(Dix heures cinq minutes)
Le Président: Bonjour, Mmes, MM. les députés. Nous allons nous recueillir quelques instants.
Je vous remercie. Veuillez vous asseoir.
Alors, mes chers collègues, il me fait plaisir, aujourd'hui, de souhaiter un bon anniversaire à M. le député de Gouin.
Affaires courantes
Aux affaires courantes, aujourd'hui, il n'y a pas de déclarations ministérielles.
Présentation de projets de loi
Présentation de projets de loi. M. le leader du gouvernement.
M. Fournier: Oui, M. le Président. Je vous demanderais d'appeler l'article a, s'il vous plaît.
Projet de loi n° 92
Le Président: À l'article a du feuilleton, Mme la ministre du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs propose que l'Assemblée soit saisie du projet de loi n° 92, Loi affirmant le caractère collectif des ressources en eau et visant à renforcer leur protection. Mme la ministre du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs.
Mme Line Beauchamp
Mme Beauchamp: Merci, M. le Président. Il me fait donc plaisir de procéder au dépôt du projet de loi n° 92, Loi affirmant le caractère collectif des ressources en eau et visant à renforcer leur protection.
Ce projet de loi a d'abord pour objet de confirmer le statut juridique de l'eau: l'eau, de surface ou souterraine, constitue une ressource collective qui fait partie du patrimoine commun de la nation québécoise. Il énonce certains principes qui prennent appui sur ce statut, portant notamment sur l'accessibilité à l'eau potable ainsi que sur le devoir de prévenir les atteintes aux ressources en eau et de réparer les dommages qui peuvent leur être causés. Il institue un recours de nature civile permettant au Procureur général d'exiger la réparation de tout préjudice écologique subi par les ressources en eau, entre autres par une remise en état ou par le versement d'une indemnité financière.
Le projet de loi définit par ailleurs des règles de gouvernance de l'eau fondées sur une gestion intégrée et concertée, à l'échelle du bassin versant, ainsi que sur la prise en compte des principes de développement durable. Il prévoit les conditions dans lesquelles seront élaborés et mis en oeuvre les plans directeurs de l'eau.
Le projet de loi établit en outre un nouveau régime d'autorisation pour les prélèvements d'eau qui renforce la protection des ressources en eau. Ce nouveau régime reconnaît la nécessité de satisfaire en priorité les besoins de la population et de concilier ensuite les besoins des écosystèmes et des activités à caractère économique. Le projet de loi limite la période de validité des prélèvements d'eau à 10 ans, sauf exceptions. Il accorde au ministre et au gouvernement le pouvoir de restreindre ou de faire cesser tout prélèvement d'eau qui présente un risque sérieux pour la santé publique ou pour les écosystèmes aquatiques, sans indemnité de la part de l'État.
Le projet de loi pourvoit également à la mise en oeuvre, au Québec, de l'Entente sur les ressources en eaux durables du bassin des Grands Lacs et du fleuve Saint-Laurent. Il interdit de transférer hors du bassin du fleuve Saint-Laurent de l'eau qui y est prélevée, sauf exceptions. Par ailleurs, les prélèvements nouveaux ou l'augmentation des prélèvements existants dans ce bassin seront aussi soumis, dans les conditions définies par la loi, à de nouvelles règles destinées à renforcer la protection et la gestion des ressources en eau.
De plus, le projet de loi intègre dans la Loi sur la qualité de l'environnement l'interdiction des transferts d'eau hors Québec qui se trouve dans la Loi visant la préservation des ressources en eau.
Enfin, le projet de loi énonce des mesures transitoires applicables aux prélèvements d'eau existants. Merci, M. le Président.
Le Président: M. le leader du deuxième groupe d'opposition.
M. Gendron: Oui. M. le Président, compte tenu de l'importance du sujet, est-ce que le leader du gouvernement peut indiquer, à ce moment-ci, s'il a l'intention d'envisager de tenir des consultations sur ce projet de loi là?
n
(10 h 10)
n
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Fournier: Oui, M. le Président, il va y avoir des consultations sur le sujet. D'ailleurs, il va y avoir des propositions qui vont être acheminées aux deux groupes parlementaires de l'opposition, je crois, durant la journée d'aujourd'hui, sinon demain, mais déjà nous allons être en préparation pour une consultation à l'intersession.
Mise aux voix
Le Président: Est-ce que cette motion est adoptée?
Une voix: ...
Le Président: Vote nominal? Qu'on appelle les députés.
n
(10 h 10 ? 10 h 11)
n
Le Président: Alors, je mets aux voix la motion suivante proposant que l'Assemblée soit saisie du projet de loi n° 92, Loi affirmant le caractère collectif des ressources en eau et visant à renforcer leur protection.
Que ceux et celles qui sont en faveur de cette motion veuillent bien se lever.
La Secrétaire adjointe: M. Fournier (Châteauguay), Mme Normandeau (Bonaventure), Mme Courchesne (Fabre), Mme Jérôme-Forget (Marguerite-Bourgeoys), M. Couillard (Jean-Talon), M. Dupuis (Saint-Laurent), M. Ouimet (Marquette), M. Paquet (Laval-des-Rapides), M. Dubourg (Viau), Mme Charlebois (Soulanges), M. Copeman (Notre-Dame-de-Grâce), M. Marcoux (Vaudreuil), M. Whissell (Argenteuil), Mme Ménard (Laporte), M. Arcand (Mont-Royal), Mme St-Pierre (Acadie), Mme Beauchamp (Bourassa-Sauvé), M. Pelletier (Chapleau), M. MacMillan (Papineau), Mme Boulet (Laviolette), M. Lessard (Frontenac), M. Hamad (Louis-Hébert), Mme Blais (Saint-Henri?Sainte-Anne), M. Clermont (Mille-Îles), Mme Gonthier (Mégantic-Compton), M. Paradis (Brome-Missisquoi), M. Bergman (D'Arcy-McGee), Mme Thériault (Anjou), M. Gautrin (Verdun), M. Kelley (Jacques-Cartier), M. Marsan (Robert-Baldwin), Mme L'Écuyer (Pontiac), M. Tomassi (LaFontaine), M. Ouellette (Chomedey), M. Sklavounos (Laurier-Dorion), Mme Gaudreault (Hull).
M. Dumont (Rivière-du-Loup), M. Proulx (Trois-Rivières), M. Taillon (Chauveau), M. Roy (Montmagny-L'Islet), M. Camirand (Prévost), M. Grondin (Beauce-Nord), M. Caire (La Peltrie), M. Desrochers (Mirabel), M. Benoit (Montmorency), Mme Leblanc (Deux-Montagnes), M. Gosselin (Jean-Lesage), M. Roux (Arthabaska), M. Diamond (Marguerite-D'Youville), M. Deschamps (Saint-Maurice), M. De Martin (Huntingdon), M. Légaré (Vanier), M. Therrien (Terrebonne), M. Domingue (Bellechasse), M. Benjamin (Berthier), Mme Roy (Lotbinière), M. Bonnardel (Shefford), M. Merlini (Chambly), Mme Grandmont (Masson), M. Damphousse (Maskinongé), M. Francoeur (Portneuf), M. Schneeberger (Drummond), M. Beaupré (Joliette), M. Laporte (L'Assomption), Mme Méthé (Saint-Jean), M. Gingras (Blainville), Mme Lapointe (Groulx), M. Riedl (Iberville), M. L'Écuyer (Saint-Hyacinthe), M. Dorion (Nicolet-Yamaska), Mme Roy Verville (La Prairie), M. Morin (Beauce-Sud).
Mme Marois (Charlevoix), M. Gendron (Abitibi-Ouest), M. Legault (Rousseau), M. Girard (Gouin), M. Bergeron (Verchères), Mme Doyer (Matapédia), M. Lelièvre (Gaspé), M. Drainville (Marie-Victorin), Mme Dionne-Marsolais (Rosemont), Mme Maltais (Taschereau), M. Simard (Richelieu), Mme Léger (Pointe-aux-Trembles), M. Wawanoloath (Abitibi-Est), Mme Lapointe (Crémazie), M. Curzi (Borduas), Mme Malavoy (Taillon), Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve), M. Arseneau (Îles-de-la-Madeleine), M. Deslières (Beauharnois), M. Pagé (Labelle), M. Kotto (Bourget), Mme Morasse (Rouyn-Noranda? Témiscamingue), M. Ferland (Ungava), M. Gaudreault (Jonquière), M. Cousineau (Bertrand), M. Côté (Dubuc), M. Dufour (René-Lévesque), Mme Richard (Duplessis), M. Pelletier (Rimouski), M. Trottier (Roberval)...
(Applaudissements)
Le Président: MM. les députés, s'il vous plaît!
La Secrétaire adjointe: ...M. Bérubé (Matane).
Le Président: Est-ce qu'il y en a qui sont contre cette motion? Est-ce qu'il y a des abstentions? Aucune? M. le secrétaire général.
Le Secrétaire: Pour: 103
Contre: 0
Abstentions: 0
Le Président: Cette motion est adoptée. M. le leader de l'opposition officielle.
M. Proulx: Je vous demanderais d'appeler l'article e du feuilleton, s'il vous plaît.
Projet de loi n° 217
Le Président: À l'article e du feuilleton, j'ai reçu de la part du directeur de la législation le projet de loi n° 217, Loi concernant la Ville de Huntingdon. Le directeur de la législation a constaté que les avis ont été faits et publiés conformément aux règles de fonctionnement des projets de loi d'intérêt privé. Je dépose ce rapport.
Mise aux voix
En conséquence, M. le député de Huntingdon propose que l'Assemblée soit saisie du projet de loi d'intérêt privé n° 217, Loi concernant la Ville de Huntingdon. Cette motion est-elle adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Président: Adopté. M. le leader du gouvernement.
Renvoi à la Commission de
l'aménagement du territoire
M. Fournier: M. le Président, je fais motion pour que ce projet de loi soit déféré à la Commission de l'aménagement du territoire et pour que la ministre des Affaires municipales et des Régions en soit membre.
Mise aux voix
Le Président: Cette motion est-elle adoptée? Adopté.
Il n'y a pas de dépôt de documents.
Dépôt de rapports de commissions
Dépôt de rapports de commissions. Mme la présidente de la Commission des institutions et députée d'Anjou.
Étude détaillée du projet de loi n° 54
Mme Thériault: Merci, M. le Président. Je dépose le rapport de la Commission des institutions qui a siégé le 3 juin 2008 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 54, Loi modifiant la Loi sur la police et d'autres dispositions législatives. La commission a adopté le texte du projet de loi avec des amendements.
Le Président: Ce rapport est déposé. M. le vice-président de la Commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation et député de Beauce-Nord.
Étude détaillée du projet de loi n° 81
M. Grondin: M. le Président, je dépose le rapport de la Commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation qui a siégé le 4 juin afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 81, Loi portant sur la modernisation de la gouvernance de La Financière agricole du Québec. La commission a adopté le texte du projet de loi avec des amendements.
Le Président: Ce rapport est déposé.
Dépôt de pétitions
Dépôt de pétitions. M. le député de Beauce-Nord.
M. Grondin: Alors, M. le Président, je demande le consentement pour déposer l'extrait d'une pétition non conforme.
Le Président: Est-ce qu'il y a consentement? Consentement. M. le député de Beauce-Nord.
Maintenir dans sa forme actuelle la
circonscription électorale de Beauce-Nord
M. Grondin: Alors, je dépose l'extrait d'une pétition signée par 7 458 pétitionnaires. Désignation: citoyennes et citoyens de la circonscription de Beauce-Nord.
«Il n'y a pas de faits invoqués;
«L'intervention réclamée se résume ainsi:
«Nous soussignés, électeurs de la circonscription de Beauce-Nord, demandons à la Commission de la représentation électorale du Québec de maintenir dans sa forme actuelle la circonscription électorale de Beauce-Nord.»
Je certifie que cet extrait est conforme à l'original de la pétition.
Le Président: Merci, M. le député. Cet extrait de pétition est déposé.
Il n'y a pas d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège.
Questions et réponses orales
Nous en sommes maintenant à la période de questions et réponses orales. En question principale, M. le chef de l'opposition officielle.
Création de la Direction
nationale des urgences
M. Mario Dumont
M. Dumont: Oui, M. le Président. Le problème des urgences au Québec est bien connu. La gravité du problème est telle et sa récurrence est telle que l'actuel ministre de la Santé écrivait une lettre ouverte fort sentie là-dessus, à la fin des années quatre-vingt-dix, sur le retour du même problème chaque printemps. On a les chiffres aujourd'hui: 150 % à Saint-François-d'Assise; 150 % dans le Haut-Richelieu; 150 % au Suroît; dans la région de Montréal, il y a du 170 %, 165 %, 160 %. Des taux d'occupation des urgences difficilement acceptables. Les solutions, comme ça a été dit souvent ces derniers temps, les solutions sont connues: des médecins, des infirmières, plus de places en hébergement, l'organisation du travail.
Je dois dire que, dans ce contexte, l'annonce d'hier du ministre de la Santé, ça fait très peu sérieux. On fait l'historique de ça, là: au début des années 2000, il y a eu le Groupe tactique d'intervention dans les urgences, le GTI; après ça, il y a eu le Forum sur les urgences; il y a eu le Centre de coordination nationale sur les urgences; maintenant, il y a le Directeur national des urgences. Quand ça chauffe trop dans la marmite, quand les gens sont trop fatigués d'attendre, il y a une forme de capitulation par la création d'une structure, par la création temporaire de quelque chose.
