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Version finale

41st Legislature, 1st Session
(May 20, 2014 au August 23, 2018)

Wednesday, May 31, 2017 - Vol. 44 N° 261

Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Affaires courantes

Déclarations de députés

Féliciter l'organisme Ruban en route (2004) pour son engagement dans la prévention du
VIH, des ITSS et de l'hépatite C

Mme Isabelle Melançon

Souligner le 35e anniversaire d'Alimentation Causap inc.

M. Pascal Bérubé

Souligner le 40e anniversaire de La Popote à Roland

M. Mario Laframboise

Féliciter le Centre d'interprétation de l'eau de Laval, finaliste des prix Cascade

M. Jean Habel

Souligner le 10e anniversaire du Théâtre du 450

Mme Martine Ouellet

Souligner la Journée mondiale sans tabac

Mme Véronyque Tremblay

Souligner le 20e anniversaire du Carrefour jeunesse-emploi Thérèse-De Blainville

M. Claude Surprenant

Souligner le lancement du documentaire Briser le silence de la Table d'actions préventives
jeunesse Côte-de-Beaupré—Île-d'Orléans

Mme Caroline Simard

Souligner l'engagement du Carrefour 50 + du Québec auprès des aînés de l'Est du Québec

M. Harold LeBel

Présence de membres de la Chambre des députés de la République d'Haïti et de son président,
M. Cholzer Chancy, accompagnés du consul général à Montréal, M. Justin Viard


Présence du consul général de la République fédérale d'Allemagne à Montréal,
M. Walter Leuchs


Dépôt de documents

Réponses à des pétitions

Réponse à une question inscrite au feuilleton

Rapport de la Commission de la représentation électorale intitulé Rapport des dépenses
reliées à la délimitation des circonscriptions électorales 
 Carte électorale 2017

Rapport annuel du Vérificateur général

Dépôt de rapports de commissions

Consultations particulières sur le projet de loi n° 138 — Loi modifiant le Code de procédure
pénale et la Loi sur les tribunaux judiciaires afin de favoriser l'accès à la justice
et la réduction des délais en matière criminelle et pénale


Dépôt de pétitions

Encadrer la pratique de l'ostéopathie et créer un ordre professionnel des ostéopathes

Augmenter le financement du Conseil des appellations réservées et des termes valorisants

Établir un accord de collaboration non partisane entre les partis représentés à l'Assemblée
afin de favoriser un consensus du vivre-ensemble dans la dignité


Questions et réponses orales

Entretiens entre le premier ministre et M. Marc-Yvan Côté

M. Jean-François Lisée

M. Philippe Couillard

M. Jean-François Lisée

M. Philippe Couillard

M. Jean-François Lisée

M. Philippe Couillard

Augmentation des cas de maltraitance chez les jeunes

M. Dave Turcotte

Document déposé

Mme Lucie Charlebois

M. Dave Turcotte

Mme Lucie Charlebois

M. Dave Turcotte

Mme Lucie Charlebois

Disposition de dérogation pour se soustraire aux arrêts des procédures

M. François Legault

M. Philippe Couillard

M. François Legault

M. Philippe Couillard

M. François Legault

M. Philippe Couillard

Nature des relations entre le premier ministre et M. Marc-Yvan Côté

M. Éric Caire

M. Philippe Couillard

M. Éric Caire

M. Jean-Marc Fournier

M. François Legault

M. Philippe Couillard

Gestion des trop-perçus d'Hydro-Québec

Mme Chantal Soucy

M. Pierre Arcand

Mme Chantal Soucy

M. Pierre Arcand

Mme Chantal Soucy

M. Pierre Arcand

Financement de l'aide alimentaire dans les écoles

M. Alexandre Cloutier

M. Sébastien Proulx

M. Alexandre Cloutier

M. Sébastien Proulx

M. André Villeneuve

M. Sébastien Proulx

Présomption de fraude visant des ex-collecteurs de fonds du Parti libéral du Québec

M. Amir Khadir

M. Jean-Marc Fournier

M. Amir Khadir

M. Jean-Marc Fournier

M. Amir Khadir

M. Jean-Marc Fournier

Financement de la protection de la jeunesse

M. Sébastien Schneeberger

Mme Lucie Charlebois

M. Sébastien Schneeberger

Mme Lucie Charlebois

M. Sébastien Schneeberger

Mme Lucie Charlebois

Accessibilité du régime d'indemnisation des victimes d'actes criminels

Mme Catherine Fournier

M. Carlos J. Leitão

M. Nicolas Marceau

M. Carlos J. Leitão

Signalisation routière pour assurer la sécurité des cyclistes

M. Sylvain Pagé

M. Laurent Lessard

Votes reportés

Adoption du principe du projet de loi n° 132 — Loi concernant la conservation des milieux
humides et hydriques

Renvoi à la Commission des transports et de l'environnement

Mise aux voix

Motions sans préavis

Souligner la Semaine québécoise des personnes handicapées

Mise aux voix

Affirmer l'application de toutes les lois du Québec aux éventuels projets soutenus par la
Banque de l'infrastructure du Canada et exiger des amendements au projet de loi C-44
à ce sujet

Mise aux voix

Avis touchant les travaux des commissions

Affaires du jour

Projet de loi n° 98 —                    Loi modifiant diverses lois concernant principalement l'admission
aux professions et la gouvernance du système professionnel

Prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude détaillée et
des amendements transmis

Mme Stéphanie Vallée

Mme Mireille Jean

M. Amir Khadir

M. Simon Jolin-Barrette

Mise aux voix des amendements de la ministre

Mise aux voix du rapport amendé

Affaires inscrites par les députés de l'opposition

Motion proposant que l'Assemblée prenne acte de la libération de plus en plus fréquente de
personnes accusées au criminel suite à des arrêts de procédures justifiés par l'arrêt Jordan
et qu'elle demande à ses membres d'adopter le projet de loi n° 890 sur l'administration
de la justice

M. Simon Jolin-Barrette

Mme Stéphanie Vallée

Mme Véronique Hivon

Mme Martine Ouellet

M. Marc Tanguay

M. Éric Caire

M. Simon Jolin-Barrette (réplique)

Vote reporté

Projet de loi n° 223 — Loi concernant la continuation de Sous les Auspices de l'association
des éleveurs de bétail du district de Beauharnois inc.

Adoption du principe

Mise aux voix

Adoption

M. Nicolas Marceau

M. Stéphane Billette

M. André Spénard

Mise aux voix

Ajournement

Journal des débats

(Neuf heures quarante minutes)

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, bon mercredi à tous et toutes!

Affaires courantes

Déclarations de députés

Vous pouvez prendre place parce que nous allons débuter notre séance avec la rubrique des déclarations de députés. Et, sans plus tarder, je cède la parole à Mme la députée de Verdun.

Féliciter l'organisme Ruban en route (2004) pour son engagement
dans la prévention du VIH, des ITSS et de l'hépatite C

Mme Isabelle Melançon

Mme Melançon : Merci beaucoup, Mme la Présidente. C'est avec fierté que je rends hommage aujourd'hui à l'organisme Ruban en route. Nous avons l'honneur d'accueillir dans nos tribunes M. François Blais ainsi que M. Guillaume Couture, président du conseil d'administration. Bonjour, messieurs. Très heureuse de vous savoir parmi nous.

Ruban en route est un OBNL situé à Verdun qui développe des activités éducatives de sensibilisation et de prévention du VIH, et des ITSS, donc les infections transmissibles sexuellement et par le sang, et de l'hépatite C auprès de nos jeunes dans les écoles secondaires à travers le Québec. Ruban en route offre une tournée-conférence interactive et itinérante dans les écoles secondaires, mais également une trousse d'outils pour les écoles.

Je tiens à féliciter François. Bravo pour ton travail! Bravo pour les 20 ans de travail auprès de nos jeunes dans nos écoles! C'est très apprécié. Tu fais un travail merveilleux. Longue vie à Ruban en route!

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, merci, Mme la députée de Verdun. Et nous vous souhaitons la bienvenue à l'Assemblée nationale.

Pour la prochaine déclaration, je vais céder la parole à M. le député de Matane-Matapédia.

Souligner le 35e anniversaire d'Alimentation Causap inc.

M. Pascal Bérubé

M. Bérubé : Mme la Présidente, cette année, Alimentation Causap, de Causapscal à La Matapédia, souligne son 35e anniversaire.

Cet établissement fut fondé en 1982 par M. Carol Veilleux, fils et petit-fils de boucher. Pendant les 20 premières années, il fut épaulé par son épouse et associée Mme Diane Fiset. En 2003, leur fils Frédéric s'ajouta comme nouvel associé, confirmant ainsi la participation d'une quatrième génération dans le domaine de l'alimentation. Le commerce est maintenant cinq fois plus grand que lors de sa création et emploie plus de 35 personnes, ne cessant ainsi de s'adapter pour mieux servir et offrir à sa clientèle une variété de produits et services. En 2014, Simon, le frère de Frédéric, s'ajoutait également comme associé. Aujourd'hui, ils perpétuent les traditions de l'établissement familial.

À tous les membres de la famille Veilleux et à tous les employés d'Alimentation Causap, une véritable institution, je vous souhaite un joyeux 35e anniversaire. Félicitations pour votre bon travail et service et bonne continuité! Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, merci, M. le député de Matane-Matapédia. Maintenant, je suis prête à reconnaître M. le député de Blainville pour sa déclaration d'aujourd'hui.

Souligner le 40e anniversaire de La Popote à Roland

M. Mario Laframboise

M. Laframboise : Merci, Mme la Présidente. Aujourd'hui, je veux rendre hommage à un organisme communautaire de premier plan de ma circonscription, La Popote à Roland.

Fondée en 1977 par le curé Roland Dagenais, qui porte très bien ses 94 printemps, La Popote à Roland a été accréditée en 1986 par la ville de Blainville et a reçu, en 2010, le prix Hommage bénévolat-Québec. Sa mission est d'offrir aux aînés des activités récréatives, des repas à partager, des sorties culturelles à chaque mercredi. Faisant vivre à ses membres des journées planifiées au cours de ces 40 ans d'implication, les quelques centaines de bénévoles auront servi près de 40 000 repas à plus de 300 aînés en plus de les animer tout au long de ces 1 420 mercredis.

À titre de député de Blainville, permettez-moi de féliciter toute l'équipe de La Popote à Roland, plus particulièrement sa présidente, Mme Josée Beauregard, qui accomplit un travail exceptionnel. À Mmes Louise Charron, Rollande Dumoulin, Claire Labelle, Michèle Laurin, Pierrette Dagenais et Nicole Bareil, merci pour plus de 30 ans d'implication! Bon 40e anniversaire et longue vie à La Popote et à Roland! Merci.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Merci, M. le député de Blainville. Maintenant, je cède la parole à M. le député de Sainte-Rose.

Féliciter le Centre d'interprétation de l'eau
de Laval, finaliste des prix Cascade

M. Jean Habel

M. Habel : Merci, Mme la Présidente. Il me fait plaisir de souligner l'excellence du Centre d'interprétation de l'eau, situé dans ma circonscription.

Le CIEAU s'est démarqué lors du 15e congrès annuel de l'autorité canadienne des centres des sciences. Chaque année, l'ACCS effectue la remise des prix Cascade, qui récompensent des réalisations exceptionnelles d'organisations dans l'ensemble du Canada. En effet, le CIEAU a été sélectionné parmi les candidats dans les catégories Meilleure exposition ou meilleur spectacle — petite institution et Meilleur programme — petite institution.

Félicitations à toute l'équipe du CIEAU! Vos nominations mettent en lumière le travail exceptionnel de vos bénévoles et de vos employés, qui sont la fierté de Sainte-Rose. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Merci, M. le député de Sainte-Rose. Maintenant, je cède la parole à Mme la députée de Vachon.

Souligner le 10e anniversaire du Théâtre du 450

Mme Martine Ouellet

Mme Ouellet : Merci, Mme la Présidente. J'aimerais prendre le temps de souligner une troupe qui fait la fierté des gens de chez nous, Le Théâtre du 450, qui célèbre cette année ses 10 ans d'existence.

Depuis le 8 mai 2007, cette entreprise d'économie sociale livre des pièces de théâtre accessibles, pétillantes et de qualité. Les créations sont écrites et jouées par des artistes québécois. Les productions du 450 permettent à des jeunes de la relève de jouer devant public.

En plus de jouer sur scène, les artistes du 450 font le tour de la Rive-Sud pour faire vivre des saltimbanques présentés sous forme de théâtre de rue. Chaque été, les citoyens de Saint-Hubert apportent leurs chaises pour voir une pièce de théâtre jouée sur le parvis de l'église. Les artistes donnent vie aux circuits patrimoniaux du chemin Chambly lors des Journées de la culture. Six personnages sortis du passé présentent le mode de vie du XVIIe siècle.

Merci à la famille Pascal ainsi qu'à tous les collaborateurs du Théâtre du 450 pour ces 10 ans de spectacles!

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, merci, Mme la députée de Vachon. Et maintenant, toujours à la rubrique des déclarations de députés, je cède la parole à Mme la députée de Chauveau.

Souligner la Journée mondiale sans tabac

Mme Véronyque Tremblay

Mme Tremblay : Merci beaucoup, Mme la Présidente. J'aimerais souligner la Journée mondiale sans tabac, qui a lieu à tous les 31 mai, une initiative de l'Organisation mondiale de la santé.

Des projets majeurs ont été accomplis au cours de dernières décennies pour lutter contre le tabagisme, mais nous voulons et nous devons en faire encore plus. Rappelons que l'Assemblée nationale a adopté à l'unanimité, en 2015, la Loi visant à renforcer la lutte contre le tabagisme. Cette loi prévoit de nouvelles interdictions de fumer dans plusieurs lieux publics extérieurs ou en présence d'un mineur de moins de 16 ans dans une voiture. Il est par ailleurs interdit de vendre du tabac contenant des saveurs. La loi vise trois objectifs principaux : protéger les non-fumeurs de la fumée secondaire, prévenir l'initiation au tabac chez les jeunes et favoriser la cessation tabagique. L'objectif est de faire baisser de 10 % la proportion de fumeurs quotidiens ou occasionnels.

En cette Journée mondiale sans tabac, envisageons un Québec sain pour les générations actuelles et celles à venir. Merci beaucoup, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Merci, Mme la députée de Chauveau. Maintenant je cède la parole à M. le député de Groulx.

Souligner le 20e anniversaire du Carrefour
jeunesse-emploi Thérèse-De Blainville

M. Claude Surprenant

M. Surprenant : Merci, Mme la Présidente. Alors, c'est avec grand plaisir que je veux souligner, devant l'Assemblée nationale, le 20e anniversaire du Carrefour jeunesse-emploi Thérèse-De Blainville.

Le CJE Thérèse-De Blainville est un organisme à but non lucratif qui a débuté ses activités en 1997 grâce à la mobilisation de différents acteurs du milieu afin de développer une offre de services pour tous les jeunes âgés de 16 à 35 ans de la MRC. Depuis 20 ans maintenant, c'est plus de 23 000 jeunes qui ont profité de cet accompagnement, et cette période de leur vie a été déterminante pour leur développement. En effet, le CJE Thérèse-De Blainville offre aux jeunes différents services personnalisés visant le développement de l'employabilité, la formation ainsi que plusieurs projets visant l'insertion socioprofessionnelle, et ce, afin de leur permettre de contribuer aux progrès socioéconomiques du territoire.

Je tiens à souligner aujourd'hui le travail et les efforts de son dynamique conseil d'administration ainsi que de son équipe innovante et professionnelle. Fêtons fièrement les 20 années du Carrefour jeunesse-emploi Thérèse-De Blainville et soulignons 20 ans de coeur pour les jeunes!

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Merci, M. le député de Groulx. Et, pour sa déclaration d'aujourd'hui, je cède la parole à Mme la députée de Charlevoix—Côte-de-Beaupré.

Souligner le lancement du documentaire Briser le silence
de la Table d'actions préventives jeunesse
Côte-de-Beaupré
—Île-d'Orléans

Mme Caroline Simard

Mme Simard : Merci, Mme la Présidente. Alors, La Table d'actions préventives jeunesse de la Côte-de-Beaupré et de l'Île-d'Orléans a tout récemment dévoilé son dernier projet pour contrer le phénomène de l'intimidation chez les jeunes. Cette initiative, réalisée en collaboration avec des organismes du milieu, prend la forme d'un documentaire qui s'intitule Briser le silence. Lancé officiellement à l'école secondaire du Mont-Sainte-Anne, celui-ci traite des conséquences de l'intimidation verbale, physique et de la cyberintimidation. Il propose également des solutions aux jeunes qui en sont victimes ainsi qu'à leur entourage.

Ayant été adjointe parlementaire du premier ministre pour les volets Jeunesse, Petite enfance et Lutte contre l'intimidation, je suis d'autant plus sensible aux réalités que vivent les jeunes, et donc à ce phénomène.

Je salue les membres de la Table d'actions préventives jeunesse de la Côte-de-Beaupré et de l'Île-d'Orléans qui sont présents dans les tribunes aujourd'hui et j'en profite pour rappeler aux victimes que l'important, c'est de briser le silence parce que l'ignorance n'est jamais une solution. Merci, Mme la Présidente.

• (9 h 50) •

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Merci beaucoup, Mme la députée. Et nous vous souhaitons à vous aussi la bienvenue à l'Assemblée nationale.

Maintenant, je me tourne vers M. le député de Rimouski pour sa déclaration.

Souligner l'engagement du Carrefour 50 + du Québec
auprès des aînés de l'Est du
Québec

M. Harold LeBel

M. LeBel : Merci, Mme la Présidente. Le carrefour des 50 ans et plus du Québec regroupe 150 clubs affiliés et compte plus de 25 000 membres dans les régions de l'Est du Québec.

Les clubs des 50 ans et plus suscitent la participation à la vie sociale et communautaire tout en tissant des liens d'entraide et de partage afin de briser l'isolement des aînés. En plus de partager de l'information susceptible de répondre à leurs besoins d'autonomie, le Carrefour des 50 + consulte leurs membres sur les problématiques vécues par les aînés et défend les enjeux qui les concernent.

À cet effet, je veux féliciter particulièrement les organisateurs et organisatrices qui ont orchestré tout dernièrement le 37e congrès du carrefour 50 ans et plus et qui ont fait de cet événement un véritable succès. Ce congrès a été l'occasion de lancer une épinglette avec une nouvelle image identifiant l'organisme, le phare, qui se veut un outil démontrant l'appartenance et le lien rassembleur et dynamique qu'est chez nous le Carrefour 50 +.

Je salue les représentants qui sont ici, à l'Assemblée nationale. Votre organisme représente les personnes aînées depuis 45 ans et exerce un leadership essentiel tout en étant une ressource indispensable pour les gens du Bas-Saint-Laurent, de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine. Merci d'être là! Merci.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Oui. Merci beaucoup d'être là, ici, à l'Assemblée nationale.

Alors, ceci met un terme à la rubrique des déclarations de députés. Et je suspends les travaux quelques instants.

(Suspension de la séance à 9 h 51)

(Reprise à 10 h 1)

Le Président : Mesdames messieurs, nous allons nous recueillir quelques instants.

Présence de membres de la Chambre des députés de la République
d'Haïti et de son président, M. Cholzer Chancy, accompagnés
du consul général à Montréal, M. Justin Viard

Merci. J'ai le plaisir de vous présenter, dans nos tribunes, le président de la Chambre des députés de la République d'Haïti, M. Cholzer Chancy, accompagné de députés et du consul de la République d'Haïti à Montréal.

Présence du consul général de la République fédérale
d'Allemagne à
Montréal, M. Walter Leuchs

Et j'ai aussi le plaisir de souligner la présence du consul général de la République fédérale d'Allemagne à Montréal, M. Walter Leuchs, à l'occasion de sa visite d'adieu.

Alors, nous poursuivons les affaires courantes. Vous pouvez vous asseoir, M. le député de Rimouski.

Aujourd'hui, il n'y a pas de déclarations ministérielles ni présentation de projets de loi.

Dépôt de documents

À la rubrique Dépôt de documents, M. le leader du gouvernement.

Réponses à des pétitions

M. Fournier : Oui, M. le Président. Je dépose les réponses du gouvernement aux pétitions présentées par le député de Jonquière le 27 avril 2017 et le député de La Peltrie le 27 avril aussi.

Réponse à une question inscrite au feuilleton

Je dépose également la réponse du gouvernement à la question inscrite au feuilleton le 11 mai 2017 par le député de Granby.

Le Président : Alors, ces documents sont déposés.

Rapport de la Commission de la représentation électorale intitulé
Rapport des dépenses reliées à la délimitation des circonscriptions
électorales 
— Carte électorale 2017

Pour ma part, je dépose le rapport de la Commission de la représentation électorale du Québec intitulé Rapport des dépenses reliées à la délimitation des circonscriptions électorales — Carte électorale 2017.

Rapport annuel du Vérificateur général

Je dépose également le rapport du Vérificateur général à l'Assemblée nationale pour l'année 2017-2018, printemps 2017.

Dépôt de rapports de commissions

À la rubrique Dépôt de rapports de commissions, M. le président de la Commission des institutions et député de Chomedey.

Consultations particulières sur le projet de loi n° 138

M. Ouellette : Je dépose le rapport de la Commission des institutions qui, le 30 mai 2017, a tenu des auditions publiques dans le cadre de consultations particulières sur le projet de loi n° 138, Loi modifiant le Code de procédure pénale et la Loi sur les tribunaux judiciaires afin de favoriser l'accès à la justice et la réduction des délais en matière criminelle et pénale.

Le Président : Alors, ce rapport est déposé.

Dépôt de pétitions

À la rubrique Dépôt de pétitions, M. le député de Mercier.

Encadrer la pratique de l'ostéopathie et créer
un ordre professionnel
des ostéopathes

M. Khadir : Merci, M. le Président. Je voudrais, avant de déposer cette pétition, saluer la présence d'un groupe d'ostéopathes du Québec et de son président, Marc Gauthier, dans les tribunes avec nous.

Alors, je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale, signée par 18 430 pétitionnaires. Désignation : citoyens et citoyennes du Québec.

«Les faits invoqués sont les suivants :

«Considérant que l'ostéopathie n'est pas réglementée par le système professionnel québécois;

«Considérant que des actions entreprises par des ordres professionnels visant les activités d'un collège ayant formé la majorité des ostéopathes pratiquant au Québec créent un climat d'incertitude quant à la pratique de l'ostéopathie;

«Considérant que de telles actions n'auraient pas été possibles si l'ostéopathie était encadrée par un ordre professionnel;

«Considérant que l'Office des professions du Québec mène depuis 2014 des travaux en vue de concrétiser l'encadrement de la pratique de l'ostéopathie, travaux dont les conclusions sont ardemment attendues;

«Considérant qu'il se pratique quelque 2 millions de consultations ostéopathiques annuellement au Québec et qu'il s'agit d'une approche bénéfique pour la santé dans la mesure où celle-ci est pratiquée par des professionnels compétents;

«Considérant que la création d'un ordre professionnel des ostéopathes permettrait à la fois d'éviter le genre d'affrontement professionnel actuellement vécu, de standardiser la formation et de définir clairement les exigences liées à la pratique de l'ostéopathie afin de mieux protéger le public;

«Considérant que le présent climat d'incertitude suscite de l'inquiétude chez les ostéopathes ainsi que chez des milliers de Québécois qui bénéficient de leurs traitements;

«Et l'intervention réclamée se résume ainsi :

«Nous, soussignés, demandons au gouvernement du Québec de confirmer sans attendre son intention d'encadrer légalement la profession d'ostéopathe et de s'engager à ce qu'un ordre professionnel distinct pour les ostéopathes [du] Québec soit mis en place dans les plus brefs délais.»

M. le Président, je certifie que cet extrait est conforme à l'original de la pétition.

Le Président : Alors, l'extrait de cette pétition est déposé. Et je vous inviterais, M. le député de Mercier, de faire en sorte... parce qu'on vient de m'indiquer que votre tenue... Merci beaucoup, M. le député de Mercier.

Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques. Je vous reviendrai, M. le député de Mercier, une fois que vous aurez fini de faire en sorte de correspondre au règlement. Mme la députée de...

Augmenter le financement du Conseil des appellations
réservées et des termes valorisants

Mme Massé : Merci, M. le Président. Je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale signée par 510 pétitionnaires. Désignation : citoyens et citoyennes du Québec.

«Les faits invoqués sont les suivants :

«Considérant que, depuis sa création en 2006, le Conseil des appellations réservées et des termes valorisants a engendré des déficits six années sur neuf;

«Considérant que le sous-financement chronique au Conseil des appellations réservées — CARTV — et des termes valorisants a mené à la démission de sa présidente en février dernier;

«Considérant que la présidente démissionnaire du CARTV a déclaré que, selon le MAPAQ, "la Loi sur les appellations ne devait pas être coercitive";

«Considérant que le CARTV est un organisme gouvernemental chargé de l'application de la Loi sur les appellations réservées et les termes valorisants et que son financement par l'État dépasse à peine 50 % [des besoins];

«Considérant que le financement gouvernemental annuel de 500 000 $ au CARTV est stable depuis 2009;

«Considérant [...] les tendances de consommation biologique sont en forte hausse et l'affichage utilisant le terme biologique chez les détaillants en alimentation est de plus en plus courant;

«Considérant que cet affichage n'est pas toujours uniquement associé à des produits certifiés biologiques et [que] le CARTV ne dispose que d'un seul inspecteur pour [l'ensemble du] Québec;

«Considérant que l'ensemble des faits exposés diminuent la confiance des consommateurs envers le label bio et nuisent aux efforts des milliers de producteurs [et productrices bios] d'ici qui travaillent d'arrache-pied pour produire des aliments de qualité, dans le respect de l'environnement;

«Et l'intervention réclamée se résume ainsi :

«Nous, soussignés, demandons au gouvernement du Québec d'ajouter 800 000 $ au budget annuel du CARTV afin qu'il puisse exercer pleinement sa mission et faire respecter la loi.»

Je certifie que cet extrait est conforme à l'original de la pétition.

• (10 h 10) •

Le Président : Alors, l'extrait de cette pétition est déposé. Je vais réinviter M. le député de Mercier à déposer sa pétition, mais j'aimerais qu'on l'entende mieux. Merci.

Établir un accord de collaboration non partisane entre les partis
représentés à l'Assemblée afin de favoriser un consensus
du vivre-ensemble dans la dignité

M. Khadir : Merci, M. le Président. Je remarque également que votre tolérance a permis de montrer que les colonnes du temple restent solides, malgré une mince dérogation aux exigences réglementaires.

Alors, je dépose, M. le Président, l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale, signée par 117 pétitionnaires. Désignation : citoyens et citoyennes du Québec.

«Les faits invoqués sont les suivants :

«Considérant que l'avenir de notre nation suscite des préoccupations et que tous les élus de l'Assemblée nationale doivent se comporter, dans le dossier de la laïcité et du vivre-ensemble, en gardiens du bien commun;

«Considérant qu'au lendemain de la fusillade du 29 janvier [2007] un puissant vent de solidarité envers les familles [de] victimes et des citoyens musulmans a soufflé sur le Québec et que des milliers de Québécoises et de Québécois ont participé aux vigiles, en hommage aux victimes pour montrer leur attachement à la construction d'une société accueillante, pacifique et ouverte;

«Considérant que les partis de l'opposition ont fait l'effort d'avancer vers un consensus autour des recommandations Bouchard-Taylor, exprimant leur disposition à clore des années de débats et de déchirures qui ont secoué le Québec sur les questions de la laïcité et du vivre-ensemble;

«Considérant que les travaux de la Commission spéciale sur la question de mourir dans la dignité s'étaient déroulés de manière non partisane et dans le respect des convictions de chacun, et que l'effort des partis doit se poursuivre dans le même esprit que cette commission;

«Considérant que la paix sociale est nécessaire pour que notre société puisse relever les défis de la justice sociale, de la solidarité et mettre fin aux discriminations;

«L'intervention réclamée se résume ainsi :

«Nous, soussignés, demandons au gouvernement et à l'Assemblée nationale du Québec qu'un accord de collaboration non partisane favorisant un consensus du "vivre-ensemble dans la dignité" intervienne entre les partis représentés à l'Assemblée nationale.»

M. le Président, l'extrait de cette pétition est conforme à l'original.

Le Président : Alors, l'extrait de cette pétition est déposé. Je vous remercie, M. le député de Mercier, d'avoir signalé que je dois faire en sorte d'être le gardien du règlement et faire en sorte de m'assurer, au nom de tous les membres, que tout le monde l'observe.

Alors, il n'y a pas de réponses orales aux pétitions ni d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège.

Je vous avise qu'après la période des questions et réponses orales sera tenu le vote reporté sur la motion de M. le ministre du Développement durable, de l'Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques proposant que le principe du projet de loi n° 132, Loi concernant la conservation des milieux humides et hydriques, soit adopté.

Questions et réponses orales

Nous en sommes maintenant à la période de questions et de réponses orales, et je cède la parole à M. le chef de l'opposition officielle.

Entretiens entre le premier ministre et M. Marc-Yvan Côté

M. Jean-François Lisée

M. Lisée : M. le Président, j'aurais aimé commencer aujourd'hui la période des questions en parlant de l'impact des décisions budgétaires de ce gouvernement sur nos enfants, sur la protection de la jeunesse, sur l'aide alimentaire. J'aurais aimé parler de d'autres sujets, de cette austérité permanente, mais la parole du premier ministre a été mise en cause ce matin, la parole du chef de gouvernement.

Il y a deux mois jour pour jour, se présentant à un point de presse pour lequel il s'était préparé soigneusement, le premier ministre a eu la question suivante : Quand vous n'étiez plus en politique, avez-vous eu des rapports avec Marc-Yvan Côté? Le premier ministre a répondu : Je me souviens peut-être de l'avoir croisé une fois, mais c'est tout, aucun autre rapport pendant qu'il n'était plus en politique.

Ce matin, on apprend que non seulement il avait eu des rapports, mais qu'au moment où Marc-Yvan Côté était l'objet d'accusation nouvelle de fraude la réaction du premier ministre n'était pas de dire que c'était scandaleux et qu'il ne voulait plus jamais avoir affaire à lui. Sa réaction, ça a été de lui dire : Je suis ton ami et, si tu as le goût d'en parler, appelle-moi, et si tu veux venir au lac relaxer, la porte est ouverte. Le premier ministre a les amis qu'il veut...

Le Président : M. le premier ministre.

M. Philippe Couillard

M. Couillard : M. le Président, je vais commencer brièvement, avant d'en venir au corps de la question de mon collègue qui a parlé des budgets en éducation, pour rappeler à la population que le fait d'avoir des marges de manoeuvre nous permet maintenant, avec des injections significatives de fonds dans notre réseau d'éducation, d'engager plus de 1 500 personnes de plus pour s'occuper de nos enfants dans les écoles. Ce n'est pas anodin. Ce n'est pas anodin, M. le Président, et 1 500 personnes de plus, ça va paraître dans chaque école.

Maintenant, quant à la question, je vais répondre très, très clairement. Je n'ai pas rencontré M. Côté à d'autres occasions que celles que j'ai mentionnées. Est-ce qu'on parlait de rapport ou de rencontre? Dans mon esprit, c'était de rencontre dont on parlait, et il n'y a pas eu d'autre rencontre que celle à laquelle j'ai fait allusion et celle dont j'ai parlé ici il y a quelques semaines, où j'ai demandé à M. Côté de ne pas se mêler de la campagne au leadership que je faisais. D'ailleurs, tout le monde qui a participé à cette campagne pourra vous confirmer que ça a été le cas.

Maintenant, effectivement, comme je connaissais M. Côté, je n'ai jamais fait d'ailleurs mystère que je le connaissais, et que je voyais la situation dans laquelle il était, c'est un message à caractère humain que j'ai envoyé, de tendre la main à quelqu'un qui, probablement, se sentait inquiet, et sa famille également. Je pense que tout être humain qui se respecte aurait probablement fait quelque chose du genre comme ça.

Maintenant, je vais dire également que, suite à ces messages qu'on voit dans le journal ce matin, il n'y a pas eu de rencontre. Il n'a pas relevé cette invitation, il n'est pas venu me rencontrer. Et par la suite on s'est vus lorsque je lui ai demandé de ne pas se mêler de ma campagne au leadership, et, je répète, M. Côté ne s'est pas mêlé de ma campagne au leadership.

Le Président : Première complémentaire, M. le chef de l'opposition.

M. Jean-François Lisée

M. Lisée : Le premier ministre est responsable de ses amitiés : Arthur Porter, Hans Black, son bénévole William Bartlett, Marc-Yvan Côté. Ce qu'il doit au Québec, c'est la vérité. Et, lorsque le journaliste lui a demandé s'il avait eu des rapports, c'était pour savoir s'il était en contact avec lui d'une façon ou d'une autre. Et la bonne réponse, c'était dire : Oui, c'est tellement mon ami que je lui ai offert de venir à mon chalet.

Pourquoi ne l'a-t-il pas dit?

Le Président : M. le premier ministre.

M. Philippe Couillard

M. Couillard : M. le Président, je pense qu'il y a de l'exagération, en tout respect, dans les propos de mon collègue. Effectivement, je n'ai pas rencontré M. Côté. Pour moi, la question signifiait : Avez-vous rencontré M. Côté, avez-vous conversé avec lui?

Je vais répéter que ce qu'on voit dans le journal ce matin... Je suis quand même, quelque part, comme être humain, rassuré de voir qu'on peut éviter de déshumaniser les gens qui sont dans des situations semblables. J'ai tendu la main, ce que je crois qu'il fallait faire comme personne, comme être humain, à un autre être humain. Il n'y a pas eu de suite à ça.

Je répète que la prochaine rencontre a eu lieu au début de ma campagne au leadership, lorsque je lui ai demandé, à M. Côté, de ne pas s'en mêler, ce qu'il a fait, et il n'y a aucun contact, bien sûr, avec M. Côté.

Le Président : Deuxième complémentaire, M. le chef de l'opposition.

M. Jean-François Lisée

M. Lisée : Face aux Québécois, aujourd'hui, qui sont troublés par les contradictions dans les réponses du premier ministre, il a un autre choix. Il a le choix de dire qu'il s'excuse de n'avoir pas fait état de ce rapport lorsque la question lui a été demandée. Il a le choix de dire aux Québécois qu'il a manqué de jugement lorsqu'il ne leur a pas dit : Entre autres choses, je l'ai appelé, je l'ai invité à ma résidence.

Est-ce qu'il peut avoir le cran de s'excuser d'avoir finassé avec la vérité?

Des voix : ...

Le Président : S'il vous plaît! Monsieur...

Des voix : ...

Le Président : Laissez-moi finir. M. le chef de l'opposition, je vous invite à la prudence dans vos propos. M. le premier ministre.

M. Philippe Couillard

M. Couillard : Bien, je vais laisser, M. le Président, la population juger de cet échange, mais je vais répéter que c'est la vérité que je dis et que j'ai dite, et qu'il n'y a rien là-dedans qui est nouveau ce matin. Je n'ai pas rencontré M. Côté, je ne l'ai pas fréquenté assidûment non plus. Lorsqu'il était dans cette situation qui est décrite ce matin, j'ai envoyé un signal en offrant de l'aide psychologique, particulièrement, si c'était nécessaire. Il n'a pas relevé la suggestion, la rencontre n'a pas eu lieu, et par la suite on s'est revus une fois, lorsque je lui ai demandé de ne pas s'impliquer dans ma campagne à la direction. C'est tout. Il n'y a rien de plus que ça. Il n'y a pas d'élément nouveau là-dedans, outre des choses déjà bien connues. Je n'ai jamais caché le fait que je connaissais M. Côté.

