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(Onze heures cinquante-cinq minutes)
Le Président (M. Champagne): La commission élue
permanente des affaires intergouvernementales se réunit pour faire
l'étude des crédits budgétaires de 1983-1984 de ce
ministère.
Les membres de cette commission sont M. Blais (Terrebonne), M.
Charbonneau (Verchères), M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes), M. Doyon
(Louis-Hébert); Mme Harel (Maisonneuve) remplacée par M. Brassard
(Lac-Saint-Jean); M. Kehoe (Chapleau), M. Léger (Lafontaine), M. Marx
(D'Arcy McGee), M. Morin (Sauvé); M. Payne (Vachon) remplacé par
M. Beaumier (Nicolet); M. Rivest (Jean-Talon).
Les intervenants sont: M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Blouin
(Rousseau), M. Dauphin (Marquette), M. Fallu (Groulx), M. Gravel (Limoilou), M.
Levesque (Bonaventure), M. Lincoln (Nelligan), M. Ryan (Argenteuil).
Il faudrait, à ce moment-ci, proposer un rapporteur, s'il vous
plaît.
M. Morin: M. le Président, me permettez-vous de proposer
que le député de Deux-Montagnes, adjoint parlementaire, agisse
comme rapporteur?
M. Rivest: M. le Président, j'espère qu'être
rapporteur n'empêchera pas le député d'intervenir. Je
trouve que le député de Deux-Montagnes apporte toujours une
contribution extrêmement positive. Je ne connais pas votre
règlement, mais...
Le Président (M. Champagne): Vous connaissez le
règlement. Alors, c'est sûr qu'on n'enlèvera pas le droit
de parole au brillant député de Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: Je me réjouis, M. le Président,
de l'appui du député de Jean-Talon.
M. Rivest: Ce que je regrette, c'est que le ministre n'a pas eu
beaucoup de choix, n'est-ce pas?
Le Président (M. Champagne): Nous avons à peu
près neuf heures à notre disposition pour faire l'étude
des crédits. Est-ce que vous avez quelque chose à proposer, M. le
ministre, à ce sujet?
M. Morin: M. le Président, j'aurais quelques propos
à tenir, un exposé de portée générale sur
les crédits de mon ministère, sur ses activités au cours
de l'année écoulée, ainsi qu'un aperçu des
activités au cours de l'année qui vient. Si vous me le permettez,
je ferai, d'abord, cet exposé; après quoi, j'imagine que les
députés de l'Opposition voudront, à leur tour, faire des
observations de portée générale. Je ne sais pas si c'est
dans leur intention, mais cela m'intéresserait fortement, bien
sûr, de les entendre.
Le Président (M. Champagne): M. le ministre.
M. Rivest: Si vous me le permettez... Le Président (M.
Champagne): Oui.
M. Rivest: ...nous avons neuf heures, n'est-ce pas?
Le Président (M. Champagne): Oui.
M. Rivest: Bon, il est midi. Nous devons terminer à 13
heures, j'imagine. Ensuite, nous irons de 13 heures à 18 heures, donc 4
heures. Et, ce soir, de 20 heures à minuit. Mon intention, M. le
ministre, et l'intention de mon collègue, c'est d'essayer de faire en
sorte, de part et d'autre, que nous puissions disposer de l'étude des
crédits aujourd'hui, sans qu'il soit besoin de prolonger indûment.
Alors, on doit, je pense, M. le Président, avoir la visite du ministre
responsable de l'Office franco-québécois?
Le Président (M. Champagne): Oui, de l'Office
franco-québécois de la jeunesse.
M. Rivest: Alors, peut-être qu'en fin d'après-midi,
on pourrait lui réserver une demi-heure. Je signale également
à l'attention du ministre que mon collègue, le
député de Chapleau, voudrait peut-être aussi, probablement
vers la même période, attirer l'attention du ministre sur un
certain nombre de questions concernant la région de la capitale
nationale.
M. Kehoe: La région de l'Outaouais. M. Rivest: De
l'Outaouais.
M. Morin: Fort bien, M. le Président. J'ose espérer
que nous pourrons disposer de l'étude des crédits de mon
ministère en
quelques heures. Je ne sais pas si on y arrivera aussi
complètement que nous le souhaitons, mais on peut toujours essayer. En
ce qui concerne mon collègue, M. Chevrette, qui est responsable par
délégation de l'Office franco-québécois pour la
jeunesse, il se proposait de venir à 17 heures prendre son siège
en commission pour répondre aux questions de l'Opposition et,
éventuellement aussi, j'imagine, pour expliquer quelles ont
été les activités de l'OFQJ au cours de l'année
écoulée.
M. Rivest: Selon la tradition, lors de l'étude des
crédits en ce qui concerne l'Office franco-québécois, je
pense bien qu'une demi-heure ou trente minutes, ce ne serait pas rendre justice
à l'importance du programme. Je n'ai pas d'objection, au contraire,
à ce que le ministre vienne nous donner un aperçu des
orientations, mais, en termes de temps pour l'organisation de notre travail,
quant à moi, ce sera rapide.
M. Morin: Alors, M. le Président, nous tiendrons pour
acquis qu'en une demi-heure nous pourrons disposer de l'OFQJ. Et, par la suite,
c'est très volontiers que je continuerai, pour ma part, à
répondre aux questions ou aux commentaires de l'Opposition.
Le Président (M. Champagne): Pour la discussion des
différents programmes - il y a quatre programmes - vous aimez mieux
qu'on la fasse globalement ou programme par programme après?
M. Morin: M. le Président, depuis une dizaine
d'années que je suis mêlé à l'étude des
crédits d'un côté comme de l'autre de cette table, je ne
sache pas qu'il y ait eu deux fois de suite la même façon de
procéder. Cela dépendra dans une large mesure de l'Opposition.
S'ils veulent procéder par programme et élément, nous le
ferons. S'ils veulent procéder, au contraire, par l'étude de
questions qui les intéressent, ce sera très volontiers.
M. Rivest: M. le Président, quant à moi, ayant
été formé à l'école du
prédécesseur du ministre actuel, effectivement, l'imagination est
toujours au pouvoir lors de l'étude de ces crédits. On ne peut
pas prévoir ce qui va se produire.
Le Président (M. Champagne): Sur ce,
M. le ministre, pour vos remarques.
Exposés préliminaires M. Jacques-Yvan
Morin
M. Morin: Voici donc venu le moment, comme à chaque
année, de présenter et de défendre les crédits de
mon ministère. Voilà maintenant quinze mois que j'occupe le poste
de ministre des Affaires intergouvernementales, quinze mois au cours desquels
nous avons voulu imprimer un tournant, je dirais même un tournant
significatif, à l'évolution des relations extérieures du
Québec. Ce tournant est amorcé et c'est mon intention d'en faire
état.
On se souviendra de la situation dans laquelle se trouvait le
Québec lors de la dernière rencontre de cette commission, le 26
mai dernier, trois mois après mon entrée en fonction. Le
gouvernement de M. Trudeau venait de fêter avec Sa Majesté la
reine d'Angleterre et quelques membres de l'Opposition du Québec la
proclamation d'une constitution canadienne rafistolée. À toutes
fins utiles, cette constitution ignorait l'existence au Québec d'une
société distincte, d'une véritable nation.
Ce "Canada Bill", le gouvernement du Québec l'a rejeté. Je
répète solennellement aujourd'hui que notre consentement n'y a
pas été accordé et ne sera pas accordé tant et
aussi longtemps que le Canada anglais n'acceptera pas les modifications
inhérentes aux exigences minimales de l'Assemblée nationale,
lesquelles ont été énoncées, d'ailleurs, dans une
résolution en bonne et due forme. Nous y reviendrons au cours de mon
exposé concernant les affaires canadiennes.
Mais l'exclusion du Québec par laquelle le Canada anglais,
volontairement, nous a éloignés de lui incitait le gouvernement
du Québec à se tourner davantage vers de nouveaux horizons,
à élargir les chemins de la coopération économique,
culturelle et sociale, les chemins de l'amitié, les échanges
commerciaux qu'avaient bâtis, modestement mais résolument, tous
les gouvernements du Québec depuis plus de 20 ans. En dépit des
efforts du gouvernement fédéral en vue d'étouffer le
rayonnement de la société québécoise sur la
scène internationale, nonobstant également les contraintes
financières qui s'imposent dans les circonstances actuelles, nous avons,
je pense, consolidé, voire même renforcé, nos liens avec
l'étranger. Pour atteindre cet objectif, nous avons posé une
série de gestes visant à renforcer progressivement, sur le plan
de la qualité en particulier, notre représentation dans les pays
étrangers, que ce soit en Europe, dans la francophonie ou aux
États-Unis. C'est dans le domaine économique avant tout que le
gouvernement a consenti les plus grands efforts, sans ignorer pour autant les
secteurs de la coopération culturelle et éducative et celui de
l'information.
Au cours de l'année 1983-1984, tout en respectant les contraintes
essentielles dans tous les secteurs de l'activité gouvernementale, ces
efforts se poursuivront.
Nous n'avons pas le droit de freiner l'expansion de nos rapports avec
l'étranger, qui correspondent à un mouvement naturel de la
société québécoise.
L'un des aspects majeurs de cette expansion a été la
création du ministère du Commerce extérieur. Cela n'a pas
été facile au début de bien agencer les actions de nos
deux ministères, mais les difficultés d'adaptation étaient
à prévoir et elles étaient tout à fait normales. Au
moment où nous nous parlons, le rodage, les ajustements que
nécessite la venue d'un nouvel intervenant se font, et je m'en
réjouis.
Lorsque cette commission s'est réunie l'année
dernière, j'ai exprimé la conviction qu'il fallait donner un coup
de pouce à nos efforts dans le domaine du commerce extérieur.
C'est maintenant chose faite. Dans les prochains mois, je suis persuadé
que le nouveau ministère fera la preuve de toute la pertinence de cette
décision gouvernementale.
Les deux ministères ont des rôles voisins et
complémentaires, mais distincts également. Lors de l'étude
du projet de loi créant le ministère du Commerce
extérieur, au moment du débat auquel j'ai participé, j'ai
précisé la démarche gouvernementale en déclarant
que les objectifs commerciaux vont devoir être conciliés avec les
autres politiques extérieures du gouvernement, notamment les politiques
sociales, les politiques culturelles. J'ai dit à ce moment-là, et
je le répète aujourd'hui que tout se tient dans les relations
extérieures d'un État, qu'il soit autonome ou qu'il soit
souverain. Les relations culturelles, ajoutais-je, créent un climat qui
favorise les contacts commerciaux, les investissements, l'émigration et,
à son tour, le commerce contribue à développer les liens
culturels, sociaux et politiques que le Québec veut entretenir avec
l'étranger.
Le ministère que je dirige a pour mandat d'élaborer et de
coordonner la politique extérieure du Québec. Je dois donc, en
tant que ministre, assurer l'unité d'action à l'étranger.
C'est dans cette perspective que nous collaborons avec les ministères
qui sont tournés vers l'extérieur, qu'ils soient à
vocation économique ou à vocation culturelle, afin que le
Québec puisse agir de façon cohérente sur la scène
internationale dans ses rapports avec le gouvernement du Canada et au plan
interprovincial.
Nous collaborons de façon de plus en plus étroite,
d'ailleurs, avec les ministères et les organismes publics qui, eux
également, sont souvent appelés à agir sur le plan
extérieur. Nous entretenons depuis longtemps des rapports suivis avec
les ministères à vocation économique, notamment ceux de
l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, des Finances, de l'Énergie et
des Ressources, de l'Alimentation, des Pêcheries et de l'Alimentation. Il
en va de même pour le ministère des Communautés culturelles
et de l'Immigration, le ministère de l'Éducation et d'autres
encore.
Vient s'ajouter désormais à cette liste le nouveau
ministère du Commerce extérieur dont les efforts à
l'étranger s'inscrivent dans le cadre de la politique extérieure
du Québec. La création de ce ministère constitue donc un
indice supplémentaire de la volonté du gouvernement de renforcer
nos relations extérieures. Son existence est le deuxième
élément de ce tournant significatif auquel j'ai fait allusion au
début de mon exposé.
L'exploitation accrue des marchés étrangers, surtout de ce
vaste marché situé au sud et de son pendant outre-Atlantique, la
Communauté économique européenne, est devenue un besoin
urgent pour le Québec qui, de plus en plus, doit compter sur ses propres
moyens. Nos entreprises, surtout petites et moyennes, ne possèdent pas
toujours le savoir-faire ni suffisamment d'expérience à
l'étranger pour entreprendre seules la conquête d'autres
marchés au Moyen-Orient, en Asie, en Amérique latine, là
où se trouvent les nouveaux pays industriels, pour parler comme
l'OCDE.
M. le Président, la politique extérieure du Québec
a deux pôles principaux: l'Europe avec, au premier chef, la France et, de
l'autre côté, les États-Unis. Tout en étant de plus
en plus conscients de notre appartenance à l'Amérique du Nord, il
va de soi que nous sommes intéressés également à
développer nos contacts avec la France et le Marché commun,
auquel nous sommes demeurés attachés en raison de nos origines
européennes. Il est donc tout à fait naturel que l'Europe, en
commençant, bien sûr, par la France, constitue l'un des
pôles essentiels de la politique extérieure du Québec. Pour
la majorité d'entre nous, la France ne représente pas un pays
étranger comme les autres, mais un lieu de ressourcement et une porte
qui s'ouvre sur ce vaste marché que constitue la Communauté
économique européenne. Les années soixante furent pour le
Québec et la France celles des retrouvailles; les années
soixante-dix, celles de l'apprentissage de nos valeurs respectives; les
années quatre-vingt s'annoncent comme étant celles de la
maturité dans les rapports entre nos deux peuples.
Nos échanges culturels sont devenus pour ainsi dire routiniers
tant ils sont bien ancrés dans la vie collective des deux
sociétés, mais ces liens ont suscité de part et d'autre la
volonté d'aller plus loin, de construire des ponts solides dans d'autres
secteurs d'activité. C'est ainsi qu'au cours du dernier exercice
financier les deux gouvernements ont accordé la priorité à
la coopération économique, scientifique et technique.
La visite du premier ministre, M. Mauroy, a donné une nouvelle
impulsion à la coopération industrielle entre la France et le
Québec, surtout en ce qui a trait au développement des petites et
moyennes entreprises, des biotechnologies, de la télématique, des
énergies nouvelles, des communications, du secteur agro-alimentaire, et
j'en passe. Grâce aux activités de la Délégation
générale du Québec à Paris, nos ventes en France
augmentent de façon considérable. En 1982, en pleine crise
économique, faut-il le souligner, les exportations ont atteint une
valeur de 300 000 000 $ - j'entends les exportations du Québec - ce qui
constitue une augmentation de 12%. Je souligne en passant que nos exportations
depuis 1978 se sont accrues vers la France de 109%, tandis que nos importations
en provenance de France sont demeurées essentiellement au même
niveau. C'est donc, je dois dire, le Québec qui tire les plus grands
avantages de cette coopération, mais naturellement il serait tout
à fait normal qu'elle avantageât les deux côtés.
Je reviens de la capitale française où j'ai eu l'occasion
de m'entretenir avec les dirigeants du gouvernement français en vue de
compléter les préparatifs du voyage officiel que le premier
ministre du Québec doit effectuer à la fin du mois. Ma visite
m'aura permis de constater que les dossiers sont en bonne voie, y compris le
projet Pechiney. Mon collègue des Finances, qui a le mandat de
négocier les aspects financiers, économiques du projet
n'épargne aucun effort dans ce dossier. Ce projet est, bien sûr,
un des plus importants que nous ayons connus puisqu'il implique un
investissement total qui dépasse le milliard de dollars, mais il faut
aussi constater qu'il ne constitue qu'un jalon dans le vaste programme de
coopération économique que nous avons entrepris entre la France
et le Québec, programme qui met l'accent sur la recherche industrielle
et l'innovation technologique, et qui favorise une participation accrue de
l'entreprise, les transferts de technologie, la coparticipation, les mises de
fonds communes, les accords de codéveloppement, etc.
Plusieurs implantations industrielles au Québec l'année
dernière témoignent de la vigueur de la coopération
franco-québécoise dans le domaine économique. Aussi 1982
a-t-il vu naître plusieurs sociétés privées ou
mixtes à la suite de mariages consentis par les entreprises
québécoises et françaises. Enfin, au moins une vingtaine
d'accords industriels sont intervenus durant l'année soit pour
améliorer des produits déjà existants ou pour fabriquer au
Québec ou en France des produits nouveaux. On constate que la
coopération économique avec la France est sur la bonne voie et la
visite du premier ministre ne fera que renforcer cette tendance favorable.
Je disais, il y a quelques instants, que la coopération
franco-québécoise en matière d'éducation et de
culture était devenue presque routinière, mais je m'en voudrais
de ne pas mentionner que nos relations dites culturelles empruntent
également de nouvelles voies. Par exemple, le programme de bourses et de
stages est bel et bien démarré. Dès le mois de septembre
qui vient, quinze boursiers québécois commenceront un
séjour en France. Ces boursiers ont été
sélectionnés parmi de nombreux candidats qui se sont
présentés au concours, particulièrement dans les secteurs
prioritaires comme l'énergie, les biotechnologies,
l'électronique, l'informatique, les ressources marines, l'environnement,
les petites et moyennes entreprises, la formation des ingénieurs, les
ressources minérales, et j'en passe. Aussi, avons-nous mis en oeuvre au
cours de l'année des ententes en linguistique appliquée; dans le
domaine de la recherche scientifique et technique et dans le domaine
éducatif, les deux gouvernements ont resserré leurs
priorités en fonction d'une complémentarité avec le
secteur économique et technique.
Avant d'aborder spécifiquement nos rapports avec nos autres
partenaires de la francophonie, permettez-moi de traiter brièvement de
la question du sommet devenue sujet d'actualité depuis la
conférence de Williamsburg. M. le Président, c'est le
Québec et non le Canada qui est le foyer de la langue française
en Amérique. Je pense parler au nom de toutes les tendances politiques
au Québec lorsque j'affirme que tout sommet de la francophonie qui
pourrait être convoqué sans la participation du Québec ne
serait en réalité qu'un simulacre qui risquerait de miner le
concept même de francophonie.
Au cours de mon séjour à Paris, j'ai eu l'occasion de
faire savoir qu'à la suite des entretiens que j'ai pu avoir dans la
capitale française avec les autorités du pays on m'a
indiqué que les projets auxquels les porte-parole fédéraux
avaient fait allusion à la suite de Williamsburg n'étaient
qu'à l'état d'ébauche, n'avaient pas franchi
l'étape de l'ébauche et n'avaient point fait l'objet d'un accord
entre la France et les représentants du Canada. Par ailleurs, j'ai eu
des entretiens là-dessus avec les autorités françaises.
Nous avons en quelque sorte été consultés au sujet du
projet de sommet comme le seront, est-il besoin de le rappeler, d'autres
partenaires intéressés, au cours des semaines et des mois
à venir. (12 h 15)
En effet, M. le Président, la francophonie intéresse
maintenant une quarantaine d'États dont 38 se retrouvent à
l'Agence de coopération culturelle et technique d'ores et
déjà. Il va de soi qu'on
ne peut pas décider d'un aussi vaste projet multilatéral
simplement en faisant des déclarations unilatérales, comme l'a
fait le premier ministre fédéral. Au reste, le premier ministre
du Québec s'entretiendra de cette question, entre autres choses, avec le
président de la République et le premier ministre, M. Mauroy, au
cours de son voyage officiel en France à la fin du mois.
Je me tourne maintenant, avec votre permission, vers l'autre pôle
important auquel j'ai fait allusion tout à l'heure, c'est-à-dire
les États-Unis, notre puissant voisin du Sud. J'ai dit, plus tôt
dans cet exposé, que le Québec doit compter avant tout sur ses
propres moyens. On me demandera peut-être pourquoi. Eh bien, tout
simplement parce que les services commerciaux du Canada à
l'étranger ne sont guère motivés lorsque vient le moment
de fournir l'aide requise aux entreprises québécoises. Comment
peut-il en être autrement quand nul autre que le commissaire aux langues
officielles, M. Max Yalden, dans son rapport annuel encore récent,
affirme qu'après quinze années de "french power" à Ottawa
la situation, déjà lamentable se détériore encore
davantage? Non seulement les émissions canadiennes à
l'étranger ne diffusent certains renseignements qu'en anglais, mais M.
Yalden constate que la proportion des francophones, parmi les agents du service
extérieur du ministère des Affaires extérieures, a
diminué de 23,6%, en 1981, à 22,6%, en 1982. En un an, une perte
de 1% des effectifs. Ce pourcentage baisse à 9% lorsqu'il s'agit des
catégories de personnel scientifique, lorsqu'il s'agit des
spécialistes.
Nous avons fait effectuer une recherche interne complémentaire
quant à l'origine des effectifs canadiens en poste aux États-Unis
dont les résultats sont, à mon avis, fort
révélateurs. Cette recherche montre que le Québec et les
Québécois comptent pour peu dans la diplomatie canadienne,
laquelle est censée veiller à nos intérêts, du moins
en théorie, chez notre plus important partenaire économique que
sont les États-Unis.
Le Canada, comme vous le savez, est représenté dans un
certain nombre d'organismes aux États-Unis: la Banque
interaméricaine de développement, la Banque mondiale, le Fonds
monétaire international. Il a également une mission permanente
auprès de l'Organisation des États américains qui, comme
ces autres organismes, a son siège social à Washington. En tout,
les effectifs canadiens affectés à ces organisations sont au
nombre approximatif de 325, dont quelque 90 pourraient être
qualifiés de cadres ou de professionnels. Des 325 personnes, 12% ou 13%
sont d'origine franco-québécoise. De toute évidence, le
"french power", ce n'est pas encore rendu jusqu'à Washington.
L'étude en question démontre l'existence d'un
phénomène semblable à l'ambassade et au consulat canadien
sur le territoire des États-Unis. En tout, les effectifs canadiens se
chiffrent à 475 personnes, dont quelque 150 cadres et environ 325
employés de soutien. Les Québécois constituent 9% du
total, une quarantaine de personnes. Voilà un bel exemple de la
dualité canadienne. Mais ne soyons pas trop pessimistes, les
Québécois francophones sont fort bien représentés
parmi les messagers, les commis et les chauffeurs. Nos amis ontariens,
sous-représentés dans ces catégories, pourront toujours
invoquer la nouvelle charte fédérale des droits pour protester
contre la discrimination dont ils sont victimes.
Un seul facteur de redressement, hélas, trop modeste, la
représentation canadienne au siège des Nations Unies, à
New York. Là, le Canada a des effectifs de quelque 40 personnes, dont
38% sont d'origine québécoise, soit 9 des 14 cadres. Si ce
n'était de cette "surreprésentation" à l'ONU, je pense que
le pourcentage serait encore plus bas. En tenant compte du personnel
diplomatique d'origine québécoise, nous arrivons à 11% des
effectifs en tout et partout. Autrement, si ce n'était de New York, de
la représentation auprès des Nations Unies, ce pourcentage serait
de l'ordre de 10%, environ 80 Québécois sur un total de quelque
800 personnes.
À la lumière de ces faits, il est évident - je
pense qu'on voudra bien en convenir des deux côtés de cette table
- que le gouvernement du Québec doit s'assurer que les
Québécois aient voix au chapitre sur la scène
internationale. C'est ce rôle qu'exercent nos délégations
et nos bureaux à l'étranger. Ayant visité maintenant bon
nombre, je dirais la plupart de ces délégations, je puis assurer
la commission qu'elles effectuent un travail tout à fait remarquable,
modeste, sans doute, mais efficace.
Aux États-Unis, qui constituent l'un des pôles importants
de la politique extérieure du Québec, nous avons resserré
nos liens avec nos partenaires américains dans plusieurs secteurs, tant
économiques que culturels. Tout naturellement, nous avons
concentré nos efforts sur l'expansion de nos rapports avec nos voisins
immédiats, c'est-à-dire les États de la
Nouvelle-Angleterre et le territoire desservi par la délégation
générale du Québec à New York, lequel, vous le
savez peut-être, déborde l'État de New York.
Grâce à la collaboration des ministères sectoriels,
le Québec a pu élargir son champ d'action en matière
d'énergie et d'exportation aussi bien que dans les domaines culturel et
éducatif. De même avons-nous renforcé nos liens avec la
plupart des États de la Nouvelle-Angleterre par l'entremise de la
Conférence des gouverneurs de la Nouvelle-Angleterre et des premiers
ministres de l'Est du Canada.
Mes nombreuses visites en Nouvelle-Angleterre et des visites semblables
effectuées par mes collègues de l'Agriculture, de
l'Énergie, des Communautés culturelles et de l'Immigration et,
plus récemment, du Commerce extérieure ont eu pour effet de
donner du Québec l'image d'un gouvernement qui, pour utiliser deux mots
qui disent tout aux États-Unis, "means business", dans le sens le plus
large de cette expression bien américaine.
La nomination de notre première déléguée
n'est pas passée inaperçue en Nouvelle-Angleterre. Je pense que
cette nomination a été heureuse puisqu'on a su établir, en
l'espace de quelques mois, des liens consolidés, du moins, des liens
solides avec la plupart des dirigeants politiques des États dans le
territoire.
Je constate que l'accroissement de nos exportations vers la
Nouvelle-Angleterre a été spectaculaire en 1982 en dépit,
encore une fois, de la crise économique. Autrement dit, M. le
Président, je pense qu'on peut d'ores et déjà dire que, si
nos exportations n'avaient pas connu l'ascension spectaculaire qu'elles ont
connue vers la France et maintenant vers la Nouvelle-Angleterre, la crise
économique aurait été encore plus dure pour le
Québec et les Québécois. En ce qui concerne la
Nouvelle-Angleterre, en 1982, nous avons atteint 1 500 000 000 $ dans nos
exportations, c'est-à-dire quelque 500 000 000 $ de plus qu'en 1980.
Je désire également rendre hommage à mon
collègue, le ministre de l'Énergie et des Ressources, M. Yves
Duhaime, dont les efforts acharnés, en collaboration avec
Hydro-Québec, ont abouti, il y a quelques semaines, à la
signature d'une nouvelle entente avec le New England Energy Pool pour la vente
d'électricité excédentaire.
Quant au territoire de notre délégation
générale à New York, la nomination, dans les derniers
mois, d'un conseiller économique "senior" et d'un spécialiste en
communications, ainsi que le réaménagement des
responsabilités à l'intérieur des effectifs actuels ont
également eu pour résultat d'élargir notre champ d'action.
Ainsi, nous avons multiplié nos rapports à Washington avec les
membres du Congrès des États-Unis, tout en respectant le cadre
constitutionnel qui rend, évidemment, plus difficiles les rapports avec
l'Exécutif. Nos relations soutenues avec les membres du Sénat et
les membres de la Chambre des représentants facilitent nos
démarches surtout à caractère économique
auprès des autorités fédérales, démarches
entreprises souvent en collaboration avec d'autres provinces dont l'Ontario et
la Colombie britannique, démarches auxquelles l'ambassade canadienne
tient souvent à s'associer, tient beaucoup même à
s'associer.
La visite du premier ministre à Washington l'été
dernier, l'accueil chaleureux que lui ont accordé les membres influents
des deux partis politiques nationaux sont de nature à rassurer le
Québec quant à la compréhension qu'ont de ces
problèmes les faiseurs de décision, les "decision makers"
américains.
En dépit des rapports alarmistes que véhiculent certains
médias américains desservis par des correspondants qui
reflètent le plus souvent la vision anglo-canadienne du Québec,
les sénateurs et représentants que nous avons rencontrés
tant du côté républicain que du côté
démocrate ne partagent aucunement les idées toutes faites
véhiculées par certains milieux anglophones. Comme le premier
ministre et moi-même l'avons indiqué à plusieurs reprises,
les leaders américains ne se posent plus la question de savoir si le
Québec pourra réaliser son indépendance, sa
souveraineté. Ce qu'ils veulent savoir - et il s'agit d'un
phénomène perceptible aussi dans les milieux d'affaires des
États-Unis - c'est comment cette indépendance sera
effectuée. Pour eux, tout est dans la manière et je ne leur
donnerais certainement pas tort sur ce point.
Bien que le Québec souhaite améliorer ses rapports
politiques avec les États-Unis, tout comme l'Ontario et l'Alberta
d'ailleurs, notre préoccupation première demeure d'ordre
économique. C'est dans cette perspective que nous concentrons nos
efforts sur la promotion de la technologie québécoise, sur la
recherche de nouveaux investissements, sur l'aide aux petites et moyennes
entreprises du Québec. C'est également dans cette perspective que
nous tentons d'améliorer notre performance dans le domaine touristique
et d'assurer l'utilisation maximale de cette ressource, hélas, trop
longtemps négligée que constitue le Saint-Laurent et la voie
maritime qui lie le Québec au coeur industriel de l'Amérique.
Je pourrais vous donner un exemple de cette préoccupation
puisque, lors de ma visite au Midwest américain, j'ai eu l'occasion de
rencontrer M. Frank Kurdna, président de la Commission des Grands Lacs,
qui regroupe huit États américains et à laquelle
s'intéressent également le Québec et l'Ontario. Cette
rencontre m'a permis au nom du gouvernement de faire progresser le travail
entrepris par le Groupe Saint-Laurent à la suite du colloque tenu
à Québec, vous vous en souviendrez M. le Président, il y a
à peine plus d'un an. De plus en plus conscient du rôle
économique que joue et devra jouer le Saint-Laurent, le Québec
s'intéresse non seulement aux travaux de la commission et de ses
sous-comités, mais également aux efforts du Great Lakes Cargo
Marketing Corporation en vue de maximiser, si je peux m'exprimer de la sorte,
l'utilisation du fleuve et de la voie maritime. Les résultats sont
déjà tout à fait probants. La Commission des Grands
Lacs vient de choisir la ville de Québec comme lieu de sa rencontre
annuelle du mois d'octobre. Voilà, je pense, un exemple de
l'efficacité de notre délégation à Chicago qui,
travaillant en étroite collaboration avec le Groupe Saint-Laurent, a
ouvert pour le Québec de nouvelles voies de coopération qui sont
des plus prometteuses.
Les documents soumis aux membres de la commission résument assez
bien nos démarches dans les secteurs culturel et éducatif et dans
le domaine social où, je le souligne, le Québec vient de signer
une entente de sécurité sociale avec le gouvernement des
États-Unis. Je suis à la disposition des membres de la commission
s'ils désirent d'autres renseignements au sujet de cette entente
extrêmement importante. Nous avions des ententes portant sur la
sécurité sociale avec un certain nombre d'États
européens. Bien, maintenant, les États-Unis eux-mêmes ont
demandé au Québec d'effectuer cette entente et c'est chose
faite.
Me permettez-vous une conclusion sur nos rapports avec les
États-Unis? En dépit des contraintes financières, nous
avons renforcé, surtout, évidemment, de façon qualitative,
les effectifs dans nos six délégations et nos deux bureaux aux
États-Unis. Le gouvernement a l'intention de poursuivre cette politique
durant l'année financière en cours.
Nous nous réjouissons, par ailleurs, du fait que le gouvernement
fédéral a simplifié les procédures de l'agence de
filtrage des investissements étrangers, le FIRA, l'agence de tamisage et
cela, en grande partie grâce aux revendications des milieux
intéressés, notamment ceux du Québec. (12 h 30)
Cela étant dit, j'aimerais traiter brièvement de nos
rapports avec la communauté francophone internationale. Vous le savez,
la coopération multilatérale entre pays de langue
française, tout en étant axée sur la langue et la culture
que nous partageons, se veut aussi un instrument qui touche à l'ensemble
des préoccupations du monde moderne, dont le développement
scientifique, technologique et économique, de même que les
communications, l'aide dans une perspective nord-sud, etc. Aussi, notre
participation aux diverses instances francophones, dont l'Agence de
coopération culturelle et technique, l'ACCT, a-t-elle pour but
d'élargir les avenues d'échanges entre États francophones,
qu'il s'agisse d'énergie, d'agriculture, d'aménagement du
territoire, d'informatique. C'est dans cette perspective que le Québec a
nommé, au cours de l'année écoulée, un
délégué aux affaires francophones multilatérales,
M. Jean Tardif, et a affecté des fonctionnaires au secrétariat
technique permanent de Dakar et au siège de l'Association des
universités entièrement ou partiellement de langue
française à Montréal. L'année 1982-1983 a
été marquée également par la nomination d'un
fonctionnaire québécois au poste de directeur
général de la formation et de l'éducation à l'ACCT.
Ces nominations contribueront, j'en suis sûr, à la
réalisation des priorités que s'est fixées mon
ministère pour l'année en cours, entre autres une participation
québécoise à tous les niveaux des institutions
francophones multilatérales et l'élargissement de notre
participation aux activités de l'ACCT, organisation internationale
où, faut-il le rappeler, le Québec jouit du statut de
gouvernement participant.
Mentionnons, enfin, nos efforts visant à intensifier nos rapports
avec les pays du Maghreb et, en particulier, l'Algérie. Grâce
à la contribution de mon collègue de l'Éducation, nous
avons pu lancer un programme impressionnant de coopération avec ce pays
dans les secteurs de l'enseignement et de la recherche scientifique. Quant
à l'Afrique subsaharienne, nous avons jeté les bases d'une
coopération prometteuse avec la CÔte-d'Ivoire où notre
programme de stages en santé-sécurité au travail sera
poursuivi cette année, et avec la Haute-Volta où le projet en vue
du creusage de puits, un programme à frais partagés impliquant le
Québec, la Haute-Volta et l'ACDI, sera mis en chantier cette
année.
Permettez-moi maintenant de traiter, trop brièvement sans doute,
de nos rapports avec nos autres partenaires de l'Europe, de l'Amérique
latine et de l'Asie. Du côté de l'Europe occidentale, tout en
renforçant nos liens avec nos partenaires traditionnels comme la
Grande-Bretagne, la Belgique, l'Allemagne fédérale et l'Italie,
le Québec a créé de nouveaux liens avec la Grèce et
l'Espagne. La tournée ministérielle effectuée en
Grèce l'an dernier par mon collègue des Communautés
culturelles et les visites officielles effectuées au Québec par
le président et le premier ministre de la Grèce confirment le
désir, de part et d'autre, d'accroître nos échanges,
d'aller au-delà de notre coopération actuelle, laquelle, vous le
savez, se concentre dans le domaine de la sécurité sociale.
Le Québec compte beaucoup également sur les politiques de
décentralisation qui sont en cours dans certains pays, notamment en
Belgique et en Espagne, où la création d'entités
politico-administratives régionales est de nature à
élargir les voies de la coopération avec ces États. Ces
nouvelles entités possèdent des pouvoirs importants en
matière de développement économique, ce qui laisse
présager une diversification de nos échanges axés sur des
préoccupations économiques et techniques. Nos ententes avec la
communauté autonome de Madrid,
avec la communauté française de Belgique, ainsi que la
création de comités permanents avec les régions wallonnes
et flamandes constituent autant d'indices de la volonté du Québec
et de ses partenaires belges et espagnols de raffermir, d'étendre nos
rapports. Est-il besoin d'ajouter, M. le Président, que l'ouverture de
la délégation Wallonie-Bruxelles à Québec,
effectuée au cours de l'année écoulée justement,
témoigne du désir de la communauté française de
Belgique et de la région wallonne, de se rapprocher du Québec et
des organismes et entreprises québécois?
Quant à l'Amérique latine, nos délégations
au Mexique et au Venezuela visent à institutionnaliser nos rapports avec
ces pays par le biais de groupes de travail qui facilitent la
coopération à plusieurs niveaux. Par exemple, au sein du groupe
de travail Québec-Mexique où siègent des
représentants du ministère des Relations extérieures du
Mexique, nos échanges, tout en étant axés sur la
coopération éducative et culturelle, débouchent sur des
secteurs tels que l'administration publique, la coopération scientifique
et technique et d'autres reliés davantage à nos priorités
économiques.
Au Venezuela, une entente de coopération scientifique et
technique permet au Québec de traiter, avec l'Officina centrale de
coordinatione e de planificatione de la présidence, d'échanges
touchant à l'aménagement du territoire, à l'environnement,
à la foresterie, au développement de l'agriculture, ainsi que de
l'agro-alimentaire.
Les perspectives, pour l'année en cours, vont dans le sens d'un
approfondissement de nos rapports avec l'Amérique latine. Les efforts
déjà entrepris en Colombie et au Brésil seront
étendus grâce à l'augmentation des budgets. Nous songeons
également à participer activement à la conférence
sur les Caraïbes et l'Amérique centrale en encourageant les
sociétés québécoises tant publiques que
privées à s'associer aux efforts visant à améliorer
les conditions économiques dans cette région.
Après les États-Unis et l'Europe, c'est l'Asie et le
bassin du Pacifique qui constituent le troisième partenaire commercial
international du Québec. Les possibilités d'avenir y sont
immenses et, dans l'immédiat, nous concentrons nos efforts sur le Japon,
la Corée du Sud, le Pakistan, Hong Kong et Singapour. Notre
délégation à Tokyo fête, cette année, son 10e
anniversaire et ses efforts ne sont aucunement étrangers au fait que
notre balance commerciale avec le Japon demeure toujours favorable grâce
surtout, vous le savez, aux exportations agro-alimentaires. C'est dans ce
domaine également que se développent nos rapports avec la
Corée du Sud, où nous comptons mettre l'accent sur
l'échange de technologies.
Quant au Pakistan, la mise sur pied, justement ces derniers mois, d'un
consortium minier mixte impliquant, d'une part, la SDI et SOQUEM et, d'autre
part, le groupe SNC, a permis au Québec d'entreprendre le fameux projet
Saindak dans la province du Baloutchistan, lequel projet implique non seulement
des retombées économiques importantes, mais également
l'élargissement de la coopération technique entre le
Québec et le Pakistan.
Déjà présent à Hong Kong, le Québec
envisage de renforcer dès cette année sa représentation en
vue de profiter au maximum des possibilités d'investissements qu'offre
cette partie du monde et de faciliter nos échanges avec la Chine. Aussi
comptons-nous multiplier les démarches qui permettront aux Chinois et
aux Québécois de mieux se connaître et de développer
des rapports accrus dans des secteurs d'intérêt commun comme
l'agro-alimentaire, la science, la technologie et l'énergie. Enfin, nous
discutons en ce moment le projet d'établir à Singapour une
mission qui nous donnerait accès à toute la Malaisie et à
l'Indonésie.
Avant de conclure mes remarques sur nos activités
internationales, j'aimerais mentionner quatre autres sujets qui nous
préoccupent et qui seront d'actualité durant l'année en
cours, ainsi qu'en 1984. Il s'agit, d'une part, de la situation politique au
Moyen-Orient et de la question des rapports Nord-Sud et, d'autre part, de deux
événements importants qui auront lieu au Québec d'ici
à un an ou quinze mois. J'imagine que nos collègues de
l'Opposition partagent nos inquiétudes quant au problème de la
paix au Moyen-Orient. Le Québec a déjà fait
connaître sa position sur cette question. D'une part, nous reconnaissons
l'État d'Israël et son droit de vivre en paix à
l'intérieur de frontières sûres. Nous reconnaissons
également le droit des Palestiniens à l'autodétermination
et nous favorisons la mise sur pied d'une structure étatique, d'un
État, avons-nous dit, qui traduirait ce droit en réalité.
C'est dans cette perspective que nous incitons les parties en cause à
privilégier la négociation qui, à notre avis, offre
l'unique espoir d'une paix durable dans cette partie du monde.
Quant à la question des rapports Nord-Sud, bien que le
Québec ne soit pas à proprement parler apte,
constitutionnellement, à exercer une influence réelle sur le
cours du débat, le gouvernement estime que ceux qui prétendent
diriger les affaires extérieures de la fédération
canadienne devraient traduire par des gestes concrets les voeux pieux souvent
exprimés par M. Trudeau. Hier encore, je constatais, à la lecture
des journaux, que l'aide canadienne, loin d'augmenter comme
celle des autres pays, plafonne et que le Canada a contribué au
développement des rapports Nord-Sud et à l'aide internationale la
plus faible hausse consentie par les pays occidentaux au cours de
l'année écoulée. À l'heure de la reprise qui semble
s'annoncer, une concertation de la part des pays industrialisés est
devenue, à notre avis, plus urgente que jamais en vue de permettre au
tiers monde de sortir de son état de dépendance, situation qui,
à nos yeux, est porteuse de tensions, lesquelles risquent, tôt ou
tard, de mettre en péril la paix.
C'est, par ailleurs, parce qu'il symbolise ce désir universel
d'une paix durable que les Québécois de tout culte se donneront
la main, en septembre 1984, pour accueillir sur notre territoire le
Saint-Père. Lors de ma récente visite au Vatican, j'ai eu
l'insigne honneur de m'entretenir brièvement avec le pape et il m'a fait
part de la joie qu'il éprouve à l'égard de cette visite.
Bien que le Québec soit fier de son pluralisme religieux, nous n'avons
pas oublié que c'est ici, en sol québécois, que
l'Église a pris racine en Amérique du Nord. Le gouvernement du
Québec entend collaborer pleinement avec l'Assemblée des
évêques du Québec pour s'assurer que la visite de Jean-Paul
II soit non seulement un succès retentissant, mais un moment de
ressourcement moral pour tous et chacun. C'est dans cette optique que nous
avons nommé tout récemment, au poste de commissaire
général, M. Jacques Vallée, qui a pour mandat d'assurer la
liaison entre le gouvernement et les autorités ecclésiastiques
québécoises.
Quelques mois avant la visite du Saint-Père, les
Québécois auront l'occasion de marquer un anniversaire
historique, la découverte, par Jacques Cartier, il y a 450 ans
maintenant, de la Nouvelle-France. Il s'agit, bien sûr, d'un
événement à caractère international qui suscite
l'intérêt de nombreux pays, surtout en Europe et en
Amérique latine. Les fêtes de 1534-1984 rappelleront au monde
entier que ce sont nos ancêtres qui ont découvert, exploré
et défriché une bonne partie de ce qui est devenu maintenant
l'Amérique du Nord. À un moment où les autorités
canadiennes remettent en question le fait même de notre existence en tant
que nation, cet anniversaire, tout comme la visite du pape, viendra
témoigner de notre enracinement profond dans cette terre
d'Amérique.
J'ai parlé, au début de mon exposé, de deux
éléments de ce que j'ai appelé le tournant significatif
dans les relations extérieures du Québec. Vous me permettrez
maintenant d'en mentionner un troisième qui est d'ordre administratif.
Depuis cinq ans, mon ministère a eu la chance d'avoir à sa
direction, à titre de sous-ministre, un grand commis de l'État,
en la personne de M.
Robert Normand. Bien qu'il espérait relever d'autres défis
au moment de ma nomination, il a accepté de rester au gouvernail encore
quelques mois supplémentaires afin d'assurer la continuité. Je
désire lui rendre un hommage sincère, lui, dont
l'efficacité, la compétence, les connaissances exceptionnelles
ont si bien servi les intérêts du ministère et du
Québec. i_'an dernier, j'avais eu l'occasion de rendre hommage à
mon prédécesseur. Cette fois, c'était, je crois, à
l'ancien sous-ministre qu'il convenait de rendre hommage.
M. le Président, bien sûr, je me réjouis, par
ailleurs, de la décision du premier ministre de nommer comme successeur
à M. Normand une personne avec laquelle j'avais eu le plaisir
déjà de travailler auparavant, à l'Éducation -
puisque, à cette époque, elle présidait le Conseil des
universités - et au Développement culturel. Mme Paule Leduc, qui
est assise à ma droite, est en poste seulement depuis sept mois, mais
elle a déjà contribué à l'évolution du
ministère en posant les premiers jalons d'une restructuration
administrative qui sera, je pense, d'une importance capitale.
Nous mettrons l'accent, dans les années à venir, sur ce
que j'appellerais l'aspect de la recherche et du développement avec la
mise sur pied d'une direction générale de recherche et de
planification, avec la réorganisation des directions
géographiques et sectorielles, et l'amélioration de nos
procédures et démarches. (12 h 45)
L'évolution du dossier canadien, tant en ce qui a trait aux
relations fédérales-provinciales qu'au plan des rapports
interprovinciaux, a incité le gouvernement à nommer un
sous-ministre adjoint qui a pour mandat de diriger l'équipe de
fonctionnaires à la Direction générale des affaires
canadiennes.
À titre de délégué général en
Grande-Bretagne, M. Gilles Loiselle, qui est assis à ma gauche, a
veillé aux intérêts du Québec à Londres lors
du triste spectacle constitutionnel auquel s'est prêté le
Parlement britannique, en dépit de l'opposition du Québec et de
nombreux membres des deux Chambres à Westminster. Il aura besoin, je
pense, de tous ses talents de diplomate et d'une patience à toute
épreuve pour transiger maintenant avec le gouvernement
fédéral.
Au cours de cette année où le "Canada Bill" était
promulgué, les activités du ministère sur le front
constitutionnel que j'aborde maintenant ont été nombreuses.
Mentionnons, entre autres, l'opinion de la Cour suprême du Canada du 6
novembre 1982 disant que le Québec ne possède pas et n'a jamais
possédé de droit de veto propre à le protéger en
cas d'amendement, de modification constitutionnelle touchant directement les
pouvoirs de l'Assemblée
nationale. Ce jugement consacrait judiciairement la concertation, pour
ne pas dire la conspiration nocturne, du Canada anglais visant à priver
le Québec de toute forme de protection constitutionnelle. Devant cette
situation aussi inacceptable qu'inéquitable, le premier ministre du
Québec écrivait à son homologue fédéral en
vue d'explorer les moyens d'y remédier. En y répondant, M.
Trudeau tentait une fois de plus de berner les Québécois en
adoptant la position qu'il sait pertinemment inacceptable au Canada anglais et
qu'il sait, d'ailleurs, être contraire aux attitudes des gouvernements du
Québec depuis des années. Je pense au fameux droit de veto
à la manière de Victoria. À ce chapitre, le Québec
se retrouve donc pour le moment dans l'impasse.
M. Rivest: Vous l'avez perdu.
M. Morin: Nous n'avons rien perdu puisque nous ne l'avions pas,
comme la cour nous l'a appris.
M. Rivest: Cédé. Nous l'avons
cédé.
M. Morin: On ne peut, est-il besoin de le répéter,
céder ce qu'on n'a pas. À ce chapitre, donc, nous nous retrouvons
dans l'impasse et l'année qui vient sera certainement marquée par
des efforts pour en sortir. J'avais récemment l'occasion
d'évoquer la possibilité de doter le Québec d'une
constitution qui lui soit propre. Il n'y a pas de doute dans mon esprit qu'un
tel projet peut constituer l'une des voies les plus intéressantes en vue
de créer une nouvelle dynamique dans le dossier constitutionnel. En
effet, si la question de la place du Québec au sein du régime
constitutionnel canadien reste en suspens, il est plus que jamais
nécessaire, dans mon esprit, que les Québécois et leur
gouvernement s'attachent à doter notre société d'un
instrument aussi important pour son évolution, instrument qui
refléterait un véritable projet de société.
Toujours sur le front constitutionnel, une première
conférence sur les droits des autochtones a eu lieu en mars dernier.
Cette conférence, à laquelle le Québec a participé,
a débouché sur l'établissement d'un mécanisme
continu de concertation en vue de régler les problèmes
afférents aux droits des peuples autochtones. Bien qu'il n'ait pas
été question pour le Québec de participer à
l'accord final de cette conférence, puisque le "Canada Bill" est
illégitime à nos yeux, nous avons, néanmoins, tenu
à participer aux activités de cette conférence avec les
autochtones, mais également à garantir à ceux-ci la mise
sur pied prochaine d'un mécanisme de concertation proprement
québécois.
Au plan des relations fédérales- provinciales,
l'année 1982-1983 a vu continuer et même s'étendre
l'offensive généralisée du gouvernement
fédéral dans tous les domaines de compétence
québécoise. L'attitude unilatéraliste du gouvernement
Trudeau a sans doute atteint son paroxysme au cours de cette année
où Ottawa s'est donné le pouvoir d'exproprier des couloirs
hydroélectriques en territoire québécois, a proposé
une politique en vue de réviser le tarif du Nid-de-Corbeau sur le dos
des agriculteurs québécois et a même poussé l'audace
jusqu'à interdire à la Caisse de dépôt et placement
d'investir dans certains secteurs de l'économie canadienne.
Au chapitre du développement régional et des affaires
municipales, le gouvernement fédéral a accentué ses
interventions unilatérales grâce, en particulier, à son
pouvoir de dépenser en faisant non seulement fi de la juridiction, de la
compétence québécoise dans ces domaines, mais surtout
à l'encontre des priorités québécoises et
régionales de développement. De telles interventions
placées sous le signe de l'anarchie font preuve à nos yeux
d'une sérieuse irresponsabilité dans la manière
d'administrer les fonds publics qui viennent en définitive des taxes
payées par les Québécois. Afin, justement, d'éviter
de telles situations, le gouvernement du Québec continue, dans ce
domaine comme dans tous les autres, à insister pour que des
ententes-cadres soient signées comme il en a été
signé de très nombreuses à l'époque qui a
précédé le référendum.
Enfin, comme je le disais plus tôt, l'année qui
s'achève a indéniablement marqué un certain paroxysme dans
l'offensive fédérale postréférendaire. À
force de travailler à l'enncontre des intérêts du
Québec, la "big red machine" d'Ottawa, dont on connaît les
prolongements au Québec, s'est mise à tourner de façon
aberrante. On n'a qu'à songer, par exemple, au fait que le cabinet
fédéral a refusé pendant de longs mois de
transférer les terrains nécessaires au fonctionnement de l'usine
Stablex. Serait-ce pour protéger les intérêts ontariens qui
voient d'un mauvais oeil une telle avance technologique au Québec?
M. Rivest: Qui sait? Qui sait? Allons doncl
M. Morin: Peut-être, en effet. Plus récemment, dans
le dossier invraisemblable de Madelipêche, dans le but exclusif de
protéger les intérêts des provinces maritimes et d'une
politique "kirbysienne" que personne ne connaît encore, Ottawa a failli
empêcher plus de 500 travailleurs et pêcheurs
québécois de gagner leur vie.
M. Rivest: Pauvre Michael!
M. Morin: Mais si l'année qui s'achève a
marqué la marée haute de l'offensive fédérale, elle
a aussi commencé à laisser poindre son échec. Partout au
Canada et non seulement au Québec, l'opposition croit à
l'encontre des actions d'un gouvernement aussi irresponsable. Plusieurs des
menaces fédérales ne se sont pas matérialisées ou
encore ont été reléguées au calendes grecques. Les
visées fédérales notamment en matière de FPE dans
les domaines de la santé et du postsecondaire ont été
remises à plus tard - il ne faut pas exclure qu'on y revienne un jour -
tandis qu'Ottawa a déjà commencé à reculer,
grâce en particulier aux pressions québécoises, sur la
question des tarifs du Nid-de-Corbeau.
En fait, ce sont là des signes avant-coureurs de ce qui, je
crois, sera une débandade qui ne peut que s'amplifier au cours des mois
et des années qui viennent. Aucun gouvernement au monde ne peut se
permettre de gouverner de cette façon, en faisant fi non seulement de la
volonté de la population, mais aussi du simple bon sens politique et
économique. En attendant le jour où les Québécois
pourront enfin juger le gouvernement de M. Trudeau et les 73 autres
députés libéraux qui représentent Ottawa au
Québec, seule la solidarité de tous les intéressés
sera le gage d'un Québec fort qui saura non seulement sauvegarder ses
intérêts mais aussi en faire la promotion. Nous avons vu
récemment les effets que cette solidarité naissante des
Québécois a su obtenir dans des domaines aussi divers que ceux du
Nid-de-Corbeau, du projet de loi S-31 et encore plus récemment dans le
dossier Madelipêche. Dans ce dossier comme dans les autres, cette
solidarité des Québécois, parfois difficile, mais combien
nécessaire, a su ramener le gouvernement fédéral à
la raison. C'est donc avec un certain optimisme, prudent certes, que nous
abordons l'année qui commence. Il reste qu'à moyen et à
long terme, tant que le Québec fera partie de la structure
constitutionnelle que l'on sait, nous resterons à la merci des
impératifs économiques et politiques définis par Bay
Street et les mandarins fédéraux.
M. le Président, j'avais l'occasion de le dire l'an dernier et
vous me permettrez de le répéter: Plus que jamais la
souveraineté du Québec constitue la seule solution durable aux
problèmes chroniques que notre nation a eu à vivre depuis 1867.
Cette année, les autochtones du Canada ont eu l'occasion de se frotter
à la perfidie du gouvernement fédéral. Demandez-leur quels
sont leurs sentiments sur la question. Je vous assure que ceux qui les
fréquentent en savent quelque chose. Je dis souvent que, si chaque
Québécois avait l'occasion de voir le gouvernement
fédéral en action, en assistant, ne serait-ce que quelques
minutes, à une séance de négociations, je pense que
l'indépendance serait vite accomplie. Il est plus qu'urgent que les
Québécois réalisent que le dossier des retombées du
F-18 n'est que le symbole d'une situation qui continuera de pourrir tant et
aussi longtemps qu'ils ne contrôleront pas pleinement leur destin. M. le
Président, ni le refus de permettre à un représentant de
la Caisse de dépôt de siéger au conseil d'administration de
la Canadian Pacific ni le fait d'empêcher 500 Madelinots de gagner leur
vie ne réussiront à convaincre les Québécois de
leur appartenance canadienne. Voilà, au contraire, autant de clous
rivés dans le cercueil du fédéralisme canadien.
Comme j'ai eu l'occasion de le répéter depuis plusieurs
mois, il est plus que jamais urgent que le Québec s'ouvre sur le monde
et prenne la place qui lui revient au sein de la communauté
internationale. Aucun peuple, aucune nation digne de ce nom ne doit
tolérer ainsi de se trouver à la merci d'une structure politique
visant à en contenir l'épanouissement et à en limiter le
rayonnement culturel et économique. En attendant le jour où il
pourra de plein droit prendre place au sein de la communauté
internationale et, notamment, au sein de la francophonie, il importe que le
Québec continue de tenter par tous les moyens modestes dont il dispose
de favoriser inlassablement tous les intérêts qu'il possède
à l'extérieur. C'est le rôle que l'Assemblée
nationale a confié à mon ministère et c'est le rôle
que je compte continuer de poursuivre avec acharnement au cours des prochains
mois et des prochaines années.
Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Champagne): La parole est maintenant au
député de Jean-Talon.
M. Rivest: M. le Président, il est 12 h 55. Vous m'avez
encouragé quand vous avez sorti votre horloge. J'ai seulement une
remarque à faire avant qu'on reprenne à 15 heures, si vous
voulez. Je voudrais m'associer à une partie des remarques du
ministre.
M. Morin: Je me méfie, M. le Président.
M. Rivest: Cela ne vous concerne pas. Il s'agit des paroles
très justes que vous avez eues à l'endroit de M. Robert Normand
et à l'endroit de vos nouveaux collaborateurs. C'est sans réserve
que je m'associe à cela. Quant à l'ensemble des propos du
ministre, je réfléchirai pendant l'heure du dîner, si vous
le permettez, M. le ministre, sur le caractère quelque peu brouillon et
paysan que j'appréciais tellement chez votre
prédécesseur.
M. Morin: M. le Président, c'est avec plaisir que je
laisse à mon vis-à-vis le temps
de réfléchir. J'aurais pensé qu'il avait des
observations toutes prêtes, étant donné qu'il a l'occasion
de réfléchir à longueur d'année sur ces
problèmes, mais c'est avec plaisir que j'attendrai ses propos tout
à l'heure.
Le Président (M. Champagne): La commission élue
permanente des affaires intergouvernementales suspend ses travaux
jusqu'à cet après-midi, 15 heures.
(Suspension de la séance à 12 h 58)
(Reprise de la séance à 15 h 01)
Le Président (M. Champagne): À l'ordre, s'il vous
plaît! La commission permanente des affaires intergouvernementales
poursuit l'étude des crédits budgétaires de 1983-1984 de
ce ministère. La parole était au député de
Jean-Talon.
M. Jean-Claude Rivest
M. Rivest: M. le Président, j'ai écouté avec
beaucoup d'intérêt l'exposé préliminaire du
ministre. Je vais le commenter, si vous voulez, brièvement;
peut-être que mes commentaires seront davantage percutants par les
questions que j'adresserai au ministre par la suite.
D'abord, je ne sais pas si je dois revenir sur cet épisode
malheureux où le ministre s'est royalement "enfargé" - pour
employer une expression québécoise - dans cette question de la
double citoyenneté. Vous m'avez un peu déçu, ce matin,
à l'Assemblée nationale, lorsque vous avez confirmé
à nouveau cette hypothèse pour le moins saugrenue.
M. Morin: Une idée. Est-ce que vous me posez la
question?