Alors, ma question au ministre: C'est un secret de polichinelle qu'il veut se délester de cette charge générale de ministre de la Santé, mais il ne peut pas s'en délester morceau par morceau. Est-ce qu'il va, dans un contexte difficile, prendre les choses en charge plutôt que les délester?
n(10 h 20)nLe Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.
M. Philippe Couillard
M. Couillard: M. le Président, comme d'habitude, on a une introduction et une question qui sont très partielles et partiales à la fois, c'est la nature du débat politique. Le chef de l'opposition cite des chiffres. Est-ce qu'il a, par exemple, constaté que c'est moins 18 % dans la région de Québec, aujourd'hui? Donc, si c'est à cause du ministre qu'il y a les 160 %, est-ce que c'est grâce au ministre qu'il y a les moins 18 %? Non. Les niveaux de performance sont très variés dans nos urgences. Ici, à la région de Québec, on a presque déjà atteint la cible de 12 heures de durée maximale de séjour sur civière, et, à l'hôpital où nous étions hier...
Des voix: ...
M. Couillard: À l'hôpital où nous nous trouvions hier avec le Dr Savard, on est même au-delà de la cible, on est à deux heures de moins que la cible ministérielle. Ça veut dire qu'avec les mêmes budgets, les mêmes encadrements les hôpitaux réussissent mieux que d'autres.
Il s'agit donc de disposer d'une personne qui va agir comme facilitateur, qui va répandre ces bonnes pratiques. Le député de La Peltrie lui-même demandait qu'on répande des bonnes pratiques récemment et lui-même demandait qu'on soit à l'écoute des associations des urgentologues. Or, c'est l'Association des médecins d'urgence du Québec qui nous a demandé de créer ce poste à l'automne. Nous avons été en contact continu avec eux, nous avons choisi un de leurs candidats, d'ailleurs qui a 30 ans d'expérience dans le milieu des urgences. Il faut être un peu tordu, M. le Président, pour faire une mauvaise nouvelle de cette excellente nouvelle.
Le Président: En question complémentaire, M. le chef de l'opposition officielle.
M. Mario Dumont
M. Dumont: Oui, en réitérant notre immense respect pour le Dr Savard et son travail, est-ce qu'il ne faut pas voir aujourd'hui de la part du ministre, de la part du gouvernement un terrible constat d'échec, après cinq ans au pouvoir, après avoir promis d'éliminer ? je dis bien «d'éliminer», c'était ça, la promesse ? l'attente dans les urgences, d'arriver aujourd'hui et de faire croire à la population qu'un urgentologue seul, à temps partiel là-dedans, va régler tous les problèmes?
Ma question au ministre: Va-t-il, plutôt que de délester ses charges, prendre en charge...
Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.
M. Philippe Couillard
M. Couillard: M. le Président, je regrette, mais c'est une assez grossière déformation de dire qu'on donne au Dr Savard seul le mandat de régler le problème des urgences. C'est l'affaire de tout le monde. C'est d'abord l'affaire des établissements, de leurs équipes puis des régions, l'affaire du ministère également. Et, d'avoir une concentration des forces, ça va nous donner les mêmes résultats que pour le cancer.
Tiens, j'en profite, je pensais que le chef de l'opposition en aurait parlé ce matin, de ce titre dans la Gazette qui dit qu'on est une des trois meilleures ou des deux meilleures provinces canadiennes pour le traitement du cancer du sein actuellement, au Canada, parce qu'on a constitué une union des forces, parce qu'on a nommé à la tête de cette direction un médecin qui pratique l'oncologie en même temps qu'il gère le système de santé avec nous. C'est une bonne façon de faire, c'est la façon de faire progresser le réseau, et on va continuer.
Le Président: Dernière question complémentaire, M. le chef de l'opposition officielle.
M. Mario Dumont
M. Dumont: Après cinq années au pouvoir, le temps d'attente moyen, il était de 16 h 30 min, il est encore de 16 h 30 min, aucun progrès. Est-ce que le ministre, s'il a confiance en sa nouvelle solution, est-ce qu'il peut au moins fixer des cibles? Est-ce qu'il peut aujourd'hui, à l'Assemblée nationale, dire aux Québécois, l'automne prochain, à Noël prochain, c'est quoi qu'il veut comme diminution du temps d'attente moyen? Est-ce qu'il peut au moins fixer des cibles précises, chiffrées? Moi, j'ai l'impression qu'il n'en fixera pas parce qu'il n'a aucunement confiance à sa nouvelle solution proposée.
Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.
M. Philippe Couillard
M. Couillard: M. le Président, le dernier parti politique à faire de remontrances dans cette question, ce serait bien l'ADQ, puisque leur seule contribution concrète à ce dossier-là a été, il y a quelques années, de s'engager à faire de nouvelles unités de débordement et, au cours de la dernière campagne électorale, d'ouvrir des cliniques sans rendez-vous 24 heures par jour, ce qui est impossible, de l'avis même des médecins. Alors, de ce côté-là, encore une fois on attend les propositions concrètes.
Alors, effectivement, M. le Président, il y a des solutions qui existent, elles sont en place. Il y a des solutions qui font en sorte que ça s'améliore. La région de la Montérégie au complet, ça s'améliore. Ici, à Québec, c'est remarquable, le niveau de performance, par rapport à d'autres régions. Et donc on veut faire en sorte que ces bonnes pratiques se répandent partout. Et je crois que la constitution de cette... la nomination du Dr Savard, avec l'appui des urgentologues du Québec, c'est une remarquable nouvelle pour le système de santé.
Le Président: En question principale, M. le député de La Peltrie.
Lutte contre la toxicomanie
M. Éric Caire
M. Caire: Oui. M. le Président, le ministre de la Santé songe à ouvrir des piqueries gouvernementales. Alors, laissez-moi faire un petit condensé des actions du gouvernement en matière de santé publique. D'abord, on vous incite, quand vous êtes toxicomane, à vous trouver un «pusher» fiable, première étape. Deuxièmement, vous allez bientôt profiter du prochain PPP du gouvernement, c'est-à-dire que vous pourrez vous procurer de la drogue dans le crime organisé et venir vous l'injecter dans un endroit où on va vous fournir les seringues. Et ensuite, et ensuite, M. le Président, si vous êtes encore assez...
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît, à l'ordre! Un instant! À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre!
Des voix: ...
Le Président: Avez-vous terminé?
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît! Je vous demande votre collaboration. S'il vous plaît! M. le député de La Peltrie.
M. Caire: M. le Président, si vous êtes encore assez lucide, vous pourrez savourer une excellente cigarette de contrebande tout en sirotant un vin acquis illégalement dans une réserve hors taxes près de chez vous.
J'espère que le ministre comprend que, derrière l'ironie, il y a un constat, le constat que son gouvernement échoue lamentablement devant des problèmes énormes de santé publique qui ne bénéficient qu'au crime organisé.
Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît! Je vous demande votre collaboration. Je cède la parole à M. le ministre et j'aimerais bien l'entendre. M. le ministre.
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît! M. le député de Vanier, s'il vous plaît! M. le député de Vanier, je vous demande votre collaboration.
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît! M. le ministre de l'Emploi, la même chose pour vous. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.
M. Philippe Couillard
M. Couillard: M. le Président, c'est déjà acquis et connu, et on en voit plusieurs manifestations d'ailleurs...
Une voix: ...
Le Président: M. le député de Vanier, premier rappel à l'ordre! Premier rappel à l'ordre! Premier rappel à l'ordre!
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît! Premier rappel à l'ordre! M. le député de Vanier, si vous continuez, vous allez en avoir un deuxième. M. le ministre.
M. Couillard: Donc, je disais, M. le Président ? merci ? je disais qu'il est déjà bien acquis dans la population, et les preuves sont abondantes dans l'opinion publique, que le simplisme est associé à l'opposition officielle. À cela s'ajoute l'obscurantisme. Ce que nous avons dit hier et que je vais répéter aujourd'hui, c'est qu'il faut avoir une attitude prudente mais une attitude d'évaluation des risques et des bénéfices.
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît!
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît, à l'ordre! M. le député de Vanier, je vous donne un deuxième rappel à l'ordre. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.
M. Couillard: M. le Président, je peux poursuivre ou... Oui? Donc, les expériences internationales montrent que ces endroits peuvent avoir des bénéfices significatifs sur le plan de la santé publique, notamment dans la dissémination du HIV et d'autres maladies du même type, et permettre de récupérer les gens qu'on ne rejoint pas par d'autres façons.
De l'autre côté, il y a des risques sur le plan de l'acceptation sociale et de la perception de la population. Le rôle du gouvernement, c'est d'étudier attentivement ce qui se fait ailleurs, de ne pas se mettre d'oeillères et surtout d'être en contact étroit avec la population au moment où cette étude se fait. Nous n'avons actuellement aucun projet concret, dans nos cartons, de ce genre, M. le Président.
Le Président: En question complémentaire, M. le député de La Peltrie.
M. Éric Caire
M. Caire: M. le Président: État du phénomène de la drogue en Europe: Il faut fermer ces centres-là, Organe international de contrôle des stupéfiants, résolution 24: Il faut fermer ces maisons-là, il faut fermer ces endroits-là.
Je ne sais pas où il a pris sa littérature, mais la réalité, là, c'est que cet argent-là devrait être investi dans la prévention puis dans l'aide aux toxicomanes, là où on sert vraiment ces gens-là, là où on les aide à s'en sortir, plutôt que là où on fait des centres de suicide assisté.
Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.
M. Philippe Couillard
M. Couillard: Je dirais, M. le Président, que le niveau de méconnaissance du dossier est incroyable.
Des voix: ...
M. Couillard: Maintenant, M. le Président, je croirais, sur cette question de la lutte contre la toxicomanie, que le député nous aurait félicités pour l'annonce récente de l'extension du projet du centre Ubald-Villeneuve, à Québec, ici, qui justement fait le lien entre le centre de lutte contre la toxicomanie et les salles d'urgence de nos hôpitaux. Voilà une façon par laquelle nous luttons contre la toxicomanie.
Mais il ne faut pas être aveugle, il faut regarder correctement les expériences partout dans le monde, écouter les experts de Santé publique ? j'encourage notre collègue à rencontrer les gens de Santé publique pour avoir une revue complète de la littérature sur cette question-là ? et surtout agir avec la préoccupation double de la protection de la santé publique et de la perception de nos concitoyens et du sentiment de sécurité, qui est essentiel pour nos concitoyens.
Ceci étant dit, nous, on va continuer à étudier la question avec ouverture et non pas fermeture...
Le Président: En question principale, Mme la chef du deuxième groupe d'opposition.
Gestion du projet immobilier
de l'îlot Voyageur de l'UQAM
Mme Pauline Marois
Mme Marois: Merci, M. le Président. Après des mois de travail, le Vérificateur général en est venu à la conclusion que le gouvernement avait une large part de responsabilité dans le fiasco du projet îlot Voyageur de l'UQAM. Le Vérificateur parle du gouvernement, et ses propos sont clairs: gouvernance déficiente, manque d'encadrement, pas de suivi rigoureux, des signaux clairs qui sont pourtant ignorés. Mais, M. le Président, l'arrogance du gouvernement libéral est telle...
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît! M. le ministre du Travail, M. le député de Montmorency, je vous demande le respect du droit de parole dans cette Assemblée. S'il vous plaît! Les deux. Je m'excuse, madame, de vous avoir interrompue. Vous pouvez poursuivre.
n(10 h 30)nMme Marois: Merci, M. le Président. L'arrogance du gouvernement libéral est telle que les ministres se permettent maintenant de contredire allégrement le Vérificateur général en niant leur responsabilité, comme si tout simplement on parlait des voisins. Aujourd'hui, c'est sur l'UQAM; hier, la semaine dernière, c'était sur les hippodromes, sur l'état des finances publiques, où l'on remettait en question le point de vue du Vérificateur général. M. le Président, les libéraux peuvent bien vouloir refuser leurs torts dans tous les dossiers, qu'on parle de l'autoroute 30, des dépassements au CHUM, du mont Orford, du Suroît, mais ils pourraient au moins respecter le travail du Vérificateur général.
Est-ce que la ministre peut nous dire si, oui ou non, le mot «imputabilité» veut encore dire quelque chose, au Parti libéral? Et est-ce que, oui ou non, le gouvernement accepte les conclusions du Vérificateur général quant à la...
Le Président: Mme la ministre de l'Éducation.
Mme Michelle Courchesne
Mme Courchesne: M. le Président, le gouvernement a toujours pris au sérieux les rapports, tous les rapports du Vérificateur général, et celui de l'UQAM comme tous les autres, sauf que, M. le Président, ce que la chef de la deuxième opposition oublie de dire, c'est que le gouvernement n'a pas attendu le rapport du Vérificateur général avant d'agir. Ça, elle omet de le dire à l'Assemblée. Nous avons adopté la loi n° 44, nous avons déposé un projet de règlement pour mieux encadrer le suivi et surtout l'approbation des projets de construction universitaires. Nous avons amorcé les discussions avec les présidents et les recteurs de toutes les universités pour justement revoir en profondeur la gouvernance de nos universités, M. le Président. Ça, la chef de la deuxième opposition, elle n'en parle pas.
Mais il serait faux, M. le Président, de prétendre qu'un membre de ce gouvernement ne prend au sérieux quelconque rapport du Vérificateur général, parce qu'effectivement, dans toute société, dans toute société et dans tout travail de responsabilité... et c'est ce que nous avons démontré, que nous avions ce sens de responsabilité pour mettre en place toutes les mesures et faire en sorte qu'une telle situation ne se reproduise plus au Québec, M. le Président.
Le Président: En question complémentaire, Mme la chef du deuxième groupe d'opposition.
