(Neuf
heures quarante minutes)
La Vice-Présidente
(Mme Soucy) : Bon mercredi. Vous pouvez vous asseoir.
Affaires
courantes
Déclarations
de députés
Alors, nous débutons
nos travaux à la rubrique de déclarations de députés, et je cède la parole à
Mme la députée de Mirabel.
Une voix : ...
La Vice-Présidente
(Mme Soucy) : Oui. Alors, Mme la députée de Bourassa-Sauvé, la parole
est à vous.
Souligner
les réalisations du Centre d'excellence en
karaté du Québec et de ses membres
Mme Madwa-Nika
Cadet
Mme Cadet : Mme la Présidente, aujourd'hui j'ai l'honneur de
vous parler des réalisations du Centre d'excellence en karaté du Québec,
situé dans ma circonscription de Bourassa-Sauvé.
Fondé
en 2018 à Montréal-Nord, il s'agit du seul et unique centre unisport en karaté
au Canada et du plus important groupe de sport-études en karaté au
Québec.
Sous
la direction de M. François Persico et le travail dévoué de sa belle
équipe d'entraîneurs, nos jeunes athlètes ont récolté la moitié des médailles gagnées par le Québec durant les
Jeux du Canada, en février dernier, dont la seule médaille d'or
décrochée par tout le Québec.
Je tiens à féliciter
Anton Gurin, récipiendaire de la médaille d'or, Maroua Mokdad, Mohamed
Cherif Ilbouche et Abdessalam Kerdoussi.
Vous avez fait briller le nom de Montréal-Nord à travers le Canada et tout le
Québec et vous êtes une source de
fierté et d'inspiration pour tous les jeunes de Montréal-Nord. Bon succès dans
tout ce que vous entreprendrez!
Merci, Mme la
Présidente.
La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Merci,
Mme la députée. Maintenant, je suis prête à céder la parole au prochain
intervenant. M. le député de Vanier-Les Rivières, la parole est à vous.
Souligner
l'inauguration d'une classe extérieure
à l'école Notre-Dame-du-Canada
M. Mario
Asselin
M. Asselin : Merci, Mme la Présidente. C'est avec beaucoup
d'émotion que je me lève aujourd'hui pour vous parler de l'inauguration
d'une classe extérieure à l'école Notre-Dame-du-Canada. Ça aura lieu le
12 juin prochain.
L'idée
d'une telle classe est venue au printemps 2022, alors que
Mme Catherine Bilodeau, enseignante de première année à cette école, a tragiquement perdu la vie
dans un accident de voiture. Afin de lui rendre hommage, le conseil
d'établissement a décidé de
planter un arbre sur le terrain de l'école, chose qui a été réalisée à
l'automne, en présence des élèves de Mme Bilodeau.
De fil en aiguille, le projet a pris de l'ampleur, et c'est ainsi que je me
rendrai, le 12 juin, inaugurer une plaque commémorative en présence
d'autres dignitaires de la ville de Québec et du personnel de l'école.
Je
veux souligner la participation des étudiants du CFP Fierbourg qui ont procédé
à l'aménagement. Et je voudrais souligner la présence de
Mme D'Ascola, qui est la directrice de l'école, et d'une délégation.
Alors, je veux quand
même souhaiter bonne chance, beaucoup de succès à cette classe extérieure.
La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Merci,
M. le député. Maintenant, je cède la parole à M. le député de Gouin.
Féliciter
l'équipe de Génies en herbe de l'école Père-Marquette,
gagnante de la compétition régionale
M. Gabriel
Nadeau-Dubois
M. Nadeau-Dubois : Merci, Mme la Présidente.
J'ai l'honneur d'annoncer en cette Chambre que l'équipe de Génies en herbe d'une école publique de ma
circonscription s'est rendue en grande finale provinciale la fin de semaine
dernière.
Oui, oui, l'équipe de
Génies en herbe de secondaire V de l'école Père-Marquette avait auparavant
remporté la division Montréal avec une
saison parfaite, parfaite de 18 victoires, aucune défaite. C'est
remarquable, particulièrement pour une école qui n'avait même pas de
programme de Génies en herbe il y a trois ans.
Je veux donc féliciter les
herbogénistes Honoré Cassou, qui est membre du top 30 des meilleurs
compteurs de la province, Félix
Larose, Antoine Vallée, Sacha Beaumont, sans oublier Mathias Paradis-Fournier,
qui est en secondaire V et qui a
été le meilleur compteur de la saison dans sa division. C'est d'ailleurs le
seul étudiant du réseau public d'éducation à être dans le top 15 au
Québec.
Messieurs
de Gouin, vous faites la fierté de notre circonscription et du réseau public
d'éducation. Je vous donne toutes mes félicitations.
La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Merci,
M. le député. Merci, M. le député. Mme la députée de... voyons, d'Anjou—Louis-Riel, la parole est à vous.
Rendre
hommage à M. Marcel Brouillard,
journaliste, chroniqueur et auteur
Mme Karine
Boivin Roy
Mme Boivin
Roy : Merci, Mme la Présidente. Alors, aujourd'hui, je tiens à saluer
la riche contribution de Marcel Brouillard,
décédé le 12 avril dernier, à l'âge de 92 ans, alors qu'il habitait
depuis plusieurs années Le Chez-Nous des artistes dans ma
circonscription.
De
journaliste à écrivain, d'imprésario à chroniqueur et aussi conférencier,
M. Brouillard a fait état d'une feuille de route fort
impressionnante. Entre autres, en 1963, il devint directeur des
Publications Péladeau, aujourd'hui Québecor Média. Chroniqueur pour Le Journal
de Montréal et Le Devoir, au début des années 70, il mit sur
pied les Éditions populaires et y publia
plusieurs livres. Durant les années 90, il publia une dizaine d'ouvrages
touchant le monde du spectacle, en particulier celui de la chanson
francophone. On lui doit quelques ouvrages, d'ailleurs, sur Félix Leclerc.
Nommé
chevalier de l'ordre de la plénière en 2006, Yves Duteil écrivit sur Marcel
Brouillard : «Vos livres constituent une véritable mosaïque de
références, on y sent toute une vie de passion consacrée à la [musique].»
Alors, M. Brouillard,
merci. Votre présence parmi nous nous a fait honneur dans le comté.
La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Merci,
Mme la députée. Maintenant, je cède la parole à Mme la députée de
D'Arcy-McGee.
Souligner
le Mois du patrimoine juif canadien
Mme Elisabeth
Prass
Mme Prass : Merci, Mme la Présidente. Le mois de mai est le
mois de l'héritage juif au Canada, et, en tant que membre de la communauté juive et députée de la
circonscription qui compte la plus forte concentration de résidents juifs au
Québec, je suis fière de l'impact positif et
profond que des institutions de mon comté comme l'Hôpital général juif, le
Centre des arts Segal et le centre communautaire alimentaire Mada ont
sur la société québécoise.
Le
mois de l'héritage juif nous donne l'occasion de découvrir les contributions
positives que la communauté juive et
ses institutions ont eu sur la société québécoise, que ce soit dans les
domaines de la médecine, du droit, des arts, du milieu académique, de la
culture, de l'organisation communautaire, des affaires et de la philanthropie.
Jewish
Heritage Month is the opportunity for us to learn, share, and celebrate all the
positive impacts that the Jewish community has had within Canada and Québec.
C'est
l'occasion de partager notre histoire et notre culture avec tous. Face à la
montée d'actes antisémitiques à Montréal, il
faut que nous poursuivions le dialogue et le soutien que la communauté juive a
toujours ressenti au Québec. Merci, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Merci,
Mme la députée. Nous poursuivons avec Mme la députée de Châteauguay.
Souligner
le succès de la revue annuelle du Corps de cadets 2972 Mercier
Mme Marie-Belle
Gendron
Mme Gendron :
Merci, Mme la Présidente. Samedi dernier, j'étais invitée à assister à la
cérémonie de revue annuelle du Corps de
cadets 2972 Mercier, une cérémonie très protocolaire, haute en émotions
pour les jeunes et les parents.
Tout au long de leur
parcours, les jeunes ont développé des habiletés qui leur permettent de
naviguer le monde fascinant dans lequel nous
vivons. Les expériences qu'ils ont vécues leur ont fait découvrir des intérêts
et des passions tout en bonifiant leur culture générale.
Félicitations
aux cadets pour leurs prix et leurs accomplissements! Je tiens à souligner
également le travail colossal et
essentiel des parents bénévoles qui rendent le tout possible. Félicitations à
tous les jeunes de continuer de s'impliquer dans la vie communautaire de leur ville et de propager les bonnes habitudes
de vie et de comportement citoyen. Félicitations à tous les jeunes!
La
Vice-Présidente (Mme Soucy) : Merci, Mme la députée. Maintenant, je cède la
parole à Mme la députée de Rivière-du-Loup—Témiscouata.
Souligner
le succès du Festival de la chanson et
de l'humour Le Tremplin de Dégelis
Mme Amélie Dionne
Mme
Dionne : Merci, Mme la Présidente. La semaine dernière
avait lieu la 23e édition du festival Le Tremplin de Dégelis. Cet
événement rassembleur participe à la notoriété du Témiscouata mais de tout le
Québec en soulignant le savoir-faire de
notre industrie culturelle. C'est une vitrine incontournable pour la relève de
la chanson francophone et de l'humour d'ici, et ça se passe chez nous,
au Témiscouata.
Je tiens à
féliciter les organisateurs et la centaine de bénévoles qui ont travaillé très
fort pour présenter cet événement de
qualité. Dernièrement, j'ai eu l'honneur de remettre à notre président,
Christian Ouellet, et notre charmante et dévouée Chantal St-Laurent, directrice, le prix Bénévolat-Québec, à l'Assemblée
nationale, une reconnaissance bien méritée quand on constate toute la
mobilisation de nombreux bénévoles qui ont à coeur Le Tremplin et qui
reviennent année après année. Mention spéciale également à Mme France Lavoie,
fondatrice du festival.
Au nom de tous les Témiscouatains, je vous dis
merci et bravo.
La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Merci,
Mme la députée. Mme la députée d'Iberville, la parole est à vous.
Souligner le travail de
l'Association québécoise de défense
des droits des personnes retraitées et préretraitées
Mme Audrey Bogemans
Mme Bogemans : Merci beaucoup, Mme
la Présidente.
Le territoire
d'Iberville est desservi par trois secteurs de l'AQDR, dont les grands rôles
sont la défense, la protection et la promotion des droits des personnes
aînées. Ces associations organisent multiples activités, telles que des dîners-causeries, des cafés-rencontres, des conférences
et des formations, afin de permettre aux aînés de conserver une vie sociale
et un sentiment de pleine capacité sur leur
vie et de leur évolution, tout en s'informant sur leurs droits. Comme nous,
tous ces secteurs croient à la
nécessité que nos aînés aient un revenu décent, un logement convenable, un
accès aux services et aux soins de santé quand ils en ont besoin, ainsi que les
moyens de transport collectif adaptés à une clientèle plus âgée.
De la part
des aînés de notre comté et de nous tous, merci d'être là, pour l'AQDR, secteur
Monts et rivières, Forts et jardins,
AQDR de Granby, de représenter les gens de chez nous en mettant des outils et
des activités à disposition pour la recherche du bien commun, du respect
et de la dignité des personnes âgées. Merci.
• (9 h 50) •
La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Merci,
Mme la députée. Je cède la parole à M. le député de Blainville.
Souligner le 35e anniversaire
de l'organisme Moisson Laurentides
M. Mario Laframboise
M. Laframboise : Merci, Mme la
Présidente.
Aujourd'hui,
je veux profiter de cette tribune pour souligner le 35e anniversaire d'un
organisme qui répond aux besoins grandissants de notre collectivité. Je
parle de Moisson Laurentides.
Connu
initialement sous le nom de Moisson Basses-Laurentides, c'est en 1987 que cet
organisme voit le jour, lorsque quelques organismes communautaires ont
voulu se donner un outil permettant d'offrir un dépannage alimentaire aux
personnes en difficulté. Ayant obtenu la modification demandée à sa charte pour
Moisson Laurentides en 2005, établi à
Blainville, il voit son territoire s'étendre du nord au sud, entre Ferme-Neuve
et la rivière des Mille Îles, et de l'est à l'ouest, entre
Lachenaie et Grenville-sur-la-Rouge, couvrant ainsi 10 municipalités
régionales de comté. Membre de Banques alimentaires
du Canada et Québec, doté d'installations modernes adaptées aux besoins et
réalités depuis 2020, ce sont près de
20 000 personnes qui sont aidées chaque mois, dont le tiers sont des
enfants, grâce à 113 organismes approvisionnés par Moisson
Laurentides.
En tant que
député de Blainville, permettez-moi de remercier le C.A. et la directrice
générale, Mme Annie Bélanger, et toute son équipe pour le
dévouement exceptionnel envers notre communauté. Merci de faire la différence
pour nos familles. Bon 35e anniversaire!
La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Merci,
M. le député. M. le député de Chapleau, la parole est à vous.
Souligner la présence de
membres de l'équipe de Radio
jeunesse en visite à l'Assemblée nationale
M. Mathieu Lévesque
M.
Lévesque (Chapleau) : Oui, merci beaucoup, Mme la Présidente. Je me lève
aujourd'hui au salon bleu afin de souligner la présence de près d'une
quarantaine de jeunes dynamiques de Radio jeunesse à l'Assemblée nationale du Québec. Ils sont venus à
la rencontre des élus et ils feront des entrevues tout au long de la journée
qui seront diffusées sur les ondes du 1670 AM, à Gatineau, en
réseau avec 14 radios Web du Québec.
Mme
la Présidente, Radio jeunesse, c'est un organisme basé depuis 2005 à La Maison
de la culture de Gatineau, en plein
coeur de mon comté de Chapleau, en Outaouais. L'organisme offre une plateforme
médiatique aux jeunes où ils peuvent s'initier
à la radio et s'exprimer librement. L'objectif, c'est de laisser libre cours à
la créativité de la jeunesse de l'Outaouais tout en prônant l'importance
de la langue française.
Radio
jeunesse a pris de l'expansion et compte maintenant 15 stations radio Web
dans plusieurs écoles secondaires à travers le Québec. Cette radio par
et pour les jeunes permet à des centaines d'étudiants québécois de développer
leurs compétences en communication. Chaque
mois, ils produisent une émission et réalisent des entrevues avec des
personnalités québécoises.
Félicitations
pour votre implication! Vous êtes la relève médiatique québécoise et vous
pouvez en être très, très fiers. Bravo!
La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Merci,
M. le député. Maintenant, Mme la députée de Champlain, la parole est à vous.
Féliciter
la troupe de danse Conversion, gagnante de
l'émission de télévision Canada's Got Talent
Mme Sonia
LeBel
Mme LeBel : Merci, Mme la Présidente. C'est vraiment un
bonheur pour moi d'avoir l'occasion de souligner la magnifique performance de
la troupe de danse Conversion à l'émission Canada's Got Talent. En
effet, ils ont remporté la deuxième
saison en éblouissant le public et les juges grâce à un numéro de danse
inoubliable lors de la finale du 16 mai dernier.
Conversion,
Mme la Présidente, c'est une troupe du studio District 5, qui est situé au
Cap-de-la-Madeleine, dans ma
circonscription, mais c'est aussi 37 jeunes danseurs qui ont mis tout leur
talent, leur coeur et leur énergie dans cette aventure extraordinaire.
Ils sont la fierté de la Mauricie. Ils sont la fierté de tout le Québec.
Je
ne peux pas passer sous silence, Mme la Présidente, le grand talent de Vincent
Desjardins, qui est le propriétaire de l'école, leur professeur, le
chorégraphe qui a su nous émouvoir par ses chorégraphies au style évocateur.
Mais
l'aventure ne s'arrête pas là pour eux. Les danseurs vont poursuivre leur
ascension en participant bientôt à un événement qui est produit par America's
Got Talent à Las Vegas.
Cette
histoire nous démontre, Mme la Présidente, que poursuivre nos rêves peut nous
mener très loin. Encore bravo!
La Vice-Présidente
(Mme Soucy) : Merci, Mme la députée. Pour conclure cette rubrique, je
cède la parole à Mme la députée de Mirabel.
Féliciter
les gagnantes du Championnat des débats d'étudiants du
centre de services scolaire de la Rivière-du-Nord
Mme
Sylvie D'Amours
Mme D'Amours :
Merci, Mme la Présidente. C'est avec grand enthousiasme que mes collègues
députés de Les Plaines et de Repentigny se
joignent à moi afin de féliciter quatre étudiantes récipiendaires des premières
places de la 16e édition du
championnat des débats d'élèves du centre de services scolaire de la
Rivière-du-Nord, le 12 avril dernier, à Mirabel.
Certaines
présentes aujourd'hui dans nos tribunes. Saluons Doria, Catalina, Riham et Rym.
Elles ont pu nous démontrer tout leur
talent de débatteuses et la profondeur de leur esprit et de leurs opinions sur
des sujets précis et complexes.
Apprendre à se
questionner et à questionner les autres permet d'évoluer des idées et de la
réflexion. C'est d'ailleurs ce que nous faisons tous les jours ici, au salon
bleu.
Alors,
Mme la Présidente, encore une fois, permettez-moi de féliciter toutes les
gagnantes de ce concours. Bravo!
La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Merci,
Mme la députée. Ceci met fin à la rubrique de déclarations de députés.
Et je suspends les
travaux quelques instants.
(Suspension de la séance à
9 h 55)
(Reprise à 10 h 05)
La Présidente :
Bonjour, tout le monde.
Distingués invités, messieurs dames les députés, nous allons nous recueillir
quelques instants.
Je vous remercie.
Veuillez vous asseoir.
Nous
poursuivons les affaires courantes.
Aujourd'hui, il n'y a
pas de déclarations ministérielles.
Présentation
de projets de loi
À la rubrique
Présentation de projets de loi, M. le leader du gouvernement.
M.
Jolin-Barrette : ...s'il vous plaît.
Projet
de loi n° 17
La Présidente :
À l'article a du feuilleton,
M. le ministre délégué à l'Économie présente le projet de loi n° 17, Loi
modifiant diverses dispositions
principalement aux fins d'allègement du fardeau réglementaire et administratif. M. le ministre.
M. Christopher
Skeete
M. Skeete : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Permettez-moi,
en premier lieu, de souligner la présence dans nos tribunes de François Vincent, vice-président pour le Québec à la
FCEI et coprésident du Comité-conseil sur l'allègement réglementaire et
administratif du gouvernement du Québec.
Ça
me fait plaisir, aujourd'hui, de vous présenter ce projet de loi, qui prévoit
diverses dispositions ayant principalement pour but d'alléger le fardeau
réglementaire et administratif des entreprises.
Le
projet de loi allège différentes dispositions comme les boissons alcooliques,
notamment en éliminant le permis de
livraison, en permettant aux transports publics d'entreposer et de transporter
des boissons alcooliques et en autorisant les titulaires de permis de restaurant à servir ou à vendre, pour emporter
ou pour livrer, des boissons alcooliques à base d'alcool ou de spiritueux définies par le règlement. Il
définit la fréquence de production de rapports par les titulaires de permis de
production artisanale, simplifie les dispositions relatives aux autocollants
qu'ils doivent apposer sur... pardon, apposer et leur permet d'utiliser les
matières premières d'un autre producteur en cas de force majeure. Il prévoit
également des assouplissements se rapportant à la dégustation des boissons
alcooliques ou de marquage de leurs contenants.
Par
ailleurs, le projet de loi prescrit le paiement d'une majoration déterminée par
la Société des alcools du Québec pour la vente des vins produits par les
titulaires de permis de la production artisanale aux titulaires de permis
d'épicerie. Il limite la quantité de
l'alcool et des spiritueux artisanaux fabriqués à partir de grains de céréales,
de pommes de terre ou de lactosérum
qui peut être vendue annuellement. Il modifie différentes dispositions
relatives aux inspections et aux enquêtes et élargit le régime de
sanctions administratives pécuniaires prévu par la Loi sur la Société des
alcools du Québec.
De
plus, le projet de loi abolit l'ensemble des normes spécifiques aux concours
publicitaires, y compris celle imposant le paiement de droits à la Régie
des alcools, des courses et des jeux pour la tenue de tels concours.
Le projet de loi favorise l'harmonisation des
normes applicables au Québec en matière de construction et de sécurité des bâtiments. À cette fin, il modifie la Loi sur
le bâtiment notamment pour garantir que seules les normes les plus exigeantes
puissent être adoptées par les municipalités en ces matières et pour
uniformiser l'application de certaines dispositions portant sur la sécurité du public. Il accorde à la Régie du bâtiment du
Québec le pouvoir de déterminer, par règlement, les pouvoirs que peuvent exercer les municipalités
pour vérifier l'application des normes prévues au Code de construction et au
Code de sécurité sur leur territoire ainsi
que les municipalités qui doivent vérifier l'application de telles mesures...
pardon, de telles normes dans certains cas.
Le
projet de loi modifie certaines exigences relatives au nom des entreprises et
met fin à l'obligation visant certains employeurs de produire une
déclaration annuelle des activités de formation admissibles.
Le projet de loi
modifie la Loi sur l'aménagement durable du territoire forestier pour accorder
au ministre responsable de l'application de
cette loi le pouvoir de suspendre le droit conféré par la garantie
d'approvisionnement d'un bénéficiaire dont l'usine a cessé ses activités
depuis plus de six mois et pour habiliter le bureau de la mise en marché du bois à évaluer la valeur des dépenses des
protections et de mise en valeur admissibles. Il modifie également la Loi sur
les mines pour permettre la prolongation des
baux non exclusifs pour l'exploitation des substances minérales de surface.
Le
projet de loi modifie également des lois du domaine municipal, notamment en ce
qui trait au budget, au programme triennal
d'immobilisations, à la vérification des états financiers et aux contrats ayant
pour objet l'amélioration du rendement énergétique d'équipements et
d'infrastructures.
Le
projet de loi apporte des modifications en matière de publicité des droits,
plus particulièrement pour réduire le délai de publication pour rendre
certains droits opposables au tiers.
Le
projet de loi élimine certaines formalités relatives à différents permis,
principalement en retirant l'exigence de renouvellement pour les permis
d'agence de placement de personnel, d'agence de recrutement de travailleurs
étrangers temporaires et de service de référence de main-d'oeuvre dans
l'industrie de construction.
Le projet de loi
modifie la Loi sur les contrats des organismes publics relativement à la
déclaration d'intégrité.
Enfin, le projet de
loi apporte des modifications de concordance et contient des dispositions
transitoires.
Merci beaucoup, Mme
la Présidente.
Mise
aux voix
La
Présidente : Je reconnais... Alors, est-ce que l'Assemblée accepte
d'être saisie de ce projet de loi? Adopté. Oui, là, je reconnais le leader de
l'opposition officielle.
M.
Derraji : Bien sûr, Mme la Présidente, nous souhaitons la tenue de consultations
particulières afin d'étudier ce projet de loi. Merci.
Dépôt
de documents
La
Présidente : Maintenant, à la rubrique Dépôt de documents, M. le
ministre des Finances.
• (10 h 10) •
M. Girard (Groulx) : Permettez-moi de déposer
le rapport annuel 2022 de l'Organisme d'autoréglementation du
courtage immobilier du Québec. Merci, Mme la Présidente.
La
Présidente : Ce document est déposé. M. le leader du gouvernement.
M. Jolin-Barrette : Oui, Mme la Présidente.
Je dépose la réponse à la question inscrite le 5 avril 2023 par le député
de Laurier-Dorion.
La
Présidente : Ce document est déposé.
Dépôt
de rapports de commissions
À
la rubrique Dépôt de rapports de commissions, M. le président de la Commission
de la santé et des services sociaux et député de Beauce-Nord.
Consultations
particulières sur le projet de loi n° 15
M. Provençal : Mme la Présidente, je
dépose le rapport de la Commission de la santé et des services sociaux qui, les 19 et 20 avril ainsi que les 9, 10,
11 et 23 mai, a tenu des auditions publiques dans le cadre de
consultations particulières sur le
projet de loi n° 15, Loi
visant à rendre le système de santé et de services sociaux plus efficace. Merci, Mme la Présidente.
La
Présidente : Ce rapport est déposé.
Dépôt
de pétitions
À la rubrique Dépôt
de pétitions, M. le député de Maskinongé.
Mettre en place des mesures visant à encadrer les
personnes
potentiellement violentes dont l'état mental est perturbé
M. Allaire : Merci, Mme la Présidente.
Je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale, signée
par 23 650 pétitionnaires. Désignation : citoyens et citoyennes
du Québec.
«Les faits invoqués
sont les suivants :
«Considérant
le récent drame survenu à Louiseville où une agente de la Sûreté du Québec a
perdu la vie dans le cadre d'une arrestation policière d'une personne en
état de crise;
«Considérant
que le nombre de drames horribles impliquant des personnes dont l'état mental
est perturbé — PEMP — est
en nette augmentation depuis quelques
années, laissant ainsi dans leur sillage la mort d'enfants, de mères, de pères
ou de grands-parents, et des familles endeuillées;
«Considérant que le
nombre d'appels aux policiers pour qu'ils interviennent pour une PEMP
potentiellement violente est également en augmentation depuis 2018, soit plus
de 35 % seulement pour la Sûreté du Québec;
«Considérant
que les [policiers] et [policières] du Québec doivent être tenus informés avant
leur intervention de la présence sur leur territoire d'une PEMP
potentiellement violente;
«Considérant
qu'il est important et urgent d'intervenir afin de mieux encadrer ces personnes
lors de leur remise en liberté, de même que les décisions de la Commission
d'examen des troubles mentaux du Québec — CETMQ — afin
que la sécurité du public soit davantage prise en compte;
«Et l'intervention
réclamée se résume ainsi :
«Nous, signataires,
demandons au gouvernement du Québec :
«D'établir un
protocole entre les différents ministères concernés, afin que la présence de
PEMP potentiellement violentes sur un
territoire donné soit connue par les autorités policières et qu'il y ait un
meilleur encadrement de ces personnes lors de leur remise en liberté;
«De
demander au gouvernement du Canada d'entreprendre une révision législative des
critères de décision de la CETMQ afin de mieux assurer la sécurité de la
population.»
Je certifie que cet
extrait est conforme à l'original de la pétition.
La
Présidente : Cet extrait de pétition est déposé. Mme la députée de
Sherbrooke.
Régler les plaintes liées au
maintien de l'équité salariale dans
le réseau de la santé et des services sociaux
Mme Labrie : Merci, Mme la Présidente.
Je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale, signée
par 6 500... — voyons! — 5 632 pétitionnaires.
Désignation : citoyens et citoyennes du Québec.
«Les faits invoqués
sont les suivants :
«Considérant
que, près de 26 ans après l'adoption de la Loi sur l'équité salariale,
l'écart horaire moyen entre les salaires des femmes et des hommes est
encore d'environ 10 %;
«Considérant
que, dans le réseau de la santé et des services sociaux, des plaintes pour le
règlement du maintien de l'équité
salariale ne sont toujours pas réglées, et ce, pour plusieurs titres d'emploi,
notamment dans le secteur bureau et de l'administration;
«Considérant
que les tâches et responsabilités liées aux titres d'emploi visés par ces
plaintes ont grandement évolué au cours des dernières années et que le
Conseil du trésor n'a pas tenu compte de ces changements;
«Considérant
que cette situation porte atteinte et préjudice à des travailleuses du réseau,
et ce, depuis plus de 12 ans;
«Considérant
qu'il y a urgence d'agir pour éliminer toute discrimination salariale,
particulièrement dans un contexte difficile en ce qui a trait à
l'attraction et la rétention du personnel;
«L'intervention
réclamée se résume ainsi :
«Nous,
signataires, demandons au gouvernement du Québec de régler dès maintenant les
plaintes de maintien de l'équité
salariale afin de mettre fin à cette injustice et de reconnaître un juste
salaire au personnel de bureau et de l'administration du réseau de la
santé et des services sociaux.»
Je certifie que cet
extrait est conforme à l'original de la pétition.
La Présidente :
Cet extrait de pétition est
déposé. J'ai reçu une demande de M. le député de Maskinongé pour la
présentation d'une pétition non conforme. Y a-t-il consentement pour la
présentation de cette pétition? Consentement. M. le député de Maskinongé.
Mettre en place des mesures visant à encadrer les
personnes
potentiellement violentes dont l'état mental est perturbé
M. Allaire : Merci, Mme la Présidente.
Je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale, signée
par 350 pétitionnaires. Désignation : citoyens et citoyennes du
Québec.
«Les faits invoqués
sont les suivants :
«Considérant
le récent drame survenu à Louiseville où une agente de la Sûreté du Québec a
perdu la vie dans le cadre d'une arrestation policière d'une personne en
état de crise;
«Considérant
que le nombre de drames horribles impliquant des personnes dont l'état mental
est perturbé — PEMP — est en
nette augmentation depuis quelques années, laissant ainsi dans le sillage la
mort d'enfants, de mères, de pères [et] de grands-parents, et des
familles endeuillées;
«Considérant
que le nombre d'appels aux policiers pour qu'ils interviennent pour une PEMP
potentiellement violente est également en augmentation depuis 2018, soit
plus de 35 % seulement pour la Sûreté du Québec;
«Considérant
que les [policiers] et [policières] du Québec doivent être tenus informés avant
leur intervention de la présence sur leur territoire d'une PEMP
potentiellement violente;
«Considérant
qu'il est important et urgent d'intervenir afin de mieux encadrer ces personnes
lors de leur remise en liberté, de
même que les décisions de la Commission d'examen des troubles mentaux du Québec — CETMQ — afin que la sécurité publique soit
davantage prise en compte;
«Et l'intervention
réclamée se résume ainsi :
«Nous, signataires,
demandons au gouvernement du Québec :
«D'établir un
protocole entre les différents ministères concernés, afin que la présence de
PEMP potentiellement violentes sur un territoire donné soit connue par les
autorités policières et qu'il y ait un meilleur encadrement de ces personnes
lors de leur remise en liberté;
«De
demander au gouvernement du Canada d'entreprendre une révision législative des
critères de décision de la CETMQ afin de mieux assurer la sécurité de la
population.»
Je certifie que cet
extrait est conforme à l'original de la pétition. Merci, Mme la Présidente.
La Présidente :
Cet extrait de pétition est
déposé. Et j'ai reçu une demande de Mme la députée de Sherbrooke pour la
présentation d'une pétition non conforme. Y a-t-il consentement pour la
présentation de cette pétition?
Des voix :
Consentement.
La Présidente :
Consentement. Mme la députée de Sherbrooke.
Régler les plaintes liées au maintien de l'équité
salariale dans
le réseau de la santé et des services sociaux
Mme
Labrie : Merci, Mme la Présidente. Je dépose l'extrait d'une
pétition adressée à l'Assemblée nationale, signée par
2 936 pétitionnaires. Désignation : citoyens et citoyennes du
Québec.
«Les
faits invoqués sont les suivants :
«Considérant
que, près de 26 ans après l'adoption de la Loi sur l'équité salariale, l'écart
horaire moyen entre les salaires des femmes et des hommes est encore
d'environ 10 %;
«Considérant
que, dans le réseau de la santé et des services sociaux, des plaintes pour le
règlement du maintien de l'équité
salariale ne sont toujours pas réglées, et ce, pour plusieurs titres d'emploi
notamment dans le secteur bureau et de l'administration;
«Considérant
que les tâches et responsabilités liées aux titres d'emploi visés par ces
plaintes ont grandement évolué au cours des dernières années et que le Conseil
du trésor n'a pas tenu compte de ces changements;
«Considérant
que cette situation porte atteinte et préjudice à des travailleuses du réseau,
et ce, depuis plus de 12 ans;
«Considérant
qu'il y a urgence d'agir pour éliminer toute discrimination salariale,
particulièrement dans un contexte difficile en ce qui a trait à
l'attraction et la rétention du personnel;
«L'intervention
réclamée se résume ainsi :
«Nous,
signataires, demandons au gouvernement du Québec de régler dès maintenant les
plaintes de maintien de l'équité
salariale afin de mettre fin à cette injustice et de reconnaître un juste
salaire au personnel de bureau et de l'administration du réseau de la
santé et des services sociaux.»
Je certifie que cet
extrait est conforme à l'original de la pétition. Merci.
La
Présidente : Cet extrait de pétition est déposé.
Il n'y a pas de réponses
orales aux pétitions ni d'interventions portant sur une violation de droit ou
de privilège.
Questions
et réponses orales
Nous en sommes
maintenant à la période de questions et de réponses orales, et je cède la
parole, en question principale, au député de Pontiac.
Pénurie
de main-d'oeuvre dans le réseau de la santé
M.
André Fortin
M. Fortin : Mme
la Présidente, hier, après six jours de consultations, le ministre de la Santé
a mis fin aux audiences sur son
projet de loi mammouth, sur sa réforme de gouvernance du réseau de la santé,
six jours, et ce, même si 55 groupes demandaient de continuer juste
une petite affaire le processus de consultation. Mais, ceux qui sont venus, Mme
la Présidente, qu'est-ce qu'ils nous ont
dit? Que le statu quo ne pouvait pas continuer. Évidemment, il n'y a pas un
Québécois qui est pleinement d'accord ou pleinement satisfait du réseau
de la santé. Mais groupe après groupe nous a dit qu'il ne voyait pas comment le projet de loi améliore les
soins de santé, parce que le plus gros enjeu, en matière de soins de santé,
il est ignoré dans le projet de loi, c'est-à-dire la main-d'oeuvre.
Mme
la Présidente, on perd, au net, 10 000 employés du réseau de la santé
à chaque année. Nos ambulanciers sont en
bris de service répétés par manque de main-d'oeuvre. Les travailleurs sociaux
sont en manque dans chaque région parce que le gouvernement refuse d'en
former davantage.
Quand
est-ce qu'on va regarder la réalité en face puis se dire qu'on ne peut pas
ignorer le plus gros problème dans le réseau de la santé?
• (10 h 20) •
La Présidente :
La réponse du ministre de la Santé.
M.
Christian Dubé
M. Dubé : Bien,
Mme la Présidente, je pense qu'il y a plusieurs choses qu'on s'entend, avec les
membres de l'opposition, mais c'est sûr
qu'on ne s'entend pas sur tout. Et il y a une chose qui est très claire, où on
s'entend, c'est qu'il y a un grand manque de main-d'oeuvre. Puis ça,
tout le monde le reconnaît.
Mais
le projet de loi n° 15, je l'ai dit et je vais le répéter, n'est pas la
seule action du gouvernement pour régler le problème de main-d'oeuvre. On a un enjeu majeur avec nos conventions
collectives, on doit les simplifier, on doit donner des meilleures conditions, et c'est ce que ma
collègue au Trésor fait présentement. Le projet de loi n° 15, pour sa
part, travaille sur d'autres aspects, gestion de proximité, pour qu'entre
autres nos employés soient dans un meilleur environnement de travail.
Alors, il faut faire la différence entre ce qu'on fait avec le projet de loi
n° 15 et ce qu'on fait avec nos autres initiatives.
Alors,
hier, je pense qu'on a conclu une quarantaine de rencontres, il y a à
peu près plus de 100 mémoires qui ont été déposés, ce qui veut dire qu'il y a un momentum important non
seulement de tous les partenaires du réseau de santé à vouloir apporter
une bonification au projet de loi... Moi, je trouve ça très encourageant, Mme
la Présidente...
La
Présidente : En terminant.
M. Dubé : ...parce
qu'on va être capables d'arriver avec un projet de loi intéressant.
La
Présidente : Première complémentaire.
M.
André Fortin
M.
Fortin : Avez-vous entendu un plan sur la main-d'oeuvre,
Mme la Présidente? La réalité, là, c'est que l'Ontario, cette année, a attiré tellement d'infirmières que
la moitié viennent de l'étranger. Le ministre, lui, veut en attirer 600. 600,
là, ça veut dire à peine une
trentaine pour des régions comme l'Outaouais, l'Estrie, la Mauricie. La
réalité, c'est que l'Ontario vient
recruter nos infirmières, puis le Nouveau-Brunswick aussi, puis nous, on reste
les bras croisés pendant ce temps-là. Parti
comme c'est là, l'été va être long. Les gens sont mieux de s'amener un panier à
pique-nique, à l'urgence, avec déjeuner, dîner, souper, parce qu'ils
vont attendre longtemps.
La Présidente : La réponse du
ministre.
M. Christian Dubé
M.
Dubé : Bien, écoutez, on peut en rire, là, mais moi, je
prends ça très au sérieux, ce qu'on est en train de faire. Je regarde, par exemple, ce qu'on a décidé de
faire sur la main-d'oeuvre, juste, par exemple, le projet de loi n° 10, qui nous a permis de
mettre un frein, par exemple, à la main-d'oeuvre indépendante, je pense aussi
que c'est une action très importante qui
a été faite dans les dernières semaines. Je regarde tout le programme de
bourses qu'on vient de faire avec nos préposés aux bénéficiaires, juste à titre d'exemple, on vise à
aller chercher, cette année seulement, comme on l'avait fait en 2020, plus
de 5 000 préposés aux
bénéficiaires. Je pense que ce sont des actions très concrètes qui vont nous
permettre, pas comme ça...
La Présidente : En terminant.
M. Dubé : ...mais dans les prochains
jours, dans les prochaines semaines, de faire une différence.
La Présidente : Deuxième
complémentaire.
M. André Fortin
M.
Fortin : Prenons juste une région, Mme la Présidente,
l'Estrie, où c'est enjeu par-dessus enjeu. Dans le prochain mois et demi, là, il y a 5 100 quarts de
travail qui vont être à découvert juste pour les infirmières et les préposés,
puis ça va être la même chose au mois
de juillet puis la même chose au mois d'août. Pendant ce temps-là, il y a des
cadres qui quittent le navire les uns après les autres parce que le climat de
travail y est invivable. Ce n'est pas compliqué, Mme la Présidente, il y
a presque autant de départs au CIUSSS de l'Estrie qu'au ministère de la
Cybersécurité.
Comment le
ministre de la Santé peut nous dire qu'il n'y a pas d'enjeu au CIUSSS de
l'Estrie, que tout va bien?
La Présidente : M. le ministre.
M. Christian Dubé
M.
Dubé : Bien, écoutez, premièrement, je n'ai pas dit
que... je n'ai jamais dit qu'il n'y avait pas d'enjeu. Je pense que ce qu'on a, c'est qu'on a des très bons P.D.G.
qui sont en train de faire un changement de culture, qui sont, en ce moment,
en train de demander aux employés, aux
gestionnaires de se rapprocher du terrain pour changer cette culture-là. Et je
pense que ce qui est arrivé...
Le même député me reprochait ce qui se passait
au centre de la Montérégie... pas de la Montérégie, mais au Centre-du-Québec,
Mauricie—Centre-du-Québec.
Il y a une grosse amélioration, depuis quelques semaines, dans les communications entre le P.D.G... On va faire la
même chose, on va suivre la situation de très proche, de ce qui se passe à
Sherbrooke.
Mme la Présidente, on est en train de changer la
culture du réseau de la santé.
La Présidente : En terminant.
M. Dubé : Ça ne se fait pas
rapidement, mais ça se fait de la bonne façon. Merci beaucoup.
La Présidente : En question
principale, je reconnais la députée de D'Arcy-McGee. La parole est à vous.
Accès aux services en santé
mentale pour les jeunes
Mme Elisabeth Prass
Mme
Prass : Merci, Mme la Présidente. J'ai deux enfants, et
mon plus grand souci, c'est que mes enfants soient heureux. Le pire cauchemar de tous les parents,
c'est de voir leurs enfants en détresse et ne pas recevoir l'aide dont ils ont
besoin rapidement.
Dans les trois dernières années, les parents et
proches de plus de 200 jeunes de moins de 25 ans ont été forcés
d'affronter une atroce douleur, la perte d'un enfant qui s'est enlevé la vie.
C'est une énorme tragédie. La détresse des jeunes est en hausse, et plusieurs de ces récents
suicides ont soulevé d'importantes lacunes dans l'accès aux soins en santé
mentale. Mme la Présidente, 53 % de ces
jeunes qui se sont enlevé la vie étaient connus pour des idées suicidaires ou
avaient déjà consulté pour des
problèmes de santé. Il est impératif d'agir maintenant pour protéger notre
jeunesse et pour fournir plus de soutien et de services en santé mentale
au moment où ces jeunes en ont vraiment besoin.
Quel est le plan du ministre des Services
sociaux, car, clairement, ce qui est en place ne suffit pas?
La Présidente : M. le ministre
responsable des Services sociaux.
M. Lionel Carmant
M.
Carmant : Bien, merci, Mme la Présidente. Je remercie la
députée de D'Arcy-McGee pour sa question et je joins ma voix à la sienne
pour dire qu'un suicide, c'est toujours un suicide de trop.
Maintenant,
je suis sûr qu'elle connaît les chiffres, comme la plupart d'entre nous aussi
devraient le savoir, que le taux de suicide, actuellement, au Québec,
est au plus bas qu'il ait jamais été, incluant au niveau des adolescents.
Donc, est-ce
qu'on dit qu'on fait un bon travail? Non, on ne dit pas ça. Nous, ce qu'on
fait, on se retrousse les manches puis
on continue le travail. Qu'est-ce que c'est, le travail? On fait de la
prévention, de la promotion de la santé mentale dans les écoles. Je vous ai promis qu'on allait
travailler sur l'améliorer, on est en train de travailler avec les différentes
régions pour améliorer le service. On
inaugure des services sans rendez-vous pour nos adolescents. On est rendus...
J'ai inauguré la 19e Aire ouverte cette semaine à Joliette avec le député.
On va continuer à en ouvrir d'autres dans toutes les régions du Québec, parce que c'est ça que les jeunes nous
demandent, du service sans rendez-vous : Quand je cogne à la porte, je
veux une réponse. Puis c'est ça qu'on est en train de mettre partout au
Québec, Mme la Présidente.
Ensuite, il faut améliorer les services de
crise. Je l'ai dit, il faut que, si on se présente à l'urgence, on soit bien
accueilli. Donc, on va mettre des guichets pour les...
La Présidente : En terminant.
M. Carmant : ...en santé mentale
dans toutes les urgences du Québec. On continue, Mme la Présidente.
La Présidente : Première
complémentaire.
Mme Elisabeth Prass
Mme
Prass : Mme la Présidente, je me lève aujourd'hui pour
vous parler de cas réels, pour ces jeunes adolescents aux prises avec des pensées suicidaires qui ont
passé six jours dans une urgence psychiatrique avec des adultes en crise, et parfois menottés, faute de place dans le centre
de pédopsychiatrie Sacré-Coeur. Le système laisse tomber ces jeunes. Ils
sont carrément abandonnés par le système.
Le ministre
peut continuer de me parler de ses plans, qui ne marchent clairement pas, mais
que va-t-il faire pour répondre aujourd'hui aux familles de ces jeunes
qui ont été complètement abandonnées par le système?
La Présidente : M. le ministre.
M. Lionel Carmant
M.
Carmant : Je ne suis pas d'accord que le plan ne marche
clairement pas, puisque le résultat, c'est que, dans la dernière année, on a abaissé la liste d'attente
jeunesse de 15 %, Mme la Présidente, c'est significatif, malgré une
augmentation de la demande très importante.
La situation
qu'elle déclare, qu'elle nous rapporte, c'est évidemment exceptionnel puis
vraiment pas désirable, mais je pense qu'ici il faut dire que les médecins, les
équipes traitantes ont décidé de garder ces enfants-là parce qu'ils en avaient
besoin, ils les ont gardés pour sauver la
vie de ces enfants-là, on ne peut pas se plaindre de ça, Mme la Présidente.
Donc, on regarde pour s'assurer que
ça ne se reproduise pas, mais laissons les soignants soigner et occupons-nous
de nos enfants de façon appropriée.
La Présidente : En terminant.
M. Carmant : Merci, Mme la
Présidente.
La Présidente : Deuxième
complémentaire.
Mme Elisabeth Prass
Mme Prass : Mme la Présidente, six
jours, c'est longtemps pour ne pas trouver une... aller en psychothérapie.
Lors des consultations sur le projet de loi
n° 15, plusieurs groupes se sont exprimés pour dénoncer le manque d'attention sur les dossiers en services sociaux
tels que la santé mentale. Mme la Présidente, figurez-vous que, tout au long
des presque 2 000 articles du
projet de loi n° 15, zéro fois on mentionne l'autisme, zéro fois on
mentionne la santé mentale. On mentionne le handicap uniquement pour faire
référence à des lois. Aujourd'hui, plusieurs groupes oeuvrant en services
sociaux dénoncent qu'ils n'ont même pas été invités aux consultations.
Est-ce que le...
La
Présidente : M. le ministre.
M.
Lionel Carmant
M. Carmant : Merci, Mme la Présidente.
Je pense qu'après l'enjeu de 2015, là, puis la loi n° 10,
les services sociaux ont été en stress post-traumatique, là, puis ils ont... ils
sont inquiets du changement. Mais on leur a dit qu'on pensait aux services
sociaux. Premièrement, on met un
directeur des services sociaux dans tous les établissements et à Santé Québec.
Ça, ça n'existe pas actuellement. On
met un conseil pour les services sociaux qui sera sur le même pied que le
conseil des médecins, que le conseil des infirmières. Ça, c'est tout un gain, Mme la Présidente. Et on va faire
la même chose dans chacun des établissements du Québec.
La
Présidente : En terminant.
M. Carmant : Mon
collègue, il a pensé aux services sociaux. Je l'en remercie.
Des voix : ...
La Présidente :
Pas de commentaire après les
réponses. En question principale, je reconnais la députée de La Pinière.
Ratio
personnel-résidents dans les maisons des aînés
Mme Linda
Caron
Mme Caron : Merci, Mme la Présidente. Alors, le 30 mars
dernier, je demandais à la ministre des Aînés si elle pouvait s'engager
au nom du gouvernement à ce que les personnes aînées hébergées en CHSLD et en
maison des aînés bénéficient du même ratio
personnel-patients. Elle avait répondu qu'elle ne voulait pas parler de ratio,
et je la comprends, car l'iniquité
est flagrante. Ce qu'on constate aujourd'hui, c'est qu'il va y avoir plus de
deux fois... jusqu'à deux fois plus d'employés, oui, dans les maisons des aînés que dans les CHSLD. On parle pourtant
ici de deux services publics pour la même clientèle.
Je
vous donne un exemple. À la maison des aînés de Rivière-du-Loup, l'infirmière
de nuit s'occupe de 60 personnes. Dans
la même région, au CHSLD de Rimouski, c'est 112. Et, vous savez quoi, Mme la
Présidente, le ratio sécuritaire, c'est 96. On met en danger la vie
d'aînés qui sont fragiles.
Que va faire la
ministre pour régler la situation?
• (10 h 30) •
La Présidente :
Je vous rappelle d'abord de
fermer vos sonneries d'appareils. La réponse de la ministre déléguée à
la Santé et responsable des Aînés.
Mme Sonia
Bélanger
Mme Bélanger :
Oui, Mme la Présidente. Merci
pour la question de ma collègue députée de La Pinière. J'ai lu comme vous tous les articles dans les journaux,
dernièrement, concernant les ratios et la différence entre les ratios dans les
maisons des aînés et les CHSLD, au Québec, et je profite de l'occasion pour
répéter que nous sommes en transformation de notre réseau d'hébergement, au
Québec, que ce soit avec l'arrivée des maisons des aînés, mais aussi en lien
avec les CHSLD. Et d'ailleurs
Philippe Voyer, qui est un professeur-chercheur à l'Université Laval, ici, à
Québec, qui a passé plusieurs années de sa vie à travailler sur les ratios en
maison des aînés et en CHSLD, mentionne, lui aussi, que les ratios, en fait,
c'est un minimum requis et que,
surtout, ce qui est important, c'est que l'organisation du travail soit ajustée
en fonction des besoins des résidents. Donc, de comparer des ratios sans
regarder...
La
Présidente : En terminant.
Mme
Bélanger : ...comment l'organisation du travail se fait, comment les
infrastructures sont...
La
Présidente : Première complémentaire.
Mme Linda Caron
Mme
Caron : Mme la Présidente,
la direction du CIUSSS de l'Estrie confirme qu'elle applique des ratios
distincts aux CHSLD et aux maisons
des aînés. Le président du Conseil de la protection des malades, lui, s'insurge
contre le système à deux vitesses que le gouvernement est en train de
créer, et la Communauté de pratique sur les soins à l'aîné en centre
d'hébergement, qui est affiliée à l'Université Laval, dénonce cette iniquité.
Alors, je répète la
question : Comment la ministre va-t-elle corriger la situation?
La Présidente : Mme la ministre.
Mme Sonia Bélanger
Mme Bélanger :
Mme la Présidente, écoutez, je
pense que j'ai eu l'occasion de le mentionner, là, on est vraiment en très grande transformation dans notre réseau
d'hébergement, au Québec. Et ce n'est pas seulement les maisons des aînés.
Vous savez, j'ai annoncé, il y a environ une
dizaine de jours, que 19 CHSLD publics, au Québec, vont être reconstruits
en maisons des aînés. Donc, les gens
en veulent, des maisons des aînés, y compris la grande majorité des députés. On
est en train de transformer
l'organisation du travail. Puis j'en profite pour mentionner que, dans nos
CHSLD publics, énormément de travail a été fait pour améliorer la
qualité des soins et services. La grande majorité des résidents et des
proches...
La
Présidente : En terminant.
Mme
Bélanger : ...sont satisfaits des services, et on va poursuivre, Mme
la Présidente, dans ce sens.
La
Présidente : Deuxième complémentaire.
Mme Linda Caron
Mme
Caron : Mme la Présidente,
je viens de citer des experts du réseau de la santé. Ils demandent une
chose : l'équité. L'équité au niveau des soins, au niveau des
services, au niveau des ratios personnel-patients.
