Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.
Commission permanente
de l'administration de la justice
Bill 10 Régimes matrimoniaux
Séance du 17 septembre 1969.
(Dix heures treize minutes)
M. BERGERON (président de la commission permanente de
l'administration de la Justice): A l'ordre, messieurs! Nous allons continuer
l'étude du bill 10 et je laisse la parole à M. Rémi
Paul.
M. PAUL: M. le Président je voudrais, en premier lieu, m'excuser
auprès de nos collègues et spécialement auprès de
Mme Casgrain si ce matin 11 y a eu une certaine confusion au sujet de la
réunion de la commission qui avait été fixée
à cet après-midi, lors de l'ajournement de la dernière
séance.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Oui.
M. PAUL: Mais en raison de certaines obligations, que nos
collègues comprendront facilement, soit celle de la séance du
cabinet de cet après-midi, alors que quelques problèmes
d'intérêt particulier seront étudiés. C'est
pourquoi, a la dernière minute, cette séance a été
devancée à ce matin. Je souhaite également la bienvenue
à M. Crépeau et au notaire Comtois dont la participation aux
travaux de notre commission a toujours été fidèle et
constante. Je voudrais faire motion, M. le Président, avec le
consentement de mes collègues pour que le nom de M. Slmard soit
substitué à celui de M. Loubier comme membre de la
commission.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: M. le Président, j'aurais une remarque
à faire. D'abord je remercie M. Paul et je comprends un peu son
explication au sujet des changements. Mais, je me demande s'il n'y aurait pas
possibilité que le greffier envoie ses avis à nos bureaux au
Parlement. Pour ma part, le courrier étant ce qu'il est, je suis
sûre que M. Bonln a posté l'avis vendredi, mais je ne l'ai pas
reçu. Je n'en al pas pris connaissance, et c'est par pur hasard,
aujourd'hui, étant donné que je devais siéger cet
après-midi, que Je me trouve ici ce matin. Alors, je ne sais pas si mes
collègues...
M. COITEUX: C'est la même chose pour moi.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Ce serait plus facile, de toute façon, si
nous recevions cela à nos bureaux; à cause de la lenteur du
courrier, cela nous faciliterait la tâche. J'aimerais aussi faire motion
pour que M. Louis-Philippe Lacroix remplace M. Gérald Harvey.
M. PAUL: Très bien. M. le Président, je voudrais faire
motion pour que M. Léveillé remplace M. Maltais de Limoilou.
M. THEORET: M. le Président, je voudrais faire une remarque avant
de continuer l'étude du bill.
Je constate avec plaisir qu'à la demande de la commission les
légistes ont ajouté des notes vis-à-vis de chacun des
articles du bill, en donnant toutes les références dont nous
avons besoin. De plus, on a mis à notre disposition des exemplaires du
code civil. Alors, je voudrais offrir mes félicitations sans en
avoir pris connaissance, cela me paraît très bien fait aux
légistes pour ce travail de bénédictin.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Je me joins à mon collègue pour
vous remercier également. Cela facilitera notre travail
considérablement.
M. LE PRESIDENT: Messieurs, nous avions ajourné nos travaux alors
que nous étions à étudier l'article 184. Les membres de la
commission avaient demandé à entendre Me Comtois pour qu'il nous
donne certaines explications concernant les mots « qu'il détient
individuellement ». Alors, nous pourrions peut-être, dès
maintenant, écouter Me Comtois sur cette partie de l'article 184.
ME COMTOIS: Vous permettez que je reste assis?
M. LE PRESIDENT: Certainement.
ME COMTOIS: Je ne m'attendais pas à cette question
précise, mais je vais essayer d'y répondre le mieux possible.
Si on procédait au moyen d'un exemple très simple. Quand
une personne veut faire affaires avec la banque, en vertu de la loi des
banques, on ne l'interroge pas pour savoir quel est son régime
matrimonial, que je sache. En effet, la loi des banques permet à une
femme mariée de faire affaires avec la banque comme si elle était
célibataire.
Ce qu'on veut éviter et ce qu'on a voulu prévenir par
cette mention, c'est qu'à l'égard d'une femme on ait toujours
besoin de s'Interroger sur son régime matrimonial. Si elle est en
possession d'un bien meuble, 11 y a déjà une présomption
de capacité. On veut que, dans les affaires,
les femmes mariées ou non puissent transiger comme les hommes.
C'est pour donner un peu plus de force au bill 16 qui a voulu, justement,
donner pleine capacité à la femme mariée.
Ainsi, une personne a un acte à poser soit avec un courtier en
valeurs mobilières, soit avec un commerçant, soit avec la banque;
elle se présente pour faire un acte relativement à un bien meuble
qu'elle détient individuellement et dont elle a la possession physique
ou matérielle. Elle est réputée capable de faire tout acte
relativement à ce bien-là.
Je prends un autre exemple pour expliciter davantage ma pensée.
Dans la pratique notariale, dès qu'une femme produit son contrat de
mariage établissant qu'elle est séparée de biens, on ne
lui demande pas: Mais, madame, vous achetez tel immeuble, est-ce que l'argent
vient de votre mari? La question, souvent, serait affirmative. Le contrat de
mariage donne une présomption de capacité dans le cas où
il y a séparation de biens. Mais l'on voudrait que, même en
communauté, quand il s'agit de biens mobiliers possédés
par un époux ou par une épouse, l'on présume la
capacité. C'est le but de cette disposition.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Certains membres de la commission ont
énoncé l'opinion qu'ils craignaient un certain danger pouvant
venir de cet article. Moi, en particulier. Nous avons posé la question
à Me Marceau, à l'époque. Evidemment, si on pense à
l'intérêt des époux, est-ce qu'il n'y a pas un danger?
M. COMTOIS: Nous avons voulu, nous, faciliter les choses, et vous
craignez que cela les rende plus difficiles. C'est ça?
M. PAUL: Bien, nous craignons que ce soit une porte facile pour la
fraude conjointe des époux contre les tiers.
M. COMTOIS: Si on pouvait illustrer cela par un exemple.
M. PAUL: Bien, voici un exemple. Supposons que la femme se
présente à une banque avec une obligation, par exemple, pour
transiger...
M. COMTOIS: Au porteur? M. PAUL: Au porteur...
M. COMTOIS: Dont elle a la possession individuelle?
M. PAUL: Je comprends qu'en vertu de la Loi des banques, elle est
censée être une détentrice régulière. En
vertu de l'article 4574, je crois. Elle encaisse donc son obligation. Elle
remet l'argent à son mari et le mari s'en va à la banque et dit:
Ecoutez, ma femme m'avait pris illégalement cette obligation,
remettez-la moi. Qu'arriverait-il dans un cas comme celui-là? Comment
prouver qu'elle la détient individuellement?
M. COMTOIS: C'est une question de fait. La détention
individuelle, c'est quand elle est toute seule à l'avoir en sa
possession. Si l'homme et la femme arrivent...
M. PAUL: Alors, le fait de détention ne veut pas
nécessairement dire « propriété » dans votre
esprit?
M. COMTOIS: Non, c'est question de possession.
M. PAUL: Seulement de possession?
M. COMTOIS: C'est ça. La possession fait présumer le
titre. Si je suis en possession comme d'ailleurs le code le dit à
l'article 2268 d'une automobile, d'un bien...
M. PAUL: Mais l'automobile, cela peut être vérifié
par l'enregistrement.
M. COMTOIS: D'accord. Prenons une valeur au porteur, l'exemple que vous
apportiez. Je crois que ce serait mauvais que, chaque fois qu'on a affaire
à une femme, on aille se demander si c'est bien à elle cette
chose-là.
M. PAUL: A la dernière séance je ne sais si c'est
Mme Casgrain ou M. Cardinal il ou elle avait fait l'illustration du fait
par l'exemple d'un tableau de grand prix...
M. LE PRESIDENT: D'une oeuvre d'art. M. THEORET: Me Maltais.
UNE VOIX: Les femmes ont le droit de posséder ça
aussi.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Non, mais si cela appartient à son mari,
la femme en dispose, elle l'a en sa possession. Nous nous inquiétions de
ce cas-là en particulier.
M. COMTOIS: Ecoutez, quand un homme arrive avec un tableau de grand
prix, on ne dit
pas: Tout d'un coup cela appartiendrait à sa femme. Parfois on
devrait se le demander.
M. PAUL: Mais, si c'est la femme, par exemple, qui l'offre en vente,
ça devient plus...
M. COMTOIS: C'est justement ça que nous voulons faire
disparaître, cette présomption qu'une femme a un bien et que
ça ne peut pas lui appartenir, à elle. On veut une
égalité parfaite...
M. PAUL: Le contraire peut arriver aussi. M. COMTOIS: Comment?
M. PAUL: Le contraire peut se présenter aussi.
M. COMTOIS: Certainement.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Moi, je pensais au contraire.
M. PAUL: Cela peut arriver aussi bien à la femme qu'à
l'homme.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Je pensais au contraire, en l'occurrence. Mais,
par contre, c'est le choix que nous devons faire, et c'est bien dans l'esprit,
je pense bien, de tout ce qui a été adopté jusqu'à
maintenant.
M. COMTOIS: Ce que nous voulons, nous, c'est que la femme soit un homme,
si vous voulez, au point de vue des transactions à l'égard des
tiers, qu'on cesse...
MME KIRKLAND-CASGRAIN: LégalementI
M. COMTOIS: ... d'avoir des doutes sur son droit à une
propriété. H faut qu'elle puisse faire des affaires comme un
homme. S'il y a eu détournements irréguliers cela peut se
présenter d'un côté comme de l'autre ...
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Il y aurait des recours.
M. COMTOIS: ... il y aurait des recours, mais entre les individus. Pas
à l'égard des tiers de bonne foi. Il faut perdre cette attitude
de suspicion, qui est très mauvaise.
M. PAUL: Il y avait aussi ceci: Cette contradiction qui pourrait se
présenter avec les règles régissant la vente, si je vends
un objet qui ne m'appartient pas.
M. COMTOIS: La vente de la chose d'au-trui?
M. PAUL: Oui. Là, vous amenez un autre exemple où un
article peut consacrer une inégalité, mais, pour la protection
des tiers, des acquéreurs de bonne foi, on régularise.
Alors, pourquoi ne pas suggérer un amendement au chapitre de la
vente plutôt que de l'insérer ici? Quel est le motif?
M, COMTOIS: Il n'y a pas que la vente; il y a le cautionnement, le
mandat, le louage. Il y a une foule de contrats. Je pense qu'il vaut mieux une
disposition tout à fait générale plutôt que de
commencer à faire des accommodements à chaque chapitre. C'est une
attitude générale, un principe général, qu'on a
voulu proposer ici.
