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Version finale

35th Legislature, 2nd Session
(March 25, 1996 au October 21, 1998)

Tuesday, April 15, 1997 - Vol. 35 N° 20

Consultations particulières sur la Proposition de principes généraux relatifs à la gestion des odeurs, du bruit et des poussières en milieu agricole


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Table des matières

Documents déposés

Auditions


Intervenants
Mme Cécile Vermette, présidente
M. Yvon Vallières, président suppléant
M. Guy Julien
M. David Cliche
M. Rémy Trudel
M. Georges Farrah
M. Norman MacMillan
M. Léandre Dion
M. Christos Sirros
M. Benoît Laprise
M. Pierre Paradis
*M. Paul Massicotte, CFQ
*M. Mario Dumais, idem
*M. Maurice Lapalme, idem
*M. Dominique Desmet, AARQ
*M. Francis Provencher, idem
*M. Denis Ouellette, idem
*M. François Cyr, idem
*M. François Tanguay, Greenpeace Québec
*M. Daniel Bouchard, COMBEQ
*M. Jean-Paul Laliberté, COGENOR Lanaudière
*M. Gilles Gagné, idem
*Mme Lise Sarrazin, idem
*M. Gaston Wolfe, idem
*M. Harvey Mead, UQCN
*M. Denis Bergeron, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Neuf heures neuf minutes)

La Présidente (Mme Vermette): MM. les députés, si vous voulez prendre vos places, s'il vous plaît! Alors, je déclare la séance ouverte. Je déclare la séance de la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation ouverte. Je rappelle toujours le mandat de cette commission. Le mandat de la commission est de poursuivre des consultations particulières et de tenir des auditions publiques sur le document Proposition de principes généraux relatifs à la gestion des odeurs, du bruit et des poussières en milieu agricole dans le cadre de la Loi modifiant la Loi sur la protection du territoire agricole et d'autres dispositions législatives afin de favoriser la protection des activités agricoles .

Alors, M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

(9 h 10)

Le Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. M. Brien (Rousseau) est remplacé par Mme Robert (Deux-Montagnes) et M. Lelièvre (Gaspé) est remplacé par M. Gagnon (Saguenay).


Documents déposés

La Présidente (Mme Vermette): Bien. Alors, il y a dépôt de documents. Vous avez reçu, chaque membre de la commission, des documents. Donc, ils sont déposés. Dans un premier temps, c'est de la MRC du Haut-Richelieu et, dans un deuxième temps, c'est de M. Réal Lacoste, producteur de porc.

La Coopérative fédérée de Québec. Alors, M. Paul Massicotte, bienvenue. Vous êtes le président de l'association. J'aimerais que vous nous présentiez les gens qui vous accompagnent, s'il vous plaît.


Auditions


Coopérative fédérée de Québec (CFQ)

M. Massicotte (Paul): Merci, Mme la Présidente. Mon nom est Paul Massicotte, le président de la Coopérative fédérée. Je suis accompagné aujourd'hui du premier vice-président de la Coopérative fédérée, M. Maurice Lapalme, et du secrétaire général, M. Mario Dumais, et quelqu'un nous accompagne derrière pour le soutien.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, j'aimerais vous dire que vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire et, de chaque côté, on aura 20 minutes en alternance pour vous questionner.

M. Massicotte (Paul): Merci, madame. Permettez-moi de vous présenter le profil de la Coopérative fédérée, en introduction, et j'inviterais le secrétaire général à faire la lecture de notre mémoire par la suite.

La Coopérative fédérée de Québec est la fédération des coopératives agricoles québécoises. Elle est la propriété de 96 coopératives réparties dans toutes les régions du Québec. Le mouvement coopératif agricole compte 37 700 membres.

La Coopérative fédérée fournit aux agriculteurs, directement ou par l'entremise de ses coopératives sociétaires, une vaste gamme de biens et de services nécessaires à l'exploitation de leur entreprise, y compris des produits pétroliers. De plus, elle transforme et commercialise sur les marchés locaux et internationaux, divers produits agricoles: viande porcine, volaille, produits laitiers, etc. Elle réalise ses activités par le biais de ses propres divisions et filiales ou par ses participations dans d'autres entreprises. La Coopérative se charge en outre d'animer la vie associative au sein du mouvement coopératif agricole et de promouvoir les intérêts collectifs du mouvement auprès des divers pouvoirs publics et de l'ensemble de la population.

Vous avez là les sigles de nos différentes divisions qui nous amènent à dire que nous développons l'industrie de la terre depuis 75 ans – nous fêtons, cette année, les 75 ans de la Coopérative fédérée – et nous oeuvrons, comme je viens de le dire, dans le domaine de l'approvisionnement à la ferme, des produits pétroliers, de la volaille, de la viande rouge, le porc, et notre participation dans Lactel.

Vous me permettrez à ce moment-ci d'inviter M. Dumais, notre secrétaire général, à vous faire la présentation de notre mémoire. M. Dumais.

M. Dumais (Mario): Alors, si on tourne la page de la table des matières, on arrive au texte lui-même. Alors, la Coopérative fédérée de Québec croit fermement que l'activité économique doit se pratiquer d'une façon compatible avec un développement durable. Elle croit également que les interventions visant au respect de l'environnement ne doivent pas imposer des contraintes et des charges inutiles aux agents économiques.

Vous nous permettrez dans notre présentation de traiter de l'industrie agroalimentaire, du contexte dans lequel elle opère, des défis qui la confrontent. Nous ferons une brève présentation de la place qu'occupe la coopération dans cette industrie. Nous vous présenterons l'orientation et certaines actions de la coopération en matière d'environnement et, finalement, nous énoncerons notre point de vue sur le projet de directive.

La mission de l'industrie agroalimentaire est de satisfaire le besoin le plus fondamental des êtres humains, celui de se nourrir. La demande de nourriture dépend de la taille de la population, du niveau de satisfaction de ses besoins alimentaires et de son pouvoir d'acheter de la nourriture.

Le Canada et le Québec ont une population dont la croissance est faible et le niveau de satisfaction des besoins alimentaires est élevé. La croissance sur le marché interne n'est possible que si un produit prend la place d'un autre ou si de nouveaux produits en remplacent d'autres. C'est une croissance au potentiel globalement limité.

Par contre, sur le marché mondial, la croissance de la demande alimentaire est importante. En 2010, on prévoit que la population mondiale s'élèvera à 7 000 000 000 d'habitants. C'est une croissance de 1 200 000 000, une moyenne de 90 000 000 par année, soit trois fois la population du Canada. De plus, le revenu croît plus rapidement dans les pays moins développés, là où la satisfaction des besoins de nourriture est déficiente. Par conséquent, le potentiel de croissance de la demande alimentaire est plus élevé sur le marché extérieur que sur le marché domestique. Face à cette croissance prévisible de la demande alimentaire, quelle est la capacité de l'industrie agroalimentaire québécoise d'en satisfaire une partie?

L'agriculture québécoise est spécialisée dans des secteurs adaptés aux caractéristiques bioclimatiques québécoises. Un faible pourcentage du territoire est utilisable en agriculture. Notre agriculture est spécialisée en productions animales, particulièrement dans les productions laitière, porcine et avicole. Dans les pays pauvres, l'accroissement des revenus entraîne un changement des habitudes alimentaires. La consommation d'aliments d'origine animale, viandes et produits laitiers, s'accroît au détriment d'aliments d'origine végétale. Nous produisons les fourrages, c'est-à-dire le foin, les céréales et une partie des oléagineux nécessaires à l'alimentation de nos troupeaux, et nous possédons une longue expérience en matière d'exportation, en particulier dans les secteurs laitier et porcin.

La capacité compétitive de notre industrie repose sur plusieurs facteurs. Mentionnons, entre autres, la qualité de nos ressources humaines, l'abondance de l'eau, le prix relativement bas, à l'échelle mondiale, de nos terres agricoles, la salubrité des aliments que l'on produit, qui peut satisfaire les exigences des marchés mondiaux, la qualité de nos infrastructures, la diversité des moyens de transport dont nous disposons et la productivité du secteur.

Dans une société comme la nôtre, à la recherche d'emplois rémunérateurs et durables dans des secteurs capables de se tailler une place sur les marchés mondiaux, le secteur agroalimentaire est l'un de ceux qui possède un potentiel intéressant. Pour que se matérialise ce potentiel, il faut relever de nombreux défis. En premier lieu, il faudra continuer d'évoluer sur le plan technologique. La révolution verte qu'a connue le secteur agroalimentaire mondial de 1960 à aujourd'hui a permis un accroissement impressionnant de la productivité. La population mondiale est passée de 3 000 000 000 qu'elle était en 1960 à 5 800 000 000 en 1996. La quantité de nourriture par habitant est plus élevée aujourd'hui qu'elle l'était en 1960. Un tiers de ce remarquable accroissement de la production s'explique par la mise en valeur de nouvelles terres, deux tiers par l'accroissement de la productivité. On prévoit que la croissance future de la production de nourriture proviendra en proportion encore plus élevée de la croissance de la productivité. Le Sommet mondial de l'alimentation, tenu à Rome en novembre 1996, invoquait la nécessité d'une seconde révolution verte pour faire face aux besoins alimentaires futurs de la population mondiale.

L'agriculteur québécois a su adopter les techniques modernes de production dans son exploitation. S'il veut continuer à occuper une place dans l'industrie, il devra poursuivre dans cette voie.

Un autre défi que le secteur devra relever, c'est celui de la libéralisation des échanges. Au fil du temps, notre marché domestique sera plus ouvert. Il en ira de même pour celui des autres pays membres de l'Organisation mondiale du commerce. Les subventions à l'exportation, de même que certaines subventions internes, celles qui perturbent les marchés, devront être réduites. Ces nouvelles règles, de même que les politiques de restrictions budgétaires, entraînent un désengagement progressif des gouvernements envers l'agriculture. Il faudra, par conséquent, que le secteur puisse tirer du marché une proportion croissante de ses revenus.

Finalement, le défi environnemental posé à l'agriculture devra être progressivement résolu. Les pratiques devront être compatibles avec un environnement durable et être comprises et acceptées socialement.

La coopération agricole et l'industrie agroalimentaire. Parmi les outils dont disposent les agriculteurs du monde entier pour se tailler une place sur les marchés et approvisionner leurs entreprises, on compte la coopération. La coopération agricole occupe une place importante dans l'industrie agroalimentaire mondiale. On calcule que l'industrie agroalimentaire mondiale réalise un chiffre d'affaires de l'ordre de 1 500 000 000 000 $US. Les 100 plus grandes entreprises du secteur représentent un tiers de ce chiffre d'affaires, soit environ 500 000 000 000 $US. De leur côté, les coopératives agricoles totalisent des ventes de plus de 520 000 000 000 $US à l'échelle mondiale. Au Québec, les coopératives agricoles ont un chiffre d'affaires de l'ordre de 4 000 000 000 $CAN.

(9 h 20)

Les coopératives agricoles transforment et mettent en marché 64 % du lait de consommation, 54 % du lait de transformation, 58 % du porc et 82 % de la volaille produite au Québec. Elles occupent également une place importante dans le marché des intrants agricoles: aliments du bétail, poussins, sujets d'élevage porcin, semences, fertilisants, produits de protection des cultures, quincaillerie et équipements agricoles, produits pétroliers, etc.

La Coopérative fédérée, directement ou à travers des participations dans des coentreprises, contribue à l'écoulement de nos produits alimentaires sur les marchés hors Québec. Chez Olymel, 65 % des ventes sont réalisées hors Québec, chez Lactel, 60 %, et 46 % pour Flamingo, notre division avicole. Chez Olymel, dans le secteur du porc, les ventes à l'exportation, c'est-à-dire hors Canada, totalisaient, en 1996, 346 000 000 $, soit 46 % des ventes totales d'Olymel. Les ventes internationales totalisaient 122 000 000 $ chez Lactel, soit 41 % de ses ventes. Les exportations s'élevaient à 14 000 000 $ chez Flamingo et les ventes hors Québec au Canada totalisent 167 000 000 $, soit 42 % de ses ventes.

Ces entreprises sont évidemment grandement sensibles aux exigences de leurs clientèles domestique et internationale. Pour conserver ces clientèles, il faut leur fournir des produits de haute qualité à des prix compétitifs et pouvoir les approvisionner sur une base constante. La coopération agricole est présente dans toutes les régions du Québec où se pratique l'agriculture et elle est même présente dans plusieurs des agglomérations urbaines, dont Montréal et Québec. La Coopérative fédérée employait 5 987 personnes au 1er février 1997 – au 1er mars, on dépasse 6 000 maintenant – contre 5 132 au 31 octobre 1993. La Coopérative fédérée a investi en immobilisations 48 000 000 $ au cours des deux dernières années.

Orientation en matière d'environnement. Le défi de l'harmonisation des pratiques agricoles et de la préservation de l'environnement est permanent. La puissance des techniques de production et de transformation est telle que, si elles ne sont pas employées judicieusement, l'équilibre environnemental pourrait en être menacé.

La notion d'optimum économique qui inclut des considérations environnementales n'est pas toujours synonyme de production maximum. Depuis un certain nombre d'années, nous assistons à un changement de valeurs, une prise de conscience qui se manifeste, entre autres, par de nouvelles attitudes et de nouvelles habitudes de nos clients ultimes, les consommateurs. Ils sont de plus en plus préoccupés de la façon dont a été produit, transformé et emballé ce qu'ils mangent.

Le respect de l'environnement est une valeur inhérente au fonctionnement de l'entreprise coopérative. Les virages à 180 degrés dans nos pratiques ne sont cependant pas possibles ou même souhaitables. Nous devons, par contre, progressivement améliorer nos façons de faire en concertation avec le milieu. On n'acquiert pas une conscience environnementale par l'effet d'une loi ou d'un règlement, mais par une approche proactive et concertée. C'est pourquoi, à l'occasion de son assemblée générale annuelle de 1994, la Coopérative fédérée conviait les délégués à une réflexion sur la responsabilité des coopératives et de leurs administrateurs en matière environnementale. Nos activités commerciales à titre de fournisseur d'intrants pour les productions animales et végétales prennent en compte l'évolution de la mentalité et des pratiques agricoles de nos membres.

Les activités industrielles et commerciales des coopératives et de la Fédérée sont soumises aux impératifs de la protection de l'environnement. Qu'il s'agisse de transporter, d'entreposer ou de distribuer des produits pétroliers, des produits de protection des cultures ou d'opérer des abattoirs, pour ne prendre que ces exemples, nous nous comportons en amis de l'environnement.

À l'occasion de la réflexion tenue à notre assemblée générale annuelle de 1994, les délégués ont recommandé que les coopératives adoptent une politique relative à la protection du risque environnemental, mettent en place un système de surveillance et d'inspection des opérations à risque et organisent un programme de formation des employés et gestionnaires sur la gestion et la prévention des risques environnementaux. La protection de l'environnement, c'est l'affaire de tous. Nous avons voulu exprimer qu'elle fait partie des valeurs qui caractérisent la coopération et qu'en conséquence nous étions fermement résolus à faire notre part quand nos activités sont en cause.

Nos pratiques. La Coopérative fédérée a adopté, pour concrétiser cette orientation, une politique environnementale. Voici quelle en est la teneur. Politique environnementale. La Coopérative fédérée de Québec, soucieuse de la santé et de la qualité de vie de ses employés, de ses membres, de ses clients et du public, s'assure que ses entreprises, activités et produits soient compatibles avec l'environnement. La Coopérative fédérée de Québec s'efforce de minimiser et de recycler ses rebuts et déchets et d'optimiser l'efficacité de sa consommation d'énergie et de matières premières.

Règles d'application de la politique environnementale. Respect des lois. La Coopérative fédérée de Québec doit respecter les lois environnementales.

Plan d'urgence. La Coopérative fédérée de Québec instaure et maintient à jour des plans d'action afin de réagir adéquatement aux urgences environnementales et donne aux employés une formation leur permettant d'appliquer ces plans d'action.

Acquisitions et investissements. La Coopérative fédérée inclut dans sa politique d'investissements et d'acquisitions une évaluation environnementale des entreprises et activités qu'elle se propose d'acquérir ou de débuter.

Formation du personnel. La Coopérative fédérée diffuse à ses employés et gestionnaires sa politique, ses objectifs et projets en matière d'environnement. La Coopérative fédérée de Québec instaure des programmes de formation à ses employés et gestionnaires sur la gestion et la prévention des risques environnementaux inhérents à ses entreprises et activités.

Diffusion de la politique environnementale. La Coopérative fédérée incite ses membres, ses partenaires, ses associés et ses entreprises affiliées à adhérer à sa politique environnementale.

Application de la politique. Il incombe au directeur général de la Coopérative fédérée de s'assurer de l'application de la politique et d'en faire rapport au conseil d'administration aussi souvent que nécessaire, mais au moins une fois l'an. Les rapports sur l'environnement adressés au conseil d'administration de la Coopérative fédérée par son directeur général doivent, entre autres, traiter des sujets suivants: les dérogations aux lois sur l'environnement, les incidents écologiques, y compris les déversements et rejets qui peuvent donner lieu à des amendes importantes ou à une responsabilité personnelle des administrateurs et dirigeants; les initiatives prévues par la Coopérative, les gouvernements et autres organisations qui peuvent affecter de façon importante la Coopérative fédérée ou ses activités; et les mesures correctives adoptées afin d'éviter la répétition d'irrégularités ou d'incidents environnementaux.

Contrôle de l'application de la politique. Le conseil d'administration de la Coopérative fédérée mandate le trésorier à l'effet d'assurer l'existence d'un programme de vérification de l'application de sa politique environnementale. De plus, le trésorier doit, aussi souvent que nécessaire, mais au moins une fois l'an, faire rapport de sa vérification au Comité de vérification du conseil d'administration. Les membres du conseil d'administration recommandent également que cette politique soit diffusée à l'occasion de rencontres régionales d'information aux coopératives et dans le bulletin Agri-Coop .Le conseil d'administration de la Coopérative fédérée et son Comité de vérification reçoivent régulièrement, depuis deux ans, des rapports sur le suivi de cette politique. Une spécialiste a été embauchée pour assurer le suivi de ce dossier et assister les coopératives sociétaires qui décident de procéder à l'établissement d'un bilan environnemental de leurs activités et de se doter d'une politique en cette matière. Trois autres personnes à notre emploi ont poursuivi des études dans ce domaine.

Autres initiatives. La Coopérative fédérée prend soin d'équiper ses usines de telle sorte qu'elles respectent les règles concernant le traitement des résidus ou des eaux usées. Nous avons investi des sommes importantes afin de nous conformer aux normes canadiennes en matière d'entreposage et de manutention des produits de protection des cultures. Notre réseau de quincailleries participe à la récupération des résidus de peinture. Nous avons également, conjointement avec des coopératives, participé au financement du projet Biosor du Centre de recherche industrielle du Québec. Nous avons également participé au test d'un produit, le Super F, qui a la propriété d'éliminer les odeurs du lisier de porc, et nous assurons sa distribution. Ce sont des exemples de l'implication de la Coopérative fédérée dans des actions visant à rendre nos pratiques conformes aux exigences nécessaires à la protection de l'environnement et à la diminution des nuisances qu'engendre notre industrie.

La Présidente (Mme Vermette): Oui, M. Dumais, si vous voulez conclure, s'il vous plaît. Il vous reste une minute.

M. Dumais (Mario): O.K. Écoutez, j'aborde le sujet, là. Ça va vraiment... Si vous voulez m'en donner deux, je vais avoir le temps de finir. Il me reste une page et demie.

La Présidente (Mme Vermette): Parfait.

(9 h 30)

M. Dumais (Mario): Alors, la directive qui est l'objet d'étude de la commission parlementaire découle des amendements apportés en 1995 à la loi de la protection du territoire agricole. Ces amendements concrétisaient l'objectif d'assurer aux agriculteurs le droit de produire en zone verte. Nous reconnaissons que le droit de produire n'est pas absolu. Le droit de produire n'est pas un droit à polluer. Le monde agricole accepte que des règles viennent encadrer ce droit. Par contre, ces règles doivent être viables et raisonnables. Le monde agricole n'est pas à l'abri de décisions qui limitent de façon arbitraire le droit de produire. Ces limitations peuvent malheureusement s'inspirer de préjugés ou de mouvements d'humeur de l'opinion publique. Par conséquent, nous sommes favorables à ce qu'une politique gouvernementale vienne encadrer le pouvoir des municipalités quand elles veulent intervenir pour limiter le droit de produire des agriculteurs en zone verte.

Nous sommes d'accord avec l'approche du gouvernement qui a consisté à distinguer, d'une part, l'impact de l'agriculture sur l'eau et le sol où il y a risque de pollution et, d'autre part, les nuisances engendrées par les activités agricoles, à savoir les odeurs, le bruit et la poussière.

Nous reconnaissons que l'accroissement de la taille des entreprises agricoles et leur spécialisation entraînent plus d'inconvénients que l'agriculture d'autrefois. Par contre, on reconnaît que le monde dans lequel on vit exige que notre agriculture soit concurrentielle. Sous peine de disparaître, les agriculteurs doivent adopter les techniques contemporaines. Comme c'est le cas dans d'autres secteurs d'activité, l'évolution des techniques de production précède souvent l'évolution des techniques visant à protéger l'environnement et à diminuer les nuisances engendrées par l'activité économique.

Le projet de directive comporte des éléments qui nous inquiètent. Si cette directive a pour but de compléter les amendements apportés à la loi de la protection du territoire agricole en vue d'assurer le droit de produire, nous nous interrogeons sur son effet face à des autorités municipales qui limitent abusivement le droit de produire.

L'épandage du lisier et son utilisation à des fins de fertilisation est le meilleur moyen de le recycler. Par conséquent, il faut s'assurer que les normes d'épandage limitent au minimum les superficies cultivées qui seraient soustraites à l'épandage.

À la lecture du projet de directive que nous étudions, on perçoit qu'une grande latitude est laissée aux autorités municipales en cette matière. Comment cette directive telle que formulée limitera-t-elle la possibilité d'adoption de règles abusivement restrictives en cette matière?

Si l'on souhaite que l'industrie agroalimentaire puisse saisir les possibilités de croissance qui se présentent sur le marché mondial, particulièrement dans le secteur des productions animales, il faut permettre la possibilité d'expansion des exploitations existantes et de création de nouvelles entreprises. À cet égard, la marge de manoeuvre laissée aux municipalités dans l'établissement des normes de distances, en particulier la possibilité de multiplier par 2,4 les distances de base exigées en fonction des facteurs d'usage, est, selon nous, trop élevée.

Relativement aux projets d'agrandissement, la directive propose de traiter ces dossiers avec un préjugé favorable, en accordant une attention particulière aux petites et moyennes exploitations agricoles. Nous nous interrogeons encore une fois sur ce que peut vouloir dire ce préjugé favorable. La même interrogation existe en ce qui a trait à la demande que les autorités accordent une attention particulière aux petites et moyennes entreprises agricoles. Cette directive laisse place à l'arbitraire. La notion de ce qu'est une petite ou moyenne entreprise agricole est très variable suivant la perception de chacun. De plus, il nous paraît inacceptable de faire preuve de discrimination contre des entreprises qui seraient perçues de grande taille. On peut exiger des entreprises, quelle que soit leur taille, qu'elles respectent l'environnement et leur voisinage, mais le gouvernement ne devrait pas statuer sur ce que devrait être la taille des entreprises.

La directive nous informe que les bruits et les poussières seront régis par un règlement à caractère provincial, dont la teneur sera rendue publique ultérieurement. La directive énonce que les normes de bruits à venir seront adaptées pour être compatibles avec la poursuite des opérations agricoles déjà établies. Cet énoncé ne précise pas ce qu'il sera. À propos des poussières, là aussi la norme est à venir. On précise que l'activité agricole ne devra pas générer de dépôts visibles de poussières. Cette orientation n'est pas acceptable.

Sans entrer dans plus de détails, nous vous signalons que nous appuyons les représentations qui vous seront présentées par l'Union des producteurs agricoles.

En conclusion, le secteur agroalimentaire dispose de possibilités de développement et de création d'emplois résultant de la croissance de la demande sur le marché mondial. La production pour le marché mondial ou domestique doit s'effectuer dans le respect de l'environnement et du voisinage des exploitations agricoles. Par contre, les normes qui régissent nos activités doivent être raisonnables, fondées scientifiquement et prévisibles. Lancer une nouvelle exploitation animale ou agrandir une exploitation existante est devenu aujourd'hui une course à obstacles qui décourage plus d'un investisseur potentiel.

Nous nous réjouissons que le gouvernement veuille poser un nouveau geste en vue de sécuriser le droit de produire en zone agricole. Nous pensons que le projet qui est devant nous devrait être bonifié sur les points qui vous auront été identifiés à la fin de cette commission. La question environnementale et la cohabitation avec nos voisins doivent être gérées adéquatement. Nous avons des devoirs à accomplir sur ce plan et nous y travaillons sérieusement, mais nous avons besoin d'un cadre législatif et réglementaire qui nous y aide.

Suivent des annexes statistiques qui donnent des données pour appuyer la partie économique du texte. Merci beaucoup, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Vermette): M. Dumais, je vous remercie bien. Alors, vous avez apporté plusieurs éléments intéressants et je suis convaincue que vous allez vous faire poser des questions, et ce sera très intéressant, les échanges. Alors, M. le ministre.

M. Julien: Merci, Mme la Présidente. M. le président, M. le secrétaire général, M. le vice-président, je dois vous dire que vous avez là, à mon point de vue, un excellent mémoire, tant qu'à moi. D'abord, je pense qu'il est important de bien situer l'importance économique de l'agriculture au Québec et de l'industrie agroalimentaire ou le bioalimentaire, et ça, je pense que vous le faites de façon éloquente. Deuxièmement, ce que je trouve intéressant dans votre mémoire, c'est les perspectives de développement sur les marchés internationaux, donc vraiment la croissance versus les marchés internes, marchés externes, et, là-dessus, j'abonde carrément dans votre sens. Et un autre élément important que je trouve intéressant dans votre document, c'est un petit peu le fait que vous dites: Les lois et règlements, c'est bien beau, ça, mais ça ne gère pas nécessairement le bon sens. C'est que les gens sont capables de s'autoresponsabiliser, sont capables de poser des gestes pour faire en sorte d'aller dans le cadre du développement durable. C'est les premiers commentaires que je ferais sur votre mémoire.

J'aurais peut-être une ou deux questions. Quand vous parlez d'interventions pour le respect de l'environnement, qu'on ne doit pas imposer de contraintes inutiles, j'aimerais ça que vous élaboriez un petit peu plus là-dessus.

M. Massicotte (Paul): Merci de la question qui est importante aussi. Prendre des initiatives pour s'impliquer sur le plan économique aujourd'hui, c'est déjà exiger beaucoup de quelqu'un. On doit, bien sûr, connaître la réglementation, connaître les lois, mais c'est toujours très ardu de situer nos projets à l'intérieur de normes qui, souvent, comportent des obligations qu'il faut respecter, mais qui, en même temps, exigent de demander des permis à un endroit, à deux endroits, des fois à trois endroits. C'est toujours ardu et, souvent, ça porte à se décourager. C'est important d'avoir une réglementation plutôt cadre et, à la suite de la connaissance de cette réglementation-cadre, tâcher d'y trouver une place pour aménager une activité de production agricole qui répond aux besoins du temps, avec des techniques nouvelles, avec, bien entendu, le respect de l'environnement, mais aussi ça va tirer parti, sur le plan économique, pour la subsistance de ceux qui y travaillent... C'est un peu ça qu'on veut dire. L'agriculture, c'est une activité qu'on espère viable pour ceux qui sont les exploitants, mais, en même temps, c'est un apport à l'économie, l'économie du milieu, l'économie en général de la province. Et, comme on l'a dit, remplir la mission de nourrir le monde, de plus en plus, avec une population grandissante, il y a un aspect humain là-dedans aussi.

M. Julien: Une autre question que j'aimerais vous poser, M. le président, et ce n'est pas juste à vous. C'est que, durant les différentes commissions qu'on a tenues depuis quelques jours, revient souvent le rôle du monde municipal, en tout cas particulièrement concernant les paramètres, là, les odeurs. Je ne sais pas si je comprends bien quand les gens disent – puis là vous allez me corriger si je me trompe... Est-ce que ce serait mieux que ce soit une réglementation qui soit globale à travers le Québec avec des marges de manoeuvre, comme l'Ordre des agronomes parlait, que ce soit modulé, dépendant des établissements, dépendant de différentes activités, ou carrément avec ce qu'il y a dans le document-référence, à savoir des espèces de paramètres, une définition de paramètres qui seraient gérés par les municipalités, évidemment avec le rôle du comité agricole qui est important, qu'il ne faut pas sous-estimer?

M. Massicotte (Paul): C'est assez difficile de passer un commentaire complètement objectif de cette évaluation, compte tenu qu'il n'est pas possible de connaître à l'avance quel pourrait être le jugement porté par des organisations régionales. Mais, moi, ce que je sais très bien, c'est qu'après des études faites et qu'on aurait une forme d'encadrement général qui empêche d'avoir des évaluations trop pointues qui pourraient enlever toute forme de capacité d'expansion ou d'implantation d'organismes aux plans régional et local, il y en a toujours pour dire que ce n'est pas nécessaire, ce n'est pas utile. Ils sont à courte vue souvent. Moi, j'ai tendance à dire souvent qu'en agriculture ça ne se pratiquera pas toujours sur une nappe blanche, et que: on ne veut pas de cochons, mais on veut bien manger du jambon. Comment faire? C'est là-dessus que, moi, je veux qu'il y ait un encadrement raisonnable, travailler fortement à responsabiliser chacun de ceux qui auront à y travailler. Je crois à l'éducation, je crois à la responsabilité et je crois aussi qu'en agriculture... Chez nous, c'est la cinquième génération, j'ai des fils, j'ai des petits-enfants. Je souhaite qu'ils soient là encore dans 20 ans, dans 40 ans. Et ç'a été, c'est toujours et ça sera les gardiens des terres agricoles et aussi ils auront la mission de nourrir le monde.

(9 h 40)

M. Julien: O.K. Donc, je comprends bien qu'il pourrait y avoir un encadrement au niveau québécois qui serait plus, mieux défini...

M. Massicotte (Paul): Exactement.

M. Julien: ...si je comprends bien, si mon terme est exact.

Un autre élément, puis c'est le dernier que je veux soulever, puis, là-dessus, je suis impressionné, c'est la politique environnementale que vous avez adoptée et dont vous faites les rapports depuis déjà deux ans, et ça rejoint un peu l'approche que j'ai, à savoir la responsabilisation, et ça, j'y tiens énormément. Votre implication au niveau des différentes technologies; on a reçu le CRIQ la semaine dernière, et ça, je pense que c'est une avenue qui n'est peut-être pas accessibles à tout le monde, mais c'est une avenue. Et l'autre qui m'intéresse particulièrement, parce qu'on en a souvent entendu parler puis, souvent, les gens disaient: Qu'est-ce que c'est? J'aimerais ça, peut-être M. Laflamme pourrait me répondre là-dessus... M. Lapalme, excusez-moi. C'est la question du Super-F. Je sais que ça ne règle pas tous les problèmes d'environnement, mais il y a un effet. J'aimerais que vous me commentiez ça parce que c'est une approche avec laquelle on a été peu familier, puis j'aimerais ça un petit peu, rapidement quand même, parce que je veux que les autres partenaires posent des questions.

M. Massicotte (Paul): Il sait de quoi il parle.

M. Julien: Oui, j'imagine, on me dit qu'il l'a pratiquée beaucoup.

M. Lapalme (Maurice): M. le ministre, ça a été expérimenté à la ferme chez moi, en septembre 1996, lors de la période d'épandage, et ça s'est réalisé une expérience extraordinaire, un produit révolutionnaire qui élimine complètement toutes les odeurs. Même, on se permet de parfumer la campagne avec une odeur de fruit.

M. Julien: Donc, ça a vraiment donné des résultats tangibles au niveau des odeurs. Je ne dis pas que ça règle la question de la pollution...

M. Lapalme (Maurice): Non, non, les odeurs.

M. Julien: ...mais la notion d'odeur. Pour vous, ça a réglé une question importante.

M. Lapalme (Maurice): Oui.

M. Julien: Donc, ça aurait une importance capitale lorsqu'on détermine des paramètres ou autres, ça pourrait être une technologie qu'on pourrait regarder en tout cas, ou un type d'intervention, si j'ai bien compris.

M. Lapalme (Maurice): Oui, effectivement.

M. Julien: Merci, Mme la Présidente. Je vous remercie beaucoup pour votre mémoire, excellent.

La Présidente (Mme Vermette): Je vous remercie. Alors, en vertu de l'alternance, M. le responsable des dossiers d'agriculture, M. le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Farrah: Oui, merci, Mme la Présidente. M. le président, messieurs, bonjour. Merci de votre présentation. Je pense que c'est très éclairant et, aussi, je pense que vous avez démontré l'importance qu'a votre entreprise dans l'ensemble du Québec. On voit que les retombées sont très importantes, et ça, je pense que ce sont des bonnes nouvelles.

Ceci étant dit, par rapport à votre mémoire, je vais revenir sur l'aspect des municipalités parce qu'à part les unions municipales, que nous avons entendues la semaine dernière, la très grande majorité des groupes qui sont venus devant nous, sinon la totalité, ont des très, très fortes appréhensions à l'égard des municipalités face à l'application de la réglementation qui va être définie par le gouvernement. À la page 9, vous dites, au cinquième paragraphe: «Le projet de directive comporte des éléments qui nous inquiètent. Si cette directive a pour but de compléter les amendements apportés à la loi de protection du territoire agricole en vue d'assurer le droit de produire – et c'est l'objectif, j'espère bien – nous nous interrogeons sur son effet face à des autorités municipales qui limitent abusivement le droit de produire.» Alors, ce que vous dites en quelque sorte, c'est que, si la volonté du gouvernement est à l'effet de promouvoir le droit de produire – on n'a pas de raison de douter de ça – mais que, par contre, l'application de la réglementation par les municipalités, selon vous, pourrait avoir des effets alors contraires, alors ça devient un peu incohérent. Si on recherche un objectif, on n'a pas les bons moyens pour atteindre cet objectif-là, nous utilisons des moyens exactement pour atteindre le contraire de l'objectif qu'on veut initialement. J'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Massicotte (Paul): Bon. On se réfère à ça avec des expériences qui ont été vécues ces dernières années, et souvent, c'est le passé qui est garant de l'avenir et il y a des exemples importants. J'inviterais Mario à peut-être commenter un peu cet aspect-là de la situation.

M. Dumais (Mario): Au fond, ce qui nous inquiète, c'est le fait qu'en zone verte un exploitant, producteur de porc ou d'une autre production peut proposer une implantation ou un agrandissement qui respecte toutes les règles environnementales auxquelles sont soumises ses activités et qu'au bout du compte la municipalité décide de bannir la production même de la zone verte, et on en a des exemples. Alors, soit que la municipalité, à travers un règlement, dit: Même si vous respectez les règlements de l'environnement provinciaux, même si vous êtes en zone verte, nous, dans notre municipalité, on n'accepte pas cette production-là. Alors, c'est un exemple très concret et je pense que vous connaissez beaucoup d'exemples qui font les manchettes un peu partout. Je n'insisterai pas sur les difficultés d'établissement de porcheries dans la région de Rimouski, du Bas-Saint-Laurent, le cas de Purdel. Si on disait à Purdel: Vos activités ne sont pas correctes, ne sont pas conformes à l'environnement, vous polluez, etc.... Mais, si on propose d'établir une exploitation dans la zone verte qui est conforme à toutes les réglementations, qu'est-ce qu'on fait quand soit que la municipalité énonce un règlement qui bannit ce type de production là ou qui limite tellement l'endroit où ça peut s'établir que ça devient fonctionnellement impossible de le faire, ou encore, sans adopter un règlement, quand vient le temps d'émettre les permis de construction, les permis d'environnement, que ce soit bloqué à ce niveau-là? Alors, avec tous les multiples exemples de difficulté qu'il y a à l'heure actuelle d'implanter des projets, même des projets qui se conforment à tous les règlements environnementaux, on s'interroge en se disant: Cette directive-là, comment va-t-elle régler le problème de l'établissement d'une porcherie à Sainte-Luce ou à Saint-Charles-Garnier? Alors, ce n'est pas évident, pour nous, que l'adoption de la directive va régler ces problèmes-là et va permettre d'assurer le droit de produire qui est supposé être l'objectif de tout ça.

Les producteurs qui veulent implanter une porcherie à Sainte-Luce, s'ils sont conformes aux normes environnementales, auront-ils plus le droit de produire après l'adoption de ce règlement-là? Alors, c'est ça, au fond, l'arbitraire. Il peut arriver que, dans une municipalité, une opinion publique ayant peut-être un peu de préjugés convainque un conseil municipal que, non, on n'en veut pas de porcheries dans notre lieu. Alors, quel recours ont les investisseurs devant une telle situation? Alors, c'est ce qu'on veut dire par des règlements qui nous semblent abusifs, qui nous semblent paralyser le droit de produire.

M. Farrah: Sauf que ma compréhension, c'est à l'effet que, lorsque la réglementation va être définie et si l'entreprise respecte cette réglementation-là, donc la municipalité ne peut pas aller au-delà de cette directive-là. Alors, la question est la suivante maintenant: Est-ce que la réglementation qui va être proposée va satisfaire les besoins de votre industrie? Je pense que c'est plus ça, là, qu'est le débat. À ce moment-là, si on établit une réglementation qui est appliquée par les municipalités, puis même si l'entreprise agricole la respecte, et la municipalité n'émet pas le permis d'exploitant, à ce moment-là c'est le bordel. C'est le bordel. Alors, j'espère que ce ne sera pas la situation. Mais, vous, vous avez vu, dans le passé, des situations analogues, alors que des entreprises agricoles respectaient les normes environnementales et que la municipalité n'a pas voulu émettre de permis?

M. Dumais (Mario): Absolument. Il y en a des cas vécus présentement, là.

M. Farrah: Alors, donc, par conséquent, vous ne trouvez pas que les municipalités sont assez objectives pour pouvoir justement avoir cette responsabilité-là d'émettre ces permis et de faire respecter les règles du gouvernement?

