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Version finale

35th Legislature, 2nd Session
(March 25, 1996 au October 21, 1998)

Thursday, April 10, 1997 - Vol. 35 N° 19

Consultations particulières sur la Proposition de principes généraux relatifs à la gestion des odeurs, du bruit et des poussières en milieu agricole


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Table des matières

Auditions


Intervenants
M. Yvon Vallières, président
Mme Cécile Vermette, présidente suppléante
M. Guy Julien
M. David Cliche
M. Robert Benoit
M. Léandre Dion
M. Michel Morin
M. Georges Farrah
M. Rémy Trudel
Mme Margaret F. Delisle
M. Benoît Laprise
Mme Hélène Robert
*M. Serge Guérin, CRIQ
*M. Gérardo Buelna, idem
*M. Charles Proulx, FPPQ
*M. Clément Pouliot, idem
*Mme Josée de Grandmont, OAQ
*Mme Claire Bolduc, idem
*Mme Jacinthe B. Simard, UMRCQ
*M. Michel Fernet, idem
*Mme Isabelle Chouinard, idem
*M. Philippe Bourque, RNCREQ
*M. Alexandre Turgeon, idem
*Mme Suzanne Hamel-Fortin, Direction régionale de la santé publique de Lanaudière
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Neuf heures onze minutes)

Le Président (M. Vallières): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation reprend ses travaux. Le mandat de la commission est de procéder à des consultations particulières et tenir des auditions publiques sur la Proposition de principes généraux relatifs à la gestion des odeurs, du bruit et des poussières en milieu agricole dans le cadre de la loi n° 23.

Alors, nous entendrons ce matin, dans l'ordre, le Centre de recherche industrielle du Québec, la Fédération des producteurs de porcs du Québec et l'Ordre des agronomes du Québec.

Juste avant de débuter la séance, nous allons vérifier s'il y a des propositions de modifications ou de changements dans les membres de la commission.

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Brien (Rousseau) est remplacé par Mme Robert (Deux-Montagnes); M. Chenail (Beauharnois-Huntingdon) est remplacé par Mme Delisle (Jean-Talon); Mme Dionne (Kamouraska-Témiscouata) est remplacée par M. Farrah (Îles-de-la-Madeleine); et M. MacMillan (Papineau) est remplacé par M. Benoit (Orford).

Le Président (M. Vallières): Bien. Alors, ceci nous amène à passer aux premiers intervenants. Vous disposez d'une vingtaine de minutes de présentation et d'une quarantaine de minutes d'échanges avec les membres de la commission. Alors, je demanderais peut-être aux représentants de s'identifier et de débuter la présentation de leur mémoire. M. Guérin.


Auditions


Centre de recherche industrielle du Québec (CRIQ)

M. Guérin (Serge): M. le Président, je suis le président-directeur général du CRIQ, le Centre de recherche industrielle du Québec. Pour la présentation de ce matin, je suis accompagné du directeur de la direction environnement, M. Paul Toupin; je suis aussi accompagné de M. Daniel Massicotte, qui est responsable des études économiques, chargé de mission au Centre de recherche industrielle du Québec; et de M. Gérardo Buelna, qui est le concepteur de la technologie que nous présentons ce matin.

Je voudrais remercier les membres de la commission de nous entendre et d'entendre, dans le cadre des préoccupations agroalimentaires et environnementales, les nouvelles technologies qui se développent dans ces domaines et qui viennent changer l'approche aux problèmes que nous connaissons et aux problèmes que nous souhaitons résoudre.

Je suis accompagné, donc, de ces gens du Centre de recherche industrielle ici, à la table, mais, M. le Président, vous avez aussi, dans cette salle, des gens qui sont partenaires, qui ont investi dans le développement de la technologie que nous allons présenter ce matin. Je voudrais souligner la présence, si vous permettez, de M. Gaétan Lafrenière, qui est vice-président de Shur-Gain, Maple Leaf et président de NPD Génétique; de M. Christian Blais, qui est directeur général de NPD Génétique; et de M. Jean-Paul Thériault, directeur général de Purdel. Est aussi avec nous ce matin, M. le Président, M. Martin Deschênes, qui est propriétaire de la Porcherie Orléans dont nous allons parler tout à l'heure au cours de la présentation, endroit où nous avons installé la technologie que nous allons commenter.

D'abord, un bref historique pour mentionner à la commission que le CRIQ travaille depuis plusieurs années en biofiltration, de fait, depuis sept ans dans ce domaine, et une technologie de biofiltration qui est appliquée au traitement des effluents polluants liquides et gazeux fortement chargés. Nos travaux de recherche couvrent plusieurs champs d'application. Depuis sept ans, on a travaillé beaucoup sur le traitement des eaux usées pour les petites municipalités et résidences isolées, le traitement des lixiviats et des odeurs associés au compostage, usines de transformation des viandes et conserveries et le traitement des fumiers et lisiers des fermes d'élevage.

À l'été 1995, nous avons mis en opération un biofiltre pour le traitement du lisier de porc. On a commencé les études dans ce domaine-là. Mais, parallèlement à ça, j'aimerais mentionner à la commission que le CRIQ a installé, donc, une technologie semblable à une usine de transformation de la viande dans la région de Saint-Hyacinthe pour traiter 50 m³ par jour d'eaux usées à partir de la même technologie. Après une année d'opération, à travers un cycle complet de quatre saisons, l'entreprise a confié au CRIQ un ajout de capacité additionnelle de traitement pour atteindre 150 m³ par jour. Un troisième projet est en cours de construction pour encore augmenter la capacité. Donc, c'est une technologie qui a déjà été éprouvée, qui fonctionne, et qui fonctionne très bien, dans le cas du traitement des eaux usées dans la transformation des viandes.

Depuis plus de quatre ans, nous nous sommes attardés davantage au lisier de porc. Nous avons commencé évidemment par un montage en laboratoire, toujours à partir de la même base technologique, la biofiltration, et, par la suite, nous avons installé deux unités-pilotes sur un site expérimental. Enfin, à l'automne dernier, nous mettions en opération une unité-pilote de taille industrielle qui traite actuellement la totalité du lisier brut généré par une porcherie naisseur-finisseur de 1 500 à 2 000 porcs produits. Cette installation – je mentionnais tout à l'heure la présence de M. Deschênes – est actuellement en opération, donc, à la Porcherie Orléans qui, déjà, expérimente le procédé depuis la fin de décembre 1996. La capacité de l'installation est de 10 m³ de lisier brut produit par jour par la porcherie. Actuellement, la capacité utilisée est de 8 m³. On a construit un peu plus grand, une capacité un peu plus élevée, pour permettre effectivement une expansion éventuelle qui est considérée par le propriétaire de la porcherie. Mais, à l'heure actuelle, la technologie performe à partir d'un volume de 8 m³ par jour.

Ces quelques remarques, M. le Président, m'amènent maintenant à vous présenter la technologie comme telle. Je voudrais simplement mentionner, avant que nous vous présentions les acétates, que le procédé qui est présenté est un procédé qui traite de traitement global du lisier, c'est-à-dire qu'on s'adresse à la fois aux odeurs, à la fois aux solides et à la fois aux liquides. Alors, ce n'est pas une technologie qui traite partiellement le lisier qui sort des exploitations des porcheries, mais c'est une technologie qui traite donc les trois dimensions du problème. Vous allez constater qu'elle performe, à ce jour, très bien, et on est très confiant d'arriver à des conclusions assez rapidement. S'il vous plaît, on va commencer avec les acétates et, au fur et à mesure, je commenterai sur la performance davantage.

(9 h 20)

Alors, actuellement, comment se passe la gestion du lisier à une porcherie? Nous avons voulu résumer, sur cet acétate, les quatre étapes de gestion du lisier et cet acétate, aussi, présente les concentrations d'odeurs à chacune des étapes. On constate que le bâtiment est responsable de 20 % des problèmes d'odeurs, la fosse comme telle est responsable de 10 % des problèmes d'odeurs, le transport, de 5 %, et l'épandage, de 65 %. Ces pourcentages sont reconnus par presque tout le monde, en fait, et ils sont basés sur une étude européenne des plaintes d'odeurs qui a été réalisée il y a quelques années, cinq ou six ans, cinq ans. Alors, on se rend compte que l'épandage, même s'il se fait à une courte période de l'année, est responsable, à cause de l'aéroaspersion, de 65 % des odeurs.

La technologie du Biosor. Le principe d'opération du biofiltre. Vous avez une coupe ici du biofiltre qui explique la présence, donc, d'un lit organique composé de tourbe, de copeaux d'écorce, qui agit comme un agent dépolluant par l'action de micro-organismes et qui transforme les substances polluantes de l'air et des liquides. À cette étape-ci – vous allez le voir tout à l'heure sur l'acétate suivante – on ne parle que du fonctionnement du biofiltre. La partie solide ayant été séparée avant l'entrée du biofiltre, alors ici on ne parle effectivement que de liquides et d'odeurs. Alors, vous avez une rampe d'aspersion, vous avez les micro-organismes et vous avez aussi l'entrée de l'air vicié du bâtiment qui est récupéré à partir de tuyaux et de ventilateurs, récupéré à partir du bâtiment et qui vient alimenter en air le biofiltre de façon à oxygéner davantage les micro-organismes. Vous avez ensuite l'eau traitée qui est récupérée à la base du biofiltre.

Le principe d'installation du biofiltre à la porcherie est le suivant. Vous avez la préfosse qui capte ce qui vient du bâtiment. Vous avez une première séparation au niveau du décanteur qui sépare, à ce moment-là, les solides des liquides. Les solides sont captés et sont isolés. Ils peuvent servir au compostage et sont digérés en anaérobie, c'est-à-dire avec absence d'air, de façon à ce qu'ils puissent décanter et se déposer correctement. Déjà à la sortie de la préfosse, vous avez la séparation des liquides et des solides. Les liquides sont ensuite circulés dans un préfiltre pour s'assurer que, s'il y a encore des solides qui sont contenus dans ces liquides malgré l'étape de décantation, on puisse les capter. Les liquides, ensuite, les plus épurés possible, sont versés dans le biofiltre et percolent dans le biofiltre jusqu'au fond et, tout le long du processus, donc, sont filtrés par la tourbe, les écorces et les composantes dont on parlait tout à l'heure.

Le biofiltre est alimenté, comme je le mentionnais, avec l'air qui est soufflé par en dessous à partir du bâtiment. On récupère l'air vicié et on alimente le biofiltre d'oxygène de cette façon. Les liquides traités peuvent être entreposés et peuvent servir aussi d'eau de lavage pour les installations, peuvent servir à l'irrigation ou peuvent tout simplement être épandus.

Qu'est-ce qu'on obtient comme efficacité? Ces mesures ont été prises au moment de l'unité-pilote. Je reviendrai tout à l'heure sur ce qu'on constate maintenant comme mesure de l'unité industrielle, appelons-la comme ça, qui est maintenant installée pour traiter le lisier à la Porcherie Orléans. Les émissions d'odeurs. On obtient de 90 % à 95 % d'élimination des odeurs; on obtient plus de 90 % au moment de l'entreposage, plus de 95 % au moment de la reprise et du transport et de 90 % à 95 % au moment de l'épandage.

Nous sommes actuellement à prendre évidemment des mesures sur l'installation industrielle qui existe à l'île d'Orléans. À date, les résultats montrent qu'on est tout près de 80 % à 85 % de performance, donc tout près de ces pourcentages, et on continue de faire les ajustements nécessaires pour augmenter encore la performance du biofiltre. On compte être capable de conclure sur les tests au cours du mois de juin. L'expérience devrait être suffisamment éloquente, à ce moment-là, pour être capable de conclure sur la performance de la technologie.

L'air à la porcherie. Les paramètres effluents gazeux, on parle, à ce moment-ci, donc, de soufre et d'ammoniac essentiellement. Alors, vous voyez les chiffres à l'entrée du Biosor, on parle de 0,03 à 0,13 de partie par million. À la sortie du Biosor, cet hydrogène sulfuré est complètement disparu. Alors, on parle d'un pourcentage d'efficacité de 100 %. De la même façon qu'on parle de 100 % dans le cas de l'ammoniac qui est de 0,05 à 1,5 à l'entrée et qui est complètement éliminé à la sortie.

Les caractéristiques du lisier. Donc, les résultats atteints. On parle de l'élimination de 90 % de la charge polluante. Si on prend la matière organique, le DBO5, à l'entrée, vous voyez que c'est de 10 000 mg/l à 20 000 mg/l et ensuite, à l'entrée du biofiltre, après la décantation, on passe de 8 500 mg/l à 13 000 mg/l et, après le traitement, on passe de 30 mg/l à 310 mg/l, une efficacité de 96 %; les matières en suspension, une efficacité de 87 %; phosphore, 85 %; et azote, 67 %. S'il y a des questions à la suite de la présentation, il nous fera plaisir d'examiner chacun de ces chiffres. Je ne voudrais pas m'arrêter trop longuement à les lire.

Alors, les matières en suspension. On voit donc le lisier brut qui passe ensuite au lisier décanté et au préfiltre et au biofiltre. Vous voyez l'efficacité. C'est une autre illustration, mais là en ce qui concerne les boues. Alors, vous avez aussi la répartition du phosphore avec une efficacité, au niveau des matières en suspension, donc, de 98 %, efficacité globale; efficacité du phosphore de 77 % à 88 % qui est constatée après le traitement des liquides.

La mise à l'échelle que nous avons faite, réalisée à l'île d'Orléans, se présente de la façon suivante. Le propriétaire possédait déjà deux fosses. Alors, nous avons réutilisé les deux fosses, la fosse 1 et la fosse 2, pour le circuit du traitement du lisier que nous proposions et on a installé le biofiltre que vous voyez. Alors, la première fosse essentiellement sert pour stabiliser les boues. Vous avez ensuite le préfiltre – je vous rappelle un peu le diagramme que vous avez vu tout à l'heure – et ensuite le biofiltre comme tel. La fosse n° 2 entrepose actuellement le lisier liquide, le traite et le désodorise, et les eaux sont récupérées.

(9 h 30)

Alors, c'est une application du modèle que vous avez vu tout à l'heure et qu'on a installé à l'île d'Orléans avec les résultats que je mentionnais, l'air qui est capté à la pouponnière et qui sert justement à alimenter en oxygène le biofiltre et qui fait en sorte que l'air vicié qui est à la section pouponnière est complètement... toutes les odeurs sont complètement éliminées.

Qu'est-ce qu'on constate en termes de coûts d'opération, parce qu'il faut bien parler de dollars, bien sûr? Alors, le gain pour les producteurs est estimé, pour une porcherie de 500 porcs produits, à 39 %, pour 2 000 à 44 %, et pour 5 000 à 53 % par rapport aux coûts de la gestion standard, c'est-à-dire aux coûts actuels, ce qu'il en coûte actuellement pour stocker le lisier, l'épandre comparé à la technologie du Biosor. Il est estimé actuellement, ce niveau de gain, par taille de porcherie. Ce sont des économies qui peuvent varier évidemment dépendant du type d'emplacement, du type d'installations auxquels on fait face. Mais je pense qu'on a là un gain réel pour les producteurs de porc par rapport à la gestion des coûts standards. Évidemment, les coûts d'immobilisation ne sont pas inclus, ce sont des coûts d'opération. Les coûts d'immobilisation ne sont pas inclus dans ces pourcentages.

Les avantages du Biosor. On parle évidemment de traitement global, donc des odeurs, des solides et des liquides. On élimine 95 % des odeurs générées par les bâtiments, le transport et l'épandage et on réduit de 90 % la charge polluante. Ce sont des avantages qui sont, je pense, recherchés de plus en plus par les producteurs pour faire en sorte que leur production soit mieux acceptée un peu partout au Québec.

On réduit environ 80 % à 85 % du volume à épandre, puisqu'on sépare, dès après la préfosse, les liquides des solides. Alors, le volume à épandre est réduit à ce moment-là de 80 % à 85 %. On diminue de façon proportionnelle ainsi les surfaces requises à l'épandage.

D'autres avantages. Évidemment, on l'a vu tout à l'heure, ça permet de contrôler le phosphore et l'azote, et on élimine les risques de pollution des sols, de la nappe phréatique et des cours d'eau par lessivage.

Il est important de mentionner que la valeur agronomique du lisier est conservée. Beaucoup d'autres technologies suggèrent toutes sortes de formes de traitement du lisier qui ne conservent pas toujours la valeur agronomique. Dans cette technologie, la valeur agronomique est complètement conservée. Ça permet également de recycler le lit organique. Évidemment, le biofiltre est fait à partir d'un lit organique composé des matières dont je parlais tout à l'heure. Au moment du remplacement du lit, ce lit-là peut servir comme amendement au sol. Évidemment, c'est un amendement qui est très enrichi puisqu'il a reposé pendant une période d'à peu près un an. Donc, le biofiltre peut être utilisé comme un amendement intéressant pour le sol.

La technologie s'adapte aux installations actuelles. On a vu l'exemple de la Porcherie Orléans. Il s'agit d'un système simple d'opération et peu complexe également en termes d'entretien. Ce n'est pas une technologie qui demande des équipements technologiques poussés. On parle essentiellement de pompes et d'installations mécaniques; pour le reste, le procédé fonctionne à partir d'un mécanisme de biofiltration. Alors, il n'y a pas de complexité à l'opération ni à l'entretien.

Évidemment, je voudrais mentionner ici ceux qui ont collaboré à l'élaboration de cette technologie. Je mentionnais qu'on travaille déjà depuis sept ans en biofiltration et depuis cinq ans en particulier dans le domaine du lisier. Cette recherche a été faite avec la collaboration technique de Bell Environnement, de l'École des mines d'Alès de France et de l'Université Laval qui a été d'un support très important dans ces travaux.

Évidemment, il a fallu financer cette recherche. Le Conseil des recherches en pêche et en agro-alimentaire du Québec fait partie de la liste de ceux qui ont financé cette recherche; la Coopérative fédérée du Québec; le Centre de recherche industrielle du Québec, évidemment nous-mêmes avons mis de l'argent dans cette recherche; la Fédération des producteurs de porcs du Québec aussi a été associée financièrement à cette recherche; Génétique NPD; le MAPAQ lui-même; et la Porcherie Orléans, bien sûr, qui a dû modifier un peu ses installations et pour laquelle il y a eu un certain nombre de coûts qui ont été encourus pour installer cette technologie.

D'autres ministères du gouvernement, le ministère des Relations internationales a appuyé, à travers l'entente que nous avons faite avec les mines d'Alès, l'évolution de cette technologie. Je veux mentionner aussi la municipalité de Sainte-Famille à l'île d'Orléans qui a appuyé ce projet et le comité de citoyens qui s'est prêté aux tests en particulier du côté des odeurs que nous avons faits au moment de l'installation de l'unité-pilote. Ils se sont prêtés à un certain nombre de tests et ils ont constaté eux-mêmes que, déjà au stade de l'unité-pilote, on pouvait éliminer les odeurs. Alors, je voudrais souligner leur participation, de même que l'Union des producteurs agricoles qui a appuyé ce projet et continue, d'ailleurs, de l'appuyer.

Le Président (M. Vallières): Alors, M. Guérin, je ne sais pas si ça termine votre présentation, à tout le moins, on a excédé de quatre à cinq minutes le temps qui était alloué. Peut-être en concluant et, ensuite, on pourrait passer aux échanges.

M. Guérin (Serge): En concluant, M. le Président, j'aimerais effectivement faire un certain nombre de remarques quant au projet de réglementation qui est déposé et qui est étudié par cette commission. Je dirais simplement que ce que nous suggérons ici est une approche de traitement global du lisier et des odeurs et une approche qui fait toute la différence par rapport à la gestion actuelle, bien sûr, et qui invite, je pense, davantage à contrôler, donc, les résultats de l'installation de telle technologie plutôt que de chercher à définir les infrastructures en amont du traitement du lisier.

Il y a un certain nombre de choses qui probablement vont être définies dans la réglementation si l'approche demeure la même, mais sur lesquelles nous nous interrogeons un peu. Actuellement, il y a tout l'aspect du facteur d'atténuation qui probablement sera défini dans l'avenir, mais, pour l'instant, on essaie de voir quels seraient les facteurs effectivement d'atténuation dans le règlement si le règlement demeure comme il est. Peut-être une suggestion pour mentionner que ce facteur d'atténuation devrait être mesurable pour éviter toute interprétation arbitraire. Autrement, j'ai l'impression que les discussions pourraient se poursuivre encore longtemps si les facteurs ne sont pas mesurables.

On salue, d'autre part, avec évidemment beaucoup d'intérêt les provisions qui ont été faites par le gouvernement dans le dernier budget pour faire en sorte que des fonds soient disponibles pour appliquer toute nouvelle technologie ou toute nouvelle approche dans ce secteur-là. Ce qui devra venir cependant, c'est une identification assez claire des voies et moyens par lesquels on va pouvoir mettre en place les programmes nécessaires pour permettre la pénétration, l'installation de technologies telles que le Biosor.

(9 h 40)

M. le Président, on pense que cette technologie... Et on a commencé à le faire, d'ailleurs, c'est assez curieux, même avec des gens de Sainte-Luce. Vous savez qu'à Sainte-Luce il y a un problème important, il y a un débat important, comme à bien d'autres endroits au Québec, mais il y en a un en particulier important là-bas, on a commencé à faire de la médiation technologique. On nous a invités à présenter notre technologie. Les représentants des comités de citoyens qui, je pense, jusque-là, s'opposaient à toute nouvelle construction dans ce secteur-là sont venus encore cette semaine s'entretenir avec nous et visiter des installations de l'île d'Orléans. Je peux vous dire que la réception, la réaction de ces gens à cette nouvelle technologie et à ce qu'ils ont vu à l'île d'Orléans a été très positive. Je pense que des discussions mieux éclairées maintenant ont commencé après cette visite entre ceux qui proposent l'installation de porcheries et ceux qui s'y opposaient à venir jusqu'à maintenant, simplement parce qu'ils ont maintenant une meilleure connaissance des capacités de telles technologies.

Le Président (M. Vallières): Alors, merci.

M. Guérin (Serge): J'arrêterai là mes commentaires, M. le Président.

Le Président (M. Vallières): Oui, merci. Alors, j'ai des demandes d'intervention qui vont certainement porter, entre autres, sur les coûts de votre système, on n'en a pas beaucoup entendu parler. Alors, je vais passer immédiatement la parole au ministre de l'Agriculture.

M. Julien: Merci, M. le Président. M. Guérin et votre équipe, d'abord, merci de votre présentation. J'ai eu d'ailleurs le plaisir d'aller visiter les installations à Orléans, ça m'avait impressionné, comme j'ai vu d'autres technologies aussi. C'est important qu'on ait des présentations comme la vôtre aujourd'hui dans nos commissions pour faire en sorte de voir qu'il y a des technologies qui pourraient répondre à des problématiques très particulières. On en est conscient, tout le monde, qu'il y a des choses à faire, mais qu'on peut le traiter par des nouvelles technologies.

Il y a deux questions que je veux vous poser. Évidemment, M. le Président vient de le mentionner, il y a la question des coûts. Ça, j'aimerais ça qu'on en parle un peu, soit sur une entreprise déjà installée ou une entreprise qui va s'installer.

Deuxièmement, vous avez mentionné dans votre présentation que le Biosor, par exemple, réduit de 90 % à 95 % les problèmes d'odeurs. J'aimerais savoir comment vous mesurez ça. Avez-vous un appareil ou sur quels paramètres vous vous basez pour identifier ces éléments-là?

M. Guérin (Serge): Sur la question des coûts comme tels, on a mentionné que, si on compare la gestion standard, donc gestion actuelle, à ce qu'on propose, il y a des économies de 35 % à 55 %. Il y a l'avantage aussi de réutiliser les infrastructures actuelles. On l'a vu dans le cas de l'île d'Orléans.

Essentiellement, cette différence vient du fait de la séparation des liquides et des solides dès la sortie de la porcherie. Si on traite 85 % de ce qui sort de la porcherie, qui est la partie liquide, donc cette partie-là, on n'a plus à la transporter, on a moins de mouvements à faire, on a moins de déplacements à faire. Donc, il y a une économie là qui est très importante en termes de coûts d'opération.

En termes de coûts d'immobilisation, si on regarde les porcheries qui existent et auprès desquelles on voudrait installer cette technologie, donc on réutilise des infrastructures, évidemment ça dépend de la porcherie, ça dépend du type d'installations qui existent, ça dépend de la taille, ça dépend de bien des facteurs, mais ce qu'on peut dire, c'est que, à même les économies qui sont faites à partir des coûts d'opération, il y a certainement une bonne marge des coûts d'immobilisation qui peuvent être financés à même les économies faites sur les coûts d'opération. Quand on parle de 35 % de diminution de coûts d'opération, il y a certainement là une bonne partie du financement pour les immobilisations qui seraient requises, les immobilisations requises, comme je viens de le mentionner, dépendent du type d'installations qu'il y a sur place. On ne peut pas établir un seul prix pour toutes les installations. Il n'y a pas une installation qui est évidemment dans le même état et configurée exactement de la même façon.

Alors, si on compare, maintenant... Supposons une nouvelle porcherie qui s'installe et on veut installer ce concept-là. Par rapport aux immobilisations actuelles qui sont requises en fonction de la réglementation actuelle, c'est, je pense, tout à fait comparable par rapport aux coûts que doivent débourser actuellement les producteurs qui démarrent une nouvelle installation. C'est probablement légèrement plus cher que les installations actuelles requises, mais, avec des économies de coûts d'opération comme ceux-là, je pense qu'il y a là matière à financer une bonne partie des immobilisations.

M. Julien: Et l'autre question que j'avais posée, c'est...

M. Guérin (Serge): Sur l'odeur, je vais demander à M. Buelna de commenter sur les outils de mesure des odeurs.

Le Président (M. Vallières): Oui, M. Buelna.

M. Buelna (Gérardo): La mesure des odeurs a été faite en utilisant autant des méthodes analytiques, dans les cas de l'air vicié, méthode analytique, et des méthodes sensorielles, donc des méthodes olfactométriques. Méthode analytique pour mesurer particulièrement le H2S, qui est une source assez importante d'odeurs, et l'ammoniac. La méthode sensorielle a été utilisée à l'aide d'un panel, d'un jury composé d'une douzaine de personnes, qui nous a permis de valider les mesures analytiques ayant été faites auparavant.

Dans le cas du lisier en tant que tel, l'odeur est associée directement à la charge polluante, donc la charge organique, la charge azotée, la charge soufrée. En réduisant de plus de 95 % la concentration de la charge organique, principalement en termes de DBO5, nous avons obtenu un lisier traité et désodorisé, donc absent d'odeur. Ce sont ces valeurs qui nous permettent donc d'établir le pourcentage de désodorisation d'une valeur de 95 %.

Le Président (M. Vallières): Merci. J'aurais peut-être une question à M. le président. M. le ministre vous a posé quelques questions sur les coûts, mais, en termes de calendrier d'implantation, une pareille technologie, à partir de deux types de fermes, des fermes existantes et celles qui s'implanteraient, est-ce que vous avez fait des recherches là-dessus? Est-ce que vous connaissez le problème qui sévit au Québec? Est-ce que réalistement... Parce que l'approche que vous proposez... Je voyais un peu, en conclusion de votre document, vous dites que le gouvernement devrait réagir rapidement afin d'identifier les voies et les moyens facilitant l'introduction de telles technologies. Vous semblez privilégier cette voie-là plutôt qu'une voie de type réglementaire pour éviter des problèmes dans le contexte actuel. Est-ce que cette technologie-là pourrait, dans le cadre de la problématique à laquelle la commission s'adresse, intervenir suffisamment rapidement pour que nous n'ayons pas à mettre en place toute une série de réglementations, ce qui est l'objet de la présente commission?

M. Guérin (Serge): Ce que j'ai mentionné et que je vais commenter davantage, c'est que, dans le cas de l'île d'Orléans, nous aurons des résultats sur lesquels nous pourrons tirer des conclusions dès le mois de juin. L'objectif du Centre de recherche industrielle du Québec avec deux partenaires majeurs, qui s'appellent NPD Génétique et la Coopérative fédérée du Québec, est de commercialiser cette technologie dès que les résultats seront concluants. Donc, très rapidement, commencer certainement à la commercialiser au cours de cette année. Elle n'est pas complexe à installer, elle ne requiert pas des approvisionnements compliqués en équipement non plus. Donc, au fur et à mesure, dès qu'il nous sera possible de le faire, nous allons commencer à la rendre disponible sur le marché. Nous souhaiterions, si c'était possible, poursuivre déjà, dès l'été qui vient, avec deux autres installations précommerciales, un peu du type de celle de l'île d'Orléans, et commencer tout de suite, je dirais, à prendre les commandes pour l'an prochain pour l'installation de nouvelle technologie, pour l'installation de biofiltres un peu partout au Québec.

(9 h 50)

Donc, elle va être disponible très rapidement. Je dois dire – et avec tout le respect que j'ai évidemment pour les autres technologies et ceux qui travaillent à d'autres technologies, et c'est fort intéressant de voir qu'il y a autant de gens qui sont préoccupés par ce problème et tentent de mettre au point de nouvelles technologies – dans les autres cas, les technologies sont soit partielles, traitent une dimension seulement du problème et non pas les trois dimensions du problème, et dans tous les cas vont prendre encore à peu près un an à un an et demi avant d'être proposées. Ce qui est proposé actuellement, c'est des technologies qui traitent partiellement le problème.

Alors, on sera prêts très rapidement à mettre en marché cette technologie. Je pense qu'on devrait avoir un cadre fixé par le gouvernement pour faciliter la mise en place de cette technologie. Dès que ce cadre-là sera disponible et que les règles du jeu seront disponibles, nous, ce que je vous dis, c'est que nous serons prêts à la rendre disponible rapidement.

Le Président (M. Vallières): Bien. Il y aura certainement des choix. Il y a plusieurs présentations qui se font. Tous les traitements sont vantés pour leurs qualités. Il y aura peut-être beaucoup de boulot pour le ministre de l'Environnement pour choisir les bons systèmes. J'ai une demande d'intervention du député d'Orford.

M. Benoit: Oui. D'abord, au nom de notre formation politique, merci d'être ici aujourd'hui, M. Guérin, avec votre équipe. Votre réputation est grande, alors on doit vous écouter avec beaucoup d'attention.

La première question. Je suis un peu surpris. Depuis deux, trois jours, on écoute différents groupes venir nous parler de différentes technologies. C'est très heureux de voir que tant de gens regardent cette avenue-là comme étant possiblement la solution au développement de l'industrie porcine, qui est une industrie importante – on connaît tous les chiffres – qui n'a pas crû probablement aussi vite que dans les autres provinces parce qu'il y a des mouvements un peu partout qui la ralentissent, et c'est l'histoire des sociétés. Ceci dit, on pense, comme bien d'autres, que ça passe par la technologie, et vous êtes probablement dans la bonne direction.

Ceci dit, je suis un peu surpris, après trois jours maintenant – il nous en reste quelques-uns – de voir qu'on semble refaire l'histoire. Est-ce que vous avez finalement – c'est là la question – un peu regardé ce qui se passe en Europe, ce qui se passe aux États-Unis, ce qui se passe probablement en Asie aussi dans la recherche? Est-ce qu'on part de zéro et on recommence? Ça serait là ma première question.

M. Guérin (Serge): D'abord, il faut comparer aussi les réglementations. Il y a certains pays d'Europe qui commencent à renforcer leur réglementation, mais, à venir jusqu'à maintenant, la réglementation était moins exigeante ou peu exigeante. Graduellement, évidemment il se passe en Europe en particulier ce qui se passe partout ailleurs, c'est que beaucoup de pressions des citoyens apparaissent et, donc, les réglementations sont en train d'être modifiées assez rapidement. Ces modifications de réglementation amènent donc les gens à se pencher sur des solutions technologiques.

Je dois dire que ce qui existe ailleurs, on parle très souvent de traitements partiels, ce n'est pas un traitement global du problème. Ce sont des traitements qui sont partiels et qui, donc, ne corrigent pas vraiment le problème. La recherche qu'on a faite – et je vais laisser M. Buelna commenter davantage – les recherches qu'on a faites sur l'existence d'autres technologies nous démontrent que dans l'approche d'un traitement global, sur les trois dimensions du problème dont j'ai parlé, je crois que nous sommes le seul centre qui ait développé une approche comme celle-là dans le monde. Alors, c'est dire comment les autres sont partiels à des degrés divers, avec des performances très, très variables qui, dans le fond, évoluent selon les réglementations qui sont imposées ailleurs. Gérardo, veux-tu commenter davantage?

M. Buelna (Gérardo): Oui, je pourrais rajouter quelque chose. On a réalisé, au cours de l'année 1991-1992, une étude pour le ministère de l'Environnement du Québec visant à identifier justement les technologies de désodorisation disponibles existant un peu partout dans le monde, que ce soit au stade commercial ou au stade de développement. On s'est aperçu qu'effectivement il y avait une soixantaine, sinon plus de technologies disponibles. Toutes ces technologies-là ont été évaluées en termes des coûts et en termes d'efficacité pour désodoriser le lisier.

Ce qu'on s'est aperçu, c'est qu'effectivement la plupart des technologies s'attardaient à une dimension du problème. On pourrait intervenir au niveau du bâtiment et régler 20 % du problème, mais le problème reste tout entier au niveau de l'épandage et ça représente 70 % du problème. Dans ce sens-là, on se dit que ça serait très important et nécessaire de développer une technologie qui solutionne d'une façon globale la problématique du lisier. Ça, c'est le côté technique, le côté complexité.

L'autre dimension du problème, c'est le côté économique. Il y a des centres régionaux de traitement qui ont été identifiés et qui font, disons, un traitement un peu plus complet du lisier. Mais à quels coûts? Notre proposition, notre technologie a une caractéristique importante. Elle s'applique à la ferme et à des coûts accessibles pour le producteur. Le côté économique des technologies a, jusqu'à présent, à notre avis, limité l'implantation technologique, ce qui a eu comme résultat aussi de ne pas permettre de solutionner le problème. C'est pourquoi on est rendu là.

Le Président (M. Vallières): Merci. Oui, M. le député d'Orford.

M. Benoit: Oui. Très bien. L'approche historique qui a été prise, autant dans la production porcine que dans d'autres, ça a été de contenir dans des fosses les fumiers et éventuellement l'étendage. Dans le dernier budget que le gouvernement annonçait, il y avait une augmentation des sommes disponibles pour ces fosses à purin. Je pense que le ministre de l'Agriculture pourrait nous confirmer ça. Il y a des gens qui sont venus nous voir depuis deux jours, et on pourrait, je pense, à toutes fins, éliminer ces fosses à purin. Je pense à un groupe, entre autres, qui fait du compostage.

Je me disais: Finalement, est-ce qu'on s'en va dans la bonne direction en essayant d'inviter des producteurs à augmenter leur capacité de stockage des purins? Est-ce que les sommes qu'on nous annonce... En d'autres mots, les agriculteurs, si on regarde un peu en avant, est-ce qu'on les envoie dans la bonne direction en disant: Stockez vos purins, alors qu'on peut les traiter ou on peut les composter ou, enfin, vous le dites vous-même, il y aurait 60 technologies différentes à travers le monde?

M. Guérin (Serge): Bien, écoutez, nous, je pense que l'approche qu'on propose, c'est de les traiter effectivement et de faire en sorte que soit des installations existantes ou des installations à venir servent au traitement plutôt qu'au stockage et à l'épandage. Il y aura toujours une phase où il va falloir stocker, quand bien même... Quand on parle des solides, par exemple, il faut les laisser reposer pendant une douzaine de mois avant de les épandre, sur la base de la technologie qu'on propose. Alors, il va falloir toujours avoir des capacités séquentielles de stockage avant de disposer du lisier. Mais, nous, l'approche qu'on recommande effectivement, c'est le traitement et donc d'agir en amont du problème et de ne pas mettre en place toute une infrastructure compliquée pour gérer les conséquences du problème, mais plutôt d'agir en amont du problème avec une technologie qui traite les trois dimensions.

M. Benoit: Tout le débat, quand on parle de technologie, il est alentour des coûts-bénéfices. Vous nous démontrez que, dans votre cas, les trois aspects... Donc, il y a bénéfices. Il n'y a aucun doute. La question qu'on peut se poser maintenant, c'est: Est-ce que le coût est, toutes proportions... trop élevé ou moins élevé? J'imagine, quand on approche des agriculteurs en ce moment, leur première question, bien sûr, c'est les coûts. Ça leur coûte relativement peu pour étendre ça dans leurs champs, quoiqu'il y a des coûts de storage, d'accumulation assez importants.

(10 heures)

Vous avez répondu... J'ai dû d'ailleurs m'absenter, là. J'avais des jeunes de mon comté ici, des jeunes sportifs qui... Bon, enfin, j'ai dû m'absenter pendant quelques minutes. Vous avez parlé des coûts. J'aimerais ça qu'on y revienne parce que je pense que c'est là un joint important dans tout le débat. Je parlais à d'autres groupes de développement en technologies qui sont venus plus tôt, dans les deux dernières journées, et, quand on les rencontrait dans les corridors, par la suite, les gens nous disaient: Oui, mais, quand on va voir les agriculteurs en ce moment, il y a une très grande résistance. Oui, il y a une ferme ici puis une autre là qui s'essayent, mais, dans l'ensemble, il y a une très grande résistance au niveau du coût. Comment vous êtes capables de transgresser cette résistance-là? Est-ce que c'est seulement parce que le législateur va mettre un règlement tellement fort ou est-ce que vous êtes capables de faire une vente auprès de ces gens-là? Comment vous êtes capables de transgresser ce mur, en ce moment, chez l'agriculteur?

M. Guérin (Serge): Bien, écoutez, l'approche qu'on propose, je le démontrais tout à l'heure, permet des économies, par rapport à ce que ça coûte actuellement pour un producteur, de l'ordre de 35 % à 55 % au niveau de ses coûts d'opération. Ce que je mentionnais également, c'est que ce gain sur les coûts d'opération peut certainement financer une partie des immobilisations additionnelles qu'il devra installer, puisque, s'il est en opération, il a donc ses installations actuelles, donc il devra installer des morceaux additionnels. On l'a vu dans le cas de l'île d'Orléans, on a installé un biofiltre après avoir réutilisé cependant les deux fosses qui existaient déjà. Ce coût-là, on dit qu'il peut être financé à même les économies de coûts d'opération.

Dans le cas des nouvelles porcheries, on dit que c'est un coût comparable, en termes d'immobilisation, à ce que ça coûte sur la base des obligations de la réglementation actuelle. C'est probablement légèrement plus cher en termes de coûts d'immobilisation, mais, encore là, si les coûts d'opération sont diminués par la suite, il y a certainement un avantage pour le producteur à installer telle technologie.

