plupart du temps sont à la solde des industries.
Alors, ce n'est pas seulement une mauvaise perception attribuable aux pressions sociales, comme dit le document qu'il y a pour la consultation, c'est beaucoup plus que ça. C'est que la sécurité alimentaire, ce n'est pas un problème scientifique d'abord, c'est un problème social. C'est une population qui décide de se donner tel type de sécurité. C'est un choix de société. Quand vous allez vous acheter une assurance, une assurance vie ou une assurance pour quelque chose, vous choisissez d'avoir tel niveau de sécurité, moins, ou plus, ou beaucoup. Bien, pour ces questions-là, y compris les OGM, on pense que c'est un problème social beaucoup plus que scientifique, surtout à une époque où les experts sont au service des politiciens ou des industries. La population a des valeurs et décide, oui ou non, d'aller jusque-là.
L'Europe a choisi d'éviter les risques potentiels. Ça a donné le principe de précaution qui est appliqué largement en Europe. En Amérique, parce qu'on est une société politique soumise aux industries, aux multinationales, on dit: On va y aller avec l'évaluation des risques réels au plus bas dénominateur, et ça donne ce qu'on a, on autorise n'importe quoi. Et, alors que 90 % des Américains veulent l'étiquetage des OGM, d'après les sondages, on refuse de le faire.
Alors, nous, c'est clair que la véritable base d'une sécurité alimentaire, ce n'est pas... on n'est pas... je ne dis pas qu'il faut les enlever, mais ce n'est pas d'abord dans les normes d'inspection et de traçabilité, qui effectivement coûtent des fortunes. M. Pellerin a raison là-dessus, pour faire quatre, cinq fermes certifiées HACCP, on a investi je ne sais pas comment de millions, au gouvernement. Et ça, ce n'est rien à côté de la traçabilité. Alors, au lieu de mettre l'argent là, il faut la mettre pour soutenir une agriculture de proximité, une agriculture orientée vers les marchés intérieurs, les marchés locaux, vers l'agriculture biologique, l'agriculture durable, l'écoconditionnalité, payer pour soutenir des producteurs qui, sur leurs fermes, vont faire des pratiques où on aura des aliments sains. Ça, c'est un bien meilleur investissement que dans les normes HACCP.
Et, présentement, nos politiques agricoles vont toutes dans le sens inverse. On favorise la conquête des marchés mondiaux. On finance l'agriculture au volume de production. On favorise la mise en marché standardisée et industrielle. On ne fait pas de place à la mise en marché locale. On privilégie d'investir dans la traçabilité plutôt que dans l'écoconditionnalité, etc. Si on ne change pas nos politiques, c'est clair qu'on va avoir de plus en plus de problèmes et on va devoir investir énormément d'argent dans les épidémies, dans toutes sortes de scandales.
Donc, notre approche, si on avait une recommandation simple à faire, c'est qu'on pense que... On a proposé, l'Union paysanne, de faire des états généraux de l'agriculture parce qu'on pense qu'il faut réviser tout notre modèle de production agricole et de gestion de la mise en marché des produits alimentaires. Et ça, c'est un grand exercice qui ne peut pas se faire à la pièce. Et on pense que des états généraux seraient une amorce de cet exercice-là où une société choisit le type d'alimentation et le type de sécurité alimentaire qu'elle veut.
Je vais passer la parole à Charles Mercier, qui a quelques mots à dire sur les normes HACCP, entre autres, et ensuite à Mme Poissant, qui aura aussi quelques remarques venant du mémoire de Lanaudière.
La Présidente (Mme Houda-Pepin): Très bien, M. Bouchard. Je vous rappelle que vous avez quatre minutes.
M. Bouchard (Roméo): Vous pouvez nous étirer ça un petit peu, étant donné qu'on est deux.
La Présidente (Mme Houda-Pepin): Quatre minutes, et on aura beaucoup de temps d'échange avec les parlementaires. Allez-y.
M. Mercier (Charles): Donc, Mme la Présidente, Mmes et MM. les membres de la commission, merci beaucoup de nous avoir donné l'opportunité de venir ici aujourd'hui. Donc, ce que j'ai fait, c'est que j'ai répondu à certaines questions spécifiques du document de consultation. Donc, la première, c'était: «Croyez-vous qu'il est important de généraliser l'utilisation de la méthode HACCP à l'ensemble de l'industrie alimentaire?» Étant donné les limitations de temps, je vais seulement donner quelques remarques et une réponse à cette question.
Donc, nous, on pense que l'instauration de ces normes est une mesure qui simplifie un peu le problème et qui est prématurée, car elle ne contribuera pas à éliminer les risques qui sont inhérents aux procédés industriels de production. Donc, les normes HACCP, c'est plutôt une mesure pour faciliter l'exportation, car elle est de plus en plus demandée par nos partenaires commerciaux. Mais, au niveau de la sécurité alimentaire, ce serait plutôt un mode de production qu'on pourrait appeler, là, globalement, paysan, c'est-à-dire à petite échelle, décentralisé, respectueux de l'environnement, qui permettrait vraiment de prévenir les risques.
n(14 h 20)n La méthode HACCP, au contraire, c'est seulement essayer de contrôler les risques mais sans éliminer leurs causes. Donc, l'argent investi dans, par exemple, la mise aux normes HACCP dans divers secteurs de la chaîne alimentaire serait mieux utilisé, par exemple, en encourageant le biologique, la transition vers le biologique. Mais, si jamais ces normes étaient appliquées, l'Union paysanne a certains questionnements concernant l'effet qu'elles pourraient avoir sur le secteur agricole, surtout les petits joueurs.
Considérant que cette méthode a été élaborée par et pour la grande industrie agroalimentaire ? c'est Pillsbury qui l'a mise au point pour la NASA, pour la nourriture qui était destinée aux astronautes; deuxièmement, que cette méthode pourrait impliquer davantage d'autocontrôle du côté de l'industrie parce qu'on demande à l'industrie finalement de prendre ses propres mesures, et après ça c'est évalué par des inspecteurs; troisièmement, étant donné que ces certifications coûtent très cher ? le ministre de l'Agriculture, en 2001, Rémy Trudel, a parlé de 20 000 $ par entreprise, mais ça, c'est sûrement un minimum; et, quatrièmement, étant donné que cette mesure est de plus en plus demandée par nos partenaires commerciaux; donc, nous nous posons les questions suivantes.
Est-ce que l'importance donnée à ces normes va forcer les PME agroalimentaires qui emploient des méthodes artisanales à s'équiper d'installations et d'instruments de type industriel, donc à uniformiser leurs méthodes de production et à affecter la qualité finale et le caractère distinctif de leurs produits? Donc, c'est très important, ça pourrait affecter justement le secteur artisanal, qui se développe beaucoup en ce moment.
Deuxièmement, dans l'éventualité d'une généralisation de ces normes, est-ce que les risques, qui sont différents dans les petites et grandes entreprises, vont amener à des exigences justement adaptées à la grosseur de l'entreprise ou, au contraire, est-ce qu'on va exiger des normes semblables quelle que soit la taille de l'industrie?
Et, troisièmement, c'est très important, lorsqu'on va articuler les normes avec notre système d'inspection alimentaire, quel sera l'effet au niveau de la fréquence des activités d'inspection, du nombre d'analyses effectuées, de l'éventail des contaminants à surveiller et des pénalités imposées? Autrement dit, est-ce qu'on va plus faire confiance à l'industrie et moins inspecter? Est-ce que le rôle du gouvernement va diminuer dans ce nouveau système qui serait plutôt... qui serait semi... disons, qui serait un partenariat entre l'industrie et le gouvernement? Ça, ça pourrait mener, au contraire, à, disons, une augmentation des risques sanitaires, comme ça a déjà été observé aux États-Unis. On pourra en discuter un peu plus tard, mais il y a des endroits où on a appliqué des normes HACCP...
La Présidente (Mme Houda-Pepin): Je m'excuse, je veux vous arrêter parce qu'on aimerait entendre le point de vue de Lanaudière dans le cadre du 20 minutes. Puis on va revenir, on va vous donner le temps pour échanger avec les députés. Mme Poissant, s'il vous plaît.
Mme Poissant (Céline): Merci. Je vais vous lire mon texte puis je vais essayer de faire ça rapidement. Le mémoire de l'Union paysanne de Lanaudière rejoint tout à fait l'esprit général de celui présenté par l'Union paysanne, par M. Bouchard, soit la nécessité de revoir globalement et en profondeur le modèle agricole dominant, qui génère des problèmes de sécurité alimentaire. Je ne vais pas répéter tout ce que M. Bouchard a dit, c'est certain qu'on est pleinement d'accord, dans Lanaudière. Le mémoire de l'Union paysanne de Lanaudière rejoint aussi en grande partie ce qui a été dit hier par Équiterre et notamment son intérêt au-delà de la question de la qualité des aliments, aussi pour la quantité et l'accès aux aliments.
L'Union paysanne de Lanaudière considère qu'il faut tenir compte de toutes les dimensions de la sécurité alimentaire qui ont été identifiées en 1996 par l'Organisation mondiale de la santé et par la FAO et notamment l'accès pour tous à des aliments sains et nutritifs. L'Union paysanne de Lanaudière insiste plus particulièrement sur les impératifs du commerce international, qui semble influencer grandement le développement des systèmes d'inspection, de traçabilité et d'étiquetage des aliments. Elle rappelle que les aliments ne sont pas des marchandises comme les autres mais qui relèvent d'un besoin fondamental, biologique, humain et constituent un droit humain reconnu dans la Déclaration universelle des droits de l'homme depuis 1948.
Pour l'Union paysanne de Lanaudière, l'approche de la chaîne alimentaire basée sur une surveillance de la sécurité sanitaire des aliments consiste surtout à calmer les inquiétudes croissantes des acheteurs, autant les consommateurs individuels que les marchés internationaux, à l'égard des aliments qui leur sont offerts. Cette approche ne s'attaque pas aux véritables causes des problèmes de sécurité alimentaire. Cette approche ne s'intéresse pas non plus aux personnes démunies, qui n'ont pas les moyens de s'inquiéter de la qualité de leurs aliments pour se préoccuper essentiellement d'avoir quelque chose à manger ? parce qu'on a des gens comme ça autant au Québec qu'on en a dans les pays en voie de développement. Et l'Union paysanne de Lanaudière s'inquiète particulièrement du risque de perpétuation, voire d'accentuation d'une alimentation à deux vitesses. Et c'est sûr que, pour l'Union paysanne de Lanaudière comme pour l'Union paysanne au niveau national, la conclusion ou, en fait, la solution doit passer par probablement des états généraux de l'agriculture et un débat social sur ces questions-là importantes.
La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci beaucoup, Mme Poissant. On a débordé le cadre, mais on va couper dans la période de l'échange. Alors, M. le député de Nicolet-Yamaska.
M. Morin (Nicolet-Yamaska): Merci. Bienvenue. Merci de votre présentation. Je vais y aller assez directement. Une de vos recommandations, vous disiez tantôt, M. Bouchard, c'est la tenue d'états généraux sur l'agriculture. Moi, je veux faire le lien aussi avec certaines affirmations que vous faites dans votre mémoire, puis je cite, là, à la page 4: «Il s'agit d'admettre que les normes de sécurité animale ne sont pas des choix qui relèvent des scientifiques, ou des industries, ou même des politiciens, mais bien de la société.» Est-ce que, dans vos orientations futures ou dans vos pronostics vis-à-vis les états généraux qui pourraient se tenir, vous auriez l'occasion, à ce moment-là, de donner la parole, si on peut s'exprimer ainsi, à la société? Parce que vous me dites que ce n'est pas l'affaire des scientifiques, des industries, même pas des politiciens, mais de la société. J'ai un petit peu de misère avec ça, mais j'aimerais ça vous entendre là-dessus.
M. Bouchard (Roméo): Mais ce n'est pas une question d'exclure les scientifiques et les politiciens, mais c'est une question de bien montrer que la décision pour adopter telle interdiction, par exemple face aux OGM, ne relève pas des scientifiques, premièrement. Et leur point de vue est là, sur la table, mais c'est la population qui choisit, c'est un choix de société. Les politiciens, en tant qu'ils veulent bien écouter et représenter la population, c'est sûr qu'ils ont un rôle à jouer, là, que c'est eux qui ont comme la décision finale, mais il faut être conscient que les politiciens subissent les pressions des entreprises, des experts à la solde des entreprises. Quand on dit que toutes les homologations se font, la plupart du temps, sur les études établies par les compagnies, bien, je crois que les politiciens, à ce moment-là, s'ils ne sont pas plus neutres et libres que ça, ne doivent pas... Ce n'est pas eux qui ont le dernier mot, c'est toujours le peuple qui a le dernier mot.
L'idée, c'est qu'on est porté à dire: Ah, les experts ont dit ça. Et là, là, d'autres experts disent le contraire. Alors, on n'arrive nulle part dans le débat sur les OGM et dans la plupart des questions qu'on a là. Puis, quand on réalise que c'est une question sociale, ça change toute l'affaire, et là on comprend pourquoi l'Europe a fait des choix différents, pourquoi en Amérique on est sur telle autre chose et on comprend qu'au Québec on pourrait peut-être faire notre choix à nous en écoutant ce que le monde a à dire.
M. Morin (Nicolet-Yamaska): Si vous permettez. Bon, je vous suis bien, mais ce n'est pas parce que c'est écrit que les... ou même les politiciens, là, on... En fait, je ne me sens pas nécessairement visé. Mais ce que vous dites dans ça, c'est que, si on donne droit de parole, si vous voulez, à la société, ce que je lis entre les lignes, c'est qu'elle s'autogérera. O.K.? Est-ce que vous pensez que, si, mettons, la société avait des décisions à prendre, est-ce que, si le peuple décidait de s'exprimer face à la sécurité alimentaire, on aurait pu prévenir, avec une formule comme la vôtre, exemple, la crise de la vache folle?
M. Laplante (Maxime): Bonjour. Oui, si je peux me permettre, j'ai préparé d'ailleurs un complément qui vous a été remis...
La Présidente (Mme Houda-Pepin): Si vous voulez vous identifier.
M. Laplante (Maxime): Oui, Maxime Laplante, secrétaire général de l'Union paysanne. Donc, je vous ai remis un complément, et sur le cas de la maladie, c'est vraiment uniquement là-dessus que je l'ai fait, là, ça ne couvre pas la vision d'ensemble de l'Union paysanne, c'est vraiment un supplément qui est ajouté. C'est sur deux pages. C'est qu'en gros les maladies qui sont transmises de l'animal à l'homme, il y en a toujours eu. Je vous en ai donné quelques exemples, là. La peste, la rage, la tuberculose, le sida, la syphilis, la variole, la vache folle, la rougeole, la grippe espagnole, ce sont toutes des maladies qui sont passées de l'animal à l'homme. Puis à côté de ça vous avez toute la batterie des maladies qui se transmettent à l'intérieur des animaux, comme la fièvre aphteuse, jusqu'ici il n'y a pas eu grand cas vers l'humain, en tout cas, ça se peut, mais en tout cas. Donc, vous en avez une flopée.
n(14 h 30)n Vous n'arriverez pas à enlever les maladies, elles sont là. Cependant, vous pouvez faire en sorte qu'elles soient réduites ou qu'elles se répandent comme une traînée de poudre à travers les populations, les continents, un peu ce qui se passe d'ailleurs avec la grippe aviaire actuellement en Asie.
Sauf que, si vous n'êtes pas capable d'enrayer le microbe, comment on fait pour enrayer la propagation? Et c'est quand on regarde le modèle agricole industriel qu'on a mis en place actuellement, les caractéristiques de l'agriculture industrielle. J'en ai identifié trois principales en regard de ça. Vous avez, un, forte densité animale; c'est une façon de propager les maladies, hein? Dans un hôpital, c'est une bonne place pour attraper des maladies, tout le monde sait ça. O.K.? Le deuxième item, c'est que vous avez une très forte circulation de personnes, d'animaux, de vendeurs, de moulée, de tout ce que vous voulez sur toutes les fermes et d'une ferme à l'autre, ce qui n'est pas le cas sur une ferme normalement qui vit ce qu'on appelle en système clos, là: les animaux naissent sur la ferme, sont élevés sur la ferme, sont abattus sur la ferme et mis en marché localement. Et le troisième point, c'est que vous abaissez, vous affaiblissez le système immunitaire si vous avez toujours la même souche animale. C'est le phénomène Starbuck, là. O.K.? Toutes les vaches canadiennes laitières holstein descendent de Starbuck, etc., puis vous réduisez ça à une poule Leghorn dans l'industrie de la volaille, vous réduisez ça à un porc de type Landrace, ou etc. Donc, s'il y a une maladie qui s'attaque à un code génétique en particulier, bien, vous êtes mal pris lorsque la maladie se déclare. Puis, si tous les animaux sont de la même souche, bien, ça se répand très vite.
Et ce sont exactement les caractéristiques qu'on retrouve actuellement avec le modèle agricole actuel, c'est-à-dire que les animaux sont confinés en grand nombre, vous avez un degré de spécialisation qui fait que chaque animal est touché et entre en contact avec une multitude d'intervenants, que ce soit le vétérinaire, que ce soit l'inséminateur, le vendeur de moulée, l'équarrisseur, etc. Donc, s'il y a un problème quelque part, le vétérinaire, il part d'une ferme où les animaux sont malades, ça fait que, par définition, quand il arrive chez vous, c'est parce qu'il a vu d'autres animaux qui sont malades. Ça fait que ça peut être un facteur. Vous ne pouvez pas décontaminer un être humain au complet, là, ça ne se fait pas, vous ne pouvez pas le tremper dans l'eau de Javel, O.K.?
Et, je vous dis, pour avoir vécu assez longtemps en Europe ? j'ai vécu, dans les années quatre-vingt, les épidémies de vache folle, grippe porcine, peste porcine, les abattages massifs, dans les années quatre-vingt ? ma conclusion, à moi, c'est que... Comment les États réagissent? Et j'ai regardé comment l'Allemagne a réagi, la France, la Belgique, l'Angleterre. Il y a quatre étapes. La première, c'est: Nous autres, nos normes, c'est les meilleures, c'est ailleurs que ça arrive, nous autres, on est loin du problème. Lorsque le problème finit par arriver ici, on le diminue. C'est à ce moment-là qu'on demande à nos élus politiques de manger toutes sortes de choses, en conférence de presse. Je sais que ça n'arriverait pas ici, là, mais en tout cas. Donc, on leur demande... Par exemple, en Angleterre, il a demandé à sa fille de huit ans de manger des hamburgers, en conférence de presse. En Allemagne, en Bavière, ils ont demandé à un ministre de manger de la poudre de lait écrémé radioactive pour rassurer les journalistes, etc. Mais j'ose croire que ça n'arrivera pas ici, mais, en tout cas, je vous laisse présumer. Je suis très soucieux de la consommation de mes députés également.
Troisième étape, lorsque arrive la nouvelle crise, là, on met en place des mesures de déguisement: vaccination, traçabilité, nouveau label, un logo. Tout ça a pour effet de calmer la population. Lorsque la crise revient, la population n'y croit plus. Ça fait que vous avez une baisse radicale de consommation des viandes et de tout ce qui était contaminé, et là subitement la population veut manger du bio. Bien, l'Angleterre, qui a vécu le problème de la vache folle, est aujourd'hui le troisième marché bio en importance sur la planète. Surprise! Est-ce qu'on ne pourrait pas simplement passer à l'étape quatre tout de suite au lieu de se taper les étapes un, deux, trois? C'est un peu ça.
Ça fait que, pour répondre concrètement à votre question: Est-ce que, oui, on peut, comme société, se prémunir d'un problème comme la vache folle? on ne peut pas l'exclure totalement parce que ce sont des maladies qui ont une très longue période d'incubation, ça peut prendre huit ans, 10 ans avant qu'un cas se déclare, donc il faut vivre avec les antécédents. Mais, si on met en place un système où on arrête de nourrir des herbivores avec de la viande, qu'on empêche la propagation systématique de toutes les maladies, on aura peut-être des problèmes de maladies, on aura peut-être un cas de fièvre aphteuse dans une ferme, on aura peut-être un problème de tuberculose quelque part, etc., mais au moins ce sera confiné, on arrivera à le restreindre rapidement puis ce ne sera pas à chaque fois une épidémie. C'est un calcul de risques.
La Présidente (Mme Houda-Pepin): M. le député, on reprendra...
M. Morin (Nicolet-Yamaska): Je vous entends bien là-dessus, mais, à partir du moment où on fait ça, où on pratique...
La Présidente (Mme Houda-Pepin): M. le député.
M. Morin (Nicolet-Yamaska): Oui?
La Présidente (Mme Houda-Pepin): Bon, le temps est écoulé, on reviendra après. Merci beaucoup, c'est très intéressant de vous entendre. Je vois bien que les agronomes sont vraiment... enfin, certains agronomes, sont vraiment très intéressés à ce débat sur la sécurité alimentaire. M. Bouchard, vous avez énuméré tantôt les pratiques agricoles dangereuses et vous avez parlé de la concentration des engrais chimiques, des pesticides, des antibiotiques, des hormones de croissance, des farines carnées.
Ma première remarque, c'est qu'hier les représentants de l'Union des producteurs agricoles nous ont dit que les producteurs, à leur niveau, ils font tout pour que la production soit faite dans un contexte très sécuritaire, et tous les problèmes que vous venez d'énumérer comme étant dangereux sont des problèmes qui surviennent au niveau de la production. Ça, c'est ma première remarque. Je suis un peu étonnée, hein, venant de vous. Vous êtes un agriculteur aussi, je crois. Alors, il y a quelque chose là qui ne fonctionne pas peut-être dans la perspective que vous avez, vous, de votre point de vue à l'Union paysanne.
La deuxième chose qui me préoccupe, c'est par rapport aux farines carnées. Il me semble que, en 1997, on les avait interdites. Et, vous, vous êtes en train de nous dire aujourd'hui, là, le 4 février 2004, que ça se pratique toujours. Alors, s'il vous plaît, éclairez-nous, parce que vous avez la main à la pâte. Ça se pratique, ces choses-là ou c'est de la théorie dont vous nous parlez?
M. Bouchard (Roméo): Je vais commencer par les farines carnées parce que ça m'étonne que vous pensiez que les farines carnées étaient interdites. On a interdit au Canada, suite à la vache folle en Europe, les farines carnées de boeuf et, encore là, seulement de certaines parties du boeuf, données à des bovins. On peut servir des farines carnées de bovins à des poulets, à des cochons. On peut servir de la farine carnée de porc, de poulet à des bovins et beaucoup de... et c'est encore plus précis que ça.
Et le résultat, c'est clair que, dans un système comme ça, il n'y a personne qui est capable de contrôler qu'il n'y a pas effectivement du coulage à un moment donné. Tu sais, qu'est-ce qui va garantir que, quand le gars va s'acheter les moulées à la meunerie, qu'il ne prend pas une farine carnée de boeuf puis qu'il ne va pas la donner à ses bovins au lieu de la donner rien qu'à ses poulets ou à ses cochons? Tu sais, il n'y a plus d'étanchéité du tout, là, dans le système. Et, on le voit bien, dans l'Ouest, c'était interdit. À quelque part, il y a quelqu'un qui a triché, tu sais. Et ce n'est pas étonnant, parce qu'on a laissé les portes grandes ouvertes, tu sais.
La Présidente (Mme Houda-Pepin): Mais, M. Bouchard...
M. Bouchard (Roméo): Et c'est clair que les farines carnées... La vache folle, ce n'est qu'une des conséquences des farines carnées, il peut y en avoir d'autres, il va y en... C'est des bombes à retardement, ces farines-là, tu sais.
La Présidente (Mme Houda-Pepin): M. Bouchard, les groupes qu'on a entendus jusqu'à maintenant nous ont tous dit que notre système d'inspection était fiable.
M. Bouchard (Roméo): Bon, bien, moi, je vous dis que beaucoup de gens ? et allez voir les enquêtes là-dessus ? n'y croient plus, au système de sécurité qui est en place, pour les raisons que je vous ai dites tout à l'heure. C'est qu'il n'est pas transparent. Les homologations... M. Pellerin, ce qu'il vous dit, c'est que les agriculteurs suivent les modes d'emploi. Et, encore là, il faudrait aller voir, tu sais. Mais officiellement ils suivent les modes d'emploi, ils utilisent des produits homologués sur la base d'études faites par les compagnies où il n'y a jamais quelqu'un d'en dehors du club qui a siégé là, sans qu'on puisse connaître les études. Relisez les recommandations de la Commission d'éthique, là, c'est ce qu'ils disent. Tant qu'on ne mettra pas une transparence, qu'on n'aura pas accès aux études, et tout ça, il n'y a personne qui va y croire, à ce système-là. Quand on sait les intérêts économiques qu'il y a derrière ça, quand on sait que Monsanto, l'importance qu'il a dans tous les produits, les pesticides, les OGM, et tout ça, comment voulez-vous croire les homologations faites sur la base des études de Monsanto? Et les maladies sont là, on a révélé des choses effrayantes sur l'effet des résidus de pesticides, d'atrazine, en Montérégie, par exemple. Alors, il n'y a personne qui croit que le système actuel est étanche...
La Présidente (Mme Houda-Pepin): Donc, vous êtes en train de nous dire...
M. Bouchard (Roméo): ...sauf ceux à qui ça fait l'affaire de croire ça.
La Présidente (Mme Houda-Pepin): D'accord, M. Bouchard. Vous êtes en train de nous dire que les engrais chimiques, ça se pratique et que les pesticides, ça se pratique encore ici. Vous parlez de grande échelle ou de petite échelle ou... Expliquez-nous, parce que vous...
n(14 h 40)nM. Bouchard (Roméo): Je vous dis que ces pratiques-là... je ne dis pas il faut demain matin tout bannir ça puis etc., là. C'est sûr qu'on... Pendant 50 ans, on a introduit toutes sortes de nouvelles pratiques technologiques, chimiques, et tout ça. Là, on se rend compte que ce n'est peut-être pas si inoffensif qu'on pensait et que nos normes n'étaient peut-être pas assez sévères. Il faut prendre ça au sérieux, l'étude, et ne pas se cacher derrière un système d'homologation puis dormir sur nos deux oreilles. On a de plus en plus d'indices que ces pratiques-là ne sont pas sécuritaires et que, à long terme, les engrais chimiques ont complètement appauvri les sols et que les aliments qui viennent de ces terres-là sont aussi carencés en oligoéléments, et particulièrement des oligoéléments qui sont essentiels pour les antioxydants et, donc, toute la question de la protection contre les cancers. Vous allez me dire: Vous êtes rendu loin, là. Mais le gars qui met des engrais chimiques dans son champ, là, y compris M. Pellerin, il ne s'interroge pas là-dessus, il regarde le mode d'emploi puis ça vient de s'éteindre.