(9 h 50)

M. Dumais (Mario): Oui. On n'a pas voulu poser un jugement sur l'ensemble de la façon de se comporter du monde municipal. Au fond, ce que vous avez cité, c'est une interrogation. On dit: On s'interroge sur l'efficacité d'une telle directive pour assurer le droit de produire. Si, dans certains cas, souvent particuliers, de municipalités qui, par exemple, vivraient un mouvement d'humeurs de leurs citoyens, qui pourraient être des humeurs fondées, mais qui pourraient peut-être être des humeurs fondées sur des préjugés, alors, dans un tel cas, comment cette directive-là nous assurera-t-elle le droit de produire? C'est une interrogation. Si on peut nous dire, si on peut nous démontrer: Non, non, vous êtes indûment inquiets, ça va le régler, bien tant mieux. Mais, à date, la lecture de la directive nous laisse cette interrogation-là. Est-ce que ce sera un outil pour assurer le droit... non pas le droit de polluer, comme on l'a très bien dit, ce n'est pas ça qu'on demande, mais le droit de produire conformément aux exigences environnementales? C'est ça qu'on veut assurer. Et quel serait notre pouvoir? Comment notre situation serait-elle améliorée vis-à-vis une municipalité qui doit, par exemple, émettre un permis de construction à un moment donné et qui dit: Je n'en émets pas? À l'heure actuelle, bien, il faut aller devant les tribunaux pour essayer de se faire émettre un permis qui devrait nous être émis parce qu'on est conforme aux exigences.

M. Farrah: C'est un bon point, ça.

M. Dumais (Mario): Alors, est-ce que, demain matin, il va falloir encore aller devant les tribunaux pour dire: Vous devriez nous émettre un permis? Vous ne voulez pas nous en émettre? Qu'est-ce qu'on fait? Qu'est-ce qu'on va faire demain matin par rapport à ça?

M. Farrah: Et on parle toujours dans la zone verte en plus, ça fait que, imaginez..

M. Dumais (Mario): Dans la zone verte, évidemment.

M. Farrah: Oui.

M. Dumais (Mario): Et pour une exploitation qui est conforme aux normes édictées par les municipalités, par le gouvernement provincial. Quand une exploitation respecte tout ça et qu'à un moment donné vient se superposer à ça un règlement qui dit: On ne veut pas de porcherie dans notre zone verte, ou qui dit: Toute votre affaire est en règle, mais on n'émet pas le permis, bon, alors, qu'est-ce qu'on fait? À l'heure actuelle, on va devant les tribunaux. Demain matin, est-ce qu'on va aller devant les tribunaux encore? C'est notre interrogation. Est-ce qu'on va avancer dans... Ne perdons pas de vue l'objectif. L'objectif, c'est de concrétiser le droit de produire. Alors, on se dit: Aura-t-on vraiment avancé d'une manière significative dans la concrétisation du droit de produire, de produire conformément au respect de l'environnement en zone verte? Est-ce qu'on va avoir réglé le problème avec cette directive-là? On s'interroge. Si on l'a réglé, tant mieux, mais, à l'heure actuelle, on a encore quelques interrogations là-dessus.

M. Farrah: Votre point est juste à l'effet que c'est le droit de produire et c'est non pas le droit de ne pas produire...

M. Dumais (Mario): Oui, c'est ça...

M. Farrah: ...qu'on doit regarder ici.

M. Dumais (Mario): ...qu'on est en train de discuter.

M. Farrah: Un des problèmes au niveau agricole notamment dans le domaine du porc, c'est bien évident, c'est la perception à l'égard de cette production-là. Une façon de passer au travers de tout ça, certainement c'est une meilleure cohabitation dans les différentes régions du Québec où il y a des projets de porcheries, avec les différents intervenants de la région. On sait qu'on parle de comités consultatifs agricoles; vous n'en avez pas parlé dans votre mémoire. Est-ce que vous pensez que cette formule-là est une formule intéressante pour régler les dossiers dans les différentes régions agricoles du Québec?

M. Massicotte (Paul): Les comités consultatifs qui sont prévus dans les régions sont pour regarder, examiner, évaluer les impacts possibles de la pratique de l'agriculture. Là aussi, parce qu'on a un caractère provincial, nous, on s'interroge sur la façon d'être équitable dans un milieu par rapport à une autre région ou à un autre milieu qui devront tenir compte un peu d'un équilibre. C'est évident que, s'il y a de très fortes concentrations, ça peut apporter une formule de jugement qui est différente où il y a moins de concentrations. Mais les comités sont là justement pour tâcher de regarder, examiner comment la réglementation s'harmonise avec le droit de produire dans un milieu donné et justement pour permettre que le droit de produire existe vraiment. Ce n'est pas, comme vous dites, pour empêcher de produire, c'est pour permettre de produire, mais dans un environnement et dans des normes acceptables, respectueuses des règles de l'environnement qui, de plus en plus, je pense, vont être respectées davantage et aussi vont découvrir des techniques qui vont permettre d'atténuer les nuisances, et aussi les productions... Il faut savoir que, lorsqu'on fait des productions animales, c'est toujours soutenu par des productions végétales. Et si on utilise les résidus de production animale pour favoriser la production végétale, on finit par faire un cercle, une forme d'autosuffisance avec nos propres produits. C'est toujours aussi en relation avec l'utilisation des fertilisants minéraux. Alors, où est l'équilibre? C'est là qu'on veut travailler sur la responsabilisation, atténuer les inconvénients. Il y a du travail qui se fait. Il va se trouver des choses.

Si on fait la comparaison avec le secteur des pâtes et papiers, il y a quelques années c'était le secteur visé pour ce qui était de la protection de l'environnement. Aujourd'hui, il y a eu des choses qui se sont faites, il y a eu des découvertes, il y a eu des applications. C'est important au Québec, mais l'agriculture aussi. Et aujourd'hui, les papiers tirent bien leur épingle du jeu dans la protection de l'environnement. Il va arriver la même chose en agriculture. Mais il faut, là aussi, montrer une forme de patience et de tolérance, sachant qu'on veut tous manger, manger et permettre à d'autres de manger aussi. Puis on a cette mission-là.

La Présidente (Mme Vermette): Merci. Est-ce que c'est terminé, monsieur?

M. Farrah: Une dernière question.

La Présidente (Mme Vermette): Oui.

M. Farrah: Vous parlez de la notion de petite et moyenne entreprise qui est arbitraire. Compte tenu que ce n'est pas évidemment très, très clair, c'est quoi une petite, une moyenne, c'est quoi une grosse? Est-ce que ça peut avoir un effet sur de l'expansion? Est-ce que ça peut avoir un effet sur un nouveau projet d'une grosse entreprise? J'aimerais vous entendre là-dessus, sur cette notion-là de petite et moyenne entreprise agricole.

M. Massicotte (Paul): C'est pour ça qu'on a une interrogation. On ne connaît pas la vôtre, non plus, la perception que vous avez de la petite et moyenne entreprise. Je ne sais pas, moi; là où il se fait de l'élevage, où il y avait 35 têtes, si, demain matin, sur le plan économique, il y a des économies d'échelle pour 50 têtes, on devra être à 50 têtes. Si on dit: Vous devez rester à 35, on vient de sortir.

M. Farrah: C'est ça.

M. Massicotte (Paul): Bien, c'est un peu ça. Aujourd'hui, une petite n'est peut-être pas la même perception de ce que c'était une petite il y a 25 ans. Et demain on ne fera pas un règlement pour aujourd'hui, on fait un règlement pour vivre avec, aujourd'hui et demain. Alors, il faudra avoir une forme d'élasticité dans la perception de ce qu'est une petite, une moyenne. Une PME, puis une TPME, puis une grande entreprise, aujourd'hui, c'est quoi? Les paramètres, «c'est-u» en dollars? «C'est-u» en nombre? «C'est-u» en grandeur? «C'est-u» en hauteur? C'est ça, la question. Puis ça peut être différent d'une région à l'autre. Alors, c'est avec une préoccupation d'équité aussi qu'on a cette préoccupation-là.

M. Farrah: La question se pose puis on attend des réponses, nous aussi. Alors, merci pour votre mémoire.

M. Massicotte (Paul): Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, je passe la parole maintenant au ministre de l'Environnement.

M. Cliche: Bonjour. C'est un bon mémoire. Lorsque je lis à la page 8, notamment, que vous reconnaissez que le droit de produire n'est pas absolu, que le droit de produire, ce n'est pas un droit de polluer, puis vous reconnaissez l'importance d'encadrer correctement le droit de produire, je pense qu'à partir de ça on est sur la même longueur d'onde. Reste à déterminer maintenant le cadre.

Avant que je tombe là-dessus, il y a une chose qui me chicote depuis mon jeune temps. Est-ce que vous êtes propriétaire de l'ancien abattoir Turcotte & Turmel, à Vallée-Jonction? «C'est-u» vous qui...

Une voix: Oui.

M. Cliche: Alors, quand je faisais du canot quand j'étais jeune, puis j'allais à la pêche à l'achigan, puis je faisais un coup de sang à chaque fois que le tuyau sortait, c'est terminé, ça? Je comprends de votre mémoire que, ça, c'est terminé.

M. Massicotte (Paul): On a investi beaucoup de millions pour améliorer cette situation-là à Vallée-Jonction.

M. Cliche: Ah bon!

M. Massicotte (Paul): Beaucoup de millions de l'ordre de je ne sais pas combien.

M. Cliche: Ah bon! Donc, un cauchemar de ma jeunesse est terminé. Félicitations!

M. Massicotte (Paul): Probablement, sûrement.

M. Cliche: Merci. Bon, je suis sûr que le député de Beauce-Sud...

Une voix: Beauce-Nord.

M. Cliche: Beauce-Nord, excusez-moi... le député de Beauce-Nord va apprécier, qui, lui-même, je suis sûr, est un grand canotier sur la rivière Chaudière.

M. Dumais (Mario): Peut-être, M. le ministre, quand même vous n'êtes pas très âgé, ce n'est pas ça que je veux dire, mais, quand vous étiez très jeune, ce n'est peut-être pas sûr que c'était la Coopérative fédérée qui en était propriétaire à ce moment-là.

M. Cliche: Non, non, c'était Turcotte & Turmel.

M. Dumais (Mario): C'est ça.

M. Cliche: Alors, je comprends que, quand...

M. Dumais (Mario): On l'a acquis ultérieurement.

M. Cliche: C'est ça. Quand je comprends que vous achetez une entreprise, vous l'amenez aux normes de l'environnement.

M. Dumais (Mario): Exact.

(10 heures)

M. Cliche: Donc, page 8, je suis très satisfait.

Quand je retourne à la page 3, c'est toute la question de l'acceptation sociale, et vous êtes au coeur de ça, puis je veux élaborer un peu là-dessus. D'abord, je veux vous dire que nos intentions, c'est de confirmer le droit de produire des producteurs et, je l'ai dit la semaine dernière, qu'à l'intérieur du cadre qu'on va déterminer, les producteurs puissent produire en paix en zone verte. C'est ça, le droit de produire. Et comme vous le dites, le droit de produire, ce n'est pas le droit de polluer. Là, on est dans la zone de l'acceptation sociale.

Lorsque vous dites qu'il faut être tolérant parce que les gens veulent manger, oui, j'en conviens, mais, quand je regarde vos chiffres, là, que 65 % de votre production d'aliments est exportée... Nous, on veut manger du jambon, mais la question que les Québécois se posent... En tout cas, moi, ceux que je rencontre des fois sur le trottoir me disent: Oui, nous, on veut manger, mais est-ce qu'on veut empester nos campagnes pour donner du jambon aux Japonais, là? Alors, je vous recommande la prudence sur le besoin de manger. Oui, on veut tous manger du jambon, mais les gens sentent qu'il y a vraiment une progression importante de la production porcine au Québec et, vos chiffres le confirment, on sent qu'on alimente le monde en porc. Et, c'est ça, je pense, qui est un élément... Un élément du problème de l'acceptation sociale est relié à ça. Je veux juste vous signaler ça.

Mais je veux parler des municipalités. C'est clair pour nous que, lorsque nous aurons déterminé l'encadrement, cet encadrement-là aura préséance sur le règlement des municipalités. Et c'est le sens de la loi. Les règlements et les orientations gouvernementales en provenance du ministère de l'Environnement et de la Faune ont préséance sur les règlements des municipalités, de sorte qu'on vise à empêcher l'exagération des municipalités qui, par des règlements de zonage ou des distances exagérées, font en sorte que, sur la zone verte, elles se trouvent à bannir la production agricole. C'est ça, le droit de produire. C'est ça qu'on veut régler.

Mais là je reviens à cette notion parce que je sais que mes collègues l'ont entendue, eux aussi, c'est toute la notion de la fourchette et du rôle des municipalités, des MRC, discuter de l'application chez elles de la fourchette. Et là, plus ça va, plus je me demande si on ne devrait pas revenir à l'idée initiale qu'on avait peut-être, nous, au ministère de l'Environnement et de la Faune, c'est un règlement mur à mur au niveau des distances séparatrices et des odeurs. Si c'est ça que vous voulez, on peut le faire, par contre, ce que je vous signale, c'est que, dans certains milieux, sentir le fumier – parce que, quand on manipule le fumier, ça finit par sentir le fumier – au printemps ou à l'automne, ça fait partie de la vie. Dans la MRC de Robert-Cliche, sentir le fumier au printemps ou à l'automne, ça fait partie de la vie. Puis, dans la MRC de Laval dont j'ai la responsabilité ministérielle, implanter une porcherie, même dans la zone agricole qui sert à l'agriculture, à l'horticulture, serait impensable.

Alors, l'idée de tout ça, c'est de baliser le droit des municipalités, si je peux m'exprimer ainsi, de le restreindre mais de faire un débat à l'intérieur des MRC sur l'acceptation sociale. Une fois que ce débat-là aura été fait et que ça aura été intégré dans les MRC, dans les municipalités, nous, on pense que c'est ça, la clé de l'acceptation sociale. J'aimerais vous entendre là-dessus. On dirait que les producteurs agricoles ont peur des municipalités. C'est ce qu'on sent, là. On a senti ça, la semaine dernière. Nous, on croit que dans les comités agricoles, les comités consultatifs, on va retrouver les producteurs agricoles à 50 %, si ma mémoire est bonne, avec d'autres représentants; là, le débat va se faire. Puis, c'est en faisant le débat régionalement que l'acceptation sociale va se faire. J'aimerais vous entendre là-dessus parce que, nous, c'est notre perspective. Si on diverge de la perspective, ça change pas mal notre proposition, là.

M. Massicotte (Paul): M. le ministre, concernant les volumes qui vont à l'exportation, il faut savoir que, si on parle de viande, si on parle de porc, à l'intérieur d'un porc, il y a plusieurs parties. Peut-être qu'on aime mieux le jambon au Québec...

M. Cliche: Mais tout est bon dans le cochon.

M. Massicotte (Paul): Tout est bon dans le cochon, mais on a aussi des goûts, des goûts particuliers d'une région à l'autre. Et il y a des prix différents aussi pour certaines parties. Il y a des fois avantage à disposer... Si on parle du poulet, souvent on préfère la poitrine aux cuisses. Qu'est-ce qu'on fait de nos cuisses après avoir mangé nos poitrines? Il faut faire un poulet nécessairement pour avoir des poitrines et il nous reste des cuisses. Si les Chinois veulent manger des cuisses, pourquoi ne pas leur vendre pour avoir suffisamment de poitrines? Dans le porc, il y a des parties un peu comme celles-là aussi. On a développé des marchés qui achètent des portions intéressantes du porc, qui sont très rémunérateurs et qui ne laissent pas en manque les consommateurs du Québec, ce qui permet une meilleure variété de produits.

Pour ce qui est des municipalités, ce n'est peut-être pas une crainte comme un désir d'avoir de l'équité et de l'équilibre. On est conscient que, sur la rue Sainte-Catherine, ce n'est peut-être pas une place pour aller mettre une porcherie, malgré qu'il y aurait peut-être de l'espace aujourd'hui. Je ne sais pas, là, ce qui se passe là.

M. Cliche: Dans l'Ouest. Une nouvelle vocation pour l'ancien Forum de Montréal. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Massicotte (Paul): On en cherche. On cherche beaucoup de choses pour Montréal. L'exemple de Laval est peut-être un exemple particulier aussi. De l'horticulture, il s'en fait à Laval, mais ce n'est peut-être pas évident là non plus. On ne fait pas un règlement avec une règle d'exception, il faut faire un règlement général qui permet des choses.

M. Cliche: Oui, mais, l'idée, c'est d'avoir un débat social au niveau des MRC. On dirait que vous avez peur d'avoir ce débat-là au niveau des régions. L'idée, c'est d'accepter socialement qu'à Laval il peut y avoir des exigences sur les odeurs qui soient plus importantes, qui soient plus grandes que les exigences de la MRC Robert-Cliche. C'est ça, l'idée fondamentale. Est-ce que vous acceptez ce concept-là? Est-ce que vous êtes prêts à faire le débat dans les régions et à accepter ce concept-là?

Je sais que les avocats n'aiment pas ça, ils disent: Ça va être inéquitable, ça va être différent. Mais, est-ce que vous acceptez le concept qu'il va y avoir, au niveau des odeurs, des règles qui vont pouvoir varier d'une MRC à l'autre, dépendamment de la conclusion du débat social qui va avoir lieu?

M. Massicotte (Paul): En respect d'un règlement-cadre qui peut permettre certaines marges, comme vous le dites, mais on le vivra dans le temps comme dans le temps. Mais il faudrait de la part du ministère ou du gouvernement une forme de chapeau ou une forme d'arbitrage qui éviterait d'avoir des exagérations en termes de décisions régionales.

M. Cliche: Bien, si on met un maximum, on coupe les exagérations, non?

M. Massicotte (Paul): Bien... oui. On va le vivre dans le temps aussi. Puis, la chicane, ce n'est jamais souhaité.

M. Cliche: La chicane... Pardon?

M. Massicotte (Paul): La chicane, ce n'est jamais souhaité.

M. Cliche: Non, non, non. C'est ça qu'il faut régler. C'est ça notre objectif.

M. Massicotte (Paul): C'est ça. Mais, je n'en ai pas, de réponse précise, moi non plus. Je ne sais pas comment ça va se vivre dans les régions.

M. Cliche: Une dernière question. Les poussières. Vous rejetez notre approche sur la notion de dépôt de poussières chez le voisin. Notre approche, c'est que vous pouvez faire toute la poussière que vous voulez chez vous, mais il ne doit pas y en avoir sur le perron du voisin. Qu'est-ce que vous suggérez à la place de ça?

M. Massicotte (Paul): Ça dépend bien de vents, ça. C'est comme les pissenlits, ça. Le pissenlit, s'il monte, il redescend à la même place, il est moins dommageable que s'il se promène par le vent. Le pissenlit, au printemps, dans ma région, il peut aussi bien venir du voisin qui n'est pas agriculteur, puis je ne me plains pas, moi.

M. Cliche: Alors, qu'est-ce que vous suggérez sur les poussières?

M. Massicotte (Paul): Ah! De tâcher de les éviter. Il n'y a pas de normes là-dessus pour moi.

M. Dumais (Mario): Si vous permettez, on n'a pas dit que c'était inacceptable qu'il y ait des normes pour limiter les poussières, on dit que l'idée qu'une poussière visible... que dès qu'il y a de la poussière visible, c'est inacceptable... Il y a pas mal d'agriculteurs dans des milieux ruraux où il y a des chemins de gravelle qui ont pas mal de poussières visibles dans leurs champs de blé d'Inde et sur leurs galeries. Est-ce qu'on va arrêter les automobiles de passer sur la route parce qu'il y a de la poussière visible? C'est cette idée-là, de dire que dès qu'il y a une poussière qui est visible, c'est inacceptable. Bon, les agriculteurs endurent pas mal de poussières qui viennent d'autres sources que d'eux et le gouvernement n'arrête pas toutes les formes de poussières visibles qui retombent sur une exploitation agricole. Alors, ça nous semble un peu abusif, les poussières visibles, comme normes.

M. Cliche: C'est vrai. C'est vrai. Quand je vais dans mon rang, moi, on mange de la poussière pas mal.

M. Massicotte (Paul): Oui. Puis l'agriculteur aussi.

M. Cliche: Oui. On va mettre de l'asphalte. Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Vermette): C'est terminé, M. le ministre? Je vous remercie. M. le député de Papineau.

M. MacMillan: Merci, Mme la Présidente. J'écoute M. le ministre de l'Environnement puis tantôt, quand vous avez lu votre document, il y a quelque chose qui... Ça donne quoi d'avoir un règlement dans les MRC ou d'avoir des comités consultatifs quand on va avoir une loi, la loi 23, et que c'est le ministère de l'Environnement qui va décider à Québec? On dit qu'on a besoin d'avoir des consultations dans chacune de nos régions. La semaine passée, l'UMRCQ demandait qu'il y ait un plus grand pouvoir ou que le comité consultatif... D'ailleurs, chez nous, dans Papineau, ça fait déjà un an qu'ils ont un comité consultatif avec les gens de l'agriculture et ça va très, très bien.

(10 h 10)

Tantôt, j'écoutais M. le ministre, puis on disait: On va vous écouter pendant deux semaines. Ensuite, on va dire aux MRC: Faites vos schémas d'aménagement, faites vos comités consultatifs, mais c'est nous, à l'Environnement, qui allons décider quand même, à Québec. Vous, dans votre mémoire, vous parlez de concertation avec le milieu. Comment vous le voyez, ça, directement, que chaque MRC prenne le contrôle avec les agriculteurs? Il ne faut pas mettre ces gens-là de côté, la création d'emplois est là. Je veux dire, le développement économique suit carrément avec ça. La concertation du milieu, comment vous la voyez? Est-ce que vous voulez dire qu'on devrait strictement demander aux MRC, avec les comités consultatifs, de décider dans leur schéma d'aménagement?

M. Massicotte (Paul): Probablement que chaque région remplie de bonne volonté peut arriver à des résultats très intéressants. Vous donnez l'exemple de votre région qui va très bien. Est-ce vous pouvez me garantir que toutes les autres régions du Québec pourraient aller bien comme la vôtre?

M. MacMillan: Non.

M. Massicotte (Paul): C'est simplement cette interrogation-là qu'on soumet.

M. MacMillan: Mais, vous, vous parlez de concertation dans le milieu, comment vous la voyez vraiment?

M. Massicotte (Paul): Dans un équilibre, avec une pensée favorable vers l'agriculture, parce qu'on parle de la politique du droit de produire. Alors, il faudrait que ça permette de produire en agriculture. C'est là où il faudrait qu'il y ait une coche plus forte, c'est mon point de vue.

M. MacMillan: Dans les régions?

M. Massicotte (Paul): Dans les régions.

M. MacMillan: Avec un cadre d'intervention à Québec, si vous voulez...

M. Massicotte (Paul): Oui.

M. MacMillan: ...mais qui laisse les régions, avec ce cadre d'intervention là, prendre les décisions, pas qu'à chaque fois on soit obligé d'aller au tribunal si les MRC refusent.

M. Massicotte (Paul): Mais, au départ, il faudrait que ça permette que ce soit favorable à l'agriculture.

M. MacMillan: D'accord.

M. Massicotte (Paul): Ça, c'est mon point de vue, puis il y en a d'autres qui prétendent autrement.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, sur toutes ces bonnes paroles, M. Dumais, on vous remercie de votre présentation. Je trouve que ce que vous avez apporté, en tout cas, est très intéressant et nous apporte un éclairage important, en fait, et qu'on devra en tenir compte au moment de nos délibérations. Je laisse au ministre de l'Agriculture le dernier mot.

M. Julien: Alors, M. le président, d'abord, je vous remercie beaucoup pour la qualité de votre mémoire. Ce que je retiens entre autres, c'est un sujet qui a été abordé effectivement par différents milieux, pas uniquement dans le monde agricole. Je pense, entre autres, au Conseil régional de l'environnement qui a souligné sa préoccupation par rapport au lien entre le monde municipal et le droit de produire par rapport aux paramètres. Alors, je pense que c'est un message qui a été bien entendu. Peut-être un petit élément pour lequel aussi ça me rejoint, c'est qu'on me disait que, sur 100 demandes de modification du zonage agricole, il y en a 90 % qui reçoivent l'aval des municipalités. Donc, je pense que, là-dessus, il y a encore des discussions à y avoir, mais je vous remercie beaucoup.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, merci bien.

M. Massicotte (Paul): Merci.

La Présidente (Mme Vermette): Je demanderais à l'Association des aménagistes régionaux du Québec de bien vouloir se présenter, s'il vous plaît.

Si vous voulez prendre place, s'il vous plaît. Alors, je demanderais aux membres de la commission de bien vouloir prendre leur siège. Donc, nous allons entendre l'Association des aménagistes régionaux du Québec. Le président de cette association est M. Dominique Desmet. Bienvenue, M. Desmet, à cette commission. J'aimerais que vous nous présentiez les gens qui vous accompagnent, s'il vous plaît, et j'aimerais vous dire que vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire.


Association des aménagistes régionaux du Québec (AARQ)

M. Desmet (Dominique): C'est bien, madame, je vous remercie. Alors, à ma gauche, il y a M. Francis Provencher, qui est l'aménagiste de la MRC de Rouville; à ma droite, M. François Cyr, aménagiste de la MRC du Val-Saint-François; et, à l'extrême droite, M. Denis Ouellette, aménagiste de la MRC d'Arthabaska; moi-même, Dominique Desmet, aménagiste pour la MRC de la Haute-Yamaska.

La Présidente (Mme Vermette): Si vous voulez procéder, s'il vous plaît.

M. Desmet (Dominique): Nous procédons, je vous remercie. Évidemment, on remercie la commission de bien vouloir nous accorder cet entretien ce matin. Je vous dirais que c'est avec un certain intérêt qu'on suit ce dossier-là. Nous avons également suivi le dossier sur l'adoption de la loi 23 dans le temps, ça remonte à 1995.

En guise de présentation, je vous dirais que nous sommes, l'Association des aménagistes régionaux, l'association qui regroupe les personnes qui travaillent au niveau technique des schémas d'aménagement. Alors, par rapport à tout le processus dont on discute aujourd'hui, nous nous situons, si vous voulez, passablement en aval de tout ça, puisque nous sommes les personnes qui allons forcément rédiger les schémas d'aménagement et, en partie aussi, pour certains d'entre nous, nous allons jusqu'à rédiger des règlements municipaux qui vont évidemment tenir compte des paramètres que le gouvernement va nous transmettre. Nous travaillons en grande partie... Les aménagistes régionaux oeuvrent beaucoup en milieu rural. D'ailleurs, on nous appelle même affectueusement, et non pas péjorativement, quelquefois les «urbanistes de campagne»; donc, c'est pour vous situer de quelle façon nous travaillons au quotidien.

Nous allons faire un tour un peu de ce qui a été proposé dans le document de consultation qui nous a été soumis. Donc, il va être rapidement question de santé, des méthodes proposées en ce qui concerne les facteurs d'usage, les questions d'immunité, l'aménagement du territoire, la réciprocité et également l'expansion et l'agrandissement des établissements existants ainsi que les questions relatives, soit à l'épandage, au Comité consultatif agricole et quelques autres considérations, s'il nous reste du temps. Là-dessus, je passe la parole à mon collègue M. Provencher.

M. Provencher (Francis): Mme la Présidente, messieurs, au niveau de la santé, j'avoue, d'entrée de jeu, que nous avons été très surpris de constater que le premier principe général était la protection de la santé publique. Non pas que nous soyons contre ce principe-là, je pense qu'il devrait être partout là où il doit être, sauf que nous n'avions pas entre les mains d'études qui démontraient effectivement qu'il y avait un lien direct entre la santé publique et la question des odeurs. Cependant, ce n'est pas parce qu'il n'y a pas d'études qui démontrent qu'il n'y a pas de lien qu'il n'y en a pas effectivement. Ce que, nous, on propose dans le fond, compte tenu des lectures qu'on a faites et de l'évolution des études qui sont faites actuellement, c'est d'ajouter à la question de la protection de la santé publique la question du bien-être collectif. On croit que, compte tenu qu'il n'y a pas actuellement d'études qui démontrent hors de tout doute qu'il y a un lien étroit et indubitable entre la santé et les odeurs, nous croyons que ça va être plus facile de défendre la question des mesures à mettre en place pour la protection des autres activités contre les odeurs, de parler également du bien-être collectif.

Au niveau de la santé, on définit la santé comme étant une question physique, mais il y a également les questions morales, les questions qui pourraient être concernées par les odeurs. Nous croyons que la majorité des gens vont être capables de mieux assimiler ces mesures-là, si on fait aussi référence aux questions de bien-être.

(10 h 20)

M. Desmet (Dominique): O.K. Je passe la parole à M. Ouellette qui va vous parler de la méthode proposée de gestion des odeurs justement.

M. Ouellette (Denis): Madame, messieurs, la méthode proposée, qui vise à mesurer les odeurs, n'est pas nouvelle en soi si on la compare au projet de règlement sur la réduction de la pollution d'origine agricole, le projet de règlement qui a été adopté le 24 août 1994. Les annexes de la proposition sont d'ailleurs une copie presque exacte du projet de règlement d'août 1994.

La méthode proposée de gestion des odeurs repose sur les travaux de l'Association des ingénieurs allemands. Loin de nous l'idée de vouloir critiquer ces travaux; à tout le moins, nous aurions apprécié en savoir plus long sur ceux-ci afin de pouvoir se prononcer sur la méthode et de pouvoir évaluer l'adéquation de ces travaux en regard des caractéristiques du territoire québécois.

On est d'avis que la méthode proposée est un bon point de départ. Nous sommes d'accord avec les éléments utilisés pour calculer la charge d'odeurs compatibilisables, soit le produit du nombre d'animaux, de la charge d'odeurs par animal, du facteur d'atténuation et du facteur d'élevage. Nous félicitons le gouvernement de tenir compte de la concentration des établissements en comptabilisant les sources d'odeurs situées à proximité d'une installation.

Nous appuyons la proposition d'avoir différentes valeurs du facteur d'usage selon le milieu, soit l'habitation, le commerce, la villégiature, les activités institutionnelles et le périmètre d'urbanisation. On est d'avis aussi que la notion de facteur d'usage est primordiale et on en vient aux commentaires suivants: La valeur du facteur d'usage que le gouvernement édictera est une inconnue dans la proposition de principes généraux. Selon nous, ce facteur d'usage sera celui qui déterminera les distances minimales et maximales à l'intérieur desquelles une MRC établira les normes minimales au document complémentaire, normes minimales qui devront être égales ou plus précises dans les règlements municipaux. C'est la valeur du facteur d'usage qui décidera s'il y a effectivement une cohabitation harmonieuse des activités agricoles et non-agricoles en milieu rural.

Nous croyons que les valeurs du facteur d'usage doivent être connues pour être en mesure de se prononcer sur les impacts réels des mesures proposées. Sinon, le gouvernement offre un exercice de cautionnement de principes généraux tout en se gardant une entière liberté d'action pour déterminer les mesures et modalités d'application de ces principes généraux. Il est d'usage de dire que tous sont pour les principes et la vertu mais que peu s'entendent sur la pratique. Maintenant, M. François Cyr va vous entretenir du thème de l'immunité.

M. Cyr (François): Bien que la proposition de principes généraux n'introduit pas la notion d'immunité aux producteurs agricoles, cette garantie était décrétée à l'article 79.17 de la loi adoptée le 20 juin 1996. La notion d'immunité aux producteurs agricoles est conditionnelle à se conformer aux deux éléments suivants: le premier, aux distances relatives à la gestion des odeurs qui seront incluses dans les règlements municipaux et, le deuxième, aux dispositions du futur projet de règlement provincial sur les bruits et les poussières.

Le contenu des deux éléments cités ci-haut n'est pas dévoilé à l'heure actuelle. Ce n'est que suite à la commission parlementaire que le gouvernement adoptera les paramètres relatifs à la gestion des odeurs par les municipalités via les orientations gouvernementales qui seront transmises aux MRC. Il publiera un projet de règlement provincial sur les bruits et les poussières. Cette surprise sera dévoilée le 20 juin 1997. Ainsi, le gouvernement accorde une immunité conditionnelle à deux éléments dont lui seul connaît la teneur et dont lui seul en déterminera le contenu.

Au niveau de l'aménagement du territoire et du développement économique, il est évident que l'Association des aménagistes régionaux du Québec aurait grandement apprécié pouvoir commenter les paramètres qui seront adoptés par le gouvernement, puisque ces paramètres auront une incidence directe sur l'aménagement du territoire agricole et non-agricole. C'est l'exercice d'application sur le terrain qui dictera s'il y a oui ou non coexistence des activités agricoles et non-agricoles dans le milieu rural. Aucune norme n'est parfaite en soi, mais une norme est encore plus douteuse lorsqu'elle n'a pas fait l'objet d'un consensus auprès des citoyens et des groupes affectés.

Toutes les municipalités régionales de comté du Québec s'affèrent présentement à la révision du schéma d'aménagement régional. La révision du schéma d'aménagement est l'occasion idéale pour une MRC de modifier les normes établies au précédent schéma d'aménagement. Cet exercice de révision n'est pas fait en catimini, les MRC doivent consulter la population ainsi que les municipalités et doivent respecter les orientations gouvernementales. Durant la présente période de révision des schémas, les MRC échangent avec les divers groupes et organismes concernés et intéressés.

Les aménagistes communiquent avec des producteurs agricoles, des producteurs forestiers, des industriels, des groupes de villégiateurs, des comités d'urbanisme, etc. Tous apportent une contribution au schéma qui peut ainsi mieux répondre aux besoins des milieux visés. Un schéma d'aménagement se veut donc un lieu de rassemblement et d'intégration des préoccupations et des intérêts de tous.

Le gouvernement, par la voie des orientations gouvernementales transmises aux MRC, va établir les valeurs minimales et maximales à l'intérieur desquelles les MRC vont établir les normes de distance. Ces normes de distance seront incorporées dans les règlements municipaux vers le début des années 2000. Avec l'application des normes sur le terrain, disons d'une période variant de 2000 à 2010, il sera opportun pour une MRC de réévaluer les normes de distance lors de la prochaine période de révision. Cette période-là aura lieu de 2005 à 2010.

La proposition de principes généraux indique qu'il est possible pour une MRC d'excéder les maxima du gouvernement si la MRC peut en prouver la nécessité. Le fardeau de la preuve risque d'être un exercice laborieux. De plus, la notion d'immunité vient fausser la pratique de révision à la hausse des distances maximales. Ainsi, une MRC qui hausserait les distances en 2010 créerait une situation d'usage dérogatoire pour un producteur agricole qui se serait conformé aux distances de l'an 2000 dix ans plus tôt.

Cependant, ce même producteur jouirait d'une immunité sur des normes qui ne seraient plus reconnues dorénavant par l'ensemble de ce territoire. Cette situation ne serait pas un cas d'exception puisqu'elle s'appliquerait à des centaines d'agriculteurs dans une même MRC qui aurait décidé de hausser ses normes. La logique du processus d'adoption des paramètres gouvernementaux, c'est-à-dire plus tard à l'été 1997, sous-entend que ces paramètres seront parfaits, immuables et surtout incontestables. Nous émettons des doutes sérieux sur la soi-disant perfection des futurs paramètres.

Le milieu rural actuel n'est pas un lieu réservé exclusivement aux activités agricoles et forestières. Malgré ce que certains prétendent, le milieu rural ne constitue pas un bloc monolithique d'agriculteurs et de forestiers. Dans la zone agricole mieux connue sous le nom de zone verte, on y retrouve des résidences, des scieries, des abattoirs, des cours de ferraille, des sites d'enfouissement sanitaire, des carrières, des sablières, des gîtes touristiques, des terrains de camping, des salles communautaires, des tables champêtres, de la transformation de produits agricoles, des pépinières, de vieilles églises et des écoles de rangs qui sont, bien entendu, fermées maintenant.

La zone agricole se compose de sols dont le potentiel varie de fort à faible. Les sols avec un potentiel fort se situent dans la plaine du Saint-Laurent, avec la région de Saint-Hyacinthe comme exemple le mieux connu. La tendance actuelle dans la révision des schémas d'aménagement est de diviser la zone agricole, celle qui est reconnue comme étant celle de la CPTAQ, en deux ou trois grandes affectations au niveau des schémas d'aménagement selon le potentiel agricole et l'homogénéité du milieu.

Les meilleures terres agricoles sont affectées agricoles, communément appelées «vert foncé», et les moins bonnes terres sont affectées agroforestières ou rurales, ce qu'on appelle communément «vert pâle». Certains schémas d'aménagement ajoutent l'affectation forestière due à l'homogénéité du milieu forestier présent sur leur territoire. L'affectation agricole ou «vert foncé» a tendance à être très restrictive sur les usages autres qu'agricoles, très peu y sont permis et on y privilégie l'agriculture. Les usages autres qu'agricoles sont plutôt dirigés vers l'affectation agroforestière ou rurale puisqu'il s'agit de territoires agricoles moins dynamiques correspondant aux moins bonnes terres agricoles du Québec.

Pour cet aménagement du territoire agricole, les MRC protègent les meilleurs sols agricoles pour l'agriculture et permettent une cohabitation d'usage agricole et autre qu'agricole sur les moins bons sols. La zone agricole, dans la réalité, n'est pas uniquement un territoire d'agriculteurs. Dans le but d'assurer le développement durable du milieu rural doit-on privilégier un protectionnisme, c'est-à-dire une protection des activités agricoles et l'immunité aux producteurs d'élevage ou plutôt concilier protection de l'activité agricole et développement d'activités autres qu'agricoles en milieu rural, exemple touristiques, culturelles?

Pour maintenir les populations en place et encourager la venue de nouveaux résidents, doit-on privilégier un modèle qui favorise l'augmentation de la grosseur et de la concentration de la production à grande échelle et une réduction du nombre de fermes et du nombre de producteurs? Le monde rural connaît un dépeuplement important au niveau du nombre d'agriculteurs et un vieillissement de sa population. Le dépeuplement rural pourrait s'amplifier avec la production animale à grande échelle et les inconvénients inhérents qui obligeront une population incommodée, c'est-à-dire les voisins d'agriculteurs et les nouveaux ruraux, à s'expatrier en l'absence de recours possible.

Certains producteurs laitiers délaissent cette production pour se tourner vers le porc, étant donné que la production est plus lucrative et moins laborieuse. La conséquence à moyen terme de cette mutation des productions agricoles pourrait être une perte de notre diversité agricole remplacée par la spécialisation des portions de territoire et l'unicité des productions.

(10 h 30)

En favorisant une forme d'expulsion de certains citadins ruraux au nez sensible, selon certains, on prive le milieu rural d'un type de citoyens qui auraient pu contribuer au développement économique de ce milieu rural. En privilégiant la concentration économique dans les mains d'une poignée d'individus, on risque de sacrifier la diversification économique d'un milieu qui en a sûrement besoin pour sa survie à long terme.