M. Rivest: Oui, de façon à dissiper toute
équivoque sur cette question.
Le Président (M. Champagne): M. le ministre, la parole est
à vous.
M. Morin: Vous savez, j'ai enseigné le droit international
pendant 17 ans...
M. Rivest: À qui le dites-vous!
M. Morin: C'est vrai, j'avais oublié que le
député de Jean-Talon avait été de mes
étudiants. C'est juste.
M. Rivest: C'est cela. Vous m'aviez très bien noté,
à part cela; vous m'aviez donné 85% à l'examen.
M. Morin: M. le Président, j'étais bien conscient
du fait que j'avais devant moi un étudiant brillant. Je ne savais pas
que je le retrouverais devant moi comme cela un jour. Mais je le voyais
déjà, lui aussi, chez Simard, adjoint au comptable Bourassa.
M. Rivest: Chez Simard, une entreprise québécoise
qui fait beaucoup d'exportation.
M. Morin: M. le Président, déjà, à
cette époque, puisque mon rôle était d'agiter des
idées, de faire réfléchir les jeunes que j'avais devant
moi sur ces questions, il m'est souvent arrivé de dire: Les
frontières des États, les questions de nationalité ne
seront pas toujours ce qu'elles sont aujourd'hui. Elles pourront se transformer
dans l'avenir. Les phénomènes de nationalité sont
déjà très répandus, ils sont connus de tous. Donc,
c'est une idée avec laquelle le député de Jean-Talon
lui-même serait familier s'il avait écouté les
leçons autrefois. S'il ne l'a pas fait, je ne peux pas maintenant
combler les lacunes de sa formation. Je ne peux pas commencer, aujourd'hui,
à reprendre tous ces exposés qui me remettraient dans l'ambiance
d'autrefois, à laquelle je retournerai peut-être dans quinze
ans.
Le Président (M. Champagne): La parole est au
député de Jean-Talon.
M. Rivest: Le ministre en parle, finalement, très peu.
J'imagine que ce n'est pas sérieux.
M. Morin: C'est une idée. Toutes les idées sont
sérieuses à condition qu'on les traite comme étant des
idées et non pas des énoncés de politique
gouvernementale.
M. Rivest: Est-ce que vous vous adressez aux commentaires que le
premier ministre a faits concernant vos remarques?
M. Morin: Je partage son avis. Ce n'était pas un
énoncé de politique gouvernementale. Cela n'a jamais voulu
être cela.
M. Rivest: La difficulté, c'est cela. Comment allons-nous
savoir, lorsque vous vous exprimerez dans l'avenir, si vous parlez au nom du
gouvernement ou si vous parlez en votre nom personnel?
M. Morin: C'est le contexte qui dit cela, M. le
député. J'imagine que vous-même avez déjà
été dans des situations où vous aviez à distinguer
les moments où vous énonciez une idée personnelle et les
moments où vous parliez au nom du gouvernement. C'est le contexte qui le
dit. Dans le
contexte présent, c'était une conversation à
bâtons rompus dans la rue et ce n'était pas un discours devant
l'Académie française, comme le Devoir le disait dans son article
de fin de semaine. C'est le contexte qui le dit; il faut avoir l'intelligence
de savoir distinguer un contexte de l'autre.
M. Rivest: Puisqu'on en est rendu à scruter cela, vous
avez dans votre discours beaucoup insisté sur les États-Unis et
les rapports avec eux. Dans votre pensée, est-ce que cette double
citoyenneté pourrait également s'orienter du côté de
nos voisins américains?
M. Morin: Je ne spéculerai pas davantage là-dessus,
M. le Président.
M. Rivest: Vous l'avez suffisamment fait dans les derniers
jours.
M. Morin: Je pense que j'ai suffisamment réfléchi
tout haut ces derniers jours.
M. Rivest: Oui. La seule remarque additionnelle que je veux faire
là-dessus, c'est que, compte tenu de l'état de l'opinion, pour
employer un euphémisme, sur les rapports entre le Québec et la
France, je n'ai pas l'impression que votre déclaration a fait avancer la
cause du développement des rapports entre le Québec et la France
dans l'opinion publique québécoise.
M. Morin: Je n'ai pas l'intention de spéculer
là-dessus, non plus. Je ne suis pas du même avis que le
député. Est-ce que je peux me permettre une réflexion
puisque vous m'en parlez, M. le député? Sachant que vous avez
été mon étudiant autrefois, je me serais attendu à
une réaction peut-être plus intelligente de votre part. J'ai pris
connaissance d'un communiqué qui sans doute avait été
rédigé par vous. J'ose espérer que non; peut-être
avait-il été rédigé par quelqu'un d'autre.
M. Rivest: Je ne l'ai pas vu. Qu'est-ce qu'on me faisait dire? Je
n'ai pas émis de communiqué, en tout cas, pas à ma
connaissance. Il est possible que nos services m'aient devancé.
M. Morin: Ah, vous me rassurez'. Vous avez vous-même en
Chambre, il me semble, fait allusion à je ne sais trop quelle histoire
de protectorat français. Vraiment, je n'attendais pas cela de vous.
M. Rivest: II y a quelqu'un qui m'a dit que vous avez
évoqué la possibilité d'une Martinique des neiges.
M. Morin: De quoi?
M. Rivest: D'une Martinique des neiges. M. Morin: Quand on
parle...
M. Rivest: J'ai trouvé l'expression très belle,
mais je n'ai, justement, pas osé la reprendre parce que je savais que
vous parliez en votre nom personnel et je ne voulais pas embarrasser le
gouvernement outre mesure.
M. Morin: Je reviens au communiqué. Vous me rassurez en me
disant que ce n'est pas vous qui en étiez l'auteur. Je vous conserverai
donc mon estime, M. le député.
M. Rivest: En fait, si ce communiqué a été
émis, je l'endosse pleinement. Qu'est-ce que vous voulez? Je n'ai pas le
choix. Je ne voudrais pas que vous semiez la zizanie dans notre groupe car vous
l'avez déjà fait suffisamment dans le vôtre au cours des
derniers jours avec votre déclaration pour le moins intempestive.
M. le ministre, vous avez évoqué, à la fin de vos
remarques, à bon droit, sur le plan personnel j'imagine, vos convictions
d'ordre souverainiste, comme, d'ailleurs, chacun des ministres le fait depuis
quelque temps, toujours à titre personnel. Comme vous le savez, sur le
plan des institutions et de la réalité, nous n'avons pas au
Québec un gouvernement souverainiste puisque ce gouvernement s'est vu
refuser formellement par la population du Québec, un certain 20 mai
1980, le mandat d'engager le Québec dans la voie qui demeure celle des
membres du Parti québécois.
Je voudrais porter à votre attention, dans la mesure où
vous êtes ministre des Affaires intergouvernementales, que les
déclarations que vous-même, ou vos collègues, en
particulier vous en tant que ministre des Affaires intergouvernementales,
faites au sujet de l'orientation future du Québec que vous envisagez en
tant que parti politique créent une espèce de confusion
absolument invraisemblable. Il y a une espèce de conjoncture et
d'accumulation des déclarations, d'une part, du premier ministre
à certains égards sur les élections plus ou moins
référendaires et plus ou moins suicidaires selon votre
prédécesseur. II y a toujours les versions officielles de
souveraineté-association dont je ne sais ce qu'il est advenu,
finalement, du trait d'union. J'imagine que vous l'ignorez, vous aussi.
Il y a les hypothèses évoquées - et là en
tant que ministre également - de votre compère, le ministre du
Commerce extérieur, au sujet d'un marché commun avec les
États-Unis, la thèse officielle étant, j'imagine, toujours
l'association avec le reste du Canada. Il y a cette question au point de vue de
la monnaie qui est toujours en plan. Vous avez d'une façon
remarquée lancé le
débat maintenant sur la citoyenneté.
Il y a des déclarations de vos anciens collègues. Je
lisais, justement, une déclaration de M. Lessard qui semblait
lui-même extrêmement sceptique sur la stratégie et les
orientations des gens qui sont au gouvernement et qui parlent, bien sûr,
comme des gens qui semblent, à tout le moins, être toujours
d'accord avec l'option souverainiste, mais qui, comme membres du gouvernement,
n'ont absolument aucun mandat. Enfin, j'imagine que le temps réussira
à clarifier ce qui est loin d'être clair et ce qui, par les temps
qui courent, ne cesse de se compliquer et de se "confusionner".
Tout ceci crée un contexte qui, dans la conduite des actions que
vous menez au ministère, entache, à mon avis, l'ensemble du
fonctionnement du ministère. Vous avez toujours tendance, dans les
attitudes que vous prenez, autant, d'ailieurs, dans les rapports sur le plan
international que dans les rapports avec le gouvernement canadien ou avec
l'ensemble de la réalité canadienne, à faire comme si le
gouvernement actuel avait effectivement le mandat de travailler en dehors de
l'ordre constitutionnel canadien actuel. C'est un reproche qu'on vous a
adressé à de très nombreuses reprises -d'ailleurs, que de
nombreux observateurs vous adressent au fil des jours - et cela, à mon
avis, a un effet direct sur le fonctionnement du ministère des Affaires
intergouvernementales.
Quelles que soient les intentions du gouvernement dans son entier, mais,
en particulier, du ministère des Affaires intergouvernementales ou quels
que soient les projets que vous envisagiez, tant sur le plan canadien que sur
le plan extérieur, tous vos interlocuteurs auront toujours une
espèce de réserve. Ils seront toujours, face à vos propos,
face à vos initiatives, dans une certaine attitude d'attente,
hésitant à s'engager d'une façon
irrémédiable, à se commettre, à s'associer sans
aucune réserve aux projets que le gouvernement mettra de l'avant au fil
des jours de vos responsabilités. Mise à part la partie du
dossier de la révision constitutionnelle comme telle - même
là, vous étiez aussi dans une ambiguïté qui a
été abondamment commentée et qui a été,
finalement, extrêmement coûteuse pour le Québec - tout cela
crée un contexte que, pour ma part, je trouve mauvais non seulement pour
le gouvernement, mais pour le ministère et surtout pour le
Québec.
Mais puisqu'on va devoir y vivre maintenant, au moins jusqu'au prochain
rendez-vous électoral référendaire, je ne sais trop,
essayons à tout le moins de faire en sorte que cette espèce
d'ambiguïté qui est permanente coûte le moins cher possible
au Québec, puisque c'est un choix politique que vous avez fait. J'ai vu
une manchette, l'autre jour - je ne sais pas, je n'ai pas lu l'article -
où le premier ministre disait que les Québécois avaient
déjà commencé à payer le prix de la
souveraineté. Enfin! Je voulais vous faire part de cette remarque
générale, parce que cela a un effet précis.
Je vais revenir, d'une façon un peu plus précise, à
la question des rapports avec le reste du Canada. Vous avez parlé - je
veux écarter cela dès maintenant - du ministère en tant
que tel, de son administration. Est-ce que, à titre d'information, le
ministre des Affaires intergouvernementales siège au comité des
priorités du Conseil des ministres?
M. Morin: Absolument, oui. Mais, M. le Président, avant
que le député me pose toute une série de questions,
j'aimerais bien pouvoir dire deux mots sur les commentaires qu'il vient de
faire.
M. Rivest; Vous les reprendrez après. J'aimerais mieux
terminer mon intervention, si le ministre n'y voit pas d'objection.
M. Morin: Très bien.
M. Rivest: Ce ne sera pas long, au plus une dizaine de
minutes.
M. Morin: Très bien. Je pensais que vous vouliez passer
à des questions.
M. Rivest: Non. J'ai seulement quelques remarques
générales et, après, on pourra engager le débat, si
vous voulez.
M. Morin: Très bien.
M. Rivest: Alors, sur le plan administratif, le ministre nous a
annoncé qu'on avait confié à Mme la sous-ministre -elle a
déjà commencé, d'ailleurs - et à ses collaborateurs
le soin de consolider la structure et l'organisation administratives. Je dois
dire que l'initiative particulière dont vous avez parlé à
propos d'un service de recherche, d'un centre de recherche et de
développement au ministère des Affaires intergouvernementales
m'apparaît intéressante. J'aimerais que le ministre puisse
préciser le mandat de ce groupe et nous indiquer quels en sont les
objectifs. Je comprends qu'il y ait de tels services dans un tel
ministère, mais quels sont les objectifs qui ont amené le
ministre et Mme la sous-ministre à admettre les carences qu'ils avaient
constatées dans le ministère et ce qu'ils veulent corriger de ce
côté-là? (15 h 15)
Sur ce que vous avez évoqué au niveau de la constitution
interne du Québec, je n'ai rien retrouvé, sauf erreur, dans le
message inaugural du premier ministre; enfin, j'ai
regardé rapidement tantôt, je ne pense pas qu'il y en
avait. Dois-je comprendre que c'est un projet personnel - puisqu'il faut
maintenant faire la distinction - du ministre ou si c'est un projet du
gouvernement? Enfin, le ministre peut avoir des ambitions personnelles tout
à fait légitimes et qui peuvent être
d'intérêt, mais, malheureusement, l'institution parlementaire
étant ce qu'elle est, on doit s'intéresser uniquement à ce
qui est le fruit ou le fait du gouvernement. J'ai déjà lu des
articles remarquables du député de Sauvé dans la revue
Canadian Political Sciences ou dans une autre revue - je crois que
c'était dans la revue Thémis, peut-être, de la
faculté de droit - sur la constitution interne. Ces articles dataient
des années soixante. Alors, comme le ministre est soit
entêté ou qu'il se renouvelle peu, je ne sais pas s'il est encore
au même point. À cette époque, faut-il dire pour être
juste à l'endroit du ministre, il prônait la thèse du
statut particulier avec beaucoup d'enthousiasme.
Vous avez fait de belles déclarations et, si j'étais
ministre, j'aimerais faire de telles déclarations. Un jour,
peut-être que j'aurai l'occasion de faire ce genre de phrases; on ne sait
jamais, comme le disait l'ancien ministre des Affaires intergouvernementales.
Boni Voilà, j'en arrive, M. le ministre, à vous parler de vos
problèmes avec le ministre du Commerce extérieur. Quel
cafouillis? Vraiment! Il paraît que le règlement, M. le
Président - je ne sais pas - m'oblige à prendre la parole du
ministre. Bon, vous ne le savez pas? En tout cas...
Le Président (M. Champagne): Parlez-en à
votre...
M. Rivest: ...si je prends la parole du ministre à la
lettre disant qu'il n'a strictement aucun problème...
M. Morin: Je n'ai pas dit cela.
M. Rivest: Non, pas nécessairement et vous ne m'en
tiendrez pas rigueur. Je dois dire que je ne crois pas beaucoup le ministre
quand il dit que tout va dans le meilleur des mondes avec son collègue,
le ministre du Commerce extérieur. Ne serait-ce que pour une raison
très simple, c'est que la Loi -chaque ministre fonctionne dans un cadre
juridique donné; si je peux la retrouver sur le ministère des
Affaires intergouvernementales confie des mandats très précis au
ministre des Affaires intergouvernementales et, par ailleurs, la Loi sur le
ministère du Commerce extérieur en confie au ministre du Commerce
extérieur qui sont, à plusieurs égards - si le ministre
insiste, je pourrai peut-être les préciser -absolument les
mêmes. Les deux ministres donnent l'impression ou se marchent - j'en ai
la conviction - allègrement sur les pieds l'un de l'autre.
Je n'en suis nullement étonné. Cela m'est assez
indifférent de savoir qui, de M. Landry ou de M, Morin, va finalement
remporter le gâteau. Personnellement, disons que j'ai un
préjugé favorable à l'endroit du ministère des
Affaires intergouvernementales; c'est un préjugé réel et
je fais abstraction de la personnalité des deux ministres, bien
sûr. Cela vient du fait que cette Loi sur le ministère des
Affaires intergouvernementales, dont le chef de l'Opposition du temps avait
tellement vanté les mérites, j'y avais mis un peu du mien, si
bien que, vous savez ce que c'est, les choses que l'on a faites, on n'aime pas
beaucoup qu'on y touche - on a toujours un côté un peu
conservateur - ou qu'on mette de côté ce que l'on avait fait.
Le principe du ministère des Affaires intergouvemementales
était que l'action extérieure du Québec, à
l'échelle canadienne comme à l'échelle internationale,
devait se faire en un lieu, avec une personne responsable, avec des
fonctionnaires qui voient à l'ensemble. On a mis le mot "coordination",
mais il me semble que c'était le principe fondamental d'éviter la
multiplicité des initiatives des uns et des autres; quelles que soient
les motivations tout à fait raisonnables que les uns et les autres
peuvent avoir à cet égard. Il faut qu'il y ait une
cohérence à l'intérieur d'un gouvernement. Il me semble
que c'était cela.
Quand j'ai vu venir la loi qui donnait le mandat au ministre du Commerce
extérieur, je me suis fortement inquiété. D'ailleurs, j'ai
participé ici, à cette commission, au débat sur la loi. Je
pense que le député de Terrebonne s'en souvient. On a posé
des questions très précises et très techniques. Je ne veux
pas embarquer le ministre dans les problèmes de l'article 7 de la Loi
sur le commerce extérieur et du mandat général de
coordination qui y existe, avec cette espèce de truc qu'on a
donné qui était un des grands débats que nous avions eu en
1972 ou je ne sais trop, par exemple, la possibilité à l'article
74, pour le ministre du Commerce extérieur, de conclure des ententes.
Dieu sait que nous avons eu des problèmes avec, entre autres, les
universités et d'autres intervenants dans le secteur parapublic pour
amener - d'ailleurs, je pense qu'il y a eu des ententes ad hoc qui ont
été faites à un certain moment - l'ensemble du secteur
public à, justement, ne pas aller à gauche et à droite
conclure des ententes sans que le ministère des Affaires
intergouvernementales ou qu'un ministre du gouvernement en soit
responsable.
L'Assemblée nationale ou le gouvernement a proposé de
donner au ministre du Commerce extérieur la possibilité de la
conclusion d'ententes, de l'élaboration
et de la mise en oeuvre de programmes d'aide favorisant les exportations
et les accords industriels, tout en conservant une responsabilité
générale au ministère des Affaires intergouvernementales
d'élaborer la politique économique. Ce sont des mots. Comment
cela s'articule-t-il en pratique? Le ministre nous a dit: II y a des
ajustements normaux, etc. J'en conviens volontiers, mais c'est très loin
d'être clair.
Ma préoccupation, encore une fois, en faisant état de mon
préjugé favorable au ministère des Affaires
intergouvernementales, est tout autre. Je pense surtout à des
intervenants privés. J'en ai rencontré un ou deux à ce
sujet. Ils sont dans des entreprises importantes qui exportent. Il y en a une,
toutefois, qui est toute petite. Ce n'est pas une grosse. Elle est dans la
région de la Mauricie. Elle travaille dans le domaine du bois et elle
exporte à environ 99% vers les États-Unis. Le problème que
cela pose, c'est qu'elles sont habituées à faire affaires, dans
le domaine des exportations, beaucoup, bien sûr, avec les organismes du
gouvernement canadien. Elles sont satisfaites ou plus ou moins satisfaites des
services qui sont offerts là, mais, enfin, elles avaient un service.
Elles ont vu arriver l'Office du commerce extérieur du Québec
avec qui elles s'étaient habituées à travailler, qui
relève du ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.
Cela allait bien. Enfin, on a essayé de voir à ce que les
tensions entre les organismes fédéraux et l'organisme
québécois réussissent à être aplanies.
Voilà qu'arrive le ministre du Commerce extérieur qui
récupère l'Office du commerce extérieur. Les gens voient
arriver le ministère des Affaires intergouvernementales sans trop savoir
ce que ce nouvel intervenant vient faire. Vous avez fait une série de
déclarations au moment où "vous plantiez vos piquets" -c'est une
expression contenue dans un éditorial que j'avais trouvé assez
bien tourné de Mme Lise Bissonnette, dans le Devoir -pour bloquer M.
Landry, j'imagine. Malheureusement, M. Landry a été votre ligne
Maginot cela a été contourné assez facilement.
Là, il y a une espèce de confusion. Les intervenants du
milieu, voyant ce qui est survenu récemment dans les journaux, au moment
où vous étiez à Paris... Je ne sais pas si on a
porté à votre attention ce qui a été dit dans les
journaux. M. Landry semblait, au dire de ses collaborateurs, très
fâché de ce qui se passait. Il semblait que le ministère
des Affaires intergouvernementales espionnait, etc. Il y avait toujours le
parapluie du ministère des Affaires intergouvernementales qui
était là. Enfin, vous avez vu tout ce qui est survenu.
Après cela, nous avons eu droit aux déclarations -ma foi, que
j'aurais pu écrire - tout à fait rassurantes des ministres, de
part et d'autre, disant: Non, il n'y a rien là. Je suis un très
grand ami, un très grand collaborateur de mon collègue. Les
choses vont très bien. En fait, les choses ne vont pas si bien que
cela.
Je voudrais que, d'une part, vous nous disiez d'une façon
très concrète - on pourra y revenir, si vous voulez, lors de la
période des questions - comment cela s'articule. Est-ce qu'il y a un
plan d'organisation et d'arrangement, une convention écrite à
laquelle les gens, qui veulent savoir qui fait quoi au gouvernement du
Québec en matière de commerce extérieur, peuvent se
référer d'une façon précise? Je pense que c'est
très important. Je fais cette demande non pas pour embarrasser
inutilement les ministres en cause, ou même le premier ministre qui doit
arbitrer ce genre de conflit, mais parce que les intervenants ont tout
intérêt à savoir qui fait quoi. Le sachant, ils peuvent
effectivement appuyer et mettre de la chair autour de la volonté
politique que le gouvernement nous a indiquée, de développer le
secteur des exportations. J'aimerais bien que le ministre soit beaucoup plus
spécifique que les généralités qu'il nous a
données.
Ma deuxième remarque d'ordre très général
concerne les relations entre Québec et Ottawa. Il y a un contexte
politique auquel j'ai référé et avec lequel on va vivre
jusqu'à nouvel ordre. Dans le fonctionnement des rapports entre
Québec et Ottawa, il y a la politisation. Je vais vous le dire vraiment
comme cela me vient. Ce qui me préoccupe, c'est de voir depuis avant et
après le référendum, jusqu'au prochain
référendum, aller allègrement les ministres
fédéraux et les ministres québécois dans une
espèce de chassé-croisé où les uns et les autres,
selon les intérêts politiques des uns et des autres, en
particulier dans le domaine économique, se tendent ni plus ni moins des
pièges et sont, semble-t-il, très heureux de part et d'autre
lorsqu'ils peuvent prendre en défaut leur vis-à-vis
québécois ou canadien.
Je donne un exemple précis de ce que j'ai vécu. Là
où vraiment dans mon esprit c'est devenu assez aigu, c'est lorsque j'ai
eu l'occasion de rencontrer les gens de Marine Industrie à Sorel
où je me suis fait dire par des porte-parole de Marine comme par les
travailleurs qu'ils couraient allègrement à l'échelle
canadienne et même internationale pour obtenir des contrats qui se
traduisaient, bien sûr, en termes de "jobs" pour les gens de Sorel.
Lorsqu'ils rencontraient les fonctionnaires du gouvernement
québécois et du gouvernement canadien, on regardait sur le plan
technique les dossiers, on préparait les soumissions - parce que ce
chantier-là, entre autres, doit concurrencer, bien sûr, sept ou
huit autres chantiers canadiens - et, finalement, on arrivait à
s'entendre pour préparer une excellente soumission.
La crainte des uns et des autres,
autant des fonctionnaires, d'ailleurs, que des travailleurs et des gens
du conseil d'administration de Marine, c'était l'arrivée de la
politique, l'arrivée d'un ministre fédéral comme d'un
ministre québécois dont la préoccupation première
était, semble-t-il, d'aller planter son drapeau sur le résultat
de tout cela.
M. Kehoe: Pour les pêcheries, la même chose.
M. Rivest: On a eu des exemples assez évidents sur le plan
des pêcheries. Je me fous absolument et royalement de savoir qui du
ministre québécois ou du ministre fédéral est le
plus méchant. Ce que je déplore, c'est que, dans le contexte
économique actuel, il me semble que, de part et d'autre, on devrait
faire tout en son pouvoir pour éviter ce genre de politisation a
outrance, surtout dans le crise économique actuelle, surtout lorsqu'il
s'agit de dossiers économiques que l'on peut mettre en branle de part et
d'autre.
Le ministre a évoqué dans sa déclaration
d'ouverture - et j'étais content qu'il le mentionne - l'exemple du
Nid-de-Corbeau qui m'apparaît exactement le type de rapport que je
voudrais voir s'installer entre le gouvernement du Québec et le
gouvernement canadien. Il m'apparaît, en tout cas, dans mon esprit
être un bel exemple de la façon dont un régime
fédéral fonctionne, avec des tensions, des difficultés,
mais également avec un sens des responsabilités. Une des raisons
pour lesquelles les intérêts du Québec, à mon avis,
dans ce dossier-là ont été substantiellement,
d'après les intervenants du milieu, protégés et
assurés contre une initiative du gouvernement canadien - j'en conviens
volontiers - c'est probablement parce que le ministre de l'Agriculture
était encadré à l'intérieur d'une coalition pour
combattre la politique fédérale et qu'il était convenu
entre tous les participants qu'il n'y aurait pas de politique, que l'on
défendrait de la façon la plus ferme et la plus légitime
possible les intérêts du Québec, qu'on ferait les
représentations solides et cohérentes face aux intervenants
fédéraux dans le domaine. C'est la solidité même du
dossier, cette non-politisation, qui a permis dans une large mesure - ce n'est
peut-être pas la seule raison la modification que l'on a connue de
la politique fédérale, qui a sauvegardé l'essentiel des
intérêts proprement québécois qu'on avait à
protéger à l'intérieur d'une politique canadienne. (15 h
30)
J'ai vu, de la part de votre collègue, le ministre du Commerce
extérieur, une déclaration générale. Il a dit, au
moment où il a été désigné à cette
fonction, qu'il collaborerait - je pense qu'il l'a dit ici à la
commission ou ailleurs - avec le gouvernement fédéral, qu'il ne
politiserait pas les rapports et Dieu sait que les intervenants dans le milieu
le demandent. J'ai lu aussi avec beaucoup d'intérêt la
déclaration récente du ministre des Finances. Enfin, je ne veux
pas mal le citer ou mal l'interpréter, mais j'ai compris de sa
déclaration qu'il disait que la politisation à outrance des
rapports entre Québec et Ottawa avait causé des torts
sérieux non seulement au Québec, mais, j'imagine,
également au pays tout entier.
Je regrette que le ministre dans son intervention ait encore une fois
parlé de tout ce qu'il y avait de méchant et de l'impression
qu'il avait que M. Trudeau se réveillait la nuit - j'exagère
à peine - pour tramer quelque mauvais coup contre le pauvre
Québec. Vraiment, ce discours vous pouvez le penser, mais moi, je trouve
cela un peu enfantin comme procédure. Je trouve que vous devriez
défendre les intérêts... Cela s'est fait dans le
passé; les autres gouvernements l'ont fait en dehors d'un contexte
politique. Ils ont obtenu un certain nombre de succès. Je vous ai
donné l'exemple du Nid-de-Corbeau où on a réussi à
faire un certain nombre de choses. Vous avez vous-même
évoqué les représentations que vous avez faites au niveau
de FIRA.
Cela m'amène à une chose: Dans les rapports entre
Québec et Ottawa, serait-ce possible que vous vous parliez les ministres
fédéraux et les ministres québécois, avant de vous
lancer les uns et les autres toujours dans des conférences de presse se
voulant les plus spectaculaires possible, les uns pour tirer, finalement, la
conclusion des grandeurs et des beautés du fédéralisme et
les autres pour tirer la conclusion des grandeurs et des beautés de
l'option souverainiste? Les gens en ont assez de cette politisation à
outrance des rapports entre Québec et Ottawa. Je me permets d'insister
pour que, dans les projets que vous avez à cet égard, au chapitre
des affaires dites canadiennes, l'on retrouve cet esprit, qu'il soit
l'expression de la volonté politique du gouvernement actuel du
Québec et, en particulier, du ministre des Affaires
intergouvernementales. Il me semble que ce serait déjà un geste
qu'apprécieraient le public, la population et les intervenants dans le
domaine économique. Cela pourrait s'appliquer, bien sûr, aux
autres domaines, mais j'insiste sur le domaine économique.
De plus, ce qui me frappe dans l'attitude du ministère des
Affaires intergouvernementales dans le domaine des relation?
fédérales-provinciales, c'est qu'il y a eu, si on reprend
l'histoire du ministère, un manque d'initiatives de la part du
gouvernement - cela peut venir des ministères sectoriels, mais
même du ministère des Affaires intergouvernementales - sur le plan
de l'articulation de nouveaux
programmes. Lorsque le gouvernement du Québec a un certain nombre
de programmes neufs, il sait par définition, étant donné
l'ordre constitutionnel dans lequel on se trouve, qu'il y a une dimension
fédérale-provinciale. D'ailleurs, cela s'applique sur le plan de
la constitutionnalité des lois, etc. Peut-être ai-je tort, mais je
pense qu'on pourrait l'illustrer dans un certain nombre de cas. On a
l'impression que le gouvernement du Québec prépare ses projets et
avance, avance. Il sait très bien qu'il y a une dimension
fédérale à son projet et il fait comme si cette dimension
n'existait pas pour, finalement, en n'en parlant à peu près
à personne et en bousculant les gens à Ottawa, leur lancer
littéralement le projet sur la table et là, Ottawa essaie de s'en
tirer du mieux qu'il peut. Cela déborde alors immédiatement dans
l'ordre politique.
Sans préjuger de ce qui arrivera sur le plan constitutionnel - je
mets cela entre parenthèses; il reste deux ans à vivre et je
voudrais qu'on vive le mieux possible avant la prochaine échéance
électorale - je voudrais qu'il y ait des initiatives de la part du
ministère des Affaires intergouvernementales de façon à
mettre un peu entre parenthèses la politique et à rendre
très fonctionnels les rapports entre Québec et Ottawa, surtout
dans le domaine économique. Je voudrais, autrement dit, que s'installe
une certaine normalité. Le ministre a parlé d'un tournant. Bien,
prenez-le donc pour les deux ou trois années qui restent du mandat du
gouvernement! Prenez-le donc! Je n'ai, pour ma part, aucune hésitation
à dire que - et je suis convaincu que mon collègue de Chapleau
sera d'accord - si cette normalité des rapports s'installait, il me
semble qu'il y aurait beaucoup plus de choses que le gouvernement du
Québec et que le gouvernement canadien pourraient faire.
Cette guérilla est à tous les niveaux. Il s'agit
d'assister à l'inauguration d'un simple centre d'accueil et de voir
arriver ces deux innommables plaques qui viennent balafrer le devant de ces
centres d'accueil car les administrateurs sont obligés d'afficher la
plaque fédérale et la plaque québécoise. Il y a un
côté qui est devenu folklorique. S'il n'était que
folklorique, je ne m'en plaindrais pas, mais je trouve qu'on est allé
beaucoup trop loin là-dedans. Je voudrais que le ministre soit clair
là-dessus, qu'il nous dise plus que: Bon, voilà, il y a eu les
F-18 et il y a eu ceci et cela, parce qu'il y a toutes sortes de choses
là-dedans. Un ministre qui voyait - moi, je ne le sais pas, je ne suis
pas familier avec les détails des affaires -que le Québec
n'aurait pas ce qu'on lui avait promis... Je pense que, dans le dossier des
F-18, c'est assez clair qu'entre les déclarations du ministre de la
Défense et la réalité il y a un trou, pour employer une
expression qui va rappeler de bons souvenirs au ministre des Affaires
intergouvernementales. Il me semble qu'il aurait dû y avoir une
surveillance, qu'on aurait dû sentir dans l'opinion publique, à
l'Assemblée nationale ou ailleurs, qu'effectivement, au lieu de laisser
les choses se faire, un ministre quelque part, en téléphonant -
ce n'est pas nécessaire d'aller en conférence de presse, cela
s'appelle, un ministre - dirait: Voici, dans un dossier comme celui-là,
le Québec est en train de perdre quelque chose, donnez-nous ceci ou
cela. Il y a des moyens de faire des propositions, de prendre l'initiative des
choses.
Je voudrais que le ministre et le ministère des Affaires
intergouvernementales soient de la partie. Je me rappelle un cas, par exemple.
Je sais que, dans le domaine social, en ce qui concerne les allocations de la
sécurité du revenu - pour prendre un exemple d'un homme qui est
dehors de la politique - quand M. Castonguay était au ministère
des Affaires sociales, il se préoccupait de cette dimension-là.
Il appelait, les fonctionnaires et lui-même allaient auprès du
gouvernement canadien pour exprimer le point de vue du Québec et on
réussissait à articuler des choses. J'imagine que l'entente dans
le domaine de l'immigration a été menée à bon terme
de cette façon-là. Pour les choses que l'on peut faire, on voit
toujours qu'il y a eu une initiative et qu'on a essayé de mettre entre
parenthèses la dimension politique.
J'aurais une autre remarque, avant de revenir à des questions
plus spécifiques -peut-être que mes collègues en ont
d'autres - sur les relations extérieures. Le ministre a parlé des
rapports Nord-Sud, du Moyen-Orient, etc. Est-ce que le ministère des
Affaires intergouvernementales et surtout le gouvernement du Québec ont
l'intention de développer une politique extérieure du
Québec? À ce moment-là, il faudrait être
cohérent. Il faudrait d'abord qu'on le dise. Deuxièmement, qu'on
voie si c'est bien dans l'ordre constitutionnel actuel qu'une telle chose
existe et ce qui va arriver si cette politique-là contredit la politique
du gouvernement canadien qui est le "définisseur" premier de la
politique étrangère du pays, c'est normal. Troisièmement,
c'est bien beau, le discours du ministre sur le Moyen-Orient, ses
déclarations qui étaient assez critiques à propos des
initiatives de M. Trudeau au sujet des rapprochements Nord-Sud, mais il
faudrait qu'il soit complet. Vous avez fait tous les mamours du monde aux
États-Unis, mais voulez-vous des missiles Cruise sur le territoire
canadien ou sur le territoire québécois? Prononcez-vous aussi
là-dessus. Vous allez finalement découvrir, si vous êtes
sérieux et si ce ne sont pas seulement des espèces de
hors-d'oeuvre qui sont agréables ou désagréables à
entendre selon
l'interlocuteur... Si vous voulez vous donner cela, donnez-vous-en une
cohérente. Et en aucune manière, nulle part, le premier ministre
du Québec n'a indiqué de telles intentions. Je n'ai jamais vu, en
tout cas -et je ne pense pas me tromper - de la part du premier ministre actuel
du Québec, qu'on était pour avoir cela.
Le ministre des Affaires intergouvernementales s'est lancé dans
quelques considérations qui m'apparaissent - je ne conteste pas le
mérite ou le démérite de ce qu'il a dit - tout à
fait accessoires. Je ne sais pas si c'est une volonté politique.
J'aimerais qu'il y ait une volonté politique dans ce domaine. Il n'y en
a pas. Par exemple, tout ce que vous faites au niveau de la France, on en
reparlera peut-être plus longtemps, mais pour ce que vous faites au
niveau des États-Unis, quelle est la politique du gouvernement du
Québec vis-à-vis des États-Unis? Vous ne pouvez pas
simplement vous contenter de dire: Voici, à Boston, nous avons fait ceci
et cela, il y a eu le contrat d'électricité. Vous avez
énuméré un ensemble d'initiatives très ponctuelles,
comme le dirait l'ancien sous-ministre des Affaires intergouvernementales, M.
Arthur Tremblay, selon son expression favorite, mais ce n'est pas une
politique. Dans quel cadre cela se situe-t-il? D'où cela vient-il?
Vous parlez des exportations, très bien, mais quelle est la
politique du gouvernement face aux investissements? Prenons juste le domaine
économique. Quelle est la politique actuelle du gouvernement du
Québec face aux investissements américains? Vous avez une
politique dans le programme de votre parti politique, mais elle ne correspond
pas du tout à quelque déclaration que ce soit. Est-ce que vous
avez fait des représentations auprès du gouvernement canadien?
Vous avez mentionné spécifiquement FIRA, le problème de la
monnaie. Quand vous faites état d'une façon un peu bizarre de
l'augmentation des exportations de ceci ou de cela pour une année, le
chiffre est lancé et vous avez l'air de vous satisfaire de cela. Il faut
avoir plus d'information que cela. Quelle a été, par exemple,
l'action des accords qui existent entre le Canada et les États-Unis face
à cette augmentation du volume des exportations? Quelle est la structure
des exportations entre le Québec et les États-Unis sur une plus
ou moins longue période, au lieu de nous donner sèchement les
chiffres de la dernière année? Quel a été l'effet
de la position relative du dollar canadien par rapport au dollar
américain? Il y a toute une série de questions. Quel a
été l'impact des initiatives des agents économiques
privés? C'est bien beau de nous dire que le volume des exportations du
Québec face aux États-Unis a augmenté, que nous avons des
maisons du Québec et c'est terminé. Ce n'est pas un exposé
de politique, ce sont des espèces de courts-circuits d'une phrase qui en
appelle une autre. Mais, pour un ministre des Affaires intergouvernementales
qui se targue d'avoir des politiques visionnaires, il me semble que c'est assez
décevant.
D'ailleurs, dans tout votre exposé préliminaire - et
même dans les déclarations publiques que vous avez faites - autant
dans les rapports entre le Québec et le reste du Canada que dans les
rapports extérieurs, je n'ai pas senti cela. Quand vous faites vos
déclarations, vous dites: Et maintenant l'Asie, et on a nommé M.
Untel dans le coin. Franchement, quand on annonce: Et maintenant l'Asie, on a
l'impression de voir arriver quelque chose d'extrêmement important et on
arrive avec une initiative très, très limitée. Ce n'est
pas une politique, à mon avis, intergouvernementale. Ce n'est pas du
tout, du tout cela. J'exigerais plus que ce que vous en avez donné.
Il y a d'autres de vos collègues qui parlent du libre
échange avec les États-Unis. Il faut savoir de quoi on parle.
S'il est vrai que vous voulez un système de libre échange,
quelles sont les contraintes que vous êtes appelé à
accepter, les disparités de votre fiscalité, en fait, toutes les
conséquences sur la fiscalité, le salaire minimum, l'implantation
industrielle? Avez-vous une politique? Franchement, votre discours laisse
entendre que vous l'avez parce que vous savez aligner les mots qu'il faut pour
parler de la chose, mais, M. le ministre, nous voulons voir la chose. La chose
n'existe pas. Cela me semble aussi simple que cela. Je n'ai pas d'objection
à ce que vous parliez de la chose, mais il faudrait qu'elle vienne un
jour et on ne l'a pas vue. D'autant plus que c'est assez incohérent.
Bernard Landry dit ceci un jour, le premier ministre dit cela et vous,
j'imagine que vous faites la synthèse. Je ne sais pas si c'est votre
rôle. Ce n'est pas très sérieux. On ne sait pas où
cela va. Après cela, vous faites quelques statistiques pour montrer
qu'on a tant de personnes dans les ambassades canadiennes aux États-Unis
et dans nos consulats. Il y a tant de francophones québécois. (15
h 45)
Premièrement, il n'y a pas une correspondance absolument
mathématique dans votre argument, dans cette espèce
d'exposé que vous avez fait. Vous avez pris dix minutes, je pense, pour
expliquer cela. Si vous n'êtes pas satisfait du rôle et du
fonctionnement des ambassades canadiennes et des consulats aux
États-Unis, il y a une façon très simple: donnez-vous un
plan d'action des maisons du Québec avec des objectifs précis,
arrivez avec ce plan d'action - parce que vous devez respecter l'ordre
constitutionnel - allez auprès du gouvernement canadien, puis dites:
Voici, il se passe ceci aux États-Unis et c'est contre
les intérêts du Québec. Nous avons telle ou telle
idée ou telle ou telle initiative et nous croyons que, si nous faisions
ceci et cela ensemble, on pourrait corriger cette situation.
M. Morïn: J'ai pensé pendant un instant que vous
alliez me recommander d'abandonner nos bureaux et délégations
pour les fondre dans les consulats canadiens.
M. Rivest: Non, je vais, d'ailleurs, vous en dire un mot
tantôt. Je trouve que ce serait une attitude sérieuse, une
attitude où l'on voit qu'à ce que vous dites, il y a une
conséquence qui s'ensuit. Mais cette espèce de "grenouillage"
pour dire que, s'il y a trois ou quatre Québécois francophones -
avez-vous pris soin de préciser, et la nuance était
intéressante - dans tel consulat, franchement, tout cela est la cause
des malheurs du Québec aux États-Unis et que ce qui nous arrive
d'heureux, c'est le fait que vous ayez nommé un ou deux
Québécois quelque part dans une maison du Québec à
Chicago et qu'il va y avoir une réunion d'une espèce de conseil
d'administration, franchement, cela me désole un peu. Pour Chicago, il
va y avoir une réunion d'un conseil qui va venir siéger à
Québec, ce qui prouve que notre maison de Chicago... C'est fatigant
d'entendre cela comme seule justification. Je pense qu'au niveau du
ministère des Affaires intergouvernementales on doit mettre un peu plus
d'élan, un peu plus de souffle si on croit que le Québec doit
avoir une certaine action.
Vous m'avez mentionné les maisons du Québec. Je sais que
ce n'est pas facile, mais il y a trois ou quatre ans, mon collègue, le
député de Saint-Laurent, M. Forget, vous avait demandé un
document-synthèse sur les performances, l'évaluation. D'abord,
c'est quoi, la politique pour les installer? Jamais on n'a pu savoir pourquoi
Dallas, Atlanta et pourquoi pas Baltimore ou Cincinnati ou ne je sais trop. Je
parle des États-Unis, mais cela pourrait s'appliquer au reste du monde.
Quelle est la politique d'implantation des maisons du Québec ou de
localisation? On ne l'a jamais su.
Deuxièmement, une fois qu'on l'a localisée, quelle est la
vocation que l'on donne à l'une par rapport à l'autre. Il ne
s'agit pas seulement de savoir que M. Untel est rendu là ou que Mme
Unetelle est rendue là. C'est bien agréable, car je connais
plusieurs personnes et cela m'intéresse de savoir où elles sont
rendues. En dehors de cela, il n'y a plus d'intérêt.
Après cela, il y a l'évaluation de la performance. Vous
avez produit - je pense que c'est à l'automne 1982 - un document qui
était, comme le dirait le premier ministre du Canada, un peu du
pétage de bretelles, où on parlait des augmentations
d'exportations sans égard aux dimensions pécuniaires et autres et
à l'action du gouvernement canadien. Mais ce n'était pas du tout
ce que le député de Saint-Laurent, M. Claude Forget, avait
demandé à votre prédécesseur, M. Morin, comme
évaluation des performances.
Je reviens à un autre article de Mme Bissonnette. Je ne sais pas
si c'était dans l'éditorial des piquets, mais je trouvais cela
très bien, ce qu'elle avait écrit. Essayons de retrouver cela.
Voici ce qu'elle disait. Si M. Morin avait été un peu moins
chauvin - c'est un peu ce que je viens de dire, mais je suis plus
nuancé, je trouve son terme très fort -et avait ajouté
à ses dépenses celles que font pour la promotion
extérieure le ministère de l'Industrie, du Commerce et du
Tourisme, celui des Affaires culturelles, celui des Communautés
culturelles et de l'Immigration ou encore des organismes d'État comme
Hydro-Québec, le bilan aurait été sans doute encore plus
positif. Ce que nous avons besoin de connaître, cependant, c'est
l'évaluation de la performance de ce réseau. Je ne veux pas jouer
dans les broderies ou dans les tableaux de mon ami Michaud, mais ce n'est pas
cela, le problème. Le problème est beaucoup plus un
problème de rigueur, un problème de sérieux et un
problème de transparence et surtout un problème de
définition et d'orientation, enfin d'évaluation, si vous le
voulez, de la performance des maisons du Québec.
Je sais que cela ne s'évalue pas comme la production des prunes
au Chili, la performance d'une maison du Québec. Il y a toujours un
facteur impondérable, etc., c'est bien évident, mais au moins
qu'on ait un ensemble cohérent. On l'attend toujours. Cela fait trois
ans - je ne sais pas en quelle année M. Forget a demandé cela -
peut-être quatre ans, qu'on demande cela et on ne l'a toujours pas. Tout
de suite, on arrive avec la déclaration: J'espère que vous ne
remettrez pas en cause l'implantation des maisons du Québec à
l'étranger. Je ne la remettrai pas en cause, sauf que je voudrais que
l'argent qui est dépensé là-dedans soit le mieux
engagé possible. Je voudrais que la présence du Québec
soit la plus sérieuse possible à l'étranger. Je voudrais
qu'à l'étranger on sente, de la part de nos maisons du
Québec, que l'on fonctionne d'une façon fonctionnelle - pour
employer un pléonasme - avec les autres intervenants qui ont leur mot
à dire, soit le gouvernement canadien, soit les investisseurs
privés. Il me semble que ce serait rendre le plus grand service à
la présence extérieure du Québec d'avoir un tel document,
d'avoir une telle politique de la part du ministère des Affaires
intergouvernementales.
C'étaient mes remarques, quitte à ce qu'on en
débatte. Comme je vous l'ai dit, je n'ai pas l'intention de poser des
questions. Je
sais que j'ai soulevé plusieurs questions auxquelles le ministre
voudra peut-être répondre, mais il me semble que ce sont les
grandes questions générales dont on peut discuter. En tout cas,
on est bien prêt à entreprendre la discussion avec le ministre et
à consacrer peut-être moins d'importance aux aléas et aux
subtilités comptables des crédits.
Un dernier mot, si vous voulez -j'avais oublié - sur le sommet de
la francophonie. Il y a eu de multiples querelles sur le sommet de la
francophonie. Il s'agirait, d'abord, de savoir s'il est impensable que le
premier ministre du Québec puisse parler au premier ministre canadien
à ce sujet. Deuxièmement, il pourrait lui dire ce que le
Québec veut avoir et entend avoir du sommet de la francophonie. Est-ce
que ce sera un sommet de nature très très culturelle ou si ce
sera un sommet de nature économique? Il semble y avoir, d'après
ce que j'ai pu percevoir dans les journaux, une espèce de
différence - cela a évolué - par rapport à ce que
c'était au début, en tout cas, au moment où le
président Senghor et d'autres en ont parlé. Il y a un
problème: Quelle est la position du Québec? Qu'est-ce que le
Québec voit dans ce sommet?
Troisièmement, j'ai des doutes très sérieux sur la
perception qu'a le premier ministre de certaines expressions qu'il emploie
lorsqu'il parle de gouvernement participant. Probablement que des gens du
ministère lui ont dit qu'il fallait dire cela comme lorsqu'on parlait
des relations entre le Québec et la France, il fallait toujours parler
des liens directs et privilégiés. Il y a une espèce de
liturgie qu'il faut employer à un moment donné. On a probablement
dit au premier ministre: L'important, M. le premier ministre, dans la querelle,
c'est que vous disiez que le gouvernement du Québec doit être un
gouvernement participant. Alors, le premier ministre a dit cela. Ma foi,
j'étais assez content de la formule, sauf que le premier ministre n'a
pas réalisé - je pense qu'il ne l'a pas réalisé, je
ne veux pas être injuste à son endroit - qu'en disant
"gouvernement participant", il se trouvait à parler d'un gouvernement
semblable à celui qui a été négocié par
l'Agence de coopération culturelle et technique.
Je pense que mon vis-à-vis, à l'époque, qui est
assis derrière vous, s'en souviendra sans doute - il a bien
tourné celui-là, il est rendu à Québec, mais,
à l'époque, il était à Ottawa - qu'en
négociant l'article 3 de la charte - je ne m'en souviens plus, mais,
enfin, je pense que c'est l'article 3 - de l'Agence de coopération
culturelle et technique... J'aimerais que le ministre des Affaires
intergouvernementales nous le dise. Le premier ministre a dit qu'il voulait que
le Québec, au sommet de la francophonie, ait un statut de gouvernement
participant. Fort bien, mais, dans le texte même de l'article 3 - que je
n'ai pas ici, mais je vous le dis de mémoire - il y a,
premièrement, la reconnaissance de la souveraineté de
l'État membre de l'agence, l'État membre étant le
gouvernement canadien. Deuxième élément, il y a la notion
qui est introduite de gouvernement participant, qui est explicitée dans
la charte, selon laquelle on participe au conseil d'administration et au
comité consultatif, qui est assez large; on participe aussi au
financement, au secrétariat, je pense, si ma mémoire est bonne.
Il y a une chose aussi qui est essentielle, qui est spécifiée
dans l'article même de l'agence, c'est qu'il y a l'obligation de
convenir, pour être un gouvernement participant, des modalités de
la participation entre le gouvernement participant et l'État membre.
Quand on fait une lecture de cet article, pour les besoins du
Québec, on lit: Le gouvernement du Québec doit reconnaître,
ou reconnaît - et c'est ce qu'on a reconnu au moment où on a
signé l'entente avec le gouvernement canadien - que celui qui a la
personnalité ou la souveraineté internationale, c'est le Canada,
c'est le gouvernement canadien, qui est État membre.
Deuxièmement, on obtient un statut de gouvernement participant qui
permet au Québec de faire les choses qu'il doit faire, je pense, dans un
organisme comme l'agence, étant donné les caractéristiques
culturelles de la société québécoise, nos
préoccupations propres en tant que Québécois; donc, on
obtient la possibilité de les faire. Troisièmement, on se situe
dans un ordre constitutionnel donné qui est l'ordre du
fédéralisme canadien et on convient de modalités
d'articulation entre le gouvernement canadien et le gouvernement du
Québec, pour savoir comment cela va marcher. Je n'ai pas relu cela.
Peut-être que mon ami, M. Roquet, pourra me rappeler cela parce qu'il est
très au fait de ce dossier. On a convenu de longs après-midi
-vous vous rappelez, M. Roquet - d'un certain nombre de modalités de
fonctionnement entre le gouvernement canadien et le gouvernement
québécois.
Il n'y a eu personne qui s'est tiré en l'air pour engueuler M.
Untel et dire: Voilà, le Québec est ceci, le Québec est
cela. Le Québec est à l'agence et les problèmes que
l'agence a, cela ne tient pas de la participation du Québec. Cela tient
de l'agence elle-même, d'après ce que j'ai cru comprendre. Le
Québec participe. Je pense que, pour les Québécois qui
sont là avec les gens qui représentent le gouvernement canadien,
cela va bien. Quand le premier ministre du Québec parle du sommet de la
francophonie et veut obtenir cela, il faut qu'il convienne des
modalités. J'ai vu la déclaration de M. Trudeau dans les
journaux; je ne sais pas si c'était à la conférence ou
après. Il disait: Sur le plan international, c'est le
gouvernement canadien qui a la souveraineté -; c'est exactement ce qui
est dans l'article - qu'on nous fasse des propositions sur les
modalités, on est prêt. Il me semble que j'ai vu cela.
Si le gouvernement canadien ne vous propose pas de modalités - je
parle d'initiative - je verrais très bien le gouvernement du
Québec proposer un protocole d'entente qui pourrait être analogue
à celui de l'Agence de coopération culturelle et technique sur
cette base. Ce qui m'embarrasse un peu pour demander de le faire maintenant,
c'est que j'ai l'impression que le sommet, comme tel, n'a pas de
définition encore très arrêtée, à savoir ce
que ce doit être. Peut-être faut-il attendre cela? Au moins,
exprimez votre opinion comme gouvernement du Québec et, après
cela, si cela ne marche pas, vous verrez. Ne criez pas que le gouvernement
canadien veut écraser le Québec avant d'avoir fait cette
démarche. Je pense que c'est un bel exemple de ce que je demande au
ministère des Affaires intergouvernementales dans l'ordre des rapports
entre Québec et Ottawa, même dans l'ordre international. Quand je
vous dis: Parlez-vous, ne politisez pas inutilement les choses parce que c'est
de la politisation à outrance que je vois venir à propos du
sommet de la francophonie, quelles que soient les déclarations, parce
que ces pauvres Français sont pris entre M. Trudeau et M. Jacques-Yvan
Morin, l'un et l'autre tirant des conclusions de ce que les interlocuteurs
français disent.
À un moment donné, je ne voudrais pas que cela se fasse et
que, parce que c'est de la politique finalement, cela ait lieu et qu'on ne soit
pas là. Je pense que le Québec a intérêt à y
être d'une façon ou de l'autre, mais plus que par les
déclarations générales, artificielles et politiques qui
sont faites.
Il y a d'autres points que je veux aborder dans le temps qu'il nous
reste. Ce sont les remarques préliminaires que je voulais faire à
la suite des propos du ministre des Affaires intergouvernementales, surtout des
remarques que je voudrais voir traduites parce que je les ai exprimées
le plus simplement possible. Avec mon collègue de Chapleau, je pense que
c'est une préoccupation très large de l'opinion publique
actuelle. D'ailleurs, je pense que les derniers relevés d'opinion ont
démontré que les Québécois sont pas mal
fatigués de cette politisation à outrance et excessive des
rapports entre Québec et Ottawa et je voudrais qu'au ministère
des Affaires intergouvernementales on fasse savoir aux Québécois
qu'on sait que c'est là leur préoccupation.
Le Président (M. Biais): M. le ministre. (16 heures)
Réplique du ministre
M. Morin: Je remercie le député de Jean-Talon de
son exposé. Il a sûrement soulevé bon nombre de questions
fort intéressantes. Je me dois de constater, cependant, dès
l'abord, qu'à la lumière de ses remarques du début nos
attitudes fondamentales demeurent étrangères les unes aux autres.
Je veux dire que le député de Jean-Talon, et c'est son droit le
plus strict, n'est pas souverainiste, tandis que je le suis. À partir de
cela, évidemment, il y a toute une série de conséquences
qui en découlent. Je ne m'étonne pas des propos du
député, tout à l'heure. Je les ai déjà
entendus à l'époque ou, justement, il était le
vis-à-vis de mon prédécesseur, qu'il l'interrogeait
à la veille du référendum et au lendemain du
référendum. Il soulevait toutes ces bonnes vieilles questions qui
lui servent de munitions année après année.
M. Rivest: Les ministres passent et je demeure.
M. Morin: Oui. Dans l'Opposition, pour un certain temps,
j'espère.
M. Rivest: Les Morin passent et je demeure.
M. Morin: M. le Président, il y a une permanence des Morin
de ce côté-ci, comme vous l'avez constaté. C'est une
vieille chanson que le gouvernement n'a pas à être souverainiste,
parce qu'il n'a pas eu de mandat et tout cela. On sait très bien qu'un
gouvernement a le droit d'avoir des objectifs de transformation du
régime dans lequel il vit si ce régime ne lui paraît pas
acceptable. Bien sûr, il ne peut pas effectuer les changements tant et
aussi longtemps qu'il n'a pas un mandat exprès, mais il a le droit de
défendre ses idées et sa conception de l'avenir du pays. Je pense
que, si le député nie cela, il nie la démocratie.
M. Rivest: Vous n'avez pas été élus pour
cela; vous l'aviez mis entre parenthèses.
M. Morin: M. le Président, cela me rappelle le
gouvernement des années soixante, que le député et
moi-même soutenions à ce moment-là, et qui proposait aux
Québécois, sans aucun mandat, un statut particulier pour le
Québec. On se souviendra que c'était le grand cheval de bataille
de M. Jean Lesage.
M. Rivest: Oui, mais c'est dans le cadre canadien.
M. Morin: Jamais le gouvernement Lesage n'avait reçu ce
mandat de la population.
M. Rivest: Oui, mais c'est dans le cadre canadien.
Le Président (M. Biais): S'il vous plaît, M. le
député de Jean-Talon!
M. Morin: C'était, quand même, un chamboulement
considérable...
M. Rivest: Franchement!
M. Morin: ...des habitudes canadiennes et du système
canadien. À ce moment-là, le député de Jean-Talon
appuyait fortement ces changements qui représentaient un bris par
rapport au fédéralisme traditionnel. Le gouvernement Lesage a
fait de grands discours, certains peut-être rédigés par le
député de Jean-Talon, où il proposait des projets pour
l'avenir, de grands chambardements dans la constitution. J'en ai aussi commis
quelques-uns à cette époque. Celui qui les prononçait
publiquement, ce n'était pas M. Lesage, c'était M. Pierre
Laporte, et lui s'était même laissé aller jusqu'à
parler des États associés. Je ne sache pas qu'il ait eu un mandat
pour le faire. C'est tout simplement que chaque gouvernement, s'il n'est pas
satisfait du système dans lequel il vit, qui, parfois, lui est
imposé, eh bien, a le droit de proposer des changements. C'est cela, la
démocratie. Bien sûr, cependant, je rejoins le
député de Jean-Talon...
