(Neuf heures quarante-cinq minutes)
Le
Vice-Président (M. Ouimet) :
Alors, chers collègues, je vous souhaite une très belle journée. Veuillez prendre place.
Affaires
courantes
Déclarations
de députés
Nous
sommes à la rubrique de la déclaration des députés, et je cède la parole maintenant à M. le député de Saint-Hyacinthe.
Souligner
le 75e anniversaire de La Survivance,
Compagnie mutuelle d'assurance vie
M.
Irvin Pelletier
M. Pelletier (Saint-Hyacinthe) : M. le Président, en avril dernier, j'assistais au 75e anniversaire d'une
institution maskoutaine qui rayonne aujourd'hui partout au Québec. La Survivance, mutuelle d'assurance vie, poursuit sa mission
depuis 1938. C'est toutefois bien avant que
l'histoire a débuté. En 1874, l'abbé Louis-Zéphirin Moreau a fondé
L'Union
Saint-Joseph, qui avait pour mission de secourir ses membres en cas de maladie
ou d'incapacité de travailler, en plus d'aider
les veuves et orphelins de ses membres. Ces valeurs sont encore présentes, puisque La Survivance
offre maintenant des produits d'assurance vie, invalidité, santé et autres à ses membres propriétaires.
Ce 75e anniversaire marquera l'histoire de la mutuelle, puisque celle-ci a choisi d'adopter un tout
nouveau nom, Humania Assurance, qui lui
permettra de se moderniser tout en évoquant mieux les valeurs humaines qui
animent l'entreprise depuis sa naissance. L'an dernier, un projet de loi privé voté
par cette Assemblée avait permis de scinder l'entreprise en deux entités. Naissait alors La
Survivance, Mutuelle de gestion, qui continuera à vivre à côté de son entreprise soeur. Le nom qui a marqué l'histoire de
Saint-Hyacinthe
reste donc bien vivant.
Je félicite les membres du conseil d'administration, le président et chef de direction, M. Richard Gagnon, ainsi que tout le personnel…
Le
Vice-Président (M. Ouimet) : Très bien.
M.
Pelletier (Saint-Hyacinthe) :
…longue vie à la compagnie.
Le
Vice-Président (M. Ouimet) :
Alors, le temps est terminé.
M.
Pelletier (Saint-Hyacinthe) :
Merci.
Le
Vice-Président (M. Ouimet) : Je vous remercie, M. le député de Saint-Hyacinthe pour cette
déclaration. Mme la députée de Laporte, je vous cède la parole.
Remercier
les conseillers municipaux de la
circonscription de Laporte qui quittent la
vie politique
Mme
Nicole Ménard
Mme
Ménard : M. le Président, je veux
saluer aujourd'hui plusieurs élus municipaux de ma circonscription qui ont choisi de quitter la vie
politique après avoir fièrement représenté et servi leurs concitoyens. M. Gilles Grégoire,
Mme Mireille
Carrière ont représenté la population respectivement dans le secteur LeMoyne et dans l'arrondissement de Greenfield Park de Longueuil; Mme Natalie Kirk, MM. François Boissy, Marc-André Croteau, Francis Dumais et Gilles Therrien ont quitté le conseil de ville de
Saint-Lambert après avoir servi de nombreuses années.
À vous tous,
merci. Merci pour ces précieuses années de collaboration. Vous avez fait le
choix du service public et vous avez contribué de manière significative et
durable au développement et à l'épanouissement de notre communauté. Aujourd'hui, une nouvelle étape de votre vie
débute. Je vous souhaite tout le succès que vous méritez dans vos
projets futurs. La population vous dit merci.
Le Vice-Président (M. Ouimet) :
Alors, merci à vous, Mme la députée de Laporte. M. le député de Huntingdon, pour votre déclaration.
Féliciter Mme Sara Patenaude, nommée
Agricultrice de passion et Agricultrice de l'année
M.
Stéphane Billette
M.
Billette : Merci beaucoup, M. le Président. Je profite de la
tribune qui m'est offerte aujourd'hui afin de rendre hommage à une agricultrice
vraiment exceptionnelle de la circonscription électorale de Huntingdon. En
effet, lors du Gala Saturne, Mme Sara Patenaude a reçu l'honorable mention du
titre d'Agricultrice de passion remis par la Fédération
des agricultrices du Québec. Cette femme dévouée au milieu agricole a également
reçu, le 5 octobre dernier, l'enviable titre d'Agricultrice de l'année
lors du gala Hommage aux agricultrices du syndicat de Val-Jean. Après un cheminement de carrière hors du secteur de
l'agriculture, Mme Sara Patenaude, en compagnie de son conjoint Jean-Yves
Lalande, s'est découvert une passion dans
l'élevage des alpagas. Avec ses 50 têtes, cette mère de famille s'est
engagée afin de rendre les lettres de noblesse au métier d'agricultrice.
Mme Patenaude, félicitations. Ces honneurs sont
pleinement mérités, et la meilleure des chances pour l'avenir. Merci.
Le
Vice-Président (M. Ouimet) : Alors, merci à vous, M. le député
de Huntingdon. Mme la députée de Charlesbourg, je vous cède la parole pour
votre déclaration.
Souligner
le 25e anniversaire de l'ARC
Les Aînés regroupés de Charlesbourg
Mme
Denise Trudel
Mme
Trudel : M. le Président, en cette année soulignant le 25e anniversaire de
l'organisme Les Aînés regroupés de Charlesbourg, connu aussi sous le nom de l'ARC,
je désire souligner l'apport important que cet
organisme a auprès de nos aînés dans le comté de Charlesbourg. Avec comme désir de mieux
coordonner les activités offertes aux personnes âgées, Les Aînés regroupés de Charlesbourg ont
fait de grandes choses. Cet organisme a participé à la création du Centre d'aide et d'action bénévole de Charlesbourg et de la Coopérative de solidarité de
services à domicile de Québec. C'est aussi lui qui a proposé le Programme d'aide aux aînés pour contrer la
solitude, l'isolement et l'insécurité chez les
gens du troisième âge. L'organisme des Aînés regroupés de Charlesbourg s'investit aussi
dans des projets tels que Villes amies des
aînés et Respect et prise en charge par et pour les aînés de Charlesbourg, et bien d'autres. Dans mon comté, j'ai toujours eu à coeur le soutien de nos aînés, mais ce sont des gens
comme les membres du comité d'administration des Aînés regroupés de Charlesbourg qui font une différence concrète.
Aujourd'hui, je tiens donc
à remercier tous ceux et celles qui se sont impliqués de près ou de loin dans
ce regroupement, et longue vie à cet organisme.
• (9
h 50) •
Le
Vice-Président (M. Ouimet) :
Alors, merci à vous, Mme la députée de Charlesbourg. Mme la députée d'Iberville, je vous cède la parole pour votre déclaration.
Rendre
hommage à soeur Huguette Fleurant, directrice
générale du Centre d'action bénévole d'Iberville
et de la région, à l'occasion de sa retraite
Mme
Marie Bouillé
Mme
Bouillé : M. le Président, j'aimerais rendre hommage à soeur Huguette Fleurant,
qui a été directrice générale du Centre d'action bénévole d'Iberville au cours
des 10 dernières années et qui a pris sa retraite au printemps. À son
arrivée en 2003, le centre d'action bénévole
n'était pas aussi diversifié qu'aujourd'hui.
L'organisme offrait du soutien à domicile, de
l'alphabétisation et un comptoir familial. 10 ans plus tard, une multitude de
services se sont ajoutés, tels que le jardin
communautaire, les
cuisines collectives, les ateliers d'artisanat ainsi que les activités pour les
jeunes lors des journées pédagogiques. Tous ces ajouts avaient comme
objectif de briser l'isolement et de donner des outils et des moyens
afin d'acquérir une plus grande autonomie. Je veux également souligner que
soeur Huguette a toujours eu une profonde conviction de justice sociale, c'est
l'une de ses grandes valeurs qu'elle a toujours véhiculées.
C'est donc avec une très grande joie et une
grande fierté que je reconnais l'apport inestimable de cette femme au sein de notre communauté. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Ouimet) :
Merci à vous, Mme la députée d'Iberville. M. le député de D'Arcy-McGee.
Féliciter
M. Anthony Housefather, gagnant
de sept médailles aux Jeux de Maccabiah
M.
Lawrence S. Bergman
M.
Bergman : M. le Président, j'aimerais féliciter le maire de
Côte-Saint-Luc, Anthony Housefather, qui s'est
distingué lors des Jeux de Maccabiah, qui se sont tenus en Israël cet été. Anthony Housefather won
seven medals for Canada
in the Masters division of the swimming competition during the last Maccabiah
Games. M. Housefather est certainement une source d'inspiration, autant pour
les jeunes que pour les adultes, qui cumule plusieurs responsabilités. Mayor Housefather, qui est avocat-conseil pour une
compagnie multinationale en plus d'être un maire bien-aimé d'une municipalité, trouve le temps et l'énergie, mais
aussi la détermination de s'entraîner pour être l'athlète de haut niveau
qu'il est. Mayor Housefather, congratulations, you're
definitely a source of inspiration for us all. You show us that, even in the
hustle and bustle of our daily lives, determination and discipline can bring us
even further. You're also a superb and well-liked mayor of
Côte-Saint-Luc. Thank you.
Le
Vice-Président (M. Ouimet) : Alors, merci à vous, M. le député
de D'Arcy-McGee. M. le député des Chutes-de-la-Chaudière, votre déclaration.
Inviter
les citoyens de la circonscription de
Chutes-de-la-Chaudière à participer aux guignolées
M.
Marc Picard
M. Picard : Merci, M. le
Président. Solidarité, entraide et partage sont toujours d'actualité lorsqu'il
est question de combler les besoins des
personnes moins favorisées de notre communauté. Aussi, cet automne, la
générosité des citoyens des
Chutes-de-la-Chaudière sera sollicitée par de nombreux bénévoles qui
s'impliquent dans l'organisation des différentes guignolées qui se
dérouleront dans chacun des quartiers du comté.
La pauvreté est une réalité que plusieurs vivent au quotidien, et tous les
gestes d'entraide sont salutaires. Aussi,
cette grande campagne de cueillette de denrées non périssables ainsi que les
dons d'argent sont essentiels pour combler les demandes de dépannage alimentaire et préparer les paniers de Noël, qui seront distribués aux personnes dans le besoin.
J'invite donc toute la population du comté que je représente à
poser un geste de partage en encourageant tous
les bénévoles qui sillonneront les rues dans
le seul but de contribuer au mieux-être des plus démunis. Merci, M. le
Président.
Le
Vice-Président (M. Ouimet) : Merci à vous, M. le député des
Chutes-de-la-Chaudière. M. le député de Marguerite-Bourgeoys, je vous cède la
parole.
Souligner
l'inauguration du nouveau local
de la Société Saint-Vincent-de-Paul de la
circonscription de Marguerite-Bourgeoys
M.
Robert Poëti
M. Poëti : Merci, M. le
Président. La Société Saint-Vincent-de-Paul de LaSalle inaugurait un nouveau
local le 25
septembre dernier. Cet organisme œuvre auprès des quartiers où sévit la
pauvreté. À LaSalle, les plus démunis y sont accueillis depuis
maintenant 81 ans. Les services offerts à la population sont possibles grâce à
25 bénévoles dévoués, dont Mme Rita Juneau, âgée à peine de 93 ans, M. le
Président.
Les bénévoles de LaSalle viennent en aide à
plus de 5 600 personnes à chaque année, dont 37 % sont des enfants et 41 % des personnes seules. Cette aide peut
être trouvée sous toutes les formes, que ce soient les paniers de Noël, la
rentrée scolaire, un appui dans la vie de tous les jours ou seulement l'écoute.
En terminant, M. le Président, en mon nom et
ceux des citoyens de LaSalle, j'aimerais féliciter et remercier la Société Saint-Vincent-de-Paul pour l'action concrète
faite auprès des personnes les plus démunies de mon comté. Merci, M. le
Président.
Le
Vice-Président (M. Ouimet) : Merci à vous, M. le député de
Marguerite-Bourgeoys. M. le député de Verchères, votre déclaration.
Souligner
le 30e anniversaire de la
Maison des jeunes de Contrecoeur inc.
M.
Stéphane Bergeron
M.
Bergeron :
Merci, M. le Président. Le 19 octobre dernier, la Maison des jeunes de
Contrecoeur, qui célèbre cette année son 30e anniversaire de fondation,
tenait une journée portes ouvertes dans le cadre de la Semaine des maisons de jeunes, laquelle soulignait
l'importance de cette ressource vouée à l'épanouissement de la jeunesse,
qui, est-il besoin de le rappeler, constitue
la plus grande richesse d'un peuple. Il est donc heureux de pouvoir
compter sur la présence et l'action de cet organisme favorisant l'intégration
harmonieuse des jeunes au sein de leur communauté, encourageant du même coup
leur participation citoyenne.
Depuis trois décennies, la Maison des jeunes
de Contrecoeur offre aux adolescents de la région un lieu de rencontre qui leur permet de s'épanouir, de développer un
sentiment d'appartenance et de mettre à profit leurs talents et habiletés, un lieu où ils peuvent trouver
l'écoute, le soutien et la valorisation qui revêtent une si grande importance à
ce stade de leur développement, et ce, grâce aux échanges entre camarades et à
l'inestimable intervention d'animateurs compétents et attentionnés.
Qu'il me soit donc permis de féliciter
chaleureusement et de remercier toutes les personnes grâce auxquelles nous pouvons aujourd'hui
célébrer ce 30e anniversaire. Longue vie à la Maison des jeunes de Contrecoeur
et à ses membres.
Le Vice-Président (M. Ouimet) : Merci à vous, M. le député de
Verchères. Enfin, Mme la députée de Sainte-Rose, je vous cède la parole pour
votre déclaration.
Rendre
hommage à l'Association
québécoise des retraité-e-s des
secteurs public et parapublic
Mme
Suzanne Proulx
Mme
Proulx : Merci, M. le Président. Nous avons le grand plaisir,
aujourd'hui, d'accueillir une délégation lavalloise d'une trentaine de membres
de l'Association québécoise des retraité-e-s des secteurs public et parapublic.
Forte de ses 28 000 membres très actifs
et engagés envers les aînés, l'association est présente dans toutes les régions du Québec. Sa
mission principale est de promouvoir et de défendre les droits et intérêts
économiques et sociaux de ses membres, tout en s'assurant du maintien et
de l'amélioration de leur qualité de vie.
Ce sont des hommes et des femmes de coeur,
qui ont gardé la foi dans leurs idéaux et qui continuent de s'impliquer pour la société dans laquelle ils évoluent.
Pour eux, la retraite est une réalité dans laquelle se conjuguent vie active,
vie sociale, solidarité, enthousiasme, envie d'avancer et de faire avancer
leurs semblables.
Longue
vie aux membres de l'AQRP et merci de votre implication citoyenne. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Ouimet) :
Alors, merci à vous, Mme la députée de Sainte-Rose. Voilà qui met un terme à la rubrique Déclarations des députés.
Alors,
je suspends les travaux de l'Assemblée quelques instants.
(Suspension
de la séance à 9 h 57)
(Reprise
à 10 h 16)
Le
Président : Bon début de
journée, chers collègues. Nous allons nous recueillir quelques instants.
Merci.
Veuillez vous asseoir.
Déclarations
ministérielles
Nous
poursuivons les affaires courantes et ce matin, aux affaires courantes, nous
avons une déclaration ministérielle. Alors, je vais inviter M. le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales
canadiennes, à la Francophonie canadienne et à la Gouvernance souverainiste à
prendre la parole pour cinq minutes. M. le ministre.
Réaffirmation des principes
fondamentaux
inhérents à la société et à la démocratie québécoise
M.
Alexandre Cloutier
M. Cloutier : Merci, M. le
Président. Alors, aujourd'hui, une fois de plus, nous sommes face à un assaut inquiétant du gouvernement fédéral contre la liberté
d'expression politique des Québécois. En effet, le gouvernement fédéral a choisi d'intervenir dans la contestation juridique
de la Loi sur l'exercice des droits fondamentaux et des prérogatives du
peuple québécois et de l'État du Québec. Il a choisi de s'associer à une cause
qui nie l'existence même de la nation
québécoise. Alors qu'il aurait pu demeurer en retrait et faire preuve de
respect envers nos institutions et les principes démocratiques qui nous gouvernent, le gouvernement fédéral a choisi, au contraire, de mettre
tout son poids dans cette contestation.
Cette
loi québécoise,
qui est attaquée, réaffirme de façon
solennelle les principes politiques et
juridiques qui constituent les assises mêmes de la société québécoise. Il ne
s'agit pas d'une loi ordinaire, comme les autres,
mais d'une loi fondamentale qui énonce nos
droits politiques collectifs. Elle réaffirme notamment que les Québécois et les
Québécoises ont le droit de choisir leur avenir politique et de décider
eux-mêmes de leur avenir.
Par les droits fondamentaux qu'elle reconnaît
aux Québécois, la loi énonce des normes que les institutions de l'État québécois
doivent respecter dans l'exercice de leurs pouvoirs. En ce sens, elle ne lie
personne d'autre que l'Assemblée nationale ou l'État du Québec.
Rappelons, par ailleurs, que les principes
énoncés dans la loi ne sont pas particuliers au Québec. Par exemple, la règle du 50 % plus un, énoncée à l'article 4 de la loi, est la norme universellement reconnue et appliquée entre autres par l'Organisation des
Nations unies.
D'autres principes énoncés par la loi
font partie du tissu de l'histoire de notre nation. La loi indique notamment que l'État
tient sa légitimité de la volonté du peuple; que l'Assemblée nationale n'est
subordonnée à aucun autre gouvernement; que le territoire du Québec et ses frontières ne peuvent être modifiés
qu'avec le consentement de cette dernière; et que l'État du Québec est
souverain dans les domaines de compétence qui sont les siens, y compris sur la scène internationale.
• (10 h 20) •
Ces
principes, les gouvernements québécois, souverainistes comme fédéralistes, les
ont défendus et appliqués, notamment dans le cadre de trois référendums, en
1980, 1992 et 1995. Devons-nous rappeler que les règles dont nous parlons ici étaient en vigueur lors du référendum
de Charlottetown, qui portait sur le renouvellement du fédéralisme? Ces
principes n'ont donc pas d'appartenance partisane. Ils n'ont pas à être
qualifiés de souverainistes ou fédéralistes. Ils réaffirment simplement le droit fondamental du peuple québécois de disposer
librement de son avenir, rien de plus, rien de moins.
Rappelons
ici, en ce lieu qui symbolise la démocratie québécoise, que ces principes fondamentaux qui
sont les nôtres
ont pour origine la naissance d'un peuple et d'un État antérieur de plus de
deux siècles à la Constitution canadienne. Notre nation, contre les vents et marées de
l'histoire, a su porter ces principes immanents sous diverses formes, dont la
loi qui est aujourd'hui attaquée est l'expression la plus contemporaine.
Aujourd'hui,
donc, c'est le fondement de nos institutions qui est remis en question par le
gouvernement fédéral, car c'est bien de cela
dont il s'agit. Ce geste n'est ni plus ni moins qu'une tentative de négation de
notre histoire, de notre liberté de disposer
de notre avenir comme nation. En voulant donner sa propre interprétation de nos
droits collectifs, le gouvernement fédéral est en nette contradiction
avec la reconnaissance de la nation québécoise. Le gouvernement fédéral attaque
ainsi des principes qui rassemblent les Québécois et interpellent tous les
courants politiques.
M. le Président, soyez
assuré que le gouvernement du Québec ne ménagera aucun effort pour défendre les
droits collectifs des Québécois et les
principes fondamentaux qui fondent la démocratie québécoise. Devant cette
nouvelle attaque contre la liberté, nous ne pouvons que mesurer la justesse de
cette affirmation de René Lévesque : «Il est un temps où le courage et
l'audace tranquilles deviennent pour un peuple, aux moments clés de son
existence, la seule forme de prudence convenable.»
Nous
demandons donc au gouvernement fédéral, de façon solennelle, de se retirer de
sa volonté de vouloir mettre fin et de vouloir
abolir la loi sur les droits fondamentaux. Merci, M. le Président.
(Applaudissements)
Le Président : Je vous
remercie, M. le ministre, et j'inviterais maintenant M. le leader de
l'opposition officielle et porte-parole en
matière de Secrétariat aux affaires intergouvernementales. M. le leader de
l'opposition officielle.
M. Pierre Moreau
M. Moreau : Merci, M. le
Président. «…quoi qu'on dise et quoi qu'on fasse, le Québec est, aujourd'hui et pour toujours, une
société distincte, libre et capable d'assumer son destin et son développement.»
Ces paroles, prononcées par le premier
ministre Robert Bourassa au lendemain de l'échec et du rejet du lac Meech, le
22 juin 1990, résonnent encore dans cette
Assemblée. Elles nous rappellent avec éloquence que le Québec est une société
dont les fondements reposent sur la démocratie garantie par la primauté
du droit et le respect des règles de justice et que les Québécois seront
toujours, seuls, capables d'assumer leur destin en tant que nation et en tant
que peuple.
La situation dans laquelle nous nous trouvons
aujourd'hui est celle contre laquelle le premier ministre Jean Charest, alors chef de
l'opposition, avait mis en garde haut et fort le gouvernement péquiste au
moment du débat sur l'adoption de la loi n° 99. À l'époque, nous,
les libéraux, avions sévèrement mis en garde le gouvernement péquiste de ne pas
fragiliser les droits des Québécois. Nous lui avons répété à maintes
reprises qu'en privilégiant une loi plutôt qu'une motion ou une déclaration solennelle
les péquistes allaient ouvrir la porte à une contestation judiciaire, tel que l'avaient
soulevé les juristes
de l'État à l'époque. En permettant que soit judiciarisé un débat qui touche
essentiellement des droitspolitiques, le gouvernement péquiste a affaibli le Québec. Nous aurions préféré que le Parti québécois s'inscrive
dans la tradition de ce qu'a fait l'Assemblée nationale jusqu'alors dans des situations similaires. Nous aurions préféré
qu'il s'inspire des déclarations solennelles
du premier ministre René Lévesque, qui réagissait aux décisions du gouvernement fédéral. À l'époque, nous avons même tendu la main au gouvernement de Lucien Bouchard à deux reprises en proposant des motions visant à réitérer le droit à l'autodétermination
des Québécois,
mais celui-ci a eu l'incohérence de s'y opposer. Il faut le dire, si le droit des Québécois de décider de leur avenir est aujourd'hui contesté devant les tribunaux, c'est
en raison d'une mauvaise décision partisane du
Parti québécois, qui a choisi de se servir de cette loi à des fins
souverainistes et d'alimenter le mouvement
séparatiste.
En fait, les vraies
raisons ayant poussé le Parti québécois à agir de la sorte étaient évidentes en 2000, et elles le sont encore — et les mêmes — 13 ans plus tard. En 2000, le ministre péquiste
Guy Chevrette disait que le projet de loi n° 99 allait alimenter la ferveur nationaliste et allait créer
les conditions gagnantes pour la tenue d'un référendum. Avec le recul, on est à même de constater que tant la loi sur la clarté, adoptée par le gouvernement fédéral, que la loi
n° 99,
adoptée par un gouvernement péquiste, sont le résultat direct des énoncés flous et ambigus des
questions soumises au cours des deux référendums par les gouvernements
péquistes pour décider de l'avenir
constitutionnel du Québec.
La première ministre
actuelle, qui aime bien citer le cas de l'Écosse, devrait rougir de honte si
elle osait sérieusement comparer le libellé
des questions soumises aux Québécois par rapport à celle à laquelle auront à
répondre les Écossais. Car, soyons clairs, le Parti libéral du Québec, ses
chefs et les premiers ministres de tous les gouvernements qu'il a formés ont toujours souscrit sans réserve
à l'affirmation que seule l'Assemblée nationale du Québec peut
déterminer les conditions entourant le
processus référendaire sur l'avenir politique et constitutionnel du Québec dans
le respect des règles démocratiques,
et notamment la règle du 50 % plus un, et ce, en conformité avec la
décision de la Cour suprême dans le renvoi sur la sécession du Québec.
Mais,
si nous réaffirmons notre attachement à la règle du 50 % plus un, encore
faut-il que la question soit claire : Souhaitez-vous que le Québec devienne un pays
indépendant? À chaque fois qu'ils ont eu à s'exprimer démocratiquement sur leur avenir, les Québécois ont toujours,
toujours choisi le Canada. Nous sommes confiants qu'ils le feraient
encore aujourd'hui si une question claire
leur était posée, parce que les Québécois sont libres,
parce que les Québécois sont fiers et parce qu'ils ne souscrivent pas à cette mentalité
d'opprimés et d'assiégés à laquelle tente de les réduire la vision
péquiste. Ils savent qu'ils sont les
cofondateurs de ce pays, qu'ils en ont influencé la marche et qu'ils peuvent
faire rayonner leur culture et leurs
talents qui leur sont propres partout au
Canada et ailleurs dans le monde. Comme l'exprimait le chef du Parti libéral du Québec, M. Philippe Couillard, il y a un
consensus au Québec pour dire que l'avenir du Québec se décidera ici, par les Québécoises et les Québécois. C'est
clair, il n'y a jamais eu de discussion là-dessus.
M. le Président, dans
quelques instants, nous voterons en faveur d'une motion déposée par le
gouvernement péquiste dont le libellé et la
formulation ne nous appartiennent
pas. Notre vote sur cette motion ne devra pas être interprété autrement que par notre réaffirmation du
principe qui veut que l'Assemblée nationale du Québec soit seule à pouvoir déterminer
des conditions entourant le processus
référendaire sur l'avenir politique et constitutionnel du Québec
dans le respect des règles démocratiques et notamment la règle du
50 % plus un, et ce, en conformité avec la décision de la Cour suprême. M. le
Président, «quoi qu'on dise et quoi qu'on fasse, le Québec est, aujourd'hui et
pour toujours, une société distincte, libre et capable d'assumer son
destin et son développement». Nous sommes des Québécois libres et, de cette
liberté, nous choisissons d'être Québécois et d'être Canadiens.
Le Président :
Merci, M. le leader de l'opposition. Nous allons…
Une voix :
…
Le
Président : M. le député de Chauveau? De La Peltrie. C'est
vous… O.K. Je pensais que c'était le leader de
la deuxième opposition qui s'exprimait sur le dossier.
Une voix :
…
Le Président :
Ah bon! Bien, c'est parfait. Alors, nous allons maintenant…
Des voix :
…
• (10 h 30) •
Le Président :
Nous allons maintenant entendre M. le député de La Peltrie. M. le député
de La Peltrie.
M. Éric Caire
M.
Caire : Merci. Merci, M. le Président. Ça me fait plaisir
d'intervenir sur la déclaration du ministre. S'il y a une chose qui ne fait
aucun doute dans l'esprit des membres de la coalition et, j'espère, dans
l'esprit de tous les Québécois, c'est que les Québécois forment un
peuple uni par sa langue, sa culture, son histoire. Ce peuple occupe un
territoire qui lui appartient et qui est
indivisible. C'est le legs de nos ancêtres, c'est le legs de ceux qui ont bâti
le Québec. Et, si nous avons tous,
ici, collectivement, un devoir sacré, c'est de protéger et de défendre ce legs.
M. le Président, je pense que le moment que nous vivons n'est pas un
moment pertinent pour faire un débat constitutionnel. Je ne doute pas un seul instant de la légitimité de toutes les options qui
sont proposées aux Québécois par les formations politiques, que ce soit
la souveraineté, que ce soit le fédéralisme ou que ce soit notre option qui
dit : Nous n'avons pas le luxe aujourd'hui de faire ce débat. Je pense
que, dans le respect de toutes les options, nous devons nous élever au-dessus
de ce débat.
Ce
qui a été fait par Ottawa, c'est une attaque sur deux fronts. Le premier front,
c'est la démocratie qui dépasse largement le débat constitutionnel. Si, à toutes
les fois qu'un groupe, qu'un Parlement ou qu'une autorité décide qu'un
sujet est tellement important que les
fondements de notre démocratie ne s'y appliquent plus, M. le Président, c'est
la démocratie que nous attaquons. Ce qu'Ottawa attaque, c'est un
principe de démocratie. Et, M. le Président, de ce côté-ci de la Chambre, nous le jugeons inacceptable. Ce
qu'Ottawa a attaqué aussi, c'est un autre principe qui nous apparaît
fondamental. Le peuple québécois est souverain en ce qu'il décide de son
avenir par et pour lui-même. Et, si le peuple québécois fait un choix et si le
peuple québécois fait un débat sur ses choix, la seule autorité légitime, c'est
l'autorité que le peuple québécois se donne, et
cette autorité, c'est l'Assemblée nationale.
Il n'y en a pas d'autre.
M. le Président, les Québécois, dans leur
histoire, ont exercé cette souveraineté à deux reprises, où ils ont collectivement décidé de garder le lien qui les
unissait à la fédération canadienne. Je n'ai jamais entendu, quelque
option qu'on défende, je n'ai jamais entendu
de Québécois contester cette décision, la
légitimité de cette décision, le résultat de cette décision. Et, si, au Québec, nous avons eu pour nous-mêmes le
respect de notre démocratie, le respect de l'intelligence du peuple québécois et le respect de son autorité à décider pour lui-même et par lui-même, nous devons,
dans cette Assemblée, parler d'une seule
voix pour exiger que tous les Parlements, de Québec, d'Ottawa ou de quelque province que ce soit, respectent cette même autorité, cette même légitimité et ce même droit fondamental qu'a le peuple
du Québec à
le faire.
M. le Président, encore une fois je le répète, je pense que nous devons, comme élus de l'Assemblée nationale, mettre de côté nos querelles, mettre
de côté ce qui nous divise, travailler sur ce qui nous rassemble. Nous sommes des élus du peuple québécois, nous sommes leurs représentants en
cette Assemblée, nous sommes les gardiens de
cette autorité du peuple québécois, de sa légitimité à décider pour lui-même, et c'est ensemble que nous devons parler d'une seule et même voix pour dire à Ottawa que jamais aucun
élu du Québec
n'acceptera quelque ingérence que ce soit du Parlement fédéral dans des questions qui ne
concernent que les Québécois. Et ça, ça n'a rien à voir avec le fait qu'on veuille défendre la légitimité du Québec au sein de la fédération canadienne ou le fait que le Québec devrait accéder à sa
pleine souveraineté. Ce n'est pas ce débat-là que nous faisons aujourd'hui. Nous
défendons nos concitoyens dans la souveraineté qu'ils peuvent exercer sur
l'autodétermination.
Alors, M. le Président, j'espère que c'est d'une seule voix et sans réserve, et sans réserve, que
nous appuierons la motion qui est présentée par le ministre, parce
qu'aujourd'hui le ministre, c'est le ministre de tous les Québécois et nous devons nous
conduire comme des élus qui représentons tous les Québécois. Les débats
politiques, il y aura de l'espace pour
les faire, il y aura des occasions pour les faire. Les options seront
légitimes, toutes les options pourront être débattues, mais encore
faut-il que l'autorité du Québec soit reconnue, encore faut-il que la
légitimité du peuple québécois à prendre une
décision et que cette décision-là soient respectées par tous, soient reconnues.
Et, si, nous-mêmes, nous nous divisions, comment pouvons-nous demander à
un autre Parlement de respecter cette autorité? Merci, M. le Président.
Le Président : Merci, M. le député de La Peltrie. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants? Mme la députée de Gouin demande à
intervenir. Est-ce que j'ai un consentement pour permettre à Mme la
députée de Gouin d'intervenir pour trois minutes? Alors, Mme la députée de
Gouin, nous vous entendons.
Mme Françoise David
Mme David : Merci, M. le
Président. Le Québec est
une nation construite sur 400 ans d'histoire, une histoire de luttes et d'espoirs, 400 ans de rêves réalisés, de déceptions passagères, de
progrès économiques et sociaux importants.
Cette nation est fière de se développer en français, cette langue belle, dans
un continent largement anglo-saxon.
La nation québécoise est particulière; ni pire ni meilleure qu'une autre,
simplement particulière. Cette société s'est
construite autour d'une majorité parlant
français, mais aussi d'une minorité historique
anglophone et de toutes les personnes venues des quatre coins de la planète qui
ont choisi le Québec et désirent y vivre en paix. Les 11 nations autochtones
vivant en territoire québécois font aussi intimement partie de notre vie collective.
Ce Québec, que j'aime profondément, aspire à décider lui-même de son avenir politique. Bien
qu'il soit traversé de courants diversifiés,
le peuple québécois s'unit autour d'une idée : son avenir politique,
économique, culturel lui appartient, nul n'a
le droit de se substituer à la volonté de la nation québécoise, quelle que soit
cette volonté. La population du
Québec se mobilise plus que jamais auparavant, dans toutes les régions, pour
clamer : Ce
territoire nous appartient, il est le garant d'un avenir prospère, vert et juste.
Le peuple québécois, ces dernières années,
s'est battu pour dire aux gouvernants d'ici et d'Ottawa : Notre terre nous appartient,
notre sous-sol est à nous, nos rivières et notre fleuve ne sont pas à vendre,
notre âme n'est pas à vendre. Notre peuple fier et audacieux a le droit, et même le devoir, d'être pleinement responsable de son avenir. Nous ne permettrons à quiconque, dans quelque autre
Parlement, de se substituer à la volonté de toute une nation, et surtout pas à un gouvernement conservateur, dévastateur de
planète, pourfendeur des droits des femmes, un
gouvernement qui n'a de leçons à donner à
personne en matière de démocratie.
M. le Président, l'Assemblée nationale du
Québec votera d'une seule voix pour la motion déposée plus tard en cette Chambre. Nous
signifierons ainsi de la manière la plus claire qui soit notre amour du Québec,
de son peuple et de sa liberté de
choisir son avenir politique. Cela s'appelle la souveraineté populaire. Cela
s'appelle la démocratie, tout simplement.
Le
Président : Merci, Mme la députée de Gouin. J'invite maintenant
M. le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes, à la
Francophonie canadienne et à la Gouvernance souverainiste pour son droit de
réplique.
M. Alexandre Cloutier (réplique)
M.
Cloutier : M. le Président, dans quelques minutes, l'Assemblée
nationale va adopter une motion qui est unanime.
L'Assemblée nationale va parler d'une seule voix pour réaffirmer les principes
qui sont inclus dans la loi sur les droits fondamentaux. L'Assemblée
nationale va réaffirmer le droit du peuple québécois de décider seul de son
avenir politique. L'Assemblée nationale va
réaffirmer ce principe de base du 50 % plus un. L'Assemblée nationale va
réaffirmer le droit de l'Assemblée nationale de choisir de la question
référendaire.
L'Assemblée nationale va parler d'une seule
voix pour envoyer un message à Ottawa qu'ils n'ont pas de droit de contester ces
principes de base de notre démocratie, qu'ils viennent nier l'histoire du
Québec. M. le Président, l'Assemblée nationale va parler d'une seule voix pour
défendre les prérogatives du peuple québécois à décider de son avenir politique. L'Assemblée nationale va parler d'une
seule voix pour envoyer un message clair à Ottawa qu'ils doivent se
retirer de cette cause devant la Cour
supérieure du Québec parce que, quoi qu'on dise et quoi qu'il
arrive, M. le Président,
c'est ici, à l'Assemblée nationale, et c'est le peuple québécois qui va décider de son avenir.
•
(10 h 40) •
Le Président : Merci, M. le ministre. M. le leader de l'opposition… le
leader adjoint de l'opposition officielle… du
gouvernement.
M. St-Arnaud : Oui, M. le
Président. Alors, M. le Président, je sollicite le consentement de cette
Chambre pour que la première ministre puisse
présenter, conjointement avec le chef du deuxième groupe d'opposition, la
députée de Gouin, le député de
Blainville — c'est bien ça? — la motion… une motion à ce
stade-ci de nos travaux, M. le Président.
Le
Président : Est-ce qu'il y a consentement pour déroger à
l'article 53 de notre règlement afin de permettre la présentation d'une motion
sans préavis par Mme la première ministre?
Des
voix : Consentement.
Le
Président : Consentement. Mme la première ministre, nous vous
écoutons.
Motion proposant que l'Assemblée
réaffirme
les principes formulés dans la Loi sur l'exercice
des droits fondamentaux et des prérogatives du
peuple québécois et de l'État du Québec
Mme
Marois : Merci,
M. le Président. De fait, je sollicite le consentement des membres de cette
Assemblée afin de présenter, conjointement avec le chef du deuxième groupe
d'opposition, la députée de Gouin et le député de Blainville, la motion
suivante :
«Que l'Assemblée nationale du Québec
réaffirme et proclame unanimement les principes fondamentaux formulés dans la Loi sur l'exercice des droits
fondamentaux et des prérogatives du peuple québécois et de l'État du Québec;
«Que l'Assemblée nationale réaffirme que les
Québécois et les Québécoises ont le droit de choisir leur avenir et de décider eux-mêmes de leur statut politique;
«Que l'Assemblée nationale réaffirme que
lorsque les Québécois et Québécoises sont consultés par référendum tenu en
vertu de la Loi sur la consultation populaire, la règle démocratique alors
applicable est celle de la majorité absolue, soit 50 % des votes
déclarés valides plus un vote;
«Que l'Assemblée nationale réaffirme que
seule l'Assemblée nationale du Québec a le pouvoir et la capacité de fixer les conditions
et modalités entourant la tenue d'un référendum conformément à la Loi sur la
consultation populaire, y compris le libellé de la question
référendaire;
«Que
l'Assemblée nationale réaffirme qu'aucun Parlement ou gouvernement ne peut
réduire les pouvoirs, l'autorité, la souveraineté et la légitimité de
l'Assemblée nationale, ni contraindre la volonté démocratique du peuple
québécois à disposer lui-même de son avenir;
«Que l'Assemblée nationale condamne
l'intrusion du gouvernement du Canada dans la démocratie québécoise par sa volonté de faire invalider les
dispositions contestées de la Loi sur l'exercice des droits fondamentaux et des
prérogatives du peuple québécois et de l'État du Québec;
«Que l'Assemblée nationale réclame que le
gouvernement du Canada s'abstienne d'intervenir et de contester la Loi sur l'exercice des droits fondamentaux et des
prérogatives du peuple québécois et de l'État du Québec devant la Cour
supérieure du Québec.»
Merci,
M. le Président.
Le Président : Merci.
Est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette motion? Oui, M. le leader
du gouvernement.
M. St-Arnaud : Oui, M. le Président. Il a été convenu de ne pas tenir de débat sur cette
motion, d'immédiatement passer au vote. Et je vous demanderais un vote par appel
nominal, M. le Président.
Mise aux voix
Le Président : Alors, je comprends qu'il y a un consentement. Alors, nous allons procéder, donc, par vote nominal. M. le secrétaire général. On est prêts pour le vote, les… Oui? Oui. Alors, M. le secrétaire général… Ça va? Alors, quels sont
ceux qui sont en faveur de la motion?
Le Secrétaire : Mme Marois (Charlevoix—Côte-de-Beaupré), M. Gendron (Abitibi-Ouest), Mme Maltais (Taschereau),
M. Duchesne (Borduas), Mme Malavoy (Taillon), M. Marceau (Rousseau), Mme Zakaïb
(Richelieu), M. Hébert (Saint-François), M.
Cloutier (Lac-Saint-Jean), M. Turcotte (Saint-Jean), M. Trottier (Roberval),
Mme Richard (Duplessis), M. Ferland
(Ungava), M. Drainville (Marie-Victorin), Mme De Courcy (Crémazie), M. Bergeron
(Verchères), M. Leclair (Beauharnois), Mme
Champagne (Champlain), M. Lelièvre (Gaspé), M. Gaudreault (Jonquière), M.
Kotto (Bourget), Mme Léger (Pointe-aux-Trembles), M. St-Arnaud (Chambly), M.
Dufour (René-Lévesque), Mme Ouellet (Vachon),
M. Lisée (Rosemont), M. Blanchet (Johnson), Mme Hivon (Joliette), M. Breton
(Sainte-Marie—Saint-Jacques), Mme Beaudoin (Mirabel),
M. McKay (Repentigny), M. Bureau-Blouin (Laval-des-Rapides), M. Bérubé
(Matane-Matapédia), M. Pagé (Labelle), M. Traversy (Terrebonne), Mme Larouche
(Abitibi-Est), Mme Bouillé (Iberville), M.
Pelletier (Rimouski), Mme Gadoury-Hamelin (Masson), M. Villeneuve (Berthier),
M. Pelletier (Saint-Hyacinthe), M. Chapadeau (Rouyn-Noranda—Témiscamingue), Mme Richard (Îles-de-la-Madeleine), M.
Cardin (Sherbrooke), Mme
Proulx (Sainte-Rose), M. Therrien (Sanguinet), M. Roy (Bonaventure), M. Claveau
(Dubuc), M. Goyer (Deux-Montagnes),
M. Richer (Argenteuil), M. Trudel (Saint-Maurice).
M. Fournier (Saint-Laurent), M. Moreau
(Châteauguay), M. Hamad (Louis-Hébert), M. Paradis (Brome-Missisquoi), M.
