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Version finale

39th Legislature, 1st Session
(January 13, 2009 au February 22, 2011)

Thursday, September 30, 2010 - Vol. 41 N° 138

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Table des matières

Affaires courantes

Affaires du jour

Ajournement

Journal des débats

(Neuf heures quarante-sept minutes)

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Mmes et MM. les députés, bonjour. Veuillez vous asseoir.

Affaires courantes

Déclarations de députés

À la rubrique des déclarations de députés, je reconnais Mme la députée de Trois-Rivières.

Souligner la Journée mondiale
de l'allaitement maternel

Mme Danielle St-Amand

Mme St-Amand: Merci, Mme la Présidente. Nous soulignerons demain, le 1er octobre, la Journée mondiale de l'allaitement maternel. Cette journée thématique, qui est célébrée depuis maintenant une vingtaine d'années, ouvre la semaine consacrée à l'allaitement au Québec comme ailleurs dans le monde. Voilà une excellente occasion de rappeler les qualités de cet aliment unique, parfaitement adapté aux besoins du nouveau-né.

Bien que l'allaitement soit un processus naturel, il faut aussi convenir que c'est, d'une certaine façon, un geste qui s'apprend. Il est normal que les nouvelles mères aient besoin d'aide et de temps afin de profiter de conditions propices à cet apprentissage.

Cela dit, on ne peut s'attendre à ce que toutes les mères allaitent leur bébé mais bien à ce qu'elles aient la possibilité de prendre une décision éclairée et de profiter d'un environnement favorable à l'allaitement. Dans cette perspective, l'information fournie à l'occasion de cette journée et de cette semaine contribue de façon importante à la sensibilisation et aux bienfaits de l'allaitement maternel. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Je vous remercie, Mme la députée de Trois-Rivières, et je cède maintenant la parole à M. le député de Saint-Hyacinthe.

Souligner le 25e anniversaire
d'Expression, Centre d'exposition
de Saint-Hyacinthe inc.

M. Émilien Pelletier

M. Pelletier (Saint-Hyacinthe): Alors, Mme la Présidente, depuis maintenant 25 ans, la grande région de Saint-Hyacinthe jouit d'un centre d'exposition de grande réputation: Expression. Il s'agit d'une institution muséale dont la mission est de promouvoir et de diffuser l'art contemporain et actuel. Fondé en 1985 par un comité composé de Pierre Rodrigue, François... Francine Girard, Jacques Lefebvre et Yves Louis-Seize, Expression, Centre d'exposition de Saint-Hyacinthe, ouvre officiellement ses portes le 20 février de la même année en accueillant le vernissage de l'exposition Oeuvres récentes de Serge Lemonde. Se sont ensuite succédé à la direction générale Lorraine Fontaine en 1987, Michel Groleau en 1988 et finalement Marcel Blouin en 2001.

Je ne peux passer sous silence le travail et l'apport inestimable de ces acteurs et des gens qui les ont entourés pour le développement culturel de la région maskoutaine. Félicitations à vous toutes et tous pour ce 25e anniversaire d'Expression. Je félicite également Marcel Blouin et Jean-Marie Pelletier, respectivement directeur général et le président d'Expression, qui sont à mettre sur pied un projet...

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci.

M. Pelletier (Saint-Hyacinthe): ...de musée régional à Saint-Hyacinthe.

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci, M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Pelletier (Saint-Hyacinthe): Longue vie au centre...

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci beaucoup, M. le député de Saint-Hyacinthe. Je reconnais maintenant M. le député de Maskinongé.

Féliciter les villes lauréates des
prix de la Fondation Rues principales

M. Jean-Paul Diamond

M. Diamond: Merci, Mme la Présidente. Permettez-moi de féliciter, au nom du ministre des Affaires municipales, des Régions et de l'Occupation du territoire, les gagnants des prix remis par la Fondation Rues principales, à l'occasion du banquet en marge de son 23e colloque présenté hier à Québec.

En 2007, la Société d'habitation du Québec s'est associée à la Fondation Rues principales pour lancer le programme de certification les 4 As du développement durable et concerté. Cette certification récompense les efforts de concertation d'une municipalité et de différents intervenants dans la revitalisation de leur milieu. Elle reconnaît aussi l'excellence et l'originalité des solutions trouvées pour redonner vie à un milieu dans un esprit de développement durable.

Je suis donc fier de féliciter les villes de Dorval, de Lévis, secteur Vieux-Lévis, Matane, qui ont reçu hier la certification 4 As. De plus, la ville de Lévis a reçu le Prix de l'excellence de la Société d'habitation du Québec. Félicitations à tous les gagnants ainsi qu'à la Fondation Rues principales, dont l'apport à la vitalité des municipalités du Québec est indéniable! Merci, madame...

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Je vous remercie, M. le député de Maskinongé. Je reconnais maintenant M. le député de Drummond.

Souligner l'inauguration du Centre de
formation en entreprise et récupération
des Chênes, à Drummondville

M. Yves-François Blanchet

M. Blanchet: Merci, Mme la Présidente. L'adversité révèle parfois de grandes visions et de remarquables opportunités. La région de Drummondville voyait s'accumuler littéralement des milliers de carcasses d'ordinateurs devenus désuets et chargés de composantes nocives pour l'environnement mais heureusement recyclables. La commission scolaire des Chênes s'est donc associée à Waste Management pour offrir un judicieux programme de réinsertion... sociale, dis-je bien, à des dizaines de jeunes qui démontent désormais minutieusement ces milliers d'ordinateurs pour en récupérer les matériaux.

Pour ce faire, les gens de Waste Management ont construit sur leur propre terrain un bâtiment bientôt certifié LEED, d'une conception remarquable, à la fine pointe des pratiques environnementales, économe d'énergie et, comme si ce n'était pas assez, alimenté aux biogaz qui se seraient autrement perdus au sommet d'une torchère.

Dans un esprit d'initiative dont la région n'est pas peu fière, les problèmes les plus lourds peuvent parfois devenir d'étonnantes opportunités, de belles réussites. Ils sont ici, et nous les saluons.

**(9 h 50)**

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Je vous remercie, M. le député de Drummond. Bienvenue aux gens du centre de formation à l'Assemblée nationale. Je reconnais maintenant M. le député de Beauce-Nord.

Souligner le 30e anniversaire de
l'entreprise Cartonek inc.,
de Sainte-Marie de Beauce

M. Janvier Grondin

M. Grondin: Alors, merci, Mme la Présidente. Le 1er septembre dernier, j'ai eu le plaisir d'assister à une célébration entourant le 30e anniversaire de l'entreprise Cartonek de Sainte-Marie de Beauce. Manufacturier de boîtes de carton ondulé et de carton plat, l'entreprise mariveraine s'est démarquée depuis 30 ans pour son produit, mais notamment s'est distinguée pour sa réussite sociale et corporative. Cartonek n'a jamais perdu de vue sa mission sociale, soit de créer de l'emploi pour des personnes avec limitations. En effet, l'entreprise emploie quelque 95 personnes, dont 69 avec des limitations. Je félicite le président fondateur, M. Marquis Lachance, l'actuel directeur général, M. Lionel Bisson, ainsi que l'ensemble du personnel pour cette réussite.

Je profite de l'occasion pour inviter les résidents de Beauce-Nord à découvrir l'entreprise Cartonek dans le cadre de la journée portes ouvertes au public, samedi le 16 octobre prochain. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Je vous remercie, M. le député de Beauce-Nord. Et je cède la parole à M. le député de Mercier.

Réprouver le partenariat public-privé
établi avec le Groupe immobilier
Eddy Savoie inc. pour la construction
et la gestion d'un CHSLD

M. Amir Khadir

M. Khadir: Merci, Mme la Présidente. Le premier partenariat public-privé pour un CHSLD entre en vigueur demain à Saint-Lambert. L'État va donner 20 000 $ par jour au groupe Savoie, même si le centre est encore incapable de recevoir des résidents. Le contrat complet entre l'agence de la santé et le promoteur, un généreux donateur du Parti libéral, n'a pas été dévoilé. Quand il est question de soigner des personnes aussi vulnérables avec des fonds publics, un tel secret est injustifié. Le rôle de l'agence est de prodiguer des soins, pas de protéger le secret commercial.

Plus inquiétant, le promoteur n'est pas soumis à la visite d'appréciation du ministère pendant 15 mois, même pas tenu d'être agréé pendant trois ans. La qualité des soins et des services qui y seront prodigués n'est donc pas garantie. La marchandisation des soins prodigués aux personnes âgées n'est pas acceptable. L'agence de Montérégie doit immédiatement réintégrer cette résidence au réseau public, car les partenariats public-privé sont une atteinte à la qualité et à l'accessibilité des soins.

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Je vous remercie, M. le député de Mercier. Et je cède maintenant la parole à M. le député d'Abitibi-Ouest.

Féliciter MM. Simon Carrier et
Maxime Geoffroy pour
leur expédition en kayak de
Radisson à Cartwright, au Labrador

M. François Gendron

M. Gendron: Mme la Présidente, deux jeunes hommes de ma circonscription, Simon Carrier et Maxime Geoffroy, ont réussi cet été un exploit hors du commun qui mérite d'être souligné: partis de Radisson en kayak de mer le 9 juillet, ils ont vaincu vents et marées pour atteindre le Labrador le 14 août, un périple de 2 000 kilomètres.

Les deux aventuriers sont des kayakistes d'expérience, et leur périple était préparé de longue date. Imaginez la logistique nécessaire pour affronter cet éprouvant voyage de 35 jours: nourriture, vêtements, équipement avec pour seul véhicule leur kayak, qu'ils ont dû porter à plusieurs reprises. Comme si ce n'était pas assez, l'expédition a été beaucoup plus difficile que prévu avec des vents violents et 10 jours consécutifs de pluie, là, en quantité industrielle.

Les deux courageux voyageurs peuvent être fiers de leur exploit maintenant. Malgré leur idée d'abandon, ils ont lutté jusqu'au bout et terminé l'aventure. Ils ont d'ailleurs l'intention de la partager par des conférences qu'ils prononceront afin de promouvoir les saines habitudes de vie. Voilà, je crois, deux exemples exceptionnels. Bravo Simon et Maxime!

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci beaucoup, M. le député d'Abitibi-Ouest. Bravo pour les jeunes! Je cède maintenant la parole à M. le député de Montmagny-L'Islet.

Féliciter la Corporation
pour la mise en valeur de
Grosse-Île inc., lauréate du
Mérite historique régional

M. Norbert Morin

M. Morin: Mme la Présidente, aujourd'hui, je tiens à féliciter la Corporation pour la mise en valeur de Grosse-Île, qui a reçu, le 19 septembre dernier, le Mérite historique 2010. Ce prix est remis annuellement par la Société historique de la Côte-du-Sud dans le cadre de la Journée d'histoire à une personne, une entreprise ou un organisme qui a contribué à la conservation ou à la mise en valeur de l'histoire ou du patrimoine de la Côte-du-Sud de façon exceptionnelle. Ce prestigieux prix témoigne des efforts faits par la corporation pour perpétuer l'histoire et les richesses du patrimoine de Grosse-Île. Étant un acteur clé du tourisme sudcôtois, la Corporation pour la mise en valeur de Grosse-Île axe également ses activités sur le développement de ce joyau historique en faisant la promotion de son potentiel touristique au-delà des frontières régionales.

Vous êtes une source de dévouement incroyable, et je vous remercie, au nom des citoyens et citoyennes de Montmagny-L'Islet, d'être là et de faire de notre comté un endroit merveilleux à découvrir. Merci.

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci, M. le député de Montmagny-L'Islet, et bravo pour la minute exacte. Je cède maintenant la parole à M. le député de Groulx.

Rendre hommage à M. Omer Boudreau,
juge à la chambre de la jeunesse,
à l'occasion de son décès

M. René Gauvreau

M. Gauvreau: Le 15 septembre dernier, la communauté juridique des Laurentides apprenait malheureusement le décès du juge à la chambre de la jeunesse M. Omer Boudreau. Quiconque a eu le privilège de travailler avec lui sait à quel point il aimait son travail, à quel point il aimait les gens avec qui il travaillait, mais surtout à quel point il respectait les hommes, les femmes, les enfants qui se présentaient devant lui chargés de toute leur détresse.

Omer était pour tous et toutes un ami. Nous avons eu quelques occasions de discuter ensemble durant la dernière année, Mme la Présidente, et, malgré sa santé fort fragile, sa voix affaiblie, il me parlait de la protection de la jeunesse, de l'adoption et de tous ses dossiers avec une passion incroyable, malgré le malheur qui tombait sur lui. Sa famille, ses amis, dont je suis, le regretteront longtemps. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Je vous remercie, M. le député de Groulx. Je reconnais maintenant M. le député de Laurier-Dorion.

Dans le cadre de la Journée internationale
des personnes aînées, souligner le travail de
Concertation locale des aînés de Villeray

M. Gerry Sklavounos

M. Sklavounos: Mme la Présidente, demain, le 1er octobre, le monde fêtera la Journée internationale des personnes âgées. Aujourd'hui, il me fait plaisir de me lever en cette Chambre pour souligner le travail noble accompli dans notre quartier par la table de Concertation locale des aînés de Villeray. Depuis sa création, la table de Villeray contribue à la qualité de vie et à l'épanouissement des personnes aînées de notre quartier en organisant des services de soutien aux activités quotidiennes, des événements de socialisation, des activités d'information, et bien plus. Et, pour l'occasion spéciale de demain, c'est toute une journée d'activités au Centre de loisirs communautaires Lajeunesse qui attend les aînés de notre quartier. Je profite donc de cette occasion pour féliciter les membres de la table de Concertation locale des aînés de Villeray ainsi que tous leurs bénévoles pour leur grand dévouement à la cause de nos personnes âgées.

En terminant, je lance une invitation à tous les citoyens de notre quartier et des quartiers avoisinants à venir se joindre à nous demain pour qu'on fête tous ensemble la Journée internationale des aînés dans Villeray. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors, je vous remercie, M. le député de Laurier-Dorion. Ceci met fin à la rubrique des déclarations de députés.

Je suspends nos travaux pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 9 h 59)

 

(Reprise à 10 h 10)

Le Président: Alors, chers collègues, bonne journée. Nous allons nous recueillir quelques instants.

Merci, veuillez vous asseoir.

Nous poursuivons aux affaires courantes. Aujourd'hui, il n'y a pas de déclarations ministérielles ni de présentation de projets de loi.

Dépôt de documents

À la rubrique Dépôt de documents, Mme la ministre des Ressources naturelles et de la Faune.

Rapports annuels du ministère
des Ressources naturelles et de la
Faune, et du Forestier en chef

Mme Normandeau: Merci, M. le Président. Alors, j'ai l'honneur de déposer le rapport annuel de gestion 2009-2010 du ministère des Ressources naturelles et de la Faune, de même que le rapport d'activité 2009-2010 du Forestier en chef.

Le Président: Alors, ces documents sont déposés. Mme la ministre de l'Éducation, du Loisir et du Sport.

Rapport annuel du Conseil
supérieur de l'éducation

Mme Beauchamp: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport annuel de gestion 2009-2010 du Conseil supérieur de l'éducation.

Le Président: Ces documents sont déposés, Mme la ministre de l'Éducation, du Loisir et du Sport. J'en arrive à M. le leader du gouvernement... J'avais ça plus tard. M. le leader.

M. Fournier: ...peut-être?

Le Président: Oui. J'ai M. le ministre des Finances, au dépôt de documents.

Plan stratégique 2010-2013 de Loto-Québec

M. Bachand (Outremont): M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le plan stratégique 2010-2013 de Loto-Québec.

Le Président: Très bien, ce document est déposé. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

Rapports sur l'application de la procédure
d'examen des plaintes des agences de la santé
et des services sociaux de la Mauricie et du
Centre-du-Québec, et de l'Estrie et rapport
annuel du Centre régional de santé et de
services sociaux de la Baie-James

M. Bolduc: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport 2009-2010 sur l'application de la procédure d'examen des plaintes, la satisfaction des usagers et le respect de leurs droits de l'Agence de la santé et des services sociaux de la Mauricie et du Centre-du-Québec. Je dépose également le rapport consolidé 2009-2010 sur l'application de la procédure d'examen des plaintes et l'amélioration de la qualité des services de l'Agence de la santé et des services sociaux de l'Estrie et enfin le rapport annuel de gestion 2009-2010 du Centre régional de santé et de services sociaux de la Baie-James.

Le Président: Merci. Ce dépôt de... Ce document est donc déposé. M. le ministre de la Justice et ministre responsable de l'application des lois professionnelles.

Renvoi du rapport annuel à la
Commission de la santé et des
services sociaux pour examen

M. Fournier: Si vous me permettez, avant d'intervenir comme ministre de la Justice, je voudrais intervenir comme leader. Suite au dépôt qui vient d'être fait par le ministre de la Santé et conformément à l'article 392 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux, je présente la motion suivante:

Que l'étude du rapport annuel 2009-2010 du Centre régional de santé et de services sociaux de la Baie-James soit déférée à la Commission de la santé et des services sociaux et que le ministre de la Santé et des Services sociaux soit membre de ladite commission pour la durée du mandat.

Mise aux voix

Le Président: Cette motion est-elle adoptée? Je comprends que cette motion est adoptée. M. le leader du gouvernement.

Rapports annuels de la Commission
des services juridiques, du Conseil
interprofessionnel et de l'Office de
la protection du consommateur

M. Fournier: Et, cette fois-ci, ce serait le ministre de la Justice qui vous parlerait, M. le Président. J'ai l'honneur de déposer le rapport annuel de gestion 2009-2010 de la Commission des services juridiques, le rapport annuel 2009-2010 du Conseil interprofessionnel du Québec et le rapport annuel de gestion 2009-2010 de l'Office de la protection du consommateur. Merci.

Le Président: Merci, M. le ministre. Ces documents sont déposés. Nous en sommes maintenant au ministre des Affaires municipales, des Régions et de l'Occupation du territoire.

Rapports annuels de la
Commission municipale
et de la Société d'habitation

M. Lessard: Oui. M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport annuel de gestion 2009-2010 de la Commission municipale du Québec ainsi que le rapport, pour la même date, de la Société d'habitation du Québec.

Le Président: Ces documents sont déposés. M. le ministre de la de la Sécurité publique.

Ententes diverses avec certaines
communautés autochtones

M. Dutil: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer: l'entente sur la prestation des services policiers dans la communauté de Weymontachie pour la période du 1er avril 2010 au 31 mars 2011; l'entente sur la prestation des services policiers dans la communauté d'Eagle Village-Kipawa pour la période du 1er avril 2010 au 31 mars 2011; l'entente sur le financement des services policiers dans la communauté de Kahnawake pour la période du 1er avril 2010 au 31 mars 2011; l'entente concernant le financement de certaines infrastructures et équipements prévus au projet de schéma de couverture de risques de l'Administration régionale de Kativik; l'entente sur la prestation des services policiers dans la communauté de Mashteuiatsh pour la période du 1er avril 2010 au 31 mars 2011; l'entente sur la prestation de services policiers dans la communauté d'Opitciwan pour la période du 1er avril 2010 au 31 mars 2011; et l'entente entre le Québec, l'Administration régionale crie et le Grand Conseil des Cris de Eeyou Istchee. Merci.

Le Président: Alors, ces documents sont donc déposés. Toujours au dépôt de documents, Mme la ministre du Travail.

Rapports annuels de la Commission
de la construction, du Conseil des
services essentiels et de la
Commission des relations du travail

Mme Thériault: Merci, M. le Président. J'ai l'honneur de déposer le rapport annuel de gestion 2009 de la Commission de la construction du Québec, le rapport annuel de gestion 2009-2010 du Conseil des services essentiels ainsi que le rapport annuel de gestion 2009-2010 de la Commission des relations de travail.

Le Président: Ces documents sont déposés. M. le ministre délégué aux Transports.

Plan stratégique 2009-2013 et
rapport annuel de la Société des traversiers

M. MacMillan: Merci, M. le Président. J'ai l'honneur de déposer le plan stratégique 2009-2013 de la Société des traversiers du Québec et le rapport annuel 2009-2010 de la Société des traversiers du Québec.

Rapports annuels du Directeur général
des élections et de la Commission
de la représentation électorale

Le Président: Ces documents sont déposés. Pour ma part, je dépose le rapport annuel de gestion 2009-2010 du Directeur général des élections du Québec et de la Commission de la représentation électorale du Québec.

Rapports annuels du
Protecteur du citoyen

Je veux déposer également le rapport annuel d'activité et le rapport annuel de gestion 2009-2010 du Protecteur du citoyen.

Dépôt de rapports de commissions

Au dépôt de rapports de commissions, M. le député de Viau, membre de la Commission des finances publiques.

Étude détaillée du projet de loi n° 96

M. Dubourg: Merci, M. le Président. M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la Commission des finances publiques qui, le 29 septembre 2010, a procédé à l'étude détaillée du projet de loi n° 96, Loi modifiant la Loi sur les impôts, la Loi sur la taxe de vente du Québec et d'autres dispositions législatives. La commission a adopté le texte du projet de loi avec des amendements.

Le Président: Ce rapport est déposé.

Il n'y a pas de dépôt de pétitions ni d'interventions qui portent sur une violation de droit ou de privilège.

Je vous avise qu'après la période de questions et de réponses orales des députés la ministre des Ressources naturelles et de la Faune répondra à une question posée par le député de Jonquière, mercredi le 29 septembre, concernant la réception d'un avis de M. Jean Cinq-Mars... (panne de son) ...autoriser l'industrie à faire l'exploration des gaz de schiste.

Alors, nous en sommes maintenant à la période de questions et de réponses orales des députés. Je cède la parole à Mme la chef de l'opposition officielle.

Questions et réponses orales

Exploration et exploitation des gaz de schiste

Mme Pauline Marois

Mme Marois: Merci, M. le Président. Depuis un mois, l'industrie gazière organise des assemblées publiques et les citoyens utilisent ces tribunes pour demander que le gouvernement s'occupe de leurs intérêts plutôt que de nier les problèmes. C'est seulement hier que la ministre responsable s'est réveillée en disant qu'elle pourrait peut-être aller rencontrer les citoyens. La démonstration, elle est faite, M. le Président, le gouvernement n'a aucune maîtrise du dossier, est incapable de répondre aux questions légitimes que se posent les citoyens.

Et aujourd'hui ce sont les ténors du milieu des affaires qui affirment que le gouvernement devrait prendre un temps d'arrêt pour faire une revue complète du dossier. Ce n'est plus seulement l'opposition, c'est le président de SNC-Lavalin qui demande ce temps d'arrêt au premier ministre. De plus, M. Dottori, ex-P.D.G. de Tembec, envoie exactement le même message: C'est au gouvernement de fixer les balises, de prendre ses responsabilités, de voir au bien-être de la population, ce que le gouvernement ne fait pas en ce moment et qui est complètement irresponsable, M. le Président.

Est-ce que le premier ministre va enfin finir par entendre le gros bon sens, accepter ce conseil qui lui vient autant des résidents, des groupes environnementaux, des scientifiques et maintenant du milieu des affaires qui lui demandent tous de prendre le temps de bien comprendre ce dans quoi on s'embarque avant de s'enfoncer davantage, M. le Président?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Jean Charest

M. Charest: M. le Président, nous allons prendre le temps justement d'étudier le dossier pour que nous puissions prendre les meilleures décisions possible. En attendant, je vous rappelle qu'il y a six lois et règlements qui encadrent cette activité-là. Je peux même vous les nommer, là: la Loi sur les mines, les règlements d'application, la Loi sur les forêts, la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune, la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles, la Loi sur la qualité de l'environnement, et il y a les autorisations et les réglementations municipales également, M. le Président.

Alors, on a demandé au Bureau d'audiences publiques sur l'environnement -- on a consulté le président sur le sens du mandat à lui donner -- de faire une étude là-dessus. Je constate que c'est une décision qui a été accueillie favorablement par l'ancien chef du Parti québécois, André Boisclair, qui était lui-même ministre de l'Environnement. Quand la question lui a été posée dans une entrevue qu'il a donnée, publiée le 13 septembre dernier, il disait: «J'ai entièrement confiance [au Bureau d'audiences publiques sur l'environnement], une institution qui a une très, très grande réputation», dit-il. Je ferme les guillemets.

Alors, c'est le gouvernement du Québec qui a la responsabilité de donner l'encadrement, d'écouter, ce que nous faisons, de consulter les experts, ce que nous faisons également. Et, quand on aura fait tout ce travail-là de manière rigoureuse, nous allons prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger la santé et la sécurité des Québécois et faire en sorte qu'on puisse exploiter cette ressource-là de manière responsable, M. le Président, comme on l'a fait pour les autres ressources naturelles du Québec.

En passant, le Frank Dottori que la chef amène en appui à ses arguments ce matin, c'est le même Frank Dottori qui, là, dénonçait le PQ dans son aménagement de la forêt, M. le Président.

**(10 h 20)**

Le Président: En complémentaire, Mme la chef de l'opposition officielle.

Mme Pauline Marois

Mme Marois: Incompétence, irresponsabilité, M. le Président, inquiétude profonde des citoyens et des citoyennes du Québec. Si les lois auxquelles il fait référence sont si importantes qu'elles permettent d'encadrer l'exploration et l'exploitation des gaz de schiste, ça ne convainc que lui-même, M. le Président, ni l'industrie ni les citoyens n'en sont convaincus. Le premier ministre a à assumer pleinement ses responsabilités. S'il veut être rigoureux, il le sait exactement, ce qu'il faut faire, c'est un moratoire sur l'exploitation...

Le Président: M. le premier ministre.

M. Jean Charest

M. Charest: Je veux être bien, bien clair sur une chose, M. le Président, dans ce dossier-là, comme les autres dossiers, le gouvernement du Québec doit agir en fonction des intérêts des Québécois. Alors, l'industrie peut dire puis peut penser ce qu'elle veut, puis on ne va pas négliger d'écouter ceux qui sont directement concernés, mais, en bout de ligne, le gouvernement du Québec va prendre les décisions en fonction des intérêts des Québécois, point à la ligne, puis des intérêts supérieurs du Québec.

Maintenant, j'aimerais, malgré, là, le vocabulaire de la chef de l'opposition officielle, qui, je comprends, en met, en met, en met, là... À un moment donné, à force d'en mettre, à force d'exagérer, ça devient insignifiant, c'est ce que disait l'ancien premier ministre Jacques Parizeau. Mais j'aimerais souligner une chose, c'est: l'étude qu'on a demandée au Bureau d'audiences publiques sur l'environnement, c'est une étude...

Le Président: En terminant.

M. Charest: ...qui précède le dépôt d'un projet de loi.

Le Président: Mme la chef de l'opposition officielle, en complémentaire.

Mme Pauline Marois

Mme Marois: Je ne dois pas être toute seule à en remettre, d'après ce que j'entends, M. le Président, sur le terrain. Je demande au premier ministre d'ailleurs d'être à l'écoute de la population. Et actuellement ce qu'il est en train de faire, et c'est ce que lui dit aussi le milieu des affaires, c'est qu'il est en train de tuer la filière de gaz à effet de schiste... de schiste à force... à force de mal gérer le dossier et de braquer la population contre lui, M. le Président. S'il est sérieux et qu'il veut défendre les intérêts de la population du Québec, il n'a qu'une chose à faire: oui, un moratoire, et, oui, des études sérieuses avec un mandat plus...

Le Président: M. le premier ministre.

M. Jean Charest

M. Charest: Je comprends, M. le Président, que la chef de l'opposition officielle nous demande un moratoire, c'est une formule que l'opposition utilise de manière assez systématique, là, à chaque fois qu'il y a un problème, ils veulent un moratoire, arrêtons la planète, débarquons. Et, M. le Président...

Une voix: ...

Le Président: Un instant, M. le premier ministre.

Une voix: ...

Le Président: M. le député de Marie-Victorin...

Une voix: ...

Le Président: S'il vous plaît, M. le leader de l'opposition officielle. S'il y a des interpellations, je vais me lever aussi souvent que requis. C'est du temps qui s'écoule pour une période de contrôle importante. M. le premier ministre.

M. Charest: Alors, M. le Président, je comprends que c'est la formule qui est à peu près automatique, là, sur la liste de demandes que fait l'opposition lorsqu'il y a un dossier, de faire un moratoire, sauf que même André Boisclair le disait. Peut-être que c'est des positions qui peuvent paraître populaires...

Une voix: ...

M. Charest: Bien, c'est ce qu'il disait. Il disait que ça peut susciter l'enthousiasme, mais que ce n'est pas la bonne décision.

Le Président: En terminant.

M. Charest: Alors, M. le Président, nous prenons une décision en fonction des intérêts des Québécois. Puis l'étude qu'on fait avec le BAPE, ça va précéder des lois.

Le Président: En troisième complémentaire, Mme la chef de l'opposition officielle.

Mme Pauline Marois

Mme Marois: Il y a des gens actuellement, M. le Président, qui explorent, qui creusent des trous dans la cour des gens. Les municipalités n'ont aucun mot à dire là-dessus ni les citoyens, M. le Président.

Un moratoire, il y en a un dans l'État de New York. Puis, si c'est si grave que ça et si difficile à implanter, pourquoi sa ministre des Ressources naturelles, elle, a décidé d'en adopter un, moratoire, pour protéger la faune et la flore du Saint-Laurent? Important, oui. Est-ce qu'on va protéger les humains? Ça aussi, c'est important, M. le Président.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Jean Charest

M. Charest: Il y a 183 000 personnes qui habitent dans la région de l'estuaire du Saint-Laurent. Alors, je regrette que la chef de l'opposition officielle confond la présence de Québécois dans cette région-là avec la faune puis la flore, parce que, quand on prend une décision, on tient compte justement de l'ensemble des facteurs puis évidemment de la présence de Québécois sur le territoire. Puis, quand on prend une décision comme celle-là, bien, il y a justement la démonstration que le gouvernement du Québec prend des décisions en fonction des intérêts supérieurs du Québec.

J'aimerais vous rappeler une chose, M. le Président: l'étude qu'on a demandée au Bureau d'audiences publiques sur l'environnement, c'est fait pour précéder une loi que nous allons présenter à l'Assemblée nationale du Québec.

Le Président: En terminant.

M. Charest: C'est donc dire que tout le travail sera fait pour qu'on puisse prendre ensemble les meilleures décisions possible.

Le Président: En question principale, Mme la députée de Vachon.

Risques liés à l'exploration et à
l'exploitation des gaz de schiste

Mme Martine Ouellet

Mme Ouellet: M. le Président, nous avons appris dernièrement que des villes refusent de traiter les eaux usées provenant des forages des gaz de schiste au nom du principe de précaution. Le conseil municipal de Saint-Hyacinthe estime, et je cite, entre guillemets, qu'«il n'existe pas de garanties suffisantes permettant de s'assurer du contenu réel de l'eau d'après-forage et que des produits chimiques pourraient en faire partie». Nous savons aussi que l'usine de traitement de Drummondville a refusé à quelques reprises ces eaux usées parce qu'elle n'était pas certaine que ses installations pouvaient adéquatement traiter ces eaux usées.

Est-ce que le ministre de l'Environnement peut confirmer que les eaux de forage n'excèdent pas les normes des usines d'épuration où elles sont envoyées?

Le Président: M. le ministre des Affaires municipales.

M. Laurent Lessard

M. Lessard: Alors, merci, M. le Président. Donc, tout le monde sait que, depuis plusieurs mois, mes collègues des Ressources naturelles et du Développement durable ont mis en place un comité de travail avec les partenaires, donc les municipalités, l'Union des producteurs agricoles, et ce genre de préoccupation là est porté donc à l'attention du comité de travail, dont les maires font partie.

Alors donc, on est au début d'un processus. Tout le monde sait que donc on a à documenter cet aspect-là, donc, comme les plans de sécurité civile, sécurité incendie et bien d'autres domaines. Alors donc, on va... Il n'y a pas d'exploration, il n'y a que... on est à une phase... Actuellement il n'y a pas d'exploitation, on est à une phase exploratoire. On va prendre le temps ensemble de bien le faire. On doit être capable de trouver une solution québécoise adaptée...

Une voix: ...

Le Président: Un instant, M. le ministre. Ah! Ça va. En question complémentaire, M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Émilien Pelletier

M. Pelletier (Saint-Hyacinthe): Alors, merci, M. le Président. Le ministre de l'Environnement n'était pas à l'assemblée de Saint-Hyacinthe mardi soir dernier. Moi, j'y étais, j'ai entendu le cri du coeur de ma population, et elle est inquiète parce qu'elle n'a pas de réponses à ses questions. Elle est inquiète parce que le gouvernement agit de manière irresponsable dans ce dossier-là, sans prendre le temps d'analyser tous les risques.

Pourquoi ce gouvernement joue-t-il avec la santé de la population que je représente à l'Assemblée nationale? Merci, M. le Président.

Le Président: M. le ministre du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs.

M. Pierre Arcand

M. Arcand: M. le Président, nous sommes très sensibles aux préoccupations des municipalités. Nous faisons un suivi assidu de ce qui se passe. Ma collègue des Ressources naturelles crée des comités de liaison. Et je tiens à rappeler, M. le Président, que, pour l'ensemble de ces questions, nous allons avoir un Bureau d'audiences publiques sur l'environnement, qui va commencer d'ailleurs les audiences publiques la semaine prochaine, et dont le mandat est de s'assurer en toute transparence de trouver les solutions à ces questions, M. le Président.

Et, nous, je tiens à le rappeler encore une fois, nous sommes vraiment, au Québec, un endroit où nous n'allons pas faire de compromis sur la question environnementale, M. le Président.

Le Président: En question principale? Question complémentaire, Mme la députée de Taschereau.

Mme Agnès Maltais

Mme Maltais: Ouvrez-vous les yeux, les dangers pour la santé des populations vivant près des sites d'exploration des gaz de schiste sont tellement préoccupants que le ministre de la Santé lui-même a demandé à l'Institut national de santé publique de lui produire un rapport.

Comment le ministre de la Santé... Il est supposé être le dernier rempart de la population... de la santé de la population, comment peut-il tolérer qu'on continue l'exploration, alors qu'il ne sait pas lui-même quels sont les impacts sur la santé des populations? C'est un laisser-faire inacceptable.

**(10 h 30)**

Le Président: M. le ministre du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs.

M. Pierre Arcand

M. Arcand: M. le Président, j'aimerais encore une fois souligner à ma collègue que j'ai des consultations régulières avec le ministre de la Santé. Et je tiens à rappeler encore une fois que nous allons travailler dans le sens des intérêts des citoyens. Je dois vous dire encore une fois que, dès la semaine prochaine, le Bureau d'audiences publiques va se pencher sur ces questions. Et nous allons le faire, M. le Président, en toute transparence, et ce, dans l'intérêt supérieur des Québécois, M. le Président.

Le Président: En question principale, Mme la députée de Crémazie.

Présence de personnel infirmier la nuit
au CHSLD Manoir L'Âge-d'Or, à Montréal

Mme Lisette Lapointe

Mme Lapointe: M. le Président, il y a véritablement lieu d'être dévastés de constater que le gouvernement libéral a décidé de faire des coupures au détriment de la sécurité et des soins à nos aînés les plus vulnérables. C'est TVA qui nous a appris qu'au CHSLD Manoir de L'Âge-d'Or 200 aînés ne pourraient plus compter que sur une seule infirmière la nuit, 200 aînés sur neuf étages, des aînés en lourde perte d'autonomie, qui peuvent se blesser, tomber. Voilà le vrai visage des coupures du dernier budget.

Est-ce que le ministre de la Santé trouve acceptable qu'il n'y ait qu'une seule infirmière pour 200 aînés dans un CHSLD?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Yves Bolduc

M. Bolduc: M. le Président, il faut savoir comment ça fonctionne dans un CHSLD. Il y a des infirmières, il y a des médecins...

Des voix: ...

Le Président: M. le ministre, vous pouvez maintenant répondre.

M. Bolduc: M. le Président, dans un CHSLD, il y a des préposés, il y a des infirmières auxiliaires, il y a des infirmières et il y a des médecins. Ce qui est important, c'est que le patient reçoive le bon soin. La nuit, sur chacun des étages, contrairement à ce que vous véhiculez, il y a des gens qui sont disponibles pour prendre en charge chacun des patients. Advenant le cas qu'on nécessite des soins infirmiers, il y a une infirmière à l'intérieur du bâtiment qui est capable de se déplacer, qui va prendre en charge les soins. Comme de fait, il y a des médecins également qui sont de garde à domicile. Advenant le cas qu'il y a un problème médical, ils vont se déplacer et aller s'occuper du patient.

L'organisation des soins, ce n'est pas uniquement des infirmières, je le répète, ce sont des préposés, des infirmières auxiliaires, et chaque patient est en droit de recevoir les bons soins de la bonne catégorie de professionnels.

Le Président: En question complémentaire, Mme la députée de Crémazie.

Mme Lisette Lapointe

Mme Lapointe: M. le Président, une infirmière pour 200 personnes, aucune infirmière auxiliaire. Aucune. On n'a pas besoin d'être médecin pour comprendre la souffrance de ces gens-là, M. le Président. C'est scandaleux. Les employés, les familles, la population sont indignés. Ils étaient nombreux, hier soir, à la réunion du conseil d'administration du CSSS Jeanne-Mance.

Est-ce que le ministre va cautionner encore ces coupures?

Le Président: Oui, Mme la ministre déléguée aux Services sociaux.

Mme Dominique Vien

Mme Vien: Oui. M. le Président, ça me fait plaisir de répondre à la députée de Crémazie sur cette question très importante. Je dois dire que le gouvernement du Québec prend ses responsabilités en ce qui a trait aux services qui sont déployés auprès de nos personnes vulnérables et au premier chef auprès des personnes âgées. C'est une priorité de tous les instants, et tous les gestes que nous avons posés depuis 2003, M. le Président, le démontrent très clairement et de façon très éloquente.

Ce que je tiens à dire à la députée ce matin... ce que je tiens à dire à la députée ce matin, c'est que je me suis entretenue avec la direction générale, au cours des dernières heures, du CSSS Jeanne-Mance, et ce qui est raconté...

Le Président: Le temps est terminé. Le temps est terminé. Question complémentaire, Mme la députée de Crémazie.

Mme Lisette Lapointe

Mme Lapointe: M. le Président, ma question s'adresse encore au ministre de la Santé. La seule raison invoquée pour justifier ces coupures, c'est que les aînés dorment la nuit. M. le Président, c'est inacceptable, ridicule, irresponsable.

Ça va prendre combien de reportages pour que le ministre agisse?

Le Président: Mme la ministre déléguée aux Services sociaux.

Mme Dominique Vien

Mme Vien: J'invite la députée à beaucoup plus de rigueur. Merci. Il y a... Il y a... M. le...

Des voix: ...

Le Président: Un instant. Un instant. Un instant, Mme la ministre. Je veux qu'on entende ce que vous dites. Vous avez la parole.

Mme Vien: C'est inexact, M. le Président. Les renseignements qui ont été véhiculés sont inexacts. J'ai cette information de la direction générale, Mme Simard demeurant la directrice générale: il y a effectivement, durant la nuit, une infirmière, une infirmière-cadre, donc des gens qui sont capables de donner des soins. Il y a deux infirmières auxiliaires, il y a neuf préposés aux bénéficiaires qui sont là la nuit. C'est une personne par étage, au niveau des préposés aux bénéficiaires. Alors, le CSSS Jeanne-Mance, M. le Président, tenait à faire cette précision. Je lui ai parlé ce matin, il n'y a pas de services aux citoyens...

Le Président: En terminant.

Mme Vien: ...aux gens qui en ont besoin, qui seront coupés, M. le Président, j'en ai l'assurance.

Le Président: En question principale, M. le chef du deuxième groupe d'opposition.

Situation des aînés dans les
centres d'hébergement et de
soins de longue durée

M. Gérard Deltell

M. Deltell: Merci, M. le Président. M. le Président, c'est avec tristesse et dégoût que nous avons pris connaissance ce matin du rapport de la Protectrice du citoyen qui concerne l'état de nos aînés dans les centres hospitaliers de soins de longue durée.

M. le Président, nos aînés, ce sont les vrais grands bâtisseurs du Québec. Enfants, ils ont connu la crise. Jeunes adolescents, jeunes adultes, ils ont connu la guerre. Mais, adultes, ils ont construit le Québec moderne et riche d'aujourd'hui. Et voilà qu'aujourd'hui, dans l'extrême hiver de leur vie, ils vivent l'abandon.

Permettez-moi de citer le rapport de la Protectrice du citoyen: «Les résidents d'une ressource intermédiaire sont réveillés dès 5 h 30. Les préposés donnent rapidement tous les soins d'assistance personnelle pour boucler les activités à l'intérieur de l'horaire établi. Dès lors, il arrive que l'on néglige l'hygiène et la tenue vestimentaire des usagers. Par la suite, les repas sont expédiés en 30 ou 45 minutes. Alors que les orientations ministérielles dictent d'offrir un milieu de vie stimulant, les personnes passent leur journée dans leur chambre, passivement. [Et] l'ambiance est généralement silencieuse, sans stimulation aucune.» C'est la Protectrice du citoyen qui dit ça, M. le Président.

Il n'y a personne ici qui souhaite ça pour ses parents ou ses grands-parents. M. le Président, ça fait sept ans que le premier ministre dirige le Québec. Comment peut-il tolérer une telle situation dégoûtante?

Le Président: Mme la ministre déléguée aux Services sociaux.

Mme Dominique Vien

Mme Vien: La question est très importante, M. le Président. La Protectrice du citoyen a déposé un rapport tout aussi important ce matin, que tous les collègues, évidemment, accueillons avec beaucoup d'ouverture, bien sûr. Le rôle du Protecteur du citoyen au Québec est majeur, il est central, et nous prenons très au sérieux sa démarche.

Maintenant, je tiens à rappeler au député que, comme je le disais tout à l'heure, les actions du gouvernement du Québec ont été très clairement identifiées comme étant des actions qui voulaient prendre soin des personnes vulnérables au Québec, et au premier chef des personnes âgées.