Mme Pauline Marois
Mme Marois: Alors, je comprends que la ministre de l'Éducation accepte les propos du Vérificateur général et accepte donc sa responsabilité dans le fiasco de l'UQAM, M. le Président. Et finalement, si elle avait des informations et si elle a agi si rapidement, pourquoi finalement n'a-t-elle pas évité le gaspillage de 104 millions de dollars qu'a connu l'UQAM dans le projet de l'îlot Voyageur, M. le Président?
Le Président: Mme la ministre de l'Éducation.
Mme Michelle Courchesne
Mme Courchesne: M. le Président, la députée de Charlevoix a une lecture incomplète du rapport du Vérificateur général, complètement incomplète ? ça ne se dit pas, hein? ? totalement incomplète. Pourquoi elle a une lecture incomplète, M. le Président? C'est que le Vérificateur général...
Des voix: ...
Le Président: Un instant. S'il vous plaît! Mme la ministre, si vous voulez poursuivre.
Mme Courchesne: Le Vérificateur général souligne à plusieurs reprises, à plusieurs reprises, à toutes les étapes, que ce soit dans le Complexe des sciences mais surtout dans le projet de l'îlot Voyageur, le Vérificateur général souligne que la direction de l'UQAM n'a pas fourni les bonnes informations...
Le Président: En terminant.
Mme Courchesne: ...a donné un contenu trompeur qui empêchait effectivement, M. le Président, toutes les...
Le Président: En question principale, M. le député de Richelieu.
Connaissance des problèmes de gestion
des projets immobiliers de l'UQAM
M. Sylvain Simard
M. Simard: Merci, M. le Président. Dans le fiasco libéral de l'UQAM, nous savons maintenant que le gouvernement disposait de toutes les informations nécessaires pour réagir et qu'il a fermé les yeux. Nous savons que, dès le mois de mai 2005, plusieurs notes internes circulaient au ministère de l'Éducation sur les déboires financiers qui se préparaient et que les agences de crédit avaient transmis formellement au gouvernement des analyses très explicites sur les risques démesurés dans lesquels l'UQAM s'était embarquée. Or, bien après, en 2006, le ministre de l'Éducation participait encore à des rencontres avec l'UQAM sans que rien n'y paraisse, sans aucune réaction particulière.
Est-ce que le leader du gouvernement, qui était en charge de l'Éducation à ce moment-là, peut nous dire comment il a pu se présenter à des rencontres concernant les projets immobiliers de l'UQAM sans avoir fait monter le dossier complet? Ou, s'il l'avait fait monter, comment a-t-il fait pour ne pas tenir compte de ce que contenaient ces dossiers?
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît! S'il vous plaît, à l'ordre! S'il vous plaît!
Une voix: ...
Le Président: M. le député de Richelieu, vous avez posé votre question, je vous demande de ne faire aucun commentaire. Mme la ministre de l'Éducation.
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît! S'il vous plaît!
Une voix: ...
Le Président: M. le whip du gouvernement, s'il vous plaît! M. le whip, s'il vous plaît! M. le whip, je vous donne un premier rappel à l'ordre. S'il vous plaît!
Des voix: ...
Le Président: À l'ordre! Mme la ministre de l'Éducation.
Mme Michelle Courchesne
Mme Courchesne: M. le Président, le Vérificateur général a eu entre ses mains, pour analyse, tous les documents, tous les documents et bien plus de documents...
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît! Je vous demande votre collaboration. La question a été posée, il y aura une question additionnelle pour faire d'autres commentaires. Mme la ministre.
Mme Courchesne: Le Vérificateur général a eu en main et en sa possession encore bien plus de documents que pourrait avoir en main le député de Richelieu. Le Vérificateur général a fait son travail. Le Vérificateur général a analysé en profondeur ces documents. Le Vérificateur général a rendu ses conclusions.
M. le Président, parmi ces conclusions, notamment, au mois de mai 2006, le Vérificateur général est très clair, très clair en ce qui concerne, entre autres, l'information distribuée au ministère de l'Éducation, en parlant de son contenu trompeur, M. le Président.
L'important dans ce dossier, c'est que le gouvernement a pris ses responsabilités, n'a pas attendu le rapport du Vérificateur général et a posé les bons gestes, les bonnes actions, a pris les bonnes décisions...
Le Président: En terminant.
Mme Courchesne: ...pour qu'une telle situation ne se reproduise pas.
Le Président: En question complémentaire, M. le député de Richelieu.
M. Sylvain Simard
M. Simard: Malgré le côté un peu scandaleux de la lecture que donne la ministre du rapport du Vérificateur général, si les travaux aboutissaient un jour à l'UQAM, est-ce que ça fera l'objet d'un... Quel sera le dépassement exact? Le Vérificateur général parle de 100 millions. Est-ce que les travaux seront terminés? Et, s'ils sont terminés, est-ce que la ministre peut nous dire exactement ici, en cette Chambre, aujourd'hui, quel sera le coût total du désastre, du fiasco libéral de l'UQAM?
Le Président: Mme la ministre de l'Éducation.
Mme Michelle Courchesne
Mme Courchesne: M. le Président, je crois que nous devons effectivement travailler avec détermination pour redonner à l'Université du Québec à Montréal toute sa fierté et pour nous assurer que les professeurs, le personnel, les étudiants puissent retrouver cette excellence dont cette université est capable. Pour cela, bien sûr qu'il faut régler ce dossier. Et, pour cela, M. le Président, les négociations sont en cours avec tous les intervenants pour que nous puissions, une fois pour toutes, déterminer l'avenir de l'îlot Voyageur.
Le Président: En question principale, M. le député de L'Assomption.
Responsabilité gouvernementale
dans les projets immobiliers de l'UQAM
M. Éric Laporte
M. Laporte: Oui, M. le Président. Effectivement, le rapport du Vérificateur général, hier, donnait des informations extrêmement importantes concernant les responsables du fiasco de l'UQAM, un fiasco qui est extrêmement grave pour le Québec, autant que l'ont été le métro de Laval et la Gaspésia. Les conséquences sont graves pour tout le monde universitaire.
Tout le monde, sauf la ministre de l'Éducation, reconnaît qu'un des...
Des voix: ...
Le Président: Un instant. S'il vous plaît, je vous demande votre collaboration.
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît! M. le député de L'Assomption, la parole est à vous.
M. Laporte: Tout le monde, sauf la ministre de l'Éducation, reconnaît qu'un des responsables de ce désastre, c'est le ministre aveugle qui est aujourd'hui ministre du Revenu. Comme il est dit dans La Presse, «dès l'été 2005, le [ministre du Revenu] savait qu'on s'approchait de l'iceberg, mais personne n'a changé de cap». La ministre de l'Éducation sait très bien que son prédécesseur connaissait le problème mais n'a absolument rien fait. C'est vraiment étrange, M. le Président.
Est-ce qu'aujourd'hui le ministre du Revenu peut se lever en cette Chambre puis nous expliquer pourquoi il a fermé les yeux dans tout ce qui est du fiasco de l'UQAM?
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît! S'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît!
Une voix: ...
Le Président: S'il vous plaît, M. le député de Rousseau! Vous avez une bonne voix, je vous entends, je vous demanderais votre collaboration.
Une voix: ...
n(10 h 40)nLe Président: S'il vous plaît, M. le leader! Mme la ministre de l'Éducation.
Mme Michelle Courchesne
Mme Courchesne: M. le Président, je constate que le nouveau critique, le député de L'Assomption, a aussi une lecture très sélective du rapport du Vérificateur général. Je constate qu'effectivement de la même façon il oublie de mentionner que les informations données ont été soit trompeuses soit incorrectes. Et je l'invite même à parcourir certains tableaux du rapport qui sont très éloquents à cet effet-là et qui relatent qu'il existait des doubles comptabilités sur certains projets soumis par l'UQAM, y compris au ministère de l'Éducation, M. le Président.
M. le Président, je répète, ce gouvernement n'a pas attendu le rapport du Vérificateur général et a pris toutes les mesures requises pour s'assurer que, dans toutes les universités, pas uniquement dans les universités du réseau de l'Université du Québec, dans toutes les universités du Québec, une telle situation ne se reproduise plus.
Le Président: En question complémentaire, M. le député de L'Assomption.
M. Éric Laporte
M. Laporte: Oui, M. le Président. Hier, la ministre, en tentant de défendre l'indéfendable, est tombée dans le ridicule en qualifiant certains éléments du rapport du VG de rumeurs et de ouï-dire. Quand ça concerne les autres, les autres coupables, c'est véridique, mais, quand ça la concerne, elle, ou le ministre du Revenu, c'est des ouï-dire et des rumeurs.
Est-ce que le ministre du Revenu, qui a été aveugle et qui est maintenant muet dans ce dossier, pourrait se lever aujourd'hui puis sortir sa ministre du pétrin en nous donnant la vérité sur les raisons qui ont poussé la ministre à garder le silence sur ce dossier?
Des voix: ...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
Des voix: ...
Le Président: À l'ordre! S'il vous plaît! Mme la ministre de l'Éducation.
Mme Michelle Courchesne
Mme Courchesne: M. le Président, cette situation qui a été vécue à l'UQAM fait en sorte que les instances, je parle du conseil d'administration, je parle de l'Assemblée des gouverneurs de l'Université du Québec, je parle du ministère de l'Éducation... cette situation qui a été vécue par le fait que les informations n'étaient jamais complètes, que les informations étaient erronées, que les informations étaient trompeuses, M. le Président ? ce n'est pas la ministre de l'Éducation qui le dit, c'est le Vérificateur général qui le dit, M. le Président ? parce que tout ce dossier a évolué de cette façon: sans transparence, sans respect des règles de gouvernance et sans notion d'imputabilité, fait en sorte...
Le Président: En question principale. M. le député d'Arthabaska.
Contrebande de cigarettes
dans les réserves autochtones
M. Jean-François Roux
M. Roux: M. le Président, je m'inquiète un peu pour la santé du ministre du Revenu parce que son problème d'aveuglement, là, il ne s'est pas réglé parce qu'il a changé de portefeuille, parce que quotidiennement, dans son comté, il a l'occasion de passer sur la 132, où à tous les jours on brise les lois québécoises. Ça non plus, il ne le voit pas, parce qu'il se lève en Chambre pour dire que tout va bien. Je comprends aujourd'hui qu'il n'est pas montrable. Par contre, quand les trafiquants, quand les trafiquants au Québec menacent l'ordre public, ce que le gouvernement leur dit: Bien là, on s'excuse de vous avoir dérangés puis on retombe dans notre inaction puis dans notre paresse. Par contre, ils n'ont pas la même réserve pour des honnêtes détaillants du Québec.
Ce qu'on veut savoir aujourd'hui: Dans le cas de la contrebande de cigarettes, c'est quoi, le message que le gouvernement veut envoyer à la population du Québec: Agissez en citoyens responsables, puis on va vous harceler ou bien: agissez en bandits, puis on vous laisse la paix?
Le Président: M. le ministre de la Sécurité publique.
M. Jacques P. Dupuis
M. Dupuis: Deux heures de...
Une voix: ...
Le Président: S'il vous plaît!
Une voix: ...
Le Président: M. le ministre de l'Emploi, s'il vous plaît, Je vous demande votre collaboration. La parole est à M. le ministre de la Sécurité publique.
M. Dupuis: Deux heures complètes d'interpellation, il y a une semaine et demie, M. le Président, où on a expliqué exactement ce que le gouvernement faisait pour contrer la contrebande de tabac, particulièrement sur les réserves autochtones. D'abord, c'est évident, M. le Président, que, dans les cabanes à cigarettes, les «smoke shops», ce n'est pas là que se fait la contrebande la plus importante, mais il y a des actions policières qui sont posées pour empêcher les Blancs qui vont acheter des cigarettes sur les réserves de se munir de ces cigarettes-là. Il y a des opérations à tous les jours. Encore, dans la nuit du 4 juin, hier, un véhicule avec deux autochtones, M. le Président, 20 ballots de tabac, ils ont été arrêtés par la Sûreté du Québec, le tabac venait d'Akwesasne. Ça, c'est pour ce qui concerne les cabanes à cigarettes.
Pour ce qui concerne la contrebande, M. le Président, dans une plus large mesure, j'ai expliqué, à l'interpellation ? et il y avait le directeur général de la Sûreté du Québec, aux affaires criminelles, qui était avec moi ? que cette contrebande-là se fait par les groupes du crime organisé. Quand on fait des opérations sur les stupéfiants, quand on fait des opérations sur le trafic d'armes, quand on fait des opérations sur le blanchiment d'argent, on fait également des opérations sur la contrebande de tabac parce que ce sont les mêmes groupes, M. le Président, qui agissent dans ce domaine-là, et il y en a régulièrement.
Le Président: En question complémentaire, M. le député d'Arthabaska.
M. Jean-François Roux
M. Roux: M. le Président, pour aller négocier avec les populations autochtones, le gouvernement a nommé le grand bénévole de l'année au Québec, M. John Parisella.
Ce qu'on aimerait savoir, là: Est-ce qu'il a dans son mandat de demander aux autorités des populations autochtones de faire respecter les lois sur leurs territoires ou bien est-ce que M. Parisella arrive là, là... Ce qu'on veut savoir dans le fond, là: Est-ce qu'il arrive en émissaire responsable du gouvernement ou s'il arrive en père Noël, juste pour donner des cadeaux?
Le Président: M. le ministre responsable des Affaires autochtones.