Est-ce
que la ministre va écouter les experts, même en transformation, mettre fin au
système à deux vitesses que le gouvernement est en train de créer et garantir
des ratios sécuritaires dans les CHSLD autant que dans les maisons des aînés?
La
Présidente : Mme la ministre.
Mme Sonia Bélanger
Mme Bélanger :
La question de la sécurité des
soins est fondamentale, et je rejoins tout à fait ma collègue dans ce sens-là.
Dans les CHSLD, il y a eu énormément de travail de fait. Souvenons-nous que
nous avons ajusté les ratios de préposés
aux bénéficiaires, au cours des trois dernières années. Nous avons mis des
gestionnaires dans l'ensemble des CHSLD. Nous avons aussi rehaussé le
nombre d'infirmières auxiliaires et d'infirmières.
Cependant,
c'est évident qu'avec la lourdeur de la clientèle il faut continuer d'ajuster,
et c'est le rôle des gestionnaires et des équipes, dans chacun des CHSLD
au Québec, de répondre aux besoins en fonction des réalités des personnes.
La
Présidente : En terminant.
Mme
Bélanger : Et ce n'est pas seulement des ratios chiffrés. Le ratio,
pour moi, c'est un minimum, et on...
La
Présidente : En question principale, je reconnais la députée de
Mont-Royal-Outremont.
Postes
vacants au ministère de la Cybersécurité et du Numérique
Mme Michelle Setlakwe
Mme
Setlakwe : Mme la Présidente, après le chaos à la SAAQ et tous les
autres défis que connaît le virage numérique,
le ministère de la Cybersécurité continue de perdre des employés clés. Nous
apprenons qu'un poste de plus s'ajoute aux
dizaines vacants à ce ministère, et non le moindre, le directeur général de la
sécurité de l'information gouvernementale. Il a quitté. Ce poste est névralgique, Mme la Présidente, surtout suite
aux révélations récentes de consultation illégale de dossiers médicaux.
Les
Québécois ont très hâte que leur gouvernement entre au XXIe siècle dans
l'offre informatique, mais ils sont aussi
inquiets, avec raison, que des informations les concernant demeurent
confidentielles. Ils sont aussi inquiets que le ministère à qui le premier ministre a confié la tâche de coordonner la
toile numérique du gouvernement n'est plus à la hauteur.
Le
ministre de la Cybersécurité peut-il rassurer cette Chambre que les Québécois
n'ont pas à s'inquiéter de tous les
postes vacants à son ministère, et plus spécifiquement qu'il traitera
prioritairement celui du D.G. à la sécurité de l'information
gouvernementale?
La
Présidente : M. le ministre de la Cybersécurité.
M. Éric Caire
M. Caire : Oui. Bien, d'entrée de jeu, je vais rassurer ma
collègue, parce que ce poste-là est déjà comblé. Il fallait comprendre que la personne en question était un
prêt de service, et c'était un spécialiste de la sécurité physique, qui est une
expertise extrêmement ponctuelle, et on est
arrivés au terme du prêt de service, et cette personne-là est retournée dans
son ministère d'origine.
Mais il faut
comprendre, Mme la Présidente, que le ministère de la Cybersécurité et du
Numérique, c'est 1 903 ressources
régulières et occasionnelles. Dans la dernière année, c'est 475 ressources
de plus. Donc, quand on fait le solde de ceux qui sont
partis à la retraite, ceux qui ont accepté des postes ailleurs ou ceux qui ont
démissionné, c'est un solde de 134 ressources de plus. Donc, quand on dit,
là, qu'il y a une hémorragie, je ne sais pas où on prend ça.
Mais ce qui est d'autant plus intéressant, Mme
la Présidente, c'est que, quand on regarde par rapport au privé, nous avons recruté 204 ressources directement
du privé, et 72 de nos ressources sont parties pour le privé. Ça veut dire que
c'est un solde migratoire positif de 132 ressources. Alors, je pense que
le ministère est attractif.
Sur
l'expertise, Mme la Présidente, c'est 1 201 ressources qui
travaillent en ressources informationnelles. Je pense que, oui, on peut
rassurer les Québécois...
La Présidente : En terminant.
M. Caire : ...nous avons l'expertise
pour réaliser nos mandats.
Des voix : ...
La Présidente : Pas de commentaire.
Première complémentaire.
Mme Michelle
Setlakwe
Mme Setlakwe : Parlons-en,
d'experts. On attend toujours le rapport du comité d'experts créé il y a un an.
En Ontario, un rapport équivalent a déjà été
publié. Ce comité est constitué de membres reconnus dans l'industrie et du
milieu académique, doit fournir un apport considérable aux réflexions
que mènent les professionnels du ministère.
Mme la
Présidente, doit-on comprendre que le ministre de la Cybersécurité et du
Numérique, dans son rôle autodécrété de conseiller transversal, peine à
se faire lui-même conseiller?
La Présidente : M. le ministre.
M.
Éric Caire
M.
Caire : Bien, un, le mandat de conseiller, il est dans la
loi pour laquelle le Parti libéral a voté. Donc, il n'y a pas
d'autodécrété là-dedans.
Deuxièmement,
le comité d'experts, on l'a mis en place pour nous aider dans les travaux qu'on
a à faire. Le comité d'experts nous
aide dans l'élaboration de la stratégie de transformation numérique et de
cybersécurité que nous allons déposer prochainement.
Le comité d'experts nous aide dans l'élaboration d'une politique nationale de
cybersécurité parce qu'il faut comprendre
que le ministère a maintenant un mandat de cybersécurité sur le territoire
québécois. Ça amène une réflexion, les
experts nous aident là-dessus. Et le comité d'experts nous aide aussi dans une
éventuelle politique au niveau de l'utilisation et de l'intégration
éthique de l'intelligence artificielle.
Donc, les experts sont à contribution, Mme la
Présidente, ...
La Présidente : En terminant.
M. Caire : ...et il y aura
différents rapports qui découleront de cette aide-là qu'ils vont nous donner.
La Présidente : Deuxième
complémentaire.
Mme Michelle
Setlakwe
Mme
Setlakwe : ...la sécurité de l'information des Québécois et
des Québécoises, ce n'est pas banal. Sans pilote, sans équipage, sans orientation claire et bien
définie dans des zones de turbulence, on a l'impression de naviguer autour d'un
vide, dans ce ministère de la Cybersécurité et du Numérique.
Face à SAGIR,
à SAAQclic et le nuage gouvernemental, sommes-nous devant le triangle des
Bermudes du gouvernement?
La Présidente : M. le ministre.
M.
Éric Caire
M.
Caire : Aïe! elle me parle de SAGIR, Mme la Présidente.
Alors, on va faire l'historique de SAGIR. SAGIR : projet qui a été lancé par le gouvernement libéral
en 2004 pour remplacer les systèmes d'administration du gouvernement du Québec. En 2018, sur les sept modules SAGIR, il
y en avait deux qui avaient été livrés. 14 ans, deux modules. Il me
semble que vous ne devriez pas parler de SAGIR.
Ceci étant
dit, Mme la Présidente, le ministère de la Cybersécurité, au niveau de la
sécurité de l'information, est en action.
On a déployé le Réseau gouvernemental de cyberdéfense, on a créé le Centre
gouvernemental de cyberdéfense. On travaille
maintenant en collaboration, en partage plutôt qu'en silo. Et je pense que les
systèmes d'information des Québécois n'ont jamais été aussi bien
protégés que maintenant.
La Présidente : Je
vous rappelle qu'on s'adresse à la présidence. Question principale, le chef du
deuxième groupe d'opposition.
Augmentation de la rémunération des députés
M. Gabriel Nadeau-Dubois
M. Nadeau-Dubois : Merci, Mme la Présidente.
Hier, le premier ministre a défendu sa hausse de 30 000 $ du salaire
des députés en nous disant, et je cite,
qu'un jeune père de famille a le droit d'aller gagner le plus d'argent possible
pour donner le plus possible à ses
enfants. Puis vous savez quoi, Mme la Présidente? Il y a du vrai dans ce que
dit le premier ministre. Il y a des
centaines de milliers de mères et de pères de famille au Québec qui veulent
donner le mieux à leurs enfants. Je pense
aux profs qui préparent leurs cours des fois jusqu'à minuit la veille, aux
infirmières qui font du temps supplémentaire puis qui ne sont même pas capables de dire à leurs enfants s'ils vont
arriver à l'heure le soir à la maison. Je pense au monde qui ont deux jobs, au
monde qui travaillent de nuit, au monde qui sortent tard de l'usine. Tout ce
monde-là veut aussi, veut aussi donner le mieux à leurs enfants.
Toutes les familles
font face à la hausse des taux d'intérêt, à la hausse des loyers, à l'explosion
de leur facture d'épicerie, mais les
familles du Québec n'ont pas le privilège de se voter à elles-mêmes une
augmentation de 30 000 $ par année. Nous l'avons ici, à
l'Assemblée nationale, et ce n'est pas normal.
Le
premier ministre est à court d'arguments. Il réalise, comme tout le monde, que
son projet de loi pour augmenter le
salaire des députés de 30 000 $ par année, il est complètement
déconnecté du quotidien des Québécois et des Québécoises.
Est-ce qu'il peut
faire la chose honorable et reculer?
• (10 h 40) •
La
Présidente : La réponse du premier ministre.
M. François Legault
M. Legault : Oui,
Mme la Présidente, le chef du deuxième groupe d'opposition nous parle, entre
autres, des enseignants, des enseignantes.
Ceux qui étaient ici lors du dernier mandat vont se rappeler du débat qu'on a
eu souvent ici, à l'Assemblée nationale, parce que notre gouvernement
voulait augmenter le salaire des enseignants de 15 % à 18 %,
contrairement aux autres employés, où on offrait une offre de 7 % à
8 %. Et je me rappelle, à plusieurs reprises, d'avoir interpelé Québec solidaire, qui défendait les
syndicats, qui voulait la même hausse pour tout le monde. Donc, Québec
solidaire n'était pas d'accord qu'on donne une augmentation plus grande
aux enseignantes, de 15 % à 18 %. Donc, vous allez comprendre, c'est un peu spécial de voir le chef
de Québec solidaire se lever, aujourd'hui, puis dire : Bien, on voudrait
donner des augmentations plus grandes
aux enseignantes. À l'époque, il défendait les syndicats qui voulaient la même
augmentation pour tout le monde.
Maintenant,
Mme la Présidente, je reviens sur le salaire des députés. Le Bureau de l'Assemblée nationale a nommé un
expert indépendant avec Lise Thériault, ex-députée du Parti libéral, Martin
Ouellet, ex-député du Parti québécois. Ils ont fait des recommandations pour valoriser la profession de député,
puis les recommandations ont été directement appliquées dans un projet
de loi.
La
Présidente : Première complémentaire.
M. Gabriel Nadeau-Dubois
M. Nadeau-Dubois : Ça fait plusieurs fois
que j'entends le premier ministre dire qu'il faut valoriser la profession
de député et qu'augmenter le salaire des
membres de l'Assemblée nationale, ça va aussi être une manière de recruter
mieux en vue des prochaines élections.
Si
c'est ça, la motivation qui l'habite, si sincèrement ce qu'il veut, c'est des
meilleurs salaires pour les députés pour recruter pour la prochaine législature, accepte-t-il la proposition de
Québec solidaire de repousser la hausse à la prochaine législature?
La
Présidente : M. le premier ministre.
M. François Legault
M. Legault : Mme la Présidente, je le répète, on suit la
recommandation du rapport. Le rapport qui a été déposé, avec un expert en ressources humaines, avec une
représentante du Parti libéral, un représentant du Parti québécois, dit que
les augmentations doivent être appliquées dès maintenant.
Donc,
Mme la Présidente, je comprends, là, que le député de Québec solidaire a une
position qui est différente. Il a refusé
de participer au comité indépendant. Sa députée de Mercier a été très claire
avec notre whip : Nous, on aime mieux ne pas participer à ça...
La
Présidente : En terminant.
M. Legault : ...pour pouvoir chialer
après.
La Présidente : Deuxième
complémentaire.
Des voix : ...
La Présidente : Silence, s'il vous
plaît!
M. Gabriel
Nadeau-Dubois
M.
Nadeau-Dubois : Le premier ministre a complètement évité ma
question, qui est pourtant simple. Il nous dit qu'il veut bonifier les salaires de 30 000 $ par année pour
les députés et il nous dit que sa motivation, c'est recruter du meilleur
monde la prochaine fois. Bon, je ne trouve
pas ça gentil pour ses 89 collègues, mais, sérieusement, là, si c'est ça,
sa motivation, c'est son projet de
loi, il le dépose, il a le pouvoir de le modifier. Accepte-t-il la proposition
de Québec solidaire de repousser la hausse après 2026?
La Présidente : M. le premier
ministre.
M. François
Legault
M. Legault : Oui. Mme la Présidente,
on applique le rapport tel qu'il a été déposé.
Maintenant, le chef de Québec solidaire nous dit
qu'il veut étirer l'étude du projet de loi. Moi, je me rappelle très bien, au Parti libéral, il y avait deux
experts pour étirer les projets de loi : Henri-François Gautrin et Pierre
Paradis. Donc, imaginez-vous que le
nouveau chef de Québec solidaire, qui prétend faire de la nouvelle politique,
se retrouve dans le même groupe qu'Henri-François Gautrin et Pierre
Paradis. Que c'est triste!
La Présidente : En question
principale...
Des voix : ...
La Présidente : Je suis debout. Il
n'y a qu'une personne qui a le droit de parole.
Des voix : ...
La
Présidente : Je vous écoute, M. le chef du deuxième groupe
d'opposition, je vous entends très bien. M. le premier ministre également.
Il n'y a qu'une personne qui a le droit de parole ici maintenant, c'est la
députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques,
en question principale. On l'écoute.
Propos tenus par le
député d'Abitibi-Est au conseil municipal de Val-d'Or
Mme
Manon Massé
Mme
Massé : Merci, Mme la Présidente. Ça fait plusieurs fois
que les mots du député d'Abitibi-Est dépassent sa pensée quand il parle de nos frères et soeurs autochtones. Ça fait
plusieurs fois que le gouvernement doit essayer de réparer les pots cassés par le député d'Abitibi-Est. Cette
fois, c'est la fois de trop. Dire à des femmes qui ont pris tout leur courage
pour dénoncer des situations d'abus physiques, d'agressions sexuelles qu'elles
ont menti, ça nous fait reculer de 20 ans.
Le premier ministre
est toujours fier de dire qu'au Québec l'égalité entre les hommes et les
femmes, c'est fondamental, et que les
femmes qui ont été abusées doivent dénoncer. Il a raison. Comment est-ce qu'il
peut laisser le député d'Abitibi-Est avoir une telle attitude?
Puis est-ce
qu'il y a quelqu'un, dans ce gouvernement-là, ministre de la Condition
féminine, des Relations avec les
Premières Nations, ministre de la Justice, le premier ministre, qui va prendre
ses responsabilités puis dire que les propos du député sont
inacceptables?
La
Présidente : M. le ministre des Relations... responsable, pardon, des Relations avec les Premières Nations et les Inuit.
M. Ian
Lafrenière
M.
Lafrenière : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Mon collègue s'est excusé. Il a avoué
qu'il s'était exprimé sous le coup de
l'émotion. Et vous savez quoi, Mme la Présidente? Je suis entièrement d'accord.
J'étais présent, à Val-d'Or, j'ai vu la réalité, et effectivement il faut
travailler. On le fait avec mon collègue ministre de la Sécurité publique. Ses
mots ont dépassé sa pensée. Je suis en total désaccord avec ce qu'il a
dit. Pourquoi? Parce qu'on on agit, Mme la Présidente. On a agi pour la
commission Viens, on a agi aussi suite aux recommandations d'enquête en 2015.
On est dans l'action, Mme la Présidente. Ça n'arrêtera pas, on va continuer.
La Présidente : Première
complémentaire.
Mme Manon Massé
Mme Massé : On me dit : Il s'est excusé. Alors, il s'est
excusé des propos qui ont touché la sensibilité des gens. Il s'est excusé de peut-être avoir été mal
compris. Ce que les femmes qui ont eu le courage de dénoncer ont besoin
d'entendre, c'est qu'il leur fait
confiance qu'elles ont nommé la réalité qu'elles ont vécue. Ça a donné
naissance à la commission Viens. Elles ont été courageuses.
Qu'en dit la ministre
de la Condition féminine?
La
Présidente : M. le ministre.
M. Ian Lafrenière
M. Lafrenière :
Mme la Présidente, ce que j'ai
dit tout à l'heure, en 2015, je connais bien la situation, j'étais au SPVM, j'étais déployé à Val-d'Or.
Pourquoi? Pour soutenir les différents groupes autochtones, pour soutenir aussi
les victimes. Et, Mme la Présidente,
ce qui a changé à Val-d'Or, depuis ce temps-là, c'est la façon de faire de la
police même. On a un groupe de police
mixte présentement, à Val-d'Or, avec des policiers autochtones, allochtones,
des travailleurs sociaux. Il y a eu des changements, des changements qui sont
profonds. Pour la commission Viens, Mme la Présidente, 86 recommandations,
86 recommandations en application ou en voie de l'être.
Alors,
ce qu'on vous dit présentement, Mme la Présidente, c'est que, dans notre
gouvernement, notre façon de voir les choses, c'est d'agir, d'agir sur le terrain. La semaine passée, j'ai parlé aux
différents partenaires qu'on a sur le terrain pour leur confirmer...
La
Présidente : En terminant.
M.
Lafrenière : ...notre volonté de continuer d'agir, puis on va le
faire, Mme la Présidente.
La
Présidente : Deuxième complémentaire.
Mme Manon Massé
Mme Massé : Mme
la Présidente, moi, ce que j'entends, c'est que ces propos du député d'Abitibi-Est
étaient inacceptables. C'est ce que
j'entends. L'enjeu, c'est que la fragilité de la chaloupe qu'on est en train de
construire en matière de rebâtir la
confiance avec les femmes abusées, en matière de nos relations avec les
Premières Nations, bien, le député, il a tiré dans la chaloupe avec un bazooka. Et là on se retrouve dans une
situation où il y a plein de gens qui demandent sa démission. Je
n'entends pas la ministre de la Condition féminine...
La
Présidente : M. le ministre.
M. Ian Lafrenière
M. Lafrenière :
Merci beaucoup, Mme la
Présidente. Puis, oui, on travaille en équipe, la collègue a raison, le
ministre de Sécurité publique, le
ministre responsable des Services sociaux aussi, on travaille en équipe.
Pourquoi, Mme la Présidente? Parce que la situation de Val-d'Or, elle
est complexe.
Et
c'est un faux débat, de penser que c'est une opposition entre autochtones et allochtones,
à Val-d'Or. On a un problème de criminalité. On a un problème aussi
d'itinérance.
Pour
ce qui est des femmes, Mme la Présidente, j'ai contacté moi-même Femmes
autochtones, j'ai contacté moi-même les partenaires pour leur assurer notre
intention de continuer à travailler ensemble, oui, de rebâtir cette confiance-là,
de mettre en application les recommandations de Viens.
Nous, on agit, Mme la
Présidente, puis on n'arrêtera pas.
La
Présidente : En question principale, je reconnais maintenant le chef
du troisième groupe d'opposition.
Conditions
salariales des enseignants
M. Paul St-Pierre Plamondon
M. St-Pierre Plamondon : Merci, Mme la Présidente.
Ma question, aujourd'hui, va être très simple et très courte. Le premier
ministre aime se comparer à l'Ontario. Il veut un rattrapage avec l'Ontario
dans tous les domaines.
Est-ce
qu'il considère que les enseignants québécois méritent de gagner moins que les
enseignants ontariens, oui ou non?
La
Présidente : La réponse du premier ministre.
M. François Legault
M. Legault : Oui, Mme la Présidente,
quand on compare les salaires des enseignants puis des professionnels au Québec avec ceux de l'Ontario, il y a un écart
d'à peu près 10 % pour tous les professionnels. Donc, on a fait un
rattrapage de 15 % à 18 %. Cet écart est
maintenu. Donc, je pense qu'il faut quand même tenir compte du fait qu'il y a
un écart de coût de la vie puis qu'il y a effectivement un rapport, là,
qui est raisonnable, dans le dossier des enseignants.
Par contre,
on est en train de voir comment on peut alléger leurs tâches, entre autres en
ajoutant des aides dans les classes. Donc, je pense que ce que demandent
les enseignants, aussi, c'est d'alléger la tâche.
• (10 h 50) •
La Présidente : Première
complémentaire.
M. Paul
St-Pierre Plamondon
M. St-Pierre Plamondon : Mme la
Présidente, je rappelle au premier ministre que c'est lui qui a augmenté le salaire des médecins spécialistes. Quand il l'a
fait, il a choisi de faire le rattrapage en fonction de quoi? En fonction du
salaire des médecins spécialistes de l'Ontario.
Donc, à
nouveau, est-ce qu'il considère que les enseignants québécois méritent
de gagner moins que les enseignants ontariens? Oui ou non?
La Présidente : M. le premier
ministre.
M. François
Legault
M.
Legault : Oui, Mme la Présidente, ce qu'on a fait avec les médecins spécialistes, c'est de garder cet écart d'environ 10 % entre le Québec et l'Ontario. Donc,
c'est vrai pour les enseignants. C'est vrai pour les médecins spécialistes.
C'est vrai pour à peu près toutes les professions. Donc, je demande au
chef du Parti québécois de se renseigner un petit peu.
La Présidente : Deuxième
complémentaire.
M. Paul
St-Pierre Plamondon
M.
St-Pierre Plamondon : Bien, parlant de renseignements, Mme la
Présidente, je vais citer ce que disait la députée de Hull lorsqu'elle était présidente du Syndicat
de l'enseignement de l'Outaouais : «Au Québec, il faudrait, à tout le
moins, se rapprocher de la moyenne canadienne, qui est autour de
84 000 $. On est loin de cette moyenne-là.»
À nouveau,
est-ce que le premier ministre considère que c'est normal que les enseignants
québécois gagnent moins que les enseignants ontariens? Juste oui ou non.
La Présidente : M. le premier
ministre.
M. François
Legault
M.
Legault : Oui, il y a un écart de 9 %. Maintenant, j'ai
été très surpris, aujourd'hui, d'entendre le député de Matane, du Parti québécois, dire qu'on devrait comparer le
salaire des députés de la nation québécoise avec ceux de l'Ontario. On peut
comparer des économies, mais de dire... Puis
il ne veut pas se comparer avec le fédéral. Depuis quand le PQ dit que, dans le
fond, c'est plus important le poste de député à Ottawa que celui à Québec? Je
ne reconnais plus le Parti québécois.
Des voix : ...
La Présidente : Pas de commentaire.
En...
Des voix : ...
La
Présidente : Je suis
debout. À l'ordre! Attendez que je vous reconnaisse avant que vous preniez la
parole. Alors, je reconnais M. le député de Matane-Matapédia, pour une question
de règlement, j'imagine. Lequel évoquez-vous?
M. Bérubé : ...question de
privilège. Je mets au défi le premier ministre de fournir la déclaration.
La Présidente : Bon, alors, ce n'est
pas une vraie question de règlement. Maintenant, on poursuit. En question
principale, je reconnais la députée de Mercier. La parole est à vous, juste à
vous. On l'écoute.
Mesures pour lutter contre les
violences sexuelles en milieu scolaire
Mme
Ruba Ghazal
Mme
Ghazal : Merci, Mme la Présidente. Ce matin, Radio-Canada
nous apprend qu'un enseignant de Lanaudière a été arrêté pour crimes à
caractère sexuel. La semaine passée, Le Devoir a sorti une enquête sur
l'école Louise-Trichet, à Montréal.
Plusieurs jeunes filles ont été agressées par un prof, qui a continué de sévir
dans d'autres écoles. Au mois de mars,
deux profs du collège Stanislas ont été arrêtés pour des crimes plus
dégueulasses les uns que les autres. La semaine passée,
j'étais avec des parents en pleurs parce que leur fille de sept ans, qui a
aujourd'hui 10 ans, a été agressée à plusieurs reprises par un
autre élève dans une école de l'Estrie, et leurs plaintes n'ont jamais été
entendues par la direction ni le personnel de l'école.
Moi, Mme la
Présidente, je suis tannée. Je suis tannée d'entendre ces histoires d'horreur.
Les étudiantes des cégeps et des
universités sont mieux protégées que nos élèves des écoles primaires et
secondaires. Ça n'a pas d'allure. Ça prend une loi-cadre.
Quand est-ce
que le ministre de l'Éducation va sortir de son entêtement, de son isolement,
et travailler avec nous pour protéger les élèves du Québec?
La Présidente : La réponse du
ministre de l'Éducation.
M. Bernard
Drainville
M.
Drainville : Mme la Présidente, on est tous tannés puis, si
vous me permettez, Mme la Présidente, on est tous écoeurés de toutes ces histoires qui se
multiplient. Et ce que j'ai dit à de multiples reprises, Mme la Présidente,
c'est que, s'il faut ajouter des mesures de protection pour nos élèves, on va
en ajouter. Je ne suis pas fermé à ça. Je ne suis pas bucké là-dessus. Tout ce que j'ai dit, Mme la
Présidente, depuis le début de ce dialogue que j'ai avec la députée de Mercier,
c'est qu'il y a plusieurs mesures qui sont en place.
J'ai procédé,
la semaine passée, à la nomination des 17 protecteurs régionaux, ils
auront un mandat spécifiquement dédié
à la protection des élèves qui sont victimes de violences sexuelles. Il y aura
aussi... En vertu d'une loi à laquelle la députée de Sherbrooke a collaboré, il y aura des séances de formation
auprès du personnel enseignant, auprès des directions d'établissement, sur la question des violences
sexuelles. Parce que ça, c'est un des arguments de la députée de Mercier, de
dire : La loi-cadre, c'est de la prévention. Il y aura de la prévention à
même les mesures qu'on a déjà adoptées.
La Présidente : En terminant.
M. Drainville : Alors, s'il faut en
ajouter, on en ajoutera, Mme la Présidente.
La Présidente : Première
complémentaire.
Mme
Ruba Ghazal
Mme
Ghazal : Le protecteur national de l'élève ne pourra pas
empêcher que de nouvelles agressions sexuelles se produisent. Le protecteur national de l'élève, on
est d'accord avec ça, mais, lui, ce qu'il fait, c'est qu'il agit quand le mal
est fait, quand il est trop tard. La
loi-cadre, ce qu'elle permet, ce n'est pas juste de la formation, c'est
beaucoup plus que ça, c'est d'agir en
amont, de rendre l'école sécuritaire pour que les élèves se sentent en sécurité
d'en parler avec un adulte de
confiance puis que cet adulte-là sache quoi faire quand il reçoit ça, que ce ne
soit pas ignoré comme dans tous les cas dans les médias.
Qu'est-ce qu'il répond, le ministre de
l'Éducation, aux parents?
La Présidente : M. le ministre.
M. Bernard
Drainville
M.
Drainville : Mme la Présidente, je réponds aux parents comme je
réponds aux enseignants, comme je réponds aux membres de cette Chambre, qui sont tous touchés, évidemment, par ces
histoires d'horreur qui se multiplient. Je leur réponds que nous avons mis en place un cadre, et on va voir comment ça
fonctionne, à partir de septembre prochain, avec les protecteurs régionaux de l'élève, qui auront un mandat
spécifiquement en matière de violence sexuelle. Il y aura des formations
qui seront liées à ça, etc. Je l'ai déjà fait, Mme la Présidente.
La députée de
Sherbrooke, qui a participé à l'adoption de ces mesures, a dit : La
réforme du protecteur de l'élève, c'est des gains considérables. Il y
aura un mécanisme accéléré pour traiter des enjeux...
La Présidente : En terminant.
M.
Drainville : ...de violence sexuelle. Laissons à cette nouvelle
institution le temps de se faire valoir, Mme la Présidente.
La Présidente : Deuxième
complémentaire.
Mme
Ruba Ghazal
Mme
Ghazal : J'entends le ministre, mais ce que je veux qu'il
entende, ce n'est pas juste ce que moi, de Québec solidaire, je suis en train de lui dire, c'est ce que les
jeunes, les parents lui disent. Il y a même, ce matin, un article dans Le Devoir
qui appuie la... Le Devoir lui-même appuie la proposition de Québec
solidaire.
Il y a quatre ans, dans la foulée du
mouvement #moiaussi, le gouvernement et les partis d'opposition ont travaillé
conjointement contre les agressions
sexuelles. Est-ce que le ministre va faire, lui aussi, preuve de leadership et
travailler de manière transpartisane contre les agressions sexuelles dans
les écoles?
Quand est-ce qu'il va
nous rencontrer? Il s'est engagé à le faire. Je lui ai envoyé deux courriels...
La
Présidente : M. le ministre.
M. Bernard Drainville
M. Drainville :
Oui. Mme la Présidente, si la
députée de Mercier souhaite me parler, là, elle peut le faire après la période
des questions. Il n'y en a pas, d'enjeu là-dessus, là, O.K.? Et, qu'on le
travaille d'une manière transpartisane, je suis tout à fait d'accord.
Maintenant,
quitte à me répéter, Mme la Présidente, moi, je suis très sensible à ce qui se
passe. Ma première mission, si on
peut dire, comme ministre de
l'Éducation, c'est de veiller sur la
sécurité de nos élèves pour s'assurer que, quand ils vont à l'école, ils soient biens, qu'ils aient le
goût d'y aller, qu'ils aient le goût d'apprendre et qu'ils se sentent en
sécurité. Il y a un certain nombre de
mesures qui ont été mises en place, on va voir comment ça fonctionne. Et, s'il
faut en ajouter d'autres. Mme la Présidente...
La
Présidente : En terminant.
M.
Drainville : ...on en ajoutera d'autres. Et on le fera de manière
transpartisane. Aucun problème.
La Présidente :
En question principale, je
reconnais la députée de Westmount—Saint-Louis. La parole est à vous.
Conditions
de travail des agents de la paix en services correctionnels
Mme Jennifer Maccarone
Mme Maccarone :
Mme la Présidente :
«Personne n'agit et on laisse agir la violence. On a perdu le contrôle de
nos établissements.» Ça, ce sont les propos
du président du syndicat des agents de services correctionnels. Tellement perdu
le contrôle que le nombre de jours d'absence pour maladie ou accident de
travail, chez les agents de services correctionnels, a littéralement explosé depuis l'an dernier :
plus de 4 000 jours d'absence de plus que l'an dernier pour un
accident de travail, près de
14 000 jours de maladie de plus que l'an passé. Ça ne va pas bien. On
a perdu le contrôle. Des agents sont blessés, en arrêt de travail. Les
menaces envers les agents sont omniprésentes, la violence augmente de façon
alarmante.
Mme la Présidente,
les agents correctionnels ont besoin d'aide. Ils veulent des gestes concrets.
Qu'est-ce qu'il
attend pour agir, le ministre de la Sécurité publique?
La
Présidente : La réponse du ministre de la Sécurité publique.
M. François Bonnardel
M.
Bonnardel : Mme la Présidente, qu'est-ce qu'on attend pour agir? Dans
les six derniers mois, j'ai visité une
demi-douzaine d'établissements de détention partout sur le territoire
québécois. Je suis allé mesurer jusqu'à quel point, oui ou non, il pourrait y avoir... il pouvait y
avoir des problèmes en termes de relations de travail, ou autres, ou de
sécurité. Il y a des disparités entre les centres de détention. Il y en
a des plus neufs, il y en a des plus vétustes.
Mais,
au-delà de tout ça, pour moi, ce qui était important, c'est d'assurer la
sécurité des établissements. Et, lors du dernier budget, le ministre
des Finances nous a accordé une somme
considérable, considérable, pour avoir des systèmes de protection, augmenter la technologie, empêcher les
livraisons par drone dans les différents centres de détention au Québec.
Donc,
je prends au sérieux la sécurité. Je prends au sérieux aussi les relations de
travail entre l'employeur et les employés,
nécessairement. Et je peux assurer la députée, dans ce cas-ci, qu'on travaille
à améliorer le processus jour après jour. Les établissements doivent être plus
sécuritaires dans le futur. Et c'est ce qu'on va faire dans les prochaines
semaines, prochains mois.
La Présidente :
Première complémentaire.
Mme Jennifer Maccarone
Mme
Maccarone : Avec beaucoup
de respect, Mme la Présidente, agir, ce n'est pas visiter; agir, c'est de
mettre en place les correctifs. On est en manque de personnel. Selon les
syndicats, il y a 50 % de manque de personnel à travers nos
systèmes correctionnels. C'est grave. C'est pour ça que nous avons une
augmentation de violence.
Je
ne sais pas s'il a écouté ma question principale. On a perdu le contrôle :
4 000 jours d'absence de plus que l'an dernier, 14 000 jours de plus de maladie en comparaison après
l'année dernière. Ça, c'est les chiffres qui sortent du ministère. Qu'est-ce
qu'il va faire pour mettre en place les correctifs...
• (11 heures) •
La Présidente : M. le ministre... ou
Mme la présidente du Conseil du trésor.
Mme Sonia LeBel
Mme
LeBel : Oui. Mme la Présidente, ça me fait plaisir
d'annoncer, d'ailleurs c'est déjà fait depuis quelque temps, qu'avec les services correctionnels, les agents de
services correctionnels, on a réussi à conclure une entente et, justement,
on a pris en compte la réalité qui est
mentionnée là, l'attraction et la rétention du personnel. On leur a même
accordé une prime d'attraction et de
rétention, à l'intérieur, parce qu'on a tenu compte de leur réalité
particulière. C'est ce qu'on fait, on fait des négociations
différenciées, donc on tient compte de la réalité de chaque groupe.
Également, on
a tenu compte de la modification de la réalité à l'intérieur des centres de
services correctionnels, et on a
réévalué les tâches, ce qu'on appelle un reclassement, et on leur a accordé un
rangement additionnel, ce qui donne un impact financier substantiel.
Donc, quand
on parle de ce qu'on a fait, on l'a fait à travers les conventions collectives,
c'est une des clés, et on a agi, avec le syndicat.
La Présidente : Deuxième
complémentaire.
Mme
Jennifer Maccarone
Mme
Maccarone : Les commentaires du président du syndicat, c'est
de la semaine passée. Ça fait que bravo pour tout ce qui a été fait, mais ça reste que, la réalité sur le terrain, il
n'y a pas de correctif, il y a toujours une pénurie de personnel. Les gens sont épuisés, les jours de maladie sont
en place. Puis ça reste que les gens qui travaillent présentement dans le
système correctionnel ne sont même pas
formés. On parle de gens qui viennent à temps partiel pour venir porter de
l'aide, mais ça reste qu'il n'y a pas assez de gens qui sont formés.
Est-ce qu'on
attend à avoir un autre drame, un autre décès puis plus de violence pour mettre
des correctifs en place aujourd'hui?
La Présidente : M. le ministre de la
Sécurité publique.
M.
François Bonnardel
M. Bonnardel : Il faut faire
attention aux propos que la députée dit. Des drames, on n'en veut pas. Ma
collègue responsable du Conseil du trésor l'a mentionné, c'est avec le syndicat
eux-mêmes qu'ils ont négocié et qu'ils ont signé.
Est-ce qu'il y a des problèmes de rétention?
Est-ce qu'il y a des problèmes de main-d'oeuvre? Dans tous les secteurs d'activité, oui. Oui. C'est le défi
autant avec les agents correctionnels que les constables spéciaux dans les
palais de justice. On a un énorme défi. On doit mieux former et
augmenter, donc, ces cohortes dans les prochaines semaines, prochains mois, pour être capables d'augmenter,
encore une fois, les effectifs en termes d'agents correctionnels dans les
centres de détention partout sur le territoire du Québec.
La Présidente : En question
principale, je reconnais le député de Nelligan.
Projets de loi présentés par
les partis d'opposition
M. Monsef
Derraji
M.
Derraji : Merci, Mme la Présidente. Écoutez, la session tire
à sa fin, le leader du gouvernement a le plein contrôle de l'agenda des projets de loi. Nous avons déposé
plusieurs projets de loi qui parlent aux Québécoises et aux Québécois, je peux en nommer au moins trois : premier
projet de loi, l'obsolescence programmée, le don d'organes, les nominations
aux deux tiers. Mais, jusqu'à maintenant,
Mme la Présidente, on n'a aucune idée si le leader du gouvernement a
l'intention d'appeler un de nos projets de loi déposés lors de cette
session.
Ma question
est très simple : Dans le cadre de cette planification, au-delà qu'on nous
menace de bâillonner un ou deux projets de loi, est-ce qu'on peut avoir
l'intention très claire, sur l'agenda de ce qu'il nous reste, est-ce qu'il
compte appeler un de nos projets de loi, Mme la Présidente?
La Présidente : Et attention aux
propos. Vous parlez de menaces, attention. M. le leader du gouvernement.
M.
Simon Jolin-Barrette
M.
Jolin-Barrette : Oui. Alors, Mme la Présidente, ça me fait plaisir
de pouvoir intervenir sur des questions de procédure durant la période
des questions.
Alors,
écoutez, Mme la Présidente, dans un premier temps, je pense que c'est important
de rectifier les choses. Il n'a jamais
été question de bâillon pour quoi que ce soit, hein? Alors, je pense que c'est
important que le leader de l'opposition officielle ne dise pas des
choses qui ne sont pas avérées et qui n'existent pas.
Alors, moi,
je compte sur la bonne collaboration de tous les collègues ici, en cette
Chambre. Puis je pense que ça va relativement
bien. Bon, il y a peut-être un petit enjeu avec Québec solidaire, présentement,
avec le leader de l'opposition... du
deuxième groupe d'opposition, mais je suis convaincu que nous allons réussir à
réaliser les travaux parlementaires ensemble.
Mme
la Présidente, vous me connaissez, moi, je ne fais que travailler dans la
collaboration avec mes collègues des oppositions.
On trouve des voies de passage. La démonstration, Mme la Présidente, c'est que,
depuis votre arrivée, je trouve que
le climat, à l'Assemblée nationale, est relativement très bon, et je tiens à
vous féliciter pour la conduite de nos travaux, Mme la Présidente.
Des voix : ...
La
Présidente : Je suis debout. J'aurais le goût de commenter, je
ne le ferai pas. Alors, cela met fin à la période de questions et de
réponses orales.
Motions
sans préavis
Comme il n'y
a pas de votes reportés, nous allons passer à la rubrique Motions sans préavis.
Et, pour ce faire, je cède la place à notre première vice-présidente.
Merci et bonne fin de journée à vous toutes et tous.
La
Vice-Présidente (Mme Soucy) : Donc, nous poursuivons à la rubrique des motions
sans préavis. En fonction de nos
règles et de l'ordre de présentation des motions sans préavis, je reconnais
maintenant un membre du groupe formant l'opposition officielle. Mme la
députée de D'Arcy-McGee, la parole est à vous.
Demander au gouvernement de
réviser le
Programme de soutien aux familles
Mme
Prass : Merci, Mme la Présidente. Je sollicite le
consentement de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante conjointement avec la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques, le député des Îles-de-la-Madeleine et la députée
de Vaudreuil :
«Que
l'Assemblée nationale prenne acte que le programme de subventions pour le
soutien aux familles a été créé en
1995 afin de notamment soutenir financièrement les familles qui vivent avec un enfant
ayant un handicap physique, une déficience intellectuelle ou un trouble
du spectre de l'autisme;
«Qu'elle
constate que l'un des principaux objectifs de ce programme vise à prévenir
l'épuisement des parents en leur subventionnant du répit et qu'il contribue
également à maintenir les enfants dans leur milieu de vie;
«Qu'elle prenne acte que les montants octroyés
aux familles par le biais de ce programme n'ont pas été indexés depuis 1995;
«Qu'elle
rappelle que le taux d'inflation et les prix à la consommation ont
considérablement augmenté au Canada depuis 1995 et que de plus en plus
de familles peinent à boucler leurs fins de mois;
«Qu'enfin,
elle demande au gouvernement caquiste de présenter d'ici l'automne une révision
du programme qui inclura notamment une augmentation des montants
octroyés aux familles pour du répit.» Merci.
La
Vice-Présidente (Mme Soucy) : Merci, Mme la députée. Y a-t-il consentement pour
débattre de cette motion? M. le leader du gouvernement.
M. Lévesque (Chapleau) : Oui, Mme la
Présidente, il y a consentement, sans débat.
La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Cette
motion est-elle... Oups!
M. Derraji : ...vote nominal, s'il
vous plaît.
Mise
aux voix
La
Vice-Présidente (Mme Soucy) :
Alors, il y a une demande d'appel par vote nominal. Donc, nous allons
maintenant procéder à la mise aux voix de la motion présentée par Mme la
députée de D'Arcy-McGee.
Que les députés qui sont en faveur de cette
motion veuillent bien se lever.
Le
Secrétaire adjoint :
M. Derraji (Nelligan), Mme Setlakwe (Mont-Royal—Outremont), M. Fortin (Pontiac), Mme Maccarone (Westmount—Saint-Louis),
M. Beauchemin (Marguerite-Bourgeoys), Mme Dufour (Mille-Îles), Mme Rotiroti (Jeanne-Mance—Viger), Mme Garceau (Robert-Baldwin),
Mme McGraw (Notre-Dame-de-Grâce), Mme Prass
(D'Arcy-McGee), Mme Lakhoyan Olivier (Chomedey), Mme Caron
(La Pinière), M. Morin (Acadie), Mme Cadet (Bourassa-Sauvé),
M. Ciccone (Marquette).
M. Jolin-Barrette
(Borduas), M. Laframboise (Blainville), Mme Fréchette (Sanguinet),
M. Dufour (Abitibi-Est), M. Girard (Groulx), M. Bonnardel (Granby), Mme LeBel
(Champlain), M. Roberge (Chambly), M. Boulet (Trois-Rivières),
M. Martel (Nicolet-Bécancour),
Mme Proulx (Berthier), M. Charette (Deux-Montagnes), Mme Rouleau
(Pointe-aux-Trembles), M. Fitzgibbon
(Terrebonne), Mme Lecours (Les Plaines), Mme Biron
(Chutes-de-la-Chaudière), Mme Roy (Verchères), M. Julien (Charlesbourg), M. Drainville
(Lévis), M. Carmant (Taillon), M. Caire (La Peltrie),
M. Lefebvre (Arthabaska), Mme Bélanger
(Prévost), M. Lamontagne (Johnson), M. Schneeberger (Drummond—Bois-Francs), M. Émond (Richelieu), Mme Blanchette
Vézina (Rimouski), M. Lacombe (Papineau), Mme Champagne Jourdain
(Duplessis), Mme Laforest (Chicoutimi),
M. Lévesque (Chapleau), Mme Charest (Brome-Missisquoi),
Mme Duranceau (Bertrand), Mme Déry (Repentigny),
M. Lafrenière (Vachon), M. Skeete (Sainte-Rose), M. Simard
(Montmorency), M. Allaire (Maskinongé), Mme Grondin
(Argenteuil), M. Provençal (Beauce-Nord), Mme Lachance (Bellechasse),
M. Chassin (Saint-Jérôme), M. Jacques
(Mégantic), Mme Boutin (Jean-Talon), M. Bélanger (Orford),
Mme Jeannotte (Labelle), M. Bachand (Richmond), M. Caron
(Portneuf), M. Sainte-Croix (Gaspé), Mme Tardif (Laviolette—Saint-Maurice),
M. Asselin (Vanier-Les Rivières),
Mme Boivin Roy (Anjou—Louis-Riel), M. Bussière (Gatineau),
M. Lamothe (Ungava), M. Poulin (Beauce-Sud),
M. Lemay (Masson), Mme Abou-Khalil (Fabre), M. Bernard
(Rouyn-Noranda—Témiscamingue), Mme Dorismond (Marie-Victorin), M. Montigny (René-Lévesque),
Mme Bourassa (Charlevoix—Côte-de-Beaupré),
Mme Mallette (Huntingdon), Mme Dionne (Rivière-du-Loup—Témiscouata), Mme Bogemans (Iberville), M. Girard
(Lac-Saint-Jean), M. Lemieux (Saint-Jean), Mme Tremblay (Hull),
Mme Schmaltz (Vimont), Mme Guillemette (Roberval), Mme Poulet
(Laporte), M. St-Louis (Joliette), Mme Gendron (Châteauguay),
M. Rivest (Côte-du-Sud).
M. Leduc
(Hochelaga-Maisonneuve), Mme Massé (Sainte-Marie—Saint-Jacques),
M. Marissal (Rosemont), M. Fontecilla
(Laurier-Dorion), M. Zanetti (Jean-Lesage), Mme Ghazal (Mercier),
Mme Labrie (Sherbrooke), M. Cliche-Rivard (Saint-Henri—Sainte-Anne), M. Bouazzi (Maurice-Richard),
Mme Zaga Mendez (Verdun), M. Grandmont (Taschereau).
M. St-Pierre Plamondon
(Camille-Laurin), M. Bérubé (Matane-Matapédia), M. Arseneau
(Îles-de-la-Madeleine).
Mme Nichols
(Vaudreuil).
La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Que
les députés qui sont contre cette motion veuillent bien se lever. Y a-t-il
des abstentions? M. le secrétaire général, pour le résultat du vote.
Le
Secrétaire : Pour : 103
Contre :
0
Abstentions :
0
La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Donc,
cette motion est adoptée. M. le leader de l'opposition officielle, je
pense que vous aviez une demande.
M. Derraji : Oui,
merci, Mme la Présidente. Nous souhaitons qu'une copie de cette motion soit
transmise à Autisme Montréal, Société
québécoise de la déficience intellectuelle, Fédération québécoise de l'autisme,
association des parents d'enfants handicapés du Québec. Merci, Mme la
Présidente.
• (11 h 10) •
La
Vice-Présidente (Mme Soucy) :
Ce sera fait. Merci, M. le leader. Maintenant, je suis prête à reconnaître un
membre du deuxième groupe d'opposition. M. le député de Maurice-Richard.
M. Bouazzi : Merci, Mme la Présidente.
Je demande le consentement de cette Assemblée pour présenter la motion suivante
conjointement avec le chef du troisième groupe d'opposition, le député de
Jacques-Cartier et la députée de Vaudreuil :
«Que
l'Assemblée nationale procède à l'étude du plan stratégique
d'Hydro-Québec 2022‑2026 à la Commission de l'agriculture, des
pêcheries, de l'énergie et des ressources naturelles;
«Que
dans le cadre de cette étude soit entendu en audition le futur
président-directeur général dès son entrée en poste.»
Merci, Mme la
Présidente.
La Vice-Présidente
(Mme Soucy) : Merci, M. le député. Y a-t-il consentement pour
débattre de cette motion? M. le leader du gouvernement.
M. Lévesque
(Chapleau) : Il n'y a pas de consentement.
La Vice-Présidente
(Mme Soucy) : Comme il n'y a pas de consentement, nous allons
poursuivre. Je souhaite reconnaître un membre du troisième groupe d'opposition.
M. le député de Matane-Matapédia.
M. Bérubé : Mme la Présidente, je
sollicite le consentement des membres de cette Assemblée afin de présenter,
conjointement avec la députée de Saint-Laurent, la députée de Mercier et la
députée de Vaudreuil, la motion suivante :
«Que
l'Assemblée nationale affirme que les enseignantes et enseignants du Québec
méritent une rémunération égale aux enseignantes et enseignants
ontariens.»
La Vice-Présidente
(Mme Soucy) : Merci, M. le député. Y a-t-il consentement pour
débattre de cette motion? M. le leader du gouvernement.
M. Lévesque
(Chapleau) : Il n'y a pas de consentement, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Merci,
M. le leader. Comme il n'y a pas de consentement, nous allons poursuivre.
Je suis prête à reconnaître un membre du
groupe formant le gouvernement. Bon, excusez-moi. Mme la ministre responsable
de la Condition féminine, la parole est à vous.
Souligner
le 50e anniversaire du Conseil du statut de la femme
Mme Biron : Mme
la Présidente, je sollicite le consentement de cette Assemblée afin de
présenter la motion suivante conjointement
avec la députée de Robert-Baldwin, la députée de Mercier, le chef du troisième
groupe d'opposition et la députée de Vaudreuil :
«Que l'Assemblée nationale souligne le 50e
anniversaire du Conseil du statut de la femme;
«Qu'elle
reconnaisse que le conseil a développé une expertise unique sur les enjeux
d'égalité entre les femmes et les hommes; et
«Qu'elle
salue la décision du gouvernement du Québec d'inscrire sa création au
Répertoire du patrimoine culturel comme événement historique.»
La
Vice-Présidente (Mme Soucy) :
Merci, Mme la ministre. Y a-t-il
consentement pour débattre de cette motion? M. le leader du
gouvernement.
M. Lévesque (Chapleau) : Oui,
il y a consentement, sans débat, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Merci.
Cette motion est-elle adoptée? Monsieur...
M. Leduc : Un vote par appel
nominal, s'il vous plaît, Mme la Présidente.
Mise
aux voix
La
Vice-Présidente (Mme Soucy) :
Nous avons une demande de vote
par appel nominal. Donc, que les députés qui sont en faveur de cette
motion veuillent bien se lever.