M. THEORET: M. le Président, je remarque ici, justement à
la lecture des notes que nous avons... Nous avons référé,
lors de la dernière séance, à l'article 177 qui avait
été adopté par le bill 16. Il y avait à cette
référence, où la seule réserve des restrictions
découlant des régimes matrimoniaux... Alors, on laisse entendre,
comme on dit si bien dans les notes, que cette référence
impliquait une diminution de capacité. Je reviens à l'idée
que j'ai exprimée lors de la dernière réunion et
confirmé en cela par mon bon ami, M. Comtois. Evidemment, cela a
beaucoup plus de poids; lui, il est investi de la présidence de la
Chambre, secrétaire d'une faculté de droit. Alors vous savez,
chez nous, on...
M. COMTOIS: Je ne suis plus président de la Chambre.
M. THEORET: Ex-président, pas ex-secrétaire. Alors, c'est
vraiment « une grosse légume » chez les notaires. A
l'article 177, on dit: « La capacité juridique des époux
n'est pas diminuée par le mariage ». L'exemple qu'apportait M.
Comtois, tantôt, je l'ai vécu encore hier, alors qu'une dame se
présentait avec un contrat de mariage. Dès que nous voyons un
contrat de mariage, nous nous sentons soulagés et nous procédons
à n'importe quelle vente ou à peu près.
Alors, s'il n'y a pas de contrat de mariage... Encore là, quand
on dit qu'on veut que la femme soit un homme, bien c'est vrai. Pourquoi cette
suspicion vis-à-vis de la femme, alors qu'on n'en a pas vis-à-vis
de l'homme s'il se présente avec un tableau de grand prix ou avec une
obligation au porteur? On n'a pas cette suspicion, ce doute qui nous rendrait
sages.
Alors, Je crois que cela doit être l'esprit du bill et non pas
seulement pour tel acte. C'est ce que M. Comtois vient de dire. Il ne faut pas
que ce soit dans tous les chapitres du code. On établit des principes;
c'est essentiellement français, c'est du code civil. On établit
un principe et tout le reste en découlera. Moi, j'abonde dans ce
sens-là. Je l'ai dit la semaine dernière et, au risque de me
répéter, je ne crois pas qu'on devrait modifier ce
texte-là.
M. PAUL: M. le Président, si vous me le permettez,
théoriquement, j'endosse sans réserve les arguments
apportés par mon collègue. Mais, si l'on tient compte du principe
que défend la commission en nous suggérant l'adoption de
l'article 184, pourquoi ne mettrions-nous pas cela à l'article 985 du
code où on lit ce qui suit: « Toute personne est capable de
contracter, si elle n'en est pas expressément déclarée
incapable par la loi ». Et un deuxième paragraphe: «
L'époux qui se présente seul peut faire un acte relatif, etc.
» A ce moment-là, vous couvrez tout le terrain possible des
transactions et des contrats qui peuvent intervenir en droit.
M. COMTOIS: Je pense, M. le ministre, que cela pourrait aller à
984. D'un autre côté, à l'article 984...
M. PAUL: C'est l'article 985. M. COMTOIS: A l'article 985... M. PAUL:
Oui.
M. COMTOIS: ... on envisage toutes les incapacités; celle des
mineurs, les interdits et celle des femmes mariées, si l'on peut dire,
tandis qu'à l'article 184, on parle des gens mariés.
M. PAUL: Oui, mais le principe de l'article 985 n'est...
M. COMTOIS: Oui, mais pour toute la capacité.
M. PAUL: ... pas un principe d'exclusion. C'est un principe
général à l'effet que toute personne est capable de
contracter.
M. COMTOIS: Disons que cela pourrait aller là.
M. PAUL: Pour référence, ce serait peut-être plus
facile pour celui qui est appelé à juger rapidement de la
capacité juridique de la femme. S'il va au chapitre des contrats,
à l'article 985, 11 verra clairement que la femne qui détient un
bien individuellement a la capacité de contracter.
M. COMTOIS: Oui.
M. CREPEAU: Si vous me le permettez, M. le Président, en toute
déférence, il me paraîtrait inopportun de placer cet
article 184 au titre de la capacité générale pour deux
raisons: d'abord, sur le plan strictement juridique, une des choses que nous
avons voulu faire, ici, dans ce bill numéro 10, c'est de clarifier, une
fois pour toutes, dans toute la mesure du possible, la différence entre
l'incapacité et l'absence de pouvoirs. C'est une des critiques qu'on
avait adressées au bill 16 lorsqu'il a été
édité. La version du bill 16 relative à l'article 177 ne
semblait pas faire cette précision qu'il y a une différence
essentielle entre le fait qu'une personne soit incapable et qu'elle ne
possède pas de pouvoirs. Ce sont deux choses différentes. Vous
pouvez très bien avoir pleine capacité c'est le cas de la
femme mariée mais il est fort possible que son régime
d'associée, de partenaire, lui enlève un certain nombre de
pouvoirs, de même que le secrétaire d'une société a
pleine capacité juridique, mais n'a pas le pouvoir, par exemple, de
représenter le président dans les assemblées. C'est un
pouvoir qui est accordé à une autre personne.
Si bien que si nous déplacions cet article 184 pour l'inscrire au
titre de la capacité nécessaire pour passer des contrats, nous
serions encore portés à penser que l'absence de pouvoirs chez la
femme mariée est une incapacité, parce que l'article 985 parle de
la capacité et des incapacités spéciales. Ce que nous
avons voulu faire, par les articles 177 et 184, c'est dire : La femme a pleine
capacité juridique; son régime peut limiter ses pouvoirs, ses
droits de passer certains contrats, parce qu'elle le fait en tant
qu'associée, et l'article 184 vient dire: Malgré le fait que la
femme puisse avoir pleine capacité, nous voulons également que si
elle se présente quelque part, détenant physiquement un objet, on
dise qu'à l'égard des tiers de bonne foi elle a plein pouvoir,
elle a le droit de faire l'acte qu'elle entend poser. Il me semble qu'il faille
éloigner, en quelque sorte, l'article 184 de l'article 985 pour
éviter cette possibilité de confusion.
L'autre argument est certainement moins valable, mais il tente de
répondre à la question suivante: Lorsque le praticien essaie de
voir quel est le régime de la femme mariée, sera-
t-il d'abord porté à aller voir les règles de la
capacité ou sera-t-il tenté d'aller voir quels sont les pouvoirs
ou les droits d'une femme? Ne sera-t-il pas tenté d'aller voir d'abord
dans le régime général de la société
conjugale? Il verra que se trouvent là un certain nombre de pouvoirs
généraux qui s'appliquent indistinctement, quel que soit le
régime matrimonial, pour ensuite aller voir, par exemple, au titre des
régimes matrimoniaux s'il n'y a pas de dérogation spéciale
selon les divers régimes adoptés par les époux, s'il n'y a
pas de dérogation, dis-je, à ce que l'on a appelé ici le
régime primaire de la société conjugale, ce régime
qui s'applique indistinctement, quel que soit le régime
adopté.
Il me semble, en toute déférence, qu'il serait
préférable de laisser cet article qui traite de pouvoirs et non
pas de capacité, dans le cadre général des pouvoirs des
associés conjugaux.
M. BERGERON: Me Crépeau, dans le cas d'une donation, par exemple,
l'article 1266-B dit: « Chaque époux a l'administration, la
jouissance et la libre disposition de tous ses biens propres et de ses
acquêts. Il ne peut cependant, sans le concours de son conjoint, disposer
de ses acquêts entre vifs à titre gratuit, si ce n'est de sommes
modiques et de présents d'usage. »
Dans votre esprit, l'article 184 couvrirait-il la donation, même
si nous avons l'article 1266-P?
M. COMTOIS: Si vous me permettez, M. le Président, l'article
1266-P est une exception à l'article 184. C'est le seul acte à
propos duquel, même s'il s'agissait d'un bien mobilier que la femme ou le
mari détiennent individuellement, ils ne peuvent pas faire de donation
lorsqu'ils sont mariés en société d'acquêts. C'est
une exception à l'article 184. Est-ce que cela répond à
votre question?
M. BERGERON: Merci.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: M. le Président, vous vous souviendrez que
nous avons eu quelques hésitations en examinant cet article à
notre dernière réunion. Je dois dire qu'à la
réflexion, depuis ce temps-là, et avec l'exposé des deux
notaires présents, le notaire Théoret et le notaire Comtois, et
du professeur Crépeau, je me rallie à l'opinion exprimée
et je pense qu'il est essentiel de laisser cet article là. Il y a
toujours évidemment, dans tout article, ce qu'on peut appeler une
« balance of inconvenience » et nous avons peut-être, nous,
à la derniere réunion, pensé aux inconvénients.
Mais je pense que le principe se doit d'être consacré et il me
semble que c'est bon qu'il soit là. C'est mon opinion. Je ne sais pas si
d'autres membres du comité de mon côté ont d'autres
opinions à émettre.
M. THEORET: M. le Président, je poserai une question à Me
Comtois. En homme pratique qu'il est, et pour revenir à l'exemple qui a
été soulevé lors de la dernière séance, si
un homme ou une femme, parce que selon moi c'est du pareil au même au
point de vue légal, se présente chez vous avec un tableau de
grande valeur, pas de titres, ce n'est pas une automobile, et veut vous le
vendre non pas comme notaire mais il veut vous le vendre comme individu
ça vaut $5,000. Quelles seraient, selon vous, les
précautions élémentaires à prendre parce
qu'on dit qu'ils possèdent individuellement afin que les tiers ne
soient pas fraudés par un éventuel acquéreur de mauvaise
foi. Quelle serait votre position?
M. COMTOIS: Bien, écoutez, il y a la position juridique; elle est
exprimée ici. Théoriquement, on peut acheter, on peut faire
affaires avec ce vendeur, mais avec une prudence élémentaire.
Quand un tableau de cette valeur-là nous est présenté par
quelqu'un qu'on ne connaît pas, que ce n'est pas un marchand de tableaux
et que ç'a l'air d'une aubaine, moi ça m'inquiéterait,
j'aimerais bien chercher les titres.
M. PAUL: Cela vous inquiéterait en tant que notaire, mais ceux
qui n'ont pas l'avantage d'avoir cette formation juridique?
M. COMTOIS: Ecoutez, M. le Ministre...
M. CREPEAU: C'est pour cela que l'article a été
édicté.
M. COMTOIS: Oui, sans doute, mais il y a des circonstances en dehors des
affaires ordinaires. Ce que l'on a voulu couvrir ce sont les cas ordinaires.
Mais, quand vous arrivez avec un tableau d'une grande valeur,
déjà on sort de l'ordinaire. Même un individu qui n'est pas
notaire mais qui a un peu de prudence et de flair...
M. THEORET: II pourrait même être avocat, vous voulez
dire.
M. COMTOIS: Peut-être, même. Il existe une telle
chose...
M. PAUL: C'est plus grave que si c'est présenté par un
vétérinaire.
M. COMTOIS: ... que le recel, en droit criminel, et même si je ne
suis pas spécialisé en droit criminel, J'aurais des
inquiétudes sur ce genre d'achat. Ecoutez, il faut tout de même
être éveillé un peu.