M. Benoît Pelletier
M. Pelletier (Chapleau): Oui, merci, M. le Président. Alors, M. Parisella a pour mandat de discuter, de négocier avec les autochtones mais aussi avec le gouvernement du Canada en ce qui concerne un certain nombre de questions territoriales qui font l'objet de réclamations d'ailleurs de la part des Mohawks de Kahnawake depuis plusieurs années. Et nous sommes heureux, là, d'être dans la bonne voie, c'est-à-dire de pouvoir régler avec les Mohawks un certain nombre de dossiers, tout en tenant compte évidemment des intérêts supérieurs du Québec, tout en tenant compte également des intérêts des municipalités qui sont avoisinantes de la réserve de Kahnawake.
Et, M. le Président, il faut savoir que, dans le contexte autochtone, il y a un contexte bien précis, hein? D'abord, en ce qui concerne l'application des lois, nous sommes en territoire fédéral, dans un premier temps, et, bien entendu, il y a en milieu autochtone...
Le Président: En question principale... Question de règlement, M. le leader.
M. Proulx: Oui, M. le Président. Le ministre a fait référence au contrat du bénévole de l'année, M. Parisella. Est-ce qu'il pourrait déposer le contrat ici, s'il vous plaît?
Le Président: S'il vous plaît. Ce n'est pas une question de règlement.
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît! S'il vous plaît! En question principale, M. le député de Jonquière.
Hausse du prix de l'essence
M. Sylvain Gaudreault
M. Gaudreault: Oui, M. le Président. Vendredi dernier, on a exigé du gouvernement un plan d'urgence sur la question de la hausse du prix de l'essence. Depuis ce temps-là, M. le Président, c'est le silence total. Pourtant, un sondage dévoilé hier par le CAA-Québec nous apprend que 84 % des Québécois vont modifier leurs projets de vacances à cause du prix de l'essence. Les Québécois vont chercher à rouler moins. Pourquoi? Parce que ça leur coûte plus cher, et ce sont toutes les régions qui ont le plus à perdre, et des dizaines de milliers d'emplois qui sont reliés à cette industrie. Et que fait le gouvernement, M. le Président? Il a mis depuis longtemps l'affiche «Parti en vacances».
Face à cette menace sur le tourisme, M. le Président, que compte faire le gouvernement pour aider les Québécois qui veulent aller en vacances et les milliers d'entreprises pour passer à travers cette crise, cette crise du prix de l'essence?
Le Président: Mme la ministre des Finances.
Mme Monique Jérôme-Forget
Mme Jérôme-Forget: M. le Président, je dois dire que le prix de l'essence affecte toutes les familles québécoises, et tout le monde est affecté par ce qu'on vit actuellement. Le phénomène se passe ici, le phénomène se passe ailleurs, le phénomène se passe sur le plan international.
Maintenant, ce qui m'étonne du député de poser la question de la deuxième opposition, M. le Président, c'est que, nous, quand on a voulu donner de l'argent aux Québécois en baissant les impôts, ils ont été contre. Nous, M. le Président, quand on a justement décidé de ne pas hausser la TVQ, le Parti québécois a voulu la hausser cinq fois, M. le Président. Nous, on estime que de remettre de l'argent dans les poches des contribuables, ça a aidé les familles québécoises, et, nous, on est d'accord pour aider les familles québécoises, M. le Président.
Le Président: En question complémentaire, M. le député de Jonquière.
M. Sylvain Gaudreault
M. Gaudreault: On voit, M. le Président, que le gouvernement n'a toujours pas de solution, puis il ne semble pas conscient que le phénomène, c'est que c'est l'industrie touristique des États-Unis qui risque d'en profiter.
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît. Mme la ministre... Mme la ministre...
Des voix: ...
n(10 h 50)nLe Président: À l'ordre, s'il vous plaît. À l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît. Mme la ministre des Finances.
Mme Monique Jérôme-Forget
Mme Jérôme-Forget: M. le Président, probablement que le noble député a une solution internationale à proposer. Je l'invite à la soumettre, M. le Président, parce que tout le monde est affecté justement par la hausse du prix de l'essence, M. le Président. Par ailleurs, M. le Président, je réitère...
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît. S'il vous plaît. Mme la ministre des Finances.
Mme Jérôme-Forget: M. le Président, par ailleurs, ce que je dis, je répète, nous sommes d'accord, M. le Président, que, d'avoir baissé les impôts, 950 millions de dollars, aujourd'hui, si on n'avait pas fait ça, ce serait encore pire pour les familles québécoises, M. le Président.
Le Président: En question principale, M. le député de Terrebonne.
Processus d'attribution de contrats
par la Commission administrative
des régimes de retraite et d'assurances
M. Jean-François Therrien
M. Therrien: Merci, M. le Président. Hier, lorsque j'ai questionné la présidente du Conseil du trésor sur les contrats de la CARRA qui avaient été approuvés avant même que les contrats commencent, elle m'a répondu, et je cite, qu'«à l'intérieur de l'ensemble du gouvernement il y a beaucoup, beaucoup de contrats qui se donnent», et que c'était un contrat parmi des milliers de contrats. Ce laxisme patent de notre gouvernement montre clairement le désintéressement total de la ministre envers la rigueur dans l'octroi de contrats. C'est comme si je signe un contrat avec un entrepreneur pendant qu'il construit notre maison, M. le Président. N'importe qui ne trouverait pas ça normal, sauf la ministre qui dit que cela peut arriver de temps à autre et que ce n'est pas grave.
M. le Président, comment la ministre justifie d'avoir donné des bonis au rendement maximums à l'ancien président Duc Vu, alors que la CARRA qu'il dirigeait approuvait des contrats qui n'avaient pas commencé?
Le Président: Mme la présidente du Conseil du trésor.
Mme Monique Jérôme-Forget
Mme Jérôme-Forget: M. le Président, le député de Terrebonne se base sur une lettre anonyme pour divulguer aujourd'hui des informations fausses. Fausses. J'ai vérifié, M. le Président: hier, j'ai passé du temps avec la nouvelle présidente de la CARRA, Mme Dagenais. Nous avons passé en revue toutes les allégations qu'avait faites le député, elles sont toutes fausses, M. le Président.
Le contrat dont parle le député, M. le Président, c'est un contrat qui a été... on est allé en appel d'offres, M. le Président, un appel d'offres permanent. Ça, ça se fait au gouvernement, on qualifie cinq entreprises au moins. Ensuite, quand on a un contrat spécifique, on fait appel à trois entreprises à l'intérieur de ça, c'est quelque chose qui se fait. M. le Président, la rigueur au niveau des contrats au gouvernement: on les respecte, les contrats, on les respecte, les règles.
Le Président: En question complémentaire, M. le député de Terrebonne.
M. Jean-François Therrien
M. Therrien: Merci, M. le Président. Je crois que la ministre ne comprend pas l'ampleur des problèmes présentement à la CARRA. J'ai ici 17 contrats, M. le Président, 17 contrats, seulement pour 2003-2004, approuvés après le commencement des travaux, ce qui représente 40 % des contrats qui ont été octroyés dans ces deux années, M. le Président. Devant tant de fouillis, M. le Président, est-ce que la ministre va se rétracter et revoir l'éloge qu'elle a fait à l'ancien président de la CARRA, Duc Vu?
Des voix: ...
Documents déposés
Le Président: S'il vous plaît! Consentement? Est-ce qu'il y a consentement pour le dépôt des documents dont fait part M. le député? Consentement. Ces documents sont déposés. Mme la ministre des Finances.
Mme Monique Jérôme-Forget
Mme Jérôme-Forget: M. le Président, je suis contente parce que justement on va pouvoir examiner chacun des contrats qui sont déposés. M. le Président, je peux vous dire qu'on a fait le travail, on a fait le travail...
Une voix: ...
Le Président: S'il vous plaît! S'il vous plaît! M. le député de Terrebonne, vous avez posé votre question, je vous demande le même respect pour la réponse. C'est élémentaire. Mme la ministre des Finances et présidente du Conseil du trésor.
Mme Jérôme-Forget: M. le Président, le député de Terrebonne me demandait si je n'avais pas fait ça avant, vérifier chacun des contrats. M. le Président, je ne le fais pas normalement, mais hier j'ai rencontré Mme Dagenais, j'ai rencontré Mme Dagenais, et justement elle est la nouvelle présidente. Et, M. le Président, ce qu'on essaie de faire, là, c'est de salir le nom de M. Duc Vu. M. Duc Vu, M. le Président, ce n'était pas un homme parfait, là, tout le monde en convient. Non, il avait... mais il était intègre, M. le Président. La chef...
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît! S'il vous plaît!
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît! S'il vous plaît! Votre temps est terminé, madame.
Des voix: ...
Le Président: À l'ordre! Votre temps est terminé, votre temps est terminé. En question principale, M. le député de...
Des voix: ...
Le Président: C'est 45 secondes, 45 secondes, bien oui. Vous avez eu... Je vais suspendre, je vais aller voir, on va voir ça.
(Suspension de la séance à 10 h 55)
(Reprise à 10 h 59)
Le Président: Après vérification, c'était exactement 45 secondes. En question principale, M. le député de Rimouski.
Des voix: ...
Le Président: Ceux qui... Vous regarderez. Vous ferez venir la bobine, vous regarderez, c'est exactement 45. En question principale, M. le député de Rimouski...
Une voix: Roberval.
n(11 heures)nLe Président: Roberval, M. le député de Roberval. Allez-y.
Mesures législatives concernant le
caractère collectif des ressources
en eau et leur protection
M. Denis Trottier
M. Trottier: M. le Président, le 12 mars dernier, au nom du Parti québécois, je déposais un projet de loi déclarant l'eau patrimoine commun de la nation québécoise. Ce projet de loi a reçu l'appui unanime des parlementaires de l'Assemblée nationale. Or, ce projet de loi n'a jamais été appelé en Chambre, M. le Président. Ce matin, la ministre de l'Environnement dépose un projet de loi qui reprend les éléments que nous proposions dans le projet de loi n° 391. Il aura fallu cinq ans, trois ministres de l'Environnement et un projet de loi du Parti québécois pour enfin faire avancer le dossier. C'est comme dans le cas du projet de loi sur les phosphates, il aura fallu le leadership du Parti québécois pour que le gouvernement adopte cette loi.
Ma question, M. le Président: Le gouvernement ne cesse de répéter à satiété que nous formons un gouvernement de coalition, quand les mots coïncideront-ils avec les actions?
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît! S'il vous plaît! S'il vous plaît! À l'ordre! À l'ordre! À l'ordre! S'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Mme la ministre du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs.
Mme Line Beauchamp
Mme Beauchamp: Je pense que tout le monde a remarqué que le député de Roberval s'est trompé de formation politique. On sait tous que la coalition est entre le Parti québécois et la...
Des voix: ...
Mme Beauchamp: Mais, si vous vouliez dire que nous formons un Parlement de cohabitation et que, dans ce sens, les Québécois en appellent au sens des responsabilités de chaque parlementaire pour faire avancer les intérêts du Québec, je vous donne pleinement raison. Et c'est dans ce contexte que nous serons appelés, au cours des prochains mois, à travailler ensemble pour qu'on se donne un nouveau cadre juridique au niveau de la gouvernance de l'eau.
M. le Président, je veux juste, pour ceux qui nous écoutent, faire les comparaisons. Le projet de loi du Parti québécois, qui a ses mérites, comporte deux pages. Le projet de loi que l'on dépose, et qu'on va étudier ensemble, et que je souhaite, je souhaite en voir l'adoption au cours de la présente année, est un livret qui compte près d'une trentaine de pages. Je veux juste vous dire qu'on n'est pas dans le même monde, on n'est pas dans le même esprit.
Par contre, ce que je reconnais d'emblée, c'est qu'il y a ici un travail en commun qui doit se faire au nom d'une meilleure...
Des voix: ...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Un instant! Je vous demande votre collaboration. Mme la ministre, si vous voulez poursuivre.
Mme Beauchamp: Il y a donc ce travail en commun qui devra se faire ici, à l'Assemblée nationale, pour qu'ensemble on dise aux Québécois qui nous écoutent, avec fierté, que l'eau du Québec...
Le Président: En terminant.
Mme Beauchamp: ...elle doit appartenir aux Québécois, elle doit faire partie du patrimoine collectif des Québécois, elle doit être...
Le Président: S'il vous plaît! En question complémentaire, M. le député de Roberval.
M. Denis Trottier
M. Trottier: Oui. M. le Président, je tiens à dire à la ministre que, nous, au Parti québécois, on fait une coalition avec l'ensemble des Québécois et des Québécoises, et c'est pour ça qu'on a fait un projet de loi sur le patrimoine commun de la nation québécoise.
Ma question, M. le Président: Pourquoi la ministre n'a-t-elle pas indiqué dans son projet de loi des indications claires et concrètes en ce qui regarde le principe des redevances sur l'eau, tel que prévu dans la Politique nationale de l'eau et tel qu'annoncé par ses deux prédécesseurs de même que par elle-même lors de l'étude récente des crédits de son ministère?
Le Président: Mme la ministre du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs.
Mme Line Beauchamp
Mme Beauchamp: M. le Président, je veux juste souligner que j'ai offert aux deux formations politiques formant l'opposition en cette Assemblée des briefings techniques faits par nos avocats, nos fonctionnaires sur l'ensemble du projet de loi, et je constate et je suis heureuse de voir que vous avez accepté ce briefing, parce que vous devriez savoir que le principe de la redevance sur l'eau est déjà enchâssé dans une loi, depuis 2002. Ce n'était donc pas nécessaire de le répéter. Ce que fait le projet de loi n° 92, c'est de donner maintenant une meilleure assise juridique pour que l'éventuelle application d'une redevance ne puisse pas être contestée devant les tribunaux. De nouveau, j'en appelle à votre collaboration pour l'adoption de cette loi.
Le Président: En question principale, M. le député de Vanier.