La Présidente (Mme Houda-Pepin): Très bien, M. Bouchard.
M. Bouchard (Roméo): Sauf que c'est à nous, là, à s'interroger.
La Présidente (Mme Houda-Pepin): D'accord. M. le député d'Iberville.
M. Rioux: Merci. Dans votre document, vous parlez des véritables bases de la sécurité alimentaire. Vous avez parlé beaucoup de risques, là, et je pense que ça fait partie effectivement de l'essence même de la commission. Mais vous amenez une solution, et celle-là, j'aimerais ça vous entendre là-dessus. Vous dites: «La solution aux problèmes de sécurité alimentaire n'est pas d'abord dans les normes d'inspection et de traçabilité, mais plutôt dans un secteur agroalimentaire axé sur la souveraineté alimentaire, le marché intérieur, la production diversifiée, la transformation et la mise en marché locale, l'agriculture biologique et durable, l'agriculture de proximité, la ferme à dimension humaine.» Moi, il y a un point, là. On parle de souveraineté alimentaire, et là-dessus je me dis, de un, on exporte passablement plus qu'on importe, donc il y a un drôle... il y a un choix économique là qui est important. Et, jusqu'ici, si le Québec a pu se développer, c'est principalement grâce à des spécialisations. Et je prends juste un cas. J'ai rencontré les producteurs de veau lundi et ce qu'ils me disent, eux autres: Si on n'a plus de veau qui vient des États-Unis, on ne pourra plus faire d'engraissement et on ne pourra pas vendre, après ça, à travers le monde finalement notre veau de lait qui est connu. Donc, il y a un problème. Quand on parle aussi du boeuf, le boeuf, on sait qu'on en produit seulement 15 %. Donc, on voit qu'on est dans des spécialités et que, quand on dit... Suite à la crise de la vache folle qu'on a vécue, on s'est dit: Pourquoi on ne le produit pas ici puis d'avoir notre abattoir? Et ce qu'on nous répond, qui est assez clair, ça vient du marché, c'est qu'on n'a pas la masse critique.
On est dans un marché. Est-ce qu'on peut se mettre en retrait de ça, de cesser d'exporter tous les bénéfices, finalement, économiques que l'on en a? Et, je me dis, si le consommateur veut avoir un type de produit qui est davantage axé sur la ferme, avec certains critères, qui est développé... Le marché, je pense, règle générale, établit l'offre et la demande. S'il y a un créneau, si les gens ont des spécificités et disent: Moi, je veux être sûr de telle chose et telle chose... On ne peut pas avoir les deux types de marché? Vous semblez assez drastique dans votre choix qu'il faut se limiter au marché intérieur. Moi, je pense qu'il y a de la place pour les deux.
La Présidente (Mme Houda-Pepin): M. Bouchard.
M. Laplante (Maxime): Oui, si je peux me permettre.
La Présidente (Mme Houda-Pepin): Bien sûr. M. Laplante.
M. Laplante (Maxime): Je pense qu'il ne faut pas confondre souveraineté alimentaire et autarcie. C'est vraiment deux choses, et on est désolés si ça a été mal interprété. Parce que ce qu'on entend internationalement ? ce n'est pas juste l'Union paysanne, tout le mouvement Via Campesina à travers la planète est d'ailleurs du même avis ? la définition de «souveraineté alimentaire» porte principalement sur trois points. Un, c'est le droit des producteurs de choisir leurs outils de production. Ça veut dire, donc, pour l'agriculteur: Est-ce que les semences que j'achète ont été traitées avec un quelconque fongicide ou quoi que ce soit? Est-ce que c'est des semences OGM ou pas? Ils ont le droit de le savoir. Ça inclut également le droit des consommateurs de savoir qu'est-ce qu'il y a dans leur assiette: Est-ce qu'il y a des farines carnées qui ont été utilisées, est-ce qu'il y a des OGM, etc.?
Et ça inclut également le droit à une société de décider ce qu'elle fait de son agriculture. Donc, si on décide, en tant que société, qu'on veut continuer à exporter du sirop d'érable et à importer des bananes, c'est un choix qui doit se faire, et c'est la société québécoise qui doit faire ce choix-là et de ne pas se le faire imposer, par exemple, par les règles de l'OMC, l'Organisation mondiale du commerce, qui entre autres dit que les marchés doivent être toujours ouverts pour au moins 5 % de produits d'importation, quand on sait que 5 % d'entrées, ça peut être suffisant pour complètement désorganiser une structure de production, de mise en marché et même d'exportation. Donc, on ne ferme pas la frontière, on dit simplement...
Encore là, ce n'est pas une décision qui va être laissée à des scientifiques ou à des experts. C'est à la société de dire: À quoi ça sert, notre agriculture? Et, nous, on identifie trois raisons d'être de l'agriculture. La première, c'est de produire des produits en qualité et en quantité pour notre population; c'est ça, l'objectif. Ça ne veut pas dire qu'on ne peut pas exporter, mais on ne doit pas viser l'exportation ou viser à approvisionner la Corée ou le Japon en denrées québécoises, ce n'est pas un objectif. La deuxième, c'est de protéger les ressources qui servent à l'agriculture, donc de ne pas piller les ressources du sol, de l'eau, de l'air, etc., qui servent. Sinon, on aboutit à une impasse assez vite, là. Si on épuise le sol puis qu'après ça, après 15 ans, on n'en a plus, bien, désolé, on a un problème. Et donc, on vise la qualité des produits, on vise la protection des ressources et on vise également l'occupation du territoire. L'agriculture, ça sert aussi à peupler les villages. Donc, c'était pour nuancer la souveraineté alimentaire, là.
La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci. Alors, on reviendra. Mme la députée de Deux-Montagnes.
Mme Robert: Bien, je vais poursuivre sur le même sujet, c'était une de mes préoccupations. C'est certain qu'on travaille sur la question de la sécurité alimentaire et rapidement on se rend compte que, à l'intérieur de ce sujet-là, on est confronté à un choix de société. Ce matin, on a entendu parler les diététistes en parlant, eux autres, d'une création d'agence. Parce que justement la qualité des aliments, ce n'est pas simplement le fait qu'il n'y ait pas de bactéries dedans ou que... c'est aussi peut-être une teneur en ? vous l'avez mentionné tout à l'heure ? en minéraux, en antioxydants, ou etc., c'est-à-dire qui sont les plus énergisants possible. Et, dans le fond, ils nous disaient: C'est peut-être parce qu'on est un peu... on semble un peu en conflit d'intérêts à l'intérieur de l'appareil gouvernemental qui a des intérêts économiques qui côtoient un autre type qui était beaucoup plus de la formation, de l'information et des choses du genre.
Vous nous arrivez cet après-midi et c'est un peu le même portrait, vous réclamez des... Vous, vous avez peut-être une autre formule, une autre façon de l'aborder, vous réclamez des états généraux où à toutes fins pratiques c'est un peu un choix d'agriculture, un choix de société. Et, moi, je me pose aussi la question comme telle, à travers ce choix de société, c'est de dire: On va demander à nos élus... Puis, en passant, vous savez que les députés, là, c'est le reflet total de la population. On n'est pas plus sollicités par les grandes boîtes, ou tout ce que vous voulez, comme tel, c'est vraiment la population en entier dans tous ses questionnements, dans tout ce que vous voulez qui font qu'on est comme ça. C'est des fois difficile à accepter par les citoyens, mais on est votre reflet sur bien des choses, sur à peu près tout. Petit aparté.
Alors, c'est un peu ça, la question que je vous pose: Vos états généraux, est-ce qu'ils pourraient remettre en question des missions gouvernementales, des encadrements de missions gouvernementales? Parce que, quand vous me parlez d'agriculture biologique... On peut bien se mettre tous à l'agriculture biologique comme telle. Moi, ça me fait très peur quand on dit que la Californie nous fournit 70 % des produits biologiques qu'on a sur les tablettes. Est-ce qu'ils sont encore biologiques quand ils arrivent ici après qu'ils aient fait x kilomètres de transport? Alors, c'est toutes ces aberrations-là. Parce que c'est un choix de société, c'est un choix de... Et c'est dans ce sens-là que je vous pose la question. Selon moi, on peut aller très loin, ça peut être assez radical. Et je pense qu'il y a une sensibilisation à ce niveau-là qui... un grand chemin encore à parcourir. Je pose la question.
La Présidente (Mme Houda-Pepin): M. Bouchard.
M. Bouchard (Roméo): Je crois que c'est énorme, effectivement, ce dont on parle, parce que ça touche l'alimentation, ça touche la santé publique, ça touche la façon d'utiliser notre territoire, beaucoup de choses. Et l'agriculture, elle remplissait toutes ces fonctions-là autrefois. Sans qu'on s'en rende compte, en s'industrialisant, elle est devenue uniquement une fonction économique, et au détriment, très souvent, des fonctions alimentaires, des fonctions sociales. Bien, regardez, actuellement, par exemple, sur la fonction sociale, comment la concentration des fermes, supposément obligée par la mondialisation, est en train de dépeupler six régions, entre autres, dans le Québec, tu sais.
n(14 h 50)n Alors, ça, je pense que les états généraux, ce n'est pas magique, ça ne règle pas tous les problèmes dans notre tête, mais ça permet de dire: L'ensemble de notre agriculture, il faut voir à quoi on veut qu'elle serve, et l'argent qu'on met là-dedans ? parce qu'on en met beaucoup, on met 1,2 milliard par année, les deux gouvernements, en agriculture ? à qui on va le donner, comment on va le donner pour que ça nous amène une alimentation de qualité, un territoire bien occupé, des ressources bien conservées dans la... Voyez-vous, c'est là-dessus, là.
Parce que, au cours des 50 dernières années, il y a eu un dérapage de toutes les fonctions de l'agriculture vers la fonction économique et on ne s'en est pas trop rendu compte. Et on se retrouve avec des aliments dans nos assiettes qu'on ne sait même pas d'où ils viennent, qu'est-ce qu'il y a dedans. Ils sont complètement métamorphosés, ils n'ont plus rien à faire avec les aliments qu'on avait il y a 50 ans. On se retrouve avec toutes sortes de maladies. On ne sait pas s'il y a un lien véritable dans tout ça. Ça nous a échappé, l'agriculture, comme société. Et les politiques agricoles, plus ou moins, ont encouragé ça, puis etc. On a fait une énumération là, à la fin: «Nos politiques agricoles vont dans le sens inverse», puis là on fait une énumération rapide. Vous voyez que toutes les politiques agricoles favorisent actuellement le modèle industriel, l'alimentation industrielle, etc.
Alors, peut-être que c'est d'autre chose qu'on voudrait maintenant, si on prend le temps de s'y arrêter: revoir nos politiques agricoles. Financer l'agriculture par le volume de production, c'est automatiquement condamner les fermes à dimension humaine, c'est automatiquement favoriser la concentration des fermes. Financer d'après la taille de la ferme, comme commence à le faire l'Europe, c'est assurer que les fermes à dimension humaine vont continuer. Avoir une politique de mise en marché qui est autre chose que des plans conjoints mur à mur obligatoires pour tout le monde dans chaque production, mais permettre à ceux qui veulent faire une mise en marché locale, une transformation locale, abattre des viandes et les vendre autour d'eux, faire de la place à ça, bon, puis soutenir ça, c'est s'orienter vers un autre type d'alimentation et un autre type d'agriculture.
Et ça, les politiques, c'est très fort, le financement, en agriculture, hein? Si vous donnez de l'argent, une prime, l'année prochaine, pour le canola, hein, importante, là, le Québec, il va jaunir à la grandeur parce que tout le monde va faire du canola parce qu'il y a une prime dessus. Si vous primez celui qui maintient une ferme à une dimension humaine puis plus elle grossit moins il va recevoir, vous allez voir qu'elles vont survivre, les fermes familiales. Mais actuellement toutes les politiques vont dans le sens inverse. Ça fait que c'est ça qu'il faut réexaminer, commencer au moins à réexaminer.
La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci, M. Bouchard. Il nous reste deux minutes. M. le député de Nicolet-Yamaska voulait poser une courte question.
M. Morin (Nicolet-Yamaska): Rapidement. J'entends bien ce que vous dites, mais dans le fond c'est un gros contrat que vous proposez, là.
M. Bouchard (Roméo): Bien, pourquoi pas? On n'a pas un gros problème sur les bras?
M. Morin (Nicolet-Yamaska): Je vous donne un exemple. On parle d'industrialisation. Vous dites: Bon, l'agriculture s'est peut-être trop industrialisée. Probablement. Dans le domaine de l'industrie automobile, peu importe... Mais, à partir du moment où on dit: Bon, bien, on va regarder ça à des dimensions plus humaines, O.K., comme vous dites, il y a une forme d'éducation à faire, énorme, là, de pédagogie aussi, tu sais. Puis c'est quoi, vos orientations vis-à-vis cette pédagogie-là pour que finalement... Écoutez, on vit dans le monde aussi, là. O.K.? On exporte, on importe, on a des demandes, les clients ou les consommateurs sont de plus en plus exigeants, pas nécessairement sur la qualité mais aussi des fois sur la quantité. Quelles sont vos orientations là-dessus, au niveau aussi de la formation, de l'éducation, de la pédagogie?
M. Bouchard (Roméo): Je vais demander à...
La Présidente (Mme Houda-Pepin): M. Bouchard, c'est tout un contrat.
M. Bouchard (Roméo): Hein?
La Présidente (Mme Houda-Pepin): Vous avez tout un contrat pour répondre à cette question.
M. Bouchard (Roméo): Oui, mais on peut demander...
La Présidente (Mme Houda-Pepin): Mme Poissant?
M. Bouchard (Roméo): Je ne sais pas, il y a Céline qui est dans la santé publique, peut-être qu'elle a une idée là-dessus.
Mme Poissant (Céline): Oh, en santé publique comme ailleurs, on a beaucoup de travail à faire aussi. Les gens de santé publique aussi, eux mêmes, ont à s'interroger sur nos propres pratiques de prévention et de promotion, sur leur façon de s'adresser au public, à la fois aux consommateurs mais de plus en plus dans une approche plus politisée qui devient le propre de la santé publique. Entre autres, les dernières Journées annuelles de santé publique, qui est comme une espèce de forum, une série de conférences ? M. Bouchard y a participé cette année ? on avait comme grand thème On veille sur l'avenir. Il s'agit vraiment de voir...
On est dans une situation où les professionnels de santé publique eux mêmes sont conscients qu'ils doivent un peu réorienter leurs pratiques et leurs questionnements en fonction des nouveaux problèmes, dont les problèmes de sécurité alimentaire et les problèmes environnementaux liés aux pratiques actuelles autant en agriculture que dans d'autres domaines. Il y a beaucoup de travail à faire, du travail d'éducation, c'est certain, là, mais c'est un gros contrat.
La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci beaucoup. Merci, Mme Poissant. M. le député de Portneuf.
Une voix: ...
La Présidente (Mme Houda-Pepin): On reviendra, s'il vous plaît. M. le député de Portneuf.
M. Soucy: Écoutez, Mme la Présidente, avant de poser ma question, je suis bien à l'aise de l'entendre.
La Présidente (Mme Houda-Pepin): Le temps est écoulé, M. le député. S'il vous plaît, le député de Portneuf.
M. Soucy: D'accord. Alors, avant de poser ma question, vous me permettrez quand même certains commentaires. Vous n'avez pas été avares, de votre côté, de commentaires judicieux. Puis, comme à peu près la plupart des gens de mon âge, on a tous une racine quelque part en agriculture et puis, lorsqu'on retourne aux sources de temps en temps, on se fait rappeler à l'ordre justement parce que, dans les fonctions qu'on occupe, l'agriculture est encore présente, puis on nous en parle beaucoup. Puis, oui, je rejoins les objectifs que vous avez en termes d'occupation du territoire, d'entreprise familiale. Encore faut-il savoir que les familles sont moins nombreuses qu'avant aussi, là. Il y a une réalité à laquelle on est confrontés qui est fort différente de ce qu'on a vécu déjà. Puis, vous, vous proposez, en tout cas ce que je comprends, en gros, c'est un retour, un petit peu, quand même, un retour assez sérieux sur ce qu'on a connu dans le passé. Et vous avez des raisons qui justifient vos propos, c'est très bien argumenté, puis, sur certains points, je peux être d'accord avec vous.
D'un autre côté, vous êtes contre un petit peu la norme HACCP dont on a parlé, vous êtes contre ça, vous trouvez que c'est inefficace. Par contre, vous nous proposez un modèle bio. Là, vous nous dites qu'en Angleterre la mode, c'est bio. Si la mode devient bio aux États, on va devenir en mode, nous autres aussi, bio. Puis, encore là, on aura une problématique d'étiquetage puis de contrôle de cette nouvelle norme qui va s'appeler bio. Alors, on n'est jamais assurés de rien là-dedans.
Donc, moi, ce que je vous dirais, je vous encourage à continuer à faire le chien de garde ? parce que c'est un petit peu le rôle que vous jouez ? puis nous rappeler à l'ordre. Vous nous parlez d'un dérapage de 50 ans. Si ça fait 50 ans qu'on dérape, je veux bien le croire, mais on vit aussi dans une société évidemment qui... On parle de communication, on travaille beaucoup avec nos voisins, donc il faut faire attention à ça, il faut suivre aussi un petit peu, je vous dirais, le courant pour être capables au moins de continuer nos échanges commerciaux. Quoique la balance commerciale au niveau de l'agriculture est positive, mais juste à peu près de 500 millions, ce qui représente juste 10 % finalement du total de 5,5 milliards qui est généré par les opérations agricoles. Donc, il y a peut-être une voie là, je vous dirais, à suivre.
Il y a aussi le volet... Peut-être que, si on finançait, oui, en fonction... un minimum de base en fonction de la superficie ou de la grosseur de l'entreprise, peut-être, mais, connaissant les agriculteurs, c'est des gens qui aiment ça aussi... le sentiment de propriété chez eux est très fort, peut-être plus fort que chez n'importe quel autre citoyen du Québec ou d'ailleurs. Ils ont le sentiment de propriété fort, alors ils n'en ont jamais assez, là, tu sais, ça en prend des gros tracteurs, puis ça en prend de l'équipement. Donc, ils veulent suivre aussi ce qui se passe chez les voisins. Alors, comment vous pensez, vous... Quel rôle vous pouvez jouer pour nous ramener un petit peu vers l'équilibre qu'on semble avoir perdu depuis 50 ans?
La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci beaucoup. M. Bouchard?
M. Bouchard (Roméo): Je vais demander à Charles, entre autres, vous avez fait allusion aux normes HACCP puis... peut-être de commencer au moins à répondre là-dessus.
La Présidente (Mme Houda-Pepin): M. Mercier.
M. Mercier (Charles): Bien, c'est ça, je veux seulement faire une remarque sur... Par exemple, vous avez mentionné que, bon, on voudrait du bio partout. Ce qu'on propose, c'est plutôt ce qu'on pourrait, disons, appeler, en résumant beaucoup, une relocalisation des marchés alimentaires, parce que le fait que les marchés sont globalisés fait que, par exemple, les animaux peuvent venir de n'importe où, les aliments viennent de n'importe où, c'est la cause d'une baisse de qualité des aliments mais aussi des risques sanitaires qu'on discute aujourd'hui. Alors, le bio fait partie seulement de la stratégie de relocalisation qui permettrait d'arriver à tous les objectifs finalement de l'Union paysanne, qui sont de favoriser l'occupation du territoire, l'économie locale, mais ce n'est pas d'imposer le bio, c'est plutôt que ce soient des exploitations à plus petite échelle et de penser plutôt à réglementer des pratiques.
n(15 heures)n Et, si on pense à généraliser des pratiques à ce niveau-là, on n'est plus obligé de certifier. Par exemple, dans le Sud du Brésil, il y a un gouvernement d'État qui a décidé de favoriser le bio mais pas nécessairement par une certification, mais tout est bio, donc il ne faut plus qu'il y ait de différence entre l'industriel et le bio. Après ça, on n'a plus besoin de contrôle, de certification, parce que les certifications, finalement, ça peut toujours avoir des failles, que ce soit la certification HACCP ou bien biologique, il ne peut pas y avoir un inspecteur dans chaque ferme, il ne peut pas y avoir des tests sur chaque aliment, c'est toujours des statistiques. Mais finalement ce qu'on veut dire, c'est que l'important, c'est finalement qu'on pense plus au marché local, mais ce n'est pas nécessairement le bio avant tout, le bio fait juste partie. Je ne sais pas si ça commence une réponse.
La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci beaucoup, M. Mercier. Mme la députée de Soulanges.
Mme Charlebois: Merci. Ma question va s'adresser à Mme Poissant. Et, en guise de préambule, je comprends bien, lorsque vous nous parlez au niveau de fermes ou culture à dimension humaine, c'est sûr que ça va nécessiter de la formation, autant pour la population et... Bon. Je pense que les Québécois peuvent s'adapter, sauf qu'il y a des coûts rattachés à ça probablement, sûrement. Il y a des coûts pour les Québécois, mais il y a aussi des coûts pour les producteurs, parce que, quand on parle de ramener à dimension humaine... Actuellement, pourquoi ces grandes surfaces? Bien, c'est les coûts de production qui font en sorte que les producteurs, d'eux-mêmes, décident d'aller vers de la production à grande surface. En tout cas, c'est ce que, moi, j'ai entendu dans mon comté.
Je vois, dans votre mémoire, à la page 5, où on nous parle de la crise de la vache folle, vous nous parlez de la crise de la vache folle et vous dites que notre système de traçabilité n'a pas fait en sorte nécessairement qu'on a été moins touchés. Et là je vous amène sur une piste en vous disant: Est-ce que les exploitations à plus petite échelle, à dimension humaine n'auront pas nécessairement besoin de traçabilité, tout comme les grandes entreprises ou les cas comme la vache folle? Et est-ce que vous ne croyez pas que, si l'impact ou le côté positif de notre système de traçabilité n'est pas ressorti, c'est qu'il est tout jeune encore?
La Présidente (Mme Houda-Pepin): Mme Poissant.
Mme Poissant (Céline): Ce que je mettais un petit peu en évidence dans le mémoire de l'Union paysanne de Lanaudière, en fait, c'est que les pratiques de traçabilité, d'inspection des aliments, d'étiquetage, dans une vision plus globale ou plus questionnante que sur le mode d'agriculture industrielle, en fait... Pardon, j'ai un blanc.
La Présidente (Mme Houda-Pepin): On parle de la traçabilité...
Mme Poissant (Céline): Oui, c'est ça, ils devraient être envisagés comme quelque chose de tout à fait transitoire et non pas comme... Dans le fond, ça n'interroge pas les causes des problèmes et donc ça ne fait que mettre un petit pansement sur quelque chose qu'on continue à perpétuer, dans le fond. Les risques ne font que se multiplier avec la multiplication et la perpétuation d'un système qui est en soi générateur de ces problèmes-là, et d'autant plus que c'est à grande échelle.
Puis, quand vous dites... Dans le fond, je reviendrais peut-être un peu à ce que disait Maxime Laplante tantôt, avec des exploitations à plus petite échelle et des marchés davantage locaux, les problèmes peuvent demeurer circonscrits et non pas être exportés à grande échelle. Puis ce n'est pas qu'une question de problème... La question de la vache folle, du seul cas de vache folle, ce n'est pas d'abord et avant tout un problème si sanitaire que ça, c'est d'abord et avant tout un problème de confiance et un problème économique de marché. C'est un problème économique qui a fait en sorte qu'il y a eu toutes les conséquences, là, pour les producteurs agricoles. C'est le fait de dépendre d'un marché unique, de mettre tous les oeufs dans le même panier, finalement, pour parler comme... parler des agriculteurs, il y a quelques année encore.
La Présidente (Mme Houda-Pepin): D'accord. Merci beaucoup, Mme Poissant. Merci, M. Bouchard, M. Laplante, M. Mercier. Nous avons été ravis de vous avoir, vous nous avez instruits. Continuez à faire votre travail. Merci pour votre contribution.
Alors, j'appelle maintenant le représentant de Greenpeace à prendre la parole. Merci.
(Changement d'organisme)
La Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors, j'invite maintenant M. Éric Darier, représentant de Greenpeace, à prendre la parole. Alors, vous êtes le bienvenu, M. Darier. Vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire et 20 minutes d'échange avec chaque groupe parlementaire. Soyez le bienvenu. Et vous avez la parole.
Greenpeace
M. Darier (Éric): Merci. Mme la Présidente, M. le vice-président, mesdames et messieurs membres de la commission. Avant d'entrer dans le vif du sujet, je tiens à remercier cette commission d'avoir pris l'initiative de tenir des audiences publiques sur la sécurité alimentaire et notamment sur les OGM. Je vous félicite d'autant plus que cette initiative est non partisane. Que l'on soit libéral, péquiste ou adéquiste, nous mangeons tous et nous sommes tous donc préoccupés par les questions alimentaires. C'est sans aucun doute pour cette raison que cette commission parlementaire a décidé de la tenue, de son propre chef, d'audiences publiques. Ceci est un événement assez rare, aussi, mérite-t-il qu'on le souligne et qu'on accueille favorablement cette initiative.
Pour sûr, les membres de cette commission verront que les citoyens et citoyennes se préoccupent non seulement du contenu de leur assiette, mais aussi de la santé économique et environnementale de notre agriculture. Greenpeace espère que Mme la ministre du MAPAQ ainsi que le gouvernement du Québec dans son ensemble seront aussi attentifs que cette commission aux requêtes du public et que le gouvernement saura mettre en place rapidement les mesures appropriées.
Comme vous le savez, Greenpeace est une organisation environnementale et pacifiste créée en 1971 au Canada. Nous sommes présents dans une quarantaine de pays, nous avons plus de 2 600 000 membres au niveau mondial et quelque 20 000 membres au Québec. Pour demeurer indépendant, Greenpeace refuse toute subvention gouvernementale ainsi que les dons d'entreprises. Nous comptons uniquement sur l'appui financier de nos membres pour nous aider à protéger l'environnement. Nos principales campagnes sont la protection de la biodiversité, notamment les forêts et les océans, la lutte contre les armements, particulièrement dans le domaine nucléaire, la prévention de la pollution toxique et la réduction des gaz à effet de serre. C'est dans le cadre de la protection de la biodiversité que nous nous sommes intéressés à la question des OGM. Au niveau international, nous sommes présents dans ce dossier depuis le début des années quatre-vingt-dix et de manière ininterrompue depuis 1996. Au Québec, nous sommes actifs dans ce dossier depuis 5 ans.