J'en ai... Je pourrais avoir une liste longue comme ça, M. le Président, de gestes que nous avons posés. Mais pensons, par exemple, que, depuis 2004, nous faisons des visites d'appréciation de nos centres d'hébergement et de soins de longue durée. Nous avons mis en place -- ça porte notre signature, ça aussi -- toutes les visites qui visent à certifier les résidences pour personnes âgées au Québec, et... Bien, M. le Président, je pense que l'ensemble de l'oeuvre, des gestes que nous avons posés pour justement venir accompagner les personnes âgées sont éloquents.

Je me permettrais, moi aussi, de citer la Protectrice: «Ces constats ne doivent pas occulter d'intéressantes réalisations témoignant de milieux de vie de qualité.» Et elle souligne également que la créativité, également «la volonté, l'initiative [...] permettent d'offrir des services de qualité...

Le Président: En terminant.

Mme Vien: ...aux résidents dans un environnement propre, chaleureux, empreint d'une joie de vivre»...

Le Président: En première complémentaire, M. le chef du deuxième groupe d'opposition.

M. Gérard Deltell

M. Deltell: M. le Président, malgré ce que vient de dire la ministre, il n'y a pas de résultats concrets. La Protectrice du citoyen est cinglante. La situation se détériore, et nos aînés souffrent. Et je vous rappellerai qu'il y a encore un centre sur cinq qui n'a pas encore été visité. Et je vous rappellerais aussi qu'en faisant des visites qu'on annonce 48 heures à l'avance les résultats sont pitoyables. Et c'est la Protectrice du citoyen...

M. le Président, à nouveau je pose la question au premier ministre: En tant que chef d'État, comment peut-il tolérer une telle situation aussi insultante pour nos aînés?

**(10 h 40)**

Le Président: Mme la ministre déléguée aux Services sociaux.

Mme Dominique Vien

Mme Vien: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, je tiens à rappeler effectivement que nous avons posé de nombreux gestes, M. le Président, pour les personnes âgées. Toutes ces visites d'appréciation, ça n'existait pas avant 2003. Toutes ces démarches de certification des résidences pour personnes âgées privées, ça n'existait pas non plus avant 2003. Il y a toute une démarche, M. le Président, qui est en... qui est en branle au gouvernement du Québec pour justement venir appuyer les personnes âgées.

J'ai un exemple d'une famille de résident, M. le Président, qui envoie aussi des lettres de félicitations. Ça arrive, ça, et souvent, à part de ça: «Après avoir séjourné pendant plus de trois ans au CHSLD André-Laurendeau, maman est décédée le 4 août dernier.»

Le Président: En terminant.

Mme Vien:«Mes frères, ma femme, mes belles-soeurs se joignent à moi pour témoigner des bons soins qu'elle a reçus. L'établissement est propre, la nourriture...»

Le Président: En deuxième complémentaire, M. le chef du deuxième groupe d'opposition.

M. Gérard Deltell

M. Deltell: M. le Président, M. le Président, je suis déçu que le premier ministre reste assis. Pourtant, le 16 octobre 2002, alors qu'il était le chef de l'opposition officielle, il disait au gouvernement: «Est-ce que vous avez au moins le coeur à la bonne place pour répondre à la question qui vous a été posée pour les personnes âgées? Si vous ne savez pas compter, savez-vous au moins vous occuper des personnes âgées?»

C'est ce qu'il demandait au gouvernement quand il était le chef de l'opposition. Aujourd'hui, comme premier ministre, après sept ans, il reste silencieux. M. le Président, après sept ans au pouvoir, le gouvernement libéral est coupable de la triste situation que vivent nos aînés aujourd'hui.

Le Président: Mme la ministre déléguée aux Services sociaux.

Mme Dominique Vien

Mme Vien: C'est tellement beau, cette lettre-là, que je vais la terminer. Alors, la famille écrit: «Nous vous transmettons notre gratitude et toute notre admiration pour ce que vous faites pour les malades et surtout ce que vous avez fait pour maman.»

Ça, M. le Président, c'est une...

Des voix: ...

Le Président: Un instant. S'il vous plaît! Mme la ministre.

Mme Vien: Alors, voilà des exemples éloquents, M. le Président, qu'il y a des excellentes initiatives qui sont prises dans le milieu et que nous prenons très au sérieux la condition des personnes âgées. C'est pourquoi nous avons entrepris des visites d'appréciation dans nos CHSLD, c'est pourquoi nous avons entrepris de visiter et de certifier toutes les résidences pour personnes âgées privées au Québec, M. le Président. C'est la raison pour laquelle nous avons investi en soutien à domicile plus de 362 millions depuis 2003, dont seulement 214 millions pour les personnes âgées, M. le Président. Leur premier choix, c'est de rester à la maison. Nous écoutons, nous payons. Merci, M. le Président.

Le Président: En question principale, M. le...

Une voix: ...

Le Président: Oui. Sur une question de? Sur une question...

Une voix: ...

Le Président: Très bien. M. le leader, il y a une demande de dépôt, M. le...

Une voix: ...

Document déposé

Le Président: Oui, il y a une demande de dépôt du document. Alors, il y a consentement. Il y aura donc... il y aura donc dépôt du document. Évitez de vous interpeller! Et nous pourrons passer à la question principale du député de Chambly et aussi leader adjoint de l'opposition officielle.

Activités de lobbyisme de l'industrie gazière

M. Bertrand St-Arnaud

M. St-Arnaud: M. le Président, au cours des dernières semaines, les Québécois ont acquis la conviction que le gouvernement libéral était à la solde de l'industrie gazière, notamment en voyant la ribambelle de libéraux qui gravitent autour de cette industrie: Stéphane Bertrand, ancien chef de cabinet du premier ministre, qui crée l'association gazière; André Ryan, l'avocat du premier ministre, qui voit à son incorporation; Raymond Savoie, ancien ministre des Mines libéral, qui est un des directeurs de l'association; Daniel Bernier, ancien chef de cabinet libéral, qui fait du lobbying pour Talisman Energy; Martin Daraîche, ancien attaché politique du premier ministre et de la vice-première ministre, qui, lui, fait du lobbying pour l'association gazière; et évidemment Stéphane Gosselin, qui, le 27 août, était le chef de cabinet du ministre au Développement économique et, trois jours plus tard, était devenu le directeur général de l'association gazière.

M. le Président, est-ce que l'empressement du gouvernement libéral à aller de l'avant coûte que coûte dans le dossier du gaz de schiste ne s'expliquerait pas par hasard par tous ces petits amis libéraux qui rôdent en se léchant les babines autour de l'industrie du gaz de schiste? Est-ce que le gouvernement défend l'intérêt public ou les intérêts de ses petits amis libéraux?

Le Président: Alors, juste avant de vous accorder le temps de réponse, Mme la ministre, j'invite M. le leader adjoint de l'opposition à entendre ce que je vais dire: Il faut éviter de s'imputer des motifs en cette Chambre quand on questionne ou quand on répond. Alors, je vous invite à la prudence à l'intérieur... dans les termes qui sont utilisés.

Mme la ministre des Ressources naturelles.

Mme Nathalie Normandeau

Mme Normandeau: Ce qui est exagéré devient insignifiant. Notre collègue en fait malheureusement l'illustration une fois de plus en cette Chambre, M. le Président.

Je tiens à dire ceci comme ministre responsable des Ressources naturelles: Je travaille avec l'ensemble des intervenants, que ce soit du milieu municipal, du milieu agricole, du milieu, M. le Président, de l'industrie et du milieu environnemental. Alors, nous travaillons avec l'ensemble des intervenants, l'ensemble des acteurs pour s'assurer, M. le Président, que cette filière du gaz naturel puisse voir le jour, puisse nous permettre donc de créer la richesse dont le Québec a tant besoin, et tout ça, M. le Président, dans le respect des citoyens, de l'environnement, de même que, M. le Président, dans le respect des communautés.

Le premier ministre a eu l'occasion de répondre ce matin, mon collègue de l'Environnement, M. le Président: Jamais, au grand jamais, la santé, la sécurité des citoyens ne sera remise en question, M. le Président. Jamais. Nous en prenons l'engagement formel et solennel.

Et c'est possible, M. le Président, de développer cette filière de façon intelligente et responsable. On se donne les moyens, M. le Président, d'y arriver. La preuve, nous avons mandaté le Bureau d'audiences publiques en environnement pour créer un forum, justement pour que, les citoyens, on puisse répondre à leurs questions, qu'on puisse aussi avoir accès à une information...

Le Président: En terminant.

Mme Normandeau: ...indépendante, scientifique et objective. Voilà, M. le Président, notre façon de faire.

Le Président: M. le leader adjoint de l'opposition officielle.

M. Bertrand St-Arnaud

M. St-Arnaud: M. le Président, ce n'est pas des allégations, c'est des faits. Stéphane Gosselin était directeur de cabinet du ministre au Développement économique le vendredi, avec accès à tous les dossiers confidentiels. Et, le lundi suivant, il était rendu directeur général de l'association gazière, présidée par André Caillé. Comment peut-on être à l'aise avec ça, M. le Président? C'est une question de bon sens.

Quelle garantie le ministre au Développement économique et le ministre de l'Environnement peuvent-ils nous donner qu'aucune information privilégiée n'est sortie de leur ministère? Quelle garantie pouvez-vous nous donner de ça?

Le Président: Mme la ministre des Ressources naturelles.

Mme Nathalie Normandeau

Mme Normandeau: M. le Président, notre collègue parle de faits. Je vais lui répondre par des faits. Prenons l'exemple de M. Stéphane Gosselin, qui était effectivement à l'embauche de mon collègue du Développement économique avant d'accepter l'offre d'emploi de l'association gazière et pétrolière. M. Gosselin a pris le soin de demander un avis au Commissaire, M. le Président, au lobbyisme pour s'assurer qu'il était dans son droit et qu'il respectait la loi sur le lobbyisme. Le commissaire lui a répondu, M. le Président, le commissaire lui a répondu, et l'embauche de M. Gosselin correspond en tous points, M. le Président, à l'avis qui a été demandé par le commissaire.

Et je le rappelle, cette loi sur le lobbyisme a été créée par le Parti québécois, M. le Président, c'est important de se le rappeler. Est-ce que je comprends...

Le Président: En terminant.

Mme Normandeau: ...que la question de notre collègue met en doute ce choix qu'a fait le gouvernement du Parti...

Le Président: En deuxième complémentaire, M. le leader adjoint de l'opposition officielle.

M. Bertrand St-Arnaud

M. St-Arnaud: M. le Président, on a aussi appris cette semaine que le ministre de l'Environnement avait rencontré André Caillé, pas à son bureau, lors d'un souper dans un salon privé de Québec. Je cite Michel Hébert: On les entendait rire de loin, les amis du gaz de schiste, dans un salon privé avec le ministre. Les millionnaires ne savent pas se faire discrets, les éclats de voix s'entendent. On parle gaz, millions et législation.

M. le Président, comment la population peut-elle faire confiance au gouvernement libéral quand ce gouvernement fait des deals avec l'industrie gazière dans des salons privés de Québec?

Le Président: M. le ministre du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs.

M. Pierre Arcand

M. Arcand: M. le Président, j'ai eu une rencontre avec l'industrie gazière depuis ma nomination. Je pense que c'est normal. J'ai eu des dizaines de rencontres avec les groupes environnementaux. J'ai rencontré les maires des municipalités. J'ai rencontré beaucoup de monde depuis que je suis là. Alors, M. le Président, vraiment, je trouve que ces attaques-là sont vraiment assez ridicules, en autant que je suis concerné.

Et, M. le Président, encore une fois, j'aimerais que l'opposition ait un peu de respect pour nos institutions. On a créé un bureau d'audiences publiques pour se pencher de façon objective sur ces questions, avec un code de déontologie, avec des commissaires qui sont neutres...

Le Président: En terminant.

M. Arcand: ...qui ont à faire des recommandations. Un peu...

Le Président: En question principale, M. le député de Rivière-du-Loup.

Cheminement du projet de
loi n° 92 concernant la
représentation électorale

M. Jean D'Amour

M. D'Amour: Alors, merci beaucoup, M. le Président. M. le Président, le gouvernement...

Des voix: ...

**(10 h 50)**

Le Président: M. le député de Chambly! M. le député de Chambly!

Des voix: ...

Le Président: Très bien. Cette question doit se poser dans l'ordre, comme les autres. M. le député de Rivière-du-Loup.

M. D'Amour: Merci, M. le Président. Alors, je disais: Le gouvernement du Québec a déposé le projet de loi n° 92 visant à protéger la représentation des régions du Québec à l'Assemblée nationale, donc visant à préserver les comtés de l'est du Québec, dont Kamouraska-Témiscouata. Par contre, M. le Président, Paul Crête, l'ex-député bloquiste, véhicule de fausses informations au sujet de ce projet de loi. Il prétend que le gouvernement ne fait pas avancer le projet de loi n° 92. Il allègue que le gouvernement n'a pas besoin, et je cite, du O.K. de l'opposition officielle pour faire avancer le projet de loi. Il y a de l'inquiétude au sein de la Fédération québécoise des municipalités, qui est réunie ici présentement, à Québec, à l'occasion d'un congrès. Il y a de l'inquiétude du côté de l'Union des municipalités du Québec. Il y a de l'inquiétude à Rimouski, dans la Matapédia, à Matane.

Ma question, M. le Président, au ministre responsable des Institutions démocratiques: Pourquoi se fait-il que le projet de loi n° 92 n'avance pas au bénéfice des régions du Québec, M. le Président?

Des voix: ...

Le Président: À ma gauche, s'il vous plaît! À ma gauche, s'il vous plaît! M. le ministre responsable de nos institutions démocratiques.

M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: Oui. Merci, M. le Président. Le projet de loi n° 92, comme vous le savez, vise à protéger les comtés et les régions du Québec. Ce projet, qui définit les balises pour la représentation à l'Assemblée nationale, n'est pas une simple loi de gouverne, M. le Président, c'est une loi fondamentale qui donne légitimité aux décisions de gouverne de cette Assemblée. La majorité ne peut imposer sa volonté. Cela doit être un consensus, en matière de lois aussi fondamentales que celle qui parle des délimitations de comté.

Nous sommes prêts à procéder, M. le Président, mais l'opposition le refuse. Le 11 mai 2010, le leader de l'opposition a dit, et je cite: «Il n'y a aucune possibilité d'entente.» Les 14 et 15 septembre, il a encore dit non au projet de loi n° 92. Si l'opposition change de position, M. le Président, nous sommes prêts à faire adopter le projet de loi n° 92. En attendant, M. le Président, on comprend que, pour l'opposition, les régions, c'est non.

Le Président: En question principale... ou en complémentaire, M. le leader de l'opposition officielle? Vous êtes en question complémentaire? Question principale. C'est en principale. Principale.

Impact du projet de loi n° 92
concernant la représentation électorale

M. Stéphane Bédard

M. Bédard: Écoutez, je suis étonné effectivement que le député de Rivière-du-Loup ne se relève pas à nouveau.

Mais j'aimerais savoir du ministre: Est-ce qu'il considère que c'est défendre les régions que de diminuer le poids des régions du Saguenay--Lac-Saint-Jean, de la Mauricie, de l'Estrie et de l'ensemble de l'Abitibi? Est-ce qu'il considère que c'est défendre les régions? Un.

Est-ce qu'il est capable de nous déposer un seul avis, que j'ai demandé depuis un an à son gouvernement, qui dirait que sa loi a même une chance d'être légalisée par les tribunaux? Est-ce qu'il sait que le projet de loi n° 92 avait pour effet de rendre illégal de permettre à un citoyen de contester... de contester une élection? Est-ce qu'il est d'accord? Est-ce que son caucus est d'accord avec le fait qu'on ajoutait 10 députés de façon automatique et par la suite ça augmentait de façon purement mathématique? Est-ce qu'il est d'accord avec ça? Est-ce qu'il a les avis, qu'il peut nous déposer maintenant? Est-ce qu'il...

Le Président: Juste avant de donner la réponse... votre droit de réponse, M. le ministre, j'inviterais le leader du gouvernement... j'inviterais le leader du gouvernement à transiter ses questions par la présidence. Alors, M. le ministre, vous avez la parole.

M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: Oui. Merci, M. le Président. Alors, évidemment, je comprends de la question un rappel du refus de l'opposition d'aller de l'avant avec le projet de loi n° 92. Je pense que non seulement j'ai pu répondre quelle était la situation, à l'Assemblée, à l'égard du 92, mais je pense que M. Crête saura maintenant tirer les conclusions qui s'imposent, après avoir entendu le leader de l'opposition, qui, soit dit en passant, demande des avis, M. le Président. Je lui suggère de demander un avis à sa collègue de droite, qui en a plusieurs, je crois, mais contradictoires.

Le Président: En question complémentaire, M. le leader de l'opposition.

M. Stéphane Bédard

M. Bédard: Je comprends que le ministre, qui essaie de jouer au fin finaud, n'a pas les avis qui confirmeraient qu'effectivement la loi peut être déclarée illégale. Est-ce qu'il a aussi la solution, son député de Gaspé qui a annoncé il y a deux semaines qu'après une réunion du caucus il y a une solution qui allait être proposée aux parlementaires, qu'on n'a pas encore?

Est-ce que le ministre est d'accord avec la proposition que je fais depuis un an, que son collègue en arrière de lui... qui est beaucoup plus responsable, qui m'avait confirmé qu'il allait regarder la possibilité d'augmenter les critères, d'ajouter un critère à la loi? Est-ce qu'il peut...

Le Président: Alors, juste avant de vous accorder la parole, M. le leader du gouvernement, M. le leader de l'opposition officielle, vous savez qu'il y a un terme qui a été utilisé qui est dans notre liste. Je vous demanderais de le retirer, de ne pas l'utiliser.

Une voix: ...

Le Président: Oui, très bien, c'est retiré. M. le leader du gouvernement, responsable de...

M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: Ça ne m'a pas blessé, M. le Président.

Le Président: Bon. Très bien.

M. Fournier: Pas de problème, ça ne m'a pas blessé. Ceci étant, sur le débat de la question de la carte, de la question de la représentation -- puis on comprend que ce n'est pas des choses qui sont faciles, on comprend ça -- une chose est sûre, du côté du gouvernement, on a fait nos devoirs. On a eu des discussions de caucus, on a essayé de réfléchir sur des propositions, et cela s'est conclu par un dépôt de projet de loi. Nous aurions espéré avoir l'appui de l'opposition. Nous attendons toujours une solution de l'opposition, mais ce que nous recevons, c'est de l'opposition, et il n'y a pas...

Et j'entends la chef de l'opposition dire... Nous sommes le gouvernement et nous allons toujours assumer cette position et prendre des décisions. Mais elle n'a pas congé, l'opposition n'a pas congé de faire des propositions pour l'avancement du Québec. Or, leur proposition, c'est de dire à M. Crête qu'il se trompe...

Le Président: En terminant.

M. Fournier: ...et qu'ils ne veulent pas aider les régions du Québec, M. le Président.

Le Président: Alors, en question complémentaire, en deuxième, M. le leader de l'opposition officielle.

M. Stéphane Bédard

M. Bédard: On ne laissera jamais personne dans cette Assemblée se concocter une carte électorale comme il le souhaite. Ça, c'est le D.G. qui doit le faire. Au lieu de l'insulter, vous auriez dû l'écouter.

Est-ce que le ministre peut me répondre à l'offre qu'on a faite depuis un an? Et, même à l'époque où le député d'Abitibi-Ouest était leader, on avait fait une offre de faire en sorte que les critères soient modifiés pour tenir compte de la réalité des régions.

Quelle leçon peut nous faire un gouvernement qui a coupé dans les crédits d'impôt dans les régions ressources? Quelle leçon peut nous faire un gouvernement qui n'a jamais défendu...

Le Président: M. le ministre responsable des institutions démocratiques.

M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: Bien, d'abord, je retiens une chose sur laquelle... et avec laquelle je m'entends avec le leader de l'opposition, ce n'est pas un endroit... et ce n'est pas au gouvernement de se concocter une carte. C'est pour ça qu'on ne peut pas avancer le 92. Il doit y avoir un consensus. M. Crête sûrement l'aura compris, et je pense que les gens des régions l'auront compris, M. le Président.

Je constate aussi que, la façon dont le leader a détourné ensuite la question sur d'autres enjeux, il comprend qu'à l'égard de la représentation des régions du Québec, de l'ensemble des Québécois, ils n'ont fait aucune proposition et ont décidé de faire de l'obstruction et de l'opposition. Nous avons encore le projet de loi sur la table. Si jamais ils changent d'idée, nous serons au rendez-vous. En attendant, on comprend que, pour l'opposition, les régions, c'est non.

Le Président: En question principale, M. le député de Marie-Victorin.

Date butoir de réalisation des projets inscrits
au Fonds de stimulation de l'infrastructure

M. Bernard Drainville

M. Drainville: M. le Président, le gouvernement fédéral est tellement entêté dans le dossier des infrastructures que le Québec pourrait perdre 200 millions. La raison est simple: le fédéral ne veut pas bouger sa date limite pour financer les travaux. Alors, si vous êtes une municipalité et que vous avez un projet de bibliothèque, de piscine, d'aqueduc ou d'égout, par exemple, et que la construction n'est pas terminée au 31 mars 2011, le fédéral ne paiera pas.

Il y a 250 projets comme ça au Québec qui seraient menacés, M. le Président. Et il arrive quoi si les travaux ne sont pas terminés au 31 mars prochain? Si Ottawa ne paie pas, qui paie? Ce sont les municipalités, M. le Président. Le gouvernement québécois a sa part de faute là-dedans, parce que, selon M. Généreux, le président de la Fédération québécoise des municipalités, et je le cite: «C'est la lenteur de Québec et d'Ottawa à signer les ententes qui fait qu'on a pris du retard.»

M. le Président, maintenant qu'on a une motion, une autre motion adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale hier, quand la ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes va-t-elle nous annoncer que le fédéral a repoussé sa date butoir et que le Québec va avoir son argent?

**(11 heures)**

Le Président: Mme la présidente du Conseil du trésor.

Mme Michelle Courchesne

Mme Courchesne: Merci, M. le Président. Je pense, M. le Président, que nous convenons tous ensemble qu'après avoir traversé une période économique plus que difficile, en fait une crise importante, nous avons mis tous nos efforts dans ce programme d'infrastructures pour nous assurer de maintenir nos emplois. Non seulement nous les avons maintenus, M. le Président, mais nous en avons créé 115 000, au Québec, grâce à ce programme d'infrastructures.

Le gouvernement fédéral a accepté d'y participer. Nous avons convenu des ententes. Il y a eu des dates limites à cet égard-là. Il y a 1 635 projets actuellement qui sont en cours. Nous voulons maintenir cette relance économique, c'est absolument essentiel. C'est pourquoi vous avez joint votre voix à la nôtre hier pour saisir l'ouverture qu'a manifestée le ministre des Finances, M. Flaherty, et dire maintenant: Nous allons négocier la fin de ces travaux, nous allons négocier non seulement les dates, mais la façon dont nous pourrons nous assurer que tous les projets, dans toutes les régions du Québec, pourront être terminés.

Le Président: En question complémentaire, M. le député de Marie-Victorin.

M. Bernard Drainville

M. Drainville: M. le Président, c'est toujours la même histoire: une motion unanime suivie d'un dialogue de sourds. On n'en serait pas là si le fédéral avait respecté nos champs de compétence, s'il nous avait donné l'argent, puis on avait administré nous-mêmes le programme. À partir du moment où tu t'attaches aux règles du jeu du... aux règles de jeu du fédéral, tu deviens dépendant du fédéral, puis c'est là qu'on est actuellement, M. le Président. Là, il y a 200 millions de notre argent qui en jeu.

Qu'est-ce que la ministre des Affaires inter, qui est bien occupée avec le gaz de schiste, là, je comprends, là... mais qu'est-ce qu'elle va faire pour s'assurer que les 200 millions qui nous reviennent...

Le Président: Mme la présidente du Conseil du trésor.

Mme Michelle Courchesne

Mme Courchesne: M. le Président, c'est 1,4 milliard de dollars que le gouvernement fédéral injecte au Québec. C'est 1,4 milliard de dollars qui a procuré de l'emploi à des centaines et des milliers d'hommes et de femmes qui ont construit ces...

Des voix: ...

Le Président: Un instant, Mme la ministre. S'il vous plaît! À ma gauche, s'il vous plaît, cessez d'interpeller. C'est clair? Mme la ministre.

Mme Courchesne: C'est évident, M. le Président, que ce n'est pas avec un gouvernement souverainiste qu'on irait chercher 1,4 milliard de dollars pour s'assurer qu'il y a une relance économique au Québec, M. le Président.

Des voix: ...

Le Président: Alors, je veux mentionner, pour les gens qui nous écoutent, que, pour permettre l'intelligence de nos débats, je dois interrompre les débats pour permettre que la personne qui a à répondre soit entendue en cette Chambre. Mme la ministre.

Mme Courchesne: Donc, c'est 1,4 milliard de dollars bien investis dans les régions du Québec, pour lesquels les projets sont terminés majoritairement à plus de 80 %. Les travaux sont réalisés. Alors, M. le Président, bien sûr que notre volonté est celle d'appuyer les municipalités et celle de négocier...

Le Président: En terminant.

Mme Courchesne: ...avec le gouvernement fédéral et s'assurer que les projets pourront se terminer au moment...

Réponses différées

Impact environnemental de l'exploration
et de l'exploitation des gaz de schiste

Le Président: Alors, nous avons, après cette fin de période de questions et de réponses orales des députés, une réponse en différé qui est prévue par Mme la ministre des Ressources naturelles et de la Faune, qui répond à une question posée le mercredi 29 septembre par M. le député de Jonquière concernant la réception d'un avis de M. Jean Cinq-Mars avant d'autoriser l'industrie à faire l'exploration des gaz de schiste. Mme la ministre des Ressources naturelles, vous avez la parole.

Mme Nathalie Normandeau

Mme Normandeau: Oui, M. le Président. Alors, notre collègue de Jonquière hier m'interpellait, me demandait si nous avions reçu un avis du Commissaire au développement durable.

La réponse est non, M. le Président. Pour ce qui est de la consultation qui sera faite auprès du commissaire, j'aimerais lui dire que nous comptons sur la collaboration et les recommandations du Bureau d'audiences publiques en environnement pour qu'on puisse bonifier, s'inspirer des conclusions du BAPE pour élaborer la première loi sur les hydrocarbures, qui, elle, sera déposée au printemps 2011, M. le Président, qui s'inspirera assurément des principes du développement durable.

Le Président: Alors, en question complémentaire, M. le député de Jonquière.

M. Sylvain Gaudreault

M. Gaudreault: Bien, en tout cas, au moins on a appris que la ministre sait maintenant qui est le Commissaire au développement durable, mais ce qui est quand même assez surprenant, M. le Président, c'est d'apprendre qu'on a un commissaire au développement durable qui a un mandat de conseiller justement le gouvernement et que la ministre ne s'en sert pas.

Alors, a-t-elle l'intention d'interpeller le Commissaire au développement durable, de lui demander un avis et de déposer son avis et son rapport ici, en cette Chambre? Merci.

Le Président: Mme la ministre des Ressources naturelles.

Mme Nathalie Normandeau

Mme Normandeau: M. le Président, c'est notre gouvernement qui a adopté... qui a fait adopter la première loi sur le développement durable au Canada. C'est notre gouvernement, M. le Président, qui a créé le Commissaire au développement durable, M. le Président, et c'est notre gouvernement qui adopte des lois qui s'inspirent des principes du développement durable. Nous l'avons fait par le passé. Nous allons le faire pour la filière du gaz naturel. Et, M. le Président, soyez assuré d'une chose, tout ça fait la fierté des Québécois, et ça fait également notre fierté comme gouvernement.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Bédard: Notre règlement prévoit quand même qu'on doit répondre aux questions. La question était quand même assez simple, là. Est-ce que la ministre entend demander un avis? J'aimerais avoir une réponse.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Fournier: ...sur le règlement, mais, surtout lorsqu'on écoute la question et on écoute la réponse, qu'il y a eu une réponse. Si, demain ou si, la semaine prochaine, on veut reposer d'autres questions, on pourra y venir, M. le Président.

Le Président: Alors, ceci met fin à la période de questions et de réponses orales des députés.

Des voix: ...

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors, j'invite les députés qui doivent vaquer à d'autres occupations de le faire dans l'ordre, s'il vous plaît, et maintenant.

Des voix: ...

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): S'il vous plaît, dans l'ordre!

Des voix: ...

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors, comme il n'y a pas de votes reportés, nous allons maintenant passer à la rubrique des motions sans préavis.

Des voix: ...

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): J'ai demandé, s'il vous plaît, qu'on puisse travailler dans l'ordre. M. le ministre de la Santé, s'il vous plaît.

Alors, je reconnais M. le député de Mercier. Nous sommes aux motions sans préavis.

M. Khadir: Mme la Présidente, je demande le consentement de la Chambre pour présenter la motion suivante:

«La grève de la faim amorcée il y a 80 jours par 34 prisonniers politiques mapuches du Chili soulève de vives inquiétudes. Le peuple mapuche constitue la plus importante nation autochtone du Chili, dont le territoire est l'objet de convoitise de multinationales minières canadiennes, qui se comportent avec le même sans-scrupule qui caractérise cette industrie qui vole également le sous-sol québécois;

«Que l'Assemblée nationale interpelle le président du Chili afin qu'il applique l'esprit et la lettre de la Convention sur les peuples indigènes et tribaux dans le but de suspendre l'application de la Loi antiterroriste à ces communautés, de leur garantir un procès civil juste et de reprendre le dialogue avec le représentant de ces communautés.»

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors, je vous remercie, M. le député. Est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette motion?

M. Gautrin: Mme la Présidente, malgré l'importance de la question soulevée, on ne peut pas en cette Chambre traiter tous les cas particuliers d'injustice, et, dans ces conditions-là, il n'y aura pas consentement pour voter cette motion.

**(11 h 10)**

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Donc, pas de consentement. Il n'y a pas d'autre motion sans préavis.

Avis touchant les travaux des commissions

Nous sommes aux avis touchant les travaux des commissions. M. le leader du gouvernement.

M. Gautrin: Je vous remercie, Mme la Présidente. J'aimerais aviser cette Assemblée que la Commission des institutions poursuivra l'étude détaillée à l'égard du projet de loi n° 48, Code d'éthique et de déontologie des membres de l'Assemblée nationale, aujourd'hui, après les affaires courantes, et ce, jusqu'à 14 heures, et je comprends qu'il y a eu une entente pour pouvoir prolonger, par rapport aux heures légales, entre 13 heures et 14 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau; et

Que la Commission des finances publiques entreprendra l'étude détaillée à l'égard du projet de loi n° 112, loi autorisant la consultation des conventions collectives d'une durée supérieure à trois ans dans les secteurs public et parapublic, après les affaires courantes, et ce, jusqu'à 13 heures et, si nécessaire, de 15 heures à 18 heures, à la salle Louis-Hippolyte-La Fontaine.

Et ça me fait plaisir d'en remettre une copie à cette charmante page.

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors, M. le leader du gouvernement, vous avez toujours d'autres motions? Non? Ça va, vous avez complété?

Une voix: ...

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Pardon?

M. Gautrin: ...si vous me permettez, j'ai...

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Parfait. Alors, dans ce cas-là, M. le leader du gouvernement, vous pouvez vous asseoir.

Je vais demander d'abord le consentement pour déroger à l'article 143 du règlement concernant l'horaire des travaux des commissions. Alors, est-ce qu'il y a consentement? Consentement.

Alors, pour ma part, je vous avise que la Commission spéciale sur la question de mourir dans la dignité poursuivra les auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur la question de mourir dans la dignité aujourd'hui, jeudi 30 septembre, après les affaires courantes et jusqu'à 13 heures et de 15 heures à 17 h 45, à la salle du Conseil législatif.

Je vous avise également que la Commission de l'économie et du travail se réunira en séance de travail aujourd'hui, jeudi 30 septembre, de 13 heures à 15 heures, à la salle RC.161 de l'hôtel du Parlement, afin de décider si la commission veut se saisir des pétitions déposées par les députés de Marie-Victorin, Joliette, Champlain, Chambly, Jonquière, Terrebonne, Masson, Crémazie et Blainville demandant au gouvernement du Québec la tenue d'une commission d'enquête publique et indépendante sur l'industrie de la construction.

Je vous avise aussi que la Commission de la santé et des services sociaux se réunira en séance de travail le mardi 5 octobre 2010, de 11 heures à midi, à la salle RC.171 de l'hôtel du Parlement, afin de décider si la commission veut se saisir des pétitions concernant la demande de mesures visant l'interdiction de vente de produits du tabac dont l'emballage n'est pas neutre, le projet de tarification à la visite pour l'obtention de soins de santé et la mesure budgétaire concernant la taxe fixe en santé.

Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

Nous sommes rendus à la rubrique des renseignements sur les travaux de l'Assemblée.

Je vous rappelle que, lors de l'interpellation prévue pour demain, vendredi 1er octobre 2010, M. le député de L'Assomption s'adressera à Mme la ministre des Ressources naturelles et de la Faune sur le sujet suivant: L'exploration et l'exploitation des gaz de schiste du Québec.

Affaires du jour

La période des affaires courantes étant terminée, nous allons maintenant passer aux affaires du jour. M. le leader du gouvernement.

M. Gautrin: Je vous remercie, Mme la Présidente. Et je vous demanderais d'avoir l'amabilité d'appeler l'article 8 du feuilleton, s'il vous plaît.

Projet de loi n° 103

Adoption du principe

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors, à l'article 8 du feuilleton, Mme la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine et ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française propose l'adoption du principe du projet de loi n° 103, Loi modifiant la Charte de la langue française et d'autres dispositions législatives.

Y a-t-il des interventions? Mme la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine et responsable de la Charte de la langue française.

Mme Christine St-Pierre

Mme St-Pierre: Merci, Mme la Présidente. Le projet de loi n° 103 dont je propose aujourd'hui, au nom du gouvernement, l'adoption de principe a pour objet de modifier la Charte de la langue française ainsi que diverses dispositions législatives, dont la Charte des droits et libertés de la personne ainsi que la Loi sur l'enseignement privé.

Il témoigne de la volonté et du devoir de l'État québécois d'assumer pleinement la responsabilité de la promotion de la langue française. Ce projet de loi vient en effet appuyer la volonté collective et indéfectible des Québécois et des Québécoises de bâtir un Québec inclusif, ouvert et tolérant dont la langue officielle et commune est le français.

Lors des consultations générales, qui ont eu lieu tout au cours du mois de septembre, sur le projet de loi, des positions diamétralement opposées ont été entendues sur la question des écoles privées non subventionnées anglophones. Plusieurs estiment que la solution mise de l'avant par le gouvernement dans le projet de loi ne va pas assez loin. D'autres au contraire estiment qu'elle va trop loin. Le gouvernement, pour sa part, croit plutôt que, dans l'intérêt supérieur du Québec et dans le respect de la tradition québécoise de respect des droits et libertés de la personne, il lui faut plutôt poursuivre avec l'approche équilibrée et réfléchie qu'il a mise de l'avant.

Toutefois, à la lumière des consultations publiques que nous avons menées, nous verrons, lors de l'étude détaillée en commission, s'il est possible de bonifier différents aspects du projet de loi.

Le projet de loi n° 103 propose des mesures équilibrées et raisonnables qui peuvent se regrouper sous quatre volets importants. En premier lieu, il réaffirme de façon magistrale le statut du français comme langue officielle du Québec en modifiant la Charte des droits et libertés de la personne et en rendant plus visible dans cette loi fondamentale l'importance du français comme facteur de cohésion sociale au Québec. Deuxièmement, il envoie un message clair et sans équivoque aux nouveaux arrivants en consacrant, dans cette même Charte des droits et libertés de la personne, le droit d'apprendre le français et de bénéficier de mesures d'accueil et d'intégration à la vie québécoise ainsi que le droit de toute personne de participer au maintien et au rayonnement de la culture québécoise dont le français en constitue l'un des éléments indissociables. Troisièmement, il renforce le devoir d'exemplarité de l'administration publique, des municipalités, des collèges et des universités dans l'application de la Charte de la langue française.

Enfin, il vient donner une réponse équilibrée et pragmatique au jugement Nguyen de la Cour suprême, concernant les règles d'admissibilité à l'enseignement en anglais, touchant la fréquentation d'une école privée non subventionnée de langue anglaise, en tout respect des droits des individus.

Permettez-moi, dans le cadre de nos débats sur l'adoption du principe de ce projet de loi, de résumer brièvement chacun de ces volets.

Le premier volet, il s'agit du renforcement du statut du français. Le projet de loi renforce le statut du français comme langue officielle du Québec en modifiant la Charte des droits et libertés de la personne. Il s'agit là d'un geste historique qui démontre l'attachement de notre gouvernement, de cette Assemblée ainsi que de la population québécoise à la langue française, puisque la Charte des droits et libertés de la personne est au sommet de la hiérarchie juridique au Québec. À cet effet, le projet de loi prévoit que le préambule de la Charte des droits et libertés... un nouvel alinéa affirmant, et j'ouvre la parenthèse, «que le français est la langue officielle du Québec et qu'il constitue un élément fondamental de notre patrimoine culturel et de sa cohésion sociale». Fin de la citation.

Le projet de loi ajoute également une disposition interprétative dans la charte québécoise. Les droits et libertés qui y sont consacrés devront ainsi être intégrés en tenant compte du fait que le français est la langue officielle du Québec et de l'importance d'en assurer la pérennité. Tous les tribunaux devront tenir compte de cette disposition dans leur interprétation des droits et libertés protégés par la charte québécoise et dans leur application. Ces modifications témoignent de l'importance que nous voulons donner au statut de la langue française.

Le deuxième volet concerne l'affirmation de la langue commune de la société québécoise. Le projet de loi vient également consacrer dans la Charte des droits et libertés de la personne le droit de toute personne qui s'établit au Québec, dans la mesure et selon les normes prévues par la loi, d'apprendre le français et de bénéficier des mesures d'accueil et d'intégration à la vie québécoise. C'est là un message très fort d'accueil à la vie en français qui est envoyé à tous les nouveaux arrivants.

Une autre des modifications proposées à la Charte des droits et libertés de la personne vise à reconnaître le droit de toute personne de participer au maintien et au rayonnement de la culture québécoise dont la langue française constitue un des éléments indissociables. À titre de ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine, cette consécration de la place qu'occupe le français dans le développement et le rayonnement de la culture québécoise m'apparaît une avancée plus que significative. Ces modifications nous donnent, à nous, parlementaires, l'occasion de rendre plus visible notre attachement à la langue officielle du Québec comme langue de cohésion de la société québécoise.

Le troisième volet est le devoir d'exemplarité. Le projet de loi vient renforcer le devoir d'exemplarité de l'administration, des municipalités, des collèges et des universités. Pour que les municipalités du Québec jouent un rôle moteur dans la promotion du français, le ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française aura désormais le pouvoir de demander à une municipalité, après consultation de l'Office québécois de la langue française, de se doter d'une politique linguistique relative à la qualité de la langue française dans ses activités. Cette politique devra bien marquer que la langue française est la langue officielle du Québec et la langue normale et habituelle de l'espace public ainsi qu'un instrument essentiel de cohésion sociale. La municipalité devra faire rapport périodiquement à l'office. Pour assurer le maintien et la pérennité de l'utilisation du français au sein de l'administration publique québécoise, l'Office québécois de la langue française aura le pouvoir de demander aux ministères et aux organismes gouvernementaux de lui faire rapport de leur situation linguistique et d'exiger, le cas échéant, des mesures de redressement dans un délai spécifique.

**(11 h 20)**

Enfin, pour assurer une meilleure reddition de comptes de la part des collèges et des universités, la Charte de la langue française sera modifiée pour leur demander de rendre compte périodiquement, à tous les trois ans, de l'application de leur politique linguistique. Après consultation de l'Office québécois de la langue française, des correctifs pourront être demandés aux collèges et universités par le ministre de l'Éducation, du Loisir et du Sport. Cette révision de la charte s'accompagne également d'une actualisation de ses dispositions pénales qui n'avaient pas été revues depuis 1997. Il est en effet prévu de majorer les amendes minimales et maximales fixées pour les personnes physiques et morales et de donner au tribunal la latitude d'imposer une amende additionnelle tenant compte des bénéfices pécuniaires obtenus par la commission d'une infraction.

Quatrième volet: les écoles passerelles. C'est la fin des écoles passerelles dans ce projet de loi, Mme la Présidente. Le projet de loi apporte une réponse pragmatique au jugement de la Cour suprême sur les règles d'admissibilité à l'enseignement en anglais. D'abord, les modifications sont effectuées à la Charte de la langue française et à la Loi sur l'enseignement privé pour éviter la résurgence des écoles passerelles. L'apparition des écoles passerelles, qui poussent comme des champignons sur le territoire québécois... qui poussaient, plutôt, c'est bel et bien terminé. Il en était ainsi avant la loi n° 104. Il en sera de même avec la loi n° 103. Le projet de loi vient ainsi empêcher la mise sur pied de telles écoles qui n'ont d'autre but que de qualifier les élèves à l'école anglaise pour la suite de leur cheminement scolaire. Il prévoit des pénalités pour les établissements qui tenteraient de contourner la loi. Il resserre grandement, par rapport à la situation qui prévalait avant l'entrée en vigueur de la loi n° 104 en octobre 2002, l'admissibilité à l'enseignement en anglais au Québec.

Le projet de loi permet également au gouvernement de déterminer par règlement le cadre d'analyse suivant lequel devra s'effectuer l'appréciation de la majeure partie de l'enseignement reçu en anglais dans une école privée non subventionnée, qui est invoquée à l'appui d'une demande d'admissibilité à l'enseignement en anglais au Québec. Ce cadre d'analyse pourra établir des règles, des critères d'appréciation, une pondération, un seuil éliminatoire ou un seuil de passage et des principes interprétatifs.

