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Version finale

36th Legislature, 1st Session
(March 2, 1999 au March 9, 2001)

Wednesday, November 15, 2000 - Vol. 36 N° 21

Consultations particulières sur le projet de loi n° 144 - Loi sur La Financière agricole du Québec


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Table des matières

Journal des débats

heures quarante-neuf minutes)

La Présidente (Mme Vermette): Veuillez prendre place, s'il vous plaît, nous allons commencer nos travaux. Alors, M. le secrétaire, je constate que nous avons quorum, donc nous pouvons commencer.

Est-ce que vous avez à signaler des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. M. Paradis (Brome-Missisquoi) remplacera M. Lafrenière (Gatineau).

Auditions

La Présidente (Mme Vermette): Alors, si vous voulez bien vous présenter, nous allons commencer, en fait. Et je rappelle que vous avez 15 minutes et que les échanges sont de 30 minutes, 15 minutes de chaque côté. Alors, M. le président, si vous voulez nous présenter les gens qui vous accompagnent.

Association des banquiers canadiens (ABC)

M. Hébert (Jacques): Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, mon nom est Jacques Hébert, je suis directeur pour le Québec à l'Association des banquiers canadiens, qui regroupe, comme vous le savez, toutes les banques à charte faisant affaires au Québec.

Permettez-moi, comme vous le souhaitez d'ailleurs, de vous présenter les gens qui m'accompagnent: à ma gauche, M. Gilles Bissonnette, premier vice-président, affaires bancaires et opérations à la Banque nationale du Canada; à sa gauche, M. Yvan Beaudin, directeur du service agricole et agroalimentaire, également à la Banque nationale; et Me Daniel Ferron, conseiller juridique de l'ABC au Québec.

n(9 h 50)n

Le temps nous étant compté, j'entrerai immédiatement dans le vif du sujet. Au premier abord, les objectifs généraux du projet de loi n° 144 nous apparaissent louables et témoignent d'un réel effort de rationalisation, de simplification de la part du gouvernement. Mais toutefois, un examen plus attentif du contenu de la législation nous amène à constater un manque de compréhension du rôle et de l'importance des banques en milieu rural, qui risque d'avoir des impacts négatifs majeurs sur l'ensemble de l'industrie bancaire au Québec et sa clientèle des régions rurales. Pour votre gouverne, sachez que la part des banques dans les prêts agricoles non hypothécaires au Québec s'établissait, au 30 juin 2000, à 2 375 000 000 $, ce qui représentait près de 45 % du total du marché.

La première préoccupation de l'industrie bancaire a trait au pouvoir très étendu que le législateur entend confier à La Financière agricole en faisant d'elle une véritable institution financière habilitée à recevoir des dépôts, à faire des placements et des prêts, à constituer et administrer tout patrimoine fiduciaire, à acquérir des participations financières à tout projet d'investissement sous forme d'actions, de parts ou d'autres actifs d'une personne morale ou d'une société et même à posséder ou acquérir des filiales. Bien que plusieurs de ces pouvoirs soient déjà dévolus à la Société de financement agricole, certains autres sont par ailleurs tout à fait nouveaux. Or, l'industrie bancaire est extrêmement inquiète de constater que la nouvelle société d'État sera désormais dotée de tous les pouvoirs nécessaires lui permettant de drainer injustement la clientèle des institutions financières traditionnelles. Cette nouvelle orientation est d'autant plus troublante que, contrairement aux autres instances financières de juridiction fédérale qui sont soumises au contrôle d'une autorité de surveillance, cette nouvelle société d'État, qui aurait pourtant à gérer des sommes considérables, ne sera soumise à aucune autorité de surveillance, mis à part la vérification de ses livres et comptes par le Vérificateur général, ni à aucune règle de contrôle spécifique de la part d'une autorité gouvernementale, à savoir normes de qualité, normes de capital, normes réglementaires, etc.

Il existe actuellement dans le domaine du financement agricole une saine et vive concurrence entre les institutions financières, notamment les banques et les caisses populaires. Les producteurs agricoles qui cherchent du financement ont donc le choix entre plusieurs institutions financières qui peuvent leur offrir non seulement le financement requis, mais également, et il est important de le souligner, toute une gamme de services bancaires et de services-conseils. Nous comprenons mal l'intention du gouvernement de vouloir créer ce que nous appellerons une nouvelle banque d'État qui briserait sans raison l'équilibre actuel et perturberait totalement le marché des services financiers aux agriculteurs, alors même que ceux-ci sont déjà bien servis par les institutions en place.

Notre deuxième préoccupation a trait au pouvoir de La Financière agricole de recevoir des dépôts. Ce pouvoir indispose hautement l'industrie bancaire et apparaît particulièrement néfaste pour les institutions financières oeuvrant en milieu rural qui risquent d'être privées d'un volume important de dépôts. En effet, à partir du moment où les producteurs seront tenus de confier à cette seule société tous les dépôts versés dans le cadre d'un programme, nous craignons qu'ils soient dès lors fortement tentés, pour des raisons évidentes de commodité, de concentrer dans les mains de cette dernière l'ensemble de leur patrimoine tout en faisant appel à ses services pour la plus grande partie de leurs emprunts, la société ayant également le pouvoir d'agir comme prêteur, ce qui ferait en sorte de priver les institutions financières en milieu rural d'une clientèle très importante.

Nous tenons à souligner à cet effet que, d'après notre évaluation, les sommes qui sont actuellement déposées dans les succursales bancaires situées en milieu rural, à l'exclusion de celles situées dans les régions semi-rurales, totalisent au minimum 4,5 milliards de dollars. Nous comprenons du projet de loi que La Financière agricole et la Caisse de dépôt et placement du Québec auront le monopole des dépôts faits dans le camp de l'application de la loi et que les institutions financières traditionnelles seront totalement ignorées dans le cadre de la réforme proposée. Qui plus est, rien ne semble interdire à La Financière agricole de recevoir d'autres dépôts de la part des producteurs agricoles qui voudraient volontairement lui confier leur patrimoine, par exemple leurs REER.

Enfin, il appert que La Financière agricole a notamment pour objectif de changer les paramètres au niveau de l'assurance stabilisation des revenus, des revenus agricoles bien sûr et de remplacer le régime actuel par des comptes de stabilisation des revenus agricoles semblables aux comptes de stabilisation des revenus nets actuellement gérés par les institutions financières dans le reste du Canada. Toutefois, il semble que la gestion de ces comptes serait désormais confiée à La Financière agricole plutôt qu'aux institutions financières, ce qui nous semble tout à fait inacceptable. Encore ici, nous comprenons mal pourquoi le gouvernement ne laisse pas au producteur agricole le loisir de faire affaire avec l'institution financière de son choix plutôt que de lui imposer les services de cette nouvelle société d'État, qui nous apparaît par ailleurs à haut risque, puisqu'elle n'aura pratiquement aucun compte à rendre à sa propre clientèle.

Comme La Financière agricole sera exempte de tout contrôle gouvernemental et réglementaire, obliger les agriculteurs à lui confier tous leurs dépôts ne relève pas d'une saine gestion. D'ailleurs, nous doutons fortement que leur patrimoine sera ainsi mieux protégé. Au contraire, nous pensons que ce patrimoine risque de subir les contrecoups d'une trop grande concentration des pouvoirs financiers aux mains d'une seule société. La libre concurrence nous semble donc nettement préférable à une situation de monopole. En plus d'avoir de graves conséquences pour les institutions financières, le projet de loi n° 144 risque d'avoir pour effet de drainer l'argent des producteurs agricoles vers La Financière agricole sans leur fournir toutes les garanties nécessaires que leur patrimoine sera géré selon les principes et les règles applicables aux institutions financières traditionnelles.

Par ailleurs, quelle garantie de rendement entend-on donner aux producteurs agricoles sur leurs dépôts? N'est-ce pas aller à contre-courant des principes universellement reconnus que d'amener les clients du secteur agricole à mettre tous leurs oeufs dans le même panier et à confier l'ensemble de leur patrimoine et de leurs emprunts à une seule et unique institution financière? Nous ne croyons pas qu'il soit justifié d'accorder un tel monopole à La Financière agricole. Au contraire, maintenir une saine concurrence et un libre choix quant aux services financiers sera nettement préférable.

Par ailleurs, le fait de vouloir concentrer aux mains d'une seule société financière ? dans le cas présent, La Financière agricole ? les dépôts à être versés par les producteurs agricoles dans le cadre d'un programme plutôt que de leur laisser le libre choix de leur institution témoigne à notre avis d'une méconnaissance de l'importance des dépôts dans le cadre des opérations bancaires. En effet, les dépôts sont au coeur des opérations bancaires et demeurent un outil privilégié pour permettre aux banques d'établir une tarification adéquate de leurs services. Le fait de priver les institutions financières d'une partie importante de leurs dépôts risque donc de faire en sorte qu'elles pourraient devoir hausser leurs frais de services en milieu rural, ce qui risque, en bout de ligne, de pénaliser non seulement la clientèle du secteur agricole, mais également l'ensemble de la clientèle des régions rurales.

Qui plus est, un drainage de la clientèle actuelle des institutions financières vers La Financière agricole pourrait avoir des conséquences beaucoup plus dramatiques que la simple hausse des frais de service. En effet, en privant les institutions financières d'une part importante de leurs dépôts et en permettant à la nouvelle société d'État d'agir comme prêteur et de s'impliquer dans le capital de risque, le gouvernement met en péril l'ensemble du développement régional à long terme en privant la population des régions, et non seulement la clientèle du secteur agricole, des services bancaires et de services-conseils pourtant fort utiles, les institutions financières n'ayant d'autre choix que de devoir se retirer progressivement de certains secteurs d'activité.

Si le projet de loi énumère avec force détails les pouvoirs de La Financière agricole à titre d'institution financière d'État, il ne prêche pas par excès de précision pour ce qui touche les pouvoirs généraux de la Société d'établir des programmes de protection du revenu et un régime d'assurance. Il est fort inquiétant ? et c'est là notre troisième préoccupation ? de constater que l'ensemble des pouvoirs de La Financière agricole en matière d'établissement de programmes se résume à trois articles et que le projet de loi laisse carte blanche à la nouvelle société d'établir unilatéralement et sans aucune obligation de consulter les milieux concernés tous les régimes de protection nécessaires. L'étendue des pouvoirs accordés à La Financière agricole ainsi que l'absence de balises permettant un minimum de contrôle sur ses actions nous inquiètent. Il est très préoccupant de constater que le législateur veut accorder à une société d'État des pouvoirs aussi étendus, sans prévoir un minimum de contrôle de la part des autorités gouvernementales et sans créer un mécanisme qui permettrait à la population d'exprimer son point de vue sur les divers projets mis de l'avant par la Société avant qu'ils ne soient acceptés. À notre avis, les pouvoirs de la Société devraient donc être mieux balisés.

Notre quatrième préoccupation a trait à la composition du conseil d'administration. L'article 6 du projet de loi prévoit en effet que cinq des 11 membres du conseil de La Financière agricole du Québec, dont le président, seront choisis parmi les personnes désignées par l'Union des producteurs agricoles. Par ailleurs, il ajoute que le président-directeur général sera nommé après consultation de cette même Association. À notre avis, l'article 6 fera en sorte que cette nouvelle société d'État sera, dans la pratique, sous le contrôle des personnes désignées par l'UPA, ce qui apparaît inacceptable pour les institutions financières déjà impliquées dans le financement agricole. En effet, celles-ci n'auront aucun pouvoir de désigner les représentants au conseil d'administration, les autres membres étant nommés directement par le ministre, qui pourra tout aussi bien les choisir, encore une fois, parmi les personnes recommandées par l'UPA.

Nous croyons qu'en donnant à l'UPA un contrôle aussi grand sur La Financière agricole du Québec le gouvernement dessert mal les intérêts des agriculteurs, l'UPA devenant à la fois juge et partie dans les dossiers reliés au financement agricole et aux assurances agricoles et se plaçant directement en situation de conflit d'intérêts. Nous recommandons qu'un meilleur contrôle des forces en présence soit assuré au conseil d'administration de la Société et qu'une modification soit apportée au projet de loi afin que les banques y soient représentées.

n(10 heures)n

En conclusion, le projet de loi n° 144 risque de nuire considérablement à l'ensemble des institutions financières qui oeuvrent dans le financement agricole et de perturber gravement le marché des services financiers en milieu rural. C'est pourquoi nous demandons au gouvernement de revoir en profondeur ce projet de loi afin que les pouvoirs de La Financière agricole soient rédigés de façon à permettre aux institutions financières de continuer à jouer leur rôle auprès des producteurs agricoles et à laisser à ceux-ci le libre choix de leur institution financière. Nous recommandons également que La Financière agricole soit assujettie à des mesures de contrôle, comme le sont les banques et les caisses populaires, et soit donc soumise à l'autorité de l'Inspecteur général des institutions financières et du Bureau des services financiers.

Par ailleurs, nous croyons que les pouvoirs de La Financière agricole d'établir des programmes devraient être beaucoup mieux définis dans la loi et que le gouvernement devrait conserver un pouvoir réglementaire beaucoup plus grand à l'égard de La Financière agricole afin de lui permettre d'exercer sur celle-ci un meilleur contrôle. Nous sommes également d'avis que les obligations du ministre et de La Financière, prévues au projet de convention déposé en même temps que le projet de loi, devraient plutôt apparaître dans la loi ou un règlement d'application.

Nous espérons que nos commentaires s'avéreront utiles dans le cadre de l'élaboration de la version plus définitive du projet de loi, mais nous souhaitons vivement avoir l'occasion de travailler avec vous dans les semaines et les mois qui viennent afin d'assurer la mise en place de la meilleure législation possible. À cet égard, notre entière collaboration vous est acquise. Je vous remercie.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, sur ce, M. Hébert, je vous remercie bien. Vous avez été réellement concis dans le temps. C'est parfait. Alors, je laisse la parole au ministre pour commencer ces échanges.

M. Trudel: Merci, Mme la Présidente. Merci de votre présentation. Moi aussi je vais essayer d'être court et direct.

Ou le législateur s'exprime très mal, ou vous ne savez pas lire ? ou le législateur s'exprime très mal, ou vous ne savez pas lire ? ou il y a de la distorsion qui est introduite par votre perception. D'abord, on va mettre une chose bien au clair: la Financière agricole du Québec, par décision du gouvernement, ne recevra pas de dépôts. C'est-y clair, là? La Financière agricole du Québec, par décision du gouvernement, ne recevra pas de dépôts bancaires. Si tant est que vous le répétiez après ce matin, on comprendra d'autre chose.

La Financière agricole du Québec, elle va continuer de faire ce qu'elle fait jusqu'à maintenant avec sa Régie des assurances agricoles du Québec. Elle va recevoir des primes d'assurance qu'elle va placer dans des banques et des institutions financières, comme elle le fait actuellement. C'est vous autres, ça, les banques? On ne va pas placer ça au Zimbabwe. La Financière, la fiduciaire qui gère les fonds d'assurance, là... on place ça dans des établissements. Et La Financière agricole du Québec va continuer de garantir à 100 % 1,8 milliard de dollars chez vous. Le gouvernement du Québec, par sa Financière, va continuer à garantir des prêts aux productrices et aux producteurs agricoles dans toutes les régions du Québec. C'est-à-dire un producteur agricole qui se présente chez vous avec une feuille qui dit que le prêt que vous allez lui consentir, on le garantit à 100 %. C'est clair ça, là. Ça va continuer d'être comme ça, garantie de prêts à 100 % auprès des institutions financières, banques et caisses populaires, dans toutes les régions du Québec. La productrice, le producteur agricoles va continuer de vivre dans un Québec libre, de choisir son institution financière.

Première question: Voulez-vous remplacer tout le régime de soutien à la sécurité du revenu, qui coûte 300 millions de dollars par année au gouvernement? Êtes-vous prêts à remplacer le gouvernement et à assumer ce 300 millions de dollars là? Vu que vous voulez avoir les dépôts, voulez-vous les deux parties, le bon et la contrepartie? Il faut répondre à ça, c'est une première question.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, qui répond? Qui se lance? M. Hébert.

M. Hébert (Jacques): Merci, Mme la Présidente. M. le ministre, vous avez mentionné qu'il y a un problème de compréhension. Je veux bien admettre qu'effectivement on ne semble pas comprendre les mêmes textes de la même façon. Vous comprenez que, avant d'arriver ici, en commission parlementaire, nous avons fait étudier ce dossier par des gens que nous croyons compétents et, de toute évidence, ce que nous comprenons du texte est tout à fait différent de ce que vous avez voulu y écrire. À la lumière des modifications possibles que vous apporterez peut-être au projet de loi comme tel, une fois finalisé, peut-être qu'on finira par se comprendre, mais, à l'heure actuelle, je dois dire que ce que nous voyons dans le projet de loi ne se compare pas avec ce que vous venez d'énoncer. La question des dépôts, je pense que, dans le texte actuel, c'est assez clair que La Financière recevrait des dépôts. Vous me dites que vous allez modifier un peu l'article 22, peut-être...

M. Trudel: On va modifier le texte, ça va s'appeler une contribution, et le gouvernement du Québec n'autorisera pas des dépôts de type bancaire à La Financière agricole du Québec.

M. Hébert (Jacques): Bon, alors, vous allez admettre que c'est nouveau, parce que dans le projet de loi qui était là, ce n'était pas indiqué.

M. Trudel: Non, ce n'est pas nouveau. C'est vrai que le mot «dépôt» était là et que dans le contexte bancaire, un dépôt, ça s'appelle un dépôt. Mais il y a aussi le téléphone, ça s'appelle un téléphone, vous auriez pu nous appeler aussi, puis on répond au téléphone.

M. Hébert (Jacques): Vous savez, M. le ministre, au Québec, il faut se méfier, la langue de Molière est très riche en vocabulaire et en synonymes. Par exemple, je vous donnerai le mot «dividende» et le mot «ristourne». Il y a des chances sur lesquelles on ne s'entende pas là-dessus. Lorsque vous appelez ça «dividende», on paie des impôts là-dessus; lorsque c'est une «ristourne», on ne paie pas d'impôts. Alors, je me méfie toujours des mots quand on les trouve dans un projet de loi. Je suis parfaitement d'accord avec vous, le téléphone fonctionne. J'espère que c'est dans les deux sens.