Avec le temps qu'il me reste, je ne vais pas passer en revue l'ensemble des 36 pages de notre mémoire et des 12 recommandations principales. Si vous avez des interrogations sur des aspects spécifiques, je tenterai d'y répondre. Je voudrais maintenant me pencher sur les trois points principaux contenus dans le titre de notre mémoire: principe de précaution, transparence et démocratie dans le dossier des OGM.
N° 1, principe de précaution. Dans le contexte d'audiences comme celles-ci sur la sécurité alimentaire, le principe de précaution devrait être au centre de toute politique gouvernementale et publique. Le principe de précaution est désormais reconnu internationalement depuis la Déclaration de Rio de 1992 sur l'environnement et le développement. Rappelons la définition du principe de précaution: «En cas de risque et de dommages graves irréversibles, l'absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l'adoption de mesures effectives visant à prévenir la dégradation de l'environnement.» Partant du principe de précaution, la notion de sécurité alimentaire devrait inclure des considérations plus larges et à plus long terme, incluant l'environnement, plutôt que seulement la simple innocuité présumée de l'ingestion d'aliments. Les crises actuelles comme celle de la vache folle, de la contamination des eaux, etc., ont démontré qu'il faut adopter une approche écosystémique qui inclut l'ensemble de la chaîne de production et de consommation des aliments. Le principe de précaution doit être au coeur de la sécurité alimentaire écosystémique.
n(15 h 10)n Deuxièmement, transparence. Plus de 90 % des Québécoises et Québécois veulent savoir si leurs aliments contiennent ou non des OGM. Ils réclament donc la transparence. Il s'agit d'un droit fondamental de savoir et de pouvoir choisir des aliments sans OGM.
Une quarantaine de pays ont déjà adopté des mesures en faveur de l'étiquetage obligatoire des OGM. Et, à cet effet, j'ai déposé aujourd'hui une annexe supplémentaire de neuf pages qui fait une synthèse justement de ces politiques. J'ai également déposé le petit guide des produits avec et sans OGM pour vous donner une idée où se trouvent les OGM au Québec.
Parmi les pays industrialisés, seuls les États-Unis et le Canada refusent de mettre en place l'étiquetage obligatoire. Le gouvernement fédéral est partisan d'un étiquetage dit volontaire, c'est-à-dire que ce sont les entreprises agroalimentaires qui choisissent d'étiqueter ou non. De plus, la norme volontaire adoptée par le fédéral et refusée notamment par les représentants du MAPAQ est, d'après nous, bidon, notamment, par exemple, le 5 % de seuil de tolérance dans cette norme volontaire. C'est sans aucun doute pour cela que, au Québec, les ministres précédents en Agriculture s'étaient prononcés en faveur de l'étiquetage obligatoire des OGM. C'est sans doute pour cela que le programme du Parti libéral du Québec ainsi que M. Charest, à plusieurs reprises avant et durant la campagne électorale, se sont dits en faveur de l'étiquetage obligatoire au Québec dès 2004.
J'ai été très impressionné par l'analyse faite dans le document de travail de la commission à ce sujet. Il est très clair que le Québec a les compétences constitutionnelles et légales pour mettre en place un étiquetage obligatoire des OGM. Greenpeace note avec beaucoup d'inquiétude l'absence d'un plan gouvernemental précis pour mettre en place l'engagement pris par M. Charest concernant l'étiquetage obligatoire des OGM au Québec. J'espère que cette commission permettra de confirmer officiellement l'existence d'un consensus en faveur de l'étiquetage obligatoire des OGM et les mesures pour le rendre effectif. Il est rare en politique d'avoir plus de 90 % de l'opinion favorable à une telle option. Donc, Greenpeace vous invite à saisir la balle au vol.
Troisièmement, démocratie. Il est évident, et ceci, malgré l'intermède de la période des fêtes de fin d'année, que le nombre de mémoires déposés et de commentaires envoyés à cette commission est un indice non seulement du degré de préoccupation face aux OGM, mais aussi de l'absence de débat public et politique sur le sujet. Un avis du Conseil de la science et de la technologie recommandait notamment un débat public plus large sur la question des OGM. Cette absence de débat public et démocratique est au coeur des inquiétudes des citoyennes et citoyens. Les OGM représentent un choix fondamental de technologie et un choix de société qui méritent un débat de fond qui malheureusement n'a pas encore eu lieu. De plus, le refus obstiné du gouvernement fédéral de mettre en place l'étiquetage obligatoire des OGM donne l'impression que le gouvernement cache ou veut cacher des choses.
Au Québec, c'est différent. Il existe une tradition de débat politique sur certains enjeux importants ? par exemple, l'hydroélectricité lors des élections de 1962. Il existe aussi au Québec un processus unique de consultation qui a une forte légitimité, qu'est le BAPE, le Bureau d'audiences publiques en environnement. J'inviterais la commission a poursuivre le débat entamé ici en demandant au gouvernement la tenue d'une enquête générique et élargie, par le BAPE, sur les OGM. Afin de démontrer le sérieux de la consultation publique, le gouvernement devrait décréter un moratoire sur la culture des plantes OGM au Québec jusqu'au dépôt du rapport final du BAPE.
En terminant, je me permets de faire une suggestion d'ordre pratique à cette commission. Le rapport final de cette commission est prévu pour juin 2004. Or, étant donné que de nombreux aspects du dossier des OGM et de la sécurité alimentaire concernent le gouvernement fédéral, il serait judicieux que votre commission publie un rapport préliminaire, notamment en ce qui a trait aux questions relevant de la compétence fédérale, avant la tenue des élections fédérales qui auront probablement lieu d'ici mai prochain. Ceci serait votre contribution pour un débat éclairé. Merci de votre attention.
La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci beaucoup. Merci, M. Darier. Alors, on entame la période des échanges. M. le député de Nicolet-Yamaska, pour le premier 10 minutes.
M. Morin (Nicolet-Yamaska): Merci, Mme la Présidente. Je veux vous remercier infiniment pour la qualité de votre présentation et en même temps vous remercier des bons mots que vous avez dits en introduction à propos des orientations de la commission. Et effectivement on voulait et on veut toujours que cette commission soit le plus apolitique possible, au bénéfice des consommateurs et des consommatrices du Québec.
Parlons des OGM. Vous vous prononcez farouchement contre les OGM et en même temps vous demandez au gouvernement du Québec d'être proactif vis-à-vis les OGM ou vis-à-vis ce dossier-là. Et vous demandez aussi, vous exigez, vous exigeriez possiblement qu'il y ait une consultation publique dirigée par le BAPE sur cette question-là.
Moi, j'aimerais ça vous entendre sur les dangers des OGM. Est-ce que c'est possible qu'on puisse dire, dans un an, deux ans ou cinq ans: Au Québec, on a l'étiquetage et/ou n'a pas d'étiquetage parce qu'il n'y en a plus d'OGM? Est-ce que c'est rêver en couleurs de penser ça dans un Québec qui importe, qui exporte ou... On a vu des reportages aussi en Saskatchewan, je pense. Bon, un voisin accuse son autre voisin d'être envahi par des organismes génétiquement modifiés. Donc, est-ce que ce n'est pas rêver en couleurs?
M. Darier (Éric): Oui. Merci pour soulever cette question. Vous voyez, dans l'annexe A et B, il y a une liste de certains documents qui font un peu un résumé des principaux risques au niveau de la santé humaine et de l'environnement. Donc, je ne veux pas nécessairement passer en revue tout ça, donc je vous invite fortement à aller regarder certains des... de cette littérature qui est là.
Il est évident, il est évident que, du moment qu'on... Alors, ce qu'il faut bien dire, c'est que Greenpeace n'est pas opposé aux OGM parce que c'est des OGM; c'est parce qu'il y a effectivement, au niveau scientifique, une forte incertitude quant à l'innocuité des OGM. D'accord? Je pense que, ça, c'est important de le dire. Non plus, il n'y a pas eu de débat fondamental pour savoir: Est-ce qu'on veut les OGM comme technologie? Est-ce qu'il n'y a pas des alternatives, par exemple? Donc, c'est pour ces raisons, hein?
Donc, en regardant ce qu'on a comme outil international au niveau, par exemple, du principe de précaution, afin de ne pas répéter les erreurs qu'on a faites dans le passé... Par exemple, on pense à certains herbicides comme le DDT, par exemple, ça a pris des décennies pour démontrer qu'il y avait une causalité directe entre la mort de certains agriculteurs et des cancers. D'accord? Donc, le principe de précaution est là pour dire que, s'il y a un fort niveau d'incertitude scientifique, ce qui est le cas au niveau des OGM, on ne va pas de l'avant avec une technologie si les risques sont si grands. Je pense que c'est ça.
C'est vrai qu'au niveau de la réalité, hein, les OGM sont plantés en Amérique du Nord, et donc c'est vrai qu'une action du gouvernement du Québec telle qu'un moratoire, ou une interdiction, ou autre, serait limitée dans le contexte d'une agriculture et d'une industrie agroalimentaire, si vous voulez, globalisée ou nord-américanisée tout au moins. Ceci étant dit, je pense que, puisqu'on est quand même dans une province qui a un certain nombre de degrés de pouvoir et de compétences juridictionnelles, il est possible, au Québec, de prendre position sur les OGM et dire: Est-ce que, nous, ça vaut la peine de s'embarquer dans cette technologie et est-ce que, au nom du principe de précaution, on ne devrait pas prendre la précaution de justement ne pas cultiver d'OGM au Québec? Premièrement.
Mais c'est vrai que, même si le Québec interdisait ou imposait un moratoire sur la culture, il y aurait toujours des importations de produits alimentaires ou d'OGM, comme des semences qui viennent d'ailleurs. Ceci étant dit, c'est pour ça que, nous, on demande également l'étiquetage obligatoire, de telle manière que les gens ici puissent au moins savoir s'il y a des OGM ou pas dans ce qui est importé. Donc, c'est un peu dans cette perspective, à ce niveau-là. Je ne sais pas si j'ai répondu directement à votre question, mais, si vous avez plus de points précis, je peux répondre, si vous voulez.
M. Morin (Nicolet-Yamaska): Non, je pense que vous répondez bien. Sauf que est-ce qu'on peut être rassuré du fait que, quand on est en train de manger un aliment quelconque... est-ce qu'on peut nous assurer qu'il n'y a pas d'OGM? Bon. Actuellement, on dit, sur l'étiquetage: On n'est pas obligé d'étiqueter. O.K.
La Présidente (Mme Houda-Pepin): Ce n'est pas indiqué.
M. Morin (Nicolet-Yamaska): Mais...
La Présidente (Mme Houda-Pepin): Je dis: Actuellement, sur l'étiquette, ce n'est pas indiqué nécessairement.
M. Morin (Nicolet-Yamaska): Ce n'est pas indiqué, non.
M. Darier (Éric): Ce n'est pas indiqué. Donc, en fait, c'est pour ça que, nous, à Greenpeace, on avait sorti ce petit guide, pour donner une indication où se retrouvaient les OGM principalement. Mais, à nouveau, comme ce n'est pas un outil légal, notre petit guide, c'est une approximation. Je veux simplement signaler qu'aucune entreprise d'agroalimentaire ne nous a contactés pour dire qu'on était des menteurs à ce niveau-là. Donc, on doit présumer que ceux qui sont sur la liste rouge effectivement contiennent des OGM ou pourraient contenir des OGM. Donc, c'est à ce niveau-là.
n(15 h 20)n Mais ce qu'il est intéressant de remarquer, c'est qu'il existe même au Québec... Il faut se rappeler, 82 % des grandes cultures au Québec ne sont pas OGM. Je répète: 82 % des grandes cultures au Québec ne sont pas OGM. Donc, on a possibilité ici de s'approvisionner en produits non OGM. Donc, ce serait relativement facile, pour des entreprises qui souhaiteraient retirer les OGM, de s'approvisionner localement. Si, pour des raisons, il n'y avait pas approvisionnement local, il y a toujours les marchés extérieurs, et ça peut être le cas.
M. Morin (Nicolet-Yamaska): Et vous pensez que des audiences du BAPE pourraient répondre, tout au moins bien encadrer une étude formelle là-dessus et faire des recommandations qui pourraient être, mettons, fiables, où il y aurait une participation du public la plus élargie possible, avec des recommandations quand même assez solides et sérieuses que ça pourrait être suivi?
M. Darier (Éric): Bien, oui. Je pense que, premièrement, au niveau du BAPE, c'est un des outils de consultation qu'on a au Québec. Donc, j'essaie de trouver un outil qui soit disponible, à votre disposition et à la disposition du public. Deuxièmement, on peut élargir le mandat du BAPE. D'accord? Un BAPE générique sur les OGM n'exclut pas des états généraux sur l'agriculture.
Je pense que, comme vous l'avez vu dans cette commission, le dossier de la sécurité alimentaire généralement est très lourd. Vous avez à absorber beaucoup d'information et il y a encore beaucoup d'inconnues. Donc, vous voyez que c'est assez lourd. L'avantage du BAPE générique, c'est qu'il propose également une formule où il y a une expertise scientifique mais une contre-expertise également, et ça, c'est intéressant.
Alors, je pense que vous pourriez avoir les deux, c'est-à-dire, un, une espèce d'états généraux sur l'agriculture parce qu'il y a vraiment des problèmes spécifiquement à l'agriculture dans les grands choix, si voulez, de l'agriculture, mais, pour les OGM également, se positionner ou commencer à se positionner dès maintenant au moins en ayant une consultation publique à ce niveau-là. Donc, oui, moi, je vous encouragerais fortement et j'encouragerais effectivement le gouvernement à demander un BAPE générique élargi sur les OGM spécifiquement.
M. Morin (Nicolet-Yamaska): Merci.
La Présidente (Mme Houda-Pepin): Très bien. Merci beaucoup, M. le député de Nicolet-Yamaska. M. Darier, vous représentez Greenpeace, c'est une organisation internationale, vous vous déployez dans plusieurs pays, vous êtes les champions de l'environnement, vos positions sont bien connues. Et là vous enfourchez le cheval de bataille des OGM. Moi, je voudrais, pour quelques secondes, me faire l'avocat du diable et vous poser des questions sur les OGM. J'en profite, n'est-ce pas, vous avez de l'expertise là-dedans.
Qu'est-ce que vous répondez aux gens qui vous disent que les OGM, ce n'est pas si nocif que ça, que scientifiquement, ce n'est pas prouvé, que les OGM, les organismes génétiquement modifiés, existent dans la nature sans nécessairement intervention de génie génétique, que la mutation des plantes, que la transformation, que le croisement des plantes se fait justement via des croisements et que ce phénomène existe même dans la nature? Ça, c'est le premier volet.
Le deuxième volet. Qu'est-ce que vous répondez aux gens qui vous disent que les OGM, ça a des effets bénéfiques? Par exemple, grâce au génie génétique, on est capable de développer du riz qui contient des propriétés qui vont pouvoir nourrir, combattre aussi des maladies et que cela peut générer finalement des bienfaits notamment pour les populations qui n'ont pas accès à suffisamment de nourriture, à la sécurité alimentaire au sens quantitatif du terme. Qu'est-ce que vous répondez à ces deux arguments? Et pourquoi est-ce que vous êtes si acharnés contre les OGM?
M. Darier (Éric): Alors, première question, je pense qu'il faut répondre à l'aspect: Qu'est-ce qu'il y a vraiment de nouveau? Et, moi, je trouve toujours très intéressant l'argument de l'industrie de la biotechnologie, lorsqu'ils nous disent, d'un côté: Bien, vous voyez, la génétique, les OGM, ce n'est pas si différent de ce qu'on faisait avant. D'accord? Alors, au niveau purement scientifique, ce n'est pas le cas, puisque c'est l'introduction directement dans l'information génétique de gènes, hein, à ce niveau-là. On ne peut pas croiser un chien et un chat. Par contre, maintenant, avec la génétique, on peut implanter un gène de chat dans un chien. D'accord? Donc, la nature même de ces transformations... sont totalement nouveaux. Je pense que c'est important. Donc, ce n'est pas la continuation des croisements qu'on a faits avant.
Et, si vous voulez une preuve évidente de ça, c'est que, si vous demandez à l'industrie également: Comment ça se fait que, lorsqu'il... Il faut obtenir des brevets, hein? Un brevet sur une invention, généralement c'est quelque chose qui est nouveau. Là, par contre, ils vous disent: Ah oui, oui, attention, nous, quand on a des OGM, nous, oui, on a un droit, on a le droit de breveter les OGM. Alors, il faudrait que l'industrie de la biotechnologie choisisse: soit c'est la continuation d'un processus naturel, et, dans le cas, on ne peut pas le faire breveter, ou alors, si c'est vraiment complètement nouveau, pourquoi il y a justement une possibilité de brevetage? D'accord? Donc, je pense que c'est ma réponse, si vous voulez, à votre première question.
Pour ce qui est des avantages des OGM, des soi-disant avantages, je sais qu'il y a beaucoup, disons, d'information ? de mésinformation, d'après nous ? sur le fait que ça va nourrir les pays du Sud. Rappelons-nous une chose très simple: plus de 70 % des OGM qui sont actuellement plantés sont des plantes résistantes à un herbicide ? d'accord? ? le soja, le canola; le reste, c'est 25 %, un peu plus, ça dépend, 25 %, 28 %, c'est des plantes dans lesquelles on a inséré, dans la plante elle-même, un pesticide pour un insecte en particulier. Donc, 99,9 %, c'est pour des plantes qui sont des plantes vraiment basées ici, dans nos pays industrialisés, exportateurs. D'accord?
Vous mentionnez le riz. Ça, c'est intéressant. C'est un riz cependant qui n'est pas au point. En fait, il a été prouvé que, pour que les gens... Bon, pour simplifier un peu le cas du riz, on constate à peu près 2 millions de personnes qui perdent la vue chaque année à cause d'un manque de vitamine A. Et donc, ce serait un moyen, dans les pays où il y a du riz, d'augmenter les quantités de vitamine A. Alors, premièrement, il faudrait que ces gens mangent à peu près 4 kilos de riz sec par jour pour obtenir leur dose de vitamine A, d'après ce riz OGM. Deuxièmement, il a été prouvé qu'il existe des plantes locales qui ont de la vitamine A. Alors, pourquoi aller modifier un riz, modifier génétiquement, alors qu'il existe déjà des plantes locales qui ont déjà des propriétés comme les vitamines A? D'accord? Donc, le gros problème, c'est de savoir... peut-être se poser des questions pourquoi ces gens ne mangent que du riz ? d'accord? ? et donc que la vraie solution à ces déficiences de vitamine A serait vraiment d'avoir une diète plus élargie et peut-être plus locale également.
Un autre exemple de bénéfice ? que vous n'avez pas mentionné, mais c'est toujours mentionné par les industries de la biotechnologie ? c'est de dire: Ça va réduire l'utilisation des pesticides. Je voudrais simplement vous signaler un des rapports basés sur les chiffres du ministère de l'Agriculture des États-Unis qui confirme qu'en 2003, 2002-2003, il y a eu une augmentation de l'utilisation des pesticides sur le soja transgénique d'à peu près 6 %. J'ai une copie de ce rapport, c'est avec grand plaisir que je pourrais le déposer auprès de votre secrétaire. Je vous dépose également un feuillet d'information qui explique un peu les mythes contre justement la faim dans le monde, qui répond un peu à des questions d'une manière plus complète que ce que...
Documents déposés
La Présidente (Mme Houda-Pepin): Très bien. Je vous remercie, M. Darier, d'avoir pris la peine de nous donner ces éléments de réponse. Je cède la parole à M. le député d'Iberville.
M. Rioux: Merci. Dans votre document, vous avez, dès le début, une proposition que je trouve originale, vous nous dites: «Le Québec peut encore choisir de ne pas adopter les OGM, pour des raisons non seulement de sécurité alimentaire et de précaution pour l'environnement et la santé publique, mais aussi comme stratégie économique originale et viable de développement. Des choix similaires ont déjà été faits au Québec dans le passé, comme celui de ne pas développer l'énergie nucléaire.» On avait gardé quand même Gentilly, là, quand même, une expertise, une certaine expertise.
Et ce que je me demande: Est-ce qu'il y a une partie... Quand vous nous dites ça, c'est que, vous, vous assumez effectivement que les OGM sont risqués pour la santé alimentaire. Mais, de l'autre côté, en prenant cette piste-là, c'est qu'il y a peut-être un potentiel aussi qu'on néglige pour l'ensemble de la population, sauf qu'on est dans l'interrogation effectivement vis-à-vis cette situation-là. Mais ma question est de savoir: Est-ce que c'est encore pensable et faisable d'avoir ce type de politique là? Vous nous dites qu'il y a déjà... il y a 17 % déjà, au Québec, qui sont des cultures à base d'OGM, et on parle aussi que ça peut être transporté d'un champ à un autre. Même si on décidait d'établir, d'avoir cette politique originale, est-ce qu'elle est applicable et pensable?
La Présidente (Mme Houda-Pepin): M. Darier.
n(15 h 30)nM. Darier (Éric): Bien, je pense qu'il y a deux choses. Premièrement, si on prend le principe de précaution d'une manière sérieuse, on devrait reconnaître que, vu l'incertitude scientifique très... disons, le haut niveau d'incertitude scientifique, on devrait prendre les moyens actuellement pour dire: Peut-être, on a été trop vite dans le dossier des OGM, peut-être que le gouvernement fédéral n'a pas fait son travail au niveau de l'évaluation.
Je vous rappelle que le gouvernement fédéral ne fait pas d'étude sur les OGM lorsqu'ils ont décidé qu'une plante OGM était équivalente en substance à une plante qui est non OGM. Donc, s'ils ne voient pas de risque dans un maïs, disons, non transgénique, là, hein, ils arrêtent, ils disent: Bon, ce n'est pas la peine de faire des recherches plus à fond. Je vous rappelle que la Société royale du Canada, en 2001, un rapport d'experts, de 14 experts, n'a jamais pu trouver les preuves du gouvernement fédéral lorsqu'ils essaient de savoir comment ça se fait que le gouvernement fédéral ne faisait pas d'étude basée sur justement l'équivalence en substance. Donc, je pense que, comme gouvernement, ici, au Québec, vous avez une responsabilité vis-à-vis de la population de se rendre compte que peut-être le niveau supérieur ou enfin le niveau fédéral tout au moins n'a peut-être pas fait son travail d'une manière très systématique sur ce dossier et que c'est votre responsabilité de prendre des mesures de précaution en interdisant les OGM.
Alors, l'autre question que vous me demandez, vous me dites: Bien, est-ce que c'est réaliste? Bien, si vous dites... Je ne vous demande pas demain matin de dire à tous les agriculteurs d'arracher leurs plantes OGM. Ce qu'on vous dit: Ayez une stratégie en place en disant que, progressivement, hein, après la prochaine année de plantation, vous n'allez pas autoriser de culture OGM au Québec. D'accord? Alors, vous allez me dire: Oui, mais c'est peut-être trop tard, il y a peut-être de la contamination partout. Moi, j'utilise toujours l'argument sur l'énergie nucléaire. Imaginez, hein, c'est vrai, on a une... Bon, on en a une au Québec, il y en a ailleurs aussi des centrales nucléaires. On s'est rendu compte qu'il y avait quelques problèmes avec ça. On s'est rendu compte que ça nécessitait au moins 10 000 ans de gestion des déchets radioactifs. Mais ceci n'est pas un argument, parce qu'on va avoir à gérer nos déchets nucléaires pendant 10 000 ans, d'en créer encore plus. Donc, ce que je dis dans le cas des OGM: Oui, on va avoir à vivre avec les conséquences, et j'espère qu'elles ne seront pas graves pour nous tous, mais ce n'est pas un argument pour ne rien faire maintenant pour arrêter. D'accord?
Ce qu'on vous demande, hein, dans ce mémoire, dans le contexte du mémoire, c'est au moins d'avoir un moratoire pendant qu'il y aura des audiences au niveau du BAPE. Je pense que ce serait intellectuellement et politiquement honnête de ne pas présumer de la décision finale à la fois du BAPE et la recommandation que le gouvernement voudra bien agir après... prendre en considération, donc au moins de dire à l'opinion publique: Oui, on pense que c'est assez sérieux, oui, on devrait appliquer le principe de précaution, oui, on pense que le gouvernement fédéral a été trop vite là-dessus, on va faire une enquête générique du BAPE et, en attendant, nous, au Québec, on ne va pas, on ne veut pas planter d'OGM. Ça ne veut pas dire qu'il n'y aura pas de problème. Il y en aura peut-être. Je ne l'espère pas. On a eu le maïs StarLink qui est venu des États-Unis. Bon, peut-être qu'il y aura autre chose comme ça. Mais, au moins, comme représentants démocratiquement élus, vous prendrez les responsabilités que vous avez et dans la limite des pouvoirs que vous avez également.
La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci, M. Darier. Mme la députée de Deux-Montagnes.
Mme Robert: Oui, merci, Mme la Présidente. Le public, je ne me souviens plus à quel pour cent, là, c'est certain que, les OGM... il veut l'étiquetage, il veut savoir s'il y a OGM, n'est-ce pas? On sait aussi... C'est parce que, dans votre mémoire, lorsque vous faites un petit peu l'étude de pourquoi les producteurs et les agriculteurs utilisent des OGM, ça revient à dire que c'est... J'aimerais que vous l'expliquiez. Je ne veux pas le... Ça revient à dire en tout cas quelque chose de très simple, et tout ça. Mais, oui, j'aimerais vous l'entendre, rapidement, que ce n'est pas nécessairement une question économique, et tout ça, au bout de la ligne, que vous nous dites là-dedans.
M. Darier (Éric): Bien, d'un certain côté, c'est économique. Est-ce que... Simplement pour vous brosser un portrait très rapide...
Mme Robert: J'aimerais.
