(Neuf heures quarante-six minutes)
Le Vice-Président (M. Chagnon): Bon mercredi matin, chers collègues. Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît.
Affaires courantes
Déclarations de députés
Nous en sommes à la rubrique Déclarations des députés. Et je vais commencer immédiatement en demandant à la députée de Saint-Henri--Sainte-Anne de prendre la parole.
Souligner la Semaine provinciale
de prévention du suicide
Mme Marguerite Blais
Mme Blais: Merci, M. le Président. Du 30 janvier au 5 février dernier, on soulignait la 21e Semaine nationale de prévention du suicide. Il me semble, M. le Président, que c'est une responsabilité collective que nous avons à l'égard des personnes de notre entourage qui vivent de la détresse. Bien que l'Institut national de santé publique du Québec rapporte que le taux de mortalité par suicide est en baisse depuis les 10 dernières années, il y a quand même des Québécois, des Québécoises qui posent un geste dramatique à chaque année.
À titre de ministre responsable des Aînés, je dois souligner que 41 % des personnes qui ont posé ce geste dramatique sont âgées de 50 ans et plus. C'est la raison pour laquelle nous avons investi 650 000 $ à l'Association québécoise de prévention du suicide pour briser l'isolement et pour faire en sorte que... Pourquoi collectivement nous ne pourrions pas rendre une visite, donner un coup de téléphone à une personne quand on sent qu'il y a cette détresse?
Le suicide ne doit pas faire partie prenante de la solution, ce n'est pas... ça ne fait pas partie du processus normal de vieillissement. Je vous remercie, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Chagnon): Merci, Mme la députée de Saint-Henri--Sainte-Anne. J'inviterais maintenant M. le député de Berthier à prendre la parole.
Souligner le courage et la bravoure de
Mme Daisy Flamand, de la communauté
attikamek de Manawan, lors de
l'incendie de sa maison
M. André Villeneuve
M. Villeneuve: Merci, M. le Président. Une citoyenne de la communauté attikamek de la Manawan a reçu hier une distinction pour un acte de bravoure qu'elle a accompli le 20 août 2008.
En pleine nuit, sauvant de sa maison en proie aux flammes son bébé, sa jeune nièce et sa grand-mère, Mme Daisy Flamand a non seulement fait preuve de bravoure, mais également d'altruisme et de respect envers les siens. Malgré sa grande détermination et son courage exemplaire, deux membres de sa famille n'ont pas survécu à l'incendie. Puisse le doux souvenir de leur mémoire l'aider à surmonter cette dure épreuve.
De par cette déclaration, M. le Président, je souhaite que cet acte noble et héroïque de Mme Daisy Flamand outrepasse les frontières de la communauté de la Manawan pour atteindre le coeur de toutes les Québécoises et les Québécois. Merci.
Le Vice-Président (M. Chagnon): Je vous remercie, M. le député de Berthier. J'inviterais maintenant Mme la députée de Bellechasse à prendre la parole.
Souligner la Semaine de la canne blanche
Mme Dominique Vien
Mme Vien: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, j'aimerais qu'on souligne aujourd'hui la Semaine de la canne blanche, qui a lieu, cette année, du 6 au 12 février, et rappeler que c'est depuis 1946, M. le Président, que la première semaine de février est reconnue, au Canada, comme étant la Semaine de la canne blanche. Et, cette semaine, évidemment, ça joue un rôle primordial, essentiel pour mieux comprendre la situation des personnes qui vivent avec une déficience... une déficience visuelle, pardon. Et cette semaine vise aussi à démontrer qu'un bon nombre de personnes aveugles ou vivant avec une basse vision, eh bien, ces personnes, M. le Président, elles mènent une vie active et elles sont très, très bien intégrées dans la société.
Je voudrais également profiter de l'occasion pour souligner que l'Institut Nazareth et Louis-Braille a lancé, le 31 janvier dernier, sa programmation visant à souligner son 150e anniversaire. J'y étais comme ministre responsable, évidemment, de cette clientèle. Alors, c'est une programmation riche qui s'en vient pour l'année à venir. Et j'ai également vécu une expérience tout à fait formidable qui m'a permis de prendre le pouls, la mesure du défi avec lequel vivent nos concitoyens et concitoyennes qui vivent, donc, avec une déficience visuelle alors que j'ai moi-même porté des lunettes et également qui ai mangé au restaurant O.Noir. Alors, bonne semaine.
**(9 h 50)**Le Vice-Président (M. Chagnon): Merci, Mme la député de Bellechasse. J'inviterais maintenant M. le député de Johnson, s'il vous plaît.
Rendre hommage au joueur de baseball
Ronald Jacques «Ron» Piché et offrir des
condoléances à sa famille et à ses prochesM. Etienne-Alexis Boucher
M. Boucher: Merci beaucoup, M. le Président. Permettez-moi, par la présente, d'offrir mes plus sincères condoléances aux proches de M. Ronald Jacques Piché. Au cours de sa carrière, ce grand sportif, surnommé «Ron», a su se démarquer pour devenir une véritable icône du baseball au Québec.
Faisant partie des rares Québécois de l'époque à y accéder, il évoluera, en 1960, au sein de la ligue américaine de baseball, où il jouera durant six saisons. De plus, Ron deviendra, en 1976, le premier Québécois à être instructeur dans les majeures, avec les Expos de Montréal. Il poursuivra son implication afin de permettre l'avancement du baseball au Québec, comme en témoigne son engagement comme président d'honneur du tournoi pee-wee d'Anjou durant 25 ans.
Son intronisation au Panthéon des sports du Québec en 1994 et au Temple de la renommée du baseball québécois en 2001 manifeste toute l'importance de sa contribution à ce sport. Tout au long de sa vie, Ron aura fait rayonner cette passion du baseball qui l'animait. Connu pour sa générosité sans bornes et sa grande humilité, il sera toujours une source d'inspiration et de fierté pour les Québécois. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Chagnon): Merci, M. le député de Johnson. J'inviterais maintenant M. le député des Chutes-de-la-Chaudière.
Féliciter les écoles secondaires de la
circonscription de Chutes-de-la-Chaudière
ayant à leur programme parascolaire
des activités d'entrepreneuriat
M. Marc Picard
M. Picard: Merci, M. le Président. Lévis n'est pas seulement reconnue comme la ville de la coopération, c'est celle aussi de l'entrepreneuriat. Dans le but d'intéresser les jeunes à la création d'entreprises, plusieurs écoles du comté des Chutes-de-la-Chaudière ont inclus dans leur programme parascolaire des activités où les jeunes ont l'opportunité de s'initier à la gestion d'une entreprise.
C'est le cas, entre autres, des écoles secondaires les Etchemins de Charny et de l'Horizon de Saint-Jean-Chrysostome. Sous la supervision de leurs professeurs, ces apprentis gestionnaires apprivoisent tout le processus de démarrage d'une microentreprise, soit choisir le produit à commercialiser, monter le plan d'affaires, structurer l'organigramme, démarrer la mise en marché. Toutes ces tâches permettent non seulement l'émergence d'idées créatrices, mais elles amènent aussi les jeunes à développer le sens des responsabilités et leur capacité de travailler en équipe.
Je félicite les initiateurs de tels projets qui insufflent à nos jeunes le goût de l'entrepreneuriat, car sûrement plusieurs d'entre eux seront nos gestionnaires de demain. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Chagnon): Merci, M. le député des Chutes-de-la-Chaudière. J'inviterais maintenant M. le député de Jean-Talon.
Souligner la journée Bell Cause pour la cause
M. Yves Bolduc
M. Bolduc: Merci, M. le Président. Je tiens à souligner aujourd'hui, en ce 9 février 2011, la première journée Bell Cause pour la cause.
Cette campagne nationale, qui met en vedette l'athlète olympique Clara Hughes, s'attaque à la stigmatisation et au silence trop souvent associés à la maladie mentale. On souhaite modifier les perceptions, entre autres, auprès des jeunes en les invitant à échanger sur la question dans les médias sociaux. De plus, pour chaque message texte envoyé et chaque appel interurbain effectué par les clients de Bell, aujourd'hui, Bell versera 0,05 $ dans des programmes liés à la santé mentale.
Les personnes aux prises avec une maladie mentale sont souvent victimes de préjugés. C'est pourquoi une initiative telle que celle-ci est si importante. Bell Canada s'est ainsi engagée à investir sur cinq ans un total de 50 millions de dollars dans des programmes dédiés à la santé mentale au Québec et dans les autres provinces. Je profite donc de l'occasion pour les féliciter pour ce soutien et cet engagement social exemplaire. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Chagnon): Merci, M. le député de Jean-Talon. J'inviterais maintenant M. le député de Blainville.
Féliciter l'Association de ringuette
de Blainville pour la tenue de
son 25e tournoi annuel
M. Daniel Ratthé
M. Ratthé: Merci, M. le Président. M. le Président, du 27 au 30 janvier dernier, la ville de Blainville a été l'hôte de la 25e édition de son tournoi annuel de ringuette. En effet, depuis 1986, l'Association de ringuette de Blainville convie les meilleures équipes partout au Québec afin de compétitionner entre elles et de célébrer leur passion pour ce sport.
Encore une fois cette année, plus de 500 joueuses provenant de 44 équipes réparties dans 11 catégories ont chaussé leurs patins et se sont affrontées à l'aréna de la rue de la Mairie. Unies par leur désir de se dépasser et par leur esprit sportif, les joueuses ont également joint l'utile à l'agréable en consacrant une journée du tournoi, la Journée rose, à la Fondation du Cancer du sein, invitant les spectateurs à porter du rose et à faire un don pour cette noble cause.
Il s'agit là, évidemment, d'un exemple parmi d'autres de la grande créativité et du professionnalisme du comité organisateur du tournoi et de l'association, dirigés respectivement par Mmes Nicole Cyr et Mona Copty. Je tiens à les féliciter, ainsi que tous les organisateurs, les arbitres, les joueurs, pour cette journée extraordinaire.
Le Vice-Président (M. Chagnon): Merci, M. le député de Blainville. J'inviterais maintenant M. le député de Laurier-Dorion.
Souligner le Mois du coeur
M. Gerry Sklavounos
M. Sklavounos: M. le Président, février est le Mois du coeur, et partout au Québec des activités sont organisées pour sensibiliser la population, jeunes et moins jeunes, aux maladies cardiovasculaires et à la prévention.
Malheureusement, au Québec, les maladies cardiovasculaires sont responsables pour plus du tiers de l'ensemble des décès. Nous connaissons tous les principaux facteurs de risque: la cigarette, la sédentarité et le surpoids. D'où l'importance de ce mois de sensibilisation, car les maladies cardiovasculaires sont évitables et traitables. Les saines habitudes de vie font donc la différence, et cette responsabilité est personnelle.
Je salue au passage la Fondation des maladies du coeur du Québec pour sa contribution exemplaire dans les domaines de la recherche et de la sensibilisation, et je lance le défi aux collègues de l'Assemblée nationale ainsi qu'à toutes les Québécoises et tous les Québécois: Cessons de fumer, mangeons mieux, bougeons plus. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Chagnon): Merci, M. le député de Laurier-Dorion. J'inviterais maintenant Mme la députée de Rosemont.
Saluer le courage du peuple tunisien,
qui lutte pour la démocratie
Mme Louise Beaudoin
Mme Beaudoin (Rosemont): Merci, M. le Président. Je souhaite revenir aujourd'hui sur les événements qui ont lieu en Tunisie, car le printemps arabe, qui pourrait changer en profondeur la donne dans tout le Proche et le Moyen-Orient, a débuté en Tunisie.
Il nous faut saluer à nouveau le courage des Tunisiens, particulièrement de la jeunesse, qui exigent avec raison de vivre dignement, en toute liberté, dans un pays dans lequel la richesse n'est pas accaparée par une infime minorité de la population mais est justement partagée.
Le Québec, qui aspire à jouer un rôle international, doit dire haut et fort que les dictateurs en exil et leur famille ne sont pas les bienvenus sur le territoire du Québec, que nous souhaitons que la nouvelle procédure concernant le statut de réfugié soit appliquée de façon diligente par le Canada.
Enfin, le Québec doit offrir son accompagnement et sa collaboration pour l'organisation de l'ensemble du futur processus électoral par le partage de notre propre expérience. En d'autres mots, nous voulons que nos paroles soient suivies d'actions en faveur du peuple tunisien.
Le Vice-Président (M. Chagnon): Merci, Mme la députée de Rosemont. J'inviterais maintenant M. le député des Îles-de-la-Madeleine.
Rendre hommage au
compositeur-interprète
madelinot Didier Turbide
M. Germain Chevarie
M. Chevarie: Merci, M. le Président. C'est avec plaisir, aujourd'hui, que je rends hommage à un artiste madelinot qui, avec ses mots chaleureux et colorés, chante son amour des Îles-de-la-Madeleine.
Depuis plus de 40 ans, Didier Turbide compose des comédies musicales, des récitals et des chansons. Par-delà des mots, Didier Turbide nous livre des textes d'une richesse inestimable, avec un humour qui n'a pas son égal. Comme le disait Victor Hugo, cet étourdissant jongleur de mots nous fait rire et réfléchir. Ce compositeur-interprète exprime son amour de la mer et sa fierté d'être Madelinot. Sa musique dépasse aussi les frontières de nos îles. En 1989, il participe à l'émission de télévision De bonne humeur avec sa chanson Tu seras là.
En terminant, Didier, tu as toute notre amitié et notre admiration. L'ensemble de la communauté des Îles te salue et te remercie. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Chagnon): Merci, M. le député des Îles-de-la-Madeleine. M. le député de Brome-Missisquoi? Bon, ça va. O.K.
Alors, sur ce, M. le député des Îles-de-la-Madeleine, nous allons donc suspendre nos travaux, puisque c'est la fin de nos interventions à la déclaration de députés. Nous allons suspendre pour quelques minutes, en attendant la préparation de la période de questions.
(Suspension de la séance à 9 h 58)
(Reprise à 10 h 10)
Le Président: Alors, bonne journée, chers collègues. Nous allons nous recueillir quelques instants.
Alors, merci. Veuillez vous asseoir.
Alors, nous poursuivons aux affaires courantes. Aujourd'hui, il n'y a pas de déclarations ministérielles ni de présentation de projets de loi.
Dépôt de documents
À la rubrique Dépôt de documents, M. le leader du gouvernement.
Réponse à une pétition
M. Fournier: M. le Président, permettez-moi de déposer la réponse du gouvernement à la pétition déposée le 19 octobre 2010 par la députée de Taillon.
Le Président: Alors, ce document, M. le leader, est déposé.
Lettre du président-directeur
général d'Hydro-Québec
concernant la motion adoptée par
l'Assemblée le 29 septembre 2010
Pour ma part, je dépose une lettre, en date du 12 janvier 2011, que m'a fait parvenir le président-directeur général d'Hydro-Québec, M. Thierry Vandal, concernant le suivi de la motion adoptée par l'Assemblée nationale le 29 septembre dernier, relativement aux contrats octroyés par Hydro-Québec de 2000 à 2010.
Textes de loi adoptés par les
membres du Parlement jeunesse
Je dépose également le texte de trois projets de loi adoptés lors de la 61e législature du Parlement jeunesse du Québec.
Dépôt de rapports de commissions
Au dépôt de rapports de commissions, Mme la présidente de la Commission des finances publiques et députée de Taschereau.
Étude détaillée du projet de loi n° 117
Mme Maltais: M. le Président, je dépose le rapport de la Commission des finances publiques qui, le 8 février 2011, a procédé à l'étude détaillée du projet de loi n° 117, Loi donnant suite au discours sur le budget du 30 mars 2010 et à certains autres énoncés budgétaires. La commission a adopté le texte du projet de loi avec des amendements.
Le Président: Ce rapport est déposé.
Dépôt de pétitions
Au dépôt de pétitions, Mme la députée de Champlain.
Modifier la classification des films pour
indiquer la présence de scènes de suicide
Mme Champagne: Merci, M. le Président. Je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale, signée par 628 pétitionnaires. Désignation: citoyennes et citoyens du Québec.
«Les faits invoqués sont les suivants:
«Considérant que l'Association des endeuillés par suicide de La Traverse est un organisme dont la mission est d'aider les endeuillés par suicide à briser leur isolement et à reprendre pied dans la vie par des échanges et le soutien mutuel et aussi par des actions communes;
«Considérant que la classification actuelle des films qui sont présentés dans les cinémas au Québec n'informe pas spécifiquement de la présence de la thématique du suicide dans le contenu des oeuvres;
«Considérant l'impact qu'ont les scènes de suicide sur certaines personnes, notamment les jeunes personnes;
«Considérant que les cinéphiles désireux de visionner un film au cinéma, particulièrement les parents de jeunes enfants, ont le droit d'être préalablement avisés que celui-ci aborde la thématique du suicide;
«Considérant que le suicide est un événement tragique d'une très grande portée sociale et qu'il importe de donner au cinéphile le moyen de juger de l'à-propos de visionner un film qui en traite, autant pour les jeunes personnes qui relèvent de sa responsabilité et que pour lui-même;
«L'intervention réclamée se résume ainsi:
«En conséquence, l'Association des endeuillés par suicide de La Traverse et les soussignés demandent au gouvernement du Québec de modifier la classification des films projetés au cinéma pour la rendre explicitement indicative quant à la thématique du suicide.» Je certifie que cet extrait est conforme au règlement et à l'original de la pétition.
Le Président: Cet extrait de pétition est donc déposé. M. le député de Borduas.
Décréter un moratoire sur les
projets d'exploration et
d'exploitation des gaz de schiste
M. Curzi: Merci, M. le Président. Je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale, signée par 250 pétitionnaires. Désignation: citoyennes et citoyens du Québec.
«Les faits invoqués sont les suivants:
«Considérant que des travaux d'exploration visant à exploiter le gaz de schiste se déroulent au Québec et qu'ils présentent des risques environnementaux et sanitaires importants, notamment pour l'eau en raison des produits chimiques utilisés pour la fracturation ainsi que l'augmentation des gaz à effet de serre;
«Considérant que des conséquences environnementales de cette exploitation ont eu des effets dévastateurs aux États-Unis et en Alberta;
«Considérant que ces travaux soulèvent une inquiétude légitime chez les citoyens et les citoyennes, des communautés ainsi que des élus municipaux qui n'ont pas les pouvoirs d'arrêter ces travaux ou n'ont pas les ressources pour gérer les conséquences de tels travaux;
«Considérant que le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement a reçu un mandat qui se limite à proposer très rapidement un cadre de développement de la filière des gaz de schiste;
«Considérant que le Québec est actuellement apte à entreprendre un virage vers l'exploitation des énergies durables qui contribuerait à la diminution des gaz à effet de serre tout en contribuant à l'emploi et à la richesse collective dans une optique nationale;
«Considérant qu'il est fondamental de décider collectivement de l'exploitation de nos ressources et que l'importance de cet enjeu nécessite une large consultation publique;
«L'intervention réclamée se résume ainsi:
«Nous, citoyens québécois, demandons que le gouvernement du Québec décrète un moratoire complet et immédiat sur l'exploration et l'exploitation du gaz de schiste.» Je certifie que cet extrait est conforme au règlement et à l'original de la pétition.
Le Président: Cet extrait de pétition est déposé. Nous en sommes maintenant à M. le député de Mercier, toujours aux pétitions.
Amender la Charte de la Ville de
Montréal pour rééquilibrer les
pouvoirs entre la ville centre
et les arrondissements
M. Khadir: M. le Président, je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale, signée par 963 pétitionnaires. Désignation: citoyens et citoyennes du Québec.
«Les faits invoqués sont les suivants:
«Considérant que le gouvernement du Québec a adopté la loi n° 170, Loi modifiant la Loi sur l'organisation territoriale municipale, pour rendre notre métropole plus concurrentielle au niveau national et international, réduire les dédoublements de ressources et de services afin de générer des économies d'échelle, pour réduire les disparités fiscales et favoriser l'équité sociale;
«Considérant qu'en 2003 le gouvernement a adopté sous bâillon la loi n° 33, Loi modifiant la Charte de la Ville de Montréal, qui a créé les maires d'arrondissement dotés de pouvoirs accrus dont ceux de lever des taxes, embaucher et congédier des fonctionnaires, d'octroyer des contrats;
«Considérant que cette répartition des pouvoirs entre la ville centre et les arrondissements a affaibli Montréal, divisée en 19 petits royaumes pour lesquels des élus défendent leurs pouvoirs au détriment de l'intérêt collectif, générant un dysfonctionnement qui rend Montréal difficilement gouvernable;
«Considérant que cette situation ne sert pas les intérêts des Montréalais qui paient plus cher pour des services disparates, inéquitables et moindres;
«Considérant qu'il est urgent de donner au Québec une métropole capable d'accomplir efficacement ses missions élémentaires où l'expertise publique profite à tous, où l'équipement est partagé, où la structure et le fonctionnement servent les intérêts des Montréalais;
«Considérant que Montréal joue un rôle crucial pour le développement du Québec;
«Et l'intervention réclamée se résume ainsi:
«Les soussignés demandent à l'Assemblée nationale de demander au gouvernement du Québec d'intervenir rapidement afin d'amender la Charte de la Ville de Montréal pour rééquilibrer les pouvoirs entre la ville centre et les arrondissements dans l'intérêt des Montréalais et des Québécois.» Je certifie que cet extrait est conforme au règlement et à l'original de la pétition.
Le Président: Cet extrait de pétition est déposé.
Il n'y a pas de réponses orales aux pétitions ni d'interventions qui portent sur une violation de droit ou de privilège.
Questions et réponses orales
Et nous en sommes donc à la période de questions et de réponses orales des députés, et je cède la parole à Mme la chef de l'opposition officielle.
Certification des résidences
privées pour personnes âgées
Mme Pauline Marois
Mme Marois: Merci, M. le Président. Les Québécois sont véritablement dévastés par l'actualité qui concerne les soins que l'on offre aux personnes âgées et aux aînés. La situation, elle est connue: la Protectrice du citoyen a produit deux rapports dévastateurs. Nous avons soulevé à maintes reprises ici le caractère inacceptable de la situation et proposé des solutions, entre autres, comme l'adoption d'un plan d'urgence. En décembre dernier, on s'attendait à des gestes concrets du gouvernement. Nous sommes en février: toujours rien. J'imagine que les aînés en détresse attendent le discours inaugural.
Le gouvernement libéral, qui s'était pourtant engagé à tout régler en santé, a laissé tomber les personnes âgées. Jour après jour, des reportages s'enchaînent sur l'état pitoyable des ressources d'hébergement autant privées que publiques. C'est un triste bilan du gouvernement libéral en cette matière: 28 décès dans des circonstances obscures en 28 mois ont été rapportés, et les familles et les proches de ces derniers demandent des comptes. L'ensemble des 2 200 résidences privées devaient avoir obtenu leur certification en février 2009. Or, le processus piétine. À Montréal, c'est plus de 30 % des résidences privées qui ne sont pas encore certifiées.
**(10 h 20)** Est-ce que le premier ministre comprend qu'il faut mettre les bouchées doubles? Et aujourd'hui peut-il fixer une date limite pour que le processus soit enfin complété, M. le Président?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Jean Charest
M. Charest: Tout d'abord, M. le Président, permettez-moi de revenir sur les faits. Depuis uniquement le budget de 2007-2008, le gouvernement a annoncé des investissements qui totalisent 2,3 milliards de dollars sur cinq ans pour les aînés, et cela se reflète, entre autres, dans les investissements de 800 millions de dollars dans les rénovations, par exemple, et des agrandissements pour les CHSLD. Le gouvernement du Québec a également mis sur pied un programme de certification pour les maisons pour personnes âgées -- je pense, je dis ça sous toute réserve, qu'on est les seuls au Canada à l'avoir fait, on est les seuls -- et 85 % des 2 200 résidences ont déjà été certifiées. Les autres résidences sont en processus de certification. Alors, financièrement, dans les programmes du gouvernement, on a fait des efforts très importants.
Là, je veux faire une précision: cela n'excuse en rien qu'une seule personne soit maltraitée au Québec, ça n'excuse en rien. S'il y a une seule personne âgée au Québec qui reçoit un mauvais traitement, ça mérite que la situation soit corrigée sur-le-champ. Au pire aller, s'il y a des gens qui manquent à leurs responsabilités, qu'ils en soient imputables, M. le Président. Le gouvernement est très déterminé à faire en sorte que les aînés du Québec soient respectés. C'est eux qui ont construit le Québec, puis ils méritent de la part de tous les Québécois, au premier chef le gouvernement du Québec, le plus profond respect, M. le Président.
Le Président: En première complémentaire, Mme la chef de l'opposition officielle.
Mme Pauline Marois
Mme Marois: M. le Président, le premier ministre peut avoir des propos sentis à l'égard des personnes âgées, le problème, c'est que l'action ne suit pas et que, de fait, depuis 28 mois, il y a eu 28 personnes âgées qui sont décédées dans des circonstances nébuleuses. Mais, surtout, 30 % des résidences à Montréal ne sont toujours pas certifiées. La Protectrice du citoyen demandait que ce soit fait pour 2010, M. le Président. Or, ce n'est pas le cas.
Le premier ministre peut-il se fixer une échéance? C'est ça qu'on lui demande.
Le Président: M. le premier ministre.
M. Jean Charest
M. Charest: M. le Président, on a mis en place le programme de certification justement parce que nous voulons qu'il y ait un contrôle sur la qualité des soins qui sont donnés aux personnes âgées au Québec. Et on a fait plus que ça, on a lancé, en juin dernier, un plan d'action gouvernemental contre la maltraitance envers les aînés. On a investi un budget de 20 millions là-dedans sur une période de cinq ans. C'est la ministre responsable des Aînés qui a initié ce projet-là, qui travaille également avec la ministre déléguée, comme tout le gouvernement s'y consacre, et on le fait en concertation avec plusieurs organismes communautaires, M. le Président.
Je veux réitérer que, de notre point de vue à nous, on doit poursuivre les efforts. On en a fait qui sont très importants, nous allons poursuivre les efforts dans le respect de nos aînés.
Le Président: En deuxième complémentaire, Mme la chef de l'opposition officielle.
Mme Pauline Marois
Mme Marois: M. le Président, le premier ministre retombe dans ses travers. La question, elle est simple. Actuellement, 30 % des résidences, sur Montréal, pour les personnes âgées ne sont pas certifiées. Et d'ailleurs la majorité des centres qui ne sont pas certifiés le sont à cause des conditions de sécurité incendie. C'est grave, M. le Président, ce dont on parle aujourd'hui.
Je demande au premier ministre d'adopter un plan d'urgence, comme nous l'avons proposé déjà en mai 2009. Que fera-t-il, M. le Président?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Jean Charest
M. Charest: Depuis le premier jour de notre élection que nous avons posé des gestes pour appuyer...
Des voix: ...
M. Charest: ...bien, appuyer les personnes âgées au Québec, M. le Président. La réaction de l'opposition me force à leur rappeler que c'est le gouvernement du Parti québécois avec la chef de l'opposition officielle qui ont coupé radicalement les budgets, M. le Président, hein? Qui ont...
Des voix: ...
M. Charest: Oui, oui, qui ont coupé les budgets. D'ailleurs, la chef de l'opposition officielle, puisqu'ils m'invitent à le faire, a déjà affirmé, récemment, que, si c'était à faire, elle recommencerait, M. le Président.
Alors, je pense que, sur un enjeu comme celui-là, ça mérite que l'opposition reconnaisse les efforts constants que nous avons faits et que nous allons continuer. Alors, on va continuer à faire en sorte que les aînés du Québec reçoivent les services auxquels ils ont droit.
Le Président: En question complémentaire, Mme la députée de Crémazie.
Mme Lisette Lapointe
Mme Lapointe: M. le Président, ça fait deux ans... Il y a deux ans, j'ai réclamé un plan d'urgence au niveau de la certification. Ça fait deux ans. À situation d'urgence, après ce qu'on voit dans les résidences, il faut un plan d'urgence. On a eu 28 décès en 28 mois. C'est ce que les médias nous ont rapporté. Vous le savez comme moi, la loi du coroner ne s'applique pas aux résidences privées. Il y en a peut-être d'autres. Il y aurait une chose que vous pourriez faire rapidement: changer la loi sur le coroner pour que tous les décès dans les résidences privées soient déclarés.
Le Président: Mme la ministre déléguée aux Services sociaux.
Mme Dominique Vien
Mme Vien: M. le Président, évidemment, la députée de Crémazie sait le travail colossal que nous avons entrepris au niveau de la certification des résidences privées pour personnes âgées. Nous l'avons entrepris. C'était une première au Québec, une première au Canada, une première en Amérique du Nord. C'est donc dire qu'avant notre arrivée il n'y avait absolument rien, aucune balise qui encadrait les résidences privées pour personnes âgées. Alors, nous entamons un large chantier. Le coroner, bien sûr, fait partie des personnes, des organisations, des organismes que nous sollicitons d'avoir leurs opinions. Et évidemment ce changement... ce chantier que nous avons ouvert pour donner un deuxième tour de roue à la certification des résidences privées, personnes âgées...
Le Président: En terminant.
Mme Vien: Évidemment, M. le Président, plein d'organismes seront consultés. Je tends à nouveau la main à la députée de...
Le Président: En question principale, M. le député de Nicolet-Yamaska.
Fusion du Groupe TMX inc.
et de la Bourse de Londres
M. Jean-Martin Aussant
M. Aussant: Merci, M. le Président. On apprend ce matin que le Groupe TMX, qui gère la Bourse de Montréal, s'intégrera à la Bourse de Londres. Déjà, on entend les mêmes rengaines qu'en 2008 quand Toronto avait acheté Montréal. On nous dit que c'est une fusion d'égal à égal, alors qu'il s'agit d'une deuxième dilution pour Montréal. On nous dit qu'il s'agit d'une fusion, alors que, dans les faits, cette transaction a toutes les allures d'une acquisition par Londres. Et c'est d'ailleurs ce que la presse européenne en dit. On nous dit aussi que le chef de la direction sera celui de Londres, basé à Londres. Donc, une chose est très claire: les gens qui prendront les décisions seront bien loin du Québec, et, quoi qu'on dise, la spécialisation de Montréal dans les produits dérivés est à risque devant Londres, qui est la première place mondiale.
En 2008, vous n'aviez rien... le gouvernement n'avait rien fait pour empêcher que la Bourse de Montréal se déplace vers Toronto. Est-ce qu'aujourd'hui, oui ou non, le gouvernement libéral va se tenir debout et empêcher que les intérêts économiques et financiers du Québec soient décidés à plus de 5 000 kilomètres d'ici?
Le Président: M. le ministre des Finances.
M. Raymond Bachand
M. Bachand (Outremont): C'est intéressant de voir d'ailleurs, M. le Président, que c'est Bernard Landry qui, il y a plus d'une dizaine d'années, avait autorisé la spécialisation des bourses sur le marché canadien.
M. le Président, il s'agit d'une transaction très importante pour les marchés financiers, pour l'économie du Québec, pour l'économie canadienne aussi. Lundi après-midi, le président de la Bourse de Londres, le président de la bourse canadienne de Toronto sont venus nous rencontrer, mon collègue et moi, à Québec, pour nous expliquer la transaction. Il y a, dans cette transaction, un aspect majeur pour les Québécois. Au-delà de l'accès aux marchés financiers, c'est la place de Montréal et de la Bourse de Montréal dans les produits dérivés, de son expertise dans les produits dérivés et du leadership qu'elle peut prendre sur une place mondiale. Voilà ce qu'il faut examiner. C'est pour ça, M. le Président, que j'ai demandé à l'Autorité des marchés financiers de conduire des consultations publiques au cours des prochaines semaines, pour que les gens puissent s'exprimer et pour s'assurer aussi que le Québec retire son intérêt de cette transaction.
J'attirerai l'attention de mon collègue, M. le Président, sur cette phrase dans la communication globale. Et je pense que je n'aurai pas le temps de lire cette phrase.
Le Président: En terminant.
M. Bachand (Outremont): Je la lirai sûrement lors de l'additionnelle. Merci, M. le Président.
Le Président: En première complémentaire, M. le député de Nicolet-Yamaska.
M. Jean-Martin Aussant
M. Aussant: On espère, M. le Président, que le ministre comprend mieux qu'en 2008 que les intérêts des actionnaires bénéficiaires ne sont pas toujours les mêmes que les intérêts du Québec dans une transaction comme celle-là. Et l'AMF, comme régulateur des marchés financiers du Québec, a le pouvoir de reconnaître ou non une nouvelle entité.
Est-ce que le ministre des Finances peut nous dire quelles indications il va donner à l'AMF?
**(10 h 30)**Le Président: M. le ministre des Finances.
M. Raymond Bachand
M. Bachand (Outremont): ...transaction très importante, comme j'ai dit. D'ailleurs, c'est important non seulement pour les Québécois, mais pour les Canadiens. J'ai communiqué avec le ministre des Finances de l'Ontario hier, avec le ministre des Finances du Canada. J'ai demandé à l'Autorité des marchés financiers de conduire des consultations publiques. Il faut s'assurer que la place de Montréal est non seulement protégée, mais que ça puisse être un tremplin pour le leadership. Voilà ce qu'il faut examiner.
Et, dans la documentation, cette nuit, dévoilée par la Bourse de Londres et la Bourse de Toronto, on lit cette phrase -- je fais une traduction libre -- que Montréal, en plus d'être le siège de la Bourse de Montréal et du Canadian Derivatives Clearing Corporation, deviendra aussi le centre pour le groupe fusionné et les affaires de produits dérivés mondial et global. Voilà ce qu'il faut, M. le Président...
Le Président: Votre temps est terminé, M. le ministre. En deuxième complémentaire, M. le député de Nicolet-Yamaska.
M. Jean-Martin Aussant
M. Aussant: M. le Président, je rappelle au ministre que ce sont les actionnaires bénéficiaires qui ont écrit ce communiqué-là, et les intérêts peuvent diverger.
Est-ce que le ministre va donner des indications claires à l'AMF dans la défense des intérêts économiques et financiers du Québec, au lieu que ça se prenne à 5 000 kilomètres d'ici? La question est très simple.
Le Président: M. le ministre des Finances.
M. Raymond Bachand
M. Bachand (Outremont): Oui, M. le Président. Avant même d'avoir la question de notre collègue, dès ce matin, j'ai indiqué que la question des intérêts du Québec était déterminante, qu'il fallait examiner cette transaction, qu'il fallait s'assurer que les intérêts des entreprises québécoises et la place financière de Montréal dans les produits dérivés, dans ce monde qui se globalise complètement, que cette place soit non seulement protégée et développée... Et j'ai demandé à l'Autorité des marchés financiers de conduire, d'écouter, d'avoir des consultations publiques pour que les gens puissent s'exprimer et qu'on puisse s'assurer que nous tenons dans cette transaction... que nous allons protéger et développer les intérêts économiques du Québec.
Le Président: En question principale, M. le député de Chambly et leader adjoint de l'opposition officielle.
Grève des procureurs et juristes de l'État
M. Bertrand St-Arnaud
M. St-Arnaud: M. le Président, parce que le gouvernement libéral a laissé traîner les choses, la grève des procureurs de la couronne et des juristes de l'État se poursuit aujourd'hui. Pendant ce temps, partout, des milliers de causes sont remises à l'été ou à l'automne prochain. Des victimes d'actes criminels doivent aussi voir leur stress se prolonger pendant encore plusieurs mois. M. le Président, des victimes d'accidents de travail, d'accidents de la route qui attendent depuis des années doivent attendre encore davantage avant de voir leur dossier se régler. Mais, plus grave encore, hier, à Sherbrooke, une personne accusée d'un acte criminel a été acquittée à cause, disons-le, de la situation créée par ce gouvernement qui, dans ce dossier, s'est traîné les pieds depuis des années.
M. le Président, cette situation grave, cette situation tragique ne peut plus durer. Comment le gouvernement libéral va-t-il dénouer cette situation qu'il a lui-même créée par son laisser-faire, par son insouciance? Quand va-t-il se rasseoir avec ses procureurs et ses avocats pour trouver une solution qu'il aurait dû trouver il y a plusieurs mois?
Le Président: M. le ministre de la Justice.
M. Jean-Marc Fournier
M. Fournier: Je veux d'abord dire à notre collègue que la question est tout à fait appropriée, et on comprend bien les inquiétudes qui peuvent exister au sein de la population: on parlait des victimes et de tous ceux qui ont droit à ce que justice soit faite, et que l'administration de la justice puisse être faite de façon correcte, convenable et avec quiétude, et sereine.
Dans le cas présent, la justice, c'est aussi le droit, et le droit, c'est que les procureurs ont un droit de grève, et nous sommes -- pour répondre à la question -- nous sommes à la table à attendre en fait que les procureurs veuillent bien revenir à cette table qu'ils ont quittée pour faire la grève, pour pouvoir constater les propositions qui sont sur la table, qui sont... qui sont importantes et qui, par comparaison avec ce qu'ils ont déjà eu, franchement permet, pour eux, de dire: Il y a un gouvernement qui reconnaît que nous avons droit d'avoir des conditions de travail qui soient convenables.
Ceci étant, bien sûr que ce n'est pas tout ce qu'ils demandent. Il faut aussi considérer les autres négociations qui sont menées avec les employés de l'État, il faut considérer la capacité de payer. Mais, ceci étant, M. le Président, je dois dire à mon collègue que...
Le Président: En terminant.
M. Fournier: ...nous entendons bien l'écho qu'il fait, et qu'on entend aussi, de la population.
Le Président: M. le leader adjoint de l'opposition officielle et député de Chambly.
M. Bertrand St-Arnaud
M. St-Arnaud: M. le Président, ça fait huit ans que le gouvernement libéral laisse pourrir cette situation, avec les conséquences que l'on voit cette semaine.
M. le Président, qu'est-ce que le gouvernement va faire ce matin, aujourd'hui, pour, M. le Président, régler ce problème? Pouvez-vous envoyer un signal clair à nos juristes, à nos procureurs de la couronne, qui veulent négocier mais qui présentement se butent à une offre dite finale, à prendre ou à laisser?
Le Président: Mme la présidente du Conseil du trésor.
Mme Michelle Courchesne
Mme Courchesne: M. le Président, je veux dire au député et à toute cette Assemblée que le signal est très clair: nous voulons et sommes prêts à négocier. Tout est sur la table pour qu'il y ait une négociation en bonne et due forme et qui soit dans l'intérêt des procureurs, mais aussi qui soit dans l'intérêt de notre capacité de payer.
Mais, avant ça, il y a des conditions de travail qui sont déjà là, en termes d'heures de travail... nombre d'heures travaillées, en termes de problématiques au niveau des régions. C'est très important, parce que, oui, nous les reconnaissons, ces spécificités. Il y a des éléments qui sont importants sur la table. Et la seule façon de répondre à la question du député, c'est que, tous ensemble, nous puissions enfin continuer des négociations...
Le Président: En deuxième complémentaire, M. le député de Chambly et leader adjoint de l'opposition officielle.
M. Bertrand St-Arnaud
M. St-Arnaud: M. le Président, il est évident, à la lumière des réponses que l'on a du ministre de la Justice et de la présidente du Conseil du trésor, que le gouvernement a lamentablement échoué dans ce dossier. M. le Président, pendant ce temps-là, le premier ministre reste bien assis devant une grève sans précédent -- et il trouve ça drôle, en plus, M. le Président -- alors que c'est une grève qui touche nos institutions démocratiques, nos institutions de justice.
Qu'attend le premier ministre, au lieu de rire, au lieu de rester assis, pour intervenir dans ce dossier sans précédent?
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît! Alors, s'il vous plaît!
Une voix: ...
Le Président: Alors, M. le député Chambly...
Une voix: ...
Le Président: M. le député de Chambly, votre question est posée. D'ailleurs, adressez-la à la présidence, ça va aller mieux, en passant. Mme la présidente du Conseil du trésor, la parole est à vous.