Au niveau de la réciprocité. L'application du principe de réciprocité des distances relatives à la gestion des odeurs pour les nouvelles installations reliées à des usages agricoles pourrait restreindre l'agrandissement des périmètres d'urbanisation. Par exemple, un scénario machiavélique verrait de nouveaux établissements d'élevage encercler un périmètre d'urbanisation à la distance réglementaire. La limite du périmètre d'urbanisation deviendrait alors permanente par l'application du principe de réciprocité. Ceci sous-entend que les périmètres d'urbanisation disposent de suffisamment d'espace pour assurer un développement perpétuel des fonctions urbaines. Or, dans les orientations gouvernementales transmises à des MRC dans l'avis sur le projet de schéma d'aménagement révisé, le ministère des Affaires municipales demande à la MRC de réévaluer les limites des périmètres d'urbanisation à la baisse, sur la base des besoins réels en espace, à un horizon correspondant au moins à un cycle de révision du schéma d'aménagement. C'est un cycle qui dure environ 15 ans.

Ainsi, si une MRC applique l'orientation gouvernementale telle quelle, le périmètre d'urbanisation révisé actuellement couvrira une période de 15 ans. Il ne pourra donc pas assurer un développement perpétuel des fonctions urbaines à l'intérieur de ce périmètre. L'application du principe de réciprocité pourrait donc avoir pour effet de restreindre et même de geler le développement d'un périmètre d'urbanisation à moyen et long terme. La parole à M. le président.

M. Desmet (Dominique): D'accord. Alors, je vais aller rapidement pour respecter le temps qui nous reste. La question de l'expansion et de l'agrandissement d'établissements existants, nous comprenons, à la lumière du document qui est déposé, qu'il pourrait y avoir deux régimes, ni plus ni moins, de distances séparatrices, une pour les nouvelles unités de production animale et une pour celles qui sont déjà établies.

Sans commencer à tomber dans l'idée: Est-ce que c'est méritoire ou non? nous nous interrogeons sur la possibilité, au niveau des municipalités, d'enchâsser ça dans leurs règlements d'urbanisme actuels, du moins avec les pouvoirs avec lesquels les municipalités fonctionnent actuellement. Normalement, il y a un précepte de base qui prédomine largement, c'est que, quand vous donnez des distances dans une zone, quand on élabore des régimes de droits acquis dans un territoire municipal, ce sont, règle générale, les mêmes règles pour tout le monde.

Alors, la crainte que nous avons, c'est que, si on doit par exemple convenir que, pour une nouvelle entreprise agricole avec X unités animales, il faudrait avoir une distance minimale de 500 mètres et qu'il y a déjà une entreprise agricole de même calibre qui n'est qu'à 250 mètres d'un certain point de référence, c'est un peu délicat. La question des droits acquis, c'est un monde assez complexe, puis comme je vous disais tantôt, normalement, ça devrait être les mêmes règles pour tout le monde.

La question des distances relativement à l'épandage. Nous comprenons que la volonté du document soumis est que les municipalités puissent réglementer les questions d'épandage. Il faudrait peut-être s'assurer qu'on parle vraiment d'épandage, à ce moment-là, comme un usage au sens du règlement qui visera à les réglementer.

Et le dernier point, le comité consultatif agricole. Nous sommes évidemment d'accord avec l'idée d'amener un comité consultatif agricole, notamment peut-être pour faire une espèce de débat social, comme M. le ministre Cliche le soulevait lors de la présentation de nos prédécesseurs.

Il y a une chose qui, pour nous, est claire, cependant, c'est que le comité consultatif agricole n'est pas redevable vis-à-vis le gouvernement, il est redevable vis-à-vis la MRC, qui est l'entité qui le crée. Alors, si jamais, il devait faire des recommandations, soit d'aller au-delà d'un maximum ou de ne pas aller au-delà d'un maximum, nous sommes d'opinion que ce n'est pas vis-à-vis le gouvernement qu'il doit faire ces représentations-là mais bel et bien vis-à-vis les MRC.

En fait, il y a d'autres considérations aussi par rapport au document qui nous a été soumis. Nous nous interrogeons toujours sur le règlement qu'on appelle eau-sol. On sait que vous voulez régler la question des odeurs. Qu'arrive-t-il du règlement eau-sol? Est-ce que son entrée en vigueur va être concomitante avec ce que vous allez dévoiler le 20 juin prochain? On aimerait peut-être avoir certaines explications là-dessus. Quant à nous, ça termine notre présentation. Évidemment, on vous remercie beaucoup de nous avoir accordé ce temps.

La Présidente (Mme Vermette): M. Desmet, on vous remercie. Alors, je passe la parole au ministre de l'Agriculture. M. le ministre.

M. Julien: M. le président, je vous remercie d'être venu nous présenter vos différents points de vue. Je dois vous dire que je vous écoutais, puis on pourrait avoir de longues heures de discussion sur bien des éléments, mais il y a certains points que je veux ramener – parce que je veux laisser aussi la chance à mes collègues de vous questionner – et peut-être, d'entrée de jeu, d'abord dire une chose. Quand on parle de la diversité du milieu rural, de cette problématique-là, il ne faut pas oublier qu'on avait fait une loi sur le zonage agricole, en 1978, pour protéger nos terres, et un des problèmes qu'on avait, c'était justement le problème de l'étalement urbain. Mais ça, je vais y revenir dans ma deuxième question.

Le premier point, et je dois vous le dire bien correctement, ça m'agace toujours un petit peu, c'est la question de la santé. Moi, je veux revenir là-dessus. J'aimerais ça que vous me commentiez ça. On a rencontré le Dr. Gingras et d'autres qui nous ont fait un bon exposé. Et mon problème, c'est qu'après avoir énuméré toutes les questions relatives à la santé on conclut en disant qu'on n'est pas capable de démontrer qu'il y a une cause à effet. Ça fait qu'à chaque fois qu'on me ressort ça, je ne nie pas, sauf qu'on n'est pas capable de démontrer qu'il y a cause à effet. Et ça, ça crée un problème, parce que je me dis: Quand on dit ça, ça peut même provoquer une psychose sociale chez les gens, une problématique grave chez les gens. Ça, ça m'inquiète, et j'aimerais que vous me corrigiez ça. Je pourrais vous sortir des citations du docteur, et je lui ai posé la question: «On doit donc rester prudent face à un résultat. Comme nous l'avons mentionné plus haut, ces résultats ne nous permettent pas d'établir de relation de cause à effet entre l'activité porcine et la détresse psychologique.» J'aimerais que vous me commentiez ça, parce que j'ai un problème de compréhension.

M. Desmet (Dominique): Il y a une chose que je pourrais vous signaler, au départ, c'est qu'il nous semble que la question de la santé a été mise sur le portrait assez tardivement, entre autres, si on regarde le document qui a été produit. On sait que le ministère de la Santé et des Services sociaux est signataire de ce document-là. Nous avons lu, en tout cas, les articles de journaux qui ont paru tout récemment, avec probablement l'étude à laquelle vous faites allusion. La façon dont nous, nous le comprenons, c'est que, oui, il y aurait un lien entre le problème des odeurs et les problèmes de santé, en autant qu'on associe au domaine de la santé les notions d'incommodation. Si on regarde, par exemple, dans les articles qui ont été cités, on définissait la santé comme incluant le bien-être général. Nous autres, c'est uniquement dans le but que ça soit clair pour tout le monde qu'on dise: Oui, si la santé inclut la notion de bien-être général, d'accord, tout ce qui en déboule, après ça, s'appuie sur ce principe-là.

L'autre crainte que nous avons... Parce que, je dois vous avouer, nous autres, dans notre métier, là où on se ramasse, c'est souvent en assemblée publique de consultation, lorsqu'il y a des problèmes assez graves de perception de part et d'autre. La question qu'on se pose, s'il y a vraiment des seuils importants, en termes de santé: Est-ce que c'est au monde municipal, à ce moment-là, de donner les garanties nécessaires? Et surtout, vu que nous n'avons pas encore les fameuses distances, on ne parle que de facteurs d'usage pour l'instant, est-ce qu'on pourrait avoir des études claires ou une certitude que le minimum qui va être exigé partout va être garant de ce seuil de santé là? C'était ça, le but de notre intervention.

M. Julien: O.K. Je le soulevais, c'est parce que, lorsqu'on mentionne ça, effectivement, on l'a vu ce qui a sorti dans les journaux, et autres, et c'est deux médecins, je pense, professionnels reconnus, je ne mets pas ça en doute du tout...

M. Desmet (Dominique): On ne conteste pas ça du tout.

M. Julien: ...mais c'est toujours cette petite phrase là qui dit: On n'est pas capable quand même de démontrer la cause à effet. Et je m'interroge toujours: Pourquoi on le pense si on n'est pas capable de démontrer qu'il y a une cause à effet? Qu'on s'interroge, moi, ça me va, mais, quand on lance ça dans le public, vous comprendrez qu'évidemment si on vit dans une collectivité, tous ces genres d'éléments là, il y a des gens qui sont susceptibles de recevoir ce genre de message là et, là, on provoque effectivement de la colère ou on provoque différents trucs. Peut-être, plus tard, on verra. Et je pense que les règlements ou les nouvelles technologies sont là pour régler justement le problème de l'environnement. Je veux juste mentionner qu'il faut faire attention quand on utilise ce genre... Ce n'est pas un blâme, mais vous comprendrez que, quand j'écoute les gens me parler de ça, c'est un peu spécial.

L'autre élément. Vous parlez, à la page 9 de «l'application du principe de réciprocité des distances relatives à la gestion des odeurs pour les nouvelles installations reliées à des usages agricoles [qui] pourrait restreindre l'agrandissement des périmètres d'urbanisation». Un des problèmes qu'on a, dans la région de Montréal, c'est justement le problème de l'étalement urbain. Je ne dis pas qu'il va falloir faire de l'agriculture pour l'empêcher. Je pense qu'il faut faire attention de faire des analogies de ce style-là. Mais un des gros problèmes que nous vivons actuellement dans la région de Montréal, c'est justement l'étalement urbain. Et il va falloir le contrôler, cet étalement urbain. Mon collègue le ministre des Affaires municipales pourra vous donner des chiffres beaucoup plus forts que, moi, je pourrais vous en donner. Ça fait que je ne comprends pas un petit peu le lien que vous faites là-dessus, en disant: Si on permet l'implantation ou l'expansion de nos entreprises agricoles – si j'ai bien lu, vous pouvez me corriger – ça va empêcher le développement des périmètres urbains. Et, nous autres, on se dit: Justement, on a un problème, il y a un étalement urbain. J'ai peut-être mal lu, remarquez bien.

(10 h 40)

M. Cyr (François): Je pourrais peut-être illustrer avec la table qui est en plein milieu, devant vous. Dites-vous que cette petite table-là, devant vous, devant Mme la Présidente, c'est le périmètre d'urbanisation. Dites-vous que la limite intérieure de la table tout alentour, ça, c'est votre distance séparatrice où vous allez avoir vos établissements d'élevage, disons, des poulaillers. Si on encerclait la petite table toute à la même distance, ce périmètre d'urbanisation-là qui est la petite table serait toujours de la grandeur de la petite table. C'est juste pour illustrer ce qu'on disait dans le mémoire.

M. Desmet (Dominique): Je vais me permettre d'en rajouter un petit peu plus. Dans le fond, ce qu'on veut vous illustrer, c'est qu'évidemment comme professionnels de l'aménagement, on n'a rien contre le fait qu'il y ait des mesures qui endiguent l'étalement urbain, y compris même des mesures indirectes comme le zonage agricole qui, par voie de conséquence, effectivement, freine l'étalement urbain. Là, vous m'ameniez l'exemple de Montréal, mais j'aurais pu vous amener l'exemple d'une toute petite municipalité où, pour le commun des mortels, un périmètre, on appelle ça un petit territoire gros comme ma main, pour prendre un exemple concret. Il ne faut pas se cacher non plus que, si vous aviez par exemple des distances séparatrices qui font en sorte, comme mon collègue l'expliquait, que l'agrandissement de ce périmètre-là n'est plus possible, ça ne veut pas dire que le milieu social va nier ou réfuter les pressions de développement qui vont se faire. Et, une des conséquences qui sont peut-être imprévisibles de l'approche, mais qui peuvent être réelles, c'est qu'on parte un deuxième îlot ailleurs, puis un troisième ensuite, autrement dit, qu'on se mette à aller à la chasse aux endroits où il n'y a pas d'agriculture pour compléter le développement. Et, comme professionnel de l'aménagement, je vous dirais que ce n'est pas souhaitable, dans les petits milieux, d'avoir des approches de développement ponctuelles avec deux, trois îlots. C'est le point de vue que nous voulions apporter.

M. Julien: Quand vous parlez d'îlots, vous parlez des îlots urbains.

M. Desmet (Dominique): Des îlots urbanisés, effectivement. Si vous avez par exemple une municipalité qui a une église, une école, une salle paroissiale, etc., on parle qu'on va transférer des coûts aux municipalités dans un élan de décentralisation, si, après ça, on est obligé de faire des zones résidentielles mouchetées sur le territoire, puis que ces gens-là demandent des services, après, ça amène des problèmes, en termes de gestion de l'urbanisation.

M. Julien: Donc, je pense qu'on se comprend par rapport à l'étalement urbain.

M. Desmet (Dominique): Voilà.

M. Julien: Il ne faut pas qu'il y en ait. Parce que, à un moment donné, j'avais l'impression que vous me disiez: La zone agricole est un peu comme une zone en attente de développement urbain.

M. Desmet (Dominique): Non, effectivement.

M. Julien: Non, non, mais je vous donne ma perception. Je suis content que vous me disiez que ce n'est pas ça, très heureux, parce que je cherchais le lien.

La Présidente (Mme Vermette): M. le ministre, j'étais pour aller dans le même sens parce que, si on lit à la page 9 de leur mémoire aussi, on dit que c'est en train de se dépeupler, en fait, dans les milieux agricoles. Et, puis, il faudrait penser qu'on pourrait peut-être utiliser les citadins pour repeupler le milieu agricole. Ça fait qu'une vision comme ça, en fait, ça porte, en tout cas, à avoir des interprétations qui font en sorte qu'on n'est pas trop sûr de l'orientation que vous voulez donner au milieu agricole, finalement.

M. Desmet (Dominique): L'orientation du milieu agricole, ce qu'on veut mettre en lumière, c'est que la zone agricole n'est pas une zone homogène. Elle peut l'être, homogène, dans bien des endroits, mais il y a des endroits au Québec où ce n'est pas évident. Je vais prendre le meilleur exemple chez moi. Je travaille dans la région de Granby-Bromont. Tout ce qui est à l'ouest de Granby est sensiblement homogène parce qu'on est dans la plaine du Saint-Laurent, mais, aussitôt que vous quittez la sortie 68, vous tombez dans un relief beaucoup plus ondulé, et là, il y a des discontinuités. Le problème des municipalités qui ont des zones agricoles avec des potentiels variables, c'est qu'il y a un certain effet de dépeuplement qui se constate.

Et, je vous dirais, d'ailleurs, dans le quotidien qui a paru chez nous les trois dernières journées, il y a eu trois articles d'affilée pour expliquer le phénomène grandissant du gentleman-farming, et c'est perçu comme une contribution intéressante à l'agriculture. Et contrairement à ce que des gens peuvent peut-être prétendre, ce n'est pas un accaparement des sols propices à l'exploitation agricole intensive. Ces gens-là se contentent souvent de remettre en bon état une terre qui était de toute façon laissée à l'abandon. Et, pour les municipalités, ce n'est pas négligeable, l'apport économique que ces gens-là apportent.

M. Julien: O.K. En conclusion, d'abord, un, effectivement, l'agriculture à temps partiel, c'est un phénomène qui est relativement nouveau, puis on a adapté nos programmes pour favoriser ce développement-là. Puis ça va très bien, d'ailleurs, on le voit dans nos programmes de financement. Alors, si j'interprète bien, donc, vous, ce que vous me dites – vous me corrigerez – si j'ai bien compris: Droit de produire dans le cadre d'un développement durable en cohabitation harmonieuse avec le monde municipal. C'est ça que vous me dites?

M. Desmet (Dominique): Ça va.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, merci, M. le ministre. M. Desmet.

M. Farrah: Non, non, alternance.

La Présidente (Mme Vermette): En alternance. On va vous donner la chance, M. le ministre des Affaires municipales, de revenir. Alors, M. le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Farrah: Oui, merci, Mme la Présidente. Salutations, messieurs, merci pour votre participation à cette commission. Dans la même foulée, à la page 9, moi, ce que je lis ne correspond pas à ce que vous venez de dire. Le deuxième paragraphe: «En favorisant une forme d'expulsion de certains citadins ruraux au nez sensible selon certains, on prive le milieu rural d'un type de citoyens qui auraient pu contribuer au développement économique de ce milieu rural. En privilégiant la concentration économique dans les mains d'une poignée d'individus, on risque de sacrifier la diversification économique d'un milieu qui en a sûrement besoin pour sa survie à long terme», alors que, pour ce milieu-là, souvent, moi, ce que je vois pour une meilleure garantie économique à long terme, c'est la préservation justement des terres arables.

Alors, à la lecture de ce que vous nous dites là, c'est qu'il faut faire attention de ce côté-là, il ne faut pas qu'il y ait une position qui fasse en sorte que des citadins ruraux soient expulsés, alors que c'est souvent ça qui initie des conflits aussi dans des milieux ruraux où des citadins, quand même de bonne foi, s'établissent là puis ces gens-là, souvent, ne veulent pas avoir ou connaître les odeurs, notamment de provenance agricole, et là, bien évidemment, le chiard poigne.

Puis là, par la suite, qu'est-ce qui se passe? C'est que le municipal, vous le savez plus que moi, c'est du politique aussi, puis, si la pression au niveau des conseils municipaux est plus forte de gens qui sont contre les agriculteurs ou vice-versa – ça peut se produire – alors, évidemment ce n'est pas nécessairement objectif comme décision par après, alors qu'on va au niveau de la majorité des gens.

Alors, ce n'est pas clair, ce que vous nous dites là. Et, moi, je pense que la meilleure préservation d'une économie forte à long terme, au niveau de ces régions-là et pour le bénéfice pas seulement de la région, mais de l'ensemble du Québec, c'est de s'assurer de la préservation des terres arables pour le développement agricole, pas juste pour maintenant. On peut utiliser un pourcentage x maintenant, mais s'assurer d'une utilisation aussi d'un plus grand potentiel pour l'avenir.

M. Desmet (Dominique): Il y a mon collègue, M. François Cyr, qui va vous répondre là-dessus, monsieur.

M. Cyr (François): Le paragraphe que vous avez relu tantôt, monsieur, c'était pris dans la section qui traitait de l'immunité; il faut vraiment le regarder dans ce contexte-là. L'immunité qui a été donnée par la loi 23 il y a moins d'un an, ça permet à un agriculteur qui va avoir un élevage de ne pas se faire poursuivre par son voisin. C'est ça qu'est l'immunité.

Ça fait que, si on prend le commentaire qui est fait là dans ce contexte-là, c'était dans le sens que, si, moi, je suis citadin rural voisin de l'établissement d'élevage puis que j'ai des problèmes parce que je ne peux pas sentir les odeurs qui viennent de cet établissement, vous ne me donnez plus grand choix, avec l'immunité, je n'ai pas de recours possible, je ne peux pas le poursuivre. J'ai deux choix: soit que je le sente ou soit que je m'enfuie de la zone, point. Vous me donnez deux choix, sentir ou s'enfuir. Ça fait que, si on le prend dans le sens de l'immunité, il risque d'y avoir un déplacement de certains citoyens ruraux qui ne voudront plus sentir, tout simplement, parce qu'ils n'ont même pas le droit de poursuivre. C'est dans ce sens-là qu'il faut le prendre.

Le commentaire de M. Desmet, c'était plus dans le sens qu'il y a un mouvement en même temps qui se fait de la grande ville vers la campagne, puis ça se peuple de plus en plus par des gentlemen farmers. Les deux mouvements se font en même temps. Mais ce qui risque d'arriver, avec la nouvelle loi, une fois qu'elle sera en vigueur le 20 juin 1997, c'est qu'il va y avoir la question d'immunité, plus de recours possible. Je ne suis pas sûr qu'il va y avoir autant de gentlemen farmers dans 20 ans. Il risque d'y en avoir moins, avec l'immunité. Je ne sais pas si ça répond à la question.

M. Farrah: Est-ce que vous pensez...

M. Julien: ...parce que ça m'apparaît important la question d'immunité, ce que vous soulevez là.

M. Cyr (François): Oui.

M. Julien: Il a l'immunité s'il respecte les lois et les règlements de l'environnement, et tout. Et, si quelqu'un se sent lésé, il a le fardeau de la preuve de démontrer que le producteur ne respecte pas... Alors, la notion d'immunité, elle est quand même cadrée. Il ne faudrait pas dire ça «at large». Il faut faire attention à ça.

Donc, il faut qu'il respecte les lois et les règlements de l'environnement et il faut que la personne qui est le voisin soit capable de démontrer qu'effectivement le producteur ne respecte pas les lois et les règlements de l'environnement et les distances, tout ce qui tourne autour. Je m'excuse, M. Farrah, c'est à vous... M. le député.

M. Farrah: Donc, vous confirmez qu'il n'y a pas d'immunité. C'est ça que vous voulez dire, là?

M. Julien: Il y a immunité, mais dans un cadre.

M. Farrah: Est-ce qu'il y en a où il n'y en a pas?

M. Julien: Il y a une immunité.

M. Farrah: Il y a une immunité...

M. Julien: Sauf que le fardeau...

M. Farrah: ...en autant que tu respectes les règlements.

M. Julien: Oui. Mais, le fardeau...

M. Farrah: Mais, c'est dans tout secteur, ça.

M. Julien: ...de la preuve, ce n'est pas au producteur, c'est à celui qui l'accuse.

M. Farrah: En tout cas. Ce n'est pas clair.

M. Julien: Je trouve ça très clair.

M. Farrah: L'autre élément. Est-ce que vous pensez, dans ces cas-là, que les municipalités sont les plus adaptées ou c'est le milieu le plus approprié pour trancher justement de façon objective?

(10 h 50)

M. Desmet (Dominique): Écoutez, ce n'est pas notre propos de porter un jugement au mérite sur les municipalités, sur leur capacité de trancher ou de prendre des décisions. Notre objectif, à nous autres, ce matin, notre Association, c'est de vous parler effectivement de comment ça pourra être traduisable advenant que le droit de produire poursuive son processus. Et on sait que nous allons être interpellés, je vous le disais tantôt, complètement en avant du processus. C'est-à-dire que, lorsque le gouvernement va nous transmettre ses orientations, nous devrons, nous, comme professionnels, traduire ça par écrit dans des schémas, et, ensuite, les municipalités devront les appliquer, avec tout ce que ça comporte de suivi technique, administratif et même juridique, lorsque ça va moins bien qu'on le prévoit.

Je reviens rapidement sur ce que M. Cyr vous amenait tantôt. Un des éléments pour lequel il peut y avoir des craintes en ce qui concerne les immunités, c'est que nous n'avons pas le portrait de ce que pourra être une distance maximale ou une distance minimale. Alors, supposons, par exemple, que vous êtes dans une municipalité où il y a une espèce d'allergie à une production agricole x et que les gens sont insatisfaits du maximum que l'on puisse faire, ils vont dire: Bien, c'est ça, vous nous donnez ça, ça ne nous satisfait pas puis, dès lors que c'est ça, nous n'avons plus d'immunité. Moi, c'est comme ça que je le comprends. Est-ce que je le comprends bien? Si ce n'est pas ça, j'aimerais qu'on nous l'explique tout de suite.

Mais, si vous nous dites: Oui, vous avez le droit de réglementer mais pas dépassé tel niveau et, si ça dépasse tel niveau, vous devez un cautionnement de votre comité consultatif agricole. Ça, c'est une chose. Maintenant, si on n'arrive pas à obtenir le surplus jugé nécessaire par une majorité de population, est-ce que mon confrère a raison de dire: Dès lors, il y a un problème d'immunité ou de perception quant à l'immunité qu'on accorde au producteur?

M. Farrah: Dans la même foulée, si vous regardez le document de la proposition de principes généraux des quatre ministères, à la page 4, dernier paragraphe en bas, et c'est peut-être ça que le monde agricole... Je pense que c'est légitime, peut-être, de s'inquiéter. Le dernier paragraphe, qu'est-ce qu'il dit? «Le gouvernement pourra permettre que les municipalités aillent au-delà du maximum proposé après avoir pris en considération l'avis du comité agricole.» Donc, ça veut dire que, si une municipalité n'est pas d'accord avec le maximum proposé, comme vous venez de le mentionner, le gouvernement pourra permettre à cette municipalité-là d'aller au maximum. Tu sais, c'est le bordel, là. Au-delà du maximum. Alors, est-ce qu'il y a des paramètres, est-ce qu'il n'y en a pas? Les municipalités peuvent avoir une marge de manoeuvre, dépendamment de la pression politique qui peut être faite sur le gouvernement, peu importe la couleur, etc. Alors, ça m'apparaît inquiétant. C'est le fouillis total. Qu'est-ce que vous en pensez, vous, de ça? Vous êtes d'accord avec cette formule-là?

M. Desmet (Dominique): Bien, je reviens sur le texte que nous avons écrit. Quant à nous, le comité agricole ne fait que des recommandations à la MRC directement, selon moi. Après ça, lorsque le comité agricole a donné son cautionnement à la MRC pour majorer, par exemple, les distances séparatrices, je ne vois pas pourquoi ça prendrait une autre forme de cautionnement. Moi, je lis ça comme étant un genre de contrat social entre tous les gens de la MRC puis les intervenants, comme quoi, oui, malgré ou nonobstant le maximum fixé par le gouvernement, nous voudrions avoir encore une distance séparatrice plus élevée. Si le comité consultatif agricole est d'accord avec ça puis la MRC aussi, il me semble que ça tombe sous le sens.

M. Farrah: Deux autres questions. L'autre élément. Il y a beaucoup de groupes qui sont venus ici nous dire que la plupart du temps, lorsqu'il y a une fourchette au niveau des paramètres, au niveau des distances minimum-maximum, la plupart des municipalités, à ce moment-là, réglementaient avec le maximum, en guise de sécurité. Je ne sais pas si vous avez la réponse mais, compte tenu que vous oeuvrez quand même de façon très technique au niveau de l'ensemble des MRC, est-ce que vous pouvez nous donner le portrait un peu là-dessus? Je ne sais pas si vous avez la réponse, à savoir que, si, effectivement, lorsqu'on a un paramètre avec un minimum-maximum, les municipalités, en guise de protection, elles réglementent avec le maximum pour s'assurer qu'il n'y ait pas de trouble?

M. Desmet (Dominique): Vous savez, il y a 96 MRC au Québec, et je pense que c'est extrêmement variable d'une MRC à l'autre. Je vais prendre un exemple de chez moi, parce que je vais parler de ce que je connais bien, dans le milieu dans lequel j'évolue. Il y en a très peu, de règlements municipaux qui adoptent des distances séparatrices très élevées. Or, au moment où on se parle, il n'y a rien qui les empêche de les adopter. C'est un peu normal. Je l'ai dit tantôt, je vis dans la région de Granby, puis c'est une région éminemment productrice au niveau agricole, particulièrement dans le monde animal, au niveau de la volaille et du porc effectivement. Et je vous transmets tout de go une réflexion que certains intervenants m'ont faite, ils m'ont dit: Bien, là, si on va avec des fourchettes, il va falloir faire attention, parce que, plus la fourchette va être étroite, plus les gens vont être mal à l'aise. Évidemment, plus la fourchette va être large, plus les gens vont être à l'aise. Mais, là, on peut se poser la question. On comprend que l'État veut prendre un rôle d'encadrement là-dedans. À ce moment-là, c'est une espèce de compromis. Plus la fourchette sera étroite, plus le gouvernement va faire preuve d'autorité, puis plus elle sera large, plus il va faire preuve de souplesse et, en donnant, d'autant plus, une marge de manoeuvre aux municipalités, aux MRC. Mais, dans ce qui nous concerne, je suis convaincu que ce n'est pas parce qu'on donnerait une fourchette qui pourrait prévoir des distances jusqu'à des 1,5, des 2 km que les municipalités vont se jeter là-dessus comme sur des petits pains chauds. Je serais extrêmement étonné, pour notre région. Maintenant, dans d'autres régions, je peux laisser quelques-uns de mes confrères vous donner un portrait là-dessus.

La Présidente (Mme Vermette): Ça va? Est-ce qu'il y en a d'autres qui veulent intervenir?

M. Cyr (François): Tout ce que je rajouterais, c'est qu'il ne faut pas oublier que, dans les municipalités rurales, ce n'est pas juste des urbains qui sont au conseil municipal, il y a des agriculteurs au conseil municipal. Et, dans les petites municipalités rurales, ils sont conscients des problèmes de ces agriculteurs-là, ils n'iront pas faire des distances séparatrices. J'ai vécu le cas récemment à Saint-Claude, il n'y a pas trois mois. C'est une petite municipalité de 1 000 personnes. La moitié des gens sur le conseil sont agriculteurs, l'autre moitié ne le sont pas. Ils ont fait très attention, quand ils sont arrivés avec leurs distances séparatrices dans leur règlement. Ça fait qu'il faut quand même faire confiance au milieu municipal, à la dynamique du milieu.

La Présidente (Mme Vermette): Une autre question, M. le député?

M. Farrah: Oui, en terminant, dernière question.

La Présidente (Mme Vermette): La dernière?

M. Farrah: Vous dites que, lorsque les MRC... Au niveau de la révision des schémas d'aménagement, il y a tout un processus de consultation qui s'enclenche en région, c'est obligatoire, je pense, et c'est même dans la loi et c'est bien ainsi. Mais, là, ce que vous dites, c'est que ce que le gouvernement prêche, il ne le fait pas pour lui-même, parce qu'au niveau de la réglementation en ce qui concerne le droit de produire puis la loi n° 23, vous dites que la surprise sera dévoilée le 20 juin 1997, alors qu'on n'a pas eu le temps de discuter des vrais, vrais paramètres qui vont être décidés par le gouvernement. Alors, vous dites – moi, en tout cas, c'est mon avis aussi – que c'est inacceptable, que ça aurait dû se faire de façon beaucoup plus transparente.

M. Desmet (Dominique): Il y a deux choses, là-dessus. Effectivement, nous prenons pour acquis la date butoir du 20 juin. O.K.? On s'entend là-dessus. Et, pour l'instant, on nous a donné une table à titre d'exemple, on a donné des facteurs d'usage à titre indicatif, genre entre 0,5 et 2,4, et nous n'avons pas encore – comment dire – de données fixes pour voir, pour mesurer et pour apprécier quel pourrait être l'impact dans nos territoires respectifs. Et ça, ça nous met mal à l'aise parce que, règle générale, lorsqu'on fait des plans et règlements de zonage ou des schémas, avant de concevoir une norme, on essaie de voir dans quelle mesure elle convient à ce qui est existant sur le territoire...

Une voix: On la teste.

M. Desmet (Dominique): ...on la teste, exactement. Et, d'ici le 20 juin, il nous semble que ça ne laissera pas beaucoup de temps, même si on les avait demain matin, première des choses.

Deuxième chose, il faut savoir aussi que la révision des schémas, elle bat son plein, actuellement. Je vais prendre l'exemple chez moi. Mon premier projet est adopté, le deuxième l'est également, nous allons en consultation dans les semaines qui viennent et, le 20 juin, ma consultation sera terminée, et ce n'est qu'à ce moment-là que le gouvernement va me transmettre des orientations avec les vrais chiffres. Alors, je vais expliquer ça comment aux citoyens? Je vais être obligé de faire une deuxième consultation ou de reprendre mon exercice de révision de schéma.

C'est des questions auxquelles, nous, nous restons sans réponse. Peut-être que certaines MRC s'en accommodent, de cet échéancier-là. Si elles n'ont pas encore fait leur premier projet, ma foi, ça va assez bien. Mais les MRC, jusqu'à preuve du contraire, sont souveraines dans l'établissement de leurs échéanciers et elles y vont selon la pression que l'on constate au niveau des milieux. Alors, ça aussi, c'est très variable d'une MRC à l'autre.

M. Farrah: Je vous remercie.

La Présidente (Mme Vermette): Merci bien. Alors, M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: Merci, Mme la Présidente. Vous avez présenté un mémoire qui est particulièrement intéressant. Évidemment, vous travaillez dans le domaine de l'aménagement, c'est votre spécialité. J'ai été quand même un peu surpris d'un certain nombre de passages, soit à la page 9 où vous parlez de garder une possibilité aux urbanisations de se développer et que, si on crée des barrages, comme vous l'avez illustré avec la table de tout à l'heure, on peut avoir des problèmes considérables à l'avenir.

(11 heures)

Évidemment, M. le ministre a souligné tout le problème de l'étalement urbain. On sait que seulement dans la région de Montréal, si on regarde les espaces actuellement disponibles dans les périmètres urbains, il y en a peut-être pour 50 ans de développement. Et on sait qu'actuellement le taux d'occupation des résidences est 1,5 ou 1,6 personnes par logement. Alors, où est le problème de développer des urbanisations, alors qu'il n'y a pas de monde à mettre dedans? À moins qu'on vide les villes. Voyez-vous, j'ai de la misère à voir votre préoccupation pour s'assurer que les concentrations urbaines puissent continuer à s'épandre de façon harmonieuse dans le contexte de la réalité. Dans 30 ans, peut-être que ça sera différent, mais, dans les années prévisibles, celles qui sont couvertes par l'application immédiate de la loi, je ne vois pas quel problème vous voyez là-dedans. J'aimerais que vous m'expliquiez un petit peu pourquoi vous avez tellement de prévenances de cette nature-là?

Ensuite, pour ce qui est des odeurs, le contrôle des odeurs, il y a deux façons de contrôler les odeurs: il y a les distances et il y a les techniques. Si on fait disparaître les odeurs, évidemment, ou on fait disparaître en partie les odeurs, bien, les distances d'épandage ou d'entreposage peuvent être différentes. Et, comme vous êtes préoccupés du fait que, bon, bien... D'autres disent qu'il ne faut pas donner trop de latitude aux municipalités. Vous, vous voulez donner des latitudes aux municipalités pour gérer la question des distances. J'aurais aimé ça que vous nous donniez un peu plus de précisions sur – je ne sais pas si c'est possible – ce que vous croyez vivable dans le monde rural en termes de fourchette de distances pour l'épandage ou l'entreposage. Vous avez sans doute réfléchi à cette question-là.

La Présidente (Mme Vermette): M. Desmet.

M. Desmet (Dominique): Premièrement, pour ce qui est de la question de l'extension et de l'étalement urbain, il faut faire attention. Sur le passage auquel vous faisiez mention tantôt, je pense que M. Cyr a fait la nuance qu'il fallait en disant que c'était spécifiquement la question de l'immunité. C'est clair que les schémas d'aménagement, ceux qui s'en viennent, vont probablement avoir des orientations encore beaucoup plus importantes en matière de gestion de croissance urbaine, il va y avoir un effort qui va être fait dans ce sens-là. Évidemment, là on parle d'approche réglementaire, on nous parle de distances qu'on devra mettre dans des règlements. Et on doit également, dans ces règlements-là et dans leur application, tenir compte de la situation existante.

Il y a en a beaucoup, des municipalités dont la zone agricole est occupée par ce qu'on appelle traditionnellement le bungalow 28 x 40 sur un terrain de 3 000 m². Qu'on ne le souhaite pas, je le comprends. Comme professionnel de l'aménagement, j'endosse votre discours à 100 %, mais je ne peux pas ignorer ces gens-là. J'ai aussi ce mandat-là lorsque je prépare des plans et règlements. À ce moment-là, si nous arrivons avec des normes – comme je le disais tantôt, je reviens tout le temps à ma question de fourchette – disons, trop généreuses à l'égard des agriculteurs et jugées non suffisamment généreuses pour les gens qui veulent avoir une protection, malgré qu'ils sont en zone agricole à titre de citadins, bien, ça amène un problème de perception quant à l'immunité. C'est pour ça que nous avons souligné ce passage-là.

Pour la deuxième partie de votre question, qui était les distances en question, non, nous n'avons pas de chiffre magique. Tout ce que je peux vous dire, moi, comme praticien, c'est que je serai toujours porté à défendre un point de vue qui fasse en sorte que l'on adopte des distances qui rendent le moins de gens dérogatoires à ça. Pourquoi? Parce que de la façon que ça fonctionne actuellement, dans la conception des règlements municipaux, c'est hasardeux de rendre un 20 %, 25 % ou un 30 % des immeubles dérogatoires à une norme. Sauf, évidemment, si vous deviez avoir des raisons, je dirais, autres que des raisons qui s'accrochent à une perception sociale ou à une perception individuelle.

C'est pour ça. Je ramène ça au début de notre débat avec la question de la santé. S'il y avait un chiffre magique en termes de santé là, bon, bien je le prendrais. Quand bien même il y aurait 40 % des immeubles qui seraient dérogatoires, je serais capable de le défendre, à ce moment-là. Mais, dire «oui, on va mettre une distance x», j'ai comme conséquence que 10 % des immeubles ou 20 % des immeubles de la zone agricole sont dérogatoires par rapport à cette distance-là. Je fais mon assemblée de consultation, vous pouvez être sûr que notre salle est pleine, elle est bondée, puis ça va crier, ça va regimber, ça, c'est évident. Évidemment, nous sommes très, très ouverts, nous prônons très ouvertement une fourchette la plus large possible par rapport à cette préoccupation-là.

La Présidente (Mme Vermette): Ça va, M. le député?

M. Dion: Merci.

La Présidente (Mme Vermette): Je vous remercie. Alors, M. le ministre des Affaires municipales.

M. Trudel: Bienvenue aux aménagistes, à son président, à toute l'équipe. C'est important que vous soyez ici ce matin parce qu'on saisit aussi le côté pratique de l'application: c'est votre pain quotidien, vous autres, là. Alors, c'est important.

Si vous voulez, j'aimerais que l'on revienne, à cet égard-là, à la page 7, sur la faisabilité. Là, il ne faut pas qu'on se réveille juste en termes de désir puis de volonté, il faut que ça s'applique sur le terrain. Si vous voulez, on va réexaminer vos assertions. D'abord, on part du fait que nous sommes tous, à toutes fins utiles, dans chacune des MRC du Québec, en train de réviser les schémas d'aménagement et vous nous dites que les normes ou les paramètres qu'on va adopter au gouvernement avant le 20 juin, que je vais transmettre aux MRC, vous dites: «Ces normes seront incorporées dans les règlements municipaux vers le début des années 2000.» Bon.