M. Darier (Éric): Une entreprise responsable de plus de 90 % de tous les OGM plantés dans le monde, c'est l'entreprise Monsanto. L'entreprise Monsanto contrôle également, hein, la production de nombreux herbicides, pesticides, notamment le fameux Roundup. D'accord? Donc, ce n'est pas compliqué à comprendre pourquoi une entreprise de produits chimiques comme Monsanto, tout d'un coup, avait un intérêt à développer des OGM principalement résistants à un herbicide, puisque généralement ils s'arrangent pour que ce soit résistant à l'herbicide qu'ils vendent. D'accord?
Donc, lorsque vous me posez la question: Comment ça se fait que les agriculteurs acceptent? on sait qu'il y a une forte concentration, au niveau agricole, dans le milieu, dans les campagnes, au niveau des représentants, c'est-à-dire que généralement c'est le même représentant qui vend les semences, qui vend les produits chimiques, etc. Donc, il y a un encadrement, au niveau de l'agriculture, au niveau du milieu agricole, très fortement concentré. Donc, c'est très difficile pour des agriculteurs qui n'ont pas nécessairement accès à une expertise, à une contre-expertise indépendante... Parce que ce serait ça, la clé, hein, si on voulait vraiment être sérieux là-dessus, une contre-expertise indépendante des compagnies qui vendent des semences et des produits chimiques qui vont avec pour que les agriculteurs aient une certaine perspective, un certain état critique.
Ce que je remarque... Et je pense, là, à un autre dossier qui s'en vient, qui va être assez sérieux, c'est celui de l'autorisation du blé transgénique. Vous savez que ce n'est pas encore autorisé, qu'il y a un projet d'autorisation au niveau du gouvernement fédéral. Ce qui est très intéressant, c'est que, lorsque vous avez, comme la Commission canadienne du blé, hein ? ce n'est pas Greenpeace, là, on parle d'une organisation gouvernementale fédérale ? lorsque vous avez la plupart des agriculteurs de canola dans l'Ouest qui disent: C'est la dernière chose qu'on veut, du blé transgénique pour compliquer nos affaires, nous, on n'en veut pas... Et je pense que, comparé à 1996, lorsque les premiers OGM ont été autorisés, le milieu agricole est en train de se réveiller, est en train de se poser des questions très sérieusement sur les OGM. Donc, ça déborde, si vous voulez, simplement des problèmes de santé publique, des problèmes d'environnement, mais c'est également au coeur même, si vous voulez, du type d'agriculture. Et donc, je fais un peu écho à ce que les parties précédemment ont dit justement d'une certaine crise de l'agriculture à ce niveau-là.
Je voudrais également, puisque je suis là, déposer également un autre document qui a été produit par la National Farmers Union, qui est une organisation agricole au Canada anglais qui a sorti un rapport justement sur la crise agricole et les mythes de la concurrence et de l'efficacité. C'est très intéressant parce que, dans ce document, ils le montrent très bien ? et je réponds un peu à M. Pellerin, de l'autre jour ? et c'est vrai, les revenus agricoles n'ont pratiquement pas bougé, hein, depuis ? vous avez des graphes très intéressants dans ce rapport ? et, par contre, les prix au consommateur ont augmenté. Donc, c'est... quelque part, quelqu'un a ramassé, si vous voulez, la plus-value entre les deux.
Et donc, je pense à ce type de questions, hein, qui font en sorte qu'il y a une crise au niveau agricole et qui fait en sorte que, maintenant, même dans le dossier des OGM, beaucoup d'agriculteurs, notamment dans le cas du blé transgénique, se disent: Est-ce qu'on n'a pas été trop vite là-dessus? Est-ce que ce n'est pas encore nous qui allons perdre au niveau des revenus? Donc, on doit comprendre les propos de M. Pellerin dans ce contexte-là. Ceci n'est pas... Je ne suis pas d'accord avec ses commentaires, bien entendu, ses conclusions, disons, mais, à ce niveau-là, je pense que c'est important. Donc, je pourrais vous donner également une copie de ce rapport qui me semble intéressant parce qu'il fournit pas mal de chiffres et qui suggèrent qu'il faudrait effectivement qu'il y ait une réflexion plus large sur les politiques agricoles et notamment sur l'adoption de nouvelles technologies comme les OGM.
Mme Robert: Il reste qu'à l'heure actuelle, au niveau de l'acceptation de ces semences-là, dans le cadre de la biotechnologie, et tout ça, à l'heure actuelle, on a quand même un appareil qui vérifie, qui accepte ces produits-là.
M. Darier (Éric): Bien, voyez, comme je vous l'ai dit, les vérifications sont principalement au niveau fédéral. D'accord? Il y a sept organismes...
Mme Robert: Mais je les paie...
M. Darier (Éric): Pardon?
Mme Robert: ...au fédéral, je les paie aussi.
M. Darier (Éric): Ah oui, oui. Non, non, mais ça, c'est un autre problème.
Mme Robert: Alors, voilà. Comme consommatrice, là...
M. Darier (Éric): Oui, le problème, c'est que, lorsque, au début des années quatre-vingt-dix, le gouvernement fédéral avait une option de mettre en place un système réglementaire adapté à toute la question de justement la biotechnologie, ils ne l'ont pas fait. Ce qu'ils ont décidé de faire, c'est de garder la structure qu'ils avaient, c'est-à-dire qu'environ sept ministères au fédéral sont responsables de la gestion et de l'autorisation des OGM, donc il n'y a pas vraiment de coordination très serrée à ce niveau-là. D'accord?
Donc, comme je l'ai expliqué plus tôt, tout le système de réglementation et d'autorisation des OGM au fédéral est basé sur l'équivalence en substance, c'est-à-dire, en gros, comme je vous l'ai expliqué tout à l'heure, que, si une plante transgénique, si on connaît plus ou moins les problèmes qu'il y a avec l'équivalent de cette plante-là qui est non transgénique, on ne va pas plus loin. En gros, on dit que, bon, une plante transgénique et non transgénique de même catégorie, c'est à peu près les mêmes risques. Et donc, ils ne font pas les études indépendantes, après ça. Et ce n'est pas nous qui le disons, allez voir le rapport de la Société royale du Canada, qui explique ça très bien. Et ça a été d'ailleurs... Il n'y a pas qu'eux qui l'ont dit, ça a été répété après. Mais c'est ça. Donc, lorsqu'ils disent qu'ils ont le système réglementaire le plus strict du monde, bien, oui et non, dans le sens que, s'ils présument que c'est sécuritaire avant de faire les études et avant d'avoir l'expertise et les réponses scientifiques, bien, ils peuvent bien nous dire ce qu'ils veulent, mais, moi, je ne les crois pas et je pense qu'une grande partie du public ne les croit plus. C'est ça, le problème.
n(15 h 40)nLa Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci. M. le député de Nicolet-Yamaska.
M. Morin (Nicolet-Yamaska): Merci. Je viens de regarder rapidement le guide que vous nous avez remis, là, avec ou sans OGM, puis je ne sais pas si on peut voir à la caméra, mais ce qui est en rouge, ça veut dire qu'il y a possibilité d'y avoir des OGM et ce qui est en vert, on nous garantit qu'il n'y en a pas. Je regarde rapidement, il y a pas mal plus de rouge que de vert. Est-ce que j'ai raison de m'énerver? Est-ce que j'ai raison de paniquer ou est-ce que c'est réversible?
M. Darier (Éric): Alors, il y a deux réponses à cette question. La première, c'est que la raison pour laquelle il y a beaucoup de produits dans la liste rouge, c'est que, comme vous le savez, c'est le maïs, le soja et le canola qui sont modifiés génétiquement, mais le maïs, hein, le maïs, c'est peut être la fécule de maïs, ça peut être du sucre, le fructose. 50 % du fructose ici, c'est fait à base de maïs. D'accord? Donc, c'est évident que, dans beaucoup des produits industrialisés, si vous regardez simplement la liste maintenant, la liste des ingrédients, même si ce n'est pas marqué qu'il y a des OGM, s'il y a des substances, des dérivés de soja, de canola ou de maïs, vous avez une forte probabilité qu'il y en ait.
Deuxième partie de ma réponse. La commission parlementaire de l'agriculture, au fédéral, avait tenu des audiences justement sur le blé transgénique et il y avait... non, c'était la commission de la santé, je m'excuse, où les représentants de l'industrie de la distribution étaient venus. Et donc, ils avaient un panel, et il y avait justement le président de l'entreprise Heinz, qui est une grande entreprise agroalimentaire. Et, à une réponse d'un député, en disant: Est-ce que ce serait difficile, pour vous, de retirer les OGM? sa réponse, c'est: Non, parce que, nous, on change nos recettes tout le temps. C'est vrai. Dépendant des approvisionnements, ils peuvent changer, modifier les recettes. Et, lui, il disait en gros: Bien non, nous, on le fait tout le temps, donc, si, nous, comme entreprise, on voulait retirer, par exemple, le maïs ou la fécule, disons, de maïs transgénique, il suffirait simplement qu'on le fasse, qu'on retire ça.
Donc, ce que je veux dire, c'est qu'une grande quantité des produits qui sont sur la liste rouge, ça ne prendrait pas beaucoup d'efforts aux entreprises pour retirer la fécule de maïs, par exemple, qui est non... Il suffirait qu'eux disent... Comme l'entreprise McCain a décidé, en 1999, de retirer les pommes de terre transgéniques. Elle a simplement envoyé une lettre aux agriculteurs en leur disant: L'année prochaine, nous, on n'achète plus de pommes de terre transgéniques. Ça n'a pas créé une catastrophe nationale. Les agriculteurs ont fait: Bon, on retourne aux semences non transgéniques. Terminé. Donc, c'est faisable. Donc, c'est faisable.
Et ça, ça indique également que, contrairement à ce que l'industrie nous dit, comme ils changent les recettes régulièrement, ils peuvent également au fur et à mesure retirer les OGM s'ils le veulent et probablement sans coût supplémentaire. D'ailleurs, à ce niveau-là, on a des lettres de distributeurs venant d'Europe, qui disent très clairement qu'il n'y a pas eu d'augmentation au consommateur du fait qu'ils aient retiré les OGM ou qu'il y ait l'étiquetage. Si vous voulez, je peux également vous soumettre ce document. Ces lettres sont en anglais, là, mais je peux également soumettre un autre document qui est là, qui donne des exemples de lettres de grands distributeurs en Amérique du Nord qui justement disent ça.
M. Morin (Nicolet-Yamaska): Merci.
La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci. Merci beaucoup. Alors, ça termine l'autre bloc de ce côté-là. M. Darier, j'ai regardé, moi aussi, le petit guide que vous avez eu la gentillesse de me remettre il y a quelque temps et je constate que les produits verts, non seulement ils sont moins nombreux que les produits rouges, les produits verts étant sans OGM, mais ces produits-là sans OGM, les verts, ont ne les trouve pas partout, là. Alors, à part les grands centres urbains, peut-être dans les boutiques spécialisées à Montréal ou à Québec, l'accessibilité à ces produits aussi...
M. Darier (Éric): Oui, nous avons été très, très conservateurs dans notre approche du guide, en ce sens que les produits sur la liste verte sont les produits qui sont certifiés biologiques.
La Présidente (Mme Houda-Pepin): Oui, oui.
M. Darier (Éric): Parce que nous ne sommes pas un laboratoire de contre-expertise, on ne peut pas aller analyser tous les produits qui sont sur notre liste, c'est évident. Donc, on a décidé d'être hyperconservateurs, et, dans ce cas-là, les produits qui sont sur la liste verte sont généralement les produits qui sont certifiés biologiques, premièrement. Il y a certains produits, je pense par exemple à la bière Unibroue qui n'est pas biologique certifiée mais par contre qui nous a envoyé une documentation très détaillée des moyens, comment ils se sont assurés que leurs fournisseurs ne produisaient pas, ou ne leur donnaient pas, ou ne vendaient pas des produits OGM. Par exemple, dans le cas de la bière Unibroue, je mentionne ça, pour ce qui est du maïs, ils ont effectivement... chaque cargaison de maïs est vérifiée et testée. Donc, c'est le genre de garantie que, nous, on voulait obtenir pour mettre ces produits sur la liste verte. Ce n'est pas un guide exhaustif parce qu'il y a... Je pense à Loblaws, par exemple, qui a plus de 6 000 marques maison. C'est hors de question que nous allions imprimer les 6 000 noms des produits, là. Donc, c'est simplement indicatif de ça.
La Présidente (Mme Houda-Pepin): D'accord. Merci beaucoup. Mme la députée de Soulanges.
Mme Charlebois: Merci, Mme la Présidente. Vous nous avez mentionné un petit peu plus tôt, M. Darier, que, au Québec, on avait 82 % de culture qui se faisait sans OGM actuellement. Est-ce que ça vous est possible de nous dire d'où vient votre donnée?
M. Darier (Éric): Oui, tout à fait. En fait, je vous conseille vivement de regarder et de lire l'avis du Conseil de la science et technologie qui s'appelle OGM et alimentation humaine, qui avait fait une très bonne recension. C'est un document de 2002. Et, d'ailleurs, dans les recommandations de ce rapport, il y a également la reconnaissance par le Conseil de la science et technologie, qui disait très clairement qu'il n'y a pas eu de débat politique vraiment et encourage... Je pourrais vous trouver la référence exacte de ça, où ils disent, ils disent... En fait, ils demandent au gouvernement qu'il y ait une consultation du public pour cerner les enjeux, identifier les préoccupations et dégager le consensus de la société québécoise sur les grandes orientations à adopter à propos des OGM. Donc ça, c'est un rapport gouvernemental qui a été fait il y a deux ans qui déjà réclamait ça. Et la plupart des chiffres, des données que je vous ai fournis dans notre mémoire en fait ont été en grande partie tirés de cet avis gouvernemental.
Mme Charlebois: Je vous l'ai demandé parce que ma perception... en tout cas, à discuter avec beaucoup d'agriculteurs dans ma circonscription, dans Soulanges, on me dit que les OGM sont sur le marché depuis fort longtemps, qu'on n'en était pas conscients et qu'on n'est pas conscients de l'ampleur. Alors, ça m'a surpris, votre 82 %, mais je vais lire le document auquel vous me référez.
Maintenant, dites-moi, pourquoi croyez-vous que des audiences publiques devraient être tenues par le BAPE? Pourquoi c'est le BAPE qui devrait s'occuper des OGM? Et, en terminant, est-ce que vous ne croyez pas qu'un système d'étiquetage pour les OGM, ça va avoir un impact sur nos échanges internationaux, notamment avec les États-Unis?
M. Darier (Éric): Trois grandes questions, là, que vous me posez là. O.K. Premièrement, je vais répondre peut-être avec celle... le BAPE. Le BAPE. Seulement pour être pratique, il faut, des fois, en politique, voir quels sont les outils qui existent. Des fois, on ne peut pas nécessairement avoir la meilleure structure de consultation publique. Le BAPE existe, il est là. C'est évident que, dans le cas des OGM, il faudrait peut-être avoir, comme on le réclame, un BAPE élargi, c'est-à-dire que le mandat qui peut être donné au BAPE peut-être peut déborder le cadre uniquement environnemental que le BAPE a généralement. Et ça, ça peut se faire par soit son mandat et nommer peut-être des commissaires qui soient peut-être plus spécialistes des questions, par exemple, agricoles ou des questions de santé publique, par exemple. Ça peut se faire. Je pense que ce serait important à ce niveau-là. Votre question sur le BAPE, c'était... C'est pour ça, hein?
Mme Charlebois: Bien, est-ce vous ne croyez pas... au niveau de l'étiquetage, la dernière.
M. Darier (Éric): Oui, alors l'étiquetage, c'est vrai que ça va avoir des conséquences au niveau du commerce extérieur. Quel type de conséquences? C'est très difficile à savoir. On sait que les États-Unis s'opposent farouchement à tout étiquetage obligatoire, mais on sait aussi que les États-Unis, même lorsqu'on a des accords commerciaux avec eux, dans le bois d'oeuvre ou autres, ne se gênent pas lorsque ça ne fait pas leur affaire. Donc, des fois, en politique, il vaut mieux faire ce qu'on pense qu'on doit faire, d'autant plus que, lorsque vous regardez les sondages, même aux États-Unis, 90 % des Américains veulent l'étiquetage aussi lorsqu'on leur dit que leurs gouvernements, hein, ne l'ont pas fait. Donc, je pense que, des fois, en politique, il faut être... on peut prendre un risque et, des fois, il faut montrer du leadership ? pour utiliser un beau mot français ? pour justement dire que, non, nous, on pense que c'est la bonne chose à faire, on va appliquer le principe de précaution et en même temps on veut donner le droit à nous tous de savoir où se retrouvent les OGM. Donc, c'est le faire...
La Présidente (Mme Houda-Pepin): Très bien...
n(15 h 50)nM. Darier (Éric): La question... Je me rappelle de votre question sur la quantité, hein, vous me demandez les... pourquoi il y a beaucoup...
La Présidente (Mme Houda-Pepin): Non, vous y avez répondu au début. On l'a entendu au tout début.
M. Darier (Éric): J'ai répondu? O.K. D'accord, merci.
La Présidente (Mme Houda-Pepin): M. le député de Portneuf.
M. Soucy: Merci, Mme la Présidente. J'ai bien compris que le principe de précaution sert un petit peu de recette un petit peu magique pour mettre les freins. Je pense que c'est peut-être sage, jusqu'à un certain point. D'un autre côté, vous demandez au gouvernement d'intervenir, que ce soit par... en tout cas, via le BAPE, si j'ai bien compris, pour faire des études. Puis il y a plusieurs études déjà qui ont été entreprises, puis on n'est pas capable de différencier ce qui est bien puis ce qui est mal là-dedans, ce qui est bon, ce qui est moins bon.
Puis, d'un autre côté, vous avez, dans votre mémoire, une rubrique où on parle de la pomme de terre, puis là, parce qu'on a sensibilisé les propriétaires d'entreprises, autant McCain, McDonald's, Burger King que Pringles, ils ont décidé, eux autres: Regarde, il n'y en aura pas d'OGM dans mes patentes, sans OGM, c'est le... Alors, est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de faire de la sensibilisation davantage auprès des grosses entreprises productrices ou qui font de la transformation que de passer via un système finalement qui est peut-être plus lent, quand on sait que, si l'entreprise, elle... Considérant que vous dites que 80 % des gens, et entre autres en tout cas des Américains ne veulent pas d'OGM dans leur assiette, bien, je pense que... il me semble que le message passe très bien aux transformateurs.
M. Darier (Éric): Oui, vous avez raison. Sauf que, s'il n'y a pas l'étiquetage obligatoire, comment voulez-vous que nous, comme consommateurs, puissions faire des choix qui envoient un message très clair justement à l'industrie agroalimentaire? Donc, c'est une question de prendre chacun sa responsabilité. C'est vrai que l'industrie agroalimentaire a une responsabilité. Et certaines entreprises très courageusement l'ont fait, ont commencé à le faire. D'autres ne veulent pas le faire, ils attendent. Mais également je pense que l'institution politique, le système politique démocratiquement élu a également une responsabilité. Et la responsabilité, dans le cas de l'étiquetage, c'est de dire: Oui, on veut que les règles au niveau de l'étiquetage soient pour tous, on ne veut pas avoir un étiquetage volontaire. Une entreprise va le faire, l'autre ne va pas le faire, ça n'a pas d'allure. Quand on va acheter des produits et des aliments, on veut savoir que les règles sont plus ou moins égales pour tous, de telle manière qu'on puisse peut-être faire un choix informé, si vous voulez.
M. Soucy: Vous ne pensez pas que les lois du marché vont faire en sorte que, de toute façon, si quelqu'un commence, les autres vont suivre, non?
M. Darier (Éric): Pas la réalité que... Moi, je constate que, à part les pommes de terre McCain, il n'y en a pas eu d'autres qui ont emboîté le pas depuis 1999, en Amérique du Nord; ailleurs, oui. Et d'ailleurs c'est le scénario qui s'est passé en Europe. La plupart des distributeurs se sont dit: Si les... On sait que les consommateurs ne veulent pas manger d'OGM. Le jour qu'il y a un étiquetage, ils vont arrêter d'en acheter. Donc, les entreprises ont décidé: Bien, nous, ça ne vaut pas la chandelle d'offrir des produits avec des produits OGM. Ça, c'est évident. D'accord? Mais ça, c'est une réponse, si vous voulez, des producteurs. Mais il faut également que les consommateurs puissent s'exprimer, autrement on est gavés comme des oies sans savoir, et aveugles en plus, à ce niveau-là.
La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci beaucoup, M. Darier. Ça a été fort intéressant de vous entendre. Merci pour toute la documentation que vous nous avez déposée, ça va être remis...
M. Darier (Éric): C'est-à-dire pour la lecture supplémentaire que je vous impose, madame.
La Présidente (Mme Houda-Pepin): Ça va être remis à tous les députés. En tout cas, on reconnaît votre rigueur et la cause que vous défendez. Merci pour votre contribution.
Sur ce, je suspends nos travaux pour cinq, six minutes. Je voudrais qu'on soit de retour à 4 heures. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 15 h 54)
(Reprise à 16 h 3)
La Présidente (Mme Houda-Pepin): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, je voudrais inviter l'Association des médecins vétérinaires praticiens du Québec à prendre la parole. Dr Michel Donnelly, président. Je vous demanderais, M. Donnelly, de présenter la personne qui vous accompagne. Vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire et 20 minutes d'échange avec chaque groupe parlementaire, incluant les questions et les réponses. Vous avez la parole.
Association des médecins vétérinaires
praticiens du Québec (AMVPQ)
M. Donnelly (Michel): Bonjour, tout le monde. Qui m'accompagne, Dre Martine Bouchard, directrice générale de l'association.
Mme Bouchard (Martine): Bonjour.
La Présidente (Mme Houda-Pepin): Bien.
M. Donnelly (Michel): O.K. C'est avec beaucoup d'intérêt que l'Association des médecins vétérinaires praticiens du Québec a pris connaissance du document de consultation sur les nouveaux enjeux de la sécurité alimentaire au Québec. Comme intervenants au niveau du premier maillon de la chaîne alimentaire, la ferme, notre responsabilité comme professionnels est intimement liée au maintien, à l'amélioration et à la protection tant de la santé animale que de la santé publique.
L'Association des médecins vétérinaires praticiens du Québec compte plus de 430 membres qui exercent leur profession dans le secteur des animaux de consommation. Ils sont tous engagés au Programme d'amélioration de la santé animale, le programme ASAQ, un programme gouvernemental permettant l'accessibilité aux services vétérinaires pour tous les producteurs agricoles du Québec, peu importe la localisation ou la taille de son entreprise.
À ce titre, les médecins vétérinaires praticiens visitent quotidiennement les exploitations agricoles pour répondre aux demandes des services curatifs et préventifs des producteurs. Une fois sur place, ils exercent une veille constante pour rapporter au MAPAQ toute situation anormale concernant l'apparition ou la recrudescence de maladies animales dans les troupeaux du Québec. De plus, les médecins vétérinaires praticiens contribuent à la protection de la santé publique, puisqu'ils agissent pour la prévention et la surveillance des agents potentiels de zoonose, maladie potentiellement transmissible des animaux aux humains. Également, leur implication dans la gestion des médicaments vétérinaires assure une rationalisation de leur utilisation, notamment les antibiotiques et les hormones de croissance.
Nos commentaires porteront donc sur les actions que nous privilégions à la ferme, et nos recommandations seront faites pour les items suivants: gestion des médicaments, épidémiosurveillance, traçabilité et contrôle des points critiques. La sécurité alimentaire, une responsabilité partagée. Dans un premier temps, on va parler, faire un peu une mise en contexte québécois de la pratique vétérinaire en parlant du Programme d'amélioration de la santé animale du Québec, de l'entente qui en découle et de la mise en place du CDMV, Centre de distribution des médicaments vétérinaires.
Depuis plus de 30 ans, le Québec s'est doté d'un outil unique et efficace qui contribue à la protection de la santé animale du cheptel québécois, le Programme d'amélioration de la santé animale du Québec, créé par le Parti libéral en 1971 à la suite de la commission royale d'enquête, commission qui rapportait les constatations suivantes: une insuffisance du nombre de médecins vétérinaires au service des éleveurs; un coût élevé des services professionnels du médecin vétérinaire dans les régions périphériques; des pertes annuelles pour cause de maladie dans les troupeaux québécois évaluées à plus de 55 millions de dollars; et un usage irrationnel de médicaments vétérinaires, un manque de contrôle tant professionnel que gouvernemental sur leur vente et leur distribution.
Afin de remédier à une telle situation et d'assurer le redressement et le développement des productions animales, le MAPAQ a élaboré et mis en place le Programme d'amélioration de la santé animale du Québec, le programme ASAQ, programme qui vise la promotion de la santé animale ainsi que l'amélioration de la qualité sanitaire des animaux. De plus, le programme permet, par la collecte de données relatives à l'épidémiosurveillance, d'améliorer la connaissance du statut sanitaire du cheptel.
Les médecins vétérinaires membres de l'Association des médecins vétérinaires praticiens du Québec ont donc une entente avec le MAPAQ afin de permettre l'application du programme. En se référant au principe du ticket modérateur, le programme ASAQ facilite l'accessibilité aux soins curatifs et préventifs de même qu'aux médicaments vétérinaires au même coût pour tous les producteurs partout dans la province. Le gouvernement débourse 40 % des honoraires du médecin vétérinaire, et grâce à cette subvention les producteurs et productrices... ces derniers déboursent la même somme pour les visites et pour les consultations vétérinaires, peu importe la localisation de leurs entreprises ou la taille de leurs entreprises.
Afin de diminuer l'emploi irrationnel de médicaments vétérinaires, de restreindre les ventes abusives de ces médicaments, d'écarter les dangers pour la santé publique de leur usage incontrôlé et de faire bénéficier les éleveurs de prix avantageux et uniformes, le MAPAQ créait en 1972 le Centre de distribution des médicaments vétérinaires, le CDMV. Ce dernier doit fournir tous les médicaments, vaccins, matériel et instruments médicaux aux médecins vétérinaires engagés au programme ASAQ.
Les ententes du programme sont négociées régulièrement, et au fil des ans la bonification des services vétérinaires offerts aux éleveurs a permis de relever les défis d'une agriculture en constante évolution. La présente entente se termine le 31 mars 2004, et à ce jour le MAPAQ n'a pas encore convoqué de rencontre de négociation. Considérant le processus de réingénierie mis en place par le gouvernement libéral, l'Association des médecins vétérinaires praticiens du Québec s'inquiète de l'avenir du programme comme outil pour maintenir la sécurité alimentaires des Québécois.