M. Trudel: Tout à fait! Tout à fait! Puis je vais vous faire la démonstration qu'on l'a fait.

M. Hébert (Jacques): Excellent.

La Présidente (Mme Vermette): Est-ce qu'il y a des données additionnelles que vous voulez nous faire connaître?

M. Trudel: Prenez-vous le 300 millions? Celle-là... prenez-vous le 300 millions?

M. Bissonnette (Gilles): Si vous permettez, je vais intervenir sur ce petit bout-là. Mon nom est Gilles Bissonnette. Dans l'ensemble, vous savez, les banques à charte et toutes les institutions financières ainsi que les caisses populaires jouent un rôle important au niveau du secteur agricole. Bien sûr, on assume des risques importants dans ce domaine-là, on en prend. Mais il y a une partie de risque, surtout au niveau des jeunes entrepreneurs, qui est très importante, où le gouvernement joue un rôle important, et je pense que ce rôle doit demeurer, O.K., c'est un complément, ce qui renforce notre économie. Alors, cette partie-là, je suis persuadé, et je suis certain que tous mes confrères partagent la même opinion que moi, que le gouvernement doit demeurer d'une façon importante impliqué dans le domaine de la garantie, comme il le fait actuellement, parce que c'est bon pour l'économie de la province.

M. Trudel: C'est bon pour les banques, on s'entend-u?

M. Bissonnette (Gilles): C'est bon pour les banques aussi.

M. Trudel: Bon! Très bien.

M. Bissonnette (Gilles): C'est bon, je le reconnais. Alors, quand je dis que c'est bon pour la province... Vous savez, on fait partie intégrante de la province, on est là particulièrement, en tout cas nous, la Banque Nationale, on est très impliqué au niveau de la province.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, M. le ministre.

M. Trudel: Oui. Bon, regardez, c'est parce que c'est bien de dire: Ils devraient déposer ça chez nous, puis nous autres on va ramasser juste la partie... C'est pour ça que, historiquement, il s'est établi des régimes de garanties gouvernementales puis que ça va continuer auprès des banques, et des institutions financières, et des caisses populaires, ça va continuer. Sauf que, quand on fait un raisonnement comme ça, il faut se rendre jusqu'au bout du raisonnement, en disant: Si on prend le cash, on va prendre la dépense aussi. Parce que, au gouvernement, depuis un bon bout de temps, on fait comme vous autres, on veut que les livres balancent au minimum, pas dégager de profits, on n'est pas une entreprise privée, mais on veut que les livres balancent. Alors, vous allez être obligés de répondre à la question un jour. Si vous voulez avoir les dépôts, vous allez avoir les dépenses avec.

n(10 h 10)n

Comme, par exemple, quand dans vos institutions rurales, pas les guichets automatiques, là, les institutions... quand il arrive un producteur agricole avec une feuille où il y a une signature du gouvernement qui va s'appeler La Financière, comme elle s'appelle actuellement la société La Financière agricole, qui garantit à 100 % un prêt, ça, ça coûte 46 millions, fabriquer ces feuilles-là. Ce n'est pas fait par les anges, ça, là, il y a des frais administratifs d'étude des dossiers. Quand ils arrivent chez vous, vous n'avez pas une seconde de personnel à mettre sur ces dossiers-là, c'est une responsabilité que l'État. Avec les producteurs et les partenaires, on a décidé de faire comme ça. Ça aussi, il va falloir prendre ça en considération. Ça coûte 46 millions, faire ça. Et, quand le producteur ou la productrice arrive au guichet, à votre directeur d'établissement, partout au Québec, il arrive avec une feuille puis il dit: Ça, c'est ce que tu vas me prêter, le 750 000 $ que tu vas me prêter, ça va être garanti à 100 % par le gouvernement. Ce n'est pas petit, ça va continuer.

Troisièmement, les contributions aux primes d'assurance et au Régime d'épargne-actions, ça va continuer d'être mis dans une fiducie, et cette fiducie va faire des placements. Êtes-vous prêts à jouer le jeu de la concurrence et nous offrir le meilleur rendement possible sur de l'argent qu'on irait placer chez vous?

M. Hébert (Jacques): On fait ça tous les jours, M. le ministre. On est en concurrence, je dirais, féroce dans ce pays. Nous sommes 47 banques au Canada. Il y a des fiducies, Desjardins est immensément présent au Québec et Dieu sait qu'on se chamaille constamment pour aller chercher les dépôts et faire des prêts. Ce que nous visons et ce qu'on souhaite dans ce projet de loi, c'est qu'effectivement on établisse un équilibre entre les meilleurs coûts possibles et le respect bien sûr des compétences de chacun afin d'arriver pour prendre les meilleures décisions d'affaires. J'ai envie de citer saint Thomas, qui disait: In medio stat virtus. C'est un peu ce qu'on vise.

On comprend les visées du gouvernement, il faut comprendre que l'industrie bancaire est une industrie qui fait commerce d'argent. Et à cet égard, oui, on est prêt à discuter avec vous, on n'a aucunement peur de la concurrence et on dit toujours, comme on dit depuis des années, lorsqu'il s'agit de faire des soumissions pour des prêts ou quoi que ce soit: Que le meilleur l'emporte. À l'Association des banquiers canadiens, c'est la raison pour laquelle on n'intervient jamais dans les négociations entre le gouvernement et une banque quand il s'agit de discuter de taux. Notre rôle, c'est d'asseoir les gens à la même table pour qu'ils discutent. Pour ce qui est des taux, effectivement, je vous incite à faire du shopping et à trouver les meilleurs taux possibles. C'est votre rôle.

M. Trudel: La Financière agricole va recueillir des contributions qui seront placées en vertu d'une politique de placement qui sera soumise au mécanisme de l'économie capitaliste, la concurrence sur le rendement. Si vous voulez avoir des millions de dollars comme on en a actuellement, augmentez la contribution des producteurs dans vos institutions financières, affilez vos crayons, et que ce soit le même message pour toutes les institutions financières: Oui, il y aura de l'argent à placer et on va le placer au plus offrant parce que le fruit de l'offre et de la réponse, ça va être pour les productrices et les producteurs agricoles du Québec, ce n'est pas pour le gouvernement. Donc, que ça soit clair comme un message à cet égard-là.

Autre élément...

Une voix: M. le ministre...

La Présidente (Mme Vermette): Alors, Monsieur...

M. Beaudin (Yvan): Yvan Beaudin.

La Présidente (Mme Vermette): ...Beaudin.

M. Beaudin (Yvan): Oui. J'aimerais répondre à la première partie de votre question concernant l'acheminement du dossier à l'institution financière au niveau du processus. Ce n'est pas parce que le dossier est 100 % garanti qu'il va y avoir automatiquement un prêt qui va être déboursé. Il y a une analyse qui est faite, parce que souvent, ce genre de prêt là, on a besoin d'une marge de crédit, on a besoin d'autre chose comme tel. Et puis un agronome sur place, un spécialiste agricole dans les institutions financières va prendre en considération le prêt garanti, mais aussi va regarder à côté les besoins de l'agriculteur et ce n'est pas automatique qu'on va faire un prêt 100 % garanti.

M. Trudel: Bien, attention, attention, là! C'est parce que le temps nous manque... Parce que là, évidemment... Comme parlementaires, il y a une règle fondamentale, c'est: il faut croire les gens sur parole. Ce qui est fait. O.K.? Et vous voulez nous dire que quelqu'un qui s'en va dans une de vos institutions financières avec un certificat d'emprunt garanti à 100 % par le gouvernement, vous avez de longues hésitations à lui prêter?

Une voix: Oui, mais...

M. Trudel: Je vous crois; vous devez croire ma réflexion aussi. C'est la règle des parlementaires. Laissons-nous sur des interrogations comme ça. Très bien. Alors, merci de l'intervention. Je continue.

Il y a quelque chose d'assez incroyable que j'ai entendu, puis là je vous informe tout de suite que votre question va être posée à 11 heures à l'Union des producteurs agricoles du Québec sur ce que vous avez affirmé qui est de votre responsabilité. C'est que l'UPA dessert les producteurs et les productrices agricoles du Québec en étant présente, en étant partenaire de La Financière agricole du Québec. Là aussi je prends votre message sur parole, mais je vous dis tout de suite là, je vais la poser tantôt. Puis, moi, je sais, les gens qui me connaissent le savent que j'y vais maintenant directement. Je vais demander à Laurent Pellerin, le président de l'Union des producteurs agricoles du Québec, des 45 000, comment ça se fait que lui a choisi d'être partenaire pour desservir les productrices et les producteurs agricoles du Québec.

Et la question subsidiaire, c'est la suivante: Vous suggérez aussi que les institutions financières puissent être au conseil d'administration. N'est-ce pas? Êtes-vous prêts à payer aussi comme ils paient, eux autres, parce qu'ils vont payer 0,50 $? Êtes-vous prêts à payer pour être là, à contribuer à la caisse? Si vous êtes contributeurs, cette question s'examine parfaitement. Ils seront et nous serons au conseil d'administration de La Financière agricole du Québec, vu que, selon nos estimés, ils vont mettre 204 millions par année là-dedans de leur argent, de leurs poches. Que ceux et celles qui veulent contribuer à la grande banque, à la grande caisse agricole du Québec lèvent la main, énoncent le montant qu'ils veulent mettre dedans puis on va considérer la représentation. Êtes-vous prêts à contribuer?

M. Hébert (Jacques): ...dites, M. le ministre, que vous voulez vendre des sièges au conseil d'administration. Bien sûr que non.

M. Trudel: Non. Je suis en train de dire qu'on fait, selon la formule québécoise, du partenariat. Ceux et celles qui sont là et qui contribuent, ils gèrent avec nous, parce que, là, c'est la foi avec les oeuvres.

M. Hébert (Jacques): Je pense que, dans une démocratie comme la nôtre et dans une saine gestion financière, chaque partenaire a son rôle à jouer. L'UPA est un partenaire important, et je le concède, les banques le savent et les caisses également, mais il n'y a pas que l'UPA. Il y a également les intervenants financiers que nous sommes. Il y a d'autres partenaires sur lesquels il faut tabler. Et, quand on a dit que l'UPA desservait mal, ce que j'ai bien dit ? et encore là je vois qu'on a un problème de compréhension ? c'est que c'est le monopole de l'UPA qui nous apparaît dangereux, ce n'est pas l'UPA comme telle. Les gens qui m'accompagnent, de la Banque Nationale... Je parlais à M. Beaudin tantôt, qui faisait remarquer qu'à la Banque Nationale seulement il y a 40 spécialistes en agriculture qui travaillent sur le terrain à longueur d'année. Alors, il faut bien se comprendre, c'est le monopole qui nous fait peur. L'UPA comme telle, on n'a aucun problème, bien sûr.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, je pense que, sur ces paroles, je vais être obligée de terminer l'entretien avec le côté ministériel. Donc, je vais céder la parole à l'opposition officielle. Alors, M. le député d'Argenteuil.

M. Whissell: Merci, Mme la Présidente. Bonjour, messieurs. Vous savez, le ministre nous ouvrait la porte pour entrer en communication avec vous. Mais j'ai ici une copie d'une correspondance. Vous lui avez envoyé une lettre le 31 octobre lui faisant part de vos inquiétudes. Est-ce que vous avez obtenu une réponse à cette lettre?

M. Hébert (Jacques): Il appert que non.

M. Whissell: Non? Est-ce que le ministre a pris la peine de vous rappeler?

M. Hébert (Jacques): Je dois dire que non.

M. Whissell: Bon. Parce que, vous savez, on est face à...

M. Trudel: La réponse est venue le 11 octobre, à 10 h 58. C'est une invitation à venir ici pour en parler.

M. Whissell: Mme la Présidente, la parole est ici, là.

La Présidente (Mme Vermette): Écoutez, si vous voulez avoir des compléments d'information, on devra, finalement, transmettre les documents à la fin de nos échanges.

M. Whissell: Ce n'est pas nécessaire. Je pose les questions aux banquiers.

La Présidente (Mme Vermette): Parfait.

M. Whissell: Vous savez, les consultations, il n'y en a pas eu dans ce dossier-là. On est face à un projet de loi majeur qui va quand même réformer l'agriculture.

La Présidente (Mme Vermette): Oui, c'est une question.

M. Whissell: Vous avez lieu d'être inquiets parce que, à chaque fois que ce gouvernement-là fait une réforme, que ce soit dans la santé ou dans l'éducation, ça finit par un fiasco. Puis le ministre voulait passer à toute vapeur le projet de loi; l'opposition, une chance, s'est battue pour avoir des consultations. On aurait voulu qu'elles soient beaucoup plus larges qu'elles le sont. Ça s'est résumé à deux jours d'audiences. Et je pense que ce serait important, là, de vraiment démontrer que le ministre essaie de passer un projet de loi rapidement, sans vraiment consulter les gens.

Vous parlez, dans votre mémoire, de toute la question de la vérification, parce que, présentement, les banques et les caisses sont assujetties à une vérification de différents types du gouvernement et de différentes sociétés du gouvernement. Dans le présent projet de loi, le ministre nous dit: Il n'y a pas de problème, le Vérificateur général du Québec va faire la lumière, il n'y aura pas de conflit d'intérêts là-dedans. Il n'y aura aucun problème, toutes les règles bancaires seront respectées. Pouvez-vous nous commenter le point de vue du ministre?

n(10 h 20)n

M. Hébert (Jacques): Bien, écoutez... Encore une fois, nous avons analysé le document qui était devant nous et on constate que, effectivement, dans la réalité quotidienne, La Financière ne sera pas soumise à l'Inspecteur général des institutions financières non plus qu'au Bureau des services financiers. Ça nous apparaît pour le moins risqué, fragile parce que, si on juge important ? «on» étant les gouvernements ? de vérifier ce que font les banques, les caisses, les fiducies dans une province, dans un pays, bien, je pense que les créations du gouvernement ? que sera La Financière agricole ? devraient également être soumises aux mêmes règles, parce que, là, c'est deux poids, deux mesures.

S'il n'y a aucun contrôle, qui va être à la base, ça va être strictement le conseil d'administration, d'après ce qu'on en sait, ça va être strictement des gens de la même équipe. Ça nous apparaît peut-être un petit peu dangereux et on aimerait qu'il y ait des balises plus solides. Et, si la balise, qu'on appelle l'Inspecteur général des institutions financières, vaut pour toutes les institutions, bien, pourquoi pas pour La Financière agricole?

M. Whissell: Ça m'amène sur l'autre point, toute la question des programmes. Actuellement, si on prend la Loi sur la Société de financement agricole, lorsqu'il y a des règlements, des programmes qui sont mis en place, ça doit être approuvé par le gouvernement. Quand on prend l'assurance récolte, c'est la même chose. Quand on prend l'assurance stabilisation, faire des programmes, ça prend l'approbation du gouvernement. Dans la nouvelle société, le gouvernement n'a plus, dans le fond, aucun droit de regard sur les programmes futurs. Qu'est-ce que vous pensez d'aller dans une telle voie?

M. Hébert (Jacques): Bien, ça nous apparaît aussi risqué que de ne pas soumettre La Financière à l'Inspecteur général, c'est carrément mettre tous ses oeufs dans le même panier. Si j'étais un petit peu taquin, je dirais que c'est comme prendre les clés de l'usine puis les donner au syndicat.

M. Whissell: Vous effleurez la question des conflits d'intérêts, parce que, là, dans le fond, on est en train de dire: On met entre les mains d'un organisme beaucoup d'argent. Cette Financière-là aura un droit de regard sur les programmes, sur la façon de les administrer, elle ne sera pas assujettie à la vérification normale. Il y a toute la question du conflit d'intérêts. Comment percevez-vous la notion de conflit d'intérêts? Parce que, dans les lois antérieures, que ce soit au niveau du financement agricole, que ce soit de l'assurance récolte, de l'assurance stabilisation, les administrateurs de ces sociétés étaient assujettis à des règles de conflit d'intérêts, et dans le projet de loi, il n'y a plus aucune notion de conflit d'intérêts.

M. Hébert (Jacques): Dans mon texte de présentation, je pense que j'ai utilisé l'expression «à haut risque» à certains moments, alors je vais reprendre cette expression. Le contexte actuel du projet de loi dans son ensemble nous apparaît fragile pour non seulement la vérification du fonctionnement, mais également nous apparaît peut-être un tantinet dangereux en ce qui a trait aux conflits d'intérêts possibles. Parce qu'il est certain que, si vous êtes l'organisme qui contrôle le conseil d'administration et que vous desservez strictement vos membres, bien, le reste de la société n'a pas un mot à dire.

Il faut aussi dire une chose: Si jamais La Financière agricole se mettait à aller mal ? parce qu'on ne sait pas ce qui peut arriver en période de ralentissement sévère économique ? qui devrait mettre des sous pour aller compenser? Alors, c'est sûrement le gouvernement. Le gouvernement, c'est vous et moi, les payeurs de taxes, et c'est pour ça qu'on souhaiterait des balises plus solides.

M. Whissell: Vous savez, messieurs, il n'y a pas seulement vous qui êtes inquiets. La Caisse populaire hier émettait un communiqué: «Le Mouvement des caisses Desjardins s'oppose à la constitution d'une quasi-banque dans le domaine agricole.» Et, normalement, les caisses populaires sont quand même sur un terrain... on ne peut pas leur reprocher d'être une compagnie privée, capitaliste, qui veut faire des profits astronomiques. C'est une coopérative qui est détenue souvent par des agriculteurs en région et les caisses se sont positionnées contre la volonté du ministre de s'en aller avec son projet de loi tel que présenté actuellement.

Alors, vous n'êtes pas les seuls, il y a beaucoup de gens qui se posent des questions. Le projet de loi n'est pas clarifié du tout, c'est sujet à interprétation. Le ministre se veut rassurant. Il vous dit qu'il n'y aura pas de dépôts, mais, s'il n'y en a pas de dépôts, qu'il l'écrive donc dans le projet de loi. Pourquoi le ministre ne veut pas prendre cet engagement? Pourquoi, selon vous, le ministre ne veut pas prendre le protocole d'entente et l'inclure dans la loi?

Le Président (M. Paré): M. Hébert.