Le Président : Principale, M. le député de Saint-Jean.

Augmentation des cas de maltraitance chez les jeunes

M. Dave Turcotte

M. Turcotte : M. le Président, la hausse des cas de maltraitance chez les jeunes décrite aujourd'hui dans La Presse est confirmée par les chiffres du ministère. En 2016-2017, il y a eu 34 400 signalements retenus par la DPJ, soit 94 par jour, une augmentation de 5,6 % en un an.

Pendant ce temps, le nombre de dossiers de la protection de la jeunesse par intervenant a augmenté de 27 % en un an. M. le Président, plus de dossiers par intervenant, cela signifie moins de temps pour chaque jeune vulnérable.

Tout le monde connaît le parti pris du gouvernement pour les médecins. Maintenant, est-ce qu'on peut connaître le parti pris du gouvernement pour aider nos jeunes vulnérables? Et, à ce sujet, M. le Président, je dépose les chiffres qui confirment nos affirmations.

Document déposé

Le Président : Est-ce que j'ai un consentement pour le dépôt du document?

Des voix : Consentement.

Le Président : Consentement. Mme la ministre déléguée à la Réadaptation.

Mme Lucie Charlebois

Mme Charlebois : Alors, merci, M. le Président. Effectivement, c'est une question qui est préoccupante, parce que l'avenir de nos enfants, certainement, pour l'ensemble des parlementaires, et le développement de nos enfants à travers tout le Québec, est une question qui nous préoccupe tous, et tout cas de violence ou de maltraitance est inacceptable chez les enfants, M. le Président.

Il est clair que, l'Observatoire des tout-petits, dont la fondation Chagnon préside, on tient compte de leurs propos. D'ailleurs, mon collègue le ministre de la Famille travaille avec cette fondation et cet observatoire justement pour faire en sorte que nous ayons des mesures qui sont appropriées.

Vous vous souviendrez certainement, M. le Président... puis je pensais que c'était là-dessus que le député voudrait aller pour parler de ce que l'observatoire a relaté, notamment la maltraitance ou en tout cas tout ce qui touche la maltraitance chez les enfants de moins de cinq ans, parce que c'est de ça qu'il était beaucoup question dans les médias ce matin, et je veux vous dire que nous avons présenté une politique gouvernementale de prévention en santé. Gouvernementale, pourquoi? Parce que ça interpelle plusieurs ministères. Et vous savez quoi? La bonne nouvelle, c'est que nous aurons un plan d'action cette année, où seront inclus des gestes.

Le Président : En terminant.

Mme Charlebois : Je pourrai compléter à la complémentaire, M. le Président.

Le Président : Première complémentaire, M. le député de Saint-Jean.

M. Dave Turcotte

M. Turcotte : Pendant ce temps, M. le Président, dans les Laurentides, le nombre d'enfants maltraités par intervenant a augmenté de 127 % uniquement cette année; au Saguenay—Lac-Saint-Jean, 56 %; sur la Côte-Nord, une hausse de 42 % de dossiers de la protection de la jeunesse par intervenant. Ce ne sont pas mes chiffres, c'est les chiffres que nous avons déposés.

Pourquoi la ministre a abandonné ces jeunes vulnérables?

• (10 h 20) •

Le Président : Mme la ministre déléguée à la Réadaptation.

Mme Lucie Charlebois

Mme Charlebois : M. le Président, c'est bien mal me connaître, pour faire une affirmation comme il vient d'être fait. Moi qui ai huit petits-enfants, ce n'est certainement pas dans ma personnalité de laisser tomber les enfants.

Ceci étant dit, M. le Président, je viens de terminer ma première question... ma première réponse à la question en disant que, les médias, ce qu'ils nous parlent, c'est des signalements d'enfants de moins de cinq ans qui ne sont pas mis à l'avant-plan parce qu'on n'arrive pas à les rejoindre. Ce que je vous dis, c'est que nous préparons un plan d'action qui est en suite à la Politique gouvernementale de prévention en santé pour arriver à rejoindre justement ces enfants de moins de cinq ans qui ne sont pas signalés. C'est de ça dont il était question dans les médias et c'est ça qui me préoccupe beaucoup...

Le Président : En terminant.

Mme Charlebois : ...mais l'ensemble du bien-être des enfants au Québec, M. le Président.

Le Président : Deuxième complémentaire, M. le député de Saint-Jean.

M. Dave Turcotte

M. Turcotte : Moi, je suis sur la question que je pose actuellement, et, dans Lanaudière, l'augmentation est de 68 % uniquement cette année; Mauricie—Centre-du-Québec, 30 %. Ce que nous avons devant nous, c'est un gouvernement qui a coupé, c'est l'austérité libérale, on voit les conséquences maintenant.

À quand une action de la part de la ministre pour régler ces cas pour les enfants vulnérables?

Le Président : Mme la ministre déléguée à la Réadaptation.

Mme Lucie Charlebois

Mme Charlebois : Bon, M. le Président, je ne referai pas un cours de mathématiques 101. Non seulement nous n'avons pas réduit les budgets, mais nous avons contrôlé la croissance des dépenses. Ça, ça veut dire qu'on continue d'investir mais en contrôlant la croissance de la pente.

Ceci étant dit, le député a dû manquer l'annonce de 12 millions que nous avons faite en protection de la jeunesse justement pour investir dans les services de proximité et les services spécialisés. Ça, ça veut dire quoi, pour le député, M. le Président? Première ligne, deuxième ligne. On investit pourquoi? Justement pour faire un meilleur service de protection de la jeunesse. Et c'est drôle, quand j'ai fait l'annonce, s'il avait été présent, il aurait pu voir que l'ensemble des intervenants et des P.D.G...

Le Président : En terminant.

Mme Charlebois : ...de centres intégrés de santé et services sociaux étaient grandement satisfaits.

Le Président : M. le chef du deuxième groupe d'opposition, en principale.

Disposition de dérogation pour se soustraire aux arrêts des procédures

M. François Legault

M. Legault : M. le Président, le système de justice, au Québec, est actuellement dans une crise sans précédent. Il y a des accusés d'allégations criminelles qui sont actuellement libérés sans subir leurs procès. Et le premier ministre ne peut pas dire que c'est la faute de quelqu'un d'autre, là, ça fait 15 ans que les libéraux sont au pouvoir. Le gouvernement libéral nous a dit dernièrement, là, qu'il a enfin compris le problème. Enfin, il va ajouter des ressources. Sauf qu'entre-temps il y a des accusés qui continuent d'être libérés puis il y a actuellement 900 requêtes sur la table. 900.

M. le Président, la CAQ a fait ses devoirs, mon collègue a déposé un projet de loi responsable pour utiliser la clause dérogatoire pour suspendre pendant un an les effets de l'arrêt Jordan.

Est-ce que le premier ministre peut enfin agir pour éviter une crise de confiance à l'égard du système juridique au Québec? Est-ce qu'il peut s'élever puis adopter le projet de loi de la CAQ, le projet de loi n° 890?

Le Président : M. le premier ministre.

M. Philippe Couillard

M. Couillard : M. le Président, merci pour la question. Puis tous les Québécois, moi y compris, le chef de la deuxième opposition, le chef de l'opposition officielle, les députés indépendants, personne n'aime, n'accepte de voir des accusés de crimes graves être libérés pour des raisons de délai. Je pense que là-dessus on est tous d'accord. Il ne faut quand même pas minimiser les gestes qui ont été posés, les ajouts de ressources, dont on commence d'ailleurs à voir les résultats sur le terrain.

Maintenant, le problème avec la proposition de la CAQ... Elle est légitime, sa proposition, mais il y a un problème fondamental, je voudrais que le collègue m'écoute bien pour qu'on puisse avoir un débat là-dessus. C'est que, si on adoptait aujourd'hui cette clause, elle n'aurait aucun effet rétroactif sur les 900 ou 800 cas en attente. Impossible. Ça ne peut pas être rétroactif. Et, quant aux nouveaux cas, chacun d'entre eux ferait l'objet d'une requête pour contester l'application de la suspension des droits sur le cas particulier. Donc, on n'aurait pas réglé du tout le passé et plongé l'avenir dans l'engorgement.

Alors, c'est la raison pour laquelle, M. le Président, cette proposition, malgré son attrait — je comprends que les gens peuvent la trouver intéressante — c'est une fausse bonne idée.

Le Président : Première complémentaire, M. le chef du deuxième groupe d'opposition.

M. François Legault

M. Legault : M. le Président, il y a des criminels qui sont en train d'être libérés. Il y a des familles de victimes qui regardent ça, là, puis qui sont inconsolables. Le premier ministre est pas mal plus pressé pour aller consoler son ami de l'ombre que de consoler ces victimes.

M. le Président, quand le premier ministre va-t-il enfin agir?

Le Président : M. le premier ministre.

M. Philippe Couillard

M. Couillard : M. le Président, je sais que le collègue a écouté ma réponse. Je vais lui rappeler ce que j'ai dit. Les cas dont ils parlent ne seraient en aucun cas affectés par l'application de la suggestion de la CAQ. Ce n'est pas juste improbable, c'est impossible. L'application d'une clause dérogatoire n'a pas, ne peut avoir d'effet rétroactif. Alors, on peut penser que ce serait le cas, mais ce n'est pas le cas factuellement. Donc, on ne réglerait rien du passé, des causes en suspens, et, pour les nouveaux cas, chacun d'entre eux, chacun d'entre eux ferait l'objet d'une contestation supplémentaire.

Alors, d'un côté, on ne règle rien du passé puis, de l'autre côté, on augmente l'engorgement du système judiciaire pour l'avenir. C'est pour ça que la suggestion, même si elle est intéressante à première vue, ne résiste pas à l'analyse. Il faut plutôt continuer d'ajouter des ressources, continuer à insister auprès du gouvernement fédéral...

Le Président : En terminant.

M. Couillard : ...que tous les juges manquants de la Cour supérieure soient nommés.

Le Président : Deuxième complémentaire, M. le chef du deuxième groupe d'opposition.

M. François Legault

M. Legault : M. le Président, le premier ministre sait très bien que, si la prescription n'est pas acquise, le projet de la CAQ s'applique. C'est sa responsabilité, c'est une lourde responsabilité, mais il est premier ministre du Québec. C'est son devoir d'agir. Ce n'est pas une solution idéale qu'on propose, mais c'est mieux que de ne rien faire.

Donc, quand le premier ministre va-t-il enfin agir?

Des voix : ...

Le Président : S'il vous plaît! S'il vous plaît! M. le premier ministre.

M. Philippe Couillard

M. Couillard : M. le Président, le problème n'est pas que la solution proposée ne soit pas idéale. On a souvent à prendre des décisions qui ne sont pas idéales dans ce Parlement pour des enjeux de société plus ou moins complexes. Donc, ce n'est pas nouveau. Ce n'est pas ça, l'enjeu. C'est que ça ne réglera rien. Le collègue dit... bien, il dit : Ce n'est pas vrai. Bien, qu'il consulte des juristes, qu'il écoute la Procureur général du Québec et il va se faire confirmer la chose encore, et encore, et encore.

Alors, je lui suggère de faire un nouvel examen de la question et de plutôt s'allier avec nous, entre autres pour demander que le gouvernement fédéral nomme toute la brochette de juges, à la Cour supérieure, qui est demandée. Pas juste quatre, tous les postes de juge, parce que nous, on a déjà financé les ressources, le personnel de soutien, les salles d'audience pour que ces juges, s'ils étaient nommés aujourd'hui...

Le Président : En terminant.

M. Couillard : ...puissent travailler.

Le Président : Principale, M. le député de La Peltrie.

Nature des relations entre le premier ministre et M. Marc-Yvan Côté

M. Éric Caire

M. Caire : Merci, M. le Président. Le juge Gomery a écrit de Marc-Yvan Côté qu'il avait déshonoré le Parti libéral. En conséquence, Paul Martin et Jean Lapierre l'ont banni à vie en 2005. En 2012, il récidive, éclaboussé par un scandale de financement illégal. À ce moment-là, le premier ministre est à quelques semaines d'annoncer sa candidature au leadership du Parti libéral. Que fait-il? Il lui envoie un courriel sympathique, humanitaire dans lequel il dit : «...si tu as le goût d'en parler avec un ami et de brainstormer, ne te gêne pas.»

De quoi le futur chef du Parti libéral pouvait bien avoir envie de brainstormer avec le déshonorant récidiviste Marc-Yvan Côté?

Des voix : ...

Le Président : S'il vous plaît! M. le premier ministre.

M. Philippe Couillard

M. Couillard : Je vais prendre la première question, parce que je trouve ça important de répéter ce que j'ai dit tantôt. Puis j'assume entièrement ce que j'ai dit et ce que je vais répéter. À l'époque de cet échange, pour les raisons exactes qu'il a mentionnées, c'est un geste qui est fait d'un être humain à un autre dans une circonstance particulière.

Des voix : ...

M. Couillard : Oui. Puis je vois que les gens rigolent. Moi...

Des voix : ...

Le Président : S'il vous plaît! S'il vous plaît!

Une voix : ...

Le Président : M. le député de Sanguinet! M. le député de Sanguinet, ça va? M. le premier ministre, à vous la parole.

M. Couillard : Ne jamais perdre cette capacité... ne pas perdre de vue l'être humain au milieu de ces situations-là.

Maintenant, à l'époque où ça s'est fait, je n'avais même pas idée que je reviendrais en politique. Je n'étais pas en politique. J'étais un citoyen privé comme ceux qui nous écoutent et celles qui nous écoutent. Rien à voir avec la politique.

Cependant, au moment où la décision devait être prise, au moment où j'ai annoncé ma candidature, j'ai clairement indiqué à M. Côté que je ne voulais pas qu'il s'implique dans la campagne de mon leadership, ce qu'il a fait, ce qu'il a respecté. Et il y a bien des gens qui peuvent le confirmer, M. le Président.

Le Président : Première complémentaire, M. le député de La Peltrie.

M. Éric Caire

M. Caire : M. le Président, on parle d'avril 2012. Le premier ministre était à quelques semaines d'annoncer sa candidature au leadership. D'après moi, la décision était pas mal prise.

Des voix : ...

Le Président : S'il vous plaît!

M. Caire : Et là, M. le Président...

Des voix : ...

Le Président : Bon! S'il vous plaît!

Des voix : ...

Le Président : Est-ce que vous avez l'intention de perdre encore beaucoup de temps? M. le député de La Peltrie, c'est à vous la parole.

M. Caire : M. le Président, je répète : «...si tu as le goût d'en parler avec un ami — pas une vague connaissance humanitaire, un ami — et de brainstormer...»

Je répète ma question. Elle est bien, bien simple : De quoi le futur chef du Parti libéral pouvait bien avoir envie de brainstormer avec le déshonorant récidiviste Marc-Yvan Côté?

• (10 h 30) •

Le Président : M. le leader du gouvernement.

M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier : D'une part, le règlement nous rappelle — et c'est ma réponse — le règlement nous rappelle de prendre les réponses et de ne pas mettre en doute la vérité qu'elles contiennent.

Ceci étant, notre collègue, dans son début de question, montre bien l'idée qu'il y a derrière cette question-là. Il essaie de faire un lien, M. le Président, avec une campagne. On est en train de parler du mois d'avril. Il dit «quelques semaines», c'était en octobre. L'élection n'est pas arrivée encore, le gouvernement libéral est au pouvoir, il exerce. Il y a évidemment, on se souvient, une crise, il y a même des carrés rouges, il y a même le Parti québécois qui est déjà en convergence à ce moment-là. On est à cette époque-là, M. le Président, et il n'y a absolument rien de prévu. D'ailleurs, je sais bien que les oppositions de l'époque...

Le Président : En terminant.

M. Fournier : ...pensaient que nous aurions perdu, mais on a eu 50 députés, ce n'était quand même pas si mal, M. le Président.

Le Président : Principale ou complémentaire? Complémentaire, M. le chef du deuxième groupe.

M. François Legault

M. Legault : M. le Président, Marc-Yvan Côté a été banni à vie du Parti libéral du Canada. On choisit, dans la vie, ses amis. Le premier ministre, après ça, l'a invité à la maison, au lac.

Est-ce qu'il ne peut pas au moins admettre qu'il a manqué de jugement?

Le Président : M. le premier ministre.

M. Philippe Couillard

M. Couillard : Je vais répéter la même chose, M. le Président, la même chose que j'ai dite. D'abord, je n'ai jamais caché le fait que je connaissais M. Côté. Il ne peut pas me reprocher ça, j'ai toujours été très, très ouvert sur cette question-là.

Maintenant, M. le Président, dans cette situation, dans la situation qu'il vivait, comme je le connaissais, j'ai trouvé que c'était correct de ma part, comme citoyen privé, pas politicien, aucune fonction publique... Moi, je traite les gens de cette façon-là, je ne mets pas les gens à la poubelle. Je ne mets pas les gens à la poubelle, je ne les renie pas, je leur donne un droit de parole et je veux les écouter. Maintenant, j'ai offert ça à M. Côté, je lui ai offert : Écoute, viens me voir, on va en parler, de comment tu vis ça, qu'est-ce que tu vois là-dedans. Il n'est pas venu. Il n'est pas venu, il ne s'est pas déplacé...

Le Président : En terminant.

M. Couillard : ...et je n'ai pas jugé bon de continuer la démarche.

Le Président : Principale, Mme la députée de Saint-Hyacinthe.

Gestion des trop-perçus d'Hydro-Québec

Mme Chantal Soucy

Mme Soucy : M. le Président, il y a quelques jours, la Régie de l'énergie a confirmé qu'Hydro-Québec a enregistré un trop-perçu en 2016 de 36 millions de dollars. Cette somme s'ajoute aux 1,4 milliard de dollars pigés dans les poches des consommateurs québécois au cours des dernières années. Encore une fois, le gouvernement libéral a utilisé Hydro-Québec pour percevoir une taxe déguisée.

Est-ce que le gouvernement va rembourser les 36 millions aux clients d'Hydro-Québec?

Le Président : M. le ministre des Ressources naturelles.

M. Pierre Arcand

M. Arcand : M. le Président, ce n'est pas la première fois que je réponds à cette question, alors je vais, encore une fois, rappeler les faits. Depuis l'année 2008, au moment où nous avions eu une crise sur le plan mondial sur le plan économique, le gouvernement avait décidé, évidemment, que ce qu'on appelle les trop-perçus allaient retourner, évidemment, dans le budget gouvernemental afin d'assurer l'équilibre budgétaire. Et ce qu'on a dit avec toute la transparence possible, M. le Président, c'est que, lorsque nous aurions atteint l'équilibre budgétaire, nous allions retourner ces trop-perçus aux consommateurs dans l'évaluation qui sera faite, évidemment, par la Régie de l'énergie dans les futurs tarifs.

Alors, encore une fois, M. le Président, la question, elle est bien simple, nous avons, en 2017, atteint l'équilibre budgétaire, nous constatons avoir atteint cet équilibre budgétaire, et il y a donc un remboursement des trop-perçus qui va se faire sous forme, évidemment, d'analyse de la Régie de l'énergie, et ça va se refléter dans les tarifs futurs d'Hydro-Québec, M. le Président.

Le Président : Première complémentaire, Mme la députée de Saint-Hyacinthe.

Mme Chantal Soucy

Mme Soucy : M. le Président, le ministre essaie de faire accroire aux clients d'Hydro-Québec que le chèque est dans la poste, mais ce n'est pas le cas. En réalité, c'est que le gouvernement libéral va conserver les 36 millions de dollars qui appartiennent aux clients d'Hydro-Québec. Quand le gouvernement va-t-il rembourser l'argent qui ne lui appartient pas?

Le Président : M. le ministre des Ressources naturelles.

M. Pierre Arcand

M. Arcand : M. le Président, vous savez, quand on dit que ces trop-perçus-là doivent retourner aux consommateurs, il y a bien des façons de le faire. Alors, la façon que le gouvernement a choisie, c'est, lorsqu'il va y avoir une évaluation qui sera faite par la Régie de l'énergie du dossier tarifaire, la régie va tenir compte, évidemment, du trop-perçu d'une certaine année. Il y a des années où les trop-perçus, ça n'existe pas, Hydro-Québec est en déficit. Il y a d'autres années où il y a des trop-perçus. Dans le cas des trop-perçus, on a dit : Ça va retourner dans l'évaluation du dossier tarifaire, et, à ce moment-là, les consommateurs, évidemment, vont en bénéficier, M. le Président.

Le Président : Deuxième complémentaire, Mme la députée de Saint-Hyacinthe.

Mme Chantal Soucy

Mme Soucy : M. le Président, ça fait huit ans que le gouvernement utilise Hydro-Québec comme percepteur d'impôt. Les clients devront attendre près de deux ans avant de toucher à un sou de ce qui leur appartient, c'est maintenant qu'ils en ont besoin, M. le Président. Pourquoi ne pas devancer le partage des trop-perçus?

Le Président : M. le ministre des Ressources naturelles.

M. Pierre Arcand

M. Arcand : M. le Président, sur ces questions-là, j'ai de la misère à suivre la Coalition avenir Québec, M. le Président. Je regardais une des campagnes électorales où le chef de la Coalition avenir Québec — et je cite l'article — il disait : «[Les] gains d'efficacité — au niveau d'Hydro-Québec — ne rimeront pas avec [des] baisses de tarifs.» Alors, la Coalition avenir Québec était même prête à changer la Loi de la Régie de l'énergie pour ne pas avoir à investir l'argent économisé au sein de la société d'État dans des baisses de tarifs. C'était un article lors d'une campagne électorale, M. le Président.

Alors, nous, ce qu'on fait, c'est qu'on a dit essentiellement, M. le Président...

Le Président : En terminant.

M. Arcand : ...budget atteint, il y aura, à ce moment-là, une...

Le Président : Principale, M. le député de Lac-Saint-Jean.

Financement de l'aide alimentaire dans les écoles

M. Alexandre Cloutier

M. Cloutier : M. le Président, à chaque jour, il y a des milliers de jeunes au Québec qui n'ont pas la chance de manger trois repas par jour et qui arrivent à l'école le ventre vide. Alors, pour régler le problème, comme société, on s'est dotés d'un programme d'aide alimentaire. Mais le problème, M. le Président, c'est que le gouvernement a décidé de revoir les règles de financement, de sorte qu'à la commission scolaire des Samares, dans Lanaudière, le budget est passé, en trois ans, de 190 000 $ à 7 000 $. Pour vous donner un exemple concret, à l'école Bermont de Saint-Gabriel-de-Brandon, il y a 220 élèves. Sur les 220 élèves, il y en a environ la moitié qui, à chaque matin, se présentent pour avoir accès à de l'aide alimentaire. À partir de septembre prochain, M. le Président, zéro, aucun des élèves, absence du programme.

Alors, M. le Président, comment le ministre de l'Éducation peut-il défendre de telles mesures et de telles réductions dans l'aide alimentaire?

Le Président : M. le ministre de l'Éducation.

M. Sébastien Proulx

M. Proulx : Merci, M. le Président. Alors, je veux remercier le collègue pour sa question puis lui indiquer, l'informer que, d'abord, l'enveloppe qui concerne l'aide alimentaire, d'abord, n'a jamais été réduite, elle est maintenue et indexée, premièrement. Deuxièmement, M. le Président, elle concerne nos écoles les plus défavorisées. Et ça, ça n'a pas changé. Si les règles ont changé dans les dernières années, c'était pour corriger des inégalités, en ce sens que, dans certains milieux, M. le Président, il y avait des écoles favorisées qui recevaient de l'aide alimentaire, alors qu'il faut la concentrer vers les milieux défavorisés. Ça, c'est la première chose.

La deuxième, M. le Président, c'est que cette mesure-là, elle est protégée, elle ne peut pas être utilisée à autre chose. Ça, c'est une bataille que j'ai faite de façon à ce qu'on puisse soutenir adéquatement nos écoles qui sont en milieu de défavorisation 9 et 10. Le collègue va comprendre très bien ce que ça veut dire, ça représente 20 % des écoles du Québec, M. le Président. Alors, dans le contexte actuel, il y a, oui, des sommes qui seront dirigées vers d'autres écoles, mais les plus défavorisées d'entre elles, M. le Président, seront soutenues au quotidien. Les commissions scolaires n'ont pas la possibilité de transférer ces sommes-là...

Le Président : En terminant.

M. Proulx : ...vers d'autres écoles, mais elles ont d'autres mesures transférables pour soutenir adéquatement leurs...

Le Président : Première complémentaire, M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Alexandre Cloutier

M. Cloutier : Vous irez dire ça aux élèves, là, qui avaient accès au service d'aide alimentaire et qui, soudainement, n'y ont plus accès. Êtes-vous en train de dire que, pour toute la région de l'Outaouais, à partir de 2017-2018, à partir de septembre prochain, pour toute la région de l'Outaouais, zéro, M. le Président? Êtes-vous en train de dire qu'en Outaouais il n'y a pas un jeune qui se présente le ventre vide à l'école? Même chose pour la commission scolaire de Rivière-du-Nord puis budget coupé de 85 % pour la Gaspésie, M. le Président.

Comment le ministre, qui nage dans les surplus budgétaires, peut-il justifier une telle mesure?

Des voix : ...

Le Président : S'il vous plaît! M. le ministre de l'Éducation.

M. Sébastien Proulx

M. Proulx : M. le Président, les règles budgétaires pour 2017-2018 ont été rendues publiques aux commissions scolaires et à l'ensemble de la population hier, en fin de journée. Alors, ce matin, d'avoir déjà des simulations pour chacune des écoles, M. le Président, c'est pour le moins surprenant. Vous aurez compris que certains, effectivement, font des représentations pour en avoir davantage.

Ce que je veux dire à la population du Québec puis ce que je vais répondre et répéter au collègue, c'est que les sommes, elles sont toujours au rendez-vous, elles sont là, protégées, et elles ne peuvent pas être utilisées à autre chose.

Ce que je veux répéter également, au Québec, c'est que 20 % des écoles, M. le Président, qui sont en situation de défavorisation 9 et 10 vont continuer...

Le Président : En terminant.

M. Proulx : ...à chaque jour de recevoir les mesures. Et ce que je vais répéter en plus, M. le Président...

Le Président : Complémentaire? Deuxième complémentaire, M. le député de Berthier.

M. André Villeneuve

M. Villeneuve : M. le Président, le gouvernement s'est payé à grands frais, avec l'argent des contribuables, des publicités pendant les séries éliminatoires, il verse 800 millions cette année pour rehausser le salaire des médecins, et, dans Lanaudière, c'est quatre écoles secondaires, c'est des centaines de jeunes qui vont se rendre à l'école le ventre vide.

M. le ministre, si vous avez quelque chose dans le ventre...

• (10 h 40) •

Des voix : ...

M. Villeneuve : Vous trouvez ça drôle, hein? Bien, on ne trouve pas ça drôle du tout chez nous. Si vous avez quelque chose dans le...

Des voix : ...

Le Président : S'il vous plaît! S'il vous plaît! M. le député de Berthier, je vous demande de faire attention à vos propos, je vous demande de faire attention à vos propos. Vous comprenez très bien ce que je veux dire. Est-ce que vous avez une conclusion, M. le député de Berthier?

M. Villeneuve : Alors, M. le ministre, faites ce qui doit être fait et soutenez les écoles, soutenez nos jeunes, l'avenir de notre...

Le Président : Alors, je vous souligne encore une fois qu'on s'adresse à la présidence. M. le ministre de l'Éducation.

M. Sébastien Proulx

M. Proulx : Oui. M. le Président, je ne veux pas manquer de respect au collègue de Berthier, mais je ne m'adressais pas à lui. Je ne l'écoutais pas pendant ce moment-là, je m'en excuse.

Alors, dans le contexte actuel, ce que je vais lui dire puis ce que je vais vous dire à vous, M. le Président, c'est que les écoles défavorisées, nos écoles 9 et 10, vont être soutenues comme elles l'ont toujours été. C'est une mesure que j'ai et que nous avons protégée, M. le Président. Il n'y en a pas des tonnes, des mesures qui ne sont pas dédiées et qui ne peuvent pas être transférées, il n'y en a que quelques-unes. Acheter des livres, combattre l'intimidation et les programmes alimentaires sont protégés, M. le Président, et, dans chacun des milieux, il y a la capacité financière de faire des aménagements pour soutenir les écoles.

Ce qu'on faisait jusqu'à tout récemment, M. le Président, de manière inégale...

Le Président : En terminant.

M. Proulx : ...c'est aussi d'offrir de l'aide alimentaire à des écoles qui n'en avaient pas besoin...

Le Président : M. le député de Mercier, en principale.

Présomption de fraude visant des ex-collecteurs
de fonds du Parti libéral
du Québec

M. Amir Khadir

M. Khadir : M. le Président, voilà une réponse sincère et honnête. On peut ne pas être d'accord, mais on peut le reconnaître.

Il y a des mots comme «mensonge» qui sont bannis du lexique parlementaire, alors je vais faire attention. Mais tout le monde va comprendre, les...

Des voix : ...

Le Président : M. le député de Mercier, vous ne me donnez pas beaucoup de chances.

Des voix : ...

Le Président : S'il vous plaît! S'il vous plaît! M. le député de Mercier, je vous demande, évidemment, de faire attention à vos propos à l'avance.

M. Khadir : En tout cas, les révélations que nous avons obtenues aujourd'hui à travers les médias, que le premier ministre avait eu des rapports relativement significatifs... C'est-à-dire alors que tout le monde connaît la réputation de ce monsieur, Marc-Yvan Côté. Plutôt que de s'en éloigner, plutôt que de s'en éloigner — quelqu'un qui dit être en rupture avec le passé du gouvernement Charest — il s'en rapproche, il téléphone, il lui propose même de brainstormer. Alors, c'est une sérieuse brèche, en tout cas, dans la parole du gouvernement, de son premier ministre.

Qu'est-ce que le premier ministre entend faire comme geste fort pour, vraiment, qu'on cesse de conjuguer le passé au présent? Parce que, si lui continue à faire ce qu'il fait, on continue de conjuguer.

Le Président : M. le leader du gouvernement.

M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier : C'est sur le même thème que les autres questions qui ont été soulevées, le premier ministre y a déjà répondu, M. le Président, à quelques reprises. Il a bien fait la différence, d'ailleurs, qu'il y avait entre le mois d'avril et le moment où il revient dans des charges et même des fonctions politiques, où il a fait, justement, une distance. Donc, c'est deux éléments complètement différents. Je pense que le député qui pose la question, essayant de dire qu'il y a là-dedans une nouvelle ce matin... Il n'y a pas de nouvelle ce matin. Il y a un traitement média en première page, je veux bien, mais d'une information qui est très connue. Et, à ce compte-là, M. le Président, je réfère le député aux réponses que le premier ministre a déjà données.

Le Président : Première complémentaire, M. le député de Mercier.

M. Amir Khadir

M. Khadir : Blâmer le traitement média commence à ressembler un peu à ce que notre voisin du Sud est en train de faire, là — je parle de M. Trump. Donc, je ne pense pas que c'est la voie à suivre.

Il y a un bris de confiance. La parole du premier ministre est mise en cause. Le premier ministre voudrait qu'on tourne la page, il y a des gestes forts à poser. Je lui rappelle Jean-Louis Dufresne, je lui rappelle Pietro Perrino, je lui rappelle son bras droit qui m'a répondu, le leader, qui est impliqué dans le rapport Charbonneau le 18 septembre 2013, allez écouter.

Est-ce que le premier ministre est capable de les mettre à côté...

Le Président : M. le leader du gouvernement.

M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier : J'ai l'impression que la question s'adresse maintenant à moi, alors je vais donc répondre personnellement. D'abord, pour ce qui est du voisin du Sud, M. le Président, je laisse ça au chef de la deuxième opposition, bien sûr, je ne veux pas aller dans cette direction-là.

Ceci étant, c'est, il me semble, assez factuel de dire que ce qu'il y a dans le journal ce matin n'est pas de l'ordre d'une nouvelle, plutôt de l'ordre du discours politique tenu dans un traitement en première page assez grandeur maximale.

Bon, alors, pour le reste, qu'est-ce que vous voulez, ils ont le droit, là, ça fait partie de la liberté de presse, je n'ai aucun problème avec ça, mais on ne peut pas y voir une nouvelle.

Vous faites référence à la commission Charbonneau, je n'ai aucun problème avec ce qui s'est passé là et je n'ai rien à me reprocher, on ne me reproche rien.

Le Président : Deuxième complémentaire, M. le député de Mercier.

M. Amir Khadir

M. Khadir : La commissaire Charbonneau dénonce les pratiques du gouvernement libéral dans son rapport et elle réfère à un dépôt, à un témoignage de M. Sauvé, un entrepreneur qui venait de perdre sa subvention, qui dit que Jean-Louis Dufresne, l'actuel chef de cabinet du premier ministre, demande... me demande... me donne la liste des activités et d'organiser un cocktail de financement. Pour qui? Pour celui qui m'a répondu.

Je demande au premier ministre s'il est capable d'accepter aujourd'hui, pour tourner la page, de les mettre de côté, de les remercier?

Le Président : M. le leader du gouvernement.

M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier : J'ai justement le livre de M. Sauvé. Justement, je réfère notre collègue à aller voir le livre en question, il va trouver dans le livre que la subvention en question avait été octroyée par le Parti québécois, disait-il à l'époque, qu'il avait payé 375 000 $ en financement au Parti québécois pour avoir cette subvention-là. Lorsqu'on arrive au pouvoir, l'État du Québec s'était déjà lié par le Parti québécois pour ce projet qui, par ailleurs, était un bon projet. Ceci étant, nous l'avons financé en trouvant l'argent parce que, imaginez-vous, il n'y avait pas de crédits non plus dans ce temps-là quand il y avait les engagements du PQ.

Le Président : Principale, M. le député de Drummond.

Financement de la protection de la jeunesse

M. Sébastien Schneeberger

M. Schneeberger : Merci, M. le Président. La direction de la protection de la jeunesse a connu une hausse de 27 %, en moins de 10 ans, des signalements jugés fondés concernant les enfants de cinq ans et moins. On note également une hausse de 30 % du nombre de signalements ayant nécessité une intervention de la DPJ. Cela signifie que la population est de plus en plus alerte à dénoncer les cas de maltraitance chez les enfants. Nous pouvons conclure un changement de culture au Québec. Ainsi, plus d'enfants et de familles se retrouvent en besoin de protection et suivi de la part de la DPJ.

Maintenant, cette hausse de signalements et d'interventions présente un nouveau défi pour celle-ci. Après un investissement de 12 millions ce printemps suite aux coupures drastiques de 20 millions en 2014 par ce gouvernement, comment la ministre compte-t-elle répondre aux besoins grandissants de la DPJ?

Le Président : Mme la ministre déléguée à la Réadaptation.

Mme Lucie Charlebois

Mme Charlebois : M. le Président, j'ai déjà exposé certains faits tantôt à la question du député de Saint-Jean. Je vais répéter pour notre collègue et je vais dire que nous avons déjà investi 12 millions tout dernièrement, justement pour améliorer les services de première ligne et deuxième ligne.

Qu'est-ce que c'est, la première ligne, M. le Président? Bien, ce sont les services qui sont de proximité, donc les CLSC, etc., où on peut faire une meilleure prévention, une meilleure approche pour des jeunes qui présentent déjà des... pas un signalement, mais une vulnérabilité et, oui, peut-être un signalement qui ne sera pas retenu. Il y a une portion du 12 millions qui est affectée à cet axe-là, et l'autre portion du 12 millions, soit 7 millions, est pour les services complémentaires ou spécialisés, qu'on appelle de deuxième ligne, soit les centres jeunesse, pour ceux pour qui il y a des signalements retenus.