Le
Secrétaire adjoint : M. Laframboise
(Blainville), Mme Fréchette (Sanguinet), M. Dufour (Abitibi-Est), M. Girard (Groulx), M. Bonnardel
(Granby), Mme LeBel (Champlain), M. Roberge (Chambly), M. Boulet
(Trois-Rivières), M. Martel
(Nicolet-Bécancour), Mme Proulx (Berthier), M. Charette
(Deux-Montagnes), Mme Rouleau (Pointe-aux-Trembles), Mme Biron (Chutes-de-la-Chaudière),
Mme Roy (Verchères), M. Julien (Charlesbourg), M. Carmant
(Taillon), M. Caire (La Peltrie),
M. Lefebvre (Arthabaska), Mme Bélanger (Prévost), M. Lamontagne
(Johnson), M. Schneeberger (Drummond—Bois-Francs),
M. Émond (Richelieu), Mme Blanchette Vézina (Rimouski),
M. Lacombe (Papineau), Mme Champagne Jourdain (Duplessis),
Mme Laforest (Chicoutimi), M. Lévesque (Chapleau), Mme Charest
(Brome-Missisquoi), Mme Duranceau
(Bertrand), M. Lafrenière (Vachon), M. Skeete (Sainte-Rose),
M. Simard (Montmorency), M. Allaire
(Maskinongé), Mme Grondin (Argenteuil), M. Provençal (Beauce-Nord),
Mme Lachance (Bellechasse), M. Jacques (Mégantic),
Mme Boutin (Jean-Talon), Mme Jeannotte (Labelle), M. Bachand
(Richmond), M. Caron (Portneuf), M. Sainte-Croix (Gaspé),
Mme Tardif (Laviolette—Saint-Maurice),
M. Asselin (Vanier-Les Rivières), Mme Boivin Roy (Anjou—Louis-Riel), M. Bussière (Gatineau), M. Lamothe (Ungava),
M. Poulin (Beauce-Sud), M. Lemay (Masson), Mme Abou-Khalil
(Fabre), M. Bernard (Rouyn-Noranda—Témiscamingue),
Mme Dorismond (Marie-Victorin), M. Montigny (René-Lévesque),
Mme Bourassa (Charlevoix—Côte-de-Beaupré),
Mme Mallette (Huntingdon),
Mme Dionne (Rivière-du-Loup—Témiscouata), Mme Bogemans
(Iberville), M. Girard (Lac-Saint-Jean), M. Lemieux (Saint-Jean), Mme Tremblay
(Hull), Mme Schmaltz (Vimont), Mme Guillemette (Roberval),
Mme Poulet (Laporte), M. St-Louis (Joliette), Mme Gendron
(Châteauguay), M. Rivest (Côte-du-Sud).
La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Que les
députés qui sont contre cette motion veuillent bien se... Oups! Ah! vous n'aviez pas terminé? Excusez-moi.
Le Secrétaire adjoint : M. Derraji
(Nelligan), Mme Setlakwe (Mont-Royal—Outremont), M. Fortin (Pontiac), Mme Maccarone (Westmount—Saint-Louis),
M. Beauchemin (Marguerite-Bourgeoys), Mme Dufour (Mille-Îles), Mme Rotiroti
(Jeanne-Mance—Viger),
Mme Garceau (Robert-Baldwin), Mme McGraw (Notre-Dame-de-Grâce), Mme Prass (D'Arcy-McGee), Mme Lakhoyan Olivier
(Chomedey), Mme Caron (La Pinière), M. Morin (Acadie), Mme Cadet
(Bourassa-Sauvé), M. Ciccone (Marquette).
M. Leduc (Hochelaga-Maisonneuve), Mme Massé
(Sainte-Marie—Saint-Jacques),
M. Marissal (Rosemont), M. Fontecilla
(Laurier-Dorion), M. Zanetti (Jean-Lesage), Mme Ghazal (Mercier), Mme Labrie
(Sherbrooke), M. Cliche-Rivard (Saint-Henri—Sainte-Anne), M. Bouazzi (Maurice-Richard), Mme
Zaga Mendez (Verdun), M. Grandmont (Taschereau).
Mme Nichols (Vaudreuil).
La
Vice-Présidente (Mme Soucy) : Les députés qui sont contre cette motion veuillent
bien se lever. Y a-t-il des abstentions? M. le secrétaire général, pour
le résultat du vote.
Le
Secrétaire : Pour : 93
Contre :
0
Abstentions :
0
La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Donc,
cette motion est adoptée.
Avis touchant les travaux des
commissions
Donc,
nous allons poursuivre. À la rubrique Avis touchant les travaux des commissions,
M. le leader du gouvernement.
M. Lévesque
(Chapleau) : Oui. Merci beaucoup, Mme la Présidente. Donc, j'avise
cette Assemblée que la Commission de
l'économie et du travail poursuivra les consultations particulières et les
auditions publiques sur le projet de
loi n° 25, la Loi visant
à lutter contre l'hébergement touristique illégal, aujourd'hui, après les avis touchant les travaux des
commissions jusqu'à 12 h 50 et de 15 heures à 16 h 35,
à la salle Marie-Claire-Kirkland;
La Commission des
institutions poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 14, la Loi
modifiant diverses dispositions relatives à
la sécurité publique et édictant la Loi visant à aider à retrouver des
personnes disparues, aujourd'hui,
après les affaires courantes jusqu'à 13 heures et de 15 heures à
18 h 30, à la salle Louis-Joseph-Papineau;
La
Commission de l'aménagement du territoire poursuivra l'étude détaillée du
projet de loi n° 16, la Loi
modifiant la Loi sur l'aménagement et
l'urbanisme et d'autres dispositions,
aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, à la
salle Louis-Hippolyte-La Fontaine;
La
Commission des finances publiques entreprendra l'étude détaillée du projet de
loi n° 7, la Loi concernant la
mise en oeuvre de certaines dispositions du discours sur le budget du
22 mars 2022 et modifiant d'autres dispositions législatives,
aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures et de
15 heures à 18 h 30, à la salle du Conseil législatif;
La
Commission des relations avec les citoyens poursuivra l'étude détaillée du
projet de loi n° 11, la Loi
modifiant la Loi concernant les soins
de fin de vie et d'autres dispositions législatives, aujourd'hui, de 15 heures à
18 h 30, à la salle
Louis-Hippolyte-La Fontaine;
La
Commission de l'aménagement du territoire entendra les intéressés et procédera
à l'étude détaillée des projets de
loi d'intérêt privé suivants, et ce, dans l'ordre ci-après indiqué :
d'abord, le projet de loi d'intérêt privé n° 200,
la Loi concernant l'annulation d'une servitude grevant certains lots situés en
la Ville de Carignan, puis le projet
de loi d'intérêt privé n° 201, Loi concernant la
Municipalité de Morin-Heights, et par
la suite le projet de loi d'intérêt privé n° 202,
Loi concernant la Ville de Saint-Jérôme, le mercredi 31 mai 2023, de 19 h 30 à
22 h 30, à la salle
Louis-Hippolyte-La Fontaine.
La Vice-Présidente
(Mme Soucy) : Merci, M. le leader.
Pour
ma part, je vous avise que la Commission des relations avec les citoyens se
réunira en séance de travail le jeudi 25 mai
2023, à 8 heures, pour une durée de 30 minutes, à la salle Louis-Joseph-Papineau, afin de statuer sur la possibilité que la commission se saisisse de la pétition
concernant la nomination d'un ou d'une ministre responsable de la Lutte contre
l'homophobie et la transphobie.
Maintenant, nous
allons à la rubrique Renseignements des travaux de l'Assemblée.
Affaires du jour
La
période des affaires courantes étant terminée, nous allons maintenant passer
aux affaires du jour. Et, pour ce faire, M. le leader du gouvernement,
pouvez-vous nous indiquer la suite des travaux?
M. Lévesque (Chapleau) : Oui. Merci, Mme la
Présidente. Je vous demanderais de bien vouloir appeler l'article 4
du feuilleton, s'il vous plaît.
Projet de loi n° 24
Reprise du débat sur l'adoption du principe
La Vice-Présidente (Mme Soucy) : À
l'article 4 du feuilleton, l'Assemblée reprend le débat, ajourné le
23 mai 2023, sur l'adoption du
principe du projet de loi n° 24, Loi
donnant suite aux recommandations du rapport du Comité consultatif
indépendant sur la révision de l'indemnité annuelle des membres de l'Assemblée
nationale.
Y a-t-il des
interventions? M. le député de Saint-Henri—Sainte-Anne.
M. Guillaume Cliche-Rivard (suite)
M. Cliche-Rivard : Merci, Mme la Présidente.
J'avais commencé mon intervention, hier. Je ne sais pas exactement
combien de temps il me reste. Je vais m'avancer quand même.
La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Vous
aviez utilisé 5 min 27 s de votre temps de parole, et votre
temps de parole est de 20 minutes.
• (11 h 20) •
M.
Cliche-Rivard : Excellente nouvelle. Merci beaucoup.
Alors,
c'est un thème récurrent à l'Assemblée, ici, depuis plusieurs années, on parle
de salaire des députés. Ça fait, en fait, des années. Hier, mon co-porte-parole
et collègue de Gouin nous a quand même fait une présentation assez détaillée,
assez instructive sur plusieurs... en fait,
les étapes, là, qui ont mené à la situation dans laquelle on en est
aujourd'hui, où, à chaque fois, on a
bien compris qu'on s'était dit, en tant que parlementaires, qu'on ne se
retrouverait plus, idéalement, dans la même situation où on serait à se
voter nous-mêmes une hausse salariale.
Malheureusement,
on est encore ici à se poser cette même question qui nous met, à notre avis,
dans une situation de conflit
d'intérêts où on est, nous-mêmes, à se voter, à s'octroyer une hausse
salariale, alors que, pourtant, la solution était simple, la solution
demeure simple, la solution aurait dû être mettre mise de l'avant, celle de
mettre en place un comité indépendant et exécutoire qui ferait en sorte qu'on
n'aurait pas, éventuellement, dans deux, trois, quatre, cinq, 10 ans d'aujourd'hui, à recommencer le même mécanisme, à
se remettre dans une situation malaisante, particulière et difficile. Et on
pourrait enfin ne pas avoir à se prononcer nous-mêmes sur nos propres
conditions, notre propre salaire, ce que personne ne peut ou personne ne fait,
là, du moins certainement pas par voie législative, à part les parlementaires
dans ce genre de scénario, en fait.
Alors,
malheureusement, alors que c'était demandé, alors que c'était mis en place,
alors que c'était proposé, le gouvernement
n'en a pas fait une modification législative comme il aurait pu le faire dans
le p.l. n° 24. Alors, c'est évident, on en a parlé, l'augmentation de l'indemnité de
30 %, on s'y oppose. On s'y oppose sur le principe, sur comment ça se
fait, sur comment ça se passe et sur
le fait de s'autovoter, évidemment, une hausse salariale qui, à notre humble
avis, nous place, donc, dans une situation de conflit d'intérêts. Les députés
ne devraient pas se voter à eux-mêmes une augmentation salariale. De notre humble avis, il en va de la
confiance de la population envers les institutions, confiance qui est centrale
à notre démocratie, à notre procédure parlementaire, à notre confiance envers
l'administration du système. Et ça, c'est à la croisée des chemins ou au centre de la confiance, c'est... Le déclin de
cette confiance-là, malheureusement, on en entend parler ici et partout à
travers le monde. On voit le cynisme qui augmente. On a un rôle à jouer, et il
faut le combattre et il faut que la
population soit à même d'avoir confiance en leurs parlementaires. Et on ne
croit pas que s'auto-octroyer une hausse, dans la façon dont c'est
présenté actuellement, va permettre de lutter contre ce cynisme.
Évidemment,
d'où vient cette proposition d'augmentation? Elle vient d'un comité de
révision. Le problème, c'est que le
mandat du comité était beaucoup trop restreint. Avoir le mandat d'analyser une
partie, qu'une partie du salaire des députés,
et donc de hausser à la pièce ce salaire sans revoir la rémunération globale,
c'est insuffisant, ça ne sert à rien, ça ne fonctionne pas, ça nous ramène toujours à débattre de la même
problématique, de la même histoire, de la même enveloppe quelques années
plus tard.
Ce que nous,
on dit, ce qu'on a dit, c'est qu'il faut revoir l'ensemble des conditions. Il
ne faut pas limiter le mandat, il ne
faut pas circonscrire l'objectif à une seule question, ça doit être une
question ou un débat holistique qui doit se faire dans l'ensemble des conditions, dans l'ensemble
des privilèges, dans l'ensemble des enveloppes, et non pas seulement limité
à une seule et simple question précise qui est celle de l'indemnité de base.
Alors, on
revient sur ça. Il faut revoir l'ensemble des conditions de travail. Et on est
fiers, je suis fier aussi, de la position politique qu'on maintient,
celle qui est cohérente depuis le début, depuis l'époque d'Amir Khadir, depuis
les débuts de Québec solidaire. Cette
position, elle est claire, elle est ferme, elle est historique, et il faut
confier la révision de l'ensemble des
conditions à un comité vraiment indépendant et exécutoire, tel que le recommandait
le rapport L'Heureux-Dubé dès 2013.
Et exécutoire, ça veut dire qu'on ne peut pas ou qu'on ne doit pas s'y
prononcer : Voici telle quelle l'exécution de la décision du comité. Et c'est de cette façon-là qu'on pourra, nous,
se sortir de toute question d'apparences et de conflits d'intérêts.
Je le répète,
les avocats ne doivent pas voter sur leur propre salaire. Il faut tout faire
pour éviter cette proposition, pour
éviter d'envoyer ce message qu'on peut s'auto-octroyer des hausses salariales.
J'espère que le message sera entendu, par respect pour les citoyens qui, eux,
n'ont certainement pas le luxe de se voter, de se décider de s'octroyer des
hausses salariales.
Il faut
reprendre l'exercice du début en faisant la seule chose qui soit cohérente, qui
soit la bonne. C'est pour ça que je
dis qu'il faut revoir toute rémunération des conditions de travail des députés
en plus des indemnités de base, donc inclure les allocations, les autres
indemnités, l'ensemble de l'enveloppe. Il faut faire un ménage là-dedans. Il
faut que les primes soient revues, il
faut que les rôles attribués aux charges soient revus, les rôles attribués aux
fonctions, les vice-présidences de commission,
la commission, etc. Il faut faire le ménage là-dedans. Il faut que tout soit
revu et révisé et que cette augmentation de 30 % de l'indemnité de base, finalement, ne puisse pas passer
dans les procédures ou dans le processus qu'il est, actuel.
Et je
rappelais, hier, et c'est un élément important, que seulement 10 des
125 députés de l'Assemblée nationale touchent véritablement cette
indemnité de base. C'est donc dire que 115 autres reçoivent beaucoup plus
que ce montant. Et, je le disais hier,
ce fameux club des 10, nous en sommes les principaux, là, dans mon groupe
parlementaire, sept des 10 en font partie. Et nous jugeons, bien que nous
soyons ceux qui recevons le moins dans cette Chambre, que la procédure actuelle ne nous permet pas, ne permet pas à mon
groupe parlementaire d'aller de l'avant avec le mécanisme, avec la façon
dont ça s'est passé.
On était tous et toutes en connaissance de cause
des conditions offertes au poste de député, on le savait. Certains d'entre nous ont fait plusieurs campagnes. Moi,
j'en ai fait deux dans la dernière année. J'ai mis tous les efforts, j'ai mis
toutes les volontés. Et on était plusieurs, hein, sur la ligne de mêlée à
vouloir obtenir ce siège, malgré... ou bien heureux face aux conditions qui étaient mises de l'avant, qu'on
connaissait. Et d'aucuns ont laissé présager qu'une augmentation substantielle, telle que celle qui est mise de
l'avant, leur permettrait enfin de pouvoir jouer ce rôle-là de député, que,
sans cette augmentation-là, ils ne
seraient pas allés tenter leur chance pour être élus. Au contraire, tout le
monde qui était ici, tout le monde qui était là, tout le monde qui ont
fait la course et l'élection étaient en connaissance de cause des moyens, en connaissance de cause de ce qui était offert et se
sont tous et toutes... nommément aussi des candidats des partis adverses,
se sont tous lancés dans l'aventure, bien
heureux, heureuses de le faire dans les conditions telles qu'elles étaient
avant la présentation de ce projet de loi. Et quand j'ai pris cette
décision, et quand j'ai prêté serment, et quand nous avons prêté serment, nous
savions exactement les conditions dans lesquelles on s'engageait.
• (11 h 30) •
Et
c'est pour éviter ce conflit d'intérêts que mon groupe parlementaire a soumis
l'amendement à la proposition, la procédure,
à l'effet que cette hausse-là soit pour la prochaine législature, la 44e, pour
qu'on soit à même de dire... si c'est vrai qu'on cherche à attirer des nouveaux talents,
alors qu'on soit à même de dire que, oui, c'est pour l'élection prochaine,
c'est pour le prochain mandat. Et donc, à ce moment-là, si certains, certaines
n'avaient pas voulu, à l'époque... ça me surprendrait,
là, mais, s'il existait des gens qui attendaient cette hausse-là absolue de
30 000 $ pour se lancer dans la course, bien, les voici rassurés, ils pourront alors se
présenter, et la porte leur sera ouverte, en 2026, si telle est leur décision. Mais
s'autovoter, aujourd'hui, une hausse rétroactive, en mars, pour notre propre
législature ne me semble pas la voie à suivre. Il me semble qu'on devrait plutôt faire bien
autrement et envoyer cette proposition-là dans la réelle recherche de talents,
dans la réelle volonté de,
finalement, démarcher, c'est ce qu'on a soumis, pour attirer des nouveaux
talents, pour être certains, certaines que les moyens qui sont soumis,
les raisons qui sont soulevées... donc, que cette hausse cherche, finalement, à attirer d'autres talents, qui... à mon humble
avis, envoient un message à l'effet que peut-être, je ne sais pas, nous — je
parlerai pour moi — ne
sommes pas les talents recherchés, là, ça m'envoie un message un petit peu
difficile et certainement encore plus
dans le contexte où il y avait des candidats, candidates des autres partis,
même de la partie gouvernementale, qui tentaient, à ce salaire-là... et qui était le candidat tout
désigné, le choix de leur parti. Alors, à mon humble avis, ces gens-là étaient
déjà extrêmement talentueux, et de leur dire que le 30 000 $
supplémentaire permettra d'aller chercher des gens davantage talentueux me
semble un terrain périlleux. Il me semble qu'on envoie le message — et
moi, je le prends, là, et je parle seulement en mon nom personnel — que,
s'il y avait eu 30 000 $ de plus, probablement qu'il y aurait eu des
gens plus talentueux que moi à l'élection. C'est une possibilité, mais je
reçois cet argument-là un petit peu difficilement, quoique, finalement, les
citoyens et citoyennes ont fait leur choix à l'élection.
Alors,
évidemment, est-ce que le salaire doit être augmenté, pas augmenté? C'est une
question qui mérite d'être débattue.
Mais le problème, c'est de s'auto-octroyer... c'est le processus, c'est que les
députés vont se lever... on va se lever et on va devoir dire oui, dire non sur une propre augmentation
salariale. C'est ça, le problème, c'est le processus, c'est comment ça
fonctionne.
Et,
si enfin, au moins, on mettait de l'avant une procédure, un mécanisme, un
comité indépendant exécutoire, bien, ce
comité aurait eu pour mandat aussi d'évaluer l'ensemble de la rémunération,
parce qu'il y a des choses qui fonctionnent différemment dans notre règlement, dans nos procédures, qui ne sont pas
exactement les mêmes que celles dans d'autres législatures. On a procédé, et les médias l'ont fait aussi, à la
comparaison entre les salaires, voire les indemnités dans différentes législatures — évidemment, on n'est pas les seuls à se poser ces
questions-là, on voit comment ça fonctionne — et l'allocation de dépenses au Québec, ce que l'Assemblée nationale fait, elle est la
seule Assemblée législative provinciale où une allocation de dépenses est versée aux parlementaires. Ça, c'est
les médias qui nous le rapportent. Et donc il faut tenir compte de ça
directement dans l'évaluation et ne pas limiter seulement la question, bien
sûr, à l'indemnité ou aux autres éléments.
Et
donc, évidemment, le travail de député, c'est un travail qui est très
difficile, qui est ardu, c'est un travail dans lequel on met de longues heures.
J'entendais, je lisais des collègues me dire qu'ils ont de la difficulté à voir
leur famille, pas autant qu'ils le
veulent. On est effectivement séparés de nos proches plusieurs jours par
semaine. Mais on se lance en politique,
et ça, je le vois dans tous mes collègues, pour le bien public, et ça, je le
vois ici, je le vois en face, je le vois à ma droite, je le vois à ma
gauche, et, bien évidemment, tout le monde a à coeur l'intérêt du public.
Alors, c'est pour cette raison-là qu'il faut plutôt mettre en place rapidement
un comité exécutoire qui va s'assurer de nos conditions.
La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Merci,
M. le député. Maintenant, je suis prête à entendre un autre intervenant.
Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques,
la parole est à vous.
Mme Manon
Massé
Mme Massé : Merci, Mme la députée...
Mme la Présidente, pardon. J'étais en train de penser à ce qu'il venait de
me dire. Merci, Mme la Présidente. Je
suis... je ne sais pas, j'avais envie de dire : Je suis contente
d'intervenir sur le projet de loi
n° 24, mais, dans les faits, je ne suis pas contente, parce que j'aimerais
qu'il n'existe pas. Mais, la démocratie étant ce qu'elle est, puisque le gouvernement a décidé de le déposer, puisque le
gouvernement a même décidé de l'appeler, assez rapidement, d'ailleurs, je ne
vois pas où elle est, l'urgence, mais bref, puisqu'il a décidé de tout faire ça
rapidement, bien sûr que je veux,
aujourd'hui, intervenir sur un certain nombre d'éléments, que je veux m'assurer
que, bien sûr, les députés qui sont
présentement en Chambre mais aussi les gens qui nous écoutent voient et
comprennent l'odieux de la situation actuelle.
Mon
collègue vient de faire la démonstration que ça n'a pas de maudit bon sens que,
dans la vie, les gens votent leur
propre salaire. Ça n'a pas de bon sens. Pourquoi? Bien, parce qu'en
connaissez-vous d'autres qui peuvent aussi aisément décider d'augmenter de 30 % leur salaire de base,
alors que nous sommes dans une période où le Québec crie, les besoins de l'État crient à l'urgence d'investir, et
surtout nos concitoyens se retrouvent dans des situations totalement
intolérables?
D'ailleurs,
je me suis dit... ça m'a fait penser à Marie-Antoinette. Vous allez peut-être
dire : Voyons! Où c'est qu'elle s'en
va, la députée? Vous savez que Marie-Antoinette a déjà dit au peuple français,
qui n'avait plus de pain pour se nourrir : «Qu'ils mangent de la brioche», hein, c'est une phrase célèbre, je
dirais. Bien, cette réponse de la reine de la France, en fait, montrait
toute la distance qui existait entre le peuple et la noblesse.
Moi,
je trouve, Mme la Présidente, qu'on se retrouve exactement dans cette
situation-là. Comment se peut-il qu'un gouvernement,
appuyé par une opposition — en
tout cas, c'est ce qu'on croit entendre entre les branches, actuellement — considère
acceptable, recevable que les parlementaires
se votent rapidement... se votent une augmentation de salaire de 30 %,
applicable dès maintenant, alors que
nos concitoyens ont énormément de difficultés, actuellement, à arriver à
joindre les deux bouts? Nos
concitoyens et concitoyennes n'arrivent pas, malgré le fait que, dans la
famille, les deux parents travaillent, malgré le fait qu'on a considéré, du côté du gouvernement, qu'augmenter le salaire
minimum seulement de 1 $ en pleine crise du coût de la vie, ça, c'était... c'était ça qui était acceptable. Alors,
comment peuvent-ils trouver, d'un côté, de maintenir les plus pauvres dans la pauvreté et de ne pas hésiter
à s'augmenter de 30 % de salaire comme députés? Moi, je ne comprends pas
ça, ça me dépasse.
Ça
fait neuf ans que je suis au Parlement, Mme la Présidente, ça fait neuf ans que
c'est exactement la même situation qui se répète.
À l'époque, il n'y avait que Françoise David et Amir Khadir qui étaient là pour
entendre le rapport L'Heureux, le
rapport qui venait dire aux parlementaires : Oui, il faut réviser la
situation des revenus des parlementaires, mais on ne peut pas et on ne
doit pas, surtout, faire ça à la pièce.
Qu'est-ce
qu'a fait le gouvernement de la CAQ, en complicité avec l'opposition du Parti
libéral? Ça a été de dire : On
va mettre sur pied un comité qui va être indépendant, avec une ex-députée
libérale, un ex-député péquiste et quelqu'un des Ressources humaines, on va mettre sur pied un comité, on va lui
donner un mandat très restreint, puis après ça on va prendre les recommandations. J'entendais
d'ailleurs le premier ministre, encore ce matin, répondre à mon co-porte-parole,
le député de Gouin, et de dire : J'applique les recommandations du comité.
Pouvez-vous
m'expliquer comment ça se fait que, depuis le rapport L'Heureux-Dubé, où la
démonstration est faite de façon
limpide que les députés, avec, bien sûr, leur salaire de base mais en plus une
allocation de dépenses de 38 000 $ qui est rajoutée, et en plus un
système de retraite, ô, ma foi, combien bon système de retraite, en plus une
assurance collective payée à 100 %, ensuite toutes sortes
d'indemnités additionnelles, pouvez-vous m'expliquer pourquoi...
• (11 h 40) •
En
2014, on a fait le débat ici, à l'Assemblée nationale. Les gens en place ont
rejeté le rapport Dubé. Ils ont voulu augmenter
les salaires. En 2000... je ne me souviens même plus des années, c'est arrivé
deux, trois autres fois... deux fois, minimalement, depuis ce temps-là,
et Québec solidaire a toujours eu la même cohérence, Mme la Présidente.
Pourquoi? Bien, ce n'est pas parce qu'on réfute le fait que peut-être que les
députés ne gagnent pas assez, peut-être qu'ils gagnent trop — en
tout cas, quand on additionne un certain nombre d'indemnités, des fois, on
pourrait se le dire — mais
c'est parce qu'il faut revoir ça de
façon globale. Tout employeur au Québec le sait très bien, que tu ne peux pas
prendre la rémunération d'un employé
seulement par le bout salarial. Tout le monde sait bien que tes conditions de
travail, tes indemnités, comme je viens de vous parler, font partie de
ce revenu.
D'ailleurs,
ça a été tout un chiard qui s'est passé ici quand le Canada a décidé d'imposer
la portion des indemnités au Québec,
la portion canadienne de l'allocation... des indemnités au niveau du Québec.
Pourquoi ça a créé ça? Bien, parce qu'en plus, à ce moment-là, en plus de ça,
les allocations... les indemnités n'étaient pas imposables. Ça fait que ça,
c'était une autre affaire qui venait se rajouter sur le tas. Alors, pourquoi
pas, pourquoi ne pas profiter du moment pour réellement faire ce ménage-là?
À
la dernière législature... bien, en fait, au début de celle-ci... non, de
l'autre avant, donc, au début 2018, on s'était entendus, toutes les formations politiques, pour
mettre sur pied un comité complètement extérieur, un comité qui aurait le
mandat de revoir l'ensemble de la
rémunération, incluant les assurances collectives, le régime de retraite, les
allocations données tantôt parce que
tu restes un peu plus loin, tantôt parce que ci, parce que ça, parce que tu
présides une commission, parce que tu
assistes à ça, parce que tu as été nommé adjoint à ceci, à cela. On reprend
tout ça, on rebrasse tout ça. Et là ce comité
indépendant, accompagné, bien sûr, par des gens compétents, pas juste parce
qu'ils ont été d'ex-députés, mais parce que c'est leur... bien, en fait, on avait même... on s'était même
entendus sur la composition, Mme la Présidente, on s'était entendus sur
la composition, sur le mandat, sur le... On était rendus à s'entendre sur
est-ce que ce comité-là est exutoire ou
non... exécutoire, pas exutoire, c'est une forme... en tout cas, exécutoire,
et finalement, bien, la CAQ a décidé de tirer la plug sur cette idée qu'enfin on enlevait aux députés les deux mains
dans le plat de bonbons. Mais on disait qu'on était prêts à revoir l'ensemble de la rémunération parce
que la question est vraiment légitime. D'ailleurs, depuis L'Heureux-Dubé,
2013, on se pose cette question-là.
Malheureusement, le
projet de loi n° 24, qui est présentement sur la table, est une très
mauvaise réponse à cette question légitime.
Et c'est d'ailleurs pourquoi Québec solidaire, on va voter contre. Et,
j'espère, chaque minute qu'on prend... ce
n'est pas parce que je n'ai rien d'autre à faire, c'est parce que je veux
toucher le coeur des gens, parce qu'ils le savent comme moi, ils reçoivent aussi des gens dans leur
comté, ils croisent aussi des gens dans leur comté, ils entendent ce que
les gens ont à dire de cette augmentation de salaire là.
Moi,
j'ai lancé un appel sur mes réseaux sociaux, j'ai lancé un appel, en
disant : Écoutez, le projet de loi n° 24, là, il est en train de...
il est à l'étude, et, voilà, j'ai envie de vous lire quelques-uns des messages
que j'ai reçus, que je trouve assez
percutants. Alors, citation : «C'est insultant.» Un autre : «Ils font
de la politique pour plus de pouvoir et d'argent ou pour contribuer à la
société?» Un autre : «Absurde. 30 000 $? Il s'agit de mon
salaire annuel.»
Mme
la Présidente, je suis allée faire un petit... je suis allée vérifier, là,
rapidement, vous savez que, 30 000 $, là, il y a près de 3 millions de Québécois et
Québécoises, 3 millions de Québécois et de Québécoises qui
gagnent 30 000 $ et moins
par année? Et ici, nous... Pas parce qu'ils ont décidé qu'eux autres, ils
aimaient ça avoir un salaire minimum à 15,25 $, là, pas parce qu'ils ont
décidé, eux autres, que leur salaire à 17 $ de l'heure, c'était correct,
mais parce que c'est ça que le marché leur donne. C'est ça, en matière
de salaire minimum, que le gouvernement a voté, a décrété. Puis nous, on n'a aucune honte à se voter une augmentation de
salaire de 30 000 $. Je comprends pourquoi les gens disent que c'est
insultant, d'autant plus que mon
collègue... et je vais le redire pour que les gens l'entendent bien, ici, dans
cette Chambre, là, il n'y a que
10 députés qui n'ont pas déjà un salaire plus élevé que le salaire de
base. Où sont ces députés? Bien, ils sont à Québec solidaire, Parti
québécois, probablement, je ne sais pas, je ne les ai pas comptés.
Une voix : ...
Mme Massé : Oui, oui, peut-être un ou
deux de l'autre côté. Bien, bref, vous comprenez, on veut augmenter quelque
chose qui est déjà plus élevé pour la très,
très, très vaste majorité des députés, à cause des indemnités, à cause de ci,
de ça, puis là, bien, on se trouve légitimes de faire ça? Non, Mme la
Présidente.
Je continue à
lire, alors, des messages que j'ai reçus sur Instagram : «Cela contribue
au sentiment d'impuissance des
citoyens et citoyennes face à leur situation. Je suis une jeune enseignante et
je trouve ça vraiment triste. Avec notre salaire normal à nous, c'est dur d'arriver.» Et là il y a
un autre citoyen, citoyenne — je
ne le sais pas — qui
écrit : «C'est clairement un conflit d'intérêts et une preuve de
déconnexion avec la population.»
Alors, je
vais prendre quelques minutes pour vous parler de ça, cet effet de déconnexion.
C'est sûr que j'ai regardé l'évolution du salaire minimum. Juste depuis
que je suis élue députée, seulement, j'étais, à l'époque, à 10,20 $, on
est maintenant à 15,25 $, 15,30 $.
Aïe! ce n'est pas une énorme augmentation. Je vous rappellerai qu'entre-temps
le coût de la vie a explosé. Les gens
n'arrivent plus à payer leur loyer. Les personnes... Deux personnes travaillent
et sont obligées d'aller dans des banques alimentaires.
Moi, là, cette déconnexion dont parle cette
personne-là qui m'a écrit, là, bien, je la sens. Je la sens, je la vois. Je vois des députés qui sont mal avec cette
proposition d'augmenter de 30 % notre salaire sans considérer l'ensemble
des revenus qui nous sont donnés par
l'Assemblée nationale parce que... seulement par le fait que nous, on peut
décider de notre salaire. Puis en
plus, dans le projet de loi, ce n'est pas juste : On peut décider de notre
salaire pour la prochaine législature, qui
serait un minimum, minimum, minimum de décence, bien non, maintenant. Aïe! là,
ça, ça n'a pas de bon sens. Excusez, ça n'a vraiment pas de bon sens.
Je continue à
lire : «En tant que travailleur de la santé, je trouve ça carrément
insultant. C'est scandaleux. C'est un comportement
de patrons qui n'ont de comptes à rendre à personne et non de représentants du
peuple.» Une autre citation : «Si le bateau ne serait pas en train
de couler, si les services aux citoyens seraient comblés, si les citoyens
n'avaient pas deux, trois boulots pour
tenter de joindre les deux bouts, si la famille moyenne avait la chance de
pouvoir faire autre chose que survivre, si nos aînés ne seraient pas en train
de mourir de faim, si les infirmières et les enseignantes avaient des salaires
à la hauteur de leurs soins, je dirais peut-être.»
• (11 h 50) •
Vous
comprenez l'indignation? Et, vraiment, je dis à nos concitoyens :
Appelez-les, vos députés, appelez-les, vos députés, dites-leur comment vous trouvez ça, de voir que les députés
vont se voter, dans les prochaines heures, une augmentation de salaire de 30 % alors qu'on est déjà
au-dessus de 100 000 $, alors qu'il y a près de 3 millions de
Québécois qui gagnent 30 000 $
dans une année avant impôt. Dites-leur comment vous trouvez ça, dites...
expliquez-leur comment ça fait perdre la
confiance de la population envers ses élus. Et la confiance de la population
envers les élus, c'est la base, en démocratie, Mme la Présidente.
Et là ils ne
peuvent pas dire qu'on ne leur a pas dit, on leur a dit en 2014, on l'a redit
en 2017, on l'a redit en 2018. On
n'arrête pas de le redire. Québec solidaire va continuer à dire et à redire que
ce n'est pas la façon de faire, que ça prend un comité qui a les coudées franches, un comité qui est même exécutoire,
c'est-à-dire qu'un coup qu'ils ont fait le ménage dans l'ensemble des rémunérations qui sont dédiées
aux députés, un coup que ce ménage-là est fait, incluant le fonds de pension, l'assurance collective, les indemnités,
les allocations, le grand ménage est fait là-dedans, un coup que ça, c'est fait,
ce comité-là a la... on serait prêts à lui donner le plein pouvoir de tracer la
ligne et de dire comment ça vaut, un député, comment
ça vaut, le travail d'un député, parce que c'est une sacrée job, Mme la
Présidente. C'est une sacrée job, c'est du sept jours-semaine, c'est du
sans-arrêt, j'en conviens.
Ce que je ne
conviens pas, ce que je ne veux pas et ce qui ne me rentre pas dans la tête,
c'est que nous, ici, à l'Assemblée nationale...
Même si Québec solidaire vote contre, vous savez bien ce que ça va donner,
là : immense majorité écrasante, parce
que le mode de scrutin n'a pas été changé, promesse brisée de ce
gouvernement-là. Si le mode de scrutin avait été changé, la représentation ne serait pas comme ça. Mais, ceci étant dit,
on a 12 députés, à Québec solidaire, on est fiers, et c'est clair
que, sur ce projet de loi là, on va voter contre.
In extremis, in extremis, un minimum minimal — je ne
sais pas si ça peut être plus minimum que ça, Mme la Présidente — on
va déposer des amendements, dans ce projet de loi là, pour que minimalement il
ne s'applique pas durant la
législature ici. Nous, on va voter contre le projet de loi, peu importe, parce
qu'on pense qu'il ne devrait pas exister, point barre. Ce projet de loi là, s'il avait voulu exister, ça aurait été pour
mettre sur pied un comité indépendant exécutoire qui a le mandat de faire le ménage dans l'ensemble de la
rémunération. Je vous jure que, si ça avait été ça, là, eh qu'on aurait été
vites à l'adopter, mais ce n'est pas ça. Alors donc, j'espère que,
minimalement, minimalement, minimalement, l'amendement qu'on va déposer pour que ça ne s'applique pas ici
et maintenant, dans cette législature-ci, mais dans la prochaine. Ça, c'est
vraiment le strict minimum, là.
Alors,
j'espère qu'il y aura un soubresaut de conscience de la part des députés et des
partis qui pensent, actuellement, appuyer
ce projet de loi là et que vous penserez à vos concitoyens, auprès du
3 millions qui ne gagnent même pas 30 000 $ par année, auprès des gens qui n'arrivent pas à payer
leur loyer, et j'espère que vous conviendrez que, minimalement, il va falloir
adopter la clause... pardon, l'amendement qui sera présenté par Québec
solidaire, qui fait que ça va être applicable juste l'année prochaine.
Mais soyez assurés que moi et ma formation, on va voter contre.
La
Vice-Présidente (Mme Soucy) :
Merci, Mme la députée.
Maintenant, je suis prête à entendre un autre intervenant. M. le chef du
deuxième groupe d'opposition, la parole est à vous.
M. Gabriel Nadeau-Dubois
M. Nadeau-Dubois : Merci,
Mme la Présidente. Écoutez, je suis intervenu deux fois en période de questions
sur le sujet de la hausse de salaire des députés, je suis intervenu hier
longuement, également, et j'ai pris la peine de retracer l'historique de ce débat-là au sein du Parlement
québécois, puis permettez-moi d'entrée de jeu de synthétiser le propos que j'ai
eus hier.
On entend
souvent le premier ministre dire : Ah! ça fait 20 ans qu'on débat de
cet enjeu-là, ça fait 20 ans que ça traîne. En fait, c'est inexact. La réalité est pas mal pire que ça. Ça
fait près de 50 ans, 49 ans pour être exact, que cet enjeu-là est débattu au Parlement
du Québec. Le premier comité qui a traité de la question de la rémunération des
députés, c'est le comité Bonenfant,
en 1974. Depuis ce temps-là, il y en a eu toute une série, dans les
années 80, dans les années 2000, le comité Godin, notamment, en 2000, bien sûr, le célèbre comité
L'Heureux-Dubé, en 2013. Et je ne referai pas l'historique détaillé que
j'ai fait hier, mais ce qui se détache de cette chronologie-là, le fil
conducteur des 40 dernières années, à l'Assemblée
nationale du Québec, sur ce débat-là, c'est la volonté réitérée à de nombreuses
reprises par plusieurs experts qui
ont été mandatés par les parlementaires de traiter de la question de la
rémunération des élus... la recommandation qui revient à peu près
systématiquement, c'est celle de mettre sur pied un processus qui met fin à la
situation extrêmement inconfortable dans
laquelle les députés de l'Assemblée nationale se trouvent, la décision... la
situation, pardon, de voter leur propre rémunération, de statuer
eux-mêmes sur leur propre salaire.
Les députés
se retrouvent dans une situation d'être juge et partie, de légiférer, en vertu
de leur statut de législateurs, sur
un projet de loi dont le seul objet est d'augmenter leur salaire, de leur
mettre de l'argent dans les poches. C'est une situation qui est extrêmement inconfortable. C'est une
situation de conflit d'intérêts sur toute la ligne ou, en tout cas, minimalement,
d'énorme apparence de conflit d'intérêts. Et
ça, tout le monde le sait. Et je suis convaincu que, face à moi, au sein de la
partie gouvernementale, tout le monde va
convenir que cette manière-là de procéder, fondamentalement, elle est problématique,
que ça ne devrait pas fonctionner comme ça.
Et ça fait des décennies, ce n'est pas une exagération, que des comités
indépendants, que des experts nous disent d'arrêter de fonctionner comme
ça et de mettre sur pied un processus qui est indépendant.
Une des
premières recommandations qui a été faite dans les années... il y a
quelques décennies maintenant, c'était d'accrocher automatiquement le
salaire des députés à une certaine catégorie de cadres supérieurs au sein de
l'État québécois et que le salaire des
députés suive tout simplement les augmentations de salaire que reçoit cette
catégorie de cadres là. Ça, c'est un
des moyens qui a été proposé, historiquement, pour mettre fin à la situation
insupportable de conflit d'intérêts dans lequel se retrouvent les
députés.
Un autre moyen qui a été proposé pour atteindre
le même objectif, il a été proposé dans les années 80, il a été proposé dans les années 2000, il a été
proposé, la dernière fois, en 2013 par le comité L'Heureux-Dubé, en... oui,
voilà, en 2013, par le comité
L'Heureux-Dubé, c'est cette fameuse, donc, recommandation de mettre sur pied un
comité qui serait indépendant mais
surtout exécutoire, comme ça existe dans certaines provinces canadiennes, comme
ça existe dans plusieurs pays dans le
monde, notamment dans des régimes parlementaires qui nous ressemblent, je pense
à la Nouvelle-Zélande, par exemple, des comités exécutoires qui
sont chargés périodiquement d'examiner l'ensemble des conditions de travail et de dire : En vertu de x, y, z comparables, en
vertu de ce que font des parlementaires qui ont un travail similaire, en vertu
des salaires dans la société concernée, on recommande tel salaire, tels
avantages sociaux, et donc tel régime de retraite, tel régime d'assurance, et on fait l'équilibre général de tout ça, et on
l'applique automatiquement, et les députés ne peuvent pas se mettre les mains dans le plat de bonbons,
modifier le contenu du rapport ou même le refuser. C'est ce qu'on appelle
un comité, donc, exécutoire. C'est ce que
recommandait la juge L'Heureux-Dubé en 2013. C'est ce qu'on aurait dû faire.
C'est ce qu'on répète depuis 10 ans, à
Québec solidaire. Malheureusement, la Coalition
avenir Québec, comme les libéraux
avant eux, pareil, pareil, pareil comme les
libéraux avant eux, refuse d'aller de l'avant, refuse de mettre fin à cette
situation insupportable de conflit d'intérêts.
• (12 heures) •
Pourtant, on les entend dire : Oui, mais là
ça fait 13 ans... ça fait 20 ans que ça dure, c'est un sujet miné,
c'est un sujet tabou. Pourquoi c'est un
sujet tabou en politique québécoise? Pourquoi c'est un sujet malaisant? Bien, à
cause de ce fonctionnement-là. C'est
la raison pour laquelle c'est malaisant. Alors, si les députés de la CAQ
veulent se soulager de ce malaise-là, que je comprends et que je partage, s'ils
veulent se soulager de ce malaise-là, la solution, ce n'est pas de se voter, à la va-vite, d'ici les vacances d'été, une
hausse de 30 000 $, c'est de mettre fin au processus lui-même, de
confier ce mandat-là à quelqu'un
d'autre que nous-mêmes pour que ces gens-là jugent, comme le disait ma collègue
de Sainte-Marie—Saint-Jacques, de la valeur d'un député, entre guillemets, et que les conditions
soient tout simplement appliquées par règlement, sans faire le détour ici par l'Assemblée nationale
du Québec, puis nous demander, comme législateurs, de faire... d'être juges
et parties de notre propre rémunération.
C'est tellement simple. C'est tellement simple et ça rendrait service non
seulement aux 125 parlementaires
en ce moment, mais ça rendrait service aux prochaines générations de
parlementaires qui n'auraient plus à
statuer encore une fois sur cette question-là. Parce que ça va revenir, Mme la
Présidente. Ça va revenir, peut-être pas
dans trois ans, peut-être pas dans 10 ans, mais ça va revenir. Si on ne
règle pas la mécanique problématique qu'on a en ce moment, ça va
revenir.
Comment on se
soulage pour de bon de cette situation de conflit d'intérêts, c'est un comité
indépendant et exécutoire. Et, sans
blague, je ne m'explique pas l'opposition du caucus caquiste à cette
proposition-là. C'est simple, ça relève du gros bon sens et ça nous
soulagerait de cette situation de conflit d'intérêts qui est insoutenable.
Et je n'ai
pas besoin d'aller fouiller dans les boîtes courriel d'aucun député de la CAQ,
Mme la Présidente, pour savoir qu'ils reçoivent, en ce moment, des
messages à ce sujet-là. Nous, en tout cas, on est inondés. La permanence de notre parti politique est inondée, on est inondés.
Tous les médias qui font des vox pop, toutes les manières qu'on a de mesurer
l'opinion de la population sur cette
question-là, les gens, ça les indigne, les gens, ça les dérange. Puis ils ont
raison, parce qu'eux autres, ils
aimeraient ça, comme travailleurs, comme travailleuses, avoir le pouvoir de
s'augmenter de 30 000 $, ils aimeraient ça avoir ce
privilège-là, mais ils ne l'ont pas. Ils ne l'ont pas.
Je vois un membre du gouvernement dire : Ce
n'est pas un privilège. Ce n'est pas un privilège de pouvoir...
Une voix : ...
M.
Nadeau-Dubois : Ah! vous ne recevez pas de messages? Ah! bien, on
va faire le... Peut-être qu'on peut demander aux journalistes de faire le tour de votre caucus, M. le député, pour
savoir si vous êtes le seul à ne pas recevoir de messages. Moi, mon petit doigt me
dit qu'il y a certains députés qui doivent en recevoir. Puis peut-être que, si
la culture de votre formation politique
permettait aux députés de s'exprimer librement, peut-être qu'on aurait des
réponses révélatrices à cet égard-là, à
savoir si les députés de la CAQ reçoivent des messages de leurs commettants.
Moi, je suis convaincu qu'il y en a plusieurs qui en reçoivent, parce
que c'est, à sa face même, profondément dérangeant, profondément dérangeant.
Moi, j'ai
hâte de voir les visages des députés de la CAQ quand ils vont se lever les uns
après les autres pour adopter un
projet de loi qui va augmenter leur propre salaire. Il n'y aura pas
d'applaudissements cette fois-là. Il n'y aura pas de triomphe parce que c'est une situation qui est
inconfortable. Je le comprends, je le partage. Ça ne devrait pas se passer
comme ça. Ça ne devrait pas se passer comme ça, tout le monde le sait,
puis tout le monde le sait depuis des années.
Et, ces
images-là, là, qui vont circuler, des 90 députés de la CAQ qui vont se
lever les uns après les autres pour se donner
à eux-mêmes une augmentation de 30 000 $, quel va être l'impact de
ces images-là sur la perception que les Québécois, que les Québécoises ont des hommes et des femmes
qui les représentent? C'est ça, la question à laquelle doivent réfléchir,
je pense, mes collègues de l'Assemblée nationale.
Il existe
déjà une perception erronée, erronée que la classe politique, que les
dirigeants politiques, c'est des gens qui s'en vont en politique pour servir
leurs intérêts, pour se donner des privilèges. C'est une perception erronée. Ce
n'est pas pour ça que les gens vont
en politique, peu importe le parti dans lequel ils s'engagent. Les gens vont en
politique pour défendre leur
conception du bien commun, leur conception d'un avenir juste pour la société
québécoise. Des fois, il y a différentes
visions qui cohabitent au sein de la société. C'est pour ça qu'il y a plusieurs
partis politiques qui débattent, qui s'affrontent. Les gens tranchent.
Les députés
ne vont pas, toutes tendances confondues, tous partis confondus, les députés ne
vont pas en politique pour servir
leurs intérêts personnels ou pour se mettre de l'argent dans les poches. Ce
n'est pas vrai. Mais cette perception-là, qu'on le veuille ou non, elle
existe.
Et, quand les députés de l'Assemblée nationale
vont donner le triste spectacle, le triste spectacle de se lever en Chambre pour s'octroyer une augmentation de
salaire, ça va malheureusement alimenter cette perception-là. C'est inévitable,
parce que ça crée l'impression qu'il y a
deux classes de citoyens et citoyennes : ceux qui, comme législateurs,
peuvent voter sur leur propre
rémunération et le reste de la société québécoise, les travailleurs, les
travailleuses, qui ne peuvent pas faire ça, eux autres.
On est, en ce moment, dans une négociation avec le secteur public québécois. Le gouvernement
leur offre 9 % sur cinq ans. Ces
femmes-là — elles sont majoritaires dans leur corps d'emploi — ces femmes-là et ces hommes-là peuvent-elles,
peuvent-ils décider que, non, finalement, ce
ne sera pas 9 %, ça va être 30 % pour nous aussi, parce qu'on est
aussi importants que les députés? Ils
ne peuvent pas faire ça, ils ne sont pas législateurs, ils n'ont pas ce
privilège de pouvoir s'octroyer à eux-mêmes des augmentations. Comment
pensez-vous qu'ils se sentent? Comment pensez-vous qu'ils se sentent?
J'entendais,
dans les dernières heures, le whip en chef du gouvernement expliquer en long et
en large les impacts de la vie de
député sur la conciliation travail-famille. Il parlait de ses relations
d'amitié, là, de sa relation avec sa mère. C'est un témoignage non seulement qui est crédible, mais qui est largement
partagé. Se lancer en politique, c'est faire d'énormes sacrifices. Je suis bien placé, comme jeune père
de famille, pour le savoir. On fait d'énormes sacrifices dans le temps qu'on
passe avec les gens qui nous aiment, les
gens qu'on aime, on fait d'énormes sacrifices. Bon, certains font des
sacrifices aussi financiers et
certains quittent une carrière plus lucrative pour venir en politique. Je
préciserais que d'autres font le choix inverse,
hein? Il y a des gens qui viennent du milieu communautaire, par exemple, qui
entrent en politique puis dont les conditions
s'améliorent. Il y a plusieurs parcours, il y a plusieurs trajectoires. Ce
n'est pas un concours de personnes. Mais personne ici ne nie le caractère difficile puis le caractère surtout
difficile des sacrifices que font les élus. Personne ne nie ça.
Et moi, je ne
veux pas tourner en dérision les témoignages qui ont été livrés dans les
dernières heures, notamment par le
whip en chef du gouvernement. C'est vrai que, des fois, ça pince, être en
politique. Des fois, c'est difficile. Mais ce que j'essaie de dire ici, c'est que les députés ne
sont pas les seuls, dans la société québécoise, à faire des sacrifices
familiaux pour leur travail.
Les
infirmières qui font du temps supplémentaire obligatoire, mon collègue de
Rosemont les rencontre, c'est quoi, la première chose qu'ils nous racontent?