M. Rivest: Question de règlement.
Le Président (M. Biais): Un instant, M. le ministre, s'il
vous plaît! Question de règlement, M. le député de
Jean-Talon.
M. Rivest: M. le Président, en vertu d'une loi qui a
été adoptée par l'Assemblée nationale, la loi
92...
Le Président (M. Biais): En vertu de quel numéro du
règlement voulez-vous intervenir, M. le député de
Jean-Talon?
M. Rivest: Je n'ai pas le livre ici, mais il y a sans doute un
numéro qui me permet de le faire.
Le Président (M. Biais): Oui, au hasard?
M. Rivest: Prenez-en un. Cherchez-le, je vais le lui dire et,
après cela...
M. Morin: M. le Président...
M. Rivest: Non, ce ne sera pas long. D'abord, il y a une
différence de nature entre la souveraineté et une modification
d'un régime fédéral. De plus, vous avez comme gouvernement
délibérément choisi, par la stratégie
étapiste, pour laquelle M.
Lessard a eu quelques bons mots dans le journal récemment, de
mettre entre parenthèses cette question. Ce que je vous dis, c'est que,
comme gouvernement, vous n'avez pas le droit de promouvoir le
désengagement du Québec du reste du Canada.
Le Président (M. Biais): Excusez, M. le
député de Jean-Talon.
M. Rivest: Avez-vous trouvé l'article, là,
vous?
Le Président (M. Biais): Je sais que c'était de
bonne guerre. C'est un article très contracté, M. le
député. Je ne crois pas que ce soit une question de
règlement.
M. le ministre, je vous redonne la parole.
M. Morin: M. le Président, je n'ai pas d'objection
à être interrompu, pourvu que ce ne soit pas trop souvent. J'ai
écouté le député avec beaucoup d'attention.
J'essaie de lui donner la réponse la plus complète possible, mais
je constatais qu'au début, dès le départ, nous avons un
différend fondamental. Évidemment, nous n'avons pas le mandat de
changer le système. C'est là que je rejoins le
député. Au moment de faire les changements dans le
système, il faut avoir un mandat de la population, et c'est ce mandat
qu'on va aller chercher. Tôt ou tard, le gouvernement du Québec
aura ce mandat de transformer le système fondamentalement.
Je pense, M. le Président, que le député joue sur
les mots. Tout à l'heure, il disait qu'il y a une différence de
nature, non, une différence de degré. Dans les institutions,
habituellement, ce sont plutôt des différences de degré que
des différences de nature. Là, c'est une question de
différence de degré dans la souveraineté exercée.
En attendant que la population nous donne ce mandat - nous allons tenter de la
persuader de nous le donner - il est évident que notre objectif est
d'améliorer le système fédéral. Le programme que le
parti a rédigé et qui a contribué à nous mettre au
pouvoir nous fait une obligation d'améliorer le système
fédéral dans toute la mesure du possible. De là, toutes
les conférences fédérales-provinciales sur la constitution
auxquelles mon prédécesseur s'est prêté année
après année pendant quelquefois des semaines, des mois. De
là, les ententes et les accords qu'il a conclus à l'occasion avec
les autres provinces, avec une patience que j'ai trouvée remarquable. De
là, l'exercice auquel je me suis livré moi-même au sujet
des autochtones pour préparer la conférence à laquelle le
premier ministre du Québec a été présent.
Donc, en attendant, nous tentons d'améliorer le système
fédéral, mais nous
sommes convaincus que, tôt ou tard, ce système devra
être abandonné et remplacé par un autre, parce que nous
sommes persuadés, c'est notre conviction, à l'étude des
faits - je sais bien que le député de Jean-Talon n'a pas à
être d'accord avec nous, c'est sa liberté comme citoyen et comme
député d'être en désaccord - que ce régime
joue contre nos intérêts fondamentaux en tant que
Québécois. Nous manquerions à notre devoir si nous ne le
disions pas hautement et publiquement. Nous manquerions à notre devoir
de citoyens. Nous manquerions à notre devoir de Québécois
conscients d'appartenir à une société distincte.
Maintenant, que ces querelles que nous avons inévitablement avec
le gouvernement fédéral coûtent le moins cher possible, sur
ce point, je rejoins le député de Jean-Talon. Mais je constate
que nous payons déjà très cher le prix du
fédéralisme. Le député sera obligé de
convenir que la loi S-31 au sujet de la compétence de la Caisse de
dépôt, le couloir hydroélectrique à travers le
Québec...
M. Rivest: Bombardier et le métro de New York.
Le Président (M. Biais): S'il vous plaît, M. le
député de Jean-Talon.
M. Rivest: Je collabore à son discours.
M. Morin: ...qui a été adopté, le F-18 et de
fort nombreux projets de législation fédérale nous font
payer très cher le fait d'appartenir à ce système. Nous
prétendons que le prix qu'il y aurait à payer pour la
souveraineté serait infiniment moindre. Il y a toujours un prix à
payer, quelle que soit la façon dont on se gouverne, il y a toujours des
avantages et des inconvénients, mais nous sommes persuadés que le
prix serait moins élevé dans un État souverain.
Maintenant, j'aborde une autre question un peu plus spécifique.
J'aborde, les unes après les autres, les questions que le
député a soulevées, une fois cette mise au point
faite.
D'abord, nous avons parlé du mandat de la direction recherche et
planification. Nous avons constaté en arrivant au ministère - je
ne suis pas le seul, je vous assure, à l'avoir constaté - que
nous avions besoin d'une boîte de réflexion mieux
équipée pour penser l'ensemble des politiques du ministère
pour, justement, élaborer - j'y reviendrai dans un instant - ce que le
député de Jean-Talon appelait la "politique extérieure du
Québec." Entendons-nous bien! Il ne s'agit pas d'une politique
extérieure d'État souverain. Nous ne sommes pas un État
souverain. Il ne s'agit pas de développer une politique à la
manière de Washington, de Paris, de Londres ou de Tokyo, mais il s'agit,
à notre niveau et dans la mesure de nos besoins, de nos aspirations et
de nos intérêts, de développer une politique modeste qui
nous permette de défendre et de faire valoir nos
intérêts.
Les objectifs de la direction recherche et planification que nous
entendons mettre sur pied sont, justement, de mieux coordonner nos
interventions à l'extérieur du Québec, bien sûr, au
niveau qui est le nôtre. Nous n'avons pas l'intention de nous donner une
politique dans l'ordre de la diplomatie, qui couvre tous les sujets auxquels
s'intéresse une grande capitale d'un État souverain, mais
à notre niveau et, bien sûr, de façon croissante, parce que
le Québec prend de plus en plus du poil de la bête et
s'intéresse de plus en plus à ce qui se passe à
l'extérieur. C'est dans la nature des choses aussi; les
Québécois s'intéressent de plus en plus au monde
extérieur. Je ne serais pas étonné que, peu à peu,
on élargisse le champ de nos préoccupations internationales, que,
peu à peu, on veuille être représentés dans un
nombre plus considérable d'États. Nous le sommes dans une
quinzaine à l'heure actuelle. Il n'est pas inconcevable qu'on veuille
l'être dans 20 ou 25 d'ici quelques années.
Le Québec est en état de croissance depuis 20 ans,
d'ailleurs. Il continue de croître. Il se tourne de plus en plus vers le
monde extérieur. Il faut que tout cela soit bien coordonné, bien
pensé et surtout qu'on ait des priorités, qu'on ne se lance pas
tous azimuts pour tenter de tout faire à la fois, comme on a quelquefois
la tentation de le faire parce qu'il se présente des occasions à
gauche et à droite et qu'on peut être attiré par un projet
qui nous sourit. Le danger qui nous guette, si on n'a pas un crible de
priorités qui nous serve à choisir entre tout ce qui nous est
proposé - parce que beaucoup d'États nous proposent des choses
-c'est qu'on se disperse et qu'on soit inefficace. Pour être efficace, il
faut donc des objectifs, des priorités. Ce sera le mandat de recherche
et planification, bien sûr, en action et rétroaction avec les
directions géographiques et les directions sectorielles, de nous donner
un tableau d'ensemble. J'espère aboutir - bien sûr, je le dis
modestement, je ne suis pas sûr que l'exercice soit vraiment possible sur
toute la ligne - à la cohérence, dans certains secteurs au moins,
au départ. Et, d'ici à quelques années, peut-être
aboutirons-nous. Le statut du Québec évoluant, lui aussi,
l'idéal serait que nous aboutissions au moment de l'indépendance
à une politique extérieure déjà assez bien
articulée pour qu'il n'y ait pas de césure, de cassure dans le
cheminement de l'État.
M. Rivest: Cela a bien de l'allure.
M. Morin: Je suis bien content
d'entendre le député le dire.
M. Rivest: Vous avez du temps. Votre groupe a du temps pour
travailler.
M. Morin: On prendra le temps que cela prendra et les
Québécois qui sont une communauté organique, en quelque
sorte, vont connaître une croissance organique. Comme les individus, ils
mûrissent, ils se font une idée de plus en plus précise.
Tout ce qui se passe dans le pays depuis quelques années les aide
à réfléchir. Quand le moment sera venu, ils seront
prêts à faire le pas. Espérons que nous serons prêts
à leur proposer une politique qui tienne debout sur le plan de leurs
intérêts à l'extérieur.
M. Rivest: Juste sur votre dernière remarque. Ce n'est
quand même pas pour préparer les voies de la souveraineté,
cette direction. Je ne voudrais pas qu'on interprète ce que vous venez
de dire en pensant que la création de ce service de recherche, c'est
pour préparer la politique extérieure du Québec
souverain.
M. Morin: Non, c'est pour préparer une politique
extérieure qui corresponde...
M. Rivest: Ce n'est pas ce que vous avez dit. C'est parce que des
journalistes auraient pu être mal guidés.
M. Morin: C'est un exercice qui consiste à élaborer
une politique extérieure qui corresponde aux besoins, aux
intérêts, aux aspirations du Québec et à
l'état dans lequel il se trouve. En ce moment, il se trouve que nous
sommes présents dans quinze pays. Dans quelques années, nous
serons sans doute présents dans un nombre de pays beaucoup plus
considérable. La coordination, la cohérence seront plus
difficiles à atteindre, d'où la nécessité de
créer cette direction de recherche et de planification. J'ose
espérer que le député ne sera pas en désaccord avec
la nécessité qu'il y a de créer une telle direction.
En ce qui concerne la constitution interne du Québec,
effectivement, il n'en a pas été question dans le discours
inaugural, mais des projets peuvent naître avant, après, pendant
un discours inaugural. Le projet de constitution interne du Québec fait
son chemin; il a été évoqué à plusieurs
reprises par moi-même, par d'autres collègues aussi. Le point dont
il faut se souvenir, c'est que le Québec a déjà une
constitution interne. Je n'ai pas à rappeler au député de
Jean-Talon, qui fut de mes étudiants, que le Québec peut
même modifier sa propre constitution lui-même... (16 h 15)
M. Rivest: On l'a déjà fait.
M. Morin: ...en vertu de l'article 92, paragraphe introductif, et
qu'il l'a effectivement déjà fait à quelques reprises.
M. Rivest: Quand?
M. Morin Par exemple, lorsqu'il a mis fin aux comtés
protégés.
M. Rivest: C'est moi qui ai fait cela. C'est ma loi.
M. Morin C'est pour cela que je l'ai mentionné en premier
lieu, quoique, dans mon esprit, la modification qui a touché le
Conseil...
M. Rivest: Législatif.
M. Morin ...législatif était peut-être plus
importante, bien qu'elle n'ait pas été l'oeuvre du
député.
M. Rivest: Est-ce que vous le regrettez comme moi?
M. Morin: Non, je ne le regrette pas. Je sens que le
député aurait voulu y être nommé, car cela lui
aurait permis sans grand risque de rester dans la vie politique.
M. Rivest: Non, mais c'est parce que je pense toujours à
la situation dans laquelle le premier ministre est placé face à
certains de ses ministres. Mon Dieu, que le Conseil législatif pouvait
être utile.
M. Morin: Écoutez, je crois discerner dans les propos du
député de Jean-Talon des relents de l'époque où il
était adjoint du premier ministre, M. Bourassa.
M. Rivest: La nostalgie.
M. Morin La nostalgie. Je pense qu'il aurait à cette
époque également pu utiliser un Conseil législatif. Je
pense que le mandat de ce conseil était dépassé par les
événements. C'était une vieillerie, un peu comme le
Sénat canadien. Je pense qu'il n'y a pas lieu de le regretter.
M. le Président, en ce qui concerne le Commerce extérieur
maintenant, il faut dire que c'est tout récent, cela remonte au mois de
décembre; ce ministère-là vient d'être
créé et, effectivement, certaines de ses compétences
recoupent non seulement celles du ministère des Affaires
intergouvernementales, mais celles de plusieurs autres ministères par
exemple, celui de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme qui était
responsable autrefois de l'OQCE. La période de rodage, je pense qu'elle
achève. Je pense que, de plus en plus, nous sommes conscients de tout
côté de la nécessité d'assurer la cohérence
de la politique
extérieure du Québec.
Le député a rappelé avec raison que le
ministère des Affaires intergouvernementales a un mandat de coordination
générale. Je crois qu'il est tout à fait possible de
concilier les objectifs et les compétences de ce nouveau
ministère avec ceux et celles des autres ministères. Tout
dépend des attitudes, tout dépend de la souplesse de part et
d'autre, tout dépend du dialogue qui s'engage ou ne s'engage pas. Je
crois qu'il est engagé et je crois qu'on arrivera à faire en
sorte que l'unicité de la politique extérieure du Québec
soit maintenue tout en construisant un ministère du Commerce
extérieur qui sera extrêmement dynamique et qui pourra
répondre aux besoins des entreprises.
Le député avait l'air de voir chez les entreprises, tout
à l'heure, des difficultés en ce qui concerne le Commerce
extérieur. Je ne pense pas qu'il y en ait eu. Auparavant, les
entreprises, de toute façon, allaient voir d'abord et avant tout
l'Office québécois du commerce extérieur bien plus que les
Affaires intergouvernementales. Les entreprises viennent quelquefois nous voir,
mais nous rencontrons surtout non pas des entreprises individuelles, mais des
regroupements d'entreprises, des chambres de commerce, des groupes
d'entreprises qui ont des représentations à nous faire sur
l'action de nos délégations, sur des questions d'ordre
général. Nous les recevons volontiers. Je continuerai de les
recevoir mais il est évident que les soucis concrets des entreprises
doivent les amener d'abord et avant tout à dialoguer avec le Commerce
extérieur comme elles dialoguaient avec l'OQCE, selon la nature des
choses. Je ne vois aucune difficulté de ce
côté-là.
En ce qui concerne nos rapports avec le gouvernement
fédéral, il y a, tout de même, des questions de principe
sur lesquelles il est très difficile de faire des compromis. Nous
tentons de faire des compromis chaque fois que c'est possible. Je suis tout
à fait d'accord avec le député quand il se prononce pour
la vertu, la maternité et la bonne entente entre les deux niveaux de
gouvernement. Bien sûr qu'on devrait éviter la politisation.
Seulement, ce sont là des voeux qui, s'ils n'étaient
prononcés par un député qui en a vu bien d'autres et qui
connaît le tabac, me paraîtraient d'une naïveté
incommensurable. Je sais que le député n'est pas naïf et
c'est pour cela...
M. Rivest: II conteste tout.
M. Morin: ...qu'il sait très bien que son souhait qu'il
n'y ait pas de politisation, c'est un peu comme la question du
désarmement. Tout le monde est favorable au désarmement, sauf que
la question est de savoir qui va commencer...
M. Rivest: Ou comme votre position sur le Moyen-Orient.
M. Morin: ...et qui va surveiller le désarmement. Donc, je
prends l'exemple des municipalités. Nous avons tenté de mille
façons de négocier avec le gouvernement fédéral des
attitudes qui soient plus respectueuses des compétences des
municipalités du Québec et des compétences du
Québec en matière d'affaires municipales. Je vous assure - il
faut l'avoir vécu pour le savoir et peut-être, d'ailleurs, le
député de Jean-Talon a-t-il vécu des situations comme
celle-là qu'il pourrait nous raconter - qu'il est très
difficle...
M. Rivest; Oui, je vais vous en raconter.
M. Morin: ...de discuter avec un gouvernement
fédéral qui, de plus en plus, croit à
l'unilatéralisme et qui pense qu'il peut imposer sa volonté et,
par exemple, distribuer unilatéralement, sans consultation du
gouvernement du Québec, des subventions aux municipalités sans
que les choses aient été concertées, comme elles l'ont
été à une certaine époque, y compris par notre
gouvernement, et sans qu'il y ait le moindre accord sur la façon de
dépenser les fonds publics, façon de dépenser qui
corresponde à des priorités, à un plan et non pas à
une sorte de saupoudrage préélectoral.
Je pourrais prendre tant d'exemples pour faire la démonstration
de cette idée-là. Le député a pris des exemples. Il
a dit: Prenez le Nid-de-Corbeau. Bien oui, mais, le Nid-de-Corbeau, le
député ne viendra pas me dire que ce n'était pas
politisé. Allons donc! S'il y a eu une question qui a été
politisée, cela a été celle-là. C'est parce que
cela s'est politisé que, justement, cela a eu une chance de
connaître un règlement heureux.
M. Rivest: Vous êtes très loin des milieux agricoles
pour dire cela. Ce n'était pas partisan.
M. Morin: Écoutez' Quand je dis "politisé", je ne
veux pas dire que les partis étaient en désaccord. Pour une fois,
les partis au Québec, y compris le parti du député de
Jean-Talon, se sont mis d'accord avec le nôtre pour politiser, justement,
une question importante pour notre avenir économique et fort importante
pour l'agriculture puisque cela risquait de ruiner l'agriculture
québécoise. Qu'il ne vienne pas me jouer les naïfs et penser
que cette question n'a pas été politisée. Elle l'a
été, et à fond. De même, la question de
Madelipêche...
M. Rivest: Si vous aviez assisté à certaines
réunions du conseil d'administration
de la coalition, vous auriez compris ce dont je parle.
M. Morin M. le député, j'aimerais bien
pouvoir...
M. Rivest: Parlez-en à votre collègue de
l'Agriculture.
M. Morin: ...terminer. Je ne vous ai pas interrompu tout à
l'heure, parce que je m'intéressais à ce que vous disiez.
M. Rivest: Je m'excuse, M. le Président.
M. Morin: J'attendrai, d'ailleurs, votre réplique, si vous
désirez en faire une tout à l'heure.
M. Rivest: J'aurai quelques questions...
M. Morin: Cela va m'intéresser au plus haut point.
M. Rivest: ...quelques précisions.
M. Morin: Prenons le cas de Madelipêche. Si cela a abouti,
c'est parce que la question était hautement politisée. Il ne faut
pas jouer les naïfs et penser qu'on peut abuser les gens en disant qu'il
ne faut pas politiser. Maintenant, quand on peut l'éviter, je suis
d'accord avec lui que, si on peut s'entendre rationnellement et raisonnablement
avec le gouvernement fédéral, il faut le faire chaque fois que
c'est possible. C'est quelquefois possible, sauf que, lorsque le gouvernement
fédéral veut agir unilatéralement, et uniquement
unilatéralement, et qu'il veut littéralement supplanter le
Québec dans certains domaines, comme dans le domaine municipal, eh bien,
alors, les compromis deviennent difficiles.
Prenons aussi un autre exemple, soit la question du développement
régional. Nous avions, jusqu'à ces toutes dernières
années, M. le Président - je pense que vous avez bien connu ces
questions-là - des ententes-cadres et des ententes particulières.
Notre gouvernement a été parmi ceux qui ont signé le plus
grand nombre d'ententes avec le gouvernement fédéral pour le
développement économique du Québec. Cela a
fonctionné jusqu'au jour où, unilatéralement, le
gouvernement fédéral a décidé, pour des raisons qui
lui appartiennent et qui sont de nature politique, est-il besoin de le
rappeler, de mettre fin à ces ententes-cadres. Il reste même des
soldes de l'ancienne entente-cadre que nous avons beaucoup de difficulté
à rattraper.
Maintenant, nous avons dit au gouvernement fédéral:
Reconcluons des ententes de ce type, mais nous nous sommes heurtés
à un refus global pendant que le gouvernement fédéral
mettait sur pied au Québec tout un système de
développement régional qui ignore, à toutes fins utiles,
le gouvernement du Québec. Je n'ai pas besoin de vous décrire le
système de coordonnateurs qu'il a mis en place au Québec, le
système de bureaux qui sont censés planifier l'avenir
économique du Québec, sans se référer au
gouvernement le plus intéressé, à celui qui connaît
le mieux les réalités économiques, le gouvernement du
Québec.
Je pourrais continuer presque à l'infini les exemples. Je
pourrais prendre, par exemple, le programme RELAIS. Nous avons commencé
par nous entendre. C'est, tout de même, caractéristique de notre
démarche. Nous avons pris l'initiative, comme cela nous arrive assez
souvent, de dire au gouvernement fédéral: Eh bien, si nous
concluions un accord puisqu'il s'agit de créer des emplois, qu'il s'agit
de sortir de la crise économique. Nous avions fait une entente
Ottawa-Québec de financement conjoint, 100 000 $ pour le gouvernement
fédéral, 50 000 $ pour le Québec.
M. Rivest: Millions. Les chiffres, ce n'est pas votre
matière forte.
Le Président (M. Biais): S'il vous plaît. M. le
député de Jean-Talon!
M. Morin: 100 000 000 $, oui, je m'excuse, pour le gouvernement
fédéral et 50 000 000 $ pour le Québec sans compter 70 000
000 $ pour les projets fédéraux. J'ai été
témoin des négociations qui ont entouré le programme
RELAIS.
M. Rivest: Témoin seulement?
M. Morin: J'ai été associé à cette
négociation. Je dis témoin dans le sens très
général du mot; j'ai été un témoin attentif
de tout ce dossier en tant que ministre des Affaires intergouvernementales,
bien que, comme le sait le député de Jean-Talon, c'était
mon collègue, M. Pierre Marois, qui négociait les détails
techniques de cette entente. Vous savez ce qui s'est passé. À
toutes fins utiles, l'entente a été abrogée parce que le
gouvernement fédéral voulait profiter de l'entente et de termes
ambigus. Enfin, pour nous ils n'étaient pas ambigus, mais lui
prétendait que cela l'autorisait à obtenir un droit
d'accès direct et libre chez les municipalités, ce que ne pouvait
accepter le Québec, de sorte que, malheureusement, ce programme est
tombé. Remarquez que les municipalités n'y ont pas
été perdantes parce que nous avons fait basculer 25 000 000 $
dans le programme d'aide aux municipalités, de création d'emplois
par les municipalités, et que celles-ci n'ont donc pas perdu au change.
Il reste que c'est un très bel exemple objectif de l'initiative que
le
gouvernement du Québec a prise de tenter de s'entendre avec le
gouvernement fédéral, initiative qui s'est heurtée
à un mur de brique.
Cela prend deux personnes pour faire une entente et, malheureusement, je
dois dire que dans la majorité des cas, le gouvernement
fédéral désire agir unilatéralement. Je prendrais
d'autres exemples, peut-être l'exemple des visites
étrangères. Dieu sait que dans ce domaine nous essayons de
prendre l'initiative de nous entendre, de faire en sorte que, lorsqu'il y a des
visiteurs étrangers, le gouvernement du Québec soit
respecté, qu'il ait sa part des événements et qu'il puisse
recevoir dignement les visiteurs étrangers. En général,
sauf lorsque nos visiteurs étrangers insistent eux-mêmes - et je
dois dire qu'ils le font, fort heureusement - pour venir à Québec
et être reçus par le gouvernement du Québec, s'il n'y avait
que le gouvernement fédéral, je vous assure que la portion serait
tellement congrue que nous serions appelés quelquefois à refuser,
tout simplement, pour ne pas humilier le gouvernement du Québec devant
nos visiteurs.
Je pense, en particulier, à un visiteur d'un pays ami, au premier
ministre d'un pays ami qui a voulu venir au Canada et qu'on a, à toutes
fins utiles, empêché de venir au Québec en lui disant que
le premier ministre du Québec pourrait le voir, mais entre deux portes,
pendant un quart d'heure, 20 minutes, ce qui n'était vraiment pas
acceptable du point de vue du gouvernement du Québec, d'autant plus que
le gouvernement fédéral voulait recevoir le premier ministre en
question à Montréal, en territoire québécois,
pendant la meilleure partie d'une journée.
M. Rivest: Quel culot, le gouvernement fédéral
recevoir quelqu'un à Montréal!
M. Morin: En effet, je ne le fais pas dire au
député de Jean-Talon.
M. Rivest: Cela prend du front;
M. Morin: M. le Président, je vais tenter d'aller un peu
plus vite, mais le député a soulevé bon nombre de
questions intéressantes. Je veux lui rendre justice et lui donner autant
que possible des réponses -du moins, je ne sais pas s'il les
considérera comme telles - tenter de lui donner satisfaction. (16 h
30)
En ce qui concerne la politique extérieure du Québec, je
pense qu'effectivement nous ne devons pas avoir une politique extérieure
qui le fasse exprès pour contredire la diplomatie fédérale
et les politiques du gouvernement fédéral à
l'extérieur du pays. On doit rechercher la complémentarité
dans toute la mesure du possible. Il arrive, cependant, que le gouvernement
fédéral prenne des attitudes que nous considérons comme
inacceptables. Peut-être même que, dans certains cas, le
député de Jean-Talon sera d'accord avec moi. Par exemple, quand
le premier ministre, parlant de la question polonaise, avait semblé
carrément approuver les faits et les gestes du général
Jaruzelski en Pologne, le premier ministre du Québec a tenu à se
dissocier de cette attitude-là parce qu'elle était totalement
inacceptable.
M. Rivest: Ah oui! C'était à Joe Clark de dire
cela; ce n'était pas à René Lévesque.
M. Morin: Non, je pense qu'effectivement c'était à
nous, parce que nous sommes...
M. Rivest: C'est à Ottawa.
M. Morin: ...une société distincte et qu'à
l'occasion nous pouvons avoir des prises de position distinctes de celles du
gouvernement fédéral.
M. Rivest: Quelle était notre distinction face au
problème polonais? Franchementl
M. Morin: De plus, M. le premier ministre avait...
M. Rivest: Non, pas encore.
M. Morin: Je parlais du premier ministre, M. Lévesque. M.
le premier ministre a eu raison d'intervenir parce qu'on ne pouvait pas laisser
passer certaines choses où le gouvernement fédéral
prétend parler pour les Québécois, alors qu'il ne parlait
pas du tout, dans ce cas-là, au nom des Québécois.
M. Rivest: Allons donc!
M. Morin: Je me demande même s'il parlait pour les
Canadiens parce que, par la suite, on a vu ce qu'on a vu. Il y a eu des
protestations de tous côtés. Il a même dû nuancer ses
propos par la suite.
De plus, dans beaucoup de cas, il n'y a pas d'affrontements entre le
gouvernement fédéral et le gouvernement québécois
parce que les politiques peuvent se ressembler. Étant donné que
nous vivons tous les deux en Amérique du Nord, il n'est pas
étonnant que, sur beaucoup de sujets, nous voyions les choses de la
même façon. Il y a quelquefois des nuances. Par exemple, dans
l'affaire du Moyen-Orient, le gouvernement fédéral parlait d'une
structure étatique pour les Palestiniens. Nous avons parlé plus
clairement d'un État palestinien. Ma foi, les deux positions sont
peut-être un peu
différentes, mais sur le fond du problème, je pense que
nous n'étions pas bien éloignés les uns des autres. Je
comprends le souci du député de Jean-Talon de vouloir que nos
politiques soient les plus cohérentes possible avec celles du
gouvernement fédéral. Je crois que cela doit être
recherché systématiquement. C'est une des raisons pour
lesquelles, d'ailleurs, nous allons créer la direction de la recherche
et de la planification.
Il a pris un autre exemple, celui des investissements américains.
Là, les attitudes du Québec étaient vraiment très
différentes de celles du gouvernement fédéral parce que
nos intérêts sont différents de ceux de l'Ontario et que
les politiques fédérales, en définitive,
protégeaient surtout l'Ontario et mettaient en oeuvre une politique de
développement économique avant tout axée sur les besoins,
les aspirations et les intérêts de l'Ontario. Je me trompe
peut-être, mais le député de Jean-Talon n'était
peut-être pas en désaccord avec nous sur le procès que nous
avons fait à FIRA qui a fini par donner certains résultats, pas
tous ceux que nous attendions, mais certains résultats.
Le député de Jean-Talon disait: Pourquoi n'avez-vous pas
eu une politique en ce qui concerne FIRA? Justement, nous en avions eu une et
nous l'avons énoncée publiquement. J'ai moi-même eu
l'occasion de l'énoncer en Europe et aux États-Unis. Le premier
ministre en a fait état également à plusieurs reprises et
mon collègue du ministère du Commerce extérieur, encore
plus récemment. Nous pensions que le Canada devait se donner une
politique claire, énonçant ses objectifs par secteurs et non pas
se contenter de FIRA qui est un système où les objectifs ne sont
pas clairs, où les procédures le sont encore moins, où on
avait des retards allant jusqu'à neuf mois avant que certaines
décisions soient prises pour accepter ou refuser des investissements
étrangers au Canada, y compris, bien sûr, au Québec.
Nous avons dit que cette politique était inacceptable et qu'elle
jouait à l'encontre des intérêts du Québec. D'autres
provinces se sont jointes à nous pour affirmer la même chose.
Finalement, nous avons obtenu certaines concessions qu'il reste à
évaluer puisqu'elles commencent à peine d'être mises en
vigueur. Mais que l'on ne vienne pas nous dire que nous n'avions pas une
politique. Nous en avons énoncé une. Et qu'on ne vienne surtout
pas nous dire que nous n'avons pas le droit d'avoir des politiques qui,
à l'occasion, contredisent des politiques fédérales
lorsque les intérêts fondamentaux du Québec sont en jeu.
C'est ce que vous sembliez dire tout à l'heure.
M. Rivest: Non, j'ai dit tout le contraire.
M. Morin: Je suis heureux que le député nuance
maintenant ses propos. En ce qui concerne les rapports entre les
délégations et les consulats, ces rapports sont quelquefois
excellents. Ils sont parfois difficultueux. Je ne donnerai pas d'exemple, sauf
peut-être un. Nos rapports sur la côte-ouest des États-Unis,
entre la délégation de Los Angeles et les trois consulats
canadiens de l'Ouest des États-Unis, sont bons. Heureusement, cependant,
qu'il y a notre délégation générale, parce
qu'autrement le Québec serait non existant. Notre
délégation fait du bon travail. De ce côté, cela va
assez bien. Mais, dans d'autres cas, cela va un peu moins bien. Par exemple,
dans News Canada, qui est une publication distribuée par les ambassades
et les consulats du Canada à l'étranger, on voit à
l'occasion des articles qui sont extrêmement défavorables au
Québec et qui donnent une image biaisée et déplorable du
Québec. Je pense à un cas tout récent où le
délégué général du Québec à
New York, M. Raymond Gosselin, a dû écrire à M. le consul
général du Canada à New York pour protester au sujet de la
publication dans News Canada d'un article repris de la revue Atlantic Monthly,
un article de M. Nordecai Richler, qui, vraiment, présentait le
Québec sous un jour inacceptable et donnait une image du Québec
qui ressemblait presque à une réédition de ce qu'on
retrouve dans les pays autoritaires. Bref, un article de nature à nuire
considérablement à la réalité
québécoise qui en est une de tolérance.
Je pense que le délégué a été bien
avisé d'écrire à son collègue, le consul
général du Canada, pour protester contre la publication de cet
article qui, dit la lettre, relève beaucoup plus du commentaire et du
pamphlet que de la nouvelle. Le délégué a
été obligé de dire à son collègue:
"J'espère qu'une lecture de l'article vous permettra d'en convenir avec
moi. Vous comprendrez aussi ma surprise que le consulat général
manifeste un tel empressement à faire écho à cet article
qui non seulement dénigre le Québec, mais qui, pour ce faire,
tronque les faits et confond la réalité et le
préjugé. On voit que certains autres endroits ..."
M. Rivest: Est-ce que vous écrivez au consul lorsqu'une
publication est favorable au Québec, pour le féliciter?
M. Morin: Je ne sais pas s'il est arrivé au
délégué général de le faire. J'imagine que
cela peut arriver. Mais il est évident que c'est surtout lorsqu'il y a
des accrochages comme celui-là, qui était assez vilain, que le
délégué a cru nécessaire de protester. Je ne pense
pas, non plus, que le consulat nous écrive lorsque nous publions des
choses qui sont favorables au Canada.
M. Rivest: II nous le dit, à nous.
M. Morin: Maintenant, passons à la performance du
réseau.
M. Rivest: Bon!
M. Morin: La question que je vais aborder touche à la fois
à la performance du réseau et à l'utilité de nos
délégations générales. Il arrive que nous recevions
des témoignages directs d'entreprises québécoises qui se
félicitent d'avoir eu recours à nos délégations. Le
député disait tout à l'heure, avec raison, qu'il est
très difficile d'évaluer au sou près, voire même au
dollar près, la rentabilité d'une délégation. On en
a parlé l'an dernier et nous nous étions mis d'accord sur cette
idée.
N'empêche que le député avait piqué ma
curiosité et cela m'a, tout de même, amené à
demander au ministère de faire un effort pour tenter de voir dans quelle
mesure c'est rentable. Cela a donné lieu à une publication que je
suis heureux de déposer devant la commission, M. le Président. Je
la dépose, de toute façon, pour ceux qui ne la
connaîtraient pas. C'est intitulé: Les délégations
du Québec: une action concrète. C'est très concret. Il y a
des chiffres à l'appui. Dans une trentaine de pages, on donne des faits
qui illustrent parfaitement, je pense, l'utilité des
délégations du Québec à l'étranger. J'en
dépose deux exemplaires, un pour vous, M. le Président...
M. Rivest: Un ou deux?
M. Morin: ...si vous voulez en prendre connaissance. Je vois que
le député a déjà reçu la publication et je
m'en réjouis beaucoup.
M. Rivest: Je l'ai lue.
M. Morin: II l'a lue aussi. Je croyais, tout à l'heure,
que certains des propos dont il nous faisait part n'étaient pas
inspirés de cette saine lecture, mais plutôt d'une vision
biaisée de la réalité. À l'occasion, M. le
Président, il arrive aussi que nous recevions des témoignages
directs. Je pense que je pourrais déposer devant la commission, si cela
intéresse les députés, des lettres de félicitations
qui nous sont adressées par des entreprises, par des hommes d'affaires,
pour nous dire: Bravo, j'ai été reçu par telle
délégation et j'ai fait des affaires grâce à
l'intervention de la délégation. Quelquefois même, ils vont
jusqu'à rendre publiques leurs déclarations. Par exemple, je
pense à un homme d'affaires de Calgary qui a signalé les efforts
du gouvernement québécois et de la délégation du
Québec à Edmonton pour établir des liens entre les
entreprises québécoises et les entreprises albertaines qui
intéressent cet homme d'affaires. Donc, quelquefois même, les
félicitations viennent de nos Québécois qui sont heureux
d'avoir pu faire des affaires grâce à nos
délégations.
M. Rivest: Ce serait terrible si ce n'était pas le
cas.
M. Morin: Effectivement, ce serait terrible si ce n'était
pas le cas, comme le député vient de le dire. Justement, c'est le
cas. Nous sommes persuadés que...
M. Rivest: Ce n'est pas cela que j'ai demandé.
M. Morin: ...nos délégations sont extrêmement
efficaces. Et, ce qui est remarquable, c'est qu'elles ne sont pas nombreuses.
Mais quand on y va, on constate à quel point elles travaillent, à
quel point tous nos personnels sont actifs et travaillent quasiment matin, midi
et soir, quand ce n'est pas de nuit.
M. Rivest: Allons donc!
M. Morin: Non, j'ai été témoin vraiment,
j'allais dire, de la motivation qui caractérise nos fonctionnaires
à l'étranger. Je ne sais pas si on trouve cela dans tous les
États. Peut-être est-ce plus fréquent dans les États
qui sont en train de naître, qui sont actifs, qui sont dynamiques, qui
montent à l'assaut des marchés. Peut-être que notre
caractère d'État de dimension moyenne, peut-être que,
aussi, le fait que nous sommes en croissance, que nous prenons de plus en plus
de place sur le plan international, peut-être que tout cela est de nature
à motiver nos fonctionnaires plus que d'autres n'ont l'occasion de
l'être.
Enfin, M. le Président, quelques mots sur la question du sommet,
puisque le député est revenu là-dessus. Il demandait si
nous avions un dialogue. C'est assez difficile parce que les objectifs de M.
Trudeau dans cette affaire, c'est de faire en sorte que le Québec ne
soit pas présent ou le soit comme observateur. Il y a des
déclarations dont je pourrais faire état qui étaient
effectivement dans les journaux que le député a pu lire comme moi
et qui sont très claires à ce sujet. Le statut de gouvernement
participant - le premier ministre l'a rappelé en Chambre encore l'autre
jour - nous paraît être une excellente base de discussion. Et le
premier ministre a également déclaré qu'il va de soi que
l'État souverain est le Canada et que nous sommes disposés
à accepter cette réalité et ce qu'il a appelé le
parapluie canadien. Mais nous voulons aussi être présents, parce
qu'autrement, ce serait contre nature. Là encore, je rejoins certains de
ses propos: Où est le centre de la francophonie en Amérique du
Nord? Le
député sait comme moi qu'il est au Québec. Si ce
n'était pas le cas, les gouvernements pour lesquels il a
travaillé antérieurement n'auraient pas eu...
M. Rivest: II est au Canada.
M. Morin: ...les politiques qu'ils ont
déployées.
M. Rivest: C'est au Canada qu'il est, c'est évident.
M. Morin: II est avant tout au Québec. Au sein du Canada,
je pense que...
M. Rivest: Ah oui, dans le Canada, c'est cela. On dit la
même chose.
M. Morin: Pas tout à fait. Je pense qu'il y a...
M. Rivest: Non? Ah, excusez-moi. Je ne sais pas, je ne comprends
pas. Non.
M. Morin: ...une petite différence d'accent, disons.
M. Blais: On s'en rend compte, que vous ne comprenez pas.
M. Morin: M. le Président, effectivement, nous avions
convenu en 1971 d'un certain nombre de modalités avec le gouvernement
fédéral. Pourquoi pas les mêmes à l'occasion du
sommet francophone? Pourquoi pas les mêmes?
M. Rivest: Cela ne vous inquiète pas que le même M.
Trudeau ne convienne pas des mêmes modalités qu'en 1971, des
modalités dont il a convenu? Non?
M. Morin: Je m'excuse, mais la réalité, c'est qu'on
tente plutôt de nous exclure, n'est-ce pas?
M. Rivest: Comment se fait-il? Qu'y a-t-il eu de changé?
M. Trudeau accepte une chose en 1971 et la refuse en 1983. Qu'est-ce qui est
arrivé?
M. Morin: C'est ce que j'aimerais bien savoir. Est-ce que le
député peut m'éclairer là-dessus?
M. Rivest: II est arrivé qu'un gouvernement
séparatiste a été élu et il n'a pas confiance.
M. Morin: Parce que le député,
peut-être...
M. Rivest: C'est cela qui est arrivé. M. Morin:
...est au courant de ce qui se passe au sein du gouvernement
fédéral?
M. Rivest: C'est cela qui fait toute la différence des
choses. Et, pendant ce temps-là, on reste sur le carreau.
M. Morin: Non.
M. Blais: On est aussi légitime qu'un autre gouvernement,
M. Rivest. (16 h 45)
M. Rivest: Oui, vous en particulier.
Le Président (M. Champagne): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Morin: M. le Président, je n'avais pas terminé
mon exposé.
M. Rivest: Je m'excuse.
M. Morin: Je pense que nous sommes présents dans la
francophonie. Nous allons demeurer présents dans la francophonie. Nous
sommes plus actifs que jamais, nous concluons des ententes, nous créons
des liens avec un nombre croissant de pays. Le député, à
l'occasion, voit passer quelques-uns de nos visiteurs, puisque nous l'invitons,
à l'occasion, à venir les rencontrer.
M. Rivest: Je tiens à en remercier le ministre,
d'ailleurs.
M. Morin: Nous voulons pratiquer aussi une politique
extérieure bipartisane dans toute la mesure du possible.
M. Rivest: Tout le travail que j'ai à faire quand ils
m'arrivent.
M. Morin: Nous l'invitons, justement, pour qu'il fasse sentir
que, du côté de l'Opposition, on n'est pas toujours
systématiquement contre la francophonie, comme on a l'air de
l'être quelquefois, à l'occasion.
M. Rivest: Oh! Quand? Donnez-moi un cas.
M. Morin: II me semble reconnaître cette phrase.
M. Rivest: Vous allez la réentendre, peut-être.
Des voix: Ah! Ah! Ah!
M. Rivest: Je vois déjà le plaisir du ministre
juste à cette évocation.
M. Morin: En ce qui me concerne, et là, je parle
personnellement...
M. Rivest: Ah! Ah! Ah! Encore une
fois! C'est le ministre le plus personnel du gouvernement.
M. Morin: ...cela aura au moins l'avantage d'être du connu
parce que, pendant trois ans, j'ai eu l'occasion de pratiquer quotidiennement
celui qui semble effectivement en voie de redevenir le chef du Parti
libéral.
M. Rivest: Je ne le sais pas, je fais partie du comité
organisateur, alors je suis neutre.
Des voix: Ah! Ah! Ah! M. Rivest: C'est vrai.
M. Morin: Sûrement. Je suis convaincu qu'il saura
être neutre dans cette affaire, tout en favorisant celui qu'il estime
être le plus...
M. Rivest: M. le Président, question de
privilège.
M. Morin: ...apte à exercer ces fonctions.
Il y a peut-être eu politisation de cette question. Je crois qu'il
aurait fallu l'éviter, mais on observera que ce n'est pas nous qui avons
fait des déclarations à la suite de Williamsburg.
M. Rivest: Non, ce sont les autres.
M. Morin: Je pense que c'est le gouvernement
fédéral qui a politisé cette affaire à outrance. Si
le député veut nous éclairer et nous dire ce qu'il serait
prêt à accepter dans cette affaire, je suis prêt à
l'écouter avec grand intérêt. Je pense qu'on pourra
très probablement se retrouver autour de l'idée que le statut de
gouvernement participant est une bonne base de discussion, mais à
condition, bien sûr, que le gouvernement fédéral veuille
discuter.
Le sommet de la francophonie
M. Rivest: Sur le sommet de la francophonie, quant à la
nature même du sommet, j'aimerais vous entendre là-dessus, ce
n'est pas très clair. Est-ce uniquement un sommet de nature culturelle
ou si c'est plutôt une organisation de nature économique ou
technique?
M. Morin: II n'y a rien de décidé encore à
cet égard. J'ai su, de bonne part, que toutes les décisions
restent à prendre à ce sujet. M. le Président, avec votre
permission, je n'entrerai pas dans le détail parce que, en ce moment
même, ces choses font l'objet de discussions. Je pense que cela ne ferait
pas avancer la discussion, ni avec les autres pays francophones, ni avec le
gouvernement fédéral, d'entrer dans les détails.
M. Rivest: Le ministre peut-il nous indiquer les
préférences du gouvernement du Québec à cet
égard?
M. Morin: J'aimerais mieux, étant donné que cela se
discute en ce moment, réserver mes réponses là-dessus.
Peut-être pourrons-nous en faire état un de ces jours, mais, comme
le premier ministre du Québec doit discuter de tout cela avec son
homologue français au moment de son voyage, à la fin du mois, je
préfère m'en remettre à lui pour donner des
précisions.
M. Rivest: M. le Président, si vous me le permettez...
Le Président (M. Champagne): Oui.
M. Rivest: ...est-ce que le premier ministre du Québec a
communiqué au premier ministre canadien ses préférences
quant à la nature du sommet ou s'il le fera après les avoir
communiquées au citoyen Mitterrand?
M. Morin: Tout ce dont je puis faire état - je ne veux
absolument pas entrer dans les détails du dossier parce que, en ce
moment même, ces choses font l'objet de réflexions et de
discussions - c'est qu'il y a des déclarations publiques, de part et
d'autre, dans lesquelles chacun annonce ses couleurs. Je ne peux pas aller
au-delà de cela.
M. Rivest: Je ne demande pas au ministre, puisqu'il me dit qu'il
n'est pas en mesure de le faire, d'indiquer à la commission la
préférence du Québec sur la nature de ce sommet de la
francophonie. Par contre, le ministre nous indique que le premier ministre du
Québec aura des discussions précisément sur ce sujet avec
le président de la République française. Je demande
simplement au ministre des Affaires intergouvernementales si le premier
ministre du Québec a communiqué ou a l'intention de communiquer,
de transmettre, d'informer, à tout le moins, le premier ministre du
Canada de ce qu'il se propose de dire au président de la
République française.
M. Morin: II y aura sûrement des discussions et des
contacts lorsque viendra le moment de déterminer le statut du
Québec parce que, comme je l'ai dit tout à l'heure, nous voulons
nous tenir le plus près possible du statut de gouvernement participant.
Cela a fait l'objet de déclarations publiques et je ne peux pas aller
au-delà de cela.
M. Rivest: Oui, mais ce que je vous demande, ce n'est pas
cela.
M. Morin: Je ne peux pas répondre à votre
question.
M. Rivest: Le sens de ma question est très facile. Le
premier ministre du Québec a un certain nombre d'idées sur le
sommet de la francophonie, d'abord, sur la nature du sommet et,
deuxièmement, sur la place que le Québec doit avoir, ce qui est
tout à fait légitime, j'en conviens. Le ministre des Affaires
intergouvernementales vient de nous indiquer qu'il discutera de ces deux
dimensions avec le président de la République française.
Je demande simplement si le ministre des Affaires intergouvernementales sait si
le premier ministre a l'intention, avant d'aller en parler au président
de la République française, d'informer le premier ministre du
Canada sur les intentions du gouvernement. La raison est très simple.
Puisque vous parlez du statut de gouvernement participant, analogue à
celui de l'agence de coopération, ce n'est pas avec le gouvernement
français que vous allez convenir ou disconvenir des modalités de
la participation du Québec au sommet de la francophonie; c'est avec le
gouvernement canadien. Or, il me semble que, comme minimum de logique, si vous
dites respecter l'ordre constitutionnel, cela devrait se faire chez nous, au
Canada et, ensuite, être transposé sur le plan international, ce
sur quoi je n'ai aucune espèce d'objection.
Je pense que c'est ce que M. Trudeau a indiqué, entre autres,
dans une déclaration qu'il a faite dans la presse, et cela me semble
tout à fait normal. Si la chose a réussi en 1971, il me semble
que c'est l'une des conditions. Sans quoi, cela fera une guerre, à
savoir: Ils ont informé les Français avant nous, etc. Finalement,
vous allez vous ramasser sur le carreau et, là, vous allez encore vous
réveiller la nuit pour dire et penser des méchancetés de
M. Trudeau.
M. Morin: M. le Président, je ne pense pas du tout que
nous allons nous réveiller sur le carreau pour la bonne raison que je
sais pertinemment qu'aucune décision n'a été prise et je
sais qu'on veut donner au Québec toutes les occasions de faire valoir
son point de vue. Celui-ci sera donc entendu et sera donc discuté au
moment du voyage du premier ministre à Paris, comme il a
été dit publiquement, d'ailleurs.
En ce qui concerne nos positions, vous savez que ce n'est pas la
première fois que cette affaire vient sur le tapis. Cela fait
déjà plusieurs années qu'il est question d'un sommet
francophone et je puis vous assurer que le gouvernement d'Ottawa a
été mis au courant de notre position, et très clairement,
mais que sa réponse, surtout récemment, a été des
plus négatives.
M. Rivest: Quand, par qui et est-ce qu'on peut avoir copie de la
correspondance qui a été échangée?
M. Morin: On m'indique qu'on en discutait même bien avant
que j'arrive au ministère des Affaires intergouvernementales. Dès
1976, on parlait déjà de cela. Nos positions sont bien connues
des fédéraux. Seulement, ils ne veulent pas en tenir compte et
leur attitude est essentiellement négative.
M. Rivest: Quand? D'abord, est-ce que cela s'est fait au niveau
des fonctionnaires ou au niveau ministériel? Deuxièmement, il y a
eu un cheminement dans ce dossier comme dans bien d'autres. Voilà que
ça semble vouloir se concrétiser, compte tenu des discussions
récentes à la suite de la conférence des premiers
ministres des pays occidentaux. Je voudrais savoir, dans la normalité
des choses, compte tenu des déclarations qui ont été
faites, d'abord, si le premier ministre du Québec ou si le
ministère des Affaires intergouvernementales s'est informé
auprès du premier ministre canadien de ce qui s'était
réellement passé, au lieu de bâtir une politique et une
attitude du Québec sur des "clippings".
Deuxièmement, le ministre des Affaires intergouvernementales me
dit qu'on va discuter de la chose avec le président de la
République française. Je n'ai aucune objection, mais je demande -
il me semble que c'est dans l'ordre des choses - qu'à tout le moins,
pour éviter tout le chichi "québéco-canado", je ne sais
trop comment l'appeler, le premier ministre du Québec et le premier
ministre du Canada s'en parlent. S'ils ne sont pas d'accord, ils ne seront pas
d'accord, mais au moins qu'il y ait des communications officielles, normales,
écrites, au niveau des fonctionnaires. Je n'ai aucune espèce
d'objection, si la chose peut se faire au niveau ministériel pour
indiquer qu'il y a là une volonté politique et qu'on est
sérieux. Si l'on va faire le détour par Paris pour arriver
à Ottawa, vous voyez les histoires que cela va faire. Encore une fois,
on va retomber dans les vieilles salades qui risquent de nous faire perdre
l'enjeu.
M. Morin: M. le Président, nous sommes de retour à
certaines choses que nous disions tout à l'heure. Pour s'entendre, pour
dialoguer, il faut être deux. Or, je ne sache pas qu'avant d'en discuter
avec M. Mitterrand à Williamsburg M. Trudeau nous ait fait signe pour
connaître notre point de vue. Il a agi de façon unilatérale
une fois de plus. Il a voulu nous en passer une petite vite, si on peut
dire.
M. Rivest: Oui, mais savez-vous...
M. Morin: M. le Président, je ne peux pas prendre le
risque de politiser une fois de plus cette décision plus qu'elle ne
l'est. Je ne peux pas nier que cette question est hautement politisée
à l'heure actuelle, mais, justement, cela suffit. Je ne veux pas
compromettre les chances d'un arrangement éventuel sur le statut que
pourrait avoir le Québec au sein du sommet francophone en allant accuser
quiconque de ceci ou de cela. Je crois que cela suffit comme cela. Je ne peux
pas aller plus loin dans les réponses que j'ai à donner au
député de Jean-Talon, malgré toute ma bonne
volonté.
M. Rivest: Je voudrais savoir, avant que vous alliez plus loin,
ou moins loin, ou que vous partiez, la position du Québec sur la nature
du sommet, sur la nature de la participation du Québec au sommet.
Premièrement, avez-vous des documents dont vous pourriez communiquer la
teneur, non pas à M. Mitterrand ni à M. Trudeau, mais à la
commission et à l'Assemblée nationale? Deuxièmement,
est-ce qu'effectivement on peut retrouver, pas dans des déclarations
à gauche et à droite à la presse ou à la radio,
mais dans des documents du gouvernement, si ces documents existent, la position
du Québec? Troisièmement, est-ce que la position du Québec
sera communiquée officiellement au gouvernement canadien? Est-ce qu'elle
l'a déjà été ou bien, si elle ne l'a pas
déjà été, le sera-t-elle avant qu'elle soit
transmise ou communiquée au président de la République
française? C'est tout ce que je demande.
M. Morin: M. le Président, j'ai déjà
indiqué au député que je ne pouvais pas aller plus loin
dans mes réponses. J'ai tenté de l'éclairer le mieux
possible, mais il faut aussi tenir compte du fait que la nature même du
sommet n'est pas encore clairement établie.
M. Rivest: Oui, mais quelle est votre position?
M. Morin: Avant de nous figer dans une position, nous voulons,
d'abord, savoir exactement ce qui se trouve dans l'esprit de nos partenaires
non seulement de la France et du Canada, mais des autres pays. Il y a plus de
30 États qui font partie de la francophonie et qui ont des attitudes
quelquefois divergentes sur la nature du sommet, de sorte que nous n'allons pas
nous figer les pieds dans le béton à ce sujet; nous allons
attendre de voir quelle est la conception que les autres s'en font. Nous allons
en discuter avec eux et, en temps et lieu, s'il y a des énoncés
publics à faire, eh bien, nous les ferons.
M. Rivest: Ces consultations avec les autres pays ont-elles eu
lieu, sont-elles commencées?
M. Morin: Elles sont commencées.
M. Rivest: Le ministre peut-il nous indiquer avec quels pays?
M. Morin: Non, malheureusement pas. J'ai moi-même
procédé à certaines consultations, mais au point où
nous en sommes, c'est trop préliminaire. Je ne peux pas vous indiquer
avec qui. Je le regrette, d'ailleurs, parce que je suis sûr que cela
intéresserait le député, mais je ne peux tout simplement
pas le faire parce que je ne veux pas compromettre les chances d'une entente
globale pour que le sommet de la francophonie ait lieu un jour. Nous ne sommes
pas contre le sommet de la francophonie; il s'agit de savoir quelle serait la
place qu'on nous y ferait. Il s'agit de savoir quelle serait la nature de ce
sommet. Je ne peux donc pas en dire plus long pour l'instant, à mon
regret.
M. Rivest: Vous ne pouvez même pas dire ce que le
Québec attend d'un tel sommet?
M. Morin: Non, pas au point où nous en sommes.
M. Rivest: Publiquement, vous ne pouvez pas transmettre cela?
M. Morin: Pas pour l'instant, parce que nous ne voyons pas
suffisamment clair dans l'attitude des autres États. Avant de prendre
une position, nous voulons savoir ce que les autres pensent et pourquoi ils le
pensent. Quand nous serons bien au fait de tout cela, nous pourrons prendre
position. (17 heures)
M. Rivest: Ce qui m'inquiète de la position du ministre,
c'est qu'il y a un lien étroit entre la position que le gouvernement du
Québec va prendre sur la nature du sommet, d'une part, sur ce que sera
le sommet, et le degré de participation qu'il sera possible au
Québec d'avoir a l'intérieur du sommet.
M. Morin: J'avais bien cru comprendre cela.
M. Rivest: Moi aussi, j'avais cru comprendre cela. J'ai entendu
le premier ministre dire devant l'Assemblée nationale qu'il voulait
avoir le statut de gouvernement participant. On a obtenu le statut de
gouvernement participant, pas comme cela, mais parce que la nature des
fonctions et des responsabilités de l'Agence de coopération
culturelle et technique, dans
l'ordre des juridictions du Québec, nous permettait d'obtenir un
statut de gouvernement participant.
Or, si le sommet de la francophonie a un mandat qui est beaucoup plus
large que ce qu'est l'Agence de coopération culturelle et technique, par
exemple, si cela devient une espèce de commonwealth des pays
francophones où il est question de politique extérieure, etc.,
enfin, les questions dont on discute, à ce moment, moi qui trouve
intéressante la formule de gouvernement participant, je trouve qu'il
faudra modifier cette approche, parce qu'il y a des questions qui sont purement
d'ordre international qui ne relèvent pas directement de la juridiction
du Québec, qui sont étrangères et auxquelles on participe
comme Québécois, mais à notre titre de Canadiens. Le
gouvernement du Québec pourrait ne plus avoir d'intérêt
à participer au sommet de la francophonie si cela devient un
commonwealth où on discute des questions de politique internationale
comme n'importe quelle autre province du Canada.
On est un gouvernement participant au niveau de l'agence, tel que le
premier ministre l'a indiqué.
Le premier ministre a réglé la question - c'est ce que je
comprends des réponses du ministre - de la nature de la participation du
Québec sur la base d'un gouvernement participant sans savoir ce que sera
le sommet de la francophonie. Donc, je ne vois pas la logique. Le ministre me
dit: On ne peut pas dire ce que c'est. Si le premier ministre a dit qu'on
voulait avoir un statut de gouvernement participant, il est clair, à
moins qu'il n'y ait une incohérence quelque part, que le gouvernement du
Québec veut que le sommet de la francophonie soit de la nature des
responsabilités qui existent au niveau de l'Agence de coopération
et qu'il ne sera pas question d'un sommet qui serait de la nature de ce qu'on
connaît au commonwealth. C'est un ou l'autre. Cependant, là, vous
avez pris position sur la conséquence et vous nous cachez la cause.
M. Morin: M. le Président, ces réflexions du
député sont fort intéressantes. J'en prends bonne note.