En fait, le 2 juin dernier, lors du dépôt du projet de loi n° 103, un projet de règlement a également été rendu public, montrant la volonté du gouvernement de permettre un débat public complet. Ce projet de règlement vient précisément définir les règles strictes que les personnes désignées par la ministre de l'Éducation auront à appliquer lorsqu'elles auront à évaluer une demande d'admissibilité. Le cadre d'analyse proposé prévoit des critères d'appréciation, une pondération et des principes interprétatifs qui devront être appliqués par les personnes désignées qui évalueront les demandes d'admissibilité. À ce propos seront notamment pris en compte, en lien avec le parcours scolaire de l'enfant, la durée de l'enseignement, reçu en anglais, susceptible de révéler un engagement authentique à cheminer dans cette langue d'enseignement en tenant compte du milieu dans lequel s'est effectué le parcours scolaire invoqué à l'appui de la demande, les différents types d'établissements d'enseignement fréquentés en lien avec les caractéristiques de leurs clientèles, illustrant leur attachement à la minorité anglophone du Québec, de même que l'existence de projets éducatifs particuliers ou de programmes d'études destinés à répondre aux besoins de certaines clientèles scolaires.

Ce cadre d'analyse permet aussi d'évaluer la continuité et le caractère réel de l'engagement à cheminer en anglais, prenant en considération les changements intervenus dans le parcours scolaire invoqué au soutien d'une demande.

La solution retenue par le projet de loi constitue la voie équilibrée choisie par notre gouvernement afin de répondre au jugement de la Cour suprême qui, dans l'affaire Nguyen, a déclaré inconstitutionnels les deux derniers alinéas de l'article 73 de la Charte de la langue française, jugement qui est venu confirmer celui de la Cour d'appel du Québec.

Cette solution rejette l'approche radicale, proposée par l'opposition officielle, de soumettre les écoles privées non subventionnées de langue anglaise à la Charte de la langue française en utilisant la clause dérogatoire. Nous souhaitons conserver cette zone de liberté, une expression qui avait été employée à l'époque par le Dr Laurin et le premier ministre René Lévesque, qui existe depuis longtemps au Québec et qui permet aux parents de conserver une marge d'appréciation lorsqu'il s'agit de choisir le projet éducatif qu'ils préfèrent pour leurs enfants.

Par ces modifications législatives, nous nous donnons les instruments pour encadrer de façon rigoureuse l'admissibilité à l'école anglaise au Québec à la suite de la fréquentation d'une école privée non subventionnée afin que ne se reproduise plus la situation qui a prévalu avant 2002.

En conclusion, Mme la Présidente, je voudrais souligner que, si le français est la langue officielle du Québec depuis 1974, il est aussi la langue commune de l'ensemble de la société québécoise, celle qui assure sa cohésion sociale. Notre gouvernement, à l'instar de tous les gouvernements québécois qui se sont succédé, tient à préserver et à promouvoir la langue officielle qui représente non seulement un instrument de communication essentiel, mais qui demeure au coeur de notre histoire et le coeur de notre identité collective et de notre spécificité.

Notre gouvernement tient également à poursuivre cet objectif dans le respect des droits et libertés de la personne. Le projet de loi n° 103 vient donner une assise encore plus solide à cette volonté ferme et déterminée de la nation québécoise de continuer de vivre en français aujourd'hui et demain dans le contexte particulier qui est le nôtre en Amérique. Je vous remercie, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Je vous remercie, Mme la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine et responsable de la langue française. Je reconnais maintenant le prochain intervenant, M. le député de Borduas, porte-parole de l'opposition officielle en matière de langue. M. le député de Borduas.

M. Pierre Curzi

M. Curzi: Merci, Mme la Présidente. Vous connaissez la blague, Mme la Présidente, qui est la suivante: Comment en arrive-t-on à créer un dromadaire? La réponse est assez simple. C'est une vieille blague, et la réponse est simple: Vous n'avez qu'à confier à un comité le soin de dessiner un cheval. C'est une allégorie qui, à mon sens, s'applique très bien à la loi n° 103.

Lorsque le jugement de la Cour suprême a été rendu, l'opposition a suggéré que l'on dessine un cheval, et, après huit mois d'efforts, le travail conjoint d'un comité formé de trois ministres, la ministre de la Justice, la ministre de l'Éducation et la ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française, a accouché d'un dromadaire. Et je le dis sans vouloir jeter le discrédit sur les gens qui y ont travaillé, parce qu'il n'est pas évident, lorsque l'on a comme commande de dessiner un cheval, d'arriver à dessiner un dromadaire. Cela demande à la fois un travail, une constance, une collaboration, et une intelligence, et une imagination remarquables. Mais on arrive quand même à un résultat qui n'était pas celui qui était recherché. Et, dans ce cas-ci, on a bien vu que les efforts conjugués de trois ministres et de gens, à qui je reconnais beaucoup d'efforts et d'intelligence, des nombreux fonctionnaires, des juristes, des constitutionnalistes sont arrivés à créer un projet de loi, le projet de loi n° 103, auquel nous sommes maintenant confrontés et qui de toute évidence n'a aucune adéquation avec le problème qui a été créé, causé, provoqué par la Cour suprême du Canada.

Nous arrivons donc à un projet de loi qui, à toutes fins pratiques, est informe. Il est informe de différentes façons, d'abord, parce qu'il ne répond pas au besoin premier auquel il est destiné, c'est-à-dire de mettre fin à un système de passerelles, et au contraire il crée plus de problèmes. Et c'est là, en ce sens, que ce dessin-là est encore plus préoccupant que ce qui avait été demandé, parce que non seulement il ne répond pas à la question, mais en plus il en provoque plusieurs autres, il soulève plusieurs problèmes. Alors qu'un projet de loi en principe devrait aider à régler une question, nous nous retrouvons avec un projet de loi qui crée d'autres problèmes.

Donc, à défaut d'une solution, nous avons créé de nombreux problèmes. Quels sont-ils, ces problèmes-là? Le premier, donc c'est de ne pas mettre fin au système des écoles passerelles. Il ne met pas fin aux écoles passerelles, mais au contraire il donne à ces écoles passerelles là une certitude juridique. Il permet, comme l'a dit M. Mulcair lorsqu'il est venu... il donne, en fin de compte, un Google Maps de comment contourner la loi en disant: Dorénavant, il sera légal de contourner la loi si vous en avez les moyens, donc si vous pouvez vous permettre de payer trois ans d'études privées non subventionnées à un de vos enfants, et, si vous pouvez le faire, vous aurez donc acquis le début de la base d'un processus qui vous permettra éventuellement d'avoir accès à une école publique subventionnée du système anglophone. Il vient donc confirmer légalement un passage qui jusque-là était interdit, sauf au moment de la loi n° 104, où effectivement, d'un commun accord, nous avions établi un consensus.

**(11 h 30)**

Ce consensus ayant été détruit, on vient maintenant confirmer dans la loi qu'il sera possible d'avoir accès au système public anglophone à travers un processus compliqué, certes, étroit, probablement, mais néanmoins totalement légal, et, en ce sens-là, pouvoir acheter littéralement la possibilité que non seulement son enfant, mais ses frères, ses soeurs et toutes leurs descendances puissent, du jour au lendemain... pas du jour au lendemain, après trois ans de fréquentation d'une école et après un système extraordinairement complexe et compliqué qui ouvre la porte à la fois à l'arbitraire de décisions de personnes, de fonctionnaires qui auront à rendre des décisions et qui seront confrontés au problème majeur d'avoir à décider de l'avenir de certaines personnes en se basant sur des critères un peu flous.

Bien sûr, il y a aussi des critères objectifs comme une grille de points qui s'applique à la fois au type d'écoles qui auront été fréquentées... au type d'écoles non subventionnées qui auront été fréquentées par ces élèves-là, donc un système complexe qui classifie, en quelque sorte, et qui donne plus ou moins de points aux écoles, qui, en principe, interdit qu'une école se spécialise dans le fait de servir de passerelle, mais aussi d'autres critères qui sont... Et on s'en souviendra aisément, de cette belle invention d'un parcours scolaire authentique. Le parcours scolaire authentique serait, selon certains, cette volonté très déterminée de vouloir absolument échapper au système scolaire francophone pour des gens qui sont des francophones ou qui sont des allophones.

On voit à quel point ce dromadaire est absurde. Et non seulement il est absurde, mais en plus une partie de ce qu'il transporte est cachée. Et, en ce sens, un article qui semble assez inique dans ce projet de loi, c'est l'article 25 qui, en quelque sorte, soustrait l'ensemble des règlements du projet de règlement à la possibilité que des gens puissent intervenir et donner leur avis, un processus que l'on connaît bien. Et généralement, quand il y a un projet de règlement, il est déposé, et ce projet de règlement là, lorsqu'il est publié dans la Gazette officielle, peut faire l'objet d'environ 45 jours de représentations, de commentaires, et donc il est, en quelque sorte, discutable. Plusieurs des groupes qui sont venus se sont offusqués de ce processus, et je les comprends, puisque, tout d'un coup, sans qu'on donne avis à qui que ce soit, on décide qu'une partie des règlements... non seulement certains de ces critères ne feront pas partie de la loi, mais en plus l'ensemble du projet de règlement échappe à tout commentaire. On se retrouve donc avec cette espèce de drôle de phénomène. Et j'écoutais Mme la ministre responsable de l'application de la charte lire le document qu'on lui a fourni, et je crois que c'est la première fois que je l'entends défendre chacun des articles de cette loi.

Cependant, nous avons vécu une période extrêmement intéressante, puisque les consultations générales nous ont permis d'entendre de très nombreux groupes. Que peut-on en conclure? On peut en conclure de nombreux constats que je vais tenter de faire et de justifier. Le premier, le plus évident, c'est que l'ensemble des groupes qui sont intervenus désapprouvent et rejettent carrément le projet de loi n° 103. Donc, dans ce cas-ci, l'opposition officielle, qui juge que ce projet de loi devrait nécessairement être retiré, s'y oppose farouchement et est appuyée par l'ensemble des groupes qui sont intervenus.

Sur les 43 mémoires que nous avons reçus, il y en a 33 qui s'opposent carrément à la loi n° 103, 22 d'entre eux préconisent l'application de la solution que nous avons suggérée quelques jours après avoir pris connaissance du jugement de la Cour suprême, c'est-à-dire l'application de la loi 101 à l'ensemble des écoles privées non subventionnées. Cette position-là, nous l'avons assortie de la demande d'intégration d'une clause dérogatoire, de telle sorte que... sachant, par ailleurs, que la clause dérogatoire n'était pas essentielle pour qu'on puisse appliquer la loi 101, mais sachant d'avance qu'il vaudrait mieux prévenir ce qui, inévitablement, se passera, que ce soit la loi n° 103 ou que ce soit la loi 101, c'est-à-dire qu'il y aura contestation judiciaire dont on peut prévoir qu'elle prendra beaucoup de temps, qu'elle coûtera beaucoup d'argent, qu'elle permettra à des gens d'amasser de bons salaires et de bons gages, mais qu'inévitablement la Cour suprême devrait s'en saisir et que, comme à son habitude, la Cour suprême ayant la fâcheuse tendance de ne jamais émettre de jugements qui sont favorables à la loi 101, on risque fort de se retrouver de nouveau, après quelques années, de nombreux frais et de nombreuses tracasseries, confrontés à une autre décision qui irait à l'encontre de l'esprit même de la loi 101. À cet égard, il serait donc prudent et intelligent, pour un gouvernement responsable, d'intégrer dans son projet de loi, dans l'application de la loi 101, une clause dérogatoire.

Plusieurs des groupes qui sont venus n'ont pas épousé tout à fait cette position. Et, à cet égard, je dirais que les consultations ont été très riches. On a appris beaucoup de... on a bien approfondi cette notion de la clause dérogatoire, qu'est-ce qu'on peut en retirer. Et j'aurai certainement des collègues qui sont de brillants constitutionnalistes qui vont en parler, mais, pour ma part, je comprends -- et bien des gens ont compris au fur et à mesure -- que la clause dérogatoire, elle a plusieurs aspects.

Le premier aspect, c'est que c'est une clause qui nous a été imposée, en quelque sorte. La clause dérogatoire a été demandée, je crois, la première fois, elle a été instaurée parce que l'Alberta a senti le besoin de pouvoir, donc, utiliser une clause dérogatoire. Et la justification d'une clause dérogatoire, c'est de dire: À l'égard de certains droits, nous croyons qu'il est cohérent d'adopter des législations qui sont, en quelque sorte -- et c'est le cas de la loi 101 -- qui sont... qui non pas suspendent des libertés fondamentales, comme il a été dit maintes fois, mais qui, effectivement, sont un certain nombre de contraintes pour des groupes qui décident que leurs intérêts et leurs droits collectifs doivent, dans certains cas, être une sorte de limite aux droits individuels. C'est tout l'esprit de la loi 101 qui est contenu dans ce principe-là où, en 1977, M. Camille Laurin, M. Lévesque et le gouvernement du Parti québécois de cette époque ont adopté le projet de loi 101, la Charte de la langue française.

Je dois signaler qu'à ce moment-là il y a eu une bataille farouche de la part du Parti libéral et de la part d'une bonne partie, d'une partie de la population du Québec qui s'est opposée à ce qui leur apparaissait comme étant une contrainte exagérée. Pourtant, les 30 années qui ont suivi l'application de la charte et ce qui a précédé l'invention de la charte, c'est-à-dire les nombreuses lois qui avaient causé de profonds dérèglements et même des affrontements dans la population... Pourtant, l'application de cette charte, durant 30 ans, aura permis, avons-nous cru, d'avoir une paix linguistique remarquable au Québec et que nous assistions à une transformation profonde du caractère et du visage du Québec. De dominé par une minorité anglophone à cette époque, le Québec, à partir de cette charte, a instauré aussi ce qui s'est appelé la Révolution tranquille, et, littéralement, s'est libéré du joug d'une minorité qui l'avait, jusqu'à un certain point, dominé, et le Québec a trouvé sa force économique, a trouvé sa force sociale, s'est doté d'institutions et s'est surtout doté d'un caractère et d'un visage français, francophone, et, ce faisant, s'est donné une langue commune et une langue officielle qui est le français, s'est donné des institutions francophones, des institutions françaises, et cela, tout en respectant scrupuleusement, et avec honneur, et avec intégrité les droits de la minorité anglophone et les droits des premières nations, qui ont, elles aussi, leurs langues et leurs cultures à préserver.

On voit donc que le fait de pouvoir se contraindre soi-même... Et, dans ce cas-là, il a toujours été clair que la loi 101 était une contrainte qui s'appliquait non pas à des minorités, mais, au contraire, à la majorité, la majorité s'étant contrainte elle-même à limiter son droit individuel au profit d'un droit collectif. Cette majorité-là s'est donné un outil formidable de francisation. Et non seulement de francisation, mais, je vous l'ai dit et je vous le répète, de libération. Cette société s'est donné un outil formidable de libération et, je dirais, d'apparition au monde. Parce qu'il faut bien le reconnaître, que le fait d'avoir opté, à un moment donné, pour une affirmation de soi, une fierté de sa langue, une fierté de sa culture, une fierté de ses institutions, une élaboration de ses institutions, un épanouissement de ce que nous étions, de se doter d'un développement hydroélectrique remarquable nous a permis d'occuper une place que nous étions loin d'occuper avant cette époque-là et une place sur la planète entière. Nous sommes passés littéralement de l'ombre à la lumière, et cela, c'est grâce à cette décision collective. Et un des moments forts de cette décision collective, ça a été la Charte de la langue française.

**(11 h 40)**

Parmi les réflexions passionnantes que nous avons connues au cours de cette période de consultation générale, je dirais qu'il y a eu ce qui s'appelle, dans certains domaines artistiques, une mise en abîme. Qu'est-ce qu'on veut dire par «une mise en abîme», on veut dire que, tout à coup, à partir d'une notion, cette notion se déploie, elle virevolte, on entre dans une spirale, et cette spirale-là est extrêmement intéressante, et elle est éclairante. Cette mise en abîme, elle a été provoquée par le projet de loi n° 103 et par la réaction de tout le monde, en disant: Il est inadmissible que nous acceptions que notre volonté collective...

Et la loi n° 104, rappelons-le encore une fois, était une loi votée à l'unanimité, nous avions donc trouvé un consensus. Ce consensus-là, quel était-il? Nous avons mis fin, directement par la loi n° 104, aux écoles passerelles. Les écoles passerelles, faut-il le rappeler, au moment où la loi a été adoptée, en 2002, permettaient, au cours de cette année-là, à 1 397 élèves d'utiliser un passage plus ou moins long dans une école privée non subventionnée et d'avoir accès, par ce tour de passe-passe, par cette passerelle, au système public anglophone. Non seulement c'est 1 397 élèves, mais leurs frères, leurs soeurs et leurs descendances pour des...

Et on a fait des études assez conservatrices, et c'est M. Robert Maheu qui les a faites, qui a été à l'emploi du ministère de l'Éducation et responsable des statistiques et de l'analyse des statistiques pendant des années -- c'est donc quelqu'un dont la crédibilité est totale -- qui a évalué que, d'une façon conservatrice, on parlait, à ce moment-là, de 11 000 personnes dans une cohorte. Si on était moins conservateur, le chiffre aurait pu aller jusqu'à 22 000 personnes. Ce n'était pas un phénomène banal. Ce n'était pas un phénomène banal, au point où l'ensemble des parlementaires a jugé qu'il fallait fermer cette porte qui, en quelque sorte, permettait de contrevenir à la loi et à l'esprit de la Charte de la langue française. Donc, cette porte a été fermée.

Cependant, à ce moment-là... Et le consensus était, à ce moment-là, de laisser possible l'accès aux écoles privées non subventionnées aux gens qui voulaient le faire, puisque... l'esprit étant: Puisque l'État ne soutient pas les écoles non subventionnées, pourquoi empêcher, en quelque sorte, des francophones et des allophones d'angliciser leurs enfants, puisqu'ils le font à leurs frais et entièrement? Et nous avons vécu avec ce consensus assez bien, mais, dès que cette loi a été promulguée, immédiatement il y a eu contestation, Et il y a toujours contestation parce que les tenants du libre choix total, et donc les tenants de ceux qui n'ont jamais accepté que la Charte de la langue française était un droit collectif, qui n'ont jamais accepté cela, l'ont attaqué immédiatement. Résultat: on en arrive au jugement de la Cour suprême.

Et ce qui a été aussi passionnant dans les consultations générales que nous avons faites, c'est que nous avons compris peu à peu en quel sens... pourquoi la Cour suprême, dans ce cas-là, le jugement Nguyen et le jugement Solski... comment... quel est l'esprit qui fait que la Cour suprême est toujours en train de démolir, d'attaquer, de détruire une charte de la langue qui fait un consensus aussi fondamental au Québec. Comment se fait-il... Est-ce que ces personnes, ces juges qui sont nommés -- on le sait bien, qui ne sont pas nommés par les gens du Québec -- par un pouvoir que nous contestons politiquement... Mais comment se fait-il? Est-ce que ce sont des personnes incompétentes? Est-ce que ce sont des personnes injustes? Et là on a compris... Et, à cet égard, le mémoire déposé par le Conseil de la souveraineté du Québec est très éclairant, on comprend et on comprend plus largement que nous sommes confrontés, et depuis longtemps, depuis très longtemps, depuis après 1977... Et c'est là l'intérêt, après 1977, il y a eu 1982, et 1982, ça a été la Constitution, le rapatriement de la Constitution, et ça a été la Charte canadienne des droits.

Et là il y a l'affrontement entre deux réalités, entre la réalité d'un Québec qui dit: Nos droits collectifs doivent pouvoir s'exprimer, nous avons le droit légitime d'être reconnus comme étant une nation constitutive, et nos droits collectifs doivent, dans certains cas -- et c'est le cas de la langue -- primer sur le droit individuel... De l'autre côté, nous nous retrouvons -- et c'était Pierre Elliott Trudeau qui était le chantre de cet aspect -- nous nous retrouvons confrontés à un esprit dont on voit maintenant les néfastes effets sur l'ensemble de notre situation. Cet esprit-là, il dit: Voilà ce qui est le plus important, ce qui est le plus important, c'est le droit individuel. Le droit individuel doit primer sur tout.

Et il prend prétexte -- et c'est extraordinairement vicieux -- il prend prétexte à la fois d'une déformation de l'histoire puis d'une situation réelle, la situation réelle étant que nous ne sommes pas les seuls francophones au Canada... au Québec, nous ne sommes pas les seuls francophones en Amérique, il y a des francophones ailleurs, dans d'autres provinces du Canada, et, effectivement, il faut s'en soucier complètement, et, à cet égard, il faut protéger leurs droits. C'est légitime comme raisonnement, mais les conséquences de vouloir protéger les droits des minorités anglophones au Québec, francophones ailleurs, dans les autres provinces, ont été une perversion du droit collectif et un empiètement, en quelque sorte, du droit individuel, auquel tout le monde souscrit aussi, un empiètement de ce droit sur l'esprit légitime du droit collectif au Québec.

Et donc ça, c'est passionnant de découvrir à quel point ce type de foi -- parce qu'il s'agit d'une foi -- nous a entraînés dans des dédales. Et c'est cette foi-là qui imprègne une institution comme la Cour suprême. C'est à partir de ces fondements-là que l'on juge et que l'on détermine que le droit de certains individus ne peut pas être, en quelque sorte, contraint. Et, dans le jugement Nguyen de la Cour suprême, il y a une valse légère extrêmement remplie d'arabesques pour nous démontrer à la fois que nous avons raison de légiférer au niveau du droit collectif, mais qu'en même temps nous avons tort d'aller trop loin pour contraindre les droits individuels.

On est dans cette danse-là, et c'est une danse affolante. Elle est affolante dans la mesure où on situe cette nouvelle volonté de défendre le droit individuel à l'encontre d'un droit collectif, où on le situe dans l'historique, l'historique de ce qu'a été l'exercice des droits à travers un pays constitué de provinces et un historique qui est, en fait, l'histoire, comment ça s'est créé, comment, à l'époque, nous avons été confrontés à... nous avons été contraints, en quelque sorte, d'avoir une union, l'Acte d'Union en 1840, à quel point nous avons été contraints parce que dominés, parce que nous avons été soumis à un certain moment, hein, nous avons été vaincus, et, à partir de cette défaite, le peuple contraint a dû, en quelque sorte, devenir résistant, et ça a été toute l'époque où la langue est devenue la langue de la ruralité, la langue de la religion, la langue de l'éducation. Mais il y a eu contrainte.

Au Québec, ça a été une contrainte et une résistance qui ont réussi à cause du nombre, avec laquelle nous avons réussi, malgré tout, à survivre et à nous imposer. Mais, dans bien d'autres provinces... Et là je ne ferai... je ne suis pas historien, mais je sais que, dans plusieurs provinces, il y a eu carrément abolition des droits des francophones. Et, dans certaines provinces, il y avait des groupes francophones importants, on leur a interdit la langue, on leur a interdit l'école. Le rapport Durham voulait interdire... L'histoire a été faite d'un choc de deux cultures, de deux peuples qui, plutôt que d'avoir établi un rapport égal, ce qui était l'esprit même d'une fédération, un rapport d'égalité entre deux nations, par des défaites au niveau militaire et par un esprit qui voulait littéralement intégrer, assimiler, coloniser les francophones... Nous nous sommes retrouvés dans une situation qui, tout à coup, a dégénéré, en quelque sorte, et est devenue ce qu'on appelle la Charte canadienne des droits libertés, où, là, le droit individuel, auquel tout le monde souscrit et que tout le monde défend, s'est déformé, en quelque sorte.

**(11 h 50)**

Des voix: ...

M. Curzi: Merci. Oui, je... Est-ce qu'il y a un problème? Parfait.

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): M. le député de Borduas, effectivement, il y a eu des conversations debout, mais cela ne vous empêche pas de poursuivre votre intervention, c'est vous qui avez la parole.

M. Curzi: Merci, Mme la Présidente. Je suis très heureux d'avoir la parole, je vais essayer d'en user correctement. Donc, nous avons... nous en avons donc... Alors, j'essayais... Et ces perspectives historiques là... Et là je n'entre pas dans le détail parce que, d'une part, je ne suis ni historien ni constitutionnaliste, mais c'est extrêmement éclairant pour comprendre pourquoi, tout à coup, on se retrouve avec un jugement qui, visiblement, révolte, en quelque sorte, l'ensemble de la société.

Parce que ce n'est pas non plus quelques mémoires anodins qui ont été présentés à la Commission de la culture et de l'éducation, ce sont de très nombreux mémoires et l'engagement majeur de groupes importants. Quand on voit la Fédération des travailleurs du Québec, quand on voit le conseil national, la CSN, quand on voit le conseil de la CSQ, quand on voit la Fédération autonome de l'enseignement, quand on voit l'ensemble des groupes qui défendent la langue française, quand on constate que viennent déposer des mémoires des individus prestigieux, des gens comme Gérald Larose, qui a déjà présidé une commission, quand le Conseil supérieur de la langue française donne un avis qui n'a pas été sollicité et qui est exactement la même position que l'opposition, hein, qui recommande clairement que ce soit la loi 101 qui soit appliquée, quand on voit tous ces groupes-là, on a... Et, quand on voit une manifestation publique contre le projet de loi qui réunit quasiment 3 000 personnes, on n'a pas plus affaire, là, à quelques groupuscules, on a affaire à une majorité de citoyens, bien sûr regroupés, bien sûr sollicités, bien sûr solidarisés. On a affaire à un mouvement réel, complet, important de gens qui disent: Non, nous ne tolérerons pas cette attaque à la loi 101.

Au départ, je voulais exprimer le point suivant, c'est-à-dire que les écoles passerelles sont un phénomène fondamental, mais ce n'est pas l'ensemble de la situation linguistique du Québec qui sera modifié uniquement par l'application de la loi 101, on en est tous conscients. Et ce que ça a mis en évidence aussi, ces consultations générales, ce que ça a profondément éclairé, c'est que ça a sonné l'éveil, en quelque sorte. Pourquoi un tel tollé à partir d'un projet de loi comme celui-là qui touchera quelques... je ne sais pas combien, qui touchera on ne sait combien de personnes, parce qu'on ne sait pas? Parce qu'il y a en jeu des principes.

Le premier principe, c'est celui de l'égalité. On doit tous être égaux devant la loi. Là, à l'évidence, les gens qui ont les moyens vont bénéficier d'un privilège. Tout à coup, les gens qui ont les moyens vont pouvoir payer pour leurs enfants pendant trois années, ce qui est une condition préalable pour que les autres règlements s'appliquent. Donc, c'est injuste.

En plus de ça, on va à l'encontre du principe clairement reconnu, et celui-là complètement entériné par l'article 23, alinéa a de la Charte canadienne des droits et libertés, qui dit, qui reconnaît le principe... -- et c'est là qu'on retrouve Trudeau et sa défense des droits des minorités, avec quoi nous sommes d'accord -- qui dit clairement quoi? Qui dit: Ceux qui sont une minorité dans une majorité ont le droit d'avoir accès à leur système d'éducation, pourvu que le nombre le justifie.

Au Québec, cette application a été non seulement totalement respectée pour la communauté anglophone, mais je dirais que, de toute évidence, le système scolaire anglophone est un système extrêmement en santé et qu'il a des fleurons qui s'appellent l'Université McGill et, d'aucuns diront, que nous soutenons financièrement, ma foi, d'une façon assez majeure. Ça, tout le monde le reconnaît, ce qui n'a pas été le cas dans bien d'autres communautés francophones à travers le Canada. Mais, bon.

Donc, cet article-là nous dit clairement: Francophones, allophones, vous allez fréquenter le système scolaire francophone. Et c'est là que nous nous contraignons parce que nous nous disons à nous-mêmes, nous nous disons à nous-mêmes: Voilà, nous allons investir complètement dans notre système et nous allons prioriser le fait que, comme minoritaires en Amérique, il est important pour nous que ce droit collectif là, cet épanouissement de la langue française, ça se manifeste concrètement.

Bon. C'est aussi... Ça a donc éclairé d'une drôle de lumière un discours qu'on a entendu. Parce que, à toutes fins pratiques, il y a deux groupes, je crois, qui se sont dits en accord avec le projet de loi n° 103, avec des modifications légères, et deux autres groupes qui ont été en accord avec de profondes modifications. Mais, quel que soit le discours, tous ceux qui pourraient manifester un accord le font à partir d'un principe qui est le libre choix, bon, le libre choix, qui va à l'encontre de tout l'esprit de la Charte de la langue française. Donc, c'est ça.

Le seul, le seul aspect qui pourrait être intéressant et, à mon sens, qui l'est, c'est que plusieurs des groupes anglophones sont venus nous dire: Écoutez, nous contribuons à la société québécoise. Et c'est vrai, nous avons de bons résultats dans l'enseignement de la langue seconde, le français, et c'est vrai, et tout le monde le reconnaît. Et il y a eu là, tout à coup, la description d'un système scolaire menacé par le fait que nous coupions l'oxygène, comme si, tout à coup, le cordon qui permettait d'alimenter le système scolaire anglophone était coupé. Et c'est vrai que l'application stricte de la loi 101 aura cet effet. Mais, quand on regarde les chiffres -- et j'ai fait la démonstration maintes fois -- on se rend compte qu'il n'y a aucune menace pour le système scolaire anglophone actuellement, il y a des modifications. Il y a des modifications dans la fréquentation scolaire, comme il y en a dans la fréquentation scolaire du système francophone. Il y a donc des courbes parallèles, mais il n'y a pas de menace.

Y en aura-t-il à long terme? Ah! ça, c'est intéressant, peut-être. Mais voilà que, quand on regarde cette situation, on peut se demander: Mais comment se fait-il qu'il y ait eu diminution? On le sait, quelles ont été les raisons de la diminution. S'il y a eu une diminution du nombre de personnes qui fréquentent le système scolaire anglophone, ça a été principalement entre les années 1976 et, je dirais, 1985 parce qu'à ce moment-là une grande partie de la communauté a quitté le Québec, et il y a eu une baisse radicale. Ils ont perdu, à ce moment-là, 120 000 étudiants. Depuis lors, tout va relativement bien et, je dirais, tout va même assez bien.

Maintenant, est-ce que ça aura un effet, l'application de la loi 101? Oui. Et ça, c'est intéressant parce que ça nous amène tout de suite à considérer s'il y avait... Si le gouvernement décidait, dans toute sa sagesse, d'accepter et d'appliquer la loi 101, nous ouvririons de nouveau une période pendant laquelle on jaugerait y a-t-il des effets collatéraux que nous pouvons colmater. Mais on n'en est pas là, on en est pour le moment juste au fait de dire non, non à la loi n° 103, et d'une façon résolue.

Qu'avons-nous appris d'autre? Nous avons appris, donc, dans cette mise en abîme de la loi n° 103, nous avons donc découvert tout un pan historique qui colore très exactement l'ensemble des décisions qui sont prises par la Cour suprême, qui nous indique très clairement comment un esprit qui a cherché littéralement à... qui a imposé littéralement une constitution au Québec que tous les gouvernements et qu'aucun... que tous les premiers ministres ont refusée, et refusent, et refuseront toujours de signer, comment cet esprit-là s'attaque directement à ce que nous sommes.

Et ce n'est pas un hasard si la majorité des gens qui sont venus déposer des mémoires, les individus, les groupes, ce n'est pas un hasard si tous se révèlent indépendantistes. Il est clair que, quand on défend la langue française, quand on est des syndicats et qu'on prend position en faveur de l'esprit de la Charte de la langue française, on épouse, en quelque sorte, les fondements mêmes de ce qui s'appelle la cohésion sociale, de ce qui s'appelle l'identité, de ce qui s'appelle l'égalité entre tous et chacun.

**(12 heures)**

Et, quand on relit l'avis du Conseil supérieur de la langue française, on se rend bien compte que leur avis est basé là-dessus. Leur avis est basé là-dessus. Leur avis est basé sur le fait qu'en n'appliquant pas la loi 101 on menace de nouveau la cohésion sociale. Leur avis est basé sur le fait que c'est une décision politique et que ce n'est pas un dédale juridique et un dédale de règlements qui va nous apporter une solution. C'est au contraire une décision courageuse politiquement. Et, cette décision courageuse politiquement, certains des prédécesseurs l'ont déjà... les ont déjà prises, ces décisions. Maintenant, nous sommes confrontés de nouveau à la nécessité, pour un gouvernement, d'adopter une position politique qui soit courageuse.

Parce qu'il ne faut pas se cacher... il ne faut pas se cacher ce qui s'est passé. Je vois le député de Verdun qui revient et je me souviens que nous avons... nous avons présenté une motion qui avait été acceptée à l'unanimité. Et cette motion, à ce moment-là de l'évolution du dossier, à partir du moment où le parti délibérait pour savoir quelle serait sa réponse au jugement, visiblement cette motion-là s'inspirait de l'application de la loi 101. Et même le député de Verdun avait émis l'hypothèse que, oui, effectivement, la clause dérogatoire pourrait être envisagée. Je n'ai pas rêvé ce moment-là, et je m'en souviens, où je me suis dit: Ah! nous allons peut-être réussir à rétablir le consensus qui est si fondamental quand on parle de la langue au Québec.

Parce qu'on peut se chicaner sur à peu près tout, mais, quand il s'agit d'une identité commune que nous partageons, quelles que soient nos options politiques, quand il s'agit de notre langue commune, quand il s'agit d'une culture commune, quand il s'agit des intérêts supérieurs du Québec, en principe il n'y a aucune raison pour que nous ne soyons pas unanimes. Or, ce que nous voulons, ce que nous souhaitons, c'est donc obtenir de ce gouvernement qu'il soit de nouveau unanime. Nous voulons recréer ce consensus.

Mais cependant ce qu'on comprend aussi et ce qui s'est passé, c'est qu'après avoir adopté une motion commune, tout à coup, tout s'est mis à se dérégler. Pourquoi? On peut imaginer que, comme au moment où Robert Bourassa avait utilisé la clause dérogatoire pour la loi 178 en 1988, il y a eu, à l'intérieur du parti, des pressions fortes de la part probablement, mais peut-être pas exclusivement, d'un certain nombre de députés qui, alertés par leurs électeurs et sûrement en bonne partie anglophones, ont fait pression pour qu'on n'aille pas vers ce qui est, je crois, consensuel. Et j'entends bien, dans les silences quelquefois qu'il y a chez les députés du parti d'en face, une volonté contrainte, j'entends bien, dans leurs silences, qu'ils ont été en quelque sorte amenés à une proposition qui n'est peut-être pas celle que leurs convictions personnelles leur dictent. Alors, voilà, ça, c'est dommage parce que ça nous éloigne de ce qui serait si formidable au niveau de la langue, ce qui serait un consensus renouvelé.

L'avis du Conseil supérieur de l'éducation... de la langue française est vraiment un avis remarquable. Non pas parce qu'il nous donne raison, mais parce que ce qu'il dit est étayé sur un certain nombre de principes. Je l'ai nommé, le principe de l'égalité des chances, qui est le principe premier. Le deuxième, dont j'ai parlé aussi, c'est celui de la cohésion sociale. Et là, quand on parle de la cohésion sociale, ça nous amène aussi, et c'est ce que je voulais dire tantôt... Ce qui a été passionnant de la part des... dans les mémoires et de la part des groupes qui sont venus faire des représentations, c'est que, pour la première fois, on a entendu leurs véritables inquiétudes sur d'autres aspects de la langue.

Et les syndicats ont été très clairs. La Fédération des travailleurs du Québec, qui comprend pas moins de 600, en principe, comités de francisation, est venue dire littéralement que ces comités n'étaient plus efficaces. La CSN est venue nous dire que les comités de francisation qu'eux pilotent n'existent pas. Les gens sont surpris d'apprendre que leur nom est inscrit dans un comité de francisation. Ils ignoraient même qu'on avait utilisé leur nom pour cela. Les syndicats sont venus nous dire que la langue du travail actuellement... nous n'agissions pas sur cette langue de travail, non seulement dans les entreprises qu'en principe la loi 101 couvre, c'est-à-dire les entreprises de plus de 100 employés, mais nous n'agissons pas non plus sur la partie que la loi 101 couvre aussi, c'est-à-dire les entreprises qui ont entre 49 et 99 employés où là non plus les comités de francisation, qui sont plus restreints, n'existent pas, sont inefficaces, et qu'en plus il y a un problème réel avec les entreprises qui ont moins de 49 employés où là littéralement aucun outil de francisation n'est à la disposition de ces entreprises-là. Et ce qu'on comprend, et ce qui a été dit, et ce que je redis, c'est que les premiers emplois des nouveaux arrivants sont souvent dans les petites entreprises et qu'actuellement un des cris d'alarme que l'on entend, c'est la situation de l'état linguistique de la ville de Montréal et de la région métropolitaine.

On s'alarme de ce qui est en train de se passer parce qu'à l'évidence il y a actuellement des problèmes, et ces problèmes-là sont statistiques, ils sont fondés, ils sont démontrés, et, jusqu'à maintenant, dans Le vrai visage du français au Québec, dans Montréal... Le grand Montréal s'anglicise, un rapport qui a été... que j'ai publié, au mois de février, personne n'est venu dire que ce qui était contenu dans ce rapport était faux, personne n'a nié les chiffres qui ont été dévoilés, comme personne ne nie non plus le rapport de l'Institut de recherche sur les francophones d'Amérique, qui décrit la situation réelle des étudiants du secondaire qui voguent vers les cégeps anglophones. Cette situation-là, elle est tellement périlleuse que même le Syndicat de la fonction publique est venu nous dire que, dans le milieu où il est très présent, c'est-à-dire dans le milieu des cégeps et des universités, on recommandait qu'il y ait des comités de francisation parce qu'on s'inquiète de l'anglicisation de ces milieux.

Tout cela, on peut bien faire semblant qu'on n'entend pas, qu'on n'écoute pas, qu'on ne voit pas, qu'on n'en parle pas, mais c'est en train de se passer, et les conséquences seront majeures. Et les conséquences ne sont pas opposées à ce que chacune et chacun puissent apprendre la langue anglaise, puissent apprendre une troisième langue -- la langue espagnole, le mandarin -- d'autres langues, l'idée n'est pas de contraindre en aucune manière l'enrichissement évident pour des individus de connaître plus d'une langue, mais l'idée est clair qu'un bilinguisme qui s'impose dans un milieu comme la ville de Montréal, comme la région métropolitaine est en soi une menace lourde puisqu'il s'agit de la moitié de la population du Québec et que, lorsqu'une langue minoritaire et une culture minoritaire sont confrontées à une langue majoritaire et à une culture majoritaire, c'est toujours la culture minoritaire et la langue minoritaire qui perdent. Cette démonstration-là, elle est faite, et cette démonstration-là, elle est faite tellement qu'actuellement un des problèmes de la planète entière, c'est une sorte d'homogénéisation que nous avons tellement bien comprise, et les libéraux ont été des acteurs importants dans cette lutte-là, que nous avons nous-mêmes été les moteurs d'une convention de la diversité culturelle.

Or, pourquoi sommes-nous devenus les moteurs de la diversité culturelle? Parce que nous sommes parmi les peuples qui actuellement sommes les plus conscients de ce que peut représenter la majorité face à des minorités au niveau culturel et au niveau linguistique. C'est ce phénomène-là que nous craignons, et nous le craignons non pas... nous le craignons parce qu'il se déroule actuellement et qu'il y a une confusion à l'intérieur de notre volonté de renverser la vapeur et de nous assurer de nouveau que nous ne retomberons pas dans ce que nous avons connu, ceux qui sont plus vieux. Nous avons connu une époque où effectivement il était difficile d'avoir le respect de sa langue et d'avoir le respect de sa culture, où il était difficile d'avoir accès à des services qui étaient francophones. Et on voit se rétablir, dans une partie de l'île de Montréal et de la région métropolitaine, le même type de phénomène. Et, je le dis sans attaquer les personnes, ce type de phénomène là, il est constatable parce qu'il est basé sur un accroissement de la population.

**(12 h 10)**

Actuellement, le pouvoir d'attraction de la culture et de la langue anglaises est cinq fois plus important que celui de la langue et de la culture françaises. On nous dira avec facilité: Ah! il faut parler mieux. La solution n'est pas juste dans «parler mieux», il y a des phénomènes concrets, précis, décrits qui nous permettent de renverser la vapeur. Un des phénomènes majeurs -- et là tout le monde qui aime se flageller le reconnaîtra -- c'est que les francophones ont quitté l'île de Montréal, se sont établis en banlieue. Et un autre des phénomènes dont on ne semble pas tenir compte, c'est que le nombre d'anglophones qui quittaient le Québec, qui ont quitté le Québec largement, qui craignaient à ce moment-là que le Québec devienne un pays indépendant, eh bien, ils ont cessé... ils ont cessé d'avoir cette crainte et que ce qu'on appelle le solde négatif, c'est-à-dire la différence entre des anglophones qui arrivent et des anglophones qui partent, est maintenant assez faible. Il est négatif mais à 7 800 personnes. Ce qu'on constate cependant, c'est qu'il n'y a pas de menace sur la communauté comme telle, et c'est tant mieux pour la communauté, mais on se dit: Comment se fait-il... puisqu'il y a un solde négatif, puisqu'en principe les nouveaux arrivants envoient leurs enfants au primaire et au secondaire, comment se fait-il que la population de la communauté anglophone augmente plus?

Et c'est là qu'on s'est mis à examiner les autres phénomènes qui s'appellent des transferts linguistiques. On s'est rendu compte que des gens qui arrivent, même quelquefois quand leur première langue est le français, on s'est rendu compte que ces gens, dès qu'ils pouvaient s'exprimer dans une autre langue, généralement dès qu'ils pouvaient s'exprimer en anglais, allaient recevoir de la part de l'Administration toutes leurs correspondances dans cette langue-là. On s'est rendu compte que, dans les phénomènes qui font qu'on s'anglicise ou se francise, un caractère... un phénomène très important, c'est où on s'établit. Dans quel quartier vivons-nous? Est-ce qu'on vit dans un quartier où tous les services sont majoritairement dans une langue? Si tel est le cas, on a tendance à vouloir, évidemment ayant accès à ces services, converser dans la langue d'usage, la langue commune. La réalité, c'est qu'actuellement il y a des quartiers entiers qui vivent carrément en langue anglaise, dans la culture anglophone. On ne le leur reproche pas, on dit juste que c'est un terreau extrêmement favorable pour des gens qui arrivent.

