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Commission des affaires municipales
Aéroport international au Québec
Séance du mercredi 11 mars 1970
(Dix heures trente-six minutes)
M. SAUVAGEAU (président de la commission des Affaires
municipales): A l'ordre, messieurs!
Mesdames, messieurs, à titre de président, je voudrais
vous souhaiter la plus cordiale des bienvenues à cette commission, et je
demanderai à toutes les personnes qui prendront la parole de bien
vouloir s'identifier au micro. Je laisse la parole au ministre des Affaires
municipales.
M. LUSSIER: Merci, M. le Président. Si vous le permettez, je
ferai un résumé de l'état de la question concernant
l'implantation du deuxième aéroport international au
Québec.
M. le Président, le 10 juin 1969, une proposition du premier
ministre, M. Bertrand, à l'Assemblée nationale du Québec,
adoptait la résolution suivante: Que la commission des Affaires
municipales de l'Assemblée nationale soit invitée à
étudier le projet d'un nouvel aéroport international au
Québec sous tous ses aspects. Que la commission soit
autorisée à faire les études et consultations
nécessaires, à entendre les représentants des corps
intéressés, obtenir communication de pièces et dossiers,
assigner les témoins et à siéger les jours où la
Chambre ne tient pas de séance ou bien pendant que la Chambre est en
séance.
M. le Président, nous sommes heureux aujourd'hui de
présenter à la commission des Affaires municipales le dossier
complet de l'aéroport. Il sera donc loisible aux membres de cette
commission de prendre connaissance de tous les dossiers techniques, de
connaître la façon dont le gouvernement fédéral a
négocié en rapport avec ce dossier et quelle attitude le
Québec entend prendre dans les circonstances actuelles. Afin, M. le
Président, de permettre une meilleure compréhension de ce
volumineux dossier qui comprend des dizaines de rapports, et pour permettre
aussi de faire le point sur l'ensemble du dossier et des négociations
entre les deux ordres de gouvernements, vous me permettrez de dégager,
au tout début des séances de cette commission, les très
grandes lignes de la position du Québec et de la position du
gouvernement fédéral.
M. PINARD: Est-ce que nous pourrions avoir le texte du ministre pour
qu'on puisse le suivre plus facilement?
M. LUSSIER: Je pense bien...
M. PINARD: Parce qu'on pourrait prendre des notes au fur et à
mesure qu'il...
M. LUSSIER: Oui. M. PINARD: ...le lit.
M. LUSSIER: Oui, vous pouvez l'entendre quand même.
M. PINARD: Oui, je comprends, mais il faut avoir plus de
mémoire.
M. LUSSIER: Les événements...
M. LAPORTE: M. le Président, je regrette cette façon de
procéder, c'est un cas précis où le ministre aurait
dû recourir à la technique du livre blanc afin que nous puissions
prendre connaissance d'avance de son mémoire, pour le discuter.
M. LUSSIER: Ce n'est pas un mémoire, ce n'est pas un livre blanc,
M. le Président, c'est simplement un état de la question.
M. LAPORTE: C'est cela un livre blanc. M. PINARD: C'est cela.
M. LUSSIER: Ce n'est pas du tout un livre blanc et je me permets de
continuer, M. le Président.
M. PINARD: Nous ne sommes pas des sténographes.
M. LUSSIER: La période des événements entre le 21
août 1968 et le 28 mars 1969, c'était la période des
comités fédéraux-provinciaux. Cette période de
négociations peut se résumer très rapidement.
Le Québec favorisait un site sur la rive sud de Montréal.
Ottawa a décidé de choisir un site au nord-ouest de
Montréal à Sainte-Scholastique. Que s'est-il passé au
cours de ces sept mois pour que les deux paliers de gouvernement en arrivent
à des positions contraires?
Il faut d'abord signaler, M. le Président, qu'il s'agit là
d'une période de temps très courte, sept mois, par rapport
à l'importance du dossier de l'aéroport. Celui-ci, en effet,
nécessitera un investissement de plusieurs centaines de millions de
dollars, va faire surgir environ 100,000 nouveaux emplois directement ou
indirectement, va contribuer à accroître le produit national de
près d'un milliard de dollars. Le gouvernement fédéral
préparait les dossiers depuis deux ans déjà quand il a
saisi le Québec pour fins de consultation. Il était normal que le
Québec examine le problème dans son ensemble pour en
dégager toutes les conséquences. S'il est vrai que, d'ici 1985,
le gouvernement fédéral dépensera environ $400 millions,
il est aussi vrai que le Québec en dépensera tout autant en
termes de voirie, d'équipements sociaux, d'équipements
municipaux.
Il est aussi important que le Québec, en fonction de ses
politiques d'aménagement du territoire, d'aménagement urbain, et
pour son développement économique, dégage toutes les
implications d'un tel projet dont les conséquences à long terme
seront aussi importantes que la construction du port de Montréal ou la
canalisation du Saint-Laurent.
M. LAPORTE: M. le Président, est-ce que je peux poser une
question? Est-ce que son texte a été remis aux journalistes?
M. LUSSIER: Non.
M. LAPORTE: Non plus.
M. LUSSIER: J'ai donné des ordres pour ne pas qu'il soit remis
aux journalistes.
M. PINARD: Vous avez donné des ordres pour que les membres du
comité n'en aient pas des copies non plus. Pourquoi agir de cette
façon-là?
M. LUSSIER: C'est un discours. Tout ce que vous avez à faire,
c'est de l'écouter et d'en prendre note.
M. PINARD: Ah, bien!
M. LUSSIER: C'est la même chose que vous faites, quand vous faites
un discours en Chambre là, vous ne venez pas...
M. DEMERS: Vous ne montrez pas votre texte avant.
M. PINARD: Tout dépend de la nature du travail qui se fait...
M. LUSSIER: ... aux journalistes et puis vous ne nous en envoyez pas
à nous, aux membres ministériels.
M. PINARD: Vous, vous faites le résumé de...
M. LUSSIER: Et je continue. M. le Président, je prierai ces
gens-là d'arrêter de m'interrompre s'ils veulent comprendre
quelque chose.
M. PINARD: Ah, on va vous comprendre!
M. LUSSIER: Vous passez votre temps à essayer de hachurer ce
discours et vous vous plaignez de ne pas comprendre, et vous faites
exprès de comprendre encore moins.
Il faut établir, en un mot, que la question constitutionnelle, a
été étudiée pour le compte du Québec par des
experts en la matière, dont Me Guy Dorion, expert constitutionnel, Me
Jacques Viau, expert en droit municipal et le professeur McWhinney, qui est non
seulement un expert en ce qui concerne le fédéralisme, mais il
est également directeur du département de droit aérien
à la faculté de droit de l'université McGill.
Or le rapport du professeur McWhinney est catégorique, Le choix
de l'emplacement d'un nouvel aéroport international est une
matière de compétence conjointe parce qu'elle soulève non
seulement des questions d'aéronotique, mais également des
questions de développement économique et d'aménagement du
territoire.
M. LAPORTE: Excusez-moi. Est-ce qu'il a soumis un rapport
écrit?
M. LUSSIER: Il a soumis un rapport écrit. Ce rapport
écrit, vous l'avez eu, je crois, dans la première... Si vous ne
l'avez pas, on peut toujours vous le procurer.
M. LAPORTE: S'il vou plaît! Je demande que le rapport du
professeur McWhinney...
M. LUSSIER: Et M. le professeur McWhinney est ici. M. le professeur, je
pense bien que dans les premiers documents que nous avons remis en Chambre,
ça faisait partie de ce dossier que nous avons rendu public à
cette époque.