Cependant, pour toutes les raisons qu'il a lui-même
énumérées, il est bien évident que je ne puis pas
figer l'attitude du Québec dans le béton. Je n'entends pas le
faire.
De toute façon, au-delà de la conception qu'on peut se
faire du sommet... À Dieu ne plaise qu'on utilise cette expression de
"commonwealth". De toute façon, le malheureux Commonwealth, où
était-il lorsque le Nigeria renvoyait 2 000 000 de Ghanéens chez
eux? On n'en a pas entendu parler. S'il vous plaît, n'allons pas chercher
des exemples comme ceux-là. S'il fallait qu'on soit devant un
commonwealth francophone, cela ne rimerait à rien. Parlons de
communauté, parlons de sommet, je veux bien, mais n'allons pas
mêler les genres.
Ce qui compte, pour moi, au-delà de la conception, M. le
Président - c'est tout ce que je puis dire - c'est que je ne puis pas
imaginer un sommet de la francophonie sans le Québec.
M. Rivest: Non.
M. Morin: J'ose espérer que le député est
d'accord avec moi là-dessus, parce que, s'il ne l'est pas, nous avons,
évidemment, une divergence fondamentale.
M. Rivest: Vous m'avez accusé d'être vertueux. C'est
sûr. Vous dites, actuellement, comme ministre des Affaires
intergouvernementales, que vous allez parler au président de la
République française. Vous m'avez dit que vous avez
déjà commencé à parler à d'autres
intervenants. Les autres intervenants font une lecture en ce sens que le
Québec - un pays africain, par exemple, le Sénégal ou un
autre qui est susceptible de participer à cela, peu importe - voulait
obtenir un statut de gouvernement participant. Pour apprécier cette
demande du Québec, cet intervenant doit savoir dans quel contexte le
sommet se situera. Est-ce que ce sera un sommet où, dans l'ordre
constitutionnel interne canadien, le Québec peut obtenir un statut de
gouvernement participant comme il l'a à l'agence? Peut-être ce
pays s'apercevra-t-il que ce sommet est beaucoup plus large et que ce n'est pas
possible d'appuyer la demande du Québec d'obtenir le statut de
gouvernement participant parce que c'est un ensemble de sujets qui est beaucoup
plus large et qui touche la politique extérieure. Je trouve que,
déjà là, il y a une espèce d'incohérence: on
est arrivé à régler le statut sans savoir ce que le sommet
serait. Et le ministre nous dit: Nous allons informer le président de la
République française. Nous avons déjà eu des
conversations avec d'autres pays qui sont susceptibles d'être là
et nous leur avons indiqué - on l'a dit même à l'opinion
publique québécoise - que ce qu'on voulait, c'était un
statut de gouvernement participant. Dans la conduite des affaires, c'est
vraiment le monde à l'envers.
M. Morin: Vous mettez des paroles dans ma bouche, M. le
député.
M. Rivest: C'est le premier ministre qui a dit cela à
l'Assemblée nationale.
M. Morin: Je n'ai pas dit, en ce qui me concerne, quel a
été le contenu de mes entretiens avec d'autres pays membres de la
francophonie.
M. Rivest: J'imagine que vous ne leur avez pas dit le contraire
de ce que le premier ministre a déclaré à
l'Assemblée nationale.
M. Morin: Je n'ai rien dit.
M. Rivest: Ah, vous leur avez parlé et vous ne leur avez
rien dit?
M. Morin: Je n'ai, à l'instant, rien dit sur le contenu de
ces entretiens. Je n'ai pas l'intention de le faire parce que ces entretiens
étaient confidentiels.
M. Rivest: Oui, mais le premier ministre vous a doublé en
disant à l'Assemblée nationale que ce que le Québec
voulait, c'était un statut de gouvernement participant. Alors, cela,
tous vos interlocuteurs le savent. Si vous ne le leur avez pas dit, qui parle
au nom du gouvernement? Avez-vous parlé en votre nom personnel dans ces
rencontres-là, une fois de plus?
M. Morin: Je ne vous dis pas ce que j'ai dit ou n'ai pas dit.
M. Rivest: Ah, cela, je sais que vous ne me le dites pas. Je fais
des efforts désespérés pour que vous me le disiez et vous
ne me le dites pas.
M. Morin: Je vous dis qu'il a été question du
sommet. Mais, malheureusement, comme c'était de nature confidentielle,
je ne pourrais certainement pas faire état des propos qui ont
été échangés, à moins d'avoir le
consentement des intéressés.
M. Rivest: J'en conviens, sauf ce qui n'est plus...
M. Morin: Alors, pourquoi insistez-vous?
M. Rivest: J'insiste parce que ce qui n'est plus confidentiel,
c'est que le premier ministre, à l'Assemblée nationale, a dit que
ce que le Québec voulait avoir, c'était le statut de gouvernement
participant comme à l'Agence de coopération culturelle et
technique. C'est moi qui lui ai posé la question, alors je l'ai entendu.
Et, comme je prends toujours la parole du premier ministre, vous savez - et de
près et de loin - je crois que ce qu'il a dit est très important.
Le ministre n'est même pas en mesure, lors de l'étude de ses
crédits, de me dire: Oui, effectivement, c'est cela, la position du
Québec, on veut avoir le statut de gouvernement participant, et
d'ajouter -ce ne serait pas dévoiler une chose épouvantable -
J'arrive d'une visite en France et je l'ai dit à mes interlocuteurs.
D'ailleurs, la notion de gouvernement participant, le gouvernement
français sait ce que cela veut dire parce qu'il a vécu Niamey 1
et Niamey 2 qui a précédé la notion de gouvernement
participant et on sait le rôle que la France a joué
là-dedans. Alors, la France sait ce dont le Québec parle quand il
parle de cela. Comme le premier ministre l'a dit publiquement, grands dieux,
quelle est la raison de votre pudeur?
M. Morin: Puisque le premier ministre l'a dit publiquement, c'est
donc que c'est connu de tout le monde, y compris de vous. Pourquoi
m'interrogez-vous?
M. Rivest: Je vous interroge, M. le ministre, parce qu'à
ce moment-là, si vous avez dit cela, vous avez nécessairement
convenu que le sommet de la francophonie avait un mandat limité. Vous ne
l'aurez pas, le statut de gouvernement participant, sur les questions de
politique étrangère et je pense que vous ne devriez pas
l'avoir.
M. Morin: M. le Président, je suis heureux...
M. Rivest: Cela, le gouvernement fédéral est
là pour s'en occuper.
M. Morin: ...d'entendre l'opinion du député. Tout
ce que je puis dire, c'est de répéter que, dans mon esprit...
M. Rivest: Oui, votre esprit!
M. Morin: ...un sommet francophone, quelle que soit sa nature,
est inconcevable sans la présence du Québec.
M. Rivest: Cela, c'est déclarer que l'été
arrive le 21 juin.
M. Morin: Mais, ce n'est pas assuré du tout.
M. Rivest: On veut savoir s'il va pleuvoir ou s'il va faire
soleil. C'est une espèce d'affirmation absolument incroyable. Vous
êtes ministre des Affaires intergouvernementales?
M. Morin: Et vous êtes député de
Jean-Talon?
M. Rivest: Je vous fournis l'occasion de vous affirmer un
peu...
M. Morin: Bien sûr.
M. Rivest: ...d'avoir un peu d'originalité...
M. Morin: Bien sûr.
M. Rivest: ...dans votre pensée.
M. Morin: Je me rends parfaitement compte que, depuis tout
à l'heure, vous essayez de faire en sorte que je fasse état
d'entretiens confidentiels, mais je ne le ferai pas.
M. Rivest: Je ne vous demande pas cela.
M. Morin: Je ne le ferai pas.
M. Rivest: Ce que je ne veux pas, par exemple - et je vous le dis
très franchement - c'est que vous alliez communiquer au président
de la République française le point de vue du Québec sur
la nature du sommet, sur le degré de sa participation, avant que vous
ayez transmis au gouvernement canadien les positions du gouvernement du
Québec.
M. Morin: Nous aviserons.
M. Rivest: La chose ne s'est pas produite, parce qu'on a pris la
précaution d'éviter ce genre d'écueil au niveau de la
charte de l'Agence de coopération culturelle et technique. Mais vous
allez devoir convenir avec le gouvernement canadien d'une modalité
quelconque de participation au sommet de la francophonie. Si vous passez par
Paris pour vous rendre à Ottawa, connaissant la susceptibilité
des gens d'Ottawa, je vous jure que vous risquez de compromettre la
participation du Québec. Je comprendrais les autorités
canadiennes de ne pas accepter que le gouvernement du Québec "by-pass"
le gouvernement canadien. Je suis convaincu que vous allez placer vos
interlocuteurs français, comme les interlocuteurs des autres pays, dans
l'embarras. Grands dieux, essayez d'éviter cela au Québec!
M. Morin: M. le Président, toutes ces élucubrations
sont passionnantes, mais elles ne peuvent m'amener à faire part à
cette commission de propos confidentiels.
Le Président (M. Champagne): M. le député de
Viau a demandé la parole depuis un moment.
M. Rivest: Attendez.
Une voix: Depuis un bon moment, j'en suis témoin.
M. Maciocia: Je veux poser une question au ministre des Affaires
intergouvernementales toujours sur le même sujet. Le ministre vient
d'affirmer qu'il y a eu des entretiens avec d'autres pays qui vont faire partie
du sommet de la francophonie. Très bientôt, le gouvernement du
Québec aura un entretien avec le gouvernement français.
Apparemment, de toute évidence, ce sera avant d'en parler au
gouvernement canadien. Est-ce que, au moins, on pourrait savoir du ministre les
raisons qui poussent le gouvernement du Québec à agir de cette
façon? Quelles sont les raisons qui le poussent à tenir des
entretiens avec d'autres pays avant d'en avoir avec le gouvernement
canadien?
M. Morin: Nous avons des entretiens avec les autres pays sur des
tas de choses, sur tout ce qui touche au Québec, à ses
échanges, à la coopération. On se parle constamment.
M. Maciocia: M. le ministre, on parle du sommet de la
francophonie qui s'en vient.
M. Morin: M. le Président, je ne voudrais pas que le
député perde son temps. Il est bien évident que les
considérations, que les démarches stratégiques sont
importantes dans ce genre de situation. Je n'ai pas l'intention d'entrer dans
ces détails parce qu'ils pourraient justement conduire à des
situations inextricables et peut-être même est-ce ce que recherche
le député de Jean-Talon ou son collègue?
M. Rivest: Oh, M. le Président!
Le Président (M. Champagne): M. le député de
Viger, à vous la parole.
M. Maciocia: Je ne comprends pas le ministre. La seule chose que
je lui ai demandée, c'est au moins qu'il nous donne les raisons pour
lesquelles il contactera les autres pays avant le gouvernement canadien. Je ne
veux pas connaître les entretiens que vous aurez avec les autres pays. Je
sais qu'ils sont confidentiels et que vous allez les garder confidentiels. Mais
quelles sont les raisons qui poussent le gouvernement du Québec à
parler à d'autres pays avant d'en parler au gouvernement canadien?
M. Morin: Je ne vous ai pas dit cela.
M. Maciocia: Bien oui, c'est ce qu'on a compris.
M. Morin: Mais non, je n'ai pas dit cela.
M. Maciocia: C'est ce que tout le monde a compris.
M. Morin: Vous avez mal compris. Je n'ai pas dit cela.
M. Rivest: Pour que ce soit très clair, pouvez-vous
prendre l'engagement de transmettre la position du Québec au
gouvernement canadien avant d'aller en France, à la fin de juin?
M. Morin: Je prends bonne note de vos suggestions.
M. Rivest: Ah, non! Le gouvernement canadien, ce n'est pas comme
n'importe quel autre gouvernement. Je ne voudrais pas nommer un pays qui
pourrait être frustré, mais vous devez comprendre cette
réalité. Si vous êtes sérieux quand vous dites que
vous procédez dans l'ordre constitutionnel canadien, vous devez passer
par le gouvernement canadien avant même d'aller dans des pays aussi
près du Québec que la France, pour qui on a la plus grande
amitié, on en convient volontiers. Vous devez commencer, si vous avez le
sens des responsabilités, par convenir d'un certain nombre de choses
avec le gouvernement canadien dans l'intérêt même de vos
démarches. Je suis convaincu que la France -je ne voudrais pas parler
pour elle - ...
M. Morin: À force de parler, c'est le député
qui finit par dire des choses qu'il ne voulait pas dire.
M. Rivest: Qu'est-ce que je ne voulais pas dire?
M. Morin: Par exemple, vous venez de remettre en cause les
rapports directs et privilégiés du Québec avec la
France.
M. Rivest: Non, pas du tout.
M. Morin: Je vous ai entendu le faire.
M. Rivest: Absolument pas. Ces accords sont des accords de
coopération qui se situent dans le cadre d'un accord
général de coopération signé entre Québec et
Ottawa et qui n'a rien à voir avec le sommet de la francophonie ou avec
l'agence de coopération. C'est justement en dehors de ces liens directs
et privilégiés. Si vous regardez l'ordre international des autres
pays, comme la France, ou des organismes internationaux, le premier lien direct
et privilégié que vous avez est avec le gouvernement canadien. Je
vous indique immédiatement que vous allez placer le gouvernement
français, encore une fois, dans une espèce d'histoire - le fameux
triangle -et je ne pense pas que ce sera dans l'intérêt de la
participation du Québec au sommet de la francophonie. (17 h 15)
Le Président (M. Champagne): Je ne sais pas si le
député de Viger avait terminé ses questions.
M. Maciocia: J'ai terminé mon intervention et j'attends la
réponse du ministre.
M. Morin: M. le Président, j'allais simplement dire que,
dans leur effort, sans doute louable, de me faire parler sur cette question, ce
sont les députés de l'Opposition qui ont fini par en dire trop
long sur leurs attitudes véritables à l'endroit du sommet.
M. Rivest: Qu'est-ce qu'on a dit?
M. Morin: En ce qui me concerne, M. le Président, j'ai dit
tout ce que j'avais à dire, ce que je pouvais dire, compte tenu de
l'obligation de discrétion à laquelle je suis tenu dans les
rapports avec les pays étrangers.
Le Président (M. Champagne): Alors, je reconnais le
député de Chapleau.
M. Rivest: Non, je n'ai pas encore terminé
là-dessus, moi.
M. Kehoe: C'est cela.
Le Président (M. Champagne): Alors, M. le
député de Jean-Talon.
M. Rivest: Est-ce que je dois comprendre que le ministre ne peut
prendre l'engagement, devant la commission, que le gouvernement du
Québec va transmettre et communiquer formellement au gouvernement
canadien la position du Québec avant de la transmettre au gouvernement
français?
M. Morin: M. le Président, la moindre déclaration,
à ce moment-ci, peut compromettre les solutions au lieu de les aider. Je
regrette, je sais que le député voudrait bien faire en sorte que
je me mette les pieds dans le béton...
M. Rivest: Non, cela, c'est déjà fait, vous l'avez
fait la semaine dernière. C'était dans les plats, ce
n'était pas dans le béton.
M. Morin: ...ou que le gouvernement se mette les pieds dans le
béton, mais il ne le fera point. Je viens de lui dire, et je le lui
répète une dernière fois, que, dans les rapports que nous
avons, tant avec le gouvernement canadien qu'avec les gouvernements
étrangers, nous sommes tenus à une obligation de
discrétion. Et, quelquefois, quand on nous dit des choses à
l'étranger, ce n'est pas pour être répété et
c'est sous la condition, parfois expresse, le plus souvent tacite, que nous
respecterons la confidentialité des propos.
M. Rivest: M. le ministre, ma question est toujours là et
vous n'y avez pas répondu. Je ne vous demande pas de nous parler...
M. Morin: M. le député, c'est parce que je n'ai pas
l'intention d'y répondre.
M. Rivest: Je sais ce sur quoi vous n'avez pas l'intention de
répondre. Bon, tant pis pour vous. Je ne vous demande pas de vous
prononcer sur le contenu; cela, je l'ai demandé mais vous m'avez dit non
et je respecte votre attitude. Je vous demande simplement d'assurer la
commission que vous allez transmettre, peu importe le contenu -je ne
m'intéresse pas à ce qu'il y aura dans la communication que vous
aurez avec le gouvernement canadien - au gouvernement canadien la position du
Québec, c'est-à-dire le contenu. Je ne vous demande pas de nous
parler du contenu; je vous demande de vous engager simplement à dire:
Oui, nous allons communiquer avec le gouvernement canadien avant de le faire
avec le gouvernement français ou avec tout autre gouvernement. C'est ce
que je demande.
M. Morin: M. le Président, je prends note, avec le plus
haut intérêt, de la prise de position du
député...
M. Rivest: Ah, bien.
M. Morin: ...mais, pour aucune considération, je ne ferai
part des démarches stratégiques que nous allons prendre dans ce
dossier.
M. Rivest: Ah bon! M. le Président, je regrette, mais il
n'a pas répondu à ma question. Qu'il en prenne note, je m'en fous
royalement. Enfin, j'en suis honoré, mais je m'en fous.
M. Morin: C'est peut-être intéressant.
M. Rivest: Mais ce n'est pas ça. Je vous demande de
prendre...
M. Morin: Je ne voudrais pas que vous croyiez un instant que je
n'estime pas que vos considérations sont intéressantes. Elles
sont fort intéressantes.
M. Rivest: Je le sais. M. le Président, le ministre essaie
de m'enjôler, mais je vous demande simplement ceci, pour conclure: Vous
ne pouvez et vous ne voulez pas prendre l'engagement de communiquer avec le
gouvernement canadien, au sujet du sommet de la francophonie, avant de
communiquer avec le gouvernement français?
M. Morin: Je n'ai rien à dire là-dessus. Je ne vous
dis pas que nous communiquerons, je ne vous dis pas que nous ne communiquerons
pas. Je vous dis que je n'ai pas l'intention de me figer les pieds dans le
béton au sujet de la stratégie que nous entendons suivre dans
cette affaire.
Le Président (M. Champagne): Est-ce qu'on pourrait, quand
même, passer à un autre intervenant M. le député de
Jean-Talon?
M. Rivest: Bien, on y reviendra au moment de l'étude des
crédits, article par article.
M. Maciocia: Si vous me le permettez, M. le Président,
j'aurais une dernière question sur ce sujet. Pourquoi le ministre nous
a-t-il dit, il y a quelques instants, que le premier ministre du Québec
va discuter du sommet de la francophonie avec le président de la
République française avant la fin du mois? Est-ce qu'il peut nous
dire la raison pour laquelle il nous a mis au courant de cela?
M. Morin: Parce que cela a été dit
publiquement.
M. Rivest: C'est de la stratégie.
M. Morin: Non. C'est public, cela. J'ai tout simplement fait
état d'une chose qui est déjà dans le domaine public.
M. Maciocia: Je ne le crois pas. Je viens de l'apprendre.
M. Morin: C'est parce que vous n'êtes pas au courant, tout
simplement. C'est dans le domaine public.
M. Maciocia: Où cela a-t-il été dit?
M. Morin: Cela a été dit dans des
communiqués de presse, il y a deux ou trois jours. Voua n'avez
qu'à lire les journaux.
M. Maciocia: La seule chose que j'ai lue dans les journaux, c'est
que M. Lévesque se rendait en France.
M. Morin: Non, je vous assure que c'est public.
M. Maciocia: Je n'ai jamais lu qu'il allait en France pour parler
du sommet de la francophonie.
M. Morin: II n'a pas été dit qu'il ne parlerait que
de cela. Il a été dit - je me souviens très bien du
communiqué - qu'entre autres sujets il parlerait de cela. C'est
public.
M. Maciocia: Est-ce que le ministre pourrait au moins...
M. Morin: Je ne serais pas allé au-delà de ce qui
est public, de toute façon.
M. Maciocia: J'aimerais, quand même, avoir une copie du
communiqué, si c'est possible.
M. Morin: C'est possible, cela doit être possible. C'est
dans les journaux.
M. Maciocia: Je ne l'ai pas lu. Si vous pouvez me dire la date,
j'achèterai les journaux.
M. Morin: Peut-être qu'on va vous trouver le
communiqué.
Le Président (M. Champagne): Le député de
Chapleau, pour une question.
M. Kehoe: Je ne sais pas si on a terminé.
M. Rivest: On va revenir dans les débats ultérieurs
sur cette question, tel que convenu, M. le ministre, pour permettre au
député de Chapleau de vous interroger sur un domaine assez
particulier, la région de l'Ouest du Québec, de l'Outaouais.
M. Morin: Très bien.
M. Rivest: Après cela, on verra M. le ministre responsable
de l'Office franco-québécois. Vous devriez rapatrier cela au
ministère des Affaires intergouvernementales, l'Office
franco-québécois.
M. Morin: Cela en relève juridiquement, sauf qu'il y a une
délégation de pouvoirs.
M. Rivest: Vous vous départissez de toutes vos affaires:
Landry, Chevrette. Je comprends que vous voulez aller vous chercher une autre
"job" en France avec la double citoyenneté et tout. Affirmez-vous un
peu.
M. Morin: Je suis très heureux de la
délégation qui a été consentie à mon
collègue.
M. Rivest: Chaque fois que vous vous faites enlever quelque
chose, vous êtes heureux.
M. Morin: C'était comme cela avant, je vous le ferai
remarquer.
M. Rivest: Oh non! Votre prédécesseur était
très jaloux de ses prérogatives.
M. Morin: C'était M. Charron qui était responsable
de l'Office franco-québécois pour la jeunesse auparavant, pour le
cas où vous l'auriez oublié, M. le député.
M. Rivest: Peut-être.
Le Président (M. Champagne): M. le député de
Chapleau.
La région de l'Outaouais
M. Kehoe: M. le Président, le ministre des Finances a
affirmé qu'en pleine crise économique les éternelles
querelles Ottawa-Québec auront coûté cher aux
Québécois. S'il y a une région où cela a
coûté très cher, j'ai bien l'impression que c'est la
région de l'Outaouais où les confrontations continuelles, qui
existent depuis l'arrivée au pouvoir du Parti québécois,
ont fait en sorte que, du côté québécois les travaux
qui sont exécutés par la CCN sont, à toutes fins utiles,
arrêtés. Je parle des achats de terrains ou des différents
aménagements, que ce soit les berges dans la ville de Gatineau ou le
ruisseau de la Brasserie dans la ville de Hull. À toutes fins utiles, il
y a très peu de travaux qui sont faits du côté
québécois, tandis que, du côté ontarien, il y a
encore des travaux assez importants qui sont en marche présentement.
Spécifiquement, je veux poser certaines questions sur l'état des
affaires du côté québécois.
Le Président (M. Champagne): Continuez, M. le
député de Chapleau, avec vos questions.
M. Kehoe: M. le ministre, spécifiquement, la semaine
passée, le président de la CCN, M. Bud Drury, a fait certaines
déclarations à savoir que la CCN, la Commission de la capitale
nationale est prête à investir des montants assez importants pour
l'aménagement des berges dans la ville de Gatineau, la rivière
des Outaouais, mais à cause du manque de coopération avec le
gouvernement provincial - je veux ouvrir une parenthèse, à ce
moment, pour dire que les montants d'argent que la CCN est prête à
investir, c'est son argent, elle ne demande pas de coopération
financière au gouvernement de la province de Québec - dans ce
projet-là spécifiquement, elle refuse de dépenser de
l'argent et met sur la tablette les travaux pour l'aménagement des
berges dans la ville de Gatineau. Pouvez-vous me dire où en est rendu ce
dossier?
M. Morin: M. le Président, vous savez qu'à bien des
égards la région de l'Outaouais jouit d'un certain statut
particulier.
M. Kehoe: Ah bon!
M. Morin: II s'agit de savoir si ce statut particulier va
être tel que l'intégrité du territoire
québécois sera menacée. Je vous donne des exemples de ce
statut particulier. La région bénéficie déjà
de dispositions particulières, par exemple, pour ce qui est de la vente
des carburants. Je pense que le député le sait.
M. Kehoe: Oui.
M. Morin: Je préfère ne pas m'étendre
là-dessus parce que le député est sûrement pas mal
au courant. De toute façon, je le renverrais, pour plus de
précisions, au ministre des Finances.
Sur le problème plus général de la
fiscalité, il faut tenir compte, en outre, de l'ensemble de la
situation, notamment des suppressions des taxes, du côté
québécois, sur les meubles, sur les vêtements, sur les
chaussures, sur les chambres d'hôtel et sur les appareils
ménagers. Tout cela joue également et c'est favorable, justement,
à la région de l'Outaouais.
Statut particulier également en ce qui concerne le
règlement de placement. Le député le sait, je pense, c'est
sa région. La situation a été réglée par une
entente avec l'Ontario qui, ma foi, produit des effets tout à fait
bénéfiques. Les syndicats se sont opposés jusqu'à
présent à toute modification du type demandé par la ville
de Hull. Donc, il y a des limites aux modifications qui peuvent être
faites là-dessus. Je pourrais continuer longtemps pour expliquer le
statut particulier dont jouit l'Outaouais.
Maintenant, la question plus spécifique que me pose le
député a trait aux propos tenus par le président de la CCN
et au manque de coopération allégué de sa part en ce qui
concerne le Québec. Mais ce n'est pas du tout le cas, M. le
Président. Je dois vous dire que nos seules réticences viennent
de ce que nous voulons que l'intégrité du territoire
québécois soit respectée dans cette affaire. J'ajouterai
que nos fonctionnaires ont rencontré les autorités de la CCN, il
y a deux semaines, dans le cas du dossier des berges de l'Outaouais. Donc, ce
n'est pas comme s'il n'y avait pas de contacts. Il y en a eu. J'en fais
état. Évidemment, je ne peux pas vous faire part des
résultats ou de ce qui s'est dit parce que c'étaient des contacts
confidentiels, mais je peux au moins dire au député qu'il y a
donc eu ces entretiens entre Québec et Ottawa.
Également, je pourrais faire état du fait qu'un
comité interministériel continue à travailler sur ce
dossier des berges et que les choses suivent leur cours normal,
c'est-à-dire que nous voulons être bien sûrs que les
intentions de la CCN correspondent à nos préoccupations et
à nos besoins. Les accusations de la CCN sont donc injustes en
l'occurrence.
M. Kehoe: M. le ministre, pourriez-vous me dire en quoi
l'intégrité du Québec peut être affectée si
le gouvernement fédéral fait des études sur
l'aménagement des berges? Si je comprends bien, d'ici à 1985, la
proposition de la CCN consistait à faire certaines études,
à dépenser des sommes assez importantes - je ne sais pas
exactement combien, mais des sommes qui peuvent se chiffrer à 500 000 $
environ -pour faire des études sur des travaux à être
exécutés dans l'avenir. Je ne sais pas dans combien de temps. Je
ne connais pas l'échéancier au juste. En quoi cela peut-il
affecter l'intégrité québécoise, dis-je, que le
gouvernement fédéral puisse faire des études conjointement
avec la ville de Gatineau?
M. Morin: M. le Président, il se fait des études et
personne n'a jamais pu empêcher la CCN d'effectuer toutes les
études qu'elle veut sur la transformation de ce qu'elle appelle la
région de la capitale nationale. Depuis l'époque du plan
Gréber, la CCN n'a jamais attendu le consentement de qui que ce soit
pour faire des études, quelquefois même empiétant largement
sur le territoire québécois, mais sans s'en soucier le moins du
monde. Alors, on ne peut pas l'en empêcher. Que le député
se rassure, la CCN fait toutes les études qu'elle estime devoir faire.
Elle ne nous consulte pas. Elle agit à sa guise et
unilatéralement. Là où ses desseins peuvent être
contrecarrés, c'est lorsque, dans ses projets, elle empiète sur
des espaces qui appartiennent soit au gouvernement québécois,
soit à des particuliers qui veulent retenir ces espaces. C'est là
que cela devient difficile et même difficultueux. (17 h 30)
M. Kehoe: Si les berges ou les endroits en question appartiennent
aux municipalités affectées, spécifiquement à la
ville de Gatineau, si la ville elle-même est consentante - elle a
demandé l'intervention du fédéral pour
l'aménagement de certains travaux à cet endroit - pour
protéger l'intégrité de la province de Québec,
allez-vous empêcher ces travaux? Premièrement, il y aura des
études et, deuxièmement, des travaux.
M. Morin: La réponse que je donnais tout à l'heure
au député, je pense, résume la situation. Les
fonctionnaires se sont rencontrés il y a à peine deux semaines et
ils vont continuer de se voir, j'imagine. Il y a un comité
interministériel qui travaille à ce dossier. Je ne peux pas aller
plus loin pour l'instant parce que les conclusions, je ne pense pas qu'on y
soit arrivé.
M. Kehoe: M. le ministre, c'est à peu près la
même réponse que vous m'avez donnée l'année
passée.
M. Morin: J'ai au moins le mérite d'être
cohérent avec moi-même.
M. Kehoe: Cohérent en ne faisant rien, en empêchant
non pas la ville de Gatineau parce qu'elle n'a pas les fonds
nécessaires, mais le fédéral, la CCN, d'exécuter
des travaux pour le bien-être de la population de
la région de l'Outaouais.
M. Morin: Peut-être puis-je donner quelques détails
additionnels au député sans prendre le risque de compromettre une
entente éventuelle. Il est évident que la ville de Gatineau - je
m'empresse de le préciser, mais le député le sait - ne
peut conclure des ententes avec le gouvernement fédéral sans le
consentement du gouvernement du Québec. Il arrive que nous donnions des
consentements, mais après nous être assurés que tous les
intérêts du Québec sont sauvegardés. En
l'occurrence, nous avons affaire à une commission fédérale
qui est un peu tentaculaire. Je pense que le député va convenir
que les procédés de la CCN dans le passé avaient de quoi
créer des soucis au gouvernement du Québec. J'estime qu'un
contrôle est nécessaire pour éviter que le gouvernement
fédéral ne procède, par toutes sortes de moyens et
quelquefois en s'adressant aux municipalités, à des annexions
à terme du territoire québécois.
En l'occurrence, on m'a signalé que la CCN aurait offert une
location à long terme, ce qui pourrait être acceptable, comme dans
le dossier de Lachine, mais la réponse n'a pas encore été
donnée, c'est à l'étude. Je ne peux certainement pas
engager le gouvernement québécois en donnant une réponse
maintenant. C'est une location à long terme qui pourrait aller
jusqu'à 45 ans. Je ne peux pas vous dire si la chose est
immédiatement acceptable au gouvernement québécois. De
toute façon, nous ne sommes pas le seul ministère dans le dossier
puisque l'OPDQ, l'Office de planification et de développement du
Québec, est également partie au dossier et a, évidemment,
un mot très important à dire avant que le gouvernement du
Québec se détermine et prenne une attitude définitive dans
ce dossier.
M. Kehoe: Est-ce que la situation est identique en ce qui
concerne le projet de développement du ruisseau de la Brasserie à
Hull?
M. Morin: Si ma mémoire est bonne, M. le
député, le cas du ruisseau de la Brasserie, c'est un bel exemple
d'action unilatérale de la part de la CCN. Ils ont fait tous les plans
sans consulter le Québec.
M. Kehoe: Par contre, le provincial a acheté un terrain en
plein centre pour empêcher que le projet ne soit
réalisé.
M. Morin: C'est la version fédérale.
M. Kehoe: On n'a qu'à aller vérifier au bureau
d'enregistrement; il est maintenant propriétaire d'une lisière de
terrain en plein milieu et il empêche le projet de se
réaliser.
M. Morin: Mais non. Il faut savoir aussi quelles sont les
intentions du gouvernement fédéral, de la CCN. Est-ce qu'ils
veulent exproprier?
M. Kehoe: Ils sont déjà propriétaires,
excepté de la lisière de terrain en question.
M. Morin: Ah! J'ai l'impression qu'effectivement les deux
gouvernements vont devoir s'entendre. Il me semblait avoir déjà
vu passer ce dossier quand je me trouvais dans la région de Hull, il y a
quelques semaines ou peut-être un mois et demi maintenant. Je pense qu'il
y a, dans ce cas en particulier, M. le Président, un conflit de
politiques. Le gouvernement fédéral voudrait encore faire un parc
pour embellir la région. Il voudrait transformer toute la ville de Hull
en parc, si on le laissait faire. Tandis que le Québec, lui, veut un
parc industriel, évidemment, pour faire travailler les
Québécois.
M. Rivest: Ah oui!
M. Morin: Je pense que, dans ce cas-là, il va falloir
trouver une entente ou un compromis quelconque. Je pense aussi à un
autre cas, celui de l'usine Eddy. Il a paru récemment dans les journaux
de la région de Hull que le gouvernement fédéral voulait
faire disparaître cette usine et faire disparaître aussi quelques
centaines d'emplois pour transformer cela en parc, parce que cela heurte les
yeux des visiteurs au Parlement en face, de voir - imaginez-vousl - une usine
du côté québécois. Il est évident, s'agissant
de développement économique, que nous n'avons pas
l'intention...
M. Rivest: On dit qu'il y en a de moins en moins.
M. Morin: ...de céder sur un point comme celui-là.
Je pense, d'ailleurs, que c'était l'attitude du gouvernement
antérieur, si je ne m'abuse.
M. Kehoe: C'est cela.
M. Rivest: À Ottawa? Sous Diefenbaker?
M. Morin: Non. Le gouvernement antérieur, ici au
Québec...
M. Rivest: Ah bon!
M. Kehoe: Si vous me le permettez, M. le ministre...
M. Morin: ...que vous connûtes, M. le
député.
M. Kehoe: ...spécifiquement en ce qui
concerne le ruisseau de la Brasserie, la ville de Hull, la
Société d'aménagement de l'Outaouais et d'autres
intervenants sont d'accord avec l'aménagement projeté par la CCN
dans le projet dont on parle. Je sais qu'il y a seulement une obstruction ou un
manque d'accord avec la province de Québec qui empêche la
réalisation d'un projet d'une telle importance. Depuis 1976, depuis
l'arrivée au pouvoir du Parti québécois - je vous pose la
question - combien y a-t-il de projets réalisés par la CCN du
côté québécois?
M. Morin: Ils ont déjà mis la main sur pas mal tout
ce qui les intéressait.
M. Kehoe: Ah non!
M. Morin: À moins que vous ne vouliez m'apprendre qu'ils
ont encore des desseins plus étendus et qu'ils veulent s'emparer...
M. Kehoe: Je ne prétends rien. Pour le moment, je pose des
questions.
M. Morin: Oui.
M. Kehoe: Tout ce que je dis à ce sujet, c'est que c'est
un peu la même politique - le député de Jean-Talon l'a fait
valoir sur plusieurs points jusqu'ici - sur une base provinciale. On voit
clairement, sur une base régionale et locale, exactement les
implications de votre politique de confrontation ou de querelles
stériles continuelles avec le gouvernement fédéral, de
tous les côtés.
M. Morin: M. le Président, je suis obligé
d'interrompre le député, parce que je ne voudrais pas, non plus,
qu'il induise la commission en erreur. La SAO - je pense qu'il l'a
mentionnée - s'oppose au projet fédéral de la CCN du
ruisseau de la Brasserie.
M. Kehoe: Je m'excuse. Peut-être que mes renseignements ne
sont pas véridiques. J'avais l'impression qu'ils avaient fait un rapport
justement favorable.
M. Morin: Non, M. le Président. Je ne le pense pas. Quitte
à vérifier les faits, ce que j'en sais, c'est que la SAO s'oppose
au projet fédéral, justement pour des raisons d'ordre
économique, comme je le disais à l'instant. Je puis vous dire que
la SAO semble avoir l'appui du milieu dans cette affaire-là.
Évidemment, ce n'est pas Gatineau. Nous parlons de Hull.
M. Kehoe: Non, non. D'accord.
M. Morin: Ce n'est pas la même chose. Peut-être que
le député est moins familier avec ces problèmes qu'avec
ceux qui intéressent Gatineau.
M. Kehoe: D'accord.
Le Président (M. Champagne): Tel que convenu ce matin,
nous avions prévu de recevoir à la commission le ministre du
Loisir, de la Chasse et de la Pêche, qui est responsable du dossier de
l'Office franco-québécois pour la jeunesse. M. le ministre va
venir défendre le programme 3, dans le domaine des Affaires
intergouvernementales. À vous la parole, M. le ministre.
L'Office franco-québécois pour la
jeunesse
M. Chevrette: M. le Président, ce sera très bref
puisque j'ai remis à l'Opposition une série de données qui
lui permet d'avoir l'ensemble des comparaisons budgétaires avec les
années antérieures, à partir de 1979. Comparaisons sur le
nombre d'employés, le personnel, sur l'évolution du budget, le
nombre de stages, en fait, à peu près tous les renseignements
auxquels ils sont en droit de s'attendre. Si jamais ils ont
considéré, à la lecture, que c'était insuffisant,
je vais leur laisser le soin de poser des questions.
Je leur dis, cependant, que nous avons eu une rencontre à Paris,
en janvier, et que la prochaine rencontre aura lieu en juin prochain, les 19,
20, 21, à Québec. Nous aurons à nous pencher sur la notion
de stage comme telle, en particulier sur les stages individuels et les petits
groupes. Les Français veulent accentuer ce mode de participation puisque
c'est moins dispendieux et que cela permet des plus petits groupes au lieu des
groupes de 21 personnes. Cela nous permet d'avoir plus de participants à
un moindre coût. On aura à se pencher sur cette orientation et
également sur des demandes précises de certains groupes qui
seront soumises à la discussion lors de cette rencontre, en particulier,
sur les représentations de Mme la ministre déléguée
à la Condition féminine qui désirerait voir les groupes de
femmes participer davantage. Je lui ai démontré facilement que
cette année nous étions heureux d'annoncer qu'il y a eu plus de
femmes que d'hommes qui ont participé aux stages, à savoir 54,2%
contre 45,8%, alors que, pour les années antérieures, la
participation masculine était majoritaire. Nous avons atteint cette
égalité et nous l'avons même dépassée en
faveur de la discrimination positive des femmes.
Je laisse la parole au député de Jean-Talon qui a sans
doute des questions à poser.
Le Président (M. Champagne): M. le député de
Jean-Talon.
M. Rivest: M. le Président, j'ai pris
connaissance de la note transmise par le ministre. Le ministre semble
féru de statistiques dans la mesure où toutes les informations
qu'il nous donne sont chiffrées et rechiffrées.
M. Chevrette: C'était pour vous permettre de tout
comprendre.
M. Rivest: Ah non, ici, on est aux crédits des Affaires
intergouvernementales et, avec le ministre des Affaires intergouvernementales,
malheureusement, le langage des chiffres nous est quelque peu étranger.
Néanmoins, votre contribution...
M. Morin: Vous n'avez soulevé aucune question à
propos des chiffres. Ne vous plaignez pas de ne pas avoir eu de
réponse.
M. Rivest: Est-ce qu'il a le droit, M. le Président?
M. Chevrette: II est membre de la commission.
M. Rivest: Puisqu'il est question de chiffres, ce qui me frappe
et ce qui continue de me frapper dans les échanges
franco-québécois - encore une fois, je comprends que ce n'est pas
facile de modifier la tendance - c'est qu'on voit, d'après les chiffres,
qu'effectivement ce sont les jeunes qui ont le plus haut niveau de
scolarité qui participent à ces échanges, malgré
que cela ait baissé un peu. On en a parlé l'an passé.
M. Chevrette: Oui, si vous regardez, de 12 à 14 ans, au
niveau collégial, il y a eu quand même un bond de 5%.
M. Rivest: Oui, je sais, mais au niveau universitaire cela a
baissé un peu. En ce qui concerne les ouvriers, les employés
agricoles, les techniciens, etc., les proportions sont encore finalement
très faibles. C'est une volonté de part et d'autre,
j'imagine...
M. Chevrette: Exact.
M. Rivest: ...d'essayer de changer cela. Enfin, je note qu'il y a
eu au moins amélioration, malgré que je sache que cela ne se
corrigera pas du jour au lendemain.
Deuxièmement, j'aimerais que le ministre nous transmette la
nature des programmes. Parfois, me sont parvenus des échos que certains
programmes d'échanges apparaissaient à certains comme
étant saugrenus ou assez surprenants. Je sais que la
détermination des programmes en tant que tels, c'est-à-dire quels
sont ceux qui participent aux échanges et ce qu'on leur fait faire,
c'est toujours conjoint. Par contre, il y a eu certaines critiques, de la part
de certains députés ou d'autres personnes, qui me sont parvenues.
Je n'ai pas d'exemple précis à vous indiquer, mais je sais qu'on
s'est interrogé là-dessus. J'aimerais qu'on puisse retrouver une
description.
M. Chevrette: La liste des stages acceptés?
M. Rivest: Par exemple, je pense à un stage où les
employés syndicaux allaient en Europe; je ne sais pas si c'est à
l'intérieur de l'Office franco-québécois. Au moment des
négociations dans le secteur public, il y avait une mission, un groupe
d'échanges pour aller voir comment le Parti socialiste ou les syndicats
s'y prenaient pour contrer les actions unilatérales des gouvernements
face à leurs employés dans les secteurs public et parapublic. Et
j'ai craint pour notre gouvernement ici.
M. Chevrette: Oui, je n'en doute pas, vous qui étiez
habitué sous le régime précédent à vivre
cela.
M. Rivest: On n'a jamais procédé d'une façon
unilatérale. On a toujours signé nos conventions collectives.
M. Chevrette: Je m'excuse. En 1972, j'ai vécu un
décret.
M. Rivest: Où étiez-vous à
l'époque?
M. Chevrette: J'étais vice-président de la CEQ.
M. Rivest: Mon Dieu, que vous avez changé!
M. Chevrette: J'étais chef négociateur et je vous
ai rencontré dans des corridors, M. le député de
Jean-Talon.
M. Rivest: Vous avez changé. Vous avez voté la loi
no 70 et tout cela?
M. Chevrette: Bien sûr.
M. Rivest: Vous n'avez pas eu de remords, non?
M. Chevrette: Non, exactement comme vous.
Le Président (M. Champagne): Est-ce qu'on pourrait revenir
à l'office, s'il vous plaît?
M. Rivest: Oui, mais c'est parce qu'il aurait pu changer. Enfin,
je veux signaler cela et je voudrais avoir cette liste.
M. Chevrette: Y compris la violence dans l'industrie de la
construction?
M. Rivest: Oui, sûrement.
M. Chevrette: D'accord.
M. Rivest: Vous connaissez cela?
M. Chevrette: Cela aussi, grâce à vous. (17 h
45)
M. Rivest: Oui, je sais. On vous a fait confiance.
M. Chevrette: Vous n'avez pas eu de regret. C'est un excellent
rapport.
M. Rivest: À l'époque, non, vous avez fait un
très bon travail.
M. Chevrette: Merci.
M. Rivest: Je tiens à vous féliciter.
M. Chevrette: Si vous aviez autant de souvenirs que j'en ai, vous
ne parleriez pas comme cela.
M. Rivest: Pourquoi? M. Chevrette: Parce que j'ai
vécu là. M. Rivest: On a les mêmes souvenirs. M.
Chevrette: Oui.
Le Président (M. Champagne): Est-ce qu'il y a une autre
question au sujet de l'office?
M. Rivest: Oui, oui, mais on cause, M. le Président.
L'autre affaire, c'est l'évaluation des programmes, des
échanges.
M. Chevrette: Oui.
M. Rivest: Est-ce que vous vous en préoccupez, parce qu'on
est à l'évaluation? On sait que cela coûte cher. Je ne sais
pas si, à l'office, vous avez le suivi de cela. J'ai vu dans le rapport
de 1982 que cette préoccupation était là, mais j'aimerais,
si vous le pouvez, quand vous pourrez, que vous nous transmettiez les documents
pertinents.
M. Chevrette: On a les documents préliminaires
présentement. Les employés ont procédé à une
analyse interne, à une réorientation de l'office. On a fait la
même chose du côté français. Le conseil
d'administration avait donné le mandat en janvier à nos deux
secrétaires généraux de préparer des
éléments de réflexion. Ce n'est qu'en juin qu'on adoptera
un contenu. Je peux vous dire qu'il y a déjà des lignes
directrices tracées par la rencontre de janvier. Il est bien
évident qu'on doit tenir compte non seulement des priorités
préparées par l'office, mais des priorités
gouvernementales. C'est un office franco-québécois et, en
janvier, les deux gouvernements s'étaient entendus pour mettre l'accent
sur les programmes dits économiques qui suivaient la tendance de
l'évolution technologique. Nos modes de publicité de ces dix
stages qui sont offerts également rejoignent les individus en usine. On
a cette préoccupation. On en a parlé beaucoup en janvier. On
espère qu'en juin nous pourrons adopter ces lignes directrices et nous
n'avons pas d'objection à vous les faire connaître, au
contraire.
M. Rivest: Oui.
M. Chevrette: II y aura même de la concertation entre les
différents ministères.
M. Rivest: J'aimerais - parce que c'est un programme qui dure
depuis...
M. Chevrette: 1968.
M. Rivest: ...quinze ans - qu'on puisse trouver, à un
moment donné, un bilan. Je sais qu'il y a quelque vingt mille...
M. Chevrette: 22 720 à la fin de 1983.
M. Rivest: ...mais, effectivement, qu'est-ce que cela a
donné? Quel est le suivi? L'expérience? Je trouve qu'on n'a pas
vu - je n'ai pas eu l'occasion de le voir, c'est peut-être ma faute - une
espèce de bilan général de cela qui permettrait,
justement, pour les années à venir non seulement au niveau du
conseil d'administration de l'office, mais aussi au niveau public de convenir
que les gens de l'extérieur apportent leur contribution. Au niveau du
secteur privé, est-ce qu'il y a quelque chose de particulier pour y
associer les entreprises? Je sais que l'office a des dimensions
régionales. On a vu, selon les chiffres, qu'il y a une
préoccupation de ce genre. Au niveau des entreprises, est-ce qu'il y a
des choses particulières que le ministre voudrait signaler?
M. Chevrette: De plus en plus, si vous le remarquez à la
page 11, on a quand même ouvert nos portes assez grandes aux chefs
d'entreprise, aux cadres supérieurs, aux ingénieurs, aux
professions libérales, aux exploitants, aux ouvriers agricoles - ce sont
des travailleurs autonomes du secteur privé -aux artisans et
commerçants. Il y en a quand même 6%...
M. Rivest: Cela a baissé.
M. Chevrette: Oui, cela a baissé dans le cas des artisans
et des commerçants. On peut facilement attribuer cette situation
à la conjoncture économique. Dans l'ensemble, on
vous a dit qu'on avait un plan de communication à mettre sur pied
au niveau de l'office pour rejoindre les individus dans leur milieu de travail
pour qu'il y ait une certaine forme de promotion au lieu de se fier
exclusivement aux leaders qui percent. Si nous mettons l'accent sur les
individus et les petits groupes qui peuvent organiser leur propre voyage, cela
rejoindra probablement plus facilement cette catégorie-là en
publicisant le fait que l'office est capable de se rendre à la
possibilité de voir deux ou trois individus qui s'organisent ensemble,
qui planifient leur voyage. Sur le plan financier, je peux vous avouer que
c'est beaucoup moins coûteux pour l'office.
M. Rivest: Très bien.
Le Président (M. Champagne): M. le député de
Viger.
M. Maciocia: Seulement une question. Je ne suis pas familier avec
ce dossier.
M. Chevrette: Quelle page?
M. Maciocia: À la page 8. Vous avez reçu 3000
candidatures en 1982 et vous en avez retenue 1410. C'est cela?
M. Chevrette: Oui.
M. Maciocia: Est-ce qu'on pourrait savoir les raisons?
M. Chevrette: C'est parce que c'est un nombre sur lequel on
s'entend conjointement...
M. Maciocia: Je comprends...
M. Chevrette: ...au début d'une année.
M. Maciocia: ...mais cela n'était pas ma question. Quels
sont les critères pour faire cette sélection des demandes?
M. Chevrette: Chaque stage est analysé. Prenons un
exemple: si on décide qu'il y a 60 groupes de 21, 100 groupes de 6 ou
des individus qui planifient leur propre voyage, c'est jugé au
mérite par des comités de sélection créés
pour l'ensemble d'un stage. S'il y en a quatre qui veulent aller en France pour
étudier le syndicalisme français, le comité fait une
sélection et choisit un groupe en particulier.
M. Maciocia: Quels sont les critères de
sélection?
M. Chevrette: II faut répondre aux objectifs des deux
gouvernements. Si on dit que c'est un stage de rapprochement, il faut qu'ils
présentent un projet qui soit cohérent et qui corresponde
à l'objectif de rapprochement. S'ils disent qu'ils veulent aller se
balader en France pour aller voir dormir les clochards, ce n'est pas
nécessairement un objectif de rapprochement entre les deux peuples. Il y
a une question d'âge dans le thème comme tel. On sait que beaucoup
de gens nous demandent de défoncer la limite d'âge de 35 ans. Il y
a une tolérance de un par groupe. Des deux côtés, on a des
groupes d'intervenants qui viennent nous demander de défoncer. Par
contre, je peux vous dire qu'en janvier cela a été clair et net:
il n'était pas question de déroger à cette règle
pour le moment. Depuis ce temps-là et même après janvier,
il y a eu énormément de pressions pour qu'on le permette. On nous
a donné des exemples dans l'industrie où l'ancienneté dans
le travail est peut-être de 20 ou 25 ans en moyenne en disant
qu'organiser un groupe devient impossible dans tel type d'industrie. Par
contre, c'est un Office franco-québécois de la jeunesse. Il ne
faudrait pas créer un deuxième office. Si on veut que ce soit un
office de l'Âge d'or, qu'on crée un office de l'Âge d'or.
C'est un Office franco-québécois pour la jeunesse et c'est pour
cela que, considérant la situation actuelle, on se retourne et on dit:
Favorisons plutôt les petits groupes et les individus capables de
planifier leur voyage pour maintenir cet esprit de rapprochement, cette
dimension sociale d'échanges ou encore, sur le plan économique,
nos échanges avec le peuple français. Tâchons de garder cet
esprit de rapprochement de la jeunesse.
M. Maciocia: Habituellement, par groupe vous avez combien de
personnes?
M. Chevrette: II y en a deux types. Il y a les groupes de 21 qui
sont standard de part et d'autre et qui arrivent ici avec une certaine forme
d'encadrement ou de planification. Il y a le jumelage aussi où un groupe
industriel dans le domaine, par exemple, des pâtes et papiers, s'en va en
France dans une usine de pâtes et papiers pour étudier les
procédés. C'est un voyage planifié. Eux viennent visiter
le même groupe ici. Il y a l'IPG, des individus ou les petits groupes qui
se forment et qui planifient eux-mêmes leur voyage, qui soumettent leur
projet à l'OFQJ. S'il est sélectionné, ils peuvent y
aller.
M. Maciocia: Quelle est la moyenne de la durée de ces
voyages?
M. Chevrette: Deux ou trois semaines.
M. Maciocia: Deux ou trois semaines. Lorsque vous parlez de
coût moyen net de 1700 $ au début à la page 5...
M. Chevrette: C'est la moyenne que cela nous coûte.
M. Maciocia: Est-ce que la moyenne pour chaque personne?
M. Chevrette: À l'office, pour chaque individu.
M. Maciocia: Est-ce que cela comprend le voyage en avion et
toutes les dépenses inhérentes?
M. Chevrette: Cela comprend tout; d'ailleurs, si vous regardez
à la page 5, vous avez des données assez précises sur les
coûts. Il en coûte au stagiaire une participation moyenne de 526 $
de son argent personnel et le coût moyen net est de 1710 $ à
l'office pour chaque individu.
M. Maciocia: Cela veut dire 1700 $ plus 526 $?
M. Chevrette: Exact. C'est 2226,60 $.
M. Maciocia: C'est cela. Une dernière question; je ne sais
pas si vous allez la considérer indiscrète. Est-ce que ces
voyages se font par Air Canada ou par Air France?
M. Chevrette: Ils se font par Air Canada.
M. Maciocia: D'accord.
M. Chevrette: Si vous regardez l'évolution des
coûts, on a rien à cacher, nous, et on le dit.
M. Rivest: Oui, vous êtes un bon ministre.
M. Chevrette: Est-ce que c'est vrai?
M. Rivest: S'il y avait d'autres ministres pour entendre la
façon dont vous répondez, ils seraient édifiés.
M. Chevrette: Si vous aviez des questions qui pourraient nous
faire vanter le Québec, ce serait peut-être
intéressant.
M. Rivest: Je trouve que vous répondez bien aux questions.
Vous devrier inviter vos collègues ministres à vous entendre.
M. Maciocia: M. le ministre, on est en train de vous vanter.
N'allez pas plus loin que cela.
M. Chevrette: Parce que j'ai dit qu'on avait des bons rabais
d'Air Canada. Si j'avais dit Air Québec ou Quebecair, vous auriez dit:
Combien de plus vous en coûte-t-il par rapport à Air Canada? Je
vous connais.
M. Maciocia: Non, vous n'avez pas encore cette possibilité
à cause des marques d'avion. Avec la société des
transports dans le projet de loi que vous avez mis de l'avant, probablement que
vous allez avoir cette possibilité d'aller en France avec la fleur de
lys sur la queue de Quebecair.
M. Chevrette: II y a des goûts dans la vie. Il y en a qui
aiment la feuille d'érable et il y en a d'autres qui adorent la fleur de
lys. Nous, c'est la fleur de lys. On en tient compte.
M. Maciocia: Cela dépend des coûts.
Le Président (M. Champagne): M. le député de
Chapleau.
M. Kehoe: Les critères ont été
changés dernièrement. Vous avez parlé tantôt du sexe
des stagiaires. On voit à la page 10 l'inverse en 1981-1982 en ce qui
concerne les hommes et les femmes.
M. Chevrette: Non, c'est qu'il y a peut-être eu des efforts
de promotion vis-à-vis de certains groupes féminins. Le fait
qu'on ait eu une ministre déléguée à la Condition
féminine au Québec depuis quelques années a sûrement
aidé à susciter l'intérêt chez
l'élément féminin. Il y a plus de groupes qui se sont
intéressés à soumettre des projets. Comme on est
favorables à une discrimination positive, ne soyez pas surpris de cette
inversion.
M. Kehoe: Quelles sont les personnes qui sont sur le
comité qui fait la sélection?
M. Chevrette: Ce ne sont jamais les mêmes.
M. Kehoe: Je sais, mais avez-vous un comité de
sélection dans chaque région? Je vois différentes
régions.
M. Chevrette: Pas nécessairement. Je vais demander
à M. Tétreault de vous expliquer comment sont formés les
comités de sélection.
M. Kehoe: Je pense que vous avez une dizaine de régions,
si je ne me trompe pas. Est-ce que ce sont les mêmes personnes qui
partent de Montréal qui font la sélection?
M. Chevrette: La sélection se fait au bureau de
Montréal, mais le comité de sélection est formé de
gens qui proviennent d'un peu partout au Québec pour s'assurer
effectivement de la représentation régionale et ne pas être
accusés d'oublier certaines régions, si vous voulez. Une fois que
les stages ont été choisis, ils sont, évidemment, soumis
à la section française en termes de
possibilité d'accueil. Par la suite, chaque stage est
annoncé dans une revue qui s'appelle le Stagiaire - c'est très
original -et, ensuite, un comité de sélection est formé
pour chacun des stages pour accepter les candidats. Encore une fois, ce
comité de sélection est formé de gens provenant de
l'ensemble du Québec.
M. Kehoe: Si on regarde, à la page 12, la population du
Québec et le nombre dans les régions, si je comprends bien, vous
essayez de répartir cela dans toute la province en tenant compte autant
que possible de la population. La moitié vient de la ville de
Montréal et des environs.
M. Chevrette: Ce n'est pas un critère fondamental. Lorsque
la sélection des projets est faite, on tente d'aller vraiment vers les
meilleurs projets, ceux dont les retombées sont les plus sûres, si
vous voulez. Évidemment, compte tenu qu'on fait appel au peuple, les
projets viennent de l'ensemble du territoire. Inévitablement, il y a une
moyenne qui s'effectue.
Le Président (M. Champagne): M. le député de
Jean-Talon.
M. Rivest: Oui, une question. Est-ce que vous avez des
données que je n'ai pas vues sur les Québécois anglophones
qui y participent?
M. Chevrette: On en a très peu compte tenu que nos
publications sont en langue française. Nous avons justement cette
année un groupe qui s'appelle Juifs, mais différents; c'est le
nom du stage d'ailleurs. Donc, nous avons ce premier groupe. Nous en avons un
deuxième qui s'appelle Travailleurs immigrants. Je dois vous dire qu'au
niveau du recrutement à ces deux stages nous avons beaucoup de
difficultés. Pourtant, nous avons le support d'organismes encadrant, si
vous voulez, pour les travailleurs immigrants, donc, essentiellement les
centrales syndicales. D'autre part, nous sommes associés aux groupements
d'origine juive ou même à des cégeps, Dawson, et tout cela.