De plus, les gens arrivent avec cette notion floue qu'ils ne viennent pas dans un pays mais dans une province. Et cette province a une particularité, elle a une langue officielle, le français, mais le pays, lui, a deux langues, d'où un des argumentaires supplémentaires pour dire: Finissons-en une fois pour toutes, et que les gens qui arrivent sachent qu'on devrait vivre dans un pays qui est un pays indépendant et un pays souverain. Ce à quoi nous arriverons, j'espère, très rapidement, parce que c'est une condition de survie extrêmement importante.

Parmi les autres phénomènes, il y a aussi les phénomènes de tous ceux qui, ayant le libre arbitre, le libre choix, par exemple dans certaines études au niveau du cégep ou de la formation professionnelle, vont aller vers... Et c'est compréhensible quand on vient d'ailleurs. On quitte énormément quand on vient d'ailleurs, donc on cherche à aller, à s'intégrer vers ce qui nous apparaît le plus grand nombre. On ne tient pas compte nécessairement de l'histoire et on ne tient pas compte du fait de la vitalité d'une minorité. Donc, il y a beaucoup de gens qui, de cette façon, s'intègrent par le... et comme le travail n'est pas non plus francisé adéquatement, vont s'intégrer à une communauté quasiment sans y avoir réfléchi, d'une façon normale.

En plus de ça, il y a tout le phénomène des gens qui... sous prétexte que, pour exister sur la planète, il faut nécessairement avoir une complète maîtrise de l'anglais. En soi, l'anglais est une langue extrêmement utile, utilisée, nécessaire dans plusieurs domaines, dans plusieurs domaines, le commerce, dans certains domaines de recherche, dans plusieurs domaines, on le reconnaît, et tant mieux, c'est une fort belle langue. Alors, il n'y a aucun problème avec cela.

Cependant, l'idée que chacune des personnes qui habitent un pays doive nécessairement être bilingue est une idée que nous sommes à peu près les seuls à promouvoir. D'autres pays arrivent à avoir un haut taux de bilinguisme, et ce sont... Actuellement, les pays nordiques sont intéressants à cet égard, puisque leur langue est extrêmement conservée, et un grand nombre de personnes sont bilingues. Or, paradoxe, qu'on apprend aussi dans les mémoires, c'est que nous sommes ici, au Québec, l'endroit du Canada où il y a le plus de gens qui sont bilingues, à la fois chez les anglophones, qui, eux, ont fait le virage très nettement au moment de la loi 101, et une grande partie d'entre eux, et chez les francophones, notre taux de bilinguisme est le plus élevé, et notre taux de connaissance de trois langues est encore le plus élevé, et de loin, là, carrément de loin.

Alors, est-ce que nous avons un problème de connaissance puis d'apprentissage des langues? Non. Est-ce que nous sommes nombreux à avoir appris la langue anglaise dans le système scolaire public francophone? Oui, j'en suis, et nous sommes nombreux comme moi qui l'avons appris là.

Une voix: ...

M. Curzi: Je n'ai pas compris votre remarque, madame.

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Oui, M. le leader adjoint de l'opposition officielle.

M. St-Arnaud: Mme la Présidente, vous connaissez très bien l'article 32 de notre règlement qui porte sur le décorum. Je pense qu'on est dans un débat très important, le débat sur le projet de loi n° 103. Je pense qu'il n'est pas... Vous connaissez l'article, Mme la Présidente: tous les parlementaires en cette Chambre doivent garder le silence lorsqu'un intervenant parle. Et je pense qu'il serait important, Mme la Présidente, que vous fassiez respecter l'article 32. On ne doit pas invectiver un collègue qui prend la parole en cette Chambre.

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): M. le leader adjoint, M. le leader adjoint de l'opposition officielle, je vous ai entendu, vous avez raison, et j'invite tous les députés à la collaboration. Il y a un seul député qui a le droit de parole, et c'est M. le député de Borduas. Et je vous invite à poursuivre.

M. Curzi: Merci, Mme la Présidente. Je n'ai pas été offusqué, j'ai cherché à comprendre, mais bon. Sans doute que nous aurons l'occasion de discuter plus longuement de ce qui a été dit hors micro.

J'en étais donc dans le fait que la connaissance des langues ne pose pas problème. Donc, au bout du compte, quand on regarde tous les arguments, on ne trouve aucun argument qui soit favorable à la loi n° 103. C'est une loi qui est mal foutue. C'est une loi qui n'intègre pas certains principes mais l'intègre dans un projet de règlement qui ne sera pas soumis à la loi, ce projet de règlement là sera... est exempt des consultations et commentaires. Et c'est un projet de loi qui est rejeté par tous ceux qui s'intéressent à la langue française. Et c'est un projet de loi qui va entraîner inévitablement ce qu'on sait de poursuites, et d'arbitraire, et d'injustices, et de contestations. Alors, quand on se retrouve avec un projet de loi comme celui-là, il faut le combattre farouchement, et c'est ce à quoi je m'emploie.

Je dois ajouter que nous avons aussi découvert, au fil de ces consultations, plusieurs autres aspects. J'ai parlé de la langue de travail, j'ai parlé de la langue de l'Administration, j'ai parlé d'une quasi-découverte. Quand un syndicat d'employés qui représente des chargés de cours, qui représente des professeurs, qui représente des employés nous dit qu'ils sont inquiets de ce qui se passe à l'institution, à l'intérieur des institutions, des cégeps et des universités francophones, là il faut arrêter de faire semblant qu'il n'y a pas de problème. Il faut arrêter de se mettre la tête sous le sable.

Et, à cet égard, il y a eu des attaques qui frisaient un petit peu le type d'intervention que j'ai vu ce matin, c'est-à-dire que tout à coup on semble reprocher à des groupes qui favorisent l'application de la loi 101 aux écoles non subventionnées... on semble leur reprocher leurs convictions souverainistes ou indépendantistes. Et j'ai tenté tantôt, et je vais poursuivre un peu, de montrer à quel point ces deux notions sont liées.

Ce n'est pas un hasard que les organismes qui défendent la langue française défendent aussi la souveraineté et l'indépendance du pays. Ce n'est pas un hasard, c'est lié intimement. Quand on est fiers de ce que nous sommes, quand on sait quelle est l'histoire, quand on a eu ce comportement historique qui a toujours été un comportement extrêmement ouvert...

Il faut se rappeler et il faut rappeler à tout le monde que les Québécois sont constitués non seulement des gens qui sont là depuis 400 ans, mais de tous les apports, d'abord des premières nations, avec lesquelles il y a eu de réjouissantes mixités, semble-t-il, avec aussi les peuples qui... les Écossais, avec les Irlandais. Les Irlandais ont joué un rôle extrêmement important à Montréal même. Quand on se souvient aussi de l'apport des grandes vagues d'immigration, et je suis un fils de cette première vague d'immigration italienne, et j'ai plein de collègues, d'amis, de camarades qui proviennent de ces différentes origines, on se rend compte qu'on est loin d'avoir été un peuple fermé sur soi.

**(12 h 20)**

Le seul moment où on s'est fermé sur soi, c'est quand on était soumis à de l'oppression et qu'il a fallu, pour résister à l'oppression, et au joug, et aux diktats de lord Durham et d'autres de son acabit, quand il a fallu se réfugier dans la religion, quand il a fallu se réfugier dans la ruralité, quand nous nous sommes réfugiés aussi dans la revanche des berceaux, quand il a fallu résister par tous les moyens dignes d'une nation qui veut survivre, qui veut s'épanouir. Mais, à partir... cette nation-là, elle est faite de nombreux affluents, et c'est un fleuve qui devrait continuer à voguer et qui se rendra certainement jusqu'à la mer des nations, la mer des nations, parce que... Commencer à jouer un rôle sur la scène internationale par cet apport que... cet essentiel de ce que nous sommes, c'est-à-dire une culture, et c'est le rôle que nous avons commencé à jouer bien timidement à l'UNESCO, mais, il n'empêche, pas timidement au sens de cette convention, mais timidement au sens du type de représentation que nous avons... Quand on a commencé à jouer ce rôle-là, on y prend goût et on a aussi envie, tôt ou tard, d'occuper un vrai pouvoir décisionnel dans d'autres tribunes qui sont celles, par exemple, de l'environnement, qui sont celles de l'économie, qui sont celles de l'avenir même du Québec au niveau territorial.

Alors, je dis que nous sommes dans un mouvement irrépressible, et ne pas tenir compte de cette notion-là, ne pas maintenant chercher à s'enrichir de l'apport incroyable que représentent les nouveaux arrivants, ne pas s'assurer qu'ils vont être aussi constitutifs que tous ceux qui au fil de l'histoire nous ont enrichis, ne pas s'assurer qu'on prend tous les moyens pour qu'ils soient proprement non seulement intégrés, mais qu'ils deviennent une partie constitutive de ce que nous sommes, c'est criminel de ne pas avoir ce souci. Et ce n'est pas un hasard et ce n'est pas une... un pas. On parle ici d'un ensemble de phénomènes, et, cet ensemble de phénomènes là, j'ai tenté de vous le concrétiser un petit peu, et, dans ce phénomène-là, le socle demeure quand même l'éducation.

Il n'empêche quand même que c'est là que doivent être acquis les fondements de cette langue, et de cette culture, et de cette connaissance de l'histoire. Et, en ce sens, on doit s'assurer que, si on veut que l'égalité des chances soit une réalité, il faut qu'on s'assure de donner à chacune et à chacun de ceux qui arrivent, de leurs enfants et de l'ensemble de leur descendance... il faut qu'on s'assure de leur donner à chacun et à chacune des outils comparables. Il faut qu'on puisse dire: Vous qui venez de partout dans le monde, voilà quel est notre matériau premier, voilà ce qui nous constitue, voilà ce qui ne nous contraint pas, mais qui au contraire nous enrichit. Et, si on ne s'assure pas de cela par tous les moyens possibles et imaginables, je crois qu'on manque à son devoir politique premier, son devoir politique premier étant de contribuer à l'enrichissement d'une collectivité, le devoir politique premier étant de savoir que les décisions qui sont prises, que les projets de loi qu'on dépose doivent nous aider à structurer ce que nous sommes et non pas le dénaturer.

Et actuellement, avec le projet de loi n° 103, nous sommes en train de toucher un point central, névralgique, sensible de ce que nous sommes et d'une volonté collective de ne pas se soustraire à l'évolution de ce que nous sommes. Cette évolution-là, il me semble qu'elle a été extrêmement enrichie par le type de débats, par les mémoires que nous avons reçus, par l'intelligence des gens qui sont venus témoigner à la fois de leurs inquiétudes et de leur détermination. Ce sont des facteurs extrêmement importants dans une société et ce sont des facteurs dont un parti politique doit certainement tenir compte.

Alors, je fais un dernier appel. Je fais un appel très sincère au parti d'en face pour souhaiter que nous en arrivions à un consensus. Et je dis malheureusement que ce consensus, il épouse actuellement la position que nous prenons. C'est une demande pour qu'il y ait un retrait de ce projet de loi n° 103, contre lequel nous allons nous battre aussi longuement et avec tous les moyens légitimes auxquels nous avons droit. Et je dis et je tends nettement les mains au parti d'en face pour que nous puissions être d'accord sur le fait d'appliquer la loi 101 aux écoles privées non subventionnées, de telle sorte que nous puissions vraiment recréer le consensus qui a prévalu après l'adoption de la charte, mais qui a prévalu au moment de l'adoption de la loi n° 104.

À cet égard, je ne saurais être plus clair, il me semble que nous sommes extrêmement ouverts à ce consensus. Bien sûr, je pense qu'il doit inévitablement, comme le pensent l'ensemble des personnes qui sont venues déposer des mémoires et l'ensemble... et la très grande majorité des Québécois, je crois qu'il faut résolument appliquer la loi 101 aux écoles privées non subventionnées. Et, si le gouvernement décidait de faire cela, nous serions non seulement des collaborateurs, mais nous serions en plus extrêmement heureux qu'il y ait enfin à cette Assemblée une unanimité qui serait, ma foi, réjouissante. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Je signale aux personnes dans les tribunes que vous n'avez pas le droit d'applaudir. Je reconnais M. le député de Chauveau et chef du deuxième groupe d'opposition.

M. Gérard Deltell

M. Deltell: Merci beaucoup, Mme la Présidente. C'est avec beaucoup de plaisir que je participe, au nom de ma formation politique, au débat concernant la loi n° 103, un débat qui évidemment est très émotif, mais dont on doit faire preuve de beaucoup de sagesse quand vient le temps justement de débattre de questions qui sont émotives.

Alors, notre formation politique est d'accord avec le principe de la loi n° 103 qui permet justement d'éviter d'utiliser la clause «nonobstant». Nous avons quand même de sérieuses réserves quant au parcours qui est proposé à l'intérieur du projet de loi, et c'est pourquoi nous soutenons -- nous allons d'ailleurs en faire la démonstration à l'étude article par article -- la proposition qui a été déployée par Me Louis Bernard lors des consultations qui ont eu cours. Et nous avons par contre une solution à long terme pour permettre d'annihiler complètement la question des écoles passerelles au Québec.

Regardons maintenant point par point notre argumentaire. Tout d'abord, regardons la racine du problème: Pourquoi est-ce qu'on se retrouve aujourd'hui avec le dépôt de la loi n° 103 et le débat qui a cours? C'est qu'il faut savoir, Mme la Présidente, que, depuis 1977, nous avons, au Québec, la Charte de la langue française, qui vise évidemment à protéger la langue française au Québec, et un des outils pour protéger la langue française au Québec, c'est d'obliger les francophones québécois à fréquenter l'école française et également à obliger les immigrants à fréquenter l'école française, les allophones aussi. Bref, uniquement les anglophones dont les parents sont nés ici, au Québec, peuvent avoir accès à l'école anglaise.

Au fil du temps s'est donc développé le concept que l'on appelle des écoles passerelles, c'est-à-dire que des gens fréquentaient l'école anglophone privée pendant un an, ou peu de temps, et, par la suite, avaient donc le droit légitime, selon la loi, d'aller suivre le cours en anglais tout au long dans le système public. C'est ce qu'on appelle les écoles passerelles. Donc, vous n'avez pas le droit, vous prenez la passerelle des écoles privées non subventionnées et, après ça, vous pouvez entrer dans le circuit qui n'est pas permis selon la loi.

Donc, il y a eu des contestations judiciaires, et nous avons eu, il y a quelques mois de cela, le jugement de la Cour suprême qui disait qu'il y avait un autre chemin qui devait être suivi parce que ce chemin-là, tel que proposé par la loi 101, n'était pas légitime. Donc, le gouvernement a déposé le projet de loi n° 103 qui fait en sorte que l'on n'utilise pas la clause «nonobstant».

Il faut savoir, Mme la Présidente, que la clause «nonobstant», c'est: nonobstant la décision de la Cour suprême, nonobstant la Constitution, nonobstant les règles établies, nous allons quand même, notre Assemblée nationale, décider d'agir autrement. C'est arrivé en 1988 concernant la loi sur l'affichage, on s'en souvient tous.

Nous, nous estimons que ce n'est pas une bonne idée d'utiliser la clause «nonobstant», puisqu'il y a des risques, et il faut bien se le dire, des risques pour la réputation du Québec. Et ça, c'est de nier la réalité si on fait semblant de se faire dire... de se croire entre nous autres comme quoi: Ah! la clause «nonobstant», il n'y a rien là, écoutez, ça a été amené par les Albertains, on s'en est déjà servi, et puis ça fait partie du droit, donc on a le droit. Oui, bien sûr, mais il y a un risque.

Et nous ne sommes pas les seuls à défendre ce point de vue là. Au début... au tournant des années 2000, le premier ministre péquiste Lucien Bouchard avait justement mis en garde notre nation concernant l'utilisation de la clause «nonobstant». Et, quand même, Lucien Bouchard, on ne peut pas dire que c'est un cryptofédéraliste et puis un type qui est à genoux devant la Cour suprême. Bien au contraire, il a toujours défendu avec honneur et enthousiasme notre nation. Et, on s'en souviendra tous, c'est lui qui avait passé à un cheveu de conduire la nation québécoise à l'indépendance en 1995, et lui-même nous dit qu'il ne faut pas utiliser, dans une telle circonstance, la clause «nonobstant».

**(12 h 30)**

Le projet de loi n° 103 propose, Mme la Présidente, à notre point de vue, un chemin qui est lourd, un chemin qui est tortueux pour justement s'adapter aux règles qui ont été prescrites par la Cour suprême. C'est vrai que, d'une certaine façon, le gouvernement -- sans vouloir faire trop d'images -- fait du copier-coller sur la décision de la Cour suprême et le chemin qui est proposé. On le... on en est conscients. Mais il y a un élément qui, nous, nous agace énormément, c'est la grille d'analyse qui fait en sorte qu'on donne des points. Et ça, nous estimons que c'est tout à fait arbitraire de la part du gouvernement. On ne dit pas que c'est mauvais, que tout est mauvais là-dedans, mais on estime que c'est arbitraire, donc extrêmement subjectif à sa face même, et qu'il y a un danger par rapport à ça. Et nous invitons le gouvernement à être très prudent. Et, lorsqu'il y aura l'étude article par article, on pourra analyser et passer au peigne chacune de ces notions-là, parce qu'on estime qu'il y a un danger qui nous guette dans cet aspect-là.

Mais, au-delà de ça, c'est évidemment la proposition de Me Louis Bernard qui nous rejoint, et nous estimons que nous devons tous nous inspirer de la proposition de Louis Bernard, qui finalement mise sur l'honneur des citoyens. Et, pour notre parti, quand on fait appel à l'honneur des citoyens, c'est la plus belle chose que l'on puisse faire.

Rappelons d'abord la situation. La proposition de Louis Bernard dit: Puisque la loi n° 103 ne fait pas appel à la clause «nonobstant», puisque la loi n° 103 suit directement ce que la Cour suprême nous dit de faire, puisque la loi n° 103 inscrit quand même dans le temps la limite pour l'utilisation de ce que l'on peut encore appeler les écoles dites passerelles, il faut quand même s'éviter que des gens se servent de ça pendant trois ans pour après ça aller joindre l'école anglaise publique. Et ce qu'il dit, c'est fort simple et c'est fort honorable, c'est de dire: Prenons... que chacun des citoyens, que chaque parent qui inscrit son enfant dans ces écoles-là dise, sur l'honneur, qu'il n'est pas question pour lui de changer le parcours de l'enfant et que ce n'est pas une façon trompée de se servir de ça pour, plus tard, déjouer le système et aller dans le système public anglais. Et ça, Mme la Présidente, comme je le disais tantôt, c'est faire appel à l'honneur des gens. C'est faire appel à l'engagement solennel. C'est faire appel à ce qu'il y a de plus précieux aux gens, c'est-à-dire la dignité qu'ils peuvent avoir face à l'engagement qu'ils prennent. Et ça, pour nous, ça nous sourit.

Mais ce qu'il y a d'encore de plus magnifique, Mme la Présidente, c'est que Louis Bernard, ce n'est pas n'importe qui. C'est un avocat, un juriste reconnu, docteur en droit, donc une personne qui, en termes de choses légales, a toujours un jugement que l'on peut dire incontesté et incontestable. Il s'appuie sur des faits juridiques sérieux. Premièrement.

Deuxièmement, c'est un acteur dans notre monde politique. Oui, c'est vrai, il a été candidat à la chefferie du Parti québécois. Il n'a pas gagné, c'est M. Boisclair qui avait gagné à l'époque, mais tous avaient salué son extraordinaire contribution à ce débat essentiel que le Parti québécois avait connu. Mais, au-delà de ça, aussi, Mme la Présidente, il faut savoir que Louis Bernard a été un proche de René Lévesque et du Dr Laurin. Il était présent, justement, chef de cabinet dans ces années délicates, dans ces années fragiles mais dans ces années charnières de notre histoire nationale, alors que justement avait... faisait rage... ou avait, justement, enflammé la place publique au Québec le débat sur la langue, que ce soit en 1974, avec la loi 22, alors que M. Bernard était ici pour conseiller les gens du caucus du Parti québécois, de l'opposition officielle, et évidemment en 1977.

Donc, c'est un personnage clé. Au-delà du fait qu'il ait été un témoin de ces événements-là, il a été un acteur. Et il sait très bien comment ça s'est passé. Et, comme j'ai pu le dire d'ailleurs lorsqu'il a été présenté en commission parlementaire, j'ai dit: C'est non seulement un plaisir, mais c'est un honneur et un privilège d'accueillir un homme d'aussi grande qualité à l'intérieur de notre débat. Et je tiens à le dire, Mme la Présidente, au-delà de la partisanerie, parce qu'il ne faut pas voir là l'ancien candidat à la chefferie du Parti québécois, l'ancien chef de cabinet péquiste, alors qu'aujourd'hui le Parti québécois ne partage pas le même point de vue. Il faut voir ça au-delà de ça. Il était principal conseiller du chef de la nation québécoise alors que s'est déroulé le débat concernant la loi 101, la Charte de la langue française. Il est à même de témoigner de l'esprit qui animait les gens à cette époque et, 35 ans, 40 ans plus tard, il est à même justement de nous aider, de nous guider dans les réflexions que notre nation doit avoir quand vient le temps justement de s'ajuster aux décisions qui sont prises à la Cour suprême.

Parce qu'il faut respecter la Cour suprême. On peut être en désaccord avec ses décisions, bien entendu, mais il faut respecter cette institution. Nous sommes dans un système de droit, nous sommes dans un système de lois, et il faut respecter les règles et agir en conséquence. Et, lorsqu'un juriste d'aussi grand renom comme Louis Bernard nous fait une proposition, elle mérite d'être analysée.

Et donc, puisque, comme je vous le disais tout à l'heure, ça repose sur l'honneur des gens, nous, ça nous sourit. Et il faut quand même aussi remarquer, Mme la Présidente, que, curieusement, dès après la proposition de M. Bernard, eh bien, le député de Borduas a dit qu'il trouvait ça intéressant. On reconnaît aussi, Mme la Présidente, que la ministre de la Culture trouvait ça intéressant.

Nous avons trouvé ça intéressant, mais, à la différence, Mme la Présidente, des deux autres formations, nous persistons. Nous, on trouve toujours ça intéressant et on trouve que c'est le chemin à suivre.

On a vu le Parti québécois, l'opposition officielle, avoir un discours distinct le lendemain. Soyons polis. Disons qu'il y a eu un... un ajustement, où, là, justement on a dit: Ah non, il n'en est pas question, parce que, si on ouvre la porte à ça, c'est fini, ta, ta, ta. C'est leur choix. C'est leur décision.

On a vu également, Mme la Présidente, il y a deux semaines, le leader du gouvernement dire que le projet de loi, tel qu'il est, il est bon puis il va être adopté comme ça. Parce que le reste, c'est radical. C'est sûr qu'on ne ciblait pas directement la proposition de Me Bernard, mais, pour lui avoir parlé encore hier, il craint qu'en effet le gouvernement ne soutienne pas sa proposition.

Moi, je lance un appel au gouvernement pour qu'il s'inspire de la proposition de Louis Bernard. Nous, c'est la nôtre, nous l'endossons, nous sommes actuellement à travailler pour voir comment on peut la faire... comment on peut l'incruster, comment on peut s'ajuster, et tout ça. Et nous invitons cordialement le gouvernement à être attentif à ça, pour les éléments dont je vous ai parlé tout à l'heure.

Maintenant, nous estimons, Mme la Présidente, que la loi n° 103, bonifiée par l'amendement de Louis Bernard -- appelons ça comme ça maintenant, et tant mieux, parce que justement ça va faire époque -- nous estimons que la loi n° 103 et l'amendement Bernard est une solution que nous estimons à court terme. Parce qu'il faut avoir une vision à long terme concernant notre nation, et, nous, à l'ADQ, nous avons une solution que nous estimons à long terme, qui pourrait être bonne, oui, pour la situation actuelle, oui, pour annihiler à long terme les écoles passerelles, mais surtout bonne à long terme pour bonifier et enrichir notre nation, et, j'en suis persuadé, bien plus tard, les gens diront: C'est à ce moment-là précis que ce mouvement essentiel, que ce virage nécessaire pour l'avenir de notre nation s'est effectué, lors du débat sur la loi n° 103.

On le disait tout à l'heure, Mme la Présidente... Et j'expose notre point de vue à... notre solution à long terme. Je le disais tout à l'heure, Mme la Présidente, les écoles passerelles existent parce qu'il y a des gens qui décident de payer, pendant un an, deux ans ou trois ans, l'école publique... l'école privée, pardon, non subventionnée afin, plus tard, d'amener leurs enfants dans l'école du système anglais public, et ce, jusqu'à la fin de leur école secondaire. Et pourquoi ces gens font ça, d'après vous? Nous estimons que les gens font ça parce qu'ils souhaitent que leurs enfants, après leur parcours scolaire, soient bilingues.

Parce que j'ai bien entendu le propos de député de Borduas et j'ai bien entendu aussi, en commission parlementaire, le propos du député de Drummond: Oui, c'est vrai qu'on peut sortir bilingue, dans notre système actuel d'éducation; c'est vrai. Et le député de Drummond en est un excellent exemple, et bravo!, le député de Borduas également, bravo! Mais ce n'est pas le cas de tout le monde, Mme la Présidente. Les Québécois francophones sont bilingues à 35,8 %, alors qu'en Europe les Européens, eux, sont bilingues à 56 %. Et, quand on prend les pays scandinaves, dont parlait le député de Borduas tout à l'heure, c'est à 90 %, en Suède, qu'ils sont bilingues, 88 %, au Danemark, qu'ils sont bilingues.

Moi, Mme la Présidente, j'ai trop de respect, j'ai trop d'ambition, j'ai trop d'amour pour mon peuple pour qu'on soit encore en queue de peloton comme ça. Moi, j'estime que les Québécois sont capables, veulent l'être et peuvent l'être... atteindre ces niveaux-là d'excellence en matière de bilinguisme. Et c'est pourquoi nous estimons que, si notre système public permettait à nos enfants, à la fin du cours secondaire, d'être bilingues, les écoles passerelles seraient complètement annihilées, et on n'aurait plus besoin de ces écoles-là, et on permettrait à nos enfants d'immigrants, à nos enfants francophones, à nos enfants anglophones d'apprendre le français. Parce qu'on a appris plein de choses aussi pendant les témoignages, dont je vous parlerai tout à l'heure, mais qui sont tellement stimulants et inspirants pour notre nation.

Maintenant, comment faire pour que justement notre système d'éducation fasse en sorte que nos enfants terminent l'école et qu'ils soient bilingues? Ça existe déjà, Mme la Présidente. Dans des écoles au Québec, quand arrive la cinquième et sixième année, on casse l'année en deux. La première portion de l'année, on fait des cours intensifs de français, de mathématiques, d'histoire, de géographie, où on fait, en quatre ou cinq mois, en concentré, l'année au complet. Et par la suite on fait, pendant quatre ou cinq mois, le cours d'anglais, uniquement de l'anglais. Ça se fait, ça se vit et ça marche. Je le sais, ma fille l'a fait: en sixième année, à l'école Arc-en-Ciel, qui en d'autres temps s'appelait l'école Saint-Viateur, à Loretteville, pas loin de chez nous, elle a justement fait ce parcours-là, et ça fonctionne.

Alors, si ma fille l'a fait, pourquoi est-ce qu'on doit privilégier uniquement quelques enfants? Faisons-le pour tous les enfants du Québec. Faisons en sorte qu'à la fin de cette décennie... et j'invite le gouvernement à le faire, j'invite le gouvernement à le faire, et, s'il le désire, à la fin de cette décennie, nous aurons la première cohorte d'enfants bilingues au Québec. Et je ne voudrais pas paraphraser le président Kennedy qui disait: I believe that this nation should commit itself before this decade is out of sending a man on the moon and returning him safely to the Earth. Quand il avait dit ça, en 1961, qu'il disait qu'il fallait qu'on envoie un homme sur la lune d'ici la fin de la décennie, bien je serais tenté de dire la même chose pour nos enfants. Engageons-nous pour que, d'ici la fin de cette décennie-là, nous ayons notre première cohorte d'enfants bilingues au Québec. Et c'est toute la nation qui va en être enrichie.

Et, Mme la Présidente, je tiens à être précis là-dessus, parce que, dès qu'on parle de bilinguisme, on parle d'anglais, et je sais de quoi je parle, parce que je me suis fait attaquer sévèrement, que ce soit dans les blogues... Parce que ce dont je vous parle, Mme la Présidente, on l'a exposé au mois de juin dernier, et j'ai été attaqué sévèrement, en me faisant traiter de colonisé, en disant que j'étais dangereux, en disant que je voulais exterminer la nation... la nation française... la nation française en Amérique.

**(12 h 40)**

C'est complètement faux, Mme la Présidente. Parler français, c'est ce qu'il y a de plus précieux dans notre nation, et on doit le préserver, mais ça n'empêche pas d'apprendre une autre langue. D'être capable de s'exprimer en anglais, ça n'annihile d'aucune façon la fierté et l'honneur que nous avons de parler français. Encore faut-il pouvoir le parler, l'écrire et l'enseigner correctement. Et, avant d'attaquer le fait que l'on apprenne une deuxième langue, peut-être justement s'attaquer à la façon dont on enseigne notre première langue.

Et, là-dessus, je rejoins le propos du député de Drummond qui, avant-hier, en commission parlementaire, me disait qu'il faut peut-être d'abord bien maîtriser notre première langue. Vous avez parfaitement raison. Oui, on doit enrichir notre enseignement, oui, on doit s'assurer de parler un beau et bon et riche français, oui, on doit l'écrire correctement, mais ça, ça appelle à chacun d'entre nous, d'abord, nous, personnellement, comment on parle, comment on s'exprime; dans nos familles, comment on vit le français, comment on l'exprime, comment on le transmet à nos enfants, mais aussi nous avons une responsabilité sociale, particulièrement ici, à l'Assemblée nationale, de s'assurer que nous faisons un enseignement juste et correct, et de mettre un terme enfin et définitivement à cet apprentissage de compétences plutôt que d'apprentissage de connaissances.

Désolé, Mme la Présidente, mais on n'apprend pas des règles de grammaire avec des marionnettes, on les apprend en s'assoyant, en écrivant et en travaillant. Et il est temps de revenir à ces valeurs de base, à ces valeurs essentielles qui vont faire en sorte que nos enfants vont apprendre des choses et vont finir... sortir de l'école avec un français beaucoup plus correct que ce que l'on voit actuellement.

Donc, Mme la Présidente, l'amour du français, c'est comme l'amour de sa mère, c'est universel au Québec, bien entendu. Je suis fier d'être francophone et je vais tout faire pour préserver le Québec français. Mais ce n'est pas parce que justement nous sommes fiers d'être francophones et que nous allons tout faire pour protéger le français qu'il faut fermer les yeux sur la réalité du XXIe siècle. Et de vouloir mettre sa nation... de vouloir permettre à sa nation d'être bilingue, Mme la Présidente, c'est de l'équiper pour faire face correctement, avec honneur et enthousiasme et détermination aux défis du XXIe siècle.

Il faut effacer de notre mémoire collective, Mme la Présidente, le fait que l'anglais, c'est la langue de ceux qui sont venus ici en 1759 et qui ont gagné sur les plaines d'Abraham. Ces gens-là sont établis ici depuis 250 ans, il faut les respecter pour ce qu'ils sont et pour ce qu'ils ont fait pour notre nation, que ce soient ces grandes familles qui, au Québec, ont permis justement d'être ce que nous sommes aujourd'hui, ces gens-là sont Québécois, Mme la Présidente, comme nous tous ici le sommes, et il faut commencer à les respecter.

Dans ma circonscription, Mme la Présidente, j'ai deux municipalités qui sont dirigées par des maires anglophones, et j'en suis très fier: Shannon et Valcartier, le maire Montgomery à Valcartier et le maire Kiley à Shannon. Ces gens-là, Mme la Présidente, s'expriment dans un français impeccable, inspirant, remarquable, stimulant. Inspirons-nous justement de cette réussite. Inspirons-nous du fait que ces gens-là non seulement ont réussi à s'adapter, mais ont surtout, depuis 250 ans, enrichi notre nation. Ces gens-là ne font pas partie de notre nation, ces gens-là sont notre nation, et nous devons en être fiers.

Et il faut surtout prendre conscience aussi, Mme la Présidente, que ce n'est pas parce qu'en d'autres temps nous avons subi, oui, peut-être, les orages et les outrages du rapport Durham et compagnie qu'il faut refuser de regarder la réalité, tels que nous sommes actuellement, au XXIe siècle. La langue, partout, universelle, à travers le monde, c'est l'anglais. Refuser de dire ça, c'est refuser de reconnaître la réalité. Et refuser de s'adapter à ça, c'est de vouloir vivre en vase clos. Je serais peut-être porté de dire: C'est d'avoir, justement, l'attitude du colonisé qui refuse de voir ce qui se passe, mais je ne serai pas aussi insultant que les gens ont pu l'être à mon endroit.

Mais, une chose est certaine, Mme la Présidente, notre façon... le chemin que nous proposons pour s'assurer que nos Québécois soient bilingues pour faire face aux défis du XXIe siècle, c'est la meilleure façon de faire en sorte que la loi n° 103 soit la dernière loi qui soit appliquée concernant la loi 101, parce que, nous, Mme la Présidente, à l'ADQ, nous sommes pour un Québec français et nous allons tout faire pour garder le Québec français. Nous allons tout faire pour garder ces acquis de la loi 101, mais, une chose est certaine, ce n'est pas parce que nous voulons que le Québec soit français que nous ne voulons pas que les Québécois soient bilingues.

En terminant, Mme la Présidente, je tiens à saluer et à remercier tous ces gens qui sont venus en commission parlementaire et qui ont fait, avec beaucoup de sérieux, beaucoup de profondeur, beaucoup de richesse et beaucoup d'investissement... livré leur témoignage. Et je prends particulièrement à témoin tous ces groupes qui sont venus, une trentaine, qui sont venus, qui sont, on peut bien le dire, d'allégeance souverainiste. Et puis c'est correct, ça. J'ai dit, à la blague, une fois, en entrevue, Mme la Présidente, j'ai dit: Bien, c'est sûr qu'ils sont tous un peu cousins, ils sont tous... ils sont membres de l'un, membres de l'autre, tout ça, puis j'avais dit, à la blague, dans une entrevue à la radio 98,5, j'ai dit: C'est sûr, vous mettez deux péquistes ensemble, vous avez quatre associations. Bon! C'était une blague, O.K., là, je m'excuse, je n'ai pas voulu vexer personne, là, mais... c'était une bonne blague, n'est-ce pas?

Mais ce que je tiens à dire, Mme la Présidente, par rapport à ces témoignages, et c'est très sérieux, ce que je veux dire, parce que ces gens-là l'ont fait avec sérieux, avec rigueur, avec intelligence, contrairement à ces gens qui, ici même, dans notre salon bleu, en pleine période de questions, sont venus interrompre de façon brutale nos travaux en criant leur opposition à la loi n° 103. Ce comportement de voyous est inacceptable dans notre système démocratique, d'autant plus que nous avons entendu correctement et comme il se doit en commission parlementaire des dizaines de personnes témoigner leur opposition à la loi n° 103. Ces gens-là l'ont fait de façon honnête, honorable et respectable, alors que ces voyous que nous avons entendus ici ne méritent pas de participer au débat public, parce que c'est un comportement de voyous qui doit être hautement condamné.

Deuxièmement, Mme la Présidente, ce que je tiens à mentionner... ce que je tiens à mentionner, Mme la Présidente, c'est qu'on a pu entendre aussi plusieurs groupes anglophones, qui, soit dit en passant, sont venus, pour ainsi dire, tous dire qu'ils n'étaient pas d'accord avec la loi n° 103. Mais on les a entendus. Il y a deux choses que je relève de leur témoignage. Tout d'abord, que 35 % de l'enseignement qui se donne dans nos écoles anglaises au Québec se donne en français. Wow! Ça, c'est inspirant, ça, c'est fantastique, et ça, c'est merveilleux. Deuxième élément, ces gens-là se sont exprimés en commission parlementaire dans un français remarquable et remarqué. Et c'est peut-être ça, Mme la Présidente, après... le fait qu'aujourd'hui, 35 ans après la loi 101, nous sommes toujours capables de s'exprimer... que le Québec soit toujours français. Le deuxième plus grand apport de la loi 101, c'est que les anglophones sont bilingues, eux. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Je vous remercie, M. le chef du deuxième groupe d'opposition. Je reconnais maintenant M. le député de Drummond, porte-parole de l'opposition officielle en matière de culture et de communications. M. le député.

M. Yves-François Blanchet

M. Blanchet: Mme la Présidente, dans la mesure où -- mais c'était fort distrayant -- mon collègue de Chauveau a dépassé un petit peu, je me demande, si jamais je dépasse midi de une ou deux minutes, si vous serez tolérante, avec mansuétude, à mon endroit.

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): M. le député de Drummond, j'aurais besoin du consentement. Quand vous y arriverez, on verra si c'est... s'il y a consentement. Mais, pour le moment, vous avez la parole. Et je vous signale que M. le député de... le deuxième... le chef du deuxième groupe d'opposition n'a pas dépassé son temps de parole...

Une voix: ...

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): ...en tant que chef, il a droit à 60 minutes, M. le député.

M. Blanchet: Malheureusement, il n'est pas là, parce que j'aurais peut-être mentionné que: tu mets sept députés adéquistes dans une salle et tu as quatre chefs. Mais c'est un autre débat.

Le gouvernement a choisi aujourd'hui de procéder avec le projet de loi n° 103 qui, tout compte fait, légalise les écoles passerelles et défie de façon soumise l'âme même de la Charte de la langue française, la loi 101. Il se fait alors le complice, peut-être naïf, peut-être arriviste, d'un autre État qui s'oppose souvent en cette matière à celui du Québec.

Permettez-moi donc de partager une réflexion aussi rigoureuse que possible, orientée, oui -- je suis en politique pour contribuer à la souveraineté du Québec, vite, et parce que la souveraineté du Québec est souhaitable pour l'économie du Québec, pour l'écologie du Québec, pour la culture du Québec, pour la langue du Québec -- et, pour ce faire, je vais remonter au fondement même des enjeux de la loi n° 103.

Par exemple, et ce n'est pas du tout un exemple naïf, pourquoi y a-t-il un Parlement à Québec et un autre à Ottawa? Représentent-ils les mêmes gens? Ont-il été élus par les mêmes citoyens? On ne pourra pas contester que ce n'est le cas qu'à à peine plus de 20 %. L'Assemblée nationale du Québec voit ses députés élus par une nation d'expression française pour l'essentiel, reconnaissant sa langue commune comme étant le français, reconnaissant que la langue est à la culture ce que le sang est au corps humain, un véhicule de son essence même. En revanche, la Chambre des communes à Ottawa voit ses députés choisis par une population constituée à plus de 75 % par des électeurs adoptant l'anglais comme langue de convergence. Cette culture a tous les droits de la première, sauf celui de la faire disparaître. Et elle a toute la légitimité, mais dans un autre territoire.

Les distinctions historiques vont bien au-delà de ça. Et, si des États différents peuvent partager une même langue, il est rare, et est-ce qu'il y a des cas?, qu'une seule nation ne parle pas une seule langue. Attention, il y a une différence majeure ici: la culture québécoise n'est pas le véhicule d'une seule langue, mais il n'y a qu'une seule langue qui rassemble et cimente la culture québécoise, et c'est le français. Mais, ici, prétendre que l'histoire du Canada et du Québec n'a pas comme moteur la relation, souvent concurrente et tendue, entre la nation française et la nation anglaise est une vision de l'esprit, comme disait d'ailleurs un important promoteur de la chimère à l'effet contraire. On n'arrache pas un moment spécifique à l'histoire, on ne suspend pas l'histoire parce qu'à un moment donné elle ne fait pas l'affaire du gouvernement en place.

**(12 h 50)**

Une fois admise la concurrence entre deux nations, une, fondatrice et, qu'on le veuille ou pas, l'autre, conquérante, une nation française donc et une nation anglaise, on peut commencer à regarder les choses avec une certaine honnêteté historique. L'Amérique du Nord, toute jeune encore en regard de l'histoire humaine, est une terre d'immigration: il y a quelques milliers d'années, par les premières nations, qui déjà lui ont donné une richesse culturelle qui caractérise et définit l'Amérique à travers le monde encore aujourd'hui, il y a quelques centaines d'années, si on passe sur de courtes incursions des Hollandais et des Suédois, et bien sûr des Espagnols, les empires français et anglais se sont implantés en Amérique du Nord. Pendant longtemps et sans contact ou presque entre elles, les principales sources de peuplement des colonies, sources d'immigration donc, ont été les mères patries. Les colonies britanniques du littoral américain et celles, françaises, de la Nouvelle-France, de l'Acadie et de la Louisiane ont ainsi préservé longtemps une forte homogénéité linguistique, et, la langue étant bien davantage qu'une convention symbolique de surface, deux cultures alors bien plus différentes encore qu'elles ne le sont maintenant se sont déployées, l'une française d'abord, l'autre anglaise presque aussitôt après.

Les 25 ans qui vont aller de 1759 à 1784 vont alors changer profondément le visage et la dynamique de la vie politique et culturelle de l'Amérique du Nord. Chez nous, après une victoire militaire de l'Angleterre, la France renoncera, lors du traité de Paris, à sa colonie du nord au profit de territoires producteurs de sucre et de rhum des Antilles. Au sud, les 13 colonies originales feront sécession, infligeant un rare revers à l'Empire britannique et faisant peser le risque d'une conquête éventuelle par ces mêmes colonies de l'ancienne Nouvelle-France. Démographiquement et militairement menacée, l'emprise britannique ne parviendra pas à accomplir avec succès la normale assimilation des sujets français de la couronne britannique en Amérique. En septembre 2010, elle n'y est toujours pas parvenue.