Notre premier item, la gestion des médicaments. Donc, Loi sur les médecins vétérinaires. Au Québec, les médicaments vétérinaires sont régis par plusieurs lois. En plus des lois fédérales sur les aliments et drogues et Loi relative aux aliments du bétail, le gouvernement provincial s'est doté d'outils législatifs additionnels permettant un contrôle accru de l'utilisation rationnelle et de la vente de médicaments dans un but de protection de la santé publique. La Loi sur les médecins vétérinaires prévoit notamment une liste exhaustive de produits ne pouvant être vendus que sur prescription vétérinaire, donc assujettis à une connaissance du statut sanitaire des animaux et nécessitant une relation vétérinaire-client-patient bien établie. Ce modèle fait l'envie des autres provinces canadiennes. D'ailleurs, les discussions qui se déroulent avec Santé Canada vont dans le sens d'établir des mesures canadiennes ayant les mêmes objectifs que ceux du Québec.
n(16 h 10)n En termes d'accessibilité aux médicaments vétérinaires, les médecins vétérinaires praticiens engagés au programme ASAQ ont l'obligation de s'approvisionner en médicaments, matériel, instruments via le CDMV dans le cadre de leur pratique. Ainsi, les coûts d'achat pour les producteurs agricoles sont uniformes partout au Québec, peu importe le produit et la localisation des exploitations, des Îles-de-la-Madeleine jusqu'en Abitibi. Ainsi, la gestion d'utilisation est assurée par la prescription grâce à laquelle tout médicament vendu est étiqueté, donc retraçable, et correspond à une ordonnance où dosage et période de retrait sont clairement mentionnés pour éviter tout résidu dans les aliments de consommation.
Contrairement aux médecins vétérinaires praticiens, les producteurs agricoles n'ont aucune obligation pour leur approvisionnement en médicaments. En effet, la possibilité d'acheter directement via des entreprises offrant des produits vétérinaires est facilitée par des moyens comme Internet et l'achat hors Québec. Cette circulation de médicaments non contrôlée, passant par un commerce outre-frontière ou interprovincial, engendre plusieurs situations d'infraction aux règlements sur les médicaments et les ordonnances. Les animaux de consommation reçoivent des médicaments d'ordonnance sans prescription vétérinaire et sans supervision professionnelle. L'ampleur de ce phénomène est difficilement mesurable. Néanmoins, on observe déjà une augmentation de la résistance à certains antibiotiques d'importance critique pour la santé humaine sans que ces mêmes antibiotiques soient prescrits par un professionnel de la santé animale. Une approche intégrée de la santé publique et de la santé animale afin de surveiller adéquatement le développement de ces résistances est fortement recommandable.
Le temps est venu de poser des gestes concrets pour contrôler et limiter l'usage inapproprié de ces produits et de freiner leur importation illégale, puisqu'il est impossible dans un tel contexte de connaître la qualité, la quantité et la nature des produits utilisés.
Donc, considérant qu'il est possible mais illégal pour les producteurs agricoles d'avoir accès à des médicaments exigeant une ordonnance sans la prescription d'un professionnel de la santé animale; considérant l'absence de connaissance qualitative et quantitative sur le portrait global de l'utilisation des médicaments vétérinaires pour les animaux de consommation au Québec; considérant la problématique liée à l'antibiorésistance aux antibiotiques chez les humains et la relation établie avec leur utilisation chez les animaux; considérant que les médecins vétérinaires sont les intervenants uniques pour la prescription des médicaments vétérinaires et que cet acte exige une connaissance de l'état sanitaire des animaux et une relation vétérinaire-client-patient: il est essentiel non seulement de soutenir l'accessibilité aux services vétérinaires pour les producteurs agricoles afin de contrôler l'utilisation des médicaments, mais de plus il est nécessaire de mettre en place des procédures de contrôle au niveau de la distribution via le CDMV afin d'établir un portrait complet de la vente de produits vétérinaires pour les animaux de consommation. Les producteurs agricoles bénéficiant de programmes gouvernementaux devraient être tenus de s'approvisionner en médicaments via un médecin vétérinaire engagé qui achète au CDMV.
Deuxième item, l'épidémiosurveillance. On va parler de réseau d'alerte active et de détection d'agents potentiels de zoonoses, qui sont des maladies animales potentiellement transmissibles aux animaux. On va parler évidemment de virus du Nil occidental, de vache folle, de grippe aviaire, de salmonellose, des sujets d'actualité.
Au niveau du réseau d'alerte active. Depuis plusieurs années, l'Association des médecins vétérinaires praticiens du Québec collabore au Réseau d'alerte et d'information zoosanitaire du MAPAQ. Ce système de vigilance et de détection est un outil essentiel au maintien du statut sanitaire des troupeaux. Depuis juillet 2002, le MAPAQ et l'AMVPQ ont établi un cadre officiel via le réseau d'alerte active. Même si depuis plusieurs années les 440 médecins vétérinaires praticiens répartis sur tout le territoire du Québec surveillent et rapportent les syndromes ou maladies inhabituelles pouvant affecter le cheptel, les deux organisations ont voulu établir des bases opérationnelles encadrant les mécanismes de communication pour faciliter la prise de décision.
L'objectif de cet outil de surveillance est de favoriser la détection rapide de toute situation anormale touchant la santé animale. Pour réaliser cet objectif, des praticiens sentinelles sont désignés dans toutes les régions du Québec et ceux-ci ont pour fonction d'établir un réseau de contact avec les cliniques de sa région, d'être à l'écoute des problématiques de santé animale dans son milieu, de communiquer tout cas répondant à l'un des critères suivants: morbidité et/ou mortalité élevée ou anormale, portrait clinique inhabituel, recrudescence d'une maladie endémique, donc être à l'affût des maladies en émergence et rendre compte de leurs observations au Vet-RAIZO du MAPAQ.
Vache folle, fièvre aphteuse, influenza aviaire, agrobioterrorisme ont brutalement éveillé l'opinion publique et forcé une prise de conscience collective sur les dangers de la mondialisation. Avec l'accroissement des échanges commerciaux, des déplacements humains et animaux, la question n'est plus de savoir si nous sommes à l'abri de telles crises, mais bien de savoir si nous sommes aptes à détecter et intervenir face à une telle éventualité, puisque la probabilité de leur éclosion dans notre cheptel ne cesse d'augmenter.
L'accessibilité à des services vétérinaires de première ligne efficaces est étroitement liée à la fréquence des visites à la ferme et à la vitesse des diagnostics de tout nouveau syndrome ou maladie pouvant avoir des impacts sur la santé animale et par conséquent la santé publique et toute l'économie du secteur agroalimentaire. La participation des 440 médecins vétérinaires praticiens au Réseau d'alerte et d'information zoosanitaire est la source de l'approvisionnement en quantité suffisante d'échantillons, de renseignements, de soumissions pour alimenter les Vet-RAIZO du MAPAQ, pour alimenter la Faculté de médecine vétérinaire, pour alimenter les laboratoires de pathologie du MAPAQ. Avec ces informations, ces derniers peuvent ainsi établir de façon crédible s'il y a émergence ou recrudescence d'une maladie dans les troupeaux du Québec.
Au niveau des zoonoses et des agents potentiels de zoonoses. Dans le cadre de la surveillance des agents potentiels de zoonoses, le MAPAQ offre son support aux membres de l'association. Ainsi, lorsqu'un agent potentiel de zoonose est isolé dans l'élevage chez un producteur agricole, le médecin vétérinaire peut compter sur des ressources professionnelles et analytiques afin de l'assister dans sa démarche d'identification et de contrôle de l'agent potentiel de zoonose pour prévenir l'infection chez l'humain. Si par malheur des gens sont déjà atteints ou contaminés, le médecin vétérinaire pose des actions concrètes afin de résoudre le problème et prévenir la dissémination de la maladie à un plus grand nombre d'individus, évitant ainsi la sollicitation de notre système de santé déjà fort encombré. Depuis l'automne 2000, le nombre d'enquêtes relatives aux zoonoses et menées par le MAPAQ ont plus que sextuplé, contribuant largement à la protection de la santé publique et de la salubrité alimentaire.
Considérant l'importance de détecter rapidement toute situation anormale relative à l'état sanitaire des troupeaux du Québec; considérant les impacts désastreux liés à la dispersion et/ou à un diagnostic tardif des maladies exotiques ou en émergence; considérant que les médecins vétérinaires praticiens sont les intervenants uniques pouvant diagnostiquer toute pathologie anormale dans les fermes du Québec; considérant le rôle fondamental du médecin vétérinaire dans la prévention des zoonoses: il est essentiel de maintenir une masse critique de médecins vétérinaires en pratique des animaux de consommation pour permettre la surveillance et la détection rapide de toute situation anormale en santé animale, incluant les zoonoses.
Au niveau du réseau des laboratoires de pathologie du MAPAQ. Les médecins vétérinaires praticiens sont des acteurs incontournables pour l'échantillonnage à des fins diagnostiques. Le nombre de soumissions de demandes d'analyses est directement proportionnel à l'accessibilité des services vétérinaires pour les producteurs agricoles. Les interventions curatives et préventives effectuées par les médecins vétérinaires à la ferme génèrent les demandes pour préciser et/ou pour confirmer les maladies qui peuvent atteindre les animaux. L'expertise de ces centres de services est aussi essentielle à la qualité des résultats et contribue à solutionner les problématiques sanitaires grâce à la formation de pathologistes oeuvrant dans ces établissements.
Considérant l'importance d'avoir accès à des laboratoires de diagnostic crédibles; considérant que les résultats de laboratoires contribuent de façon importante à la connaissance précise du statut sanitaire du cheptel: il est essentiel de maintenir et de bonifier les structures de laboratoires de pathologie afin de permettre une confirmation rapide du diagnostic clinique ou provisoire du médecin vétérinaire, contribuant ainsi à la précision de l'épidémiosurveillance.
n(16 h 20)n Traçabilité et identification permanente. Les épisodes reliés à l'encéphalopathie spongiforme bovine ? vache folle ? à la fièvre aphteuse, à la tremblante du mouton ont ébranlé la confiance des consommateurs en matière de sécurité alimentaire. Pour répondre à leurs inquiétudes, l'industrie et le gouvernement s'affairent à implanter des systèmes de traçabilité de produits alimentaires. La traçabilité permet de connaître le cheminement d'un aliment dans toutes les étapes de la chaîne agroalimentaire, de la ferme à la table. La traçabilité ne garantit pas la salubrité ou l'innocuité des aliments, mais elle permet de mieux cerner la source d'un problème et de la circonscrire dès qu'un diagnostic clinique ou de laboratoire est posé. Pas de diagnostic, rien n'est enclenché. Plus le délai entre l'introduction d'une nouvelle maladie et son diagnostic est court, plus les outils de gestion de crise comme l'identification permanente et la traçabilité pourront diminuer les impacts négatifs sur la santé animale et humaine.
Il serait illusoire de créer un sentiment de sécurité auprès des producteurs et des consommateurs du Québec avec la traçabilité seule. L'expérience britannique devrait nous faire réfléchir, puisque, avant même qu'on ne réalise sa présence, la fièvre aphteuse s'était déjà propagée dans tout le pays, traçabilité ou non. La capacité de détecter rapidement est incontournable, et la traçabilité devient alors l'outil essentiel pour retracer le cheminement de l'événement sanitaire.
Considérant l'importance de détecter rapidement l'apparition d'une maladie exotique ou nouvelle ou toute situation anormale touchant la santé animale, il est essentiel de favoriser la capacité de détection de toute situation anormale afin de permettre à l'identification permanente et à la traçabilité de remplir efficacement leur rôle comme outil d'enquête pour circonscrire l'événement sanitaire.
Au niveau des normes HACCP et contrôle des points critiques. Je pense qu'il est évident que les exploitations agricoles doivent adhérer à ce type de programme. Ils seront alors... de maîtriser eux-mêmes les points critiques de contrôle, notamment l'utilisation des médicaments vétérinaires, de d'autres produits chimiques et d'assainissement du matériel. Je pense qu'il est excessivement important que ce premier maillon de la chaîne agroalimentaire puisse fournir aux autres niveaux, tels l'abattage, la transformation et la distribution, une ressource primaire de qualité optimale. Il est donc primordial, au niveau de la production, de permettre d'obtenir un animal en santé, un animal exempt de toute maladie et de toute contamination physique, chimique et biologique, afin de permettre évidemment donc à l'abattage, la transformation et la distribution d'être plus performants dans l'application des normes HACCP.
En conclusion, les événements des dernières semaines relatifs aux deux cas d'encéphalopathie spongiforme bovine au Canada viennent confirmer qu'il est urgent de consolider les contrôles sur toute la chaîne alimentaire pour protéger la santé publique et rassurer le consommateur. L'approche «de la ferme à la table» doit inclure toute action favorisant l'accessibilité aux services vétérinaires; l'approche «de la ferme à la table» doit inclure toute action favorisant la détection et le diagnostic rapide de situations anormales en santé animale. Malheureusement, on semble prendre pour acquis la qualité sanitaire du cheptel québécois.
Les interventions au niveau du premier maillon de la chaîne agroalimentaire, la ferme, doivent être bonifiées. L'investissement financier à ce niveau, via le programme ASAQ, est minime par rapport aux coûts générés par une crise en santé animale telle que nous en vivons une actuellement. Les sommes consenties par les deux paliers de gouvernement, fédéral et provincial, dans le cas de la vache folle, pour supporter les producteurs sont astronomiques. De plus, l'impact économique d'une telle crise va bien au-delà du seul secteur de la production, puisqu'il touche aussi tous les autres maillons de la chaîne alimentaire.
En maintenant une présence vétérinaire professionnelle dans les entreprises agricoles du Québec, c'est tout le réseau établi depuis de nombreuses années qu'on supporte. Tous les intervenants concernés bénéficient de cette collaboration: tous les producteurs et productrices agricoles ont accès à des services à un coût uniforme; le MAPAQ peut compter sur 440 médecins vétérinaires praticiens répartis sur tout le territoire du Québec pour exercer une veille constante de toute nouvelle maladie et/ou zoonose; les consommateurs et consommatrices sont assurés d'un contrôle professionnel de la gestion des médicaments vétérinaires, incluant leur distribution par le CDMV et leur utilisation rationnelle via le médecin vétérinaire praticien.
Le modèle du Programme d'amélioration de la santé animale du Québec, le programme ASAQ, fait partie intégrante des outils qui permettront au Québec de relever les nouveaux enjeux de la sécurité alimentaire. Il s'agit là d'une formule intégrant des services conseil non liés, le partage des coûts entre l'État et les demandeurs de services, le contrôle des intrants, incluant les médicaments vétérinaires, et la collaboration des parties pour intervenir rapidement lors de crises sanitaires.
La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci beaucoup, Dr Donnelly. Vous avez pu quand même passer tout le contenu de votre mémoire, sauf quelques paragraphes. Alors, on procède à l'échange. M. le député de Nicolet-Yamaska.
M. Morin (Nicolet-Yamaska): Merci, Mme la Présidente. Merci de votre présentation bien documentée, merci infiniment. Ma première question, c'est... je voudrais un éclaircissement selon ce que vous affirmez à la page 5, là. Peut-être que c'est moi qui ai mal compté, mais vous dites que, lorsqu'un médecin vétérinaire est demandé chez un client, il y a un remboursement de 40 % de la part du gouvernement et, dans votre texte, vous dites que le producteur ou la productrice débourse la même somme lors de la visite médicale, donc un autre 40 %.
M. Donnelly (Michel): Non. Le budget global de l'entente ASAQ, 40 % des coûts sont déboursés par le MAPAQ et 60 % par le producteur agricole.
M. Morin (Nicolet-Yamaska): Il ne donne pas la même somme, là. O.K.
M. Donnelly (Michel): La dépense totale...
M. Morin (Nicolet-Yamaska): Non, non, ça va.
M. Donnelly (Michel): ...est répartie dans un ratio 60-40.
M. Morin (Nicolet-Yamaska): Ça va. Et la crainte que vous avez actuellement, là, c'est que ce programme-là ne soit pas renouvelé. Parce que vous dites dans votre texte: «La présente entente se termine le 31 mars 2004 [...] le MAPAQ n'a pas encore convoqué de rencontre de négociation.» Et vous craignez effectivement que le programme ne soit pas renouvelé, là, dans la réingénierie, là.
M. Donnelly (Michel): C'est une de nos craintes, puisque aucune rencontre de négociation n'a encore été cédulée, et on est le 4 février, le 31 mars s'en vient rapidement. Et, si on se fie au passé, les rencontres de négociation étaient à ce stade-ci déjà très avancées.
M. Morin (Nicolet-Yamaska): Et, compte tenu de cette situation-là, quels seraient les impacts qui pourraient en découler?
M. Donnelly (Michel): C'est une présence restreinte des médecins vétérinaires au sein des entreprises agroalimentaires du Québec, donc une capacité de détection réduite.
M. Morin (Nicolet-Yamaska): ...au niveau des inspecteurs dans les abattoirs, entre autres?
M. Donnelly (Michel): Non, je parle des interventions des médecins vétérinaires praticiens à la ferme.
M. Morin (Nicolet-Yamaska): À la ferme.
M. Donnelly (Michel): On note, dans le contexte actuel, une baisse significative des consultations vétérinaires dans le cadre de la dernière année, vu le contexte économique difficile au niveau des entreprises agricoles actuellement.
M. Morin (Nicolet-Yamaska): Oui, à cause de ce que le président de l'UPA nous disait hier, là, la baisse des revenus, vous vous apercevez cette année qu'il y a une diminution de la demande, une économie, si vous voulez.
M. Donnelly (Michel): Depuis l'existence du programme, c'est la première année complète qui s'est terminée... On a observé à la fois une baisse du nombre de visites au sein des exploitations agricoles mais aussi une baisse du nombre d'heures facturées au sein de ces mêmes entreprises là.
M. Morin (Nicolet-Yamaska): Donc, ce qui pourrait avoir des conséquences assez majeures aussi, éventuellement, à long terme ou à court terme, là.
M. Donnelly (Michel): C'est une situation qui nous est préoccupante, d'autant plus que moins de consultations vétérinaires, facilité d'accès à des médicaments vétérinaires via des sources diverses, c'est un mélange assez explosif.
M. Morin (Nicolet-Yamaska): En fait, vous posiez une question tantôt, vous vous posiez vous-même une question: Sommes-nous aptes ? puis c'est vos mots ? sommes-nous aptes à détecter actuellement... ou à intervenir en cas de force majeure, exemple crise de la vache folle, fièvre aphteuse? Est-ce que, actuellement, on est... Est-ce que vous dites que nous sommes aptes, oui ou non? Compte tenu, exemple, des ressources financières, compte tenu des ressources matérielles, exemple, au niveau des laboratoires en pathologie, compte tenu aussi des ressources humaines, les spécialistes qui vont de moins en moins aux fermes ou à l'abattoir, est-ce qu'on est aptes à détecter une crise majeure, à la contenir actuellement?
n(16 h 30)nM. Donnelly (Michel): Actuellement, il se développe beaucoup d'outils de gestion de crise. On parle de... Et puis ça, c'est... Tous les organismes, comité consultatif québécois en santé animale, comité consultatif canadien en santé animale, l'Agence canadienne d'inspection des aliments, la Coalition canadienne, tous les intervenants actuellement mettent beaucoup d'énergie et de sous dans le développement d'outils de gestion de crise, des outils de gestion de crise comme évidemment la traçabilité, l'identification permanente, des programmes de contrôle de déplacement des animaux en période de crise, des scénarios pour l'élimination de carcasses à la ferme, de dépopulation massive, des programmes de zonage, des programmes de gestion de l'information, d'infrastructures opérationnelles, tout ce qui doit être en mesure d'être prêt à partir du moment où une crise sanitaire pourra être identifiée. On n'a pas le choix, ça prend ces outils-là. Mais ces outils-là ne seront que performants uniquement et seulement si le diagnostic entre l'introduction d'une maladie animale au sein du cheptel... entre le moment de son entrée dans le cheptel et le diagnostic. Plus ce délai-là est court, plus ces outils de gestion de crise là seront performants.
Actuellement, le problème n'est pas au niveau du développement de ces outils-là; je pense qu'il y a une tendance qui est claire. Ce qui est moins clair, c'est notre capacité de détecter. Puis, pour être en mesure de détecter rapidement, ça nous prend des infrastructures importantes au niveau des laboratoires de diagnostic du MAPAQ et ça nous prend des gens qui vont être en mesure de poser des diagnostics. Et ces gens-là, ce sont les médecins vétérinaires praticiens. Et actuellement leur présence au sein des entreprises agroalimentaires diminue. Donc, on investit des millions dans des outils de gestion de crise, alors qu'on semble laisser aller notre capacité de détecter, notre capacité de diagnostic.
Donc, les décisions qui seront prises dans les prochaines semaines sur notre capacité de détecter et de diagnostiquer, au niveau de favoriser ou non la présence des médecins vétérinaires au sein des entreprises alimentaires du Québec, nous donnera si, oui ou non, le gouvernement... ses orientations, en fait. Je pense que la priorité... la santé animale doit faire partie des priorités du gouvernement. Et la capacité de diagnostic, leur intervention face à ça pour nous dire si oui ou non, c'en est une.
M. Morin (Nicolet-Yamaska): Vous avez dit, si j'ai bien compris, des entreprises agroalimentaires? Une intervention au niveau des entreprises agroalimentaires.
M. Donnelly (Michel): Oui, toujours à la ferme. L'intervention à la ferme.
M. Morin (Nicolet-Yamaska): À la ferme. O.K.
M. Donnelly (Michel): Au niveau de toutes les productions animales.
M. Morin (Nicolet-Yamaska): Ça va. Et non pas les entreprises de transformation, là.
M. Donnelly (Michel): Entreprises à la ferme.
M. Morin (Nicolet-Yamaska): O.K. Une des choses qui m'a fait sursauter aussi tantôt ? puis on est là pour apprendre aussi ? c'est quand vous avez mentionné le fait que les médicaments étaient achetés, procurés par Internet, entre autres. Et le contrôle là-dessus, vous n'en avez pas de contrôle, pas beaucoup de contrôle.
M. Donnelly (Michel): Aucun contrôle.
M. Morin (Nicolet-Yamaska): Qu'est-ce que vous suggérez à la commission pour avoir un meilleur contrôle, pour que ce soit coercitif? Parce que, s'il n'y a pas de contrôle, autrement dit, ça va devenir ? excusez l'expression ? le «free-for-all».
M. Donnelly (Michel): Ce qui serait intéressant, ce serait d'uniformiser l'approvisionnement des médicaments vétérinaires, de réduire les sources d'approvisionnement. On a le Centre de distribution des médicaments vétérinaires, qui est un organisme qui est en place, par lequel tout producteur agricole... Bien, premièrement, au niveau des médecins vétérinaires, on a l'obligation d'achat au CDMV. Au niveau des producteurs agricoles, ils peuvent s'approvisionner selon différentes sources. S'il y aurait obligation pour le producteur agricole d'acheter ses médicaments vétérinaires via un médecin vétérinaire engagé dans le cadre du programme, tous les médicaments vétérinaires vendus au Québec sous prescription passeraient par un centre de distribution. Ainsi, on serait en mesure d'établir un portrait global de tout ce qui s'utilise au niveau des animaux de consommation en termes de médication. Actuellement, ce contrôle-là est impossible. Donc, contrôler l'entrée des médicaments via une seule source afin d'établir un portrait global semble être une issue incontournable si on veut être en mesure de travailler efficacement au niveau de l'antibiorésistance.
M. Morin (Nicolet-Yamaska): Puis actuellement vous jugez que c'est assez sérieux pour le mentionner et pour alerter aussi le gouvernement.
M. Donnelly (Michel): Comme je le mentionnais, c'est un phénomène où l'ampleur est difficilement évaluable. Par contre, on note déjà des résistances face à certains antibiotiques qu'on essaie de garder en médecine humaine. On observe déjà des résistances à certains de ces antibiotiques-là, que, nous, comme professionnels, on ne prescrit pas dans le champ mais qui sont présents dans le champ.
M. Morin (Nicolet-Yamaska): Merci.
M. Donnelly (Michel): Et, en terminant là-dessus, le seul élément de contrôle ? si on peut parler de contrôle actuellement ? c'est qu'on a encore des médecins vétérinaires au sein des entreprises agroalimentaires du Québec pour être en mesure de s'assurer de l'utilisation judicieuse de ce médicament-là de façon à avoir respect des dosages et des périodes de retrait qui correspondent à ces produits-là pour éviter la présence de résidus dans les aliments de consommation. À partir du moment où on a accès à ces médicaments-là et qu'on réduit l'accessibilité aux services vétérinaires, je pense que, comme je le disais tantôt, on a un problème.
La Présidente (Mme Houda-Pepin): Bon. Merci beaucoup, Dr Donnelly. C'est assez préoccupant, ce que vous êtes en train de nous dire parce que les informations qu'on avait, particulièrement durant une séance d'information qu'on a eue sur le système d'inspection des aliments, on nous a dit que les animaux... toutes les médications qui étaient données aux animaux étaient prescrites par les vétérinaires. C'est une information qu'on avait. Aujourd'hui, vous nous donnez l'avis contraire et vous dites que les antibiotiques sont donnés aux animaux vivants destinés à la consommation sans prescription médicale. J'ai noté exactement ce que vous avez dit.
Pourriez-vous nous dire quelle est l'ampleur de ce phénomène? Est-ce qu'on parle de quelque chose qui est marginal? Est-ce qu'on parle d'une pratique qui est courante? Est-ce que c'est une pratique qui est là depuis longtemps ou est-ce que c'est quelque chose qui est arrivé récemment? Quelle est l'ampleur de ce phénomène-là? Parce que c'est très préoccupant, en effet.
M. Donnelly (Michel): L'ampleur est difficilement mesurable. Par contre, on a une loi au Québec qui oblige le producteur agricole d'avoir une ordonnance de médicaments vétérinaires pour se procurer des médicaments vétérinaires. Si cette réglementation-là est respectée et suivie, on n'a seulement qu'à se rendre au niveau des entreprises agricoles du Québec et de vérifier si les médicaments en place sont étiquetés et ont l'ordonnance.
La Présidente (Mme Houda-Pepin): Mais, vous, comme médecin vétérinaire, lorsque vous allez sur une ferme et vous constatez, par exemple, qu'un animal, une vache, un veau, a consommé de la médication sans qu'il y ait prescription, quelle sorte de pouvoir que vous avez? Quelle sorte de... Qu'est-ce que vous faites?