Si vous voulez, on va jeter un regard microscopique là-dessus, parce qu'on serait en train de passer à côté de la volonté que nous avons affirmée, c'est-à-dire que les normes, les paramètres de distances séparatrices à l'égard de la gestion soit des odeurs, soit des établissements eux-mêmes, là, ça ne s'appliquerait dans les règlements municipaux qu'à partir de l'an 2000. Est-ce que vraiment il n'y aurait pas d'autres façons d'y arriver?

M. Desmet (Dominique): Vous voulez dire avant cette date-là?

M. Trudel: Oui.

M. Desmet (Dominique): Il faudrait voir. Mais, si on regarde le mécanisme tel que nous le proposons et tel que nous l'avons compris, effectivement, ça pourrait aller jusqu'au début des années 2000 avant de voir ces paramètres-là. Je m'explique de le façon suivante. Le gouvernement va transmettre ses orientations, nous allons les digérer et nous allons les mettre dans notre schéma d'aménagement dit révisé. Ce schéma-là nécessite un aval de la part du gouvernement et qui peut prendre un certain bout de temps. Il n'y a pas que le ministère de l'Agriculture qui a de quoi à dire là-dessus, il y a: Transports, Énergie et Ressources, Environnement, etc.

Bon. Tout ça nous porte à croire... Puis on sait aussi que la commande est élevée. Il y a beaucoup d'attentes de la part des différents ministères, si bien qu'on peut se demander quand le schéma révisé va être en vigueur. Là-dessus, nous n'avons pas de contrôle. Ensuite de ça, dès qu'il est en vigueur, les municipalités disposent d'un délai de deux ans pour se conformer à ce nouveau schéma-là. Or, nous sommes déjà à la mi-1997. Alors, donnons-nous six mois, un an, un an et demi pour finir le schéma révisé en vigueur, ajouter un deux ans par dessus ça. Alors là, effectivement, par ce canal-là, il va falloir attendre ce laps de temps pour que les normes soient mises en pratique.

M. Trudel: O.K. Faisons la mise au point.

La Présidente (Mme Vermette): M. Ouellette, vous voulez ajouter quelque chose?

M. Ouellette (Denis): Oui. C'est parce que je voudrais aussi ajouter à ce que M. Desmet explique. On sait que tout ce qui va venir des orientations gouvernementales puis les distances qui vont être établies en fonction des paramètres, ça va s'appliquer à partir du début des années 2000, mais on sait quand même que, dès l'entrée en vigueur de la loi, il va y avoir des mesures transitoires qui vont s'appliquer puis il va y avoir la directive qui va s'appliquer, mais ça ne sera pas les vraies normes qui vont venir de l'avis gouvernemental. En tout cas, c'est ce qu'on comprend, là.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, brièvement, M. le ministre. Il nous reste quelques minutes.

M. Trudel: Théoriquement, oui, mais, en pratique, ça ne pourra pas être ça. Votre regard sur l'application de la loi nous amène à conclure tout de suite qu'il faudra donc prévoir des dispositions transitoires parce qu'on ne saurait attendre l'an 2000 avant l'application des paramètres en termes de distances séparatrices; ce serait contre la volonté gouvernementale. La séquence sera plutôt la suivante: d'abord, on pourra passer par les règlements de contrôle intérimaire à cet égard-là, ce qui, oui, vous amènera probablement, comme vous le disiez à titre d'exemple tantôt dans votre propre révision de schéma d'aménagement, oui, à un exercice supplémentaire d'harmonisation à cet égard-là dans votre schéma révisé, et il faut ajouter aussi, je dirais, la troisième qui doit être considérée comme la première étape.

À partir du moment où on n'a pas adopté encore les distances séparatrices dans le règlement intérimaire ou bien à l'intérieur de son schéma d'aménagement, la directive du ministre de l'Environnement à l'égard des distances séparatrices va toujours s'appliquer, va continuer de s'appliquer.

Je conclus en disant ceci. Il faut donc comprendre que nous devrons, au niveau de l'application des normes et des paramètres choisis, prévoir des dispositions transitoires pour l'application rapide, sur le terrain, de ces distances séparatrices, de ces paramètres, soit de façon intérimaire à aller jusqu'à l'adoption d'un règlement intérimaire, ou encore, l'étape ultérieure, le schéma d'aménagement. Il faudra voir à ça. Sans cela, on va se réveiller dans une réglementation non avenue et non appliquée.

La Présidente (Mme Vermette): M. le ministre, je vous remercie beaucoup de ces explications, de cet éclaircissement de ces mesures intérimaires. J'aimerais bien vous donner le temps de pouvoir vous expliquer là-dessus mais déjà on a dépassé largement notre temps, alors, on doit mettre un terme à cette discussion.

Alors, nous vous remercions de votre présentation, de vous être prêtés aussi si aimablement à répondre aux questions. Je prends part et acte que, pour le moment, c'est terminé en ce qui vous concerne.

(11 h 10)

Je demanderais, s'il vous plaît, au groupe suivant, Greenpeace Québec, de bien vouloir prendre place.

S'il vous plaît, si vous voulez prendre place. Je demanderais aux ministres de bien vouloir regagner leurs sièges pour qu'on puisse procéder le plus rapidement possible si on veut terminer à midi. Bien. Alors, M. Tanguay, vous êtes le représentant de Greenpeace Québec. C'est ça? Alors, bienvenue à cette commission parlementaire. Vous êtes seul? Donc, vous disposez d'un temps de 20 minutes pour faire votre exposé.


Greenpeace Québec

M. Tanguay (François): Mme la Présidente, bonjour. Messieurs dames, MM. les ministres...

La Présidente (Mme Vermette): Ça va?

M. Tanguay (François): Ça va. C'est parce que j'avais un petit peu de misère à me concentrer.

La Présidente (Mme Vermette): Oui. Je demanderais aux gens, s'ils veulent continuer leur rencontre ou leur échange, de vouloir le faire à l'extérieur de la salle, s'il vous plaît. Merci de votre collaboration. Vous pouvez y aller, M. Tanguay.

M. Tanguay (François): Alors, je vais tout d'abord commencer par m'excuser de ne pas vous offrir un document écrit. Comme un mauvais écolier, j'ai un billet de la maîtresse. De fait, Greenpeace est impliqué présentement dans toute une série de dossiers et ça s'adonne qu'il y en a plusieurs qui me concernent. Alors, je n'étais vraiment pas capable de m'asseoir et de faire un mémoire valable, de trouver le temps de le faire, on est en pleine tournée québécoise sur l'ozone. J'espère que vous ne me tiendrez pas rigueur du fait que vous n'avez pas un document écrit. Ça ne veut pourtant pas dire qu'on n'est pas préparé.

J'imagine qu'il y en a certains d'entre vous qui se demandent ce que Greenpeace fait lors d'une commission parlementaire sur le milieu agricole où ce n'est pas censé a priori être un domaine d'intervention privilégié. Je vous rappelle quand même un minimum de choses par rapport à l'organisation Greenpeace. C'est une organisation internationale qui a été fondée ici, au Canada, en 1971, qui a fêté ses 25 ans et qui intervient dans une trentaine de pays, avec une soixantaine de bureaux. Nous avons 3 000 000 de membres dans le monde, à peu près 125 000 au Canada, environ 15 000 au Québec, et nous ne sommes pas, comme on se plaît à nous appeler à certains endroits, un groupe de pression mais un groupe de base.

En particulier, Greenpeace, depuis un certain nombre d'années, travaille beaucoup vers des solutions environnementales. Je sais qu'il y en a certainement certains d'entre vous qui s'imaginent ou qui nous connaissent encore beaucoup comme un groupe qui chasse les méchants pollueurs – ce n'est pas faux, loin de moi l'idée de nier cette vérité-là – mais nous travaillons depuis plusieurs années à la mise en place de solutions – et je vais vous donner des exemples lors de ma présentation – à des problèmes environnementaux.

Je fais partie des gens qui pensent que se battre pour protéger l'environnement, c'est pratiquement une perte de temps dans la mesure où la vraie question, la vraie chose qu'il faut qu'on fasse, c'est, de fait, sauver, transformer l'économie. Au bout du compte, on aura beau investir toute l'énergie qu'on veut – puis, la preuve, c'est qu'on peut le faire longtemps, Greenpeace le fait depuis 25 ans – à développer une façon efficace de lutter contre la pollution, la solution à long terme demeure néanmoins de ne pas polluer ou de polluer à un tel niveau que c'est facile de gérer la pollution.

Et c'est dans cette optique-là que je voudrais apporter à ma présentation aujourd'hui une optique que je voudrais volontairement plus optimiste, plus ouverte, et je choisis volontairement aussi de ne pas m'attarder trop, trop, sur les distances, à quel endroit ça va sentir, à quel endroit il faudrait étendre ou pas. Non pas que je nie le fondement de ce débat-là mais, après la présentation, j'espère que vous comprendrez pourquoi je le fais.

Je peux vous dire une chose, en tout cas, c'est qu'on représente quand même beaucoup de monde. Les gens ont une tolérance à la pollution qui va en diminuant par les temps qui passent, tous les sondages le démontrent. Angus Reid vient d'en sortir un: 80 % des Canadiens n'acceptent pas l'idée de la pollution, s'attendent à autre chose. Ils s'attendent à autre chose de nous, d'ailleurs, ils s'attendent à ce qu'on fasse autre chose que critiquer les politiques environnementales ou les industries qui ne sont pas efficaces, ils s'attendent à ce qu'on apporte des solutions puis je crois que c'est tout à fait légitime. Donc, il n'y a pas de consensus social qui dit que la pollution est une bonne chose, c'est plutôt l'inverse. La tolérance du public s'en va à la baisse dans ce domaine-là.

De la même manière, j'ai suivi autant que j'ai pu, à travers le Web entre autres, ce qui s'est passé ici et on a essayé de donner toute une série de définitions du développement durable. Et, dans les faits, le développement durable... Depuis le temps que je suis en environnement, depuis Mme Brundtland, j'en ai vu des définitions du développement durable, pour remplir un dictionnaire. Mais, quelque part, on pourrait résumer une chose, c'est que tout est une forme d'énergie ou une autre et que la pollution, c'est la mauvaise quantité de quelque chose qui n'est peut-être pas mauvais, qui est même probablement bon, au mauvais endroit, au mauvais moment. Tu peux avoir un produit qui est sain et qui est bon, mais si tu le jettes à la mauvaise place, au mauvais moment, tu crées un problème, tu crées une pollution.

Et je pense qu'on sera tous d'accord sur le fait qu'on peut difficilement accepter aujourd'hui une industrie, quelle qu'elle soit, qui se développe avec une perspective qui inclut la pollution, d'un point de vue que la pollution, c'est une preuve d'inefficacité quelque part. Et ça, je n'essaie pas de mettre le doigt sur untel ou untel, je dis tout simplement que les industries performantes d'aujourd'hui sont les industries qui se modernisent le plus. On n'a pas inventé les normes ISO 9000 et 14 000 tout simplement pour faire du marketing, quoiqu'il y a des industries qui sont assez bonnes là-dedans, merci.

Dans l'ensemble, les marchés internationaux imposent aujourd'hui de la plus-value, de la valeur ajoutée, des produits de qualité. Tu ne peux pas viser un marché aujourd'hui sans viser la qualité. Je vous dirais même que l'expérience de Greenpeace dans les dernières années, dans le domaine entre autres de la production toxique, tend à démontrer une couple de choses. La première, c'est que des normes acceptables, ça n'existe pratiquement pas. Il y avait toutes sortes de questions tout à l'heure sur ce que sont des normes acceptables. Dans les faits, cette fourchette-là se réduit de plus en plus.

La deuxième chose qu'on constate, c'est qu'en Europe – et ça va nous concerner très rapidement – la nouvelle guerre commerciale ne sera pas la guerre des tarifs à travers le GATT ou à travers des trucs comme l'ALENA, mais la nouvelle guerre de l'an 2000 – puis, même, c'est déjà appliqué dans tout un paquet de domaines présentement en Europe – c'est une guerre au niveau de la qualité. C'est-à-dire qu'on va exiger, pour qu'un produit soit vendu sur un territoire donné – et dans le cas que je vous cite, c'est carrément l'Union européenne – un contenu environnemental. C'est-à-dire qu'on va retourner, à la limite, jusqu'à la production.

Un exemple concret. Je fais présentement une tournée du Québec avec le frigo écologique que Greenpeace a développé. Vous avez peut-être entendu parler de ça dans la dernière semaine. Ce frigo a la particularité de ne contenir aucun produit nocif pour l'environnement. Fabriqué à 1 000 000 d'exemplaires en Europe et encore bloqué par l'industrie à la fois chimique et manufacturière des frigos sur l'Amérique du Nord. Cela dit, Greenpeace Québec travaille avec le Fonds de solidarité et tout un paquet de partenaires pour le développer au Québec, ce frigo-là. On a mis 1 000 000 $ pour le développer.

Le marché européen a tellement changé par rapport à la réfrigération qu'aujourd'hui, la nouvelle norme européenne en termes de réfrigération, c'est pratiquement le mot à mot de ce que Greenpeace a développé dans son frigo. Et c'est une norme environnementale, qualitative, qui définit le critère que doit rencontrer un appareil pour être vendu à l'intérieur de l'Europe. Il y a même le Danemark qui dit: Les frigos qui ne répondront pas à cette norme ne pourront ni être fabriqués ni être vendus sur notre territoire.

Alors, vous voyez, l'entrepreneur qui s'est accroché à se battre, dans le cadre du protocole de Montréal, pour reculer la date d'échéance de la production des CFC puis des HFC, il est carrément en retard sur son temps puis il va perdre des parts de marché parce qu'il s'accroche au passé. Et c'est dans cet optique-là, je pense, qu'il faudra peut-être qu'on regarde ce qui nous arrive présentement.

Je crois qu'on pourrait difficilement tolérer d'un milieu entrepreneurial qu'il s'accroche à des modes de production inefficaces. Premièrement, ça devient un non-sens économique et politique, surtout dans une époque comme celle que l'on vit au point de vue des restrictions budgétaires, pour le gouvernement d'appuyer au nom des citoyens un secteur qui n'est pas en train de développer une efficacité maximale et qui risque de perdre sa compétitivité sur les marchés. Ça, ça me paraît évident.

(11 h 20)

Je pense qu'il est assez connu, l'exemple de l'industrie du papier, de qui, il y a plusieurs années, on disait que ce n'était pas possible de leur imposer des normes, que ça serait la fin de l'industrie, que l'industrie papetière canadienne s'écroulerait littéralement sur les marchés internationaux si on leur imposait des normes environnementales. Pour avoir siégé à la table du débat public sur l'énergie, j'ai entendu les mêmes représentants venir nous dire à quel point ils étaient beaux, ils étaient fins, ils étaient modernes puis qu'ils étaient devenus performants grâce à des normes environnementales qu'ils s'étaient imposées. Mais ils ne s'étaient pas imposé les normes, les normes leur avaient été imposées. Puis c'est les normes qui les ont sauvés puis qui les ont maintenus dans les marchés. Puis c'est aussi le marché qui les détermine parce que, pour vendre du papier aux États-Unis, il faut que tu rencontres aujourd'hui des normes de contenu de papier recyclé.

Je pense que c'est ce qui menace une industrie comme celle de l'agriculture qui refuserait d'aller de l'avant. Moi, ce que j'aimerais entendre plus de ce secteur-là, c'est de dire: On va aller vers un développement durable qui va être qualitatif. Et, à ce moment-là, je pense que le débat autour de la quantité d'épandage qu'on peut faire à telle date et à telle distance va disparaître de lui-même. Moi, ma crainte dans le débat des chiffres, c'est qu'on s'attarde tellement à ça qu'on voit l'arbre et qu'on ne voit pas la forêt. Et, quelque part, vous savez, le fumier, c'est de l'énergie. Je me retiens presque de ne pas vous raconter l'histoire de la toilette à composter. Mais, essentiellement, on passe 40 % de l'eau d'une maison dans nos toilettes. Moi, j'ai mis au point et développé, j'utilise une toilette à composter sans eau. Je ne mesure pas la quantité de litres que j'ai sauvés depuis des années et, en plus, je peux utiliser l'engrais que je fabrique.

Je pense que c'est un peu la même chose qui pourrait se faire avec l'industrie. Je pense que vous n'êtes pas sans savoir qu'il y a toutes sortes de solutions qui ont été apportées pour le traitement des résidus agricoles qui sont de l'énergie. Moi, ce qui m'agace dans le débat présentement, c'est qu'on est en face de résidus qui sont une forme d'énergie, qui sont une valeur ajoutée et on est en train de mesurer la quantité qu'on va se donner le droit de jeter dans la rivière ou dans le lac puis de se dire: Oui, mais je ne sais pas si c'est mesurable, je ne sais pas si la mesure va faire que les poissons vont survivre. C'est quoi le niveau de toxicité que l'éperlan va tolérer dans telle rivière?

Ce n'est pas ça, le débat. Le débat, c'est de dire: On va se développer une industrie tellement performante que ça ne sera plus un problème et ce qui était un problème, un problème de gestion, va devenir un plus. Dans les marchés compétitifs comme il s'en viennent, je pense que la barrière environnementale risque de créer des problèmes à toute industrie qui refuse de se moderniser.

Tout le monde vous a lancé des chiffres sur la quantité d'argent qu'on met en subventions. Je viens de lire un document très récent sur le libre-échange mondial, le marché ouvert, qui essentiellement se résume à une chose: le capital, le profit est privé puis les risques sont sociaux. Je ne pense pas que c'est la voie qu'on devrait prendre au Québec de développer ce genre de scénario-là. L'environnement, la nature, le capital nature, c'est un bien qui nous appartient à tous, c'est notre propre capital, c'est notre grande richesse et on est un pays, une province qui est assise sur ses richesses naturelles.

À partir du moment où on refuse de regarder cette réalité-là et qu'on essaie de juger jusqu'à quelle mesure on peut détruire ce capital, on est en train de se tirer dans le pied. Il me semble qu'il faudrait qu'on soit plutôt en train, en tant que société, de mettre des sous sur la table pour transformer, pour améliorer cette production comme on l'a fait pour d'autres domaines. J'aimerais plus voir, moi, de l'argent pour faire la transition vers de l'agriculture biologique, pour développer des façons de traiter les composts puis les vendre, en faire un commerce. Pas faire un commerce de l'industrie de la dépollution, faire un commerce de l'industrie du traitement de la valeur ajoutée de ce qui est perçu comme un reste.

On trouve normal aujourd'hui de mettre notre verre, notre papier puis notre plastique dans des bacs, on trouve normal de faire des jardins communautaires, de transformer notre vie vers la qualité puis on est en train de discuter de la quantité d'urine qu'on va permettre aux rivières d'absorber. C'est un non-sens. La direction qu'on doit prendre doit être complètement différente.

C'est pour ça, quelque part, que j'ai décidé de ne pas intervenir sur la notion des chiffres, des distances. Il faudra le faire, parce qu'il y a une période de transition puis il y a des gens plus compétents que moi qui vous diront à quelle distance on peut le faire ou pas, mais, ce qui me paraît important, c'est que l'ingérence humaine, la façon dont on gère notre environnement nous revient toujours dans la face.

Je vais donner un exemple qui va peut-être faire sourire M. Cliche. L'été dernier, M. Cliche disait: «Les événements au Saguenay, c'est un acte de Dieu.» Bon. Puis je le comprends, c'était difficile de résister à la tentation de dire que ce n'était pas un «act of God» compte tenu de la quantité qui nous a été balancée sur la tête. Ce à quoi j'avais dit, à l'époque: «Dieu a le dos large par les temps qui passent.» Et, de fait, ce qu'on retrouve maintenant, c'est ce que le rapport de la Commission technique dit: C'est, dans le fond, notre façon de gérer le territoire qui est en cause; on a joué aux apprentis sorciers. Dieu, ça s'adonne que c'était nous. On a joué aux apprentis sorciers puis le jour où la nature nous a envoyé une charge inhabituelle à absorber, ce qu'on avait mis en place nous a littéralement passé par-dessus la tête puis a changé le paysage à tout jamais. J'espère que ça va nous forcer à avoir une vision différente. Mais, le coût de ça, c'est 1 000 000 000 $ à court terme; on ne sait pas c'est quoi à long terme. 1 000 000 000 $.

Alors, dans l'externalisation de tout ce qu'on a fait comme barrages, comme aménagements, sans calculer, sans voir rien, bien maintenant les intérêts viennent d'arriver: 1 000 000 000 $. Ce que je crains, c'est qu'il nous arrive la même chose dans le domaine agricole. C'est qu'on externalise continuellement les coûts, la réalité. Vous savez, en général on connaît le prix des choses, mais, pour le coût, on est moins bon. Alors, le problème c'est qu'on externalise. Moi, quand j'étais au débat sur l'énergie, l'UPA est venue et nous a dit: Il faut absolument interniser les coûts énergétiques, il faut que ça soit quelque chose qui soit comptabilisé. Moi, je suis 100 % pour ça, qu'on internalise les coûts, mais il va falloir s'asseoir et faire un exercice à savoir si c'est plus rentable de compenser les coûts de l'inefficacité que d'investir dans les coûts de l'efficacité qui vont nous ouvrir des marchés et un avenir.

En ce qui concerne Greenpeace, qui travaille beaucoup à mettre en place des solutions... Je vous donne le cas du frigo. Pourquoi on a fait ce frigo-là? On a fait le frigo pour une raison très simple. Le protocole de Montréal vise à éliminer toutes les substances ozonicides qui détruisent la couche d'ozone. C'est un problème, croyez-moi – ça fait 30 ans que je suis en environnement ce mois-ci, j'ai commencé à l'Expo – depuis que je suis l'environnement, qui est peut-être un des pires que j'ai vus, parce que l'ampleur des dommages causés par la détérioration de la couche d'ozone – et c'est au-dessus de nos têtes aujourd'hui – c'est à faire frémir, d'autant plus que ça va être avec nous longtemps.

Il y avait deux façons de «dealer» avec la chose. Se battre sur la place publique, aller au protocole de Montréal, essayer de faire en sorte que le lobby chimique ne gagne pas la guerre de reculer en l'an 2010, 2020 ou 2030 l'élimination de tel ou tel produit. Ce qu'on a fait, on a pris 1 000 000 $ de l'argent de nos membres, on l'a investi dans un frigo, on l'a développé. Aujourd'hui, le marché est développé en Europe, il y a 5 000 000 de frigos. Les Chinois vont en fabriquer 600 000 par année. On est en train de virer à l'envers... On a fait une leçon corporatiste au milieu corporatiste dans son propre domaine. Mais ce n'est pas normal que Greenpeace travaille à développer un frigo, pas plus que ça serait normal qu'on se lance dans les porcheries! Croyez-moi, on ne va pas le faire.

Ce que j'essaie de vous dire, en quelque sorte, c'est que l'attitude à avoir dans ce dossier est une attitude proactive. Je trouve regrettable qu'on soit en train de discuter – je le répète, mais c'est tellement flagrant pour moi à lire tout ça – que les écolos se battent avec les agriculteurs comme si on était des ennemis naturels, ce qui n'est pas le cas. Ce n'est pas le cas. On habite tous la même province et la pollution qui est faite ici sera faite ailleurs. Ça nous retombe toujours sur la tête. Mais, ce qui m'inquiète le plus, c'est que, dans cette bataille-là, on ait envie de faire une exception.

Je comprends le lobby des agriculteurs, on les a amenés là, quelque part, en tant que société. On leur a ouvert cette porte. On leur a dit: Il faut le faire. On a mis des programmes, des subventions et maintenant, comme bien d'autres, ils se disent: On a des droits acquis et on ne veut pas les lâcher. Sauf qu'on est en train de renouveler le contrat social au Québec. Ça s'est fait dans des domaines autres, mais ça va se faire dans le domaine agricole. Pour que ça se modernise, l'agriculture, il va falloir que tout le monde mette un peu de bonne volonté sur la table, arrête de se braquer totalement et qu'on essaie de se dire comment on pourrait faire pour sauver cette agriculture et la rendre plus performante. C'est ça le vrai débat, dans le fond, ce n'est pas de savoir quand est-ce qu'on va se donner le droit de polluer.

Il y a tellement de choses dopées! Vous savez le prix de l'énergie au Canada: on verse 1 000 000 000 $ en termes de subventions, d'avantages fiscaux de toutes sortes à l'industrie pétrolière de l'Ouest. On va se retrouver avec du gaz de l'Ouest qui va être vendu au Vermont, subventionné, qui va couper le prix de l'électricité au Québec, et M. Caillé veut garder l'eau en arrière des barrages. On est entrain de payer les pollueurs pour nous permettre de garder de l'eau en arrière des barrages parce qu'on n'a pas internalisé les prix du gaz. Parce que le lobby du gaz est assez fort pour ça et, les changements climatiques, on sait ce que c'est en train de nous faire.

Je pense que, dans le milieu agricole, l'échelle n'est pas la moindre. Mais, ce qui est en jeu, c'est la rentabilité, la compétitivité. Le meilleur placement qu'on pourrait faire en tant que collectivité, ça serait d'investir dans la transformation de cette industrie vers quelque chose de plus positif, de plus créatif. Ce n'est pas l'inventaire des pollueurs qu'il faut faire, c'est l'inventaire de ceux qui veulent produire d'une façon propre et saine. Et ça, c'est un placement à long terme. Ça, c'est du développement durable. Restera à faire par les experts le débat comment la transition se fera. On ne sera pas là pour le faire parce qu'on n'est pas des experts dans ce domaine; il y en a d'autres qui sont capables de le faire.

Ce que je vous dis, c'est que, si vous regardez autour de vous – je me fie aux expériences passées de Greenpeace – il n'y a pas un secteur industriel qui va résister au fait qu'il n'y a plus d'acceptabilité sociale pour l'inefficacité et la pollution. Aujourd'hui, ceux qui survivront seront ceux qui se moderniseront, qui seront productifs et qui auront de la valeur ajoutée. On a commencé par les petites coops de bouffe alimentaire, écologique, dans les années soixante-dix, et regardez l'ampleur que ça a pris aujourd'hui, la qualité de la vie. Peut-on s'accrocher à des dinosaures tels que la pollution aujourd'hui? Moi, je pense que non.

(11 h 30)

Je voudrais conclure sur une dernière remarque. Je souligne avec grand plaisir la volonté du gouvernement de faire de l'eau un bien public, je sais que ça rejoint là la volonté du ministre de l'Environnement. Si l'eau devient et est traitée comme un bien public, il va falloir qu'on s'organise pour que ce qu'on met dedans soit perçu comme étant un bien public, y compris la pollution. Comme le disait Cousteau: Tu peux difficilement prendre les océans et l'eau comme étant à la fois un garde-manger puis une poubelle. Merci.

La Présidente (Mme Vermette): Je vous remercie, M. Tanguay, de votre présentation. Vous nous avez apporté un mémoire assez... en fait, un mémoire, non, mais vous l'avez fait de vive voix, et très intéressant, et d'autant plus, je voulais le préciser, que votre objectivité en tout cas et votre côté positif, c'est rafraîchissant. Je vous remercie. Alors, M. le ministre.

M. Julien: Merci, Mme la Présidente. Effectivement, je trouve que vous avez élevé un peu le débat sur les grandes orientations et je dois vous dire que j'ai eu souvent... Souvent, je disais que l'environnement n'est pas une contrainte, que c'était un outil pour pénétrer les nouveaux marchés – et ça, je suis tout à fait d'accord – et je dirais plus que ça, les technologies qu'on développera seront exportables aussi. Donc, il y a des éléments, à mon point de vue, qui sont très positifs. C'est pour ça que j'ai toujours abordé cette question-là dans le cadre du développement durable. Donc, en protégeant l'environnement, oui, mais en permettant aussi une activité qui, à mon point de vue, est importante, qui est l'activité agricole, mais qui doit s'adapter à la nouvelle réalité, et je partage votre opinion à ce sujet-là.

Je viens de la Mauricie. Alors, quand vous parlez des pâtes et papiers, par rapport au papier recyclé, je dois vous dire que je l'avais mentionné la semaine dernière, quand on investit dans une usine pour faire de la pâte recyclée, l'investisseur pleurait quasiment en disant: Il faut que j'investisse 50 000 000 $. Sauf qu'aujourd'hui ça permet de rentrer sur des marchés américains qui, autrement, auraient été bloqués, ce qui a permis de consolider nos emplois chez nous. Dans ce sens-là, je partage votre orientation.

Moi, j'aimerais, si on reste à ce niveau-là, avoir un petit peu votre perception du... Il y a un tournant, je pense, qui est en train de se prendre, qui a commencé à se prendre. Et je ramène ça souvent les questions: par exemple, l'autoresponsabilisation des producteurs. Je pense, entre autres, au plan agroenvironnemental dont l'industrie porcine s'est dotée. Je pense, entre autres, au plan agroenvironnemental dont l'industrie bovine s'est dotée. Je pense, entre autres, aux stratégies de développement de l'agroenvironnemental que la fédérée nous a déposées ce matin, qui est très consciente effectivement des marchés internationaux. Ça, par rapport à une réglementation... parce que, moi, je vais vous dire, ce qui m'inquiète toujours, puis j'ai été longtemps dans le développement régional, c'est qu'on nous arrive toujours avec des règles, des normes. Mais on dit aux gens aussi qu'il faut qu'ils se prennent en main et il faut qu'ils responsabilisent. J'aimerais ça avoir un petit peu votre commentaire là-dessus et un petit peu les pistes que vous nous suggéreriez dans ce sens-là.

M. Tanguay (François): Je vais rejoindre une intervention du Centre québécois du droit à l'environnement là-dessus. Je pense qu'en quelque part il faut une espèce de savant mélange des deux. Je crois que le rôle du gouvernement, de l'administration, parce que, dans le fond, vous êtes un peu le conseil d'administration de Québec inc., de la société québécoise... et je pense qu'en quelque part il faut absolument qu'on se fixe des paramètres, je veux dire, c'est le rôle du législateur d'écrire le livre des règlements en quelque sorte. Je vais vous donner un exemple, les émissions des gaz à effet de serre.

Les émissions des gaz à effet de serre, M. Cliche a déposé un programme sur le volontariat qui, je crois, aujourd'hui, vous le réalisez, ne sera pas une réussite dans la mesure où ce n'est pas assis sur des paramètres très clairs. Le Canada va se retrouver à Kyoto, à l'automne, à la réunion, la troisième réunion – depuis Berlin, il y a eu Rio... Berlin, et puis il y aura Kyoto – avec le pire record environnemental au niveau des émissions des gaz à effet de serre, basé sur un programme de volontariat dans les mains de ceux qui polluent, c'est-à-dire, ce que j'appelle, moi, gentiment, le club du carbone. Donc, c'est dire que les pétroliers de l'Ouest sont en train d'imposer au Canada une mesure dans laquelle ils disent: Nous, on est fins, on est bons, puis on va s'autorégler. Avec le résultat que c'est un désastre. C'est une guerre de lobby et une guerre politique, j'en conviens, mais ce que c'est en train de faire, c'est que les Américains vont se doter de normes, parce que, eux autres, ils ont un problème de pollution réelle, 60 % de l'électricité vient du charbon, ils vont commencer à se mettre en place une série de cibles, parce que je pense que l'intelligence voudrait qu'on demande... on ne demandera pas à personne de changer d'idée demain matin, mais je pense qu'en tant que société on doit dire: Voici les règlements avec lesquels on fonctionne: en 1998, ça va être ça; en 1999, ça va être ça; en 2000 puis en 2005, ça va être ça. Les grands protocoles internationaux sont toujours basés sur des échéances pour donner le temps au monde de faire la transition. Mais les échéances sont là puis elles sont en béton. Je pense que ça a été la vulnérabilité du Canada, ces gaz à effet de serre, et je pense que c'est ce qui pourrait nous surveiller au coin de la rue si on ne fait pas attention avec toutes les notions de règlements par rapport à l'environnement.

On peut difficilement... Pour revenir à ce que je vous disais tout à l'heure, on ne peut pas allier le droit de produire au droit de polluer. Il faut que ça soit le droit de produire et l'obligation d'être efficace et performant. Et il y a deux choses qu'on peut faire en tant que société, c'est de se dire: Bien, en 1998, on va être là puis, en 2000, on va être là; tout le monde le sait d'avance, puis, en tant que gouvernement, on va faire un système de taxes inversées, c'est-à-dire, au lieu de subventionner la pollution, on va subventionner de plus en plus la transformation vers l'efficacité puis diminuer le support à la production qui ne sera pas efficace et performante ou qui ne rencontrera pas telle ou telle norme. De cette façon-là, il y a un signal économique puis il y a un signal législatif. Ça fait que les producteurs, ils savent à quoi s'en tenir à l'avance. Ils ont le temps de faire la transition. Et, là-dessus, je rejoins ce qui s'est dit avant. Je trouve un petit peu regrettable qu'on se retrouve au 20 juin avec quelque chose de pas testé qui va tomber puis que, là, après ça, on risque d'avoir une autre guerre puis on risque d'avoir du monde des deux bords de la clôture qui va chialer parce que ce n'était pas assez, parce que c'était trop vite puis qu'on n'aura pas eu le temps de... On ne se laisse peut-être pas assez de marge de manoeuvre. Je pense qu'il faudrait faire attention à ça.

C'est sûr qu'on a des urgences environnementales. Mais je pense que ce qui est important, c'est que le gouvernement doit être clair et ferme: C'est ça, c'est ça, puis on s'en va dans cette direction-là parce que c'est inefficace pour nous de ne pas se transformer, mais on va vous aider. C'est le principe des taxes dédiées, hein, je veux dire: On coupe une taxe à quelque part puis on fait un crédit ailleurs, puis on agit sur les marchés. Je pense que c'est comme ça qu'il faudrait l'aborder. Il faut à la fois... On ne peut pas ne pas donner de règlements puis ne pas donner un cadre.

Je vais donner un exemple concret: la gestion de l'eau au Québec et la classification des rivières. La Table de consultation dit au gouvernement: On devrait avoir une générique du BAPE pour déterminer c'est quoi, une rivière de patrimoine, ce n'est pas bien long à faire, puis, après ça, on peut donner le pouvoir aux régions parce qu'il y aura des balises à l'intérieur desquelles elles vont fonctionner. Mais, si on laisse le «free for all» puis on dit à tout le monde... On sait ce qui va arriver, la rivière Unetelle, où il y a des promoteurs qui ont fait un bon lobby, va se développer, puis l'autre ne se développera pas, puis on va s'en aller nulle part avec ça. Je pense qu'il faut avoir la même attitude. Je pense qu'il faut une attitude à la fois serrée, avec des échéances qui donnent le temps au monde de se tourner de bord, mais au-dessus desquelles il n'y a pas de négociation puis il n'y a pas de chantage comme il va y en avoir demain ici. Ça ne va pas nous avancer à grand-chose, ça, là.

M. Julien: Le sens de ma question, ce n'était pas d'être débonnaire, là. Ce n'est pas dans un style débonnaire, pas du tout. Qu'il y ait une réglementation, moi, ça me va, là, qui permette le droit de produire, mais dans le cadre d'un développement durable. Moi, je crois fondamentalement aussi, il faut que la façon dont on va intervenir va amener les gens aussi à se prendre en main et à se dicter leur propre façon de faire. Avant les Fêtes, j'ai fait adopter une loi sur la certification où on définit le grand cadre, mais les producteurs vont aussi donner leur propre réglementation. Puis ils ont intérêt à bien le faire parce que, s'il y en a un qui ne la respecte pas, il va nuire à l'ensemble de la production. Puis je pense que, dans l'activité porcine, ça va être le même phénomène. On a un intérêt à le faire.

M. Tanguay (François): M. le ministre, on a déjà des régions comme Charlevoix qui ont développé une certaine vision de la table, de l'agneau, de ci, de ça.

M. Julien: Oui.

M. Tanguay (François): Et, pour avoir passé passablement de temps en Europe, c'est un peu le même principe. Je veux dire, chaque région, chaque village a sa fierté. Et, moi, c'est ça que je pense qu'il faudrait qu'on vise. C'est plus une compétition vers la qualité qu'une compétition pour savoir qui est-ce qui va être le plus fort...

M. Julien: Oui.

M. Tanguay (François): ...pour continuer à être inefficace, que je pense qu'il faut qu'on fasse.

M. Julien: Je suis d'accord avec vous.

M. Tanguay (François): Et, dans ce sens-là, je pense que c'est là que votre rôle en tant que gouvernement est important. Vous, vous envoyez le signal. Vous dites: C'est par là qu'on s'en va, puis on ne tolérera plus d'aller dans l'autre direction. Si c'est clair, après ça, ça va être facile pour le monde d'embarquer puis de se prendre en main.

M. Julien: Merci.

La Présidente (Mme Vermette): Merci, M. le ministre. Alors, M. le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Farrah: Peut-être juste pour vous saluer, M. Tanguay. Malheureusement, je dois quitter, j'ai une réunion à 11 h 30. En tout respect, je voulais quand même vous écouter parce que vous avez eu des propos intéressants. Juste vous dire aussi que, qu'est-ce que je trouve rafraîchissant, c'est que vous focussez davantage sur les solutions que sur les problèmes. Et ça, je pense que ça m'apparaît important dans un débat aussi important que le développement agricole au Québec. Alors, je vais vous laisser aux bons soins de mon collègue...

La Présidente (Mme Vermette): Le député de Laurier-Dorion.

M. Farrah: ...le député de Laurier-Dorion qui, évidemment, est notre critique maintenant en matière environnementale. Alors, je voulais simplement vous saluer. Je m'excuse, j'ai une réunion.

M. Tanguay (François): Merci, M. Farrah.

M. Sirros: Soit dit en passant, Mme la Présidente, parlant du député de Laurier-Dorion, il n'a pas trouvé les paroles de M. Tanguay rafraîchissantes parce qu'il les a déjà connues pas mal. C'est un discours, je pense, qui, quand on l'écoute pour la première fois, est très rafraîchissant. Quand on l'écoute pour la deuxième et troisième fois, c'est plein de bon sens. Puis, quand on l'écoute pour la quatrième et cinquième fois, bien, mon Dieu, on se pose la question: Pourquoi on n'agit pas de cette façon-là? Et si j'essaie de ramener un peu la discussion ici, le ministre de l'Agriculture disait: Ce qu'on met de l'avant va responsabiliser les gens, ils vont prendre en main la gestion de l'affaire. Moi, au contraire, je trouve que, finalement, si on prend votre discours puis on essaie de l'appliquer ici, le message que vous nous donnez, c'est un peu: Vous êtes sur la mauvaise piste, vous êtes sur la piste de la gestion de la pollution, et vous n'avez rien fait pour vous mettre sur la piste de l'élimination de la pollution et la transformation de l'industrie en une industrie efficace et productive, comme vous avez dit.