En termes sociologiques ou ethnolinguistiques, l'histoire de cette province, de ce pays, si l'on veut, tourne autour de l'assimilation en douceur du conquis par le conquérant. Ainsi et malgré tout, au gré de soubresauts de l'histoire, de la politique, de l'économie et de la démographie surtout, le continent américain est anglo-saxon pour l'essentiel et un tout petit peu français, et ce tout petit peu français a son propre Parlement. Ce Parlement a la responsabilité d'être l'ultime rempart qui promeut, et protège, et perpétue, et stimule la diffusion de la culture d'expression française en Amérique. Celui du Canada hérite de la responsabilité, entre autres, bien sûr, de tendre vers cette assimilation normale mais longue, ardue, décourageante, mais aussi harmonieuse et discrète que possible, de cette nation têtue. Elle a peu d'outils pour réaliser cette assimilation, la culture anglo-saxonne, mais elle s'en est donné de puissants, dont la Constitution de 1982, la Charte canadienne des droits et, bien sûr, la Cour suprême du Canada.

Personne ne se lève le matin avec l'intention, une fois pour toutes, de leur dire, à ces Français, qu'ils devraient renoncer à leur spécificité, qui n'est pour eux que linguistique. Ça n'avancerait pas davantage la cause que ne le fit Lord Durham en 1839, Brockville en 1992 ou le MacLean's en septembre 2010. Dans une société de droit, les outils d'intégration ou d'assimilation doivent en être aussi fondés sur le droit. Et c'est, doit-on admettre, un legs non exclusif mais remarquable de la culture britannique au monde. La Cour suprême du Canada se voit alors, et dans une certaine mesure à son insu -- mais, des juges, comme on l'a vu, ça se choisit selon bien des critères -- la Cour suprême du Canada se voit alors confier la responsabilité d'assurer la primauté des droits individuels sur celle des droits collectifs. C'est sur cette base que depuis 1977, depuis l'adoption d'une loi fondatrice de la nation française d'Amérique, une loi qui, qu'on le veuille ou non, et en affirmant le caractère français du Québec, pose un jalon essentiel de son autodétermination, de sa souveraineté, depuis l'adoption de la Charte de la langue française, donc, mais encore davantage suite à l'imposition d'un ordre constitutionnel pourtant rejeté unanimement au Québec en 1982, les droits collectifs de la nation québécoise affrontent la primauté des droits individuels du Canada.

Pierre Trudeau n'a pas inventé le multiculturalisme, parce que c'est bien ce dont il s'agit, et il est à son tour fondateur de l'Amérique anglo-saxonne, il l'a ajusté à un rêve de Canada bilingue, sûrement de bonne foi, mais dont il n'admit jamais l'échec. Les sociologues auront beau tergiverser, le multiculturalisme, c'est la négation des droits collectifs au bénéfice des droits individuels. C'est aussi la réserve exclusive de la notion de liberté au bénéfice des individus, comme si la liberté ne s'appliquait pas aux peuples, comme si la liberté ne s'appliquait pas aux communautés, comme si l'histoire ne s'était pas construite autour de ces mouvements de libération, de liberté des peuples, des nations et des cultures.

Et là, bien sûr, on me dira que, justement, les communautés immigrantes revendiquent le droit de choisir. D'abord, je crois que les communautés immigrantes, elles ne revendiquent que le droit de comprendre comment et où et dans quelle langue elles doivent fonctionner; et ça, en particulier à Montréal, vous aurez compris que ce n'est pas du tout limpide. Mais, dès lors qu'un droit est revendiqué sur la base de ce qu'un individu a en commun avec d'autres individus: une religion, une langue, une histoire ou une tradition, ce n'est plus d'un droit individuel dont il s'agit, mais bien d'un droit collectif, s'il existe d'ailleurs à cet effet précis un droit collectif d'une communauté minoritaire au sein d'une autre. Et c'est très légitime qu'on en débatte, mais il faut arrêter le malentendu volontaire et pas très honnête de dire que la Charte de la langue française et la volonté d'intégration harmonieuse des immigrants au tronc commun culturel québécois dont elle est le ciment, que cette charte est une violation des droits ou des libertés individuels. C'est simplement faux. Le crier à tort et à travers de façon alarmiste et irresponsable, ça, en effet, c'est radical.

De la même façon, on doit cesser ou dénoncer sans hésiter ce détournement de la notion de droit qui ferait en sorte que la minorité historique anglaise, dynamique, souhaitable, culturellement fascinante et partie intégrante de la culture québécoise, il faut dénoncer et refuser le détournement de sens qui lui permettrait de prétendre qu'elle a aussi le droit d'intégrer des immigrants à son groupe envers et contre la loi. Dès lors que démocratiquement la nation québécoise a affirmé que seule la langue française était sa langue officielle, il faut que la logique d'intégration des immigrants suive. Et ça, ça veut dire que la langue de référence commune sera le français, le français seulement; et ça, ça veut dire que l'enseignement se fera en français, sous réserve des droits de la minorité historique anglaise d'enseigner sa propre langue, et sa riche langue, à ses propres enfants; et ça, ça veut dire que, si la Cour suprême du Canada désavoue la loi n° 104, qui colmatait une brèche à cet effet, le Québec est non seulement légitime, mais a bel et bien le devoir d'invoquer au besoin la clause dérogatoire et d'assurer qu'une exception de bonne foi dans la loi 101 ne soit devenue durablement un passage de l'immigration, et parfois même de francophones, vers une langue de référence qui n'est pas la langue nationale.

On nous a dit et répété que le bilinguisme est essentiel. Je le crois souhaitable mais pas essentiel. On nous a dit, et, ce faisant, on a insulté des milliers de professionnels, que l'école publique française ne permet pas de devenir bilingue, qu'elle y échoue. C'est grossier et faux; regardez autour de vous. On nous a dit que seule l'école de langue anglaise ou l'immersion permettait de maîtriser l'anglais. C'est faux au point d'en être ridicule, mais, mettons. Si on suit naïvement ce raisonnement, ce raisonnement tristement court, si en effet la maîtrise de l'anglais est obligatoire, si en effet seule l'école anglaise la dispense correctement, alors la logique suggère que tous les petits Français aillent à l'école anglaise. Or, même les plus obtus de nos adversaires n'oseraient dire une pareille bêtise, et, pire encore, ça n'a rien à voir avec le débat de la loi n° 103.

La liberté des peuples est un droit collectif reconnu par l'ONU. La liberté des peuples d'affirmer et perpétuer leur langue est un droit collectif. Le choix d'un peuple d'accueillir les immigrants dans leur langue nationale... dans sa langue nationale est un droit collectif, et c'est aussi un devoir envers la diversité culturelle et la diversité linguistique de l'humanité.

On va en couper des bouts, Mme la Présidente. Donc...

Une voix: ...

M. St-Arnaud: ...leader adjoint du gouvernement.

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Un instant, s'il vous plaît! Un instant. M. le leader adjoint de l'opposition officielle.

M. St-Arnaud: Mme la Présidente, de façon à permettre à notre collègue de terminer son discours, il y aurait consentement, avec le leader adjoint du gouvernement, de lui permettre de finir son discours, pour un maximum de cinq minutes?

M. Gautrin: ...

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): ...j'ai votre...

M. Gautrin: Mme la Présidente, étant donné qu'on veut maintenir le climat ici, ne pas abuser du règlement, ne pas demander des quorums abusifs, etc., c'est avec plaisir que nous laisserions finir le discours du député de Drummond.

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors, allez-y, M. le député, pour cinq minutes supplémentaires.

M. Blanchet: Tout le monde est bien aimable.

**(13 heures)**

Les libertés fondamentales, tel que les a invoquées... Malheureusement, ça part mal pour le petit bout qui s'en vient. Les libertés fondamentales, tel que les a invoquées la ministre responsable de la Charte de la langue française, c'est un leurre un peu grossier. Les libertés individuelles sont fondées sur les outrages et les dénis de liberté qui peuvent être infligés à un individu: son intégrité physique, son accès à l'eau, à la nourriture, son droit au bonheur. Et ça, ça n'a rien à voir avec la loi n° 103. La quasi-totalité des groupes représentatifs de la société civile qui se sont succédé en commission ont été très clairs à cet effet: le subterfuge est un peu gênant. Et surtout prétendre que la loi 101 brime les droits fondamentaux et entache l'image du Québec sur la scène internationale est sûrement, à terme, ce qui entachera pour vrai le plus l'image du Québec.

De même, l'invocation systématique et répétée d'une vision, au mieux hypothétique, de la mémoire de René Lévesque et de Camille Laurin, la gênante spéculation quant à ce qu'ils en diraient et penseraient aujourd'hui devant ce qui en fait est des dizaines de milliers de personnes autorisées, moyennant paiement, à contourner la lettre et l'esprit de la Charte de la langue française, cette spéculation intéressée est peut-être en fait une insulte, fut-elle involontaire, à leur mémoire. Je suggère aux Québécois de dénoncer que la mémoire de René Lévesque soit instrumentalisée pour détruire un de ses plus grands legs à son propre peuple.

Donc, il est indiscutable que l'État québécois a l'obligation d'offrir l'éducation, et une éducation de qualité, à toute sa population, à toute son importante communauté immigrante. Mais l'État québécois, outre la légitime exception de la minorité historique anglaise, n'a pas l'obligation ni de tolérer que soit offerte l'éducation dans une langue autre que la langue nationale, de même qu'il a le droit légitime de l'interdire à des fins de perpétuation de sa langue nationale.

Si nous nous donnons un peu de recul et si nous retournons aux fondements historiques et sociologiques de notre réflexion, nous constaterons que le Québec est le lieu de rencontre de deux histoires en confrontation mais dont la coexistence est somme toute très harmonieuse. D'une part, la culture républicaine, individualiste et multiculturaliste, de l'Amérique anglo-saxonne qui s'est développée en opposition à un pouvoir monarchique qu'ils ont fui, en général de l'intérieur, qui s'est développée en magnifiant le rêve américain, la capacité de chacun, individuellement ou en petites communautés, de repartir en neuf sur une terre neuve, qui s'est développée dans la défense jalouse d'un ensemble de différences qui, toutes remarquables fussent-elles, n'ont jamais contesté la langue anglaise comme langue de convergence et de référence en Amérique. En revanche, en Nouvelle-France et au Québec s'est développée et maintenue une culture collective, homogène à bien des égards, soudée par le territoire, la démographie, souvent la religion, et qui définit, bien au-delà de la langue qui la supporte, une culture nationale dynamique. Notre cohérence en tant que groupe n'est ni sanguine ni ethnique. Elle est culturelle, elle est librement consentie et elle se faufile aussi, malgré ses entraves provinciales, partout au monde.

Nous pourrions nous questionner sur les motifs qui font adopter à ce gouvernement la culture nord-américaine à bien des égards. Assumons toutefois que c'est légitime, que les aspirations de leur électorat et de leurs donateurs sont légitimes. Ce refus de faire un procès d'intention au gouvernement du Parti libéral -- et ils n'ont pas que ça à s'occuper ces temps-ci -- ne doit pas masquer le devoir d'offrir un choix éclairé aux électeurs formant la nation québécoise.

Le courant individuel et multiculturaliste anglo-saxon d'Amérique du Nord, c'est celui qui anime la loi n° 103 contre le courant national, collectif et français du Québec. Pourquoi y a-t-il un Parlement à Québec et un autre à Ottawa? Avec et malgré les revers et victoires de l'histoire, il y a deux Parlements parce qu'il y a deux nations, deux cultures, deux langues, deux visions de l'intégration culturelle des immigrants. Il est normal, essentiel et impératif que seul notre Parlement national dispose des pouvoirs dans tout ce qui a trait à notre identité, notre culture, notre langue. Si ça s'explique... si ça implique, dis-je bien, de rejeter toute ingérence par les tribunaux dans cette juridiction, ainsi soit-il. Si ce pas nous rapprochera ainsi de notre normale souveraineté, ce que craignent bien sûr et par-dessus tout nos adversaires à Québec comme à Ottawa, il est quand même de leur devoir d'avoir le courage de soutenir et d'assumer le risque même d'une telle juridiction exclusive au bénéfice du Québec.

Je ne vois pas comment le gouvernement libéral peut se revendiquer de la souveraineté culturelle et s'en remettre à la Cour suprême du Canada, à l'encontre de la protection de notre langue. Je suis pour que se perpétue la nation française d'Amérique, le Parti québécois est pour que se perpétue la nation française d'Amérique, ouverte, accueillante, unique. C'est notre droit. Nous rejetons la loi n° 103. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors, je vous remercie, M. le député de Drummond.

Compte tenu de l'heure, je suspends nos travaux à cet après-midi, 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 h 5)

 

(Reprise à 15 heures)

Le Vice-Président (M. Chagnon): Merci beaucoup, mesdames messieurs. Veuillez vous asseoir. Nous sommes, si je ne m'abuse, à l'étude du projet de loi n° 103. Et peut-être un intervenant à ce stade-ci? M. le député de Lac-Saint-Jean, nous vous écoutons.

M. Alexandre Cloutier

M. Cloutier: Merci, M. le Président, de m'accorder ce temps de parole pour parler du projet de loi du gouvernement du Québec, la fameuse loi n° 103, qui a été aussi contestée de façon aussi importante durant les dernières semaines.

M. le Président, durant le débat sur la loi n° 103 a refait surface un autre débat qui est celui de l'utilisation de la clause dérogatoire, un débat qui s'est inscrit de façon concomitante, M. le Président, au débat qui était en cours. Mon collègue de Borduas a éloquemment parlé du problème des écoles passerelles au Québec, et je vais profiter de l'occasion qui m'est donnée pour aborder un autre point, M. le Président, qui est celui de l'utilisation de la clause dérogatoire mais, de façon plus générale, de la clause dérogatoire en soi, qui, faut-il le rappeler, est une disposition législative qui est prévue au texte de la Constitution canadienne, à l'article 33, le même article qui existe d'ailleurs dans le texte de la charte québécoise des droits et libertés.

Juste avant, M. le Président, rappeler d'abord la... Je relisais ce matin la... pas la jurisprudence, mais les articles de journaux et je suis tombé sur les premières réactions de la ministre responsable de la Charte de la langue française. Et, lorsqu'elle a réagi, d'abord, ses premiers propos ont été de dire qu'elle s'est dite, je cite, «déçue et choquée», M. le Président. Article dans Le Devoir paru le 23 octobre. Alors, pour quelqu'un de déçu et choqué, il est pour le moins surprenant qu'on a décidé de reprendre à peu près mot pour mot les indications qu'a données la Cour suprême au gouvernement du Québec. Alors, pour quelqu'un de déçu et choqué, M. le Président, on constate, quelques mois plus tard, que, finalement, on a repris les indications des juges de la Cour suprême.

Je vais parler, M. le Président, de la clause dérogatoire, qui n'est rien d'autre qu'un article qui permet de préserver la suprématie des Parlements, M. le Président, d'abord en rappelant qu'il y a une citation fort connue, qui date du XVIIIe siècle, de De Lolme, M. le Président, qui disait à l'époque que le Parlement britannique peut tout faire -- évidemment, vous la connaissez -- sauf changer un homme en femme. Alors, il faudrait peut-être dire aujourd'hui: Changer un homme en femme ou une femme en homme pour actualiser la déclaration. Mais, essentiellement, ce qu'il faut retenir de ça, c'est la suprématie qui est donnée à nos Parlements de pouvoir édicter les lois qu'ils jugent à propos pour orchestrer, pour ordonner la société, ici, dans le cas du Québec, évidemment, la société québécoise. Essentiellement, ce que ça veut dire, c'est que le Parlement peut abolir, peut abroger, peut créer des lois en fonction de sa bonne conscience, en fonction de ce qu'il croit nécessaire pour la population. Alors, la règle de base veut que les parlementaires soient libres, dans l'exercice de leur discrétion, pour mettre en oeuvre les lois nécessaires dans une société libre et démocratique.

L'Assemblée législative du Québec tire, évidemment, ses sources du droit britannique. Nous sommes un régime parlementaire et, comme vous le savez, M. le Président, depuis 1791, nous appliquons ces règles du parlementarisme britannique avec des modifications qui ont été apportées au cours des années. Mais, essentiellement, nous tirons la source de nos institutions démocratiques du Parlement britannique. Alors, ce qu'on doit retenir, c'est que là-bas, M. le Président, le principe absolu est celui de la suprématie du Parlement. Il n'existe pas, comme telle, au Royaume-Uni, de loi constitutionnelle. Il n'existe pas de texte, comme on dit ici, de texte supralégislatif, voire même des textes quasi constitutionnels. Comme par exemple la Charte des droits et libertés, au Québec, a été jugée ainsi. Ce que j'essaie de dire finalement, M. le Président, il n'existe pas de lois qui ont une suprématie sur les décisions des parlementaires et il n'y a donc pas, par conséquence, de révision qui est apportée par les cours de justice au Royaume-Uni. Évidemment, ça, c'est le principe général, mais vous comprendrez, M. le Président, qu'il y a quelques exceptions à ça, auxquelles j'espère avoir le temps, tout à l'heure, de revenir.

Le Québec, puisqu'il puise son origine des règles britanniques, ce sont ces mêmes règles... cette même règle suprême, qui est la suprématie des parlementaires, qui s'applique également à l'Assemblée législative du Québec. Une des exceptions, évidemment, M. le Président, c'est le principe de la fédération. Le principe fédératif impose des limites à ce Parlement, mais ces limites sont imposées par le texte de la Loi constitutionnelle, de celle de 1867 essentiellement, celle liée au partage des champs de compétence. Mais, très rapidement, les tribunaux ont eu à décider à savoir si le Parlement fédéral jouait un rôle dans les lois qui étaient édictées par les provinces et, très rapidement, les tribunaux... En fait, à l'époque, c'était le conseil judiciaire... le Conseil privé de la reine, pardon, en est venu à la conclusion que les deux Parlements étaient indépendants. En 1893, c'était l'affaire Hodge où on nous disait justement que les provinces étaient entièrement autonomes dans leurs sphères d'activité, et, quelques années plus tard, on a confirmé la même chose pour le Parlement fédéral. Alors, première exception à ça, c'est le principe de fédération.

La deuxième exception à ça, M. le Président, elle est venue un petit peu plus tard, elle est venue au moment où on s'est doté d'une charte des droits et libertés, la fameuse charte qui faisait partie intégrale de la Constitution canadienne, qui, elle, dans sa totalité, a été imposée, comme on le sait, à l'Assemblée législative. C'est là qu'on est passés de ce qu'on a appelé une suprématie parlementaire à une suprématie constitutionnelle. Constitutionnelle pour quelles raisons, M. le Président? Parce qu'on venait dire qu'on avait une charte des droits qui avait préséance sur l'ensemble des autres droits. Alors, par conséquent, M. le Président, les lois qui étaient édictées par les Parlements devaient respecter ce grand texte, ce texte de la Charte des droits et libertés de la personne.

Mais il y avait une exception notoire, M. le Président, et quelle était cette exception notoire? La fameuse clause dérogatoire, la clause dérogatoire, l'article 33 de la Charte canadienne des droits et libertés qui, essentiellement, vient dire quoi? C'est qu'un parlement peut déroger au texte des droits et libertés, au texte de la charte par une disposition, par une mesure législative. M. le Président, on a prévu explicitement en 1982 une exception au principe de suprématie de la Constitution, et particulièrement à la suprématie de la Charte des droits et libertés, pour laisser une discrétion aux parlementaires. Pourquoi avons-nous laissé une discrétion aux parlementaires? Parce qu'on jugeait à l'époque nécessaire, M. le Président, de dire que, sur certains enjeux, essentiellement politiques, il valait mieux laisser les Assemblées législatives élues répondre aux citoyens des indications qui pouvaient être prises qui pourraient être contraires à certains droits et libertés, et j'y reviendrai, M. le Président.

Au Royaume-Uni, lorsqu'on a eu le débat sur la charte des droits... Parce qu'au fil du temps le Royaume-Uni n'est pas indifférent à tous les amendements ou à toutes les nouvelles chartes qui ont été créées. Particulièrement au cours du dernier siècle, le Royaume-Uni a eu à faire ce débat, à savoir quel type de charte il se doterait. Ils ont pris la décision, par une loi, la Human Rights Act de 1998, de se doter d'une loi dans laquelle on énumérait les droits individuels, mais auxquels on ne donnerait pas une valeur supralégislative. Alors, on est venu, en quelque sorte, limiter les pouvoirs du Parlement britannique en disant: Bon, bien, dorénavant, au Royaume-Uni, nous aurons un droit qui protège les droits individuels; par contre, lorsque la cour indiquera qu'une disposition est contraire à la loi, il reviendra aux parlementaires de décider quelle suite donner à cette décision du tribunal.

Alors, contrairement à ici, où, lorsqu'une cour déclare ultra vires, donc contraire à la loi, inconstitutionnelle, une disposition qui est contraire à une disposition d'un droit précis dans une charte, le Parlement doit nécessairement faire une nouvelle loi parce que la loi a été déclarée inconstitutionnelle, au Royaume-Uni on a plutôt laissé la marge de manoeuvre aux parlementaires, on leur a dit: Bon, bien, lorsque la loi sera jugée contraire à un droit, c'est le Parlement du Royaume-Uni qui devra y répondre, y donner suite ou non. On a laissé la discrétion aux parlementaires justement pour leur préserver la suprématie du Parlement de Westminster.

Alors qu'est-ce qu'on a fait, M. le Président, en Nouvelle-Zélande, un autre pays membre du Commonwealth dont les traditions sont également basées sur le système parlementaire britannique? Bien, on a fait essentiellement la même chose qu'au Royaume-Uni, on s'est doté d'une loi, et, lorsqu'un tribunal, même le tribunal de la plus haute instance, considère que c'est contraire à une disposition prévue par la Charte des droits et libertés, bien on laisse aux parlementaires le soin d'y donner suite ou non, on laisse la marge de manoeuvre aux parlementaires de décider comment on procède suite à ça.

**(15 h 10)**

Qu'est-ce qu'on a fait en Australie, M. le Président? Ah! bien, en Australie, on a maintenu la suprématie parlementaire. On n'a carrément pas adopté de charte constitutionnelle des droits et libertés, on a préféré laisser la discrétion au Parlement.

Ce que j'essaie de vous dire, M. le Président, c'est que, dans certaines circonstances, surtout lorsque les enjeux sont éminemment politiques, il appartient, à mon avis, aux parlementaires d'indiquer quelles sont les limites, les limites qui doivent cependant être raisonnables, être justifiées, pouvoir se justifier, comme dirait la Cour suprême, dans une société libre et démocratique. Mais, à mon sens, M. le Président, la clause dérogatoire permet un juste équilibre, permet un dialogue entre les parlementaires et les cours de justice, et ce dialogue entre les parlementaires et la Cour suprême est un dialogue qui doit être maintenu et qui est nécessaire. Mais, lorsqu'on se compare, M. le Président, avec qu'est-ce qui se passe ailleurs, particulièrement, comme je l'ai dit, en Australie, au Royaume-Uni de même qu'en Nouvelle-Zélande, on n'a pas à rougir de quelque manière que ce soit de s'être préservés un minimum d'espace qu'est la clause dérogatoire et l'article 33 de la Charte canadienne des droits et libertés.

M. le Président, je veux vous rappeler que la Cour suprême, de façon régulière, a à se questionner de quelle manière on peut porter atteinte ou on peut apporter des limites à l'expression de certains droits, à l'expression de la charte, des droits garantis dans la Charte canadienne des droits et libertés. Parce que, dès qu'on considère qu'il y a une violation à un droit, M. le Président, qu'est-ce que la cour nous dit? La cour se tourne vers l'article premier et elle s'interroge à savoir si, oui, il y a eu atteinte à un droit, mais est-ce que cette atteinte à un droit peut se justifier dans une société libre et démocratique. Et c'est là, M. le Président, que la cour entame un long processus, un long processus d'analyse -- une grille d'analyse -- à partir duquel elle juge ou non que l'atteinte qui est apportée ou qui est mise en cause est raisonnable et peut se justifier dans une société libre et démocratique. Alors, le premier critère, c'est on vérifie si l'objectif qui est visé est un objectif qui est suffisamment important. Ensuite, on regarde quels sont les moyens qui ont été utilisés par le législateur. M. le Président, constamment, la Cour suprême est appelée à mettre en oeuvre une grille d'analyse pour analyser si l'atteinte qui a été portée peut se justifier dans une société comme la nôtre, et, bien humblement, M. le Président, je suis profondément convaincu que les parlementaires ont le droit d'avoir une interprétation différente des juges de la Cour suprême lorsque vient le temps de mettre en oeuvre la raisonnabilité de la mesure.

M. le Président, je veux prendre quelques secondes parce que, dans le jugement qui a été rendu, dans le jugement qui est en cause devant nous, la cour a eu à appliquer ce test de la raisonnabilité, la cour a eu à mettre en oeuvre le test de l'article 1, le texte de Oakes qu'on appelle, et laissez-moi, M. le Président, vous lire brièvement la première partie du texte. En fait, l'endroit où la cour prétend que l'Assemblée nationale du Québec a erré, c'est uniquement dans la proportionnalité de la mesure qui a été choisie. Moi, je prétends, M. le Président, que la Cour suprême du Canada a erré dans son interprétation, je prétends qu'ils font fausse route et je prétends que la cour... M. le Président, contrairement à ce qui est indiqué, la mesure, elle était proportionnelle, et je pense que les parlementaires québécois ont le droit d'avoir une interprétation différente des neufs juges de la Cour suprême lorsque vient le temps de décider si, oui ou non, la mesure en cause, elle est proportionnelle ou non, donc raisonnable dans une société comme la nôtre.

Et ce droit de dissidence, M. le Président, est protégé par l'article 33, la fameuse clause dérogatoire, auquel chaque parlementaire, chacun d'entre nous devrait défendre. Pourquoi, M. le Président? Parce que le principe premier du parlementarisme britannique, ce n'est rien d'autre, M. le Président, que la suprématie des parlementaires, une marge de manoeuvre, M. le Président, qui est nécessaire, qui est nécessaire justement pour exprimer des dissidences lorsqu'on a donné tout le pouvoir aux juges en matière d'interprétation des droits et libertés. M. le Président, nous ferions fausse route de reconnaître qu'un seul tribunal a le monopole de vérité dans l'interprétation des droits et libertés, ils peuvent se tromper, et ce droit de dissidence s'exprime par la clause dérogatoire.

Dans l'application du test de la raisonnabilité que la Cour suprême a dû faire dans le jugement qui est en cause, M. le Président, il faut se le rappeler, on dit que la situation linguistique particulière... On commente, pardon, la situation linguistique et culturelle particulière de la province: «Les documents établissent amplement l'importance de l'objectif législatif de la Charte de la langue française et le fait qu'elle est destinée à répondre à un besoin réel et urgent.» Premier test: Est-ce que la Charte de la langue française répond à un besoin urgent et réel? La Cour suprême nous dit que oui, bien évidemment, lorsqu'on connaît la situation précaire du français.

«La vulnérabilité de la langue française -- puis là je continue la citation, c'est une citation de la Cour suprême -- au Québec et au Canada a été décrite dans une série de rapports de commissions d'enquête, tout d'abord dans le rapport de la Commission royale d'enquête [par] le bilinguisme et le biculturalisme de 1969 puis dans les rapports de la commission Parent et de la commission Gendron. [...]Donc, au cours de la période qui a précédé l'adoption de la loi en cause -- donc la loi 101 -- "le visage linguistique" du Québec donnait souvent l'impression que l'anglais était devenu aussi important que le français. Ce "visage linguistique" a renforcé chez les francophones la crainte que l'anglais gagne en importance, que la langue française soit menacée et qu'elle finisse par disparaître. Il semblait indiquer aux jeunes francophones que la langue du succès était presque exclusivement l'anglais et confirmait pour les anglophones qu'il n'était pas vraiment nécessaire d'apprendre la langue de la majorité. Cela pouvait en outre amener les immigrants à penser qu'il était plus sage de s'intégrer à la collectivité anglophone...» Propos de la Cour suprême du Canada.

Et je continue: «Il ressort des documents se rapportant à l'article premier et à l'article 9.1 que la politique linguistique sous-tendant la Charte de la langue française vise un objectif important et légitime. Ils [relèvent] les inquiétudes à l'égard de la survie de la langue française et le besoin ressenti d'une solution législative à ce problème.»

Alors, ce que j'essaie de vous dire, M. le Président, c'est que la Cour suprême partage que l'objectif qui est visé par la Charte de la langue française est un objectif qui répond à ce besoin urgent et réel des Québécois de protéger la langue française.

Je poursuis, M. le Président. La Cour suprême cite l'Office québécois de la langue française, elle cite le rapport, et je cite: «Tant à l'échelle canadienne que nord-américaine, le français et l'anglais n'ont pas le même poids et ne sont pas soumis aux mêmes contraintes d'avenir. La pérennité de l'anglais au Canada et en Amérique du Nord est quasi certaine. Celle du français au Québec, et particulièrement dans la région de Montréal, dépend encore, dans une large mesure, de sa rencontre avec l'anglais et demeure tributaire de divers facteurs, tels que la fécondité, le vieillissement de la population, les migrations inter et intraprovinciales et les substitutions linguistiques. L'objectif législatif étant reconnu [...] valide...»

Alors, M. le Président, la Cour suprême du Canada reconnaît d'emblée la nécessité pour le Québec de protéger, par des dispositions législatives, le français au Québec. Là, M. le Président, où il y a une divergence d'opinions entre les parlementaires québécois et la Cour suprême du Canada est dans les moyens dont on dispose, M. le Président, pour arriver à cette fin qui est la protection de la langue française.

M. le Président, ce que j'essaie de vous dire, c'est que les parlementaires se sont dotés d'une disposition qui protège leur droit de penser différemment de la Cour suprême, le droit d'exprimer leur opinion, mais surtout le droit de prendre des décisions en fonction de ce qu'ils pensent être le mieux pour la société québécoise. M. le Président, lorsqu'on regarde les réactions qu'a eues la société civile, l'ensemble des Québécois, envers la décision de la Cour suprême, et même la ministre, qui se dit choquée par la décision de la Cour suprême, je pense qu'il est primordial pour une assemblée législative comme la nôtre de préserver notre droit à la différence. Et ce droit à la différence est prévu à l'article 33 de la Charte des droits et libertés, et je vous rappelle, M. le Président, que cet article 33 est utilisé de façon assez importante ici, à l'Assemblée nationale. Et j'y reviendrai, M. le Président.

**(15 h 20)**

Le Vice-Président (M. Chagnon): Merci, M. le député de Lac-Saint-Jean. J'inviterais maintenant Mme la députée de Marguerite-D'Youville.

Mme Monique Richard

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Merci, M. le Président. Encore une fois, aujourd'hui, nous sommes en situation de défendre les moyens nécessaires au droit de vivre en français chez nous, au Québec. Encore une fois, aujourd'hui, M. le Président, nous nous devons d'argumenter le fait qu'au Québec c'est en français que ça doit se passer. Encore une fois, aujourd'hui, nous devons contrer les diktats venus d'ailleurs, en l'occurrence la Cour suprême du Canada, quant au respect de nos choix collectifs.

Parlons de nos choix collectifs. C'est de façon unanime, suite à des consultations très larges, que l'Assemblée nationale du Québec a adopté la loi n° 104 en 2002. Sans revenir trop longuement sur le débat survenu en 2002, lors de l'adoption du projet de loi n° 104, remarquons qu'il a donné lieu à un vaste consensus, tous partis politiques confondus. Le débat était délicat, car il s'agissait de concilier ou de rendre compatibles les principes politiques, juridiques et administratifs inhérents à la décision de refuser de cautionner le subterfuge des écoles passerelles. Le projet de loi n° 104 a fait l'objet de consultations particulières, et l'Assemblée nationale a entendu tous les points de vue. L'Assemblée nationale s'entendait sur l'objectif général: préserver le français comme langue commune au Québec; protéger la paix linguistique, qui avait été globalement atteinte depuis 1977; respecter les droits des Québécois anglophones; et, enfin -- là était sans doute la difficulté -- trouver un moyen clair et légitime de mettre fin au subterfuge des passerelles par une méthode acceptable par tous et toutes au sein de l'Assemblée nationale.

Dans son mémoire déposé à la commission, le Conseil de la langue française attire l'attention du gouvernement sur un certain nombre de principes, les uns généraux, les autres propres à la situation en cause. D'abord, le principe de l'égalité des chances pour tous les citoyens doit être pris en compte. On ne peut accepter, en effet, ne serait-ce qu'au nom de l'équité, que l'on puisse acheter pour ses enfants et ses descendants un droit constitutionnel à l'enseignement en anglais au Québec dans des écoles financées par l'État. Chaque enfant au Québec a droit à l'enseignement financé par l'État, cela se fait selon certaines règles, et il est inconcevable que ces règles soient contournées. Que l'enseignement soit en français, ce qui constitue la règle générale, ou en anglais, ce qui constitue la règle pour les membres de la minorité historique anglophone, l'école est accessible à tous et à toutes. Il en va de principes fondamentaux de la vie dans une société organisée.

La situation actuelle créée par la récente décision de la Cour suprême du Canada interpelle l'ensemble de l'État. L'enjeu ne se limite pas à savoir si tel secteur scolaire linguistique va perdre ou gagner quelques centaines d'élèves chaque année, il est essentiel que les secteurs concernés de la société québécoise, outre l'État lui-même, prennent conscience de leur rôle et de leurs responsabilités à cet égard, ce qu'ils sont d'ailleurs venus faire lors de la commission parlementaire où on a eu l'occasion de les entendre. Sans réaction appropriée de l'État, cette situation laissera le Québec exposé, sans recours, à une dynamique de déconstruction sociale.

Un autre principe amené par la Conseil de la langue française: l'école doit être au coeur de la cohésion sociale, particulièrement lorsqu'il s'agit d'enfants d'immigrants. En juin 2008, le conseil écrivait, dans un avis remis à la ministre responsable de l'application de la langue française, il écrivait ceci: «Le lieu tout désigné pour construire les fondements de cette société en évolution, c'est l'école, la seule institution par laquelle transitent maintenant tous les enfants et où se fait la première expérience du français langue commune.» Personne ne se surprendra de voir le Conseil supérieur de la langue française prôner une action résolue de l'État en vue de la cohésion sociale autour d'une langue commune, le français.

De plus, le conseil affirme que la société d'accueil a le devoir, d'une part, de faciliter l'apprentissage de la langue française et, d'autre part, d'en créer les conditions d'usage. L'apprentissage et la maîtrise de la langue française doivent constituer de véritables conditions gagnantes pour l'employabilité des travailleurs et des travailleuses, ce que nombre d'organisations ont soulevé comme questionnement lors de la commission parlementaire, cette employabilité qui favorisera leur intégration et leur mobilité sociale. À cette fin, le président du conseil déclarait ceci: «L'intégration sociale en français [des immigrantes et] des immigrants est indispensable au développement d'une société francophone en Amérique du Nord, au Québec. À l'importance qu'on accorde à l'immigration pour l'avenir du Québec doit correspondre un effort de même niveau de l'État québécois pour l'aboutissement de ce projet social.» Mais, au-delà des lois, l'action de l'État requiert la démonstration d'une volonté politique claire qui se traduit par des décisions et par des règles claires applicables et appliquées.

Mais où en sommes-nous maintenant? Depuis toujours, la place et le respect du français ont été portés par des gens debout, et ce n'est pas à genoux devant la Cour suprême, comme le propose le projet de loi n° 103, que nous allons protéger notre langue et renverser le mouvement d'anglicisation que vit Montréal depuis trop longtemps. Après des mois de tergiversation depuis le jugement de la Cour suprême, le 22 octobre 2009, sur la loi n° 104, la ministre responsable de l'application de la langue française a déposé le 2 juin, à l'Assemblée nationale, le projet de loi n° 103, Loi modifiant la Charte de la langue française et d'autres dispositions législatives. Le projet de loi prévoit notamment qu'en matière de langue d'enseignement le gouvernement peut déterminer par règlement le cadre d'analyse et les règles applicables pour évaluer une demande d'admissibilité à recevoir un enseignement financé par l'État.

De manière générale, le dépôt de ce projet de loi confirme les pires craintes que nous pouvions avoir sur la façon dont le gouvernement allait agir pour tenter de répondre au jugement de la Cour suprême sur la loi n° 104. Au lieu de mettre fin au phénomène des écoles passerelles, on vient ainsi le légitimer par des critères totalement subjectifs et arbitraires. C'est donc peu de dire également que le gouvernement met en place une véritable sélection par l'argent. Les parents dont les enfants sont jugés inadmissibles à l'école anglaise au Québec en vertu de la charte pourront, en effet, leur acheter ce droit après quelques années dans une école privée non subventionnée dans la mesure où son parcours scolaire est jugé authentique. En résumé, le gouvernement donne le droit à des parents qui en ont les moyens financiers de pouvoir acheter à leurs enfants le droit à l'enseignement en anglais dans le réseau public du Québec par le biais d'un passage de trois ans dans une école privée non subventionnée.

De même, l'article 25 du projet de loi supprime l'obligation de publication du règlement, comme il est d'usage en vertu de l'article 8 de la Loi sur les règlements. Le projet de règlement ne sera donc pas soumis aux règles normales de publication à la Gazette officielle, supprimant ainsi -- et c'est important -- la possibilité de critiquer le document durant les 45 jours prévus par la Loi sur les règlements. En résumé, le règlement n'est pas inclus dans le projet de loi, et personne, personne ne pourra émettre de critique sur sa forme et son application avant qu'il n'entre en vigueur.

De façon générale, c'est un très large mouvement de rejet du projet de loi qui s'est manifesté lors des consultations générales, et ce, pour un bon nombre de raisons. 36 groupes sur 43... Et, ce matin, la CSQ, dans un communiqué, nous disait ceci: «Alors que 36 groupes sur 43 rejettent le projet de loi n° 103 et que de ce nombre 22 groupes demandent officiellement l'application de la loi 101 aux écoles privées non subventionnées, la ministre [...] persiste dans son intention initiale d'appliquer la loi n° 103 telle quelle. Cela est inconcevable et incompréhensible dans le contexte [actuel], affirme le président de la CSQ...»

**(15 h 30)**

Il ajoute: «Pour légitimer sa décision d'aller de l'avant dans son projet de loi, la ministre ne cesse de s'appuyer sur les positions défendues par Camille Laurin et René Lévesque, mais elle ne tient pas compte du fait que la situation [au] Québec a changé et que le contexte est fort différent de l'époque. Pourquoi n'est-elle pas capable de trouver des appuis à son projet de loi -- dit-il?»

La ministre doit agir. Le jugement de la Cour suprême est venu balayer le consensus établi en 2002 avec l'adoption unanime de la loi n° 104 par l'Assemblée nationale. Le fait d'assujettir les écoles privées non subventionnées à la Charte de la langue française via l'article 72 permettrait donc de définir, selon la Charte de la langue française, qui a le droit de fréquenter ces écoles en respect de l'article 73 qui établit les critères rendant admissible à l'enseignement en anglais au Québec, ce qui aurait bien sûr pour conséquence d'exclure le recours à des écoles utilisées comme écoles passerelles par des francophones ou des allophones, leur permettant ensuite de revendiquer le droit à l'enseignement en anglais dans une école subventionnée par le gouvernement du Québec. Le fait de ne pas assujettir les écoles privées non subventionnées à la Charte de la langue française comme le propose notamment le projet de loi n° 103 reviendrait à rétablir un système de libre choix de la langue d'enseignement, basé sur une discrimination par l'argent, ce qui serait la pire des solutions et qui balaierait le consensus établi, en 2002, par la loi n° 104.

Il est important de prendre conscience de ce qui se passe à Montréal actuellement. Il est important que nos décisions politiques témoignent de notre sensibilité et de notre engagement à l'égard de la protection de la langue française au Québec. Et, comme il est affirmé dans la majorité des mémoires que... tout ça, ça débute par l'enseignement, par l'école, par nos allophones, nos francophones qui ont droit à un système d'enseignement qui leur permet de vivre en français chez nous.

Enfin, ce qu'il est important de dire en conclusion de mon intervention, c'est que nous prions la ministre, et nous le lui demandons, à partir des témoignages qu'elle a entendus, à partir de la sensibilité qu'elle a manifestée comme étant une fille des régions sensible à la protection de la langue française, à partir de ses affirmations sur sa responsabilité à l'égard de la protection de notre langue commune... Il est important que la ministre retire le projet de loi n° 103 et assujettisse les écoles privées non subventionnées à la Charte de la langue française.

Il est aussi essentiel qu'elle envisage l'utilisation de la clause dérogatoire, ce qui éviterait d'inutiles et coûteuses poursuites et contestations judiciaires. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Chagnon): Merci, Mme la députée de Marguerite-D'Youville. J'inviterais maintenant M. le député de Prévost à prendre la parole.

M. Gilles Robert

M. Robert: Alors, merci, M. le Président. C'est avec fierté que j'interviens aujourd'hui au nom de ma formation politique afin de défendre la raison majeure pour laquelle je suis devenu député, à savoir la sauvegarde et la défense de la langue française.

Alors, dans une vie... dans des vies antérieures, j'ai occupé des postes où le français était très important. Alors, j'ai eu l'occasion d'être journaliste comme Mme la ministre. Moi, c'était au niveau de la presse écrite. Évidemment, le français est important. Et par la suite j'ai été enseignant. J'enseignais l'histoire et j'avais toujours le souci, auprès de mes élèves, de la qualité de la langue française et de la façon de s'exprimer. C'est important. Alors, notre langue, c'est quelque chose de très précieux. Je tenais à le préciser.

Le 2 juin dernier, la ministre de la Culture, des Communications, de la Condition féminine et ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française a présenté un projet de loi qui a suscité la controverse dès son dépôt. Le projet de loi n° 103, Loi modifiant la Charte de la langue française et d'autres dispositions législatives, constitue somme toute la réponse du gouvernement libéral au jugement de la Cour suprême sur la loi n° 104 adoptée à l'unanimité en 2002. La loi n° 104 permettait de mettre fin aux écoles passerelles. Avant 2002, ces écoles privées non subventionnées étaient utilisées comme établissements scolaires passerelles vers les écoles publiques subventionnées.

La loi n° 104, qui, rappelons-le, a été adoptée à l'unanimité, parce que ça, c'est quand même un élément important, donc, qui a été adoptée à l'unanimité par les députés de l'Assemblée nationale, verrouillait la porte au recours à l'école privée non subventionnée de langue anglaise. Ce type d'école, comme on le sait, est utilisé comme une école passerelle. Celle-ci donne l'occasion à un enfant francophone ou anglophone d'accéder ensuite à l'enseignement en anglais dans une école subventionnée de langue anglaise.