Arcand (Mont-Royal), Mme James (Nelligan), M. Dutil (Beauce-Sud), M. Sklavounos
(Laurier-Dorion), Mme Charbonneau
(Mille-Îles), Mme St-Amand (Trois-Rivières), M. Poëti (Marguerite-Bourgeoys), Mme Rotiroti (Jeanne-Mance—Viger),
M. Ouimet (Fabre), M. Tanguay (LaFontaine), Mme St-Pierre (Acadie), M.
Ouellette(Chomedey),
Mme Weil (Notre-Dame-de-Grâce), Mme Vallières (Richmond), Mme Gaudreault
(Hull), Mme Charlebois (Soulanges),
Mme Blais (Saint-Henri—Sainte-Anne), Mme Vallée (Gatineau),
M. Bolduc (Jean-Talon), Mme Thériault (Anjou—Louis-Riel), M. Lessard
(Lotbinière-Frontenac), Mme Ménard (Laporte), Mme Boulet (Laviolette), M. Carrière (Chapleau), M.
Billette (Huntingdon), M. Morin (Côte-du-Sud), M. Diamond (Maskinongé), M.
Drolet (Jean-Lesage), M. Reid
(Orford), M. D'Amour (Rivière-du-Loup—Témiscouata), M. Gautrin (Verdun), M.
Kelley (Jacques-Cartier), Mme Vien (Bellechasse), Mme Houda-Pepin (La
Pinière), M. Bergman (D'Arcy-McGee), M. Marsan (Robert-Baldwin), M. Marcoux (Vaudreuil), M. Iracà (Papineau), Mme
de Santis (Bourassa-Sauvé), M. Bolduc (Mégantic), M. Rousselle
(Vimont).
M. Legault (L'Assomption),
M. Deltell (Chauveau), M. Bonnardel (Granby), Mme Roy (Montarville), M. Dubé (Lévis), M. Caire
(La Peltrie), Mme St-Laurent (Montmorency), M. Le Bouyonnec
(La Prairie), Mme Roy (Arthabaska), Mme Daneault (Groulx), M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière), M.
Schneeberger (Drummond—Bois-Francs), M. Martel (Nicolet-Bécancour), Mme Trudel (Charlesbourg), M.
Spénard (Beauce-Nord).
M. Ratthé (Blainville), Mme David (Gouin), M.
Khadir (Mercier).
Le Président : Est-ce qu'il
y a un ou des députés qui sont contre la motion?
Est-ce qu'il y a des abstentions? Je n'en vois
pas non plus.
M. le secrétaire général.
Le Secrétaire : Pour : 114
Contre :
0
Abstentions :
0
Le Président :
Alors, la motion est adoptée. Et je présume que vous allez me demander d'en
faire évidemment la distribution au Parlement
fédéral, tant au Parlement qu'au Sénat fédéral, n'est-ce pas? Alors, ce sera
fait. Ce sera fait.
Présentation de projets de loi
Alors, nous poursuivons. À la rubrique
Présentation des projets de loi, M. le leader du deuxième groupe d'opposition.
M.
Deltell : M. le
Président, je vous invite à appeler l'article e de notre feuilleton, s'il vous
plaît.
Projet de loi n° 492
Le Président :
À l'article e du feuilleton, Mme la députée de Montarville présente le projet
de loi n° 492, Charte de la laïcité. Mme
la députée de Montarville.
Mme Nathalie Roy
Mme Roy
(Montarville) :
Merci beaucoup, M. le Président. Bien, j'ai l'immense plaisir et honneur de déposer ce projet de loi intitulé Charte de la laïcité.
Notes explicatives. Ce
projet de loi établit les principes généraux et les balises servant de guide et
de référence en matière de laïcité.
Ce projet de loi prévoit
que plusieurs personnes ne peuvent porter de signes religieux visibles dans
l'exercice de leurs fonctions, dont les juges, le Procureur général, le Directeur des
poursuites criminelles et pénales, les agents de la paix, les enseignants et les directions d'école,
également les fonctionnaires de l'administration gouvernementale qui sont
des salariés et qui occupent un poste en
vertu duquel ils exercent une autorité auprès des citoyens au nom de l'État du
Québec.
• (10 h 50) •
Ce projet de loi prévoit également qu'un membre
du personnel de l'administration gouvernementale ou d'un établissement doit avoir le visage découvert lors
de la prestation de services.
Il en va de même pour toute personne à qui des
services sont fournis par cette Administration ou cet établissement, s'il est nécessaire d'avoir le visage découvert pour des raisons
d'identification et de sécurité.
Ce projet de loi crée l'obligation pour le ministre
responsable de l'application de la charte d'élaborer et de mettre en oeuvre une politique gouvernementale de gestion de la diversité culturelle.
Enfin, ce projet de loi prévoit que seul un accommodement raisonnable peut être accordé à une personne. Il
définit la notion d'accommodement et énonce plusieurs critères à respecter pour qu'un
accommodement soit considéré comme
raisonnable. Merci.
Mise
aux voix
Le Président : Est-ce que l'Assemblée accepte d'être saisie de ce projet de loi? Adopté.
Dépôt de documents
Nous en sommes maintenant à la rubrique Dépôt de documents. M. Le ministre de l'Agriculture.
Rapport annuel de la Régie des
marchés agricoles et alimentaires
M.
Gendron : Oui, M. le Président. J'ai l'honneur de déposer le rapport annuel de gestion 2012‑2013 de la Régie des
marchés agricoles et alimentaires du Québec.
Le
Président :
Alors, ce document est déposé. M. le ministre de la Justice, en prenant une grande respiration.
Rapports annuels 2011-2012 de certains ordres professionnels
M.
St-Arnaud :
…M. le Président, je vais avoir besoin de deux ou
trois pages. Alors, M. le
Président, j'ai l'honneur de déposer
les rapports
annuels 2011‑2012 des ordres professionnels suivants : l'Ordre des
acupuncteurs du Québec, l'Ordre
des administrateurs agréés du Québec, l'Ordre
des architectes du Québec, l'Ordre des audioprothésistes du Québec, l'Ordre des chimistes du Québec, l'Ordre des
comptables en management accrédités du Québec, l'Ordre des comptables généraux accrédités, l'ordre des conseillers en
relations humaines et en relations industrielles agréés du Québec,
l'Ordre des conseillers et conseillères
d'orientation du Québec, l'ordre des diététistes du Québec, l'Ordre des
évaluateurs agréés du Québec, l'Ordre
des huissiers de justice du Québec, l'Ordre des hygiénistes dentaires du
Québec, l'Ordre des infirmières et infirmiers
auxiliaires du Québec, l'Ordre des ingénieurs du Québec, l'Ordre des ingénieurs
forestiers du Québec, l'ordre des inhalothérapeutes
du Québec, l'Ordre des médecins vétérinaires du Québec, l'Ordre des opticiens
d'ordonnances du Québec, l'Ordre des optométristes du Québec, l'Ordre
des orthophonistes et audiologistes du Québec, l'Ordre des pharmaciens du
Québec.
Il
y a seulement 45 ordres professionnels au Québec, M. le Président. Je suis
rendu à «P». Ça s'en vient. L'ordre de la physiothérapie du Québec, l'Ordre des
psychoéducateurs et psychoéducatrices du Québec, l'Ordre des
psychologues du Québec, l'Ordre des
techniciens et techniciennes dentaires du Québec, l'ordre des technologistes
médicaux, l'Ordre des technologues en
imagerie médicale et en radio-oncologie du Québec, l'Ordre des traducteurs,
terminologues et interprètes agréés
du Québec, l'Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et
familiaux du Québec et l'Ordre des urbanistes du Québec.
Rapport annuel 2010-2011 de l'Ordre des administrateurs
agréés, rapport annuel 2011-2012 du Collège des médecins
et rapports annuels du Tribunal administratif et de
la Société québécoise d'information juridique
Et je dépose aussi, M. le Président, par la même
occasion, le rapport annuel 2010‑2011 de l'Ordre des administrateurs
agréés du Québec, le rapport annuel 2011‑2012 du Collège des médecins du
Québec, ainsi que les rapports annuels de gestion 2012‑2013 du Tribunal
administratif du Québec et de la Société québécoise d'information juridique.
Et,
M. le Président, si je peux me permettre de reprendre les propos tenus par le
leader du gouvernement la semaine dernière, vous savez que chacun de ces rapports
sont reçus en 30 copies papier au cabinet du leader du gouvernement. Il
est rentré une trentaine de boîtes il y a
quelques jours. Et je pense que le Bureau de l'Assemblée nationale devrait
urgemment se pencher sur cette question. Ça n'a pas de bon sens, M. le
Président. Je vous remercie.
Le Président :
D'abord, vous avez passé le test, M. le ministre, pour avoir déposé
probablement le plus grand nombre de
documents dans cette session-ci, probablement en compétition avec le leader du gouvernement. Mais, dans un cas comme dans
l'autre, le raisonnement que vous nous faites ainsi que celui qu'avait fait le leader du gouvernement sont tout à fait
justifiés. Et, s'il n'en tient qu'à moi, on devrait, d'ici Noël, ce qui est
quand même relativement court dans
cette session-ci, nous permettre de modifier le règlement du dépôt de
l'Assemblée pour nous permettre
justement de rendre numérique notre organisation de façon à être à la page, et
de façon à être modernes, et de façon
justement à éviter d'avoir à transporter ce nombre de documents, sans compter,
sans compter, évidemment, pour les
amateurs de forêt, le nombre de… Et je pense, entre autres, à notre collègue,
je suis certain que tout le monde
appréciera le fait qu'on ne soit pas obligés d'avoir autant de papier à
transporter et à transborder dans nos prochains dépôts de documents. Alors, voilà.
Dépôt de rapports de commissions
Nous en sommes maintenant au dépôt de rapports de commissions. J'inviterais Mme la
présidente de la Commission de l'agriculture, des pêcheries, de l'énergie et
des ressources naturelles et députée d'Iberville.
Étude détaillée du projet de loi
n° 46
Mme
Bouillé : M. le Président, je dépose le rapport de la Commission de l'agriculture, des
pêcheries, de l'énergie et des ressources naturelles qui a procédé, le 22 octobre 2013, à l'étude détaillée du projet de loi n° 46, Loi modifiant la Loi sur l'acquisition de terres agricoles par des
non-résidents. La commission a adopté le texte du projet de loi avec un
amendement.
Dépôt de pétitions
Le Président :
Merci. À la rubrique Dépôt de pétitions, j'ai reçu la demande de M. le député
de Chauveau, au nom du député de Portneuf,
pour la présentation d'une pétition non conforme. Est-ce qu'il y a un
consentement pour le dépôt de la pétition? Consentement. M. le député,
nous vous écoutons.
Rendre
sécuritaire l'intersection de la rue
Commerciale et de la route 138 à Donnacona
M.
Deltell : Merci, M. le
Président. Alors, je
dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale, signée par 1 757
pétitionnaires. Désignation : citoyens et citoyennes du Québec.
«Les faits invoqués
sont les suivants :
«Considérant
les problèmes de sécurité tant pour les piétons que pour les automobilistes à
l'intersection de la rue Commerciale et de la
route 138 à Donnacona;
«Considérant
les résolutions nos 208-06-230 du 2 juin 2008 et
2010-08-278 du 16 août 2010 par lesquelles le
conseil municipal demandait au ministère des Transports l'installation d'un feu
de circulation à l'intersection de la rue Commerciale et la route 138;
«Considérant
la correspondance du 5 juin 2012 de M. Jean-François Saulnier, directeur
général de la Capitale-Nationale du ministère
des Transports du Québec, dans laquelle ce dernier confirme la pertinence
d'intervenir pour assurer la sécurité des piétons à l'intersection de la rue
Commerciale et de la route 138;
«Considérant que la
correspondance indiquait que le ministère des Transports allait poursuivre son
analyse et amorcer la préparation d'un projet
en vue de procéder à l'installation d'un feu de circulation au cours des
prochains mois;
«Considérant la
résolution n° 2013-01-33 du 29 janvier 2013 par laquelle le conseil
municipal demandait au ministère des
Transports de procéder à des améliorations à l'intersection de la route
Commerciale et de la route 138 pour assurer
la sécurité des piétons et des automobilistes en raison de nombreux accidents
survenus au cours des derniers mois;
«Et l'intervention
réclamée se résume ainsi :
«Nous,
soussignés, demandons au gouvernement que le ministère des Transports exécute
les travaux nécessaires afin de rendre
sécuritaire cette intersection pour les piétons et les automobilistes.»
Je certifie que cet
extrait est conforme à l'original de la pétition.
Le Président : Alors, l'extrait de cette pétition est déposé.
Il n'y a pas de réponses orales aux pétitions ni d'interventions portant sur une
question de droit ou de privilège.
Questions et réponses orales
Nous
en sommes donc rendus à la période
de questions et de réponses orales. J'invite M. le chef de l'opposition officielle.
Situation
de l'emploi au Québec
M. Jean-Marc Fournier
M. Fournier : Merci, M. le Président. Les dernières statistiques de l'emploi sont inquiétantes.
Durant les neuf premiers mois de 2013, le Québec a perdu des emplois privés, alors qu'au Canada ils ont augmenté. Par contre, les emplois publics, ceux payés par les contribuables, ont
augmenté au Québec, alors qu'ils ont diminué dans le reste du Canada. Après
neuf mois, on fait face à une tendance lourde, une tendance qui établit que,
pendant que les Canadiens s'enrichissent, les Québécois s'appauvrissent, M. le
Président.
Regardons
les emplois privés au Québec, M. le Président. C'est moins 45 000 que nous
avons eu cette année; dans le reste du Canada, c'est plus 223 000, M. le
Président. Au niveau des emplois publics, le Québec a ajouté 14 000
employés publics pendant que le Canada a réduit de 80 000 les employés du
secteur public.
Comment
la première ministre explique-t-elle que le Québec du PQ fasse exactement le
contraire du Canada? D'abord, ici, il y a plus d'emplois publics, et donc la facture
gouvernementale monte, pendant qu'au Canada la facture gouvernementale baisse. Ensuite, ici, il y a moins
d'employés privés qui paient la facture gouvernementale qui monte, donc
ça coûte plus cher par travailleur, pendant qu'au Canada il y en a plus qui se
partagent la facture qui baisse, donc ça coûte moins cher. Comment la première
ministre explique son bilan de l'emploi?
Le Président :
Mme la première ministre.
Mme Pauline Marois
Mme
Marois :
La facture publique qui est en hausse, M. le Président, j'informe le chef
parlementaire de l'opposition officielle,
c'est à cause des décisions prises par l'ancien gouvernement sur les taxes, sur
les tarifs et surles impôts, M. le
Président, parce que, depuis que nous sommes là, nous n'avons pas rehaussé ni
taxes, ni tarifs, ni impôts, M. le Président; au contraire, nous les
avons réduits.
Le Président :
J'entends mal la réponse et j'ai bien entendu la question. Mme la première
ministre.
• (11 heures) •
Mme
Marois :
Merci, M. le Président. Alors, nous allons remettre les pendules à l'heure. Sur
la question des emplois, il y a
56 500 emplois de plus aujourd'hui au Québec qu'il y en avait à la même
période l'an dernier. Seulementau
dernier mois, il s'est créé 15 000 nouveaux emplois, M. le Président. Nous
avons dépassé les prévisions de l'ancien ministre des Finances libéral pour l'année dernière et nous sommes en
train de le dépasser pour cette année, M. le Président. Ça, ce sont les chiffres tels que fournis par
Statistiques Québec, M. le Président, l'Institut de la statistique du
Québec.
Maintenant, je croyais qu'au contraire, ce
matin, le chef parlementaire de l'opposition officielle allait nous féliciter,
puisque, dans les faits, dans les faits, l'activité économique du Québec, en
juillet, a crû, le produit intérieur brut réel aux prix de base a augmenté de
1,4 % en juillet 2013, premièrement. Deuxièmement, M. le Président, les exportations internationales du Québec, en dollars
constants désaisonnalisés, augmentent de 6,6 % en août 2013, alors
qu'au Canada cela diminue, M. le Président. C'est le résultat de certaines
décisions que nous avons prises.
Le Président : Première
complémentaire, M. le chef de l'opposition.
M. Jean-Marc Fournier
M.
Fournier : Le problème, M. le Président, c'est que la première
ministre fait tout pour éviter de répondre à la question. Elle nous dit
que ça va très bien : 2 milliards de déficit, 2013‑2014; manque à gagner
de 2 milliards pour le budget 2014‑2015.
On pellette 2 milliards de dépenses de plus dans un plan panique pour
avoir moins d'emplois en 2014 que ceux que le ministre prévoyait dans
son budget de novembre dernier.
La question est la suivante : On perd des
emplois privés. Ce sont eux qui ont assumé l'augmentation du coût de la facture
des emplois publics. Est-ce qu'elle a un mot à dire là-dessus ou elle se ferme
les yeux?
Le Président : Mme la
première ministre.
Mme Pauline Marois
Mme
Marois :
Alors, j'ai répondu strictement à la question qui m'était posée, M. le
Président, quant au nombre d'emplois nouveaux cette année par rapport à
la même période l'année dernière, M. le Président, alors que c'était le gouvernement du Parti libéral qui était là. Et je
répète ce que j'ai dit d'entrée de jeu, M. le Président : C'est le Parti
libéral, le gouvernement du Parti libéral qui a augmenté les taxes, les impôts,
les tarifs, de telle sorte que cela a augmenté, effectivement, la pression sur nos finances publiques, M. le Président.
Maintenant, parce que nous souhaitons que ça aille mieux encore, nous avons décidé d'adopter une
politique économique d'envergure. Pas des mesurettes, une vraie politique…
Le Président : En terminant.
Mme
Marois :
…structurante comprenant plusieurs volets, M. le Président, dont, entre autres,
le soutien…
Le Président : Deuxième
complémentaire, M. le chef de l'opposition.
M. Jean-Marc Fournier
M.
Fournier : J'ai un tableau pour 2012, M. le Président. Dans le
temps que c'était un gouvernement libéral, il se créait plus d'emplois privés au Québec que dans le reste du Canada, puis
on augmentait moins les emplois publics que dans le reste du Canada.
Autrement dit, la facture que les Québécois avaient à payer était moins grosse
que celle du reste du Canada.
Comment ça se
fait que, quand c'est le PQ qui est là, les Québécois sont en train de
s'appauvrir pendant que les Canadiens s'enrichissent? Pourquoi vous ne
comprenez pas que vous posez les mauvais gestes en inquiétant tous les
investisseurs de la planète?
Le Président : Mme la
première ministre.
Mme Pauline Marois
Mme
Marois :
Alors, plus spécifiquement à la question sur les emplois privés, M. le
Président, en 2013, par rapport à
2012, il s'est créé 56 500 emplois au Québec, dont, effectivement,
59 900 dans le secteur privé, 1 000 emploisindépendants, alors que l'emploi du secteur public
a reculé de 4 300 emplois, M. le Président. Alors, Institut de la
statistique du Québec, je m'excuse, là, mais
il me semble que c'est une institution suffisamment sérieuse, et le chef
parlementaire de l'opposition devrait s'en inspirer, M. le Président.
D'ailleurs, la politique sur l'emploi que nous
avons déposée prévoit la création de 43 000 emplois…
Le Président : En terminant.
Mme
Marois :
…de plus que ce qui avait été prévu, M. le Président, parce que nous allons
supporter les entreprises privées…
Le Président : Troisième
complémentaire, M. le chef de l'opposition.
M. Jean-Marc Fournier
M.
Fournier : M. le Président, ça vient de Desjardins, M. le
Président. C'est Desjardins qui fait les chiffres pour toute l'année, qu'on parle 2012, qu'on parle 2013.
Elle ira les voir, M. le Président. Maintenant, elle nous parle de son plan panique. Je vais vous dire, dans le budget,
le ministre prévoyait 38 000 emplois. Avec son plan panique,
2 milliards, le coût, il va se rendre à
37 000 emplois. Qui va payer le 2 milliards pour avoir moins
d'emplois que ce qu'il avait prévu au
mois de novembre? Le fiasco économique, il apparaît ici, sur ce tableau-là,
puis c'est les Québécois qui vont payer votre fiasco économique.
Le Président : Mme la
première ministre.
Mme Pauline Marois
Mme
Marois : Quand
nous sommes arrivés au gouvernement, M. le Président, il y avait un déficit de 1,6 milliard que nous avons dû combler, M. le Président. Ça, c'était le gâchis du gouvernement libéral qui nous a précédés, M. le
Président. On n'a pas de leçons à recevoir de leur part.
Nous avons annoncé une politique économique
d'envergure comportant plusieurs volets, dont une politique industrielle, dont une politique en matière de recherche
et développement, dont une politique en matière de commerce
extérieur, dont la politique sur l'électrification des transports. Ces deux
dernières seront déposées dans les prochaines semaines. On ne fait pas la même
lecture, de fait, M. le Président…
Le Président : En terminant.
Mme
Marois : …et la
Banque Laurentienne, elle, croit que les initiatives proposées par notre
nouvelle politique…
Le Président : Principale, Mme
la députée de Laporte.
Contrôle des dépenses publiques
Mme Nicole Ménard
Mme Ménard : Merci, M.
le Président. On assiste à une perte
de contrôle totale du gouvernement sur les dépenses de l'État, un dépassement
de 40 % des dépenses pour les trois premiers mois de l'année. À cela
s'ajoutent une pluie d'annonces non
budgétées, 200 annonces budgétées pendant le mois de septembre, 200 autres
annonces non budgétées depuis le
début d'octobre. 200 annonces par mois, c'est hallucinant, M. le Président. Et
ce n'est pas tout, à cela s'ajoutent 7 milliards de dollars en plan
panique électoraliste.
Comme je n'ai pas encore de réponse, est-ce que
le ministre des Finances peut nous dire où, dans son budget, sont prévues les
sommes pour financer ces mesures?
Le Président : M. le ministre
des Finances.
M. Nicolas Marceau
M. Marceau : M. le Président,
je vais commencer par rappeler à cette Chambre que, lorsque nous sommes arrivés, il y avait un trou de 1,6 milliard
de dollars, héritage empoisonné de l'ancien gouvernement, et que le
gouvernement du Parti québécois a réussi à redresser la barque, si bien que les
résultats préliminaires pour 2012-2013 qui ont été publiés il y a quelques mois
montrent que nous avons remarquablement atteint la cible que nous nous étions
donnée.
D'ailleurs, cet accomplissement de notre
gouvernement a été salué par le député de Brome-Missisquoi, qui a vanté l'excellence de l'action du gouvernement en
matière de contrôle des dépenses. Et, je pense, d'ailleurs, il avait
vanté plus particulièrement l'action du président du Conseil du trésor, qui ne
m'en voudra pas de dire que c'est le résultat du travail non seulement du
président du Conseil du trésor, mais de l'ensemble du gouvernement, M. le
Président.
Alors,
écoutez, quand la députée nous parle de contrôle des dépenses, quand ça
provient d'une membre d'un ancien gouvernement qui, systématiquement,
n'est jamais parvenu à atteindre ses cibles, M. le Président, ça me fait rire
un petit peu. De ce côté-ci, on contrôle; de l'autre côté, on n'y est jamais
parvenu, M. le Président.
Le Président : Première
complémentaire, Mme la députée de Laporte.
Mme Nicole Ménard
Mme Ménard : Le ministre ne
peut pas répondre, car l'argent n'est pas là. Le ministre publiait, le 7
octobre dernier, un bulletin d'information qui distribuait des crédits d'impôt.
C'est donc moins d'argent dans la colonne des revenus alors que le dérapage des
finances s'accentue.
Le ministre des Finances doit nous dire : Quelle
taxe imposera-t-il aux Québécois pour financer ces mesures?
Le Président : M. le ministre
des Finances.
M. Nicolas Marceau
M. Marceau :
On voit tout de suite, M. le Président, le réflexe du côté du Parti libéral.
Problème? On taxe. C'est dans les gènes, M. le Président, du Parti
libéral. Alors, écoutez…
Par ailleurs,
j'aimerais ça être bien clair, là. La députée a parlé de crédits d'impôt, elle
n'est pas sans savoir que les crédits d'impôt, ça va être utilisé par
les ménages du Québec. 23 000 familles, M. le Président, qui vont pouvoir utiliser un crédit d'impôt à la rénovation. Elle a
entièrement raison de le dire, c'est une excellente mesure, M. le
Président. Par ailleurs, on parle de 4 500 entreprises, au cours des
prochaines années, qui vont pouvoir se moderniser et qui vont pouvoir
automatiser leurs processus de production, qui vont devenir plus productives
puis qui vont réussir…
Le Président : M. le député.
M. Marceau : …à
compétitionner toutes les entreprises à travers le monde. Alors, M. le
Président…
Le Président : En terminant.
M. Marceau :
…je ne suis pas très sûr de comprendre ce qu'elle veut. Ce que je peux vous
dire, c'est qu'on…
Le Président : Deuxième
complémentaire, Mme la députée de Laporte.
Une voix : …
Le Président : Voulez-vous la
parole, M. le député? Voulez-vous la parole? Non?
Une voix : …
Le
Président : Non, ça va bien? Je ne sais pas si vous allez bien,
mais je voudrais entendre la députée de Laporte.
Une voix : …
• (11 h 10) •
Le Président : Mais c'est à
Mme la députée de Laporte, la parole.
Mme Nicole Ménard
Mme Ménard : Alors, M. le
Président, tous les Québécois savent que, dans un budget, il y a deux
colonnes : les revenus et les dépenses. Colonne des revenus, à l'aveu même
de la première ministre, les revenus sont en baisse. Colonne des dépenses, le gouvernement
a perdu le contrôle.
Le ministre des Finances peut-il nous dire
quelles taxes va-t-il augmenter pour équilibrer son budget?
Le Président : M. le ministre
des Finances.
M. Nicolas Marceau
M. Marceau : M. le Président, c'est quand
même intéressant de constater que
le Parti libéral constate qu'il
y a deux colonnes dans le budget seulement quand il est dans l'opposition.
Quand ils sont au pouvoir, il y a juste la colonne des revenus, M. le Président.
Alors, M. le Président, nous avons contrôlé les
dépenses, nous continuons à les contrôler. C'est nécessaire, c'est certain. Et je peux rassurer les Québécois : Contrairement
à ce que le chef fantôme du Parti libéral veut, nous n'augmenterons pas
les taxes, M. le Président.
Le
Président : Principale. Mme la députée de La Pinière.
Coupes dans le budget consacré
aux infrastructures
Mme Fatima Houda-Pepin
Mme Houda-Pepin :
M. le Président, on savait que les annonces péquistes étaient électoralistes et
qu'elles n'étaient pas budgétées. À preuve, la première ministre a annoncé en
grande pompe, le 17 juillet dernier, la
mise en service, dès le début de l'automne
2013, du corridor de recharge électrique Québec-Vermont avec 31 bornes
accessibles aux conducteurs de voitures
électriques. Or, ce corridor, qui correspond à
l'autoroute 35, est toujours inachevé à cause des coupures
de 15 milliards de dollars que le gouvernement péquiste a effectuées dans
le budget des infrastructures.
Est-ce que la
première ministre peut admettre que l'autoroute 35
se termine dans un champ de vaches à la hauteur de
Saint-Sébastien d'Iberville et que le dernier tronçon Saint-Sébastien—Saint-Armand,
qui devait relier le Québec au Vermont, n'est même pas…
Le Président :
M. le ministre des Transports.
M. Sylvain Gaudreault
M.
Gaudreault : Écoutez, M. le Président, encore une fois, je
constate que la députée de La Pinière ne manque pas de culot et d'audace parce
qu'il faut bien se rappeler que l'ancien gouvernement avait sous-budgété une
série de routes, une série de budgets. Ils avaient sciemment caché à la
population des…
Des voix :
…
Le Président :
D'abord, à ma gauche, je vais réclamer le silence. Et, à ma droite, je vais
demander à M. le ministre de retirer son propos. Ce n'était pas…
M. Gaudreault :
Oui, M. le Président, l'ancien gouvernement avait sciemment omis…
Des voix : …
Le Président :
J'ai compris que M. le ministre avait retiré son propos. Il a même trouvé une
analogie, j'ai l'impression.
M.
Gaudreault :Oui. Ça tombe
bien, M. le Président, que ça soit le député
de Châteauguay qui fasse l'intervention parce que c'est lui qui était
ministre des Transports alors qu'il avait été informé…
Des voix :
…
Le Président :
M. le leader de l'opposition officielle.
M. Moreau :
Le thème est très bon, le ministre est dans le
champ, on parle de son annonce d'électrification.
Le Président :
Ce n'est pas une question de règlement. M. le ministre, veuillez compléter.
M. Gaudreault :
Oui, M. le Président, à deux reprises, à deux reprises, le cabinet…
Des voix :
…
Le
Président :Je ne sais pas si
vous attendez une tempête de neige bientôt, mais j'ai l'impression qu'il va
neiger avant la fin de l'après-midi si vous continuez comme ça. Alors, M. le leader.
Une voix :
…
Le Président :
Ah! bien, il y en a déjà assez, de trouble de ce côté-ci. M. le leader.
M. St-Arnaud : M. le Président, j'avais cru comprendre qu'avec
Philippe Couillard le ton allait changer à l'Assemblée nationale, et
j'aimerais… S'il vous…
Des voix :
…
M. St-Arnaud :M. le Président, force est de constater que
non.
Des voix : …
Le Président : M. le leader du gouvernement.
M. St-Arnaud : M. le
Président, c'est encore le même vieux Parti libéral qui ne respecte pas le
décorum en cette Chambre.
Des voix : …
Le Président : M. le leader
de l'opposition.
Des voix : …
Le Président : Et,
dépêchez-vous, on est dans une période de questions. Je ne sais pas si ça vous
tente d'en faire une.
M. Moreau : M. le Président,
avec Philippe Couillard, ce qui va changer, c'est le gouvernement.
Des voix : …
Le Président : Je suspends
les travaux quelques instants.
(Suspension de la séance à 11 h 16)
(Reprise à 11 h 24)
Le Président : C'est à vous
la parole, M. le ministre des Transports. Veuillez continuer, s'il vous plaît.
M.
Gaudreault : Oui.
Alors, M. le Président, je
pense que c'est important
de rappeler d'où on est partis quand nous
sommes arrivés, il y a un an. Et la réalité, c'est celle-là, c'est que
l'ancien gouvernement avait sorti du budget pas seulement la 35,
la 70, la 20, la 185. Et le député de Châteauguay, l'ancien ministre, a été
informé à deux reprises de cela par son ministère, M. le Président…
Le Président : En terminant.
M. Gaudreault : Ça, c'est la
réalité à laquelle on a fait face quand on est arrivés. Et maintenant…
Le Président : Première
complémentaire, Mme la députée de La Pinière.
Mme Fatima Houda-Pepin
Mme Houda-Pepin :
M. le Président, c'est faux. Comment la première ministre peut-elle annoncer, à
grand renfort de publicité, la mise en service d'une trentaine de bornes pour
les voitures…
Une voix : …
Le
Président : Je pense
qu'elle va m'écouter. Mme la députée de La Pinière, vous devez toujours croire ce que
dit un des membres de cette Assemblée et vous avez une expérience qui vous
permet de le savoir. Je vous écoute, Mme la députée de La Pinière.
Mme
Houda-Pepin : Merci, M. le Président. Alors, comment la première ministre peut-elle
annoncer, à grand renfort de publicité, la mise en service d'une
trentaine de bornes pour les voitures électriques sur une autoroute dont elle a elle-même arrêté la construction? Est-ce qu'elle comprend que l'autoroute 35 est, à ce jour, inachevée, qu'une
partie sert actuellement de piste cyclable et l'autre partie se termine dans un
champ de vaches?
Le Président : M. le ministre
des Transports.
M. Sylvain Gaudreault
M.
Gaudreault : Oui, M. le Président. Je suis heureux de constater que la députée de La Pinière souligne notre politique d'électrification des transports qui a été
annoncée par la première ministre, qui a été annoncée dans la politique
économique. Et les bornes jusqu'au Vermont s'inscrivent dans cette politique-là
et vont s'installer le long de la 35.
La réalité,
c'est que ceux qui ont arrêté le développement de la 35, c'est l'ancien gouvernement. Nous, dans la prochaine programmation, nous allons nous assurer qu'elle
est là parce que, comme vous le savez, nous, on dit ce qu'on fait puis
on fait ce qu'on dit.
Le
Président : Deuxième complémentaire, Mme la députée de
La Pinière.
Mme Fatima Houda-Pepin
Mme
Houda-Pepin : Alors, M. le Président, c'est ça, leur politique
d'électrification des transports, annoncer des bornes de recharge
électrique virtuelles sur l'autoroute 35 Québec-Vermont, une autoroute que vous
avez réduite vous-mêmes à une piste cyclable
à cause des coupures de 15 milliards de dollars dans les budgets des
infrastructures?
Est-ce que le député
de Saint-Jean, le député d'Iberville sont d'accord avec ça?
Le Président :
M. le ministre des Transports.
M. Sylvain Gaudreault
M. Gaudreault :
M. le Président, on travaille correctement. On travaille avec le sens des
responsabilités. Les bornes seront installées le long de l'autoroute, mais il
faut d'abord s'assurer que l'autoroute sera financée, ce que nous faisons...
• (11 h 30) •
Des voix :
...
M. Gaudreault :
M. le Président...
Le
Président : Franchement, on peut arrêter tout ça là, puis vous
reviendrez demain si vous n'êtes pas capables de subir les feux de la
rampe aujourd'hui. M. le ministre des Transports.
M.
Gaudreault : Exactement ce que faisait l'ancien gouvernement
avec la population, il riait de la population en faisant toutes sortes d'annonces non budgétées. Alors, nous, dans la
prochaine programmation, il y aura les sommes...
Le Président :
Principale, M. le chef du deuxième groupe d'opposition.
Projet de loi sur la charte
des valeurs québécoises
M. François Legault
M.
Legault : M. le Président, ça fait deux mois que le sujet le
plus médiatisé au Québec, c'est le projet de charte du PQ. Ça fait deux mois que le ministre des
Institutions démocratiques lance des ballons d'essai dans les médias. Ça
fait deux mois que les Québécois sont divisés. M. le Président, ce matin, la coalition
a déposé un projet de loi pour essayer de
faire avancer un débat qui est nécessaire, mais qui est délicat, qui doit se
régler rapidement. C'est irresponsable, M. le Président, de laisser
traîner ce dossier avec tous les risques de dérapage. Ce matin, je veux revenir
à la charge pour demander à la première
ministre d'agir de façon responsable. Elle a un projet de loi qui pourrait être
le début, là, d'une entente qu'on pourrait faire rapidement au cours des
prochains jours.
Est-ce
que la première ministre peut nous expliquer ce matin comment ça se fait qu'on
n'a pas… avec tous les budgets du gouvernement, elle n'a pas encore
réussi à déposer un projet de loi sur cette fameuse charte?
Le Président :
Mme la première ministre.
Mme Pauline Marois
Mme
Marois :
Alors, M. le Président, je remercie le chef du deuxième groupe d'opposition de
sa question. Et nous étudierons, bien sûr,
et regarderons le projet de charte qui a été déposé ce matin par sa formation
politique. Cela pourra faire partie des débats que nous aurons dans la
suite des choses.
Je voudrais cependant
rappeler, M. le Président, que c'est un débat majeur pour une société, qui
demande beaucoup de courage, parce que ce sont des changements culturels, des
changements politiques, des changements sociologiques
particulièrement importants. La société québécoise a la maturité qu'il faut, me
semble-t-il, pour participer à ce
débat, prendre le temps qu'il faut pour le faire. Alors, je rassure le chef du
deuxième groupe d'opposition, nous allons déposer le projet de charte des valeurs québécoises. Il y aura un espace
pour en débattre avec sa formation politique comme avec la formation
politique de l'opposition officielle, M. le Président, même si, dans le cas de
l'opposition officielle, dirigée par M.
Couillard, malheureusement, on rejette
d'emblée tout ce qui est proposé jusqu'à maintenant par la
charte québécoise, M. le Président.
Des voix :
…
Le Président :
Si vous avez des questions, c'est une période de questions. C'est à vous de
faire valoir… C'est à vous de…
Des voix : …
Le
Président : M. le leader de l'opposition.
M. Moreau :
La première ministre ne peut pas profiter d'une réponse à la question de la
deuxième opposition pour dire des choses qui sont inexactes quant à notre
position…
Le
Président : Si vous jugez qu'elles sont inexactes, vous avez la
chance, pendant cette période de questions là, de poser des questions
plus tard. Mme la première ministre.
Une voix :
…
Le
Président : M. le leader du gouvernement, M. le leader du
gouvernement, Mme la première ministre a la parole.
Mme
Marois : Alors, M. le Président, M. Couillard a lui-même dit qu'il faudrait lui passer sur le corps pour
qu'il accepte ce que l'on retrouve dans le projet de charte québécoise. C'est exactement
ce qu'il a dit, M. le Président. Je le cite au texte, M. le Président.
Des voix :
…
Le
Président : Si vous voulez… Ici, c'est une place pour débattre. Si vous n'êtes pas contents de
l'argumentation du gouvernement, vous avez le droit, puis c'est correct, mais
l'interprétation que Mme la première ministre fait est la sienne. Qu'elle soit juste ou pas ou qu'elle soit…
qu'elle fasse votre affaire ou pas, c'est à vous de le dire plus tard
pendant la période de questions. M. le leader.
M. Moreau :
M. le Président, ce qu'elle dit dénature les propos d'une personne qui…
Des voix :
…
Le Président :
S'il vous plaît! Je vais resuspendre, puis on se reverra demain matin.
Des voix :
…
Le Président :
Mme la première ministre.
Mme
Marois :
Alors, M. le Président, il serait intéressant, d'ailleurs, que le chef de l'opposition,
M. Philippe Couillard, chef du Parti libéral, puisse être parmi nous. Il
pourrait donc en débattre.
Je
rassure le chef du deuxième groupe
d'opposition : nous allons avoir
tous les débats utiles, nécessaires, M.
le Président, à travers les outils dont nous disposons et les…
Le Président :
Première complémentaire, M. le chef du deuxième groupe d'opposition.
M. François Legault
M.
Legault : En
repoussant le dépôt du projet de loi sur la charte, la première ministre nous
confirme que, dans le fond, ce n'est rien d'autre, là, que la pièce
maîtresse pour sa prochaine campagne électorale.
Quand
la première ministre va-t-elle agir de façon responsable, arrêter de
diviser les Québécois? Quand va-t-elle agir pour l'intérêt des Québécois,
pas pour ses intérêts partisans?
Le Président :
Mme la première ministre.
Mme Pauline Marois
Mme
Marois : Alors, M. le Président, peut-être que le chef du deuxième groupe d'opposition
veut aller en élection. Ce n'est pas
notre cas, M. le Président, parce que
nous croyons qu'il y a beaucoup de défis à relever au Québec, et c'est
ce à quoi nous travaillons déjà depuis un bon moment.
Je reviens maintenant
sur le fond de la question. C'est un débat majeur pour une société. C'est un
débat qui, oui, concerne les valeurs, et il faut prendre le temps de bien le
faire. Le ministre a procédé à une consultation dans un premier temps. Il a rendu publics hier les résultats de ce premier volet
de consultation. Il y aura un dépôt de la charte. Nous voulons le faire dans l'ordre, de façon correcte,
M. le Président, en tout respect pour les membres de cette Assemblée.
Nous allons donc déposer le projet…
Le Président :
En terminant.
Mme
Marois :
…et nous aurons par la suite tous les débats utiles et nécessaires.
Le Président : Deuxième
complémentaire, M. le chef du deuxième groupe d'opposition.
M. François Legault
M. Legault :
M. le Président, j'ai une suggestion à faire à la première ministre. Étant
donné que son ministre n'a pas eu le temps
de préparer le projet de loi, est-ce qu'elle ne pourrait pas le garder à Québec
au cours des prochains jours plutôt que de l'envoyer aux frais des
contribuables pour un séjour à l'Auberge du lac Taureau?
Le Président :
Mme la première ministre.
Mme Pauline Marois
Mme
Marois : Alors, je
reste un peu bouche bée, mais, enfin, M.
le Président, de fait, nous aurons
une réunion, une réunion spéciale du Conseil des ministres, qui était
prévue déjà depuis quelque temps, dans un endroit isolé où nous aurons le temps de réfléchir à un bon nombre des questions
qui nous préoccupent et qui préoccupent le peuple québécois.
Et
qu'il se rassure... Sur le fond des choses — j'y reviens — qu'il se rassure, nous prendrons le temps qu'il
faut pour débattre du projet de charte, M. le Président, autant des propositions qu'il pourra faire que de celles que le gouvernement
présentera, M. le Président.
Le Président :
Principale, M. le député de Lévis.
Situation économique et financière du Québec
M. Christian Dubé
M. Dubé :
Alors, merci, M. le Président. Il y a deux semaines de cela, le gouvernement
nous présentait une politique économique dont une grande partie des dépenses
n'étaient pas budgétées dans l'exercice courant. Depuis, nous avons eu droit à
l'annonce de trois autres politiques mais aucune explication sur les sources de
financement de celles-ci, puis on apprend qu'il y en a deux autres à venir. M. le
Président, nous savons, depuis plusieurs
semaines déjà, que ce gouvernement ne respectera pas le déficit
zéro cette année. De plus, ce gouvernement nous présente des plans qui sont flous, financés par la carte de
crédit et remettant en cause les équilibres financiers pour les prochaines
années.