Nous, écoutez, on a eu énormément d'échanges avec les gens de la Fédération, avec les gens qui sont dans le milieu. On a comparé les structures de coûts en détaillant chacune des composantes des coûts. Ils sont tout à fait en accord avec notre approche et personne ne conteste qu'effectivement cet ordre de grandeur là, en termes d'économies, est possible. On a vraiment testé élément par élément avec des gens qui sont dans les opérations et on a la conviction que c'est possible.

Une voix: Dernière question.

Le Président (M. Vallières): Il reste moins de 10 minutes à nos travaux. J'ai déjà des demandes d'intervention du ministre de l'Environnement, des députés de Saint-Hyacinthe, de Nicolet-Yamaska et de Saint-Jean. Il me semble évident qu'on ne pourra pas y aller avec tout le monde. Alors, peut-être passer au ministre de l'Environnement et peut-être, par la suite, une courte intervention, en terminant, du député d'Orford. Alors, M. le ministre de l'Environnement.

M. Cliche: Je vais essayer d'être le plus bref possible pour, tentativement, laisser la parole à mes collègues. Juste une remarque sur la suite des événements.

En juin, à partir des résultats que vous aurez, nous serons en mesure de procéder, je l'espère, rapidement à l'analyse de l'homologation de votre technologie. L'inconnue à cette étape-ci, c'est la qualité de l'eau et les contenus en phosphore et en azote-nitrate de l'eau qui est produite. C'est là la question: Est-ce qu'on va vous permettre d'envoyer l'eau directement dans le pluvial, dans les cours d'eau, ou est-ce qu'on va exiger que l'eau soit épandue sur des sols ou traitée d'une autre façon? Je veux juste qu'on s'entende que c'est la seule inconnue, en ce qui nous concerne, quant à votre technique.

M. Guérin (Serge): Juste un commentaire à ce sujet-là. C'est pour ça qu'on a parlé d'eau d'irrigation, d'eau d'épandage, et qu'on éliminait les risques de lessivage. Alors, quand on parle de lessivage, évidemment on parle des pluies. On est au moins à cette étape-là. Ce qu'on vise cependant, et on essaie de le mesurer au fur et à mesure qu'on procède aux tests à l'île d'Orléans... Alors, déjà, ça peut servir d'eau d'irrigation, d'eau de lavage, et on élimine les problèmes au niveau du lessivage, ce qui est déjà beaucoup, je pense. Ce qu'on vise maintenant, c'est de voir si on peut ajuster la technologie pour faire en sorte d'aller jusqu'à effectivement avoir la possibilité d'envoyer cette eau-là même dans les rivières. Elle serait assez pure, à ce moment-là, pour l'envoyer même dans les rivières.

On n'est pas tout à fait rendu là, mais on est rendu à ce niveau d'ajustement là. C'est déjà, je pense, un progrès énorme, mais tant mieux si on y arrive. C'est le genre de test qu'on conduit jusqu'en juin pour voir si on est capable d'arriver aussi jusqu'à ce degré de performance.

Le Président (M. Vallières): Merci. M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: Oui. J'aurais eu plusieurs questions à poser sur l'aspect technique pour bien comprendre toutes les étapes du processus, mais ce que je remarque, c'est que le processus a quelque chose de particulier, c'est qu'il est relativement peu violent et semble exiger relativement peu d'énergie externe pour fonctionner, c'est une grande qualité, et, en plus de ça, il s'adapterait à des unités de production relativement limitées. Mais est-ce qu'on peut conclure, à partir de votre exposé, qu'à partir du moment où on a des lisiers traités comme ça il devient non nécessaire de parler de distance d'épandage et de ces choses-là? Ces règlements-là deviennent non applicables ou, en tout cas, non utiles? C'est quoi, la relation qu'il y a entre cette technologie-là et les contraintes qui semblent nécessaires dans la pratique actuelle de l'élevage du porc?

M. Guérin (Serge): Écoutez, il est sûr qu'à ce moment-là, si le problème est traité en amont, vous aurez moins besoin de contrôler sa gestion en aval. Si vous éliminez et si vous arrivez à des niveaux de performance comme ça en amont, bien là ce n'est plus la même approche. Ce que vous avez à contrôler sûrement en aval, et je pense que tout le monde voudra être rassuré là-dessus, c'est sur ce qui ressort de ça. On parlait de la qualité de l'eau tout à l'heure, c'est un élément. C'est le résultat qu'il faut contrôler, davantage que les moyens, si vous avez un traitement qui performe en amont. S'il y a une différence d'approche, je pense qu'elle est là. Mais, à partir du moment où on est rassuré qu'en amont on a une technologie qui traite correctement, là on peut se concentrer effectivement sur le contrôle des résultats plutôt que sur le contrôle des installations et une réglementation qui devient complexe. Je pense qu'on peut simplifier l'approche, certainement, si on est en mesure de garantir le traitement en amont.

Vous parlez d'énergie. Effectivement, ce n'est pas une technologie qui est consommatrice d'énergie. On parle simplement d'installation de pompes et de ventilateurs sur le plan mécanique. Pour le reste, c'est biologique. Alors, c'est une transformation biologique qui s'opère. On ne parle pas de consommation d'énergie ou d'équipements complexes, d'aucune façon.

Le Président (M. Vallières): Merci. M. le député de Nicolet-Yamaska, rapidement.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Merci, M. le Président. Dans le fond, je ne veux pas répéter, vous poser les mêmes questions que les autres ont demandées tantôt, mais, au niveau des coûts, j'aimerais ça qu'on y revienne juste un petit peu. Pour une porcherie, mettons, de 2 000 porcs, quelqu'un qui décide d'employer cette technologie-là, je ne vous demande pas des chiffres à plus ou moins 100 $, mais à plus ou moins 1 000 $ près, ça pourrait ressembler à quoi, comme investissement, comme immobilisation?

M. Guérin (Serge): Ce que je peux vous dire, c'est que c'est très semblable aux coûts actuels, aux coûts qui seraient exigés en fonction de la réglementation actuelle. Sur le plan des économies de coûts d'opération, bien évidemment, plus la taille est importante, plus le pourcentage d'économie sur les coûts d'opération est réalisé, c'est bien évident. Mais c'est comparable à ce qui serait demandé en fonction de la réglementation actuelle.

Vous comprendrez qu'il est difficile pour nous de fixer un prix au moment où il nous reste encore des étapes à franchir et dans le contexte où on est forcément en concurrence avec d'autres technologies. Les autres promoteurs de technologies vont vous dire la même chose là-dessus. Quand on aura tous nos tests, on pourra fixer effectivement des prix clairement. On le donnera. Mais ce que je peux vous dire, c'est que c'est comparable à ce que ça coûterait si on appliquait la réglementation actuelle.

Le Président (M. Vallières): Merci. Une dernière intervention du côté de l'opposition. M. le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Farrah: Oui, merci, M. le Président. J'ai écouté le début de votre présentation. Je m'excuse, j'ai dû quitter pour une commission parlementaire en haut sur Hydro-Québec, alors c'est la raison pour laquelle j'ai dû m'absenter.

(10 h 10)

Moi, c'est par rapport à vos suggestions et recommandations au niveau du facteur d'atténuation. Ce qui est intéressant, c'est qu'on se rend compte qu'il y a de plus en plus de nouvelles technologies qui peuvent faire en sorte justement qu'on puisse développer l'industrie porcine de façon plus acceptable au niveau environnemental. À ce moment-là, vous suggérer quoi? Que la réglementation puisse être relativement flexible, dans le sens que, pour un producteur qui aurait une technologie acceptable au niveau environnemental, on pourrait faire en sorte que des normes soient plus souples et que, par conséquent, ça devienne un incitatif pour le producteur de pouvoir s'équiper d'équipement de cette nature-là pour justement favoriser une meilleure harmonie au niveau du développement durable?

M. Guérin (Serge): Bien, évidemment, ces technologies-là, à partir du moment où elles sont disponibles et puis à partir du moment où on décide de... plus accessibles, mais accessibles, ce sera toujours aussi une... Il y a deux questions: il y a une question, d'abord, d'homologation, de reconnaissance des technologies, et il y a une question aussi de coûts.

M. Farrah: C'est ça. Accessibilité, c'est ça.

M. Guérin (Serge): Le coût, bien, c'est le marché qui va le déterminer, c'est bien sûr. Si on arrive avec une technologie qui triple les coûts d'opération ou qui les multiplie par cinq ou par huit, et je sais qu'il y a des technologies qui sont imaginées actuellement qui pourraient provoquer des coûts de cet ordre-là, des augmentations de coûts de cet ordre-là, alors c'est sûr, je n'ai pas l'impression que ça va faire long feu sur le marché, le producteur ne voudra jamais s'équiper avec des...

Alors donc, il va y avoir une saine gestion, là, des choix par les producteurs qui va être essentiellement sur les coûts. Alors, le marché va faire son travail, et je pense que c'est normal que ce soit ainsi. Cependant, c'est qu'il faut permettre que des technologies comme ça, que des nouvelles technologies arrivent et que des nouvelles technologies puissent être effectivement disponibles. Je pense qu'on ne perd pas, personne; on gagne, tout le monde, si on permet que davantage de solutions, de propositions de solution aux problèmes soient disponibles.

Maintenant, on ne peut pas, j'imagine, permettre n'importe quoi non plus. Alors donc, nous, ce qu'on suggère plutôt comme approche, c'est davantage de gérer les résultats de ces technologies-là en étant suffisamment permissif à l'entrée, c'est-à-dire en en homologuant suffisamment pour que les producteurs aient un choix, qu'il y ait une variété de technologies, que les producteurs aient un choix, qu'ils déterminent ce qui leur convient le mieux, et qu'on agisse davantage sur la contrôle de la sortie de ces technologies-là plutôt que de déterminer en amont ce qui est requis pour gérer le problème.

M. Farrah: Puis au niveau de la souplesse dans le réglementation?

M. Guérin (Serge): Bien, écoutez, là, à ce moment-là, ça veut dire qu'évidemment la réglementation doit être adaptée en fonction de l'approche qu'on décide. Si on décide de favoriser la disponibilité de la technologie et de contrôler des résultats en aval, bien j'imagine qu'on adapte la réglementation de façon à accepter cette approche-là, de façon à encadrer cette approche-là, j'imagine.

M. Farrah: Et, par conséquent, ça peut donner un incitatif. Il va de soi, hein?

M. Guérin (Serge): Évidemment. Évidemment que ça peut devenir un incitatif. Je pense qu'on a tous intérêt à mettre des incitatifs qui vont régler ce problème-là en place. Alors, que ce soit une approche de technologie, que ce soit une approche de gestion de résultats, les deux combinées, je pense qu'on a tous intérêt à faire en sorte qu'on puisse régler ce problème et permettre à cette industrie de continuer à produire, de se développer et d'exporter.

Il y a un potentiel d'exportation extraordinaire pour cette industrie-là qu'on est obligé de restreindre à l'heure actuelle parce qu'on n'a pas les technologies qu'il faut pour régler le problème. Alors, le potentiel économique, on est obligé presque d'y renoncer, à l'heure actuelle, parce qu'on n'a pas les technologies qu'il faut. Alors, ouvrons la porte à plus de propositions de solution de façon à permettre à ce secteur économique là de se développer.

Le Président (M. Vallières): Il nous reste très, très peu de temps. Oui.

M. Farrah: En terminant, là, vous avez aussi démontré un exemple intéressant au niveau de la médiation, faire en sorte d'amener une meilleure cohabitation, là, quand les gens sont informés puis... Alors, je pense que c'est une approche intéressante. C'est une expérience qui peut servir, sûrement.

M. Guérin (Serge): Bien, nous, on le pratique à chaque fois qu'on nous le demande, en tout cas.

Le Président (M. Vallières): Merci. Une très, très courte intervention du ministre de l'Environnement.

M. Cliche: Une intervention technique, là, parce que, dans le règlement, dans ce qui est présenté sur la table, les techniques influencent la charge d'odeurs, et la charge d'odeurs diminue d'autant qu'on utilise une technologie homologuée et reconnue qui diminue les odeurs, ça va de soi, tant au niveau des lieux de production, tant au niveau des lieux d'entreposage et tant au niveau des techniques de l'épandage. Ipso facto, ça favorise la mise en place de techniques qui diminuent les impacts.

M. Farrah: Sauf que les municipalités peuvent conserver la norme maximale au niveau de la fourchette.

(10 h 20)

M. Cliche: Ça, c'est le facteur d'usage. Le facteur d'atténuation dont il parle, c'est le facteur qui est dans la formule, dans la méthodologie pour diminuer la charge d'odeurs. Autrement dit, s'il y a un chapeau par-dessus une citerne, ça diminue la charge d'odeurs et il y a un facteur d'atténuation. Si on épand le lisier, même non traité, avec des fourchettes qui intègrent dans le sol, il y a un facteur d'atténuation qui atténue la charge d'odeurs.

Le facteur d'usage, c'est une autre chose. Le facteur d'usage, c'est une fois que tu as ta charge d'odeurs, c'est la décision que l'on prend par rapport à l'usage qui est fait à proximité de ces lieux d'épandage, lieux d'entreposage, le facteur d'usage du territoire par les humains.

Le facteur d'atténuation, c'est une chose, c'est la technique. Le facteur d'usage, c'est la décision prise eu égard à l'usage qui est fait du territoire.

Le Président (M. Vallières): Merci. M. Guérin, merci beaucoup de votre présentation, de même que les gens qui vous accompagnaient. Certainement que nous aurons l'occasion de nous pencher à nouveau sur cette technologie que vous venez de nous présenter. On vous remercie.

M. Guérin (Serge): Merci.

Le Président (M. Vallières): Alors, je demanderais au prochain groupe de s'approcher, mais je ne suspends pas les travaux, nous sommes déjà en retard. Par voie de conséquence, on procède rapidement à la désinstallation et nous continuons nos travaux.

À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, je demanderais à la Fédération des producteurs de porcs du Québec de bien vouloir prendre place.

M. Proulx, est-ce que vous avez un mémoire en main? Oui?

M. Proulx (Charles): Ça s'en vient.

Le Président (M. Vallières): Très bien. Alors, M. Proulx, je vais vous demander de commencer à nous présenter votre mémoire. Pendant ce temps-là, on va le distribuer aux députés qui sont autour de la table; c'est déjà débuté. Alors, M. Proulx, la parole est à vous.


Fédération des producteurs de porcs du Québec (FPPQ)

M. Proulx (Charles): Si on est pressé, «c'est-u» parce qu'on a peur des risques de contagion qu'on peut apporter?

Le Président (M. Vallières): M. Proulx, les travaux de notre commission se terminent à midi, il y a des caucus de part et d'autre. Alors, il y a l'Ordre des agronomes qui suit, ils ont droit à du temps également. Par voie de conséquence, si on vous presse, c'est pour s'assurer que vous allez avoir droit à tout votre temps. Alors, j'espère que vous l'appréciez.

M. Proulx (Charles): On va présenter le mémoire qu'on a. Je suis accompagné de M. Clément Pouliot, vice-président de la Fédération des producteurs de porcs, président du Syndicat des producteurs de porcs de la Beauce; ainsi que Benoît Désilets, secrétaire de la Fédération des producteurs de porcs; et Sylvie Richard, agent de communication à la Fédération des producteurs de porcs.

On vous a distribué le mémoire qu'on avait préparé ainsi qu'une pochette de différents documents. On ne les présentera pas tous, on vous les laisse à titre d'information. Vous avez, dans le mémoire, une présentation qu'on veut vous faire en deux parties: la première partie, un petit peu vous situer le contexte présent et ce qu'est la Fédération des producteurs de porcs, le vidéo aussi qui démontre l'engagement des producteurs; et une dernière partie qui va démontrer, selon nous autres, quels sont les prérequis pour permettre une agriculture durable.

Si je commence immédiatement, la Fédération des producteurs de porcs, en résumé, c'est quoi? La Fédération a été fondée en 1966. C'est une association agricole constituée en vertu de la Loi sur les syndicats professionnels. On regroupe 12 syndicats régionaux et nous sommes affiliés à l'UPA. La Fédération des producteurs de porcs a pour principale mission de défendre les intérêts économiques, sociaux et moraux de ses membres.

La Fédération gère, depuis le début de 1980, un plan conjoint et administre, depuis la fin des années quatre-vingt, le règlement sur la vente des porcs. Plus précisément, les activités qu'on réalise.

La gestion de l'encan électronique des porcs par laquelle la totalité des porcs produits au Québec sont mis en marché. En 1996, la valeur totale des ventes s'est élevée à plus de 900 000 000 $. Les objectifs visés par le système collectif sont les suivants: générer un revenu équitable aux producteurs de porc dans le contexte nord-américain, permettre une mise en marché efficace et ordonnée et maximiser les retombées économiques de la production pour la société québécoise.

L'administration d'un prélevé sur chaque porc mis en marché pour constituer un fonds de recherche générique de 1 900 000 $ par année de la viande de porc québécoise. Le principal objectif est d'accroître la notoriété de la viande de porc du Québec auprès des consommateurs québécois, auprès des intervenants de la distribution alimentaire et de la restauration.

Aussi, l'administration d'un prélevé sur chaque porc mis en marché pour constituer un fonds de recherche appliquée en production porcine de 250 000 $ sur les aspects suivants: protection de l'environnement, génétique et qualité du produit, économie de la production, santé et bien-être des animaux, techniques d'élevage et nouvelles technologies.

En 1993, on met sur pied le plan agroenvironnemental dont les principaux objectifs est d'exercer et de développer la production porcine dans le respect de l'environnement en conciliant les impératifs économiques et sociaux.

Le secteur porcin, une source de retombées économiques. Avec des retombées économiques de 2 700 000 000 $ annuellement et près de 32 000 emplois directs et indirects, le secteur porcin constitue un acteur important de l'activité agroalimentaire québécoise. Les fermes porcines mettent en marché annuellement 5 400 000 de porcs, soit 33 % de la part de marché canadienne. La production porcine québécoise contribue très largement à la balance commerciale agroalimentaire, avec des exportations d'une valeur de 450 000 000 $ pour l'année 1996.

Le succès du secteur porcin sur les marchés domestiques et internationaux est largement attribuable au Programme d'amélioration génétique mis en place et aux efforts déployés pour contrôler la qualité et la salubrité du produit. Les producteurs et productrices de porc ont toujours orienté leurs énergies afin d'offrir aux consommateurs québécois et étrangers un produit de grande qualité. Cette qualité de la viande de porc québécoise est d'ailleurs reconnue mondialement.

Par l'application de nouvelles techniques et la gestion rigoureuse des actifs de production, les producteurs et productrices de porc québécois ont su aussi relever le défi de la compétitivité. Les troupeaux porcins du Québec sont parmi les plus productifs au monde, et cela, au grand bénéfice des consommateurs. Rappelons que seulement 33 minutes de travail sont requises par les travailleurs québécois pour gagner la valeur d'un kilo de rôti de porc, les plaçant au troisième rang mondial à ce chapitre, comparativement à 66 minutes pour le travailleur français. Malheureusement, les bénéfices que procure la production porcine constitue des acquis dont on évalue rarement l'importance. Les inconvénients qu'elle peut occasionner, toutefois, retiennent plus facilement l'attention.

Le contexte actuel. La crédibilité a été rudement éprouvée. L'année 1996 aura été marquée par la dégradation de l'image de la production porcine auprès de la population, la mise en application de nouveaux cadres d'examen des projets en production porcine et la prolifération de règlements municipaux limitant la production. Les producteurs et productrices de porc sont régulièrement pointés du doigt, accusés de pollueurs et d'irresponsables qui mettent en danger la qualité de vie des citoyens des villages québécois. Les arguments les plus rationnels pour contrer les informations erronées sur la production ne sont même plus écoutés. La crédibilité du secteur porcin est rudement mise à l'épreuve.

La réponse du secteur porcin. Cette situation a amené les producteurs et productrices de porc à revoir en profondeur leur façon de faire. La démarche a permis de reconnaître un manque d'outils de gestion des contraintes environnementales, une faiblesse dans la coordination des actions individuelles et de groupe, ainsi qu'une amélioration possible de gestion des lisiers.

Devant cette nouvelle réalité sociale, les producteurs et productrices de porc ont travaillé à la conception d'un vaste plan agroenvironnemental devant garantir à la population que toutes les actions sont prises au Québec pour protéger adéquatement l'environnement, et ce, sur chaque ferme. Cette orientation témoigne des préoccupations des producteurs et productrices de porc vis-à-vis des relations de voisinage et de conflits sociaux dans certaines municipalités. Les producteurs et productrices de porc souhaitent ardemment regagner la confiance et le respect de leurs concitoyens par la mise en oeuvre du plan d'action.

Des initiatives individuelles et de groupe. Plusieurs producteurs et productrices de porc ont effectivement pris le virage de l'agriculture durable, sans tambour ni trompette. Ils réalisent des actions individuelles ou de groupe. Ils adoptent de plus en plus des pratiques respectueuses de l'environnement et font preuve d'initiative. Diverses expériences-pilotes sont en cours chez bon nombre d'entre eux. Plusieurs pratiquent des projets de gestion des eaux par bassin versant. D'autres sont membres de clubs éco-conseils ou d'organismes de gestion des fumiers, ayant ainsi accès à des services agroenvironnementaux.

Rappelons que le concept d'agriculture durable pratiquée par ces regroupements privilégie les engrais de ferme pour la fertilisation des cultures et l'utilisation du plan de fertilisation intégrée, valeurs aussi véhiculées dans le plan d'action de la production porcine. En effet, le lisier, en tant qu'engrais organique, contribue à maintenir la fertilité, la structure et la vie des sols agricoles. Il apporte les éléments fertilisants nécessaires à la croissance des cultures et de la matière organique au sol récepteur, contrairement aux engrais chimiques.

Pour ces avantages naturels, la première utilisation du lisier à privilégier devrait être la fertilisation des cultures en croissance et selon un plan de fertilisation intégrée. Malgré certains inconvénients, toute terre et espace en culture devraient pouvoir recevoir des engrais de ferme sans restriction. L'inconvénient de l'odeur ne devrait donc pas restreindre l'utilisation des lisiers comme fertilisant au profit des engrais minéraux et synthétiques. Il faudrait que le voisinage comprenne que l'épandage du lisier pendant la croissance des plantes est la meilleure façon d'arriver à notre objectif commun, réduire la pollution diffuse, et ce, malgré certains niveaux d'inconvénients.

À ce stade-ci du mémoire, si vous me permettez, parce qu'on a l'action collective, pour vous démontrer un peu c'est quoi, l'action collective qu'on propose, on a un vidéo de quelques minutes. On vous inviterait à l'écouter et, après ça, on pourra en venir avec la conclusion.

Le Président (M. Vallières): Oui. Merci, M. Proulx. Le vidéo, M. Proulx, est d'une durée de combien de temps?

M. Proulx (Charles): De 14 minutes.

Le Président (M. Vallières): Ce qui devrait dire que ça devrait compléter normalement votre...

M. Proulx (Charles): Il va me rester à peu près une minute pour parler de la conclusion.

Le Président (M. Vallières): Ah, O.K. Ça va. Parce que j'aimerais qu'on puisse vraiment échanger avec vous, par la suite.

M. Proulx (Charles): Je suis bien d'accord, puis je comprends ça.

(10 h 30)

Le Président (M. Vallières): Très bien.


Présentation audiovisuelle

Une voix: Avec l'ouverture des marchés, la viande de porc produite au Québec est devenue l'une des plus recherchées dans le monde. Fruit des efforts et du dynamisme de nos producteurs, cette réussite est l'un des plus beaux fleurons du secteur agricole québécois, soutenant 32 000 emplois avec des retombées économiques annuelles de 2 700 000 000 $.

Toutefois, aujourd'hui, les préoccupations environnementales des populations rurale et urbaine se sont accrues. Une certaine résistance est apparue. Des collectivités ou leurs autorités locales ont exprimé des inquiétudes sur les impacts écologiques de la production porcine. À tort ou à raison, les producteurs de porc sont pointés du doigt, leur image est ternie. Un climat de méfiance s'est installé. Ainsi, l'émission des certificats d'autorisation est ralentie, les règlements municipaux et provinciaux limitant la production se multiplient et la cohabitation avec les voisins est trop souvent difficile.

L'avenir de la production est entre les mains des producteurs. Pour continuer à se développer avec l'appui du public, le secteur porcin doit garantir à la population des pratiques agroenvironnementales irréprochables.

Une voix: Il est apparu incontestablement au cours des derniers mois que le dossier environnemental va être un dossier prioritaire à la Fédération des producteurs de porcs. D'ailleurs, déjà au mois de juin 1996, pendant son assemblée annuelle, les délégués ont demandé à la Fédération des producteurs de porcs de faire quelque chose dans ce sens-là et, dès novembre 1996, pendant le Forum porcin, 25 organismes oeuvrant dans l'industrie porcine se sont mis d'accord unanimement sur un plan d'intervention agroenvironnemental qui va se vouloir crédible et transparent et qu'on va tenter de mettre sur pied le plus rapidement possible.

Une voix: L'objectif central du plan d'action de la Fédération est d'exercer et de développer la production porcine dans le respect de l'environnement en conciliant les impératifs économiques et sociaux. Le plan agroenvironnemental des producteurs de porc du Québec se divise en trois grandes étapes: établir un portrait environnemental des entreprises porcines en vue de connaître l'état actuel des pratiques, fournir un encadrement technique aux producteurs pour instaurer des façons de faire respectueuses de l'environnement, développer un processus de certification pour s'assurer du respect des réglementations et de l'atteinte des objectifs du plan.

Une voix: La situation qu'on vit présentement ne peut pas durer. On est à la croisée des chemins. Il va falloir que l'industrie s'adapte parce qu'il va y aller de notre survie. La chance de succès du plan agroenvironnemental qu'on met sur pied va dépendre énormément de la participation que, tous les producteurs, on va mettre à l'adhésion à ce programme-là. Les conditions de succès du plan d'action vont passer essentiellement par l'autoresponsabilisation des producteurs, dans un premier temps, et c'est à nous, les producteurs, de se prendre en main, de prendre les enjeux qui nous guettent, de prendre ça en main. Les conditions de succès aussi vont passer par le fait que, tôt ou tard, la Fédération des producteurs de porcs, on va devoir se dissocier des producteurs de porc qui ne voudront pas prendre le virage agroenvironnemental qu'on a présentement.

Une voix: La première étape du plan d'action agroenvironnemental de la Fédération des producteurs de porcs est la réalisation du portrait environnemental du secteur porcin au Québec. Les objectifs du portrait sont: connaître l'état actuel des pratiques et la conformité aux normes réglementaires, établir des objectifs pour l'ensemble de la production et pour chaque entreprise, déterminer les priorités d'investissement pour maximiser les retombées environnementales, dresser un bilan annuel des améliorations.

Une voix: Il y a beaucoup de choses qui se sont dites, qui se sont écrites sur la production porcine et son environnement au cours de l'année 1996 et, tout ce qui a été dit et écrit, on se rendait compte qu'il n'y avait personne qui avait une opinion juste ou précise, une vision claire de la situation qui prévaut exactement sur les fermes porcines et face à l'environnement. Ça vient justement de cette situation-là qu'on voyait que beaucoup de choses s'étaient écrites puis que peu de personnes avaient une vision précise. C'est de là que vient l'idée de faire un portrait, d'autant plus que ça nous a manqué pendant toute l'année 1996. On s'est rendu compte également qu'il n'y avait personne qui avait exactement le portrait de la situation en main. Que ça soit au ministère de l'Environnement, que ça soit au ministère de l'Agriculture ou même nous autres, à la Fédération des producteurs de porcs, on n'avait pas de données suffisamment précises et claires sur toute la notion environnementale pour l'industrie porcine.

Une voix: C'est une équipe du groupe de recherche en économie et politique agricole de la Faculté des sciences de l'agriculture et de l'alimentation de l'Université Laval dirigée par M. Michel Morisset qui est responsable de la réalisation du portrait agroenvironnemental du secteur porcin au Québec.

Une voix: Ça va prendre entre trois mois et demi et quatre mois pour visiter l'ensemble des producteurs du Québec. Ça veut dire que vers le mois de juin, on va être prêt à faire la compilation des données, à traiter et à analyser les données.

Une voix: Le portrait agroenvironnemental du secteur porcin devrait être complété en septembre 1997. L'équipe dirigée par M. Michel Morriset réalisera des entrevues individuelles avec l'ensemble des producteurs en utilisant un questionnaire détaillé.

Une voix: On aborde toutes les questions qui peuvent avoir un effet sur la gestion de l'environnement chez les producteurs porcins. C'est donc dire qu'il y a un ensemble de questions assez générales, par exemple, comme la production, tous les niveaux de production. On a des questions qui sont d'ordre plus technique, technologique, sur les bâtiments, l'alimentation, l'abreuvement des animaux. On va avoir d'autres questions qui sont sur le type de gestion des lisiers ou des fumiers que les producteurs pratique, les structures d'entreposage, les capacités d'entreposage puis, ensuite de ça, ce qu'on fait avec le lisier. Alors, d'abord, est-ce qu'on l'épand sur ses propres terres? Est-ce qu'on le donne à la fosse pour qu'un autre producteur l'épande? Est-ce qu'on a des ententes d'épandage? Avec quelle machinerie est-ce qu'on procède pour épandre le lisier? Est-ce qu'on fait de l'enfouissement? Il y a des informations aussi qui ont trait aux distances. À quelle distance, par exemple, sont les installations porcines d'une route, sont les installations porcines des voisins ou d'une municipalité.

Comme vous pouvez voir, on va faire vraiment le tour de tout ce qui peut avoir une influence sur la gestion environnementale et sur les bons rapports avec le voisinage et avec les citoyens. Le recenseur qui va contacter le producteur va lui demander d'avoir de prêts quelques documents comme son certificat d'autorisation, un plan de fertilisation de sa ferme s'il en a, le plan global de la ferme aussi, de façon à ce que les documents qui risquent d'être consultés soient déjà disponibles quand le recenseur va se présenter.

Une voix: Toutes les informations recueillies par le groupe d'experts indépendants demeureront strictement confidentielles. Seul le groupe de recherche aura accès aux données. Les données individuelles ne pourront être transmises à aucun autre organisme, incluant la Fédération des producteurs de porcs du Québec, sans l'autorisation écrite du producteur.

Une voix: Toutes les informations qui vont être recueillies auprès du producteur, il faut que les producteurs comprennent bien que c'est nécessaire pour nous autres de les avoir pour mettre sur pied le portrait le plus précis possible, mais toutes les données qui vont être recueillies vont être recueillies sous une forme qu'il n'y a personne qui va pouvoir s'en servir; ni même nous à la Fédération des producteurs de porcs ne pourrons reprendre ces données-là puis s'en servir d'une façon personnelle. Les données, on va s'en servir d'une façon collective, mais, d'aucune façon, on pourra s'en servir d'une façon personnelle.

La participation des producteurs à l'opération agroenvironnementale est primordiale pour deux raisons. La première raison, c'est que ce sont les producteurs eux-mêmes qui sont capables de fournir les données nécessaires à la mise sur pied du portrait. La deuxième raison, c'est que tout l'engagement des producteurs dans l'opération agroenvironnementale va démontrer à la population que les producteurs de porc sont préoccupés par l'environnement et qu'ils sont prêts à s'en occuper.

Une voix: Moi, j'embarque dans le projet de la Fédération. Présentement, on ne va nulle part. On entend des critiques de partout. C'est le temps qu'on se prenne en main. Il faut que les producteurs soient à l'écoute de leur milieu, des communautés qui nous entourent. Il faut aussi faire en sorte que dans notre fertilisation, nos épandages, l'environnement, ce soit une préoccupation. Il faut retrouver l'harmonie qu'on a avec nos voisins. L'environnement, en fait, ça doit être une préoccupation de tous les jours à l'intérieur de notre production.

La Fédération, par son plan, va nous faire haïr le gaspillage. C'est certain que les démarches que j'ai faites à date, celles que je vais faire se justifient toutes au point de vue économique. Plus que ça va avancer, le plan de la Fédération, plus ça va être intéressant. Nous autres qui sommes membres d'un club depuis plusieurs années, on a déjà des outils pour progresser, pour prendre les décisions qui vont faire en sorte qu'on va protéger de plus en plus l'environnement.

Par les informations qu'on a reçues, moi, ça m'a fait adopter différentes mesures telles que les brise-vents, les bactéries dans la porcherie, j'ai modifié ma rampe d'épandage puis, aussi, j'ai fait des changements dans l'alimentation et je vais en faire d'autres. Ceci va changer la qualité du lisier lors de l'épandage.

Premièrement, ça va influencer les producteurs au niveau de l'alimentation de leurs porcs. On peut réduire de 20 % à 30 % les quantités de déjection animale simplement par l'alimentation. Premièrement, ça nous prend au moins deux moulées pour les truies. Ça prend aussi plusieurs aliments en croissance. Plus qu'on a d'aliments qui sont plus près des besoins de l'animal, moins qu'on a de rejets.

(10 h 40)

Après, aussi, il faut avoir des aliments bien balancés. C'est certain que les producteurs, on peut fertiliser nos champs de façon écoréaliste, mais, pour ce faire, on doit avoir des plans de fertilisation qui ne tiennent pas compte juste de la récolte qu'on veut prélever l'année qui s'en vient, mais tenir compte des choses de plus de cinq ans. Même, on doit fertiliser en fonction de plus d'une génération de producteurs. C'est certain que le plan, c'est juste un début. Après, il ne faudra pas s'arrêter là.

Une voix: Après avoir établi le portrait des fermes au cours des prochains mois, une des étapes qui va suivre, ça va être pour permettre aux producteurs de s'adapter aux nouvelles réalités, permettre aux producteurs d'être à la portée des nouvelles technologies, des nouvelles techniques, des nouvelles façons de faire, il va y avoir l'encadrement des producteurs qui va être nécessaire pour nous permettre d'accéder à cette étape-là. Et il y aura une étape encore plus importante aux yeux de la population, ça va être l'étape de la certification des fermes. C'est qu'il y aura un certain nombre de critères qui seront mis sur pied, et les fermes qui rencontreront ces critères-là pourront accéder à la certification à ce moment-là.

Une voix: La phase II du plan d'action vise à mettre en place les services techniques qui permettront aux producteurs d'adopter progressivement les meilleures pratiques agroenvironnementales. Ainsi, dans l'élaboration du programme d'encadrement technique, l'accent sera mis sur les besoins identifiés à l'intérieur du portrait réalisé précédemment. Ce programme aura notamment pour but de permettre aux producteurs d'être à la fine pointe des connaissances techniques. Les principaux objectifs de cette étape du plan d'action sont: d'instaurer de nouvelles façons de faire basées sur un guide de bonne pratique agroenvironnementale, d'appuyer les producteurs dans le processus de certification et d'accélérer le transfert technologique.

Enfin, le plan d'action prévoit la mise en place d'un processus de certification environnementale des entreprises porcines au Québec. La certification constitue une preuve tangible aux yeux du public de la conformité des installations à certains critères précis. Implanté progressivement à la fin de 1997, le processus de certification aura pour objectif que tous les producteurs puissent graduellement s'y conformer en encourageant les meilleures pratiques dans le but de créer un effet d'entraînement, en assurant le respect des nouvelles réglementations et la réalisation des objectifs du plan d'action et, enfin, en mettant en place le premier volet environnemental d'une certification globale de l'entreprise.

Une voix: C'est le plan du gros bon sens. Produire de façon écoréaliste, c'est possible; avoir de l'harmonie dans le milieu, c'est encore possible.

On est porté à penser que les chances de succès sont excellentes parce qu'il y a deux raisons qui nous incitent à dire ça. La première des raisons, c'est que les intervenants dans l'industrie porcine, 25 organismes, au Forum se sont dits unanimes à supporter le plan environnemental. Donc, eux sont déjà prêts à le promouvoir auprès de leurs membres ou auprès de leur clientèle. Et bon nombre de nos représentants, de nos membres, bon nombre de producteurs de porc demandent à la Fédération des producteurs de porcs de mettre sur pied rapidement un programme agroenvironnemental qui va nous permettre de continuer, dans les années à venir, à vivre en harmonie avec le milieu dans lequel on vit depuis des années.

Le Président (M. Vallières): Bien. M. Proulx, en guise de conclusion de la présentation que nous venons de voir.

M. Proulx (Charles): En guise de conclusion, ça serait quoi, les prérequis pour un développement durable de la production porcine? À la page 6 de votre document, le mémoire qu'on vous a remis. La réalisation du plan, seule orientation permettant de concilier vitalité et dynamisme du secteur agricole et mise en place de pratiques plus protectrices de l'environnement est largement tributaire des outils réglementaires mis à la disposition de l'industrie. En plus de collaborer financièrement à la réalisation du plan, l'État doit maintenir une réglementation permettant d'assurer la sécurité des revenus des producteurs et productrices. La réglementation permettrait aussi de gérer la mise en marché des produits agricoles efficace et ordonnée et de déterminer les balises environnementales applicables en production porcine.

L'aide financière en production porcine équivaut à 15 % de la valeur de production à la ferme, comparativement à 22 % en moyenne pour l'ensemble des pays de l'OCDE. À cet égard, une diminution de l'intervention de l'État placerait le Québec à l'extrême droite de toutes les politiques économiques agricoles du monde et en résulterait un retrait de tous nos positionnements sur les marchés et l'arrivée ici de produits étrangers et subventionnés. Même plus, la consommation intérieure canadienne ne disparaîtrait pas. Les problèmes environnementaux continueront de prendre de l'expansion, mais cette fois ailleurs sur la planète, là où les contraintes sont moins sévères. Nous pensons que l'approche actuellement développée par les producteurs et productrices de porc du Québec permettant d'assurer à la population que les mesures sont prises pour protéger adéquatement l'environnement et maintenir les emplois ici constitue une stratégie beaucoup plus profitable à la société québécoise.

De même, l'aide de l'État, telle qu'observable dans tous les pays industrialisés, permet aussi d'influencer le type de développement de l'industrie, de façonner une production porcine aux dimensions sociales plus près des attentes des citoyens et des nouvelles sensibilités environnementales. Un désengagement inconsidéré sur le front du support financier aux entreprises conduirait l'agriculture à une forte concentration de la production souvent contrôlée par des intérêts étrangers et par une course au gigantisme à l'américaine.

D'autre part, la mise en marché efficace et ordonnée des produits agricoles est un outil de contrôle par excellence sur lequel les producteurs et productrices comptent pour gérer divers paramètres du plan agroenvironnemental de la production porcine. À l'instar des améliorations considérables à l'égard de la qualité et de la salubrité du produit plaçant le Québec loin devant toute autre province canadienne ou État américain, le système de mise en marché ordonnée permettra de jumeler les informations quotidiennes sur chaque site de production au système opérationnel de surveillance des mesures et de suivi du plan agroenvironnemental.