M. Hébert (Jacques): ...laisser le ministre répondre à cette question bien sûr.

M. Whissell: Non.

M. Hébert (Jacques): Moi, je vous dirai simplement ceci, que nous partageons l'inquiétude de Desjardins. Desjardins craint la création d'une quasi-banque et, nous, nous craignons la création d'une quasi-caisse.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Whissell: Mais vous n'avez pas l'impression qu'en bout de ligne le ministre, le gouvernement du Parti québécois, ce qu'il cherche, c'est à sauver le fameux 45 millions de frais annuels que coûte la gestion de ces programmes? Parce qu'il vous dit: Si vous voulez avoir les dépôts, bien, vous ne pouvez pas tout avoir. Prenez les dépôts, mais il faut que vous preniez les dépenses qui vont avec. Puis, en même temps, il vous dit, bien: Il n'y aura pas de dépôts. Vous ne trouvez pas qu'il y a incohérence? On joue à l'autruche un peu?

Le Président (M. Paré): M. Hébert.

M. Hébert (Jacques): Je ne veux pas prêter des intentions au ministre. Je vous dirai simplement ceci, que, dans l'industrie bancaire, on n'a pas l'habitude d'évaluer la fourrure avant que l'animal soit abattu. Alors, avant qu'on discute du détail, à savoir qui va ramasser les frais de service, on va attendre d'avoir le projet de loi final devant nous.

Le Président (M. Paré): M. le député d'Argenteuil.

M. Whissell: Il y a également tout l'impact... Parce que vous dites qu'il va y avoir une incidence sur, dans le fond, la rentabilité de vos institutions en région, que vous allez perdre des prêts, que vous allez perdre des marges de crédit, que vous allez perdre beaucoup. Et c'est quand même alarmant un peu, parce que vous dites que ce que vous allez perdre, ça risque de faire grimper la facture pour vos autres programmes, ça risque de faire augmenter la facture également pour vos autres clients, qui ne sont pas du domaine agricole nécessairement. Avez-vous évalué, êtes-vous capables de mettre des chiffres un peu au niveau de l'impact?

Le Président (M. Paré): M. Hébert.

M. Hébert (Jacques): C'est une crainte véritable que nous avons. Il faut comprendre que l'industrie des services financiers n'est pas différente de toute autre industrie. Il n'y a pas un commerçant qui irait s'établir dans un village fantôme et il n'y a pas une industrie, qu'elle soit financière ou autre, qui irait s'établir dans une municipalité ou une ville où il y a un contrôle spécifique et il n'y aurait pas de place pour l'expansion des affaires. Nous sommes, dans l'industrie bancaire, des commerçants. Nous faisons commerce d'argent, que ce soit bien clair. On reçoit des dépôts et on fait des prêts. Et la différence de marge, ça fait nos profits qu'on remet aux actionnaires que sont d'ailleurs tous les Québécois par le biais de la Caisse de dépôt et placement du Québec.

Donc, oui, effectivement, si on devait être privés des dépôts en région rurale de façon sévère, ça risquerait certainement d'atténuer nos opérations dans ce secteur-là et d'affecter automatiquement toute la population. C'est un fait de la vie, de la vie économique.

M. Whissell: Est-ce que ça peut aller jusqu'à entraîner des fermetures de succursales en région?

M. Hébert (Jacques): Bien, si on n'a plus aucune possibilité de faire des affaires, on n'a plus aucune raison d'être là. C'est une décision d'une logique simple, froide mais simple. Mais, encore là, ça vaut pour n'importe quel commerçant. Si Réno-Dépôt s'installe dans un village où il n'y a personne qui achète des outils ou quoi que soit, elle va fermer ses portes rapidement. On n'est pas différents. C'est toujours tentant de blâmer l'industrie bancaire plus que les autres industries, mais on est simplement des commerçants qui faisons commerce d'argent. Je le répète: On n'est pas différents des autres.

Le Président (M. Paré): Merci, M. Hébert. M. le député de Beauharnois-Huntingdon.

M. Chenail: Qu'est-ce qui vous fait dire que votre expérience au niveau des prêts est meilleure que sera l'expérience de l'UPA par rapport au monde agricole?

Le Président (M. Paré): M. Bissonnette.

M. Bissonnette (Gilles): Je crois que je vais laisser Yvan Beaudin répondre à cette question.

Le Président (M. Paré): M. Beaudin.

M. Beaudin (Yvan): Oui. Bien, en réalité, nous avons une équipe qui a été formée depuis plusieurs années. L'industrie bancaire, si on commence au Québec, on a commencé en 1967 chez nous à avoir le premier agronome comme tel. On a débuté avec les agronomes de plus en plus. On a des équipes spécialisées qui sont en formation continue et puis l'intérêt qu'on avait dans le monde agricole... Le monde agricole nous a demandé depuis plusieurs années d'être des spécialistes. Nous sommes rendus des spécialistes et puis on est rendu à un point où c'est que finalement... Je veux dire, n'importe quel dossier peut être traité chez nous. Juste pour vous donner un exemple, dans les institutions financières, je parle au niveau des ventes comme telles, c'est que les prêts garantis par l'État sont de moins en moins dominants. Chez nous, les prêts garantis par l'État sont rendus à 42 %; dans d'autres institutions financières, c'est 30 % de leur portefeuille. Et puis pourquoi c'est rendu à ce point-là? C'est qu'on a établi une équipe de spécialistes qui sont capables de prendre des décisions sur place, ils sont capables de donner un bon service aux clients.

n(10 h 30)n

C'est bien certain que ? puis ça, M. Bissonnette l'a dit ? les jeunes agriculteurs, l'émergence de nouvelles industries non traditionnelles agricoles, ça prend des partenaires du gouvernement, comme différents programmes au niveau des PPE, ces choses-là, puis c'est important, mais il reste, je pense, que les institutions financières comme telles, actuellement, sont en mesure de donner un excellent service aux producteurs. Je ne crois même pas que d'autres business, comme telles, les secteurs d'affaires autres que l'agriculture, soient aussi bien servies au Québec qu'elle l'est actuellement.

Le Président (M. Paré): Merci, M. Beaudin. M. le député de Beauharnois.

M. Chenail: Vous venez de nous dire que vous êtes rendus, autrement dit, compétents dans ce domaine-là. Vous êtes rendus là. Ce qui arrive aujourd'hui, c'est peut-être parce que, à un moment donné, il a manqué de compétences au niveau agricole dans votre domaine. C'est peut-être ce qui a fait qu'aujourd'hui on est rendu à penser ce qu'on pense, puis c'est peut-être pour ça qu'on est rendu ici aujourd'hui. Il faudrait peut-être se poser des questions là-dessus.

Le Président (M. Paré): M. Beaudin.

M. Beaudin (Yvan): Oui. Je pense qu'à ce niveau-là les agriculteurs, depuis longtemps, nous ont demandé d'avoir des équipes spécialisées et puis, dans les années quatre-vingt, l'émergence d'équipes spécialisées a commencé. C'était très rare de voir des agronomes arriver, dans les débuts quatre-vingt, pour travailler dans les institutions financières. Maintenant, la plupart des agronomes qui sont en agroéconomie sont engagés par les institutions financières. Puis, ici, c'est la clientèle qui nous a demandé ça, on a fait le virage dans les années quatre-vingt, puis je pense qu'en l'an 2000 on peut dire que les agriculteurs sont choyés d'avoir un excellent service par les institutions financières à travers la province. On compte, avec les institutions financières, au-delà de 150 agronomes qui travaillent dans les institutions financières actuellement au Québec, à part des spécialistes agricoles aussi. Ça fait qu'ils sont vraiment choyés.

Le Président (M. Paré): Merci, M. Beaudin. En conclusion, M. le député d'Argenteuil.

M. Whissell: Merci. Vous êtes des gens qui travaillez constamment avec les agriculteurs. Est-ce que vous pouvez nous dire... Si on prend le projet de loi, qu'on fait abstraction de toute la question du fonds, de la gestion du fonds, qu'est-ce qui reste dans ce projet de loi là? Est-ce que c'est seulement la transposition de l'assurance récolte, de l'assurance stabilisation et la Société de financement agricole qui se retrouve dans le projet de loi et auxquelles on rajoute la question du fonds? Si on enlève le fonds, là, qu'est-ce qui reste dans le projet de loi?

Le Président (M. Paré): M. Hébert.

M. Hébert (Jacques): Voyez-vous, le fonds va rester là, je dois le constater. Ce qui est important pour nous, c'est ceci, c'est que nous voulons continuer avec le gouvernement et avec le milieu agricole à avoir des relations d'affaires saines et profitables pour tout le monde. Et ce que nous souhaitons, c'est que, à la fin du jour, ce projet de loi soit à l'avantage de tout le monde. C'est sûr que l'industrie bancaire est là pour faire des affaires, comme l'est Desjardins, et c'est normal, ça permet de payer beaucoup d'impôts au gouvernement, surtout dans notre cas. Mais ce qu'on veut laisser comme message, ce matin, c'est que le gouvernement a d'autres partenaires que l'UPA et qu'il doit permettre à ces partenaires de jouer ce rôle, qu'il a toujours joué, au grand bénéfice de toute la société rurale.

Le Président (M. Paré): Merci de votre présentation. C'est déjà terminé. Donc, j'inviterais l'autre groupe à se présenter. l'Association québécoise des industries de nutrition animale et céréalière, s'il vous plaît, si vous voulez vous présenter.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Paré): Bienvenue à l'Association québécoise des industries de nutrition animale et céréalière. M. Belhumeur, si vous voulez présenter les gens qui vous accompagnent et débuter votre exposé.

Association québécoise des industries
de nutrition animale et céréalière (AQINAC)

M. Belhumeur (René): Je suis René Belhumeur et, à la table, j'aimerais vous présenter, ici, à ma gauche, M. Rémi Janelle, qui est secrétaire de l'AQINAC; à ma droite, M. André Pilon, qui est président exécutif; et à l'extrême gauche, M. Maurice Hénault qui est consultant au niveau de l'AQINAC.

Le Président (M. Paré): M. Belhumeur, vous avez un texte à nous présenter. Je vois que madame est en train de le distribuer. Merci. Donc, si vous voulez commencer votre exposé, s'il vous plaît.

M. Belhumeur (René): Merci. Il nous fait plaisir de vous présenter le mémoire de l'Association québécoise des industries de nutrition animale du Québec, l'AQINAC, devant cette commission relativement au projet de loi n° 144, Loi sur La Financière agricole du Québec.

L'AQINAC se réjouit d'être entendue par les membres de la commission de l'agriculture et de pouvoir exposer son point de vue et voire même ses appréhensions sur la mise en place de La Financière agricole. Nous déplorons cependant le si court lapse de temps pour ainsi préparer un mémoire qui aurait pu refléter entièrement tous les impacts qui pourraient résulter de l'implantation de La Financière agricole dans l'actuel projet de la loi n° 144. De plus, il est très regrettable qu'il n'y ait pas eu de consultation avec l'industrie.

Ainsi, depuis l'unification, en juin dernier, de la section du Québec de l'Association de nutrition animale du Canada, connue sous le nom de l'ANAC, l'AQINAC regroupe maintenant près de 250 entreprises. Nous représentons donc tous les segments en amont et en aval des industries de la nutrition animale et céréalière. Il est à noter que la Coopérative fédérée est membre de l'AQINAC. Ainsi, en plus de la fabrication d'aliments pour animaux et volailles, nos membres sont impliqués directement dans l'élevage. Ils produisent ainsi plus de 60 % de la production totale des porcs, de la chair de volailles, de la production d'oeufs de commerce et environ 70 % des oeufs d'incubation. En plus de la nutrition animale, nos membres offrent une multitude de produits et de services conseils appuyés sur des techniques de pointe que l'on regroupe principalement sous les compétences suivantes: institutions financières, firmes comptables et légales, agronomes, technologues, vétérinaires, ingénieurs, informaticiens, nutritionnistes, généticiens, transformateurs pour bestiaux et volailles, couvoirs, élévateurs à grain dans les ports et en région, assurances, laboratoires, équipement de fermes et de meuneries, évaluateurs de tous genres, centres d'insémination, transport routier et par rail, et bien d'autres.

Par ce projet de loi, nous approuvons les efforts de rationalisation du gouvernement. Cependant, nous nous questionnons sur la pertinence de changer drastiquement notre façon de faire. Est-ce que les banques, les caisses Desjardins, la Société de financement agricole, la Société de crédit agricole n'ont pas bien fait et rempli leur rôle? Est-ce que les programmes de l'assurance stabilisation et de l'assurance récolte tels qu'administrés par les organismes en place ne répondent pas aux besoins des producteurs? Est-ce que les productions assurées telles que le porc et les céréales auraient connu un tel développement au cours des dernières années sans ces programmes?

Au niveau de la production du porc, en 1994, elle comptait 4,8 millions de porc. En 1999, elle se situe à 6,7 millions de porcs produits. Dans le secteur des céréales, au niveau des grains, du maïs, il se produisait 1,9 million de tonnes de maïs en 1990. Cette production est de 3 millions de tonnes en 1999.

De plus, notre compréhension est que notre façon actuelle de faire est conforme aux critères du libre-échange. Pour en arriver à moderniser de façon majeure ces programmes, nous anticipons que le ministre de l'Agriculture a obtenu l'assentiment de conformité du ministre des Affaires internationales, à Ottawa, pour l'établissement de La Financière agricole. Sûrement qu'une confirmation en ce sens a été obtenue et nous aimerions en prendre connaissance.

Nous reconnaissons qu'il est louable que le gouvernement veuille assurer une sécurité du revenu à l'ensemble des productions au Québec. Toutefois, il nous semble que le budget prédéterminé sera insuffisant.

De plus, selon nos informations, les seuls argents neufs qui seront injectés proviendront d'un accroissement des cotisations des producteurs agricoles et, dans le scénario proposé actuel, il serait de l'ordre de 50 %.

n(10 h 40)n

Aussi, ce budget prédéterminé pour une période de sept ans nous force à penser que le gouvernement du Québec gèle son support à l'agriculture québécoise. Dans le même laps de temps, les États-Unis et l'Union européenne accroissent cependant de façon substantielle ces mêmes supports à leurs producteurs et productrices agricoles.

Selon nos connaissances et notre expérience, nous croyons que le gouvernement, par son projet de loi n° 144 sur La Financière agricole, pourrait créer des bouleversements négatifs majeurs à l'agriculture québécoise. Ainsi, suite à la lecture du projet de loi, nous aimerions vous citer quelques articles et vous faire part de nos commentaires.

Ainsi, au chapitre II de la loi, à l'article 6, je vous cite: «Le conseil d'administration est composé de onze membres, dont un président-directeur général, nommés par le gouvernement sur proposition du ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. Cinq de ces membres, dont le président du conseil, sont choisis parmi les personnes désignées par l'association accréditée en vertu de la Loi sur les producteurs agricoles.» Fin de la citation.

Ainsi, par la composition du conseil d'administration, le gouvernement confie à l'association accréditée le développement même de l'agriculture québécoise sans égard aux autres intervenants du secteur agroalimentaire du Québec qui ont, eux aussi, investi considérablement dans l'agroalimentaire québécois. Cette structure mettrait en conflit l'association accréditée puisqu'elle deviendrait juge et partie.

Autre article. À l'article 14, nous lisons: «Le ministre peut donner des directives sur l'orientation et les objectifs généraux que la société doit poursuivre.» Fin de la citation.

Est-ce que le ministre donnera ces directives sur l'orientation et les objectifs généraux de la société sans le processus habituel de consultation des intéressés?

Autre point. À l'article 19, 1°, nous lisons: «établir les critères servant à déterminer les entreprises qui peuvent bénéficier d'une aide, lesquels peuvent varier en fonction, notamment, des personnes qui la composent, de leur âge, de leur occupation, de leurs qualifications ou de leurs intérêts dans l'entreprise et du type de risques à assurer».

Ici, la discrimination nous semble flagrante en déterminant les entreprises qui peuvent bénéficier d'une aide en fonction des personnes qui les composent et de leur âge.

À l'article 20, 5°, je cite: «une participation financière à un projet d'investissement permettant à la société d'acquérir et de détenir des actions, des parts et d'autres actifs d'une personne morale ou d'une société ou de les céder.» Fin de la citation.

Est-ce qu'une participation financière à un projet d'investissement réfère seulement au niveau des fermes? Pense-t-on également à des centres de grains, des meuneries, des abattoirs et d'autres? Si tel était le cas, ceci équivaudrait à un dédoublement du rôle de la SGF SOQUIA. Qui plus est, n'y aurait-il pas risque de concurrencer directement les entreprises agricoles déjà établies avec l'argent de leurs propres contributions à La Financière?

À l'article 22, 1°, nous lisons: «déterminer l'aide qui peut être accordée à une entreprise et imposer les conditions auxquelles cette aide est assujettie». Fin de la citation.

Veut-on ainsi déterminer par cet article l'aide à laquelle les producteurs auront droit et leur imposer des conditions différentes, déterminées par l'association accréditée?

Un autre point. À l'article 22, 7°, nous lisons: «constituer et administrer tout patrimoine fiduciaire».

La question qu'on se pose: N'est-ce pas là le rôle des institutions financières en place et des compagnies d'assurances tel que le Groupe Promutuel? Pourquoi le gouvernement soustrait-il La Financière à l'autorité de l'Inspecteur général des institutions financières? Cet organisme est pourtant rassurant pour les déposants.

À l'article 22, 8°, je cite: «recevoir et administrer, pour le compte d'un déposant, les dépôts versés dans le cadre d'un programme».

Pourquoi ne pas laisser le choix de l'institution financière? D'autant plus que la survie de ces institutions en ruralité dépend largement de la clientèle du secteur agricole.

En conclusion, voici les points majeurs que nous contestons pour justifier notre très ferme position contre l'actuel projet de loi.

En premier lieu, nous déplorons qu'il n'y ait pas eu de consultations avec tous les intéressés par la tenue d'audiences publiques élargies de la part du gouvernement.

Secundo, plusieurs institutions financières devraient non seulement augmenter leurs frais à la clientèle en ruralité, mais en plus se verraient dans l'obligation de fermer plusieurs points de service.

Les producteurs et productrices devraient payer 50 % de plus de cotisations sans protection additionnelle, puisque l'enveloppe est fermée et qu'un plus grand nombre de productions sont couvertes.