M. le Président, comment le ministre des
Finances conciliera-t-il le report du
déficit zéro, les sommes virtuelles annoncées pour les
quatre politiques et les revenus de l'État qui ne sont pas encore au rendez-vous?
Le Président :
M. le ministre des Finances.
M. Nicolas Marceau
M.
Marceau : M. le Président, je suis heureux de me lever pour parler de notre politique
économique; on n'a pas eu beaucoup de questions. Je rappelle que cette politique
économique, c'est une politique qui est majeure, politique qui englobe à la fois des mesures de court terme et des
mesures de long terme, des mesures structurantes, des mesures qui
s'attaquent aux problèmes fondamentaux de l'économie québécoise. Il y a, entre
autres, là-dedans une politique de recherche et d'innovation qui va faire en sorte qu'il y aura plus d'innovation dans
les entreprises au Québec. Il y a aussi une stratégie industrielle qui
vise à ce que nos PME en particulier investissent plus, s'automatisent, se
modernisent, se verdissent, donc faire en sorte que nos entreprises
manufacturières soient plus productives et qu'elles soient à même de réussir
mieux sur les marchés extérieurs. Je vous rappelle, M. le Président, que les
exportations québécoises ont diminué de façon importante sous l'ancien
gouvernement, en particulier vers notre principal marché que sont les
États-Unis.
Je
vais conclure en disant au collègue qu'évidemment nous contrôlons les dépenses — il le sait très bien — que
nous allons déposer une mise à jour, dans les prochaines semaines, qui fera
état de la situation. Cela étant, nous sommes un gouvernement responsable, nous
l'avons montré par notre contrôle exemplaire des dépenses…
Le Président :
Première complémentaire, M. le député de Lévis.
M. Christian Dubé
M.
Dubé : Je suis surpris d'entendre la réponse du ministre des
Finances, M. le Président, parce que, justement, le ministre des Finances nous a même refusé un document
que nous avons demandé. J'ai la lettre ici, que je vaisdéposer, demandant les revenus et les
dépenses de l'ensemble des organismes et fonds spéciaux du gouvernement
pour mieux comprendre la croissance réelle
des dépenses. Les représentants du gouvernement à la Commission des
finances publiques s'y étaient pourtant engagés.
Le ministre peut-il
nous expliquer, concrètement et de façon correspondante... qu'on peut avoir les
vraies réponses, aujourd'hui, s'il vous plaît?
Document déposé
Le
Président : Est-ce qu'il y a consentement pour le dépôt du
document? Consentement. M. le ministre des Finances.
M. Nicolas Marceau
M. Marceau : Écoutez, je ne sais pas de quel document
en particulier… auquel le député réfère. De mémoire, là, je me rappelle qu'en commission parlementaire nous avions évoqué la question
d'une reddition de comptes plus élaborée, disons, dans le cas des fonds spéciaux. Et effectivement, lorsque
l'exercice de reddition de comptes se fera, ethabituellement ça se fait
après le dépôt du budget, bien, on aura, à ce moment-là, l'occasion
de fournir les documents qui sont demandés par le député.
De mémoire encore une fois, je m'y étais engagé lors de la commission parlementaire, et,
à mon sens, il y avait toute
une année financière à couvrir, au-delà de laquelle l'exercice de reddition de
comptes serait fait…
Le Président : En terminant.
M. Marceau : …et c'est là-dedans
qu'on est, M. le Président, là.
Le Président : Deuxième
complémentaire, M. le député de Lévis.
M. Christian Dubé
M. Dubé : La lettre est très
claire, M. le Président, je vais vous laisser en prendre connaissance.
Deuxièmement, ça fait des mois que l'on demande au gouvernement de faire preuve
de transparence et de présenter la mise à jour économique
du gouvernement pour l'année en cours.
M. le Président, on est à la veille d'élections,
le ministre des Finances peut-il… s'engager — excusez-moi,
excusez-moi — peut-il
s'engager, aujourd'hui, à déposer sa mise à jour économique avant les
élections?
Le Président : M. le ministre
des Finances.
M. Nicolas Marceau
M. Marceau :
M. le Président, il y a des choses que nous avons l'intention de faire dans les
prochaines semaines : premièrement,
déposer les comptes publics, les comptes publics qui, donc, nous disent… qui
nous donnent un portrait des états financiers du gouvernement du Québec
en date du 31 mars 2013.
M. le
Président, par ailleurs, dans les prochaines semaines, par la suite ou en même
temps, il y aura le dépôt de la mise
à jour et, dans le passé, là, dans les dernières années, ça s'est fait en
quelque part entre le 15 octobre et le 15 décembre. Nous sommes à
travailler là-dessus, M. le Président, et, en temps et lieu, ce sera déposé.
• (11 h 40) •
Le Président : Principale,
Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.
Financement
de l'assurance autonomie
Mme Marguerite Blais
Mme
Blais : Je n'ose croire, M. le
Président, que le ministre dépense près de 1 million de dollars pour faire
de la pub pour une commission parlementaire
qui débute cet après-midi. Ça me dépasse, M. le Président, 1 million de
dollars pour vanter un projet qui n'est même pas chiffré, mais le ministre est
capable de couper 2,4 millions de dollars à l'institut de gériatrie de Montréal,
capable de couper 3 millions de
dollars au CSSS
Bordeaux-Cartierville, capable de couper
17 lits au CSSS de Weedon. Il est capable de couper et il est capable de
trouver 1 million de dollars pour vanter un livre blanc. Dans une émission très populaire dimanche dernier, il a
avoué que tous les Québécois étaient pour payer une taxe.
Ma question
est très simple : Les aînés et les personnes vulnérables vont payer
combien en plus pour les soins et les services à domicile?
Le Président : M. le ministre
de la Santé.
M. Réjean Hébert
M.
Hébert : M. le
Président, les personnes âgées au Québec méritent amplement, M. le Président, d'être informées des grandes
politiques. En avril dernier, nous avons lancé une grande campagne de publicité
sur la maltraitance, M. le Président,
qui a coûté aussi le même montant d'argent parce que les personnes âgées, pour les atteindre, il faut
utiliser des médias qui sont dispendieux, M. le Président. Mais ça vaut la peine d'informer les personnes âgées. La campagne
sur la maltraitance, M. le Président, a provoqué 2 000 appels
à la ligne Aide Abus Aînés et nous a permis, M. le Président, d'aider de
très nombreuses personnes âgées qui étaient face à des problèmes de
maltraitance.
La campagne qui est actuellement en cours, M. le
Président, c'est pour informer les personnes âgées d'une innovation sociale
extraordinaire, M. le Président, qui sera probablement l'innovation sociale du
XXIe siècle, qui est de redonner aux
personnes âgées la liberté de choisir là où elles veulent vivre et par qui
elles veulent recevoir des services de soutien à domicile.
Je
pense que c'est important, M. le Président, que les personnes âgées en soient
informées et il faut prendre les moyens pour les informer correctement,
M. le Président.
Le Président : Première
complémentaire, Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.
Mme Marguerite Blais
Mme
Blais : Je suis
contente, M. le Président, qu'il aime notre plan d'action gouvernemental pour
contrer la maltraitance et qu'il le vende sur toutes les tribunes.
Le 23 avril
dernier, le ministre a mentionné dans un quotidien : «Ce projet se [fera]
"à coût nul" — pas besoin d'une cotisation supplémentaire des
contribuables…»
La question
est simple : Combien les personnes vulnérables, les personnes aînées
devront payer de plus pour obtenir des soins à domicile? C'est clair,
la…
Le Président : M. le ministre
de la Santé.
M. Réjean Hébert
M.
Hébert : M. le
Président, nous nous sommes engagés, à la dernière campagne électorale, à
consacrer 500 millions de dollars de
plus aux soins à domicile, M. le Président. Ça, ça veut dire doubler le budget
des soins à domicile. Nous nous y sommes engagés, M. le Président, et
nous allons la réaliser.
Les libéraux
s'étaient engagés, en 2008, à faire la même chose et ne l'ont jamais faite, M.
le Président. Cette année, on fait un
investissement, dans une année financière difficile, de 110 millions de
dollars, du jamais-vu, M. le Président, en une seule année, pour
augmenter les services de soins à domicile. À la différence des libéraux, nous
autres, on fait ce qu'on dit, M. le Président, et je pense que c'est la
caractéristique de l'ensemble de notre gouvernement.
Le Président : Deuxième
complémentaire, Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.
Mme Marguerite Blais
Mme
Blais : M. le Président, au
mois d'avril, à coût nul; au mois de septembre, dans un quotidien, on
prévoit une contribution spécifique des contribuables. Cette taxe semble la
voie privilégiée. On fait ce qu'on dit? Il y a une contradiction ici.
On veut
savoir, au nom des aînés vulnérables, combien ça va coûter. Je ne suis pas la
seule qui le demande ce matin. Il y a le Regroupement pour le mieux-être
des personnes en perte d'autonomie. Ce regroupement est inquiet…
Le Président : M. le ministre
de la Santé.
M. Réjean Hébert
M.
Hébert :
M. le Président, notre investissement de 500 millions couvrira l'assurance
autonomie, M. le Président. Et c'est ce que nous…
M. Moreau :
…il nous dit où il va dépenser de l'argent, il ne nous dit pas où il va aller
le chercher. La question, c'est : Où allez-vous le…
Le Président : M. le ministre
de la Santé.
M.
Hébert :
M. le Président, les 500 millions que nous nous sommes engagés à faire
font partie de notre cadre financier,
M. le Président. Il n'y aura pas de taxe supplémentaire, M. le Président. On a
même diminué… M. le Président, elle est rendue plus équitable, la taxe
santé que les libéraux avaient imposée, M. le Président.
Je vous
rappellerai que le champion taxeur, là, c'est les libéraux et que Philippe
Couillard, le fantôme du Parlement, veut même augmenter la taxe de
vente, M. le Président. Les taxeurs, c'est les libéraux, M. le Président.
Le Président : M. le député
de Mercier, en principale.
Tenue
des élections générales à date fixe
M. Amir Khadir
M. Khadir : M. le Président,
en juin dernier, nous avons voté une loi à l'unanimité pour fixer la date des élections. Le ministre des Institutions
démocratiques disait qu'avec cette loi la date des élections ne serait plus
déterminée selon des calculs partisans ou électoralistes.
Il disait que sa loi était un engagement moral de respecter une certaine
date, que le citoyen aura enfin le sentiment qu'on lui redonne les élections.
Pourtant, interrogé sur la date des élections, la première ministre a dit
le 7 octobre — je la cite :
«Je ne sais pas. Mais [...] lorsque je penserai qu'il est temps de
prendre cette décision, je le ferai.» Cette réponse, malheureusement, contredit
la parole du ministre.
Alors, la
question s'adresse à la première ministre : Va-t-elle respecter
l'engagement moral de son gouvernement? Est-ce qu'on va avoir une élection à date fixe
ou à date molle? Une date molle, c'est quand c'est laissé au bon vouloir
de la première ministre de déclencher selon des calculs partisans. Alors,
va-t-il…
Le Président : M. le ministre
des Institutions démocratiques.
M. Bernard Drainville
M. Drainville : M. le
Président, M. le Président, d'abord,
j'aimerais noter le fait que ceux qui parlent le plus d'élections ces temps-ci, ce n'est pas les députés ou les ministres du
gouvernement, ce sont les gens d'en face, les gens du Parti libéral, M. le Président, qui ont voté, eux
aussi, pour le projet de loi et qui semblent très, très, très pressés
d'aller en élection, M. le Président.
Alors, nous,
sur le principe des élections à date fixe, effectivement, nous avons voté ce
projet de loi, M. le Président, et c'est un projet de loi, évidemment,
dans lequel nous croyions, et nous y croyons
toujours.
Maintenant, c'est bien clair aussi que des
élections à date fixe, M. le Président, ça doit être un engagement qui
doit être respecté par tous les partis. À partir du moment, M. le Président, où
vous avez des partis d'opposition, dans un contexte minoritaire, qui envisagent
ouvertement la tenue d'élection, on n'a pas le choix, nous, de notre côté, de
les envisager également. L'objectif d'un
projet de loi sur les élections à date fixe, M. le Président, ce n'était pas de
donner un avantage à l'opposition, c'était de
mettre tout le monde sur le même pied d'égalité. À partir du moment où les
partis d'opposition envisagent des élections…
Le Président : En terminant.
M. Drainville : …on n'a pas
le choix que de s'y préparer également.
Le Président : Première
complémentaire, M. le député de Mercier.
M. Amir Khadir
M. Khadir : M. le Président…
Des voix : …
Le Président : Je n'entends
pas la question. M. le député de Mercier, en complémentaire.
M. Khadir : M. le Président, déclencher des
élections pour devenir majoritaire, c'est exactement le genre de calcul partisan qu'a fait Harper en 2008, rappelez-vous.
En fait, il a violé sa propre loi, gaspillé 300 millions de dollars pour
se retrouver encore minoritaire. Gilles Duceppe suggère que, même minoritaire,
l'élection doit être à date fixe, sauf si le gouvernement est renversé par une majorité de députés.
Alors, le ministre pourrait-il s'engager à
modifier sa loi pour…
Le Président : M. le ministre
des Institutions démocratiques.
M. Bernard Drainville
M.
Drainville : M. le
Président, l'idée des élections à date fixe, c'était d'égaliser les chances,
hein? C'était ça, l'idée des élections à date fixe. Alors là, on a des
partis d'opposition, celui d'en face en particulier, qui, depuis l'été, M. le Président, nous disent qu'on s'en va en
élection. Le chef, Philippe Couillard, le
fantomatique Philippe Couillard est allé déclarer devant les jeunesses
libérales : On s'en va en élection dans les prochaines
semaines, M. le Président.
Alors, je m'excuse, l'objectif
d'un projet de loi sur les élections à date fixe…
Des voix : …
M. Drainville : L'objectif,
M. le Président, d'un projet de loi sur les élections à date fixe…
Des voix : …
Le Président : Ce n'est
peut-être pas un sujet qui vous intéresse.
Des voix : …
Le Président :Ce n'est peut-être pas un
sujet…
Des voix : …
Le Président : M. le ministre, veuillez poursuivre et compléter.
M.
Drainville : M. le
Président, avec les élections à date fixe, on a voulu égaliser les chances. À
partir du moment où l'opposition libérale dit qu'elle s'en va en
élection, nous, on n'a pas le choix de se préparer.
• (11 h 50) •
Le Président : Deuxième
complémentaire, M. le député de Mercier.
M. Amir Khadir
M. Khadir : M. le Président, je crois que le
député de Marie-Victorin ne devrait pas prendre son engagement moral à la légère comme ça. Selon la loi, la date des élections est fixée au 3 octobre 2016. Alors, le ministre pourrait s'engager à ce que sa chef,
moralement, n'ait pas le droit de décider seule, quand bon lui semble, de
dissoudre l'Assemblée.
Est-ce que le ministre peut appuyer notre motion
qui va exactement dans ce sens, une motion qu'on va présenter tout à l'heure?
Le Président : M. le ministre
des Institutions démocratiques.
M. Bernard Drainville
M.
Drainville : M. le
Président, l'idée des élections à date fixe, c'était d'égaliser les chances,
donc d'enlever au parti qui est au gouvernement la possibilité de
pouvoir le faire seulement à partir de ses calculs à lui. L'idée n'était pas de
donner au parti d'opposition l'avantage de pouvoir déclencher à sa guise une
élection, M. le Président.
Si on est
d'accord avec le principe de l'égalité des chances, ce qui sous-tend le projet
de loi sur les élections à date fixe,
il faut, M. le Président, que… À partir du moment où l'opposition peut, dans un
contexte minoritaire, nous défaire, on n'a
pas le choix, nous, que d'égaliser les chances et de se préparer à toute
éventualité, M. le Président. C'est ce qu'on fait.
Le Président : Principale, M.
le député de Huntingdon.
Soutien au secteur
agroalimentaire
M. Stéphane Billette
M.
Billette : Merci,
M. le Président. Le secteur agroalimentaire est un des plus importants secteurs
avec ses 500 000 emplois directs et indirects et 7 % du PIB. M. le
Président, où cela fait mal au niveau du secteur, c'est les coupures
péquistes subies depuis un an : 15 millions à l'ASRA,
10 millions dans Prime-vert, 9 millions dans le programme des circuits courts. Mais où ça fait encore plus
mal : au niveau de la jeunesse. Aucun renouvellement de la politique
jeunesse depuis six mois, qui s'est terminée en mars 2013, 10 millions des
programmes destinés aux jeunes qui sont disparus. En août 2012, la première ministre promettait d'investir
20 millions; aucun sou n'est apparu dans les budgets. Donc, on parle d'un programme pour notre relève, nos jeunes
en agriculture de demain, 30 millions de moins, aucune politique.
Est-ce que le ministre réalise qu'il a
complètement laissé tomber la relève agricole au Québec?
Le Président : M. le ministre
de l'Agriculture.
M. François Gendron
M.
Gendron :
Je suis un peu catastrophé, mais ce n'est pas la première fois qu'on réussit à
me catastropher avec de telles affirmations gratuites.
D'abord,
partons, là, de la présentation du budget. Lors de la présentation du budget,
je répète, il y a un budget, pour toutes sortes de raisons, qui a été
coupé de 0,5 %, c'est celui du MAPAQ, parce qu'on a réussi à absorber
cette coupure-là — parce qu'on voulait faire notre part comme
tout le monde, compte tenu de la catastrophe qu'ils nous ont
laissée — sans
affecter aucun des programmes.
Je prends juste un exemple. Ça ne se peut pas,
dire des choses comme ça. Prime-vert. Prime-vert, c'est un programme qui a
obligé… Tu as parlé de ça dans ton introduction.
Le Président : …s'adresse à
la présidence, M. le ministre.
M.
Gendron :
Oui, vous avez raison. Prime-vert, on a atteint les objectifs qui étaient
fixés. 95 % des producteurs agricoles
dans le programme Prime-vert ont atteint les objectifs d'avoir une gestion plus
responsable au niveau del'environnement.
J'ai renouvelé le Prime-vert, mais est-ce que j'ai besoin exactement des mêmes
sommes à la même place pour continuer à atteindre l'objectif d'une
gestion intelligente des fumiers solides? La réponse, c'est non, parce que,
l'objectif, on l'a atteint. Donc, en conséquence, personne ne m'a parlé de ça.
La relève agricole…
Le
Président : Alors, cela met fin à la période de questions et de
réponses orales.
Motions sans préavis
Le
Vice-Président (M. Ouimet) : Alors, nous en sommes à la
rubrique des motions sans préavis. Et, en fonction de nos règles et de
l'ordre de présentation, je reconnais maintenant M. le député de Jean-Lesage.
Souligner la Semaine de la PME
M. Drolet :
Merci, M. le Président. M. le Président, je sollicite le consentement de cette
Assemblée afin de présenter la motion suivante conjointement avec la ministre
déléguée à la Politique industrielle et à la Banque de développement économique
du Québec, le député de La Prairie, le député de Blainville et le député
de Mercier :
«Que l'Assemblée
nationale souligne la Semaine de la PME qui s'est tenue du 14 au
20 octobre 2013;
«Qu'elle reconnaisse l'importante contribution des
petites et moyennes entreprises au tissu économique du Québec.»
Le
Vice-Président (M. Ouimet) : Alors, merci à vous, M. le député
de Jean-Lesage. Y a-t-il consentement pour débattre de la motion? M. le
leader adjoint du gouvernement.
M.
Traversy : Merci, M. le Président. Il y a consentement pour
débattre de cette motion pour un temps de parole d'environ une minute par intervenant, en débutant, bien sûr, par le
député de Jean-Lesage qui en est le dépositaire, suivi par le député de La Prairie, le député de
Mercier, et vous dire, M. le Président, que nous terminerons cette motion par
la ministre déléguée à la Politique industrielle et à la Banque de
développement économique.
Le Vice-Président
(M. Ouimet) : Très bien. Alors, je comprends qu'il y a un
consentement pour permettre quatre interventions d'une durée d'environ une
minute en commençant par vous, M. le député de Jean-Lesage.
M. André Drolet
M.
Drolet : M. le Président, il me fait plaisir de présenter cette
motion aujourd'hui pour souligner la Semaine
de la PME 2013, dont la 33e édition s'est tenue
officiellement du 14 au 20 octobre dernier.
C'est
bien connu, les petites et moyennes entreprises représentent une part
importante de l'économie au Québec. Présentes
dans toutes les régions, elles comptent en effet pour 99,8 % des
entreprises et représentent 57 % des emplois chez nous. Leur
contribution à notre tissu économique n'est plus à démontrer. Elles ont
contribué, au fil des années, à maintenir ou
à relancer l'économie de plusieurs régions. Au cours de la dernière récession,
elles ont davantage résisté aux
licenciements que les grandes entreprises.
Finalement, elles sont au cœur de l'édification de notre économie, ce qui représente un avantage important de résistance aux
soubresauts et à l'incertitude économique. Le Québec a eu… Le
Québec a d'ailleurs bénéficié en tant que des
États… le mieux traversé la récente crise économique
en 2008.
Notre
formation politique a toujours cru au développement de nos petites et moyennes
entreprises. À cet égard, je rappelle que le précédent gouvernement avait présenté la toute première Stratégie québécoise de l'entrepreneuriat en novembre 2011, issue d'une consultation à la
grandeur du Québec. Elle a été réalisée par et pour les acteurs du
milieu entrepreneurial québécois. Il ne faut cependant pas ménager les efforts
que nos entreprises… ont besoin de notre soutien pour se développer et performer. À cet
effet, je tiens à réitérer l'engagement de
notre formation politique envers elles.
Merci, M. le Président.
Le
Vice-Président (M. Ouimet) : Alors, merci à vous, M. le député
de Jean-Lesage. M. le député de La Prairie, je vous cède la parole.
M. Stéphane Le Bouyonnec
M.
Le Bouyonnec : Merci, M. le Président. Créatrices d'emplois et
de prospérité, les PME sont en quelque sorte le poumon économique du
Québec. De Gatineau à Matane, en parcourant le Québec
cet été, dans le cadre de la tournée du
Projet Saint-Laurent, mes collègues et moi-même avons réellement pu constater
la qualité, le courage et le dévouement de nos
entreprises innovantes.
Cependant,
ce courage et ce dévouement envers l'innovation continuent d'être étouffés par
une structure fiscale trop lourde qui défavorise l'emploi et les
investissements. Pourtant, ce dont le Québec a aujourd'hui le plus besoin, surtout
avec l'année que nous venons de connaître, c'est justement des investissements
privés. Autrement dit, nos entreprises ont
une marge de manoeuvre diminuée par rapport au reste du Canada, et cette même
marge de manoeuvre qui, autrement,
pourrait leur permettre d'offrir des salaires plus compétitifs et d'investir
dans de nouvelles technologies plus productives. Miser sur les PME,
c'est assurer la prospérité du Québec. Afin de redonner aux entrepreneurs les
bons outils de développement de leurs entreprises, nous devrions revoir à la baisse leur niveau de taxation.
Enfin,
c'est avec beaucoup de respect et de reconnaissance pour nos entrepreneurs et
leur contribution àl'avancement du
Québec que je me joins aujourd'hui au député de Jean-Lesage pour souligner la
Semaine de la PME qui s'est tenue du 14 au 20 octobre 2013.
Merci, M. le Président.
Le Vice-Président
(M. Ouimet) : Alors, merci à vous, M. le député de
La Prairie. M. le député de Mercier.
M. Amir Khadir
M. Khadir : M. le Président, Québec solidaire
tient, bien sûr, à joindre sa voix aux autres
formations pour souligner la Semaine
des PME. Nous avons un attachement profond à une économie à échelle humaine,
d'où l'intérêt que nous portons, bien sûr,
au rôle majeur des PME dans une économie à échelle humaine, créatrices
d'emplois, créatrices de richesse et, surtout, dirigées par des femmes et des hommes dont le
premier objectif et souci n'est pas de mettre leurs profits à l'abri de l'impôt ou de délocaliser à la première
occasion leur entreprise pour générer des bénéfices
plus importants; des femmes et
des hommes qui, habituellement, regardent leur entreprise non seulement
uniquement comme un investissement qui
rapporte des bénéfices individuels à leurs dirigeants, mais comme des moteurs d'activité, des soutiens à la
cohésion et à la pérennité de la vie dans nos régions.
Récemment,
nous sommes intervenus pour souligner les
craintes que laissent planer les accords commerciaux et la
mondialisation économique que s'apprête à entériner le gouvernement actuel. Les
menaces de ces accords sur les PME présentes
partout au Québec... Nous avons entendu parler, bien sûr, abondamment de la
menace qui pèse sur les producteurs
fromagers au Québec, mais ils ne sont pas les seuls. La concurrence déloyale
qui va s'installer au profit des grandes entreprises va faire mal à
beaucoup d'emplois et à beaucoup de PME au Québec.
• (12 heures) •
Le
Vice-Président (M. Cousineau) : Alors, merci à vous, M. le député de Mercier. Et enfin Mme la
ministre déléguée à la Politique industrielle et à la Banque de développement
du Québec.
Mme Élaine Zakaïb
Mme
Zakaïb : M. le
Président, au Québec, 98 % de nos entreprises sont des PME. Elles
constituent la trame de notre structure
économique dans chacune de nos régions. Derrière ces PME, il y a près de
500 000 entrepreneurs, des hommes
et des femmes déterminés, créatifs et audacieux, les véritables créateurs de
richesse et d'emplois. Nous devons donc les reconnaître et les honorer,
mais, comme gouvernement, nous devons aussi les soutenir, les aider à innover,
à moderniser, à verdir leurs activités, les
aider à croître, à se démarquer et à être plus compétitives. Nous leur devons
d'avoir unevision porteuse, une
stratégie structurante et mobilisatrice, de leur fournir des moyens efficaces
et adaptés à leur réalité. C'est ce
que propose notre politique économique
Priorité emploi et les quatre initiatives stratégiques qui en découlent, dont
la politique industrielle. C'est ensemble, le gouvernement, les acteurs socioéconomiques et les entrepreneurs à la tête des
PME, que nous créerons un Québec
vert et moderne et des emplois durables et de qualité pour tous. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Ouimet) :
Alors, merci à vous, Mme la ministre.
Mise aux voix
Cette motion est-elle adoptée?
Des voix : Adopté.
Le Vice-Président
(M. Ouimet) : Adopté. Je reconnais maintenant un membre du
deuxième groupe d'opposition, M. le député de La Prairie pour une
autre motion sans préavis.
M. Le
Bouyonnec : M. le Président, je demande le consentement pour déposer la motion suivante
conjointement avec le député de Jean-Lesage et le député de Blainville :
«Que l'Assemblée nationale demande au gouvernement
de prendre acte de l'étude publiée par la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante qui classe le Québec
au dernier rang en matière de fiscalité imposée aux PME;
«Qu'elle
rappelle l'importance de poser des gestes concrets afin de réduire le
fardeau fiscal de nos entreprises et de créer un climat d'affaires
favorable à la croissance économique.»
Le
Vice-Président (M. Ouimet) : Alors, merci, M. le député de La Prairie. Y a-t-il consentement pour
débattre de la motion, M. le leader adjoint?
M. Traversy : Il n'y a pas de
consentement, M. le Président.
Le
Vice-Président (M. Ouimet) : Il n'y a pas de consentement. Un membre formant le gouvernement, d'autres motions sans préavis? Y a-t-il d'autres motions sans
préavis de votre côté? Alors, allons du côté de M. le député de Mercier pour
une motion sans préavis.
Rappeler l'adoption unanime d'une
loi
établissant des élections à date fixe
M. Khadir : M. le Président,
c'est avec l'espoir de plus de magnanimité dans les consentements que je
demande le consentement de la Chambre pour débattre de la motion suivante,
conjointement avec le député de Beauce-Sud, le député de Chauveau et le député
de Blainville :
«Que l'Assemblée nationale se
réjouisse de l'adoption unanime par les parlementaires, en juin
dernier, d'une loi établissant des élections à date fixe au Québec;
«Que
l'Assemblée nationale rappelle aux partis qu'ils ont ainsi établi que
"le temps où la date des élections était fixée en fonction des intérêts du parti au pouvoir est maintenant
chose du passé", tel que rapporté dans le communiqué du ministre
des Institutions démocratiques le 14 juin dernier.»
Le
Vice-Président (M. Ouimet) : Alors, merci, M. le député de Mercier. Y a-t-il consentement pour
débattre de la motion? M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Traversy :
M. le Président, il y a consentement, sans débat, pour la motion.
Mise
aux voix
Le Vice-Président
(M. Ouimet) : Très bien. Alors, cette motion est-elle adoptée?
Des voix :
Adopté.
Le
Vice-Président (M. Ouimet) : Adopté. Y a-t-il d'autres motions
sans préavis? M. le ministre de la Justice et leader adjoint du gouvernement.
M. St-Arnaud :
Oui, M. le Président. Je solliciterais le consentement de cette Chambre pour
présenter une deuxième motion.
Le
Vice-Président (M. Ouimet) : Alors, vous en êtes à votre première motion, à moins que je ne m'abuse.
Donc, vous n'avez pas besoin du consentement.
M. St-Arnaud :
Ce sera pour une... Alors, je ne sollicite pas ce consentement, M. le Président.
Le Vice-Président
(M. Ouimet) : Juste un instant. Question de règlement, Mme la
leader adjointe?
Mme Thériault :
M. le Président, je pense qu'il y avait déjà eu un consentement pour qu'ils
présentent leur première motion suite à la déclaration ministérielle. Donc, ça
prend un consentement, mais nous le donnons, M. le Président.
Le Vice-Président
(M. Ouimet) : Alors, vous avez raison, Mme la leader adjointe
de l'opposition officielle. Voilà, vous êtes à votre deuxième motion, effectivement.
Procéder à l'audition des dirigeants du Fonds
de solidarité FTQ sur la gouvernance du fonds
M.
St-Arnaud : Alors, M. le Président, ça me rassure, ça me rassure sur l'efficacité de nos équipes. Alors
donc, M. le Président, je suis très heureux d'avoir ce consentement de la part
de tous les membres de cette Assemblée, et, M.
le Président, je sollicite donc le consentement des membres de cette Assemblée afin de présenter, conjointement
avec le député de Lévis, le député de Mercier et le député de Blainville, la
motion suivante :
«Que
l'Assemblée nationale confie à la Commission des finances publiques
le mandat d'entendre, le mardi 5
novembre 2013 pour une durée de 5 heures, le président-directeur général et le président du conseil
d'administration du Fonds de solidarité FTQ afin de présenter les mesures
d'améliorations de sa gouvernance, plus particulièrement les changements
apportés en 2009, [ainsi que l'Autorité des marchés financiers];
«Qu'une période de 15 minutes
soit prévue pour les remarques préliminaires;
«Que le temps dévolu
au parti formant le gouvernement et au parti formant l'opposition officielle
pour les remarques préliminaires soit de 6 minutes chacun, et que le temps
dévolu au deuxième groupe d'opposition soit de 3 minutes;
«Que
la durée maximale de l'exposé pour les dirigeants du Fonds de solidarité soit
de 40 minutes et que l'échange avec les membres de la commission soit
d'une durée maximale de 140 minutes;
«Que
le temps dévolu au parti formant le gouvernement soit de 64 minutes; et que le temps dévolu aux
députés de l'opposition soit de 76 minutes;
«Que
la durée maximale de l'exposé pour l'Autorité
des marchés financiers soit de 30
minutes et que l'échange avec les membres de la commission soit d'une
durée maximale de 90 minutes;
«Que
le temps dévolu au parti formant le gouvernement soit de 41 minutes et que le temps dévolu aux
députés de l'opposition soit de 49 minutes;
«Qu'une
période de 15 minutes soit prévue pour les remarques finales partagée de la
même façon que pour les remarques préliminaires;
«[Et
finalement, M. le
Président,] que la ministre du Travail soit membre de la dite
commission pour la durée du mandat.» Voilà, M. le Président.
Le
Vice-Président (M. Ouimet) : Alors, merci, M. le ministre.
Alors, y a-t-il consentement pour débattre de cette motion? M. le leader
adjoint du gouvernement.
M. Traversy :
M. le Président, il y a consentement, sans débat, pour la motion.
Mise
aux voix
Le Vice-Président
(M. Ouimet) : Très bien. Alors, cette motion est-elle adoptée?
Des voix :
Adopté.
Le
Vice-Président (M. Ouimet) : La motion est adoptée. Y a-t-il d'autres motions sans préavis? Il n'y en
a pas?
Avis touchant les travaux des
commissions
Nous allons maintenant
passer aux avis touchant les travaux des commissions. M. le leader adjoint du gouvernement.
M.
Traversy : Merci, M. le Président. Alors, aujourd'hui, aux avis touchant les travaux des commissions,
nous avons… et j'avise cette Assemblée, M. le Président que la Commission des
institutions, avec mon collègue
de Chambly, poursuivra l'étude
détaillée à l'égard du projet de loi
n° 28, un projet de loi que vous connaissez certainement, Loi
instituant le nouveau Code de procédure civile, aujourd'hui, de 15 heures à 17 h 30,
à la salle Louis-Joseph-Papineau.
La
Commission de la santé et des
services sociaux entamera les
consultations particulières, quant à elle, et les auditions sur le
document intitulé L'autonomie pour tous, livre blanc sur la création
d'une assurance autonomie, aujourd'hui, de 15 heures à 18 h 15, à la
salle du Conseil législatif.
Le
Vice-Président (M. Ouimet) : Très bien. Et, pour ma part, je
vous avise que la Commission de l'économie et du travail se réunira en séance de travail aujourd'hui et après les
affaires courantes jusqu'à 13 heures, à la salle RC.161 de l'hôtel du
Parlement. L'objet de cette séance est de statuer sur une demande du député de
Chomedey afin que la commission se saisisse
d'un mandat d'initiative concernant la Loi éliminant le placement syndical
et visant l'amélioration du fonctionnement de l'industrie de la
construction.
Je
vous avise également que la Commission de l'administration publique se réunira
aujourd'hui, à la salle des Premiers-Ministres
de l'édifice Pamphile-Le May, en séance de travail, après les affaires
courantes jusqu'à 13 heures, afin de
préparer l'audition portant sur la déficience intellectuelle et les troubles
envahissants du développement; en séance publique, de 15 heures à 18 heures, afin d'entendre le ministère de la
Santé et des Services sociaux, les agences de la santé et des services sociaux de Montréal et de la
Montérégie, le Centre de santé et des services sociaux de Rivière-du-Loup
ainsi que le centre de réadaptation de
déficience intellectuelle et en troubles envahissants du développement de
Montérégie-Est; et en séance de travail, de 18 heures à 18 h 30, afin
de statuer sur les observations, les conclusions et, s'il y a lieu, les
recommandations à la suite de ces auditions.
Renseignements sur les travaux
de l'Assemblée
À
la rubrique, maintenant, Renseignements sur les travaux de l'Assemblée, j'ai
été informé que l'interpellation qui devait se tenir demain, jeudi 24
octobre, de 13 heures à 15 heures serait déplacée au jeudi 31 octobre de 13
heures à 15 heures.
Y
a-t-il consentement pour déroger à l'article 298 du règlement relativement à
l'horaire habituel des interpellations
et, le cas échéant, l'article 20 du règlement afin que l'interpellation puisse
se dérouler dans la salle de l'Assemblée nationale et que les travaux de
l'Assemblée soient suspendus pour une période équivalente à l'accomplissement
de ce mandat?
Des voix :
Consentement.
Le Vice-Président
(M. Ouimet) : Consentement.
Affaires
du jour
La
période des affaires courantes étant terminée, nous allons maintenant passer
aux affaires du jour. Alors, pour la suite des choses, M. le leader
adjoint du gouvernement.
• (12 h 10) •
M. Traversy :
M. le Président, depuis le début de cette semaine, nous sommes dans la
discussion d'un débat qui anime le Québec
depuis plusieurs mois et plusieurs années. J'aimerais donc que vous appeliez
l'article 11 du feuilleton pour le continuer aujourd'hui.
Projet
de loi n° 52
Reprise du débat sur
l'adoption du principe
Le Vice-Président (M. Ouimet) :
Alors, à l'article 11 du feuilleton, l'Assemblée reprend le débat ajourné le 22 octobre 2013 sur l'adoption du principe du
projet de loi n° 52, Loi concernant les soins de fin de vie. Alors, y a-t-il
des intervenants? Mme la députée de Champlain, je vous cède la parole.
Mme Noëlla Champagne
Mme
Champagne :
Merci, M. le Président. Alors, aujourd'hui, j'ai l'immense honneur et privilège
d'intervenir sur le projet de loi n° 52, qui donne suite à nos travaux sur
la commission qui s'est tenue pendant, je dirais, plusieurs années, la commission mourir dans la dignité, et
j'ai devant moi celle qui a présidé la plus grande partie de cettecommission-là, la députée de Gatineau… de Hull — je
dis Gatineau, c'est toujours l'erreur que je fais, alors je me corrige,
la députée
de Hull — qui, je
pense, suit les travaux sur le projet
n° 52 avec beaucoup, beaucoup, beaucoup
d'attention. Parce qu'elle a donné du temps, elle a donné du cœur puis elle
a donné, avec ma collègue, maintenant ministre
déléguée aux Services sociaux, tout ce qu'elles avaient, je pense, en elles,
ces deux dames, pour faire que cette commission-là atterrisse avec un document
qui a fait, je pense, le tour du monde, et je n'exagère que très peu.
Et ce
document-là, qui a été déposé en 2012 suite à des travaux qui avaient débuté en
2009, le 4 décembre 2009, suite à une motion qu'a créée cette commission-là,
spéciale, afin d'étudier la question de mourir dans la dignité, ça a été, M.
le Président, là, de mémoire — et
c'est encore très frais à ma mémoire — des
moments, je dirais, particulièrement intensifs
de chacun des parlementaires présents à cette commission. Les parlementaires de toutes les formations politiques étaient invités à
participer, avec des délégués… pour participer à cette commission qui parlait
de valeurs, qui parlait de valeurs
profondes. Il fallait définitivement arriver autour de cette table-là avec une
ouverture d'esprit. On ne pouvait pas aller travailler dans une telle commission
si, au départ, on était totalement contre ou on voyait ça comme quelque chose
d'anodin.
Et les informations que j'ai reçues de la part de nos invités spéciaux, nos spécialistes,
nos personnes qui avaient toute, je
dirais, la légitimité pour venir nous informer des tenants et des aboutissants
d'aller dans tel sens ou dans tel autre sens d'une telle décision vers laquelle on s'en allait, du moins au
départ, ce n'était pas une décision comme des orientations qu'on voulait
donner. Et, quand on s'entend, dans une commission parlementaire, de façon
aussi, je dirais… qu'on s'implique de façon
aussi personnelle, parce qu'on met sur la table nos propres états
d'âme, nos propres émotions face à un débat qui parle de la vie et de la
mort des gens…
Je vous dis, M. le Président, qu'après plus d'un an, dans mon cas, parce que j'ai succédé à une
de mes collègues à cette commission-là,
j'ai eu des mardis matins, et la députée
de Hull va s'en rappeler, des mardis
matins où j'arrivais de Trois-Rivières et, pendant 1 h 15, 1 h 30, j'étais dans mes réflexions sur les
discussions que nous allions avoir 1 h 15 plus tard, parce que
tu devais le réfléchir, et ces discussions-là sur cette commission-là m'ont
interpelée et ont interpelé les gens autour de moi de façon très intensive et
tellement humaine.
Tu ne peux pas parler de cette commission-là,
sur mourir dans la dignité, sans parler de soins palliatifs, bien évidemment, et on sait que c'est revenu
régulièrement dans nos discussions, sans parler également des hésitations,
des craintes des gens qu'on rencontrait. Et, que ce soient les groupes comme la
FADOQ, la Fédération de l'âge d'or du Québec,
que ce soient des groupes comme les AQDR du Québec, les associations
québécoises de défense des droits des retraités, que ce soit… peu
importe l'organisme qui nous interpelait, dans chacun de nos milieux, on
s'entend, M. le Président, que ce ne sont
pas seulement les membres de la commission qui ont été interpelés, ce sont tous
les membres de ce Parlement qui, à l'époque, dans le mandat auquel
s'est… dans lequel s'est tenu cette commission, ce sont tous les parlementaires
qui ont été interpelés dans chacun de leurs milieux. Et, dans chacune de nos
formations politiques, il y avait des débats internes, des échanges plus que
des débats, sur la suite à donner à cette fameuse commission là.