M. Donnelly (Michel): La seule chose qu'on peut faire, c'est de s'assurer que ce produit-là soit utilisé de la bonne façon, de façon à éviter qu'il y ait présence de résidus au niveau des aliments, et c'est ce qu'on fait.
La Présidente (Mme Houda-Pepin): D'accord. Vous soulevez une question qui nous a été effectivement soulevée ici, en commission, hier, concernant la traçabilité. C'est à la page 13 de votre mémoire. Et vous dites que la traçabilité, en fin de compte, à elle seule, ne suffit pas, c'est un outil. Et l'Union paysanne tantôt, qui vous a précédés, ils ont carrément laissé entendre que, s'il y a traçabilité, c'est parce qu'il y a un problème finalement, qu'on essaie de mettre un mécanisme pour retracer l'animal jusqu'à sa source, mais, si on fait ça, c'est parce que, au préalable, on sait qu'il y a des possibilités d'avoir des problèmes au niveau de la sécurité alimentaire. Et, vous, vous proposez que l'on puisse aller en amont pour détecter les maladies, là, pour essayer d'intervenir à la source. Comme médecin vétérinaire, vous intervenez à quel niveau? Vous intervenez sur la ferme. Est-ce que vous suivez l'animal aussi à l'abattoir, par exemple? Pourriez-vous nous décrire quel est le chemin que fait un animal de la ferme jusqu'à la tablette d'un magasin?
M. Donnelly (Michel): Il y a plusieurs étapes où notre association n'intervient pas. Tous les commentaires qu'on a faits dans notre mémoire se situent au niveau des interventions à la ferme. Il y a d'autres interventions, évidemment à l'abattage, avec des examens ante mortem et post mortem. L'Ordre des médecins vétérinaires praticiens... l'Ordre des médecins vétérinaires du Québec, dans son mémoire, touche à cette section, et ils seront en mesure de vous donner des informations précises à ce sujet-là.
Par contre, nous, c'est tout ce qui se passe à la ferme. Et la traçabilité seule, un identifiant permanent sur un animal, ne nous permet pas de diagnostiquer, absolument rien, ça nous permet juste de limiter les impacts négatifs d'une crise animale à partir du moment où il y a un diagnostic de posé. S'il n'y a aucun diagnostic de posé, quand même tous les animaux seraient identifiés, il ne se passe rien. L'élément déclencheur, c'est un diagnostic. Et plus ce diagnostic-là va être posé rapidement suite à l'introduction d'une maladie, plus nos outils de gestion de crise, dont la traçabilité, pourront rapidement limiter les dommages, c'est-à-dire retrouver rapidement la source du problème et éviter des abattages massifs d'animaux comme on a vus dans le passé au Royaume-Uni, là. Donc, ça limite les impacts négatifs d'une crise à partir du moment où cette crise-là a été diagnostiquée à quelque part. Si ce diagnostic-là se fait trois mois après l'introduction d'une maladie au sein du cheptel, quand même qu'on aura des outils de gestion de crise en place, les dommages et les pertes économiques astronomiques seront là pareil.
n(16 h 40)n Juste à titre d'exemple, au niveau de ? je n'ai pas le document avec moi ? au niveau de la peste porcine classique au Royaume-Uni, en 1997, il y a eu l'abattage obligatoire d'au-dessus de 12 millions de porcs, nécessitant... entraînant des pertes économiques d'au-dessus de 1,5 milliard. Si le diagnostic de peste porcine avait été effectué seulement qu'une semaine avant la découverte, les pertes économiques dues à cet événement sanitaire là auraient été réduites de moitié. Donc, plus le délai est court entre l'introduction de la maladie et son diagnostic, meilleurs nos outils de gestion de crise, qu'on développe à coup de millions, seront performants. Mais, si on veut qu'ils soient performants, il faut s'assurer que la base, c'est-à-dire la capacité de diagnostic, soit performante. Et actuellement on est à une période critique pour déterminer si, oui ou non, notre capacité de détection est une priorité du MAPAQ ou pas.
La Présidente (Mme Houda-Pepin): D'accord. Merci beaucoup. M. le député d'Iberville.
M. Rioux: Bonjour. Je vais continuer dans la même lignée. Effectivement, là, quand vous nous dites que la traçabilité ne garantit pas à elle seule la salubrité et l'innocuité, effectivement ? c'est un point que j'ai amené ce matin, dans un autre... lors de la présentation d'un autre mémoire ? effectivement, quand arrive l'analyse, comme c'est vécu avec les deux cas que l'on a vécus en Alberta et aux États-Unis, de vache folle, c'est que le dommage était déjà fait. On a beau avoir une structure, de retrouver d'où provenait l'animal, on n'a pas réglé le problème et on n'a pas réussi à faire de la prévention.
Et, vous me corrigerez, là, sur les chiffres, là, ce qu'on semble dire, c'est que, en Europe, tout animal nécessairement doit avoir été testé, c'est-à-dire qu'on doit savoir est-ce qu'effectivement... si on prend le cas du boeuf et de la vache, si elle va avoir l'encéphalopathie fongiforme bovine, est-ce qu'elle l'a ou elle ne l'a pas, puis que le consommateur est sûr qu'elle n'arrivera pas sur sa table puis qu'il va avoir une viande qui va être... qui peut avoir possiblement un danger pour sa santé, même si ça n'a pas été prouvé de source, là, définitive. Sauf qu'il y a un risque, et c'est ce qu'on se doit, je pense, en tant que société, assurer une qualité de viande à l'ensemble de nos citoyens. Donc, elle est inspectée et testée, en Europe.
Ici, ce qu'on nous dit, c'est qu'au niveau de l'ensemble de l'industrie bovine c'est à peu près... même pas 10 % des animaux, là, qui sont testés, on va par échantillonnage. Donc, on ne peut pas prévoir. On arrive devant un résultat. Est-ce qu'on devrait arriver à ce que tous les animaux, avant qu'ils aillent à... lors de l'abattage ou avant qu'ils soient rendus au comptoir, aient été testés pour s'assurer que la viande est sécuritaire ou l'échantillonnage suffit pour assurer la sécurité de l'ensemble des consommateurs?
M. Donnelly (Michel): C'est une excellente question. Il est évident que là-bas, au Royaume-Uni, tous les animaux abattus sont testés, oui. Au Canada, on procède par échantillonnage. Le nombre de tests ? d'ailleurs il y a eu des programmes d'annoncés ? vont être augmentés pour... augmenter le nombre de tests de façon à essayer de réouvrir les marchés d'exportation.
Il faut faire attention entre la nécessité de faire les tests pour une question de santé publique et établir des barrières sanitaires pour la fermeture de marchés potentiels. De là, tous les animaux à être testés, est-ce réellement efficace? C'est discutable. Il y a plusieurs rapports là-dessus. L'échantillonnage, à certains niveaux, peut être suffisant. Mais il y a beaucoup de décisions politiques là-dedans, d'ouverture et de fermeture de frontières en fonction du nombre de tests effectués. Tous les tests, ça peut sembler être exagéré, quelques tests sont insuffisants. Il y a un barème, il y a une norme à respecter. Et les nouveaux programmes élaborés au niveau canadien ? je pense qu'il y a eu des sommes monétaires assez importantes de promises dans les cinq prochaines années pour augmenter considérablement le nombre de tests d'effectués sur les vaches canadiennes, là ? pourraient... sont, à mon avis, suffisants pour la protection du public. Maintenant, est-ce que c'est suffisant pour réouvrir les frontières? Ça, c'est une question politique, ce n'est pas une question de santé publique.
La Présidente (Mme Houda-Pepin): D'accord. Merci beaucoup, Dr Donnelly. M. le député de Nicolet-Yamaska.
M. Morin (Nicolet-Yamaska): Oui. Je reviens avec la même question que tantôt je vous ai posée à propos de... Parce que vous avez répondu, selon la question que je vous avais posée sur le contrôle des médicaments, ou l'importation, ou l'approvisionnement en médicaments, vous avez répondu que c'est difficile pour vous de mesurer l'ampleur, O.K., de cet approvisionnement-là. Moi, je suis surpris de ça, là, puis je trouve ça quand même assez énorme. Vous vous basez sur quoi pour affirmer ça? Avez-vous des preuves quelconque pour affirmer comme de quoi il n'y a pas de contrôle et...
M. Donnelly (Michel): Il y a les lois en place, comme je le mentionnais tantôt, qui permettraient de contrôler l'origine des médicaments vétérinaires vendus au Québec. Parce que, comme je le mentionnais, les producteurs agricoles ont l'obligation de détenir une ordonnance vétérinaire pour avoir des produits, des médicaments vétérinaires dans leurs étables. Les inspecteurs en place, est-ce qu'on a les effectifs nécessaires pour effectuer des contrôles suffisants à ce niveau-là? La réponse que je vous dis, c'est non. Si on veut connaître l'ampleur du phénomène, il faudrait peut-être s'assurer de l'application de la loi. À ce moment-là, on pourrait avoir une réponse précise. La seule chose que je peux vous dire, comme professionnel en santé animale, c'est qu'on visite des entreprises agricoles où il y a des médicaments vétérinaires présents puis ce n'est pas nous qui les avons prescrits.
M. Morin (Nicolet-Yamaska): C'est ça que je veux savoir. C'est là-dessus que vous vous basez. En fait, vous visitez des fermes et vous vous apercevez qu'il y a des médicaments qui sont là qui n'ont pas été prescrits par un médecin vétérinaire puis il n'y a pas de contrôle.
M. Donnelly (Michel): Le seul contrôle qu'il y a, c'est que les gens nous font suffisamment confiance pour nous dire: Ces médicaments-là existent, comment est-ce qu'on les utilise, c'est quoi, les périodes de retrait que je dois respecter pour éviter la présence de résidus? Donc, la présence des médecins vétérinaires est primordiale. Si on l'enlève, les éléments de contrôle, il n'y en a plus aucun.
M. Morin (Nicolet-Yamaska): Selon votre expérience à vous, là, c'est quoi, les impacts qu'il pourrait y avoir là-dessus, les conséquences qu'il pourrait y avoir sur un tel phénomène?
M. Donnelly (Michel): Bon. Il y a un dossier qui est très important, qui est un dossier mondial sur l'antibiorésistance, qui est à revoir toute la gestion de la santé animale, la gestion d'élevage pour minimiser l'utilisation d'antibiotiques ou de restreindre... De toute façon, c'est le consommateur qui décide. On a des franchises importantes qui décident de servir du poulet sans hormone et sans antibiotique, du boeuf sans hormone et sans antibiotique. On a des grosses franchises... des franchisés actuellement qui ont décidé de s'approvisionner de produits exempts. Ça nécessite toute une revue des modes d'élevage et de bien-être animal. Et comment s'assurer réellement que le produit qui sort de la ferme est exempt de toute maladie ou de tout résidu? Comment être en mesure de contrôler ça si on n'a pas une image globale sur tout ce qui est utilisé?
Si on regarde, en agroenvironnement, on est en mesure de dire: Il y a eu une baisse d'utilisation d'herbicides, de pesticides, il y a eu une baisse d'azote, de phosphore. Pourquoi? Parce que, depuis 10 ans, il y a 10 ans, avec les clubs-conseils en agroenvironnement, on a pris une situation de départ, on a listé ce qui s'utilise actuellement au Québec. Donc, au niveau des herbicides, des insecticides, on est en mesure de dresser l'évolution de ces utilisations-là, mais, au niveau des médicaments utilisés, on n'est pas en mesure de le faire parce que les sources sont nombreuses et non contrôlées.
M. Morin (Nicolet-Yamaska): Mais votre affirmation au début, quand vous avez fait votre présentation, vous avez dit: Nous nous rendons compte tranquillement qu'il y a certains animaux qui résistent à des maladies dû au fait que peut-être il y a l'utilisation de médicaments qui ne sont pas contrôlés. Et vous dites ensuite: Nous avons vu, dans certains établissements ou sur certaines fermes, des médicaments non prescrits, O.K.? Moi, la question qui me vient tout de suite, c'est: Est-ce que la santé humaine est en danger?
M. Donnelly (Michel): La première partie de votre affirmation, j'ai probablement été mal interprété. Ce que j'ai mentionné, c'est que, dans des... au niveau de l'antibiorésistance, il y a déjà des contrôles qui sont en place qui prennent certains antibiotiques et mesurent la résistance de ces antibiotiques-là sur certains produits. Certains de ces produits-là, on préférerait les conserver pour utilisation en médecine humaine. Ces produits-là normalement devraient peu ou pas être utilisés en médecine animale. Et on observe une augmentation de la résistance face à ces antibiotiques-là. Puis ces antibiotiques-là ne sont pas prescrits par des professionnels en santé animale, ils sont donc utilisés à quelque part.
n(16 h 50)nM. Morin (Nicolet-Yamaska): Alors, merci de l'éclaircissement, ça va. Mais l'autre partie de ma question, c'est: Est-ce qu'il y a danger pour la santé...
M. Donnelly (Michel): Il y a une relation qui est clairement...
M. Morin (Nicolet-Yamaska): ...des Québécois et des Québécoises?
M. Donnelly (Michel): Il y a une relation qui est clairement établie entre le développement de la résistance aux antibiotiques et leur utilisation dans le monde animal. Souvent, cette relation-là est exagérée. C'est très important de bien la quantifier. Souvent, on l'exagère énormément. Mais il y a une relation et clairement établie et reconnue par tous les experts dans le domaine. Il faut donc se donner une façon d'utiliser les antibiotiques, quels antibiotiques on utilise, dans quels secteurs. C'est un dossier qui est assez énorme, là, mais il est important de contrôler la qualité et la quantité des antibiotiques qu'on utilise dans le monde animal parce qu'il y a une relation qui est établie avec la santé humaine.
M. Morin (Nicolet-Yamaska): Je vous suis très bien quand vous dites: C'est important de contrôler. Mais je vous dis aussi que, là, vous avez affirmé tantôt que c'est difficile parce qu'il y a un certain manque de contrôle dû à l'importation ou l'approvisionnement de certains médicaments. Donc, moi, ma question, c'est: S'il y a approvisionnement qui n'est pas contrôlé, est-ce qu'il y a des dangers, il y a des conséquences au niveau de la santé humaine?
M. Donnelly (Michel): Bien, la journée où on n'aura seulement qu'une gamme d'antibiotiques en médecine humaine qui va travailler contre des maladies sévères qui peuvent entraîner la mort et que cet antibiotique-là ne fonctionnera plus chez l'humain parce qu'il aura été utilisé ou surutilisé dans le monde animal... Bien, le danger est là.
M. Morin (Nicolet-Yamaska): Surutilisé, non contrôlé.
M. Donnelly (Michel): Oui, le danger est là à partir du moment où on n'a pas d'antibiothérapie pour faire face à des problèmes en santé humaine qui sont majeurs. Bien, dans le temps de la grippe espagnole, les gens décédaient en quantité importante tout simplement parce qu'il n'y avait pas d'outils pour les traiter. L'importance, c'est de ne pas limiter ces outils-là actuellement, parce que sortir des nouveaux antibiotiques, ça coûte extrêmement cher, et il faut garder des classes d'antibiotiques spécifiques pour la médecine humaine.
M. Morin (Nicolet-Yamaska): En fait, le but, je ne pense pas que ce soit d'alarmer non plus la population avec ça, sauf que ce que vous nous dites, c'est: Il y a danger là, puis danger important.
M. Donnelly (Michel): Oui.
M. Morin (Nicolet-Yamaska): Merci.
La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci. Alors, M. le député de Portneuf.
M. Soucy: Je vous remercie, Mme la Présidente. Toujours sur le même sujet, j'ai trois petites questions rapides. À la page 5 de votre mémoire, au deuxième paragraphe, on dit: Afin de diminuer l'emploi irrationnel de médicaments vétérinaires, le MAPAQ créait un centre de distribution en 1972. C'est donc dire que, antérieurement, on a assisté à une vague ou une période où les médicaments étaient utilisés ou du moins...
M. Donnelly (Michel): Non. Lors de la mise en place du CDMV, c'est que les producteurs agricoles n'avaient pas accès à aucun médicament, tout simplement parce qu'il n'y avait pas de médecins vétérinaires en quantité suffisante pour couvrir tout le Québec. Donc, il n'y avait pas d'accès à aucun médicament, et les animaux décédaient faute de traitement. Aujourd'hui, c'est le phénomène inverse, avec toutes les... Internet et l'achat outre-frontières de médicaments, l'accessibilité à des médicaments est passée à l'autre extrême, où tout le monde peut se procurer des médicaments de façon plus facile.
M. Soucy: Mon autre question: Est-ce que vous faites des visites statutaires sur les fermes ou si vous intervenez seulement lorsqu'il y a problème? Est-ce qu'on vous appelle juste parce qu'il y a un problème ou si, de façon statutaire ou à titre préventif, vous faites le tour, une tournée?
M. Donnelly (Michel): O.K. Avec le programme Amélioration de la santé animale du Québec, on intervient à la ferme. L'année dernière, la dernière année complète, 2002-2003, il y a eu au-dessus de 300 000 visites à la ferme d'effectuées. Il y a eu 225 000 heures de passées au niveau des entreprises agroalimentaires du Québec, et la moitié de ces heures-là étaient utilisées pour soigner des animaux malades, donc faire du curatif, et l'autre moitié a été utilisée à des fins préventives.
M. Soucy: O.K. Dernière petite question. On dit... une de vos recommandations, c'est de maintenir une masse critique de médecins vétérinaires. Est-ce que l'admission, on a encore... est-ce qu'on suffit à la demande? Est-ce qu'il faudrait augmenter le nombre d'admissions par... Ça relève de la Faculté de l'Université de Montréal, je pense. Est-ce que vous avez suffisamment de demandes? Comment ça se passe de ce côté-là?
Puis je vais conclure, vous répondrez ensuite, je voulais juste simplement vous dire qu'on va faire le suivi puis on va vous rappeler, dans le fait du programme qui vient à échéance le 31 mars, là, on va vous rappeler rapidement pour vous donner un suivi là-dessus.
M. Donnelly (Michel): Merci, ce serait apprécié. En ce qui a trait aux effectifs vétérinaires, il est évident qu'actuellement on a un nombre de médecins vétérinaires critique au Québec. Dans les quatre à cinq prochaines années, près de 30 % des médecins vétérinaires en place vont atteindre 30 années de service et plus. 30 années de service et plus, pour un médecin vétérinaire praticien qui fait, en moyenne, 60 heures de pratique par semaine, plus 30 heures de disponibilité pour offrir un service d'urgence 24 heures sur 24, c'est long. Il est important actuellement de s'assurer que ces gens-là ne quittent pas la profession trop vite parce que, actuellement, il n'y a pas de relève. Et, si relève il y a, après un cours universitaire de cinq années, ces gens-là ont, en moyenne, quatre ans de pratique et quittent le secteur des animaux de consommation pour différentes raisons. Donc, il faut, un, s'assurer d'avoir une relève qui va rester sur le marché, mais surtout s'assurer que les gens qui sont déjà en place puissent demeurer encore plusieurs années. Sinon, la masse critique nécessaire de médecins vétérinaires pour exercer une veille constante sur le cheptel va baisser à un niveau dangereux.
La Présidente (Mme Houda-Pepin): Très bien. Merci beaucoup, Dr Donnelly. Tantôt, les représentants de l'Union paysanne nous ont listé une série de pratiques agricoles dangereuses et ils nous ont appris que les farines carnées, c'était quelque chose, ça faisait partie des pratiques dangereuses sur la ferme. Vous, votre association, les médecins vétérinaires que vous représentez, qui sont sur les fermes, est-ce que vous avez constaté ce phénomène? Est-ce que les farines carnées, c'est une pratique qui existe sur nos fermes au Québec?
M. Donnelly (Michel): C'est une pratique qui existait. Il y a des réglementations qui ont été émises pour la production de farines carnées de ruminants, ne plus le donner à un ruminant, justement dans le dossier de l'ESB, et ce, c'est en application depuis 1997, je crois. Par contre, il peut se donner des suppléments alimentaires, de la farine carnée de ruminants à des non-ruminants, c'est encore possible au Québec, alors que, en Union européenne, tout produit de farine carnée animale ne peut être donné à aucun animal. Il y a encore un pas à faire, à mon avis, au Québec, pour que l'interdiction de farine carnée soit totale.
La Présidente (Mme Houda-Pepin): Mme la députée de Soulanges.
Mme Charlebois: Juste en complément avec la question de la députée de La Pinière. Ça veut dire qu'on peut continuer à acheter des farines carnées pour autre chose et s'en servir sans que personne ne le sache pour ce qui est interdit.
M. Donnelly (Michel): Ça explique probablement pourquoi il y a eu des cas d'ESB dans l'Ouest.
Mme Charlebois: O.K. Moi, j'ai une question. Vous avez soulevé un problème de relève dans votre profession et vous avez même soulevé le fait que la relève quitte le domaine de l'élevage. Est-ce que vous avez des raisons ou vous avez relevé pourquoi les gens ne demeurent pas...
M. Donnelly (Michel): Ça fait de nombreuses années qu'on mentionne ces éléments-là. Il y a deux principales raisons. Rapidement, premièrement, c'est la qualité de vie. À 60 heures-semaine, moyenne, plus 30 heures de disponibilité pour offrir un service de garde, actuellement, un étudiant, après cinq ans d'université, opte peut-être plus pour 35 heures-semaine. Donc, en partant, même si la passion est là, les gens se découragent assez vite.
n(17 heures)n Puis, ce qui vient empirer les faits, c'est carrément une rémunération qui est inadéquate. Pour une formation similaire, on n'a pas une rémunération qui correspond à ce que les autres professionnels en santé ont, pour une formation académique similaire. Donc, tant et aussi longtemps qu'on ne sera pas, comme association, en mesure d'arriver à une entente avec le MAPAQ qui va nous permettre d'obtenir, pour une semaine de travail normale, une rémunération équivalente aux autres professionnels qui ont une formation similaire à la nôtre, non seulement les gens ne s'orienteront pas vers la médecine vétérinaire au niveau des animaux de consommation, mais les gens qui actuellement sont en place ont commencé à quitter le bateau sérieusement. Donc, qualité de vie et rémunération inadéquate sont en tête de liste. Ce n'est pas un problème qui est unique au Québec, c'est un problème qu'on a au Canada et en Amérique du Nord.
La Présidente (Mme Houda-Pepin): Ça m'amène à vous demander: Est-ce qu'un vétérinaire qui travaille sur la ferme gagne moins qu'un vétérinaire, par exemple, qui soigne les animaux dans les centres urbains? C'est quoi, la différence?
M. Donnelly (Michel): Selon les dernières études économiques qu'on a, si on ramène... parce qu'il faut toujours ramener le tout sur une base horaire, et, sur une base horaire, les médecins vétérinaires qui travaillent au niveau des animaux de compagnie ont une rémunération horaire supérieure à celle des médecins vétérinaires praticiens au niveau des animaux de consommation.
La Présidente (Mme Houda-Pepin): C'est un écart assez significatif?
M. Donnelly (Michel): Suffisamment significatif pour des orientations de carrière.
La Présidente (Mme Houda-Pepin): D'accord. Il reste très peu de temps, mais je voulais vous poser cette question. À la page 14, votre recommandation concernant le principe HACCP, et vous dites qu'il faudrait que tous les secteurs de la chaîne agroalimentaire, des producteurs aux consommateurs, l'adoptent. Nous avons entendu des groupes ici, l'Association des restaurateurs, nous avons entendu aussi des gens qui nous ont dit que, pour les petites exploitations et pour les petites entreprises comme les restaurants, le principe HACCP était très coûteux puis ils n'étaient pas capables de l'appliquer. Est-ce que vous voyez, vous, comme praticiens sur le terrain, une différence au niveau de l'application de cette méthode pour les petites entreprises?
M. Donnelly (Michel): Je parle au niveau de la ferme, donc d'une extrémité de la chaîne alimentaire; puis là on est rendu au niveau de la restauration. Il est évident que, plus l'intervention au niveau de la ferme va être pertinente et efficace afin de permettre l'obtention d'un animal, là, une carcasse qui va être exempte de maladie, qui va être exempte de résidus d'antibiotiques, d'hormones et autres, là, plus le produit primaire va être de qualité au niveau de la première étape de la production, plus on va monter dans la chaîne agroalimentaire, plus les moyens de contrôle peuvent être atténués et peu coûteux, comme pour nos petits restaurateurs.
Mais, si, à la base, le produit n'est pas de qualité, au fur et à mesure qu'on va monter dans la chaîne agroalimentaire, les mesures de contrôle devront être de plus en plus importantes et coûteuses pour s'assurer qu'avant de livrer au consommateur un produit dans l'assiette qui soit sain, plus ces mesures de contrôle là devront être importantes. Plus l'intervention au niveau de la ferme sera bonifiée pour permettre une obtention de produit primaire de qualité, plus les moyens de contrôle en montant pourront être réduits en coûts et en importance au niveau du dernier maillon, là.
La Présidente (Mme Houda-Pepin): D'accord. Alors, merci beaucoup, Dr Donnelly, Mme Bouchard, les représentants de l'Association des médecins vétérinaires praticiens du Québec. Vous nous avez édifiés. Vous nous avez aussi lancé des préoccupations qu'on ne soupçonnait pas. Merci de votre contribution.
Et j'invite maintenant les représentant d'ACEF Québec, M. Denis Falardeau et M. Richard Dagenais.
(Changement d'organisme)
La Présidente (Mme Houda-Pepin): Bon. Alors, M. Falardeau, je vous invite à prendre la parole, à nous présenter la personne qui vous accompagne. Et vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire et 20 minutes d'échange avec chaque groupe parlementaire. Vous avez la parole.
Association coopérative d'économie
familiale de Québec (ACEF de Québec)
M. Falardeau (Denis): Après une brève présentation, je vais faire circuler une nouvelle version du mémoire. Je suis Denis Falardeau, je travaille pour l'ACEF de Québec, Association coopérative d'économie familiale, et j'ai à mes côtés M. Richard Dagenais, économiste et analyse depuis nombre dates. Nous sommes un groupe de défense des droits des consommateurs. Notre organisme existe depuis plus de 30 ans et, au risque de vous induire en erreur, je crois même 35. Et l'agroalimentaire a toujours été, de façon traditionnelle...
La Présidente (Mme Houda-Pepin): Avant de poursuivre...