Alors, ce que je disais, M. le Président, un peu plus tôt, c'est que ce 12 millions là va nous aider justement à, un, faire de la formation, mais, deux, à procéder à l'engagement de personnel supplémentaire pour venir en aide à nos enfants qui sont en situation de vulnérabilité. Et, évidemment, vous comprenez, M. le Président, que ce n'est pas ce qu'on souhaite au Québec. Ce qu'on souhaite, c'est que tous nos enfants...

Le Président : En terminant.

Mme Charlebois : ...puissent s'épanouir de façon exemplaire.

Le Président : Première complémentaire, M. le député de Drummond—Bois-Francs.

M. Sébastien Schneeberger

M. Schneeberger : Oui. M. le Président, je veux bien des explications, mais 20 millions moins 12, là, ça fait 8 millions de manque à gagner, là, puis on constate une augmentation de 27 % des signalements.

Ma fille de huit ans, là, elle dirait : Papa, ça ne marche pas. O.K.? Puis je peux dire ma fille parce que je pense qu'on parle ici d'enfants. Puis c'est mathématique, ça ne marche pas, ses réponses, à la ministre.

Alors, moi, j'aimerais savoir de la ministre : Que compte-t-elle faire dans les prochains mois pour amener un rehaussement du financement puis amener du staff, comme on dit, à la DPJ?

Le Président : Mme la ministre déléguée à la réadaptation.

Mme Lucie Charlebois

Mme Charlebois : Bien, M. le Président, ce qu'il faut savoir, c'est que l'argent dont il parle, depuis le temps... Puis pourtant on a expliqué ça aux crédits. Alors, peut-être que sa fille de huit ans ne comprendrait pas, c'est parce qu'il lui aurait peut-être mal expliqué, je reprends.

Le projet de loi n° 10, que nous avons mis en place, que le ministre de la Santé a mis en place...

Des voix : ...

Mme Charlebois : Non, mais il se permet de me dire n'importe quoi, ça se peut qu'il ait une réponse qui va avec. Alors, moi, ce que je veux dire, M. le Président, c'est que, pour moi, les jeunes sont importants. Quand on a fait la loi n° 10, M. le Président...

Le Président : En terminant.

Mme Charlebois : ...ce qu'on a fait, c'est qu'on a réduit le pourcentage d'administration...

• (10 h 50) •

Le Président : Deuxième complémentaire, M. le député de Drummond-Beauharnois.

M. Sébastien Schneeberger

M. Schneeberger : ...ses réponses, M. le Président, mais il va falloir qu'elle s'explique mieux que ça, là. Puis tomber dans le bas de gamme, c'est assez ordinaire.

La réalité, là, c'est qu'il y a plusieurs centres de jeunesse qui sont aux prises avec des taux d'absentéisme inquiétants — congés de maladie, épuisement professionnel, détresse, surcharge de travail — alors qu'on sait très bien que ce qui est essentiel pour les jeunes enfants qui ont des interventions avec les intervenants, c'est le suivi avec les mêmes personnes. C'est ça qui est important, et on change tout le temps.

Alors, moi, ce que je veux savoir, c'est comment la ministre peut nous assurer qu'avec un manque d'effectifs actuellement... comment ces signalements seront faits.

Le Président : Alors, vous avez compris que c'était Bois-Francs, et non pas Beauharnois. Le député de Beauharnois aura compris. Mme la ministre déléguée à la réadaptation.

Mme Lucie Charlebois

Mme Charlebois : M. le Président, ce que j'expliquais, c'est que le projet de loi n° 10 qui a été adopté nous a permis de mettre ensemble la première ligne et la deuxième ligne, les services de proximité et les services spécialisés. Qu'est-ce que ça a fait, ça, M. le Président? Ça a fait en sorte qu'on a multiplié nos forces sans nécessairement avoir besoin d'autant d'administration. L'administratif a été réduit.

Ceci étant dit, moi, ce qui me préoccupait, c'est les services aux enfants, et c'est là-dessus qu'on a misé, c'est là-dessus qu'on a investi, et c'est la raison pour laquelle on a ajouté 12 millions tout dernièrement. Ça fait à peu près un mois, un mois et demi que j'ai annoncé ça. Et savez-vous quoi, M. le Président? Contrairement aux deux députés qui m'ont posé des questions, c'est donc drôle que tout le monde de la jeunesse était content quand j'ai annoncé ça, et ils m'ont louangée.

Le Président : En terminant.

Mme Charlebois : Alors, il aurait fallu qu'ils soient présents à l'annonce. Tout ce qu'on vise à faire, c'est améliorer nos services.

Le Président : Principale...

Des voix : ...

Le Président : S'il vous plaît! Mme la députée de Marie-Victorin, en principale.

Accessibilité du régime d'indemnisation
des victimes d'actes criminels

Mme Catherine Fournier

Mme Fournier : M. le Président, ce matin, le rapport de la Vérificatrice générale dénonce que des conditions d'admissibilité trop restrictives empêchent le fonds d'indemnisation des victimes de fraude financière de jouer pleinement son rôle. Cette situation entraîne des conséquences dramatiques dans la vie de centaines de Québécois floués.

C'est tellement restrictif qu'en 2014-2015 seulement trois demandes sur 26 ont été acceptées. En 2015-2016, c'est une sur 33. En plus de ça, M. le Président, pour traiter seulement 34 demandes, ça a coûté 1,2 million en frais d'administration, 1,2 million pour, finalement, n'accorder qu'une seule indemnité de 50 000 $.

Le ministre des Finances est au courant de cette problématique depuis 2015. Dans son propre rapport, il proposait d'élargir les conditions d'admissibilité. Ça fait deux ans que le ministre des Finances promet et reporte le projet de loi sur le secteur financier.

Le ministre peut-il se lever et expliquer aux victimes de fraude qu'elles sont également victimes de son propre laxisme?

Des voix : ...

Le Président : S'il vous plaît! M. le ministre des Finances.

M. Carlos J. Leitão

M. Leitão : Bon, bonne question. Disons que la dernière phrase était un peu étirée, mais, en tout cas, le sujet est très important, en effet.

Et d'ailleurs, dans notre budget, le budget 2016-2017, donc pas celui-là mais l'autre d'avant, nous avions déjà indiqué qu'on a besoin de mettre en place des mesures législatives pour changer, justement, le fonds d'indemnisation, la façon dont il est administré. Il est très restreint. On met beaucoup de pression sur les citoyens eux-mêmes, il faut qu'ils soient au courant de tous les différents types de permis. Donc, il faut changer ça.

Ça demande des mesures législatives. Ça fait partie de notre omnibus financier qui devrait être déposé dans les plus brefs délais. Ça va être un projet de loi très complexe, c'est pour ça que ça prend beaucoup de temps, j'en conviens avec vous. Mais c'est un projet de loi qui va toucher à sept ou huit lois des services financiers, quelque chose qui, au Québec, n'a pas été fait depuis déjà une vingtaine d'années, nous allons le faire très bientôt, M. le Président.

Le Président : Première complémentaire, M. le député de Rousseau.

M. Nicolas Marceau

M. Marceau : M. le Président, les problèmes évoqués par ma collègue sont bien réels. Ce sont les victimes, au Québec, qui sont également victimes non seulement des fraudeurs, mais également de votre laxisme. Vous avez une responsabilité à l'égard des épargnants du Québec, vous avez une responsabilité à l'égard du développement du secteur financier. Ce sont plusieurs lois qui doivent être modernisées, vous avez tout entre vos mains. M. le Président, il faut que le ministre agisse, il est responsable de cette situation.

Le Président : On s'adresse à la présidence. M. le ministre des Finances.

M. Carlos J. Leitão

M. Leitão : Bien, bien sûr, M. le Président, la modernisation, la modernisation de tout le corpus légal, législatif entourant le marché des services financiers, c'est quelque chose, nous y travaillons depuis 2014. Et d'ailleurs une partie de ce travail était déjà présente quand le collègue était au ministère des Finances, c'est quelque chose sur quoi on travaille depuis assez longtemps au Québec. Nous sommes sur le point, à la veille d'être capables de déposer un projet de loi que je vous... déjà, je peux... sans faire outrage au Parlement, un projet de loi qui va contenir au-delà de 1 000 articles. C'est quelque chose d'important qu'on est en train de faire. Ça ne peut pas s'improviser, ça ne peut pas se faire sur un coin de table, il faut que ça soit bien réfléchi. Et nous sommes en train de le faire, et ça va...

Le Président : En terminant.

M. Leitão : ...être déposé très bientôt, M. le Président.

Le Président : Principale, M. le député de Labelle.

Signalisation routière pour assurer la sécurité des cyclistes

M. Sylvain Pagé

M. Pagé : ...4 millions de Québécois utilisent leur vélo soit pour faire de l'exercice ou encore pour aller travailler. Malheureusement, trop peu d'automobilistes connaissent la nouvelle règle de garder un mètre de distance en milieu urbain et 1,5 mètre en milieu rural lorsqu'ils dépassent un cycliste. De toute évidence, cette obligation de partager la route n'est toujours pas connue. Adopter un code de sécurité routière, c'est bien, M. le Président, c'est une chose, mais sensibiliser les automobilistes, c'en est une autre.

Or, nous constatons que les panneaux de signalisation indiquant les règles de distance sont presque inexistants. Vous savez combien il y en a dans la région de Québec? Un seul panneau pour la région de Québec. L'homme d'affaires Louis Garneau a d'ailleurs demandé que davantage de panneaux soient installés. Et vous savez ce qu'il se fait répondre par le ministère des Transports? Non.

Alors, j'interpelle aujourd'hui le ministre des Transports, qui est imputable des décisions de son ministère : Va-t-il exiger d'installer davantage de panneaux afin de sécuriser les cyclistes?

Le Président : M. le ministre des Transports.

M. Laurent Lessard

M. Lessard : Merci, M. le Président. Donc, concernant la mesure de sécurité sur les vélos qu'avait introduite mon collègue des Transports dans la dernière législation du projet de loi n° 100, qui comprenait une distance minimale lorsqu'on est, donc, sur certaines voies publiques, dépendamment qu'on est plus de 50 kilomètres-heure ou moins, donc, c'est entré en vigueur, on doit faire de la publicité. D'ailleurs, la Société d'assurance automobile a lancé une campagne de publicité indiquant, donc, de façon bien... donc, la distance séparatrice, donc, qu'on doit maintenir lorsqu'on rencontre un véhicule pour protéger, donc, la personne qui est la plus vulnérable sur la route. La campagne a été lancée récemment.

Quant à la démarche de M. Garneau, elle est bien reçue. La seule affaire, c'est qu'il demandait d'avoir les mêmes panneaux que les panneaux jaunes. Bien technique, il y a des normes. On ne peut pas le faire, mais on va essayer de le faire différemment. Parce qu'il faut augmenter la signalisation sur l'ensemble du réseau, c'est l'engagement qu'on prend. On salue les initiatives qui sont déposées, comme celle de M. Garneau. Puisqu'il y a eu un petit travail technique à faire, tout simplement... Mais la campagne de publicité est lancée par la Société d'assurance automobile.

Le Président : Cela met fin à la période de questions et réponses orales.

Votes reportés

Adoption du principe du projet de loi n° 132

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, comme annoncé précédemment, nous allons maintenant procéder au vote reporté sur la motion de M. le ministre du Développement durable, de l'Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques proposant que le principe du projet de loi n° 132, Loi concernant la conservation des milieux humides et hydriques, soit adopté.

Et que les députés en faveur de cette motion veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint : M. Couillard (Roberval), M. Fournier (Saint-Laurent), Mme Thériault (Anjou—Louis-Riel), M. Blais (Charlesbourg), Mme Charbonneau (Mille-Îles), M. Leitão (Robert-Baldwin), Mme Anglade (Saint-Henri—Sainte-Anne), M. Coiteux (Nelligan), Mme David (Outremont), M. Proulx (Jean-Talon), M. D'Amour (Rivière-du-Loup—Témiscouata), M. Huot (Vanier-Les Rivières), M. Kelley (Jacques-Cartier), Mme Vallée (Gatineau), M. Lessard (Lotbinière-Frontenac), M. Barrette (La Pinière), M. Drolet (Jean-Lesage), M. Blanchette (Rouyn-Noranda—Témiscamingue), Mme Charlebois (Soulanges), M. Moreau (Châteauguay), M. Heurtel (Viau), M. Arcand (Mont-Royal), Mme Vien (Bellechasse), M. Billette (Huntingdon), M. Reid (Orford), M. Morin (Côte-du-Sud), Mme Nichols (Vaudreuil), M. Bernier (Montmorency), M. Ouellette (Chomedey), Mme de Santis (Bourassa-Sauvé), Mme Weil (Notre-Dame-de-Grâce), Mme Ménard (Laporte), M. Tanguay (LaFontaine), Mme Boulet (Laviolette), Mme Rotiroti (Jeanne-Mance—Viger), M. Carrière (Chapleau), M. Poëti (Marguerite-Bourgeoys), M. Girard (Trois-Rivières), M. Chevarie (Îles-de-la-Madeleine), M. Auger (Champlain), Mme Vallières (Richmond), M. Rousselle (Vimont), M. Iracà (Papineau), M. Bolduc (Mégantic), M. Simard (Dubuc), M. Matte (Portneuf), M. Birnbaum (D'Arcy-McGee), M. Boucher (Ungava), M. Bourgeois (Abitibi-Est), M. Fortin (Pontiac), M. Giguère (Saint-Maurice), M. Habel (Sainte-Rose), M. Hardy (Saint-François), M. Merlini (La Prairie), Mme Montpetit (Crémazie), M. Plante (Maskinongé), M. Polo (Laval-des-Rapides), Mme Simard (Charlevoix—Côte-de-Beaupré), M. St-Denis (Argenteuil), Mme Tremblay (Chauveau), M. Busque (Beauce-Sud), Mme Sauvé (Fabre), Mme Melançon (Verdun).

M. Lisée (Rosemont), M. Bérubé (Matane-Matapédia), Mme Hivon (Joliette), M. Marceau (Rousseau), M. LeBel (Rimouski), Mme Maltais (Taschereau), Mme Lamarre (Taillon), M. Bergeron (Verchères), M. Leclair (Beauharnois), Mme Richard (Duplessis), M. Rochon (Richelieu), Mme Poirier (Hochelaga-Maisonneuve), M. Cloutier (Lac-Saint-Jean), M. Therrien (Sanguinet), M. Gaudreault (Jonquière), M. Pagé (Labelle), M. Cousineau (Bertrand), M. Bourcier (Saint-Jérôme), Mme Jean (Chicoutimi), M. Ouellet (René-Lévesque), M. Villeneuve (Berthier), Mme Fournier (Marie-Victorin), M. Traversy (Terrebonne), M. Kotto (Bourget), M. Turcotte (Saint-Jean), M. Roy (Bonaventure).

M. Legault (L'Assomption), M. Bonnardel (Granby), M. Jolin-Barrette (Borduas), M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière), M. Charette (Deux-Montagnes), M. Martel (Nicolet-Bécancour), Mme Roy (Montarville), Mme Samson (Iberville), M. Roberge (Chambly), M. Laframboise (Blainville), M. Schneeberger (Drummond—Bois-Francs), M. Lefebvre (Arthabaska), M. Lemay (Masson), Mme Lavallée (Repentigny), M. Lamontagne (Johnson), Mme D'Amours (Mirabel), Mme Soucy (Saint-Hyacinthe), M. Spénard (Beauce-Nord), M. Paradis (Lévis).

M. Khadir (Mercier), Mme Massé (Sainte-Marie—Saint-Jacques), M. Surprenant (Groulx), M. Lelièvre (Gaspé), Mme Ouellet (Vachon), M. Sklavounos (Laurier-Dorion).

• (11 heures) •

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, y a-t-il des députés contre cette motion? Des abstentions? Alors, M. le secrétaire général, pour le résultat du vote.

Le Secrétaire : Pour :  114

                     Contre :               0

                     Abstentions :       0

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, la motion est adoptée. Et, en conséquence, le principe du projet de loi n° 132, Loi concernant la conservation des milieux humides et hydriques, est adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

Renvoi à la Commission des transports et de l'environnement

M. Tanguay : Oui. Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, je fais, conformément à l'article 243 du règlement, motion pour que ce projet de loi soit déféré à la Commission des transports et de l'environnement pour étude détaillée.

Mise aux voix

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix : Adopté.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Adopté.

Motions sans préavis

Maintenant, à la rubrique des motions sans préavis, selon nos règles et l'ordre de présentation, je vais céder la parole à Mme la ministre déléguée à la Réadaptation, à la Protection de la jeunesse, à la Santé publique et aux Saines habitudes de vie.

Souligner la Semaine québécoise des personnes handicapées

Mme Charlebois : Oui. Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, je sollicite le consentement afin de présenter la motion suivante, et ce, conjointement avec le député de Saint-Jean, la députée de Repentigny, le député de Mercier, le député de Laurier-Dorion, la députée de Vachon, ainsi que le député de Groulx :

«Que l'Assemblée nationale souligne la 21e édition de la Semaine québécoise des personnes handicapées, qui se tient sous le thème Ensemble, bâtissons une société plus inclusive;

«Qu'elle reconnaisse les personnes handicapées à travers tout leur potentiel et leur apport au sein de notre société;

«Qu'elle exprime sa solidarité envers les personnes handicapées ainsi que leur famille qui font preuve de détermination et qui relèvent de nombreux défis;

«Qu'enfin, elle souligne l'engagement quotidien de la communauté pour faire en sorte que notre société soit toujours plus ouverte, plus respectueuse et plus inclusive envers les personnes vivant avec un handicap.»

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, je vous remercie, Mme la ministre. Y a-t-il consentement pour débattre de cette motion?

Une voix : ...

Mise aux voix

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix : Adopté.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Adopté. Maintenant, pour la prochaine motion, je vais céder la parole à M. le député de Rousseau.

Affirmer l'application de toutes les lois du Québec aux éventuels projets
soutenus par la Banque de l'infrastructure du Canada et exiger des
amendements au projet de loi C-44 à ce sujet

M. Marceau : Mme la Présidente, je sollicite le consentement des membres de cette Assemblée afin de présenter, conjointement avec le ministre responsable des Relations canadiennes et de la Francophonie canadienne, le député de Borduas, la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques, la députée de Vachon, le député de Laurier-Dorion et le député de Groulx, la motion suivante :

«Que l'Assemblée nationale affirme l'application de toutes les lois du Québec aux éventuels projets soutenus par la Banque d'infrastructure du Canada et que pour refléter clairement cet état de droit, qu'elle exige des amendements au projet de loi C-44 présentement étudié à la Chambre des communes, afin de démontrer que la Banque d'infrastructure du Canada est soumise aux lois du Québec.»

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, je vous remercie, M. le député. Y a-t-il consentement pour débattre de cette motion? Oui, M. le leader de l'opposition officielle.

M. Bérubé : Mme la Présidente, nous demandons le vote par appel nominal.

Mise aux voix

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Très bien. Alors, il y a une demande de vote par appel nominal. Et, si tout le monde est présent, nous pouvons déjà procéder à ce vote. Est-ce que vous voulez que je relise la motion? Non? Ça va? Alors, très bien.

Que les députés en faveur de cette motion veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint : M. Lisée (Rosemont), M. Bérubé (Matane-Matapédia), Mme Hivon (Joliette), M. Marceau (Rousseau), M. LeBel (Rimouski), Mme Maltais (Taschereau), Mme Lamarre (Taillon), M. Bergeron (Verchères), M. Leclair (Beauharnois), Mme Richard (Duplessis), M. Rochon (Richelieu), Mme Poirier (Hochelaga-Maisonneuve), M. Cloutier (Lac-Saint-Jean), M. Therrien (Sanguinet), M. Gaudreault (Jonquière), M. Pagé (Labelle), M. Cousineau (Bertrand), M. Bourcier (Saint-Jérôme), Mme Jean (Chicoutimi), M. Ouellet (René-Lévesque), M. Villeneuve (Berthier), Mme Fournier (Marie-Victorin), M. Traversy (Terrebonne), M. Kotto (Bourget), M. Turcotte (Saint-Jean), M. Roy (Bonaventure).

M. Couillard (Roberval), M. Fournier (Saint-Laurent), Mme Thériault (Anjou—Louis-Riel), M. Blais (Charlesbourg), Mme Charbonneau (Mille-Îles), M. Leitão (Robert-Baldwin), Mme Anglade (Saint-Henri—Sainte-Anne), M. Coiteux (Nelligan), Mme David (Outremont), M. Proulx (Jean-Talon), M. D'Amour (Rivière-du-Loup—Témiscouata), M. Huot (Vanier-Les Rivières), M. Kelley (Jacques-Cartier), Mme Vallée (Gatineau), M. Lessard (Lotbinière-Frontenac), M. Barrette (La Pinière), M. Drolet (Jean-Lesage), M. Blanchette (Rouyn-Noranda—Témiscamingue), Mme Charlebois (Soulanges), M. Moreau (Châteauguay), M. Heurtel (Viau), M. Arcand (Mont-Royal), Mme Vien (Bellechasse), M. Billette (Huntingdon), M. Reid (Orford), M. Morin (Côte-du-Sud), Mme Nichols (Vaudreuil), M. Bernier (Montmorency), M. Ouellette (Chomedey), Mme de Santis (Bourassa-Sauvé), Mme Weil (Notre-Dame-de-Grâce), Mme Ménard (Laporte), M. Tanguay (LaFontaine), Mme Boulet (Laviolette), Mme Rotiroti (Jeanne-Mance—Viger), M. Carrière (Chapleau), M. Poëti (Marguerite-Bourgeoys), M. Girard (Trois-Rivières), M. Chevarie (Îles-de-la-Madeleine), M. Auger (Champlain), Mme Vallières (Richmond), M. Rousselle (Vimont), M. Iracà (Papineau), M. Bolduc (Mégantic), M. Simard (Dubuc), M. Matte (Portneuf), M. Birnbaum (D'Arcy-McGee), M. Boucher (Ungava), M. Bourgeois (Abitibi-Est), M. Fortin (Pontiac), M. Giguère (Saint-Maurice), M. Habel (Sainte-Rose), M. Hardy (Saint-François), M. Merlini (La Prairie), Mme Montpetit (Crémazie), M. Plante (Maskinongé), M. Polo (Laval-des-Rapides), Mme Simard (Charlevoix—Côte-de-Beaupré), M. St-Denis (Argenteuil), Mme Tremblay (Chauveau), M. Busque (Beauce-Sud), Mme Sauvé (Fabre), Mme Melançon (Verdun).

M. Legault (L'Assomption), M. Bonnardel (Granby), M. Caire (La Peltrie), M. Jolin-Barrette (Borduas), M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière), M. Charette (Deux-Montagnes), M. Martel (Nicolet-Bécancour), Mme Roy (Montarville), Mme Samson (Iberville), M. Roberge (Chambly), M. Laframboise (Blainville), M. Schneeberger (Drummond—Bois-Francs), M. Lefebvre (Arthabaska), M. Lemay (Masson), Mme Lavallée (Repentigny), M. Lamontagne (Johnson), Mme D'Amours (Mirabel), Mme Soucy (Saint-Hyacinthe), M. Spénard (Beauce-Nord), M. Paradis (Lévis).

M. Khadir (Mercier), Mme Massé (Sainte-Marie—Saint-Jacques), M. Surprenant (Groulx), M. Lelièvre (Gaspé), Mme Ouellet (Vachon), M. Sklavounos (Laurier-Dorion).

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Y a-t-il des députés contre cette motion ou des abstentions? Alors, pour le résultat du vote, M. le secrétaire général.

Le Secrétaire : Pour :  115

                     Contre :               0

                     Abstentions :       0

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, cette motion est adoptée. M. le leader de l'opposition officielle.

M. Bérubé : Merci, Mme la Présidente. Nous aimerions que le libellé de la motion soit envoyé au gouvernement du Canada, au Sénat du Canada et à l'ensemble des députés fédéraux sur le territoire du Québec.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, ce sera fait, M. le leader de l'opposition officielle.

Maintenant, pour la prochaine motion, je vais reconnaître Mme la députée de Saint-Hyacinthe.

Mme Soucy : Merci, Mme la Présidente. Je demande le consentement pour déposer la motion suivante conjointement avec le député de Richelieu, le député de Groulx et la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques :

«Que l'Assemblée nationale demande au gouvernement du Québec de rembourser directement aux clients d'Hydro-Québec les 36 millions de dollars perçu en trop en 2016.»

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, je vous remercie, Mme la députée. Y a-t-il consentement pour débattre de cette motion? Il n'y a pas de consentement.

Pour la prochaine motion, je vais céder la parole à M. le député de Mercier.

M. Khadir : Merci, Mme la Présidente. Je demande le consentement de la Chambre pour débattre de la motion suivante conjointement avec le député de Sanguinet et la députée de Vachon :

            «Que l'Assemblée nationale reconnaisse que l'augmentation des inégalités socioéconomiques constitue l'un des plus grands problèmes du 21e siècle comme le mentionne le rapport annuel du Forum économique mondial;

«Qu'elle constate qu'entre 1998 et aujourd'hui, la rémunération moyenne des 100 PDG canadiens les mieux payés est passée de 103 fois à 193 fois le salaire moyen de nos concitoyens;

«Qu'elle prenne acte de l'indignation populaire face à l'indécence des rémunérations des dirigeants des grandes entreprises, notamment celles ayant reçu une importante aide financière de la part de l'État comme Bombardier;

«Qu'elle s'engage [donc] à tenir une commission parlementaire sur la question des revenus des hauts dirigeants.»

• (11 h 10) •

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, je vous remercie, M. le député de Mercier. Y a-t-il consentement pour débattre de cette motion? Alors, il n'y a pas de consentement.

Avis touchant les travaux des commissions

Alors, s'il n'y a pas d'autre motion sans préavis, nous allons passer à la rubrique des avis touchant les travaux des commissions. Et je cède la parole à M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Tanguay : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, j'avise cette Assemblée que la Commission de l'aménagement du territoire poursuivra l'étude détaillée à l'égard du projet de loi n° 122, Loi visant principalement à reconnaître que les municipalités sont des gouvernements de proximité et à augmenter à ce titre leur autonomie et leurs pouvoirs, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures et de 15 heures à 18 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau;

La Commission des institutions poursuivra l'étude détaillée à l'égard du projet de loi n° 113, Loi modifiant le Code civil et d'autres dispositions législatives en matière d'adoption et de communication de renseignements, aujourd'hui, de 17 heures à 18 heures, à la salle des Premiers-Ministres de l'édifice Pamphile-Le May;

La Commission de la santé et des services sociaux poursuivra l'étude détaillée à l'égard du projet de loi n° 130, Loi modifiant certaines dispositions relatives à l'organisation clinique et à la gestion des établissements de santé et de services sociaux, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures et de 15 heures à 18 heures, à la salle Louis-Hippolyte-La Fontaine;

Et finalement, Mme la Présidente, la Commission des transports et de l'environnement poursuivra...

Des voix : ...

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Un instant, M. le leader adjoint du gouvernement. Je vais demander aux membres de cette Assemblée de quitter en silence. C'est important, ce que M. le leader adjoint a à nous transmettre. Vous pouvez poursuivre.

M. Tanguay : Alors, Mme la Présidente, la Commission des transports et de l'environnement poursuivra les consultations particulières à l'égard du projet de loi n° 137, Loi concernant le Réseau électrique métropolitain, dès maintenant, pour une durée d'une heure et de 15 heures à 17 heures, à la salle du Conseil législatif.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, je vous remercie, M. le leader adjoint du gouvernement.

À la rubrique des renseignements sur les travaux de l'Assemblée. Je crois qu'il n'y a pas de demande de renseignements.

Affaires du jour

Alors, la période des affaires courantes étant terminée, nous allons maintenant passer aux affaires du jour. Et je recède la parole à M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Tanguay : Oui. Merci, Mme la Présidente. Je vous prierais d'appeler l'article 29.

Projet de loi n° 98

Prise en considération du rapport de la commission qui en a fait
l'étude détaillée et des amendements transmis

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, à l'article 29 du feuilleton, l'Assemblée prend en considération le rapport de la Commission des institutions sur le projet de loi n° 98, Loi modifiant diverses lois concernant principalement l'admission aux professions et la gouvernance du système professionnel, et sur les amendements transmis en vertu de l'article 252 du règlement par Mme la ministre de la Justice et par M. le député de Mercier.

Les amendements présentés par la ministre de la Justice sont déclarés recevables.

L'amendement transmis par M. le député de Mercier est irrecevable. En effet, cet amendement propose l'ajout d'un article 108.1 au projet de loi pour modifier la Loi sur les syndicats professionnels de manière à abolir certaines exigences relatives à la citoyenneté. Il s'agit cependant d'un principe qui n'est pas abordé dans le projet de loi n° 98. Notre règlement prévoit que les amendements doivent se rapporter à l'objet du projet de loi, ne peuvent aller à l'encontre de son principe ni en introduire de nouveaux.

À ce sujet, notre jurisprudence parlementaire a déjà mentionné que la modification par amendement d'une loi qui n'est pas modifiée dans le projet de loi initial est un indice probant de l'introduction d'un nouveau principe. Par ailleurs, je note que le sujet sur lequel porte l'amendement fait déjà l'objet d'un projet de loi distinct, ce qui est également assez révélateur du fait que l'amendement peut faire l'objet d'un projet de loi indépendant et autonome. Alors, l'amendement proposé par M. le député de Mercier doit donc être déclaré irrecevable.

Et je suis prête à reconnaître le premier intervenant, et c'est Mme la ministre de la Justice.

Mme Stéphanie Vallée

Mme Vallée : Merci, Mme la Présidente. Alors, bien heureuse, aujourd'hui, de prendre parole concernant notre projet de loi n° 98, projet de loi dont j'ai pu décrire en détail les principaux objets lors de l'adoption de principe, il y a de ça quelques mois, parce que c'est un projet de loi que nous avons déposé il y a plus d'un an.

C'est un projet de loi que nous avons commencé à travailler à l'étude article par article en février dernier. C'est un projet de loi qui visait, dans un premier temps, la modernisation du système professionnel, notamment en ce qui concerne la gouvernance des ordres professionnels, la gouvernance de l'Office des professions, avec des conséquences sur les structures des conseils d'administration, de l'exécutif et un renforcement des pouvoirs de l'office, entre autres dispositions nouvelles. À titre d'exemple, dans ce volet de législation, le rôle du conseil d'administration d'un ordre sera axé sur la surveillance générale des affaires de l'ordre. Il devra maintenant veiller à la poursuite de la mission de l'organisation, à fournir des orientations stratégiques, à statuer sur les choix stratégiques, à adopter des prévisions budgétaires et, chose importante, à se doter de politiques et de pratiques de gouvernance efficaces, efficientes et transparentes. Chaque ordre professionnel devra adopter un code d'éthique et de déontologie applicable aux membres du conseil d'administration de l'ordre, et ce, en tenant compte de la mission de l'ordre, des valeurs qui sous-tendent son action et de ses principes généraux de gestion.

Les rôles des directeurs généraux et des présidences seront distingués et ces fonctions ne seront plus cumulables. Ça, c'est une disposition qui s'applique particulièrement à quatre ordres professionnels, puisque tous les autres ordres comptent un directeur général et une présidence qui sont distincts. Le nombre de mandats à la présidence d'un ordre sera limité à trois, consécutifs ou pas; par contre, la durée minimale de mandats sera portée à deux ans.

Les conseils d'administration des ordres seront formés d'un nombre plus restreint de membres, suivant ainsi la tendance actuelle en matière de saine gouvernance. On verra également à interdire le cumul de fonctions d'administrateur d'un ordre avec celles de dirigeant de structure à mission strictement associative.

Le système professionnel est là, et nous ne le rappellerons jamais assez, pour voir à la protection du public. On l'a vu encore à l'occasion de la commission Charbonneau, la vitesse de réaction d'un ordre du système professionnel est cruciale. C'est donc pourquoi, lorsqu'une poursuite est intentée contre un professionnel pour une infraction punissable de cinq ans d'emprisonnement ou plus, un syndic pourra dorénavant requérir du conseil de discipline qu'il impose immédiatement à un professionnel, soit une suspension, soit une limitation provisoire de son droit d'exercer des activités professionnelles ou d'utiliser le titre qui est réservé aux membres de l'ordre, soit lui imposer des conditions suivant lesquelles il pourrait continuer d'exercer la profession ou d'utiliser son titre réservé. Dans le droit fil des observations faites, dans le système, depuis plusieurs années, la loi permettra aux syndics de se parler entre eux, ce qui facilitera l'échange d'information entre les ordres professionnels.

Enfin, pour permettre une justice plus significative, plus dissuasive, nous augmenterons sensiblement les amendes disciplinaires au pénal qui sont prévues au Code des professions.

Ce projet de loi visait également à répondre aux recommandations de la commission Charbonneau, notamment en ce qui concerne l'immunité qui est accordée aux témoins repentis, la reddition de comptes des ordres professionnels et la formation en éthique et en déontologie des membres des ordres. Toujours dans la perspective de répondre au souci de la commission Charbonneau quant au pouvoir de l'office, ce dernier verra ses outils de surveillance renforcés. De même, l'office n'aura plus besoin d'autorisation ministérielle pour faire enquête sur un ordre professionnel présentant des signes de défaillance dans l'exercice de ses devoirs ou dont la situation financière mettra en difficulté pour mener ses activités de protection du public.

Le troisième objectif principal du projet de loi n° 98 vise à accroître l'équité, la transparence et optimiser les processus d'admission aux professions, dont l'important volet de la reconnaissance des compétences des personnes formées hors Québec ou n'ayant pas le parcours classique prévu par les règles actuelles. À ce sujet, nous avons apporté des adaptations en instituant le pôle de coordination pour l'accès à la formation directement dans le Code des professions et en élargissant le champ d'action du Commissaire aux plaintes concernant les mécanismes de reconnaissance des compétences professionnelles. Le Commissaire aux plaintes devient le Commissaire à l'admission aux professions, non pas qu'il viendra superviser de façon hiérarchique les décisions des ordres dans ce domaine, mais la loi va lui permettre désormais d'observer l'ensemble des démarches qui concernent l'admission et lui accordera notamment une fonction de recommandation à l'égard des principaux intervenants.

• (11 h 20) •

L'admission comporte plusieurs étapes, elle fait intervenir plusieurs acteurs. Parmi les acteurs, il n'y a pas que les ordres professionnels, il y a aussi les établissements d'enseignement, les ministères et les organismes, le réseau de la santé et de l'éducation, ainsi que bien des acteurs du secteur privé. Pour les candidats et les candidates, la démarche d'admission présente des risques, et complexes. Les méthodes d'évaluation, l'accès à la formation, les délais, les coûts et l'efficacité de la démarche sont autant de facteurs de réussite ou d'échec. Ces risques sont encore plus grands pour les personnes qui sont formées à l'étranger. Comme société d'accueil, si nous sélectionnons des personnes pour participer à notre développement social, économique, nous avons une obligation morale de ne pas les laisser tomber. Nous devons porter un regard critique sur nos dispositifs comme sur nos attitudes. Nous devons être attentifs aux occasions d'amélioration et surtout nous devons les saisir.