Alors, je ne
referai pas toute la commission puisque je sais que, depuis hier, le débat se
tient et qu'on a bien parlé de 32
experts, on a parlé de 273 mémoires, on a parlé de 239 personnes et organismes
entendus, on a parlé de 29 jours d'auditions publiques, on est allés
dans huit villes du Québec, dont Trois-Rivières, on a rencontré 114 personnes pendant
la période de micro ouvert, qui était une première, un peu. Après ta
commission, tu permettais à des gens qui n'avaient
pas de mémoire de venir se faire entendre. Et j'ajoute, M. le Président, ça
vous a été dit peut-être hier et vous devez
l'avoir en mémoire, 6 558 réponses au questionnaire en ligne, ce n'est
quand même pas peu, 16 000 commentaires reçus par courriel, par la
poste, par téléphone, et ça, on ne compte pas toutes les interventions dans nos
bureaux de comté auprès de nos attachés politiques. Il y a eu 21 rencontres
pendant la mission en France, aux Pays-Bas et en Belgique. Et quatre de nos collègues sont allés, quatre collègues qui
ont fait de cette mission-là, là, je dirais, une mission hors du commun.
Et 51 séances de travail des membres en commission parlementaire.
Je dis aujourd'hui à la députée de Hull, qui est
ici présente en cette Chambre, et à tous les autres collègues qui ont participé : Quelle belle expérience
nous avons vécue. Jamais plus on ne pourra se rencontrer à l'intérieur,
dans les couloirs du Parlement, sans se
reconnaître différemment, n'est-ce pas? Et je pense que cela permet à un député
de grandir, permet également aux équipes qui nous entourent de grandir
également parce que c'est avec eux qu'on partageait parfois nos hésitations,
nos questionnements. Nos propres familles, M. le Président, ont été prises à
partie dans cette grande discussion-là.
Alors,
quand, le 22 mars 2012, après 51 séances de travail, on a déposé le document,
on n'était pas peu fiers rien qu'à peu près. Je nous vois tous en ligne
et avec un sentiment de fébrilité beaucoup meilleur. M. le Président, je me permets de vous dire
qu'un soir de campagne électorale on est tous excités, là. C'était un moment
intense, humain, et je le dis
aujourd'hui puis j'ai le bonheur de le partager avec vous autres. Alors, vous
savez, là, vivre ces moments-là, ça nous change pour toujours, puis on
reste toujours avec toutes sortes de petits doutes, qu'on le veuille ou pas,
parce qu'on veut aller assez loin, pas trop
loin. On ne veut pas heurter, on veut rassurer puis on est conscients qu'à
quelque part on va avoir à vivre avec
les décisions que nous aurons à prendre puisqu'aujourd'hui on parle d'un projet
de loi. Un projet de loi, là, qui donne suite à 24 recommandations
unanimes de l'ensemble des députés sur la commission, qui représentent
l'ensemble des formations… présenté 24 recommandations.
Et
je dis à ceux et celles qui nous écoutent… parce qu'on sait, M. le Président,
qu'il y a des millions de personnes qui nous écoutent, n'est-ce pas?
Alors, je dis à ces personnes-là ou celles qui viennent me voir encore :
Moi, je n'ai même plus en main les documents
de la commission parce que je les ai tous distribués. Mais il y a moyen d'aller
sur le site et d'aller chercher l'information. Et, pour ceux qui veulent
le lire de façon plus… admettons, plus raccourcie, bien, il y a un document
résumé. Il y a eu 12 recommandations sur la bonification des soins de fin de
vie. On n'a pas parlé seulement de soins de fin de vie ou de mesures létales, on
a parlé de bonification de soins de vie, oui, de sédation palliative, de directives médicales anticipées et
de l'information qu'on doit donner au patient — c'était très large comme
commission — et
les 12 recommandations sur l'aide médicale à mourir, qui, bien sûr, incluent
une approche intégrée pour les fins de vie.
Alors,
le projet de loi, aujourd'hui, que ma collègue la ministre déléguée aux
Services sociaux a déposé, c'est un projet
de loi qui reflète cette réalité-là, dans lequel il y a eu beaucoup de soins de
pris. J'écoutais ma collègue hier après-midi en commission
parlementaire, et elle le disait : Ce projet de loi là, il est en droite
ligne avec les recommandations du rapport.
Il s'inscrit dans la même lignée de toutes ces recommandations-là. Le projet de
loi, il concerne les soins de vie puis les tissus d'une réflexion
approfondie sur le sujet et basée sur de multiples recommandations. Ce n'est
pas un projet de loi… On a pris le temps de
le faire. Ma collègue a pris près d'un an avant de le déposer parce qu'elle
voulait y mettre toute son intensité et mettre toutes les valeurs qu'on
avait pu ressortir de cette réflexion-là. C'est une réponse aux demandes de la
société québécoise. Il y a de la demande, il y a une acceptabilité sociale très
grande dans ce projet-là. Il n'y a pas
unanimité, là, on ne se leurre pas, mais il y a une acceptabilité sociale très
grande, avec toutes les précautions qu'on y prend.
Vous savez, on vit
dans une société qui est ouverte, une société qui est solidaire, on le dit, une
société qui est empreinte de compassion, de
valeurs humaines, une société qui est capable de réfléchir, une société qui est
capable d'agir pour le bien-être de
tous. Maintenant, on est à l'époque d'atterrissage. On est au moment où, avec
les parlementaires de la commission
parlementaire, on va devoir se repencher sur chacun des articles, dont deux
articles sur lesquels je vais dire quelques mots, là, si le temps me le
permet.
• (12 h 20) •
Alors,
le projet de loi n° 52, il vise à répondre aux besoins de personnes en fin
de vie, à prévenir puis à apaiser des souffrances.
Et je vais me permettre, M. le Président, tout en reconnaissant que c'est un
projet de loi qui est présenté à l'Assemblée
nationale suite à des recommandations votées
à l'unanimité… Puis une recommandation dans un tel projet de loi ne
doit pas rester sur une tablette, comme on l'appelle souvent, la tablette n° 13,
où elle s'empoussière. Ce document-là, si précieux, avec tellement
d'intervenants, se doit d'accoucher d'une loi. Et cette loi-là va engager les gouvernements
qui vont nous suivre, c'est une loi d'engagement. Alors, je comprends qu'on va avoir des interrogations, qu'il va y avoir des discussions sur certains articles.
C'est sain et ça doit se faire. Mais je m'attends, M. le Président — je
suis une fille positive qui a des attentes — à ce que ça se fasse avec
autant de respect et de dignité qu'on a pu le vivre, nous, en commission
parlementaire sur le droit de mourir dans la dignité.
Là, on parle d'un projet
de loi sur des soins de fin de vie dans lequel on inclut l'ultime, la grande
finale, si nécessaire, mais avec tellement
de balises que je ne vois pas la possibilité de dérapage, tout en comprenant que
l'humain n'est pas parfait.
Je dis également que
cette vision-là qu'on a sur les soins de fin de vie —et là la
phrase est importante, M. le Président, puis je vois à quel point vous écoutez
avec attention, là — ça
s'inscrit dans un continuum de soins. Les soins
d'abord. L'aide médicale à la fin de ta vie d'abord.
De telle sorte que les personnes vont pouvoir avoir accès à des soins
adaptés à leurs situations dans le respect de leurs décisions.
Puis il y a trois
grands principes sur lesquels on a tellement travaillé, que… je relisais ça,
là, hier soir et ce matin, et je me dis que,
quand on parle de ces trois grands principes là, qui sont des principes forts
et qui sont des phares qui vont
guider le projet de loi, c'est : le respect de la personne en fin de
vie, la reconnaissance de ses droits et libertés qui doivent inspirer
chacun des gestes posés à son endroit, la personne en fin de vie doit, en tout
temps, être traitée avec compréhension,
compassion, courtoisie, équité, dans le respect de sa dignité, de son
autonomie, de ses besoins et de sa sécurité.
Ce n'est pas rien que des mots, on les a travaillés plus de deux ans, ce sont
les mêmes mots. Et je sais à quel point il va en être question dans la commission
parlementaire. Et les membres de
l'équipe des soins responsables d'une personne en fin de vie vont devoir
établir et maintenir avec elle une communication ouverte et honnête.
Alors, vous savez,
là, il y a eu beaucoup d'attentes, beaucoup d'intérêt, beaucoup d'espoir
suscités par les travaux de la commission parlementaire. Et nous avions la responsabilité comme gouvernement… Et je le dis, là, en toute sincérité si ce n'était pas nous qui
étions au gouvernement, le gouvernement en place aurait la même responsabilité
comme gouvernement de donner suite à cette fameuse commission parlementaire là.
Je
dis également ceci, que le projet de loi n° 52 prévoit une option
exceptionnelle pour répondre à des souffrances exceptionnelles, soit
l'aide médicale à mourir. Et là je viens me référer à l'article 26, là, qui
décrit de façon explicite les critères devant être rencontrés pour qu'une
personne en fin de vie puisse obtenir l'aide médicale à mourir. Et, si
quelqu'un pense que ça va se faire juste d'un coup de téléphone : Bonjour,
merci, peux-tu m'aider à mourir, bien, c'est bien de valeur, ça ne se passera
pas comme ça, n'est-ce pas?
Alors,
j'arrive à mon article 26, sur lequel je sais que les discussions vont durer
longtemps : «Seule une personne qui satisfait aux conditions
suivantes peut obtenir l'aide médicale à mourir : elle doit être majeure,
apte à consentir aux soins et être une
personne assurée au sens de la loi sur l'assurance maladie — ça, ça va de soi, personne ne va
contester ça, je ne pense pas; elle doit être atteinte d'une maladie grave et
incurable; sa situation médicale se caractérise par un déclin avancé et
irréversible de ses capacités.» C'est ça. Plus fin que ça, là, je ne pense pas
que ça existe, là.
Sa situation
médicale, le point 3, «sa situation médicale se caractérise par un déclin
avancé et irréversible de ses capacités».
Ça s'ajoute à la maladie grave et incurable. «Elle éprouve — la personne — des souffrances physiques ou
psychiques constantes, insupportables […] qui ne peuvent être apaisées dans des
conditions qu'elle juge tolérables.
«La personne
doit, de manière libre et éclairée, formuler pour elle-même — elle
doit le formuler, le dire — la
demande d'aide médicale à mourir au moyen d'un formulaire prescrit par le ministre.
Ce formulaire doit être daté et signé par cette personne ou, en cas
d'incapacité physique de celle-ci, par un tiers.» Mais la personne doit elle-même
manifester le besoin. «Le tiers ne peut être un mineur ou un majeur inapte et
ne peut faire partie de l'équipe des soins responsable de la personne.
«Le
formulaire est signé en présence d'un professionnel de la santé et des services sociaux qui le contresigne et qui, s'il n'est pas le médecin traitant de
la personne, le remet à celui-ci.»
L'article
28 : «Avant d'administrer l'aide médicale à mourir, le médecin doit être
d'avis que la personne satisfait aux
conditions [de] l'article 26», qui, en soi, comprennent quatre éléments
majeurs, et, bien évidemment, l'aide médicale à mourir, avant de l'administrer, le médecin doit, «en s'assurant auprès
d'elle du caractère libre de sa demande,
en vérifiant entre autres qu'elle ne
résulte pas de pressions extérieures», genre : Tu dois mourir, maman, là,
hein? Tu n'en peux plus. Ce n'est pas
ça, là. Ça ne sera pas retenu. «en s'assurant — également — auprès
d'elle du caractère éclairé de sa demande, notamment en l'informant du
pronostic, des possibilités thérapeutiques envisageables et de leurs
conséquences; en s'assurant de la
persistance de ses souffrances et de sa volonté réitérée…» Pas juste, un bon
matin : Là, c'en est assez, je ne veux
plus vivre, là. Ce n'est pas ça, là. Donc, «sa volonté réitérée d'obtenir
l'aide médicale à mourir, en menant avec elle des entretiens à des
moments différents, espacés par un délai raisonnable compte tenu de l'évolution
de son état».
Alors, ce que
je vous dis, M. le Président, cette personne-là, après avoir passé toutes ces
étapes-là, là, va devoir en plus
s'entretenir «de sa demande avec des membres de l'équipe de soins en contact
régulier avec elle, le cas échéant; en s'entretenant
de sa demande avec ses proches, si elle le souhaite; s'assurer que la personne
a eu l'occasion de s'entretenir de sa
demande avec les personnes qu'elle souhaite contacter; obtenir l'avis d'un
second médecin confirmant le respect des conditions prévues à l'article
[27]».
Alors, M. le Président, quand je regarde ça, et
je regarde tout ce qui est écrit là, je me dis : Il n'y a personne, il n'y a
strictement personne qui va s'en aller à la mort les yeux fermés. Personne ne
va faire cela. Tous les autres soins, et on a ajouté il n'y a pas longtemps
puis encore cette semaine de l'aide encore davantage plus grande pour les soins
palliatifs, ce qui nous a été répété et
demandé. Et la députée de Hull peut
le confirmer, ça nous a été demandé et redemandé, de s'assurer d'abord
que tous les soins accordés aux personnes étaient disponibles.
Alors, M. le
Président, après tous ces commentaires, cette merveilleuse commission
parlementaire sur le droit de mourir
dans la dignité, je suis aujourd'hui devant vous en réitérant évidemment mon
appui aux membres de la commission, qui
vont devoir se pencher sur le projet de loi article par article, et en
souhaitant avec toute l'ardeur dont je suis capable de revenir en
Chambre dans un temps raisonnable — on ne poussera pas sur le dos
de personne, puis on ne heurtera pas personne,
on n'en est pas là, là — permettre aux gens de la commission dans un respect de faire
valoir leurs commentaires, de nous aider à améliorer cette réflexion si
importante pour la suite des choses.
Et, quand ce
projet reviendra au salon bleu, ce sera pour une adoption finale après avoir
pris toutes les précautions nécessaires
comme parlementaires afin que la société soit très fière de nous et qu'on
puisse dire, comme plein de gens qui sont venus nous rencontrer en commission
parlementaire : Bravo, vous avez bien travaillé.
Et j'ajoute,
M. le Président, en cette fin de commentaire, que, vous savez, un projet de
loi, ce n'est jamais quelque chose de fini et de bouclé à tout jamais.
Il y a toujours lieu de le bonifier et de l'améliorer. Mais on va s'assurer
avec les collègues des partis d'opposition
que c'est fait dans le respect des gens, que c'est fait dans le respect des
gens qui sont venus nous rencontrer et que c'est fait dans le respect
des gens qui auront un besoin et un accès un jour à ce projet de loi là. Merci
beaucoup, M. le Président.
• (12 h 30) •
Le Vice-Président (M. Ouimet) :
Alors, merci à vous, Mme la députée de Champlain. Mme la députée de
Bourassa-Sauvé pour votre intervention.
Mme Rita de Santis
Mme de Santis :
Merci, M. le Président. Le 4 décembre 2009, les membres de l'Assemblée
nationale ont adopté unanimement une
motion créant une commission spéciale afin d'étudier la question de mourir dans
la dignité. Le 25 mai 2010, la commission
spéciale de l'Assemblée nationale a
rendu public un document de consultation sur cette question. La commission
spéciale a produit son rapport en mars 2012. Le projet de loi n° 52 a été par la suite présenté à l'Assemblée
nationale en juin 2013.
Je suis, nous
sommes fiers de la qualité et de la sérénité des travaux qui ont mené au projet de loi n° 52. L'exercice, un travail effectué sur un sujet extrêmement complexe et sensible pour tout le monde, y compris tous les parlementaires, s'est déroulé et se déroule
dans un contexte non partisan. Tous les parlementaires ainsi que tous ceux et
celles qui ont présenté des mémoires à la Commission de santé et services sociaux ont fait
preuve de respect, d'une qualité d'écoute, d'une rigueur et d'une
compréhension des enjeux d'une rare qualité. Merci, merci.
Notre
ami le ministre responsable des Institutions démocratiques et de la
Participation citoyenne devrait en prendre bonne note. Quand on discute de valeurs fondamentales, on écoute, on
essaie de rassembler, on ne procède pas à diviser pour régner, diviser pour conquérir. Il faut être
très sensible aux débats qui font appel autant à des arguments
rationnels qu'à des valeurs personnelles et
à des croyances intimes. Je veux souligner la sensibilité de notre chef
Philippe Couillard qui a annoncé qu'il permettra un vote libre sur le
projet de loi.
Si le projet de loi est adopté, les soins de fin
de vie, y compris les soins palliatifs, constitueront dorénavant un droit pour tout usager du réseau de la santé et
des services sociaux. Mais oui et non un droit, car le tout s'applique
en tenant compte des ressources humaines, matérielles et financières dont les
établissements et les maisons de soins palliatifs
disposent. Le véritable défi que pose le projet de loi pour le réseau de la
santé n'est pas tant dans l'encadrement proposé que dans les ressources qui seront consenties. Nous vivons dans
un contexte où 80 % des patients n'ont pas accès aux soins palliatifs. Le soutien financier n'est
pas au rendez-vous. Il faut se poser la question : Avons-nous les
ressources financières pour permettre un accès aux soins palliatifs à tous ceux
qui en ont besoin? Ce qui doit être visé, c'est un accès concret et réel aux
services de soins palliatifs de fin de vie, au bénéfice de tous les citoyens
qui le requièrent.
D'abord,
j'aimerais souligner qu'il existe, dans notre société, une grande confusion
entre l'aide médicale à mourir
et le retrait des soins qui n'ont plus
d'effets bénéfiques, deux réalités totalement différentes, tant du point de vue
médical qu'éthique. Dans nos communications avec nos concitoyens, c'est
important qu'ils comprennent la différence.
Quant au projet de loi, il y a un manque
important de précision quant aux définitions des expressions qui sont
utilisées. Premier exemple, il existe plus d'une définition des soins
palliatifs. Selon la définition de l'Organisation mondiale de la santé, je cite : «Les soins palliatifs sont
l'ensemble des soins actifs et globaux dispensés aux personnes atteintes d'une maladie avec pronostic réservé.
L'atténuation de la douleur, des autres symptômes et de tout problème psychologique, social et spirituel devient
essentielle au cours de cette période de [la] vie. [...]La plupart des aspects
des soins palliatifs devraient également être offerts plus tôt au cours de la
maladie, parallèlement aux traitements actifs.» Fin de citation.
L'Organisation
mondiale de la santé complète sa définition en soulignant que — je cite — «les soins palliatifs soutiennent la
vie et considèrent la mort comme un processus normal, ne hâtent ni ne retardent
la mort, atténuent la douleur et les autres
symptômes, intègrent les aspects psychologiques et spirituels des soins,
offrent un système de soutien pour permettre aux usagers de vivre aussi
activement que possible jusqu'à la mort». Fin de citation.
Selon
l'Organisation mondiale de la santé, les soins palliatifs visent tous les
patients atteints de maladies chroniques potentiellement fatales, doivent être introduits dès l'annonce du
diagnostic et incluent même les services de deuil. Est-ce que c'est ceci
qui est la définition de soins palliatifs pour les fins du projet de loi
n° 52?
Quant à la
sédation palliative terminale, en réduisant l'état de conscience du patient, on
cherche, comme objectif, de soulager
la personne des symptômes réfractaires, c'est-à-dire insupportables et
résistants aux traitements. L'objectif primaire n'est pas de supprimer la vie. Oui, la sédation palliative est
théoriquement réversible, mais la réalité est qu'une fois la sédation amorcée, elle sera maintenue jusqu'au
décès. En parallèle et pour rester logique, l'alimentation et
l'hydratation seront souvent simultanément
interrompues; l'alimentation pourrait aggraver l'inconfort du patient. Bien que
la sédation palliative n'ait pas pour
intention primaire de raccourcir la durée de vie ou d'y mettre fin, elle aura
indirectement la mort par conséquence. La décision d'entamer une
sédation palliative implique donc toujours un choix concernant la fin de vie.
Mais
Louis-André Richard, professeur de philosophie au cégep de Sainte-Foy, et Dr
Michel L'Heureux, le directeur général
de La Maison Michel Sarrazin, soutiennent que la sédation palliative terminale
n'est pas l'aide médicale à mourir, mais
eux-mêmes écrivent, dans leur ouvrage Plaider pour une mort digne, que
je cite : «La sédation palliative continue entraîne l'arrêt de
l'alimentation et surtout de l'hydratation, ce qui pourrait abréger la vie d'un
malade avec un long pronostic de survie. En
effet, il est communément admis en médecine que, sans hydratation, la capacité
de survie d'un être humain malade
diminue rapidement au-delà d'une semaine [sans hydratation]. La possibilité de
maintenir une [déshydratation] artificielle, pendant une sédation
continue qui serait prolongée, est peu recommandable, à cause des complications
de surcharge de liquides en fin de vie.» Fin de citation.
Alors, moi, Rita, je ne suis pas sûre que je
comprends où se trouve cette ligne fine entre la sédation palliative terminale
et aide médicale à mourir.
Dr L'Heureux
affirme aussi que — je
cite — «beaucoup
de gens pensent que, quand on est rendu à la morphine, on fait mourir la
personne plus vite. C'est faux. C'est un mythe de dire que la morphine fait
mourir.» Fin de citation.
Il y a
d'autres médecins qui affirment que la morphine ou tout autre morphinique ne
convient pas pour induire et assurer une sédation. Les effets
secondaires, hallucinations visuelles, auditives, tactiles, les myoclonies, les
nausées provoquées par l'augmentation des
doses morphiniques, sont très mal vécus, mais quel est le cocktail de
médicaments lors d'une sédation palliative
terminale? Le projet de loi n° 52 ne nous informe pas. Le projet de loi ne
définit pas ce qui est la sédation palliative terminale.
Le projet de loi n° 52 prévoit que le
consentement à la sédation palliative terminale peut être donné par la personne qui souhaite le recevoir ou, le cas
échéant, la personne habilitée à consentir pour elle. Je suis un peu déçue
que le projet de loi ne prévoie pas plus de
balises quant à la sédation palliative terminale. Assimiler sédation et mort
naturelle est en fait une construction qui
permet d'évacuer un sentiment de culpabilité et de considérer l'acte comme
moralement bon, supérieur aux autres
interventions médicales possibles. Pourtant, ce n'est pas un sommeil mais un
coma médicamenteux dûment induit.
• (12 h 40) •
La
sédation palliative terminale n'est, dans les faits, pas moins problématique
que l'aide à mourir... médicale à mourir.
Et, oui, on retrouve, dans le projet de loi n° 52, des balises, des vraies
balises quant à l'aide médicale à mourir, où un médecin, un tiers met
intentionnellement fin à la vie d'une personne à la demande de celle-ci, et
celle-ci doit être majeure
et apte à consentir. Contrairement au
consentement à la sédation palliative terminale, une personne habilitée
à consentir aux soins de l'autre personne ne peut pas consentir à l'aide
médicale à mourir pour elle.
Moi,
personnellement, je ne vois pas comment on peut être d'accord avec la sédation
palliative terminale et non pas avec
l'aide médicale à mourir, à moins que le projet de loi ne soit absolument clair
que, dans le cas d'une sédation palliative
terminale, on ne touche pas à l'alimentation et l'hydratation, qu'on définit
clairement le cocktail de médicaments à administrer pour une sédation
palliative terminale et qu'on peut m'affirmer sans équivoque que ce cocktail ne
provoque pas le décès.
Advenant
qu'on est d'accord avec l'aide médicale à mourir, je pose la même question que
le Barreau et d'autres se sont posée
quant aux directives médicales anticipées. L'article 45 du projet de loi
porte sur les directives médicales anticipées
et vise les soins médicaux qui pourraient être requis par l'état de santé d'une
personne majeure apte à consentir aux soins. On définit «soins de fin de
vie» à l'article 3 du projet de loi. Est-ce que l'expression «les soins
médicaux» à l'article 45 inclut les
soins de fin de vie? Si le projet de loi sera adopté, je suis d'accord avec le
Barreau que les directives médicales anticipées devraient être ouvertes
et utilisables pour les soins de fin de vie, y compris la sédation palliative terminale et l'aide médicale à mourir, et que le
projet de loi devrait être modifié pour que cela soit clair et non
équivoque.
Le
projet de loi, si adopté, devrait tenir compte de façon plus complète des
volontés exprimées par des personnes aptes qui sont devenues inaptes et
qui seraient autrement en droit d'obtenir une aide médicale à mourir. Si les directives médicales anticipées peuvent inclure
l'aide médicale à mourir, il faudra prévoir la possibilité qu'une
personne devenue inapte puisse retirer sa demande. Rappelons-nous, anticiper
une situation n'est pas toujours la même chose que vivre la situation.
Et aussi je prends
note que le Curateur public, dans sa lettre du 5 septembre 2013 à la
commission, nous rappelle, je cite :
«Enfin, nous rappelons que tout majeur est présumé apte à consentir à ses
soins, et ce, même s'il bénéficie d'une
mesure de protection, à savoir un régime de protection ou un mandat de
protection homologué.» Fin de citation.
Un autre élément que
je trouve un peu troublant avec le projet de loi n° 52 est qu'en limitant
l'aide médicale à mourir aux seuls adultes
aptes on exclut les personnes répondant aux autres conditions médicales
décrites à l'article 26 du projet de loi mais qui seraient devenus
inaptes ou l'auraient toujours été. Nous craignons, en effet, deux catégories
de citoyens, car pas tous les citoyens
auront droit aux mêmes soins de fin de vie. Les souffrances constantes,
insupportables qui ne peuvent pas être
apaisées dans des conditions qu'un médecin traitant juge tolérables ne sont pas
plus supportables parce qu'une personne n'est pas majeure ou est inapte.
Si on accepte que le
projet de loi maintienne l'aide médicale à mourir, je suis d'accord avec le
Collège des médecins qui dit, et je cite : «Cette question des patients
inaptes à consentir aux soins, notamment les mineurs, devra inévitablement être abordée. À nos yeux, une
certaine ouverture ne constituerait en rien une dérive, mais bien une
réponse plus complète à la question
initiale. [...]Dans une logique de soins, le fait que le patient soit apte ou
non à consentir aux soins est beaucoup moins déterminant, les patients
inaptes devant bénéficier non seulement de notre protection, mais également des meilleurs traitements disponibles.
Malheureusement, la moindre ouverture à ce que les patients inaptes puissent bénéficier de l'aide médicale à mourir
fait craindre les dérives. Tout en comprenant que le législateur se doit
d'être prudent, on peut, selon nous,
imaginer d'autres solutions que de fermer complètement la porte aux patients
inaptes, même ceux qui auraient rédigé des directives anticipées alors
qu'ils étaient encore aptes.» Fin de citation.
L'article 26
du projet de loi propose six critères
d'accès à l'aide à mourir. Trois critères sont médicaux : être
atteint d'une maladie grave incurable, avoir une situation médicale
caractérisée par un déclin avancé et irréversible de ses capacités, éprouver des souffrances physiques ou
psychiques constantes insupportables et qui ne devient… et qui ne
peuvent être apaisées dans des conditions jugées tolérables.
Je suis d'accord avec
le Collège des médecins, qui propose — et je cite — que «la
condition voulant que la mort soit inéluctable et imminente devrait être
formulée plus explicitement, en faisant appel à la notion de "phase terminale". Le plus simple serait probablement d'exiger que la personne soit en phase terminale, ce qui, tout en
laissant une marge dans l'interprétation,
limite quand même l'ouverture à des cas exceptionnels. Cette
exigence remplacerait la condition voulant que la situation médicale de
la personne se caractérise par un déclin avancé et irréversible de ses
capacités.» Fin de citation.
Mais
je suis aussi préoccupée par ce que le Collège des médecins écrit ailleurs dans leur
mémoire; même s'ils écrivent qu'ils
sont d'accord et qu'ils souscrivent au deuxième objectif du projet de loi, soit celui d'assurer la primauté aux volontés exprimées par la personne à l'égard de ses soins, le
collège écrit, je cite : «…il faut éviter de laisser croire que toutes les volontés exprimées seront nécessairement respectées. Même quand on veut bien reconnaître la primauté de
ces volontés, il reste que d'autres éléments sont essentiels pour la prise de
décision en situation clinique : le jugement médical, celui des autres intervenants de l'équipe de soins et parfois celui des
proches. Ceci est d'autant plus vrai quand il s'agit de soins extrêmes
[...] exceptionnels comme l'aide médicale à mourir où s'ajoute alors une autre
contrainte déterminante : les limites que la société a décidé d'imposer à
tous ces acteurs et qui font justement l'objet du débat actuel.» Fin de
citation.
Comment
interpréter ce commentaire? Comment les médecins agissent ou comment
vont-ils vraiment agir face aux volontés exprimées par leurs
patients?
Si
le projet de loi sera adopté, il y aura toujours
des questions qui vont demeurer, le sujet étant très complexe et sensible. C'est une bonne chose que le projet de loi assure la poursuite de la réflexion par le biais de la commission sur les soins de fin de vie, qui doit aussi surveiller l'application de la loi
et favoriser l'évolution des pratiques. Dans le cadre de son mandat de surveillance de l'aide médicale à
mourir, la commission devra également exercer une vigilance particulière
concernant l'impact de l'application des dispositions de la loi sur divers
groupes de personnes vulnérables, comme proposé
par la Protectrice du citoyen. Les
conclusions de la commission devraient être publiques et faire
obligatoirement partie de son bilan quinquennal portant sur l'application de la
loi.
Parce que je crois qu'il y
a une ligne fine entre la sédation palliative terminale et l'aide médicale à
mourir, je suggère que non seulement les cas
d'aide médicale à mourir soient divulgués à la commission, comme prévu à
l'article 41 du projet de loi, mais aussi les cas de sédation palliative
terminale. Il est précisé, dans le projet de loi, qu'un mandat d'inaptitude même notarié ne constituera pas des
directives médicales anticipées. Il y a plus qu'un risque de confusion;
il y a déjà une confusion entre le mandat d'inaptitude et les directives
médicales anticipées. La différence entre ces deux documents n'apparaît pas
d'évidence; cette distinction doit être clarifiée.
J'appuie
l'objectif principal du projet de loi n° 52, qui est d'assurer aux
personnes en fin de vie les soins les plus appropriés possible, mais je
ne suis pas convaincue qu'on devrait adopter l'aide médicale à mourir. Quand
même, je voterai pour l'adoption du principe
du projet de loi, car le projet de loi mérite un examen encore plus approfondi
de ses articles, toujours dans un contexte non partisan et dans la
sérénité. Quant au vote pour l'adoption du projet de loi, on va attendre, et je
n'ai pas encore pris ma décision. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Ouimet) :
Alors, merci à vous, Mme la députée de Bourassa-Sauvé. Mme la leader adjointe
de l'opposition officielle.
• (12 h 50) •
Mme Thériault : Oui, merci,
M. le Président. Tout simplement, étant donné l'heure qu'il est, je voulais
vous informer qu'il y a eu discussion entre
le leader adjoint du gouvernement et de notre côté pour qu'on puisse permettre
au député de D'Arcy-McGee, qui va prendre la
parole sur cet important projet de loi, de continuer quelques minutes,
pas très longtemps, une minute ou deux, au-delà de l'heure qui est impartie
pour nos travaux.
Le
Vice-Président (M. Ouimet) : Alors, est-ce qu'il y a consentement, M. le leader adjoint du gouvernement?
M. Traversy : M. le
Président, après concertation avec l'opposition officielle, nous allons laisser une à deux minutes de
plus, là, au député pour qu'il puisse bien compléter son intervention sur la question.
Le Vice-Président (M. Ouimet) :
Très bien. Alors, M. le député de D'Arcy-McGee, à vous la parole.
M. Lawrence S. Bergman
M.
Bergman : Merci,
M. le Président. C'est vraiment un
privilège de prendre la parole aujourd'hui. Et le sujet devant nous fait partie d'une étude, un débat non partisan qui a
commencé avec la commission mourir dans la dignité, qui a reçu beaucoup
de mémoires et entendu les citoyens dans les villes de Québec. Je félicite les
députés de Jacques-Cartier, Hull et Joliette pour le leadership de cette commission, ainsi que tous les députés qui ont assisté à la commission.
M. le
Président, aujourd'hui, nous sommes à l'étape du débat sur l'adoption en principe du projet de loi n° 52, Loi concernant
les soins de fin de vie, Bill 52, An Act representing end-of-life care.
M. le Président, le projet de loi n° 52 est
le suivi de la commission mourir dans la dignité et le rapport que la commission
a publié.
M. le
Président, j'ai l'honneur d'être le
président de la Commission de la santé
et des services sociaux del'Assemblée nationale. La commission a tenu des consultations particulières et
des auditions publiques sur le projet
de loi n° 52. La
commission a reçu en auditions publiques 55 individus et groupes pour une
heure chacun. Les individus et groupes ont déposé et présenté des
mémoires. Et, en commission parlementaire, il y avait des discussions entre les
parlementaires et les présenteurs, des
discussions qui nous ont éclairés sur beaucoup de questions et sujets du projet
de loi n° 52. C'était une consultation de haute qualité et non partisane.
Mr. Speaker, participatory democracy was at its
best.
Je félicite
tous les membres de la Commission de la santé et des services sociaux, de tous
les côtés de la Chambre, incluant Mme
la ministre déléguée aux Services sociaux et la Protection de la jeunesse qui a
présenté le projet de loi n° 55... 52 à l'Assemblée nationale, Mme la députée de Gatineau, la porte-parole
de l'opposition officielle pour le projet de loi n° 52, ainsi que le député de Groulx, le porte-parole du
deuxième groupe d'opposition dans cette manière… en cette matière.
M. le Président, les mémoires ont été très bien
faits et nous ont donné beaucoup de réponses à des questions importantes.
M. le
Président, depuis les auditions, nous avons reçu une demande de sept autres
groupes pour être entendus, et je
suggère, en tant que président de la commission, qu'on entende les sept
groupes, qui peuvent nous éclairer sur quelques sujets importants qu'il serait… Et il serait facile pour moi et, je suis
certain, pour la commission et l'Assemblée, de trouver sept heures dans
les jours qui viennent pour entendre ces groupes, M. le Président. Le sujet est
trop important pour laisser à côté des groupes, et des idées, et des sujets qui
peuvent nous éclairer.
M. le
Président, la question des soins palliatifs, la qualité et l'accessibilité aux
soins palliatifs, était soulevée par la plupart des intervenants. Quand
on parle de soulager la souffrance, on doit insister sur l'importance et la
nécessité de soins palliatifs. Le Réseau de
soins palliatifs du Québec, Précieuse fin de vie, dans un mémoire
présenté à la commission spéciale
mourir dans la dignité en juin 2010 ont dit, et je le cite : «La
personne en fin de vie est toujours vivante et mérite toutes nos attentions. Cette période de la vie
suscite des craintes, des souffrances réelles, mais c'est aussi le temps
des bilans, des dernières rencontres. C'est un moment précieux dans la vie des
hommes...»
M. le
Président, l'article 5 du projet de loi n° 52, le premier alinéa est
écrit comme suit : «Toute
personne, dont l'état le requiert, a
le droit de recevoir des soins de fin de vie, sous réserve des exigences
particulières prévues par la présente loi.»
Nous avons eu le privilège d'entendre un expert sur le sujet, Pre Jocelyn
Downie, dans un mémoire et présentation devant la commission le 9 octobre 2013. Et elle nous a dit, et je la cite : «The Bill
clearly establishes the right to receive palliative
care. It also clearly establishes the obligation for institutions to offer
palliative care and to have appropriate policies
and programs in
place to meet that obligation. Traditional palliative care is essential, an
essential element of quality end-of-life care. As a
society, we owe to those who are dying to give them better access to high
quality palliative care. This Bill will help to make that moral obligation a
legal one.» Fin de citation.
Les Québécois ont droit à l'accès universel et
des soins palliatifs. Il y a un vrai consensus social autour de cette question. Est-ce qu'on peut dire qu'il y a des soins
palliatifs de qualité disponibles pour tous, universels, dans toutes les
régions du Québec? Et la réponse, M. le Président, est non. La réponse à cette question est non. On a entendu quelques groupes
devant nous, en commission parlementaire, qui ont plaidé avec nous pour que
nous… pour nous donner accessibilité et
universalité des soins palliatifs avant de se prononcer sur les sujets de ce projet de loi. M. le Président, ils
ont raison. Oui, on a fait beaucoup
dans le domaine des soins palliatifs, mais on ne peut pas dire que nous avons
réussi sur les questions d'accessibilité et universalité à date.
Aussi, M. le Président, j'aimerais vous parler des mots «confiance», «confusion», «ambiguïté»
et «crainte» qu'un patient peut avoir en ce qui concerne le projet de
loi n° 52. M. le Président, la relation qu'un patient et un médecin ont
est primordiale. La relation de confiance que le médecin a envers le patient et
le patient a envers le médecin est primordiale.
C'est une confiance énorme qui est établie. Est-ce que les prévisions du projet de loi n° 52 peuvent affecter ou nuire à cette confiance? À mon avis, ça va nuire à
la confiance entre médecin et patient. Est-ce que cet élément
primordial, la confiance de base entre le médecin et son patient, peut être
dérangé? La réponse est oui.
M. le
Président, je soulève la question,
car avec le projet de loi n° 52, pour la première fois, le médecin qui a
le devoir de vous soigner a aussi le droit,
sujet à votre consentement, de vous donner le soin palliatif terminal et le
soin… et vous donner aide médicale à mourir. Alors, certainement, ça peut créer un manque de
confiance et vraiment une confusion dans l'esprit de certains patients, qui vont avoir une crainte en se
rendant à l'hôpital, certainement un sens d'ambiguïté et un sens de
crainte, pour le patient, que le médecin et l'hôpital ne jouent pas uniquement
le rôle de vous soigner, mais aussi un autre rôle, et je suis vraiment
préoccupé par cette question.
M. le
Président, finalement,
je ne crois pas qu'on peut mettre fin à la vie de nous-mêmes, la vie est trop
précieuse.
Mr. Speaker, I do not believe that anyone has a right, with
the consent of the patient, to end the life of another
person, and a person doesn't have the right, of course, to end his own life.
M. le Président, alors, je vais voter contre le projet de loi n° 52
en tant que député de D'Arcy-McGee. I will vote against Bill 52 in my quality
of... as the MNA for D'Arcy-McGee. Mais, M. le Président, comme j'ai mentionné, je suis le président de la Commission de la santé et des services sociaux de l'Assemblée
nationale, et on sait que, si le
projet de loi est adopté en principe, il sera retourné à la Commission de la santé et des services sociaux, et je veux vous assurer qu'en tant que président de la commission je vais
présider la commission dans une manière non partisane, dans une manière professionnelle, nonobstant comment je vais
voter pour le projet de loi n° 52 en principe, car je vous ai dit que je
vais voter contre le projet de loi n° 52, et je vais employer, en tant que président,
toute mon expérience comme député à l'Assemblée nationale depuis 1994
pour être correct et professionnel, comme je préside toutes les séances de la Commission
de la santé et services sociaux. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Ouimet) :
Alors, je vous remercie, M. le député de D'Arcy-McGee.
Compte tenu de l'heure... il n'est pas tout
à fait 13 heures, mais il le
sera maintenant. Donc, on n'avait pas besoin du consentement, mais ça a été de manière préventive.
Compte tenu de l'heure et afin de permettre, cet après-midi, le débat sur une affaire
inscrite par les députés de l'opposition, le présent débat sur l'adoption du principe du projet de loi
n° 52, Loi concernant les soins de fin de vie, est ajourné.
Et les travaux de l'Assemblée sont suspendus
jusqu'à 15 heures.
(Suspension de la séance à 13 heures)
(Reprise à 15 h 2)
Le Vice-Président (M. Ouimet) :
Alors, je vous souhaite un bon après-midi, chers collègues.
Veuillez vous asseoir.
Affaires inscrites par les députés de l'opposition
Motion proposant que l'Assemblée réitère sa confiance
envers la Commission des droits de la personne et des
droits de la jeunesse et qu'elle exige du gouvernement qu'il
s'engage à respecter, dans sa charte des valeurs
québécoises, la Charte des droits et libertés de la personne
Nous en sommes aux affaires inscrites par les députés de l'opposition, et, à l'article 40 du feuilleton, aux affaires inscrites par les députés de l'opposition,
M. le député de LaFontaine présente la motion suivante :
«Que
l'Assemblée nationale réitère sa pleine confiance envers l'organisme
indépendant du gouvernement
qu'est la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse;
«Qu'elle
exige que le gouvernement péquiste s'engage formellement à respecter, dans son projet de loi sur une charte des valeurs québécoises, les
droits et libertés de toutes les Québécoises et Québécois tels que garantis par
la charte québécoise des droits et libertés adoptée à l'unanimité par
l'Assemblée nationale en 1975.»
Conformément à ce qui a été énoncé antérieurement
par la présidence, je vous informe que la répartition du temps de parole pour le débat restreint sur la motion
inscrite par M. le député de LaFontaine s'effectuera comme suit : 10 minutes seront réservées à l'auteur de la
motion pour sa réplique; environ 43 min 39 s sont allouées au
groupe parlementaire formant le
gouvernement; environ 38 min 48 s sont allouées au groupe
parlementaire formant l'opposition officielle; et environ 14 min 33 s sont allouées
au deuxième groupe d'opposition; six minutes
sont allouées aux députés indépendants. Dans ce cadre, le temps non utilisé par les députés indépendants ou par
l'un des groupes parlementaires sera redistribué aux groupes parlementaires en proportion de leur représentation à l'Assemblée. Enfin, mis à
part les consignes mentionnées précédemment, les interventions ne seront
soumises à aucune limite de temps.