Que le principal sacrifice d'être infirmière dans le public, en santé, c'est
quoi, c'est le sacrifice familial, le sacrifice familial de rentrer à
ton chiffre le matin et de ne pas savoir à quelle heure tu vas sortir. Parce que, si tu as un TSO, tu ne pourras
peut-être pas aller chercher la petite à la garderie. Ce n'est pas un sacrifice
familial, ça? C'en est un. Les profs,
les enseignantes, les enseignants du Québec qui travaillent jusqu'à
11 heures, minuit le soir pour préparer
le cours de la veille, ce n'est pas un sacrifice familial, ça? Les
travailleurs, travailleuses dans les usines, qui sont sur les chiffres de nuit,
qui dorment le jour, ne voient pas leurs enfants, sauf la fin de semaine, puis,
encore là, ils sont tout fatigués
parce qu'ils sont tout mêlés, parce qu'ils ont travaillé la nuit toute la
semaine, ce n'est pas des sacrifices familiaux, ça aussi? Bien sûr.
Puis, comprenez-moi bien, Mme la Présidente, je
ne suis pas ici pour faire une compétition, qui fait le plus de sacrifices, c'est-tu l'infirmière ou le député. Ce
n'est pas une compétition. Mais c'est quoi, la différence? La différence, c'est
que l'infirmière, le prof, l'ouvrier, la
préposée aux bénéficiaires, ils ne peuvent pas, eux et elles, se donner des
augmentations de salaire pour compenser les sacrifices. Ces gens-là, en
ce moment, ils vont à l'épicerie, ils voient la facture, ils sautent parce qu'ils voient l'inflation leur rentrer
dedans. Ils reçoivent des hausses de loyer, ils reçoivent des hausses de taux
d'intérêt, s'ils sont jeunes
propriétaires. Est-ce que ces gens-là peuvent dire : Aïe! Je fais des
sacrifices familiaux, la vie coûte plus cher, mon salaire, il ne monte pas depuis 20 ans, je vais me voter
une loi? Non, ils ne peuvent pas faire ça. Elle est là, l'injustice fondamentale derrière le projet de loi de la CAQ,
et c'est la motivation fondamentale pour laquelle Québec solidaire s'oppose
à cette mesure-là.
Et, moi, je
vous le dis, si les députés caquistes pensent qu'ils peuvent voter ça rapido
presto, d'ici l'été, repartir dans leurs
terres, dans leurs circonscriptions et ne plus jamais en entendre parler, ils
se trompent. Des gestes comme ceux-là, là, ça
laisse des traces, Mme la Présidente. Puis l'obstination du premier ministre à
foncer tête baissée avec sa décision d'augmenter
les salaires des députés, ça va laisser des traces. Les gens vont s'en
rappeler. Et ce premier ministre qui, depuis son retour en politique, nous dit qu'il est en politique comme homme
pragmatique pour faire ce que les Québécois veulent, ce n'est pas ça qu'il est en train de faire. Il
n'est pas en train de faire ce que les Québécois veulent. Les Québécois ne
demandent pas une augmentation de salaire pour les députés.
• (12 h 10) •
J'entendais
le premier ministre, l'autre fois, il me répondait, il me disait : La
réforme du mode de scrutin, il n'y a personne
qui se bat dans les autobus pour ça. Elle est où, la dernière bagarre dans
l'autobus pour une augmentation de salaire des députés? On la cherche encore. Le premier ministre a fait toute sa
campagne en disant : Moi, je vais faire ce que les Québécois veulent. Là, ce n'est plus ça qu'il fait, il
fait ce que ses députés veulent. Ce n'est pas la même chose. Ce n'est pas la même chose, et ça, ça va laisser des traces
sur la perception que les Québécois et les Québécoises ont de ce premier
ministre et des députés qui vont le suivre,
docilement, dans une décision qui va laisser des traces. On devrait, comme
classe politique, tous partis
confondus, se garder à tout prix de poser des gestes qui, directement ou
indirectement, vont alimenter le cynisme
de la population envers nous. On devrait être très vigilants de poser ces
gestes-là. Et là c'est ça que les 90 députés de la CAQ vont faire.
En tout cas, c'est ça qu'ils s'enlignent pour faire.
Mme la Présidente, en terminant, je veux glisser
quelques mots sur la proposition qu'on a faite ce matin. Notre opposition à la hausse, elle est claire, elle est
résolue, mais on a quand même tendu la main aux autres formations politiques
pour essayer de diminuer, d'apaiser la
perception de conflit d'intérêts qui est au coeur du projet de loi déposé par
le leader du gouvernement. Cette proposition-là, c'est de reporter après les
prochaines élections la hausse recommandée par le comité
Ouellet-Thériault.
Le premier
ministre nous dit qu'il faut augmenter les salaires des députés pour recruter
des gens différents, des gens aux parcours divers, des gens... des
meilleures candidatures, la prochaine fois. Si c'est ça, sa motivation, si
c'est ça, sa motivation, il devrait accepter
notre main tendue, qui est en fait un strict minimum : reporter la hausse
après les prochaines élections. Et
ça, ça permettrait aux députés de la CAQ de voter pour le projet de loi de leur
gouvernement en soulageant leur conscience puis surtout en apaisant la
perception de conflit d'intérêts. Parce qu'ils pourraient dire : Ce n'est
pas moi qui vais la prendre, la hausse,
c'est soit moi, soit une autre personne, soit mon successeur qui va gagner
l'élection dans mon comté. Si la
volonté du gouvernement, c'est d'améliorer les conditions pour la prochaine
génération de législateurs, qu'ils le
fassent, on leur tend la main. J'ai entendu le Parti québécois ouvrir la porte.
J'ai entendu le Parti libéral ouvrir la porte. La balle est dans le camp
des députés de la CAQ.
Le premier
ministre nous disait qu'il y avait des débats au caucus. Moi, je vous invite à
l'avoir, ce débat-là. Pourquoi ne pas
la repousser en 2026, la hausse? Pourquoi ne pas la repousser en 2026? Ça
viendrait apaiser la perception de conflit d'intérêts. Je pense que bien des Québécois, bien des Québécoises
trouveraient ça moins pire comme décision. Bien sûr, comprenez-moi bien, on ne réglerait pas le
problème de fond, hein, ni de près ni de loin, mais au moins, on éviterait de
poser un geste dommageable pour la confiance des Québécois et des Québécoises
envers leur classe politique.
Cette
proposition-là a été faite ce matin par mon collègue d'Hochelaga-Maisonneuve,
qui est notre leader parlementaire. C'est
une proposition de bonne foi. Mme la Présidente. Si on avait voulu juste faire
des problèmes, on n'aurait pas fait cette proposition-là. Elle est faite de bonne foi. L'amendement sera déposé
lors de l'étude détaillée, et la balle est dans le camp des députés de la Coalition avenir Québec, qui ont
l'occasion de dire : En effet, on est peut-être allés trop vite, on est
peut-être allés trop fort, reportons ça après la prochaine élection.
La
Vice-Présidente (Mme Soucy) : Merci, M. le député. Maintenant, je suis prête à reconnaître
M. le député de Rosemont.
M. Vincent Marissal
M.
Marissal : Merci, Mme la Présidente. Chers collègues, j'ai le
plaisir de vous annoncer que je vais vous accompagner tranquillement
vers le dîner, vers la pause.
Il y a une
personne, dans cette pièce, qui est arrivée à l'Assemblée nationale avant le
premier ministre. Eh oui, ça se peut. C'est moi, puis je n'étais pas député,
j'étais journaliste. Ça fait longtemps, c'est en 1993. Je venais d'arriver en
poste ici, à la Tribune de presse,
pour Le Soleil. Le premier ministre est arrivé quelques années plus
tard, je m'en souviens, c'est moi qui
ai fait la première grande entrevue avec le premier ministre. Je ne dis pas ça
pour vous faire le C.V., puis ma biographie, puis pour parler de moi tant que ça, c'est juste pour vous dire que ça
fait quand même un petit moment que je traîne mes savates ici. Faites le
calcul, 30 ans.
• (12 h 20) •
Alors, comme mon chef parlementaire l'a dit
tantôt, ce n'est pas exactement d'hier dont on parle du salaire des députés ou qu'on n'en parle pas, plutôt, parce
qu'on ne veut pas en parler, parce que c'est tabou. Je ne sais pas pourquoi,
parce que, dans le fond, ça devrait
être quelque chose de très simple, de normé. Ça fait longtemps qu'on aurait dû
régler cette affaire-là. À la limite,
je ne ferais pas tant porter le blâme sur la CAQ, ça fait quatre ans qu'ils
sont là. On pensait qu'ils s'étaient engagés à le faire, mais ils ne l'ont pas fait. Puis là ils vont profiter de
leur immense majorité pour essayer de passer ça comme ça, à quelques
jours de l'ajournement d'été.
À un moment
donné, l'ancien député de Papineau — j'ai le droit de le nommer, il n'est plus député — Norm MacMillan, qui était responsable de
ça... Norm MacMillan, oui. L'actuel député de Papineau me corrige. C'est bel et
bien Norm, l'unique Norm MacMillan. D'ailleurs, je ne pourrais pas me tromper,
il n'y en a qu'un. Il était whip puis
il y avait un débat, au début des années 2000, avec le Parti libéral, sous
Jean Charest. Ça brassait. Ça brassait comme à chaque
fois qu'on parle du salaire des députés puis on essaie de mettre ça sous le
boisseau rapidement, là, puis on... mais ça brassait pareil parce que tout ce qui traîne se salit, puis tout ce
qu'on ne règle pas, bien, ça traîne puis on se prend les pieds dedans pendant des années. Puis, à un moment
donné, ce bon Norm MacMillan, il nous dit, dans un scrum avec les journalistes : Il n'y a jamais de bon moment
pour parler du salaire des députés. Bien, je ne suis pas d'accord. Ce n'est pas
tant le moment, c'est la manière. Comme
disait ce bon vieux Jacques Brel, on fait ce qu'on peut, oui, mais il y a la
manière. Il y a la manière de le faire. Puis on en avait une, manière de le
faire, ici, qui aurait été correcte, qui aurait été respectueuse et de l'institution qu'on représente tous et
toutes fièrement et de la population, surtout, que l'on représente ici
fièrement et dignement. Mais, en ce
moment, franchement, Mme la Présidente, la manière choisie, c'est de loin la
pire. C'est de loin la pire. On a le pire des trois mondes, ici, là.
Puis, en
toute transparence, là, vous le savez, vous le savez parce que c'est sorti dans
les médias, puis je n'ai vraiment pas
honte de ça, vous allez comprendre... pas fier de ça, je dois dire, puis vous
allez comprendre pourquoi. C'est sorti dans les médias, il y a 10 élus ici, dans la place, qui ont le salaire
minimum. Bon, on s'entend, ce n'est pas le salaire minimum de la
population, là, ce n'est pas ça que je dis, mais des salaires, là, sans aucune
forme d'émoluments supérieurs et additionnels. J'en fais partie, j'en fais
partie. Je ne dis pas ça pour me plaindre. Encore là, je choisis d'être ici.
J'aurais pu faire autre chose, je me suis
fait élire. J'ai tellement aimé ça que j'en ai remis puis je me suis fait élire
une deuxième fois. Je suis une victime totalement consentante, je ne
suis pas en train de dire que je suis mal payé. Mais je peux vous dire, par
contre, que j'aurais aimé ça qu'on fasse un vrai débat sur le salaire des
députés. Ça me pince un peu, moi, de savoir qu'il
y a toutes sortes de collègues qui ont toutes sortes d'émoluments additionnels,
de primes de ci, de ça. Je ne sais pas, j'ai l'impression que ce n'est pas nécessairement basé sur une grille
totalement objective. Et on aurait pu faire ce débat-là aussi.
Alors, encore
là, je ne suis pas là, ici, pour me plaindre de mon salaire, mais, je vais vous
dire, si j'étais une auto, là, je
serais le modèle de base. Je suis un modèle de base : des pneus quatre
saisons cheaps, des sièges en tissu puis peut-être pas de radio,
certainement pas de clim. En tout cas, je ne sais pas pourquoi c'est comme ça,
ça fonctionne comme ça.
Puis je vais vous raconter une autre anecdote
concernant le Parti libéral. Je les aime beaucoup, les anecdotes concernant le Parti libéral. Sous Jean Charest
toujours, à l'époque, sur 125 députés, savez-vous, Mme la Présidente, il y
en avait combien qui n'avaient aucune
rétribution supplémentaire à son salaire? Combien de députés n'avaient aucun
émolument supplémentaire? Un. Un sur
125. C'était qui? Je pense que vous étiez là. C'était Pierre Paradis. Pourquoi?
Parce qu'il était en rupture de ban avec son chef puis avec son parti.
Puis, pour le punir, on ne lui avait pas donné... on ne lui avait rien donné. C'était un char de base comme moi. On ne
lui avait rien donné. Mais moi, je pense que je ne suis pas en chicane avec
personne, là, puis c'est comme ça, c'est comme ça, là, on ne m'a pas puni. En
tout cas, du moins, pas que je sache. Mais
Pierre Paradis avait été puni par absence de rétribution supplémentaire. C'est
quand même extraordinaire. Ça fait que venez pas me dire que c'est
totalement objectif. Il y a bien de l'arbitraire là-dedans. Puis il y a des
collègues, puis tant mieux pour eux, qui
sont allés chercher quelques émoluments additionnels. Puis c'est comme ça. Puis,
ce débat-là, on ne l'a pas fait.
Alors, je
vous le dis : La manière choisie, là, pas le moment. Je ne suis pas
d'accord avec Norm MacMillan. Il y a des moments pour en parler, puis il
faut en parler, mais c'est la manière d'en parler.
Qui se vote 30 % d'augmentation en deux
coups de cuillère à pot, avec un projet de loi de deux articles, puis il
faudrait faire ça un, deux, trois, en plus, là? Qui fait ça? Bien, je vais vous
le dire qui fait ça. Il y a des dirigeants d'entreprise qui se font ça. Le président d'Air
Canada, il s'est fait ça, lui. Il s'est voté, là, tout seul, avec sa gang puis son conseil d'administration, une sacrée belle
augmentation de salaire. Il y a même du monde de la Caisse de dépôt qui se font
ça. Pas de comptes à rendre à
personne, on se vote des augmentations de salaire. Mais, savez-vous quoi, ici,
des gens de bonne volonté critiquent ça puis dénoncent, parce qu'on ne
devrait pas faire ça, parce que c'est s'attribuer des privilèges que le commun des mortels n'a pas. Puis, pour
reprendre l'expression utilisée par le ministre de l'Éducation, là, mais à son
sens propre, ça écoeure, écoeure dans le sens de ça lève le coeur, au
sens propre du terme. Alors, quand des grands dirigeants d'entreprise le font, bien, on se lève ici puis on
pose des questions ou on va devant les médias puis on dit : Bien, c'est
écoeurant, puis effectivement on ne devrait pas fonctionner comme ça.
Vous savez,
on offre 9 % de salaire de plus aux employés de l'État. Ça a pris des
années, des années, ici, pour faire un débat, pour admettre que 15 $ de
l'heure, ce n'est pas le salaire minimum, c'est le minimum du salaire minimum.
Puis encore, on nous disait : Vous
allez détruire l'économie du Québec, si vous augmentez le salaire minimum à
15 $ de l'heure. Vous vous en
souvenez de ça? Là, maintenant, on se rend compte que ce n'est même plus assez.
Ces gens-là, là, qui gagnent 15 $
de l'heure, là, ils ne font même pas 30 000 $ par année, ce qu'on
s'apprête à s'auto-octroyer sur un projet de loi de deux articles.
Ça fait que
moi, je demande à mes collègues : Regardez autour de vous. Je ne suis pas
ici pour faire... pour «shamer» personne,
comme diraient mes ados, là, ou je ne suis pas ici pour culpabiliser personne.
Avant de me le faire reprocher, je ne suis pas ici pour culpabiliser personne.
Mais moi, j'ai un malaise. Je me dis : La prochaine fois que vous allez
chercher votre grilled-cheese ou votre muffin, regardez l'employée de la
cafétéria dans les yeux, qui ont été obligés de sortir ici, en face de
l'Assemblée nationale, parce que leur convention collective est échue depuis je
ne sais pas combien de temps, puis qui gagnent des salaires de misère à nous
faire nos sandwichs, allez la voir puis dites-lui : Bonjour, madame, je
viens de gagner 30 000 $ de
plus, aujourd'hui, en adoptant un projet de loi de deux articles avec mon
immense majorité parlementaire.
Les constables spéciaux, vous les voyez, là, les
constables spéciaux, ils se promènent avec des gros macarons, vous ne pouvez pas les manquer, c'est en rouge,
là, leur convention collective est échue depuis 2020. Et c'est même pire que
ça, ils ne l'ont pas renouvelée, en 2020. Ça veut dire qu'ils roulent sur une
convention collective de 2016. Ça fait sept
ans, les constables spéciaux, qu'on appelle parfois les gardes du corps...
Bien, s'il est vrai que les politiciens, les élus, en particulier les
ministres, ont des vies de fous, et c'est vrai, bien, les gens qui les
protègent et qui les véhiculent ont aussi des vies de fous. Puis, à ces gens-là, on n'est même pas capables de
faire l'honneur de renouveler leur convention collective. Puis croyez-moi, quand ce
sera fait, ils n'auront pas 30 000 $ de plus. Ils n'auront pas
30 000 $ de plus. C'est deux poids, deux mesures, ici.
C'est vrai
que les élus ont des vies de fous. Ça, je vous l'ai dit. Mais je pourrais vous
parler des 30 000 personnes, salariées de l'État, dont
l'immense majorité sont des femmes, 30 000, dont l'immense majorité sont
des femmes, dans toutes les sphères
d'activité du gouvernement, qui attendent le règlement d'équité salariale
depuis 2010, depuis 2010. Ça fait
13 ans que ces femmes attendent une rétroaction. Nous aussi, on va en
avoir une, rétroaction, là, ça a l'air, quand on va avoir adopté ce projet de loi là. Non seulement on
va faire 30 000 $ de plus, mais on va avoir une rétroaction depuis le
mois d'octobre.
Une voix : ...
M. Marissal : C'est une bonne chose,
si ça a sauté. Ces gens-là dont je parle, les 30 000, attendent un
règlement d'équité salariale qui leur est dû. Ça leur est dû, en vertu de la
loi qui a été votée ici, depuis 13 ans.
Je pourrais
vous parler aussi des conditions de travail dans le réseau de la santé. C'est
mon dada, ces temps-ci, je passe
beaucoup, beaucoup de temps dans le réseau de la santé. Je ne suis pas malade,
rassurez-vous, je passe beaucoup de temps
dans le réseau de la santé pour parler aux gens. Les préposés aux bénéficiaires
qui sont sanctionnés parce qu'ils ont volé
une toast au beurre d'arachide, les infirmières qui sont obligées de sortir sur
le trottoir du boulevard de l'Assomption, à l'Hôpital Maisonneuve-Rosemont, parce qu'elles n'en peuvent plus puis
leurs conditions de travail sont pitoyables, à ces gens-là, je le
répète, on offre maximum 9 %.
Je veux plutôt vous parler d'un secteur que je
connais, c'est-à-dire le secteur du journalisme. Il y a plusieurs ex-journalistes ici, là. J'ai fait le décompte,
après les élections d'octobre dernier, on est 10 ou 12, 10 ou 12. À la blague,
je disais qu'on pourrait presque
former une aile de la FPJQ parlementaire, tellement on est nombreux. Il y a
des journalistes qui, dans leur
carrière précédente, gagnaient pas mal plus d'argent qu'ils en gagnent ici.
C'est mon cas. C'est mon cas, mais, encore
là, j'ai fait le choix d'être ici. J'aurais pu faire autre chose, je suis ici,
je vis parfaitement bien avec mes choix. Je pense au ministre de l'Éducation qui avait un sacré gros micro à
Montréal, qui a décidé de l'abandonner pour revenir en politique. C'est un choix qu'il a fait aussi.
J'espère qu'il est aussi heureux que moi de son siège, mais c'est un choix
qu'il a fait. Et, connaissant un peu les tarifs horaires des gros micros à
Montréal, en particulier dans la radio privée, je pense bien que le ministre de l'Éducation a fait un sacrifice
salarial costaud, costaud, mais il le savait. Ça ne l'a pas empêché de venir en
politique.
Alors, moi,
l'argument que c'est pour attirer plus de talent, des candidats de meilleure
qualité, de un, je trouve ça insultant
pour les gens qui sont ici. Puis, en tout respect pour mes collègues de la CAQ,
je trouve ça, en particulier, insultant pour les gens de la CAQ, parce qu'ils sont choisis personnellement par
le premier ministre. Alors, est-ce que le premier ministre est en train de nous dire que, dans le bassin,
quand il choisit ses candidats et ses candidates, il aimerait ça avoir une
qualité supérieure?
Moi, je
n'aimerais pas ça me faire dire ça, d'autant que, même si je ne suis pas
souvent d'accord avec certains de ses ministres, le ministre de l'Économie, le
ministre des Finances, le ministre de la Santé sont tous des gens qui ont
fichument bien réussi dans la vie. Et, je répète, je suis rarement en
accord complètement avec tout ce qu'ils disent et avec leurs orientations politiques, mais, aux yeux du premier
ministre, et il l'a dit et redit, ce sont, à ses yeux et aux miens aussi, en
quelque sorte, même si on ne s'entend pas
politiquement, ce sont des candidats de qualité. Ce sont des candidats de
qualité, bien oui. Le député de
Beauce-Sud, avec qui je travaille régulièrement, c'est un candidat de qualité
puis c'est un excellent président de commission parlementaire en plus,
une carrière, notamment, dans l'enseignement.
Puis je
pourrais tous les nommer ou à peu près tous et toutes, là, sauf les nouveaux
visages que je n'ai pas eu le temps encore de bien connaître. Mais moi,
l'argument de : On va augmenter le salaire, ça va attirer du meilleur
monde, de un, je n'y crois pas parce qu'on a déjà attiré du monde. Si
c'était juste la question d'argent, là, si c'était juste la question d'argent, là, ça se saurait. Puis des gens qui
sont bien rémunérés ailleurs, qui ont fait des choix... Je parlais du ministre
de l'Éducation. C'est un choix
patent. Il venait de renouveler son contrat, le ministre de l'Éducation, il
aurait pu rester à la radio.
Probablement que c'était pas mal plus relax, sa job à la radio, qu'elle ne
l'est ici. Il est venu ici. Puis, en plus, il ne peut pas dire : Je ne le savais pas. C'est son deuxième tour en
politique. Ça fait qu'il le savait. En plus, il savait très bien dans
quoi il se lançait. Ça fait que cet argument-là, moi, je n'y crois pas.
On a parlé aussi beaucoup de la vie difficile
des députés pour justifier un salaire élevé, plus élevé. Bon, de un, il y a des députés ici qui, avec leur rémunération
additionnelle, ne sont pas si mal payés que ça. On va se le dire, même le
député de base n'est pas si mal payé que ça. En partant, là, quand on considère
l'ensemble, là, la moyenne des ours au Québec,
on n'est pas trop à plaindre, quand même. Mais faisons l'argument que c'est
vrai qu'on a des jobs très prenantes, qu'à
la fin il n'y a pas tant de garantie puis de sécurité d'emploi quand tu es
député parce que tu rentres par une vague puis tu sors par une vague. C'est
souvent comme ça. Mettons, là, faisons tout cet argument-là, là, bien, je
reviens au point de départ. Il y a la
manière de discuter d'une augmentation de salaire, et, de ça, nous parlons ici,
oui, depuis 49 ans, comme l'a dit mon chef parlementaire tantôt, et
moi, j'étais ici. De visu, j'ai couvert ces débats-là il y a une trentaine
d'années.
• (12 h 30) •
Mais, comme
le disait le député de Gouin tout à l'heure, vous savez, il y a pas mal de
monde qui ont des vies de fou, qui
ont des jobs de fou, qui ont des vies familiales sacrifiées à cause du travail.
Le camionneur, là, qui fait des parcours, là, entre le Tennessee, le nord de l'Ontario puis Montréal, là, qui est tout
le temps sur la route, là, qui mange mal, qui a mal dans le dos, qui n'a plus de hanches, qui a
probablement la surdité sur l'oreille gauche parce que c'est plus proche du
moteur, ce n'est pas une belle vie
non plus tellement, là. Ce n'est pas tellement non plus la vie de rêve, là,
puis il n'a pas les privilèges qu'un
ou une députée peut avoir. Ce camionneur ne peut probablement pas
s'auto-octroyer 30 000 $ de plus en un claquement de doigts. Moi, je ne
crois pas ça. C'est juste ici qu'on est capables de faire ça, parce qu'on a les
moyens parlementaires de le faire.
Moi, j'invite mes collègues à regarder ça de face, là. Ce n'est pas un débat
partisan, là, à part qu'à Québec
solidaire, vous l'aurez compris, là, on n'est pas d'accord
avec ça puis on va voter contre le projet de loi, après, évidemment, avoir
essayé de l'amender. Mais ce n'est pas un
débat purement partisan sur une position politique, c'est une position morale,
c'est une position éthique. Le mot
«éthique» ici, il est important. Et, pour citer le livre de René Villemure, L'éthique
pour tous, c'est pour tout le
monde, l'éthique, pas juste les gens qui se font pogner. Des fois, l'éthique,
c'est pour avant de poser un geste. Et, en fait, c'est souvent avant de
poser un geste qu'on doit se poser des questions d'ordre éthique.
Puis,
quand j'entends, par exemple, le premier ministre justifier le projet de loi en
disant : C'est une décision courageuse, c'est le courage... je ne dirai pas le contraire de ce qu'est le courage
parce que ce ne serait pas parlementaire, mais je ne suis pas d'accord avec sa définition de courage. Je ne
suis pas d'accord pantoute, Mme la Présidente, avec sa décision de courage.
Parce que, quand je regarde la première
définition qui me vient ici, là, quand je fais une petite recherche sur les
moteurs de recherche, ici, sur Le
Robert, par exemple, «courage», nom masculin, la première chose qu'on me
dit ici : «force morale». Force
morale. Je ne pense pas que nous soyons, ici, dans une question de force
morale. Je pense même qu'il y a un côté assez immoral à ce qu'on s'apprête à faire ici en se votant nous-mêmes,
sans qu'il y ait de réels débats, sans qu'il y ait un regard extérieur,
une augmentation de salaire aussi prononcée, aussi prononcée. Et, je le répète,
il y a la manière.
Malheureusement,
le gouvernement a décidé de foncer. Moi, quand j'étais chroniqueur politique,
je disais souvent : Pour
comprendre l'agenda d'un gouvernement, l'outil le plus utile, c'est le
calendrier. Pas tant la calculatrice, c'est plus le calendrier. Vous le savez, Mme la Présidente, là,
demain on siège, après ça il reste deux semaines, il reste deux semaines
d'intensive. Les gens qui ont déjà siégé
ici, puis c'est la plupart des gens que je vois ici, dans cette salle, savent
c'est quoi, les deux dernières semaines. C'est un tourbillon. Ça va vite, vite,
vite. Puis tout le monde a pas mal hâte aussi de retourner dans ses terres, retourner dans sa
circonscription, retourner auprès de sa famille. Ça va très rapidement.
Parfois, on a des projets de loi adoptés en toute vitesse.
Alors, je
pense que le gouvernement... vous pouvez m'accuser de prêter des intentions,
mais c'est l'évidence même, là, le
gouvernement a fait le calcul que ça va passer rapidement, que les lilas vont
faner, que l'été va passer puis qu'au temps des pommes plus personne ne parlera de ça. Je ne suis pas tant sûr que
ça. Je ne suis pas tant sûr que ça, parce que c'est le genre d'affaire éthique et morale qui dérange le
monde. On a, au cours des dernières décennies, ici, assaini pas mal nos moeurs en matière de finances, notamment en
abolissant l'allocation... la prime de transition ou l'allocation de transition
quand un député démissionne lui-même ou
elle-même de son poste. Ça a été bien reçu, ça a été bien perçu. On a aussi
assaini nos moeurs en matière de financement des partis politiques. L'argent
puis la politique, ce sera toujours explosif, ce pourquoi il faut le faire correctement, ce pourquoi, et je termine
là-dessus, je le répète, il y a la manière. Le moment était mal choisi,
je pense qu'on aurait dû le faire autrement, mais c'est surtout la manière qui
est mal choisie.
Alors,
j'invite mes collègues, là, il reste quelques heures ici, là, avant de
commettre l'inévitable... je demande à mes collègues de regarder avec
ouverture les amendements que nous allons déposer sur le projet de loi
n° 24. Merci.
La
Vice-Présidente (Mme Soucy) : Merci, M. le député. Maintenant, je suis prête à
entendre un autre intervenant, et ce sera le député... M. le député de
Jean-Lesage.
M. Sol Zanetti
M.
Zanetti : Oui. Merci, Mme la Présidente. Avant de commencer
mon intervention, je voudrais faire... poser une question. Je vois le
temps filer, mais, si vous pouvez le suspendre, en vertu de l'article 213...
La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Alors,
je suspends les travaux quelques instants.
M. Zanetti : ...c'est juste pour... En
vertu de l'article 213...
La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Ah?
Ah oui! En vertu de l'article... Ah oui!
M. Zanetti : ...je voudrais poser
une question au collègue qui vient d'intervenir.
La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Oui.
Allez-y.
M. Zanetti : Merci.
La
Vice-Présidente (Mme Soucy) : Allez-y. S'il accepte... Il a le choix d'accepter
de répondre ou non. Alors, allez-y, M. le député.
M. Zanetti : Oui. Alors, je voudrais
poser une question au député de Rosemont, qui vient de terminer son intervention. On sait que le député
de Rosemont a une expérience de journaliste, ici, avant
d'avoir été député à l'Assemblée, élu
dûment, et il en a parlé. Et, moi, ce que je voudrais savoir, par rapport à
l'intervention qu'il a faite, c'est, à sa connaissance et à son souvenir, la dernière fois qu'il a été
question, à l'Assemblée nationale, d'augmenter le salaire des députés, quelle
était la position de l'actuel premier ministre du Québec.
La Vice-Présidente (Mme Soucy) : ...
M.
Lévesque (Chapleau) : ...je ne suis pas certain qu'un membre d'une
formation politique puisse poser à un autre membre de la même formation
politique une question sur l'article 213, mais j'aimerais que vous
m'éclairiez sur cette question et qu'on puisse continuer nos travaux.
La
Vice-Présidente (Mme Soucy) : Oui. L'article 213 de notre règlement prévoit
qu'il est possible de poser... qu'un député
pose une question à un autre élu, tous partis confondus. Par contre, la
réponse... la question doit être brève et la réponse doit être brève. Donc, M. le député, vous n'avez
pas... vous n'êtes pas obligé d'y répondre, mais, si vous y répondez, très
bref.
M.
Marissal : Je ne pourrais pas manquer une si belle occasion,
c'est quand même la première fois qu'on me pose une question ici, au
salon bleu. C'est un peu particulier comme exercice.
Bien, la
position de pas mal tous les partis politiques, pour répondre à mon collègue de
Jean-Lesage, qui n'étaient pas au
pouvoir, c'était de revoir la rémunération d'une façon indépendante. Ça a
d'ailleurs été dit. Et, pour parler d'un autre membre du gouvernement, le ministre de l'Éducation, dont j'ai parlé tout
à l'heure, a laissé aussi quelques traces notables et notoires de sa position sur la décision
autoproclamée du gouvernement de se voter une augmentation de salaire. Ce n'est
pas tout à fait nouveau, effectivement, qu'on essaie d'y aller avec parcimonie
et scrupule sur une telle...
Je ne suis
pas habitué de répondre aux questions, excusez-moi. Moi, je suis habitué de
poser des questions, ça fait que... C'est bon. Merci, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Merci,
M. le député de Rosemont. Vous avez très bien fait ça.
Alors, vous pouvez poursuivre, M. le député de
Jean-Lesage.
M. Zanetti : Merci, Mme la
Présidente. Alors, beaucoup de choses se sont dites jusqu'ici sur la question
de la hausse de la rémunération des députés
de l'Assemblée nationale. Et moi, j'ai effectivement beaucoup de choses à dire
par rapport à ça. Cela dit, ceux que
nous n'avons pas entendus suffisamment pour l'instant, je pense, c'est les gens
qui nous ont élus, la population en général. Et je me rappelle que... Est-ce
que c'était il y a deux semaines? Oui, je pense, c'était il y a deux semaines. Le chef parlementaire du
deuxième groupe d'opposition, député de Gouin, avait lancé le défi aux députés
du gouvernement d'aller demander, lorsqu'ils
iraient faire leur épicerie, au caissier ou à la caissière de dire qu'est-ce
qu'ils pensaient de cette
augmentation-là, et je ne sais pas s'ils l'ont fait. Cela dit, au cas où il y
en a qui ne l'auraient pas fait, je me
suis dit : Bien, moi, je vais consulter les gens, à partir de mes médias
sociaux, pour leur dire : Écrivez-moi et dites-moi ce que vous pensez de
ça. Et je leur ai dit, quand même : Il faut que ce soient des propos
parlementaires, mais tout ce qui est parlementaire, je vais le lire,
parce que je pense que c'est important que les députés du gouvernement
entendent directement ce que les gens en
pensent. Alors, j'ai beaucoup, beaucoup de commentaires, donc je ne vais pas
nécessairement nommer tout le monde,
mais je vais y aller en rafale pour que vous compreniez quel est le début et la
fin des commentaires.
Alors, un
premier commentaire : «Je suis d'accord s'ils laissent les syndicats de
l'enseignement se voter leur prochaine augmentation aussi. On pourrait
se donner 30 000 $ également et ainsi avoir un impact sur la pénurie
d'enseignants.»
Autre
commentaire : «C'est honteux. Pendant qu'ils se votent 30 %, plein de
gens perdent leurs loyers, plein de femmes
doivent abandonner leur carrière et rester à la maison parce qu'il n'y a pas de
place en garderie ou que le prix des places est exorbitant.»
Autre
commentaire : «Ma conjointe est travailleuse sociale au communautaire, et
30 000 $, c'est son salaire annuel. On voit où sont les
priorités pour certains députés.»
Autre commentaire :
«En dépit de l'étendue de mon vocabulaire, aucun propos jugé parlementaire ne
peut qualifier mon sentiment.»
Autre commentaire : «Je suis préposé aux
bénéficiaires, et, alors que nous sommes en pleine négociation de conventions collectives du secteur public, il est
plutôt insultant de voir la partie patronale s'attribuer des telles hausses et
ensuite venir nous dire à la table de négociation que les demandes syndicales
sont déraisonnables.»
• (12 h 40) •
Autre
commentaire : «On augmente de 30 % le salaire des députés supposément
pour attirer de bonnes candidatures, alors que ça se bouscule aux portes
pour occuper un siège à l'Assemblée nationale. Pour chaque siège occupé au
salon bleu, il y a au moins quatre
candidatures qui ont été rejetées, et la plupart étaient qualifiées. Est-ce
qu'on a déjà vu autant de compétition
pour occuper des postes d'enseignant ou d'infirmière? Bien sûr que non. Et
pourtant on leur offre 9 % d'augmentation sur cinq ans. Le gouvernement
devrait chercher à combler les postes vacants dans les écoles et les
hôpitaux plutôt qu'à attirer de la compétition pour des postes déjà occupés au Parlement.»
Autre commentaire : «Il y en a qui ne gagnent
même pas 30 000 $ par année. C'est gênant.»
Prochain commentaire : «La nation québécoise a choisi
les députés parce qu'elle veut des logements abordables, un système de santé efficace, un système
d'éducation exemplaire, et j'en passe. Les députés n'ont pas été choisis pour
décider de leur propre salaire mais bien pour régler les problèmes que
nous possédons en tant que société. C'est ça, le principal travail d'un député, améliorer la vie des
citoyens. Les élus n'ont pas besoin d'une augmentation de salaire pour faire ce
travail, alors pourquoi ne vous
concentrez-vous pas sur les choses plus urgentes et qui concernent pour vrai la
population du Québec, la même qui
vous a accordé sa confiance et qui attend toujours de voir un vent de
changement bénéfique de la part du gouvernement?»
Autre
commentaire : «La déconnexion de la CAQ et de ses députés du reste de la
population est flagrante quand le
secteur public, qui a travaillé d'arrache-pied, durant la pandémie, à garder le
fort, se fait mettre des bâtons dans les roues à négocier un salaire respectable et représentatif de leur labeur,
9 % sur cinq ans, tandis que le salaire d'un député est déjà
nettement adéquat à subvenir aux besoins d'un individu.» Et là j'ajouterais
même, je dirais, d'une famille.
Autre commentaire : «Alors que le
secteur public se tue aux tables de négociation pour obtenir une augmentation
de salaire qui ne suit jamais l'augmentation
du coût de la vie, cela témoigne d'un mépris grandissant pour un secteur
d'emploi majoritairement féminin. Comment accepter de rester passive devant les
députés qui se votent une aussi grasse augmentation de salaire alors que les enseignantes,
infirmières, éducatrices et autres doivent déployer des efforts gigantesques
pour être simplement entendus? C'est enrageant et insultant.»
Autre
commentaire : «Je vote pour la même augmentation en tant qu'infirmière
auxiliaire ayant travaillé pendant des innombrables éclosions de COVID
et du risque que j'ai pris et fait subir à mes proches.»
Autre
commentaire : «La politique ne devrait pas être une affaire de gros sous,
mais de conviction et d'être au service de
ses citoyens. Au Québec, les rémunérations des députés restent plus
raisonnables que dans d'autres pays, et c'est important que ça reste de même. Un député se doit de représenter les
intérêts de la population, et ces sommes auraient bien plus intérêt
d'être investies ailleurs que de surpayer des agents de la démocratie.»
Un
autre commentaire : «À chaque mardi, les enseignantes et professionnels de
l'école secondaire où je travaille portent
leur chandail noir où c'est écrit Profs en négo afin de faire pression sur le
gouvernement. Ça dure depuis des mois, réponse
décevante après réponse décevante. On dit que le gouvernement est déconnecté de
la population et en voilà un exemple
particulièrement clair. Eux peuvent se voter eux-mêmes leurs augmentations qui
leur conviennent sans négo, sans contreparties qui leur disent que c'est
exagéré.»
Autre
commentaire : «101 000 $ et les nombreuses primes
supplémentaires, c'est déjà un salaire confortable. Les députés sont là
pour servir le public québécois et non pour vivre dans le luxe.»
Un autre
commentaire : «Absolument injustifié.» Avec un émoji de colère.
Autre
commentaire : «Je crois que le salaire des députés ne devrait jamais
augmenter davantage que la moyenne de ceux
de la fonction publique. Si attirer les talents de l'Assemblée nationale est
important, ça l'est tout autant, sinon plus dans nos écoles, nos hôpitaux, tous nos services publics. Aussi,
peut-être devrait-on cesser de penser l'Assemblée nationale avec les biais aristocratiques et qu'il vaut mieux
y attirer des banquiers et des avocats plutôt que des gens de tous les milieux
pour lesquels un salaire dans les six
chiffres est carrément hors de portée. Les heures travaillées par les députés
sont intenses, et je ne suis pas
contre une rémunération appropriée, mais l'argent ne devrait pas être le
principal facteur décisionnel pour s'impliquer pour ses concitoyens.»
Autre
commentaire : «C'est indécent, irrespectueux, irresponsable. Les candidats
de qualité qu'on soi-disant dit vouloir
attirer ne seront pas nécessairement plus représentatifs de la population et ne
feront pas nécessairement un meilleur travail.
Nous sommes dans une démocratie qu'on se plaît à croire représentative. Dans
les faits, la CAQ laisse entendre qu'elle ne veut pas avoir que des candidats
et députés avec des profils de chef d'entreprise tout en refusant de revoir le
mode de scrutin. Le Québec n'est pas
une business à gérer, c'est une nation, un peuple, une société et, oui, un pays
qui a des enjeux sociaux et
environnementaux beaucoup plus larges que ceux qui sont dans la vision des
chefs d'entreprise. On a besoin de diversité de profils pour avoir une
gouvernance allumée, qui voit en dehors du cadre.»
Prochain
commentaire : «Ma question : Est-ce que tous les députés de la CAQ
sont vraiment d'accord avec le fait de voter pour leur propre salaire ou est-ce
encore simplement le reflet de la ligne de parti? Si c'est le cas, je lance un
message aux députés qui ne sont pas
tout à fait à l'aise de voter pour leur propre salaire mais qui sont coincés
dans ce manège, je leur dis d'écouter
leurs instincts et leurs convictions et de demander à un comité indépendant et
exécutoire de faire le constat des choses.»
Prochain
commentaire : «Je pense que ce serait bien qu'on investisse un peu plus
dans les écoles pour soutenir les
enseignantes, qui doivent gérer des enfants avec des troubles du comportement
sévères et des besoins plus prenants. Moi, je prendrais bien une deuxième personne en maternelle pour m'aider à
calmer ceux qui courent avec des ciseaux, ceux qui veulent retourner chez eux et ceux qui sortent de
la classe sans attendre, ceux qui hurlent et lancent des chaises parce qu'on
leur a dit qu'ils ne pouvaient pas continuer à lancer des jouets, ceux qui
donnent des coups et qui mordent quand on s'approche trop, ceux qui
pleurent parce qu'ils sont épuisés de ne pas savoir si leur enseignante en
congé de maladie reviendra un jour.»
Prochain
commentaire : «D'abord, il y a conflit d'intérêts. Personne ne doit se
voter lui-même une augmentation de
salaire, et ça s'applique aussi au gouvernement, qui représente les citoyens,
je le rappelle. Ensuite, considérant l'augmentation par rapport au coût de la vie, qu'ont les députés
tous les ans, l'augmentation supplémentaire de 30 000 $ n'est pas
nécessaire. Est-ce que les députés
sont en bas de l'échelle salariale? Non. Cette augmentation de salaire des
députés ne montre pas l'exemple et
contribue à la création de classes riche et pauvre, ce qu'on veut éviter dans
une société en santé, économiquement parlant.»
Prochain
commentaire : «En plus d'être inapproprié, c'est le pire momentum pour le
faire, alors que les gouvernements refusent
de négocier de façon décente les conventions collectives des travailleuses et
des travailleurs de la santé et d'autres services publics.»
Prochain
commentaire : «L'autre jour, GND a invité ses abonnés Instagram à poser la
question à un caissier à l'épicerie. Je ne
sais pas si c'était une blague, mais moi, je l'ai fait pour vrai. La réponse a
été : On devrait utiliser l'argent ailleurs.»
Prochain
commentaire : «Je propose que l'augmentation des députés soit la moyenne
des augmentations accordées aux travailleurs de la fonction publique.»
Prochain
commentaire : «J'ai eu des discussions là-dessus avec mon entourage et je
trouve que c'est dommage que l'argument
voulant qu'il faille attirer des talents — entre guillemets — soit invoqué pour justifier la hausse. Il n'y a
pas de pénurie de députés, et c'est déjà tellement un milieu de personnes
favorisées. Cet argument sous-entend que les talents existent mais qu'ils sont
probablement trop occupés par des fonctions plus lucratives et donc qu'il
faudrait augmenter les salaires pour
les convaincre de mettre leurs compétences au profit de la politique active.
Cela est faux. Il y a plein — et
je dis "pleiiin" parce il y a beaucoup de i dans le "plein" — de
personnes talentueuses qui gagnent moins de 100 000 $ par an et qui ne sont pas pour autant attirées par le
métier de député. Pourquoi? Quelles sont les mesures qui permettraient
l'inclusion de ces personnes-là?
Voilà la question qu'il faut se poser afin de recruter — entre
guillemets — des
talents. Celle du salaire est
dérisoire et exclusive, puisqu'elle priorise les classes homogènes déjà riches.
Est-ce qu'on veut vraiment attirer plus de personnes riches à
l'Assemblée nationale pour représenter le peuple?»
Prochain
commentaire : «Je trouve ça indécent. Je suis handicapé, je ne peux plus
travailler et je ne mange pas toujours à ma
faim. Le stress d'être sous le seuil de la pauvreté joue sur ma santé. Puisque
j'ai une maladie dégénérative, ce stress
aggravera ma maladie, et à long terme je coûterai plus cher au système de
santé. Pourtant, je fais du bénévolat quand je peux. Il n'y a pas qu'une façon d'être utile à la société. Cette
augmentation, et la CAQ, fait que je me sens comme un déchet de la
société.» Ça, c'est grave.
Prochain
commentaire : «C'est une augmentation plus élevée que n'importe quel
salaire annuel que j'ai fait dans ma
vie, dans toute ma vie. Je n'ai pas l'impression que la majorité des députés
travaillent autant que j'ai pu travailler dans ma vie à me briser le dos en levant des charges et à faire parfois
jusqu'à 16 heures de job sans arrêt. C'est offensant et méprisant
de leur part.»
Prochain
commentaire : «En tant que jeune femme de 16 ans, je suis très
affectée par la crise climatique et je peux vous dire que, si on mettait en priorité nos ressources financières
comme ça au profit de la transition écologique, la crise climatique, on la réglerait bien vite. Si tout ce
qui manque pour attirer plus de talents — entre
guillemets — en
politique, c'est 30 000 $
par année, je pense que la CAQ a complètement perdu de vue la raison pour
laquelle elle fait de la politique. La politique, on fait ça pour
améliorer les conditions de vie des citoyens, pas pour l'argent.»
• (12 h 50) •
Prochain
commentaire : «Je suis professeur. Non, ce n'est pas pour vous parler des
négociations en cours que je vous parle
de mon travail. L'autre jour en classe, un élève me demandait pourquoi je
tenais autant à ce qu'il fasse un travail de qualité, puisque j'allais être
payé de toute façon. Je lui ai répondu que mon salaire met du pain sur la table
mais que c'est mon désir d'éveiller sa curiosité et de le voir s'épanouir qui
fait que je me lève chaque matin. S'il ne se force pas dans son projet, il
apprendra peu et ne développera pas son plein potentiel, et moi, à la longue,
je ne me mettrai à venir au travail que pour le salaire. Mmes et MM. les
députés, pourquoi êtes-vous ici, au salon bleu? Pour vous acheter une
plus grande maison, envoyer vos enfants au privé, vous payer des voyages ou
changer le monde?»
Prochain
commentaire : «30 000 $, c'est le salaire que beaucoup de gens
font dans une année complète. Ça ne fait aucun sens qu'avec l'inflation
actuelle ces élus se permettent une telle augmentation alors qu'une bonne
partie de la population a du mal à
joindre les deux bouts. Ces 30 000 $ qui semblent disponibles pour
une poignée de gens devraient être envoyés aux plus démunis, pas mis dans les
poches de ceux qui sont déjà beaucoup plus à l'aise financièrement que la
majorité.»
Prochain
commentaire : «J'ai souvent négocié des conventions collectives dans ma
vie. Souvent, lorsque nous abordons le sujet
des salaires, les employeurs parlent de rémunération globale en mentionnant
qu'il faut regarder au-delà des salaires — entre parenthèses,
retraite, nombre de vacances, assurances collectives, etc. — et
c'est un de mes gros problèmes avec la
situation actuelle. Le mandat donné au comité a été de seulement regarder les
salaires, sans prendre en compte
d'autres aspects monétaires, comme celui du très généreux régime de retraite
des élus. Bref, le fait qu'un parti très patronal ne veut pas s'ouvrir à la révision de la rémunération globale,
c'est fort surprenant et enrageant. Je ne suis jamais arrivé à la table de négociation face à un
employeur en me disant : Bon, bien, les membres viennent de se voter une
augmentation de x % de salaire, donc vous allez appliquer ces
augmentations.»
Prochain
commentaire : «Mon travail, et celui de mes collègues travaillant dans un
organisme communautaire en santé
mentale, est d'accompagner les personnes qui vivent de nombreuses difficultés
et qui tentent comme ils le peuvent de s'en
sortir. Dans les jours difficiles, mon travail, c'est aussi de me faire crier
dessus, de me faire dire des insultes, d'envoyer des personnes à l'hôpital, car elles représentent un danger pour
eux-mêmes ou pour autrui, c'est même parfois de risquer de me faire piquer par une aiguille contaminée
lorsque je nettoie une chambre après le départ nébuleux d'une personne en
crise. Et savez-vous que mon travail,
c'est aussi environ 40 000 $ par année, sans fonds de pension? Je ne
me plains pas ici. C'est un choix de vie en société, c'est sûr, mais je
suis sans mots quand je vois des personnes au gouvernement se voter une augmentation faisant pratiquement un an de salaire
de notre côté alors qu'on vient de réviser notre convention collective
et que notre augmentation, c'est, heureusement, environ 2 000 $ pour
l'année. Je peux croire que votre travail est dur et demandant, mais j'aimerais
vous voir devant des personnes complètement démunies pour vrai.»
Prochain
commentaire et dernier commentaire : «Une belle augmentation qui équivaut
à mon salaire annuel comme nouvelle éducatrice spécialisée dans les
écoles.» Et là il y a un émoji de petit visage à l'envers.
Ce
que je viens de dire là, là, ce n'est pas juste ce que pensent les députés de
Québec solidaire, ce n'est pas juste ce que vous disent les élus ici, c'est ce
que le monde dehors pense de ce qui est en train de se passer ici. Et ça, ça
devrait vous préoccuper au plus haut point, tous les collègues, parce
que c'est ça, la réalité, là, et, les gens, je pense que, cette affaire-là, ils vont s'en souvenir. C'est sûr que,
quand on regarde ça de loin, on se dit : Bon, faire ça en début de mandat,
quelqu'un, quelque part, au gouvernement,
doit se dire que les gens oublieront dans trois ans. Ça me rend un peu triste
de penser que les gens calculent
comme ça, mais... et j'espère que ce n'est pas le cas, sauf que, clairement,
moi, je pense que les gens vont s'en souvenir.
Puis je voudrais
revenir aussi sur quelque chose qu'a dit mon collègue le député de Rosemont par
rapport à un argument avancé par le premier
ministre pour défendre cette hausse de salaire là de 30 %... de
30 000 $. Il disait : Ça prend du courage pour faire ça. Bien, le courage, ce n'est pas exactement ça.