Le jugement de la Cour suprême du Canada émis en octobre 2009 vient relancer le débat sur la langue d'enseignement au Québec. Ce débat est vital pour l'avenir du Québec, car les enjeux sont majeurs. Le français est et doit demeurer la langue officielle au Québec. C'est la langue de la majorité des Québécois. C'était la langue de nos ancêtres et ce sera la langue officielle des générations futures. Ceci dit, on risque de la marginaliser et de s'angliciser si on ne prend pas les moyens de mieux la protéger et la mettre en valeur. Le gouvernement libéral et sa ministre responsable de la Charte de la langue française avaient la responsabilité de répondre avec fermeté, détermination et courage au jugement de la Cour suprême. Plutôt que de se tenir debout et de prendre des positions claires, ce même gouvernement a décidé de nous déposer une loi ambiguë, qui tente de se justifier avec des critères subjectifs et arbitraires. La grande trouvaille consiste à exiger d'un élève qu'il passe trois années dans une école anglophone non subventionnée avant d'avoir accès au réseau public anglophone. Le projet de loi est également assujetti à une grille de critères, critères qui permettent à l'élève d'accumuler des points donnant accès au réseau public pour une personne, ses proches et ses descendants.

Pour faire une histoire courte, on se rend bien compte que le gouvernement libéral propose une sélection par l'argent. Il donne somme toute le droit à des parents qui en ont les moyens financiers de pouvoir acheter à leurs enfants le droit à l'enseignement en anglais dans le réseau public du Québec par le biais d'un passage de trois ans dans une école privée non subventionnée. Évidemment, de ce côté-ci de la Chambre, de l'Assemblée, il n'est pas question d'appuyer ce projet de loi que nous jugeons totalement inacceptable. Nous sommes 51 députés du Parti québécois à penser cela, et notre opinion est partagée par une très grande majorité de Québécois.

Lorsque le premier gouvernement du Parti québécois a adopté la loi 101 en 1977, il y avait déjà péril en la demeure en ce qui concerne l'avenir de notre langue. Le premier ministre René Lévesque et le ministre Camille Laurin ont posé un geste significatif en faisant adopter la Charte de la langue française. Cette législation a mis en place des mécanismes permettant de soutenir notre langue, qui était déjà en danger. Ce fut vrai, entre autres, pour l'affichage et la langue d'enseignement. C'était une question de respect de ce que nous sommes, de notre culture dont la base essentielle repose sur le fait que nous sommes majoritairement des francophones. Alors qu'il apparaît plus clair que jamais que la Charte de la langue française a besoin d'être dépoussiérée et renforcée, voilà que le gouvernement nous arrive avec une législation remplie de trous. Pourtant, la langue française est plus menacée que jamais, d'où l'importance de se tenir debout et de réagir avant qu'il ne soit trop tard.

**(15 h 40)**

Je l'ai dit tantôt, M. le Président, le projet de loi n° 103 est loin de faire l'unanimité. Cette législation est probablement une des plus impopulaires de l'histoire politique québécoise. C'est un projet qui ne satisfait à peu près personne, une législation frileuse qui ne règle rien en matière linguistique. Cette levée de boucliers a été affichée clairement lors de la consultation générale... et les auditions publiques qui se sont tenues à Québec, devant la commission parlementaire de la culture et de l'éducation, durant les dernières semaines. Une majorité d'intervenants ont clairement manifesté leur désaccord avec le projet de loi n° 103. Ils ont en effet été nombreux à dire que ce projet ne va pas assez loin dans la protection du français. Plusieurs témoignages vont d'ailleurs dans le sens de la position de notre formation politique, à savoir que le gouvernement libéral se doit de retirer le projet de loi n° 103 et assujettir les écoles privées non subventionnées à la Charte de la langue française.

Or, M. le Président, plusieurs mémoires déposés à la commission parlementaire de la culture et de l'éducation ont rappelé les origines historiques françaises du Québec, la lutte de ceux qui nous ont précédés, pour défendre la langue française, et les dangers qui nous guettent. On ne peut se contenter des propos d'un premier ministre canadien qui a avoué du bout des lèvres que nous sommes une nation québécoise. Les gestes concrets doivent suivre la parole. On ne peut nier la réalité. Cette réalité, c'est que nous sommes une nation minoritaire avec 2 % de parlant français en Amérique du Nord. La nation québécoise a tout un défi à relever, car elle doit survivre dans ce contexte minoritaire tout en continuant à rayonner en français en Amérique du Nord et ailleurs dans le monde. La langue française au Québec est une langue commune, publique et citoyenne. Plusieurs mémoires ont sonné l'alarme sur la situation du français au Québec lors des audiences publiques devant la commission parlementaire de la culture et de l'éducation.

Permettez-moi, M. le Président, de m'inspirer d'un mémoire présenté par la Société nationale des Québécoises et des Québécois de la région des Laurentides, qui évidemment est ma région d'origine. Leur mémoire s'intitule Vivre ensemble dans un Québec français. J'aime beaucoup ce titre, Vivre ensemble dans un Québec français, car «vivre ensemble», voilà des mots clés pour nous qui croyons à une vraie paix linguistique. La Charte de la langue française est très claire concernant les critères rendant admissible à l'enseignement en anglais au Québec. C'est en validant l'existence d'écoles passerelles que le gouvernement crée de la confusion et écarte, du revers de la main, le consensus linguistique établi, en 2002, par l'adoption unanime de la loi n° 104. La confusion a assez duré dans le dossier de la langue au Québec. Comme le souligne la société nationale des Québécois des Laurentides dans son mémoire, il faut favoriser davantage l'intégration respectueuse des immigrants à la société québécoise francophone.

Comme le précise avec beaucoup d'à-propos M. Réjean Arsenault, président de la société nationale des Québécois des Laurentides, le Québec a su, à travers son histoire, intégrer l'apport des autres cultures à la sienne. Le Québec s'est aussi préoccupé que le français, langue nationale, soit la langue de la cohésion sociale. M. le Président, je suis aussi d'accord avec M. Arsenault, qui souhaite qu'il y ait davantage d'organismes communautaires voués à l'accueil et l'intégration des immigrants. J'aimerais préciser, M. le Président, qu'il existe un groupe du genre dans ma circonscription, le comté de Prévost. Or, l'organisme s'appelle le Coffret. Il a pignon sur rue à Saint-Jérôme. Il accomplit de petites merveilles avec des moyens limités, sous le leadership de Mme Line Chaloux. Cette intégration des immigrants se fait toujours dans le respect.

Si des nuages pointaient à l'horizon pour notre langue lors de l'adoption de la loi 101 en 1977, imaginez comment le portrait a évolué 33 ans plus tard. Il s'agit d'aller faire un tour dans la région de Montréal pour comprendre qu'il y a maintenant beaucoup plus que péril en la demeure. Montréal s'anglicise à un rythme indéniable, et cette anglicisation m'apparaît comme très inquiétante. Le droit de la minorité anglophone n'a jamais été nié avec l'application de la Charte de la langue française, mais le droit collectif ne doit pas être nié non plus. On assiste présentement à un glissement de cette charte qu'on ne doit pas seulement s'assurer de protéger, mais qui a grand besoin d'être solidifiée. Il faut remettre à l'ordre les entreprises et les organismes qui contreviennent à la Charte de la langue.

L'affichage non seulement à Montréal mais dans plusieurs régions du Québec pose également problème. On peut se demander parfois si on se retrouve bel et bien dans un Québec francophone ou plutôt dans une province anglophone.

Il faut donc être vigilants. Il faut être prudents, et cela commence avec ce projet de loi n° 103. Cet appel à la prudence est partagé, entre autres, par le Conseil supérieur de la langue française. Cet organisme estime qu'il ne peut y avoir deux classes d'immigrants, soit ceux qui ont la capacité de passer à côté de la loi et ceux qui suivent la loi. C'est le principe de l'égalité des chances qui est en cause. Le Conseil supérieur de la langue française avait réagi vivement à la suite de la décision de la Cour suprême d'invalider la loi n° 104. Le principe de la cohésion sociale préoccupe également beaucoup le Conseil supérieur de la langue française lorsqu'il est question des écoles passerelles. Alors, M. le Président, dans un avis émis en mars dernier, le président du Conseil supérieur de la langue française recommandait d'adopter la ligne dure envers les fameuses écoles passerelles. Il mettait également en garde le gouvernement contre toute décision qui aurait pour effet d'ébranler le fragile équilibre linguistique forgé au fil des ans. La position du conseil rejoint d'ailleurs celle de notre parti politique.

La ministre responsable du dossier de la langue a beaucoup insisté sur le fait qu'elle se sentait mal à l'aise avec l'idée d'utiliser la clause dérogatoire parce que cela aurait pour effet de toucher aux libertés individuelles. Alors, M. le Président, je pense pourtant, sincèrement, que protéger le français au Québec n'a rien d'une attaque contre les libertés. Protéger le français consiste à défendre la collectivité québécoise.

Plusieurs voix parlent dans le même sens en disant au gouvernement de ne pas aller de l'avant avec la loi n° 103. M. Guy Dumas, celui-là même qui a été le principal fonctionnaire responsable du dossier linguistique à Québec durant 20 ans, prône l'application de la loi 101 aux écoles passerelles. Lui aussi juge qu'on fait appel à des critères bien subjectifs pour évaluer l'authenticité du parcours de l'élève, tel que prévu dans le projet de loi n° 103. La ministre responsable du dossier linguistique dit tendre la main aux partis d'opposition pour que ce projet contesté soit adopté. Que pense-t-elle toutefois de cette levée de boucliers dans l'opinion publique face à son projet? Comme l'a si bien dit la députée de Charlevoix et chef de ma formation politique, l'heure n'est pas aux compromis au sujet de la langue française au Québec. Notre position est claire et partagée par de nombreux Québécois qui en ont assez des tergiversations lorsqu'il est question de la langue d'enseignement.

Alors, M. le Président, le gouvernement doit retirer le projet de loi n° 103 et assujettir les écoles privées non subventionnées à la Charte de la langue française. J'ajouterais que l'utilisation de la clause dérogatoire évitera d'inutiles et coûteuses poursuites et contestations judiciaires. Je joins ma voix à celle de mon collègue député de Borduas lorsqu'il dit que nous allons nous ranger du côté de ceux qui prônent l'épanouissement de notre langue. Notre culture et notre langue constituent le fondement de notre identité, et nous nous devons d'être fiers de ce que nous sommes. Notre langue est riche et précieuse, mais elle est également très fragile. Il faut bien la parler. Il faut apprendre à l'écrire correctement. Vous savez, c'est presque un miracle si nous parlons encore en français au Québec. Nous sommes bien peu nombreux dans une Amérique majoritairement anglophone.

Si le français est encore bien vivant au Québec, nous le devons à ceux qui nous ont précédés, à nos ancêtres qui ont combattu les projets d'assimilation concoctés par les colonisateurs anglais. Nous sommes d'origine française, mais la conquête anglaise a évidemment mis notre avenir en péril. Les tentatives d'anglicisation et d'assimilation se sont multipliées, mais nos ancêtres ont su se tenir debout pour protéger notre langue, notre culture et nos institutions. C'est grâce à leur lutte incessante que nous avons obtenu un gouvernement responsable et que la démocratie a fini par triompher. C'est grâce à eux si nous avons un Parlement où les élus adoptent des lois en français. M. le Président, on a su faire mentir un certain lord Durham, qui nous qualifiait de peuple insignifiant et sans histoire. Il n'en demeure pas moins que le passé est garant de l'avenir et que c'est notre responsabilité d'être vigilants. Cela commence avec la promotion et la sauvegarde de notre langue.

Avec le projet de loi n° 103, nous plions les genoux. Ce compromis mis de l'avant par le gouvernement à la suite de la décision de la Cour suprême n'est pas un bon choix. Le Québec doit défendre ce qu'il est, et la protection du français doit être une priorité. Alors, M. le Président, il ne faut pas minimiser les effets de l'anglicisation qui frappe de plus en plus la région de Montréal. Il faut retrouver cette fierté de pouvoir compter sur une législation aussi capitale que la loi 101. Cette Charte de la langue française est une mesure capitale, et je suis fier d'appartenir au groupe politique qui l'a instaurée en 1977. C'est une grande loi, mais on l'a négligée au fil du temps. On ne doit donc pas affaiblir notre langue mais rendre encore plus efficace notre charte. Le gouvernement en place a des responsabilités à assumer en ce sens. De ce côté-ci de la Chambre, il apparaît clair que notre langue sera beaucoup mieux protégée le jour où le Québec pourra voler de ses propres ailes. Sortez du Québec et dites-moi où le bilinguisme fonctionne rondement ailleurs au Canada. «Nous sommes quelque chose comme un grand peuple», disait René Lévesque. Il faut juste apprendre à se faire confiance, à développer notre estime de soi et à combattre tout recul à nos acquis. Il faut savoir faire preuve de courage et il faut être audacieux.

M. le Président, je dis non aux écoles passerelles et non au projet de loi n° 103. Ce qu'il nous faut, c'est un raffermissement de notre Charte de la langue française. Au Québec, il faut arrêter de faire des compromis avec notre langue, notre culture et notre histoire. C'est l'essence même de ce que nous sommes. Il est temps de se remettre à la tâche et de se tenir droit debout. Alors, merci, M. le Président.

**(15 h 50)**

Le Vice-Président (M. Chagnon): Je vous remercie, M. le député de Prévost. Alors, j'ai comme prochain intervenant M. le député de Lévis.

M. Gilles Lehouillier

M. Lehouillier: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, bien sûr, à titre d'adjoint parlementaire à la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine, j'ai eu l'occasion d'assister à la commission parlementaire sur le projet de loi et, M. le Président, j'y suis allé avec cette phrase en tête parce que j'avais un certain nombre d'éléments à vérifier lors de cette commission parlementaire.

Donc, ma pensée est la suivante: La langue française est au coeur de l'identité québécoise et de sa spécificité en Amérique du Nord. Elle appartient à tous ceux et celles qui l'ont reçue en héritage. Elle appartient également à tous ceux et celles qui l'adoptent, à tous ceux et celles qui en font usage et qui veulent l'apprendre et la parler lorsqu'ils s'établissent au Québec. Ça, pour moi, c'était extrêmement important parce que pendant la commission, en introduction de nombreuses interventions, j'entendais des choses qui tournent autour de: C'est effrayant, on va se faire assimiler. La langue française est en perte de vitesse. Ça ne va pas bien, et c'est le drame. Évidemment, Michel C. Auger écrivait, disait, dans son carnet à Radio-Canada, le 5 février dernier: «...de tout temps, la question linguistique a été le miroir des frustrations des péquistes quand ils constatent que l'option souverainiste est en panne. Quand les péquistes ont mal à la souveraineté, ils découvrent une détérioration de la situation du français à Montréal.» Ça, c'est Michel C. Auger.

Je vous dis ça parce qu'au fond on oublie aussi les progrès qui ont été faits au niveau de la langue française et ces progrès-là, et personne ne peut enlever ces progrès-là qui ont été faits. La politique linguistique québécoise a permis de faire des progrès remarquables depuis 40 ans. Personne ne le conteste. Aucun gouvernement ne peut avoir la prétention de le contester. Ça permet de faire en sorte que 90 % des francophones de la région métropolitaine, on est loin des chiffres alarmistes, 90 % des francophones de la région métropolitaine de recensement de Montréal travaillent en français. Tiens, c'est quand même intéressant de voir ces avancées-là. On éduque en français, à l'enseignement précollégial, au moins 80 % des élèves allophones. Tiens. Curieux.

Et ça, ce sont quand même des chiffres réels. Et on a renversé les grandes tendances favorables à l'anglais, globalement. Ces tendances-là sont maintenant totalement renversées. Et ça, M. le Président, c'est quand même quelque chose d'exceptionnel parce que, quand on entend la menace pesant sur le français, il faut constater que, depuis 1971, le pourcentage d'anglophones au Québec est passé de 15 % à 11 %, c'est ça, la réalité, et que le pourcentage des francophones a grimpé de 81 % à 84 %. Ça doit être pas si mal si, en 1971... Il y a une chose qui est sûre, notre situation ne s'est pas détériorée. On s'entend tous là-dessus. Au cours des quatre dernières décennies, la proportion d'enfants vivant dans les familles où un des parents est anglophone et l'autre francophone a presque doublé. La proportion d'anglophones de langue maternelle parlant aujourd'hui le français à la maison commence aussi à porter ses fruits. De 1971 à 2006, le nombre de Québécois parlant anglais à la maison a chuté de 100 000. Par contre, pendant la même période, le nombre de Québécois qui parlent français à la maison a grimpé de 1,2 million. Alors, il doit se passer un phénomène quelque part. Je n'en sais rien, mais il faut croire qu'on n'est pas... Les personnes ayant immigré au Québec avant 1961 qui ont effectué un transfert linguistique, 74 % ont choisi l'anglais. Toutefois, les immigrants les plus récents qui ont effectué un transfert linguistique aujourd'hui, cette tendance-là de 74 % de gens qui ont choisi l'anglais avant 1971 est totalement inversée, totalement.

Alors, je voulais quand même donner ces chiffres-là pour montrer que finalement, la langue française, bien sûr ce sont des lois qu'il y a autour de ça, mais c'est aussi une question d'attitude.

Et j'ai eu la chance, imaginez-vous, d'assister aussi à la présentation des crédits de la Charte de la langue française avec ma collègue la ministre, et on constate qu'il y a une avancée de la langue française parce que le gouvernement du Québec aussi... Et j'ai dit tout d'abord dans mon introduction que la langue française appartient aux Québécois en entier. Elle n'appartient pas à un parti politique, cette langue-là, elle appartient à tous les Québécois. Et qu'est-ce qu'on a constaté pendant l'étude des crédits? C'est que les budgets dévolus à la Charte de la langue française sont tombés au plus creux, en 1996, à 18 millions. Et notre ministre de la Culture a eu l'occasion d'annoncer les gestes posés au niveau de la Charte de la langue française, des gestes concrets, puis aujourd'hui on est rendus à pas loin de 30 millions de budget consacrés à la langue française. Donc, M. le Président, quand on ajoute à ça le fait que le taux de francisation des entreprises de 50 employés et plus, ça, c'est celles qui doivent détenir un certificat de francisation, atteint un taux record de 84,7 % au 31 mars 2009, prenons des petits comparatifs, il était à 72 % au 31 mars 2003. Savez-vous à combien il était en 2000? À 69 %.

Alors, quand on parle d'avancées au niveau de la langue française, bien je pense qu'il faut tenir compte de ces éléments-là, qu'aujourd'hui 60 % des immigrants ont une connaissance du français à leur arrivée, que 27 000 d'entre eux connaissent déjà notre langue puis que pour les autres il y a eu des actions entreprises. Parce que le gouvernement ne s'est pas arrêté avec la Charte de la langue française. Mme la ministre pourrait le confirmer parce qu'elle a eu l'occasion d'en discuter. Il y a au moins trois autres ministères qui ont embarqué au niveau de la langue française, ministère de l'Immigration, ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale... Et quels ont été les résultats? Actions pour apprendre la langue française avant d'arriver au Québec, actions pour rejoindre le plus de monde, actions pour apprendre au travail et pour le travail et plus de cours, le plus souvent possible.

**(16 heures)**

Donc, ce qui se produit actuellement puis ce qu'on constate, c'est que le français est loin d'être en recul au Québec, contrairement à ce qu'on laisse entendre. Au contraire, il y a des avancées sérieuses au niveau de la langue française.

Et sur quel front on a travaillé en octobre 2008? Et je sais que Mme la ministre y tient énormément. On a travaillé sur le front des valeurs. Ces valeurs-là font en sorte... Vous le savez, on en entend un petit peu parler dans une autre commission parlementaire touchant les accommodements, le français est notre langue officielle, c'est dans nos valeurs, il y a égalité entre les hommes et les femmes, il y a séparation entre l'État et la religion. Alors, depuis le 2 février 2009, tous ceux qui s'installent au Québec signent, signent cette déclaration qui connaît... qui comprend les trois engagements suivants: le français est notre langue officielle, il y a égalité entre les hommes et les femmes, il y a séparation entre l'État et la religion. Et il n'y a eu aucun refus à ce jour. Qui plus est, qui plus est, M. le Président, on constate, comme je viens de le dire, dans les chiffres dont j'ai parlé, qu'il y a même une avancée.

Alors, je voulais juste faire cette petite introduction, M. le Président, pour indiquer qu'au-delà de ce qu'on véhicule... Puis, à un moment donné... Souvent, dans les introductions, j'ai remarqué, en commission parlementaire, qu'on disait: Mon Dieu! le français est en perte de vitesse, on va se faire assimiler, etc. Bien, les chiffres disent exactement le contraire. Au Québec, on maintient une vitalité francophone. Pourquoi? Parce qu'on a un esprit d'ouverture puis parce qu'on a la volonté ferme de faire en sorte que tous le immigrants puissent être fiers d'apprendre le français. C'est ça, notre objectif. Et ça, ce n'est pas par la coercition qu'on y arrive et ce n'est pas en brimant les droits de la personne qu'on va y arriver. Donc, M. le Président, je voulais quand même souligner ces éléments-là qui m'apparaissent extrêmement importants.

Et un autre élément, pour moi, qui est extrêmement important au niveau de la langue française, et, cette fois-ci, M. le Président, j'en viens à certains autres éléments qui ont été préconisés... Prenez, par exemple, au niveau du nouvel espace économique, quand notre premier ministre a négocié le nouvel espace économique avec la France. Vous rendez-vous compte, au niveau de la francophonie, quand on signe des arrangements de reconnaissance mutuelle de qualification, l'impact que ça a avec 22... dans 22 disciplines différentes? Et, le 27 novembre dernier, il y a eu cette entente-là pour les médecins, les pharmaciens, les dentistes, les sages-femmes. Vous rendez-vous compte de l'apport, au niveau de la collectivité francophone, que ça va avoir chez nous? C'est quand même quelque chose d'exceptionnel.

Il y a un deuxième point, M. le Président, que je voulais vérifier lors de ces audiences-là. Et je pense qu'à un moment donné, quand on regarde vraiment ce qui s'est passé... Et, moi, j'ai suivi avec grande attention les consultations publiques. J'ai retenu quand même un certain nombre d'autres éléments qui, pour moi, sont extrêmement importants. Et je tenais, M. le Président, à les partager ici. C'est qu'au fond, au fond, ce qu'on s'est rendu compte, c'est... On a eu beaucoup d'écoles anglophones qui sont venues devant nous faire des présentations. Et qu'est-ce qu'on a constaté lors des audiences? Puis ça, c'est important que la population du Québec le sache, M. le Président. Parce que, moi-même, je n'aurais jamais pensé que les écoles anglophones faisaient actuellement, au Québec et à Montréal en particulier, de tels efforts. On a constaté que les Anglo-Québécois sont en grande majorité bilingues, qu'ils envoient en grand nombre leurs enfants à l'école primaire française -- ça, on le voit de plus en plus -- ou en immersion, et qu'ils parlent très souvent français lorsqu'ils sont dans les commerces et nos institutions. Donc, ce qu'on a constaté, M. le Président... Et, moi, je l'ai constaté avec grand plaisir, et je pense que le député de Chauveau l'a souligné ce matin, hein: ça a été vraiment impressionnant de voir jusqu'à quel point les écoles anglophones font l'apprentissage de la langue française.

Et leur objectif, plusieurs écoles sont venues nous le dire, c'est de nous assurer que ceux qui étudient à l'école anglophone à Montréal vont avoir une très bonne connaissance de la langue française. Et, en passant, certaines de ces écoles ont même gagné des prix de langue française. Leurs étudiants ont même raflé des prix de langue française. Alors, c'est tout dire, M. le Président, de la situation de la langue. Et ça, je voulais quand même faire cette mise au point là, parce que la Charte de la langue française a permis cette avancée-là.

Donc, qu'est-ce qu'il fait, le projet de loi n° 103? Il maintient à peu près intégralement ce qu'il y a déjà dans la loi 101. La primauté de la langue française est non négociable, ça, c'est clair, et constitue une valeur fondamentale de la société québécoise. Par contre, le gouvernement a adopté une approche pragmatique qui empêche la création d'écoles passerelles et qui propose des règles justement pour encadrer l'accès d'un élève à une école anglaise subventionnée, privée ou publique, après qu'il ait fréquenté une école anglaise privée non subventionnée. Donc, le gouvernement, en même temps, dans ce projet de loi là, vient consolider le statut de la langue française au Québec et renforce le rôle de l'État. Le statut du français au Québec sera dorénavant inscrit dans la Charte des droits et libertés de la personne. C'est un élément, ça, qui est fondamental.

Deuxièmement élément: les exigences de la Charte de la langue française à l'endroit de l'administration des collèges et des universités ainsi que des municipalités seront accrues. Ça, quand on arrive au projet de loi n° 103, moi, en commission parlementaire, il y a un élément que j'ai voulu regarder de près, et mes questions ont souvent porté là-dessus. En septembre 1996, le 29 septembre, pour être plus précis, M. Bouchard disait: «Je ne peux [...] envisager l'hypothèse où le Parti québécois invoquerait une clause dérogatoire et mettrait de côté les droits fondamentaux de notre charte pour quelque solution que ce soit en matière linguistique, il faut [...] une autre solution.» Et au fond, en 2002 -- et vous allez voir, M. le Président, où je veux en venir -- le Parti québécois aurait pu utiliser la clause dérogatoire et soumettre les écoles privées non subventionnées de langue anglaise à la Charte de la langue française. Il ne l'a pas fait. Il n'a pas voulu fermer des écoles et entraîner des perturbations majeures dans le réseau scolaire. Pourquoi cette analyse-là n'est-elle plus bonne maintenant?

Alors, moi, ce que je me dis, M. le Président, par rapport à ça et ce que j'amenais comme question souvent en commission parlementaire, M. le Président, je disais aux gens qui déposaient des mémoires: Depuis l'adoption de la Charte de la langue française, en 1977, il a toujours été possible, au Québec, de fréquenter une école anglaise privée non subventionnée. En quoi, en quoi faut-il maintenant brimer ces droits-là? Et je pense que celui qui est venu le mieux expliquer cette situation, c'est Louis Bernard lui-même quand il a parlé de cet espace de liberté qu'il nous fallait conserver, si cher à René Lévesque, si cher à Camille Laurin également. Et cet espace de liberté là, c'est de faire en sorte de se dire: Pourquoi on irait suspendre des droits et faire en sorte qu'à un moment donné on ne puisse plus fréquenter des écoles anglaises non subventionnées? Où est le problème par rapport aux droits de la personne?

Et ça, pour moi, ça a été quelque chose de fondamental, parce qu'on s'est aperçu d'une chose aussi en commission parlementaire, c'est que, quand on posait la question aux gens et qu'on leur disait: S'il y a une solution qui permet de limiter au strict minimum, de façon très, très minimale ce passage-là, est-ce que vous êtes en faveur d'appliquer de telles solutions?, là, ce qu'on est aperçu en commission parlementaire: sauf quelques écoles, personne, personne n'était allé voir, au niveau de la réglementation, les contraintes majeures à relever pour réussir à passer d'une école anglaise non subventionnée à une école anglaise subventionnée. Au fond, quand on parle de tout le réseau des étudiants du Québec, on parle d'au-delà de 1 million de jeunes. Et, quand on parle des établissements privés non subventionnés, on touche à un total de 4 000 personnes. Ça n'a pas été dit souvent, ces chiffres-là, mais il faut quand même que la population le sache, là. On touche, grosso modo, 1 million de personnes dans nos écoles publiques puis on touche, dans les écoles anglaises non subventionnées, 4 000 personnes.

Sur ces 4 000 personnes là, l'avenir va nous démontrer, l'avenir va nous démontrer, et vous allez le voir parce qu'il y a des écoles qui l'ont testé, que très peu de personnes vont passer à travers. Parce que le parcours authentique, c'est très exigeant, dans la réglementation. Et ça, pour moi, c'est quelque chose d'extrêmement important. Et la plupart des gens qui sont venus en commission parlementaire n'avaient pas poussé cette analyse-là. Et, lorsqu'on leur disait: Si vous aviez le choix entre une solution qui limite, qui limite à peu près, je dirais, presque à 99 % ces possibilités-là, est-ce que, oui ou non, vous seriez en faveur de cette solution-là ou si vous souhaitez qu'on continue à faire en sorte qu'on utilise la clause dérogatoire puis qu'on suspende les droits de la personne? -- parce que c'est ça, l'enjeu véritable. Alors, les gens nous ont tous dit, les gens nous ont tous dit, dans une bonne partie: Bien, écoutez, c'est sûr qu'on serait prêts à regarder une solution comme ça.

**(16 h 10)**

Et c'est la raison pour laquelle M. Louis Bernard a proposé justement une solution à cet égard-là, dont le député de Chauveau faisait allusion ce matin, et qui apparaît une solution qui pourrait devenir intéressante. On verra, on n'en a pas encore discuté, on n'est pas allés plus loin encore; article par article, on verra. Mais, moi, au départ, je trouvais que c'était une position intéressante. Alors, on verra comment on pourra en disposer, mais il y aurait certainement quelque chose à faire de ce côté-là. Sauf que, pour M. Bernard, ce qui est essentiel... et c'est là notre point, c'est là qu'on se situe, nous, on se situe à un endroit où on se dit: Nous, on est un peuple d'inclusion, mais ce qu'on veut, c'est que ça se passe, chez nous, en français. Et ça, c'est clair, net et précis, on ne fait aucune concession là-dessus. Par contre, ce qu'on fait, nous, c'est qu'on a la prétention de dire qu'on ne veut pas isoler nos communautés, au Québec, et ce qu'on veut faire, c'est de faire en sorte qu'elles puissent s'intégrer et qu'elles puissent être fières d'appartenir à cette communauté francophone. Et de nombreux mémoires qui ont été déposés nous ont démontré que la Charte de la langue française permet maintenant aux anglophones, permet maintenant aux anglophones d'être fiers de notre langue française au Québec, et c'est par les mesures entreprises par la ministre, entreprises...

C'est au-delà de 100 millions que les ministères... au-delà de ce que la charte a fait. Alors, moi, je pense qu'on est passés de la parole aux actes dans les dernières années, on a doublé le budget de la Charte de la langue française, alors qu'il y a eu des coupures de 9 millions sous le Parti québécois. C'est ça, la réalité. Et la langue française va survivre dans la mesure où nous allons y croire personnellement, dans la mesure où, quand on va à Montréal, dans les restaurants, on se fait servir en français. C'est ça, la vraie game. Je m'excuse de l'expression anglaise, en passant!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lehouillier: Mais tout ça pour vous dire, M. le Président... Oui?

Le Vice-Président (M. Chagnon): Il vous reste une minute.

M. Lehouillier: Une minute? Alors, tout ça pour vous dire et pour conclure, M. le Président, que, moi, j'ai été fier de participer à cette commission parlementaire, mais j'y ai vu quand même des éléments d'une grande subtilité.

Et, moi, je suis confiant pour l'avenir parce que je trouve... je trouve, contrairement à ce que j'aurais pensé... en passant, j'avais beaucoup de préjugés, et je trouve qu'actuellement la communauté anglophone à Montréal fait des efforts inouïs d'intégration. Et je pense que le député de Chauveau en a convenu d'ailleurs, parce que je sais qu'il a... il a félicité souvent les... les écoles anglophones sur ce point de vue là.

Alors, je suis sûr que ces gens-là veulent que le Québec demeure français aujourd'hui, demeure français pour les générations futures, et qu'on fasse en sorte qu'à Montréal comme partout ailleurs au Québec nous n'avons qu'une seule langue officielle, et c'est le français. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Chagnon): Merci, M. le député de Lévis. J'inviterais maintenant M. le député de Groulx à prendre la parole.

M. René Gauvreau

M. Gauvreau: Merci, M. le Président. Dans un premier temps, suite à ce que mon collègue le député de Lévis a dit, j'étais presque d'accord avec lui, jusqu'à un certain point, et, là où nous serons tout à fait d'accord: qu'il faut souligner le courage de ceux et celles qui ont fait adopter la loi 101.

Pour ce qui est de Montréal, on peut en reparler, par contre. Quand j'étais petit, j'allais visiter ma tante, M. le Président, qui travaillait chez Eaton. Ma mère m'accompagnait, puis c'était la seule façon de la voir. On était obligés de lui parler en anglais, sinon elle perdait son emploi.

En 1977... En 1980, j'ai travaillé dans le centre-ville de Montréal, j'ai travaillé en français dans le centre-ville de Montréal, sur la rue Sainte-Catherine. Et récemment j'ai fait une aventure, j'ai osé aller au même endroit où je travaillais à l'époque, et, à l'ouest de Saint-Laurent, vous ne trouverez pas un endroit où vous ne serez pas servi en français, vous êtes servi en anglais partout, partout, y compris dans certains bureaux du gouvernement. Et voilà l'approche, voilà le progrès!

Bravo à ceux qui ont fait adopter la loi 101 et bravo aux efforts qui ont été déployés quand la loi n° 104 a été adoptée à l'unanimité. La loi n° 104, elle avait un beau projet; la Cour suprême l'a déclarée invalide. Extraordinaire! J'ai essayé de comprendre, M. le Président, ce que ça veut, dire «parcours authentique». Je suis avocat, je suis allé voir le dictionnaire: «Parcours authentique», «authentique», le sens étymologique d'«authentique», c'est «acte», «acte», un constat qu'il s'est fait quelque chose. Voilà ce que la Cour suprême demande de vérifier, constater qu'il s'est fait quelque chose. Alors là, j'avais de l'espoir; là, j'avais un espoir extraordinaire, je me suis dit: La loi n° 103 doit avoir un peu du nerf de la loi 101, quelque chose de courageux, quelque chose de clair. J'ai été extrêmement déçu quand j'ai lu, à l'article 25 puis à l'article 2 de la loi, que la réglementation, en vertu de la loi n° 103, ne sera... n'a pas l'obligation... comme tous les autres règlements adoptés par le gouvernement, n'aura pas l'obligation d'être publiée. Et là c'est quoi, la réglementation? Ce sont les critères qui seront évalués, dans certains cas individuellement, pour vérifier s'ils ont traversé ce parcours authentique.

Là, j'ai un problème. J'ai un problème, parce que, si c'est si clair que ça, si c'est si volontaire que ça, ça ne devrait pas être caché. Et voilà qu'on dit... une loi qui dit: Nous allons tout régler par règlement, nous allons tout régler par règlement, mais on ne vous dira pas comment, parce qu'on ne le publiera pas, le règlement. Il y a quelque chose de gênant là-dedans. Il y a quelque chose de gênant, puis là je vais essayer de comprendre. Je vais essayer de comprendre parce que tout à l'heure, dans quelques heures, je vais devoir expliquer à mes enfants, je vais devoir leur expliquer qu'est-ce qu'on fait ici puis comment on défend les choses.

J'ai le bonheur... j'ai le bonheur... Je suis fier de ma langue. Je suis fier d'avoir deux enfants qui en parlent trois. Je suis fier de... mais je suis encore plus fier de mes parents, de mes grands-parents, de mes arrière-grands-parents, dont certains viennent du côté... du comté de Portneuf, parmi les premiers habitants du Québec, puis je suis fier des luttes qu'ils ont faites. Et je m'attends, comme député, que mon gouvernement, qu'il soit libéral, péquiste ou n'importe quoi, ait, au niveau de la langue, une position juste, claire, incontournable, parce que nous serons, et nous sommes déjà, assimilés.

Laval, ville française, Laval, essayez d'acheter un pain en français dans le quartier Chomedey. Essayez, vous ne réussirez jamais. Le recul du français dans la région de Montréal est patent, constant et tellement clair. J'ai parlé à des amis allophones dont les enfants, qui parlent le français, m'ont dit: Le français, ce n'est pas intéressant, ce n'est pas utile au Québec. C'est ça, la réalité. C'est ça qui se dégage. Je n'ai rien contre l'inclusion, au contraire, l'inclusion intelligente, un dénominateur commun.

M. le Président, si... je vais vous raconter une histoire qui est vraie. Actuellement, il y a un nouveau mouvement d'écoles primaires au Québec, qui existe depuis quelques mois, on appelle ça les écoles Vision. Ah! les écoles Vision. Qu'est-ce que c'est, les écoles Vision? Bien, imaginez-vous donc, les écoles Vision, ce sont des écoles primaires privées qui font de... qui font de l'insertion, si on peut dire, qui font de l'assimilation en anglais. On envoie les enfants francophones dans des écoles primaires privées pour étudier en anglais. Comment ça se fait que les écoles Vision existent depuis quelque temps? Et comment ça se fait qu'elles ont pignon sur rue? Bien, certains témoins, certains observateurs disent que, c'est drôle, hein, mais les écoles Vision correspondent pas mal à la vue gouvernementale de ce qu'on doit faire avec la loi n° 103. Loi n° 103, dont la réglementation, je le répète encore, ne sera pas publique, puisqu'on y échappe avec l'article 25 de la loi.

Là, je dis: D'où ça vient, tout ça? Il faut comprendre pourquoi il y avait la loi n° 104 et pourquoi il a fallu corriger le tir. J'ai mis la main sur un document qui s'appelle Le français, une langue pour tout le monde -- Une nouvelle approche stratégique et citoyenne, rédigé par la Commission des États généraux sur la situation de l'avenir de la langue française au Québec, 2001. 2001. On va aller voir. Je vais voir à la page 24, et je vais me permettre de vous lire quelques paragraphes. À moins que vous me donniez deux heures, je vais en prendre quelques autres.

«La langue est un tel enjeu partout dans le monde que 193 États -- en 2001 -- dans 114 pays ont adopté des lois linguistiques, surtout dans la deuxième moitié du XXe siècle, afin d'aménager le plus harmonieusement possible les langues qui se parlent sur leur territoire. Lois et pratiques se conjuguent pour former des politiques linguistiques qui diffèrent toutes d'un État à l'autre, mais dont le but est généralement le même: la pérennité d'une langue par laquelle se forge une culture, le renforcement de l'identité nationale et la recherche toujours plus grande de cohésion sociale -- là, on est loin de la loi n° 103. Loin d'être un enjeu propre à la société québécoise, la langue préoccupe donc une foule de sociétés. Le Québec est le seul territoire sur le continent nord-américain où le français est la langue commune.»

**(16 h 20)**

Ce n'était pas le cas il y a 50 ans. Ce n'était pas le cas il y a 40 ans, quand on pouvait parler français facilement en Louisiane, quand on pouvait parler français dans la plupart des provinces du Canada, parce que souvenons-nous que le Canada a été développé par des francophones au départ.

Le Québec, c'est, de plus, le seul endroit, le Québec, en Amérique du Nord, où la langue française peut s'appuyer sur un État qui la protège tout en reconnaissant les droits de sa communauté québécoise d'expression anglaise et ceux des nations amérindiennes et inuite. Il ne faut donc pas se surprendre qu'en plus d'être la pierre angulaire de la politique linguistique québécoise la Charte de la langue française représente pour les Québécoises et les Québécois une loi fondamentale. Un texte de 2001, et il porte, ce texte, un chapitre complet sur la langue d'enseignement, et qui raconte quelque chose de fort intéressant, ça date même de la Deuxième Guerre mondiale: Si vous voulez convaincre un peuple de quelque chose, commencez par éduquer ses enfants. Commencez par éduquer les enfants, de façon à ce qu'ils puissent inclure... inculquer une connaissance profonde de la langue française.

Ce n'est pas le cas avec le projet de loi n° 103. Je suis déçu. Et, de ma place, j'observe souvent Mme la ministre et j'ai l'impression parfois qu'elle serait plus à l'aise de mon côté que du sien. Pourquoi? Parce qu'elle a elle-même défendu, elle a été elle-même des grandes luttes pour le maintien de la langue française et de ses acquis.

Ce n'est pas... ce n'est pas une négociation qu'il faut faire, là. Il faut maintenir le fait français dans un territoire minuscule. On n'est pas les seuls, on n'est pas les seuls. Il y a quelqu'un qui a même sorti, cette semaine, qu'écoutez... l'ONU, l'ONU pourrait être saisie de la situation. Bien là, j'ai un problème avec l'ONU, puisqu'Andorre en 1999, l'Arménie en 1993, l'Azerbaïdjan en 2002, la Catalogne en 1998, le Costa Rica en 1996, l'Écosse en 2005, l'Estonie en 1995, la Finlande en 2004, le Guatemala en 2003, l'Inde en 1967, l'Irlande en 2003, la Lettonie en 2000, le Pays basque en 1982, la Pologne en 1999, la Polynésie française en 2004, la fédération de la Russie en 2004, la Suède en 2009, la Suisse en 2009... et il faut rajouter aussi trois États américains qui actuellement protègent leur langue anglaise parce que, disent-ils, ils se font envahir par des hispanophones.

Le Nouveau-Mexique. Vous savez, au Nouveau-Mexique, vous allez être servis en espagnol. Et là les Américains commencent à dire: Oh, oh, oh! Un instant! Et ils s'inspirent de quelle loi quand ils rédigent leurs lois actuellement, les États américains? Ils s'inspirent de la loi 101, qui est une loi qui était parfaite, qui était solide, qui se tenait debout comme un chêne.

Il faut que la loi n° 103 soit égale. Il faut qu'on ait le courage, quand on réfère à un pouvoir de réglementer, il faut qu'on ait le courage de publier le règlement et non pas faire comme il est écrit à l'article 25. C'est très... Comme juriste, c'est extrêmement difficile de comprendre comment on peut gouverner par voie réglementaire, cacher et dire en même temps qu'on protège ouvertement la langue française. Ce n'est pas possible.

Il y a des dangers, il y a des dangers. Je vous ai parlé tout à l'heure des écoles Vision. Oui, effectivement, c'est un danger. Ce sont des écoles d'immersion anglaise pour jeunes enfants du primaire, et de la maternelle, et de la prématernelle, d'immersion anglaise. Quand j'ai regardé les critères, dans les différents documents qu'on nous a remis, les critères qui pourraient, s'ils étaient connus, permettre de savoir qui pourrait aller, des enfants, à l'école anglaise par la suite, j'ai compris que les écoles Vision correspondent parfaitement à cette réglementation-là, correspondent parfaitement à ce que la loi n° 103 devrait ne pas faire, des écoles passerelles.