Alors, M. le député
de LaFontaine, vous avez l'honneur de présenter la
motion, donc je vous cède la parole.
M. Marc Tanguay
M. Tanguay :
Merci. Merci beaucoup, M. le Président. Alors, M. le Président, cette motion extrêmement
importante, vous me permettrez de le
souligner, s'inscrit évidemment dans le cadre de la proposition — et
non pas du projet de loi, mais de la proposition — qu'a
rendue publique le gouvernement du Parti québécois il y a maintenant trois,
quatre semaines et qui vise notamment… qui
vise entre autres des éléments sur lesquels, M. le Président — et j'aimerais m'y attarder d'entrée de jeu — nous avons, comme
libéraux — et aujourd'hui non
seulement historiquement comme
libéraux, mais aujourd'hui comme opposition officielle responsable — clairement identifié et indiqué notre
appui.
D'abord
et avant tout, la neutralité religieuse des institutions de l'État, que ce soit
inscrit à l'intérieur de la charte, nous sommes tout à fait d'accord.
Mais, au-delà d'être d'accord, nous l'avons même verbalisé, M. le Président, et
rendu public le 5 septembre dernier, soit
bien avant que le gouvernement ne dépose sa proposition.
La
neutralité religieuse des institutions de l'État fait en sorte que l'État ne
favorise ni ne défavorise aucune religion ou encore l'absence de
religion. Cet élément, M. le Président, nous en sommes évidemment tout à fait
d'accord, mais nous en sommes le parti qui justement en fait la promotion et
sur lequel, demain matin, M. le Président, nous pourrions faire avancer le
Québec.
Autre élément également sur lequel nous pourrions
faire avancer le Québec, des balises quant aux accommodements, pour que
les accommodements soient raisonnables, pour ne pas qu'il y ait de contrainte
excessive et pour que l'on respecte l'égalité entre les femmes et les hommes.
Ces balises, M. le Président, non seulement nous réitérons, et nous l'avons fait le 5 septembre dernier, notre désir
le plus ardent de les voir naître et de les voir écrites à l'intérieur d'une
loi, nous avions eu, comme libéraux, en
2010, l'occasion de déposer un projet de loi, le projet de loi n° 94, qui
visait justement à étayer des balises quant aux accommodements afin
qu'ils soient raisonnables.
Troisième élément, M.
le Président — et
c'était toujours dès 2010, à l'intérieur du projet de loi n° 94 :
nous voulons que les services de l'État soient rendus et reçus visage
découvert. C'était, dès 2010, rendu public comme étant l'intention, à l'époque, du gouvernement libéral, et c'est
toujours notre position. Nous nous inscrivons en continuité.
Alors,
dans le cadre de ce qui nous est proposé non pas dans un projet de loi
évidemment, mentionnons-le, mais dans
un document qui a été rendu public, il y a là trois éléments centraux sur
lesquels, nous, comme libéraux, opposition officielle responsable, nous
avons d'ores et déjà indiqué que nous sommes prêts à pleinement collaborer pour
faire en sorte que le Québec avance. Je le
répète : Neutralité religieuse des institutions de l'État, premier
élément; deuxième élément, balises
pour les accommodements afin qu'ils soient raisonnables, deuxième élément sur
lequel nous voulons faire avancer le Québec; troisième élément, les
services de l'État dispensés et reçus à visage découvert.
Que
reste-t-il, M. le Président, d'écueils ou d'éléments sur lesquels nous ne
sommes pas d'accord? Évidemment, il
s'agit de l'interdiction… de la proposition du gouvernement à l'intérieur du document,
toujours pas dans le projet de loi mais
à l'intérieur du document, de cette proposition que soit totalement interdit le
port de tout signe religieux par les agents de l'État. Nous avons clairement indiqué... et nous ne sommes pas les
seuls, d'où le débat. Il n'y a pas personne qui va mettre de côté cette
évidence ou le fait qu'il y a un vif débat présentement au Québec, un vif débat
sur cet élément très précis. Et je vous
dirais même que l'on entend de plus en plus, M. le Président, des personnes qui
sont effectivement pour la laïcité, qui veulent que le Québec s'inscrive
dans cette neutralité et qui ne sont pas nécessairement d'accord avec tout ce que proposent les groupes
d'opposition, mais qui se rendent compte d'une chose, M. le Président, c'est
que, demain matin, sur les trois éléments que je vous ai mentionnés, on
pourrait faire avancer le Québec. Et, à cet effet-là, le deuxième groupe d'opposition, et les gens de Québec
solidaire, et nous également — nous l'avions fait avant le 5
septembre — avons
clairement étayé et mis par écrit publiquement cette position.
Un
seul élément fait écueil, M. le Président, et c'est cette fameuse interdiction
de port de signes religieux par tous les agents de l'État. M. le
Président, la résolution qui est devant nous fait suite à des commentaires qui
ont été rendus publics par la Commission des droits de la personne et des
droits de la jeunesse.
Faisons un pas en
arrière. La Commission des droits de la personne, M. le Président, est là pour
veiller à l'application pleine et entière
des droits et libertés qui sont garantis, assurés pour toutes les Québécoises
et pour tous les Québécois. Ce qu'a
dit la Commission des droits de la personne quant à la proposition qui fait
écueil — du
gouvernement — à
savoir interdiction de tout port de signes religieux ostentatoires par les
agents de l'État : Ne respecte pas, brime, viole la liberté de religion de
toutes les Québécoises et de tous les Québécois.
• (15 h 10) •
De qui parlons-nous, ici, M. le Président? D'approximativement
600 000 Québécoises et Québécois qui seraient,
au lendemain d'une telle adoption, directement visés, touchés, brimés dans
leurs droits par cette interdiction. Et là je fais
encore une fois un pas en arrière. On peut faire, demain matin, avancer le
Québec sur la neutralité des institutions de l'État, qui ne vient pas brimer
les droits individuels des individus de tantôt porter la kippa, une croix, mais faire
en sorte que la neutralité de l'État
se traduise, entre autres, M. le
Président — c'est également une position que nous avons étayée — … visant à interdire le prosélytisme. Le
prosélytisme fait en sorte qu'une personne, un fonctionnaire, dans l'exercice de ses fonctions, ne peut pas
chercher à faire de nouveaux adeptes, ne peut pas parler de sa religion et
tenter de convaincre celles et ceux avec
lesquels il travaille ou elle travaille et également les personnes qui viennent
recevoir le service. Donc, cette interdiction d'essayer de faire de nouveaux
adeptes, c'est un élément qui découle directement de cette nécessaire
neutralité de l'État, encore une fois neutralité de l'État dans le respect des
libertés individuelles.
Si moi, je
suis fonctionnaire, est-ce que je peux toujours porter une croix? Qu'elle soit trop grande ou
trop petite, peu importe, j'ai le
droit de porter une croix. Et ce n'est pas — et c'est ce que vient nous dire la Commission des droits de la personne et des
droits de la jeunesse — en
portant un signe religieux, qui est un élément sur lequel on ne peut pas discriminer tout comme la race, la couleur, le
sexe, la grossesse, etc., c'est notre charte québécoise qui nous le dit…
Bien, notre même charte québécoise
vient nous dire, M. le Président, par la voix, par la voix de cet organisme
indépendant… la Commission des droits de la
personne vient nous dire que ce n'est
pas en portant un signe religieux que, de facto, il y a atteinte à la
neutralité de l'État. La neutralité des institutions de l'État
ne peut pas, et c'est ce que nous dit la Commission des droits de la personne, être appliquée de manière à dire : Nous
allons interdire totalement à tous le port de signes religieux qui
sont visibles ou ostentatoires. En ce sens-là, c'est un élément important qui a
fondé notre décision, M. le Président, de présenter devant cette Assemblée
nationale une motion qui, je vous le dirais bien humblement, ne peut pas ne pas
être adoptée par unanimité, selon moi et selon nous, par l'unanimité, autre
chose que par l'unanimité des députés présents ici, en cette Chambre.
«Que l'Assemblée nationale — et
c'est là le texte de la motion — réitère
sa pleine confiance envers l'organisme indépendant du gouvernement
qu'est la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse.»
C'est le premier élément des deux. Pourquoi nous voulons que l'Assemblée
nationale réitère sa pleine confiance envers cet organisme indépendant? C'est parce
qu'il y a eu évidemment des commentaires qui ont fait suite à la publication de
ce rapport de la commission qui semblaient…
et là il faut dissiper tout doute. De la part du gouvernement, il faut
clairement dissiper tout doute quant à
l'indépendance de la commission, quant à la valeur que ce gouvernement du Parti
québécois donne aux décisions ou aux
interprétations de la Commission des droits de la personne, qui est l'organisme
indépendant et spécialisé, je vous le
rappelle, M. le Président, depuis 1976 et qui a su évidemment être gardien des
droits et libertés de toutes les
Québécoises et Québécois. Il y a là… Suite à la publication de ces
commentaires-là, il y a eu évidemment… pour le gouvernement et les
représentants de la banquette ministérielle, représentants du Parti québécois,
il y a eu des commentaires qui ont été faits publiquement, et nous croyons
qu'il ne saurait être tolérable de conserver quelque doute que ce soit quant à la pleine valeur qu'il faut accorder à la
Commission des droits de la personne. Autrement dit, le législateur et le gouvernement doivent toujours
agir comme le fait, et c'est un partenaire, en ce sens-là, la Commission
des droits de la personne, de manière à
respecter, à appliquer les droits et libertés de toutes les Québécoises et de
tous les Québécois. Premier élément de la motion.
Deuxième
élément de la motion, M. le Président : «[Que l'Assemblée nationale] exige
que le gouvernementpéquiste s'engage
formellement à respecter, dans son projet de loi sur une charte des valeurs
québécoises, les droits et libertés
de toutes les Québécoises et Québécois tels que garantis par la charte
québécoise des droits et libertés adoptée à l'unanimité par l'Assemblée
nationale en 1975.»
M. le
Président, la charte québécoise des droits et libertés est une loi quasi
constitutionnelle. Autrement dit, une autre loi de notre Assemblée
nationale ne peut pas y contrevenir, ne peut pas aller à l'encontre de cette
charte. Ces droits et libertés fondamentaux, M. le Président, est un élément
central de ce qu'est le Québec d'aujourd'hui, est un document… dans toute sa
modernité, fait en sorte que les rapports sociaux entre individus et également
les rapports sociaux des individus versus l'État sont encadrés, sont balisés de
manière à ce que, de façon très tangible, M. le Président, il y ait le respect, il n'y ait pas discrimination et il y ait
pleine jouissance et exercice pour chacune et chacun de nous de nos droits et libertés. Et, quand on
s'attaque à un seul ou à une seule Québécoise et Québécois, M. le
Président, en ce sens, on s'attaque à toutes les Québécoises et à tous les
Québécois. Et l'aspect numérique de l'argument ne devrait jamais être toléré et tenir la route, M. le Président. Encore
une fois, lorsque l'on s'attaque ne serait-ce qu'aux droits et libertés
d'une seule personne qui est citoyenne et citoyen à part entière, M. le Président,
nous avons tous le devoir de nous lever et
de demander que cesse cette discrimination, la violation des droits et
libertés, cette atteinte qui est protégée par quoi? Par un document
fondateur de notre société, central, notre charte québécoise des droits et
libertés adoptée à l'unanimité dès 1975.
Il y a eu, à travers les années, évidemment des
applications de cette charte qui font en sorte que, dans le désir d'accommoder des personnes qui, tantôt, peuvent
être handicapées, tantôt, veulent évidemment pouvoir prétendre à
l'égalité à l'emploi, qu'elles soient une
femme, une personne d'origine, ou de race, ou de couleur autre que celle qui
est la majorité au Québec, puisse prétendre à autant d'égalité, autant
de chance que n'importe qui, il y a eu une jurisprudence qui s'est développée, dans le contexte québécois et
canadien, visant à ce qu'il y ait possibilité d'accommoder. Encore une
fois, personne, au Québec, ne plaidera et ne voudra que des accommodements dits
déraisonnables puissent avoir lieu, d'où — et je reviens au début de mon intervention,
M. le Président — notre
désir de faire en sorte qu'il y ait des balises quant aux accommodements
pour qu'ils soient raisonnables.
Et à cet
effet-là, M. le Président, j'ai eu l'occasion de mentionner que, dès 2010, le
gouvernement du Parti libéral du Québec l'avait inclus dans un projet de
loi, un projet de loi qui, malheureusement, faisait face à l'opposition du
Parti québécois à l'époque. Et il y a eu
plusieurs heures passées et il y a eu, certains diraient évidemment, du travail
extrêmement assidu de la part du
gouvernement. Mais les heures ont passé, faisant en sorte que ça n'avançait pas
du tout. L'opposition, à l'époque, du Parti québécois ne voulait pas aller de l'avant. Et, en ce
sens-là, M. le Président, je pense que c'est important de noter qu'en matière de droits et libertés il y
aura toujours une règle fondamentale. Vous vous rappelez, je vous ai
parlé tantôt : 1975, adoptée à l'unanimité? La dernière fois que la charte
québécoise des droits et libertés a été amendée, a été touchée par le législateur, c'est en 2008, et c'est le gouvernement
de l'époque, du Parti libéral du Québec,
qui visait justement, avec l'ajout d'un article, une clause interprétative,
l'article 50.1, qui faisait en sorte que tous les droits… Cétait
l'égalité femmes-hommes. Tous les droits garantis par cette charte le seront de
manière équitable et parfaitement égale,
tant aux femmes qu'aux hommes. Et ce dernier amendement là de 2008, M. le
Président, a été rendu possible,
pourquoi? Parce qu'on était conscients, comme gouvernement libéral à l'époque,
qu'on ne modifie pas la charte québécoise autrement, si ce n'est pas que
par l'unanimité, par un très, très large consensus. Et force est de constater qu'il y a eu cette unanimité en 2008, on a pu
procéder. Et savez-vous quoi, M. le Président? En 2008, sous un
gouvernement libéral, nous avons fait avancer le Québec.
Il y a eu
plusieurs choses qui ont été dites de part et d'autre, et il est important, M.
le Président — c'est un
aspect fondamental, sinon on n'avancera
pas — de ne
pas faire d'amalgame. Quel est cet amalgame? De dire : Il y a les
gens qui sont pour la charte, il y a les
gens qui sont contre la charte. Non, M. le Président, il faut faire en sorte de
reconnaître que les tentatives avec le projet de loi n° 94 en 2010
et 2011 ont, à l'époque, avorté. L'opposition du Parti québécois n'en voulait pas. À ce moment-là, nous avons mis de
côté cette importante pièce législative. On ne passe pas, M. le
Président... On ne passe pas des modifications ou des lois qui viennent un tant
soit peu porter atteinte aux droits et libertés fondamentales sous le bâillon,
M. le Président. C'est important de le retenir.
• (15 h 20) •
Nous sommes prêts encore une fois, demain matin,
quant à la neutralité des institutions de l'État, quant à la nécessité de
balises aux accommodements — je
viens d'en faire état — quant
à l'égalité hommes-femmes, réception et
dispensation de services de l'État à visage découvert... M. le Président,
il y a là des éléments extrêmement précis, sur lesquels, demain
matin, on pourrait faire avancer le Québec. Et, quant à l'interdiction totale du port de
signes religieux dits ostentatoires ou visibles, M. le Président, il est
important de noter que c'est là qu'il y a écueil.
Le deuxième
groupe d'opposition a avancé une proposition. Nous sommes
contre toute atteinte aux droits et
libertés des Québécoises et des Québécois. Et, M. le Président, il est important de reconnaître ici que nous parlons de liberté fondamentale, la liberté de
religion, qui est protégée par notre charte québécoise des droits et
libertés à l'article 3, qui se
lit comme suit : «Toute personne est titulaire des libertés fondamentales telles la liberté de conscience, la liberté de religion, la liberté d'opinion, la liberté
d'expression, la liberté de réunion pacifique et la liberté d'association.» Fin de la citation.
La liberté de religion, c'est l'article 3
de notre charte québécoise, M. le Président, document fondateur, fondamental.
Et on ne peut pas imaginer l'avenir du Québec, que l'on soit fédéraliste ou
souverainiste, autrement qu'en reconnaissant qu'il s'agit là d'un élément
fondamental et autrement qu'en agissant, comme gouvernement ou comme
législateur, de manière à constamment protéger l'application de cette liberté.
La Cour suprême du Canada, en 1985, dans l'arrêt
Big M Drug Mart définissait ainsi le concept de liberté de religion, et je cite : «Le concept de la
liberté de religion se définit essentiellement comme le droit de croire ce que
l'on veut en matière religieuse, le droit de
professer ouvertement des croyances religieuses sans crainte d'empêchement
ou de représailles et le droit de manifester
ses croyances religieuses par leur mise en pratique et par le culte ou par leur
enseignement et leur propagation. Toutefois, ce concept signifie [évidemment]
beaucoup plus que cela.» Fin de la citation.
On voit dans l'arrêt, M. le Président, que la proposition qui est faite par le
gouvernement, encore une fois de façon très précise, l'écueil — et,
je le répète, c'est important de ne pas faire d'amalgame — est
au niveau de l'interdiction totale de port de signes religieux ostentatoires
par les agents de l'État. Qui sont-ils, qui sont-elles? À peu près...
Demain matin,
si c'était adopté... Et nous serons une opposition responsable et cohérente,
nous nous y opposerons. Mais, si
d'aventure c'était adopté, ce serait le personnel des ministères et organismes,
le personnel de l'État exerçant un pouvoir
de sanction, le personnel des centres de la petite enfance, les CPE, celui des
garderies privées et subventionnées, le personnel des commissions
scolaires, dont celui des écoles primaires et secondaires publiques, le
personnel des cégeps et des universités, le
personnel du réseau public de santé et services sociaux, le personnel des
municipalités, ça, demain matin, M.
le Président, c'est 600 000 Québécoises et Québécois qui ne
pourraient pas porter de signes religieux qui pourraient être
interprétés comme étant ostentatoires.
Juste ici, M. le Président, à l'Assemblée
nationale, il y a des attachés politiques, et souvent je vois un attaché politique, par exemple, arborer une croix. Alors,
demain matin, ces personnes-là ne pourraient plus arborer cette croix.
La neutralité de l'État n'exige pas qu'il y ait une interdiction totale. Et,
si, d'aventure, c'était toujours la proposition qu'avance le gouvernement du Parti québécois, force est de constater, et
c'est l'objectif de la motion qui est devant vous aujourd'hui, M. le
Président, force est de constater qu'à l'analyse de la Commission des
droits de la personne et des droits de la jeunesse il s'agirait d'une violation
de la liberté de religion.
Encore une fois, important de reconnaître que la
Commission des droits de la personne est une entité qui est constituée d'experts
en la matière qui ont vu évoluer, depuis 1976, le droit canadien et le droit
québécois, ont agi au coeur des demandes, à titre, évidemment,
d'entité-conseil, parce qu'en vertu de la charte québécoise c'est à la Commission des droits de la personne que l'on peut
demander conseil, que l'on peut porter plainte. Ce sont là... d'experts
en jurisprudence et, évidemment, des experts dans la recherche d'accommodements
qui soient dits raisonnables. Il y a là un conseiller pour tout gouvernement,
qu'il soit du Parti québécois ou du Parti libéral, un conseiller privilégié.
Et il est
important, M. le Président, avant de légiférer,
de reconnaître, de reconnaître… Le
projet de loi n'est pas encore
déposé, le gouvernement vient d'obtenir cette opinion de la Commission des
droits de la personne et il ne peut pas le passer sous le boisseau, et c'est l'objectif de la motion
aujourd'hui. Encore une fois, M. le Président, on
parle de notre charte québécoise des
droits et libertés de la personne, la liberté de religion, liberté
fondamentale, on en est tous d'accord ici, là. Il est important de reconnaître
évidemment que... Je ne vois pas comment un seul député ne pourrait pas voter en faveur de
cette motion.
M. le Président, d'autres organismes, après la Commission des droits
et avant la Commission des droits de la personne,
ont eu l'occasion de soulever des écueils quant à l'application de cette charte
ou de cette proposition, à savoirl'interdiction
de port de signes religieux ostentatoires par tous les agents de l'État. Il y a eu ce matin, M. le
Président… ou hier, pardon. Il y a eu
hier dépôt par ma collègue de Richmond d'une pétition qui disait ceci : «…le projet de charte des
valeurs [...] réfute les droits protégés par
les chartes canadienne et québécoise…» Et les
signataires demandaient tout simplement le retrait.
9 645 pétitionnaires, M. le Président.
Il y a eu également, et nous l'avons vu d'entrée de jeu, un texte extrêmement bien écrit — je
ne vous parle pas ici de cinq
phrases, là, je vous parle d'un texte qui fait cinq
pages — un
texte recherché, qui a été écrit sous la plume de celles et ceux qui agissent pour un Québec inclusif. Quebecinclusif.org
est l'endroit où les gens peuvent aller prendre connaissance de ce
texte. Et, en me préparant pour me présenter devant vous, M. le Président, tout
à l'heure, j'ai eu l'occasion d'aller
revérifier, il y avait 26 771 Québécoises
et Québécois qui disaient ce qui suit, notamment,
M. le Président :«Rendre invisibles
les appartenances culturelles et religieuses est une tentative naïve et
illusoire de nier le fait incontournable du
pluralisme au sein de nos sociétés ouvertes. Une conception d'autant plus naïve que
certains parmi nous portons nos divergences
culturelles, ethniques et religieuses sur les traits de nos visages et la
couleur de notre peau[...]. Le
véritable test de la laïcité est d'accepter à la fois
la visibilité des différences et la nécessité d'un consensus au sujet de
l'esprit de tolérance et d'impartialité qui doit gouverner nos interactions
dans le respect de ces différences.» Fin de la
citation. M. le Président, il y a 26 771 Québécoises et Québécois qui, d'une même voix, ont affirmé ça.
M. le Président, la charte
québécoise des droits et libertés est
un fondement majeur de notre société, de ce qui régit les rapports entre les individus, les citoyennes et les citoyens,
et entre l'État et les citoyennes et citoyens. Il y
a évidemment une loi, et la Commission des droits de la personne en fait état, M. le Président, il y a
le Programme d'accès à
l'égalité. Et il s'agit là, effectivement,
M. le Président, d'un élément sur lequel la commission insiste et qui serait un
des écueils
ou un des résultats si, d'aventure, le gouvernement allait de l'avant
avec ce projet de loi d'interdiction totale du port
de signes religieux.Il y aurait de
la discrimination en emploi, soit sur les groupes de femmes, et également sur
les minorités,mais également tous celles et ceux qui
croient — et elles ont raison de croire qu'elles ont la liberté de religion — en la neutralité de l'État, qui ne
veulent pas faire de prosélytisme, mais qui veulent, par
exemple, pouvoir continuer à arborer un bijou qui pourrait ressembler à une
croix, et ces personnes-là ont le droit, M. le Président, d'avoir accès… ont le
droit d'avoir accès, M. le Président, aux emplois qui sont offerts dans le
secteur public et parapublic.
• (15 h 30)
•
Encore
une fois, M. le Président, vous me permettrez de conclure en réitérant… Et je
pense que le ministre a tout à fait raison sur l'aspect que le ton est aussi
important que le fond, et j'en suis. Et aujourd'hui non seulement de Québec solidaire, de la CAQ, mais également du
Parti libéral du Québec… Dès le 5 septembre, M. le
Président, nous avons clairement identifié, en ce qui concerne le Parti libéral du Québec,
que... la neutralité des institutions de l'État, dispenser, recevoir les services de l'État à visage
découvert, non au prosélytisme, vous
ne ferez
pas de nouveaux adeptes, mais oui au respect de la liberté de religion, qui peut
impliquer également le port d'un signe religieux. Cette interdiction-là,
M. le Président, nous n'en sommes pas. Mais,
sur la neutralité des institutions, sur l'importance de baliser les
accommodements, sur l'égalité hommes-femmes, M. le Président, nous avons
clairement identifié que, demain matin, nous voulons, comme nous le voulions en 2010, faire avancer
le Québec.
Un élément
fait écueil, cette interdiction totale du port de signes religieux. Nous avions
exprimé dès le 5 septembre notre position claire à l'effet que,
non, selon notre perception, c'était contraire à la jurisprudence, selon nos
analyses, contraire à la jurisprudence en
vertu, notamment, de la charte québécoise, contraire, et violait la
liberté de religion. La semaine passée, la Commission des droits de la
personne est venue le confirmer, l'experte en la matière est venue le
confirmer, et d'autres organismes. Et, en ce sens-là, M. le Président, le fait
que des signataires, des Québécoises et Québécois aient pris le temps de signer ce document
extrêmement important, Pour un Québec inclusif, en plus des pétitions qui ont été déposées jusqu'à maintenant
devant vous, M. le Président, très clairement nous croyons qu'il y a là lieu
pour le gouvernement du Parti
québécois, qui ne peut pas faire
autrement qu'être soucieux du respect de nos libertés fondamentales à nous, à nous tous, Québécoises
et Québécois, de faire
en sorte, sous cet aspect, non
seulement de voter en faveur de la motion — je ne vois pas comment un seul député
voterait contre — mais,
deuxièmement, faire en sorte de prendre la main tendue, de faire avancer
le Québec et de faire en sorte que les droits de tous, chacun et chacune,
soient respectés. Merci beaucoup, M. le Président.
Le
Vice-Président (M. Ouimet) : Alors, merci à vous, M. le député
de LaFontaine. M. le ministre responsable des Institutions démocratiques
et de la Participation citoyenne, je vous cède la parole.
M. Bernard Drainville
M.
Drainville : Merci,
M. le Président. Alors, je salue les collègues présents en cette Chambre par ce
beau mercredi après-midi. M. le Président, l'opposition officielle a
présenté aujourd'hui une motion à deux volets, hein, un volet sur la
Commission des droits de la personne et un autre volet sur notre projet de
charte des valeurs québécoises. Alors, ils y vont d'abord avec une affirmation qui fait consensus,
pour ensuite faire une affirmation qui, elle, évidemment, est beaucoup
plus litigieuse, qui porte beaucoup plus sujet à débat. C'est un vieux truc, M.
le Président.
Alors,
allons-y donc avec la première partie, donc, de cette motion qui est proposée
par le Parti libéral. Alors, je lis donc
ce premier volet de la motion : «Que l'Assemblée nationale réitère sa
pleine confiance [en] l'organisme indépendant du
gouvernement qu'est la Commission des droits de la personne et des droits de la
jeunesse.» Alors, évidemment, M. le
Président, le gouvernement est pleinement d'accord avec cette affirmation. La
Commission des droits de la personne, elle
joue un rôle extrêmement important pour la démocratie québécoise. Elle est la
gardienne, elle est la protectrice de nos droits individuels, c'est sa mission, et la commission remplit cette
mission avec diligence et détermination. Nous pouvons compter… les Québécois peuvent compter sur la
Commission des droits de la personne pour défendre les droits
individuels, et notre gouvernement, bien
entendu, lui réitère sa pleine confiance, une confiance qui n'a jamais été mise
en doute ou remise en question.
Alors, si la motion de l'opposition officielle
se terminait là, M. le Président, on comprendrait que les libéraux veulent strictement saluer le travail de la
Commission des droits de la personne, cette confiance que nous, les
parlementaires, devons, évidemment, réitérer envers cette institution
qui est si importante pour le Québec. Malheureusement, M. le Président, ça ne s'arrête pas là. Les libéraux,
l'opposition officielle prend un détour pour essayer un peu
maladroitement, mais essayer quand même de nous prêter, par une voie indirecte,
des intentions. Alors, ils ajoutent dans leur motion : «[Que l'Assemblée nationale] exige que le
gouvernement péquiste s'engage formellement à respecter, dans son projet
de loi sur [les] valeurs québécoises, les
droits et libertés de toutes les Québécoises et Québécois tels que garantis par
la charte québécoise des droits et libertés adoptée à l'unanimité par
l'Assemblée nationale en 1975.»
M. le
Président, ça laisse entendre que notre intention pourrait être contraire à
celle qui est affirmée. Donc, dans cette
deuxième partie de la motion, ça laisse entendre que notre projet de loi sur la
mise en œuvre de la charte des valeurs québécoises pourrait contrevenir
de quelque façon que ce soit aux droits et libertés qui sont garantis par la
charte. Évidemment, M. le Président, c'est
tout le contraire. C'est tout le contraire, nous soutenons et nous soutiendrons, M.
le Président, que la charte des valeurs québécoises, dans sa traduction juridique qui sera éventuellement déposée en cette Chambre,
protégera les droits et libertés des Québécois et que cette protection sera au moins égale à
celle qui existe déjà. Peut-être même pourrons-nous larguer — l-a-r-g-u-e-r — peut-être
même pourrons-nous soutenir, à ce moment-là, M.
le Président, que la protection des
droits individuels sera encore plus grande par ce projet, donc, que nous
déposerons. En tout cas, moi, je serai prêt, M. le Président, à soutenir cette thèse-là lorsque nous le ferons. Je serai prêt à
soutenir que le projet de loi que nous déposerons sur la charte des valeurs non seulement garantira la protection des droits individuels, mais, à maints
égards, la renforcera, notamment la liberté de conscience et la liberté de
religion.
Mais revenons
au libellé, M. le Président, le libellé de la motion libérale. D'abord,
il n'est pas question de projet de loi pour le moment, il n'y a
pas de projet de loi qui a été déposé. Donc, c'est peut-être un petit peu
prématuré que d'essayer — comment dire? — de deviner ou de laisser entendre des choses
sur un projet de loi qui n'est toujours pas déposé.
Par ailleurs, M. le Président, il ne faudrait
pas essayer de faire jouer à la Commission des droits un rôle qui n'est pas le sien, il ne faudrait pas essayer
d'utiliser la Commission des droits de la personne à des fins politiques, et
j'ai un petit peu la crainte que c'est ce
qu'on essaie de lui faire faire. On essaie de lui faire jouer un petit peu ce
rôle-là à travers la motion qui est présentée par l'opposition
officielle, comme s'ils appelaient, dans le fond, les commentaires de la commission sur le projet de charte, sur les
orientations gouvernementales en matière de charte des valeurs pour
soutenir leur position politique. C'est
comme si les libéraux, dans le fond, essayaient d'utiliser, de récupérer les
commentaires qui ont été émis la semaine dernière par la Commission des
droits en renfort à leur position sur la question, donc, des valeurs
québécoises et sur le dossier, donc, de la charte des valeurs québécoises.
Je les mets
en garde là-dessus, M. le Président — je le fais respectueusement — parce que je pense que c'est risqué,
c'est un jeu un petit peu risqué et c'est un jeu avec lequel ils pourraient se
brûler les doigts. Je donne pour exemple le projet
de loi n° 94 qui avait été déposé par le Parti libéral, M. le Président.
Je rappelle que, lorsque le projet de loi n° 94 des libéraux a été déposé, il y avait notamment
une disposition dans le projet de loi n° 94 qui prévoyait l'obligation
de faire affaire avec l'État à visage
découvert. C'est d'ailleurs une disposition que... ou, enfin, une orientation
que nous avons reprise dans le projet
de charte des valeurs ou dans les orientations que j'ai déposées en rapport à
la charte des valeurs québécoises. Or, sur la question du visage à
découvert, M. le Président, je tiens à rappeler à nos amis d'en face que la
Commission des droits de la personne avait
exprimé, et je cite, «un malaise», elle avait exprimé un malaise sur cette
obligation, donc, de faire affaire avec l'État à visage découvert. En
d'autres mots, de prêter main-forte… ou, enfin, d'appeler à l'aide la Commission des droits de la personne pour soutenir
sa position dans l'opposition, ça ne doit pas — comment dire? — nous faire oublier que, dans d'autres circonstances,
lorsque le Parti libéral était au gouvernement, la Commission des droits
n'était pas nécessairement toujours en appui
aux orientations qui étaient mises de l'avant par feu le gouvernement
libéral, hein, je le rappelle, donc un malaise sur la question du visage à
découvert.
Il ne faut
pas oublier non plus, M. le Président, que la Commission des droits de la
personne avait été très, très, très critique
de l'infâme loi n° 78 votée sous les libéraux, extrêmement critique. Votée
sous bâillon, on avait passé la nuit à siéger,
comme le rappelle l'estimé collègue ministre de la Sécurité publique. Hein, à
ce moment-là, ils n'avaient pas eu beaucoup
d'égard pour l'avis de la Commission des droits de la personne quand c'est venu
le temps de faire voter 78.
• (15 h 40) •
Puis j'aimerais aussi, M. le Président, dans un
autre dossier, j'aimerais citer également la députée de Notre-Dame-de-Grâce,
qui était ministre de la Justice du gouvernement précédent et qui, dans un
autre dossier, avait pris la parole. C'est
la motion qui avait été mise aux voix en février 2011, motion portant sur le
kirpan. Enfin, la motion, de
façon générale... Je ne cite pas le libellé, là, exactement, là, je n'ai pas le
verbatim très précis, là, mais ça concernait la décision qui avait été
prise par la direction de la sécurité de l'Assemblée nationale d'interdire le
port du kirpan lors des consultations sur le projet de loi n° 94.
Alors, je me permets de citer la députée de
Notre-Dame-de-Grâce, qui était donc ministre de la Justice à ce moment-là et qui disait ceci : «Il faut
écouter le gros bon sens des gens. Quand ils nous demandent de poser des
gestes, il faut les écouter. Et c'est ça, la
question de la cohésion. Quand on parle de cohésion de la société, d'être à
l'écoute, en tant qu'élus on a cette responsabilité. Et c'est sûr qu'on a la règle de
droit, et moi, je suis la première à être sensible à la règle de droit et aux chartes des droits et libertés et
évidemment tout ça. Je suis très sensible à ce que le Barreau me dit […]
et la Commission des droits de la personne — c'est la ministre de la
Justice libérale qui parle — mais
je suis très sensible à ce que les gens nous
disent. Et on a une responsabilité, en tant qu'élus, d'être à l'écoute de ces
gens-là, parce que, sinon, si on ne pose pas de geste, c'est là qu'on
risque de perdre l'adhésion de la population.»
Alors, sur la
question également du port du kirpan à l'intérieur des murs de cette Assemblée,
M. le Président, la ministre d'alors,
ministre de la Justice libérale d'alors, actuelle députée de
Notre-Dame-de-Grâce, avait dit : Écoutez, on entend la Commission
des droits, mais, vous savez, bon, il faut écouter les gens également. Tout ça
pour vous dire, M. le Président, que, sur cette motion-là du kirpan, sur la loi
n° 78, sur la loi n° 94, les libéraux ont décidé — très
respectueusement, je n'en doute pas — de — comment
dire? — écouter,
mais de ne pas nécessairement accepter les recommandations
qui étaient faites alors par la Commission des droits de la personne. Alors, de
venir nous dire maintenant : Vous
devriez, là, vous ne pouvez absolument pas... Comment dire? Vous devez vous plier
sans même vous y objecter, vous devriez
écouter, respecter… Se conformer aux commentaires de la Commission des droits
de la personne, je trouve ça un petit peu fort, le café, M. le
Président. Ce qui ne veut pas dire qu'on ne respecte pas la commission. Encore
une fois, M. le Président, je tiens à le
réitérer, nous avons un immense respect pour cette institution, qui est
fondamentale dans notre vie démocratique. Il faut juste se garder — comment
dire? — de
prendre au pied de la lettre — comment dire? — les intentions vertueuses des gens d'en face. Il faut
faire un petit peu la part des choses et se rappeler quand même certains
gestes qui ont été posés par le passé et qui
sont peut-être un petit peu en porte-à-faux par rapport à leur discours d'aujourd'hui. Disons-le
comme ça.
Nous, M. le Président, on n'a pas un discours différent... En tout cas, là-dessus, on n'a pas de discours différent entre l'opposition et le pouvoir. Nous, au Parti
québécois, on tient… on a toujours tenu, en fait, le même discours, on a
toujours dit : Il faut protéger les droits individuels des Québécois,
mais il faut également affirmer les valeurs collectives, les
valeurs communes qui font que nous sommes une société. En d'autres mots, la
protection des droits individuels est extrêmement fondamentale, essentielle, non négociable. Et
c'est par la Charte des droits et libertés, notamment, qu'on parvient à protéger nos droits individuels, mais
il ne faut jamais perdre de vue la dimension collective également,
le fait qu'à un moment donné, au-delà de nos différences individuelles,
il faut trouver nos valeurs communes, il faut identifier ce qui nous rassemble, ce qui nous réunit, ce qui
fait que nous sommes une communauté, ce qui fait que nous sommes une société,
ce qui fait que nous sommes une nation, M. le Président. Et ça, ce ciment
qui nous unit, qui fait qu'on est un peuple, ça va au-delà de nos
différences individuelles, notamment religieuses.
Et, oui, M. le Président, le caractère de plus
en plus multiethnique de la société québécoise est une immense richesse. La diversité en notre sein est une
force, mais ça ne doit pas nous faire perdre de vue que cette diversité doit
reposer sur une fondation commune. Il faut, à un moment donné, M. le
Président, se retrouver tous autour
de la table de la cuisine et être capables de se dire : Au-delà de
nos particularités individuelles, nous sommes tous membres de la même famille. Peu importe d'où nous venons, peu importe notre
origine, peu importe la couleur de notre peau, peu importe la langue que nous parlons, peu importe où nous sommes nés,
peu importe notre religion, nous sommes tous des Québécois. Et c'est ça qu'on est en train de définir, M. le Président, à travers la charte des valeurs, on est en train de décider d'un
certain nombre de choses, d'un certain nombre de règles, d'un certain
nombre de valeurs qui vont définir le Québec dans lequel nous voulons vivre maintenant
et pour l'avenir. C'est ça qu'on est en train de décider, M. le Président.
Et ça
ressemble beaucoup au débat qu'on a connu sur la loi 101. C'est
franchement assez fascinant, M. le
Président, d'aller revoir les manchettes,
d'aller revoir les commentaires qui avaient été faits au moment de l'adoption de la loi 101 ou
dans les mois qui ont précédé l'adoption de la loi 101. Parce que la loi 101,
M. le Président, c'était justement ça, c'était
un équilibre entre les droits individuels et les droits collectifs, c'était une
pièce maîtresse de législation qui a marqué notre histoire et qui marque encore notre histoire. Et c'était justement
ce pari que faisaient René Lévesque, et Camille Laurin, et le gouvernement du Parti québécois d'alors, il fallait
justement en arriver à un équilibrage sensible, nuancé, raisonnable
entre les droits individuels et les droits collectifs.
Et je vous
rappelle, M. le Président, qu'en 1977 les libéraux étaient contre la loi 101.
Je cite Gérard D. Levesque, chef de
l'opposition officielle, 28 avril 1977 : La charte est «un danger
d'autoritarisme» animé par un arrière-goût d'«esprit de vengeance»
davantage que la volonté de servir le français. Gérard D. Levesque.
Toujours
Gérard D. Levesque, Le Soleil, 20 juillet 1977 : «Inutile,
excessif, hypocrite et séparatiste, tels sont les qualificatifs qu'a utilisés hier soir à
l'Assemblée nationale le chef de l'opposition officielle […] député de
Bonaventure, […] Gérard D. Levesque à l'égard du projet de loi 101 ou charte
linguistique.»
Le Droit, 27 août 1977 : «Pour le
chef de l'opposition officielle, […] Gérard D. Levesque, qui prononçait aussi
un discours de troisième lecture sur le
projet de loi 101 — citation :
"L'étroitesse d'esprit et la mesquinerie de ce projet de loi sont
aux antipodes de ce que veut l'immense majorité des Québécois." Selon le
chef de l'opposition, il incombe maintenant
aux Québécois la responsabilité de conserver à cette société son caractère de
cordialité et d'ouverture pour lequel elle est reconnue.» Ah!
Intéressant, M. le Président, dans le contexte actuel.
Nouvelliste, 29 juillet 1983, six ans
après l'adoption, citation du Nouvelliste : «Le seul candidat avoué
dans la course au leadership du Parti
libéral du Québec, M. Daniel Johnson, critique à son tour sévèrement la Charte
de la langue française, fondée, affirme-t-il, sur une conception
politique qui — je
cite — "monte
les gens les uns contre les autres dans des
termes brutaux — citation.
La loi 101 est la loi la plus mesquine que j'ai jamais vue, a-t-il affirmé au
cours d'une entrevue accordée à LaPresse
canadienne. Elle a creusé un fossé — dis-je bien — très profond chez les
Québécois."» Fin de citation.
Une voix : …
M.
Drainville : Mais
oui, c'est ça, c'est le nouveau conseiller de Philippe Couillard, ça, M. le
Président. Ce serait intéressant de
savoir s'il a changé d'avis sur la loi 101. Chose certaine, les libéraux, eux,
ont changé d'avis sur la loi 101, ils
pensent aujourd'hui que c'est une bonne loi, que c'est une belle loi, que
c'était nécessaire, que ça prenait ça. Et pourtant, mon Dieu! vous avez
entendu ça, il n'y avait pas de qualificatif assez fort pour la dénoncer.