Projet de modernisation du
Colisée Pepsi, à Québec
M. Sylvain Légaré
M. Légaré: Merci, M. le Président. Alors qu'on apprenait, ce matin, que le ministre responsable de la Capitale-Nationale trouve judicieux et nécessaire la construction d'un nouveau colisée... Ce n'est quand même pas rien, le titulaire de la Capitale-Nationale nous annonce qu'il va maintenant travailler désormais à la construction d'un nouveau colisée. Ce n'est quand même pas banal.
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît! M. le député de Vanier.
M. Légaré: M. le Président, alors que le premier ministre se plaît régulièrement à parler de Parlement de cohabitation pour qu'on puisse travailler avec le ministre, question très simple: j'aimerais qu'il nous dépose aujourd'hui son plan, son plan d'action, les échéanciers ainsi que les actions concrètes qu'il va mettre de l'avant, au cours des prochains jours pour réaliser cet objectif-là.
Le Président: M. le ministre responsable de la Commission de la capitale nationale.
M. Philippe Couillard
M. Couillard: M. le Président, malheureusement c'est ce qui se produit quand on lit juste le titre et pas l'article. Alors, j'invite le collègue à lire l'article. Ce qui était mentionné et que j'ai répété encore une fois ce matin, et je répète ici, à l'Assemblée, c'est que, de l'avis de l'ensemble des intervenants de la région de la Capitale-Nationale, c'est une bonne idée et c'est judicieux de moderniser cette installation-là, particulièrement compte tenu du succès remarquable des Championnats du monde de hockey. Je voudrais, en passant, rendre hommage à mon prédécesseur, Michel Després, qui, avec le premier ministre et la mairesse Boucher, a sauvé cet événement.
Maintenant, pour conclure, M. le Président, ce que j'ai dit et que je répète, c'est que, ceci étant dit, les premiers à se présenter publiquement avec un plan d'affaires et de l'argent sur la table, comme on dit, ce n'est pas les contribuables du Québec, ce sont les promoteurs privés.
Le Président: En question complémentaire, M. le député de Vanier.
M. Sylvain Légaré
M. Légaré: M. le Président, le ministre disait que c'était une nécessité, ce n'est pas rien. Je suis allé à Winnipeg, je suis allé à Lake Placid, j'ai vu la façon...
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît, à l'ordre! S'il vous plaît! Un instant! À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre!
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît! S'il vous plaît! S'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Vanier.
M. Légaré: J'ai vu, M. le Président, la façon dont on fait ce genre d'infrastructure là, c'est complètement le contraire de ce que le ministre nous dit. Alors, s'il veut être pris au sérieux aujourd'hui, qu'il nous dépose son plan et les actions concrètes qu'il va faire au cours des prochains jours pour réaliser l'objectif. S'il veut être pris au sérieux.
Le Président: M. le ministre responsable de la Commission de la capitale nationale.
M. Philippe Couillard
M. Couillard: M. le Président, franchement l'opposition officielle, comme c'est son habitude, nage en pleine incohérence, là. Ils ne sont même pas capables... M. le Président, ils ne sont même pas capables de dire aux Québécois si et comment ils financeraient les infrastructures au Québec. Ils ne sont même pas capables de dire ça, cette moindre chose là. On ne parle même pas du Colisée, on parle des routes, des hôpitaux, des écoles; ils ne sont pas capables de dire le moindre mot là-dessus. Alors, franchement, un peu de raison.
Alors, s'il y a un parti politique qui devrait être heureux de voir le gouvernement lancer un appel au secteur privé pour le dépôt de projets avec des plans d'affaires puis une contribution financière qui n'est pas celle initiale du contribuable, ce devrait être eux.
Le Président: En question principale, M. le député de Roberval.
Information sur la prolifération de
cyanobactéries dans des cours d'eau
M. Denis Trottier
M. Trottier: Oui, M. le Président. Le premier cas de cyanobactéries a été signalé lundi, au lac Vert, à Hébertville, au Lac-Saint-Jean, et déjà il y a confusion. Le ministère de l'Environnement a procédé à des analyses qui confirment que ce sont bel et bien des cyanobactéries dont le seuil de toxicité dépasse les critères du ministère. Or, M. le Président, le ministère de l'Environnement n'a pas rendu publique cette information, selon la nouvelle stratégie de non-divulgation apaisante de la ministre de l'Environnement, que nous condamnons toujours, car elle crée une incompréhension totale. Ainsi, alors que l'agence de santé dit qu'une personne qui est en contact ou ingère une quantité importante d'algues bleues peut avoir des maux de ventre, des nausées ou des irritations de la peau, le ministère de l'Environnement dit qu'on peut se baigner. Qui dit vrai?
Ma question, M. le Président: Est-ce que la ministre reconnaît que sa stratégie ne fonctionne pas et que compte-t-elle faire pour corriger la situation?
Le Président: Mme la ministre du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs.
Mme Line Beauchamp
Mme Beauchamp: Merci. Je remercie le député pour sa question. Ça va nous permettre effectivement de rassurer la population qui vit aux abords du lac Vert, au Saguenay?Lac-Saint-Jean, donc nous permettre de réitérer que, selon les nouveaux critères mis en place en collaboration avec les experts de la Santé publique... ça nous permet de dire que les résultats obtenus à ce jour indiquent qu'il n'y a aucun risque justifiant un avis d'interdiction d'usage, à l'égard de la santé, pour ce plan d'eau. Compte tenu que, selon les avis mêmes de la Santé publique, il n'y a aucun risque justifiant un avis d'interdiction d'usage, ce lac ne se retrouve donc pas sur le site Internet du ministère. Donc, avec moi, vous devriez en appeler à la bonne conscientisation de la population, les rassurer: tous les usages sont permis dans ce lac, puisque la détection des algues dans ce lac a été en deçà des normes maintenant prescrites cette année.
Le Président: Alors, ceci met fin à la période de questions et réponses orales.
Motions sans préavis
Comme il n'y a pas de votes reportés, nous en sommes aux motions sans préavis.
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors, aux motions sans préavis, M. le député de Marguerite-D'Youville.
Auparavant, j'invite les députés qui doivent aller aux commissions et à vaquer à d'autres occupations à le faire dans l'ordre, s'il vous plaît.
Des voix: ...
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors, on me signale que... On me signale que M. le député de Richelieu s'est levé avant. Désolée, dans le brouhaha, je ne vous ai pas vu. M. le député de Richelieu.
M. Simard: Mme la Présidente, je demande le consentement de la Chambre pour présenter, conjointement avec le député de L'Assomption, la motion suivante:
«Que l'Assemblée nationale dénonce le prédécesseur de la ministre de l'Éducation pour son manque de rigueur, son absence de contrôle et son inaction à prévenir les déboires financiers de l'UQAM.»n(11 h 10)n
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Y a-t-il consentement pour débattre de cette motion? Pas de consentement. Alors, M. le député de Marguerite-D'Youville.
M. Diamond: Merci, Mme la Présidente...
Des voix: ...
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît!
Souligner la Journée mondiale
de l'environnement
M. Diamond: ...avec la ministre du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs et le député de Jonquière:
«Que l'Assemblée nationale souligne la Journée mondiale de l'environnement qui est célébrée annuellement le 5 juin et dont le thème cette année est Stimuler les économies à faible consommation de carbone;
«Qu'elle endosse l'objectif du Programme des Nations unies pour l'environnement de trouver [les meilleures alliances possible] entre l'économie et un style de vie à faible impact environnemental.» Merci.La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Je vous remercie, M. le député de Marguerite-D'Youville. Y a-t-il consentement pour débattre de cette motion?
M. Pelletier (Chapleau): Alors, il y aurait consentement pour qu'elle soit adoptée sans débat.
Mise aux voix
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Cette motion est-elle adoptée?
Des voix: Adopté.
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Adopté. M. le député de Nicolet-Yamaska.
Souligner la Journée nationale contre la faim
M. Dorion: Merci, Mme la Présidente. Je désire présenter la motion suivante conjointement avec le ministre de la Santé et des Services sociaux et la députée de Crémazie:
«Que l'Assemblée nationale souligne la Journée nationale contre la faim qui se tiendra ce 5 juin, et qu'elle encourage la population à être généreuse tout au long de l'année pour aider les personnes dans le besoin;
«Qu'elle souligne également le travail et le dévouement de tous les bénévoles et les organismes qui oeuvrent auprès des personnes démunies.»La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci, M. le député. Y a-t-il consentement pour débattre de cette motion?
M. Pelletier (Chapleau): Consentement pour qu'elle soit adoptée sans débat.
Mise aux voix
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Cette motion est-elle adoptée?
Des voix: Adopté.
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Adopté. Mme la ministre des Affaires municipales et des Régions.Souligner la Journée de la Gaspésie
et des Îles-de-la-Madeleine
Mme Normandeau: Oui. Merci, Mme la Présidente. Alors, ça me fait plaisir de déposer cette motion conjointement avec mes collègues de Gaspé et de Huntingdon. Alors:
«Que l'Assemblée nationale souligne la Journée de la Gaspésie et félicite la Commission jeunesse Gaspésie?Îles-de-la-Madeleine pour cette initiative visant à mieux faire connaître cette région auprès de l'ensemble de la population québécoise.»
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci, Mme la ministre. Y a-t-il consentement pour débattre de cette motion?
M. Pelletier (Chapleau): Consentement pour qu'elle soit adoptée sans débat.
Mise aux voix
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Cette motion est-elle adoptée?
Des voix: Adopté.
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Adopté.Avis touchant les travaux des commissions
Nous sommes aux avis touchant les travaux des commissions. M. le leader du gouvernement.
M. Fournier: Mme la Présidente, j'avise cette Assemblée que la Commission de l'aménagement du territoire poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 82, Loi modifiant diverses dispositions législatives en matière municipale, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à 24 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau.
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci, M. le leader. Alors, pour ma part, je vous avise que la Commission de l'éducation se réunira en séance de travail aujourd'hui, jeudi 5 juin 2008, de 14 heures à 15 heures, à la salle RC.161 de l'hôtel du Parlement, afin d'organiser les travaux de la commission.
Renseignements sur les travaux de l'Assemblée
Avis de sanction de projets de loi
Nous sommes aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée. Je vous avise qu'il y aura sanction de plusieurs projets de loi au cabinet de Son Honneur le lieutenant-gouverneur, aujourd'hui, à 14 heures.
Affaires du jour
La période des affaires courantes étant terminée, nous allons maintenant passer aux affaires du jour. M. le leader du gouvernement.
M. Fournier: Je vous demanderais d'appeler l'article 32, Mme la Présidente.
Projet de loi n° 63
Adoption
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): À l'article 32, Mme la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine propose l'adoption du projet de loi n° 63, Loi modifiant la Charte des droits et libertés de la personne. Y a-t-il des interventions? Y a-t-il des interventions? Alors, Mme la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine.
Mme Christine St-Pierre
Mme St-Pierre: Merci, Mme la Présidente. L'instant est solennel alors que nous nous préparons à poser un geste d'une grande portée historique et juridique, un geste nécessaire afin que notre société soit véritablement imprégnée de cette valeur prééminente, prépondérante et prédominante que représente l'égalité entre les femmes et les hommes. C'est aussi une valeur à laquelle les Québécois sont très attachés, car notre population partage quasi unanimement ce désir de concourir à l'avènement d'un monde où les manifestations de sexisme, de discrimination et d'intolérance à l'égard des femmes seront bannies comme autant de vestiges d'une époque révolue.
Vous comprendrez qu'à titre de ministre responsable de la Condition féminine je ne peux que me réjouir de voir se concrétiser l'objet d'une quête, soit celui de l'inscription dans un texte fondamental de notre législation... cette égalité qui pour moi est un bien précieux que nous nous devons de préserver. En déclarant que l'égalité entre les femmes et les hommes fait partie des droits fondamentaux inaliénables, le gouvernement souscrit aux principes démocratiques qui sont à notre société ce que les fondations sont à la maison patrimoniale: une solide assise dans laquelle l'édifice ne peut traverser le temps intact. De plus, il se conforme aux engagements internationaux auxquels le Québec a adhéré et qui exhortent les gouvernements à promouvoir les droits des femmes et à les protéger contre toute forme de discrimination.
Nous vivons donc un moment très important, un moment historique alors que l'égalité entre les femmes et les hommes est reconnue comme un pilier de notre société, une marque de progrès et une richesse. Ce principe d'égalité, nous en avons fait une priorité gouvernementale, et nous avons accompli plusieurs actions en ce sens, notamment en formant le premier Conseil des ministres de l'histoire du Québec comptant un nombre égal de femmes et d'hommes; en adoptant une loi pour une représentation féminine égale sur les conseils d'administration des sociétés d'État; en lançant des mesures comme le programme À égalité pour décider pour encourager la participation des femmes aux instances locales et régionales; en élaborant une politique gouvernementale engageant l'ensemble des ministères et organismes de l'État dans l'accomplissement d'un plan d'action énergique.
Et, comme le suggère le libellé de notre politique, nous n'aurons de cesse que lorsque l'égalité de droit deviendra une égalité de fait. C'est le 27 septembre dernier que le Conseil du statut de la femme a proposé d'imprimer un nouvel élan à cette détermination en faisant parvenir un avis intitulé Droit à l'égalité entre les femmes et les hommes et liberté religieuse, document qui proposait, entre autres, d'amender la Charte des droits et libertés de la personne pour y inclure ce principe de l'égalité. Cet avis comportait une certaine audace, car la charte est un document très important dans notre système juridique, mais il a emporté immédiatement mon appui enthousiaste ainsi que l'adhésion de mes collègues du Conseil des ministres, des parlementaires dans leur ensemble et enfin de la société civile ainsi que de la population.