Nous croyons fermement qu'avant de procéder à un tel chambardement, qui pourrait devenir un cauchemar, le gouvernement doit repenser ce projet et doit consulter toutes les parties intéressées. Permettez-nous d'inclure en annexe à notre document les commentaires de Normand Girard, dans Le Journal de Québec du 9 novembre dernier, relativement à La Financière agricole.

Nous remercions ici les membres de la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation de nous avoir permis de présenter nos commentaires sur le projet de loi n° 144 sur La Financière agricole du Québec.

La Présidente (Mme Vermette): Merci, M. Belhumeur. Alors, nous allons commencer tout de suite nos échanges avec le ministre. M. le ministre.

M. Trudel: Merci de cette présentation, ça a le mérite d'être clair.

Bon, on va commencer par le premier point que vous avez soulevé: la consultation. Dans l'énumération, à la page 2, de tout ce que votre industrie offre en termes de produits et de services, vous n'avez pas oublié le mot «producteurs» là-dedans? Il y a des producteurs dans vos...

M. Belhumeur (René): Nous sommes producteurs au niveau...

M. Trudel: Vous êtes producteurs, c'est ça. Alors, vous n'avez pas été consultés comme producteurs?

M. Belhumeur (René): Ici, on parle au niveau de l'Association. Au niveau de l'Association, nous trouvons que nous n'avons pas été consultés. On est des producteurs, oui, mais aussi, dans nos membres, il y a plusieurs personnes qui sont impliquées directement ou indirectement dans ce projet de loi.

M. Trudel: O.K. Mais vous êtes tous des producteurs...

M. Belhumeur (René): On est tous des producteurs, oui.

M. Trudel: ...et vous avez tous été consultés. En tout cas, je vous le dis tout de suite, là...

M. Belhumeur (René): En tant que producteurs, oui...

M. Trudel: Oui, O.K. Mais quand vous...

M. Belhumeur (René): ...mais en tant que membres de l'Association de l'AQINAC, non.

M. Trudel: Oui, mais là vous n'avez pas deux personnalités, vous n'en avez rien qu'une, j'imagine.

M. Belhumeur (René): Non, on n'a pas deux personnalités, mais je pense qu'on représente quand même un groupe important de l'industrie et cette industrie-là a un impact important.

M. Trudel: Tout à fait. Donc, il y a eu des lieux d'expression de ce que vous vivez comme entrepreneurs; comme producteurs entrepreneurs, vous avez eu des lieux d'expression. C'est parce que tantôt, je vous le dis, là, je vais questionner le président de l'UPA sur qui est-ce qui a consulté. Parce que c'est quand même gros, là, à la page 3, la conclusion au plan financier, c'est que l'UPA s'est fait organiser au plan budgétaire, c'est-à-dire que ce n'est pas une bonne entente; 300 millions engagés pour les sept prochaines années, ce n'est pas une bonne entente, ça. Je vais lui demander, au président de l'UPA, où est-ce qu'il a eu sa faiblesse, là, parce que, je vais vous dire une affaire, quand on a négocié avec, je ne lui ai pas trouvé grande faiblesse, celui-là.

La question est la suivante, c'est: Vous n'êtes pas d'accord à ce que le gouvernement s'engage pour sept ans à supporter les producteurs et les productrices agricoles au Québec avec des montants déterminés? Et est-ce qu'à votre avis il y a un autre pays dans le monde qui a fait ça?

M. Belhumeur (René): Actuellement, nous reconnaissons qu'au Québec des efforts ont été faits là-dessus. Comparativement aux autres pays, je pense qu'on a un pas d'avance face aux autres pays. Ce qu'on reproche surtout, c'est que ce 300 millions là, aujourd'hui, ne vaudra pas 300 millions dans sept ans, et c'est là qu'on parle de gel à ce niveau-là en valeur actuelle.

n(10 h 50)n

M. Trudel: O.K. Vous avez compris aussi, tantôt, dans la discussion calme que nous avons eue avec les banquiers, que l'argent va être placé dans une fiducie et que ça va rapporter des intérêts aux plus offrants et que cet argent-là ne sera pas mis dans les poches du gouvernement. L'argent que vont rapporter en intérêts les contributions des producteurs et les contributions du gouvernement, ça va rester dans les poches des producteurs et des productrices, dans leur Financière, La Financière agricole du Québec.

Alors, ça, ce n'est pas une enveloppe gelée, parce qu'une enveloppe gelée, c'est que tu mets ça et ce que tu rapportes en plus tu le mets dans tes poches de gouvernement. Là, tout l'argent qui va être mis dans La Financière et l'usufruit va rester dans l'institution, La Financière agricole du Québec, qui va servir les producteurs et les productrices agricoles du Québec. C'est ça qui permet d'avoir une gestion responsable en administration publique au Québec, d'avoir une gestion responsable et que certaines années, comme en 1999, ça ne nous amène pas à débourser 170 millions parce qu'il y a eu une crise dans le marché du porc. Vous le reconnaissez, là? Oui? 170 millions supplémentaires qui ont été déboursés une année comme ça. Parce qu'il y a un facteur qui nous a tous échappé, ça a été la crise des prix, ça a été la crise des prix au niveau international.

Et puis au gouvernement, là, on est comme vous autres, on aime ça finir égal maintenant. C'est fini, la période de peu importe, au gouvernement, le déficit, ce n'est pas grave, ça; c'est grave comme chez vous. Vous nous avez montré des leçons là-dessus puis on l'a appris. On l'a appris, on gère ça balancé.

La question suivante, c'est: Est-ce que les programmes de l'assurance stabilisation et de l'assurance récolte tels qu'administrés par les organismes en place ne répondent pas aux besoins des producteurs? C'est sûr, mais est-ce que vous pourriez ajouter aussi: Est-ce que ça répond aux besoins et exigences de la rigueur administrative publique, de l'administration de l'argent public? Parce que c'est une bonne question. C'est une bonne question.

Le gouvernement, là, il vit dans une économie capitaliste puis il aime ça, le jeu de l'offre et de la demande. Il vit ça. Mais ce qu'on a toujours dit ? on a une expression qu'on a utilisée souvent: Oui aux règles du marché, non à une société de marché. Ça, ça veut dire que, quand il faut se mettre ensemble au Québec pour supporter des secteurs, on se met ensemble, et c'est ce que La Financière agricole du Québec va faire. Est-ce que la SFA, Société de financement agricole et la Régie des assurances agricoles, a mal fait sa job? La réponse: Non. Elle a très bien fait le travail qu'on lui demandait de faire, mais pas le travail qu'on ne lui a pas demandé, par exemple. Là, on va lui demander d'en faire plus.

Et, oui, oui, oui, votre question est bien posée: Est-ce que, dans l'économie capitaliste, c'est normal que les risques de marché soient payés deux tiers par la population et un tiers par le producteur ou l'industrie concernée? Poser la question, c'est un petit peu y répondre, hein, c'est un petit peu y répondre. Oui, il y a une révision des régimes, je l'ai énoncé.

À cet égard-là, est-ce que le ministre, qui va donner des directives, qui pourra donner des directives à La Financière, va procéder au processus habituel de consultation des intéressés? Parce que, là, la question s'adresse à moi, celui qui actuellement est là. Je ne sais pas si Dieu va me prêter vie longtemps et le premier ministre fonction, là? Ce que je réponds là-dessus, c'est: Oui, dans les formes habituelles, puis il y a même un tribunal qui est prévu. Il y a même un tribunal pour juger ça, ça s'appelle le peuple, des élections.

Le ministre exerce sa responsabilité en vertu d'un mandat qui lui a été confié par la population. S'il ne l'exerce pas comme il faut, on va savoir ça le 27, là, il va y en avoir des jugements, le 27. Ça s'appelle les élections. Alors, le ministre occupe une responsabilité qui lui a été confiée via l'autorité du premier ministre et du système parlementaire par la population, puis il va être jugé là-dessus, et c'est donc bon, ça, ce système-là, c'est parfaitement bon, le jugement, l'évaluation par la population. Puisque la question était posée, je pense que ça valait la peine d'apporter la réponse.

Et, finalement, à la page 6, à l'article 22, 8°, d'abord, vous avez absolument raison de lire ça comme ça parce que c'est les mots qui sont employés. Je réannonce aujourd'hui devant vous que je présenterai un amendement à l'article 22, 8°, qui va faire en sorte que La Financière agricole du Québec va faire très exactement ce que fait aujourd'hui la Régie des assurances agricoles du Québec, elle va recevoir les primes d'assurance, elle va les déposer dans un fonds fiduciaire pour payer les primes quand il va y en avoir, et va faire en sorte qu'elle va faire des placements, et elle ne gérera pas de dépôts, elle va prendre les fonds qu'elle va recevoir et du gouvernement et des producteurs et des entreprises agricoles, puis elle va mettre ça dans un fonds fiduciaire comme ça l'est actuellement.

Alors, à compter d'aujourd'hui, tous ceux et celles qui diront que c'est une quasi-banque, je ne sais pas où est-ce qu'ils vont prendre leur fondement, parce que ce ne sera pas cela, ce sera une société d'État qui va être soumise au Vérificateur général totalement, qui va être soumise à l'approbation de son plan d'affaires annuel par le Conseil des ministres, qui va être soumise à l'approbation de son plan triennal de développement à être approuvé, qui sera soumise à la vérification et à la Loi sur le vérificateur général, qui va être soumise au cadre comptable du gouvernement du Québec ? ce qu'on appelle le périmètre comptable ? et également ses résultats corporatifs et financiers seront examinés par une commission composée de députés qui s'appelle la commission de l'administration publique. La commission de l'administration publique pourra convoquer, et la société devra rendre des comptes, parce que ce sera une société d'État, à ceux qui sont élus par la population. Bon, je pense que ça clarifie un certain nombre de choses et ça indique, à l'égard de l'article 22, 8°, qu'il va y avoir des modifications qui seront faites.

La question, maintenant, c'est le conseil d'administration. Ce n'est pas normal que, quand tu contribues à 50 % de la caisse, tu sois à la gestion conjointe de l'instrument financier? Vous savez de quoi je parle, hein? Je parle des producteurs et des productrices agricoles.

La Présidente (Mme Vermette): Oui, il y a M. Pilon qui voudrait vous répondre là-dessus.

M. Pilon (André J.): J'aimerais peut-être, M. le ministre, dans un premier temps, clarifier votre question à savoir quand on conteste le fait de ne pas avoir été consulté. Vous avez mentionné qu'il y a eu des réunions qui se sont tenues par l'UPA au niveau des producteurs, mais quand on dit ici: On est assis sur deux sièges, on est quand même industriels ou entrepreneurs en plus d'être producteurs agricoles, et c'est à ce moment-là qu'on aurait aimé... Avant de parler d'une nouvelle institution financière, comme entrepreneurs, comme industriels, comme bien d'autres d'ailleurs, même nos prédécesseurs qui n'ont pas été consultés eux non plus, c'est un point de clarification qu'on aimerait vous apporter relativement à ça.

M. Trudel: Sur la question de la représentation au conseil d'administration, là?

n(11 heures)n

M. Pilon (André J.): Alors, encore là, oui, je m'excuse, j'étais pour l'échapper, celle-là, c'est qu'encore une fois plusieurs de nos membres, en fait, sont également producteurs, mais ils n'ont pas de rôle à jouer ou, disons, ne sont pas appelés à siéger parce qu'ils sont producteurs, mais transformateurs pour les producteurs. Et, encore une fois, on n'est pas les seuls à déplorer... On la paie déjà, la contribution, comme producteurs. Si on parle à 50 %, si vous voulez, de la production porcine au Québec, puis peut-être même 60 % maintenant avec les nouveaux venus dans notre organisme, ça fait quand même beaucoup d'argent. On est là comme producteurs, on est représentés par un bureau de direction, mais on n'a rien à dire. On la paie, la contribution, ça, c'est indéniable.

M. Trudel: Bon. Très bien. Merci de la réponse à nos précisions. Je comprends que vous avez eu l'occasion largement de le dire quand vous aviez votre chapeau de producteur. Quand vous avez eu à parler, vous n'avez pas eu l'occasion d'utiliser votre chapeau de la même personne qui est un producteur de denrées alimentaires. Bon. J'ai l'impression qu'il doit bien y en avoir quelques-uns qui se sont échappés, hein, vu que c'est la même personne. J'imagine, puis, quand vous pouvez vous exprimer, là, on comprend que... Il y a même des gens ? puis vous l'avez souligné dans votre texte ? qui ont trois chapeaux: ils sont producteurs ou productrices, ils sont également des producteurs de produits, que vous avez énumérés à la page 2, et qui sont aussi des coopérateurs. Trois personnes en une seule. Mais, quand cette personne-là a la chance de s'exprimer, elle peut aussi exprimer ce que sont ses besoins, ses intentions et ses volontés parce que c'est la même personne qui parle.

Écoutez, il y a beaucoup de choses... Ce que je vous dis, c'est ceci, on va lire ligne à ligne... Ce n'est pas parce qu'on ne répond pas à toutes les questions ici ou qu'on ne vous donne pas l'occasion de répondre à toutes qu'on va... on va traiter ça une à une et on va, tout au cours de l'étude article par article, traiter de chacun de ces éléments-là. Mais, je pense que vous nous avez apporté un certain nombre d'éclaircissements, on va en demander des éclaircissements quant à la vision du partenaire aussi tantôt. Et nous allons souhaiter que le grand chantier, que cite Normand Girard, sera un immense pas en avant pour les productrices et les producteurs agricoles du Québec et l'industrie, la grande industrie, qui emploie 416 000 personnes au Québec, l'industrie de l'agroalimentaire. Je vous remercie de votre contribution. Je ne suis pas d'accord avec tout, mais je le respecte, et je vous remercie d'avoir pris l'attention de venir nous le formuler.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, ceci met un terme à nos échanges avec le ministre. Donc, je vais passer maintenant la parole à l'opposition officielle, M. le député d'Argenteuil.

M. Whissell: Merci, Mme la Présidente. Je commencerais peut-être par utiliser l'article que vous avez joint à votre mémoire de Normand Girard, du 9 novembre, qui... le sous-titre: Le gouvernement Bouchard ne devrait-il pas se préoccuper des chances de succès de ses réformes avant de les lancer? Et la conclusion qui dit clairement: «Si l'on devait constater qu'il n'y a pas 0,01 $ d'argent neuf pour les nouvelles productions, qu'il n'y a rien pour investir dans l'agroalimentaire, qu'il s'agit uniquement d'un autre brassage de structures, le ministre devra refaire ses devoirs.»

Hier, le ministre nous expliquait qu'il va mettre 300 millions sur 10 ans; sur sept ans, 2,1 milliards. Pour arriver à son 300 millions, il a fait la moyenne des contributions des 10 dernières années, il a rajouté environ 45 millions, 50 millions, puis il propose de mettre cet argent-là pour les sept prochaines années. Puis, je pense que vous l'avez exprimé clairement, 300 millions il y a cinq ans ? parce que, dans le fond, la moyenne, c'est pour il y a cinq ans ? on amène ça en valeur actuelle puis on envoie ça en valeur future dans sept ans. Et il y a toute la question des argents fédéraux. Le gouvernement fédéral, 100 millions, l'argent est garanti pour trois ans. La quatrième année, on ne le sait pas; cinquième année, on ne le sait pas; sixième, septième années, on ne le sait pas. Et, je pense qu'en bout de ligne c'est les agriculteurs qui vont écoper, vous avez vraiment raison d'être craintifs.

Il y a toute la question du un tiers, deux tiers. Bon, on ne sait pas comment ça va coûter. Les producteurs de porc, on a des chiffres qui commencent à arriver, on parle... bon, une facture, avec les productions annuelles, d'environ 15 à 20 millions par année, mais les productions de porc, dans sept ans... Et, on a vu les progressions dans votre mémoire, dans sept ans il va y avoir plus de porc, donc les contributions seront encore plus hautes. Alors, la facture, c'est vraiment les agriculteurs qui vont la payer. Et, que vous ayez le chapeau de producteur, que vous ayez le chapeau de coopérant, que vous ayez le chapeau d'industriel en agriculture, vous êtes des gens du monde agricole, et je pense que c'est votre droit de venir vous exprimer ici puis de vous faire entendre.

D'ailleurs, le ministre, semble-t-il qu'il a consulté... il a consulté l'UPA. L'UPA, c'est un regroupement, oui, c'est un regroupement important, mais il y a beaucoup d'autres groupes qui doivent être consultés. L'UPA, elle a ses intérêts, vous, vous avez des intérêts différents, mais ce sont tous des intérêts envers l'agriculture.

Et, lorsque le ministre vous dit: Bien, il n'y a pas de problème avec ma loi, il va y avoir un jugement qui se fera à la prochaine campagne électorale, je pense qu'il faut être craintif, parce que, avant de s'embarquer dans une loi... Je comprends qu'il va y avoir une élection, puis probablement qu'on changera de ministre à ce moment-là, mais je pense qu'il faut prendre le temps de s'asseoir...

M. Trudel: On a hâte de voir ça.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Whissell: D'avoir un nouveau ministre? Oui, on a hâte. Je pense qu'il faut prendre le temps d'évaluer la réforme, c'est une réforme majeure. Il y a des systèmes qui fonctionnent bien, peut-être qu'ils peuvent être améliorés. L'assurance stabilisation, l'assurance récolte, le financement agricole, il y a des systèmes qui sont en place. Si on peut les améliorer, améliorons-les.

Il y a toute la question du fonds. Bon, le ministre revient encore avec son point de vue: Le fonds va être la propriété des agriculteurs, il va y avoir des intérêts, des rendements dans ce fonds qui demeureront propriété des agriculteurs. Mais ils n'auront pas le choix d'embarquer dans cette veine-là et, des fois, les agriculteurs, ils peuvent gérer eux-mêmes leur propre fonds. S'il y a des surplus au niveau des assurances stabilisation, bien, qu'on baisse les primes. Qu'on baisse les primes s'il y a des surplus, puis laissons l'argent aux agriculteurs, puis ils s'achèteront de la machinerie, ils s'achèteront des quotas, puis ils s'achèteront différentes choses. Mais je pense que vous avez lieu d'être très, très craintifs.

Vous abordez à la page 3 de votre mémoire... vous dites que le ministre de l'Agriculture a obtenu l'assentiment de conformité du ministère des Affaires internationales à Ottawa pour l'établissement de La Financière agricole. Pouvez-vous nous expliquer un peu la teneur de vos propos? Parce que c'est quand même une affirmation que vous faites ici.