Et nous, on
pense, M. le Président, que la même chose va se produire avec la charte des
valeurs québécoises. On pense qu'à
terme, lorsqu'on l'aura adoptée, lorsqu'on l'aura mise en œuvre, dans quelques
années d'ici, on pense qu'elle sera
appuyée très largement par la classe politique, dans quelques années. Les
libéraux vont être contre, là, mais, comme pour la loi 101, à un moment donné ils vont allumer, puis ils vont
finir par se rallier, puis ils vont finir par dire que c'est ça que ça prenait. Puis ça prenait le Parti
québécois, évidemment, pour avoir, encore une fois, le courage d'arriver avec
ce cadre qui est nécessaire, ce cadre qui
prévoit donc des règles communes en matière d'accommodements, qui prévoit
de faire de l'égalité hommes-femmes une
valeur non négociable quand vient le temps d'envisager un accommodement
et qui met en place le cadre de neutralité religieuse, M. le Président.
Le cadre de
neutralité religieuse, d'ailleurs, c'est fort intéressant d'entendre à nouveau
la position du Parti libéral qui nous
a été réitérée par le député de LaFontaine, neutralité religieuse qui est
appuyée par le Parti libéral en autant qu'elle soit invisible. La
neutralité religieuse, pour le Parti libéral, là, dans l'esprit du Parti
libéral, ça doit être une neutralité qui ne
s'applique qu'aux institutions, pas aux personnes. Alors, c'est une neutralité
évanescente, là, qui flotte au-dessus de nous dans un état intangible,
abstrait, mais…
• (15 h 50) •
Une voix : …
M.
Drainville :
…vaporeux. Merci, M. le député de Berthier. Mais, pour ce qui est des
représentants de l'État, ah! eux, par contre, ça ne doit pas paraître,
il ne faut surtout pas que la neutralité religieuse s'incarne à travers les
représentants de l'État. C'est ça, la position du Parti libéral, M. le
Président, ce qui les amène, d'ailleurs, à s'opposer à toute forme
d'encadrement des signes religieux pour les représentants de l'État.
Ça, ça veut
dire, M. le Président, qu'ils sont en dessous de Bouchard-Taylor. Aucun
encadrement en matière de signes
religieux, M. le Président, ça, ça pourrait vouloir dire… bien, pas ça
pourrait, ça veut dire qu'ils accepteraient, par exemple, qu'un policier ou un juge porte un signe religieux. Ils sont
d'accord avec ça, nos amis du Parti libéral. Pensez-vous sincèrement, M. le Président, que c'est une bonne idée qu'un policier ou qu'un juge porte un
signe religieux, envoie un message religieux
à ses concitoyens avec le travail qu'il a, avec les responsabilités qui lui incombent, avec le pouvoir de sanction qui est le sien? Est-ce
qu'on pense vraiment
que c'est une bonne idée, M. le
Président, qu'un agent de l'État avec pouvoirs contraignants puisse porter un signe religieux et qu'on puisse
donc, un jour, remettre en question la crédibilité de sa décision ou de son action parce
qu'elle pourrait avoir été motivée
par des convictions religieuses qui sont les siennes? Je ne pense pas, M.
le Président. Je pense que c'est une très mauvaise idée.
Alors, il me
reste très peu de temps, M. le
Président. J'ai plein d'autres choses
à dire, mais je vais me limiter et me diriger
lentement, mais sûrement vers la conclusion. On pense, nous, M. le Président, que la charte des valeurs que
nous avons déposée et le projet de loi qui
va la traduire dans les prochaines semaines, qui va la traduire dans une loi,
dans un projet de loi, est un projet
nécessaire, juste et raisonnable dans une société démocratique comme la nôtre,
dans une société libre et démocratique comme la nôtre, M. le Président.
Et c'est cette cause que nous allons continuer à porter parce qu'on le pense, justement, que, comme pour la
loi 101 il y a 40 ans, comme pour la Charte de la langue française il
y a 40 ans, ce projet que nous portons et que nous allons continuer
à porter repose sur un équilibre nuancé, équitable entre le respect des droits
individuels et l'affirmation de nos valeurs collectives, de nos valeurs
communes.
Et je vais
conclure, M. le Président, en précisant, en déclarant au nom de notre formation
politique, au nom du gouvernement,
que, malgré ce que je perçois être des — comment dire? — motivations un tout petit peu partisanes
de la part de l'opposition officielle en
présentant cette motion-là, malgré ça, M. le Président, on va voter pour.
On va voter pour parce que, sur le
fond des choses, au-delà des calculs politiques qui peuvent sous-tendre cette
motion-là, il ne faut jamais perdre
de vue le sens, le fond, M. le Président, jamais perdre de vue le fond. Et le
fond de cette motion-là, c'est de réitérer le rôle essentiel que joue la commission des droits et libertés de la
personne au Québec et le fait que tout gouvernement, quel qu'il soit, doit protéger, doit respecter les
droits et libertés des Québécoises et des Québécois. Ça va donc nous
faire plaisir, M. le Président, dans le
contexte des commentaires que je viens de faire, ça va donc nous faire plaisir
de voter pour la motion du député de LaFontaine. Merci, M. le Président.
Le
Vice-Président (M. Ouimet) : Alors, merci à vous, M. le
ministre, pour cette intervention.
Nous avons réparti le temps des indépendants. Donc, à la deuxième… deuxième
groupe d'opposition, il reste, Mme la députée de Montarville, 15 min 16 s. Il restera à l'opposition officielle
13 min 18 s. Donc, je vous cède la parole, Mme la députée
de Montarville.
Une voix : …
Le Vice-Président (M. Cousineau) :
On le calcule.
Mme Nathalie Roy
Mme Roy
(Montarville) :
Merci beaucoup, M. le Président. Eh bien, dans le débat qui entoure la charte
des valeurs québécoises — débat
fort intéressant, au demeurant — je me questionne ici sur les intentions
réelles du gouvernement.
En effet, le Parti québécois s'est engagé dans sa plateforme électorale, à
l'été dernier, là, à l'été 2012, à élaborer
une charte québécoise de la laïcité. Or, le gouvernement a volontairement
changé le vocabulaire de ses intentions et remplacé le terme «laïcité» par «valeurs québécoises». Cette différence
peut paraître sémantique mais reflète surtout la volonté du gouvernement
de miser sur l'identité québécoise par électoralisme.
De
plus, le gouvernement a attendu 12 mois après son élection avant de déposer le
début d'un projet de charte, on n'a
toujours pas de loi. Alors, je me pose la question : Pourquoi? Pourquoi
tant de temps? Hier, le ministre des Institutions démocratiques a
continué son effeuillage de la charte en affirmant qu'un projet de loi serait
enfin déposé cet automne sans toutefois dire quand. Alors, est-ce que ce sera
dans deux semaines, à la veille d'élections éventuelles, ou bien le 21 décembre, à la veille de Noël? Le gouvernement
ne semble pas pressé de déposer un projet de loi et fait volontairement perdurer le débat. Si le gouvernement avait
réellement voulu qu'une charte de la laïcité soit adoptée, il aurait déposé
un projet de loi bien avant cet automne, d'autant plus que nous sommes prêts à
collaborer avec le gouvernement pour adopter une charte de la laïcité.
Nous
ne partageons toutefois pas certaines mesures radicales proposées par le
gouvernement. Mon chef a d'ailleurs proposé
hier ici même la tenue d'une rencontre au sommet entre les chefs des partis
politiques pour discuter de ce projet de charte, qui est extrêmement
sensible, il faut le dire, et qui nécessite une très grande prudence, notamment
de la part des législateurs. La première
ministre s'est opposée à cette idée en prétextant que le processus législatif
devait suivre son cours. Alors, c'est
un argument qui ne tient pas la route, car il est tout à fait possible
d'organiser des rencontres politiques avant
le dépôt d'un projet de loi, un projet de loi aussi fondamental, plutôt que
d'attendre le début de l'étude détaillée.
Dans
les faits, le gouvernement va déposer une charte plus stricte qu'au départ.
C'est ce qu'on semble comprendre. Le
gouvernement prévoyait au départ des exemptions de l'application de cette
charte dans certains milieux comme les villes,
les hôpitaux, les cégeps et les universités. Aujourd'hui, il opterait… on met
ça au conditionnel, on ne le sait toujours pas, là, mais davantage pour
des clauses de transition. Je pense que c'est un pas dans la mauvaise
direction. J'aimerais, ici, rappeler que
nous sommes contre l'application de la charte dans les hôpitaux et les
garderies, les cégeps, les universités et les municipalités.
D'ailleurs,
le ministre a également dévoilé les résultats d'un sondage qui démontrent que
plusieurs Québécois aimeraient que
des amendements soient apportés au projet de charte, notamment pour interdire
le port de signes religieux uniquement
aux personnes en position d'autorité, personnes en autorité, ce qui correspond
aux recommandations, ici, des commissaires Bouchard et Taylor, mais
aussi de l'ancien premier ministre Jacques Parizeau. Alors, il y a beaucoup de
gens qui réclament ça.
Bref,
le gouvernement a eu tout le temps nécessaire pour déposer une charte de la
laïcité, mais il a tardé — on constate, là — à le faire pour des raisons purement
électorales. Dans ce débat, les intérêts supérieurs de la nation
devraient primer sur les intérêts partisans.
La Coalition avenir Québec a déposé ce matin en Chambre, ici même, un projet de
loi sur la laïcité beaucoup plus équilibré
et nuancé, et nous souhaitons que le gouvernement réfléchisse bien à notre
proposition. Nous voulons, tout comme le
gouvernement, confirmer la neutralité de l'État québécois et le caractère privé
de la pratique religieuse, tout en respectant les éléments du patrimoine
culturel et religieux de notre société.
• (16 heures) •
Notre
position se résume en quatre grands principes. Je vous les énumère :
d'abord, le caractère inaliénable du droit à l'égalité entre les hommes et les femmes, l'affirmation du principe de
la neutralité de l'État, le respect
et la promotion de la culture
matérielle du Québec, incluant, incluant ses éléments de patrimoine
historique et religieux. Le Québec
demeure une terre d'accueil ouverte, où il
fait bon vivre ensemble et s'épanouir dans la participation au progrès de notre
société par la reconnaissance des différences et le respect mutuel que nous
portons.
Sur le libellé de la
motion qui est déposée aujourd'hui, il importe de rappeler le rôle de la Commission
des droits de la personne auprès du gouvernement. Ce rôle, il est de faire des recommandations au gouvernement
du Québec sur la conformité des lois
à la Charte des droits et libertés et sur toute matière relative aux droits et
libertés de la personne et à la
protection de la jeunesse. La commission a donc comme rôle principal un rôle de recommandation. Elle formule des commentaires et des avis auprès du gouvernement
pour mieux l'éclairer dans le choix de ses politiques et de ses modifications
législatives. Alors, il faut bien sûr, bien sûr, en tenir compte, car
l'expertise et la compétence de la commission ne font aucun doute pour nous. Mais, vous savez,
un gouvernement n'est pas toujours tenu d'être en
accord sur tous les points avec un avis de la Commission des droits de la
personne sur un enjeu politique ou encore social.
Dans
le cadre de la présente motion, naturellement, le petit problème fondamental,
c'est que, si nous voulons une charte
de la laïcité, il faudra modifier la charte, alors il va falloir y toucher.
Mais, cela dit, naturellement, nous devons les respecter, ces chartes,
mais on a aussi le droit, en tant que politiciens, en tant que législateurs, de
les ouvrir et de les modifier. C'est même
notre devoir de le faire, de faire des lois, de modifier des lois. Mais ce qui
est très important, c'est que nous devons faire ces modifications,
toucher à ces chartes qui sont si importantes pour nous... si importantes pour
nous, pardon, de façon responsable et équilibrée. Et c'est ce que nous
souhaitons, c'est ce que nous voulons. Pour cette raison, nous appuyons, bien
entendu, cette motion.
Le
Vice-Président (M. Ouimet) : Très bien. Alors, merci, Mme la
députée de Montarville. Il va rester environ six, sept minutes à votre
formation politique. Nous allons maintenant du côté de Mme la députée de
Bourassa-Sauvé, en vous rappelant qu'il reste à votre formation politique
13 min 18 s pour l'instant.
Mme
Rita de Santis
Mme de Santis :
Merci beaucoup, M. le Président. M. le Président, je prends la parole
aujourd'hui en appui à la motion qui a été déposée par le député de LaFontaine
pour demander que le gouvernement péquiste, lorsqu'il déposera
son projet de loi devant porter sur une charte des valeurs québécoises, que le
gouvernement s'engage formellement à
respecter les droits et les libertés de toutes les Québécoises et tous les
Québécois, droits et libertés garantis par la charte québécoise des
droits et libertés adoptée à l'unanimité, rappelons-le, par l'Assemblée
nationale en 1975.
Cette
question interpelle tous les députés de cette Chambre, peu importe leur
allégeance politique, comme elle interpelle
tous les Québécois, peu importe leur allégeance politique. La Charte des droits
et libertés est le fondement même de
notre société. Elle est le socle sur lequel reposent notre système législatif
et notre système judiciaire. La Charte des droits et libertés n'est pas une simple loi, une loi
comme les autres. Elle est, en quelque sorte, la loi suprême du Québec, la
loi qui prime sur toutes les autres lois,
car elle a une valeur quasi constitutionnelle, comme nous l'ont rappelé, à
nombre de reprises, nos tribunaux. La
Charte des droits et libertés a été adoptée à l'unanimité il y a presque 40 ans
pour enchâsser des droits et des libertés fondamentales comme la liberté
d'expression, la liberté de conscience, la liberté de religion et l'égalité des
sexes.
Les
péquistes proposent que nous la modifiions, en 2013, dans la division et la
partisanerie. La préservation et la mise en valeur des droits et de leur
exercice doivent guider nos actions comme parlementaires. Elles doivent être la
pierre angulaire des mesures que nous
adoptons en cette Chambre, qu'il s'agisse de lois, de programmes, de budgets,
de motions. La Charte des droits et libertés
est le phare qui doit nous guider lorsque nous naviguons sur des mers
agitées.
Malheureusement,
lorsqu'on examine ce que le gouvernement péquiste entend faire dans le dossier
de ce qu'il a décidé d'appeler une charte des valeurs québécoises, on constate
qu'il entend faire fi des commentaires et des recommandations
de la commission des droits et libertés de la personne et des droits de la
jeunesse. Le ministre parle de droits
et de valeurs sans comprendre vraiment la différence entre les deux. Non
seulement il faut s'inquiéter, il faut aussi rappeler à ce gouvernement
les propos que tenaient nombre de ses ténors justement sur l'importance de
mettre la Charte des droits et libertés au coeur de nos actions et sur l'importance de respecter les avis de la Commission
des droits, un organisme indépendant
du gouvernement qui remplit son mandat au seul bénéfice des citoyens et dans
l'intérêt public.
Il faut aussi noter
que le président actuel de la commission, un juriste renommé, vient d'être
nommé par l'Assemblée nationale sur la proposition de la première ministre.
Laissez-moi,
M. le Président, rappeler au ministre des Institutions démocratiques et de la
Participation citoyenne les mots très durs qu'il a eus il n'y a même pas
un an et demi, lorsqu'il était de ce... lorsque lui, il était de ce côté de la Chambre, lorsqu'il était
à l'opposition. Le 18 mai 2012, quand il est intervenu sur le
projet de loi n° 78, le projet de loi dont le but était de permettre aux étudiants de recevoir l'enseignement
dispensé par les établissements de niveau postsecondaire qu'ils fréquentent, le ministre avait dit que le
projet de loi n'était rien d'autre qu'une provocation,
une provocation, vu la
disproportion entre le mal auquel on voulait supposément s'attaquer et les
moyens, le remède utilisé pour le traiter. Eh bien, à quoi assiste-t-on avec
cette supposée charte des valeurs québécoises, sinon à de la provocation, à une
disproportion entre le fameux mal auquel on veut s'attaquer et les moyens
proposés pour le traiter, pour reprendre les propres
mots du ministre? Quelles sont les études scientifiques que le ministre a en
main pour justifier qu'un mal existe?Quels
sont les problèmes avec les membres de la GRC qui portent des turbans? Il ne
nous présente aucun cas où le port de signes religieux par le personnel
de l'État aurait compromis la neutralité religieuse
de l'État.Même la commission souligne n'avoir reçu aucune information à cet
effet. Si le mal auquel le ministre et son gouvernement veulent
s'attaquer est celui d'assurer un État laïc et neutre, s'il veut assurer
l'égalité entre hommes et femmes, eh bien, M. le Président, il fait fausse
route.
Quand
on relit les propos que le ministre a tenus en mai 2012, on se dit qu'il décrit
précisément la situation devant laquelle on se trouve aujourd'hui. Il ne s'agit de rien de moins que d'une attaque en
règle contre les libertés civiles, d'un coup de force contre les droits
démocratiques, comme il disait à l'époque.
Et
ce qu'il y a de plus ironique, M. le Président, c'est que le ministre et son
gouvernement font aujourd'hui, avec ce projet
de charte qui viendrait supposément incarner nos valeurs québécoises, exactement ce qu'ils ont accuséle gouvernement
libéral précédent de faire. Le projet du gouvernement péquiste ne vise pas à
incarner nos valeurs, il ne vise pas à
assurer l'égalité hommes-femmes, il ne vise pas à assurer la laïcité et la
neutralité de l'État. En reprenant les mots
du ministre en 2012, ce projet participe d'une
stratégie à «rebrander» le Parti québécois comme le parti garant
des valeurs québécoises, comme ce que le ministre nous accusait de faire il y a
presque un an et demi.
En
fait, on a l'impression que le ministre était un devin
qui décrivait ce qui allait se produire aujourd'hui avec ce projet, avec
son projet de charte des valeurs québécoises, c'est-à-dire d'abord et avant
tout un exercice de marketing politique, une
tentative par le gouvernement péquiste pour faire oublier son inertie, son
manque de vision, sonimprovisation,
sa performance économique désastreuse, les pertes d'emploi qui sont l'apanage
depuis un an, depuis qu'il est au
pouvoir. En bref, ce n'est qu'une stratégie, M. le Président, pour tenter de
relancer le Parti québécois dans l'opinion publique afin de pouvoir
déclencher plus tôt que tard…
Le Vice-Président
(M. Ouimet) : Oui, M. le député de Berthier?
M.
Villeneuve : Je m'excuse d'interrompre la députée, mais
j'entends ses propos, et il y a beaucoup
d'intentions qui nous sont portées, M. le Président. Alors, simplement… Voilà.
Le
Vice-Président (M. Ouimet) : Il n'y a rien qui viole le
règlement pour l'instant, M. le député de Berthier, je suis vigilant. Mais vous allez avoir
toute l'occasion d'intervenir, il vous reste
amplement de temps. Alors, veuillez poursuivre, Mme la députée de
Bourassa-Sauvé.
• (16 h 10) •
Mme de Santis :
Si le gouvernement avait vraiment à cœur l'égalité femmes-hommes, il aurait agi
sur tous les fronts.
Demandons aux femmes… L'égalité réelle ne peut être atteinte que lorsque
toutes les formes de discrimination seront adressées à travers toutes les sphères de
la société. Pour ceux qui, comme Mme Djemila Benhabib, dressent un portrait plutôt alarmiste de la menace de
l'intégrisme, croyez-vous vraiment qu'interdire le voile dans la fonction
publique va éliminer la menace d'intégrisme
et sera plus prometteur de l'égalité femmes-hommes? Vous croyez vraiment
qu'en refusant l'accès aux postes de
fonctionnaire à des femmes voilées nous allons mieux les intégrer dans la
société québécoise? Je cite la
commission en disant, je cite : «"Il n'est pas raisonnable de
présumer de la partialité d'un employé de l'État du simple fait qu'il
porte un signe religieux"[...]. Le fait de lier le port de signes
religieux "ostentatoires" à la définition du prosélytisme [...] sans
tenir compte du comportement de la personne fausse de manière importante
l'approche développée en matière de protection de la liberté de religion...»
Fin de la citation.
Le ministre a souvent répété que le port de
signes ou de vêtements religieux ne fait pas partie de la liberté de religion telle que reconnue par la Déclaration
universelle des droits de l'homme, qui, d'après lui, se limite au droit
d'avoir une religion, de la transmettre et d'en pratiquer les rites, mais je
voudrais bien lui citer l'article 18 de la déclaration universelle : «Toute personne a droit à la liberté de pensée, de
conscience et de religion; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction ainsi que la
liberté de manifester sa religion ou sa conviction seule ou en commun,
tant en public qu'en privé, par l'enseignement, les pratiques, le culte et
[aussi] l'accomplissement des rites.»
Les Québécois
méritent mieux qu'un ministre qui balaie du revers de la main un avis de la
Commission des droits de la personne
qui lui laisse savoir sans ambages que son projet de charte des valeurs
québécoises ne tient pas la route, qu'il porte atteinte aux droits de la
Charte des droits et libertés, qu'il confond valeurs et droits, ce même
ministre qui avait accusé le précédent
gouvernement libéral de tous les maux, ce même ministre qui disait sur sa page Facebook,
le 19 juillet de l'année dernière, que
le Parti libéral n'avait plus d'honneur parce qu'il était passé outre l'avis de
la Commission des droits de la
personne et des droits de la jeunesse sur le projet de loi n° 78. N'est-ce
pas exactement ce qu'il est en train de faire avec son propre projet de charte des valeurs québécoises, le même
ministre qui disait sur sa page Facebook que porter atteinte aux libertés fondamentales garanties par
la charte québécoise devrait être déclaré inapplicable et qu'il ne faut
pas obliger les Québécois à passer outre à
leur sentiment de solidarité et à leurs convictions? N'est-ce pas exactement ce
que le ministre cherche à nous imposer avec sa supposée charte de valeurs?
Et le
ministre ne peut pas se cacher derrière sa compilation des commentaires qu'il
dit avoir reçus par Internet et par téléphone,
qui montrerait que la très vaste majorité est en accord avec son projet, sauf
pour des modifications mineures comme le retrait du crucifix à
l'Assemblée et le durcissement de la possibilité de retrait de la charte des
valeurs pour, exemple, les municipalités.
Comme le ministre l'a si bien reconnu, cet exercice n'a aucune valeur
scientifique. Qui nous dit que des associations ou des regroupements
n'ont pas tenté et réussi à noyer le site? Et pourquoi ne pas publier les
commentaires? Pourquoi ne pas publier les avis juridiques de son ministère? Le
même ministre est responsable de l'accès à
l'information. Il se dit un avocat convaincu du gouvernement ouvert. Comme l'a
souligné Josée Legault hier, je
cite : «Nous vivons [...] dans une culture mondiale de communication où
les commentaires sont légions sur les sites des médias, écrits,
électroniques et sociaux. Et le gouvernement refuse de dévoiler les siens pour
des présumées raisons de "confidentialité"?»
Soyons
sérieux. Ne tombons pas dans le piège, ne nous laissons pas berner. Ne laissons
pas stigmatiser un groupe de notre
société. Canalisons nos énergies pour nous assurer d'un véritable débat
politique et démocratique fait dans le respect,
dans le respect de nos droits qui sont garantis par la Charte des droits et
libertés de la personne, dans le respect de nos valeurs, dans le respect de la liberté de conscience et de religion,
dans le respect de l'égalité hommes-femmes, dans le respect de la
neutralité de l'État, dans le respect de nos institutions et surtout dans le
respect des uns et des autres. C'est ça que
les Québécois méritent. Le gouvernement péquiste doit s'engager formellement et
sans retenue à respecter, dans son
projet de loi sur une éventuelle charte des valeurs québécoises, les droits et
libertés de toutes les Québécoises et de tous les Québécois garantis par
la charte québécoise des droits et libertés de la personne adoptée à
l'unanimité par l'Assemblée nationale en 1975. Merci, M. le Président.
Le
Vice-Président (M. Ouimet) : Alors, merci à vous, Mme la
députée de Bourassa-Sauvé. M. le ministre de la
Sécurité publique, il reste 22 min 53 s à votre formation
politique. Je vous cède la parole.
M. Stéphane Bergeron
M.
Bergeron : Merci,
M. le Président. Alors qu'elle était chef de l'opposition officielle,
l'actuelle première ministre avait déposé un
projet de loi sur la citoyenneté. Pendant la dernière campagne électorale, elle
avait pris l'engagement d'affirmer les valeurs québécoises. Elle a
réitéré son intention d'aller de l'avant sur cette voie lors de la présentation
du Conseil des ministres et lors de son discours inaugural. Il ne s'agit donc
pas, comme le prétendent certains, d'une
astuce électoraliste soudainement sortie d'un chapeau, à la veille d'un
hypothétique appel aux urnes, mais le
fruit d'une longue réflexion, notamment suscitée par quelques rares mais
spectaculaires demandes d'accommodements religieux qui, en l'absence de
balises claires, ont souvent donné lieu à des compromis déraisonnables et
provoqué un fort ressentiment au sein de la population.
Le
gouvernement a donc donné suite aux engagements de la première ministre en
dévoilant les grandes orientations de la charte des valeurs québécoises
qu'il entend faire adopter. Il est plus que temps, en effet, de mettre un terme
à cette déplorable indécision qui ouvrait la
porte à l'arbitraire et à des pratiques hétéroclites minant le désir du
vivre-ensemble. Et qui dit vivre-ensemble, M. le Président, pense immédiatement
à une combinaison de référents, de pratiques, de valeurs qui nous lient les unes aux autres, les uns aux
autres, dans une même société. D'aucuns appelleraient cela nos us et coutumes, tandis que d'autres feraient plutôt
référence à ce qui fait en sorte que des gens de tous les horizons
trouvent notre société particulièrement
attrayante et choisissent de venir partager et enrichir notre aventure commune
en cette terre d'Amérique.
Nous
avons retenu, M. le Président, le concept de valeurs québécoises pour traduire
cet ensemble d'éléments aux contours parfois imprécis qui nous distingue
comme peuple. La députée de Notre-Dame-de-Grâce, alors qu'elle était ministre de la Justice, comme le rappelait mon
collègue, parlait, elle, de cohésion sociale. Il est vrai, M. le Président,
que certaines de ces valeurs sont
universelles, alors que d'autres sont partagées par nombre de sociétés à
travers la planète. Mais c'est, outre
un certain nombre de traits culturels et historiques, un amalgame particulier
de valeurs qui nous distingue des
autres peuples et sociétés. Nous ne prétendons être ni meilleurs ni pires que
n'importe quel autre peuple. Nous sommes simplement différents, semblables, voire identiques à certains égards,
mais fondamentalement différents sous d'autres angles. Et c'est cet ensemble de valeurs communes qui constitue une
richesse inestimable, que nous voulons préserver, mettre en évidence et
codifier dans cette charte des valeurs québécoises.
Parlant de
charte, M. le Président, la charte québécoise des droits et libertés de la
personne serait amendée de telle sorte de définir les grands principes
permettant de baliser les demandes d'accommodement afin d'éviter certains des
dérapages auxquels nous avons assisté ces dernières années. Le principe
touchant l'égalité entre les hommes et les femmes ainsi que la séparation des
religions et de l'État, la neutralité religieuse de l'État et le caractère
laïque de ces institutions, en tenant compte de notre patrimoine historique
commun, seraient également réaffirmés dans la charte québécoise des droits et libertés. Mais, au-delà de ces grands principes
devant baliser les accommodements religieux dans la société québécoise, une politique de mise en œuvre
de la neutralité religieuse de l'État et de l'encadrement des
accommodements religieux pour les ministères et organismes du gouvernement
serait mise de l'avant et s'incarnerait notamment dans des directives claires,
auxquelles tous les employés de la fonction publique devraient se conformer.
Ainsi, les employés de l'État devraient
dorénavant s'imposer un devoir de réserve et de neutralité religieuse dans l'exercice de leurs fonctions. Le port de
signes religieux ostentatoires pour le personnel de l'État durant les
heures de travail serait donc prohibé. Par
contre, une petite croix, pour répondre au député de LaFontaine, une étoile de
David ou une main de fatma ne poseraient absolument aucun problème. Un
employé de l'État, dans l'exercice de ses fonctions, ne pourrait pas, par exemple, porter un chandail arborant l'inscription
«J'aime Jésus». Cela dit, un citoyen pourra, en tout temps, dans l'espace public, porter un tel
chandail, y compris lorsqu'il sollicitera des services de l'État. Par contre,
il serait dorénavant interdit à quiconque de recevoir des services de
l'État si ce n'est à visage découvert.
• (16 h 20) •
Depuis
toujours, le Québec s'est employé à aménager un judicieux équilibre entre les
droits individuels et les droits collectifs. Notre gouvernement
s'inscrit donc dans cette tradition séculaire, avec des propositions que nous
estimons raisonnables, avec des règles plus
claires balisant le vouloir vivre ensemble. Pour nous, il était clair qu'un tel
processus ne pouvait aller de l'avant sans
la participation active de la population, et celle-ci a été au rendez-vous,
puisque des dizaines de milliers de citoyennes et de citoyens ont pris
part à la consultation et nous ont transmis leurs nombreux et pertinents commentaires.
Ce que je
craignais le plus, M. le Président, au départ, c'est qu'on veuille empêcher le débat
sur cette question fondamentale. Je
comprends qu'il puisse être angoissant pour certaines personnes de constater
que le peuple québécois entreprend
une introspection en profondeur pour tenter de cerner son identité et de
prendre un certain nombre de décisions quant
à son devenir collectif. Fort heureusement, malgré les efforts répétés de ces
éteignoirs, le débat aura eu lieu et se sera somme toute déroulé de façon relativement sereine et constructive. Qui
plus est, M. le Président, le débat n'est pas terminé. Aussi le gouvernement
tiendra-t-il compte des points de vue exprimés jusqu'à présent pour présenter
prochainement un texte législatif qu'il entend faire adopter.
Une citoyenne
de ma circonscription me disait, récemment : Quand je reçois des
gens à la maison et que je leur dis de
faire comme chez eux, je m'attends quand
même à ce qu'ils fassent un peu comme
chez nous. Par exemple, puisque nous ne mettons jamais les pieds
sur les meubles à la maison, je n'accepterais pas que quiconque puisse le faire
chez nous. Fin de la citation. Par respect
pour les gens qui les accueillent et dans le but d'entretenir cet esprit
d'ouverture et de bonne entente ayant conduit leurs hôtes à leur ouvrir
leur porte, les invités se garderont probablement de mettre les pieds sur les
meubles de la maison dans laquelle ils ont pris place, M. le Président. Au
fond, n'est-ce pas simplement de cela dont il est question présentement?
M. le Président, lorsque je reprends le texte de la motion qui nous est
présentée par le député de LaFontaine
et que je vois qu'il est question
que «l'Assemblée nationale réitère sa pleine confiance envers l'organisme
indépendant du gouvernement qu'est la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse», je
me dis que nous aurions pu présenter
exactement la même motion il n'y a pas si longtemps, M. le Président, que ce
soit sur le projet de loi n° 78 ou sur le projet de loi n° 94,
puisqu'à ce moment-là la commission s'était très clairement exprimée contre ces deux pièces législatives, ce qui n'a
pas semblé émouvoir outre mesure le gouvernement libéral de l'époque. Alors, de les voir aujourd'hui se draper dans le
voile de la vertu, hein, M. le Président, se draper dans le voile de la vertu en invoquant un avis de la Commission des droits de la personne, je dois dire que c'est
pour le moins ironique aujourd'hui.
Bien sûr,
M. le Président, nous tiendrons compte de l'avis de la Commission
des droits de la personne, avis qui peut cependant apparaître, à ce
stade-ci, un peu prématuré dans la mesure où aucun texte de loi n'a encore été
déposé. Il faut aussi préciser que cet avis ne fait pas foi de tout.
D'autres avis tout aussi pertinents doivent être pris en compte, et je
pense tout particulièrement, M. le Président, à l'avis du Conseil du statut de
la femme, qui avait, je dirais… qui avançait une position claire, précise et
très pertinente, très pertinente sur cette question.
Il faut par
ailleurs noter, M. le Président, que l'avis de la commission s'appuie sur le libellé
actuel de notre Charte des droits et
libertés. Au fond, ce qu'il faut conclure, M. le Président, c'est qu'il y a des
visions différentes qui s'affrontent, mais, du choc des idées dans une
société démocratique, M. le Président, jaillit la lumière.
Alors, je veux revenir, si vous me le permettez,
M., le Président, sur le fait que les libéraux ne semblaient pas s'émouvoir outre mesure il n'y a pas si longtemps
encore de l'opposition, je dirais, vive de la Commission des droits de la personne sur un
certain nombre de leurs pièces législatives. Alors, par exemple, la commission
s'était opposée vertement à la loi n° 78, à l'inique loi
n° 78, qui, clairement dans ce cas-là, suspendait des droits et libertés
individuelles des citoyennes et citoyens, puis ça n'avait pas l'air d'émouvoir
personne de l'autre coté de la Chambre, M. le Président, d'abord, de suspendre
des droits et libertés et, ensuite, de voir l'avis pourfendre ce projet de loi.
La commission
disait que l'article 13 est contraire à la charte «parce qu'il porte atteinte
aux libertés d'expression, de réunion
pacifique et d'association. Formulé en termes larges et imprécis, il interdit
des gestes et des activités protégés par les garanties relatives aux
libertés fondamentales.
«L'article 14 [...] porte atteinte à la liberté
de réunion pacifique et, de ce fait, aux libertés d'expression et d'association en interdisant tout rassemblement à
l'intérieur d'un édifice où sont dispensés des services d'enseignement,
sur le terrain ou dans un rayon de 50 mètres des limites externes de celui-ci.
«Les articles
12 et 14 [...] portent atteinte à liberté de conscience — la liberté de conscience, M. le
Président — des
personnes visées en les obligeant à passer outre à leur sentiment de solidarité
et à leur conviction.
«L'article 15
[...] porte atteinte à la liberté d'association en imposant aux associations
visées un principe distinct de responsabilité, comprenant une obligation
de moyen eu égard à un contrôle qu'elles n'ont pas, ni en fait ni en droit, sur
leurs membres.
«Les articles
16 et 17 [...] portent atteinte aux
libertés d'expression et de réunion pacifique en instaurant un régime de
déclaration préalable pour toute manifestation de 50 personnes ou plus.
«Les articles
18 à 31 [...] portent atteinte aux libertés d'expression, de réunion pacifique
et d'association en raison notamment de la sévérité des
sanctions et du doute qu'ils soulèvent quant à ce qui est permis ou non.»
M. le Président, où était la députée de Bourassa-Sauvé à ce
moment-là, elle qui invoque le
respect des droits de la personne?
Elle qui invoque le respect de l'avis de la Commission des droits de la personne, où était-elle à l'époque où le gouvernement violait impunément les
droits de la personne, les droits et libertés de la personne au Québec, où le gouvernement libéral passait outre à un avis
formel de la Commission des droits de la personne? Elle était où, la
députée de Bourassa-Sauvé, à ce moment-là?
La question se pose, M. le Président. Or, de les entendre, aujourd'hui, comme
je le disais, se voiler dans la vertu du
droit et de l'avis de la Commission des droits de la personne, c'est pour le
moins ironique.
Même chose,
M. le Président : la Commission des droits de la personne et des droits de
la jeunesse s'opposait vivement aux articles du projet de loi
n° 94 — écoutez
bien, M. le Président — qui
obligeaient le fait de recevoir des services publics à visage découvert. Il y a
quelques instants, notre collègue nous disait : On va marginaliser encore
davantage des femmes d'une foi différente, mais ça ne semblait pas l'émouvoir,
l'année dernière non plus, quand le gouvernement
libéral proposait exactement la même chose dans le projet de loi n° 94 et
que l'avis se prononçait contre cette disposition du projet de loi
n° 94. Alors, M. le Président, je dois dire que je trouve pour le moins
particulier ces prises de position
aujourd'hui, là, très vertueuses, de la part des libéraux, qui semblaient, il
n'y a pas si longtemps, passer outre tous ces avis de la Commission des
droits de la personne et qui semblaient peu se préoccuper de la Charte des
droits et libertés à ce moment-là.
M. le
Président, on avait le même genre de discours alarmiste, de la part des
libéraux, lorsque fut adoptée la loi 101. Ce n'est pas mêlant, M. le Président : si René Lévesque et Camille
Laurin avaient écouté les arguments du Parti libéral, jamais la loi 101 n'aurait été adoptée. Or, même
Stéphane Dion… Il faut le faire, M. le Président : même Stéphane
Dion a affirmé que la Charte de la langue française était une grande loi
canadienne.
Alors,
aujourd'hui, on reconnaît les vertus de la loi 101, de la Charte de la
langue française, du côté fédéraliste, du côté libéral, tant fédéral que québécois, mais, à l'époque, on
pourfendait cette loi. J'en veux pour preuve, M. le Président, un
certain nombre d'articles, notamment un paru dans Le Devoir : Les
libéraux appréhendent les effets économiques d'un «nationalisme étriqué»,
M. le Président. Dans le Montréal-Matin, Pierre Desmarais en rajoutait
en disant que «la Charte de la langue
augmentera le chômage», et je le cite : «Dans cinq ans, a prédit M. Desmarais[…], il n'y aura plus
d'école anglaise au Québec.» C'était ce qu'on affirmait en 1977. «La Charte
de la langue fera fuir les Québécois», disait,
dans LeDroit, le député du comté de Gatineau, M. Michel Gratton.
Imaginez-vous, M. le Président, on affirmait même que la Ligue nationale
pourrait déménager du Québec si la loi 101 était adoptée. Le projet de loi… «le
Parti libéral — dis-je — dénonce l'esprit de vengeance de la charte»,
M. le Président. «Le chef libéral condamne le séparatisme du projet de loi 101.» «Une loi "séparatiste"
qui fera du Québec un ghetto», disait Gérard D. Lévesque. M. lePrésident, ce n'est pas peu dire. Daniel Johnson,
le nouveau conseiller du chef fantôme du Parti libéral du Québec, disait :
«La Charte de la langue française, la
loi la plus mesquine — la plus mesquine — que j'ai jamais vue.» Alors, M. le
Président, maintenant, notre ami Stéphane
Dion déclare qu'il s'agit d'une grande loi canadienne, et tout le monde
reconnaît des vertus à la loi 101.
Alors, mon collègue de Marie-Victorin, le
ministre responsable des Institutions démocratiques, nous disait, il y a quelques instants : Les libéraux, à un
moment donné, ils vont se réveiller puis ils vont finir par comprendre,
comme ils l'ont fait pour la loi 101, que la
charte des valeurs québécoise sera une grande loi pour le Québec et pour la
population québécoise, M. le Président. Mais
le décalage risque d'être grand, M. le Président, puisque c'est le débat qui
anime la société québécoise sur tout le territoire depuis des semaines,
et ça leur aura pris, M. le Président, plusieurs semaines avant qu'ils daignent
poser une première question en cette Chambre et, aujourd'hui, nous présenter
une motion.
M. le
Président, cette charte n'a rien de bien exceptionnel. Plusieurs États comme la
France, la Belgique, la Suisse, l'Allemagne ont fait le choix de la
neutralité religieuse de l'État. Et même certains États dont la population est
à majorité musulmane ont fait ce choix : je pense à la Tunisie ou la
Turquie. Alors, M. le Président, le Québec ne sera pas au banc des accusés de
la communauté internationale advenant le cas où il adopte cette loi, bien au
contraire.
• (16 h 30) •
Le
Vice-Président (M. Cousineau) : Merci, M. le ministre de la Sécurité publique.
Alors, oui, je... M. le député de Chauveau, en vous rappelant que, pour
votre formation politique, il reste 8 min 43 s. Merci.
M.
Gérard Deltell
M.
Deltell :
Alors, merci beaucoup, M. le Président. Alors, oui, je vais prendre la parole,
au nom de ma formation politique, sur
ce débat, suivant ma collègue de Montarville, qui porte avec brio notre
position et la position de notre parti depuis déjà plusieurs mois et
qui, sur toutes les tribunes, propose cette solution de compromis honorable,
cette sortie de secours non pas pour le gouvernement, mais pour tout le Québec.
Parce que, M.
le Président, il faut le reconnaître, ce qu'on vit au Québec depuis deux mois,
c'est malheureux et c'est triste, et, je le dis comme je le
pense, M. le Président, je n'aime pas le Québec que je vois
actuellement. Ça me fait de la peine,
ça me fait mal au coeur. Quand j'entends des propos qui sont sur le bord de la
xénophobie, qui sont sur le bord du racisme,
je n'aime pas ça; et je l'entends chez moi, je l'entends dans mon comté, je
l'entends partout au Québec, et ça me crève le coeur quand j'entends ça.
On se souvient tous, il y a un mois et demi à peu
près, on a appris par les nouvelles un triste événement alors
qu'un jeune garçon de 13 ans qui était
accompagné de sa mère qui portait le voile s'est fait insulter par deux
femmes qui, doit-on comprendre, étaient
d'origine canadienne-française, et le petit garçon s'est fait cracher au
visage. Ce n'est pas le Québec que j'aime, ça, M. le Président, puis ce
n'est pas le Québec auquel je crois.
Et on entend régulièrement des propos qui font une
distinction entre les Québécois. Je pense, M. le Président, que notre devoir à tous,
comme élus, c'est de rassembler les Québécois et de ne surtout pas les diviser.