Mme Michelle Courchesne
Mme Courchesne: Ce que le député omet de dire et qu'il oublie dans son préambule, c'est que, sous la gouverne et le leadership du premier ministre du Québec, on a réussi à signer avec 475 000 employés de l'État. Ça, si on a réussi à avoir cette entente historique avec le front commun, négociée de bonne et due forme, dans un dialogue ouvert et constructif, si on l'a fait avec tous les autres syndicats, on est encore capables de le faire avec celui des procureurs de la couronne. Alors...
Une voix: ...
Mme Courchesne: Non, nous les attendons, M. le Président.
Des voix: ...
Le Président: En terminant.
Mme Courchesne: Les procureurs savent très bien que, 24 heures par jour, nous sommes disponibles à retourner à la table dès...
Le Président: En question principale, M. le député de Verchères.
Tenue d'une enquête publique
sur l'industrie de la construction
M. Stéphane Bergeron
M. Bergeron: M. le Président, en enquêtant sur des entreprises appartenant à Tony Accurso et Francesco Bruno, l'Agence du revenu du Canada a fait ce qu'elle avait à faire: elle a enquêté minutieusement, des accusations ont été portées, les accusés ont plaidé coupables, des amendes ont été acquittées. Bref, tant pour les procureurs que pour le fisc, c'est mission accomplie, la job a été faite.
Mais il y a un problème de taille, M. le Président: un plaidoyer de culpabilité avant le procès fait en sorte que la preuve amassée contre les accusés reste à tout jamais secrète. Les Québécois n'en savent pas davantage sur le système que Tony Accurso, et Francesco Bruno, et leurs complices ont mis en place. Le public reste dans l'ignorance, les stratagèmes des fraudeurs restent secrets et peuvent donc se répéter en toute impunité. C'est pour cette raison qu'une commission d'enquête publique sur l'industrie de la construction est plus que jamais nécessaire pour mettre en lumière les failles du système et pour apporter les correctifs nécessaires.
Qu'entend faire le gouvernement pour mettre un terme à ces combines?
Le Président: M. le ministre de la Sécurité publique.
M. Robert Dutil
M. Dutil: Alors, M. le Président, comme on s'en est rendu compte et comme l'admet la chef de l'opposition, pour recueillir des preuves, il faut un certain temps, il faut faire le travail, et, pour pouvoir obtenir ces accusations-là, ça prend des preuves. Et c'est ce que nous avons obtenu dernièrement, des accusations, dans l'opération Marteau.
Ce que soulève le député de Verchères, c'est: Est-ce que les preuves seront rendues publiques, étant donné le fait que certains vont plaider coupables? À mon avis, M. le Président, tout le monde ne plaidera pas coupable, et il y aura des preuves qui seront rendues publiques. Mais... mais, ceci dit...
Des voix: ...
Le Président: Un instant, M. le ministre.
Des voix: ...
Le Président: Vous pouvez maintenant continuer dans l'ordre.
**(10 h 40)**M. Dutil: Ceci dit, je veux signaler le fait fort important que les preuves sont connues par ceux qui font des enquêtes, qu'ils connaissent les stratagèmes et que ça leur permet de travailler d'une façon beaucoup plus vigoureuse pour découvrir d'autres personnes qui se seraient rendues coupables des mêmes activités. Et de plus, de plus, nous avons ajouté, et je l'ai mentionné à l'automne, nous avons ajouté des effectifs pour permettre à ces enquêtes-là de se dérouler de façon encore plus dynamique. Et, M. le Président, si l'opposition veut bien être patiente, on verra que le gouvernement est déterminé à avoir toutes les ressources nécessaires pour contrer la collusion et le crime organisé.
Le Président: En première complémentaire, M. le député de Verchères.
M. Stéphane Bergeron
M. Bergeron: M. le Président, voyez dans quelle situation on se retrouve maintenant: le ministre en est réduit à devoir espérer que les gens ne plaident pas coupables! M. le Président, il faut s'en remettre à l'avis du ministre, qui pense qu'éventuellement des gens ne vont pas plaider coupables, mais pendant ce temps-là les Québécoises et Québécois perdent confiance dans leurs institutions. Ils ont besoin de savoir, de comprendre les combines qui ont été mises en place par ces individus pour frauder le système, M. le Président. À mon avis, M. le Président, les Québécois méritent mieux que ça, ils méritent la vérité.
À quand...
Le Président: M. le ministre de la Sécurité publique.
M. Robert Dutil
M. Dutil: M. le Président, il est déplorable de se rendre compte que ce que l'opposition souhaite, c'est que les gens qui ont commis des infractions aient l'immunité. Et c'est ça, le fond du débat. On fait la panacée des enquêtes publiques et on oublie de dire qu'il y a des inconvénients majeurs, dont le principal est que les gens qui viendraient témoigner à une enquête publique obtiendraient l'immunité, qu'on ne pourrait pas les accuser sur la base de leurs témoignages et que donc on ne pourrait pas les condamner. Et je l'ai dit et je le répète, l'objectif pour briser le crime organisé, pour briser la collusion, c'est de s'assurer qu'on ait des gens qui soient accusés, le cas échéant, condamnés et qu'on les retrouve de préférence en prison qu'à la télévision, M. le Président.
Le Président: En deuxième complémentaire, M. le député de Verchères.
M. Stéphane Bergeron
M. Bergeron: M. le Président, cette affirmation répétée de la part des membres du gouvernement est tout simplement irresponsable, M. le Président. Parce que ce qu'on souhaite, c'est protéger ceux qui ont des choses à dire, protéger ceux qui veulent dénoncer. M. le Président, le gouvernement condamne ces individus, ces personnes qui ont des choses à dire, au silence. C'est irresponsable. On s'attend à une commission d'enquête, quand va-t-il la déclencher?
Le Président: M. le ministre de la Sécurité publique.
M. Robert Dutil
M. Dutil: Alors, M. le Président, vous me permettrez de faire une citation. Je pense l'avoir déjà faite, mais elle est importante. Elle vient d'un ex-ministre de la Sécurité publique, M. Serge Ménard, qui disait ceci: «"Ça a toujours été une solution facile devant un problème important de le confier à une commission d'enquête et de reporter le problème un peu plus loin", a indiqué le ministre. "Une enquête publique n'apprendra rien à la police. Au contraire, elle va apprendre au public ce que la police sait."» C'est le ministre de la Sécurité publique du Parti québécois, à l'époque, qui disait ceci. Alors, on a le même problème.
On ne dit pas qu'il ne devra jamais y avoir d'enquête publique, ce qu'on dit, M. le Président, c'est que la police fait son travail. On le voit, il y a des résultats qui sortent. Il y en aura d'autres, M. le Président, et ça va nous permettre de briser le crime organisé de façon beaucoup plus efficace que ce que propose l'opposition.
Le Président: Alors, en question principale, Mme la députée de Taschereau.
Engorgement des salles d'urgence
Mme Agnès Maltais
Mme Maltais: Le ministre de la Santé a déclaré, le 7 janvier dernier, au sujet de la situation dans les salles d'urgence: «...on a la situation bien en main. [...]On a déjà mis des plans en place avant les fêtes pour pallier cette situation.» Pourtant, je n'ai jamais entendu parler d'une situation aussi critique que celle vécue cette semaine: 23 urgences d'hôpitaux débordaient. Et le pire cas était à Saint-Eustache, où le taux d'occupation était de 309 %. Ça signifie que, dans un espace où il y a de la place pour un malade, il y en a trois d'entassés. Hier, même les corridors ne suffisaient plus. Et, quand les urgences débordent, le personnel est débordé aussi. Cela n'est pas qu'exaspérant, ça peut devenir dangereux.
Est-ce que le ministre de la Santé peut confirmer que le rapport du coroner du 18 octobre 2010, concernant le décès de M. Figiel à l'Hôpital Maisonneuve-Rosemont, conclut que la mort de cet homme aurait pu être évitée si le système de triage de l'urgence n'était pas débordé?
Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.
M. Yves Bolduc
M. Bolduc: M. le Président, avant de répondre à cette question, j'aimerais démontrer que notre... la qualité de nos systèmes publics. Ce matin, il y a eu un article dans le Globe and Mail qui a démontré qu'au niveau de l'accès en chirurgie le Québec a eu la plus haute note dans toutes les catégories de chirurgie, c'est-à-dire un A. Et j'aimerais déposer le document pour montrer notre qualité de services.
Le Président: Il y a consentement pour le dépôt du document? Il y a consentement pour le dépôt du document?
Des voix: ...
Document déposé
Le Président: Il y a consentement.
M. Bolduc: En ce qui concerne les salles d'urgence, M. le Président, elle parle d'environ une vingtaine de salles d'urgence qui ont du débordement ces temps-ci. C'est habituel, depuis 20 ans, que la période de janvier, février et mars est la période la plus occupée de l'année. Si vous vérifiez les années avant, voilà cinq, six, sept, huit ans, il y avait beaucoup plus d'urgences qui débordaient. Dans tous les secteurs, au Saguenay--Lac-Saint-Jean, en Abitibi, dans les Laurentides, à peu près toutes les urgences débordaient, tandis qu'actuellement on peut déjà dire qu'il y a plus de 70 urgences qui sont à l'intérieur des normes.
En ce qu'il s'agit de l'Hôpital Maisonneuve-Rosemont, on fait un travail très intensif avec eux autres. Ils ont baissé leur nombre de patients...
Le Président: En terminant.
M. Bolduc: ...en attente d'hébergement, et également on travaille directement avec les équipes pour améliorer les services.
Le Président: En complémentaire, Mme la députée de Taschereau.
Mme Agnès Maltais
Mme Maltais: Je vais citer le rapport du coroner, j'ai hâte de voir si vous allez applaudir. «Le décès de Mieczyslaw Figiel est survenu dans un contexte de salle d'urgence dont le personnel est débordé. Il est noté dans le dossier que certains patients arrivés à l'urgence le 2 février n'avaient pas encore vu le médecin le lendemain en fin d'après-midi. La détection de la sévérité de l'état clinique de [monsieur] Figiel aurait peut-être permis d'améliorer ses chances de survie.» Quelles mesures avez-vous mises en place? Ce rapport du coroner date d'octobre 2010, et les urgences débordent comme jamais. C'était...
Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.
M. Yves Bolduc
M. Bolduc: M. le Président, d'abord, ce sont toujours des cas qui sont tristes puis c'est des cas qu'il faut déplorer, mais je peux vous dire que, depuis ce temps-là, j'ai rencontré, avec nos équipes du ministère, de l'agence et également les équipes de l'établissement Maisonneuve-Rosemont, toute l'organisation, de façon à s'assurer que tout soit mis en place pour corriger la situation. Également, avec l'agence de Montréal, on a ouvert des lits pour les personnes âgées, ce qui fait qu'actuellement il y a la moitié des gens qui attendaient par rapport à auparavant, donc c'est une amélioration significative. Il y a également... au niveau du fonctionnement de l'urgence, il y a des équipes qui travaillent avec l'hôpital pour justement améliorer cet accès, comme vous dites, de voir le médecin plus rapidement, à l'intérieur des délais requis.
Le Président: En deuxième complémentaire, Mme la députée de Taschereau.
Mme Agnès Maltais
Mme Maltais: Je vais lui en déposer deux, documents, moi, M. le Président. Je vais déposer le rapport du coroner qui pose un jugement terrible sur sa... sa gouverne des urgences et pour lequel il n'a rien fait. Ce qu'il est en train de nous dire, c'est qu'il n'a rien fait. Et je vais déposer la liste des urgences de cette semaine, où Maisonneuve-Rosemont est encore à 169 %. Il y en a 23, urgences d'hôpitaux qui débordent à la même époque, à toutes les années. Vous avez été élu pour régler ça, vous n'avez rien fait. Et maintenant, maintenant, il y a des rapports du coroner qui disent comment la situation est grave et que vous n'avez rien fait.
Document déposé
Le Président: Est-ce qu'il y a... Est-ce qu'il y a consentement pour le dépôt du document? Il y a consentement pour le dépôt du document. Il y a consentement, Mme la députée. En réponse, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.
M. Yves Bolduc
M. Bolduc: M. le Président, il y a eu beaucoup qui a été fait. Juste aller demander aux gens sur place, les rencontres qu'il y a eu, entre autres, le travail qui est fait avec l'agence pour décongestionner l'urgence, sortir les patients en attente d'hébergement, en attente de fin de soins actifs, également. Et je peux vous dire qu'il y a beaucoup, beaucoup de travail qui est fait même actuellement. La preuve, quand elle dit 160, 170, c'étaient des urgences qui dépassaient de 253 %, et on veut les ramener à l'intérieur des balises normales, c'est-à-dire de moins que 100 % d'occupation.
Le Président: En question principale, M. le député de Chutes-de-la-Chaudière.
Soutien au déficit actuariel
des régimes de retraite
de la ville de Montréal
M. Marc Picard
M. Picard: Merci, M. le Président. En décembre dernier, dans cette Chambre, j'ai demandé comment le gouvernement pouvait se permettre, depuis 2004, de contribuer directement au fonds de retraite des travailleurs parmi les mieux rémunérés du Québec, soit les employés de la ville de Montréal.
M. le Président, est-ce que le ministre des Affaires municipales peut aujourd'hui nous confirmer le montant qu'il verse pour le fonds de retraite des employés de la ville de Montréal?
Le Président: M. le ministre des Affaires municipales.
M. Laurent Lessard
M. Lessard: Évidemment, les régimes de retraite des employés de la ville de Montréal, comme tout autre régime de retraite dans l'ensemble des municipalités du Québec... donc leurs premières contributions à même les contributions de chacun des employés et la part de l'employeur. C'est le régime général. Et, dans des cas particuliers, l'État est déjà intervenu pour donc donner un coup de main sur la capitalisation.
On a eu des demandes des municipalités dans le passé pour demander donc de faire en sorte qu'on n'ait pas le même régime applicable que le régime d'entreprise. Ma collègue, dans le temps, qui était aux Affaires municipales avait fait droit à cette demande-là. On a trouvé donc des ajustements nécessaires lorsque de... et de façon exceptionnelle. Alors, pour la ville de Montréal, ça me fera plaisir de vous déposer, là, le document approprié.
**(10 h 50)**Le Président: En question complémentaire, M. le député de Chutes-de-la-Chaudière.
M. Marc Picard
M. Picard: Merci. Si le ministre l'ignore, il s'agit de 460 millions prévus au programme 1 du budget de son ministère pour les employés de Montréal et de 32 millions pour le fonds de retraite des employés de la ville de Québec.
M. le Président, comment le gouvernement peut se donner le pouvoir de subventionner les fonds de retraite des employés municipaux? Je demanderais la permission pour déposer le document détaillant les montants qui sont versés.
Document déposé
Le Président: Il y a consentement pour le dépôt du document? Il y a consentement. Votre question est terminée, M. le député? Alors, à la réponse, M. le ministre des Affaires municipales.
M. Laurent Lessard
M. Lessard: Alors donc, en complément d'information, comme je le disais, en général, c'est les cotisations de part et d'autre. Et, de façon particulière, l'État a dû intervenir. Vous avez les chiffres. Ça doit être assez transparent si ça apparaît dans les documents.
Le Président: En deuxième complémentaire, M. le député de Chutes-de-la-Chaudière.
M. Marc Picard
M. Picard: Merci, M. le Président. Ce n'est pas une question de transparence, c'est une question d'équité envers tous les Québécois.
Pourquoi les Québécois de Gaspé et de Lévis paient pour les fonds de retraite des employés de la ville de Montréal?
Le Président: M. le ministre des Affaires municipales.
M. Laurent Lessard
M. Lessard: Le gouvernement intervient pour ces municipalités dans différents volets, que ce soit en infrastructures, soutien aux territoires dévitalisés, programmes de brancher les régions du Québec, les villes, différentes mesures d'adaptation pour aider les municipalités selon leurs besoins. On est donc intervenus parfois pour financer à 100 % des infrastructures dans des villes dévitalisées. Vous poserez la question: Pourquoi? Parce qu'elles avaient besoin d'aide à ce moment-là de cette façon-là. C'est ce qu'on a fait avec les villes que vous citez, le gouvernement est intervenu de façon particulière.
Le Président: En question principale, M. le député de Marie-Victorin.
Transport de générateurs de vapeur
radioactifs sur le fleuve Saint-Laurent
M. Bernard Drainville
M. Drainville: M. le Président, vendredi passé, un organisme fédéral a décidé de permettre le transport sur le Saint-Laurent de 16 vieux générateurs radioactifs d'une centrale nucléaire de l'Ontario. Pour le moment, c'est 16, 16 de trop, mais le fédéral vient de créer une précédent dangereux.
Ce n'est pas au fédéral, M. le Président, de décider ce qui va passer sur le fleuve Saint-Laurent, c'est aux Québécois de décider ça. Si le fédéral veut que le Saint-Laurent soit l'autoroute des déchets nucléaires de l'Ontario, on a le droit de dire non, puis on a le devoir de dire non, puis c'est le gouvernement du Québec qui doit dire non en notre nom.
On a une part de souveraineté sur le fleuve Saint-Laurent, puis c'est votre travail, M. le ministre de l'Environnement, de faire respecter ça. Pour le moment, tout ce qu'il a fait, M. le ministre de l'Environnement, c'est d'envoyer une lettre il y a six mois. Depuis ce temps-là, on ne l'a pas vu puis on ne l'a pas entendu.
Vous avez des comptes à rendre. Le ministre de l'Environnement doit nous dire maintenant ce qu'il va faire pour que notre voix soit entendue à Ottawa et pour que notre fleuve soit respecté.
Le Président: Alors, juste avant de vous accorder la parole, M. le ministre, j'invite M. le député de Marie-Victorin à adresser ses questions à la présidence, qui vont transiter vers le ministre concerné. M. le ministre du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs.
M. Pierre Arcand
M. Arcand: M. le Président, le député de Marie-Victorin sait très bien que le transport sur les voies maritimes est une responsabilité fédérale. Il sait très bien qu'il connaît la Constitution.
Ceci étant dit, je dois vous dire que nous avons déploré, premièrement, auprès des autorités fédérales le fait de ne pas avoir été consultés dans un premier temps. Et nous allons continuer nos représentations auprès des instances appropriées. Ce matin, les autorités fédérales nous ont offert de communiquer avec la commission canadienne, qui va mettre à jour tous ses documents, que nous pourrons consulter pour examiner justement la décision qui a été prise.
Troisième élément, j'aimerais vous dire également que mon collègue des affaires canadiennes fera la même chose et communiquera avec les autorités fédérales.
Quatrièmement, nous sommes également en communication avec le président de l'alliance...
Des voix: ...
Le Président: Un instant, M. le ministre. Un instant, un instant. Trop de bruit. Trop de bruit. Alors, même si on peut être insatisfait d'une réponse qui est donnée, ça ne justifie pas que ce soit bruyant en cette Chambre. Il faut qu'on puisse entendre les gens qui donnent les réponses. M. le ministre.
M. Arcand: Merci, M. le Président. Alors, le président de l'Alliance des villes des Grands Lacs et du Saint-Laurent discute avec nous la possibilité de former actuellement une coalition afin de nous faire entendre auprès du gouvernement fédéral. M. le Président, je tiens à dire à la population du Québec que nous surveillons la situation de près...
Le Président: Votre temps est terminé, M. le ministre. En question complémentaire, M. le député de Marie-Victorin.
M. Bernard Drainville
M. Drainville: M. le Président, le fédéral nous marche sur le corps, piétine nos droits sur le fleuve, il nous parle de quémander une consultation: on va essayer, on va tenter. Là, là, ce n'est pas le temps de tenter, là, c'est le temps de s'affirmer. C'est le temps de dire qu'on a un mot à dire, c'est le temps de dire que le fleuve, ce qui passe sur le fleuve, ça dépend également de nous, ce n'est pas juste à Ottawa de décider pour ça.
Et là vous allez nous dire, par exemple, pourquoi vous n'avez pas dit: Si le fédéral l'autorise, on va décréter des audiences du BAPE? Vous pourriez le faire, ça. Prenez tous les moyens pour empêcher ça, s'il vous plaît.
Le Président: M. le ministre du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs.
M. Pierre Arcand
M. Arcand: M. le Président, je l'ai dit et je l'ai répété, nous allons continuer à travailler. Nous allons parler à Ottawa, nous allons parler à la commission canadienne. On n'a pas besoin de se faire dire quoi faire, nous savons très bien être capables, M. le Président, de défendre les intérêts des Québécois, et nous allons continuer de le faire d'arrache-pied, M. le Président.
Le Président: En question complémentaire, Mme la députée de Duplessis.
Mme Lorraine Richard
Mme Richard (Duplessis): M. le Président, le ministre s'est traîné les pieds, et le temps presse. Le temps presse parce que la compagnie Bruce Power, qui a obtenu la permission de transporter les déchets nucléaires sur le fleuve, a déjà annoncé qu'elle va procéder dès ce printemps.
Si le gouvernement fédéral ne renverse pas la décision de la Commission canadienne sur la sûreté nucléaire, qu'est-ce que le gouvernement va faire? Qu'est-ce que le ministre va faire pour empêcher que le Québec devienne la voie d'évacuation des déchets nucléaires de l'Ontario? Qu'est-ce que vous faites, M. le ministre?
Le Président: M. le ministre de l'Environnement, du Développement durable et des Parcs.
M. Pierre Arcand
M. Arcand: M. le Président, même si ce n'est pas a priori, selon la Constitution, une responsabilité québécoise, je tiens à vous dire encore une fois que nous sommes à pied d'oeuvre. Nous travaillons d'arrache-pied pour faire en sorte d'une part d'être entendus à la fois par la commission canadienne et par les autorités fédérales. Nous travaillons dans le sens des intérêts des Québécois et nous allons continuer à faire ce travail avec l'alliance des villes et des Grands lacs du Québec, en coalition, pour faire entendre raison au gouvernement fédéral dans ce dossier. Notre position est claire, et nous allons toujours continuer à travailler dans le sens des intérêts des Québécois, M. le Président.
Le Président: En question principale, M. le député de Drummond.
Refus opposé par M. Gilles Vigneault
à l'utilisation d'une de ses chansons
lors des Jeux olympiques de Vancouver
M. Yves-François Blanchet
M. Blanchet: Merci, M. le Président. La ministre de la Culture a reçu le mandat solennel, je dirais, de protéger et de promouvoir la culture québécoise, forcément les arts québécois, et bien sûr les intérêts des artistes québécois. Or, un artiste québécois, M. Gilles Vigneault, a refusé qu'une chanson, une de ses plus grandes oeuvres, Mon pays, soit utilisée sous réserve de conditions qu'il avait lui-même choisies, dans le cadre de l'ouverture des Jeux olympiques de Vancouver. Il a fait usage de son droit moral, un droit inaliénable, associé directement à la notion de droit d'auteur. Or, le gouvernement, hier, a refusé de soutenir une motion que nous avons déposée en appui à la décision de M. Vigneault, insulté par M. Furlong dans un livre publié.
Je veux savoir pourquoi la ministre de la Culture n'a pas veillé à ce que nous soyons appuyés dans cette démarche, ainsi que M. Vigneault.
Le Président: Mme la ministre de la Culture.
Mme Christine St-Pierre
Mme St-Pierre: M. le Président, en fin de semaine, lorsque j'ai lu l'article du Globe and Mail, qui faisait toute une page, sur le livre de M. Furlong et qu'on voyait cette histoire racontée par M. Furlong... bien, écoutez, je reprendrais la même phrase que M. Vigneault, c'étaient des propos primaires et naïfs.
Alors, M. le Président, la question du spectacle d'ouverture des Jeux olympiques de Vancouver nous a tous touchés, puisqu'on a tous compris qu'il n'y avait pas suffisamment de français, nous l'avons dit, nous l'avons répété. Cependant, sur les sites olympiques, les sites de compétition, on a vu que là le français était impeccable et que les francophones étaient bien représentés.
**(11 heures)**Le Président: En question complémentaire, M. le député de Drummond.
M. Yves-François Blanchet
M. Blanchet: À défaut d'avoir une réponse, je vais mettre la ministre sur une piste: Serait-ce parce que le premier ministre s'était permis d'intervenir directement et personnellement auprès de M. Vigneault? Serait-ce parce que le premier ministre s'est permis d'intervenir parce qu'il est en désaccord avec les opinions politiques de M. Vigneault que le gouvernement n'a pas eu le courage de nous soutenir?
Le Président: Mme la ministre de la Culture.
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît! Mme la ministre de la Culture.
Mme Christine St-Pierre
Mme St-Pierre: M. Vigneault... M. le Président, la réponse, c'est évidemment non. Et je citerais M. Vigneault ce matin qui dit que le «sang bouillant, c'est dangereux et inconfortable».
Le Président: En deuxième complémentaire...
Une voix: ...
Le Président: Un instant, M. le député. Je ne vous ai pas accordé la parole encore, j'avais de la difficulté à vous entendre. C'est maintenant chose faite. En deuxième complémentaire, M. le député de Drummond.
M. Yves-François Blanchet
M. Blanchet: ...j'ai bon espoir, M. le Président, que les Québécois attendent des gens qui s'occupent de culture un peu d'émotion et un peu de passion dans ce qu'ils font.
Cela dit, est-ce que vous reconnaissez le droit de M. Vigneault d'avoir refusé que sa chanson soit utilisée dans ce contexte? Et allez-vous appuyer la motion si nous la redéposons?
Le Président: Mme la ministre de la Culture.
Mme Christine St-Pierre
Mme St-Pierre: M. le Président, M. Vigneault est le seul propriétaire des droits sur la chanson Mon pays. Alors, M. Vigneault avait tout à fait le droit de refuser. M. Vigneault ne voulait pas que son oeuvre serve à cette cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques. C'était son droit le plus fondamental. Cette chanson, elle est à lui.
Le Président: En question principale, M. le leader de l'opposition officielle.
Présence du français lors
de la cérémonie d'ouverture des
Jeux olympiques de Vancouver
M. Stéphane Bédard
M. Bédard: Cette chanson est à M. Vigneault et elle est à tous les Québécois, M. le Président. Ce qu'a demandé M. Vigneault, ce n'est pas qu'elle soit utilisée à Vancouver...
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît, à ma droite! En question principale, M. le leader de l'opposition officielle.
M. Bédard: Ce que demandait M. Vigneault, c'est que la chanson ne soit pas travestie. Quand il faisait référence, dans ses paroles, à «mon pays», ce n'était pas le Canada mais bien le Québec, et il souhaitait que la chanson représente ce que lui souhaitait, et c'est normal. C'est ses droits, c'est sa réalité. Le premier ministre est intervenu pour le convaincre du contraire. Ceci dit, c'est son choix.
Nous avons présenté une motion qui appuyait un auteur, un des plus grands auteurs québécois, qui dit la chose suivante:
«Que l'Assemblée nationale [...] dénonce toute tentative visant à rendre responsable Gilles Vigneault de la quasi absence du français à la cérémonie d'ouverture des Jeux [olympiques de] Vancouver. Qu'elle salue l'un des plus grand poète, compositeur et interprète du Québec et sa volonté de ne pas avoir consenti à voir son oeuvre musicale travestie.» Qu'est-ce qui fait mal au leader, qu'est-ce qui fait mal au premier ministre dans cette motion?
Le Président: Mme la ministre de la Culture.
Mme Christine St-Pierre
Mme St-Pierre: M. le Président, nous avons le plus grand respect pour M. Gilles Vigneault. Je pense que M. Gilles Vigneault est un homme et un artiste qui est majeur et important pour le Québec. M. Vigneault sait très bien à quel point nous apprécions son travail. Il sait ce que nous avons fait pour la région de Natashquan. Il sait aussi également qu'il a le droit de refuser que sa chanson ait servi à l'ouverture des Jeux olympiques.
Et, M. le Président, ce que M. Vigneault dit ce matin: «Une seule chanson ne peut assumer à elle seule la représentation légitime de toute une nation.» Il a tout a fait raison. Il avait le droit de refuser. Et c'est injuste de l'accuser, M. Vigneault, d'avoir empêché qu'il y ait plus de francophones... de français aux Jeux olympiques, M. le Président.
Donc, pour revenir à ce que M. Vigneault dit, je pense qu'il avait tout à fait le droit. C'est à lui, cette chanson. Il a refusé parce qu'il ne voulait pas que cette chanson serve à... dans les cérémonies d'ouverture, et nous respectons ce choix de M. Vigneault.
Le Président: Alors, ceci met fin à la période de questions et de réponses orales des députés.
Motions sans préavis
Le Vice-Président (M. Chagnon): Comme il n'y a pas de votes reportés, nous allons passer à la rubrique Motions sans préavis. M. le député de Drummond.
M. Blanchet: Merci, M. le Président. Je sollicite le consentement des membres de cette Assemblée afin de présenter, conjointement avec le député de Mercier, la motion suivante:
«Que l'Assemblée nationale du Québec dénonce toute tentative visant à rendre responsable Gilles Vigneault de la quasi absence du français lors de la cérémonie d'ouverture des Jeux de la XXIe olympiades d'hiver tenue à Vancouver. Qu'elle salue l'un des plus grand poète, auteur, compositeur et interprète du Québec et sa volonté de ne pas avoir consenti à voir son oeuvre musicale travestie.»Le Vice-Président (M. Chagnon): Est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette motion? Pas de consentement. Alors, M. le député de Shefford.
Des voix: ...
Le Vice-Président (M. Chagnon): S'il vous plaît! M. le député de Shefford.
M. Bonnardel: Merci, M. le Président. Je demande le consentement pour déposer la motion suivante conjointement avec le député de D'Arcy-McGee, le député de Sainte-Marie--Saint-Jacques, le député de La Peltrie et le député des Chutes-de-la-Chaudière:
«Que l'Assemblée nationale du Québec déplore la campagne de boycott qui se tient depuis plusieurs semaines devant la Boutique Le Marcheur de Montréal.
«Qu'en vertu des principes de libre entreprise et de libre marché, l'Assemblée nationale appuie le propriétaire de ce commerce, M. Yves Archambault, qui a pignon sur rue dans la métropole depuis 25 ans et qui paie ses taxes et ses impôts au Québec. «Que l'Assemblée nationale réitère son soutien à l'Entente de coopération entre le gouvernement du Québec et le gouvernement de l'État d'Israël, laquelle a été signée en 1997 et renouvelée en 2007.»Le Vice-Président (M. Chagnon): Est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette motion?
Une voix: ...
Le Vice-Président (M. Chagnon): Pas de consentement? Pas de consentement.
Des voix: ...
Le Vice-Président (M. Chagnon): Mme la ministre des Ressources naturelles.
Des voix: ...
Le Vice-Président (M. Chagnon): Mme la ministre des Ressources naturelles.
Souligner l'Année internationale des forêts
Mme Normandeau: Merci, M. le Président. Alors, je sollicite le consentement de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante, conjointement bien sûr avec le député de Roberval, le député de Beauce-Nord, le député de Mercier, le député des Chutes-de-la-Chaudière et La Peltrie. Alors:
«Que les membres de l'Assemblée nationale du Québec soulignent l'Année internationale des forêts.»Le Vice-Président (M. Chagnon): Est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette motion?
M. Gautrin: Il y aurait consentement, M. le Président, pour débattre de cette motion avec des interventions limitées à deux minutes, à l'heure actuelle, et dans l'ordre suivant: la ministre des Ressources naturelles et de la Faune, le député de Roberval, le député de Beauce-Nord et enfin le député de Mercier.
**(11 h 10)**Le Vice-Président (M. Chagnon): Alors, nous allons débattre de cette motion avec un temps limité de deux minutes à chacun des intervenants. Nous allons commencer par Mme la ministre des Ressources naturelles. Mme la ministre, c'est à vous la parole.
Mme Nathalie Normandeau
Mme Normandeau: Merci, M. le Président. Alors, très heureuse de m'associer à mes collègues pour souligner cette année importante sur le plan forestier. Il faut remonter à 2006 pour se rappeler que l'Organisation des Nations unies a décrété 2011 comme l'Année internationale des forêts.
Cette année, elle arrive à un moment, M. le Président, où le Québec a choisi d'opérer une révolution dans le domaine forestier, une révolution qui s'est matérialisée l'année dernière par l'adoption d'un projet de loi ici, à l'Assemblée nationale, projet de loi adopté à l'unanimité par l'ensemble des parlementaires, qui va faire en sorte que le Québec deviendra assurément un leader en matière de gestion durable et de gestion écosystémique de son... de son ou de ses territoires forestiers.
Cette année, M. le Président, nous permet de réitérer tous ensemble, collectivement, que les forêts du Québec sont une richesse, un trésor national, un patrimoine collectif, un patrimoine qui nous appartient, dont nous avons la responsabilité ultime de mettre en valeur, de conserver et, M. le Président, de protéger.
Alors, mes collègues auront l'occasion de se prononcer sur l'importance de cette année internationale, mais je souhaiterais au passage souligner tout le travail qui est fait par les associations forestières, qui, à tous les jours, sensibilisent, éduquent, informent les citoyens sur l'importance de bien, justement, gérer et de protéger nos forêts, sur la vitalité économique qui est attribuable à nos forêts du Québec, également, M. le Président, saluer l'ensemble des partenaires qui évoluent à tous les jours dans le secteur forestier pour le faire croître, le faire grandir.
Notre gouvernement croit que le secteur forestier a un avenir. Nous avons pris acte, bien sûr, de toutes les difficultés qu'a traversées l'industrie. Nous l'avons supportée à la hauteur de 2 milliards de dollars, M. le Président, et cet effort qui a été fait, et ce soutien qui a été apporté va se poursuivre au cours des prochaines semaines, prochains mois et peut-être même des prochaines années.
En terminant, puisqu'il me reste très peu de temps, je souhaiterais vous dire ceci. Le sens des responsabilités, comme parlementaires, incombe que nous puissions protéger nos forêts pour le bénéfice des générations qui nous suivront. Et là, M. le Président, cette Année internationale des forêts prend tout son sens avec les milliers d'étudiants, de jeunes, de bouts de chou qui, partout au Québec, poseront des gestes pour justement réaffirmer leur appartenance et leur... leur appartenance et leur amour aussi aux forêts du Québec. Je vous remercie.
Le Vice-Président (M. Chagnon): Merci, Mme la ministre. J'inviterais maintenant M. le député de Roberval à prendre la parole.
M. Denis Trottier
M. Trottier: Oui, merci, M. le Président. Je suis très heureux d'être associé à cette déclaration, car je suis persuadé que la forêt est la plus belle richesse des Québécois et des Québécoises. Malheureusement, beaucoup de gens ne le savent pas, mais le Québec est d'abord et avant tout un immense territoire forestier parce que, globalement, la majeure partie du territoire québécois est couverte de forêts. Et je crois que nous devons en être fiers parce qu'entre autres le bois est une ressource noble, écologique et renouvelable.
Et je crois que, si nous sommes heureux d'être associés à cette déclaration, nous devons quand même avouer que nous avons bien hâte de voir quand le premier ministre fera un discours sur le monde forestier. En huit ans de pouvoir, je ne me rappelle pas l'avoir entendu faire un plaidoyer en ce sens. Je l'ai plutôt entendu dire qu'il n'y avait pas d'avenir dans le monde forestier. C'est malheureux parce que, dans les pays scandinaves, on voit régulièrement le chef de l'État faire des discours élogieux sur le monde forestier. Que l'ONU décrète cette année l'Année internationale des forêts, à cet effet, va peut-être l'inciter à le faire cette année.
L'aménagement durable de nos forêts et l'utilisation du bois dans la construction doivent être au coeur de nos préoccupations, tant présentes que futures, parce que non seulement ces deux mesures permettent de mieux soutenir l'économie du Québec, mais parce qu'elles permettent également de réduire sensiblement notre production de gaz à effet de serre. C'est dans ce sens que nous avons déposé un projet de loi sur l'utilisation accrue du bois dans la construction. Et, alors que nous nous attendions à un accueil très favorable, nous avons plutôt fait face à un non catégorique, sans plus d'explications. Espérons que la célébration de l'Année internationale des forêts va permettre une plus grande ouverture à cet effet. C'est bien de célébrer une année internationale, mais c'est encore mieux lorsque des actions concrètes y sont associées.
Prochainement, le premier ministre va faire un nouveau discours inaugural. Ce sera l'occasion pour lui de nous démontrer ses engagements concrets et nous démontrer qu'il croit dans le développement de l'industrie forestière, je crois que... et également dans ces nombreuses filières qui y sont associées, tant en ce qui regarde la fabrication d'énergie, de meubles et des nanotechnologies.
En conclusion, M. le Président, je vous dirais qu'il ne faudrait pas qu'en cette Année internationale des forêts les régions forestières fassent, une fois de plus... l'abandon par le gouvernement. Il faut que le gouvernement se rende compte que la forêt est l'or vert écologique qui remplacera l'or noir polluant. Le monde entier reconnaît que la forêt représente l'avenir tant économique qu'écologique, il est plus que temps que le gouvernement du Québec le reconnaisse. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Chagnon): Merci, M. le député de Roberval. J'inviterais maintenant M. le député de Beauce-Sud à prendre la parole... Beauce-Nord. J'ai un problème avec mes deux Beauce.
M. Janvier Grondin
M. Grondin: Merci, M. le Président. Écoutez, l'Année internationale de la forêt, pour moi et pour l'ensemble, je pense, des députés ici, ça devait être une année... ça devrait toujours être l'Année internationale de la forêt parce que, la forêt, on la... C'est la source d'énergie, c'est à peu près la plus importante qu'on a ici, dans notre province, et dans notre pays.
Écoutez, la forêt n'est pas juste là pour des arbres. Il y en a plusieurs qui pensent que c'est juste pour construire des maisons ou... Mais la forêt purifie l'air que l'on respire à tous les jours, elle purifie l'eau, elle est une source importante pour toute la faune. Remarquez tous les... tout ce qui est relié à la forêt aujourd'hui. Alors, c'est une source d'énergie énorme qu'on a et qu'on doit protéger. Mais, quand je dis «protéger», on doit aussi la cultiver. Souvent, des gens viennent nous voir et nous disent: Il faudrait garder des zones intactes de forêt. Mais, moi, je crois plus que la forêt, étant un producteur forestier... une forêt, il faut la cultiver, et elle rapporte d'année en année, et c'est rentable.
Moi, j'irais... il faut absolument qu'on continue à investir dans la recherche pour trouver des produits, je dirais, à valeur ajoutée pour faire en sorte de rentabiliser le plus possible notre forêt et notre bois ici, au Québec, parce qu'on a une source d'énergie et de richesse énorme, ici, entre nos mains. Il faut la conserver et essayer de la cultiver au maximum pour les générations qui nous suivent. Alors, voilà, mesdames et messieurs, ce que j'avais à dire sur les forêts. Merci.
Le Vice-Président (M. Chagnon): Merci, M. le député de Beauce-Nord. J'inviterais maintenant M. le député de Mercier à prendre la parole.
M. Amir Khadir
M. Khadir: Merci, M. le Président. Je voudrais féliciter la ministre pour cet engagement qu'elle prend, à travers cette motion, pour la défense de nos forêts. C'est sûr que nos grands sapins blancs, rois des forêts, malheureusement ne sont pas traités très royalement depuis des années. Ils sont coupés et voués à, en fait, un sort peu reluisant, c'est-à-dire en deux-par-quatre ou quatre-par-quatre, puis envoyés dans la construction, alors que l'idée de protéger la forêt doit passer par plusieurs initiatives, dont notamment une meilleure utilisation du bois, une utilisation à valeur ajoutée accrue de manière à diminuer la pression de l'exploitation qu'il y a sur la matière ligneuse, sur le bois actuellement et qui dévaste nos forêts.
Quand je suis rentré à l'Assemblée nationale en 2008, l'engagement que j'avais pris pour mon parti, c'était de travailler à l'abolition justement des contrats d'approvisionnement, les CAAF, à la création de comités forestiers pour la gestion écosystémique de nos forêts pour mieux planifier son exploitation, pour encourager justement la transformation de l'économie forestière pour qu'on puisse favoriser une plus grande valeur ajoutée dans l'utilisation des produits forestiers.