(11 h 40)

Première question: Est-ce que je résume bien le résultat de votre pensée qu'on trouve tous rafraîchissante? Et, deuxièmement, quand on parle du développement durable, vous avez dit tantôt au début, et je partage également cette façon de voir les choses, que tout le monde parle du développement durable à toutes les sauces, finalement. Pouvez-vous nous donner... peut-être commencer avec ça pour voir comment l'approche de l'élimination de la production cadre beaucoup plus avec le développement durable que la gestion de la pollution. Est-ce que je peux vous laisser la parole sur ça?

M. Tanguay (François): Oui. Vous avez vu juste. Vous savez, récemment, j'étais à Américana, cette espèce de foire néo-pseudoenvironnementale qu'il y avait au Palais des congrès à Montréal, qui est essentiellement une foire où on a toute une série de vendeurs du Temple qui viennent de très bonne foi nous dire: J'ai inventé le processus qui nettoie l'eau. Puis là ils ont des réservoirs pleins de polluants, puis un réservoir avec de l'eau propre, puis là ça passe à travers un siphon, puis c'est fantastique. Moi, je suis bien content pour eux autres qu'ils aient développé une business de la dépollution, mais je trouve ça navrant en même temps qu'on soit en train de «flusher» une façon plus intelligente. Tu sais, je veux dire, entre vous puis moi, ce n'est pas la voie de l'avenir. C'est parfait, il y a des dégâts à nettoyer, puis il faut trouver les moyens de le faire. Mais le danger de développer cette attitude-là, c'est de se dire: Ce n'est pas grave, ils vont l'arranger; ce n'est pas grave, il y a une solution; ce n'est pas grave, ça va se nettoyer. On disait ça à propos de la nature il y a deux générations. Quand Rachel Carson a sorti Silent Spring dans les années soixante, il n'y a rien qu'ils n'ont pas essayé pour la tuer, cette femme-là, puis l'obnubiler sur la place publique. Puis tout le monde disait: Voyons donc, la nature est capable d'absorber des tonnes et des tonnes de ci puis de ça, puis c'était normal, c'était un discours complètement débile et ridicule.

Donc, moi, je pense qu'effectivement le risque... c'est pour ça que j'ai volontairement choisi l'option de dire qu'on perd du temps à gérer les déchets. Comme disait Chamberland, le poète, il y a plusieurs années, on ne va quand même pas passer le reste de notre vie à bricoler dans les ruines. Alors, il faut absolument qu'on ait une attitude créatrice par rapport à ça. Donc, moi, là-dessus, je suis d'accord avec vous; il y a des procédés industriels fantastiques, de la tuyauterie extraordinaire qui sort, mais «that is not the answer».

Pour ce qui concerne la production propre, Greenpeace a présenté un mémoire assez exhaustif – il devait avoir 500, 600 pages de matière – au débat public du BAPE sur la gestion des matières résiduelles. Il était largement appuyé sur notre expérience en Europe et sur le fait que les pays scandinaves, par exemple, ont développé toute une gestion de l'environnement. Je suis allé chez IKEA en fin de semaine chercher des tréteaux en métal. L'emballage carton est automatiquement étiqueté, le polythène qui est autour de ce que tu achètes est étiqueté avec le nom des produits dessus. Il n'y a rien qui est fabriqué sans qu'il y ait une responsabilité qui revienne au producteur. La personne qui fabrique un produit doit en assumer la recyclabilité en quelque part. Alors, je pense que c'est cette approche-là qu'il faut qu'on ait avec l'environnement.

Je comprends mal... Récemment, on disait: Dans un cochon, tout est bon, les oreilles, tout sert. Bien, tout, ça devrait être tout. Ça devrait comprendre les déjections aussi. Si c'est si bon que ça, bien, il va falloir que ça serve tout le long. Moi, j'ai chez nous, comme je vous ai dit, une toilette à composter qui marche depuis des années et je fais pousser des tomates avec puis personne n'en est mort. Alors, c'est quoi le problème? Le problème, c'est la gestion. Et d'ailleurs, on s'est vivement opposés, nous, au concept des normes ISO 14000 comme étant des normes environnementales, parce que c'est une norme de gestion, mais ce n'est pas une norme de contenu. Alors, ça, c'est un autre danger. Il faudra faire bien attention à ça.

C'est pour ça que c'est tellement plus intelligent de regarder du côté des solutions. Il y a des industriels qui font la queue présentement avec des façons de gérer les fumiers pour les rendre inoffensifs. Pensez-vous que, quand ça va devenir un plus, on va être en train de discuter où on va le jeter, le fumier? Ce ne sera plus un sujet du tout. À mon avis, ce n'est pas un investissement, c'est une dépense que d'essayer de gérer la pollution.

M. Sirros: Autrement dit, si on essaie encore une fois de prendre un discours philosophique et général et de l'appliquer concrètement au milieu dont on parle ici, normalement on aurait dû être autour de la table ici pour, avec le milieu agricole, essayer de se donner une perspective temporelle dans laquelle on pourrait éliminer le problème en mettant de l'avant des procédés qui pourraient avoir comme résultat un autre produit du porc qu'on pourrait utiliser. Et je pense qu'on n'a pas beaucoup parlé de ce temps-ci à quel niveau se situe la technologie actuellement pour pouvoir justement transformer un problème en un produit. Est-ce que...

M. Tanguay (François): M. Sirros...

M. Sirros: Vous parlez un peu de votre toilette. «C'est-u» une approche que... Parce que le problème, c'est souvent que, une fois qu'on a pris un chemin à l'Assemblée nationale, adopté par une loi, encadré par des règlements, bien, on est là-dedans pour un autre 10, 15 ans. Bon.

M. Tanguay (François): C'est pour ça que mon inquiétude...

M. Sirros: Dans 10, 15 ans, c'est 10, 15 ans perdus, en quelque sorte. Est-ce que, dans 10, 15 ans, on n'aurait pas pu avoir éliminé ce problème?

M. Tanguay (François): C'est là le sens de mon inquiétude puis le sens réel de mon propos aujourd'hui, quand je parlais du développement durable. Moi, je suis allé en France la première fois de ma vie, en Europe, en 1964, puis j'étais fasciné par les Français qui achetaient de l'eau en bouteille. Aujourd'hui, on est rendu devant le fait que les Québécois achètent plus d'eau embouteillée par tête de pipe que n'importe qui sur la planète. Les Québécois, avec 600 000 lacs puis de l'eau partout, achètent de l'eau en bouteille, du plastique et du pétrole. Et, quand tu achètes, dans le fond, tu achètes du pétrole pour boire l'eau. Ça, ça veut dire deux, trois choses. Premièrement, on ne fait pas confiance à la qualité de l'eau qui nous entoure, on devrait se poser un maudit paquet de questions par rapport à ça, puis, deuxièmement, on brûle du pétrole pour embouteiller de l'eau, qui est en train de réduire les réserves d'eau naturelle. On sait que, dans la région de Mirabel par exemple, il y a des problèmes importants sur les nappes phréatiques. Et, d'un autre bord, on est en train de se demander combien de temps on va jeter de l'eau polluée ou des résidus dans les cours d'eau pour...

Alors, on est en train, comme disait un de mes chums, «d'empironner» le problème de tous les bords tous les côtés, on fait tout pour s'organiser pour avoir des problèmes. Je ne vois pas, moi, le débat sur les discussions. Je vois du lobby pour savoir où est-ce qu'on s'en va par rapport à la pollution, mais je ne vois pas l'approche positive. Moi, je trouve ça particulièrement inquiétant qu'on ne se pose pas ces questions-là. Et c'est pour ça que j'ai volontairement... je ne peux pas écrire un truc... si je fais un mémoire, ça va être un mémoire... je n'ai pas besoin de l'écrire pour vous le dire, vous avez des oreilles pour l'entendre, puis, autrement, les chiffres, moi, je trouve que c'est presque un faux débat à la limite. Je comprends qu'il faut s'en occuper puis qu'il faut gérer ça, il y a une transition à faire. Mais la vraie réponse, c'est: On a un problème de l'eau. Puis là je vois dans le journal ce matin qu'il y a encore des gens qui s'imaginent qu'on va exporter de l'eau à pleins bateaux au Québec. Je trouve ça aberrant qu'on considère exporter de l'eau quand on n'est même pas capables de gérer celle qu'on a, à pleins bateaux qu'on veut exporter ça, c'est un non-sens.

M. Sirros: En conclusion, si je peux résumer un peu ce que je retiens de votre intervention, vous dites finalement: Je ne veux pas commenter sur comment vous allez gérer la pollution, j'aurais préféré participer à un débat sur comment éliminer la pollution; c'est un faux problème d'essayer de discuter de cette façon de voir les choses, parce que ça va opposer les agriculteurs aux environnementalistes et, finalement, ce n'est pas des groupes qui s'opposent, normalement; et, troisièmement, le développement durable, essayons tous d'avoir une compréhension commune de qu'est-ce que c'est et, finalement, c'est quelque chose qui, au préalable, requiert l'acceptation de la notion de l'élimination de la pollution plutôt que sa gestion. Je résume bien?

M. Tanguay (François): M. Sirros, on s'est battus avec la FTQ contre Grande-Baleine. Greenpeace, qui est accusée d'être très opportuniste dans ses débats, a perdu la moitié de ses membres parce qu'on s'opposait au projet Grande-Baleine. Puis, quand le ministre Parizeau a annoncé qu'il tablettait le projet, c'est Greenpeace qui aurait pu écrire le communiqué de presse. C'était le mot à mot des arguments qu'on avait avancés qui étaient des arguments économiques a priori. La FTQ, qui voulait couler du ciment dans le Grand Nord, est partenaire dans le projet du frigo parce que ça crée des jobs autour de l'efficacité énergétique. C'est ça que j'appelle un virage, moi. Au lieu de couler du ciment, on va faire des frigos qu'on va exporter partout dans le monde. Et c'est cette vision-là qu'il faut appliquer à l'agriculture.

M. Sirros: En conclusion, moi, je souhaite qu'on arrête tous de dire que votre discours est rafraîchissant et qu'on commence tous à passer beaucoup plus vite aux actes.

M. Tanguay (François): Il serait temps.

La Présidente (Mme Vermette): Je vous remercie, M. le député de Laurier-Dorion. Alors, je passe la parole maintenant au ministre de l'Environnement.

M. Cliche: M. Tanguay, félicitations pour votre présentation. Et je souligne que le député de Laurier-Dorion est maintenant convaincu de ce que vous dites. Donc, s'il avait été convaincu au temps où il était ministre de l'Énergie, peut-être qu'il aurait pris la décision que nous avons prise concernant Grande-Baleine. Mais on n'ouvrira pas de débat là-dessus...

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: Peut-être qu'il n'a pas eu le temps.

M. Cliche: Le discours que vous tenez, il est rationnel, il est logique. Et ça, dans la gestion des matières résiduelles en ce moment, on l'entend, il y a une espèce de pensée magique, si je peux m'exprimer ainsi sans que ce soit péjoratif, à l'effet que toutes les matières résiduelles sont une ressource que l'on peut réutiliser, recycler, valoriser, etc. Et là on transpose cette notion-là au niveau du porc. Vous avez absolument raison que, idéalement, au bout du porc, les lisiers deviendront une source de compost, des engrais, etc. Mais là j'aimerais que vous soyez peut-être plus spécifique que ça, parce que la réalité, c'est qu'une fois qu'on a transformé les lisiers en eaux qu'on peut rejeter, pour la partie liquide, dans le pluvial... et la technologie existe. La semaine dernière, il y avait une entreprise, DEC, si ma mémoire est bonne, c'est ça, DEC, qui transforme le lisier en eau, que, nous, nous avons homologuée, qui peut aller dans le pluvial, donc aller directement dans le cours d'eau, c'est de l'eau pratiquement propre, et un compost qui est utilisable comme un engrais.

(11 h 50)

J'aimerais vous entendre sur les deux problèmes à ce moment-là ou les deux questions qui se posent. La première, c'est: Qu'est-ce qu'on fait avec ces engrais-là? À un certain moment donné, les sols et les plantes sont en équilibre et, si on met des fertilisants au-delà des besoins des sols et des plantes, bien, ça finit par se lessiver dans les cours d'eau, et c'est ça, la source de pollution. Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus

Et la deuxième chose, c'est qu'il y a un coût économique à ça. Les gens, la semaine dernière, nous parlaient, si ma mémoire est bonne, de quelque part entre 10 $ et 25 $ le mètre cube, ce qui est essentiellement la production, dans sa courte vie stressée de porc, la production de lisier d'un porc à à peu près un mètre cube. Donc, il y a un coût économique à ça. Alors, j'aimerais ça vous entendre. Et là vous avez parlé d'internalisation, et voici un bon exemple d'internaliser dans le coût de production du porc un coût de transformer ce lisier, qui peut être une nuisance environnementale, en fertilisant. Parce que la vraie réalité des producteurs de porc, c'est ça. Les technologies, elles existent. Mais, si la marge de profit d'un producteur de porc, c'est 10 $ la tête et que, pour transformer ça en fertilisant, c'est 10 $ la tête, bien, il est «out of business» là.

Alors, j'aimerais ça vous entendre un peu sur ces réalités-là, les deux réalités: la réalité de la capacité maximale des sols de prendre des fertilisants, donc, même si tu as transformé ton lisier en fertilisant, il faut que tu le mettes quelque part, et, secundo, il y a un coût à ça.

M. Tanguay (François): Oui. Alors, je pense que vous touchez là deux points majeurs. Je vais m'attaquer au deuxième en premier. Je sympathise tout à fait avec les producteurs de porc qui sont devant des réalités économiques pas évidentes. Et, de fait, cette réalité-là, elle est due aux orientations qu'on s'est données depuis un certain nombre d'années par rapport à ça puis c'est dû au fait aussi que le marché mondial agricole, sur lequel le porc s'en va – il ne faut pas le perdre de vue, c'est un marché d'exportation – est un marché tellement compétitif, tellement appuyé fiscalement ailleurs que tout le monde se retrouve avec... est en train de tricher en faussant les prix à travers tout un paquet de béquilles fiscales et économiques et autres. Donc, c'est évident que, si tu joues sur le prix du porc en essayant de faire une valeur ajoutée, tu vas peut-être couper des marchés. C'est pour ça que je dis que la transition, elle ne sera pas facile à faire, j'en suis parfaitement conscient. Et c'est pour ça que tout à l'heure je disais: Il faut se donner plusieurs années pour la faire, la transition, parce que, si on fait ça demain matin, ils vont se casser la gueule puis ça va être une faillite énorme. Ce n'est pas parce que tu produis quelque chose de propre que ça va être rentable demain matin. On est tous conscients de ça. Et ça, je vous ramène au scénario dans le temps. Puis le même argent peut rester, mais pour transformer dans l'autre sens, de façon positive.

Mais, cela dit, il y a des batailles à faire ailleurs qu'ici par rapport au marché du porc, j'en conviens. Mais je pense que, si on s'organise pour faire en soi que ce produit-là, parce que c'est vrai que, et là je vais lier avec la première question... c'est vrai qu'on est en face de quelque chose qui va coûter de l'argent à faire. Et j'aurais envie de vous dire: C'est toujours le vieux débat des internalisations, c'est-à-dire le coût immédiat versus le coût futur. Et le problème. c'est qu'on dirait que personne ne veut faire le premier geste, hein. Tout le monde est devant la table d'échecs puis il n'y en a pas un qui ose avancer son pion, parce qu'ils se disent: Ah! bien, si, moi, je fais ça puis que l'autre ne le fait pas, bien, il va garder le marché puis je vais perdre le marché. Les gaz à effet de serre, c'est la même bataille, personne ne veut faire le premier «move» parce qu'ils ont tous peur de se faire voler les marchés. Donc, c'est évident que ce n'est pas simple.

Mais, cela dit, j'ai l'impression aussi, en même temps, puis je le vois dans le domaine du frigo, tout le monde est là, mais ils sont sur le bord puis ils n'osent pas faire de pas parce qu'ils ne savent pas. Puis je pense que la façon dont on pourrait régler ça, c'est de se donner – je reviens à ce que je disais tout à l'heure – des échéances, de dire et d'annoncer en grande pompe, puis de le dire à nos acheteurs puis à nos producteurs, puis à nos acheteurs à l'extérieur: Le Québec réoriente sa production vers la qualité puis on va marcher sur cette voie-là, on se donne tant d'années pour le faire. Et de vendre cette différence-là et de s'assurer que la transition économique se fasse en douceur. Et si on fait ça, à mon avis, c'est sans doute probable qu'on va être capable de trouver des aménagements pour le faire d'un point de vue fiscal sans que ce soit... Vous savez, un vieil axiome dit que, pour corriger la fiscalité, c'est très simple: il faut que tu taxes ce qui est inefficace puis que tu subventionnes ce qui est efficace pour assumer une transition économique. Je pense que c'est un peu la même chose par rapport à la production. Si on annonce qu'on va taxer l'inefficacité, on va du même coup augmenter la productivité parce que c'est la productivité qui va faire qu'un produit va se vendre. Et le coût du fumier, hein, c'est toujours le même principe, encore une fois. Les chiffres qu'on vous a donnés, c'est sans doute des chiffres de premier ordre, de première instance, parce que c'est encore quelque chose qu'on sonde, qu'on n'a pas mis en place. Je suis certain que les prix vont être plus bas que ceux qui ont été avancés.

Pour ce qui concerne la gestion des fumiers, j'aurais envie de vous dire: Si on a déjà dépollué le fumier, que l'eau ne représente plus un problème, et que le fumier est sec, on n'aura probablement pas le problème de stockage qu'on a avec des lisiers «potents», non traités qu'on a aujourd'hui. Ça devient nettement plus facile de... Je vais vous donner un exemple de Milwaukee, aux États-Unis, une ville d'à peu près 1 000 000 d'habitants qui vend un produit qui s'appelle le Mil Organic. Le Mil Organic, c'est les excréments des gens de la ville de Milwaukee en sac. Alors, qu'est-ce qu'ils ont fait? Ils ont fait l'équation de se dire: Ça va nous coûter tant pour entretenir un système d'égout, on peut faire le tuyau plus gros, l'amener plus loin dans le lac Michigan, mais, au bout du compte, on n'aura pas réglé le problème. L'autre problème, c'est de prendre ça, virer la chose à l'envers, puis de se dire: Le même argent, on va l'investir dans la valeur ajoutée du produit, entre guillemets, puis on va le vendre. Puis, à cette heure, vous en mettez sur vos pelouses. Bien, je pense que c'est un peu le même principe qu'il faut appliquer.

À San Francisco, il y a un certain nombre d'années, le tuyau d'égout sortait à trois milles, puis là, bien, ils ont dit: On va mettre tant de milliards pour amener le tuyau à six milles dans le Pacifique. Imaginez-vous si c'est génial comme invention, ils ont rallongé le bout du tuyau.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Tanguay (François): Bien, là, il y a le State architect qui est arrivé puis il a regardé, il est allé faire une visite dans une certaine quantité de maisons, il a dit: C'est ridicule, on a tous des toilettes qui prennent cinq gallons d'eau à chaque fois qu'on tire la chasse. Alors, qu'est-ce qu'ils ont fait? Ils ont mis une couple de centaines de millions pour rénover toutes les chasses d'eau, puis ils ont réduit la quantité d'eau de moitié, puis ils n'ont pas été obligés de rallonger le tuyau. C'est toujours une question de perspective.

Je pense que, dans le cas du fumier, si on le traite puis qu'on le rend inoffensif, ce n'est plus un problème. Moi, c'est ça, ma vision, c'est que ce n'est plus un problème. Tu peux le stocker, tu peux le transporter, tu peux le déménager ailleurs au Québec, tu peux en faire une business. Mais je suis d'accord avec vous, la partie la plus difficile, ça va être la transformation de l'industrie tout en gardant sa compétitivité. Là-dessus, je sympathise totalement avec le milieu agricole. Puis c'est pour ça que je tiens à dire que Greenpeace n'est pas en guerre contre l'UPA. On est en guerre avec leurs tactiques puis avec leur attitude, puis on pense que ce n'est pas la bonne attitude à avoir. On pense que ce n'est pas brillant de venir se battre sur la colline parlementaire pour sauver le droit de polluer. Ce n'est pas comme ça qu'on va s'en aller en avant.

M. Cliche: Bien, peut-être que l'UPA a appris des vieilles tactiques de Greenpeace, là. Il y a eu quand même des années...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Cliche: Il y a quand même eu des années... Là, vous êtes devenus sages.

M. Tanguay (François): Je vous prends au mot, monsieur...

M. Cliche: Mais là il y a eu des années où vous montiez au bout des tuyaux puis des...

M. Tanguay (François): Je vous prends au mot, M. le ministre. Dans ce cas-là, c'est à eux autres à faire ce que Greenpeace fait aujourd'hui, puis sortir des moyens de production efficaces qu'ils vont exporter ailleurs dans le monde.

M. Cliche: Deux questions rapides, parce que je sais que le temps est pratiquement terminé. Dans combien d'années, selon nous, qu'on pourrait prendre le virage? Deuxièmement, ce que vous dites sur la compétitivité de nos produits sur le marché international, c'est vrai pour les pâtes et papiers, mais peut-être qu'on le sent moins dans le monde agricole. Des contacts que vous avez avec vos Greenpeace un peu partout dans le monde, est-ce que vous êtes capables de qualifier la tendance ou est-ce qu'il y a une tendance à l'effet qu'un produit agricole... les gens soient de plus en plus exigeants du respect de l'environnement au niveau de sa production initiale?

M. Tanguay (François): Absolument.

M. Cliche: Je veux dire, moi, quand j'achète une orange, quand je mange des oranges, chez nous, je n'ai pas encore la mentalité de me demander d'où elle vient puis... Pourriez-vous qualifier...

M. Tanguay (François): C'est incontournable.

M. Cliche: ...d'abord, le nombre d'années puis, après ça, essayer de qualifier le virage, s'il y en a un, dans le marché des consommateurs?

M. Tanguay (François): À mon avis, c'est incontournable. Je veux dire, il y a sept ou huit ans, en France, tu allais sur un immense marché, tu avais un petit kiosque de producteur bio dans le coin caché, la pire place possible, avec une gang de mordus qui allaient acheter leur pain biologique. Aujourd'hui, tu as les normes européennes qui imposent des standards qualitatifs. Ça a complètement changé.

Moi, j'ai tendance... Là, je rejoins le discours du monde, du grand monde capitaliste. Je pense que la loi du marché va définir l'agenda, puis, des fois, c'est très étonnant à quel point ça change. C'est la loi du marché qui a tué Grande-Baleine. Le prix de l'énergie était devenu tel que ce n'était plus possible de le faire.

M. Sirros: Ce n'est pas le gouvernement?

M. Tanguay (François): Hein?

M. Sirros: Ce n'est pas le gouvernement?

M. Tanguay (François): Non, ils prennent plus de crédit qu'ils en méritent.

M. Sirros: Ah! O.K.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Tanguay (François): Ha, ha, ha! Et, à quelque part, je pense que c'est la loi du marché. Je vous l'ai dit tout à l'heure, en Europe, on a maintenant des standards qui font de l'origine, de la qualité, de la fabrication, de comment c'est fait, une barrière à la vente d'un produit à l'intérieur d'un pays. C'est ce qui nous pend au bout du nez avec la production porcine. Il va falloir faire attention à ce qu'on met dans nos cochons, puis ce qu'on fait avec et comment on les produit. Il ne sera pas inusité de voir... On parle de la loi Helms-Burton, bien, il va y en avoir des équivalents de lois qui vont nous tomber sur le nez puis qui vont dire: Je regrette, mais ton cochon, il n'est pas produit avec les normes de mon pays, tu ne peux pas le vendre. Et comme on a un marché d'exportation, on n'a pas le choix, il va falloir absolument transformer. Puis c'est toujours le même principe: ou bien donc tu es en avant, ou bien donc tu es en arrière. Puis, quand tu es en arrière, tu t'es fait imposer les normes par les autres, tu te bats pour aller chercher des places de marché qui ont déjà été établies. L'autre vision, c'est de dire: Je vais l'établir, le marché, je vais établir la norme, je vais mettre le standard, puis c'est moi qui vais servir de référence. Et, à partir de là, ça devient plus facile de la faire, la transition.

(12 heures)

Quant à la durée de temps, moi, j'estime que ça va probablement prendre sept à huit ans avant que ça se fasse comme du monde. Je ne pense pas que ça se fasse du jour au lendemain. Mais l'important, c'est de se donner des échéances puis de se dire: On va le faire, on va y arriver dans un nombre de temps. Puis je pense que plus l'échéance est à la fois ouverte et rigide – comme je disais au ministre tout à l'heure, on ouvre l'échéance en masse, mais on met des balises au-delà desquelles il ne sera jamais question de négocier: telle date, c'est telle norme, et telle date, c'est telle norme – à ce moment-là on ne regarde plus en arrière. On est en train d'aller en avant puis on change la production. Et, à ce moment-là, je pense, je suis même à peu près certain, notre expérience à Greenpeace le démontre, c'est qu'à partir du moment où la masse critique a commencé à basculer, le reste tombe, puis on se rend compte que les échéances qu'on s'était mises de façon bien conservatrice, de fait, c'était juste un signal qu'il fallait envoyer.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, M. le ministre, M. Tanguay, on vous remercie de votre intervention. Je pense que vous avez suscité beaucoup de questions. Il y a encore beaucoup de collègues qui auraient aimé pouvoir continuer cet échange, mais on doit mettre un terme, il est déjà midi.


Mémoire déposé

Alors, je voudrais aussi qu'on consigne le dépôt, en fait, du mémoire de l'Association des viniculteurs du Québec.

On suspend les travaux jusqu'à 15 heures cet après-midi.

M. Tanguay (François): Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 1)

(Reprise à 15 h 46)

Le Président (M. Vallières): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation reprend ses travaux.

Nous devons entendre cet après-midi, avec un peu de retard – en fait, quelque 45 minutes de retard – trois organismes auxquels on avait décidé de consacrer chacun une heure. Alors, force nous est de constater que nous allons manquer de temps si nous terminons nos travaux à 18 heures. Par conséquent, ou bien nous prenons arrangement maintenant au niveau des membres de la commission, ou bien on répartit le temps différemment, ou bien nous convenons déjà de dépasser les 18 heures, peut-être pour une demi-heure, et se permettre de récupérer le reste du temps sur chacun des organismes qui sera entendu. S'il y a assentiment de ce côté-là, ça veut dire que nous continuerons jusqu'à 18 h 30 et qu'on aura, quoi, une vingtaine de minutes à récupérer au total pour les trois organismes.

M. le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Farrah: On ne peut pas prévoir le contenu des mémoires. L'important, je pense, c'est de laisser tout le temps disponible aux groupes pour faire leur présentation. ça m'apparaît quand même essentiellement important. Au niveau des questions, on pourra voir si on peut sauver du temps de ce côté-là.

Le Président (M. Vallières): C'est ça. Alors, peut-être que s'il n'y a pas d'abus au niveau des questions on pourra récupérer un peu de temps. O.K. Alors, on verra, aux environs de 18 heures, ce que ça donne.

À ce moment-ci, j'inviterais la Corporation des officiers municipaux en bâtiment et en environnement du Québec à s'approcher. On me faisait également part d'un problème au niveau de l'Union québécoise pour la conservation de la nature, M. le secrétaire, au niveau de l'ordre de présentation des mémoires? Alors, à tout le moins, on va commencer avec l'organisme que nous venons d'appeler et on pourra vérifier par la suite s'il y a lieu d'intervertir les deux derniers organismes. Très bien.

Alors, M. Bouchard?


Corporation des officiers municipaux en bâtiment et en environnement du Québec (COMBEQ)

M. Bouchard (Daniel): Bonjour! Je suis accompagné, à ma droite, de M. Pierre-Paul Ravenelle, directeur général de la COMBEQ, qui est la Corporation des officiers municipaux en bâtiment et en environnement du Québec, et, à ma gauche, de M. René Drouin, qui est vice-président de la COMBEQ et, en même temps, inspecteur en bâtiment et en environnement; c'est son occupation principale, d'ailleurs, dans la municipalité de Saint-Apollinaire.

Pour ma part, mon nom est Daniel Bouchard, je travaille comme avocat à l'étude légale Tremblay, Bois, Mignault, à Sainte-Foy, et la COMBEQ m'a demandé de m'associer à elle pour la présentation du mémoire. Nous avons préparé un document – vous allez voir qu'il n'est pas très volumineux, environ six pages – qui constitue les représentations que la COMBEQ a à faire aujourd'hui devant la commission. C'est un document qui vous a probablement été remis préalablement.

Alors, M. le Président de la commission, MM. les ministres, Mmes, MM. les membres de la commission, participants et observateurs, la Corporation des officiers municipaux en bâtiment et en environnement du Québec, c'est-à-dire la COMBEQ, désire remercier la commission de l'opportunité qui lui est offerte de faire ses représentations sur la proposition gouvernementale de principes généraux relatifs à la gestion des odeurs, du bruit et des poussières en milieu agricole.

La COMBEQ, quoique issue d'organisations plus anciennes, est un organisme encore tout jeune – environ un an et demi d'existence – et la présente participation à une commission comme celle-ci est une première dans les annales de la COMBEQ. Nous avons donc accepté avec d'autant plus de plaisir l'invitation qui nous a été faite.

(15 h 50)

Il faut préciser dès le départ que les représentations que la COMBEQ se sent en droit de soumettre à la présente commission sont limitées compte tenu du rôle et de la composition du membership de la COMBEQ. Il faut en effet bien prendre la mesure du fait que la COMBEQ est formée d'officiers municipaux en bâtiment et en environnement, c'est-à-dire de fonctionnaires de municipalités. Une telle situation suppose à notre avis trois choses: premièrement, les municipalités, comme vous le savez, ne parlant que par règlement ou résolution, les membres de la COMBEQ ne peuvent certainement pas prétendre parler au nom des municipalités; deuxièmement, les membres de la COMBEQ ne sont pas des dirigeants des municipalités et ne peuvent donc prétendre indiquer dans quel sens les élus, provinciaux ou municipaux, devraient ou ne devraient pas agir; troisièmement, les membres de la COMBEQ sont les officiers municipaux qui seront cependant confrontés aux problèmes qui ne manqueront pas de se présenter dans l'application de ce que nous appelons la réforme.

On comprendra, en conséquence, que la COMBEQ n'entend pas se prononcer sur l'opportunité des principes généraux contenus dans la proposition gouvernementale. Ces principes ont été arrêtés par quatre ministères, qu'on connaît, sur la base du projet de loi n° 23, bien sûr, mais sur la base également d'une entente politique intervenue entre le monde municipal, le gouvernement et l'UPA, notamment.

La COMBEQ a suivi avec intérêt les débats qui ont eu cours au Québec au cours des dernières années, notamment ceux ayant entouré le dépôt de l'avant-projet de loi puis celui du projet de loi n° 23. Incidemment, la COMBEQ a pris connaissance avec intérêt notamment du mémoire présenté par l'UMRCQ devant la présente commission. La COMBEQ a jugé utile pour sa part de saisir l'occasion qui lui était fournie de venir souligner à la commission, et par le fait même, pense-t-elle, au gouvernement, que peu importe le résultat final, c'est-à-dire peu importe le libellé précis qu'auront les orientations gouvernementales ainsi que la réglementation provinciale dans ce domaine, ce sont ses membres qui devront assurer l'application du cadre normatif mis en place.

Or, peut-être à tort, il nous semble que l'application de ce cadre normatif soulèvera des problèmes tout particuliers. Les membres de la commission admettront avec nous que le législateur s'est livré à un exercice législatif majeur en adoptant le projet de loi n° 23 et en modifiant par le fait même la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme ainsi que la Loi sur la protection du territoire agricole. On reconnaîtra facilement, par exemple, que le cadre législatif ainsi mis en place modifie passablement le plan de travail et la façon de faire des municipalités en zone agricole provinciale.

Or, outre la question des relations entre le monde agricole et le monde municipal, laquelle préoccupe bien sûr la COMBEQ comme n'importe quel citoyen québécois, la COMBEQ est particulièrement préoccupée par les nouvelles obligations qui seront imposées à ses membres. Notamment, et pour ne rappeler que quelques-unes des nouvelles tâches qu'auront à assumer les membres de la COMBEQ, il est utile de rappeler qu'ils devront, à brève échéance, gérer les demandes d'utilisation à des fins autres que l'agriculture – puis là, on fait référence aux articles 58 à 59.1 de la nouvelle loi sur la protection du territoire et des activités agricoles; tenir compte de la nouvelle notion de réciprocité lors de permis de construction – je fais référence à l'article 79.2 de la LPTAA – et assurer l'application de deux nouveaux règlements provinciaux relatifs à la pollution de l'eau et du sol ainsi que de l'air – puis là, on entend la pollution de l'air, bien sûr, pour l'instant du moins, relativement à la question de la pollution par le bruit et les poussières et non les odeurs.

À ces fins, les membres de la COMBEQ devront notamment formuler un avis sur la conformité au règlement de zonage de la municipalité de l'usage visé par une demande d'utilisation à une fin autre qu'agricole en zone agricole provinciale et aider le conseil dans la formulation d'une recommandation à la CPTA quant à cette demande, laquelle recommandation devra être motivée en tenant compte des critères prévus à l'article 62 de la LPTAA et des dispositions du règlement de zonage – vous pouvez aller voir à ce sujet-là les articles 58.1 et 58.2 de la LPTAA; s'assurer que toute personne qui désire ériger un bâtiment autre qu'agricole en zone agricole provinciale respectera à l'égard des exploitations agricoles avoisinantes toute norme de distance imposée à cette dernière dans l'application d'une loi ou d'un règlement ou dans l'application d'un règlement municipal relatif aux odeurs à moins que le propriétaire du lot visé ait enregistré une servitude en vertu de laquelle il s'engage à ne pas invoquer les droits qu'il aurait pu invoquer autrement. Je fais référence à l'article 79.2 de la LPTAA.

Soulignons, de plus, qu'en vertu de l'article 88 du projet de loi n° 83, les normes de distance applicables à une demande de permis de construction, jusqu'à l'entrée en vigueur de la réglementation adoptée en vertu du troisième alinéa de l'article 113 LAU – l'article 113 LAU, c'est la disposition qui habilite les municipalités à introduire dans leur règlement de zonage local des normes de distance entre les usages agricoles et non agricoles – seront celles de la directive relative à la protection contre la pollution de l'air provenant des établissements de production animale.

Finalement, voir au respect des normes prévues dans le futur règlement sur la réduction de la pollution d'origine agricole – ça, c'est la protection au sol – et le futur règlement sur les nuisances résultant d'activités agricoles: bruit, poussières – et non odeur, du moins, pour l'instant – règlements qui seront rendus applicables par les municipalités par le truchement du Règlement de contrôle intérimaire de la MRC – c'est du moins les dernières nouvelles que nous avons eues à cet égard – durant la période transitoire qui s'annonce, c'est-à-dire la période comprise entre la date d'entrée en vigueur du projet de loi n° 23 et celle des règlements d'urbanisme locaux conformes aux schémas d'aménagement ayant intégré les orientations gouvernementales en matière agricole. On m'a dit ce matin que les gens de l'Association des aménagistes régionaux avaient rappelé à la commission que ce délai-là pouvait être de trois ans, entre autres.

Bref, les membres de la COMBEQ seront confrontés à des obligations toutes nouvelles qui, en outre, soulèvent des difficultés, supposent des spécialisations toutes particulières: analyser des demandes d'utilisation des faits autres que l'agriculture en vertu des critères de l'article 62, appliquer les normes de distance de la directive sur la prévention de la pollution de l'air lors de l'émission de permis de construction et appliquer deux règlements provinciaux entièrement nouveaux.

Il faut prendre conscience que ces nouvelles responsabilités viennent s'ajouter à de nombreuses autres, tout aussi nouvelles, qui ont été transférées aux municipalités au cours des dernières années. On sait également que d'autres nouvelles responsabilités vont être transférées bientôt. Pour la COMBEQ, il ne s'agit pas de déplorer cette situation, elle veut cependant insister auprès du gouvernement sur l'importance de préparer les membres de la COMBEQ à ces nouvelles responsabilités. Voilà donc l'objet principal de notre présence ici.

Il nous semble que le gouvernement devrait, dans les meilleurs délais, faire préparer un guide d'application du projet de loi n° 23 à l'intention des inspecteurs municipaux en bâtiment et en environnement qui devront administrer les nouvelles responsabilités municipales en cause au jour le jour. De plus, il faudrait également s'assurer que des sessions de formation seront tenues sur la base d'un tel guide. La COMBEQ est prête à agir comme partenaire dans l'élaboration de ce guide, d'abord pour identifier les difficultés concrètes d'application qui ne manqueront pas de surgir, ensuite pour aider à identifier des solutions concrètes à ces difficultés.

À titre indicatif, ce guide pourrait se pencher sur les questions suivantes: les règles jurisprudentielles applicables aux différents critères prévus à l'article 62 LPTAA, les limites des pouvoirs des municipalités. Par exemple, quelles sont les méthodes d'épandage alternatives qui pourraient être considérées acceptables et qui pourrait en attester? La question des vents dominants dont, notamment, la méthode à privilégier pour reconnaître la présence d'un micro climat, le cas échéant, et en tenir compte dans l'application des normes. L'inspection municipale et la mise en oeuvre des mesures de vérification appropriées des activités d'épandage, par exemple, etc.

Conclusion. La présente commission retiendra que les membres de la COMBEQ sont entièrement prêts à collaborer à la mise en oeuvre de la nouvelle dynamique en matière de gestion des odeurs, du bruit et des poussières en milieu agricole, mais ils insistent sur la nécessité de planifier l'opérationnalisation de cette réforme.

Sur ce, nous remercions la présente commission de nous avoir écoutés et nous vous souhaitons des travaux productifs.

Le Président (M. Vallières): Merci, M. Bouchard. M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Julien: M. Bouchard, un commentaire. Je comprends le bien-fondé de votre demande quant à des guides d'application et tout, je dois vous dire que c'est en préparation actuellement par mon ministère et la Commission. Je suis ouvert, d'ailleurs, lorsque les guides seront prêts – évidemment, on va attendre d'avoir les résultats de la commission et les décisions qui vont se prendre – que des rencontres d'information aient lieu avec votre organisation avant de faire les procédures pour qu'au moins on s'entende bien sur les mécanismes. Puis, si vous avez des commentaires ou des informations à transmettre à nos officiers, que ce soit au niveau du ministère ou de la Commission, soyez très à l'aise de le faire.

(16 heures)

Le Président (M. Vallières): M. le ministre des Affaires municipales.