Enfin, après avoir déterminé les balises environnementales applicables en production porcine, il faut que la Loi sur la protection du territoire agricole, voulue pour protéger un espace de la collectivité québécoise à l'agriculture, puisse rejoindre les valeurs fondamentales de l'agriculture durable. Tout comme les autres activités agricoles, la production porcine est très vulnérable à tout autre usage du territoire ou toute norme environnementale à l'encontre de l'utilisation des fumiers organiques sur les terres en culture. Freiner son dynamisme sur des bases mal fondées mettra en cause la vitalité des entreprises, d'où la nécessité de mettre en place des outils de protection et de mise en valeur des activités agricoles plutôt que reléguer la production à un coin de la municipalité fortement agricole ou limiter de façon exagérée le nombre maximal d'unités animales par site en deça d'un cheptel suffisant pour assurer la viabilité d'une entreprise porcine opérée par un exploitant et sa famille.

De l'engagement à l'action. En adoptant à l'unanimité les grands éléments du plan d'action qui se veut vigoureux, crédible et transparent, les intervenants de l'industrie porcine sont confiants de régler à la satisfaction des citoyens, des municipalités et des producteurs et productrices les questions environnementales qui rendent difficile, dans plusieurs régions, la cohabitation harmonieuse de la production porcine et des autres activités.

Mais le défi est de taille. Pour reconquérir l'opinion publique, une communication ouverte et franche doit accompagner les actions des producteurs et productrices de porc. Il faut certainement rétablir les faits sur la situation environnementale de la production porcine, informer la population des méthodes de production et démontrer l'apport économique de l'industrie porcine pour le Québec. Mais, surtout, les producteurs et productrices auront à développer une relation de confiance avec la population. Cette confiance se bâtit d'abord sur le terrain, dans chacune des localités, par des échanges honnêtes et la démonstration quotidienne d'une gestion respectueuse de l'environnement.

Gage de succès, plus de 96 % des fermes porcines collaborent au recensement, première étape du plan agroenvironnemental. Cette collaboration exceptionnelle des producteurs et productrices témoigne assurément de leur volonté réelle de garantir à la population qu'elle met tout en oeuvre pour protéger adéquatement l'environnement et leur désir profond d'utiliser les nouvelles technologies pour aller encore plus loin. Merci de votre attention. Nous sommes prêts à répondre à vos questions.

Le Président (M. Vallières): Alors, la commission disposera d'une vingtaine de minutes. Alors, il va falloir être discipliné le plus possible parce qu'il y a un autre groupe qui nous attend par la suite. J'aurais peut-être une première question. Je vais essayer de prêcher par l'exemple. M. Proulx, vous avez parlé beaucoup du plan de fertilisation. Dans ce que vous proposez, est-ce que ce plan-là est validé par une autorité gouvernementale?

M. Proulx (Charles): Dans la réglementation qui est sur la table présentement sur la loi n° 23, il y a les plans de fertilisation qui sont déjà prévus. Il y a des conditions sur l'encadrement ou la mise en place des plans de fertilisation. Je pense que, là-dessus, les producteurs de porc, on est d'accord avec l'ensemble de ce qui est proposé, à part certaines technicalités qui restent à régler et qui sont en discussion présentement, là. Mais les plans de fertilisation sont à l'intérieur de la réglementation qui est prévue et nous sommes d'accord avec ça.

(10 h 50)

Le Président (M. Vallières): Bien. Vous avez pris connaissance du document qui a été déposé en mars dernier sur les principes généraux relatifs à la gestion des odeurs, du bruit et des poussières en milieu agricole? Est-ce que, face à ce qu'on vient d'entendre, ce que vous nous proposez, c'est une intégration de votre proposition à ce qui est mis sur la table par le gouvernement du Québec? En d'autres mots, est-ce que ce que vous proposez peut s'inscrire à l'intérieur de ce qui a été déposé par le gouvernement du Québec?

M. Proulx (Charles): Bon. Nous autres, ce qu'on propose, c'est que, pour l'industrie porcine, c'est un engagement qui pousse encore un petit peu plus loin l'engagement des producteurs. Je pense que ça s'encadre dans ce qu'on a sur la table présentement.

M. Julien: M. le Président.

Le Président (M. Vallières): Oui, M. le ministre.

M. Julien: Je vous souhaite la bienvenue et je vous remercie de votre présentation. On va faire ça rapidement parce que, effectivement, il reste peu de temps. Cependant, je veux quand même souligner une chose qui est fondamentale, c'est que vous avez développé une autoresponsabilisation, et ça, je pense que ça doit être su et connu. C'est que vous n'avez pas attendu que le gouvernement prenne toutes sortes de décisions, vous l'avez fait vous autres mêmes. Et ça, je tiens à vous le dire et je tiens à vous féliciter là-dessus.

La question que je vais vous poser, c'est... À la page 6, vous parlez de balises environnementales applicables à la production porcine. Ça sous-entend un petit peu la question du président. J'aimerais avoir vos commentaires. Vous, comment vous voyez les normes ou la réglementation qui pourraient s'établir dans le cadre de cette commission-là? Ça serait quoi? Quelle serait votre perception ou qu'est-ce que vous verriez, vous, comme normes et réglementation dans le cadre de la commission dont on parle actuellement?

M. Proulx (Charles): Je pense que, lorsque vous traitez de la réglementation, on vous a dit qu'on était une filiale, qu'on était affiliés à l'UPA, et toute la réglementation qui est là-dedans, dans ce qui est présentement, nous autres, on est d'accord avec la position que l'UPA adopte et la démarche que l'UPA a entreprise. La seule chose qu'on voulait vous démontrer ce matin, c'est que, de la part des producteurs de porc, après avoir été pointés du doigt puis après avoir eu à subir à peu près toutes les plaies d'Égypte – c'est nous autres qui en sommes responsables, à entendre parler les gens – ce qu'on voulait démontrer à la commission, c'est que les producteurs de porc, depuis nombre d'années, ont adopté certaines techniques qui sont de plus en plus respectueuses de l'environnement. Ça, ça n'est pas su, ça n'est pas connu. Ce qu'on veut faire: on veut le faire savoir. Et tout ce qui est réglementation à l'intérieur de l'UPA, je pense que c'est eux autres qui ont la... Nous autres, on a confiance en ces gens-là, on est affiliés avec eux autres, et on laisse ça aux gens de l'UPA, cette partie-là.

M. Julien: Si je comprends bien, c'est que la confédération va venir nous faire leurs commentaires là-dessus?

M. Proulx (Charles): C'est ça.

M. Julien: O.K. Merci.

Le Président (M. Vallières): Bien. M. le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Farrah: Oui, merci, M. le Président. M. Proulx, évidemment, vous êtes victimes d'une image qui est malheureusement très négative. Je fais juste un parallèle avec ça. Je vais sauter peut-être dans le poisson, mais, au niveau du phoque aux Îles-de-la-Madeleine, à un moment donné, les chasseurs ont été visés, on a laissé aller les choses un peu. Ça a été très difficile de ramener la perception des gens, compte tenu de tout le débat qui a pu surgir. Et ça, je pense que vous avez quand même beaucoup d'efforts à faire de ce côté-là. Puis le parallèle que je peux faire, c'est avec les campagnes de publicité que vous aviez faites sur la valeur nutritive du porc, où ce n'était pas gras, etc., où vous avez obtenu un succès montre.

Alors, ma question, c'est un peu ça: Comment pouvez-vous faire pour rassurer les gens et faire en sorte de redorer votre blason? Parce que vous avez raison, vous n'êtes pas des bandits, là, au contraire, vous contribuez à la richesse collective et vous contribuez de façon significative à l'économie du Québec. Et les perspectives, au niveau économique, sont très intéressantes, mais dans la mesure où on va pouvoir aussi vivre de façon beaucoup plus harmonisée.

Dans ce sens-là, quand je vois, à la page 2 du mémoire, où vous dites, dans le cinquième paragraphe: «L'inconvénient de l'odeur ne devrait donc pas restreindre l'utilisation des lisiers comme fertilisant au profit des engrais minéraux», j'aimerais vous entendre là-dessus. Qu'est-ce que vous voulez dire, explicitement, là-dessus?

Le Président (M. Vallières): M. Proulx.

M. Proulx (Charles): Lorsque vous faites allusion aux odeurs, on sait que, de plus en plus, il y a de la technologie qui s'en vient sur le marché et qui est offerte aux producteurs. Cette technologie-là peut faire varier les charges d'odeurs dues à l'épandage des lisiers. Lorsqu'on mentionne ça, on est conscient de ça, qu'il y a des odeurs, mais, lorsqu'on étend des fumiers, des lisiers, l'odeur est sporadique, elle ne dure pas longtemps, c'est ponctuel dans le temps, ce n'est pas une odeur qui est permanente. Ça va durer 12 heures, 24 heures, 36 heures, dépendant de la technologie, puis dans certaines technologies, ce n'est pas pantoute. Vous voyez, dans le plan qu'on a, on dit: On devrait trouver une façon d'encourager ou d'inciter les producteurs à aller vers la technologie la plus prometteuse d'avenir.

Il y a un élément, dans ce que vous avez mentionné au début de votre intervention, qui m'a semblé vouloir mentionner la lenteur qu'on a eue à réagir. C'est qu'on a quand même 3 500 membres. On aurait pu, l'année passée, rapidement aller rencontrer des gens de marketing, des gens de communication, nous faire faire un beau vidéo qui dirait à la population qu'on est fin, qu'on est beau, puis tout ça. Ça aurait donné ce que ça aurait donné, ça n'aurait peut-être pas donné grand-chose. Je pense que la première démarche qu'on se devait de faire, c'était de regarder avec nos membres ce qu'on était capable de faire pour rassurer la population. Toute réglementation et toute politique qu'on met sur pied, si elle ne fait pas à l'individu, c'est dur d'être fonctionnel à l'intérieur de ça. Ça fait que c'est la sécurité qu'on a prise.

Pendant l'été 1996, on a rencontré nos membres, on les a tous rencontrés, les syndicats ont consulté leurs producteurs régulièrement, assez souvent dans certains cas d'entre eux autres, et ça nous a permis de mettre sur pied ce qu'on a là. Et la réponse de ça à date, c'est que vous voyez que, dans la première étape du plan, on est allé chercher des mesures à la ferme; 96 % des producteurs, à date, dans un premier contact, ont accepté de répondre à un recenseur. C'est quelque chose qu'on ne voit à peu près dans aucun sondage. Il reste 4 % des producteurs qui ont dit non à date, là, dans une première étape. Pour certains d'entre eux autres, c'est parce qu'ils sont dans les sucres de ce temps-là. Ils disent: On va faire nos sucres puis, après ça, on verra. Il y a plusieurs et maintes raisons.

J'ai ici avec moi le président de la Beauce qui a eu, entre autres, à rencontrer un producteur qui avait dit non. Et la responsabilité qu'on s'est donnée, c'est que le 4 % qui reste, on va aller les rencontrer nous-mêmes, en tant que producteurs de porc, pour leur dire que, s'ils ne s'engagent pas dans la démarche qu'on fait, ils nous font mal à nous autres. Parce que ce n'est pas vrai que c'est tous les producteurs qui ne sont pas corrects. Il y a quelques individus dans n'importe quelle classe de la société – on est comparable là-dedans – qui ne sont pas corrects, puis on a condamné une industrie à partir de quelques individus.

M. Farrah: Je pense que vous avez tout à fait raison. On généralise souvent à cause de peut-être deux, ou trois, ou un nombre très, très minimum qui ne se conforment pas.

Par ailleurs, c'est que cette semaine on a mangé avec les dirigeants de Noranda qui nous parlaient de l'investissement de 500 000 000 $ de Magnola à Asbestos. Ils faisaient un parallèle avec l'industrie du porc, justement. Ils disaient: Nous, nous avons consulté les gens de façon très, très, très intense à Asbestos. Je pense qu'il y avait un projet aussi d'implantation d'une porcherie – M. le président, peut-être vous pourrez me le dire – puis les gens faisaient le parallèle localement. Ils disaient: Si les promoteurs de porcherie, les producteurs porcins nous avaient rencontrés aussi souvent que, vous autres, vous me rencontrez pour l'implantation d'une usine de magnésium, ça aurait pu faire en sorte peut-être qu'on aurait davantage atténué les craintes.

Alors, ma question, là, c'est juste pour vous dire: Est-ce qu'il y a des lacunes de ce côté-là? Avant l'implantation d'une porcherie, est-ce que vous pensez qu'il y a un manque de communication de votre part ou un manque de discussion avec la communauté pour faire en sorte, justement, de démontrer que ce n'est pas juste négatif, une porcherie, ça peut être très positif, puis faire en sorte d'atténuer les craintes des citoyens?

M. Proulx (Charles): Il y a sûrement, avec ce qu'on a vécu, une lacune de ce côté-là. La mise en vigueur de la loi n° 23 qui est sur la table présentement et sur laquelle la commission qu'on fait là a à travailler, lorsqu'on parle des comités consultatifs, je pense que c'est probablement une voie qui va nous permettre de faciliter le dialogue à l'intérieur des municipalités, justement pour approcher ces gens-là. Il y a déjà eu des tentatives, ça n'a pas nécessairement résulté à des affaires concrètes, mais, à l'intérieur de la réglementation présentement, il y a cette chose-là que, personnellement, moi, je trouve intéressante, il y a la possibilité de discussion des deux côtés à l'intérieur des consultations. Ça va régler une partie de ce que vous avez mentionné.

M. Farrah: En conclusion, compte tenu qu'on n'a pas beaucoup de temps, M. le Président, maintenant au niveau de la réglementation. Beaucoup, la majorité, l'unanimité, même, l'ensemble des groupes qui sont venus présenter leur mémoire nous ont fait état qu'ils aimeraient être entendus de nouveau avec les vrais règlements quand les règlements seront connus. Alors, de votre côté, est-ce que vous faites confiance au gouvernement au niveau de la réglementation ou est-ce que vous aimeriez les voir avant qu'ils soient publiés officiellement?

Le Président (M. Vallières): Alors, M. Proulx.

Une voix: On connaît la réponse.

M. Proulx (Charles): Ne me mêlez pas dans vos débats politiques, O.K.? Ça, vous réglerez ça entre vous autres ensemble, là.

Le Président (M. Vallières): Alors, M. Proulx, en réponse à la question.

M. Proulx (Charles): Des fois, on vous écoute puis on a bien du fun nous autres aussi, mais, en tout cas.

(11 heures)

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Proulx (Charles): Écoutez, la réglementation qu'on a, ce que je trouve qui est déplorable là-dedans aujourd'hui, de ce qu'on a, c'est qu'on est à la commission parlementaire, on a à regarder la réglementation de la loi n° 23, on a à parler – on parle beaucoup, dans notre cas – des charges d'odeurs, puis tout ça; me semble que j'aurais aimé ça au moins savoir sur quelles distances je vais discuter. Je ne les connais pas encore. Ça, j'imagine que ça va venir, mais on va surveiller de très près cette partie-là parce qu'il est bien évident que toute soustraction de terre à l'utilisation agricole, ça va mettre l'industrie porcine et l'industrie agricole, les autres productions aussi, dans un problème, parce que, moi, je regarde dans ce que j'ai présentement, on parle d'un règlement temporaire de 300 mètres d'utilisation, et, dans mon cas, ça me cause un problème majeur parce que mon unité de production... Je suis un petit producteur, ça a bien l'air – d'après moi, en tout cas – sauf que je ne suis pas sûr de ça parce que, à entendre les gens, il paraît que la proximité de la production porcine, ça conduit à une certaine sénilité. Moi, je suis en plein dans le milieu, je respire l'odeur à tous les jours, puis, lorsqu'on est fous, on est les derniers à le savoir. Nos voisins s'en rendent compte, mais pas nous autres. Ça fait que c'est pour ça que là-dessus j'ai un petit problème.

Mais ce dont je me rends compte, c'est que, lorsque je fais les calculs, 300 mètres, je me dis: Je suis un petit producteur, j'ai une petite porcherie; où est-ce que je vais mettre les fumiers? Je vais accentuer les problèmes de surfertilisation, qu'on semble nous dire. Nous autres, ce qu'on dit, c'est: On devrait étendre nos fumiers sur le maximum de terres possible. À l'intérieur d'une réglementation, pas de problème avec ça, mais l'utilisation rationnelle des lisiers à partir des plans de fertilisation, des plans d'épandage, ça, on n'a pas de problème avec ça.

Le Président (M. Vallières): Bien. M. le ministre de l'Environnement et de la Faune.

M. Cliche: Bon, d'abord les bonnes nouvelles, puis après les mauvaises. Ha, ha, ha! Les bonnes nouvelles, c'est que, lorsque je lis que ce que vos faites – et là je vous cite – «ce serait la seule formule capable de garantir le respect de la nouvelle réglementation», ça, pour moi, c'est la bonne nouvelle. Jusque-là, ça va bien. Et on vous aide là-dessus d'ailleurs à mettre en place votre plan. Mais là j'ai deux difficultés de fond avec ce que vous dites.

D'abord, c'est le fait que vous tourniez à la dérision le stress psychologique et la détresse psychologique des gens qui vivent avec l'odeur des porcheries. Hier, on a eu des gens du monde rural, des gens de bonne foi, des bénévoles, qui sont venus nous dire: Ça nous cause un problème, et on a eu des gens de la santé communautaire qui sont venus nous dire: Vous pouvez bien en rire, mais c'est un réel problème et il y a des gens pour qui c'est un stress et ça peut même amener une détresse psychologique de vivre dans les odeurs de porc. Alors, là où j'ai des problèmes, c'est quand vous tournez à la dérision le fait que les problèmes d'odeurs puissent représenter pour la population un véritable problème. Alors, je vous inviterais à la plus grande prudence, parce que c'est ce qui est à la base des problèmes que vous vivez en ce moment, et, tant que vous tournerez ça en dérision, vous allez tourner en dérision le problème auquel vous essayez de faire face. Alors, ça, j'ai un problème avec ça. Puis je vous invite à la plus grande prudence, parce que, nous, on reconnaît ce problème-là, puis, tant que vous ridiculiserez les gens qui soulèvent ce problème en disant: On devrait tous être des fous, ça ne marchera pas.

Deuxième chose, je veux qu'on soit bien clairs sur quelque chose. Et là il ne faut pas qu'il y ait d'ambiguïté, parce que chez nous il n'y en a pas, d'ambiguïté. Je ne voudrais pas entendre, style: Avant, je conduisais vite, mais là je me suis réglementé, je vais réduire ma vitesse, donc enlevez les limites de vitesse puis enlevez les polices, maintenant faites-moi confiance, je vais conduire lentement. Même s'il y a conscientisation des conducteurs, on s'entend qu'on doit garder les limites de vitesse sur les routes, on doit garder les policiers de la SQ puis les autres policiers sur la route pour arrêter les contrevenants. Alors, je veux être bien sûr de ce que vous dites en page 2. Lorsque vous dites – et là j'ai un problème majeur: «L'inconvénient de l'odeur ne devrait donc pas restreindre l'utilisation des lisiers comme fertilisant au profit des engrais minéraux», là on a un problème parce que c'est justement à l'encontre de ce qu'on veut faire. On veut établir des limites de distances séparatrices entre les lieux de production, les lieux d'entreposage, les lieux d'épandage et la population, dépendamment de l'usage qu'on fait du territoire, bien sûr en intégrant la technique. Si vous intégrez les lisiers dans le sol puis que ça ne sent pas, la distance va être minimale. Mais, si les gens continuent à utiliser des canons qui poussent ça à 2 kilomètres, l'odeur, on a un sérieux problème.

Alors, bravo pour votre plan de fertilisation, mais je veux être bien sûr qu'on se comprenne, puis ça, je voudrais que ce soit bien clair, M. Proulx, entre vous et moi, entre la Fédération... Même si vous dites: L'UPA en parlera, aujourd'hui on a les producteurs de porc puis je veux l'entendre de la bouche des représentants des producteurs de porc. Est-ce que, oui ou non, vous acceptez qu'on mette en place un régime de distances séparatrices entre les usages humains et la production agricole, eu égard aux odeurs, pour régler ce problème-là?

Le Président (M. Vallières): M. Proulx.

M. Proulx (Charles): Première des choses, on ne pense pas de rendre en dérision lorsqu'on parle d'odeurs. Je pense que c'est ce qu'on vit à tous les jours, présentement. C'était juste un effet imagé que je voulais vous présenter. Question d'avoir des problèmes depuis quelques années, c'est vrai qu'on a eu des problèmes mutuels, ça ne date pas d'à matin. Sur les odeurs, il faut bien comprendre ce qu'on vous mentionne. C'est qu'il y a de la technologie qui est de plus en plus offerte aux producteurs et qui voit à réduire les odeurs au maximum. Il faut être conscient qu'on ne les mettra pas à zéro, ces odeurs-là. Parce qu'à matin il y a quelqu'un qui vient vous présenter que rien que le fait de faire du transport, il y a un 10 % qui est dégagé par les odeurs. Ça fait que ça, il faut être conscient qu'on ne les mettra pas à zéro.

Mais il y a une technologie qui est utilisée, qui peut être utilisée, qui va être utilisée dans l'avenir, il y a de la recherche abondamment qui se fait pour des façons d'enlever soit par de la poudre ou n'importe quoi, parce que présentement il y a des vendeurs de poudre pour mettre dans nos fosses à fumier pour réduire les odeurs, il y en a qui sont bons probablement, mais il y en a qui ne sont peut-être pas bons probablement, on est à évaluer cette partie-là, mais, en fonction des technologies utilisées, je pense que là-dessus il doit y avoir des distances qui doivent être reconnues en fonction des technologies qui existent.

M. Cliche: Mais vous reconnaissez qu'il doit y avoir des distances reconnues.

M. Proulx (Charles): On l'a toujours reconnu.

M. Cliche: Bien sûr, le facteur d'atténuation prend en compte les technologies, le facteur d'usage prend en compte: Est-ce que c'est épandu à côté d'une église le dimanche matin pendant la messe ou bien étendu à côté d'une maison isolée dans un rang en zone verte? C'est ça, le facteur d'usage. Mais on se comprend qu'à partir de ces deux concepts-là vous vous attendez à ce qu'on mette en place des distances.

M. Proulx (Charles): Oui.

M. Cliche: O.K. Je veux être bien clair là-dessus. Parce qu'il faut faire attention avec le discours de l'autoréglementation. Je suis d'accord avec ça, puis ce que vous faites, c'est bon, mais il ne faut pas dire que, parce que vous vous autoréglementez, il n'y aura plus de réglementation.

M. Proulx (Charles): Bien, je ne pense pas qu'on ait dit ça non plus.

M. Cliche: O.K. C'est clair. Correct.

M. Proulx (Charles): M. Pouliot, le vice-président, avait un commentaire à ajouter. C'est peut-être quelque chose que j'ai omis tantôt.

M. Pouliot (Clément): Bien, c'est pour rassurer un peu tout le monde. Quand on dit qu'on a tendance à ridiculiser les gens qui disent que l'odeur de fumier les rend fous, je peux vous dire, moi, que, comme jeune producteur de porc établi depuis quelques années sur la ferme paternelle, je me suis senti drôlement ridiculisé puis drôlement bafoué depuis un an, M. le ministre, pas à peu près. Ce n'est pas moi qui ai commencé le bal. Je me suis senti drôlement bafoué.

Moi, mon rôle comme producteur, c'est de nourrir la population. Pour nourrir la population, il faut d'abord et avant tout nourrir le sol. Puis, pour nourrir le sol, ça prend des lisiers. Malheureusement, c'est la nature qui a conçu les choses comme ça. Pour produire un kilo de viande, d'abord et avant tout, ça produit également des fumiers. C'est comme ça. Alors, moi, j'ai des animaux, puis, pour nourrir mes animaux, ça prend des aliments qui viennent du sol, et ça, là, la population malheureusement est en train de perdre cet élément-là important. La population est en train de croire que l'agriculture, c'est devenu le supermarché au coin de la rue. Ce n'est pas ça, l'agriculture, M. le ministre. L'agriculture, c'est pas mal plus important que ça.

Évidemment, ce qui nous nuit le plus là-dedans, c'est qu'on représente seulement un petit pourcentage de la population: au niveau total des producteurs, à peine 2 %, au niveau de la production porcine, même pas 1 %. Alors, on s'est éloignés peut-être de ce bout-là. La population s'est éloignée de nous autres, ou peut-être que, nous autres, on s'est éloignés de la population. Mais on oublie trop souvent que, pour faire un kilo de viande, il faut faire des fumiers, puis ça fait des odeurs. On oublie ça de la part de la population. Et ce n'est pas nous autres qui avons le contrôle, c'est les odeurs.

L'histoire des distances d'épandage, M. le ministre, là, on est prêts à accepter un bout, mais, moi, le petit bout de terre que je ne pourrai pas cultiver pour éviter supposément les odeurs, qu'est-ce que je vais faire avec? Je ne le sais pas, ce que je vais faire avec. Bien franchement, ça m'inquiète énormément. À moins que je mette des doses d'engrais chimiques fortes, très fortes? Parce qu'il va falloir que je le fasse, et je ne suis pas sûr qu'à quelque part dans le temps on va en regagner. À court terme, ça va être plus drôle pour les nez, mais à long terme on ne sera pas regagnants, ça, c'est sûr. La terre devra toujours être nourrie de façon importante par des matières organiques naturelles, c'est essentiel. La population devrait comprendre ça. L'ensemble des gens qui nous conseillent, qui nous représentent comme députés ou comme ministres, devraient lancer ce signal-là à la population aussi. C'est important que la population comprenne que l'agriculture, ce n'est pas une affaire de supermarché au coin de la rue. C'est ce bout-là, je pense, qu'il est important de comprendre.

M. Cliche: Oui, mais c'est sûr. Ça, là-dessus, écoutez, moi, je suis très conscient que malheureusement il y a une partie de la population qui pense que les côtelettes de porc poussent dans les cassots de «styrofoam». O.K.? Ça, je suis bien conscient de ça. Mais, moi, mon rôle à moi – et on le fait avec nos collègues – c'est d'encadrer l'industrie agricole. C'est important, l'industrie agricole, mais il faut qu'elle soit encadrée. À l'intérieur de ce cadre-là, vous allez avoir la paix pour produire. C'est ça, le droit de produire.

Mais ce qu'on fait en ce moment, ce qu'on est en train de déterminer, c'est le cadre à l'intérieur duquel vous allez avoir le droit et la paix de produire. Puis, à l'extérieur de ça, c'est ça, l'exercice: c'est déterminer où on met la ligne. Vous avez le droit de produire, vous avez le droit à votre production, mais, comme les industries papetières, comme les industries chimiques, il faut établir le cadre environnemental à l'intérieur duquel vous le faites. Une fois qu'on aura fait ça, vous aurez la paix pour le faire. Mais on s'entend que, moi, mon rôle, c'est de m'assurer d'encadrer votre secteur industriel, votre secteur économique, votre secteur agricole comme les autres secteurs, que vous puissiez vous développer dans le respect de l'environnement social et physique au Québec. On s'entend là-dessus. C'est ça, le développement durable.

(11 h 10)

M. Pouliot (Clément): Oui, M. le ministre, mais...

Le Président (M. Vallières): Alors, juste une seconde, juste pour vous indiquer que les travaux se terminent. Normalement, vous auriez le mot de la fin, comme suite à la question du ministre, parce que le temps est épuisé de part et d'autre. Alors, M. Toupin ou M. Proulx.

M. Pouliot (Clément): En tout cas. Sauf que, avec ce qu'on a vu comme distances pour supposément encadrer l'agriculture, M. le ministre, les distances, l'encadrement de nos fumiers, on se ramassait dans le bois puis dans nos érablières pour étendre nos fumiers, de ce qu'on a vu en 1996.

M. Cliche: Oui, mais ça, on les a retirés, ces...

M. Pouliot (Clément): Oui, peut-être. On espère. On espère que ça va se corriger. Mais, en tout cas, ça nous avait alarmés drôlement, de côté-là. Si on s'en vient à des distances qu'on propose – l'UPA va en proposer la semaine prochaine – je pense qu'on est capables de vivre avec des distances raisonnables, avec des équipements qui vont permettre aussi de s'adapter à ces distances-là. Ça, on est d'accord avec ça. Il s'agit de comprendre ça.

Le Président (M. Vallières): M. Proulx, en terminant.

M. Proulx (Charles): Peut-être un dernier commentaire sur les propos lorsqu'on nous compare. On s'est servi des papetières pour dire qu'on se dotait d'un plan d'action, mais je pense qu'il ne faudrait peut-être pas se servir des papetières aussi pour dire qu'une réglementation qui a été valable pour les papetières devrait être valable pour l'industrie agricole. On n'a pas une usine dans un village, là, on est répartis sur le territoire. On a 3 500 fermes porcines québécoises réparties sur le territoire. On ne pourra pas avoir la même forme de réglementation. Puis je pense que, lorsqu'on veut encadrer les producteurs agricoles dans une réglementation, on n'a jamais été contre, mais je pense que c'est inutile d'être des alarmistes auprès de la population dans le but de nous contraindre dans des réglementations.

Le Président (M. Vallières): Alors, merci beaucoup, M. Proulx et votre groupe, ce qui met fin à votre témoignage pour aujourd'hui. J'inviterais maintenant le groupe des agronomes, de l'Ordre des agronomes, à bien vouloir s'approcher.

À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. À l'ordre, s'il vous plaît! J'invite les députés à reprendre leurs sièges, à moins que vous vouliez qu'on ajourne la session jusqu'à cet après-midi. Alors, rapidement, s'il vous plaît, afin de permettre à l'Ordre des agronomes d'avoir le maximum de temps avec les députés.

Bien. Alors, j'inviterais l'Ordre des agronomes à débuter la présentation de son mémoire. S'il vous plaît! À l'arrière, j'invite le public, s'il vous plaît... À l'arrière, s'il vous plaît, le public... Bon. Il faut travailler, par conséquent vous aurez l'occasion, après la fin de nos travaux, d'échanger comme vous venez de le faire; mais, pendant qu'on travaille, on ne vous permet pas d'échanger trop longtemps, à tout le moins entre les périodes où nous avons à reprendre nos travaux.

Ceci étant dit, j'invite l'Ordre des agronomes à procéder à partir de maintenant.


Ordre des agronomes du Québec (OAQ)

Mme de Grandmont (Josée): Alors, M. le Président, MM. les ministres, Mmes et MM. de la commission, je vous remercie de l'invitation puis j'aimerais, dans un premier temps, vous présenter les gens qui m'accompagnent: alors, il y a Mme Claire Bolduc, qui est agronome et qui est vice-présidente de l'Ordre des agronomes, et j'ai aussi M. Pierre Baril, qui est agronome et ingénieur et qui travaille chez Les Consultants BPR. Donc, quand ce sera la période des questions, on sera disponibles tous les trois pour répondre à vos questions. Pour ne pas perdre de temps, je vais me contenter de lire le document qu'on a écrit, et puis, à ce moment-là, pour les commentaires, ça viendra à la période des questions.

L'Ordre des agronomes du Québec, un ordre professionnel constitué en vertu de la Loi sur les agronomes et régi par le Code des professions, a pour mandat d'assurer la protection du public en garantissant la qualité des services professionnels offerts dans son champ de pratique. L'Ordre des agronomes compte quelque 3 000 membres oeuvrant dans tous les secteurs de l'industrie agroalimentaire, tant au chapitre de la production et de la recherche que de la transformation et de la mise en marché.

De par la déontologie qu'il s'est donné, l'Ordre des agronomes partage également la responsabilité de prendre en charge l'intérêt des tiers dans les dossiers relevant de son domaine d'activité et de mettre l'expertise de la profession au service de la population québécoise dans les débats qui touchent la société. C'est pourquoi l'Ordre a tenu à s'impliquer activement dans toutes les discussions qui ont entouré la pollution d'origine agricole, la protection du territoire agricole et le droit de produire. Ainsi, l'Ordre des agronomes du Québec a participé aux travaux de la Table de concertation sur le projet de règlement sur la réduction de la pollution d'origine agricole et a présenté des mémoires sur l'avant-projet de loi et le projet de loi n° 23.

Au cours de la dernière année, l'Ordre a également transmis au ministre de l'Environnement des commentaires sur le document de réflexion sur la capacité des sols du Québec à supporter les élevages, sur le projet de politique de protection des eaux souterraines, de même que sur le document de travail intitulé Proposition d'orientations gouvernementales relatives à la gestion des odeurs, du bruit et des poussières en milieu agricole , déposé lors de l'adoption du projet de loi n° 23 en juin 1996. Alors, c'est dans ce même esprit de collaboration et avec le désir sincère de contribuer à l'élaboration de solutions optimales pour toutes les parties que l'Ordre des agronomes du Québec a accepté l'invitation de la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation à venir commenter la proposition de principes généraux relatifs à la gestion des odeurs, du bruit et des poussières en milieu agricole, et ce, malgré des délais indéniablement très courts. En fait, il semble bien que, pour nous, ce soit également une question de principe.

Parlant de principe, d'entrée de jeu, l'Ordre des agronomes désire rappeler qu'il a toujours manifesté une réticence certaine quant au fait que le gouvernement confie aux MRC la protection et la gestion du territoire agricole et des activités agricoles. En effet, l'expérience a démontré que les municipalités considèrent malheureusement trop souvent le territoire agricole comme de l'espace en attente de développement urbain. De plus, les pressions qui s'exercent à l'échelle locale ont engendré à plusieurs reprises des décisions non fondées, hypothéquant sérieusement le développement de l'agriculture en zone agricole.

En juin dernier, l'Ordre des agronomes soulignait qu'il était inquiétant de procéder à l'adoption de la n° loi 23 sans connaître au préalable les orientations et les normes réglementaires à être transmises aux MRC par le ministère de l'Environnement et de la Faune. Force nous est de constater que le document que nous commentons aujourd'hui en est encore un de principes généraux dans lequel on ne retrouve pas de normes précises. Un tel document laisse place à beaucoup d'interprétation et d'arbitraire et ne nous rassure aucunement quant à l'encadrement qui sera assuré par le gouvernement pour favoriser la protection et le développement des activités agricoles en zone agricole. Vous comprendrez que nous sommes en droit de nous interroger sur le but réel de l'exercice. Visiblement, on cherche à obtenir l'approbation des parties, mais le débat est effectivement restreint au fait que le fumier, ça pue et qu'il faut réglementer.

(11 h 20)

Voici des commentaires généraux maintenant sur la proposition. Alors, le premier point que je désire aborder, c'est la responsabilité des MRC. Donc, en présentation de la proposition des principes généraux, il est mentionné qu'il est prévu que les municipalités puissent établir par réglementation des distances séparatrices destinées à atténuer les inconvénients reliés aux odeurs. L'Ordre considère que le pouvoir de statuer en matière de distances séparatrices doit revenir aux MRC plutôt qu'aux municipalités. En effet, si la gestion des odeurs est transférée au monde municipal à cause de l'approche retenue qui repose sur les distances séparatrices, devenant ainsi un élément des schémas d'aménagement, il apparaît normal que ce soit l'instance qui a juridiction sur ces schémas d'aménagement qui en devienne responsable.

D'ailleurs, la loi n° 23, en modifiant la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, confie aux MRC et non aux municipalités le devoir de déterminer les orientations d'aménagement et les affectations du sol appropriées pour assurer, dans la zone agricole faisant partie de son territoire, l'utilisation prioritaire du sol à des fins d'activités agricoles et, dans ce cadre, la coexistence harmonieuse des utilisations agricoles et non agricoles. De plus, la prise de décisions au niveau de la MRC permettra d'éviter les disparités intermunicipales qui pourraient s'avérer problématiques et inéquitables pour les entreprises agricoles situées sur son territoire. Il va sans dire que ces problèmes pourraient s'avérer encore plus aigus pour une exploitation agricole dont les activités sont réparties dans plus d'une municipalité.

Les odeurs: considérations générales. La proposition de principe spécifie que toutes les méthodes connues de gestion des odeurs misent sur un éloignement à respecter pour atténuer les problèmes d'odeurs. Force nous est de constater que la prémisse de l'éloignement est loin d'être idéale. En effet, les odeurs émanant des installations existantes ne se trouvent en rien diminuées par cette approche, les normes d'éloignement ne pouvant s'appliquer à ces installations. Pour solutionner les inconvénients d'odeurs reliés aux installations existantes, il apparaît que l'on doive miser sur le développement de nouvelles technologies.

Ceci amène l'Ordre à se demander s'il ne serait pas plus profitable pour l'ensemble de la société que le gouvernement et les intervenants investissent prioritairement dans la recherche et la mise au point de ces nouvelles technologies qui serviront autant aux installations existantes qu'à celles à venir. Nous calculons que les pertes de revenus agricoles, l'augmentation des problèmes de pollution due à la restriction des surfaces disponibles à l'agriculture et l'expropriation déguisée qui seront engendrées par la mise en place des distances séparatrices justifient largement de tels investissements. D'autre part, l'approche des distances séparatrices a probablement été retenue pour sa simplicité d'application. Or, cette approche comporte également une grande part d'inéquités en traitant toutes les entreprises agricoles selon un même dénominateur. L'Ordre réitère la nécessité de considérer la problématique propre à chaque entreprise. Nous soutenons qu'en agriculture l'approche cas par cas demeure la mieux adaptée, celle qui favorise l'introduction des solutions les plus efficaces.

Il faudrait éviter de pénaliser les producteurs agricoles qui exercent leurs activités en utilisant des techniques respectueuses de l'environnement. Il serait d'ailleurs beaucoup plus efficace de miser sur une approche établissant des objectifs à atteindre plutôt que des distances à respecter. Une telle approche permettrait d'englober toutes les installations d'élevage, tant celles existantes que celles à venir, et favoriserait la prise en compte des particularités de chaque entreprise.

Méthode de calcul des distances applicables. Malgré ce qui précède, nous tenons à commenter la méthode proposée pour l'établissement des distances applicables. Tout d'abord, mentionnons qu'il faudrait établir clairement la distinction entre seuil de perception et seuil de nuisance. Il nous semble que le fait de percevoir une odeur agricole ne constitue pas en soi une nuisance. En ce qui concerne le calcul de la charge d'odeurs comptabilisables, le modèle proposé nous apparaît convenable. Toutefois, nous désirons soumettre quelques suggestions relativement aux annexes sur lesquelles il s'appuie.

L'Annexe 2 traite de la charge d'odeurs par animal. Alors, on remarque que cette Annexe ne tient pas compte de toutes les méthodes d'élevage actuellement connues. On n'y retrouve pas, par exemple, de données sur l'élevage de porc sur litière. Il y a l'Annexe 3 aussi qui contient le facteur d'atténuation. La liste des facteurs d'atténuation nous semble très limitée. Les technologies se développent très rapidement, et il faut s'assurer d'inclure à cette liste une provision pour les nouvelles technologies à être validées par le ministère de l'Environnement et de la Faune.