M. Belhumeur (René): C'est plus un questionnement. Actuellement, le système que l'on connaît a subi des épreuves, a été comme approuvé au niveau du libre-échange. Est-ce que le système qu'on nous propose a subi les mêmes approbations, pour être certain que la nouvelle proposition soit avantageuse?

M. Whissell: O.K. Mais vous ne savez pas si, vraiment, il y a une entente qui a été faite?

M. Belhumeur (René): Bien, j'espère qu'il y a eu une consultation là-dessus. On n'est pas au courant, on aimerait avoir plus de précisions là-dessus.

M. Whissell: Mais, si c'est comme le restant, vous risquez qu'il n'y en ait pas eu. Le ministre, tantôt...

M. Trudel: ...le temps à l'opposition s'ils le veulent.

M. Whissell: Non, c'est parce que vous allez le prendre sur mon temps. J'aime mieux utiliser mon temps.

M. Trudel: Non, non, mais je vais vous le donner. Je peux vous le donner si vous voulez. Vous reprendrez l'équivalent du temps si vous voulez.

M. Whissell: Non. Non, ce n'est pas nécessaire. Au niveau des consultations, tantôt vous disiez que, comme entité, vous n'avez pas été consultés. Vous, comme individus, vous êtes des producteurs dans des domaines respectifs, est-ce que vous pouvez nous dire quelles sortes de consultations vous avez eues, via peut-être l'UPA ou via vos fédérations?

M. Pilon (André J.): En fait, ce que j'ai répondu au ministre tantôt, c'est qu'avant d'en arriver à se rendre aux producteurs comme un segment, un chaînon de l'agriculture et de l'agroalimentaire, on n'a pas été consultés, puis on s'est rendu compte qu'on n'a pas été les seuls à ne pas être consultés. Puis quand je disais tantôt... Le ministre a dit aux banquiers: Êtes-vous prêts à payer 50 %? Bien, si on contrôle de façon directe ou indirecte nos membres, 60 % de la production porcine au Québec maintenant, avec les nouveaux joueurs qui se sont joints à notre Association, notre regroupement, je pense que, du 100 % payé par les producteurs, bien on en aurait, parmi nos membres, 60 % de ce 100 % là. Bien, il me semble qu'on aurait pu être consultés puis qu'on devrait, si on parle à un moment donné d'un bureau de direction... Moi, je pense bien qu'il y a des partenaires dans l'industrie qui sont importants, on ne veut pas dénier ça, mais nos argents à nous, ce n'est pas nécessairement de les confier à d'autres, dire: Je te fais confiance, je te donne ma bénédiction, va-t'en avec ça. Alors, si, encore là, dans le porc entre autres, on a 60 %, bien on paie encore une fois 60 % du 100 % puis on devrait être là.

n(11 h 10)n

M. Whissell: Mais, si je comprends bien, vous êtes un producteur de porc. Non?

M. Pilon (André J.): Notre organisme, qui regroupe... En fait, je l'ai dit tantôt, il y a une centaine ? puis il y a plus que ça ? d'entreprises qui... puis il y a un pourcentage de ça, peut-être 25 %, 30 %, qui sont impliquées dans les élevages porcins. Ils sont industriels, ils fabriquent de la nutrition animale, mais, en plus, ils ont des fermes et ils sont impliqués. Alors, comme meuniers ou fabricants, ils ne paient pas, si vous voulez, de l'assurance stabilisation, mais comme producteurs... Puis, si 60 % des porcs au Québec sont sous le contrôle de nos membres, bien il me semble qu'ils devraient avoir un mot à dire au chapitre au niveau du conseil d'administration.

M. Whissell: On a entendu les caisses populaires hier, on a entendu les banquiers tantôt, qui nous disent que c'est une quasi-banque, et on a entendu également le Groupe Promutuel hier au niveau des assurances. Vous, vous n'avez pas d'intérêts dans le domaine financier, si je comprends bien, vous n'êtes pas des banquiers, vous ne faites pas de financement agricole puis vous abordez quand même toute la question du financement. Selon vous, est-ce qu'on est en train de créer une banque avec ce projet de loi?

M. Pilon (André J.): On se questionne, en fait, parce que, à la lumière du projet de loi tel qu'on l'a lu, il y a quand même... dans notre esprit, il y a une multitude de pouvoirs puis, en fait, des pouvoirs quasi illimités qui sont donnés à La Financière. Il n'y a rien qui les empêche d'aller à peu près... de prendre toutes les directions voulues ou possibles, à moins qu'on n'apporte, encore une fois, des amendements ou qu'on clarifie certains points du projet de loi.

M. Whissell: Avez-vous pris connaissance du projet de protocole d'entente entre La Financière et le ministère? Est-ce qu'on vous a soumis ces documents?

M. Pilon (André J.): Non.

M. Whissell: Vous ignorez totalement...

M. Pilon (André J.): Non. C'est comme on disait tantôt, on n'a pas été consultés d'aucune façon comme industriels, tu sais. On a dit: Bien, les meuniers, eux autres, comme il y en a plusieurs qui sont producteurs agricoles, ils seront consultés par l'UPA. Ça, ça n'a pas été fait. On nous a mis devant des faits lors de l'assemblée, mais pas plus que ça.

M. Whissell: Oui. Mais, si on revient justement... vous faites référence à une assemblée, là, quel type de consultation? Est-ce qu'on vous a bien exposé les grandes lignes? Est-ce qu'on vous a parlé du 300 millions, qu'on avait fait une moyenne sur 10 ans en arrière, qu'on ramenait ça sept ans dans le futur? Est-ce qu'on vous a expliqué toutes ces choses-là? Parce que les agriculteurs... M. Pellerin va venir au micro tantôt, mais j'aimerais peut-être avoir des éclaircissements de votre part. La consultation, est-ce qu'elle a été faite vraiment avec le producteur agricole, en bout de ligne, ou c'est seulement les hautes instances de l'UPA qui ont été consultées?

M. Belhumeur (René): C'est dur à répondre, ce n'est pas précis...

M. Whissell: Pardon?

M. Belhumeur (René): ...dans le sens que les consultations... À ces niveaux-là, nos membres qui ont été impliqués... les consultations, je pense qu'elles n'ont pas été directes avec nos membres qui ont pu s'exprimer clairement aux autres instances.

M. Whissell: O.K. Vous abordez aussi la question d'impartialité, possiblement de conflits d'intérêts, vous dites que l'association accréditée deviendrait juge et partie. Qu'est-ce qui vous agace dans la structure telle que proposée à ce niveau?

M. Belhumeur (René): Si on lit le projet de loi... n'étant pas avocat, mais on peut déduire que, au niveau des règlements, des articles, les pouvoirs peuvent être très larges. Il peut y avoir des impositions, qu'on pense, de notre part, qui feraient... qui changeraient la donne au niveau des participants sur certaines choses, ou certaines transformations, ou certains secteurs. Et on trouve que, au niveau de la loi, telle qu'on peut la lire actuellement, c'est très large à ce niveau-là.

M. Pilon (André J.): Peut-être pour ajouter, si on dit qu'à un moment donné on va... Et La Financière, encore là toujours dans les articles de la loi, pourra considérer des prêts à consentir ou des choses dépendamment de l'âge, de la taille de l'entreprise. Si c'est un gros, il a peut-être moins besoin d'argent. C'est des questions qu'on se pose. Ça, ce n'est pas clair. S'ils ne rencontrent pas des critères comme entreprise ? ils sont 10 ou 11, puis il y en a juste quatre dans l'entreprise, parce que les autres frères sont à l'extérieur, qui sont sur place ? bien là on ne peut pas prêter en fonction... parce qu'ils sont 10, ils sont juste quatre. En fait, c'est des points semblables qu'on trouve très nébuleux.

M. Whissell: Est-ce que vous pensez que vraiment on devrait tenir des consultations élargies avant d'aller plus loin dans ce dossier?

M. Pilon (André J.): Pour nous, c'est définitif. D'ailleurs, quand on parlait tantôt de la question est-ce qu'il y a eu de la consultation, même au niveau des réunions de l'UPA on serait portés à dire que c'est plutôt des réunions d'information que des réunions de consultation. La consultation, d'après nous, c'est fait à la tête, mais après ça on informe. Définitivement que... On le dit d'ailleurs à la fin que, avant d'aller plus loin avec ce projet-là, il faut définitivement qu'on se rassoie puis qu'on regarde exactement les impacts. Il y en a des positifs, mais il faut regarder les négatifs aussi.

La Présidente (Mme Vermette): ...terminé? Oui? Alors, sur ces échanges, nous allons mettre un terme et on vous remercie beaucoup de vous être bien prêtés à ce dialogue. Merci.

Alors, je demande à l'Union des producteurs agricoles, plus communément connue sous le nom de l'UPA, de bien vouloir prendre siège s'il vous plaît.

n(11 h 20)n

Alors, on va attendre quelques minutes. Ça ne sera pas très long, en fait...

(Changement d'organisme)

La Présidente (Mme Vermette): Alors, nous allons reprendre nos travaux. Alors, bienvenue, M. Pellerin, à cette commission. Vous êtes un habitué, en fait, de la commission. Alors, si vous voulez bien présenter les gens qui vous accompagnent, s'il vous plaît.

Union des producteurs agricoles (UPA)

M. Pellerin (Laurent): Bonjour, madame. Je constate que le siège de président de cette assemblée a changé. Je vous félicite pour vos nouvelles responsabilités.

La Présidente (Mme Vermette): C'est un signe des temps. Ça doit être comme en agriculture, il y a de plus en plus de femmes.

M. Pellerin (Laurent): C'est bon. Et j'oserais dire qu'on n'est pas choqués que ce soit notre députée de Longueuil qui soit maintenant présidente de la commission.

M. Trudel: ...pas pensé à celle-là.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Trudel: C'est bon.

M. Pellerin (Laurent): À ma droite, Jean Larose, qui est directeur général de l'Union des producteurs agricoles; à sa droite, c'est Yvon Proulx, longtemps professeur à l'Université Laval en économie et responsable chez nous des politiques et orientations, économiste senior avec toute l'expérience, producteur agricole, producteur laitier dans la région de Baieville, la région de Nicolet aussi; et, à ma gauche, Gilbert Lavoie, qui est économiste, qui a suivi le dossier des outils financiers depuis le sommet sur l'agriculture de Saint-Hyacinthe et, particulièrement dans la dernière ronde de pourparlers depuis janvier dernier, je dirais presque sur une base à temps plein. On vous expliquera un petit peu plus loin comment il a été utilisé aussi. Vous allez voir dans le document les nombreuses participations aux activités, et Gilbert est un de ceux qui ont été impliqués de façon la plus importante dans ce dossier-là.

Alors, je ne ferai pas une lecture mot à mot du document qu'on vous a soumis, je vais plutôt en faire un survol et aller le plus rapidement possible à la période des questions.

Donc, l'UPA n'a pas besoin d'une longue présentation devant cette commission, elle est connue. Elle est toujours aussi présente sur le territoire, elle représente les intérêts de l'ensemble des producteurs agricoles du Québec, de toutes tailles et de toutes provenances.

J'ai constaté, à la lecture et au rapport qu'on m'a fait des parutions qu'il y a eu devant la commission dans les deux derniers jours, que la mémoire est une faculté qui oublie. Alors, je voudrais, devant la commission, rappeler d'où vient cette préoccupation et ces discussions-là sur La Financière agricole du Québec.

D'abord, tous les participants qui ont été entendus depuis hier ? je dirais la plupart des participants ? à l'exception du Groupe Promutuel... Mais, pour les caisses ? pas les quasi-caisses, pour les caisses ? et pour les banques ? pas pour les quasi-banques non plus ? ils étaient au sommet de l'agriculture de Saint-Hyacinthe, les meuniers aussi, la Coopérative fédérée aussi, et nous avons convenu à ce sommet de l'agriculture de Saint-Hyacinthe d'un consensus sur des risques d'entreprises à gérer et de la composition d'un comité. Donc, pour ceux qui pensent que ça vient d'apparaître puis qui n'ont pas eu le temps de regarder, le sommet de l'agriculture de Saint-Hyacinthe, ça date quand même de trois ans.

Plus récemment, le Forum des décideurs, à Québec, au printemps 1999, a fait l'objet d'un dépôt de réflexions sur le comité n° 2, le thème n° 2, les risques d'entreprises à gérer, et l'essentiel de ce qui se retrouve dans le projet de loi n° 144 était déjà dans le rapport déposé à ce sommet ou cette journée des décideurs. Et, suite à cette journée des décideurs, il a été convenu, sous la présidence du premier ministre du Québec, que le comité des risques d'entreprises à gérer devait continuer de siéger et arriver avec un projet précis à présenter devant l'Assemblée nationale dans un délai assez rapproché. Le premier ministre s'était d'ailleurs, à l'époque ? souvenez-vous en ? engagé à déposer l'ordre de grandeur d'une enveloppe pour le mois de juin 1999. On connaît les événements de l'été 1999, négociations avec la fonction publique, ça a été reporté un peu. Et, finalement, à l'automne 1999, l'ordre de grandeur de l'enveloppe a été déposé. Le comité a réaccéléré ses travaux pour arriver à une proposition aux alentours du mois de mai.

Ce consensus de la journée des décideurs, on l'a à la page 3, il parlait de la mise en place d'un régime de sécurité du revenu basé sur l'approche globale, compatible avec les règles du commerce international et équitable pour toutes les entreprises. Il parlait de la création d'une structure ou d'une organisation qui intégrerait la gestion de tous les outils financiers en vue d'en optimiser l'utilisation pour les entreprises. Et ces travaux devaient être terminés à l'automne 1998. Avec ce que vous parlez, on est arrivés plutôt au printemps 2000.

Pour les institutions financières qui étaient présentes autant au Sommet de l'agriculture qu'à la journée des décideurs, nous avons encore copie d'un papier qui a circulé autour de ces tables-là qui offrait une alternative au financement agricole actuel. Alors, je ne suis pas surpris de voir la réaction du milieu bancaire, elle est tout à fait semblable à la réaction que le milieu des institutions financières avait eue au démarrage du Fonds de solidarité de la FTQ: Pourquoi quelqu'un viendrait jouer dans nos platebandes? Alors, tous les intéressés ? et je le répète ? du monde agricole et agroalimentaire étaient présents à ces instances-là et ils ont eu l'occasion de participer au débat et de faire partie du consensus final de cette réunion.

Les producteurs agricoles se sont mis à la table pour discuter d'une réforme des programmes de sécurité du revenu à une condition essentielle, la garantie par le gouvernement du Québec d'un engagement à long terme sur une enveloppe financière budgétaire. Ça, c'était extrêmement important. Le projet de loi qui a découlé de nos discussions prévoit donc l'offre d'une enveloppe garantie pour les sept prochaines années de laquelle, dans l'avenir, nous ne déduirons plus les contributions qui viennent du gouvernement fédéral. Là aussi, mémoire faisant défaut et mauvaise lecture du projet de loi et du projet de convention accompagnant le projet de loi ont fait... certains intervenants ont fait oubli de cette caractéristique importante. À l'avenir, pas de déduction des interventions fédérales de l'enveloppe garantie par le gouvernement du Québec. C'est de l'argent neuf, c'est de l'argent supplémentaire par rapport à la situation actuelle.

Il ne faut pas oublier non plus l'immense et importante contribution de tous les producteurs agricoles à cette société de l'ordre de 200 millions de dollars par année; 300 millions de l'enveloppe garantie par le gouvernement du Québec, en moyenne 100 millions par année venant des argents fédéraux et 200 millions venant de la poche des producteurs et productrices agricoles du Québec, donc une enveloppe de 600 millions de dollars à gérer.

J'ai aussi entendu des commentaires ? et certains autres m'ont été rapportés ? sur l'expertise, le risque que le gouvernement court de confier ces enveloppes-là, ces grosses sommes d'argent là... probablement avec un petit ton de paternalisme dépassé, que c'était dangereux de mettre ça dans les mains de producteurs agricoles si peu expérimentés. Je vous rappellerai que ce n'est pas lorsque les institutions financières ont commencé à engager des agronomes spécialistes de l'économie que le Québec s'est doté d'une capacité d'analyse de prêts agricoles. La Société de financement agricole a une expertise d'au-delà de 60 ans, la Régie des assurances agricoles, d'au-delà d'une trentaine d'années. Alors, cette expertise de 600 hommes et femmes qui ont fait leur vie à conseiller les producteurs et les productrices agricoles... En plus et malheureusement, on parle trop souvent du 600 millions de dollars ou du 300 millions de contribution de l'État, mais il y a 600 hommes et femmes ? au-delà, un petit peu plus de 600 hommes et femmes ? qui seront, eux aussi, promus dans cette nouvelle société à un défi et à une tâche de supporter... de mieux supporter encore les producteurs et les productrices agricoles. L'expertise est donc là à tout point de vue, autant au niveau des programmes d'assurance que des programmes de prêts.

Caractéristique extrêmement importante, les producteurs et les productrices agricoles, depuis le congrès de 1983 ? donc huit ans après la mise en place de la loi actuelle sur l'assurance stabilisation ? revendiquaient du gouvernement du Québec la cogestion de ces fonds d'assurance parce qu'étant des payeurs de primes à un niveau très élevé, 50 % des primes en assurance récolte et 33 % des primes en assurance stabilisation. Alors, ce n'est pas d'hier non plus que cette partie-là est revendiquée.

n(11 h 30)n

Et, pour ajouter à la capacité, dans un régime qui doit être un peu moins paternaliste, aujourd'hui, qu'il l'a été il y a 25 ans ? on l'espère ? autant de la part du gouvernement que des institutions financières, à la page 7 du document, on vous signale que, déjà, le gouvernement fédéral du Canada a confié à l'Union des producteurs agricoles ? cet organisme accrédité pour représenter tous les producteurs agricoles du Québec ? à travers le CDAQ ? le Conseil pour le développement de l'agriculture du Québec ? depuis les dernières années, 55 millions de dollars que nous avons gérés, sans cette menace épouvantable du conflit d'intérêts avec une distribution et un fonctionnement tout à fait intéressants.