Dans un acte courageux... Ce n'est pas... Un acte courageux, ce n'est pas juste de prendre un
risque, c'est aussi de le faire en faisant abstraction de son intérêt propre et
de son intérêt personnel. Sinon, c'est juste prendre un risque. Bien
sûr, le premier ministre prend un risque en faisant cette augmentation du
salaire des députés. Pourquoi? Parce qu'il risque que les gens soient en maudit
pendant longtemps, et je pense que c'est ça
qui va arriver. Mais il ne peut pas dire : Je le fais pour les autres,
parce que, tout le monde ici, là, c'est
nous qui sommes les seuls concernés. Alors, il n'y a pas une dimension
d'altruisme, essentielle à la notion de courage dans cet acte-là. Ce
n'est pas un geste de courage politique, c'est un geste risqué, sans plus.
Et c'est un
geste qui est risqué pour l'image, je pense, du premier ministre et du
gouvernement, mais c'est un geste qui
est risqué, je pense, pour l'ensemble des gens qui s'impliquent en politique au
Québec et qui se font élire à l'Assemblée nationale. Parce qu'assez rapidement, vous en
aurez eu déjà l'expérience, on est pas mal tous mis dans le même panier. Donc,
cette affaire-là, qui se fait d'une manière qui, pour nous, à Québec solidaire,
n'est pas correcte, bien, je pense qu'à un moment
donné il y a du monde qui vont penser qu'on est... qu'on a contribué à ça d'une
façon ou une autre. Et moi, je vous avoue
que ça me fâche profondément. C'est pour ça que je voulais vous faire entendre
la voix de mes concitoyens aujourd'hui.
Et je voulais
revenir aussi sur un autre fait, la question de la pénurie de députés. Et c'est
fou comment les commentaires qui ont
été envoyés... qui m'ont été envoyés reprennent plein d'arguments que je trouve
extrêmement pertinents, dont la question de la pénurie de députés. La
personne était très conservatrice dans son estimation en disant que, par
exemple, il y avait, tu sais, quatre
personnes, cinq personnes qui se présentaient dans chaque élection, mais, dans
certains comtés, là, il y a 10 candidatures,
en fait. Donc, à l'échelle du Québec, pour 125 postes, mettons, il y a
cinq à 10 fois plus de personnes qui
se présentent. C'est beaucoup d'appelés, peu d'élus. C'est rare que... Si on
avait le luxe d'avoir cette attractivité-là dans d'autres domaines, en
pleine pénurie de main-d'oeuvre, on réglerait bien des problèmes.
Ça m'apparaît
clair que le salaire des députés, il ne devrait pas être choisi par les
députés, c'est quelque chose qui devrait être... relever d'un comité
indépendant.
La
Vice-Présidente (Mme Soucy) : Merci, M. le député. Alors, nous allons passer au
prochain intervenant. Ce sera Mme la députée de Verdun.
Mme Alejandra Zaga Mendez
Mme Zaga Mendez : Merci, Mme la
Présidente. J'ai combien de temps qu'il me reste d'ici la fin?
La Vice-Présidente (Mme Soucy) : ...jusqu'à
midi, donc deux minutes.
Mme Zaga
Mendez : Deux minutes. Bien, je vais juste... je vais
commencer par saluer, en fait, l'exposé que vient de faire mon collègue de Jean-Lesage et aussi
saluer tous les collègues qui sont ici avec nous, en Chambre, et qui suivent
cette discussion que nous menons parce que c'est un projet de loi qui est
important.
Puis une des
choses que j'ai aimées de l'intervention de mon collègue de Jean-Lesage, c'est
qu'il a invité aux gens de son comté
de s'exprimer. Je pense que, comme élus, c'est notre devoir de porter la parole
des gens qu'on représente ici, à l'Assemblée
nationale. Peut-être, certains députés le font, mais j'aimerais que ce soit de
plus en plus une pratique qui est généralisée.
J'aimerais inviter l'ensemble de mes collègues de toutes les formations
politiques à faire ce même exercice que j'ai fait ce matin, d'écrire un petit
message sur vos réseaux sociaux, votre Facebook personnel, avec une question
très, très simple : Qu'est-ce que ça fait aux gens de savoir que les
députés ici, à l'Assemblée nationale, avons le pouvoir de nous voter à nous-mêmes une hausse de
30 000 $? J'invite vraiment, sincèrement tout le monde d'interpeler
les gens qui vous suivent, les gens
qui vous ont même élus, collaboré avec vous dans les différentes campagnes,
puis connaître ce débat, de qu'est-ce que ça représente.
Je veux
saluer, d'abord et avant tout, l'initiative de mon collègue de Jean-Lesage qui
m'a inspirée à faire ça ce matin. Je
vois que le temps file. Je n'aurai pas le temps de lire l'ensemble tout de
suite, mais je crois que c'est un exercice important, comme élu, de
rentrer en contact avec ces personnes-là, du monde qu'on croise dans la rue. Le
leader... pardon, le chef parlementaire de
notre groupe, donc, le député de Gouin l'a fait aussi, de faire cet appel-là,
de rentrer en contact puis avoir cette
discussion-là, puis on va se rendre compte, sortir un peu des murs ici puis
réaliser ce que les gens vivent, qu'est-ce que les gens sentent par
rapport...
La
Vice-Présidente (Mme Soucy) : Mme la députée, comme vous le savez, étant donné
l'heure, je dois suspendre les
travaux, donc, jusqu'à 14 h 15... donc jusqu'à 15 heures,
pardon. Donc est-ce que vous désirez poursuivre lorsque nous allons
reprendre les travaux? Oui. Alors, vous serez la première à passer.
Alors, je suspends les travaux jusqu'à
15 heures.
(Suspension de la séance à 13 heures)
(Reprise à 15 h 01)
Le Vice-Président (M. Lévesque) : Bon
après-midi, chers collègues. Je vous invite à vous asseoir.
Affaires inscrites par les
députés de l'opposition
Motion proposant que
l'Assemblée demande la divulgation de
l'ensemble des documents de la commission Grenier
Alors, nous en
sommes aux affaires inscrites par les députés de l'opposition. Et, à l'article
38 du feuilleton, aux affaires inscrites par les députés de l'opposition, M. le
chef du troisième groupe d'opposition présente la motion suivante :
«Que l'Assemblée nationale affirme que le plein
respect des lois adoptées démocratiquement par le Parlement du Québec, plus particulièrement de la Loi
électorale du Québec et de la Loi sur la consultation populaire, est une
condition essentielle au maintien de
la santé démocratique de la nation québécoise et du respect de sa volonté
exprimée démocratiquement;
«Qu'elle rappelle que les conclusions
du rapport du commissaire Bernard Grenier, publié en mai 2007, indiquent qu'une
somme de 539 460 $ a été engagée illégalement par Option Canada et le
Conseil pour l'unité canadienne pendant la période référendaire de 1995;
«Qu'elle rappelle que
la commission Grenier n'avait pas obtenu le mandat de se pencher sur d'autres
dépenses frauduleuses potentielles,
notamment l'organisation du "love-in" et le placement publicitaire
financé par Patrimoine Canada;
«Qu'elle
affirme que près de 30 années se sont écoulées depuis la campagne
référendaire de 1995 et que le droit à la liberté d'expression, le droit
à la liberté de la presse, le droit à l'information et le principe de la
publicité des débats commandent la
divulgation publique des documents colligés dans le cadre des travaux du
commissaire Grenier, et ce au bénéfice du droit des générations futures
à connaître l'histoire du Québec;
«Par
conséquent, qu'elle ordonne au gouvernement du Québec de présenter dans les
plus brefs délais un projet de loi pour permettre la déclassification de
l'ensemble des documents de la commission Grenier et d'entreprendre toutes les
procédures législatives nécessaires à cette fin.»
Je
vous informe que la répartition du temps de parole pour le débat restreint sur
la motion inscrite par M. le chef du
troisième groupe d'opposition s'effectuera comme suit : 10 minutes
sont réservées à l'auteur de la motion pour sa réplique, 49 min 15 s sont allouées au groupe
parlementaire formant le gouvernement, 26 min 30 s sont allouées
au groupe parlementaire formant
l'opposition officielle, 16 min 45 s sont allouées au deuxième
groupe d'opposition, 16 minutes sont allouées au troisième groupe
d'opposition, 1 min 30 s sont allouées à la députée
indépendante.
Dans le cadre de ce débat, le temps non utilisé
par la députée indépendante ou par l'un des groupes parlementaires sera redistribué entre les groupes parlementaires
selon les proportions établies précédemment. Mis à part ces consignes, les
interventions ne seront soumises à aucune
limite de temps. Enfin, je rappelle à la députée indépendante que, si elle
souhaite intervenir au cours du débat, elle a 10 minutes à partir
de maintenant pour en aviser la présidence.
Je cède maintenant la
parole à M. le chef du troisième groupe d'opposition.
M. Paul St-Pierre Plamondon
M. St-Pierre Plamondon : Merci, M. le Président.
La motion d'aujourd'hui porte sur des principes très fondamentaux du fonctionnement de notre démocratie et de notre
système de justice, à savoir obtenir la vérité et fonder notre quête de justice et d'équité dans notre société sur la base
de faits vérifiés, de faits disponibles à tous dans une démocratie qui se veut
normale ou, en tout cas, qui tend vers la normalité.
La
commission Grenier, rappelons-le, s'est penchée sur une infime partie des
allégations de manoeuvres frauduleuses dans le cadre de l'organisation de la
tenue du référendum de 1995, l'un des moments de démocratie les plus importants
de notre histoire. La commission Grenier devait se pencher uniquement sur les
activités d'Option Canada. Or, il y a d'autres événements dans le cadre de ce
référendum de 1995 qui soulèvent de graves questions, notamment le «love-in»,
qui ne faisait pas partie de ce mandat-là, notamment le fait que des gens
avaient des billets d'avion, notamment des militaires de partout au Canada,
pour venir voter, le fait qu'au total des dizaines de milliers de personnes qui
n'auraient pas dû avoir le droit de vote ont exercé leur droit de vote, du
placement publicitaire financé par le
gouvernement du Canada et un certain Chuck Guité, un nom qui deviendra célèbre
plus tard dans le scandale des commandites, bref, plusieurs
questions pour lesquelles on n'a pas de réponses ou des réponses très
insatisfaisantes.
En
ce qui concerne Option Canada, on sait qu'il y a 90 témoignages et
4 500 documents qui ont été colligés dans le cadre de cette commission. Or, elle fait, en
date d'aujourd'hui, l'objet d'une ordonnance de non-divulgation et de non... de
confidentialité pour l'éternité. Et donc, le sens de notre exercice
aujourd'hui, c'est de rendre, avec la collaboration du gouvernement et
de tous les partis, cette information disponible en ne sachant pas exactement
ce qu'on va trouver, mais en le faisant pour
le principe fondamental que des moments comme ceux-là ou des
allégations sérieuses de dépassement, de
manipulation des dépenses électorales, bien, c'est de l'information
fondamentale qui se doit d'être publique. Puis on est d'accord sur le fonctionnement sain de notre
démocratie, sur la recherche de vérité, dans notre démocratie québécoise, et
ça s'inscrit dans une histoire du Canada, du Québec dans le Canada, qu'il faut
rappeler.
La Constitution de
1867 a été suivie par l'une des élections les plus frauduleuses de l'histoire
du Canada pour s'assurer que le Québec n'ait
pas le choix que d'accepter une constitution qu'il n'avait pas choisie, à
laquelle il n'avait pas consenti. La conscription de 2000... de 1917 et 1918 a
fait l'objet de manipulations, dans la Loi électorale, pour que les familles des soldats puissent voter, mais seulement les
familles des soldats qui sont en faveur de la guerre. Et tout ça a mené, avec
d'autres manoeuvres et techniques de découragement, a mené à une émeute, en
1918, qui a fait quatre morts et des dizaines de blessés.
Même
chose pour la conscription de 1939, qui a fait l'objet d'autres manipulations,
au point où le maire de Montréal, Camillien
Houde, a encouragé les citoyens à refuser la conscription, puis là il a dû
finir en prison. Le coup de la Brink's, dans les années 70, où on a simulé, à partir du gouvernement du
Canada, et avec la collaboration du journal The Gazette, on a simulé que les capitaux fuyaient vers Toronto,
ça aussi, c'était une manipulation puis une manoeuvre frauduleuse de notre démocratie. Le référendum de 1980, où on
jurait qu'il y aurait du changement, ça aussi, c'était de manipuler l'électorat.
La «nuit des longs couteaux», à laquelle, malheureusement, René Lévesque a été
contraint de participer : un manque d'honnêteté, une manipulation à
nouveau. Le référendum de 1995...
Je
viens de nommer des exemples, mais j'ai aussi fait le lien avec le scandale des
commandites. Ça se peut qu'en soulevant chacun de ces documents-là, en scrutant
chacun de ces documents-là on comprendra la logique qui a amené le gouvernement du Canada à l'un des scandales les
plus invraisemblables de l'histoire du Canada, le scandale des commandites,
où littéralement des firmes proches du Parti
libéral du Canada faisaient la promotion du Canada par tous les moyens pour
décourager, éteindre l'indépendantisme, tout
en s'en mettant plein les poches à même nos taxes et nos impôts. C'est ça aussi,
l'histoire du Canada. C'est ça aussi, l'histoire du Québec dans le Canada.
Donc, dans
cette perspective-là, nous, on pense qu'on devrait minimalement, indépendamment
de nos différents points de vue sur
la question de l'avenir du Québec, on devrait minimalement tous se mettre
d'accord sur la lutte à la corruption, la lutte à la fraude, la recherche de vérité, la
recherche de justice, et, dans ce cas précis, si 90 témoins et
4 500 documents ont été
déposés pour nous aider à comprendre une infime partie des fraudes alléguées
par le... du côté du camp du Non, lors du
référendum de 1995, on devrait minimalement, par souci de confiance envers nos
institutions, confiance envers la justice, se mettre d'accord pour demander au Directeur général des élections
de rendre tous ces documents-là disponibles pour que la population et les
journalistes puissent poser un jugement, faire leur travail librement, comme
toute société démocratique devrait encourager comme fonctionnement.
Je comprends
qu'on présente une version modifiée de la motion, de manière à la simplifier et
à ce qu'elle soit le plus consensuelle possible. Donc, sur ce, je laisse
la parole à mes collègues pour qu'ils puissent...
Des voix : ...
M.
St-Pierre Plamondon : On va
aller en alternance? Donc, moi, c'est mes remarques préliminaires. Puis on
pourra présenter la version
simplifiée de cette motion dans l'optique, M. le Président, qu'elle soit la
plus consensuelle possible et qu'elle permette, donc, à tous les partis
de s'entendre sur ses principes fondamentaux. Merci, M. le Président.
• (15 h 10) •
Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci
beaucoup, M. le chef du troisième groupe d'opposition. Je suis prêt à reconnaître le prochain intervenant. Alors, je reconnais
M. le ministre responsable de l'Accès à l'information, pour votre temps
de parole.
M. Jean-François
Roberge
M.
Roberge : Merci bien, M. le Président. D'abord, souligner le
travail de collaboration de la deuxième... la troisième opposition, je m'excuse, qui a apporté un sujet
qui est d'intérêt, et souligner aussi la manière de faire. Ils ont déposé une
motion avec un libellé. On a travaillé,
depuis hier, à peut-être l'amender pour trouver quelque chose qui serait
consensuel. Le chef de la formation politique l'a mentionné, puis je pense qu'ils vont, tout à l'heure, y aller d'un
amendement. S'ils ne l'avaient pas
fait, nous l'aurions fait. Mais on va les laisser le faire eux-mêmes, puisque
ce n'est pas nécessaire, là, de s'opposer.
Je veux faire un simple rappel historique sur ce
qui se passe quand on parle des documents du rapport Grenier. Il faut savoir que, pour en arriver à se poser les
questions qu'on se pose aujourd'hui, il y a eu un travail qui a été fait par
Normand Lester et Robert... Robin Philpot, qui ont publié le livre Les
secrets d'Option Canada, en 2006. À la suite de la parution de cet ouvrage-là, bien, le Directeur général des élections
a confié à l'honorable Bernard Grenier le mandat de faire enquête sur les
activités d'Option Canada et sur les événements qui se sont déroulés dans les
mois qui ont précédé le référendum
québécois en 1995. M. Grenier, l'honorable M. Grenier, agissait à titre
de commissaire-enquêteur. Il était investi de pouvoirs et de l'immunité
d'un commissaire nommé en vertu de la Loi sur les commissions d'enquête.
L'enquête
confiée au commissaire-enquêteur Grenier était une enquête administrative qui a
été menée, à l'époque, à huis clos, avec les règles de preuve et de
procédure qui avaient cours à ce moment-là dans ce contexte-là. Ce qui est
important de voir, ce qu'on a su suite à ça, c'est qu'un montant total de
539 460 $ aurait été dépensé illégalement par Option Canada, c'est-à-dire sans qu'il soit déclaré. Le camp du Non
aurait toutefois pu acquitter légalement une partie de ce montant-là, près de 375 000 $, puisque le
plafond des dépenses n'avait pas été atteint. Mais il y a d'autres éléments d'information qui, jusqu'à aujourd'hui, n'ont pas
été dévoilés, puis je pense que c'est, en partie, l'intention qu'on a
aujourd'hui, ensemble, de faire la lumière sur un maximum
d'informations.
Dans son
rapport, le commissaire-enquêteur Grenier mentionne que l'ordonnance de non-divulgation,
non-communication et non-diffusion de
la preuve émise le 18 septembre 2006 doit être maintenue. En
mai 2007, il réitère cette
ordonnance de non-publication, non-communication et non-diffusion sans limites
de temps. Mais, depuis le référendum de
1995, 28 années se sont écoulées, 16 années nous séparent du dépôt du
rapport Grenier, et l'écoulement du temps fait en sorte qu'on peut s'interroger, ensemble, sur la
pertinence que soit maintenue l'ordonnance émise par le commissaire Grenier.
Pour cette raison, il semble que l'intérêt
public et la transparence seraient bien mieux servis si les documents de la
commission Grenier étaient rendus publics.
Pour notre gouvernement, la transparence est une
valeur fondamentale. C'est la base, évidemment, de toute démocratie. La tenue d'élections libres et équitables, la participation
des citoyens, l'État de droit, l'indépendance de la justice, c'est des piliers sur lesquels on doit pouvoir
s'appuyer pour préserver la confiance des Québécois dans leurs institutions.
La transparence permet aux citoyens de s'informer, de se forger une opinion
libre, de faciliter leur participation et de faire des choix politiques éclairés. Elle permet aussi aux journalistes de
pouvoir jouer leur rôle, de poser des questions, d'effectuer des recherches, permet aussi à chacun des députés
de cette Assemblée, peu importe leur formation politique ou s'ils sont indépendants, d'avoir accès aux informations, de
se forger des opinions, de poser des questions, de faire des propositions
à cette Assemblée pour servir au mieux les Québécois.
Donc, notre
gouvernement est favorable à ce que les documents de la commission Grenier
soient rendus publics. J'attendrai de voir la proposition d'amendement
des collègues et je vous remercie.
Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci,
M. le ministre. Je reconnais maintenant M. le député de Nelligan.
M. Monsef
Derraji
M.
Derraji : Merci, M. le Président. Écoutez, j'entends qu'il y
a un amendement. Moi, je ne l'ai pas encore vu. Donc, je pense que, nos collègues du PQ, vous avez plus parlé avec la
CAQ? Moi, je n'ai rien reçu. Donc, je m'excuse si jamais... Parce que j'ai un amendement que je vais
proposer. Probablement qu'on va s'aligner sur la même chose. Merci, M.
le Président. Combien j'ai de temps?
Le Vice-Président
(M. Lévesque) : Vous disposez de 26 min 30 s.
M. Derraji : O.K. Merci, M. le Président. Alors, écoutez,
aujourd'hui, le Parti québécois fait le choix, aujourd'hui, de parler du référendum de 1995, une période
déchirante dans l'histoire du Québec. Mais j'ai croisé mon collègue le député
de Matane et je lui ai dit merci, merci de
ramener ce sujet, parce qu'il m'a donné l'occasion de... je n'étais pas bon en
histoire, je tiens à l'avouer,
j'étais bon ailleurs, mais il m'a permis d'aller relire un peu, de faire mes
devoirs, parce qu'il n'y a pas
juste un camp, hein? On le sait, le Québec
était divisé, le camp du Oui, le camp
du Non, mais, aujourd'hui, nos collègues du Parti québécois veulent revenir un peu en arrière pour, avec raison,
je ne dis pas le contraire, qu'on parle... qu'on puisse parler de ce qui
s'est passé pendant le référendum de 1995.
Avant
de revenir sur le référendum, écoutez, probablement... Je viens de
l'Ouest-de-l'Île, mais je parcours aussi le Québec, mais la plupart des Québécois me parlent de d'autres enjeux.
Je ne veux pas minimiser l'enjeu que j'ai devant moi aujourd'hui, mais j'aurais aimé, en tant que député de Nelligan,
parler des enjeux qui nous préoccupent, que ce soit... Et j'ai entendu le chef du Parti québécois parler
de l'immigration, et nous avons partagé pas mal de points. Demain, il y a
un plan qui va gérer les flux migratoires au
Québec pour les trois prochaines années. C'est anormal que, pour des cours de
francisation, dans la Capitale-Nationale, il faut attendre huit semaines. On peut parler de la pénurie de
main-d'oeuvre un peu partout, le
réseau de la santé qui craque de partout, le réseau de l'éducation, tellement
d'enjeux, mais ce n'est pas grave. C'est
un excellent exercice. C'est le choix de nos collègues du Parti québécois, et
on va parler de ce qui s'est passé et de la motion que nous avons devant
nous.
Avant
de commencer, je vais juste rappeler un enjeu important, un enjeu de faits.
Tout d'abord, nous avons un enjeu avec
la motion parce que... Je vais juste revenir sur un des passages :
«Qu'elle rappelle que la commission Grenier n'avait pas obtenu le mandat de se pencher sur d'autres
dépenses frauduleuses potentielles, notamment l'organisation du
"love-in" et le placement
publicitaire financé par Patrimoine Canada.» Encore une fois, je vous le dis,
mes chers collègues, je n'ai pas vu l'amendement. Probablement, c'est ça
que vous allez enlever.
Or,
ce n'est pas tout à fait le cas. Si on se réfère à l'acte de nomination signé
par le Directeur général des élections à l'époque, on peut y lire :
«Je, soussigné, Marcel Blanchet, Directeur général des élections du Québec et
président de la Commission de la représentation électorale, dûment nommé pour
remplir ces fonctions le 3 mai 2000, conformément à l'article 483 de la Loi électorale, désigne par la présente
l'honorable Bernard Grenier, juge retraité de la Cour du Québec, à titre
d'enquêteur pour effectuer une enquête sur l'ensemble des faits contenus et
décrits dans le livre Les Secrets d'Option
Canada et dans l'ensemble des
documents qui m'ont été remis par ses auteurs, ainsi que sur tout autre
information ou document dont il pourra prendre connaissance dans
l'exercice de ce mandat.»
Une
simple lecture du livre Les Secrets d'Option Canada me permet de
constater que les allégations au sujet du rassemblement du 27 octobre 1995 ainsi que celles concernant le
paiement de publicité par Patrimoine Canada sont mentionnées. Elles tombent donc directement sous le mandat du rapport
Grenier, contrairement à ce qu'il y a, affirmé, dans la motion du Parti québécois. D'ailleurs, non
seulement cela tombait sous le mandat, mais le juge Grenier a lui-même émis
des constats à cet effet dans son rapport : «La preuve présentée devant
moi n'a pas permis de déterminer la source du financement
du rassemblement du 27 octobre au centre-ville de Montréal. Je ne suis pas
en mesure de conclure que les subventions versées au CUC ou à Option
Canada ont servi à défrayer en tout ou en partie les coûts de ce ralliement.»
Le paragraphe de la
motion du collègue est donc factuellement inexact. Je lui proposerai donc un
amendement pour corriger cette inexactitude
en rappelant textuellement le mandat accordé à l'honorable juge Grenier. Je
pense que, si on veut se référer aux
faits, on ne peut pas, aujourd'hui, dénaturer le mandat qui a été accordé à
l'honorable juge Grenier. Sur ce point, vous allez avoir notre appui, mais il
faut qu'on soit conforme à la réalité, au mandat qui a été donné il y a
longtemps au juge Grenier.
• (15 h 20) •
Maintenant,
l'autre point qui, selon moi, est aussi très important, c'est la question de la
transparence. Nous pensons que, près
de 30 ans après les faits et plus de 15 ans après la publication du
rapport, la transparence réclame ses droits dans la mesure où cela puisse se faire dans le cadre d'un processus réfléchi,
car nous ne connaissons pas l'ensemble de la preuve amassée, et il faut que
celle-ci soit déclassifiée de façon responsable. Je ne suis pas juriste. Je ne
suis pas avocat. Mais je pense que la
plupart des collègues, en tant que législateurs à l'intérieur de cette
Assemblée, vous savez très bien, la déclassification
doit être faite d'une façon responsable. À titre d'exemple, il ne faudrait pas
rendre publics des éléments de preuve
qui trahiraient l'identité d'un indicateur, surtout si celui-ci est toujours
vivant ou pourrait souffrir des conséquences de son identification.
Je
vous ai parlé, au début, M. le Président, de l'importance d'aller au bout de la
transparence. Et, sur ce point, nos collègues
du Parti québécois nous invitent à ouvrir un débat, mais on ne peut pas
l'ouvrir à moitié. Si on décide, on prend une position de réouvrir le
débat, bien, prenons le temps de réouvrir le tout. Et on ne peut pas uniquement
se borner à dresser un seul côté du tableau. Les dépenses du camp du Oui, les
dépenses du gouvernement du Québec envers la souveraineté, dans les mois menant
au référendum, doivent aussi faire l'objet d'une observation soutenue. Or,
comme celles-ci n'ont pas fait l'objet d'une
pareille enquête, et avec la distance, il sera difficile de refaire l'histoire,
refaire le passé éternellement. Les
gens vieillissent. Je vous ai dit que... à mon collègue de Matane, que
j'apprécie beaucoup, il m'a donné un bon cours d'histoire, d'aller chercher une
bonne partie de l'information, c'est très difficile de faire la genèse de tout ce
qui s'est passé.
Donc, le fait
demeure que le Parti québécois cherche à réécrire l'histoire. Les Québécois ont
voté contre la souveraineté à deux
reprises. Ça, c'est un fait, M. le Président. Les Québécois ont voté contre la
souveraineté deux fois. À part le premier ministre, un ancien péquiste transformé
aujourd'hui en nationaliste... il peut dire autre chose, mais je lui laisse le
fait de décrire un troisième référendum à sa manière, mais les faits
sont là, les faits sont là.
Je tiens
toutefois à rappeler à la mémoire de nos collègues du Parti québécois que le
camp du Oui a lui aussi été entremêlé
à des pratiques pour le moins douteuses dans la marche vers le référendum de
1995. Pensons aux sommes publiques utilisées
pour les études sur la souveraineté. Alors, M. le Président, je comprends la
démarche du Parti québécois par rapport au référendum. Je l'ai dit, je l'ai mentionné, c'est légitime, mais on
ne peut pas choisir une seule partie de la transparence. Aujourd'hui, si
on veut être transparents, soyez transparents à 360, pas un bout ou un petit
bout.
Pensons aux propos plus que troublants du
ministre péquiste Richard Le Hir — j'ai bien prononcé son nom de
famille? — qui
disait d'ailleurs, le 18 mai 2005, que «quelques mois avant la tenue du
référendum, les députés du Parti québécois
sont convoqués à un caucus spécial[...]. Il faut trouver le moyen de bloquer le
vote des tenants du Non. La discussion s'engage, et c'est à qui
proposera le plus de trucs pour neutraliser le vote du camp adverse.
«À un moment
donné, un député propose que les syndicats, très expérimentés en la matière,
soient sollicités pour fournir des
scrutateurs de choc — M.
le Président, à un moment donné, c'est un député qui a demandé et a proposé que
les syndicats, très expérimentés en
la matière, soient sollicités pour fournir des scrutateurs de choc — pour
endiguer la mer de non qu'on anticipe dans [l'Ouest-de-l'Île].» Je suis
député de l'Ouest-de-l'Île, M. le Président, de Nelligan. «Plusieurs renchérissent. Monique Simard et Guy Chevrette se
portent volontaires pour approcher les syndicats, à la requête du caucus.»
Donc, M. le
Président, on fait pas mal de réunions de caucus. J'imagine mal comment, dans
un caucus, on peut tout faire pour
bloquer un camp, envoyer des syndicalistes parler avec des syndicats, que des
députés se proposent comme des volontaires
pour neutraliser le vote du camp adverse. Ça, c'est une partie de l'histoire,
c'est une partie de l'histoire qu'on ne peut pas négliger.
Alors, M. le
Président, encore une fois, je n'ai pas vu encore l'amendement, donc, vraiment,
je m'excuse, parce que j'ai toute une partie où je voulais vous proposer que...
ce que j'ai expliqué, surtout par rapport au paragraphe trois, mais on va
le faire d'une manière collégiale, aux collègues. Ce que ce que je vous
propose, c'est qu'elle rappelle... mais je reviens sur l'aspect du
mandat :
«Qu'elle
rappelle que la commission Grenier avait pour mandat d'effectuer une enquête
sur l'ensemble des faits contenus et
décrits dans le livre Les Secrets d'Option Canada et dans l'ensemble des
documents qui avaient été remis par les
auteurs de ce livre au Directeur
général des élections ainsi que sur
tout autre information ou document dont il pouvait prendre connaissance
dans l'exercice de son mandat.»
Ce que je
viens de dire, c'est fidèle au mandat donné à l'honorable Grenier, donc c'est
très clair. Donc, j'enlèverais plus :
«Qu'elle rappelle que la commission Grenier n'avait pas obtenu le mandat...» Parce
que ce n'est pas vrai, ce n'est pas...
c'est inexact de dire que la commission Grenier n'avait pas obtenu le mandat,
si c'est écrit dans le mandat, le mandat public. Donc, je vous le
soumets, et après vous allez en discuter.
Il y a un
autre point, il y a un autre point, et c'est un point qui est très important
dans une société de droit, c'est quand on parle de la déclassification.
Dans la déclassification... Nous avons fait nos devoirs par rapport à la
déclassification. Ce que je propose à nos
collègues, c'est que, dans l'avant-dernier paragraphe : «Qu'elle affirme
que près de 30 années se sont écoulées depuis la campagne
référendaire de 1995 et que le droit à la liberté d'expression, le droit à la
liberté de [...] presse, le droit à
l'information et le principe de la publicité des débats commandent la
divulgation publique des documents colligés
dans le cadre des travaux du commissaire Grenier», là il faut ajouter «dans le
respect des privilèges reconnus en droit,», c'est très important, «et ce
au bénéfice du droit des générations futures à connaître l'histoire du Québec.
«Par
conséquent — toujours
dans le même amendement — qu'elle
ordonne au gouvernement du Québec de présenter dans les plus brefs délais un projet de loi pour mettre [en] pied un
processus de déclassification — et
ça, je pense que, d'un point de vue
législateur, surtout nous... je ne pense pas qu'on peut faire abstraction à
cela et à cet effet — de
l'ensemble des documents de la commission Grenier et d'entreprendre
toutes les procédures législatives nécessaires à cette fin.»
Donc, en
résumé, M. le Président, je comprends l'importance de la transparence pour nos
collègues du Parti québécois. J'ai eu l'occasion de parler des urgences
que moi-même, j'entends dans mon comté et à travers nos rencontres à travers les régions du Québec. J'ai parlé de la
transparence et que, ce bout au niveau de la transparence, on ne peut pas
choisir juste un bout, mais j'appuie la demande, j'appuie la demande du
Parti québécois.
Et j'ai
expliqué que le troisième paragraphe semblait factuellement faux, et c'est pour
cette raison que nous proposons de mettre le mandat original du juge
Grenier directement dans la motion. Et, je pense, si on met le mandat donné au juge Grenier dans la motion, ça reprend les faits
de l'époque que nous sommes en train d'analyser aujourd'hui en respectant
ce qui a été déjà fait.
De plus, mon
amendement vise à donner la volonté de transparence contenue dans la motion
tout en s'assurant que cela se fasse
dans le cadre d'un processus ordonné et prudent. Je le réitère encore une fois,
la demande est légitime, un processus transparent...
la demande de ce processus est légitime, mais il ne faut pas oublier qu'en tant
que législateurs nous avons un droit et une responsabilité, surtout si
on veut passer par un projet de loi.
Donc, en
terminant, j'ose espérer que le chef du troisième groupe d'opposition saisira
la bonne foi de notre proposition d'amendement
et qu'il acceptera de les intégrer à leur motion. Et, encore une fois, je n'ai
pas vu l'amendement, probablement vous
avez tout enlevé, et je vais l'analyser. Malheureusement, je ne peux pas
revenir, M. le Président. Donc, j'ose espérer que l'amendement que nous avons envoyé ou bien ce que nos collègues nous
ont envoyé répond, en quelque sorte, à ce que je viens d'énumérer par rapport à la déclassification, le respect de la
transparence et le respect des individus et de leurs droits. Sur ce, M.
le Président, merci beaucoup.
• (15 h 30) •
Le
Vice-Président (M. Lévesque) : Merci, M. le député de Nelligan. Votre amendement
est déposé, évidemment, sous réserve de son acceptation par l'auteur. Je
reconnais maintenant Mme la députée de Mercier.
Mme
Ruba Ghazal
Mme
Ghazal : Merci beaucoup, M. le Président. Écoutez, moi
aussi, bien, j'ai le nouveau... la nouvelle motion. Donc, c'est beaucoup plus simple, là, c'est-à-dire
qu'on a enlevé tous les paragraphes, donc : «Que l'Assemblée nationale demande au Directeur général des élections du Québec de divulguer et rendre publics tous les
témoignages et documents de la
commission Grenier dans les plus brefs délais.» Alors que, dans la motion
d'origine, ce qu'on disait, c'était que ce soit le gouvernement, là...
qu'elle ordonne au gouvernement du Québec de le faire.
Moi, je
regarde ça, à première vue, et je me dis : Est-ce que c'est peut-être
plus... En tout cas, peu importe, là, on analysera, mais l'important, ce qui est important, c'est que, les
documents, les témoignages, tout ça soit divulgué. C'est ça qui est le plus
important. Et ça va être l'objet et le sens de mon intervention. Et j'entends
aussi que le ministre, donc, de la Langue
française... et d'autres choses, excusez-moi, je ne me rappelle pas de tous les
titres, mais, en tout cas, le ministre de la CAQ est ouvert à adopter
cette motion.
Donc, savoir
ce qui s'y cache, comme je le disais, dans les archives de la commission
Grenier, qui a enquêté sur le financement
du camp du Non lors du référendum de 1995, pour Québec solidaire, ça va de
soi, il faut le faire. Déclassifier tous
les documents qui font encore aujourd'hui, 30 ans plus tard, l'objet d'une
ordonnance de non-publication, il faut le faire. Il faut faire toute la lumière sur les agissements des
fédéralistes, disons-le, capitalistes qui n'en avaient que pour le statu quo en 1995. Qui a pu faire ces magouilles
dont on a beaucoup entendu parler dans certaines publications, dans certains
livres? Nul autre que des personnes malveillantes
et antidémocratiques, pleines d'argent, comme on dit en bon français, les
«big boss» qui ne voulaient pas que ça change au Québec.
Il ne faut
pas se leurrer, M. le Président, jamais le capital suivra le mouvement
souverainiste. Jamais. Ça, il faut se le rentrer dans la tête. C'est
avec le peuple et pour le peuple qu'on va réussir l'indépendance, comme ça se
fait partout à travers le monde. La
transparence, c'est bon, c'est très important. Puis j'ai entendu aussi mon
collègue du Parti libéral dire que la
transparence, c'est une bonne chose. C'est bon pour la démocratie, c'est aussi
bon pour le bien commun. Ce qui s'est passé en 1995, il faut s'en
souvenir.
Je me
souviens de 1995. Je n'avais pas encore le droit de vote, il me restait encore
à peu près un mois et demi pour pouvoir
avoir le droit de vote, mais je suivais de très près les débats, à l'époque.
J'étais au cégep de Bois-de-Boulogne. Je suivais les conférences, les discussions dans les corridors, dans les...
à la cafétéria. Je me souviens de cette effervescence. Et, sur un plan plus personnel, c'était un moment
charnière pour moi, où mon identité québécoise était en pleine construction
au fil des rencontres, des amitiés, de ma vie ici, au Québec. Ça faisait sept
ans que j'étais au Québec, en 1995.
Et on a
tendance, aujourd'hui, avec le passage du temps, à oublier la belle
mobilisation qu'il y a eu lieu à l'époque. Je me souviens, entre autres, de Françoise David qui a rallié tout le
mouvement des femmes dans le camp du Non. C'était un mouvement...
Une voix : ...
Mme
Ghazal : Dans le camp du Oui! Pour que les gens qui notent
entendent : dans le camp du Oui. Donc, c'était un moment important.
C'était un moment aussi rassembleur. Il y avait aussi le mouvement syndical.
Les trois centrales syndicales appuyaient le Oui. Partenaires pour la
souveraineté a été lancé en 1995 sous la forme d'une coalition de 15 organisations, dont la CSN, la FTQ, la
CSQ, le Mouvement national des Québécois, Les Intellectuels pour la
souveraineté et la Société Saint-Jean-Baptiste. Je me souviens aussi, et
ça, j'ai des images, là, quand je regardais la télévision, de ces moments-là, de l'entente entre le Parti québécois, entre le Bloc québécois, l'Action
démocratique du Québec. C'était
vraiment beau à voir, toute cette
partisanerie, avant que le mot devienne à la mode et que le citoyen... les
citoyens nous en parlent beaucoup,
qu'il faut qu'il y ait une transpartisanerie. Puis ça a été fait, à l'époque,
pour une cause noble, pour le destin du Québec, pour notre avenir
national.
Aujourd'hui,
malheureusement, quand on regarde la scène politique, on est ailleurs,
malheureusement, vraiment ailleurs. Quand j'entends, par exemple, les attaques
gratuites du chef du Bloc québécois à mon endroit, qui m'utilise pour attaquer Québec solidaire, je trouve son attitude
indigne d'un chef de parti politique. C'est vraiment choquant, M. le Président, de la part de
quelqu'un qui dit qu'il veut rassembler tous les indépendantistes du Québec.
Comment est-ce qu'on peut rassembler quand
on s'attaque à des personnes, comme moi, qui veulent que le mouvement
indépendantiste grandisse et s'élargisse
partout, dans la population, dans toutes les régions, dans toutes les sphères,
chez toutes les personnes, peu importent leurs origines et d'où elles
viennent?
Rassembler en
menant une charge contre une enfant de la loi 101 qui aime le Québec, qui
est devenue adulte au Québec, qui a beaucoup reçu du Québec...
Moi, je
reconnais ce que j'ai reçu du Québec. Je n'aurais pas eu la même vie, je
n'aurais pas eu les mêmes droits comme femme si j'avais vécu dans le
pays où je suis née, le Liban, dans le pays dont mes parents sont originaires,
la Palestine, ou dans le pays où j'ai vécu
toute mon enfance jusqu'à l'âge de 10 ans, aux Émirats arabes unis. Je
n'aurais pas eu la même chose. Et, à
cause de ce que j'ai reçu au Québec, du Québec, bien, moi, j'ai envie de
redonner au Québec, et ça, j'en suis fière. Et je le dis haut et fort à
toutes les occasions qui me sont données, M. le Président, mon combat pour l'indépendance au sein de ma formation politique,
au sein de Québec solidaire, depuis sa fondation, en 2006, je le fais pour
plusieurs raisons, mais, entre autres, pour que des enfants d'immigrants qui
viennent aujourd'hui, ce que j'appelle les petites
Ruba, aujourd'hui, ou les petites Alejandra, ou les petits Andrés
d'aujourd'hui, en 2023, qui viennent ici, au Québec, qui se sentent partie prenante de ce projet, qui
sentent, quand ils en entendent parler, que ça peut aussi leur parler puis ça
peut être quelque chose de bon pour eux et elles, pour leur famille. Je le fais
parce que j'ai la conviction profonde que l'indépendance
permettra l'unité nationale qui nous manque tellement aujourd'hui, en ces temps
de division, en ces temps de polarisation où il y a des camps campés, où le dialogue est
difficile, une polarisation qui se fait souvent, qui se fait souvent, et ça, il faut le répéter, sur le dos des
immigrants. Et ça, ça nuit aux immigrants. Ça leur nuit, mais pas seulement
eux, ça nuit aussi à tout le Québec, à sa réputation, ce genre de
discours, et ça nuit aussi au mouvement indépendantiste et à l'indépendance.
J'ai rappelé,
en répondant à un tweet ce matin, à M. Blanchet que ce n'est pas à Ottawa
que l'indépendance du Québec va se
faire, ni avec le NPD ni avec le Bloc québécois. Je pourrais m'étendre
longuement sur les contradictions des prises de position de M. Blanchet dans le passé, longtemps. Mais je ne
suis pas du genre à excommunier les gens du mouvement indépendantiste
puis à décider qui croit ou qui ne croit pas.
Vous savez,
M. le Président, là, je vous parle du chef du Bloc québécois, mais j'ai envie
de vous parler du parti du Bloc québécois.
Moi, je me souviens du Bloc québécois sous Gilles Duceppe. C'était un parti
progressiste et ouvert sur le monde, ouvert aux immigrants. C'était mon parti.
J'ai très longtemps voté pour le Bloc québécois. Si je me rappelle bien, le
grand Jacques Parizeau disait même, au milieu des années 2000, et là je le
paraphrase, que le Bloc était le fer de lance du mouvement indépendantiste. Mais ça, c'était avant. Il y a de bons
députés au Bloc québécois, que je connais personnellement et que je respecte, que je rencontre dans plein de
moments, dans des événements des indépendantistes. Mais il faut vraiment...
pour le Bloc québécois, et de façon générale, il faut arrêter de pointer du
doigt les immigrants et y revenir, à l'ouverture d'autrefois. Puis, quand je dis ça, à un moment... dans un moment
d'émotion, j'ai parlé dans une entrevue, j'avais en tête... j'avais en tête la publicité du Bloc québécois par
rapport... qui comparait le chemin Roxham puis les gens qui viennent à un
tout inclus. Et ça, c'est blessant. C'est
comme ça, M. le Président, qu'on va faire l'indépendance? Ce n'est pas en
votant pour le NPD ou le Bloc qu'on
va avancer. Voter au fédéral, pour moi, de toute façon, c'est une perte de
temps, c'est un vote perdu.
• (15 h 40) •
Le temps est venu,
aujourd'hui, pour nous, de nous tourner vers le futur. Dans les
années 1960, l'anticolonialisme était
un moteur de l'idée d'indépendance du Québec. Aujourd'hui, c'est l'écologie. Si
on veut que l'indépendance renaisse dans
le coeur des jeunes de façon plus large, bien, ça commence par connaître
l'histoire récente du Québec en ouvrant les archives de la commission Grenier. C'est pour ça que Québec solidaire,
nous allons voter pour cette motion. C'est important de connaître le passé pour avancer, mais ça
commence aussi et surtout en ayant un discours d'ouverture et de générosité
envers les immigrants qui choisissent
le Québec. Et ça, je le dis tout le temps, ça peut être étonnant, mais moi, j'y
crois profondément, les immigrants et leurs enfants sont le futur de la nation
québécoise, qu'on le veuille ou non. Le mouvement indépendantiste a la responsabilité de jeter dans les bras du
fédéral les jeunes, de façon générale, qui ont délaissé le mouvement
indépendantiste et les immigrants à cause de discours de peur.
Tous les
grands moments indépendantistes ont été progressistes et ouverts, et ça, il ne
faut pas l'oublier et il faut s'en
inspirer. Il faut regarder, par exemple, le combat qui se fait ailleurs pour
l'indépendance : en Catalogne. Moi, j'ai été en Catalogne, j'ai visité quelques prisonniers, il y
a quelques années, avec Sylvain Gaudreault, ancien député de Jonquière.
Je me rappelle, c'était un moment très, très
marquant. Et j'ai rencontré des gens dont les parents n'étaient pas nés en...
ce n'étaient pas des Espagnols ou, en tout cas, n'étaient pas nés en
Espagne ou en Catalogne. Ils venaient d'ailleurs, c'étaient des immigrants. C'est un mouvement qui ratisse
extrêmement large, un mouvement qui naît du peuple et qui est universel, qui
amène aussi des valeurs universelles. Et
c'est le genre de mouvement, moi, qui m'inspire grandement et que j'ai envie de
porter ici, au Québec, puis que Québec solidaire soit la voix de ce
mouvement-là.
M. le
Président, j'espère vraiment que, oui, nous allons faire la lumière sur le
passé, et c'est important d'en parler, puis c'était une bonne chose. Puis je remercie les députés du Parti québécois
de nous avoir permis d'en parler. C'est important qu'on se remémore notre passé plus lointain et
notre passé plus récent puis qu'on fasse toute la lumière sur ce qui s'est
passé dans le passé. Mais, si, par
exemple, finalement, le Directeur
général des élections ouvre les
boîtes et les documents puis qu'on les lit, ça va être important, pour notre
connaissance, pour une question de transparence, pour la démocratie, mais
je ne suis pas certaine que ce sera suffisant pour élargir le mouvement
indépendantiste.
Ce qui va être important, c'est d'avoir ce
discours rassembleur. Puis on peut n'être pas d'accord. On peut faire des débats. Nous sommes ici, dans cette enceinte,
pour avoir ce genre de débat. Et c'est ça, aller en politique, et c'est ça aussi, débattre dans la société, partout. Et c'est
une bonne chose. Ça ne veut pas dire se diviser, de ne pas être d'accord. Ne
pas être d'accord, même, des fois, ça peut être sain, et on peut en débattre de
façon ouverte. Mais c'est important de le faire sur des bases qui ne
divisent pas de façon malsaine.
Puis moi, je
le vois, je le sens, quand je parle de l'indépendance, il y a des jeunes
indépendantistes qui me... des gens,
par exemple... pas indépendantistes, pardon, mais des jeunes issus de
l'immigration qui me voient aller, qui connaissent mon histoire puis qui me disent que ça les
inspire, qu'eux aussi ils pourraient peut-être, un jour, devenir député ou
s'impliquer dans la société québécoise pour faire entendre leur voix. Et ils
m'interpellent, mais ils me disent : Quand on parle de l'indépendance, on n'aime pas la façon
dont on parle, aussi. Et les gens, les gens qui parlent souvent de
l'indépendance font toutes sortes
d'amalgames par rapport aux jeunes issus de l'immigration. Puis, des fois, ça
peut être sournois. Des fois, c'est
des attaques frontales. D'autres fois, c'est un peu plus sournois puis ça les
blesse. Puis ça, il faut le dire. Puis moi, je porte leur voix ici puis je ne veux pas qu'on dise... je ne veux pas
qu'on dise que ces jeunes-là se trompent. C'est ce qu'ils ressentent.
Une
publicité qui compare le chemin Roxham à un tout-inclus, c'est blessant puis ce
n'est pas le Québec d'aujourd'hui, ce n'est
le pas le Québec de René Lévesque, ce n'est pas le Québec de Gérald Godin, dont
je suis héritière. Oui, dans les années 70, moi, j'aurais été pour
le Parti québécois. J'aurais été péquiste dans les années 70, mais pas aujourd'hui, en 2023. En 2023, je suis à Québec
solidaire, un parti indépendantiste depuis sa création. Et j'ai été là lors
du congrès où on a voté pour l'indépendance
dans notre programme. Et je refuse qu'on dise que ce n'est pas vrai, parce que
je porte ça, et tous les députés de Québec
solidaire et tout le mouvement de Québec solidaire le portent, ce projet-là.
Mais nous, nous
en parlons différemment. Nous en parlons de façon rassembleuse. Et je suis
fière d'en parler de cette façon-là. Puis
je veux que cette voix-là et cette façon de porter l'indépendance, celle qui
avait déjà été portée dans le passé, soit encore plus entendue et revienne aujourd'hui, en 2023. Et c'est important, je
le répète et je le redis, pas juste pour les immigrants, parce que ça les blesse, pas uniquement pour eux
et elles, c'est important pour le mouvement indépendantiste, c'est important
pour le Québec. Parce que nous n'allons pas demander aux femmes de faire plus
d'enfants pour la nation, on n'est plus rendus
là. On va accueillir des immigrants de plus en plus, et il faut qu'on les
accueille et il faut que notre discours soit, si je peux dire, compétitif par rapport à ce que le
fédéral dit dans l'image et dans la perception des jeunes issus de l'immigration,
des immigrants qui viennent ici et des jeunes de façon générale.
Donc, voilà,
ça, c'est pour l'avenir, c'est ce que je parlais. Mais je comprends que la
motion, c'était pour nous parler de
ce qui s'est passé en 1995. C'est très important de faire la lumière là-dessus,
et évidemment Québec solidaire va voter pour cette motion. Merci
beaucoup, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci
beaucoup, Mme la députée de Mercier. Je cède maintenant la parole à M. le
député de Matane-Matapédia.
M. Pascal Bérubé
M.
Bérubé : Merci, M. le Président. J'ai écouté avec attention
ma collègue de Mercier, et je ne suis pas d'accord avec elle sur ce qu'elle dit. J'ai l'impression,
en tout respect, que son discours s'adresse davantage aux membres de sa
formation politique qu'aux membres de cette auguste Assemblée.