Ça rejoint l'objectif du projet de loi, d'optimiser nos processus d'admission. Devant la complexité inhérente à la démarche d'admission et la multiplicité des acteurs, la présence d'un commissaire au regard élargi, indépendant et critique sera un levier pour assurer l'amélioration des pratiques, la cohérence des actions et la sensibilité des acteurs. Pour les candidates et les candidats, l'élargissement de la compétence du commissaire à l'ensemble de la démarche d'admission et à l'ensemble des acteurs offrira un recours en plaintes à toutes les étapes de la démarche.

En matière d'admission, le problème de l'accès à la formation et aux stages est connu, et c'est crucial. Il demande une action spécifique. Lorsqu'un ordre professionnel exige valablement un complément de formation pour qu'une personne réponde aux besoins de la pratique au Québec, nous devons être plus efficaces possible pour que cette formation lui soit offerte et qu'elle puisse intégrer le marché du travail dans sa profession. Pour offrir ces formations, il faut bien connaître les besoins. Il faut aussi s'assurer qu'un financement adapté et une organisation agile... Cela demande des interactions soutenues entre le système professionnel, les réseaux de l'éducation et le monde du travail. Le projet de loi apporte ce moyen en instituant un pôle de coordination qui réunira les acteurs qui détiennent les clés d'une offre de formation, de stages coordonnée, pertinente et accessible. Le pôle de coordination, présidé par l'Office des professions, aura les moyens de connaître les problèmes et de susciter l'engagement des partenaires envers les solutions. Il profitera également des constats du commissaire.

En matière d'admission, l'objectif du projet de loi se moule sur l'ambition de notre société. Nous voulons traiter les personnes équitablement, leur offrir des recours en cas de difficulté, et leur donner les outils pour réussir, et aussi, surtout, pour faire avancer le Québec.

Nous savons que toutes les professions régies par le Code des professions ne sont pas les seuls secteurs vers lesquels se destinent les personnes immigrantes que nous sélectionnons. En fait, ça représente 15 % des personnes immigrantes sélectionnées. Néanmoins, les professions réglementées sont des secteurs stratégiques pour les individus et pour la société. Ils font office de symbole pour entraîner dans tous les autres secteurs un changement durable et profond en faveur d'une intégration efficace et réussie sur le marché du travail.

Le projet de loi n° 98 avait une grande ambition qui se déclinait en quelques volets. Il a donc fait l'objet d'une préparation de longue main. Depuis plus de trois ans, nous avons multiplié les consultations, notamment sous la forme de consultations particulières de la Commission des institutions ou, plus récemment, des consultations en marge de l'étude détaillée concernant d'importants amendements apportés à cette pièce législative.

Un mot sur la conjoncture générale de cette réforme. Le monde professionnel est amplement réglementé : une loi-cadre, 26 lois particulières de même que le quart de la réglementation du Québec. Tout ça pour dire que ce milieu s'attend à être évalué, surtout sur son application rigoureuse de cette multitude de règles. Voilà sans doute pourquoi, lorsqu'il s'agit de réformer substantiellement de telles règles, le monde professionnel peut avoir une réaction prudente, voire réticente. Voilà également pourquoi nous n'avons ménagé aucun effort, d'abord pour consulter, ensuite pour tenir compte de ce que nous avons appris des ordres professionnels, du Conseil interprofessionnel du Québec ainsi que d'autres institutions, telles la Protectrice du citoyen et bien d'autres.

Nous avons échangé longuement avec les députés lors de l'étude détaillée terminée il y a quelques jours. En fait, longuement, c'est 23 séances, 80 heures, 112 articles adoptés, 77 amendements et sous-amendements d'adoptés, 51 amendements et sous-amendements retirés, rejetés ou irrecevables. C'est de nombreuses heures... qui met à exercice notre patience à certains moments. Mais bon... Oui, on a eu du plaisir, Mme la Présidente, puis je dois le dire.

Donc, tout ça pour dire, Mme la Présidente, que le résultat de ces longues heures de travail, de ces échanges, il est riche. Il y a eu, en parallèle de tout ça, des centaines d'heures investies par l'Office des professions, par les équipes de l'Office des professions, dans des conditions qui n'étaient pas toujours simples, qui n'étaient pas toujours faciles et qui les amenaient à arriver avec des réponses à l'intérieur de délais très brefs, très rapetissés. Et ils étaient là pour soutenir l'équipe de la commission, pour me soutenir, pour évaluer aussi la pertinence, la recevabilité des amendements qui étaient produits et, parfois, pour proposer un amendement qui serait bonifié.

Et ils ont fait un travail incroyable, Mme la Présidente, puis ça, je tiens à réitérer : L'équipe présidée par Me Dutrisac, par Me Couture a été incroyable. Et c'est toujours un plaisir de travailler avec ces gens-là; ce sont des professionnels, ce sont des gens dévoués, ce sont des gens qui connaissent le milieu, et qui sont aussi très créatifs. Donc, je tiens à les remercier parce que, tout au long de ce projet de loi là, sont survenues des idées, ont émergé des idées qui ont été validées et qui, lorsque possible, ont été intégrées au projet de loi.

Alors, vous savez, la moisson d'amendements, elle a été abondante, et je pense qu'il est important de souligner certains de ces amendements-là, au-delà des chiffres, au-delà des statistiques. D'abord, il y a de nouvelles mesures pour favoriser l'accès aux professions à des personnes qui sont formées à l'étranger; les sanctions plus sévères et un encadrement pour les professionnels coupables d'inconduite sexuelle; et l'imposition d'une formation adéquate pour les intervenants concernés. C'était une mesure qui s'est avérée... qui est ressortie, pardon, l'automne dernier, lorsque nous étions dans les consultations, et nous avons saisi la balle au bond pour intégrer et profiter de l'opportunité que nous donnait le projet de loi n° 98 pour venir sévir davantage, encadrer davantage la question des inconduites sexuelles, assurer une meilleure protection du public.

C'est d'ailleurs une mesure que nous avions annoncée lors du lancement de la politique de notre collègue la ministre responsable de la Condition féminine, qui s'attaque aux violences sexuelles. Et je suis très fière que, suite à la collaboration évidemment de mes collègues, ma collègue de Chicoutimi, le collègue de Borduas, nous ayons pu profiter de l'étude du projet de loi n° 98 pour intervenir en ce sens, et je pense que c'est dans le meilleur intérêt de l'ensemble de la société québécoise.

Il y a également d'autres mesures qui ont fait l'objet d'amendements : nous avons obligé les ordres professionnels à adopter une déclaration de services à l'égard des gens qui demandent à faire reconnaître leurs compétences; nous avons également adopté des mesures qui concernent les membres de l'office et des conseils d'administration des ordres pour favoriser la participation des jeunes de 35 ans et moins; la parité entre les hommes et les femmes — ça, je le sais, Mme la Présidente, c'est une cause qui vous tient à coeur tout particulièrement; la représentation des diverses composantes de l'identité culturelle et de la société québécoise.

Donc, voici là un travail parlementaire qui a été attentif, consciencieux, où chacun et chacune a gardé le cap sur trois choses, trois grands éléments : la protection du public, le besoin d'une modernisation réelle, nécessaire de notre système professionnel, et enfin, la cohérence des dispositions nouvelles et de l'ensemble du droit professionnel.

Alors, je tiens, encore une fois, Mme la Présidente, à remercier l'ensemble des membres de la commission : la députée de Chicoutimi, qui en était à sa première étude article par article d'un projet de loi, et que nous avons appris à découvrir au long de ces longues heures, alors que je remercie; la députée de Taillon, évidemment, qui arrivait avec son expérience, son expertise du milieu professionnel et qui a apporté également certains éclairages à nos travaux; le collègue le député de Borduas, qui est devenu un... que je connais pas mal mieux parce que nous travaillons en collaboration à la Commission des institutions. Je pense que nous avons pris d'assaut la Commission des institutions, le député de Borduas et moi, et puis c'est devenu un petit peu notre deuxième chez-nous, et qui, au cours de cette étude détaillée là, est devenu un fier papa. Donc, encore une fois, nous le félicitons.

• (11 h 30) •

Donc, mes collègues qui n'ont pas ménagé leur attention, ils n'ont pas ménagé leur créativité, je dois vous le dire, pour trouver des questions qui nous ont permis de bonifier le projet de loi et qui nous amène aux résultats que nous avons devant nous. Alors, je n'entrerai pas dans le détail de l'ensemble des amendements qui ont été adoptés, mais je suis persuadée, Mme la Présidente, que vous êtes à même de constater l'ampleur du travail qui a été accompli au cours des derniers mois, l'énergie qui a été consacrée par les membres de la Commission des institutions, qui nous amène à un texte qui est considérablement enrichi et, j'ose espérer, qui nous mènera sous peu à son adoption finale.

Alors, je vous remercie. Et, encore une fois, à tous ceux et celles qui ont participé... Et j'oublie de souligner, et je m'en veux... En tout dernier lieu, je tiens à souligner la participation active du CIQ parce que, tout au long de nos consultations, tout au long de l'étude article par article, il y avait des représentants du CIQ, présents à l'Assemblée nationale, qui ont suivi avec grand intérêt nos travaux. Et je pense qu'il est opportun de souligner leur participation à ces échanges-là, souligner également la participation de Me André Gariépy, le commissaire aux plaintes, qui deviendra, suite à l'adoption du projet de loi, le commissaire aux admissions.

Alors, à vous tous, un grand merci pour votre collaboration. Merci.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, je vous remercie, Mme la ministre de la Justice. Et, pour la prochaine intervention, je vais céder la parole à Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Mireille Jean

Mme Jean : Merci, Mme la Présidente. Alors, bonjour à tous. Et, comme le mentionnait la ministre, effectivement j'étais, lors de l'étude détaillée du projet de loi n° 98, à ma première expérience d'étude détaillée et je suis aujourd'hui à ma première expérience de prise en considération. Et c'est avec beaucoup de plaisir que je fais cet exercice ce matin. Et voilà.

La ministre a résumé assez généralement, effectivement, en quoi consistait le projet de loi n° 98. Donc, je passerai outre. Ce que je vais me permettre de faire ce matin, c'est témoigner comment le processus a été fait et comment j'ai vécu cette première expérience d'étude détaillée, et ce, à travers quoi on a passé à travers. Je pense que ça va être intéressant pour l'ensemble de la population de connaître un peu ce qui s'est passé.

Premièrement, cette expérience, je dois l'avouer, a été particulièrement intéressante, très instructive. J'ai appris énormément de choses, et j'ai pris beaucoup de plaisir à le faire, et je l'ai fait aussi avec beaucoup de sérieux.

Je rappelle quand même que le projet n° 98 s'inscrivait et s'inscrit toujours dans l'intention de moderniser le Code des professions. On sait que le Code de professions date déjà de 40 ans, il y a un besoin criant de modernisation, que c'est un premier volet sur lequel on a travaillé, premier volet qui touchait l'admission des professions, justement faciliter l'admission des professions pour les nouveaux arrivants et aussi corriger certaines lacunes qui touchent cette admission aux professions pour différents individus, différentes personnes, que ce soit à l'extérieur ou que ce soit au Québec, qu'ils peuvent rencontrer. Donc, un des objectifs de ce projet de loi là est à ce niveau-là. Et naturellement l'autre objectif, un autre objectif important, c'est d'améliorer la gouvernance des systèmes professionnels. Donc, c'est à ce niveau-là qu'on a travaillé.

Le projet de loi s'inscrivait aussi dans la suite à donner aux recommandations de la commission Charbonneau, très importante. Je pense que c'est important de le souligner, et que ça a inspiré plusieurs des articles qu'on retrouve dans le projet de loi, et qui inspire aussi plusieurs des amendements qui ont été proposés.

Le projet de loi s'inscrit aussi dans la suite des déboires de l'Ordre des ingénieurs. Donc, des éléments qu'on va retrouver dans la loi maintenant, qui étaient dans le projet de loi, visent à faire en sorte que les événements qui se sont rencontrés à l'Ordre des ingénieurs ne puissent pas se retrouver dans d'autres ordres professionnels. Il y avait aussi la difficulté apparente pour des nouveaux arrivants de faire reconnaître leurs diplômes et expériences qui permettent d'accéder aux professions.

On sait que, sur le terrain, il y a plusieurs personnes qui arrivent de l'extérieur, qui arrivent au Québec avec des diplômes et rencontrent de sérieuses difficultés d'accès aux professions, que ce soit parce que leurs diplômes ne sont pas reconnus, que ce soit parce que l'expérience n'est pas reconnue ou que ce soit encore... et ce qui a été soulevé beaucoup, c'est que, dans le processus des exigences qu'on ajoute aux nouveaux arrivants, par exemple, pour les stages, il y a un manque de stages criant ou il manque de formation parce que, parfois, on va demander de la formation ou on va imposer de la formation à ces personnes-là, et malheureusement la formation est déficiente pour ces personnes-là qui ont à le suivre, naturellement.

Le début de l'étude détaillée du projet de loi, je le qualifierais un peu de singulier. J'avoue que ça a été assez intéressant et rocambolesque comme début d'étude du projet de loi. D'abord, pour une première expérience, on n'a pas cessé de me dire : Mireille, c'est du jamais-vu, ce qu'on vit à l'étude détaillée. Remarquez, depuis un an que je suis à l'Assemblée nationale, ça fait plusieurs fois qu'on me dit : Mireille, c'est du jamais-vu. Donc, je l'ai vécu aussi à ce début d'étude détaillée.

D'abord, soulignons... Je rappellerais que, pour une étude détaillée d'un projet aussi important et un projet complexe, technique, qui touche le Code des professions, on se retrouvait au coeur de l'absence... de la grève des juristes de l'État, ce qui n'aidait pas la situation, on peut l'imaginer. Ce projet de loi là a été mis en oeuvre tout juste après, d'ailleurs, une sortie du premier ministre, qui avait annoncé que le projet de loi n° 98 s'inscrivait dans la voie qui permettrait aux nouveaux arrivants d'avoir justement accès au milieu du travail. La ministre l'a souligné tout à l'heure, malheureusement ou heureusement, c'est que seulement 15 % des nouveaux arrivants se situent dans le niveau, justement, professionnel. Donc, il était un peu difficile d'imaginer que ce projet de loi là permettrait de solutionner la problématique d'accès au travail des nouveaux arrivants. Mais on parle quand même de ceux qui sont liés aux lois professionnelles.

Dans ce même esprit là, naturellement, le Parti québécois avait proposé, en parallèle avec l'annonce du premier ministre, 20 mesures qui aideraient de façon globale l'accès du travail pour les nouveaux arrivants. Dans ces 20 mesures là, certaines ont été proposées pour le projet de loi n° 98 et d'autres vont être étudiées subséquemment dans d'autres projets de loi.

Donc, en parlant du début, justement, de l'analyse détaillée du projet de loi, le jour 1, j'annonce mon intention de proposer des amendements, dont certains qui toucheront l'accès aux femmes aux postes de décision, donc aux conseils d'administration des différents ordres professionnels. Donc, c'était mon intention.

Or, au jour 1 ou 2, si je ne me trompe pas, une chose qu'on voit rarement, peut-être pas du jamais-vu mais qu'on voit très rarement, une députée du gouvernement a proposé un amendement dans cette optique-là, donc un amendement qui proposait justement de faciliter l'intégration des femmes sur les conseils d'administration ou de favoriser l'atteinte de la parité sur les conseils d'administration de l'Office des professions et aussi qui pourrait découler sur différents conseils d'administration.

Je vous avoue qu'à cette période-là, si je me souviens bien, il y a eu énormément de discussions sur ce sujet-là. La ministre démontrait des ouvertures, ce qui était très intéressant. Mais il y a eu beaucoup d'arrêts de l'étude détaillée parce qu'il y avait des travaux à faire en parallèle. Bref, il y a eu beaucoup de minutes et, je dirais, peut-être des heures consacrées en arrêts et aux questions autour juste de ce sujet-là, qui était vraiment au début et qui touchait, en fait, quelque chose de parallèle au projet de loi en tant que tel, qui est la réforme du Code des professions.

La ministre a demandé dès le premier jour... Ah oui! Donc, ça, c'est pour le fameux amendement qui a été proposé.

Dans le résultat, on a quand même été un peu désappointés. On est heureux qu'effectivement l'amendement ait été approuvé, mais quand même un peu désappointés parce que nous, on a beaucoup... j'ai beaucoup argumenté sur le fait qu'il fallait imposer une parité dans la mesure du possible, lorsque c'était possible, de l'imposer. Et malheureusement ce qu'on a préféré comme libellé, c'est le libellé suivant, c'est-à-dire de tendre, plutôt, vers la parité. Donc, de tendre vers la parité, pour nous, semblait un peu faible. C'est-à-dire c'est une bonne intention d'arriver à la parité plutôt que de dire : Il faut que, dans la mesure du possible, un conseil d'administration s'assure d'avoir la parité hommes-femmes sur le conseil d'administration.

En même temps, la chose intéressante, quand même, qui a été apportée en supplémentaire, c'est qu'effectivement on a ajouté la notion, pour la composition des conseils d'administration, dans le même amendement, de tendre aussi vers la représentation interculturelle du Québec. Donc, le tissu interculturel du Québec ne sera pas une obligation mais une indication, pour les conseils d'administration, qu'ils devront faire des efforts pour tendre vers cette représentation-là. Et ça, je pense que c'est une avancée pour les ordres professionnels et c'est une avancée pour l'ensemble de la population, ou l'ensemble des niveaux décisionnels, ou l'ensemble des conseils d'administration qui se tiennent ici, au Québec, pour qu'on puisse en tenir compte, que c'est important que la représentation réaliste de la population du Québec soit représentée lorsqu'on se retrouve dans des niveaux décisionnels importants. Donc, on parle hommes-femmes, mais on parle aussi des autres composantes de la société québécoise. Donc, un fait très intéressant qui a été discuté et, finalement, approuvé lors d'un amendement.

• (11 h 40) •

Encore une fois, au début, la ministre avait demandé un autre élément — je change de sujet — un autre élément avait été demandé. La ministre avait demandé à revoir l'ordre des analyses détaillées qu'on devait faire. Vous savez, il y a une liste d'articles qui sont proposés, qui sont dans un ordre prédéterminé. Donc, la ministre nous avait demandé si on pouvait revoir cet ordre-là de manière à étudier une catégorie d'articles dans un même groupe. Nous, on a montré une ouverture à ce niveau-là, c'était intéressant de le faire, effectivement. Ça aurait pu faciliter, mais on a demandé en même temps d'avoir les amendements qui étaient prévus, qui touchaient ces articles-là, et malheureusement on n'a pas réussi à avoir les amendements. Donc, il a été difficile pour nous d'accepter de revoir la liste ou la séquence des articles révisés vu qu'on n'avait pas les amendements. Donc, on a gardé le même... la lecture point par point, tel qu'il était proposé dans le projet de loi, au lieu de regrouper tel qu'il était initialement demandé vu qu'on n'avait pas eu les amendements. Donc, la demande a été rejetée.

Je soupçonne d'ailleurs... Parce qu'au fil de l'analyse détaillée du projet de loi on a, nous, demandé, à un moment donné, à regrouper certains articles ensemble, et je nommerais ceux qui touchaient notamment la répartition des pouvoirs, qui était revue maintenant vu la création de... ou l'obligation de la création d'un poste de directeur général, qui impliquait un certain pouvoir : le poste du président, où son pouvoir était revu, et le conseil d'administration de l'ordre professionnel où aussi les pouvoirs étaient revus. Donc, on avait proposé que les articles qui touchaient justement la répartition de pouvoirs dans ces trois postes-là soient étudiés ensemble, demande qui a été refusée par la ministre, malheureusement, et je soupçonne que c'est peut-être à cause du fait qu'au début on avait dû refuser, justement, la même demande pour le regroupement pour les études détaillées qu'elle avait demandé. Mais on a quand même réussi à faire la fameuse analyse de ces postes-là de façon cohérente, et c'était juste un peu plus lourd, et un peu plus long, et un peu plus compliqué.

Si on parle des amendements, on a effectivement, tout au long de l'étude détaillée du projet de loi, proposé des amendements, et c'est plutôt des amendements qui étaient prévus... Vous savez, il y a des... le projet de loi a été déposé, et la ministre a des amendements qui seront proposés parce qu'il y a des choses... le projet évolue, et il y a déjà des amendements qui sont proposés par la ministre. Pendant l'étude, surtout au début, je parlerais de la première moitié de l'étude détaillée, de la période dans laquelle s'est étendue l'étude détaillée, on a demandé régulièrement, justement, d'avoir à l'avance les fameux amendements qui étaient prévus par la ministre, et systématiquement on avait un refus de pouvoir avoir accès à ces amendements-là. C'était malheureux parce que, de les avoir à l'avance, nous, ça nous permettait d'en faire l'analyse, et d'être plus efficaces, et d'être plus précis lorsqu'on avait à faire, justement, nos interventions lors de la période de la commission, et de ne pas l'avoir, ça nous empêchait peut-être de faire un certain travail encore plus précis et plus profond et vis-à-vis les amendements qui étaient proposés. Donc, de façon répétée, on a demandé les amendements comme ça pour pouvoir les étudier de façon préalable à leur étude.

À un moment donné, je dirais que c'est à peu près à la moitié, ça s'est mis à arriver, on a reçu les amendements par blocs. Et à ce moment-là c'était très aidant pour... peut-être parce que je suis... C'était ma première étude détaillée, mais ça me permettait de pouvoir étudier d'avance ces amendements-là, et effectivement, comme je disais tout à l'heure, d'être plus précise et pertinente par rapport aux interventions, et aussi de permettre... faire en sorte que les améliorations possibles et aussi les implications qui arrivaient avec... qu'impliquaient... qui sont impliquées par un amendement... On était capables... J'étais capable de les analyser et, à ce moment-là, d'être plus pertinente dans mes interventions lors de la commission. Donc, on a eu, justement, ces amendements-là par blocs, ce qui était vraiment très aidant, et j'ai apprécié beaucoup que ce soit arrivé.

Quelquefois, malheureusement, et ça, ça m'a surprise, c'est qu'on avait l'amendement en main, mais, la journée de l'étude de l'amendement, on avait un amendement qui modifiait l'amendement. Donc, on revenait un peu au point de départ. C'est-à-dire que la réétude n'avait pas pu se faire préalablement. Donc, je regrette un peu que ça, ce soit arrivé. Idéalement, c'est d'avoir les amendements préalables pour être capable de faire des échanges les plus pertinents possible et les plus profonds possible par rapport aux implications qui sont engendrées par les amendements et par le projet de loi et les articles du projet de loi.

C'est sûr que, là, en soi, j'ai l'air de dire que ça n'a pas bien été. Ça a bien été, je dis juste qu'au début ça a été un petit peu houleux... je ne dirais pas houleux mais chaotique, et des va-et-vient, et un peu long, et qui était dû à toutes sortes de circonstances qui étaient en dehors de nos pouvoirs, en fait. Mais, à un moment donné, la vitesse de croisière s'est prise, et j'avoue que c'est à ce moment-là que c'était vraiment encore plus intéressant de pouvoir le faire. On avait nos amendements, on était prêts, et tout le monde avançait à une vitesse, je pense, que tout le monde appréciait, d'ailleurs. Ah! peut-être aussi... Là, je ne me souviens pas, c'est peut-être arrivé, cette vitesse-là ou cette erre de croisière là, avec le retour des juristes au travail. Je pense que ça a pu faire une différence, justement, sur les informations qu'on avait et la qualité des éléments qu'on recevait.

En général, l'étude détaillée que j'ai effectuée avec la ministre et l'ensemble de mes collègues a été, je dirais, une approche de collaboration et de collégialité. J'ai apprécié l'ouverture, et les échanges, et ce qui se passait justement à la commission à ce moment-là.

Comme membre de l'opposition officielle, j'ai eu le temps de poser mes questions. Donc, le temps réparti était adéquat, et on me laissait le temps qu'il me fallait pour poser une question et renchérir une deuxième question pour aller chercher l'information que j'avais besoin d'aller chercher pour être capable de fonctionner après ça et dire : Oui, on approuve, ou on accorde, ou on accepte l'article, ou on le rejette. Donc, j'ai eu le temps pour poser mes questions à répétition. La ministre et les personnes qui l'accompagnaient ont répondu pour la plupart du temps de façon adéquate et de façon précise aux questions qui étaient posées. C'était très apprécié aussi. Donc, il n'y avait pas de blocage à ce niveau-là, et je pense que c'était important pour arriver au meilleur projet de loi possible.

Je voudrais mentionner, comme la ministre l'a mentionné aussi, l'apport particulier de deux personnes qui étaient vraiment beaucoup présentes à cette étude détaillée là et je nommerai le président de l'Office des professions, Jean Paul Dutrisac, qui était là, et qui secondait la ministre dans les réponses, et qui répondait directement, justement, aux différentes questions qui pouvaient être soulevées et dont les réponses étaient extrêmement importantes pour être capable justement de porter un point de vue sur un niveau ou... un dossier qui est très technique, qui est très complexe. Donc, M. Dutrisac nous arrivait avec des réponses qui permettaient de dénouer la complexité et de porter un jugement, je pense, assez juste sur les enjeux de chacun des articles qui étaient touchés par nos questions.

Deuxième personne aussi qui a été particulièrement appréciée, c'est la présence de M. André Gariépy, le commissaire aux plaintes, qui deviendra incessamment le commissaire aux admissions. Donc, M. Gariépy a partagé avec nous, justement, la vision de son travail actuel et de son futur travail, ce qui était extrêmement important parce qu'il est au coeur de l'intention, justement, de faciliter l'entrée des nouveaux arrivants aux professions. Donc, c'était extrêmement important pour nous de bien comprendre son rôle, de bien comprendre qu'est-ce qui va se passer lorsque le commissaire aux admissions va être en place, de manière à ce que, justement, on soit dans la bonne voie, que c'est bien une amélioration et non pas des embûches supplémentaires.

Ce qui était important aussi, c'était de comprendre que la présence d'un commissaire aux admissions n'entre pas en conflit avec les autres acteurs, qui sont les institutions d'enseignement, qui sont les ordres professionnels. Donc, que ce soit plus aidant, que ce soit un élément qui viendrait complexifier ou encore nuire au bon fonctionnement des ordres professionnels et des institutions d'enseignement et... justement, encore une fois, pour faciliter l'entrée des nouveaux arrivants aux ordres professionnels.

Je mentionnerais aussi, vu que c'était ma première expérience... Les présidents qui se sont succédé faisaient, à mon avis, un travail excellent en octroyant le bon temps qu'il fallait, en... je vous dirais, en... j'ai envie de dire «jongler», mais... en tout cas, qui négociaient les temps et qui s'assuraient que nous, on ait les réponses et que le public puisse aussi avoir toute l'information qui est nécessaire avec une analyse détaillée d'un projet de loi comme ça.

Au cours de l'analyse détaillée, on a déposé plusieurs amendements qui visaient son amélioration. Malheureusement la plupart ont été rejetés. Quelques-unes ont été retenues, exceptionnellement, mais quelques-unes, quand même, en ont inspiré, je pense, des positives, qui ont été présentées par la ministre elle-même. Donc, plusieurs fois... ou quelques fois, c'est arrivé qu'un de nos amendements n'était pas accepté en tant que tel, mais qu'un contre-amendement ou un amendement était proposé subséquemment par la ministre, et qui comprenait l'amélioration qui était proposée par l'amendement initial. Donc, cette façon de procéder là, je l'ai trouvée intéressante et je l'ai trouvée positive. Et j'apprécie l'ouverture de la ministre et des collègues, justement, vis-à-vis cette ouverture-là de pouvoir intégrer des amendements qui permettent d'améliorer un projet de loi aussi important.

• (11 h 50) •

Donc, en conclusion, ce que je vous dirais, c'est que, d'entrée de jeu, quand je suis rentrée à l'analyse détaillée de ce projet de loi là, je suis rentrée avec des intentions précises de faire en sorte, d'abord, que les professionnels qui ont à vivre avec le Code des professions et les articles qui sont dans le Code des professions puissent avoir un environnement le plus adéquat possible pour qu'ils puissent exercer leur profession adéquatement et sans trop d'embûches, qu'ils soient capables de le faire sans être écrasés par des lourdeurs administratives qui pourraient être indûment engendrées par des articles ou des impositions du projet de loi.

Mais je voulais aussi et surtout que le public soit protégé. Donc, toute ma vision de l'analyse des articles qui étaient proposés était en fonction de : Est-ce que le public va être bien protégé là-dedans? Est-ce que la transparence, elle est là pour que le public soit bien informé de la chose? Alors, autant au niveau de l'Office des professions que lorsque ce sera décliné dans les ordres professionnels, que ça puisse encore s'appliquer et que l'essence même de l'existence des ordres professionnels, qui est la protection du public, ne soit pas entachée, qu'elle soit plutôt renforcée par ce projet de loi là.

J'avais aussi à coeur que les nouveaux arrivants qui sont des professionnels qui ont les qualifications et qui ont la formation, qui ont la diplomation adéquate pour pouvoir exercer au Québec, puissent avoir une chance de le faire dans les plus courts délais possible. Je pense que c'était important. Et, comme je l'ai dit d'entrée de jeu, profiter de ce projet de loi là pour mettre de l'avant qu'il y a plusieurs conseils d'administration. Et dans les conseils d'administration il est important de considérer la parité hommes-femmes et il est important aussi de considérer la composition de la communauté globale du Québec. Et c'est comme ça, je pense, que les conseils d'administration sont plus adaptés et que leurs décisions conviennent au plus grand nombre possible. Donc, c'étaient mes intentions lorsque je lisais attentivement chacun des articles qui étaient proposés par ce projet de loi.

Donc, je pense que ce premier projet... Ah oui! Ça, c'est un premier volet de la réforme ou de la modernisation du Code des professions. Donc, je pense que ce premier volet-là marque un avancement dans le fonctionnement des ordres professionnels. Je pense que ça marque un avancement dans la qualité de gouvernance des ordres professionnels, l'encadrement. Je pense que ça a amélioré beaucoup qu'est-ce qui va se passer maintenant dans les ordres professionnels.

Le deuxième volet qu'on attend maintenant, qui va toucher d'autres sujets et qui va toucher, entre autres... et ça a été un peu discuté dans ce volet-là parce qu'on avait pensé peut-être qu'il serait intéressant de l'inclure immédiatement, c'est d'imposer des codes de déontologie non seulement pour les conseils d'administration ou aux membres des conseils d'administration, mais aussi aux syndics des ordres professionnels et à leur personnel, aux employés, donc l'ensemble de l'institution, et que le syndic, qui est un élément important dans le fonctionnement des ordres professionnels, soit soumis lui aussi à un code de déontologie.

Donc, on s'attend à ce que, bientôt, on puisse avoir des actions à ce niveau-là, et que le volet 2 puisse le traiter clairement, et que ce volet 2 là soit étudié le plus rapidement possible. Encore une fois, le Code des professions a 40 ans, et sa réforme, sa modernisation est un élément qui, je pense, ne nécessite plus de délais ou le moins de délais possible.

Je terminerai en disant que j'ai eu beaucoup de plaisir à travailler. Je trouve que l'ambiance était collégiale lors de l'analyse détaillée. Il y avait de la collaboration. Je veux remercier la collaboration de la ministre et l'ouverture qu'elle a démontrée lors de ce travail. Merci aussi aux... J'ai eu plaisir aussi à travailler avec les collègues du gouvernement. Ça a été un plaisir aussi à travailler avec le collègue de Borduas, qui a été présent à peu près autant que moi dans ce projet de loi là, et qu'on a réussi ensemble à faire quelque chose de bien. Je veux souligner, avant de terminer, la participation de ma collègue députée de Taillon, Diane Lamarre, qui a aussi participé activement à ce projet de loi là et qui a apporté toute son expérience et son savoir du milieu. Donc, je pense que ça avait été très aidant. Je veux souligner et remercier encore une fois toutes les personnes et les groupes qui ont participé de près ou de loin à ce projet de loi là et cette analyse détaillée.

Et je mentionne encore une fois les groupes qui ont déposé des mémoires lors des auditions, qui ont été extrêmement utiles et extrêmement aidants pour une personne comme moi pour comprendre effectivement qu'est-ce qui se passe dans le projet de loi et de pouvoir apporter des améliorations, je pense, qui avaient à être apportées. Donc, ces personnes-là et ces groupes-là ont été extrêmement importants. Je les félicite et je les remercie pour leur travail. Et je remercie aussi mon recherchiste, Martin Blanchette, qui m'a accompagnée tout au long de cette aventure.

Donc, là-dessus, Mme la Présidente, je vous dirais que l'expérience a été positive et que ça me fera plaisir d'en faire d'autres dans le futur. Merci beaucoup.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, merci beaucoup, Mme la députée de Chicoutimi. Vous avez vécu une belle expérience, et c'est tant mieux.

Maintenant, je vais céder la parole à M. le député de Mercier. Et je vous indique que vous disposez d'un temps de parole de 10 minutes.

M. Amir Khadir

M. Khadir : Merci, Mme la Présidente. Je tiens à remercier l'ensemble de mes collègues, notamment mon collègue de la deuxième opposition officielle qui m'a cédé son tour de parole. On s'échange souvent ce genre, je dirais, de courtoisie.

Mme la Présidente, je vais aller dans le vif du sujet. Pour ce qui est du projet de loi n° 98, il faut le mettre dans un contexte. Le contexte est le contexte suivant : l'élection du présent gouvernement en 2014 était accompagnée, si on se rappelle, d'un fort engagement de la part du premier ministre qu'il allait agir sur les thèmes de l'inclusion et de la laïcité.

Évidemment, tout le monde peut se demander c'est quoi, le lien entre la laïcité et l'inclusion parce que, quand on ne prend pas les précautions appropriées et on fait le débat de la laïcité dans un contexte où on l'associe à des questions d'identité relatives, donc, aux questions d'immigration, en fait, les sentiments de remise en question de l'identité qui sont suscités dans nombre de pays par les questions d'immigration, tout ça amène son lot de tensions sociales, desquelles il faut rester le plus loin possible, d'accord? Donc, il l'a promis en campagne électorale, très conscient que, tant qu'on ne règle pas une à une les difficultés que connaissent les gens qui sont identifiés comme étant... appartenant à des minorités religieuses, à des minorités ethniques, à des minorités racisées, on laisse grande ouverte la porte à toutes sortes de dérives politiques qui se manifestent de différentes façons dans différents pays.

Heureusement, au Québec, on est encore, même s'il y a eu plusieurs soubresauts, qu'on a connu des épisodes assez désolants, que des gens ont payé de leur vie pas plus tard qu'en janvier dernier... Heureusement, dans l'ensemble, on arrive souvent à contenir ce mal et à maintenir un débat qui soit constructif et qui soit civilisé alentour de ces thèmes-là. Mais je rappelle que le Parti libéral — ça fait près de 15 ans qu'ils sont au pouvoir — a une lourde responsabilité. Le Parti libéral se targuait en quelque sorte d'être attentif à ça, le premier ministre. Or, la réalité, c'est qu'il ne s'est rien passé. On a actuellement le projet de loi n° 98, mais avant il y a eu le projet de loi n° 59, il y a eu le projet de loi n° 62. Ni l'un ni l'autre n'ont été réglés, n'ont été aboutis. On les a oubliés en chemin, on a préféré les oublier en chemin, et ce n'était pas vraiment ce que nous attendions. C'était quoi, ce que nous attendions? Des mesures pour venir en aide aux personnes issues des minorités, notamment de l'immigration. On sait depuis longtemps, notamment, que le taux de chômage est extrêmement élevé chez ces personnes. Ça vient donc rajouter au lot de clivages, d'insatisfactions, de tensions sociales, desquels peuvent émerger d'autres dérives que le premier ministre a maintes fois lui-même mentionnées et dont il a la responsabilité d'agir de manière diligente et responsable, d'apporter des solutions parce qu'il sait en outre qu'il y a d'énormes problèmes de reconnaissance de diplôme. Mais le gouvernement, malheureusement, n'agit pas.