À ce sujet, je suis très reconnaissante aux membres de la commission parlementaire, à mes collègues du Parti libéral ainsi qu'aux députés des deux groupes d'opposition qui adhèrent à la vision égalitaire et solidaire que nous proposons. Ils l'ont prouvé en votant à l'unanimité en faveur du principe du projet de loi ainsi que des articles proposés et en offrant leur précieuse collaboration aux travaux préliminaires. Leurs commentaires et opinions ont considérablement fait avancer notre réflexion et nous permettent de nous assurer que nous répondons bien à l'objectif d'ancrer, dans la loi et dans notre quotidien citoyen, la valeur fondamentale et irréductible que représente l'égalité entre les femmes et les hommes.
Au surplus, dans le cadre des audiences de la Commission des affaires sociales, quelque 30 mémoires ont été déposés par des organismes importants et crédibles dont la grande majorité approuvait l'idée de ce projet de loi. Parmi ces groupes et individus, l'on comptait: la Commission des droits de la personne et de la jeunesse; le Barreau du Québec; le Conseil du statut de la femme; le Forum des femmes juristes de l'Association du Barreau canadien, division Québec; Me Louise Langevin, de la Chaire d'étude Claire-Bonenfant sur la condition des femmes, de l'Université Laval; M. Henri Brun, constitutionnaliste de haute réputation.
Enfin, le rapport final de la commission Bouchard-Taylor est venu nous apporter un encouragement supplémentaire puisqu'il contient cette mention à la recommandation B6, et je cite: «Nous approuvons l'initiative en cours à l'Assemblée nationale pour insérer dans la charte québécoise une clause interprétative établissant l'égalité hommes-femmes comme une valeur fondamentale de notre société.» Fin de la citation.
Comme résultat de la somme de ces mémoires... de ces mémoires... méritoires efforts, pardon, et de ces grandes espérances, j'ai l'honneur et le plaisir de soumettre pour adoption par le gouvernement le projet de loi n° 63 visant à modifier la Charte des droits et libertés de la personne. Ce choix d'intervenir au sein du texte de la charte québécoise s'explique par le fait que cette dernière a une valeur unique dans la législation québécoise. Comme elle occupe le sommet dans l'ordre d'importance des textes juridiques, les dispositions qu'elle contient se répercutent dans l'interprétation du droit, dans les décisions des tribunaux et dans les comportements des individus et des organisations.
n(11 h 20)n Les amendements proposés pourront donc guider les juges mais aussi les citoyens, les employeurs, les administrateurs et tous ceux qui ont intérêt à prendre acte du fait que notre société refuse désormais que la valeur de l'égalité entre les femmes et les hommes soit occultée.
Mme la Présidente, le projet de loi n° 63 apporte une réponse à quelques-unes des questions cruciales qui ont été évoquées lors de la commission Bouchard-Taylor. En un mot, la loi n° 63 situe la promotion de l'égalité entre les femmes et les hommes comme une action positive, pleinement compatible avec le Québec comme société ouverte sur le monde où, à l'instar des sociétés progressistes, l'égalité entre les sexes présente un caractère incontournable. Au Québec, il ne fait aucun doute que l'égalité des sexes est une valeur identitaire au Québec. C'est une valeur qui nous rassemble, et le caractère incessible du principe d'égalité tient au fait qu'il est le produit du consensus social qui s'est forgé au fil des dernières décennies alors que notre nation a accompli une progression remarquable en cette matière.
Nous pouvons certes faire état des réalisations majeures à cet égard qui placent notre société dans le peloton de tête des pays du monde à l'égard de l'égalité. C'est là un objet de grande fierté, et notre gouvernement entend bien continuer à tout mettre en oeuvre pour maintenir ce principe qui implique, entre autres, la nécessité d'établir des balises aux institutions publiques afin que la prise en compte des demandes culturelles et religieuses se fasse dans le respect des droits des femmes. Avec ce projet de loi, le droit à l'égalité est hissé au rang de droit inaltérable et transmet l'esprit de solidarité et de tolérance qui imprègne notre société tout en affirmant le droit au respect et à la protection de tout être humain, notamment les femmes.
En conclusion, Mme la Présidente, j'aimerais mettre en évidence le fait que le projet de loi transmet un message très fort au plan symbolique, permet au gouvernement de réaffirmer l'importance accordée au droit à l'égalité entre les femmes et les hommes, hausse l'égalité au rang de valeur non négociable de la société québécoise, évitant que cette égalité soit trop facilement oubliée, en particulier par rapport aux demandes d'accommodement au nom de la liberté religieuse, reçoit un accueil très favorable en général de la population, particulièrement des groupes de femmes.
Enfin, j'aimerais insister sur le fait que le projet de loi a fait l'objet d'un processus de consultation exemplaire. Lors des travaux de la Commission des affaires sociales, nous avons pris connaissance des préoccupations de tous ceux qui sont concernés par la modification à la charte: des groupes de femmes aux organismes gouvernementaux, non gouvernementaux, en passant par les syndicats, les universitaires, les juristes et les citoyens qui désiraient exprimer les soucis et les espoirs que suscite chez eux le droit à l'égalité. En adoptant cette loi, nous poursuivons une démarche en accord avec les valeurs et les attentes légitimes de ces personnes et de toute la population du Québec. Ainsi dotée d'une clause qui enrichit notre charte, notre société se trouvera plus forte pour relever les grands défis que nous pose l'établissement d'une égalité réelle et essentielle entre les femmes et les hommes au Québec.
En terminant, Mme la Présidente, je tiens à remercier sincèrement tous les membres de la Commission des affaires sociales pour leur entière collaboration. J'apprécie l'appui exprimé par tous ceux qui se sont exprimés à ce projet de loi. Je voudrais remercier les personnes qui ont collaboré de façon particulièrement étroite à ces travaux, en particulier le personnel de mon cabinet politique. Je remercie en outre l'équipe de légistes qui m'a accompagnée, soit Me Manuelle Oudar et Me Françoise Saint-Martin. Également, mes remerciements vont à l'équipe sous-ministérielle sous la responsabilité de Mme Christiane Barbe, sous-ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine, soit Mme Thérèse Mailloux, sous-ministre adjointe au Secrétariat à la condition féminine, et Mme Marie-Claude Brunet, son adjointe, de même que des membres de la Direction des relations publiques. Toutes ces personnes méritent des félicitations pour leur solide préparation et leur appui constant à notre démarche. Merci finalement au président de la Commission des affaires sociales, le député de Jacques-Cartier.
Pour finir, j'invite l'Assemblée nationale à accorder mon appui à ce projet de loi afin que, sans compromission et sans ambiguïté, l'égalité ait force de loi au Québec. Merci de votre attention, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci, Mme la ministre. Je reconnais maintenant Mme la députée de Deux-Montagnes, porte-parole de l'opposition officielle en matière de transport et de condition féminine. Mme la députée.
Mme Lucie Leblanc
Mme Leblanc: Merci, Mme la Présidente. Écoutez, Mme la Présidente, je suis très fière aujourd'hui d'intervenir dans le cadre de l'adoption finale du projet de loi n° 63, Loi modifiant la Charte des droits et libertés de la personne. À titre de porte-parole de l'opposition officielle en matière de condition féminine, je suis très heureuse d'avoir pu contribuer à ma façon au bon cheminement de ce projet de loi.
Je voudrais souligner qu'hier nous avons démontré sans équivoque l'importance, pour l'Action démocratique du Québec, de l'égalité des femmes et hommes dans notre société. Effectivement, hier, le chef de ma formation politique et également chef de l'opposition officielle est venu dire très clairement l'importance que revêt l'égalité des femmes et des hommes non seulement à l'Action démocratique du Québec, mais dans toute la société québécoise. Je suis fière, d'autant plus qu'il est le premier et le seul chef des trois formations politiques à avoir pris la parole dans le cadre de l'adoption finale de ce projet de loi.
Je l'ai dit et je le répète encore, ma formation politique considère que l'égalité des sexes est une valeur fondamentale au Québec. Il s'agit d'un pilier extrêmement important de notre société. Le projet de loi n° 63, bien qu'ayant une portée avant tout symbolique, viendra formaliser cette valeur fondamentale dans un texte de loi quasi constitutionnel, c'est-à-dire la Charte des droits et libertés de la personne. Dans le combat des femmes au respect et à la dignité, il faut prendre en considération l'évolution historique de leurs droits. Certains droits sont en effet très récents et bien souvent fragiles. La cause des femmes a beaucoup évolué au fil des ans de manière à consolider ces acquis si chèrement gagnés. Le projet de loi n° 63 ne fait pas exception. Il part du postulat que le droit des femmes peut, en 2008, être pris à partie avec la liberté de religion. On l'a bien vu dans le débat sur les accommodements raisonnables, cet enjeu a fait couler beaucoup d'encre.
Mais, Mme la Présidente, avant d'aller plus loin dans mon intervention, j'aimerais souligner que notre formation politique a exprimé une vive déception sur la manière dont ce projet de loi a vu le jour. Si son principe fondamental est indiscutable, les motivations qui ont guidé le gouvernement dans son élaboration le sont très certainement. En effet, si le projet de loi n° 63 nous est présenté aujourd'hui, c'est qu'il sert à colmater bien partiellement une crise sociale qui a vu le jour au Québec depuis quelques années. Le gouvernement n'a donc pas été proactif en ce qui concerne l'égalité entre les femmes et les hommes, mais plutôt en réaction. Cela nous amène donc à nous questionner sérieusement sur l'importance réelle que ce gouvernement libéral accorde à l'avancement de la cause des femmes. Nous trouvons malheureux que la cause des femmes fut utilisée comme paravent improvisé pour adoucir et maquiller l'incurie gouvernementale en regard des accommodements raisonnables.
Rappelons que le présent projet de loi tire son origine de l'avis présenté par le Conseil du statut de la femme devant la commission Bouchard-Taylor. Cette sensibilité politique autour du droit des femmes en lien avec la problématique des accommodements raisonnables, présentée par le Conseil du statut de la femme, semble avoir été cette bouée de sauvetage que le gouvernement libéral espérait pour enfin se dépêtrer tant bien que mal de ce dossier. Le projet de loi n° 63 constitue une réponse politique aux questions soulevées lors de différentes audiences de la commission Bouchard-Taylor, une réponse bien parcellaire, soulignons-le toutefois.
Par ailleurs, le projet de loi a une portée avant tout symbolique. Il ne peut enrayer à lui seul les accommodements déraisonnables et prétendre être la réponse unique à tous les maux et au rapport final de la commission Bouchard-Taylor. Je préviens donc le gouvernement libéral que nous l'aurons à l'oeil. L'égalité entre les femmes et les hommes est un sujet beaucoup trop sérieux pour qu'il soit réduit à un simple amendement symbolique à la Charte des droits et libertés. En ce sens, nous talonnerons le gouvernement dans les prochains mois afin que l'ensemble des commentaires, doléances et recommandations que nous avons eu la chance d'entendre par plus de 30 groupes lors des audiences sur le projet de loi n° 63 trouvent écho dans des actions concrètes.
Par respect pour tous ces groupes qui ont pris très au sérieux les consultations publiques et qui ont surtout pris le temps de nous formuler des commentaires très constructifs, nous ne pouvons les laisser tomber et faire fi de leurs revendications. Cela ne veut pas dire que l'État est responsable de tous les maux, mais il m'apparaît qu'en 2008 la lutte des femmes devrait être terminée depuis fort longtemps. Ce sera donc à nous, parlementaires de l'opposition, de garder notre vigilance, face au gouvernement, sur ses actions ou ses non-actions en regard des droits des femmes du Québec.
n(11 h 30)n Tel que je l'ai rappelé lors de la prise en considération du rapport de la Commission des affaires sociales, l'égalité des sexes est une valeur fondamentale qui nous rassemble tous. Je crois que nous devons construire, aujourd'hui, autour de ce principe et cimenter davantage nos valeurs fondamentales. Le projet de loi n° 63 constitue une étape en ce sens mais, je le rappelle, qu'une étape.
Le parcours pour atteindre la pleine et entière égalité entre les femmes et les hommes a été parfois ardu, mais, petit à petit, étape par étape, des femmes courageuses et déterminées ont repoussé les barrières de l'inégalité et indiqué la route à suivre. Permettez-moi, Mme la Présidente, de citer et de rendre hommage à certaines de ces femmes: en tout premier lieu, et son nom fut évoqué en commission parlementaire, Mme Marie-Claire Kirkland, qui devint, en 1961, la toute première femme à siéger ici même, à l'Assemblée nationale; puis, Mmes Monique Bégin, Albanie Morin et Jeanne Sauvé, qui, en 1972, devinrent les premières Québécoises à siéger à la Chambre des communes, à Ottawa. Mme Sauvé devint d'ailleurs la première femme québécoise à être nommée ministre au fédéral. En 1979, Claire L'Heureux-Dubé sera la toute première femme à être nommée à la Cour supérieure du Québec, puis également la première femme, en 1987, à siéger à la Cour suprême du Canada.
Un hommage tout particulier à Mme Andrée P. Boucher, décédée l'année dernière et qui devenait, en 1981, la première femme à occuper le poste de chef d'un parti politique municipal. Enfin, je veux saluer notre collègue députée d'Hochelaga-Maisonneuve qui devenait, en 2002, la première femme à occuper le poste de présidente de l'Assemblée nationale du Québec. Bravo! Je sais, M. le Président, que ces femmes et beaucoup d'autres que je n'ai pas nommées aujourd'hui ont été des modèles pour un nombre impressionnant de femmes du Québec. Ces femmes ont fait avancer la cause des femmes au Québec.