M. Trudel: Merci, M. le Président. Je veux souhaiter la bienvenue aux gens de la COMBEQ, des complices quasiment quotidiens dans l'application de la réglementation municipale. On a à se fréquenter régulièrement parce que, effectivement, vous êtes les applicateurs de ce type de lois et de réglementations sur le territoire et on a tout avantage à maintenir des liens fréquents et intenses pour en arriver à une application non seulement rapide mais adéquate de la réglementation.

Une petite remarque qualitative: en tout cas, des groupes que j'ai entendus ici, c'est la première fois que j'entends décrire d'une façon aussi claire comment s'appliqueraient effectivement les nouveaux paramètres qui seraient adoptés par le gouvernement à l'égard de la gestion des distances séparatrices pour les établissements ou des odeurs et qui sont intégrés aux orientations gouvernementales qui vont être acheminées d'abord aux MRC pour la révision des schémas d'aménagement – vous avez bien précisé et je veux encore le répéter pour qu'il n'y ait pas de confusion – et qui pourront être appliqués d'une façon plus rapide, si tel était le souhait de la MRC, du gouvernement ou du milieu concerné, par l'adoption d'un règlement de contrôle intérimaire.

Mais, ce qui est important aussi, vous le rappelez à la page 4 de votre document: «Dès lors, jusqu'au moment où serait adopté un règlement de contrôle intérimaire – à l'égard des dimensions qu'on vient de mentionner – c'est toujours la directive relative à la protection contre la pollution de l'air provenant des établissements de production animale du ministre de l'Environnement, en vertu de l'article 116 de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, qui s'applique.» Il faut donc rappeler qu'il n'y aura pas de vide: la directive, le règlement intérimaire, la modification au schéma et, subséquemment, les règlements de zonage et d'urbanisme dans les municipalités. Tout en reconnaissant que ça peut prendre un certain nombre de mois, il n'y aura pas de vide au niveau de l'application.

Je retiens aussi votre mention de bien s'entendre sur une période de formation rapide à l'égard de vos membres, parce que l'application, je dirais, avec clairvoyance du règlement sur le terrain, ça va largement dépendre des officiers locaux au niveau de ce que vous faites comme travail, tout comme on l'a eu quand on a modifié, par la loi 22, la loi sur la modification au Règlement d'urbanisme et de zonage, qui n'était pas d'une petite complexité; disons que c'était de la haute voltige, le moins que l'on puisse dire. Mais on s'est donné de bonnes sessions de formation et on en est arrivé à une application plus simplifiée des modifications.

Au niveau des Affaires municipales, je vous invite à reprendre contact avec nous rapidement, comme l'a indiqué le ministre de l'Agriculture, pour que nous puissions préparer, oui, ensemble des sessions de formation, et – c'est la note que je ne veux pas oublier – on a tous saisi ici qu'avec l'entrée en vigueur, par exemple des comités consultatifs agricoles, il y a une nouvelle dynamique qui va s'instaurer sur le territoire: mieux préparés, avec les bonnes informations, ça va favoriser ce climat d'harmonie qui est le mot central, la notion centrale dans la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, l'occupation harmonieuse du territoire, et on va devoir compter sur votre compétence, vos connaissances dans l'application quotidienne.

Une toute petite question: Est-ce que vous pensez, à l'égard, par exemple de toute la question des méthodes d'épandage alternatives qui pourraient être considérées comme acceptables, vous seriez en mesure d'être les professionnels capables de juger, de porter un jugement de valeur sur cette dimension qui va certainement apparaître dans les paramètres et les orientations à être édictés par le gouvernement? Est-ce que vous pensez que vos membres ont la capacité et la formation, la possibilité réelle et concrète sur le terrain de voir à l'application de cette dimension-là?

Le Président (M. Vallières): Oui. Alors, Me Bouchard.

M. Bouchard (Daniel): L'opinion de la COMBEQ là-dessus, c'est que ses membres sont prêts, capables d'appliquer la réglementation qui va devoir être mise en oeuvre et de juger des méthodes alternatives qui pourraient être acceptables. Cependant, il faut de l'information sur ces questions-là. Il faut penser en termes de coûts aussi. Il faut éviter que les municipalités soient obligées de faire affaire avec une batterie d'experts pour leur faire des rapports sur est-ce que la méthode est acceptable ou non. C'est l'une des préoccupations qui est sous-jacente à la demande qui est faite aujourd'hui par la COMBEQ, que la municipalité puisse, à l'aide de ses propres officiers, faire le travail qu'elle a à faire de mise en application du projet de loi n° 23. Donc, dans ce sens, l'objectif, c'est que ce soient les membres de la COMBEQ, effectivement, qui soient en mesure de juger de l'acceptabilité ou non de l'alternative qui serait proposée, par exemple par un producteur agricole. Mais, pour ça, ça va prendre des outils d'information, ne serait-ce que pour informer rapidement des nouvelles méthodes ou des nouvelles technologies et de leur fiabilité. Pour l'instant, à vue de nez, c'est la seule réponse que je peux apporter.

M. Trudel: Elle est assez bonne à mon goût. Je voudrais ajouter une petite question plus précise. Les officiers municipaux en bâtiment et en environnement, là, il n'y en a pas dans toutes les municipalités du Québec, dans les 1 393 municipalités. Est-ce que vous pensez qu'on devrait faire une application régionale par territoire de MRC de ces dimensions, par exemple, et qu'on devrait travailler dans ce sens-là? Je vous fais sourire un peu, M. le Président? Je ne vous demande pas d'opinion définitive mais il semble qu'il va y avoir un vide quelque part. Une municipalité de petite taille qui n'aurait pas d'inspecteur en bâtiment ou en environnement...

M. Bouchard (Daniel): Oui.

M. Trudel: ...eh bien, on aura de la difficulté à appliquer la réglementation ou à surveiller, par exemple l'application de la réglementation, exemple sur les méthodes d'épandage, tel qu'on vient d'en causer, là.

M. Bouchard (Daniel): Oui. Votre question, si vous me permettez, exige une réponse un peu plus large qu'il n'y paraît.

M. Trudel: Vous voulez dire un peu plus politique, là, vous.

M. Bouchard (Daniel): Dans toutes les municipalités, il y a des fonctionnaires responsables de l'émission des permis et des certificats; la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme l'exige. Certaines municipalités le font à l'aide d'un employé qu'elles ont engagé localement; d'autres le font à l'aide d'un employé qui est engagé par la MRC puis il y a une délégation de compétence à la MRC, à cette fin-là, par la municipalité locale. Il y a d'autres municipalités qui confient ça à une firme externe qui s'occupe d'émettre les permis et certificats. Donc, il y en a dans toutes les municipalités, c'est certain.

Par ailleurs, si le sens de votre question, c'est de savoir: Est-ce que tous ces employés-là, tous ces inspecteurs, ces fonctionnaires responsables de l'émission des permis et certificats sont des spécialistes en matières environnementale et en bâtiment? C'est des gens, d'abord, qui ont déjà des formations en ce sens-là puis qui développent cette formation-là au jour le jour, sur le terrain, compte tenu des nouvelles obligations qui sont imposées au travail des municipalités. Dans ce sens-là, je pense qu'il y a, sur le territoire, oui, des gens, des fonctionnaires capables d'assumer cette responsabilité-là. Quant à savoir s'il est préférable que ce soit fait sur une base régionale, je laisse ça aux élus.

M. Trudel: Vous êtes pas pire! C'est pour ça qu'on se fréquente souvent. Merci de votre réponse et on aura effectivement, je pense, inévitablement à s'appuyer très fermement, au niveau de l'application, sur les professionnels qui sont membres de la COMBEQ et qui sont dans l'ensemble des municipalités, et il faudra faire ça très rapidement. Merci de votre participation; on apprécie beaucoup.

Le Président (M. Vallières): Bien. Demande d'intervention du député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Farrah: Oui, M. le Président. Alors, messieurs, bienvenue à la commission au nom de notre formation politique. À la lumière de votre présentation, le gouvernement cultive la réglementation puis ça prend de l'engrais pour pouvoir la faire pousser; donc, des cours de formation. C'est à peu près ça. Alors, la question que j'aimerais vous poser là-dessus... Les représentants des municipalités sont venus ici, l'UMRCQ en a fait état dans un mémoire, l'UMQ également puis, compte tenu du transfert de responsabilité et des sommes inhérentes à ces transferts-là, qui sont quand même substantielles au niveau des municipalités, est-ce à dire que les cours de formation... Qui va défrayer ces cours-là?

Je ne suis pas convaincu, si la facture est envoyée aux municipalités, que les municipalités vont vouloir assumer les frais de ces cours-là. Alors, au niveau de la discussion gouvernementale, je pense qu'il serait important de clarifier ce point-là parce que, au-delà de l'importance du cours – et je n'en disconviens pas – il est bien évident que l'important, c'est qu'il puisse se réaliser, et le plus rapidement possible. Alors, par conséquent, qu'on ne tombe pas encore dans une chicane gouvernement-municipalités à l'égard de qui va payer ce cours-là et qu'entre-temps la réglementation s'applique sans formation au niveau de vos membres. Ça s'avère important. Alors, ça, c'est un élément que je voulais clarifier.

(16 h 10)

L'autre élément, c'est que, évidemment, vous ne portez pas de jugement sur le document que nous avons ou sur la réglementation qui va s'ensuivre éventuellement et je suis déçu quelque peu honnêtement parce que j'aurais aimé vous entendre là-dessus, compte tenu que vous êtes les gens qui l'appliquez sur le terrain. Alors, constamment, vous avez à faire face à différentes clientèles en représentant les municipalités sur le terrain, en appliquant la réglementation. Puis, compte tenu de votre vécu et compte tenu du vécu de tous vos membres à la grandeur du Québec, vous seriez des personnes-ressources extraordinaires pour nous dire que, compte tenu de l'expérience que vous avez vécue jusqu'à présent, cette réglementation-là va faire en sorte, d'une part, d'être appliquée efficacement puis ça peut régler des problèmes justement du droit de produire, de la production agricole dans l'ensemble des régions du Québec.

Je comprends que vous êtes en demande aussi pour votre cours, tu sais, je ne voulais pas... Je comprends ça, là, mais je me dis quand même que vous êtes des gens qui l'appliquez sur le terrain. S'il y a des gens qui doivent être quand même au courant de ce qui se passe puis peut-être de connaître les conséquences qu'une réglementation peut avoir sur les concitoyens et concitoyennes, je me dis: Vous êtes les gens idéaux pour nous dire vraiment c'est quoi le danger. Et sans contester pour autant. C'est pour nous allumer, pour faire en sorte que ça sera la décision la plus claire et la plus efficace possible qui soit trouvée pour justement régler ces problèmes-là.

Le Président (M. Vallières): Oui, Me Bouchard.

M. Bouchard (Daniel): Je pense que notre document explique le point de vue à partir duquel on s'est placé et ce n'est sûrement pas cet après-midi, devant vous, que nous allons changer cette orientation-là de l'organisme qu'on est chargé de représenter. Je pense qu'il faut comprendre, si vous me permettez, par ailleurs, un commentaire, que les gens de la COMBEQ sont les gens qui ont à faire, disons, le tampon entre les normes à appliquer et les justiciables. Et...

M. Farrah: Quel rôle ingrat!

M. Bouchard (Daniel): Oui. Alors, je pense que ça serait demander aux gens de la COMBEQ de se mettre le doigt entre l'arbre et l'écorce que de commencer à commenter dans un sens ou dans l'autre la viabilité des mesures qui seront contenues dans cette réforme-là. La COMBEQ ne se sent pas habilitée à poser ce type de travail, d'autant plus que, dans les municipalités, ce sont des questions qui se discutent entre les officiers municipaux et les élus. Par ce biais-là, les membres de la COMBEQ ont pu formuler des opinions, dire ce qu'ils en pensaient, et les élus ont décidé. Ceux qui dirigent dans les municipalités du Québec – et c'est correct que ça soit ainsi – ce sont les élus. Alors, nous autres, on serait mal venu – puis je terminerai là-dessus – de jouer les gérants d'estrade, parce que le débat se mène depuis maintenant plusieurs années, et d'arriver en fin de course puis vous dire: Aïe! ça, ça a du bon sens, les petits gars, ce que vous avez fait là. Ou encore: Mon Dieu Seigneur, comment ça se fait que vous avez travaillé mal comme ça? Écoutez, il y a un résultat là de plusieurs années de réflexion, de travail, c'est un consensus qui résulte de ce qui est probablement possible de faire pour l'instant au Québec et nous respectons ça.

Le Président (M. Vallières): Merci. Oui, M. le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Farrah: Très brièvement. En fin de compte, vous me dites que vous êtes des exécutants.

M. Bouchard (Daniel): Tout à fait.

M. Farrah: O.K. Mais c'est plus facile d'exécuter quand on a les bonnes directives. Ceci étant dit, je comprends votre position, mais j'aurais bien aimé... Parce que je suis déçu un peu, honnêtement. Je vous le dis très honnêtement, tout en vous respectant énormément. Compte tenu de votre implication, ça aurait été quand même une bonne lanterne pour nous. Alors, je vous remercie tout simplement.

Le Président (M. Vallières): Oui. Alors, M. le député de Roberval, tout en rappelant aux membres de la commission qu'on manque de temps cet après-midi...

M. Laprise: Très brève.

Le Président (M. Vallières): ...donc on avait convenu que, si on pouvait récupérer du temps au cours de la période de questions, nous allions le faire. M. le député de Roberval.

M. Laprise: Vous faites allusion dans votre mémoire à des recommandations qui viendraient peut-être du gouvernement pour trouver des solutions face à certains problèmes que vous avez à rencontrer quotidiennement. C'est ce qu'on retrouve assez régulièrement dans les municipalités, les fonctionnaires ont appliqué une réglementation et, bien souvent, ils n'ont pas les éléments pour avoir une solution. Ils disent: Nous autres, O.K., on refuse un projet, on n'est pas d'accord avec ce projet-là, mais on n'essaie pas de trouver une solution à l'intérieur de la politique par laquelle nous sommes encadrés. Je pense que ça, c'est un élément très important de cette préoccupation-là. Ça me réjouit de voir que des fonctionnaires ont une préoccupation de trouver des solutions, pas seulement qu'appliquer intégralement une loi ou une politique. Je pense que la loi n° 23 va nous permettre peut-être d'avoir cette préoccupation globale au niveau de toutes les instances, de trouver des solutions à notre propre développement dans le cadre des obligations que nous avons.

Le Président (M. Vallières): Merci. Il n'y a pas d'autre demande d'intervention. Par conséquent... Oui, M. le député, avec le consentement des membres de la commission? M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Oui.

Le Président (M. Vallières): Consentement des membres de la commission? Oui. M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Très brièvement, M. le Président, je me permets d'intervenir parce que je connais assez bien la Corporation et le travail qu'ils ont fait. On a eu à intervenir sur la solidification, si je peux utiliser cette expression, de leur statut. C'est des gens qui pouvaient être mis à pied assez allégrement par un maire ou un conseil municipal qui n'aimait pas la décision prise dans un dossier.

Ce statut-là a été légèrement renforcé. Mais, ce statut-là, d'inspecteur, sauf erreur, n'a pas l'équivalent de la permanence ou de la sécurité d'emploi dont jouit un inspecteur du ministère de l'Environnement. Sur le plan de l'application des lois, ça place ces gens-là dans des situations qui sont extrêmement difficiles.

Moi, je me souviens que vous aviez, à l'époque – dites-moi si ça a bien changé – un amas de travail incroyable en application des lois de l'Environnement et du bâtiment: Q-2 R-8, etc., formation. Vous en aviez plein les bras. «C'est-u» encore le cas? Si c'est encore le cas, comment pouvez-vous aujourd'hui dire: On va assumer des responsabilités additionnelles importantes dans le milieu agricole?

Le Président (M. Vallières): Me Bouchard.

M. Bouchard (Daniel): Les municipalités font face à des nouvelles responsabilités. Il va falloir qu'elles décident si elles ont besoin de personnels additionnels pour les assumer. Il est évident que c'est un surcroît de travail, ce qui nous est demandé dans le projet de loi n° 23. Les municipalités vont observer le travail réalisé par leurs fonctionnaires puis elles vont peut-être décider que, là où il y avait un fonctionnaire avant, ça en prend deux maintenant.

M. Paradis: Peut-être une question additionnelle, M. le Président, si vous le permettez. Moi, j'ai pris le temps de vérifier, dans la circonscription électorale que je représente, il y a 34 maires, 34 municipalités. Combien de maires – je n'ai pas vérifié avec les échevins, c'était une réunion de maires – souhaitaient recevoir ou se voir confier l'application du Règlement sur les nuisances et sur les odeurs? C'est rare que les maires sont unanimes dans une MRC, mais, je tiens à vous le dire, là, il n'y en avait pas un qui souhaitait ça. Je pensais que c'était caractéristique de la MRC chez nous. Trois semaines après, je me retrouve dans la MRC de Portneuf, réunion des maires; même chose, pas un seul maire ne souhaite recevoir cette responsabilité additionnelle.

Est-ce que vous, dans vos contacts quotidiens avec les maires ruraux, au Québec, vous sentez qu'ils souhaitent devenir des genres d'arbitres entre le monde agricole puis le monde un petit peu plus urbain, chacun dans leur municipalité, dans leur paroisse, à partir de vos expériences dans le quotidien?

Le Président (M. Vallières): Me Bouchard?

M. Bouchard (Daniel): Oui. Avec respect, vous nous mettez dans une position qui est un peu délicate, vous nous demandez de donner une image, un portrait de la situation qui peut se rencontrer sur les territoires municipaux à l'heure actuelle. Écoutez, je dirais, puis je vais limiter là mon commentaire, qu'il y a autant de différences là-dessus entre les élus qu'entre les gens dans la population ou entre les élus provinciaux.

(16 h 20)

Le Président (M. Vallières): Merci. Bien. Merci, Me Bouchard et les représentants de la Corporation des officiers municipaux en bâtiment et en environnement du Québec.

Alors, je prierais maintenant l'organisme suivant de bien vouloir se présenter, le groupe COGENOR. Bien. Alors, si je comprends bien, M. le président, M. Laliberté. Vous pourriez peut-être nous présenter les gens qui vous accompagnent. Vous disposez d'une vingtaine de minutes pour présenter votre mémoire et ensuite procéder à des échanges avec les membres de la commission. Alors, bienvenue, la parole est à vous.


Coopérative de gestion des engrais organiques de Lanaudière (COGENOR)

M. Laliberté (Jean-Paul): Merci, M. le Président. Les membres qui m'accompagnent, ce sont des membres du conseil d'administration et le directeur général. À ma gauche, M. Gaston Wolfe, vice-président de COGENOR et agriculteur; à l'extrême droite, Mme Lise Sarrazin, qui est membre de l'exécutif, elle aussi, de COGENOR et qui est agricultrice; et M. Gilles Gagné, qui est le directeur général, qui est agronome.

MM. les ministres, Mmes et MM. les députés, bonjour. Il me fait plaisir d'être ici aujourd'hui en tant que président de la Coopérative de gestion des engrais organiques de Lanaudière, plus connue sous l'acronyme de COGENOR, désignation que j'utiliserai pour faire plus court puisque nous n'avons que peu de temps. Je tiens avant tout à vous remercier d'avoir accepté notre demande afin de pouvoir venir vous présenter ici notre point de vue sur un des multiples aspects reliés à la gestion agroenvironnementale des fumiers, soit que les fumiers, règle générale actuellement, ne dégagent pas les mêmes odeurs que les roses.

Bien que vous ayez en main une pochette contenant plusieurs documents reliés à l'origine, la mission, le fonctionnement et les nombreuses activités de COGENOR, il me faut avant tout vous parler brièvement de notre organisme. Nous sommes les premiers au Québec. COGENOR Lanaudière est née de la volonté des principaux intervenants régionaux concernés de résoudre ensemble les nombreuses difficultés associées à une gestion agroenvironnementale des fumiers. COGENOR ne représente pas soit la Fédération de l'UPA de Lanaudière, soit les autres regroupements agricoles régionaux, soit le groupe environnemental À court d'eau, soit la Fédération des caisses populaires Desjardins de Lanaudière, soit les MRC de la région, soit de nombreux organismes régionaux, soit près de 100 entreprises agricoles membres ou encore d'autres organisations régionales. Non, COGENOR les représente tous à la fois puisque chacun est un membre de la Coopérative et que tous ces milieux sont représentés à son conseil d'administration. COGENOR est donc un regroupement régional proactif et ceci dans la mesure des moyens mis à notre disposition.

Le cheminement qui a permis d'arriver à cette structure très représentative de l'ensemble de notre région n'a pas été facile ni spontané. Au début, et je parle ici des années quatre-vingt, le climat social concernant la gestion des fumiers était à l'affrontement. Les groupes écologistes et la Fédération de l'UPA de Lanaudière étaient à couteaux tirés, et j'ajouterais tirés plutôt bas. Cependant, graduellement la confrontation a fait place au dialogue, ensuite à des échanges constructifs pour finalement aboutir à une stratégie commune d'intervention axée principalement sur une gestion agroenvironnementale des fumiers, des sols, des cultures et de l'eau. Notre organisation permet donc à tous de s'exprimer et ainsi d'arriver à de nombreuses actions concertées et concrètes, ceci afin de pouvoir parvenir à un développement durable et harmonieux du secteur agricole, et cela le plus possible en collaboration avec les organismes gouvernementaux régionaux, soit le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec, le ministère de l'Environnement et de la Faune et le ministère de la Santé.

À l'aide de documents inclus dans la pochette, vous constaterez que COGENOR réalise déjà beaucoup avec peu de moyens, et ceci, malgré notre besoin d'une politique gouvernementale de soutien claire, cohérente et adéquate par rapport au mandat très important confié par le gouvernement à notre organisme régional de gestion agroenvironnementale des fumiers. Il me faut vous souligner la confiance et les nombreux espoirs qu'a en nous la grande majorité de la population, des producteurs agricoles, des représentants municipaux et plusieurs organismes régionaux afin que COGENOR puisse agir, intervenir et coordonner de plus en plus l'implantation d'une gestion agroenvironnementale des fumiers, et ceci, pour toute la région de Lanaudière et de son principal bassin versant, celui de la rivière L'Assomption.

Après cette brève présentation de COGENOR, permettez-moi de vous souligner d'abord que nous mangeons presque tous de la viande et des produits dérivés des élevages et qu'un apport économique important découle de ces élevages. Ces animaux produisent, malheureusement ou heureusement, des fumiers. D'ailleurs, on dit maintenant des engrais de ferme, ce qui est déjà un terme plus positif.

Lorsque bien utilisés, les fumiers sont une richesse, tant pour les sols que pour les cultures et ils servent même à protéger la qualité des nappes d'eau, des nappes et des cours d'eau. Grand paradoxe devant l'Éternel, les fumiers peuvent aller autant d'un côté positif que vers une côté négatif. La meilleure utilisation possible des fumiers produits dans notre région permettrait d'ailleurs d'économiser annuellement environ 10 000 000 $ en achats d'engrais minéraux dans Lanaudière. Notons également qu'aucun engrais minéral n'est significativement produit au Québec. Les compagnies de distribution achètent à l'extérieur du Québec les produits de base et elles effectuent si nécessaire les mélanges appropriés requis chez nous.

Les fumiers sont aussi un des éléments essentiels au fameux développement durable du secteur agricole prôné par tous mais, il faut bien le dire, très peu mis en pratique actuellement sur le terrain. Bien que presque toujours avantageuse économiquement, l'implantation pratique et réelle d'un tel concept demande à notre personnel beaucoup de patience et de persévérance. Notre personnel agit un peu comme des missionnaires, et ceci sur un grand territoire. Malheureusement encore pour beaucoup de producteurs agricoles, il est difficile de concevoir qu'un intervenant puisse agir et pour l'agriculture et pour maintenir et améliorer la qualité de l'environnement, le tout en maintenant et même en améliorant la performance économique des fermes.

Maintenant, en ce qui concerne les principes généraux que COGENOR souhaite que le gouvernement considère dans sa politique de gestion des odeurs, nous aimerions souligner les points suivants. COGENOR recommande que les normes sur les odeurs soient les plus équitables possible parce que l'ensemble des producteurs agricoles ont le droit et le devoir d'effectuer une utilisation adéquate de leurs terres et que l'ensemble des citoyens ont droit à une qualité de vie acceptable.

Par exemple, si nous croyons qu'une même norme devrait s'appliquer pour toutes les municipalités afin de protéger et les producteurs agricoles et le climat social, la distance d'épandage requise en fonction d'une résidence ne devrait donc pas varier d'une municipalité à l'autre. Si les normes sont variables d'une municipalité à l'autre, le principe d'équité n'est plus retenu et leurs choix seront soumis à des pressions locales. Leur application et le suivi approprié seront alors très difficiles dans la réalité terrain.

La gestion pratique de ces normes avec réciprocité devra être sous la responsabilité légale de la municipalité, mais une certaine latitude doit être laissée à certaines situations. Il ne faut pas qu'une norme qui vise à minimiser les odeurs entraîne une détérioration des sols et de l'eau. COGENOR peut et se doit d'agir pour qu'une telle situation n'arrive pas. Cependant, pour une situation particulière, COGENOR ne s'oppose pas à une dérogation temporaire pour une municipalité, mais seulement si celle-ci fait l'objet d'un consensus représentatif et juste dans le milieu, et qu'elle n'est pas abusive. Pour nous, voilà un exemple pratique de bon voisinage.

Par exemple, si un événement touristique a lieu pour quelques jours, il devrait être possible de limiter les épandages à proximité, qui causent des odeurs désagréables, si une planification concertée entre les intervenants est effectuée adéquatement. Et, chez nous, COGENOR devient un interlocuteur valable puisque tous les niveaux de la société, tous les milieux, font partie de COGENOR. Et si, ensemble, on arrive à un consensus, il serait facile de s'entendre avec cette municipalité et aussi avec les agriculteurs.

Nous tenons également à vous souligner que toute distance excessive, qui ne permettrait pas d'assumer à court terme un minimum de gestion agroenvironnementale des fumiers pour l'ensemble du territoire, devrait, bien sûr, être exclue. Nous nous retrouverions alors dans une situation encore plus difficile que celle vécue actuellement et nous risquerions de perdre des gains agroenvironnementaux acquis très difficilement. Permettez-moi de revenir sur ce point: il faut absolument que la politique de gestion retenue soit réaliste par rapport à la situation terrain. Une politique de gestion inapplicable causera plus de tort globalement que les gains espérés pour améliorer le climat social en milieu rural.

(16 h 30)

La reconnaissance de la situation des établissements en place doit être aussi évidemment établie. Ces établissements d'élevage ne doivent pas se retrouver dans une situation où la seule solution serait de ne pas respecter les normes. Dans le cas des nouveaux établissements, nous croyons que chaque cas est particulier et qu'il faut analyser toute la situation avant que l'État accorde le permis d'élevage. C'est d'ailleurs dans cette foi que nous travaillons.

Nous sommes cependant d'accord pour des distances minimales, justes, raisonnables et appropriées qui s'appliquent. Selon nous, une attention très particulière devra être accordée à l'encouragement et à la reconnaissance des innovations technologiques permettant de minimiser les odeurs. Pour ce faire, il faudra que le gouvernement investisse et soutienne davantage la recherche appliquée, effectuée par et en collaboration avec les organismes du milieu. Comme exemples, litière biométrisée, technique de réduction des odeurs qui part de l'alimentation à l'épandage, des traitements divers, réduction des liquides, etc. Il faudra aussi que le transfert technologique approprié soit bien réalisé afin que les changements puissent s'implanter.

J'aimerais également vous souligner quelques points qui devront, selon nous, être considérés très sérieusement. La grande variabilité de la charge d'odeur pour le même type de fumier. Plus de 50 échantillons de fumier ont passé par les bureaux de COGENOR l'été dernier avant d'être envoyés pour analyser leur contenu en éléments fertilisants, principalement des lisiers de porc. Pour une même catégorie d'animaux, il existe une bonne variabilité des odeurs dégagées par le fumier. L'impossibilité actuelle de mesurer adéquatement le niveau d'odeur des fumiers. Certains fumiers sont tellement compostés qu'ils ne sentent plus rien. Pourquoi alors imposer une distance minimale? La variabilité de la notion d'odeur entre des individus et des groupes d'individus. Pour certains, les fumiers ne dégagent pas des odeurs si désagréables, tandis que, pour d'autres, c'est plutôt l'enfer. Cela s'applique également pour des groupes d'individus.

La variabilité du degré d'odeur selon les conditions est un autre point important. S'il tombe une douce pluie, les odeurs sont fortement limitées, mais si l'on encourage directement ou indirectement les épandages durant les pluies, ce sont nos nappes et nos cours d'eau qui risquent fort de recueillir la charge polluante.

Et un point très important si on désire avoir une vision globale de la problématique associée à une charge agroenvironnementale des fumiers: la grande contradiction entre une politique visant la diminution de la charge d'odeur durant la saison estivale et l'efficacité agroenvironnementale plus grande durant celle-ci. Plusieurs efforts et montants d'argent ont été investis pour promouvoir et encourager les épandages aux mois de juin, juillet et août. Ce sont des périodes qui permettent de maximiser l'efficacité agronomique et de réduire les risques de pollution. La politique proposée ne doit pas encourager directement ou indirectement les applications à l'automne, où les risques de pollution sont beaucoup plus élevés.

Et finalement j'aimerais vous souligner l'importance qui devrait être accordée au facteur d'atténuation, entre autres, l'incorporation des fumiers. Lorsque possible, l'incorporation rapide des fumiers diminue très fortement les odeurs dégagées. Il y a aussi le mode d'épandage des fumiers. Plus le fumier liquide est épandu près du sol, moins il y a d'odeurs. Les traitements des fumiers. Un traitement approprié peut éliminer complètement les odeurs. Soulignons d'ailleurs que des fumiers qui ont subi un procédé de compostage adéquat sentent une saine odeur de sous-bois. Chez nous, la coopérative régit l'ensemble du territoire de Lanaudière et déborde un peu en raison du bassin versant de l'Assomption. Il y avait eu un petit oubli, qui avait été fait lors de l'accréditation de la coopérative, qu'on vient à peine, il y a quelques minutes, de corriger avec M. le ministre de l'Environnement.

Donc, chez nous, on peut opérer sur l'ensemble du territoire. On a été les premiers accrédités, on est les seuls encore actuellement. De peut-être 30 producteurs, on est au-delà de 100 producteurs dont on gère sur une plus ou moins grande échelle les fumiers, la gestion, la vérification et l'acceptation des permis de construction. MM. les ministres, Mmes et MM. les députés, je vous remercie de votre attention et nous demeurons à votre disposition pour toute question de votre part.

Le Président (M. Vallières): Merci, M. le président. Vous me permettrez, au départ, une courte question. Vous avez pris connaissance de la proposition, des principes généraux de la proposition gouvernementale et, dans votre mémoire, à la page 5, vous dites et je retiens: «Il faut absolument que la politique de gestion retenue soit réaliste par rapport à la situation terrain.» Une situation terrain que vous connaissez. Pour moi et probablement pour l'ensemble des membres de la commission, il m'apparaîtrait important de connaître votre point de vue par rapport à la proposition gouvernementale. Est-ce que cette proposition qui est présentée, qui est accompagnée de certains principes, vous semble une proposition réaliste et facile d'application sur le terrain.

M. Laliberté (Jean-Paul): Au niveau spécifique, je vais demander à mon directeur. Là on rentre dans les technicalités scientifiques, je vais demander à mon directeur de vous répondre.

Le Président (M. Vallières): M. Gagné?

M. Laliberté (Jean-Paul): M. Gagné, oui.

M. Gagné (Gilles): M. le Président, juste un point que le président de la Coopérative a souligné dans son intervention, c'est au niveau de la possibilité que soit laissé aux instances municipales de faire varier les distances requises pour les épandages de fumier ou de lisier d'une municipalité à l'autre. Nous, nos interventions, c'est, entre autres, pour faire des plans de fertilisation agroenvironnementaux. Si, dans une municipalité, c'est 100 m et que dans la municipalité voisine c'est 10 m, que dans l'autre municipalité c'est 50 m, et tout ça soumis aux pressions locales des élus municipaux, la chatte en perd ses petits, si vous me permettez l'expression. C'est juste un exemple. On trouve que ça ne sera pas applicable sur le terrain, cette politique-là, si le gouvernement n'émet pas une norme fixe pour une situation donnée, que ce soit au niveau des épandages, au niveau de l'entreposage ou au niveau des bâtiments. Est-ce que ça répond à votre question?

Le Président (M. Vallières): Bon, c'est un exemple. Est-ce que vous avez retrouvé dans la proposition gouvernementale d'autres éléments plus applicables ou de même nature, moins applicables que celui que vous me présentez? Vous comprendrez que vous devenez nos spécialistes quand vous passez en commission comme ça. Alors, est-ce qu'il y a d'autres parties du document où vous retrouvez que c'est plus facile d'application ou s'il y a d'autres exemples de la même nature que celui que vous venez de me fournir sur la difficulté d'application de certains principes qu'on retrouve dans le document gouvernemental?

M. Gagné (Gilles): Règle générale, on est d'accord avec les principes qui sont proposés, sauf que l'applicabilité peut être différente. Supposons qu'on décide qu'un fumier de bovin laitier sent x, si ce fumier de bovin laitier, parce qu'il reçoit plus de litière et est soumis à un processus de compostage plus élevé, pourrait s'épandre plus proche que la distance proposée ou qu'à l'intervalle des distances proposées. Ça, c'est un autre exemple.

Le Président (M. Vallières): Merci. Les cloches, c'est pour un vote enregistré. Alors, on a l'obligation de suspendre nos travaux pour aller participer au vote et on reprendra, au retour, avec le ministre de l'Agriculture. Merci. La commission suspend ses travaux.

(Suspension de la séance à 16 h 39)

(Reprise à 17 h 4)

Le Président (M. Vallières): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Alors, quand nous avons quitté pour le vote, j'avais déjà indiqué que j'allais donner la parole au ministre de l'Agriculture. M. le ministre.

M. Julien: Merci, M. le Président. M. Laliberté, je vous souhaite la plus cordiale des bienvenues et je veux vous remercier pour la qualité de votre mémoire. COGENOR est un organisme, chez nous, qui a beaucoup d'importance parce que je pense qu'on s'implique à différents niveaux, soit au niveau financier et autres. J'ai compris le message aussi, que ce soit peut-être un peu mieux organisé, un peu mieux équilibré, mais il reste que, pour nous, c'est une organisation qui a sa nécessité. Donc, on va continuer à encourager. On se verra peut-être plus tard pour les balises, là, mais, sur le principe, ne doutez pas de notre volonté de vous aider à continuer à travailler dans ce sens-là.

Un autre élément que je veux mentionner aussi, c'est que je trouvais ça intéressant parce que, dans tous les mémoires qu'on a eus, c'est très rare qu'on a mentionné, entre autres, l'avantage de l'utilisation du fumier comme fertilisant. Et je trouvais ça intéressant la façon dont vous l'avez présenté, comme étant quelque chose qui... On l'a souvent présenté de façon négative mais, vous, vous l'amenez vraiment dans un aspect positif, et ça, je trouve ça intéressant.

Cependant, il y a des choses que je veux vérifier avec vous. Par exemple, je veux revenir un peu à la question du président: la norme concernant les odeurs. Vous semblez avoir une inquiétude, en tout cas, par rapport qu'il pourrait y avoir des inéquités – je le mets entre guillemets, là – au niveau des municipalités ou versus les groupes. Je veux bien peser mes mots parce que je ne veux pas porter de jugement, mais c'est ce que je perçois. Et vous, vous suggéreriez quoi pour s'assurer d'une façon de procéder qui ferait que ce serait facilement gérable, ça, si vous me permettez l'expression?

Le Président (M. Vallières): Oui. Alors, la question est posée. M. Laliberté.

M. Laliberté (Jean-Paul): Oui. Le problème, ce sont les instances qui prennent les décisions. Quand il y a une décision qui est prise au niveau gouvernemental provincial, il y a des coins dans la province qui peuvent être en désaccord, mais elle s'applique quand même uniformément. Si on les laisse – je n'ai pas le nombre exact de municipalités rurales – établir chacune leurs propres normes... Chez nous, mettons qu'on a peut-être 40, 45 municipalités où on a à faire de la gestion agroenvironnementale par COGENOR et on a 40 ou 45 normes différentes, deux agriculteurs voisins, avec deux organisations semblables, l'un dans une municipalité et l'autre dans l'autre, et ils n'ont pas les mêmes normes: on manque d'équité. Et imaginez-vous pour l'organisme qui a à gérer ces normes-là! On va avoir une personne uniquement pour être capable de faire le consensus ou aller chercher nos données. S'il y a des pressions au niveau de la municipalité, ça devient plus facile de changer les normes. Et là, on s'en vient avec un changement continuel, un peu sur une mer houleuse, les vagues arrivent une après l'autre. Et, nous autres, on est obligé d'absorber ça. On vient pour les appliquer...

Bien, écoutez, COGENOR, ce qu'on veut, quand notre travail est fait... On a un comité de suivi des trois ministères: MAPAQ, MEF, Santé. On ne veut pas se faire dire: Vous avez mal fait votre ouvrage. Mais, si on n'est plus capable de les suivre, comment voulez-vous qu'on le fasse? Et ça, personnellement, pour nous autres, pour nos employés, c'est un problème, mais il reste que les pauvres agriculteurs qui sont voisins l'un de l'autre, il y en a un qui a le droit d'épandre à 10 m puis l'autre à le droit d'épandre à 1 000 m. Il n'aura même pas le droit d'épandre à 1 000 m de son propre voisin qui est un producteur de porc ou un producteur avec animaux. C'est là qu'est la crainte. On ne doute pas de la bonne volonté des municipalités, on ne doute pas de l'honnêteté, mais il reste que... Si on avait une unité au niveau des 10 provinces, on n'aurait peut-être pas de problème, mais on a des disparités. C'est la même chose en beaucoup plus grand au niveau des municipalités.

M. Julien: Alors, je pense que j'ai bien saisi la problématique, mais, ce que j'aimerais avoir, c'est vos suggestions pour éviter que ce genre de situations-là arrivent.

M. Laliberté (Jean-Paul): Bon. Chez nous, vous avez vu que notre conseil est formé de tous les groupes. Quand on a un problème, on s'assoit ensemble et, généralement, le premier 10 minutes, c'est une guerre; le deuxième 10 minutes, on commence à se parler. Comme pour l'historique de COGENOR, je pense qu'on n'était pas en mesure d'arriver puis de vous dire des nombres, des chiffres précis. Je pense qu'il y a d'autres endroits aussi dans la province où il y a des gens qui sont intelligents puis qui peuvent aussi avoir leurs idées. Je pense que la Commission va recueillir des données de partout. Et c'est ça qu'on vous demande, d'être capable de faire le consensus, de ne pas aller d'un extrême à l'autre.