Bon, j'ai mentionné les problèmes vécus par notre société. Il ne faut jamais oublier qu'alentour de toutes sortes, je dirais, de couches de ressentiment, d'interprétation abusive du rôle de chacun dans les problèmes qu'on connaît dans la société, il y a des gens peu informés, déstabilisés, victimes de propagande toxique qui sont allés, au Québec, jusqu'à tuer d'autres personnes dans leur rejet de ces immigrants. Donc, ça ajoute à notre part de responsabilité d'agir avec plus de diligence et d'implication.

Le gouvernement allait en principe mettre tout en oeuvre, avec ce projet de loi, pour assurer que les immigrants puissent s'intégrer davantage au marché de l'emploi. Je fais cette mise en contexte pour me permettre de vous dire que, ce projet de loi n° 98, je le vois en deux étapes.

Oui, il y a tout ce qui touche les admissions aux professions. Ce travail a été fait avec rigueur, je ne le remets pas en question. Il y a plusieurs éléments que nous aurions aimé voir dans cette section, mais il y a eu aussi de bons rajouts de la part de la ministre et des oppositions, et je veux souligner ce travail. Il y a eu d'excellents amendements. Bravo pour le travail qui a été fait!

• (12 heures) •

Mais, si je reviens à ce que je disais au début, je dois dire que nous nous attendions à plus, nous nous attendions à quelque chose de substantiellement plus prometteur. Encore une fois, je sais que les oppositions ont vu plusieurs de leurs amendements refusés, qui auraient pu sans doute améliorer la qualité du projet de loi dans le sens que je l'entends, des amendements audacieux mais que, malheureusement, et ça, c'est vraiment une habitude que je vois, mais, parfois, j'estime, comme juste un simple réflexe qui n'a pas sa place... Parce que, souvent, j'ai la ferme certitude que, si on n'avait pas le réflexe de juste refuser parce que ça vient de l'opposition... de prendre un peu plus de temps, d'accorder un peu plus d'estime au travail de l'ensemble des députés, on pourrait plus facilement intégrer les amendements dans les projets de loi.

Ce que j'essaie de vous dire, c'est que, pour les personnes issues de l'immigration, ce projet de loi, malheureusement, n'est pas le saint Graal, n'est pas la panacée dont le premier ministre parlait, suite notamment à l'attentat de la mosquée de Québec. Parce que rappelez-vous les paroles qu'il avait eues, apaisantes, tout à fait appropriées, mais qu'il faut qui soient accompagnées par des gestes. Il faut que ça soit accompagné par des gestes. Je ne crois malheureusement pas que l'adoption de ce projet de loi va radicalement changer les choses, notamment en matière de chômage qui touche les immigrants. C'est une occasion ratée. Est-ce que des mesures pour cette population viendront dans un autre projet de loi? Espérons-le, mais là ça commence à tarder... en trois de ce gouvernement.

Il est donc plus que temps d'agir. Voilà pourquoi j'ai soumis au moins un nouvel amendement, qui sera voté aujourd'hui, et j'espère que ce que je propose, même s'il peut y avoir des anomalies... là, je m'adresse à la table même de l'Assemblée, sur consentement dans cette Chambre, on peut tout faire. Sur consentement, les membres de cette Assemblée sont maîtres de ce qu'ils acceptent. Alors, je soumets humblement, encore une fois, que l'amendement que je propose, et en fait l'intégralité du projet de loi n° 799 que j'ai déposé plus tôt cette année... Qu'est-ce que fait ce projet de loi? Ce projet de loi vise à modifier la Loi sur les syndicats professionnels dans le but de supprimer l'obligation d'être citoyen canadien pour être membre du conseil d'administration. Chose bêtement simple, simple, je veux dire, ça va de soi, personne ne pourrait raisonnablement aujourd'hui, en 2017, s'objecter, sur le plan logique, sur le plan moral, sur le plan de tout ce qu'on a discuté au cours des dernières années, à ça, de supprimer l'obligation d'être citoyen canadien pour être membre du conseil d'administration d'un syndicat ou faire partie de son personnel.

Pourquoi on a introduit ça? Parce qu'il y a une résidente permanente d'origine haïtienne qui avait eu un emploi mais a été remerciée de son service... avait toutes les compétences pour siéger au conseil d'administration en plus. En fait, elle avait été admise à un conseil d'administration, mais on la remerciait de ses services parce qu'elle n'était pas citoyenne canadienne. Et je suis sûr que tous les collègues qui m'entendent doivent se dire : Bien, pourquoi? Bien, parce que notre Loi sur les syndicats est déficiente, et on vous propose de la changer.

Alors, j'interpelle encore notre gouvernement, la ministre, ses adjoints qui peuvent avec attention nous écouter, sur consentement, les membres de l'Assemblée nationale sont maîtres de leur agenda et de tout ce qu'ils peuvent accepter ou pas. Alors, l'amendement qu'on a proposé, c'est d'intégrer ça dans le projet de loi ou de trouver les moyens de s'assurer que ça ne se reproduise plus.

N'oublions jamais une chose, Mme la Présidente, ce qui aide grandement les populations issues de l'immigration, c'est la mise sur pied aussi d'une véritable commission sur les éléments de discrimination systémique dans notre société. Si le terme «racisme systémique» heurte des gens, parce qu'ils le prennent personnel, ils pensent qu'on parle d'eux, on oubliera... moi, en tout cas, dans mon intervention, j'aimerais qu'on oublie ça un moment. Personne ne peut nier qu'il y a des structures dans notre société, qui ne dépendent pas des volontés individuelles, qui discriminent systématiquement.

Alors, on voudrait qu'il y ait une commission aussi, là, ça pourrait être l'autre geste qu'on pèse — oui, je termine avec ça — qu'une commission de l'Assemblée nationale se penche sur les problèmes de discrimination systémique vécus en société. Je l'ai même nommée au début de cette année. Nous avons fait un bilan des nominations au bureau du premier ministre. Tout le monde sait, au Québec, que le premier ministre ne discrimine pas en vertu de l'origine des personnes. Mais, les nominations, quand on les regarde de manière systématique sur plusieurs années, il y a une discrimination systémique. C'est ce qu'on appelle le racisme institutionnel, le racisme de nos institutions dans ses habitudes, dans ses réflexes, dans les jeux de relations de pouvoir. Et c'est là qu'on a besoin d'une commission pour se pencher sur comment on peut dénouer ces noeuds qui font en sorte qu'alors que quelqu'un, un politicien ne veut pas agir ainsi l'appareil qu'il maîtrise, qui agit en son nom, discrimine systématiquement. J'espère avoir un peu permis de comprendre notre vision quand on dit qu'il faut une commission sur le racisme ou la discrimination systémique. Merci beaucoup, madame.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, merci beaucoup, M. le député de Mercier. Et je dois vous rappeler que, tout à l'heure, j'ai exposé tous les éléments qui font que votre amendement est irrecevable.

Alors, maintenant pour la prochaine intervention, je vais céder la parole à M. le député de Borduas.

M. Simon Jolin-Barrette

M. Jolin-Barrette : Merci, Mme la Présidente. Ça me fait plaisir d'intervenir sur la prise en considération du rapport de la commission du projet de loi n° 98. On a passé beaucoup de temps cet hiver à l'étude du projet de loi n° 98. On a travaillé fort, Mme la Présidente, en compagnie de la ministre, en compagnie de la collègue de Chicoutimi également. Parfois, ça a été ardu, parfois, ça a mieux été, mais l'important, Mme la Présidente, c'est d'arriver avec un projet de loi bonifié. Est-ce que le projet de loi aujourd'hui, que nous avons, c'est celui que la Coalition avenir Québec voudrait? La réponse, c'est non, mais il y a des bonnes avancées dans le projet de loi. Donc, ultimement, nous allons voter en faveur du projet de loi.

Mais, ceci dit, il y a certains amendements que nous avons déposés que nous aurions apprécié qu'ils soient adoptés. Parce que vous savez que le système professionnel, Mme la Présidente, c'est une bibitte en soit, si je peux appeler ça comme ça, Mme la Présidente. C'est un système qui a été créé dans les années 70 avec le Code des professions, avec son adoption, je crois, en 1973. Et tous les professionnels du Québec, les gens qui exercent une profession parmi les 46 ordres professionnels, doivent être membres d'un ordre professionnel. Donc, juste à la base, au niveau de l'utilisation du terme «membre d'un ordre professionnel», qui est destiné à la protection du public, bien, parfois, ça peut apporter certaines confusions, parce qu'un ordre professionnel, ce n'est pas là pour défendre l'intérêt de ses membres, donc des professionnels, mais plutôt d'assurer la protection du public.

Donc, il faut démystifier tout ça dans un premier temps. Et ça fait en sorte que, parfois, on donne certains pouvoirs à l'assemblée générale des membres, au conseil d'administration... C'était une révision de la gouvernance, et il y a certains éléments qu'on aurait aimé voir modifiés dans le projet de loi, qui l'ont été parfois, et parfois on est arrivés à des situations de compromis, et parfois ça n'a pas été accepté. Mais, cela étant dit, on a débattu nos points, Mme la Présidente, et on est arrivés avec des propositions constructives à ce niveau-là.

Juste pour vous donner quelques exemples, Mme la Présidente, d'éléments qui sont perfectibles dans le projet de loi, la question de la cotisation des membres de l'ordre professionnel. Vous savez, à chaque année, les ordres professionnels sont autofinancés, l'Office des professions aussi, par les cotisations des membres. Donc, les infirmières, les avocats, les ingénieurs, les architectes financent le système professionnel à même leurs cotisations professionnelles.

Antérieurement, dans le code... bien, en fait, actuellement, jusqu'à tant que le projet de loi soit adopté, c'était l'assemblée générale des membres qui avait ce pouvoir-là d'approuver ou de ne pas approuver la cotisation. Comme mécanisme de contrôle, c'était une bonne mesure. Vous me direz : Il est arrivé à une occasion des difficultés dans certains ordres professionnels. Effectivement. C'est pour ça que nous avions proposé une approche pragmatique et raisonnable, de façon à faire que la cotisation d'un ordre professionnel qui vise à assurer la protection du public, notamment au niveau de l'inspection, au niveau du syndic, aurait pu être approuvée par le conseil d'administration, et en laissant la liberté à l'assemblée générale des membres de contrôler le budget de l'ordre professionnel par leur biais de leur assemblée générale annuelle. Malheureusement, l'amendement a été rejeté. Il va y avoir un processus de consultation, mais j'invite fortement les membres des ordres professionnels à s'impliquer dans leur vie de leurs ordres professionnels de façon à assurer que leurs commentaires seront entendus par les conseils d'administration.

• (12 h 10) •

Même chose au niveau du salaire des administrateurs. C'était une de nos demandes, qui a été accordée, Mme la Présidente. Maintenant, les membres des ordres professionnels pourront, lors de l'assemblée générale annuelle, voter sur les émoluments des administrateurs et des présidents des ordres professionnels, qui seront... bien, en fait, des élus, le traitement des élus qui se retrouvent au conseil d'administration d'un ordre professionnel.

Ça m'amène, Mme la Présidente, à vous parler du fait qu'on a modifié le pouvoir du président d'un ordre professionnel, et on l'a rendu comme président du conseil uniquement. Auparavant, il avait un pouvoir de surveillance général de l'ordre. Maintenant, on a confié ce pouvoir-là au directeur général. C'était bien, Mme la Présidente, que le président d'un ordre professionnel puisse avoir une juridiction sur l'ensemble de l'ordre professionnel. Là-dessus, je pense qu'il y a un petit recul.

On voulait insérer la fonction de directeur général, on a obtenu un gain, Mme la Présidente, en proposant que le directeur général ne soit pas apte... ne soit pas permanent au sens d'avoir une inamovibilité requérant les deux tiers du conseil d'administration. Ça, c'est un gain qu'on a fait. Cela étant dit, l'important, Mme la Présidente, c'est que la protection du public soit assurée.

On se retrouve dans une situation où c'est le premier volet de la modification du système professionnel. Vous savez, parfois, ça prend beaucoup de temps avant qu'on étudie les projets de loi du domaine professionnel, mais c'est important de moderniser la globalité. Donc, j'indique à la ministre que nous, on est prêts à étudier les autres volets du système professionnel au cours des prochains mois, parce que, pour faire une modification puis une modernisation complète, il va falloir toucher à l'ensemble de ces éléments-là, Mme la Présidente.

Un point sur la reconnaissance des compétences des candidats étrangers. On a eu beaucoup de débats relativement au pôle de coordination et relativement aux nouveaux pouvoirs qui vont être confiés au Commissaire à l'admission, mais en fait au Commissaire aux plaintes qui devient le Commissaire à l'admission aux professions. Vous savez, les ordres professionnels étaient contre l'élargissement des pouvoirs du Commissaire aux plaintes... Commissaire à l'admission parce qu'ils disaient : Écoutez, si l'objectif du gouvernement, c'est d'assurer que les candidats ayant une formation à l'étranger aient des recours, puissent s'adresser au commissaire, bien, c'était déjà le cas actuellement.

Le commissaire, dans le fond, ce qui lui manquait, c'étaient les gens qui avaient un parcours atypique. Supposons qu'ils avaient fait des études au Québec, des études à l'étranger en même temps et qu'ils n'avaient pas suivi le moule traditionnel. Donc, on aurait pu élargir les pouvoirs du commissaire, mais de façon plus limitée. On a choisi de lui donner un très large spectre, en fait tout le spectre possible, et qu'il puisse commenter sur l'ensemble des parcours. C'est un choix gouvernemental, nous, on aurait apprécié avoir un cadre plus ténu pour encadrer son pouvoir d'examen.

Mais il y a une chose qui est sûre, Mme la Présidente, et j'avais soulevé cette question-là lors de l'étude détaillée, c'est comment le poste de commissaire a été créé. Dans le Code des professions, on prévoit que c'est... il est désigné en vertu de la Loi sur la fonction publique. Et cette personne-là est chargée à la fois de critiquer les ordres professionnels, ou d'apporter des suggestions, mais aussi l'Office des professions, de qui il relève. Donc, au niveau institutionnel, il y a un problème du fait que cette personne-là ne soit pas une personne désignée par un décret, mais plutôt qu'elle soit nommée en vertu de la Loi sur la fonction publique, avec une inamovibilité de fonction. Parce que, généralement, dans un cas comme ça, c'est l'équivalent d'un ombudsman dans une organisation, Mme la Présidente, on le désigne pour un temps précis pour bénéficier, oui, de son expertise, mais ça assure aussi une indépendance avec un traitement qui est différencié. Donc, là-dessus, il y a peut-être une lacune dans le Code des professions, mais on ne voulait pas aller de ce côté-là, du côté du gouvernement.

Et l'autre élément aussi, c'est que les ordres professionnels aussi, ce sont les spécialistes en matière d'admission. Ils connaissent, dans le fond, le domaine dans lequel ils oeuvrent, et ce sont eux qui s'assurent de la protection du public. Donc, c'est fort important que les critères d'admission à un ordre professionnel, ça soit les mêmes pour tout le monde, et qu'il n'y ait pas de distinction, et que la formation requise soit la même, parce qu'il en va de la protection du public.

Mais ça, Mme la Présidente, ça ne veut pas dire que vous devez avoir des freins à l'admission à une profession. Vous devez avoir la possibilité, si vous avez les compétences, la qualification et l'expérience requises, de remplir les critères d'un ordre professionnel, et devenir membre de cet ordre professionnel là, et de devenir... et de pouvoir exercer votre profession sur le territoire québécois. Donc, ça doit être mis en oeuvre, et les ordres professionnels ont cette sensibilité-là, ils l'ont tous dit lors de la commission parlementaire.

Et j'espère, M. le Président, que, du côté gouvernemental, on ne se servira pas du projet de loi n° 98, pour faire de la politique, M. le Président. Le système professionnel est important, les critères pour être admis à un ordre professionnel sont importants, parce qu'il en va de la protection du public, mais on ne doit pas utiliser les mesures qui sont prises dans le projet de loi n° 98, on ne doit pas les instrumentaliser pour répondre à des situations qui sont véhiculées dans la sphère publique. Donc, comme le premier ministre le laissait présager lorsqu'il a priorisé le projet de loi n° 98 au mois de février dernier, je ne pense pas qu'il est opportun d'utiliser le projet de loi n° 98 comme réponse, d'autant plus que le projet de loi n° 98 ne répondrait pas aux problématiques qui sont en vigueur ici, au Québec, relativement aux problématiques d'intégration, M. le Président.

Donc, je tiens à remercier l'ensemble des intervenants, M. le Président, qui ont participé aux travaux de la commission, notamment la ministre, la collègue de Chicoutimi, la collègue de Taillon, également de remercier le président de la commission, le député de Chomedey, l'ensemble de l'équipe qui m'accompagnait, c'est-à-dire M. Alexis Aubry et Mme Amélie Coulombe. Chez nous, c'est un petit peu plus limité, M. le Président. Je remercie également l'équipe de la ministre, les juristes de l'État qui ont contribué grandement au projet de loi.

D'ailleurs, ma collègue de Chicoutimi l'a dit tout à l'heure, à partir du moment où l'Assemblée a adopté la loi spéciale forçant le retour au travail des juristes, on a vu à quel point on les manquait, M. le Président, et à quel point ils sont essentiels aux travaux parlementaires. Donc, je pense qu'on doit vraiment constater cette situation, du fait que, lorsque le gouvernement les a laissés à l'extérieur durant des mois, bien, la question de la défense de l'intérêt public et des lois, à travers différents niveaux, que ce soit devant le tribunal ou au niveau des avis, des conseils juridiques que les juristes donnent au gouvernement, bien, on s'en ennuyait, on les manquait, et que l'État québécois était à risque durant cette période-là. Donc, malheureusement, le dénouement qui a eu cours n'était pas celui que nous souhaitions, mais je tiens à les remercier grandement, remercier les gens également du ministère qui ont contribué aux travaux de la commission, le secrétariat, le secrétaire, les gens à la sonorisation, à la vidéo également et à la traduction.

Donc, M. le Président, nous allons voter pour le projet de loi. Ceci étant dit, il reste des réformes à apporter au système professionnel, et nous serons là pour veiller à ce qu'elles soient apportées, et nous continuerons de poser des questions à la ministre pour la modernisation du système professionnel. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Très bien. Alors, merci à vous, M. le député de Borduas. Y a-t-il d'autres intervenants sur le rapport de cette commission? Sinon, le rapport de la Commission des institutions sur le projet de loi n° 98... Ah! est-ce que les amendements... Il y a eu des amendements?

Mise aux voix des amendements de la ministre

Est-ce que les amendements de Mme la ministre de la Justice sont adoptés?

Des voix : Adopté.

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Adopté.

Mise aux voix du rapport amendé

Est-ce que le rapport, tel qu'amendé, de la Commission des institutions sur le projet de loi n° 98, Loi modifiant diverses lois concernant principalement l'admission aux professions et à la gouvernance du système professionnel... Est-il adopté?

Des voix : Adopté.

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Adopté. Très bien. Pour la suite des choses, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Tanguay : Oui, M. le Président. Je vous demanderais de suspendre les travaux jusqu'à 15 heures pour le débat sur les affaires inscrites par les députés de l'opposition.

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Très bien. Alors, il y a consentement pour suspendre les travaux jusqu'à 15 heures? Très bien. Alors, les travaux sont suspendus.

(Suspension de la séance à 12 h 18)

(Reprise à 15 h 2)

Le Vice-Président (M. Gendron) : Alors, chers collègues, on vous invite à prendre place en vous souhaitant un bon après-midi

Affaires inscrites par les députés de l'opposition

Motion proposant que l'Assemblée prenne acte de la libération de plus en plus fréquente
de personnes accusées au criminel suite à des arrêts de procédures justifiés par
l'arrêt Jordan et qu'elle demande à ses membres d'adopter
le projet de loi
n° 890 sur l'administration de la justice

Et à l'article 90 du feuilleton, aux affaires inscrites par les députés de l'opposition, c'est M. le député de Borduas qui va présenter la motion suivante :

«Que l'Assemblée nationale prenne acte de la libération de plus en plus fréquente de personnes accusées au criminel suite à des arrêts de procédures justifiés par l'arrêt Jordan;

«Qu'elle déclare que la protection des victimes et de la confiance de la population envers le système de justice doit être une priorité;

«Qu'elle demande à ses membres d'adopter dans les plus brefs délais le projet de loi n° 890.»

Je vous informe que la répartition du temps de droit de parole pour le débat restreint sur la motion inscrite par M. le député de Borduas s'effectuera comme suit — et c'est toujours la même, donc ça va aller assez vite : 10 minutes, droit de réplique; 51 min 30 s allouées au groupe parlementaire formant le gouvernement; 30 minutes sont allouées au groupe parlementaire formant l'opposition officielle; 2 min 30 s sont allouées au deuxième groupe d'opposition... 21 min, plutôt, et 30 s. Je peux bien aller vite, mais il faut donner les bons éléments, oui. Sept minutes sont réservées aux députés indépendants, et on va répartir ça dépendamment des indications qu'ils vont nous donner, s'ils prennent le temps de parole ou pas. Et, dans le cadre de ce débat, il n'y a pas de limite de temps, sauf celui de votre formation politique. Alors, je rappelle aux députés indépendants qui souhaitent intervenir, il faut le signaler à la table. Et je suis en mesure de céder la parole à M. le député de Borduas pour son intervention. M. le député, à vous la parole.

M. Simon Jolin-Barrette

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Aujourd'hui, on présente la motion suivante :

«Que l'Assemblée nationale prenne acte de la libération de plus en plus fréquente de personnes accusées au criminel suite à des arrêts de procédures justifiés par l'arrêt Jordan;

«Qu'elle déclare que la protection des victimes et de la confiance de la population envers le système de justice doit être une priorité;

«Qu'elle demande à ses membres d'adopter dans les plus brefs délais le projet de loi n° 890.»

M. le Président, le projet de loi n° 890, c'est le projet de loi qu'on a déposé... une dizaine de jours ici même, à l'Assemblée nationale. C'est la Loi visant à assurer la saine administration de la justice afin de préserver la confiance du public envers le système de justice.

Dans ce projet de loi là, M. le Président, on utilise, on invoque la clause dérogatoire, qui est permise par la Constitution, de façon à suspendre les conséquences, les effets de l'arrêt Jordan durant une période d'une année afin que le système judiciaire québécois puisse se remettre sur pied, pour que la ministre de la Justice puisse mettre en place ses réformes et pour qu'on évite que des criminels accusés de crimes graves soient libérés et que la confiance du public soit maintenue dans nos institutions, dans notre système de justice.

Parce qu'il y a une chose qui est importante pour nous à la CAQ, c'est de s'assurer que les victimes et les familles des victimes obtiennent justice. Et ça, c'est non négligeable, M. le Président, on ne doit pas favoriser le fait que des individus accusés d'infractions criminelles graves se retrouvent à ne pas subir leur procès uniquement en raison de l'écoulement du temps. C'est de notre devoir de parlementaires de faire tout ce qui est en notre pouvoir, tout ce qui est possible pour juguler la crise, pour agir, pour éviter que ce genre de situation là, où il y a des accusés qui sont libérés sans subir leur procès, ne se répète.

Mais, M. le Président, c'est toujours bon de faire un petit historique à ce niveau-là, à savoir pourquoi est-ce qu'on est rendu à déposer un projet de loi invoquant la clause dérogatoire, pourquoi est-ce qu'on est rendu ici d'en débattre et pourquoi le gouvernement libéral, à ce jour, ne l'a toujours pas invoquée. Donc, la situation actuelle des délais, M. le Président, elle n'est pas imprévisible ni fortuite. Durant de nombreuses années, les acteurs du milieu juridique ont rappelé à l'ordre les différents ordres de gouvernement. Dans les années 90 déjà, la Cour suprême a mis en garde le système judiciaire à cet égard dans les arrêts Askov et Morin. Elle a même proposé au gouvernement de mettre en place un système de renvoi des procès dans un autre district judiciaire. D'ailleurs, ça ressemble beaucoup à ce que la ministre a proposé, le projet de loi n° 138, mais la Cour suprême nous l'avait dit il y a déjà une vingtaine d'années.

Pourtant, il n'y a rien qui a été fait. Les gouvernements successifs, qu'ils soient libéraux ou qu'ils soient péquistes, au cours des 20 dernières années, n'ont pas agi, ils n'ont pas pris compte de ces avertissements, qui étaient assez clairs. Donc, la négligence gouvernementale n'a fait que s'accroître. Le Barreau du Québec, déjà en 2008, disait que les dépenses consacrées par l'État québécois par habitant en matière de justice se situaient, en dollars constants, au même niveau que celles de 1993. Donc, durant ces 15 années là, il n'y avait pas eu d'investissement. Est-ce que c'est normal, malgré les rappels à l'ordre de la Cour suprême et du Barreau, qu'aucun investissement en matière de justice n'a été fait durant cette période, M. le Président? Ce qui est encore plus regrettable, c'est que le sous-financement chronique de notre système de justice s'est poursuivi bien au-delà de l'année 2008. On se rappelle que les libéraux sont au pouvoir depuis 15 ans et qu'ils sont responsables des délais associés au système de justice par le sous-investissement.

M. le Président, des hauts magistrats comme la juge Danielle Côté, juge en chef adjointe et responsable de la Chambre criminelle et pénale à la Cour du Québec, le juge Jacques R. Fournier, juge en chef de la Cour supérieure, ainsi que l'ancien juge Rolland, ancien juge en chef de la Cour supérieure, ont souligné à gros traits la problématique des délais, certains appelant même à une refonte totale des façons de faire.

Il y a également eu d'autres démarches. Le rapport Bouchard disait que le DPCP n'avait pas les ressources pour faire son travail, pour mener à bien les dossiers. Ça, ça a été à l'automne dernier. En 2015, M. le Président, vous vous souviendrez que le gouvernement libéral avait coupé 4,2 millions dans le budget du DPCP avec un plan de restructuration. On était venu couper les vivres au DPCP au même moment où il y avait déjà des délais dans les dossiers de nature criminelle et pénale, au même moment où, dans plusieurs jugements où il y a des arrêts des procédures maintenant... où on blâme la couronne sévèrement dans plusieurs enjeux et on dit : C'est de votre responsabilité, c'est la responsabilité de la couronne s'il y a eu des délais.

Donc, qu'est-ce qu'on a fait, du côté du gouvernement libéral? C'est qu'on avait coupé son budget, et la DPCP était même venue dire en commission parlementaire qu'elle était à l'aise avec cette coupe-là. À un moment donné, il faut refuser d'accepter les coupes, il faut investir. Et, surtout, il faut défendre le système de justice, et, surtout, l'actualiser parce que, durant des années, on l'a laissé à l'abandon. Parce que le système de justice, M. le Président, c'est un des piliers fondamentaux de toute société démocratique.

La première interrogation que l'on peut avoir est celle de comprendre pourquoi le gouvernement libéral a laissé à l'abandon l'un des fondements de notre société. En 2016, aux crédits de 2016, M. le Président, au-delà de la coupe qu'il y avait eu au DPCP au niveau du volet Administration de la justice, on avait fait une coupe de 3,6 millions dans l'administration de la justice. Pourtant, bien entendu, Jordan n'était pas sorti, la Cour suprême ne s'était pas prononcée. Mais les délais judiciaires, la durée avant d'avoir un procès, l'étendue des procédures judiciaires, ce n'était pas nouveau qu'il y avait des délais qui étaient déraisonnables. Mais on acceptait ça, on était résigné, puis on faisait comme si de rien n'était, on ne regardait pas, on regardait de l'autre côté puis on se disait : Bah! On accepte ça, puis ça continue, puis «the show must go on». Mais on ne s'en mêle pas, on décide de ne pas le gérer.

La Cour suprême a souligné, dans l'arrêt Jordan notamment, que le système de justice a manqué de discipline, qu'il a échoué. Selon la cour, il existe une culture des délais — et de complaisance à l'endroit de cette culture — qui est néfaste pour l'ensemble de la population. Le juge Moldaver soutenait que les procédures et ajournements inutiles de même que les pratiques inefficaces et la pénurie des ressources institutionnelles sont acceptés comme la norme et occasionnent des délais de plus en plus longs. Cette culture des délais cause un tort important à la confiance du public envers le système de justice. Elle récompense les mauvais comportements, frustre les gens bien intentionnés, rend les habitués du système cyniques et désillusionnés et contrecarre les objectifs de réinsertion sociale du système.

• (15 h 10) •

Vous voyez, ce qui est au coeur de ce que la Cour suprême a dit, c'est la pénurie des ressources institutionnelles. C'est quoi, la pénurie des ressources institutionnelles? Ça, c'est l'argent, les investissements, la modernisation que le gouvernement libéral n'a pas mis au cours des 15 dernières années. Le résultat de Jordan, c'est le résultat de la mauvaise gestion, de l'abandon du système de justice par le gouvernement libéral.

Nous, M. le Président, qu'est-ce qu'on a fait à partir du moment où on a constaté qu'il y avait des délais déraisonnables, où l'arrêt Jordan est survenu? En juillet 2016, l'arrêt survient. Nous, on a fait le choix, M. le Président, des victimes et des familles des victimes parce que les Québécois n'ont pas à payer le prix du sous-financement chronique du système de justice des 15 dernières années du gouvernement libéral. Comme le demandait le Barreau, nous avons, tout d'abord, demandé que soient mis en place des états généraux. Malheureusement, aucun suivi n'a été fait de la part du gouvernement à ce sujet. Ce n'est que six mois après l'arrêt Jordan que la ministre a finalement proposé un plan d'action en la matière. Compte tenu de la tardiveté de cette démarche, peu d'impacts tangibles ont été observés à ce jour sur le terrain.

175 millions, M. le Président. Durant combien d'années, durant combien d'années, M. le Président, on a négligé d'investir? Le gouvernement libéral n'a pas eu le choix, il a eu tellement de pression, tellement de pression de la part des différents juges pour investir, on était à minuit moins une. Et, M. le Président, vous vous souviendrez qu'en décembre dernier on a adopté le projet de loi n° 125 avec la collaboration des oppositions. Puis une chance qu'on était là, M. le Président, parce qu'on a voulu agir proactivement puis on a aidé la ministre à réaliser cette avancée-là de réinvestir enfin. Parce que, sans notre aide, M. le Président, on serait encore empêtré, du côté du gouvernement libéral.

Qu'est-ce qu'on a fait par la suite? On a demandé une rencontre d'urgence entre les différents ministres de la Justice. Mais, malheureusement, M. le Président, la clause dérogatoire n'a même pas été abordée lors de cette rencontre-là. La ministre de la Justice n'a pas réussi à convaincre son homologue fédérale de nommer les juges de la Cour supérieure, de désigner les juges de la Cour supérieure.

Nous avons présenté une motion, M. le Président, qui a été adoptée à l'unanimité ici, pour que le fédéral nomme les juges, ça a été appuyé. Par la suite, M. le Président, on a présenté une motion ici, à l'Assemblée, pour que le fédéral ait recours à la clause dérogatoire, motion — que le gouvernement fédéral ait recours à la clause dérogatoire — que le gouvernement libéral a voté contre, hein? Parce qu'on constate que, quand il y a des outils à la disposition de l'Assemblée nationale pour réguler le système de justice, pour l'accompagner, pour l'aider, bien, du côté libéral, on refuse les pistes de solution qu'on leur tend. Finalement, M. le Président, suite à la libération des accusés pour des crimes graves suite à des arrêts des procédures, nous avons proposé le projet de loi n° 890, qui, à l'intérieur des compétences du Québec, permet d'utiliser la clause dérogatoire.

M. le Président, pourquoi est-ce qu'on fait ça? Je vais vous donner des cas d'exemples concrets. On peut penser à des dossiers comme celui de l'«ange Daniel», un homme de 56 ans qui se serait fait passer pour un ange dans le but d'abuser sexuellement d'une jeune adolescente de son entourage. Sa victime a, malheureusement, vu son agresseur être libéré en vertu de l'arrêt Jordan.

L'accusé Ryan Wolfson, multirécidiviste qui avait fait feu à plusieurs reprises sur un joueur de hockey semi-professionnel — neuf balles dans le corps, M. le Président — qui était portier dans un bar de la Rive-Nord, bien que l'agression ait été filmée, M. le Président, il a récemment bénéficié d'un arrêt des procédures en vertu de l'arrêt Jordan. La victime s'est dite doublement victime, à la fois de son agresseur et du système de justice. Dans son jugement, le juge souligne que la poursuite a fait preuve d'improvisation et d'un manque flagrant de préparation, d'analyse et d'anticipation en ce qui a trait à la gestion d'un dossier criminel. La question qu'on se pose, M. le Président : Est-ce que c'est par un manque de ressources? Est-ce que c'est par un manque d'investissement que la couronne se retrouve dans cette situation-là? Il y a un problème au niveau institutionnel aussi.

On a vu un autre cas, M. le Président, M. Thanabalasingam, qui était accusé du meurtre sordide de sa femme à coups de couteau, qui, lui aussi, a bénéficié d'un arrêt des procédures.

Plus récemment, M. Nguyen, accusé d'avoir tué à coups de machette un homme d'une quarantaine d'années à Montréal. À coups de machette, M. le Président. Il n'aura pas à subir son procès. Dans le jugement, le tribunal mentionne que le délai de 55 mois constitue un délai déraisonnable. En effet, il s'agit d'une affaire particulièrement simple dont la complexité n'explique pas le retard à la traiter. De plus, la poursuite s'avère responsable de près de 40 % du délai.

Au-delà de la responsabilité de la couronne, M. le Président, il y a la responsabilité institutionnelle, la culture des délais. Comment est-ce qu'on fait pour juguler ça? Nous, on propose d'utiliser la clause dérogatoire pour une période limitée d'un an. On a une approche pragmatique, une approche qui va permettre au système de justice de se remettre sur pied, de permettre à ce que la ministre puisse mettre en place des actions concrètes qui vont faire en sorte que les dossiers puissent être traités. Parce qu'actuellement, M. le Président, c'est 60 affaires qui ont été annulées en vertu de l'arrêt Jordan; près de 900 demandes d'arrêt des procédures qui ont été déposées; 95 %, M. le Président, des dossiers à la Cour supérieure à Montréal font l'objet d'une requête de type Jordan; 134 accusés, M. le Président, ont été libérés non pas par un arrêt des procédures par une requête de la défense, mais plutôt par le DPCP lui-même, qui retire lui-même... qui présente des retraits des actes d'accusation, M. le Président, parce qu'il voit qu'ils ne seront pas capables parce qu'ils vont dépasser les délais. Même le DPCP, dans certains dossiers, ne se bat pas.

On peut penser à des cas où il y a eu retrait de la couronne des accusations : un ancien bras droit de Gilles Vaillancourt ainsi que trois accusés qui ont été libérés des accusations portées contre eux dans une affaire de fraude et de corruption à la ville de Laval; M. Coretti, ancien président de l'agence de sécurité de BCIA, hein, on s'en souvient avec l'histoire de la carte de crédit avec l'ancien député de LaFontaine, on a abandonné les accusations de fraude, de fabrication de faux et d'usage de faux qui pesaient contre lui en fonction de la liste des témoins et des donateurs du Parti libéral; quatre coaccusés qui ont reconnu avoir participé au stratagème de partage des contrats à la ville de Mascouche avec l'ancien maire Richard Marcotte et l'homme d'affaires Tony Accurso dans l'opération Gravier; 38 personnes arrêtées dans le cadre de l'opération antimafia Clemenza qui ont reçu un cadeau de la couronne fédérale, M. le Président.