M. LAPORTE: Merci.
M. LUSSIER: D'ailleurs, le professeur McWhinney souligne qu'avec les
progrès rapides de la technologie, ce sont les critères de
développement économique et d'aménagement qui doivent et
qui deviennent les plus importants. Par ailleurs, Me Viau, appuyé par Me
Dorion, concernant les expropriations, déclare: "J'en viens donc
à la conclusion que, sauf pour les territoires nécessaires et
requis pour l'installation de la construction de l'aéroport et des
ouvrages auxiliaires, le gouvernement fédéral n'a pas juridiction
pour décréter l'expropriation du territoire de la
périphérie appelée zone de bruits. Pour le moment,
même en ce qui concerne le territoire spécialement consacré
à l'érection de l'aéroport, j'ai des doutes sur le pouvoir
absolu du fédéral d'exproprier au point de faire
disparaître entièrement certaines municipalités. Je suis
d'Opnion, continue Me Dorion, que le gouvernement fédéral, quant
à la zone de bruits, n'a pas le droit d'exproprier, d'autant plus que,
dans le cas présent, il reconnaît ne pas avoir besoin de tous les
terrains ainsi expropriés et être obligé de prévoir
un mécanisme pour en disposer par truchement de vente ou de location, ce
qui n'est sûrement pas de juridiction et n'est pas non plus une
conséquence nécessaire de l'exploitation de
l'aéroport."
La localisation d'un aéroport international de la dimension de
celui prévu suppose donc la
collaboration des deux sortes de gouvernement. Elle suppose...
M. LAPORTE: Je m'excuse. Je ne voudrais pas y revenir, mais à
chaque fois que vous mentionnerez un rapport, le rapport Viau-Dorion, je
voudrais également que la commission en ait copie, s'il vous
plaît.
M. LUSSIER: Elle suppose que ceux-ci se mettent d'accord pour assumer la
totalité de leurs responsabilités. S'il y a conflit, chaque
partie doit négocier de bonne foi et, finalement, on doit en arriver
à une forme de compromis acceptable par les deux.
C'est dans cet esprit, selon cette conception du
fédéralisme, que le Québec a négocié le
dossier de l'aéroport, mais nous nous sommes vite aperçus que
c'est dans un tout autre esprit que le gouvernement fédéral
négociait.
Examinons brièvement, M. le Président, quelles ont
été la position du Québec et celle du
fédéral au cours de la première phase des
négociations et nous verrons, un peu plus tard, comment le tout s'est
vraiment déroulé.
Pourquoi, M. le Président, le Québec favorisait-il un site
sur la rive sud du Saint-Laurent? Pour deux raisons principales qui font partie
totalement de sa juridiction. Premièrement, un aéroport de cette
taille devrait être placé dans un endroit qui renforcerait les
grands axes de développement économique. C'est-à-dire
l'axe économique principal allant de Montréal à
Québec, principal pôle de croissance du Québec et le plus
près possible de l'axe secondaire de développement allant de
Sherbrooke, Trois-Rivières et ultimement jusqu'à la région
du Saguenay-Lac-Saint-Jean.
Le gouvernement actuel n'inventait rien de nouveau, il s'appuyait sur
les études faites au Conseil d'orientation économique sur
l'orientation de la table des régions administratives, sur le consensus
déjà reconnu au Québec par les membres mêmes de
l'Opposition. La décision concernant Bécancour s'appuyait
également sur cette vision, maintenant acceptée, d'un
développement économique que l'on doit orienter peu à peu
en allant de Montréal vers Québec.
Deuxièmement, l'aéroport devrait être placé
dans le sens des orientations de l'aménagement de la région de
Montréal, en relation avec les autres régions du Québec,
et allant dans le sens du plan témoin de la région de
Montréal, fait par le service d'urbanisme de Montréal.
Des dizaines d'experts de ces services, qui ont travaillé pendant
quatre ans sur l'aménagement de Montréal, en arrivaient à
la même conclusion que ceux du Québec, à savoir qu'il
était préférable de placer un aéroport sur la rive
sud plutôt que sur la rive nord. Les dossiers techniques du Québec
et de la ville de Montréal ont déjà été
remis aux membres de l'Assemblée nationale de même qu'a
été rendu public le rapport des experts de l'aéroport
d'Orly, dé- montrant qu'un aéroport était techniquement
possible dans cette région.
La venue de ces experts a été rendue nécessaire
parce que le fédéral a toujours refusé de nous remettre le
rapport de Airport Instrument Laboratory, qui traitait de la question
d'aéronautique.
Quelle était maintenant la position fédérale, M. le
Président? D'abord, le premier choix du gouvernement
fédéral était un site situé à l'ouest de la
région de Montréal, dans la péninsule de Vaudreuil. Puis,
à la suite du rapport Higgins, il a choisi le nord-ouest à
Sainte-Scholastique. Quelles raisons a-t-il invoquées pour appuyer son
choix? Pourquoi ne pas avoir changé pour le sud? A la
vérité, trois grandes raisons ressortent des dossiers
fédéraux.
Premièrement, un site à l'ouest ou au nord-ouest de la
région de Montréal place l'aéroport dans l'axe
économique allant de Montréal à Toronto, en passant par
Ottawa et vous pouvez vous référer à la lettre de M.
Trudeau, le 26 mars 1969.
Deuxièmement, l'accessibilité, aux dires du
fédéral, serait plus grande au centre ville de Montréal et
de Dorval, c'est toujours dans la lettre de M. Trudeau, le 26 mars
1969.
Troisième raison du fédéral, un site à
l'ouest était très supérieur au point de vue
aéronautique à un site sur la rive sud. Référence
à la lettre de M. Trudeau, le 26 mars 1969 et à la lettre de M.
Marchand, le 5 mai 1969.
Comme on pourra le constater dans les documents, le professeur Edouard
McWhinney ne craint pas d'affirmer que le critère le plus important de
localisation d'un aéroport est celui du développement
économique et de l'aménagement du territoire. A ce titre, c'est
Québec, puisque c'est là sa juridiction, qui avait raison de
vouloir placer un aéroport au début de l'axe
Montréal-Québec, à l'encontre du fédéral,
qui désirait le placer dans le prolongement de l'axe
Toronto-Montréal.
Remarquons aussi que l'accessibilité au centre ville de
Montréal et à Dorval peut être aussi très grande
à partir de la rive sud. Cela est prouvé non seulement par les
rapports du Québec, mais également par les études
fédérales. M. Trudeau le reconnaît d'ailleurs dans sa
lettre du 27 novembre 1969. Disons, également, que sur le plan
aéronautique, comme nous le constaterons un peu plus tard, le
Québec a fait faire des expertises en profondeur qui démontrent
clairement que les arguments de M. Trudeau et de M. Marchand ne tiennent
absolument pas.
Que fait-il retenir de cette première ronde dans les
négociations? C'est notre avis que le fédéral n'avait pas
l'intention de négocier sérieusement. Le fédéral
n'a pas remis au Québec tous les dossiers techniques qu'il avait en
main. Le fédéral s'est surtout appuyé sur l'aspect
aéronautique et a carrément sous-estimé les
conséquences économiques d'un tel équipement
sur le développement du Québec. Le fédéral a
décidé unilatéralement du choix d'un site. Le
fédéral n'a pas utilisé le bill 296, qu'il avait
lui-même demandé, et auquel nous avons concouru avec empressement.
Il a exproprié sans avertissement des territoires
québécois.
La deuxième ronde des événements que nous
cataloguons entre le 28 mars 1969 et le 29 novembre 1969 peut se
caractériser par des études techniques poussées de
l'aéronautique et de la consolidation de la. thèse du
Québec sur l'aménagement du territoire et du développement
économique.