Nous reconnaissons qu'en effet le débat sur les accommodements
raisonnables doit être fait et doit être réglé. Nous estimons que notre proposition, qui repose sur le compromis, qui
repose sur le consensus de Bouchard-Taylor, doit être prise en
considération par le gouvernement pour
qu'enfin on puisse s'entendre. Tous les observateurs politiques, M. le
Président, ont remarqué la main tendue par notre chef. Tout d'abord, dès
la reprise des travaux parlementaires, notre première question portait là-dessus. On ouvrait la porte ou la discussion
avec le gouvernement pour qu'on puisse s'entendre sur une situation de… sur un
projet de compromis. Immédiatement, le gouvernement a fermé la porte. Hier, M.
le Président, et encore aujourd'hui, notre
chef a tendu la main au gouvernement pour qu'on sorte
le Québec de cette crise, et malheureusement, encore une fois, tant hier que ce matin, la première ministre a
claqué la porte en disant : Non, c'est notre façon de faire; même si depuis deux mois on attend encore
le dépôt de cette charte dite des valeurs québécoises.
Permettez-moi
de faire une parenthèse, M. le Président. Je trouve ça malheureux que le
gouvernement ait encore une fois accolé l'adjectif «québécois» à un de
ses projets, parce que, si on n'est pas d'accord avec des idées qui sont contenues dans cette charte-là, qui va être, un de ces quatre,
déposée, je présume, est-ce qu'on est moins québécois que les autres? Est-ce qu'on n'est pas assez québécois parce
qu'on n'est pas d'accord avec ce qui est à l'intérieur? Ce qualificatif-là
appartient à tous les Québécois, et surtout pas à un projet identifié au gouvernement
actuel. Le Québec mérite beaucoup mieux.
Si
on avait parlé de charte des valeurs, on aurait pu s'entendre, on aurait pu discuter. Mais parler de charte des
valeurs québécoises... de charte de la laïcité plutôt, c'eût
été parfait, parce qu'on parlait justement de la laïcité. Mais de parler de charte des valeurs québécoises,
ça veut-u dire qu'ailleurs ils n'ont pas les mêmes
valeurs que nous autres, que nous, on est plus fins que les autres? Parlons
plutôt de charte de valeurs universelles à ce moment-là, M. le Président. Alors, je trouve ça dommage — et
je vais fermer la parenthèse là-dessus — que le gouvernement ait voulu envoyer
un pot de peinture immédiatement dans ce
débat-là en disant : Vous n'êtes pas d'accord avec nous autres? Vous
n'êtes pas vraiment des Québécois. Et je trouve ça dommage. Ça, c'est «divisif».
Alors, M. le Président...
Le Vice-Président (M. Cousineau) :
Un instant. Oui, M. le leader adjoint du gouvernement.
M.
Traversy : M. le Président, depuis le début de la discussion de
cette motion du mercredi, on a gardé un ton serein puis on n'a pas imputé des motifs indignes à personne en cette
Chambre. Je demanderais au député de Chauveau, qui est leader du deuxième groupe d'opposition, de
faire attention aux propos qu'il porte au gouvernement, surtout sur un
sujet aussi délicat.
Le Vice-Président (M. Cousineau) :
D'accord. Alors, M. le député de Chauveau, faites attention. Vous pouvez
poursuivre.
M.
Deltell : Merci, M.
le Président. C'est en effet indigne, ce qui se passe actuellement au Québec.
Je tiens
quand même à rappeler que la proposition que nous, nous recommandons, qui est
celle qui repose sur le consensus de Bouchard-Taylor, doit être soutenue par le gouvernement. Ce n'est
peut-être pas ce qu'il souhaite, mais c'est
un premier pas en avant qui doit être étudié. Pourquoi? Parce que
Bouchard-Taylor, ce sont des gens sérieux. C'est des gens qui ont
travaillé pendant presque deux ans puis qui ont entendu des milliers de
Québécois, parfois dans des situations un peu burlesques, on le reconnaît tous,
mais quand même la population a pu s'exprimer, à tort ou à raison. On entendait des opinions divergentes, mais ça va
de soi. C'est ça, un débat politique. Le travail sérieux, rigoureux, à
la limite intellectuel, a déjà été fait par
des gens de qualité, soit M. Bouchard et M. Taylor. Ils en sont venus à quoi? Ils en sont venus à la conclusion que les personnes en autorité, comme par exemple les juges,
les gardiens de prison, et tout ça, ne devaient pas porter de signes
ostentatoires, de signes distinctifs religieux. Bien, ça nous apparaît un
consensus, ça nous apparaît une solution qui est une porte de sortie
intéressante pour l'ensemble des Québécois. Alors, on invite le gouvernement à
épouser notre position. Ça ne va pas aussi loin qu'il propose, absolument
raison, mais c'est un premier pas.
Et,
s'ils sont... Il faudrait que je fasse attention, là, mais, s'ils sont sincères
dans leur démarche de vouloir justement faire avancer le Québec, bien, ça ne
serait peut-être pas un très grand pas qu'eux souhaitent faire, à leur vision à
eux, mais ça serait à tout le moins un pas en avant et qui pourrait, à ce
moment-là, advenant une élection immédiate...
d'ici quelques semaines, d'ici quelques mois, dire : Bien, regardez, comme
on est de bonne foi, on prend le consensus
de la coalition, mais, si vous voulez vraiment aller plus loin, votez pour nous
autres à la prochaine élection. Ça, je vous le dis, là, je vous offre
une avenue politique de sortie qui serait honorable pour vous.
Je souhaite,
M. le Président, que le gouvernement écoute notre proposition puis il se
dise : Bien, regardez, ce n'est pas
tout à fait ce qu'on souhaitait, mais, à tout le moins, comme on est de bonne
foi, on veut avancer là-dedans, donc on fait ce pas-là. Mais non, M. le Président, à deux reprises, la première
ministre, hier et ce matin, bang! claque la
porte à la main tendue par notre chef. Et c'est dommage.
Je tiens à
dire, aussi, M. le Président, que, la
consultation telle qu'elle a été faite, il faut quand même donner une mesure à ça. Et je suis tout à fait d'accord à ce
qu'on ouvre les sites Internet, à ce qu'on ouvre les courriels puis
qu'on accueille tous les commentaires de l'un et de l'autre, c'est tout à fait
correct.Mais
on peut difficilement faire une analyse scientifique de ça, parce qu'il y a
bien des gens qui avaient une opinion bien connue, bien tranchée, mais qui n'ont pas pris soin d'appeler ou d'écrire. Alors,
quand on dit... J'entendais hier le ministre dire : 67 % des gens
pensent telle chose, 22 % des gens
pensent telle chose, il y a tant... Un instant, là. Il n'y a strictement rien
de scientifique là-dedans, là. C'est des données qui sont... par des
gens qui ont pris la peine de faire ça.
Et qui sont
ces gens, M. le Président? Encore ce matin, j'entendais
mon ami, ancien collègue, ministreresponsable
de ce projet de loi dire à la radio : J'invite les gens de
Québec à appeler les députés de la CAQ pour leur dire ce qu'ils pensent. Ce n'est pas la première fois qu'il dit
ça, ce n'est pas la première fois qu'il dit ça. Bien, moi, je suis à
l'écoute de mes citoyens. Moi, encore
samedi, j'avais six activités en ligne dans mon comté, j'ai rencontré des
centaines de personnes. Je suis à
l'écoute de mes citoyens. Je n'ai pas reçu beaucoup d'appels. En fait, dans mon
bureau de comté, je n'ai reçu aucun appel.
Des courriels, oui, j'en ai reçu, mais des courriels de citoyens, je n'en ai
peut-être même pas reçu sept, huit; et
j'ai répondu personnellement à ces gens-là. J'ai reçu aussi des courriels qui
étaient envoyés à tous les 125 députés. C'est correct, c'est beau, mais ce
n'est pas un citoyen qui prend la peine de m'écrire personnellement son point
de vue.
Et, M. le
Président, je tiens à rappeler l'incident qui est survenu avec la députée de Montarville — j'en ai fait état d'ailleurs, hier, dans une entrevue très suivie, si je me fie à tous
les échos qu'on a pu avoir aujourd'hui — où la députée de Montarville a reçu un appel, dans son bureau de comté,
d'une citoyenne qui n'était pas contente puis qui disait : Vous devriez être d'accord avec le gouvernement du
Parti québécois. Et voilà que, grâce à la technologie moderne, la
députée de Montarville demande : Vous êtes d'où,
madame? Ah! je n'ai pas d'affaire à m'identifier. C'est correct. Mais,
M. le Président, avec le téléphone,
l'afficheur, c'était marqué quoi? Assemblée nationale. Ah! Regarde donc ça,
toi! L'Assemblée nationale, c'est dans le comté de Taschereau, ce n'est
pas dans le comté de Montarville. Alors, est-ce qu'on peut présumer que c'est quelqu'un qui fait partie du
Parti québécois qui aurait appelé? Je ne le sais pas, M. le Président,
mais ce que je sais, c'est que ce n'était pas une citoyenne
du comté de Montarville.
En terminant,
M. le Président, à nouveau, si on veut sortir le Québec de cette crise qui,
malheureusement, fait plus de
victimes qu'on ne l'aurait craint, acceptez le compromis que nous proposons,
qui repose sur Bouchard-Taylor, et enfin on va pouvoir passer rapidement
à d'autres choses et aux vraies préoccupations des Québécois.
Merci, M. le Président.
• (16 h 40) •
Le
Vice-Président (M. Cousineau) : Merci. Merci, M. le député de
Chauveau. Alors, je cède maintenant la parole au député de
Laurier-Dorion, en vous rappelant qu'il reste 1 min 7 s à votre
formation politique. Vous pourrez faire, donc, une conclusion pour votre
formation politique.
M. Gerry Sklavounos
M.
Sklavounos :
Alors, M. le Président, merci. Alors, sur cette motion-là, je vais simplement
réitérer le fait que nous avons été
la formation qui a proposé cette motion-là.Qui demande quoi? Qui demande qu'on réitère notre
pleine confiance à la Commission des droits de la personne et des droits de la
jeunesse, une institution importante, une institution-phare pour la population,
pour le respect des droits, et que...
Au centre, si on regarde ce débat-là, qu'est-ce
qui est important? Le compromis, le compromis. Le point essentiel dans tout ce débat, c'est le respect des droits et
libertés des Québécoises et des Québécois. Et je suis très fier parce
que, là, j'ai cru comprendre qu'il allait y en avoir, des formations qui allaient
voter contre cette motion. En tout cas, c'est ce qui circulait. Moi, je suis très fier de faire partie de la formation
qui a proposé cette motion-là, qu'au centre de ce débat on met les citoyens, on met les droits et libertés. Si on veut parler d'un document fondamental,
fondateur, c'est bien la charte québécoise des droits et libertés,
adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale en 1975. Merci, M. le
Président.
Le
Vice-Président (M. Cousineau) : Merci, M. le député de
Laurier-Dorion. S'il vous plaît! Je passe maintenant la parole au député
de Berthier,en
vous rappelant que, pour votre formation politique, M. le député, il vous
reste 8 min 11 s. À vous la parole.
M. André Villeneuve
M.
Villeneuve : Merci, M. le Président, et bonjour. Bonjour à
toutes et à tous. Très heureux d'être avec vous cet après-midi. Je vais
tenter de ne pas prêter d'intention à qui que ce soit, M. le Président, mais
évidemment vous me permettrez de dénoncer des intentions qui par moments nous
sont prêtées par certains parlementaires.
400 ans d'histoire, M. le Président, 400 ans d'histoire, une des plus vieilles démocraties au monde,
sinon la plus vieille démocratie au monde,
le Québec fait figure, M. le Président, de leader en termes de droits, et de droits de toutes sortes, évidemment
de droits démocratiques puis, bien sûr, de droits en général.
J'ai été assez
surpris, je vous dirais, lorsque j'ai pris connaissance de la motion déposée
par le député de LaFontaine. Surpris.Et le
ministre des Institutions démocratiques, le député de Marie-Victorin, l'a soulevé tantôt, je vais quand même le soulever, tout de même, à mon tour, M. le Président,
c'est que la motion déposée est en deuxvolets. Premier volet, on nous demande de réitérer la pleine confiance
envers l'organisme indépendant du gouvernement qu'est la Commission des droits de la personne et des
droits de la jeunesse. M. le Président, moi, je ne réitère pas seulement
ma confiance envers la Commission des droits
de la personne et des droits de la jeunesse, je réitère ma pleine confiance
en toutes les institutions du Québec, M. le
Président. D'ailleurs, lorsqu'on regarde les différentes actions qui ont été
posées par l'ancien gouvernement libéral,
dont j'ai fait état ici, en cette Chambre, où
est-ce qu'il y avait eu plusieurs attaques contre les institutions qui sont les nôtres, on aurait très
bien pu élargir le premier paragraphe et ajouter l'ensemble des
institutions qui sont les nôtres, M. le Président.
D'ailleurs,
je vais vous lire un petit texte. L'ONU, M. le Président, rien d'autre, rien
d'autre, l'ONU, l'Organisation des Nations unies, «s'apprête à condamner
la loi 78, adoptée par l'Assemblée
nationale du Québec le 18 mai dernier.
«Navanethem Pillay, haut-commissaire des Nations
unies aux droits de l'homme, ne ménage pas ses mots pour exprimer son
mécontentement face à la loi adoptée le mois dernier, par bâillon, sous le
gouvernement du premier ministre Charest.
«Dans une
copie du discours qu'elle prononcera […] — donc — Mme Pillay se dit "alarmée par les
mesures prises pour limiter la liberté d'association et de réunion [au]
Québec, au Canada, dans un contexte de grève [étudiante].
«[...]Le
Canada est mis à pied d'égalité avec des pays tels que la Russie, l'Hongrie et l'Ukraine
dans leur irrespect des libertés d'expression
et d'assemblée.»
«Ce n'est pas la première fois que le Canada se
trouve dans la mire de l'ONU concernant la loi 78. Dans un communiqué transmis le 30 mai, Maina Kiai,
rapporteur spécial de l'ONU sur le droit à la liberté de réunion et
d'association pacifiques, affirmait que de
telles lois "restreignent le droit à la liberté d'associations pacifiques,
un droit reconnu et ratifié par le
Canada". Le lendemain, la ministre des Relations internationales du
Québec, Monique Gagnon-Tremblay, semblait vouloir relativiser la
situation. "Au lieu de regarder le Québec, l'ONU pourrait peut-être
regarder les crises majeures qui se passent
actuellement [dans le monde]."» Comme si le Québec ne faisait pas partie
du monde. M. le Président, c'est quand même assez révélateur.
La Commission des droits de la personne condamne
la loi n° 78 et la Commission des droits de la personne émet aussi un avis concernant la loi n° 94.
Et, quand je lisais la motion, au premier paragraphe, que l'opposition, la
première opposition nous demande de réitérer, M. le Président, notre confiance
en nos institutions, il n'y a pas d'autre terme qu'«ironique». C'est très ironique d'entendre cela de la part de
l'opposition, la première opposition nous
demander de réitérer une pleine
confiance… Nous avons et nous donnons toujours notre pleine confiance à nos
institutions, M. le Président.
Par ailleurs,
et, encore là,
mon collègue de Marie-Victorin l'a signifié… Et là je ne prêterai pas d'intention
aux collègues de l'Assemblée nationale, mais je vais quand même… on a cru
déceler, effectivement,
qu'on voulait nous prêter des intentions en disant que finalement l'Assemblée
nationale exige que le gouvernement péquiste s'engage formellement à respecter…
Comme si on n'allait pas le faire, M. le Président, comme si on n'allait pas
respecter, finalement, les droits inscrits dans la charte des valeurs
québécoises, droits et libertés pour tous les Québécois.
Et je vous
dirais que je suis tout à fait d'accord avec, encore une fois, le ministre
des Institutions démocratiques, à savoir que la charte des
valeurs québécoises va renforcer les droits individuels. C'est tout à fait
clair, pour ma part, qu'il y aura là un renforcement des droits individuels.
M. le Président, l'idée, finalement, derrière cela, c'est de créer un espace public au Québec,
un espace public où l'État sera neutre, et, ce faisant, on... Et c'est toujours
une question d'équilibre, vous serez d'accord avec moi, c'est toujours
une question d'équilibre. Il y a un équilibre à faire
entre les droits individuels et il y
a un équilibre à faire avec
les droits collectifs. Et, en créant cet espace où les gens pourront se
reconnaître et tous les Québécois pourront se reconnaître, M. le Président,
on vient, d'une certaine façon, renforcer les droits individuels des gens, parce
que tout le monde va s'y reconnaître.
M. le
Président, je vous lis… Tantôt,
je vous disais qu'on avait 400 ans d'histoire extraordinaire au Québec. Je vais vous lire un extrait d'un document,La laïcité : un principe rassembleur — donc — Une
charte de la laïcité serait une avancée historique pour le Québec. Et,
vous allez voir, quand je parle de 400 ans
d'histoire, on y fait référence de belle
façon. «L'idée de la séparation de l'État et des Églises figurait déjà
dans la Déclaration d'indépendance de 1838 proclamée par les Patriotes. Le principe a par la suite été défendu par
l'Institut canadien avec les Papineau,
Dessaulles, Doutre et Buies. Plus tard, le premier ministre Adélard Godbout et son ministre Télésphore-Damien Bouchard tiendront tête
à l'Église catholique en accordant le droit de vote aux femmes et en adoptant
une loi sur l'instruction publique obligatoire.
En 1975, le Québec adopte la Charte des droits et libertés de la
personne qui reconnaît la liberté de conscience et l'égalité des
religions, deux notions essentiellement laïques. Plus récemment, la
déconfessionnalisation des structures scolaires a été complétée grâce à la
renonciation des catholiques et des protestants à leurs droits
constitutionnels.
«La laïcité fait donc partie du paysage
historique, voire du patrimoine historique québécois, et ces acquis caractérisent le Québec moderne. Il importe maintenant
de compléter la dernière phase de ces avancées démocratiques.
«La
neutralité de l'État s'exprime par la neutralité de l'image donnée par
ses représentants et ses agents, qui doit être réelle et
apparente.»
Alors, M. le Président, je pense que, s'il
y a quelque chose qu'il faut
reconnaître, c'est le courage, le courage qu'a eu le gouvernement de
lancer, finalement, ces propositions-là pour en débattre. Et ceux qui nous
disent que dérapage il
y a présentement, ou crise il y a, je leur dis
tout simplement : Le Québec a 400 ans d'histoire. Le Québec est
mature, très mature pour avoir de tels
débats. Et je pense que la situation,
présentement… J'écoutais le député de Chauveau, tantôt, qui qualifiait la situation de crise, M. le Président.
Je ne pense pas qu'il y ait présentement une crise au Québec par rapport
à cette proposition-là que le gouvernement a déposée.
Alors, M. le Président, je réitère
personnellement, je réitère personnellement mon très grand respect pour l'ensemble des
institutions du Québec, M. le gouvernement.
Je pense que nous sommes, en quelque part, à
travers le monde, un endroit qui est, je vous dirais, là, très prisé et
intéressant, parce que nous sommes une terre d'accueil, nous le sommes depuis
toujours, et les gens viennent ici justement pour pouvoir être dans un État qui
reconnaît… Oui, M. le Président. Alors, merci, M. le Président. Mon temps est
terminé, c'est ce que je comprends. Merci.
• (16 h 50) •
Le
Vice-Président (M. Cousineau) : Merci. Merci, M. le député de
Berthier. Alors, je cède maintenant la parole au député de LaFontaine.
M. le député, pour votre réplique de 10 minutes.
M. Marc Tanguay (réplique)
M. Tanguay :
Merci beaucoup, M. le Président. Sur le 10 minutes, M. le Président, qu'il
me reste sur la motion, j'aimerais utiliser les cinq premières minutes
sur un argument extrêmement hasardeux qu'a utilisé non seulement le ministre responsable des Institutions démocratiques,
mais également le ministre de la Sécurité publique en comparant, M. le Président, l'adoption de la Charte de la langue
française et l'attitude qu'avait eue l'opposition libérale à l'époque à
l'attitude qu'a aujourd'hui l'opposition responsable, officielle, libérale face au projet de loi… que dis-je projet de loi, face
au document de consultation qui a été livré.
Rappelons-nous
brièvement, et j'aurais besoin de plus de temps pour faire la démonstration,
mais que la Charte de la langue
française a suivi un processus où d'abord il y avait eu un livre blanc. Il y a
eu, rappelons-le, la loi 1. Il y
a eu, troisième étape, la loi 101. Et, quatrième étape, M. le Président,
il y a eu un nécessaire rééquilibrage par nos tribunaux de cette
loi 101, qui devait évidemment respecter les droits et libertés de chacun.
Aujourd'hui,
notre opposition peut s'inscrire et
se comparer à l'opposition responsable que nous avions dans le contexte du livre blanc,
de la loi 1 et de la loi 101. J'en veux pour exemple, M. le
Président, même des discussions internes. L'histoire, le temps, évidemment,
faisait son œuvre;nous
avons aujourd'hui accès à des documents qui, à l'époque, étaient confidentiels. Je fais une prédiction : Peut-être que, dans
25 ans d'ici, des gens iront revoir ce qui se dit
présentement, aujourd'hui, et auront accès aux notes des conseils des ministres, du gouvernement du Parti québécois, tel qu'on en a maintenant
accès, aujourd'hui, du conseil du Parti
québécois, Conseil des ministres, à l'époque, de René Lévesque, Camille Laurin.Et, M. le Président, c'est extrêmement intéressant
de voir le tiraillement interne qu'avait provoqué le libre blanc, clause Québec
versus clause Canada. Lévesque n'en voulait
pas, Lévesque disait : Vous allez trop loin. Il y a eu un
tordage de bras à l'interne, et, en bout de piste, c'est la clause Canada,
l'article 23 de la Charte
canadienne, qui est venue faire ce rééquilibrage-là.
Prenons un deuxième exemple, M. le Président, l'exemple des
lois du Québec qui avaient été déclaréesunilatéralement, dans le livre blanc, dans le projet de loi 1 puis dans le projet de loi n 101... On s'était opposés puis on s'opposerait encore aujourd'hui, parce que ça a été corrigé par les tribunaux par
la suite. M. le Président, l'on prévoyait qu'uniquement le français non
seulement dans les lois du Québec, mais dans les cours de justice, et zéro autre chose… langue que le français,
allait prévaloir, et ça allait, et c'est ce
que l'on disait, à l'encontre direct de l'article 133
de notre Constitution canadienne.
Et, à ce chapitre-là, M. le
Président, il est important… Je vais d'abord y aller d'une première
citation,
Martine Tremblay, le titre : Derrière les portes closes — René
Lévesque et l'exercice du pouvoir(1976-1985), 2006,
Québec-Amérique.
Elle inscrivait, à la page 188 : «Au bunker …» Et je la cite,
page 188, notez ça, là, vous irez dire ça
à notre ministre, là : «Au bunker, le chef de cabinet de l'époque, Louis
Bernard, n'a pas non plus ménagé les efforts pour convaincre son patron. "René
Lévesque — et là
on cite Louis Bernard — pensait que
l'équilibrage général de la loi
n'était pas stable..."» Fin de la
citation.
Je continue par rapport à cette imposition, puis le Dr Laurin, il
tenait mordicus à ça, mais tout le monde à l'interne lui disait : Tu ne peux
pas faire ça. Ils l'ont fait pareil, M. le Président, le livre blanc, la loi 1, la loi 101, puis
ça a pris les
tribunaux pour leur dire.Et aujourd'hui l'opposition responsable libérale de l'époque, nous la referions dans ce
même contexte-là, comme nous en avons une
devant eux, M. le Président, une opposition responsable. Et, si d'aventure ils s'amusent à aller jouer dans les droits et libertés, nous allons
toujours être contre, et nous ne nous fierons malheureusement pas sur ces législateurs mais sur les
tribunaux pour dire : Aïe! Wo! Écoutez la commission
des droits, des libertés de la
personne. Vous violez la liberté de religion. Et, en ce sens-là,
M. le Président, nous aurons fait, comme à l'époque, une opposition responsable.
Je continue mon exemple, M. le Président, parce que, des citations, il y en a des beaucoup plus
frappantes
que ça. Donc, unilingue français pour toutes les cours de justice. Imaginez ça,
M. le Président. Ça n'avait ni queue ni tête, et on le disait à l'interne. Deuxième source, deuxième
source, Pierre Godin — prenez ça en note, là,
vous irez lire ça, là, Pierre Godin — le titre : René Lévesque, l'espoir et le chagrin, tome III, pas le I,
le II, tome III, 2001, Boréal. Allez à la
page 177, M. le Président. Je le cite : «S'il n'en tenait
qu'au ministre d'État Laurin, l'anglais serait banni de l'Assemblée nationale
et des cours de justice. Tant pis pour
l'article 133 de la Constitution canadienne qui impose le bilinguisme au Québec. Pour René Lévesque, c'est
une provocation pure et simple, la politique du pire. […]Durant larédaction du livre blanc, Camille Laurin s'est
entêté, malgré les avis des juristes du Conseil exécutif qui le mettaient en gardecontre
le caractère inconstitutionnel de la mesure. Des années plus tard, il
expliquera…» Et c'est là qu'il est important, M. le Président : «…des années plus tard, il expliquera qu'il
pratiquait l'aveuglement volontaire à des fins politicopédagogiques.» Fin de la citation. Page 177, M.
le Président.
Je poursuis la citation, toujours du
même ouvrage de Godin, pages 184 et 185 : «[René Lévesque] a beau prévenir Camille Laurin que la Cour suprême cassera sa loi s'il touche à l'article 133 de la Constitution, le ministre [s'y] oppose...»
Pages 286, 287, on arrive à la conclusion de
cet épisode : «…le gouvernement québécois s'est entêté à rayer l'anglais des tribunaux et du Parlement,
faisant fi de l'article 133 de la Constitution canadienne qui
impose les deux langues à Québec et à
Ottawa. Le juge Deschênes ne pouvait que conclure à la "nullité totale"
du chapitre consacré à la langue de la législation et de la justice. […]La politique du pire adoptée
par le Dr Laurin, pour faire œuvre pédagogique et faire avancer
l'idéologie du PQ, assurait-il, trouve ici son Waterloo.»
Voilà, M. le
Président. Et il y aurait… On devrait faire un
débat là-dessus, la comparaison de l'opposition responsable libérale dans le contexte, à l'époque, d'un livre blanc,
d'une loi 1. Qu'est-ce qu'il y avait dans le livre
blanc par rapport à la loi 1?
Il y avait une évolution. De la loi 1 par rapport à la loi 101? Il y
avait, là aussi, à cette troisième
étape là, une
évolution. De la loi 101 au rééquilibrage par rapport à quoi? Par rapport
aux droits et libertés fondamentales de toutes les Québécoises et Québécois, M. le Président. Qu'est-ce qu'on vient de
lire ici, dans des volumes intitulés Les portes closes
et René Lévesque, l'espoir et le chagrin? On vient de lire ici,
encore une fois : Durant la rédaction du livre blanc, Camille Laurin s'est entêté — est-ce
qu'on a un deuxième Camille Laurin qui s'entête ici, M. le Président? Je pose la question — malgré les avis des juristes du Conseil
exécutif qui le mettaient en garde contre le caractère inconstitutionnel de la
mesure.Est-ce que nous avons un ministre qui s'entête
malgré les avis juridiques? Où est le ministre de la Justice du Québec? Il n'y a personne. Il n'y a pas de service
au numéro composé. On n'a pas accès, M. le Président, aux opinions
juridiques. Et le ministre n'a pas nié qu'il en avait. Le ministre n'a pas
divulgué aux Québécoises et Québécois leur contenu.
Et le ministre aura à répondre devant non seulement les Québécoises et les
Québécois, mais devant l'histoire, M. le Président, parce qu'elle
finit toujours par sortir, l'histoire.
Donc, ce ministre
est-il en train de jouer à la roulette russe pour un objectif électoraliste, sur les droits des Québécoises et des Québécois? Et ce ministre de la Justice, Procureur
général du Québec, a-t-il un silence coupable dans ce contexte-là, M. le Président? L'opposition
libérale de la loi 101, de la loi 1, du
livre blanc était tout à fait responsable. Et c'est la même opposition libérale que nous avons
devant ce gouvernement, M. le Président, qui, force est de constater,
fait peu de cas de l'évolution nécessaire de la proposition, à la lumière non
seulement des pétitions, mais de Québec inclusif — j'en ai cité un extrait — et de la Commission des droits de la
personne. Est-ce qu'il y a, là aussi, l'occasion, M. le Président, pour nous de concevoir… Et je conclus la
citation : «Des années plus tard, il expliquera qu'il pratiquait
l'aveuglement volontaire à des fins politicopédagogiques.» Fin de la citation.
M.
le Président, cette motion, j'en suis ravi, le gouvernement a finalement
décidé, mais avec plusieurs réserves, hein,
a finalement décidé de voter pour. Il ne pouvait pas voter contre. Il va voter
pour, et nous prenons pour acquis que tous les députés, unanimement, de cette Assemblée nationale vont voter pour.
Nous serons toujours cette opposition responsable, M. le Président, et
nous ferons toujours en sorte de s'assurer que,
dans tout acte de ce gouvernement, que ce soit un acte du gouvernement ou
législatif, par les législateurs, on respecte
les droits et libertés, encore une fois, de tous les Québécoises et Québécois.
Neutralité
de l'État, nous en sommes, on règle ça demain matin. Balises, accommodements
raisonnables, on règle ça demain
matin. Visage découvert pour la réception et dispenser les services de l'État,
on règle ça demain matin. Non au prosélytisme,
on ne profitera pas de sa fonction au sein de l'État pour faire de nouveaux adeptes d'une religion; c'est ça, la
neutralité. Mais le port, l'interdiction de
port de signes religieux ostentatoires, pour qui, M. le Président? Pour600 000 Québécoises
et Québécois, une atteinte directe. Où sont les opinions juridiques? On
en a une là. Elle ne fait pas l'affaire du gouvernement. M. le
Président, nous serons cette opposition responsable, comme nous l'avons
toujours été historiquement, et nous invitons le gouvernement à se resaisir, à
déposer un projet de loi qui fait consensus et qui aura évidemment
l'assentiment de cette Assemblée nationale. Merci, M. le Président.
Le
Vice-Président (M. Cousineau) : Alors, merci, M. le député de
LaFontaine. Alors, je vais maintenant mettre aux voix la motion de M. le
député de LaFontaine, qui se lit comme suit :
«Que
l'Assemblée nationale réitère sa pleine confiance envers l'organisme
indépendant du gouvernement qu'est la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse;
«Qu'elle
exige que le gouvernement péquiste s'engage formellement à respecter, dans son
projet de loi sur une charte des valeurs québécoises, les droits et
libertés de toutes les Québécoises et Québécois tels que garantis par la charte
québécoise des droits et libertés adoptée à l'unanimité par l'Assemblée
nationale en 1975.»
Cette motion,
est-elle adoptée?
Mme Thériault :
M. le Président.
Le Vice-Président
(M. Cousineau) : Oui.
Mme Thériault :
Je vais vous demander un vote par appel nominal, s'il vous plaît.
Le Vice-Président
(M. Cousineau) : Bien sûr, Mme la députée d'Anjou. Oui?
Une voix :
…
Le
Vice-Président (M. Cousineau) : Ah bon! D'accord. Je pensais
que vous aviez… D'accord.
Alors, qu'on appelle les députés. Qu'on appelle les
députés.
• (17
heures
—
17 h 8)
•
Le
Vice-Président (M. Cousineau) : S'il vous plaît! Nous reprenons nos
travaux. Prenez place.
Mise aux voix
Alors,
nous allons maintenant procéder à la mise aux voix de la motion de M. le député
de LaFontaine, qui se lit comme suit :
«Que
l'Assemblée nationale réitère sa pleine confiance envers l'organisme
indépendant du gouvernement qu'est la Commission des droits de la personne et
des droits de la jeunesse;
«Qu'elle exige que le gouvernement
péquiste s'engage formellement à respecter, dans son projet de loi sur
une charte des valeurs québécoises, les droits et libertés de toutes les
Québécoises et Québécois tels que garantis par la charte québécoise des droits
et libertés adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale en 1975.»
Que
les députés en faveur de cette motion veuillent bien se lever.
• (17 h
10) •
Le Secrétaire adjoint : M. Fournier (Saint-Laurent), M.
Moreau (Châteauguay), M. Paradis (Brome-Missisquoi), M. Arcand
(Mont-Royal), M. Dutil (Beauce-Sud), M. Sklavounos (Laurier-Dorion), Mme
Charbonneau (Mille-Îles), Mme St-Amand (Trois-Rivières),
M. Poëti (Marguerite-Bourgeoys), Mme Rotiroti (Jeanne-Mance—Viger), M. Ouimet (Fabre), M. Tanguay (LaFontaine), Mme St-Pierre (Acadie), M. Ouellette
(Chomedey), Mme Weil (Notre-Dame-de-Grâce), Mme Gaudreault (Hull), Mme Charlebois (Soulanges), Mme Blais
(Saint-Henri—Sainte-Anne),
Mme Vallée (Gatineau), M. Bolduc (Jean-Talon), Mme Thériault (Anjou—Louis-Riel),
M. Lessard (Lotbinière-Frontenac), Mme Ménard (Laporte), M. Carrière
(Chapleau), M. Billette (Huntingdon), M. Morin (Côte-du-Sud), M. Diamond
(Maskinongé), M. Drolet (Jean-Lesage), M. Reid (Orford), M. D'Amour
(Rivière-du-Loup—Témiscouata),
M. Gautrin (Verdun), M. Kelley
(Jacques-Cartier), Mme Vien (Bellechasse), Mme Houda-Pepin (La Pinière), M.
Bergman (D'Arcy-McGee), M. Marsan
(Robert-Baldwin), M. Marcoux (Vaudreuil), M. Iracà (Papineau), Mme
de Santis (Bourassa-Sauvé), M. Bolduc (Mégantic), M. Rousselle
(Vimont).
Mme Marois (Charlevoix-Côte-de-Beaupré), M.
Gendron (Abitibi-Ouest), Mme Maltais (Taschereau), M. Duchesne
(Borduas), Mme Malavoy (Taillon), M. Marceau (Rousseau), Mme Zakaïb
(Richelieu), M. Hébert (Saint-François), M.
Cloutier (Lac-Saint-Jean), M. Turcotte (Saint-Jean), Mme Richard (Duplessis),
M. Ferland (Ungava), M. Drainville (Marie-Victorin),
Mme De Courcy (Crémazie), M. Bergeron (Verchères), M. Leclair (Beauharnois),
Mme Champagne (Champlain), M.
Lelièvre (Gaspé), M. Gaudreault (Jonquière), M. Kotto (Bourget), Mme Léger
(Pointe-aux-Trembles), M. St-Arnaud (Chambly), M. Dufour
(René-Lévesque), M. Lisée (Rosemont), M. Blanchet (Johnson), Mme Hivon (Joliette), M. Breton (Sainte-Marie—Saint-Jacques), Mme Beaudoin (Mirabel), M. McKay
(Repentigny), M. Bureau-Blouin
(Laval-des-Rapides), M. Bérubé (Matane-Matapédia), M. Pagé (Labelle), M.
Traversy (Terrebonne), Mme Larouche (Abitibi-Est), Mme Bouillé
(Iberville), M. Pelletier (Rimouski), Mme Gadoury-Hamelin (Masson), M. Villeneuve (Berthier), M. Pelletier
(Saint-Hyacinthe), M. Chapadeau (Rouyn-Noranda—Témiscamingue), Mme Richard(Îles-de-la-Madeleine), M. Cardin (Sherbrooke),
Mme Proulx (Sainte-Rose), M. Therrien (Sanguinet), M. Roy (Bonaventure),
M. Claveau (Dubuc), M. Goyer (Deux-Montagnes), M. Richer (Argenteuil), M.
Trudel (Saint-Maurice).
M. Legault (L'Assomption), M. Deltell
(Chauveau), M. Bonnardel (Granby), Mme Roy (Montarville), M. Dubé (Lévis), M. Caire (La Peltrie), Mme St-Laurent
(Montmorency), M. Le Bouyonnec (La Prairie), Mme Roy
(Arthabaska), Mme Daneault (Groulx), M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière), M.
Martel (Nicolet-Bécancour), Mme Trudel (Charlesbourg), M. Spénard
(Beauce-Nord).
M.
Ratthé (Blainville).
Le
Vice-Président (M. Cousineau) : Que les députés contre cette
motion veuillent bien se lever. Y a-t-il des abstentions? Mme la secrétaire
générale.
La
Secrétaire : Pour : 105
Contre :
0
Abstentions :
0
Le Vice-Président
(M. Cousineau) : La motion est adoptée.
Des voix :
…
Le Vice-Président
(M. Cousineau) : S'il vous plaît! Oui, M. le leader de
l'opposition officielle.
M.
Moreau : M. le Président, est-ce que nous pourrions nous
assurer qu'une copie de cette motion soit transmise à la Commission des
droits de la personne et des droits de la jeunesse, s'il vous plaît?
Le Vice-Président
(M. Cousineau) : Bien sûr. Alors, c'est enregistré.
Alors, nous revenons
aux affaires du jour. M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Traversy :
M. le Président, je demanderais quelques minutes de suspension.
Le
Vice-Président (M. Cousineau) : Oui. Si vous permettez, on va
suspendre quelques secondes, s'il vous plaît.
(Suspension de la séance à 17 h 13)
(Reprise à 17 h 15)
Le Vice-Président (M. Cousineau) :
Merci. Alors, nous reprenons nos travaux. M. le leader adjoint du gouvernement.
M.
Traversy : Merci, M. le Président. Pour la poursuite de nos
travaux jusqu'à 18 heures aujourd'hui, j'aimerais que vous puissiez
appeler l'article 11 de notre feuilleton.
Projet
de loi n° 52
Reprise
du débat sur l'adoption du principe
Le Vice-Président (M. Cousineau) :
Bien sûr. À l'article 11 du feuilleton, l'Assemblée reprend le débat…
Des voix : …
Le Vice-Président (M. Cousineau) :
S'il vous plaît! Merci. L'Assemblée reprend le débat ajourné plus tôt aujourd'hui sur l'adoption du principe du projet de
loi n° 52, Loi concernant les soins de fin de vie. Y a-t-il des
interventions? Mme la députée de Hull, à vous la parole.
Mme
Maryse Gaudreault
Mme
Gaudreault : Merci
beaucoup, M. le Président. Je vous
avoue que c'est avec beaucoup d'humilité que je me présente devant vous aujourd'hui
et c'est surtout habitée du devoir accompli. Aujourd'hui, nous allons parler du
principe du projet de loi n° 52.
La ministre de la Santé et des
Services sociaux a parlé d'un heureux
hasard hier, et là je vais vous faire
la genèse de toute l'histoire de la Commission spéciale sur la question de mourir dans la
dignité, qui a mené à ce que nous parlions, aujourd'hui encore, de ce projet
de loi n° 52 sur les soins de fin de vie.
Vous savez, M. le Président, moi, je suis
députée de Hull, mais, il y a 15 ans, dans mes passe-temps, j'étais bénévole à la maison de soins palliatifs, la
Maison Mathieu Froment‑Savoie. Pour moi, c'était une façon de donner au suivant. À ce moment-là, j'étais une jeune mère de
famille — je
me considère encore jeune — et,
pour moi, c'était un exutoire
d'aller, à toutes les deux semaines, visiter des personnes qui étaient en fin de vie.
C'est un passe-temps comme un autre, mais ça vous donne une idée du
sentiment du devoir accompli, mais surtout de l'engagement que je voulais
offrir à l'Assemblée nationale.
Quand notre
collègue députée de Joliette et, aujourd'hui, ministre
de la Santé et des Services sociaux s'adressait à nous… Je me souviens encore, c'était un président
qui vous a précédé, M. le Président, et qui avait demandé à la députée de lire sa motion qui allait mener à la création de
la Commission spéciale sur la question de mourir dans la
dignité. Et, à cette époque-là, M. le Président, je n'étais pas dans le secret des dieux parce que je ne savais pas que
c'était dans les cartons. Et c'est
avec beaucoup d'enthousiasme que j'ai souhaité faire partie de
cette commission, et j'avais apostrophé la députée de Joliette
en sortant, ici, du salon bleu. Je ne lui avais jamais adressé la parole parce que,
bon, de la façon que nos travaux se déroulent, ce n'est pas toujours
facile de se rencontrer puis discuter d'enjeux que nous partageons et des
priorités que nous souhaitons mettre de l'avant, mais j'avais dit à la députée
de Joliette de l'époque et, aujourd'hui, ministre de la Santé et des Services sociaux que j'allais être sa
complice. Et cet engagement s'est avéré être vrai pendant toutes les
années qu'on a parcouru le Québec puis qu'on
s'est rencontrés, mais, encore aujourd'hui, encore aujourd'hui, je considère
que je suis une amie et complice de la ministre de la Santé et des Services
sociaux.