Heureusement, avec la loi n° 57, que la ministre a pilotée, donc, on a surmonté nos retards historiques. Les CAAF ont été abolis. Maintenant, bon, au lieu des comités forestiers, qui auraient impliqué plus les citoyens, on a quand même les tables GIR qui visent un aménagement écoforestier. Bien sûr, on espère que ces tables GIR deviennent fonctionnelles et se mettent au travail le plus rapidement possible.
Mais il est certain que la ministre peut montrer une plus grande volonté en montrant de l'ouverture au projet de loi soumis par mon collègue de Roberval, le député du PQ, qui soumet une proposition pour une utilisation accrue du bois dans ces... la transformation secondaire, l'utilisation, donc, dans nos infrastructures, dans... là où l'État investit, avec des programmes de soutien à une utilisation du bois dans ce qu'elle a de plus noble, c'est-à-dire lorsqu'elle est travaillée, lorsqu'elle est utilisée à d'autres choses que des deux-par-quatre. Alors, je souhaite que Mme la ministre montre cette ouverture, et j'appuierais, donc, dans ce sens, le projet de loi de mon collègue de Roberval.
Mise aux voix
Le Vice-Président (M. Chagnon): Merci, M. le député de Mercier. Est-ce que cette motion est adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Chagnon): Est-ce qu'il y a d'autres motions?
Des voix: ...
Le Vice-Président (M. Chagnon): Vous avez une motion?
Une voix: Oui.
Le Vice-Président (M. Chagnon): Alors, il faudrait... Je demanderais un consentement, à l'article 84.1, pour déroger au fait que nous ayons une nouvelle motion.
Une voix: ...
Le Vice-Président (M. Chagnon): Consentement. Alors, je vous écoute, M. le député de Mercier.
Appeler à l'établissement d'une
démocratie durable en Tunisie
M. Khadir: Je demande le consentement de la Chambre, conjointement avec la ministre des Relations internationales, la députée de Rosemont, la députée de Lotbinière, le député des Chutes-de-la-Chaudière et le député de La Peltrie, pour débattre de la motion suivante:
«Que l'Assemblée nationale appelle à l'établissement d'une démocratie durable en Tunisie qui, comme membre de l'Organisation internationale de la Francophonie, doit adhérer aux principes de consolidation de la paix, de promotion de la culture démocratique et de protection et de respect des droits humains;
«Que l'Assemblée nationale déplore la perte de vies humaines et dénonce tout recours à la violence envers les manifestants pacifiques, les défenseurs des droits humains et le peuple tunisien;
«Que l'Assemblée nationale demande -- finalement -- au gouvernement du Canada de traiter avec diligence, et dans le respect des législations canadiennes internationales, la requête des autorités tunisiennes concernant le gel des avoirs de l'ancien président tunisien Ben Ali et [de] son entourage.»Le Vice-Président (M. Chagnon): Est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette question?
**(11 h 20)**M. Gautrin: Il y a consentement, M. le Président, pour que nous puissions débattre de cette motion avec des interventions limitées aux alentours de deux minutes, dans l'ordre suivant: bien sûr, le député de Mercier, qui serait le premier à intervenir, la députée de Rosemont, que je ne veux pas appeler la députée de Chambly, pour un deux minutes aussi. Je ne sais si la collègue de l'ADQ veut... Non, elle ne veut pas intervenir. Et, pour conclure le débat, la députée de Saint-François et ministre des Relations internationales pourrait conclure le débat.
Le Vice-Président (M. Chagnon): Alors, nous allons débattre de cette question dans un temps approximatif de deux minutes, en commençant par vous, M. le député de Mercier.
M. Amir Khadir
M. Khadir: Je vais être très bref. D'abord, remercier tous les membres du Parlement et tous les groupes parlementaires d'avoir accepté notre proposition, notre motion. La motion s'inspire grandement de la motion de la ministre des Relations internationales elle-même, que j'avais saluée hier pour l'initiative qu'elle a prise pour appeler justement au renforcement de la démocratie et au processus démocratique en Égypte. Il en va de même pour le peuple tunisien qui a été l'initiateur, donc, de ce printemps arabe.
J'en profite simplement pour rappeler qu'au Québec il existe une forte communauté québécoise d'origine tunisienne, qui sont très impliqués dans différentes... à différents niveaux sur le plan professionnel, dans plusieurs de nos institutions démocratiques. Ils sont à l'oeuvre parmi nous en tant que citoyens québécois, mais aussi ils ont, bien sûr, beaucoup d'émotions et énormément d'enthousiasme de voir leur pays d'origine connaître un renouveau démocratique et le peuple tunisien montrer, finalement, la voie à l'ensemble du peuple arabe pour l'accession à la démocratie et à la liberté.
À cet égard-là, une des requêtes les plus pressantes qui nous viennent de ces peuples arabes, c'est que les anciens dictateurs, qui ont abusé de leur pouvoir pour détourner des millions, sinon des milliards de dollars, en fonds publics et qui les ont cachés ou investis un peu partout dans le monde, dont une partie au Canada... ont besoin de la collaboration de nos gouvernements pour pouvoir récupérer ces fonds détournés qui sont des biens publics dont on a abusé. Le Canada est appelé à être signataire d'une initiative internationale de lutte à la corruption des détenteurs de charges publiques, qui consiste justement à faciliter le travail entre les nations pour s'assurer que des gens qui sont au pouvoir ne détournent pas les fonds publics.
Or, il est avéré, avec un livre très bien étayé par deux journalistes français en 2009, que la dictature tunisienne reposait en partie sur le beau-frère de M. Ben Ali, soit M. Belhassen Trabelsi, qui est actuellement en sol canadien et qui est détenteur de millions de dollars, d'argents qui ont été obtenus par des malversations, du trafic d'influence ou carrément de la corruption et de l'intimidation. Nous sommes confiants que la ministre des Relations internationales, le gouvernement jouirait de l'appui de l'ensemble du peuple québécois en pressant le gouvernement canadien à ne pas traîner et à insister pour que tout soit fait pour que M. Trabelsi soit traduit devant la justice et que ses avoirs soient gelés.
Le Vice-Président (M. Chagnon): Merci, M. le député de Mercier. J'inviterais maintenant Mme la députée de Rosemont.
Mme Louise Beaudoin
Mme Beaudoin (Rosemont): Merci, M. le Président. Alors, en appuyant, bien sûr, fermement la motion du député de Mercier, particulièrement ce qu'il vient de dire concernant, donc, la question du gel des avoirs de la famille Trabelsi... Nous sommes, bien évidemment, très en accord.
J'ajouterais tout simplement, aussi, que le Québec -- nous l'avions dit, le Parti québécois, dans un premier communiqué -- doit... devra, le moment venu, offrir son accompagnement et sa collaboration pour l'organisation, par le partage de sa propre expérience, M. le Président, de l'ensemble du processus électoral, donc, le moment venu, en Tunisie.
Je voudrais tout simplement, en terminant, prendre quelques instants pour rendre hommage à un des opposants laïques -- important, dans mon esprit, bien évidemment -- au régime du président Ben Ali, et cette opposition, elle a pris plusieurs formes. Et un des opposants les plus célèbres, c'est le Dr Mustapha Ben Jaafar, et je dirais que c'est l'histoire d'un coureur de fond souvent solitaire. Malgré toutes les embûches, il a été, donc, le secrétaire général du Forum démocratique pour le travail et les libertés, le FDTL, qui existe, donc, aujourd'hui. Il a donc fait montre d'une endurance de coureur de fond. Il est reconnu, le Dr Ben Jaafar, comme un patriote et un démocrate issu d'une famille de nationalistes, et il est donc l'un des chefs de l'opposition tunisienne les plus respectés, tant à l'intérieur qu'à l'étranger. Dès 1975, réagissant à la dérive autoritaire d'Habib Bourguiba, il avait quitté le parti au pouvoir pour fonder, avec d'autres démocrates, la Ligue tunisienne de défense des droits de l'homme. C'est un professeur de médecine qui est chef du Service de radiologie à l'Hôpital de La Rabta.
Ce que je voudrais dire, c'est qu'en août dernier nous avons fait sa connaissance à l'université d'été du Parti socialiste, à La Rochelle. Il est venu au Québec rencontrer la diaspora tunisienne québécoise, les Québécois d'origine tunisienne, en septembre, et il a assisté dans nos tribunes à une période de questions. Je ne sais pas exactement ce qu'il en a pensé, M. le Président. Mais je voudrais tout simplement dire...
Des voix: ...
Mme Beaudoin (Rosemont): ...en terminant, que c'est à lui en particulier et à tous ceux qui, comme lui, à l'intérieur ou à l'extérieur, ont été des opposants exemplaires que vont nos pensées aujourd'hui. Merci.
Le Vice-Président (M. Chagnon): Merci, Mme la députée de Rosemont. Peu importe ce qu'il a pu penser de notre période de questions au moment où il est venu, c'était certainement plus intéressant que n'importe quelle période des questions qu'on a pu entendre à Tunis.
Une voix: ...
Le Vice-Président (M. Chagnon): Jusqu'à aujourd'hui. Mme la ministre des Relations internationales.
Mme Monique Gagnon-Tremblay
Mme Gagnon-Tremblay: Merci. Alors, nous appuyons également la motion du député de Mercier. M. le Président, le 27 janvier dernier, le gouvernement du Québec déplorait les pertes humaines occasionnées par les événements en Tunisie dont nous avons tous été témoins. Aujourd'hui, la présentation de cette motion nous permet de le réitérer. Et rapidement le Québec s'est dit sensible à la situation qui sévit en Tunisie. Nous souhaitons toujours qu'un calme sécuritaire pour la population puisse régner et mener la population tunisienne vers la transition souhaitée.
M. le Président, le Québec, comme partenaire de la francophonie, souhaite que l'ensemble des membres de l'OIF partagent et fassent la promotion d'une culture démocratique, de la paix et du respect des libertés individuelles. D'ailleurs, j'ai eu l'occasion, M. le Président, la semaine dernière, d'en discuter avec le secrétaire général de l'OIF, M. Diouf, qui était de passage à Québec.
Malgré tout, il appartient à la population tunisienne de faire ses choix dans le cadre du processus électoral à venir. Par ailleurs, en ce qui concerne la présence non souhaitable au Québec de membres de l'entourage de l'ex-président tunisien, le gouvernement a affirmé que le Québec n'est pas une terre d'accueil pour des dictateurs déchus et des membres de leurs familles.
C'est pourquoi aujourd'hui je réitère ma demande au gouvernement fédéral de déployer le plus rapidement possible tous les outils nécessaires afin de procéder à l'analyse de la demande des autorités tunisiennes. Nous sommes devant une situation exceptionnelle, c'est pourquoi je souhaite que le gouvernement fédéral agisse avec diligence. Cependant, comme l'a si bien rappelé le député de Verchères la semaine dernière, nous sommes dans une situation qui relève des autorités fédérales. Comme le Canada est un État de droit, des règles de droit doivent être respectées.
Enfin, le gouvernement du Québec est prêt à collaborer avec la communauté tunisienne au Québec. C'est pourquoi, M. le Président, nous continuerons de suivre l'évolution des événements qui se déroulent en Tunisie avec beaucoup d'attention.
Mise aux voix
Le Vice-Président (M. Chagnon): Merci, Mme la ministre des Relations internationales. Est-ce que cette motion est adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Chagnon): Adopté.
M. Gautrin: ...de mon collègue pour que cette motion soit transmise, puisqu'elle interpelle le gouvernement fédéral, au gouvernement fédéral.
Le Vice-Président (M. Chagnon): Alors, si je vous comprends bien, d'abord son proposeur et les deux leaders du gouvernement et de l'opposition, vous souhaitez que cette motion soit, une fois adoptée, comme ce fut le cas, qu'elle soit donc envoyée tant à la Chambre des communes qu'au Sénat canadien pour fins de réception.
M. Gautrin: ...et au premier ministre du Canada.
Le Vice-Président (M. Chagnon): Et au premier ministre du Canada.
Une voix: ...
Le Vice-Président (M. Chagnon): Je vous écoute.
M. St-Arnaud: ...si vous permettez, je me permettrais d'ajouter aux propos du leader adjoint que nous pourrions également transmettre une copie au consulat général de Tunisie à Montréal et à l'Ambassade de Tunisie au Canada.
Le Vice-Président (M. Chagnon): Bien. Bien noté. Alors, nous ajouterons à cela. Au premier ministre du Canada, donc j'imagine au ministre des Affaires extérieures du Canada aussi, donc aussi à la Chambre des communes canadienne et au Sénat canadien ainsi qu'au consulat de Tunisie à Montréal et à l'Ambassade de Tunisie à Ottawa. Ça va?
Je vous vois debout. J'ai l'impression que vous avez une autre motion pour nous, Mme la ministre de la Culture?
Mme St-Pierre: Oui. M. le Président, je...
Le Vice-Président (M. Chagnon): Alors, si c'est le cas, vous me permettrez de demander le consentement de cette Chambre pour qu'on puisse d'une part, en utilisant l'article 84.1, vous permettre d'avoir cette cinquième motion.
Une voix: ...
Le Vice-Président (M. Chagnon): Consentement? Consentement. Alors, allez-y. Je vous écoute, Mme la ministre.
Offrir des condoléances à la famille
et aux proches du comédien et
animateur Gaston L'Heureux
Mme St-Pierre: Merci, M. le Président. Je demande le consentement de cette Chambre afin de présenter la motion suivante, conjointement avec le député de Drummond, la députée de Lotbinière, le député de Mercier, le député de La Peltrie, le député de Chutes-de-la-Chaudière:
«Que l'Assemblée nationale offre ses plus sincères condoléances à la famille et aux amis de Gaston L'Heureux.
«Qu'elle exprime son profond regret devant le départ de ce grand communicateur qui a été une figure marquante du paysage télévisuel québécois.»Le Vice-Président (M. Chagnon): Est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette question?
M. Gautrin: Consentement pour que nous l'adoptions sans débat, M. le Président, et que nous respections ensuite une minute de silence.
Mise aux voix
Le Vice-Président (M. Chagnon): Est-ce qu'il y a consentement? Oui? Alors, cette motion est donc adoptée?
Une voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Chagnon): La motion est adoptée. Nous allons maintenant procéder tel que vous l'avez demandé, c'est-à-dire avec une minute de silence à la pensée de M. L'Heureux.
**(11 h 30 -- 11 h 31)**Le Vice-Président (M. Chagnon): Je vous remercie. Veuillez vous asseoir.
Avis touchant les travaux des commissions
M. le leader du gouvernement, peut-être que vous avez quelques avis?
M. Gautrin: Je vous remercie, M. le Président. J'ai quelques avis à donner. J'aimerais aviser cette Assemblée que la Commission de la culture et de l'éducation poursuivra la consultation générale à l'égard du projet de loi n° 82, Loi sur le patrimoine culturel, aujourd'hui, après les affaires courantes et pour une durée de deux heures et de 15 heures à 18 heures, à la salle Louis-Hippolyte-La Fontaine. Et je tiens à vous remettre une copie de cet avis.
Le Vice-Président (M. Chagnon): Je vous remercie, M. le leader. Alors, pour ma part, je vous avise que la Commission de l'administration publique se réunira en séance de travail aujourd'hui, à la salle des Premiers-Ministres de l'édifice Pamphile-Le May, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, afin de recevoir une formation sur les contrats publics par le Secrétariat du Conseil du trésor; de 15 heures à 17 heures, afin de discuter du rapport annuel de gestion 2009-2010 du Vérificateur général.
Je vous avise également que la Commission spéciale sur la question de mourir dans la dignité poursuivra les auditions publiques dans le cadre de sa consultation générale aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 12 h 45 et de 15 heures à 18 h 30, à la salle du Conseil législatif.
Est-ce qu'il y a consentement pour déroger à l'article 143 du règlement concernant l'horaire des travaux des commissions...
Des voix: Consentement.
Le Vice-Président (M. Chagnon): ...pour permettre justement à cette dernière commission de pouvoir siéger jusqu'à 18 h 30. Ça va? Consentement?
Renseignements sur les travaux de l'Assemblée
Renseignements sur les travaux de l'Assemblée. Oui, M. le leader.
M. St-Arnaud: Oui. Merci, M. le Président. M. le Président, effectivement, j'aimerais me prévaloir de l'article 86 pour poser une question au leader adjoint du gouvernement sur les travaux de l'Assemblée.
M. le Président, nous avons adopté, il y a quelques minutes, unanimement une motion qui soulignait que 2011 est l'Année internationale des forêts. Or, je constate, M. le Président, à notre feuilleton d'aujourd'hui, à l'article 37, qu'est toujours présent le projet de loi n° 490, qui est le projet de loi qui a été présenté par mon collègue de l'opposition officielle le député de Roberval, député du Parti québécois, Loi sur l'utilisation accrue du bois dans la construction.
Alors, ma question est très simple, M. le Président, au leader adjoint du gouvernement: Quand entend-il appeler ce projet de loi, le projet de loi n° 490, Loi sur l'utilisation accrue du bois dans la construction, pour que nous puissions en faire une étude, à tout le moins pour que nous débattions du principe de ce projet de loi?
Le Vice-Président (M. Chagnon): Je vous remercie, M. le député de Chambly. M. le leader du gouvernement.
M. Gautrin: ...et en temps opportun le leader ici pourra appeler ce projet de loi, mais nous avons dans l'agenda du gouvernement d'autres projets de loi à appeler pour notre débat aujourd'hui et alors on ne l'appellera pas aujourd'hui.
Le Vice-Président (M. Chagnon): Alors, M. le leader du gouvernement, qu'est-ce que vous avez comme autre projet?
Une voix: ...
Affaires du jour
Le Vice-Président (M. Chagnon): Oui, aux affaires du jour.
M. Gautrin: ...auriez-vous l'amabilité... est-ce possible qu'on... d'appeler l'article 7 du feuilleton, s'il vous plaît?
Projet de loi n° 94
Adoption du principe
Le Vice-Président (M. Chagnon): Alors, à l'article 7, Mme la ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles propose, au nom du ministre de la Justice, l'adoption du principe du projet de loi n° 94, Loi établissant les balises encadrant les demandes d'accommodement dans l'Administration gouvernementale et dans certains établissements. Est-ce qu'il y a des interventions? Mme la ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles, nous vous écoutons.
Mme Kathleen Weil
Mme Weil: Oui. Merci, M. le Président. Alors, permettez-moi d'abord de profiter de ce débat sur le principe du projet de loi n° 94 pour remercier tous ceux qui ont participé aux consultations générales qui se sont terminées le 18 janvier dernier. Je veux remercier en particulier les membres de la Commission des institutions, mes collègues du côté du gouvernement ainsi que les députés de l'opposition, pour le travail remarquable d'écoute qu'ils ont effectué tout au long des consultations. Je voudrais souligner en particulier la participation, le travail, l'échange avec la députée de Rosemont. Je pense qu'on a partagé des moments très intenses, très intéressants, au coeur de débats qui animent beaucoup d'États, de juridictions actuellement, et nous avons mené ces débats avec sérénité et avec calme, et j'ai trouvé l'expérience des plus extraordinaires. Ce fut un exercice des plus enrichissants, et je ne crois pas me tromper en disant que tous les parlementaires ayant pris part à cette commission ont été impressionnés par la participation citoyenne. On se souviendra que plus de 60 mémoires de groupes ou de citoyens exposant des opinions très différentes ont été soumis durant cette consultation.
M. le Président, le projet de loi n° 94, que j'ai présenté devant l'Assemblée nationale le 24 mars 2010 et dont le principe est aujourd'hui soumis pour adoption, propose, comme son titre l'indique, d'établir des balises encadrant les demandes d'accommodement dans l'administration gouvernementale et dans certains établissements. Il s'agit d'un projet de loi fort significatif pour les citoyennes et les citoyens du Québec. En le déposant, nous avons posé un geste déterminant pour clarifier la notion d'accommodement raisonnable et sa légitimité.
Ce projet de loi vise à fournir un certain nombre de paramètres permettant, d'une part, de mieux comprendre la notion même d'accommodement dont les Québécoises et Québécois entendent régulièrement parler depuis plusieurs années. D'autre part, il leur permet de mieux évaluer les circonstances pouvant donner ouverture à un accommodement au sein de l'administration gouvernementale ou de certains établissements publics qu'ils peuvent être appelés à fréquenter soit à titre d'employé soit en tant qu'usager de services qui y sont dispensés.
Ce projet de loi s'inscrit dans la continuité de l'histoire du Québec, une histoire de laïcité ouverte. Nous y affirmons avec fierté certaines des valeurs qui nous rassemblent et nous le faisons avec la conviction que la diversité est et doit demeurer pour le Québec une source de richesse. Dans le respect des droits fondamentaux, nous établissons des balises pour mieux vivre ensemble au Québec, pour préserver en somme la cohésion sociale.
M. le Président, la société québécoise est une société ouverte, égalitaire, fondée sur la primauté du droit et la séparation des pouvoirs étatiques et religieux, et attachée aux droits et libertés de la personne. Nous sommes fiers de nous être dotés, en 1975, d'un cadre juridique en matière notamment de discrimination, la Charte des droits et libertés de la personne du Québec. Les balises que fixe le projet de loi n° 94 se fondent essentiellement sur les enseignements de la jurisprudence et de la doctrine qui, au cours des 25 dernières années, se sont développés dans l'application, entre autres, des dispositions de cette charte en matière de discrimination. Elles sont donc le reflet du droit existant relativement à la protection des droits et libertés de nos concitoyens et concitoyennes.
Le législateur reconnaît dans la Charte des droits et libertés de la personne que tous les êtres humains sont égaux en valeur et en dignité, et ont droit à une égale protection de la loi. Ainsi, le législateur consacre, à l'article 10, le droit pour toute personne à la reconnaissance et à l'exercice en pleine égalité des droits et libertés protégés par cette charte sans distinction, exclusion ou préférence fondée notamment sur le sexe, la religion, la race, la couleur ou l'origine ethnique ou nationale. Et, en vertu des articles 11 à 20 de cette même charte, ce droit à l'égalité est reconnu, entre autres, dans la formation d'actes juridiques, dans l'accès aux lieux publics et dans l'emploi. Le législateur affirme également, à l'article 3 de la Charte des droits et libertés de la personne, que toute personne est titulaire des libertés fondamentales, dont la liberté de religion.
**(11 h 40)** S'appuyant sur la jurisprudence, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse écrit, à propos de la liberté de religion, que celle-ci comporte une dimension positive -- le droit de croire, de professer ses croyances religieuses et de les mettre en pratique par le culte ou par leur enseignement et leur propagation -- et une dimension négative -- le droit de ne pas se voir imposer une norme ou une pratique contraire à ses croyances religieuses et de ne pas être forcé d'agir contrairement à ses croyances religieuses.
Voulant faire en sorte que l'exercice de ces droits et libertés individuels soit respectueux de l'ensemble des citoyennes et citoyens, le législateur a encore pris soin de préciser dans le préambule même de la charte que ces droits et libertés individuels sont inséparables des droits et libertés d'autrui et du bien-être général. Plus concrètement, il a, en adoptant l'article 9.1 de cette charte, permis qu'une loi puisse fixer la portée et aménager l'exercice de ces droits et libertés pour qu'ils soient exercés dans le respect des valeurs démocratiques, de l'ordre public et du bien-être général des citoyens du Québec. Il respectait ainsi, et c'est très important de le souligner, les instruments internationaux auxquels il est lié dans la Déclaration universelle des droits de l'homme, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes. Je crois que le Québec et les Québécois, les Québécoises doivent être fiers que le Québec est adhérent à ces instruments internationaux.
Fondée donc sur la primauté du droit et la séparation des pouvoirs étatiques et religieux, l'on ressentait pourtant dans la société québécoise, riche de sa diversité, un besoin de clarification par rapport aux accommodements raisonnables. En effet, comme j'ai eu l'occasion de le mentionner au tout début des consultations particulières, certaines demandes d'accommodement ont suscité, depuis quelques années, des doutes sur les façons dont ces demandes étaient évaluées et accordées, remettant malheureusement parfois en question le principe même de l'accommodement. La mauvaise perception et compréhension de l'accommodement pouvait avoir comme conséquence une augmentation de la discrimination et de l'exclusion. Pour encadrer le traitement de ces demandes d'accommodement, il était donc devenu souhaitable d'incorporer dans notre corpus législatif les balises développées par les tribunaux à ce sujet.
Ainsi, M. le Président, le projet de loi n° 94 prend le parti de l'accommodement comme étant celui qui correspond mieux aux aspirations actuelles d'une société qui, à l'instar de la nôtre, s'inscrit dans le respect des droits fondamentaux des citoyennes et des citoyens qui la composent. Ayant pour objet d'établir les conditions auxquelles est subordonnée l'obligation d'accommodement au sein de l'administration gouvernementale et de certains établissements publics qu'il désigne, le projet de loi n° 94 propose d'abord de définir clairement, dès le premier article, la notion même d'accommodement, qui est au coeur des dispositions proposées. Il préciserait ainsi, respectant en cela la jurisprudence, qu'un accommodement réside en l'aménagement, dicté par le droit à l'égalité, d'une norme ou d'une pratique d'application générale fait en vue d'accorder un traitement différent à une personne qui autrement subirait des effets préjudiciables en raison de l'application de cette norme ou de cette pratique.
Au-delà de la notion d'accommodement qu'il définit, le projet de loi n° 94 propose également d'assujettir tout accommodement à un certain nombre de conditions, elles aussi établies ou reconnues par la jurisprudence et la doctrine. La première de ces conditions, proposée dans l'article 4 du projet de loi, est qu'un accommodement doive respecter non seulement la Charte des droits et libertés de la personne, dont le droit à l'égalité entre les hommes et les femmes, mais aussi le principe de la neutralité religieuse de l'État découlant de la liberté de religion que reconnaît cette charte. Ce principe de neutralité, généralement accepté dans la société québécoise et que précise le projet de loi, est le principe selon lequel l'État ne favorise ni ne défavorise une religion ou une croyance particulière. On fait ainsi le choix d'une laïcité ouverte qui ne remet pas en question la liberté de religion des individus qui voudraient, par exemple, porter une petite croix au cou. Les employés de l'État conservent ainsi leur droit constitutionnel d'exercer leur liberté de religion dans la mesure où ils continuent d'exercer leurs fonctions de manière neutre et impartiale, sans prosélytisme. La neutralité religieuse s'applique à l'institution, non pas aux personnes qui la composent.
Notre vision diffère fondamentalement de celle de certains autres groupes qui ont proposé une laïcité -- et on a eu beaucoup de débats sur la terminologie pour décrire cette laïcité -- plus fermée ou une laïcité tout court où il serait interdit à un employé de l'État d'exprimer sa croyance religieuse et où aucun accommodement basé sur les droits fondamentaux garantis par notre charte ne serait possible. Cette autre vision dissocierait le Québec des 400 ans de son histoire et des instruments juridiques dont il s'est doté pour assurer l'égalité et le respect des droits fondamentaux de tous.
M. le Président, cette condition du respect des droits et principes tirés de la Charte des droits et libertés se conçoit aisément. L'accommodement étant par nature destiné à mettre fin à un état de discrimination existant, il en résulte qu'on ne saurait y faire droit si, ce faisant, on se trouvait à porter atteinte aux droits et libertés d'autrui.
La deuxième condition à laquelle serait subordonné tout accommodement en vertu du projet de loi est celle que propose cette fois l'article 5 de ce projet, à savoir qu'un accommodement ne peut être accordé que si l'aménagement qui le sous-tend est raisonnable, c'est-à-dire, ainsi que l'article 5 l'indique, s'il n'impose pas de contrainte excessive au ministère, ou à l'organisme de l'administration gouvernementale, ou à l'établissement public en cause. Le projet de loi propose d'ailleurs de préciser que le caractère excessif de cette contrainte s'évalue en tenant compte des circonstances propres à chaque cas, notamment des coûts qui se rattachent à l'aménagement, de ses effets sur le bon fonctionnement du ministère, de l'organisme ou de l'établissement, ou encore de ses effets sur les droits d'autrui.
Encore ici, le projet de loi, en posant une condition de raisonnabilité, d'absence de contrainte excessive est non seulement conforme au développement jurisprudentiel en matière de discrimination, mais il se situe également dans le prolongement de ce qui peut être considéré comme étant juste. L'accommodement ayant pour but d'éviter qu'une personne ne subisse un préjudice par suite de l'application d'une norme ou d'une pratique qui serait discriminatoire à son endroit, il ne faudrait pas que ce même accommodement cause par ailleurs aux personnes à qui il est demandé, voire à des tiers, un préjudice qui, dans des circonstances données, pourrait dépasser les limites de ce qui est normalement acceptable. On pense ici à l'égalité entre les hommes et les femmes, notamment.
Par ailleurs, l'article 6 du projet de loi rappelle d'abord la pratique d'application générale au Québec «voulant qu'un membre du personnel de l'administration gouvernementale ou d'un établissement et une personne à qui des services sont fournis par cette administration ou cet établissement aient le visage découvert lors de la prestation des services». Cet article stipule ensuite que, «lorsqu'un accommodement implique un aménagement à cette pratique, il doit être refusé si des motifs liés à la sécurité, à la communication ou à l'identification le justifient».
M. le Président, le projet de loi n° 94 comporte, en plus de ces dispositions sur la notion d'accommodement et des conditions qui s'y rattachent, que je viens de rappeler, d'autres dispositions d'importance, que je voudrais maintenant aborder, à commencer par celle qui concerne le champ d'application même du projet de loi. Comme l'indique l'article 1 du projet de loi et à l'instar, d'ailleurs, du titre même de ce projet, les dispositions de la loi proposée régiraient toute demande d'accommodement en faveur d'un membre du personnel de l'administration gouvernementale ou de certains établissements désignés par le projet de loi, de même que les demandes d'accommodement en faveur de personnes qui reçoivent des services au sein de cette administration ou de ces établissements.
En ce qui a trait à l'administration gouvernementale, celle-ci serait composée, selon l'article 2 du projet de loi, des ministères du gouvernement et des organismes suivants:
1° les organismes budgétaires, dont l'Office de la protection du consommateur, le Conseil du statut de la femme et la Commission des transports du Québec;
2° les organismes dont le personnel est nommé suivant la Loi sur la fonction publique, comme la Société de l'assurance automobile du Québec, la Régie de l'assurance maladie du Québec et la Régie des rentes du Québec;
3° les organismes dont la majorité des membres ou des administrateurs sont nommés par le gouvernement ou un ministre et dont la moitié des dépenses sont assumées directement ou indirectement par le fonds consolidé du revenu, comme la Société du Palais des congrès de Montréal et la Société d'habitation du Québec;
4° les organismes dont le fonds social fait partie du domaine de l'État, comme Hydro-Québec, la Société des loteries du Québec et la Société des alcools du Québec;
5° les organismes gouvernementaux mentionnés à l'annexe C de la Loi sur les régimes de négociation des conventions collectives dans les secteurs public et parapublic, dont l'Autorité des marchés financiers, la Société des établissements de plein air du Québec et la Sûreté du Québec.
Seraient de plus, en vertu du deuxième alinéa de l'article 2 du projet de loi, assimilés à un organisme de l'administration gouvernementale le lieutenant-gouverneur, l'Assemblée nationale et les personnes qu'elle nomme, dont le Directeur général des élections et le Protecteur du citoyen, ainsi que les personnes nommées ou désignées par le gouvernement, comme le Curateur public et le Directeur des poursuites criminelles et pénales.
**(11 h 50)** Quant aux établissements visés par le projet de loi, l'article 3 de ce projet prévoit que ceux-ci seraient: en vertu du premier paragraphe, les commissions scolaires et les établissements d'enseignement, dont les cégeps, les établissements universitaires mentionnés aux paragraphes 1° à 11° de l'article 1 de la Loi sur les établissements d'enseignement de niveau universitaire et les établissements agréés aux fins de subventions en vertu de la Loi sur l'enseignement privé; en vertu du deuxième paragraphe, les agences de la santé et des services sociaux et les établissements visés par la Loi sur les services de santé et les services sociaux, dont les établissements publics et privés conventionnés, les résidences privées d'hébergement et le Conseil cri de la santé et des services sociaux de la Baie-James; et en vertu du troisième paragraphe, les centres de la petite enfance et les autres établissements subventionnés en vertu de la Loi sur les services de garde éducatifs à l'enfance.
M. le Président, les autres dispositions du projet de loi n° 94 que je voudrais enfin souligner ici concernent principalement la mise en oeuvre de la loi et sa préséance sur d'autres actes ou documents.
En ce qui concerne la mise en oeuvre des dispositions de la loi proposée, dispositions dont l'application serait incidemment sous la responsabilité du ministre de la Justice, l'article 7 du projet de loi propose de confier à la plus haute autorité administrative au sein d'un ministère, d'un organisme ou d'un établissement la tâche d'y assurer le respect des prescriptions de la loi. À cet égard, je porte à votre attention l'article 38 de la Loi sur la fonction publique, qui précise que, dans un organisme où le personnel est nommé suivant cette loi, le dirigeant d'organisme est responsable de la gestion des ressources humaines de l'organisme et que la personne qui a le statut de dirigeant d'organisme est celle que la loi identifie comme telle ou, à défaut, la personne qui exerce la plus haute autorité dans cet organisme. Il appartiendrait donc, selon le cas, au sous-ministre, au président d'un organisme, ou au directeur d'un établissement, ou à la personne qui y détient la plus haute autorité d'assurer le respect des prescriptions de la loi proposée.
Enfin, l'article 9 prévoit que les règles de la loi proposée s'appliqueront malgré toute disposition ou stipulation inconciliable d'une loi, d'un règlement ou de tout autre acte ou document sous la seule réserve des dispositions de la Charte des droits et libertés de la personne.
M. le Président, tels sont brossés à grand trait les principaux aspects du projet de loi n° 94 qu'il me paraissait important de rappeler aujourd'hui à l'occasion de l'adoption du principe du projet de loi. En tant que gouvernement, nous devions poser un geste, et c'est ce que nous avons fait. Nous étions d'ailleurs la première juridiction -- nous le sommes ici, en Amérique du Nord, en tout cas -- à légiférer comme nous l'avons fait. Et le Barreau du Québec, qui a présenté un mémoire en commission parlementaire, a reconnu la valeur pédagogique de notre projet de loi. Comme l'ensemble des Québécois, nous avons la ferme volonté de maintenir la cohésion sociale si précieuse dont nous bénéficions. C'est ce que le projet de loi fait en expliquant, en légitimant d'abord la notion d'accommodement raisonnable, mais en même temps en traçant une ligne entre ce qui est raisonnable et ce qui ne l'est pas.
L'article 6 à lui seul a fait couler beaucoup d'encre. Nous y disons qu'ici, au Québec, on donne et on reçoit des services gouvernementaux à visage découvert. C'est la norme, c'est la pratique d'application générale, c'est ce qui nous permet de communiquer entre nous. Et je vous dirais que j'ai certainement eu des milliers de discussions à ce sujet, au-delà de la commission parlementaire, depuis le dépôt du projet de loi, et, la réaction de la plupart des citoyens: le 95 % qui est en accord avec le projet de loi ici, au Québec, et le 80 % qui est en accord avec le projet de loi ailleurs, au Canada... La plupart des citoyens disent que c'est un projet de loi du gros bon sens, que c'est tout à fait raisonnable. Ils comprennent tout à fait la ligne qui est tracée dans ce projet de loi.
Finalement, notre projet de loi réaffirme, et c'est important de le souligner... Ce n'est pas la première fois que nous soulignons l'importance entre l'égalité des femmes et des hommes. C'est une valeur qui fait consensus et qui unit les Québécoises et les Québécois. Nous la soulignons encore une fois en particulier, car c'est souvent cette égalité qui semble être mise en opposition à l'exercice d'autres droits, en particulier la liberté de religion. Et beaucoup des débats qu'on a entendus ces dernières années justement venaient mettre ces deux droits en opposition. Nous répétons donc que nous ne ferons aucun compromis sur cette égalité.
M. le Président, je terminerais en mentionnant que nous aurons l'occasion de procéder à l'étude détaillée de ce projet de loi pour la suite du processus. Nous sommes évidemment disposés à préciser ou clarifier le texte du projet de loi, si cela s'avérait nécessaire, pour permettre de mieux rencontrer les objectifs poursuivis par celui-ci. Je compte sur la collaboration habituelle des représentants de l'opposition pour mener à bien ces travaux en commission parlementaire. M. le Président, je vous remercie de votre attention.
Le Vice-Président (M. Chagnon): Merci, Mme la ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles. J'inviterais maintenant Mme la députée de Rosemont à prendre la parole.
Mme Louise Beaudoin
Mme Beaudoin (Rosemont): Merci, M. le Président. Alors, M. le Président, en effet, ce projet de loi n° 94 a été déposé le 24 mars 2010, soit il y a 10 mois, et les auditions ont commencé le 18 mai dernier, il y a huit mois, pour se terminer le 18 janvier. Nous en sommes, si je puis dire, enfin à l'adoption de principe du projet de loi. C'est un long processus. Et, bien sûr, il y aura éventuellement le discours inaugural. Le leader du gouvernement nous a rassurés en nous disant cependant... Parce qu'on pouvait se poser la question: Qu'est-ce qui va se passer s'il y a un discours inaugural? Est-ce que le projet de loi... Si -- c'est possible -- son étude n'est pas terminée, qu'arrivera-t-il donc de ce projet de loi? Le leader du gouvernement a dit hier, et c'est dans les journaux de ce matin, que ce projet de loi n° 94 sera récupéré, comme c'est possible au gouvernement donc de le faire, parce qu'il est bien possible qu'on n'ait pas terminé l'étude du projet de loi, et ce serait en effet désolant qu'après tout ce travail, après 10 mois, donc, du dépôt du projet de loi, on ne puisse aller au bout de son étude.
Ce projet de loi, M. le Président, il faut le rappeler, vient après un autre projet de loi, le projet de loi n° 16, qui concernait, lui, la gestion de la diversité dans l'administration publique, qui a été présenté... qui avait été présenté par celle qui était alors la ministre de l'Immigration, et qui est, sinon tombé aux oubliettes ou mort au feuilleton... En tout cas, disons que ça fait deux, trois ans, celui-là, qu'il a été déposé et que jamais il n'a été rappelé en cette Chambre. De là les questions que, je pense, on peut légitimement ou on pouvait jusqu'à ce matin légitimement se poser par rapport au projet de loi n° 94, puisque le projet de loi n° 16, il y a deux ou trois ans, a été déposé, on n'en a plus jamais entendu parler. Et là le projet de loi n° 94, s'il y a un discours inaugural, qu'est-ce qui arrive du projet de loi n° 94? Mais je le répète... et j'imagine que le gouvernement va tenir sa parole à partir du moment où le leader du gouvernement nous dit officiellement que, si ce projet de loi n'est pas terminé, si l'étude n'est pas terminée, eh bien, on pourra le reprendre suite au discours inaugural.
Je pense qu'il faut dire aussi, M. le Président, par ailleurs, que nous attendons tous, j'imagine, dans cette Chambre, avec intérêt l'avis que le Conseil du statut de la femme nous a annoncé pas plus tard que la semaine dernière dans La Gazette des femmes. Donc, la présidente, Mme Christiane Pelchat, une de nos anciennes collègues qui est présidente du Conseil du statut de la femme... Vous savez jusqu'à quel point cet organisme est important pour conseiller le gouvernement. Eh bien, le Conseil du statut de la femme, par la voix de sa présidente, dans La Gazette des femmes, nous annonce un avis sur la laïcité. Parce que ça, c'est la vraie question dont on devra et dont on devrait discuter à l'intérieur du projet de loi n° 94. Donc, cet avis du Conseil du statut de la femme sera rendu public d'ici peu.