Malgré cela, on a beaucoup de difficultés. Cela semble
plutôt un problème d'attrait de la France pour ces gens. On n'a
pas d'analyse très scientifique sur la difficulté.
C'est parce qu'ils n'y sont pas allés.
M. Maciocia: De Viger.
Le Président (M. Champagne): M. le député de
Viger.
M. Maciocia: Est-ce que, parmi les gens qui font la
sélection - étant donné que la question a
été posée - il y a, justement, des représentants
des ethnies?
M. Chevrette: Oui.
M. Kehoe: Apparemment?
M. Chevrette: Cela dépend des sujets.
M. Maciocia: Tantôt M. Tétreault disait qu'il avait
beaucoup de difficulté pour faire...
M. Chevrette: Ce n'est pas parce qu'on aurait quelqu'un sur un
groupe de sélection que la promotion serait facile.
M. Rivest: Est-ce que vous faites de la promotion, par exemple,
auprès des membres des organismes représentatifs des
communautés culturelles québécoises?
M. Chevrette: On commence cette année.
M. Maciocia: On va attendre à l'année
prochaine.
M. Chevrette: On espère, l'année prochaine,
l'améliorer davantage.
M. Maciocia: Est-ce que mon garçon pourrait y
participer?
M. Chevrette: Là, vous ne m'accuserez sûrement pas
de faire du patronage. Je vous dirai: Qu'il fasse comme les autres, qu'il suive
la procédure.
M. Rivest: Est-ce qu'il y a une possibilité d'avenir pour
l'Office franco-québécois? Je pense qu'il est remis en question,
mais qu'il n'y a pas tellement d'orientations. À votre avis, M. le
ministre, si éventuellement les Québécois avaient une
double nationalité, française et québécoise, est-ce
que l'office pourrait prendre une expansion tout à fait
remarquée? Quelle est votre idée là-dessus, M. le
ministre?
M. Chevrette: J'allais vous dire, étant donné qu'il
est 18 heures, qu'en pensez-vous?
M. Rivest: M. le Président, on peut continuer à 20
heures. Est-ce que le ministre pourrait répondre à ma
question?
M. Chevrette: Vous savez pertinemment, en me posant cette
question, que vous avez eu votre réponse ce matin. Le fait que vous me
posiez la question, c'est un signe que vous commencez à avoir des
idées. J'ose espérer que vous allez continuer à en avoir
et qu'en 1984 vous pourrez me poser des questions fort pertinentes
là-dessus.
M. Rivest: Je regrette, en terminant, qu'un ministre du
gouvernement se désolidarise de la sorte du ministre des
Affaires intergouvernementales.
M. Chevrette: Je ne me désolidarise pas de mon
collègue, parce que ce matin il vous a expliqué qu'il avait eu
une idée qu'il avait transmise à un journaliste; pour les fins du
journal des Débats, je vais au moins rectifier ce que vous dites. Que
vous soyez surpris qu'il y ait des gens qui ont des idées...
M. Rivest: Avez-vous trouvé cela bon comme
explication?
M. Chevrette: C'est aussi brillant que de voir des gens assis
pendant neuf semaines à niaiser.
M. Rivest: M. le Président, il est 18 heures. Avez-vous
trouvé cela bon?
M. Chevrette: J'ai trouvé cela plus brillant que vos
membres qui siégeaient à la commission parlementaire sur
l'énergie.
Le Président (M. Champagne): Est-ce qu'on pourrait dire
que le programme 3 est adopté?
M. Rivest: Oui, M. le Président. Avec un bon ministre, les
programmes sont adoptés rapidement.
Le Président (M. Champagne): Adopté. La commission
élue permanente des affaires intergouvernementales suspend ses travaux
jusqu'à ce soir, 20 heures, à la même salle.
(Suspension de la séance à 18 h 02)
(Reprise de la séance à 20 h 14)
Le Président (M. Champagne): La commission élue
permanente des affaires intergouvernementales poursuit ses travaux pour
l'étude des crédits budgétaires de 1983-1984 de ce
ministère.
M. le député de Jean-Talon, à vous la parole.
M. Rivest: "Mon successeur ne peut pas penser que je vais
disparaître. Je trouverais stupide n'importe quel gouvernement qui,
après l'expérience que j'ai eue, n'écouterait pas ce que
j'ai à dire, même pour laisser tomber ensuite; ce serait stupide.
C'est un des problèmes de la société
québécoise, d'ailleurs; un homme politique quand il bifurque, tu
le "dompes". Moi, je veux changer cela. Je ne concevrais pas que mon successeur
ne m'appelle pas; je trouverais cela stupide." C'est une déclaration que
je viens de citer de l'ancien ministre des Affaires intergouvernementales. Je
voudrais lui demander si, depuis le départ du député de
Louis-Hébert, le ministère l'a consulté et, s'il l'a
consulté, sur quel dossier.
M. Morin: M. le Président, ce n'est pas le
ministère en tant que tel qui a consulté M. Claude Morin,
puisqu'il avait quitté la vie politique, mais c'est le ministre qui
considère que Claude Morin est un homme remarquable, qui le
considère comme un ami et qui a eu l'occasion à plusieurs
reprises de parler, avec lui, des questions qui agitent le Québec et sa
population.
Réorganisation administrative du
ministère
M. Rivest: Merci, M. le Président. Dans vos remarques,
vous avez, M. le ministre, parlé d'une consolidation administrative du
ministère des Affaires intergouvernementales à laquelle Mme la
sous-ministre, je pense, a été associée. Est-ce que le
ministre pourrait développer davantage les changements qu'il envisage,
les choses mêmes qui ont déjà été faites
depuis que cette consolidation est en voie?
M. Morin: Je pense avoir dit qu'il s'agissait d'un projet qui est
en marche, qui n'est pas acquis encore, car le député sait que,
quand on veut faire un changement d'organigramme, on doit franchir un certain
nombre d'étapes. On doit, par exemple, aller au trésor, qui
étudie pour voir s'il y a des répercussions sur les coûts
du ministère. Ces démarches sont en cours. Donc, on ne peut pas
considérer officiellement que c'est acquis. Cependant, c'est une
volonté clairement exprimée du ministre après, je dois le
dire, de longues consultations et beaucoup de discussions avec la sous-ministre
pour voir comment les choses pourraient se faire le mieux pour arriver à
nos objectifs qui sont d'avoir une boîte de réflexion. Non pas
qu'on ne réfléchissait pas au ministère auparavant. Je
pense que le député sait qu'on y a toujours
réfléchi beaucoup à cause de l'importance des
problèmes qu'on a à affronter quotidiennement dans ce
ministère, aussi bien que des problèmes à long terme qu'on
ne peut pas éluder.
Cette direction générale serait destinée à
planifier un peu mieux le travail du ministère, à nous aider
à dégager les priorités. J'expliquais - je ne peux que
répéter ce que j'ai dit au cours de l'après-midi - que
nous sommes sollicités de toute part. Le Québec est
sollicité par de très nombreux pays qui veulent nouer des liens
avec lui. Nous sommes obligés de faire des choix. On ne peut pas tout
faire étant donné, d'abord, l'exiguïté de nos moyens
surtout en cette période de contractions financières et,
deuxièmement, parce nous sommes un État modeste, un État
qui n'est pas encore souverain, un État autonome et
que cela nous dicte un certain nombre de contraintes.
Alors, ayant à faire des choix et à établir des
priorités, nous avons pensé qu'il serait utile d'avoir une
direction qui serait particulièrement responsable d'élaborer des
priorités, des choix et de nous rédiger éventuellement une
politique, des politiques -soyons modestes, commençons par des
politiques - sectorielles qui pourraient, un jour, donner une
synthèse.
Cette direction aurait aussi comme mission spécifique d'assurer
la coordination des actions, d'abord à l'intérieur du
ministère, puis à l'extérieur du ministère, avec
les autres ministères qui oeuvrent à l'extérieur du
Québec. Donc, vous le voyez, c'est une sorte de boîte
charnière. L'aspect programmation serait plutôt consacré,
si vous voulez, à l'analyse et à l'évaluation de nos
actions à l'étranger de façon à en corriger le tir,
chemin faisant, lorsque c'est nécessaire.
Je ne pense pas pouvoir vraiment en dire plus long que ça,
étant donné que ce n'est pas acquis. Je ne peux pas vraiment
aller décrire tous les textes que nous avons pu rédiger
là-dessus, parce qu'il y a eu un certain nombre de documents
préparatoires, tant que ce n'est pas officiellement acquis, mais je
voulais informer la commission que c'est un de nos projets parce qu'il me
semble que, l'an dernier, le député avait fait allusion au
problème de cohérence, de cohésion à
l'intérieur du ministère et que cela avait été,
pour autant que je m'en souvienne, une occasion de réfléchir
déjà à cette question.
M. Rivest: Est-ce que, d'une part, cette réorganisation
administrative - le ministre a référé à
l'organigramme - ne touche ou ne vise que la création d'un groupe de
recherche, de planification et de développement ou si cela implique une
réorganisation de l'ensemble de l'appareil administratif du
ministère?
M. Morin: Cette question est plus administrative, M. le
Président, et avec votre permission, je vais inviter la sous-ministre
à nous faire part de ses réflexions sur la question.
Le Président (M. Champagne): Madame, si vous voulez bien
vous identifier pour la retranscription des débats, s'il vous
plaît!
M. Morin: Paule Leduc.
Le Président (M. Champagne): Très bien, Mme
Leduc.
M. Morin: L'objectif que nous visons est de consolider
l'organisation de nos délégations à l'étranger, de
consolider aussi nos manières de développer nos priorités.
Alors, cette direction que nous nous apprêtons à créer,
comme l'a dit M. le ministre tout à l'heure, c'est pour nous assurer des
instruments un peu plus organisés dans le domaine de la planification,
dans le domaine de la coordination intraministérielle et
interministérielle. Cela ne modifiera pas l'ensemble de l'organigramme
du ministère. Il y aura sûrement de légères
modifications qui seront apportées à la Direction des affaires
internationales, mais peu de modifications dans le reste de l'organisation, si
ce n'est des retouches, j'allais dire, administratives nécessaires. Par
exemple, pour la gérance des délégations, nous imaginons
une meilleure cohérence entre la gestion administrative des
délégations, ce qui se passe dans les pays étrangers et ce
qui se passe au Canada.
Ce que nous visons, c'est raffiner nos instruments d'évaluation,
d'organisation de l'information. Je veux que vous compreniez bien; il s'agit de
l'information dont nous disposons, nous, à l'intérieur, sur les
actions de coopération que nous menons. Nous utilisons,
évidemment, comme instruments, des missions, des échanges de
toutes sortes, des stages, des bourses et le reste. On se rend compte que,
compte tenu de l'évolution du ministère et de son
développement quand même relativement rapide, nous avons besoin
d'instruments qui nous permettraient de mettre ensemble toutes les
interventions que nous faisons qui sont souvent ponctuelles, mais qui
mériteraient d'être examinées de façon absolument
générale pour voir si les interventions que nous avons
menées depuis 20 ans ne mériteraient pas d'être
modifiées, si les activités que nous menons à
l'étranger sont les bonnes, si elles conduisent aux résultats
escomptés ou s'il ne faudrait pas modifier nos tirs y compris les
instruments que nous utilisons dans notre coopération.
C'est dans cet esprit, j'allais dire, de consolidation de nos
activités et, en particulier, de coordination avec les
ministères, puisque toutes les actions à l'étranger des
ministères sectoriels sont menées conjointement avec nous, mais
sous notre responsabilité générale. Cela fait beaucoup
d'interventions de toutes sortes et de plus en plus maintenant. On se rend
compte qu'il serait nécessaire d'avoir une structure un peu plus
organisée pour s'assurer que les interventions des ministères
sectoriels, quand ils veulent en faire, sont faites dans la conjoncture qui
risque de donner les résultats les plus utiles, et le sont aussi de
manière que la politique du Québec, par rapport à tous les
pays, donne l'image d'une politique cohérente et soit
véritablement une politique cohérente. Ce sont donc des
instruments administratifs que tous les ministères, en
général, se donnent, que nous avions de façon un peu moins
organisée que je le désirerais maintenant.
Nous espérons que cela nous permettra, dans un contexte de
restrictions de ressources, de mieux mesurer nos interventions et de mieux les
contrôler.
M. Rivest: Est-ce que cette préoccupation nouvelle -
enfin, nouvelle dans le sens de la réorganisation, de la consolidation
des opérations; autant le ministre que Mme la sous-ministre, en
répondant a la question, parlent beaucoup de la dimension internationale
- implique également la dimension des relations entre le gouvernement
canadien et le gouvernement du Québec ou les autres gouvernements
également sur le plan intraprovincial?
M. Morin: Quand nous avons des relations internationales, vous
savez très bien que nous devons travailler en collaboration avec le
fédéral. Alors, il y a donc des relations
fédérales-provinciales dans le domaine international qui doivent
être aussi préservées, maintenues et organisées.
Pour le moment, nous ne comptons pas confier à la direction de la
planification la planification des actions canadiennes, mais il y a des liens
qui seront faits entre les directions sur cette question-là.
M. Rivest: Donc, c'est une initiative qui touche...
M. Morin: L'international.
M. Rivest: ...davantage les relations internationales et tout le
champ de la coopération. C'est essentiellement cela. En fait, des
réponses de Mme la sous-ministre, je constate également que tout
le problème de l'évaluation, dans la mesure où elle peut
se faire, des maisons du Québec à l'étranger, de leur
vocation particulière, de la continuité de l'examen,
c'est-à-dire du suivi des opérations, des gestes même
administratifs que vous faites au niveau d'une nomination, d'un changement de
vocation, fera partie éventuellement de la mission ou du mandat qui lui
sera confié. Mais en ce qui concerne les affaires proprement
canadiennes, c'est-à-dire le domaine des relations
fédérales-provinciales, ce ne sera pas, comme
préoccupation principale, l'objet de cela.
M. Morin: C'est que, comme le disait Mme la sous-ministre, nos
rapports avec l'étranger entraînent automatiquement des
retombées fédérales-provinciales. Dans la mesure où
c'est lié à l'international, eh bien, cette boîte devra,
mais en coordination avec le reste... Il ne s'agit pas de créer une
boîte qui va s'isoler; au contraire, ce sera une boîte avec des
neurones dans toutes les directions.
M. Rivest: Ce groupe, enfin, cette direction
générale - je ne sais pas comment vous l'appellerez -
relèvera, bien sûr, du ministre et de Mme la sous-ministre sur le
plan de la direction. Y aura-t-il un sous-ministre directement responsable de
cela?
M. Morin: C'est ce dont nous discutons actuellement avec le
Conseil du trésor.
M. Rivest: Êtes-vous optimiste? M. Morin: Je
voudrais bien l'être.
M. Rivest: Vous êtes en discussion avec le Conseil du
trésor. Est-ce qu'il y a un plan d'effectifs qui, effectivement...
M. Morin: Si.
M. Rivest: ... - excusez le pléonasme -a été
soumis au Conseil du trésor?
M. Morin: Nous comptons dans cette réorganisation
administrative ne pas augmenter le nombre de postes du ministère ni le
nombre de cadres. Nous comptons rester dans l'enveloppe que nous avons
actuellement. Donc, il y aura des affectations qui seront faites à
l'intérieur du ministère.
M. Rivest: Et quant au rôle des directions
générales présentes, si on se réfère
à l'organigramme - je ne sais pas si je l'ai - ...
M. Morin: Oui, oui, vous l'avez.
M. Rivest: ...du ministère, sans nous l'indiquer d'une
façon précise, je suppose qu'il y aura des directions qui
pourront être réaménagées ou dont la vocation pourra
être changée en fonction de cela. Vous en êtes au niveau du
Conseil du trésor en ce moment?
M. Morin: Exactement.
M. Rivest: Et quand vous aurez reçu l'accord du Conseil du
trésor, vous reviendrez...
M. Morin: Nous procéderons.
M. Rivest: ...sur le plan interne. Je suppose que cet effort de
réflexion et d'évaluation de l'action internationale du
Québec a été réclamé et est sans doute
nécessaire, compte tenu que cela fait dix ou quinze ans que le
Québec mène une telle action sans qu'il y ait eu un effort
systématique de regard et de réflexion là-dessus. Cela
s'imposait. Bon, très bien.
M. Morin: D'ailleurs, si le député
s'intéresse à cette question de façon particulière,
M. le Président, je suis tout à
fait prêt à le tenir au courant éventuellement, au
moment où nous aurons acquis nos résultats et où nous
établirons la direction générale en question.
M. Rivest: Oui, d'accord. Merci. C'est une belle façon de
mettre fin à mes questions.
M. Morin: Vous pouvez continuer.
M. Rivest: J'essaie d'en obtenir le maximum. Vous savez, mon
expérience de cet après-midi avec le sommet de la
francophonie...
M. Morin: À été traumatisante?
M. Rivest: Pardon?
M. Morin: À été traumatisante?
M. Rivest: Non, pas pour moi.
Quant au domaine des relations fédérales-provinciales
proprement dites, je suppose qu'il y a également un effort de
réflexion qui est fait sur la façon dont c'est conduit...
M. Morin: Assurément.
M. Rivest: ...sans qu'il soit besoin d'une structure
administrative particulière dans ce cas, semble-t-il.
M. Morin: C'est un peu différent parce que, d'abord, vous
le savez, les affaires canadiennes comptent moins de personnel que les affaires
internationales. Cela s'explique assez facilement. Dans le domaine des
relations internationales du Québec, avec tous les postes que nous avons
à l'étranger et la multiplication au cours des dernières
années de nos directions géographiques, il a fallu trouver du
personnel assez nombreux. Donc, la coordination de l'ensemble est une
tâche gigantesque. (20 h 30)
Du côté des affaires canadiennes, effectivement, nous
sommes moins nombreux, ce qui ne veut pas dire que les questions sont moins
importantes, mais nous sommes moins nombreux et la boîte elle-même,
surtout depuis quelques années, est devenue une boîte de
réflexion. Donc, nous n'éprouvons pas le besoin de créer
une direction générale de la recherche et de la planification,
parce qu'il y a une unité de recherche au sein des affaires
canadiennes.
M. le sous-ministre, désirez-vous ajouter deux mots
là-dessus?
Le Président (M. Champagne): M. Gilles Loiselle.
M. Marin: Effectivement, nous avons déjà
commencé, si vous voulez, à utiliser certains modèles.
Nous avons de petits réseaux de délégations.
Déjà, à l'usage, au moment des réunions, il y a
beaucoup de sujets qui nous concernent beaucoup moins. Mais on utilise une
partie du travail qui est fait. Mme la sous-ministre a dit, d'ailleurs, qu'au
niveau de l'administration il n'y avait pas deux unités administratives
pour gérer, finalement, le même genre de problème.
Une capacité recherche-réflexion est répartie dans
toutes nos directions, parce que c'est essentiellement ce que nous faisons en
dehors d'une de nos directions qui est plutôt opérationnelle et
programmes. Ce sont des analystes, des avocats-conseils, en quelque sorte, qui
essaient d'assurer une certaine cohérence aux interventions. Nous ferons
sûrement appel à la boîte centrale qui nous donnera des
modèles pour mieux structurer nos interventions.
M. Rivest: J'ai une question administrative. Je l'ai
évoquée en dehors de la commission avec le ministre au
début de nos travaux. On m'a dit que le ministère des Affaires
intergouvernementales - je parle de l'organisation physique - avait l'intention
ou projetait de déménager ses pénates au palais de
justice. Je voudrais savoir si ce projet a vraiment existé, existe ou
existera.
M. Morin: M. le Président, je pense qu'il n'y a pas de
raison de ne pas faire état d'un projet qui a existé. En effet,
l'ancien palais de justice est un fort bel immeuble qui aurait pu...
M. Rivest: Le grand escalier vous a plu.
M. Morin: ...loger princièrement les Affaires
intergouvernementales. On devra, d'ailleurs, évidemment, y reloger l'un
ou l'autre des services gouvernementaux. Malheureusement, nous avons
découvert par la suite qu'il faudrait trois ou quatre ans, trois ans au
minimum, pour refaire tout l'intérieur du palais de justice, parce que
celui-ci est désuet du point de vue des normes de
sécurité. Les fils électriques, la plomberie, tout cela
doit être refait. C'est-à-dire que les murs doivent être
éventrés, les cages d'escalier doivent être
modifiées. Bref, ce sont des changements considérables qui
nécessiteront de grands travaux et beaucoup de temps. Donc, la question
est un peu en l'air. Nous ne voyons pas de raison, pour l'heure, trois ou
quatre ans avant le moment où l'édifice deviendra libre, de faire
un choix. Pour l'instant, nous pensons qu'il vaut mieux que nous restions
là où nous sommes.
M. Rivest: Est-ce que, à ce titre, le ministère des
Affaires intergouvernementales
avait fait des démarches auprès du Conseil du
trésor ou du ministère des Travaux publics ou si ce sont purement
les services administratifs du ministère qui, après examen, ont
dissipé la fascination que le grand escalier avait probablement
exercée sur le ministre?
M. Morin: Non. Je ne sais pas pourquoi le député
parle du grand escalier.
M. Rivest: Parce que je trouve que cela vous convient.
M. Morin: Du point de vue d'un ministère, M. le
Président, c'est surtout une perte d'espace. C'est l'un des
inconvénients de ce superbe bâtiment.
M. Rivest: Je ne vous crois pas.
M. Morin: C'est qu'il y a beaucoup d'espace perdu. Il y a
d'immenses couloirs. Il y a des salles de pas perdus. Il y a des salles de
tribunal qui sont immenses, mais qui ne peuvent pas, à cause de leur
caractère historique, être réaménagées et
subdivisées en cubes pour qu'on puisse en faire des bureaux. Donc,
très rapidement, je pense qu'on s'est rendu compte que cela ne convenait
pas. Cela aurait pu convenir à nos besoins, mais on s'aperçoit
que notre personnel, d'ailleurs, est trop nombreux pour pouvoir entrer dans ce
bâtiment.
M. Rivest: La raison a enfin prévalu.
M. Morin: M. le député, je serais curieux de savoir
ce que vous en pensez vous-même. Cela m'intéresserait de le
savoir.
M. Rivest: Moi, le grand escalier me laisse tout à fait
indifférent.
M. Morin: Non, non. Je ne parle pas du grand escalier. Je vois
que vous avez été traumatisé, un moment dans votre vie,
par un escalier. Je ne sais pas lequel. Je ne sais pas si vous avez
déboulé sur la tête. J'aimerais savoir ce que vous pensez
du projet du vieux palais de justice.
M. Rivest: M. le Président, je regrette de décevoir
le ministre, mais je n'ai, malheureusement pour l'instant, aucun crédit
à défendre.
M. Morin: Mais vous avez votre propre crédit...
M. Rivest: Pardon?
M. Morin: ...à défendre.
M. Rivest: Oui, mon gérant de banque me parle constamment
de cela.
M. Morin: Vous allez dire qu'il n'est pas... Enfin, je vois que
le député ne veut pas répondre à mes questions. Il
ne faudrait pas...
M. Rivest: Non, absolument pas. Absolument pas.
M. Morin: ...qu'il me blâme de ne pas répondre aux
siennes.
M. Rivest: Non, non. Justement, au contraire, moi, je peux vous
blâmer. Une question pratique. Je voudrais avoir un engagement, une
promesse solennelle du ministre...
M. Morin: Dites d'abord, je promettrai après, s'il y a
lieu.
M. Rivest: Oui, je sais. Je donne mes illusions avant de poser ma
question. J'espère que le ministère des Affaires
intergouvernementales ne se lancera pas de nouveau dans cette campagne
préréférendaire, dans laquelle nous sommes engagés
par une décision d'un certain congrès du Parti
québécois, dans le même genre de dépenses de fonds
publics pour financer des études, analyses, sondages, pour
préparer l'élection référendaire et étayer
la thèse de la souveraineté.
M. Morin: Je n'ai pas encore pris de décision à ce
sujet.
M. Rivest: Vous ne pouvez pas vous engager à assurer
l'Assemblée nationale que vous ne demanderez pas aux services
administratifs du ministère des Affaires intergouvernementales de
reprendre les démarches, qui avaient été critiquées
de toutes parts, en ce sens que des fonds publics servaient à
étayer une thèse qui est purement politique.
M. Morin: Elles avaient été critiquées
surtout de la part de l'Opposition, si ma mémoire est bonne. Mais
c'était de bonne guerre.
M. Rivest: Non, non.
M. Morin: Mais comme la question ne se pose point à
l'heure actuelle et que je n'ai pas encore pris de décision à ce
sujet, je ne prendrai aucun engagement, ni dans un sens ni dans l'autre. Cela
ne veut pas dire que cela se fera ou que cela ne se fera pas. Je n'ai pas eu le
temps de réfléchir à cette question suffisamment pour
donner une réponse éclairée et digne de celui qui pose la
question.
M. Rivest: Alors, vous ne pouvez pas nous garantir que,
effectivement, le
ministère des Affaires intergouvernementales ne fera pas de
sondages sur la faveur ou la défaveur de la
souverainneté-association avec ou sans trait d'union?
M. Morin: Non. M. Rivest: Non.
M. Morin: Je ne veux pas prendre un tel engagement...
M. Rivest: II est possible que vous le fassiez.
M. Morin: ...parce que je veux aviser avant.
M. Rivest: II demeure donc possible que, effectivement, le
ministère des Affaires intergouvernementales se lance dans une mise
à jour de tous les documents d'association avec le reste du Canada, le
groupe du professeur Bonin...
M. Morin: Je ne veux pas...
M. Rivest: ...et qu'on refasse un autre sondage. Il est possible
que le ministère s'engage dans cette voie-là.
M. Morin: Je ne veux répondre ni dans un sens ni dans
l'autre. Très sérieusement...
M. Rivest: Je ne vous demande pas de répondre dans un sens
ou dans l'autre.
M. Morin: ...je n'ai pas pris de décision.
M. Rivest: Vous n'avez pas pris de décision.
M. Morin: Je ne prendrai pas d'engagement parce que je pense que
ce serait de nature à restreindre ma liberté de décision
par la suite.
M. Rivest: Donc, la chose, pour l'instant, demeure possible.
M. Morin: Encore une fois, je ne veux me prononcer ni dans un
sens ni dans l'autre.
M. Rivest: Je ne vous demande pas de vous prononcer dans un sens
ou dans l'autre, je vous demande de nous dire si la chose demeure possible.
M. Morin: Moi, je vous dis que je ne veux m'engager ni dans un
sens ni dans l'autre.
M. Rivest: II y a un problème de vocabulaire, M. le
Président. Est-ce possible?
M. Morin: Je ne veux m'engager ni dans un sens ni dans
l'autre.
M. Rivest: Donc, c'est clairement possible.
M. Morin: Est-ce que c'est votre conclusion?
M. Rivest: Si vous ne vous engagez ni dans un sens ni dans
l'autre, les deux hypothèses sont possibles.
M. Morin: Oui. Toutes les hypothèses sont possibles.
M. Rivest: Bon. Très bien. On s'ennuie un peu de Claude
Morin, avec de telles réponses. En tout cas.
M. Morin: Vous savez, je peux être plus paysan que lui
encore.
M. Rivest: Non, pas "paysan". J'ai dit cela dans un sens
absolument non péjoratif.
M. Morin: Ah bien! Écoutez! Je ne dirais pas que je suis
paysan si c'était péjoratif.
M. Rivest: Je trouvais qu'il avait un sens du terroir...
M. Morin: Oui, oui. C'est cela. Exactement.
M. Rivest: ...qui s'alimente des vertus de la simplicité
et j'aimais bien cela. Cela m'amène, M. le ministre, d'une façon
très logique, à m'informer de l'état de votre cabinet
ministériel.
M. Morin: Oui, très volontiers.
M. Rivest: Attachés politiques: 10. C'est beaucoup.
Combien votre prédécesseur en avait-il?
M. Morin: Je ne le sais plus combien il en avait; à vrai
dire, je ne lui ai jamais posé la question. Qu'est-ce que vous ensavez, vous? C'est la même question que l'an dernier.
M. Rivest: Elle revient toujours. Je suis convaincu qu'il en
avait beaucoup moins, quatre ou cinq. Pourquoi en avez-vous besoin de dix?
M. Morin: Parce que, comme vous le savez, c'est un
ministère qui a une certaine importance.
M. Rivest: II en avait aussi pour votre
prédécesseur.
M. Morin: Chacun a ses méthodes de
travail.
M. Rivest: Oui, mais l'autre nous coûtait moins cher.
M. Morin: Moi, je crois beaucoup au travail d'équipe.
M. Rivest: Vous avez des sous-ministres.
M. Morin: J'ai toujours travaillé en équipe quand
j'étais à l'Éducation, quand j'étais au
Développement culturel et scientifique; j'ai toujours travaillé
entouré d'une équipe. Il y en avait six, tandis que maintenant il
y en a dix si on compte Mme Ouellette.
M. Rivest: Oui. Est-ce qu'elle est encore là?
M. Morin: Cela dépend qui vous incluez. Au centre, dans le
cabinet parmi ceux qui travaillent avec moi à Québec, je crois
qu'il y en a sept.
M. Rivest: Vous avez fait état, en réponse à
ma question, que vous aimez bien travailler en équipe. Pourriez-vous
nous indiquer si vous avez émis, à titre de ministre responsable,
des directives suffisamment claires, dans la mesure où elles peuvent
l'être dans ce domaine, qui impartissent aux uns et aux autres le champ
de leurs responsabilités, entre autres, d'une part, dans votre cabinet
politique et, d'autre part, quant à l'administration du
ministère, partant de Mme la sous-ministre?
M. Morin: Voulez-vous me préciser votre question? Si vous
me parlez de mon cabinet, effectivement, la répartition des tâches
est assez précise. Voulez-vous ajouter à cette question de la
répartition au sein du cabinet la question des rapports avec le bureau
des sous-ministres?
M. Rivest: Oui, c'est cela.
M. Morin: Que voulez-vous savoir?
M. Rivest: Prenons un exemple pratique. Si un problème
survient à votre ministère, qui vient d'une direction
générale ou d'un service du ministère, est-ce que les
membres de votre cabinet politique sont autorisés à intervenir
directement auprès du fonctionnaire en passant par-dessus l'ordre
hiérarchique administratif?
M. Morin: Normalement, ce genre d'intervention passe par la
sous-ministre.
M. Rivest: Est-ce que...
M. Morin: Si vous voulez me laisser compléter ma
réponse. Il arrive, cependant, qu'il y ait des urgences. Là, il
se peut très bien, comme, je pense, cela se pratique dans tous les
cabinets et tous les ministères, qu'il y ait des rapports plus directs.
Mais la sous-ministre sera tôt ou tard informée.
M. Rivest: Oui, j'imagine.
M. Morin: Parce que c'est elle qui a la direction du
ministère.
M. Rivest: Je parlais de départager les
responsabilités et je vous donne mon opinion personnelle sur les
cabinets ministériels, ce qui n'est, d'ailleurs, pas du tout le fait de
votre cabinet propre ou du cabinet de vos autres collègues; je parle de
l'expérience d'avant comme d'après 1976. D'ailleurs, je l'ai
déjà fait auprès de Mme LeBlanc-Bantey, lors de
l'étude des crédits de la Fonction publique, et auprès
d'autres également. Je pense qu'il serait très important, compte
tenu de l'accroissement considérable puisque c'est dans un rapport de
deux à un en nombre, depuis cinq ou six ans - du personnel dans les
cabinets ministériels, qu'on examine cette question. J'ai, d'ailleurs,
demandé à Mme la ministre de la Fonction publique de le faire
parce que je sais - je ne parle pas de votre ministère en particulier
-que chez les hauts fonctionnaires il s'est développé un certain
problème de rapports entre les cabinets ministériels et
l'administration publique. Entre autres, j'ai demandé qu'il soit
possible, compte tenu de l'importance qu'ils ont prise, de convenir d'un
certain protocole, d'une certaine méthode de fonctionnement. En
particulier, il est tout à fait inadmissible que l'entourage politique
d'un ministre puisse intervenir directement avec les services d'un
ministère en mettant de côté la structure administrative.
Quand la chose se fait, je pense que ce n'est à l'avantage ni du
ministre ni de l'administration d'un ministère. (20 h 45)
M. le ministre, cela est important surtout dans un ministère
politique, au sens le plus noble du terme, comme le ministère des
Affaires intergouvernementales. Dans un ministère très
administratif, ce genre d'intervention peut être moins dommageable que
dans un ministère où c'est vraiment de la conception, des
orientations. Autrement, c'est toute la nature des rapports du ministre avec le
ministère qui risque d'être embrouillée.
Je voudrais que le ministre m'indique qu'effectivement son personnel et
ses collaborateurs politiques ne sont nullement autorisés à faire
part de leurs commentaires directement à un fonctionnaire qui a un
dossier ou qui prend une décision ou qui a pris une décision ou
qui est sur le point d'en
prendre une.
M. Morin: Oui, mais il faut voir qu'il y a tout de même une
différence entre les schémas, les organigrammes et la vie
réelle. Les choses se passent rarement comme vous l'indiquez où
chacun est dans un petit carré sur une feuille de papier. Nous avons
constamment des réunions auxquelles assistent à la fois des
fonctionnaires, quelquefois les plus hauts fonctionnaires, et les membres de
mon cabinet. À ce moment, tout le monde parle à tout le monde.
Donc, il faut être bien conscient qu'il n'y a pas de compartiments
étanches à ce moment. Je ne voudrais pas, non plus, que les
choses soient absolues au point que personne ne puisse plus parler à
personne sauf en passant par la sous-ministre. On imagine à quel point
son téléphone serait achalandé. Ce serait invivable.
Mais le principe reste, surtout pour toutes les questions importantes,
que cela doit passer par la sous-ministre, en tout cas, qu'elle doit être
au courant de tout ce qui se passe. Bien sûr, c'est à elle aussi -
je pense qu'elle l'a fait - de s'assurer que dans son ministère les
lignes d'autorité sont claires et qu'elles servent effectivement au
passage du courant.
M. Rivest: Très bien. Alors, bonne chance aux uns et aux
autres. M. le ministre, je voudrais aborder d'une façon peut-être
plus concrète les rapports avec votre collègue et
néanmoins ami, le ministre du Commerce extérieur.
Chevauchements avec le ministère du Commerce
extérieur
M. Morin: Je croyais que nous l'avions fait ce matin.
M. Rivest: Oui mais je vous ai dit que...
M. Morin: Vous voulez y revenir.
M. Rivest: Oui, parce qu'il y a des questions très
pratiques. Tout va bien, nous sommes en période de rodage, quelques
difficultés sont encore en cours, etc., voilà la
problématique ministérielle de la chose bien établie.
Mais, en dehors de cela, est-ce qu'il y a eu entre le ministère du
Commerce extérieur - c'est un ministère, je pense, oui et le
ministère des Affaires intergouvernementales... D'abord, est-ce qu'il y
a un arrêté en conseil du Conseil des ministres déterminant
les responsabilités générales de l'un et de l'autre des
ministres, en dehors du texte de loi? Comme on l'a signalé cet
après-midi ou en lisant simplement le texte de loi, on voit qu'il y a un
certain chevauchement des responsabilités. Est-ce qu'un
arrêté en conseil détermine les mandats du ministre du
Commerce extérieur et du ministre des Affaires
intergouvernementales?
M. Morin: M. le Président, ce qui est déterminant,
ce sont les textes de loi. Les décrets portant nomination des ministres
ne donnent pas le genre de précisions auxquelles fait allusion le
député de Jean-Talon.
M. Rivest: Avant la création du ministère du
Loisir, de la Chasse et de la Pêche, il y avait au ministère de
l'Éducation un ministre d'État qui était responsable de ce
qu'on appelait à l'époque le Haut-Commissariat à la
jeunesse, aux loisirs et aux sports, organisme qui relevait du ministère
de l'Éducation. Le ministre de l'Éducation avait un mandat
général sur cette activité. Il y a eu un
arrêté en conseil qui a déterminé effectivement les
responsabilités. Est-ce que ce genre de document existe ou est-ce qu'il
va exister un jour ou l'autre?
M. Morin: M. le Président, c'est la loi qui définit
toutes les responsabilités de chacun des deux ministères. Et, si
le député croit que la loi du ministère des Affaires
intergouvernementales en particulier n'est pas suffisamment explicite, il n'a
qu'à s'en ouvrir et à nous dire ce qu'il ferait. Moi, celam'intéresse beaucoup de le savoir.
M. Rivest: Oui, si cela vous intéresse, vous lirez les
débats que nous avons eus avec votre collègue, le ministre du
Commerce extérieur qui - je n'ai malheureusement pas la
référence ici - nous a dit qu'effectivement il y avait au niveau
des textes des deux lois - vous lirez au moment où on a
étudié le projet de loi article par article - des
précisions qui viendraient. Il a même évoqué la
possibilité ou la nécessité même, je pense, sauf
erreur, qu'il y ait des amendements formels au texte de la loi du
ministère des Affaires intergouvernementales. Je pense que c'est
très clair. Lisez la loi du ministère des Affaires
intergouvernementales, entre autres au titre des ententes sur le plan
international. On donne cela au ministère des Affaires
intergouvernementales; je pense que c'était le sens de la loi.
C'était là que les ententes devaient être conclues,
signées, etc. Or, on a donné exactement la même
responsabilité au ministre du Commerce extérieur dans le chapitre
50 de la loi. Il y a une foule de choses comme cela: élaborer et mettre
en oeuvre des programmes en vue de favoriser les exportations. Bon, très
bien, on va élaborer des programmes. Mais ne serait-ce que, par exemple,
M. le ministre, sur le plan de la soustraction, il reste que votre direction
des affaires économiques - je
ne me souviens plus comment elle s'appelait exactement - ou, enfin, le
directeur des affaires économiques qui était à votre
ministère est rendu avec le ministre du Commerce extérieur.
Alors, il faisait quelque chose au ministère et il n'est plus là
pour le faire.
M. Morin: Nous avons un nouveau directeur des affaires
économiques. Quand on perd un fonctionnaire, on peut le remplacer,
n'est-ce pas?
M. Rivest: Alors, double emploi. Il y en a un qui faisait cela au
ministère des Affaires intergouvernementales.
M. Morin: C'est votre conclusion.
M. Rivest: On l'a envoyé au ministère du Commerce
extérieur et on en engage un autre aux Affaires
intergouvernementales.
M. Morin: Je m'excuse, M. le Président, mais je crois
qu'il y a une certaine confusion. Le fonctionnaire qui avait ces
responsabilités chez nous est devenu secrétaire du
ministère du Commerce extérieur. Donc, il n'exerce plus les
mêmes fonctions qu'il remplissait chez nous.
M. Rivest: Prenons un autre exemple: l'article 8 de la loi du
Commerce extérieur: "Faciliter l'accès des biens et services
produits au Québec aux marchés extérieurs par des
opérations promotionnelles, par la conclusion d'ententes."
M. Morin: Oui.
M. Rivest: Est-ce que cela implique que le ministre du Commerce
extérieur peut partir à l'étranger et conclure une entente
avec des firmes privées, signer l'entente avec un gouvernement? Il a ce
pouvoir de conclure? Vous l'avez dans votre loi.
M. Morin: Oui, mais...
M. Rivest: Mais qui fait quoi?
M. Morin: Tous les ministères sont autorisés.
M. Rivest: Non, pas dans le domaine international. Je regrette,
mais votre loi du ministère des Affaires intergouvernementales a
accordé, justement, l'exclusivité...
M. Morin: Oui, oui.
M. Rivest: ...de cette responsabilité au ministère
des Affaires intergouvernementales.
M. Morin: Effectivement, parce que c'est toujours sous la
coordination des
Affaires intergouvernementales et l'article 10 de la loi du Commerce
extérieur le rappelle en toutes lettres: "Les fonctions et pouvoirs que
possède le ministre en vertu de la présente loi sont
exercés conformément à la Loi sur le ministère des
Affaires intergouvernementales." Article 10, si c'est cela que vous
cherchez.
M. Rivest: Bon, alors, je vais citer -vous m'excuserez parce que
je n'ai pas retrouvé le passage exact - votre collègue, M.
Landry, le 1er décembre 1982, alors que j'avais soulevé le
même type de problème au ministre du Commerce extérieur. M.
Landry, qui était très perspicace, disait ceci: "Le
député - en parlant du député de Jean-Talon - est
au coeur du problème et ses questions ne sont pas
théoriques."Quel ministre lucide! "Ses questions ne sont tellement pas
théoriques qu'il est possible que l'Assemblée nationale soit
saisie de changements à d'autres lois, dont celle sur le
ministère des Affaires intergouvernemantales et, éventuellement,
celle sur le ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme." Ce
sont les questions que j'avais soulevées sur l'article 10 en rapport
avec l'article 8. Un ministre m'a dit ceci en décembre.
M. Morin: C'était avant l'adoption de la loi.
M. Rivest: C'était au moment de l'étude de la loi
sur le Commerce extérieur et le ministre vient de dire: Non, aujourd'hui
il n'y a plus de problèmes. Je ne sais pas, mais d'après les
échos, pour autant qu'on puisse y accorder foi, qui nous sont parvenus,
ne me dites pas qu'il n'y a pas de problèmes.
M. Morin: Je vous ai dit, ce matin, que le rodage s'effectuait et
je vous le répète.
M. Rivest: Qu'est-ce que vous entendez par rodage? Qu'est-ce que
vous rodez dans votre rodage?
M. Morin: C'est la mise en marche d'un nouveau
ministère...
M. Rivest: Bon.
M. Morin: ...qui exerce de nouvelles compétences,
lesquelles étaient exercées par d'autres ministères. Il y
a donc une période d'adaptation, une période de transfert, une
période où il faut s'habituer à de nouvelles
démarches administratives, une période où il faut
apprendre à travailler ensemble. C'est cela, le rodage.
M. Rivest: Quelles compétences auxquelles vous venez de
référer ont été transférées?
M. Morin: Le commerce extérieur.
M. Rivest: Bon, le commerce extérieur. Qui était
où?
M. Morin: Qui était à l'OQCE. M. Rivest:
Oui.
M. Morin: Qui était au ministère de l'Industrie, du
Commerce et du Tourisme.
M. Rivest: II n'était pas aux Affaires
intergouvernementales.
M. Morin: Non, il était au ministère de
l'Industrie, du Commerce et du Tourisme. Je n'ai pas parlé des Affaires
intergouvernementales. En ce qui nous concerne...
M. Rivest: Alors, le ministère des Affaires
intergouvernementales n'a pas perdu de responsabilités par la
création du ministère du Commerce extérieur.
M. Morin: Non. M. Rivest: Non?
M. Morin: Non, parce que nous n'exercions pas de
compétences dans le domaine du commerce extérieur.
M. Rivest: Si cela est le cas, pourquoi le ministre du Commerce
extérieur m'a-t-il dit qu'il serait nécessaire d'amender la loi
du ministère des Affaires intergouvernementales?
M. Morin: Vous le lui demanderez. Est-ce qu'il ne doit pas
justement...
M. Rivest: Ah bien, là!
M. Morin: ...faire étudier ses crédits demain? Je
ne connais pas la réponse à cette question.
M. Rivest: Oui, mais votre collègue a dit cela. Vous
faites partie du même gouvernement, vous devez vous parler.
J'espère que vous vous parlez encore.
M. Morin: Assurément.
M. Rivest: Et vous me dites qu'il n'y a pas de problèmes.
Allez voir Landry, si Landry a cru qu'il y avait un problème,
arrangez-vous avec lui.
M. Morin: Je ne vous ai pas dit qu'il n'y avait pas de
problèmes; je vous ai dit qu'il y avait eu une période de
rodage.
M. Rivest: Bien oui, mais qu'est-ce que vous rodez?
M. Morin: Je vous l'ai dit il y a un instant.
M. Rivest: Quelles sont les difficultés que vous avez
éprouvées?
M. Morin: Je vous l'ai dit...
M. Rivest: Concrètement.
M. Morin: ...il y a un instant.
M. Rivest: Bien oui, les démarches.
M. Morin: La naissance d'un nouveau ministère
entraîne toujours, forcément, des périodes d'adaptation, de
transition...
M. Rivest: Bon, des périodes maintenant!
M. Morin: Nous avons, je pense, réglé la plupart
des...
M. Rivest: Quelles difficultés avez-vous
éprouvées?
M. Morin: ...problèmes.
M. Rivest: Quels sont les problèmes que vous cherchez
à résoudre avec votre collègue?
M. Morin: Je dois dire que maintenant c'est
réglé.
M. Rivest: Lesquels avez-vous réglés?
M. Morin: Je ne veux pas entrer dans ces
détails-là.
M. Rivest: Franchement:
M. Morin: Non, parce que c'est réglé. Si cela
n'était pas réglé, on pourrait...
M. Rivest: Je ne veux pas savoir cela. Qu'avez-vous changé
dans la pratique des Affaires intergouvernementales depuis l'arrivée du
ministre du Commerce extérieur? Ne qualifiez pas cela de
problèmes; on va prendre des euphémismes. Qu'avez-vous
changé?
M. Morin: Je crois qu'il a fallu apprendre à se coordonner
avec un nouveau ministère.
M. Rivest: De cela, je me fous royalement.
M. Morin: Pas moi...
M. Rivest: Je veux savoir...
M. Morin: ...parce que se coordonner...
M. Rivest: ...les choses qui ont changé.
M. Morin: Je m'excuse, M. le Président, mais, pour se
coordonner avec un nouveau ministère, il faut prendre de nouvelles
habitudes. Il y a de nouvelles personnes qui entrent dans de nouveaux
rôles. Ce n'est donc pas facile et je crois que, maintenant, c'est fait,
mais il a fallu des efforts de la part de tous les
intéressés.
M. Rivest: Qu'est-ce qui a été changé au
niveau des responsabilités du ministère des Affaires
intergouvernementales?
M. Morin: Rien. Je vous ai dit, tout à l'heure, que nos
responsabilités ne sont pas modifiées. Notre loi n'a pas
été modifiée.
M. Rivest: Aucun programme, aucun service n'a été
changé? Vous participez exactement de la même façon
à la promotion de la vente des biens et des services. À ce
moment-là, qu'est-ce qui change? Qu'est-ce que le ministre du Commerce
extérieur fait dans la vie si vous faites exactement la même
chose?
M. Morin: M. le Président, aucun service n'a
été transféré parce que nous conservons la
coordination générale des relations extérieures du
Québec. Au niveau des programmes, puisque le député me
pose la question, nous avons transféré au ministère du
Commerce extérieur le programme ACTIM...
M. Rivest: Bon, voilà.
M. Morin: ...qui est un programme de coopération touchant
de très près toutes les questions de commerce. On a
transféré un poste pour aller avec ce programme ACTIM.
M. Rivest: En transférant, l'ACTIM, qui est un des
programmes importants de la coopération
franco-québécoise... (21 heures)
M. Morin: II faut se comprendre, M. le Président. Un
programme de 180 000 $ n'est pas le programme le plus important de la
coopération franco-québécoise.
M. Rivest: Non. D'accord. Alors, ce n'est pas le programme ACTIM.
Je mélange les sigles. Bon. Est-ce le seul changement qu'a
apporté au ministère des Affaires intergouvernementales
l'arrivée de M. Landry?
M. Morin: Oui, je dois dire que, sur le plan technique, c'est le
seul changement.
M. Rivest: Franchement, moi qui pensais qu'il avait
hérité du Pérou'. Il n'a hérité de rien, ce
pauvre homme! Il a bien raison de se plaindre.
M. Morin: Écoutez! Il a hérité de l'Office
québécois du commerce extérieur. Ce n'est pas peu de
chose. C'est un organisme efficace. C'est un organisme qui marchait bien et
avec lequel on avait des rapports et on continue d'en avoir.
M. Rivest: Au ministère des Affaires
intergouvernementales, que faites-vous pour promouvoir à
l'étranger la vente des biens et des services produits au
Québec?
M. Morin: Ce que nous faisons, c'est que nous rendons nos
délégations à l'étranger le plus efficace possible.
Nous les mettons au service des investisseurs, des entrepreneurs, des
commerçants québécois. Forcément, il faut
travailler la main dans la main, au niveau des délégués et
des conseillers, avec les conseillers économiques et les attachés
commerciaux. Mais, là aussi, c'est un travail d'équipe.
M. Rivest: Ah oui! Franchement, c'est un travail
d'équipe.
M. Morin: D'ailleurs, ce n'est pas neuf. Nous le faisons depuis
toujours dans le domaine du tourisme, dans le domaine de l'agriculture, dans le
domaine de l'immigration aussi, puisqu'il y a des conseillers qui s'occupent de
toutes ces questions à l'étranger.
M. Rivest: Oui, justement. Le ministre du Commerce
extérieur, en vertu de l'article 8 de sa loi, "organise - donc, peut
entreprendre - et gère, en collaboration avec les ministères et
les entreprises intéressés, des programmes de coopération
économique". De coopération économique, c'est directement
la Loi sur le ministère des Affaires intergouvernementales. Ce n'est
même plus de l'exportation; c'est de la coopération
économique. Cela peut donc être des échanges de
techniciens, ou n'importe quoi. Exactement ce que vous avez dans votre Loi sur
le ministère des Affaires intergouvernementales. Le ministre du Commerce
extérieur a ce mandat de faire cela avec les ministères
sectoriels. À l'article 35 de votre Loi sur le ministère des
Affaires intergouvernementales, vous avez: développer des accords, des
ententes de coopération avec les ministères et organismes. Par
ailleurs, vous nous dites que, sur le plan international, vous prévoyez
une réorganisation administrative avec le groupe que vous avez fait,
justement, sur le plan interne pour mettre plus de cohérence.
Le résultat net de la création du ministère du
Commerce extérieur, sur cet exemple précis que je viens
d'évoquer, va faire que le ministère de l'Agriculture, qui veut
promouvoir la vente de certains produits du Québec dans le domaine
agricole, au lieu
d'avoir uniquement à convenir d'un protocole d'entente avec le
ministère des Affaires intergouvernementales, va devoir s'en donner un
autre avec le ministère du Commerce extérieur qui a exactement la
même responsabilité, d'après les textes de loi, que le
ministre des Affaires intergouvernementales. Les deux ministères ont
exactement les mêmes responsabilités. C'est la raison pour
laquelle - je pense que c'est un bon exemple - le ministre du Commerce
extérieur m'a dit, au mois de décembre 1982, qu'il y aurait
effectivement nécessité d'amender la Loi sur le ministère
des Affaires intergouvernementales. Vous savez, les démarches, le
rodage, etc., ne sont que des mots. Mais la réalité vécue,
c'est ce que j'essaie de vous faire réaliser.
M. Morin: M. le député, c'est moi qui suis
responsable du ministère des Affaires intergouvernementales. Quand
j'estimerai que des changements sont nécessaires à ma loi, je le
ferai savoir.
M. Rivest: Non, ce n'est pas cela. M. Morin: C'est ma
responsabilité.
M. Rivest: Non, non. Depuis que le premier ministre...
M. Morin: C'est votre avis que vous exprimez.
M. Rivest: Non, ce n'est pas mon avis.
M. Morin: Vous êtes libre de penser comme vous
l'entendez.
M. Rivest: La réalité est que, depuis que le
premier ministre a désigné un ministre du Commerce
extérieur, je le regrette, mais il appartient au premier ministre de
déterminer la responsabilité de l'un et de l'autre. Or, jamais
cela n'a été fait.
M. Morin: Absolument.
M. Rivest: Alors, vous vous marchez royalement sur les pieds.
M. Morin: C'est vous qui le dites.
M. Rivest: Bien, voyons! C'est un des collaborateurs du ministre
du Commerce extérieur qui s'est ouvert. Il a fait les manchettes avec
cela.
M. Morin: Je regrette, mais je pense que mon collègue a
nié les faits qui étaient rapportés dans cet article de
presse. Je pense que vous étiez en Chambre au moment où cela a
été fait.
M. Rivest: Non, je n'étais pas en Chambre au moment
où cela a été fait.
M. Morin: C'est malheureux parce que vous seriez plus au courant
et vous ne poseriez pas toutes ces questions.
M. Rivest: Alors, demain, je peux aller à l'étude
des crédits du Commerce extérieur et dire à votre
collègue que le ministre des Affaires intergouvernementales n'a pas
l'intention d'amender sa loi.
M. Morin: Ah! Vous direz ce que vous voudrez.
M. Rivest: Mais je ne veux pas mettre la chicane entre vous deux,
moi. J'essaie d'alimenter une certaine émulation entre vous, mais pas
plus.
M. Morin: Ce que vous pourrez dire, c'est que, lorsque
j'estimerai que la loi des Affaires intergouvernementales doit être
modifiée, avec l'accord du premier ministre, je la ferai modifier.
M. Rivest: Depuis que le ministre du Commerce extérieur
est en fonction, est-ce que le ministre pourrait nous donner des exemples
où il a organisé, géré et initié des
programmes ou des missions en vue de promouvoir les exportations du
Québec?
M. Morin: Non.
M. Rivest: Non, aucun.
M. Morin: Nous nous occupons...
M. Rivest: Dont vous avez eu connaissance? Il est possible qu'il
ne vous ait pas informé.
M. Morin: Je pense que le député ne se fait pas une
notion très exacte de la façon dont cela fonctionne. Notre
responsabilité, c'est la coordination générale.
M. Rivest: Je sais que vous êtes dans la
généralité. C'est parfait et vous êtes bon
là-de dans.
M. Morin: Merci. J'apprécie beaucoup ce compliment parce
que c'est quelquefois, effectivement, délicat et difficile de s'assurer
que toutes les actions de tous les ministères qui oeuvrent à
l'extérieur soient conformes aux objectifs généraux du
Québec. C'est ma responsabilité. Chaque ministère, bien
sûr, a ses responsabilités précises. Je ne me mêle
pas de l'exportation du porc à l'étranger.
M. Rivest: Auparavant, vos rapports annuels du ministère
ne faisaient état que de
ce genre de choses-là. Vous ne pourrez plus en parler, car ce
sera votre collègue. Donc, vous avez perdu quelque chose. Vous gardez
votre loi.
M. Morin: Je regrette, nous allons encore en faire état,
mais dans une présentation générale des activités
du Québec à l'extérieur.
M. Rivest: Ah bon!
M. Morin: Cela nous intéresse aussi. Ce n'est pas nous qui
allons vendre le porc au Japon, mais cela nous intéresse de savoir qu'il
se vend des biens québécois au Japon.
M. Rivest: Vous le faisiez auparavant.
M. Morin: Cela nous intéresse de faire en sorte que notre
délégation générale, qui est sous notre
autorité, soit à la disposition des entreprises
québécoises.
M. Rivest: Vous avez fait état dans votre rapport annuel,
pour prendre cet exemple, du ministère de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation, l'an dernier. Il y avait un beau
paragraphe où la Direction des affaires économiques du
ministère avait fait ceci et cela avec le porc; le ministère
avait été associé avec le ministère de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. Maintenant, qu'est-ce
que cela change avec le ministre du Commerce extérieur? Est-ce que vous
allez y aller dans les missions?
M. Morin: Nous continuons à être associés les
uns aux autres et à tirer...
M. Rivest: Donc, à chacune des missions du ministre du
Commerce extérieur, il va y avoir un fonctionnaire et un
représentant du ministère des Affaires intergouvernementales.
M. Morin: M. le Président, c'est un principe
général que le ministère des Affaires
intergouvernementales est associé à toutes les démarches
à l'extérieur du pays pour assurer leur cohérence, pour
s'assurer qu'elles ne sont pas contradictoires et que le principe de
l'unité de notre politique extérieure et de notre action à
l'extérieur est sauvegardé. J'ai expliqué cela longuement
ce matin et je pensais que le député m'avait saisi.
M» Rivest: Non, vous êtes insaisissable. Un exemple
concret, mais je ne sais pas si elle a eu lieu, on m'a parlé d'une
mission dans la construction navale qui a eu lieu ou qui doit avoir lieu en
Amérique du Sud, en Colombie, je pense. Pour une mission concrète
comme celle-là, peu importe ce cas-là, est-ce que le
ministère des Affaires intergouvernementales va envoyer un
fonctionnaire, oui ou non?
M. Morin: C'est-à-dire que, s'il y a déjà un
délégué sur place, ce n'est pas nécessaire. Souvent
le délégué est là sur place.
M. Rivest: Non, il n'y en a pas en Colombie. Je veux avoir une
réponse concrète. Est-ce qu'il est clairement établi que,
dès lors que le ministre du Commerce extérieur prend une
initiative, par ailleurs, fort louable en vue de vendre ou de promouvoir la
vente d'un bien ou service produit au Québec, il y aura effectivement un
fonctionnaire du ministère des Affaires intergouvernementales qui sera
de la mission?
M. Morin: Ce sera à décider dans chaque cas, parce
que, s'il s'agit seulement d'un vendeur qui s'en va vendre du porc au Japon, le
délégué est sur place là-bas et cela ne cause pas
de problème.