Le maintien de la langue française passe par le maintien d'une culture qui est riche. Le Québec est un pays pluriculturel et non pas un pays multi, multiculturel. Il a un dénominateur commun, il doit être clair. On ne doit pas permettre quelque détour que ce soit. C'est une question de survie.

Si les règles applicables à une demande d'admissibilité à l'école anglaise sont si claires, alors j'invite amicalement Mme la ministre à faire en sorte que l'article 25 soit rayé du projet de loi et que tout règlement en vertu de cette loi puisse être publié, faire l'objet d'une publication, donc d'une vérification. Donc, peut-être des félicitations par la population et peut-être des récriminations par la population. C'est jouer à jeu ouvert.

On nous dit qu'il faudra passer trois ans dans une école anglophone non subventionnée avant d'avoir accès au réseau public anglophone. Les écoles Vision vont recevoir des enfants français en immersion anglaise, de la prématernelle, la première, la deuxième année, et, à la troisième ou quatrième année, ils seront admissibles au réseau anglophone. Les directeurs du mouvement des écoles Vision ne s'en cachent même pas.

Les critères. Est-ce que les critères sont objectifs ou subjectifs? Dans tel cas, est-ce que ce sera... le parcours authentique, ce sera trois ans et six mois? Est-ce que ce sera: l'enfant a passé la majorité de son temps, ou ça va être autre chose? Ce sont des critères qui sont arbitraires, qui sont subjectifs et qui vont finalement aboutir à du cas-par-cas. Bien, du cas-par-cas, dans une salle comme le salon bleu de l'Assemblée nationale, ce n'est pas possible. C'est mal réglementer. C'est mal légiférer. On demande aux citoyens du Québec... et, partout dans le monde, on demande de respecter les lois, de respecter les règlements.

Là, là, moi, je suis un citoyen, là, je veux respecter les règlements de la loi n° 103. Le premier règlement, pris en vertu de l'article 73.1 -- sur les critères, sur les critères, je vais y revenir -- de la Charte de la langue française -- je vous passe les parenthèses -- n'est pas soumis à l'obligation de publication prévue à l'article 8 de la Loi sur les règlements.

Allons voir l'article 73.1 tel que modifié: «Le gouvernement peut déterminer par règlement le cadre d'analyse suivant lequel une personne désignée en vertu de l'article 75 doit effectuer l'appréciation de la majeure partie de l'enseignement reçu qui est invoqué à l'appui d'une demande d'admissibilité...» En logique, là, on appelle ça du «non ou».

Paul-André Côté a publié un merveilleux ouvrage, M. le Président, qui s'appelle Interprétation des lois, un ouvrage de référence pour tout juriste au Québec. Tellement bon, cet ouvrage-là, M. le Président, que je peux vous citer par coeur ce qu'il disait aux pages 91 et 92 de son texte. Il y a là trois pages fort condensées sur la différence entre ce que le gouvernement peut, par règlement, faire et ce que le gouvernement doit faire.

Ici, dans la loi, article 2: «Le gouvernement peut déterminer», «peut préciser», peut suspendre, peut exiger, peut aussi exiger, peut déterminer -- par règlement, là, toujours, toujours, toujours par règlement, qui ne sera pas publicisé, là -- peut notamment, j'y arrive... mais l'établissement «doit diffuser», «tenu de procéder», «doit transmettre». Mais le ministre «peut exiger», l'Office «peut demander». Alors, mon professeur Côté, s'il avait à faire des remarques sur ce projet de loi, je l'entends tout de suite, il dirait: C'est tout et rien, absolument tout et rien.

Là, je veux prendre cinq secondes, M. le Président, pour m'adapter à l'arrivée de Mme la Présidente.

Alors, Mme la Présidente, bonjour. Alors, je vais recommencer au début. Non, non, non.

Alors, j'en étais rendu, Mme la Présidente, à la rédaction du nouvel article 73.1 de la charte. Alors, «le gouvernement peut déterminer»... je faisais référence au professeur Côté qui, dans son ouvrage Interprétation des lois, aux pages 91 et 92, disait que, quand on écrit «peut» dans un règlement ou dans une loi, on tombe dans l'arbitraire. On peut le faire, mais on n'est pas obligé de le faire. Alors, le gouvernement... Moi, j'exigerais, si j'étais au gouvernement, que le gouvernement doive déterminer. Là, on serait déjà quand même dans quelque chose de plus... de plus vertical.

Alors, «le gouvernement peut déterminer par règlement le cadre d'analyse». Le cadre d'analyse. Le coeur de la loi n° 103, c'est le règlement qui va déterminer «le cadre d'analyse suivant lequel une personne désignée en vertu de l'article 75 doit effectuer l'appréciation de la majeure partie de l'enseignement reçu qui est invoqué à l'appui d'une demande d'admissibilité fondée sur l'article 73».

**(16 h 30)**

Là, mes professeurs de français m'auraient dit: Il y a deux phrases là-dedans, là, mais on va faire semblant que c'est une seule phrase.

Alors, on demande... On dit que le gouvernement va pouvoir, si ça lui tente, arbitrairement déterminer le cadre d'analyse. Bien, le cadre d'analyse, c'est le coeur de la loi. C'est le coeur de la loi, et non seulement c'est le coeur de la loi, mais c'est le coeur de la loi... Et je le répète encore une fois parce que ça me fâche un peu, même beaucoup, passionnément, le coeur de la loi, on dit: Il va être publié par règlement qui, lui, n'aura pas à être publié. Méchante tempête en perspective quand les groupes de défense de la langue française vont prendre connaissance de cette partie de l'article 73.1. En matière de recul, «you bet»!

Alors: «Ce cadre d'analyse...» On continue à 73.1, on y va, là, on va dire, on va être vertical, on va lutter pour la langue française. «Ce cadre d'analyse peut -- encore une fois -- notamment établir des règles...» Donc, il peut établir des règles ou ne pas en établir, il n'a pas d'obligation légale d'écrite. En y pensant bien, je me dis: Peut-être que, dans deux, trois ans, on va être obligés de faire une autre commission d'enquête pour comprendre à qui ça a servi. Mais c'est une pensée que je chasse de ma tête, mais elle est tenace. Alors: «[Le] cadre d'analyse peut notamment...»«[Le] cadre d'analyse peut notamment établir des règles, des critères d'appréciation, une pondération, un seuil éliminatoire ou un seuil de passage et des principes interprétatifs.» Fort intéressant, fort intéressant, Mme la Présidente, mais c'est encore une fois un pouvoir arbitraire qui se fera en cachette dans un règlement qui ne sera pas publié en vertu de la Loi sur les règlements.

Moi, là, j'ai des attentes, je veux que ma ministre de la Culture... je veux que la ministre de la Culture soit plus autoritaire par rapport à ça, qu'elle soit plus défenderesse, comme je l'ai vue souvent faire dans une carrière précédente, défenderesse de sa langue. Moi, je suis fier d'elle si elle se tient debout puis elle va jusqu'au bout. Mais pas avec ça, il n'y a pas de bout là-dessus. C'est peut-être qu'on va aller jusqu'au bout, peut-être qu'on va se fâcher, peut-être qu'on va faire de quoi et peut-être qu'on va laisser passer les choses. On est très, très bien loin... on est très loin de la loi 101, Mme la Présidente.

Et je continue: «Le règlement peut préciser -- le règlement qui ne sera pas publié peut préciser -- dans quels cas ou à quelles conditions un enfant est présumé ou est réputé satisfaire...» Là, plus arbitraire que ça, Mme la Présidente, plus arbitraire que ça, ça ne se peut pas, on peut même faire du cas-par-cas à l'intérieur d'un processus réglementaire. Vaste programme, disait le général de Gaulle. Alors: «...à quelles conditions [...] à l'exigence d'avoir reçu la majeure partie de son enseignement en anglais au sens de l'article 73.» Fort intéressant, je reviens au principe des écoles Vision: on prend un enfant, on l'amène dans une maternelle en immersion anglaise, on le garde là deux ans, et ensuite cet enfant-là et sa fratrie pourront aller à l'école anglaise.

Alors, c'est bien évident, c'est bien évident, Mme la Présidente, que je ne peux pas être en accord avec ce projet de loi là tel que rédigé. Et je supplie ma ministre, je supplie la ministre de faire preuve d'une rigueur intellectuelle dont je sais qu'elle possède. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors, je vous remercie, M. le député de Groulx. Et je reconnais maintenant Mme la députée de Gatineau.

Mme Stéphanie Vallée

Mme Vallée: Merci, Mme la Présidente. Alors, je suis très heureuse de prendre la parole cet après-midi dans le cadre de l'adoption de principe du projet de loi n° 103 parce qu'au cours des derniers mois, au cours du dernier mois, on a, avec les collègues membres de la Commission de la culture et de l'éducation, eu la chance et l'opportunité d'écouter et d'entendre les groupes, d'entendre les interventions des citoyens qui sont venus partager avec nous leur vision de ce projet de loi là. C'est dommage que notre collègue qui a pris parole juste devant moi n'ait pas eu la chance justement d'entendre et d'écouter les groupes qui sont venus devant nous parce que ça lui aurait permis d'être un petit peu plus au fait de la loi, du projet de loi, et d'être un petit peu plus au fait aussi de la réalité que certaines écoles vivent au quotidien.

Et la participation au projet de loi, à la... pardon, à la consultation sur le projet de loi m'a permis de constater deux choses. Dans un premier temps, le projet de loi n° 103 est malheureusement méconnu par la population et surtout par nos collègues parlementaires. Nos collègues de l'opposition se sont braqués et n'ont pas pris le temps, malheureusement, d'aller en profondeur, de vraiment faire l'étude du projet de loi pour voir tout ce qu'il contient. Et ce que j'entends faire cet après-midi, c'est permettre à nos collègues de se familiariser un petit peu avec le projet de loi, avec les objectifs qui sont derrière ce projet de loi là, parce que c'est un projet de loi important pour la protection de la langue.

Dans un deuxième temps, Mme la Présidente, ce que j'ai constaté, c'est qu'il y a une méconnaissance de la réalité anglophone au Québec. Et on cultive cette méconnaissance-là et on cultive la crainte de l'autre par certains propos qui ont été véhiculés en commission parlementaire par certains membres de l'opposition. Mais c'est payant, cultiver la crainte de l'autre, parce que ça permet parfois d'attiser des tensions qui sont à la base même de notre mouvement politique. Alors, comme on l'a fait dans d'autres débats avant ce débat-ci, on utilise les tensions entre francophones et anglophones pour tenter de mousser la popularité de notre parti. Et ce n'est pas... ce n'est pas un exercice qu'on devrait faire et auquel on devrait se livrer. On devrait se livrer à un exercice beaucoup plus objectif, parce que la réalité des communautés anglophones, dans le Grand Montréal et surtout en région, n'est pas tout à fait la réalité qui nous a été décrite par nos collègues de l'opposition cet après-midi.

Alors, je vais me permettre, Mme la Présidente, justement de rétablir certains faits et peut-être, je l'espère, convaincre mes collègues de l'opposition de se joindre à nous, de travailler avec nous pour peut-être bonifier la loi lors de l'étude article par article, mais éventuellement de faire avancer la Québec, de faire grandir le Québec. Parce que c'est ça qu'on souhaite faire avec le projet de loi n° 103, c'est faire grandir le Québec. On ne peut pas toujours rester dans nos vieilles craintes, dans nos vieilles histoires et se conforter. On doit aller au-delà. Parce que le... en 2010, la situation du Québec n'est pas celle qui prévalait en 1950. Le Québec a évolué, les citoyens ont évolué, et nous devons nous adapter.

La primauté de la langue française, Mme la Présidente, c'est une valeur qui est non négociable. Et ça, c'est clair pour notre formation politique et c'est clair pour notre gouvernement. C'est vraiment le fondement de la société québécoise. Il n'y a pas de discussion là-dessus. Et le projet de loi n° 103 est très clair à cet égard. Mais, dans un dossier aussi important que le dossier de la langue, il est vraiment important, lorsqu'on fait face à une situation semblable à la situation qui s'est présentée lors du couperet qui a été le jugement de la Cour suprême, on doit se poser des questions sérieuses et on doit étudier l'ensemble des solutions qui s'offrent à nous. Le gouvernement, dans la situation des écoles passerelles, a choisi une alternative, une option qui est pragmatique. Alors, on empêche de façon très claire dans le projet de loi n° 103 la création d'écoles passerelles et on propose des règles pour encadrer l'accès de l'élève à une école anglaise subventionnée, privée ou publique, après qu'il ait fréquenté une école anglaise privée non subventionnée. Et ces règles-là sont publiques.

Parce que tout à l'heure notre collègue le député de Groulx laissait sous-entendre que le règlement n'était pas public, puis il ne savait pas comment expliquer à ses enfants ce qu'étaient le projet de loi et le règlement. Et, comme nous sommes en fin de journée et que le député de Groulx retournera à ses enfants ce soir, je l'invite à consulter le site Internet parce que le règlement, Mme la Présidente, est public depuis la publication du projet de loi, c'est-à-dire depuis le 2 juin 2010. Donc, il est faux de prétendre que le règlement n'est pas accessible. Ce règlement-là est accessible. Il est disponible pour lecture à nos enfants ou pour lecture personnelle.

**(16 h 40)**

Le gouvernement a également, à travers le projet de loi n° 103, posé un geste historique en ce que nous modifions la Charte des droits et libertés de la personne pour réaffirmer de façon très claire que le français est la langue officielle du Québec et que le français constitue un élément fondamental du patrimoine culturel et de la cohésion sociale au Québec. Ce n'est pas... Le projet de loi n° 103 n'est pas exclusivement un projet pour les écoles... visant les écoles privées non subventionnées. C'est un projet de loi qui est beaucoup plus vaste et qui s'étend à la Charte des droits et libertés. Alors, cet élément-là, malgré toutes les années au pouvoir du Parti québécois, qui se déchire la chemise pour la langue française, jamais le Parti québécois n'avait intégré cet aspect-là à la Charte des droits et libertés. Jamais. Qui y a pensé? La ministre. Alors, c'est un élément important qui réaffirme notre attachement à la langue française.

Nous avons aussi, à travers le projet de loi n° 103, un esprit d'ouverture. Mais évidemment il est hors de question, pour notre gouvernement, de modifier le projet de loi pour répondre aux demandes que l'on pourrait juger radicales, qui émergeaient de l'opposition, c'est-à-dire des demandes qui limitent les droits fondamentaux des Québécois et des Québécoises et qui, d'une certaine façon, entacheraient l'image du Québec à l'extérieur. Et ce n'est pas pour rien que les gouvernements antérieurs n'ont pas utilisé cette alternative-là. Ce n'est pas pour rien qu'en 2002 on a tenté de trouver d'autres alternatives. On n'a pas voulu, en 2002, appliquer la solution qui est préconisée aujourd'hui par le Parti québécois.

Évidemment, on est fort là-dessus, au Parti québécois, lorsqu'on est dans l'opposition, lorsqu'on est en campagne, on promet mer et monde pour la langue, pour la protection de la langue. Lorsqu'on est dans le siège du conducteur, par exemple, on est un petit peu plus prudents, parce qu'on réalise qu'on ne peut pas faire ce qu'on veut et qu'il existe, au Québec, d'autres réalités, d'autres communautés qui méritent qu'on les respecte. Et c'est deux choses que de crier haut et fort dans l'opposition et que de gouverner. Nous, Mme la Présidente, nous gouvernons. Et nous respectons l'ensemble des citoyens du Québec.

Alors, en 2001, je le disais, dans le programme même du Parti québécois, on promettait d'assujettir les écoles anglaises privées non subventionnées à la loi 101. On le promettait en 2001. En 2002, on ne l'a pas fait.

Et, moi, je reviens... J'ai trouvé extrêmement sage, extrêmement posé le témoignage de M. Bernard. Je sais que ça agace énormément nos collègues de l'opposition lorsqu'on parle du témoignage de M. Bernard. Mais, avec tout le respect, cet homme-là a traversé plusieurs époques, et c'est un témoin tout à fait objectif qui s'est adressé à la Commission de la culture et de l'éducation, un témoin extrêmement posé, qui a pu relater les faits dont il a personnellement été témoin, contrairement aux collègues de l'opposition qui déchirent leur chemise et qui n'étaient pas là au moment de l'adoption de la loi 101. M. Bernard, lui, de façon toute posée, est venu clarifier certains faits. Et il l'a fait d'une façon extrêmement correcte.

Et je crois qu'il est important... Parce que M. Bernard nous a parlé de l'espace de liberté qui avait été préservé lors de l'adoption de la loi 101. Et on s'entend que, lors de l'adoption de la loi 101, Mme la Présidente, la situation du français au Québec n'était pas celle d'aujourd'hui. La situation du français au Québec était beaucoup plus fragile à l'époque qu'elle ne l'est aujourd'hui. Je ne reviendrai pas sur les propos de mon collègue de Lévis, qui nous a vraiment dressé un portrait intéressant, tout à l'heure, de la situation, mais il nous a démontré qu'il y a eu une grande évolution depuis cette date.

Et, au moment de l'adoption de la loi 101, Mme la Présidente, M. Bernard, et je le cite: «Vous savez, la loi 101, quand... Moi, j'ai participé à l'adoption de la loi 101. C'est une entrave à la liberté des gens. La loi 101, c'est une entrave à la liberté des gens. Ça dit aux francophones: Vous n'avez pas le droit d'envoyer vos enfants à l'école anglaise. C'est quand même quelque chose de très important. Alors, quand on agit de cette façon-là, il faut agir avec le plus de réserve possible, il faut aller aussi loin que nécessaire, mais pas plus loin. Et [...] Dr Laurin, et M. Lévesque et, je [crois] dire, l'ensemble des gens, à ce moment-là, étaient tout à fait d'accord à dire que, s'il n'y [avait] pas de fonds publics, il n'y [avait] pas de justification, pour le moment[...], d'enlever la liberté de choix de la façon d'éduquer [cet enfant].»«Ses enfants», pardon.

Alors, il continue: «Mais c'est une zone de liberté qui existe à l'heure actuelle, [...] elle existe depuis la loi 101, et ça a été fait volontairement. Et [...] je me rappelle une déclaration du Dr Laurin en particulier, où il avait dit: J'attire votre attention sur le fait qu'il y a des zones de liberté qui sont préservées par la loi 101.» Et ce que nous entendons faire, Mme la Présidente, c'est, d'une certaine façon, préserver ces zones de liberté, préserver l'âme de la loi 101, et l'intérêt et les volontés qui étaient celles du législateur à l'époque. Et c'est dans cette optique-là qu'on se doit d'avancer.

Alors, Mme la Présidente, j'invite nos collègues de l'opposition à revoir leur position, à penser au témoignage de M. Bernard, à repenser aux déclarations du Dr Laurin à l'époque et à travailler en collaboration avec notre gouvernement pour faire avancer le projet de loi n° 103, pour nous permettre de modifier la Charte des droits et libertés, pour nous permettre d'intégrer dans des textes de loi cette volonté de faire de la langue française une valeur essentielle, une notion essentielle, de modifier les tests... les textes législatifs, justement pour faire rayonner davantage notre langue, et non pas d'utiliser le projet de loi n° 103 pour simplement attiser le sentiment nationaliste et tenter d'aller rechercher un électorat. On demande d'aller... de pousser la réflexion au-delà de la partisanerie. C'est cette main-là que nous vous tendons, chers collègues, cet après-midi. Faire avancer le Québec, c'est aller au-delà des intérêts partisans.

Et le ton alarmiste qui a été utilisé par nos collègues de l'opposition tout au long des audiences, tout au long des consultations et cet après-midi, évidemment c'est un ton qui n'est pas nouveau. On connaît la recette. On l'a entendue. Et on sait même... on a certains chefs de... anciens chefs du Parti québécois qui nous ont bien avisés qu'il était important d'attiser ce sentiment nationaliste là, il est important de se chicaner avec l'autre. On ne veut pas se chicaner avec l'autre. On n'a pas besoin de ça au Québec. On a besoin d'être solidaires, de se serrer les coudes et de travailler avec nos communautés anglophones. Parce que les communautés anglophones étaient présentes, elles aussi, elles font partie du peuple fondateur du Québec. Les populations... les communautés autochtones font partie des peuples fondateurs du Québec. Ils sont tout aussi Québécois que vous et moi, Mme la Présidente. On ne peut pas exclure nos communautés culturelles, on ne peut pas exclure les communautés anglophones, c'est impensable. On doit travailler en harmonie, et c'est comme ça que notre société grandira et sera plus forte au Canada et sur la scène internationale. Le repli sur soi ne nous mènera nulle part.

J'aimerais, pour rassurer les collègues de l'opposition, leur rappeler que la situation des anglophones au Québec et au Canada, ce n'est pas si alarmiste que ça. D'ailleurs, le 24 septembre dernier, on a publié les résultats d'une étude de Statistique Canada. Puis je trouve ça intéressant, parce que, tout le long des auditions, on a eu le député de Borduas qui nous a parlé des études... des statistiques et des études dont il avait été maître d'oeuvre, et il nous disait que la langue française dépérissait, et qu'on était... le peuple québécois était assimilé, et c'était terrible, c'était terrible. Je me souviens de certains collègues de la région de Montréal qui nous ont rappelé l'Acte d'Union. On a eu des leçons d'histoire extraordinaires, Mme la Présidente.

**(16 h 50)**

Par contre, on est en 2010. Puis, en 2010, quelle est la situation? Eh bien, les Anglo-Québécois sont en majorité bilingues. La plupart envoient leurs enfants à l'école primaire française ou en immersion, souvent en français, et parlent souvent en français dans les commerces ou les établissements institutionnels. Et là je sortirais de Montréal et je me promènerais en région. Et je vous invite, chers collègues de l'opposition, à venir faire un tour en Outaouais, venir rencontrer les communautés anglophones de Chelsea, les communautés anglophones de La Pêche, Wakefield, les communautés anglophones de Kazabazua, de Low. Ce sont des anglophones qui, lorsqu'ils nous interpellent, nous parlent français. Ce sont des anglophones qui sont tout à fait intégrés à la société québécoise, et ils ne menacent aucunement le fait français dans le comté de Gatineau.

Vous savez, depuis 1971, le pourcentage d'anglophones au Québec est passé de 15,9 % à 11,9 %. On n'est pas en train de se faire manger, là, puis de se faire dévorer tout rond, là. Il n'y a pas... Ce n'est pas l'invasion des méchants anglophones. Ce n'est pas ça, la situation au Québec, Mme la Présidente, malgré ce qu'on a entendu cet après-midi, malgré ce qu'on a entendu en commission parlementaire. Il faut cesser de véhiculer de telles... fausses vérités. Il faut s'en tenir aux faits. Et les faits sont ceux qui ont été rendus publics le 24 septembre dernier -- date de mon anniversaire -- et on voit également que, dans ces communautés, dans ces familles anglophones là, souvent c'est la langue française, parce qu'il y a de plus en plus de couples composés de francophones et d'anglophones, et les couples à la maison adoptent la langue française.

Alors, Mme la Présidente, j'invite nos collègues à prendre connaissance des dernières études de Statistique Canada -- oui, Statistique Canada, mais ça ne brûle pas les doigts de toucher aux études de Statistique Canada -- et ça nous permet peut-être de recentrer un petit peu le débat, et d'analyser le projet de loi n° 103 d'une façon beaucoup plus objective, et de peut-être se joindre à nous pour permettre des modifications à la Charte de la langue française qui permettront à notre langue justement de briller davantage, d'être ancrée plus solidement à l'intérieur de nos valeurs, et qui permettra au Québec de se hisser parmi les grands défenseurs de cette langue d'une façon... à l'intérieur d'un débat tout à fait correct et surtout d'un débat respectueux de l'autre, respectueux de la différence. Et c'est ça qui est très cher à mes yeux, Mme la Présidente. Alors, je vous remercie, et je vous souhaite une bonne fin de journée.

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Je vous remercie, Mme la députée de Gatineau et adjointe parlementaire au premier ministre. Je reconnais maintenant M. le député de Jonquière, porte-parole de l'opposition officielle en matière d'énergie. M. le député.

M. Sylvain Gaudreault

M. Gaudreault: Oui. Merci beaucoup, Mme la Présidente. Écoutez, j'écoutais ma collègue, et néanmoins amie députée de Gatineau, et je me faisais la réflexion, la réflexion suivante. Je pense qu'on est à peu près du même âge, Mme la Présidente -- en fait je parle de la collègue de Gatineau et moi, et elle disait qu'elle venait de célébrer son anniversaire -- je m'aperçois qu'on est à deux côtés de la Chambre, et on fait encore des discours sur la langue française, sur l'importance de préserver la langue française.

Et, quand je regarde dans l'histoire parlementaire récente, en tout cas, moi, depuis que j'ai conscience, là, depuis l'âge de cinq, six ans, disons, là, et quand je regarde mes parents, mes oncles et tantes, je m'aperçois que finalement, les débats qui avaient cours dans les années soixante-dix sur l'importance de préserver le français, de le protéger, bien, nous, on est députés d'une jeune génération et on tient encore des discours là-dessus.

Je pense que ça montre à quel point cette situation du français au Québec, et au Québec en Amérique du Nord, où nous sommes finalement une minorité de quelque 6 millions de parlant français dans une mer de 380, 400 millions d'anglophones, démontre à quel point c'est un enjeu fondamental, au Québec, qui traverse le temps, qui traverse le temps. S'il était important de débattre de l'importance de la langue française dans les années soixante-dix, ce qui a conclu... ce qui a conduit, plutôt, à l'adoption d'une loi-phare dans notre histoire, c'est-à-dire la loi 101, bien c'est encore important aujourd'hui de le faire et de rester extrêmement attentif, de rester extrêmement éveillé, de rester très soucieux et à jour sur la situation du français.

Alors, faut-il s'en réjouir ou faut-il le déplorer? Je ne veux pas me prononcer. Mais une chose est sûre, c'est que, si nous avions laissé uniquement la gestion de la langue française au Parti libéral, je ne sais pas si on en serait là encore aujourd'hui, malheureusement. Alors, ce que je veux dire par là, Mme la Présidente, c'est que, vous savez, on a adopté la loi 101 en 1977, et je pense que nous sommes rendus à une époque où on doit faire une analyse sérieuse de la situation et chercher constamment à améliorer, à garder à jour cette loi fondamentale ici, au Québec, qui est la Charte de la langue française. Il faut qu'on l'adapte. Il faut, comme parlementaires qui participons à cette évolution du Québec, que nous cherchions à l'adapter. C'est vrai sur tous les volets de la langue française, que ce soit sur la langue d'affichage, que ce soit sur la qualité du français, que ce soit évidemment dans la langue d'enseignement, la langue à l'école, et c'est là-dessus particulièrement que nous avons à réfléchir, ces jours-ci ou ces temps-ci, depuis un an, en fait, surtout, depuis le jugement de la Cour suprême, sur lequel je reviendrai tout à l'heure.

Mais, avec le projet de loi n° 103 qui nous est déposé par la ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française, c'est particulièrement sur le phénomène des écoles passerelles, particulièrement sur le phénomène de la langue d'enseignement que notre attention est attirée, Mme la Présidente. Je ne veux pas revenir sur la définition des écoles passerelles, sauf pour dire qu'avec le temps elles sont devenues, d'une certaine manière, une façon de faire indirectement ce qu'il n'était pas possible de faire directement. Et c'est pour ça que nous sommes interpellés, surtout que, comme je le disais tout à l'heure, il faut suivre l'évolution de la langue, il faut qu'on s'adapte, il faut qu'on adapte la loi 101 à l'évolution et à la situation actuelle. J'allais dire surtout qu'il y a eu une amplification, depuis la fin des années quatre-vingt-dix, une amplification, je dirais, du détournement de sens ou une amplification de l'utilisation des écoles passerelles.

Entre 1990 et 2002, on parlait d'à peu près 9 000 élèves, soit 5 % des inscriptions à l'école anglaise. Le nombre d'élèves déclarés admissibles à l'enseignement anglais grâce à un passage aux écoles privées non subventionnées est passé, Mme la Présidente, en 1998, de 628 à 1 379 en 2002. Et ça, c'est selon des données, là, du ministère de l'Éducation. La proportion de francophones de langue maternelle... de langue... la proportion de francophones, oui, de langue maternelle, donc, française déclarés admissibles sur l'ensemble des élèves admissibles à l'école anglaise est passée de 12 % en 1998 à 23 % en 2002. Alors, quand je disais, quand je dis encore puis quand je répète qu'il faut qu'on sache, comme parlementaires, suivre l'évolution de notre langue et de notre société, et chercher à adapter notre législation à cette réalité, voilà des chiffres, je pense, qui nous interpellent, qui nous parlent et qui nous forcent à faire cette adaptation.

Par contre, les étudiants de langue maternelle anglaise sont passés, en 1998, de 19,9 % à, 2002, 15,7 %. Donc, c'est inversement proportionnel par rapport aux francophones admissibles versus les anglophones. Je pense que ça pose de sérieuses questions. Finalement, tout ça pour dire que 10 % de l'ensemble des élèves qui étudient en anglais sont, si on veut, sous l'égide des écoles passerelles.

Alors, ça... ces chiffres peuvent paraître un peu laborieux, Mme la Présidente, mais je pense qu'ils sont importants à connaître. Je pense qu'ils sont importants à connaître pour l'ensemble de la population mais pour nous plus particulièrement, dans notre rôle de législateur.

**(17 heures)**

Maintenant, quand on poursuit dans ce parcours historique, dans l'histoire récente, en 2002, il y a eu l'adoption de façon consensuelle... Je pense, c'est important d'insister sur ce mot parce que, quand on touche un certain nombre de lois qui sont fondamentales à notre démocratie, à notre société, je pense que l'expression de consensus, voire même d'unanimité, est importante, que ce soit, par exemple, sur des lois qui touchent la démocratie, la Loi électorale par exemple, mais les lois plus fondamentales. Quand on dit qu'on parle d'une charte de la langue française, on n'utilise pas le mot «charte» comme n'importe quoi, c'est un mot qui a son sens. C'est un peu plus qu'une loi, c'est quelque chose qui nous interpelle plus fondamentalement dans notre identité et dans notre, je dirais, caractérisation des lois. Une charte, c'est quelque chose qui est un peu plus, c'est quelque chose qui est fondamental.

Donc, en 2002, de façon consensuelle, il y a eu l'adoption de ce qu'on a appelé, et qui est resté dans le langage, la loi n° 104. La loi n° 104 permettait de mettre... C'est-à-dire, la loi n° 104 mettait fin aux écoles privées non subventionnées comme passerelles, comme passerelles vers des écoles publiques subventionnées. C'était un pas important puis, je pense, c'était une manière aussi que les parlementaires de l'époque se sont donnée pour chercher à mitiger les dommages, comme on dit, à respecter tout le monde tout en respectant, bien sûr, les avis historiques, là, je dirais, ou la jurisprudence de la Cour suprême. En fait, la loi n° 104 amenait l'interdiction de transfert vers les écoles anglaises subventionnées après un court passage dans les écoles privées non subventionnées. Alors, c'est important de le dire, c'était justement pour mettre fin, pour stopper à cette pratique de faire indirectement ce que l'intention du législateur, j'irais jusqu'à dire, dans les années soixante-et-dix, avec l'adoption de la Charte de la langue française, interdisait de faire ou ne voulait pas permettre.

Cependant, à la suite de nombreuses contestations et de démarches judiciaires par des familles -- l'an dernier, ça fera bientôt un an -- nous avons eu à constater que la Cour suprême, comme d'habitude, penchait du même côté. La Cour suprême... Et, je pense, c'est René Lévesque qui disait ça, que la Cour suprême, c'était comme la tour de Pis, elle penche toujours du même côté. Alors, 22 octobre 2009, la Cour suprême invalidait, Mme la Présidente, la loi n° 104. Alors, d'une certaine manière, fallait-il s'en surprendre quand on sait que la Cour suprême penche toujours du même côté. Ce n'est pas mon intention ici, d'autres le feront... ou le font mieux que moi pour expliquer l'historique, la succession de décisions défavorables au Québec ou au caractère particulier du Québec qui ont été invalidées au cours des années par la Cour suprême.

C'est donc là qu'on se retrouve à la suite de cette invalidation par la Cour suprême, qui nous a donné un an pour s'ajuster du haut de son siège. C'est là que nous nous retrouvons avec le projet de loi n° 103 actuellement devant nous, à l'étude, et présenté par la ministre, et qui pose le problème des écoles passerelles en créant une nouvelle infraction pour prévenir la mise en place ou l'exploitation de telles écoles qui permettent de faire indirectement ce que la loi 101 interdit, au fond, ou voulait interdire directement.

Ça a l'air bien beau comme ça, mais, Mme la Présidente, le projet de loi n° 103, malheureusement, confirme les pires craintes que nous avions de ce côté-ci, mais qui sont partagées -- puis j'en reparlerai tout à l'heure -- par une vaste coalition ou par un nombre important, croissant même, je dirais, de groupes, ou de personnes, ou d'intervenants, ou d'acteurs, au fond, du monde social, des travailleurs au Québec. Elle légitimise, la ministre, elle légitimise, au fond, le processus des écoles passerelles. Comment? C'est qu'elle vient dire qu'on peut passer trois ans dans des écoles de langue anglaise non subventionnées avant d'avoir accès au réseau public anglophone. Jusque-là, on pourrait dire: Bien, voilà une manière de baliser. Mais elle apporte une grille de critères fort complexe allant, par exemple, sur le temps de fréquentation de l'école, la fréquentation de la famille, parents, frères, soeurs, etc., et elle apporte également dans ce processus une idée d'une accumulation de points pour donner accès à un élève au réseau public anglophone. Alors, je ne sais pas comment on pourrait appeler ces points. Est-ce que c'est des points Air Miles ou des points passerelle, des points école anglophone? Mais c'est un peu un processus de pointage. Je ne sais pas si ce sera un bulletin chiffré ou non, mais c'est un processus de pointage qui semble assez nébuleux et qui permettrait de passer à travers un genre de filtre -- on peut l'appeler comme ça -- et permettant ainsi l'accès... ou légitimant plutôt, je dirais ça, voire même légitimer l'accès aux écoles du réseau public anglophone.

Alors, l'autre chose, au fond, sur laquelle nous devons nous élever, c'est sur le fait qu'elle -- la ministre -- amène, par le projet de loi n° 103, une véritable sélection par l'argent. Et ça, c'est profondément questionnant. Ça, c'est profondément inquiétant, même, parce qu'elle vient, d'une certaine manière, légitimer la possibilité d'acheter un droit selon ce qu'elle appelle le parcours authentique. Donc, on vient créer une discrimination, au fond, par cette capacité financière d'acheter un accès à l'école non subventionnée et qui, après, selon ce processus plus ou moins vague, là, des points du parcours authentique, permet ensuite de passer au réseau d'écoles anglaises. Moi, ça me questionne profondément parce que je ne crois pas que ce sont parmi les valeurs du Québec en termes d'éducation de venir créer cette discrimination sur la base de la richesse, sur la base de l'argent. Vous savez, la ministre aime bien... Et j'entendais également les collègues du gouvernement membres du parti ministériel dire, par exemple: Il faut faire attention à la réputation du Québec au niveau international, blablabla. Mais vous savez que ça ne fait pas une très belle image non plus pour le Québec sur la scène internationale de venir, au fond, légitimer, légitimer, de venir permettre, par une loi, d'acheter un droit.

Alors ça, moi, ça me questionne, ça m'interpelle, et je ne peux accepter ça comme parlementaire qui doit viser non pas le bien de son parti, mais qui doit viser le bien commun, le bien de la collectivité, le bien de l'ensemble. Et ça, Mme la Présidente, honnêtement, c'est un point, moi, qui vient me chercher tout particulièrement, comme l'autre élément sur lequel je désire attirer votre attention et qui vient aussi, à mon sens, ternir l'image du Québec sur la scène internationale, c'est le fameux article 25 du projet de loi n° 103 où on empêche, au fond, où on retire la publication du règlement dans la Gazette officielle.

Alors, pour M. et Mme Tout-le-monde, je dirais, ou même pour nous, souvent ça peut paraître assez technique. Je ne suis pas sûr que tout le monde a comme livre de chevet la Gazette officielle. Quoique, pour s'endormir, ça pourrait aider certains, mais ce n'est pas tout le monde qui se tape la Gazette officielle à tous les jours. Mais ça reste quand même fondamental, Mme la Présidente. Pour moi, c'est une atteinte à la démocratie. C'est une atteinte à la démocratie. Et, si c'était plus, comment je pourrais dire... si c'était moins aride ou technique quand on parle de la Gazette officielle, je pense qu'effectivement ça pourrait contribuer, malheureusement, à ternir... et à éveiller même d'autres mobilisations dans notre société contre le projet de loi n° 103 parce que c'est une atteinte à la démocratie.

**(17 h 10)**

On a établi comme système... Mon collègue de Groulx y faisait référence tout à l'heure en nommant la doctrine sur le sujet, on a établi un système qui permet à la population de critiquer, de contester, d'émettre des opinions dans un délai de 45 jours à partir de la publication dans la Gazette. En tout cas, moi, je m'en suis déjà servi sur une question énergétique, l'an passé ou il y a deux ans, dans le dossier des éoliennes, je pense que c'est fondamental comme droit. Et c'est un geste qui a été posé par le gouvernement de retirer cette publication, et ça m'apparaît tout à fait inadmissible.

Alors, qu'est-ce que vous voulez, on n'a pas le choix de faire autrement, de se dire: Bien, le projet de loi n° 103 favorise qui en bout de ligne? C'est quoi, l'objectif du gouvernement là-dedans? Est-ce que c'est de favoriser le français, et le bien commun, et la population dans un souci d'ouverture, dans un souci de lutte contre, le plus possible, les injustices ou la discrimination ou est-ce que c'est un projet de loi, au fond, qui vise à satisfaire et à plaire au plus grand nombre de libéraux?

C'est la question que les gens se posent parce que, dans l'histoire récente... Et je faisais référence tout à l'heure à l'histoire des années soixante-dix avec les débats sur la langue française, la loi 101, mais l'histoire récente nous apprend aussi que les questions linguistiques ont suscité par le passé des divisions importantes dans ce parti, le parti du gouvernement. Il y a eu des démissions dans les années quatre-vingt. Ça a suscité l'émergence du Parti égalité, qui a fait élire quatre députés ici, à l'Assemblée nationale, sur la question de la loi n° 178. Je pense que ça, c'est un genre de spectre qui plane au-dessus du gouvernement et qui fait en sorte que, pour des raisons ou des considérations partisanes, il cherche à sauver la chèvre et le chou. Mais on voit bien qu'il n'y en a pas un des deux qui en profite finalement, ni la chèvre et le chou.

Là-dessus, Mme la Présidente, je voudrais terminer en vous disant que, pour nous, la solution, c'est clairement d'assujettir les écoles privées non subventionnées à la loi 101, à la Charte de la langue française. Sinon, on va venir entériner le rétablissement de la discrimination sur l'argent. On va venir en plus clore le cercueil du consensus de 2002 sur la loi n° 104, qui était important. Et ce n'est pas juste nous qui le disons, Mme la Présidente, c'est également le Conseil supérieur de la langue française. Alors, en conclusion, je vous dis que je suis d'avis, comme mes collègues de ce côté-ci de la Chambre, qu'il faut soumettre les écoles privées non subventionnées à la loi 101. Et c'est pour cette raison que nous voterons contre. Merci.

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Je vous remercie, M. le député de Jonquière. Je reconnais maintenant Mme la députée de Champlain, porte-parole de l'opposition officielle en matière de ruralité. Mme la députée.

Mme Noëlla Champagne

Mme Champagne: Merci, Mme la Présidente. Alors, Mme la Présidente, on est aujourd'hui jeudi, si je ne me trompe, il est 5 h 10, 17 h 10, et je vois que mes collègues ont, depuis plusieurs semaines, tant en commission parlementaire qu'ici, au salon bleu, aujourd'hui, débattu de ce fameux projet de loi n° 103 qui a une seule constante, là, c'est qu'il ne fait pas l'unanimité.

Or, c'est un projet de loi qui fait parler, qui a fait parler et qui va faire parler encore, et tout ça m'a amenée à un recul pour remonter jusque dans les années 1867. Et je me suis basée sur un document très fiable, un document qui reflète... qui nous fait, en fait, un portrait d'une réalité qui nous fait vivre et qui nous fait parler depuis toutes ces années, c'est de sauver cette langue, cette langue dans cette espèce d'Amérique anglophone dans laquelle on se débat depuis des années, pour ne pas dire des siècles, afin de sauver cette langue, sauver ce peuple-là qui porte cette langue-là. Or, je me suis donné la peine de relire entièrement l'avis sur l'accès à l'école anglaise à la suite du jugement de la Cour suprême du 22 octobre 2009, et cet avis provient du Conseil supérieur de la langue française. Je l'ai relu entièrement parce que, je dirais, c'est un rappel de tout le vécu du peuple québécois francophone, comme je disais tout à l'heure, dans cette terre d'Amérique, qui doit, année après année, se battre, aller en cour, aller débattre sur un droit fondamental qui est le droit de notre langue, qui est le droit de nos origines et qui est un droit fondamental.

Or, quand je revois ces grands débats -- en coupant court, vous allez voir, en 20 minutes -- je me rends compte qu'à l'exemple du Conseil supérieur de la langue française on ne peut pas le prendre séparément, dans un calcul pur et simple de: Il y a combien de francophones? Il y a combien d'anglophones? Il y a-tu plus d'élèves qui vont en anglais qu'en français en telle année? C'est erroné et c'est malheureux de regarder juste cet aspect-là, comptable, de la notion de sauver la langue française en Amérique.

Or, le Conseil supérieur de la langue française le dit très bien dans son tout début... dans son introduction, il dit même: «Il n'est pas nouveau de voir un jugement du plus haut tribunal du Canada venir limiter ou invalider une disposition d'une législation linguistique au Québec.» Ce n'est tellement pas nouveau qu'on en a pris comme une habitude depuis 1867 de se battre pour faire notre place, combattre pour gagner des petits points à la fois. Puis, en même temps, à chaque fois, il y a une petite brèche, parfois une large brèche dans laquelle un bon avocat, un bon juriste vient à bout de trouver moyen d'aller contester les lois que nous passons au Québec.