Alors, je pense que cet avis-là, je ne sais pas s'il tombera avant que nous ayons terminé nos travaux ou après, mais c'est un avis qui va être extrêmement important, qui va être fondamental. Et, si cet avis... Parce que la ministre l'a dit, il y a un vrai débat dans notre société. Il y a deux visions des choses -- je vais y revenir, M. le Président -- qui s'affrontent, pacifiquement, intelligemment, mais qui s'affrontent quand même dans notre société démocratique par rapport au type de laïcité que l'on doit mettre en oeuvre. Les avis, jusqu'ici, du Conseil du statut de la femme ont été assez clairs. Et je vais revenir sur l'avis du conseil concernant le projet de loi n° 94. Alors, je pense que cet avis du Conseil du statut de la femme sur la laïcité aura son importance, parce que, de notre point de vue, M. le Président, la commission Bouchard-Taylor, le projet de loi n° 16 qui est disparu, le projet de loi n° 94 qui est devant nous ne règlent rien. Pour nous, c'est ça, le fondement de l'affaire.
**(12 heures)** La commission Bouchard-Taylor a dit un certain nombre de choses importantes, dont une dont le gouvernement n'a pas tenu compte, qui aurait déjà été il y a... C'est, quoi, il y a trois ans déjà, la commission Bouchard-Taylor a rendu son rapport, et la commission Bouchard-Taylor disait un certain nombre de choses, mais que le gouvernement devait préparer un livre vert sur la laïcité parce que la société québécoise, le peuple québécois voulait... Et c'était une des conclusions que la commission Bouchard-Taylor retenait des audiences nombreuses et variées, je pense qu'il y a eu 400 personnes, groupes qui se sont présentés devant eux. Donc, la commission Bouchard-Taylor disait: Nous en sommes rendus là comme société, il faut ce débat sur la laïcité, il faut un livre vert. Donc, on n'en serait pas là si, il y a trois ans, au moment du rapport, du dépôt, Bouchard-Taylor, il y avait eu de la part du gouvernement la rétention... donc si on avait retenu cette idée-là.
Alors, je dis et répète que ni Bouchard-Taylor, ni la commission, ni le projet de loi n° 16, ni le projet de loi n° 94 ne règlent quoi que ce soit. Il faudra donc un jour l'admettre, et que le gouvernement l'admette, et qu'il prenne ses responsabilités. Sinon, un jour, les successeurs de ce gouvernement devront s'en charger, parce que, M. le Président, il faut aller beaucoup plus loin que ce que nous propose ce projet de loi.
Que dit, M. le Président, ce projet de loi? La ministre en a parlé, ce projet de loi nous parle d'accommodements et nous dit en fait que, dans son article 4... Parce qu'on peut dire qu'il y a deux articles importants. C'est un court projet de loi, d'ailleurs, une dizaine d'articles seulement. Alors, l'article 4 nous dit: «Tout accommodement doit respecter la Charte des droits et libertés de la personne, notamment le droit à l'égalité entre les [hommes et les femmes] et le principe de la neutralité religieuse de l'État selon lequel l'État ne favorise ni ne défavorise une religion ou une croyance particulière.» Il y a deux problèmes déjà, M. le Président, avec cet article 4. Beaucoup de groupes qui sont venus devant nous nous l'ont fait remarquer, certains pour le déplorer puis d'autres pour se demander exactement quelle interprétation on pouvait donner à cet article 4, quand on dit: «Tout accommodement doit respecter la Charte des droits et libertés de la personne, notamment le droit à l'égalité entre les [hommes et les femmes] et le principe de [...] neutralité religieuse de l'État...» Est-ce que ça veut dire qu'il y a une hiérarchisation des droits? Plusieurs se sont posé cette question-là. Puisqu'on ne parle que de deux droits compris dans la charte, qui en contient de multiples, droits, puisqu'on dit «notamment», bien sûr, mais est-ce que ça signifie une hiérarchisation des droits?
En ce qui me concerne, personnellement, le droit à l'égalité entre les hommes et les femmes doit primer le droit à la liberté de religion. Je ne m'en cache pas, je crois que c'est vraiment un droit qui doit avoir préséance sur l'autre. Mais la ministre a dit et répété: Non, il n'y a pas de hiérarchisation des droits, même si l'on mentionne plus précisément en mettant «notamment» deux droits particuliers. Alors, avec ce premier droit d'égalité entre les hommes et les femmes, plusieurs ont donc posé la question: Qu'est-ce que ça veut dire? Puisque vous le mettez là, c'est parce que c'est important. Est-ce que c'est plus important que les autres droits, que vous ne mentionnez pas dans cet article 4? La réponse, ça a été: Non, il n'y a pas, donc, de hiérarchisation des droits.
Moi, je prétends... Parce qu'on me dit: Ah! la charte canadienne, et la charte québécoise, ne permet pas cette hiérarchisation des droits, moi, je réponds que je ne crois pas que ce soit dans le testament d'Adam et Ève que la hiérarchisation des droits ne peut pas exister. C'est... c'est... Les altermondialistes, pour parler d'eux, depuis longtemps prétendent que les droits humains en général doivent primer les droits commerciaux des entreprises. Ça fait longtemps qu'il y a toute une partie de la population et de la planète, d'ailleurs, qui nous disent: Écoutez, le droit de manger, le droit de se vêtir, le droit d'avoir un toit, d'avoir de l'eau, des choses aussi élémentaires, de base doivent primer les droits commerciaux, qui dans... L'Organisation mondiale du commerce, par exemple, on nous explique que ce sont les droits commerciaux qui doivent avoir préséance sur les autres droits. On peut contester ça dans une société démocratique, d'ailleurs. Et puis, dans le moment se tient le Forum social mondial à Dakar, et je peux vous dire qu'il y a là peut-être 100 000 personnes et un certain nombre de Québécois qui disent: Non, les droits humains doivent primer les droits économiques des entreprises en particulier. Alors, ça se pose comme question. Et beaucoup, donc, de groupes sont venus devant nous et l'ont posée.
Quant au principe de la neutralité religieuse, le problème, M. le Président, c'est qu'il n'apparaît nulle part, dans aucun de nos textes formels. Il est déduit. Je ne suis pas avocate et puis je le sais que je ne suis pas une spécialiste, mais, en tout cas, si je comprends bien, c'est que ça se déduit de la jurisprudence. Mais ce n'est pas inscrit. Et là parlons-en. La charte, par exemple, québécoise des droits et libertés ne dit pas: Le Québec est un État laïque. Ce n'est dit à nulle part, ni dans la charte ni ailleurs. On en déduit ça. La moindre des choses, si l'on prétend que le Québec est un État laïque, eh bien, il faut le dire, il faut l'inscrire dans des textes. C'est aussi important que d'autres droits ou que d'autres affirmations qui sont faites dans nos multiples lois. Donc, il faut inscrire la laïcité de l'État dans nos textes, ce qui n'est pas fait. Donc, disons que l'article 4 pose déjà de très gros problèmes.
Quant à l'article 6, moi, bien évidemment, je pense que c'est élémentaire. Ça va sans le dire. C'est juste du gros bon sens de dire qu'on doit donner et recevoir des services publics à visage découvert. Je m'étonne encore sincèrement et candidement qu'il y ait beaucoup de groupes, et je vais en parler, qui sont venus nous voir pour nous dire: Mais non, ce n'est pas une bonne idée, et puis qu'il n'y a pas de raison. Surtout donc parce qu'il est question de sécurité. Oui, peut-être, la sécurité, certains vont vous dire, mais, pour ce qui concerne la communication, non, pas vraiment, etc. Il y a eu beaucoup de débats là-dessus en commission parlementaire.
Mais, moi, ce sur quoi j'accroche, là-dessus, c'est que... bon, c'est au nom de la liberté de religion, bien évidemment, que les femmes qui portent le niqab et la burqa veulent le porter, puisqu'elles prétendent, certaines de ces femmes, que c'est donc un précepte de leur religion. Plusieurs sont venus nous dire en commission parlementaire -- et là, encore une fois, très franchement je ne suis pas une spécialiste des sciences de la religion et je ne connais pas très bien ces choses, je les respecte, mais je ne les connais pas très bien -- mais que c'était faux, que ce n'était pas franchement un précepte. En tout cas, il y a eu des avis contradictoires sur la question en commission parlementaire. Bon.
Mais ce qui m'a frappée, c'est l'argument justement du Conseil du statut de la femme à ce sujet-là. Parce que ce que nous disait Mme Pelchat, elle disait qu'elle ne donnerait pas, et le conseil, son aval à un projet de loi qui aurait pour effet d'interdire un seul signe religieux, c'est-à-dire le niqab et la burqa, celui porté par des femmes, et de permettre tous les autres portés par des femmes ou par des hommes. Cela discriminerait doublement les femmes, femmes et musulmanes. Un vrai problème. C'est le Conseil du statut de la femme qui nous le dit. Mais plusieurs sont venus nous le répéter. Donc, d'entrée de jeu, quand même, la ministre, je pense qu'elle le sait, puisqu'on a passé en effet beaucoup de temps ensemble en commission parlementaire, d'ailleurs qui s'est fort bien déroulée et qui a été très, très intéressante. La ministre a dit «intense». C'est vrai aussi, parce que ce sont des débats qui sont intéressants mais qui provoquent aussi une certaine dose d'intensité.
**(12 h 10)** Alors, je pense qu'il faut se poser donc un certain nombre de questions par rapport à ce projet de loi. Et, quand la députée de Joliette et moi-même, au moment du dépôt du projet de loi n° 94 et même après 68... après avoir entendu pendant des jours et des jours 68 mémoires... on n'a pas changé d'idée. C'est ce que j'ai dit dès le départ, et je vais le répéter... nous l'avons dit donc en conférence de presse, la députée de Joliette et moi-même, dès le dépôt du projet de loi: Notre interprétation, c'est que ce n'est pas grand-chose, ce projet de loi qui est décevant, qui ne change rien à l'état actuel des choses, qui consacre le statu quo, qui ne clarifie rien, alors qu'il aurait fallu un geste audacieux, un geste courageux, et que, pour opérer un vrai changement, pour donner de réelles balises, de réelles indications, une vraie pierre d'assise, il aurait fallu amender la charte québécoise des droits et libertés pour y affirmer les valeurs fondamentales de la nation québécoise, dont, bien évidemment, la laïcité de l'État, parce qu'on retrouve dans la Charte des droits un certain nombre de valeurs fondamentales québécoises, mais on ne retrouve pas, je le répète, la laïcité de l'État.
Donc, ça peut codifier ce qui existe. Le Barreau en effet est venu nous dire que ça avait une valeur pédagogique dans ce sens-là, mais, au-delà de ça, ça ne veut pas dire grand-chose, et c'est pour ça qu'on souhaiterait... et ce qu'on souhaitera bien évidemment, en commission parlementaire, nous allons proposer -- je pense que la ministre s'y attend -- beaucoup d'amendements qui vont aller dans le sens de ce renforcement. Parce que, quand on parle justement de l'article 6, il est intéressant de noter qu'immédiatement après avoir dit: «Est d'application générale la pratique voulant qu'un membre du personnel de l'administration gouvernementale ou d'un établissement et une personne à qui des services sont fournis par cette administration ou cet établissement aient le visage découvert lors de la prestation des services»... Ça, comme je l'ai dit, ça va de soi, ça me semble tellement évident, c'est le gros bon sens. Mais là, tout de suite dans le deuxième paragraphe -- parce qu'il y a un deuxième paragraphe à l'article 6, et c'est pour ça qu'on dit, dans le fond: Ça ne change rien: «Lorsqu'un accommodement», donc déjà on vient, en tout cas, atténuer, non pas contredire, mais atténuer cette règle d'application générale que je viens de vous lire, M. le Président, et on dit: «Lorsqu'un accommodement implique un aménagement à cette pratique, il doit être refusé si des motifs liés à la sécurité, à la communication ou à l'identification le justifient.» Donc, immédiatement après avoir énoncé un principe, on revient avec cette idée donc d'accommodement.
Par conséquent, ce que nous avions dit, la députée de Joliette et moi-même, dès le départ, on le maintient donc pour l'instant en espérant que, lors de la commission parlementaire, article par article, quand nous allons proposer ces nombreux amendements, que la ministre sera ouverte à ces amendements. Et je reviens donc sur l'avis... sur le mémoire du Conseil du statut de la femme et sur ce que Mme Pelchat nous a dit en commission parlementaire: Attention à ne pas doublement discriminer qu'un seul signe religieux et des femmes, donc des femmes de religion musulmane.
M. le Président, à propos des mémoires que nous avons reçus, il est intéressant de s'en faire un grand tableau, parce que jour après jour on entend, on écoute, on discute, on échange, on dialogue, tout ça est passionnant, mais à un moment donné il faut faire le bilan. Il y en a eu 68, mémoires, qui ont été déposés. Alors, pour certains de ces groupes et individus -- parce qu'il n'y avait pas seulement des groupes, mais des individus -- le projet de loi n° 94, il est inutile, insuffisant, incomplet et voire discriminatoire, comme je vous l'ai expliqué. Pour d'autres, je l'ai dit aussi, il ne fait que codifier une jurisprudence déjà établie en matière d'accommodements.
Au final, et c'est ça que je retiens des auditions, le projet de loi, dans sa version actuelle, n'a satisfait qu'une minorité des intervenants. Nombreux également sont ceux qui ont demandé à ce que le gouvernement carrément retire ce projet de loi et tienne un véritable débat sur la laïcité, assorti, pour certains, de la mise en place, comme nous le proposons, d'une charte de la laïcité.
Alors, quand on regarde ce tableau que j'ai fait faire, on voit qu'il y en a plusieurs donc en effet qui disent: Ça ne va pas assez loin, ça ne règle rien. Il y en a d'autres qui demandent un véritable débat sur la laïcité au Québec, comme la commission Bouchard-Taylor le faisait; un livre blanc ou un livre vert. D'autres qui ont dit: C'est inutile, ça ne fait que codifier la jurisprudence actuelle en matière d'accommodements raisonnables. Et certains ont dit: La portée de la loi est très incertaine, dont le syndicat... donc, la Fédération des travailleurs du Québec qui nous a dit ça.
Mais il y en a qui ont dit, je le répète: Ça va trop loin et ça entraîne un problème de hiérarchisation des droits. Il y en a au moins, là, cinq, six, sept groupes et individus qui nous ont dit ça: Ça entraîne un problème de hiérarchisation des droits. Et enfin plusieurs aussi nous ont dit: Ça va trop loin, c'est discriminatoire envers les femmes musulmanes, les musulmans ou les minorités religieuses.
Alors, les 68, si je résume, M. le Président, c'est quand même beaucoup de monde, là. Il y a beaucoup de gens qui sont interpellés par ça. Ceux qui sont, disons, globalement, grosso modo, contre -- on verra si la ministre a les mêmes chiffres, elle a dû faire faire le même exercice, je ne peux pas croire -- il y en a 43 sur les 68. Bon. Ceux qui sont pour, avec... bon, demandant... comme, vous le savez, la Commission des droits de la personne, par exemple, qui a demandé un certain nombre d'amendements... Mais disons que, si on comptabilise tous ceux qui, grosso modo, sont pour, il y en a une vingtaine. Et il y en a quand même cinq, six qui sont carrément indéterminés, qui ne savaient pas trop ou qu'il est difficile, en tout cas en relisant leurs mémoires, de savoir exactement ce qu'ils en pensent.
Donc, 43 qui sont contre pour une vingtaine qui sont pour. J'espère que le gouvernement va se poser des questions, parce que ce sont, bien sûr, tous les syndicats qui sont venus, mais aussi beaucoup de groupes de communautés culturelles, beaucoup de groupes féminins, féministes. On sait que les féministes... Moi, je dis souvent: Je suis féministe canal historique, hein, compte tenu de mon âge. Alors donc, j'ai un long parcours, très historiquement daté, mais qui est toujours d'actualité, bien sûr, de mon point de vue, concernant le féminisme. Bon, il y a le Conseil du statut de la femme, il y a la Fédération des femmes du Québec qui a un avis contraire, mais il y a beaucoup de groupes féministes et même des groupes féministes chercheurs.
L'Institut Simone-De Beauvoir, moi, j'ai cru franchement que Simone de Beauvoir se retournerait dans sa tombe, compte tenu du mémoire qui nous a été présenté par cette chaire Simone-De Beauvoir, qui est installée à Concordia. Mais heureusement, de mon point de vue toujours, il y avait la chaire Bonenfant... Claire Bonenfant, qui a été la première... qui n'était pas de tout repos non plus, M. Lévesque pourrait vous le confirmer dans l'au-delà, qui n'était pas non plus de tout repos comme présidente du Conseil du statut de la femme. Mais, moi, je prétends que ces organismes-là -- c'est pour ça d'ailleurs qu'il ne faut pas les abolir -- sont là pour nous dire un certain nombre de vérités que des ministères puis des fonctionnaires n'oseront pas, donc que cette distance par rapport au pouvoir exécutif est extrêmement importante pour les parlementaires et qu'il faut les entendre et les écouter. Donc, la chaire Claire-Bonenfant, qui est, elle, à l'Université Laval, avait un avis diamétralement opposé à la chaire Simone-De Beauvoir.
Donc, il y a eu, comme je vous le dis, beaucoup de discussions: le Barreau, bien évidemment, qui est venu nous rencontrer, la Fédération des commissions scolaires, l'ACFAS, enfin tout ce que le Québec compte finalement d'organismes de la société civile. Et ce qui est bien, vous le savez tous comme parlementaires, c'est que, dans ces commissions-là, on peut même accueillir des individus, des citoyens, qui sont souvent, vous le savez sûrement, M. le Président, qui sont souvent intimidés, les premières minutes pendant lesquelles ils prennent la parole, parce que là ils sont... Souvent d'ailleurs ils sont loin, ils sont à distance de nous, ils arrivent dans leur maison, qui est la maison du peuple finalement, mais, au bout de quelques minutes, je pense qu'on réussit à les mettre à l'aise, ils nous disent vraiment ce qu'ils pensent, et je trouve extrêmement important, la ministre était bien d'accord, que de simples individus viennent devant nous sur une question aussi fondamentale, nous... prendre la parole... prendre la parole devant nous.
Alors, c'est ça, M. le Président, que personnellement, avec ce tableau, que je peux retenir de ces auditions et donc de ces auditions qui devraient, je le souhaite, je le répète, faire en sorte que la ministre accepte, quand on sera à l'étude article par article, un certain nombre de changements à son projet de loi. Parce que sinon, très franchement, il est très léger.
**(12 h 20)** Le fond des choses, maintenant. Bon, le fond des choses, c'est de ça dont on a discuté, parce que les gens venaient, et puis rapidement, bien, on savait ce qu'ils pensaient de l'article 4, de l'article 6, mais les discussions qui suivaient et le dialogue qui s'ensuivait étaient en général beaucoup plus larges et touchaient au fond des choses.
Le fond des choses, M. le Président, ce sont les accommodements religieux, la place du religieux dans nos sociétés démocratiques et laïques. La place du religieux non pas dans l'espace privé, bien évidemment, M. le Président, non pas dans nos lieux de culte à tous les Québécois, tous ceux en tout cas qui ont des convictions religieuses, ce n'est pas une question qui se pose, elle est évidente, et même dans les lieux publics. Je l'ai répété souvent: Que ce soit dans la rue, que ce soit au marché, que ce soit au parc, c'est pour moi des lieux où l'on peut exprimer donc ses convictions, d'abord que ça respecte en effet les droits d'autrui et que les lois sont respectées. Mais ce dont on parle quand on parle de la laïcité de l'État, quand on parle de la neutralité de l'État, c'est l'espace civique, c'est-à-dire cet espace dans lequel on interagit entre l'État et ses agents et les citoyens, donc cet espace civique. Je pense que c'est une distinction qui est utile, entre les différents espaces, quand on parle de la place du religieux dans nos sociétés.
Et là, bien sûr, on en vient à parler du multiculturalisme, parce qu'il y a beaucoup de groupes qui sont venus... D'ailleurs, je pense à ce groupe sikh qui nous a quand même laissé son mémoire et dans lequel on pouvait lire -- et c'était le cas de plusieurs, là, je le dis bien sincèrement: Au nom du multiculturalisme, donc, ce projet de loi, il faut le retirer, au nom du multiculturalisme, parce qu'il va trop loin. Ça faisait partie des groupes qui disent: Ça va trop loin.
Au nom du multiculturalisme. Multiculturalisme, c'est un beau concept en soi, mais il est très, je dirais, chargé d'histoire ici, au Québec et au Canada. Vous vous rappellerez sûrement, vous avez l'âge pour ça, M. le Président, que c'est Pierre Trudeau qui, dans les années soixante-dix, a créé cette politique du multiculturalisme, a fait en sorte que le multiculturalisme se retrouve dans la Charte canadienne des droits et libertés et que ce multiculturalisme est devenu au fil du temps, au fil des ans, je dirais, comme un mythe fondateur du Canada, du Canada actuel tel qu'on le conçoit et tel qu'on le vit. Et je vous lis l'article 27 de la Charte canadienne des droits et libertés, qui est constitutionnalisée, comme vous savez, puisque la charte fait partie de la Constitution canadienne. Et j'ajoute, tout le monde sait ça ici, dans cette Chambre, mais j'ajoute que, parce que c'est important, jamais l'Assemblée nationale du Québec ni le gouvernement du Québec, quel qu'il soit, n'a-t-il, depuis 1982, au moment du rapatriement de la Constitution et de l'inclusion de la charte dans cette Constitution, de la Charte canadienne des droits et libertés, jamais nous n'avons accepté, comme parlementaires et comme gouvernement, cette nouvelle Constitution. Depuis 1982, le Québec n'a pas reconnu, n'a pas voté, n'a pas accepté cette Constitution canadienne qui inclut le multiculturalisme et qui dit ceci, article 27: «Toute interprétation de la présente charte doit concorder avec l'objectif de promouvoir le maintien et la valorisation du patrimoine multiculturel des Canadiens.» C'est donc, le multiculturalisme, M. le Président, une valeur canadienne. Mais est-ce une valeur québécoise? Moi, je ne crois pas. Je crois que les Québécois, ce qu'ils souhaitent, dans leur très grande majorité... Pas tous, j'en suis très consciente, puisqu'il y en a beaucoup, de groupes qui sont venus nous dire: Au nom du multiculturalisme. Mais j'étais suffoquée à chaque fois, disant: Mais de quoi parlent-ils? Ce n'est dans aucun texte québécois, le multiculturalisme, sa valorisation, son maintien, sa promotion, etc. Mais, comme la charte canadienne a plus ou moins préséance sur la charte québécoise des droits et libertés, quand on arrive en Cour suprême -- et on en reparlera -- eh bien, c'est au nom du multiculturalisme. Et j'ai ici d'ailleurs, sur le kirpan, une décision de la Cour suprême qui fait appel, qui invoque cette notion du multiculturalisme.
Nous sommes au coeur des valeurs essentielles du Québec et du Canada, qui sont à cet égard distinctes et différentes. Parce qu'à moins que je me trompe, mais la ministre pourra nous le dire, quand je dis que, la majorité, la vaste majorité des Québécois, ce à quoi ils croient, c'est à un certain nombre de valeurs communes et que l'interculturalisme, ça ne peut pas être, comme Charles Taylor l'a dit -- puis je l'ai entendu à CBC Newsworld un jour -- que c'était le multiculturalisme canadien «with a twist», c'est-à-dire plus la loi 101. Daniel Weinstock aussi, qui était membre de la commission Bouchard-Taylor, certains d'entre eux ont dit... pas Gérard Bouchard cependant, c'est différent, sa conception, très différent... Mais ça ne peut pas être ce à quoi on croit au Québec, que... le multiculturalisme canadien plus la loi 101, c'est-à-dire la prédominance de la langue française, ce n'est pas vrai. Il y a d'autres valeurs, des valeurs communes et des valeurs, je dirais, d'intégration.
Parce que le multiculturalisme, sincèrement, de mon point de vue -- puis c'est un débat, puis c'est un vrai débat qu'on a là, parce que c'est l'avenir du Québec qui est en cause, à mon avis -- le multiculturalisme, c'est ce qui fragmente nos sociétés, c'est ce qui divise les sociétés, c'est ce qui renvoie chacun à sa communauté d'origine. Je l'ai dit souvent, et je faisais sourire la ministre: Moi, Louise Beaudoin, canadienne française catholique. Coudon, non, je suis Québécoise, je suis une citoyenne québécoise. Et ce que je veux, c'est que tous les Québécois appartiennent à cette nation québécoise, dans une notion d'égalité, bien sûr, des citoyens et que...
Le multiculturalisme, ça mène au communautarisme multiconfessionnel, et ça, c'est très frappant. Parce que vous savez, je le pense, qu'à la législature de l'Ontario, à Queen's Park... Quand on commence les séances, les sessions de cette législature, enfin de ce Parlement à Queen's Park, il paraît qu'il y a, me dit-on, sept prières qui se disent, pour justement respecter la diversité ethnique, religieuse, etc. Ici, qu'est-ce qu'on a choisi de faire? Puis, pour moi, c'est très emblématique et c'est très symbolique, eh bien, René Lévesque, dans les années donc 1970, a dit: Eh bien! non, ici, on va avoir, puis pour tout le monde, un moment de recueillement, in petto, en chacun, pour soi-même, pendant une minute, nous nous recueillons.
Mais, pour moi, la vraie diversité, elle est là, hein, M. le Président, c'est que chacun, donc, soit très à l'aise de se recueillir. Ceux qui n'ont pas de conviction religieuse particulière, bien, pensent, je ne sais pas à quoi, mais en tout cas peuvent penser à ce qu'ils souhaitent, je ne sais pas, un recueillement, un moment humaniste, disons, un moment humaniste de recueillement, pour ceux qui n'ont pas de conviction religieuse particulière, et les autres peuvent se recueillir en fonction de leur propre religion. Ça, pour moi, c'est la voie à suivre, et ça doit être décliné, si je peux dire, un peu partout dans notre société.
Pour revenir au multiculturalisme, qui, comme je le conçois et comme je le constate, fragmente et divise les sociétés en renvoyant chacun à sa communauté d'origine, je veux vous dire: Une femme aussi posée -- je ne parle pas de moi, là -- une femme aussi posée qu'Angela Merkel... Angela Merkel, c'est une...
Des voix: ...
**(12 h 30)**Mme Beaudoin (Rosemont): Ce n'est pas l'opinion de tout le monde que je sois une femme posée, mais là, vous le constatez, je le suis, M. le Président. Alors, Angela Merkel, qui est, comme vous le savez, donc au pouvoir en Allemagne... depuis combien de temps?, depuis de nombreuses années, Angela Merkel a osé dire, il y a un certain temps, que le multiculturalisme était un échec en Allemagne.
Et, encore plus surprenant, M. le Président, David Cameron... Alors là, la mecque, si je peux dire, du multiculturalisme mondial en dehors du Canada, c'est la Grande-Bretagne. Ils ont érigé ça, eux aussi, ils ont sanctifié en quelque sorte le multiculturalisme. Bien, David Cameron, pas plus tard que le 6 février -- c'est donc très récent, il était à Munich pour une réunion -- donc, comme la chancelière allemande Angela Merkel en 2010, a dénoncé l'échec de la politique du multiculturalisme dans son pays.
David Cameron, le jeune et dynamique nouveau premier ministre de Grande-Bretagne, il a plaidé en faveur d'«un libéralisme plus actif, plus musclé», pour défendre activement l'égalité des droits, le respect de la loi, la liberté d'expression en démocratie et surtout renforcer -- je crois rêver -- l'identité nationale au Royaume-Uni. Imaginez-vous que, si la Grande-Bretagne a besoin de renforcer son identité nationale puis que le premier ministre le dit, eh bien, là, je dois franchement avouer qu'il serait temps qu'on s'en occupe, nous autres aussi.
Et je continue la citation de David Cameron: «Avec la doctrine du multiculturalisme d'État -- qui est celle du Canada aussi; il ne dit pas ça; ça, c'est moi -- nous avons encouragé, dit-il, différentes cultures à vivre séparées les unes des autres» et du reste de la population. Je pense qu'on devrait y réfléchir, M. le Président. Et cela a conduit, selon lui, à un déficit d'identité nationale en Grande-Bretagne.
Sans parler, M. le Président, d'un des plus grands écrivains québécois contemporains, qui s'appelle Neil Bissoondath, et qui est né... je crois que ce n'est pas en Jamaïque, mais dans une des îles des Caraïbes. Neil Bissoondath, que je connais, que j'ai rencontré, parce que, je vous dis, là, en même temps je fais la promotion de son dernier livre, qui s'appelle La clameur des ténèbres -- en français, c'est traduit chez Boréal, qui est son éditeur. C'est un livre absolument génial sur la question des identités, justement.
Et Neil Bissoondath, en pleine ascension du multiculturalisme d'État, au Canada, donc en 1994, il sonnait l'alarme dans un essai particulièrement percutant intitulé Selling Illusions et, en français, je pense, c'était... c'était... Le marchand des illusions, quelque chose comme ça.
Mais ce qui est important dans tout ça, c'est de voir justement où mène le multiculturalisme. Est-ce que c'est là que le Québec veut aller, hein, des communautés qui vivent séparées, ou est-ce qu'on veut la mixité? Est-ce qu'on veut le métissage serré, comme dit l'humoriste, là, québécois d'origine sénégalaise, qui s'appelle Diouf en tout cas, au moins je me souviens de son nom, eh bien, il dit: «Il faut, au Québec, un métissage serré.» Moi, je trouve ça formidable. Je suis pour le métissage. C'est l'idéal de société dans lequel je veux vivre. Mais, pour ça, il faut se... il faut qu'il y ait une mixité, il faut qu'on se voie, il faut qu'on se rencontre, il faut qu'on se mélange. Bon.
Alors, au nom de cette intégration, au nom de cette intégration, M. le Président, je pense que ce que ces groupes sont venus nous dire au nom du multiculturalisme, eh bien, il ne faut pas accepter ça, et là il y a un malentendu original, si je puis dire. Ce n'est pas ça qu'on veut. C'est peut-être ce que le Canada veut, mais ce n'est pas ce que le Québec veut. Bon. Moi, je souhaite que le Québec devienne un pays souverain, mais en attendant je souhaite ardemment qu'on n'accepte pas ce qu'on est venu nous dire en commission parlementaire: qu'au nom du multiculturalisme... Comme si le Québec n'existait pas, comme si, sur le territoire du Québec, il n'y avait pas une autre vision des choses.
Et ma crainte, et c'est ça que je remarque, ma crainte, c'est que... en tout cas, moi, à Montréal, j'y vis, et ce que je vois, c'est que tout le monde se croit vivre dans ce multiculturalisme qui mène exactement à ce qu'Angela Merkel et ce que David Cameron ont dit: à l'échec de l'intégration dans nos sociétés puis à un déficit d'identité nationale.
Alors, M. le Président, donc je crois que c'est extrêmement important de dire que cette laïcité que prône le gouvernement, eh bien, pour moi, ce n'est pas une laïcité ouverte, puis je vais vous expliquer pourquoi, tandis que celle, en la définissant, qui est la nôtre, pour moi, c'est une laïcité inclusive. Ce n'est pas une laïcité fermée, ce n'est pas une laïcité tout court... Une laïcité inclusive.
Alors, la différence entre les deux, M. le Président: d'abord, la laïcité ouverte, qui est un peu un concept que la commission Bouchard-Taylor justement a mis sur la table, eh bien, le gouvernement est en deçà avec son projet de loi n° 94, très en deçà, parce que Bouchard-Taylor reconnaissait et ouvrait une brèche dans les politiques du gouvernement. Parce que la ministre a réaffirmé, puis elle l'a dit encore ce matin, qu'elle croit et puis que le gouvernement croit que le port de signes religieux ostentatoires dans la fonction publique doit être permis, bon. Ils appellent ça la laïcité ouverte.
Mais je vous ferais remarquer, M. le Président, que, dans Bouchard-Taylor, ce que disent les commissaires, c'est que, minimalement -- ça vaut pour vous parce qu'ils parlent des vice-présidents de l'Assemblée nationale -- étant donné l'autorité qu'ils exercent -- voilà, la vôtre entre autres -- et l'apparence de neutralité, donc, que doivent avoir le président et les vice-présidents de l'Assemblée nationale, mais aussi les juges -- ah! les juges -- les policiers, les gardiens de prison... Il y en avait en tout cas une série. La commission Bouchard-Taylor a dit: Non, eux ne peuvent pas et ne doivent pas porter, dans l'exercice de leurs fonctions, des signes religieux ostentatoires.
Eh bien, dans le projet de loi du gouvernement, on est bien en deçà de ça. On peut discuter longtemps c'est quoi, M. le Président, l'exercice de l'autorité dans nos démocraties. Moi, je prétends qu'un professeur qui est devant des étudiants, quand on passe minimalement, en tout cas, jusqu'à l'âge de 16 ans... disons, de l'âge de quatre, cinq ans jusqu'à l'âge de 16 ans, dans des écoles, que l'autorité -- si ça ne se fait pas, ça devrait se faire, en tout cas, dans nos écoles -- l'autorité est exercée par des professeurs, par des enseignants, par des maîtres, et que cette figure d'autorité... Je ne sais pas si je vais avoir affaire à des policiers -- je ne le souhaite pas -- durant ma vie; à des juges non plus, pas particulièrement, surtout que mon père était juge, alors donc, bien sûr, j'en fréquentais.
Mais je pense que ce qu'on est sûrs et certains d'avoir comme figure d'autorité dans nos vies, eh bien, ce sont des enseignants, ce sont des professeurs, et, par conséquent, la moindre des choses, c'est que, dans nos écoles, nos écoles qu'on a déconfessionnalisées dans un long processus, justement, qui a commencé en 1997 puis qui a dû se terminer à peu près en 2005, au nom de l'ouverture à la diversité... C'est au nom de l'ouverture à la diversité, parce que c'étaient des catholiques et des protestants qui avaient des commissions scolaires catholiques puis des commissions scolaires protestantes. On les a rendues linguistiques, nos commissions scolaires, parce qu'on voulait accueillir le monde entier. Parce qu'avec raison on nous a reproché, à partir du XIXe siècle, quand il y a eu de plus en plus de vagues d'immigrants qui sont venus, de nouveaux arrivants qui sont venus avec nous pour écrire l'histoire de ce pays qu'est le Québec... eh bien, on leur fermait la porte parce qu'ils n'étaient pas de la bonne religion! Alors que ça a pris jusqu'en 1997, M. le Président, pour laïciser, pour déconfessionnaliser nos écoles, eh bien, ce n'est pas par la porte d'en arrière qu'on va les reconfessionnaliser en permettant donc à des maîtres qui ont l'autorité de porter des signes religieux ostentatoires.
Et je fais la différence, M. le Président, entre ces convictions religieuses personnelles et leur expression. Je ne demande à personne, bien évidemment, en rentrant dans une salle de classe ou en rentrant dans un ministère le matin, d'abdiquer, de 9 heures à 5 heures, ses convictions relieuses. Ce qu'on demande, c'est que l'expression soit mise entre parenthèses pour les raisons que Bouchard-Taylor ont bien expliquées dans certains cas, mais qui, à mon avis, vaut pour l'ensemble de la fonction publique. Alors, c'est là, M. le Président, que, je dirais, il y a une ligne de faille, qu'il y a une fracture -- la ministre le sait très bien -- entre le gouvernement, le Parti libéral, l'opposition officielle et le Parti québécois, et donc ce débat-là, ce débat-là sur la laïcité, nous devons donc l'avoir.
**(12 h 40)** Quand je dis que la laïcité, la laïcité telle que je la conçois, doit être inclusive et qu'elle est inclusive dans sa définition même parce qu'elle inclut tous les Québécois, quelle que soit justement leur origine... On ne fait pas de distinction. On les traite donc, tout le monde, sur un pied d'égalité. La liberté de conscience, ça existe aussi dans une société pluraliste comme la nôtre. Bon. Donc, on traite tout le monde sur un pied d'égalité. On les considère tous comme des citoyens d'un même État, d'une même nation. C'est ce qui rassemble, me semble-t-il. Et ce qui nous ressemble, c'est-à-dire, et je le dis souvent, bien, c'est cette humanité partagée. Je veux dire, on est, disons, un homme ou une femme, bon, ça, c'est comme ça, mais, sinon, on peut, me semble-t-il, avoir plusieurs traits qui... valeurs dans nos sociétés qui nous rassemblent. Et c'est dans ce sens-là que la laïcité, telle que je la conçois, est une ouverture à l'autre, est une ouverture à l'altérité qui permet, comme je le disais tantôt, le mélange, le métissage. Et c'est le multiculturalisme qui est la fermeture à l'autre. Donc, je pense que ça pose en profondeur... Le débat qu'on a aujourd'hui pose en profondeur la question du genre de société dans laquelle on veut vivre, la question du Québec de demain, une nation plurielle, majoritairement francophone.
Et je veux vous dire, M. le Président, avant de terminer, que toute cette question de la laïcité, elle fait partie de l'histoire du Québec, parce que... Et, pour moi, c'est une condition du pluralisme, hein? C'est la condition... Je vous l'ai dit par rapport à l'école. C'est le plus bel exemple qu'on peut trouver: c'est l'école qu'on a déconfessionnalisée au nom de la diversité québécoise. Alors, la défense des idéaux laïcs, ça ne date pas d'aujourd'hui. Je veux seulement vous faire un petit historique, parce que ça me semble important, parce qu'on dit souvent: Bien, vous arrivez avec ça, la laïcité, là, puis d'où est-ce que ça sort? Puis ce n'est pas québécois, ça, ça doit être importé de la France, de la France impie, etc. Puis, pour tous ceux qui n'aiment pas la France -- ce n'est pas mon cas, comme vous savez -- alors, ça fait effet de repoussoir. Mais, dans ce temps-là, je parle de la Belgique, parce que la Belgique fait exactement, et l'ensemble de l'Europe d'ailleurs fait exactement le même cheminement qu'on est en train de faire ici aujourd'hui, où on parle franchement de questions extrêmement structurantes, M. le Président.
Donc, dès la déclaration d'indépendance de 1838, des Patriotes, le principe a été défendu donc par les Patriotes, le principe de la séparation de l'Église et de l'État, et ensuite par l'Institut canadien, avec Louis-Joseph Papineau, avec Louis-Antoine Dessaulles, avec Arthur Buies, avec tous ces gens qui ont fait donc notre histoire au XIXe siècle. Et je veux dire aussi donc à nos amis d'en face, aux libéraux, que c'est Adélard Godbout, soutenu par son ministre T.-D. Bouchard, qui va tenir tête à l'époque à l'Église catholique, tenir tête en accordant le droit de vote des femmes.
Puis, en passant, d'ailleurs, vous savez très bien, parce qu'on me dit souvent: Oui, mais il y a des femmes qui... Je le disais, la Fédération des femmes peut avoir une position dissidente par rapport à celle du Conseil du statut de la femme sur le type de laïcité que, moi, je souhaite et que je veux inclusive. Eh bien, il y a des femmes, et je suis sûre que vous le savez, qui étaient contre le vote des femmes en 1944. Contre. Contre. Elles disaient: Bien non, nous, on n'a pas besoin de ça. Puis mon mari fait ça très, très bien pour moi, mon conjoint, enfin, etc. Est-ce que c'était une raison pour laquelle il ne fallait pas donner le droit de vote des femmes? Ce n'est pas parce que certaines femmes ne sont pas d'accord à certains moments... Le féminisme, c'est l'émancipation. Le droit de vote des femmes, ça allait dans le sens de l'émancipation. Pour moi, la laïcité, ça va dans le sens de l'émancipation des femmes. Regardez l'Iran puis regardez le Québec: on voit la différence, là, quand on regarde les deux extrêmes, si je peux dire. Bon.
Alors, je crois que c'est important de se rappeler ça, qu'il ne faut pas attendre l'unanimité. Il faut que la société ait, je dirais, un consensus minimal. Et je crois très sincèrement que, sur le port de signes religieux ostentatoires, qui réfère souvent, pas tout le temps, mais au droit à l'égalité entre les hommes et les femmes, qui doit avoir préséance, je le répète, sur la liberté de religion, eh bien, oui, la société québécoise dans sa majorité, dans même sa grande majorité est rendue là.