Je vous citerai même les propos du Vérificateur général du Canada qui n'a pas l'habitude d'être tendre avec les points de l'administration publique, et il a dit, dans sa dernière analyse: «Les résultats obtenus à la suite de l'évaluation des capacités démontrent qu'il y a beaucoup de compétences et d'enthousiasme au sein des conseils. Le succès du programme peut, en partie, être attribué à ces facteurs.» Et c'était un commentaire particulièrement adressé au Conseil de développement de l'agriculture du Québec.

Dans les 10 dernières années, la réflexion à l'UPA s'est intensifiée sur la place que les producteurs devaient jouer dans l'administration ou la coadministration de ces programmes de sécurité du revenu, d'assurance récolte et de financement agricole. Je vous rappelle, à partir de la page 9, l'importance du secteur agroalimentaire dans l'industrie ou dans l'activité économique du Québec qui est aussi une contribution significative au regard du développement régional, certains villages ne vivant que de l'activité agricole.

Les investissements annuels dans l'agriculture, qui sont faits actuellement, qui dépassent le milliard de dollars. Je ferais juste une petite relation avec ce que le Fonds de solidarité des travailleurs du Québec fait chaque année comme investissement, 200, 300 millions, tout le monde en parle; tout le monde est mis à contribution. Une foule de partenaires financiers et autres sont sollicités pour supporter les projets, les annonces du Fonds des travailleurs de la FTQ. Mais, pourtant, on ne parle que de 200 à 300 millions de dollars d'investissement par année. Ici, on a une Société de financement agricole qui investit bon an, mal an 700 à 800 millions de dollars par année. Personne en parle, trop peu de personnes en parle.

On pense que l'occasion de la création de cet outil financier, de ce puissant levier économique pour l'agriculture du Québec, pourrait être l'occasion de mettre dans le discours, dans les préoccupations des gens de la finance, le secteur agricole à un niveau beaucoup plus élevé qu'il l'est à l'heure actuelle.

On s'en voudrait de ne pas signaler que l'intervention du gouvernement du Québec, dans l'annonce d'une enveloppe garantie pour les sept prochaines années, est loin de dispenser le gouvernement du Québec de ses obligations envers l'agriculture du Québec. Mais, ça, dans un contexte ? à partir de la page 12 ? où les autres pays qui nous entourent, les pays avec lesquels on a à compétitionner, peu importe la forme de comparaison ou le tableau ou la source qu'on prendra, démontrent toujours, et à la page 14, on en a une illustration, en haut de page, du soutien aux producteurs par équivalent agriculteurs à temps plein en milliers de dollars US, et vous voyez que, depuis le début des années quatre-vingt-dix, au Canada, ça c'est toujours maintenu à un niveau inférieur à ce qui se passe en Europe et aux États-Unis, et pas par un petit peu là, le double ? le double. Ce n'est pas parce que le gouvernement du Québec annonce une enveloppe garantie pour les sept prochaines années que ça le dispense de toutes ses obligations. On est capable de reconnaître aussi que l'intervention moyenne canadienne est en deçà de celle qui est procurée par le gouvernement du Québec.

À la page suivante, d'une autre forme de comparaison qui est toujours d'une source ? pas de l'UPA, mais de l'OCDE, preuve que nous ne contrôlons pas tout, pour ceux que ça pourrait intéresser ? il y a toujours moyen d'avoir des indicateurs extérieurs de notre performance, en dollars canadiens, en plus de procurer ? et j'aime le dire ? le panier d'épicerie le moins cher au monde à nos consommateurs, on le procure avec le niveau de soutien gouvernemental le plus bas. Ce qui est un méchant tour de force, 163 $ par citoyen au Canada, dans la dernière année par rapport à 336 $ en Europe.

La Présidente (Mme Vermette): M. Pellerin, je devrais vous indiquer qu'il ne vous reste que quelques secondes. Alors, si vous voulez conclure, s'il vous plaît. Ha, ha, ha!

M. Pellerin (Laurent): Sur la consultation, les commentaires émis par les producteurs, j'y reviendrai. J'attire votre attention sur la page 18, 73 réunions de consultation tenues dans le dernier mois et demi, 5 500 producteurs rencontrés en date d'hier soir, avec une présence de gros et de petits producteurs ? je ne parle pas de leur poids ? dans chacune des salles où on a tenu ces assemblées-là, et ce n'était pas une tournée que d'information, mais de consultation aussi. Et cette consultation se terminera au congrès prochain avec une décision du congrès sur ce sujet.

De façon générale, les producteurs adhèrent aux grands principes qui sont dans La Financière agricole, c'est-à-dire s'impliquer dans la gestion, disposer d'un levier économique puissant, de pouvoir compter sur une enveloppe garantie pour les sept prochaines années.

Ils ont un commentaire unanime sur le CSRA, c'est-à-dire l'intervention de premier niveau, d'un tiers-deux tiers plutôt que de 50-50. Et pourquoi? On vous l'expliquera s'il y a des questions là-dessus. Et, particulièrement, les producteurs souhaitent que les programmes continuent d'être d'application simple, qu'il y ait des plafonds qui soient mis en place en regard des contributions de La Financière, en fonction de la taille des entreprises, que les déclencheurs soient efficaces, qu'il y ait des dispositions particulières pour la relève ? je sais que vous avez rencontré ce groupe-là, hier ? et que certaines différenciations régionales puissent être apportées. Enfin, que le CSRA soit équivalent au CSRN pour les producteurs qui sont déjà couverts par le CSRN.

Première demande de modification, donc, 3 % de contribution des producteurs au lieu de 6 % au premier niveau, et j'accélère.

Nos demandes de modifications sont de deux types ? je reviendrai sur le tableau, probablement dans une question sur le CSRA, je m'attends a une question là-dessus ? les demandes particulières...

La Présidente (Mme Vermette): Suggérez au ministre, parce que votre temps commence à déborder, mais on va vous laisser aller encore quelques secondes.

M. Pellerin (Laurent): ...deux types, des demandes qui pourraient être à l'endroit du conseil d'administration de La Financière qui sera en mesure de gérer ces demandes-là et d'autres, qui sont au gouvernement: avant l'adoption du projet de loi, entre autres, de modifier le un tiers-deux tiers, comme je l'ai dit; de s'assurer que le lancement de cette société-là puisse couvrir, en plus de l'enveloppe de 300 millions, l'indexation du salaire des 600 employés qui sont dans cette société-là, mesure qui n'est pas prévue pour le moment, puisque la société financière n'a pas une main directe sur les conventions collectives, mais qu'ils continuent à être des employés de la fonction publique, donc obligation de couvrir ces indexations-là; de couvrir aussi les frais de lancement des nouveaux programmes, donc les frais de démarrage de la société; et la question fiscale, ça a été réglé dans la dernière version qu'on a vue.

La décision ultime de notre consultation se tiendra au cours du congrès ? la deuxième journée du congrès général de l'UPA ? où les 400 et quelque délégués auront à se prononcer sur une proposition formelle sur ce sujet.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, je suis convaincue, avec tout ce que vous nous avez dit, que le ministre a beaucoup de questions à vous poser et qu'il va vous donner largement le temps de vous exprimer sur tout ce que vous auriez aimé nous dire en quelques minutes.

M. Trudel: Qu'est-ce que vous auriez aimé nous dire à propos du passage au CSRA?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Pellerin (Laurent): Je pense que, dans les arguments qui ont été utilisés par la partie gouvernementale au cours de la négociation puis depuis le dépôt du projet de loi, c'est d'essayer de nous démontrer qu'il y avait une nouveauté avec la déduction fiscale pour la contribution du producteur au premier niveau.

n(11 h 40)n

Je rappelle aux membres de la commission que ce n'est pas une nouveauté. Les primes d'assurance stabilisation ont toujours été une dépense dans l'année en cours, donc déductible d'impôt; ce n'est pas une nouveauté. Donc, il ne faut pas faire un calcul... étirer les méthodes de calcul pour essayer de démontrer que le un tiers-deux tiers équivaut au 50-50 si on tient compte de la déduction d'impôt. Elle était déjà là. Et je pourrais reprendre les calculs du ministre avec ses déductions de 25 % de bracket de paiement d'impôt avec la même facilité pour démontrer qu'il y a un manque à gagner, pour les producteurs, important. Et ça, je le dis pour les producteurs qui auraient de l'impôt à payer. Parce que, dans les tables, qu'on a fait sortir, de statistiques sur les impôts payés par les producteurs agricoles, le revenu net moyen étant autour de 20 000 $ ? dans certaines productions, inexistant ? vous vous rendrez compte que la préoccupation de déduction d'impôts, pour un très grand nombre de producteurs, ne les empêche pas de dormir.

Le revenu net agricole est, encore malheureusement, très bas, de l'ordre de 20 000 $ par année. Vous comprendrez qu'à ces niveaux-là les brackets d'impôts s'appliquent de façon très mince, sans compter les productions vache, veau, agneau et mouton qui pourraient être pénalisées grandement par le premier niveau à 50-50 au lieu d'un tiers-deux tiers. Ce serait une pénalité extrêmement grande.

Et, autant on a convenu de la nécessité, pour les 600 employés qui pouvaient être transférés dans cette société-là, de leur assurer les mêmes bénéfices et avantages qu'ils ont actuellement, autant il est nécessaire, pour les producteurs agricoles, de leur assurer que le passage à cette nouvelle société-là n'est pas une occasion de réduire, d'amputer la couverture à laquelle ils avaient droit avant.

Donc, nous, ce sur quoi on s'est engagé de travailler et de livrer, c'est une couverture équivalente, et je vous dirais: S'il y a un noeud sur lequel il y a accrochage, c'est celui-là. Si ce noeud-là était dénoué, je peux vous dire que c'est un appui très partagé, de l'ensemble des producteurs agricoles, à ce projet de loi.

M. Trudel: Je n'aurais pas dû vous la poser, la question.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Pellerin (Laurent): On m'avait informé de votre calcul...

M. Trudel: Non, non, non.

M. Pellerin (Laurent): ...de brackets d'impôts.

M. Trudel: C'est clair, c'est en public, cette affaire-là, ici. Écoutez, votre témoignage est extrêmement important, parce que, aujourd'hui, avec le projet de loi qui est sur la table, il faut que je vous appelle partenaires ? il faut que je vous appelle partenaires.

J'ai dit aux jeunes de la relève agricole: On casse le vieux modèle et on travaille avec des partenaires qui... tantôt, vous l'avez chiffré de partenariat. C'est 204 millions, au minimum, que vont mettre les producteurs et les productrices agricoles.

Il y a une question simple qui me trotte dans la tête, là, depuis le début des consultations, parce qu'on a l'impression que ? bien, je vais le dire comme je le pense avec les mots bien simples, pas avec un doctorat d'université, là ? aujourd'hui, on entend les petits puis qu'on a entendu tous les gros.

Le gouvernement du Québec a-t-il eu tort de vous faire confiance jusqu'au point de vous laisser élaborer les programmes de sécurité du revenu et de financement?

M. Pellerin (Laurent): Mais, au contraire d'être en conflit d'intérêt ou de faire miroiter à ceux qui voudraient l'entendre un possible conflit d'intérêts, je vous dirais que, si les producteurs agricoles avaient été mêlés de plus près aux enquêtes de coût de production à l'administration et détermination des caractéristiques de chacun des programmes agricoles, on n'aurait probablement jamais eu l'occasion de se rendre à des événements comme ceux de l'autoroute 20 et d'autres. Je pense qu'il y a un moyen simple d'arriver à une administration correcte de ces programmes-là, et c'est en étant coadministrateurs de ces programmes-là.

Je voudrais, en même temps, détruire certaines craintes qui ont été soulevées hier, qui ont été répétées ce matin, probablement par méconnaissance. La situation qui est proposée dans La Financière est une réplique de ce qui se passe actuellement dans les programmes, particulièrement, de stabilisation. Je vais nommer ceux-là, parce que certains commentaires ont été dirigés vers ces programmes-là. Actuellement, les producteurs agricoles paient des primes d'assurance à la Régie des assurances agricoles, et la Régie gère ces argents-là.

Dans la proposition de La Financière, les producteurs continuent à payer des primes à des programmes d'assurance sécurité du revenu que la Régie ou que La Financière continuera de gérer. Or, pour ceux qui avaient des appétits et je pense qu'on parle plutôt d'appétit et on sait que, dans certains cas, ils sont voraces avec les milliards de profits ? dans certains endroits, c'est vorace ? de mettre la main sur des dépôts des producteurs au lieu qu'ils soient administrés dans un organisme à contrôle ou à administration partagé avec le gouvernement, je pense que, là, c'est un peu faire preuve de boulimie; c'est de vouloir en manger trop.

Les comptes CSRA des producteurs, ils étaient à la Régie de l'assurance agricole avant, dans l'ancien système; ils vont y rester. Bien sûr qu'il y avait le CSRN qui était, pour une partie ? la partie des producteurs ? dans les institutions financières, l'autre partie était à Winnipeg dans un compte géré par le gouvernement fédéral.

Alors, nous changeons ce bout-là, toutes proportions gardées, c'est une très petite partie des sommes d'argent qui sont en jeu, et nous suggérons qu'il est de mise de garder ces investissements-là ou ces argents-là à La Financière agricole parce qu'ils serviront de mise de fonds, ces surplus-là, pour compenser ou pour faire les paiements dans des productions où il y a des paiements à faire, comme la Régie le fait aujourd'hui.

Je veux dire, c'est des vases communicants, ça. Quand il y a des fonds qui sont en surplus ? céréales ? et qu'il y a besoin d'un paiement dans le porc, on prend l'argent des céréales, on paie les producteurs de porc. Quand les porcs, c'est en surplus, on prend l'argent qui est en surplus, on se l'emprunte et on le prête à un autre régime, avec les taux d'intérêt et tout ce qu'il faut. Alors, ça va juste continuer à s'administrer comme ça.

Alors, je ne peux accepter, au nom des producteurs agricoles du Québec, cette boulimie, de vouloir mettre la main sur un système qui a fait ses preuves.

M. Trudel: Bon. Bien, moi, ils ne m'ont pas cru. J'espère qu'ils vont vous croire, vous, parce que c'est clair.

M. Pellerin (Laurent): C'est très clair.

M. Trudel: Cette entreprise-là, le projet de la nouvelle entreprise, oui, c'est un plan d'affaire qui est sur la table et qui est soumis, puis il a été élaboré. C'est très clair, ça a été élaboré, il n'y a pas de sous-entendu là-dessus; ça a été pris, comme décision, par tout le monde, autour de la table, en 1998, réexposé publiquement en 1999, puis il a été bâti avec les participants.

Entre la demande, en 1983, des producteurs et des productrices agricoles, ça aura donc pris 17 ans pour donner la réponse que vous attendiez. Parce que vous avez indiqué que vous vouliez une enveloppe garantie à long terme; c'est devenu sept ans. Vous demandiez que tout argent qu'on pouvait retirer de l'autre sacoche à Ottawa soit versé dans la sacoche des producteurs et des productrices et pas dans celle du gouvernement du Québec, puis vous demandiez aussi que les contributions des productrices et des producteurs agricoles, eh bien, que ceux-ci aient droit de parole pour la gestion. Ça a pris 17 ans à avoir cette réponse-là; pendant ces 17 ans-là, on a été assis sur le siège pendant sept ans, puis ils l'ont été pendant 10 ans, ça arrive en l'an 2000, ce projet-là.

Il y a des gens qui nous ont dit, autour de la table, M. le président, que, de limiter les contributions dans le compte d'épargne-stabilisation, ce n'était pas correct, ça. J'imagine qu'ils doivent avoir beaucoup d'argent à mettre dedans, là, parce qu'ils veulent en avoir plus. Des gens qui nous ont dit: Pourquoi vous voulez plafonner les argents à mettre à l'épargne en cas de crise difficile? De votre point de vue, pourquoi c'est nécessaire de faire ça?

M. Pellerin (Laurent): Probablement plusieurs raisons. Chez certains types d'entreprises, dans les régimes actuels de stabilisation du revenu ou de sécurité du revenu, je prends en particulier ceux qui ont accès au CSRN fédéral, dans lequel régime, c'est une contribution annuelle statutaire liée à aucun risque ? statutaire. Sur les ventes nettes admissibles, le gouvernement verse 6 % des ventes nettes admissibles dans un compte.

Les produits en question peuvent être très bien vendus sur le marché ou mal vendus; ça n'a aucun rapport. On verse systématiquement, à chaque année, dans les comptes de ces entreprises-là, 6 % de leurs ventes nettes admissibles. C'est un peu gros, compte tenu que ce n'est pas lié avec un risque.

n(11 h 50)n

Il pourrait très bien arriver dans certains cas, dans le cas de certaines entreprises, que ces argents-là soient versés en plus d'un revenu qui couvre complètement les coûts de production. Il nous apparaît qu'il faudrait, à tout le moins, regarder ça d'un petit peu plus près et essayer de graduer l'intervention et de la lier plus à une question de risques.

Les entreprises qui ne peuvent pas démontrer des risques supérieurs à 9 % si on suit notre logique ? 6 % de La Financière, 3 % du producteur au premier niveau ? ne devraient pas avoir accès au deuxième niveau d'intervention. Si le marché, bon an mal an, comporte un risque inférieur à 9 %, il faut déjà concevoir que des entreprises reçoivent plus que le risque qu'elles ont à couvrir.

Est-ce qu'on va être capable de défendre, dans l'opinion publique, très, très longtemps que l'État investisse de l'argent dans des comptes d'entreprises sans que ce soit lié aux risques? Il m'apparaît que la réponse, c'est non. Donc, il va falloir faire cet exercice-là.

Pour ce qui est de l'intervention de deuxième niveau, elle est basée sur un coût de production et elle est basée sur un risque, et notre affirmation là-dessus ou notre demande là-dessus, c'est que les coûts de production soient couverts sur la base des risques. Alors, c'est la façon de mesurer les risques.

Certaines productions n'ont pas établi encore de formule de coûts de production. Nous serons ouverts, nous sommes ouverts à considérer d'autres façons d'évaluer le risque que celui des coûts de production. Ça ne nous apparaît pas évident, à première vue. Mais, si on trouvait des formules qui nous permettent d'évaluer le risque pour des entreprises ou des secteurs de production sur lesquels on n'a pas de coût de production, il faudrait l'envisager.

Et, à la condition d'accès au deuxième niveau qui dit qu'il faut qu'il y ait mise en marché collective ou mise en marché ordonnée bien organisée, il y a toujours une pression, de la part de l'UPA et des fédérations affiliées, pour que la mise en marché s'organise dans toutes les productions agricoles du Québec.