M. LAPORTE: Vous dites...
M. LUSSIER: Ce sont les dossiers que je vous ai remis.
M. LAPORTE: Les dates.
M. LUSSIER: La date, c'est...
M. LAPORTE: La deuxième ronde.
M. LUSSIER: Du 28 mars 1969 au 27 novembre 1969. Le 28 mars, c'est la
lettre de M. Trudeau au premier ministre Bertrand, annonçant
l'emplacement et invoquant les raisons pour lesquelles il choisissait cet
emplacement.
M. le Président, n'ayant pu obtenir, même à la suite
de demandes pressantes, des dossiers techniques aéronautiques du
fédéral, n'ayant pas en main toutes les données pour
vérifier si le fédéral avait raison d'être contre un
emplacement à Saint-Jean, le Québec, même si ce
n'était pas là sa juridiction, devait faire analyser en
profondeur les problèmes aéronautiques pour voir jusqu'à
quel point l'emplacement de la région de Saint-Jean était aussi
inacceptable que le prétendait le fédéral.
Le Québec a aussi fait vérifier et réexaminer ses
positions en matière d'aménagement du territoire et de
développement économique. Il a donc engagé des experts qui
lui ont démontré, noir sur blanc, qu'un emplacement dans la
région de Saint-Jean était, sur le plan aéronautique,
égal à un emplacement à Sainte-Scholastique et
était supérieur sur le plan de l'aménagement et du
développement.
M. LAPORTE: Les experts...
M. LUSSIER: Je vous les citerai tout à l'heure.
M. LAPORTE: Ils sont dans ça.
M. LUSSIER: Dans ce cahier; tous les cahiers noirs, ce sont les
rapports; celui du dessus, c'est le résumé fait par l'Office de
planification et de développement; les autres, ce sont tous des annexes
qui contiennent les rapports des experts.
A la demande du conseil des ministres, l'Office de planification, sous
la responsabilité de M. Marcel Masse, a coordonné les dossiers
sous trois grands aspects: la circulation aérienne, la circulation
terrestre, l'aménagement.
Problème de circulation aérienne.
Le problème de la circulation aérienne est apparu comme
étant le problème fondamental à être examiné
d'abord par l'Office de planification. En effet, il est à
démontrer qu'un emplacement situé dans la région de
Saint-Jean faisait face fondamentalement à des problèmes de
circulation aérienne et de contrôle aérien absolument
insurmontables, tel que le présentait le fédéral. Tous les
autres arguments du Québec passaient au deuxième plan.
Une demande d'étude a donc été faite à deux
firmes américaines spécialisées dans le problème de
la circulation aérienne et très familiarisées avec les
dossiers internationaux. La première étude a été
demandée à M. Robert Simpson, directeur de Flight Transportation
Laboratory, du Massachusetts Institute of Technology, une institution de haut
savoir, dont la réputation est mondiale.
Par la même occasion, et sans que l'un soit au courant de la
commande d'étude faite à l'autre, une autre expertise a
été demandée à M. Edmund-J. Dickinson,
président de James C. Budkley de New York, firme
spécialisée hautement reconnue aux Etats-Unis dans les
études aériennes. Celui-ci était associé plus
étroitement à Turey Vickers Associates, de Air Traffic Control
Analysts. Ces deux groupes d'experts, qui sont avec nous d'ailleurs aujourd'hui
et que vous pouvez questionner, ont fait une étude très
détaillée de l'ensemble du problème de la circulation
aérienne, du contrôle aérien, de la cohabitation d'un
aéroport situé à Saint-Jean 1, l'Acadie, à
Saint-Jean 2, situé à Saint-Jude, avec Dorval et Saint-Hubert,
par rapport à la proximité de la base de Plattsburg.
Après avoir analysé toutes les grandes variables du
transport aérien, comme les orientations des vents, les mouvements des
vols, les mouvements de trafic d'ici 1985, etc., les deux groupes d'experts en
sont arrivés à la conclusion formelle qu'un emplacement
situé à Saint-Jean 2, à quelques milles de l'emplacement
original de Saint-Jean 1, pouvait permettre l'utilisation maximale des pistes
dans toutes les directions. Si vous voulez vous référer aux
cartes installées au mur...
M. PINARD: Saint-Jean 1 et Saint-Jean 2 sont là.
M. LUSSIER: Sainte-Scholastique, de ce côté-là;
Saint-Jean 2, ici, et Saint-Jean 1. Le sud de Montréal de ce
côté-là, le nord de l'autre côté.
Par exemple, le rapport Buckley analyse de façon très
détaillée les sites de Saint-Jean 1 et
de Saint-Jean 2, de Sainte-Scholastique, pour l'exploitation des pistes
en direction nord-est.
M. LAPORTE : Par qui ont été déterminés les
sites de Saint-Jean 1 et Saint-Jean 2?
M. LUSSIER: Le site de Saint-Jean 1 est un site que le gouvernement
fédéral était supposé avoir étudié
lors de la première étude, et Saint-Jean 2 est un nouveau site
qui a été suggéré...
M. LAPORTE: Qui est arrivé après.
M. LUSSIER: ... après des études par des experts de
l'Office de planification et de développement...
M. LAPORTE: De la province de Québec.
M. LUSSIER: Cela a été étudié avec les
experts...
M. LAPORTE: Ecoutez, ma question est claire. Est-ce que Saint-Jean 2 a
été suggéré par le gouvernement
fédéral ou par la province de Québec?
M. LUSSIER: Par Québec.
M. LAPORTE: Avant ou après la décision du gouvernement
fédéral?
M. LUSSIER : Après la décision du gouvernement
fédéral.
M. LAPORTE: Lorsque vous avez vu que Saint-Jean 1...
M. LUSSIER: Après le 28.
M. LAPORTE: Lorsque vous avez vu que Saint-Jean 1 n'allait pas, vous
avez opté pour Saint-Jean 2?
M. LUSSIER: Non, non, Saint-Jean 2...
M. LAPORTE: Le site Saint-Jean 2 a été
suggéré par la province de Québec après la
décision annoncée par le gouvernement fédéral.
M.LUSSIER: Le site a été formellement étudié
en profondeur après le 28, parce que nous n'avions pas eu les dossiers
aéronautiques du gouvernement fédéral.
M. LAPORTE: Est-ce que...
M. LUSSIER: Laissez-moi finir de répondre à votre
question. Lorsque les experts d'Orly sont venus, ils ont fait une étude
à vol d'oiseau et ont dit que c'était un site acceptable, mais,
dans ce temps-là, Saint-Luc et Saint-Jude ont été
étudiés; ces sites ont été mentionnés, mais
ont été repoussés du revers de la main par le gouvernement
fédéral. Je vous dis toujours et je vous répète que
nous avons demandé et redemandé les études
aéronautiques faites par des firmes comme celles que nous avons
engagées après. Si le gouvernement fédéral nous
avait donné ces études, le problème n'aurait pas
été compliqué. Le gouvernement fédéral
connaissait ces sites.
M. LAPORTE: Je ne veux quand même pas...
M. LUSSIER: Il les connaissait fort bien avant de prendre sa
décision.
M. LAPORTE : Je ne peux quand même pas faire autrement que
conclure que le site de Saint-Jean 2 a été suggéré
après par la province de Québec et que les études ont
été faites après que la décision eut
été rendue.
M. LEBEL: Vous avez apporté votre conclusion avant de faire votre
intervention...
M. LAPORTE: Le ministre vient de me le dire. Le ministre m'a dit que
c'est la province de Québec qui l'a suggéré
après.
M. LEBEL: Vous allez avoir le privilège de conclure tout à
l'heure.
M. LAPORTE: Mais, étant donné que je n'ai pas eu le
privilège de prendre connaissance de cela, je pense bien...
M. LUSSIER : Vous pourrez dire tout ce que vous voulez dire, vous
pourrez déformer les vérités, comme vous êtes un
expert en la matière. Vous allez pouvoir vous exprimer autant que vous
le désirerez...