Ensuite, au niveau de l'Annexe 3, qui statue sur le facteur d'élevage, ce facteur doit en principe tenir compte du type de gestion de l'élevage. Or, dans le tableau qui nous est présenté en Annexe 4, on présume du type de gestion en fonction du nombre d'animaux. Cette formule est plus facile d'application mais est plus faible du point de vue équité. On devrait plutôt spécifier le mode de gestion qui sous-tend le facteur d'élevage.

Par ailleurs, il est mentionné que, pour tenir compte des situations où il y a plusieurs sources d'odeurs rapprochées, on assimilera à une même source d'émission des odeurs les installations – bâtiments et structures d'entreposage – situées à moins d'une certaine distance entre elles – laquelle? – et ceci, qu'elles appartiennent ou non au même exploitant. Comment sera gérée cette situation dans la pratique? Comment déterminera-t-on, par exemple, dans le cas où plus d'un exploitant est associé à la même source d'odeurs, lequel ne pourra plus agrandir son bâtiment?

La détermination des facteurs d'usage. Donc, dans la proposition, il est spécifié que des valeurs minimales et maximales de facteurs d'usage seront adoptées par le gouvernement et détermineront les limites que les municipalités devront respecter, mais entre lesquelles elles auront le loisir d'ajuster la protection souhaitée selon les conditions et préoccupations locales ainsi que le type d'activité humaine. L'Ordre s'interroge à savoir si les valeurs minimales et maximales adoptées par le gouvernement seront déterminées pour chaque type d'usage ou si elles le seront de façon globale, en offrant, par exemple, aux MRC la latitude de choisir à l'intérieur d'une fourchette de facteurs d'usage variant de 0,5 à 2,4. Dans un tel cas, cette latitude nous laisserait perplexes quant à la volonté réelle du gouvernement de prioriser les activités agricoles en zone agricole.

De plus, l'Ordre constate que, dans l'ensemble de cette proposition, le préjudice favorable est accordé d'abord à toutes les activités autres qu'agricoles. À plusieurs endroits dans le document, il est mentionné que le facteur d'usage ou les distances séparatrices pourront varier à la hausse mais jamais à la baisse. Pourtant, le facteur d'usage pourrait être diminué dans les cas de conditions locales entraînant une exposition moindre aux odeurs, par exemple quand il y a la présence ou l'établissement de haies brise-vent. Il y a plusieurs facteurs aussi qui peuvent entrer en ligne de compte.

Au niveau de l'épandage, les principes considérés en ce qui concerne l'épandage des fumiers nous semblent adéquats. Toutefois, il nous est difficile de statuer sur la pertinence de cet élément en l'absence de normes précises. Il est, par contre, reconnu qu'à l'entrée en vigueur de la loi n° 23, prévue pour juin 1997, c'est la directive 0-38 du MEF qui aura force de règlement comme mesure transitoire. Cette directive spécifie que, sauf s'il s'agit de fumier enfoui sous le sol lors de l'épandage ou de fumier oxygéné sans odeur, le fumier liquide devra être épandu à une distance minimale de 300 mètres d'une habitation voisine. Dans le cas du fumier solide, la distance minimale de l'habitation voisine sera de 75 mètres. L'Ordre tient à rappeler que l'application de distances excessives pour l'épandage des fumiers peut amplifier exagérément le problème de pollution diffuse agricole en diminuant de façon importante les superficies d'épandage.

En ce qui concerne les bruits et poussières, de façon générale, l'Ordre est d'accord avec les principes retenus en ce qui concerne la gestion du bruit et des poussières en milieu agricole. D'ailleurs, il n'y avait pas grand-chose dans la proposition là-dessus.

Conclusion. J'aimerais dire que, pour éviter que la gestion des odeurs en milieu agricole ne vienne hypothéquer indûment le développement de l'agriculture et n'ouvre la porte au zonage arbitraire des productions agricoles, l'Ordre des agronomes propose, premièrement, que les MRC statuent sur les facteurs d'usage qui seront appliqués sur leur territoire en considérant en premier lieu l'application du seuil minimal rattaché à un facteur d'usage spécifique. Dans les cas où elles choisiront d'aller au-delà de ce seuil minimal, les MRC devront préciser dans le document complémentaire au schéma d'aménagement les raisons justifiant ce dépassement. Dans ce même document, on devrait retrouver une analyse de l'impact de l'application des distances séparatrices sur le développement de l'agriculture sur le territoire des MRC. S'il y a prohibition d'activités agricoles par réglementation, les MRC devront étoffer les motifs retenus pour de telles décisions et les mesures compensatoires qu'elles ont prévues pour remplir leur mandat quant au développement des activités agricoles.

Deuxième point. Puisque l'on n'hésite pas à parler de plans d'urbanisme pour la plus petite municipalité, l'Ordre des agronomes propose également que l'on mette de l'avant dans chaque MRC un plan de développement de la zone agricole. Un tel plan pourra devenir un outil de développement économique pour une région donnée tout en permettant de gérer de façon éclairée le droit de produire. Mené de façon scientifique et objective, ce plan facilitera la prise de décisions éclairées en ce qui concerne l'établissement de nouvelles unités de production animales sur le territoire de la MRC et évitera les décisions arbitraires qui sont trop souvent prises par les municipalités à la suite de pressions locales. En plus de constituer un outil précieux de développement économique, le plan de développement de la zone agricole constituera un document de référence neutre et essentiel pour orienter et appuyer les recommandations des comités consultatifs agricoles.

(11 h 30)

Enfin, l'Ordre des agronomes estime que la proposition gouvernementale devrait encourager la recherche et l'adoption de techniques nouvelles et prévoir des avantages aux entreprises innovatrices. Cette proposition devrait laisser la porte ouverte à l'assouplissement des normes dans l'éventualité de techniques plus efficaces à contrôler les odeurs. Et voilà.

Le Président (M. Vallières): Merci, Mme Grandmont, de votre exposé qui touche très directement les propositions gouvernementales. Alors, j'oserais presque dire qu'il s'agit du premier qui s'adresse très directement à la proposition.

J'aimerais peut-être vous entendre, au début, sur... parce qu'à plusieurs reprises vous faites allusion qu'à l'échelle locale il pourrait y avoir des pressions sur le milieu qui fassent en sorte que ce niveau de gouvernement soit peut-être moins en mesure que le gouvernement du Québec d'appliquer des normes ou des critères. Quelle est votre perception du rôle que devront jouer les comités consultatifs locaux qu'on retrouve à l'intérieur de la loi n° 23? Est-ce qu'on doit interpréter, par votre position, que ces comités-là n'auront pas les effets recherchés par la loi?

Mme de Grandmont (Josée): Bien, disons que les comités consultatifs agricoles, actuellement, il y en a quelques-uns qui tentent de se mettre en place, et il y a certains problèmes qui sont reliés à la mise en place de ces comités consultatifs agricoles. Il y a certaines personnes qui croient que ces comités consultatifs agricoles, parce qu'ils sont constitués de 50 % de producteurs agricoles, sont d'office pro-agriculture. Mais il reste que, quand on prend des décisions à l'échelle locale, on fait affaire avec des intervenants locaux qui peuvent avoir des intérêts différents de ceux qu'un gouvernement peut prendre à l'échelle provinciale. Donc, actuellement, moi...

Je donne un exemple dans le Bas-du-Fleuve. Je pense que ça fait 10 fois qu'ils essaient de former le comité consultatif agricole, et ça exacerbe les tensions locales parce que, à un moment donné, on ne veut pas voir telle personne sur le comité, telle autre personne, et ces gens-là... Ce qu'on dit, nous autres, c'est que toute cette réglementation et toute la prise de décision au niveau local doivent aussi se faire sur une base objective et non pas seulement sur la base de pressions soit de citoyens ou sur la base de pressions du milieu; il faut que ça soit appuyé par des données quand même objectives. C'est sûr qu'il y a toujours une part de latitude qui se fait au niveau local, mais, par contre, quand on décide de zoner de façon aléatoire les productions agricoles, il n'y a rien de scientifique là-dedans.

C'est pour ça, nous, qu'on proposait ou qu'on revient avec le concept du plan de développement agricole ou, en tout cas, de toute étude qui d'abord serve de document de référence au comité consultatif agricole. Par exemple – c'est important – avant de décider si on poursuit ou si on arrête le développement des élevages sur un territoire, ça devrait être basé sur la capacité de support des sols. Mais ça, la capacité de support des sols, ça ne s'évalue pas au pif, ça prend une étude qui se fasse là-dessus. Ensuite, sur la base de ce document-là, la municipalité peut décider à partir de quel pourcentage elle n'accepte plus de nouveaux élevages, pour permettre quand même une provision pour l'agrandissement des établissements existants. Donc, les comités consultatifs agricoles, c'est une autre instance décisionnelle, mais je pense que ces gens-là devraient être outillés pour prendre des décisions aussi ou pour conseiller au niveau local, parce que avoir de l'expérience de l'agriculture, ça ne veut pas nécessairement dire avoir de l'expertise pointue, à ce moment-là, pour déterminer des choses plus précises.

Le Président (M. Vallières): Merci. M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Julien: Oui. Mme la présidente, effectivement je trouve que vous avez un mémoire qui est très bien présenté. J'ai l'impression que moins on a de temps, plus on fait des dossiers bien concis et bien structurés. Je veux vous féliciter parce que je vous dis honnêtement d'abord que vous proposez des pistes d'avenue que je trouve intéressantes. Mais la question a été posée au niveau des comités agricoles; je vais y revenir tout à l'heure dans vos solutions. Un autre élément que je trouve important aussi, c'est vraiment le lien entre la réglementation, les paramètres et les nouvelles technologies, toute une espèce de modulation qu'à mon point de vue je trouve fondamentale, et ça, je pense que, dans votre document, vous le ressortez très bien.

Dans votre page 9, il y a deux éléments sur lesquels je veux revenir. Le premier, c'est concernant l'application d'un seuil minimal – minimal-maximal – où, là, quasiment, il faudrait que la municipalité, si c'était la municipalité, ou la MRC, si c'était la MRC, qui décide d'aller en deçà de la norme ait une étude d'impact qui démontre sur quels faits elle se base pour appliquer cette norme-là. C'est un peu ça que vous dites?

Mme de Grandmont (Josée): Oui, exactement.

M. Julien: Et vous voyez ça comment?

Mme de Grandmont (Josée): Bien, nous, d'abord c'est ça, on voyait que la responsabilité de déterminer ou, en tout cas, de baliser les facteurs d'usage sur le territoire, ça relevait d'abord de la MRC, parce que, nous, on se demandait pourquoi les odeurs n'étaient pas réglementées au niveau provincial. C'est parce que finalement c'est sur la base de distances séparatrices et ça revient à la juridiction des MRC. Donc, on estime que les MRC ont un rôle important là-dedans pour d'ailleurs harmoniser aussi sur leur territoire les différentes politiques qui vont être prises.

Bon, à ce moment-là, au niveau du seuil minimal, ce qu'on pensait, c'est que, dans la proposition, c'était très vague, on ne savait pas exactement ce que... On voit des tables de distances qui sont établies avec des facteurs qui varient de 0,5 à 2,4. On se demandait si c'étaient les orientations gouvernementales qui étaient pour être transmises aux MRC, sans préciser les usages. Donc, le point qu'on disait, c'était: Est-ce que ça va être une fourchette de 0,5 à 2,4, et puis la MRC va pouvoir choisir à l'intérieur de cette fourchette-là sans égard à l'usage? Parce que, dans les documents préliminaires qu'on a eus, on précisait que, pour l'habitation isolée, c'était le facteur de 0,8, le périmètre d'urbanisation, 2,4. Là, on ne précise pas d'usage dans ça, donc on ne sait pas c'est quels usages que vous entendez. À ce moment-là, si une MRC décide d'appliquer, par exemple, le facteur 2,4, qui est normalement pour le périmètre d'urbanisation à l'habitation isolée, ça, on trouve que ça n'a pas de sens.

Ça fait que, là, nous, notre suggestion – et puis c'est peut-être votre idée également, je ne le sais pas – c'était de préciser pour chaque usage un intervalle minimal-maximal, et on prend pour acquis qu'on est en zone agricole, donc la priorité devrait être accordée aux activités agricoles. Par contre, c'est sûr qu'il faut favoriser la coexistence et que la meilleure méthode qu'on a trouvée à date, il semble, c'étaient les distantes séparatrices. Mais, pour nous autres, on devrait partir toujours sur la base du seuil minimal. Et, si on veut excéder ce seuil-là, il faudrait qu'il y ait une justification, parce que les MRC ont l'obligation, par la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, de favoriser le développement des activités agricoles. Donc, pour nous autres, au-delà du seuil minimal, qu'est-ce qui justifie que vous augmentiez ça? Il peut y avoir des conditions particulières sur le territoire. Mais aussi comment vous allez compenser peut-être la perte que vous faites dans un coin par autre chose? Parce que je pense que, eux autres aussi, ils ont ce bout-là à faire.

M. Julien: Je veux revenir un peu là-dessus parce que, durant les derniers jours, on a eu beaucoup de commentaires sur la fameuse question des paramètres puis l'écart. L'idéal pour vous, si on a à gérer de façon normative cette question-là, ce serait quoi? Et qui devrait le faire?

Mme de Grandmont (Josée): Eh bien, l'idéal pour nous, c'était comme... De toute façon, nous, au niveau de l'agriculture, on considère que l'agriculture, c'est une industrie, mais c'est une industrie qui se distingue beaucoup des autres industries. Ce n'est pas une industrie lourde; c'est caractérisé par une multitude d'entreprises réparties sur tout le territoire. Donc, l'Ordre des agronomes, dans tous les dossiers, tant au niveau du projet de règlement sur la réduction de la pollution d'origine agricole que dans ce dossier-là, préconisait une approche cas par cas, c'est-à-dire une approche qui tient compte de la réalité de chaque producteur.

Pour nous autres, l'idéal – et puis je sais que ce n'est peut-être pas facile actuellement parce qu'il n'y a pas l'outil disponible – ç'aurait été peut-être de faire une réglementation basée sur un objectif à atteindre; par exemple de dire: L'objectif à atteindre, c'est d'avoir deux unités d'odeurs par mètre cube à la limite de la propriété, et puis on peut mesurer ça. À ce moment-là, on ne réglemente pas les moyens, mais on réglemente l'objectif. À ce moment-là, chaque entreprise peut aller selon sa réalité et selon les technologies, peut prendre les moyens pour atteindre cet objectif-là.

À l'heure actuelle, je pense qu'il n'y a pas de moyens de... mais sauf que ce que je trouve inquiétant, c'est que, là, quand on parle de distances séparatrices qui vont être établies dans des schémas d'aménagement, on fixe ça pour longtemps et puis, à l'heure actuelle, avec tout ce qui s'est passé en production porcine, ça se développe vite et puis je pense que, tu sais, finalement ça va avoir des répercussions peut-être à très long terme, cette approche-là. Donc, pour nous autres, c'était peut-être la meilleure qu'il y avait actuellement, mais c'était quand même très inquiétant parce que, compte tenu des développements de la technologie puis aussi...

M. Julien: O.K. Donc, pour conclure là-dessus, dans le fond, peu importe, c'est de trouver une façon dont on va pouvoir moduler ou donner une souplesse pour qu'à l'intérieur de cinq ans, par exemple, si le schéma d'aménagement a cette durée-là, les ajustements puissent se faire sans pénaliser, dépendant des technologies ou dépendant de différentes choses, si je comprends bien quand je dis ça.

Puis l'autre élément, je veux avoir juste un petit commentaire. Ce que je trouve très intéressant, c'est votre proposition d'un plan de développement agricole par MRC. Si vous aviez un petit commentaire de précision là-dessus, je trouve ça intéressant.

Mme de Grandmont (Josée): Je vais laisser Claire en parler.

M. Julien: Ah! ça, je ne suis pas inquiet, Mme la vice-présidente.

Mme Bolduc (Claire): Les plans de développement de la zone agricole, ça réfère un petit peu aux plans d'urbanisme de chaque municipalité, mais on touche la zone agricole. Alors, on va pouvoir caractériser la zone de façon précise. Il existe déjà quelques outils qu'on peut bonifier. Par exemple, on va caractériser tout ce qui concerne le biophysique d'un territoire – les sols et aussi les zones fragiles de ces sols-là – de sorte que la municipalité se retrouve avec des outils complets et les comités consultatifs agricoles aussi.

(11 h 40)

Le plan de développement pourra comprendre aussi d'autres aspects plus reliés à la société, à l'environnement social de la MRC, c'est-à-dire quel genre de municipalités on retrouve – est-ce que c'est des municipalités mixtes, est-ce que c'est des municipalités surtout rurales? – et quel genre de développement on souhaite, quel genre de développement on veut rejoindre sur le plan économique. Alors, on pourra aller chercher des informations concernant, par exemple, les opportunités d'affaires au niveau agricole.

Un sol qui est très potable pour les exploitations horticoles est identifié, on sait qu'à proximité il y a tel ou tel type d'activité récréative ou récréotouristique, c'est plus difficile de favoriser un développement de production animale, mais la publicité peut promouvoir ce territoire-loi en disant: Cet espace-là pourrait servir à une fin agricole dans tel type de production. Le potentiel est là. Au niveau opportunité d'affaires, c'est aussi quelque chose de possible. Donc, le plan de développement vise plusieurs aspects au niveau social, au niveau économique, au niveau agricole. Ça sert à la municipalité dans son mode décisionnel quand elle a à se pencher sur, par exemple, des nouvelles entreprises, ça sert au comité consultatif agricole à se prononcer, ça sert, enfin, à la promotion. La promotion, la municipalité peut l'utiliser pour attirer des promoteurs pour le développement des activités agricoles – ce qu'elle a à faire, de toute façon.

M. Julien: J'espère qu'on pourra en reparler un peu plus tard, parce que j'aimerais ça l'aborder, parce que, quand vous parlez de ça, j'associe aussi zonage de production. Ça fait que j'aimerais ça qu'on l'aborde, cette question-là, non pas aujourd'hui, mais j'aimerais qu'on se revoie.

Mme Bolduc (Claire): D'accord. Mais on a prévu les zones à risque.

M. Julien: Le principe est intéressant, mais vérifiez la question du zonage de production.

Mme Bolduc (Claire): Oui.

Le Président (M. Vallières): Alors, nous vous remercions. On va passer au député d'Orford, chez qui il y a déjà des expériences de même nature que celles qu'on vient d'aborder, une des MRC de son comté qu'on a citées en exemple lors de l'étude du projet de loi n° 23. M. le député d'Orford.

M. Benoit: Merci, M. le Président. Mesdames, monsieur, bienvenue parmi nous. On a grandement apprécié votre mémoire. Je pense que c'est le premier mémoire qui, à partir des documents du ministre, campe exactement, fait une analyse exhaustive. Beaucoup d'autres points de vue ont été donnés, mais le vôtre est vraiment une recherche de travail très bien faite là-dedans. On doit vous en féliciter.

J'aurais deux courtes questions parce qu'on doit quitter, ici, vers midi et qu'il y a pas mal de monde, je pense, qui veut poser des questions. La première, les plans d'épandage. Vous êtes très au courant maintenant que chaque agriculteur, au Québec, suivra un cours et pourra avoir son propre plan d'épandage. Vous avez, il y a déjà très longtemps, offert au ministre... Vous disiez: Nous, on a la solution dans le cas de la production porcine. Vous avez été les premiers, vous avez été cités ici. On a demandé au ministre de vous écouter avec plus d'attention si vous aviez la solution. Vous n'avez pas semblé avoir cette oreille-là, à un point où maintenant non seulement vous ne l'avez pas, mais là...

Une voix: ...

M. Benoit: Oui, bien, je n'ai pas... Vous ferez vos débats sur quel ministre est interpellé. Mais vous avez interpellé le gouvernement, à l'époque. Vous avez dit: Nous, on a la solution, et puis vous n'avez pas été entendus.

Ceci dit, là on s'aperçoit maintenant qu'ils vont aller un petit peu plus loin, et chaque agriculteur pourra faire son plan d'épandage. Je ne vous dis pas qu'on est d'accord ou pas, mais j'aimerais entendre des professionnels dont c'est le métier en grande partie, qui ont fait trois ans d'université, qui sont redevables et responsables des gestes qu'ils posent. Vous avez des assurances, vous êtes partie d'une corporation régie par la province. Et ce cours qu'on va donner, moi, je ne le connais pas; j'aimerais peut-être que vous nous en parliez un petit peu, la qualité de ce cours qu'on va donner aux agriculteurs versus le cours que vous avez donné, et le net, net de tout ça. Je n'essaie pas de dire que ce n'est pas bon. Et je comprends aussi que dans votre réponse il y a un petit côté mercantiliste. Je ne suis pas naïf non plus, là, hein! En tout cas, j'espère ne pas trop l'être.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Vallières): Mme de Grandmont.

Mme de Grandmont (Josée): Alors, c'est une bonne question. Ce que je voudrais vous dire peut-être pour préciser, c'est que c'est sûr que, dans le débat du projet de réglementation sur la réduction de la pollution d'origine agricole, on a été possiblement les seuls à proposer une solution au gouvernement, et ça date de plusieurs années, mais on a été entendus, à l'époque. Alors, le premier règlement qui a été prépublié en août 1994 reposait entièrement sur la préparation du Plan global de fertilisation intégrée qui était signé par un agronome. Suite à ça, on a consulté l'ensemble des intervenants et on a fait une table de concertation, qui était d'ailleurs présidée par M. Denis Jean, ici, et on a eu beaucoup de plaisir à siéger sur cette table-là.

Pendant un an et demi, par contre, on a essayé d'établir le maximum de consensus autour du projet de règlement pour que ce soit applicable. C'est sûr qu'un irritant majeur du projet de règlement pour les producteurs agricoles, c'était le fait que le Plan global de fertilisation intégrée devait être signé par un agronome. Et là, autour de la table, on en a discuté et, pour nous, le principe du Plan global de fertilisation intégrée, il y avait deux éléments positifs à la chose: c'était que le problème de pollution diffuse d'origine agricole, c'était un problème avec les engrais organiques principalement, et la façon de le solutionner, c'était d'utiliser une façon agronomique, donc de préparer un plan adéquat de fertilisant.

Et aussi le Plan global de fertilisation intégrée, ça débordait beaucoup le cadre de la fertilisation seulement. On essayait de régler le problème à la source, c'est-à-dire pas de régler le problème, par exemple, des excédents de phosphore et d'azote quand c'est rendu dans le fumier de lisier, mais peut-être d'aller en aval et d'aller, tu sais, au niveau de l'alimentation. Donc, c'était quand même un outil assez complexe et très élaboré. Et puis, nous, on pensait aussi que c'était la façon... Parce que, comme je vous ai dit tout à l'heure, à l'Ordre des agronomes, on privilégie toujours une approche cas par cas. Donc, le PGFI, ça évitait de faire un règlement qui était très normatif et qui pouvait être préjudiciable aux producteurs agricoles et puis qui ne tenait pas compte non plus de la réalité de chaque entreprise, parce que c'est très variable.

Bon. Là, l'idée du PGFI signé par un agronome, et tout ça, ce n'était pas nécessairement accepté, et je dois vous dire aussi qu'il y avait un autre élément qui était important dans cette approche-là: c'était que le ministère de l'Environnement, actuellement, il a un règlement qui pourrait être quand même assez efficace, mais le problème qu'il y a, c'est le problème de le faire appliquer. Parce que, là, on ne parle pas de 50 entreprises, on parle de plusieurs entreprises, de milliers d'entreprises, et c'est sûr que le ministère de l'Environnement, la police verte n'est pas capable de vérifier tout ce qui se passe actuellement. Donc, ce projet de règlement là introduisait la notion d'autoresponsabilisation du producteur mais aussi de responsabilisation du professionnel. Donc, il y avait un suivi qui était assuré par le professionnel et qui garantissait finalement l'efficacité du règlement. On avait deux volets de l'efficacité du règlement qui étaient assurés, c'est-à-dire l'assurance que le règlement serait possiblement respecté, par la responsabilisation des professionnels, et aussi la réduction de la pollution d'origine agricole par un plan qui était vraiment global et qui était efficace.

Actuellement, ce qui est arrivé, c'est qu'on a demandé que le producteur puisse signer son plan lui-même, et les gens de la Table de concertation ont accepté. L'Ordre des agronomes a également accepté ce consensus-là, mais à la condition expresse que la formation qui serait donnée au producteur agricole pour faire son plan de fertilisation – ça s'appelle le «plan agroenvironnemental de fertilisation» – soit adéquate. Et là on ne parlait plus de PGFI parce que, finalement, pour faire un PGFI, ça prend quelqu'un qui a fait quand même des études. Même les agronomes, il y en a plusieurs qui vont suivre une spécialisation pour faire ça. Mais, par contre, on se disait: Bon, on va aller plus bas, mais ça va avoir quand même une certaine efficacité. Et, nous, pour le document qui était sur la table avec les choses, on avait évalué la formation à 160 heures.

Actuellement, le projet de règlement, on n'en a pas eu d'autres nouvelles depuis un petit bout de temps. C'est sûr qu'il y a des modifications qui ont été apportées suite à l'entente avec l'UPA, mais on ne les a pas vues, comment ça s'est traduit dans le projet de règlement. Et, au niveau de la formation, bien, c'est un point qu'on a toujours répété au ministre de l'Environnement, que c'était important que ce soit sérieux, parce que sinon il n'y a plus rien qui tient. Tu sais, finalement, si les gens ne sont pas formés adéquatement pour préparer leur plan, bien, le plan, ce n'est pas une cédule d'épandage, là, ce n'est pas un plan d'épandage, c'est un plan de fertilisation, puis, ensuite, en enlevant la partie de la responsabilité professionnelle, bien, on enlève une certaine efficacité au projet de règlement.

M. Benoit: Alors, la proposition que vous avez faite était de 160 heures. Je ne veux pas vous annoncer en primeur que ça ne sera pas ça, j'ai cru comprendre. Faudrait peut-être reparler au ministre, mais j'ai cru comprendre que ça ne sera pas de 160 heures. Je ne voudrais pas vous décevoir.

Le contenu de ce cours-là, sans nous donner une thèse de doctorat parce que le temps court, pour un agriculteur, 160 heures, aussi, est-ce que ce n'est pas beaucoup de temps? J'essaie de penser à une semaine de 32 heures. Ça fait pas mal de jours de cours, ça, là, pour un agriculteur. Est-ce que ce n'est pas très long, finalement?

Mme de Grandmont (Josée): Oui, mais est-ce qu'on veut faciliter l'adoption du projet de règlement puis faciliter que les gens fassent des plans, puis est-ce qu'on ne s'assure pas que les plans soient efficaces? Est-ce que c'est ça, le but? C'est sûr que 160 heures, pour nous autres, c'était même un minimum, et ça prend une formation de base comme de niveau fin secondaire pour commencer à jouer dans les notions de chimie puis de physique. C'est sûr que, chez les gens, il y a de l'expérience par les acquis, puis je pense qu'il y avait un mécanisme qui prévoyait aussi la reconnaissance des acquis, sauf que les cours, ce qu'on...

(11 h 50)

Nous, je veux dire, finalement, ce qu'on a élaboré, c'est les notions de base. On a pris des cours qui étaient déjà existants dans le programme GEEA, et c'est le même dont on s'est servis pour évaluer la formation requise, pour préparer le document qui était demandé par le MEF. Ça a d'ailleurs été confirmé par un rapport d'experts du MAPAQ et du ministère de l'Éducation, qui arrivaient au même constat que nous. Là, je ne sais pas si depuis ce temps-là les exigences du MEF ont baissé pour qu'on puisse former les producteurs agricoles avec moins d'heures de cours, sauf que, moi, je dis: Les producteurs ont toujours le choix, ils ont le choix de le faire ou de le faire faire par quelqu'un d'autre, un professionnel.

Si on parle aussi de la problématique là-dessus, c'est que les premiers groupes de producteurs qui vont être visés pour obtenir un PGFI, ce sont des producteurs qui sont dans les productions animales, donc qui n'ont pas nécessairement, je dirais, un grand intérêt ou une grande préoccupation pour la fertilisation des sols, c'est-à-dire pour les cultures. Si on parlait à des producteurs horticoles, c'est des gens qui sont plus orientés vers les productions végétales et qui, à ce moment-là, ont déjà plus d'intérêt là-dessus. Moi, je pense que ce n'est pas un jeu de dire: Bon, bien, il faudrait que ce soit facile pour les producteurs agricoles de le faire en 30 heures. Il faut être sérieux. Si on veut leur faire faire un cours d'agronome en 30 heures, je pense que la société est aussi bien de fermer l'université, puis ça va coûter moins cher à tout le monde. Il faut s'entendre sur ce qu'on veut. On n'a pas vu le document que le MEF veut, finalement. Est-ce que c'est seulement le contenu minimal? Est-ce qu'on parle maintenant de remplir un formulaire qui ressemble à un formulaire d'impôts? Je pense qu'on se prive de beaucoup de choses.

Puis il ne faut pas oublier que ce n'est pas seulement des limites d'épandage ou des limites de fertilisation que le producteur va devoir mettre, parce que, même s'il écrit ça sur le papier, il va falloir qu'il continue à produire, et je pense qu'il n'y a pas un producteur qui peut prendre le risque d'avoir des rendements qui ne sont pas non plus économiquement rentables. Parce que finalement la diminution des engrais, de la fertilisation, ça ne va pas sans l'amélioration d'autres techniques. On ne peut pas dire: Je vais obtenir les mêmes rendements en diminuant mes fertilisants puis je ne fais rien d'autre. Donc, c'est tout un ensemble. C'est pour ça que la formation, ça vient global, parce que, finalement, si le MEF, dans le fond, son objectif, c'est qu'il n'y ait pas de pollution d'origine agricole, on limite les fertilisants, il atteint son objectif, mais les producteurs, eux, ils doivent continuer à produire, donc il faut qu'ils fassent plus que ça.

M. Benoit: M. le Président, j'aime les gens qui sont convaincus de leur point de vue, et on en a eu ici. Merci beaucoup.

Le Président (M. Vallières): M. le ministre de l'Environnement et de la Faune.

M. Cliche: Bien, d'abord une blague: au nombre de choses que vous dites en quelques minutes, ça ne prend pas beaucoup d'heures.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Cliche: Mais, au-delà de cette blague, comme le dit le député d'Orford, qui encore une fois a dit quelque chose d'intéressant, le document est d'excellente qualité et vraiment il y a des remarques très constructives.

Un point d'information et, après, une question spécifique. Le point d'information, c'est sur le plan de fertilisation. Il n'est pas question qu'on lésine sur les objectifs du plan de fertilisation et les critères d'un plan de fertilisation. Je ne suis pas un agronome, mais pour moi c'est simple – c'est la façon dont je le décris au public – il faut que les fertilisants qu'on met sur les plantes et les sols soient en équilibre avec leurs besoins. Pour moi, là, c'est ça. Et c'est le ministère de l'Éducation qui va déterminer le nombre d'heures suffisant pour faire acquérir à une personne la capacité de faire cette évaluation-là scientifique. Si c'est 90 heures, ce sera 90 heures, si c'est 150 heures, ce sera 150 heures, puis, si c'est 200 heures, ça sera 200 heures. Nous, on sait ce que ça prend, mais on n'est pas des pédagogues. Donc, ça sera au ministère de l'Éducation à déterminer ça et ça prendra le nombre d'heures que ça prendra. Mais je vous souligne que je suis à peu près convaincu que, sur les 25 000 producteurs agricoles du Québec qui devront se doter de plans de fertilisation, vous allez en faire une grande part. Moi, c'est ma perception.

Il n'est pas question qu'on lésine sur les critères objectifs de ce qu'est un plan de fertilisation et ce qu'il doit inclure, puis j'ai la définition assez large que je viens de vous donner. Je ne vais pas dans les détails, mais, moi, c'est ma compréhension, à titre de ministre, d'un plan de fertilisation, puis ça prendra le nombre d'heures que ça prendra. Et les producteurs qui veulent signer eux-mêmes leur plan devront suivre les cours sur le nombre d'heures que le ministère de l'Éducation déterminera eu égard aux besoins d'éducation, aux besoins pédagogiques puis au nombre d'heures que ça prend pour passer le cours.

Elle dit: Minimum 160 heures. Ça sera 160 heures si c'est un besoin de 160 heures, ça sera 200 heures, ça sera 100 heures. Ça va dépendre de ce que le ministère de l'Éducation va nous dire. Parce qu'on est en contact avec le ministère de l'Éducation. On dit: Ça prend ça. Quelles sont les choses qu'on doit enseigner à une personne et combien d'heures ça prend? Alors, c'est juste pour vous dire là-dessus qu'on n'y va pas au pifomètre, on y va selon une approche très, très spécifique, objective.

J'ai une question très pertinente, je pense. Dans votre mémoire, il y a comme deux approches. Dans un premier temps, vous dites: Ça prend une approche objective. Vous faites part, à un certain moment, d'une peur que vous avez de l'inéquité dépendamment de l'application dans les MRC d'un règlement variable. Donc, vous soulevez la question d'inéquité. Ça vous inquiète. D'autre part, vous faites l'apologie du cas par cas. Alors, comment concilier, selon vous, la flexibilité qu'on veut donner aux MRC eu égard aux distances séparatrices qui, bien sûr, seront un facteur d'usage, un facteur d'atténuation qui va être basé sur des techniques? Comment faire en sorte que ça ne soit pas inéquitable, mais qu'on reconnaisse le cas par cas ou la flexibilité au niveau des communautés, selon vous? Est-ce que c'est faisable?

Mme de Grandmont (Josée): Mais là je voudrais d'abord vous préciser que, pour moi, il ne semble pas y avoir de contradiction entre le fait qu'on voudrait avoir des normes pour éviter les inéquités puis qu'on favorise l'approche cas par cas. L'approche cas par cas, c'est pour la détermination de solutions, tandis que l'inéquité, c'est au niveau des standards. Donc, il devrait y avoir des normes précises au niveau de ce qu'on attend. Et c'est là, je pense, que c'est important que ce soit balisé, qu'on attende la même chose, par exemple, qu'il n'y ait pas nécessairement trop de différence entre ce qu'on attend d'une entreprise agricole sur un territoire et les municipalités, donc que ce soit fait sur une base objective. S'il y a des raisons de faire des différences entre les entreprises, que ça soit fait sur une base objective.

Ensuite de ça, ce que je dis au niveau de l'approche cas par cas, c'est au niveau des moyens qu'on donne aux producteurs agricoles pour atteindre les objectifs. Actuellement, le seul moyen qu'il y a de mis sur la table – puis espérons qu'un jour on va avoir des meilleurs outils – c'est les distances séparatrices. Donc, là, ça, c'est un moyen, qu'on dit. C'est le moyen. Et puis, ensuite de ça, bon, bien, à ce moment-là, il y a peut-être une certaine latitude. Ce dont on parlait, c'est que, si un producteur pouvait démontrer que, lui, il peut atteindre un facteur d'usage x avec moins de distance parce qu'il a une meilleure technologie, il faudrait que ça, ça puisse être reconnu.

M. Cliche: Vous avez absolument raison. Mais je veux qu'on se comprenne bien comme il faut, là. Nous, il y a le facteur d'atténuation. Le facteur d'atténuation, c'est celui qui va intégrer le facteur technique. Si, au niveau de la production, on met un chapeau sur la citerne, il y a un facteur d'atténuation qui diminue la charge d'odeurs et diminue d'autant la distance minimale. Même chose au niveau de l'épandage: si c'est un incorporateur dans le sol, il y a un facteur d'atténuation qui va diminuer la charge d'odeurs, donc la distance séparatrice au niveau de l'épandage. On envisage même des distances très, très minimales, style pas loin de zéro mètre, dans certaines techniques. Ça, c'est le facteur d'atténuation.

Le facteur d'usage, pour qu'on comprenne la même chose... Et je reconnais que, dans le document, en ce moment, on n'a pas élaboré beaucoup le facteur d'atténuation technique parce que, nous, on va l'intégrer uniquement lorsqu'il y aura des techniques homologuées. Par exemple, hier on a eu une présentation du DEC, D-E-C, la compagnie DEC, et là on vient d'homologuer cette technologie-là. Alors, c'est sûr que cette technologie-là dûment homologuée par les experts du ministère, ça va être un facteur d'atténuation assez puissant pour réduire la charge d'odeurs à la sortie.

Juste pour qu'on se comprenne puis qu'on parle de la même chose – pour les députés aussi – le facteur d'usage est relié à l'usage des humains à l'intérieur d'un territoire ou à proximité d'un territoire. Exemple: pour une résidence isolée à l'intérieur d'une zone verte, il va y avoir un facteur d'usage qui va multiplier la distance qui va... le facteur d'atténuation. Ça peut être 0,5, par exemple. Par contre, si c'est l'abbaye de Saint-Benoît-du-Lac, peut-être que ça va être un facteur d'usage plus grand que pour une maison isolée à l'intérieur de la zone verte. De même, si c'est un quartier complet en zone blanche de densification de quartiers hautement densifiés au niveau de la population, ça va être un facteur d'usage plus grand. Comprenez-vous? Alors, c'est juste pour qu'on se comprenne sur les mêmes choses.

Mais, oui, vous avez raison lorsque vous dites que notre document est faible, n'intègre pas beaucoup de nouvelles techniques au niveau du facteur d'atténuation. Vous avez raison. Oui, il va y avoir une «bracket» au niveau des facteurs d'usage et, oui, on va essayer de... C'est ça. J'aime beaucoup votre suggestion. Je vais terminer là-dessus. Je veux vous comprendre. Ce que vous nous dites, c'est que, entre 2,5 et 2,4, on devrait être plus spécifique. On devrait avoir des sous-classes au niveau du facteur d'usage. Par exemple, habitation isolée, ça pourrait être entre 0,5 et 1, regroupement, je ne sais pas, moi, ce qu'on appelle une habitation fermée, restaurant ouvert à l'année, salle de réception où on va marier nos filles, ce serait facteur d'usage 1,5, 2 ou...

Mme de Grandmont (Josée): Oui. On voudrait que le gouvernement statue, ne laisse pas...

(12 heures)

M. Cliche: Je ne le sais pas.

Mme de Grandmont (Josée): On voudrait que vous statuiez, justement. Les balises qu'on voudrait que vous fournissiez aux MRC, c'est de préciser les usages et de préciser pour chaque usage des intervalles. Nous, ce qu'on suggère, c'est que, en zone agricole, la MRC devrait d'abord choisir le seuil minimal. Ensuite, si elle veut aller au maximum de la fourchette, ça devrait être justifié.