Mais revenons à nos moutons, si on peut dire. L'idée de
l'article a été de compléter le bill 16, de lui donner une
plus grande efficacité...
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Je n'aime pas beaucoup l'expression consacrer le
principe qui était établi dans le bill 16. Je
préférerais, notaire, si vous n'avez pas objection...
M. COMTOIS: Oui, l'éclaircir?
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Eclairclr, il ne faudrait pas exagérer.
Cela semblerait obscur, ce qu'on a tenté de faire?
M. COMTOIS: Ecoutez, Mme Casgrain, sans critiquer le bill 16... Si on le
critique, c'est parce qu'on l'aime, sans doute...
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Oui?
M. COMTOIS: On va voir, dès l'article suivant, que c'est un
exemple et il y en a peut-être 25 dans le code où on
a oublié de faire des amendements de concordance.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Mais on ne règlait pas la question des
régimes matrimoniaux, 3. l'époque. Alors, ce n'était pas
possible d'entrer là-dedans. Je pense que ça s'explique
parfaitement.
M. COMTOIS: Non, écoutez, je vais...
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Non, je ne suis pas ici pour le défendre.
Remarquez, 11 est adopté, et il a été adopté
à l'unanimité.
M. COMTOIS: Vous le défendez très bien, et chaque fois que
je peux dire que c'est une amélioration, je ne me gêne pas pour le
dire. On va voir, tout de suite après, à l'article 205 qu'on
amende, qu'on parle du cas ou le mari en communauté de biens, aurait
vendu sans le concours de sa femme, aurait vendu seul. Or, depuis le bill 16,
ce n'est plus possible pour un mari de vendre des immeubles sans le concours de
sa femme; donc, c'est un point qui a été oublié. Il y en a
d'autres. Alors ici...
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Lorsqu'il est en communauté.
M. COMTOIS: ... ce n'est pas un point qui a été
oublié, mais on a cru quand même que ça donnait plus de
force, que ça rendrait plus vrai le grand principe de capacité
que le bill 16 a introduit. On a voulu consolider la politique introduite par
le bill 16.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: J'aime mieux l'expression. Merci.
M. THEORET: D'ailleurs, M. le Président, on consacre tellement le
principe de la capacité que moi je serais prêt même à
reconnaître la paternité à Mme Casgrain du bill 16, pour
montrer que c'est bien...
MME KIRKLAND-CASGRAIN: D'ailleurs, c'est assez reconnu.
M. THEORET: La paternité, j'insiste sur le mot.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Oui.
M. THEORET: La paternité, s'il y a quelques enfants à
l'occasion qui s'écartent du droit chemin, ça ne veut pas dire
que...
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Disons que la famille se porte bien en
général!
M. PAUL: Voici, M. le Président, je pense bien que nos
conseillers de ce matin, le notaire Comtois et M. Crépeau, comprendront
que ce n'était pas une objection systématique de la part des
membres de la Commission.
C'était, peut-être ou sûrement, pour obtenir des
éclaircissements ou des renseignements additionnels qui nous seront
précieux lorsque le bill sera rapporté devant l'Assemblée
nationale, pour être en mesure d'en défendre, à ce
moment-là, les principes et toutes les implications en face de la
curiosité bien légitime de nos collègues
législateurs et pour être en mesure, également, d'informer
tout corps public intéressé à connaître la
justification de la présentation ou de l'adoption de tel article dans ce
bill.
M. LE PRESIDENT: Alors, messieurs, nous adoptons l'article 184.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Adopté.
M. LE PRESIDENT: Les officiers en loi ont demandé de faire
examiner le texte par un spécialiste. Je me demande si ce ne serait pas,
ici, le temps de vous mettre au courant des amendements qui ont
été suggérés à l'article 181 par exemple,
dans le texte anglais. Alors: « Under all regimes, the consort who has
had the administration of the property of his spouse is, in the absence of an
express agreement to the contrary, accountable only for the fruits then
existing and not... » Alors, on rayerait « in the absence of an
express agreement to the contrary », et ensuite on rayerait le «
then » au bout de la cinquième ligne devant existing and not for
those consumed before he has been put in default to render an account ».
On ajouterait, après « account », « unless there was
an express agreement to the contrary ».
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Je ne sais pas si j'ai un blanc de
mémoire, mais je ne me souviens pas de cette suggestion. Pourriez-vous
répéter?
M. PAUL: Dans le texte anglais.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Uniquement le texte anglais.
M. LE PRESIDENT: Seulement le texte anglais.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Bon, d'accord, je pensais que vous
proposiez...
M. PAUL: C'est la traduction, c'est la version anglaise du texte.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Bon, moi, je n'ai pas d'objection, je ne sais pas
ce que les juristes en pensent...
M. LE PRESIDENT: Alors, autrement dit, nous rayerions « in the
absence » jusqu'à « contrary » et ensuite, à la
ligne suivante, « then » pour écrire, à la fin du
paragraphe, « unless there was an express agreement to the contrary
».
M. COMTOIS: Vous avez une traduction qui est plus près du texte
français. Là, je ne peux pas... c'est tellement difficile, la
traduction. A mon point de vue, cela me paraît très
acceptable.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Oui, Je comprends.
M. LE PRESIDENT: D'accord? MME KIRKLAND-CASGRAIN: Oui. M. LE PRESIDENT:
Et à l'article...
M. PAUL: Alors, l'article 181, M. le Président, sera
adopté tel qu'amendé...
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Dans le texte anglais.
M. PAUL: ... dans sa version anglaise. Oui.
M. LE PRESIDENT: Et l'article 183, après le premier
paragraphe...
M. THEORET: En anglais ou en français?
M. LE PRESIDENT: Toujours le texte anglais, c'est tout simplement le
texte anglais. On rayerait tout le début du paragraphe pour laisser
seulement « of the community ». Je m'excuse, le second
alinéa serait remplacé par « the action in nullity is open
to the consort in the two years from the date on which he had knowledge of the
act; it may not however be instituted more than two years after the dissolution
of the community or of the partnership of acquests. »
MME KIRKLAND-CASGRAIN: L'expression « it may not », il me
semble que c'est « cannot ». Cela me fait sursauter.
M. COITEUX (Duplessis): « May not », « cannot
».
M. LE PRESIDENT: Alors, vous suggérez « cannot ».
UNE VOIX: Oui, c'est mieux!
M. CREPEAU: M. le Président, sur cette question de deux versions,
je voudrais simplement faire une observation générale, qui est la
suivante, pour vous montrer l'esprit dans lequel nous avons
présenté au gouvernement le projet de réforme. Nous avons
voulu chaque fois, lorsqu'un texte était présenté, faire
en sorte qu'un texte ne soit pas la traduction littérale de l'autre.
Nous nous sommes rendu compte que, dans l'histoire législative du
Québec, nous avions très souvent des textes dont l'un
n'était que la traduction littérale et, parfois, trop
littérale de l'autre.
Nous nous sommes rendu compte que, très souvent, c'était
même le texte français qui était la traduction du texte
anglais.
A l'Office de revision du code civil, nous essayons chaque fois de
présenter deux versions en nous assurant tout de même et
c'est une tâche qui est difficile que l'une correspond exactement
à l'autre. Bien sûr, vous êtes libres de choisir la version
qui vous convient le mieux. Mais, dans un cas comme celui-là, je pense
que c'est un exemple où, si on emploie une version qui semble
différente en anglais, elle paraît, néanmoins, correspondre
à la réalité du texte tel qu'il est énoncé
dans la version française.
M. PAUL: N'y a-t-il pas un danger, M. Cré-peau, quant aux
règles de l'interprétation?
M. CREPEAU: Certainement, M. le ministre. Et c'est la raison pour
laquelle nous essayons, dans toute la mesure du possible, de faire attention
pour éviter, justement, les difficultés d'Interprétation.
Nous avons une personne qui présente une version; ensuite nous avons un
comité de juristes de langue anglaise qui vérifient ce premier
texte. Le comité dans son entier examine ensuite les deux textes
côte à côte, en juxtaposition, précisément
pour éviter ce danger dont vous parliez.
Seulement, je pense qu'on peut fort bien admettre qu'une phrase en
français par exemple, puisse prendre une forme active et qu'elle sera
peut-être mieux rendue, suivant le génie de la langue anglaise, si
elle prend la forme passive. La langue anglaise, semble-t-il, se plaît
mieux dans la forme passive, alors que nous préférons le verbe
actif.
Ici, vous voyez justement, comme exemple: « L'action en
nullité est ouverte au conjoint ». Et, en anglais: « The
consort may take the action in nullity ». Je vous avoue franchement que,
pour moi, c'est exactement la même chose, sauf que dans un cas on dit:
L'action peut être prise par un conjoint, et, dans l'autre, on dit: Le
conjoint peut prendre l'action en nullité.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Me Crépeau...
M. CREPEAU: Ce n'est qu'une question de forme.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: ... je pense que cette mise en garde aux membres
de la commission est excellente, mais vous ai-je bien compris lorsque vous avez
dit que des juristes de langue anglaise se sont occupé, eux, de la
traduction et ont travaillé au rapport? C'est cela?
M. CREPEAU: Je me permets de vous rappeler, M. le Président, que
nous avons à l'Office de revision du code civil un comité de
juristes composé du doyen Durnford, de la faculté de droit de
l'université McGill; de son collègue civiliste, qui est
spécialiste des droits matrimoniaux; M. John Brierley, qui a
été l'un des artisans de cette version anglaise. Nous avons
également le professeur Stephen Scott, qui est un spécialiste de
la technique législative. Tous les trois ont revu le texte, mais cela
n'empêche pas, M. le Président, qu'il peut se glisser des erreurs.
Le comité a parfaitement le droit de vérifier et de poser des
questions.
Tout ce que je voulais dire, c'est l'esprit dans lequel nous avons voulu
tenter de présenter deux versions d'un même texte, l'idée
étant présentée, dans chaque cas, suivant le génie
de la langue ou, tout au moins, un effort a été fait pour y
arriver.
M. COMTOIS: Je pourrais peut-être ajouter, étant un petit
peu plus de l'extérieur que le président de l'office, que les
traducteurs qu'on a nommés, et en particulier M. le doyen Durnford et
John Brierley, ont apporté, à mon point de vue, un soin
extraordinaire à la traduction. Souvent des phrases me paraissaient
faciles à traduire, et ils nous arrivaient avec des formules beaucoup
plus difficiles, mais qui étaient justifiées. Et j'ai
l'impression personnelle que leur travail de traduction parce que je
sais qu'il a été limé, qu'il a été fait et
refait et recorrigé a été très
soigné.
Alors, il faudrait peut-être même discuter avec eux. Ils
pourraient vous dire: Tel mot, c'est pour cela qu'on l'a mis.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Oui, parce que cela peut, si on changeait quelque
chose, ouvrir la porte à certaines difficultés que nous n'avons
pas prévues et, eux, en tant que juristes,...