M. Rivest: Je ne parle pas de cela.
M. Morin: II y a des attachés commerciaux, il y a des
conseillers économiques. Cela dépend de l'importance d'une
mission. Si j'estime cette mission importante pour l'ensemble des rapports du
Québec avec ce pays, je peux effectivement envoyer quelqu'un faire
partie de la mission.
M. Rivest: Très bien. Est-ce que vous avez la garantie que
vous allez être informé de toutes les missions que le ministre du
Commerce extérieur va entreprendre à l'étranger? En vertu
de quoi?
M. Morin: Nous travaillons les uns avec les autres et il n'y a
pas de raison qu'on ne sache pas qu'une mission part. D'ailleurs,
forcément, une mission qui va à l'étranger passe par nos
services tôt ou tard. C'est nous qui, généralement, allons
payer les dépenses; donc, il faut bien passer par les Affaires
intergouvernementales. En plus de cela, M. le Président - je pensais que
le député de Jean-Talon savait ces choses-là.
Effectivement, il les sait probablement, il feint, je pense, de ne pas les
savoir - les CT de voyages doivent être approuvés par la
sous-ministre des Affaires intergouvernementales.
M. Rivest: Même les voyages des fonctionnaires du
ministère du Commerce extérieur?
M. Morin: Bien sûr. Tout voyage à
l'étranger.
M. Rivest: Cela se fait à la pièce. Il
n'y a aucun protocole d'entente, nulle part, au niveau d'un
arrêté en conseil répartissant les responsabilités
de l'un et de l'autre. Sauf erreur, je pense que vous en aviez, des protocoles
d'entente entre le ministère des Affaires intergouvernementales et les
ministères sectoriels, n'est-ce pas, dans le domaine de la
coopération économique, entre autres, avec le ministère de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. Cela existe, mais cela
n'existe pas avec le ministère du Commerce extérieur.
M. Morin: Cela existe, mais pas dans tous les cas.
M. Rivest: Cela existe dans certains cas.
M. Morin: Souvent, cela n'a pas été
nécessaire. Par exemple, nous en avions un avec l'OQCE. À ma
connaissance, on n'en a pas avec l'Agriculture. Cela n'a pas été
nécessaire. Les fonctionnaires se parlent, travaillent ensemble, il n'y
a pas de problèmes.
M. Rivest: Mais avec le ministère du Commerce
extérieur, il n'y a pas de problèmes, non plus.
M. Morin: II y en a un avec l'Agriculture. Je m'excuse, je dois
corriger le renseignement que je viens de donner au député.
Effectivement, il y a un protocole avec l'Agriculture.
M. Rivest: Moi aussi, j'avais l'impression qu'il y en avait un.
Il y en a un avec l'Agriculture qui vend un type de produits à
l'étranger et là, il arrive un nouveau ministre dans le
décor qui, lui, a la responsabilité sur tout. Ne croyez-vous pas
préférable, pour la cohérence de l'action du gouvernement,
qu'il existe un tel protocole et que vous régliez ces questions? Vous
avez beau coordonner et avoir la responsabilité de coordonner, si le
ministère du Commerce extérieur ne vous informe même pas ou
s'il n'y a pas de procédure quelconque purement administrative pour vous
informer, vous allez avoir l'impression de coordonner, mais, au fond, il va y
avoir un paquet de choses qui vont vous échapper. Une fois que vous avez
de l'information sur la présence du ministère, etc. Il me semble
qu'il y a un paquet d'éléments. Cela s'est posé entre le
ministère des Affaires intergouvernementales et les ministères
sectoriels. Raison de plus pour que cela se pose au niveau du ministère
du Commerce extérieur.
M. Morin: Cela n'a pas causé de problèmes entre les
Affaires intergouvernementales et tous les ministères qui oeuvrent
à l'extérieur. Je reprends le même raisonnement que le
député. Il n'y a pas de raison que cela en cause davantage
lorsqu'il s'agit du Commerce extérieur.
M. Rivest: Pourquoi y avait-il un protocole d'entente avec le
ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de
l'Alimentation?
M. Morin: Parce qu'effectivement les rapports étaient
devenus très denses.
M. Rivest: Ils ne sont pas denses avec quelqu'un qui vend de
tout, comme le Commerce extérieur?
M. Morin: Je m'excuse, je n'ai pas répondu à la
question du député. S'il veut bien me laisser le loisir de le
faire, je vais tenter de l'éclairer. Tout d'abord, une remarque au sujet
de l'Agriculture. Quand nous disons le ministère de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation, nous pensons aussi à
l'agro-alimentaire et aux pêcheries. Cela commence à faire
beaucoup de rapports avec l'extérieur. De fait, mon collègue, le
ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, depuis
quelques mois, est très actif sur le plan international. Il est
allé au Japon, en Corée du Sud, en Islande, aux îles
Féroé, là, bien sûr, pour les fins des
pêcheries, parce que vous savez, les îles Féroé,
même si elles sont toutes petites, sont au premier plan pour les
techniques de pêche, les techniques de conservation du poisson. En ce qui
concerne le Commerce extérieur, nous avons commencé à
étudier la possibilité de signer un protocole entre lui et nous.
Je ne sais pas quand ce protocole aboutira, mais cela fait partie de nos
projets.
M. Rivest: Vous n'avez pas de projet. D'après ce que le
ministre des Affaires intergouvernementales dit, je conclus qu'il n'y aura pas
d'amendement nécessaire à la loi du ministère des Affaires
intergouvernementales avec cela.
M. Morin: Ce n'est pas ce que j'ai dit. Je pense avoir
été très clair là-dessus et je l'ai dit à
deux reprises déjà. J'ai dit que, si j'estimais que des
changements étaient requis à la loi des Affaires
intergouvernementales et que le premier ministre soit d'accord, je
présenterais de tels amendements, mais que, s'ils ne sont pas
nécessaires, je n'en présenterai pas.
M. Rivest: Voilà pourquoi votre fille est muette, a dit
Molière quelque part dans une pièce.
M. Morin: Je ne veux absolument pas me lier les mains.
Effectivement, si j'estime que c'est nécessaire d'en présenter,
je le
ferai. (21 h 15)
M. Rivest: Au niveau de la loi. Deuxièmement, au niveau
d'un protocole d'entente entre le ministère du Commerce extérieur
et le ministère des Affaires intergouvernementales, il n'y aura pas de
tel protocole pour l'instant.
M. Morin: Mais je viens de dire que nous sommes, justement,
à y travailler.
M. Rivest: Ah bon! M. Morin: Oui, oui.
M. Rivest: Alors, vous êtes à travailler à
l'élaboration et à la rédaction d'un protocole d'entente.
On a déjà progressé; c'est nouveau, cela.
M. Morin: Oui. Non, je viens de vous le dire, il y a cinq
minutes. Vous lisiez le rapport du ministère à ce moment.
M. Rivest: Est-ce vrai? M'a-t-il dit cela?
M. Morin: Bien sûr. Vous n'avez qu'à relire la
transcription.
M. Rivest: Je m'excuse de ne pas l'avoir entendu, mais c'est un
progrès considérable. Donc, si vous rédigez un tel
protocole, c'est que vous admettez qu'il peut y exister un certain nombre de
problèmes.
M. Morin: C'est un projet que nous avons.
M. Rivest: Bon. Ce projet, quels en sont - je ne demande pas le
contenu étant donné qu'il est à l'état de projet -
les chapitres et les éléments?
M. Morin: Je ne puis vous le dire pour l'instant.
M. Rivest: Ah bien, j'ai mon voyage!
M. Morin: Non, non, c'est tout simplement que...
M. Blais:: Cette fois, vous êtes comblé.
M. Morin: ...nous ne sommes pas arrivés au stade où
je puisse en faire état publiquement, malheureusement.
M. Rivest: Alors, vous ne pouvez même pas me dire si cela
concerne la présence du ministère des Affaires
intergouvernementales dans les missions du Québec à
l'extérieur pour favoriser l'exportation.
M. Morin: Cela va toucher la gamme des points de contact entre
nos ministères et cela va tenter de créer des rapports les plus
harmonieux possible. Voilà.
M. Rivest: Quels sont ces points de contact?
M. Morin: La nomination des fonctionnaires à
l'étranger, l'ouverture de délégations à
l'étranger.
M. Rivest: Cela s'en vient. Je vois tous les débats. Cela
commence à sortir.
M. Morin: Non, non, c'est normal. Nous avions ces rapports avec
d'autres ministères auparavant et nous les avons toujours. Je ne vois
pas pourquoi le député a l'air d'imaginer que ce serait plus
difficile à organiser que dans le cas de l'Industrie et du Commerce, de
l'Agriculture, de l'Énergie et des Ressources, de l'Éducation,
des Affaires culturelles qui ont également des rapports avec
l'étranger.
M. Rivest: Alors, est-ce que la prétention du
ministère des Affaires intergouvernementales, c'est de continuer de
nommer des fonctionnaires à l'étranger?
M. Morin: C'est ce que la loi dit en toutes lettres.
M. Rivest: C'est la nomination...
M. Morin: Sauf que nous ne faisons pas cela tout seuls. Je ne
sais pas ce que le député cherche. Il doit certainement chercher
une petite bête noire ou quelque chose du genre.
M. Rivest: Le député prépare ses
crédits du Commerce extérieur, pour l'instant.
M. Morin: Je peux dire au député simplement ceci:
Bien sûr, le pouvoir de nommer nous revient de par la loi, mais nous ne
nommons pas des personnes dans l'abstrait sans consulter les ministères
intéressés.
M. Rivest: Non, j'imagine.
M. Morin: Par exemple, voici des années que nous nommons
à l'étranger des agents de l'immigration. Bien, nous le faisons
sur recommandation du ministre de l'Immigration. Il y a des fonctionnaires de
l'Éducation à l'étranger. Ils sont nommés sur
recommandation de mon collègue de l'Éducation et ainsi de suite.
Il y a même des fonctionnaires de l'Agriculture.
M. Rivest: En tout cas, il y a un protocole d'entente. Quand
croyez-vous que le protocole sera prêt?
M. Morin: Aucune idée. Vraiment, je ne veux pas prendre
d'engagement là-dessus. Le seul engagement que je prendrai, c'est que,
le jour où il sera signé, on pourra vous le communiquer.
M. Rivest: Oui. Et en ce moment vous négociez ce protocole
avec votre collègue, le ministre du Commerce extérieur.
M. Morin: Je pense que c'est plutôt au niveau des
fonctionnaires que les contacts ont eu lieu pour l'instant.
M. Rivest: Oui, j'imagine que ce doit être plus facile.
M. Morin: Je ne sais pas. C'est un commentaire du
député. Mon collègue a dit très clairement en
Chambre que nous nous parlons régulièrement.
M. Rivest: En tout cas, je lui parlerai demain et je verrai ce
qu'il me dira.
Le Président (M. Champagne): II n'y a pas d'autres
questions, M. le député de Jean-Talon?
M. Rivest: On va adopter les crédits. Je veux vous
soulever quelques questions dans le domaine des affaires dites canadiennes.
Le Président (M. Champagne): Oui, M. le
député de Terrebonne.
M. Rivest: Oui, allez-y. M. Blais:: Est-ce possible?
Le Président (M. Champagne): Oui, c'est sûr.
M. Blais:: J'ai attendu très longtemps, je croyais que
l'Opposition arriverait avec des questions spécifiques sur les
crédits, mais il me semble qu'on s'en va vers des remarques
préliminaires jusqu'à la fin de l'adoption des crédits.
Est-ce bien cela?
M. Rivest: Je n'ai pas l'intention de faire du pointillisme sur
les crédits budgétaires. Comme le ministre et moi ne sommes pas
forts en chiffres, ce serait désastreux.
M. Blais:: Alors, si c'était possible, M. le
Président, j'aimerais faire quelques remarques sur les remarques
préliminaires du seul député de l'Opposition qui est de
l'autre côté pour étudier des crédits aussi
importants.
M. Rivest: M. le Président, j'accepte la critique.
Le Président (M. Champagne): D'accord. La parole est
à vous, M. le député de Terrebonne.
M. Blais: Dans vos remarques préliminaires, M. le
député de Jean-Talon, vous avez accusé le ministre des
Affaires intergouvernementales de faire comme si nous étions un pays
souverain. Ce "comme si" m'a un peu ébranlé. Cela m'a fait un peu
mal, parce que, tant que nous ne serons pas un pays souverain, il est bien
sûr que nous ferons "comme si". Mais faire "comme si", ce n'est pas
nouveau au Québec. Duplessis faisait "comme si" en disant: Nous voulons
garder notre butin. Lesage, avec son statut particulier et sa campagne de
"maîtres chez nous" faisait "comme si". Johnson, avec
"égalité ou indépendance", faisait "comme si". Bourassa,
avec sa souveraineté culturelle, faisait "comme si".
Nous, pour la première fois, un vrai gouvernement souverainiste,
nous faisons "comme si". Nous allons un peu plus loin. Mais je ne crois pas
qu'on doive se faire accuser de faire "comme si". Vu que le Canada ne
reconnaît pas les Québécois comme faisant partie
intégrante d'une nation, nous nous devons et, de tout temps... Je suis
persuadé, si on reculait à Taschereau ou à Godbout, qu'on
trouverait que les gens qui représentaient le gouvernement du
Québec faisaient un peu "comme si".
Mais ce n'est pas le fait que le représentant du gouvernement
québécois fasse "comme si" qui est grave. Ce qui est plus grave
dans le contexte actuel, c'est que l'Opposition libérale fasse comme si
elle était élue par des Québécois. Elle fait "comme
si". Elle se donne un rôle comme si elle était élue au
gouvernement d'Ottawa. C'est cela qui est grave. Ce n'est pas notre "comme si".
C'est ce que vous faites qui est grave. Cela me blesse
énormément. Vous êtes toujours portés à
défendre les positions d'Ottawa, tandis que, par solidarité
devant les Québécois, vous devriez faire au moins comme si vous
étiez Québécois. Pour parodier Horace, si vous
n'êtes pas Québécois, soyez dignes de l'être; si vous
l'êtes, faites-le mieux paraître.
Je ne comprends pas que le député de Jean-Talon, avec son
érudition, son expérience et tout le temps qu'il a passé
à l'intérieur... Pardon?
M. Rivest: Continuez, j'apprécie vos remarques.
M. Blais: Je vous dérange, M. le député de
Jean-Talon?
M. Rivest: Non, pas du tout, c'est le ministre qui vous a
interrompu.
M. Blais: Cela me surprend
énormément, M. le député de Jean-Talon, avec
votre expérience, l'érudition que vous avez, la connaissance des
dossiers que vous avez, que vous soyez toujours à côté de
la question réelle et que vous fassiez toujours semblant d'être
scandalisé. Vous faites "comme si", beaucoup plus que nous de ce
côté-ci. Cela me fait beaucoup de peine et je voulais le dire. En
tant que Québécois, si vous faisiez comme si vous l'étiez,
ce serait beaucoup mieux.
On nous accuse d'être des agents déstabilisateurs
d'investissements. On nous accuse continuellement. Mais j'ai l'impression que
c'est de votre côté que la déstabilisation se fait. Si vous
deveniez souverainistes pour un instant, tous les Québécois
à l'Assemblée nationale seraient ensemble. Il n'y aurait plus
personne qui serait un épouvantail pour les investisseurs. Est-ce que
c'est nous, parce que nous sommes Québécois pure laine, qui
sommes les épouvantails ou est-ce vous parce que vous vous rattachez
encore à des traditions de colonialisme? Si on était tous
ensemble, je crois qu'on ne ferait pas "comme si". On le ferait
véritablement et on aurait ce pays que l'on cherche. Ce sont les seules
remarques que j'avais à faire à votre endroit. Vous me surprenez.
Vous êtes un homme d'expérience, mais vous faites comme si vous
étiez un pleutre et un mollusque. Je m'excuse, M. le
Président.
Le Président (M. Champagne): M. le
député.
M. Rivest: Si j'avais des crédits, je répondrais.
Malheureusement, je n'ai pas de crédits à défendre, mais
un jour viendra où on en aura.
M. Blais: Je ne comprends pas ce que vous dites. Votre
murmure...
M. Rivest: Malheureusement, je ne peux pas vous répondre.
Je répondrai à l'Assemblée nationale, si vous le voulez,
parce que dans le cadre de l'étude des crédits, je n'ai pas de
crédits à défendre et ce n'est pas à moi de
défendre les positions du Parti québécois ici; c'est au
ministre.
M. Blais: Je sais que vous n'avez rien à votre
crédit. Je le reconnais. Je suis content que vous le reconnaissiez
vous-même.
Bilan de nos relations avec la France
M. Rivest: M. le Président, le ministre arrive d'une
mission en France pour préparer la visite du premier ministre. Je sais
qu'il ne pourra pas nous parler de ce qui arrivera ou du contenu de la visite
du premier ministre en France. Néanmoins, j'aimerais que le ministre
fasse rapidement le point sur le relevé des décisions qui ont
été arrêtées lors de la visite du premier ministre,
enfin, lors de la séance de travail entre le premier ministre de France
et le premier ministre du Québec en avril 1982. Par exemple, pouvez-vous
nous donner certains éléments sur le dossier de Pechiney?
Pouvez-vous nous indiquer ce qui est arrivé de la convention
signée avec la société française Muller et la
société québécoise Nouveler? Je ne veux pas
reprendre tous les éléments, mais rapidement, sans aller dans les
détails, quelle suite y a-t-il eu concrètement, de part et
d'autre? Quelles sont les choses qui ont marché et les choses qui n'ont
pas marché?
M. Morin: L'année écoulée depuis la visite
du premier ministre, M. Mauroy, a été tout à fait
remarquable sur le plan de la coopération France-Québec. Comme le
député vient de l'indiquer, il ne m'appartient pas, au moment
où le premier ministre va entreprendre son voyage - nous sommes à
deux semaines et quelques jours de son départ - d'annoncer les projets
qui vont faire l'objet d'une entente ou d'un accord complémentaire ou
d'une signature quelconque. C'est à lui qu'il appartient de rendre tout
cela public au moment où les dernières ficelles seront
attachées.
En ce qui concerne Pechiney en particulier, je ne suis pas en mesure de
répondre au député. Je pense qu'il faudra qu'il pose ses
questions aux responsables de l'Énergie et des Finances qui suivent ces
dossiers de plus près. Je ne suis là que pour la coordination
politique générale du voyage. Tout ce que je peux dire, c'est que
ce projet est en bonne voie, de même que d'autres auxquels on a fait
allusion dans le procès-verbal de l'an dernier, dans le relevé de
décisions - je crois que c'était l'expression exacte - de l'an
dernier.
Je peux vous dire que cette année 1982 a été
marquée par un progrès assez étonnant de la
coopération. C'est comme si nous avions, en dépit de la crise
économique qui sévissait des deux côtés de
l'Atlantique, tout à coup franchi un certain seuil, un seuil critique
au-delà duquel les choses se mettent à s'accélérer
considérablement. Je suis heureux de pouvoir dire au
député que, dans cette seule année 1982, en pleine crise
économique, il y a eu onze investissements français importants au
Québec dont la valeur globale dépasse 20 000 000 $. Ce ne sont
pas de grosses entreprises, mais des entreprises, toutefois, importantes qui
ont conclu, dans cinq cas sur onze, des accords de coparticipation avec des
entreprises québécoises pour créer de nouvelles
entités, de nouvelles entreprises pour la fabrication ou l'adaptation
d'un produit français au marché nord-américain. Cela a
créé plus d'une centaine d'emplois en 1982 et j'ajouterai que nos
exportations vers la
France ont fait un bond assez spectaculaire de 12%.
Maintenant, là, j'ai surtout parlé du plan
économique. Il ne faudrait pas donner l'impression que c'est le seul. Il
y a également l'entente en matière de télévision,
TVFQ, qui, je crois, va très bien, qui a été
renouvelée en 1982 et qui, surtout avec la nouvelle clause de
réciprocité, donne beaucoup de satisfaction aux deux parties.
M. Rivest: M. le ministre, au sujet de TVFQ, juste une question
de détail.
M. Morin: Oui, volontiers.
M. Rivest: Est-ce que vous avez une idée des cotes
d'écoute? Je sais qu'on a fait ces relevés pour savoir la faveur
du public. Moi, j'ai bien aimé lorsqu'ils ont retransmis une
émission du stade Roland-Garros, car je suis un amateur de tennis. Mais
les bulletins de nouvelles régionaux, je trouve cela un peu bizarre.
M. Morin: Les chiffres qui me sont signalés sont les
suivants. L'auditoire en puissance de TVFQ-99 est de 2 494 000 personnes, alors
qu'en France les émissions québécoises peuvent rejoindre
40 000 000 de spectateurs.
M. Rivest: Oui, en puissance, mais en acte, comme le dirait saint
Thomas?
M. Morin: Je ne pense pas qu'on soit plus avancé que cela.
On calcule avec l'auditoire en puissance. (21 h 30)
M. Rivest: Bien oui, mais...
M. Morin: II faudrait faire des sondages extrêmement
précis pour avoir plus de précision.
M. Rivest: Mais vous devez, il me semble, dans ce
programme-là, vous préoccuper de savoir si les
Québécois sont intéressés ou s'ils ne le sont
pas.
M. Morin: On me dit, M. le Président, qu'il serait
possible d'obtenir des chiffres, mais nous ne les avons pas là.
Cependant, je pourrai les faire parvenir au député dès que
je les aurai sous la main.
M. Rivest: Je désire seulement faire un commentaire. Il y
a des choses extrêmement intéressantes à TVFQ, dans le
domaine des variétés, dans le domaine du livre, etc., mais
certaines choses réapparaissent un peu secondaires comme d'avoir le
bulletin de nouvelles des différentes régions ou provinces
françaises. Il y a des choses d'intérêt variable pour
l'auditoire québécois. Est-ce qu'on s'en préoccupe dans
les négociations?
M. Morin: Alors, voici deux observations là-dessus, M. le
Président. Tout d'abord, 2500 heures de télévision
française, j'aime autant vous dire que les tiroirs, il a fallu en faire
le tour parce que c'est considérable. Et comme, pour des raisons d'ordre
budgétaire -nous ne sommes pas le seul pays à avoir des
contraintes financières - ils ont du diminuer le nombre d'heures de
télévision produites chaque année, cela a
été plus difficile de fournir 2500 heures. Ils y arrivent, mais
de justesse. Je dois ajouter que, pour ce qui est des émissions
régionales - aussi surprenant que cela puisse paraître - elles
viennent au deuxième rang dans la cote d'écoute. Allez savoir
pourquoi, c'est comme ça.
M. Rivest: Vous m'inquiétez en disant cela. Quelle
doit-être la cote d'écoute des autres parties?
M. Morin: Vous savez, ce sont les goûts des
Québécois et tous les goûts sont dans la nature.
M. Rivest: En tout cas, vous me fournirez les chiffres, cela
m'intéresse de voir.
M. Morin: Oui. Alors, on peut vous envoyer les derniers
chiffres.
M. Rivest: C'est le ministère des Communications, je
suppose, qui a ça?
M. Morin: Nous les avons au ministère, c'est ce que l'on
m'a dit, mais nous ne les avons pas sous la main. Nous pourrons vous les
communiquer.
M. Rivest: Les sommes engagées par le gouvernement du
Québec dans cet accord sont de quel ordre?
M. Morin: Les émissions québécoises, elles,
sont vendues au tarif commercial qui est variable, mais qui est beaucoup plus
élevé que le tarif que nous payons même pour la
réciproque. Par exemple, nous sommes payés jusqu'à 6000 $
l'heure - c'est un maximum tandis que, lorsque nous payons, nous, les 2500
heures qui nous sont envoyées, nous les payons au tarif culturel,
c'est-à-dire 400 $ l'émission. Cela veut dire qu'en tout et
partout le coût de TVFQ-99 est vraiment très raisonnable
étant donné ce que cela représente pour les
Québécois comme accès à des programmes en langue
française, alors qu'auparavant la seule alternative était les
programmes américains. Cela nous coûte 875 000 $ par année
et les Français mettent autant d'argent que nous. Donc, c'est vraiment
une affaire remarquable pour les deux côtés, d'ailleurs.
M. Rivest: À condition que ça soit
écouté au Québec et en France.
M. Morin: C'est très écouté dans les deux
sens.
M. Rivest: Très bien. Le ministre a à peine
commencé ses remarques là-dessus, mais je voudrais
procéder assez rapidement parce que je voudrais aussi traiter des autres
sujets et on pourrait terminer.
Quand il parle d'un accroissement des exportations de 12%, c'est le
chiffre brut et global et tant mieux si c'est ça.
M. Morin: Bien, cela approche de 300 000 000 $ maintenant.
M. Rivest: Le facteur monétaire là-dedans, la
fluctuation? Avez-vous fait les pondérations avec l'évolution des
monnaies, qui comptent au total? Deuxièmement, est-ce que vous avez fait
état, par exemple, des accords de coopération qui existent entre
le Canada et la France et dont le Québec, j'imagine, doit retirer une
partie des bénéfices. Autrement dit, je veux essayer de voir ce
que la coopération directe et privilégiée entre le
Québec et la France a comme impact. Êtes-vous en mesure de nous
fournir cette ventilation-là des choses? Parce que les 12%, c'est
global.
M. Morin: Je crois qu'il existe certainement des chiffres
montrant les catégories de biens.
M. Rivest: C'est ça, entrepris par les programmes
québécois-français, d'une part, et d'autre part, par les
programmes canadiens, Par exemple, le président de la Banque
d'Épargne, M. Raymond Garneau, est président d'un groupe d'hommes
d'affaires qui, lors de la visite du premier ministre du Canada, est
allé en Europe et favorise les échanges. Je crois que M. Garneau
arrive, ces jours-ci, d'un voyage, justement, à Paris. Il préside
ça.
M. Morin: Nous nous sommes rencontrés à bord de
l'avion, justement.
M. Rivest: Bon. Alors, vous voyez que je ne vous raconte jamais
d'histoires.
M. Morin: Non, non, c'est vrai. C'est vrai.
M. Rivest: Quand, hier? M. Morin: Non, à
l'aller.
M. Rivest: À l'aller, seulement. Je dois l'appeler.
M. Morin: II y a déjà quelques jours de cela. Oui,
vous devez l'appeler?
M. Rivest: Oui. Et 12%...
M. Morin: Mais, est-ce que vous ne faites pas là une
infidélité à M. Bourassa?
M. Rivest: Ah non, non.
M. Morin: Non?
M. Rivest: Absolument pas.
M. Morin: Pourriez-vous m'expliquer alors?
M. Rivest: Quoi?
M. Morin: C'est pour le moins curieux.
M. Rivest: Je parle à Gérard D. Levesque tous les
jours. M. Bourassa ne sent pas d'infidélité de ma part, de ce
côté.
M. Morin: Non, mais dans le cas de M. Garneau, c'est pour le
moins étonnant.
M. Rivest: Pas du tout. Absolument pas. On se parle, nous,
à l'intérieur du Parti libéral.
M. Morin: Nous aussi, bien sûr, à l'intérieur
du Parti québécois.
M. Rivest: On n'a pas besoin de se jouer des coups, de passer une
loi pour "blaster" l'autre.
M. Morin: Mais nous ne sommes pas constamment en course à
la chefferie.
M. Rivest: Oui, mais vous et M. Landry, tout le monde sait que
vous êtes en compétition pour la succession du
président-fondateur.
M. Morin: Je pense que c'est évident que l'imagination du
député de Jean-Talon est sans borne.
M. Rivest: Vous seriez mon candidat, je vous assure.
M. Morin: Cela ne me flatte guère.
M. Rivest: D'ailleurs, cela me peine quand je vois que, lorsqu'on
parle de la succession du président-fondateur, votre nom n'y figure
jamais. Cela me peine grandement.
M. Morin: Je me méfierais énormément puisque
le député m'apprend qu'il m'appuierait. Ce serait suffisant pour
me chasser d'une course à la chefferie.
Le Président (M. Champagne): Est-ce qu'on pourrait revenir
aux crédits, s'il vous plaît?
M. Rivest: C'est le ministre qui a fait diversion. Mais, vous
allez essayer de me donner cela. Ce que le Canada fait avec la France - une
question que je me pose - est-ce intéressant pour le Québec?
M. Morin: Certainement, sûrement. Ce qu'il ne fait pas,
nous...
M. Rivest: ...le faisons?
M. Morin: Non, ce qu'il ne fait pas est quelquefois gênant.
Par exemple, la question de l'Airbus: le Canada n'a pas fait aboutir ce dossier
dont on aurait pu attendre des retombées au Québec. C'est surtout
cela qui nous gêne. Je voudrais vous souligner aussi que notre part dans
les exportations du Canada vers la France augmente. Nous en sommes maintenant
à 42%. Ces 42% des exportations du Canada vers la France viennent du
Québec désormais.
M. Rivest: Ah bon.
M. Morin: Évidemment, c'est assez difficile - vous le
constatiez vous-même, je pense, il y a un instant - de savoir ce qui est
le fruit de l'intervention de nos conseillers économiques, de nos
délégués commerciaux, du nouveau centre des techniques que
nous avons ouvert à Paris.
M. Rivest: II y a des impondérables.
M. Morin: II y a des impondérables, il faut le
reconnaître. Mais nous savons que grâce à la
coopération, les investissements se multiplient au Québec. Et
là, nous savons que c'est grâce à des programmes visant
à faire rencontrer des hommes d'affaires des deux côtés de
l'Atlantique. Maintenant, il y a aussi des programmes
fédéraux...
M. Rivest: C'est cela.
M. Morin: ...ce n'est pas moi qui vais le nier. Ils ont leur
utilité, c'est sûr.
M. Rivest: Oui. Mais ma préoccupation, c'est justement
d'avoir l'ensemble du portrait. Quand le ministre affirme qu'il existe une
hausse des exportations de 12%, il y en a une partie, sans doute très
importante, qui vient des initiatives franco-québécoises, mais je
ne voudrais pas que le ministre donne l'impression de s'attribuer les
mérites d'une telle performance.
M. Morin: Cela n'a jamais été mon intention.
M. Rivest: Non, c'est justement pour cela...
M. Morin: Je n'ai rien dit qui puisse laisser supposer cela.
M. Rivest: Non. Un dernier domaine sur les accords. Je me
méfie toujours des relevés de décisions des rencontres de
premiers ministres. J'en ai moi-même rédigé quelques-uns
dans le passé.
M. Morin: Vous avez des raisons de vous méfier, à
ce que je vois.
M. Rivest: Oui, parce que les choses sont bien dites, mais dans
le suivi... Par exemple, une chose qui m'avait frappé: priorité
aux jeunes travailleurs dans les activités de l'Office
franco-québécois. J'ai souligné auparavant qu'il y avait
une préoccupation...
M. Morin: Oui.
M. Rivest: ...mais qu'on n'y était pas encore.
M. Morin: Non. J'ai été moi-même
mêlé à cette affaire parce qu'à l'époque
j'avais repris l'Office franco-québécois avant de
déléguer mes pouvoirs à mon collègue et je me
souviens d'avoir contribué à définir cette orientation.
Mais, entre l'orientation qu'on veut imprimer à un programme et sa
réalisation...
M. Rivest: C'est cela.
M. Morin: ...il y a loin de la coupe aux lèvres.
M. Rivest: C'est cela.
M. Morin: Et ce n'est pas toujours facile. Seulement, on peut
faire l'effort et l'effort est fait.
M. Rivest: L'important, c'est qu'il y ait une volonté
politique qui soit manifestée.
M. Morin: Assurément.
M. Rivest: Et qu'elle se traduise ensuite.
M. Morin: Dans toute la mesure du possible.
M. Rivest: Voilà. Il est bien, ce ministre!
Et il y a les autres éléments: Par exemple, vous
mentionniez le programme ACTIM, dont je dois maintenant me convaincre que c'est
un programme modeste.
M. Morin: Modeste financièrement.
M. Rivest: Ce programme, a, quand même,
réalisé, selon le communiqué entre les
deux premiers ministres - quelque 700 ententes depuis le début.
Cette année, combien y a-t-il eu d'ententes?
M. Morin: Une vingtaine. M. Rivest: Additionnelles.
M. Morin: Nous sommes rendus à 720 ententes,
maintenant.
M. Rivest: Bon.
M. Morin: C'est un programme modeste par le coût, mais dont
les retombées sont considérables.
M. Rivest: À la délégation du Québec
à Paris, est-ce qu'il y a des changements? J'ai vu un titre de presse
qui disait: M. Michaud confirmé.
M. Morin: Je ne sais pas à quoi cela pouvait faire
allusion.
M. Rivest: C'est qu'il y avait eu des rumeurs selon lesquelles le
délégué général serait rappelé
incessamment et muté. M. Michaud est en poste à Paris depuis
combien de temps?
M. Morin: Quatre ans.
M. Rivest: Quatre ans à titre de
délégué.
M. Morin: Bientôt quatre ans.
M. Rivest: Est-ce que, dans la politique du ministère, les
affectations à l'étranger pour des périodes de quatre ans
semblent normales ou bien si cela ne devrait pas se prolonger
indûment?
M. Morin: C'est variable. Vous savez, depuis quelque temps, on
avait instauré un rythme de trois ans, mais, cette année,
étant donné les coûts inhérents au remplacement des
fonctionnaires à l'étranger - parce qu'il faut calculer le
déménagement, les frais afférents de toute nature - nous
avons décidé de prolonger un certain nombre de fonctionnaires
pour une quatrième année. Je dois dire qu'à la
délégation de Paris il y a toujours eu non pas des règles
spéciales, mais des comportements un peu différents. Je pense,
par exemple, au précédent de M. Chapdelaine qui a passé
dix ans à Paris, comme vous le savez.
M. Rivest: Ah oui! Mais M. Cloutier y a été
très peu de temps.
M. Morin: Je ne voudrais pas établir de comparaisons
précises entre les deux hommes. Je constate simplement qu'il arrive
qu'on y soit très longtemps ou qu'on y soit très peu de
temps.
M. Rivest: C'est une réponse typique du ministre depuis le
début de l'étude de ses crédits. Sur la
coopération, évidemment, il y aurait beaucoup
d'éléments qu'on pourrait reprendre. Dans le cadre de la visite
du premier ministre, il y a une affaire étrange, les histoires d'Antenne
1 et de Radio-Québec. Est-ce que le ministère des Affaires
intergouvernementales aurait fait une liste d'artistes qui aurait
été refusée par les Français et que cela aurait
compromis l'émission? Non.
M. Morin: Pas du tout. Je dois vous dire que je ne suis pas en
mesure de répondre à vos questions.
M. Rivest: Ce n'est pas vrai, ce que j'ai vu. Ce que les journaux
écrivent est absolument épouvantable.
M. Morin: Je ne suis pas en mesure de répondre à
vos questions parce que ce n'est pas vraiment de mes compétences. C'est
Radio-Québec. Vous pourriez peut-être poser...
M. Rivest: Vous êtes allé à Paris avec le
mandat de préparer la visite du premier ministre.
M. Morin: Oui, mais cet aspect-là, vous savez,
c'était à l'occasion de sa visite; ce n'était pas le
gouvernement qui organisait cela.
M. Rivest: C'est Radio-Québec. M. Morin:
C'était Radio-Québec.
M. Rivest: Bon, alors, vous n'êtes pas au courant de cela.
Vous n'en avez pas parlé à Paris.
M. Morin: Je sais qu'ils n'ont pas pu s'entendre, mais ne me
demandez pas les détails parce que je ne les connais pas.
M. Rivest: Ah bon!
M. Morin: Je sais qu'ils n'ont pas pu s'entendre, tout
simplement.
M. Rivest: C'est une question générale sur les
accords de coopération, mais je voudrais connaître les sentiments
du ministre là-dessus. La coopération
franco-québécoise, par les stages, les bourses d'études,
enfin tous les éléments de la coopération, les missions,
était, au début, densément de natures culturelle et
éducative. Je sais qu'il y a eu, au cours des dernières
années, une volonté, autant du côté français
que du côté
québécois, de réorienter cette chose-là vers
les dossiers économiques. En dehors de Pechiney qui est un grand truc,
je voudrais savoir quels sont les éléments essentiels qui
illustrent et qui concrétisent ce changement d'orientation vers des
sujets plus techniques et économiques. Il y a l'Institut de recherche...
C'est quoi? Ce qui a été convenu sur le plan technique à
Paris.
M. Morin: Vous voulez parler des ententes entre le CRIQ et
l'ANVAR?
M. Rivest: Oui, oui, c'est cela. Est-ce qu'il y a autre chose en
dehors de cela?
M. Morin: II y a la recherche industrielle.
M. Rivest: Comment évoluent les programmes dans ce domaine
de la recherche, de l'économie, de la technique? (21 h 45)
M. Morin: Bien, ils augmentent chaque année et de
façon assez substantielle, notamment dans la foulée des accords
Mauroy-Lévesque que vous mentionniez tout à l'heure. Par exemple,
on met désormais l'accent sur les biotechnologies, sur la recherche en
commun dans le domaine des biotechnologies. C'est un programme modeste, mais
qui est assez prometteur. On y consacre 185 000 $ cette année. Il y a la
recherche industrielle qui, elle, retient des montants un peu plus importants,
390 000 $. Donc, on voit qu'il y a une certaine réorientation du
côté de la recherche scientifique.
Je voudrais également signaler au député - qui le
sait peut-être, d'ailleurs -que, pour nous assurer que ces programmes
scientifiques de plus en plus nombreux soient bien suivis, nous avons
nommé un conseiller scientifique à Paris. C'est une
nouveauté. J'aurais peut-être dû en faire état dans
mon exposé général, ce matin, parce que, effectivement,
à bien y penser, cela mérite d'être signalé. Ce
conseiller scientifique va, évidemment, avoir une tournure d'esprit
très concrète et très axée sur le
développement industriel aussi, parce qu'il s'agit de recherche
scientifique axée sur le développement.
M. Rivest: Et il va faire, j'imagine, la prospection de nouvelles
avenues de façon à, justement, substancier les accords de
coopération dans le domaine scientifique. C'est cela?
M. Morin: Oui.
M. Rivest: Autrement dit, il va aller face au milieu scientifique
français qu'on n'avait peut-être pas réussi encore à
sensibiliser à la coopération franco- québécoise
d'une manière aussi directe. C'est cela?
M. Morin: Oui. Je pense que c'est une bonne façon de dire
les choses. Quoiqu'il y aurait une nuance à apporter à vos propos
en ce sens que, dans certains secteurs, notamment le secteur médical,
les chercheurs français et québécois travaillent ensemble
depuis fort longtemps.
M. Rivest: Oui.
M. Morin: II y avait des programmes ad hoc. Je pense aux contacts
entre l'Institut de cardiologie et les hôpitaux de Lyon...
M. Rivest: De Lyon, oui, je sais.
M. Morin: C'est peut-être même depuis
l'époque...
M. Rivest: Amorcé à l'époque du gouvernement
de M. Bourassa.
M. Morin: ...où vous étiez dans l'entourage du
premier ministre, M. Bourassa.
M. Rivest: Et de M. Garneau.
M. Morin: Je vois que, constamment, vous recherchez
l'équilibre entre ces deux hommes.
M. Rivest: C'est votre sous-ministre qui a rétabli mon
équilibre, en me soufflant la remarque. D'accord. Sur la visite du
premier ministre, en dehors de Pechiney, vous ne pouvez nous dire absolument
rien?
M. Morin: Non, je vous avoue que je préfère que ce
soit le premier ministre lui-même qui annonce les dossiers sur lesquels
il va se pencher avec M. Mauroy.
M. Rivest: Oui.
M. Morin: Tout ce que je puis vous dire, c'est qu'il y a
plusieurs dossiers en bonne voie. Mais il est normal, à la veille d'un
voyage comme celui-là, que le premier ministre se réserve le
plaisir d'annoncer tout cela.
M. Rivest: Ah! C'était une grande préoccupation,
à l'époque, de M. Charles Denis.
M. Morin: Sûrement.
M. Rivest: Pourquoi la Suisse et l'Algérie?
M. Morin: Je ne peux pas vous parler de l'Algérie,
malheureusement, parce que je ne sais pas du tout où en est cette
question.
M. Rivest: Qui est au courant?
M. Morin: C'est le premier ministre qui va annoncer les choses
dans ce domaine.
M. Rivest: Oui, mais le ministère des Affaires
intergouvernementales ne s'est pas soucié de préparer la visite
du premier ministre en Algérie? Oui.
M. Morin: Assurément. Assurément. Mais je ne suis
pas en état de faire des déclarations là-dessus en ce
moment.
M. Rivest: Mais il y a quelqu'un qui a conseillé...
M. Morin: Peut-être plus tard, dans quelques jours. Mais,
en ce moment, je ne suis pas en état, de le faire.
M. Rivest: Est-ce le ministère qui a conseillé au
premier ministre qu'il serait temps qu'il aille précisément en
Algérie?
M. Morin: Sûrement que le ministère n'est pas
étranger à cet accent sur l'Algérie, puisque, comme vous
le savez, le Québec y est très actif, les Québécois
y sont très actifs.
M. Rivest: Par l'ACDI, en très grande partie.
M. Morin: Pour une part, oui.
M. Rivest: Oui. Aussi, pourquoi l'Algérie?
M. Morin: Mais aussi dans des programmes d'éducation et
parce que mon collègue de l'Éducation, il y a maintenant deux
mois, je pense, a fait un voyage, une mission très remarquée en
Algérie, au cours de laquelle il a signé une entente avec le
ministre de l'Éducation algérien. Celui-ci nous a rendu la
politesse depuis lors, car il est venu ici.
M. Rivest: Oui, mais ce n'est pas très clair. Le danger
dans ce domaine-là, très souvent hélas - et je comprends
les préoccupations du ministre de fixer un ordre de priorités
dans le domaine international, avec son groupe de recherche et de planification
- je crains que ce ne soit une espèce d'improvisation, comme cela
là... Pourquoi l'Algérie, quels sont les principes directeurs qui
ont amené le premier ministre à aller en Algérie?
M. Morin: Je regrette, mais je ne parlerai pas pour le premier
ministre. Il est bien capable de faire ses propres déclarations. Je puis
vous dire pourquoi nous pensons que l'Algérie est importante. C'est
d'abord parce qu'il y a beaucoup d'entreprises québécoises et de
Québécois qui y travaillent.
M. Rivest: Est-ce qu'il y a eu une demande des entreprises pour
que le premier ministre y aille?
M. Morin: Deuxièmement, c'est une initiative qui est venue
des Affaires intergouvernementales car nous avons un dialogue avec les
Algériens depuis plusieurs années. Ce n'est pas nouveau. Vous
avez peut-être connu l'ancien ambassadeur d'Algérie. Il
était souvent ici, à Québec, et il s'intéressait
beaucoup aux rapports de son pays avec le Québec. Nous pensons, aux
Affaires intergouvernementales, que l'Algérie présente un
intérêt tout particulier. Sur le plan, d'ailleurs, de la
création éventuelle d'une délégation, ce serait la
toute première dans le monde arabe et sur le continent africain. D'ores
et déjà, d'ailleurs, l'Algérie est un partenaire
économique important. C'est le premier sur le continent africain, le
deuxième du monde arabe et le quinzième dans le monde par rapport
au Québec. C'est aussi notre plus important partenaire arabe et africain
sur le plan de la coopération scientifique et technique. Donc, on a de
nombreuses raisons.
Mon collègue de l'Éducation y est allé et je ne
peux pas faire état de tout parce que, justement, il se pourrait qu'il y
ait des développements. Ce n'est pas moi qui les annoncerai, mais le
ministre de l'Éducation a fait là-bas du travail tout à
fait remarquable et les projets de coopération dans le domaine de
l'éducation et même de l'enseignement supérieur sont
très importants dans le cas de l'Algérie.
M. Rivest: Est-ce que, concrètement, il est question de
l'ouverture d'une maison du Québec, d'une délégation,
à Alger?
M. Morin: Aux Affaires intergouvernementales, nous pensons qu'il
y a lieu d'envisager maintenant l'ouverture d'une délégation en
Algérie, mais peut-être pas immédiatement. Je pense qu'il
faut, d'abord et avant tout, approfondir nos liens. Nous imaginons, que le
moment sera propice, d'ici assez peu de temps.
M. Rivest: Par exemple, vous aviez un projet à Dakar; je
comprends que c'est en Afrique du Nord, mais quels sont vos critères?
Encore là, on touche au même problème. Vous envisagez une
délégation en Algérie. Il y a eu le projet pour Dakar, il
y a trois ou quatre ans, qui a été abandonné. Où
va-t-on avec cela? Quels sont les critères de l'implantation des maisons
du Québec à l'étranger?
M. Morin: D'abord, la pertinence d'une telle implantation pour le
Québec, pour les intérêts du Québec, pour les
entreprises.
M. Rivest: Dans quel cadre, dans quel plan?
M. Morin: Vous m'entraînez sur des questions très
vastes de priorités commerciales, économiques, politiques,
sociales.
M. Rivest: C'est cela, le contenu de la politique
extérieure.
M. Morin: Justement, c'est là-dessus que nous travaillons
et que cette direction générale dont nous parlions tout à
l'heure, recherche et planification, a travaillé. Donc, comme ce travail
reste à faire dans une large mesure, tout ce dont je peux vous parlez,
c'est de questions concrètes comme cette possibilité - parce que,
pour l'instant, ce n'est pas plus avancé que cela - d'ouvrir de
nouvelles représentations à l'étranger, à Alger en
particulier. Disons que c'est un projet qui est à l'étude parmi
d'autres. Je ne voudrais pas que le député me comprenne mal.
C'est une hypothèse qui est au stade des études et nous n'avons
encore fait aucune démarche officielle auprès des
Algériens parce que nos consultations à l'interne ne sont pas
encore terminées. On va essayer d'attacher toutes nos ficelles avant
d'aller faire des ouvertures officielles.
M. Rivest: Y compris la ficelle canadienne.
M. Morin: Oui, assurément.
M. Rivest: La Suisse?
M. Morin: Dans le cas de la Suisse...
M. Rivest: Est-ce qu'il va simplement aller au Jura.
M. Morin: Dans le cas de la Suisse, ce qui nous intéresse,
c'est la francophonie.
M. Rivest: Uniquement.
M. Morin: C'est avant tout la francophonie parce que la Suisse
romande parle français et c'est, je pense, ce qui fait le point
d'intérêt, plus le fait que nous avons, évidemment, un
certain commerce qui se développe avec la Suisse. Cependant, je n'ai
rien à annoncer, malheureusement. C'est le premier ministre
lui-même qui annoncera, ces jours-ci sans doute, où il ira et pour
quelles fins.
M. Rivest: Mais il ira en Suisse, en Algérie et à
Paris.
M. Morin: Je lui laisse le plaisir d'annoncer...
M. Rivest: Vous lui laissez le plaisir d'annoncer cela.
M. Morin: ...ce qui se fera et ce qui ne se fera pas.
M. Rivest: Quel ministre discipliné! Un vrai
modèle!
M. Morin: Cela me touche beaucoup que vous disiez cela.
M. Rivest: Qu'est-ce qu'il a dit?
Une voix: Rien.
M. Rivest: Oh, tiens, un nouveau!
Le Président (M. Desbiens): Ce programme est-il
adopté?
M. Rivest: Vous savez, nous, on n'adopte pas de programme. On
adopte des principes, des démarches.
M. Morin: Nous discutons.
M. Rivest: Oui. Le mandat de M. Tardif, le
délégué aux affaires francophones et
multilatérales?
M. Morin: M. Jean Tardif.
M. Rivest: M. Tardif était à l'Éducation,
ensuite à l'agence de coopération.
M. Morin: Une vaste expérience.
M. Rivest: C'est un des fonctionnaires internationaux qu'on a. Je
suis très heureux qu'il fasse carrière.
M. Morin: C'est un de nos fonctionnaires d'expérience les
plus remarquables.
M. Rivest: Oui. Quel est son mandat, exactement?
M. Morin: II veille aux intérêts du Québec
dans la francophonie et, en particulier, la francophonie multilatérale,
à partir de Paris, en raison du rôle primordial de la France dans
la francophonie. Dans le domaine des affaires multilatérales, il joue
également un rôle important auprès d'organismes qui ont
leur siège à Paris, justement, comme l'OCDE et l'UNESCO. Je peux
vous dire qu'il est très efficace et qu'il a des contacts de plus en
plus suivis avec ces organismes. Certains autres organismes
multilatéraux ont leur siège à Genève,
comme le député le sait. Le Québec n'ayant pas de
représentant permanent à Genève, c'est M. Tardif qui se
voit confier des mandats spécifiques auprès, par exemple, de
l'Organisation internationale du travail.
M. Rivest: Oui.
M. Morin: J'ai mentionné la francophonie, mais j'aurais pu
être plus spécifique, comme me l'indique Mme la sous-ministre, et
mentionner le rôle de M. Tardif auprès de l'agence où nous
avons, également, un fonctionnaire québécois
détaché auprès du secrétaire général,
M. Owono N'Guema. Ce rôle est, également, tout à fait
crucial.
M. Rivest: J'ai deux questions. La participation du Québec
- M. Tardif a un mandat - aux agences internationales: l'UNESCO, l'OCDE?
Comment évolue ce dossier avec le gouvernement canadien? Est-ce que
chaque fois c'est la même histoire ou si les histoires changent?
M. Morin: Je peux vous dire qu'il n'y a pas de problème
pour l'instant. Je ne sais pas s'il y en aura dans l'avenir; on les
réglera s'il s'en présente. Pour l'instant, M. Tardif obtient ce
qu'il désire. Nos contacts sont encore modestes. Il ne faut pas
prétendre que nous sommes un État membre avec plein statut, ce
n'est pas le cas, mais nous avons des contacts pour nos besoins, pour nos
fins.
L'Agence de coopération culturelle et
technique
M. Rivest: À propos de l'agence de coopération,
comment cela va à l'agence? Dan Dicko est parti, cela va
déjà mieux.
M. Morin: Je m'excuse.
M. Rivest: Quelles sont les préoccupations du ministre,
les objectifs du ministre sur la participation du Québec aux programmes
et activités de l'agence? Est-ce qu'il y a eu des
représentations, des modifications? Je sais, à cause de ma
participation à l'Association internationale des parlementaires...
M. Morin: De langue française.
M. Rivest: ...de langue française, que plusieurs
parlementaires s'interrogent - de tous les horizons géographiques - sur
le rôle de l'agence, sur la pertinence de ses programmes. Est-ce qu'il y
a, au niveau du ministère des Affaires intergouvernementales, des
préoccupations dont le ministre pourrait faire état au moment de
l'étude de ses crédits?
M. Morin: Sûrement, mais, si vous me le permettez, M. le
Président, je vais donner la parole sur cette question à celui
qui connaît le mieux les dossiers et qui est le sous-ministre aux
affaires internationales, M. Claude Roquet.
M. Rivest: II connaît bien l'agence. (22 heures)
M. Morin: Oui. Avec l'arrivée d'un nouveau
secrétaire général à l'Agence de coopération
culturelle et technique, il y a, évidemment, eu un processus de
réorientation, de réexamen des priorités. Il s'est fait un
travail interne important dans l'agence et maintenant les États membres
eux-mêmes et, bien sûr, les gouvernements participants ont à
contribuer à cette réflexion. La prochaine conférence
générale devrait être importante à cet égard.
Du côté du Québec, grâce aux apports faits au cours
des conseils d'administration par notre ministre notamment dans des groupes de
réflexion établis par l'agence, des groupes de sages, etc., je
crois que notre contribution a été vraiment extrêmement
poussée. Il est arrivé dans certains groupes de réflexion
que ce soit, finalement, le travail fait du côté
québécois qui ait été pris quasi
complètement et adopté comme les conclusions des groupes de
réflexion. Quant aux activités de l'agence, le Québec est,
quand même, un des principaux contributeurs de l'agence au niveau
financier. Il s'intéresse également à faciliter,
accueillir, parfois aider à financer des activités ad hoc pour
donner plus d'efficacité et plus de points aux activités de
l'agence.
En général, nous constatons une évolution
encourageante dans les programmations de l'agence. Elle est loin d'être
finie, mais il y a un effort de rationalité administrative, un effort de
rationalité dans la programmation que l'on peut constater.
N'empêche que nous sommes dans une année extrêmement
importante où des réflexions du secrétariat et des
réflexions des membres de l'agence devraient apporter des changements
importants dans l'efficacité et, comment dire, dans les priorités
de l'agence. Je crois que l'évolution est très positive.
M. Rivest: Quelle est concrètement la problématique
pour l'agence? Quels sont les choix sur l'orientation plus culturelle, plus
dans le sens de la coopération, d'accords de coopération? Est-ce
que c'est ce genre de discussions actuellement qui font l'objet des
délibérations et des réflexions de l'agence ou si c'est
simplement une plus grande rationalité ou une plus grande rigueur au
niveau de l'administration des programmes? Est-ce qu'il y a une orientation
assez précise sur la nature de l'agence? Est-ce que le ministre peut
nous indiquer les
préoccupations du gouvernement du Québec
là-dessus?
M. Morin: Je crois que l'on sent, ces dernières
années, un effort pour rendre l'agence plus pertinente par rapport aux
grands problèmes que vivent ses membres et, notamment, les États
du tiers-monde. Il y a eu une accentuation de réflexion au niveau des
conférences ministérielles et aussi d'actions qui sont
pertinentes au développement économique sans pourtant laisser de
côté les volets culturels, éducatifs, formation, etc., qui
sont, quand même, extrêmement importants aussi pour des
États en voie de développement. On a vu une conférence des
ministres de l'Agriculture. On verra bientôt une deuxième
conférence des ministres de la politique scientifique. Cela n'exclut
pas, par ailleurs, qu'il y ait eu une conférence des ministres des
Affaires culturelles, également suscitée par l'agence, qui a
été très importante et qui a projeté des
thèmes de rééquilibrage des rapports culturels
internationaux qui ont fait la première dans les journaux africains et,
d'ailleurs, dans le monde, de Paris, par exemple.
Au niveau des grandes orientations, on perçoit une
évolution. Il y a des problèmes de cohésion, des
problèmes d'harmonisation entre les diverses institutions francophones,
comme l'ACCT, les conférences ministérielles, les grandes
associations privées. C'est dans ce sens. On s'en va vers une plus
grande rationalité de l'action, je crois, et vers une meilleure
harmonisation des divers intervenants. Il reste beaucoup de travail à
faire. On peut dire que c'est un outil extrêmement important pour les
pays francophones. Pour ma part, je crois que le potentiel de cette
communauté internationale de 38 États est énorme. Des
États de tous les continents, de toutes les traditions politiques et
même des États socialistes, dans le sens fort du mot, c'est une
communauté qui a un potentiel - oui -absolument énorme au niveau
international. Au fond, le souci du Québec est de demeurer partie
prenante de cette communauté qu'il a bâtie en très bonne
partie comme un des principaux partenaires depuis 20 ans à tous les
niveaux.
M. Rivest: Par exemple, par rapport à l'action de l'ACDI
ou d'un organisme analogue où il y a des programmes, où il y a
des choses qui se font, où il y a des accords de coopération, des
budgets, des projets qui sont réalisés, est-ce que les
orientations de l'agence vont dans cette direction ou s'ils vont plutôt
vers une espèce de concertation, d'échange d'informations, de
forum pour les ministres? Est-ce le type d'action...
M. Morin: Tout dépendra.
M. Rivest: Je sais, mais...
M. Morin: II y a des programmes spécifiques.
M. Rivest: ...est-ce qu'on va davantage de ce
côté?
M. Morin: Oui, très nettement. Les réflexions
ministérielles ouvrent des avenues et, au fond, c'est important que ces
avenues soient pertinentes au besoin des États et ces réflexions
sont appréciables. Cela dit, l'agence, ce sont des programmes qu'on
essaie de rendre de plus en plus concrets, de plus en plus axés sur les
grands problèmes reliés au développement économique
et culturel. Et le Québec est preneur des deux côtés.
M. Rivest: D'accord.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Groulx.
M. Fallu: J'ai un peu l'impression que l'agence est, en somme,
victime de son propre succès. On voit constamment arriver à
l'agence des commandes. Les ministres de l'Éducation passent des
commandes, pour ainsi dire, à l'agence; ils mettent également de
leur poche pour développer certaines activités, mais ils passent
des commandes à l'agence régulièrement pour soutenir
l'action. Les ministres de la Jeunesse font de même. C'est rendu que les
parlementaires ont tendance à imiter maintenant les autres intervenants
et à demander, notamment, le soutien de l'agence pour la formation de
personnel dans les assemblées, par exemple.