Est-ce que c'est le genre de justice qu'on veut? Non, M. le Président. Le projet de loi n° 890 vise à faire en sorte qu'on évite ce genre de situation. M. le Président, on est rendu à la limite des recours que l'on peut prendre. Le recours à la clause dérogatoire est essentiel pour réussir à juguler les effets de l'arrêt Jordan d'une façon temporaire. Et ce qu'on fait avec le projet de loi, c'est qu'on réinstaure les critères de l'arrêt Morin, M. le Président, on réinstaure dans le projet de loi des délais qui étaient acceptables avant l'arrêt Jordan de façon à ce que le système de justice puisse s'adapter durant une période temporaire et, par la suite, que les critères de l'arrêt Jordan puissent s'exercer.

Dans le projet de loi, M. le Président, il n'y a pas juste ça, il y a aussi l'obligation que notre système de justice se dote de ressources adéquates pour préserver la confiance du public. On vient amender la Loi sur le Directeur des poursuites criminelles et pénales afin de garantir que l'administration de notre système de justice puisse s'exercer de manière efficace et diligente. Je pense que c'est important de l'inscrire dans la loi. Donc, on suspend temporairement, pour une période d'une année, Jordan. C'est une atteinte limitée au droit, comme le permet la Constitution.

Et il y a plusieurs intervenants, M. le Président, qui sont en faveur de cette utilisation de clause. On peut citer les collègues du Parti québécois ou de Québec solidaire, mais on peut penser aussi au Regroupement des maisons de femmes victimes de violence conjugale, Antoine Robitaille, Michel David, Mario Dumont, Josée Legault, Lysiane Gagnon, des intervenants aussi dans la sphère publique, également des professeurs de droit, des juristes également qui appuient le recours à cette clause dérogatoire par le Québec, par l'Assemblée nationale. Et je vous dirais, M. le Président, qu'il est présomptueux de prétendre, comme l'a fait Me Hébert, qu'il ne fait aucun doute quant à l'incompétence du Québec en la matière.

Vous savez, M. le Président, on a deux choix : soit qu'on s'assoit puis qu'on ne prend pas de moyens, qu'on ne se bat pas, qu'on ne trouve pas de solution, comme on fait du côté du gouvernement libéral, ou on agit de façon proactive, on tente de trouver des solutions de façon à régler la crise, comme on le fait du côté de la CAQ en proposant le projet de loi n° 890. Parce que, M. le Président, d'une façon très fondamentale, il faut savoir comment est-ce qu'on fait pour accompagner les victimes, comment est-ce qu'on fait pour accompagner les familles des victimes, parce que c'est l'ensemble de l'intérêt de la population qui est en cause dans le dossier des victimes d'actes criminels, dans le dossier des accusations qui sont retirées.

Est-ce que l'on souhaite, M. le Président, que des criminels soient remis en liberté sans avoir leur procès et que ça pourrait résulter, M. le Président, par d'autres actions répréhensibles envers la société québécoise, envers d'autres victimes? Je ne le souhaite pas, ma formation politique ne le souhaite pas, et c'est pour ça qu'on dépose le projet de loi n° 890. On le fait au nom des victimes et des familles des victimes. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Gendron) : Alors, je vous remercie, M. le député de Borduas, de votre intervention. Et ce n'est pas parce qu'il y a eu un rapprochement physique entre vous deux...

Des voix : ...

• (15 h 20) •

Le Vice-Président (M. Gendron) : Non, non, mais un instant... des bureaux, je parle des bureaux... Non, non, mais, trêve de plaisanteries, ça s'est bien déroulé. Mais, pour éviter que ça se reproduise tantôt, seul celui qui a la parole, normalement, l'exerce. Alors, Mme la ministre, à vous pour votre intervention sur le même sujet. À vous.

Mme Stéphanie Vallée

Mme Vallée : Merci, M. le Président. Et merci d'avoir précisé que le rapprochement est de nos bureaux, puisque l'ex-député de Hull ne serait pas très, très heureux. Et vous le connaissez, c'est ça.

Alors, M. le Président, aujourd'hui, bien, on est encore ici à débattre des mesures, des démarches qui pourraient être mises de l'avant pour venir contrer les effets de l'arrêt Jordan, de cette décision de la Cour suprême qui est venue bouleverser notre système de justice en juillet dernier. Mais vous me permettrez de ne pas partager l'opinion de mon collègue de Borduas. Ce n'est pas la première fois que ça arrive. Il nous arrive parfois d'avoir une communauté de pensée, mais, dans certains dossiers, comme celui-ci, je dois vous avouer que je ne peux, d'aucune façon, agréer avec lui et accepter même les propos qui ont été tenus ici à l'effet que le gouvernement a tardé à agir, n'a pas agi et n'a rien fait. Puis je saurai vous le démontrer, on a 20 minutes. Puis j'espère être capable de concentrer mes interventions dans ce temps parce qu'on en a long à dire, parce que le gouvernement a agi, parce qu'on a posé des gestes sans précédent pour améliorer la question des délais, pour améliorer non seulement le traitement, je dirais, mathématique du calcul des délais, mais aussi pour apporter un changement de culture nécessaire.

Et c'est ça, le noeud, le coeur de l'affaire Jordan, où la Cour suprême est venue beaucoup plus que mettre en place simplement une grille d'analyse et établir des délais qui se comptent en mois, la Cour suprême est venue lancer un message à l'ensemble des intervenants du système de justice : Il faut changer les façons de faire. Et, lorsqu'on parle de l'ensemble des intervenants du système de justice, je ne tente pas de me défiler. Au contraire, j'ai pris mes responsabilités, notre gouvernement a pris ses responsabilités, nous avons agi, nous agissons et nous allons continuer d'agir, mais l'ensemble du système de justice, c'est aussi les avocats, les membres du Barreau, avocats qui oeuvrent au sein du DPCP, avocats de la défense, c'est aussi la magistrature, Cour du Québec, Cour supérieure, c'est aussi le système dans son ensemble, le ministère de la Sécurité publique. Ce sont tous les intervenants qui doivent revoir leur façon d'aborder un dossier en matière criminelle et pénale. Pourquoi? Parce que les habitudes prises au fil des ans ne sont pas dans le meilleur intérêt de la justice et nuisent à l'intérêt de la justice, surtout lorsqu'un délai, parfois, de 60 mois s'écoule entre le début d'un dossier et son issue finale.

Alors, le dossier, toute cette question-là, on l'avait abordée, on avait commencé à l'aborder bien avant Jordan. Et, lorsque j'entends mon collègue nous dire : Il y a eu 15 ans d'incurie libérale qui ont mené... et qui ont culminé avec le dépôt de l'arrêt Jordan et les conséquences qui s'en sont suivies, je suis tout à fait en désaccord parce que notre gouvernement et mes prédécesseurs ont posé des gestes significatifs pour venir contrer la question des délais. J'ai continué par la suite, mais ce serait faux de prétendre qu'il n'y a pas eu de geste de posé.

Lorsque nous sommes arrivés, lorsque le gouvernement libéral est arrivé au pouvoir, en 2003, en 2003, il y avait un nombre de juges qui avait été réduit quelques années plus tôt, à la Cour du Québec notamment, et c'est en 2011 que des modifications ont été apportées à la Loi sur les tribunaux judiciaires pour hausser ce nombre de juges là. Il y a eu aussi d'autres mesures prises pour rénover nos palais de justice, agrandir les palais justice, ajouter des salles.

Donc, en 2011, le plan d'action justice qui avait été présenté par le leader officiel, qui occupait alors mes fonctions, venait donner de l'oxygène à notre système de justice. Malgré ces mesures-là, malgré les investissements qui s'en étaient suivis, évidemment, la question des délais a continué d'occuper les questions et d'occuper... et de préoccuper les intervenants du système de justice.

J'ai, dès janvier 2016, convoqué les intervenants du système de justice parce que, déjà, il était clair que des gestes devaient être posés pour améliorer la situation, puisqu'il y avait des délais qui étaient de plus en plus longs entre le moment où on demandait une date d'audition et la date qui était accordée pour des procès d'une journée, de deux journées et plus. Et j'y reviendrai, mais cette convocation-là, cette rencontre-là des intervenants du système de justice, c'était une première, et nos travaux ont été amorcés bien avant Jordan, avaient été amorcés en mars. Nous avons eu des rencontres, établi les besoins, établi les causes des délais parce qu'avant d'appliquer un remède, encore faut-il connaître la source du mal, connaître ce qui affectait notre système de justice, et ça a été identifié. Les causes qui ont été identifiées par la Table Justice-Québec pour les délais, c'était la complexification des dossiers, la communication de la preuve, la gestion d'instance, qui est de plus en plus complexe, les requêtes préliminaires qui sont en hausse. D'ailleurs, petite anecdote, le Québec est la province qui a le plus recours à l'enquête préliminaire de toutes les provinces du Canada.

La gestion des mégaprocès, j'y reviendrai également parce qu'il y a des mesures qui sont en place pour répondre aux différentes lacunes et aux problématiques qui ont été identifiées par Me Bouchard. L'augmentation importante du nombre de personnes qui se représentent seules, des personnes qui sont aux prises avec des besoins particuliers — l'itinérance, la toxicomanie, la santé mentale — ça a l'air de rien, mais ça affecte le délai, ça affecte le temps qui est accordé pour traiter un dossier parfois très simple. Les enjeux qui sont liés avec la communication entre les intervenants du système de justice; la culture des délais, des remises; les ressources qui étaient insuffisantes, oui, j'en conviens; le nombre important d'infractions en matière de conduite avec les facultés affaiblies contre... l'administration de la justice et la technologie qui est désuète.

Nos actions visent à intervenir sur ces causes. L'arrêt Jordan est arrivé, et l'arrêt Jordan, on en a parlé, ça a eu, effectivement, un effet d'électrochoc, et il est venu vraiment établir un nouveau cadre d'analyse pour l'application de l'article 11b de la charte des droits parce que l'article 11b de la charte des droits prévoit qu'un accusé a droit de subir son procès dans un délai raisonnable. C'est un droit au même titre que le droit à la présomption d'innocence.

Donc, lorsque notre collègue veut utiliser la clause dérogatoire, en fait la clause dérogatoire, ce que c'est, c'est une disposition qui va suspendre l'application d'un droit qui est prévu à la charte, suspendre le droit d'un accusé d'avoir son procès à l'intérieur d'un délai raisonnable. Est-ce qu'un jour il voudra suspendre l'application du droit à la présomption d'innocence? La question se pose, alors...

Une voix : ...

Le Vice-Président (M. Gendron) : Un instant, on va vérifier qu'est-ce qui se passe, là. Oui?

M. Jolin-Barrette : Je vais poser une question de règlement. Je sais que je ne peux induire la Chambre en erreur. Donc, j'invite la ministre à se référer au projet de loi que j'ai déposé, où il y a très clairement le droit d'être jugé dans un délai raisonnable. C'est prévu, on déroge à 11b, mais la mécanique de l'arrêt Morin s'applique, et les critères sont là pour savoir quel est un délai raisonnable pour être jugé, monsieur, c'est dans le projet de loi. Donc, M. le Président, j'invite la ministre à se référer...

Le Vice-Président (M. Gendron) : ...non, mais n'obligez pas la présidence à intervenir sur le fond des questions, là. Moi, je fais juste dire à faire attention parce que j'ai écouté attentivement, puis il s'agissait, effectivement... Je pose une question. Il n'y avait pas là de jugement. C'est très difficile de commencer à interpréter... Bien là, on va un peu trop loin. Moi, j'aimerais mieux que vous l'entendiez parce qu'il vous reste du temps dans votre motion du mercredi. D'autres de vos collègues pourront reprendre les propos pour apporter les nuances. Alors, je vous invite à poursuivre, mais c'est clair que, si vous restez sur le sujet, il n'y aura pas de problème.

• (15 h 30) •

Mme Vallée : Mais, M. le Président, je soulevais une question puis, au même titre, je ne me suis pas levée, je n'ai pas fait de question de règlement tout à l'heure lorsque notre collègue a pris parole et a tenu certains propos. Donc, je ne vise pas mon collègue, je ne lui prête pas d'intentions. Mais ce que je tente d'expliquer, M. le Président, c'est que la charte des droits et libertés protège les droits des individus, protège les libertés individuelles, et c'est cette protection-là qui est attaquée lorsqu'on utilise la clause dérogatoire.

Mais, pour revenir à l'arrêt Jordan, parce que c'est de ça dont il était question, les juges de la Cour suprême, en fait cinq des neuf juges de la Cour suprême déplorent la complaisance à l'égard de la culture des délais, qualifient la méthode d'évaluation des délais qui avait été établie dans l'affaire Morin à laquelle notre collègue faisait référence — et ça, c'est une affaire qui remonte aux années 90 — comme étant d'application imprévisible, d'application complexe, et surtout qui n'incitait aucunement les acteurs du système de justice à collaborer afin que justice soit rendue en temps utile.

Donc, dès ce moment-là, la cour considère comme impératif un changement d'orientation. C'est drôle, parce que c'est un petit peu de ça dont il était question autour de la Table Justice, cette nécessaire collaboration pour amener le paquebot vers une autre direction. Donc, un changement d'orientation s'imposait pourquoi? Pour que les limites du délai raisonnable puissent être préalablement établies, d'avance, et amener les intervenants à mettre en place des mesures proactives pour remédier à cette problématique des délais, donc le nouveau cadre d'analyse qui est proposé par la majorité des juges pour déterminer s'il y a eu, par l'écoulement du temps, une violation du droit constitutionnel qui pourrait amener droit à une réparation. Et, à titre de réparation, il peut y avoir arrêt des procédures. Donc, est-ce qu'il y a eu violation du droit constitutionnel d'être jugé dans un délai raisonnable? On va le regarder de cette façon-là.

Alors, maintenant, la Cour suprême nous dit : Dorénavant, il y a un plafond fixé à 18 mois entre le moment du dépôt des accusations et la date à laquelle le procès devrait se terminer, pour les procédures qui relèvent des compétences des cours provinciales — cour provinciale, M. le Président, c'est la Cour du Québec — et ce plafond est établi à 30 mois pour les procédures instruites devant une cour supérieure, qui relève du gouvernement fédéral, ou une cour provinciale à l'issue d'une enquête préliminaire. Pourquoi les délais de 30 mois? Parce qu'il s'agit là, dans ces dossiers-là, de dossiers plus complexes, de dossiers plus lourds. On pense notamment aux dossiers de meurtre, dossiers d'agression sexuelle, un certain nombre de dossiers. Et c'est ces dossiers-là, M. le Président, qui nous interpellent et qui font vibrer les citoyens lorsqu'il y a un arrêt des procédures.

Alors, la poursuite peut renverser la présomption qu'un délai est déraisonnable en démontrant que des circonstances exceptionnelles propres au dossier ont demandé plus de temps. Donc, à cet égard, on va retenir qu'il s'agit de circonstances qui sont imprévues, qui sont inévitables et auxquelles la poursuite, donc, en l'occurrence, au Québec, le DPCP, ne pouvait y remédier.

Par contre, si la circonstance exceptionnelle concerne un événement qui est distinct, prenons par exemple une urgence médicale, une urgence familiale, une procédure d'extradition, un imprévu au procès, le délai attribuable à cet événement va être soustrait du calcul. Si la circonstance exceptionnelle résulte de la complexité de l'affaire — une preuve volumineuse, on en parlait tout à l'heure, je vous ai fait... la preuve volumineuse, le grand nombre de témoins, des questions de droit qui sont inédites — le délai pourrait être considéré comme raisonnable.

La cour s'est toutefois empressée de souligner que la gravité de l'infraction, les délais institutionnels chroniques, l'absence de préjudice ne peuvent servir à justifier le délai. Donc, lorsque le délai est inférieur au plafond prévu, il va revenir à la défense de prouver le caractère déraisonnable du délai et qu'elle a pris aussi de manière soutenue des mesures utiles pour que la cause soit entendue le plus rapidement possible, donc des tentatives d'obtenir des dates d'audience rapprochées, de la collaboration avec la poursuite, aviser cette dernière que le délai est problématique, que les demandes ont été menées de façon raisonnable, expéditive, que le délai a été manifestement plus long que ce qu'il aurait dû l'être raisonnablement, compte tenu de la complexité du dossier et des réalités locales. Bref, la cour est d'avis que l'arrêt des procédures ne devrait être prononcé que dans des cas manifestes.

Pour les causes qui sont en cours, par exemple, M. le Président, la Cour suprême maintient qu'une application souple et contextuelle du nouveau cadre d'analyse est préconisée à titre de mesure transitoire, et je vais y revenir parce que c'est justement en appui de cette déclaration-là de la Cour suprême que nous sommes intervenus dans l'arrêt Cody. Donc, la majorité de la cour incite sur les devoirs qui incombent aux parties aux fins de la tenue de procès en temps utile. Et, pour la poursuite, il s'agit notamment de prendre des décisions responsables à l'égard du choix des chefs d'accusation ainsi que des accusés... de s'acquitter rapidement de son obligation de communication de la preuve, d'établir des plans pour des poursuites complexes, de faire des admissions, de simplifier la preuve, d'anticiper les questions qui devraient être tranchées d'avance.

Donc, c'est ça, l'arrêt Jordan, et le nouveau cadre d'analyse se caractérise évidemment par une méthode qui est fondamentalement différente à l'égard des accusations qui sont portées après l'arrêt Jordan, mais elle requiert quand même une approche prudente, une approche contextuelle, une approche souple en ce qui concerne les dossiers qui étaient en cours d'instance. Et tous les dossiers auxquels notre collègue a fait référence, un peu plus tôt dans son allocution, étaient des dossiers qui étaient en cours avant la décision de l'arrêt Jordan, et la plupart de ces dossiers-là ont été portés en appel par le DPCP. Puis je pense que c'est important de le mentionner, parce qu'il faudrait faire attention de ne pas susciter une crainte qui n'est pas fondée et de ne pas susciter une absence de confiance, une méfiance dans notre système de justice, alors que les dossiers ne sont pas terminés et sont toujours pendants.

Donc, je dirais, M. le Président, pour la plupart des dossiers, Jordan ne vient pas métamorphoser du jour au lendemain, comme une pierre philosophale, disons, les délais qui auraient été considérés jusqu'alors comme raisonnables. Il ne vient pas les transformer en délais déraisonnables, ce n'est pas ça que Jordan vient faire. Et toutes les requêtes en arrêt des procédures répertoriées... Ça, c'est un autre bémol que je tiens à souligner, c'est que c'est archifaux de prétendre que, de toutes ces requêtes qui sont pendantes... Oui, il y a plusieurs requêtes, oui, l'affaire Jordan a amené un lot de requêtes en arrêt des procédures, mais c'est faux de prétendre que ces requêtes-là ont toutes été accueillies. Que des avocats de la défense déposent des requêtes, c'est une chose. Que ces requêtes-là soient toutes accueilles en est une autre.

• (15 h 40) •

Alors, il faut aussi faire attention au message que l'on véhicule. Oui, ça paraît énorme et c'est beaucoup. Mais, si on prend l'ensemble des 100 000 dossiers qui sont générés annuellement au DPCP et si, par intérêt, on répertoriait l'ensemble des requêtes soulevées en cours de route, on trouverait des centaines, peut-être des milliers de requêtes où l'avocat de la défense va alléguer un vice de procédure quelconque. Donc, il ne faut pas prétendre que Jordan a amené soudainement un lot de requêtes. Les avocats en droit criminel vont, pour tenter de défendre leurs dossiers, soulever ce qu'ils croient être un élément pertinent, un vice de procédure, une atteinte aux droits garantis par la charte. Mais ça ne date pas d'hier, ça, M. le Président. Ce n'est pas nouveau, ça. Il ne faut pas se mettre aujourd'hui à affoler les gens. Oui, il y a des requêtes, oui, Jordan amène de nouveaux plafonds, oui, il faut s'en occuper, et on le fait.

Et, nous, c'est justement ça qu'on a fait, parce qu'en décembre dernier, dans la foulée de l'emportement de l'Assemblée nationale, de l'intérêt de l'Assemblée nationale pour la question des délais... Ça a fait couler beaucoup d'encre. Et on avait abordé la question de l'utilisation de la clause dérogatoire, à l'époque, et même à ce moment-là les gens disaient : Ce n'est pas la clause dérogatoire qui est l'outil qui doit être privilégié. D'une part, certains, et j'y reviendrai, vont... certains professeurs de droit, certains juristes disaient — et je partage leur avis : Ce n'est pas l'outil à privilégier, l'utilisation de la clause dérogatoire comporte un certain nombre d'enjeux, de défis. Ce qu'il faut faire, c'est changer la culture, c'est investir, c'est injecter des fonds, injecter des ressources. Et c'est ça qu'on a fait.

Parce que, vous savez, M. le Président, suite à l'arrêt Jordan, en juillet, donc l'arrêt tombe le 8 juillet, qu'est-ce qu'on a fait? On a d'abord répertorié l'ensemble des dossiers pour déterminer quels étaient les besoins de notre système pour répondre aux délais de Jordan, pour répondre à ce nouveau plafond. Pour ce faire, il fallait regarder dans l'ensemble des dossiers, parce que, tout comme vous le savez, tout n'est pas informatisé, on a un travail à faire et on est là-dessus.

Une voix : ...

Mme Vallée : Non, on n'est pas dans le Dossier santé, mais, bref, on a pris chacun des dossiers, les équipes du Directeur des poursuites criminelles et pénales ont analysé chacun des dossiers. On a demandé à la Cour supérieure, à la Cour du Québec, au DPCP de nous donner un état de la situation, d'évaluer leurs besoins. Cette évaluation-là, M. le Président, on l'a reçue en octobre, fin octobre, pour certains, début novembre. On a reçu les besoins du DPCP et de la Cour supérieure, de la Cour du Québec, comme je vous le disais, disons, fin octobre. Le 7 décembre, on annonçait 175,2 millions.

Je comprends la joute politique, je comprends les discours politiques, mais, comme on dirait en chinois, «come on»! On a agi avec célérité et on a agi avec sérieux, M. le Président. Les demandes avaient été placées dès l'été dernier. Le travail a été fait avec rigueur par les équipes du ministère de la Justice, par les équipes de la magistrature, de la Cour du Québec, de la Cour supérieure pour identifier les besoins, identifier le coût, identifier aussi les besoins qui accompagnent les besoins de procureurs, qui accompagnent les besoins de juges supplémentaires, parce qu'un juge, ça n'arrive pas seul, on a besoin de greffiers, on a besoin de personnel, on a besoin d'agents de sécurité, on a besoin d'agents correctionnels, donc c'est toute une équipe qui doit suivre. Et cette analyse-là s'est faite en un temps record.

Et je dois saluer et remercier mes collègues, qui ont saisi l'urgence d'agir, contrairement à d'autres collègues au fédéral, qui ont saisi l'urgence d'agir et qui nous ont aidés à adopter dès décembre le projet de loi pour nous permettre de lancer les concours, pour nous permettre par la suite de combler, le 27 mars dernier ou le 29 mars dernier, bref, 16 postes de juge additionnels. Ces juges-là sont en place, ils entendent des dossiers. Ça, M. le Président, c'est agir avec célérité et avec sérieux.

Ça, évidemment, ça accompagne un tas d'autres mesures, parce que, le 3 octobre dernier, en compagnie des membres de la Table Justice, on a annoncé un plan d'action. Un plan d'action, ce n'est pas des voeux pieux, ce sont des engagements de la part de la magistrature, de la part du Barreau, de la part du DPCP, de la part du gouvernement, un engagement ferme à revoir nos façons de faire, à revoir nos pratiques, des mesures qui, prises isolément, peuvent sembler très anodines mais qui auront un impact important une fois mises en place dans notre système. Alors, ces mesures-là, elles sont le début du changement de culture, parce qu'injecter ces ressources-là sans changer nos façons de faire n'aurait absolument rien donné, M. le Président.

Puis ce plan d'action là, c'est une initiative unique. Je l'ai présenté à mes homologues fédéraux lors de nos rencontres des ministres fédéraux-provinciaux... fédérales et territoriales de la Justice. C'est une initiative unique, M. le Président. Le Québec est la seule juridiction à avoir déposé un plan d'action aussi rapidement et à avoir injecté autant d'argent suite à l'arrêt Jordan. Et l'arrêt Jordan ne touche pas que le Québec, c'est un arrêt qui s'applique partout au Canada. Les conséquences, elles sont ressenties partout au Canada. Alors, je ne suis pas gênée du tout des mesures qui ont été mises en place, je ne suis pas gênée du tout du délai, parce que nous avons agi. Nous avons agi en temps utile et nous avons mis en place une concertation qui était essentielle pour répondre aux paramètres de la Cour suprême.

Et, vous savez, hier, pas plus tard qu'hier, nous étions en consultations parlementaires... en consultations en commission parlementaire sur le projet de loi n° 138, et la représentante de l'association des avocats et avocates de la défense du Québec nous disait, suite à une question de mon collègue de Borduas, qu'elle sentait déjà les effets de ces investissements. Parce qu'il y a un an, avoir une date de procès d'une journée, bien, cette date de procès là était dans plus d'un an, prenait... il y avait 12 mois qui s'écoulaient avant la date du procès, et que, récemment, elle avait pu fixer à l'intérieur du mois suivant. Avez-vous idée, M. le Président? À Montréal, on est maintenant capable de fixer des procès à la Cour du Québec dans le mois suivant. Ça fait des années qu'une situation comme ça ne s'est pas produite, ça fait des années. Pourquoi? C'est en raison de notre plan d'action, c'est en raison de nos investissements, c'est en raison de l'importance que notre gouvernement a accordée à cette question-là. Et, ces changements-là, on va continuer de les ressentir parce qu'on a ajouté des salles d'audience, et on va continuer d'en ajouter, parce qu'on pose les gestes qui sont importants, parce qu'on revoit la façon dont on aborde les procès. C'est ça qui était requis, c'est ça qui était requis par l'arrêt Jordan, M. le Président. Parce que, dans la décision de la Cour suprême — c'est au paragraphe 137 — la Cour dit : «Un changement réel nécessitera que tous les participants au système de justice criminelle fassent des efforts et se coordonnent.» On a pris notre responsabilité et on agit, M. le Président.

Vous savez, les Québécois, les Québécoises, les personnes victimes ont le droit de s'attendre à une justice qui est efficace, ont le droit de s'attendre à une justice qui est diligente, à une justice qui est attentive à leurs besoins. Je partage tout à fait l'indignation populaire lorsque par le seul écoulement du temps quelqu'un peut se défiler de son procès. Il n'y a personne ici qui souhaite ça. Il en va de notre responsabilité de mettre en place les ressources et les moyens pour s'assurer que justice soit rendue, que la cause soit entendue. Mais que la cause soit entendue, ça ne veut pas dire de dénigrer les droits et les garanties constitutionnels. Parce qu'on est dans un État de droit, M. le Président, on n'est pas dans un État policier. Le droit à la présomption d'innocence demeure, le droit à une défense pleine et entière demeure, le droit à un procès à l'intérieur d'un délai raisonnable demeure. C'est la base de notre démocratie et de notre système de droit. Et moi, M. le Président, j'ai beaucoup de difficultés à comprendre qu'on puisse vouloir mettre de côté, suspendre, ne serait-ce que temporairement, un de ces droits-là.

Puis suspendre temporairement un de ces droits-là, M. le Président, aurait aussi un impact négatif. Parce que, M. le Président, je l'ai mentionné à plusieurs reprises lors de la période de questions, il ne faut pas croire que, si le projet de loi de notre collègue devait être présenté et adopté, ce projet de loi passerait comme dans du beurre, là. Pensez-vous sérieusement qu'un avocat de la défense ne contesterait pas l'application de la loi? Ces avocats, là, qui utilisent l'arrêt Jordan, là, qui utilisent les dispositions de l'arrêt Jordan pour invoquer que le dossier de leur client n'a pas été traité dans un délai raisonnable, vous ne pensez pas qu'ils utiliseraient l'arrêt pour dire : Voici une disposition contraire au droit constitutionnel de mon collègue, je la conteste?

• (15 h 50) •

Des voix : ...

Mme Vallée : Oui, M. le Président, il y aurait des contestations. Et, ces contestations-là, M. le Président, le meilleur exemple qu'on peut vous donner, c'est l'affaire St-Onge. Lorsque le gouvernement fédéral a apporté des modifications importantes aux paramètres et à la preuve en matière de facultés affaiblies, en 2008, il y a eu une avalanche de requêtes qui ont été déposées. Et l'affaire St-Onge a été portée devant la Cour suprême. 20 000 dossiers ont été complètement confiturés pendant cette période. Et je vous dirais qu'en 2017, en date de janvier 2017, on a encore 6 000 dossiers qui remontent à l'affaire St-Onge, qui n'ont toujours pas été traités parce qu'ils étaient en attente de la décision de la Cour suprême. Et on pense qu'on va régler le problème et que la période d'un an ne posera pas problème?

Et, en plus, c'est sans compter que cette loi-là n'a pas de portée rétroactive. Ça aussi, la Cour suprême s'est penchée sur cette question-là. Lorsqu'une loi vient restreindre les droits d'un individu, on ne peut lui accorder une portée rétroactive dans le temps. Donc, les 900 dossiers qui sont pendants, là, ils ne sont pas touchés, là. Le projet de loi n° 890 de notre collègue, là, a zéro effet sur ces 900 requêtes, en fait il n'y en a pas 900 parce qu'il y en a qui ont été traitées, là, mais n'a aucun effet sur les dossiers à venir. Alors, de venir prétendre aux organismes communautaires, aux associations de victimes que c'est la solution-phare, ce n'est pas rendre service à ces gens-là. C'est de leur faire miroiter quelque chose qui n'est pas tout à fait exact. Puis moi, M. le Président, je ne ferai pas ça.

Il y a un autre problème. Il y a aussi la capacité, pour l'Assemblée nationale, de légiférer en matière criminelle. Parce que ça, ça relève du Parlement fédéral, ça ne relève pas de l'administration de la justice lorsqu'on suspend des droits. Puis je ne suis pas toute seule, je vois ma collègue de Joliette qui fait des signes de la tête. Mais simplement, M. le Président, citer quand même certains professeurs, puis des juristes, non les moindres : Jean-Claude Hébert, le 10 avril 2017, disait : «Le Code criminel, c'est le droit fédéral, et je ne vois pas comment on peut logiquement demander à l'Assemblée nationale du Québec de faire une loi, parce qu'il faut une loi, qui va suspendre une partie de l'application du Code criminel et qui va, de ce fait, neutraliser un jugement de la Cour suprême. La Cour suprême, elle est créée, elle est régie par une loi fédérale. Alors, une loi provinciale ne peut pas s'immiscer dans la compétence de la Cour suprême.»

Un autre éminent professeur de droit constitutionnel, un ancien collègue de cette Assemblée, collègue de l'Outaouais, notre ami Benoît Pelletier, le 10 avril, disait également : «Il faut dire que la disposition dérogatoire, c'est une disposition qui normalement met à l'abri des lois, met à l'abri de la Charte canadienne des droits et libertés ou, du moins, de certaines dispositions de la charte. Mais, de là à mettre à l'abri des procédures judiciaires, il y a tout de même un pas à franchir. Et moi, je ne suis pas prêt à le franchir, ce pas-là. Je suis loin d'être certain que la disposition dérogatoire serait applicable, en d'autres termes, dans un contexte comme celui-ci. Par ailleurs, nous sommes vraiment dans un contexte où les délais qui sont imposés par la Cour suprême du Canada ressemblent à des échéances procédurales. Alors, si ce sont des échéances procédurales, c'est en lien avec la procédure criminelle. Et, si c'est en lien avec la procédure criminelle, c'est de compétence fédérale. Alors, je suis loin d'être certain que la disposition dérogatoire soit applicable à l'espèce.»

Le Pr Maxime St-Hilaire, de l'Université de Sherbrooke, le 6 décembre 2016, disait... il parlait encore de la procédure criminelle, il disait : «Certes, la durée, jusqu'au retard, d'une procédure criminelle peut s'expliquer par de nombreux facteurs dont certains ressortiront à la compétence provinciale sur l'administration de la justice, mais l'échéance à laquelle elle est assujettie ne peut relever que de la compétence fédérale sur la procédure criminelle. En vertu de leur compétence sur l'administration de la justice, notamment, les provinces disposent de moyens qui leur permettent de contribuer au respect des échéances présumées par l'arrêt Jordan — ici, on parle en l'ajout de ressources — seulement, la détermination de celle-ci ressortit à la compétence fédérale sur la procédure criminelle. Il est invraisemblable que, par sa nature véritable, une dérogation à l'article 11 de la charte constitutionnelle ou de son seul alinéa b de manière à suspendre ou interrompre [une présomption] de délai raisonnable en matière de poursuites criminelles indiquées dans la motivation de l'arrêt Jordan puisse être tenue pour se rattacher principalement à la compétence provinciale sur l'administration de la justice.»

Le jugement Jordan a été rendu dans un dossier de droit criminel, et c'est l'interprétation de la charte en matière criminelle, et ça, ça relève clairement du Parlement fédéral. Si on devait aller à une clause dérogatoire, ce n'est pas le Québec qui peut l'adopter, ce sera Ottawa qui décide, pour l'ensemble du système, de suspendre l'effet du jugement.

Me Roy, présidente de l'association des avocats de la défense, 1er décembre 2016 : «Le droit criminel, c'est fédéral, et la clause dérogatoire ne peut s'appliquer que dans des domaines où la province fait la loi. [...]On a tout faux dans ce débat... On s'attaque au remède, l'arrêt Jordan, au lieu de régler la maladie : le niveau de dysfonction devenu insupportable dans l'administration de la justice.» Me Roy disait : Ce n'est pas à Jordan qu'on doit s'attaquer, c'est aux causes des délais, aux racines du problème. C'est ça qu'on fait, M. le Président.

Puis, comme je vous le disais, l'utilisation de la clause dérogatoire elle-même va causer un encombrement du système de justice. Et moi, responsable de l'administration de la justice, je ne peux pas consentir à ce que l'on ajoute un fardeau additionnel. J'essaie de libérer de... J'essaie de donner de l'oxygène à notre système. On est en train d'y arriver. On est en train d'y arriver grâce aux mesures que nous avons mises de l'avant, grâce aux mesures que nous continuons à mettre de l'avant. Et ces mesures-là, je l'ai dit et je le redis, elles sont sans précédent, tant au Québec qu'ailleurs au Canada. Et nous devons permettre à ces mesures de faire effet. Et nous avons, en parallèle... Nous sommes intervenus dans l'affaire de la Cour suprême, dans arrêt Cody, pour venir interpréter, resserrer les paramètres de Jordan. Parce qu'il y a actuellement une interprétation qui est contradictoire parfois d'un tribunal à l'autre, mais il y a des tribunaux, par contre, qui ont pris en considération dans leurs décisions les gestes posés par Québec et ont considéré qu'il fallait donner le temps à ces mesures de porter fruit et qu'entre-temps il devait y avoir une interprétation souple des paramètres.

Mais il y a aussi des délais, des causes, qui ont mené à des arrêts de procédures, M. le Président, non pas après une analyse des paramètres de Jordan, mais, dans plusieurs des dossiers cités par mon collègue, on a analysé à la lumière de l'affaire Morin. Alors, certains dossiers ont été analysés à la lumière de l'affaire Morin, certains dossiers ont été analysés à la lumière de l'arrêt Jordan et ont été portés en appel, parce qu'évidemment Jordan commande une certaine souplesse dans l'analyse.