Mais, avec La Financière, telle qu'elle est proposée, l'accès au deuxième niveau de sécurité du revenu étant conditionné au fait qu'il y a mise en marché ordonnée, pourrait être une belle occasion de mettre encore plus de pression sur le marché.

Compte tenu que l'enveloppe d'argent est garantie pour sept ans, toutes les économies d'intervention qu'on pourrait faire en réduisant le risque, donc en allant chercher plus d'argent sur le marché, dégageront, à l'intérieur de cette enveloppe garantie pour sept ans, des sommes d'argent à partir desquelles le conseil d'administration pourra développer d'autres formes d'intervention plus productives si c'est possible. Ça prend une motivation extrêmement puissante aussi.

M. Trudel: Qu'est-ce que ça veut dire, «mise en marché ordonnée»? Je la pose carré comme ça. Moi, je le sais, mais je pense qu'il y a bien du monde qui ne le sait pas.

M. Pellerin (Laurent): Mise en marché ordonnée. Sans avoir fini de discuter les conditions qui pourraient accompagner cette première affirmation-là, on a convoqué nos fédérations spécialisées à une réflexion sur quelles pourraient être les caractéristiques d'application neutre, non personnalisée, qui nous permettraient de dire que, dans telle production, c'est une mise en marché ordonnée et dans telle autre, ça ne l'est pas parce qu'ils ne remplissent pas ces deux, trois, quatre caractéristiques de base là.

Et la réflexion, à date, nous permet d'identifier quelques-uns de ces critères-là. D'abord, est-ce que le secteur a une négociation de prix entre les producteurs et les transformateurs? Est-ce qu'il y a un canal, est-ce qu'il y a un point de rencontre, est-ce qu'il y a une convention avec les acheteurs? Est-ce qu'il y a un mécanisme d'administration conjointe? Est-ce que ce secteur-là est capable d'avoir une cohérence ou une cohésion assez élevée, par exemple, pour se doter de programmes d'action collective, par exemple, recherche, promotion, ou c'est un secteur complètement débridé où chacun des vendeurs fait ce qu'il veut puis chacun des acheteurs fait ce qu'il veut?

À l'extrême, un système non ordonné, ce serait le système où chacun des vendeurs, chacun des acheteurs fait au meilleur de ses connaissances. Un système à l'autre extrême où la mise en marché est bien ordonnée pourrait être l'exemple du secteur laitier.

M. Trudel: Merci de votre présentation, quant à moi...

La Présidente (Mme Vermette): Alors, sur ce...

M. Trudel: ...et il restera juste un mot à ajouter, un seul: Est-ce que le projet de La Financière agricole du Québec est un projet contre les productrices et les producteurs agricoles du Québec, oui ou non?

La Présidente (Mme Vermette): Très brièvement. Ha, ha, ha!

M. Pellerin (Laurent): J'ai rencontré un très grand nombre de ces 5 500 producteurs là. Gilbert en a fait autant sinon plus que moi ? on était trois équipes de deux ? et je peux vous certifier que les producteurs agricoles voient ce projet-là comme étant un plus pour l'agriculture et les agriculteurs du Québec.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, sur ça, je vais terminer les entretiens avec le ministre. Je vais passer maintenant la parole à l'opposition. M. le député d'Argenteuil.

M. Whissell: Bonjour, messieurs. M. Pellerin, il me fait plaisir de vous entendre, surtout qu'on finit avec vous. Alors, je pense que c'est quand même important.

Il y a la question des consultations qui ont été abordées au cours des deux dernières journées. Vous nous avez soumis un tableau. Bon, vous dites que vous avez consulté 4 800 personnes. Quand on écoute vos fédérations ? on a rencontré, hier, votre fédération du lait ? ces gens-là, ils ne savent pas vraiment dans quoi ils s'embarquent.

Vous dites que la rencontre des décideurs introduisait cette réforme, introduisait La Financière. Mais, quand je regarde les deux points que vous soulevez à la page 3, ça dit «la mise en place d'un régime de sécurité du revenu agricole sur la base du revenu global» et ça dit «une structure ou une organisation intégrant la gestion de tous les outils financiers».

Pour ce qui est de la question du Fonds, bien, ça soulève beaucoup de tollés actuellement, autant au niveau de vos producteurs qu'au niveau des gens qui financent puis qui supportent l'industrie agricole au Québec.

Il y a un article, ici, qui est sorti dans La Terre de chez nous, fin octobre: Comment éviter les conflits d'intérêts? C'est trois fédérations qui parlent. Ça dit clairement: «Le contrôle du financement agricole risque de provoquer des divergences, puisque l'UPA sera à la fois le groupe de lobby et administratif de programmes.» Plus loin, on dit: «Ces risques ont été jugés suffisants pour demander de reporter d'un an l'adoption d'une réforme de programmes de soutien du revenu.»

Alors, c'est les fédérations qui parlent. Et le groupe avant vous nous disaient qu'ils étaient également des producteurs, en plus d'être des industriels. Ces gens-là, ils ne savent pas vraiment; il y a beaucoup d'incertitude. Il n'y a pas de doute que le bien-fondé du projet de loi est louable, mais il y a beaucoup, beaucoup d'interrogations.

Et les articles de loi qu'on retrouve dans le projet de loi sont très, très flous, sont sujets à interprétation. Le ministre les interprète d'une façon; les gens qui sont à la barre l'interprètent d'une autre façon. Puis, suite à ça, il y a toute la question de l'entente, le projet de protocole d'entente.

Vous, vous assumez que ça va vous coûter 3 %; le ministre qui est en face de nous, lui, c'est 6 % puis lui, il va mettre rien que 300 millions; le Conseil du trésor lui a fermé la porte. là. Il est allé voir le président du Conseil du trésor puis ils ont dit: C'est 300 millions pour les sept prochaines années. Et, quand on fait l'analyse au niveau financier, on peut se poser la question: est-ce que le milieu agricole au Québec va y perdre au change? Parce que le 300 millions, il nous a expliqué qu'il faisait la moyenne des 10 dernières années; il extrapole ça. Mais qu'arrive donc une crise du porc dans deux ans puis que, elle, elle coûte 250 millions dans deux ans. Comment La Financière va réagir, compte tenu qu'il va y avoir un protocole d'entente qui aura été signé puis qui dira: 300 millions, pas un sou de plus?

Je pense qu'il y a lieu de se poser beaucoup de questions. Je pense qu'il faut prendre le temps... Nous, ce qu'on demande... on a exigé qu'il y ait des consultations. Vous savez, si on n'avait pas fait nos interventions, vous ne seriez même pas ici, ce matin, parce que le ministre, lui, se proposait de passer ça en toute vapeur. Mais c'est une réforme majeure au niveau de l'agriculture au Québec, et je pense que ça mérite des consultations élargies, puis ça, on n'en démordra jamais; on ne consulte jamais assez. Puis, le danger, pour tout politicien puis pour tout ministre, c'est que, à un moment donné, il pense qu'il a la vérité absolue. Quand on écoute les groupes puis quand on pose des questions à vos agriculteurs, à la base ? pas nécessairement à vos présidents de fédérations mais aux gens qui sont dans les étables, qui font des productions ? ils ne savent pas. Puis il y en a plusieurs dans ça qui disent: Bien, le fonds, ils devraient peut-être avoir le choix de décider où je vais le mettre. Ça peut être à La Financière, ça peut être dans la caisse populaire, parce que vous avez des agriculteurs qui veulent protéger les caisses populaires puis vous avez des agriculteurs qui veulent protéger d'autres intérêts.

Alors, c'est quand même un débat important, là, puis je ne pense pas que c'est en deux jours d'audience qu'on va tout régler ça puis que le ministre annonce qu'il va faire un amendement à l'article 22. Je pense que le débat est beaucoup plus profond qu'à ce niveau-là.

Puis il y a toute la question du financement. Le 100 millions du fédéral, il est garanti seulement pour trois ans. Après, qu'est-ce que vous aurez? Puis vous démontrez clairement que le Québec sous-finance son agriculture par rapport aux autres sociétés qui nous entourent.

On est la moitié des Américains, puis les Américains, eux autres, pendant les sept prochaines années, qu'est-ce c'est vous pensez qu'ils vont faire? Ils vont continuer à en mettre puis ils vont en rajouter. Nous, on va être gelé pour les sept prochaines années.

M. Pellerin (Laurent): Bien, j'aimerais ça commenter sur vos questions. D'abord, il y a des bonnes questions que vous soulevez. Une première sur une impression que vous avez de la part des producteurs laitiers.

n(12 heures)n

Je vais vous dire que j'ai rencontré plusieurs producteurs laitiers, des centaines de producteurs laitiers. Ils avaient une question par rapport à leurs céréales autoconsommées, et ça, ça a été répondu. Ils ont la même question que tous les producteurs sur le un tiers-deux tiers, et, celle-là, il faudra y répondre. Dans l'enveloppe du 300 millions, le fait d'avoir un premier niveau CSRA à un tiers plutôt qu'à 50 %, ça ne commande pas nécessairement de l'argent supplémentaire. Ce qu'on veut, c'est l'application de un tiers-deux tiers au premier niveau. On n'a pas demandé d'argent supplémentaire pour ça.

Deuxième chose, je constate que vous avez une revue de presse d'articles de commentaires de fédérations. Je vais vous faire parvenir la collection complète des articles de commentaires de fédérations régionales spécialisées suite à la tournée d'information, et vous allez constater que la très, très grande majorité a adopté le principe du projet de loi et a toute la même réticence au niveau du un tiers-deux tiers, c'est pour ça que je l'ai signifié aujourd'hui. Et, sur le restant, bien, il y a une question d'évolution.

Les 5 000 producteurs rencontrés nous permettent, à l'UPA, d'être assez confiants sur ce qu'il y a dans le projet de loi. Si toutefois il y a un changement... et un changement, ça provoque certaines hésitations, certaines peurs. Notre job, ce n'est pas de les augmenter, notre job, c'est de les rassurer, ces craintes-là.

Sur le 300 millions... J'y reviens encore une fois. Le gouvernement a fait ses estimations sur le 300 millions. Encore là, il ne faut pas nous prendre pour incapables d'estimer ces montants-là. On a fait nos devoirs, on a estimé ces montants-là. On a regardé ce qui s'est versé dans les dernières années, on a constaté que l'enveloppe destinée à ces programmes-là était toujours en réduction. Ça, ça a été notre constat. Il faut faire exception d'une contribution exceptionnelle, l'an passé, qui a redressé les deux, trois dernières années, mais la projection du 300 millions pour les sept prochaines années inclut une augmentation des productions de 3 % par année, de toutes les productions, pour les sept prochaines années, donc une augmentation. Puis, si on fait le composé, l'intérêt composé ou l'augmentation composée, ça donne une augmentation d'au-delà de 21 % pour les sept prochaines années, et c'est à partir des fiches qui ont été déposées par chacune des productions lors du Forum des décideurs... leur intention ou les perspectives d'augmentation dans chacune des productions. Alors, ça a été tenu en compte dans l'enveloppe de 300 millions.

Et l'autre chose qui est fort importante, et je le répète encore: Plus de déductions dans l'avenir pour les interventions du gouvernement fédéral. Avant, quand il y avait intervention du gouvernement fédéral, ça réduisait automatiquement l'enveloppe que le ministère de l'Agriculture du Québec consacrait à ces programmes-là. À l'avenir, les contributions du gouvernement fédéral vont rester à La Financière, en plus de ce qui est garanti comme base par le gouvernement du Québec, de 300 millions. Ça, je pense que c'est un gain majeur pour l'agriculture, qui permettra de couvrir le développement, les volumes supplémentaires et l'ensemble des productions. Parce qu'une des choses sur lesquelles on avait mis une condition de base, c'est qu'il fallait ? et ça, il faudra y répondre aussi dans le projet de loi et dans la convention ? couvrir, pour l'an 2000, toutes les productions, toutes celles qui ne sont pas couvertes, particulièrement sirop d'érable, lapins, quelques autres petites productions qui, pour même l'année 2000, ne sont pas couvertes.

Donc, pour ce qui est de reporter d'un an l'adoption du projet de loi, ça voudrait dire qu'on pénalise directement les producteurs, les productrices qui sont dans des productions auxquelles on n'offre aucun support. Et ça, l'UPA, de façon générale, ne supportera pas de passer droit encore à une année de non-couverture pour ces producteurs et ces productrices-là.

La Présidente (Mme Vermette): M. le député de Beauharnois-Huntingdon. Ah, le député de...

M. Paradis: M. le président de l'UPA, moi, je vais prendre la balle au bond où vous l'avez laissée. On parle de couvrir davantage de productions, c'est-à-dire l'ensemble des productions. On parle d'un financement où l'ensemble des agriculteurs manifestent du mécontentement si ça passe de un tiers-deux tiers à 50-50. On parle de sommes d'argent additionnelles qui sont importantes.

Quand on regarde le rapport annuel de l'UPA de l'an passé, on se rend compte qu'au cours des cinq, six dernières années le soutien ? je veux prendre le titre exact ? soutien gouvernemental au secteur agroalimentaire au Québec, en millions, -20 %, on arrive avec une courbe de -20 %. Le ministre s'en va au Conseil du trésor, le Conseil du trésor dit au ministre: Tu peux rebrasser, là, ton assurance récolte, ton assurance stabilisation, ces choses-là, mais à coût nul, mets ce que tu veux dedans, mais, pour les sept prochaines années, l'enveloppe du gouvernement du Québec est gelée.

Ça m'apparaît, sur le plan financier au moins, risqué. Si vous gagnez dans vos réclamations et qu'on passe de 50-50 à un tiers-deux tiers, il y a des coûts additionnels. Il va falloir refaire les calculs, refaire les tableaux. Je ne sais pas combien ça coûte, là, mais vous êtes en mesure de l'évaluer.

Première interrogation: Est-ce que, au moment où... Je lisais La Terre de chez nous, la semaine passée, les Américains viennent de mettre 5,5 milliards US additionnels. Vous avez des courbes dans votre mémoire qui indiquent que la Communauté européenne est en hausse, que nos compétiteurs, partout, sont en hausse. Nous, on est en train de s'attacher, là. Puis est-ce qu'on s'attache au bon niveau? Question très sérieuse que les producteurs se posent, quel que soit le secteur de production dans lequel ils oeuvrent.

Deuxième élément. Vous avez pris la peine de joindre une annexe I sur la conformité au traité de libre-échange. Moi, je l'ai vue rapidement, en diagonale, pendant votre témoignage. J'aimerais que vous alliez au moins aussi loin que la Fédération du lait l'a fait dans sa demande de canal unique: obtenir un avis du commerce international. Le ministre nous a dit que lui ne disposait pas hier, à moins qu'il en soit arrivé aujourd'hui, d'avis de conformité. Moi, ça m'apparaît une mesure de sécurité dont les producteurs auront besoin, puis les députés également, avant de se prononcer d'une façon déterminante.

Troisième élément, tout le secteur agroalimentaire. Moi, je regarde La Financière agricole du Québec puis, un peu comme vous, je dis: Le Fonds de solidarité. Mais Louis Laberge, il n'a pas pris l'argent de la CSST puis des normes. Il est allé au gouvernement puis il a obtenu des réductions fiscales importantes, puis les travailleurs puis les investisseurs ont pu investir. Là, je regarde le firmament agricole québécois, sauf erreur, là, si j'ai échappé des lignes, SOQUIA continue d'exister. Donc, ce qu'on fait, c'est qu'on est en train de réaménager, avec plus de participation des producteurs, les programmes de sécurité du revenu, mais on n'est pas en train de faire ce que le titre de la loi dit: Une Financière agricole. Moi, j'ai peur qu'on retombe un petit peu dans le même scénario que le droit de produire, où le titre était emballant, où l'Assemblée nationale a voté unanimement, où l'UPA a fait ses démarches, mais au bout on s'est rendu compte que, dans le détail, c'est là que le diable se cachait. Là, le diable n'est pas juste aux vaches, il est aux cochons, il est aux moutons puis peut-être un peu partout dans le droit de produire. Sur ces trois éléments-là, j'aimerais vous entendre.

M. Pellerin (Laurent): D'abord, sur le commerce, je demanderai à Yvon Proulx d'intervenir. Je ferai un commentaire sur l'enveloppe elle-même. Premier niveau, CSRA; deuxième niveau, les coûts de production. Il y a comme un troisième niveau qui est automatique dans le programme ACRA fédéral, le programme catastrophe, fédéral. Si vraiment il y avait des catastrophes comme celles qui sont arrivées dans le porc ou qui arrivent cette année dans les céréales, la première porte à laquelle on va cogner, c'est le gouvernement fédéral, parce qu'il y a un programme catastrophe, là, qui alimentera La Financière. Deuxième porte qu'on a prévue: s'il arrive quelque chose d'exceptionnel, il y a une clause dans la convention qui dit que le ministre, sur des événements catastrophiques ou désastreux pour une région ou une production, peut retourner au Conseil des ministres pour, de façon exceptionnelle, demander une contribution ponctuelle pour couvrir cette crise-là.

L'autre point que vous donnez, vous dites: Dans deux, trois ans, on ne sait pas où est-ce que ça va aller, ce n'est pas assuré pour deux, trois ans. Mais, dans deux, trois ans, il y aura des élections et je comprends que, si vous êtes élus, vous serez prêts à mettre plus d'argent dans La Financière...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Pellerin (Laurent): ...puis, si c'est nous autres qui sommes encore cinq représentants puis le président du conseil d'administration, on acceptera ces augmentations de contribution là sans aucun problème. La comparaison...

M. Paradis: On peut dire qu'on a la signature du président de l'UPA, là.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Pellerin (Laurent): Je voterai pour un gouvernement national. La comparaison que vous faites avec le Fonds de solidarité, je l'aime bien. Parce qu'il ne faut pas se surprendre, là, il y a des milliards dans ce Fonds-là, mais il y a des milliards pas parce que du monde a déposé dans un fonds après une décision personnelle, c'est de l'argent public qui a été consenti par une déduction fiscale à un groupe de la société donné. Alors, on n'a pas plus que ça dans la société financière. Et, je vous dirais, si on se compare à d'autres secteurs de la société, on n'a pas plus que toutes les corporations, les sociétés qui achètent un billet de hockey du Canadien, déductible d'impôts, puis qui amènent leurs chums voir la partie de hockey. C'est une déduction fiscale qui a été décidée dans notre société... ou une partie de golf.