M. Falardeau (Denis): Oui, allons-y.
La Présidente (Mme Houda-Pepin): ...M. Falardeau, on va prendre les mémoires et on va les distribuer tout de suite aux députés pour qu'ils puissent vous suivre.
M. Falardeau (Denis): Parfait.
La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci de votre collaboration. Allez-y.
M. Falardeau (Denis): Et, mes amis écologistes me pardonneront, il y en a certains qui sont à double... copie recto-verso, puis il y en a d'autres qui sont seulement...
La Présidente (Mme Houda-Pepin): Pas de problème.
M. Falardeau (Denis): Bon. Donc, ce que j'allais vous proposer... Oh, mais, excusez-moi, Mme la Présidente, j'ai été trop généreux, j'ai donné ma pile, mais je ne m'en suis pas gardé.
La Présidente (Mme Houda-Pepin): Parfait. M. Falardeau, s'il vous plaît, vous avez la parole.
M. Falardeau (Denis): Merci, allons-y. Nous allons changer un peu les règles du jeu. Habituellement, on commence par le début, mais, mon confrère ayant arrivé un peu sur le tard, bien, on a convenu d'une façon inverse. Nous allons commencer tout de suite avec l'addendum, c'est-à-dire le chapitre intitulé L'irresponsabilité érigée en système. Vous l'avez au chapitre 4. Je vais vous faire grâce d'une lecture littérale.
Dans le fond, ce que nous voulons vous souligner, et c'est un peu en quelque sorte la trame de fond que nous vous proposons en termes de réflexion, à l'égard des propos que M. Richard Dagenais va vous entretenir tout à l'heure mais aussi à l'égard de tous témoignages, là, qui pourront se faire devant cette commission, c'est toute la question de la responsabilité étatique, si je puis dire, et la responsabilité civile que les entreprises peuvent avoir concernant l'utilisation de produits issus des biotechnologies.
À la lumière justement de l'évolution de ce secteur d'activité, nous sommes d'avis qu'il faudrait amender le Code civil pour faire en sorte que les entreprises puissent être responsables, être tenues responsables s'il s'avérait dans l'avenir qu'un problème soit pour la santé ou pour l'environnement se déclarerait suite justement à l'utilisation ou à l'importation de denrées ou d'autres produits issus des biotechnologies. Plus particulièrement, nous demandons à ce que l'article 1473... Et c'est le seul texte que je vais vous lire; le reste, je vais continuer de façon verbale. L'article 1473 se lit comme suit:
«Le fabricant, distributeur ou fournisseur d'un bien meuble n'est pas tenu de réparer le préjudice causé par le défaut de sécurité de ce bien s'il prouve que la victime connaissait ou était en mesure de connaître le défaut du bien, ou qu'elle pouvait prévoir le préjudice.» Jusqu'à date, ça va. C'est le deuxième paragraphe qui, pour nous, cause problème.
«Il n'est pas tenu, non plus, de réparer le préjudice s'il prouve que le défaut ne pouvait être connu, compte tenu de l'état des connaissances, au moment où il a fabriqué, distribué ou fourni le bien et qu'il n'a pas été négligent dans son devoir d'information lorsqu'il a eu connaissance de l'existence de ce défaut.»n(17 h 10)n En d'autres termes et surtout dans un monde qui est géré actuellement par des normes à caractère international où, du côté du Canada, on se réfère bien souvent à ces normes internationales plutôt qu'à établir les nôtres et à faire les tests en conséquence lorsqu'il y a des entreprises candidates qui veulent faire accepter des OGM ? ou, dans l'avenir, on peut même penser à des organismes vivants, à des animaux modifiés ? nous sommes d'opinion que cet article est très dangereux en termes d'exonération de la responsabilité des entreprises et des États étant donné qu'il s'agirait simplement pour un entrepreneur de dire: Mais, écoutez, moi, j'ai produit en bonne et due forme un formulaire à Santé Canada pour que tel organisme génétiquement modifié soit accrédité. Santé Canada a étudié mon dossier et, comme Santé Canada en fait mention, Santé Canada a fait tout simplement une comparaison entre mon dossier et les normes mondialement reconnues, c'est-à-dire en fonction des connaissances mondialement reconnues de l'époque. Malheureusement, s'il s'est avéré par la suite qu'il y a eu un problème; j'en suis exonéré, les connaissances de l'époque ne pouvaient pas me permettre de décoder ou de faire en sorte de deviner qu'il pouvait y avoir justement un problème concernant soit l'environnement ou la santé.
Je dois vous préciser cependant que 1474 vient nous dire que, dans des cas où il y aurait des dommages corporels, ce mécanisme d'exonération ne pourrait pas fonctionner. Cependant, j'imagine fort bien un entrepreneur agricole utiliser tel type de semence et malheureusement ? et nous le connaissons déjà, avec toutes les pollutions croisées que nous connaissons du côté du maïs, ainsi de suite ? un phénomène faisant en sorte que... où il pourrait y avoir des problèmes en termes d'environnement, pour la suite faire en sorte que tel champ soit incultivable, etc., pour en aboutir à un problème de manque à gagner, l'agriculteur n'est pas en mesure de suffire à ses besoins, etc., il y a une poursuite en dommages et intérêts, l'entreprise nous dit: Non, je suis exonérée, les connaissances de l'époque ne fonctionnaient pas; gouvernement, c'est votre faute, vous n'avez pas édicté des normes plus précises. Et finalement c'est encore au consommateur à en payer le prix, puisque, en bout de ligne, lorsqu'il y a un manque à gagner au niveau de la structure de production, etc., c'est toujours le prix du détail, bien souvent, qui est à la hausse. C'est pour ces raisons, pour nous, que nous pensons que cet article du Code civil devrait être carrément modifié pour enlever au moins le deuxième paragraphe.
Ce qui m'amène à aborder une autre question, toujours concernant des normes. Tout à l'heure, je vous faisais référence à des normes internationales sur lesquelles le gouvernement fédéral notamment s'appuie pour accepter ou non des produits issus de la biotechnologie au Canada. Il y a le Protocole de Carthagène. C'est un protocole qui va normaliser le commerce, les entrées et sorties de denrées issues, encore une fois, de la biotechnologie. Et, encore une fois, à notre avis, ce protocole milite en la faveur d'un renforcissement des normes étatiques pour encore une fois faire en sorte que la responsabilité des États, et notamment du Québec et du Canada, ne soit pas engagée.
Plus particulièrement, à l'article 27, si ma mémoire est bonne, est prévue une mécanique, qui n'est pas encore négociée mais qui va faire l'objet d'un second tour de négociations lorsque ce protocole va être accepté, une mécanique de responsabilisation des États dans des cas où il y aurait pollution environnementale, etc. Le problème, là-dedans, dans ce protocole, bien entendu, ce sont les parties qui voient leur responsabilité engagée. Et, forcément, qui dit partie, en termes de protocole international, dit pays, ce qui encore une fois nous amène à vous demander, aux deux paliers de gouvernement, c'est-à-dire le provincial et le fédéral, de faire en sorte qu'il y ait des normes un peu plus sévères encore une fois concernant l'acceptation de tout ce qui s'appelle produits issus de la biotechnologie.
Actuellement, et au risque de me répéter, le fédéral fait simplement une référence, là, aux normes déjà édictées pour accepter ou non des produits soit canadiens ou étrangers issus de la biotechnologie. Il n'y a plus, à proprement parler, d'études indépendantes pour évaluer les données présentées par les entreprises candidates. Et, selon nous, nous devrions au préalable adopter le principe de précaution ? pour employer un adage que nous connaissons tous, c'est-à-dire: Dans le doute, on s'abstient ? avant d'accepter de telles denrées issues de la biotechnologie. Ceci étant dit, là, je ne sais pas si mon confrère a terminé. Oui? Donc, je peux vous céder la parole?
La Présidente (Mme Houda-Pepin): M. Dagenais.
M. Dagenais (Richard): Alors donc, Richard Dagenais, recherchiste pour l'ACEF de Québec. Est-ce que vous aviez reçu la synthèse finalement de notre mémoire ou...
La Présidente (Mme Houda-Pepin): Oui, oui. Nous l'avons reçue.
M. Dagenais (Richard): Oui? D'accord. Alors, vous pourrez référer, à ce moment-là, à la synthèse, quoique je vais passer assez rapidement aussi, étant donné le temps qu'il nous reste.
Donc, l'ACEF de Québec est un organisme de défense des droits des consommateurs. Elle intervient entre autres au niveau du comité du groupe qualité et aussi de ses sous-comités qui traitent de HACCP, traçabilité et antibiorésistance. Alors, on considère le système canadien et québécois d'inspection des aliments relativement performant en regard de la qualité bactériologique, si on veut, des aliments, des animaux. Par contre, on voit qu'il y a d'autres problèmes, on perçoit qu'il y a d'autres problèmes à d'autres niveaux et on va vous les souligner.
Considérant l'accroissement de la mondialisation des marchés, finalement, le mouvement de déréglementation, l'organisme que je représente est inquiet finalement face à la qualité des aliments et à la santé publique. Et on s'inquiète entre autres parce qu'un organisme comme l'OCDE, par exemple, peut définir des normes, par exemple, pour l'acceptation des nouveaux aliments, par exemple, alors que c'est un organisme qui vise la promotion économique et le développement du commerce, et on pense que ce serait plus une responsabilité des organismes internationaux qui s'occupent de la santé, comme l'OMS ou la FAO.
Alors, on pense, au niveau du système d'inspection des aliments, qu'il devrait y avoir accroissement des ressources finalement pour assurer une meilleure protection de la santé publique. Au niveau de l'ACIA, par exemple, l'Agence canadienne d'inspection des aliments, alors, il va y avoir un accroissement du budget de l'ordre de 10 % pour 2003-2004 parce qu'ils reconnaissent qu'il y a un accroissement des activités, finalement, économiques, un accroissement des importations, exportations, etc., donc ils veulent assurer une meilleure protection de la santé publique, assurer une meilleure protection finalement, un meilleur contrôle de ce qui rentre et sort du Canada. Au niveau du budget de la CQIASA, c'est-à-dire l'agence qui contrôle la qualité des aliments au Québec, le budget n'a pas été augmenté de façon sensible, ces dernières années. Il est de l'ordre de 44 millions pour le contrôle de la qualité des aliments, plus 16 millions pour le contrôle aussi de la santé animale. Alors, c'est quand même dans l'ordre du dixième de ce que l'Agence canadienne d'inspection des aliments dispose au Canada.
Si on s'attarde à la question des intoxications alimentaires, l'OMS, par exemple, évalue qu'environ 30 % de la population des pays développés peut être affectée par des intoxications alimentaires à chaque année, ce qui est très important quand même et ce qui voudrait dire pour le Québec un peu plus de 2 millions de cas par année. Par contre, si on regarde Santé Canada, Santé Canada évalue que le nombre d'intoxications alimentaires au Canada, par année, c'est plutôt de l'ordre de 2,2 millions. Et c'est beaucoup moins en fait que ce que préconise l'OMS... ce qu'évalue comme risque potentiel l'OMS. Et on pense qu'il devrait y avoir... on devrait préciser cette problématique-là et que les ressources, aussi, publiques devraient être ajustées en fonction du risque véritable pour la population. Santé Canada évalue entre autres que ce 2,2 millions de cas par année génère des coûts sociaux et de pertes de revenus de travail, par exemple, de plus de 1 milliard par année.
En termes de responsabilité face à l'innocuité des aliments et la qualité des aliments, je pense que c'est une responsabilité qui est partagée à la fois par les gouvernements, à la fois par les entreprises, les producteurs et les consommateurs. Chaque niveau, chaque intervenant finalement a son niveau de responsabilité, doit avoir aussi une formation adéquate pour pouvoir correctement traiter les aliments, les conserver. Et je pense qu'on est inquiet, par exemple, lorsqu'on voit que, dans le nouveau curriculum du secondaire, par exemple, le cours d'économie familiale va tomber, va être enlevé, alors que cet aspect-là était traité. Et il nous semblerait important que ce soit révisé, cette décision-là, parce qu'il en va de la santé publique, il en va aussi du futur finalement à la fois de la qualité des aliments qu'on va servir dans nos familles et de la façon dont on va traiter aussi les aliments et les conserver.
n(17 h 20)n Concernant les risques, on perçoit finalement qu'il y a des risques qui sont sous-évalués en termes d'intoxication alimentaire par les résidus de pesticides, par exemple, les nombreux produits chimiques qu'on peut utiliser maintenant. Certains additifs qui sont dans les épices, par exemple comme le glutamate monosodique, par exemple, peuvent avoir des effets sur la santé, et on pense que ça devrait être, à ce moment-là, réglementé, ces éléments-là.
Concernant... Par exemple, au Canada, on tolère les hormones de croissance dans l'élevage de bovins, alors qu'en Europe c'est interdit. Il y a eu des études sur la santé commandées par la Communauté européenne, par exemple, et qui concluent à des niveaux de risque. Et ils ont maintenu finalement l'interdiction d'utilisation en Europe des hormones de croissance, alors qu'au Canada on tolère encore leur utilisation, ainsi qu'aux États-Unis et dans différents pays dans le monde.
Alors, on pense que, lorsqu'il y a des preuves, finalement, scientifiques ou lorsqu'il y a des éléments de preuve scientifiques qui nous amènent à penser qu'il y a des risques de cancer, etc., on devrait en tenir compte et appliquer le principe de précaution, pour dire finalement: On va attendre d'avoir des preuves plus solides avant d'autoriser l'utilisation de certains produits qui peuvent avoir des effets à long terme sur la population. On peut penser au BSE, finalement, la maladie de la vache folle. Le temps qu'on s'aperçoive finalement que ça existait, d'une part, en Angleterre et que ça pouvait avoir des impacts sur la santé humaine, il s'est passé un certain nombre d'années. Et on pense qu'il y a peut-être quelques milliers de cas de personnes finalement qui vont décéder, par exemple, de la maladie de Creutzfeldt-Jakob, en Angleterre, du fait de cette forme d'intoxication là qu'on avait sous-évaluée ou pas prise en compte finalement jusqu'au début des années quatre-vingt-dix.
Alors, les mêmes préoccupations existent aussi au niveau des nouveaux aliments biotechnologiques. J'avais travaillé entre autres sur une hormone de croissance qui est donnée aux vaches, la somatotrophine bovine. Au Canada, on l'a refusée à l'effet que ça pourrait avoir des impacts négatifs sur la santé animale. En Europe, ils considèrent que ça peut avoir des effets négatifs finalement sur la santé humaine aussi. Et je pense que, dépendamment de la vision qu'on a des exigences en termes de preuves scientifiques et aussi de la protection qu'on veut avoir de la santé publique, donc des critères, des normes qu'on veut avoir en termes de minimisation d'impacts sur la santé publique, on va refuser ou accepter un produit. Cette hormone-là est utilisée, par exemple, aux États-Unis et elle peut rentrer au Canada via certains produits transformés, etc. Alors, on n'a pas nécessairement des contrôles globaux, si on veut, totaux sur l'ensemble des produits et pour assurer le respect des normes, ici, canadiennes.
Il y a aussi certains pesticides qui peuvent être utilisés aux États-Unis, mais qui ne sont pas autorisés ici, mais dont on va retrouver des traces de résidus dans les produits alimentaires qui proviennent des États-Unis, par exemple, ou du Mexique, etc. Donc, il y a une inquiétude finalement face au respect de nos normes et à l'impact sur la santé humaine de certains résidus de pesticides et un ensemble d'autres produits qu'il peut y avoir. Si vous me permettez, je vais prendre un petit peu d'eau.
Concernant le système d'inspection des aliments, je pense qu'il y a moyen de l'améliorer sur un certain nombre de points. On fait des propositions, hein, entre autres assurer un minimum de visites dans les établissements, par exemple, au lieu de baser en fonction du risque et de laisser tomber un certain nombre d'entreprises, de considérer qu'elles sont sans risque, alors qu'il y a quand même des risques potentiels, etc., qui peuvent exister.
L'autre élément, c'est la notion de risque. Pour nous, c'est quelque chose qui, d'une part, exige beaucoup de ressources pour l'évaluer correctement et qui peut aussi varier dans le temps et évoluer dans le temps en fonction des conditions économiques, en fonction des technologies qui se présentent, etc. Alors donc, la notion d'inspection base-risque, c'est acceptable en soi, mais, pour nous, ce n'est pas suffisant. Il faut avoir une conception plus large aussi de la notion de risque, de son évolution, et aussi avoir une vision proactive par rapport aux éléments de risque qu'on ne contrôle pas ou qu'on ne connaît pas encore présentement.
Concernant le système de traçabilité, alors je pense qu'à la base c'est une analyse bénéfices-coûts pour la société de décider jusqu'où on va aller finalement dans le système de traçabilité. Il nous apparaît utile et valable d'aller dans le sens d'un système de traçabilité complet comme en Europe, donc de la ferme à la table, pour assurer le suivi, finalement, d'où proviennent les aliments, de quels animaux ils viennent, etc., pouvoir localiser la source des problèmes lorsqu'il y en a et avoir une meilleure efficacité dans les rappels.
Notre compréhension, c'est que, si c'est associé au système de gestion des entreprises, ça va avoir un coût économique qui va être abordable finalement pour la société et qui va pouvoir améliorer finalement la qualité des contrôles et une meilleure sécurité d'ensemble pour les aliments qu'on consomme. Donc, avoir un système autant que possible qui réfère à des normes internationales, à des identifiants finalement qui sont acceptés au niveau international, idéalement, et aussi qui sont informatisés, pour assurer une gestion plus efficace finalement de l'information. On pense que le système québécois est adéquat et qu'il est préférable finalement que le système à une seule boucle, par exemple, etc. Donc, on devrait pousser pour son utilisation au Canada et s'assurer aussi qu'on a un système qui évolue vers la norme européenne aussi.
Concernant l'étiquetage des aliments, des produits alimentaires, alors on a référé à différents trucs qui nous posaient problème, finalement. Il y a beaucoup d'utilisation de termes finalement qui ne sont pas nécessairement justifiés ou qui ne sont pas nécessairement clairs pour les consommateurs, et on pense qu'il faudrait que ce soit clarifié et que ce soit aussi contrôlé, finalement, ces appellations-là. Alors, quand on dit, par exemple, «sirop léger», «source de calcium», «substance laitière modifiée», «protéine de soya», à quoi réfère-t-on? Pour le consommateur, ce n'est pas du tout évident. «Présence de lycopène», par exemple, pour un produit, alors qu'est-ce que ça veut dire pour le consommateur?
Alors, je pense qu'on s'en va vers... Étant donné qu'on a autorisé les allégations santé, par exemple, je pense qu'on s'en va de plus en plus avec l'utilisation de ces termes-là, mais que le consommateur ne s'y retrouve pas et qu'il va y avoir des abus. Et notre position, c'est que, si on ne peut pas contrôler l'utilisation de ces... les preuves et l'utilisation de ces appellations-là, on devrait carrément les interdire, et on pense que c'est préférable pour le consommateur et que les appellations devraient se limiter aux ingrédients et non pas aux effets sur la santé, etc.
La Présidente (Mme Houda-Pepin): Je vous remercie beaucoup, M. Dagenais et M. Falardeau. On va commencer les échanges, et vous aurez l'occasion de revenir sur les autres éléments de votre mémoire. M. le député de Nicolet-Yamaska.
M. Morin (Nicolet-Yamaska): Merci, Mme la Présidente. Bonjour, bienvenue. Tout de suite, je me réfère à votre texte où... une question d'inspection, et je cite, peut-être pas mot à mot, mais c'est sensiblement un résumé, vous dites: Idéalement, pour atteindre une plus grande efficacité, les services de contrôle et d'inspection devraient relever d'une seule autorité, d'un seul niveau de gouvernement, en l'occurrence, le gouvernement du Québec. Il faudra s'assurer que les normes auront été uniformisées quel que soit le type d'entreprise et le marché visés.
Et plus loin, vous ajoutez: Il est important que la fonction d'inspection ne soit pas soumise aux vocations économiques des ministères. Il serait plus pertinent que l'agence ou qu'une agence d'inspection des aliments relève directement du ministère de la Santé et/ou ait une garantie d'indépendance relativement au ministère responsable de l'Agriculture et de l'Alimentation tant au fédéral qu'à Québec. J'aimerais ça vous entendre là-dessus, élaborer un peu plus, surtout en ce qui concerne, là, les aléas par rapport à ce que vous dites au niveau de la vocation économique.
M. Dagenais (Richard): Je vais juste prendre le cas récent finalement de la grippe aviaire, où il y a des pays qui ont reconnu qu'ils avaient finalement retardé l'information pour protéger leur marché, finalement, leurs producteurs, etc. Alors, je pense que c'est un élément important à prendre en compte. L'aspect santé doit être différencié de l'aspect économique et du développement économique; pour nous, c'est important. Et on doit s'assurer d'avoir une indépendance, une neutralité, une objectivité et aussi de travailler dans le sens de la protection de la santé publique parce qu'il y a interférence, finalement, il peut interférer... les préoccupations économiques, les préoccupations... les intérêts particuliers peuvent interférer finalement sur l'intérêt public si on n'a pas une séparation suffisante, à notre sens. Et ça, c'est important d'assurer une séparation fonctionnelle importante entre les aspects, les préoccupations économiques et les préoccupations de santé publique.
M. Morin (Nicolet-Yamaska): Ça va. Mais, quand vous dites «pas soumise aux vocations économiques des ministères», mettons, par rapport au ministère... par rapport au MAPAQ, est-ce que vous avez des doutes actuellement que l'information ne pourrait pas se transmettre rapidement? Et ensuite vous ajoutez, bon, que l'agence d'inspection pourrait relever du ministère de la Santé. Donc, il pourrait y avoir un doute là aussi parce que là aussi le ministère de la Santé est tributaire des situations... de la situation économique.
n(17 h 30)nM. Falardeau (Denis): Je vais vous donner un cas concret pour illustrer la chose. Vous êtes sans doute au courant de l'existence au Québec d'une catégorie particulière d'abattoirs, on les appelle les petits abattoirs. Ils ne sont pas normés, etc. Dans un passé très récent, il y a eu une volonté de faire en sorte que ces petits abattoirs-là puissent au moins répondre à un minimum de normes correspondant aux critères en termes d'innocuité, d'hygiène, etc., et malheureusement l'exercice, l'expérience a achoppé. Et je ne veux pas faire de commentaire sur les raisons sur lesquelles ça a fait long feu, mais ce qu'on se pose comme question: Le ministère, le MAPAQ, ayant une vocation ? et c'est légitime ? ayant une vocation d'aide, d'appui à l'entreprise agricole... Et nous en convenons et, pour nous, l'entreprise agricole, c'est important, c'est une source inestimable de création d'emplois, etc. Mais en même temps est-ce que le même ministère qui a à promouvoir les intérêts de l'entreprise agricole peut en même temps jouer un rôle de gendarme, et regarder la scène, et dire: Bien, chers compagnons, chers associés, là, ou clients ? appelons-les comme nous voulons ? là, actuellement, on est obligés de changer les règles du jeu? Et là forcément il y a comme une espèce de ? comment dire, là? ? peut-être de... Conflit d'intérêts, peut-être que c'est aller un peu loin, là, mais, disons, il y a comme une espèce de dichotomie, là, il y a une schizophrénie au niveau des deux têtes.
M. Dagenais (Richard): Je rajouterais peut-être aussi, bon, au fédéral, c'est Santé Canada qui...
La Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors, c'est M. Dagenais, oui.
M. Dagenais (Richard): Oui. Au fédéral, c'est Santé Canada qui établit les lois et les normes et qui assure aussi la qualité des contrôles de l'Agence d'inspection des aliments. Par contre, l'Agence relève finalement du ministère de l'Agriculture et de l'Agro-alimentaire fédéral. Et, nous, quand il y avait eu le changement de la loi C-60, je pense, on s'était opposés finalement à ce que l'Agence relève du ministère. C'est au moins préférable que le ministère de la Santé garde un certain contrôle et assure aussi le développement des règles et des normes. Ici, au Québec, l'Agence d'inspection des aliments relève du ministère. Par contre, on a défini que la santé était une priorité. Par contre, je ne pense pas que le budget, par exemple, de l'Agence de l'inspection des aliments a été augmenté au même niveau que le ministère de la Santé. Alors, dépendamment où se situe cette agence-là, par exemple, et par rapport à de qui elle relève, par exemple, bon, on n'a pas nécessairement la même évolution des budgets puis le même investissement en termes de ressources. Donc, il y a cet aspect-là à considérer, de détermination des priorités et aussi de détermination aussi du niveau de protection qu'on veut avoir et aussi du sérieux de l'application des normes.
M. Morin (Nicolet-Yamaska): Donc, vous seriez favorables à la création éventuellement d'une agence indépendante?
M. Dagenais (Richard): Qui pourrait relever directement du ministère de la Santé. Pour nous, ce serait la solution idéale.
M. Morin (Nicolet-Yamaska): O.K. Ça va. L'autre question, vous dites aussi dans votre mémoire, concernant les abattoirs et les usines de transformation primaire, qu'elles «doivent faire l'objet d'une inspection en continu et en détail en cherchant à développer et à appliquer de manière systématique des tests rapides et fiables afin de détecter la présence de contamination microbiologique ou chimique». Pourquoi vous faites cette affirmation-là? Est-ce qu'il y a un manque de confiance quelconque ou si vous avez des expériences vécues ou connues pour faire cette affirmation-là?
M. Dagenais (Richard): Bien, je sais qu'aux États-Unis, il y a quelques années, par exemple, ils ont voulu enlever l'inspection en continu des abattoirs de boeuf, par exemple, et ils sont revenus finalement au système ancien, c'est-à-dire une inspection continue, parce qu'ils ont évalué qu'il y avait plus de risques que d'avantages. Alors, la viande, donc, elle part des abattoirs et elle est distribuée, après ça, en... ça se multiplie finalement en termes d'intervenants. Donc, c'est des points stratégiques finalement pour assurer le contrôle en continu, selon nous.
M. Morin (Nicolet-Yamaska): C'est une recommandation, en fait, que vous faites au législateur.
M. Dagenais (Richard): De maintenir... Présentement, normalement, il y a un contrôle en continu dans les abattoirs. Au niveau des transformateurs, ça dépend finalement de quel type de transformateurs il s'agit, là, mais ce n'est pas nécessairement une inspection en continu.