Ceci étant dit, je vais déposer un amendement et
je vais disposer de l'amendement du Parti libéral. Je pourrais commencer par
cet ordre inverse. Donc, nous ne retenons pas l'amendement du Parti libéral et
nous allons déposer un amendement qui, comme
l'a indiqué ma collègue de Mercier, va simplifier de façon considérable la
proposition initiale. J'en fais lecture maintenant, si vous le
permettez, M. le Président.
Motion d'amendement
Alors, proposition d'amendement à la motion
présentée par le chef du troisième groupe d'opposition :
Que la motion du chef du troisième groupe
d'opposition soit modifiée en :
1° supprimant le premier alinéa;
2° supprimant le deuxième alinéa;
3° supprimant le troisième alinéa;
4° supprimant le quatrième alinéa;
5° en remplaçant le cinquième alinéa par le
suivant :
«Que
l'Assemblée nationale demande au Directeur général des élections du Québec de
divulguer et rendre publics tous les témoignages et documents de la
commission Grenier dans les plus brefs délais.»
Voilà. Alors, je dépose... Ça fait longtemps que
je n'ai pas fait ça, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Lévesque) : Alors,
votre amendement est déposé, M. le député.
M. Bérubé : Oui. Et je ferais mon
intervention.
Le Vice-Président (M. Lévesque) : Alors,
je vous invite à poursuivre votre intervention.
M. Bérubé : M. le Président, en
1995, le premier ministre Parizeau a posé la question qui fait d'un peuple un pays. Il a fait en sorte que le peuple du Québec,
démocratiquement, puisse s'exprimer à travers un référendum, avec un taux
de participation record, avec un camp du
Non, un camp du Oui, et on a eu un résultat très serré, très serré à l'échelle
du Québec, mais, depuis ce temps, il y a beaucoup de suspicion sur le
déséquilibre des forces.
Les forces du
Non avaient énormément de moyens par des OSBL, par le gouvernement du Canada.
On se souvient du «love-in» où on a
demandé à des gens de partout au Québec de venir nous dire, et ce n'était pas
prématuré, qu'ils nous aimaient, à la
Place du Canada, à Montréal. Imaginez l'impact à quelques jours du vote. Il y a
eu Option Canada, il y a eu des interventions de tout genre qui ont fait
en sorte de laisser un doute sur l'issue du référendum.
Se peut-il
que le résultat aurait été autre si toutes les règles avaient été suivies?
C'est possible, M. le Président, et, lorsqu'on étudie cette histoire,
qui a été étudiée de toutes sortes de façons à travers des documentaires, à
travers des enquêtes, à travers des
analyses, et rendons hommage à Robin Philpot et à Normand Lester, on s'aperçoit
que beaucoup de choses méritent d'être connues.
Que des documents soient gardés secrets pour la
vie, c'est quelque chose. 40 000 documents, 90 témoignages, notamment d'élus toujours actifs, notamment d'élus
toujours en vie aujourd'hui, qui pourraient nous amener un éclairage, ça mérite d'être connu. La raison pour laquelle le
juge Grenier a dit qu'il n'allait pas... qu'il ne souhaitait pas rendre ça
public? Pour préserver la réputation de
certains acteurs du camp du Non. Alors, je suggère que, pour une question aussi
importante que l'avenir d'un peuple, ça mérite d'être connu.
Je veux
remercier le gouvernement du Québec d'acquiescer à notre demande et d'avoir
collaboré avec nous pour que la lumière soit faite une fois pour toutes.
Nous avons des raisons sérieuses de croire que ce qui se trouve dans ces documents mérite d'être connu et pourrait changer
le cours de l'histoire, des témoignages qui ont été faits par des acteurs importants et des pistes pour la suite. Évidemment,
ça ne changera pas l'exercice, mais ça nous donne des leçons pour la suite. Plusieurs personnes ont peut-être vécu
depuis 1995 avec une certaine impunité politique quant aux gestes qui ont
été posés en 1995.
• (15 h 50) •
Tout
à l'heure, mon collègue de Nelligan parlait de ce qu'il appelait des
«scrutateurs de choc». C'est l'expression qu'il a utilisée. Je veux quand même lui suggérer que les taux de
participation les plus élevés ont tous été obtenus dans l'ouest de Montréal, beaucoup plus élevés qu'ailleurs.
Alors, s'il y a eu du zèle, ce n'est pas dans Matane-Matapédia, ce n'est pas
aux Îles-de-la-Madeleine. Le premier comté à être annoncé en avance pour le Oui
en 1995, c'est dans Nelligan, dans D'Arcy-McGee, dans Robert-Baldwin, dans les
comtés de l'ouest de Montréal. Alors, tant mieux pour la participation démocratique, il faut le valoriser. Mais je ne
crois pas que des circonscriptions qui ont voté massivement Non ont vécu des
obstacles quant à leur participation et je déposerai les chiffres pour le
bénéfice du Parti libéral du Québec.
Ceci
étant dit, cette question interpelle l'ensemble des parlementaires. Il y a dans
cette salle, dans cette Assemblée, plusieurs parlementaires qui ont pris
part à la campagne. C'est mon cas, j'avais 19 ans, à travers le camp du
Oui, mais je sais que les membres du camp du
Oui n'étaient pas seulement dans ma formation politique. J'en vois de l'autre
côté de la Chambre. Il s'en retrouve
à la CAQ. Il s'en retrouve à Québec solidaire. Et même votre chef
parlementaire, M. le Président, le
chef parlementaire libéral, a voté Oui en 1995. Je donne cette information aux
aspirants à la chefferie libérale. Je me permets de faire un peu
d'humour, mais sachez-le. Je suis sûr que ça va intéresser le leader
parlementaire.
J'ai
entendu ma collègue de Mercier, bon, évidemment, répliquer à un chef d'un autre
Parlement. Je n'en ferai pas de cas. Je ne crois pas que c'est l'objectif de la
motion. Mais, d'obtenir les documents, je trouve ça important, et ça s'est fait quand même assez rapidement, parce que
ce qu'on fait n'est pas banal. C'est un peu un ordre de l'Assemblée, là.
Je ne sais pas si on peut le qualifier de
cette façon-là. C'est exécutoire. Et, encore une fois, les juristes du
gouvernement du Québec nous ont
assuré de leur concours pour qu'on procède rapidement, et c'est bénéfique. On
ne sait pas ce qu'on va y trouver. Nous, on soupçonne qu'on y trouvera
des éléments fort importants sur la conduite de notre démocratie.
Alors,
ce que je veux vous dire, M. le Président, c'est qu'on fait oeuvre utile. Et,
quand on nous dit, par exemple : On
pourrait parler de d'autres choses, je veux simplement indiquer à cette
Assemblée que, par voie parlementaire, on a réglé le serment du roi en un petit peu plus de temps que
je prends présentement pour parler. 12 minutes, c'était réglé. En deux heures, on va disposer des archives du
référendum de 1995. Ce n'est pas trop de temps pour ce que ça représente, et
on va quand même continuer, demain, de s'occuper de santé, d'éducation et de
tout ce qui régit notre vie.
Alors,
je veux vous dire que je pense que nous faisons oeuvre utile, pas
seulement nous, nous faisons oeuvre utile collectivement en demandant,
au nom des acteurs du référendum de 1995, de la population du Québec et de ceux
qui viendront, que toute la lumière soit
faite sur cet exercice important qui fait l'envie de bien des nations dans le
monde, d'avoir une consultation à
94 %, si mon souvenir est bon, qui s'est faite de façon pacifique et
démocratique. Et ça, c'est un bon indicateur de ce que sont les Québécois
et Québécoises, des gens qui savent débattre respectueusement et dans la paix.
Alors,
je vous remercie, M. le Président. Et mon amendement est maintenant déposé, et
j'espère que ça va clarifier la base sur laquelle se font nos débats.
Et, un peu plus tard, vous ne perdez rien pour attendre, parce que le député
des Îles-de-la-Madeleine va aussi s'exprimer à l'Assemblée. Merci.
Le Vice-Président
(M. Lévesque) : Merci beaucoup, M. le député de Matane-Matapédia.
Évidemment, votre amendement est sous
réserve d'acceptation de l'auteur lui-même. Alors, je suis prêt à reconnaître
le prochain intervenant. M. le ministre, vous avez intervenu déjà.
Une voix : ...
Le Vice-Président (M. Lévesque) : Malheureusement,
non. Je suis prêt à reconnaître le prochain intervenant. Je reconnais le
député qui est debout et je reconnais M. le député des Îles-de-la-Madeleine. Et
je crois que vous avez droit à environ deux minutes, c'est ce qui est prévu,
monsieur le... environ.
M. Joël
Arseneau
M. Arseneau :
Oui, en fait, on nous avait dit qu'on avait 16 minutes au total. C'est
parti?
Alors,
merci, M. le Président. Alors, je vais continuer dans la même foulée que mon
collègue de Matane-Matapédia puis
revenir à l'année 1995 où, évidemment, moi, je faisais partie de ceux qui
aspiraient à ce que le vote soit majoritairement pour que le Québec devienne un pays. Et évidemment, comme on l'a
mentionné, les chiffres étaient positifs à partir des Îles-de-la-Madeleine, et on imaginait une grande
vague qui allait déferler sur l'ensemble du Québec. Les résultats, chez
nous, étaient de l'ordre de 58 %. Donc, tous les espoirs étaient permis.
Bien
sûr, au fur et à mesure que la soirée s'est déroulée, bien, on a vu que
certaines circonscriptions n'allaient pas voter dans le même sens. Ça s'est passé aux alentours de la Capitale-Nationale. Et on pensait qu'effectivement à ce moment-là les aspirations du Québec de devenir une nation
indépendante s'étaient frappées à un vote démocratique et à une majorité
de voix de l'ordre de quelques dizaines de
milliers de voix. Nos rêves étaient brisés, nos... peut-être nos aspirations
également. Mais, avec le recul, et
avec les années qui ont passé, et les révélations qui ont été faites, ce qu'on
a peut-être découvert, c'est qu'on
avait non seulement perdu le référendum, mais qu'on risquait d'avoir perdu
également nos illusions sur la démocratie québécoise, sur le processus de vote, le processus électoral et sur les
règles démocratiques qui nous régissent, sur la justice également, d'autant plus qu'on l'a mentionné tout
à l'heure, il y avait des dépenses qui n'avaient pas été comptabilisées,
il y avait des actions qui avaient été posées qui nous semblaient être de
l'ordre de la manoeuvre électorale frauduleuse, qu'une enquête a été faite et que les résultats, essentiellement, les
témoignages et les documents n'ont jamais été rendus publics.
Alors, aujourd'hui, je pense qu'on
fait effectivement oeuvre utile. Si on veut savoir où l'on va, on dit qu'il
faut savoir d'où l'on vient. Sur le plan démocratique, il est absolument
incontournable que l'on puisse avoir accès à toute l'histoire, à ce qui s'est véritablement passé,
particulièrement, là, pour ce qui est d'Option Canada, quelles ont été les
manoeuvres qui ont été menées. Et, pour comprendre véritablement ce qui
s'est passé, je pense que c'est absolument essentiel. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci
beaucoup, M. le député des Îles-de-la-Madeleine. Est-ce qu'il y a d'autres
intervenants?
Une voix : ...
Le Vice-Président
(M. Lévesque) : Tout à l'heure, M. le ministre voulait intervenir.
Une voix : ...
Le Vice-Président (M. Lévesque) : Sur
consentement, tout est possible ici, à l'Assemblée. Alors, j'aurais besoin...
S'il le souhaite toujours et si l'ensemble des parlementaires sont d'accord, il
pourrait intervenir. Il y a... Oui?
Une voix : ...
Le Vice-Président
(M. Lévesque) : Sur le temps du gouvernement, évidemment.
Une voix : ...
Le Vice-Président
(M. Lévesque) : M. le député de Matane-Matapédia.
M. Bérubé : D'expérience, si je comprends, je lis bien la situation,
il n'y aura pas d'autre intervenant du côté du gouvernement, ni du côté de l'opposition officielle ni de la deuxième
opposition. Si c'est le cas, je vous suggère que le chef de la troisième
opposition fait dès maintenant ses remarques de fermeture de 10 minutes.
Si l'Assemblée y consent, c'est comme ça qu'on procéderait. C'est bon?
Le Vice-Président (M. Lévesque) : Donc,
ce que je comprends, c'est qu'il n'y a pas de consentement pour permettre une
autre intervention, et on passerait directement à l'intervention de M. le chef
du troisième groupe d'opposition.
M. Bérubé : C'est moins une affaire de consentement que, si
personne d'autre ne se lève, nous prenons pour acquis qu'il n'y aura pas d'autre intervention, et, à ce
moment-ci, notre chef peut faire ses déclarations, sa déclaration de fermeture
de 10 minutes dès maintenant, à moins d'avis contraire. C'est bon?
Parfait.
Le Vice-Président
(M. Lévesque) : C'est parfait. Effectivement, M. le chef du troisième
groupe d'opposition, je vous cède la parole pour votre droit de réplique de
10 minutes. Et je vais vous demander officiellement, M. le chef : Est-ce que vous acceptez la motion? J'ai compris
que vous rejetez la motion qui a été déposée par le collègue de Nelligan
et que vous acceptez l'amendement proposé par le député de Matane-Matapédia?
M. Paul
St-Pierre Plamondon (réplique)
M. St-Pierre
Plamondon : Donc, c'est exactement ça. Donc, on ne prendra pas
l'amendement en provenance de l'opposition
officielle. Mon collègue a déposé un amendement. On constate que, suite à cet
amendement-là, il n'y a pas de
commentaire supplémentaire, parce qu'évidemment c'est un amendement qui nous
ramène à l'essentiel. Donc, c'est la situation.
Donc,
mon allocution de conclusion de ce processus, c'est simplement, premièrement,
de remercier tous ceux qui participent
à une réussite transpartisane. Et souhaitons-nous que ce soit une manière de
travailler qui nous amène vers toujours plus de justice, plus de soif de
vérité quant à notre histoire mais quant, également, à notre avenir.
Je
répondrai brièvement à certains des arguments qui ont été soulevés pour
expliquer pourquoi on pense que le format
qui est choisi est le bon. Rappelons que la commission Gomery et la commission
Charbonneau sont des commissions qui étaient télévisées, donc non
seulement elles étaient publiques, mais elles étaient télévisées, parce que le
principe fondamental de la justice, c'est la
publicité des débats, c'est-à-dire que tout doit se faire au su et vu de tout
le monde, parce que le but, c'est de
maintenir la confiance en nos institutions. Donc, de ce point de vue là, la
commission, telle qu'elle a été
conçue pour Option Canada et la commission Grenier, elle est très particulière.
Un huis clos ne permet pas de maintenir cette confiance-là, d'être dans la transparence. Donc, on pense que tout
doit être transparent, tout doit être divulgué. C'est le sens du vote. On donne un mandat pour tous les
documents, tous les témoignages parce que, de toute façon, les principes
fondamentaux de la justice auraient commandé
que, pour une question aussi fondamentale, ce soit au su et vu de toute la
population pour qu'elle puisse se faire une opinion.
• (16 heures) •
Je suis obligé d'intervenir par rapport à
l'intervention de ma collègue de la deuxième... ou du deuxième groupe
d'opposition dans la mesure où je trouve anormal et déplorable qu'on se serve
d'un débat qui me semble rassembleur et sur des principes fondamentaux pour attaquer un autre parti
politique qui est dans un autre Parlement, qui n'est pas ici pour
se défendre. Je me limiterai simplement à dire qu'on peut difficilement se dire
rassembleur ou souhaiter le rassemblement et tenir un discours aussi hargneux que celui-là. Et je référerai à une
lettre de ma collègue Méganne Perry
Mélançon, intitulée Intolérance solidaire, qui décrit bien ce qu'on vient d'entendre, à
savoir des appels au rassemblement et, simultanément, les discours les plus divisifs qu'on pourrait
imaginer, c'est-à-dire stigmatiser son adversaire pour tenter de faire un gain
politique dans le cadre peut-être d'une course à la direction de son parti. Je
ne pense pas que c'était le bon forum.
Des voix : ...
Le Vice-Président (M. Lévesque) : Je
vais vous demander, s'il vous plaît...
Une voix : ...
Le Vice-Président (M. Lévesque) : S'il
vous plaît! S'il vous plaît! Oui, effectivement, je vais juste demander, M. le chef du troisième groupe d'opposition, s'il
vous plaît, de ne pas prêter d'intentions aux collègues. Le débat se passe
bien. Je vais vous demander votre collaboration, s'il vous plaît.
M. St-Pierre Plamondon : Donc, je ne
prendrai pas fait et cause pour un chef de parti qui n'est pas en cette Assemblée, mais je pense que... Revenons à
l'essentiel, là. Malgré ces étapes qu'on a dû suivre, on aura quand même réussi
à s'entendre sur l'essentiel. Ce n'est pas
toujours le cas, à l'Assemblée nationale. Donc, je termine tout simplement en
célébrant cette réussite.
J'invite tous les partis, même ceux qui ont peu
de sympathies envers l'option de l'indépendance du Québec, à s'intéresser à ces documents, à s'intéresser à ces
témoignages, parce que des fois, le temps, le recul nous donne une lecture
plus juste des événements qui ont façonné notre histoire, à la lumière de
d'autres moments historiques qui me semblent marqués
par le même genre de manoeuvres, celles que je mentionnais plus tôt. Donc,
prenons le temps, peu importent nos allégeances
politiques, de s'intéresser à ça, et on verra où la vérité et la quête de
justice nous mèneront. Merci, M. le Président.
Le
Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup, M. le chef du troisième groupe
d'opposition. Et le débat est maintenant terminé.
Conformément
au règlement, je dois d'abord mettre aux voix la motion d'amendement présentée
par M. le député de Matane-Matapédia, avant de procéder au vote sur la motion
principale. Je vais vous en faire la lecture, de ces deux motions.
La motion principale de M. le chef du troisième
groupe d'opposition se lit comme suit :
«Que l'Assemblée
nationale affirme que le plein respect des lois adoptées démocratiquement par
le Parlement du Québec, plus
particulièrement de la Loi électorale du Québec et de la Loi sur la
consultation populaire, est une condition essentielle au maintien de la santé démocratique de la nation québécoise
et du respect de sa volonté exprimée démocratiquement;
«Qu'elle rappelle que les conclusions du rapport du
commissaire Bernard Grenier, publié en mai 2007, indiquent qu'une somme de
539 460 $ a été engagée illégalement par Option Canada et le Conseil
pour l'unité canadienne pendant la période référendaire de 1995;
«Qu'elle rappelle que la commission Grenier n'avait pas
obtenu le mandat de se pencher sur d'autres dépenses frauduleuses potentielles,
notamment l'organisation du "love-in" et le placement publicitaire
financé par Patrimoine Canada;
«Qu'elle affirme que près de 30 années se sont écoulées
depuis la campagne référendaire de 1995 et que le droit à la liberté
d'expression, le droit à la liberté de la presse, le droit à l'information et
le principe de la publicité des débats commandent
la divulgation publique des documents colligés dans le cadre des travaux du
commissaire Grenier, et ce au bénéfice du droit des générations futures
à connaître l'histoire du Québec;
«Par
conséquent, qu'elle ordonne au gouvernement du Québec de présenter dans les
plus brefs délais un projet de loi pour permettre la déclassification de
l'ensemble des documents de la commission Grenier et d'entreprendre toutes les
procédures législatives nécessaires à cette fin.»
La motion d'amendement de M. le député de
Matane-Matapédia se lit comme suit :
Que la motion du chef du troisième groupe
d'opposition soit modifiée en :
1° supprimant le premier alinéa;
2° supprimant le deuxième alinéa;
3° supprimant le troisième alinéa;
4° supprimant le quatrième alinéa; et
5° en remplaçant le cinquième alinéa par le
suivant :
«Que
l'Assemblée nationale demande au Directeur général des élections du Québec de
divulguer et rendre publics tous les témoignages et documents de la
commission Grenier dans les plus brefs délais.»
Donc, je mets d'abord... Oui, M. le député de
Matane-Matapédia.
M.
Bérubé : Au risque de n'être pas au bon moment, j'aimerais
qu'on puisse procéder par un vote par appel nominal.
Mise
aux voix de l'amendement
Le
Vice-Président (M. Lévesque) : Vous êtes un peu hâtif. Permettez-moi de mettre
aux voix... Permettez-moi tout d'abord de demander : Est-ce que
cette motion est adoptée?
Des voix : Adopté.
Le Vice-Président (M. Lévesque) : Adopté.
Alors, je mets maintenant aux voix l'amendement
de... Est-ce que cet amendement est adopté?
Des voix : Adopté.
Le
Vice-Président (M. Lévesque) : Adopté. Donc, je considère que l'amendement est
adopté, mais vous demandiez...
M.
Bérubé : Oui. Alors, M. le Président, j'aimerais qu'on
puisse procéder dès maintenant à un vote par appel nominal et qu'on
appelle les députés.
Le Vice-Président (M. Lévesque) : Alors,
le vote est demandé.
Des voix : ...
Le
Vice-Président (M. Lévesque) : Donc, effectivement, vous aviez besoin de l'appui
d'autres députés. M. le leader du gouvernement.
M.
Lévesque (Chapleau) : Oui. À ce moment-là, je vous demande de reporter
le vote, s'il vous plaît, à la prochaine période des affaires courantes.
Vote reporté
Le Vice-Président (M. Lévesque) : Alors,
le vote sera reporté lors d'une prochaine séance régulière.
Alors, M. le leader adjoint du gouvernement,
pour la suite de nos travaux.
M. Lévesque
(Chapleau) : Oui. Merci beaucoup, M. le Président. Je vous
demande d'appeler l'article 4 du feuilleton, s'il vous plaît.
Merci.
Projet de loi n° 24
Reprise du débat sur
l'adoption du principe
Le Vice-Président (M. Lévesque) : À
l'article 4 du feuilleton, l'Assemblée reprend le débat ajourné plus tôt aujourd'hui sur l'adoption du principe du projet
de loi n° 24, Loi donnant suite
aux recommandations du rapport du Comité consultatif indépendant sur la
révision de l'indemnité annuelle des membres de l'Assemblée nationale.
Y a-t-il des interventions? Je reconnais Mme la
députée de Verdun.
Mme Alejandra Zaga Mendez
(suite)
Mme Zaga
Mendez : Bonjour, M. le Président. Merci. J'aimerais
continuer le débat qu'on avait commencé tout à l'heure en Chambre. Comme vous le savez, on discute sur le projet de
loi n° 24 comme sur cette idée : Comment fixer le salaire des députés à l'Assemblée nationale? Et,
avant de se quitter, j'ai salué l'initiative de notre collègue de Jean-Lesage
d'interpeler les citoyens et citoyennes de
sa circonscription et de discuter avec les gens sur le terrain de qu'est-ce que
ça symbolise, comment c'est
interprété, le fait que les députés se votent à eux-mêmes une telle hausse de
salaire. Je nous rappelle qu'on parle d'une hausse de 30 000 $
par année.
C'est une question qui revient sans cesse depuis
très longtemps. Et hier mon collègue le député de Gouin, notre chef parlementaire, il nous a fait un rappel
historique de ce débat-là depuis une quarantaine, trentaine d'années en
Chambre. Puis, vous savez, moi, je
suis députée depuis très peu, bientôt huit, neuf mois que je siège à
l'Assemblée nationale, et, si j'ai entendu
parler de ce dossier, si, ce dossier-là, on a suivi, comme groupe
parlementaire, depuis longtemps, bien, c'est grâce au travail de
l'ancien député de Mercier, c'est grâce au travail d'Amir Khadir.
Je veux rassurer les collègues qui sont
présents, je ne vais pas lire la lettre d'Amir Khadir. Je salue le fait que plusieurs de mes collègues ont pris le temps de le
faire. Amir Khadir qui a lui-même pris le temps de réfléchir à cette question
puis nous partager diverses réflexions
importantes, lui, comme ancien parlementaire. Puis je veux quand même souligner
le travail qu'il a fait comme ancien
parlementaire, il n'a pas été seulement le premier député de notre formation
politique, Amir Khadir est une
inspiration pour plusieurs personnes au Québec. Il a été une inspiration pour
moi-même avant de me lancer puis militer au sein de ce parti.
• (16 h 10) •
Puis ce que je retiens de son travail, de ce que
je retiens de sa façon de faire la politique, bien sûr, c'est son franc-parler,
de dire les choses comme il pense, de dire les choses comme il le sentait puis
continuer à le sentir, mais l'inspiration
aussi, c'est... Bon, Amir a pris plus d'une fois la parole dans cette Chambre
pour ébranler certains... le pouvoir établi.
Si on se souvient, ceux et celles qui ont déjà eu la chance de siéger avec lui,
il portait même des cravates spéciales pour
certaines occasions spéciales dans lesquelles il fallait mettre... discuter des
enjeux de corruption et de collusion. Amir
Khadir était un grand défenseur de l'éthique. Puis c'est ce principe-là qui a
poussé son engagement politique et nous a inspirés, je parle en mon nom personnel, mais je suis certaine que
c'est le cas de plusieurs de mes collègues députés, d'avoir la
question... l'éthique et la cohérence au coeur de notre travail politique.
Puis, Amir
Khadir, une des choses qui m'a aussi marquée, parce que moi, je l'ai connu très
jeune, vous comprenez que j'étais...
Je peux partager mon âge, c'est écrit dans ma biographie, j'ai 35 ans. Donc,
quand j'ai commencé à militer avec Amir
Khadir, j'étais assez jeune. Puis de voir un politicien faire ce travail-là
de terrain, de lien, ça m'a fait découvrir la politique autrement. Puis
c'est avec cet esprit-là que je pense que tous mes collègues, on fait ce débat,
on amène cette question-là en Chambre. Parce que faire de la politique
autrement, c'est écouter ce que nos citoyens et citoyennes sont en train de nous dire quand on évoque le fait que
des députés, des parlementaires vont voter... vont avoir le pouvoir de voter
une hausse de 30 000 $ en Chambre. Il y a 10 ans, il nous disait
que la rémunération... Je parle d'Amir Khadir toujours. Donc, il y a 10 ans, le collègue de...
l'ex-député de Mercier nous disait que la rémunération des députés ne doit pas
être revue à la pièce et n'importe
comment, il faut confier ce travail-là, la révision de l'ensemble des
conditions, à un comité qui est vraiment indépendant et exécutoire, tel
que l'a recommandé le rapport L'Heureux-Dubé, qui date de 2013.
Et là
j'aimerais prendre un moment pour revenir... Parce que je parlais du lien qu'on
a avec nos citoyens et les gens qui
nous suivent. J'avais invité, plus tôt, les collègues à écrire sur leurs
réseaux sociaux. Puis, si vous me permettez de lire certains commentaires puis certaines questions que
j'ai reçus de la part des citoyens depuis ce matin... Puis je pense que leurs voix méritent d'être entendues parce qu'ils
ont plusieurs, plusieurs questions par rapport à la procédure elle-même
mais ainsi que le contenu.
Certaines
personnes me disent... Je vais les lire tels quels, les commentaires que j'ai
reçus, j'en ai choisi quelques-uns : «Qu'elle soit justifiée ou non — cette
hausse — qu'elle
soit légitime ou non, ce n'est pas l'augmentation qui pose problème, mais plutôt le processus : un
comité de l'Assemblée nationale et son adoption par les députés elles [et] eux-mêmes.»
Puis la dame en question m'envoie un petit
bonhomme triste de la situation. Comme vous voyez, il y a des personnes qui
nous écrivent, qui ont sûrement écrit dans
différents bureaux de circonscription pour remettre en question le processus
qu'on est en train d'avoir en ce moment.
Une autre personne : «Tout le monde a le
droit à une augmentation de temps en temps, mais souvent il s'agit de pinottes, genre de 0,35 $ de l'heure de
plus pour la prochaine année.» Ce que la personne trouve choquant est le fait qu'il y a «des projets urgents, voire essentiels, [qui]
tardent et piétinent dans un dédale labyrinthique de procédures à grands
coups de commissions d'études par ici et [...] par là. La petite augmentation — entre
guillemets — semble
s'être votée rapidement comparé à de nombreux projets nécessaires qui étirent
dans le temps.»
Puis je
prends le temps aussi... Tantôt, mon collègue Sol rapportait des commentaires
très semblables, parce que ce qu'on est en train de faire... Pardon?
Une voix : ...
Mme Zaga
Mendez : Pardon, oui,
désolée. Mon collègue de Jean-Lesage rapportait des commentaires semblables.
C'est qu'il faut faire attention à ne pas alimenter ce cynisme. Il faut faire
attention de ne pas alimenter l'effet que des citoyennes
et citoyens nous disent : Êtes-vous en train de mettre vos priorités à la
bonne place? Puis c'est ça que j'entends.
Un autre commentaire que j'ai reçu : «Il
faut préciser que ces salaires sont actuellement indexés, ce que je lis rarement. Il ne s'agit donc pas d'un rattrapage
après des années de salaires non indexés, mais carrément d'un enrichissement
majeur. En outre, la hausse de
30 000 $ est seulement le salaire de base. Par exemple, la hausse
salariale du premier ministre serait en fait supérieure à
60 000 $», je crois bien, la personne nous l'indique.
Ça fait qu'il
faut comprendre aussi que c'est l'ensemble des conditions de travail, c'est
l'ensemble des conditions qu'il faut
revoir. C'est ce que la personne nous dit puis c'est aussi qu'est-ce que nous
disait le rapport de L'Heureux-Dubé, qui
datait de 2013, il ne faut pas regarder seulement cette hausse. Cette
hausse-là, elle vient montrer qu'encore une fois les députés se votent
des privilèges.
Malgré
l'opposition de Québec solidaire et le travail qu'on a fait année après année
sur ce sujet, nous avons maintenu, comme
je disais, une position qui est cohérente depuis le début. Ce qu'on voit, c'est
qu'on a d'autres partis politiques, que ce soit la Coalition avenir Québec ou le Parti
libéral du Québec, qui votent et qui
ont le goût qu'on procède... qui ont voté,
en fait, de procéder à la mise sur pied d'un comité avec un mandat qui était
extrêmement restreint, de sentir que les dés étaient déjà pipés d'avance. Et il
y a un comité... On n'a pas mis sur
pied un comité complètement indépendant avec un mandat exécutoire.
Donc, il faut comprendre aussi, bon, le Bureau
de l'Assemblée nationale a donné un mandat à deux ex-députés pour qu'ils fassent des propositions, puis je veux dire que ces deux
anciens députés sont respectés. Je ne veux pas parler contre le travail de ces députés, que ce soit
Mme Lise Thériault, qui est une ancienne vice-première ministre du Québec,
qui a quitté son poste de députée lors de la
dernière élection, une femme d'expérience, une femme qui a travaillé dans cette
enceinte pour le bien-être des gens de sa
circonscription... Tout le monde ici dit, puis je le vois, là, j'ai eu la...
les gens nous parlent de comment elle
a été une bonne présidente de commission. Alors, on ne veut pas aller à
l'encontre de la réputation des
députés qui ont fait partie de ce comité. Et j'ajoute aussi l'ancien député
Martin Ouellet, ancien leader du Parti québécois en Chambre, un autre député
dont on a entendu des bons mots, un homme droit et... Mais malheureusement on
est en désaccord avec le rapport qui est présenté. Pas sur tout.
Surtout, en fait, c'est de voir que cela aboutit avec le projet de loi n° 24, parce qu'on est en train de
discuter parce qu'on va le voter. C'est là où c'est le grand enjeu sur lequel
on s'entend tous et toutes dans
mon... politique, c'est que ce n'est pas aux députés de se voter leur propre
salaire, parce qu'on est en train... Puis je le disais hier, la
confiance de la population est primordiale en démocratie, c'est la base de
notre système démocratique.
Puis notre système démocratique, on le sait, il n'est pas parfait, on le sait,
qu'il n'est pas parfait. Nous n'avons pas une démocratie peut-être aussi
développée, avec tous les outils, qu'on souhaiterait.
Je veux quand même prendre un moment de dire
qu'on aurait souhaité une réforme du mode de scrutin pour donner plus de voix
aux régions, plus de voix aux différentes populations du Québec puis peut-être,
un jour, avoir ici plus de représentants, plus
de députés qui portent la voix des gens un peu partout au Québec. La réforme du
mode de scrutin nous aurait permis cela, sortir d'une démocratie qui restreint
puis donner plus de voix surtout aux régions et aux citoyens.
Il faut qu'on
arrête d'aggraver le déclin de cette confiance, et, en votant un tel projet de
loi, on va continuer à créer cet
abîme entre nous, les représentants de nos différentes circonscriptions et les
gens communs, les gens qui sont partout au Québec. Je le disais hier, à
quel point j'étais fière de venir d'un milieu très populaire. Hier, aussi, mon
collègue de Taschereau nous partageait qu'il
a travaillé dans le milieu communautaire, des milieux auxquels, par des moments
de ma vie puis de ma famille, j'ai dû
y aller, par différents types de besoins d'accompagnement. Donc, pour nous,
garder ces liens avec les personnes
qu'on représente... puis surtout les personnes qui sont en bas de l'échelle et
qui ne peuvent pas un jour se lever et aller à leur Costco, appeler une
assemblée de travailleurs puis se voter eux-mêmes une hausse des salaires.
On entendait
le premier ministre nous dire que c'est important que les pères de famille puis
les mères de famille fassent tout
pour augmenter... pour avoir plus d'argent pour leurs familles. Bien,
j'aimerais qu'on pense à ces personnes-là qui sont au salaire minimum. Si on veut tout faire pour que ces mères et
pères puissent avoir des meilleures conditions en termes de salaire, bien, je me demande pourquoi on a
tardé aussi longtemps à avoir un salaire minimum autour de 15 $, puis qui
devrait être autour de 18 $ pour être
capable d'avoir un salaire qui est viable puis combler des besoins économiques
qui sont urgents pour ces familles.
• (16 h 20) •
Donc, je
disais, il faut combattre le cynisme. Puis c'est ça que je demande à mes
collègues députés, de ne pas voter... de
ne pas nous voter nous-mêmes et nous octroyer une hausse de 30 000 $.
Il y a des gens pour qui ce montant-là, c'est le salaire annuel. Puis on ne va pas se fatiguer de le répéter parce que
c'est des gens qu'on côtoie dans nos circonscriptions, c'est du monde
qui cogne à notre porte.
J'ai une
pensée pour les personnes retraitées aussi. Hier, on n'a pas parlé assez des
personnes... On parlait, avec le collègue
de Taschereau, des personnes âgées qui habitaient dans des logements et que,
malheureusement, notre loi ne leur permet pas de se défendre complètement face
aux évictions. Mais ces personnes-là qui ont travaillé toute leur vie pour
construire le Québec, ils ne peuvent pas se
retourner puis se voter une hausse de leurs régimes de retraite, s'augmenter
leurs chèques qu'ils reçoivent à
chaque mois. Pendant que l'inflation continue, pendant qu'il y a une hausse de
loyer, le chèque demeure le même.
Puis je veux qu'on ait une pensée pour ces personnes-là quand on discute d'un
projet de loi dans lequel on va se donner à nous-mêmes plus de
privilèges.
Quand je
parlais un peu de ce qu'Amir Khadir nous a légué comme organisation politique,
ce sens de l'éthique... puis ce
projet de loi là nous met en grave conflit d'intérêts. Puis les conflits
d'intérêts... Vous le savez, le principe, M. le Président, c'est qu'on ne peut pas être juge et partie. On ne peut pas
être ceux qui bénéficient à la fois que ceux qui décident. Puis là je
fais appel peut-être à certains collègues qui viennent d'un milieu des
affaires.
Une des
choses que moi, j'ai vue dans le milieu, par exemple, de la gestion
environnementale puis la gouvernance environnementale, même dans les
grandes ONG : quand on suggère que, pour augmenter, par exemple, les
conditions de travail ou les hausses de salaire, bien, ce ne sont pas les
directeurs généraux tout seuls qui vont se voter une hausse. Même les P.D.G. des grandes compagnies. Je pense
que tout le monde serait scandalisé si ces P.D.G. là se lèveraient un matin puis ils signeraient eux-mêmes des chèques,
des hausses de... des hausses, pardon, de loyer, des salaires. C'est des C.A.
Il y a plein de façons, dans la gouvernance, que ce soit entrepreneuriale, des
OBNL, dans laquelle on a cette... on divise cette décision-là. La
décision est prise par des comités qui sont indépendants puis qui ne sont pas
juge et partie.
Ça fait que j'appelle à mes collègues qui ont un
historique ou qui ont travaillé en entreprise de se poser cette question-là, s'ils permettraient la même chose
dans les entreprises, de laisser ces grands directeurs là se voter à eux-mêmes
leur salaire sans avoir eu un C.A. qui le
fait avant, qui le fait de façon indépendante. Je veux juste... Combien de
temps il me reste? Deux minutes.
Donc, je nous
répète, ce n'est pas juste acceptable qu'on fasse ces gestes-là. C'est ça, le
fond de l'histoire, puis c'est ça
qu'on va continuer à répéter dans ces débats-là, parce que les gens nous en
parlent, parce que ça va diminuer la confiance. Le processus actuel ne possède pas l'indépendance requise, et la
perception d'un conflit d'intérêt, vous savez, est aussi grave que le conflit d'intérêts lui-même. Puis, encore
une fois, je me base sur des propos qu'Amir Khadir nous disait, puis c'est
les propos qu'il aurait utilisés dans une
lettre ouverte récente que certains de mes collègues ont pu partager ici, en
Chambre. Et, dans le dossier que nous
discutons en ce moment, vous savez, la perception des conflits d'intérêts,
bien, elle est absolue. Il faut confier la tâche de revoir notre
rémunération à un comité totalement indépendant des élus et des partis. C'est
ça que proposait le rapport L'Heureux-Dubé,
depuis 2013, auquel je faisais référence tout à l'heure. Il faut faire l'examen
équitable de l'ensemble des
conditions de travail, donc on inclut également nos fonds de pension de
retraite. Il faut que ces comités-là aient
aussi le pouvoir d'exécuter les décisions qui vont être prises suite à une
évaluation de l'ensemble des conditions de travail pour qu'on n'ait pas ici à refaire le débat, pour qu'on n'ait
pas ici à se voter des privilèges. On le sait, que le travail de député est
exigeant. On le sait, que les heures sont longues, mais aussi on sait que c'est
un travail qui est gratifiant, mais
il faut savoir qu'on ne doit pas se mettre en conflit d'intérêts si on veut
servir la population qu'on représente et si on veut continuer à gagner
et travailler à construire la confiance de nos concitoyens et des
concitoyennes.
Donc, dans le concret...
Le Vice-Président (M. Lévesque) : ...
Mme Zaga Mendez : En
terminant, je veux remercier le travail d'Amir Khadir...
Le
Vice-Président (M. Lévesque) : C'est déjà tout, Mme la députée de Verdun. Et je
suis prêt à reconnaître, maintenant, M. le député de Taschereau. Vous
avez droit à 20 minutes.
M. Etienne Grandmont
M.
Grandmont : Oui. Merci beaucoup, M. le Président. Je
commencerai avec une affirmation : J'ai trois enfants, j'ai deux parents, des beaux-parents et, évidemment,
depuis mon élection, le 3 octobre dernier, bien, je les vois moins. Je les vois moins qu'avant parce que le boulot, le
job de député est très prenant. Je le sais, que ça occupe beaucoup. Je sais
que ça nous oblige à faire des grosses
semaines de travail, je sais qu'on travaille la fin de semaine, on travaille le
soir. Je sais, quand je vais à
l'épicerie... puis c'est probablement la même chose pour les collègues ici aussi, quand
on va à l'épicerie, quand on va au
cinéma, quand on va au terrain de jeu avec les enfants, quand on va à
l'épicerie ou... pas à l'épicerie mais au centre d'achats, bien, les gens nous reconnaissent. Puis on travaille
officiellement six jours par semaine, ou à peu près, mais on est députés sept
jours par semaine, quasiment du 24/7, M. le Président. Donc, on est toujours un
peu en mode éveil : je travaille.
Même en vacances, cet été, je suis persuadé que, pour la première fois de ma
vie, je vais être beaucoup plus reconnu qu'avant, si je voyage un peu partout
au Québec. Cela dit, même si cette situation-là est nouvelle pour moi, même
si je vois moins mes amis, je vois moins ma
famille, ce n'est pas une augmentation de salaire qui va me permettre de
compenser pour ce manque-là.
Je fais cette courte histoire là parce que j'ai
entendu des drôles d'arguments de la part de certains membres du gouvernement, à l'effet qu'une compensation
financière importante leur permettrait de compenser le fait qu'ils ne voient
pas leurs mamans, voient moins leurs amis.
Moi, j'ai trouvé, dans ces arguments-là, quelque chose de particulièrement
drôle, mais surtout ça montrait un
peu la limite de l'argumentaire derrière la proposition qui est au coeur du
projet de loi n° 24, qui vise à réviser l'indemnité annuelle des
membres de l'Assemblée nationale. C'est pour ça que je m'étonne toujours, encore une fois, de cette propension à vouloir
régler cette question-là, adopter rapidement le projet de loi n° 24, sans
procéder à des auditions, sans procéder au cheminement normal d'un projet de
loi aussi important, qui, comme l'a dit ma collègue de Verdun tantôt, risque de miner,
malheureusement, la confiance des électeurs et des électrices du Québec envers
l'institution que nous représentons.
Je pense que
mon chef parlementaire, hier, l'a bien souligné, il n'y a personne ici, en
Chambre, qui est ici pour des raisons
personnelles, personne, ici, n'est ici pour s'enrichir, pour se donner des
privilèges, pour se donner... pour s'octroyer certains droits que d'autres n'ont pas. On est là pour des bonnes
raisons. On n'a pas la même vision du développement du Québec peut-être, mais on est tous ici pour le
bien commun et on veut tous améliorer le Québec, avec des outils différents,
avec des visions différentes, comme je l'ai dit tantôt.
Mais il y a
des gens, dans la population, qui pensent que certaines personnes ici, au
Parlement, travaillent pour leur intérêt personnel. Et je pense, encore
une fois comme le disait mon chef parlementaire hier, que de procéder
rapidement à une augmentation de salaire...
bien, à l'adoption du projet de loi n° 24, qui va nous octroyer une
augmentation de salaire très
importante, et que nous-mêmes, en nous... en nous la votant, dans le fond...
dans le fond, ça nous met en situation de conflit d'intérêts, et on va
venir renforcer ce sentiment qui est présent dans une partie de la population,
qui est présent et qui alimente un cynisme
important chez une partie de la population. Et on ne voudrait pas, chez Québec
solidaire... c'est ce qu'on veut
éviter à travers le travail qu'on fait actuellement, on veut éviter que ce
cynisme augmente au Québec. Nous, on
voudrait plutôt que, le Parlement, comme institution, bien, les gens en aient
confiance, aient confiance dans ce système-là. On voudrait améliorer,
finalement, le lien entre l'institution parlementaire que nous représentons...
Nous sommes les 125 visages de cette
institution-là et nous espérons que la population reconnaisse en nous des
représentants qui soient dignes de confiance, de l'institution.
Maintenant,
est-ce qu'il y a des choses qui doivent être faites pour... qui doivent être
faites pour fixer les conditions de
rémunération? Bien, oui, il y a des choses qui peuvent être faites. Puis c'est
normal qu'un salaire augmente année après année, c'est normal que... Il y a l'inflation, il y a l'augmentation des prix à
la consommation, tout ça fait qu'à un moment donné il faut être capable de reconnaître que le salaire peut augmenter
à travers le temps. Mais combien ça vaut, ça, un salaire de député, et
comment le fixer? Bien, cette question-là est en suspend depuis très, très
longtemps.
• (16 h 30) •
Et je me
permettrais de revenir rapidement sur plusieurs décennies de réflexion sur cet
enjeu-là, qui ont, malheureusement, toujours
été écartées. Et malheureusement on a toujours fait ce choix-là et on est en
train de refaire la même erreur aujourd'hui, en 2023. Rappelons-nous
que, dès 1974, le comité Bonenfant constatait en particulier que le travail
parlementaire était devenu une occupation à
temps plein — parce
qu'avant, les députés, c'était du temps partiel, on comprend que les choses
ont bien changé — et
que le député devait dorénavant recevoir une rémunération suffisante parce
qu'il ne pouvait pas, dorénavant, compter
sur une occupation extraparlementaire qui lui permettait d'assurer des revenus
suffisants pour être capable de vivre
puis de faire vivre sa famille. En 1982, le mode d'indexation d'indemnité de
base est modifié. Il s'appuyait désormais sur l'évolution de l'indice des prix
à la consommation du Canada. Une allocation de transition était mise en place.
Plus important encore, la loi instituait un nouveau régime de retraite qui
réduisait de façon substantielle la valeur des prestations de retraite acquises après le 1er janvier 1983 ainsi
que l'indexation des rentes. C'est technique, là. Tout ça pour dire qu'on avait trouvé un mécanisme pour qu'on
ait moins à se voter soi-même des augmentations en instituant un principe
d'indexation automatique des salaires.
Je suis persuadé, M. le Président, qu'à force de
nous entendre le répéter vous allez connaître l'historique des commissions et
des comités qui se sont penchés sur cette question-là. Je vous sais très
attentif. Donc, je vais continuer.
En
1987, le comité Lavoie s'est penché sur la question. Le Bureau de l'Assemblée
nationale mandate, en 1987, un nouveau comité d'étude extraparlementaire
pour faire une évaluation de l'indemnité de base du député, de l'allocation annuelle non imposable, des indemnités pour
fonctions additionnelles et du régime de pension des membres de l'Assemblée
nationale. En définitive, un peu comme le
comité Bonenfant qui, lui, avait travaillé en 1974, là, donc 13 ans plus
tôt, le comité Lavoie recommande de
porter progressivement l'indemnité de base à la moyenne entre l'échelon le plus
bas et le plus haut des échelles de traitement des classes d'emploi des cadres
supérieurs du gouvernement. Le fait de lier l'indemnité du député aux échelles salariales des cadres
supérieurs permet, selon le comité, d'éviter que les membres de l'Assemblée
nationale débattent de leurs propres
conditions de travail. Le législateur n'a pas donné suite... n'a donné suite,
en fait, que très partiellement au
rapport du comité Lavoie. Donc, on a manqué une occasion là de s'assurer que
les députés se placent en situation de conflit d'intérêts.
En 2000, un
autre comité, M. le Président, le comité Godin, qui a recommandé de ne plus
lier l'indemnité de base du député à
la moyenne de l'échelle de traitement de classe 4 des cadres supérieurs.
La recommandation sur l'indemnité de
base est mise en application par loi en 2000, et puis les députés récupèrent
ainsi le terrain perdu depuis 1997 en raison d'une réduction de 6 % imposée par une loi. Ils prennent même une
mince avance sur la classe moyenne, la classe 4. Tout ça pour dire que le rapport se termine par un
plaidoyer en faveur d'un examen périodique des conditions de travail par un
comité indépendant. Moi, ça allume une
petite cloche, un comité indépendant. Mais, pour des raisons conjoncturelles ou
à cause du malaise que les
législateurs ont toujours éprouvé à fixer eux-mêmes leur rémunération, les
propositions de ces comités n'ont été que partiellement appliquées.
Ce qui nous
amène, en juin 2013, ça ne fait pas très longtemps, ça fait 10 ans, au
comité L'Heureux-Dubé. Le comité consultatif indépendant mandaté en juin 2013
par le Bureau de l'Assemblée nationale du Québec a étudié l'ensemble des conditions de travail, incluant le régime de
retraite des députés québécois. Au terme de ces travaux, le comité formule
quelque 30 recommandations, M. le Président.
Le comité avait deux objectifs fondamentaux : d'une part, de proposer des
conditions de travail qui correspondent à
l'importance de la fonction de député et à son rôle essentiel dans le maintien
d'une saine démocratie tout en tenant
compte de l'impact sur les finances publiques, et, d'autre part, d'énoncer ses
conditions de travail de façon aussi transparente que possible.
Le comité a,
entre autres, pris connaissance des rapports et recommandations des comités
précédents qui se sont penchés sur
cette même question. Il eût pourtant été souhaitable que les autorités
politiques y aient donné suite, évitant que les exercices périodiques de rattrapage sur le plan de la
rémunération... Les rapports de ces comités antérieurs ont rappelé le travail important et unique du député, travail
exigeant et complet, qui a connu une mutation profonde au cours du dernier
demi-siècle. Tout ça pour dire que le
rapport du comité L'Heureux-Dubé a été mis de côté aussi par le législateur,
alors qu'il aurait permis de faire
une opération de rattrapage du salaire, de l'indemnité de base des députés,
sans coût, sans aucun coût pour le Trésor public.
Donc, on en a
parlé beaucoup de ça, de l'augmentation du salaire des députés. À chaque fois,
la question se pose. C'est périodique,
aux 10, 15 ans, la question revient. Et malheureusement les parlementaires
décident de se lancer à bras raccourcis
dans le conflit d'intérêts plutôt que de régler la question qui est, à notre
avis, fondamentale. Je ne siège pas depuis longtemps, mais je trouve que
les paroles de notre ancien collègue Amir Khadir, député de Mercier de 2008 à
2018... je trouvais que ses paroles étaient
très sages. Il connaissait le sens de la justice. Je me suis dit qu'il devait
bien y avoir quelque chose de malsain
dans tout ça quand je l'ai entendu. Et je n'ai pas été déçu, moi, quand j'ai
creusé le dossier. La confiance de la population est primordiale en
démocratie, M. le Président. C'est la base même de notre système démocratique.
Aussi important soit-il, il faut arrêter le déficit potentiel de confiance que
peut avoir la population envers notre système.