Il subsiste toutefois encore des distorsions dans notre société lorsque l'on met dans la balance les droits et responsabilités des femmes et des hommes. Il nous appartient à nous, parlementaires, de tout mettre en oeuvre pour atteindre l'équilibre. Mais pour ça il faut une réelle volonté de changement et une détermination à toute épreuve. Cette volonté d'équilibre doit clairement prédominer comme valeur essentielle dans notre société québécoise. Si le Québec est une société distincte, j'invite tous les parlementaires à faire en sorte que nous nous distinguions également par l'affirmation d'une totale égalité entre les femmes et les hommes. Que cette valeur soit le roc sur lequel nous organisons et ordonnons notre société civile.
Toute la question des accommodements raisonnables est venue exacerber certaines notions de traitement différentiel selon le sexe. S'il en est ressorti un aspect positif, c'est bien cette volonté populaire de préserver nos acquis sociaux et nos valeurs égalitaires. Je crois pouvoir dire sans me tromper que les yeux des Québécoises et des Québécois sont maintenant tournés sur nous, parlementaires, et plus précisément sur le gouvernement, afin d'évaluer la réponse que nous donnerons aux fortes bourrasques qui ont ébranlé le Québec dernièrement.
C'est en ce sens que je dis que le projet de loi n° 63 est une étape mais très certainement pas une fin en soi dans l'enracinement et l'affirmation de notre vouloir collectif à vivre égalitairement. En ce sens, les membres de ma formation politique croient qu'il faudrait aller beaucoup plus loin dans l'affirmation de ces valeurs fondamentales en les enchâssant dans une constitution québécoise. Ce geste solennel et fondateur permettrait d'élaborer des balises fixes quant aux demandes d'accommodement raisonnable pour motif religieux. Nous croyons également que l'adoption d'une constitution québécoise pourrait être une magnifique occasion de réunir toutes les Québécoises et les Québécois dans un geste à portée historique. Il permettrait de mieux se définir et se redéfinir.
Depuis la Révolution tranquille, le Québec a été le théâtre de grands chambardements, et nous estimons que notre société a certes, aujourd'hui, besoin d'un réel mouvement unificateur. L'adoption d'une constitution pourrait être ce moment unique de notre histoire. Nous réitérons, aujourd'hui, ce voeu qui nous est cher quant à l'adoption d'une constitution pour le Québec qui soit élaborée de manière non partisane, dans une optique de collaboration entre les différentes formations politiques.
Depuis la présentation du projet de loi n° 63, ma formation politique a voulu faire avancer le débat sur l'égalité entre les femmes et les hommes de manière à impliquer la population dans la modification d'un document aussi fondamental que la Charte des droits et libertés de la personne. Mon collègue le leader de l'opposition officielle et député de Trois-Rivières avait réclamé du gouvernement une consultation générale sur la question. L'objectif était d'être le plus inclusifs possible dans le cadre de nos délibérations, et je crois très sincèrement que les discussions que nous avons eues au mois de février, lors des cinq séances de consultation, auront été très constructives. Je tiens donc à féliciter le député de Trois-Rivières pour sa contribution personnelle au bon avancement du projet de loi n° 63.
Par ailleurs, j'aimerais souligner, et nous l'avons déjà évoqué, qu'il est malheureux de ne s'en tenir qu'à un seul aspect de la modernisation de notre Charte des droits et libertés. Même s'il s'agit d'un élément fort important, nous croyons que cette modification législative aurait dû s'inscrire dans une révision globale de notre charte. À cet égard, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse présentait, en 2003, une série de recommandations visant justement à moderniser la charte. Malheureusement, le gouvernement libéral, à son habitude, s'est enferré dans un immobilisme dommageable et a laissé le soin aux tribunaux de baliser le droit, ignorant ainsi son devoir de leadership.
Lors des audiences de la Commission des affaires sociales sur le projet de loi n° 63, l'opposition officielle a tenté d'être constructive dans ses questions et souhaitait connaître les motivations de plusieurs organisations à vouloir ratisser plus large quant à une modification à la Charte des droits et libertés de la personne. À l'occasion, ces questions ont fait frémir la ministre, qui tient mordicus à l'intégralité de son projet de loi. On s'attendait à ce qu'elle puisse regarder les deux côtés de la médaille, à ce qu'elle fasse preuve de curiosité intellectuelle. Hélas, nous sommes profondément déçus de l'entêtement de la ministre. Pourtant, certaines remarques et commentaires des intervenants furent des plus pertinents.
Permettez-moi, Mme la ministre, d'en citer quelques-uns: «...l'AFEAS se questionne à savoir si les modifications telles que proposées sont suffisantes pour atteindre l'objectif visé. La brève note explicative du projet de loi ne nous éclaire pas en ce sens.» Le Barreau du Québec a également... et je le cite: «...le comité de travail a eu peine à trouver le problème ou à identifier l'enjeu précis qui justifiait, à ce moment-ci, le dépôt du projet de loi n° 63.» L'Intersyndicale des femmes: «L'arrivée du projet de loi en décembre dernier, avant même que la commission Bouchard-Taylor ait remis ses recommandations, pouvait aussi nous faire penser à un calcul politique. [...]L'Intersyndicale des femmes reconnaît que le dépôt du projet de loi répond à des considérations politiques et qu'il serait pertinent qu'une réflexion plus poussée soit menée sur les modifications susceptibles d'être apportées à la charte.» Il y avait également Mme Charbonneau, de la CSN. Bien que le projet de loi n° 63 réponde à des objectifs nobles, le gouvernement libéral n'a pas envisagé toutes les options qu'il avait devant lui avant de le présenter, et ce manque de planification pourrait coûter cher à la société québécoise. Il ne faut pas jouer à quitte ou double avec les valeurs fondamentales du Québec. Elles auraient dû commander plus de rigueur de la part du gouvernement libéral.
Donc, l'opposition officielle souhaite donc faire un travail beaucoup plus sérieux afin d'atteindre le vrai objectif, soit l'atteinte d'une équité des droits sociaux et économiques des femmes, et en ce sens nous rejoignons plusieurs groupes dont l'Intersyndicale des femmes qui disait dans sa présentation qu'elle ajoutait «sa voix à celle de la Fédération des femmes du Québec et à celle de la Ligue des droits et libertés qui demandent que le gouvernement du Québec renforce les droits [sociaux et économiques] en mettant en place des mesures et des programmes qui sont concrètement susceptibles d'améliorer la condition sociale et économique des femmes et ainsi de poursuivre la réalisation progressive de l'égalité réelle de toutes les femmes».
Enfin, Mme la Présidente, je tiens à citer un extrait d'un communiqué de presse du Conseil du statut de la femme émis suite à la publication du rapport de la commission Bouchard-Taylor. Donc, je les cite... Oui, je cite le Conseil du statut de la femme: «Soulignons aussi la recommandation d'interdire le port de signes religieux pour certains agents de l'État. Cependant, la distinction qui est faite entre les fonctionnaires se justifie mal. À notre avis, tous les agents de l'État en relation avec le public devraient s'abstenir de porter des signes religieux ostentatoires afin de véhiculer la neutralité de l'État.» Ce commentaire démontre très clairement que le projet de loi n° 63 est loin de venir tout régler. C'est tout de même loufoque, le gouvernement libéral a fait preuve d'inertie et d'immobilisme suite au dépôt du rapport, en 2003, de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse sur les 25 ans de la charte et il fait maintenant preuve de précipitation et d'improvisation avant même le dépôt du rapport de la commission Bouchard-Taylor.
n(11 h 40)n Souvenez-vous de ce qui s'est passé à l'automne dernier, lors de l'étude, en commission parlementaire, des seuils d'immigration. Après les audiences, nous apprenions qu'il existait des études de l'Office de la langue française qui déploraient le niveau de francisation des immigrants. Si ces informations avaient été rendues publiques aux parlementaires, le débat aurait fort probablement pris une autre tournure.
L'étude détaillée du projet de loi aura nécessité deux séances. Nous avons pu débattre de certains enjeux très sérieux et souvent fort complexes. Mais, au coeur de ces échanges, nous avons voulu être pragmatiques en nous plaçant du point de vue du simple citoyen. En d'autres termes, nous avons voulu saisir les répercussions qu'aura le projet de loi n° 63 dans la vie de tous les jours de nombreuses Québécoises et Québécois.
L'expérience a été enrichissante pour moi à titre de parlementaire, et je suis très fière d'avoir pu contribuer à l'adoption de ce projet de loi. Je crois qu'il est important que le projet de loi n° 63 soit ratifié dans les meilleurs délais et je me réjouis du fait que le gouvernement procède à son adoption finale d'ici la fin de la session. On sait que bien souvent les travaux parlementaires sont très garnis en session intensive et que de nombreux projets de loi sont en cours de ratification. Je suis donc heureuse de voir que le projet de loi n° 63, considérant les valeurs qu'il véhicule, aura une place de choix dans le processus parlementaire.
Je tiens également à remercier et à saluer la ministre de même que son personnel pour leur présence, leur disponibilité et leur collaboration à faire avancer le projet de loi n° 63. Cela a démontré que nous devions nous unir, indépendamment des formations politiques, pour envoyer un message clair aux nouveaux arrivants sur les valeurs fondamentales du Québec et les règles collectives du maintien de l'ordre social et politique. En terminant, je tiens à remercier aussi mes collègues pour leur soutien et leur collaboration à décortiquer adéquatement le projet de loi n° 63. Leur assistance a été fortement appréciée.
Donc, Mme la Présidente, à titre de représentante de ma formation politique au sujet de la condition féminine, il me fait plaisir de voter en faveur du projet de loi n° 63 dans le cadre de son adoption finale. Je fais le voeu que les femmes du Québec y voient une pierre d'assise dans l'affirmation de ce qu'elles sont et des droits légitimes auxquels elles aspirent. Je souhaite également que ce projet de loi soit une source d'inspiration pour elles dans le but d'exprimer aux yeux du monde leurs multiples talents. Je vous remercie.
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Je vous remercie, Mme la députée de Deux-Montagnes, et je cède maintenant la parole à Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, porte-parole du deuxième groupe d'opposition en matière d'aînés en perte d'autonomie, de services sociaux et de condition féminine. Mme la députée.
Mme Louise Harel
Mme Harel: Alors, merci, Mme la Présidente. Mme la Présidente, le projet de loi n° 63, qui est en discussion à la fin du processus, puisque nous en sommes à l'adoption finale, contient deux articles, d'abord une modification au préambule de la Charte des droits et libertés de la personne, laquelle modification introduit l'égalité entre les femmes et les hommes de même que la notion de liberté qui rejoint celles de justice et de paix. Également, le projet de loi n° 63 introduit une règle interprétative par laquelle les... et qui se lit comme suit: «Les droits et libertés énoncés dans la présente charte sont garantis également aux femmes et aux hommes.» Tout de suite, disons-le, Mme la Présidente, cela a fait largement l'unanimité ou presque dans notre société, en tout cas un très, très large consensus ici même, à l'Assemblée nationale, en commission parlementaire et en fait dans l'ensemble de l'opinion publique québécoise. Alors, ce qui fait défaut dans ce projet de loi, ce n'est pas ce qu'on y retrouve ? bien évidemment, je viens de vous le décrire rapidement ? mais c'est ce qu'on n'y retrouve pas. Alors, on a, dans ce projet de loi, une des trois valeurs fondamentales énoncées par le premier ministre lors d'une déclaration ministérielle ici même, à l'Assemblée nationale, à la suite du rapport Bouchard-Taylor, on n'y retrouve pas les valeurs fondamentales que le gouvernement a cru bon de faire publier dans tous les quotidiens du Québec à la suite de cette commission de consultation sur les accommodements raisonnables qui s'est tenue à travers tout le Québec, lesquelles valeurs fondamentales, rappelons-les, je vous les rappelle, Mme la Présidente, sont les suivantes, l'égalité entre les femmes et les hommes, la primauté du français et la séparation entre l'État et la religion, ce qui a permis une publicité où finalement, comme le signalait mon collègue le député des Îles-de-la-Madeleine, la photo du premier ministre occupe plus d'espace que le texte lui-même.
Mais ce texte se lisait comme suit: «Le Québec est une nation par son histoire, sa langue, sa culture, son territoire et ses institutions. La nation du Québec a des valeurs. L'égalité entre les femmes et les hommes, la primauté du français et la séparation entre l'État et la religion font partie de ces valeurs fondamentales. Elles sont à prendre avec le Québec. Nous n'avons pas tous la même origine, [mais] pourtant nous avons la même destinée. Car nous sommes tous Québécois.» Mme la Présidente, nous concourons à cette affirmation, à cette déclaration, et nous sommes très inquiets non pas de ce qu'on retrouve, comme valeur fondamentale, une seule de ces trois valeurs dans le projet de loi n° 63 ? alors, nous sommes évidemment en accord avec ce qui est proposé dans le projet de loi n° 63 ? mais nous sommes très inquiets de ce qu'on omet, de ce que le gouvernement omet de nous proposer, à savoir la primauté du français et la séparation de l'État et de la religion. Pourquoi, Mme la Présidente? Parce qu'un législateur, c'est considéré ne pas parler pour ne rien dire. Alors, quand le législateur choisit de déposer une législation et de la faire adopter, lequel exercice auquel nous nous prêtons ce matin, c'est qu'il choisit donc de parler pour que ça ait des conséquences. Les conséquences, dans la vie des citoyens comme dans la vie des sociétés, c'est d'édicter des règles, des normes ou encore d'édicter, dans le cas des chartes, des valeurs, des droits. Et, quand les tribunaux ont à décider en fonction de conflits de droits ou de valeurs, ils retournent aux chartes et ils vont vérifier ce que le législateur a choisi de considérer comme fondamental. Ils ne vont pas dans la publicité, là, publiée par les gouvernements, ils ne vont pas dans les quotidiens, ils vont dans les chartes.