Je continue, parce que le Refus global, qui a été un moment charnière dans notre histoire aussi, et ça préfigure la Révolution tranquille, que le Refus global, eh bien, c'était l'affranchissement aussi dans le sens de la laïcité. Et donc l'État... l'idée d'un État laïque, là, ça... de le déclarer, de le dire, ça ne vient pas d'aujourd'hui puis ça ne vient pas de nos débats en commission parlementaire sur le projet de loi n° 94. Donc, pour moi, l'État, si on le déclare laïque, l'État n'est pas désincarné. L'État s'incarne pas ses agents, par ses fonctionnaires, et c'est cette incarnation de l'État... Et il me semble en tout cas qu'il ne doit pas y avoir un double régime et qu'on ne doit pas stigmatiser qu'une partie des femmes par l'article 6. Et là c'est pour ça que nous souhaitons que l'ensemble des signes religieux ostentatoires soient interdits dans la fonction publique.
Et je ne crois pas, et je reviens là-dessus, que l'école publique, que l'on veut neutre, que l'on a déconfessionnalisée, le soit si le corps enseignant ou les membres de la direction affichent ouvertement leur adhésion à une religion ou même leur athéisme. Ce n'est pas la place, ce n'est pas l'endroit, il ne faut pas faire ça.
Alors, je... Puis d'ailleurs je fais remarquer que, dans la Loi de la fonction publique, il y a un certain nombre de droits et devoirs pour les fonctionnaires. Être fonctionnaire, c'est un choix. Personne n'est obligé d'être fonctionnaire. Bon. Alors, si on fait ce choix-là, bien, il y a un certain nombre de droits et devoirs qui viennent avec, dont, dans la Loi de la fonction publique, l'interdiction de manifester ses convictions politiques. C'est clair dans la Loi de la fonction publique. Et le Syndicat de la fonction publique, nos fonctionnaires sont venus nous dire qu'ils souhaitaient en effet que soit étendue aux convictions religieuses cette interdiction de manifester sur les lieux de travail les convictions, donc, religieuses.
Alors, je termine, M. le Président, en vous disant que, des amendements, donc, nous en proposerons bien évidemment, nous en proposerons plusieurs et qu'il y a des solutions, donc, à retenir, je crois. La première, ça va être un amendement, bien sûr, à l'article 4 pour que la neutralité ne soit pas là, là, comme ça, mais que cette neutralité soit affichée, affirmée dans un texte. D'ailleurs, nous avons proposé, il y a déjà deux, trois ans, un amendement, nous, Parti québécois, opposition officielle, un amendement à... C'est dans le projet de loi n° 390.
Et j'entendais le député de Chambly, ce matin, qui demandait au leader adjoint de rappeler un certain nombre de projets de loi. Bien voilà, c'est un bel exemple que ce projet de loi n° 390 ou n° 195. Il y a deux projets de loi qu'on a déposés et qui amendent la charte québécoise des droits et libertés pour affirmer la laïcité de l'État. Et enfin, je le répète, entre la foi et l'expression de la foi, il faut faire la distinction et qu'on ne brime personne puis on ne discrimine personne. Et il y aura aussi, bien sûr, un certain nombre d'amendements par rapport au port de signes religieux ostentatoires dans la fonction publique. Et c'est là, en commission parlementaire, M. le Président, et je vous remercie de votre attention, que ce débat se continuera. Merci beaucoup.
Le Vice-Président (M. Chagnon): Merci, Mme la députée de Rosemont. Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, vous demandez la parole? Oui. Alors, je vous l'accorde.
Mme Carole Poirier
Mme Poirier: Merci, M. le Président. Alors, il me fait plaisir d'intervenir à ce moment du travail qui a été fait autour du projet de loi n° 94, Loi établissant les balises encadrant les demandes d'accommodement dans l'Administration gouvernementale et dans certains établissements.
Alors, M. le Président, ce projet de loi arrive à la suite de toute une série d'événements, de toute une série de faits que notre société a vécus dans les dernières années et qui démontrent bien l'importance d'en arriver à encadrer, entre autres, les relations entre les hommes et les femmes mais aussi toute la volonté qui s'est exprimée durant l'étude du projet de loi n° 94 sur une réflexion sur la laïcité au Québec.
**(12 h 50)** Et malheureusement ce n'est pas le débat que nous avons eu parce que ce n'est pas ce que le gouvernement nous a présenté. Il est réclamé, depuis la commission Bouchard-Taylor, vous le savez, M. le Président, un large débat sur la laïcité au Québec. L'ensemble des groupes ont pour la plupart commencé leur présentation, durant la commission, réclamant ce débat sur la laïcité, réclamant un débat beaucoup plus large que celui qui nous est offert aujourd'hui par le projet de loi n° 94.
Le projet de loi n° 94 ne vient -- et je prends les mots du Barreau du Québec -- qu'introduire, dans une loi, la jurisprudence sur les accommodements raisonnables qui existe actuellement tant au Québec qu'au Canada. Alors, quels sont les événements qui ont précédé la mise en place de ce projet de loi qui est, à notre avis, bien incomplet malheureusement sur l'ensemble du dossier des accommodements raisonnables et de la laïcité?
Eh bien, oui, on a eu la commission Bouchard-Taylor. On se rappellera la commission Bouchard-Taylor, qui réclamait un livre vert sur la laïcité... ou un libre blanc, je ne me rappelle plus quelle couleur, mais en tout cas une réflexion globale sur la laïcité. Ce que le gouvernement a répondu à cela, eh bien, ça a été le projet de loi n° 16, M. le Président, le projet de loi n° 16, qui est disparu au feuilleton et qui probablement, après le discours inaugural, ne réapparaîtra jamais. Eh bien, le projet de loi n° 16, il est disparu parce qu'il était incomplet. Il était incomplet parce qu'il ne répondait pas du tout à la demande de Bouchard-Taylor d'avoir une vaste discussion sur le sujet.
Aussi, des événements malheureux qu'on a vu apparaître dans l'actualité... On se rappellera du cas de la Régie de l'assurance maladie du Québec où un fonctionnaire, voyant une femme se présenter devant lui, voilée avec le niqab, et à qui il demande de se dévoiler... Cette personne-là refuse et demande plutôt que ce soit une femme qui vienne faire la photo qui va apparaître sur sa carte d'assurance maladie.
Eh bien, ça se ramasse à la Commission des droits de la personne parce qu'il n'y a pas d'autre instance présentement, parce qu'on n'a pas établi les balises, en tant que tel, dans notre façon de faire au gouvernement, dans notre État québécois, qui fait qu'un fonctionnaire, qu'il soit un homme ou une femme, est un fonctionnaire, M. le Président, et qu'on n'a pas à demander à être servi par un homme ou une femme, sauf dans des cas médicaux tels qu'ils s'appliquent présentement dans les hôpitaux, et ça se fait bien, et on le comprend très bien.
Par contre, pour faire prendre sa photo, on se comprendra bien qu'il n'y a pas là un acte où on vient mettre en cause l'identité de la personne, où on vient mettre en cause, dans le fond, la... l'intérieur... la vie privée de la personne. Bien au contraire, le but, c'est de lui donner les services de l'État par sa carte d'assurance maladie. Eh bien, la Commission des droits de la personne a convenu qu'il n'y avait pas de motif à faire en sorte de refuser que ce soit une femme qui photographie une femme parce que ça ne donne pas de contrainte excessive. Et on reviendra sur les notions qui accompagnent l'accommodement raisonnable.
Un autre cas qui a été mis à jour, celui de la SAAQ, la Société d'assurance automobile du Québec, quand un Juif hassidique a demandé que, pour passer son permis de conduire, pour avoir accès à son permis de conduire, ce soit un homme qui soit avec lui dans l'auto parce qu'il ne peut pas se retrouver avec une personne du sexe opposé dans un endroit clos. Ici, au Québec, une personne qui fait passer un examen de conduite, ça s'appelle un fonctionnaire. Ça n'a pas de sexe, un fonctionnaire, c'est un homme ou une femme, et encore là, encore là, on a plié et on a accepté que ça puisse être un homme qui fasse passer un examen de conduite à un homme juif hassidique parce que sa religion vient remettre en question notre principe, ici, bien établi, d'égalité entre les hommes et les femmes. Et ça, M. le Président, c'est là-dessus qu'il faut se pencher.
Quand le projet de loi n° 94 introduit certaines notions, il ne vient rien régler, rien régler pour les motifs... et on va encore se retrouver à la Commission des droits de la personne, qui va encore appliquer le multiculturalisme canadien et la Charte canadienne, qui vient encadrer la liberté de religion. Et cette liberté de religion, on va en voir les effets un peu plus loin. Je vais vous faire la démonstration de quelques cas de la Cour suprême qui donnent lieu à réfléchir sur qu'est-ce que, nous, ici, au Québec, nous voulons comme règles de société entre les hommes et les femmes dans un contexte où on a reconnu l'égalité hommes-femmes.
Je vous parlerais aussi du cas de l'école Marguerite-De Lajemmerais. L'école Marguerite-De Lajemmerais, qui est une école secondaire pour jeunes filles dans le comté de ma collègue, dans Rosemont, a décidé, puisqu'il y avait plusieurs jeunes filles musulmanes qui portent le voile, le voile -- le hidjab, pas celui qui couvre le visage -- alors ils ont décidé d'uniformiser le voile. Ils ont fait imprimer le logo de l'école sur le voile afin de fournir un voile pareil à toutes les petites filles qui portaient le voile. Alors, c'est devenu la mode, dans cette école-là, de porter le voile. C'est devenu... Ça fait partie de l'uniforme scolaire, porter le voile. Alors là, il y a une dérive là qui est, à notre avis, inacceptable.
On a vu aussi le cas de Naïma, cette jeune étudiante qui a décidé de se présenter à l'école en formation... en francisation pour, de façon extraordinaire, venir s'approprier notre langue, venir s'approprier pour mieux s'intégrer. Et, à cela, on doit saluer ce geste-là. Cependant, cette jeune femme là a voulu amener avec elle ce qui se passait chez elle. Ce qui se passe chez elle, c'est qu'elle, elle ne peut s'adresser à un homme, elle ne peut s'adresser face à face à un homme.
Ici, au Québec, à ce que je sache, moi, je peux regarder l'ensemble de mes collègues et m'adresser à vous, messieurs, sans être voilée et à visage découvert. Et on le fait de façon... parce que nous sommes égaux. Est-ce qu'on demande à des hommes de se voiler le visage ici et de ne pas nous parler? On va se le dire en pleine face, bien au contraire. Ce n'est pas dans nos moeurs, ce n'est pas dans nos coutumes et ce n'est pas notre façon de faire au Québec.
Mais cette jeune femme là a demandé d'introduire dans cette école des façons de faire qui ne relèvent pas de notre société québécoise, qui ne sont pas des gestes ou des façons de vivre qui sont dans notre société québécoise. Alors, elle a demandé que, pour faire ses présentations orales, les hommes se tournent à elle ou, tout simplement, qu'elle soit tout simplement isolée avec le professeur et qu'elle ne se dévoile pas, puisqu'elle portait un voile devant le visage. Comment voulez-vous apprendre une langue sans qu'on vous voie le visage, sans qu'on voie votre bouche? Il me semble, il y a là, déjà, un problème en tant que tel. Comment un professeur peut vous corriger si elle ne vous voit pas? Et, encore là, dans notre société, il est clair que, lorsqu'on va à l'école, c'est à visage découvert, c'est à visage découvert.
Je prendrais d'autres cas, M. le Président: quand on demande, dans une école, une école secondaire, par exemple à Brossard, que les jeunes filles ne puissent pas suivre la période éducation physique en piscine en même temps que les garçons parce que les jeunes filles d'une certaine religion ne peuvent se retrouver dans une piscine en même temps que les garçons. Ici, au Québec, on se baigne, les gars et les filles, dans la même piscine, au même moment. C'est la façon dont les cours d'éducation physique sont donnés dans nos écoles. Encore là, on demande de modifier nos façons de faire pour accommoder ces personnes-là qui ne veulent pas s'intégrer, finalement, qui ne veulent pas s'intégrer à la façon de faire qu'on fait ici, au Québec.
Alors, M. le Président, je pense que... Et je fais la preuve actuellement... Et, tout ce que je viens de vous dire, il n'y a rien que le projet de loi n° 94 vient régler, sauf le cas de Naïma, le cas de Naïma qui est une jeune fille qui avait refusé... pour lequel il y a eu une intervention ministérielle. Et le projet de loi dit que, pour recevoir des services de l'État, il faudra être à visage découvert. Alors, cette jeune fille là ne pourrait pas demander un accommodement raisonnable puisque la loi prévoirait que seulement qu'une jeune femme qui est voilée... parce qu'il n'y a que les femmes qui sont voilées -- vous le savez bien, messieurs, on n'oserait pas voiler un homme -- seulement que les femmes sont voilées et que c'est seulement que les femmes qui sont visées par cet article-là, ce qui en fait un article discriminatoire en son sens, puisqu'il n'y a que les femmes qui sont voilées. Un article qui vient stipuler une modalité pour les femmes fait en sorte que c'est discriminatoire.
Le Vice-Président (M. Chagnon): ...
Mme Poirier: Alors, il me fera plaisir, M. le Président, de poursuivre cette présentation et ce petit discours à la suite de nos travaux.
**(13 heures)**Le Vice-Président (M. Chagnon): Je m'excuse de vous interrompre, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, mais, comme vous le savez, notre règlement prévoit qu'à 13 heures nous devons ajourner... enfin, suspendre, plutôt. Alors, nous allons suspendre jusqu'à 15 heures, j'ai l'impression, et vous pourrez continuer votre propos à 15 heures, ce sera à vous...
Une voix: ...
Le Vice-Président (M. Chagnon): Ah! C'est vrai, nous sommes...
Une voix: ...
Le Vice-Président (M. Chagnon): ...nous sommes mercredi, nous sommes mercredi. Alors, effectivement...
Une voix: ...
Le Vice-Président (M. Chagnon): Alors, lorsque le gouvernement rappellera... lorsque le leader rappellera le projet de loi n° 94, vous pourrez continuer votre intervention.
Alors, je suspends les travaux jusqu'à 15 heures.
(Suspension de la séance à 13 h 1)
(Reprise à 15 h 1)
Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, veuillez vous asseoir, chers collègues.
Affaires inscrites par les
députés de l'opposition
Motion proposant que l'Assemblée
appuie la décision de sa Direction de la
sécurité d'interdire le port du kirpan
lors d'une commission parlementaire
Alors, aux affaires inscrites par les députés de l'opposition, à l'article 40 du feuilleton, aux affaires, comme je l'ai dit, inscrites par les députés de l'opposition, c'est Mme la députée de Rosemont qui présente la motion suivante:
«Que l'Assemblée nationale appuie sans réserve la décision prise par sa Direction de la sécurité à l'effet d'interdire le port du kirpan lors des consultations portant sur le projet de loi n° 94, Loi établissant les balises encadrant les demandes d'accommodement dans l'administration gouvernementale et dans certains établissements, appliquant ainsi le principe de la neutralité de l'État.» Conformément à ce qui a été énoncé antérieurement par la présidence, c'est un débat restreint sur la motion inscrite par la députée de Rosemont, et ça va s'effectuer comme vous le savez, mais il faut le rappeler pour ceux qui nous écoutent: 10 minutes sont réservées à l'auteur de la motion pour sa réplique, cinq minutes est alloué au député de Mercier, 1 min 30 s est allouée à chacun des autres députés indépendants, s'ils décident de l'utiliser, et 7 min 30 s également sont allouées au deuxième groupe d'opposition officielle. Le reste du temps est partagé équitablement, puis, dans les temps non utilisés par les députés indépendants ou par les députés du deuxième groupe, c'est des temps qui peuvent se redistribuer, dépendamment de l'usage ou pas.
Les interventions des uns et des autres ne sont pas limitées d'aucune façon en termes de limite de temps, et je suis prêt à entendre maintenant la porte-parole de l'opposition officielle, à savoir la députée de Rosemont. Mme la députée de Rosemont, à vous la parole.
Mme Louise Beaudoin
Mme Beaudoin (Rosemont): Merci, M. le Président. Alors, le 18 janvier dernier, qui était le dernier jour des auditions concernant le projet de loi n° 94, un groupe de la World Sikh Organization s'est présenté à l'Assemblée nationale pour déposer un mémoire concernant les accommodements religieux, dans lequel mémoire d'ailleurs ils se prononçaient contre le projet de loi n° 94 au nom du multiculturalisme canadien. Ce projet de loi n° 94, selon eux, brimerait la liberté de religion garantie par la Charte canadienne des droits et libertés. L'entrée leur a été refusée par la Direction de la sécurité de l'Assemblée nationale parce qu'ils n'ont pas accepté de déposer leurs kirpans en consigne pendant le temps de leur présence à l'intérieur de notre enceinte.
Pourtant, un an plus tôt, il y avait eu, à l'invitation du député de Laurier-Dorion... donc, le 20 février 2010, une vingtaine de membres d'une communauté religieuse sikhe sont venus ici, à l'Assemblée nationale, tenir une cérémonie, en fait au parlement, dans un des salons privés du restaurant Le Parlementaire. 19 d'entre eux, donc il y a un an, avaient accepté de déposer leurs kirpans à la consigne; leur chef religieux, qui portait deux kirpans, s'était départi du plus long pour ne garder qu'une arme de trois pouces afin d'officier à la cérémonie. Il fut toutefois escorté par un constable tout au long de sa présence à l'Assemblée nationale. Mais, cette fois-ci, donc le 18 janvier, ce groupe de Sikhs a refusé, au nom du multiculturalisme canadien, de se départir et de mettre à la consigne ce kirpan.
Alors, dès ce jour-là, au nom de l'opposition officielle, j'ai appuyé la décision de la Direction de la sécurité de l'Assemblée nationale. La ministre de l'Immigration, qui était dans la même commission parlementaire que moi puisque c'est elle qui pilote, au nom du ministre de la Justice, ce projet de loi n° 94 sur les balises à apporter aux accommodements donc religieux, la ministre de l'Immigration, donc, de son côté, ce jour-là, a dit vouloir rester neutre dans cette affaire. Aujourd'hui, le gouvernement et les députés libéraux devront prendre position, M. le Président.
Nous invoquons dans notre motion le principe de la neutralité de l'État, de la séparation de l'Église et de l'État, de la laïcité, en fait, parce que nous croyons que, pour mieux interpréter une liberté dans ce contexte, soit la liberté de religion, qui était en cause, dans un contexte où elle rentre en conflit, par exemple, dans ce cas-ci, avec des impératifs de sécurité, eh bien, il faut donc interpréter cette situation dans ce contexte où deux droits sont mis en cause l'un par rapport à l'autre.
La Cour suprême elle-même... Et ce n'est pas pour rien donc que la World Sikh Organization, quand ils sont venus ici, à l'Assemblée nationale, a invoqué le multiculturalisme canadien pour conserver leurs kirpans à l'intérieur de l'Assemblée nationale. Eh bien, c'est parce que la Cour suprême, dans un autre cas qui ne concernait pas l'Assemblée nationale mais bien les écoles, M. le Président, eh bien, la Cour suprême, il y a quelques années -- le gouvernement du Parti québécois à l'époque avait justement contesté, c'est notre collègue Paul Bégin, qui était ministre de la Justice, qui avait contesté cette présence de kirpans dans les écoles -- eh bien, la Cour suprême s'était prononcée, après la Cour d'appel... C'est intéressant d'ailleurs, parce que la Cour d'appel du Québec, à l'unanimité, elle, avait proposé en effet, avait accepté l'interdiction du port du kirpan dans nos écoles. Mais évidemment les avocats de la communauté sikhe sont allés à ce moment-là jusqu'en Cour suprême, et il y a eu donc un arrêt de la Cour suprême dans lequel la Cour suprême invoque le multiculturalisme pour interpréter ces deux droits dans le cadre, donc, de l'affaire, bien sûr, du kirpan.
Alors, la Cour suprême affirme ceci, dans ce qui s'est appelé l'arrêt Multani versus la commission scolaire Marguerite-Bourgeoys, qui était la commission scolaire en cause à Montréal... La cour dit donc ceci: «L'argument selon lequel le port du kirpan devrait être interdit parce qu'il représente un symbole de violence et envoie le message que le recours à la force est nécessaire pour faire valoir ses droits et régler les conflits doit être rejeté. Cette prétention est [...] irrespectueuse envers les fidèles de la religion sikhe et ne tient pas compte des valeurs canadiennes fondées sur le multiculturalisme.» Nous y sommes, M. le Président, le multiculturalisme est donc invoqué par la Cour suprême dans cet arrêt. Et, si la Cour suprême invoque le multiculturalisme, c'est parce que ce principe sert à interpréter, comme je l'ai dit, les droits et libertés contenus dans la Charte canadienne des droits et libertés, à commencer par la liberté de religion. L'article 27 de cette Charte canadienne des droits et libertés est clair à cet égard: «Toute interprétation de la présente charte -- je le cite, cet article 27 -- doit concorder avec l'objectif de promouvoir le maintien et la valorisation du patrimoine multiculturel des Canadiens.» Comme chacun le sait, cette politique d'État du multiculturalisme canadien remonte à Pierre Elliott Trudeau, donc dans les années soixante-dix, et, cette politique, on sait très bien pourquoi elle a été mise sur pied: d'abord pour diluer le fait, le concept, l'idée même des deux peuples fondateurs dans la Constitution canadienne, donc dans la fondation même du Canada. Cette idée du multiculturalisme, c'était pour ramener ce qui était alors le Canada français à une minorité comme les autres, parmi les autres, à travers ce grand et beau Canada. Donc, on sait pourquoi ce multiculturalisme a été inclus dans la Charte canadienne des droits. C'est pour les raisons que je viens d'évoquer.
**(15 h 10)** Mais je vous rappellerai, M. le Président, qu'en 1982 -- vous siégiez déjà, je crois, à ce moment-là, au moment du rapatriement de la Constitution -- au moment du rapatriement de la Constitution, le Québec, le Québec, dirigé par René Lévesque à ce moment-là, a refusé ce rapatriement et surtout ce qu'il impliquait, c'est-à-dire la constitutionnalisation de la charte des droits et libertés canadiennes, qui, dans son article 27, comme je le disais, fait du multiculturalisme, c'est-à-dire du renvoi de chacun à sa communauté, une politique mythique, en quelque sorte, de ce nouveau Canada qu'entrevoyait le premier ministre Trudeau. 1982. Nous sommes en 2011, M. le Président, et, aujourd'hui encore, ni les gouvernements du Parti québécois qui se sont succédé mais ni le gouvernement libéral, les gouvernements libéraux, n'ont signé et n'ont adhéré à cette Constitution canadienne qui inclut et qui implique donc ces valeurs du multiculturalisme. Ce qui me fait dire que, si le multiculturalisme est une valeur canadienne, ce n'est pas une valeur québécoise. Et je pense que nous sommes une très vaste majorité de Québécois à pouvoir affirmer cela.
Alors, d'ailleurs le multiculturalisme, M. le Président, il faut bien reconnaître qu'aujourd'hui, ailleurs dans le monde, sauf dans... sauf au Canada finalement, sauf au Canada anglais, puisque ça ne concerne pas le Québec, comme je viens de le dire, sauf au Canada anglais... Et encore. Il y a effectivement, dans le National Post, récemment un article qui, sur cette question d'ailleurs du kirpan à l'Assemblée nationale en particulier, le National Post a appuyé la position du Québec, et c'est-à-dire celle du Parti québécois, parce que, pour l'instant, ce n'est pas celle de nos amis d'en face, qui ont refusé de se prononcer sur la question. Mais le National Post a dit: Bien, dans le fond, c'est peut-être les Québécois qui sont visionnaires dans cette question-là. Parce que je vous rappelle qu'Angela Merkel, la chancelière allemande qui est là au pouvoir depuis des décennies, enfin au moins 10 ans quand même, vient d'avouer et de dire quelque chose d'extrêmement fort, d'extrêmement puissant: que le multiculturalisme avait échoué en Allemagne. Et là, le 6 février, donc encore plus récemment, le nouveau, jeune, dynamique premier ministre britannique, David Cameron, a dit en effet que, même en Grande-Bretagne, le multiculturalisme avait échoué. Et il a ajouté... «Il a plaidé en faveur d'"un libéralisme plus actif, plus musclé" pour défendre activement l'égalité des droits, le respect de la loi, la liberté d'expression[...], et -- a-t-il ajouté -- renforcer l'identité nationale [du Royaume-Uni].» C'est le premier ministre d'Angleterre qui s'exprime. «"Avec la doctrine -- et je le cite encore -- du multiculturalisme d'État, nous avons encouragé différentes cultures à vivre séparées les unes des autres" et du reste de la population[...]. Cela a conduit, selon lui, à un déficit d'identité nationale en Grande-Bretagne...» Alors, M. le Président, au moment même où, dans des pays aussi importants d'Europe que comme... que l'Allemagne et que la Grande-Bretagne, on remet en question ces notions de multiculturalisme, il n'est certainement pas question ici, au Québec, alors que l'on croit à des valeurs d'intégration, alors que l'on croit à des valeurs de laïcité, la laïcité qui rassemble, le multiculturalisme qui divise, eh bien, M. le Président, ce n'est certainement pas le temps d'interpréter, justement, les droits et libertés en fonction du multiculturalisme, tel que le fait la Cour suprême et tel que le fait le Canada anglais.
Alors, pour notre part, en effet nous préférons interpréter les droits et libertés en fonction du principe de neutralité de l'État, de laïcité, de séparation de l'État et de la religion, tel que prévu dans notre motion. Et, si je rappelle cette notion de neutralité de l'État, c'est parce que, dans l'article 4 du projet de loi n° 94 qui était donc étudié, et qui est encore étudié mais qui était en audition au moment où s'est produit cet événement, eh bien, qu'est-ce que ça veut dire? Quelle est la portée, dans l'esprit justement du gouvernement, de cette neutralité de l'État? Et je pense qu'il faut le préciser, qu'il faut le dire, qu'est-ce qu'on entend par «neutralité de l'État», parce qu'il faut bien remarquer que la neutralité de l'État, elle découle de la jurisprudence, mais jamais cette neutralité n'a-t-elle été édictée clairement dans une loi québécoise. Et ce n'est que par la bande que le projet de loi n° 94 le fait, et c'est pour ça que nous demandons depuis déjà plusieurs années un amendement à la charte québécoise des droits et libertés pour affirmer que le Québec est un État laïque, un État neutre dans lequel la religion et l'État sont bien séparés.
Alors, notre projet de loi n° 195 qui avait été déposé donc il y a quelques années, et même le projet de loi n° 391, donc dans deux des projets de loi que nous avons déposés depuis quelques années mais qui n'ont pas été rappelés dans cette Chambre par le gouvernement libéral, il est donc demandé... nous demandons à ce qu'il y ait un amendement dans ce sens-là.
Notre interprétation de la liberté de religion, faite en fonction de la neutralité de l'État, dans un contexte où la sécurité est en jeu, nous mène à nous prononcer contre le port du kirpan à l'Assemblée nationale. Je vous fais remarquer d'ailleurs, M. le Président, aussi qu'il y a aux Nations unies... il n'y a aucun édifice des Nations unies où le port du kirpan est autorisé, aucun, ni à Genève ni à New York, et j'ai bien vérifié à cet égard. Quand il y a donc deux libertés, celle de religion et celle concernant la sécurité, eh bien, il faut choisir, puis il faut choisir en fonction de certains critères, il faut choisir en fonction de certaines valeurs, de certains principes, et puis, quant à nous, ce que nous choisissons comme grille d'interprétation, eh bien, c'est la laïcité, c'est la neutralité de l'État. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, je vous remercie, Mme la députée de Rosemont, pour votre intervention, et nous allons poursuivre le débat sur cette motion en cédant la parole à M. le leader adjoint du gouvernement. M. le leader adjoint du gouvernement, à vous la parole.
M. Henri-François Gautrin
M. Gautrin: M. le Président, je vous remercie. Sans vouloir rentrer dans toute l'analyse qui est faite par ma collègue la députée de Rosemont, je dois vous annoncer sans ambages que nous allons voter en faveur de la motion qui est devant nous. Mais je suggérerais... je... je suggérerais, et je vais expliquer un petit peu pourquoi, une légère modification pour être plus conforme à ce qui... ce qui était là. Mais soyons clairs là-dedans, si vous permettez: ça ne remet pas en question le vote que nous allons faire en faveur de cette motion, même si on aurait écrit légèrement différemment et pour être plus conforme à la réalité.
M. le Président, je ne rentrerai pas dans le débat que la... la ministre... La députée de Rosemont est rentrée à l'heure actuelle, dans un sens, dans un prédébat sur la loi n° 94. C'est un peu la même intervention qu'elle avait déjà faite ce matin. Ce n'est pas l'objet même qu'on a ici devant nous; on aura la chance de reprendre le débat sur la loi n° 94. Mais, du côté de la formation politique que je représente ici, sans ambages et sans question, nous appuyons d'une manière très ferme la décision qui a été prise par la sécurité et le personnel de l'Assemblée nationale, et il n'est pas question de poursuivre, pour nous, ce débat.
Je suggérerais simplement, et je me permets de vous dire que c'est une suggestion qui ne... et je tiens à insister: ce cas-là ne remet pas en question l'appui, qu'on pourrait dire, mais je trouve que la résolution serait plus conforme à la réalité si on avait inclus les mots «pour des raisons de sécurité». Parce qu'au début, lorsque le sergent d'armes ou ses représentants ont abordé la question du kirpan, c'était vraiment pour des raisons de sécurité. Le débat... Et, moi, je laisse aussi le principe de neutralité à la fin, mais leur position à eux n'était pas basée sur un principe de neutralité. On n'a pas encore adopté la loi n° 94, puisqu'on est en train de la débattre.
Alors, je me permettrais, M. le Président, de suggérer l'amendement, d'ajouter, après le mot «kirpan» les mots «pour des raisons de sécurité», et, si on était capables de l'avoir, ça clarifie, en quelque sorte, ce qui s'est passé.
Mais je tiens encore à réaffirmer ici clairement, d'une manière très claire, M. le Président: la formation politique gouvernementale va voter en faveur de la motion, qu'elle soit amendée ou non. Mais je suggère encore que l'amendement clarifie un petit peu et correspond mieux à ce qui s'est passé, plutôt que la manière dont elle a été réalisée.
Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, merci, M. le député de Verdun. Est-ce que vous le déposez formellement?
M. Gautrin: Je le dépose, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, l'amendement étant déposé, vous connaissez les règles, il s'agit, rapidement... je le dis pour ceux qui nous écoutent -- parce qu'on n'est pas tout seuls en cette enceinte: La procédure veut que ce n'est pas amendable, sauf si l'auteur de la motion est d'accord avec le texte proposé, et en conséquence la présidence doit s'assurer de ça avant de poursuivre le débat.
À ce moment-ci, M. le leader adjoint, je veux valider quelle est l'attitude de votre formation politique.
**(15 h 20)**M. St-Arnaud: En fait, M. le Président, si M. le député de Verdun et leader adjoint peut déposer le tout, nous allons prendre connaissance du libellé exact et...
Une voix: ...
M. St-Arnaud: C'est déjà fait? Nous allons prendre connaissance du libellé... du libellé exact, et la députée de Rosemont va en prendre connaissance, celle qui présente cette motion, et nous vous reviendrons quant au consentement ou non de la députée de Rosemont.
Le Vice-Président (M. Gendron): Pas de problème. Dès qu'on a ces indications... Je prends pour acquis que pour l'instant elle est entre guillemets, par rapport... Mais il n'y a pas d'objection à poursuivre le débat sur la motion du mercredi, qui relève de l'opposition officielle. Et je suis prêt à entendre le prochain intervenant... ou la poursuite de celui qui avait commencé. Mais, comme j'ai entendu vos mots à l'effet que vous n'aviez pas autre chose pour le moment à dire...
M. Gautrin: M. le Président, pour moi, je ne vais pas reprendre ce débat-là. Nous sommes d'accord avec la... D'habitude, je plaide quand je ne suis pas d'accord, mais là je suis d'accord avec la proposition. Je ne suis pas tout à fait d'accord avec toute l'interprétation que ma collègue de Rosemont a faite, mais des fois ça m'arrive de diverger d'opinion avec elle, mais, depuis le temps qu'on se connaît... Mais, à ce niveau-là, M. le Président, je ne vois pas d'intervention... de faire une nouvelle intervention.
Le Vice-Président (M. Gendron): Bien, c'est pourquoi, ayant saisi clairement vos propos, je faisais comme... C'est ma responsabilité à ce moment-ci, je suis prêt à entendre le ou la prochaine intervenante, intervenant, et je reconnais maintenant M. le député de Bourget. À vous la parole. M. le député de Bourget, à vous la parole.
M. Maka Kotto
M. Kotto: Merci, M. le Président. En sept petits mots, sept, la ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles a bien résumé la position de son gouvernement sur les événements du 18 janvier dernier, après que la Direction de la sécurité de notre Assemblée nationale ait refusé l'accès au parlement à des représentants de la World Sikh Organization of Canada, et ce, parce que ces derniers ne voulaient pas se départir de leurs kirpans. Le sujet est certes pointu, mais nous avons, par la voix de notre collègue de Rosemont, pris position en toute clarté, transparence. Et, interrogée, pour sa part, par des journalistes sur cette situation, la réaction de la ministre, en quelques mots, fut, et je la cite: «Je suis neutre par rapport à ça.» Fin de la citation.
Il est là, le coeur du problème du gouvernement, qui est incapable de prendre clairement position, qui est incapable de s'engager clairement pour ou contre les valeurs communes du Québec. Et d'ailleurs ce n'est évidemment pas avec le projet de loi n° 94 que la population québécoise serait bien saisie des intentions du gouvernement. Rappelons que ce projet de loi prévoit que ceux qui donnent et reçoivent des services de l'État devront le faire à visage découvert, mais il permettrait le hidjab, la kippa, le crucifix ou le kirpan.
Ainsi, force est de constater à la lumière de la confusion et du mécontentement exprimés lors des consultations générales sur le projet de loi n° 94 que l'adoption d'une charte de la laïcité est plus que jamais nécessaire. M. le Président, il est grand temps, et l'épisode du 18 janvier dernier nous le démontre parfaitement, il est grand temps, dis-je, d'adopter une charte de la laïcité qui définisse les balises qui nous permettront de vivre harmonieusement et de construire, au-delà de nos différences, une société égalitaire et inclusive.
Or, la laïcité, cette valeur fondamentale, ne se retrouve proclamée dans aucun texte juridique d'importance, de façon constitutionnelle ou autrement prépondérante, n'étant reconnue que de façon jurisprudentielle. D'où notre proposition, au Parti québécois, d'une charte de la laïcité qui permettrait aux tribunaux de pouvoir interpréter le droit en fonction d'un texte de référence et non pas en fonction d'une jurisprudence établie au cas par cas de demandes d'accommodement raisonnable.
M. le Président, pour les citoyennes et les citoyens, la laïcité de l'État génère aussi un sentiment de réciprocité. Chacun peut exprimer de façon privée et publique ses aspirations religieuses ou sa liberté de conscience, mais l'État demeure un espace civique neutre où les différences s'abolissent et où toutes et tous se réunissent dans l'identité citoyenne.
En ces matières, ne pas agir, c'est prendre position, comme l'a démontré éloquemment la ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles en réagissant comme elle l'a fait le 18 janvier dernier. L'inaction législative quant à la laïcité entraînera l'érosion de cette valeur fondamentale, source de cohésion sociale, tout autant que l'érosion de l'espace public, lieu privilégié pour l'intégration citoyenne.
Il nous appartient donc, comme élus du peuple québécois, d'affirmer et de protéger des valeurs communes, dont la laïcité, qui nous définissent et qui contribuent à faire de notre société un modèle sur la scène internationale, avec ce souci constant de cohésion et de paix sociale qui nous permettent, entre autres choses, d'anticiper les dérapages sectaires ou idéologiques. En étant proactifs, voire offensifs, dans notre projet d'intégration, nous créerons inéluctablement les conditions d'adhésion et d'identification au foyer principal de la société d'accueil, j'ai nommé la société québécoise. C'est là un des objectifs que nous poursuivons depuis un moment. Et nous l'avons exprimé récemment avec... et ma collègue de Rosemont le rappelait, avec les projets de loi nos 195 et 196, portant respectivement sur l'identité québécoise et sur la constitution québécoise.
M. le Président, comme tous les collègues de cette Assemblée, j'ai suivi avec beaucoup d'attention la crise dite de perception entourant les pratiques d'accommodement raisonnable, une crise inspirée en réalité par des cas d'accommodement au sens commun. On se rappelle du vif débat qui s'est alors engagé et qui a donné lieu au rapport Bouchard-Taylor, un débat néanmoins très pertinent parce que traduisant un malaise collectif, traduisant des inquiétudes et les aspirations de la majorité des Québécoises et des Québécois. Mais les commissaires Bouchard et Taylor ont refusé ou n'ont pas pu valider ces inquiétudes, nous ramenant donc, trois ans plus tard, dans une impasse historique.
Tant et aussi longtemps que le Québec restera subordonné à la Constitution canadienne, à sa charte et à sa politique du multiculturalisme, faisant du Canada, à divers degrés, un port de plaisance pour une poignée d'intégristes religieux au coeur sectaire, qui divisent, fragilisent leurs propres communautés d'origine et la nécessaire cohésion sociale... Faut-il le rappeler, ils sont minoritaires au sein de leurs communautés et ils nuisent beaucoup en faisant de ces dernières des cibles idéales de stigmatisation.
**(15 h 30)** Comme vous le savez, le Parti québécois s'oppose depuis des décennies au concept du multiculturalisme, un concept enchâssé dans la Constitution canadienne. Aussi, il nous appartient, en effet, de déterminer nous-mêmes la totalité et la teneur de nos politiques d'immigration, d'accueil, d'intégration et de citoyenneté avec le souci de vivre une véritable interculturalité sincère, avec une volonté d'échange de connaissances et de reconnaissance mutuelle, ce que le multiculturalisme canadien est loin de favoriser. En fait, il est antinomique à l'intégration des immigrants au Québec.
Rappelons seulement trois des principes fondamentaux que valorise la majorité québécoise: l'égalité entre les femmes et les hommes, la primauté du fait français au Québec, le maintien de la séparation entre le religieux et l'État, pour ne citer que ceux-là. Pour inspirer le respect de ces principes fondamentaux, il ne faut donc pas attendre des mesurettes du gouvernement, le projet de loi n° 94 en étant un exemple parfait.
Un premier geste concret serait donc d'appuyer la motion de notre collègue la députée de Rosemont en appuyant sans réserve la décision prise par la Direction de la sécurité à l'effet d'interdire le port du kirpan dans l'enceinte de l'Assemblée nationale. Au-delà de la question de la sécurité, il s'agit ici, M. le Président, comme l'a dit la députée de Rosemont, de mettre fin à une ambiguïté malsaine que la ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles a introduite dans ce débat par sa neutralité et son manque de réaction à une situation pourtant très claire.
Esquiver la question n'arrangera rien, comme le soulignait la journaliste Rima Elkouri dans La Presse du 19 janvier 2011, en se faisant l'écho du public, qui, un peu partout au Québec, se demande «pourquoi le kirpan serait permis à l'école alors qu'il est interdit à l'Assemblée nationale». Celle-ci rappelle également que, «par manque de courage politique», le gouvernement «a passé outre les deux recommandations les plus importantes [du rapport] Bouchard-Taylor», à savoir: «produire un livre blanc sur la laïcité qui servirait de cadre de référence et interdire le port des signes religieux par les agents de l'État».
M. le Président, espérons que cette motion de la députée de Rosemont puisse clarifier la situation, la situation précise du port du kirpan dans l'enceinte de l'Assemblée nationale, une décision importante pour la présidence de l'Assemblée nationale, le service de la sécurité et, par extension, un message clair adressé à toute la population du Québec, en tout respect des uns et des autres.
Je terminerai en disant, M. le Président, que ce qui nous pose là, c'est le multiculturalisme. Et, sur le sentier du multiculturalisme, que d'ignorance, que de solitude et que de division! Merci.
Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, je vous remercie, M. le député de Bourget. Et je suis prêt à entendre la prochaine intervenante. Et je reconnais Mme la leader du deuxième groupe parlementaire pour son intervention sur cette motion. Mme la leader.
Mme Sylvie Roy
Mme Roy: M. le Président, c'est un peu curieux. Je venais de rencontrer une jeune étudiante, aujourd'hui, de l'Université d'Ottawa, qui voulait... qui faisait ses travaux de maîtrise sur la motion... bien, qui voulait aussi me parler de la motion qu'on avait adoptée ici, à l'unanimité, concernant le refus d'appliquer la charia au Québec. C'était en 2005. Je pense que c'est une motion qui avait été unanime, présentée par Mme la vice-présidente. Et puis, depuis, on a... Ça m'a ramenée à cette époque-là. Et, depuis, il y en a eu, des événements de cette nature, et nous avons dû prendre la parole sur plusieurs événements comme ça, puis les médias aussi se sont penchés sur ces cas. Mais ce que je trouve malheureux, M. le Président, c'est que ça a été tout le temps du cas-par-cas. Puis, quand la Commission des droits de la personne décide, c'est toujours du cas-par-cas.
Je trouve malheureux qu'on ait délégué notre pouvoir, nous, de nous identifier comme peuple, de déterminer qui nous sommes, à la Cour suprême par les nombreux jugements successifs. Je pense qu'on ne devrait plus... On a écouté ce que MM. Bouchard et Taylor avaient à dire, mais on doit prendre nos responsabilités puis entamer une vaste discussion sur la laïcité. Je crois fermement que cet enjeu-là n'appartient pas à une des formations politiques ici, en cette Chambre, mais à nous, à nous, les 125 députés. Et je trouve injuste qu'on laisse les directeurs de CLSC, directeurs d'école, directeurs d'hôpital, ici la sécurité, avec ces enjeux-là qui relèvent nécessairement du débat politique. Et je demanderais à chacun des partis de vouloir bien s'asseoir pour entamer cette vaste discussion-là.
Je sais qu'il n'y a pas unanimité de vision, mais cette discussion-là ne se fait même pas. On est toujours en mode réaction. On n'a pas de vision d'ensemble. Pour tous et chacun, les signes religieux ne sont pas déterminés ou définis de la même façon. Je pense que, si on n'a pas le courage d'entreprendre cette discussion-là, ces événements-là vont s'accumuler, et puis on va tolérer des choses intolérables, et puis c'est comme ça que va monter une intransigeance dans la population et des événements malheureux.
Je pense qu'on est assez matures pour discuter de ces enjeux sans s'attaquer de... ou s'affliger de titre de raciste. Ce sont des réalités qui existent au Québec, et puis balayer ça sous le tapis ne ferait... ne corrigera pas la situation, il faut... On le voit en France, ce débat-là s'est fait il y a quelques années, se continue. C'est une marche vers une définition de notre identité, puis on doit commencer par prendre la bâton de pèlerin et le faire ici, en cette Chambre. Je vous remercie, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, je vous remercie, Mme la députée de Lotbinière, de votre intervention. Et je suis prêt à reconnaître le prochain intervenant ou intervenante. Et je reconnais Mme la ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration pour son intervention sur cette motion. Mme la ministre.
Mme Kathleen Weil
Mme Weil: Oui, merci, M. le Président. Alors, aujourd'hui, l'opposition a décidé d'utiliser le privilège que lui accordent nos règles de procédure pour présenter la motion du mercredi. Nous allons donc débattre d'un sujet sur lequel nous sommes tous d'accord, puisque, comme j'ai eu l'occasion de le dire plusieurs fois, nous soutenons la décision prise par la Direction de la sécurité de l'Assemblée nationale.
Revenons d'abord sur les faits, M. le Président. Le 18 janvier dernier, nous avons appris que la Direction de la sécurité a demandé à un groupe de personnes de confession sikhe venues de Toronto de se conformer aux mesures de sécurité en vigueur à l'Assemblée nationale du Québec. Plus précisément, la sécurité leur a proposé de déposer leur kirpan à la consigne avant d'entrer à l'Assemblée nationale.
Il a été expliqué aux membres de ce groupe que l'accès à l'hôtel du Parlement est sécurisé, et cette information leur a été transmise la veille, c'est ce que j'ai appris. Il leur a été expliqué que les règles, politiques et directives appliquées sont les mêmes pour tous les visiteurs, et ce, sans exception. Il leur a été expliqué que le port du kirpan est prohibé dans les murs de l'hôtel du Parlement et que quiconque voudrait accéder à l'hôtel du Parlement muni d'un objet pouvant représenter un risque se verra confisquer l'objet -- lequel lui sera remis à sa sortie -- ou encore refuser l'accès.
L'Assemblée nationale est un endroit hautement sécurisé, où les directives ont été élaborées au fil des années pour protéger les élus et le public. La décision qui a été prise le 18 janvier dernier s'inscrit parfaitement dans la logique des règles de sécurité et dans le rôle même des agents de sécurité. Malheureusement, malgré les explications qui leur ont été fournies, les membres de ce groupe sikh ont préféré quitter l'Assemblée que d'adhérer aux règles en vigueur à l'Assemblée.
**(15 h 40)** C'est à la Direction de la sécurité de l'Assemblée nationale d'évaluer le risque que représente chaque situation pour la sécurité et de prendre une décision selon les circonstances de chacune de ces situations, et c'est vraiment les constables de l'Assemblée qui sont les personnes formées pour exercer cette fonction et prendre les décisions. Ils ont la compétence, ils sont capables d'évaluer les risques, ils ont des règles justement pour les guider, les orienter dans leurs décisions, pour alléger finalement la lourdeur du processus de décision. Et je pense qu'en tant que parlementaires on est bien conscients de cette responsabilité qu'ils ont. Je le répète encore une fois, M. le Président, nous soutenons la décision qui a été prise le 18 janvier, nous faisons confiance à ces agents pour prendre ces décisions.
D'ailleurs, en février 2010, il y avait un précédent, et c'est des informations que j'ai eues après qu'il y avait un précédent en février 2010, qu'un autre groupe de la communauté sikhe de Montréal était venu visiter l'Assemblée nationale. Dans ce groupe, plusieurs personnes portaient un kirpan. Après discussion avec les responsables de la sécurité, il fut convenu que les membres du groupe sauf un, le chef religieux du groupe, enlèveraient leur kirpan et le laisseraient en consigne. Donc, volontairement, ils ont laissé leur kirpan en consigne. Le chef par contre a pu entrer au parlement avec un des deux kirpans qu'il portait, un plus petit, en acceptant qu'un constable de la sécurité l'accompagne tout le long de sa visite.
M. le Président, le 18 janvier, nous avons tous réitéré notre soutien à la décision prise par la Direction de la sécurité. Alors, je me demande bien pourquoi est l'objectif de cette motion, alors qu'il me semblait que tout le monde avait exprimé que c'était une décision tout à fait raisonnable. Je ne comprends pas nécessairement le besoin d'une motion, mais je ne peux que présumer la bonne foi.
Et d'ailleurs c'est pourquoi on amène le projet de loi n° 94. Des membres, en cette Chambre, ont parlé du besoin de clarté afin d'enlever cette tâche assez lourde parfois aux décideurs qui doivent décider qu'est-ce qui est raisonnable et pas raisonnable. Je tiens à souligner, par exemple, que nous habitons... nous vivons dans une société de droit, une société qui a une charte des droits et libertés, la Charte des droits et libertés du Québec, et nous sommes adhérents à des conventions internationales. Et je suis très fière que le Québec est adhérent et signataire de ces conventions internationales. Avec ce projet de loi, nous amenons des balises afin que tous les organismes qui sont... qui relèvent du gouvernement auront des règles très claires concernant les décisions d'accommodement pour leur indiquer qu'est-ce qui est raisonnable et pas raisonnable.
Moi, j'ai eu des centaines, sinon des milliers de conversations à ce sujet. Et j'espère que l'opposition va comprendre le besoin d'adopter le projet de loi n° 94. Les gens me disent: J'espère que vous allez de l'avant. Vous tracez une ligne, il est important que vous alliez de l'avant, ne vous laissez pas distraire par un grand débat sur une nouvelle société qu'on va créer où on efface notre histoire carrément. On efface notre histoire, plus personne... On crée des environnements aseptisés, des environnements où on ne peut plus porter une croix parce que ça vient enfreindre cette supposée neutralité. Moi, ce qu'on me dit, c'est: Je vous en prie, s'il vous plaît, convaincs l'opposition et tous les parlementaires qu'il faut... Le Québec serait la première juridiction à le faire. Et notre débat résonne partout ailleurs. D'ailleurs, l'Allemagne a un projet de loi qui ressemble très, très... de très près à notre projet de loi actuellement, qui parle de l'espace gouvernemental.
Je pense que le gouvernement doit poser un geste et, en tant que parlementaires, on doit poser un geste. On doit donner un signal qu'on est capable, en tant que société mûre et qui est capable de prendre ses responsabilités, mais tout en respectant nos chartes, tout en respectant notre histoire et tout en respectant notre diversité, on est capable de dire: Voici les outils d'intégration. Et je pense, et je le dis très personnellement -- ma propre expérience -- je pense qu'on a un privilège d'être une société francophone en Amérique du Nord parce que ça nous donne un point de vue tout à fait exceptionnel. Et parfois les autres, à l'extérieur du Québec, nous regardent aller, ils ne comprennent pas nécessairement... On a eu l'occasion, en commission parlementaire, d'avoir, d'ailleurs, des intervenants qui sont venus d'autres provinces pour se prononcer sur notre projet de loi. Mais je pense qu'on a cette compréhension de ce qui est très précieux ici, une société où on parle français et on a cette identité qui est là mais qui change et qui évolue avec le temps, mais un point commun important, c'est qu'on communique, on a une langue commune et on a une histoire.
Et nos valeurs, et je veux souligner en particulier... On a eu beaucoup de discussions là-dessus dans le cadre du projet de loi n° 94, toute la question d'égalité hommes-femmes. On en a parlé puis on aura l'occasion, lorsqu'on fera le projet de loi... Il n'y a pas de compromis sur l'égalité hommes-femmes. Et, moi, ce que j'ai senti beaucoup dans la population: ils ne veulent pas qu'il y ait de compromis sur l'égalité hommes-femmes. Alors, on a rajouté une disposition, on a fait des amendements à la Charte des droits et liberté et notre gouvernement a amené des modifications pour souligner l'égalité hommes-femmes, et on le fait encore dans ce projet de loi, et on donne le signal qu'il n'y a pas un accommodement qui peut être accepté qui va venir brimer, mettre en doute, amoindrir l'égalité des femmes. Et, moi, je pense que c'est important que je le dise ici parce qu'il y a des choses qui ont été dites ce matin, qui semblent dire que j'accepte une hiérarchisation. Non.
Et la Commission des droits de la personne a même dit: Les amendements qui ont été apportés par le gouvernement, il y a quelques années, sur cette question donnent un éclairage au décideur qui doit prendre des décisions par rapport à l'accommodement raisonnable. Alors, je pense que... J'en profite, honnêtement, j'en profite... C'est sûr que la question du kirpan, c'est une question de sécurité. Et je respecte, on respecte... et j'adhère à cette décision pour des raisons de sécurité. C'étaient les personnes compétentes pour prendre cette décision. Mais par ailleurs je veux vraiment signaler ma volonté, notre volonté, en tant que gouvernement, de poser un geste. Il faut tracer la ligne, et le moment est propice. Le débat... On entend ce débat partout.
Et, je vous dis, le 95 % d'appui qu'on a eu lorsqu'on a déposé ce projet de loi... Et je veux souligner le 80 % des Canadiens aussi, hein? On a parlé beaucoup du Canada aujourd'hui. Mais, moi, j'ai beaucoup d'échanges avec des Canadiens, et ils trouvent que notre projet de loi est très intéressant, très intéressant parce qu'on donne un signal, on donne un signal qu'on est confortables à dire qu'ici on transige avec l'État, de part et d'autre, à visage découvert. Et c'est juste du gros bon sens. Finalement, ce n'est pas la... Il y a la Charte des droits et libertés, mais ce que les gens me disent: C'est juste du gros bon sens, «common sense». C'est ce que les gens me disent, les anglophones et les francophones. Il semble y avoir consensus là-dessus.
Et je pense que cette question de sécurité publique ou de sécurité ici, à l'Assemblée nationale, encore là, c'était du gros bon sens. Il faut écouter le gros bon sens des gens. Quand ils nous demandent de poser des gestes, il faut les écouter. Et c'est ça, la question de la cohésion. Quand on parle de cohésion de la société, d'être à l'écoute, en tant qu'élus on a cette responsabilité. Et c'est sûr qu'on a la règle de droit, et, moi, je suis la première à être sensible à la règle de droit et aux chartes de droits et libertés et évidemment tout ça. Je suis très sensible à ce que le Barreau me dit, à ce qu'ils nous disent, et la Commission des droits de la personne, mais je suis très sensible à ce que les gens nous disent. Et on a une responsabilité, en tant qu'élus, d'être à l'écoute de ces gens-là, parce que, sinon, si on ne pose pas de geste, c'est là qu'on risque de perdre l'adhésion de la population.
Et, en tant que ministre de l'Immigration qui est en charge de ce magnifique projet d'amener des milliers de personnes d'outre-mer et d'ailleurs qui viennent enrichir notre société, je suis très sensible à l'importance d'intégrer ces personnes à la société. Mais je vous dirai que c'est les premiers à vouloir s'intégrer. Ce n'est pas eux qui remettent en question l'intégration, ils veulent s'intégrer. Et ils nous disent: Donnez-nous les outils. Ils apprennent le français, ils parlent français, la majorité parle français lorsqu'ils arrivent ici. On a toutes les conditions gagnantes pour réussir cette immigration, pour réussir la diversité.
Alors, j'implore l'opposition de marcher avec nous dans ce projet de loi. On a eu beaucoup de discussions, on aura beaucoup de discussions. On a eu beaucoup de plaisir, franchement, la députée de Rosemont et moi. Je sais que... Elle a souligné ce matin que souvent j'ai souri quand elle a fait ses propositions, parce qu'elle a des idées très claires et nettes, évidemment, et j'ai beaucoup apprécié ses commentaires, et tout, on a eu vraiment... On a parlé de charia, on a parlé de polygamie, on a parlé de toutes sortes de choses, ça a été fascinant. Mais les débats vont très loin, et, moi, je pense qu'il faut faire un choix puis il faut poser un geste, il faut aller de l'avant. Alors, ça conclut mes commentaires, M. le Président. Merci.
**(15 h 50)**Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, merci, Mme la ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration. Je voudrais indiquer, à ce moment-ci, deux choses -- un instant -- que, pour ce qui est du temps qui reste à l'opposition officielle, c'est 17 min 30 s environ, le deuxième groupe parlementaire, il lui reste environ 4 min 30 s. Et j'aurais souhaité que nous connaissions la décision. Et je vois le leader adjoint qui est en mesure de communiquer la décision de l'opposition officielle sur l'amendement proposé. Et je veux vous entendre, M. le leader adjoint du gouvernement... de l'opposition officielle.
M. St-Arnaud: Non, M. le Président, ce n'est pas tellement pour ça, la porte-parole et députée de Rosemont réagira plus tard. Mais ce que je voulais savoir du leader adjoint du gouvernement, c'est s'il avait... s'il prévoyait d'autres intervenants de son côté, parce que, s'il n'en prévoit pas, je vous demanderais de faire la répartition du temps qui demeure immédiatement.
Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, on peut... oui, on peut valider ça, on peut lui demander. Parce que j'avais...
M. Gautrin: ...M. le Président, actuellement, je ne crois pas qu'il y a beaucoup de gens de notre côté qui voudraient intervenir. Le débat, je crois, est assez simple et assez élémentaire. Donc, dans ces conditions-là, je... Mais je voudrais quand même réserver... éventuellement, si des énormités sont dites par des gens de l'opposition, pour être en mesure de les corriger, le cas échéant.
Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, je vous remercie. C'était à prévoir. Donc, ça indique à la présidence que le moment n'est pas venu de faire tout de suite la répartition du temps. Alors, j'entendrai l'intervenante qui a sollicité de prendre la parole à ce moment-ci. Et je reconnais Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve pour son intervention sur la motion. À vous la parole, Mme la députée.
Mme Carole Poirier
Mme Poirier: Merci, M. le Président. Alors, ça me fait plaisir d'intervenir sur la motion de ma collègue de Rosemont sur le port du kirpan à l'Assemblée nationale. Alors, effectivement, nous avons vécu un événement, à l'Assemblée nationale, dans les dernières semaines, qui a sollicité beaucoup les médias aussi. Beaucoup de gens se sont exprimés, entre autres, sur les blogues, sur ce qu'on appelle les fils de médias sociaux. Et d'ailleurs notre collègue le député de Laurier vient justement de s'affirmer sur son... sur Twitter, il y a quelques minutes, en nous disant que c'est dommage que le Parti québécois fasse de la politique sur une question qui était jusque-là une question de sécurité. Vive la laïcité fermée! Alors, j'aurais pensé qu'il serait venu nous le dire ici, en Chambre. Ça aurait été agréable de l'entendre, lui qui, on se le rappellera, avait accueilli un groupe de la communauté sikhe, il y a quelques mois, pour venir ici, à l'Assemblée, célébrer un office religieux. Alors, dans l'enceinte de l'Assemblée nationale, la communauté sikhe est venue célébrer. Et, pour ce faire, ils exigeaient qu'un des leurs puisse porter un kirpan, un des leurs puisse porter une arme, un couteau.
Et, en ce fait, j'aimerais ça qu'on puisse se parler de la sécurité de l'Assemblée nationale. La sécurité de l'Assemblée nationale, on se rappellera, M. le Président, a vu des jours très, très tristes, le 8 mai 1984, lorsqu'un homme, le caporal Lortie, est entré ici avec une arme et qu'il a fait feu sur trois personnes. Encore aujourd'hui, dans l'enceinte où nous sommes ici, au salon bleu, plusieurs des pages qui ont été témoins de cette scène-là en ont encore les traces. Et c'est encore vibrant, le 8 mai, à chaque année, lorsqu'il y a rappel des événements, plusieurs des membres de la sécurité ressentent encore cette peur et ce sentiment d'insécurité qui a suivi, dans les années qui se sont échelonnées après, parce que la vie des parlementaires ici, la vie des gens qui assurent notre sécurité ainsi que la vie des gens qui nous entourent dans les travaux de l'Assemblée ont été mises en danger par un homme qui avait réussi à franchir la porte de l'Assemblée nationale avec une arme.
Alors, je me suis amusée à faire une petite recherche, M. le Président, sur la définition de c'est quoi, une arme, parce que c'est de ça qu'on parle. Une arme, c'est un outil ou un dispositif autonome destiné, dans sa conception ou son utilisation, à neutraliser, blesser, tuer un être vivant ou à causer une destruction matérielle. C'est aussi fait pour se défendre, pour se protéger et c'est également... ça a aussi des finalités en termes d'arts maritaux, cérémonies, fêtes, marque de statut social. Et justement ce qu'il est important de se rappeler, c'est le statut social.
Alors, le kirpan, qu'est-ce que c'est? Bien, c'est un couteau. Parce que qu'est-ce que c'est qu'une arme? Bien, une arme, dans sa définition, bien, ça une lame et un endroit où l'on met la lame. Le couteau, bien, un couteau, c'est un outil tranchant, une arme blanche -- on revient encore -- une arme blanche comportant une lame et un manche. Alors ça, c'est très évident. Donc, le kirpan est un couteau et qui est aussi une arme. Et, si je prends la définition du kirpan telle qu'elle est... en tant que telle, le kirpan est une arme -- il me semble qu'on vient de faire la boucle -- est une arme symbolique s'apparentant à un poignard, portée par les Sikhs orthodoxes pour rappeler le besoin de lutter contre l'oppression et l'injustice. Alors, c'est une arme que l'on porte pour se défendre. C'est une arme.
L'enceinte de l'Assemblée nationale n'a pas besoin d'arme à l'intérieur pour défendre qui que ce soit. Ici, l'outil que l'on utilise pour se défendre, c'est la parole. Et, fort heureusement, depuis 1984, on a des mesures de sécurité qui ont été augmentées à l'Assemblée nationale, et ce qui a fait que, dans les dernières semaines, les gens qui se sont présentés avec des armes ont été refusés.
Vous savez que l'historique du kirpan, M. le Président, eh bien, ça date de 1699, de 1699, au moment où le gourou Gobind Singh a annoncé aux Sikhs de porter en toutes circonstances le kirpan. Les tribunaux du Québec avaient confirmé l'interdiction de porter le kirpan, mais, comme à l'habitude, la Cour suprême en a conclu qu'en se fondant sur la liberté religieuse garantie par la constitution, Constitution canadienne, je vous le rappellerai, qu'en milieu scolaire le port du kirpan par un élève ne pouvait faire l'objet d'une interdiction totale dans la mesure où il était porté dans des conditions sécuritaires, c'est-à-dire enveloppé dans un étui cousu, l'étui étant lui-même porté sous les vêtements de façon à n'être pas accessible aux tiers, ce qui n'était pas du tout le cas de nos visiteurs qui sont venus ici il y a quelques semaines. Il ne s'agissait pas d'un objet cousu sur le vêtement mais d'un kirpan qui était tout à fait apparent.
En 1999, on se rappellera qu'un jeune garçon sikh qui suivait des cours de natation à la piscine publique de Dollard-des-Ormeaux s'est vu empêcher de porter son kirpan par la direction de la piscine. Il me semble... Ça me semble assez logique. Eh bien, imaginez-vous donc que le maire a dû céder aux pressions de la communauté sikhe et permettre au jeune de terminer son cours en portant son kirpan. Alors, écoutez, là, moi, je m'excuse, là, mais, à côté du... Comment pouvait-il cacher le kirpan, puisqu'on se rappelle, là, il doit être porté dans des conditions sécuritaires, enveloppé dans un étui cousu, l'étui étant lui-même porté sous les vêtements? On s'entend bien que c'est un jeune garçon, il avait rien qu'un petit costume de bain, là, alors...
En septembre 2008, le Service de police de Montréal a annoncé qu'un étudiant de 13 ans était accusé d'en avoir menacé un autre avec son kirpan. Il a été finalement accusé de l'accusation puisqu'il a le droit, selon la Cour suprême du Canada, de le porter.
M. le Président, le kirpan est, oui, un signe religieux, mais il est une arme aussi. Et, en ce sens, si on en vient à permettre tous les signes religieux dans cette enceinte, eh bien, ma foi, permettons, à ce moment-là, aux gens, tel que je le lis dans un média... à l'effet que les membres de l'église Beaches Mission of God à Toronto, une église de l'Univers, dans l'est de Toronto, soutiennent «que le cannabis est une substance sacrée qui rapproche ses adeptes de Dieu». Alors, on pourrait ne pas empêcher ces adeptes de fumer du cannabis ici même, ici même, dans l'enceinte. Peut-être que certains voudraient devenir des adeptes de cette église, malheureusement.
**(16 heures)** Et on voit jusqu'où la dérive mène. Ce n'est pas parce que c'est un signe religieux qu'on doit en admettre la présence dans tous les lieux. Et, quand j'entends particulièrement la ministre de l'Immigration et des Affaires culturelles nous dire, tout à l'heure, qu'il ne faut pas effacer notre histoire, que ça fait en sorte qu'on ne veut pas porter de petite croix, non, on n'en est pas là. On n'en est pas là. La motion de ma collègue, elle est très claire. On ne veut pas, dans l'enceinte où on a connu l'affaire Lortie, porter des armes. Et ça, à mon avis, c'est très clair. Mais, en plus, la Sécurité de l'Assemblée nationale a appliqué une règle de base: protéger l'ensemble des députés, protéger le personnel qui est ici, comme on le souhaite depuis l'affaire Lortie.
M. le Président, la ministre nous dit -- et j'en suis très surprise, mon collègue de Bourget en a été surpris, lorsque nous avons entendu la ministre tout à l'heure -- qu'elle avait réitéré son appui à la Sécurité. Eh bien, ce n'est pas ce qu'on a entendu, et ce n'est pas ce que j'ai lu dans le verbatim, et ce n'est pas ce qu'on a vu lors de l'événement. Elle est restée neutre. Il n'y avait pas de question d'appui. Elle est restée neutre devant l'événement. Alors, il faudrait juste remettre les choses au bon endroit.
Et affirmer que le projet de loi n° 94 vient régler le problème du kirpan, par exemple, bien, c'est faux. C'est faux. Et je cite en ce sens le premier ministre lors du dépôt du projet de loi n° 94, qui nous disait, et je le cite: Avec cette loi, le gouvernement trace «aussi la ligne en reconnaissant qu'un usager des services publics -- donc, quelqu'un qui vient à l'Assemblée nationale, c'est un usager des services publics -- ou un employé de l'État peut porter des [signes] religieux». Et là, là, je... c'est une chose et son contraire, là. Alors, le premier ministre dépose un projet de loi par le biais de sa ministre des Communautés culturelles... de l'Immigration et des Communautés culturelles, et ce projet de loi là, le premier ministre nous dit qu'il vient reconnaître qu'un usager des services publics peut porter des signes religieux.
La ministre vient de nous dire, tout à l'heure, qu'elle avait appuyé le fait qu'on interdise le kirpan à l'Assemblée nationale, ce qui n'était pas... ce qui, en fait, n'est pas les événements qu'on a pu voir au moment où ça s'est passé. Au contraire, elle est restée neutre. Le projet de loi permettrait d'entrer à l'Assemblée nationale avec son kirpan. C'est ce que ça dit. C'est ce que le premier ministre a dit. Alors, qu'on nous dise le contraire, je veux bien, mais c'est ce que le premier ministre a dit.
Une voix: ...
Mme Poirier: Pas du tout. M. le Président, la charte du Québec ne prévoit pas actuellement la neutralité de l'État. Le projet de loi n° 94 vient introduire ce principe-là, mais qui n'est pas enchâssé dans la Charte des droits. Alors, venir prétendre que la neutralité de l'État est un fait, eh bien, c'est peut-être un fait dans l'agissement de tous et chacun, mais ce n'est pas inscrit dans la Charte des droits. Et ce n'est pas le projet de loi n° 94 qui vient le faire, parce que le projet de loi n° 94 ne vient pas modifier la Charte des droits et libertés. Il vient simplement en énoncer, encore une fois, le principe, mais il n'y a pas de modification législative dans la Charte des droits. Alors, encore là, malheureusement, ce n'est pas une affaire de réglée.
La ministre nous dit: On nous a demandé de poser des gestes. Oui, c'est vrai, la commission Bouchard-Taylor a demandé de poser des gestes. L'ensemble de la population du Québec... et, même lors des auditions du projet de loi n° 94, on a demandé de poser des gestes. Mais le problème, c'est qu'il faut poser les bons, M. le Président. Ce n'est pas tout de poser des gestes, il faut poser les bons gestes. Et ce que la ministre des Communautés culturelles nous propose, ce n'est pas suffisant, ce n'est pas le bon geste.
Le geste qu'il fallait faire, c'est un débat sur la laïcité, faire ce que la commission Bouchard-Taylor avait proposé, déposer un livre blanc et faire en sorte, tout simplement, que, dans ce livre blanc là, on puisse y retrouver une ouverture afin que chacun puisse venir exprimer ce qu'il pense du modèle de laïcité qu'on devrait avoir au Québec, comment le vivre-ensemble devrait être fait. Parce que la laïcité n'est pas l'exclusion ou l'inclusion de certaines religions. C'est le respect de toutes les religions mais le respect de toutes les religions dans la société civile et aussi à savoir qu'est-ce qu'on en fait dans nos institutions, de ces religions, quelle est la place des religions dans nos institutions.
Au Québec, nous avons décidé, il y a plusieurs années, et nous en sommes très fiers... La chef de l'opposition, qui était alors ministre de l'Éducation, avait réussi à faire déconfessionnaliser nos écoles, à modifier la Constitution afin que justement on puisse, dans nos écoles, ne plus tenir compte de la religion, pour en favoriser les enfants, mais bien tenir compte de la langue d'usage. Et nous avons maintenant, partout au Québec, des écoles françaises, des écoles anglaises, et non plus des écoles catholiques et protestantes. Mais nos écoles sont inclusives et font en sorte que... Et je regarde même dans Hochelaga-Maisonneuve, j'ai des écoles où il y a à peu près huit à 10 religions présentes, en tant que tel. Mais ce sont les enfants qui pratiquent ces religions, ce sont leurs parents qui pratiquent, et ça ne se pratique pas à l'école, la religion, ça se pratique à la maison. Alors, M. le Président, on a vraiment un effort à faire, là.
La motion qui est présentée par ma collègue de Rosemont vient remettre effectivement sur le tapis le kirpan, le kirpan qu'on avait décidé, à Ottawa, de nous imposer, mais rappelons-nous que la Cour suprême s'était bien gardée de l'imposer dans les tribunaux. Alors, c'est permis à l'école, mais pas permis dans les tribunaux. Allez savoir. Alors, le juge est bien d'accord à se protéger, mais pas protéger nos enfants.
On n'a pas protégé les institutions, non plus. Il n'y a jamais... Il n'y a pas eu -- sauf l'événement qui est arrivé en 2008 -- d'événement en tant que tel, mais ça a pris un événement, en 1984, pour que l'Assemblée nationale se dote de mesures de sécurité, malgré que notre institution datait de plus d'une centaine d'années. M. le Président, je pense que, pour la sécurité des membres de cette Assemblée, pour la sécurité du personnel, la sécurité des députés, le port du kirpan ne doit pas être permis dans cette enceinte.
Et je vous dirais, M. le Président, qu'il va être très important de statuer sur ce sujet-là, parce que, si on laisse encore la Cour suprême du Canada venir dicter à l'ensemble de la population du Québec comment on doit se comporter en matière d'accommodements religieux, eh bien, vous pouvez être sûr que c'est la Charte des droits et libertés de la personne qui va venir nous imposer sa liberté de croyance et sa liberté de religion au-delà de l'égalité hommes-femmes et au-delà de la sécurité.
On l'a vu dans une cause qui a fait la manchette, il y a un an environ, en 2009, dans la cause Alberta contre la communauté huttérienne. Dans cette cause-là, la Cour suprême est venue dire, pour une fois, le contraire de ce qu'elle a toujours dit. Elle a dit que, pour des mesures de sécurité... Et on se rappellera, M. le Président, ce sont des femmes qui refusaient de se dévoiler pour faire prendre leur photographie sur leurs permis de conduire. Alors, elles refusaient de retirer leurs voiles pour se faire photographier, et on sait bien que le permis de conduire est une carte d'identité, alors comment identifier quelqu'un qui porte un voile intégral? Et, à ce moment-là, le gouvernement de l'Alberta a été jusqu'à la Cour suprême pour faire respecter sa juridiction à l'effet de dire que, sur un permis de conduire, ça prend la photo de la personne pour l'identifier, ça prend la photo pour être bien sûr que c'est la bonne personne. Oui, M. le Président?
Le Vice-Président (M. Gendron): Oui. Je m'excuse, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve. L'opposition officielle disposait, avant que vous débutiez votre intervention, de 17 min 30 s. Le 17 min 30 s étant épuisé, à ce moment-ci, la présidence a besoin d'indications de la part soit de l'opposition officielle... ou elle va prendre une décision personnelle de commencer à puiser dans la banque de temps qui n'a pas été utilisé, soit du deuxième groupe parlementaire, soit des indépendants.
Mais je souhaiterais, M. le leader adjoint du gouvernement, qu'à ce moment-ci vous me donnez une indication, et ça pourrait aider tout simplement à la bonne entente que je sens qu'il règne ici. Si tel n'était pas le cas, ce n'est pas grave -- ce ne sera pas long, M. le député de Mercier, vous, votre droit de parole est protégé -- je commencerais à piger dans la banque des indépendants qui n'ont pas indiqué qu'ils voulaient utiliser le temps et peut-être dans le reste du temps du deuxième groupe, mais ça va nous remettre à la même place que nous sommes dans quelques minutes. Alors, c'est pour ça que j'aurais une meilleure gestion du débat si vous pouviez me donner des indications. À vous, M. le leader adjoint.
**(16 h 10)**M. Gautrin: M. le Président, je vais vous donner une indication, dans le sens suivant: Je souhaiterais que ma collègue d'Hochelaga-Maisonneuve puisse terminer son intervention sur notre banque de temps, mais je ne voudrais pas hypothéquer complètement notre banque de temps. Comme je vous l'ai dit tout à l'heure, M. le Président, il resterait la possibilité, si jamais il y a des interventions qui nécessitent une réponse de notre part... Mais, en principe, nous n'avons pas de nouveaux... personne qui devrait intervenir.
Le Vice-Président (M. Gendron): Mais, M. le leader du... M. le leader adjoint du gouvernement...
Des voix: ...
Le Vice-Président (M. Gendron): S'il vous plaît! Je préfère... Je préférerais, là... Ça serait bien plus simple de dire: Est-ce qu'on peut s'entendre que je vous donne cinq minutes, pour votre protection...
Des voix: ...
Le Vice-Président (M. Gendron): Non. O.K. Non, non, mais, s'il n'y a pas d'entente, c'est réglé, il n'y a pas de cinq minutes. Donc, moi, je ne peux pas, là...
Une voix: ...
Le Vice-Président (M. Gendron): Un instant! Non, non, mais juste une...
Une voix: ...
Le Vice-Président (M. Gendron): Juste une...
Une voix: ...
Le Vice-Président (M. Gendron): Oui, mais je voudrais juste finir ma phrase. Je voudrais juste finir ma phrase.
Une voix: ...
Le Vice-Président (M. Gendron): O.K. Alors, sur l'hypothèse. Alors, veuillez vous asseoir, M. le leader adjoint. M. le leader de l'opposition officielle.
M. Bédard: ...ce qu'exprime le leader adjoint du gouvernement est noble, mais, dans les faits, effectivement, il y a un temps: il l'utilise ou il ne l'utilise pas. Quand il ne l'utilise pas, il est retourné à l'opposition, qui l'utilise. Il n'y a pas de... Le seul droit de réplique qui est protégé, c'est celui de ma collègue, donc le proposeur. Il n'y aura pas d'autre droit.
Alors, s'ils veulent l'utiliser, qu'il me fasse signe. On verra à ce moment-là. Mais on ne peut pas commencer à arrêter quelqu'un, et après ça, tout d'un coup, qu'elle se lève, je fais deux, trois minutes, puis après ça on y va à tour de rôle. Donc, vous voyez un peu la cacophonie dans laquelle nous serions. S'ils veulent utiliser leur droit de parole, tant mieux, nous serons ici pour les écouter d'ailleurs. S'ils ne le souhaitent pas, comme on le sait actuellement, bien, nous, nous souhaitons l'utiliser. Et on continue comme ça.
Une voix: ...
Le Vice-Président (M. Gendron): Un instant! La présidence avait indiqué ça, que ça serait préférable d'avoir l'indication. On ne l'a pas. Donc...
Une voix: ...
Le Vice-Président (M. Gendron): Un instant! Donc, pour le moment, le temps étant épuisé, de l'opposition officielle, je reconnais le prochain intervenant. Et la présidence se gouvernera dans ce qu'elle a comme indication, c'est-à-dire la réserve dans la banque de temps des indépendants, qui ne l'ont pas utilisée, et de même que le deuxième groupe parlementaire. Et, quand nous serons rendus là où ça semble qu'on va se rendre, on prendra une décision. M. le député de Mercier, pour votre cinq minutes protégé.
M. Khadir: M. le Président, est-ce que je peux quand même offrir quelques... J'ai juste cinq minutes?
Le Vice-Président (M. Gendron): Oui. Vous le saviez.
M. Khadir: Eh bien, je vais essayer de faire très vite pour que ça puisse être accordé à ma collègue d'Hochelaga-Maisonneuve pour compléter...
Le Vice-Président (M. Gendron): Vous avez cinq minutes, puis la collègue d'Hochelaga, elle prendra du temps dans la banque qu'on a. M. le député de Mercier.
M. Amir Khadir
M. Khadir: Sur la question du kirpan, juste pour aller directement au fond des choses, c'est parfaitement le droit de l'Assemblée nationale, sur des considérations de sécurité, d'interdire le kirpan si la Direction de la sécurité de l'Assemblée nationale le juge nécessaire. Ça, c'est un aspect des choses.
L'autre aspect plus fondamental, venant d'un parti comme Québec solidaire qui a décidé de prendre une position qui n'est pas très populaire dans l'opinion publique de notre population alentour de tout ce qu'on a connu comme débat sur les accommodements raisonnables... Je l'ai indiqué, Françoise David, pour Québec solidaire, l'a indiqué: Nous sommes prêts à nous battre pour la défense du droit, par exemple, des femmes voilées de travailler lorsque c'est dans le but de leur permettre un meilleur accès à l'emploi, à plus d'égalité, à leur émancipation économique, pour les décloisonner. Mais, lorsqu'il s'agit, pour des groupes, d'utiliser, disons, l'ouverture pour ces accommodements dans le but de provoquer, dans le but d'introduire une tension qui n'est pas nécessaire, qui est tout à fait, en fait, nuisible à ce débat, à un débat serein sur les nécessités de la pluralité démocratique et économique et sur le respect de droits de tout le monde, Québec solidaire s'y oppose.
Alors, au-delà des considérations de sécurité, comme le geste qui avait été prémédité de la part de ce groupe qui venait faire des représentations alentour des débats entourant le projet de loi n° 94, je suis dans l'obligation, de la part de Québec solidaire, pour nous dire... pour dire que nous nous y opposons sur la base du principe même. Et nous allons appuyer donc la motion de l'opposition officielle, ceci en répétant... C'est uniquement parce que, dans ce cas-ci, c'est un geste simplement pour introduire une tension qui n'est pas nécessaire, pour dramatiser un débat, alors qu'on a besoin plutôt, au cas-par-cas et pour le respect du droit de celles surtout qui sont dans une situation qui, sur le plan de leurs droits sociaux et économiques, se voient brimées par une série d'impondérables dans l'accessibilité à leurs droits à des services ou à l'emploi... Quand on introduit cette dramatisation par un geste provocateur tel qu'il a été le cas il y a quelques semaines, nous croyons que ce n'est pas utile au débat et qu'il faut s'y opposer. Pour ces raisons, j'appuie la motion introduite par l'opposition officielle.
Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, je vous remercie, M. le député de Mercier. À ce moment-ci...
Une voix: ...
Le Vice-Président (M. Gendron): Un instant, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve. Oui, la présidence peut décider, et je prends la décision. Dans les temps déterminés, dans les temps déterminés mais fermés, les trois... les deux indépendants avaient droit à trois minutes, le deuxième groupe avait 4 min 30 s. Alors, la présidence a le droit de prendre la moitié de ce temps... On va y arriver. J'ai trop d'aide, là. On a le droit de répartir -- la présidence -- si le temps n'est pas utilisé, à celle qui veut l'utiliser. Alors, je vous laisserais la parole, si vous le souhaitez et s'il y a consentement pour que vous puissiez poursuivre, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, dans la 1 min 30 s des trois minutes non utilisées par les deux indépendants et dans le 4 min 30 s non utilisé par le deuxième groupe parlementaire, puisqu'il me l'a indiqué. Donc, 1 min 30 s plus la moitié de 4 min 30 s, on s'entend pour à peu près trois minutes. Mais après ça il y aura une question à poser à l'opposition officielle... c'est-à-dire, au gouvernement: Que faites-vous de votre banque de temps? Et on verra. À vous la parole pour...
Une voix: ...
Le Vice-Président (M. Gendron): Un instant! Oui, M. le leader adjoint.
M. Gautrin: Je vais être... En général, je suis gentleman là-dedans et j'essaie d'être le plus ouvert possible, mais je crois qu'on ne peut intervenir qu'une seule fois dans un débat.
Une voix: ...