M. LAPORTE: M. le Président, nous avons décidé de
rester fort calmes; si le ministre veut le prendre sur ce ton, je n'ai pas
d'objection, notre réunion peut devenir infiniment
désagréable. Je ne déforme pas la vérité, je
m'acquitte tout simplement de mon rôle de membre de l'Opposition, qui a
la responsabilité de poser des questions au gouvernement, au meilleur de
sa connaissance.
M. LEBEL: En temps et lieu.
M. LAPORTE: M. le Président, en temps et lieu comme vous voudrez,
mais le ministre n'a pas le droit, vous allez lui demander tout simplement de
retirer ses mots que je déforme la vérité ce
n'est pas exact, il n'a pas le droit de le dire. Et de toute façon, ce
n'est pas exact.
M. LE PRESIDENT: Moi, je crois qu'on devrait laisser au ministre au
moins...
M. LAPORTE: M. le Président, ce n'est pas de cela que je vous ai
parlé. C'est votre privilège de laisser finir le ministre. Vous
avez raison. Mais le ministre n'a pas le droit de dire qu'un membre de cette
commission déforme la vérité.
M. LEBEL: Si le leader de l'Opposition intercale des phrases dans un
discours, cela ne peut pas faire autrement que de le déformer.
M.LAPORTE: L'ancien président de la Chambre est en train de nous
dire que le ministre a le droit de déclarer qu'on peut dire à un
collègue qu'il déforme la vérité. Cela
m'étonne.
M. LEBEL: Non, non. Remarquez bien la phrase que j'ai dite. Là,
vous déformez justement la vérité.
M. LAPORTE: Je ne la déforme pas, je dis: Vous tentez
précisément...
M. LEBEL: Je dis simplement ceci, M. le Président, c'est que,
lorsque l'on interrompt, on ne peut pas faire autrement. Tout le monde sait que
tronquer une phrase, par exemple, peut faire pendre un homme. Alors, vous
l'interprétez...
M. LAPORTE: M. le Président, si on veut interpréter...
Là, nous sommes en train de perdre du temps! Ce serait bien plus simple
que le ministre dise qu'il va retirer les paroles qu'il a dites à mon
sujet, parce que je vais insister. C'est bien beau de perdre du temps sur des
questions de procédures, on déforme ou on ne déforme pas.
Continuons donc notre étude. Nous avons des affaires sérieuses
à faire. Alors, le ministre serait bien mieux de retirer ses paroles,
tout simplement, et de continuer.
M. LUSSIER: Je pense que la population et les gens qui sont ici ont
déjà jugé.
M. LAPORTE: Jugé quoi? Pourquoi se réunir s'ils ont
déjà jugé?
M. LUSSIER: De juger de votre crédibilité.
M. PINARD: Nous jugeons que vous êtes en retard.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Si nous voulons que le ministre finisse,
nous allons le laisser parler.
M. LUSSIER: En ce qui concerne le rapport Simpson, on y démontre
qu'un aéroport international à Saint-Jean 2 peut être
utilisé à pleine capacité; de plus, l'auteur confirme que
même si la zone de restriction en territoire américain
était inexistante, les voies aériennes nord-sud pour Saint-Jean 2
contourneraient dans la pratique cet espace aérien actuellement à
réserver.
Finalement, après analyse des quatre directions d'exploitation
des pistes de Saint-Jean 2, M. Simpson conclut que l'espace de 26 milles entre
la frontière canado-américaine et le site Saint-Jean 2, est
suffisant pour permettre l'orientation par radar des appareils ainsi que des
atterrissages et des envolées. Ainsi poursuit M. Simpson: Nos
études révèlent clairement que la proximité de la
frontière américaine ne limitait pas sérieusement la
capacité d'un aéroport implanté à Saint-Jean 2.
Donc, toujours selon M. Simpson, les aéroports combinés de
Dorval Sainte-Scholasti-que, et Dorval Saint-Jean 2 auraient des
capacités identiques et le site de Saint-Jean 2 ne représente
aucun problème quant à l'espace aérien.
Dans les rapports des experts américains qui nous ont
été remis, il est clairement reconnu : que les espaces
réservés à la région de Plattsburg
Burlington n'affectent pas l'utilisation maximale d'un aéroport
situé à Saint-Jean 2; que l'espace aérien en
territoire canadien est suffisant pour permettre l'utilisation maximale d'un
aéroport situé à Saint-Jean 2; que les
schémas de circulation aérienne élaborés par nos
experts permettent une utilisation maximale d'un aéroport situé
à Saint-Jean 2, tout en conservant généralement le
système actuel des vecteurs existant dans la région
frontalière (pour votre information, M. le Président, les
vecteurs sont des routes aériennes); que les changements de
procédure relative à la circulation aérienne, à la
suite de l'implantation d'un aéroport international à Saint-Jean
2, serait de nature technique et administrative qui ne mettrait aucunement en
jeu la souveraineté du Canada; que la capacité du
système aéroportuaire montréalais serait
équivalente, avec Saint-Jean 2, à celle de
Sainte-Scholastique.
Ne sont-ce pas là des révélations étonnantes
après les lettres négatives que nous avons reçues du
gouvernement fédéral? M. le Président, le gouvernement
fédéral n'avait donc aucune raison sérieuse
d'éliminer, de la façon dont il l'a fait, la région de
Saint-Jean sur la rive sud pour des considérations aéronautiques.
Les membres de la commission peuvent à volonté interroger les
deux groupes d'experts ici présents. M. Robert Simpson du MIT, M. Edmund
D. Dickenson de la firme James C. Barcley de New York. Ces messieurs vous
démontreront comme un aéroport à Saint-Jean 2 est
techniquement aussi réalisable et efficace qu'un aéroport
à Sainte-Scholastique et cela au strict plan de
l'aéronautique.
L'Office de planification et de développement a aussi
examiné le problème de l'accès au nouvel aéroport
afin de préciser quels pouvaient être les meilleurs endroits pour
placer un aéroport, afin que celui-ci ait la meilleure
accessibilité compte tenu des coûts et des liaisons avec le
centre-ville de Dorval. On sait que ce problème de la circulation
terrestre et des coûts est extrêmement compliqué et au moins
sept études différentes ont été faites sur le
sujet. Chacune est arrivée à des conclusions différentes
et nous avons cru bon nous-mêmes, avec l'Office de planification, de
reprendre le dossier.
Je me permets, M. le Président, de vous citer la conclusion de
cette étude, considérant que cette opinion est aussi valable que
celle du gouvernement fédéral, dans la mesure où nous
sommes en présence de témoignages contradictoires.
A notre avis, dit le rapport de l'Office de planification,
l'accessibilité de l'aéroport international de Montréal,
mieux qu'en termes de dépenses et capital, doit être
évaluée du point de vue des avantages que retire l'usager de
l'aéroport et des voies aménagées pour accéder
à l'un ou l'autre emplacement.
A cet égard, l'emplacement sud présente des
caractéristiques nettement plus favorables que le nord. Cela est vrai en
matière de distance et de temps, de parcours de l'emplacement sud au
centre ville et vice versa. Cela est également vrai en matière
des coûts monétaires directs ou indirects assumés par
l'usager de l'aéroport, quels que soient le mode de transport
emprunté et sa provenance.
Comme ces deux facteurs apportent un avantage parfois très
sensible à l'emplacement, nous sommes portés à croire que
l'implantation de l'aéroport, du point de vue de son
accessibilité générale et pas seulement du point de vue de
l'immobilisation acquise, serait préférable au sud. D'autre part,
l'Office de planification et de développement a examiné
très attentivement l'importance du développement
économique et l'aménagement du territoire découlant de
l'implantation d'un aéroport dans la région de
Montréal.