M. Julien: O.K. C'est une bonne suggestion. On ne l'avait pas, ça? Non? On s'en allait vers ça?

Le Président (M. Vallières): Bien. Alors, merci. Ça termine votre présentation. Merci, Mme Grandmont et votre groupe.

La commission suspend maintenant ses travaux jusqu'à cet après-midi, après les affaires courantes.

(Suspension de la séance à 12 h 1)

(Reprise à 15 h 31)

Le Président (M. Vallières): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation reprend ses travaux. Nous entendrons cet après-midi, dans l'ordre, l'Union des municipalités régionales de comté du Québec et des municipalités locales du Québec, le Regroupement national des conseils régionaux de l'environnement du Québec et la Direction régionale de la santé publique de Lanaudière.

Alors, j'aperçois Mme Simard. Mme Simard, vous disposez d'une vingtaine de minutes pour votre exposé de présentation, et je veux simplement vous indiquer que moins vous prenez de temps plus les échanges vont pouvoir être allongés avec les députés autour de la table, pour une quarantaine de minutes. Alors, la parole est à vous, Mme Simard.


Union des municipalités régionales de comté et des municipalités locales du Québec (UMRCQ)

Mme Simard (Jacinthe B.): Alors, merci, M. le Président. MM. les ministres, Mmes et MM. les députés, membres de la commission, je serai accompagnée cet après-midi par Me Isabelle Chouinard, qui est à ma droite, qui est conseillère juridique, et M. Michel Fernet, qui est le directeur général à notre union. Alors, je vous remercie de nous entendre et surtout d'avoir accepté de reporter notre temps parce que nous avions une rencontre importante au ministère des Affaires municipales. Alors, on voulait tout prendre.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Simard (Jacinthe B.): Ce n'est pas la première fois. On se reproduit partout, n'est-ce pas? Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Simard (Jacinthe B.): Alors, l'Union des municipalités régionales de comté et des municipalités locales du Québec est heureuse de présenter à la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation sa position sur les éléments essentiels de la mise en oeuvre de la loi n° 23, Loi modifiant la loi sur la protection du territoire agricole et d'autres dispositions législatives afin de favoriser la protection des activités agricoles.

L'UMRCQ représente près de 1 100 municipalités locales et 88 MRC, lesquelles forment le monde rural québécois. À ce titre, elle est un interlocuteur incontournable dans le dossier du développement durable des activités agricoles. Les commentaires qui suivent portent évidemment sur la proposition de principes généraux relatifs à la gestion des odeurs, du bruit et des poussières en milieu agricole.

Voilà plusieurs mois que l'UMRCQ demande d'être partie aux négociations sur les paramètres qui encadreront la réglementation municipale sur les odeurs. Nous déplorons que cette revendication du monde municipal, qui était pourtant signataire à l'entente sur le droit de produire et partie à toute les négociations qui ont précédé la loi, n'ait reçu aucun écho de la part du gouvernement.

Nous saisissons également l'occasion qui nous est offerte aujourd'hui pour présenter brièvement les exigences du monde municipal concernant les autres éléments requis pour la mise en oeuvre de cette loi, soit les orientations gouvernementales générales qui seront transmises aux MRC en vue de la révision de leur schéma d'aménagement et le règlement sur la réduction de la pollution d'origine agricole.

Enfin, il nous semble opportun d'exposer l'importance de l'entrée en vigueur, à très brève échéance, de la loi n° 23.

Le gouvernement du Québec était inspiré d'une volonté de décentralisation lorsqu'il a adopté, en 1979, la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme. Deux grands principes invoqués comme fondement de cette loi postulaient que l'aménagement est une responsabilité politique et non technique, relevant donc des élus locaux, et qu'elle est partagée entre trois paliers de décision, c'est-à-dire le local, le régional – pour nous, ce sont les MRC – et le gouvernemental, chaque pallier ayant son propre domaine de responsabilités.

L'État a bien respecté son rôle d'accompagnateur lors de l'élaboration de la première génération du schéma d'aménagement. Il a transmis aux MRC les orientations qu'il entendait poursuivre sur le territoire de même que les plans d'affectation des terres du domaine public indiquant les affectations que le gouvernement exigeait sur les terres lui appartenant. La politique de protection des rives du ministère de l'Environnement a de plus obligé les MRC à prévoir une protection minimale des berges et du littoral. Le gouvernement a par la suite approuvé les schémas qui respectaient ces orientations, parfois suite à quelques modifications.

Malgré les exigences minimales contenues dans ces orientations et qui visaient la protection de l'intérêt public, jamais le gouvernement ne s'est directement ingéré dans l'élaboration des normes locales d'urbanisme. Cela nous fait dire aujourd'hui que l'aménagement et l'urbanisme sont l'une des plus grandes réussites en matière de décentralisation au cours des 20 dernières années. Avec la loi n° 23, le gouvernement souhaitait aller plus loin en responsabilisant les MRC dans la planification de l'aménagement de la zone agricole provinciale. La réglementation municipale en territoire agricole est d'ailleurs l'un des objets de l'entente sur la décentralisation signée entre les unions municipales et le gouvernement, en octobre 1995.

L'un des éléments de cette décentralisation est le contrôle des odeurs inhérentes aux pratiques agricoles. Il a été convenu, entre les parties à l'entente sur le droit de produire, que cette responsabilité serait mieux assumée au niveau local. La gestion des odeurs dépend, en outre de l'environnement dans lequel évolue l'établissement de production animale, notamment de sa situation par rapport aux périmètres d'urbanisation, de l'axe des vents dominants, de la topographie particulière du milieu et de la présence ou non de microclimats, de boisés ou d'écrans naturels.

La loi n° 23 confie donc cette responsabilité aux MRC et aux municipalités locales, dans le respect des paramètres élaborés par le gouvernement. Au cours des négociations qui ont précédé la loi, il n'a jamais été question que les municipalités ne bénéficient, pour l'exercice de cette fonction, que de faibles marges de manoeuvre. Il a toujours été entendu qu'elles jouiraient d'un réel pouvoir réglementaire leur permettant de régler les problèmes d'odeurs en fonction de leurs besoins et situations propres. Or, nous avons été informés que les négociations qui se sont déroulées à huis clos entre le gouvernement et l'UPA sur les paramètres d'odeurs ont abordé l'éventualité de réduire considérablement les marges décisionnelles des élus locaux.

Si le gouvernement adoptait cette voie, l'UMRCQ ne saurait que regretter d'avoir donné son aval à la loi n° 23. Il s'agirait d'une brèche importante dans le fonctionnement de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme et d'un précédent inacceptable de centralisation des normes d'urbanisme locales. Nous comprenons que l'État veuille accorder une protection minimale aux résidents de la zone agricole en remplacement des droits civils dont ils jouissaient auparavant. On sait en effet que les producteurs agricoles bénéficieront d'une immunité à l'encontre de toute poursuite civile en raison des odeurs, s'ils respectent les règlements municipaux établissant les distances séparatrices.

La loi n° 23 prévoit déjà la directive du ministère de l'Environnement et de la Faune relative à la protection contre la pollution de l'air provenant des établissements de production animale, suppléant à l'absence de réglementation municipale. Cela sous-tend que cette directive établit les distances de base à respecter. Outre la directive dont le respect est déjà assuré par l'application de la loi, le gouvernement devrait s'abstenir d'établir des seuils minimums et maximums de distances. Rappelons que les municipalités ont depuis longtemps le pouvoir d'établir librement des normes de distances en territoire agricole pour prévenir la pollution de l'air et que peu de municipalités l'ont fait.

Nous sommes dans l'ensemble d'accord avec la formule proposée dans le document de consultation sur la gestion des odeurs, qui est basée sur les travaux de l'Association des ingénieurs allemands. Cette méthode devrait se retrouver dans les orientations gouvernementales à titre indicatif, notamment pour calculer les distances en fonction des techniques d'exploitation et de traitement du fumier ayant un impact à la baisse sur l'émission des odeurs. Elle permettra de plus aux MRC de faire un choix éclairé, compte tenu des renseignements qu'elle contient sur le pourcentage de populations affectées par les odeurs en fonction d'une distance donnée.

(15 h 40)

Pour le reste, nous invitons le gouvernement à démontrer sa confiance dans les mécanismes qu'il a instaurés avec la loi n° 23. Elle offre des garanties sérieuses en prévoyant que les MRC doivent, dans leur schéma, favoriser le développement durable des activités et des entreprises agricoles, assurer la pérennité d'une base territoriale pour la pratique de l'agriculture et accorder la priorité aux activités agricoles. Non seulement seront-elles dirigées par ces principes, mais les MRC devront travailler en concertation avec le milieu agricole via les comités consultatifs agricoles. Ajoutons que le gouvernement aura un contrôle direct contre les abus, puisqu'il doit adopter les schémas pour qu'ils entrent en vigueur.

En confiant aux MRC, via les orientations gouvernementales, le mandat clair d'établir des paramètres de distances, le gouvernement s'assurerait d'un encadrement de la réglementation locale par le schéma, et les paramètres seraient réellement adaptés aux particularités locales en fonction des facteurs précédemment mentionnés.

Jamais les MRC n'ont été auparavant responsabilisées en matière de protection des activités agricoles. Nous croyons qu'elles sauront s'acquitter de cette fonction tout en établissant un équilibre entre les droits des agriculteurs et ceux des autres résidents, pour autant qu'on leur donne les moyens de le faire.

Si le gouvernement persiste dans sa volonté d'imposer des seuils de distances, il devra prévoir des distances telles qu'elles préviennent le pire des situations. De tels paramètres pourraient inviter indirectement les MRC à prévoir des normes plus sévères que celles qu'elles auraient elles-mêmes initiées.

Selon le document de consultation, on semble vouloir favoriser des paramètres maximums relativement faibles et permettre aux municipalités d'aller au-delà des seuils permis après avoir pris avis du comité consultatif agricole. L'UMRCQ ne saurait être d'accord avec cette proposition.

Premièrement, le comité consultatif agricole est un comité de la MRC, et c'est aller à l'encontre de l'esprit de la loi que lui permettre de s'ingérer directement dans l'administration locale. De plus, il suffirait que le comité consultatif agricole refuse de se prononcer ou de se réunir pour bloquer le pouvoir décisionnel de la municipalité. Ce qui n'est certes pas souhaitable.

La loi n° 23 prévoit que le comité consultatif agricole sera consulté lors de l'élaboration des paramètres de distances de la MRC. Il serait illogique de confier au comité un rôle plus important que celui confié à l'entité qui est chargée de conseiller, soit la MRC. Le rôle de cette dernière n'est pas de porter un jugement d'opportunité sur la réglementation local mais bien d'élaborer un cadre d'aménagement. Le comité doit donc subséquemment, à l'instar de la MRC, se limiter à l'examen de la conformité du règlement du schéma d'aménagement.

À titre préventif, mentionnons que l'UMRCQ est a fortiori en désaccord avec la proposition du document de consultation de juin 1996, qui requérait l'accord du comité consultatif agricole pour que la municipalité puisse aller au-delà du seuil maximum prévu.

Si la volonté du gouvernement est de confier un droit de veto au comité consultatif agricole sur des normes excédant les paramètres, il va à notre avis à l'encontre de la loi selon laquelle le comité est de nature consultative. En outre, il faut rappeler que la protection contre les odeurs est accordée aux autres résidents qui ont perdu leurs droits civils en matière de troubles de voisinage. Il serait par conséquent anormal de confier ce pouvoir décisionnel à un groupe représentant principalement les producteurs agricoles.

En résumé, concernant les paramètres pour la gestion des odeurs, l'UMRCQ recommande que les orientations gouvernementales exigent des MRC qu'elles fixent les seuils minimums et maximums de distances séparatrices, lesquelles pourraient varier selon les particularités locales.

Deuxièmement, que les orientations gouvernementales contiennent toute l'information pertinente, notammentcelle contenue dans le document de consultation pour éclairer le choix des MRC dans la fixation des paramètres.

Troisièmement, que la directive du ministère de l'Environnement et de la Faune soit la base à respecter pour l'établissement des paramètres des distances.

Dans le cadre de la révision du schéma d'aménagement, le gouvernement doit transmettre aux MRC des indications sur la façon d'assurer la compatibilité des normes d'aménagement avec l'objectif de favoriser l'utilisation prioritaire du sol à des fins d'activités agricoles et la coexistence harmonieuse des utilisations agricoles et non agricoles. Par ailleurs, la loi impose aux MRC d'élaborer des normes en considération du développement des activités et des entreprises agricoles dans le respect du développement durable. Il serait important que les orientations gouvernementales donnent également des indications sur la façon de favoriser ce développement durable étant donné que cette notion n'est pas définie dans la loi et que les MRC devront en tenir compte. Mentionnons que, selon la politique ministérielle du développement durable du ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec, le défi consiste à établir un équilibre entre la production d'aliments sains et nutritifs, la compétitivité du secteur et la conservation des ressources au sol et une cohabitation harmonieuse sur le territoire. Cette définition nous semble conforme à celle du rapport sur la Commission mondiale de l'environnement et du développement publié lors du Sommet de la Terre de Rio de Janeiro et qui est à la base de la convention sur la biodiversité, en vertu de laquelle le Québec s'est engagé à intégrer le concept de développement durable.

Dans l'élaboration de ses orientations, le gouvernement pourrait s'inspirer du projet de schéma d'aménagement de la MRC de Coaticook qui innove dans ce domaine et qui a récemment été citée en exemple dans la revue Municipalité , publiée par le ministère des Affaires municipales, en octobre 1996. Cette MRC, grâce à l'aide technique d'experts du ministère de l'Environnement et de la Faune et du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, a su élaborer un projet de schéma qui vise le développement optimal des activités agricoles sur son territoire dans le respect des ressources au sol. La méthode élaborée par son comité d'experts et les données fournies par le MAPAQ ont permis à cette MRC de dresser un portrait fidèle de la situation des surplus de fumiers et de lisiers, eu égard des différents bassins versant sur son territoire.

S'appuyant sur des recherches de ces ministères, elle a privilégié le phosphore présent dans les engrais comme baromètre pour déterminer la capacité d'absorption des sols et par le fait même le nombre maximal d'animaux que le territoire peut supporter. Ce faisant, elle évite, d'une part, les charges excessives en phosphore, qui présentent des risques élevés de contamination pour l'eau et le sol, tout en permettant, d'autre part, un certain redressement des niveaux de phosphore dans les sols qui en nécessitent. Elle a ainsi identifié les zones à risques, c'est-à-dire celles dont le sol recèle un excès de phosphore et y interdit l'établissement de nouvelles exploitations de production animale.

Toutefois, les agrandissements d'établissements existants seront permis à certaines conditions. Ainsi, le propriétaire d'un établissement de production animale situé dans cette zone, qui désirerait accroître sa production, pourra le faire s'il démontre, entre autres, qu'il a accès, à titre de propriétaire ou à la suite d'une entente, à des terrains pour épandre le supplément de lisiers produits. Non seulement cette démarche répond-elle aux impératifs de développement durable, mais elle harmonise en quelque sorte le zonage et la qualité de l'environnement. Il serait à notre avis souhaitable que le gouvernement intègre ces considérations dans ses orientations.

En parallèle, le ministère de l'Environnement et de la Faune devrait modifier, à très brève échéance, le cinquième alinéa de l'article 124 de la Loi sur la qualité de l'environnement. Cette disposition – rappelons-le – empêche les municipalités d'adopter une réglementation qui porterait sur les mêmes objets qu'un règlement établi en vertu de la Loi sur la qualité de l'environnement.

Une modification de cette disposition s'impose afin d'éviter tout doute quant à la légalité du schéma d'une MRC qui se serait acquittée de sa responsabilité de favoriser le développement durable de l'agriculture. En effet, le développement durable vise nécessairement la conservation des ressources, soit le même objectif que le règlement sur la réduction de la pollution d'origine agricole.

Le règlement sur les bruits et les nuisances, quant à lui, d'origine agricole, relève du gouvernement du Québec. L'UMRCQ est dans l'ensemble d'accord avec les quelques principes présentés dans le document de consultation. Nous réservons toutefois nos commentaires à la lecture du projet de règlement, puisque le document de consultation nous donne somme toute peu d'indications. Nous tenons néanmoins à rappeler au gouvernement qu'il devra tenir compte de l'immunité accordée aux agriculteurs lors de l'élaboration de son règlement, d'autant plus que les municipalités ne pourront dorénavant contrôler ces matières via le règlement sur les nuisances. En effet, nous l'avons mentionné précédemment, l'application du cinquième alinéa de l'article 124 de la Loi sur la qualité de l'environnement empêche les municipalités de réglementer sur les mêmes objets qu'un règlement pris en vertu de cette loi, et la Cour d'appel a récemment donné une interprétation très large à la notion de même objet.

(15 h 50)

Concernant maintenant le règlement sur la réduction de la pollution d'origine agricole, lequel doit entrer en vigueur en même temps que la loi 23, l'UMRCQ souhaite apporter les commentaires qui suivent. D'une part, nous désirons rappeler au gouvernement que ce règlement vise avant tout la réduction de la pollution d'origine agricole par une approche globale et intégrée de lutte contre la pollution de l'eau et du sol résultant des activités agricoles. Par conséquent, toute disposition réglementaire devrait être élaborée en fonction de l'atteinte de cet objectif. D'autre part, nous tenons à rappeler au gouvernement le travail réalisé d'arrache-pied et de bonne foi depuis des années par les membres de la Table de concertation sur le projet de règlement sur la réduction de la pollution d'origine agricole en vue de dégager le maximum de consensus et de recommandations autour des points majeurs du projet de règlement. À cet effet, nous espérons que le gouvernement saura donner suite aux travaux et recommandations de la Table contenus dans le rapport signé par l'ensemble de ses membres et transmis au ministre de l'Environnement et de la Faune, le 13 février 1996.

L'UMRCQ souhaite par ailleurs attirer l'attention sur l'importance de la formation rattachée à la réalisation des plans agroenvironnementaux de fertilisation dont il est fait mention dans le règlement. En effet, après de longues négociations au sujet de la préparation et de la signature de tels plans, les membres de la Table de concertation ont finalement fait le compromis que ces plans puissent être élaborés et signés par les producteurs agricoles plutôt que par des agronomes, après qu'une formation adéquate leur soit toutefois dispensée. Le plan agroenvironnemental étant la pièce maîtresse du projet de règlement, l'UMRCQ estime essentiel que la formation rattachée à la réalisation de ces plans soit à la fois sérieuse et adéquate et non seulement symbolique.

De plus, nous nous inquiétons du débat entourant l'application de la norme de phosphore qui, d'après la majorité des experts, constituerait l'élément polluant le plus préoccupant contenu dans les fumiers et les lisiers. Alors que le consensus établi par les membres de la Table de concertation portait sur les fertilisants organiques et inorganiques à l'origine du problème, il semblerait que l'on veuille maintenant appliquer la norme de phosphore uniquement à l'utilisation d'engrais minéraux et de fertilisants chimiques, ce qui équivaudrait à donner le droit aux agriculteurs de procéder à des épandages de lisiers sans contrôle à cet effet. Une telle décision irait à l'encontre même de l'objectif principal du projet de règlement, soit la réduction de la pollution d'origine agricole. Un communiqué émis par le gouvernement, le 5 mars...

Le Président (M. Vallières): S'il vous plaît, Mme Simard, je m'excuse de vous interrompre, mais on a déjà 23 minutes de fait.

Mme Simard (Jacinthe B.): Oui.

Le Président (M. Vallières): Alors, si c'était possible de peut-être... parce qu'on va manger du temps pour les échanges avec la députation.

Mme Simard (Jacinthe B.): Alors, ça va. Je vais vous indiquer peut-être qu'il y a une urgence de l'entrée en vigueur de la loi...

Le Président (M. Vallières): Conclusion, oui. D'accord.

Mme Simard (Jacinthe B.): Je peux peut-être terminer avec la conclusion?

Le Président (M. Vallières): Exact, oui. Ça va.

Mme Simard (Jacinthe B.): Je vous remercie. Avant la loi 23, les deux régimes d'aménagement s'appliquant en milieu rural fonctionnaient de façon parallèle. D'une part, la Loi sur la protection du territoire agricole visait à assurer la pérennité d'une base territoriale pour la pratique de l'agriculture; d'autre part, la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme permettait l'établissement d'une cohésion des usages, sans égard toutefois aux objectifs fixés par la Loi sur la protection du territoire agricole. La réforme permettra la complémentarité des deux régimes et responsabilisera les élus locaux à la protection des activités agricoles. Il s'agit d'un changement de mentalité qui nécessite dans un premier temps un contrôle accru de l'urbanisme local par le schéma d'aménagement de la MRC. C'est ce que la loi prévoit, et nous sommes confiants qu'une fois la loi en vigueur le changement s'opérera sans trop de heurts. Le gouvernement ne doit pas craindre de décentraliser la gestion des odeurs; les mécanismes en place assureront la protection des activités agricoles. Jusqu'ici, les MRC se sont bien acquitté des mandats qui leur avaient été confiés par le gouvernement.

Par ailleurs, l'adaptation technologique des entreprises agricoles est appelée à se faire rapidement au cours des prochaines années. De plus en plus, nous entendons parler de nouvelles techniques de traitement des lisiers et des fumiers favorisant la réduction des odeurs. Cette adaptation occasionnera, nous l'espérons, une diminution des contraintes que les municipalités devront imposer à l'agriculture, particulièrement les distances séparatrices.

La souplesse des orientations gouvernementales sera déterminante pour l'adaptation des normes municipales au fil de l'évolution et de l'utilisation de ces technologiques. Nous tenons d'ailleurs à saluer la décision du gouvernement, annoncée dans le dernier discours du budget, à l'effet de mettre sur pied un programme d'investissement en agroenvironnement. Il accélérera l'atteinte des objectifs de réduction de pollution d'origine agricole et, par voie de conséquence, favorisera une meilleure tolérance de la population rurale à l'endroit du développement des activités agricoles. Je vous remercie.

Le Président (M. Vallières): Merci, Mme Simard. Peut-être une question très rapide. À la page 4 de votre mémoire, vous dites que «le gouvernement devrait s'abstenir d'établir des seuils minimums et maximums des distances». Est-ce que, madame, vous pouvez nous indiquer, au niveau des municipalités locales que vous représentez, s'il y a eu sondage ou quelque chose à cet effet-là? M. le ministre, la parole va être à vous dans 30 secondes. Ça vous interroge que le président intervienne? Dites-vous qu'il peut le faire. Mme la présidente.

Mme Simard (Jacinthe B.): Bon, nous en avons parlé au conseil d'administration à maintes reprises et présentement, lorsque l'on parle que ça devrait être la MRC qui devrait établir les seuils minimums et maximums, par la suite la municipalité locale pourrait les mettre en application. Ce qui permettrait d'adapter, M. le Président, dans chacune des régions les seuils que les élus de la MRC veulent bien se donner et qui sont nécessaires dans leur propre milieu.

Le Président (M. Vallières): Merci. M. le ministre des Affaires municipales.

M. Trudel: Merci, M. le Président, dans le respect de vos prérogatives, merci de me donner la parole. Merci donc M. le Président et souhaiter la bienvenue à la présidente de l'UMRCQ ainsi qu'à M. Fernet et Mme Isabelle qui sont avec nous aujourd'hui pour nous présenter le point de vue de l'UMRCQ, parce que vous êtes une partie extrêmement importante dans la solution que nous sommes en train d'apporter, de mettre sur la table au niveau du droit de produire, au niveau du développement de l'agriculture au Québec. On ne discute pas juste des problèmes; on discute de solutions, et vous êtes une partie à la solution.

Alors, premièrement je vais me réjouir, là, de ce que vous indiquez formellement à la page 12 de votre mémoire: «C'est pourquoi nous souscrivons à la loi n° 23 qui prévoit l'élaboration d'un cadre d'aménagement dans la zone agricole par la MRC en fonction du développement durable de l'agriculture et en concertation avec le monde agricole.» Vous ramassez dans une phrase tout le défi de cette loi qui non seulement a été adoptée mais a fait l'objet de travaux intensifs au cours des dernières années. Cette fois-là, on n'en a pas juste placoté. On l'a faite, on l'a réalisée, puis on s'est donné une année pour mettre en vigueur les règlements et vous apporter différents commentaires aujourd'hui. Il faut noter cela, donc, votre appui total à la réalisation de l'application de cette loi.

(16 heures)

J'ai noté aussi – puisque je n'ai pu, à cause de certaines activités, assister à l'ensemble des mémoires qui ont été déposés ici – que vous nous rapportez dans votre mémoire qu'une troisième MRC au Québec, celle de Coaticook, a bien relevé le défi de la possibilité d'établir... en concertation avec le monde agricole et les autres occupants ou les occupants d'autres usages au niveau du territoire ont réussi à s'entendre sur une réglementation et un schéma d'aménagement qui soutient le développement de l'industrie agricole en concertation avec les intervenants sur le territoire. Donc, cette espèce de climat que vous rapportez également à d'autres pages dans votre mémoire, bien, ça veut donc dire que, suite à d'autres municipalités, comme nous avons entendu ici autour de la table, la MRC Haut-Richelieu, ils ont discuté, ils ont déposé ici une entente à laquelle ils sont parvenus: la Convention Saint-Valentin... Ils ont réussi. On s'aperçoit aussi, donc, que Coaticook a réussi. Le préfet de la MRC Papineau, il dit qu'ils se sont entendus.

Alors, à tous ceux qui prêchent qu'il n'y a que de la mésentente, que les producteurs agricoles puis que le monde municipal, ça ne peut pas s'entendre, ça ne peut pas contribuer au développement des activités agricoles au Québec, il y a une autre démonstration très concrète que vous faites ici, et je veux la saluer également.

Et, si nous avions le temps de faire le relevé systématique de tout le travail qui se fait au Québec, on verrait qu'il y aurait pas mal plus d'exemples d'ententes à travers le Québec. Et je note à cet égard-là – avant d'arriver à ma question – que vous avez vous-même, l'UMRCQ, entrepris une tournée nationale – je vous ai vu aller en Abitibi-Témiscamingue en particulier – où vous avez effectivement saisi en quelque sorte les principes fondamentaux de la Loi sur le droit de produire, et en particulier l'établissement de comités consultatifs agricoles qui concrétisent le principe d'harmonisation des usages sur un territoire, et vous en avez fait un objet de développement avec vos élus municipaux, avec les producteurs agricoles.

Dans ce sens-là, ce que vous nous dites essentiellement dans votre mémoire à l'égard de la gestion des odeurs, c'est: Oui, nous avons cette responsabilité au niveau de l'aménagement du territoire par les schémas d'aménagement dans nos MRC; nous pensons que vous ne devriez pas vous autres, au niveau national, émettre des paramètres, des seuils, en termes de minima et de maxima; vous ne devriez pas émettre de seuils, laissez-nous ça, aux MRC, on a l'expertise, il y a les facteurs locaux; on va y arriver parce qu'on a fait un certain nombre de preuves et on peut y arriver.

Je pense que c'est la seule différence. Pour tout le restant, on a l'air de s'entendre assez, pas mal, merci. Hein? À tous ceux qui pensent qu'on ne s'entend pas, ce n'est pas vrai ça non plus. Bon. On ne s'entend pas si mal, merci.

Mme Simard (Jacinthe B.): Je ne vous enlève pas les mots de la bouche.

M. Trudel: Mais je suis un peu surpris d'une contradiction, cependant. Regardez à la page 14 – c'est ma question – vous dites: Pas de paramètres nationaux. Et vous dites cependant, à la page 12, au troisième paragraphe – vous faites état du travail que vous effectuez actuellement au Québec – vous dites: «Un tel travail doit être fait également auprès des producteurs agricoles», tout le rôle du comité consultatif, etc. «Dans certains comités consultatifs agricoles, on constate de la part des producteurs agricoles une rebuffade globale à l'endroit de toute réglementation municipale en zone agricole».

Vous ne pensez pas que d'établir des paramètres nationaux à l'intérieur desquels on pourra gérer le développement local, c'est de nature à nous aider à s'assurer, au niveau du développement de l'activité agricole au Québec – non seulement de la protection mais du développement – qu'on aura comme un seuil de sécurité et qu'on sera en mesure de dire: Sur l'ensemble du territoire québécois, oui, on a à administrer localement, mais à l'intérieur de paramètres qui garantissent le développement à travers le Québec, compte tenu de ce que vous nous indiquez ici?

Mme Simard (Jacinthe B.): Bon. Un seuil de sécurité pourrait être la directive qui est déjà écrite. Et, lorsque l'on parle d'essayer d'établir des paramètres qui auraient des indicateurs minimums et maximums à l'échelle provinciale, ce que l'on croit, c'est que ça pourrait être beaucoup plus contraignant pour l'ensemble des MRC alors que certains pourraient peut-être dire: Bien, à l'effet qu'on peut y aller au maximum, on va y aller au maximum. Et ainsi bloquer le bon fonctionnement à l'intérieur d'une MRC.

Lorsque l'on parle, nous, d'établissement de ces paramètres, on parle beaucoup plus de ligne directrice, de philosophie ou encore d'éléments de base, auxquels une MRC, un conseil des maires devraient absolument rentrer à l'intérieur de ça pour établir chez eux ce qu'il convient d'établir comme distances.

Pour ce qui est de ce qui est indiqué à l'intérieur du document, en page 12, lorsqu'on a parlé à la grandeur du Québec de droit de produire, plusieurs agriculteurs ont eu comme dans leur esprit l'interprétation qu'ils pourraient produire sans aucune réglementation municipale. Et c'est pour ça que, lorsqu'ils arrivent pour siéger au niveau du comité consultatif agricole, ils veulent se retirer. Ils ne veulent plus avancer parce que leur perception est autre que ce qui est présentement sur la table.

Alors, là-dessus, sans aucun doute que les organisations qui touchent le monde agricole auraient un travail à réaliser, parce que c'est la même chose pour nous. On indique qu'on donne de la formation à nos membres pour justement leur indiquer qu'ils auront une nouvelle responsabilité. Si, lorsqu'on arrive à l'établissement des CCA, à chaque fois les agriculteurs croient qu'ils n'ont plus de normes et qu'ils vont arriver pour donner, eux, ce qu'ils veulent, là, automatiquement au point de départ ils repartent et ils ont de la difficulté à fonctionner à l'intérieur du CCA. C'est cet aspect-là qui est touché à l'intérieur du paragraphe présentement. Alors, la rebuffade, elle est à cet égard-là.

Mais dans les MRC présentement, où on s'est entendu, il n'y a pas de problèmes. Il n'y a pas de fourchettes d'établies par le gouvernement et pourtant ces MRC là sont arrivées à s'entendre. Je pense qu'on a un bel exemple d'expérience-pilote qui démontre que ça se fait très bien et je suis persuadée que, si vous les analysez, c'est différent d'une MRC à l'autre. Mais par ailleurs, le ministre des Affaires municipales a à mettre son approbation sur le schéma d'aménagement. Alors, le rôle du gouvernement entrera en fonction là, si parfois il arrivait que des MRC aient une attitude avec trop d'écarts.

M. Trudel: Une toute dernière question – parce qu'il y en a plusieurs et plusieurs membres de la formation sont intéressés également à poser des questions – vous ne croyez pas, Mme Simard, que d'évidence il y a un petit climat de méfiance, on peut s'entendre, entre les producteurs agricoles et les municipalités? On ne se fermera pas les yeux – vous le mentionnez d'ailleurs dans votre mémoire – c'est le moins qu'on puisse dire. Mais on vit tous ensemble dans le jardin. On a vu ça en commission aussi. On vit tous dans le jardin. Vous ne croyez pas que, compte tenu de la situation, on se donne un peu plus de garanties de restaurer un climat nécessaire non seulement à la protection des activités agricoles, mais du développement de l'industrie agricole, développement?

Le ministre de l'Agriculture a souligné avec force l'importance de ce secteur industriel, ce secteur de l'activité économique au Québec. Dans l'ensemble des régions du Québec, on le sait, c'est vital, c'est fondamental. Il s'est installé, à cause de différents facteurs, on va dire, un petit climat de méfiance. Il ne faut quand même pas nier la réalité. Le fait d'établir des paramètres de base, des seuils, vous ne croyez pas que c'est de nature à faciliter le dialogue et à enclencher ce que vous venez de dire, c'est-à-dire le monde agricole dans le monde municipal par le comité consultatif agricole, mais aussi le monde municipal avec les producteurs et les productrices agricoles qui sont si importants sur notre territoire?

Mme Simard (Jacinthe): Dans un exercice de décentralisation, et encore ce qui s'est fait à venir jusqu'à maintenant dans les normes d'urbanisme, les élus ont eu à établir eux-mêmes leurs distances. Alors, c'est dans cet esprit-là que l'on dit que, pour ce qui est des distances pour l'agriculture, on devrait vivre la même philosophie et dans une loi-cadre qui définirait des principes, des élaborations. C'est à l'intérieur de ça que la MRC aurait à fonctionner. M. Fernet aimerait ajouter quelques éléments.

M. Fernet (Michel): Il y a peut-être un élément de taille en périphérie de ce dossier-là dont on a de la difficulté collectivement à passer, je dirais, le Rubicon. C'est qu'avant des aménagements de cette ampleur, d'une loi comme la loi n° 23, qui est une loi aussi d'ampleur, qui est une loi qui touche tout le territoire québécois et les humains qui vivent dessus, on pose toujours un certain nombre de principes. Parmi ces principes qui sont répétés dans le cadre de la loi et que, nous, on répète aujourd'hui, il y a le principe de la subsidiarité. On fait des gorges chaudes, on parle de subsidiarité. Quel est le niveau de gestion, au Québec, le plus apte à gérer telle ou telle chose? On ajoute à ça que, dans le cas des odeurs, c'est, pour en remettre – en plus de la ceinture, mettre des bretelles – on dit que c'est un problème effectivement local. Là-dessus, l'UMRCQ a été l'artisan qui a sorti du règlement national eau-air-sol, qui a sorti l'air, et qui a convaincu beaucoup de gens au gouvernement du Québec, qui a dit: L'air, c'est local. Alors, on dit – le gestionnaire de façon subsidiaire était peut-être en bas – c'est un problème local. Et quand on arrive à la solution on dit: Non, non, on ne peut pas laisser aller ça comme ça. Il faudrait bien encadrer ça pour être sûr de dire comment ça va se passer en bas, parce que, s'il y a des petits éléments de confiance qui ne sont pas là des fois dans le terrain, il y a des petits éléments de confiance aussi des fois qui ne sont pas toujours là du haut vers le bas.

(16 h 10)

Alors, nous, ce qu'on vous dit, ce qu'on vous propose, c'est parce qu'on pense qu'on va réussir à faire mieux avec les agriculteurs – et sans méchanceté – que quatre ministères qui ont déjà essayé de le faire depuis six mois. M. le ministre, vous avez dit: Il y a un petit peu de méfiance. Mais, si on faisait la recherche de l'étude des bons coups, nous, on vous mettrait sur la table actuellement qu'il y a 95 % de bons coups – et je pèse mes mots – entre les cultivateurs du Québec et les élus municipaux du Québec et il y a 5 % d'articles de journaux. Merci

M. Trudel: M. Fernet, je conclus en disant, et Mme la présidente: Quand on a une bretelle et une ceinture, des fois, c'est pas les deux qui servent. Les deux ne servent pas tout le temps. On peut avoir et des bretelles et une ceinture, et il n'y a qu'un de ces instruments qui sert. Alors, prenez ça en note et dans le milieu se retrouve la vertu. Merci beaucoup.

Le Président (M. Vallières): M. le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Farrah: Oui, Merci, M. le Président. Mesdames, messieurs, c'est avec beaucoup de plaisir qu'on vous accueille, compte tenu de l'importance aussi que vous représentez au sein des régions du Québec. Je vous ramène à la page 4 où vous dites: «Rappelons que les municipalités ont depuis longtemps le pouvoir d'établir librement des normes de distances en territoire agricole pour prévenir la pollution de l'air et que peu de municipalité l'ont fait.» Est-ce que vous l'avez déjà, là? Vous dites: Ça se fait mieux à notre niveau à nous. Puis vous avez la possibilité de le faire. Alors comment expliquez-vous que très peu de municipalités l'ont fait?

Par ailleurs, j'aimerais avoir plus de détails sur le nombre de municipalités qui l'ont fait, justement? Parce qu'on a fait des recherches, au niveau des affaires municipales entre autres, différents ministères, et on a bien de la difficulté à connaître le nombre de municipalités qui ont justement établi une réglementation sur les distances au niveau des odeurs. Alors, j'aimerais que vous m'expliquiez un peu la situation qui prévaut à l'heure qu'il est et pour quelles raisons très peu l'ont appliqué, compte tenu que vous avez la possibilité de le faire actuellement.

Mme Simard (Jacinthe B.): Mme Chouinard va répondre à cette question.

Mme Chouinard (Isabelle): Je vous remercie. Alors, M. le Président, M. Farrah, simplement, c'est que la directive du ministère de l'Environnement et de la Faune vise aussi à protéger la pollution de l'air. Il s'agit d'une directive évidemment, ce n'est pas un règlement. Toutefois, on pourra me corriger, si je me trompe, cette directive-là est appliquée au moment où on émet les certificats d'autorisation aux agriculteurs. Donc, ce sont des normes minimales.

Les municipalités ont souvent procédé à la gestion des odeurs via le règlement de nuisance pour régir, par exemple, l'épandage tel jour, les jours fériés, les périodes, et tout ça. Par contre, pour les odeurs, traditionnellement – je ne sais pas pourquoi, le pouvoir existe depuis longtemps dans la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme – elles ont surtout confié ça au ministre de l'Environnement ou encore elles ont intégré carrément dans la réglementation les normes de la directive du ministère de l'Environnement.

Et, nous, on a demandé aux municipalités et aux MRC du Québec, il y a quelques années – je vous dirais peut-être trois ou quatre ans – de nous transmettre toute la réglementation qui avait été adoptée à cet effet-là. On a reçu une quinzaine de règlements, ce n'est peut-être pas exhaustif, mais c'était toujours collé ou à peu près sur la directive. Par contre, nous savons que des municipalités, compte tenu de la publicité que ce nouveau pouvoir là a eu depuis le débat sur le droit de produire, sont plus enclines à adopter de la réglementation. Mais encore là, on a récemment recensé les règlements municipaux. Il n'y a pas réellement d'abus dans ce sens-là à l'heure actuelle, si ce n'est que certains règlements ne respecteraient pas tout à fait l'esprit de la loi n° 23. Donc, ces abus-là vont être contrés une fois que la loi va entrer en vigueur.