M. COMTOIS: Auxquelles ils ont peut-être pensé.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: ... ils y ont pensé.
M. CREPEAU: Seulement, je me permettrais de dire aussi...
M. PAUL: M. le Président, pourriez-vous nous donner la liste
complète des juristes an-
glais qui auraient travaillé à la traduction du texte?
Cela nous permettrait de nous appuyer sur des autorités et des
compétences reconnues.
M. CREPEAU: Pour, M. le Président...
M. PAUL: Sur le bill 10.
M. CREPEAU: Pour le bill 10...
M. PAUL: Le bill 10, oui.
M. CREPEAU: Le doyen Durnford et M. John Brierley ont été
spécialement affectés au travail de la présentation du
bill 10. Ils y ont travaillé. Seulement, nonobstant le fait que ces deux
juristes ont travaillé à la préparation de la version
anglaise, je dois dire en toute objectivité, en toute
honnêteté, que les conseillers en loi du ministère nous ont
présenté des observations sur la présentation et du texte
français et du texte anglais qui ont été retenues dans la
présentation finale. Parce qu'aucun texte ne sera jamais parfait.
Personne n'est exempt d'erreur. Je pense que c'est un des grands avantages de
cette collaboration qui s'est instaurée entre le ministère et
l'Office de revision du code civil où nous avons tâché de
travailler et de buriner les textes pour qu'ils soient les meilleurs
possibles.
M. THEORET: M. le Président, dans les circonstances, si nous
avons l'intention de faire quelques changements, comme aux articles 181 ou 183,
est-ce qu'il ne serait pas bon de préparer ces changements que l'on
croit opportuns ici à cette commission et soumettre à l'office
qui, lui, a de grands spécialistes qui sont des gens de mentalité
anglaise, alors que nous, nous nous attachons souvent 5. la traduction?
Evidemment, ces remarques à l'article 181, je ne sais pas qui les
a suggérées, mais je crois que nos légistes sont quand
même d'expression française... Ce nouveau texte, il serait
peut-être bon parce que nous sommes encore loin de
l'Assemblée nationale de vous le remettre pour que vous le
soumettiez au doyen et à M. Brierley, qui pourraient, eux, voir si
vraiment nous avions raison de suggérer ces changements.
M. CREPEAU: Nous vous en serions très reconnaissants.
M. THEORET: Alors, nous n'aurions pas à discuter, nous, ici
à la commission, de la valeur de...
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Cela ne fait pas partie de notre travail de voir
à la traduction et nous ne voulons pas changer le texte pour introduire
des failles.
M. LE PRESIDENT: Je dois dire aux membres de la commission que les
suggestions de la traduction anglaise nous ont été faites par Me
Marier, l'ex-conseiller législatif.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Mais, vous savez, le mode de législation a
changé depuis ce temps-là. Avec tout le respect que je dois 8. M.
Marier...
M. PAUL: C'est justement ce que je disais à M.
Théorêt.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: ... je pense qu'il faut être honnête.
H ne m'en voudrait pas s'il m'entendait, j'en suis certaine. Je le lui dirais
d'ailleurs, si je le voyais. Moi, je préfère la version de M.
Durnford, qui est doyen à l'université McGill, qui parle un
français exquis, d'ailleurs. La langue française n'a pas de
mystère pour lui. Je préfère les suggestions de ce
juriste. Je comprends qu'il faut donner une attention particulière aux
suggestions qui nous sont faites par d'autres individus, mais 11 ne faudrait
tout de même pas exagérer.
M. THEORET: D'ailleurs, je me souviens, M. le Président,
malgré tout le respect que j'ai pour les ex-conseillers
législatifs, quand nous avions présenté le bill 96, la Loi
du notariat, j'étais moi-même représentant des
ministériels. J'avais vu ces honorables messieurs, et on s'était
attaché, pendant une journée, à corriger des fautes de
français. Alors ce n'était pas l'esprit de la loi qui comptait.
On cherchait la « bibite ».
MME KIRKLAND-CASGRAIN: C'est ça. Pour le bill 16, ç'a
été la même chose, d'ailleurs.
M. THEORET: On a disposé de ces honorables messieurs, il ne
faudrait pas les ramener dans l'ombre de l'Assemblée nationale, quant
à moi.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Quant à moi non plus. J'ai
l'expérience du bill 16 où on a changé des points, des
virgules et des accents. H faudrait penser qu'on légifère pour le
présent et l'avenir et non pas pour le passé.
UNE VOIX: Alors, cela devrait être soumis à la commission
des...
M. LE PRESIDENT: Alors, messieurs, nous allons demander aux
légistes de préparer toutes les suggestions qui ont
été faites par Me Marier et nous remettrons au comité de
la revision...
M. PAUL: Nous pourrions, M. le Président, nous arrêter,
nous, au texte français, quitte à ce que le texte anglais fasse
le sujet d'une reconsidération et d'une traduction qui pourraient
être soumises aux membres de l'office.
M. LE PRESIDENT: D'accord. Alors, article 184, adopté?
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Adopté.
M. PAUL: Les articles 181, 182, 183, version française, sont
adoptés.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Oui.
Mais avant de continuer l'étude, il y avait une autre chose qu'on
avait demandé à la dernière réunion, 5. savoir si
les Juristes ne pouvaient pas trouver un autre terme pour décrire la
société d'acquêts. Je ne sais pas si ceux qui sont devant
nous se sont occupés de la question.
M. COMTOIS: On en a rêvé pendant quatre ans, et on n'a rien
trouvé. Ce n'est pas un nom, personnellement, que j'aime plus que
ça, mais Je n'ai rien trouvé. On n'a rien trouvé de
mieux.
M. PAUL: J'ai eu l'occasion d'en discuter au courant de la semaine
dernière...
M. COMTOIS: On y a pensé beaucoup, beaucoup...
M. PAUL: J'ai eu l'occasion d'en discuter, au cours de la semaine
dernière, avec M. Crépeau. Je crois qu'à ce
moment-là M. Crépeau a apporté certains arguments au
soutien de ce terme. Peut-être M. Crépeau pourrait-il faire part
à messieurs les membres de la commission et à madame de son
opinion sur le sujet.
M. CREPEAU: Je crois, lors d'une réunion précédente
de votre commission, avoir exprimé sur ce sujet l'avis que, si la
réalité du régime est acceptée, nous serions tout
à fait prêts à convenir d'un changement de nom qui pourrait
être...
A un moment donné, nous avions pensé à un partage
des acquêts qui, peut-être, exprimerait davantage l'idée
séparatiste du régime. Mais à mon avis et là
j'exprime une opinion personnelle il me semble que relativement à
la société d'acquêts, indépendamment du fait que le
mot « acquêts » est un mot, disons, vieillot, l'objection que
l'on retrouve porte plutôt sur le mot « société
». Si l'on examine la base de ce régime Je pense
qu'indépendamment du fait qu'il s'agit effectivement d'une
séparation avec un partage éventuel des acquêts au moment
de la dissolution du régime, il exprime néanmoins l'idée
d'un « partnership », l'idée d'une société
où deux conjoints se disent que, dès le mariage, ils font partie
d'une association conjugale où ils ont, dès ce moment, le droit
éventuel à un partage des acquêts qui auront
été réalisés pendant l'existence de la
société. Si bien que même si, suivant les termes des
articles 18, 34 et suivants du code civil, on se demande à
première vue s'il y a vraiment une société. Il me semble
que la réponse doive être donnée dans l'affirmative, parce
que dans cette société d'acquêts, comme dans toute
société d'ailleurs, 11 n'est pas nécessaire que les
participations soient toutes d'ordre pécuniaire. Toute
société peut comporter des participations de caractère
différent. L'un peut apporter l'argent, l'autre peut apporter des
services en nature. Dans la société conjugale il arrive
très souvent que l'un des conjoints, par son travail, apportera un
apport pécuniaire; l'autre, très souvent la femme, apportera
pendant un certain nombre d'années une participation de nature
différente, mais participation qui lui permet quand mémo d'avoir
ce droit fondamental à un partage éventuel des acquêts.
Quant au mot « acquêts » lui-même, s'il est
contesté...
MME KIRKLAND-CASGRAIN: C'est exactement ce qui a été
discuté lors de la dernière réunion. Nous acceptions le
mot « société », c'était le terme «
acquêts » qui nous paraissait ne pas rendre justice au
régime que nous trouvons excellent. Nous avons pensé à la
population, et nous nous demandions si on ne pouvait pas changer ce terme
« acquêts ».
M. PAUL: Rendre plus facile la compréhension du...
MME KIRKLAND-CASGRAIN: C'est ça. Comme « biens acquis
», ou n'importe quel terme que vous pourriez choisir.
M, CREPEAU: Lorsque nous avons pensé à
un titre, nous avons pensé au partage des gains. Est-ce que
« société des gains » serait un terme
préférable?
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Oui, Je préférerais « des
gains ».
UNE VOIX: « Société des gains ».
M. CREPEAU: Sur cette question, si la commission parlementaire estime
devoir recommander l'adoption du régime, peut-être pourrait-on
trouver un mot autre que le mot « acquêts ». Seulement, vous
savez, dans une certaine mesure vous avez là un mot qui fait partie de
notre tradition juridique, qui fait partie de notre héritage juridique.
Il est vrai que ce n'est pas un mot qui est employé à tous les
coins de rue, mais c'est quand même là quelque chose qui
représente une réalité.
M. PAUL: « Acquêts » serait accollé au
régime matrimonial, tandis qu'avec la « société des
biens », on peut...
MME KIRKLAND-CASGRAIN: II dit « des gains ».
M. PAUL: « Des gains ».
MME KIRKLAND-CASGRAIN: II semble que pour la personne qui va se marier
et qui envisage ce régime-là, « société des
gains » décrit mieux la situation. Je comprends qu'on ne puisse
pas toujours mettre de côté les termes juridiques, mais si on veut
faire comprendre ce bill d'ailleurs, c'est extrêmement difficile
et si on veut vendre l'idée à la population, il me semble
que « société des gains » serait beaucoup plus
avantageux. J'aimerais avoir l'opinion de ceux qui ne sont pas juristes, ici.
Il y en a des deux côtés de la table. Je ne sais pas ce qu'ils
pensent, eux, à ce sujet.
M. THEORET: « Société des gains », je trouve
ça phonétiquement mauvais.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Qu'on trouve un autre terme, si vous voulez.
Peut-être que mol, je n'ai pas l'art de la phonétique.
M. THEORET: J'ai donné mon opinion lors de la dernière
séance et je me rangeais... Pardon, M. le ministre...
M. PAUL: A ce moment-là, on pourrait faire une restriction
mentale et dire: « La société des gains de la femme
».
UNE VOIX: Ah non!
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Là, ça ferait moins important.
M. PAUL: La « société des gains des époux
».
MME KIRKLAND-CASGRAIN: C'est des deux, des époux.