M. Gautrin: Ah, c'est ça, vous me demandez mon consentement actuellement...
Le Vice-Président (M. Gendron): Je demande le consentement aux parlementaires, compte tenu de ce qui est arrivé, parce qu'effectivement... Alors, y a-t-il consentement pour que la députée d'Hochelaga-Maisonneuve poursuive quelques minutes?
M. Gautrin: ...ma bonne foi et le côté gentleman de mon côté -- et je voudrais que le leader, le leader de l'opposition en prenne note -- pour pouvoir permettre à notre collègue la députée d'Hochelaga de terminer son intervention.
Le Vice-Président (M. Gendron): Il y a consentement. Alors, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Carole Poirier (suite)
Mme Poirier: Alors, merci, M. le Président. Alors, avant ce petit moment où mon collègue de Mercier est intervenu et où on a réparti le temps, je vous parlais de la situation de la communauté huttérite en Alberta et à l'effet que, pour des mesures de sécurité -- et là on est bien dans des mesures de sécurité -- le gouvernement de l'Alberta a demandé que la photo qui est sur le permis de conduire puisse être toujours la même, même pour des femmes qui sont voilées, et que les femmes devaient se dévoiler pour faire prendre la photo. Et malheureusement -- ou je ne sais pas comment le qualifier -- ce débat-là est monté jusqu'à la Cour suprême parce que la communauté huttérite, pour des motifs religieux, refusait que les femmes se dévoilent et qu'on puisse avoir leur photo, parce qu'ils ne peuvent pas se faire photographier.
Alors, on voit bien, là, où le débat nous mène, en particulier pour des mesures de sécurité, quand, dans nos règles, dans nos règles de société, un permis de conduire, ça vient avec une photo. Et ça, c'est une règle de société. C'est une règle aussi de sécurité, parce qu'on a besoin d'identifier la personne. Quand le policier vous arrête, il a besoin de savoir si le permis, c'est bien vous. Et il y a des gens qui viennent contester ces règles-là dans notre société, et ils viennent remettre en question, dans le fond, les bases aussi de notre sécurité. Et ça, M. le Président, on ne doit pas l'accepter. On ne doit pas accepter. Et, fort heureusement, la Cour suprême ne l'a pas accepté non plus et a tout simplement appuyé la décision du gouvernement de l'Alberta de continuer à demander qu'on se dévoile et qu'on puisse avoir notre photo sur le permis de conduire.
M. le Président, ce n'est pas la seule cause qui...
Une voix: ...
Le Vice-Président (M. Gendron): ...
**(16 h 20)**Mme Poirier: Merci, M. le Président. Merci, M. le Président, de votre collaboration. M. le Président, ce n'est pas la seule cause qui vient remettre en... sur laquelle on doit porter un regard. Il y a la cause Amselem, qui est une cause qu'on a tous entendu parler, ou je l'espère -- si vous n'en avez pas entendu parler, ça va me faire plaisir de vous en parler -- qui est l'installation de sukkahs sur les balcons d'appartement. Et en particulier c'est une cause qui s'est produite à Montréal.
Alors, vous savez, M. le Président, si j'achète un condo, j'ai ce qu'on appelle une convention. C'est une convention des propriétaires qui détermine une liste de règlements. La liste de règlements que je dois signer quand j'achète mon condo, eh bien, elle comporte certaines règles, dont une, et je l'ai même vérifié sur le mien, M. le Président, sur mon contrat de... ma convention de propriétaires, et ça dit qu'on ne peut installer... on ne peut installer de trucs sur le balcon à l'avant de la maison. C'est aussi simple que ça.
Et la communauté juive a une pratique qui est qu'à la Pâque on installe une sukkah sur le balcon. Alors, ça fait partie du rite religieux. Naturellement, la convention de propriété, les propriétaires de cet immeuble ont tenté, par des accommodements, de dire: Est-ce qu'on peut enlever... Parce que ça contrevient à notre convention, est-ce qu'on peut déplacer la sukkah, la mettre à l'arrière? Est-ce qu'on peut la mettre pour qu'elle puisse être partagée aussi par plusieurs? Parce qu'il y avait plusieurs personnes de la communauté juive. Et il n'en a pas été question parce que c'est une règle religieuse, parce que c'est une pratique religieuse et que ça doit être comme ça.
Mais est-ce que ça doit être comme ça, malgré les règles du Code civil? Parce qu'une convention entre propriétaires... quand j'achète un immeuble pour lequel je signe une convention, c'est un contrat et, quand je signe un contrat, je me dois de le respecter. Et est-ce qu'en vertu de mes convictions religieuses je peux dire que je ne respecterai pas un contrat parce que... Je l'ai signé, mais je le savais, que ce n'était pas en lien avec mes convictions religieuses. Alors, il y a là, M. le Président, des questions à se poser, auxquelles, encore là, le projet de loi n° 94 ne répond pas. Le projet n° 94 ne vient pas se prononcer justement sur les pratiques, entre autres, des sukkah ou de tout autre type de pratique qu'il y a.
M. le Président, oui?
Le Vice-Président (M. Gendron): Non, bien là, je voudrais juste indiquer que, là, les banques que nous avions de temps à retourner sont terminées. Toutes les banques sont vides, il ne reste qu'une seule alternative, m'adresser au leader adjoint puis dire: Qu'est-ce que c'est que vous faites du temps qui est à vous? Il reste à votre...
Une voix: ...
Le Vice-Président (M. Gendron): Un instant! Il reste à votre formation 28 minutes. Pour que la collègue qui a la parole puisse poursuivre, il faut qu'elle prenne du temps autorisé en quelque part. Ce seul temps, il ne peut venir que du vôtre. Si vous lui laissez également... Si vous n'utilisez pas, votre temps de parole, oui, effectivement, la collègue qui a la parole peut poursuivre la parole sans... le débat sans consentement, et d'autres intervenants pourront parler dans la banque de temps qu'il reste parce qu'il s'en va à l'autre formation quand il n'est pas utilisé. M. le leader adjoint.
M. Gautrin: Je trouve que la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, ayant un discours intéressant, je pense qu'on est prêts à lui donner notre temps. Si... Éventuellement, j'aurai la même demande si jamais quelqu'un voudrait...
Le Vice-Président (M. Gendron): ...
M. Gautrin: Attendez, M. le Président, laissez-moi terminer.
Le Vice-Président (M. Gendron): Je le sais, vous l'avez dit tantôt.
M. Gautrin: Alors, je voudrais terminer en disant que je solliciterai le consentement unanime de l'opposition si jamais quelqu'un voudra encore intervenir de notre côté.
Le Vice-Président (M. Gendron): Merci. Alors, comme par consentement on peut faire à peu près tout ce qu'on veut dans cette Chambre, on verra. Alors, en ce qui concerne la présidence, je laisse poursuivre l'intervenante, en sachant, madame, que vous disposez amplement de temps pour poursuivre votre intervention. Alors, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, à vous la parole.
Mme Poirier: Alors, M. le Président, donc, je disais qu'entre autres dans l'affaire Amselem, ce que ça venait faire, la démonstration, c'est que, lorsque les libertés religieuses, lorsque les croyances religieuses passent au-delà de nos lois, il y a là des questions à se poser, et le projet de loi n° 94 n'en fait pas mention.
Alors, le kirpan, tel qu'il est discuté dans cette motion, vient faire en sorte que la sécurité doit être au premier chef de notre réflexion. Et je citerais Mme Liza Frulla, qui est une ancienne membre de ce gouvernement, qui disait ce midi, à l'émission des Ex: «La manoeuvre était clairement planifiée pour nous faire mal paraître.» Eh bien, je pense que, M. le Président, ça vient tout dire, et je pense que c'est pour ça qu'il fallait une motion aujourd'hui. Il ne faut pas avoir l'air des gens qui ont l'air de mal paraître. Rappelons-nous l'affaire Lortie et tenons-nous debout.
Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, je vous remercie, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, pour votre intervention, et je suis prêt à entendre le prochain intervenant sur son intervention.
Une voix: ...
Le Vice-Président (M. Gendron): Et je reconnais maintenant M. le leader de l'opposition officielle.
M. Bédard: Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Gendron): M. le leader de l'opposition officielle, à vous pour votre intervention sur cette motion de l'opposition officielle du mercredi. À vous la parole.
M. Stéphane Bédard
M. Bédard: Merci, M. le Président. Je suis fort heureux d'intervenir sur cette motion importante, importante en elle-même parce qu'elle fait référence à une décision qui a été prise par quelqu'un qui est ici, en cette Chambre, donc, et qui a eu à... confronté à certains précédents, et à des demandes précises, et à une pression réelle médiatique mais autre, a décidé d'appliquer strictement des règlements. Et je pense qu'on doit lui rendre hommage, lui rendre hommage d'avoir pris la bonne décision. Parce qu'il n'est pas tout de prendre une décision, encore faut-il lui rendre hommage d'avoir pris la bonne, et je le fais sincèrement, M. le Président, d'autant plus dans le contexte qu'on connaît. Et ça l'a mis d'ailleurs devant les projecteurs rapidement. On dit souvent qu'on a nos minutes de gloire. Je pense que celle-là était bien méritée parce que c'est une décision qui était lourde de sens. En même temps, elle a éveillé les Québécois et les membres de cette Assemblée à une réalité qui est beaucoup plus complexe.
Avant de l'aborder, je vous dirais par contre qu'autant je salue la réaction de notre sergent d'armes, je dois par contre avoir... manifester tout mon étonnement face à la réaction de la ministre du gouvernement, qui a, elle, préféré s'abstenir de toute remarque, de toute intervention, de toute opinion sur un sujet, je pense, qui méritait... Pour une ancienne ministre de la Justice, pour une juriste, pour une membre de gouvernement, je pense que c'était le temps, justement, M. le Président, d'avoir une opinion. Elle a préféré plutôt, je dirais, reporter à d'autres circonstances ou à d'autres endroits de débat, là, un sujet qui n'est pas partisan, qui ne fait pas partie d'une réalité concrète, je vous dirais, de plateforme ou qui doit être traité sur une base strictement politique et partisane. Au contraire, elle touche fondamentalement les valeurs, les valeurs et les principes, M. le Président, un principe aussi noble que celui de la neutralité de notre État.
Je vous dirais en même temps, je tiens à saluer la réaction de notre collègue, qui a, elle... Et ce n'était pas prévu, là, ce n'était pas quelque chose qui a été anticipé ou où on s'attendait à avoir à réagir. Elle a réagi, pas en m'appelant ou en demandant à tout le monde: Est-ce que je suis padée? Quelle est mon opinion? Est-ce que mon opinion est valable? Non, parce que ses opinions là-dessus sont claires, et ça fait partie des principes qui guident pourquoi elle est venue en politique. Alors, elle n'a pas à se poser la question: Est-ce que je suis en étroite ligne avec chacune des lignes de mon programme ou de ce que pourrait penser chacun de mes collègues? C'est que ça interprète ses valeurs... plutôt, ça interpelle, Mme la Présidente, je vous dirais, vos valeurs et ses valeurs à elle. Et, sur nos valeurs, Mme la Présidente, on ne peut pas reculer. Sur des principes aussi névralgiques, importants que sont l'égalité hommes-femmes, la neutralité de l'État, aucun chef ne peut nous faire reculer sur ces questions. Aucune ligne de parti, aucun principe partisan ne peut l'emporter sur ce qui a inspiré parfois toute une carrière politique, des interventions, donc ce qui fait en sorte que la personne est ce qu'elle est et elle s'est engagée dans notre société. Alors, elle a réagi, elle a donné son opinion tel qu'elle le pensait à ce moment-ci, au moment où c'est arrivé. Et je pense que cette opinion reflétait d'ailleurs ce que pense la vaste majorité des Québécois et Québécoises.
Il n'y a pas vraiment d'ambiguïté sur ces questions. Nous devons, en matière de sécurité, mais en matière évidemment d'égalité hommes-femmes, ne pas disposer... ne pas jouer dans l'ambiguïté, Mme la Présidente. Et c'est pour ça que, dans les interventions que nous avons faites maintenant depuis plus de trois ans, nous sommes sortis de cet inconfort que nous avions à réaffirmer des principes et des valeurs qui sont bien québécoises, au nom d'un principe de multiculturalisme qui n'est pas le nôtre, qui nous a été imposé, imposé pour des raisons qui ne sont pas mesquines ou qui ne sont pas... qui sont d'autres valeurs, Mme la Présidente, et nous n'avons pas à intégrer ces principes qui ne correspondent pas à nos valeurs.
**(16 h 30)** Et là viennent souvent des arguments un peu de peur, de dire: Bon, bien, on va enlever toutes les petites croix de tout le monde. Arrêtons, Mme la Présidente, arrêtons! Ce débat-là, c'est tenter encore une fois de faire dévier le débat actuel, les principes qu'on est en train de discuter. Personne ne doit renoncer à ses croyances, à ses croyances personnelles, à sa façon de l'afficher. Personne ne va vous demander, par exemple, d'enlever le crucifix en haut de l'Assemblée, là, juste où vous siégez, Mme la Présidente. Pourquoi? Parce que justement cela rappelle une histoire, une histoire où le Québec s'est bâti à travers des valeurs, où même, à une certaine époque, la religion était très présente, très présente dans les vies personnelles des gens, mais dans la vie collective des gens, jusque même au plus haut niveau, jusqu'à un point, malheureusement, où, dans notre démocratie, mais comme dans bien d'autres, cette façon de faire a fait en sorte que la population s'est détournée de ces procédés, et elle a dit: Séparons cette Église, séparons notre Église et l'État.
Et je pense qu'on n'a pas eu à souffrir, je vous dirais, à un point tel... Dans certaines démocraties, les coûts humains ont été encore plus élevés. Dans notre cas, il y a des vies qui ont été brisées là-dessus. Il y a des gens qui avaient peut-être de grands espoirs qui n'ont pu être rencontrés. Il y a des femmes, Mme la Présidente, qui ont vécu jusqu'à même... on est une des dernières démocraties en Amérique du Nord, là, d'ailleurs, qui a donné... ça a été long avant qu'on donne le droit de vote aux femmes, mais qui ont subi cette réalité qui était inspirée par des gens très rétrogrades qui se retrouvaient dans bien des endroits mais, entre autres, dans l'Église, à laquelle j'appartiens, Mme la Présidente. Et il ne faut plus que cela, que cette façon de faire, Mme la Présidente, inspire ou plutôt force le législateur à adopter des mesures qui vont à l'encontre de principes et des valeurs qui doivent guider notre société, soit celui toujours de la protection de cette égalité nécessaire entre les hommes et les femmes.
J'ai entendu même le terme «dramatique». Tout à l'heure, je pense, c'est mon collègue de Mercier qui faisait mention: Je vais voter en faveur pour éviter la dramatisation -- ou quelque chose qui ressemblait à ça -- parce que c'est des notions de sécurité. Il a le droit à son opinion, il a le droit, mais je dois lui dire que je suis profondément en désaccord avec la façon dont il traite cette question. Profondément. Nous avons ici, au PQ, au Parti québécois, des convictions qu'a exprimées ma collègue mais qui font, je pense, l'unanimité dans nos rangs. Et ces principes se répercutent dans différentes façons, dans différentes initiatives que nous avons prises, par exemple le projet de loi qu'a déposé notre chef concernant la citoyenneté, l'identité, mais aussi les amendements que nous avons déposés dans certains projets de loi qui traitaient justement de cette hiérarchisation de certains droits, Mme la Présidente, de cette façon de voir qu'est-ce qui doit être priorisé: cette égalité hommes-femmes, ou on doit traiter sur le même palier la liberté nécessaire à cette liberté de religion.
Nous avons préféré, nous, créer ou proposer des critères interprétatifs qui feraient en sorte que des principes importants qui sont communs à notre société, à notre nation, à notre peuple, la langue, l'égalité hommes-femmes, qui sont, je pense -- ici, personne n'oserait contester -- sont des principes qui doivent être appliqués d'une façon encore plus -- et le terme est peut-être mal choisi -- un peu plus... de façon plus rigoureuse, Mme la Présidente. Il doit y avoir une forme de prédominance dans l'interprétation par rapport aux autres droits, nécessaires quand même. Personne ne remet en cause la liberté de religion, personne, et c'est nécessaire de maintenir cette liberté, mais elle ne doit en aucune façon, de façon collective, avoir préséance ou plutôt avoir un effet collectif sur cette égalité hommes-femmes.
Et de refuser ce débat sous... en disant... sous des raisons ou des motifs que sont la peur ou la dramatisation, c'est avoir peur de débattre de sujets qui sont fondamentaux. Je n'ai pas peur d'affirmer, moi, qu'au contraire nous devons faire, Mme la Présidente, ces débats, et maintenant. On a trop attendu. On a été trop gênés, au Québec, on a été... on a tenté de nous stigmatiser, même, Mme la Présidente, littéralement de nous faire sentir coupables, de nous culpabiliser. Puis, comment les Québécois, vous le savez, les Québécois sont sensibles à cette culpabilisation, comment on peut, parfois par humilité... Et c'est une des belles qualités d'un individu. Pour un peuple, je pense que nous devons être un peu plus... s'enorgueillir de ce que nous avons comme valeurs. Donc de culpabiliser cette société d'avoir des valeurs qui sont différentes que d'autres endroits à travers le monde.
Je pense que les décisions que nous avons prises... celle d'ailleurs qu'a prise le sergent d'armes a même fait discuter un peu partout à travers le monde. J'ai regardé au Canada anglais. Le Canada a réagi différemment, les éditorialistes ont réagi d'une façon, la population, d'une autre. Il s'est ouvert un débat qui n'existait même pas au Canada. Ça n'a jamais été mon but de le faire, Mme la Présidente, par le dépôt de nos projets de loi, nos prises de position, mais on sent que même toute cette réflexion autour du multiculturalisme, pour le Canada, demande maintenant une réflexion. On a vu ce qu'a dit d'ailleurs même Tony Blair dernièrement, on a vu des déclarations qui remettent en cause cette façon de voir la société anglaise.
Alors, au Québec, nous et au Parti québécois, on n'est pas mal à l'aise; nous, notre décision, notre orientation, elle est claire, elle est sans nuance, et nous souhaitons maintenant qu'elle soit discutée dans cette Assemblée. Or, par le projet de loi n° 94, le gouvernement, qu'est-ce qu'il a tenté de faire? C'est qu'on n'en discute pas, Mme la Présidente. On a pris un exemple qui est le plus... je vous dirais, le plus évident, la burka, et on a dit: Stigmatisons ce cas-là et faisons en sorte que le vrai débat, qui est celui autour de la neutralité de l'État, de mesures claires pour assurer cette égalité hommes-femmes, de maintenir cet... ces principes d'égalité hommes-femmes, donc agissons sur un petit cas finalement pour éviter de débattre des vraies questions.
Revenons à ces questions, Mme la Présidente, pas dans le but de choquer les autres, pas dans le but d'avoir des réactions ou d'entendre des gens d'ailleurs nous faire la leçon, dans le but que cette réalité nous frappe actuellement, et elle va continuer de nous frapper. Elle va continuer d'avoir des impacts sur chacun des concitoyens, peu importe leur origine, peu importe d'où ils viennent, qu'ils aient décidé, il y a une semaine, de s'installer au Québec ou de ceux qui sont là depuis des générations.
Je suis le père de deux belles grandes filles, Mme la Présidente, et je sais à quel point -- et vous aussi -- et je sais à quel point ce combat est juste. Et jamais, moi, je vais laisser la moindre ambiguïté par rapport à cette réalité, parce que c'est le plus beau legs qu'on peut leur donner. Si, en 40 ans, on a avancé aussi vite, ça veut dire, Mme la Présidente, qu'en 40 ans on peut reculer avec la même vitesse. Et ça, c'est inquiétant, et ça se fait de façon pernicieuse. Vous savez, les bien-pensants souvent vont invoquer bien des motifs, vont se servir même parfois de la religion, mais de bien d'autres choses, Mme la Présidente, même de la réalité familiale, pour imposer à des individus des façons de vivre, sous prétexte de... de principes nobles, là, la pérennité de la nation, jusqu'à, je vous dirais, le maintien même de certaines réalités juridiques, Mme la Présidente. Il faut être à l'abri de cela. Mais, pour le faire, il faut en discuter, il faut en parler, il ne faut pas avoir peur de nommer ces choses-là et de le faire dans les endroits appropriés.
Alors, est-ce que c'est à la rue? Est-ce que c'est au Match des élus qu'on doit discuter de ça? Moi, je lis du Liza Frulla régulièrement là-dessus, ce n'est pas qu'elle n'a pas une bonne opinion, au contraire, c'est intéressant. Est-ce que c'est, je ne le sais pas, moi, aux émissions qu'on écoute à Télé-Québec, avec Marie-France Bazzo? Est-ce que c'est là qu'on doit parler de ça, qui sont des émissions fort intéressantes avec des intellectuels qui nous amènent des points de vue où chacune des visions peuvent être exprimées? Est-ce que c'est... Est-ce que ce sont les bons forums? Vous ne pensez pas, Mme la Présidente, que le forum approprié, il est ici? Que le débat le plus... un des plus prioritaires, dans les trois les plus importants qu'on doit mener ici, là, c'est relatif au... ce débat, plutôt, doit être relatif aux valeurs que nous souhaitons discuter à travers les projets de loi que nous avons déposés, autour de la protection de la langue, autour de la protection de l'égalité hommes-femmes?
**(16 h 40)** Je pense que l'erreur que le Parti libéral fait actuellement, c'est de refuser le débat, de repousser le débat. S'ils ont des discussions à faire à l'interne, qu'ils les fassent. Ils ont des caucus, des endroits, au Conseil des ministres, peu importe, des conseils du Parti libéral, alors qu'ils amènent ces questions et qu'ils trouvent... s'ils n'ont pas unanimité, qu'ils trouvent du moins un consensus. Parce qu'ils ne pourront pas toujours, par des moyens purement de... liés à leur majorité, empêcher ces débats, Mme la Présidente. Ce que nous souhaitons par cette motion, c'est d'appuyer une décision, mais, plus que ça, appuyer aussi des principes, et on en mentionne un dans la motion, le principe de neutralité de l'État, qui n'empêche pas... -- et je le dis dans la même phrase, tout d'un coup que je me retrouve aux nouvelles ou qu'on tente d'utiliser ma phrase -- qui n'empêche pas la croix qui est au-dessus de votre tête, Mme la Présidente.
Elle ne l'empêche pas, parce qu'elle appartient à notre patrimoine historique. On ne peut pas commencer à changer le drapeau du Québec; le drapeau du Québec est une croix, comme le drapeau de ma belle région, Mme la Présidente. Vous le savez, Saguenay--Lac-Saint-Jean, nous sommes la seule région à avoir un drapeau, et elle commence par une croix. Est-ce que ça fait en sorte que tous les gens de la région du Saguenay--Lac-Saint-Jean, à laquelle appartient d'ailleurs le ministre de la Santé, sont catholiques pratiquants ou chrétiens? Non. Non. Maintenant, personne ne va le remettre en cause, pourquoi? Parce que, si, à une certaine époque, ça pouvait être contraignant, ce ne l'est plus. Et les gens font référence à cela comme étant... faisant partie de notre histoire. Intérieurement, dans leurs pratiques, cela peut avoir une signification tout autre. Alors, chacun de nous porte en lui les convictions, et en elle, les convictions qu'il a, et il faut traiter ces questions de façon séparée entre la réalité individuelle et notre réalité collective.
Donc, Mme la Présidente, j'ai hâte à ces débats, j'ai vraiment hâte. Et je tiens à dire au gouvernement que cette motion est un début. Ma collègue l'a dit d'ailleurs en point de presse avant de commencer: C'est un début. Vous en serez sûrement fort heureuse, Mme la Présidente, nous allons amener... Vous avez fait des combats courageux de votre côté, d'autres en ont fait, nous allons continuer à les faire et nous allons provoquer ces débats parce qu'ils doivent être faits.
Et j'invite le gouvernement, oui, à voter en faveur de notre motion, ainsi que Québec solidaire, mais pour les bonnes raisons, pour les bonnes raisons: réaffirmer le principe de la neutralité de notre État. Et je tiens à dire qu'il y en aura d'autres, motions, il y aura d'autres interventions, il y aura d'autres projets de loi, et que ce n'est pas l'artifice qui a été déposé en Chambre et en commission parlementaire, le projet de loi n° 94, qui a été d'ailleurs rejeté par la plupart de ceux et celles qui sont venus, pour des motifs différents d'un côté et de l'autre, qui va régler cette question. Nous reviendrons à la charge et sans aucune peur, aucune crainte d'être taxés par certains membres de cette Assemblée ou de l'extérieur de... ou d'être affublés de quelques qualificatifs qui font en sorte que le débat est évité -- vous savez à quel point c'est facile d'éviter ce débat-là -- nous allons le faire parce que nous sommes rendus là, parce que la situation le commande, parce que c'est notre responsabilité. Mais c'est surtout parce que cela fait partie de nos valeurs, Mme la Présidente. Merci.
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors, je vous remercie, M. le leader de l'opposition officielle. Il reste environ cinq minutes au prochain intervenant avant la réplique. J'apprécierais beaucoup, M. le leader, que vous puissiez nous indiquer votre consentement par rapport à l'amendement parce qu'on approche du vote, l'amendement qui a été présenté par M. le...
Une voix: ...
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Oui, d'accord, très bien. Alors, dans ce cas-là, je cède la parole à M. le député de Lac-Saint-Jean.
M. Alexandre Cloutier
M. Cloutier: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt les propos de mon collègue de Chicoutimi, nous exprimer les préoccupations qu'il a pour ses enfants. Et évidemment, dans une perspective un peu plus personnelle, le Québec, je crois, doit se targuer de la réussite qu'il a atteinte en ce qui a trait à l'égalité entre les hommes et les femmes. Bien évidemment, je ne dis pas que tout est fait et qu'il ne reste pas des choses à faire, entre autres en ce qui a trait à l'égalité de nature plus économique, mais le Québec est certainement un modèle, mais un modèle qui est fragile. Un modèle qui est fragile et qui pourrait rapidement être remis en question sur des valeurs aussi fondamentales que l'égalité entre les hommes et les femmes, la laïcité des institutions publiques de même que la neutralité de l'État.
Mme la Présidente, en politique, vous savez, on doit parfois réagir avec beaucoup de rapidité, et, lorsque le projet de loi n° 394 a été déposé, ma collègue de Rosemont, avec beaucoup de professionnalisme et d'études approfondies, en est vite arrivée à la conclusion que le projet de loi ne faisait que codifier l'état actuel du droit. Un projet de loi qui en principe était venu nous dire qu'on venait indiquer des règles claires à la population québécoise. Mais on ne... Le gouvernement s'est vite ramassé dans une situation d'arroseur arrosé, parce qu'alors même qu'on étudiait le projet de loi qui devait indiquer des règles claires aux Québécois sur la façon de se comporter, bien, lorsqu'on a demandé à la ministre d'appliquer son propre projet de loi, sa première réponse a été de dire: Bien, moi, je ne me prononce pas là-dessus.
Mais, Mme la ministre, lisez votre projet de loi. Parce que votre projet de loi, en principe, est supposé nous dire... est supposé nous dire de quelle manière les Québécois vont devoir se comporter. Parce que le projet de loi, ce qu'il vient... ce qu'il devait venir faire, c'était de codifier, donc d'indiquer aux tribunaux de quelle manière nous allions régler le cas-par-cas.
Alors que s'est présentée à l'Assemblée... l'Assemblée nationale, pardon, une situation bien concrète et que la ministre responsable du dossier aurait dû nous indiquer de façon très claire la façon dont l'Assemblée nationale devait se comporter, elle s'est placée... elle a refusé de prendre cette responsabilité et... pour la partager à l'institution qu'est l'Assemblée nationale. Mais c'est bien pour vous démontrer, Mme la Présidente, que ce que vient faire le projet de loi, lequel a été déposé par le gouvernement, ce n'est rien d'autre que codifier l'état actuel des choses. Et codifier l'état actuel des choses, ce que ça veut dire, Mme la Présidente, c'est le statu quo, donc la même orientation jurisprudentielle qui était octroyée aux tribunaux.
Mme la Présidente, lorsque le gouvernement nous dit que la neutralité de l'État est une valeur partagée par l'ensemble des Québécois, évidemment c'est le cas. Mais le problème dans la façon qu'interprète le gouvernement de la valeur de la neutralité de l'État, la neutralité de l'État ouverte, Mme la Présidente, c'est la neutralité de l'État complète. Et c'est là qu'il y a un problème. C'est là qu'il y a un problème, parce que la neutralité de l'État doit être un concept qui est défini par les Québécois et qui doit faire l'objet d'un débat entre les parlementaires. Ma collègue de Rosemont nous propose une définition de la neutralité de l'État: par exemple, d'interdire les signes religieux ostentatoires dans la fonction publique. Voilà une définition de la neutralité de l'État, voilà une définition québécoise, originale, à notre manière, en fonction de nos valeurs.
Lorsqu'on dit qu'on est... qu'on nous présente un projet de loi pour la neutralité ouverte, Mme la Présidente, c'est une neutralité sans balise, c'est une neutralité sans cadre, c'est une neutralité du laisser-faire. Alors, Mme la Présidente, ce que les Québécois auraient souhaité du gouvernement, c'est justement de mettre fin aux situations du cas-par-cas, pour qu'on ait un cadre suffisamment précis qui nous permette de naviguer à travers les situations qui seront présentées aux Québécois. On peut comprendre qu'il y aura des discussions parfois sur des enjeux et qu'il peut exister des zones grises, mais, de façon générale, Mme la Présidente, les Québécois s'attendent des parlementaires à ce qu'on réponde à cette épineuse question qui est celle des accommodements raisonnables.
Ma collègue de Rosemont a fait un travail extraordinaire. Elle nous propose une charte de la laïcité. Maintenant, qu'on en débatte à l'Assemblée nationale et qu'on suive la députée de Rosemont dans le leadership qu'elle exerce à travers le Québec. Merci, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors, je vous remercie, M. le député du Lac-Saint-Jean.
Nous arrivons à l'étape de la réplique. Mais j'apprécierais, s'il vous plaît, je sollicite votre collaboration pour qu'on puisse avoir du calme pour entendre Mme la députée de Rosemont pour sa réplique.
Mme Louise Beaudoin (réplique)
Mme Beaudoin (Rosemont): Merci, Mme la Présidente. Aujourd'hui, on a reçu de la World Sikh Organization un texte qui dit, en anglais -- il n'y a pas de traduction française: World Sikh Organization urges Quebec Assembly to vote down kirpan ban. Et, au nom, encore une fois... c'est dans le premier paragraphe, Mme la Présidente: «This debate is no longer about the niqab or the kirpan, it's about the inclusion of minorities in Quebec and the place of [...] multiculturalism.» Et, comme je l'ai bien expliqué tout à l'heure, comme je l'ai fait ce matin, ou cet après-midi aussi, tout est dans... c'est le coeur du débat que cette question donc du multiculturalisme. Je comprends qu'on n'a pas dû s'expliquer, qu'il y a un malentendu fondamental, quand on nous redit aujourd'hui: «Vote down kirpan ban and»... World Sikh Organization urges Quebec Assembly... au nom du multiculturalisme. Et c'est là que je sens, que je sais qu'il y a un malentendu fondamental, que mon collègue, d'ailleurs, de Bourget a bien expliqué cet après-midi.
**(16 h 50)** Et je veux seulement lire une phrase de Christian Rioux, qui tout récemment... C'était le 21 janvier, il disait, parlant de cet événement concernant le kirpan: Le problème de ce malentendu à propos du multiculturalisme, c'est que, bien sûr, on fait partie encore du Canada, où c'est un mythe fondateur de ce pays nouveau qu'a voulu créer Pierre Elliott Trudeau en 1982 et dans les années soixante-dix, mais en 1982 en particulier. C'est comme si on ne savait pas ou si l'ensemble des Québécois ne savaient pas que le multiculturalisme sur le territoire québécois...
Il n'y a personne ici, ni en face ni de ce côté-ci, qui prône ce multiculturalisme, en tout cas, tout au moins, disons, dans des textes. Ou il y en a peut-être qui y croient malgré tout, mais, dans des textes, on ne retrouve pas ça. Et par conséquent, quand on invoque le multiculturalisme pour nous demander de rejeter cette motion que j'ai présentée aujourd'hui, eh bien, c'est là que je constate qu'il y a un grave malentendu, que, personnellement en tout cas, quand je rencontre, au fur et à mesure, non seulement dans ma circonscription, comme on le fait tous et toutes, bien évidemment, Mme la Présidente, mais, quand je rencontre des citoyens du Québec d'origines diverses, que je leur explique que ce n'est pas ça que l'on souhaite... On souhaite ici une intégration, notre collègue le leader de l'opposition l'a bien expliqué, une intégration au nom de certains principes, au nom de certaines valeurs que sont l'égalité hommes-femmes, la prédominance du français, la séparation de l'Église et de l'État, c'est-à-dire de la laïcité.
Et Christian Rioux écrit donc: Dans le fond, ce qui s'oppose en permanence sur le territoire du Québec, c'est le multiculturalisme anglo-saxon inscrit dans la Constitution canadienne -- à son article 27, comme on l'a expliqué aujourd'hui -- par rapport à l'identité nationale québécoise. C'est dans ce sens-là que je dis toujours que la laïcité, c'est ça qui est inclusif, et c'est le multiculturalisme qui nous renvoie chacun à notre communauté d'origine, qui nous divise. Je crois que c'est extrêmement important de faire cette distinction.
Maintenant, je voudrais revenir un instant sur ce que la ministre a dit tout à l'heure en se ralliant à la motion. Parce que...
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Un instant, Mme la députée de Rosemont, s'il vous plaît, j'ai beaucoup de difficultés à vous entendre. J'invite les collègues, s'il vous plaît, au silence. Il y a une seule personne qui a la parole, et c'est Mme la députée de Rosemont. J'apprécierais beaucoup votre collaboration. Allez-y, madame.
Mme Beaudoin (Rosemont): Merci, Mme la Présidente. Je remercie mes collègues à l'avance, et ça va se terminer bientôt. Donc, j'ai apprécié que la ministre de l'Immigration se rallie à cette motion tout à l'heure, puisqu'en effet, le 18 janvier, sa réaction première, ça a été de dire: Je ne veux pas me prononcer là-dessus, sur cette question du kirpan à l'Assemblée nationale. Elle a dit: Je veux rester neutre par rapport à cette situation. Alors, tant mieux si le gouvernement, si les membres du Parti libéral, les députés en face se rallient. Je m'en réjouis, Mme la Présidente, parce que je considère en effet que c'est une question fondamentale, qui va au coeur même de notre vivre-ensemble puis du Québec de demain, de ce Québec pluriel, de ce Québec divers qui doit apprendre en effet à vivre ensemble, mais en fonction de cette identité nationale québécoise et de cette égalité des droits pour tous.
Moi, je veux quand même dire à la ministre, et là on va rester sur des positions différentes, ça a été très clair tout à l'heure par rapport au projet de loi n° 94, qui est en effet, comme l'a dit le député du Lac-Saint-Jean, intimement relié à la motion d'aujourd'hui, que nous sommes en désaccord sur la laïcité. Bon, moi, je prétends qu'en face et ce que présente le projet de loi n° 94, c'est une laïcité à la pièce, c'est une laïcité à la carte, que c'est une laïcité qui n'est pas inclusive, justement, que la laïcité, elle doit être inclusive et que c'est la garantie non seulement la meilleure de l'égalité hommes-femmes dans notre société, mais c'est aussi la garantie de ce pluralisme québécois qui est le nôtre aujourd'hui.
Et je voudrais ajouter en effet que le signe religieux... Donc, ce que l'on veut, nous, c'est interdire le port de signes religieux ostentatoires. Pas la petite croix, je veux dire, que l'on met discrètement. Et on ne demande à personne de laisser tomber ses croyances religieuses. Mais ce sont les signes religieux ostensibles. Que, dans la fonction publique, on pense que les employés de l'État doivent s'abstenir d'un discours en quelque sorte religieux. Parce qu'on sait que le port de signes religieux, ça dit quelque chose, c'est symbolique. Les symboles sont importants. C'est un langage qui est non verbal. Alors, qu'on doit s'abstenir, quand on est employé de l'État, d'un tel discours, puisque l'usager des services publics n'a pas à être soumis, lorsqu'il fréquente des institutions par définition neutres, l'employé de l'État n'a pas à tenir ce discours non verbal. Et je répète que ça n'entraîne pas pour le croyant la négation de sa foi, mais l'expression, oui, de sa foi par des signes ostensibles sur les heures de travail, de 9 heures à 5 heures. Bon.
Alors, par conséquent, je pense qu'une fois qu'on a fait toutes ces distinctions on peut, je l'espère, parce que c'est le voeu de la majorité des Québécois... que j'arriverai à convaincre la ministre et à convaincre le gouvernement que c'est la voie la meilleure dans laquelle ce... le chemin qu'il faut prendre pour faire en sorte que le Québec soit une société la plus harmonieuse possible, dans laquelle il y a une vraie cohésion sociale. Et je pense que l'on pourra éventuellement s'entendre là-dessus.
Et je termine, Mme la Présidente, en disant qu'il y a des jugements de la Cour européenne des droits de l'homme qui ne sont pas les mêmes que ceux de la Cour suprême du Canada, donc qu'il peut y avoir une autre culture juridique, parce que la Cour européenne des droits de l'homme a reconnu, dans un certain nombre de jugements, que l'État... un État pouvait décider d'interdire le port de signes religieux de la part de ses employés. Il y a donc une autre culture juridique qui est possible que celle de la Cour suprême du Canada. Et je pense que la laïcité doit être, dans un premier temps, bien affirmée dans la Charte des droits et libertés du Québec. Merci beaucoup.
Des voix: ...
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors, s'il vous plaît! Merci beaucoup, Mme la députée de Rosemont.
Je vais maintenant mettre aux voix la motion de Mme la députée de Rosemont, qui se lit comme suit:
«Que l'Assemblée nationale appuie sans réserve la décision prise par sa Direction de la sécurité à l'effet d'interdire le port du kirpan lors des consultations portant sur le projet de loi n° 94, Loi établissant les balises encadrant les demandes d'accommodement dans l'administration gouvernementale et dans certains établissements, appliquant ainsi le principe de la neutralité de l'État.» Cette motion est-elle adoptée?
Des voix: ...
Une voix: Vote par appel nominal.
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors, le vote par appel nominal est demandé. Qu'on appelle les députés.
**(16 h 58 -- 17 h 8)**La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors, nous allons maintenant procéder à la mise aux voix de la motion de Mme la députée de Rosemont, qui se lit comme suit:
«Que l'Assemblée nationale appuie sans réserve la décision prise par sa Direction de la sécurité à l'effet d'interdire le port du kirpan lors des consultations portant sur le projet de loi n° 94, Loi établissant les balises encadrant les demandes d'accommodement dans l'Administration gouvernementale et dans certains établissements, appliquant ainsi le principe de la neutralité de l'État.»Mise aux voix
Que les députés en faveur de cette motion veuillent bien se lever.
Le Secrétaire adjoint: Mme Marois (Charlevoix), M. Bédard (Chicoutimi), Mme Maltais (Taschereau), Mme Beaudoin (Rosemont), Mme Malavoy (Taillon), Mme Richard (Marguerite-D'Youville), M. Simard (Richelieu), M. Cloutier (Lac-Saint-Jean), M. Trottier (Roberval), M. Cousineau (Bertrand), Mme Champagne (Champlain), Mme Bouillé (Iberville), Mme Beaudoin (Mirabel), M. Blanchet (Drummond), Mme Richard (Duplessis), M. Bergeron (Verchères), M. Ratthé (Blainville), M. Turcotte (Saint-Jean), Mme Poirier (Hochelaga-Maisonneuve), M. Bérubé (Matane), M. Aussant (Nicolet-Yamaska), M. Marceau (Rousseau), M. St-Arnaud (Chambly), Mme Léger (Pointe-aux-Trembles), M. Drainville (Marie-Victorin), M. Curzi (Borduas), M. Girard (Gouin), Mme Ouellet (Vachon), M. Pinard (Saint-Maurice), M. Pagé (Labelle), M. Ferland (Ungava), M. McKay (L'Assomption), M. Gaudreault (Jonquière), Mme Lapointe (Crémazie), M. Dufour (René-Lévesque), M. Lemay (Sainte-Marie-- Saint-Jacques), Mme Hivon (Joliette), M. Kotto (Bourget), M. Rebello (La Prairie), M. Pelletier (Rimouski), M. Leclair (Beauharnois), M. Villeneuve (Berthier), M. Pelletier (Saint-Hyacinthe), M. Robert (Prévost), M. Tremblay (Masson), M. Boucher (Johnson), M. Traversy (Terrebonne), M. Simard (Kamouraska-Témiscouata).