Alors, je pense que celle-là est plus constructive pour l'agriculture qu'une simple déduction fiscale de frais de représentation ou de billets de hockey que probablement certains intervenants qu'on a entendus dans les deux derniers jours utilisent aussi. Et je reviendrai à M. Proulx pour la question commerce.

n(12 h 10)n

M. Proulx (Yvon): Merci. Oui, c'est une question importante, effectivement, très importante parce que c'était un objectif de la réforme. Puis je suis à peu près certain que le gouvernement du Québec ne soutiendrait pas la réforme si, en la faisant, on ne se rapprochait pas de la conformité avec les règles du commerce international. Dans notre esprit, il n'y a aucun doute là-dessus.

M. Paradis: Je m'excuse de vous interrompre, là. Le ministre nous a dit hier qu'il n'avait pas sollicité d'avis, il n'y avait pas d'expertise, là. Donc, si vous vous fiez sur le ministre...

M. Proulx (Yvon): Je vais vous expliquer pourquoi. Moi, je pense, nous autres, on pense que ce n'est pas nécessaire de solliciter cet avis-là, ça serait peut-être même nuisible de le solliciter, puis je vais vous expliquer pourquoi. C'est parce que les Américains ont déjà examiné le type de programme qu'on met en place.

Mais je reviens sur ce qui a été dit hier. Hier, on a laissé un doute sur la conformité de la réforme avec ça, mais le doute qu'on a semé hier il n'est pas correct, il n'est vraiment pas correct. On a semblé dire, même si j'étais placé en arrière puis que je ne comprenais pas parfaitement tout ce qu'on disait, que le programme CSRN passe le test de conformité avec les règles du commerce international parce qu'il passe le test de la règle de minimis. Mais ce n'est pas vrai qu'il passe le test de la règle de minimis, puis ce n'est pas pour ça qu'il a été considéré comme conforme.

M. Paradis: C'est M. Lafleur, de la Fédérée, qui a dit ça.

M. Proulx (Yvon): Oui, oui, exactement. La règle de minimis, il faut bien la comprendre. Je m'excuse d'être un peu technique pour quelques minutes. Ce qu'elle dit, c'est que, s'il y a des programmes de soutien ou des soutiens de revenu qui sont offerts à des producteurs, qui sont inférieurs à 5 % de la valeur de la production, on n'a pas besoin de les inclure dans le calcul de la mesure globale de soutien, ils ne sont pas soumis à des engagements de réduction. Mais, pour qu'ils soient exempts de risque d'imposition de droits compensateurs par nos partenaires, ces soutiens-là doivent être inférieurs à 1 % de la valeur de la production. Par conséquent, le CSRN ne passe pas le test de minimis, pas plus que le CSRA va le passer.

Ce n'est pas pour ça que le CSRN est correct. Le CSRN, il est correct, c'est parce que les Américains l'ont filtré à la loupe il y a quelques années, puis ils l'ont considéré comme correct, puis ils ont dit qu'ils ne l'attaqueraient pas. Puis il y a deux raisons fondamentales pourquoi les Américains ont statué ça: la première raison, c'est que c'est un programme de type revenu global, c'est-à-dire le type de programme privilégié par les règles du commerce international; puis, la deuxième raison, c'est parce que c'est un programme qui est généralement disponible. Or, ce sont deux caractéristiques qui sont strictement et formellement maintenues dans le CSRA, et, par conséquent, il n'y a aucune espèce de doute que le CSRA va passer le test que les Américains ont fait passer au CSRN, il va passer le test, il va être considéré comme conforme.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, je devrais vous...

M. Paradis: Est-ce que les lignes de défense passent le test aussi?

M. Proulx (Yvon): Pas toutes les lignes de défense, absolument pas. Je viens...

La Présidente (Mme Vermette): M. le député... On a terminé dans le temps, on a une...

M. Whissell: ...vous pourriez peut-être laisser le député de...

La Présidente (Mme Vermette): Non, on a laissé le temps, on a tout compté ce qui était dépassé, passé, pour donner à tout le monde les mêmes choses.

M. Paradis: ...commencé en retard.

La Présidente (Mme Vermette): Sauf que, selon la motion qui a été faite, nous devons terminer nos travaux à 12 h 30. Donc, à moins d'un consentement des deux, nous allons pouvoir...

M. Paradis: ...on devait les commencer à 9 h 30, on a commencé en retard, je pense que le ministre consentirait à ce que le député de Beauharnois-Huntingdon pose une question à ce moment-ci.

La Présidente (Mme Vermette): En autant que vous m'assuriez qu'après 12 h 30 on peut continuer et qu'on me permet de faire les remarques finales.

M. Paradis: Le temps équivalent.

La Présidente (Mme Vermette): Oui. Moi, je n'ai pas de problème avec ça. S'il y a consentement, tout peut fonctionner.

M. Proulx (Yvon): Bon. Je peux continuer?

La Présidente (Mme Vermette): Allez-y.

M. Proulx (Yvon): Donc...

M. Chenail: Sur notre bord... Bien, dans le fond, c'est que le ministre tout à l'heure disait que c'était un partenariat avec l'UPA. Normalement, un partenariat, c'est des partenaires, puis tu décides ensemble.

M. Trudel: Exact.

M. Chenail: Bon. Ce dont je suis en train de me rendre compte, c'est que l'UPA ne décide pas pour le un tiers-deux tiers CSRN, ça, c'est une des questions, parce qu'il ne décide pas, puisque ce n'est pas entendu. Bon, ce n'est pas entendu, donc il ne décide pas.

Deuxièmement, moi, je suis député, mais je suis aussi jardinier maraîcher de profession. Ce qui m'inquiète au niveau du CSRN... parce que, nous autres...

Une voix: ...

M. Chenail: Bien, d'une certaine façon, oui puis non. Mais ce qui m'inquiète au niveau des jardiniers maraîchers, parce que c'est ma région au Québec où il y a plus de producteurs, c'est que le CSRN, pour nous autres, ça fait notre affaire, ça fait longtemps qu'on prend ça.

Quand j'entends parler l'UPA, qui dit: Bon, il faudrait contrôler la mise en marché, faire ci, faire ça. Ce n'est pas sûr que nous autres, les jardiniers maraîchers, on voudrait être contrôlés par l'UPA pour faire notre vente puis faire nos... parce que, nous autres, on est rendus qu'on vend à l'exportation, puis tout ça, puis je ne comprends pas comment est-ce qu'ils pourraient nous organiser pour faire en sorte de nous contrôler. Puis ça, à notre niveau, on a un peu peur de ça. Et puis on se pose aussi la question que, dans les assurances stabilisation ou assurances récolte, pour nous autres, ça ne fonctionne pas. Ça ne fonctionne tellement pas qu'on n'est même plus intéressés à ça.

Et puis, la dernière question que je me pose, à savoir si des gars comme nous autres on va avoir le droit à La Financière agricole... Parce que, dans le fond, là, on a été un petit peu à part. On a toujours été mis à part de toutes les façons et puis on se débrouille, on se débrouille bien et puis, là, on se pose la...

La Présidente (Mme Vermette): ...imposé?

M. Chenail: Non, non,

La Présidente (Mme Vermette): Non?

M. Chenail: Là, on se débrouille. Mais ce qui me fatigue de savoir, c'est: On va-tu être obligés de faire affaire avec La Financière agricole, nous autres? On va-tu être obligés de lâcher notre CSRN puis de s'en aller dans quelque chose puis d'être contrôlés dans ça par rapport à nos ventes, comme il se produit là? Parce qu'un producteur de lait puis un jardinier maraîcher, c'est bien différent puis un producteur de maïs qui fait des revenus de 500 $ l'arpent puis un producteur, un jardinier maraîcher qui en fait de 5 000 $ l'arpent, c'est différent aussi. Les revenus ne sont pas les mêmes. Comment est-ce que...

La Présidente (Mme Vermette): Est-ce que... votre réponse.

M. Pellerin (Laurent): Bien, je peux répondre à ça. D'abord, la semaine passée, ça m'a fait extrêmement plaisir d'être invité par l'Association des jardiniers maraîchers et la Fédération des producteurs maraîchers du Québec à aller faire une présentation sur La Financière et de répondre aux questions pendant presque tout l'après-midi, où on a fait le tour des préoccupations que vous mettez sur la table qui sont des points extrêmement intéressants.

D'abord, le CSRN est transféré... ou est changé de nom pour CSRA au premier niveau, avec exactement la même couverture que CSRN donne aux producteurs maraîchers aujourd'hui ou dans un compte qui leur appartient, qui est autogéré, qui rapporte des intérêts. Les conditions d'organisation de mise en marché, elles sont pour l'accès au deuxième niveau. Si jamais un jour des producteurs maraîchers voulaient avoir accès à une couverture supplémentaire, bien, c'est là qu'il faudrait regarder des conditions. J'ai signalé aussi à l'Association et à la Fédération la semaine passée qu'à l'époque des grands regroupements ? Provigo, Loblaw's, Sobeys, IGA ? il y aurait peut-être lieu de regarder si la Fédération puis l'Association des jardiniers maraîchers ne peuvent pas eux autres aussi regrouper leurs efforts. Ça nous ferait extrêmement plaisir de vous avoir autour de la table à l'UPA et d'avoir ainsi une contribution directe à l'évolution de tous ces dossiers-là. Mais, en attendant, ça va nous faire plaisir de vous consulter dans des rencontres particulières, spéciales, comme je rencontrerai plus tard, la semaine prochaine, l'Association des meuniers qui est venue devant nous un peu plus tôt ce matin.

Sur le CSRA, premier, deuxième niveaux, est-ce qu'on sera contrôlé par? Non, c'est un fonds qui appartient à chacun des producteurs. Et pourquoi on revendique le un tiers-deux tiers plutôt que le 50-50 et ça pourrait être drôlement intéressant pour les producteurs jardiniers maraîchers? La même chose que pour la déduction fiscale. CSRN n'est pas déductible fiscalement actuellement; le CSRA le sera. Alors, partout, sur tous les programmes qui sont là il y a des bonifications pour chacun des groupes de producteurs et, pour les producteurs jardiniers maraîchers, cette partie des déductions fiscales peut être drôlement intéressante.

Je demanderais là-dessus aussi à Yvon de faire un petit bout de présentation sur le tableau qui est à la page 27.

La Présidente (Mme Vermette): Je lui demanderais de le faire le plus brièvement possible, parce que nous avons déjà... Nous sommes, par rapport à notre temps... nous avons largement dépassé le temps, alors, même s'il y a consensus, il ne faudrait pas non plus déborder trop.

M. Proulx (Yvon): Oui, oui. Ça fait suite à cette discussion sur le un tiers-deux tiers puis ça fournit un argument supplémentaire pourquoi nous supportons cette idée du un tiers-deux tiers. Le tableau que j'ai construit là... il est fait un rappel dans ce tableau de tout ce qui a existé de programmes au Canada, puis ce qui existe de programmes aux États-Unis, puis dans la Communauté européenne présentement pour voir quelle était la proportion de financement producteurs-gouvernement dans l'ensemble de ces programmes-là. Des programmes qui ont existé depuis 20 ans au Canada, plusieurs n'existent plus. Puis dans le tableau, comme vous pouvez voir, il n'y en a aucun qui est financé 50-50, sauf le CSRN. C'est la raison pour laquelle je vous dis: Ce 50-50 du CSRN puis du CSRA, c'est une rupture par rapport à tout ce qui a existé dans le passé, par rapport à ce qui existe aux États-Unis, par rapport à ce qui existe en Communauté européenne. Par conséquent, ça supporte l'argument qu'on défend, de CSRA qui serait financé un tiers-deux tiers.

Maintenant, si vous me permettiez...

La Présidente (Mme Vermette): Oui?

M. Proulx (Yvon): Je n'ai pas répondu complètement à la question tantôt, je n'avais pas fini. Je ne sais pas si je peux continuer, là.

M. Trudel: Sur consentement...

La Présidente (Mme Vermette): Avec les consentements, vous savez, c'est beaucoup plus facile de permettre aux gens de s'exprimer.

n(12 h 20)n

M. Proulx (Yvon): Bon, une fois qu'on a établi que le CSRA contient les mêmes caractéristiques fondamentales qui ont permis aux Américains de statuer que le CSRN, ils ne l'attaqueraient pas, qu'est-ce qu'il nous reste à risque? Ce qu'il nous reste à risque... Mais là où vous réalisez qu'on a sauvegardé du point de vue des dangers de commerce international une partie de l'enveloppe substantielle, là, tout ce qui va passer dans le CSRA est sauvegardé. Qu'est-ce qu'il reste? Il reste l'ASRA complémentaire. Mais attention! L'ASRA complémentaire, les règles du commerce international ne nous disent pas qu'il faut discarter ou qu'il faut éliminer les programmes non conformes. Tout ce qu'elles nous disent, c'est que ces programmes non conformes sont passibles de droits compensateurs. Par conséquent, ce qu'il reste à risque, c'est l'ASRA complémentaire dans les productions qu'on exporte. Mais on a réduit le montant d'argent qui est compensable, là.

Puis la principale production qu'on exporte, c'est la production porcine. Or, pour qu'il y ait droit compensateur, il faut que les exportations soutenues par un programme non conforme... il faut que le pays qui les reçoit prouve qu'il y a préjudice. Les Américains, ça fait 10 ans qu'ils essaient de prouver qu'il y a préjudice avec nos exportations de porcs puis ils n'ont jamais réussi parce qu'il y a un panel du GATT qui a statué, vers les années 1992, 1993, que la subvention implicite qu'il y a là-dedans, elle n'est pas transmise au niveau du commerce de la viande que nous exportons. Si on exportait des porcs vivants, ça ne serait pas la même chose. Mais on n'exporte pas de porcs vivants.

Par conséquent, qu'est-ce qu'il reste à risque? À peu près rien. C'est la raison pour laquelle on vous dit que cette réforme-là nous rapproche de la conformité presque à 100 % avec les règles du commerce international, contrairement, malheureusement, à ce qu'on a laissé sous-entendre hier.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, sur ce...

M. Proulx (Yvon): Maintenant, il reste encore autre chose...

La Présidente (Mme Vermette): Il y a un complément de réponse. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Proulx (Yvon): Il reste encore une chose. C'est qu'on dit qu'il faudrait demander un avis aux avocats du gouvernement fédéral, un avis de conformité. Je vous ai dit que je n'étais pas certain que c'est une bonne chose de demander cet avis-là parce que vous savez que...

M. Paradis: Je peux-tu vous arrêter? C'est parce que la Fédération des producteurs de lait, quand ils ont bâti leur dossier sur le canal unique, ils ont demandé un avis à Me Yvan Bernier, de l'Université Laval...

La Présidente (Mme Vermette): C'est parce que vous êtes en train... M. le député...

M. Paradis: ...ils ont demandé un avis au commerce international. Je pense qu'ils ont suivi une voie prudente.

M. Proulx (Yvon): Oui, ils sont...

M. Trudel: Mais... un gros consentement pour ce qu'il va dire, là.

M. Proulx (Yvon): Ils sont en plein panel, eux autres, là, il ne faut pas oublier ça, là, alors que, sur le CSRN, on n'est pas en panel.

M. Trudel: Voilà.

M. Proulx (Yvon): Sur le CSRN, les Américains ont statué qu'il était correct. Puis je sais pertinemment qu'aussi bien les politiciens du gouvernement fédéral que les avocats qui les supportent dans leurs opinions n'ont pas envie de réveiller le gouvernement fédéral, qu'il reprenne son analyse. Et, moi, j'ai siégé sur plein de comités au niveau fédéral, puis, à chaque fois qu'on avait envie de faire un petit changement mineur dans le CSRN, ce que les avocats nous répondaient: Non, on ne touche pas à ça, les Américains ont déjà statué que le CSRN est correct, n'allons pas les réveiller. Alors, on n'ira pas les réveiller en leur demandant de statuer sur un programme similaire.

M. Paradis: Je ne veux pas entreprendre un débat avec vous...

La Présidente (Mme Vermette): On ne veut pas faire de débat, monsieur...

M. Paradis: ...mais, à partir du moment où vous modifiez substantiellement un programme...

La Présidente (Mme Vermette): M. le député...

M. Paradis: ...à ce moment-là, vous invitez les gens à réexaminer votre nouveau programme, oui ou non?

M. Proulx (Yvon): On conserve ses caractéristiques fondamentales. Quand les Américains ont statué que le CSRN était correct, ils ont invoqué deux arguments: un argument, c'est que le programme est de type revenu global; puis l'autre argument qu'ils ont invoqué, c'est que le programme est généralement disponible. Ses deux caractéristiques fondamentales sont conservées intégralement dans le CSRN.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, sur ce, nous allons terminer...

M. Paradis: ...des avis.

La Présidente (Mme Vermette): Nous allons terminer. Sur ce, nous allons terminer les échanges, et je vais passer la parole au ministre pour les remarques finales: 15 minutes de chaque côté.

M. Trudel: Mme la Présidente, je ne prendrai que cinq minutes parce que j'ai un dossier agricole à défendre au Conseil des ministres. Je ne veux pas l'échapper.

M. Paradis: On va renoncer aux remarques finales si vous allez défendre le dossier, si vous avez quelque chose à défendre.

M. Trudel: Oui? Oui, bien, si vous voulez... Voulez-vous qu'on les refasse à l'ouverture quand on va commencer l'article par article? C'est vrai, on peut le faire là. Ça ne me dérange pas, moi.

Une voix: Êtes-vous d'accord...

Une voix: Oui, oui.

M. Trudel: On pourrait les faire là.

M. Paradis: J'aime autant les faire là parce que, s'il a un dossier au Conseil des ministres, c'est...

La Présidente (Mme Vermette): S'il y a entente, nous allons ajourner la commission sine die.

M. Trudel: Merci à l'UPA. J'ai compris une chose: retarder, c'est pénaliser. Merci. Bonne fin de journée.

M. Paradis: Merci également aux intervenants. Mais j'ai compris que le ministre s'en allait au Conseil des ministres pour le dossier du lait.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, nos travaux sont ajournés sine die.

(Fin de la séance à 12 h 24)



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