Donc, ce
qu'on a demandé, puis ce qu'on demande encore, puis on va continuer à le faire
aussi longtemps que ce sera possible, on demande à nos collègues députés de ne
pas voter pour eux-mêmes une hausse de salaire de 30 000 $,
dans ce cas-ci, évidemment, une hausse de
salaire qui sera bonifiée pour toutes les personnes qui bénéficient de
fonctions ou qui occupent des
fonctions particulières. Parce qu'on sait bien comment ça fonctionne, le
système, actuellement, c'est un système
qui fait en sorte que très, très peu de députés, en fait, ont le salaire de
base. Il faut se rappeler aussi que ces 30 000 $ là, c'est bien plus
que, même, ce que gagnent actuellement des gens au Québec. Et ça, moi, je
trouve ça préoccupant. On est en train de s'octroyer... et je ne vois
pas qu'est-ce qui justifie une hausse aussi importante ou qu'est-ce qui permet de croire que nous méritons
une hausse de salaire d'au moins 30 000 $, alors que des gens dans la
société, aujourd'hui, à Québec, dans un
Québec aussi riche, aussi fier de ses racines sociales-démocrates, acceptent
que des gens vivent avec moins de
30 000 $ par année. Je vous l'avais souligné, la dernière fois qu'on
s'est parlé, M. le Président, 30 000 $,
quand on divise ça par 52 semaines puis par 35 heures par semaine,
bien, ça fait un salaire horaire d'environ 16,50 $, ce qui est
1,25 $ en haut du salaire minimum au Québec.
Dans le cas
qui nous occupe aujourd'hui, c'est clairement le processus, en fait, qui est
problématique, le processus par
lequel cette décision-là nous amène au projet de loi n° 24, une loi qui va
donner suite aux recommandations du rapport du Comité consultatif indépendant sur la révision de l'indemnité annuelle
des membres de l'Assemblée nationale. Le bureau, le BAN, là, comme on l'appelle, avait donné un mandat à deux ex-députés
pour qu'ils fassent des propositions, deux députés qui sont très respectés, évidemment. J'ai eu
l'occasion de m'entretenir avec Lise Thériault, une dame très sympathique, avec
beaucoup de verve, beaucoup d'énergie mais avec une très, très grande
appréciation du rôle de député, et Martin Ouellet, qui est un ancien
leader du Parti québécois en Chambre, un autre député, que je connais un peu
moins, mais dont j'entends beaucoup parler positivement, un homme qui était
très, très droit. Mais on leur a donné un mandat tellement, tellement, tellement circonscrit, on leur a dit : Vous
allez étudier l'indemnité des députés, vous allez nous faire des
recommandations.
Donc, il
n'était pas question de revoir l'ensemble de la rémunération des députés,
seulement le très, très précis. Et puis,
en plus, bien, c'était un mandat qui n'était pas exécutoire, donc ça nous
ramenait ici, en Chambre, à devoir voter sur le projet de loi...
(Interruption)
Le Vice-Président
(M. Lévesque) : ...
M. Grandmont : Merci beaucoup, M. le Président. Moi aussi, j'entendais, ça m'agaçait
un petit peu. Merci. Donc, ce qui est
contraire à l'esprit de ce que recommandait le comité L'Heureux-Dubé, parce
qu'on n'arrive pas à se sortir de ce perpétuel conflit d'intérêts.
M.
le Président, vous savez, j'ai travaillé dans des organismes communautaires,
puis pendant la pandémie, puis, après
ça, avec le début de l'inflation qui a commencé à monter. J'ai moi aussi dû
être... puis la pénurie de main-d'oeuvre aussi, j'ai été confronté aux besoins de... aux demandes de mes employés
d'augmenter leur salaire, puis il n'a pas été très compliqué, difficile, de convaincre le conseil
d'administration d'augmenter les conditions. Mais j'ai dit à mes
employés : Regardons ça de
manière globale, on ne va pas regarder seulement le taux horaire. Est-ce qu'il
y a d'autres choses, dans votre
rémunération, qui mériteraient d'être changées? Oui, il y a le taux horaire qui
est important, mais est-ce qu'on peut parler
des assurances collectives, est-ce qu'on peut les bonifier pour vous? Est-ce
qu'on peut regarder pour des formes de REER,
en fait, une contribution REER, un régime de retraite qui pourrait vous
convenir? Bon, c'est le communautaire, ce n'est pas des grosses
affaires, mais quand même, tu sais, on essaie d'aménager ça pour que... On
regarde ça de manière générale, pas à la
pièce, non, mais vraiment de manière générale. On a même regardé les conditions
dans lesquelles les gens
travaillaient, la flexibilité, le télétravail qui commençait à arriver aussi.
Est-ce que vous voulez travailler un petit peu chez vous? Vous voulez travailler au bureau? Quelle flexibilité on peut
vous donner sur les congés, les congés parentaux, etc.?
Donc,
il y avait... on regardait l'ensemble du portrait pour être capables d'avoir
une réponse qui satisfaisait à tout le monde, d'une part, mais aussi
pour être sûrs que, quand on avance ce dossier-là de la rémunération, bien, on
touche à tous les éléments en même temps.
• (16 h 40) •
Le
problème avec ce qui est sur la table actuellement, c'est qu'on ne touche que
l'indemnité. La prochaine fois, ça va être le régime de retraite. La fois
d'après, ça va être une autre affaire. Ça fait qu'on fait les choses sans
jamais regarder l'ensemble du portrait,
ce qui nous fait faire des «moves», des mouvements, des choses, des avancées,
mais qui peuvent être en complète, des fois, contradiction, mais, en
tout cas, ce n'est pas coordonné avec le reste. Donc, il y a un enjeu
important.
Mais
au-delà de tout ça, ce qui est le plus important, c'est le conflit d'intérêts.
Moi, ce qui me fait le plus mal dans tout
le processus, c'est le fait que nous sommes en conflit d'intérêts. Ce n'est
juste pas acceptable que des employés, des élus, les députés se votent eux-mêmes leur augmentation de salaire. On l'a dit
souvent, mais je suis persuadé que, si on prenait l'ensemble des personnes qui travaillent au
salaire minimum actuellement au Québec puis on leur demandait, là :
1er mai l'année prochaine, là, à
combien vous voulez qu'il soit, le salaire minimum?, je suis pas mal sûr qu'ils
pousseraient sur le crayon pour que ça augmente, hein?
Vous
le savez, actuellement, le salaire minimum ne permet pas aux gens de se sortir
de ce qu'on appelle le seuil de la pauvreté. Ils sont en dessous du
seuil de la pauvreté. Moi, là, comme législateur, là, ça m'importe beaucoup.
J'espère qu'au gouvernement, c'est la même réflexion aussi parce que...
Puis on en a posé,
des questions, là-dessus, précisément. Je pense que c'était en décembre qu'on
avait posé des questions. Mon porte-parole,
notre porte-parole... notre co-porte-parole, notre chef parlementaire avait
posé des questions au premier
ministre là-dessus, puis le premier ministre avait répondu que 18 $ de
l'heure, ce n'était probablement pas assez pour se sortir de la pauvreté. On avait compris qu'il avait eu une
espèce de révélation qu'il fallait peut-être aider des gens. Malheureusement, à
la hausse de loyer que... pas la hausse des loyers, mais la hausse de salaire
minimum que nous avons eu par la suite, le 1er mai, cette hausse-là
n'a pas été à la hauteur de ce que le premier ministre semblait avoir compris.
Le
revenu de base, le salaire minimum au Québec, devrait nous permettre de sortir
de la pauvreté. Mais moi, je suis pas
mal sûr que, si on offrait aux gens qui sont actuellement au salaire minimum
d'augmenter leur salaire de 30 %, ce qui le mènerait à autour de 20 $ de l'heure, on aurait des gens qui
seraient très heureux. Ils pourraient commencer à moins couper sur la nourriture, ils pourraient commencer
à moins couper sur les médicaments, ils pourraient commencer à peut-être sortir
au cinéma de temps en temps. C'est ce genre de choses là qu'on peut se
permettre de faire, quand on arrive à trouver le temps, M. le Président,
évidemment, mais ce genre de choses là qui font que c'est agréable de vivre
aussi au Québec.
Je
vous ai bien vu. Je vous remercie. Je sais, je l'ai déjà dit que le travail des
députés est exigeant. Je sais que les heures
sont longues, je sais que personne ne devient député pour faire de l'argent. On
se lance en politique par conviction, pour
servir le public. Alors, dans le concret, là, au salaire des députés, il faut ajouter
une allocation de dépenses qui est de 38 000 $, un régime de
retraite qui est doré, une assurance collective qui est payée à 100 % par
l'employeur. Il n'y a personne d'autre au
Québec à des conditions aussi intéressantes que ça aussi. Aussi difficile soit
la tâche, aussi exigeantes soient les fonctions, on a déjà des
conditions de travail qui sont hors de l'ordinaire, qui sont exceptionnelles au
Québec.
Et,
encore une fois, je ne veux pas dire qu'il ne faut pas revoir le salaire des
députés à l'occasion. C'est normal que ça augmente. Il y a une
inflation, il faut absolument que ça suive un peu certains mécanismes. On peut
même le revoir à l'occasion aussi. Mais ce
qui est inacceptable, c'est qu'on le fasse nous-mêmes, c'est que nous soyons — encore une fois je le répète, mais c'est tellement important — en conflit d'intérêts, que nous soyons à même de
déterminer quel sera le salaire. Puis,
en plus, c'est que, dans le cadre d'un projet de loi, il n'y a rien qui dit
qu'il n'y a pas un amendement qui ne viendra pas d'un groupe
parlementaire ou d'un autre pour revoir le montant à la hausse. Le rapport dit
30 000 $ pour l'indemnité de base,
mais il n'y a rien qui dit, actuellement, qu'un projet de loi ne pourrait pas
être amendé pour que ce soit 40 000 $, 45 000 $,
50 000 $. Je veux dire, on ne connaît pas la limite, puis le
mécanisme fait en sorte qu'il pourrait y
avoir une modification à ce montant-là. À la limite, ça pourrait être à la
baisse aussi. Peut-être que le gouvernement va décider, finalement, que c'est quelque chose comme 1 000 $
d'augmentation de l'indemnité de base. J'en doute, mais je reviens
toujours sur le processus. Il est vicié, il va falloir le revoir. Merci, M. le
Président.
Le
Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup, M. le député de
Taschereau. Et je reconnais maintenant M. le député de Laurier-Dorion.
M.
Andrés Fontecilla
M. Fontecilla :
Merci, M. le Président. Donc,
nous sommes ici réunis pour continuer le débat sur la rémunération des députés élus à l'Assemblée nationale. On
connaît le contexte, ça a été maintes fois affirmé. Donc, c'est un comité qui
a recommandé l'augmentation substantielle de
l'indemnité de base, le salaire des députés, là, de 30 %, ce qui grosso
modo correspond à une augmentation de
30 000 $, ce qui est substantiel. Donc, c'est un débat important, là,
mais, on va établir, très polémique
non seulement parmi les députés présents ici, à l'Assemblée nationale, mais
aussi polémique au sein de la société québécoise, qui voit d'un très
mauvais oeil, là, cette augmentation décidée par les députés.
À
la base, on va établir tout de suite un principe qui me semble fondamental, les
députés élus à l'Assemblée nationale, les
hommes et les femmes qui ont décidé de se consacrer à cette activité-là, qui
est tout à fait particulière, j'en conviens, là, ont le droit à améliorer leurs conditions salariales, ont le droit
d'améliorer l'ensemble de leurs conditions de travail, qui ne se
résument pas seulement à la rémunération. Ça inclut beaucoup d'autres choses.
On
le sait, le métier de député est tout à fait particulier. Ça impose des
sacrifices à l'ensemble des députés, qu'ils soient au gouvernement ou à l'opposition, et il est éminemment, on l'a
amplement entendu, éminemment difficile et complexe d'établir la valeur de cette tâche-là. Mais, au
fond, la question qui se pose, et qui se pose aujourd'hui devant nous, à tous
les députés, et qui est adressée à la
conscience de chaque homme, de chaque femme qui a été élue à l'Assemblée
nationale, c'est : Est-ce que
c'est les députés eux-mêmes qui doivent décider de leurs conditions salariales,
qui doivent et qui peuvent eux-mêmes
et elles-mêmes décider s'ils doivent... s'ils méritent ou pas une augmentation
salariale, et, surtout, quelle est l'ampleur de cette augmentation
salariale?
Ça
a été amplement dit par mes collègues de ma formation politique, Québec
solidaire, qui sont intervenus au cours de ce processus-là, il y a ici
non seulement apparence de conflit d'intérêts — et vous le savez très
bien, M. le Président, qu'une apparence de
conflit d'intérêts est un conflit d'intérêts — mais il n'y a pas d'apparence de conflit
d'intérêts ici, il y a conflit
d'intérêts, parce que nous décidons nous-mêmes de nos conditions salariales,
là, donc, et cela... et ce conflit d'intérêts est parfaitement compris, est parfaitement constaté par l'ensemble de la
population du Québec, qui n'a pas ce pouvoir-là.
En
ce moment, il y a 125 individus qui ont le privilège de décider ce que...
sur la rémunération qu'ils vont recevoir et sur les montants de cette rémunération-là. Il n'y a personne,
personne au Québec, là, qui a ce privilège-là. Nous sommes les seuls à pouvoir en jouir, et je pense que nous
utilisons ce privilège-là de façon indue, de façon qui est très peu
respectueuse de l'ensemble de la
population du Québec, là. Même les plus grands patrons des entreprises n'ont
pas ce pouvoir-là, parce qu'ils
doivent passer... malheureusement pour eux, là, ou heureusement, pourrait-on
dire, bon, il y a certains excès, ils doivent quand même dépendre de la
décision d'un conseil d'administration, par exemple.
Nous
avons entendu amplement le premier ministre du Québec nous dire que Québec
solidaire n'avait pas participé au processus, que nous avions refusé de
participer au comité indépendant qui a recommandé cette hausse très, très substantielle, là, de 30 000 $ de notre
rémunération. Mais il faut savoir... il faut réaffirmer, de notre part, que
Québec solidaire, les députés de
Québec solidaire ont décidé de ne pas y participer, à ce comité-là, justement
parce que nous avons considéré que ce comité n'avait pas l'indépendance
nécessaire requise pour effectuer ce genre d'exercice. Nous l'avons toujours affirmé, et je suis ici, encore une fois, avec mes
collègues pour réaffirmer notre position historique autour de ce sujet-là.
Ce n'est pas aux députés de décider de notre
rémunération. Ça revient à une instance indépendante, des députés complètement
indépendants. Oui, on peut avoir l'avis des
députés sur cette rémunération-là, mais l'instance doit être complètement
éloignée de... ne doit avoir aucun lien avec le travail des députés, et dont
les décisions doivent être exécutoires, c'est-à-dire, que la décision nous plaise ou ne nous plaise pas, les députés
devront obtempérer à la décision de ce comité qui est complètement indépendant. Mais le processus mis en place par le
Bureau de l'Assemblée nationale, à nos yeux, manque de cette indépendance
requise pour se décider de cette augmentation salariale.
• (16 h 50) •
Évidemment,
on va se comparer avec nos semblables, et, d'après les différents chiffres qui
ont été expliqués, notre rémunération, si elle passe, elle est augmentée
de 30 000 $, va nous ramener à être parmi les députés les mieux payés
à travers toutes les législations provinciales du reste du Canada, de toutes
les autres provinces. Évidemment, on va me dire :
Il y a le salaire de député du gouvernement fédéral. Effectivement, ils gagnent
plus que nous, mais on va se comparer avec nos semblables, avec nos
équivalents qui sont les autres députés de différentes assemblées législatives
des autres provinces canadiennes.
D'autre
part, et cela nous semble fortement problématique des conclusions du comité qui
a été mis en place par le Bureau de l'Assemblée nationale, ce comité a
travaillé exclusivement sur une partie de nos conditions de travail, soit
l'indemnité de base, laissant de côté tous les autres aspects de nos conditions
de travail, là, qui sont quand même très importantes
et, à certains égards, très généreuses. D'une part, on a, oui, l'indemnité de
base, mais on a aussi d'autres types d'allocations,
que ce soit pour le logement, pour les transports ou des allocations
discrétionnaires assez substantielles, d'autour de 20 000 $,
qui nous est octroyée.
Et tout cela sans parler de notre régime de
pension qui est aussi l'éléphant dans la pièce. On a, nous, les députés à l'Assemblée
nationale du Québec, là, on a un régime de pension incomparable. Il est
meilleur que tous les autres régimes de
pension qui existent au Québec, là. Et nous allons en retirer de très
importants bénéfices, là, lorsque nous allons être rendus à l'âge de la retraite, mais cet aspect-là, l'aspect
Cadillac de notre régime de pension, n'a pas du tout été considéré par
le comité mis en place par le Bureau de l'Assemblée nationale.
Donc,
s'il s'agit de considérer l'augmentation de salaire, oui, parfait, je suis tout
à fait... parce que nous travaillons dur,
parce que nous faisons, en tant que personnes, en tant que travailleurs et
travailleuses, nous faisons aussi face à l'inflation, nous... Oui, nous pouvons, et je suis catégorique,
nous sommes en droit d'étudier une amélioration de nos conditions de travail, mais, si nous le faisons, considérons
l'ensemble, M. le Président, pas seulement une partie. Si nous, on veut voir,
là... là, on veut voir comment améliorer
notre sort, mais regardons l'ensemble, et on va se rendre compte que, oui, nous
sommes extrêmement privilégiés et que, peut-être,
l'augmentation octroyée est exagérée par rapport à l'ensemble des éléments
qui constituent nos conditions de travail.
On ne peut donc pas agir à la pièce, là. Il est nécessaire de considérer
l'ensemble des conditions de travail, y compris le régime de retraite.
Et
il faut aussi établir un comparatif avec le processus de négociation avec le
secteur public ou avec le syndicat en général. Nous avons... Il y a une
nécessité d'un mécanisme permanent de détermination des conditions de la
rémunération des députés. Et, vous le
savez, M. le Président, une négociation de convention collective englobe le
tout. Pourquoi les députés de
l'Assemblée nationale doivent avoir un régime de négociation? Nous négocions
avec nous-mêmes, là, différents... pour définir nos conditions salariales et,
pire que cela, un régime dans lequel nous sommes juges et parties. Et, encore
une fois, cela n'existe nulle part. Il y a 125 individus seulement
au Québec qui peuvent s'octroyer ce droit-là.
Donc,
nous avons besoin d'un processus véritablement indépendant et dont les
décisions sont exécutoires. Vous le savez, nous vivons dans un contexte
aujourd'hui, là, où nous assistons à un appauvrissement généralisé de la
société québécoise, à cause de l'inflation,
à cause de l'augmentation du coût de la vie et, par exemple, à cause, du...
pour un secteur de la société, là, les locataires, du renchérissement
des loyers.
On
nous dit souvent qu'il faut attirer les meilleurs, donc il faut offrir un
salaire compétitif. Soit, mais on dirait que, pour la majorité gouvernementale,
il n'y a que deux sortes de gens qu'on doit attirer : tout d'abord, les
spécialistes, bardés de diplômes, et
les gens d'affaires qui font beaucoup d'argent dans le privé, là. Donc, on doit
compétitionner avec leurs conditions
de travail. Selon moi, c'est très bien, d'attirer les meilleurs, mais quels
meilleurs on veut attirer, là? Les meilleurs, ce n'est pas seulement les
gens qui sont... qui croulent sous les diplômes ou qui gagnent beaucoup
d'argent dans le secteur privé. Il y a
beaucoup de meilleurs dans la société québécoise, et j'aimerais aussi qu'on ait
l'ambition d'avoir des gens ici qui
ne viennent pas des secteurs traditionnels, là. J'aimerais qu'on ait l'ambition
aussi d'avoir les personnes les plus brillantes, mais qui sont un ouvrier, qui
sont un mécanicien, une menuisière, quelqu'un qui travaille avec ses mains, là.
J'ai
ici, là, j'ai ici une étude produite par des chercheurs qui nous montre la
composition de l'Assemblée nationale, effectuée
à partir de la législature en 2012, là, et on va se rendre compte que la très
grande majorité des députés, en 2012, et ça n'a pas dû avoir changé beaucoup,
là, proviennent du secteur de la gestion, de l'administration, et de la
politique, et du droit, là. À eux seuls, ça fait à peu près 70 %. Les
personnes qui viennent de domaines qui sont le travail manuel, les cols bleus,
là, sont seulement pour 6,4 % des députés qui composaient l'Assemblée nationale
en 2012. Et ça ne m'étonnerait pas qu'en... si on faisait une étude approfondie
de la composition socioéconomique, de la composition sociale de cette Assemblée
aujourd'hui, en 2023, on va arriver aux mêmes résultats, là. On attire
très peu des gens qui viennent vraiment des classes populaires.
On
a entendu la déclaration du premier ministre, là, que c'est important, la
motivation des députés, c'est la recherche de plus d'argent pour nos
enfants. J'espère sincèrement que le premier ministre se trompe sur ce point,
là. J'espère que la très grande majorité des
députés ici ne viennent pas pour gagner un gros salaire, viennent ici pour
servir le public, pour faire avancer
la cause du Québec, pour faire en sorte que la collectivité québécoise, là,
avance de façon solidaire, pour que les
gens qui sont pauvres deviennent moins pauvres, et les gens qui sont riches
soient plus solidaires avec le collectif, là.
Il
y a la proposition de notre... Si, véritablement, on voulait attirer les
meilleurs, là, si c'est ça, l'objectif, là, bien, utilisons la proposition de mon collègue député
d'Hochelaga-Maisonneuve, là, et que la hausse entre en vigueur seulement
à partir de la prochaine élection, là. Comme ça, on va véritablement atteindre
cet objectif-là, mais nous n'allons... pas en
se faisant bénéficier nous-mêmes, là. Parce que l'argument d'attirer les
meilleurs, là, ça a l'air de... M. le Président, avec toutes les
considérations requises, là, c'est un argument qui, pour moi, là, est un
subterfuge. En fait, on veut améliorer maintenant nos conditions de salaire
puisque nous avons le pouvoir de le faire.
Il faudrait se poser
la question aussi, en tant que députés, sur l'opinion de la population par
rapport à cette augmentation salariale. La
population exprime fortement son désaccord avec la volonté du gouvernement, là,
de s'octroyer, octroyer à tous les députés une augmentation de salaire.
Écoutez, j'ai lancé une question, aujourd'hui, là, sur ma page Facebook, là, avec la question : Que
pensez-vous de l'augmentation salariale proposée de 30 000 $ pour les
députés? Question très simple, hein?
Quelques-unes des réponses : Pendant que nous, on crève de faim et on se
demande comment payer nos factures,
eh bien, eux — nous, là — qui
se font déjà payer... qui font déjà un salaire à six chiffres, veulent
s'octroyer une aussi énorme
augmentation. Sérieusement, c'est déplorable pour un gouvernement censé
travailler pour le peuple, et non pas pour sa fortune personnelle.
Une
autre : Aucun sens, mépris pour la population. Une autre :
30 000 $ aiderait ma mère à payer ses soins et son épicerie. Une autre : Une honte! Une
autre : un mot : indécent. Une autre : Très déprimant. Tellement
de gens sont dans le besoin et
sous-payés et pourraient en profiter à la place. Et une autre : La CAQ
voit le communautaire comme une vocation, mais la politique comme un gagne-pain. Une autre : Ont-ils essayé
de ne pas s'acheter des Starbucks ou des iPhone pour économiser? Une autre : 9 % sur cinq ans
pour les professionnels de la santé, c'est ce que je pense, là. Et je pourrais
continuer ainsi ad vitam aeternam. Vous le savez, M. le Président, là,
cette hausse-là ne passe pas au sein de la population.
• (17 heures) •
Maintenant,
on nous propose un projet de loi, le p.l. n° 24, là, qui va étudier de
façon accélérée cette augmentation injuste, là, et le gouvernement utilise sa
majorité pour aller de plus en plus rapidement, là, et on est prêts, même, à
sauter une étape cruciale de notre processus législatif, les audiences,
qu'elles soient particulières ou générales. Et on pourrait faire des audiences générales pour inviter tous ceux et
celles qui veulent s'exprimer sur le sujet, là, on aurait des belles surprises,
là.
C'est
quand même curieux que le gouvernement ait décidé de ne pas procéder à des
consultations particulières, parce que,
j'en suis certain, il y a énormément de gens, ici, qui seraient très intéressés
de s'exprimer sur cette augmentation-là. On pourrait inviter, par exemple, les syndicats représentant les
enseignants et enseignantes du Québec, on pourrait inviter, par exemple, les
porte-parole du Collectif pour un Québec sans pauvreté, on pourrait aussi
inviter des experts en éthique, par
exemple, exprimer les points de vue sur le projet de loi n° 24 pour
connaître leur opinion, mais on dirait qu'on a préféré... le gouvernement a préféré de sauter cette étape-là
pour s'éviter un moment désagréable, j'en conviens, j'en conviens, parce
que je suis convaincu, si on avait fait des
consultations, si on était allés écouter des experts, si on était prêts à
écouter des gens, des gens qui
viennent nous exprimer leur point de vue, là, le gouvernement aurait été mal
pris parce que 100 % des opinions auraient été en désaccord avec
cette...
Des voix :
...
Le Vice-Président
(M. Lévesque) : Je vais demander... Je m'excuse, M. le député de
Laurier-Dorion, je vais demander aux collègues...
Des voix :
...
Le
Vice-Président (M. Lévesque) : S'il vous plaît! Il y a un député qui a la parole, je vais vous
demander votre collaboration. Ça fait
plusieurs fois que je le fais informellement, je vais le demander plus
formellement. Tous les collègues, s'il vous plaît, du respect pour celui
qui parle. Merci. M. le député.
M. Fontecilla :
Donc — merci,
M. le Président — c'est
très, très déplorable que le gouvernement non seulement utilise sa majorité, non seulement utilise son
privilège, son privilège de député pour décider d'une augmentation salariale
aussi massive, aussi substantielle,
mais qu'en plus il décide d'ignorer une étape fondamentale de notre processus
démocratique, là, pour ne pas
entendre... pour s'éviter les désagréments d'entendre l'opinion des gens qui
seraient en fort désaccord avec cette mesure-là.
Donc, M. le
Président, ma formation politique, encore une fois, là, nous sommes prêts à
étudier la possibilité d'améliorer nos
conditions de travail, là, mais nous en avons... nous sommes fortement en
désaccord avec la façon dont ça a été
fait et surtout avec les montants, les montants qui est sur la table, en termes
d'augmentation, qui offensent... qui offensent toutes les femmes et les hommes honnêtes de notre société, qui
travaillent très dur et dont aucun n'a droit à une augmentation de 30 %, là. C'est à ça que nos députés de
Québec solidaire s'opposent. Et je crois que nous sommes en phase avec une
bonne partie de la société. Et, oui, il y a
des personnes et beaucoup de gens dans la société qui sont d'accord avec la
possibilité d'étudier un rehaussement des conditions salariales des
députés, mais pas de la façon dont ça a été fait, là.
Encore une fois, nous
sommes 125 personnes, nous avons un privilège énorme, et nous faisons un
usage abusif de ce privilège en nous
accordant une augmentation aussi faramineuse, de 30 %, l'équivalent de
30 000 $, ce n'est pas la bonne
façon, et nous faisons en sorte d'entamer la confiance de la population dans la
fonction de député. C'est justement ce dont nous voulons éviter. Merci,
M. le Président.
Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci
beaucoup, M. le député de Laurier-Dorion. Y a-t-il d'autres interventions?
Il n'y en a pas.
Alors,
le principe du projet de loi n° 24, Loi donnant suite aux recommandations du rapport du Comité consultatif
indépendant sur la révision de l'indemnité
annuelle des membres de l'Assemblée nationale, est-il adopté? M. le leader du deuxième groupe d'opposition.
M. Leduc :
Un vote par appel nominal, s'il vous plaît, M. le Président.
Le Vice-Président
(M. Lévesque) : Oui, M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Lévesque (Chapleau) : Oui.
À ce stade-ci, je vous demanderais de bien vouloir reporter le vote à la
période des affaires courantes prochaine.
Vote
reporté
Le Vice-Président
(M. Lévesque) : Alors, le vote sera reporté à une prochaine
séance.
Alors, M. le leader
adjoint du gouvernement, pour la suite de nos travaux.
M. Lévesque (Chapleau) : Oui,
M. le Président, je vous demanderais de bien vouloir appeler l'article 6
du feuilleton, s'il vous plaît.
Projet
de loi n° 26
Adoption
du principe
Le Vice-Président
(M. Lévesque) : À l'article 6 du feuilleton, M. le
ministre de la Justice propose l'adoption du principe du projet de loi
n° 26, Loi modifiant la Loi sur les tribunaux judiciaires afin notamment
de donner suite à l'Entente entre la juge en chef de la Cour du Québec et le ministre
de la Justice.
Comme intervention,
je reconnais M. le député de Chapleau.
M. Mathieu Lévesque
M. Lévesque (Chapleau) : Oui,
merci beaucoup, M. le Président. C'est vraiment un privilège et un plaisir pour
moi de retrouver mes premiers amours. Comme
vous le savez, j'ai eu le bonheur d'être l'adjoint parlementaire du ministre
de la Justice lors de la dernière
législature, et c'est effectivement des projets de loi qui me tiennent à coeur,
au niveau de ces sujets, et
particulièrement, cet après-midi, le projet de loi n° 26, qui vient
modifier la Loi sur les tribunaux judiciaires afin notamment de donner suite à l'entente, là, qui a
eu lieu entre la juge en chef de la Cour du Québec et le ministre de la Justice.
Donc, pour moi, c'est un plaisir, là, de pouvoir le faire au nom de mon
collègue le ministre de la Justice.
Puis,
comme vous le savez, là, une entente avait été conclue le 21 avril dernier, M.
le Président, entre le ministre de la Justice et la juge en chef de la
Cour du Québec, qui faisait suite, en fait, à la réorganisation, là, du travail
des juges qui siègent en matière criminelle et pénale. Et, évidemment, comme
prévu à l'entente, on vient ajouter, au gouvernement, 14 postes de juge à la Cour du Québec, donc c'est vraiment
14 nouveaux postes de juge à la Cour du Québec qui vont être affectés à la chambre criminelle et pénale. Et
donc, en contrepartie, la magistrature accepte de revoir son horaire de travail
à la hausse pour rattraper, évidemment, les retards qui ont été cumulés et améliorer
les délais. Elle s'engage également à atteindre
de nouvelles cibles d'efficacité. On le sait, pour notre gouvernement, et ce,
dans l'ensemble des sphères de la société
québécoise, l'efficacité, c'est d'une importance capitale pour nous, au gouvernement.
C'était aussi important pour le
gouvernement du Québec de donner suite rapidement aux engagements, et c'est ce
qu'on fait avec le dépôt du projet de loi n° 26, que nous étudions
actuellement.
La bonification des
effectifs, ajoutée aux autres mesures prévues à l'entente, va contribuer
significativement à réduire les délais
judiciaires et ainsi à offrir à la population des services de justice qui sont
plus efficaces. C'est une bonne nouvelle
pour les citoyens et pour les personnes victimes, M. le Président. On le sait,
pour nous, évidemment, là, les personnes victimes, on en prend soin, on veut vraiment les accompagner à travers
le système de la justice. Il y a eu plusieurs, plusieurs initiatives de notre gouvernement, plusieurs
projets de loi qui ont été mis de l'avant par le ministre de la Justice
justement pour bien les accompagner
et s'assurer que ça puisse bien fonctionner, et ça, c'est un autre jalon de ce
que nous faisons ici, au gouvernement, particulièrement en justice.
Rappelons
à quel point le parcours d'une personne victime peut être difficile, on le
sait, et à quel point, pour une personne
qui n'est pas initiée au système de justice, ça peut être un peu effrayant, et
donc d'où l'accompagnement nécessaire qui
est offert à toutes les étapes, et ce, très souvent. Et donc c'est important
que le système de justice fonctionne adéquatement et permette de tourner la page rapidement aux
personnes victimes afin qu'elles reprennent le cours de leur vie. C'est
d'ailleurs leur intérêt qui motive chacune de nos décisions.
Par
ailleurs, le projet de loi va permettre aussi une révision de l'encadrement des
prévisions budgétaires du Conseil de la magistrature. En effet, il est
proposé de modifier, M. le Président, la Loi sur les tribunaux judiciaires de
manière à prévoir que les sommes requises
pour financer les activités du conseil soient prises sur des crédits votés
annuellement par l'Assemblée nationale, comme pour les ministères et
organismes, et donc en règle générale, ainsi que pour le Conseil canadien de la magistrature au niveau fédéral.
Donc, comme l'a fait remarquer notre collègue députée de Vaudreuil, on se
souviendra, à l'occasion de l'étude des
crédits 2022‑2023, le Conseil de la magistrature a encouru un dépassement
d'environ 30 % de son budget annuel,
donc, en effet, les dépenses réelles seraient de 4,2 millions, alors que
les prévisions de dépenses étaient plutôt de 3,2 millions. Donc,
vous en conviendrez, que c'est assez inconcevable que de telles dépenses prises
à même des fonds consolidés ne soient pas
assujetties à aucune reddition de comptes. Et donc rappelons que, selon la loi,
la mission principale du conseil, et
je cite, c'est veiller au bon comportement des juges sur le plan déontologique
et de développer, évidemment, leurs
connaissances. Et donc les changements proposés par le projet de loi n° 26
s'accordent donc avec les principes
de bonne gouvernance, favoriseront aussi la confiance du public dans le système
de justice, notamment par une plus grande transparence dans le
financement des activités du conseil. Merci beaucoup, M. le Président.
• (17 h 10) •
Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci
beaucoup, M. le député de Chapleau. Prochain intervenant, je reconnais
M. le député de l'Acadie.
M. André
Albert Morin
M. Morin :
Merci. Merci, M. le Président.
Alors, je suis très heureux de prendre la parole dans cette Chambre cet après-midi à l'étape du principe du projet de loi
n° 26, loi qui se lit : Loi
modifiant la Loi sur les tribunaux judiciaires afin notamment de donner suite à l'Entente entre la
juge en chef de la Cour du Québec et le ministre de la Justice. Et je me suis dit, en préparation de mon travail de parlementaire
dans l'opposition officielle, que c'était intéressant d'aller voir l'entente
entre la juge en chef et le ministre de la Justice.
Et
donc cette entente, d'ailleurs, qui a été rendue publique, là, il n'y a aucun,
aucun secret, là : «L'entente exprime le compromis auquel la juge en chef de la Cour du Québec et le ministre
de la Justice en sont arrivés. Ce compromis est le fruit des efforts faits par les deux parties pour
en venir à une solution à l'amiable à la suite de la réorganisation du travail
des juges de la Cour du Québec, [notamment] chambre criminelle et pénale. Il comporte des
concessions qui n'auraient pas été
faites, n'eût été la volonté des parties d'en arriver à un compromis au
bénéfice des justiciables et du système de justice criminelle et pénale. Ces concessions n'ont donc
de valeur que dans le cadre de ce compromis et de sa mise en application.»
Et,
dans le cadre de l'entente, il est écrit clairement qu'il y aura, donc,
14 postes de juge ajoutés aux effectifs actuels de la Cour du
Québec, chambre criminelle et pénale, et donc qu'il y aura ces nominations de
juges additionnels, et ce, conformément à la procédure au Règlement sur la
procédure de sélection des candidats.
Pour sa part, la juge en chef va ajouter à la
charge annuelle des juges de la chambre criminelle et pénale établie suivant un
ratio des jours siégés qui vont s'ajouter : 17 jours de plus pour
l'année judiciaire 2023‑2024, 17 jours pour 2024‑2025,
six jours pour la période du 1er septembre au 31 décembre. Et donc
plusieurs intervenants vont se partager la responsabilité du bon fonctionnement du système de justice criminelle et
pénale. Évidemment, nous voulons tous ça. L'accès à la justice, c'est
fondamental dans notre société.
Et donc on
fixe même des cibles qui devront être atteintes. On va se baser sur des
statistiques, des indicateurs pour assurer,
évidemment, la fiabilité des données, ce qui est tout à fait parfait, c'est une
saine gouvernance, et les parties s'engagent
à suivre de façon trimestrielle les données recueillies de façon à évaluer
l'impact des mesures.
Et la Cour du
Québec, de son côté, s'engage à amplifier les mesures en place, considérer,
dans le respect du principe de
l'indépendance judiciaire... ce qui est un élément, principe fondamental dans
une société saine et démocratique. Et le ministre, lui, il s'engage à
mobiliser les intervenants du système de justice à la mise en place de ces
mesures.
Donc, on parle des 14 juges, on parle des
juges... des journées où les juges vont siéger davantage et de certaines statistiques. Et évidemment le ministre s'engage à
entreprendre des démarches appropriées pour mettre fin formellement à la procédure de renvoi qu'il avait... qui a été
initiée devant la Cour d'appel. Et les parties conviennent de diffuser, lorsque
l'entente sera mise en forme, le
communiqué commun qui était annexé en annexe. Et les deux parties ont signé le
21 avril 2023.
Je dois vous
dire, M. le Président, que, depuis que je suis avocat, ça fait 38 ans,
c'est un phénomène que je n'avais jamais
vu. Mais là, formellement, après une conciliation, après des efforts, le
ministre de la Justice a signé cette entente-là, et on s'attend à ce que le ministre de la Justice dépose un projet de
loi pour augmenter de 14 juges le nombre de juges à la Cour du Québec et donc modifier la Loi sur les
tribunaux judiciaires, et moi, je me dis : C'est parfait, parce que ça va
être un projet de loi, là, M. le Président... il va y avoir un ou deux
articles là-dedans, là, 14 juges, la mise en vigueur, ça va prendre
15 minutes, ça va être fini, on va avoir un accès à la justice. Et je
rouvre le projet de loi, et, oh! surprise, il y a effectivement l'augmentation du nombre de juges à l'article 1, mais
il y a les articles 2 et 3, et, notamment à l'article 3, on
veut modifier la loi pour que dorénavant les crédits du Conseil de la
magistrature et de la magistrature soient votés annuellement par l'Assemblée
nationale et non pas à même le fonds consolidé du revenu.
Si j'ai pris la peine de vous lire l'entente,
c'est que je pense que la population doit le savoir. Cette entente-là, M. le Président, elle a été signée le
21 avril, l'encre est à peine sèche sur le document que déjà le ministre
de la Justice nous dépose
un projet de loi qui n'a rien à voir avec l'entente, rien, et, sincèrement, je
suis plus qu'étonné. On est dans cette Chambre, je vais avoir un langage respectueux, mais ce que je souhaitais
vraiment, c'est qu'on ait un accès à la justice et qu'on fasse avancer
le dossier, mais là ce n'est pas ça qui arrive.
Donc, on va
débattre du principe. Puis je vous dirai sincèrement que, pour
l'article 1, il n'y a vraiment, mais vraiment pas de problème, mais, pour les deux autres
articles, là, c'est un peu plus compliqué, puis permettez-moi de prendre
quelques minutes pour vous expliquer
pourquoi, à mon avis, c'est un peu plus compliqué. Dans son projet de loi,
c'est comme si le ministre faisait fi
de l'entente. C'est comme si le ministre, à nouveau, ouvrait les hostilités
avec la magistrature, et ça, c'est très particulier. Et, en préparant mon
allocution de cet après-midi, je me suis dit : Ça fait combien d'années
que le Conseil de la magistrature, au
Québec, fonctionne? Ça fait 45 ans, en fait. Puis je me suis amusé à
regarder les noms des ministres de la
Justice depuis 45 ans, puis en fait, pour l'histoire, le ministre de la
Justice qui a mis en place cette structure avec le Conseil de la magistrature, c'est
M. Marc-André Bédard, du Parti québécois, ministre de la Justice, qui a
été ministre de 1976 à 1984. Et, si vous regardez la liste de tous les
ministres de la Justice, incluant la députée de Champlain avant le député de Borduas, ça vous fait 18 ministres,
18 ministres qui ont été capables de s'entendre avec la magistrature,
18 ministres qui ont été
capables de collaborer, qui n'ont pas eu besoin d'une entente signée. Ce n'est
quand même pas banal dans l'histoire du
Québec. Et là le dernier, le député de Borduas, c'est une entente, puis, voilà,
quelques semaines après, on se ramasse dans la situation où on est
maintenant avec ce projet de loi.
Vous
comprendrez qu'on ne peut pas être contre l'accès à la justice. Il y a des
délais qui sont trop longs devant nos tribunaux.
On le voit, là, dans les journaux, à la télévision, tous les jours, des gens,
là, qui vont à la cour, il y a des reports. Donc, ces juges-là, il les faut, c'est la raison pour laquelle, je vais
vous dire, au niveau du principe, du principe seulement, je ne peux pas être contre. Mais je ne peux pas,
aujourd'hui, en cette Chambre, simplement me lever et dire : Ah oui, on
est pour, et puis il n'y a rien d'autre, et
puis on s'en va. Non, je pense qu'il faut prendre le temps pour être capables
d'expliquer pourquoi il faut qu'il y
ait un accès à la justice, pourquoi il faut accélérer les procédures, mais
pourquoi, dans ce projet de loi là, il y a plus qu'un gros bémol, et ça,
il faut le dire.
Et,
comprenez-moi bien, quand on nous dit... et j'écoutais mon confrère parler
d'imputabilité et de reddition de comptes.
Évidemment, personne n'est contre la reddition de comptes, personne n'est
contre l'imputabilité, ça, c'est certain, sauf que, encore là, il y a la manière pour le faire. Puis, dans notre
société, il y a quand même des principes qu'il faut respecter, et l'indépendance de la magistrature, c'en est un.
Et je rappelle que l'indépendance de la magistrature, si c'est important dans
une société démocratique, ce n'est pas pour les juges, c'est pour le citoyen et
la citoyenne qui vont s'adresser aux tribunaux. Eux, elles, lui veulent avoir la garantie que la magistrature qui va
entendre la cause va être totalement impartiale et va faire preuve, évidemment, de compétences pour être
capable de rendre une décision. C'est ça qui est important, et, pour ça, la
magistrature doit avoir les ressources dont elle doit avoir besoin pour être
capable de faire bien son travail.
• (17 h 20) •
Et là, et là, quand on regarde le projet de loi
et quand on regarde les articles 2 et 3, bien, on ne peut pas faire autrement que se poser une question. Et évidemment
vous pourrez me dire, M. le Président, si je suis tout seul à me poser la question, c'est peut-être moi, là, qui n'est
pas à la bonne place, mais, quand vous regardez ce qui a été publié, communiqué
dans les jours qui ont suivi, bien, force
est de constater qu'il semblerait que M. le ministre fait encore l'unanimité
contre lui. Le Conseil de la
magistrature, qui diffuse un communiqué de presse, 10 mai 2023, quand même
pas longtemps, et on rappelle que
«bien que [le] Conseil de la magistrature [...] se réjouisse de la
concrétisation de l'entente intervenue, par l'ajout de 14 postes de juges — ça,
c'est l'article n° 1 — [et
qu'il faut s'en réjouir] le projet de loi n° 26 contient des dispositions
qui n'ont jamais fait l'objet de discussions lors du processus de
facilitation». Et ça, je tiens à le souligner parce que, justement, quand deux parties font des efforts
pour en arriver à une entente après de longues périodes de facilitation et de
conciliation, que, finalement, là, oui, il
va y avoir une augmentation du nombre de jours, oui, il va y avoir une
augmentation du nombre de juges, puis
qu'on s'en va avec ça, là, puis qu'on se ramasse, quelques semaines après, avec
un projet de loi qui ne correspond
pas à l'entente, bien, effectivement, je pense qu'il faut le souligner, ce
projet de loi là ne traduit pas l'entente qui est intervenue entre le
ministre de la Justice et la juge en chef.
«...l'honorable
Lucie Rondeau demande au ministre de la Justice[...] — M. le député de Borduas — d'accorder toute la réflexion nécessaire entourant les dispositions qui posent une
limite importante à la capacité financière du Conseil de la magistrature d'assumer les fonctions
essentielles de sa mission, soit celles de s'assurer du respect de la
déontologie judiciaire, de
l'efficacité des tribunaux ainsi que de défendre l'un des piliers fondamentaux
de notre société démocratique — comme
je vous le mentionnais — [...]l'indépendance de la magistrature.» Donc, ça mérite d'être souligné.
Et ça, ça vient du Conseil de la magistrature.
Il y a l'association et la conférence des juges
du Québec...
(Interruption)
M. Morin : ... — merci
beaucoup — qui
a également acheminé une lettre au ministre lui disant qu'ils étaient
particulièrement inquiets.
Le Barreau a
publié un communiqué sensiblement au même effet : «[Le Barreau salue]
l'entente avec la Cour du Québec
concernant l'ajout de 14 nouveaux postes de juges, [cependant] le Barreau
constate que le projet de loi propose de modifier les sources du financement du Conseil de la magistrature en
assujettissant son budget aux "crédits votés annuellement à cette fin par l'Assemblée nationale", alors
que ses dépenses sont actuellement prises à même le fonds consolidé du revenu,
conformément à la Loi sur les tribunaux
judiciaires.» Comme je vous le mentionnais précédemment, M. le Président, le
Barreau ajoute et il «se dit favorable à [une] reddition de comptes et à une
plus grande transparence afin d'ainsi contribuer à préserver la confiance des citoyens dans les institutions». Et, comme
je vous le mentionnais, on ne peut pas être contre ça, effectivement.
Cependant,
la bâtonnière ajoute, et je cite : «Nous croyons toutefois que la
modification proposée, sans autre engagement [de la part] du ministre[...], comporte des risques d'atteinte à
l'indépendance du Conseil de la magistrature.» Et là c'est un ordre professionnel indépendant, qui existe depuis
plus d'un siècle, qui dit au ministre : Attention, attention, il y a
peut-être là une atteinte que vous portez à un organe de l'État qui doit
être totalement indépendant pour le bien des justiciables.
«Le Barreau
rappelle que le Conseil de la magistrature est un organisme qui contribue à
maintenir l'indépendance du pouvoir
judiciaire — c'est
aussi un devoir pour le ministre — et
qu'à cet égard la Loi sur les tribunaux judiciaires lui confie une mission fondamentale dans le système
judiciaire. Plutôt que d'adopter ces dispositions dans un projet de loi,
le Barreau du Québec propose la conclusion
d'une entente prévoyant des règles claires quant à l'octroi des crédits
budgétaires, garantissant ainsi
l'indépendance du Conseil de la magistrature et, ultimement, l'indépendance
judiciaire.» La bâtonnière ajoute :
«Nous estimons enfin important de mener une consultation publique à ce sujet
afin de démontrer l'importance accordée aux valeurs d'indépendance du pouvoir judiciaire au sein de notre
système démocratique québécois.» Donc, deux réactions par deux
organismes hyperimportants, vous avez le Conseil de la magistrature et vous
avez le Barreau.
Dans une
lettre envoyée à M. le ministre de la Justice, dont j'ai obtenu copie parce que
j'étais en CC — d'ailleurs,
mes collègues des autres groupes d'opposition l'étaient également — en
date du 19 mai, la bâtonnière rappelait au ministre l'importance de
l'indépendance de la magistrature, et, encore une fois, je cite : «Nous
comprenons que l'intention du projet de
loi vise à ce que les sommes octroyées annuellement au conseil [...]
s'inscrivent dans un processus budgétaire gouvernemental transparent...» Il n'y a pas de problème avec ça. Le
Barreau du Québec est favorable à un exercice de reddition de comptes. Mais cependant, cependant, il faut
toujours faire attention pour ne pas franchir la ligne et aller empiéter sur
l'indépendance du Conseil de la magistrature et des magistrats.
Et d'ailleurs
la Cour d'appel du Québec, le plus haut tribunal du Québec, le rappelait
dans Conseil de la magistrature
contre Commission d'accès à l'information,
et je cite : «Ainsi, le budget,
au lieu d'être attribué par le Conseil du trésor, est pris à même le fonds consolidé. Comme le signale Me Louis Borgeat dans son rapport d'expert, cette
disposition est importante, puisque
les sommes d'argent nécessaires au fonctionnement du conseil n'ont pas à être
votées chaque année par l'Assemblée
nationale, mais sont autorisées par elle une fois pour toutes mettant ce
dernier à l'abri de l'obligation annuelle de prouver ses besoins
financiers.»
Il n'est donc pas surprenant que le Conseil de
la magistrature bénéficie d'un statut particulier lui permettant de garantir son indépendance, notamment en raison de
ses fonctions en déontologie judiciaire, pour lesquelles le principe de l'indépendance de la magistrature peut être en
jeu. Donc, il faut faire excessivement attention avant de poser des gestes,
dans le cadre d'un projet de loi,
pour faire en sorte qu'on pourrait empiéter sur un principe aussi important que
l'indépendance du Conseil de la magistrature. Et cette indépendance
judiciaire, elle a été gagnée au fil des ans justement pour s'assurer, comme je le soulignais, qu'un citoyen ou une
citoyenne va être capable de s'adresser à un tribunal en toute confiance. Et
l'indépendance de la magistrature, c'est un principe qui est universellement
reconnu.
D'ailleurs,
permettez-moi de citer une allocution qui a été prononcée il y a quelques
années par la très honorable Beverley
McLachlin, qui était, à l'époque, juge en chef de la Cour suprême et juge en chef du Canada, sur l'indépendance de la magistrature. Évidemment, elle fait
l'historique, et c'est un principe qui a été gagné, je vous dirais, notamment
en Angleterre, au fil des siècles, mais c'est fondamental pour un État
démocratique. Elle écrivait : «L'indépendance de la magistrature, ce principe en vertu duquel toutes
les parties et tous les accusés, [quelles] que soient leurs opinions politiques
ou leur statut social, devraient être traités équitablement par un tribunal
indépendant, à l'abri de toute influence illicite extérieure, n'a pas été facile à imposer.» Et il a
donc fallu, au fil des siècles, des penseurs comme Locke ou Montesquieu, qui
ont été capables de rédiger, de convaincre et d'expliquer l'importance pour le
judiciaire d'être à l'abri de l'exécutif et du Parlement. La Charte canadienne des droits et libertés, dans la Loi
constitutionnelle de 1982, confirme le caractère inviolable du principe
de l'indépendance de la magistrature, c'est à l'alinéa 11d.