M. CREPEAU: Chacun des époux apporte ses acquêts et doit,
éventuellement, les partager. Depuis un certain nombre de
siècles, la communauté des meubles et acquêts fait partie
de notre vocabulaire juridique. Elle distingue entre les biens qui
étaient là au moment du mariage et ceux qui ont été
acquis par la suite, qu'ils proviennent des économies, du travail
personnel ou des intérêts que peuvent produire des capitaux. Donc,
c'est un mot qui est là. Bien sûr, le mot « acquêts
», pour une personne qui n'a pas eu de formation juridique, peut,
à première vue, sembler étrange. Mais il y en a beaucoup
d'autres mots, dans le vocabulaire juridique, qui ne sont pas, à
première vue, facilement compréhensibles.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Oui.
M. CREPEAU: Pour ce qui est de rendre le régime beaucoup plus
acceptable, je pense que nous pourrions imiter ce que le gouvernement a fait
récemment, en utilisant des petites fiches publicitaires ou de petites
notices publicitaires qui sont imprimées par les soins du gouvernement
et qui sont adressées partout pour faire comprendre.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Vous dites qu'il y a beaucoup de termes qui ne
sont pas accessibles aux gens qui n'ont pas étudié le droit,
mais, au moins, ces termes-là ne sont pas utilisés, à un
moment donné, pour décrire un régime. Là, cela va
être courant. Les gens qui vont penser à se marier vont songer
à leur régime. Ce n'est pas un cas ordinaire. Cela va devenir
quelque chose de quotidien, l'utilisation du mot « acquêts
».
M. COITEUX: Qu'est-ce que ça dirait: société des
acquis?
M. CREPEAU: Des acquis? C'est parce que le mot « acquis »,
si vous me permettez une observation spontanée, est un adjectif...
M. COMTOIS: Ce n'est pas un nom.
M. CREPEAU: ... ou un participe passé, tandis que le mot «
acquêts » est précisément le substantif
désignant des choses qui ont été acquises.
M. COITEUX: Lorsqu'on dit que quelqu'un a fait des gains, ce sont des
acquis.
M. LE PRESIDENT: Je pense que le mot « acquêts »,
disons juridiquement, est plus général que n'importe quel terme
que l'on peut trouver. Un gain...
M. PAUL: Maintenant, peut-être aussi que, dans la vie courante, on
reliera facilement le mot « acquêts », à un
régime matrimonial. Il va devenir populaire. Actuellement, les gens n'en
connaissent pas le sens, et même, peut-être, l'existence, mais, au
fur et à mesure que ce régime survivra, les gens colleront
infailliblement l'expression à un régime matrimonial.
M. CREPEAU: Surtout, M. le ministre,si le régime est
accepté. Vous voyez, il a fallu définir le mot «
acquêts ». La définition se trouve essentiellement à
1266d et cet article est, au fond, très court: « Les
acquêts, essentiellement, sont constitués des produits du travail
d'un conjoint pendant le mariage et des fruits et revenus échus et
perçus pendant le mariage, provenant de tous ces biens. » C'est
une description qui est relativement courte. Lorsqu'un notaire, par exemple,
est appelé à conseiller des futurs conjoints et leur demande quel
régime ils choisissent et lorsque se fait, disons, un genre
d'éducation populaire, il est facile de dire ce que sont les
acquêts. C'est le produit du travail et ce sont les fruits et revenus que
vous percevez pendant le régime. C'est ça l'acquêt.
Mais, je partage les préoccupations de Mme Kirkland-Casgrain. IL
est certain qu'il y a des mots, comme cela, dans notre vocabulaire juridique,
qui étonnent et qui surprennent. S'il n'en tenait qu'à un mot, je
serais tout à fait prêt à changer pour que la
réalité passe.
M. THEORET: J'accepte d'emblée, M. le Président, le mot
« acquêt », et je l'ai dit lors de la dernière
séance en Chambre. Evidemment, c'est un mot qui peut sembler vieillot,
mais il rend bien l'esprit de cette société d'acquêts. Nous
avions la communauté, la séparation. On a aussi parlé de
la publicité que l'on devrait faire non seulement pour le mot «
acquêts », mais aussi à ce projet de loi.
Par exemple, on parle d'états matrimoniaux ou de contrats de
mariage. Le notaire Comtois sait dans quelle position on se trouve lorsque l'on
veut expliquer un contrat de mariage de long en large. On parle pendant des
heures et, à la fin, on s'aperçoit qu'ils n'ont rien compris.
Alors, les meilleurs contrats de mariage que j'ai faits sont ceux que j'ai lus
du commencement à la fin sans explication. Je leur ai dit: Vous signez,
vous, sur la première ligne et vous, sur la deuxième.
M. COMTOIS: A ce moment-là, vous auriez besoin d'un bon avocat
pour donner les explications.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Oui, parce que, plus tard, il peut y avoir des
problèmes.
M. PLAMONDON: C'est peut-être parce que le notaire est
obligé d'utiliser trop de termes juridiques.
M. THEORET: Oui, des grands mots. D'ailleurs, au sujet des états
matrimoniaux, hier, quand je suis parti, j'ai dit à un de mes amis qui
était à mon bureau comme client, que je m'en allais siéger
à une commission sur les régimes matrimoniaux. Il m'a
demandé : Penses-tu que vous allez faire la route 8? Alors, on perd les
gens avec tous ces mots-là. Je pense bien que le mot «
acquêt » surprend, comme tous les mots nouveaux, d'ailleurs. Il y a
trente ans, si vous aviez parlé d'un astronaute ou de l'alunissage, on
vous aurait demandé de quoi il s'agissait, alors qu'aujourd'hui c'est
dans le langage courant. Je crois qu'on doit se familiariser avec ce mot qui
est tellement français et qui est un joli mot, à part cela, selon
moi. Je l'aime, moi.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Bien, cela dépend des goûts. Ne
généralisez pas. J'aime bien le contenu, mais je n'aime pas
tellement ce mot-là. De toute façon...
M. PLAMONDON: Si on met autant d'argent que la NASA en a mis pour faire
connaître les astronautes, il n'y a pas de problème.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Oui, à ce moment-là, je
comprends.
M. PLAMONDON: M. le Président, le député de
Marguerite-Bourgeoys demandait tantôt la réaction des gens qui ne
sont pas familiers avec le domaine juridique. Moi, je dois dire qu'à
première vue les mots « société d'acquêts
»
sont des mots qui frappent et qui sonnent un peu étrangement,
parce qu'ils ne font pas partie du langage courant, du langage de tous les
jours. D'abord, on a parlé de la nécessité de vulgariser
ce projet de loi, de le mettre à la portée de tout le monde. J'ai
l'impression que, par le titre seulement, on ne réussira pas à
vulgariser tellement le projet de loi. La population ne pourra pas s'en faire
une idée juste seulement par le titre. Il va falloir aussi expliquer de
long en large le titre et le reste.
Mais, honnêtement, j'avoue mon incapacité, à
suggérer un ou des mots qui conviennent mieux.
M. COMTOIS: M. le Président, je pense qu'on peut essayer encore
de trouver un autre mot. Je vous l'ai dit tout à l'heure, nous avons
travaillé beaucoup là-dessus. Je vais vous donner un exemple. Un
mot nous a été suggéré; c'est un terme qui est
déjà employé pour décrire le régime
matrimonial en Suisse: « l'union des biens ». D'un autre
côté, l'objection à cela, c'est que cela
réfère à une notion très précise, qui n'est
pas exactement ce que nous avons ici.
D'autre part, cela nous obligerait à modifier plusieurs articles
parce que le mot « biens » est un terme générique,
tandis que le mot « acquêt » a une consonance, un sens
très précis en droit.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Le mot acquêts est plus restrictif.
M. COMTOIS: Je crois que la solution est celle que le ministre de la
Justice proposait sur laquelle, je pense bien, tous seront d'accord
soit d'expliquer le mot et de le faire valoir.
UNE VOIX: C'est cela.
M. COMTOIS: Je vous donne des exemples. Le mot « usufruit »,
pour le garçon ou la jeune fille de 7 ou 8 ans qui entend cela pour la
première fois et même pour l'étudiant en droit je me
rappelle un confrère qui avait noté le « suce-fruit
», au lieu de « l'usufruit » cela ne dit pas
grand-chose. Rien n'empêche qu'aujourd'hui le mot « usufruit
» signifie quelque chose. Pourquoi? Pas parce que le mot en
lui-même est tellement significatif, mais parce que les gens en ont
appris la signification. C'est ce qui s'appelle l'instruction.
Maintenant, quel que soit le mot qu'on emploie, quelle que soit la
formule qu'on utilise pour décrire le nouveau régime que nous
proposons, il ne faudrait pas que cela nous handicape sur le sens même.
Je donne un exemple tout de suite de ce que je veux dire. Tout au long de ce
régime, nous avons voulu, dans la mesure du possible, conserver
l'avantage fiscal de la communauté de biens, selon lequel, au
décès d'un époux, seulement la moitié des biens
font partie de la masse successorale imposable.
Il est vrai que la loi amendée des biens transmis par
décès, en vigueur le 22 octobre 1968, nous enlève cette
supériorité sur le reste du Canada, au point de vue fiscal. Mais
au Québec, la Loi des droits sur les successions comporte un avantage
pour les époux mariés en communauté.
Je pense bien que mon confrère Théoret, qui a beaucoup
d'expérience en droit fiscal et qui a été professeur de
droit fiscal à l'Université d'Ottawa, pourra confirmer mes
paroles. On va prendre un mot comme partage d'acquêts. Tout de suite
ça enlève l'idée de droits actuels des époux sur
les biens. Et l'impôt, le droit fiscal qui veut prélever le plus
possible, va dire: toute la masse des biens laissés par le mari par
exemple ou par la femme est taxable, puisque ce n'est qu'un partage et que, par
conséquent, les époux n'ont pas, durant mariage, un droit
actuel.
On ne peut pas faire le même reproche au mot société
d'acquêts, parce que la société existe dès le
mariage. Alors quels que soient les termes qu'on trouve, si on peut en trouver
de meilleurs pour désigner ce régime, il ne faudrait pas qu'ils
contribuent en quelque sorte à dénaturer la substance du
régime et à nous faire perdre cet avantage fiscal que nous
essayons par tous les moyens possibles de préserver, de conserver.
M. LE PRESIDENT: Alors, est-ce que j'ai l'assentiment des membres du
comité d'accepter le terme comme il est?
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Ah! je me rallie à la majorité.