On sait que, pour le Québec, il était important de placer
un aéroport au début d'un axe économique allant de
Montréal à Québec, plutôt que de placer un
aéroport à la fin de l'axe économique de Toronto à
Montréal. Comme le témoignage du professeur Benjamin Higgins a
été, semble-t-il, prépondérant dans la
décision fédérale de placer un aéroport à
Sainte-Scholastique, le Québec a décidé de faire examiner
lui aussi le problème par un spécialiste international dont la
réputation mondiale est reconnue, le professeur Hans Blumenfield, de
l'Université de Toronto. On sait aussi que le professeur Hans
Blumenfield a travaillé pendant de longues années comme expert
auprès de l'équipe du service d'urbanisme de la ville de
Montréal à l'élaboration du plan témoin de
Montréal. Il connaît donc à fond la grande région de
Montréal. Le professeur, après avoir dûment
considéré les vocations du sol prévu sur le plan
témoin de Montréal et la nécessité de
stériliser les territoires environnants de l'aéroport, arrive
à la conclusion que, du point de vue de l'aménagement du
territoire, la priorité décisive accordée d'abord à
l'emplacement de Saint-Jean par rapport à celui de Sainte-Scholastique
tient toujours. H prétend qu'il ne serait pas possible de
stériliser une zone suffisante aux alentours de l'aéroport,
à l'emplacement nord-ouest, et qu'il serait préférable et
possible de le faire sur l'emplacement sud. Ainsi, le conflit pourrait
être réduit au minimum : "This is the main and this is the reason
for preferring the south site", dit son rapport en page 6.
D'autre part, l'office de planification lui-même, à la fin
de son rapport, déclare que le milieu urbain industriel de la rive sud
de la région métropolitaine de Montréal réunit un
faisceau de conditions et de facteurs de localisation qui exerce et exercera
longtemps un vif attrait sur les industries nouvelles. Cet atout se verrait
considérablement renforcé par la proximité du nouvel
aéroport et le complexe industriel multisectoriel qui ne manquera pas de
l'accompagner à long et à court terme.
Le professeur Blumenfield est à la disposition des membres de la
commission pour donner plus d'éclaircissements sur son rapport.
Voici, résumé brièvement, M. le Président,
le dossier qui a été préparé par et avec l'Office
de planification et de développement.
Tous ces dossiers ont été envoyés
confidentiellement par M. Jean-Jacques Bertrand à M. Trudeau, le 20
octobre 1969. De mon côté, je faisais parvenir tous ces documents
à M. Jamieson et, à cette époque aussi, je remettais
confidentiellement à M. le chef de l'Opposition, M. Lesage, une copie de
ces documents.
Le Québec n'a pas voulu embarrasser le fédéral. Il
n'a pas voulu faire une escalade dans l'opinion publique. Il a simplement voulu
démontrer sa coopération et obtenir celle de son interlocuteur.
Six semaines après, nous recevions une réponse du
fédéral, le 27 novembre 1969. M. Trudeau répond à
M. Bertrand. Cette réponse de M. Trudeau se présente dans le
même style que toutes les autres réponses passées du
gouvernement fédéral sur le dossier de l'aéroport. C'est
un non catégorique qui déclare ne pas changer le choix de
Sainte-Scholastique et ne pas avoir l'intention de le faire, une stricte fin de
non-recevoir.
M. LAPORTE: Quelle date, s'il vous plaît?
M. LUSSIER: Le 27 novembre.
En somme, M. le Président, non seulement M. Trudeau dit non
à un examen plus approfondi du dossier de cette localisation, mais
encore il propose purement et simplement que le gouvernement
fédéral accapare la juridiction du gouvernement provincial et
fasse lui-même
l'aménagement du territoire adjacent à l'aéroport.
Il propose, en effet, que l'administrateur délégué du
fédéral, M. Baribeau, préside un comité pour
étudier les problèmes d'un service public et de
l'aménagement des environs de l'aéroport. Toute la juridiction du
Québec, en matière d'aménagement et de
développement, est mise en cause, pour ne pas dire balancée.
Allons-nous assister, en matière d'aménagement et de
développement économique, au même style de
négociations que pour la localisation? N'étions-nous pas et ne
sommes-nous pas encore aujourd'hui conjointement en droit, non moins en
conscience, de nous poser la question?
M. le Président, le Québec sait maintenant que le
fédéral a irrémédiablement décidé de
construire cet aéroport à Sainte-Scholastique. Il ne nous reste
qu'à tirer le meilleur parti des conséquences de ces
décisions prises par d'autres. Le Québec, du même souffle,
entend assumer toutes ses responsabilités en matière
d'aménagement du territoire et de développement économique
et il a décidé de créer toutes les structures
nécessaires pour jouer pleinement son rôle, à la suite de
l'implantation de l'aéroport.
C'est dans la perspective de la juridiction qu'il a le devoir d'assumer.
C'est pour le plus grand bien de l'ensemble de la population
québécoise que le gouvernement du Québec a annoncé
récemment une autre ronde de négociations, mais cette fois, sur
l'aménagement et le développement.
Doit-on, aujourd'hui, M. le Président, en abordant ce
débat qui doit être une recherche collective beaucoup plus qu'une
simple argumentation politique ou encore partisane, doit-on, parce qu'on a
tenté par tous les moyens de dresser contre nous une opinion publique,
qui s'inquiétait de notre refus justifié, doit-on, une fois de
plus, céder dans les secteurs de notre juridiction exclusive, parce que
le fédéral tente de faire croire que le Québec s'oppose au
développement économique et à l'aménagement du
territoire, alors que lui-même s'en occuperait si volontiers et avec tant
d'empressement?
Non, M. le Président, nous avons fermement l'intention
d'être de la partie et de l'être jusqu'au bout, en ce qui concerne
l'aménagement du territoire et le développement
économique. Comment se fera-t-il? Nous allons dégager ici, M. le
Président, les grandes lignes de notre action.
Le 13 janvier dernier, pour amorcer l'action dans ce sens, je prenais
l'initiative d'inviter M. Jamieson, ministre fédéral des
Transports, et lui remettais un document résumant un certain nombre de
propositions en vue d'arrangements possibles aux deux niveaux de gouvernement,
pour l'aménagement et le développement économique,
découlant de l'implantation de l'aéroport.
Les propositions étaient les suivantes, l'ac- ceptation des cinq
principes généraux dont voici la substance :
L'implantation d'un nouvel aéroport nécessite la
planification et le développement concerté de l'aéroport
que nous appelons zone 1, zone prioritaire, cette zone-ci; les environs de
l'aéroport c'est la zone 2, les environs immédiats.
Il revient aussi au provincial d'aménager la zone 3 qui pourrait
partir des autoroutes et aller vers l'est au Québec.
Or, il revient, à notre avis, au gouvernement
fédéral de planifier et d'aménager l'aéroport
strictement dit dans la zone 1.
Il revient au Québec de planifier et d'aménager les
environs immédiats de la région de l'aéroport, soit la
zone 2 et la zone 3.
Il est nécessaire qu'il y ait une coopération
étroite entre les deux gouvernements dans l'exercice de la
responsabilité respective.
A la lumière des principes ci-dessus et considérant que
c'est le gouvernement fédéral qui a pris unilatéralement
la décision d'implanter un aéroport dans cette région, il
est normal que le Québec s'attende de bénéficier de
mesures monétaires qui l'aideront dans ses efforts pour promouvoir le
développement dans la région située à l'est de
l'aéroport, zone 3.
A la lumière de ces cinq principes directeurs, le Québec
proposait deux grandes mesures : 1 ) Les expropriations faites par le
gouvernement fédéral de terrains ne devant pas servir à
l'aéroport proprement dit doivent être annulées ou les
terrains en question doivent être cédés au Québec
suivant les propositions déjà faites par le ministre des
Transports du Canada au ministre des Affaires municipales lors de la rencontre
du 22 janvier 1969. 2) Un comité conjoint ministériel devrait
être constitué, du côté fédéral, par le
ministre des Transports et le ministre de l'Expansion économique
régionale, et, du côté québécois, par le
ministre des Affaires municipales et le ministre délégué
à la Planification, M. Marcel Masse.