Vous avez aussi une multitude de fonctionnaires qui vont travailler sur les documents. Je pense que, tous ensemble, il y a moyen de faire quelque chose. C'est uniquement la philosophie qu'on vous donne: éviter d'aller dans les extrêmes. Mais, arriver puis vous dire: C'est tant de mètres ou 10 m, ça, premièrement, quand on fait une règle générale, dans 50 %, elle ne s'applique pas parce qu'il y a 25 % au-dessus et 25 % en bas, puis l'autre 50 %, ce n'est pas exact. Mais il reste qu'on peut émettre des normes avec des modulations. Et, comme je vous le disais, il y a aussi moyen d'émettre des possibilités de discussion pour des problèmes ponctuels qui peuvent arriver. Laisser une certaine latitude à la municipalité avec l'ensemble, avec un genre de table de concertation.

(17 h 10)

Chez nous, on est chanceux, la table de concertation, c'est COGENOR; on a tous les milieux donc on peut discuter puis arriver à un consensus. Je sais qu'ailleurs, ils ont des tables spécifiques de concertation donc ils pourront discuter et arriver à un consensus, avec ça.

M. Julien: O.K. et il y a les comités agricoles, je pense, qui peuvent rejoindre ces objectifs-là. Mais, par rapport à la question que je viens de vous poser, c'est parce que vous avez fait une nomenclature des points concernant les odeurs, une série de caractéristiques, il y en a pour deux pages. Je lisais ça, puis je me disais: Dans les paramètres, comment peux-tu tenir compte de tous ces éléments-là puis comment tu peux gérer ça? Parce que vous avez des éléments intéressants qui sont soulevés là-dedans, mais comment peut-on les gérer? C'est quelque chose, ça.

M. Laliberté (Jean-Paul): C'est pour ça que les grandes politiques, le général, il faut que ce soit laissé à l'État et que les problèmes ponctuels soient laissés aux agronomes au niveau du territoire, les spécialistes de la gestion agroenvironnementale, chez nous, comme COGENOR. On pourrait arriver puis discuter avec me MEQ, le Ministère de l'Agriculture, le ministère de la Santé et dire: Oui, dans tel cas... Un exemple, Mme Sarrazin a une production laitière biomaîtrisée; ça ne sent rien. Pourquoi lui exiger qu'elle épande ça, exemple, à 1 000 m de ses voisins? Puis, en plus de ça, les voisins viennent chez elle en chercher pour étendre dans leur jardin, sur leur pelouse. Et ça, c'est des points où il faut bien faire attention, parce qu'il y a des contradictions dans les autres groupements aussi. Les gens viennent chercher du fumier pour leur petit potager, mais il ne faudrait pas que l'agriculteur vienne l'épandre à 200 ou 300 m de chez lui parce que ça sent. Évidemment, si ça sentait toujours les roses, peut-être qu'on n'aimerait plus les roses parce qu'on serait écoeuré de la senteur, ça donnerait des haut-le-coeur, mais il reste qu'actuellement, c'est ça.

M. Julien: Donc, ce que je comprends: modulations, paramètres et autres puis cadre général fixé par le gouvernement et la gestion de la norme par la municipalité.

M. Laliberté (Jean-Paul): Oui, l'application de la norme par la municipalité.

M. Julien: Mais en concertation avec les organisations du milieu.

M. Laliberté (Jean-Paul): Pour les exceptions qu'il pourrait y avoir. Exemple, quand on a fait le mémoire, on pensait... chez nous, dans une paroisse, il y a un festival...

M. Julien: Oui, j'ai vu ça.

M. Laliberté (Jean-Paul): Bon. À ce moment-là, pendant une fin de semaine, il est possible, pour une fin de semaine, de s'entendre avec les agriculteurs autour puis dire: Écoutez, cette fin de semaine là, on n'en étend pas, du fumier.

M. Julien: Ça rejoint toujours ce que je dis, c'est que la loi ne gère pas le gros bon sens parce que c'est une question de gros bon sens. Alors, je vais terminer là-dessus. J'aurais d'autres questions, mais je sais qu'il y en a d'autres qui veulent vous en poser. Je vous remercie de votre présentation.

M. Laliberté (Jean-Paul): C'est moi qui vous remercie.

Le Président (M. Vallières): M. le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Farrah: Merci. Bonjour madame, bonjour messieurs. C'est avec beaucoup de plaisir qu'on vous entend puis, en tout cas, c'est très enrichissant pour moi aussi parce que c'est des cas pratiques. Quand vous dites que dans les fumiers d'une même production il peut y avoir une multitude d'odeurs, ce n'est effectivement pas évident à gérer, toutes ces choses-là.

Bon. Évidemment, je veux revenir sur la norme. Vous dites que ça prend une norme nationale au niveau de l'ensemble du Québec parce que vous craignez l'aspect compétitif intra-Québec à l'intérieur même du territoire. C'est-à-dire qu'il y en a qui auraient des avantages par rapport à d'autres, par rapport à la distance. Vous dites que c'est la raison pour laquelle il faut avoir une norme nationale. Les exceptions, en fin de compte... Dans le projet qui nous est présenté, il y a le facteur d'atténuation qui va faire en sorte de l'accorder en fonction des nouvelles technologies ou en fonction que tel type de gestion va faire en sorte qu'il y ait moins d'odeurs, alors, par conséquent, la loi va le prévoir. C'est un peu ça que vous dites et vous êtes d'accord avec ça.

M. Laliberté (Jean-Paul): Oui.

M. Farrah: O.K. Alors, ça va de ce côté-là. Et l'autre élément aussi, que vous dites dans votre mémoire, c'est qu'au niveau de la norme sur les distances, il ne devrait pas y avoir en fin de compte de fourchette minimum, maximum. Vous dites: Ça devrait être le minimum. Donc, ça devrait être une seule norme qui s'applique, point. Est-ce que je vous comprends bien? Il n'y aura pas de flexibilité pour l'application au niveau des municipalités?

M. Laliberté (Jean-Paul): Écoutez, il y a peut-être possibilité d'une certaine fourchette. Si vous donnez un exemple dans une situation précise entre 100 m puis 3 000 m, là, la fourchette, ça devient plus une fourche à foin, là; elle est tellement vaste là... Mais entre 100, 150 m, dans telle circonstance, dans telle autre... Mais il ne faut pas prêter flanc à de l'abus. De l'abus, il peut y avoir partout, même inconsciemment. On ne veut pas non plus de l'inéquité pour un ensemble, une classe de producteurs, comme une classe de citoyens.

M. Farrah: Dans les deux sens.

M. Laliberté (Jean-Paul): Dans les deux sens. Les citoyens ont droit à une qualité de vie mais, par contre...

M. Farrah: Vous nous dites que la fourchette, s'il y en a une, elle doit être relativement restreinte, parce que sinon... Il y a beaucoup de groupes qui sont venus devant nous, qui nous ont dit qu'une des craintes qu'ils ont avec les municipalités pour l'application de cette réglementation-là, s'il y a une fourchette entre un minimum puis un maximum, souvent les municipalités réglementent en fonction du maximum pour se protéger. À ce moment-là, ça pourrait avoir un effet d'une municipalité à l'autre.

M. Laliberté (Jean-Paul): Oui. Et si vous avez une municipalité où c'est principalement des agriculteurs et qu'ils prennent le minimum, eux autres, vous venez de créer une inéquité pour les autres autour.

M. Farrah: Je pense que c'est réellement intéressant. Ma dernière question serait la suivante: Vous dites que, dans votre région, évidemment, il y a eu beaucoup de confrontations et que, graduellement, la confrontation fait place au dialogue, ensuite à des échanges constructifs. Je pense que c'est un exemple intéressant. Est-ce que vous pourriez expliquer ou expliciter davantage comment vous en êtes venus à un meilleur dialogue, à un plus grand consensus? Parce que c'est souvent ça qu'on recherche dans l'ensemble des régions, compte tenu que c'est un débat qui souvent antagonise les parties plutôt que de les rassembler. Alors, si on peut chercher des recettes qui vont faire en sorte que les parties peuvent davantage se parler et s'entendre que s'antagoniser, je ne sais pas si vous pourriez nous parler un petit peu de votre expérience.

M. Laliberté (Jean-Paul): Oui. Écoutez, c'est à se parler. Il n'y a pas de recette miracle. Et quand on disait qu'au début... Si vous vous souvenez, dans Lanaudière, il y a eu un moratoire. Le moratoire a été demandé par un organisme environnemental, À court d'eau. Aujourd'hui, À court d'eau est deuxième vice-président de COGENOR. Mais ça n'a pas été facile.

Et, pour répondre davantage, je vais demander à Mme Sarrazin, qui était là à ce moment-là, de vous dire tout ce qui s'est passé et les discussions qui ont eu lieu.

Mme Sarrazin (Lise): Bonjour à vous. À ce moment-là, il y avait un énorme débat médiatique où le climat psychosocial était, à peu de choses près, la même chose qui se passe actuellement au Québec. Il y a eu une bataille dans les médias de façon très importante et la seule façon dont on l'a réglée, c'est à se parler et à s'asseoir ensemble. C'est ainsi qu'on a pu... Et COGENOR est le fruit, entre autres, de cette discussion-là qu'on a établie d'abord avec l'organisme environnemental À court d'eau. Après ça, on a adjoint les municipalités et on a adjoint la santé publique, et on a aussi initié des projets de recherche vers des innovations technologiques parce que c'étaient les avenues de solution qu'il fallait prendre. La querelle, ça n'apportait rien, il fallait comprendre la problématique.

Je pense qu'autant, entre autres, le mouvement À court d'eau nous a apporté au niveau de la compréhension de sa problématique puis de l'évolution environnementale que nous avons pu faire, c'est une grosse question d'éducation et d'information. Et, aujourd'hui, l'une des missions importantes que COGENOR a à faire dans l'ensemble, sur notre territoire – et ce n'est pas quelque chose qui est défini, qui est fini et terminé, conclu, au contraire – c'est toute cette mission d'éducation là et d'information auprès de la population et aussi un gage de crédibilité, de protection des citoyens, tant au niveau de la santé qu'au niveau de l'environnement, que d'une approche économique où l'agriculture peut s'exercer. C'est ça notre mission et c'est comme ça qu'on est capable de construire, de bâtir puis, dans le fond, de réduire les pressions ou les peurs ou l'insécurité des citoyens. Et je pense que c'est une formule gagnante. En tous les cas, on prêche pour notre pays, mais je pense que c'est la formule gagnante dans le climat psychosocial qu'on connaît au Québec.

(17 h 20)

M. Farrah: Donc, vous êtes le fruit du consensus, en fin de compte, là.

Mme Sarrazin (Lise): Absolument.

M. Farrah: Merci beaucoup. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Vallières): Merci. M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: Merci, M. le Président. C'est très intéressant, non seulement ce que vous avez donné dans votre document, ici, mais ce que vous venez de dire. Je pense que c'est une illustration de ce que tente de promouvoir le projet de loi. Le projet de loi essaie, avec une approche légale nouvelle, de promouvoir une entente entre des citoyens, une concertation, une harmonie, et je pense que ça transparaît d'ailleurs dans votre document, où on voit que c'est le document de personnes qui sont sur le terrain et qui connaissent les vrais problèmes.

Je vais quand même vous poser un problème que j'ai avec votre texte, parce que, d'un côté, vous êtes en faveur d'une norme unique pour l'ensemble du Québec, indépendamment qu'il y ait des différences assez importantes entre les régions au plan climatique, au plan des sols; ensuite, tout en ayant une norme unique, vous voulez quand même qu'on ait une porte ouverte pour qu'on puisse y déroger; vous voulez que les normes soient telles qu'elles encouragent le développement technologique; et, pour terminer, le problème peut-être principal que j'ai, c'est que vous dites à la page 6: «La politique proposée ne doit pas encourager directement ou indirectement les applications à l'automne, où les risques de pollution sont beaucoup plus élevés», et vous proposez les applications en juin, juillet et août, et vous parlez d'applications de façon générale, sans distinguer les applications liquides, les applications solides ou quoi que ce soit, alors qu'on sait que le mois d'août est souvent un mois assez pluvieux, et souvent même beaucoup plus pluvieux que le mois d'octobre, en tout cas dans ma région à moi.

Si on enlève toute possibilité d'application à l'automne, bien, évidemment, quel usage peut-on en faire sur les terrains cultivés en maïs? La récolte de maïs se fait en septembre-octobre; donc, il faut qu'elle soit récoltée pour qu'on applique du lisier sur ces terrains-là. Alors, jusqu'où êtes-vous fermes sur cette position-là qu'il ne devrait pas y avoir d'applications passé le mois d'août?

M. Laliberté (Jean-Paul): Bon. On ne dit pas qu'il ne doit pas y avoir d'applications passé le mois d'août, on dit qu'on doit encourager à épandre le plus possible en juin, juillet et août. Bon. Même dans le maïs, on est capable aujourd'hui, en poste lever, d'épandre du fumier au mois de juin, au mois de juillet... Peut-être pas au mois de juillet, mais au mois de juin, dans le maïs à une certaine hauteur. Même, certains mois de juin trop secs, ça peut apporter une certaine humidité.

C'est sûr qu'il y aura toujours des problèmes pour épandre à l'automne avec les producteurs de maïs. Il y a des régions qui peuvent y aller plus tardivement, d'autres plus hâtivement, mais il reste qu'il ne faudrait pas, comme on dit – et là, c'était surtout l'exemple – que, sous prétexte que les vacanciers sont tous dans les terrains de camping, qu'en juin, en juillet et en août on ne puisse pas étendre du tout de fumier; là, on serait obligé de tout étendre à l'automne.

Et, même dans votre région, que je connais très bien pour y avoir travaillé, à l'automne, au mois d'octobre, il y a des périodes, oui, mais rendu au moment où la plante ne pousse plus, il ne faudrait plus en mettre. Donc, à ce moment-là, il faut faire attention. Si le sol est gelé, on ne peut plus en mettre. Ça va bien, par exemple, parce qu'il s'en va immédiatement aux cours d'eau, il ne nous embarrasse pas. Mais là, on pollue le cours d'eau, on n'est pas plus avancé.

Il y a la question des rotations aussi. Il y a des plantes sur lesquelles on peut étendre beaucoup plus facilement l'été. Mais il reste que, ce qu'on ne veut pas, c'est qu'on ne veut pas qu'on dise: Pour la période estivale, on ne peut pas épandre. Sinon, on va être obligé d'épandre l'hiver; l'hiver, ça ne va pas mieux.

Maintenant, je vais demander à M. Wolfe, le vice-président, qui est lui-même producteur, qui a et du porc, et des grandes cultures, et du maïs, qu'il vous donne son opinion sur cette discussion-là.

M. Wolfe (Gaston): On sait qu'avec toutes les nouvelles méthodes d'épandage qu'il y a, on peut étendre en bandes au mois de juin. Les nouveaux plans agroenvironnementaux n'encouragent pas nécessairement les producteurs à faire toujours 100 % maïs, que ce soit dans Saint-Hyacinthe ou dans les autres régions; une bonne régie de son sol, on fait une rotation. Donc, le producteur peut faire des céréales qui à la fin août sont récoltées. Il peut étendre son purin, resemer un engrais vert pour bénéficier de son purin, pour que la plante le capte, pour faire des matières organiques pour l'année suivante. C'est toutes des méthodes. Mais, ça, on ne peut pas obliger les producteurs. On peut, par des moyens de démonstration puis... c'est tranquillement. Un producteur agricole, ç'a la tête dure aussi; sa méthode, c'est la meilleure. Celle du voisin, ce n'est jamais la bonne. Mais, tranquillement, on en vient à bout.

Nous autres, avec COGENOR... Puis je fais aussi partie du Groupe du bassin versant du ruisseau Saint-Esprit puis, là-dedans aussi, ç'a pas été facile d'avancer puis de donner d'autres méthodes aux producteurs, mais je pense que tranquillement les producteurs vont en venir à ça. Si on veut que tout le monde vive ensemble, avec les citadins, dans une bonne entente, il va falloir avoir une pratique. Puis nos sols, là – je pense que vous devez le savoir, si vous êtes dans la région de Saint-Hyacinthe – au prix que les acres de terre sont rendus, il faut faire attention. Ça fait qu'en faisant une bonne rotation puis un bon taux de purin, bien, on va conserver nos sols.

M. Dion: Mais comment un gouvernement... Un gouvernement agit par mode de réglementation. Alors, comment, par mode de réglementation, on peut favoriser ça, cette espèce d'évolution des pratiques agricoles? Comment vous le voyez, vous?

M. Wolfe (Gaston): Bien, je pense que par le ministère de l'Agriculture, par ses agronomes qu'il a dans toutes les régions... ils sont aussi bien placés que d'autres groupes pour expliquer aux producteurs agricoles toutes les méthodes que je vous ai nommées, toutes les méthodes d'épandage. C'est sûr que ce n'est pas avec une réglementation. Réglementer qu'on ne peut pas étendre de purin aux mois de septembre, octobre, bien, là, ça ne fera pas plaisir aux autres non plus, là. Juin, juillet, août. Le fumier, il y en a qui peuvent étendre au mois de mai, il y en a qui peuvent étendre au mois de juin puis il y en a qui peuvent étendre au mois de septembre, mais à la condition de redonner de la vie au sol avant que l'hiver arrive. Si on ne fait pas ça, bien, on ne protégera pas l'environnement plus.

Le Président (M. Vallières): Merci. Ça va. M. le ministre de l'Environnement et de la Faune.

M. Cliche: Félicitations pour votre mémoire, il est très intéressant. COGENOR est un pionnier. C'est notamment grâce à vous qu'on a pu lever le moratoire, je pense, de façon sécuritaire. Si vous n'aviez pas été là... En tout cas, moi, je vous le dis: Si vous n'aviez pas été là, je n'aurais pas recommandé une levée du moratoire dans l'Assomption.

Il y a deux choses que je voudrais discuter avec vous rapidement, parce que le temps passe. La première chose: nous, on a l'intention de donner une certaine forme de flexibilité sur les odeurs aux municipalités, à l'intérieur d'une fourchette, parce que, selon nous, la perception... Vous le dites là-dedans: l'odeur, il y a beaucoup une question de perception et d'attitude, de perception par rapport aux odeurs. Nous, c'est notre intention. Vous le dites quelque part là-dedans, que vous êtes d'accord avec nous, que la variabilité de la notion d'odeur... Donc, vous recommandez une certaine forme de flexibilité.

J'aimerais essayer de comprendre quelque chose que je ne comprends pas, c'est votre notion d'inéquité. Qu'est-ce qui est inéquitable dans le fait qu'une MRC ou une municipalité ait décidé d'avoir des distances séparatrices moindres, donc d'être, entre guillemets, plus tolérante sur les nuisances agricoles par rapport à une autre qui dirait que, dans un coin, eux, l'avenir de leur développement économique passe plus par, je ne sais pas, moi, le récréotourisme que l'agriculture? Qu'est-ce qu'il y a d'inéquitable là-dedans, que les gens d'une société définissent ensemble l'application de paramètres et que cette discussion-là se fasse par des choix de cette société-là dans son développement? Qu'est-ce qui est inéquitable là-dedans?

À ce moment-là, une municipalité dirait: Chez nous, il va y avoir plus de production agricole. Chez nous, on met un peu de côté, dans le rang 7, en arrière, le récréotourisme et, sur le rang du bord de l'eau, on pense qu'on devrait étendre un peu plus la distance pour protéger les hôtels qu'il y a là... s'il y a une colonie de vacances. C'est quoi, le caractère inéquitable, là-dedans? Parce que, moi, j'ai de la misère à voir un caractère inéquitable là-dedans.

Le Président (M. Vallières): M. Laliberté.

(17 h 30)

M. Laliberté (Jean-Paul): C'est que, si vous avez deux agriculteurs, comme je le disais tout à l'heure, qui sont très près l'un de l'autre, à peu près deux entreprises de même superficie, de même type, mais de deux paroisses différentes, et que, dans une paroisse, on réglemente à 3 000 m pour l'épandage puis l'autre à 100 m – prenons des chiffres extrêmes – il y en a un qui peut étendre sur à peu près l'ensemble de sa ferme puis l'autre, il ne peut à peu près pas. Au niveau d'une classe agricole, bon, celui qui peut épandre à 100 m, l'odeur va aller chez son voisin, puis peut-être au camping qui n'est pas tellement loin aussi, mais qui est dans l'autre paroisse. Ils ne peuvent rien faire. Vous comprenez. Donc, ça devient inéquitable tant pour les citoyens que pour les agriculteurs. Il y a des municipalités qui pourraient être très permissives et d'autres pas assez.

M. Cliche: Bien, c'est ça, l'idée de la...

M. Laliberté (Jean-Paul): Les deux sont peut-être mauvais, mais il reste que...

M. Cliche: Mais c'est ça, l'idée de la fourchette...

M. Laliberté (Jean-Paul): Oui.

M. Cliche: ...un minimum pour protéger les citoyens, puis un maximum pour protéger l'agriculture. Ce n'est pas pour éviter qu'il y en ait qui exagèrent, là. C'est ça, l'idée. Donc, vous voudriez une fourchette pas trop grosse, là...

M. Laliberté (Jean-Paul): Oui, oui.

M. Cliche: ...une mini-fourchette.

M. Laliberté (Jean-Paul): M. Gagné va vous donner surtout des chiffres, peut-être, plus précis, parce que c'est notre spécialiste en génie agronomique.

M. Gagné (Gilles): Bon, juste pour apporter plus de précision. Par exemple, un producteur agricole qui aurait des terres dans trois municipalités, puis, dans une municipalité, les distances sont tellement variables et la fourchette est tellement grande... qu'il y a une des municipalités qui a choisi une distance tellement grande que ça ne vaut pas la peine qu'il aille porter ses fumiers dans cette municipalité-là. Donc, il va en épandre deux fois trop, trois fois trop dans la municipalité ou les terres les plus proches.

Là, il faut voir qu'au niveau du contrôle des épandages l'État n'a pas les ressources, a peu de ressources. Donc, on a peur que, s'il y a une fourchette tellement large, toutes les municipalités vont effectivement choisir la norme la plus élevée, puis, à la limite, ceux qui vont choisir la norme la plus faible au niveau des épandages, tous les fumiers risquent de se retrouver en surabondance chez eux. Finalement, on n'aura pas de gain, parce que la charge de l'odeur va rester aussi élevée globalement au niveau de la région.

M. Cliche: O.K.

M. Gagné (Gilles): Puis ce qu'on voudrait, ce serait une fourchette minimale et régionale, c'est la limite. Ça, ce serait acceptable. Mais il faudrait que la région l'accepte, l'ensemble de la région. Puis, pour nous autres, une MRC, ce n'est pas suffisant. Ça prend une région administrative ou un bassin versant pour définir cette fourchette-là.

M. Cliche: Juste un élément d'information puis une dernière question, entendre vos réflexions. L'élément d'information, je veux vous dire et je veux vous rassurer là-dessus qu'au niveau du facteur d'atténuation, le facteur d'atténuation va intégrer les techniques homologuées, tant au niveau de l'entreposage, de la production animale, et l'épandage va varier dépendamment de la technique utilisée. C'est évident que, si on épand du lisier, la distance va être plus grande que si on épand un fumier qui est complètement composté à odeur pratiquement zéro. On va pratiquement aller à la ligne de terrain. C'est sûr que ça va varier, là. Alors, je veux vous rassurer là-dessus. Ce ne sera pas quelque chose qui va être... Ça va varier selon les techniques à la fois de production, mais également au niveau de l'épandage.

J'aimerais vous entendre – je vais terminer là-dessus pour ce qui me concerne – sur votre rôle actuel et votre rôle futur. La loi prévoit des comités consultatifs agricoles, agroenvironnementaux. Vous, vous avez un rôle à la fois de sensibilisation, mais, lorsqu'un producteur agricole se présente et qui n'a pas de sol pour épandre ses fumiers, il doit aller vous voir et avoir entente avec vous pour que vous gériez ses fumiers avant que, nous, le ministère de l'Environnement et de la Faune, émettions un CA. Donc, vous avez un rôle là.

Votre perspective, là... Vous commencez à vous implanter. Fertior, dans la Beauce, fonctionne; ils essaient de vous rattraper. Il y a AGEO, je pense, à Saint-Hyacinthe, qui est en train de se mettre en place. Quelle est votre perspective? Est-ce que vous commencez à avoir une vue où il devrait y avoir des organismes qui gèrent les fumiers, l'ensemble des fertilisants sur un bassin versant ou dans une région? Parce que, là, vous y allez à la pièce, finalement, hein, et vous y allez selon le bon vouloir des producteurs. Les mentalités évoluent très rapidement. Il y a des gens têtus dans la société. Mais ça évolue très rapidement. Il faut noter dans les derniers mois, là – je suis le premier têtu, là – mais ça évolue aussi, aussi rapidement, là. Mais quelle est votre perspective quant à votre rôle par rapport aux comités consultatifs, par rapport à la perspective d'une gestion? Parce que, là, on va arriver avec les plans de fertilisation. Les 25 000 producteurs agricoles du Québec qui vont en avoir besoin sur une période de cinq ans, six ans, vont devoir se doter de ça. Comment vous voyez votre rôle au niveau régional? Parce que je conviens avec vous que, nous, le ministère, on n'a pas les moyens et les ressources pour vérifier chacun des producteurs agricoles. C'est pour ça que les producteurs agricoles ou leur agronome devront préparer les plans. Comment vous voyez votre rôle là-dedans, si on réfléchit un peu à l'avenir, dans le virage agroenvironnemental que tout le monde veut prendre?

M. Laliberté (Jean-Paul): Premièrement, on ne veut pas jouer le rôle de police comme tel. Chez nous, on gère des fumiers principalement sur une base volontaire. Pour tous ceux qui sont membres de la coopérative et qui étaient déjà établis, on fait des plans de ferme, plans de fertilisation, analyse de fumiers, on fait aussi conseil au niveau technique d'entreposage, possibilité qu'on les réfère à des nutritionnistes pour améliorer la nutrition des porcs pour diminuer la valeur polluante du fumier. On gère aussi d'une façon obligatoire – le membre n'a pas le choix... celui qui veut obtenir un permis de construction et qui n'a pas les sols pour épandre son fumier...

Maintenant, ce serait facile pour nous de dire: Oui, on le prend; va chercher ton permis de construire et, après ça, on verra. On n'accepte jamais le fumier d'un producteur à venir si on n'a pas déjà les sols pour l'épandre, si on n'a pas déjà des ententes pour être certains que, lorsque ces fumiers vont venir, on ait la place. Chaque fois qu'on gère un fumier, ça nous prend des plans de fertilisation, des registres d'épandage pour être certains que le tout concorde. Il peut bien arriver que, dans un coin de champ, il y ait eu peut-être un mètre cube d'étendu de plus dans un acre, là: le camion a viré deux fois avant de sortir. Mais, règle générale, on s'assure que l'ensemble des fumiers sont épandus selon les besoins des sols, en termes de qualité de sol, absorption et tout ça, pour être certains que ça ne pollue pas. Parce que c'est notre crédibilité qui est en jeu. La journée où on perd notre crédibilité, faites-vous en pas, COGENOR vient de disparaître. On n'est pas un organisme pour faire de l'argent uniquement au niveau des fumiers, on est là pour gérer des fumiers, pour aider l'agriculteur à respecter les règlements, mais aussi améliorer ses conditions économiques par la diminution des fertilisants. Donc, c'est notre principal but. Juste à titre d'exemple...

Le Président (M. Vallières): Oui, M. Laliberté, en conclusion, parce que le temps est déjà dépassé et on a pris du retard dans les travaux de la commission.

M. Laliberté (Jean-Paul): Oui.

Le Président (M. Vallières): Alors, en conclusion sur votre présentation, s'il vous plaît.

M. Laliberté (Jean-Paul): Nous, notre perspective d'avenir, c'est qu'éventuellement... et partout où on a fait des plans de fertilisation, de gestion avec l'agriculteur, il revient facilement. Et, actuellement, notre membership augmente beaucoup par le bouche à oreille, uniquement par les services qu'on a rendus. Donc, si on ne fait pas de gaffe, il n'y a pas de problème pour l'avenir. Tout ce que je souhaite, c'est d'avoir des organismes de gestion à la grandeur du Québec.

Le Président (M. Vallières): Très bien. Alors, nous vous remercions de votre présentation, M. Laliberté, et COGENOR, et nous vous souhaitons une bonne fin de journée. Nous demandons maintenant à l'organisme suivant...

M. Laliberté (Jean-Paul): Merci beaucoup, M. le Président.

(17 h 40)

Le Président (M. Vallières): Ça me fait plaisir. ...à l'organisme suivant, soit l'Union québécoise pour la conservation de la nature, de bien vouloir prendre place, s'il vous plaît.

(Consultation)

Le Président (M. Vallières): Alors, les représentants de l'Union québécoise, s'il vous plaît, veuillez vous approcher, l'Union québécoise pour la conservation de la nature. Alors, M. Mead, la parole est à vous.


Union québécoise pour la conservation de la nature inc. (UQCN)

M. Mead (Harvey): M. le Président, MM. les ministres et membres de l'Assemblée nationale, nous sommes très contents d'avoir été invités à présenter notre point de vue à vous. J'aimerais brièvement me présente, je suis le président fondateur de l'UQCN qui existe depuis maintenant 16 ans, sauf pour une période où j'étais sous-ministre adjoint au développement durable à l'ancien ministère de l'Environnement. Je vous présente Denis Bergeron, qui est notre directeur aux programmes, au bureau. Je mentionne mon titre, parce que je me permets de commencer en commentant l'usage de l'expression «développement durable» par presque tout le monde ces temps-ci, pour avoir milité pour ça depuis 20 ans. Je suis content et, en même temps, mécontent et je me permets quelques brefs commentaires.

Nous avons publié récemment, ici au Québec, une politique énergétique de développement durable dans le domaine suite à une consultation et à une participation intensives pendant deux ans. Quelques semaines plus tard ou quelques mois plus tard, plusieurs des intervenants et nous pensons que nous avons glissé vers un développement qui ne l'est plus, durable, alors que le document de base était très intéressant. Dans le domaine des forêts, le mot est utilisé couramment, alors qu'il y a de graves problèmes. M. Guy Saint-Pierre, de SNC, il y a quelques années, a même développé une définition qui dit que le développement durable, c'est des investissements en permanence dans les entreprises. Nous sommes ici parce que nous sommes convaincus que l'agriculture n'est pas durable actuellement et qu'il faut maintenir les pressions pour que l'évolution continue. Il y a des changements en cours; nous sommes très contents de les voir. Il reste des choses importantes à accomplir.

En termes de cette brève introduction sur le développement durable, je voudrais souligner qu'il y a des aspects sociaux, et COGENOR vient d'en parler, qu'il y a des aspects environnementaux qui nous préoccupent le plus, puis il y a aussi des aspects économiques. Une agriculture est durable si, finalement, on ne s'endette pas en la faisant. Une de nos préoccupations de ce côté-là, du côté agricole, est le coût des activités actuel. Nous ne prétendons pas que c'est mauvais que de soutenir une activité, que ce soit agricole, industriel ou autre, mais il est important de tenir en compte ces coûts-là. Lorsque j'étais sous-ministre, il y avait un programme de 400 000 000 $ pour aider à gérer les problèmes environnementaux associés à cette activité-là. Il reste encore de l'argent à investir pour aboutir, finalement, à une situation acceptable.

J'ai parlé de participation du public. C'est un élément que je voudrais souligner dans ma présentation parce que, encore une fois, nous ne prétendons pas à une expertise dans tous les domaines, à l'UQCN, et il n'y a pas un intervenant qui peut prétendre à une expertise qui couvre tous les volets qui sont nécessaires de traiter dans les questions qui vous concernent. Ce qui nous a désappointés l'automne dernier, c'était de voir un effort du gouvernement du Québec au Sommet socioéconomique qui excluait carrément l'environnement. Ça nous préoccupe beaucoup de voir la tendance à l'usage des expressions «développement durable» et «virage environnemental» sans voir assez le fond, même s'il y a des progrès. Et le fondement même de notre intervention aujourd'hui, c'était un effort de concertation à la Table visant à atteindre un consensus sur le Règlement sur la réduction de la pollution agricole, qui, finalement, a atteint un consensus qui, selon sept des membres de la Table, a atteint finalement... est disparu depuis la signature de l'entente.

En ce qui concerne la loi n° 23, nous avons voulu intervenir l'an dernier, sans succès, mais il y a un acquis important qui est que la loi de la qualité de l'environnement a été respectée. Il y avait un mouvement à exempter le domaine agricole de l'application de cette loi-là. Ce n'est plus le cas et nous en sommes très contents. Il reste que les tendances encadrées par cette loi visent des comités consultatifs en région à majorité – c'est explicite – agricole alors que nous sommes devant une situation qui exige la gestion de trois contraintes: environnementales, économiques et sociales. Donc, je pense que c'est une ouverture qui ne réglera pas les problèmes même si ça peut au moins créer des situations où les gens peuvent se parler.

En marge de ça, je voudrais souligner que le document du ministère de l'Environnement et de la Faune qui a été déposé, encore une fois, en juin dernier, selon nos conseillers agronomes, était probablement inapplicable. Nous ne sommes pas ici pour dire que les réactions de l'UPA et d'autres depuis cette date-là sont toutes sans fondement. Il reste qu'aujourd'hui nous sommes devant une situation où vous proposez d'adopter un règlement sur la réduction de pollution agricole qui n'est pas du tout conforme, d'après tout ce qu'on peut voir, y compris une entente formelle signée entre l'UPA et le MEF, qui n'est pas conforme au consensus sur lequel nous avons travaillé pendant deux ans. Et vous vous proposez d'adopter des mesures visant à déléguer presque la... en tout cas, déléguer beaucoup de la responsabilité de la gestion des problèmes actuels aux régions.

Dans le mémoire, nous avons essayé de faire un survol de la situation qui définit le contexte actuel des débats et des recherches de solutions. En termes d'expérience de l'UQCN, sans remonter aux années quatre-vingt où nous avons été très favorables à la loi de la protection agricole et où nous avons établi des contacts avec l'UPA, nous avons travaillé récemment dans le Bas-du-Fleuve à une table de concertation qui était un projet-pilote visant à voir s'il n'y avait pas moyen de mettre le monde ensemble pour discuter des problèmes dont vous discutez. Il a résulté dans un rapport qui n'a pas eu de suites. Et, en même temps, nous avons commencé le travail avec la Table de concertation regroupant une dizaine d'intervenants, qui a abouti, et il y avait des compromis de tout le monde dans ça. Je les souligne, les éléments de compromis qui ont été remis en cause, mais qui étaient très importants.

C'était la date d'épandage. Le 1er octobre était dans le document signé. COGENOR vient d'en parler. Il y avait la question de la formation des agriculteurs. Le monde a accepté à cette Table-là que ce soit le producteur qui soit responsable de son propre plan de fertilisation, dépendant d'une formation gérée par le ministère de l'Éducation. Tout indique... premièrement, l'entente MEF-UPA a tout simplement remis cette entente-là aux calendres grecques et on entend depuis qu'il y a des négociations sans arrêt pour essayer de réduire les exigences. Et la troisième chose, c'était l'exclusion du phosphore organique. Pour la traduire, l'entente qui était consensuelle, en février dernier, visait une gestion des sources, toutes les sources de phosphore qui est le polluant le plus problématique, selon nos conseillers, et, dans l'entente UPA-MEF, le phosphore organique, c'est-à-dire, ce qui provient des fumiers, est exclu. Alors, ça, c'est le contexte dans lequel nous nous présentons ici.

Dans le mémoire, nous présentons un survol de la problématique telle que dressée par l'ÉcoSommet où un très grand nombre des intervenants de la société ont travaillé pendant deux ans pour aboutir à l'ÉcoSommet en mai dernier. Nous présentons aussi un peu autre chose. En résumé du manifeste, comme il s'est appelé dans le communiqué de presse, le manifeste du Groupe des sept où l'UQCN et Greenpeace se sont retrouvés avec des organismes, des groupes venant des différentes régions où, justement, on gère mal la crise actuelle en termes de la pollution agricole...

(17 h 50)

Ce faisant, je voudrais encore une fois souligner que la préoccupation principale de votre commission, c'est les bruits, les poussières et les odeurs. Je voudrais insister sur le fait que ce sont des épiphénomènes. Ce ne sont pas les vrais problèmes environnementaux associés à l'agriculture. Ce sont des problèmes sociaux qu'il faut absolument gérer parce que, autrement, on va maintenir l'instabilité actuelle sur le plan social. Mais ce ne sont pas des problèmes environnementaux sérieux. Les odeurs, la poussière, le bruit sont gérés par des règlements dans d'autres domaines sous la responsabilité du MEF, mais les vrais problèmes sont ailleurs.

Je termine en vous situant par rapport à ce qui se passe actuellement. Depuis quelques mois, l'UQCN, l'Union des producteurs agricoles et d'autres intervenants ont établi de nouveaux contacts suite, finalement, à la disparition de la Table qui était notre meilleur outil de concertation. Et on se voit – et je pense que l'UPA est dans la même situation – devant la situation où on a des approches réglementaires, probablement nécessaires mais conflictuelles. On a des approches visant des consensus, mais qui ont été avortés. On a des approches technologiques – encore une fois, M. Laliberté en a parlé brièvement – mais qui ne régleront pas le problème de surplus. Et l'alternative, c'est le maintien des crises sociales actuelles. L'UQCN est convaincue – et c'est quasiment le mandat qu'elle s'est donné à sa formation – que la seule façon de régler le problème, c'est le consensus via le dialogue et la transparence. M. Laliberté l'a souligné régulièrement, si je l'ai bien entendu, et je crois que j'ai écouté avec soin. Ces consensus-là ne peuvent pas se faire seulement au niveau provincial; ça va exiger aussi la concertation en région.

L'UQCN maintient plusieurs demandes qui, selon elle, sont nécessaires pour qu'on avance. L'une, c'est qu'il y ait moratoire, et on ne parle pas d'un moratoire mur à mur et absolu, mais un moratoire sur le développement, sur la croissance – ici, je ferai référence à la production porcine – tant qu'on n'a pas atteint certains consensus. Tant qu'on émet des certificats d'autorisation, tant qu'on permet aux différentes communautés de se sentir attaquées par un développement qui n'est pas encore encadré – je pense que tout le monde en convient – on risque d'empirer la situation plutôt que d'y apporter des solutions. Nous avons demandé des audiences. Je pense, pour avoir été un promoteur depuis très longtemps, que le BAPE est un organisme qui, finalement, fait honneur au Québec. C'est rare que les propositions du BAPE, les recommandations ont créé des conflits. Normalement, il les résout. Finalement, la demande de moratoire et la demande d'audiences ont été rejetées, mais nous maintenons notre conviction que ce sont des avenues essentielles pour le règlement des différends.