• (17 h 30) •
Et
la juge en chef de l'époque écrivait : «Cela nous amène à la troisième et
dernière raison pour laquelle nous sommes privilégiés de bénéficier de l'indépendance de la magistrature», et, pour
cela, il faut «la vigilance des milieux juridiques et des juges».
«Comme
son histoire le démontre, l'indépendance de la magistrature n'a pas été obtenue
par suite d'une décision[...]. Elle a
été acquise grâce à la vigilance et au courage des avocats — des avocates — et des juges au fil des siècles. Et c'est
grâce à ce même courage et à cette même vigilance qu'elle est préservée.»
Donc,
le mot, ici, qu'il faut retenir, c'est «vigilance». Alors, avant de poser des
gestes, des gestes, dans ce cas-ci, dans
un projet de loi, qui pourraient porter atteinte à ce principe, M. le
Président, il faut être particulièrement vigilants. Et, ça, c'est
fondamental.
Le
juge en chef Dickson de la Cour suprême expliquait, et je cite : «Cette
tradition du droit que nous partageons est une pratique bien vivante,
dont l'évolution est assurée par des avocats et des juges épris de liberté
individuelle, à la recherche de la justice pour
tous dans le respect de la loi. Les principes juridiques dont nous avons hérité
ne constituent pas les vestiges d'une
tradition disparue, mais un aspect essentiel d'une tâche actuelle. Ce n'est que
lorsque la loi est interprétée par
des juges indépendants et éclairés, déterminés et très réceptifs aux valeurs de
la société, que la primauté du droit, et par conséquent les droits et
libertés des citoyens, sont en sécurité.»
Et donc dans un État,
dans une nation comme le Québec, où nous chérissons la primauté du droit, dans
un pays comme le Canada, dont nous faisons
partie et dont nous chérissons la primauté du droit, bien, évidemment, c'est
pour protéger les droits et les
libertés des citoyens que l'indépendance de la magistrature et du Conseil de la
magistrature est si importante et si fondamentale.
Et
là la juge McLachlin écrivait : «Nous nous félicitons de l'indépendance de
notre magistrature. Pourtant, nous serions
imprudents de croire qu'elle est acquise.» Quel n'a pas été mon étonnement en
lisant la disposition du projet de loi, et je pense qu'il est dans mon devoir,
M. le Président, de le souligner aujourd'hui en cette Chambre. Je ne vous dis
pas que cette disposition-là,
systématiquement, porte atteinte, mais il y a un risque, d'où l'importance de
la vigilance quand, comme parlementaires, on a à poser des gestes ou à
adopter des lois.
La
juge McLachlin écrivait : «Sans juges indépendants, il ne peut y avoir
protection des droits ni primauté du droit. Et sans protection des droits et de la primauté du droit, il ne peut y
avoir de démocratie.» Dans une démocratie, il faut veiller à ce que l'indépendance de la magistrature soit
conservée, et donc c'est à nous, membres du Barreau, parlementaires, à nous
assurer qu'on ne portera pas entrave à ce principe. Et je tenais, même à cette
étape, à rappeler ces principes et à rappeler l'importance
de ce qu'est l'indépendance du Conseil de la magistrature. Et, comme je vous le
souligne, je ne suis pas le seul à
soulever des inquiétudes. Immédiatement ou peu de temps après le dépôt du
projet de loi, le Conseil de la magistrature prend position, ainsi que le Barreau, et, dans la
jurisprudence et dans la doctrine en ce qui a trait au droit public et au droit
constitutionnel, c'est un élément fondamental. Donc, prudence.
C'est
d'autant plus surprenant, M. le Président, qu'il y a à peine un mois et demi,
deux mois, cette Chambre a étudié le
projet de loi n° 8, qui apportait des modifications au Code de procédure civile. La loi a été adoptée, et je vous rappelle
pourquoi il était important de l'adopter. C'est parce qu'il y avait une
décision de la Cour suprême qui rappelait quelle devait être la compétence, au sein du Code de procédure civile, de la
Cour du Québec. Donc, le ministre devait agir. Mais, dans son projet de loi, le ministre a ajouté des
dispositions qui ont été adoptées et qui visaient le Conseil de la magistrature.
Et il y en a deux. Première disposition
demande — c'est
maintenant la loi — à
ce que le ou la Vérificatrice générale puisse étudier les comptes du conseil. Deuxième élément, c'est que le conseil
est maintenant soumis à la loi sur l'accès à l'information.
Donc,
quand on parle d'éléments qui amènent une reddition de comptes, vous avez là
deux exemples qui viennent d'être
adoptés par le Parlement et qui vont, évidemment, avoir effet à peine quelques
semaines après. C'est comme si ce n'était
pas assez. C'est comme si le ministre ignorait ce que le Parlement vient
d'adopter et c'est comme s'il voulait aller encore à une étape plus loin. Bien, laissons faire la
Vérificatrice générale, laissons-lui faire son travail, puis, en termes de
vérifications, on doit reconnaître
que son bureau a une expertise qui est fort reconnue, et, si jamais il y a des
soucis, bien, elle devrait être en mesure d'en faire rapport. Ça va être la
même chose en vertu de la loi sur l'accès à l'information, n'importe qui pourra
demander accès à des documents. Évidemment,
ça ne vise pas la déontologie judiciaire, mais, quand on parle d'administration,
en général, les gens pourront avoir accès à ces documents-là.
Donc, quand on parle,
après, de transparence et qu'on vient d'adopter une loi qui vise exactement ça,
bien, permettez-moi d'être étonné de constater que, dans le projet de loi,
maintenant, on veut que les crédits soient votés annuellement par l'Assemblée nationale et on ne les caractérise pas.
Donc, ce qu'on comprend, dans le projet de loi tel qu'il est, c'est que ce serait l'ensemble des
crédits. Donc, prudence, vigilance. Et je reviens à ce que je disais tout à
l'heure, parce qu'on est à l'étape du
principe, quand on regarde l'article premier, bien, c'est sûr que lui ne pose
pas de problème, il est conforme à
l'entente, mais, quand on regarde les deux autres, on ne peut faire autrement
que de se poser plusieurs, plusieurs questions.
Donc, si le
Parlement ne parle pas pour ne rien dire, si le législateur ne parle pas pour
ne rien dire et qu'on vient d'adopter le projet de loi n° 8, bien,
laissons aux organismes de l'État, indépendants, faire leur travail et voyons
s'il est si fondamental d'aller plus loin avec un exercice de reddition
de comptes et de crédits, tel que spécifié. Et, encore là, je me répète, mais je fais miens les commentaires
de la bâtonnière, on n'est pas contre la reddition de comptes, du tout, au contraire, c'est sûr,
mais, encore là, il y a la manière puis, dans notre société, il y a des
principes qu'il faut respecter. L'exécutif a un travail à faire, le législatif a un travail à faire, le judiciaire
également, et, dans notre démocratie, ce sont les trois piliers de la nation. Et, dans un État où la primauté du
droit existe, il est plus que fondamental de laisser les tribunaux faire leur
travail d'une façon indépendante. Et ça,
parfois, parfois, ça peut dire, effectivement, gérer des litiges entre les
citoyens et l'État et invalider des
lois de l'État, parce que, justement, dans le cadre de la primauté du droit, on
fonctionne sous l'égide de la loi, et
personne, personne, dans notre société, n'est au-dessus des lois, y compris, et
je le dis, y compris le ministre de la Justice.
• (17 h 40) •
Donc, le
leader de l'opposition officielle, le député
de Nelligan, l'a souligné en cette
Chambre, il est donc hyperimportant
de prendre du temps et donc de consulter avant de se lancer dans l'adoption
rapide d'un tel projet de loi. Ça
m'apparaît totalement essentiel. Et récemment je relisais... Parce qu'à un
moment donné le ministre de la Justice voulait fonctionner rapidement
avec son projet de loi, et là il faut vraiment faire attention, compte tenu des
principes avec lesquels on va devoir
travailler. Je relisais des journaux, et, permettez-moi de le rappeler en cette
Chambre, le ministre de la Justice, alors qu'il était à l'Immigration, disait
dans La Presse, en 2019 : «J'ai voulu aller rapidement
relativement à la réforme du PEQ.
J'aurais dû prendre davantage mon temps.» Bien, je pense que, là, c'est une
parole du ministre dont il devrait s'inspirer en conduisant ce projet de
loi à travers les différentes étapes parlementaires.
Et, quand je
vous dis qu'il est important de consulter et d'analyser en profondeur pour être
sûrs qu'on ne commettra pas d'erreur
et que le Parlement n'ira pas s'immiscer dans l'indépendance de la
magistrature, permettez-moi de citer le ministre qui, en 2018, écrivait, dans un ouvrage, J'ai confiance :
«Un bon leader sait recourir à l'expertise d'autrui», et je le cite, notamment «pour accepter de s'ouvrir
aux avis extérieurs». Bien, ça tombe bien, ce sont les paroles du ministre.
Alors, moi, je l'invite à suivre ce
qu'il écrivait, et donc à faire très attention et à consulter. «Il reconnaît ne
pas avoir le plein contrôle sur tout.
Et ne pas avoir la science infuse.» Voilà, donc, et ce sont ses écrits. Donc,
quand on est en train de modifier des composantes aussi essentielles,
aussi importantes de l'État, il faut y aller avec prudence et sagesse.
Et, au fond,
en rappelant aujourd'hui les fondements de ce qu'est l'indépendance de la
magistrature et l'indépendance dont
doit bénéficier le Conseil de la magistrature, bien, je tenais à le souligner
parce qu'il ne faut pas commettre d'erreur. Il faut s'assurer que les
citoyens ne perdront pas confiance envers leurs institutions, et c'est la
raison pour laquelle il faut s'assurer... Et
c'est un équilibre qui est difficile à avoir, je le conçois, mais il faut quand
même faire l'exercice avec beaucoup de
doigté, de professionnalisme, de rigueur, parce qu'imaginez si, avec ces
dispositions-là, on entrave l'indépendance du conseil et qu'on fait en sorte qu'il peut y avoir un questionnement sur
son indépendance, imaginez l'impact sur la confiance que les citoyens et les citoyennes vont avoir
envers leur système de justice, parce que, dans bien des cas, M. le Président,
le citoyen ou la citoyenne fait face à
l'État, et l'État, c'est effectivement puissant. Donc, le citoyen, la citoyenne
doit avoir une cause qui va
fonctionner rapidement, avec célérité, mais elle doit avoir l'assurance que
l'arbitre impartial qui entend la cause entre l'État et la personne, et
le citoyen, la citoyenne, va être totalement indépendant et impartial.
Alors,
imaginez, imaginez, parce que ce n'est pas trop clair jusqu'où le ministre veut
se rendre avec son article 3, mais
imaginez, hypothèse, tous les crédits sont votés par l'Assemblée nationale, il
y a un dépassement de coûts, c'est une hypothèse, et on se rend compte dans
l'étude des crédits que c'est parce que le conseil est allé contester des lois
du ministre, trouvant, par exemple,
que les tribunaux devaient se pencher sur la question parce que ce n'était pas
conforme à nos chartes. Alors,
qu'est-ce qu'on va faire? Le ministre va vouloir réduire le budget du Conseil
de la magistrature? Ça n'a pas de sens, ça ne peut pas fonctionner comme ça, et, ça, je tiens à le souligner. Et
je peux vous garantir qu'on va y veiller avec attention, parce qu'à sa face même il y a tellement
d'inconnues dans cet article 3 qu'on ne peut pas dire : On y va
sans aucune, aucune question, sans aucune analyse, sans aucune étude. Ça
ne peut pas fonctionner comme ça.
Donc, je
conclus en vous disant, M. le Président, pour le principe, oui, parce
qu'on ne peut pas être contre l'ajout de
juges. Puis, en plus, cet ajout, l'article 1, est totalement conforme à
l'entente que le ministre a signée avec la juge en chef. Donc, pour cette raison-là, je ne peux pas être
contre. Mais, quant au reste des dispositions du projet de loi, on a demandé
des consultations. Il va falloir absolument
que des experts nous assurent et nous rassurent qu'on n'ira pas franchir
la ligne et qu'on ne portera pas atteinte à l'indépendance du Conseil de
la magistrature.
Puis, déjà, déjà, dans les acteurs qui en ont
parlé ou dans les spécialistes qui ont écrit sur la question, je pense au Barreau, je pense au conseil, je pense à des
experts en droit constitutionnel, à date, personne n'a dit : Wow! c'est la
plus belle trouvaille de la semaine,
go! on y va. Ce n'est pas ça qui est dit. Ce qu'on lit, c'est : Oh!
attention, voyons voir, c'est dangereux, il faut évaluer, il faut
prendre le temps, il faut étudier, il faut écouter. C'est ça, le message qu'on
reçoit.
Et je me
répète, mais qu'on ne vienne pas me dire après, si je défends cette
position-là, que c'est parce que, pour moi,
la reddition de comptes, ce n'est pas important. Ce n'est pas ça que je dis.
C'est deux choses qui sont complètement différentes. Reddition de comptes, évidemment, c'est des fonds publics,
il faut faire attention, c'est l'argent du public, il faut faire attention. Et
d'ailleurs, d'ailleurs, le Barreau ne dit pas : Non, non, ce n'est pas
important. Ce n'est pas ça qu'on dit du tout, du tout, du tout. Mais, avant de se lancer là-dedans, il faut
absolument prendre le temps, il faut absolument être capables de faire une
évaluation et bien comprendre ce dans quoi on s'en va. Et c'est la raison pour
laquelle on a demandé d'avoir des
consultations, pour être capables de mieux comprendre quelle est l'intention du
législateur, notamment, avec l'article 3 du projet de loi.
Donc, en
conclusion, pour le principe, oui, mais prudence, vigilance, et il faut
absolument que des experts se penchent sur la question pour s'assurer qu'on
n'est pas en train de porter entrave à un pilier essentiel de la nation. Je
vous remercie, M. le Président.
Le
Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup, M. le député de l'Acadie.
Prochain intervenant, je reconnais M. le député de Saint-Henri—Sainte-Anne.
M. Guillaume
Cliche-Rivard
M.
Cliche-Rivard : Merci beaucoup, M. le Président. Merci, chers
collègues. Merci, cher collègue confrère de l'Acadie, pour cette belle entrée en matière. On est essentiellement,
sur ce sujet, sur la même longueur d'onde. Donc, ce n'est pas tous les jours qu'on dit ça entre
groupes parlementaires, mais là, il faut vraiment le reconnaître, parce que
l'enjeu central qui est soulevé, là,
aujourd'hui, est assez déterminant, est assez fondamental dans notre
démocratie, dans la séparation des
pouvoirs. Et il y a véritablement des enjeux qui méritent, oui, prudence, qui
méritent de consulter, qui méritent qu'on soit davantage en mode écoute et,
bien sûr, qu'on réagisse à ce qui est porté devant nous, à ce qui nous est
présenté comme information.
Alors, vous
le savez, les gens qui nous écoutent, on est sur le p.l. n° 26, la loi sur
la modification... la loi qui modifie, en
fait, la Loi sur les tribunaux judiciaires afin notamment de donner suite à
l'Entente entre la juge en chef de la Cour du Québec et le ministre de la Justice. Et, dans le titre, la clé, c'est le
mot «notamment». Je pense que tout se joue sur le fameux mot «notamment»
parce qu'évidemment ça ne fait pas que donner suite à l'entente.
• (17 h 50) •
Revenons-y, à
cette entente-là. Quand il y a entente, c'est qu'il y a mésentente. Donc, dans
les années... voire plusieurs mois,
mais quand même, ça commençait à faire des années, il y a véritablement un
conflit public avoué entre des intervenants du système de la justice, de la magistrature et le ministère de la Justice, conflit qui a mené à plusieurs pourvois, quelquefois des renvois devant la cour d'appel, d'autres fois
des pourvois en contrôle judiciaire, des contestations sur la compétence,
des questions clés, des questions centrales
de compétence de la justice, d'exercice de la justice, de limites en vertu des
chartes, des questions fondamentales
et centrales dans lesquelles les acteurs judiciaires, souvent la Cour
supérieure, d'autres fois la Cour du
Québec, d'autres fois avec parties intervenantes, Conseil de la magistrature et
autres, ont pris action pour, dans la très grande majorité des cas,
obtenir gain de cause, dans ces pourvois et contestations, sur des
modifications.
Et nous en
étions venus, au plus récent chapitre de cette mésentente, sur le nombre de
jours siégés versus le nombre de jours à rédiger, délibérer, rendre jugement à
la Cour du Québec pour qu'enfin, somme toute, on obtienne une entente. On a appris, dans les crédits, que cette
entente-là avait quand même coûté des sous à la population, qu'on avait eu
besoin recourir à un médiateur entre
le ministère de la Justice et le Conseil de la magistrature. En fait, à la Cour
du Québec, ce n'est pas rien. Et là on est arrivés, enfin, à une
entente.
Et là moi, j'ai pratiqué une dizaine d'années
dans le domaine. J'ai des collègues, j'ai des contacts, associations d'avocats,
juges et autres. J'ai entendu, et on m'a dit : Tout le monde a poussé un
grand souffle de soulagement, enfin, il y a
entente, enfin, on enterre la hache de guerre, on passe à autre chose, on signe
l'entente, il y a bonne entente. Les débats se cessent... cessent, en fait. Même que le renvoi devant la cour
d'appel, de par l'entente, prenait fin. On arrivait au bout de cette...
on va l'appeler, saga, quand même, de ce débat, de ces mésententes.
Bon,
l'entente n'est pas parfaite, bien sûr. Et j'abonde dans le même sens que mon
collègue de l'Acadie, l'accès à la justice, 14 nouveaux juges, ce sont
d'excellentes nouvelles. Et, évidemment, sur ce point-là, on est très heureux.
Cela dit, les demandes étaient de 41.
Donc, on est quand même loin de ce qui était demandé préalablement. Je
comprends la volonté d'indicateurs de
performance, d'objectifs mesurables. Je comprends tout à fait que l'entente
contient aussi des cibles de performance que la cour va devoir
rencontrer. Mais, à mon humble avis, il n'aurait pas été impossible de faire
les deux, d'accorder à la cour le nombre de juges demandés et d'accorder des
indicateurs de performance, de s'entendre sur des indicateurs de performance. Une quarantaine de juges de plus, ça
n'aurait pas été de trop, là, dans le système qu'on connaît, dans les problématiques qu'on connaît, actuelles,
dans les unes, qu'on voit jour après jour, où une salle de palais n'a pas
pu être ouverte parce que le greffier
spécial n'est pas... le greffier n'est pas là, le constable n'est pas là, il
n'y a pas de salle pour ouvrir, le
juge ne peut pas ouvrir. Il y a des délais. Donc, on fixe des procès deux ans
plus tard. On est menacés, avec Jordan, dans le respect des règles et
des principes de justice fondamentale, d'arrêts de procédure.
Et donc, à
mon humble avis, et on soumettra cette proposition, pourquoi a-t-il fallu
s'arrêter à 14? D'où vient ce chiffre?
D'où vient cette entente? On aura des questions quant à qu'est-ce qui a
finalement permis la décision sur 14. Pourquoi 14 juges? Pourquoi pas 20? Pourquoi pas 30? Pourquoi pas 40, comme
il était demandé? Revenons aux demandes qu'avait faites le Barreau de doubler le budget de la justice. Il n'aurait
certainement pas été trop que d'ajouter le nombre de juges qui avait été
demandé.
Et je dis ça
de la même façon... parce que j'entends ou on nous dit qu'il y aurait eu
15 juges, 20 juges, 50 juges de plus, les délais auraient été les mêmes si on ne faisait pas l'argument
ou l'exercice de fixer des indicateurs de performance, des objectifs de performance. Très bien, allons-y.
Entendons-nous, comme ce fut le cas, mais ajoutons, d'autant plus, les ressources que le système judiciaire a besoin pour
aller de l'avant. Ceci dit, entente il y avait, du moins en apparence. Les acteurs du système juridique étaient soulagés. On
passait dans une nouvelle ère. Par contre, nous attendions, tout le monde
attendait la présentation du projet de loi parce qu'il fallait modifier le
nombre de juges par loi. Donc, il n'y avait pas d'autre façon, et c'était bien compris. On savait que cette loi-là était
pour être officialisée, présentée. Ce projet de loi là, on s'attendait à ce qu'il ne contienne qu'un
article, probablement, l'article qui modifie le nombre de juges, et qu'on soit
capables d'adopter ça rapidement, sans débat, sans conflit et sans heurt.
Quelle ne fut
pas ma surprise, moi aussi, en voyant qu'il y avait des articles, 2 et 3, qui,
dans sa lecture, ont soulevé beaucoup
et continuent de soulever et vont continuer de soulever beaucoup de
questionnements, beaucoup de questionnements, des articles qui touchent directement au financement du Conseil de la
magistrature. Et, pour être très clair, là, ça, c'est l'organisme qui encadre
le travail des juges, qui encadre la formation des juges, qui encadre la
déontologie judiciaire. Donc, ce sont
les patrons des juges, si vous me permettez, d'une certaine façon, qui
s'assurent du bon... du bien suivi, qui s'assurent que l'organisme ou l'organe
judiciaire magistral, de la magistrature, fonctionne convenablement, organisme
qui a pris part, dans la dernière année, dans les dernières années, à
plusieurs recours judiciaires, en tant qu'intervenant ou autre, pour s'assurer notamment de
l'indépendance judiciaire. C'est là où les juges se réunissent, quelconque leur
attribution de cour, sont-ils Cour du Québec, Cour supérieure, Cour
d'appel, c'est là où ils se retrouvent.
Et donc on a
vu que, directement, leur financement, qui était, au préalable, à même le fonds
consolidé, allait être plutôt transféré sur crédits votés par le
ministère de la Justice. Bon, fonds consolidé, qui était une proposition, qui
était probablement... je n'étais pas là lors
de l'adoption, dans les années 70, si je ne m'abuse, mais l'idée était de
ne justement pas assujettir au
ministère de la Justice la capacité de restreindre, de limiter, de questionner
directement ou de sanctionner ledit
budget pour que cet organisme-là soit indépendant dans sa capacité de
fonctionner, dans sa capacité de prendre les actions qu'il juge nécessaires. Et donc là, dans ce changement de
position complet, il y a, effectivement, comme on l'a vu par plusieurs intervenants, le Barreau, le
conseil, mais plusieurs autres professeurs aussi, menace à l'indépendance
judiciaire, parce que, si on coupe le
budget, bien, on coupe les capacités de fonctionnement, on coupe les capacités
d'ester en justice, de prendre part à
des recours judiciaires, et tout d'un coup, des décisions qui, aujourd'hui,
étaient favorables au conseil ou qui
ont été favorables au conseil dans les dernières années, bien, n'auraient
peut-être probablement pas eu... n'auraient pas existé parce que n'auraient pas pu être contestées, parce que l'action
n'aurait pas pu être entreprise. Donc, véritablement, pour ce qui vient devant nous, pour ce qui s'en
vient, on est à même de se poser la question : Comment le Conseil de la
magistrature sera à même d'assurer sa capacité à continuer les mêmes
contestations?
Et je reviens
sur ce que mon confrère a dit. Le premier article, même... parce que le
ministre voulait aller très, très vite, nous avions même lancé la proposition
de faire une motion de scission, de scinder le projet de loi, d'adopter
l'article 1 tout de suite, d'en
faire la loi n° 26, de permettre au ministre d'ouvrir tout de
suite les concours et qu'on entre rapidement dans la nomination de ces juges-là. Ce serait déjà chose faite au moment
où on se parle, à mon humble avis, bien que je ne décide pas seul de la procédure parlementaire,
mais de ce que j'entends, ces juges-là seraient... les concours seraient déjà
ouverts. Le ministre, par contre, de ma
compréhension, veut procéder, voulait procéder dans une seule pièce
législative. Il n'était aucunement question de scinder.
• (18 heures) •
Alors, en ce
qui a trait à cet argument-là, de dire que les consultations ou les... le
travail d'amendement ou le travail législatif
qu'on fait aurait, de quelconque façon, un impact sur le moment, à savoir quand
ces concours-là seront ouverts, là, ceci appartient au ministre. Parce que, nous,
on aura été prêts, je parle pour moi, à adopter très rapidement le
nombre de juges et on aurait pu débattre,
entendre sur la question du financement dans un projet de loi différent, mais,
voilà, telle ne fut pas la décision.
Alors, bien
sûr, on nous soulève, et je suis tout à fait d'accord, l'importance de
reconnaître la transparence budgétaire pour préserver la confiance des
citoyens dans les institutions. Tout à fait, tout à fait. Ceci n'est aucunement
débattu en instance. Cela dit, c'est
l'ensemble des crédits de la magistrature, et non pas seulement les crédits de
fonctionnement, et non pas les
crédits de formation, mais bien tous les crédits qui seraient assujettis à la
procédure modifiée par le ministre. Et ça, c'est de nature à aller beaucoup plus loin, et j'en reviendrai, surtout
dans le contexte où, en mars dernier, un projet de loi est venu... une loi est venue accorder beaucoup
plus de pouvoirs à la Vérificatrice générale, en fait, est venue demander à la
vérificatrice de le faire, ce travail-là,
d'être capable de le faire annuellement, ce travail-là de vérification des
comptes, et de rendre compte, et de vérifier les budgets du Conseil de
la magistrature.
Alors, si, et
je dis bien «si», parce que la preuve n'en a jamais été faite, s'il y a quelconque
irrégularité de ce côté, comme dans
les autres organismes assujettis à la Vérificatrice générale, elle nous en fera
rapport. On prendra connaissance de
cause, on pourra vérifier. C'est un tout nouveau mécanisme, qui n'a pas eu
encore le temps d'être mis en exercice. C'était la bonne solution,
c'était la solution débattue, c'était la solution mise de l'avant il y a
quelques semaines. Ce fut adopté. Cette
proposition-là ou ce nouveau mécanisme n'a pas encore eu le temps d'être
adopté, d'être mis en place que vient être modifée la procédure, la
jugeant, donc, insuffisante, la vérification de la vérificatrice.
Alors, le
message que nous, on envoie là-dedans, c'est vérification, transparence, tout à
fait, mais dans les limites de
l'indépendance judiciaire, et certainement pas dans une vision ou dans une
possibilité où le conseil serait limité dans ses capacités de prendre les actions qu'il juge nécessaires. Bien sûr,
conformément à toute la saine administration des fonds publics, là, il y
a problème.
Mais surtout,
et aussi, une des choses dont on n'avait pas besoin en ce moment, c'est de
repartir cette guerre, de repartir ce
conflit. Il y avait eu entente, on passait à d'autres choses. On a tant de
choses à faire pour améliorer le système de justice. Les journaux nous font état à chaque jour, on commente, en
tant que porte-parole de la justice, à chaque jour, des dossiers qui méritent notre attention. Et tous
les efforts devraient être uniquement mis à accéder ou à permettre un meilleur
accès à la justice. Et de repartir un débat... Parce que ça n'a pas été long
que, le lendemain, le Conseil de la magistrature, ou le surlendemain, faisait un communiqué, prenait parole, entrevues sur
les grandes inquiétudes qu'ils avaient face au p.l. n° 26. Le Barreau, d'abord un communiqué, puis une lettre
transmise aux partis, aux ministres, aux partis de l'opposition, à la presse, soulevait d'énormes questionnements,
d'énormes problématiques, alors que le Conseil de la magistrature joue
un rôle crucial dans le maintien de l'indépendance et du pouvoir judiciaire,
ça, c'est certain.
Et donc ça
n'avait jamais été discuté dans l'entente, il n'avait jamais été question, avec
la juge en chef, de modifier le mécanisme de financement. Les partis
quelconques, personnes de l'opinion publique, à mon humble avis, des
experts, je n'ai pas entendu personne qui
m'avait dit avoir été préalablement informé de cette motivation-là. Nous nous
sommes retrouvés surpris, surpris,
parce que l'enjeu de l'indépendance institutionnelle d'une institution comme le
Conseil et la magistrature est fondamental dans notre démocratie. Sa
première fonction est d'assurer la déontologie des juges.
Mais, comme
le souligne... Et là je fais un peu de jurisprudence, moi aussi. L'affaire
Lafond, on a un éminent juriste qui
est cité dans la doctrine, qui dit : «Les notions d'indépendance et de
déontologie judiciaires ne sont pas contradictoires, mais interdépendantes. Dans son article Indépendance
et déontologie judiciaires, le professeur [...] Glenn fait état de cette
complémentarité : "Les notions
d'indépendance et de déontologie [...] sont interdépendantes. Sans déontologie,
l'interdépendance ne se justifie pas, sans indépendance, la déontologie [d']aujourd'hui ne
suffit pas [non plus], les deux sont donc essentielles et se renforcent mutuellement. [...]La
magistrature qui s'autodiscipline renforce sa propre indépendance."» Et
c'est donc important que ça le reste ainsi.
Et
là il ne faudrait pas voir une possibilité où on assujettirait à la capacité de
financement et d'action du Conseil de la magistrature à sa bonne entente ou à son harmonie avec le ministère de
la Justice. Il ne faudrait pas voir là de scénario où, une année donnée, suivant des actions qui auraient
déplu au ministre l'année dernière, qu'un budget serait coupé pour l'année
suivante parce que trop de recours
judiciaires, parce qu'on veut indirectement être capable de sanctionner les
recours qui ont été pris, qui finalement ont donné... n'ont pas donné
gain de cause au ministre.
Alors,
ça fait partie des problématiques puis des possibilités. Puis je ne suis pas en
train de prêter cette intention-là au
ministre, je ne la connais pas, l'intention, mais on pourrait prévoir un
scénario où quelqu'un voudrait couper, de manière importante, le financement du conseil, l'empêcher,
donc, d'aller au fond de ce qu'il juge comme étant sa mission, et, donc,
se retrouverait incapable de mettre en
action des recours judiciaires, qui, au final, ont aussi comme volonté
d'assurer un meilleur accès à la justice dans plusieurs, voire
nombreux... voire tous les recours qui ont été pris et qui ont été mis de l'avant avaient certainement cette volonté-là ou
ce besoin-là d'assurer un meilleur accès à la justice. Et donc, là où il y a
risque, c'est qu'en crédits on vienne juger
de la pertinence ou de la justesse de recours précédents en jugeant de manière
non indépendante qu'ils n'auraient
pas dû être pris, et donc qu'on sanctionne le budget pour l'année à venir pour
permettre que ce soit impossible.
Cela
dit, quand le Conseil de la magistrature prend action, il le prend en réaction
à des modifications législatives ou à
des réformes. Le conseil ne sait pas, je ne sais pas. Je pense que nous,
collègues de l'opposition, ne savons pas qu'est-ce qui arrive comme
modifications législatives dans l'année suivante, dans l'année qui suivra
d'après.
Donc,
nous, en crédits budgétaires, nous poserons... nous pourrions poser des
questions sans trop savoir l'intention du
ministre quant à ses désirs de modifications législatives qui viendront. Et
donc sur quelle base pourrons-nous justifier, oui ou non, un budget de fonctionnement sans préalablement savoir, bien,
où le bât pourrait blesser dans la prochaine année ou dans les prochains mois et comment le conseil
sera, donc, à même d'assurer son indépendance pour aller de l'avant avec
les contestations? Et c'est, donc, en imaginant un scénario hypothétique où un
gouvernement majoritaire sanctionnerait financièrement
le conseil pour une décision qui lui a déplu qu'il y aurait là véritablement
défaut, manquement à l'indépendance judiciaire.
Au
palier fédéral, le ministère de la Justice a conclu une entente avec le Conseil
canadien de la magistrature pour garantir
son financement indépendant. Donc, oui, le budget passe à même les crédits. Cela
dit, il y a un mot clé dans cette histoire, il y a entente. Le processus a été
signé par une entente de commun accord entre le conseil et le ministre dans
lequel, et ça, c'est la deuxième
partie la plus importante, son indépendance, sa capacité à prendre des recours,
sa capacité à contester fut garantie,
fut promise. Alors, oui, il y a là énormément de différences, parce que de
telles garanties ne se retrouvent pas dans le p.l n° 26. Un scénario similaire où, de un, il n'y aurait
pas litige, alors que, là, on a bien vu qu'entre le Conseil de la magistrature et le ministre le litige est reparti,
et, dans un deuxième temps, là où l'indépendance serait assurée par une entente
signée publique, où tous les moyens que le
conseil jugera nécessaires pour mettre en vigueur ses fonctions, son mandat,
son rôle seraient assurés, ne
seraient pas débattus ni limités par les crédits de justice, ceci me semblerait
une avenue beaucoup plus prudente, judicieuse, nécessaire.
• (18 h 10) •
Cela
dit, revenons sur le fait que la nécessité de modifier le recours ou le
mécanisme actuel n'a jamais été faite... La preuve qui doit... ou qu'il faut modifier ça aujourd'hui, alors qu'on
vient d'adopter une procédure de Vérificatrice générale, alors que la
démonstration de problèmes d'abus, de questions, outre soulever des chiffres de
dépassement de coûts, n'a pas été faite. Bien, pour moi, c'est un
problème.
Et
revenons sur les dépassements de coûts, dépassements de coûts qui étaient liés
à un nombre considérable de recours judiciaires entrepris en
contestation ou en intervention de contestation contre des réformes ou des
modifications législatives du même ministre.
Alors, ce n'est pas un dépassement de coûts qui sort de nulle part, en
disant : Ils se sont acheté ça,
ils ont dépensé ici. Ça, il n'y a rien de la preuve, Il n'y a rien qui nous a
été fourni qui permettrait de dire ça. Le Conseil de la magistrature a soumis une lettre détaillée
dans le contexte des crédits où on a pu voir où il y avait eu dépassements de
coûts, et c'était essentiellement lié aux
litiges, aux contestations judiciaires des réformes, qui, rappelons-les, ont
donné presque systématiquement gain de cause au conseil ou aux autres
acteurs judiciaires qui contestaient ces réformes-là.
Alors,
le conseil est réactionnaire à des modifications législatives, à des réformes.
Ce n'est pas lui qui, un matin, se lève
et commence un recours judiciaire sur une loi qui existait, qui aurait existé,
ah! tout d'un coup, on dépoussière quelque chose de 1975, on conteste. Ce n'est pas comme ça que ça fonctionne. On
réagit. Et donc, quand on parle de dépassements de coûts, si ces dépassements de coûts là sont
justifiés de par un foisonnant nombre de recours intentés cette année-là, bien,
à mon humble avis, c'est justifié. Si, dans un autre scénario, on
verrait que les fonds étaient utilisés à d'autres choses, et il n'y a aucune preuve de ça, il n'y a même pas le
commencement d'une preuve de ça, eh bien, alors, la vérificatrice fera
son travail.
Rappelons-nous quand
même que, préalablement, en votant les crédits, on ne peut pas juger du
bien-fondé des dépenses qui viendront dans
l'année qui va suivre. Ce n'est pas un recours qui devine l'avenir. Ce n'est
pas un recours qui nous dit :
Ah! cette année, on va couper de 500 000 parce qu'on devine ou on entrevoit
qu'il y aura des abus dans l'année qui
suit. Au contraire, l'exercice d'évaluation, d'enquête se fait après, par la
VG, qui nous dit : Moi, j'ai vérifié, et il y a eu... j'ai fait
enquête, par exemple, il y a eu x, y manquements, ou : Il n'y en a pas eu.
Mais, si c'est ça, le fondement, et s'il y a
des enjeux de transparence, et s'il y a des enjeux d'utilisation des fonds,
qu'on vote ou non préalablement des crédits pour l'année qui suit ne va avoir aucun impact, voire un impact absolument
limité sur les problèmes, s'il y en a, liés à la saine administration des fonds publics. Alors, laissons
la VG faire son travail, regardons les rapports et déterminons s'il y a besoin d'aller
plus loin. Après tout, c'est un mécanisme qui n'a même pas eu le temps de
démontrer qu'il fonctionne.
Et, quand même, ce n'est
pas à tous les jours que le Conseil de la magistrature sort publiquement pour
attaquer en amont une pièce législative. Ce
n'est aussi pas à tous les jours que le Barreau du Québec fait parvenir aux
ministres et aux députés de l'opposition une lettre soulevant de graves
inquiétudes.
Depuis qu'on
a eu ce projet de loi, moi, j'ai parlé à une quinzaine de professeurs
d'université en droit, de facultés de droit, qui ont tous et toutes été
unanimes qu'il y avait là un danger, et des professeurs de partout au Québec,
qui ont clairement dit : Il y a là
problème, attention, drapeau rouge, n'allons pas là. Et ça, je vais entendre un
peu plus tard notre collègue de Camille-Laurin qui nous dira sa position
sur la question, mais, si les oppositions, en plus, voient les choses sensiblement de la même façon, en plus du Barreau,
en plus du Conseil de la magistrature, en plus de certains intervenants publics, force est de constater qu'il y a un problème.
Je veux dire, s'il y a unanimité contre des dispositions d'un projet de loi,
que personne ne se raccorde à la position
ministérielle, bien, je pense qu'il y a le début... bien, disons, plus que le
début, la preuve est faite d'une problématique, là.
Alors,
évidemment, à mon avis, on doit consulter. Il faut rapidement que les experts,
que les parties concernées, le Barreau,
peut-être même le conseil, viennent parler aux parlementaires, que des experts
constitutionnalistes, que des experts, entre
la séparation des pouvoirs... parce que ce sont des enjeux clés, viennent nous
parler et qu'on puisse vraiment nous assurer que le mécanisme qui est
mis de l'avant, c'est le meilleur. Et là, honnêtement, j'en doute, et j'en
doute grandement.
Donc, on est
dans ce contexte-là où j'espère... parce que rien ne nous a été promis, mais
j'espère qu'il y aura des consultations particulières pour quelque chose
d'aussi central et déterminant qu'une question comme ça, central à l'indépendance judiciaire, et j'espère... et je
suis quasi certain qu'une grande, voire une très grande majorité de ceux-ci
viendront soulever les mêmes drapeaux rouges
qui viennent d'être soulevés ici aujourd'hui, en cette Chambre, et j'espère que
la position ministérielle sera modifiée pour qu'on puisse, plutôt que de
repartir un débat... Parce que l'adoption du projet de loi ici, s'il est adopté
tel quel, ne sera pas la fin de l'histoire. Il est évident, il est annoncé
qu'il y aura contestation judiciaire du
p.l. tel qu'adopté s'il est adopté dans sa forme actuelle. Tous les
intervenants le laissent présager. Voulons-nous vraiment repartir dans une guerre ouverte telle que nous
l'avons vécue avec la magistrature... telle que le ministre l'a vécue avec la
magistrature depuis les deux dernières années,
ou voulons-nous vraiment signer, sceller l'entente, enterrer la hache de guerre
et se concentrer, tous et toutes,
continuellement et exclusivement à l'intérêt de la justice, à l'accès à la
justice, de laisser ces enjeux-là,
ces tensions-là, de laisser la VG faire son rôle de vérificatrice pour que
nous, on puisse continuellement travailler au meilleur accès de la
justice et qu'il puisse enfin y avoir harmonie dans le système judiciaire?
Merci, M. le Président.
Le
Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup, M. le
député de Saint-Henri—Sainte-Anne. Et je reconnais maintenant M. le chef du troisième groupe
d'opposition.
M. Paul
St-Pierre Plamondon
M. St-Pierre
Plamondon : Merci, M. le Président. Je comprends qu'on suspend
les travaux à 18 h 30, donc vous me permettrez, en l'espace de 10 minutes, de faire une intervention
qui sera le reflet pas mal de ce qu'on a entendu de chaque intervenant des partis d'opposition ce soir. C'est
important, en mon nom, à titre de chef du Parti québécois et de porte-parole
en matière de justice, de faire des
observations qui semblent être... pour toute personne qui a à coeur le bon
fonctionnement de nos institutions, semblent aller dans le même sens,
alors que ce sont des formations politiques très distinctes.
Essentiellement,
là, pour faire court, on a ici une loi qui s'appelle... qui porte le nom de
donner suite à l'Entente entre la
juge en chef de la Cour du Québec et le ministre de la Justice. Tant mieux si
on a une entente, je le célèbre. Ce n'est pas l'objet de l'intervention, mais bien l'ajout, à l'article 3, d'un
élément qui ne fait pas partie de l'entente. Donc, c'est très particulier que le titre ne reflète pas cette
réalité. Et on revoit donc, à cet article 3, le mode de financement du
Conseil de la magistrature.
• (18 h 20) •
Et rappelons la mission du Conseil de la
magistrature, qui parle au nom des juges. Il occupe des fonctions essentielles, comme la déontologie des juges, des
suggestions, des interventions pour améliorer le système de justice et d'autres fonctions plus administratives. Mais, au
sein de toutes ces fonctions-là, il y a notamment la possibilité, pour le
Conseil de la magistrature de faire des
recours en justice lorsque la question de l'indépendance judiciaire, par
exemple, est en cause. Donc,
évidemment que, lorsque l'État veut contrôler et intervenir dans le financement
de cette entité-là, bien, il se pose de sérieuses questions par rapport
à l'indépendance judiciaire, et je suis entièrement d'accord. C'est qu'une fois
que la question est très sérieuse, moi je
pense qu'un gouvernement peut choisir de voter une loi en sachant qu'il y aura
une contestation judiciaire. Je n'ai
pas... Je ne pense pas que c'est la crainte de la contestation judiciaire, mais
bien qu'à sa face même il y a
vraiment plusieurs lumineux rouges qui devraient s'allumer en ce moment.
Surtout qu'on ne parle pas de gros montants,
là. Ce n'est pas comme si... je reprends l'argument de mes collègues, là, ce
n'est pas comme s'il y a des allégations de détournement de fonds. Il y
a des possibilités intéressantes pour permettre une reddition de comptes.
Je pense que
le Conseil de la magistrature serait sûrement prêt à explorer des manières pour
qu'on puisse s'assurer que l'argent
est dépensé correctement. Mais d'intervenir à travers le pouvoir d'octroyer ou
non des fonds, d'intervenir dans les décisions
du Conseil de la magistrature, les probabilités que ça pose problème, en
matière d'indépendance judiciaire, me semblent
élevées. Ça me semble très mystérieux qu'on veuille mettre ça dans le même
projet de loi que celui qui permet une solution puis l'ajout de juges.
Donc,
minimalement, ce qu'on demande, à ce stade-ci, c'est de s'assurer qu'il y ait
des consultations, là, simplement par respect
pour le fonctionnement de nos institutions, pour la préservation et le bon
fonctionnement du pouvoir judiciaire, convenons,
à la lumière des interventions qu'on vient d'entendre, qu'il y a vraiment
matière à se pencher sur ces questions-là et éviter des erreurs qui
seraient regrettables.
Je
n'ai pas la prétention de savoir exactement où se trouve la solution, mais,
parce que les enjeux ressortent de manière
très, très limpide pour tout le monde, en matière d'indépendance judiciaire, vu
l'importance de la justice dans une société, faisons les choses
correctement, tout simplement, allons chercher de l'expertise d'intervenants
indépendants, et on pourra ensuite trancher
sur comment trouver la bonne solution. Mais agir de manière précipitée, à la
lumière de ce qu'on vient d'entendre,
me semblerait très déraisonnable, donc prenons le temps de bien faire les
choses, s'il vous plaît, M. le Président. Merci beaucoup.
Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci
beaucoup, M. le chef du troisième groupe d'opposition. Y a-t-il d'autres
interventions? Oui, Mme la députée de Mont-Royal—Outremont.
Mme Michelle Setlakwe
Mme Setlakwe : Merci, M. le Président.
Je réitère, d'entrée de jeu, qu'à l'opposition officielle nous sommes pour
le principe du projet de loi n° 26.
L'ajout de juges et l'augmentation du temps de cour est souhaitable, et nous ne
voulons pas freiner ces mesures, qui
ont, finalement, été convenues entre le ministre de la Justice et la juge en
chef de la Cour du Québec, Lucie
Rondeau, le 21 avril 2023. On ne veut pas être un frein à l'augmentation
du nombre de juges. Cet aspect du projet de loi est tout à fait conforme
à l'entente convenue.
Si
le projet de loi n° 26 ne s'en tenait qu'à cette disposition, nous
n'aurions aucun problème à l'adopter tel quel, sans consultation, discussion ou débat additionnels. Toutefois, le
projet de loi n° 26 contient une disposition additionnelle qui vient imposer un important changement au
financement du Conseil de la magistrature. Quelle surprise! À l'instar de la
juge en chef Rondeau, nous déplorons la
décision du gouvernement d'encadrer le financement du Conseil de la
magistrature dans le projet de loi n° 26.
Le
gouvernement ratisse beaucoup trop large, à notre sens, c'est-à-dire beaucoup
plus large que l'entente conclue entre
le ministre de la Justice et la juge en chef pour régler le long conflit qui
perdurait quant à l'horaire des juges. En plus d'ajouter 14 postes de juges à la Chambre criminelle et pénale — le
nombre de juges passerait de 319 à 333 — le
projet de loi vise à revoir le mode de financement du Conseil de la
magistrature ainsi que l'encadrement de ses prévisions budgétaires. À la suite de l'adoption de ce projet de loi tel
quel, le conseil ne serait plus financé à même le fonds consolidé du revenu,
mais plutôt par les crédits votés
annuellement à cette fin par l'Assemblée nationale, en vertu de
l'article 3 du projet de loi n° 26.
Cette
disposition, M. le Président, jette un ombrage sur l'indépendance de la
magistrature. Il s'agit d'un changement majeur, puisque le financement
du Conseil de la magistrature pourrait ainsi être limité par les élus. Selon la
juge en chef Rondeau, qui est également présidente du Conseil de la
magistrature, il s'agit d'une attaque contre l'indépendance judiciaire, l'efficacité des tribunaux et l'accès
à la justice. Elle ajoute que cette disposition n'a jamais fait l'objet de
discussions lors du processus de
facilitation. «Cette nouvelle disposition nous apparaît très inquiétante en ce
qu'elle pose potentiellement une
limite importante à la capacité financière du Conseil de la magistrature
d'assumer les fonctions essentielles de sa mission. Il est primordial
que le conseil puisse assumer sa mission en toute indépendance du pouvoir
exécutif et législatif.»
Le
Barreau du Québec craint aussi pour l'indépendance de la justice : «Le
projet de loi n° 26 touche ainsi à un principe fondamental de l'État de droit et, en ce sens,
nous estimons essentiel de pouvoir l'analyser adéquatement et en comprendre
l'impact. Nous demandons d'entendre des
témoins en commission parlementaire. Il nous apparaît plus que raisonnable de
procéder ainsi, et cette demande n'entraînerait pas un délai indu. Tout cela
pourrait se faire en une demi-journée. Nous entendons
la préoccupation légitime du ministre de la Justice quant au dépassement du
budget du Conseil de la magistrature. Bien
entendu, un important dépassement du budget soulève des enjeux, notamment au
niveau de la reddition de comptes. Ces
objectifs de contrôle des dépenses sont louables, mais assurons-nous que le
moyen mis de l'avant dans le projet de loi n° 26 soit la meilleure
façon de réconcilier tout ça, ce dont nous doutons fortement.»
Des
dispositions introduisant des mesures de reddition de comptes pour le Conseil
de la magistrature sont, d'ailleurs, récemment entrées en vigueur, soit
en mars dernier. Le ministre a-t-il changé d'idée? Rappelons que les dépenses à
la hausse semblent avoir été de nature
exceptionnelle. Cette année, le Conseil de la magistrature a dépassé de
1 million de dollars son
budget annuel en raison de sa participation à des contestations judiciaires,
dont celle portant sur le bilinguisme des juges et la réforme de la loi 101, soit le projet de loi n° 96. Le
conseil ne peut pas, par ailleurs, présumer ni du volume ni de la
complexité des dossiers en déontologie sur une base annuelle.
Ce que nous devons
percevoir derrière l'ajout des articles 2 et 3 du projet de loi n° 26
a très bien été vulgarisé dans un article de La Presse sous la plume de
M. Vincent Brousseau-Pouliot, et je me permets d'en citer des passages :
«Il faut être aveugle pour ne pas voir
l'intention derrière le projet de loi n° 26. Le ministre
Jolin-Barrette estime que le conseil
ne devrait pas, à même les fonds publics, contester une partie de la réforme de
la loi 101. Ce litige a coûté 1,1 million de dollars au conseil l'an dernier.» Je poursuis dans
la citation : «Personne n'est dupe : si le projet de loi est adopté,
les députés de la CAQ, majoritaires à l'Assemblée nationale, pourront empêcher
le conseil d'avoir les ressources financières pour contester une loi relative à
la magistrature — exemple,
une partie de la réforme de la loi 101. On éliminerait ainsi un
contre-pouvoir.» Fin de la citation. Je rappelle que je cite un passage de La
Presse du 15 mai 2023, intitulé Le ministreJolin-Barrette
peut-il laisser la magistrature...
• (18 h 30) •
Une voix : ...
Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci
beaucoup, M. le leader adjoint du gouvernement. Effectivement, je
rappelle, moi aussi, je l'ai entendu... Même avec citation...
Mme Setlakwe : ...
Le Vice-Président
(M. Lévesque) : Mais ce n'est pas grave, Mme la députée.
Mme Setlakwe : ...
Le Vice-Président (M. Lévesque) : Je
suis encore debout. Je vais devoir vous demander, Mme la députée de Mont-Royal—Outremont, est-ce que...
compte tenu de l'heure, là, on vient de dépasser le temps, est-ce que vous avez
l'intention de poursuivre votre intervention à la reprise de ce débat?
Mme Setlakwe : Oui, M. le
Président, j'aimerais bien compléter mon intervention.
Le Vice-Président (M. Lévesque) : Alors,
parfait. Ce sera fait à la reprise des travaux.
Ajournement
Et, compte tenu de l'heure, les travaux sont
ajournés à demain, jeudi 25 mai 2023, à 9 h 40.
(Fin de la séance à 18 h 31)