M. LE PRESIDENT: Alors adopté.
M. THEORET: M. le Président, le ministre de la Justice me faisait
une remarque tantôt. Il ne l'a pas faite tout haut à cause de sa
timidité, au sujet de ce terme: bail emphythéotique. S'il y a un
grand mot, c'est bien celui-là. C'est encore bien pire que l'usufruit et
Dieu sait que lorsque l'on a parlé du parc Forillon, pour raviver une
plaie qui n'est pas encore cicatrisée, on a parlé d'un bail
emphythéotique. Dans le public, moi, j'avais l'impression que les gens
savaient qu'il s'agissait d'un bail à long terme, sans connaître
les modalités. Je demande à ces messieurs ici, s'ils ont vu
ça; on en a parlé sou-
vent, du ball emphythéotlque, 99 ans, 60 ans. C'est dans le
public; on n'a pas fait tellement de publicité avec ce mot-là et
il me semble que c'est admis.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Ils savaient que c'était une bien belle
affaire à cause du débat qui a eu lieu. Mais de là
à dire qu'ils comprenaient ce que c'était, je ne suis pas
sûre, moi, qu'ils ont tous compris.
ME COITEUX: Ils savaient que c'était un mot pour faire une
chicane.
M. PLAMONDON: J'ajouterais, peut-être, M. le
Président,...
M. HOUDE: Cela ne les dérangeait pas, ce qu'ils voulaient
c'était le parc.
M. PAUL: Voici, M. le Président, un terme qui me ferait bien
plaisir c'est l'union des biens, comme vient de le mentionner, M. Comtois. Mais
ce serait peut-être injuste à l'endroit de nos amis d'en face,
parce que ce terme-là ferait tout de suite penser à l'Union
Nationale, puis ce serait une concurrence déloyable.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Ah, ça n'est pas dangereux!
M. HOUDE: Dans une couple d'années ça pourrait être
historique.
M. LE PRESIDENT: Alors, messieurs, adopté. Nous passons
maintenant à l'article 4, article 205...
M. PAUL: M. le Président, jusqu'à 9, Je crois. Cela avait
été adopté jusqu'à 9.
M. THEORET: Jusqu'à 9. Il n'y avait pas eu de...
M. PAUL: On a arrêté.
M. THEORET: Cela n'avait-il pas provoqué certains débats
de la part du ministre de l'Education...
M. PAUL: Mme Casgraln avait demandé ce travail que nous avons
devant nous ce matin, pour une référence rapide...
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Oui.
M. PAUL: ... et une meilleure compréhension des amendements
proposés.
M. THEORET: Je crois bien qu'au paragraphe a) il n'y a pas tellement
de...
MME KIRKLAND-CASGRAIN: C'est de la concordance tout simplement.
M. THEORET: C'est de la concordance. On a ajouté après la
communauté de biens, « ou la société d'acquêts
», qui est du pareil au même, pour pouvoir se porter
héritière. Paragraphe b)...
M. PAUL: Neuvième ligne.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Je pense que le professeur Crépeau a
peut-être une remarque à faire.
M. CREPEAU: M. le Président, je me permets tout simplement de
vous rappeler que c'est une disposition qui se trouve au titre: « Droit
successoral ».
Le comité du droit des personnes et de la famille, qui est
présidé par M. le juge Mayrand, reprendra, lorsqu'il arrivera au
moment de la réforme du droit successoral, cette question de l'article
624c sur le plan de la politique législative. Doit-on obliger
renonciation du conjoint avant de pouvoir succéder? Mais, étant
donné qu'il s'agissait d'un problème qui ne faisait pas partie
spécifiquement du mandat du comité des régimes
matrimoniaux, nous avons voulu tout simplement faire une concordance pour
l'instant, quitte ensuite, lorsque vous recevrez le rapport sur le droit
successoral, à voir dans quelle mesure, sur le plan de la politique
législative, cette disposition ne devrait pas être
modifiée. Mais pour l'instant, nous faisons simplement une concordance
parce que nous voulions présenter le rapport tout de suite.
M. LE PRESIDENT: Article 9, adopté. MME KIRKLAND-CASGRAIN:
Adopté. M. LE PRESIDENT: Article 10.
M. PAUL: Ah oui! Il parle de la concordance.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Encore la concordance.
M. PAUL: Adopté.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Adopté.
M. LE PRESIDENT: Article 11.
M. COMTOIS: M. le Président, peut-être pourrais-Je dire un
mot là-dessus. Pour employer une expression qui a semblé plaire 3
Mme Kirkland-Casgrain, je dirais que nous avons voulu ici, dans l'article 192,
consolider le bill 5. Selon l'ancienne version, « une femme commune en
biens » qui était appelée à succéder,
à hériter de biens qui allaient lui être propres, ne
pouvait pas accepter sans le consentement du mari. Nous avons trouvé
cela illogique et nous demandons le consentement du mari quand il s'agit de la
communauté...
MME KIRKLAND-CASGRAIN: C'est cela.
M. COMTOIS: ... nous demandons le consentement et le concours du mari
seulement quand il s'agit de biens qui intéressent les deux. C
'est-à-dire de biens qui vont retomber dans la communauté. C'est
le but de l'amendement proposé. Mais pour les biens qui sont l'affaire
exclusive de la femme, autant le mari a le droit d'accepter une succession qui
lui est échue en propre sans avoir le concours, la permission de sa
femme, autant la femme doit avoir pareil privilège.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Absolument.
M. THEORET: Cela découle de l'article 177, du principe...
M. COMTOIS: C'est une application du grand principe de
capacité.
M. LE PRESIDENT: Adopté?
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Adopté.
M. PAUL: Adopté.
M. LE PRESIDENT: Article 12.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: C'est encore, j'imagine, de la concordance?
M. THEORET: L'article 12 est encore une conséquence du même
principe. La femme mariée commune en biens doit avoir... C'est ce
paragraphe-là qui est supprimé? Le quatrième? Il fallait
le consentement de son mari tant pour faire que pour accepter une donation
entre vifs. On l'enlève.
M. COMTOIS: C'est la même chose, et ici j'ajouterai que jusqu'au
bill 16, quand une femme était donataire on ne trouvait pas cela normal.
On croyait qu'il y avait quelque chose de louche là-dedans. Une femme ne
pouvait accepter une donation sans le consentement de son mari.
Dorénavant, elle pourra le faire quelle que soit l'origine de la
donation. C'est encore là une consécration du principe de
capacité.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Alors que lui, le mari, le pouvait?
M. COMTOIS: Oui, lui avait le droit de recevoir des cadeaux...
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Et la femme, on la privait...
M. COMTOIS: De n'importe qui, mais pas de la femme. Alors, les deux
peuvent bénéficier d'avantages.
M. LE PRESIDENT: Pour n'importe quoi.
M. PAUL: Adopté.
M. LE PRESIDENT: Adopté.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Adopté.
M. LE PRESIDENT: Article 13. Adopté.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Oui.
M. LE PRESIDENT: Article 14.
M. COMTOIS: C'est la même chose.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Oui, c'est la même chose.
M. LE PRESIDENT: Article 15. M. PAUL: Adopté.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Adopté. M. LE PRESIDENT: Article 16. M.
PAUL: Le quatrième alinéa.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Le quatrième alinéa, oui, c'est
cela.
M. THEORET: Les femmes non mariées ou veuves.
M. PAUL: Les femmes non mariées ou veuves, cela veut dire
chargées de l'exécution de...
M. CREPEAU: C'est un texte qui n'avait pas
sa place. De toute façon, la femme non mariée ou la veuve
avaient la capacité...
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Elles l'avaient, oui, justement.
M. THEORET: Cela ne voulait rien dire. M. CREPEAU: Cela ne voulait rien
dire.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: II n'est pas nécessaire de le dire.
M. THEORET: C'était de trop.
M. LE PRESIDENT: Adopté. Article 17.
M. PAUL: Adopté.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Adopté.
M. LE PRESIDENT: Article 18.
M. COMTOIS: Si vous me permettez, cela consacre encore la
capacité, mais reconnaît que la femme doit voir à ses
propres affaires. Si des donations lui sont faites par contrat de mariage,
c'est à elle de voir à ce que le contrat soit enregistré.
Elle ne pourrait pas, comme autrefois, tenir le mari responsable du
défaut d'enregistrement. Parce que à « capacité
» correspond « responsabilité ».
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Tout à fait d'accord.
M. PAUL: Adopté.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Adopté.
M. LE PRESIDENT: Article 19.
M. COMTOIS: Même chose.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Adopté.
M. LE PRESIDENT: Article 20.
M. THEORET: Je m'excuse, M. le Président, il y aurait
peut-être, à certains endroits où il y aurait le même
mot, par exemple... Je reviens, je m'excuse... J'essayais de savoir pourquoi on
dit « dans la troisième ligne ». Je me suis demandé
si en mettant le texte à côté de l'article, on avait
serré cela. La troisième ligne devient la cinquième. C'est
un problème de mathématique.
Je vois, dans le code que nous avons devant nous, que c'est à la
sixième ligne. De quel code vous êtes-vous inspirés pour
compter les lignes? Par exemple, à l'article 18, on dit: « Dans la
troisième ligne du troisième alinéa ». Et le code
que j'ai ici, de Lise Saint-Onge-Potvin, édition 1968, n'aurait pas le
même nombre de lignes.
M. LE PRESIDENT: Me Théoret, on m'informe que les légistes
se sont servis du code officiel de l'Assemblée.
M. THEORET: Le code officiel, qui n'a pas la traduction à
côté, comme cela, mais où les lignes sont plus longues.
M. BEAUDOIN: Les statuts étaient unilin-gues à
l'époque. Les lignes sont beaucoup plus longues. C'est pour cela
qu'elles ne sont pas les mêmes.
M. COMTOIS: C'était écrit à la main!
M. CREPEAU: Sur cette question, M. le Président...
M. THEORET: C'est une question de mathématique, de
système, enfin...
MME KIRKLAND-CASGRAIN: C'est une question qui s'impose.
M. THEORET: Eh bien, c'est parce que nous pourrions, par exemple, avoir
les mots « femme mariée » 1 la sixième ligne et
« femme mariée » à la quatrième ligne.
Laquelle sera la femme mariée dont on veut parler? C'est cela que je
demandais, l'origine du comptage des lignes.
M. BEAUDOIN: C'est le texte officiel.
M. THEORET: C'est essentiellement une préoccupation de notaire.
Vous voyez comme nous sommes minutieux. Nous comptons les lignes, les mots
rayés.
UNE VOIX: Oui, mais vous ne changez pas les lignes.
M. THEORET: Chez nous, nous ne disons pas des mots « barrés
», mais nous disons des mots « rayés », M. le
Président.
M. LE PRESIDENT: Attention aux minutes! Vos honoraires sont basés
sur les minutes!
M. PAUL: M. le Président, je crois que les membres de la
commission ne touchent pas d'honoraires additionnels quand ils sont notaires,
parce que cela deviendrait des minutes dispendieuses en plus d'être
coûteuses.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Ah oui! Ah oui!
M. THEORET: C'est peut-être aussi bien ainsi!
M. LE PRESIDENT: Me Crépeau.
M. CREPEAU: Je veux tout simplement signaler je pense que ce
n'est pas au coeur du problème que c'est une des
difficultés que nous éprouvons à la revision du code du
fait qu'il n'y a pas eu, à ma connaissance, de version officielle du
code civil portant l'imprimatur du gouvernement depuis le rôle de
1866.