Ce comité ministériel aurait la responsabilité
générale: de coordonner l'action des deux gouvernements et
notamment de mettre en place les mécanismes de relation entre le
responsable de la planification et de l'aménagement de l'aéroport
proprement dit, zone 1, et des environs immédiats, zone 2; de
diriger la préparation, d'ici le 30 juin 1970, des modalités
d'aménagement et de financement du développement de la
région de l'aéroport, zone 3.
Voilà le résumé des propositions que nous avons
présentées à M. Jamieson, le 13 janvier dernier, lors de
notre rencontre.
M. le Président, une semaine plus tard, des
fonctionnaires du gouvernement du Québec rencontraient les
fonctionnaires du ministère des Transports pour approfondir ce
document.
M. PINARD: A quelle date à peu près?
M. LUSSIER: C'était le 13 janvier, la rencontre des ministres;
une semaine après, rencontre de hauts fonctionnaires pour scruter le
document et en arriver à une entente.
Depuis lors, nous n'avons plus entendu parler du gouvernement
fédéral, pas un mot. On nous avait dit que le progrès des
négociations était une chose urgente et surtout on l'avait dit
aux journaux. Mais, devant une proposition précise du Québec, on
ne se presse plus, on ne bouge pas. H y a deux mois que cette proposition a
été posée, et nous attendons la réponse du
fédéral.
La seule réponse, M. le Président, nous la retrouvons dans
le Hansard du 30 janvier à la page 3028: M. Théogène
Ricard ayant demandé à M. Jamieson si un accord avait
été conclu avec le Québec relativement avec
l'aéroport de Sainte-Scholastique, celui-ci a répondu: "M.
l'Orateur, étant donné que l'aéroport relève
entièrement du gouvernement fédéral, un accord officiel de
ce genre n'est pas nécessaire aux termes de nos accords. J'espère
pouvoir faire un exposé complet de la situation mardi ou mercredi
prochain". Or, un tel exposé n'a pas eu lieu.
Nous devons donc tirer de nouveau, quant à nous, nos conclusions
sur le style de fédéralisme, sur la conception que les
autorités fédérales se font de la coopération entre
deux ordres de gouvernement qui ont des juridictions complémentaires
dans un dossier aussi important que celui de l'aéroport.
C'est un fédéralisme à sens unique. Le gouvernement
fédéral a dit non sur le premier dossier de localisation. Il a
dit non sur le deuxième dossier de localisation. Il n'a pas
répondu aux propositions du Québec sur l'aménagement et le
développement économique.
Quant à nous, nous avons pris et nous allons prendre notre
entière responsabilité en matière d'aménagement et
de développement économique. Nous allons prendre tous les moyens
financiers pour que la totalité des retombées économiques
se fasse au Québec, pour que les grandes lignes de l'aménagement
de notre territoire soient respectées. Nous avons constitué, et
nous allons créer, au fur et à mesure des besoins, toutes les
structures nécessaires.
Voici les décisions que nous avons déjà prises
concernant le bureau d'aménagement de l'aéroport, qui a
été unanimement créé au moment de son adoption par
le bill 48, le 30 juin 1969. Le bureau a tenu ses premières
réunions; il a pris les décisions sur les mécanismes
d'action à mettre en place. Il recrute son personnel technique. Il va
préparer les schémas d'aménagement du territoire. H va
prendre toutes les disposi- tions nécessaires pour tirer profit au
maximum des effets économiques de l'aéroport. Il est
composé pour le moment de M. Yves Ryan, président et directeur
général; de M. Arthur Tremblay, président et directeur
général de l'Office de planification et de développement
du Québec; de M. Yvon Tremblay, sous-ministre adjoint à la
planification au ministère des Affaires municipales, tous deux
nommés membres le 24 février 1970.
Quels sont les pouvoirs du bureau? Ce sont les suivants:
Premièrement, il doit préparer le plan
d'aménagement du territoire, selon l'article 10 du bill 48, et doit
indiquer, pour les fins pour lesquelles devra servir chacune des parties de ses
territoires: L'emplacement des grandes artères de circulation, les
services publics qui doivent y être installés ou modifiés;
les endroits où seront construits les habitations, les
établissements commerciaux, les établissements industriels, et
tout autre immeuble, y compris les édifices publics. Ce plan et ces
modifications doivent être approuvés par le lieutenant-gouverneur
en conseil et deviennent obligatoires à compter de leur publication dans
la Gazette Officielle du Québec.
Deuxièmement, le bureau a tous les pouvoirs de
réglementation qui peuvent être ceux des municipalités
faisant partie de son territoire. Bien plus, le bureau a les pouvoirs de la
Commission municipale. Il peut mettre en tutelle, avec l'assentiment du
lieutenant-gouverneur en conseil, toute municipalité de son territoire,
si c'est nécessaire. Il peut faire toutes les propositions de
restructuration municipale qui lui semblent fondamentales. Il peut proposer la
création de nouvelles villes, s'il juge à propos que c'est
là la meilleure formule pour aménager rationnellement le
territoire des environs de l'aéroport.
Troisièmement, le bureau est l'interlocuteur le plus
immédiat pour l'organisme fédéral qui a la
responsabilité de construire l'aéroport. C'est à lui qu'il
importe de coordonner la réalisation des équipements provinciaux:
voirie, réseaux de gaz, électricité, parcs industriels,
zones domiciliaires, qu'il sera nécessaire de réaliser pour que
l'aéroport fédéral puisse fonctionner.
Je vous souligne, M. le Président, qu'il faudra bien que le
fédéral décide de s'asseoir à une table et de
discuter sérieusement, s'il veut que l'aéroport puisse recevoir
tous les services qui lui sont essentiels.
Le Québec a donc mis en place une première structure,
qu'il veut efficace, fonctionnelle, sérieuse, capable de réaliser
des choses rapidement et pour le plus grand bien du Québec. Pour
profiter au maximum du développement économique et social
engendré par l'aéroport, l'Office de planification et de
développement du Québec créera un organisme chargé
de dégager les programmes d'action économique et sociale à
entreprendre au niveau de l'ensemble
de la région, surtout de la zone 3. L'organisme aura comme
rôle d'aider à la préparation des programmes de
développement pour l'ensemble de la région, d'aider à la
préparation des programmes d'immobilisation des différents
ministères ou organismes gouvernementaux du Québec dans la
région, de dégager annuellement les propositions
monétaires concernant les programmes qui doivent être mis en
oeuvre par les ministères.
De plus, cet organisme pourra utiliser un fonds de développement,
créé spécifiquement aux fins du développement de
cette région, qui servira à défrayer les coûts de
fonctionnement de cet organisme ainsi qu'à acheminer les sommes requises
pour absorber le coût de certains programmes d'infrastructure,
d'équipement et autres, qui seront rendus nécessaires pour le
développement accéléré de cette région.
Ce fonds sera alimenté annuellement par la Législature ou
pourra encore recevoir des fonds du gouvernement du Canada ou de tout autre
organisme, selon les ententes acceptées par le gouvernement du
Québec.
Une fois le programme de développement de la région
préparé, les programmes d'équipement des différents
ministères provinciaux décrits, ces programmes seront
véhiculés aux différentes instances
décentralisées, comme les communautés régionales,
pour les traduire dans un plan d'aménagement.