Écoutez, on
n'a pas fait ça toutes seules, elle et moi, il y avait neuf personnes qui avons
cosigné, neuf membres de l'Assemblée nationale qui avons cosigné ce
rapport qui allait être... On a commenté avec des propos très élogieux le travail de la commission, et ce, depuis les 18
derniers mois, au moment où on en a fait le dépôt. Alors, je veux
prendre le temps… Je sais que la ministre
l'a fait, mais je veux prendre le temps de remercier encore une fois tous nos
compagnons d'armes qui étaient avec nous au
cours de ces deux dernières années, qui ont fait qu'aujourd'hui le Parlement se
penche sur un enjeu qui est très important,
qui est... qui sont les soins en fin de vie. Alors, je veux, encore une fois,
saluer le concours de la députée de
Champlain, le député de Mercier, la députée de Mille-Îles, qui est devenue une
très grande amie à cause de cette commission, le député d'Orford, qui
nous a amené sa grande sagesse, Benoit Charette, qui est un ex-député de l'ADQ — il était avec nous tout au long de ce
parcours — Germain
Chevarie aussi, l'ex-député des Îles-de-la-Madeleine, qui nous a apporté
aussi beaucoup d'éclairage, puisqu'il avait été directeur d'un CSSS aux Îles,
alors il avait cette expertise un peu plus du domaine médical. Il y a Monique
Richard aussi, l'ex-députée de Marguerite-D'Youville, qui était de tous... qui
était très impliquée, très engagée.
M. le Président, j'aimerais ça que les
discussions soient moins fortes.
Le
Vice-Président (M. Cousineau) : D'accord. S'il vous plaît,
faire attention, baisser le ton. On écoute la députée, article 32. Merci.
Allez-y, Mme la députée.
• (17 h 20) •
Mme
Gaudreault :
Merci. Parce que je trouve que c'est un sujet important, qui touche tous les
citoyens de tous les âges. Il y a
aussi le député de Jacques-Cartier, qui a été notre président au cours de la
première moitié des travaux de cette commission.
Il a été une inspiration pour chacun d'entre nous. Parce que, je vous le dis,
nous sommes des députés ici, à l'Assemblée
nationale, se lancer dans une aventure telle que celle-là, c'était avec beaucoup de fébrilité qu'on le faisait. Mais on
avait une telle confiance en notre président de l'époque qu'on a pu mener à
bien l'ensemble de nos travaux dans l'harmonie
et, surtout, exempts de toute partisanerie. Ça, je vais le répéter souvent au
cours de ma présentation parce
que, partout où nous nous sommes déplacés,
les gens nous disaient que de nous voir ensemble et tous tournés vers le
même objectif, ça les réconciliait avec la chose politique. C'est un grand mot,
là, «réconcilier». Ça veut dire que ce qu'ils voient à la période de
questions, ce n'est pas toujours édifiant. Mais, lorsqu'on prend la peine de,
tout le monde, travailler avec le même
objectif et, surtout, en plaçant le citoyen au cœur de nos travaux, ça ne peut
qu'être porteur de succès, de réussite et, surtout, d'assentiment de la
part de la population.
Vous savez, M. le Président, le débat sur
l'euthanasie a cours au Québec depuis plus de 30 ans, on parle d'euthanasie depuis plus de 30 ans, et ce
sont souvent des cas qui ont été médiatisés qui nous ramènent à réfléchir
sur le sujet. Je suis certaine que tout le
monde ici, en cette Chambre, et les gens qui nous regardent se souviennent du
fameux cas de Sue Rodriguez. Elle a frappé
l'imaginaire des Canadiens et des Canadiennes. Encore aujourd'hui, les gens se
rappellent de tout ce débat qui avait occupé
pendant plusieurs mois la scène médiatique. Et on l'avait un peu oublié, ce
débat-là, et c'est en décembre 2009,
au moment du dépôt de la motion de notre collègue, que tout a ressurgi dans les
médias et dans la société québécoise.
Dans les écoles, dans les familles, dans les résidences pour personnes âgées,
dans les universités, on parlait du
dossier de cette commission, qui était cher à cette Commission spéciale sur la
question de mourir dans la dignité.
Il faut se
rappeler que ce n'est pas un projet de loi du Parti québécois. Ils sont au
gouvernement en ce moment, mais c'était
un rapport qui avait été endossé par les 125 députés de l'Assemblée
nationale. Alors, ce n'est pas peu dire, là, c'est vraiment une œuvre
collective que l'on exprime aujourd'hui par l'entremise d'un projet de loi, le
projet de loi n° 52.
Il faut se
rappeler aussi que ce n'est pas une invention de l'esprit de notre collègue
députée de Joliette. Il y avait eu un
rapport, un comité d'éthique du Collège des médecins qui avait déposé un
rapport et qui demandait à la société, au législateur et à la communauté médicale de se questionner sur l‘enjeu de
l'euthanasie. Parce que, vous savez, l'avancée de la médecine, l'avancée de la pharmacologie, on
nous a dit qu'on pouvait transformer un mourant en malade chronique.
Alors, ça, ça veut dire que des morts
naturelles, il y en a de moins en moins parce qu'il y a de l'interventionnisme
de la part du corps médical. Puis ces
gens-là sont entraînés pour sauver des vies, pour allonger la vie, mais c'est
parfois au détriment de la qualité de vie. Alors, il y a eu un sondage
aussi d'opinion qui a été distribué au sein de la Fédération des médecins spécialistes du Québec et de la Fédération des
médecins omnipraticiens du Québec, 75 % des répondants étaient en
accord avec une certaine forme d'euthanasie
dans des circonstances exceptionnelles. Alors, ce n'est pas une invention de
l'esprit, c'est la communauté médicale, c'est la population aussi qui est venue
nous parler dans le cadre des travaux de cette commission. Il faut se rappeler
aussi que les sondages d'opinion des Québécois, depuis les dernières trois
décennies, présentaient toujours une
approbation de l'euthanasie à la hauteur de 70 %. Et, dans le corps
médical et dans la population, les trois quarts sont probablement,
encore aujourd'hui, en faveur.
La journée du début de nos travaux — puis
ça, ça va vous démontrer qu'on ne sait pas ce qui nous attend dans la vie — je me souviendrai encore comme si c'était
hier, nous étions dans une salle d'un hôtel de Montréal, c'était
l'ouverture de nos travaux, et on a tous reçu sur notre appareil BlackBerry
l'annonce du décès de notre collègue Claude
Béchard. Claude avait 42 ans puis il est décédé des suites du cancer, et
c'était trop tôt pour qu'un de nos collègues nous quitte. Et, je vais vous dire, j'ai encore des frissons. On
commençait nos travaux sur cette question-là de mourir dans la dignité,
la fin de vie, on parlait de mort, on parlait des soins, on parlait de
l'acharnement thérapeutique, et ça, ça nous
a ramenés à la dure réalité, chacun d'entre nous, avec laquelle on doit
conjuguer. On va tous mourir un jour, nos concitoyens vont tous mourir un jour, puis on ne sait pas quelle est la mort qui nous attend.
Alors, ça, ça donnait le ton. On a
rencontré 273 groupes et citoyens, on a
entendu des gens de tous les horizons. Et, avant d'avoir ces consultations, j'ai oublié de
vous dire qu'on a eu la chance d'avoir des présentations de la part de 32
experts. Des avocats, des éthiciens, des médecins, des sociologues, des universitaires, des chercheurs sont
venus, un peu, nous préparer à ce qu'on allait vivre au cours des deux
années qui allaient suivre.
Et c'est sûr
qu'on était investis d'une grande responsabilité pour mener à bien les travaux
de cette commission, on a voulu entendre tout le monde. On a voulu
permettre à toutes les personnes qui avaient soumis un mémoire de venir nous présenter leur point de vue, qu'ils
soient pour, qu'ils soient contre. Et aussi on
avait instauré ce fameux micro qui pouvait permettre aux personnes de la
salle de venir, à froid, comme ça, venir partager comment ils se sentaient,
leurs opinions sur les témoignages qu'ils
avaient entendus, et, pour nous, ça a été très
riche de commentaires.
On a reçu plusieurs commentaires, mais aussi on a instauré quelque chose d'unique, on a mis un
questionnaire en ligne sur le site de
l'Assemblée nationale. Il y a 6 600 personnes qui ont pris le temps
d'aller répondre au questionnaire.Puis ce n'était pas juste : Êtes-vous
d'accord? ou un commentaire, c'étaient des questions très précises qui
demandaient une réflexion puis une introspection à chaque question pour voir,
mon Dieu! qu'est-ce que j'en pense. Et on a reçu 16 000 commentaires au total, en plus du questionnaire,
et on a eu des recherchistes qui nous ont épaulés, des gens aussi
engagés que nous, dans l'analyse de tous les commentaires qu'on a reçus.
On a retourné chaque pierre, on a lu chaque
commentaire et on les a pris en compte dans la rédaction de notre
rapport. Je suis certaine que toutes les personnes qui sont venues nous voir ou
qui nous ont envoyé un commentaire se
retrouvent à quelque part dans notre rapport. Parce que ce n'est pas le rapport
des membres de la commission spéciale, ce sont les
commentaires, le vécu et l'opinion de nos concitoyens et concitoyennes. C'est
la population du Québec qui a parlé à travers nous, et moi, je veux les remercier d'avoir été si
généreux, d'avoir eu autant de maturité, de sagesse et de respect dans le partage de leurs opinions. Et
on avait orchestré nos travaux… C'était une
personne pour ou un groupe pour qui présentait, et il était tout de suite succédé par quelqu'un qui
était contre. Alors, tout le long de cette année, ce que ça a permis aussi, c'est de faire grandir et faire
évoluer les opinions de tous. Vivre une telle expérience, ça ne peut pas
laisser indifférent.
Je suis certaine… Je suis
d'accord avec la députée de Champlain, elle
l'a dit ce matin : Nous ne sommes plus les mêmes et nous avons une
relation privilégiée entre nous, ce qui fait que notre travail de parlementaires est enrichi à chaque fois que l'on se croise ici,
dans les corridors du parlement.
Pour vous
prouver à quel point on a entendu les citoyens, je vais vous donner quelques
résultats de la consultation en
ligne. Il y a eu, comme je vous disais, 6 600 répondants, 30 % de ces gens-là avaient moins de 30 ans. Alors,
c'est faux de penser que c'est un
débat qui touche seulement les personnes aînées qui commencent à penser à la
fin de leur vie. Non, c'étaient des
jeunes. Des milliers de jeunes ont voulu s'inscrire dans le débat. Il y avait
50 % de ces gens-là qui étaient âgés entre 40
et 59 ans. On ne pense
pas à mourir à cet âge-là, mais on est souvent aux prises avec les problèmes de
santé de nos parents et on a peut-être,
des fois, même des décisions à prendre par
rapport à la vie de nos parents, la maladie de nos parents. Et ça, ça a vraiment touché l'ensemble de notre population, et ils se sont exprimés, et on les a entendus. Il
y avait aussi les régions qui étaient
les plus représentées. C'était Montréal, la
Montérégie et la région de Québec. Ces gens-là représentaient plus de
50 % de l'ensemble des répondants. 60 % estimaient qu'ils étaient d'accord avec la législation sur l'euthanasie et 80 % croyaient que le législateur devait tenir compte du point
de vue de la population, de là l'importance de consulter, de multiplier
ce type de consultation. Ça va peut-être
donner des idées à notre collègue des Institutions démocratiques. Il faut
sortir du Parlement, il faut aller à la rencontre de nos concitoyens.
• (17 h 30) •
Pendant cette commission aussi, on a été
inspirés par des gens qui sont venus partager leur vécu.
Il y a M. Thériault. Moi,
je me souviens très bien de M. Thériault, qui est venu nous raconter
la fin de la vie de sa femme qui souffrait
de la maladie la sclérose latérale amyotrophique. Il est venu nous raconter
tout ça en détail. Il y a
Mme Gladu aussi qui est venue nous
voir. Il y a Laurence Brunelle-Côté, une jeune femme de Québec,
qui est venue nous demander de lui offrir une porte de sortie. Cette
dame-là était atteinte de l'ataxie de Friedreich. Il y a M. Leblond, notre
collègue de Jacques-Cartier en a parlé, qui est une figure de proue ici, dans
la région de Québec, puis c'est un militant de la première
heure pour justement offrir une option supplémentaire à des personnes qui se
retrouvent dans des situations de fin de vie difficiles. Il y avait aussi
M. Rouleau, la famille de M. Rouleau qui sont venus raconter le
désespoir de cet homme-là devant
aucune option, lui aussi. Il avait posé des gestes vraiment...
Il avait été animé par le désespoir de vouloir en finir.
Il y avait Mme Susan Raphals — moi,
je l'ai beaucoup aimée — 90 ans,
une vieille dame anglophone qui est venue
nous parler, vraiment... vraiment du gros bon sens : Quand on a 90 ans,
comment on devrait envisager la fin de notre vie? Pourquoi faire toutes
des grandes histoires? Parce que, dans le fond, on prend des décisions dans
notre vie, toute notre vie. On se marie, on
ne se marie pas, on a des enfants, on n'en a pas, on reste à la maison, on
travaille, puis là, à la fin de notre
vie, on n'a plus un mot à dire? Pour elle, c'était vraiment
une grande vérité, de dire qu'on devrait s'exprimer, qu'on devrait permettre l'autonomie de chacun. Parce qu'il
n'est pas question de forcer personne. Ici, c'est une question
de liberté individuelle, un choix très
personnel qui souvent est fait après une réflexion qui s'est étendue sur des
années, parce qu'on y pense, à
la fin de notre vie.
On est aussi
allés en mission à l'étranger parce
que, pendant nos consultations, on nous a beaucoup parlé des dérives qu'il y avait en Europe. Finalement,
on a décidé de paqueter nos... de faire nos valises puis d'aller voir sur
place. Alors, quatre membres de la commission, on est allés en France,
en Belgique, aux Pays-Bas. Et on avait même été invités aussi à prononcer... à présenter les travaux de notre commission
dans une conférence internationale francophone sur les soins palliatifs. Ils avaient été très impressionnés de la façon qu'on s'y était pris
pour aller à la rencontre de nos concitoyens. Parce qu'en Europe c'est
surtout des groupes d'intérêts qui avaient influencé le Parlement; ici, ce sont
les citoyens qui nous ont influencés. Là, je vois que le temps file,
c'est incroyable, j'aurais pu vous parler pendant des heures.
Tout ça pour
vous dire que ce que je peux vous demander ici, aux membres de cette Assemblée,
c'est de consulter vos concitoyens.
Allez lire aussi le rapport. Il est peut-être vieux déjà de 18 mois, mais
vous devriez aller le lire parce qu'il est
riche puis il vous raconte aussi l'aventure qu'on a vécue tous ensemble, pas
juste les membres de l'Assemblée nationale mais les citoyens aussi. Il y
a des amitiés qui se sont créées au cours de cette commission-là, il y a des
gens qui nous suivaient de ville en ville et
qui étaient devenus... Pour eux, c'était une façon vraiment de se coller sur la
chose politique, puis ils aimaient ça, ils aimaient ce qu'ils voyaient
et ils étaient très heureux de pouvoir contribuer.
Comme je vous
le disais tout à l'heure, Mme Raphals est venue partager un mot, je vais
finir avec ce mot-là. Mais pas besoin de vous dire que je vais voter en
faveur du principe du projet de loi n° 52 parce qu'il est un calque
parfait des 24 recommandations unanimes du rapport qu'on a présenté ici.
Je voudrais aussi apporter un point. En Europe,
en France, ils ne sont pas allés jusqu'à la législation parce qu'ils ont politisé le débat. Ici, on ne l'a pas
fait. Le premier ministre n'était même pas au courant du contenu de
notre rapport le jour de son dépôt. Et moi,
à titre de présidente, puis je suis certaine que c'est la même chose pour le
député de Jacques-Cartier, on n'a jamais eu aucune influence politique,
on a vraiment pu mener le message de nos concitoyens jusqu'au bout, et c'est ce
qui a fait la richesse de notre rapport.
Alors, en
terminant, comme je vous dis, moi, je vais voter en faveur. Puis j'incite les
membres de cette Assemblée d'aller vers vos concitoyens, de les
entendre. Vous allez être surpris de voir quelle est leur position.
Et, en terminant, je vous porte le message de
Mme Raphals, 90 ans : «Lorsque vous arrivez à une croisée des chemins, lequel choisissez-vous? Vous pouvez vous
tromper, vous pouvez faire le bon choix. Vous le faites, on le fait presque tous les jours de notre vie. Lorsque
nous devons choisir entre deux choses et, si on choisit l'une, nous
n'obtenons pas l'autre. Il s'agit de l'essence même de la
vie, je crois. Et je pense que c'est pourquoi il est tellement important que la
personne prenne sa propre décision à cette croisée des chemins.» Merci beaucoup,
M. le Président.
Le
Vice-Président (M. Cousineau) : Merci. Merci, Mme la députée de Hull. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants? Oui, Mme la députée de Laporte, à vous la
parole, madame.
Mme Ménard : …Acadie.
Le
Vice-Président (M. Cousineau) : Ah, l'Acadie, je m'excuse. Mme
la députée de l'Acadie, à vous la parole.
Mme Christine St-Pierre
Mme
St-Pierre : Merci,
M. le Président. M. le Président, cette intervention en cette Chambre est sans aucun doute la plus importante que j'ai eue à faire depuis que j'y suis entrée
en 2007. On parle d'un sujet sensible, très sensible, on parle d'un sujet émotif, on parle de la vie. Lors
de mon élection comme députée
d'Acadie, je me suis fait un devoir d'être à l'écoute de mes concitoyens
et de mes concitoyennes. Le rôle de député est de guider, mais il est aussi
d'écouter.
Ce projet de
loi n° 52 concernant les soins de fin de vie fait appel à beaucoup de
sentiments. Il fait appel à notre conscience,
il fait appel à nos valeurs, il fait appel aussi à notre expérience lors de
départs d'êtres chers, il fait appel à nos croyances. Bref, ce n'est pas
une mince affaire.
J'ai donc beaucoup lu sur la question, je me
suis documentée, j'ai fait des rencontres, j'ai aussi mené une consultation
auprès de mes électeurs de la circonscription d'Acadie. Je trouvais cette
démarche essentielle. Cette consultation s'est faite de plusieurs
manières : rencontres publiques, bon, j'ai reçu des courriels, elle s'est
faite aussi par courrier et également des
téléphones. Je veux remercier tous ceux et celles qui ont pris la peine de me
confier leurs réflexions. Je vous ai écoutés et je partage vos craintes.
Notre chef,
Philippe Couillard, fait ici preuve d'une grande ouverture d'esprit en
permettant à ses députés de voter librement
sur cette question fondamentale. Il fait également preuve d'un grand humanisme,
l'humanisme de celui qui, par son travail, a vu de près ce dont nous
parlons aujourd'hui et qui sait que ce n'est pas simple. Nous lui en sommes
extrêmement reconnaissants, car c'est une preuve de grande confiance envers ses
députés.
Je veux aussi dire
que ce sujet doit être traité dans le plus grand respect de l'opinion des uns
et des autres. Je reconnais tout le travail qui a été accompli par mes
collègues de la commission, mais malgré tout, M. le Président, je voterai contre le projet de loi n° 52. Je
voterai contre parce que je crains les dérives. Je voterai contre parce que ce
projet de loi, à mes yeux, n'utilise pas le bon vocabulaire.
Il
faut se le dire, M. le Président, cette loi parle bel et bien d'euthanasie.
Voici l'extrait d'une entrevue accordée au Soleil par le Dr Michel
L'Heureux, de La Maison Michel Sarrazin : «Les mots sont forts, j'en
conviens, mais l'euthanasie est une
blessure mortelle que l'on inflige aux valeurs et à la philosophie des soins palliatifs qui ont été développés au cours
des 50 dernières années. Ça va court-circuiter le développement des soins
palliatifs.»
Un
médecin avec qui j'ai eu une longue conversation, un médecin qui oeuvre en
soins palliatifs, m'a confié que jamais dans toute sa carrière — et on
parle de plus de 25 ans de carrière — jamais un patient ne lui
avait demandé de faire cela, soit d'en finir.
M. le Président, nous voulons que nos proches souffrent le moins possible. Nous voulons
que… Nous ne voulons pas, nous-mêmes, souffrir. Mais, lorsque la fin de vie arrive, ne doit-on pas justement
mettre tous nos efforts à assurer des soins
palliatifs? Ne devrions-nous pas nous assurer que ces soins soient offerts
partout sur le territoire québécois? C'est ce que dit la première partie du projet
de loi. Le problème, c'est la deuxième partie, M. le Président.
Je l'ai dit et je le répète, je crains les
dérives. Je crains qu'une personne en fin de vie en vienne à la
conclusion non pas qu'elle désire mourir,
mais qu'elle doit mourir, qu'elle doit mourir, car elle croit être un fardeau
pour sa famille. Ce n'est pas facile, M. le Président, mais la vie m'a
appris à suivre mon intuition et, dans ce cas-ci, mon intuition me dit :
Attention, danger!
Ce
projet de loi n'est pas mûr, ce projet de loi est trop
abstrait, ce projet de loi n'appelle pas les choses par leur nom. C'est un énorme drapeau jaune que je soulève ici.
Je respecte mes collègues qui ne sont pas de mon avis et je sais que mes
collègues vont me respecter même si je ne suis pas de leur avis. Merci, M. le
Président.
• (17 h 40) •
Le
Vice-Président (M. Cousineau) : Merci, Mme la députée de
l'Acadie. Alors, je cède maintenant
la parole à la députée de Mille-Îles. Mme la députée, la parole est à
vous pour les 20 prochaines minutes.
Mme Francine Charbonneau
Mme
Charbonneau : Merci, M. le Président. J'étais assise et je vous écoutais, puis je me
disais : Comment faire différent?
Depuis hier, vous entendez plusieurs intervenants, des pour et des contre, mais toujours
sur le même sujet. Alors, je vous
annonce, M. le Président, que je suis officiellement une de ces filles qui
appartient à la secte de mourir dans la dignité. On le dit comme ça parce
que, la députée de Champlain
l'a dit ce matin, mes collègues qui ont participé à ce comité l'ont
aussi dit, on s'est reconnus dans ce débat qui est unique au Québec :
parler de la mort.
Vous savez, quand on
était plus jeunes, nos parents, quand ils nous apprenaient la bienséance, ils
disaient : Il y a des choses qu'on ne parle pas à la table, on ne
parle pas de politique, étrangement on en parle souvent, mais on ne
parle pas de politique, on ne parle pas de religion, étrangement c'est un débat
qu'on fait régulièrement depuis quelques jours, puis on
ne parle pas de sexualité. Il reste quelques sujets. Il reste quelques sujets
qui peuvent être questionnés. La mort en est
un, mais on n'en parle pas souvent. On n'en parle pas souvent parce que
ça nous confronte à nos propres limites, et c'est ce qui fait en sorte
que, quand on s'ouvre à l'autre et on parle de la mort, tout à coup, il s'ouvre
cet espace où tout est possible.
En
cette Chambre, il manque des gens, il manque deux personnes qui ont participé de façon
très proche à notre commission et de qui je m'ennuie profondément. Si je ne me
trompe pas, et vous me ferez signe de la tête, je peux les nommer par
leurs noms puisqu'ils ne sont plus députés. Alors, je fais un aveu :
Monique, tu me manques beaucoup. Monique Richard avait travaillé avec nous de
façon extraordinaire et Germain Chevarie, que je suis sûre qu'il nous écoute en ce moment parce qu'il a suivi le débat
du début jusqu'à la fin, me manque aussi énormément, puisque c'est un débat auquel ils auraient aimé se lever en
Chambre et donner leur opinion sur cette consultation qui a été faite.
C'était une
consultation tout à fait particulière, M. le Président, elle allait toucher les
valeurs des gens. Est-ce qu'au niveau de cette Chambre on a choisi de le faire
en ouvrant une ligne téléphonique et en faisant un petit site Internet? Eh bien, non. On a fait le site
Internet, ça a été une consultation, à notre grande surprise à nous, qui a été
très répondue sur Internet. Mais on est aussi allés à la rencontre des gens.
Et
je crois sincèrement, puisque, dans un autre dossier, on touche beaucoup au
principe de la consultation, qu'il est important, quand on parle de
valeurs et quand on parle de volonté d'entendre les gens sur leurs valeurs et
ce qu'ils en pensent… Parce qu'on peut avoir
des valeurs qui se rejoignent, vous et moi, mais qui peuvent être, à quelque
part, pas pareilles. Ça ne m'empêche
pas d'apprécier les vôtres et vous d'entendre les miennes. Mais, ceci dit, il
faut qu'on se parle. Pour se parler, il ne faut pas juste que je vous
laisse un message dans une boîte téléphonique ou que je réponde à des
questions, il faut qu'on se parle. Et c'est le rendez-vous qu'on avait donné à
la population et qu'on a fait pendant plusieurs mois.
Est-ce
qu'on s'est contentés de les rencontrer ici? Eh bien, non, on s'est promenés.
On s'est promenés et, dans ces rencontres-là,
on a vu plus de gens qu'on ne croyait en voir. Nos salles étrangement étaient
quelquefois bondées et, d'autres fois,
étaient étrangement vides, et ça nous faisait presque peur, parce qu'on se
disait : C'est drôle, il y a peu de gens, et tranquillement la salle se remplissait, et
finalement on se retrouvait dans une salle où les gens avaient beaucoup
d'opinions. On a rencontré des experts, vous le savez, on vous l'a expliqué, on
a fait la panoplie de ça.
Et
finalement, le jour de mes 50 ans, j'étais tellement contente, un cadeau de
fête inespéré : un rapport. Eh oui, M. le Président, le 22 mars,
c'est ma fête, et j'ai eu 50 ans le 22 mars 2012, et on a déposé le
rapport. Ça m'a fait très plaisir, j'étais heureuse de voir qu'on pouvait poser
ce geste aussi concret le jour de mon anniversaire.
Je cherche la page dont je voulais vous lire
parce que je trouve que c'est une introduction extraordinaire à cette volonté
qu'on a mise dans un rapport. Vous me permettrez, M. le Président, je vais vous
la lire : «S'éteindre paisiblement entouré de ses proches ou tout
simplement mourir dans son sommeil, voilà ce que la majorité des gens
souhaitent pour la fin de leur vie. Malheureusement, mourir peut parfois être
synonyme d'une lente agonie ou d'une longue déchéance.»
J'arrête là. Vous aurez droit d'aller le lire
tant que vous voulez dans un autre tantôt. Mais c'était pour faire la démonstration sur : Sur quoi on commençait
quand on parlait aux gens? On ne commençait pas en se disant : Êtes-vous
pour ou contre? Non, non, les gens
commençaient tout le temps avec une histoire. Et je suis sûr que je pourrais
m'asseoir avec chacun d'entre vous, et vous
auriez une histoire, une histoire quelquefois d'une mort paisible, d'une mort
surprise : On l'a appelée un matin, elle ne répondait pas, elle était
morte.
Mais il y a
aussi d'autres histoires, des histoires personnelles et des histoires atroces.
On les a toutes entendues. Et, à
différents moments, chacun de nous, dans cette commission, a été touché. On a
résisté, là, on n'a pas tous pleuré en même
temps pour les mêmes raisons, mais on a résisté chacun notre tour. Mais il y a
eu des histoires qui sont venues nous chercher
dans notre vécu à nous. Et on a entendu des choses extraordinaires, des
histoires d'amour, des histoires de peine, des histoires d'infirmières, de docteurs, de gens qui voulaient aller
chercher de l'aide, des gens qui en ont eu, des gens qui en ont eu moins, des histoires de régions qui vous
feraient frissonner, mais des histoires de maisons de palliatifs qui vous feraient sentir qu'il y a des gens ici, au Québec,
qui sont des anges qui travaillent à tous les jours pour rien, des
bénévoles extraordinaires, dans nos maisons de soins palliatifs, qui posent des
gestes extraordinaires.
La plupart de mes collègues qui sont venus vous
parler, qui ont fait partie de cette commission ont été touchés par quelqu'un. Moi, je vais vous en citer une, une petite femme,
une petite femme mais une très grande femme. Et je vois sourire la députée de Joliette parce qu'elle sait c'est qui. Et je
suis sûre que ma collègue de Hull le sait aussi parce que je l'ai citée
à chaque fois que j'ai eu la chance. Cette femme m'a marquée. Elle m'a marquée
par sa fouge. Elle a été journaliste à New York. Elle s'est impliquée, elle a
écrit des articles, elle a été une battante. Et elle est venue nous rencontrer
en chaise roulante de façon électrique pour nous donner son opinion sur cette
consultation qu'on faisait.
Cette femme — et vous pouvez faire la
recherche, encore une fois, M. le Président, sur Google — s'appelle
Mme Gladu, Nicole Gladu. Elle est citée dans
le rapport aussi, à la page 66, et je vous lis ce qu'elle nous a dit — une petite phrase, pas grand-chose : «Un matin, en me réveillant, le désespoir
était disparu. J'ai choisi de mourir à mon heure plutôt que d'être […]
institutionnalisée —bon,
je vais le sortir — à
grands frais, et de faire alors un dernier pied de nez au destin en faisant don de mon cœur, qui fait
l'envie des cardiologues. […]Confrontée à ma décision, qui m'a fait
retrouver une sérénité dont j'avais grandement besoin, je savoure plus
intensément que jamais chaque plaisir.»
Eh bien,
comment elle l'a trouvée, sa sérénité? C'est triste, comment qu'elle l'a
trouvée, mais en même temps c'était
sa solution. Elle s'est acheté un billet, un billet aller seulement, et elle a
acheté un billet à une amie, aller-retour. Où allait-elle? Elle allait
en Suisse, dans une maison qui permet de choisir sa fin de vie. Il y a des
conditions. Elle adhérait aux conditions.
Pourquoi avait-elle besoin d'y aller avec une amie? Bien, savez-vous quoi, ça
prend quelqu'un pour ramener la chaise
roulante. C'était froid comme ça dans sa discussion. Elle était comme ça. Elle avait
dit… ou elle a dit : J'ai choisi ma robe et
j'ai choisi l'amie qui va ramener la chaise roulante vide. Et elle avait choisi
de faire le pas jusqu'à Dignitas. Pourquoi? Parce qu'à tous les jours cette
femme-là combattait entre sa perception de la dignité et celle des autres.
Pouvait-elle
arrêter un médicament pour choisir sa mort? Non. Son seul choix, si elle
voulait choisir sa façon de mourir
plutôt que d'attendre que ses poumons se remplissent d'eau pendant sommeil et
qu'elle meure noyée dans son lit, parce
que c'était ça qui l'attendait, c'était d'arrêter de manger et de boire. C'est
peut-être plus facile, quand on est un malade et qu'on est sous sédation palliative, d'arrêter de manger et de boire
puisque ce n'est pas un choix qu'on fait, c'est le choix du médecin.
Mais, quand on est une femme battante, décider d'arrêter de s'alimenter et de
boire, c'est un choix un petit peu plus difficile.
• (17 h 50) •
Donc, elle a
fait un choix qui lui appartenait. Elle a passé son passeport, elle a fait tout
ce qu'il fallait et elle a choisi de passer de l'autre côté et de mourir
ailleurs. Elle a fait un plaidoyer extraordinaire pour le Québec, M. le
Président. Vous auriez été fier de
l'entendre. D'ailleurs, pour vous faire sourire, je vous dirais que probablement
qu'elle était péquiste. Elle aimait
son Québec. Elle aurait aimé faire autrement que d'y revenir peut-être dans une
urne pour être enterrée ici. Elle aurait probablement aimé qu'on puisse
l'accompagner dans un principe de fin de vie.
Je serai…
Après avoir fait cette consultation et avoir participé, je ne pourrai plus
jamais utiliser le mot «euthanasie» quand
quelqu'un va me parler de fin de vie, plus jamais. Pour avoir vécu une
expérience avec ma mère pendant huit ans, pour avoir entendu les gens me
parler des pistes de solution… Parce qu'ils n'en ont pas. Parce qu'on peut se
faire peur, là, c'est facile, mais ce projet
de loi, il est écrit pour les gens qui ne peuvent pas faire de choix. Vous
savez, si j'ai un rein qui ne
fonctionne pas, ou mes reins ne fonctionnent pas, puis j'ai de la dialyse, je
l'arrête, je m'en… Ma décision. J'ai le
cancer, je ne prends pas les traitements de chimio, je décide que j'arrête. Je
décide, j'arrête, je m'en... Ma décision. J'ai la postpolio comme Mme Gladu, je ne peux rien
arrêter, sauf : il faut que j'attende que la déchéance de mon corps… et
que mes poumons se remplissent d'eau, à un moment qu'ils choisissent parce que
c'est le corps qui choisit, je n'ai pas de contrôle, et là je meurs.
Je n'avais
jamais entendu ça. Je n'avais jamais entendu quelqu'un me dire : Il n'y a
rien que je peux faire. Et, aussi cru
puis aussi triste que c'est, elle pouvait même nous dire : Je ne peux rien
faire, je ne peux pas me donner des pilules moi-même parce que,
savez-vous quoi, c'est quelqu'un qui me nourrit. Je ne peux pas demander à une
tierce personne de poser le geste. Je ne
peux pas, c'est contre la loi. Cette personne-là va avoir des conséquences. Je
ne peux pas prendre un fusil et poser un geste. Je ne peux pas tendre
une corde et poser un geste. Je peux juste arrêter de manger, m'alimenter et
boire. Je peux juste faire ça. C'était ma seule solution pour arriver…
Et je vous le
dis, je ne suis pas sûre que cette battante-là, même si elle avait pris la
décision puis qu'elle l'avait mise en application, elle se serait rendue
jusqu'au bout parce qu'elle était battante. Je vous le dis, elle nous a plus
parlé de l'inquiétude de qui va s'occuper de
son chat que tout le reste de sa démarche. Elle avait tout planifié, là, tout.
Quand elle nous a parlé de la chaise
roulante, je n'étais plus capable. Je me suis dit : Ça ne se peut pas, ça
ne se peut pas que tu invites quelqu'un à te suivre pour juste ramener
le stock, là. Mais c'est exactement ce qu'elle nous a expliqué.
Ce n'est pas
dit dans des mots très scientifiques, mais c'est comme ça que moi, je l'ai
vécu. C'est comme ça que je suis
allée de région en région avec mes collègues de part et d'autre de cette
Chambre. Et je pense que, quand on touche à un principe de valeur, quand
on veut aller changer une valeur dans une société… Et, vous le voyez, M. le
Président, là, ici, dans cette Chambre, il y
a des gens qui se lèvent, et on a tous une histoire différente. Et il y a des
gens qui ont dit : Moi, je suis
contre ça. Puis il y a des gens qui ont dit : Moi, je suis pour ça. Et
c'est correct. Le Québec est ainsi fait. Alors, quand je décide de
toucher à une valeur, il faut que j'aille à la rencontre des gens puis il faut
que je les entende.
Mon seul
regret, c'est qu'on n'a pas entendu beaucoup de communautés. On a entendu des
gens de différentes régions, mais
j'aurais aimé entendre les Premières Nations, j'aurais aimé entendre les gens
de certaines communautés nous parler
de la mort. Parce que, parler de la mort, c'est quelque chose de difficile,
mais, dans le cocon qu'on s'était fait, partout où est-ce qu'on allait, là, ça devenait facile. Et, fous comme on
l'était, M. le Président, là, on ne prenait pas un break, à l'heure du dîner, pour parler d'autre chose, là.
Eh non! On se racontait les histoires qu'on avait entendues le week-end
dans nos activités puis les choses comme ça.
La fin de semaine, on s'écrivait, des fois, pour se dire : Aïe! je suis
allé à telle activité. Vous ne savez
pas ce que j'ai entendu? M., Mme Unetelle ou... On était imprégnés de cette
histoire et de cette volonté d'entendre et de changer les choses.
J'étais, en
2008, dans un premier mandat et j'ai découvert cette vie politique. Ici, en
cette Chambre, en ce moment, puisque
c'est le don du premier mandat, il y a des gens qui sont à leur premier mandat,
et des fois on se pose certaines questions
en se disant : Non, mais qu'est-ce que j'ai pensé? Qu'est-ce que j'ai
pensé, puisque je suis assis, puis j'écoute, puis j'écoute, puis j'écoute? Et, quand j'ai fait cette consultation, je
me suis assise et j'ai écouté, écouté, écouté, et j'ai compris. J'ai compris que, par la volonté d'une personne,
le monde change. Par la volonté du dépôt d'un document par l'opposition,
par la députée de Joliette, il y a un document qui a été déposé, il y a un gouvernement
au pouvoir qui a dit : Oui, savez-vous quoi, commission spéciale, go, on y
va! Et, tout à coup, il y a eu une rencontre entre la population et des
politiciens, qui était facile.
Au début, les
gens étaient un peu inquiets. Ils rentraient dans la salle et, je vous le dis, M. le Président, d'un côté, il y avait
les gens du PQ, de l'autre côté, il y avait les libéraux. On aurait pu se
mélanger, mais instinctivement on n'est pas comme ça, alors on a gardé nos
places respectives. Et les gens nous regardaient en se disant : Mon Dieu!
tu sais, y vont-u... On était tellement complices qu'ils en étaient inquiets.
On avait chacun un peu notre spécialité, nos questions. Ceux qui nous avaient suivis
auparavant savaient que la députée de Joliette était pour prendre un angle plus légal. La députée de Mille-Îles,
elle, elle avait un angle plus social. Le député des Îles-de-la-Madeleine, et de Hull, était plus médical. On avait
tous nos angles un peu particuliers, mais on finissait tous par compléter la
question de l'autre. Et, de ce fait, tout à coup, à la fin de la journée, quand les gens venaient nous dire merci et
bonjour ou avaient passé au micro... On avait même des groupies, je ne vous dis pas, et c'était vraiment
drôle parce qu'il y a des gens qui nous ont suivis d'une place à l'autre. Les gens venaient
nous voir puis ils nous disaient : C'est beau de vous voir. C'est beau
de vous voir, parce qu'on voit chez vous cette complicité qu'on aimerait voir ailleurs.
Puis je vous
le dis parce qu'en ce moment je suis
tout aussi déchirée dans une autre consultation. À Laval, il y a des
gens de toutes les communautés, et on va à leur rencontre, et j'aurais aimé
voir une forme de consultation qui ressemble
à celle que j'avais faite avec mes collègues pour aller à la rencontre des
gens. Ce n'est pas ce qui est arrivé. C'est des choix qui ont été faits, je vais les respecter. Mais j'aurais aimé
voir une consultation comme celle-là parce qu'on va jusque dans la
valeur des gens, les valeurs dans leur maison, dans leur façon de vivre, et ça
serait… ça aurait été intéressant d'aller
jusque-là. Ce n'est pas le choix qu'on a fait. Ça va,
j'en suis, je le prends, je mets ça dans mon petit bagage puis je me
dis : Je vais me consoler autrement.
Dans chaque
région, on nous a aussi parlé des maisons de soins palliatifs. Et on a gardé
une attention tout à fait
particulière sur ces maisons qui, dans le quotidien, M. le Président, posent
des gestes très importants. D'ailleurs, vous en avez une pas loin de votre
région. À Laval, il y en a une qui a ouvert en 2010, presque en même temps que
la consultation — c'était
assez anecdotique pour moi : 12 lits, 12 lits qui desservent la population
de Laval, mais aussi Laurentides,
Lanaudière, ça dépend des places disponibles. 12 lits, ça veut dire quoi? Bien, ça veut dire 24
infirmières, cinq médecins. Ça veut dire plus de 150 bénévoles, plus de 150
bénévoles, M. le Président qui, dans le quotidien, viennent faire face à la musique de gens qui sont rentrés dans la maison
de soins palliatifs, à qui on donne un confort et à qui on
mène tranquillement, parce que c'est ça qui arrive, à la sortie.
On disait, un
peu pour dédramatiser les choses, qu'ils ne rentraient pas par la même porte
qu'ils étaient rentrés. Souvent, ils
rentraient en chaise roulante ou debout, puis ils sortent par la petite
chapelle, à la fin de la maison — puisqu'ellessont presque toutes faites
de la même façon — où,
là, il y a une petite cérémonie avec leur famille. Les soins palliatifs sont-ils parfaits, M. le
Président? Non. Il y a des gestes concrets à poser, il y a un regard à poser.
Et il y a eu une loi qui a été adoptée sur les soins palliatifs, qu'il faut
regarder, je crois, à nouveau.
Vous me
faites signe d'une minute, M. le
Président. Je réalise comment j'ai
pris un certain confort quand j'ai un sujet que j'adore quand je me lève
dans cette Chambre.
Alors, je
vais terminer en vous disant : Devine qu'est-ce que je vais faire?
Non. Je vais terminer en vous disant que je vais voter pour parce que je pense qu'il est grand temps qu'on étudie une
loi comme celle-ci, qui, d'après moi, fera avancer d'un pas de plus le Québec
vers une situation où chaque citoyen aura des droits. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Cousineau) :
Merci. Merci, Mme la députée de Mille-Îles.
Ajournement
Alors, compte tenu de l'heure, les travaux de l'Assemblée
sont ajournés au jeudi 24 octobre 2013, à 9 h 45.
Bonne soirée.
(Fin de la séance à 18 heures)