M. Fernet (Michel): Un petit complément de quelques phrases. Il y a aussi le fait que, s'il n'y a pas eu de réglementation, c'est parce qu'il n'y a pas eu de besoin. C'est parce qu'il n'y avait pas eu de plaintes et il n'y a pas eu de problème social qui nécessitaient un appui réglementaire plus sévère, d'une part, dans le passé, loin dans le passé. Deuxièmement, la problématique environnementale ne date pas de 20 ou 25 ans et le concept des porcheries, qui est mal compris souvent par la population, n'existait pas non plus de cette ampleur-là, depuis 20 ans. Les deux phénomènes conjugués font que les municipalités et les gens en milieu agricole qui vivaient au sein de ces municipalités-là n'ont jamais ressenti le besoin de pousser les élus locaux à faire une réglementation locale. On a toujours dit: Il n'y a pas un besoin immense. Mais il y a eu beaucoup de journaux par ailleurs qui aujourd'hui ont convaincu tout le monde qu'il y a un grand, grand besoin.

M. Farrah: Oui, allez-y.

Mme Simard (Jacinthe B.): Je pourrais peut-être vous donner un petit peu la position plus terrain dans le vécu de tous les jours. Lorsqu'il y avait des fermes traditionnelles, le besoin était beaucoup moins important et les gens dans le voisinage s'étaient adaptés à la culture. Mais maintenant, lorsqu'on arrive à une production qui est différente, il y a eu un éveil et, lorsque les gens portaient plainte à leur municipalité, la municipalité, n'ayant pas de réglementation, référait au ministère de l'Environnement. Et, le temps que ça se rende au ministère de l'Environnement, les odeurs étaient passées.

Et comment aussi calibrer? Alors là, ils se disaient: Est-ce que ça sent réellement si fort, pas assez fort? Comment est-ce qu'on calibre ça? Moi, je peux vous dire que dans la pratique, là, comment une municipalité pouvait calibrer si vraiment ça sentait trop fort ou pas assez fort, bien, écoutez, c'était difficile.

Alors que présentement la nuisance est devenue vraiment un élément que l'on peut éloigner, et l'on se rend compte qu'il peut y avoir des moyens lorsque la production, qui est passée de traditionnelle à industrielle, est mise en place. Alors là... Oui.

M. Farrah: N'est-il pas exact que peut-être un des problèmes pour lesquels il n'y a pas de réglementation, c'est à l'effet qu'il n'y a pas de consensus souvent dans le milieu? Puis, quand on est obligé de trancher, à ce moment-là ce n'est pas facile. Alors, compte tenu qu'il n'y a pas de consensus souvent, compte tenu qu'il n'y a d'obligation nécessairement, on ne fait pas de règlement. Je pose la question. Je ne vous dis pas que ça existe là, je veux juste savoir ce que vous pensez là-dessus. Parce que, là, je m'interroge à savoir: si le règlement... il n'y a pas de consensus qui se dégage au niveau de la réglementation, notamment au niveau des distances puis des odeurs, et qu'on l'impose, y «a-tu» un danger que ça explose?

Mme Simard (Jacinthe B.): Moi je ne penserais pas parce qu'à la connaissance qu'on en a eue les municipalités qui n'avaient pas réglementé, c'est qu'elles n'avaient pas senti un réel besoin de le faire. Les résidents étaient face à une production qui était comme autrefois et souvent...

Une voix: Ils vivaient en harmonie.

Mme Simard (Jacinthe B.): C'est ça, ils vivaient en harmonie. Mais maintenant, on se retrouve avec un phénomène qui est différent et qui est croissant. Mais je ne pense pas que ce soit parce qu'on manquait de consensus au niveau des municipalités, parce que, même s'il y avait une réglementation au niveau des nuisances concernant les odeurs, les municipalités n'avaient pas de moyens pour calibrer ni s'assurer qu'effectivement l'agriculteur était en dehors de la réglementation. Alors que maintenant, ça a changé.

M. Farrah: Un autre élément. Beaucoup de groupes qui sont venus devant nous jusqu'à présent n'étaient pas nécessairement d'accord à ce que les municipalités appliquent la réglementation, soit disant, entre guillemets, en vertu peut-être d'un manque d'objectivité – disaient-il – O.K.?

Parce qu'évidemment, écoutez, les gens du municipal, c'est comme nous, ce sont des élus. Alors, souvent des groupes de pression, compte tenu de leur importance, peuvent faire en sorte d'influencer les décisions et par conséquent ce n'est peut-être pas nécessairement une décision objective qui va être prise, autant d'un bord comme de l'autre, là.

Alors, qu'est-ce que vous avez à répondre à cela, face à l'inquiétude de plusieurs groupes qui sont venus nous dire ça, que ça prendrait peut-être un arbitre au-dessus de tout ça qui aurait peut-être une poignée un peu plus objective pour faire en sorte de s'assurer que les décisions qui sont prises sont pour le mieux-être de la communauté?

Mme Simard (Jacinthe B.): Lorsqu'on arrive à l'échelle de la MRC et que le tout doit être bien planifié dans un schéma d'aménagement, c'est là que ça prend tout son sens, parce que ce n'est pas également les élus que d'une municipalité locale qui détermineraient les paramètres. Et, lorsqu'on va arriver pour adopter la réglementation au niveau local, évidemment que les élus doivent tenir compte des diverses activités sur leur territoire et également des secteurs qui cohabitent. Mais on doit justement arriver à vivre en harmonie et, si ce n'est pas les élus municipaux qui doivent justement s'entendre autant avec les agriculteurs que les autres secteurs d'activité, eh bien qui pourrait le faire mieux qu'eux? Parce qu'on pourra à ce moment-là s'assurer que c'est vraiment adapté aux gens qui vivent là et non défini à l'extérieur par de grandes normes, à l'échelle de la province, qui ne s'adaptent pas nécessairement au milieu.

Alors, M. Fernet pourrait peut-être ajouter quelques éléments.

M. Fernet (Michel): Bien, en gros, c'est un petit peu ça. C'est le phénomène encore une fois de la subsidiarité et de la décentralisation. Il n'y a personne qui va être capable, sur le plan national... Et là, a contrario, on repitch la question en haut – puis je pense que la réponse est relativement rapide – a contrario, il n'y a personne à partir de Québec ou d'ailleurs, qui va être capable de juger, après une chicane de milieu ou quoi que ce soit, de la pertinence d'établir les distances à Québec. Vous savez bien que le système, il faut qu'il fonctionne en bas.

(16 h 20)

Mais l'ajout... Ce que la loi n° 23 a fait par ailleurs avec tout ça, c'est qu'elle a dit: On va vous mettre un moyen maintenant pour régulariser ce qui va se passer au niveau local et à notre avis – et je pense à l'avis de l'UPA et des agriculteurs en général, c'est le meilleur moyen – c'est la rencontre des agriculteurs et des élus et d'autres socioéconomiques, de gens là-dedans, c'est le comité de concertation agricole. C'est le régulateur. Et, si on fait l'hypothèse demain matin que les normes seront votées par le conseil des maires, l'encadrement sera voté par le conseil des maires pour gérer les odeurs, nous, on fait l'hypothèse que 90 % de la substance de ces règlements-là vont venir d'une entente entre les agriculteurs et les élus, à partir du comité consultatif qui va transmettre le fruit de son travail et de ses réflexions au conseil des maires. Il va rester à peu près seulement qu'à voter.

M. Farrah: Une dernière question, M. le Président, compte tenu aussi qu'il y a d'autres collègues qui veulent en poser, notamment la députée de Jean-Talon. Justement, au niveau du comité consultatif, vous semblez dire, à la page 5, qu'il faut faire attention pour ne pas qu'il ait trop de pouvoirs, faut pas qu'il soit trop... il peut bien être dérangeant, là... Alors, dans ce sens-là, c'est, compte tenu qu'il est important au niveau du milieu, au niveau de la cohabitation, que les gens se parlent, alors ce n'est pas un peu incohérent de dire: Bien, ce comité-là, il faut qu'il n'ait pas grand pouvoirs puis par conséquent, bien, on va s'en servir juste quand on en a besoin. Alors, il faut faire attention aussi parce que ce comité-là... Le ministre se targue que c'est bon, ces comités-là, ça fait qu'il faut quand même qu'il ait un certain nombre de pouvoirs pour faire en sorte qu'il y ait une certaine harmonie puis cohabitation qui se développent. Alors, si vous voulez leur enlever ce pouvoir-là, on n'aura pas l'effet contraire à ce moment-là?

Mme Simard (Jacinthe B.): Non, pas du tout, parce que présentement les municipalités locales sont habituées de fonctionner avec des comités consultatifs d'urbanisme, et on sait fort bien que ces comités sont composés d'élus et de citoyens qui proviennent de tous les secteurs d'activités.

Lorsqu'une recommandation de ce comité arrive au conseil municipal et que le conseil n'est pas prêt à l'adopter parce qu'il manque d'éléments ou que la décision ne le satisfait pas, souvent le conseil municipal ne la rejettera pas, il va la retourner au comité consultatif d'urbanisme pour demander d'autres considérations.

Présentement, est-ce que vous avez vu des plans d'urbanisme ou des émissions de permis, des règlements qui étaient bloqués parce que les comités consultatifs d'urbanisme ne réussissaient pas à transmettre des avis intéressants et des avis qui pouvaient être acceptables par les conseils municipaux? Loin de là, parce qu'un conseil habituellement prend l'avis à peu près à 95 % de son comité consultatif.

Une voix: On nomme des spécialistes.

Mme Simard (Jacinthe B.): C'est ça, puis les exceptions souvent, ce n'est pas un rejet, mais un retour pour d'autres considérations et c'est souvent parce qu'il y a eu d'autres éléments qui ont été mis en lumière entre la réunion du comité consultatif et la réunion du conseil. Alors, ça va être exactement le même fonctionnement. Puis, lorsque justement il y a des éléments nouveaux apportés en considération, habituellement un comité consultatif d'urbanisme – comme là, ce sera le comité consultatif agricole – va le reprendre en considération et le réanalyser à nouveau. Alors, si le fonctionnement est aussi harmonieux, c'est gage de succès.

Le Président (M. Vallières): M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Julien: Mme la présidente, bienvenue, puis merci de votre excellente présentation. J'aimerais revenir évidemment sur la question des paramètres. Vous me permettrez, parce que vous semblez me dire que dans 90 % des cas, ça va bien, puis, bon, il reste quelques cas.

Cependant, moi, quand je discute avec les producteurs, je dois vous dire que, un, je pense que... je veux vous mentionner qu'ils ont déjà commencé à prendre le développement durable. On l'a vu avec les plans agroenvironnementaux, puis vous l'avez mentionné puis je vous remercie de l'avoir fait. J'irais plus loin que ça, c'est qu'il y a des fédérations maintenant dans les régions qui sont en train de travailler à la mise sur pied de comités agricoles. Donc, ils sont en train de se faire.

Cependant, ce que j'entends souvent, c'est d'abord... Les producteurs, je pense, sont méfiants un peu par rapport au monde municipal. D'abord, il y a une problématique au niveau de l'étalement urbain. On est pris avec. Deuxièmement, c'est que la population agricole diminue de plus en plus. Donc, à un moment donné ils se disent: Notre rapport va se jouer comment sur des décisions qui pourraient aller à l'encontre du droit de produire? C'est une problématique qui existe.

Troisièmement, quand vous parlez que les paramètres pourraient être décidés au milieu local ou au milieu de la MRC, j'entends souvent des municipalités dire: J'aimerais mieux que le gouvernement en définisse – que ce soit des orientations gouvernementales – puis après ça que ça aille sur le terrain. Ça, je l'entends souvent parce que, quand tu es maire – bien, vous êtes maire, vous le savez, je ne vous expliquerai pas ça – puis qu'il rentre 300 personnes dans une salle puis qui disent: Ça ne marche pas. Pour un conseil, ce n'est pas évident. Donc, il y a une pression sociale, puis elle est là; elle est politique puis je pense qu'il faut la comprendre.

L'autre élément que je veux vous rajouter, et ce n'est pas généralisé, je ne veux pas généraliser ça, mais il y a quand même eu, dans certaines municipalités, des règlements qu'on pourrait qualifier d'assez abusifs. On peut prendre l'Acadie ou dans certaines régions. Je ne dis pas que toutes les municipalités ont fait ça.

Ce qui m'amène, comme commentaire, à me dire: Je pense, moi, que le gouvernement devrait définir des paramètres, que le ministre pourrait transmettre au niveau des MRC, dans les orientations gouvernementales. C'est dans ce constat-là que je me dis, moi, je pense que, pour s'assurer une meilleure cohabitation harmonieuse, parce que je pense que les producteurs favorisent cette cohabitation harmonieuse là, ça m'apparaîtrait un élément de base pour permettre ce départ en tout cas de cohabitation. J'aimerais avoir vos commentaires là-dessus, puis j'aurais une autre question par la suite.

Mme Simard (Jacinthe B.): Bon, alors, M. le ministre, nous, on croit que la sensibilisation, au fur et à mesure que le CCA va fonctionner, eh bien, qu'il y a un climat de confiance qui va s'établir et que la méfiance va tomber. Maintenant, de toute évidence, il y a une urgence à ce que la loi n° 23 soit mise en vigueur. Justement, lorsque vous avez mentionné le cas de l'Acadie. Plusieurs municipalités, là, faisaient comme... ça se multipliait comme une traînée de poudre en se disant: Dépêchez-vous; par la suite la loi ne pourra pas intervenir, si la réglementation est adoptée. Présentement je pense qu'il y a eu quand même un frein, là, parce que c'est urgent que cette loi soit mise en vigueur pour justement qu'on arrive à une harmonisation.

Maintenant, lorsque vous qualifiez certains règlements d'abusifs, on sait fort bien que, lorsque le ministère des Affaires municipales a fait une recherche en ce sens, il n'y en a eu qu'un qui a été qualifié ainsi et qui était par surcroît illégal. Les autres étaient qualifiés d'abusifs, mais ils ne l'étaient pas nécessairement. Alors, lorsque la recherche a été faite par le ministère, on s'est rendu compte que, oui, il y avait peut-être dans certains cas des municipalités qui dépassaient un petit peu la norme normale, mais c'était souvent lié à l'effet que, d'autre part, il y avait eu aussi des agriculteurs qui n'avaient peut-être parfois pas utilisé leur équipement ni peut-être fait leur épandage dans les temps requis.

Alors, là-dessus notre Union municipale ne couvrira pas des municipalités qui abusent de leurs pouvoirs, et je suis persuadée que du côté de l'Agriculture, c'est exactement la même chose. Alors, là-dessus, on peut travailler en toute confiance, et je suis certaine que la méfiance va tomber. Oui, M. Fernet voudrait ajouter quelque chose.

M. Julien: Je veux juste réagir tout de suite. C'est parce que je pense que l'objectif est effectivement – et c'est ce qu'on dit dans la loi n° 23 – d'arriver à une cohabitation harmonieuse. Et je suis parfaitement d'accord, et tous les producteurs sont d'accord avec ça. J'ai l'impression peut-être que techniquement ça pourrait s'expliquer que c'est plus ou moins abusif, mais, dans la perception – et on gère la perception – les gens disent: On a l'impression qu'on est en train de se faire voler nos bonnes terres. Et ça, les gens, c'est ça, leur réaction. Donc, quand les gens ont ce sentiment-là, bien, lorsqu'on arrive à faire une cohabitation harmonieuse évidemment, c'est plus difficile. Ça fait que je me dis: pour partir, c'est peut-être préférable qu'on établisse les paramètres pour au moins garantir le départ. On verra; les années nous le diront. La loi – vous allez être d'accord avec moi – ou les règlements ne gèrent pas le gros bon sens. Le gros bon sens aura toujours sa place. Mais il y a une question d'évolution.

Puis, je pense que, pour partir dans le contexte dans lequel on est... Parce que, quand vous parlez qu'on a certains problèmes actuels, c'est un dossier qui aurait dû peut-être se régler depuis 10, 15 ans. On arrive à une situation qui n'est pas facile, actuellement. Puis dans ce contexte-là, moi, je pense que... en tout cas, j'ai encore de la misère, j'ai de la difficulté à accepter vos arguments à l'effet que la maturité est suffisamment forte au niveau municipal pour qu'on ... faire nos paramètres, puis que ça va se faire en cohabitation harmonieuse. Ça, je vous avoue, Mme la présidente, avec tout le respect que je vous dois, mais avec ce que je vois et ce que j'entends, j'ai un peu de difficulté.

Mme Simard (Jacinthe B.): M. Fernet voudrait ajouter quelques compléments d'information.

M. Fernet (Michel): M. le ministre, tout ce qu'on peut dire sur les inquiétudes peut être vrai. À ce moment-ci, ce sont des procès d'intention. Puis d'ailleurs, il y a toujours des gens devant le plus gros projet du monde, à 40 étages, qui vont dire: C'est trop haut; ça va faire de l'ombre en bas, etc., etc., etc.

Mais il y a une chose qui est certaine, c'est que le défi que les MRC ont relevé à partir de 1979, il n'y a personne qui y croyait au Québec. Et, s'il y avait quelques spécialistes du domaine municipal ici, ils vous diraient, de façon incontestable, qu'ils se promènent en France et dans toute l'Europe et n'importe où dans le monde entier, en disant qu'en 15 ans le Québec est parti d'une absence de gestion territoriale intégrée à peu près ce qu'il y a de meilleur dans le monde entier.

(16 h 30)

On a fait ça avec les élus et la population. Et pour faire un schéma, là, on a des fois cinq, 10 et 12 comités consultatifs pour faire un schéma. Les gens qui font les schémas, ce ne sont pas les élus municipaux; ce sont les élus municipaux et les groupes et la population, les urbanistes, les agriculteurs. Dans chaque MRC, quand on fait un schéma, il y a des comités agricoles. Déjà, ça existait au Québec. Donc, on a performé là-dessus. Et les règlements abusifs qui étaient là, ils ont été là par absence de mécanismes. Et là on ne parle plus de règlements locaux, on parle du schéma d'aménagement qui sera bâti avec les agriculteurs et dont s'astreindront par la suite les règlements locaux dans les paramètres qui seront définis. Donc, on parle d'un autre système. Si on n'y croit pas au départ, c'est évident que c'est plus difficile à mettre en place.

Mme Simard (Jacinthe B.): M. le ministre, Mme Chouinard aurait peut-être un élément d'information concernant...

M. Julien: J'aimerais peut-être rajouter un petit commentaire sur M. Fernet, si vous permettez.

Mme Simard (Jacinthe B.): O.K. Ça va.

M. Julien: Effectivement, en 1979, j'étais au cabinet du ministre Léonard et j'ai travaillé à la rédaction de la loi 125. Puis c'est vrai que vous avez fait une bonne job. Cependant, il y avait eu aussi la Loi sur la protection du territoire agricole. On a, pendant plusieurs années que j'étais là, essayé de trouver une loi qui harmoniserait les deux. Ça ne s'est jamais fait. Puis, pendant 10 ans, ils l'ont essayé, ça ne s'est pas fait. Pourquoi?

M. Fernet (Michel): Ce n'est pas de notre faute.

M. Julien: Ah! Non, non, non. Mais pourquoi? Je n'accuse personne. Mais pourquoi?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Julien: Donc, ce que je veux vous dire par là, c'est que je pense qu'il y a encore de l'ouvrage à faire pour vraiment réétablir cette cohabitation que tout le monde veut. Ça, je pense que personne n'est contre ça. C'est juste dans ce sens-là que je me dis... Moi, je reviens encore à la question de paramètres, je ne suis pas convaincu personnellement qu'on devrait, pour l'instant en tout cas, décider ça au niveau des MRC. Ça, c'est mon point de vue.

Le Président (M. Vallières): Bien. Peut-être en conclusion sur la question du ministre.

Mme Simard (Jacinthe B.): Mme Chouinard.

Mme Chouinard (Isabelle): Je veux juste ajouter que la perception de règlements municipaux abusifs dépend beaucoup de ce à quoi on s'attend comme réglementation municipale. Si on revient avec l'exemple de Coaticook, la MRC a fait quelque chose d'intelligent, on peut le dire, elle a établi les bassins versants. Avec l'aide du MAPAQ, elle a obtenu des données qui lui ont permis d'établir les endroits où il y avait des risques de pollution importants pour les cours d'eau. Dans les secteurs à risque, évidemment le constat qu'ils ont dû faire, c'est: On ne permettra plus de nouveaux établissements et, à certaines conditions, on va permettre les agrandissements des établissements existants pour permettre aux agriculteurs de vivre. Mais, quand le comité consultatif agricole de la MRC de Coaticook a constaté que ça engendrait une certaine réglementation et certaines contraintes, ils ont retiré leurs billes.

C'est sûr que, si on considère tout zonage de production comme étant quelque chose d'abusif, tous les règlements municipaux vont être abusifs. Ça dépend de ce à quoi on s'attend. C'est pour ça qu'il faut amener les perceptions au centre, d'un côté les élus et de l'autre côté les agriculteurs, pour que les gens puissent s'entendre.

M. Julien: Ce qui me fait dire: Commençons par donner un cadre pour sécuriser les gens et, après ça, les gens vont s'habituer.

Le Président (M. Vallières): Bien, il reste un six minutes à ma gauche. Je débuterai par la députée de Jean-Talon.

Mme Delisle: Merci, M. le Président. Alors, je trouve ce débat-là fort intéressant. On parle, depuis quelques jours, de cohabitation harmonieuse. Je pense que tout le monde le souhaite, autant de ce côté-ci de cette Chambre que de l'autre côté. Moi, je ne reprendrai pas la discussion qui a été faite depuis le début par les deux ministres. J'aimerais vous ramener à la page 3, lorsque vous parlez des paramètres de distances séparatrices et que vous déplorez finalement le fait qu'on ne vous ait pas inclus dans les discussions concernant ce que pouvaient être ou ne pas être les paramètres.

Vous dites ici: Nous avons été informés que les négociations se sont déroulées à huis clos entre le gouvernement et l'UPA sur les paramètres d'odeurs, que ça avait été abordé dans l'éventualité de réduire considérablement la marche décisionnelle des élus locaux. Je n'essaie pas de mettre, mais pas du tout, l'UPA en contradiction avec votre Union, au contraire, je voudrais juste comprendre pourquoi vous avez été exclus et si, depuis ce temps-là, il y a eu quand même pour vous autres des discussions. Je sais que vous avez fait référence tout à l'heure aux comités qui existent déjà dans vos propres MRC et que ces MRC là ont déjà appris, à l'intérieur des différents comités qui y siègent ou des différents intervenants qui y siègent, qu'on pense au monde agricole, au monde municipal aussi... Alors, puisque c'est dans votre mémoire, ça doit être parce que vous vivez mal avec ça.

Mme Simard (Jacinthe B.): Nous avions signé une entente où quatre ministères et trois unions, avec l'UPA, nous devions être parties prenantes des discussions et, à un certain moment, nous nous sommes retrouvés à l'écart. On en fait part ici parce qu'on aurait voulu évidemment apporter des éléments, comme ceux que nous apportons aujourd'hui, sur une réelle décentralisation en ce qui a trait à certains éléments et on n'a pas pu le faire. Alors, là, évidemment qu'on essaie de se rattraper aujourd'hui. Et, qui plus est, lorsqu'on parle des odeurs et que l'on parle de schémas d'aménagement et de pouvoirs réglementaires des municipalités, eh bien, on croit que nous devons être partie prenante de ces discussions.

Mme Delisle: J'aimerais aussi que vous nous expliquiez, quand on parle des distances séparatrices et de la volonté que votre Union a de pouvoir confier au pouvoir local la marge de manoeuvre dont les municipalités ont besoin à l'égard de ces distances-là, est-ce que vous pourriez nous donner des exemples, finalement, peut-être pour nous rassurer ou pour rassurer les gens qui sont ici à l'effet que les MRC... Évidemment, je n'apprendrai pas ça aux gens qui sont dans la salle ici, que la configuration du territoire n'est pas la même partout, que les odeurs ne se promènent pas toutes de la même façon partout, mais j'imagine que, pour vous autres, ça doit être un élément de base, ça, dans votre réflexion puis dans la discussion que vous avez à l'intérieur de l'Union en ce qui regarde la question des odeurs.

Mme Simard (Jacinthe B.): C'est pour ça que présentement on indique qu'il ne devrait y avoir ni de minimum ni de maximum pour que, dans chacune des MRC, les élus, à l'analyse des divers éléments qu'on a indiqués, là, les boisés, les écrans naturels, les microclimats, les vents dominants, et tout ça, à chaque endroit on puisse établir à certains endroits des distances plus importantes et, à d'autres, moins ou aucune distance, dépendamment également du type de production qui se fera. Donc, les élus avec les agriculteurs seront en mesure d'analyser leurs réels besoins. Mme Chouinard voudrait rapporter le cas de Coaticook.

Mme Chouinard (Isabelle): Je vous remercie.

Le Président (M. Vallières): Oui, allez-y.

Mme Chouinard (Isabelle): Je reviens souvent sur le cas de Coaticook parce que, vraiment, le projet de schéma d'aménagement, en tout cas, il semble bien fait. Du point de vue de plusieurs gens qui l'ont analysé, ils le trouvent bien intelligent. Comme ils visent le développement optimal des activités agricoles et que c'est l'objectif de la loi et qu'ils ont travaillé dans le sens de cette loi-là, ils n'ont pas prévu de distances pour tout. Ils ont prévu des distances seulement pour protéger les périmètres d'urbanisation et seulement dans l'axe des vents dominants. Pour le reste, ils favorisent, évidemment toujours dans le respect des cours d'eau et de la capacité de support des sols, le développement des activités agricoles.

Alors, on voit qu'il y a des MRC, même sans paramètres, actuellement qui fonctionnent dans le but d'augmenter l'agriculture sur leur territoire parce que ça favorise le développement économique.

Mme Delisle: Est-ce qu'il n'y a pas un moratoire à Coaticook actuellement sur la production porcine?

Mme Chouinard (Isabelle): C'est-à-dire que c'est un règlement de contrôle intérimaire de la MRC qui, justement au niveau des zones à risque, prévoit qu'il n'y aura pas de nouveaux établissements de production animale.

Mme Simard (Jacinthe B.): Dans les zones à risque.

Mme Delisle: Dans les zones à risque. Parfait.

M. Fernet (Michel): Mme la députée...

Mme Simard (Jacinthe B.): M. Fernet voudrait ajouter un petit mot.

M. Fernet (Michel): Juste pour rajouter un petit mot, Mme la députée. Et c'est pour ça... Le travail là, mais le travail à beaucoup d'endroits au Québec, lorsqu'on a mis les gens, les deux solitudes ensemble, c'est des gens qui sont obligés de vivre en permanence sur ce territoire-là et ils ont la volonté mutuelle de dire: Il faut faire ça un petit peu comme il faut parce qu'on reste là le soir quand on se couche. Et ce qui va être transmis... Et je sais que le ministre de l'Agriculture va tenir à faire des paramètres et il va donner l'idée à 1 200 municipalités à peu près qui n'ont pas de règlement de dire: On va regarder ça puis on va en faire. Puis, ce que nous ne savons pas, et ce que vous ne savez pas, puis que personne ne sait, on va peut-être donner l'idée de dire: Coudon, on a une marge de manoeuvre entre 100 mètres puis 500 mètres dans quelque chose, pourquoi est-ce qu'on n'aurait pas la paix avec 500 mètres?

Mme Delisle: Exactement.

M. Fernet (Michel): Des gens qui n'ont jamais pensé, depuis 1914, à faire des règlements locaux, là ils vont dire: Bon, on va regarder ça comme il faut, puis, pas besoin de se parler, l'État a mis un petit cahier devant nous, puis regarde donc ça, 500 mètres, là, c'est sûr qu'on va avoir la paix puis on va être sûr qu'il ne va rien arriver avec ça. Les urbains vont régler leur problème en s'il vous plaît avec une théorie comme ça, mais je ne suis pas sûr que les agriculteurs vont l'avoir réglé. Faites-le, mais on en reparlera dans un an, deux ans.

Le Président (M. Vallières): Bien. Le temps...

Mme Delisle: C'est tout?

Le Président (M. Vallières): ...imparti est terminé, si on veut terminer nos travaux vers 18 heures. Il me reste à vous remercier, Mme Simard.

Mme Simard (Jacinthe B.): Membres de la commission, M. le ministre, M. le Président, je vous remercie d'avoir entendu l'UMRCQ et j'espère que vous allez tenir compte de nos revendications, comme d'habitude.

(16 h 40)

Le Président (M. Vallières): Merci, Mme Simard. Alors, j'inviterais maintenant le Regroupement national des conseils régionaux de l'environnement du Québec à s'approcher. La commission suspend pour quelques minutes, le temps de s'installer.

(Suspension de la séance à 16 h 41)

(Reprise à 16 h 42)

La Présidente (Mme Vermette): S'il vous plaît! Je vous demanderais de prendre place de chaque côté, s'il vous plaît. S'il vous plaît, je vous demanderais, de chaque côté de formation politique, de prendre vos places. Et je demanderais au Regroupement national des conseils régionaux de l'environnement du Québec de bien prendre place, s'il vous plaît.

Alors, bienvenue à cette commission. Alors, j'aimerais bien que vous puissiez vous présenter. M. Bourque, coordonnateur, si vous voulez présenter aussi les personnes qui vous accompagnent.


Regroupement national des conseils régionaux de l'environnement du Québec (RNCREQ)

M. Bourque (Philippe): Oui. Mon nom est Philippe Bourque. Je suis coordonnateur du Regroupement national des conseils régionaux en environnement du Québec. Je suis accompagné d'Alexandre Turgeon, qui est directeur général du Conseil régional de l'environnement de la région de Québec.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, vous avez 20 minutes pour exposer votre point de vue.

M. Turgeon (Alexandre): Merci, Mme la Présidente. Le Regroupement national des conseils régionaux de l'environnement tient d'abord à remercier les membres de cette commission pour l'invitation à cette consultation. Cependant, jusqu'à hier, on croyait qu'on allait être entendus le 15 avril, alors nous vous prions d'excuser les quelques erreurs qui demeurent dans notre mémoire.

Les conseils régionaux de l'environnement ont pour mandat de contribuer au développement d'une vision régionale de l'environnement et du développement durable et de favoriser la concertation de l'ensemble des intervenants régionaux en ces matières. Pour l'année 1996-1997, les CRE comptaient parmi leurs membres 230 organismes environnementaux, 167 gouvernements locaux, dont la MRC de Coaticook, 49 organismes parapublics, 250 corporations privées ainsi que plusieurs membres individuels.

Tel que défini dans leur protocole d'entente avec le gouvernement, les CRE ont pour objectif de regrouper et de représenter des corporations, des organismes environnementaux et des individus voués à la protection de l'environnement et à la mise en valeur du développement durable d'une région auprès de toutes les instances concernées et de la population en général; de favoriser la concertation et d'assurer l'établissement des priorités du suivi en matière d'environnement; de favoriser et de promouvoir les stratégies d'action concertée en vue d'apporter des solutions aux problèmes environnementaux et de participer au développement durable d'une région; et d'agir à titre d'organisme-ressource au service des intervenants régionaux oeuvrant dans les domaines de l'environnement et du développement durable.

Le Regroupement national des conseils régionaux de l'environnement du Québec a le mandat, pour sa part, d'être le porte-parole des orientations communes des régions, d'assurer un rôle de concertation, d'animation et d'information, d'offrir des ressources et un soutien aux CRE.

À cet égard, le développement de pratiques durables en matière d'agriculture préoccupe les conseils régionaux de l'environnement, principalement dans les régions de Chaudière-Appalaches, Bas-Saint-Laurent, Mauricie–Bois-Francs, Lanaudière, Estrie, Montérégie, Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine, Abitibi et Québec. Le Regroupement national des conseils régionaux de l'environnement est heureux d'avoir été invité à défendre la position de ses membres dans le cadre de la présente commission. Toutefois, nous déplorons vivement le fait que la commission ait restreint les auditions à la seule problématique de la gestion des odeurs, du bruit et des poussières, alors que la question de la contamination de l'eau et du sol par les activités agricoles, laquelle est beaucoup plus importante, ne fait l'objet d'aucun débat.

Considérations générales des conseils régionaux de l'environnement à l'égard de la présente proposition. Alors, la mise en place de balises pour le contrôle des odeurs passe inévitablement par une gestion des distances. Toutefois, comme dans la méthode proposée ici, les distances doivent être pondérées en fonction des caractéristiques de la source d'émission, de la sensibilité ou de la tolérance des activités se déroulant sur le territoire entourant cette source et, enfin, des facteurs d'atténuation de concentration des odeurs entre les sources et les autres activités. L'absence de proposition de minimum quant au facteur d'usage est par contre regrettable. En effet, l'absence de distances minimales risque d'être aussi nuisible pour la santé, le bien-être et le confort de la population que pour les agriculteurs qui verront d'autres activités empiéter de plus en plus sur le territoire agricole. Un facteur d'usage de 0,8, où une personne sur quatre est grandement affectée par l'odeur, nous apparaît un strict minimum.

Le facteur d'atténuation permet en quelque sorte de récompenser, voire d'encourager les techniques d'entreposage et de gestion qui réduisent la propagation ou encore le dégagement d'odeurs. Cette notion de facteur d'atténuation doit être utilisée non seulement pour les nouveaux établissements, mais également pour les établissements existants et surtout pour l'épandage.

Cette méthode introduit dans le calcul des distances des considérations relatives aux conséquences de la concentration d'élevage. Cette notion est importante notamment pour éviter que les producteurs fractionnent leur élevage afin de réduire la charge d'odeurs comptabilisable et, donc, les distances séparatrices, comme ceux-ci le font souvent pour éviter d'avoir à se soumettre au processus d'évaluation environnementale. Cependant, aucune valeur n'est précisée quant à la distance à partir de laquelle deux sources seront considérées distinctes. À partir de quel moment, de quelle distance entre deux producteurs ou plus commencerait-on à tenir compte d'autres sources d'odeurs rapprochées dans le calcul de la charge d'odeurs totale comptabilisable?

Nous convenons qu'on doit mettre en place des exigences moindres en ce qui concerne les projets d'agrandissement et d'expansion d'établissements existants. Toutefois, il importe de préciser clairement les limites d'expansion, selon la nature et l'importance de l'augmentation de la production, au-delà desquelles un projet d'agrandissement doit être considéré comme une nouvelle installation. De plus, le gouvernement devra préciser, comme le faisait la proposition du 14 juin 1996, les facteurs d'usage applicables aux projets d'agrandissement. Ces dispositions ne devraient pas non plus avoir pour effet de permettre aux établissements existants d'augmenter leur élevage malgré l'absence de capacité du milieu à supporter cette augmentation.

Quoique temporaire, l'épandage des fumiers et lisiers constitue l'activité qui génère les odeurs les plus intenses. Le document reste cependant muet quant aux distances qui encadreront cette activité même si les critères servant à établir ces distances sont énoncés. Nous sommes conscients qu'il faut éviter d'appliquer des normes qui limiteraient la surface de la terre agricole disponible pour la fertilisation. Cependant, nous croyons qu'il faut moduler les normes selon les situations et la proximité d'autres usages. Par exemple, les techniques occasionnant le moins d'odeurs devraient être les seules permises dans les zones les plus sensibles. Toutefois, ce type d'approche ne doit pas mener à des situations où le développement agricole serait priorisé sur la santé et le bien-être de la population.

Par ailleurs, les surplus actuels des fumiers et des lisiers ne doivent en aucun cas excuser les distances de protection trop réduites. Ces surplus doivent rapidement nous conduire à un questionnement sur la capacité limite du territoire agricole québécois en termes de gestion des fumiers non seulement en ce qui concerne les odeurs, mais surtout à l'égard de la pollution agricole en général.

Recommandations des conseils régionaux de l'environnement. Il faut garantir que les valeurs retenues pour les minimums et maximums au niveau des facteurs d'usage permettront une fenêtre d'intervention réaliste. Cependant, le facteur d'usage minimum établi par le gouvernement doit assurer de ne pas mettre en danger la santé de la population. Le facteur de 0,8 nous apparaît minimal.

(16 h 50)

Il faut absolument que cet exercice entraîne un virage majeur vers de nouvelles pratiques et technologies d'entreposage, de gestion et d'épandage des fumiers et des lisiers. Le gouvernement devra, quant à lui, intensifier son appui dans la recherche et le développement de ces technologies abordables tout en assurant adéquatement la diffusion de l'information auprès des agriculteurs.

Il faudra mieux définir la manière dont on tiendra compte de la proximité des sources d'odeurs – on entend ici les autres producteurs, les autres bâtiments et structures d'entreposage – dans le calcul des distances de protection. Il importe de préciser clairement, également, les limites d'expansion au-delà desquelles un projet d'agrandissement doit être considéré comme une nouvelle installation. On devra favoriser la mise en place d'un calendrier d'épandage tenant compte notamment des périodes où des activités récréotouristiques sont importantes ou encore des périodes de forte chaleur. Les citoyens affectés par les activités d'épandage pourraient aussi être avisés à l'avance lorsqu'un agriculteur procède à l'épandage. Cet exemple de partenariat existe d'ailleurs entre différents agriculteurs. Le cultivateur de fraises demande souvent à son voisin de ne pas procéder à l'épandage pendant qu'il est en période de cueillette, et ce type d'entente là devrait également exister avec les populations des autres usages.

Les CRE déplorent le fait que la consultation ne concerne que la question des odeurs, du bruit et de la poussière, alors que la pollution agricole est beaucoup plus préoccupante au niveau du sol et de l'eau. Les CRE demandent également qu'il y ait un effort et une volonté pour reconnaître le caractère industriel de certaines installations agricoles, notamment les porcheries, selon la nature des activités pratiquées ou l'importance du nombre de bêtes. Ceci permettra un meilleur contrôle des odeurs et d'autres types de pollution associés à ces activités.

Les CRE espèrent que cette réglementation assurera plus de rigueur en matière de développement urbain par le biais du zonage agricole. Cette réglementation doit permettre de réduire les largesses à ce niveau. Le dézonage à la pièce qu'autorise actuellement la CPTA contribue aux conflits d'usage et restreint les possibilités de pratiquer l'agriculture au Québec.

Les conseils régionaux de l'environnement demandent enfin un abaissement de la limite exigée pour la tenue d'une étude d'impact afin d'assurer un meilleur contrôle et d'éviter le fractionnement des projets. Les CRE souhaitent davantage de transparence dans l'information relative aux dossiers que le ministère de l'Environnement et de la Faune doit autoriser.

En conclusion, les conseils régionaux de l'environnement espèrent que ce règlement favorisera un virage vers des pratiques et des technologies produisant moins d'odeurs, mais avant tout moins de pollution d'origine agricole dans le sol et dans les cours d'eau. Le secteur agricole est, en effet, devenu avec le temps la principale source polluante affectant la qualité de l'eau au Québec. Le rapport du Vérificateur général pour l'année 1995-1996 fait état, d'ailleurs, de l'importance des problèmes d'épandage excessif des fumiers qui constituent la plus importante source de pollution diffuse au Québec.