Nous poursuivons un troisième objectif, M. le Président,
c'est celui d'obtenir une action concertée de toutes les
municipalités de la grande région de l'aéroport, de
façon que les nouveaux équipements sociaux, commerciaux et
domiciliaires de la voirie soient coordonnés pour en tirer le maximum de
profit. De la même façon qu'il existe maintenant un interlocuteur
représentatif de toutes les municipalités sur l'île de
Montréal, avec la communauté urbaine de Montréal, nous
avons l'intention de constituer un interlocuteur représentant toutes les
municipalités de la région de l'aéroport. L'enjeu est trop
important, M. le Président, en termes d'aménagement de territoire
et du développement économique, pour laisser les
municipalités à elles-mêmes, se préparer en vue des
nouvelles obligations régionales et afin de les empêcher de
pratiquer l'une envers l'autre une certaince surenchère qui, à la
longue, serait nocive.
Nous avons l'intention ferme de créer deux communautés
régionales. Le bureau d'aménagement et les communautés
régionales que nous avons l'intention de mettre sur pied devront
nécessairement concerter leur action pour préparer
l'exécution des plans d'aménagement. Nous sommes convaincus que
les dirigeants locaux comprendront cet impératif et qu'ils participeront
loyalement au fonctionnement de cet organisme, de ces organismes plutôt,
qui leur rendront de grands services.
Je suis informé par le bureau d'aménagement que les offres
de collaboration affluent de la part des municipalités et des organismes
volontaires. Par ailleurs, il faut bien comprendre qu'il ne s'agit pas de faire
disparaître les municipalités, il s'agit de confier à un
organisme intermunicipal un certain nombre de fonctions municipales, pour les
fins d'aménagement et de développement. Toutes les
municipalités qui seront présentes au grand conseil des
communautés régionales désigneront leur comité
exécutif et auront droit au chapitre. Les municipalités de cette
région de l'aéroport seront donc bien placées pour
participer aux décisions les concernant.
La première communauté régionale,
c'est-à-dire la communauté régionale de l'aéroport
international de Montréal, M. le Président, couvrira
approximativement un territoire allant de Lachute à
Saint-Jérôme à l'Epiphanie et le long du Saint-Laurent, en
passant par Saint-Eustache et Oka. La seconde communauté
régionale couvrira dans les grandes lignes le territoire actuel de la
sous-région économique de Lanaudière.
Ce sont là, M. le Président, les organismes qui seront mis
en place sous la direction du ministre et du ministère des Affaires
municipales et du ministre de l'Office de planification. Nous
répétons que, du côté fédéral, nous
avons demandé que les titulaires du ministère des Transports et
du ministère de l'Expansion économique régionale
rencontrent les ministres québécois responsables de ce
dossier.
M. le Président, permettez-moi, en terminant, de résumer
succinctement. Premièrement, le choix de l'emplacement de
Sainte-Scholastique par le fédéral s'appuyait uniquement sur des
motifs d'aéronautique, alors que nous avons établi que le site
proposé par le Québec sur la rive sud satisfaisait
également à ces exigences. Nous venons de prouver, M. le
Président, avec un dossier technique parfait, irréfutable, que le
fédéral, au moment de sa décision, n'a même pas
étudié sérieusement notre proposition concernant la rive
sud. Deuxièmement, le dossier déposé devant cette
commission, M. le président, démontre que le gouvernement central
n'a pas hésité à prendre une décision
unilatérale en faveur de Sainte-Scholastique, après avoir pris
soin, au cours des supposées négociations, de nous refuser
l'accès de certains de ses rapports.
Le résultat de l'opération est que nous sommes aujourd'hui
placés devant l'unique solution d'avoir à bonifier par la force
des choses des conséquences nées d'une situation juridictionnelle
des plus confuses et d'un type auquel le Québec n'a jamais encore eu
à faire face.
Enfin, troisièmement, M. le Président, nous avons fait
valoir avec une particulière énergie, tout au cours de ces
débats, les impératifs de notre politique de développement
économique et d'aménagement du territoire. Ces priorités
demeurent au premier plan de nos travaux, et nous sommes dotés de toutes
les structures
nécessaires de planification, d'organisation et de
contrôle. Quelques-uns de ces divers mécanismes sont
déjà en oeuvre pour donner à l'implantation de
l'aéroport international de Sainte-Scholastique toute l'impulsion qu'il
faut pour retirer l'impact maximal des retombées économiques,
dans le meilleur intérêt des citoyens de cette région et de
tout le Québec.
Vous me permettrez, en terminant, de vous donner la liste des gens qui
sont nos invités, la liste des experts invités à cette
commission parlementaire: Du Bureau d'aménagement de l'aéroport,
M. Yves Ryan, le président; M. Arthur Tremblay, président de
l'Office de planification et de développement du Québec; M. Yvon
Tremblay, sous-ministre adjoint au ministère des Affaires
municipales.
Pour ce qui est de l'aménagement du territoire et de
développement économique, M. Blumenfield, professeur en
aménagement à l'Université de Toronto; M. Paul
Laliberté, directeur adjoint au service d'urbanisme de la ville de
Montréal; M. Guy Coulombe, directeur adjoint de l'Office de
planification et de développement du Québec; M. Gérard
Vibien, économiste à l'Office de planification et de
développement du Québec; M. Henri Perron, directeur de la
planification au ministère de la Voirie; M. Robert Robert, directeur
adjoint de la planification au ministère des Affaires municipales;
Du côté aéronautique, M. Robert Simpson,
consultant-directeur de Flight Transportation Laboratory, Massachusetts
Institute of Technology; M. Edmund G. Dickenson, consultant-président de
James C. Buckley, New York; M. Tirey Vikers, consultant de Associated Air
Traffic Control Analysts, et aussi M. Bruno Riendeau, économiste
spécialisé dans le transport à l'Office de planification
et de développement du Québec; et pour ce qui est de l'aspect
constitutionnel, le professeur Edward McWhinney, directeur de la faculté
de droit aérien de l'université McGill.
M. le Président, nous pouvons, si vous le permettez, commencer
à interroger les experts.
M. LAPORTE: M. le Président, le ministre vient de nous livrer un
texte très long, qui porte sur un nombre de problèmes
impressionnants. Il vient surtout de nous remettre un dossier qui comporte sept
cahiers. Pour avoir une idée bien claire de ce qui doit se passer, pour
être en mesure d'interroger, s'il y a lieu, les experts qu'il y a devant
nous de façon efficace, il est bien certain que le ministre et la
commission n'auront aucune objection à ce que la commission ajourne la
séance pour que nous ayons le temps de prendre connaissance des
documents qui nous ont été remis ce matin.
Comment voulez-vous que nous puissions interroger ou M. Blumenfield ou
l'un quelconque des autres experts qui sont ici présents, puisque nous
n'avons même pas eu le temps d'ouvrir les cahiers qu'eux-mêmes ont
prépa- rés? M. le Président, je propose donc que cette
commission ajourne ses assises à demain matin, dix heures et demie, pour
que nous ayons le temps de prendre connaissance des documents.
M. LEBEL: Est-ce que le leader de l'Opposition n'admettrait pas tout de
même qu'il y a sûrement des gens autant du côté
de l'Opposition que de l'assistance qui pourraient poser quand
même des questions aux experts qui, entre nous, ne peuvent pas rester
à notre disposition longtemps comme cela?
M. LAPORTE : Je suis convaincu que, parmi les membres de l'Opposition,
il n'y en a pas un seul qui ait pris connaissance des documents. Les experts
qui sont venus, les uns de Boston, les autres de New York, les autres de
Toronto devaient, évidemment, s'attendre qu'ils puissent
séjourner à Québec plus que 24 heures. J'imagine, et c'est
bien normal, que leur temps à Québec est
rémunéré. M. le Président, je crois, que l'opinion
publique en général, et cette commission en particulier, vont
trouver extrêmement raisonnable qu'avant de poser des questions sur des
textes, nous ayons au moins le temps de les lire. Je viens de les recevoir,
comme les autres membres de la commission.