**(17 h 10)** M. Charest (Sherbrooke), M. Fournier (Saint-Laurent), Mme Normandeau (Bonaventure), Mme Courchesne (Fabre), Mme Beauchamp (Bourassa-Sauvé), Mme Gagnon-Tremblay (Saint-François), M. Bachand (Outremont), M. Bolduc (Jean-Talon), Mme Blais (Saint-Henri--Sainte-Anne), M. Lessard (Frontenac), Mme Thériault (Anjou), M. Corbeil (Abitibi-Est), Mme St-Pierre (Acadie), Mme Ménard (Laporte), Mme James (Nelligan), Mme Vien (Bellechasse), M. Kelley (Jacques-Cartier), M. Paquet (Laval-des-Rapides), M. MacMillan (Papineau), M. Hamad (Louis-Hébert), M. Gignac (Marguerite-Bourgeoys), M. Arcand (Mont-Royal), M. Dutil (Beauce-Sud), Mme Charlebois (Soulanges), M. Moreau (Châteauguay), Mme Boulet (Laviolette), M. Simard (Dubuc), Mme Weil (Notre-Dame-de-Grâce), M. Bernier (Montmorency), M. Marsan (Robert-Baldwin), M. Paradis (Brome-Missisquoi), M. Marcoux (Vaudreuil), M. Ouimet (Marquette), M. Bergman (D'Arcy-McGee), M. Gautrin (Verdun), M. Whissell (Argenteuil), Mme L'Écuyer (Pontiac), M. Bachand (Arthabaska), M. Bernard (Rouyn-Noranda-- Témiscamingue), M. Morin (Montmagny-L'Islet), M. Reid (Orford), M. Dubourg (Viau), Mme Gaudreault (Hull), Mme Gonthier (Mégantic-Compton), M. Ouellette (Chomedey), M. Sklavounos (Laurier-Dorion), Mme Vallée (Gatineau), M. Huot (Vanier), M. Drolet (Jean-Lesage), M. Diamond (Maskinongé), M. Chevarie (Îles-de-la-Madeleine), Mme Charbonneau (Mille-Îles), M. Carrière (Chapleau), M. Billette (Huntingdon), M. Lehouillier (Lévis), M. Mamelonet (Gaspé), M. Matte (Portneuf), M. Pigeon (Charlesbourg), Mme Rotiroti (Jeanne-Mance--Viger), Mme St-Amand (Trois-Rivières), M. D'Amour (Rivière-du-Loup).
Mme Roy (Lotbinière), M. Grondin (Beauce-Nord), M. Bonnardel (Shefford).
M. Khadir (Mercier).
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Que les députés contre cette motion veuillent bien se lever. Y a-t-il des abstentions? M. le secrétaire général.
Le Secrétaire: Pour: 113
Contre: 0
Abstentions: 0
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): La motion est adoptée. Alors, la motion est adoptée.
J'invite les députés qui doivent vaquer à d'autres occupations de le faire immédiatement et dans l'ordre, s'il vous plaît.
Des voix: ...
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! S'il vous plaît!
Des voix: ...
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Très bien. Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Alors, je cède maintenant la parole à M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Gautrin: Je vous remercie, Mme la Présidente. Auriez-vous l'amabilité d'appeler l'article 7 du feuilleton?
Projet de loi n° 94
Reprise du débat sur l'adoption du principe
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): À l'article 7, l'Assemblée reprend le débat, ajourné plus tôt aujourd'hui, sur l'adoption du principe du projet de loi n° 94, Loi établissant les balises encadrant les demandes d'accommodement dans l'Administration gouvernementale et dans certains établissements.
Y a-t-il des interventions? Oui. Alors donc, j'ai Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, qui n'avait pas terminé son intervention. Alors, vous avez la parole, Mme la députée.
Mme Carole Poirier (suite)
Mme Poirier: Merci, Mme la Présidente. Alors, nous venons d'avoir un débat important et l'adoption d'une motion importante sur un signe religieux qui dorénavant sera interdit dans cette enceinte. Et je suis très fière d'avoir participé à ce vote et à cette discussion et je suis surtout très fière que l'ensemble des parlementaires ait vu là un impact important, entre autres, pour la sécurité, la sécurité des parlementaires, la sécurité des membres de l'Assemblée et de l'ensemble du personnel de l'Assemblée nationale.
Mais en ce qui concerne le projet de loi n° 94, Mme la Présidente, vous comprendrez que la motion que nous venons d'adopter... eh bien, on est obligés d'adopter une motion parce que le projet de loi n° 94 ne prévoit pas ce type de modalité, ne prévoit pas venir encadrer ce type de signe religieux. Et ma collègue la députée de Rosemont nous disait précédemment que la Cour européenne des droits de l'homme a en effet, dès 1994... 1993, a conclu à la validité de l'interdiction de porter le voile dans une université turque. De même, en 2001, dans l'affaire Dahlab c. Suisse, elle a conclu que le refus d'autoriser une enseignante chargée d'une classe de jeunes enfants de porter le foulard islamique était justifié, considérant le signe extérieur fort que représente le foulard. Alors, Mme la Présidente, vous savez, ce n'est pas une nouveauté, ce n'est pas du tout quelque chose qui est récent que des parlements... excusez-moi, que des cours se prononcent sur le fait que le port de signes religieux et, dans ce cas-là, du foulard islamique... eh bien, il y a certains pays qui ont eu le courage d'intervenir.
Dans le cadre des auditions du projet de loi n° 94, la présidente du Conseil du statut de la femme est venue faire une intervention qui, écoutez, nous a tous surpris. Le Conseil du statut de la femme avait produit, dans un avis datant de 2007, septembre 2007, avis qui se nomme Droit à l'égalité entre les femmes et les hommes et la liberté religieuse... s'était exprimé assez clairement dans ses recommandations à l'effet que le conseil recommandait que les représentantes et représentants ou les fonctionnaires de l'État ne puissent arborer ni manifester des signes religieux ostentatoires dans le cadre de leur travail. Alors, pour le Conseil du statut de la femme, ce ne sont pas que les femmes qui se voient interdire de porter des signes religieux, mais c'est toute la société qui veut porter des signes religieux dans la fonction publique qui s'en voit l'interdiction. Le projet de loi n° 94 vient introduire une discrimination sur le genre, ce qui est interdit. Alors, on vient, par le projet de loi, stigmatiser les femmes par le fait qu'on vient interdire seulement qu'un objet religieux qu'est le voile intégral et qui, on le sait bien, n'est porté que par les femmes.
Alors, la présidente du Conseil du statut de la femme s'est montrée extrêmement surprise et perplexe, justement parce qu'on venait stigmatiser les femmes. Mais elle a aussi été très surprise par l'interprétation de l'article 6 par la ministre à l'effet que cet article-là venait codifier la jurisprudence des accommodements raisonnables, ce qui n'était pas la lecture de la présidente du Conseil du statut, qui, elle, en voyait une portée juridique beaucoup plus importante. Alors, il faudra que quelqu'un nous explique qui des deux a raison. Et finalement le Barreau est venu nous dire, et la majorité des groupes sont venus nous dire ce que la ministre nous disait: que l'article 6 n'est qu'une codification de la jurisprudence et sans plus. Ça ne vient pas donner aucun nouveau droit, ça ne vient pas introduire le fait que l'on pourra, par l'article 6, aller plus loin avec cela.
**(17 h 20)** Et, Mme la Présidente, eh bien, écoutez, vous êtes une source d'inspiration pour moi, vous le savez, dans ce domaine, alors je vais vous citer, puisque vous êtes une femme qui avez réfléchi sur le sujet, vous avez beaucoup écrit en plus, et je vous citerais d'un article de La Presse, qui date du 15 janvier 1994, alors qui s'intitule Voile: les femmes musulmanes ne sont pas un groupe monolithique. Et ce texte-là... Écoutez, c'est extraordinaire de lire ce texte-là parce qu'elle vient nous enseigner l'histoire, finalement. Ça vient nous instruire sur... Quand on parle du voile, il faut en parler avec les gens qui en connaissent... et qui connaissent ça. Et, je vous le dis, vous êtes une référence parce qu'effectivement ce que vous écrivez là est documenté et justifié.
Entre autres, vous nous dites qu'«étymologiquement, le "hijab", du verbe "hajaba", signifie cacher, dérober au regard». Qui veut cacher les femmes ici, au Québec? «Le voile est appelé différemment selon les modes et les façons de le porter. Les termes [...] plus souvent utilisés en arabe classique sont le "hijab" -- le voile couvrant les cheveux -- le "khimar" -- qui est la châle -- le "néquab" ou [le] "litham" -- voile cachant le visage -- sans compter les multiples dénominations qu'on retrouve dans les autres langues comme le persan -- Tchadour -- le turc -- Tcharchaf, vous m'excuserez mon accent, vous me corrigerez -- et les multiples parlers locaux -- haïk, djellaba, etc.»«Le Coran -- vous dites -- a fait mention du voile dans des contextes assez particuliers. Les versets 16 et 17...» Et là il faut parler des vraies affaires, Mme la Présidente. «Les versets 16 et 17 de la sourate IXX, intitulée Marie -- la Vierge -- confirment que le voile est antérieur à l'Islam: "Parle dans le Coran de Marie lorsqu'elle se [retirera] loin de sa famille dans un endroit à l'Est -- de Jérusalem. Elle se couvrit d'un voile -- un hijab -- qui la déroba à leurs regards."»«Le hijab s'est abattu -- vous dites -- sur les femmes à Médine en l'an 5 de l'hégire -- en 627 -- dans un contexte de "fitna" -- de désordre social.» Ce n'est pas rassurant, ça, Mme la Présidente.
Et vous continuez dans ce texte. D'ailleurs, j'invite les gens... Je serais même prête à le déposer à la commission ici, aujourd'hui... à cette Assemblée, parce qu'effectivement il y a là tout un cours d'histoire qu'il faut connaître pour être capable d'en parler.
Vous nous dites: «Depuis, le débat est ouvert. Chose certaine, il n'existe pas de "foulard islamique" universel ou de tenue caractéristique et généralisée à l'ensemble des femmes dans le monde musulman. Exception faite de l'Arabie Saoudite et de l'Iran, chaque pays, et à l'intérieur de chaque pays, chaque région, témoigne d'un patrimoine vestimentaire intégré[...].» Alors, c'est propre à chaque région, on le comprend bien. Mais ce que vous nous dites surtout: «Pas étonnant que l'une des principales mesures adoptées par la république islamique de l'Ayatollah Khomeyni en 1979 -- on n'est pas en l'an 627, là, on est là, là, 1979 -- fut la "tchadorisation" massive et généralisée des Iraniennes. Depuis, la campagne du foulard "dit islamique" bat son plein.
«Tout en reconnaissant le droit à toute femme musulmane qui, par choix personnel, décide de se couvrir la tête, il faut se garder des généralisations abusives. Par exemple, Waffa Moussiyne, qui a défrayé les manchettes, le 2 décembre 1993, dans l'affaire du juge Alary et du foulard, n'a pas toujours porté le hijab, et sa mère qui vit au Maroc ne s'est jamais voilée. Il en va de même pour sa soeur Soad, une Québécoise d'adoption.» Vous nous faites, dans ce texte-là, Mme la Présidente, la démonstration -- il me reste une minute, oui -- dans ce texte que, le foulard, il ne faut pas le traiter de façon banale. Le voile intégral, on ne peut pas le traiter de façon banale. Et l'inscrire comme il est inscrit dans le projet de loi n° 94, eh bien, c'est le banaliser en tant que tel, et il ne le faut pas. Le foulard est aussi un geste politique, il n'est pas seulement qu'un geste religieux.
Alors, Mme la Présidente, je rappellerais un petit texte de Wassila Tamzali.
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): ...
Mme Poirier: Et j'ai fini? Alors, je vous dirais juste que Mme Tamzali nous dit: Faites attention! Faites attention! Faites attention!
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci beaucoup, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve. Alors, je reconnais maintenant Mme la députée de Gatineau.
Mme Stéphanie Vallée
Mme Vallée: Alors, merci, Mme la Présidente. Ça me fait plaisir de prendre la parole cet après-midi dans le cadre de l'adoption de principe du projet de loi n° 94, projet de loi qui a donné lieu à de nombreuses heures en commission parlementaire pour les consultations, consultations qui se sont échelonnées sur près de trois sessions parlementaires.
Et j'aimerais, avant de passer dans le vif du sujet, souligner la grande écoute de la ministre qui, tout au long du processus et au fil des changements d'attribution de fonction aussi, a démontré une ouverture et une écoute relativement extraordinaires, parce qu'on a eu de nombreux groupes qui se sont adressés à la Commission des institutions et qui avaient des perceptions, des préoccupations tout aussi différentes les unes que les autres, et qui ont été reçus par la ministre avec une sensibilité et une délicatesse vraiment particulières. Et je tenais à le souligner cet après-midi.
Évidemment, l'ouverture dont la ministre a fait preuve, c'est l'ouverture dont nous devons tous faire preuve, parce qu'en tant que législateurs, lorsque nous devons adopter... lorsqu'on doit se pencher sur des questions... des grands enjeux de société, on doit le faire avec une ouverture d'esprit. On ne peut pas le faire exclusivement avec des ornières. Il y a plein d'éléments qui doivent être pris en considération, et surtout lorsqu'il s'agit d'un sujet aussi délicat que les libertés individuelles, le respect des libertés individuelles, le respect de la liberté de religion, le respect des principes contenus dans les... la Charte... et libertés de la personne du Québec, législation québécoise.
Alors, c'est important de faire preuve d'une grande délicatesse, parce que, lorsqu'on parle, entre autres, d'accommodements raisonnables, le sujet peut facilement déraper. Facilement, on peut être amené à prendre des positions qui vont dépasser ce que l'on pense réellement. Et l'harmonie entre les Québécoises et les Québécois du Québec, des différentes cultures, de différentes religions, c'est essentiel, et nous devons prendre bien soin de préserver cette harmonie.
On peut juger de l'importance que revêt un projet de loi pour la société en regardant le nombre d'intervenants qui se présentent en commission parlementaire et qui désirent se faire entendre sur la législation en question. Alors, si on tient compte, comme je le disais tout à l'heure, de la panoplie de groupes qui se sont présentés devant la Commission des institutions, on conclut que la question des accommodements dans la sphère de l'administration publique, c'est un enjeu de taille face auquel la population fait preuve d'une attention toute particulière.
Mme la Présidente, je crois que, quelle que soit notre formation politique ou notre point de vue sur la question, les députés qui se sont penchés sur le projet de loi peuvent vraiment être fiers du travail qui a été accompli. Et je tiens aussi à souligner le travail de mes collègues de l'ensemble des formations politiques qui ont participé à l'étude du projet de loi.
Il serait actuellement irresponsable de laisser la société québécoise dans un vague réglementaire, si je peux dire, en ce qui concerne les demandes d'accommodement dans la sphère publique. Quand on parle de sphère publique, c'est important de préciser, on parle des services rendus par les ministères, par les organismes publics, par certains établissements qui ont des liens avec les services... avec la prestation de services rendus à la population. Donc, l'objectif du projet de loi n° 94, contrairement à ce qui peut être véhiculé, ce n'est pas d'interdire... ce n'est pas de cibler les femmes, ce n'est pas d'interdire spécifiquement le port du voile. C'est de légiférer sur la façon... doivent être rendus les services dans la sphère publique. Et on doit le faire de façon claire et on doit le faire afin d'éviter que chaque question soit traitée individuellement et peut-être, parfois, en contradiction avec une décision rendue dans une autre Administration. Il est important qu'au Québec les citoyens savent exactement de quelle façon seront rendus les services et de quelle façon ils peuvent s'attendre à recevoir des services.
Alors, le projet de loi se caractérise évidemment par le souci que notre formation politique et que le gouvernement portent à la protection des libertés individuelles, toutefois en précisant qu'une liberté individuelle ne peut pas s'exercer à l'encontre des valeurs fondamentales du peuple québécois. J'aimerais... À titre d'exemple, il est clairement mentionné dans le texte du projet de loi que la notion d'accommodement renvoie à un aménagement qui respecte la Charte des droits et libertés de la personne, notamment le droit à l'égalité entre les hommes et les femmes et évidemment le principe de la neutralité religieuse de l'État. Ce n'est pas un hasard si cette importante précision a été introduite dans la loi. Un texte législatif qui a une portée aussi vaste ne peut pas être élaboré sans que nous réitérions les valeurs qui font de notre société ce qu'elle est et ce que nous voulons qu'elle soit.
**(17 h 30)** Pourtant, au cours des dernières décennies, on a eu une forte évolution de la société sur le plan de l'immigration. Il y a eu de plus en plus de gens issus de nationalités diverses qui sont venus enrichir le Québec. Bien qu'il soit bénéfique, il n'en demeure pas moins que cet apport inestimable a généré et générera de nouveaux défis tout aussi complexes les uns que les autres. Alors, le projet de loi n° 94 illustre de façon claire la capacité de notre gouvernement de prévoir cette évolution au lieu de la guérir.
Je ne veux pas prêcher par excès de confiance cet après-midi, mais force est de constater que le projet de loi va répondre avec succès au désir d'une grande majorité de la population. Il y a plusieurs facteurs qui démontrent que nous tendons à plus ou moins longue échéance vers la construction d'un avenir qui est rassembleur. Les Québécois, surtout les jeunes générations, témoignent d'une grande ouverture dans leur façon de voir, dans la façon de vivre les rapports interculturels. La loi s'inscrit donc dans ce processus déjà solidement enclenché, soit celui de l'édification d'une identité québécoise commune dans laquelle toutes les Québécoises et tous les Québécois issus des communautés culturelles pourront évoluer.
Un des aspects positifs du projet de loi, c'est le préjugé favorable envers les libertés individuelles qu'on y décèle. Il ne remet pas en question la liberté de religion des individus. Que ce soient des employés de l'État ou que ce soient les citoyens qui reçoivent les services publics, ça signifie que les employés conservent le droit constitutionnel d'exercer leur liberté de religion dans la mesure où ils exécutent leurs fonctions de manière neutre, efficace et impartiale. On peut se compter chanceux, Mme la Présidente, d'avoir un gouvernement qui propose une législation qui ne fait pas l'erreur d'ériger un dogme de la laïcité fermée à l'intérieur de l'administration publique québécoise.
Le projet de loi n° 94 s'inscrit dans un concept de laïcité ouverte, car on pense qu'une société mature comme la nôtre ne doit pas avoir peur de la diversité. Au contraire, l'interculturalisme doit être perçu comme étant un vecteur d'enrichissement collectif. On n'a qu'à penser à l'immense défi de la pénurie de main-d'oeuvre à laquelle on devra faire face à court terme, à très court terme. Et cette pénurie de main-d'oeuvre là, eh bien, on pourra y faire face en comptant sur l'immigration. Et le Québec devra prendre un virage important et augmenter la quantité d'immigrants qui viennent s'établir et aussi faire en sorte de faciliter leur intégration à l'intérieur de la société. Je crois que, par le biais du projet de loi, le gouvernement pose les premiers jalons, faisant en sorte que nous puissions rehausser et préciser nos standards en tant que société d'accueil.
La laïcité ouverte dont il est question dans le projet de loi se matérialise également par la possibilité qu'un accommodement puisse être possible dans les cas où un prestataire de services publics demande certains aménagements. Par contre, c'est important de le mentionner, le projet de loi contient plusieurs dispositions afin qu'on n'assiste pas à une dérive au niveau des accommodements pouvant être offerts. Par exemple, un traitement ne pourra pas être offert s'il est en contradiction avec les valeurs québécoises. Par ailleurs, l'aménagement ne sera pas toléré si ce dernier génère des effets collatéraux excessifs. Ça revient à dire qu'il faut évaluer les conséquences en termes de coûts, de contrecoups qu'il pourra y avoir sur le fonctionnement du ministère ou de l'organisme public, ainsi que les effets négatifs que l'accommodement en question pourra entraîner sur les droits d'autrui.
Dans le même ordre d'idées, c'est primordial d'insister sur le fait qu'en fonction du projet de loi n° 94 un accommodement ne pourra être possible si celui-ci est contraire aux normes relatives à la sécurité, à la communication ou à l'identification des citoyens. Donc, par exemple, un membre du personnel de l'administration gouvernementale ou d'un établissement et une personne à qui des services sont fournis par cette administration ou cet établissement doivent avoir le visage découvert lors de la prestation de services. Je me souviens, le mot clé qui avait été utilisé par la ministre de l'Immigration d'alors lors du dépôt ou de l'introduction du projet de loi, c'était, en anglais: «We want to see your face.» On veut voir votre visage. C'est tout simple. Mais, voir le visage, ça n'implique pas nécessairement de revoir tout l'habillement d'un individu. Ça respecte la liberté individuelle de la personne, mais ça respecte aussi le besoin d'identifier adéquatement les gens à qui les services sont offerts.
Tout à l'heure, notre collègue d'Hochelaga-Maisonneuve se préoccupait du dépôt du projet de loi et des débats sur l'adoption de principe tout de suite après la motion qu'on vient d'adopter, que... la motion unanime adoptée par l'Assemblée nationale. Moi, je vous dirais, Mme la Présidente, qu'en vertu de l'article 6 du projet de loi n° 94 la motion est tout à fait dans le ton. La motion a été adoptée pour des raisons de sécurité. Alors, en vertu de l'article 6, il est clairement établi que, lorsqu'un accommodement implique un aménagement à cette pratique, il doit être refusé si des motifs liés à la sécurité, la communication ou l'identification le justifient. Alors, j'espère que ça saura rassurer notre collègue d'Hochelaga-Maisonneuve qui se préoccupait un petit peu de l'incidence de ces deux éléments, de ces deux débats au cours d'une même journée.
Alors, Mme la Présidente, le projet de loi n° 94 est en droite ligne avec ce que le premier ministre s'est engagé à faire suite au dépôt du rapport Bouchard-Taylor. Au moment du dépôt du rapport, monsieur... le premier ministre a certifié son intention de poser des gestes fondateurs et de mettre en place des mesures législatives qui vont passer le test du temps. En ce qui a trait principalement à la sphère étatique, le projet de loi dont il est question m'apparaît sensé puisqu'il est à cheval entre l'importance de préserver la neutralité de l'État tout en protégeant l'ensemble des libertés individuelles, qui elles-mêmes découlent de la liberté de conscience.
Alors, j'invite vivement nos collègues parlementaires à adopter le principe du projet de loi et à permettre les échanges, qui seront sûrement hautement intéressants, lors de l'étape de l'étude article par article. Merci.
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Je vous remercie. Je vous remercie, Mme la députée de Gatineau. Je suis prête à reconnaître le prochain intervenant, M. le député de Borduas et porte-parole de l'opposition officielle en matière de langue. Allez-y, M. le député.
M. Pierre Curzi
M. Curzi: Merci, Mme la Présidente. C'est une question complexe, et je l'aborde avec beaucoup de... d'humilité et de respect, mais je voudrais l'aborder par la fin. À l'évidence, ce projet de loi pêche par deux défauts majeurs. D'une part, il stigmatise littéralement un groupe de personnes, les femmes musulmanes, et fait reposer sur elles, en quelque sorte, l'ensemble de la problématique. À l'évidence, c'est... il faut donc s'y opposer pour cette raison-là. L'autre... l'autre aspect, c'est qu'il est totalement loin d'épuiser le sujet. Et à cet égard il est extrêmement fautif. Donc, c'est la conclusion à laquelle nous arriverons.
Par ailleurs, ce que nous réclamons, et ce sera la conclusion aussi, c'est une charte de la laïcité, et une charte de la laïcité qui sera précédée d'un débat, parce que, malgré que plein de gens intelligents, articulés aient réfléchi sur cette question, malgré que la réflexion se poursuive, on est loin d'avoir épuisé le contenu de cette réflexion-là. Et à cet égard il est frappant de voir à quel point les mots qu'on utilise semblent signifier bien autre chose pour chacune des personnes qui les utilisent.
**(17 h 40)** Comme je n'ai pas la prétention d'avoir les connaissances et la sagesse de personnes comme MM. Bouchard, Taylor et bien d'autres personnes qui ont parcouru le Québec pour entendre les avis de toutes et de tous, je me suis dit qu'il faudrait peut-être essayer de réfléchir d'une autre façon à cette question-là. Et, en tentant de collaborer à cette prise de parole, je me suis surpris à prendre des notes sur une petite tablette aux insignes de la CIDEC. Vous le savez, Mme la Présidente, vous avez participé la semaine dernière à cette conférence interparlementaire sur la diversité culturelle. Et cette conférence, à maints égards, elle était extrêmement passionnante puisqu'elle abordait, tel que cette convention-là le définit, la diversité culturelle. Et son but était évidemment de redonner à cette convention-là un nouvel élan, de telle sorte qu'on passe d'une vision conceptuelle et d'un texte législatif international à son application concrète dans chacun des pays concernés.
Il est évident que, quand on parle de cette convention de la diversité, on ne veut pas dire la même chose que ma collègue de tantôt évoquait lorsqu'elle parlait de la diversité. Et on est dans cette confusion majeure. Et donc je me dis: Si nous partions d'un point de vue différent, est-ce que nous arriverions à clarifier ou à aider... à éclaircir le débat? Je me suis donc dit: Qu'en est-il et qu'avons-nous? Parce que, là où il y a eu conjonction et en quelque sorte unanimité de la société civile, des pouvoirs politiques tant d'ici que du Canada et de la planète en entier, c'est sur cette notion fondamentale qu'il fallait non seulement protéger, mais promouvoir ce que nous nommons la diversité des expressions culturelles.
Le débat, au cours de cette CIDEC dont je parlais, qui a eu lieu ici la semaine dernière a beaucoup oscillé entre des notions de culture. Une notion de culture claire, c'est celle des expressions artistiques, culturelles, donc, de ces manifestations que sont le théâtre, le cinéma, la musique, etc. Mais il y a aussi et derrière, en filigrane, et les deux souvent se confondent, ce qu'on appelle la culture au sens anthropologique du terme, c'est-à-dire un ensemble de savoir-faire, un ensemble de coutumes, un ensemble de manières, un ensemble d'histoires, un ensemble de valeurs qui font qu'on peut définir et distinguer en quelque sorte ce qu'est une culture de ce qu'est une autre culture.
Et tout l'intérêt d'une convention et de cette notion de diversité a pour but fondamental de permettre qu'à... sur la planète en entier nous préservions les différences, tout en ne permettant jamais qu'une différence soit une fermeture. Le concept fondamental, c'est, nous disons: dans la mesure où une culture, au sens anthropologique et dans sa notion d'expression de cette culture-là par ses expressions culturelles, aura de la vitalité et de la force, nous disons, cette force-là sera tôt ou tard en contact avec d'autres forces ailleurs, et, dans cet échange, le fait que des cultures se côtoient, naîtra un dialogue. Et on pense que ce dialogue-là est porteur d'intelligence, est porteur d'humanisme, est porteur de réussite pour chacune des entités. Donc, c'est le concept de la convention de la diversité culturelle.
Ce qu'on voit naître et ce qu'on a vu naître au fil du temps -- et les phénomènes qui nous y ont menés sont des phénomènes sociologiques majeurs, qui tiennent beaucoup au développement des différents pays, à la population, donc à la démographie, aux changements sociologiques -- ce qu'on voit se dérouler sous nos yeux, c'est que cette planète-là, qui auparavant était relativement définie dans des territoires circonscrits, dont certains ignoraient même l'existence des autres... on a vu au fil du temps, pour toutes sortes de raisons que vous connaissez, se déployer des... une globalisation, donc cette planète-là est devenue une petite planète. Et tout à coup les gens se sont mis à bouger, souvent pour des raisons extrêmement difficiles, des guerres, des famines, des raisons sociologiquement très lourdes. Les gens se sont mis à bouger beaucoup. Et, dans tous les pays du monde, surtout les pays les plus développés... Évidemment, par définition, les gens des pays où il y avait des problèmes, des fois, au niveau économique, ou au niveau militaire, ou au niveau du système démocratique... il y a, et cela s'amplifie, des mouvances de société.
De telle sorte qu'on se retrouve confronté, et c'est le cas du Canada et du Québec, l'on se retrouve confronté avec une multiplicité de ce qu'on nomme aussi la diversité culturelle. Nous sommes maintenant dans des sociétés qui sont composées de gens d'origines diverses, d'expressions culturelles diverses et de cultures anthropologiques diverses. Et, quand on se retrouve avec cette notion des accommodements raisonnables, qui à l'origine s'appliquait plutôt à des différences qui sont plus... peut-être plus faciles à cerner... Et on a vu les progrès, par exemple, que dans notre société on a faits au niveau de l'accès aux services publics pour des personnes qui avaient des difficultés de mobilité. Donc, l'accommodement raisonnable qui existe dans notre jurisprudence s'est appliqué ou s'appliquait à des gens qui avaient des problèmes concrets, plus faciles à cerner. Et tout à coup on se retrouve avec cette notion de l'accommodement qui doit gérer des questions extraordinairement complexes qui sont celles de: Comment allons-nous arriver à créer, à résoudre en principe deux objectifs qui de prime abord peuvent sembler contradictoires, et le sont dans certains cas, et une réalité dans laquelle nous vivons? Autrement dit, comment allons-nous arriver, et c'est vrai pour l'ensemble des pays du monde, à avoir une société qui soit cohérente au sens d'un partage des valeurs et d'une dynamique basée sur des valeurs communes, sur des langues communes, sur un réel partage des acquis de ces sociétés-là avec des réalités anthropologiques culturellement... et culturelles qui sont souvent éloignées?
Donc, la question de l'accommodement qu'on pose toujours, c'est: Comment allons-nous réussir, quel que soit le type de pays dans lequel on est, on vit, comment allons-nous réussir à intégrer des gens qui viennent d'horizons aussi divers? Et comment allons-nous nous assurer qu'ensemble naîtra une réalité cohérente où il y aura un réel partage des valeurs, un réel partage de l'histoire, un réel partage des acquis, un réel partage du patrimoine à tous égards et un respect fondamental de la différence des autres, en même temps une exigence fondamentale que ces... le respect de ces différences-là ne vienne pas contrecarrer la cohésion de l'ensemble? C'est là-dedans que nous sommes. Comment s'assurer que nous allons avoir une cohésion commune tout en respectant les droits individuels de chacun et leur liberté d'expression?
Et, à cet égard, les bienfaits que la discussion sur la convention sur la diversité culturelle nous a donnés, c'est de nous permettre de commencer à cerner dans quelle mesure une culture doit échanger pour pouvoir se bonifier. Et c'est très complexe, ce phénomène-là, parce que nous disons: Il faut préserver chacune des cultures. Et, quand on discutait de cette convention de la diversité culturelle, j'ai été personnellement très surpris, dans certains cas, de voir les réticences qu'il y avait dans bien des pays, parce que dans ces pays il y avait des différences de culture anthropologiques. Tout à coup, il y avait des peuples autochtones. En Amérique du Sud, c'est très important. Et les gens se sentaient menacés parce qu'on comprenait tout à coup... je découvrais tout à coup qu'ils pouvaient se sentir menacés par l'idée d'avoir une culture et que, dans cette culture-là, ils y perdent leur culture.
**(17 h 50)** Et cette notion-là est fondamentale. Et c'est toujours cette notion-là qui est traitée quand on parle des accommodements raisonnables. On cherche toujours à conjuguer ce qui nous vient d'ailleurs, ce qui nous est apporté par l'autre, par autrui, d'une autre culture, de d'autres valeurs, de d'autres croyances, de d'autres fois, de d'autres comportements, de d'autres rapports humains. On cherche toujours à conjuguer ce qui nous vient d'ailleurs et ce que l'on souhaite qui nous vienne d'ailleurs avec ce que nous sommes ou ce que nous croyons être. Et évidemment le problème est majeur, il est crucial, parce que chacun a le sentiment qu'il pourrait perdre, alors que chacun sait profondément qu'il devrait gagner, qu'il devrait, de ce dialogue-là, s'enrichir. Mais le tout est: Comment y arriver? Quelles sont les interfaces qui vont nous permettre d'avoir une cohésion sociale qui respecte donc les valeurs communes? Et ces valeurs communes là, on l'a dit et on ne le répétera jamais assez, au Québec, ce sont des valeurs qui sont essentiellement une langue commune que nous partageons, et ce sont des principes de l'égalité entre les hommes et les femmes auxquels nous avons accédé, et c'est aussi une histoire, une histoire qui a ses caractéristiques, comme l'histoire des gens qui viennent participer de cette société québécoise. Elle a aussi son histoire, son origine, ses valeurs. Et il y a donc la nécessité d'un échange entre des cultures anthropologiquement et au niveau, aussi, de leurs expressions réelles. Et c'est ce délicat assemblage que nous essayons de faire lorsque nous parlons des accommodements raisonnables.
Alors, où aller et que conserver qui soit vraiment rassembleur? Ce que l'on sait et ce sur quoi à peu près tous nous sommes d'accord, c'est qu'il y a un grand mal à éviter, et ce grand mal, il s'appelle le multiculturalisme. Et là ma collègue de Rosemont a ce matin fait une démonstration très claire, très évidente et appuyée par des déclarations de Mme Merkel, d'Allemagne, par M. Cameron, de Grande-Bretagne, par tout ce que l'on connaît de la réalité des pays qui actuellement sont confrontés à cette réalité-là, et il est de plus en plus clair et de plus en plus certain que, s'il y a quelque chose dont il faut se prémunir, c'est cette notion de multiculturalisme, parce que...
Pourquoi devrons-nous refuser radicalement cette notion-là? Parce que c'est la solution de la facilité. Cette solution de la facilité nous permet de dire: Voilà des gens qui viennent, qui ont d'autres valeurs, qui ont d'autres réalités, et nous allons laisser, sans nous en préoccuper, les gens se réunir entre eux par petits groupes, et nous allons ne pas tenter de faire... des gens qui viennent de toutes ces cultures et de toutes ces valeurs, nous n'allons pas tenter de réunir et de faire quelque chose qui soit plus fort.
Il y a donc une démission là. Il y a là-dedans un refus de l'autre qui est bien plus profond qu'on ne veut le dire, alors que l'attitude contraire, qui est celle de vouloir intégrer des personnes, donc de rechercher quelles sont les valeurs communes et quelles sont les valeurs communes que quelqu'un partagera parce que... parce que, dans les faits, il aura quitté sa propre culture, ses propres valeurs pour migrer vers d'autres cultures et d'autres valeurs et qu'il y a là-dedans un abandon certain que tout le monde comprend et dont tout le monde peut partager la douleur... Mais en même temps il y a une nécessité réelle qu'à l'intérieur de ce nouvel espace physique, souvent ce nouveau pays, on puisse participer d'une société. Parce que tout le monde sait très bien que l'objet fondamental de la mouvance des peuples, quand ils vont ailleurs, c'est de pouvoir devenir une partie du terreau de ces peuples-là. Et c'est ce qui est arrivé au fil de l'histoire, ce que nous avons relativement bien réussi.
Mais, à chaque fois, il y a un effort plus important à faire parce que les cultures et leurs valeurs sont beaucoup, peut-être, plus différentes qu'elles ne l'étaient auparavant. Nous sommes donc confrontés au frottement, en quelque sorte, de cultures qui, dans leur histoire, proviennent de tellement loin, sont tellement intégrées des comportements qu'il y a inévitablement un effort beaucoup plus considérable à faire pour réussir à amalgamer ces gens-là.
C'est donc ce type de réflexion là qui nous amène à parler des accommodements raisonnables. Nous nous disons donc quels sont... Nous savons qu'il y a ce grand mal, ce grand tort, cet... ce danger majeur qui est, dans le fond, de laisser faire. Le multiculturalisme, c'est un laisser-faire. Ce que nous savons aussi, c'est qu'il y a un lieu qui... auquel acquiesce tout le monde, et c'est le lieu même de la démocratie. C'est donc la démocratie, quand elle existe, quand elle est forte comme c'est le cas chez nous, cette démocratie permet d'offrir des services publics. Et il y a dans cette incarnation de l'État, dans ces services publics, il y a là un lieu qui nous permet d'assumer une sorte de neutralité, une sorte de laïcité, parce que cette laïcité-là, elle est fondamentale pour que la liberté des consciences, la liberté s'exerce. C'est une phrase que j'ai trouvée, qui me semble très juste: La laïcité a été... est conçue pour préserver la liberté de conscience et de religion. Et, à cet égard, quand on réfléchit à cette neutralité de l'appareil d'État, des services publics, on se rend compte que, ce faisant, on permet que, pour chaque individu, cette liberté de croyance, cette liberté de comportement, cette liberté des valeurs vécues puisse se poursuivre.
...peut sembler théorique, et le problème, il est vraiment dans l'application concrète, parce que, là, nous entrons dans des notions où tout à coup nous pervertissons, jusqu'à un certain point, une sorte de réflexion sur laquelle, je pense, tout le monde pourrait être d'accord. Et là il y a différents dangers, et je n'entrerai pas dans tout cela, mais il m'apparaît évident que, si nous pouvons constamment faire référence aux objectifs fondamentaux qui font que nous tentons d'avoir une société dont la cohésion est la base même de son succès, de sa réussite et de sa pérennité, si nous réussissons à avoir toujours cette réflexion large, nous... probablement que nous aboutirons à des consensus et surtout à une patience et à des comportements qui, eux, sont beaucoup plus exigeants. Parce qu'autant il peut être exigeant de vouloir affirmer ses valeurs autant il est exigeant, de part et d'autre, d'ouvrir un dialogue. Cela signifie que, de part et d'autre, nous aurons à céder quelque chose de nous-mêmes pour qu'il se transforme.
Comment ça s'applique concrètement, bien, ma foi, là il y a des différences, et c'est en ce sens que ce projet de loi là n'arrive pas à établir un dialogue qui soit fécond, et c'est en ce sens-là qu'il nous faut absolument décider que nous allons rejeter ce projet de loi là et que nous allons nous consacrer à créer une charte de la laïcité qui doit être une charte consensuelle, et ce consensus-là n'arrivera que dans la mesure où nous aurons de nouveau -- et jusqu'à temps que la réussite de ce dialogue-là se fasse -- nous aurons de nouveau à reprendre chacune des questions et à en explorer toutes les conséquences.
C'est en ce sens, Mme la Présidente, que ma réflexion, à partir de cette convention de la diversité culturelle, c'est là qu'elle m'a mené. C'est peut-être peu, mais il n'empêche quand même qu'il me semble souvent qu'une seule façon de réfléchir sereinement, c'est de tenter de réfléchir d'une façon qui soit plus large que des intérêts, que des formes d'extrémisme, de quelque nature qu'elles soient.
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Je vous remercie. Je vous remercie, M. le député de Borduas. Alors, il reste deux minutes à l'heure fatidique de 18 heures. Est-ce que vous voulez les prendre pour le prochain intervenant?
Ajournement
M. Gautrin: ...Présidente, compte tenu de l'heure, je voudrais faire motion pour ajourner nos travaux au jeudi le 10 février 2011, à 9 h 45.
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors donc, je comprends qu'il y a encore des gens qui veulent intervenir sur le projet de loi, mais on va ajourner à jeudi 10 février, à 9 h 45. Bien sûr, consentement là-dessus.
(Fin de la séance à 17 h 59)