On voit se rétrécir comme peau de chagrin les budgets, en
contrepartie, pour deux raisons: d'une part, ils n'ont pas été
tellement augmentés depuis quelques années et il y a eu
érosion monétaire, inflation, dévaluation à
certains endroits; d'autre part, il y a eu des programmes extensifs. Donc, on a
démultiplié des activités. Est-ce qu'il n'y aurait pas
pour l'agence à repenser ses grandes orientations, ses programmes? Parce
que ce qui était participation de dix individus il y a encore cinq ou
six ans est maintenant participation de deux ou trois pour le même type
d'activités qui est encore programmé. Première grande
question.
Deuxième question: Est-ce que l'agence sait actuellement
s'aligner un peu dans la réflexion internationale de la
coopération renouvelée, comme on le voit, notamment, en termes de
coopération multilatérale, à mon avis, le meilleur exemple
étant celui des pays ACP, et de la CEE, avec l'accord de Lomé 2
et maintenant avec toute la réflexion qui se fait vers Lomé 3 qui
est davantage axé sur ce qu'on pourrait appeler, d'une façon
très synoptique, le
développement, mais dans le respect des cultures et non pas dans
l'imposition de programmes qui sont plutôt alléchants pour les
pays "donateurs" entre guillemets. Ma question, au fond, très
concrète est: Est-ce que l'agence évolue sur le plan
international dans le même cadre de réflexion que ce qu'on
possède actuellement, je pense, comme le plus moderne outil de
coopération internationale, c'est-à-dire les suites de
Lomé?
M. Morin: M. le Président, je vais tenter de donner une
réponse générale au député de Groulx qui
s'intéresse depuis longtemps et fortement à la francophonie,
à l'ACCT. Ensuite, je demanderai à M. le sous-ministre Roquet de
compléter ma réponse.
Je pense qu'avec le nouveau directeur général ou
secrétaire général, M. François Owono N'Guema, est
arrivée à l'agence une volonté de relance, de sortir des
routines, parce que l'agence s'était un peu enlisée dans des
routines. Mais, comme le député vient de l'indiquer, les demandes
ne cessent d'affluer, de sorte que, dans tout ce fatras de demandes, on se
demande bien où sont les priorités.
Relance, dans le cas de l'ACCT à l'heure actuelle, signifie
redéfinition d'orientations, se recentrer sur des objectifs importants
de développement, parce qu'il ne faut pas oublier que c'est une agence
de développement culturel et technique. Quelles sont les
priorités? Comment peut-on aussi relancer financièrement l'ACCT?
Cela fait aussi partie des graves problèmes de l'heure, parce que les
besoins sont immenses et infinis, mais les moyens sont tout à fait finis
étant donné que beaucoup de membres, vous le savez, ne disposent
pas de beaucoup de liquidités financières.
L'un des aspects de la réflexion qui est en cours passe par la
réunion d'un comité de sages que M. Owono N'Guema va
réunir, je pense, assez prochainement. Oui, le Québec enverra
sans doute quelqu'un. Il me reste à rendre la chose officielle, mais le
Québec sera représenté au comité de sages.
M. Rivest: Est-ce que ce sera un ministre?
M. Morin: Non, je ne pense pas que ce sera un ministre. Il ne
faut pas que ce soit un ministre. Il faut que ce soit quelqu'un qui a
connu...
M. Rivest: II faut que ce soit un sage.
M. Morin: II faut que ce soit un sage. Aussitôt que ce sera
officiel...
M. Rivest: Votre sous-ministre serait très
indiqué.
M. Morin: Oui, sûrement, il connaît très bien
la question. Je vais, d'ailleurs, lui céder la parole dans un instant.
Mais, d'après ce qui avait été convenu autour de M. Owono
N'Guema, on pensait aussi à des gens qui ont été actifs
jadis et naguère dans l'agence, comme le député. Si le
député veut faire acte de candidature, il me le dira. Je mettrai
son nom dans la machine à saucisse. On verra ce qui en ressortira.
M. Rivest: Vous venez de ravaler les sages au rang de
saucisse.
M. Morin: Ayant dit cela, M. le Président, je demanderais
à M. le sous-ministre d'ajouter quelques mots, s'il estime que c'est
nécessaire.
Si vous le souhaitez, M. le ministre, je dirais peut-être un mot
sur cette question de la coopération renouvelée. Là
encore, nos fonctionnaires qui suivent de très près
l'évolution de la programmation, qui sont dans des comités qui
conseillent l'agence sur l'évolution des programmes, constatent une
évolution encourageante, mais je crois, comme vous, qu'il y a encore du
chemin à faire. On est sûrement plus sensible au terme de
développement économique adapté.
Du côté du respect des cultures, encore une fois, les
thèmes de la conférence des ministres de la Culture, à
Cotonou, étaient tout à fait dans cette direction. D'ailleurs,
j'aurais dû ajouter que c'étaient, pour l'essentiel, des
propositions faites par la délégation québécoise
qui ont été reflétées dans les conclusions de la
conférence de Cotonou. Là encore, il y a le
phénomène de temps de traduction dans les faits. Je crois que
l'évolution sera graduelle, mais le mouvement général de
cette dernière année est encourageant.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Jean-Talon.
Délégations du Québec en
Europe
M. Rivest: M. le ministre, il y a beaucoup de choses,
évidemment, dans la coopération. En ce qui concerne les
délégations en Europe, est-ce qu'il y a des choses dont vous
pouvez faire état? Je ne veux pas entrer dans les détails. Au
point de vue administratif, qu'est-ce qui se passe avec les
délégations à Paris, Bruxelles, Londres? Vous avez fait
des déclarations face au gouvernement britannique dans la foulée
de la révision constitutionnelle qui n'étaient pas très
diplomatiques? Vous avez fustigé Mme Thatcher.
M. Morin: Non, pas Mme Thatcher en particulier. C'était
une histoire d'institutions et non pas de personnes.
M. Rivest: Que se passe-t-il avec la délégation du
Québec à Londres?
M. Morin: Elle est très active. Il y a un nouveau
délégué général, M. Hyndman.
M. Rivest: Patrick est rendu là?
M. Morin: M. Patrick Hyndman que vous connaissez.
M. Rivest: Je m'informe toujours chaque année pour savoir
où sont rendus les gens qu'on connaît bien. Patrick est à
Londres.
M. Morin: Oui. Il fait remarquablement bien son travail. Il a
remplacé, d'ailleurs, M. Loiselle qui avait passé un certain
temps à Londres.
M. Rivest: Mouvementé. M. Loiselle a été
choyé.
M. Morin: Oui. Il avait dû faire beaucoup de travail,
surtout les derniers temps avec l'histoire du rapatriement. M. Hyndman a
hérité non seulement du travail de son
prédécesseur, mais également d'une nouvelle
délégation beaucoup mieux située que la
précédente qui se trouve sur Pall Mall, donc en plein centre de
Londres. (22 h 15)
M. Rivest: Quel a été le coût de ce
changement? On me l'a signalé, mais je n'étais pas sûr.
M. Morin: Nous pouvons regarder cela de plus près, si vous
le voulez. Je pense avoir des chiffres là-dessus que je vais pouvoir
vous donner. Si vous me le permettez, je vais essayer de retrouver dans tout
cela les chiffres pertinents à la délégation de Londres.
Je voudrais simplement dire, pendant qu'on essaie de trouver les chiffres -
j'espère que nous les avons ici; sinon, je vous les enverrai - que cette
décision a été prise par mon prédécesseur et
que je l'ai maintenue parce qu'elle m'a paru être la plus sage à
tous égards. D'abord, il n'y avait plus de place.
Mais nous avons ici, à mes côtés, celui qui peut
vous dire les conditions déplorables dans lesquelles la
délégation devait travailler depuis quelque temps. Je lui
cède la parole. Il n'y en a pas qui soit mieux placé que lui pour
savoir à quel point ces changements étaient
nécessaires.
M. le Président, je m'en voudrais de trop émouvoir le
député de Jean-Talon. C'est un fait que la
délégation que j'ai occupée jusqu'à mon
départ a été mise sur pied dans les années soixante
pour une douzaine de personnes. Elle était faite pour 12 personnes et,
au fil des années, nous nous sommes retrouvés 24 personnes
travaillant à l'intérieur; il fallait perpétuellement
déplacer les meubles, etc. La maison s'était
considérablement détériorée et nous aurions
dû investir des sommes importantes pour nous retrouver toujours trop
à l'étroit. Nous avons cherché et avons trouvé un
contrat de location dans un immeuble de Pall Mall.
M. Rivest: Étiez-vous propriétaires de l'ancienne
maison?
M. Morin: Nous avions signé un bail qui se terminait en
2020; il est en train d'être négocié et revendu
présentement.
Avec profit.
Avec profit considérable...
M. Rivest: J'imagine.
M. Morin: ...pour ce qui reste du bail, ce qui nous permettra
d'assumer la location de l'immeuble de Pall Mall. C'est à peu
près une fois et demie plus grand.
M. Rivest: La vocation de la maison de Londres, c'est quoi? Le
tourisme?
M. Morin: Distinguons, si vous le voulez bien, la période
antérieure au rapatriement et la période postérieure. Il
est évident qu'avant le rapatriement nous avons connu une période
d'intense activité diplomatique et politique. Je pense que M. Loiselle
serait bien placé pour en parler. Avec le rapatriement, nous avons
dû, bien sûr, nous réorienter puisque, désormais, le
Parlement de Westminster n'est plus garant des droits du Québec vu que
M. Trudeau, agissant unilatéralement, a rapatrié la constitution
contre la volonté du Québec. Ces faits sont bien connus du
député de Jean-Talon, du moins, je l'espère, et je n'ai
pas à insister. Depuis ce rapatriement qui fait perdre à la
Grande-Bretagne tout rôle politico-constitutionnel en ce qui concerne le
Canada, nous avons mis l'accent sur les rapports économiques avec la
Grande-Bretagne.
M. Rivest: Je m'y attendais.
M. Morin: Oui, vous aviez bien deviné. Désormais,
ce qui nous intéresse en Grande-Bretagne, c'est d'améliorer notre
position concurrentielle sur les marchés de la Grande-Bretagne.
M. Rivest: Avez-vous des chiffres sur les performances en
Grande-Bretagne?
M. Morin: Nous pourrions certainement vous en trouver, quoique
j'imagine que mon collègue, le ministre du Commerce extérieur,
serait plus à même de vous sortir des chiffres.
M. Rivest: Ah! Bon, il fait quelque
chose dans la vie? Je pensais qu'il ne faisait rien.
M. Morin: Certainement qu'il fait quelque chose.
M. Rivest: Pour toute la partie économique, maintenant, on
doit s'adresser au ministre du Commerce extérieur.
M. Morin: Si vous voulez des chiffres exacts, nous les avons
aussi; je pense qu'on peut vous les sortir.
M. Rivest: Les investissements, les exportations, les accords
techniques, etc.
M. Morin: Dans le document que j'ai déposé cet
après-midi sur la rentabilité et que vous aviez
déjà dans vos papiers, il y a peut-être quelques chiffres
que l'ancien délégué général pourra vous
donner.
Le Québec a exporté vers la Grande-Bretagne l'an dernier
pour environ 900 000 000 $ de produits. Cela a toujours été le
deuxième plus grand partenaire en dehors du Canada, bien entendu,
après les États-Unis.
M. Rivest: Plus que la France?
M. Morin: Oui, beaucoup plus que la France, que l'Allemagne et
que la Belgique réunies. C'est une position qui non seulement a
été maintenue, mais qui s'est accentuée ces
dernières années, de sorte que c'est un potentiel
extrêmement intéressant pour le Québec.
M. Rivest: Avec moins de monde et des locaux exigus, vous
performiez.
M. Morin: Oui, mais il faut comprendre qu'à un moment
donné, vu les rapports politiques entre l'ancienne métropole
coloniale et le Canada...
M. Rivest: Oh! Allons donc! Trouvez-moi autre chose pour
expliquer cela.
M. Morin: Non, non, il y avait un pacte colonial entre la
Grande-Bretagne et ses colonies. Le pouvoir politique étant...
M. Rivest: Je le sais. Vous m'avez enseigné cela.
M. Morin: ...l'un des premiers pouvoirs économiques, eh
bien, cela jouait. Le commerce avec l'Europe et la France à une certaine
époque était quasiment inexistant, tandis qu'avec l'ancienne
belle-mère patrie, ces rapports étaient considérables.
Donc, c'est l'héritage du passé qui peu à peu se modifie,
bien que nous n'allons pas sacrifier notre commerce avec la Grande-Bretagne,
naturellement.
M. Rivest: Prenons un dossier concret, par exemple, avec la
Grande-Bretagne: les investissements de la compagnie La Laurentienne. Est-ce
que le gouvernement du Québec a été associé
à cela? Je crois que le nom de la compagnie, c'est Imperial Life.
M. Morin: Oui.
M. Rivest: Êtes-vous associé à ce qui est une
des transactions les plus importantes que les Québécois aient
faites à l'étranger?
M. Morin: M. le sous-ministre a été associé
à ce dossier. Alors, je vais lui demander de répondre.
M. Rivest: Le ministre a eu l'air tout étonné.
M. Morin: M. le Président, je m'en voudrais de toujours
m'impliquer dans les dossiers qui ne sont pas directement de mon ressort, mais
il l'était au moment où j'étais
délégué général.
M. Rivest: Non, non.
M. Morin: J'ai été effectivement mêlé
très étroitement à l'implantation de l'Imperial Life. Vous
demanderez au président quel a été le rôle de la
délégation.
M. Rivest: C'est déjà fait.
M. Morin: Je crois qu'il vous le dira de façon plus...
M. Rivest: Je vous donnais l'occasion de le dire, mais pour
informer le ministre, c'est intéressant.
M. Morin: Me permettez-vous maintenant, M. le Président,
d'ajouter que, même si l'accent porte prioritairement sur le domaine
économique en Grande-Bretagne - la nomination de M. Patrick Hyndman, qui
était jusqu'à ce moment sous-ministre adjoint au ministère
de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, est la preuve de cet accent sur
l'économie - il faut tout de même tenir compte aussi que
l'équipe de la délégation générale à
Londres, dans son mandat, a des responsabilités dans le secteur de
l'éducation et de la culture et qu'en ce moment elle pousse beaucoup les
rapports sur ce plan. En plus de cela, je signale, pour mémoire, que la
délégation de Londres est responsable des rapports avec les pays
nordiques, c'est-à-dire avec les pays Scandinaves.
M. Rivest: Oui. M. Morin: Voilà!
M. Rivest: Bon.
M. Morin: Et puis, il y a du tourisme aussi. Oui, j'ai pu
constater, lors de mon voyage à Londres, que le tourisme y jouait un
assez grand rôle. Nous avons du personnel très qualifié et
très dynamique dans ce secteur.
M. Rivest: En Italie, est-ce à Rome ou à Milan?
M. Morin: Eh bien, l'un n'exclut pas...
M. Rivest: Êtes-vous content de vos changements?
M. Morin: ...l'autre.
M. Rivest: À part le pape, est-ce qu'il y a autre
chose?
M. Morin: La délégation est toujours, d'abord et
avant tout, établie à Rome. C'est là qu'est son
siège.
M. Rivest: C'est cela. Une voix: À Milan.
M. Morin: Qu'est-ce que je raconte? À Milan, et elle a une
antenne à Rome sur Via Trieste.
M. Rivest: Pardon?
M. Morin: Via Trieste. Nos nouveaux bureaux sont dans ce coin de
Rome.
M. Rivest: Est-ce que cela a amélioré les choses?
Êtes-vous satisfait de ce prolongement, de cette antenne?
M. Morin: Oui. Je pense que cela a facilité les
contacts.
M. Rivest: Concrètement? Un exemple.
M. Morin: Concrètement, oui. Il y a des contacts avec le
gouvernement italien, mais également avec le Saint-Siège,
puisque, dans des perspectives aussi concrètes que la visite du pape,
nous avons de plus en plus de représentations à faire à
Rome même, y compris au Vatican.
M. Rivest: Mais donnez-moi un exemple concret d'un projet. En
Italie, qu'est-ce qui se passe? Je vous ai signalé à Londres le
projet de La Laurentienne. Mais en Italie, qu'y a-t-il eu d'intéressant
à signaler cette année, à part le voyage du pape?
J'espère que vous ne me direz pas que vous essayez de donner une
dimension économique au voyage du pape.
M. Morin: Non, mais je pourrais... M. Rivest: Plus que
cela.
M. Morin: ...certainement vous trouver des listes
d'investisseurs, d'investissements. En Italie, nous sommes très actifs
sur le plan commercial. Je pourrais vous obtenir des chiffres sur notre
commerce. Une part importante des activités de la
délégation de Milan, en particulier, est de recruter activement
des immigrants investisseurs. Nous avons des agents d'immigration...
M. Rivest: Puis-je avoir des chiffres sur ce programme qui est
très intéressant? Quel est le volume?
M. Morin: Nous ne les avons pas ici, mais je pourrais
certainement vous les procurer, M. le député, si vous le
désirez.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Groulx.
M. Fallu: Cette question a déjà été
posée dans les mêmes termes, je pense par le même
député, au ministre des Communautés culturelles et de
l'Immigration, il y a quelques jours.
M. Rivest: Non, le député n'a pas
fréquenté le ministre des Communautés culturelles et de
l'Immigration depuis sa nomination.
M. Fallu: Alors, il y a un membre de son parti qui s'est
chargé de le faire.
M. Rivest: J'en doute.
M. Fallu: Et il a eu réponse.
M. Rivest: Oui? Bon. Alors, en Europe, il n'y a pas de
changements significatifs ou d'interrogations profondes sur l'implantation des
maisons du Québec? Je ne veux pas être injuste. À
Bruxelles, notre ami, M. Jean-Paul L'Allier, va bien? Oui. La santé est
bonne?
M. Morin: Oui, il est ici en ce moment.
M. Rivest: Oui. Ah bon. Je sais qu'il y a eu des questions aux
engagements financiers qui lui sont parvenues, dont il a eu écho.
M. Morin: D'ailleurs, vous le savez, la commission permanente
wallonne s'est réunie ces jours derniers à Québec.
M. Rivest: Oui.
M. Morin: Nous avions la visite de M. Damseaux et de son
entourage.
M. Rivest: Oui.
M. Morin: Et Mme la sous-ministre m'apprenait à l'instant
qu'elle a signé, aujourd'hui même, avec la
délégation qui accompagnait M. Damseaux un procès-verbal
comportant un accord de coopération.
M. Rivest: Lorsque la maison du Québec a été
implantée à Bruxelles, en 1974...
M. Morin: Cela fera 10 ans bientôt.
M. Rivest: Oui, c'est M. Gérard D. Lévesque qui
avait présidé à l'inauguration officielle et j'avais le
plaisir de l'accompagner.
Je sais que le gouvernement a mis un accent sur la coopération
pour des raisons linguistiques avec la Wallonie et il y avait une
préoccupation du gouvernement belge pour que la coopération du
Québec se fasse avec la Belgique dans son entité.
M. Morin: Assurément.
M. Rivest: Est-ce que du côté
néerlandophone...
M. Morin: Oui.
M. Rivest: ...il y a toujours le même souci de
coopération, est-ce qu'il y a des efforts qui sont faits? Parce que la
Belgique est une entité, je pense, qui voudrait bien que, selon les
actions internationales qu'elle mène, nous la prenions telle qu'elle est
constituée.
M. Morin: Oui. Naturellement, les premiers contacts - vous le
savez très bien, d'ailleurs - ont été surtout avec la
Wallonie. Sur le plan culturel, les affinités étaient là
et elles ont joué. C'est ce qui explique que la délégation
Wallonie-Bruxelles ait été établie à Québec
durant l'année écoulée, comme je le mentionnais dans mon
exposé de ce matin.
M. Rivest: Quel est le statut exact? Il y a eu toutes sortes
d'histoires qui ont circulé autour de cela.
M. Morin: Bien, son statut exact, c'est...
M. Rivest: Des privilèges leur sont-ils accordés?
Est-ce tout simplement une maison?
M. Morin: Ils ont un statut fort restreint, mais ils ont tout de
même un certain nombre de facilités, comme le disent les Belges.
Mais, naturellement, nous sommes en mesure d'accorder les privilèges et
immunités qui relèvent de notre compétence.
M. Rivest: C'est uniquement la dimension francophone de la
Belgique, là.
M. Morin: Pardon?
M. Rivest: Ce n'est pas la Belgique; c'est la
communauté...
M. Morin: C'est la communauté française de Belgique
et la région de Wallonie, parce que, du côté wallon, les
institutions sont séparées.
M. Rivest: Même sur le plan international.
M. Morin: L'une s'occupe des questions économiques et
c'est la région; l'autre s'occupe des questions culturelles et
communautaires et c'est la communauté.
M. Rivest: Ils ont un prolongement international de leur
personnalité.
M. Morin: Oui, c'est exact.
M. Rivest: C'est cela. D'accord.
M. Morin: J'allais compléter ma réponse à la
question du député. J'ai bien dit que les affinités
avaient fait que les rapprochements s'étaient d'abord faits avec les
Wallons. Nous travaillons également avec les Flamands,
c'est-à-dire avec la Flandre. De fait, ces rapports ont
été amorcés de façon tout à fait
spectaculaire l'an dernier par la venue au Québec - c'est
peut-être même au cours de l'année écoulée -
d'une délégation présidée par M. Gaston Geens, le
président des institutions flamandes.
En Flandre, contrairement à ce qui se passe du côté
wallon, la communauté et la région ne forment qu'un organisme et
M. Geens, à titre de président, est venu au Québec avec
une délégation qui a été reçue par
moi-même et par le ministre du Commerce extérieur qui
était, à ce moment, ministre d'État au
Développement économique.
Nous avions déjà, à ce moment, signé un
protocole et, depuis lors, le Québec a été très
présent. Mon collègue, M. Landry, était, justement, il y a
quelques semaines à peine, en Flandre où il a participé
à un certain nombre d'activités.
La politique du Québec est de s'ouvrir également sur la
Flandre, tout en conservant ses affinités naturelles avec le pays
wallon. (22 h 30)
Le Président (M. Champagne): M. le député de
Groulx.
M. Rivest: Oh, pardon!
M. Fallu: Les questions que je vais
poser rejoindront sans doute les préoccupations de mon
collègue de Jean-Talon, puisqu'elles traiteront des relations
parlementaires. Je voudrais, d'abord signaler que notre exécutif s'est
rendu, en cours d'année, à la demande des parlementaires
réunis au comité mixte de l'Assemblée nationale du
Québec et du Conseil de la communauté française de
Belgique, en signant un accord, c'est fait, et en ouvrant une maison, c'est
fait également.
Je voudrais demander au ministre, à qui le président de
l'Assemblée nationale, après chacune des réunions de notre
comité mixte, expédie - je ne sais trop sous quelle forme,
j'imagine que c'est sous la forme d'une lettre à laquelle il joint les
résolutions qui concluent nos travaux - d'une façon
générale, comment l'exécutif, par rapport au
législatif - l'ambiguïté, c'est qu'il administre les deux
à la fois - reçoit les recommandations de nos comités
mixtes. La question vaudrait également pour le comité
formé de l'Assemblée nationale du Québec et de
l'Assemblée nationale française. Comment le gouvernement du
Québec les reçoit-il, les accueille-t-il, les gère-t-il,
devrais-je dire, par la suite?
M. Rivest: Les hésitations du ministre sont
déjà une réponse.
M. Morin: C'est parce que je veux être sûr de donner
une réponse complète à mon collègue. Je voudrais
que le député nous précise exactement la portée de
sa question. Effectivement, je sais que les groupes parlementaires se
réunissent, adoptent des résolutions, mais j'aimerais bien qu'il
nous dise à qui il les a envoyées au sein du gouvernement, afin
que nous sachions exactement à quoi il se réfère.
M. Fallu: Ces résolutions, dans un premier temps, sont
déposées à l'Assemblée nationale par le
président comme document sessionnel. Elles sont également
envoyées à l'exécutif, avec une lettre de transmission de
la part du président; du moins, c'était l'habitude un certain
temps, je ne sais trop si cette habitude s'est conservée. Du
côté de nos amis francophones de la Belgique, ils se sont
donné, à travers leurs institutions parlementaires, des moyens
supplémentaires, notamment, d'inscrire ces questions à l'ordre du
jour de l'une de leurs commissions, voire même de faire un débat
général au sein du conseil de la communauté.
Donc, ici, on a quand même peu de moyens de souligner l'importance
de nos recommandations, mais on ne sait jamais trop comment, par la suite, cela
chemine. À l'exception de quelques questions que nous posons, il est
arrivé à mon collègue de Jean-Talon et à
moi-même, ainsi qu'à quelques autres collègues qui
fréquentent l'un ou l'autre de ces comités mixtes, de poser des
questions au moment des commissions parlementaires, pour certains sujets
à l'Éducation, pour d'autres aux Affaires culturelles.
M. Morin: Est-ce que je pourrais demander au député
de Groulx de nous faire parvenir, de nous signaler les conclusions auxquelles
il a fait allusion? En effet, m'étant renseigné autour de moi, je
m'aperçois qu'elles ont peut-être été
signalées au gouvernement, mais qu'elles n'ont pas été
signalées au ministère des Affaires intergouvernementales, ce qui
est sans doute fâcheux. Si le député de Groulx veut nous
saisir de la chose, c'est avec plaisir que je regarderai cela. Même si
l'exécutif et le législatif doivent rester à distance
respectueuse, je peux l'assurer que, pour peu qu'il y ait des choses
concrètes où on peut rendre service, nous le ferons avec
plaisir.
M. Fallu: En l'occurrence, je m'adresserais à mon
collègue, le vice-président de la section
québécoise de l'Association internationale des parlementaires de
langue française...
M. Morin: Qui ne nous a pas transmis les documents en
question?
M. Rivest: II s'agit des documents du comité mixte de
l'Assemblée nationale; je n'ai rien à voir là-dedans. Je
ne suis pas membre de cela.
M. Fallu: ...pour que nous arrivions, comme parlementaires,
à changer, à ajuster, peut-être, nos méthodes de
travail et à voir à ce que les documents pertinents parviennent
aux personnes qui sont concernées.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Jean-Talon.
M. Rivest: Oui. C'est quand même assez étonnant que
cela n'ait pas été fait. Du côté belge, comme le
signalait mon collègue - je le sais, pour avoir été membre
du comité mixte entre l'Assemblée nationale du Québec et
l'Assemblée de la communauté francophone de Belgique - cela se
fait très bien. La même chose, d'ailleurs, du côté du
comité mixte, dont je suis membre, des Assemblées nationales
française et québécoise. Vous n'en avez probablement pas
encore eu d'échos parce que cela commence, mais vous allez certainement
recevoir des recommandations qui ont été formulées lors
des délibérations que nous avons eues en juin dernier à
Paris. Et, cette année, je pense que c'est ici? C'est cela.
M. Morin: Vous avez donc fréquenté les
députés français?
M. Rivest: Oui. M. Suchod, etc.
M. Morin: Ils ne vous ont pas proposé la double
nationalité?
M. Rivest: Non. Probablement qu'ils attendaient votre visite pour
s'annexer ainsi la personne du député de Jean-Talon qui
résistera en protégeant sa citoyenneté canadienne.
M. Morin: Étant sujet britannique.
M. Rivest: Oui, en effet. Déjà, je suis
passablement occupé avec ces trois dimensions de ma personne sans que
vous en ajoutiez une quatrième, "futuriste", a dit le premier
ministre.
À Bruxelles, cela va, comme cela? Le délégué
est heureux. M. L'Allier est en poste depuis quand?
M. Morin: Cela va faire deux ans, si je ne m'abuse.
M. Rivest: Oui? M. Morin: Oui.
M. Rivest: Et dans son cas, c'est un contrat?
M. Morin: C'est un contrat, effectivement.
M. Rivest: Est-ce que cette pratique au niveau des
représentants du Québec à l'étranger vous
apparaît heureuse? Étant donné la carrière - vous
avez des préoccupations dans le domaine international ou, en tout cas,
le Québec devrait en avoir -de jeunes fonctionnaires qui travaillent au
service de la coopération ou dans la section internationale, qui
occupent différents postes à l'étranger, qui reviennent,
etc., je m'inquiétais un peu de cette pratique. Je ne dis pas que M.
L'Allier n'est pas... Absolument pas. C'est tout à fait le contraire,
d'ailleurs, dans son cas. Mais, sur le plan du principe, à un moment
donné, les gens font carrière, aspirent à avoir un poste
important - il n'y en a pas beaucoup au Québec - et ils voient des gens
qui arrivent, qui ont fait carrière dans d'autres domaines et qui
occupent la direction, si bien que les fonctionnaires ont l'impression,
à tous égards, d'être plafonnés. C'est un
exemple.
M. Morin: II ne m'appartient pas de porter un jugement sur les
pratiques antérieures, d'autant qu'elles n'ont pas donné des
résultats malheureux. La nomination du délégué
général à New York, du délégué
à
Bruxelles...
M. Rivest: Oh, j'ai oublié Paris.
M. Morin: ...de personnes recrutées à
l'extérieur...
M. Rivest: J'ai oublié Paris.
M. Morin: Oui, mais, dans le cas de Paris, M. Michaud s'occupait
tout de même de coopération au sein même du
gouvernement...
M. Rivest: Oui.
M. Morin: ...depuis déjà belle lurette.
M. Rivest: Nous en avions fait nous-mêmes un ministre
plénipotentiaire.
M. Morin: Mais je dois vous dire qu'en ce qui me concerne, depuis
que je suis là, je tends plutôt à favoriser le recrutement
interne non seulement au sein des Affaires intergouvernementales, mais au sein
du gouvernement québécois. Cela explique, par exemple, la
nomination de M. Patrick Hyndman. Cela en explique quelques autres: M. Gervais
à Mexico.
M. Rivest: M. Bergeron à Tokyo?
M. Morin: M. Jean Tardif qui était déjà
à Paris. Donc, en ce qui me concerne, quand il y a quelqu'un à
l'intérieur du gouvernement qui peut remplir les fonctions correctement,
j'aurais plutôt tendance à choisir cette personne. Il arrive,
cependant -les raisons ne sont pas nombreuses - pour certaines raisons, que
nous estimions nécessaire d'aller à l'extérieur. Par
exemple, on aura remarqué qu'il n'y a pas beaucoup de femmes
déléguées, alors qu'elles sont aptes à exercer ces
fonctions de façon tout à fait correcte. Si une femme peut
être sous-ministre, une femme peut être
déléguée générale ou
déléguée. Bon. Il n'y a pas de raison. Et j'ai
pensé faire une exception dans le cas de Boston. Cela a
été une de mes premières nominations, il y a
déjà quelques mois.
M. Rivest: Pas une exception. Faire une première qui
serait suivie d'une deuxième, d'une troisième, pas une
exception.
M. Morin: C'était une exception par rapport au principe
que je viens d'énoncer.
M. Rivest: Ah, la carrière!
M. Morin: Je préférais m'en tenir aux
fonctionnaires déjà au service du gouvernement
québécois. Nous avons nommé Mme Thibodeau-DeGuire, et cela
s'avère être
une excellente nomination, au poste de Boston. Elle est ingénieur
comme le député le sait peut-être. Comme c'est un poste qui
a une importance économique considérable, elle effectue de
l'excellent travail. Dans l'avenir, je compte faire preuve du même
pragmatisme, mais avec toujours cette préoccupation de recruter à
l'intérieur du gouvernement si cela est possible. Lorsque cela n'est pas
possible ou lorsqu'il s'agit de corriger un équilibre entre la
représentation masculine et la représentation féminine, je
ne promets pas de ne pas aller recruter à l'extérieur. Ce sera
exceptionnel, mais il se peut que je le fasse à l'occasion.
M. Rivest: Sur cet aspect hommes, femmes, au niveau, par exemple,
des délégués, des attachés commerciaux,
scientifiques, éducationnels, selon mon souvenir d'une maison que je
connais mieux, celle de Paris, il n'y a pas beaucoup de femmes, non plus, dans
les représentants du Québec à des postes de direction
à l'intérieur des délégations. C'est probablement
le même cas ailleurs.
M. Morin: Cela commence à changer. M. Rivest: II y
a toute une tradition.
M. Morin: Justement, il y a quelque temps, j'avais l'occasion de
rencontrer tous les nouveaux partants en poste. Il y en avait une vingtaine.
Là-dessus, combien y avait-il de femmes? Il y en avait un certain
nombre. Il me semble qu'il y en avait cinq ou six.
M. Rivest: Bon, c'est un départ.
M. Morin: Nous commençons. Je fais allusion non seulement
au ministère des Affaires intergouvernementales, mais au
ministère de l'Immigration, au ministère du Commerce
extérieur et à tous les autres ministères qui ont des
représentants à l'étranger. On est en train de corriger
les déséquilibres antérieurs.
Délégations du Québec en
Afrique
M. Rivest: Très bien, M. le ministre. Dernière
question concernant le domaine international: l'Afrique. Vous avez
évoqué, dans les notes que vous nous avez transmises, certaines
préoccupations. Je voudrais vous mentionner le fonctionnement de l'ACDI.
Je sais qu'il y a des initiatives propres au gouvernement
québécois, mais beaucoup d'activités de
Québécois sur le continent africain passent par la voie de
l'ACDI. Je sais qu'il y a beaucoup de firmes d'ingénieurs, de
techniciens qui vont se rendre sur le continent africain pour participer
à des accords de développement. Est-ce que le ministère
des Affaires intergouvernementales - je sais que c'est un dossier dont vous
vous préoccupez - a des orientations, des corrections de tir que vous
voulez faire à cet égard-là, d'une façon
très générale parce qu'on n'a pas le temps de regarder
cela?
M. Morin: Nous avons, comme vous le savez, à Abidjan un
représentant dans le domaine de l'éducation. Je dois dire que nos
rapports avec l'Afrique passent, d'abord et avant tout, par le truchement du
multilatéral, par l'ACCT, par la CONFEJES, par la CONFEMEN. J'ai
été moi-même responsable, pendant quelque temps, et en
particulier pendant une année où j'ai exercé la
présidence de la CONFEMEN, du fonctionnement...
M. Rivest: La CONFEMEN, pour les fins du journal des
Débats, qu'est-ce que c'est?
M. Morin: La CONFEMEN, c'est la Conférence des ministres
de l'Éducation nationale des pays d'expression française. La
CONFEJES, il s'agit des ministres responsables des loisirs et des sports. Ces
deux organismes, CONFEMEN et CONFEJES, ont un secrétariat technique
permanent à Dakar où nous sommes représentés par un
fonctionnaire québécois détaché auprès du
secrétaire général, M. Amadou Samb. (22 h 45)
C'est par le multilatéral que nous rendons le plus de services,
tout simplement parce que, depuis quelques années, le gouvernement
fédéral est arrivé dans une certaine mesure à
freiner nos contacts avec les gouvernements africains. Il s'y emploie
systématiquement. Heureusement, dans le domaine multilatéral,
nous pouvons rendre de grands services et nous sommes très actifs.
L'année où le Québec a assumé la présidence
de la CONFEMEN, par exemple, les programmes se sont multipliés, les
rencontres ont eu lieu et, notamment pour ce qui est des manuels, il s'est fait
beaucoup de travail. Pour ce qui est également des langues
vernaculaires, nous avions un programme qui, depuis lors, a peut-être
connu un peu de ralenti, mais qui à ce moment-là a fait l'objet
de beaucoup de travail.
Maintenant, pour l'année qui vient, je pense qu'on pourra
concrétiser un certain nombre d'ententes qui ont été
convenues au cours de l'année écoulée, notamment avec
l'Algérie et le Maroc. Je sais bien que vous pensez peut-être,
d'abord et avant tout, à l'Afrique subsaharienne, mais je me permets
d'évoquer également les possibilités de coopération
qui sont prévues avec l'Algérie parce qu'un très fort
volume d'échanges est prévu dans ce cas-là. On pourrait
faire commencer les échanges, par exemple, au
chapitre des technologies éducatives. C'est une demande de
l'Algérie. Nous pourrons aussi établir des programmes
pluriannuels de recherche scientifique et déterminer - nous allons le
faire dans les mois qui viennent -la "factibilité" de trois grands
projets d'instituts supérieurs que l'Algérie nous a
demandés. De mémoire, il me semble que c'était
l'hôtellerie, la foresterie et le tourisme. Donc, des instituts
supérieurs que nous construirions clé en main et où nous
enverrions également même les spécialistes, les formateurs
de formateurs.
M. Rivest: Les budgets?
M. Morin: Les budgets vont être en grande partie
assumés par l'Algérie elle-même et aussi il y aura une
contribution québécoise.
M. Rivest: Est-ce que vous avez les budgets?
M. Morin: Oui, mais je dois dire que le gros des coûts est
assumé par l'Algérie.
M. Rivest: Oui.
M. Morin: Ils sont prêts à payer dans une large
mesure. Sur le plan gouvernemental, on facilitera les choses et je ne crois pas
que cela entraîne des gros déboursés. Il y a aussi les
entreprises privées qui sont intéressées. Par exemple, la
construction de ces instituts, ce sont des entreprises privées qui vont
l'effectuer et non le gouvernement du Québec.
M. Rivest: Québécoises?
M. Morin: Oui, québécoises. Vraiment, c'est fort
intéressant et c'est là qu'on voit que la coopération
scientifique et technique peut comporter des retombées tout à
fait concrètes d'ordre commercial et économique. Le projet de
tourisme devrait démarrer cette année avec l'accueil d'une
vingtaine de boursiers stagiaires.
J'ai fait allusion au Maroc. Vous saviez que nous avions un vaste
programme, qui avait augmenté d'ailleurs un peu plus vite que nous ne
l'avions prévu, d'accueil d'étudiants marocains. Nous avions fait
une entente avec le Maroc qui dispensait les étudiants de ce pays de
payer les frais de scolarité dans les universités. Nous avions
commencé avec une centaine d'étudiants marocains et, à la
fin, il y en avait presque 2000 après la signature. Oui, 2000
étudiants marocains dans les collèges et universités du
Québec.
M. Rivest: Oui.
M. Morin: Oui. C'était devenu un peu coûteux. Nous
avons donc réexaminé les choses avec les Marocains. Ils sont
venus ici; le ministre de l'Éducation est venu lui-même pour
renégocier cette affaire parce que cela causait du souci. Nous avons
décidé de mettre l'accent désormais sur la formation
d'éducateurs marocains, puis aussi sur l'envoi d'enseignants
québécois au Maroc. On a donc un peu réorienté les
priorités.
De même, avec la Tunisie, nous avons un programme qui sera mis en
marche, un programme de formation d'éducateurs en santé. Cela se
passera au cégep de Limoilou, de célèbre mémoire.
Ce programme va se réaliser avec un prêt dé la Banque
mondiale.
M. Rivest: Le commando du Pif.
M. Morin: C'est intéressant de le signaler, en passant.
Enfin, puisque le député me parle de l'Afrique, M. le
Président, je voudrais signaler que le programme de l'AQOCI,
l'Association québécoise des organismes de coopération
internationale, qui s'occupe des questions internationales, est maintenu au
même niveau pour l'an prochain que pour l'année en cours. De
nombreuses activités de l'AQOCI se déroulent en Afrique et,
notamment, en Côte-d'Ivoire et en Haute-Volta. En Haute-Volta, il y a un
tout nouveau programme, projet de forage de puits. Ce programme va être
mis en chantier cette année. Donc, c'est modeste, mais c'est quand
même très réel, surtout sur le plan
multilatéral.
M. Rivest: En ce qui concerne les activités de l'ACDI et
le protocole que le ministère, je pense, a avec l'ACDI, y a-t-il des
points particuliers que vous voudriez souligner, autant sur le plan des
rapports entre le gouvernement canadien et le gouvernement
québécois que sur les préoccupations des entreprises
privées du Québec qui sont très directement
intéressées aux programmes de l'ACDI?
M. Morin: Oui. Nous avons un certain nombre de programmes en
commun avec l'ACDI en Afrique. Cependant, je dois dire qu'il faut constater
qu'on est en face d'un désengagement. L'ACDI, semble-t-il, est de moins
en moins intéressée à traiter avec nous, même si
c'est nous qui disposons quelquefois des ressources humaines
nécessaires.
M. Rivest: Pourquoi, M. le ministre?
M. Morin: Parce qu'ils semblent vouloir de plus en plus mener
leurs programmes par eux-mêmes, unilatéralement. C'est un sujet de
préoccupation.
M. Rivest: Mais n'y a-t-il pas eu également un sujet de
préoccupation de la
part des entreprises québécoises? Par exemple, je pense
à tout le problème des bureaux d'ingénieurs, compte tenu
des problèmes économiques qu'il y avait ici, compte tenu de la
diminution objective des possibilités de constructions et
d'immobilisations au niveau de tout le secteur public et parapublic. Est-ce que
les rapports que le ministère a eus avec les entreprises, dans le cadre
des programmes de l'ACDI, n'ont pas soulevé à l'occasion un
certain nombre de problèmes? Non?
M. Morin: Pas à ma connaissance, M. le Président,
mais je pourrais me renseigner plus avant. Nos rapports avec les entreprises
québécoises, notamment avec les firmes
d'ingénieurs-conseils, sont excellents.
M. Rivest: Qui va s'occuper d'un programme comme celui-là?
Est-ce M. Landry ou si c'est le ministère?
M. Morin: Non, s'il s'agit de programmes comme ceux auxquels j'ai
fait allusion, par exemple, les centres pédagogiques régionaux au
Maroc où il y a un résidu de programme.
M. Rivest: Non, non. Je comprends cela. Mais la partie
économique?
M. Morin: Non, c'est le ministère des Affaires
intergouvernementales qui traite de ces questions.
M. Rivest: Par exemple, si une firme d'ingénieurs
négocie - comme j'en connais -en Algérie ou ailleurs, au
Sénégal et un peu partout, un contrat d'aménagement
forestier, est-ce qu'elle doit collaborer avec le ministère des Affaires
intergouvernementales ou plutôt s'adresser, pour la dimension
québécoise par rapport à la partie canadienne, au ministre
du Commerce extérieur?
M. Morin: Écoutez, cela dépend de la nature du
projet. S'il s'agit de construire un immeuble appelé à loger un
institut d'hôtellerie, normalement, c'est nous qui allons gérer ce
projet-là. Mais s'il s'agit de questions strictement commerciales,
là, j'imagine que ce sera le Commerce extérieur. Cela
dépend de la nature du projet.
M. Rivest: Oui, mais justement, c'est cela. Est-ce que le
ministère du Commerce extérieur n'a pas non seulement le mandat,
de par sa loi, d'exporter des biens, mais également des services, et des
services professionnels?
M. Morin: Cela dépend, encore une fois, de la nature du
projet. Cela dépend de ce à quoi c'est lié. Dans le cas,
par exemple, des centres pédagogiques régionaux au Maroc, du
développement de l'hôtellerie en Côte-d'Ivoire et du
collège polytechnique et universitaire au Bénin, c'est nous qui
avons géré ces projets.
M. Rivest: Vous allez continuer de les gérer et le
ministre du Commerce extérieur n'aura pas à intervenir
directement là-dedans.
M. Morin: Je ne le pense pas. S'il y a lieu de nous entendre
là-dessus, nous le ferons.
M. Rivest: Bon. Pour l'instant, c'est tout.
M. Morin: Mais je ne le pense pas. Pour l'instant, cela ne pose
pas de difficulté.
M. Rivest: D'accord. Face à l'ACDI, vous avez dit que vous
aviez senti, de la part du gouvernement canadien, une volonté de
désengagement. Enfin, c'est ce que j'ai cru comprendre de votre
remarque.
M. Morin: Oui, car les budgets ont diminué en
1982-1983.
M. Rivest: Est-ce que le Québec... Oui, poursuivez votre
réponse.
M. Morin: J'allais dire que les budgets sont passés
graduellement de 3 300 000 $ à 1 100 000 $; donc, on voit bien qu'il y a
une certaine volonté de désengagement.
M. Rivest: C'est le budget de l'ACDI.
M. Morin: Oui, dans leurs rapports avec le Québec.
M. Rivest: Avec le Québec. Est-ce que cela a
diminué d'une façon générale l'ensemble des
activités de l'ACDI ou si cela vous paraît une diminution plus
marquée en ce qui concerne les projets où le Québec est
associé?
M. Morin: II faudrait que je regarde cela de plus près,
mais j'ai l'impression que les budgets généraux de l'ACDI
n'ont pas diminué tellement. Ils entendent désormais mener
de plus en plus directement leurs programmes, leurs activités.
M. Rivest: Est-ce que vous avez communiqué avec le
gouvernement canadien pour savoir ce qu'il en était au juste?
M. Morin: Nous sommes en contact avec l'ACDI. Si vous voulez, je
peux demander à M. le sous-ministre de parler de nos rapports avec
l'ACDI.
M. Rivest: L'ACDI, oui, mais si vous voulez, M. le sous-ministre,
j'aimerais préciser le sens de ma question. Compte tenu de ce que le
gouvernement du Québec a constaté par rapport aux programmes de
l'ACDI, c'est une chose de constater qu'il y a eu une diminution de la part
québécoise dans les programmes de l'ACDI. Cela en est une autre,
je pense - et c'est la responsabilité du ministre, en particulier, de
souligner sa préoccupation au gouvernement canadien - d'exiger ou de
demander des explications, de voir dans quel contexte' cela se situe. Ce n'est
pas tout de nous dire que la part du Québec a diminué. Il
faudrait qu'on sente que le ministre n'assiste pas passivement à la
diminution de la part du Québec et qu'il ne se contente pas de
protester. Il faudrait prendre l'initiative d'aller voir le gouvernement
canadien pour savoir ce qui se passe, savoir si c'est purement le fait d'une
année budgétaire, s'il y a des moyens de redresser la situation,
faire état des demandes qui sont adressées au Québec,
où le Québec pourrait effectivement participer et associer le
gouvernement canadien pour corriger cette baisse relative. Autrement dit, ce
n'est pas tout de constater qu'à un moment cela diminue. Il faut qu'il y
ait une volonté politique de la part du gouvernement du Québec de
défendre nos intérêts et d'essayer de trouver des formules
nouvelles si besoin est, selon les explications. Mais on est absolument devant
rien.
M. Morin: Vous parlez d'or, M. le député. Je vais
demander à M. le sous-ministre d'apporter quelques détails
supplémentaires.
Le Président (M. Champagne): M.
Claude Roquet, le sous-ministre, à vous la parole.
M. Morin: Merci, M. le Président. Simplement au niveau des
faits, je crois qu'il est exact, parce que nous avons examiné la
situation depuis déjà quelque temps, que, dans nos rapports avec
l'ACDI sur les projets conjoints, on n'a pas eu dans le passé, au cours
des très longues années où nous avons travaillé
avec l'ACDI, à nous faire de reproche, soit technique, soit politique,
sur la façon dont nous avions mené cette coopération.
M. Rivest: Quelle est la part du Québec?
M. Morin: Quelles sommes?
M. Rivest: Oui, dont elle bénéficiait?
M. Morin: C'étaient des coopérations dans
lesquelles l'ACDI utilisait le Québec comme maître d'oeuvre. Le
financement dans ce type de projet est essentiellement fédéral,
mais on demandait au Québec de prendre le même projet souvent
polyvalent, requérant certaines ressources gouvernementales, la
connaissance gouvernementale de gestion, disons, forestière, des
ressources parfois de sociétés d'État et également
du privé. Or, dans ce domaine, il faut constater qu'il y a eu deux
phénomènes. D'une part, il y a plusieurs années, au moins
à ma connaissance quatre ans, le Québec, voyant qu'une
première génération de projets allait s'amenuiser et
s'achever, a entrepris une exploration auprès de l'ACDI en vue de
définir d'autres maîtrises d'oeuvre. Il ne s'agissait pas de
sommes énormes, de toute façon, c'était un niveau de 5 000
000 $ ou 6 000 000 $ par année, bien à l'intérieur des
moyens de l'ACDI. Ces pourparlers ont été menés pendant,
à ma connaissance, au moins un an et demi, mais n'ont pas abouti.
Une deuxième phase a été un certain
non-renouvellement de maîtrise d'oeuvre du Québec dans le cas du
Zaïre. Cela a fait l'objet de commentaires quand cela s'est passé.
Il semble y avoir eu une décision à ce moment à Ottawa. Il
y a eu une décision à Ottawa de ne pas confier au Québec
la deuxième phase d'un projet forestier au Zaïre auquel nous avions
travaillé pendant sept ans. La participation québécoise
à la deuxième phase était demandée par le
Zaïre. Finalement, il y a eu décision de l'ACDI de s'adresser au
privé. C'est encore, d'ailleurs, une décision qui est difficile
à saisir. On s'est adressé à une société
privée de la Colombie britannique à ce moment qui, n'ayant pas de
capacités francophones, a dû plus ou moins sous-contracter au
Québec dans le secteur privé. (23 heures)
Depuis, cependant, il y a eu certains renouvellements, une sorte de
deuxième phase de projets. Donc, nous avons des signaux incertains sur
ce qu'est la politique fédérale dans ce domaine. Pour notre part,
je crois que notre ministre a déjà eu l'occasion de
déclarer publiquement qu'il était tout à fait ouvert
à poursuivre cette coopération. Simplement, nous sommes en fin de
génération pour plusieurs projets et les chiffres chutent
rapidement. Nous n'avons pas de nouvelles ouvertures du côté
d'Ottawa sur des possibilités de nouvelles maîtrises d'oeuvre.
Nous avons, cependant, comme je le dis, conclu certains renouvellements et
négocié un projet modeste conjoint
Canada-Québec-Haute-Volta. L'image est confuse.
M. Rivest: Mais, M. le ministre, compte tenu des informations que
nous transmet le sous-ministre, est-ce que vous ne - peut-être
l'avez-vous fait verbalement ou autrement -jugez pas préférable,
dans ce genre de
difficultés que rencontre le Québec sur le plan
international, dans ce cas, qu'à un moment ou l'autre - vous pourriez
faire une déclaration publique manifestant des inquiétudes compte
tenu des intérêts du Québec - il y ait formellement de
votre part une correspondance ou un écrit ou un état de la
situation qui soit transmis au gouvernement canadien, lui posant d'une
façon très précise les questions que vous soulevez? Je
vous avoue que dans le domaine des rapports entre le gouvernement canadien et
le gouvernement québécois, il n'y a pas... On dirait qu'il y a...
Enfin, peut-être les avez-vous... Peut-être ne demandons-nous pas
assez le dépôt des correspondances et que cela soit
consigné par écrit, de façon que l'Assemblée
nationale comme l'opinion publique puissent suivre l'évolution des
dossiers et savoir exactement quelles sont les prétentions, les
remarques, les propositions nouvelles que le Québec fait.
Si vous l'avez fait, j'aimerais bien en prendre connaissance, voir les
réponses qui vous sont ensuite fournies par le gouvernement canadien. Je
le prends dans ce cas particulier - répondez dans ce cas particulier -
mais aussi, d'une façon générale, il me semble qu'il n'y a
pas de...
M. Morin: II y a très peu d'écrits... M. Rivest:
Vous écrivez peu.
M. Morin: ...parce que cette volonté
d'unilatéralisme fédéral...
M. Rivest: Bien oui, mais...
M. Morin: ...en général n'est pas mise par
écrit. Mais il y a beaucoup de contacts entre fonctionnaires et, pas
plus tard que cette semaine même, je crois, Mme la sous-ministre a
rencontré M. Massé, qui est le sous-ministre de M. MacEachen.
J'ai moi-même demandé à rencontrer M. MacEachen pour faire
le point sur ces problèmes et sur beaucoup d'autres aussi. Il y en a pas
mal.
M. Rivest: Oui. J'allais vous le demander.
M. Morin: II y en a plusieurs, mais je n'ai pas de réponse
encore à mon invitation qui remonte maintenant à combien de
semaines?
Une voix: À la semaine dernière.
M. Rivest: Vous avez raté votre effet.
M. Morin: Non, non. Je m'excuse. Un moment.
M. Rivest: Combien de semaines? La semaine dernière.
M. Morin: C'est cela. Effectivement, la semaine dernière,
nous avons fait un appel téléphonique de rappel, mais dès
mon entrée en fonction, il y maintenant un an et quelques mois, j'avais
demandé à rencontrer le prédécesseur de M.
MacEachen et cela avait traîné. On me disait toujours: Oui, oui,
bien sûr. Et cela n'avait pas eu lieu. Dès que M. MacEachen est
entré en fonction, je lui ai écrit.
M. Rivest: Est-ce que depuis que vous êtes en fonction vous
n'avez pas vu le ministre canadien?
M. Morin: J'ai vu le ministre d'État responsable des
relations extérieures, M. Lapointe.
M. Rivest: Bon.
M. Morin: J'ai eu l'occasion de parler avec M. Lapointe, mais je n'ai
pas encore vu M. MacEachen, même si j'ai appelé cette rencontre de
mes voeux parce qu'il y a effectivement plusieurs questions qui devraient
être traitées et réglées.
M. Rivest: Je vous appuie.
M. Morin: J'en suis conscient; je n'en attendais pas moins de
vous.
M. Rivest: Je trouve que, d'une façon
générale, vous devriez, autant dans le domaine international et
dans le domaine des relations fédérales-provinciales, avoir des
contacts beaucoup plus suivis avec vos homologues du fédéral.
M. Morin: Pour avoir des contacts, c'est comme pour la danse,
n'est-ce pas? En général, sauf pour certaines danses africaines,
cela prend deux partenaires.
M. Rivest: Oui.
M. Morin: N'est-ce-pas? Je n'ose pas pousser ces
métaphores trop loin.
M. Rivest: Et, deuxièmement, une volonté de
collaborer, n'est-ce-pas?
M. Morin: Oui, mais, puisque j'ai pris la peine d'écrire
à mes collègues pour leur dire que je désirais les
rencontrer, c'était parce que j'avais la volonté de les
rencontrer.
M. Rivest: Oui, mais avec tout ce que vous leur dites
quotidiennement, vous ne pensez pas que vous allez les éloigner?
M. Morin: Je pense, M. le Président, que nous
pourrions...
M. Rivest: Parce que votre musique
n'est pas la leur à plusieurs reprises; alors, la danse risque
d'être assez curieuse.
M. Morin: ...renverser la proposition dans la
réalité.
M. Rivest: Oui, je sais que c'est leur faute, etc.
M. Morin: Souvent, je dirais même invariablement les
initiatives unilatérales viennent du niveau fédéral.
M. Rivest: Mais, M. le ministre, pendant que vous dites cela et
que les autres vous disent autre chose, la vie passe et les projets ne se font
pas. Qui paie la facture?
M. Morin: Ne tenez pas pour acquis qu'il ne se fait rien.
M. Rivest: Non, non. Je sais qu'à Ottawa il y a beaucoup
de choses qui se font.
M. Morin: Au contraire, avec l'Algérie, avec le Maroc, les
choses vont bon train. Parce que ces États ont des besoins, ils sont
venus nous en parler et nous sommes en mesure de les aider.
M. Rivest: Je connais - peut-être que le ministre a des
chiffres - par exemple, simplement dans le domaine de l'ingénierie,
l'action extrêmement dynamique de plusieurs grandes firmes
d'ingénieurs sur le plan international. Quand vous causez avec ces
gens-là - souvent j'accorde, personnellement, beaucoup d'importance aux
déclarations des ministres québécois comme des ministres
du gouvernement canadien sur ceci et cela dans le domaine international - vous
voyez qu'il y a des choses qui se font complètement en dehors. Vous
savez, les grandes firmes d'ingénieurs n'aiment pas beaucoup aller
s'immiscer dans une querelle. Vous passez votre temps à faire des
déclarations - quand je dis "vous", j'inclus vos collègues
d'Ottawa - dans les journaux: ceci, cela, voilà, on diminue, c'est
l'ACDI, etc. Mais les firmes d'ingénieurs sont...
M. Morin: M. le Président, ce n'est pas vrai. Je m'excuse,
mais c'est vous qui à l'instant m'invitiez à rendre tout cela
public et à faire du fracas avec cela.
M. Rivest: Non, à écrire, à vous rendre
à Ottawa s'il le faut...
M. Morin: Oui.
M. Rivest: ...à envoyer vos gens entretenir des rapports
normaux avec vos homologues fédéraux. C'est à cela que je
vous invite.
M. Morin: Ce n'est pas cela que vous disiez tout à
l'heure. M. le Président, tout à l'heure, le député
m'invitait à faire de l'esclandre.
M. Rivest: Ah non! Ah non! Moi qui suis un homme
réservé, M. le Président, jamais je ne vous inviterais
à faire de l'esclandre.
M. Morin: Rendez cela public, enfin. Je vous prends en flagrant
délit de contradiction.
M. Rivest: Non, non, moi, je participe encore à la notion
du fédéralisme rentable, n'est-ce pas? Le
fédéralisme rentable ne se nourrit pas d'esclandres. Il se
nourrit d'un examen objectif des dossiers, d'une défense sereine et
ferme des intérêts du gouvernement québécois de
façon que les choses marchent sans trop se préoccuper de savoir
si c'est le ministre canadien ou le ministre québécois qui va
aller planter son "flag" sur la réalisation qu'on aura faite.