Lorsqu'un article n'a pas été modifié depuis 1866,
alors, on a le texte officiel, d'après le rôle. Seulement, la
modification de 1888, je crois, n'a pas donné de version officielle.
UNE VOIX: Vous avez tout le code... Sans les statuts refondus de 1888,
je crois que tout le code est reproduit. Conséquemment, c'est pour nous
la version officielle. Quand on amende le Code civil, on amande toujours le
texte de 1888.
M. CREPEAU: De 1888. Avec l'article du Code ou la nomenclature des
sessions?
UNE VOIX: ... C'est ça. Avec le numéro des statuts de
l'époque... C'est quelques 2,500 articles. Et là, c'est assez
compliqué. C'est la seule façon que nous puissions
procéder pour le faire.
M. LE PRESIDENT: Alors, article 20, adopté? Et article 21?
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Adopté.
M. THEORET: Un instant...
M. LE PRESIDENT: Adopté, Article 22?
MME KIRKLAND-CASGRAIN: C'est encore de la concordance, j'imagine.
M. LE PRESIDENT: Adopté. Article 23?
MME KIRKLAND-CASGRAIN: II n'y a pas d'objection. Il fallait que ce soit
là. Adopté.
M. THEORET: Article 23, attendez un peu, adopté. Il y a trois
paragraphes. On adopte, puis on ne sait pas quoi.
M. CREPEAU: C'est le coeur...
M. THEORET: Il faudrait prendre le temps de le lire. C'est parce que je
m'attendais de siéger à deux heures cet après-midi, et on
a bousculé mon horaire.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Bien moi, je l'ai lu avant. Là, on dit que
nous adoptons le régime de société d'acquêts comme
régime légal, tout simplement.
M. CREPEAU: C'est ça.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Cela s'impose après l'étude que
nous faisons. Au lieu que ce soit comme à l'heure actuelle le
régime légal et la communauté.
M. PAUL: C'est là qu'est le grand pas...
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Oui. Au lieu que ce soit la communauté
comme à l'heure actuelle, quand nous adopterons ce bill-là, ce
sera la société d'acquêts...
M. CREPEAU: C'est ça. La décision qui est prise en ce
moment...
M. PAUL: Cela bouleverse toute l'économie du régime
matrimonial...
UNE VOIX: C'est l'article le plus important...
M. THEORET: A l'article 262, M. Comtois, qu'est-ce qu'il y a de neuf
là-dedans?
M. COMTOIS: A l'article 262... M. THEORET: ... on a édicté
un...
M. COMTOIS: On dit clairement, maintenant...
M. THEORET: Quels sont les changements?
M. COMTOIS: On dit en toutes lettres maintenant que la nullité du
contrat de mariage du mineur est une nullité relative. Aujourd'hui,
quand un mineur, sans être autorisé soit par ses parents ou soit
par son tuteur, signe un contrat de mariage... est-ce que cela peut être
ratifié ou non quand il atteint sa majorité? C'est un gros
problème où il entre de la jurisprudence dans les deux
sens, de la doctrine dans les deux sens, avec le résultat pratique que
l'on ne peut jamais être sûr.
Avec cet article-là, un mineur aurait dû être
autorisé par son père. Il ne l'a pas été. Il a
signé un contrat de mariage contenant une donation. Les gens se sont
mariés, il n'y a pas eu de plaintes ni d'un côté, ni de
l'autre. Les époux ont accepté cette situation-là pendant
un an. Le contrat qui était nul, se trouve ratifié et ils sont
séparés de biens si le contrat le dit comme cela. Et les
donations contenues au contrat seront validées, ratifiées,
confirmées. Alors, on se trouve à reconnaître maintenant
que ce n'est pas une nullité absolue. C'est une mauvaise affaire que ce
soit une nullité absolue. Mais les tribunaux et la doctrine
n'étaient pas fixés là-dessus. Aujourd'hui...
M. PAUL: C'est une nullité suspensive?
M. COMTOIS: C'est une nullité suspendue. Comme toute
nullité relative, elle peut être rectifiée. Et c'est le
seul écoulement du temps...
M. PAUL: C'est cela.
M. COMTOIS: ... qui comporte ratification.
M. PAUL: L'échéance du terme ratifie ou valide le
contrat.
M. COMTOIS: Un an, c'est fini après. Il n'y a pas de retour sur
la valeur du contrat.
Il est valide après un an.
M. PLAMONDON: Où cela est-il mentionné?
M. COMTOIS: Lanullité des conventions passées en violation
des prescriptions au présent article ne peut être invoquée
que par les mineurs et les personnes dont le consentement était
nécessaire, c'est-à-dire le père ou le tuteur, et elle ne
peut plus l'être et on ne peut plus l'attaquer lorsqu'il s'est
écoulé une année depuis la majorité.
M. THEORET: En fait les parties elles-mêmes ne pourront pas
tellement se prévaloir de cet article-là parce que c'est, quand
même, assez compliqué. C'est pour les gens qui établiront
qu'une fois l'année écoulée après la
majorité, c'est un cas réglé.
M. COMTOIS: C'est final, c'est fixé.
M. CREPEAU: Je me permets de rappeler que cet alinéa de l'article
1262 est simplement un exemple d'une politique plus générale que
nous tentons d'adopter à l'Office de révision du code civil, soit
celle de régler les problèmes de nullité pour que les
praticiens n'aient pas à se demander...
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Sur la jurisprudence.
M. CREPEAU: ... si c'est relatif ou absolu avec toutes les
difficultés que l'incertitude peut causer. Chaque fois que la question
s'est posée dans chacun des comités, j'ai demandé que les
problèmes de nullité soient réglés pour qu'on sache
clairement si c'est une nullité relative ou absolue. Il y a
également le problème de la prescription qui est
inséré là. Je me permets de souligner que vous recevrez
très bientôt un rapport plus général sur l'ensemble
des problèmes de la prescription.
Autre observation à faire, c'est qu'il est fort possible que cet
article, nécessaire maintenant, devienne moins nécessaire un peu
plus tard, car je crois que le comité des droits des personnes et de la
famille suggérera au gouvernement de modifier l'âge de
capacité pour contracter mariage. Il s'agira de le réduire.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Pour réduire l'âge, dites-vous?
M. CREPEAU: Pour réduire l'âge de majorité.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Ah bon.
M. PAUL; La majorité à 18, 19 ou 20 ans.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Oui.
M. LE PRESIDENT (M. Bergeron): C'est la même chose pour l'article
20.
M. CREPEAU: Pour l'article 20.
M. LE PRESIDENT: Nous adoptons l'article 23?
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Adopté.
M. CREPEAU: II y a beaucoup plus de dispositions.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: A l'article 23?
M. LE PRESIDENT: Nous tombons à l'article 24.
M. THEORET: Je comprends, mais j'aimerais quand même avoir
quelques explications de la part de ces savants juristes sur l'article 1263,
article de droit nouveau. Qu'est-ce que vous apportez? Quelle est l'idée
qui a présidé à la rédaction de cet article, Me
Crépeau ou Me Comtois?
M. COMTOIS: On devra peut-être limiter les débats
lâ-dessus. Actuellement et c'est ce que nous avons voulu fixer,
préciser on distingue, dans les actes juridiques, les actes
matrimoniaux, par exemple, les contrats de vente, des actes non matrimoniaux,
comme le fait de contracter mariage. Or, au code civil, on détermine
assez bien la capacité d'un prodigue et d'un faible d'esprit quand il
s'agit d'actes monétaires, matrimoniaux. Il n'y a rien au code civil qui
empêche, l'interdit de se marier. On lui interdit de faire un contrat de
mariage, mais on ne lui interdit pas de se marier, du moins explicitement.
C'est la même chose pour le prodigue et pour le faible d'esprit, celui
qui est assisté d'un conseil judiciaire ou d'un curateur. On a voulu
qu'il soit bien dit que le contrat de mariage du prodigue et du faible d'esprit
doit se faire avec l'assistance du curateur ou du conseil judiciaire. On estime
que c'est un acte important. De même que pour les mineurs, comme le fait
remarquer mon collègue.
M. PAUL: Si mon état de prodigue ou de faible d'esprit ne change
pas une année après le mariage, tout est ratifié.
M. COMTOIS: Evidemment, on continue ici: « Les conventions
passées en violation du présent article ne peuvent être
attaquées que par le prodigue, le faible d'esprit, le curateur ou le
conseil judiciaire, selon le cas, et ce dans l'année de la
célébration du mariage. »
M. PAUL: Même si l'état n'est pas changé? M.
COMTOIS: Oui.
M. PAUL: II aura eu le temps voulu pour que le curateur prenne
position.
M. COMTOIS: Oui et peut-être...
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Croyez-vous qu'une année est suffisante,
par exemple?
M. COMTOIS: Bien, il faut être fixé là-dessus,
autrement, tous les tiers vont dire mais est-ce qu'il est bon ou est-ce qu'il
n'est pas bon ce contrat de mariage?
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Moi, je pense au curateur qui serait dans une
région éloignée cela arrive très souvent
et qui ne l'apprendrait pas tout de suite, qui l'apprendrait
après un an et demi ou après quatorze mois.
M. COMTOIS: Un curateur qui apprend les nouvelles un an et demi
après...
MME KIRKLAND-CASGRAIN: II ne s'occupe pas beaucoup de son affaire,
d'accord.
M. COMTOIS: II faut qu'il soit assez près, tout de même.
D'ailleurs, on insiste lâ-dessus, qu'un curateur, pour être
compétent, doit être sur place. On ne nomme pas, comme curateur,
une personne qui demeure au loin.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: La question est mal posée ou l'exemple est
mal choisi, mais il me semble que cela pourrait arriver... Un an, je ne trouve
pas cela long. Est-ce que ce genre de loi existe ailleurs et est-ce que c'est
la période de temps qui est accordée?
M. COMTOIS: Oui, en France, c'est à peu près cela, si ma
mémoire est bonne.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Une année seulement?
M. COMTOIS: Je crois que oui.
M. CREPEAU: Je me permets de signaler, M. le Président, que sur
cette question des délais de prescription, justement hier soir, le
comité du droit de la prescription terminait ses travaux. Et la
politique que nous allons suggérer sera de réduire
considérablement les délais de prescription, de faire en sorte
qu'un délai trentenaire ou décennal... dans certains cas, cinq
ans même, c'est trop long, que les parties voient, dans une large mesure,
à la protection de leurs intérêts.
M. PAUL: Est-ce qu'il n'y a pas une tendance à établir des
prescriptions uniformes si possible, dans tous les domaines?