Ces problèmes ont de lourdes conséquences sur la santé des cours d'eau et des populations riveraines, entraînant des coûts sociaux, économiques et environnementaux importants. Ces coûts sont réels et commencent à se faire sentir un peu partout au Québec. Le ministère de l'Environnement et de la Faune évaluait d'ailleurs en 1991 à près de 3 000 000 $ le coût d'installation d'une usine de traitement conventionnel de l'eau potable. Pour une municipalité de 5 000 habitants, on parle, pour chaque contribuable, d'une augmentation de taxes de 200 $ par an, de 800 $ pour une municipalité de 500 habitants. À titre d'exemple, c'est à cette problématique que font notamment face aujourd'hui les citoyens de Lac-Mégantic, en Estrie, où la contamination du lac par la pollution agricole force la mise en place d'un tel système.

Les Québécois commencent de plus en plus à réaliser l'importance et la fragilité de leur ressource eau, laquelle constitue une partie importante de la réserve mondiale d'eau douce. Il faut agir rapidement pour assurer la protection et la pérennité de cette richesse collective. Les décideurs doivent, quant à eux, cesser de placer les considérations d'ordre environnemental en opposition avec le développement économique ou la rentabilité des entreprises. L'intégration des considérations économiques, sociales et environnementales, associées au concept de développement durable, permet d'évaluer de façon beaucoup plus juste et réaliste la rentabilité collective et à long terme de tout projet.

En terminant, j'aimerais passer deux commentaires supplémentaires, un qui a trait à d'éventuels différends entre les comités consultatifs et le conseil des maires des MRC. Dans ces cas-là, on considère que le gouvernement devrait avoir le pouvoir de trancher, comme actuellement il le fait dans les autres domaines en matière d'aménagement. Le ministre des Affaires municipales l'a fait l'année dernière en refusant de modifier le schéma d'aménagement de la MRC du Bic, donnant ainsi raison au Comité consultatif d'urbanisme.

Enfin, je reviens sur l'importance d'assurer la protection intégrale du territoire agricole contre les visées expansionnistes d'un trop grand nombre de municipalités et le laxisme de la CPTA. Quand on entend l'UMRCQ souhaiter qu'on enlève la notion de minimum et de maximum, on considère que c'est risqué dans les deux cas, notamment en l'absence de distances séparatrices minimales où, à notre avis, ça va permettre l'expansion des activités non agricoles sur le territoire des municipalités et, par le fait même, augmenter les conflits d'usage entre les agriculteurs et les autres activités. Alors, je vous remercie.

La Présidente (Mme Vermette): On vous remercie. Maintenant, nous allons passer à la période de questions. M. le ministre de l'Environnement.

M. Cliche: Merci, Mme la Présidente. Alors, bienvenue à cette commission. Je tiens à souligner le caractère positif de votre texte. Vous apportez des choses, des nouvelles notions que j'aimerais explorer avec vous.

Mais, avant, j'aimerais faire tout simplement un point d'information sur... Vous avez absolument raison lorsque vous dites qu'on traite aujourd'hui des nuisances, mais il ne faut jamais perdre de vue qu'un des aspects les plus fondamentaux, c'est la réduction de la pollution agricole dans l'environnement physique. Il y a eu une prépublication du règlement, il y a deux ans, sur la réduction de la pollution agricole; il y a eu une table de concertation qui a fonctionné pendant huit mois, si ma mémoire est bonne, qui a regroupé l'ensemble des intervenants. À ce moment-là, comme les CRE n'existaient pas, vous n'avez pas fait partie de cette table de consultation, mais il y a eu abondamment de discussions sur le règlement sur la réduction de la pollution agricole. Donc, il est faux de dire qu'il n'y a pas eu de consultations à cet effet-là.

Mais je partage exactement votre vue à l'effet que c'est la réduction de la pollution agricole. Je vous dirai que l'essentiel du règlement sur la réduction de la pollution agricole va faire en sorte que les 25 000 producteurs agricoles dont les activités sont susceptibles de porter atteinte à l'environnement physique, notamment les nappes d'eau et les cours d'eau, ceux-ci, sur une période de six ans, devront se doter de plans de fertilisation qui font en sorte que les fertilisants, que ce soit le phosphore inorganique ou le phosphore organique, l'ensemble des fertilisants devra être en équilibre avec les besoins des plantes et des sols. Donc, c'est un virage majeur et je pense que ceci devrait faire en sorte que l'agriculture soit respectueuse de l'environnement physique.

J'aimerais discuter avec vous de vos commentaires plus spécifiques sur des nouveaux concepts. Le nouveau concept que vous apportez aujourd'hui, c'est la première fois que je l'entends, lui, c'est la notion qu'on ajouterait des sources, c'est-à-dire qu'on pourrait combiner des sources. Vous dites: Il faudrait qu'il y ait une distance à partir de laquelle deux sources distinctes d'odeurs devraient être comptabilisées ensemble. J'aimerais que vous élaboriez un peu là-dessus, sur ce que vous avez en tête, comment ça pourrait se faire. Parce que, nous, on traite des sources distinctement. Vous, vous dites: Si deux sources distinctes sont plus près l'une de l'autre... J'aimerais peut-être vous entendre là-dessus avant de revenir sur deux autres questions rapides.

M. Turgeon (Alexandre): D'accord. Alors, je ne sais pas si c'est parce qu'on avait mal compris ce qu'il y avait dans la proposition des principes généraux, mais, à la page 4, on parlait de tenir compte des situations où il y a plusieurs sources d'odeurs rapprochées. En tout cas, on a fait une interprétation peut-être élargie de ça, mais c'est la question que, à un moment donné, si on a, face à face, deux producteurs ou encore un agriculteur qui divise sa production, 1 000 bêtes d'un bord, 1 000 de l'autre, parce que la charge totale comptabilisable va être moins grande et, donc, les distances séparatrices moins grandes... C'est pour ça qu'on dit qu'il faut tenir compte de la proximité, mais il faut également établir les critères à partir desquels... D'ailleurs, c'était sous forme interrogative qu'on l'écrivait: De quelle façon ça va se faire? Parce qu'on avait compris que c'était l'intention, là.

(17 heures)

M. Cliche: Non, mais vous soulevez une bonne question, là. Moi, en tout cas, ça met en marche du questionnement que le ministère devra regarder avec moi.

Vous avez parlé de transparence dans l'application de l'article 22. L'article 22, c'est l'article par lequel on autorise les projets qui ne font pas l'objet d'audiences publiques et qui sont autorisés par les directeurs régionaux du ministère de l'Environnement et de la Faune au nom du ministre. Ça, c'est juste pour les gens qui l'ignoraient. Vous avez parlé également du rôle des CRE et vous avez posé des questions sur les CCA, comme on les appelle maintenant.

J'aimerais vous entendre sur votre perspective du rôle des CRE dans ce qui s'en vient, tant au niveau de la transparence des directeurs régionaux... J'ai évoqué, à un certain moment donné, lors d'un congrès des CRE, des conseils régionaux de l'environnement, la possibilité que nos directeurs régionaux développent des jonctions avec les CRE pour partager les dossiers. Dans certaines régions du Québec, on est en train d'essayer de mettre en place des comités de vigilance qui feraient la vigile, si je peux m'exprimer ainsi, des décisions et des suivis des décisions du ministère de l'Environnement et de la Faune. J'aimerais vous entendre là-dessus, cette notion de transparence, et votre participation là-dedans.

Deuxièmement, votre implantation dans les régions et vos relations avec les MRC. Comment vous voyez, à la lumière de votre implantation, en somme, assez nouvelle dans les régions – parce que vous n'avez que 18 mois ou deux ans d'âge – vos relations avec les MRC? Comment vous voyez votre rôle, si vous en voyez un, dans le CCA ou dans les discussions au niveau des MRC et des municipalités, des discussions qu'il va y avoir entre la distance minimale et maximale?

On a entendu – je vais terminer là-dessus – les gens de l'UMRCQ, mais la volonté, en tout cas, des ministres qui participent à cette réflexion est à l'effet qu'on devrait y aller avec un minimal et un maximal. Minimal parce qu'il faut protéger, à tout le moins, la santé des gens, le bien-être des gens au minimum, et maximum parce que, si on ne met pas de maximum, on a peut-être peur que certaines municipalités soient portées à exagérer et, à ce moment-là, empiéter sur le droit de produire de façon indue. Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus, sur ces questions.

Le Président (M. Vallières): M. Turgeon.

M. Turgeon (Alexandre): Alors, sur la première question. On a des problèmes, des fois, avec les directions régionales. On entend souvent de bouche à oreille de l'information qui devrait nous être transmise et il faut souvent les rappeler à l'ordre. Une fois qu'on le fait, en général, sur un dossier spécifique, là ils vont nous appeler systématiquement, ils vont nous inviter à des rencontres, mais jamais préalablement. On a de la difficulté à ce niveau-là.

Pour ce qui est des relations avec les MRC au niveau de la révision des schémas d'aménagement, actuellement ça fonctionne fort bien. De façon assez systématique, les conseils régionaux de l'environnement sont invités. D'ailleurs, il y a des régions, comme dans l'Estrie, où toutes les MRC siègent sur les conseils d'administration du conseil régional de l'environnement. C'est le cas de l'Estrie. Donc, les échanges se font assez bien et, en général, à leur invitation, on participe à différents comités consultatifs en vue de la révision du schéma.

Sur la question de l'agriculture, malheureusement le projet de loi qui a été adopté en juin dernier ne nous inclut pas comme étant membres potentiels et la notion de résident obligatoire de la MRC peut même être limitative quant à notre participation éventuelle à ces comités-là.

M. Cliche: Dans quel sens?

M. Turgeon (Alexandre): Bien, dans le sens où, si le responsable des questions agricoles au sein du conseil régional de l'environnement ne réside pas sur le territoire d'une MRC, il ne pourra pas faire partie du comité consultatif.

M. Cliche: Selon vous, est-ce qu'il est possible, est-ce qu'il est envisageable que les représentants, les gens que les MRC vont nommer sur ces CCA pour la partie non-producteur agricole, est-ce qu'il y a des chances que les représentants des CRE soient là?

M. Turgeon (Alexandre): Ah oui! Il y a des chances, mais peut-être pas dans toutes les MRC. Étant donné que, souvent un conseil régional couvre cinq, six MRC, bon il peut y avoir des limites.

Vous avez posé la dernière question concernant les distances minimales et maximales. Pouvez-vous me rappeler...

M. Cliche: C'était un commentaire pour dire qu'on allait dans le sens que vous dites, minimales, maximales, une fourchette à l'intérieur de laquelle le débat se ferait dans les régions au niveau des MRC. Merci.

Le Président (M. Vallières): Merci. M. le député d'Orford.

M. Benoit: Bienvenue aux gens des regroupements nationaux des CRE. C'est plaisant de vous avoir ici. Je veux partager effectivement le point de vue des ministres. À cette heure-ci, c'est assez rare qu'on partage le moindre point de vue puis qu'on est d'accord, mais je pense que...

Une voix: C'est à cause de l'heure.

M. Benoit: C'est à cause de l'heure, peut-être. Non, hier, à cause de l'heure, on ne partageait pas grand-chose, effectivement.

M. Cliche: Ça, c'est avant le café du député des Îles.

M. Benoit: Je partage avec le ministre de l'Environnement... Je pense que votre mémoire est d'un ton très positif. Il regarde par en avant et essaie de voir les niveaux d'entendement qu'il y a dans la société québécoise vis-à-vis ces nouveaux règlements qu'on veut mettre en place.

Quelques questions. Hier, j'ai pris le mot «magouille», à un moment donné, à cette heure-ci, puis il y a des gens qui n'ont pas aimé ça. C'est correct, ça, je n'ai pas de problème avec ça. On n'est pas là pour se faire encenser à la journée longue. Alors, finalement, en me couchant hier soir, je repensais au mot «magouille» et aux sages réflexions du ministre de l'Agriculture et je suis arrivé à la conclusion dans ma tête que ce n'était peut-être pas le bon mot, je dois l'avouer, c'était plus une mauvaise information qu'on faisait parvenir à la population. C'est-à-dire que, dans le petit patelin, prenons le cas de Bic ou de Sainte-Luce, vous les connaissez mieux que moi, à un moment donné, parce que les gens, les simples citoyens ne sont pas capables d'avoir l'information soit du ministère, soit du promoteur, soit de la ville dans plusieurs cas, là il y a une surenchère, en anglais on dit un «buildup» de fausses informations ou souvent un «buildup» de bonnes informations aussi, et là il y a des affrontements absolument incroyables.

Alors, vous faites une recommandation à cet égard-là. À l'article 3.10 de votre mémoire, vous dites: Il faudrait qu'il y ait finalement une nécessité d'informer la population de tout projet d'aménagement ou d'agrandissement d'établissement. Comment vous le proposez, vous autres? Prenons le cas des déchets. Vous avez partie prenante à ça au Québec, là, puis je pense qu'on est après le régler. On a commencé avec la loi 101, un moratoire, grand générique, 800 pages plus tard, une autre consultation. Tout le monde s'en vient, on va y arriver dans le secteur des déchets. Ça aura pris quelques années, mais on y arrive. Mais il y a eu une consultation absolument extraordinaire, tout le monde a apporté sa brique à la construction du mur là-dedans.

Ce n'est pas le cas dans la production porcine en ce moment, ça se tiraille. Quand vous dites «nécessité d'informer la population», comment vous voyez ça? Par quels mécanismes? Qui doit prendre le leadership là-dedans? Quels documents doivent être disponibles? Moi, j'ai été tellement impressionné par des groupes d'environnement de toutes sortes de trucs qu'ils ont dû prendre pour finir par mettre la main sur des informations. Je me disais: Ça n'a pas de saint maudit bon sens de laisser à des groupuscules des travaux comme ceux-là, alors que tout ça devrait être disponible, finalement.

M. Turgeon (Alexandre): Je pense que, à partir du moment où un certificat d'autorisation est demandé, il devrait y avoir un processus d'avis public, un peu comme quand on procède à la modification du zonage dans une municipalité. Il y a des avis publics qui sont faits, il y a des affichages qui peuvent être faits dans les secteurs concernés. Je pense qu'il y a moyen d'informer certains groupes environnementaux, de faire des appuis publics sur les demandes de certificats d'autorisation qui peuvent être faites.

Parce que ce dont on est conscient, c'est le problème de conflit, finalement, entre le développement de l'agriculture et les activités existantes. Nous, ce qu'on veut éviter, c'est que des normes trop sévères permettent de réduire la capacité de pratiquer l'agriculture au Québec. Ça, on en est conscient. On veut éviter surtout que d'autres activités, parce qu'elles ne sont pas compatibles à l'agriculture, viennent restreindre la pratique d'agriculture. Mais, à l'opposé, il faut aussi tenir compte des deux, trois résidents qui sont le long d'un rang qui, du jour au lendemain, peuvent voir un producteur d'une mégaporcherie venir s'implanter en avant de chez eux. Il n'y a même pas de processus pour au moins, au préalable, exproprier ces résidents-là et leur donner des compensations financières satisfaisantes. Bien non, ils seraient poignés avec le problème, leur milieu s'en trouverait détruit. C'est ce genre de problème social là que, à notre avis, on doit être capable d'éviter.

M. Benoit: Quand vous dites «informer les citoyens», un des aspects du BAPE que j'ai toujours trouvé extraordinaire, c'est la possibilité pour les commissaires au BAPE d'exiger les documents. Le plus simple des citoyens peut aller au BAPE dans le sous-sol de l'église de Saint-Patrice, puis dire: Je «peux-tu» avoir ou, Mme la présidente, pouvez-vous mettre la main sur tel document? Puis ils sont obligés de le fournir éventuellement. Le document devient matière publique, on peut l'analyser.

Il semble que ce n'est pas ça qui s'est passé en ce moment au Québec. M. le maire retenait ça parce que c'était un de ses amis ou qu'il était intéressé dans le projet. On en a entendu de toutes les sortes. Y «a-tu» un mécanisme? Jusqu'où il faut aller, je veux dire, pour éviter tous ces conflits-là puis que la documentation soit publique? Vous dites: L'avis public à la municipalité. Je pense que c'est un minimum, là. Je veux dire, c'est un minimum. Est-ce qu'on doit aller plus loin que ça? Est-ce qu'on doit exiger du promoteur les plans, les pro forma financiers? Jusqu'où on doit aller là-dedans pour éviter tous ces affrontements-là?

M. Turgeon (Alexandre): Je vais vous avouer qu'on n'a pas poussé très loin la réflexion à cet effet-là, sur la question spécifique de l'agriculture. Cependant, c'est clair qu'il doit y avoir un minimum de documents qui soient accessibles à la population dès qu'il y a un projet qui est sur la table. Comme je vous disais, simplement d'aviser la population qu'il y a un projet, c'est extrêmement important. Et vous avez donné l'exemple du BAPE. C'est de plus en plus difficile de savoir qu'il y a des audiences ou des médiations du BAPE sur certains projets, parce que le nouveau président du BAPE a décidé qu'il n'envoyait plus systématiquement des communiqués de presse à différents groupes. Maintenant, on apprend en retard qu'il y a quelque chose qui se passe. On ne peut pas être informé de tout. Alors, c'est un exemple de chose... Je pense que c'est un recul, c'est un pas dans la mauvaise direction.

(17 h 10)

M. Benoit: Mon autre question va porter sur les comités que chacune des MRC devra mettre en place, les comités consultatifs. Je suis surpris de voir dans votre mémoire – enfin, on l'a reçu juste avant, je l'ai lu assez vite, mais je ne crois pas... Vous savez que, sur ce comité, il y aura 50 % des citoyens qui seront des agriculteurs et un autre 50 % qui viendront d'on ne sait pas trop où, nommés pas la municipalité, mais il n'y a nulle part où on dit que les groupes d'environnement ou les représentants environnementaux doivent être là.

Moi, je viens d'une région qui est l'Estrie où, partout, vous l'avez cité vous-même, CRE, CRD, les groupes d'environnement sont impliqués. Est-ce que, dans les amendements possibles que le ministre peut apporter, on devrait effectivement... Autant on dit: Bien, les agriculteurs doivent être là à 50 %, est-ce qu'il ne devrait pas y avoir une certaine pondération pour les groupes d'environnement ou les environnementalistes?

M. Turgeon (Alexandre): Absolument. Je pense que ça a toujours été le souhait de voir une participation minimale de représentants des groupes environnementaux et des conseils régionaux au sein des comités agricoles. Puis je pense que, s'il y a des amendements qui sont possibles quant à la composition, la notion de «doit être résident de la MRC»... En tant que représentants de groupes environnementaux qui interviennent sur ce territoire-là, nous, on est un bel exemple, on intervient dans Portneuf, on intervient dans Charlevoix, sur la côte de Beaupré, mais, moi, personnellement, je ne suis pas résident de ces MRC là. Alors, selon la formulation actuelle de la loi, je ne pourrais pas participer au comité aviseur.

M. Benoit: Maintenant, une dernière question. Vous revenez à deux ou trois endroits dans votre mémoire sur l'eau, la préoccupation de la qualité de l'eau. Est-ce que je dois comprendre que, pour vous, et il y en a d'autres qui l'ont dit avant vous, au-delà des odeurs, du bruit, pour les CRE du Québec, la grande préoccupation, c'est effectivement la qualité de l'eau?

M. Turgeon (Alexandre): Oui.

M. Bourque (Philippe): Effectivement.

M. Benoit: Alors, vous invitez le ministre à bouger dans cette direction-là avec sa politique de l'eau.

M. Turgeon (Alexandre): Oui, puis on espère qu'il va y avoir des consultations publiques à cet effet-là.

M. Benoit: Le plus large possible.

M. Turgeon (Alexandre): Oui.

M. Benoit: Très bien. Merci, monsieur.

Le Président (M. Vallières): Merci. M. le ministre de...

M. Cliche: Excusez-moi.

Le Président (M. Vallières): ...l'Environnement. Oui.

M. Cliche: Juste un point d'information. Le règlement sur la réduction de la pollution agricole et la mise en place des plans de fertilisation sur les fermes au Québec, c'était indépendamment de la politique de l'eau, c'est-à-dire que ça vient d'ici le 20 juin. Et, là-dessus, il y a une décision gouvernementale. Ça va être intégré subséquemment. Donc, c'est une pièce du casse-tête de la politique de l'eau. Mais la décision du gouvernement là-dessus est formelle, le règlement va venir en vigueur d'ici le 20 juin.

M. Turgeon (Alexandre): Et on ne souhaiterait pas que le règlement n'entre pas en vigueur en attendant les résultats d'une consultation sur la politique de l'eau non plus.

M. Cliche: Alors, c'est juste pour clarifier ça. Excusez-moi, M. le Président.

Le Président (M. Vallières): Pas de faute. M. le ministre de l'Agriculture.

M. Julien: Alors, M. Turgeon, directeur général, je dois vous dire que j'ai entendu quelques groupes d'environnement, mais je vais faire plaisir à mon ami d'Orford, le député d'Orford, j'ai trouvé que vous avez quand même une présentation qui m'apparaît positive. Il y a des éléments évidemment dont on peut discuter, mais j'ai trouvé que vous aviez une approche qui évitait les préjugés puis qui donnait quand même une position intéressante, puis je vous en félicite. J'ai entendu tellement de choses que j'avais hâte de vous rencontrer. J'ai trouvé ça bien correct, puis je tiens à vous le dire.

Il y a quelques questions, mais je ne veux pas être trop long. À 2.3, vous parlez: Par exemple, les techniques occasionnant le moins d'odeurs devraient être les seules permises dans les zones plus sensibles. Puis là vous dites, tout de suite après: Toutefois, ce type d'approche ne doit pas mener à des situations où le développement agricole serait priorisé par rapport à la santé et au bien-être de la population. J'avais de la misère à comprendre le lien.

M. Turgeon (Alexandre): Alors, quand on parlait de techniques d'épandage, en fait, personnellement je connais deux techniques d'épandage qui réduisent – je ne veux pas embarquer dans les techniques – au maximum les odeurs. L'incorporation au sol est la plus intéressante, sauf qu'elle n'est pas possible pour toutes les cultures. C'est à ça qu'on faisait référence.

C'est parce que, dans le document de consultation, on évoquait la possibilité d'avoir des distances séparatrices nulles dans certains cas. Et c'est là qu'on se disait, à un moment donné, quand il y a un problème de santé qui est plus fort, qui est plus grand, il doit quand même y avoir une marge qui doit être établie. On ne veut pas trop restreindre les surfaces où on peut pratiquer l'épandage au Québec, parce qu'on est déjà en situation de surplus, mais, en même temps, il faut tenir compte des résidents qui peuvent être en marge des activités agricoles, leur assurer un minimum de protection et tenir compte des questions de santé. Lorsque les gens ne sont plus capables de dormir à cause des odeurs, ça devient un problème de santé très préoccupant.

M. Julien: C'est parce que je croyais que les techniques, c'était relié aux nouvelles technologies de traitement du lisier, mais vous, c'est les techniques et les équipements utilisés par les producteurs. O.K.

Définition des paramètres. On a eu une discussion tout à l'heure avec l'Union des municipalités régionales de comté qui proposait, par exemple, que les paramètres soient définis ou faits par les municipalités régionales de comté. Vous réagissez comment à ça? J'aimerais ça avoir votre avis. Parce que vous en parlez un petit peu. «Ce sont les MRC qui devront prendre en considération les conditions locales.» Je vous ramène à votre page 5.

M. Turgeon (Alexandre): Oui. C'est bien que les MRC décident des distances séparatrices en fonction de certains aspects plus locaux, pour tenir compte, entre autres, des questions comme les vents dominants ou un creux dans un vallon. Donc, finalement, ce n'est peut-être pas uniforme, des distances séparatrices, ça peut être adapté au territoire. Cependant, on n'était pas d'accord quand l'UMRCQ a dit: Ne nous imposez pas de minimum. Je pense que les seuls qui pourraient gagner de ça, ça serait les municipalités qui veulent faire autre chose que de l'agriculture sur leur territoire. Parce que, en l'absence de distances minimums, ça permettrait l'expansion d'autres usages et, donc, de replier de plus en plus loin les activités agricoles.

Je pense que d'avoir des distances séparatrices minimales assez importantes... Plus les distances séparatrices vont être grandes, plus ça va empêcher les activités autres que l'agriculture d'empiéter sur le territoire agricole. Et ça, c'est aussi important sur le plan de l'environnement, parce que c'est une question d'aménagement du territoire, c'est une question d'étalement urbain. Ce n'est pas efficace de laisser les municipalités se développer à qui mieux mieux. Il faut vraiment restreindre les activités de développement résidentiel, commercial et industriel et assurer ce qu'on a. Ce qu'il nous reste comme territoire agricole, on a largement empiété sur ce territoire-là dans les 40 dernières années, et c'est important de le protéger. On pense que, plus les distances séparatrices minimales vont être grandes, plus ces activités-là vont être protégées.

Ça va être dans les deux sens, finalement, la protection, parce qu'on le sait, depuis 10 ans, c'est quoi qui a créé l'origine des conflits entre agriculteurs et résidents, c'est des nouveaux résidents que les municipalités ont laissés aller s'implanter en bordure des agriculteurs plus souvent qu'autrement et, après ça, ces gens-là, l'été suivant, ils se réveillent: Aïe! Ça pue ici. Finalement, les gens ont choisi d'aller s'installer là où il y avait des nuisances. Les municipalités ont eu tort de les laisser s'installer. Alors, quand les MRC disent: Il faut nous laisser établir nous-mêmes les minimums, on n'est pas du tout d'accord. En 1992, le ministère des Affaires municipales disait qu'il y a seulement 10 MRC qui ont produit des bons schémas d'aménagement et qui ont eu de véritables efforts de planification du territoire. Pourquoi? Parce que les autres, tout ce qu'ils ont fait, c'est faire la somme des volontés de toutes les municipalités plutôt que de faire de véritables choix stratégiques en matière d'aménagement du territoire.

M. Julien: Mégaprojet, pour vous, c'est quoi?

M. Turgeon (Alexandre): Pardon?

M. Julien: Mégaprojet. Quand vous parlez de ça... C'est parce que j'entends ça souvent. C'est quoi, un mégaprojet?

M. Turgeon (Alexandre): Ce qui doit être soumis à des études d'impact, est-ce qu'on peut considérer ça comme des mégaprojets, des mégaporcheries? On sait qu'il y a beaucoup plus grand aux États-Unis qu'ici. Finalement, nos mégaporcheries ne seraient peut-être pas des vraies mégaporcheries.

M. Julien: Parce que vous dites, quelque part: «Le CRE demande enfin un abaissement de la limite exigée pour la tenue d'une étude d'impact.» Par rapport aux mégaprojets, je me demandais s'il y avait un lien et si vous aviez des suggestions là-dedans.

M. Turgeon (Alexandre): En termes de nombre ou en termes de technicalités à partir de quel seuil...

M. Julien: En terme de mégaprojets. Vous parlez d'études d'impact. Ça serait ça, la limite?

M. Turgeon (Alexandre): Non. On n'a pas eu de discussions spécifiques à cet effet avec le comité d'agriculture du regroupement.

M. Julien: Mais, pour vous, en tout cas, ce que je comprends, c'est que mégaprojet, ça ne se compare pas avec ce qu'il y a aux États-Unis.

(17 h 20)

M. Turgeon (Alexandre): Non. C'est beaucoup plus petit. Quand on parle de diviser et de réduire le seuil à partir duquel on doit aller en évaluation environnementale, c'est pour éviter ce qu'on voit actuellement au Québec, des divisions de production sous quatre incorporations différentes de façon à ne pas se prêter au processus d'évaluation. Puis ça ne se fait pas uniquement en agriculture, ça se fait également dans d'autres domaines. On demande un permis qui est en deça du seuil puis, ensuite, on demande un agrandissement.

M. Julien: Ou pour éviter que les maladies se propagent, ça fait que les producteurs séparent les trois. Parce que ça peut se propager, ils perdent toute la production.

Dernier point. Vous dites: «À titre d'exemple – à la page 7 – c'est à cette problématique que font notamment face aujourd'hui les citoyens de Lac Mégantic, en Estrie, où la contamination du lac par la pollution agricole force la mise en place d'un tel système.» Sur quoi vous vous basez pour dire ça? En fait, vous semblez dire que c'est la cause majeure, la pollution. Ça se peut, là, je ne le sais pas. Ça m'a juste surpris.

M. Bourque (Philippe): En fait, c'est ce qui nous a été rapporté par le président du Conseil régional en environnement de l'Estrie, M. Jean-Guy Dépôt, qui a apporté ce commentaire-là.

M. Julien: Parce que c'est un grand lac, hein? Je posais la question. Je me demandais. Merci beaucoup. Mais je vous remercie pour le mémoire. Honnêtement, je trouve ça...

Le Président (M. Vallières): Bien. M. le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Farrah: M. le Président, j'aurais simplement une question. Je vous remercie évidemment pour votre mémoire. Mais ce sont vos derniers commentaires qui me font réagir. Donc, si je vous comprends bien, si le gouvernement donne trop de latitude aux municipalités, c'est dangereux, ça peut devenir un frein pour le droit de produire?

M. Turgeon (Alexandre): Oui, pour les raisons que j'ai expliquées. Si, dans les municipalités, on établit des distances minimales, des distances séparatrices très faibles, qu'est-ce que ça va permettre? Je pense que, rapidement, l'agriculteur va comprendre que c'est à son avantage d'avoir des distances séparatrices assez grandes pour s'assurer que, là où il peut faire de l'épandage aujourd'hui, il va pouvoir continuer à le faire encore dans 10 puis dans 20 ans. Tandis que, si on a des distances séparatrices très faibles, rapidement les résidents vont s'approcher, les conflits d'usage vont augmenter et les résidents vont demander qu'il modifie davantage ses pratiques, qu'il réduise son épandage, etc. Ce à quoi il faut mettre fin, c'est à la guerre qu'il y a actuellement entre la population et les agriculteurs. Et la seule façon de le faire, c'est en planifiant correctement. Je pense que le meilleur outil qu'on peut donner aux élus municipaux pour faire ça, c'est en leur donnant des normes minimales quand même assez grandes.

Puis je n'ai pas parlé des distances maximales. On est d'accord avec le fait qu'il faut aussi limiter la capacité des MRC, jusqu'où elles peuvent augmenter le maximum, parce que ça peut amener effectivement à des aberrations où ça va devenir tellement inapplicable d'établir ces distances séparatrices là qu'on ne pourra plus la pratiquer, l'agriculture, dans certaines municipalités. Ça aussi, il faut éviter ça. On était d'accord avec le fait que, dans de telles circonstances, au moins le comité consultatif, d'une part, soit d'accord quand on dépasse les normes maximales. Même, il y a peut-être un avis du gouvernement qui devrait être demandé et un accord qui devrait être demandé. Est-ce que ça fait vraiment l'objet d'un consensus social élargi, incluant les agriculteurs, quand on va vouloir aller avec des normes extrêmement élevées? C'est ça qu'il va falloir regarder.

M. Farrah: C'est gros, ce que vous dites là, tu sais, que les municipalités ne sont pas capables – puis je ne mets pas en doute non plus vos commentaires, loin de là. Quand on écoute les Unions municipales, ça va vraiment à l'encontre. Donc, vous, vous n'êtes pas d'accord, et ça serait même dangereux. Si on va dans votre sens... C'est qu'au niveau de la proposition des principes généraux qu'on étudie, à la page 4, en bas, ça dit: «Le gouvernement pourra permettre que les municipalités aillent au-delà du maximum proposé après avoir pris en considération l'avis du comité consultatif agricole.» Alors, si on suit votre raisonnement, le gouvernement serait invité à la prudence là-dessus, là.

Le Président (M. Vallières): Bien. Ça va, M. Turgeon?

M. Farrah: On pourrait permettre aux municipalités d'aller au-delà. Parce que, là, en fin de compte, ce qu'on étudie, c'est le droit de produire, ce n'est pas le droit de ne pas produire. Dans ce sens-là, il ne faut pas perdre ça à l'esprit, il faut l'avoir à l'esprit, que c'est le droit de produire, puis c'est vital aussi, M. le Président. Alors, par conséquent, les commentaires qui ont été émis sont à prendre en considération, à mon point de vue, également. Merci.

M. Turgeon (Alexandre): Peut-être que vous mettez ça un peu gros quand je dis qu'ils ne sont pas capables de prendre leurs responsabilités. Sauf que les 10 dernières années sont là...

M. Farrah: Vous, c'est le passé qui vous dicte...

M. Turgeon (Alexandre): Le passé est là pour nous montrer qu'ils n'ont pas été capables de prévoir que certains développements résidentiels amèneraient des conflits entre les agriculteurs et les populations. Les gens, la population qui allait s'établir dans ces nouveaux quartiers là ne voyait pas non plus, au moment de l'achat, le conflit éventuel, allait à l'hôtel de ville pour gueuler une fois que la maison avait été achetée, malheureusement. Donc, c'est pour ça qu'on dit qu'il faut qu'il y ait un minimum de responsabilités qui soit assumé par le gouvernement dans ce dossier-là.

M. Farrah: Je vous remercie.

Le Président (M. Vallières): Bien. M. le député de Roberval.

M. Laprise: Ça me fait plaisir. Je tiens quand même à féliciter le comité de l'environnement qui a démontré une ouverture un peu spéciale. Je crois que, depuis le début qu'on reçoit des mémoires, on en a reçu de toutes les sortes. Pour avoir connu un peu ce qu'était l'agriculture et un peu le monde municipal, je peux partager vos préoccupations jusqu'à un certain point, parce qu'au niveau de l'agriculture surtout, pour les agriculteurs, vivre ce qu'on a vécu depuis une couple d'années en termes de publicité, c'est un peu démoralisant pour la profession d'agriculteur.

Entre autres, les producteurs de porc, je pense qu'ils ont eu leur voyage cette année. Ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas eu des abus qui ont été faits de leur part, mais je pense qu'ils ont été passés au cash pas mal cette année. Je crois que les rencontres que nous avons ici, en commission parlementaire, nous permettent d'arrondir certains points et je crois que les producteurs de porc ont été traités un peu... on avait l'impression, d'après certains mémoires, que c'étaient les Rock Machine de l'agriculture.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Laprise: Ils étaient vraiment passés au cash.

Une voix: Les Rock sont mieux traités...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Laprise: Oui, exactement. Du côté municipal, je pense qu'au niveau des schémas d'aménagement il faut que ce soit fait en fonction aussi de la vocation des sols, pas seulement en fonction d'un développement urbain, ou domiciliaire, ou industriel. Il faut que ce soit en fonction de la vocation des sols et aussi donner tout le potentiel des sols agricoles. Je pense que la deuxième génération des schémas d'aménagement, avec l'expérience qu'on a acquise dans la première version, on va être en mesure de prévoir ce genre de choses là et d'arrondir les coins et les relations entre les différents citoyens. Peu importe l'emploi qu'on a, je pense qu'il faut être appelé à vivre ensemble, et, si on veut garder le tissu humain de nos municipalités rurales, il faut être capable d'arrondir ces coins-là. Puis je tiens à vous féliciter, parce que c'était quand même un bon mémoire.

Le Président (M. Vallières): Bien. C'était un commentaire. Mme la députée de Deux-Montagnes.

Mme Robert: Merci, M. le Président. Rapidement, moi aussi, félicitations. J'ai bien aimé votre mémoire. Moi, j'attire l'attention, là, j'aimerais que vous expliquiez un petit peu plus, à la page 6, votre 3.8, où vous parlez de la volonté pour reconnaître le caractère industriel de certaines installations agricoles, notamment les porcheries – alors, ça, c'est un exemple, les porcheries – selon la nature des activités pratiquées ou l'importance du nombre de bêtes. Puis vous dites que ça mènerait à un meilleur contrôle des odeurs et d'autres types de pollution associés. Alors, j'aimerais, en gros, que vous me parliez de ça, c'est-à-dire de parler d'industries, de zones industrielles, là.

M. Turgeon (Alexandre): Je pense que cette notion-là a été évoquée récemment dans le Bas-Saint-Laurent ou en Gaspésie, et c'est l'idée à partir de laquelle, à un moment donné... Puis je vais faire référence également au potentiel agricole auquel votre collègue référait précédemment. D'une part, il y a la CPTA qui, à mon avis, ne tient pas compte du potentiel agricole lorsqu'elle procède au dézonage de certains territoires. Elle dit: Le territoire est déstructuré. Il y a déjà eu de l'empiétement. Alors, on va dézoner. À mon avis, ils sont vraiment mous et, même, je vais me reprendre un peu par rapport aux municipalités régionales de comté, on connaît des cas, c'est le cas, entre autres, de la MRC de Bellechasse, où la MRC, parce qu'elle veut consolider ses périmètres d'urbanisation, ses noyaux villageois, demandait à la CPTA de ne pas dézoner le territoire et la CPTA a dézoné, malgré tout, tout ce qui était au nord de la 132, dans Beaumont, dans Saint-Michel, pour permettre finalement à des activités résidentielles de s'implanter là malgré le potentiel du sol.

Alors, là, je reviens à votre question, la question des industries. C'est qu'il y a certains types de production animale qui, finalement, peuvent se faire indépendamment de la qualité du sol lui-même. Ils ont besoin du sol pour faire l'épandage, sinon ça peut se faire sur d'autres types de territoire qui n'ont pas besoin nécessairement de... Comme M. Cliche le mentionnait au mois de février, il y a des gens qui s'imaginent au Québec que les chops de porc, ça pousse dans le styrofoam. Effectivement, ça pourrait être considéré comme d'autres types d'industries à cet effet-là.

(17 h 30)

Le Président (M. Vallières): Bien. Alors, merci, M. Turgeon. Ça met fin au temps qui nous était alloué. Je m'excuse auprès du député de Saint-Hyacinthe. Ça sera au prochain tour.

Alors, je veux remercier le Regroupement national des conseils régionaux de l'environnement du Québec et je prie maintenant la Direction régionale de la santé publique de Lanaudière de bien vouloir s'approcher.

Oui, est-ce que, Mme Fortin, vous avez un mémoire?

Mme Hamel-Fortin (Suzanne): Il n'est pas prêt pour dépôt. Il sera éventuellement déposé.

Le Président (M. Vallières): Très bien. Non, O.K., mais en attendant, nous allons quand même vous entendre. Alors, la parole est à vous, et par la suite il y aura échange avec les députés autour de la table.