Alors, si on regarde tout ça, le Conseil supérieur de la langue française nous dit: Je dois le prendre dans le cadre de motifs sociopolitiques qui sont à l'origine, dans la plupart de nos lois et dans notre Constitution, autant au Québec qu'au Canada, des règles qui régissent l'emploi des langues en occurrence. Donc, on ne peut pas séparer morceau par morceau les raisons pour lesquelles on fait ces batailles, c'est pris dans un ensemble de situations qu'on appelle sociopolitiques, et plus politiques que moins, Mme la Présidente, vous vous en doutez.

Or, ce qu'on dit dans ce travail-là, dans cette étude-là, dans cet avis-là du Conseil supérieur de la langue française, c'est qu'en 1982, devant une situation plus explosive qu'autrement, il y a une réaction de protection qui s'est faite, et, dans cette réaction-là, vous vous rappelez, vous-mêmes probablement autant que moi, qu'il y a eu une brèche qui a été consacrée dans la pleine compétence des provinces en matière d'éducation. En 1982, quand est arrivée cette loi-là pour venir protéger supposément le français dans le Québec, la Constitution a fait qu'on a ouvert la brèche au lieu de la refermer. On a ouvert une brèche qui a fait que maintenant, quand on veut agir pour protéger la langue, bien on a toujours une petite clochette en haut, qui est du niveau fédéral, qui vient dire: Attention! tu ne peux pas agir de telle ou telle façon parce que tu viens contre des lois au niveau fédéral.

Ça montre une fois de plus, Mme la Présidente, qu'on est sous l'égide, qu'on est sous la gouverne d'un État autre que le nôtre. Et cet État-là nous le fait savoir régulièrement sans aucune réserve, puis il est basé sur des lois très solides, auxquelles nous devons nous conformer, ce qui explique encore une fois de plus, Mme la Présidente, l'importance pour le Québec de se prendre, un jour, en main totalement et d'avoir à répondre à ses propres lois, sans toujours avoir à se faire taper sur la tête, taper sur les doigts par un gouvernement supérieur.

Alors, j'ai fait, dans ma lecture, ce petit rappel et ce petit retour et je regardais qu'est-ce qui s'était passé, entre autres, en 1867, où on dit bien: Sont apparus de façon spectaculaire dans la législation, en l'occurrence dans les lois constitutionnelles du Canada... est apparu un article, l'article 163, et cet article-là, tout le monde s'en rappelle, c'est l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. Cet acte-là, là, ça a été le départ, que j'appelle, d'un contrôle de nos lois, d'un contrôle des provinces, de nous replacer... de nous dire: Regarde, vous êtes là, on reconnaît que vous avez une langue, on reconnaît que vous êtes une... peut-être pas, à l'époque, une nation, mais que vous êtes différents, puis on va l'enchâsser dans une loi. Et cette loi-là, la loi de 1867, eh bien c'est dans un contexte très juridique où on est venu nous placer correctement là où on devait être avec les règles du moment.

**(17 h 20)**

Et là les contestations ont commencé, et ça a commencé là. Depuis 1867... Je n'étais pas là à ce moment-là, vous non plus, Mme la Présidente, mais depuis ce temps-là que le Québec se bat pour garder sa place et prendre sa place dans cette Amérique-là, dans ce Canada-là, dans lequel, évidemment, la langue anglaise a une grande prédominance.

Arrive 1969 -- et ça, je trouvais ça intéressant de le rappeler -- le Québec a entrepris de légiférer sur l'emploi des langues, principalement pour consacrer la règle du libre choix de la langue de l'enseignement et l'obligation parallèle de l'enseignement du français dans le réseau anglophone. On s'est vite rendu compte qu'on était en danger. Et là il y a eu des réactions, et ça a été virulent. À l'époque, là, quand on fait un peu d'histoire -- ce que j'ai fait dans mon ancienne vie -- on se rend compte que, dès 1969, là, dès qu'on touche à la langue, il y a comme une petite explosion en quelque part, il y a comme un malaise en quelque part. Et c'est toujours des batailles qui font qu'il se développe des adversaires parfois nouveaux, et ça nous amène, nous-mêmes, aujourd'hui, Mme la Présidente, en Chambre à faire encore la bataille sur une loi que la ministre dépose. Elle est possiblement convaincue que sa loi, c'est la meilleure loi et c'est la loi qui va nous protéger, et, nous, de notre côté, on est convaincus du contraire, dont une liste, dont je vais vous faire grâce, là, de gens qui sont venus, à une majorité très forte, dire: Ça n'a pas de bon sens, cette loi-là va laisser toutes les possibilités encore d'aller se battre en cour puis de faire... en fin de compte, je vais vous dire franchement, permettre aux avocats de bien gagner leur vie, probablement.

Donc, comme en 1969 ça ne nous a pas suffi, en 1974 le gouvernement du Québec a de nouveau pris l'initiative d'une législation, une législation linguistique plus construite, plus élaborée, c'est la Loi sur les langues officielles. On va l'appeler la loi 22. Tout le monde s'en rappelle, 1974, j'étais là, là, moi-même. Alors, le français devenait la langue officielle au Québec, il devenait obligatoire dans l'affichage. On parlait de francisation et de langue du travail dans les entreprises. Et désormais, pour accéder au réseau d'enseignement en anglais, il fallait que l'enfant ait une connaissance suffisante de cette langue. Là, on parle bien de 1974, Mme la Présidente. C'est un petit rappel. Là, on conteste une loi, mais c'est parce qu'il y a un vécu avant, il y a un rappel avant. Il s'est passé des choses depuis 1867, et particulièrement depuis 1969. Alors, ça a marqué un progrès dans la démonstration d'une volonté politique et aussi symbolique d'intervenir pour la pérennité du français au Québec.

Cette loi a connu des problèmes importants de mise en oeuvre, principalement pour des raisons méthodologiques. Le critère de la connaissance personnelle de l'anglais par l'enfant menait à une vérification individuelle auprès des enfants eux-mêmes, vérification qui pourrait apparaître, sous certains aspects, excessivement odieuse. Alors, en 1977, on a dit: Parfait, on va corriger ça. Vous voyez les étapes, là, il y a même... Entre deux, il y a une centaine d'années qui s'est passée, là. En 1977, tirant les leçons de cette loi 22, le gouvernement du Québec fait adopter la Charte de la langue française, et tout le monde se rappelle la fameuse loi 101, loi qu'on devrait appliquer intelligemment et correctement, qui nous éviterait des problèmes, évidemment.

Alors, dans sa première version, cette loi-là remettait en question le statut officiellement bilingue de la législation provinciale. On ne voulait plus de ce bilinguisme-là au Québec, on l'a dit. Ce fut l'objet d'une première contestation judiciaire, et le Québec a dû revenir à la lettre et à l'esprit de l'article 133 de la loi de 1867. Donc, en 1977, le débat a été houleux, je vais même dire peut-être orageux à certains moments pour ceux qui, à l'époque, suivaient un peu ces débats-là, et on a dû continuer à faire cette fameuse bataille là jusqu'en 1982.

Et, 1982, vous savez qu'est-ce qui s'est passé, on venait de passer en 1980 avec le premier référendum, il y avait une inquiétude d'échapper le Québec du joug fédéral. Alors là, on a resserré terriblement, à ce point qu'on a resserré que -- ce que je vous disais tout à l'heure, et j'y reviens -- c'est là qu'on se rend compte qu'il y a une brèche qui a été installée depuis ce temps-là dans la pleine compétence des provinces en matière d'éducation.

Et j'entends souvent, même mes collègues de l'autre côté de la Chambre, Mme la Présidente, défendre l'autonomie du Québec dans plusieurs domaines, le défendre, se battre... Comme, ce matin, on l'a fait en Chambre, hein, débattre pour qu'on obtienne des... je ne dirais pas des faveurs, je hais le mot, là, mais pour qu'on obtienne nos droits, hein, de respecter des ententes fédérales-provinciales sur des programmes d'infrastructures. Parce qu'on se rend compte que ça n'a pas de bon sens, que, parfois, des lois s'appliquent avec tellement un manque de jugement que l'on vient dire, entre autres -- et je fais la petite parenthèse -- à des municipalités: Regarde, tu n'as pas fait les travaux, ce n'est pas notre problème, tu n'auras pas l'argent, donc tu repasseras. Or, on est toujours en train de se battre avec le fédéral parce qu'il faut aller faire des ententes qui sont plus ou moins respectées. Or, sur la langue, Mme la Présidente, c'est absolument essentiel, il y va de notre survie, il y va de notre survie comme peuple.

Personnellement, Mme la Présidente, je vais vous dire, tous ces débats-là depuis 1867, je ne les ai pas tous faits. Mais, depuis les années soixante-dix, je les ai vécus. Je les ai vécus depuis 1970, particulièrement depuis 1977. Je les ai vécus de l'intérieur, et non dans mon comté. Le comté de Champlain, dans la région de Trois-Rivières, on n'a pas de problème avec la langue française, on ne le ressent pas, on n'est pas touchés par ça. Mais nous sommes des parlementaires, nous nous devons d'être aux aguets, nous nous devons d'être attentifs à ce qui se passe ailleurs. Et j'ai entendu, là, depuis 15 heures, cet après-midi, là, certains collègues laisser voir qu'en fait il n'y en a pas, de problème, tout va bien, Madame la Marquise. Bien, il y en a qui ne sont pas sortis dernièrement. Il faudrait peut-être aller à Montréal de temps en temps puis aller voir à quel point la langue française est déficitaire, à quel point on est en manque, on est en carence de l'application de nos lois parce qu'il manque des dents. Il y a une sévérité qui ne s'est pas... il y a une règle qui ne s'est pas appliquée... ou, du moins, elle s'est appliquée de façon très, très lâche et avec beaucoup de laxisme, ce qui fait qu'aujourd'hui, bien, on fait un peu n'importe quoi.

Et, Mme la Présidente, en 2010, on est -- et on le dit avec fierté -- une province, puisqu'on est encore cela... on est une nation ouverte à d'autres nations. Je le répète, j'en suis convaincue et j'en suis consciente, même si, dans le Grand Trois-Rivières, dans mon comté et dans la région de la Mauricie, je ne vis pas l'arrivée massive d'immigrants et je n'ai pas peur que mes enfants, mes petits-enfants, demain matin, ne parlent plus le français, je suis capable de voir que Montréal, c'est une grosse partie du poumon du Québec, et je me rends compte qu'à cet endroit-là on est en train d'échapper le français, on est en train de l'échapper.

Et on n'en a rien contre ceux qui parlent une langue autre contre la nôtre, le débat qu'on fait aujourd'hui, qu'on va faire la semaine prochaine et qu'on va faire jusqu'à ce qu'on soit capable de le faire selon les règles parlementaires, ce débat-là, c'est un débat de la survie de la langue, c'est un débat sur l'importance de se donner un moyen. Suite à l'invalidation de la loi n° 104, où on se sentait un peu protégés, là, bien là, on s'est fait dire, il y a un an bientôt: Bien, c'est bien de valeur, vous êtes allés trop loin, refaites vos devoirs. Or, la ministre et son gouvernement ont refait leurs devoirs, mais, à nos yeux à nous, ne les ont pas faits suffisamment. Et le petit rappel que je viens de faire des batailles qu'on fait depuis 1867, ce n'était pas sans intention. Mon intention, c'était de faire comprendre aux collègues d'en face l'importance du débat et l'importance de le faire en... je dirais même, si possible, sans partisanerie.

Quand on a adopté la loi n° 104, Mme la Présidente, on l'a adoptée unanimement. On était tous convaincus qu'on avait raison, on était tous convaincus qu'on était dans le bon sens, puis on s'est fait claquer sur les doigts, puis, il y a un an, bien, de façon absolument révoltante, on a appris qu'il fallait recommencer le tout. Or, on s'attendait à un dépôt d'une loi, Mme la Présidente, qui aurait des dents, à un dépôt d'une loi qui viendrait resserrer de façon ferme notre droit et, si possible, ne pas permettre à une instance haute qu'on appelle une instance supposément supérieure de venir nous dicter, de venir nous dicter nos façons de faire au Québec. On est assez grands et vaccinés pour être capables de se gérer soi-même.

Or, hier, un beau hasard, dans Le Devoir -- 29 septembre, c'est bien hier, ça -- sur les écoles passerelles, Mme Josée Boileau dit Savoir reculer. Il n'y a pas de honte à reculer et à dire: Regarde, je pense que je ne suis pas dans la bonne voie, là, alors on va reculer puis on va refaire nos devoirs. Alors, cet après-midi, je demande à la ministre et à son gouvernement de reculer, de reculer sur le projet de loi n° 103, qui est un projet de loi qui vient modifier la loi de la charte française mais qui vient la modifier faiblement, qui vient ouvrir encore des brèches pour qu'on se ramasse encore devant les tribunaux puis aller débattre encore d'un droit fondamental, inaliénable qu'est le droit à notre langue.

**(17 h 30)**

Or, je fais une toute petite lecture, là, de ce que Mme Boileau disait, en y allant par raccourcis parce que je ne veux pas non plus faire de l'interprétation, elle dit: «La commission parlementaire sur le projet de loi n° 103 qui a pris fin hier aura confirmé les prédictions: il ne s'est trouvé personne, si ce n'est un réseau d'écoles privées, pour appuyer la démarche gouvernementale. Pourquoi alors aller de l'avant avec une solution bancale, qui ne tient compte ni des leçons de l'histoire, ni de la [démocratie] du Québec, ni de la latitude que donne la Constitution canadienne?»

Il faut aller vers la loi... la dérogation. On ira avec la dérogation. Appliquons la loi 101, mettons-lui des dents, et c'est comme ça qu'on va arriver à se faire respecter.

Et Mme Boileau dit ceci: «...ce projet de loi permet de s'acheter un droit, ce qui est pis que "gênant" -- c'est plus que gênant -- et bien inacceptable dans une société démocratique, et ce, même si des élèves pauvres peuvent compter sur la générosité d'oncles ou d'amis, comme l'avait curieusement indiqué [l'ancienne ministre de l'Éducation à l'époque]. D'autre part, les critères qui permettront de juger si ceux qui normalement n'y auraient pas droit peuvent quand même fréquenter l'école anglaise seront de toute évidence contestés au moindre refus. Et qui devra gérer les tensions? Le gouvernement, pas les juges.»

Alors, écoutez, Mme la Présidente, je sais qu'il me reste environ deux minutes... et on nous dit, et je cite encore Mme Boileau parce qu'hier elle a, je pense, réfléchi en même temps que moi pendant une certaine nuit et elle est arrivée avec la conclusion: «Pour que cessent les tours de passe-passe, pour s'assurer du respect [des] lois linguistiques essentielles pour le Québec, il n'y a en fait qu'une solution logique: celle d'étendre les dispositions de la loi 101 aux écoles privées non subventionnées, comme le recommande le Conseil supérieur de la langue française. Cela [va faire] sourciller le [reste du Canada], mais il n'a de toute manière que des récriminations à nous offrir. Toutefois, croire qu'un tel exercice d'affirmation collective nous clouera au pilori de la communauté internationale, comme le dit le gouvernement, [ça] relève de la fabulation. D'autant que, et il l'a déjà démontré, le premier ministre [...] a tout le talent pour expliquer à la face du monde pourquoi le Québec doit défendre ce qu'il est. C'est pourquoi, en dépit des propos ministériels, il est encore temps de reculer pour éviter de s'enliser, encore, dans des contestations juridiques éprouvantes pour notre société.»

Le Conseil supérieur de la langue le dit, Mme Boileau le traduit à sa façon, e vous ai fait un petit historique de ce qui se passe depuis 1867, cessons ces tergiversations, assurons-nous de nous protéger correctement, absolument pas contre les autres, mais se protéger soi-même afin d'éviter qu'un jour on disparaisse dans cette masse anglophone en Amérique du Nord. Merci beaucoup, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors, je vous remercie, Mme la députée de Champlain. Je reconnais maintenant Mme la députée de Taschereau, porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé et de Capitale-Nationale. Mme la députée.

Mme Agnès Maltais

Mme Maltais: Merci, Mme la Présidente. Je suis très heureuse de prendre la parole ce soir dans un débat important. C'est un débat qui revient périodiquement à l'Assemblée nationale, qui à chaque fois enflamme les passions. Pourquoi? On voit s'envoler les orateurs, les oratrices. Pourquoi? Parce que c'est un débat fondamental.

Dans quelle langue voulons-nous vivre sur ce territoire? Quelle sera la langue commune? Quelle sera la langue d'échange? Quelle sera la langue par laquelle nos enfants, dans 10, dans 20, dans 30 ans, dans 100 ans, communiqueront? Les générations qui suivent, les générations qui suivent comptent sur nous pour que ça se fasse toujours en français. Nous avons entre les mains un legs inestimable, Mme la Présidente, inestimable. Nous sommes la seule nation française d'Amérique. Nous sommes la seule nation qui porte la culture, bien sûr, de France, des Baudelaire, des Voltaire, des Zola, mais nous sommes aussi la nation de Michel Tremblay, de Louis Hamelin, de Pierre Falardeau, de gens qui croient qu'ici, sur ce territoire, a fleuri une culture exceptionnelle et que cette culture est portée par une langue, une langue belle, une langue qui est même chantée à l'extérieur du Québec par des chantres qui viennent exprimer à quel point ce qui se passe ici, sur ce territoire, est exceptionnel.

C'est pourquoi, quand nous débattons de la langue dans cette Assemblée nationale nous débattons de choses fondamentales.

Mme la Présidente, j'ai entendu, tout à l'heure, des paroles qui m'ont fait mal au coeur. Ces paroles provenaient de la députée de Gatineau. J'espère que jamais, Mme la Présidente, je ne réentendrai... Je ne pensais pas qu'en cette Assemblée nationale, dans un débat sur la langue française, j'entendrais les mots «repli sur soi». Voilà les mots qu'elle a prononcés: repli sur soi. Quand des parlementaires ici issus de la longue tradition des défenseurs de la langue française se lèvent et disent que de vouloir colmater les brèches à la loi 101 est faire du repli sur soi, je suis extrêmement désappointée, parce qu'ici, à l'Assemblée nationale, nous avons voté une loi, d'abord, la loi 101, qui est aujourd'hui saluée comme étant la loi de la paix sociale. La loi 101... Depuis qu'il y a la loi 101, c'est la paix sociale sur le territoire.

Rappelons-nous, comme l'a fait tout à l'heure ma collègue la députée...

Une voix: ...

Mme Maltais: ...de Champlain... J'avais son nom de famille à la tête. La députée de Champlain magistralement nous a rappelé les grands débats, les manifestations, ce qui s'est passé quand on a demandé un Québec français, un Montréal français. Je me rappelle aussi des terribles, terribles qualificatifs, des épithètes qui ont été lancés aux députés qui ont porté la loi 101, qui y ont cru, qui l'ont amenée ici, à l'Assemblée. Je me souviens des débats qui étaient fiévreux. Mais après, tout à coup, depuis l'adoption de la loi 101, s'est établie une paix sociale que nous saluons.

L'autre moment où, tout à coup, il y a eu ici nouveau débat sur la langue, c'est quand il y a eu... on a découvert qu'au fil du temps s'était ouverte une brèche dans la loi 101. C'était la loi. Nous avons amené la loi n° 104 à ce moment-là. La loi n° 104 était là pour colmater une brèche dans notre paix sociale. La loi n° 104 était là pour colmater une brèche dans la loi 101. De plus en plus de personnes, de jeunes s'engouffraient dans cette brèche, allaient à l'école anglaise en utilisant un subterfuge: passer par une école privée non subventionnée, s'acheter un parcours linguistique et ensuite retourner à l'école anglaise et en faire profiter toute sa descendance, toute sa descendance. C'était là le problème. Et, Mme la Présidente, vous étiez là, vous aussi. Nous avons adopté à l'unanimité la fermeture de cette brèche. Nous avons adopté à l'unanimité la loi n° 104. Nous avons cru, tous, tous les partis ici présents, que cette fermeture de cette brèche était fondamentale, était essentielle. Et c'est vraiment, vraiment en cherchant aussi à nous entendre à l'Assemblée nationale que nous sommes arrivés à la solution de la loi n° 104. Mais la Cour suprême a décidé, le Canada a décidé que le Québec, que l'Assemblée nationale du Québec n'avait pas entièrement juridiction sur son territoire, sur sa langue.

Je suis souverainiste. Je crois profondément que nous devons régler ces problèmes bâtards. Ce sont des problèmes bâtards. D'être obligé de se fier à une autre institution, à une autre assemblée pour gérer ses problèmes soi-même, c'est ridicule. C'est fondamentalement ridicule. Je suis souverainiste parce que je pense que ce type de débat est ridicule, insensé, insensé. On dit «insane» en anglais, puisqu'on parle aussi à des gens... Insensé, maladif. C'est une société qui vit dans des débats maladifs. Il est temps que cette société décide que c'est elle qui applique les lois qui sont des lois fondamentales sur son territoire.

Les lois sur la langue sont des lois fondamentales. Or, que reste-t-il devant nous, Mme la Présidente? Un seul choix. Il ne reste qu'un choix pour faire que l'Assemblée nationale exerce tous les pouvoirs sur la langue au Québec, c'est d'utiliser de son plein droit la clause dérogatoire.

Une autre personne, Mme la Présidente, devant moi, dans cette Assemblée nationale, a utilisé des mots que je ne croyais plus entendre. Je croyais que ça datait des années soixante-dix. La ministre de la Culture, qui est responsable de la langue française, a dit que les gens qui voulaient avoir affaire à la clause dérogatoire étaient de nature radicale, radicale. Radicale, moi? Je suis radicale? J'exige d'exercer mes droits. Je demande aux parlementaires qui sont ici d'exercer entièrement leurs droits, d'avoir plein pouvoir sur la langue, d'avoir plein pouvoir sur ce legs inestimable, et on les traite de radicaux.

**(17 h 40)**

Pourtant, pourtant, ce qui est étonnant, c'est que cette clause dérogatoire, elle est inscrite dans la Charte canadienne, elle existe. Pourquoi? Parce que même le Canada, ce pays voisin du nôtre, pour le mien, mais dans lequel nous sommes encore encarcanés, même le Canada considère que des assemblées nationales, que des institutions comme la nôtre, que des gens élus par leur population qui ont des choses précieuses à défendre doivent pouvoir les défendre quand c'est fondamental. La clause dérogatoire était considérée par Robert Bourassa comme un rempart pour des institutions comme la nôtre. Était-il un radical? Camille Laurin, René Lévesque, Robert Bourassa étaient-ils des radicaux? La clause dérogatoire a été instituée dans la Charte canadienne des droits et libertés pour répondre aux demandes des provinces qui disaient: Il y a des choses dont nous devons nous occuper nous-mêmes.

Alors, quand j'entends une ministre responsable de la langue française dire que les gens qui ont à coeur la défense de cette langue et qui veulent aller jusqu'au bout, pas par subterfuge, comme est la loi n° 103... Parce que la loi n° 103, c'est un subterfuge? C'est ridicule. C'est réouvrir la brèche, et on le sait tous. Et tous ceux qui font semblant qu'ils ne le savent pas... Je vais faire attention, j'ai un mot non parlementaire à la bouche. Je vois que vous me surveillez, Mme la Présidente. Mais c'est un subterfuge. La loi n° 104 réouvre la brèche, essaie de la contrôler un petit peu, comme ça, à la va-vite, à la douce, en dessous, en dessous de la couverte. Parce que la loi n° 103 qu'on nous propose, Mme la Présidente, dit bien que, pour colmater la brèche, dorénavant les gens qui vont envoyer leurs enfants à l'école privée non subventionnée en langue anglaise, ils vont devoir être là au moins trois ans s'ils veulent ensuite passer à l'autre système. Et non seulement ils vont devoir être là trois ans, ils vont être jugés... L'authenticité de leurs parcours va être jugée selon des critères.

Alors, est-ce qu'on voit ces critères dans la loi? Bien, non. Pourquoi on ne voit pas les critères dans la loi? Parce que le gouvernement a décidé de procéder par règlement. Alors, qu'est-ce que c'est qu'un règlement? Tous les parlementaires, tous les députés ici le savent bien. La loi, elle est votée devant tout le monde. Elle passe en commission parlementaire, elle est étudiée. Elle est connue face au public, et tout le monde en débat, tout le monde en discute, et les gens peuvent faire valoir leurs points de vue. Un règlement, ça se passe entre ministres assis au Conseil des ministres. C'est là que ça se discute, c'est là que ça débat. Ça s'en va à la Gazette officielle, on a 30 jours pour émettre des commentaires, et ensuite c'est décidé au Conseil des ministres, en cercle fermé.

Le problème qu'on a aussi actuellement, c'est que ce cercle fermé, c'est un Conseil des ministres qui est d'une faiblesse innommable face au grand geste qu'il a à poser pour les Québécois et les Québécoises. C'est un Conseil des ministres qui actuellement est dans un gouvernement qui est d'une faiblesse... qui n'arrive plus à gouverner et qui est soumis, et qui est soumis à la loi du nombre. On a devant nous un Parti libéral qui est tellement faible, tellement faible qu'il n'arrive plus à gouverner, un Parti libéral qui a tellement peur, tellement peur de voir partir des députés comme c'est arrivé dans les années passées, un Parti libéral qui est tellement effarouché devant la perte de son nombre de majorité qu'il n'arrive plus à prendre les décisions qui se doivent pour le bien-être collectif des Québécois et des Québécoises, un Parti libéral qui n'arrive plus à prendre les décisions pour le bien commun, un Parti libéral qui pense au parti, d'abord, à la patrie, ensuite. Ce n'est pas comme ça que j'ai été élevée. Ce n'est pas ça, les discours que j'ai entendus ici, à l'Assemblée nationale. Le parti avant la patrie, c'est ce qu'on lit dans ce projet de loi n° 104, Mme la Présidente, et... dans ce projet de loi n° 103, et c'est ce qui est... c'est ce qu'il faut dénoncer. Le Parti libéral, pour protéger son unité, brise l'unité de la patrie, et c'est ce qui est inacceptable.

Quasi tous les gens qui sont venus à l'Assemblée nationale en commission parlementaire devant la ministre de la Culture étaient, pour elle, des radicaux. C'étaient, pour elle, des radicaux. Elle les a traités de radicaux. Pourquoi? Parce qu'ils n'ont pas la même position qu'elle. La grande majorité des mémoires disait: Nous refusons cette position, nous refusons cette loi inique, nous refusons cette loi qui dit: Nous pouvons acheter des droits maintenant, qui dit: Nous acceptons cette brèche dans la loi 101.

La plupart des gens qui sont venus disaient: Allez au bout, usez de vos droits, vous êtes notre dernier rempart. C'est nous dans cette Assemblée qui un jour devrons décider. Nous n'en sommes qu'à l'adoption de principe. Nous avons le temps d'ici là de dire au gouvernement de revenir en arrière, de réfléchir. La brèche qui est ouverte avait été colmatée. Pourquoi refuser de la refermer à nouveau? Pourquoi ce manque de courage? Pourquoi y avait-il du courage dans l'opposition et qu'il n'y en a plus quand on gouverne? Parce que le nombre, le nombre de députés vous fait peur? Parce qu'il y aurait rupture de l'unité du parti? Il est important que les députés de la majorité comprennent que nous voulons absolument que le débat se termine dans l'unité à nouveau et qu'il n'y a qu'une seule voie pour que tous les Québécois et que tous les Québécoises vous applaudissent.

Il n'y a qu'une seule voie pour que les gens qui sont venus ici à nouveau respirent, retrouvent la paix sociale, et cette paix sociale, elle n'existe actuellement, de l'avis même du Conseil de la langue française, que si nous utilisons la clause dérogatoire.

Ce qui est honteux actuellement, c'est qu'on fasse croire que les gens qui veulent utiliser un droit, un pouvoir qui existe dans cette Assemblée nationale seraient des gens radicaux, des gens qui voudraient imposer des droits aux autres. Elle existe, la clause dérogatoire. Elle existe. Elle est dans la Charte canadienne des droits et libertés. On a le droit de l'utiliser. On en a le droit et le pouvoir. Et je ne peux pas voir une Assemblée nationale se menotter elle-même en s'excluant de ses propres pouvoirs. Cela va à l'encontre de tout ce qu'on m'a appris. Quand on a un droit, on a un devoir. Nous avons le devoir de protéger la langue française. Nous avons le droit d'utiliser tous les moyens pour ce faire.

C'était, Mme la Présidente, mon entrée, si je peux dire, c'était mon... j'avais besoin, Mme la Présidente, d'exprimer ces choses qui sont importantes.

Je vais pour la suite prendre les recommandations du Conseil de la langue française... Conseil supérieur de la langue française parce que ce sont les personnes qui sont justement, depuis des années, à l'écoute de la situation de la langue française, ce sont les personnes qui ont eu l'oreille de tous les gouvernements, ce sont les personnes qui ont, avec beaucoup de sagesse, beaucoup de sagesse, guidé tous les gouvernements successifs dans l'adoption des lois sur la langue. Ce conseil a été extrêmement courageux. Ce Conseil supérieur de la langue française a osé aller à l'encontre de la volonté de la ministre et a émis une véritable opinion, une vraie opinion solide, qui commence comme ceci: «Le conseil rappelle donc au gouvernement l'importance de saisir chacune des occasions qui se présenteront pour réaffirmer, régulièrement et au plus haut niveau -- Mme la ministre, au plus haut niveau -- la volonté du Québec de vivre en français ainsi que le bien-fondé et la légitimité de cette volonté; il lui demande aussi, autant que faire se peut, de faire en sorte que l'Assemblée nationale prenne des positions et des décisions unanimes -- unanimes -- dans ce dossier qui risque de remettre en question la cohésion de la société québécoise.»

Le Conseil supérieur de la langue française croit aussi, pense aussi que ne pas aller dans le sens de la protection totale de la langue française, c'est briser la paix, c'est briser la cohésion.

Et ce qui est terrible, ce qui est terriblement préoccupant, c'est que c'est une remise en cause des principes fondamentaux de cette société québécoise et que, le fragile équilibre linguistique qui nous unit, que nous avons bâti à coups de débats, à coups de discussions et à coups de lois à l'unanimité, Mme la Présidente, nous allons le voir s'effondrer. Je ne peux pas croire que, d'ici au 23 octobre, d'ici au 23 octobre, la ministre de la Culture et responsable de la Charte de la langue française réussira à nous passer à travers la gorge un projet de loi qui affaiblira la loi 101, Mme la Présidente. Je ne peux pas croire qu'on ira jusque-là.

**(17 h 50)**

Écoutons l'admonestation du Conseil supérieur de la langue française: «Le conseil recommande de ne pas s'engager -- de ne pas s'engager -- dans la solution administrative d'analyse individuelle qualitative du parcours scolaire de chaque enfant.»

On va tomber dans le subjectif. On va analyser chaque parent, chaque enfant, combien d'années. Est-ce qu'il a de... Ça n'a pas de bon sens. Et c'est surtout le fait que tout cela soit lié aux capacités financières des parents. C'est surtout que tout cela soit lié à la capacité de s'acheter un droit. Le gouvernement nous a déposé une loi qui dit: Voici comment maintenant nous allons nous baser. Il faudra avoir la capacité de s'acheter un droit. Il y a des failles immenses dans ce projet de loi. Elles remettent en question des fondements sociétaux. Encore une fois, le Conseil supérieur de la langue française nous dit: Le processus administratif qu'on devrait mettre en place ne devrait pas favoriser «de recours juridique à chaque étape du traitement d'une demande». Un avertissement: il y aura des demandes de recours juridique régulièrement. On va se ramasser en cour à toutes les années par des parents qui ne seront pas d'accord avec la décision qu'ils vont ouvrir. C'est ça. Et donc la guerre linguistique va continuer.

C'est de ça dont on vous implore. N'embarquez pas dans cette voie, ça va être l'enfer juridique, la fin de la paix linguistique.

«Le Conseil supérieur de la langue française recommande de soumettre les écoles privées non subventionnées à la Charte de la langue française.» Et pour cela il n'y a qu'une voie. Nous avons essayé toutes les voies. Nous l'avons fait à l'unanimité, de bonne foi. La loi n° 104, c'était ça, c'était la bonne foi, c'était l'unanimité, c'était se donner une dernière chance de ne pas se rendre jusqu'à la clause dérogatoire, mais la Cour suprême en a décidé autrement. Alors, nous devons maintenant assumer nos droits et assumer nos devoirs. Nous avons, un, le devoir de protéger la langue française, mais nous avons, deux, le droit, comme Assemblée nationale, de prendre tous les pouvoirs pour la protéger. Ce pouvoir, il est inscrit dans la Charte canadienne des droits. Je n'en reviens de voir des fédéralistes refuser d'utiliser la Charte canadienne des droits. Si vous ne croyez pas vous-mêmes dans les droits que vous donne le Canada, comment pouvez-vous nous convaincre un jour de faire confiance et au pays et au fédéralisme?

La clause dérogatoire, c'est un pouvoir de cette Assemblée nationale. Toute personne qui abdique ses pouvoirs, abdique ses responsabilités n'est pas digne de la confiance des gens. Abdiquer ses pouvoirs, c'est renoncer à la confiance que les gens nous ont donnée et c'est inacceptable, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Je vous remercie, Mme la députée de Taschereau. Et je reconnais maintenant pour une dernière intervention M. le député de Terrebonne et porte-parole de l'opposition officielle en matière de jeunesse.

M. Tremblay: Mme la Présidente, c'est le député de Masson.

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Masson. Excusez-moi.

M. Guillaume Tremblay

M. Tremblay: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Écoutez, tout d'abord, vous savez, Mme la Présidente, hier, j'ai eu la chance d'intervenir sur un projet de loi sur les mines et j'ai eu la chance ou la... on pourrait plus appeler «le malheur» de mentionner que ce gouvernement-là manque de conviction et manque d'audace, Mme la Présidente. Mais encore aujourd'hui, encore aujourd'hui, je suis obligé de le mentionner, que ce gouvernement-là manque de courage, manque de courage, Mme la Présidente, et c'est le terme pour rester poli et employer un terme correct dans cette Assemblée.

Projet de loi n° 103. Projet de loi n° 103, Mme la Présidente. Vous savez, si aujourd'hui j'ai la chance de me lever en cette Chambre et de vous parler en français, si aujourd'hui j'ai la chance de me lever en cette Chambre et de vous parler en français, si aujourd'hui j'ai la chance de me lever en cette Chambre et pouvoir discuter dans une langue... une des seules langues qui est priorisée puis qui est gardée au niveau de l'Amérique, Mme la Présidente, c'est grâce à des gens avant moi qui ont fait un combat, des gens qui ont travaillé fort, vous savez, là, je ne suis pas obligé de commencer à tout vous faire l'histoire, Mme la Présidente, qui ont été dans les rues, qui ont été manifester... qu'on s'est fait envahir souvent, Mme la Présidente. Mais, regardez, aujourd'hui j'ai la chance et j'ai l'énergie aujourd'hui de vous dire que... Regardez, j'ai la chance de vous parler en français.

Mais, moi, Mme la Présidente, j'en suis fier de ça et j'espère qu'aujourd'hui je vais être capable de motiver mes collègues d'en face d'aller dans ce sens-là.

Vous savez, si vous regardez un petit peu en haut de vous, Mme la Présidente, vous avez un tableau ici, Mme la Présidente. Le tableau, ça s'appelle Le débat des langues. Ça a été le premier débat qui a eu lieu le 21 janvier 1973. Au cours de ce débat-là, Mme la Présidente, il y a un consensus qui a été sorti, un consensus important. Aujourd'hui, j'ai la chance, comme je vous le disais, de m'exprimer en français. Mais, 217 ans plus tard, Mme la Présidente, le 30 septembre 2010, nous sommes encore ici aujourd'hui à débattre de ces choses-là, Mme la Présidente, débattre d'une chose qui est très importante à mes yeux puis qui est très importante aux yeux de l'ensemble des Québécois. Mme la Présidente, je vous parle d'une langue que nous voulons maintenir, valoriser et surtout préserver. On est rendus à là, Mme la Présidente. On ne parle plus de l'améliorer, là, on est en train de dire de la préserver. Qu'est-ce que le gouvernement d'en face veulent faire, Mme la Présidente? Présentement, c'est de donner la chance à des générations, là. Je demande juste au gouvernement, là, de se fermer les yeux quelques instants, d'imaginer ce qui va arriver dans 10, 15, 20, 30 ans d'ici, quand il va y avoir de plus en plus des générations qui vont s'en aller dans des écoles anglaises.

Mme la Présidente, la langue française, c'est important. À nos yeux, c'est très important. On l'a toujours priorisée. Puis il faut que ce gouvernement-là... Il ne faut pas qu'il fasse l'erreur qu'ils veulent s'en aller faire, Mme la Présidente.

Le 26 août 1977, l'Assemblée nationale adoptait la loi 101, la loi 101, Mme la Présidente. Savez-vous qui qui a mis ça au monde? M. Camille Laurin. Savez-vous, il venait de mon comté, il venait de la ville de Charlemagne. C'était quelqu'un, je peux vous dire, qui a très bien servi la population du Québec, qui a travaillé très fort au niveau de la langue française, et aujourd'hui encore dans mon comté il est honoré, ils ouvrent des salles, des rues en son honneur. Mais ça, Mme la Présidente, c'est un Québécois qui s'est tenu debout, c'est un Québécois qui a eu des convictions. Et j'invite la ministre, Mme la Présidente... un jour, qu'on va pouvoir dire, dans 40, 50, 60 ans: Si, aujourd'hui, la langue française, elle est ce qu'elle est aujourd'hui, c'est grâce à la ministre. Et je n'aurai pas honte de le dire, Mme la Présidente, un jour, si la ministre met ses culottes puis qu'on favorise, puis qu'on travaille, puis qu'on priorise... Ici, au Québec, c'est en français qu'on veut que ça se fasse.

Mme la Présidente, durant les derniers jours, j'ai entendu dire... plusieurs personnes nous dire: Écoutez, le Parti québécois, c'est pratiquement du racisme. Écoutez, Mme la Présidente, est-ce que... Favoriser et maintenir une langue, comme je vous disais tantôt, que des gens ont travaillé tellement fort à garder, c'est-u du racisme, ça, Mme la Présidente? Je ne crois pas. Je ne crois pas que de dire... De garder notre culture, de vouloir garder nos valeurs d'une société comme la nôtre, bien ça fait partie des choses importantes et ça fait partie de ce que, moi, je veux donner à mes enfants puis mes futurs petits-enfants, Mme la Présidente.

Mme la Présidente, en 2002, une loi avait été adoptée ici, la loi n° 104 avait été adoptée à l'unanimité, l'unanimité. Moi, Mme la Présidente, ça va faire bientôt deux ans que je suis élu, et, lorsqu'on vote une loi à l'unanimité, c'est parce qu'il y a eu un consensus, parce qu'il y a eu un travail, je suis capable de le reconnaître, un travail de certains. Hier encore, on avait un bel exemple du leader adjoint, qui a travaillé. On a collaboré puis on a sorti de cette Chambre-là une entente, un consensus. Mais, en 2002, il y en avait eu un, consensus, Mme la Présidente. Je n'étais pas là. Je n'y étais pas, Mme la Présidente. C'est vrai, je n'étais pas là. Mais, quand j'entends qu'il y a eu un consensus en 2002, pour ma part, c'était quelque chose qui était priorisé, c'était quelque chose, qu'il y avait une entente à l'ensemble des élus, tout le monde était content, on s'en va dans cette direction-là, et c'est ça qu'on veut défendre, Mme la Présidente.

Mais aujourd'hui on a un gouvernement qui met les genoux à terre, un gouvernement qui laisse tomber le Québec, un gouvernement qui laisse tomber la langue française. De regarder aujourd'hui... je ne peux pas comprendre, Mme la Présidente, comment que le gouvernement... comment que la ministre peut être fière d'être la ministre de la langue française puis d'agir ainsi avec notre fierté d'être Québécois, notre fierté d'avoir une langue commune au Québec. Je ne peux concevoir comment qu'elle peut agir, Mme la Présidente. Mais, pour venir à cette fabuleuse loi n° 104, Mme la Présidente, qui a été votée unanimement, je le répète, cette loi a été instaurée pour quelle raison? Parce qu'avant ça rien n'empêchait un élève francophone ou allophone de fréquenter l'école privée non subventionnée de langue française... anglaise, pardonnez-moi, pour ensuite passer dans un réseau subventionné de langue anglaise, puisque les écoles privées non subventionnées ne sont pas assujetties à la Charte de la langue française. Et, je le répète, il y avait unanimité.

Mme la Présidente, ma collègue, que j'apprécie beaucoup, la députée de Taschereau, l'a si bien dit, la Cour suprême du Canada est venue ici, au Québec, se... rentre dans nos principes de base, qui nous mentionnent que, nous, ici, la langue française, c'est quelque chose d'important, pour venir nous dire que notre façon d'agir, notre façon de faire n'est pas correcte. Bien, moi, ce que j'attends d'une ministre, Mme la Présidente, d'un gouvernement qui se tient debout, ce que j'attends d'un gouvernement qui se tient debout, je le répète, qui se tient debout, ce que j'attends d'eux, c'est de faire valoir notre opinion face au gouvernement fédéral, de dire: Regardez, au Québec, nous autres...

**(18 heures)**

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): ...de vous interrompre, parce que, compte tenu de l'heure, on doit arrêter.

Je voudrais savoir, M. le député de Masson: Est-ce que vous avez terminé votre intervention? Parce que vous pouvez la reprendre à la prochaine session.

M. Tremblay: ...dans un élan, Mme la Présidente, je vais continuer la prochaine fois. Merci.

Ajournement

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Parfait. Alors, compte tenu de l'heure, les travaux de l'Assemblée sont ajournés au mardi 5 octobre 2010, à 13 h 45. Merci, et bon retour dans vos comtés respectifs.

(Fin de la séance à 18 h 1)