M. CREPEAU: Cela a été une des préoccupations, M.
le Ministre, de tenter d'uniformiser et nous l'avons fait, par exemple, en
matière extracontractuelle. Nous voudrions suggérer au
gouvernement d'éliminer tous ces délais de prescription,
d'actions en dommages contre les municipalités, par exemple, dont les
délais de presription se retrouvent enfouis, ici et là, dans les
statuts des municipalités.
M. PAUL: L'article 622 de la Loi des cités et villes.
M. CREPEAU: Alors, nous voudrions uniformiser, à travers la
province, pour qu'il y ait un délai en matière d'actions en
dommages, en matière extracontractuelle. Mais nous n'avons pas pu, en
tous cas, nous n'avons pas cru devoir le faire pour toutes les actions en
dommages, reconnaissant que, lorsqu'il y a des dommages contractuels, il
paraissait nécessaire d'avoir un délai un peu plus long. Mais
l'idée générale est de réduire les délais de
prescription et de les uniformiser, comme vous le suggérez.
M. COITEUX: Quelle est l'interprétation du légiste
lorsqu'il dit: « dans l'année de la célébration du
mariage. »? Est-ce que l'on ne pourrait pas l'interpréter de cette
façon-ci: Le mariage se célèbre en novembre et à la
fin de l'année, c'est fini? De la façon dont c'est dit ici, on
peut l'interpréter dans les deux sens. « Dans l'année
suivant la célébration du mariage », Je crois que ce serait
plus descriptif et ne prêterait à aucune mauvaise
interprétation « comme dans l'année de la
célébration du mariage. »
M. COMTOIS: Un juge pourrait certainement se le demander comme vous le
faites et dire: C'est fini, le 31 décembre, même si le mariage a
eu lieu le 10 décembre. Je pense qu'il y a quelque chose.
M. CREPEAU: Je me permettrais simplement de signaler la
possibilité je ne peux pas le vérifier
immédiatement que, soit dans cet article, je ne me rappelle pas,
ou dans le chapitre premier des statuts refondus du Québec il me
semble avoir vu que le mot année signifie douze mois. Alors, dans
l'année, ce serait les douze mois qui suivent la
célébration du mariage.
M. PAUL: Dans le cas des dommages, blessures corporelles, 1056, dans
l'année de l'accident, l'interprétation... Computation de 365
jours.
M. COMTOIS: Une autre objection, si vous voulez, « dans
l'année suivant », on pourrait peut-être dire le mariage a
été célébré, par exemple, le 20
novembre...
M. PAUL: C'est ça.
M. COMTOIS: ... et « l'année suivant » pour- rait
signifier jusqu'au 31 décembre de l'année suivante.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Ah oui!
M. CREPEAU: Je pense qu'on pourrait dire « dans les douze mois.
»
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Espérons que les Juges qui auront à
prendre des décisions connaîtront le temps.
M. COMTOIS: Cela, il faudra le vérifier.
M. PAUL: Alors, on pourrait peut-être laisser cet article en
suspens.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Le texte anglais est parfait.
M. PAUL: Oui, oui, le texte anglais est parfait.
M. THEORET: Je vérifierai, messieurs, et, si c'est une expression
consacrée, nous l'admettrons comme telle.
M. PAUL: C'est consacré dans la pratique.
M. LE PRESIDENT (Bergeron): Alors, l'article 23 adopté?
M. PAUL: II est suspendu, M. le Président. Pour le profane il
peut y avoir un doute et peut-être aussi pour certains juristes.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: N'y aurait-il pas possibilité de l'adopter
à l'exception du paragraphe 1263 seulement? Si de nouveaux membres
arrivent à la commission, il y a des substitutions on
recommencera toute la discussion.
M. PAUL: Oui. Il y aurait seulement le dernier alinéa de 12...
C'est-à-dire l'article 12-23 pour les subdivisions 1260-61-62 c'est
adopté.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Cela est adopté. C'est cela.
M. PAUL: Alors, il resterait 1263 en suspens.
M. LE PRESIDENT: Article 24?
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Article 24.
M. LE PRESIDENT: Alors nous allons commencer par l'article 1264 3.
24.
M. CREPE AU: Le cas de la sanction.
M. PAUL: Je ne sais pas, M. le Président, mais nous pourrions
peut-être employer le même terme qu'à l'article 1056, soit
« à compter de la célébration du mariage » au
lieu de dire « et ce dans l'année de la célébration
du mariage ». Selon le cas...
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Oui.
M. PAUL: A l'article 1056 nous avons l'exemple suivant.
M. CREPEAU: Pendant l'année.
M. PAUL: « Dans tous les cas ou la partie contre qui le
délit ou quasi-délit a été commis
décède, en conséquence, sans avoir obtenu indemnité
ou satisfaction, son conjoint et ses ascendants ont, pendant l'année
seulement à compter du décès, droit de poursuivre...
» Alors, on pourrait dire: «pendant l'année, à
compter de la célébration du mariage ».
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Oui, cela... M. PAUL: Je pense que cela
éclaircirait.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: ...paraîtrait acceptable, et on pourrait
l'adopter.
M. PLAMONDON: M. le Président, je m'excuse, c'est très
bien, mais pourquoi n'uniformisons-nous pas les textes qui se retrouvent aux
articles 1262 et 1263 lorsqu'on dit, S la fin de 1262: « et elle ne peut
plus l'être lorsqu'il s'est écoulé une année depuis
la majorité »? Pourquoi ne dirait-on pas « et elle ne peut
plus l'être lorsqu'il s'est écoulé une année depuis
la célébration du mariage »?
M. PAUL: Oui, encore.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Oui.
M. PAUL: Alors, nous n'aurions pas besoin de suspendre l'étude de
l'article si on disait...
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Non, on pourrait l'adopter.
M. PAUL: ... « et ce depuis l'année... » MME
KIRKLAND-CASGRAIN: Oui.
UNE VOIX: C'est cela.
M. CREPEAU: Si c'est votre désir, nous pouvons examiner pour voir
s'il n'y a pas d'autres phrases, dans le projet, qui pourraient être
l'objet, comme cela, d'une uniformisation.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Oui.
M. PAUL: Alors, nous allons le suspendre.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Tout?
M. PAUL: M. le Président, à cause de ce contretemps ce
matin, ou de cet horaire bousculé pour beaucoup de membres, pour ne pas
dire, peut-être, la totalité des membres de la commission des deux
partis...
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Oui.
M. PAUL: ... nous pourrions peut-être ajourner nos
délibérations, si c'était le désir de madame et de
messieurs les membres de la commission, jusqu'à jeudi de la semaine
prochaine, à dix heures, pour éviter toute confusion. Nos experts
pourront-ils nous honorer de leur présence et nous supporter encore la
semaine prochaine? Si votre emploi du temps le permet.
M. COMTOIS: Nous sommes honorés.
M. PAUL: M. Crépeau, cela vous est-il possible?
M. CREPEAU: Le ministère de la Justice m'a demandé de
recevoir des jeunes magistrats français, mais je pense que cela peut
être délégué à une personne qui pourra le
faire.
M. THEORET: M. le Président, J'ai un commentaire à faire,
mais pas sur le règlement. A plusieurs reprises, j'ai demandé des
explications et des éclaircissements sur certains articles, et je dirai
le fond de ma pensée. C'est que lorsque nous discuterons de ce projet de
loi à l'Assemblée nationale, il y a toujours la crainte que des
je n'emploierai pas l'expression « non-instruits » parce que
cela a déjà eu un effet malheureux des gens, qui ne sont
pas de la commission et qui ne participent à aucune discussion, arrivent
là avec des arguments nouveaux auxquels nous pourrions difficilement
répondre, n'étant pas, nous non plus, des
spécialistes.
Alors, nous serons appuyés. H s'agit d'un travail des plus
sérieux. On dérange des gens qui sont très
compétents; alors on voudrait
consigner aux débats les éclaircissements et les
explications qu'ils nous apportent. Ce n'est pas tellement pour la commission,
parce que nous les avons acceptés, mais il y a toujours le danger qu'on
revienne sur ces articles-là à l'Assemblée nationale et
qu'on soit pris un peu par surprise.
M. PAUL: Alors, cela serait mieux pour soutenir le bill, et pour fournir
les explications nécessaires devant un argument nouveau qui pourrait
être soulevé à un moment donné.
M. THEORET: Alors, on aurait une abondante jurisprudence.
M. CREPEAU: M. le Président, tout ce que je voudrais ajouter,
c'est que l'Office de révision du code civil est prêt à
assurer toute sa collaboration Jusqu'au...
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Jusqu'à l'adoption.
M. CREPEAU: ... à l'adoption finale du bill, si la chose est
jugée nécessaire.
M. LE PRESIDENT: Très bien.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: J'aimerais poser une question au ministre de la
Justice. A certains articles des amendements nous ont été
suggérés par le groupe des compagnies d'assurance-vie. Je me
demande si on va nous apporter des papillons qui seront conformes à
ceci, en prévision de l'étude prochaine que nous allons faire de
1266. La réponse est oui?
M. BEAUDO1N: Oui.
M. PAUL: Est-ce qu'il y aurait possibilité de soumettre les
papillons à l'attention de nos conseillers?
M. BEAUDOIN: Ils sont déjà d'accord, je crois, sur les
amendements proposés par les compagnies d'assurance-vie.
M. COMTOIS: Nous les avons préparés ensemble.
M. CREPEAU: Ainsi que vous nous l'aviez ordonné, M. le
Président, nous nous sommes réunis et nous avons discuté
des politiques à adopter. Nous avons convenu de textes que nous vous
avons fait parvenir dans le courant de l'été.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Dans ce cas, est-ce que je pourrais poser une
question additionnelle?
M. PAUL: On est arrêté.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Est-ce qu'il y a eu des changements dans le texte
original qui nous a été présenté lors de l'audition
publique par le groupe représentant les compagnies d'assurance?
M. CREPEAU: Oui, madame.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Est-ce que ce sont des changements
considérables dans certains cas ou non?
M. CREPEAU: Assez considérables pour faire en sorte que le texte,
si c'est celui là que vous avez en main, madame...
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Oui, c'est celui-là.
M. CREPEAU: ... n'est plus utilisable.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Je n'ai pas vu l'autre, et je me demande si ce
serait anticiper que d'en demander une copie. Je vais vous dire pourquoi, M. le
Président. Je m'adresse justement aux groupes d'assurance-vie qui seront
en congrès à Québec samedi prochain.
M. PAUL: Peut-être, M. le Président, que M. Beaudoin
pourrait nous faire parvenir, sipos-sible dès cet après-midi,
copie de ces amende-ments-là.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Merci beaucoup.
M. PAUL: A votre domicile...
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Je l'apprécierais.
M. PAUL: ... ou au bureau?
MME KIRKLAND-CASGRAIN: A mon bureau du parlement s'il vous
plaît.
M. PAUL: Bon, alors, au bureau de tous les collègues de la
commission.
M. LE PRESIDENT: Alors, ajourné à jeudi prochain à
dix heures.
(Fin de la séance: 11 h 45)