• (16 heures) •

Alors, on a déposé le projet de loi n° 125, modifié la Loi sur les tribunaux judiciaires. J'ai déposé le projet de loi n° 138 — on verra à l'étude article par article — pour apporter aussi d'autres mesures, créer des juridictions concurrentes, permettre le traitement des dossiers par défaut en dehors des palais de justice qui sont déjà encombrés. Le succès de notre démarche ne passe pas par un seul et unique véhicule, il passe par une série d'actions. Je le ne dirai jamais assez, mais on dit qu'en politique il faut répéter, répéter, répéter, alors je répète et je répète.

Et je vais aussi profiter, M. le Président, de cette tribune pour m'adresser au gouvernement fédéral et à mon homologue fédéral, lui demander de combler sans délai les huit postes de juges à la Cour supérieure qu'il reste à combler, parce que ce n'est pas un caprice, parce que c'était de la compétence et de la juridiction de cette Assemblée nationale que d'établir et de définir les besoins de la Cour supérieure. Je m'attends à ce que ces postes soient comblés. Nous nous attendons à ce que ces postes soient comblés.

Je comprends que le gouvernement fédéral a revu ses modalités de nomination des juges dans un moment qui n'était probablement pas le plus opportun. De changer et de chambouler le processus de nomination un mois après Jordan, ce n'était peut-être pas l'idée du siècle, on en convient, mais on s'attend à ce que ces nominations soient faites parce que les dossiers, M. le Président, auxquels une fois de plus on a fait référence, ce sont pour la plupart des dossiers qui étaient devant la Cour supérieure. Les délais devant la Cour supérieure sont encore trop longs. On est incapables de respecter le plafond Jordan dans bien des districts judiciaires, M. le Président. C'est inacceptable, inacceptable, mais la clause dérogatoire ne peut pas trouver application, M. le Président, on va encombrer davantage d'une part, et d'autre part il y a tout l'enjeu constitutionnel auquel je faisais référence.

Donc, vous voyez, ce que le collègue tente de présenter, c'est une solution magique, mais il n'y en a pas, de solution magique. La solution de notre collègue, c'est une mauvaise solution. Ce n'est pas plus compliqué que ça, c'est une mauvaise solution. Et cette mauvaise solution serait néfaste pour notre système de justice, serait néfaste par le fait même pour les victimes, serait néfaste pour les associations de victimes. On veut que justice soit rendue en temps utile. C'est ça, c'est ce en quoi les Québécois et les Québécoises sont en droit de s'attendre et c'est ce sur quoi nous travaillons.

Moi, j'ai bon espoir puis je dois vous dire, M. le Président, qu'hier, lorsque j'entendais la représentante de l'association des avocats de la défense... puis honnêtement c'est notre collègue de Borduas qui la questionnait, puis je sais que c'est une de ses anciennes collègues de classe, donc, honnêtement, on s'entend, ce n'était pas une question plantée de la ministre de la Justice, au contraire, mais, lorsque cette avocate qui oeuvre au quotidien en droit criminel nous a dit que déjà les effets se faisaient sentir, j'étais heureuse d'entendre ça, et en dehors de toute partisanerie, parce que je me suis dit : Voici un bel exemple des effets concrets, voici un bel exemple tout à fait objectif de ce qui a... une illustration tout à fait objective de la résultante de nos efforts, puis ça, M. le Président, je pense que c'est important.

Et même je vous avoue aussi qu'il y a quelques mois, j'avais également pris acte de la déclaration d'une autre procureure qui est quand même... qui est maintenant une collègue de notre collègue de Borduas, qui travaille en étroite collaboration avec les collègues de la deuxième opposition, mais Me LeBel, Me Sonia LeBel, qui disait à l'émission 24/60,puis ça, c'est le 21 février dernier... on lui posait la question : «Est-ce que c'est inquiétant, les longs délais judiciaires?», et Me LeBel disait : «Il y a eu des annonces. Les citoyens ne doivent pas s'inquiéter à long terme. On essaie de tout notre coeur de pallier à tout ça, mais déjà, en place, sur le terrain, les choses commencent à se placer.» Alors, c'était Me LeBel suite à son arrivée à titre de chef de cabinet, comme nouvelle directrice adjointe du cabinet du chef de la deuxième opposition.

Donc, moi, ces déclarations-là des gens de terrain, M. le Président, je les trouve rafraîchissantes, encourageantes. Et je sais que les gestes que nous posons, que nous avons posés et que nous poserons sont les bons gestes, vont amener à des résultats et des solutions pérennes, pas des solutions ponctuelles. Ce n'est pas des solutions magiques, ce sont des solutions pérennes qui vont transformer notre système de justice. J'y crois, M. le Président, et c'est là-dessus que je vais continuer à travailler au cours des prochains jours, des prochains mois. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Gendron) : Alors, je vous remercie. Je cède maintenant la parole à la porte-parole de l'opposition officielle en ces matières. Mme la députée de Joliette, à vous la parole pour votre intervention.

Mme Véronique Hivon

Mme Hivon : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, comme vous vous en doutez sans doute, j'ai beaucoup de choses à dire en lien avec ce débat, aujourd'hui, qui nous occupe sur les effets de l'arrêt Jordan, sur la désorganisation, bien sûr, sur la crise que nous vivons dans notre système de justice et sur le bien-fondé de recourir à la clause dérogatoire, pour une période limitée dans le temps, pour mettre un frein à ces conséquences terribles pour l'ensemble de la population, pour la confiance globale que nous avons dans notre système de justice et, bien sûr, au premier chef pour les victimes et pour leurs familles, qui se trouvent carrément abandonnées, en ce moment, par l'absence de réponse adéquate, urgente à court terme face à cette hécatombe dans notre système judiciaire criminel.

Mais, avant d'aborder les enjeux dans l'ordre que je pensais le faire, vraiment, je me dois de réagir d'entrée de jeu. Et la ministre a vu comment j'ai réagi fortement. La ministre de la Justice, c'est la Procureur général du Québec, c'est notre procureur à tous au Québec, c'est celle qui doit défendre l'intégrité de nos lois et de nos compétences constitutionnelles. Alors, aujourd'hui, en cette Chambre, la Procureur général du Québec abdique elle-même sa compétence constitutionnelle de pouvoir recourir à la clause dérogatoire pour mettre fin aux effets, pour une période limitée, très, très déstructurants sur notre système judiciaire criminel de l'arrêt Jordan. Elle nous cite des opinions, des avis. Parce que vous savez qu'il y a un gros débat sur la question constitutionnelle, il y a vraiment des avis des deux côtés. Et, quand on est Procureur général du Québec, notre responsabilité, ce n'est pas d'abdiquer nos responsabilités et de dire que c'est le camp inverse, qui défend l'inverse de notre point de vue et de notre intérêt au Québec, qui a raison, c'est de se battre bec et ongles pour faire reconnaître notre compétence, pour faire reconnaître nos assises et de tout faire pour que cette reconnaissance-là soit prise en compte, et qu'on se batte à tous les jours pour nos compétences québécoises.

Alors, je dois vous dire que je trouve ça complètement hallucinant et choquant. Pas que la ministre nous dise aujourd'hui : Vous savez, il peut y avoir un débat constitutionnel, on le sait tous et on a tous cette responsabilité-là de prendre acte qu'il peut y avoir des arguments des deux côtés, mais le fait est qu'il y a des arguments et il y a des juristes qui se sont prononcés, des professeurs de droit, pour dire que le Québec avait la compétence pour invoquer la clause dérogatoire. Alors, on s'attendrait à ce que la ministre de la Justice et Procureur général regarde aussi ces opinions-là et qu'elle n'abdique pas avant même que le débat soit fait sur notre compétence au Québec, surtout quand les enjeux sont si grands et que la population s'attend à des réponses urgentes et immédiates pour faire une différence, pour montrer aux victimes qu'on tient compte de leur désarroi, qu'on tient compte aussi de la détresse des familles de victimes qui ont pu être assassinées dans les dernières années et qui aujourd'hui vivent dans la crainte de voir le procès du meurtrier allégué avorter.

• (16 h 10) •

Alors, je dois vous dire que je suis abasourdie des propos qui ont été tenus par la ministre en lien avec le partage des compétences. Et je veux lui dire que justement il y a des gens qui ont regardé ces questions-là de près, et il y en a qui plaident... Ici, j'en ai deux devant moi, là, parmi d'autres, Me Patrick Taillon, professeur de droit constitutionnel à l'Université Laval, Me Guillaume Rousseau, professeur de droit à l'Université de Sherbrooke, qui ont indiqué que le Québec avait compétence. Pourquoi le Québec a compétence? Parce que le Québec est responsable en matière d'administration de la justice. Donc, oui, cet argument-là, il peut être fait. Parce que qui vit en ce moment avec les conséquences de l'arrêt Jordan? Qui vit au jour le jour avec ces conséquences-là sur nos tribunaux, sur le fait que, comme le disait la ministre — et je vais y revenir — c'est le Québec qui doit absorber les coûts de cette réorganisation-là? C'est le Québec qui doit engager plus de greffiers, qui doit évidemment nommer plus de juges à la Cour du Québec, qui doit s'assurer qu'il y ait plus de procureurs de la couronne, qui doit s'assurer du bon fonctionnement : plus de greffiers, plus d'huissiers audienciers, de gens qui peuvent soutenir l'exercice, donc, du droit criminel au Québec.

Alors, vous ne trouvez pas ça incroyable de dire d'entrée de jeu : Le Québec assume toutes les conséquences de ça au jour le jour, et les responsables de l'administration de la justice, de la saine administration de la justice? Mais non. Surtout on n'aurait aucune compétence. On ne pourrait surtout pas venir invoquer la clause dérogatoire pour dire qu'on va mettre un terme, pour une période donnée, à cette hécatombe qui mine complètement la confiance de nos concitoyens dans leur système de justice.

Donc, je vais y revenir, mais, d'entrée de jeu, ça m'apparaissait très, très important de dire que c'est une grande déception qu'on vit aujourd'hui quand on voit, je dirais, la Procureur général baisser les bras de cette manière-là. Et je veux juste rappeler : c'est un dossier qu'elle connaît bien parce qu'on a travaillé ensemble sur la Loi sur les soins de fin de vie.

Vous savez, à l'origine, quand on a commencé à débattre de la question des soins de fin de vie et de l'aide médicale à mourir, il y avait plusieurs constitutionnalistes, plusieurs juristes qui disaient : Bien voyons, de quoi le Québec se mêle? C'est une question de droit criminel. La question de l'euthanasie puis du suicide assisté, c'est interdit dans le Code criminel, ça fait que le Québec ne peut pas faire ça. Bien, vous savez quoi? On a décidé de le faire, le débat. On a décidé d'aller consulter la population partout au Québec, de trouver le consensus puis aussi de montrer qu'on en avait une voix au Québec. Cette voix-là, c'était celle de la compétence en matière de santé et aussi d'administration de la justice, parce qu'on avait aussi le pouvoir de donner une directive, comme la ministre de la Justice l'a d'ailleurs très bien fait, à nos procureurs de ne pas, s'il pouvait y avoir un doute pour mettre la ceinture et les bretelles, de ne pas poursuivre.

Mais, d'abord et avant tout, on a exercé notre compétence pleine et entière en matière de santé et on a tout bâti notre loi pour montrer que, oui, il y avait une nécessité d'agir pour les personnes malades en fin de vie et que, dans cette logique-là, ça pouvait aller jusqu'à l'aide médicale à mourir. Donc, on n'a pas abdiqué, on n'a pas baissé les bras, au contraire, on a trouvé la voie de passage pour qu'en vertu de notre compétence québécoise on puisse agir et on puisse être des précurseurs.

Bien, moi, c'est de ça dont j'ai envie, et c'est pour ça que ça fait des mois que le Parti québécois amène sur la place publique le débat de la clause dérogatoire, c'est parce qu'on estime que c'est urgent de l'utiliser. C'était d'abord urgent de l'analyser et, à la suite des événements qui se sont multipliés, de l'utiliser, oui, pour mettre fin à la crise qu'on vit et pour rassurer les gens et la confiance dans notre système de justice.

Donc, oui, on a amené ce débat-là sur la place publique parce qu'encore une fois le Québec pourrait être précurseur et montrer que, non, ce n'est pas vrai, on ne doit pas être juste résignés puis se dire : Ah mon Dieu! Un autre accusé de meurtre qui est libéré; ah mon Dieu! c'est donc plate, un autre accusé d'agression sexuelle qui est libéré; ah! pas encore des fraudeurs qui ont été arrêtés à la suite d'une enquête de l'UPAC qui voient leur procès avorter; puis se dire : Ah oui! C'est vraiment plate, puis d'être fataliste par rapport à tout ça. Non, ce n'est pas vrai, il y en a un moyen. Puis ce moyen-là, c'est d'utiliser la clause dérogatoire.

Alors, oui, c'est urgent de faire le débat, mais surtout de passer à l'action pour arrêter cette espèce de fatalité et de se dire qu'on n'a pas le choix et qu'on doit être résignés. Je pense que, quand on est en politique, puis qu'on est des élus de la population, et que la population vit une telle crise de confiance à l'égard d'une institution-phare de notre démocratie, son système de justice, c'est notre responsabilité d'utiliser absolument tous les moyens qui sont à notre disposition, même si ce ne sont pas les premiers moyens qu'on utilise. Mais, oui, c'est notre responsabilité de le faire dans des situations de crise.

Alors, je veux revenir. Mon objectif aujourd'hui, ce n'est pas de refaire le procès de l'inaction dans le moindre détail du gouvernement libéral en matière de justice, parce que je pense que l'automne dernier on a amplement décrié le laisser-aller qui avait donné lieu, bien sûr, à la crise que l'on connaît maintenant, qui a été aggravée par des années de laisser-faire. Et je pense que c'est important de rappeler que le budget de la Justice, c'est moins de 1 % — là, c'est à peine 1 % avec les investissements qui ont été consentis récemment — c'est moins de 1 % du budget global de l'État pour une mission qui est fondamentale. C'est un rôle fondamental de s'assurer que justice puisse être rendue.

Et tantôt, j'entendais la ministre dire... elle veut que justice soit rendue en temps utile. Évidemment qu'on veut tous que justice soit rendue en temps utile. Évidemment qu'on croit à ces droits-là qui sont garantis dans nos chartes. Mais je pense que, d'abord et avant tout, on veut que justice soit rendue tout court. Là, en ce moment, il n'y en a pas, de justice. Il y a des dénis de justice.

Ça fait que moi, je veux bien qu'on nous plaide qu'il faut que justice soit rendue en temps utile, j'en suis. C'est ce qu'on souhaite pour tout le monde, les gens qui sont accusés comme pour les victimes. Mais pensez-vous qu'en ce moment les gens se disent : Wow! Il faut que justice soit rendue en temps utile? Ils veulent juste la base, ils veulent juste que justice soit rendue tout court, que justice soit rendue pour les victimes, pour la population, pour les gens qui ont besoin de sentir qu'on se préoccupe d'avoir un état sécuritaire puis qui s'occupe correctement des victimes et de toute la population qui, un jour ou l'autre, pourrait être confrontée à un problème de cette nature-là.

Alors, ça m'amène évidemment à rappeler que, oui, il y a eu du laxisme, oui, on ne s'est pas occupés du système de justice comme on aurait dû le faire pendant toutes ces années où le gouvernement libéral a été au pouvoir. Et, pire, malgré les cris du coeur, malgré le fait que même, l'année dernière, les deux juges en chef, Cour supérieure et Cour du Québec, responsables de la chambre criminelle, ont dit publiquement dans les journaux... Vous ne voyez pas ça souvent. Vous l'avez vu aussi au mois de décembre, je vais y revenir, quand ça a tout pris de pression pour que, finalement, le gouvernement agisse.

Mais ce qu'on a vu l'année dernière, en janvier dernier, janvier, février derniers, c'est des juges en chef sortir dans les médias et la juge en chef Côté, de la Cour du Québec, aller même jusqu'à dire qu'elle en perdait le sommeil tellement les délais étaient devenus déraisonnables à la Cour du Québec et qu'elle avait peur, donc, de se lever et de faire face à chaque jour à une nouvelle crise. Et ça, M. le Président, c'était avant même que l'arrêt Jordan soit rendu. On était six mois avant que l'arrêt Jordan soit rendu. Et la sonnette d'alarme, elle était tirée, et on allumait les voyants rouges pour dire au gouvernement que ça n'avait aucun sens, que la situation était au bord de l'éclatement.

Alors, vous aviez cette situation-là, et là, en juillet dernier, l'arrêt Jordan est tombé, est venu mettre des limites mathématiques : 18 mois, comme expliquait la ministre, 18 mois, en Cour du Québec, de délai maximal entre l'introduction, donc, le dépôt des accusations, et le jugement. Pas entre le dépôt des accusations et le début de l'instance; entre les accusations et le jugement. Ça fait que vous vous imaginez... Là, on est dans des situations, en ce moment, où il y a trois ans, quatre ans entre le dépôt des accusations et le début du procès. Donc, c'est évident qu'il y a énormément... il y a des centaines de causes qui sont hors délai, à la lumière des nouvelles limites mathématiques imposées par la Cour suprême.

Et c'est important de dire aussi que la Cour suprême n'a pas été unanime sur cette idée-là de mettre des limites mathématiques de 18 mois en Cour du Québec et de 30 mois en Cour supérieure. Il y a eu une minorité de quatre juges, donc quatre juges sur neuf, qui sont venus dire que ce n'était pas le rôle de la Cour suprême de venir se substituer au législateur, de venir décider à la place des élus de ce que devaient être les plafonds pour pouvoir rendre justice, de mettre des règles comme celles-là, disant même qu'ils avaient peur à l'hécatombe que ça pourrait produire et qu'ils ne souhaitaient pas, donc, faire en sorte de désorganiser encore davantage le système judiciaire, mais plutôt de renvoyer la responsabilité aux élus.

Tout ça pour vous dire que ce n'est pas un jugement qui était unanime, et ça légitime encore davantage les élus de l'Assemblée nationale de dire qu'il faut prendre le moyen de la clause dérogatoire parce que, oui, c'est de notre responsabilité de le faire, de dire : C'est assez, ça n'a pas de sens, ce qui est en train de se passer. On vit les répercussions au quotidien. Et donc on veut préserver la confiance dans notre système, et c'est le seul moyen qui est à notre disposition pour y arriver. Et, quand je vous dis que c'est le seul moyen à notre disposition pour y arriver, c'est que... La ministre a beau dire qu'elle a investi 175 millions, c'est vrai, et heureusement, et c'est un pas, évidemment, qui devait être franchi, mais ça a pris des mois après l'arrêt Jordan avant que cet argent-là arrive. La ministre peut nous dire qu'elle avait des travaux à faire, tout ça. On peut comprendre ça, mais comment ça se fait que ce n'était pas déjà en marche alors que six mois avant l'arrêt Jordan, déjà, les cris du coeur se multipliaient et les signaux d'alarme se multipliaient?

• (16 h 20) •

Donc, tout ça pour dire que, si c'était si formidable, et que c'était si parfait, et que ce 175 millions là venait tout régler, comment ça se fait qu'il ne se passe pas une semaine sans qu'il y ait des arrêts de procédure puis des avortements de procès, alors que ces gestes-là ont été posés? Bien, évidemment, c'est parce que ça ne rattrape pas le passé. C'est parce qu'évidemment toutes ces années-là où on n'a pas bougé, où on a même fait des compressions, des compressions en matière de justice, en matière d'administration de la justice, au DPCP, en matière, donc, criminelle aussi... L'année passée, lors des crédits, on l'avait dénoncé abondamment, on voyait un recul des crédits, on voyait moins d'argent confié à la justice. Alors, de venir nous dire aujourd'hui que tout a été fait, ça ne tient évidemment pas la route, M. le Président.

Et il faut juste voir à quel point on vit une crise grave dans notre système. Je vous fais juste, là, une petite nomenclature depuis l'arrêt Jordan. 14 septembre 2016, le fondateur du chapitre montréalais des Hell's Angels, Robert Bonomo, dernier accusé dans le dossier de SharQc, arrêt de procédure pour délai déraisonnable. 2 septembre 2016, neuf accusés sur la base du travail de l'enquêteur Benoît Roberge, condamné pour avoir fourni des renseignements confidentiels aux Hell's Angels. Raison? Délai déraisonnable. 21 septembre 2016, au tour du chef présumé des Hell's Angels, Salvatore Cazzetta. On ne parle pas, là, d'une infraction mineure pénale, on parle de crimes excessivement graves, de criminels notoires. Donc, le chef présumé des Hell's Angels qui aussi bénéficie d'un arrêt des procédures. 29 octobre 2016, arrêt des procédures et retrait des mandats d'arrestation contre sept membres des Hell's Angels en cavale depuis SharQc. 4 novembre 2016, trafic de stupéfiants, un autre quatre accusés qui sont libérés.

Donc, comme ça, là, ça continue : des accusés de fraude, Luigi Coretti, on s'en souvient, mon collègue de Borduas l'a mentionné. En décembre, des coaccusés de l'ex-maire d'Outremont, Stéphane Harbour, sont libérés à leur tour pour cause de délai déraisonnable. Janvier 2017, abandon d'accusations contre huit individus et entreprises de la construction accusés de cartel, collusion en vertu de la Loi sur la concurrence. 14 février 2017, 14 accusés de Gilles Vaillancourt ont demandé un arrêt des procédures, et deux l'ont obtenu. 21 mars 2017, arrêt des procédures par la couronne fédérale contre 36 accusés liés à la mafia arrêtés dans l'opération Clemenza de la GRC. 3 avril 2017, opération Honorer, le DPCP annonce l'arrêt des procédures contre quatre coaccusés de l'ex-maire de Laval, Gilles Vaillancourt.

Et, 6 avril 2017, bien là, c'est le choc, un premier accusé de meurtre est libéré, quelqu'un qui est accusé de meurtre, donc, sur sa conjointe qui est libéré pour cause de délai déraisonnable. Depuis, deux autres accusés de meurtre, donc, le 21 avril et le 19 mai derniers, ont été libérés. Et aussi, bien entendu, un accusé, «l'ange Daniel», mon collègue de Borduas y faisait référence aussi, qui a été accusé d'agressions sexuelles répétées sur une mineure, qui a été libéré à Québec par le seul écoulement de temps.

Est-ce que c'est ça, la justice? Est-ce qu'on en est rendus là au Québec? On verrait ça ailleurs dans le monde, on serait profondément scandalisés. Des gens accusés de meurtre, accusés d'agression sexuelle, accusés de voies de fait, accusés de fraude, après qu'on a consenti des ressources énormes dans les enquêtes policières, on a décidé collectivement qu'on allait donner des moyens financiers importants à la police, à l'UPAC pour pouvoir faire des enquêtes, pour pouvoir arrêter ces gens-là et mettre un frein à la fraude, aux complots, à la corruption, bien, qu'est-ce qui arrive à l'autre bout du spectre? Notre système de justice n'est pas capable d'absorber ça.

Puis là on serait supposés de baisser les bras puis de dire : Ah! bien coudon. Tant pis, hein, c'est comme ça. Il y en a quelques-uns qu'on échappe, mais, que voulez-vous, on est en train de travailler puis on va essayer d'arranger les choses. Bien, le fait est que, pendant qu'on remet la maison en ordre... Parce que, oui, il faut remettre la maison en ordre, puis, oui, il faut changer la culture judiciaire, puis, oui, il faut avoir une table justice, puis, oui, il faut avoir des initiatives comme celles que la ministre met de l'avant, mais tout ça, là, c'est tard, c'est tard, donc ça fait en sorte que, tout ce qui s'est accumulé avant, bien, on n'est pas capables de réparer ça. Et c'est ce qui fait en sorte qu'on n'est pas capables d'avoir un climat serein pendant lequel on va remettre le système en ordre, on va refaire le ménage dans la maison et on va s'assurer qu'on n'en échappe plus.

Alors, dans ce contexte-là, oui, le seul recours qui est possible, c'est le recours à la clause dérogatoire. Et, vous savez, M. le Président, ce n'est pas une maladie honteuse, là, la clause dérogatoire, c'est prévu en bonne et due forme dans la Constitution canadienne. Parce que, oui, on a décidé... le Canada — évidemment, sans l'accord du Québec, est-ce qu'il faut le rappeler? — s'est doté d'une constitution, s'est doté d'une charte canadienne des droits. Mais c'était clair qu'il fallait équilibrer les choses, et cette clause dérogatoire là, cette disposition de dérogation, pour utiliser le bon terme, elle existe précisément pour que les élus, pour que l'Assemblée nationale, pour que les Parlements continuent à pouvoir avoir le dernier mot. Et c'est la même chose dans la charte québécoise. Et c'est important qu'on puisse avoir ce pouvoir-là, parce que, non, ce n'est pas une maladie honteuse. D'ailleurs, le juriste Guillaume Rousseau en fait la démonstration, elle a été utilisée des dizaines de fois, la disposition de dérogation, y compris par le gouvernement actuel, y compris par le premier ministre actuel et son gouvernement, elle a été utilisée, la disposition de dérogation. Donc, oui, il faut être capable de l'utiliser. Il ne faut pas avoir honte d'utiliser un mécanisme qui est présent en démocratie précisément pour pouvoir équilibrer les choses entre les droits et les libertés qui sont reconnus, mais aussi, bien sûr, la préservation de la confiance du public, l'intérêt collectif et le pouvoir que les élus doivent pouvoir continuer à exercer quand il y a des situations exceptionnelles et de crise comme celle qu'on vit en ce moment.

Donc, cette clause-là, elle doit pouvoir être utilisée dans ces cas-là. Et c'est pour ça que nous, dès l'automne dernier, quand on a commencé à dire que ça n'avait aucun sens, qu'on voyait qu'il ne se passait rien et qu'il fallait bien sûr débloquer des sommes, poser des gestes très concrets pour changer les choses, bien, on a tout de suite dit : Ce n'est pas pour baisser la pression. Évidemment qu'il faut que ces investissements-là se fassent, mais, parallèlement à ça, il faut aussi s'assurer qu'on n'en échappe pas. Pourquoi? Parce que c'est correct, bien sûr, qu'il faut que les accusés aient des droits à la présomption d'innocence, ça va de soi; d'être jugés dans un délai raisonnable, on le souhaite tous. Mais pourquoi, à l'autre bout du spectre, les victimes, elles, les victimes n'auraient aucun droit? Les victimes, on devrait dire : Ah, pauvres victimes! On est vraiment désolés, mais vous, vous n'avez aucun droit, voyez-vous, dans notre Constitution puis dans nos chartes. Donc, vous devrez souffrir, puis tant pis, on vous abandonne. On a abandonné notre système de justice depuis si longtemps que maintenant c'est vous, les victimes, qui devez faire les frais de ça.

Moi, je ne suis pas capable d'envoyer ce message-là. Je ne sais pas si les autres élus sont à l'aise avec ce message-là, mais, en ce moment, c'est ce message-là qu'on envoie aux victimes du Québec, aux familles de ces victimes-là, qui, en plus d'avoir leur peine et leurs souffrances, vivent dans l'angoisse de ne pas pouvoir avoir un processus judiciaire qui soit mené à terme. Et je dois vous dire que les événements des dernières semaines, quand on voit jusqu'à des accusés de meurtre être libérés — pas un, pas deux, mais trois — des accusés d'agression sexuelle, de crime contre la personne, de fraude être libérés, ce n'est rien pour rassurer ces victimes ou ces familles de victimes.

Alors, moi, je ne pense pas qu'on peut accepter ça. Et ça, ça veut dire quoi? Bien, ça veut dire que, oui, il faut se tourner vers l'idée de la clause dérogatoire, comme on demande l'examen depuis l'automne dernier et comme on le demande formellement depuis le 9 avril dernier à la suite donc de ce premier meurtrier allégué qui a été libéré.

On a fait cette demande-là formellement avec des groupes de femmes notamment, des groupes de défense des droits des victimes, parce qu'elles aussi, elles trouvent que c'est assez et qu'il commencerait à être temps qu'on pense aussi aux droits des victimes dans notre société. Et on a été heureux de constater que rapidement Québec solidaire et la députée aussi de Vachon se sont joints à notre demande de recourir à la clause dérogatoire. Ça a été un peu plus long avec la deuxième opposition. Ils ont d'abord pris le chemin d'une demande d'utilisation de la clause dérogatoire par le fédéral, mais évidemment on connaît la grande collaboration du fédéral dans le dossier, qui refuse et qui refuse de nommer des juges. Mais surtout on est heureux de voir qu'ils se sont rangés à nos arguments, allant même jusqu'à déposer, il y a une dizaine de jours, un projet de loi demandant le recours à la clause dérogatoire sur la base de la compétence du Québec. Parce que, je le répète, cette compétence-là, elle existe, et nous devons l'utiliser, et c'est notre responsabilité d'aller au bout de ça.

• (16 h 30) •

Donc, bref, à la suite de nos demandes, à la suite du fait qu'on a amené ce débat-là sur la place publique, maintenant, c'est l'ensemble des partis d'opposition qui sont unis avec la population, avec énormément de leaders d'opinion, avec plusieurs aussi juristes qui se sont unis pour demander au gouvernement d'une seule voix de faire la seule chose responsable qui s'impose, c'est-à-dire d'avoir recours à la clause dérogatoire et d'y avoir recours maintenant.

Je veux répliquer aux arguments de la ministre qui nous dit, là, outre la question constitutionnelle, je pense que je vous en ai parlé, je vous ai dit combien ses propos m'avaient choquée, mais elle nous invoque aussi deux autres raisons pour lesquelles on ne devrait pas avoir recours à la clause dérogatoire. Une de celles-là, c'est de dire que ça viendrait engorger nos tribunaux. Je veux juste dire qu'est-ce qui engorge en ce moment nos tribunaux, outre le fait qu'on a fait face à des années de non-priorisation de la justice. Qu'est-ce qui en ce moment engorge nos tribunaux? Bien, c'est ces centaines de requêtes là, qui viennent ajouter encore plus de pression parce qu'en ce moment 95 % des dossiers à la Cour supérieure à Montréal font l'objet de requêtes en arrêt des procédures.

Ça fait que ça, vous vous imaginez, on est déjà pris à la gorge, on n'a pas de temps de cour, les délais courent, et, de l'aveu même de la ministre, on prévoit beaucoup d'autres problèmes parce qu'on fait le calcul puis on voit les mois qui s'en viennent puis comment on ne sera pas capable de répondre aux exigences de l'arrêt Jordan. Donc, on est face à ça en ce moment. 95 % des dossiers à la Cour supérieure font l'objet d'une requête en arrêt des procédures, et des centaines de requêtes sont aussi présentes à la Cour du Québec. Depuis l'arrêt Jordan, c'est plus de 900 requêtes pour arrêt des procédures qui ont été déposées. Et évidemment le compteur tourne parce qu'à chaque jour supplémentaire, à chaque semaine supplémentaire qui passe, bien, les délais, ça veut dire qu'ils sont augmentés. Donc, ça veut dire que les chances d'obtenir un arrêt des procédures sont encore plus grandes.

Et là la ministre nous disait : Bien non, ça serait... d'utiliser la clause dérogatoire parce que ça pourrait être contesté, et donc c'est ça qui bloquerait les tribunaux. Bien, je veux simplement lui dire qu'une cause type versus l'ensemble, les centaines de requêtes en arrêt de procédures qui sont là, dans nos tribunaux, en ce moment, c'est bien évident que c'est ça qui engorge gravement, en plus déjà de tous les problèmes qu'on vit, notre système de justice, bien sûr.

Je veux aussi dire que, comme je le mentionnais tout à l'heure, ce n'est pas une décision unanime qui est arrivée de la Cour suprême. Il y avait quatre juges qui n'étaient pas d'accord avec la fixation de plafonds mathématiques comme ça.

Et l'autre élément, c'est de dire... Le deuxième argument de la ministre, c'est de dire : Oui, mais il y a une marge de manoeuvre, là. Pour les causes qui étaient pendantes, qui étaient déjà en cours au moment où l'arrêt a été rendu, ce n'est pas automatique, il y a un petit peu plus de discrétion. Bien, je veux bien. On nous plaidait beaucoup ça au début, là, comme à l'automne dernier, quand nous, on a commencé à évoquer l'idée de la clause dérogatoire pour l'examiner. Mais toutes les causes qui avortent, là, au jour le jour, là, dont les causes de meurtre, causes d'agression sexuelle, voies de fait, fraudes, ce sont toutes des causes qui, théoriquement, pourraient bénéficier de l'exception qui est prévue dans l'arrêt Jordan. Or, la réalité, comme vous le savez et vous le voyez, M. le Président, c'est qu'elles n'en bénéficient pas. C'est que, malgré cette possibilité-là, théorique, l'application par les juges et par les tribunaux de l'arrêt Jordan doit quand même se faire selon les critères qui ont été prévus. Et ça fait en sorte qu'on vit en ce moment, semaine après semaine, une hécatombe avec des dizaines de dossiers, des centaines de dossiers qui ont avorté parce que, comme le disait mon collègue de Borduas, il y a, oui, tous les dossiers qui se rendent et pour lesquels il y a un jugement qui est rendu et qui fait en sorte qu'il y a un arrêt des procédures, mais, de son propre chef, le DPCP a lui-même arrêté près de 150 dossiers, ce qu'on appelle des nolle prosequi dans le jargon, parfois même sans attendre une requête en arrêt des procédures, juste pour sauver les meubles en se disant : Oh mon Dieu! Là-dedans, on n'a pas grand chance de réussir. S'il y a une requête, on ne réussira probablement pas à la gagner. Donc, pour sauver du temps, on ne plaidera pas. C'est ce qui arrivé, par exemple, dans le cas de Luigi Coretti. Moi, j'appelle ça carrément une vente de feu. On en est rendu à un tel état de crise qu'on en est rendu que c'est le DPCP lui-même, c'est la couronne elle-même qui rejette, qui est en train de trier ce qui est urgent de ce qui l'est moins, de ce qui serait très grave de grave, et donc on se dit : Ah! bien, ça, on va laisser tomber ça pour peut-être sauver autre chose. Vous vous imaginez dans quel état de crise nous sommes à l'heure actuelle?

Alors, c'est pour ça que nous demandons à la ministre d'avoir recours... au gouvernement d'avoir le courage d'aller à l'encontre d'une espèce de stigmate ou de préjugé, là, comme quoi ça serait tellement épouvantable d'avoir recours à la clause dérogatoire, alors qu'ils l'ont fait eux-mêmes, alors que le gouvernement du Québec, sous différents partis, différents gouvernements, l'a fait à plus d'une quarantaine de reprises, donc de le faire, d'avoir ce sens des responsabilités là de faire la chose à laquelle la population et les victimes s'attendent.

Et, en dernier lieu, M. le Président, j'aimerais soumettre un amendement à la motion parce que nous sommes bien sûr d'accord avec le principe d'avoir recours à la clause dérogatoire, mais il y a des éléments dans le projet de loi, donc, de mon collègue de Borduas avec lesquels nous ne sommes pas parfaitement d'accord, et nous voudrions amener certains changements. Alors, c'est pour ça que nous demandons, plutôt que de faire adopter et que le libellé de la motion soit comme ci, qu'on dise qu'il soit amené en commission parlementaire pour étude.