D'accord?
M. Morin: Enfin, cette confession ne vous voudra pas l'absolution
pour vos propos antérieurs que j'ai bien compris.
M. Rivest: M. le Président, je pense bien que vous avez
écouté objectivement mes propos antérieurs. Je suis
sûr que vous n'avez rien entendu de ce que le ministre m'attribue.
Le Président (M. Champagne): Je n'ai pas à
intervenir sur les qualificatifs qui ont été employés de
part et d'autre.
M. Rivest: Cela prend un arbitre dans un débat, M. le
Président.
Le Président (M. Champagne): Alors, si vous voulez revenir
à la discussion sur les crédits, tout ira bien.
M. Rivest: On discute des crédits là. Alors, pour
ce qui est de l'ACDI, vous allez voir le ministre, j'espère.
M. Morin: Eh bien, je l'ai demandé, mais, comme je vous le
disais...
M. Rivest: Je peux vous aider. Je vais appeler à Ottawa et
je vais leur dire...
M. Morin: ..."it takes two to dance".
M. Rivest: ...Acceptez donc de le voir, cela va lui faire
plaisir. On peut faire cela. On parle aux deux. On est coincé entre les
deux.
M. Morin: Nous nous parlons aussi, mais
c'est plus difficile de se voir. M. Rivest: Pardon?
M. Morin: Nous nous parlons, mais c'est plus difficile d'arriver
à se voir et à traiter des problèmes. Enfin,
j'espère que cela pourra se faire, tout de même, assez
rapidement.
M. Rivest: II faudrait qu'il y ait une rencontre entre vous et le
ministre fédéral. Je pense que cela s'impose.
M. Morin: Vous le souhaitez vivement? M. Rivest: Oui.
M. Morin: Vous me touchez. J'en tiendrai compte.
M. Rivest: Pardon?
M. Morin: J'en tiendrai compte.
M. Rivest: Oui. J'espère que vous n'utiliserez pas cette
rencontre pour, encore une fois, dire tout le mal que vous pensez du
gouvernement canadien.
M. Morin: Tout dépend de ses agissements.
M. Rivest: J'espère que vous irez dans un esprit positif,
de façon à arriver à régler un certain nombre de
problèmes.
M. Morin: Tout dépendra de son attitude.
M. Rivest: Ah, grands dieux, quel chamaillage!
M. le Président, pour ce qui est de l'ACDI, alors allez-vous
communiquer ou si vous attendez votre visite? Je voudrais le savoir. Cela
m'inquiète, la diminution des budgets.
M. Morin: Oui, eh bien, les fonctionnaires se parlent...
M. Rivest: Oui.
M. Morin: ...déjà, mais je pense que cela a atteint
maintenant les proportions d'un problème politique. C'est pour cela que
j'ai demandé à voir mon collègue.
M. Rivest: II faut que cela passe au niveau ministériel.
Lors de votre rencontre, vous allez discuter de cela?
M. Morin: Oui.
M. Rivest: Très bien.
M. Morin: De cela et d'autres choses, mais de cela en
particulier.
M. Rivest: Quelles seront les autres choses en particulier?
M. Morin: Par exemple, les visites de dignitaires
étrangers au Québec.
M. Rivest: On n'a jamais eu ces problèmes, nous. Le
premier ministre britannique venait, on le recevait. Personne ne nous mettait
de bâtons dans les roues. Comment se fait-il qu'ils vous font cela
à vous? Je trouve que vous êtes bien malheureux.
M. Morin: C'est une bonne question.
M. Rivest: Oui. Nous, nous n'avons jamais eu de
problèmes.
M. Morin: C'est une très bonne question.
M. Rivest: Tous ceux qu'on a demandé à voir
lorsqu'on savait qu'un personnage important venait d'un autre pays, on les
recevait avec tous les égards. On n'avait pas de problèmes avec
les visiteurs. Je ne sais pas ce qui se passe.
M. Morin: II faut croire que, à cette époque, le
gouvernement du Québec acceptait un certain nombre de contraintes que,
depuis lors, il n'accepte pas.
M. Rivest: Non, on les voyait. C'est vous qui acceptez les
contraintes, vous ne les voyez pas.
M. Morin: Non, justement, nous n'acceptons pas certaines
contraintes. C'est pour cela que, dans un cas, il y a eu une visite qui a
dû être annulée. Dans les autres cas, je dois dire que, au
contraire, cela s'est arrangé grâce, généralement,
à l'insistance de nos visiteurs étrangers qui ont insisté
pour venir au Québec et nous rencontrer. Autrement, la politique
à laquelle j'ai fait allusion ce matin dans mon exposé, cette
politique d'isolement graduel du Québec, s'applique.
M. Rivest: Cela ne s'appliquait pas. C'est la seule chose que je
ne comprends pas. On n'a jamais senti cela.
M. Morin: II faut croire que le...
M. Rivest: On a toujours reçu les gens qu'on voulait
recevoir.
M. Morin: ...Québec est une société qui
évolue...
M. Rivest: Je pense qu'on les a reçus convenablement.
M. Morin: ...une société qui veut se prendre en
main.
M. Rivest: Et puis...
M. Morin: Cela provoque sans doute des objections du gouvernement
fédéral.
M. Rivest: Pour l'instant, se prendre en main, si vous ne
réussissez pas à faire ce que vous avez à faire comme
gouvernement...
M. Morin: Nous réussissons tout de même, puisque,
comme je vous l'ai dit, nos visiteurs étrangers insistent pour venir. Je
pourrais vous donner des exemples récents.
M. Rivest: Comme?
M. Morin: Vous étiez, d'ailleurs, peut-être
même présent lorsque nous avons reçu à dîner
M. Papandreou...
M. Rivest: Oui.
M. Morin: ...et M. Karamanlis et d'autres encore, le
président Touré, de Guinée. Nous les avons
reçus.
M. Rivest: Je suis allé rencontrer... M. Morin:
Vous étiez présent.
M. Rivest: ...le premier ministre en Grèce, en 1974,
1975.
M. Morin: Oui.
M. Rivest: Franchement, il n'y a pas eu de problèmes. Ils
n'ont pas eu à insister pour ceci et cela. Les choses se sont faites
normalement. Je ne vois pas pourquoi vous avez tellement de difficulté.
Je ne sais pas si vous le voyez.
M. Morin: Je pense que nous sommes dans une phase un peu
spéciale de la part du gouvernement d'Ottawa.
M. Rivest: Oui, la confiance n'y est pas.
M. Morin: Une phase unilatérale.
M. Rivest: Non, la confiance n'y est pas. J'insiste et je me
permets de souligner que c'est bien joli tout cela, mais que, finalement, c'est
le Québec qui paie entre-temps.
M. Morin: Non, parce que nous arrivons tout de même...
M. Rivest: Dans ce domaine comme dans les autres.
M. Morin: ...à maintenir des choses.
M. Rivest: Tout le monde se suspecte des pires intentions.
Finalement, les choses ne se font pas. Comme M. Parizeau le disait, c'est le
coût du chamaillage entre Québec et Ottawa.
M. Morin: Non.
M. Rivest: C'est le ministre des Finances qui l'a
déclaré.
M. Morin: M. le Président, il faudrait clarifier cela. Il
y a certainement du vrai dans ce que dit le député, en ce sens
qu'il est plus difficile de s'entendre entre gens qui diffèrent
d'opinion sur la nature du pays. Du temps où vous étiez aux
Affaires intergouvernementales, vous ne remettiez pas en cause un certain
nombre de comportements que nous avons décidé de remettre en
cause.
M. Rivest: Oui, mais...
M. Morin: Vous acceptiez, je pense, beaucoup plus servilement un
certain nombre de contraintes que nous n'acceptons pas. C'est peut-être
cela l'explication.
M. Rivest: L'explication n'est nullement dans la servilité
de ceci et cela. L'explication est que la population du Québec n'accepte
précisément pas les ambitions politiques que vous avez. Je pense
qu'il y a eu un 20 mai dont vous devriez vous souvenir.
M. Morin: Mais, j'étais, l'autre jour...
M. Rivest: C'est la population du Québec.
M. Morin: ...l'hôte du ministre des Affaires
étrangères de Djibouti qui nous faisait observer que Djibouti,
avant d'accéder à l'indépendance, a connu trois
référendums. J'ose espérer que nous n'aurons pas à
aller aussi loin que cela. Je pense que le député ne sait pas
où cela se trouve.
Le Président (M. Champagne): C'est vous qui
défendez les crédits, vous n'avez pas le droit de poser de
questions.
M. Rivest: Exactement, M. le Président, je vous remercie
de venir à ma rescousse.
M. Morin: II y a un dictionnaire quelque part. (23 h 15)
M. Rivest: Non, non, cela n'a aucun
rapport avec Djibouti.
M. le ministre, cela va pour la dimension internationale. Maintenant,
cette introduction m'amène aux affaires canadiennes, à nos
affaires chez nous, au Canada.
M. Morin: Bien.
Relations entre les gouvernements canadien et
québécois
M. Rivest: J'ai lu les notes que vous nous avez transmises. Ce
qui m'a frappé dans l'ensemble des points d'importance inégale,
c'est qu'il n'y a pas beaucoup d'initiatives de la part du gouvernement du
Québec afin d'articuler, de développer des rapports entre le
gouvernement canadien et le gouvernement québécois. C'est
constamment une espèce de réaction systématique, un
chapelet des difficultés que rencontre le Québec dans ses
rapports avec le gouvernement canadien. Évidemment, on prend bien soin,
dans ce document-là, comme dans les discours du gouvernement dans ce
domaine, de mentionner les choses qui vont bien. On ne sait pas pour quelle
raison vous ne les mentionnez pas. Il me semble qu'on aurait le droit de savoir
exactement les choses qui se font, qu'elles aillent bien ou non. Mais, toute
l'énumération est, finalement, une énumération de
problèmes qui défraient l'actualité: S-31, F-18, La
Prade.
M. Morin: Vous ne voulez pas entendre parler de ces
questions-là?
M. Rivest: Je voudrais qu'on fasse le point sur ces
dossiers-là et aussi sur d'autres. Par exemple, dans le domaine
économique, le gouvernement a publié un document qui s'appelle Le
virage technologique dans lequel il est dit que dans un certain nombre de
domaines: le développement des exportations et tout ce qu'il y avait
là-dedans, la science, la technologie, plusieurs des projets qui
seraient inspirés du document appelaient une collaboration du
gouvernement canadien parce que celui-ci intervient dans ces domaines. Je
voudrais demander au ministre si, au niveau du ministère des Affaires
intergouvernementales, en ce qui concerne la mise en oeuvre du virage
technologique, il y a, quelque part dans un document, un ensemble de
propositions qui, d'une part, définissent et déterminent les
projets que le gouvernement du Québec a pour ses fins propres et qui ont
une dimension fédérale. Est-ce que ces projets ont
été, d'une façon systématique,
présentés dans un document pour être transmis au
gouvernement canadien?
M. Morin: Dans plusieurs secteurs qui intéressent le
développement économique et le développement scientifique
aussi, nous avons eu des contacts avec le gouvernement fédéral.
Mon collègue du ministère de la Science et de la Technologie a
des contacts, même très fréquents, avec son homologue,
comme moi-même j'en avais avec le prédécesseur de son
homologue fédéral, pour tenter d'intéresser le
gouvernement fédéral à un certain nombre de projets dans
la recherche scientifique au Québec. Il y a eu même - vous vous en
souviendrez - des projets considérables auxquels Science et Technologie
s'est intéressé, par exemple le Centre international des
biotechnologies. On est à cheval sur l'interne et l'externe, à
vrai dire.
M. Rivest: C'est comme l'ONUDI.
M. Morin: Non. Hélas, on va être obligés, je
pense, d'agir seuls parce que le gouvernement fédéral a
décidé de ne pas présenter la candidature de
Montréal devant l'ONUDI qui est l'organisation internationale dont le
siège est à Vienne et qui est responsable de ce programme. Donc,
constamment on essaie d'intéresser les fédéraux à
appuyer des projets, à les faciliter.
On me signale, justement, qu'il y a eu deux rencontres des ministres
responsables de la Science et de la Technologie. La première, à
l'été 1982, a permis à M. John Roberts et à M.
Gérald Godin, qui m'avait succédé justement au
Développement scientifique, de passer en revue des sujets
d'intérêt commun. Par la suite, il y a eu des changements
importants dans les responsabilités à Ottawa et une
deuxième rencontre a eu lieu en février 1983 - c'est donc assez
récent - entre les nouveaux titulaires du portefeuille,
c'est-à-dire Gilbert Paquette au Québec et Donald Johnston au
niveau fédéral.
Dans ce secteur de la science et de la technologie, puisque vous y avez
fait allusion - je ne dis pas que c'est le seul...
M. Rivest: Je commence par celui-là.
M. Morin: ...mais commençons par celui-là parce que
c'est un des plus intéressants à l'heure actuelle - les
dépenses du gouvernement fédéral sont inférieures
à ce qu'elles devraient être. J'ai moi-même fait effectuer
une recherche dont vous avez peut-être vu les résultats, quand
j'étais au Développement scientifique: le Québec
reçoit 16% - de façon plus précise, c'était 15,6%
-des dépenses totales fédérales dans le secteur de la
science et de la technologie contre plus de 50% - si ma mémoire est
exacte, le chiffre était 52% - en faveur de l'Ontario et 31% pour le
reste du Canada.
Le gouvernement fédéral dans ce dossier comme dans
beaucoup d'autres - c'est une tradition qui existe depuis plusieurs
années - préfère traiter directement avec les citoyens et
les organismes impliqués, sans consulter les gouvernements des
provinces. Ce n'est pas le Québec qui fait l'objet d'une discrimination
particulière. Le comportement du gouvernement fédéral dans
ce domaine-là est le même pour toutes les provinces. Il est
bête avec tout le monde - c'est un fait -sauf que c'est ici que les
pourcentages se sont le plus effondrés. C'est une vieille affaire qu'on
tente maintenant de corriger. John Roberts, qui était à ce
moment-là ministre chargé des Sciences et de la Technologie,
avait indiqué, le 28 avril 1982, qu'il souhaitait élaborer des
programmes nationaux de concert avec les industries et les universités,
court-circuitant en quelque sorte les gouvernements des provinces. Le
gouvernement fédéral a toujours estimé que, dans ce
secteur-là, il lui appartient d'élaborer des objectifs nationaux,
de les financer directement, de les coordonner, même dans les
universités, ce qui explique la situation dans laquelle s'est
retrouvé le Québec.
Du côté québécois maintenant,
l'énoncé d'orientation et le plan d'action pour la mise en oeuvre
de la politique québécoise de développement scientifique -
ce qu'on appelait un projet collectif - qui date de 1980, soulignaient la
responsabilité première du Québec en matière de
développement scientifique, de gestion des ressources humaines dans ce
secteur et d'arrimage de la recherche aux priorités économiques,
aux priorités sociales et culturelles du Québec. Les moyens
utilisés pour amener le gouvernement fédéral à
respecter les compétences du Québec et à augmenter la part
de ses dépenses n'ont malheureusement pas - je pense que c'est le moins
qu'on puisse dire - donné les fruits attendus. Le Québec a donc
décidé d'agir, lui aussi, de son côté puisqu'il ne
venait rien d'Ottawa. On a créé ce Secrétariat à la
science et à la technologie, le SST...
M. Rivest: Quand?
M. Morin: Le secrétariat remonte à 1980, 1981. C'est
à peu près cela. J'en ai été rendu moi-même
responsable peu après, en 1981. Ce secrétariat nous a permis de
nous donner une idée beaucoup plus précise de l'état de la
recherche au Québec et de l'état de nos besoins en matière
de science et de technologie. Le ministère des Affaires
intergouvernementales et le secrétariat en question ont commencé
à travailler ensemble pour définir une stratégie à
l'endroit des fédéraux. D'abord, une stratégie pour faire
connaître les choses. Vous vous souviendrez que, lorsque j'étais
moi-même responsable du développement scientifique, j'avais fait
paraître un certain nombre de chiffres choc dont les 15,6% que je
mentionnais tout à l'heure et les 52% en Ontario. Malheureusement, je
dois constater que cela n'a pas donné grand chose parce que les
fédéraux pensent toujours qu'ils sont plus aptes que nous
à régler les problèmes de développement
scientifique au Québec, ce qui n'est, évidemment, pas le cas.
Nous avons convenu d'adopter une approche essentiellement pragmatique
fondée sur la réalisation de projets concrets, concertés
avec les entreprises et les chercheurs québécois. Dans le domaine
des biotechnologies, cela a donné - vous vous en souviendrez - tout un
programme d'action.
M. le sous-ministre me signale également qu'on a tenté de
faciliter les choses aussi, même à l'occasion, au gouvernement
fédéral, pourvu qu'il fasse des choses au Québec. On me
signale qu'on a fait des décrets d'exception. Vous savez que, souvent,
pour pouvoir agir au Québec, il faut le consentement du gouvernement par
le truchement des Affaires intergouvernementales. Nous avons créé
des catégories d'ententes pour lesquelles il n'est pas nécessaire
d'obtenir l'accord des Affaires intergouvernementales: pour les
universités, etc.
M. Rivest: Entre autres. Si vous me permettez une question, M. le
ministre, dans le domaine de la recherche scientifique - je prends cet exemple,
mais on pourrait en prendre d'autres - tout le monde a convenu, effectivement,
que le Québec n'a jamais eu, surtout sur une longue période, la
part qu'il aurait dû avoir du gouvernement fédéral. Les
raisons ne sont pas uniquement politiques, ce sont des raisons qui remontent
loin. Le développement de nos institutions, le degré de
scolarisation, le nombre de chercheurs, l'orientation de notre politique de
l'éducation dans les années cinquante faisaient qu'on avait un
retard collectif, pour toutes sortes de raisons historiques dont il faut faire
état dans ce domaine. Le développement...
M. Morin: Le "old boys' network" entre l'Ontario et le
gouvernement fédéral.
M. Rivest: Oui, un paquet de facteurs de politique
fédérale mais il y a aussi eu des politiques proprement
québécoises, dont on porte la responsabilité, et des
carences dans notre propre administration. On pourrait prendre l'exemple
municipal, mais on n'aura pas le temps de tout examiner. Ce qui est très
important dans ce domaine, c'est qu'il y a des sommes d'argent du gouvernement
fédéral qui sont disponibles. D'un côté, on doit
obtenir notre juste part de ces sommes, on en convient volontiers, et il faut
le dire quand on ne l'a pas. Je suis parfaitement
d'accord pour qu'on le dise et qu'on défende ce point. Ce qui est
très important aussi, c'est qu'on définisse nous-mêmes nos
priorités, par exemple, dans le domaine de la recherche
universitaire...
M. Morin: Vous avez tout à fait raison.
M. Rivest: ...pour les vocations particulières. Est-ce que
le ministère de l'Éducation, pour une université ou un
département d'université, a émis un document
établissant des subventions à la recherche dans le milieu
universitaire pour dire que l'Université de Montréal fait tel
type de recherche, que l'Université du Québec fait tel autre
chose, que l'Université McGill et que l'ensemble des institutions
québécoises ont cette vocation dans le domaine de la recherche?
Est-ce que cela a été défini et déterminé
par le gouvernement québécois pour que les sommes d'argent qui
sont disponibles du gouvernement fédéral respectent ces
vocations?
Je le dis d'autant plus que le problème qui existe dans le
domaine municipal est analogue. Par exemple, je pense qu'au moment où on
a négocié les travaux d'hiver, les programmes RELAIS ou d'autres
choses, c'était le danger de l'exercice du pouvoir de dépenser
par le gouvernement fédéral. Bien sûr, les
municipalités, les universités ou les organismes sont toujours
intéressés à recevoir de l'argent. Qui ne serait pas
intéressé? Mais le danger est qu'à l'occasion ils prennent
ces sommes pour faire des choses qui ne correspondent pas aux priorités
ou au plan général de développement que le gouvernement du
Québec doit suivre de concert avec les organismes.
Dans le domaine de la recherche, est-ce qu'il existe quelque part un
document -c'est très facile à transmettre au gouvernement
canadien - qui dirait: Si vous avez de l'argent disponible pour
l'Université de Montréal dans le domaine de la recherche
scientifique, c'est pour faire ceci; si vous avez de l'argent disponible pour
d'autres organismes gouvernementaux ou paragou-vernementaux, c'est pour faire
cela? Ce serait un type d'intervention par lequel on pourrait arrimer
l'initiative fédérale à l'initiative
québécoise. Je ne pense pas que cela fasse tout un plat et les
ministres pourraient beaucoup mieux s'entendre. Le problème, c'est quand
on arrive avec de l'argent et que rien n'est établi, comprenez-vous.
M. Morin: Le malheur est que votre schéma est plutôt
théorique. Dans la réalité, le gouvernement
fédéral n'entend pas procéder de cette façon.
M. Rivest: Bien voyons; Pourquoi dépenserait-il de
l'argent...
M. Morin: Non, c'était comme cela sous les gouvernements
antérieurs et ça n'a pas tellement changé.
M. Rivest: Dans le domaine municipal...
M. Morin: II entend définir lui-même les
priorités. (23 h 30)
M. Rivest: ...quant au programme des travaux d'hiver dans les
années soixante-dix, il a respecté le fait que ce soit le
gouvernement du Québec qui donne son approbation et qui dise: Non, dans
telle municipalité, vous ne construirez pas. Je vais prendre un exemple
concret et vraiment très terre à terre, un exemple qui me vient
à l'esprit. Le gouvernement fédéral voulait donner de
l'argent à une municipalité pour construire un garage pour une
pompe à incendie. La politique du ministère des Affaires
municipales était de dire: Non, ce sont deux petites
municipalités, vous ne construirez pas cela parce que vous allez vous
doter d'un service d'incendie en commun. C'était cela, la politique.
Quand l'argent est venu, l'implantation du garage a respecté les
priorités qui avaient été définies par le
ministère des Affaires municipales. C'est ce genre d'arrimage qu'il est
possible de faire, il me semble, en tout cas.
M. Morin: En tout cas, nous allons certainement faire un
très grand effort pour y parvenir. La création du
secrétariat au développement scientifique, puis maintenant la
venue d'une loi-cadre de la recherche scientifique que nous sommes sur le point
d'adopter à l'Assemblée nationale vont faciliter la mise en place
de ce dispositif.
M. Rivest: Mais elle n'est pas là et on en est loin.
M. Morin: II existe depuis quelques années, ce
secrétariat, sauf que, lorsqu'il a rencontré les
fédéraux, c'était en général qu'ils
voulaient savoir quels étaient nos projets.
M. Rivest: Oui.
M. Morin: II n'y a pas eu de suite.
M. Rivest: Est-ce que vous avez pu leur transmettre vos
projets?
M. Morin: La seule façon de se faire entendre, c'est de
savoir où on va soi-même et, à la limite, de le financer
soi-même. C'est cela que le gouvernement du Québec fait depuis
quelques années, à commencer par le fonds FCAC qu'il a
été obligé d'organiser lui-même. En plus de payer
nos taxes à Ottawa, il faut nous cotiser nous-mêmes pour faciliter
la recherche dans les universités.
Vous le savez comme moi. Si l'argent ne vient pas des
fédéraux, il faut bien en trouver. Qu'on ne vienne pas me dire
que nous n'avons pas maintenant des chercheurs.
M. Rivest: De plus en plus.
M. Morin: On en a de trop, des chercheurs...
M. Rivest: Oui.
M. Morin: ... et dans tous les domaines. Le problème,
c'est de financer leurs recherches. Là, c'est curieux, les pourcentages
ne s'améliorent pas. Donc, il ne faudrait pas penser qu'on est
condamné perpétuellement à être ignorant. Mais le
malheur, c'est que les institutions fonctionnent contre nos chercheurs comme
elles fonctionnent, à notre avis, systématiquement dans tous les
domaines, avec quelques exceptions de temps à autre quand cela devient
trop criant, contre les intérêts du Québec.
On va quand même essayer d'intervenir avec le secrétariat,
avec le nouveau ministère de la Science et de la Technologie. Je ne veux
pas parler pour mon collègue. Il a indiqué que le gouvernement
mettrait l'accent sur les secteurs porteurs d'avenir, avec une priorité
plus immédiate à l'informatique et aux biotechnologies. J'avais
moi-même commencé à rédiger un programme dans le
domaine des biotechnologies qui se développent à l'heure
actuelle, puis on a raccroché cela à la coopération
franco-québécoise. On a mis de l'argent et maintenant cela
fonctionne. On va peut-être arriver à des résultats,
quoique dans des domaines de recherche aussi fondamentale cela prend
quelquefois du temps avant qu'on atteigne des résultats, des
découvertes. Donc, il va tenter de régler les problèmes.
Des projets précis vont être soumis au gouvernement
fédéral. Le tout est commencé. Je ne l'ai pas
mentionné tout à l'heure, mais j'ai déjà
rencontré M. Roberts pour tenter de régler ces problèmes.
M. Roberts était surtout intéressé à savoir quels
étaient nos projets pour essayer ensuite, sans doute, de nous les
subtiliser.
M. Rivest: Bien oui.
M. Morin: Ce n'est pas très agréable de travailler
avec les fédéraux. Ils ne pensent qu'à agir
unilatéralement.
M. Rivest: Je le sais, mais vous êtes pris pour travailler
avec eux, qu'est-ce que vous voulez, et eux sont pris pour travailler avec
vous! II me semble qu'il y aurait moyen d'être beaucoup plus pratique et
fonctionnel et très simple.
M. Morin: Je voudrais bien qu'ils soient de cet avis, mais ce
n'est pas toujours le cas. Dans les prochaines semaines, nous allons tenter de
préciser notre politique de relations
fédérales-provinciales dans le domaine de la recherche
scientifique. Vous parliez, il y a un instant, du virage technologique. Sa mise
en oeuvre aura aussi des répercussions sur les activités des
bureaux, des délégations du Québec, de même que sur
les activités administratives.
M. Rivest: Je comprends que les maisons du Québec et la
dimension internationale, cela va être important, sur les marchés,
etc. Vous savez très bien que, dans le domaine de la technologie, dans
le domaine économique, votre premier devoir, c'est de mettre les
ressources fédérales qu'on paie de nos taxes avec les ressources
proprement québécoises. Il me semble que votre priorité,
ce serait d'arrimer cela ici au Québec et au Canada, en tout cas
jusqu'à nouvel ordre, avant de penser à aller prolonger cela sur
le plan international... Quand vous allez arriver dans le virage technologique
pour l'exportation, entre autres, des nouveaux produits, qu'est-ce que vous
voulez, le grand problème, c'est que c'est bien beau, le virage
technologique, mais qu'il n'y a aucune espèce d'étude de
marchés. La grande faiblesse du document, enfin les critiques qu'on lui
a adressées, c'est qu'on a fait faire un virage technologique et on a
dit: On va faire ceci, cela dans les domaines de pointe, mais on ne s'est pas
inquiété pour savoir quel était le marché qui
était disponible. Vous devez très bien savoir que, même
dans le domaine international avec les entreprises qui vont s'engager
là, vous allez avoir le gouvernement canadien encore qui opère
via les ambassades, etc., et qu'il y a des efforts à faire là.
Qu'on ne reçoit pas notre part comme il faut, qu'ils ne travaillent pas
assez bien, tout cela, ce sont des problèmes auxquels vous devez faire
face. Mais le gros des politiques et des initiatives que vous allez prendre sur
ce plan, vous allez devoir le faire avec le gouvernement fédéral.
De là viendra leur succès ou leur insuccès.
M. Morin: Je ne suis pas du même avis. Il faut tenter de
s'entendre avec les fédéraux. On le fait constamment, on essaie
par tous les moyens.
M. Rivest: Vous ne réussissez pas souvent.
M. Morin: Le gros de nos succès viendra de
nous-mêmes. Quand c'est nous qui décidons et quand c'est nous qui
finançons, on est sûr d'aboutir à quelque chose. Autrement,
on se ramasse avec des promesses. Ce n'est pas qu'on n'a pas tenté.
Les biotechnologies, ce qu'on n'a pas fait pour tenter de se mettre
d'accord sur une politique d'ensemble avec les fédéraux. On l'a
vu et revu. Tout ce qui les intéressait, c'était d'agir
unilatéralement. Là, ils viennent d'annoncer je ne sais pas
combien de millions pour un centre de biotechnologie à Montréal.
Seulement, ce n'était pas ce qu'on voulait. On voulait dans le cadre de
l'ONUDI un centre international qu'ils auraient pu aider à financer. Ils
ont décidé qu'ils veulent un centre national. Ils ne veulent pas
coopérer avec les autres pays. Finalement, on sera peut-être
obligés de faire le centre international nous-mêmes, à nos
frais.
M. Rivest: Je sais qu'il y a ces difficultés.
M. Morin: C'est la seule façon d'obtenir des
résultats.
M. Rivest: Ce que je veux vous dire, c'est qu'il y a des coins
où cela marche. Je voudrais les retrouver dans vos
préoccupations. On a souvent donné cet exemple. Vous donnez les
F-18, le centre des biotechnologies, d'autres choses qui ne marchent pas.
M. Morin: N'allez pas dire que le F-18, cela marche.
M. Rivest: Prenez, par exemple, l'investissement de Bombardier,
une entreprise québécoise, des "jobs" québécoises.
Comment se fait-il que cela a marché? Comment se fait-il que là
le gouvernement canadien n'a pas été méchant, cruel et
bête, comme vous l'avez indiqué tantôt, selon votre
expression, et qu'il y a une chose québécoise qui a
marché? Comment se fait-il que cela a fonctionné? C'est dans le
domaine de la technologie et de l'industrie de pointe.
M. Morin: Prenons ce cas.
M. Rivest: Comment se fait-il que ça marche dans certains
cas et que ça ne marche pas dans d'autres?
M. Morin: Cela marche pour Bombardier parce que les
fédéraux se sont occupés du projet de métro de New
York. Mais dans le TGV d'Orlando à Tampa, c'est le Québec qui a
fait les ouvertures et qui a amené avec lui les gens de Bombardier
rencontrer le gouverneur de Floride. C'est un projet québécois.
S'il marche, ce sera un projet québécois comme le projet du
métro à New York, c'était un projet
fédéral.
M. Rivest: Je peux vous en raconter. Pour les bateaux en
Colombie, l'ambassade du Canada, avec Marine Industrie, avait fait à peu
près toutes les démarches et là il y a une mission
québécoise qui y est allée. Parlez-vous, grands dieux.
C'est une dépense d'énergie qui a été
complètement inutile, enfin, qui a embarrassé un peu tout le
monde, mais il fallait faire la parade politique dans un domaine comme
celui-là. C'est cela que je demande au ministre d'essayer, au moins,
d'avoir comme préoccupation. Je comprends ces difficultés
politiques et on ne les éliminera pas, j'en ai la conviction. Sauf que
je ne veux pas - et je pense bien que l'ensemble des Québécois ne
le souhaite pas - que cela aboutisse à paralyser des choses qu'on doit
faire entretemps. C'est cela qui est ma préoccupation.
M. Morin: C'est sûr. Encore une fois, si le bon conseil que
me donne le député, c'est de tenter d'aboutir, je pense qu'on le
fait déjà. Je pourrais donner des centaines d'exemples.
Malheureusement, il n'y a pas, du côté fédéral,
d'attitude d'ouverture qui consiste à dialoguer, à tenir compte
des priorités québécoises. Ils se sont mis dans la
tête maintenant qu'eux connaissent cela, que le gouvernement du
Québec ne connaît pas cela et que c'est à eux de
décider. Si on veut bien s'arrimer à eux par la suite, à
titre d'exécutants, cela marche. Mais nous consulter, tenir compte de
nos priorités, de notre planification, pas question de cela.
Écoutez, cela fait partie de la dynamique globale de la
société québécoise.
M. Rivest: Mais non, il y a eu des époques et il y a eu
des dossiers où cela n'a pas été le cas.
M. Morin: Oui, effectivement, et même sous notre
gouvernement.
M. Rivest: Vous avez réussi à l'occasion.
M. Morin: À l'occasion, bien sûr, on a réussi
à s'entendre, mais c'était surtout avant le
référendum. Je dois dire que vous ne nous avez pas rendu un bon
service à ce moment.
M. Rivest: Ce n'est pas nous. C'est la population du
Québec.
M. Morin: Ce n'est pas vous, mais c'est vous qui avez
plaidé pour le non.
M. Rivest: La population du Québec n'a pas besoin des
plaidoyers de Jacques-Yvan Morin et de Jean-Claude Rivest pour se faire une
idée.
M. Morin: Attention! Cela peut être tout à fait
déterminant, quoi qu'on dise, ce débat.
M. Rivest: Mon Dieu, quelle importance vous nous donnez!
M. Morin: II faut se donner les uns aux autres une importance. Si
on avait pu se mettre d'accord, je pense qu'on ne serait pas là
où on en est. Vous savez, quand on commence par se saborder
soi-même, ensuite il ne faut pas s'étonner que les autres...
M. Rivest: C'est la population du Québec qui a fait
cela.
M. Morin: Bien oui, mais on s'est aidé. Les hommes
politiques de votre formation en particulier ont une lourde...
M. Rivest: Pourquoi est-ce tout le temps nous qui sommes les
méchants dans l'affaire? Vous n'avez que des vertus?
M. Morin: Ce n'est pas ce que je prétends.
M. Rivest: Ah bon!
M. Morin: Mais vous savez très bien le rôle que vous
avez joué dans le référendum. Cela restera une tare
historique que vous devrez porter très longtemps.
M. Rivest: Ah, mon Dieu! Allons donc! Allons donc! On verra
où est la tare.
M. Morin: On verra.
M. Rivest: Je voudrais que le ministre me parle un peu des
accords de développement, n'est-ce pas, des ententes de
développement...
M. Morin: Oui.
M. Rivest: ...entre le gouvernement fédéral et le
gouvernement québécois, entre autres.
M. Morin: Oui. D'accord.
M. Rivest: J'aurais d'autres sujets, mais parlons des choses plus
générales parce que cela achève.
M. Morin: Bon. Vous voulez dire en particulier dans le cas du
développement régional?
M. Rivest: C'est cela.
M. Morin: Bien. Là aussi, nous avons des
difficultés. Depuis quelques mois, on pourrait dire depuis janvier 1982,
le gouvernement fédéral poursuit la mise en oeuvre d'une nouvelle
politique de développement régional qui vise à
étendre sa présence à toutes les régions du Canada,
mais particulièrement aux régions et sous-régions du
Québec, de manière à se rendre plus visible. Les objectifs
du gouvernement fédéral dans ce secteur du développement
économique, du développement régional, ont
été énoncés clairement à quelques reprises.
Il y a trois objectifs: "Visibility, accountability and national objectives".
C'est à partir de ce souci, en particulier, de visibilité
auprès des agents économiques du Québec que toute cette
politique a été construite.
Le gouvernement fédéral a procédé à
une réorganisation administrative de ses ministères à
vocation économique et c'est le nouveau département d'État
au développement économique et régional, ce qu'on appelle
le DEDER, qui a ouvert dans chaque province un bureau qui est dirigé par
un coordonnateur de niveau supérieur qui possède, dans les
principales sous-régions, des bureaux, des sous-bureaux établis
par les ministères sectoriels fédéraux. Il s'agit donc
d'une sorte de structure pyramidale installée au Québec,
raccrochée directement par divers liens au DEDER, au Conseil
privé, au comité des relations
fédérales-provinciales du Conseil des ministres, et donc tenue en
main très solidement par les fédéraux, une sorte de
réseau parallèle au Québec qui s'étend quasiment
parallèlement au gouvernement québécois. Cela n'existait
pas avant 1982. C'est donc depuis un peu plus d'un an que ce dispositif a
été mis en place.
Il s'agit, pour les fédéraux, de façon
unilatérale, de dicter le développement régional tel
qu'ils le conçoivent. Accessoirement, s'ils consultent les provinces...
Je dois vous dire que nous ne sommes pas la seule à nous plaindre. C'est
ici que c'est le plus évident. C'est un peu parce qu'ils ont voulu venir
à bout du Québec que j'ai l'impression qu'ils ont
décidé ils ne pouvaient faire autrement d'étendre ce
réseau.
M. Rivest: Quel procès d'intention!
M. Morin: Oui, oui. On les a vus à l'oeuvre et on sait un
peu de quel bois ils se chauffent. Les autres provinces paient. C'est assez
extraordinaire, les autres provinces ne sont pas plus intéressées
à ce dédoublement de réseaux que nous, mais on a
l'impression que par moments - c'est une impression que j'ai toujours eue de
façon très forte quand j'ai eu l'occasion de discuter de ces
affaires avec les fédéraux - elles paient chèrement la
façon dont elles ont laissé tomber le Québec au cours de
la négociation constitutionnelle.
M. Rivest: Oh, Gosh!
M. Morin: Parce que maintenant il n'y a plus d'obstacles à
la centralisation fédérale, sauf une volonté politique
qu'il va falloir retrouver tous ensemble si on ne veut
pas que le régime fédéral devienne
entièrement centralisé.
En plus, donc, d'être un instrument de communication directe entre
les régions et le cabinet fédéral, ce bureau
régional coordonne dans chaque région l'activité des
ministères fédéraux sectoriels et il a pour fonction
d'élaborer des politiques et des plans de développement dans
chaque région, le Québec étant considéré
comme une région. (23 h 45)
De plus, le gouvernement fédéral a précisé
la forme qu'il entend donner aux nouvelles ententes de développement
avec les provinces. Vous me parliez des ententes de développement, j'y
viens maintenant. Sans le contexte du développement régional, il
y aurait peu à comprendre de ce que je vais dire maintenant au sujet des
nouvelles ententes de développement. Celles-ci seront
négociées et administrées par les ministères
fédéraux sectoriels et elles devront tendre à
réaliser les plans fédéraux de développement dans
chaque province et dans chaque région. Le gouvernement
fédéral a également précisé qu'il souhaitait
dorénavant dispenser lui-même les programmes dans les provinces.
C'est ce qu'ils appellent le principe de la "federal delivery". Ce sont des
développements assez récents; peut-être étaient-ils
connus du député.
Les ententes ne viseront donc plus à partager, comme
c'était le cas, les coûts des projets mis en oeuvre par les
provinces, mais à identifier des projets qui seront pris en charge par
chacun des deux gouvernements. En déterminant lui-même les projets
qu'il entend mettre en oeuvre, le gouvernement fédéral pourra
donc, en vertu de ses pouvoirs généraux, intervenir dans la
plupart des secteurs de compétence provinciale, en plus d'établir
la priorité dans les actions de développement à
entreprendre. Le Québec sera, pour sa part, évidemment,
privé d'une source importante de financement pour la réalisation
de ses programmes, contrairement à ce qui se faisait anciennement.
C'est un changement d'orientation considérable qui a
été amorcé sans aucune consultation avec les provinces et
qui vise, de l'aveu même, d'ailleurs, du gouvernement
fédéral, à rechercher la visibilité maximale pour
les contributions fédérales. Ce n'est pas la visibilité,
cependant, je l'ajoute, qui peut inquiéter, mais plutôt la
marginalisation des pouvoirs des gouvernements provinciaux en matière de
développement économique et social.
Quelle est la position du Québec devant ce qu'il faut bien
appeler une offensive? C'est une offensive dont nous ne sommes pas les seules
victimes, mais qui nous cause beaucoup de soucis. Compte tenu de l'impact de
cette offensive sur la planification du développement des régions
et compte tenu de la sollicitation qui est commencée maintenant de la
part du gouvernement fédéral auprès des instances
décentralisées du Québec, le gouvernement doit mettre au
point une stratégie qui va tenter de s'entendre avec les
fédéraux, bien sûr, si c'est possible, sinon, de s'opposer
aux intrusions du gouvernement fédéral dans le
développement des régions. Là où c'est possible,
nous allons tenter aussi de nous assurer que les interventions
fédérales ne viennent pas perturber les efforts
québécois d'aménagement et de planification
régionale, en tout cas, obtenir que le gouvernement
fédéral se conforme aux priorités établies par le
Québec.
M. Rivest: M. le ministre...
M. Morin: Oui? Voulez-vous quelques précisions?
M. Rivest: Là, j'essayais de voir cela un peu plus
concrètement. Prenons une région comme celle de l'amiante,
où le gouvernement du Québec a indiqué qu'il voulait que
des usines de transformation de l'amiante profitent à une région
comme celle de Thetford-Mines. D'accord? Je vous donne cet exemple. Je ne sais
pas si cela s'applique, en l'occurrence. Malgré toutes les initiatives
fédérales, la visibilité, etc., s'il y a des sommes
d'argent du gouvernement canadien disponibles à cet égard,
comment allez-vous procéder pour vous assurer que le gouvernement
fédéral accepte les initiatives que le gouvernement du
Québec propose au titre de la transformation de l'amiante? Dans une
affaire comme celle-là et pour une région comme celle-là,
en vertu de quelle espèce d'idée ou de principe le gouvernement
fédéral ne serait-il pas d'accord pour arrimer son action
à celle du gouvernement du Québec? C'est ce que j'essaie de voir
à travers toutes les structures, les intentions, la politique et tout.
C'est bien beau, mais, concrètement, lorsqu'une chose est aussi
évidente que celle-là, quel problème cela pose-t-il?
Est-ce que les choses vont se faire mieux ou ne se feront-elles pas à
cause de la dimension politique? Est-il possible que les choses se fassent?
J'essaie de prendre un exemple concret parce qu'on achève.
M. Morin: Bon. Commençons par dire que nous avons offert
de renouveler l'entente-cadre.
M. Rivest: Oui.
M. Morin: Le député le sait sans doute.
M. Rivest: Je le sais, cela a été débattu
à l'Assemblée.
M. Morin: Bon, justement. Cela avait fourni des résultats
intéressants dans le
passé. Cela avait permis de dépenser, conformément
à une planification québécoise, plus de 1 000 000 000 $ du
fédéral. Malheureusement - enfin, peut-être peuvent-ils
encore changer d'idée - avec tout le système que j'ai
décrit, cette espèce de réseau de régions,
sous-régions, bureaux, sous-bureaux qu'ils ont jeté sur le
Québec, visiblement, ils n'ont pas fait cela pour rien. Leur idée
est de dépenser directement et unilatéralement. D'ailleurs, ils
ne s'en cachent pas tellement.
M. Rivest: Mais prenez, parce qu'il est 23 h 50, mon exemple sur
l'amiante. C'est une politique québécoise claire.
M. Morin: Oui.
M. Rivest: En quoi est-elle compromise par tout cela?
M. Morin: Cela pourrait s'inscrire à l'intérieur de
l'entente-cadre, dans une entente qui soit plus spécifique portant sur
l'amiante, comme il y a eu des ententes sur les remonte-pentes dans les centres
de ski, comme il y a eu des ententes sur un tas de choses à
l'intérieur de l'entente-cadre.
M. Rivest: Sur l'infrastructure routière.
M. Morin: Oui, sur l'infrastructure routière, quelques
années auparavant. Bon. Nous avons offert de signer une nouvelle
entente-cadre qui ferait des petits. Enfin, on espère qu'elle
entraînera la signature d'ententes plus spécifiques. Mais ce n'est
pas la façon dont le gouvernement fédéral entend
procéder, semble-t-il. Je suis obligé de vous dire qu'à
l'heure actuelle ce n'est pas leur approche.
M. Rivest: Oui, ce n'est pas définitif.
M. Morin: Au Québec - d'ailleurs, on n'a pas
été le seul gouvernement à faire cela - nous avons
tenté d'organiser la concertation des populations dans les
régions. On a créé des centres de développement
régional. On a animé les populations et elles ont des projets.
Dans chaque région, à l'heure actuelle, il y a des projets. Il y
en a même parfois des listes. Mais le gouvernement fédéral,
si ce n'est pas lui qui les met en oeuvre, n'est pas intéressé
à traiter. Peut-être que cela va changer. On va continuer de
discuter et de développer la position du Québec. Mais, à
l'heure actuelle, il faut bien constater que ce n'est pas l'approche
fédérale.
Je vous donne un exemple de leur façon de se comporter.
M. Rivest: Vous avez mon exemple.
M. Morin: Mais prenons l'exemple tout récent du
Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie. On annonce 250 000 000 $,
évidemment, sur un certain nombre d'années. Combien? Je ne sais
plus si c'était dix ou quinze ans. Cela fait des gros chiffres pour
impressionner la population, sauf qu'ils ne savent même pas comment le
dépenser. Il n'y a pas de plan. Il n'y a pas de projet.
M. Rivest: Mais en avez-vous, des projets?
M. Morin: Nous, nous en avons.
M. Rivest: Bon, alors, transmettez-les. Je ne peux pas comprendre
que le gouvernement canadien, en lui prêtant toutes les intentions
méchantes qu'on voudra, lorsqu'il y a des projets, une politique, etc.,
ne trouve pas un moyen de les arrimer.
M. Morin: C'est, en effet, difficile.
M. Rivest: Dans la région de Québec, ici, il y a eu
des volontés, par exemple, sur le port, sur le
réaménagement touristique; il y avait des projets. Mon Dieu, cela
se fait! Il y a de l'argent du gouvernement fédéral et il y a de
l'argent du gouvernement québécois et cela peut marcher. Cela a
marché dans le passé. Je comprends qu'il y a une
préoccupation au ministère sur la structure, sur tout
l'appareillage du déploiement d'organisation que le gouvernement
canadien fait, qu'il peut y avoir des problèmes dont vous devez vous
préoccuper. Je vous ai donné un exemple concret concernant
l'amiante. C'est important que le gouvernement du Québec le fasse, parce
que c'est son territoire et c'est sa responsabilité d'aménager le
territoire comme de définir une vocation. Mais je n'ai pas réussi
à savoir comment il serait possible que le gouvernement
fédéral, avec tout l'appareillage que vous avez décrit, ne
puisse pas épouser la définition d'une vocation dans une
région, comme celle que vous voulez donner à la région de
l'amiante. Je ne comprends pas cela.
M. Morin: Oui. Le malheur...
M. Rivest: À moins qu'ils ne soient vraiment
méchants et que je ne le sache pas.
M. Morin: ...c'est que, comme je le disais plus tôt pour
d'autres secteurs, "it takes two to tango", n'est-ce pas? Il faut que les deux
soient d'accord. Nous avons fait beaucoup de démarches pour tenter
d'obtenir qu'on nous consulte, qu'on tienne compte de l'OPDQ, qu'on tienne
compte de tout le travail de planification qui s'est fait, des projets qui
existent dans chaque région. Mais
les fédéraux ne sont pas tellement
intéressés. Ils veulent dépenser dans les secteurs qui les
intéressent, ou, alors, il faudrait qu'on leur remette les plans et que
ce soient eux qui les exécutent.
M. Rivest: Donnez-moi un exemple concret. J'essaie de savoir.
Quel secteur de dépenses les intéresse et ne nous
intéresserait pas dans une région donnée? Donnez-moi un
exemple concret?
M. Morin: Dans le cas du Bas-Saint-Laurent et de la
Gaspésie, par exemple, les pêcheries. Vous connaissez les
problèmes qu'on a avec les pêcheries.
M. Rivest: Bien oui.
M. Morin: Bon, c'est un secteur. Le Québec travaille de son
côté avec les pêcheurs depuis longtemps. Mais le
gouvernement fédéral n'entend pas tenir compte du tout de nos
attitudes. Enfin, vous connaissez les conflits qu'on a vécus de
façon assez dramatique depuis quelque temps.
M. Rivest: Oui, mais ils ne sont pas arrivés du jour au
lendemain, ces conflits-là.
M. Morin: Sûrement pas. En tout cas, pour résumer
tout cela, je pourrais peut-être essayer d'ouvrir quelques perspectives.
On a le choix entre un certain nombre de types d'actions. On peut essayer de
retirer le maximum de bénéfices des ententes existantes avant
leur échéance. On essaie le plus possible. Il paraît qu'il
y aurait des ouvertures du côté de M. Lalonde en ce qui concerne
les ententes existantes où il reste des soldes disponibles. On peut
élaborer des objectifs et des programmes concrets de
développement régional. C'est peut-être de ce
côté que se trouve, finalement, la clé. C'est que, les
régions elles-mêmes déterminant leurs besoins, le
gouvernement fédéral n'a pas d'autre choix, s'il veut vraiment
répondre aux besoins de la région, que de s'adresser à
elle.
M. Rivest: C'est ce que je veux qu'il arrive.
M. Morin: Bien sûr. Cependant, évidemment, là
aussi, le gouvernement du Québec entend bien être consulté.
Nous pouvons aussi - on se résout à le faire dans certains cas -
entreprendre seuls, dans la mesure de nos ressources, des programmes que nous
élaborons nous-mêmes. Nous faisons cela aussi. On peut exiger que
le gouvernement fédéral se conforme aux objectifs définis
par le Québec. On l'a fait.
M. Rivest: C'est très souhaitable.
M. Morin: Cela ne donne pas grand-chose jusqu'ici, mais enfin on le
fait.
M. Rivest: Dans quel cas cela n'a-t-il pas fonctionné?
M. Morin: Dans plusieurs cas et dans plusieurs régions. Il
y avait des programmes de l'OPDQ qu'on aurait voulu discuter avec le
gouvernement fédéral et il n'a pas accepté.
M. Rivest: Un exemple? Donnez-moi une région et un
projet.
M. Morin: Je peux vous en faire sortir. M. Rivest: J'aimerais
cela. M. Morin: Je vais le faire.
M. Rivest: Les généralités, c'est bien joli,
mais...
M. Morin: Oui. On peut vous en sortir. Il y a beaucoup
d'exemples.
M. Rivest: Vous me donnerez aussi un exemple où cela a
marché pour que je puisse me former un jugement.
M. Morin: On peut aussi - toujours dans les diverses perspectives
ou hypothèses qui s'ouvrent à nous - exiger...
M. Rivest: Bonjour, M. Lalonde.
M. Morin: ...la participation financière
fédérale...
M. Rivest: Est-ce que vous avez perdu votre siège?
M. Morin: ...à la réalisation des programmes pour
lesquels le Québec n'a pas de ressources financières suffisantes.
On peut prendre position sur l'avenir des ententes de développement, sur
la possibilité d'entreprendre des négociations sur ces questions
avec le gouvernement fédéral, ce qu'on essaie aussi de faire.
À mon avis, si vous voulez la connaître, c'est du
côté des instances régionales et locales que se trouve la
vraie réponse à toutes ces questions.
M. Rivest: Bon.
M. Morin: J'ai l'impression, quoique ce ne soit pas encore tout à
fait clair, que même le réseau mis en place par le gouvernement
fédéral, s'il se trouve devant des volontés
régionales clairement exprimées, aura de la difficulté
à les ignorer.
M. Rivest: Oui.
M. Morin: Donc, à l'heure actuelle, c'est de ce
côté que doit porter l'effort.
M. Rivest: Je vous invite à aller dans cette
direction.
M. Morin: Cela se fait déjà.
M. Rivest: II s'agit de faire en sorte que les priorités,
autant du milieu que du gouvernement du Québec, soient à ce point
bien articulées, bien exprimées que, effectivement pour les
initiatives du gouvernement du Québec...
M. Morin: C'est cela.
M. Rivest: ...et les initiatives propres de la région, le
gouvernement fédéral n'ait plus qu'à y ajouter l'argent
qui est disponible de façon que les choses marchent.
M. Morin: Oui.
M. Rivest: C'est cela que je voudrais.
M. Morin: Là, je rejoins le député et il
rejoint nos tentatives récentes. Depuis quelques mois, c'est ce que nous
tentons de faire: faire en sorte que chaque région se donne ses
priorités et son plan. Jusqu'ici, je dois dire tout de suite que cela
n'a pas donné grand-chose. Mais c'est dans cette direction qu'il y a une
solution, s'il y en a une.
M. Rivest: Bon. On pourrait, bien sûr, parler d'autre
chose. Je constate qu'il est minuit, M. le Président.
Le Président (M. Champagne): Nous avons eu une entente ce
matin.
M. Rivest: Cela a passé vite. Le sous-ministre a
trouvé que cela avait passé vite.
M. Morin: C'est vrai que cela a passé vite.
M. Rivest: On peut peut-être continuer, non?
Le Président (M. Champagne): Ce matin, il y a eu une
entente disant qu'on finissait nos travaux à minuit.
M. Rivest: Je pourrais, bien sûr, reprendre chacun des
programmes, mais, franchement, si j'en choisis un, j'en ferai un et j'oublierai
les autres. Non, je vais mettre fin à cela, pour l'instant,
jusqu'à l'an prochain. Je pense qu'on a simplement essayé
d'illustrer, malheureusement, dans le temps qui nous était imparti, un
certain nombre de préoccupations.
Ce que je demanderais au ministre et au ministère, c'est que,
dans le domaine des relations fédérales-provinciales, dans le
domaine international aussi, on ait davantage de définitions,
d'orientations et de politiques publiques, non seulement des interventions des
ministres sectoriels, mais qu'il y ait, quelque part, des documents, des
énoncés généraux de politiques, avec leurs
articulations.
Je trouve que, dans le domaine des relations
fédérales-provinciales, malheureusement, depuis un certain nombre
d'années, on est pris avec une série de dossiers sectoriels. On
procède par cas. On fait des trames, soit à Ottawa ou à
Québec, sur tel ou tel dossier, mais, finalement, il est très
difficile de trouver vraiment où cela mène, où cela va.
Évidemment, vous allez me dire que la préoccupation que vous avez
au niveau de la recherche et de la planification produira ce genre de document
pour la partie internationale. Mais pour la partie du domaine des relations
fédérales-provinciales, il serait temps que l'on fasse un peu le
point sur l'ensemble des dossiers, des perspectives pour voir si cela marche ou
si cela ne marche pas.
M. Morin: Ce point est fait. Nous avons
régulièrement pour chaque dossier, dans nos rapports avec le
gouvernement fédéral, un état de la situation.
M. Rivest: Ils ne sont pas publics.
M. Morin: Non, c'est un fait, ils ne sont pas publics parce que
nous tentons toujours de trouver des accommodements, des arrangements avec le
gouvernement fédéral. Si on rendait tout public...
M. Rivest: Non, non
M. Morin: ...la situation serait encore pire que celle que nous
connaissons actuellement.
M. Rivest: II y a des éléments de
négociations, là-dedans, je comprends, sauf que, sur le plan du
suivi et de la conduite pour l'opinion publique, pour la presse, pour
l'Assemblée nationale, on est un peu à court de documents.
M. Morin: Remarquez, vous n'avez tout de même pas
manqué de renseignements sur S-31, le Nid-de-Corbeau, le couloir
hydroélectrique.
M. Rivest: Oui, mais on a manqué de renseignements sur
Bombardier.
Le Président (M. Champagne): Cela prendrait le
consentement, on a dépassé l'heure.
M. Rivest: On termine.
Le Président (M. Champagne): Vous avez terminé?
M. Rivest: Oui.
Le Président (M. Champagne): Si c'est
terminé...
M. Morin: II faudrait adopter les crédits.
M. Rivest: Vous pensez?
Le Président (M. Champagne): Est-ce que les programmes 1,
2, 3 et 4, avec...
M. Rivest: Juste une dernière affaire parce que je
m'étais toujours réservé... Non, cela va.
Le Président (M. Champagne): Je repose la question. Est-ce
que les programmes 1, 2, 3 et 4, avec les éléments...
M. Rivest: Je suis tanné.
Le Président (M. Champagne): ...qui les composent sont
adoptés?
M. Morin: Ils le sont sûrement, M. le Président.
M. Rivest: Adopté, sous réserve d'une action
beaucoup plus efficace et dynamique du ministre. Je ne doute pas de l'action
efficace et dynamique du ministère - et je n'en ai jamais douté -
mais je parle du ministre.
M. Morin: M. le Président, je remercie le
député de Jean-Talon de ses bons voeux et je le remercie aussi
d'avoir procédé de telle sorte que nous avons pu traiter de
nombreuses questions et que nous ne nous sommes pas enfargés dans les
chiffres parce qu'effectivement ni lui, ni moi n'avons le goût d'entrer
dans des détails qui ne sont pas significatifs. Je le remercie de la
façon dont il a procédé. Mon Dieu, à l'année
prochaine.
Le Président (M. Champagne): Pour ma part, je remercie les
membres de la commission. Je remercie Mme Leduc, M. Loiselle et M. Roquet, qui
ont bien voulu assister à nos travaux avec tous les membres du
ministère des Affaires intergouvernementales.
La commission élue permanente des affaires intergouvernementales
ajourne ses travaux sine die parce qu'elle a accompli le mandat qui lui
était confié, à savoir l'étude des crédits
budgétaires du ministère pour l'année 1983-1984. Bonsoir
et merci.
(Fin de la séance à 0 h 03)