Alors, M. le Président, je demande, en toute tranquillité
et en toute bonne foi, qu'on nous donne 24 heures pour les lire et je vais
passer la nuit, s'il le faut, avec nos collègues de la commission pour
les lire. Actuellement, je ne suis pas capable.
M. LEBEL: Nous sommes d'accord. En fait, je sais bien que les membres de
l'Opposition pourront prendre connaissance de cela. Je l'admets, c'est clair.
Mais je me demandais s'il n'y aurait pas, dès ce matin, des questions
qui pourraient être soumises aux experts. Je sais qu'il y a des gens qui
ont suivi de très près cette affaire. Je pense au
député de Deux-Montagnes, qui est intervenu en Chambre assez
souvent, et au député de Drummond. Il y aurait sûrement des
questions qui nous permettraient d'avancer le travail.
Et il y a une autre chose, demain matin, quand même, des gens qui
ont d'autres programmes, nous ne pouvons pas demander à tous les gens
qui sont ici ce matin de revenir siéger demain matin. Ce serait
peut-être à une date ultérieure. Quant à moi, je
vous dis que ce serait difficile de prévoir cela pour demain matin.
M. LAPORTE: Je n'ai pas d'objection à ce que ce soit
reporté à une date ultérieure. M. le Président,
nous sommes en présence d'un dossier complet. Le ministre qui a fait un
exposé je l'admets très clair, très
précis, nous a parlé de certains événements qui se
sont passés avant que la décision du gouvernement
fédéral ne soit annoncée, de certains
événements qui se sont passés depuis que la
décision du gouvernement fédéral a été
annoncée et certains
événements qui vont commencer à prendre forme
dès aujourd'hui. Je crois que si nous voulons, nous de l'Opposition,
remplir au mieux de notre connaissance notre devoir de répondre à
ce qu'a dit le ministre et de poser des questions, nous devons faire une
synthèse de tout ce travail.Etant donné que cela fait
déjà quelques mois que nous attendons une séance de cette
commission, je ne crois pas qu'il y ait péril en la demeure si nous
attendons le temps qu'il faudra.
M. LEBEL: Nous disons simplement que nous croyions qu'il y avait
possibilité de déblayer un peu le terrain pour entrer dans la
matière. Nous sommes convaincus qu'avec un bon contre-interrogatoire sur
le discours du ministre aux experts, nous aurions déjà fait un
travail considérable pour aujourd'hui. Là, nous perdons...
M. LAPORTE: Nous ne perdons pas, mais je vous avoue que, si nous devons
travailler ce matin, là, nous allons perdre du temps. Parce que je ne
sais pas par où commercer. Quelle première question vais-je poser
à un expert comme M. Blumenfield?
M. DEMERS: Si nous en posions, nous. M. LEVEILLE: J'en ai deux à
poser.
M. LUSSIER: Il y a des principes d'aménagement que l'on doit
appliquer lors de l'implantation d'un aéroport international. Et M. le
professeur Blumenfield au point de vue de l'aménagement, a une
théorie...
M. LAPORTE: Oui, c'est cela. Plus il est expert, plus j'ai besoin de me
préparer...
M. LUSSIER: ... qu'il a mise au point. C'est assez intéressant
à connaître.
M. LAPORTE: Certainement. Mais ceci ne nous justifierait pas
d'interroger le professeur, lui ou un autre expert, avant d'avoir pris
connaissance de son texte. Je veux bien interroger sur le contenu de son texte.
Mais je ne le connais pas. Alors, ce matin, bien honnêtement, ce que nous
pourrions faire, à mon avis, n'avancera pas le débat. Nous
serions aussi bien de nous préparer une séance très dense,
très longue, si vous voulez, pour une prochaine séance. Nous
allons, nous-mêmes, collégialement, prendre connaissance des
textes et nous serons prêts à poser des questions très
pertinentes; peut-être même, après avoir pris connaissance
des textes, déciderons-nous que nous n'avons pas de questions à
poser.
Sur un problème comme celui-là, je crois que la commission
va se rendre compte que ce n'est peut-être pas un sujet où on
devrait aller à la pêche, en posant plusieurs questions, pour
essayer de tomber sur quelque chose de plus important. Je ne suis pas en
mesure, personnellement, ce matin, et mes collègues sont certainement de
mon avis comme les autres membres de la commission, je ne suis pas en mesure ce
matin de contre-interroger, de façon sérieuse, sur des textes
dont je n'ai pas pris connaissance.
M. PINARD: M. le Président, est-ce que le ministre pourrait nous
faire tenir immédiatement copie de son texte? Parce qu'il est
substantiel, il est long. Il a fait dérouler devant nous le film des
événements. Il faudrait s'en servir, et peut-être que
l'Opposition déciderait d'abord d'interroger le ministre avant
d'interroger les experts.
M. LEBEL: C'est enregistré.
M. PINARD: Oui, je comprends, mais c'est beaucoup plus facile là
de l'avoir...
M. DEMERS: Vos interventions ont été enregistrées
avec le texte du ministre.
M. LUSSIER: Je vais en faire faire des copies.
M. PINARD: Oui. Ce sera beaucoup plus rapide, je pense. Cela va
peut-être servir à...
M. LEVEILLE: M. le Président, je voudrais savoir ce qui arrive,
parce que j'ai quand même quelques questions à vous poser. J'ai
écouté le ministre attentivement et, personnellement, je suis
prêt à poser quelques questions.
M. LAPORTE: Si on est en mesure de poser des questions sans avoir pris
connaissance des textes, on peut poser des questions; quant à moi, je ne
le ferai pas.
M. LEVEILLE: On a entendu le ministre qui a fait un exposé
très précis.
M. LAPORTE: Ah, je n'ai pas d'objection que quiconque pose des
questions.
M. PINARD: On ne veut pas vous enlever vos droits. On voudrait conserver
les nôtres.
M. DEMERS: On sera plus prêt, aussi prêt que vous la
prochaine fois, mais là on a des questions à poser et on voudrait
les poser.
M. PINARD: On tient pour acquis que vous avez été mieux
informés que nous ne l'avons été.
M. LEVEILLE: Ah bien ça! C'est vous qui le dites.
M. LUSSIER: Il y a des gens assidus.
M. PINARD: Des gens assidus? Où? A quel endroit?
M. LEBEL: Tout d'abord, disons que pour demain matin, ce serait
impossible, parce qu'on me signale aussi que des experts sont retenus ailleurs.
Quant à nous aussi, le programme est assez chargé pour demain.
Disons donc qu'on ajourne sine die et qu'on va s'entendre pour une date
où le ministre pourra...
M. LUSSIER: On communiquera avec les gens pour savoir si on peut les
avoir à telle date.
M. SEGUIN: Un ajournement sine die nous laisse pas mal en l'air. Je
pense qu'il faudrait peut-être préciser un peu plus, parce qu'un
ajournement sine die...
M. LAPORTE: Cela pourrait peut-être être la semaine
prochaine.
M. SEGUIN: Disons que c'est la semaine prochaine...
M. LEBEL: Nous disons donc que c'est ajourné...
M. LAPORTE: Alors on s'entend pour que, dans le cours de la
journée, on s'entende sur une date.
M. LEBEL: Très bien.
M. LAPORTE: Et la plus rapprochée possible. Parce que j'ai
déjà de la misère à me refuser la tentation de
répondre au ministre, je veux me préparer.
M. LUSSIER: Oui, je sais que ça doit vous forcer un peu.
M. LAPORTE : Cela ne sera pas facile pour le journal des Débats
de constater que c'est du "retient bien". Nous aurons le temps ainsi de nous
préparer davantage.
M. LUSSIER: Vous n'avez pas des questions à poser tout de
suite?
(Fin de la séance: 11 h 48)