M. Morin (Nicolet-Yamaska): O.K. Toujours au niveau des abattoirs et un petit peu plus loin dans votre mémoire, en ce qui concerne la traçabilité, vous parlez que, dans d'autres secteurs, les abattoirs ont implanté un système de traçabilité maison et qu'il resterait à étendre à d'autres entreprises un tel système. Voulez-vous m'en parler un petit peu, du système de traçabilité maison?
M. Dagenais (Richard): Je sais que, dans le porc, ça existait, par exemple. C'est-à-dire que les grands abattoirs, par exemple, avaient exigé de la part des producteurs qu'ils identifient leurs porcs puis qu'on puisse relever... remonter jusqu'à la ferme. Donc, ce n'est pas tous les abattoirs. Donc, comme ce n'est pas un système obligatoire, c'est les abattoirs qui sont les plus gros finalement qui ont pu développer un tel système et puis qui ont un pouvoir suffisamment fort pour exiger de la part des producteurs finalement qu'ils assurent l'implantation et le maintien d'un tel système. Alors, ça existe présentement, sauf que ce n'est pas uniforme et que ce n'est pas nécessairement accessible par le MAPAQ, par exemple, comme information puis pour assurer un rappel des produits, etc.
M. Morin (Nicolet-Yamaska): Mais vous seriez d'accord à ce que le système de traçabilité soit étendu à d'autres dans la chaîne, à d'autres animaux que le bovin.
M. Dagenais (Richard): Oui. Je pense qu'idéalement il devrait être étendu à l'ensemble des produits alimentaires et puis toujours sujet à une analyse bénéfices-coûts. Mais, dans ma compréhension des choses, si on généralise le système puis si on s'assure que c'est en lien aussi avec le système de gestion des stocks des entreprises, ça va être un coût abordable dont les bénéfices vont être supérieurs finalement au coût économique.
La Présidente (Mme Houda-Pepin): Très bien. Alors, merci beaucoup. M. le député de Portneuf.
M. Soucy: Bien, je vous dirais, Mme la Présidente, que je ne suis pas prêt, au moment où on se parle, à poser ma question.
La Présidente (Mme Houda-Pepin): Ah, d'accord. Très bien.
M. Soucy: Donc, je vais me retenir.
La Présidente (Mme Houda-Pepin): Il n'y a pas de problème, M. le Président, je vais vous laisser... M. le député, je vais vous laisser le temps de vous préparer. Alors, j'aborderais avec vous... Je trouve que votre mémoire est fort intéressant. Évidemment, vous parlez d'une perspective de consommateur, et vous avez des préoccupations qui touchent la sécurité alimentaire de ce côté-là. Et vous avez ouvert, M. Falardeau, votre présentation sur une demande d'amendement à un article du Code civil, rien que moins. C'est important, hein? Alors, je lisais attentivement l'article 1473, qui est dans la section II du Code civil, De certains cas d'exonération de responsabilité, et finalement vous demandez que l'on puisse supprimer carrément le deuxième paragraphe de cet article-là.
M. Falardeau (Denis): Oui, effectivement. C'est parce que...
La Présidente (Mme Houda-Pepin): Pourquoi?
M. Falardeau (Denis): À mon avis, lorsque le législateur avait adopté ? parce que c'est tout récent, c'est au début de 1990, cet article-là ? avait adopté cette capacité d'exonération de responsabilité, les biotechnologies n'étaient pas si avancées qu'aujourd'hui, et j'ai comme l'impression qu'on ne pouvait pas deviner quel impact, principalement sur l'environnement, ça pouvait y avoir. Ça peut paraître étrange, nous sommes consommateurs, nous ne sommes pas un groupe environnementaliste, et ça fait drôle, dans notre bouche, amener cette question-là, parce que, comme je vous disais, ça concerne la responsabilité mais relative à des biens. Si c'est un problème de santé qui est causé par un produit issu des biotechnologies, c'est 74, 1474 qui entre en jeu, et on ne peut pas exonérer notre responsabilité là-dessus. Mais, pour nous, c'est quand même inquiétant.
Et, si vous me permettez d'ouvrir une parenthèse ? mais je vais la fermer très rapidement pour vraiment répondre à votre question ? mais c'est un peu la raison pour laquelle, et ça peut paraître paradoxal, nous sommes un groupe qui est contre l'étiquetage obligatoire des OGM. Pour nous, c'est permettre la présence des OGM sur les tablettes de nos épiceries. Nous considérons que, si cette technologie-là ne s'est pas avérée fiable en termes de sécurité pour notre santé et pour notre environnement, il n'y a pas de demi-mesure. Pour redire ce que je vous ai dit tout à l'heure, dans le doute, on s'abstient, on applique le principe de précaution, et voilà.
n(17 h 40)n On ne peut pas jouer ? comment dire? ? à la loterie et se dire: Bon, bien, les connaissances actuelles ne nous permettent pas de prédire que tel type de culture va s'avérer ? comment dire, là? ? sans problème pour l'éternité, et se retrouver quelques années après avec un double problème, comme je le soulignais, là, dans le mémoire, un double problème, c'est-à-dire les compagnies qui nous disent: Bien, moi, je ne suis pas responsable, moi, j'ai utilisé les connaissances de l'époque et j'ai vérifié auprès des sommités internationales de l'époque, et tout est correct, et d'autant plus que c'est mon propre gouvernement qui m'a donné l'autorisation de cultiver, d'exploiter et d'exporter ces denrées-là. Et d'ailleurs, si par la suite il s'avère que mes carottes transgéniques que j'ai vendues en France ou en Italie créent un problème environnemental, bien là c'est le Canada qui est responsable, à cause du Protocole de Carthagène. Et là, bien, moi, bien entendu, le Canada va pouvoir se revirer de bord et dire: Bien, M. Falardeau, tes carottes ne sont pas bonnes. Bien, moi, si vous me permettez l'expression très québécoise, je vais péter au fret, je vais faire faillite puis ça va être les contribuables québécois qui vont assumer la facture de dédommagement pour le pays étranger.
À mon avis, cette mécanique d'exonération est devenue une espèce, là, de... ? comment dire? ? de monstre. Je comprends très bien dans quel contexte ça avait été développé à l'époque. Ce qu'on disait: Bon, bien, il ne faut pas freiner l'avancement de la technologie, de la recherche, il faut faire en sorte que les entreprises puissent développer des nouvelles technologies, être concurrentielles, etc. Mais on avait à l'esprit, à mon avis, des produits ? comment dire, là? ? qui sont finis et qui sont de l'ordre, tu sais, du grille-pain, des choses comme ça, là.
La Présidente (Mme Houda-Pepin): D'accord. Mais je veux quand même... J'essaie de vous suivre dans votre raisonnement parce que vous avez ouvert la parenthèse pas mal large, parce que... Je reviendrai sur votre compréhension du concept de précaution. Ce n'est pas de la même façon qu'il est compris ailleurs. Mais restons dans la responsabilité.
En demandant de modifier l'article 1473 du Code civil, vous faites porter le fardeau de la preuve à l'entreprise pour sa responsabilité connue, prévisible ou imprévisible. Mais quelle est la responsabilité du citoyen, du consommateur, celui-là même que vous représentez? Est-ce que ce ne serait pas mieux que, au lieu d'adopter des mesures coercitives, de celles que vous suggérez, ce ne serait pas mieux que l'on puisse donner les choix au consommateur? Et ces choix-là doivent passer par une information adéquate, transparente, notamment par un étiquetage adéquat, et les gens vont choisir. Si, sur l'étiquette, il est dit «produit avec OGM» ou libellé de façon à ce que les gens comprennent qu'est-ce que ça contient, ils vont faire le choix de manger ou de ne pas manger. Donc, vous excluez, par la modification que vous apportez, la responsabilité du consommateur. Quel est le niveau de responsabilité des consommateurs dans ce qu'ils mangent dans leur assiette?
M. Falardeau (Denis): Mme la Présidente, merci, vous m'ouvrez la porte pour vous présenter la deuxième revendication, le deuxième point qui nous est cher concernant justement les droits des consommateurs. Le premier, vous l'avez très bien présenté, et ça se traduit justement par le truchement, là, d'une mécanique d'étiquetage obligatoire, c'est le droit de savoir. Bon. Et, là-dessus, effectivement, c'est vrai, le consommateur a un devoir d'information, lui-même doit vérifier ce qu'il consomme, ce qu'il achète, etc.
La crainte qu'on a, comme je vous le soulignais tout à l'heure, c'est une crainte de banalisation. Bon, je dois vous avouer, et j'imagine que c'est la même chose pour vous, on ne lit pas toujours les étiquettes, d'une part. Et, d'autre part, ce qui n'est pas encore clair, ce qui n'est pas encore précis du côté d'un étiquetage obligatoire, quel serait le type d'étiquetage? Un étiquetage informatif, c'est-à-dire que, dans une même grosseur de caractères, on pourrait nous informer, à l'intérieur, là, de la ribambelle d'ingrédients, woups, il y a une parenthèse, bon, «ingrédients génétiquement modifiés» ou même éventuellement «peut contenir des éléments génétiquement modifiés» qui pourraient être des traces, etc.
La Présidente (Mme Houda-Pepin): Peut contenir des traces d'OGM.
M. Falardeau (Denis): Bon, c'est ça. Ou, l'autre possibilité, y aller avec un étiquetage préventif, c'est-à-dire que, là, c'est vraiment en gros caractères et ça flashe, c'est lumineux, c'est fluorescent. Ça, on ne le sait pas. Mais, fondamentalement, à mon avis, ce qui me préoccupe... Certains vont appeler ça, là ? comment dire? ? une diversification des marchés. Le marché est en train de se compartimenter, tout ça. Mais la crainte que j'ai, et ça, c'est ? comment dire? ? peut-être une caractéristique de notre ACEF à nous, ce qui nous préoccupe, et M. Dagenais l'a très bien souligné tout à l'heure, c'est de faire en sorte que la population en général, population bien nantie ou moins bien nantie, puisse avoir accès à des aliments sains, à peu de coûts. Et, là-dessus, à mon avis, le phénomène d'un étiquetage obligatoire va faire en sorte de créer un phénomène d'alimentation à deux vitesses. On l'a déjà.
M. Dagenais parlait, là, de toute la nouvelle panoplie d'aliments à valeur ajoutée, hein? Dernièrement, au supermarché, j'ai vu ça, du lait oméga, bon, etc. On paie plus cher pour ça. Mais ma crainte, c'est que, dans quelque temps, on va payer plus cher pour des aliments libellés «garanti non OGM»; et le reste, bien, à moins cher, ça va être des choses où on n'aura pas tellement le choix de simplement regarder l'étiquette, ça va être: Tu veux quelque chose d'une meilleure qualité ou selon tes craintes? Bien, paie plus cher.
La Présidente (Mme Houda-Pepin): D'accord.
M. Dagenais (Richard): Je pense que, si vous me permettez de rajouter, les consommateurs s'attendent, lorsqu'il y a un produit sur le marché, qu'il est sécuritaire et qu'il est sain pour l'ensemble des personnes.
La Présidente (Mme Houda-Pepin): Pour la consommation, oui.
M. Dagenais (Richard): Donc, il y a une phase de développement et d'évaluation qui est de la responsabilité des entreprises et du gouvernement. Et je pense que c'est clair dans l'esprit des gens que, s'il y a un produit sur le marché, c'est parce qu'à la base il est sans risque. On n'a pas à nous informer de la possibilité de risques. Même si, dans le cas des biotechnologies, par exemple, tout ça, pour certaines personnes il y a des risques et puis elles veulent en être informées, c'est des risques normalement qui ne sont pas connus à date ou qui sont mal évalués, selon des personnes. Mais fondamentalement les produits, lorsqu'ils sont sur le marché, doivent être sans risque pour la population, et il est de la responsabilité des gouvernements et des entreprises de s'en assurer.
La Présidente (Mme Houda-Pepin): D'accord. Merci beaucoup. Mme la députée de Deux-Montagnes.
Mme Robert: Oui. Merci pour cette participation à la commission. Je vais continuer un peu sur la même veine, avec le principe de précaution. Dans votre concept de sécurité alimentaire, vous voulez l'élargissement pour tenir compte des dimensions d'autonomie alimentaire et, vous venez d'en parler, de l'accessibilité à prix abordable d'aliments sains et nutritifs nommément pour vous assurer que les ménages à faibles et modestes... disposent, pour demeurer en santé, n'importe quel temps de l'année... Un peu plus loin, vous parlez, en d: «...en s'assurant du respect des normes environnementales et des normes de qualité dans les exigences réglementaires, les normes et les divers programmes d'aide aux...» Alors, notre agriculture est subventionnée, il y a des programmes d'aide, et tout ça. Vous avez dit que cela, c'était bien, c'est correct, et tout ça. En même temps, il y a l'accessibilité à des prix abordables pour...
Est-ce que c'est le rôle des... Et il y a aussi l'UPA qui nous dit que les producteurs sont à un point de rupture au niveau des coûts et de l'augmentation des prix des aliments et du... Il y a une baisse de revenus à cause de certaines problématiques et... Bon. Alors, on fait quoi de tout ça? Est-ce que c'est aux entreprises agricoles à subventionner nos plus pauvres ou est-ce que c'est à l'ensemble... Est-ce que nos produits agricoles sont vendus pas assez cher pour une partie de la population et trop cher pour une autre partie? Voyez-vous comment on peut poser la question d'une certaine façon? Parce que, à partir du moment... Est-ce que je subventionne, par exemple en subventionnant par certains programmes, et tout ça, des choses que je ne veux pas subventionner parce que ça entre dans la fabrication d'aliments et de tout ce que tu veux qui, pour moi... ce n'est pas nécessairement nutritif, par exemple? Je ne sais pas. Voyez-vous comment toute la question se pose d'une certaine façon? On peut l'élargir à ça.
n(17 h 50)n C'est à peu près comme quand on demande à Hydro-Québec de charger moins cher son électricité pour les moins bien nantis. C'est une problématique qu'on a vue, qui est très, très difficile à... Parce que Hydro-Québec, ce n'est pas ses missions. Hydro-Québec, c'est de produire de l'électricité, oui, à bon coût, mais pour l'ensemble. Alors, c'est d'un autre apport que de demander aux producteurs de produire ça comme tel. Alors, voyez-vous, je ne sais pas comment vous vous situez là-dedans, là.
M. Dagenais (Richard): Je pense qu'il faut voir le problème de façon globale. Il y a à la fois le manque de revenus qui peut faire en sorte que des gens ne peuvent pas se payer une alimentation correcte et il y a aussi, dans certains cas aussi, la disponibilité d'aliments à prix raisonnable et qui soient aussi nutritifs. Il y a d'abord une question donc de redistribution de la richesse, pour nous, qui joue, là, puis donc c'est le côté revenus qu'il faut qui soit amélioré pour les gens. Et il n'est pas acceptable finalement qu'une proportion importante de la population, par exemple, ne puisse pas se nourrir correctement, que les enfants aillent à l'école... ne puissent pas arriver à l'école, par exemple, en étant nourris correctement aussi. Et donc il y a cet aspect-là.
Puis l'autre aspect, c'est la disponibilité des aliments à coût abordable. On pense que l'État a un rôle à jouer, par exemple, dans le sens que, lorsqu'il donne des subventions aux producteurs, aux entreprises, il puisse s'assurer aussi qu'il n'y a pas d'abus finalement, en bout de ligne, sur les prix qui sont pratiqués, par exemple, dans l'économie. Donc, le rôle des subventions peut être aussi d'assurer une disponibilité à prix abordable des aliments. Donc, en subventionnant les producteurs, on peut s'attendre à ce que les prix soient moins élevés en bout de ligne, sinon ça ne vaudrait pas la peine aussi de les subventionner, les producteurs.
Alors donc, il y a un rôle pour l'État, quant à nous, d'assurer la disponibilité des aliments à qualité abordable pour l'ensemble de nos populations. Alors donc, c'est sûr qu'il y a des façons d'intervenir dans l'économie qui fait qu'on va encourager, par exemple, certains types d'aliments, par exemple, puis certains types d'aliments à prix abordable, par exemple.
M. Falardeau (Denis): Mais il y a aussi une autre façon d'aborder la question, et, vous me pardonnerez, ça peut peut-être paraître nostalgique, là, parce que le vent n'est plus...
Une voix: ...
M. Falardeau (Denis): Woups! Ha, ha, ha!
Mme Robert: ...on va le fermer complètement.
M. Falardeau (Denis): J'allais dire: Le vent ne souffle plus de ce côté. C'est toute la question, là, du contrôle des prix, de l'offre et de la demande. Le dernier avatar, si je puis dire, ici, au Québec, c'est le contrôle du prix du lait au détail. Bon. Il y a quelques années, pour nous, à l'ACEF de Québec, la technique, la mécanique du contrôle des prix au détail était, selon nous, une façon de faire en sorte que, d'une part, les consommateurs, les citoyens consommateurs puissent avoir des denrées québécoises abordables et, d'autre part, permettre jusqu'à un certain point une normalisation ? pour reprendre l'idée à M. Dagenais ? une normalisation, là, justement de l'échange, en termes de revenus.
Actuellement, lorsqu'on regarde un peu ce qui se produit et si j'ai bien décodé ce que M. Pellerin vous a dit hier à cet effet, ce que M. Pellerin vous a dit: Écoutez, c'est vrai, là, actuellement, ça va mal financièrement, mais là il y a des intermédiaires qui s'en mettent plein les poches. Bon, il n'a pas dit ça comme ça, mais c'est ce que ça voulait dire. Bon.
La vertu à mon avis d'un contrôle justement au niveau de certaines étapes de production, c'est de faire en sorte que, au lieu d'y aller par des subventions qui encore une fois font appel à des dépenses publiques, et ainsi de suite, il peut y avoir une régularisation d'un secteur via une intervention réglementaire, etc. Je comprends que ce n'est plus à la mode, ça, mais, jusqu'à un certain point, ça a fait en sorte que, jusqu'à encore aujourd'hui, les Québécois peuvent avoir un lait qui est quand même abordable. Même encore aujourd'hui, Richard, hein?
M. Dagenais (Richard): Ça dépend des formats, et tout ça, là, et des régions.
La Présidente (Mme Houda-Pepin): Très bien.
Mme Robert: Effectivement, c'est complexe. Et ce n'est pas facile, parce que très souvent on va à la base, c'est-à-dire à la production d'un produit, et il y a tous les intrants. Et il y a aussi, par exemple, les coûts de l'essence qui ont un impact très fort sur les produits alimentaires, parce que les coûts de transport, eux, ils ne jouent pas, ils sont là, et ce qui hausse hausse. Alors, c'est pour ça que je vous posais la question: Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de se poser...
Parce que, si vous regardez, historiquement, au niveau du développement de l'agriculture, c'est le développement des villes qui a fait que les produits agricoles n'ont jamais été à peu près vendus à leur juste valeur, justement pour permettre que les gens aillent vivre à la ville pour que le travail en industrie soit plus attirant. Et on dirait qu'on a gardé un peu cette chose-là qui fait qu'à l'heure actuelle ? comment on dirait? ? les multinationales ou les gens comme tels se sont emparés un peu de cette partie-là, parce que la valeur n'a peut-être pas été... C'est une réflexion que je vous laisse, parce que je sais que vous en faites des très intéressantes, et, comme vous les avez mises... vous avez mis ce principe-là là-dedans, c'est dans ce sens-là que je voulais savoir un petit peu...
M. Dagenais (Richard): Je pense que ce qui est important, c'est de reconnaître que le problème de la faim existe au Québec, et que c'est un problème de santé publique aussi, et qu'il faut le traiter comme ça aussi. Donc, il faut l'aborder de face et non pas le nier ou faire semblant qu'il n'y a pas de personnes ici, au Québec, qui n'ont pas de régime équilibré et suffisant au point de vue alimentaire.
L'autre aspect, c'est comment on va l'aborder, ce programme-là, comment on va le résoudre. Ça, effectivement, c'est un problème complexe. Par exemple, les producteurs se sont plaints que, dans les vaches de réforme, par exemple, leur prix avait baissé, par contre que le prix au consommateur n'avait pas baissé. Alors là il y a un problème ici de structure de marché, c'est-à-dire qu'il y a une seule entreprise qu'il faut qui contrôle le marché. Alors, en termes de concurrence, par exemple, sur le marché, je pense que l'État a un rôle et il doit aussi faire en sorte qu'il y ait un certain équilibre finalement entre les divers intervenants, du producteur, jusqu'au transformateur, et au consommateur, là. Mais le rôle de l'État, je pense que ce n'est pas d'encourager finalement les aliments à valeur ajoutée d'abord, c'est d'assurer qu'il y ait des aliments nutritifs à prix abordable qui sont disponibles, puis, au-delà de ça, je pense que le marché peut jouer.
La Présidente (Mme Houda-Pepin): Ça va?
Mme Robert: Oui.
La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci beaucoup, Mme la députée. Je demande le consentement pour prolonger au-delà de 6 heures, considérant que nous avons commencé avec un peu de retard. M. le député de Portneuf.
M. Soucy: Je voudrais faire suite un petit peu à ce que vous nous avez dit tantôt par rapport au droit à l'information. Et vous avez fait état de l'abandon du cours d'éducation économique. C'est probablement curieux, Mme la Présidente, que je fasse... Pardon?
Mme Robert: Économie familiale.
M. Soucy: Économie familiale?
Une voix: Non, non, non, c'est éducation économique.
Une voix: Ce n'est pas la même chose.
Mme Robert: Oui, c'est... C'est deux différents...
Une voix: Ah oui, les deux. Oui, oui, oui, les deux.
M. Soucy: En tout cas, je vais laisser les gens, là, répondre à la question et le préciser si tantôt vous avez fait état du cours d'éducation économique ou du cours d'éducation à l'économie familiale. Enfin, vous ferez la différence, là. Mais, si c'était le cas du cours d'éducation économique, je vous demanderais une faveur, c'est de nous envoyer une petite lettre pour nous dire que vous tenez absolument à le remettre au curriculum. Alors, je vous laisse là-dessus.
Une voix: C'est une bonne idée.
La Présidente (Mme Houda-Pepin): C'est bien. Très bien. Alors, il me reste une petite question à vous poser. Vous avez soulevé... La lettre, ça va?
Une voix: ...
La Présidente (Mme Houda-Pepin): Non, non, il a dit oui.
M. Dagenais (Richard): On est déjà intervenus par le passé parce qu'il y avait déjà eu un essai finalement d'abandonner les cours d'économie familiale il y a quelques années aussi. On était intervenus, là. Je pense que la considération sur le cours d'économique est importante, mais, pour nous, on parle surtout du cours d'économie familiale, qui amène les gens à être des consommateurs plus conscients et aussi qui ont des outils aussi pour s'assurer à la fois de bien consommer, mais aussi de consommer de façon sécuritaire. Mais l'autre élément est à considérer aussi, on ne s'oppose pas.
La Présidente (Mme Houda-Pepin): Allez-y, M. le député.
M. Soucy: Bien, ça vient un peu en support à ce qui a été dit ce matin. Je pense qu'on a commencé, nous, notre écoute, nos audiences ce matin en parlant justement du fait qu'il y a une perte de savoir-faire au niveau de comment faire à manger puis comment transmettre en tout cas ces savoirs-là, puis je pense que le cours d'économie familiale en tout cas s'inscrivait très bien là-dedans. J'en ai d'ailleurs fait la suggestion ce matin.
M. Dagenais (Richard): Oui, puis je pense qu'un rôle aussi, c'est de faire en sorte que les gars et les filles sont traités de la même façon et que ça assure finalement un certain équilibre aussi dans la société, hein, une évolution finalement à la fois des hommes et des femmes vers une meilleure consommation.
n(18 heures)nLa Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci. Désolée. Tantôt, je pensais que vous aviez répondu. J'ai vu le geste de la main.
Alors, ma dernière question, c'est par rapport aux petits abattoirs. Tantôt, vous avez soulevé ça, M. Falardeau, et vous avez dit que les petits abattoirs non normés doivent répondre à un minimum de règles d'hygiène, etc. Est-ce que ce problème existe toujours, à votre connaissance? Je sais qu'il y a quelques années il y a eu un gros débat autour de ça et il y a eu même une sorte de levée de boucliers dans certaines régions du Québec pour sauvegarder les petits abattoirs dans les régions. Au moment où on se parle, est-ce que le problème est encore aigu? Est-ce que la problématique de la sécurité alimentaire est assez déficiente dans ces abattoirs-là?
M. Falardeau (Denis): J'imagine que vous avez pris connaissance de la position des vétérinaires à cet effet. Ce qui se produit actuellement... Bien, premièrement, il faut dire que c'est un peu une espèce de singularité, si vous me permettez l'expression, là, issue de tout le scandale qu'il y a eu autour de la viande avariée, les années soixante-dix, etc. Dans la loi de l'époque, il y avait eu une disposition d'exception d'une centaine... j'ignore exactement le nombre initial de petits abattoirs. Au fur et à mesure, il y a eu une disparition, mais il en reste encore aujourd'hui. C'est de l'ordre de combien? Il y avait un chiffre, mais, malheureusement, là, je ne pensais pas avoir des questions précises à ce point-là. Mais ça existe encore, au point où le gouvernement qui vous a précédés avait formé une table de travail, où nous étions à titre de représentants des consommateurs, les vétérinaires étaient là, les représentants de l'UPA étaient là, etc., pour essayer de trouver justement une manière de faire en sorte que, un, ces abattoirs-là puissent demeurer. Parce que, encore une fois je le répète, à notre avis c'est important, on parle d'emplois, là. Et, surtout, quand on parle d'emplois dans des régions, bon, qu'elles soient éloignées ou en périphérie des grandes villes, c'est toujours des emplois, et ça, c'est précieux. Mais il y a aussi un autre principe qui, pour nous, est précieux, c'était le suivant: viande vendue, bien, viande inspectée. Et c'était là où nous en étions rendus. Ce serait peut-être intéressant, Mme la Présidente, que ce comité-là soit remis sur rails.
La Présidente (Mme Houda-Pepin): Très bien. Alors, je vous remercie pour votre réponse. Je vous remercie aussi pour votre contribution à la commission. Les deux mémoires, le premier et le deuxième, qui sont complémentaires, sont fort intéressants.
Et là-dessus j'ajourne nos travaux à demain, demain 5 février, 9 h 30. Ça promet d'être une journée fort chargée et fort intéressante. Alors, à demain! Merci de votre contribution.
(Fin de la séance à 18 h 3)