Alors, nous vous demandons de... nous déposons un amendement pour remplacer, au troisième alinéa de la motion, les mots «à ses membres d'adopter dans les plus brefs délais» par les mots «au gouvernement d'appeler». Donc : «Qu'elle demande au gouvernement d'appeler le projet de loi n° 890», ce qui permettrait, je pense, à toute la Chambre de dire oui parce qu'on ne présumerait pas, évidemment, du résultat tout de suite. Et c'est certain qu'on ne peut pas aujourd'hui, tout le monde, donner notre consentement à accepter tel quel le projet de loi parce qu'on le sait, dans tous les projets de loi, il y a des amendements. Donc, on pense que c'est un amendement très raisonnable, et on demande à la Chambre de l'accepter. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Très bien. Alors, merci à vous, Mme la députée de Joliette. Bien sûr, votre amendement, il est déposé sous réserve de la permission de l'auteur de la motion. Mme la députée de Vachon, je vous cède la parole. Vous disposez d'un droit de parole de deux minutes. À vous la parole.

Mme Martine Ouellet

Mme Ouellet : Merci, M. le Président. L'arrêt Jordan de la Cour suprême du Canada du 8 juillet 2016, voté à cinq juges contre quatre, sur les délais de justice a un impact direct sur les causes criminelles et pénales au Québec. Sur le site du DPCP, c'est près de 900 requêtes en arrêt de procédure pour délais déraisonnables qui découlent de l'arrêt Jordan, auxquelles il faut ajouter près de 150 causes qui ont été retirées directement par le DPCP, en lien avec l'arrêt Jordan. Ça veut dire que des présumés criminels accusés de meurtre, de viol ou de fraude pourraient s'en sortir sans procès. Et ça a déjà commencé : Hell's Angels, coaccusés de Gilles Vaillancourt, mafia, accusés de meurtre, accusés d'agression sexuelle.

Il y a une solution pour rectifier le tir. C'est l'utilisation de la clause dérogatoire. Contrairement à ce qu'affirment la ministre de la Justice et le premier ministre, la clause dérogatoire aurait un effet important. Et c'est faux d'affirmer qu'il n'y aurait pas d'effet à cause d'une supposée non-rétroactivité de la clause dérogatoire. Pour les 900 cas qui nous inquiètent, la question de la supposée rétroactivité de la clause dérogatoire n'a même pas rapport. La ministre est pas mal mêlée, je crois. Ces 900 cas ont été déposés avant l'arrêt Jordan, donc l'arrêt Jordan ne s'applique pas directement à ces 900 causes. Toutefois, l'arrêt Jordan est utilisé comme baromètre pour faire annuler des procès. Ce que viendrait faire la clause dérogatoire, c'est d'enlever l'arrêt Jordan comme argument pour faire annuler des procès, le temps d'améliorer les délais de notre système de justice.

J'appuierai donc la motion déposée aujourd'hui pour l'utilisation de la clause dérogatoire qui vient au moins arrêter l'hémorragie. La ministre ne devrait pas se priver d'un outil comme la clause dérogatoire pour des raisons dogmatiques, un outil qui permettrait de mieux protéger le public d'ici à ce que la ministre réussisse à redresser le fonctionnement de notre système de justice. Merci.

• (16 h 40) •

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Alors, merci à vous, Mme la députée de Vachon, pour votre intervention. Du côté gouvernemental, M. le député de LaFontaine, leader adjoint du gouvernement, vous disposez de 5 min 25 s. À vous la parole.

M. Marc Tanguay

M. Tanguay : Merci beaucoup, M. le Président. J'écoutais attentivement le collègue de Borduas, qui propose, M. le Président, dans sa motion, par extension, dans son projet de loi, de retirer à toutes les Québécoises et à tous les Québécois le droit d'être jugé dans un délai raisonnable. Le droit d'être jugé dans un délai raisonnable, M. le Président, ça s'applique aux 8,3 millions de Québécoises et Québécois.

Aujourd'hui, la CAQ, le PQ, Québec solidaire et la députée de Vachon sont pour retirer le droit à 8,3 millions de Québécoises et Québécois d'être jugés dans un délai raisonnable, droit constitutionnel protégé pas seulement par la Charte canadienne des droits et libertés, mais protégé par la charte québécoise des droits et libertés. Et ça, M. le Président, ce n'est pas anodin. Et les gens qui nous écoutent à la maison auront réalisé ce qui est proposé aujourd'hui. Le gouvernement du Parti libéral du Québec est le seul parti politique représenté en cette Chambre aujourd'hui qui veut préserver ce droit fondamental.

Lorsque le collègue de Borduas, de la CAQ, dit : Certains sont pour l'utilisation de cette clause dérogatoire, et il nomme des gens, M. le Président, je lui ferais la réflexion suivante : celles et ceux qui l'appuient sont pour que des criminels subissent leur procès. Certes, nous en sommes tous. Celles et ceux qui l'appuient sont pour que la justice soit faite. Certes, nous en sommes tous, M. le Président, mais ils ne sont pas pour supprimer un droit fondamental qui est donné pas uniquement aux criminels, M. le Président, que l'on veut bien, évidemment, qu'ils aient leur procès puis si, d'aventure, ils sont reconnus coupables, bien, qu'ils finissent en prison, mais le droit fondamental que l'on retirerait... On dit : Ah! mais on le retirerait juste pour 12 mois, juste pour un an. M. le Président, on ne commencera pas à négocier les délais de droits fondamentaux à tous les Québécoises et tous les Québécois. Et celles et ceux qui, donc, bénéficient de ce droit-là, ce seraient les mêmes, ce serait l'ensemble de la population qui se verrait mettre de côté.

Alors, M. le Président, ceci étant dit, on parlait de l'arrêt Jordan. L'arrêt Jordan prenait acte de délais trop longs. Et je peux vous citer, M. le Président, le remède qui était proposé dans l'arrêt Jordan. Je vous cite l'arrêt Jordan :

«Pour permettre aux tribunaux de maintenir la confiance du public en rendant justice en temps utile, il faut apporter des changements structurels et procéduraux supplémentaires au système en plus de fournir des efforts quotidiens.»

«En fin de compte, tous les participants au système de justice doivent travailler de concert pour accélérer le déroulement des procès. Après tout, c'est l'ensemble de la société qui bénéficiera de l'effort. Instruire les procès en temps utile est possible. Mais plus encore, la Constitution l'exige.»

Alors, M. le Président, instruire des procès en temps utile et faire en sorte que le système soit plus efficace, c'est le remède. Le remède de dire : Bien, on n'aura plus personne qui se verra reconnaître une requête pour fins de procédures judiciaires, bien, on va enlever des droits pour ne pas que ces individus-là puissent sortir du système judiciaire, M. le Président, on va enlever les droits à tout le monde. Le droit n'existera plus, et donc ce sera le remède qui sera privilégié. Non, M. le Président. Ce à quoi nous invite la Cour suprême et ce sur quoi le gouvernement a travaillé d'arrache-pied, et on en veut, des exemples très tangibles, M. le Président, c'est faire en sorte de bonifier par l'apport de tous les acteurs. Et j'ai entre les mains le plan d'action 2016‑2017 qui avait été convoqué avant l'arrêt Jordan de juillet 2016, qui avait été convoqué par la ministre en janvier 2016, qui s'était rencontré en mars 2016. Le rapport est sorti en 2016 et le rapport fait en sorte quoi, M. le Président? De mobiliser tous les acteurs : les cours, les juges, les procureurs, le DPCP, le ministère de la Justice, le ministère de la Sécurité publique.

M. le Président, on dit que le délai doit être raisonnable, sinon le prévenu peut présenter une requête. L'effet non seulement ce serait d'engorger les tribunaux et ce serait encore plus d'augmenter les délais, mais ferait en sorte, M. le Président, de démobiliser tout le monde qui travaille d'arrache-pied aujourd'hui à faire en sorte que les délais soient plus courts. S'il n'y a plus d'épée de Damoclès, s'il n'y a plus ce droit fondamental, où est l'incitatif à être jugé à un délai raisonnable et d'avoir une justice qui soit bien fondée?

Et, M. le Président, statistique importante : ce n'est pas d'hier que c'est un élément sur le radar des gouvernements. En 2012, 109 jugements avaient été rendus accueillant une requête pour fins de procédures; 2013, 110; 2014, 153. Et là force est de constater que c'est un gouvernement du Parti québécois à l'époque, en 2016, 133.

Alors, M. le Président, la ministre est à l'oeuvre, et on peut constater que le système de la justice sera plus efficace. C'est ça, le remède. Ce n'est pas faire perdre des droits à 8,3 millions de Québécoises, Québécois. Merci.

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Alors, merci. Merci à vous, M. le leader adjoint du gouvernement. M. le député de La Peltrie, vous disposez de 5 min 10 s. À vous la parole.

M. Éric Caire

M. Caire : Merci, M. le Président. Curieuse intervention, M. le Président, à ce stade-ci de la semaine quand on sait que le gouvernement nous a convoqués d'urgence lundi pour adopter une loi spéciale qui visait justement à suspendre des droits reconnus à des travailleurs, qui sont le droit de grève. Pourquoi, M. le Président? Parce qu'on en est arrivé très rapidement à la conclusion, au gouvernement, que cette grève-là pénaliserait la société en général économiquement en retardant des chantiers de construction, des chantiers de construction, et que ça coûterait un certain montant. On a évalué ça à 45 millions par jour et on s'est dit : C'est inadmissible. On ne peut pas faire subir ce préjudice à la société, donc on va prendre une procédure spéciale, on va adopter une loi spéciale, on va nier un droit fondamental, qui est le droit de grève. Et nous étions d'accord, là, je ne renie pas notre vote, parce qu'on pensait qu'on devait le faire pour des considérations pécuniaires.

Et là aujourd'hui mon collègue dit : Utilisons la clause dérogatoire pour un an, pas pour l'éternité, comme le laissait entendre mon collègue, pour un an, le temps que les mesures mises en place fassent leur effet. Mais, en attendant, ce qu'on ne veut pas lire : Libéré après avoir été accusé du meurtre de sa femme. On ne parle pas de paralyser un chantier de construction, là, le meurtre de sa femme. Mais là on ne peut pas priver 8,3 millions de Québécois de leurs droits. Voyons donc! Il y a combien des 8,3 millions de Québécois qui vont se ramasser en procès pour le meurtre de leur femme? Est-ce que le leader adjoint du gouvernement du gouvernement peut nous dire ça? Voyons donc!

Donc, suspendre un droit de grève pour de l'argent, ça, ça va, ça, c'est correct, mais il faut protéger le droit de ce présumé meurtrier. Ça, c'est fondamental. M. le Président, quel argument! Quel argument! Et, soit dit en passant, l'argument de la contestation de la loi, je vous annonce qu'il y a des avocats engagés par les syndicats qui vont la contester, la loi qu'on a adoptée. Ça fait que pourquoi celle-là, cette contestation-là, elle passe, mais une hypothétique contestation de la loi de mon collègue, ça, ça ne passe pas?

M. le Président, ce qui est fondamental ici, c'est de se dire que l'alternative à ce que mon collègue propose à court terme, c'est de ne rien faire. Ce que le gouvernement nous propose jusqu'à ce que les mesures mises en place fassent effet, si tant est qu'elles sont suffisantes et si tant est qu'elles obtiennent les résultats escomptés, la proposition du gouvernement, c'est de ne rien faire. C'est de lire cet autre titre : Un autre présumé meurtrier obtient un arrêt des procédures grâce à l'arrêt Jordan ou celui-ci pas moins évocateur : Cour supérieure à Montréal : l'arrêt Jordan invoqué dans 95 % des procès.

M. le Président, ne rien faire n'est pas une solution. Ne rien faire n'est pas acceptable. Et demandez aux 8,3 millions de Québécois jusqu'à quel point ça va les empêcher de dormir de savoir qu'on utilise la clause dérogatoire pour empêcher ça, jusqu'à quel point ils vont se sentir brimés dans leurs droits fondamentaux. Les Québécois honnêtes, la très large majorité de nos concitoyens, ça, ça les écoeure. Ça, ça les écoeure de savoir qu'il y a des meurtriers qui sortent. Ça, ça les écoeure. Des fraudeurs, ça, ça les écoeure. Ils ne se sentiront par brimés, M. le Président, j'en suis convaincu. Peut-être que le sympathique présumé assassin, M. Nguyen, peut-être que lui, il va sentir que ses droits sont brimés, mais je vous avoue que ça ne m'empêchera pas de dormir, sincèrement, alors que de savoir qu'il est sorti sans avoir subi son procès, ça, ça m'empêche de dormir.

M. le Président, la proposition de mon collègue, c'est d'utiliser une disposition qui existe dans la charte, qui n'a pas été mise là par magie. Hein, ce n'est pas de la magie, c'est une disposition de la charte qui vise justement à donner le pouvoir au gouvernement de faire face à des situations impérieuses, d'urgence. Ce que mon collègue propose, ce que les gens de l'opposition officielle proposent, de Québec solidaire, les députés indépendants, c'est dire : Pour un an, le temps qu'on soit capables de reprendre le contrôle de la situation qu'on a perdu à cause de l'incurie du gouvernement, bien, on va évoquer cette clause-là pour s'assurer que la justice, c'est que les victimes aient l'impression qu'on s'occupe d'elles en faisant subir un procès à leurs agresseurs. Ça, c'est la justice. Alors, il faut qu'il y ait justice, il faut qu'il y ait apparence de justice, et, pour ça, ça prend des mesures à court terme. Je vous invite à adopter le projet de loi de mon collègue.

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Alors, merci à vous, M. le député de La Peltrie, pour cette intervention.

Nous en arrivons maintenant au droit de réplique de M. le député de Borduas, mais, avant d'aller vers votre droit de réplique, la collègue de Joliette a déposé un amendement. Est-ce que vous acceptez l'amendement ou pas?

M. Jolin-Barrette : Non, M. le Président. Malheureusement, on n'acceptera pas l'amendement parce que...

• (16 h 50) •

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Très bien, très bien. Alors, écoutez, je vous cède la parole pour votre droit de réplique. Vous disposez de 10 minutes et vous pouvez l'exposer à ce moment-là.

M. Simon Jolin-Barrette (réplique)

M. Jolin-Barrette : Sur la question de l'amendement, M. le Président, on ne l'acceptera pas parce que la modification qui est demandée, c'est qu'elle demande au gouvernement d'appeler le projet de loi n° 890. Et nous, dans notre motion, on dit d'adopter le projet de loi n° 890. Vous connaissez, dans le fond, la procédure parlementaire ici. Bien entendu, lorsqu'on adoptera le projet de loi n° 890, il y aura un travail parlementaire qui sera fait. On est toujours ouverts aux modifications, aux propositions, aux bonifications législatives, comme on le fait toujours avec les cinq étapes du projet de loi. Donc, dans ces conditions-là, on n'acceptera pas l'amendement qui est suggéré, mais l'objectif, avec la motion principale que nous présentons, rejoindra très certainement ce que le Parti québécois souhaite avoir comme amendement.

Écoutez, j'ai entendu la ministre, j'ai entendu le leader adjoint du gouvernement relativement aux conséquences d'adopter le projet de loi n° 890. Je suis totalement en désaccord avec eux et je pense que c'est important de citer la juge en chef de la Cour suprême du Canada lorsque le jugement Jordan a été rendu. Elle disait : «L'approche des juges majoritaires risque aussi d'entraîner des conséquences néfastes pour l'administration de la justice. Il est improbable que les plafonds présumés accélèrent le traitement de l'immense majorité des affaires judiciaires. En outre, si ce nouveau cadre était appliqué immédiatement, les dispositions transitoires proposées par les juges majoritaires ne [permettraient] pas d'éviter le risque que des milliers d'arrêts des procédures soient ordonnés par les tribunaux.

«De plus, la simplicité accrue qui découlerait [du] soi-disant [...] nouveau cadre proposé par les juges majoritaires est vraisemblablement illusoire. Même si la création de plafonds entrait dans les attributions des tribunaux et [de] la preuve présentée en l'espèce la justifiait, il y a peu de raison de penser que ces plafonds permettraient d'éviter [la complexité inhérente] à l'obligation de décider si un délai particulier est déraisonnable. Le cadre élaboré par les juges majoritaires ne fait que déplacer la complexité de l'analyse : une décision sur l'opportunité de réfuter, dans des cas particuliers, la présomption selon laquelle un délai est déraisonnable s'il excède le plafond.

«En fin de compte, le nouveau cadre proposé par les juges majoritaires met au rancart une trentaine d'années de jurisprudence de la cour alors qu'aucun des participants au présent pourvoi n'a réclamé une telle transformation radicale de notre droit, que ce cadre n'a fait l'objet ni d'un débat contradictoire ni d'une analyse de la part des parties et qu'il [risquerait] d'entraîner des milliers d'arrêts de procédures ordonnés par les tribunaux. Bref, le nouveau cadre est erroné sur le plan théorique et peu judicieux sur le plan pratique.»

La juge en chef de la Cour suprême vous a envoyé un message. À vous de le saisir. L'utilisation de la clause dérogatoire est l'élément approprié pour une période transitoire pour les victimes et pour les familles des victimes.

La ministre citait des gens qui étaient en désaccord avec l'utilisation de la clause. Qu'est-ce qu'on fait? On ne fait rien? On reste les bras croisés? On laisse d'autres situations arriver comme c'est le cas actuellement? Vous avez des professeurs de droit, la ministre en a cité. Je vais vous en citer deux autres ici, Guillaume Rousseau et Daniel Turp, professeurs de droit constitutionnel, l'un à l'Université de Sherbrooke, l'autre à l'Université de Montréal, effectivement ancien député aussi, et, M. le Président, vous me permettrez aussi de faire... Pardon?

Une voix : Benoît Pelletier.

M. Jolin-Barrette : Benoît Pelletier aussi. Vous me ferez le plaisir, M. le Président, de pouvoir citer la ministre tout à l'heure, lorsque la ministre invoquait leur ancien collègue Benoît Pelletier. Dans le fond, lorsque c'était pour les juristes de l'État, on ne voulait pas prendre son opinion juridique en compte, mais là, quand c'est pour la question des délais, on le prend. Ça fait qu'il faudrait que le gouvernement se branche. On utilise les professeurs de droit et leur opinion juridique quand ça fait notre affaire. Donc, si on se fie au raisonnement de la ministre, l'opinion de Me Pelletier était bonne pour les juristes de l'État.

Et donc ce que Me Turp et ce que Me Rousseau disent, c'est que «même adoptées rapidement, de telles mesures»... Et là on parle de l'obligation de la défense de tenter de s'entendre le plus tôt possible, des investissements dans le soutien technologique, l'audition d'un moins grand nombre de témoins lors de l'enquête préliminaire. Donc, les auteurs disent :

«Même adoptées rapidement, de telles mesures ne suffiront probablement probablement pas à éviter la catastrophe. Il convient d'évaluer avec précision le temps qui serait nécessaire pour les mettre en oeuvre de manière à atteindre des délais comparables à ceux fixés dans Jordan. Il pourrait s'agir de quelques mois ou, au pire, de quelques années. Pendant cette courte période, le moyen le plus sûr d'éviter des arrêts des procédures consiste à invoquer les dispositions de dérogation prévues aux chartes des droits, quitte à le faire de manière très temporaire pour maintenir la pression sur le gouvernement. Cette voie serait préférable à celle de demander à la Cour d'appel ou à la Cour suprême de suspendre l'application de Jordan; idée surprenante considérant qu'elle vient des mêmes que ceux qui s'opposent au recours à la disposition de dérogation sous prétexte que cela suspendrait l'alinéa 11b. Avant qu'elle ne soit mise en oeuvre, cela exigerait du temps et remettrait la question entre les mains de juges qui ont déjà tranché en faveur du droit des accusés aux dépens de ceux des victimes et du public.» On a une obligation d'agir, les professeurs de droit nous le disent. Également à l'Université Laval, le Pr Taillon nous dit la même chose : Arrêt Jordan : Québec peut déroger à la charte si nécessaire.

Donc, vous voyez, il y a deux courants, M. le Président, mais on a l'obligation d'agir, on a l'obligation d'adopter le projet de loi n° 890 si on veut répondre aux victimes, si on veut répondre aux familles des victimes. Est-ce qu'on est à l'aise de faire en sorte de ne pas établir un cadre qui va empêcher que des requêtes en arrêt des procédures pour délai déraisonnable soient applicables?

Sur un autre point, M. le Président, le leader adjoint du gouvernement disait : Écoutez, on veut violer un droit. On veut empêcher les accusés d'avoir droit à un procès dans un délai raisonnable. Écoutez, je comprends que peut-être qu'il n'a pas eu le temps de lire le projet de loi n° 890, mais il y a un cadre très clair qui a été établi. Il y a un cadre très clair qui a été établi, et je l'invite à regarder l'article 1, 78.2 qu'on vient modifier, où on établit très clairement c'est quoi, les critères du délai raisonnable pour être jugé. C'est les critères de l'arrêt Morin. Donc, avant de dire...

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Juste un instant M. le député de Borduas. Vous vous adressez à la présidence, M. le député de LaFontaine, une seule personne a la parole, c'est le député de Borduas. Veuillez poursuivre.

M. Tanguay : ...

Le Vice-Président (M. Ouimet) : M. le député de LaFontaine! Veuillez poursuivre, M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Alors, M. le Président, c'est très bien indiqué qu'en dérogeant à 11b de la charte, on peut réintroduire les critères pour un délai raisonnable, et les requêtes de l'arrêt Morin, en vertu de l'arrêt Morin, pourraient être applicables. C'est très clair, M. le Président, on vient ici déposer un projet de loi pragmatique, concret et qui s'applique en vertu des compétences du Québec parce qu'il faut le dire : l'administration de la justice relève du pouvoir du gouvernement du Québec. La justice, c'est un pouvoir régalien, M. le Président, la procureure générale doit l'exercer. Et c'est de son devoir d'appeler le projet de loi et de faire en sorte que les accusés d'infractions criminelles soient jugés.

Écoutez, M. le Président, dans la Loi sur les tribunaux judiciaires, on prévoit qu'il y a une juridiction en matière de cours criminelle et pénale. À la Cour supérieure, à la Cour du Québec, on pourvoit les agents, on pourvoit le nombre de juges également. Donc, ça relève de la compétence du Québec. C'est également le Québec qui dote le système des ressources institutionnelles. C'est dans notre juridiction. Le défaut d'agir, M. le Président, le défaut de prendre les mesures nécessaires ici, à l'Assemblée nationale, par nos propres lois en utilisant le recours à la clause dérogatoire, le fait de ne pas le faire serait abdiquer une partie des pouvoirs qui nous sont conférés par la constitution. La clause dérogatoire, elle est prévue, elle est là, on peut l'utiliser. Ça a été utilisé à plus d'une centaine de fois depuis son utilisation par l'État québécois. Pourquoi ne pas le faire? Pourquoi ne pas faire le choix des victimes? Pourquoi ne pas faire le choix que les criminels subissent leur procès et que ceux-ci répondent de leurs actes devant les tribunaux?

Parce que la question, M. le Président, au niveau de la confiance dans l'administration de la justice, elle est fondamentale. Les gens de la population présentement regardent, regardent qu'est-ce qui se passe, ils disent : Comment ça se fait que des gens qui ont effectué, qui ont commis des infractions criminelles puissent s'en sortir sans être jugés? La population ne comprend pas et la population n'est pas fière de ce que le gouvernement libéral fait en n'appelant pas le projet de loi et en n'utilisant pas cette disposition de dérogation.

M. le Président, je vous l'ai dit d'entrée de jeu lors de ma première intervention, c'est un pouvoir extraordinaire, mais on est face à une situation extraordinaire. Et on a bien beau avoir investi dans le système de justice encore aujourd'hui, est-ce que c'est suffisant? Non, M. le Président, pour réparer c'est 15 années là où... La ministre nous disait tout à l'heure : Ce n'est pas nouveau, des requêtes en arrêt des procédures. Oui, ce n'est pas nouveau. Vous avez des requêtes en arrêt des procédures pour une foule d'objets, M. le Président : si la couronne ne transmet pas la preuve, la conduite répréhensible. Mais là on parle d'arrêt des procédures pour délai déraisonnable. Ça existait déjà en vertu de Morin, mais là on est venu mettre un cadre temporel. Il faut déroger à ce cadre temporel là fixé par la Cour suprême, tel que la juge en chef de la Cour suprême nous l'a dit, parce que la conséquence au maintien de l'arrêt Jordan, ça crée une situation qui se retrouve... Ça crée une situation qui fait en sorte que le système de justice se retrouve dans une situation de vulnérabilité, et l'État également se retrouve dans une situation de vulnérabilité lorsqu'il ne peut pas assumer ses propres fonctions d'assurer que les criminels soient jugés et que les victimes, elles, se retrouvent devant une sorte de cul-de-sac où leurs accusés sont libérés et elles, elles ont été victimes à la fois de leur agresseur, mais, avec le choix du gouvernement de refuser d'appeler le projet de loi n° 890, elles se retrouvent aussi à être une deuxième fois victimes, une victime du gouvernement libéral, une victime du système de justice. Merci, M. le Président.

• (17 heures) •

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Alors, merci à vous, M. le député de Borduas, pour l'exercice de votre droit de réplique.

Je vais mettre aux voix maintenant la motion de M. le député de Borduas, qui se lit comme suit :

«Que l'Assemblée nationale prenne acte de la libération de plus en plus fréquente de personnes accusées au criminel suite à des arrêts de procédures justifiés par l'arrêt Jordan;

«Qu'elle déclare que la protection des victimes et de la confiance de la population envers le système de justice doit être une priorité;

«Qu'elle demande à ses membres d'adopter dans les plus brefs délais le projet de loi 890.»

Alors, cette motion est-elle adoptée? M. le leader adjoint du gouvernement.

Vote reporté

M. Tanguay : Oui, M. le Président. Je vous demande un vote par appel nominal, et, conformément à l'article 223 de notre règlement, de reporter ledit vote à la période des affaires courantes de jeudi 1er juin 2017.

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Très bien. Alors, conformément à la demande des leaders adjoints, le vote sera tenu demain à la période des affaires courantes.

Pour la suite des choses maintenant, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Tanguay : Oui. Je vous demanderais d'appeler l'article 89, s'il vous plaît.

Projet de loi n° 223

Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Ouimet) : À l'article 89, M. le député de La Prairie propose l'adoption du principe du projet de loi n° 223, Loi concernant la continuation de Sous les Auspices de l'association des éleveurs de bétail du district de Beauharnois inc.. Y a-t-il des intervenants?

Mise aux voix

S'il n'y a pas d'intervenant à ce moment-ci, le principe du projet de loi n° 223, Loi concernant la continuation de Sous les Auspices de l'association des éleveurs de bétail du district de Beauharnois inc., est-il adopté?

Des voix : Adopté.

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Tanguay : Oui, M. le Président, même article pour adoption, s'il vous plaît, l'article 89.

Adoption

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Très bien. À l'article 89 du feuilleton, M. le député de La Prairie propose l'adoption du projet de loi n° 223, Loi concernant la continuation de Sous les Auspices de l'association des éleveurs de bétail du district de Beauharnois inc. Alors, y a-t-il des interventions?

Une voix : ...

Le Vice-Président (M. Ouimet) : On est à l'adoption. Oui, alors, M. le député de Rousseau, je vous cède la parole.

M. Nicolas Marceau

M. Marceau : Alors, M. le Président, ce ne sera pas long. Je ne voulais pas passer devant le député de La Prairie, mais peut-être qu'il va... Il s'en vient? O.K. Alors, de toute façon, mon intervention est très brève, M. le Président.

C'est un projet de loi qui a été étudié hier en commission parlementaire, qui, en fait, prévoit que Sous les Auspices de l'association des éleveurs de bétail du district de Beauharnois inc., qui était une corporation à but lucratif depuis sa création en... de mémoire, c'est en 1907, donc qui était...

Une voix : ...

M. Marceau : Moi, j'ai 1907 ici. C'est peut-être 1910. Pardon, c'est 1910, M. le Président, je me suis trompé. Donc, c'était une corporation, donc, qui était à but lucratif depuis le moment où elle est née, en 1910, et elle a fonctionné comme telle, en tant que corporation à but lucratif, formellement, mais, en pratique, elle se comportait comme une corporation à but non lucratif, ne versait pas de dividendes, ne faisait pas des revenus importants, des revenus qui étaient essentiellement équivalents à ses dépenses. Elle avait pour principale activité l'organisation d'une foire à Ormstown. Et donc cette corporation à but lucratif, après plus de 100 ans d'existence, demande à devenir une corporation à but non lucratif, ce qui va, dans le fond, confirmer légalement le comportement qu'elle avait dans les faits déjà.

Et, bien, écoutez, en commission, cette demande de Sous les Auspices de l'association des éleveurs de bétail du district de Beauharnois, cette demande a été bien reçue. Il faut voir que la loi présentement ne permet pas de transférer de statut, c'est-à-dire de passer d'une corporation à but lucratif à une corporation à but... pardon, je recommence, ne permet pas ce passage de but lucratif à but non lucratif, et donc c'est la raison pour laquelle il y a ce projet de loi privé devant nous. Nous avons étudié ce projet de loi de façon attentive hier et on a apporté quelques ajustements. Mais, pour l'essentiel, ce qui était contenu dans le projet de loi nous allait. Et donc, de mon côté et du côté de l'opposition officielle, nous allons appuyer l'adoption finale de ce projet de loi. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Merci à vous, M. le député de Rousseau. Prochain intervenant, M. le député de Huntingdon et whip en chef du gouvernement.

M. Stéphane Billette

M. Billette : Oui, tout à fait, M. le Président, mais surtout député de Huntingdon aujourd'hui parce que, je dois vous dire, le projet de loi qui vous est présenté ici, le 223, qui peut paraître un projet de loi comme un autre, mais, je veux dire, tellement important pour la communauté, pour les gens du milieu, du comté de Huntingdon, principalement la communauté d'Ormstown et la région du Haut-Saint-Laurent, où l'association des éleveurs de bétail du district de Beauharnois...

Souvent, on va penser que c'est une ferme d'élevage, mais c'est au-delà de ça, je pense, c'est une institution dans notre région qui a été créée, il faut le dire, le collègue de Rousseau en parlait, ici, c'était une manière à l'époque... Et il faut savoir que l'association a plus de 100 ans, elle était centenaire voilà maintenant trois ans... qui avait été constituée en vertu d'une exposition agricole, comme on retrouve dans plusieurs communautés. On en a plusieurs chez nous, que ça soit à Huntingdon, mais on en a également dans toutes les régions du Québec où il y avait à l'époque des foires agricoles, des concours d'animaux.

Et cette tradition-là s'est perpétuée au cours des années. On a fêté le centième anniversaire de la foire d'Ormstown il y a maintenant deux ans. Et c'était la Loi sur les compagnies à l'époque qui primait. On n'avait pas d'OSBL en tant que tel. Donc ils se constituaient. C'étaient des gens de la communauté qui prenaient des actions, si on peut les appeler ainsi, dans un organisme, dans une association, une entreprise. Et c'est des compagnies qui étaient incorporées. C'était la manière de faire à l'époque. Et ce n'est pas la première fois. Moi-même, j'ai présenté un projet de loi dans le comté de ma collègue de Laporte qui était le club de curling de, je pense, Greenfield Park qui avait exactement la même constitution, qui a été transformée, le Club de Curling de St-Lambert, plus précisément, M. le Président. Et, je veux dire, c'est exactement le même scénario.

Mais, au-delà de l'impact du milieu, je pense, ce sont des propriétés également. Il y a une identification propre à notre milieu, que ça soit les bâtiments sur le site de la foire, que ça soit les terrains, la piste de course, et je vais vous dire : Une piste de course de chevaux à harnais. Et je vais vous dire : Ça a eu un impact au-delà de la foire agroalimentaire où, maintenant, on retrouve... c'est une salle d'exposition également, c'est un endroit où on peut tenir des activités tout à fait particulières, c'est également une... L'association équestre du Sud-Ouest y tient ses compétitions pour les jeunes enfants, pour les adultes.

Donc, c'est un lieu de rassemblement qui est fort occupé de façon annuelle. Et pour faciliter la gestion, le soutien financier également, ce projet-là était un must pour la perpétuité et surtout avoir un autre siècle d'activités qui vont être communs au Haut-Saint-Laurent.

Donc, c'est avec un plaisir que le projet de loi a été bien reçu également par plusieurs de mes collègues. Je tiens à les remercier, parce que ça a une importance pour notre communauté, pour le développement et surtout la perpétuité des infrastructures qu'on retrouve dans le Haut-Saint-Laurent et plus particulièrement dans la municipalité d'Ormstown. Merci beaucoup. And thank you very much for everyone to support and present this project for the future of the Ormstown fair and all the buildings they have around. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Alors, merci à vous, M. le député d'Huntingdon, pour cette intervention. M. le député de Beauce-Nord, je vous cède la parole.

M. André Spénard

M. Spénard : Merci, M. le Président. Alors, ce fut, hier, en commission parlementaire, la Commission des finances publiques, pratiquement un joyeux événement de recevoir trois messieurs d'un certain âge, William Blair, Alex McCaig et Carl Rember, venir nous déposer le projet de loi n° 223, demandant une société à capital action à but lucratif de devenir une société à but non lucratif, c'est-à-dire la Livestock Breeders Association. Alors, je pense qu'on a regardé ça. Évidemment, ils nous ont soumis le «general bylaws», c'est-à-dire ils nous ont soumis le membership, la réglementation de ce qu'ils voulaient, mais ce ne sont pas les lettres patentes. Je pense qu'à l'intérieur du ministère des Finances les lettres patentes qui vont y être émises vont devoir respecter en tout point de vue un organisme à but non lucratif.

On a eu des conversations intéressantes. Et, écoutez, ça a été constitué en corporation, comme le disait le confrère de Rousseau, le 20 octobre 1910. Alors, ça fait au-dessus de 100 ans. Et, au début, les actions valaient 10 $ chacune. Il y en a pour maintenant 3 952 en circulation. Et les actions valent 48,21 $ chacune maintenant. Alors, c'est tout ça qui va se transporter dans une compagnie à but non lucratif qui va continuer, comme mon confrère le député d'Huntingdon le disait, à faire participer la population à des activités de loisir, des activités sociales, surtout des expositions que l'on veut agricoles, comme dans ma Beauce, l'exposition de Saint-Isidore qui est une grosse exposition agricole, de machinerie, de bétail, un concours de vaches, un peu comme à La Pocatière, un peu comme un peu partout dans chaque région du Québec où l'agriculture prend une importance certaine. Alors, le Livestock Breeders Association va pouvoir continuer à faire ses expositions et à intéresser la population au bétail comme tel. Quand on parle de bétail, ça peut partir du lapin, aller jusqu'au boeuf, ou au cheval, ou tout un éventail d'élevage qui peut survenir au Québec, l'élevage de cailles, de poules, etc.

Alors, longue vie à cette future société à but non lucratif, et félicitations à M. Blair, McCaig et M. Rember! Merci, M. le Président.

• (17 h 10) •

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Alors, merci à vous, M. le député de Beauce-Nord pour cette intervention. Y a-t-il d'autres intervenants?

Mise aux voix

Sinon, le projet de loi n° 223, Loi concernant la continuation de Sous les Auspices de l'association des éleveurs de bétail du district de Beauharnois inc., est-il adopté?

Des voix : Adopté.

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Adopté. Pour la suite des choses, M. le leader adjoint du gouvernement.

Ajournement

M. Tanguay : M. le Président, je fais motion pour ajourner nos travaux au jeudi 1er juin 2017, à 9 h 40.

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Très bien. Alors, cette motion est-elle adoptée?

Des voix : Adopté.

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Adopté. En conséquence, nous ajournons nos travaux à demain, 9 h 40. Merci. Bonne fin de journée.

(Fin de la séance à 17 h 11)