Direction régionale de la santé publique de Lanaudière

Mme Hamel-Fortin (Suzanne): Merci, M. le Président. Merci, mesdames et messieurs de la commission. La Direction de la santé publique, comme vous le savez, a, entre autres mandats, d'aviser la population des risques pour la santé des populations qu'elle dessert. Lors de la levée du moratoire dans la région de Lanaudière, en février dernier, la Direction de la santé publique s'est impliquée avec le milieu agricole afin de permettre la levée sécuritaire du moratoire et continue encore à s'impliquer dans les tables de concertation qui réunissent, entre autres, le ministère de l'Environnement, le ministère de l'Agriculture, l'UPA, COGENOR et le secteur de la santé afin d'assurer un suivi adéquat des nappes phréatiques qui persistent à être une de nos préoccupations principales.

Étant donné que déjà le Dr Gosselin et le Dr Gingras, dans leur présentation, il y a deux jours, ont abordé le côté plus scientifique et les études qui ont été faites à date, je voudrais aborder un autre aspect qui est plus celui des contraintes sociales qu'on va retrouver à l'intérieur... qu'on peut retrouver, et en se basant là-dessus sur l'expérience régionale.

Nous reconnaissons d'emblée l'importance, tant économique que sociale, de l'agriculture et sa primauté en zone rurale. Cependant, il est important d'assurer la préservation des terres et des activités agricoles. Il est aussi primordial que les nouveaux développements dans les secteurs agricoles se fassent harmonieusement, dans le respect de toutes les populations qui habitent le milieu et dans celui des écosystèmes qui supportent la vie humaine.

Les pratiques agricoles des dernières années ont entraîné progressivement un accroissement du cheptel et une certaine industrialisation, particulièrement dans le domaine de l'élevage du porc et de la volaille. Les régions où se sont concentré ces élevages ont connu un accroissement de la pollution de l'environnement susceptible d'entraîner des problèmes de santé et des problèmes sociaux.

Si la contamination des eaux persiste, où est le risque qui nous préoccupe le plus? Les effets sur la santé des odeurs, du bruit et des poussières ainsi que les tensions sociales associées à l'implantation particulièrement de porcheries dans des nouveaux milieux nous préoccupent aussi. La région de Lanaudière est une des régions du Québec où on retrouve une grande concentration d'élevage porcin et aviaire. Et à ce titre la mise en place d'une réglementation sur la gestion des odeurs, du bruit et des poussières en milieu agricole nous préoccupe.

Pour resituer un petit peu la région, là, la région de Lanaudière est une région administrative qui est située au nord de Montréal, en bordure immédiate de la région urbaine, et vers l'est elle est bordée par la Mauricie, vers l'ouest par les Laurentides. C'est une région qui est divisée en trois sous-régions, avec des vocations qui sont peut-être un peu différentes et qui peuvent expliquer l'apparition de certaines tensions.

On a au nord la MRC de Matawinie qui est une MRC où on voit, oui, de l'agriculture, mais aussi beaucoup de villégiature et de la foresterie. Les MRC plus centrales ou au sud-est, comme la MRC de D'Autray, la MRC de Montcalm et la MRC de Joliette, sont à vocation plus agricole ou plus urbaine et les MRC du sud ont une vocation de zones de banlieue qui bordent immédiatement des zones rurales.

Pour revoir un petit peu l'historique ou le contexte, en 1981, devant l'ampleur de la pollution d'origine agricole, et en particulier dans le bassin de la Rivière L'Assomption où il y avait une concentration des élevages porcins, il y a eu un moratoire qui a été mis en vigueur et qui a été reporté d'année en année jusqu'à l'année dernière. Ce moratoire a été levé en février. Le ministère de la Santé avait alors fait des demandes pour s'assurer que la levée du moratoire se ferait de façon sécuritaire et sans risque pour la santé de la population.

Actuellement, dans la région, plusieurs producteurs n'ont pas les superficies nécessaires à l'épandage, et il existe encore des MRC qui sont en surplus, c'est-à-dire où il y a plus de fumiers lisiers produits que de terre pour l'épandre. Donc, dans les MRC de Montcalm, l'élevage du porc est concentré dans un secteur relativement restreint et crée des problèmes de contamination des sols et des cours d'eau. C'est particulièrement vrai pour la Rivière Saint-Esprit et la Rivière L'Achigan. Dans les municipalités de Saint-Esprit, Saint-Roch et Saint-Lin, 50 % des terres cultivables sont utilisées pour l'épandage des fumiers liquides, déjà. Selon les données de Statistique Québec et Statistique Canada, le nombre d'entreprises porcines est passé, entre 1991 et 1993, de 230 à 214 alors que le nombre d'unités animales, lui, a augmenté, passant de 225 000 à 246 000. Donc, on a eu déjà une augmentation de la taille des unités.

Depuis quelques années, on observe dans la région de Lanaudière et dans plusieurs autres régions du Québec, une diversification des activités agricoles pour y intégrer des volets récréotouristiques qui enrichissent le milieu et qui permettent la survie et la croissance de certaines entreprises – que l'on songe seulement aux tables champêtres ou aux réseaux de tourisme à la ferme. Ces nouvelles façons d'interagir favorisent le développement du monde rural et favorisent la rétention des populations, contribuant ainsi à assurer la survie et la vitalité des régions rurales. Ce sont des activités qu'il faut préserver.

Depuis le 27 juin 1996, 13 autorisations ont été accordées par le ministère de l'Environnement et de la Faune: quatre pour l'achat de fermes porcines et neuf impliquant des agrandissements. Actuellement, 30 nouvelles demandes sont à l'étude. Donc, ça fait déjà 43 nouvelles demandes. Parmi les demandes à l'étude, certaines sont pour l'implantation de nouveaux établissements. Or, comme dans d'autres endroits du Québec, les demandes d'implantation de nouveaux établissements ne vont pas toujours sans problème. Ainsi, une demande d'implantation de porcherie traditionnelle dans la municipalité de L'Assomption a entraîné une levée de boucliers de la part de la population. Je me suis permise d'apporter ici la pétition qu'ils nous ont acheminée, qui comprend 2 800 noms demandant qu'on remette le moratoire actuellement. Il y a eu aussi deux autres nouvelles demandes d'établissements qui ont amené des levées de boucliers. Ces deux-là se trouvaient aussi dans des régions moins rurales – rurales mais avec des fragilités particulières – une sur l'Île Dupas et une à Saint-Didace.

Pour replacer aussi le contexte: alors que la MRC de L'Assomption et les municipalités de la MRC nous envoyaient un avis officiel et une demande officielle de remise en place du moratoire sur les élevages porcins, la MRC de Montcalm nous remettait en même temps une demande de ne pas remettre le moratoire. Ce qui reflète, dans une certaine mesure, les tensions qui peuvent naître de situations où on a un développement soit de zone urbaine, soit de zone récréotouristique voisinant les élevages, la zone particulièrement rurale.

(17 h 40)

Ceci illustre bien le problème de développement harmonieux et de cohabitation entre les activités agricoles et les autres utilisations du territoire. On assiste aujourd'hui, face à l'implantation de nouvelles porcheries, au phénomène de ce qu'on appelle le «pas dans ma cour», qui n'est pas sans nous rappeler celui qu'on a vécu avec toute la problématique des sites d'enfouissement et de la gestion des déchets. Le phénomène «pas dans ma cour» est un phénomène qui est bien connu, plus dans le secteur industriel, et qu'on pourrait décrire comme un phénomène bien réel qui cristallise les peurs et l'appréhension des gens face à la détérioration anticipée de leur qualité de vie. C'est un réflexe de défense tout à fait légitime face à un projet qui est perçu comme une agression.

Ce phénomène est la réaction négative d'un individu ou d'une collectivité face à l'implantation d'équipements ou de services. Cette réaction est une réponse à la perception de la situation par les individus et se base sur plusieurs sentiments particuliers, entre autres, le sentiment de crainte et d'inquiétude basé sur le manque d'information, un sentiment de non-confiance envers les administrations, un sentiment de crainte face à la possibilité de perte de valeurs immobilières ou d'un ralentissement économique ou du développement de la société, un sentiment d'opposition face à des erreurs d'aménagement du territoire, face à des techniques qui sont reconnues ou perçues comme non-sécuritaires ou encore face à l'imposition de façon autoritaire d'une façon de faire. Il reflète aussi un sentiment de crainte face à la perte de la qualité de vie ou à une détérioration appréhendée de la qualité dans l'environnement dans lequel évolue la population.

En fait, le «pas dans ma cour» repose sur une perception de risque. Certaines caractéristiques vont entraîner le fait qu'une situation ou un risque est perçu comme plus grand ou moins grand. Il est intéressant de noter que plus une situation comporte des risques perçus comme étant grands, plus les réactions vont être violentes ou plus l'opposition va être grande.

Les principales caractéristiques qui sont reconnues comme pouvant générer les tensions. Je vais essayer de vous les énumérer et de démontrer comment la situation actuelle, ou telle que perçue par les populations, va faire en sorte d'engendrer des tensions. Le risque peut être soit d'origine artificielle ou d'origine naturelle. Si le risque est d'origine artificielle, d'emblée il va donner plus de tensions. L'établissement d'une porcherie qui est une contrainte anthropique, ou une activité anthropique, va nécessairement être considéré comme artificiel et considéré comme à risque. Et plus la porcherie ou plus l'établissement est gros, plus le risque est perçu comme grand. Et là encore, la perception de la taille va différer. Pour un citoyen, une porcherie de 2 000 têtes, c'est une mégaporcherie; pour un agriculteur, c'est une petite porcherie ou une porcherie moyenne. Donc, il y a un phénomène de différence de perception entre les citoyens et les producteurs, qui est un premier endroit où ça peut accrocher.

Le risque est involontaire ou imposé par un tiers. Effectivement, la porcherie est totalement gérée par un producteur. Ses voisins n'ont pas leur mot à dire. Les voisins n'ont aucun contrôle sur ce qui va se faire. Par ailleurs, la communauté n'a aucun contrôle sur le risque qui lui est imposé et la répartition des risques et des bénéfices est considérée comme injuste. Si, par exemple, un producteur entraîne une pollution de la nappe phréatique, donc de l'eau souterraine, c'est le citoyen qui va avoir à se débrouiller avec le problème: installer un filtre ou se trouver un autre approvisionnement en eau. Si la pollution est plus grande ou s'il y a une perte de valeur de la propriété, c'est le citoyen qui encourt le problème, alors que le producteur fait les bénéfices.

La répartition des risques et des bénéfices est injuste et inéquitable. Ça peut être vrai pour des types d'agriculture autres que la production animale. Si, par exemple, le voisin d'où se fait l'implantation de la porcherie a une grosse portion soit en récréotouristique ou dépend d'une interrelation avec la population, que ce soit une table champêtre, par exemple, ou un gîte du passant, la perception du risque de perdre cet ajout est grande et la population va se mobiliser plus pour essayer d'empêcher l'établissement du projet.

Les risques sont perçus comme plus grands que les bénéfices. Par exemple dans la MRC de Montcalm, qui était essentiellement agricole, les bénéfices de l'accroissement sont grands. On a une nouvelle ouverture d'un abattoir; ça augmente l'activité dans la MRC. Le bénéfice à ce moment-là est perçu comme plus grand que les problèmes qui pourraient être engendrés. Dans une MRC, comme la MRC L'Assomption où il y a un grand volet qui est plus périurbain, l'implantation d'une porcherie peut être vécue plus comme une perte potentielle de la valeur des résidences autour.

L'imposition du risque n'est pas détectable ou ne peut être prévenue. Ainsi, un bon exemple de ça, c'est la pollution des eaux souterraines. À moins de faire un échantillonnage puis de vérifier la qualité de l'eau, c'est difficile de savoir si l'eau est polluée par les activités. C'est difficile de savoir avant d'être malade s'il y a des problèmes.

Le risque n'est pas familier. Quand on parle d'implantation d'un établissement ou d'agrandissement d'un établissement qui est déjà dans un milieu où il y a des établissements similaires, le risque est plus familier. Quand on parle d'implantation d'une porcherie dans un milieu où il n'y en a pas, il n'y en a jamais eu, à ce moment-là le risque n'est pas familier et la crainte générée par l'imposition de ce risque-là et les réactions qui vont avec vont être plus grandes.

La source qui engendre le risque est considérée comme non fiable. Malheureusement, la pollution qui a été prédominante dans la région pendant assez longtemps a fait en sorte qu'une partie de la population n'a pas confiance en la gestion agricole. Il y a eu cependant un virage important chez les producteurs avec une conscientisation et une prise de conscience de l'importance de la préservation des milieux. Cependant, la population n'est pas nécessairement bien consciente ou bien informée de ce virage. Et le fait que ça ne soit pas fait génère des problèmes.

L'organisme responsable de la surveillance est perçu comme incapable d'assurer une surveillance adéquate. Là encore, les compressions budgétaires et tout ce qui est dit en termes de réduction des ressources, particulièrement au niveau du ministère de l'Environnement qui est responsable d'assurer un certain suivi au niveau des agriculteurs – si on compte que, par exemple, il y a 1,6 ressource en secteur agricole dans la région de Lanaudière pour plus de 2 000 producteurs – les citoyens ne sont pas certains que le suivi va être fait et qu'ils vont être protégés.

Enfin, les problèmes de santé qui peuvent être occasionnés sont sévères. Dans le cas des odeurs effectivement les problèmes de santé ne sont peut-être pas si sévères que ça, mais la gestion agricole ne génère pas que des problèmes de santé, que les odeurs, mais d'autres problèmes de santé qui eux peuvent être plus sévères, particulièrement les infections qui sont associées plus à la contamination de l'eau. En fait, comme vous pouvez le constater, plusieurs facteurs sont réunis pour qu'on assiste à un nombre croissant de conflits entre les producteurs et leurs voisins.

Beaucoup considèrent les odeurs comme une simple nuisance. Pourtant, des recherches récentes tentent à démontrer le contraire. La proposition a été faite que la gestion des odeurs repose essentiellement sur les distances entre les bâtiments d'élevage ou les bâtiments d'entreposage et les autres occupations du territoire. Or, il existe actuellement d'autres moyens plus efficaces de contrôler les odeurs à la source en modifiant la façon de gérer les élevages.

Il existe dans la région, entre autres – puisque j'avais dit que j'essaierais de donner une application avec un reflet sur la région – un établissement d'élevage porcin sur litière biomaîtrisée. Cette technique est une technique de pointe, moderne, adaptée aux caractéristiques de notre climat et a de nouveaux avantages en termes de gestion des odeurs, puisqu'elle élimine les problèmes d'odeur à toutes les étapes. Elle élimine les odeurs dans les bâtiments, les odeurs provenant des structures d'entreposage, les odeurs d'épandage, puisque ce qui est étendu, c'est un compost fini. De plus, le contrôle des odeurs par ce mode de gestion comporte d'autres gains. En effet, les mécanismes de compostage détruisent la plupart des pathogènes, réduisant ainsi les risques associés à la contamination bactérienne. Et de plus, en fixant l'azote et le phosphore, ils contribuent à réduire la lixiviation.

(17 h 50)

Enfin, ce mode de gestion permet la coexistence harmonieuse des activités récréotouristiques et des activités d'élevage porcin. Effectivement, cette ferme-là est située immédiatement à côté d'une autre structure qui est une structure purement récréotouristique et il n'y a pas de conflit. Ce que je veux illustrer par cet exemple, c'est qu'il existe des méthodes modernes de gestion des élevages, que l'utilisation de techniques modernes peut réduire la pollution et les tensions sociales et ainsi favoriser le développement d'activités agricoles avec la bénédiction des voisins. Il est dommage que le document qui nous a été présenté, ou la proposition de réglementation, mette l'emphase de façon presque exclusive sur les distances par rapport à la gestion des odeurs – ce n'est pas la seule façon – alors qu'on fait des demandes pour le secteur industriel de se moderniser, d'utiliser des techniques plus performantes, plus efficaces, qui sont moins polluantes, qu'on exige au niveau de la santé au travail par exemple, l'utilisation de techniques qui réduisent à la source les problèmes ou les expositions ou les risques à la santé, qu'on exige la même chose, par exemple, au lieu d'augmenter la performance des automobiles, en termes de réduction des pollutions. Il est étonnant que la seule demande qu'on fasse au niveau agricole... qu'on ne demande pas la même chose au niveau agricole, particulièrement pour les nouveaux établissements.

Quand une nouvelle industrie s'implante, on lui demande d'avoir des techniques de pointe. Quand une nouvelle entreprise agricole... particulièrement dans les milieux sensibles où il y a des risques qu'apparaissent des tensions ce serait important qu'on demande aussi à ces établissements-là d'utiliser les techniques les plus récentes. Et beaucoup de ces techniques amènent un contrôle meilleur de tous les problèmes, y compris les problèmes d'odeurs.

Le Président (M. Vallières): Alors, Mme Fortin, nous dépassons déjà les 20 minutes, peut-être en concluant, et puis on va passer immédiatement aux questions des députés.

Mme Hamel-Fortin (Suzanne): En conclusion, l'activité agricole au Québec est une activité essentielle. Il est essentiel de préserver la vocation agricole des zones vertes, d'assurer la disponibilité et la qualité des terres pour les générations futures. Il est aussi essentiel pour la santé des populations rurales de préserver un milieu de vie vivant, dynamique, ouvert sur l'innovation et sur l'intégration d'activités diverses dans le monde agricole.

Cependant, pour ce faire, il faut se rappeler que, si la production animale en zone agricole est un droit, nous serions tentés de mettre comme un autre droit inaliénable ou un autre devoir celui de produire en utilisant les méthodes de gestion qui vont permettre de réduire au maximum les inconvénients et les risques à la santé pour les populations qui la côtoient.

Je conclurai là-dessus. Pour ce qui est des distances et pour ce qui est des autres commentaires, nous entérinons ou nous endossons les recommandations qui ont été faites lors de la présentation du Comité de santé environnementale. Ces recommandations-là permettaient de protéger la santé publique. Cependant, nous voudrions apporter un volet supplémentaire en demandant que le gouvernement supporte et favorise l'implantation de techniques de pointe qui assurent un meilleur contrôle des odeurs.

Le Président (M. Vallières): Merci. On est déjà assuré de dépasser les 18 heures; alors, avec votre consentement nous pourrions convenir de dépasser 18 heures.

J'ai des demandes d'intervention. On commence avec le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. M. le ministre.

M. Julien: Merci, docteure, d'être venue après-midi nous faire part de votre analyse de la situation dans Lanaudière. On va faire ça vite. Vous avez dit à un moment donné, au tout début, qu'il n'y avait aucun contrôle sur l'implantation de porcheries, si j'ai bien compris.

Mme Hamel-Fortin (Suzanne): Non, il y a du contrôle parce qu'il faut passer par les processus d'autorisation. Il y en a, des contrôles. Ce sur quoi les gens n'ont pas de contrôle... C'est les citoyens qui n'ont pas de contrôle, parce qu'il existe des contrôles gouvernementaux, il existe des structures, mais le citoyen ordinaire, celui qui vit en périphérie ou qui vit dans le milieu ne se sent aucun pouvoir ou aucun contrôle sur l'implantation.

M. Julien: Sauf que, lorsqu'il y a une implantation, puis passer à travers le dédale de l'environnement, puis qu'il y a certification de l'environnement...

Une voix: ...

M. Julien: ...avec dédale, je m'excuse, dans le cheminement – c'est poli quand je dis ça; ce n'est pas négatif, David, inquiètes-toi pas – il reste qu'il y a des règlements qui sont là, puis, s'il y a un certificat, si le ministre autorise, c'est parce qu'en principe l'entreprise répond aux normes exigées et ne devrait pas causer de problème en tout cas.

Mme Hamel-Fortin (Suzanne): Oui, l'entreprise répond aux normes. Par ailleurs, il y a de la réglementation qui doit s'en venir, et à laquelle le secteur de la santé a participé, sur la réduction de la pollution agricole. Actuellement, la réglementation n'est pas en application, et je peux vous dire que les citoyens qui actuellement vivent les demandes d'implantation, surtout dans des zones plus vulnérables, particulièrement ceux qui ont demandé la remise en place des moratoires, disent: On demande que ça soit fait jusqu'à ce que la réglementation soit mise en place de façon à ce qu'on assure une meilleure protection et que l'implantation ne se fasse pas avec les anciennes contraintes mais avec la nouvelle façon de fonctionner qui devrait assurer une meilleure protection.

M. Julien: Puis, depuis la levée du moratoire, la demande d'aujourd'hui par exemple, il y a eu combien d'implantations?

Mme Hamel-Fortin (Suzanne): Il n'y en a pas eu, c'est trois où il y a eu des demandes...

M. Julien: Ah, O.K.

Mme Hamel-Fortin (Suzanne): ...où il y a eu vraiment des levées de boucliers. Les autres sont surtout soit des reprises de fermes qui étaient déjà existantes ou des demandes d'agrandissement sur des fermes déjà existantes.

M. Julien: O.K. Donc, depuis la levée du moratoire, il n'y a pas eu d'implantations...

Mme Hamel-Fortin (Suzanne): Pas de nouvelles.

M. Julien: ...mais on demande de remettre le moratoire quand même. O.K.

Mme Hamel-Fortin (Suzanne): Et on demande de remettre les moratoires particulièrement en relation avec les nouvelles demandes d'implantation. Bon, la MRC des Moulins, c'est plus en zone déjà périurbaine. Pour ce qui est de l'Île Dupas, dans les îles de Berthier, les gens ont peur épouvantablement, d'une part, à la qualité des pourvoiries, mais aussi à la protection des frayères qui sont autour des îles. Et à Saint-Didace entre autres, il y a déjà une activité, des gîtes du passant, et des activités récréotouristiques dans le secteur.

M. Julien: O.K. J'aimerais ça avoir votre perception, parce que je trouvais qu'il y avait une organisation intéressante chez vous qu'on appelle COGENOR.

Mme Hamel-Fortin (Suzanne): Oui.

M. Julien: J'aimerais ça avoir un petit peu votre perception de cette organisation-là qui a un rôle quand même majeur dans la gestion des surplus de fumier.

Mme Hamel-Fortin (Suzanne): C'est une organisation qui est dynamique. Effectivement, la seule chose qu'on pourrait recommander, c'est qu'on supporte encore plus l'intervention de COGENOR dans le milieu de façon à ce que son rayon d'influence augmente et que COGENOR – la semaine prochaine, Mme Sarrazin va être là, qui est la personne avec qui je parle du problème de litière – puisse supporter l'implantation dans le milieu de façon adéquate ou des modes de protection qui vont permettre d'atténuer beaucoup beaucoup les relations conflictuelles entre le milieu et les producteurs.

M. Julien: Oui, parce que je trouvais ça intéressant. Dans le fond, c'est qu'ils gèrent les surplus de fumier pour aller peut-être à d'autres endroits où il n'y a pas de surplus. Des fois, on est mieux d'utiliser le fumier que certains produits chimiques qui ne sentent pas mais qui peut-être sont beaucoup plus dangereux pour la pollution.

Mme Hamel-Fortin (Suzanne): Oui, oui.

M. Julien: Alors, ça, c'est un des éléments. L'autre, j'aimerais ça savoir votre perception sur les nouvelles technologies. On a parlé beaucoup de nouvelles technologies durant les commissions, particulièrement dans les porcheries, mais ça peut être aussi dans d'autres établissements.

Mme Hamel-Fortin (Suzanne): En fait, toutes les nouvelles technologies qui vont permettre, bon, d'une part, le compostage... Le phénomène de compostage, comme je le disais, a, entre autres, comme avantage de détruire la majorité des pathogènes qui peuvent avoir un effet sur la santé. Ça permet un épandage, donc une utilisation maximale des terres, y compris dans des zones qui sont très près des zones urbaines. Et, Mme Sarrazin vend même à des individus...

M. Julien: Oui, oui, je la connais.

Mme Hamel-Fortin (Suzanne): ...pour pouvoir le mettre sur leurs terrains. Donc, ça a un effet... Les nouvelles technologies pourraient permettre de préserver ou d'implanter des établissements agricoles dans des zones beaucoup plus près de tous les autres usages, tout en permettant les autres usages. Et là, ce qui est important, c'est de souligner, entre autres, le fait que de plus en plus dans nos régions on a des activités mixtes et que ces activités mixtes dépendent en partie du commercial ou du récréatif et en partie de l'agricole. Ça permet le maintien de productions plus petites et qui pourraient peut-être ne pas être là sans ça, ça permet d'avoir un tissu de société qui est plus dense, avec une population plus grande, et éviter un paquet de problèmes de santé qui sont reliés entre autres à l'isolement mais aussi à un tissus social qui est fragmenté.

(18 heures)

M. Julien: En terminant, je voulais juste vous dire que j'ai aimé votre commentaire quand vous dites que les producteurs ont commencé à prendre le développement durable. Le plan environnemental du porc par exemple je pense que c'en est un et pour moi ça sous-entend toute la notion d'autoresponsabilisation. Je pense que ça là-dessus on va être d'accord ensemble que, si les gens se dotent de règles, s'autoresponsabilisent, ça va être encore une excellente chose. Et puis je pense que là-dessus les producteurs ont déjà commencé. Je vous remercie, madame.

Le Président (M. Vallières): Merci. Alors, M. le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Farrah: Oui, merci, M. le Président. Bonsoir, Dre Fortin. L'avenir dans ces dossiers-là réside dans une plus grande harmonie entre les différentes parties qui oeuvrent au niveau des régions, notamment la vôtre; depuis longtemps vous vivez des tensions assez importantes. Et, lorsque vous avez fait mention des tensions tantôt, il y en a différentes catégories, différentes sortes – juste pour vous dire comment la perception, c'est dangereux aussi, hein. C'est malheureux, ça en est rendu là, puis tant qu'on ne fera pas quelque chose pour faire en sorte d'enrayer la perception et qu'on soit au courant des choses concrètes, des vraies choses réelles et non pas seulement des choses artificielles...

Quand vous dites, exemple, qu'au niveau des tensions d'origine artificielle que, si on a un projet, exemple un projet d'une porcherie de 3 000 porcs, bien, plus ton projet est élevé plus la tension devient importante alors qu'en réalité tu peux avoir un projet qui est davantage adapté à l'environnement avec 10 000 porcs puis qu'il le soit moins à 3 000. Tu sais, en réalité, ça peut être ça, la réalité, là. Ce n'est pas l'objectif de personne, c'est d'arriver avec le moins de pollution possible, mais de façon concrète tu pourrais arriver avec un projet de 5 000 porcs, qui est moins polluant, avec les nouvelles technologies entre autres, là, qu'un projet de 1 000, mais par contre la tension chez les individus – puis vous dites qu'elle a sûrement été prouvée ou démontrée – est plus importante, les gens sont plus tendus si tu parles d'un projet de 5 000 que d'un projet de 1 000.

Alors, qu'est-ce qu'il faut faire selon vous, compte tenu que dans votre milieu vous vivez depuis longtemps des tensions importantes – c'est un milieu agricole très important aussi au Québec – qu'est-ce qu'il faut faire à votre point de vue pour faire en sorte que ces perceptions-là tombent puis qu'on puisse faire en sorte d'arriver à une plus grande harmonie entre les différentes parties?

Mme Hamel-Fortin (Suzanne): Il y a plusieurs facteurs qui peuvent favoriser la réduction des tensions. D'une part, l'utilisation de techniques modernes et la démonstration que ces techniques-là sont moins polluantes à tous les points de vue. O.K.?

Les citoyens qui viennent nous voir se préoccupent à la fois de la qualité de l'eau, des eaux de surface et des eaux souterraines, se préoccupent à la fois des odeurs générées... Donc, en démontrant, et là il y a un facteur d'information, oui, c'est certain, surtout si on utilise une nouvelle technologie et surtout si on dit: Oui, cette technologie-là va réduire les risques à tel niveau, tel niveau, tel niveau. Le facteur information est important et le type d'utilisation.

M. Farrah: Qui n'informe pas? Pour quelle raison il n'y a pas d'information? C'est bien évident, moi, quand j'ai vu une manchette: L'odeur du purin rend fou, rend dingue, ou peu importe, ça n'aide pas. Ça n'aide pas. Ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas de problème, là. Mais qui n'informe pas? On en est rendu là, là, dans le débat. Aussi, à un moment donné il va falloir qu'on mette les vraies choses sur la table. Puis vous dites, avec raison d'ailleurs, qu'il faut continuer l'agriculture, l'avenir du Québec en dépend.

Mme Hamel-Fortin (Suzanne): En dépend.

M. Farrah: Et on parle du droit de produire, là. Mais à un moment donné, il va falloir... Qui doit informer? Qui ne se parle pas? Comment ça fonctionne? Comment ça devrait fonctionner? Parce que tout le monde est conscient que les technologies maintenant sont là. Moi, j'ai été très impressionné depuis quelques jours, là, des nouvelles technologies qui s'en viennent, au niveau du traitement du lisier principalement, puis c'est un gage d'avenir à mon point de vue très, très, très intéressant, dans le dossier du porc notamment. Mais malgré tout ça, j'ai peur que les perceptions restent pareil. Et tout le monde sait que ça existe ces technologies-là. Alors, qui doit informer?

Mme Hamel-Fortin (Suzanne): Les perceptions vont continuer à rester tant que les technologies qui vont être utilisées, donc celles qui vont être mises de l'avant et qui vont être employées, sont les vieilles technologies. O.K.?

À partir du moment où on utilise une nouvelle technologie... Quand de toute façon il y a demande d'autorisation... Si on prend l'exemple pour ce qui est de L'Assomption, quand les citoyens en ont entendu parler, la demande n'était pas complète; il n'y avait pas moyen de savoir quel genre de technique était utilisée: Est-ce que c'était sur lisier simple avec une fosse à ciel ouvert? Est-ce que c'était avec une fosse fermée? Cette information-là n'était pas disponible, d'une part. D'autre part, à partir du moment où on utilise une nouvelle technologie moins polluante, ça peut être une collaboration conjointe à la fois du MAPAQ, du MEF ou des autres organismes qui sont au courant de la technologie, qui sont au courant de la situation, à faire des sessions d'information publiques et à permettre aux gens de voir c'est quoi, l'effet de cette technologie-là.

À partir du moment où on va avoir expliqué aux populations qui vivent autour le genre de technologies, l'effet de ces technologies-là, en termes de réduction des risques de pollution et de contamination et d'odeurs entre autres... Parce que c'est certain que quelqu'un qui voit une ferme porcine s'installer et qui passe régulièrement sur la 25, qui passe au mois de juillet sur la 25, et que ça sent tellement mauvais, qu'il se dit: S'il faut qu'il y ait ça chez nous, ma maison ne vaudra plus rien. Donc, il y en a des anxiétés qui sont reliées aux odeurs, qui sont peut-être d'ordre économiques, mais qui sont reliées aux odeurs. À ce moment-là, à partir du moment où on démontre que la technologie utilisée est une technologie moderne qui permet de contrôler ces risques-là – les risques de pollution – l'acceptabilité par la population va augmenter.

M. Farrah: Donc, la réglementation ne règle pas le problème.

Mme Hamel-Fortin (Suzanne): La réglementation ne règle pas tout le problème. Ce que je voulais apporter aussi aujourd'hui, c'est plus pourquoi ne pas orienter, pousser sur les nouvelles technologies, favoriser leur implantation au moyen s'il le faut d'incitatifs économiques de façon à ce que ce soient ces nouvelles technologies là, qui sont moins polluantes, qui soient mises en application dans le développement. À ce moment-là, on va rétablir un milieu harmonieux et les gens, les producteurs, en particulier les producteurs porcins, ne seront pas vus comme les pollueurs de la planète. Ce qui est malheureusement un peu le chapeau qu'ils portent malgré les efforts qui sont faits.

M. Farrah: Le ministre parlait avec raison du plan agroenvironnemental, et ces gens-là sont perçus comme des bandits. Quand on voit ce qui se passe au niveau des manchettes depuis six mois, et même depuis plus longtemps que ça, ces gens-là sont perçus comme – comme disait notre collègue tantôt – les Hell's de l'agriculture. À mon point de vue, c'est injuste dans le sens où peut-être il y a eu des abus de certains, mais c'est très minime cependant et tout le monde écope pour ça. Je pense qu'il faut toujours mettre ça en perspective et je pense que c'est important. Ma dernière question, M. le Président, si vous permettez. Mme, est-ce que vous pensez que les comités consultatifs agricoles vont faire en sorte de sécuriser davantage la population? Que ça va faire en sorte de les impliquer un peu plus dans le processus?

Mme Hamel-Fortin (Suzanne): Si les citoyens sont plus impliqués dans ces comités-là, oui, si c'est une table d'échange, si c'est une place où on pourra permettre les échanges et la collaboration entre les agriculteurs – le milieu agricole – et les autres, tous ceux qui gravitent autour, finalement.

Le Président (M. Vallières): Merci. J'avais une demande d'une très courte intervention du ministre de l'Agriculture qui doit nous quitter, je pense. Il sera suivi du ministre de l'Environnement et de la Faune.

M. Julien: Je voulais juste vous remercier. Je dois quitter pour la Côte-Nord. Ce pourquoi je voulais vous remercier, c'est que j'ai trouvé que vous aviez fait une présentation – et j'aime ça – et je n'ai pas senti de préjugés ou de ci ou de ça. C'est des faits. Vous avez des questions, et je pense qu'elles sont bonnes, vos questions. Par contre vous développez aussi des solutions et des avenues, et ça, j'ai apprécié. C'est ce que je voulais vous dire, madame.

Le Président (M. Vallières): Merci. M. le ministre de l'Environnement et de la Faune.

M. Cliche: D'abord, notre proposition fait appel aux techniques, dans les distances d'épandage notamment. Les distances relativement à l'épandage, ça fait appel aux techniques. Le progrès de la réduction de la pollution agricole fait en sorte que les canons vont être carrément bannis. Si on utilise une technique d'incorporer le lisier dans le sol, ça va être des distances beaucoup moindres. Au niveau des lieux d'élevage et d'entreposage, on va intégrer, dans ce que nous appelons le facteur d'atténuation, un facteur d'atténuation relatif aux techniques. Du moment qu'on va homologuer, nous, une technique – il y en a une, par exemple, qu'on a homologuée il y a deux semaines; celle qu'on a vue hier, la DEC – suite à cette homologation-là, on va intégrer un facteur d'atténuation c'est sûr dans le calcul de la charge d'odeur. Donc, toute notre intention, c'est de faire appel aux nouvelles technologies. En d'autres termes, plus la technique diminue les odeurs, que ce soit au niveau de l'épandage ou au niveau de la production, ça va réduire les distances, ça c'est sûr.

Mais ce que j'apprécie dans votre exposé, c'est que vous faites constamment appel à la notion de perception. Je comprends l'idée du député des Îles, mais, moi, je pense que la perception ne disparaîtra jamais. Dans l'environnement social, c'est quelque chose avec laquelle on doit toujours faire affaire. Et les politiciens, nous, on le sait, on fait affaire avec le monde de la perception. Les gens ont des perceptions de nous. Des fois on est même surpris: J'ai fait la même chose qu'hier; aujourd'hui ils trouvent ça bon et hier ils ne trouvaient pas ça bon. Ça, c'est notre vie de politiciens, on vit dans la perception.

(18 h 10)

Ma question, elle est peut-être trop grosse, trop large, mais fait quand même appel à votre bon jugement parce que vous semblez être une spécialiste de la perception. Vous avez parlé du phénomène de l'anthropie des projets, de la grosseur, de la notion que les gens ont la perception qu'ils perdent le contrôle. C'est toutes des notions fondamentales en perception.

Ma question, je vais en avoir juste une – j'ai bien peur de la réponse, mais enfin... Est-ce que selon vous tout ce qu'on fait va améliorer la perception au niveau que, de façon générale, la société est en contrôle du développement de l'industrie agricole au Québec?

Le Président (M. Vallières): Dre Fortin.

Une voix: Belle question.

Mme Hamel-Fortin (Suzanne): Belle question. Pour certains points, oui. Particulièrement, je crois que la nouvelle réglementation sur la réduction de la pollution agricole devrait permettre d'améliorer la perception comme quoi on s'en va vers une gestion qui respecte ou qui va assurer une meilleure protection de l'environnement, donc de la qualité du milieu de vie dans lequel les gens vivent.

Pour ce qui est de celui des odeurs, la perception peut être double à ce niveau-là. Ça peut être perçu comme une façon de protéger les agriculteurs et de leur enlever des contraintes, donc de les soustraire à ce qu'on utilise face à d'autres intervenants comme mode de contrôle. Par ailleurs, ça peut être vu comme une nouvelle façon d'assurer une certaine protection. Pour celui-là, c'est plus difficile à dire comment il va être perçu dans la population.

M. Cliche: Qu'est-ce que vous nous suggérez pour qu'il soit perçu comme étant une façon de protéger l'environnement social et de protéger la qualité de vie des citoyens – parce que c'est ça notre objectif – tout en naturellement assurant le droit de produire des producteurs en zone verte? Avez-vous une suggestion à me faire?

Mme Hamel-Fortin (Suzanne): Peut-être d'assortir la réglementation d'incitatifs plus importants à l'utilisation de techniques qui contribuent à réduire les odeurs à la source. À ce moment-là, oui, on a des odeurs, mais on est conscient qu'en production animale il y en a à peu près toujours un peu. Et c'est vrai que toute personne qui va s'installer en zone rurale, c'est un petit peu comme quelqu'un qui s'installe en zone urbaine. Quand tu t'installes en zone urbaine, tu dois t'attendre à avoir certains des inconvénients de la vie en ville: il y a plus de poussière, il y a plus de bruit, la pollution est plus grande, ça sent moins bon. L'installation en zone rurale a aussi d'autres inconvénients.

Malheureusement, on a laissé – puis j'ai apprécié la présentation du RNCRE – le secteur urbain empiéter de façon peut-être exagérée sur le secteur rural et malheureusement à peu près toutes les contraintes de protection associées à l'agriculture, c'est l'agricole qui est obligé de l'assumer, parce que la réponse qu'on a des MRC, c'est: Bien oui, mais on ne peut pas, le promoteur, il ne nous aimera pas si on lui dit: Bien, il faut que tu gardes une zone de protection de 90 pi entre ton développement urbain puis la zone rurale où ils vont utiliser des pesticides par exemple, où ils vont faire de l'épandage, où ils vont faire une autre activité agricole qui était déjà là.

Il y a une zone de conflit là-dedans et malheureusement, c'est souvent l'agricole qui paie la note plutôt que l'urbain. Il faudrait peut-être essayer de voir comment on peut rétablir l'équilibre et protéger vraiment nos zones agricoles et peut-être nos meilleures terres agricoles qui tranquillement sont en train d'être grignotées par l'extension de l'urbain.

Le Président (M. Vallières): Merci, Dre Fortin, de votre témoignage. Alors, je veux indiquer à mes collègues que nous reprendrons les travaux mardi le 15, à la salle du Conseil législatif, de 9 heures à midi, comme ordre de la Chambre d'aujourd'hui.

Alors, à ce moment-ci, la commission ajourne ses travaux à mardi 9 heures.

(Fin de la séance à 18 h 15)


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