Suite au refus, nous sommes allés devant le Protecteur du citoyen. Nous ne prétendons pas avoir l'expertise économique nous permettant de dire: Est-ce que c'est vrai ou faux qu'il y a des fonds qui sont attribués aux producteurs agricoles de façon incorrecte? Mais ce que nous avons fait, c'est que nous avons lu le rapport du Vérificateur général et nous avons demandé au Protecteur du citoyen de se pencher sur la question. Et, récemment, encore une fois suite à des retards dans le développement d'approches permettant le consensus, nous sommes allés avec 17 autres groupes devant la Commission de coopération environnementale de l'ALENA pour porter plainte, parce que nous disons que, finalement, selon les documents officiels du gouvernement, nous ne gérons pas selon les règles actuellement en place. Ça, c'est ce que nous faisons.

L'UPA tient une manifestation monstre, pour la citer, demain. Ce ne sont pas les meilleures avenues de solution. C'est pour ça que nous avons demandé de vous rencontrer. Nous ne voudrions pas suggérer que nous avons des réponses techniques à vos questions spécifiques, à la question des suites à la loi n° 23. Notre préoccupation principale est ce qui est attenant aux questions de bruits, poussières et odeurs, c'est-à-dire les questions d'impacts environnementaux qui, je répète, coûtent à l'État actuellement, sans être comptabilisés, des centaines de millions de dollars par année. Il y a des échanges de lettres qui ont été faits avec les dirigeants de l'UPA. Nous espérons, dans les prochains jours ou les prochaines semaines, avoir ces rencontres-là. Nous espérons pouvoir représenter ou nous présenter avec d'autres intervenants, l'UPA ayant une expertise énorme et, finalement, étant le décideur final pour tout ce qui touche le domaine.

Je vous remercie beaucoup de nous avoir invités et de m'avoir écouté. Ça a l'air curieux, mais j'ai un engagement et il faut que je quitte à 18 h 10, à moins que vous coupiez tout à 18 heures. Mais Denis Bergeron pourra rester. Merci.

Le Président (M. Vallières): Merci, M. Mead. Des demandes d'intervention? M. le ministre de l'Environnement et de la Faune.

M. Cliche: Bonjour aux représentants de l'UQCN. Bienvenue à cette commission. D'abord, vous avez mis beaucoup d'emphase sur le Règlement sur la réduction de la pollution agricole. Je vais vous donner certaines informations qui, je pense, vont vous éclairer, ce que je voulais faire dans une certaine réunion où... malheureusement, vous aviez quitté la réunion la fois où vous n'avez pas daigné m'entendre. Donc, je vais profiter de l'occasion, à moins que vous ne fermiez vos mallettes et quittiez immédiatement... mais, en tout cas, je vais profiter de l'occasion pour vous donner certaines pièces d'information en ce qui concerne les malentendus sur la réduction de la pollution agricole.

Je vous signalerai que, dans le consensus qui était celui de la Table qui a remis son rapport, si ma mémoire est bonne, en février de l'an dernier, il y avait certains éléments qui ne faisaient pas consensus, et vous demandiez au ministre de l'Environnement et de la Faune essentiellement de trancher, ce que l'on fit. Mais je veux vous dire, au niveau de la date d'épandage... la date d'épandage, le 1er octobre, c'est encore la date qui est retenue pour la fin de l'épandage, à moins qu'un plan de fertilisation en arrive à une conclusion différente. Le 1er octobre, en Abitibi, il peut y avoir des tempêtes de neige alors qu'il y a encore des récoltes de luzerne dans certaines régions. Donc, je ne veux pas que vous pensiez que ça va être le 15 novembre, mais il se pourrait qu'un plan de fertilisation dûment approuvé fasse en sorte qu'on permette à un producteur, dépendamment de la culture, de mettre au maximum le 15 septembre ou le 6 octobre. Donc, c'est oui au 1er octobre, à moins qu'un plan de fertilisation puisse faire varier de quelques jours cette date-là. Je pense que vous allez comprendre que la situation peut être différente, qu'on soit le long du lac Memphrémagog ou qu'on soit le long du lac Abitibi. Ce sont des zones climatiques qui peuvent varier.

En ce qui concerne la formation des producteurs, vous étiez d'accord, à cette Table de concertation, que les producteurs puissent préparer leur plan de fertilisation dans la mesure où ils sont formés correctement. Je ne sais pas où vous prenez vos informations, qu'il y aurait négociation à la baisse sur la formation des producteurs agricoles. Ce n'est pas le cas. Il y a des discussions avancées entre le ministère de l'Éducation et notre ministère. Ça prendra le nombre d'heures que ça prendra. Comme je l'ai dit la semaine dernière, si c'est 90 heures, ça prendra 90 heures; si c'est 150 heures, ce sera 150 heures; si c'est 200 heures, ça prendra 200 heures. Il n'est pas question que les gens qui préparent les plans de fertilisation n'aient pas les connaissances.

En ce qui concerne le phosphore, encore là, je ne sais pas d'où vous tenez vos informations. Mais les plans de fertilisation vont intégrer les deux phosphores: le phosphore inorganique et le phosphore organique. Notre intention, c'est d'assurer une transition rapide de l'inorganique vers l'organique. Mais les plans de fertilisation que les 25 000 producteurs agricoles du Québec devront faire vont intégrer les deux phosphores. Encore là, je tenais à rectifier le tir parce que je sais que vous véhiculez ces choses-là depuis plusieurs mois, mais j'ai l'occasion aujourd'hui de vous informer correctement, ce que j'aurais apprécié faire il y a déjà quelques mois.

(18 heures)

Sur votre participation, vous avez expliqué l'ensemble des mesures que vous avez prises, votre participation à différents forums. Mais j'aimerais vous poser une question sur l'action que vous avez prise la semaine dernière où vous tentez de porter sur la scène internationale, la scène nord-américaine, finalement, un problème qui, selon nous... on est ici pour régler ça ensemble et je pense que les efforts de tout le monde en témoignent, on essaie de régler un problème qu'on ne nie pas. Il y a un problème au niveau de la production agricole et je pense que le fait qu'on aille de l'avant avec la loi et qu'on soit tous ici réunis en témoigne. Alors, pourquoi, à cette étape-ci, avez-vous porté ou tentez-vous de porter sur la scène internationale un problème que l'on essaie de régler localement? Est-ce que vous êtes conscients que les personnes qui sont sans doute les plus contentes de cette situation, c'est sans doute les producteurs de porc de la Caroline du Nord ou les producteurs de porc d'Iowa, qui doivent certainement faire valoir à leur clientèle que le porc québécois n'est pas propre alors que le leur l'est. Ce qui est faux. On le sait bien que les problèmes de pollution en Caroline du Nord et les problèmes de pollution dans les États américains dépassent les nôtres. Alors, j'aimerais comprendre pourquoi vous avez fait ça et quels sont vos intérêts quand vous faites ça?

Le Président (M. Vallières): Alors, M. Mead?

M. Mead (Harvey): La première réponse aux premières questions, je voudrais être très clair. Quand nous avons quitté la rencontre où le ministre était présent, nous, nous étions sept organismes membres de la Table qui avions demandé que la Table soit convoquée et la Table n'était pas présente. Sept organismes, tous les organismes provenant des milieux municipaux, agricoles – agricoles dans le sens des agronomes et des technologues – tout le monde a quitté cette réunion-là, pas juste l'UQCN, juste pour que ça soit clair. Il y avait un désaccord profond et partagé par sept membres de la Table, et je pense que le nombre de membres était peut-être 12.

M. Cliche: Ça, vous avez raison, et j'ai dit la même chose à l'UMRCQ et aux agronomes la semaine dernière, là, que vous aviez tous quitté cavalièrement la réunion.

M. Mead (Harvey): O.K. Pour les réponses aux trois points que j'ai soulevés, je cite et je fais référence à l'entente MEF-UPA signée le 23 octobre dernier. Je vous lis juste pour l'exemple du phosphore: «La disposition suivante sera intégrée au règlement.» Je ne lis pas tout le paragraphe, mais c'est dans votre document que nous avons déposé. «Cette disposition s'applique seulement à l'utilisation d'engrais minéraux et de fertilisants chimiques.» Si vous lisez – je pense que nous l'avons déposé – le document consensuel de février, vous verrez que ce n'était pas ça qui était entendu.

La question des cours de formation: Il y a deux lignes dans le document qui disent que ça va être discuté avec le MEF, l'UPA et le MEQ, la Table n'étant plus impliquée. Je ne pense pas que c'est ça qui était... c'était la façon d'élaborer le cours qui a été reportée à d'autres discussions.

Pour les questions de l'ALENA, pour y aller d'une façon très franche, nous avons reçu, du président de la Fédération des producteurs de porc, un document faisant référence à une consultation auprès d'un expert dans le domaine des communications qui dit que les groupes comme le nôtre, comme les groupes régionaux qui ne sont pas environnementaux mais qui ont des problèmes sociaux avec le développement actuel, nous utilisons un recours aux médias seulement en dernier recours, quand nous n'avons pas d'autre moyen. Du président de l'UPA nous avons reçu une lettre disant que nous utilisons une guérilla médiatique.

Je suis obligé de vous dire que, dans ma réponse, j'ai suggéré que, de part et d'autre, on ferait mieux si on trouvait le moyen de discuter, de recréer une nouvelle Table quelconque que d'utiliser la voie des médias. Mais, ce qui est clair, c'est que les producteurs agricoles, l'UPA, utilisent les médias. Lorsqu'ils annoncent une manifestation monstre de 10 000 agriculteurs sur la colline parlementaire, c'est une utilisation abusive, nous croyons, des pressions publiques; abusive mais d'aucune façon illégale, c'est tout à fait normal. Il reste que ce n'est pas comme ça qu'on va régler les problèmes.

Alors, étant dans une situation où nous voulons et nous avons accepté l'idée de rencontrer l'UPA, devant une situation où vraiment là on n'a pas le choix, l'UPA va manifester avec 10 000 agriculteurs sur la colline parlementaire pour essayer de porter pression, nous avons dit... Et j'ajoute: L'UQCN s'est jointe aux groupes qui ont porté plainte le jour où l'UPA a manifesté l'intention de manifester. Nous sommes très conscients des dangers et nous sommes en train de travailler avec les groupes américains qui vont porter plainte du côté américain. Nous ne voulons pas que ça reste uniquement du côté québécois. Les Américains font face à des problèmes de pollution probablement pires que nous et il va falloir que quelque chose se fasse.

M. Cliche: Donc, si je comprends, vous avez un problème de relations avec l'UPA? C'est ce que vous dites, là.

M. Mead (Harvey): Des problèmes et peut-être des possibilités aussi.

M. Cliche: O.K. Mais j'ai de la misère à comprendre. Problèmes avec l'UPA. Donc, solution à ça, solution aux problèmes avec l'UPA: on va essayer de traîner le gouvernement sur la scène internationale. J'ai de la misère à voir le lien. Je veux juste que vous soyez conscients...

Une voix: Le gouvernement du Québec.

M. Cliche: Le gouvernement du Québec, oui. Je veux juste que vous soyez conscients qu'on peut, dans deux semaines, trois semaines, tous convenir qu'on a, je pense, réglé ou mis en place les éléments pour régler le problème au Québec puis votre action peut avoir des conséquences sur la scène internationale, au niveau du commerce, qui vont perdurer, qui peuvent, pour le Québec, avoir un impact commercial négatif. Je veux juste que vous réalisiez ça. Mais, ça, je sais que vous le réalisez. Donc...

Le Président (M. Vallières): M. Bergeron?

M. Bergeron (Denis): Oui, merci. Alors, si vous me permettez de répondre. Écoutez, on fait appel... En tant que groupe environnemental, on a un outil, c'est le dialogue. Et on a une arme, les médias. Vous allez pouvoir prendre connaissance, dans le mémoire qu'on vous a présenté, que l'ensemble des forums de discussion qu'on a, soit avec les instances gouvernementales ou autres, actuellement sont caducs. Nous avons participé au Forum sur le développement durable dans le domaine bioalimentaire; on fait partie du comité de suivi du Forum sur le développement durable dans le bioalimentaire; on attend la convocation à la prochaine réunion, dont la dernière s'est tenue depuis un an.

La Table de concertation sur le Règlement sur la réduction de la pollution d'origine agricole, nous l'avons quittée. Nous l'avons quittée avec six autres membres qui ne sont ni gouvernementaux, mais qui représentent chacun leurs propres intérêts et qui sont autrement diversifiés que ceux de l'UQCN. À ce moment-là, nous avons déposé une lettre à M. Cliche, lui demandant de reconvoquer la Table pour en discuter. M. Cliche, vous avez fait le choix de dire: Je vais reconvoquer la Table quand le règlement sera passé.

Nous avons voulu nous présenter en commission parlementaire sur le droit de produire, en juin dernier; le droit ne nous a pas été accordé. Alors, nous faisons appel aux forums qui sont à notre portée et qui nous permettent une certaine écoute; tout comme on a fait appel au Protecteur du citoyen puis la plainte est en train d'être traitée actuellement; tout comme on est en train de disposer de la demande qu'on a faite à la Commission de coopération environnementale de l'ALENA.

Nous avions participé de bonne foi à plusieurs comités, à plusieurs forums, et nous sommes toujours prêts à le faire. Et, à défaut que les instances gouvernementales, qui sont maîtres de ces instruments-là, ne donnent pas suite en quelque sorte aux travaux de ces différentes commissions, bien, nous, on prend des contacts particuliers avec la Fédération des producteurs de porc, avec l'UPA, avec la Commission de coopération environnementale, pour avoir une écoute puis pour essayer autant que possible de faire avancer notre compréhension du dossier environnemental dans le domaine agricole.

On ne peut pas nous reprocher de faire appel à des forums qui sont prêts à nous écouter alors qu'on a demandé, de façon régulière et systématique, d'être écouté dans d'autres forums et où, malheureusement, on ne donne pas suite. Alors, on prend les moyens qu'on a. Si on veut nous écouter en commission de coopération environnementale, on se présentera et on plaidera, puis la Commission disposera. Le Protecteur du citoyen n'a pas repoussé notre demande, il est en train de l'étudier. On se rangera à l'opinion que le Protecteur du citoyen nous donnera, tout comme on est toujours prêt et disposé à ce que la Table de concertation sur le Règlement sur la réduction de la pollution d'origine agricole se rencontre.

Je suis bien content que vous nous informiez aujourd'hui des différents éléments qui portent sur ce règlement-là, mais ça aurait été encore plus salutaire qu'on puisse en discuter à l'intérieur de la Table. Alors, malheureusement, on fait appel aux forums qui sont prêts à avoir une écoute à notre propos.

Le Président (M. Vallières): Merci. M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Oui, M. le Président. Bienvenue.

M. Bergeron (Denis): Malheureusement, mon président doit quitter, il avait d'autres engagements, mais je suis disponible à continuer.

M. Sirros: D'accord. Je ne le prends pas personnel, M. Mead. Ha, ha, ha! Au contraire. Écoutez, moi, je suis nouveau dans ce dossier. On ne peut pas dire que j'ai suivi ça de près dès le début, je commence à constater des choses. Je constate d'abord une chose ici: Ça va mal entre le ministre de l'Environnement puis les groupes environnementaux; ça va mal entre les agriculteurs et le ministre de l'Agriculture. Je pense que c'est un dossier qui n'a pas été bien géré.

Et je constate qu'on parle de beaucoup de choses autour de la table, ici – je vous écoute depuis un bout de temps – des accusations, des récriminations qui vous sont faites, des réponses que je trouve tout à fait pertinentes par rapport à la façon dont ça s'est passé, mais on parle peu de ce pourquoi on est convoqué à discuter ici. Et, pour moi, c'est une indication qu'il y a quelque chose qui ne va pas.

(18 h 10)

Je pense que vous l'avez identifié au début, M. Mead l'a identifié en disant: On discute des épiphénomènes: on discute du bruit, des poussières et des odeurs supposément. Pas supposément, c'est de ça qu'on est supposé discuter, mais, les échanges, ce n'est pas du tout sur ça, c'est: À qui vous parlez? Pourquoi vous parlez à untel? La Table de concertation, les agriculteurs, l'UPA. Ça va mal.

Mais, si je reviens à la raison pour laquelle nous sommes ici, j'essaie de comprendre un peu ce qui se passe, je constate que – et dites-moi si j'ai raison – au niveau du ministre de l'Environnement, vous êtes déçus d'un arrangement qui a été trouvé supposément entre l'UPA et le ministère de l'Environnement, laissant tomber un processus qui avait dégagé quand même un consensus. Deuxièmement, les municipalités et les agriculteurs sont très mécontents parce qu'ils estiment qu'ils sont placés dans une situation où personne ne va vraiment savoir c'est quoi, les règles du jeu, et les règles du jeu ne seront pas les mêmes pour tout le monde. Et, troisièmement, vous dites: Le vrai problème, c'est qu'on n'a pas vraiment examiné comment, au Québec, on peut faire du vrai développement durable en agriculture.

On entend souvent le ministre de l'Agriculture parler de développement durable. Je serais d'accord avec vous en disant: à toutes les sauces. Ça doit vouloir dire quelque chose et ce serait d'abord qu'on se comprenne tous autour de la table sur c'est quoi, le développement durable qu'on veut. Alors, ma question, ça serait de vous amener à nous décrire un peu comment vous verriez une démarche qui pourrait nous permettre de parler du problème réel, pas juste de l'épiphénomène, que vous avez identifié comme étant: Environnement et agriculture, comment on gère ça? Il me semble que c'est un des domaines qu'on n'a pas beaucoup examinés depuis 10, 15, 20 ans, parce que c'est quand même nouveau, la préoccupation environnementale. Relativement, de toute façon. Ça a commencé il y a 20 ans avec des groupes marginaux et là on est rendu à avoir un ministre de l'Environnement un peu dans tous les endroits du monde. On a commencé à regarder les choses. L'agriculture est un domaine qu'on n'a pas beaucoup examiné.

Moi, j'aimerais qu'on évite de se mettre dans une situation comme on semble parti pour le faire, où les agriculteurs et les environnementalistes sont vus comme des opposants. Au bout de la ligne, il n'y a pas d'environnementalistes, on a juste des gens qui essaient de vivre sur la planète d'une façon durable; et, les agriculteurs, c'est la même chose. Donc, comment on pourrait éviter cette voie qui nous amène directement à la confrontation? Et ce n'est pas parce que le ministre de l'Environnement vous pointe du doigt en vous disant «vous êtes allés parler aux méchants Américains pour exposer nos problèmes à nous» que ça va nous éviter ça. On ne vit plus dans des situations où on peut faire ça juste en famille, là; on est tous dans des maisons de verre, finalement. Alors, comment vous voyez le chemin qu'on devrait prendre?

Le Président (M. Vallières): M. Bergeron.

M. Bergeron (Denis): Je crois que c'est un peu en lien aussi avec la réponse que je fournissais au ministre de l'Environnement et de la Faune, c'est qu'on avait là, je crois, un outil formidable justement pour faire avancer les mentalités au plan agroenvironnemental, et malheureusement, pour privilégier en quelque sorte un point de vue au détriment des autres membres de la table, le processus a actuellement avorté. Et je tiens à souligner, pour faire un lien direct avec les travaux de la commission dont vous discutez aujourd'hui, qu'au moment où est arrivée la différence de point de vue pour ce qui est de la suite à donner à la Table de concertation, on amorçait le débat en ce qui concerne les distances séparatrices et les normes de poussières et odeurs, avec une panoplie aussi d'autres phénomènes qui devaient être discutés entre partenaires qui étaient autour de la table.

Alors, c'est un peu ça, l'objet de la frustration qu'on manifeste aujourd'hui. Je crois, dans le fond, qu'il y a eu des résultats très tangibles de cette Table. La dynamique était bonne, les échanges étaient positifs et on amorçait justement une deuxième phase plus pointue que vous discutez aujourd'hui. Ça aurait eu peut-être le mérite que cette dynamique-là puisse continuer de façon à ce qu'on puisse en arriver à quelque chose de peut-être plus élaboré comme position aujourd'hui. Malheureusement, on parle de l'accessoire aujourd'hui, en commission parlementaire, alors que l'essentiel aurait peut-être eu le mérite d'être plus approfondi. Alors, c'est un peu ça, le problème qu'on vit actuellement.

Je crois que, de toute façon, comme je l'ai dit tout à l'heure, on est condamné à s'entendre, on est condamné au dialogue, et il faut avoir les mécanismes pour le faire. Malheureusement, actuellement, nous n'avons pas de mécanismes pour pouvoir en parler de façon adéquate et équitable aussi. C'est-à-dire que, là, c'est un jeu de lobby, c'est un rapport de forces, et c'est inévitable que les intérêts corporatifs vont prévaloir dans cette dynamique-là.

Alors, qu'on nous donne des outils pour qu'on puisse réellement en discuter, qu'on puisse réellement ensemble s'apprivoiser, apprendre, améliorer nos connaissances mutuelles quant à nos exigences au plan environnemental tout comme pour ce qui est des méthodes et des pratiques agricoles. On répète constamment que nous ne sommes ni contre l'agriculture ni contre les agriculteurs, nous sommes contre la pollution que ces activités génèrent. Alors, c'est principalement ça, l'objet de notre préoccupation.

L'élément symbolique qui est véhiculé au niveau public, c'est la production porcine parce que c'est quand même une pollution tangible, c'est quand même une industrie qui se développe de façon fort agressive, de façon légitime, dans une certaine mesure, compte tenu des marchés qui leur sont offerts, mais ça doit se faire aussi dans le respect de l'environnement puis dans le respect aussi des gens. Je veux dire, on gère une crise sociale, comme mon président l'a dit tout à l'heure, puis on en fait une image un peu dans notre mémoire: Nous sommes le dernier recours de centaines de gens, dans tous les coins du Québec, qui nous appellent en désespoir de cause pour nous dire: Qu'est-ce qu'on fait? On ne nous écoute pas, au plan local. On nous confronte devant le fait accompli. Alors, qu'on mette des mécanismes de dialogue pour qu'on puisse échanger avec les gens de façon à pouvoir faire avancer les mentalités aussi bien auprès des agriculteurs que du milieu environnemental.

Le Président (M. Vallières): M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Une dernière question parce que, nous aussi, on a des contraintes, au niveau des caucus. Je vous écoute parler aujourd'hui des producteurs de porc. Ça soulève la notion que la problématique, la préoccupation que vous avez par rapport à l'agriculture en général ne doit pas être abordée à la pièce, en disant: Bon, aujourd'hui, on va regarder ça, demain, ça, sans savoir si les décisions qu'on prend par rapport à tel secteur ou tel secteur auront nécessairement un tissu commun.

Dois-je comprendre que vous favorisez l'idée d'un genre d'audience générique, au niveau de l'impact environnemental de l'agriculture, par le biais d'un BAPE comme lieu de discussion réelle des préoccupations de tous les intervenants dans ce secteur plutôt que de venir discuter ici des poussières puis des odeurs sans vraiment parler de ça? Ce que vous apportez, ce sont des préoccupations d'un autre ordre. Est-ce que, finalement, votre demande auprès du ministre de l'Environnement, c'est de dire: Préconisez donc un examen large de l'impact environnemental de l'agriculture avec une perspective de réduire la pollution pour qu'on puisse continuer à produire et ainsi garantir le droit à la production?

M. Bergeron (Denis): Exactement. Écoutez, je crois qu'il y a eu des...

M. Sirros: C'est quoi, sa réponse?

M. Bergeron (Denis): Pardon?

M. Sirros: C'est quoi, sa réponse?

M. Bergeron (Denis): Je l'attends encore. Écoutez, je crois qu'il y a des mécanismes qui ont été utilisés mais qui, malheureusement, actuellement, sont inactifs. Je crois que le ministre de l'Agriculture aussi, tout comme le ministre de l'Environnement, serait bien avisé de vouloir réactiver ces mécanismes-là, notamment au niveau du comité de suivi du Forum sur le développement bioalimentaire en développement durable.

Je crois que c'est en droite ligne avec la politique du ministre de l'Agriculture d'essayer justement de se doter d'un outil pour pouvoir approfondir cette réflexion-là au plan environnemental. Mais, malheureusement, je veux dire, on ne s'est pas réuni depuis à peu près un an, là, sur ce sujet-là. Alors, à défaut de forum...

Pour ce qui est de la production porcine, écoutez, on a fait une demande spécifique pour analyser en profondeur, sur le plan générique, la production porcine au Québec, puis je crois que c'est un processus de participation où on a tout le mérite aussi d'écouter les gens qui ont quelque chose à dire. Mais je crois qu'il faut aller aussi vers les gens. Je veux dire, je crois que la commission qui siège actuellement a le mérite d'inviter les gens à vouloir venir exprimer leur point de vue. Mais, inversement, ça se passe aussi en région puis ça se passe aussi rang par rang, ça se passe dans chaque village puis, dans une certaine mesure, je crois qu'il faut aussi aller vers les gens, les écouter, puis après ça déterminer quel genre de développement agricole on veut au Québec. Puis, dans ce sens-là, mettons les mécanismes en place le plus rapidement possible de façon à régler, à gérer le contentieux qu'on vit actuellement.

Le Président (M. Vallières): Merci. M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Julien: Donc, vous allez être heureux qu'on mette sur pied des comités agricoles dans chacune des régions. J'imagine que vous allez considérer que c'est démocratique?

(18 h 20)

M. Bergeron (Denis): Je m'excuse. J'ai mal compris votre question.

M. Julien: J'imagine que vous allez être heureux qu'il y ait des comités agricoles dans chacune des MRC. Donc, les gens vont permettre de s'exprimer.

M. Bergeron (Denis): Je réagirais en disant: Je crois que la composition des comités consultatifs agricoles...

M. Julien: M. Bergeron, je vous ai écouté poliment, j'ai été...

Le Président (M. Vallières): Peut-être juste un point d'ordre pour commencer, vous indiquer qu'on avait convenu qu'à 18 h 30 les travaux seraient terminés et conséquemment vous demander, pour donner la chance aux collègues qui ont d'autres questions à poser, d'aller rapidement, des réponses courtes également et de parler un à la fois, ça aiderait la présidence. M. le ministre.

M. Julien: Bien, écoutez, moi, je vous ai écouté attentivement, j'ai lu votre mémoire, vous me parlez de dialogue. Quand je le lis, je ne le sens pas. Vous ne parlez à peu près pas de ce que les producteurs sont en train de faire actuellement pour prendre le développement durable, je pense à des plans agroalimentaires et autres, agroenvironnementaux. Vous n'en parlez pas. La Fédérée, les plans qu'ils se sont donnés. Toutes les choses qui sont en train de se faire actuellement, c'est a peu près absent de votre mémoire. Pourtant, ça fait partie des réalités puis ça fait partie du développement durable.

Moi, je suis pour ça, le dialogue, mais j'ai comme l'impression... J'ai écouté plusieurs groupes de l'environnement depuis une semaine et demie puis il y a des groupes de l'environnement qui nous ont fait des propositions extraordinaires. Ils nous ont suggéré des pistes. Ils nous ont dit comment procéder. Ça, je ne sens pas ça. Je ne sens pas ça dans votre mémoire. J'aimerais ça que vous me proposiez... Vous dites: On va remettre nos tables. Parfait. O.K. On va prendre notre bout. Mais, dans le cadre actuel de la discussion, vous me proposez quoi? Qu'est-ce que vous me dites sur les principes énoncés dans le mémoire? Je ne le sais pas. Vous parlez beaucoup eau-sol puis vous ne parlez pas beaucoup des inconvénients, vous dites que c'est un phénomène qui semble plus ou moins important. Mais, si j'allais à la lettre là-dedans, on arrêterait ça, on l'enlèverait puis... Non, mais, si je voulais charrier, on pourrait dire: On n'a pas besoin d'en parler, ce n'est plus un problème. Je suis bien content, merci beaucoup.

Ce que je trouve, c'est que vous dites: Oui, il faut avoir une vision globale, il faut se développer une perspective mais, dans ce qui est écrit là, je ne le sens pas. Je ne le sens vraiment pas. Honnêtement, je le regarde, puis je cherche, puis je ne le sens pas.

Le Président (M. Vallières): Bien. Alors, M. Bergeron.

M. Bergeron (Denis): Écoutez, pour répondre, pour ce qui est du comité consultatif agricole, est-ce que les travaux vont représenter une certaine équité en regard de l'ensemble de la population s'il est composé à au moins 50 % d'agriculteurs?

M. Julien: Composé de 50 % des agriculteurs puis...

M. Bergeron (Denis): À au moins...

M. Julien: ...l'autre 50 % est délégué par les municipalités.

M. Bergeron (Denis): À au moins 50 % d'agriculteurs?

M. Julien: Par les MRC.

M. Bergeron (Denis): Alors, écoutez, transparence, équité, je pense qu'il faut poser la question. Quant aux différents mécanismes qui sont proposés, écoutez, j'en ai fait allusion tout à l'heure, on avait amorcé la discussion sur les distances séparatrices dans le cas de la Table de concertation puis, malheureusement, on n'a pas pu approfondir le dossier à ce sujet-là, alors, malheureusement...

M. Julien: J'aimerais savoir ce que vous pensez des principes énoncés dans le document de travail qui vous a été envoyé.

M. Bergeron (Denis): Écoutez, c'est la prérogative du gouvernement d'avoir fait le choix des moyens et on le lui laisse. Dans ce contexte-là, c'est difficile pour nous de se prononcer à savoir: est-ce que ça va être 75 m ou 100 m ou 200 m?

M. Julien: Non, je parle des principes.

M. Bergeron (Denis): Il y a une réalité. Je crois que, dans l'ensemble des propos qui vous ont été présentés dans le cadre de la commission parlementaire, c'est qu'on va se ramasser quand même avec une mosaïque de réglementations alors que, nous, on privilégie peut-être une approche par bassins versants. La suggestion qui vous a été faite tout à l'heure – de dire: pourquoi pas une norme régionalisée? – serait intéressante à élaborer. Je veux dire, si on fait une approche par bassins versants, qu'il y a une rivière qui traverse cinq MRC puis qu'on a cinq normes différentes, ça peut causer des problèmes. Alors, dans ce contexte-là, je crois que l'approche régionalisée serait intéressante.

Pour le reste, je vais vous le dire bien franchement, je n'ai pas la compétence de vous dire si c'est 50 m, 100 m, 200 m. Les élus ont fait le choix des moyens et on leur laisse.

M. Julien: Je ne parlais que des principes, je ne rentre pas dans le détail.

Le Président (M. Vallières): Bien. D'autres demandes d'intervention? M. le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Farrah: Peut-être brièvement, parce que vous faites état dans votre mémoire que l'UPA fonctionne sous la menace un peu. Vous dites que le dialogue est important alors que vous démontrez que vous tombez dans le même panneau, si c'est le cas. C'est les moyens qui sont pris. Là, si on marche par menaces d'un bord à l'autre... Vous, le moyen que vous avez pris, c'est au niveau international, juste pour dire que la guerre, il faut que la guerre se fasse d'un bord à l'autre. Moi, je trouve ça vraiment disproportionné, même dangereux. Vraiment, je ne peux pas comprendre.

Que vous ne soyez pas entendus au Québec, que le gouvernement ne vous écoute pas, je peux comprendre votre mécontentement. Que le débat se fasse chez nous dans un premier temps... Mais, prendre des forums comme celui-là juste pour montrer qui est plus fort que l'autre, quand on parle que l'objectif comme tel, c'est la recherche d'un consensus puis du dialogue, je vous dis que j'ai de la misère avec ça.

M. Bergeron (Denis): Écoutez, au plan stratégique, je pourrais vous rappeler un débat qui s'est tenu il y a peut-être cinq à sept ans puis qui portait sur l'industrie papetière au Canada puis au Québec. Je veux dire, je crois que la stratégie de groupes environnementaux qui ont plaidé au plan international que les normes environnementales appliquées à l'industrie papetière au Canada et au Québec n'étaient peut-être pas les plus adéquates ont permis d'approfondir la réflexion de l'industrie, puis de façon qu'elle puisse faire face à la concurrence au plan international. J'entends étrangement le même discours qu'on tient actuellement: Ne portez pas la chicane sur le plan international. Notre objectif, ce serait peut-être d'approfondir la réflexion puis de dire: Ah! oui, mais peut-être... comparativement à... puis effectivement il y a peut-être un problème. Je crois que ça va sûrement aider à approfondir la réflexion des producteurs puis du milieu agricole de dire: Bon, on se regarde puis il y a...

Écoutez, inversement, au plan international, on se fait plaider au niveau environnemental: la mondialisation, la globalisation des marchés. Il faut prendre le marché... On prévoit une expansion de 20 % de la production porcine au Québec. Je veux dire, inversement, il faut aussi se poser la question: Est-ce que c'est le choix de l'agriculture qu'on veut? Puis, dans ce contexte-là, si on se questionne au plan international quant au choix qui est fait au niveau du marché, c'est-à-dire la production porcine, puis le contexte québécois en fonction de ce marché-là, bien, je crois qu'on est justifié, légitimé de poser la question, dire: Est-ce que c'est le bon choix qu'on fait au plan international?

Dans ce contexte-là, je rappelle ce que j'ai dit tout à l'heure: Nous avons deux armes, nous avons le dialogue, lorsqu'on nous l'offre, puis, autrement, on a les médias. Actuellement, l'instrument qu'on a pour pouvoir plaider notre cause au plan international, c'est de poser la question. On verra la réponse. Peut-être qu'on n'entendra même pas notre plainte. Mais, actuellement, on a posé la question puis on attend la réponse.

M. Farrah: Oui, mais le débat ne devrait pas être que l'industrie du porc peut se développer dans le respect de l'environnement?

M. Bergeron (Denis): Exact.

M. Farrah: Est-ce que ce n'est pas ça que devrait être le débat plutôt que d'envoyer un signal qui est dangereux pour l'avenir de cette industrie-là?

M. Bergeron (Denis): Écoutez, la question qu'on pose à l'ALENA, c'est: Est-ce que la législation environnementale est adéquatement appliquée au milieu agricole au Québec? On ne vise pas une production en particulier, on vise globalement une problématique environnementale qui est rattachée à un secteur particulier. Alors, au milieu agricole d'approfondir sa réflexion puis d'en arriver à présenter des éléments qui fassent qu'on a tort, à la limite. Mais, le débat est là, à défaut d'avoir d'autres forums pour le faire.

M. Farrah: Et tous les Québécois paient le fait que le gouvernement ne vous écoute pas.

Une voix: C'est exact.

M. Farrah: C'est démesuré, ça. C'est démesuré.

M. Bergeron (Denis): Écoutez, inversement, c'est l'argent du public qui paie aussi pour les installations de contingences au niveau agricole.

Le Président (M. Vallières): Alors, on va terminer avec une intervention du ministre de l'Environnement et de la Faune...

M. Cliche: Oui.

Le Président (M. Vallières): ...rapidement.

M. Cliche: Oui, rapidement. Est-ce que je comprends que le député des Îles diverge d'avec le député de Laurier-Dorion qui, lui, appuyait l'UQCN dans sa démarche à l'ALENA, dans le cadre de l'ALENA? Parce que c'est une question importante. J'aimerais comprendre la position de l'opposition officielle. Est-ce que l'opposition officielle pense, oui ou non, qu'on devrait tenter de régler ce problème-là localement au lieu de tenter de porter ce problème-là sur la scène internationale?

M. Farrah: Ils sont au pouvoir, qu'ils prennent leurs responsabilités, eux autres.

Le Président (M. Vallières): Bien. Alors, je veux simplement vous indiquer que les questions doivent s'adresser aux témoins.

M. Cliche: Quant à la question de moratoire, la demande du moratoire d'audiences génériques, j'ai écrit à tous les groupes qui m'ont écrit là-dessus. Ma réponse est connue, on en a discuté à la Table Environnement-Faune, lors de l'une de nos multiples rencontres. À cette étape-ci, un moratoire ne serait pas quelque chose, une avenue que je trouverais correcte. On a resserré le cadre d'examen et, avec ce nouveau cadre d'examen, on peut assurer le public que les projets qui sont autorisés se font dans le respect de l'environnement physique et l'environnement social.

Quant à des audiences génériques, c'est bien beau, des audiences génériques, mais on n'a pas besoin d'audiences génériques pour savoir que le problème, au niveau de la pollution agricole, c'est d'avoir des plans de fertilisation pour faire en sorte que les fertilisants qu'on met sur les sols soient en équilibre avec les besoins des sols et des plantes. Je veux dire, à un moment donné, là, on fait le tour du jardin. Les solutions sont là; on connaît les problèmes. Une audience générique, à mon point de vue... Surtout dans le climat actuel, tout le monde aurait comparu devant le BAPE, se serait tapé sur la gueule, alors qu'on a une responsabilité, nous, de régler le problème. Et c'est ce qu'on est en train de faire. Je souligne, en terminant, que le fait que vous soyez ici, c'est la preuve qu'il y a un forum démocratique qui s'appelle cette commission parlementaire où on est en train de discuter avec des gens raisonnables, nous tous, dans cette salle, qui vont essayer de régler le problème et qui vont régler le problème.

Je termine là-dessus. Donc, je comprends que la position de l'opposition officielle n'est pas claire sur l'attitude à prendre par rapport à un forum international dans ce débat-là.

Le Président (M. Vallières): Bien. Alors, la question ne s'adressant pas à M. Bergeron, je veux quand même lui laisser le temps de réagir aux propos du ministre de l'Environnement et de la Faune. Ce sera votre dernière intervention, M. Bergeron.

M. Bergeron (Denis): Alors, écoutez, quant à la gestion sociale du problème qu'on vit actuellement quant à l'implantation porcine au Québec, on fait la proposition d'amender le règlement sur les évaluations environnementales de façon à abaisser le seuil d'assujettissement au niveau des unités animales de façon que, socialement, ces gens-là puissent être au courant de ce qui se passe en termes d'implantation dans leur voisinage puis qu'ils puissent avoir leur mot à dire. Quinze jours dans la Gazette officielle puis on gérerait socialement de façon beaucoup plus responsable l'implantation actuelle qu'on vit dans les régions, au Québec.

Le Président (M. Vallières): Merci. Alors, je remercie tous les participants à nos travaux d'aujourd'hui. La commission ajourne ses travaux à demain, 9 heures, même salle.

(Fin de la séance à 18 h 30)


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