Et qu'est-ce qu'ils vont retrouver dans la charte québécoise des droits et libertés? Ils vont retrouver, dans le préambule qui fixe, n'est-ce pas... dans son introduction, ce qui fonde l'interprétation du reste d'une charte dans ses droits civils et politiques notamment et dans l'exercice d'arbitrage des droits, ce qu'ils vont y retrouver, c'est une seule des valeurs fondamentales auxquelles concourt la société québécoise, une seule de ces valeurs fondamentales. Nous y souscrivons, à cette valeur fondamentale, mais nous sommes extrêmement inquiets de l'omission que le gouvernement libéral fait actuellement, en matière d'affirmation et de pérennité, dans la charte, des droits fondamentaux que sont la primauté du français et la séparation de l'État et de la religion.
D'abord, faut-il rappeler, Mme la Présidente, que la ministre tantôt parlait, avec raison, de cette législation qui hisse au rang de droit inaltérable ? je la cite, là ? qui hisse au rang de droit inaltérable l'égalité de droit entre les femmes et les hommes? Mais, comme le législateur, ça ne parle jamais pour ne rien dire, est-ce que ça signifie que la valeur de primauté du français, comme celle de séparation de l'État et de la religion, n'est pas, elle, ici, au rang de droit inaltérable? S'il n'y en a qu'une seule qui l'est, comment est-ce que les tribunaux pourraient juger l'intention du législateur qui n'y est pas, qu'il n'introduit pas?
n(11 h 50)n Alors, elle a parlé aussi, Mme la ministre, de valeurs non négociables dans le cas du droit à l'égalité des hommes et des femmes. S'il n'y a que ce droit à l'égalité qui est une valeur non négociable, qu'en est-il des deux autres valeurs, puisque le gouvernement a choisi de ne pas les introduire dans la charte et dans le préambule? Alors, vous allez me dire: Oui, mais, dans le cas de la primauté du français, il y a déjà la Charte de la langue française. Bien, Mme la Présidente, la Charte de la langue française n'a de charte que le nom. La Charte de la langue française, en fait c'est une simple législation. On l'appelle la loi 101, et cette loi 101 n'a pas le caractère fondamental de charte. C'est tellement vrai que souvent les tribunaux ont invalidé des dispositions de la loi 101, ont invalidé des chapitres de la loi 101 en utilisant la Charte des droits.
Parce qu'une charte, Mme la Présidente, c'est assez fondamental. D'ailleurs, la ministre le sait. Je vais la citer au texte. Ce sont là les propos qu'elle-même a tenus ici, dans cette Assemblée, dans le salon bleu, au moment où il y avait dépôt du projet de loi, c'est-à-dire au moment où on a fait l'adoption de principe. Alors, Mme la ministre dit ceci: «Pourquoi précisément une loi modifiant la charte? Parce que [...] la Charte des droits et libertés de la personne est une législation fondamentale qui se situe au sommet de la hiérarchie des textes juridiques au Québec et qu'elle est, avec le Code civil, une [législation] autour desquelles s'articulent toutes les autres normes juridiques. Les dispositions qu'elle contient disposent [...] d'une visibilité et d'une reconnaissance particulières [que les autres lois n'ont pas]. En effet, le contenu de la charte québécoise a une influence sur l'ensemble du droit, et ses répercussions se font sentir tant sur le plan des comportements que dans l'attitude qu'adoptent les tribunaux.» Ça, ça signifie, Mme la Présidente, qu'une charte, c'est au-dessus des autres lois et que les tribunaux utilisent l'interprétation des dispositions contenues dans une charte pour justement décider de confirmer ou d'invalider les autres lois, et le fait de se dérober, comme gouvernement, à cette responsabilité fondamentale à ce moment-ci, où on réaffirme les valeurs fondamentales de notre société, à savoir l'égalité des droits entre les hommes et les femmes, la primauté du français et la séparation de l'État et de la religion, ce n'est pas innocent. Ce n'est pas, Mme la Présidente, comme si le gouvernement... Ce n'est pas par négligence. Il y a, au-delà de ça, un choix, et ce choix, Mme la Présidente...
Je pense avoir une heure, hein, à ma disposition pour intervenir? Vous me faites des signes, là. Alors, je pense avoir une heure à ma disposition, là. Vous me faites signe minute après minute. Ha, ha, ha! Je pense qu'on ne va pas jouer à ce jeu-là pendant 60...
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Très bien. Oui, Mme la députée, comme porte-parole, vous avez 60 minutes.
Mme Harel: Je vous remercie. Alors, je reprends donc cette question. C'est que le gouvernement actuellement se dérobe à cette responsabilité suprême. Dans sa déclaration ministérielle suite au rapport de la commission Bouchard-Taylor, le premier ministre a parlé de responsabilité suprême qui lui incombait. Et j'aurais voulu le citer au texte, Mme la Présidente, cela viendra certainement, mais, quoi qu'il en soit, oui, cette responsabilité suprême lui incombe, et, le fait de se dérober à cette responsabilité pour finalement se contenter de publicité, il y a là quelque chose qui est extrêmement inquiétant pour la société québécoise. Parce qu'il y a un choix. Et j'y reviendrai, parce que, dans ce choix, il y a une subordination au fait que la Charte canadienne des droits et libertés, elle, contient déjà des dispositions à l'effet qu'il y a deux langues officielles, et je rappelle que malheureusement le Québec est toujours assujetti à cette Charte canadienne des droits qui lui a été imposée mais qui signale donc qu'il y a deux langues officielles au Canada et qui en plus, cette Charte canadienne des droits, édicte que la règle d'interprétation de la charte est celle du multiculturalisme.
Alors, ce que le gouvernement fait en refusant d'introduire dans le préambule de la charte québécoise la primauté du français, pourtant considérée comme une valeur fondamentale, et la séparation de l'État et de la religion, ce qu'il fait, c'est qu'il laisse complètement à découvert... donc il laisse la prééminence de la Charte canadienne des droits et libertés, à l'article 16, qui édicte que le français et l'anglais sont les langues officielles du Canada. Et, quand les tribunaux ont à interpréter des chartes, bien ils interprètent la seule charte qui parle de langue, et ce n'est pas la charte québécoise, qui ne contient rien en matière de primauté du français mais qui contient une disposition, comme d'ailleurs celle qui interdit la discrimination basée sur le sexe, qui contient une disposition qui interdit la discrimination basée sur la langue.
Mais, puisque le gouvernement a jugé que la disposition contenue dans la charte québécoise, à l'article 10, qui prévoit qu'il ne doit pas y avoir de discrimination basée sur le sexe, n'était pas suffisante, qu'il fallait en plus, avec le projet de loi n° 63, favoriser l'aspect interprétatif en introduisant dans le préambule l'affirmation du droit à l'égalité des hommes et des femmes et en introduisant une disposition qui est une règle interprétative, qui doit dans le fond être utile pour interpréter l'ensemble de la charte sur le droit à l'égalité des hommes et des femmes, c'est donc dire qu'en ce qui concerne la langue, puisqu'il n'y a rien d'autre que l'interdiction de la discrimination, c'est la charte canadienne qui est utilisée pour interpréter tout conflit de droits en ces matières, et la charte canadienne dit qu'il y a deux langues officielles. Et c'est la seule disposition, dans une charte, qu'on retrouve au Canada puisque la charte québécoise ne contient rien.
Malgré toutes les motions, déclarations, publicités que le gouvernement a pu publier, Mme la Présidente, le gouvernement se dérobe à sa responsabilité de pérenniser, pour les générations à venir, ces valeurs fondamentales que sont la primauté du français et la séparation de l'État et de la religion, d'autant que, dans la charte canadienne, qui s'applique, au Québec, concurremment à la charte québécoise, il y a également un dispositif qui prévoit la règle interprétative du multiculturalisme. Alors, on dit que toute interprétation de la charte doit concorder avec l'objectif de promouvoir le maintien et la valorisation du patrimoine multiculturel des Canadiens. Ça s'applique, Mme la Présidente, et j'aurai l'occasion d'y revenir ? je remercie mon collègue ? j'aurai l'occasion d'y revenir au cours de cet exposé.
Alors, nous disions donc que le gouvernement avait choisi de retenir, des trois valeurs fondamentales, une seule des trois qu'il considère comme étant une valeur non négociable et qu'il considère ici au rang de droit inaltérable, et je maintiens qu'à défaut de le confirmer pour les deux autres valeurs fondamentales ce sera considéré comme si ces valeurs pouvaient être négociables et si elles n'avaient pas ce caractère de droit inaltérable. Je prends cette affirmation très simple que l'on apprend dès qu'on commence à siéger dans ce Parlement, que le législateur ne parle jamais pour ne rien dire et que, s'il dit ne retenir qu'une seule des trois valeurs fondamentales, c'est qu'il laisse tomber les deux autres en matière d'affirmation, de fondement de la cohésion de notre société.
Alors, celle qu'il retient, Mme la ministre a dit que ça avait valeur symbolique. Oui, ça a valeur symbolique, mais c'est une règle interprétative qui en fait reprend le droit substantif, le droit jurisprudentiel. La Commission des droits de la personne est venue d'ailleurs en commission parlementaire nous présenter un mémoire dans lequel elle concluait par l'affirmation suivante ? je les cite: «...la commission accueille avec intérêt la proposition de modifications à la charte. Ces modifications devraient mieux faire connaître le principe fondamental de l'égalité entre les femmes et les hommes. La commission estime que ces modifications n'ont pas pour effet de modifier l'état actuel du droit en matière de droit à l'égalité et elle est en accord avec cette approche.» Alors, c'est donc dire que, dans l'état actuel du droit, la jurisprudence... Il y a eu en fait de nombreux exemples qui nous ont été apportés. La jurisprudence est à l'effet d'interpréter... En fait, je les cite, là: «La disposition interprétative proposée confirmerait l'approche [...] appliquée par les tribunaux [actuellement].» C'est ce que dit la Commission des droits et libertés de la personne.
n(12 heures)n Alors, oui, d'une certaine façon, on se prémunit parce que c'est l'interprétation appliquée par les tribunaux actuellement. Et, comme le dit la commission, oui, la présence d'une disposition interprétative n'est pas constitutive d'un droit substantif, mais le gouvernement a cru bon que ? et on lui donne raison, on lui donne raison ? d'affirmer dans le préambule et d'introduire une règle interprétative, même si l'approche appliquée par les tribunaux confirme en fait actuellement la jurisprudence en termes de prise en compte du droit à l'égalité entre les femmes et les hommes, lorsque le tribunal doit analyser une situation juridique ou une liberté où un droit de la personne est en cause, parce que les droits évidemment doivent être interprétés les uns par rapport aux autres, ils peuvent même être en conflit les uns par rapport aux autres. Alors, oui, ça a un aspect symbolique important, mais j'insiste parce que je... Je ne peux pas oublier que, si ça a un aspect symbolique important d'introduire le droit à l'égalité, ça a un aspect symbolique important de ne pas introduire la primauté du français et la séparation de l'État et de la religion. Mais, bon, ça a un aspect symbolique important, celui d'introduire dans le préambule, d'introduire une règle interprétative, et ça a surtout l'aspect que... Je le disais souvent, c'est sursouligné, c'est-à-dire un juge qui a la vue courte, là, eh bien il ne pourra pas passer à côté, il va devoir tenir compte de la règle d'interprétation du droit à l'égalité pour interpréter, si vous voulez, les autres dispositions de la charte.
Alors, le Barreau, d'ailleurs, du Québec, qui s'est présenté avec beaucoup de craintes en commission parlementaire, parce que le Barreau craignait la hiérarchisation des droits, donc a finalement écrit à la ministre et a fait parvenir copie aux membres de la commission parlementaire pour en fait nous rappeler que les amendements proposés viennent réaffirmer des droits qui sont déjà expressément consacrés par la charte québécoise. Alors, au même sens, ce que le Barreau dit, c'est symbolique, mais ce n'est pas historique. Là, il faut faire la différence, là, entre ce qui est symbolique et historique. C'est symbolique, mais les droits consacrés par la charte québécoise, le Barreau en fait, à cet égard... Je les cite, là: «Les amendements proposés [dans la loi n° 63] viennent réaffirmer des droits qui sont déjà expressément consacrés par la charte québécoise.» Mais le fait de les répéter... Dans une société, Mme la Présidente, le fait de le répéter, ça a fait oeuvre utile parce que finalement c'est là une valeur commune qui a besoin, à chaque génération peut-être, de l'être, mais tout autant pour la primauté du français puis la séparation de l'État et de la religion.
Alors, concernant cette question de hiérarchisation des droits et concernant justement le fait que ce droit à l'égalité était déjà expressément consacré, le Barreau ajoutait, dans une correspondance, le 25 mars dernier, donc à la suite des travaux de la commission parlementaire, ceci, je les cite: «Comme d'autres intervenants, directement intéressés par le développement des droits fondamentaux et par le droit des femmes à l'égalité, dont la Ligue des droits et libertés et la Fédération des femmes du Québec, le Barreau du Québec a soulevé diverses questions au sujet de la hiérarchisation indirecte des droits fondamentaux découlant des dispositions proposées. D'autre part, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse s'est aussi penchée sur ces importantes questions.
«Toutefois, après consultation auprès de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse et à la lumière [des] déclarations [de la ministre] à l'Assemblée nationale, nos inquiétudes sont apaisées et nous croyons maintenant que les dispositions proposées ne devraient pas être interprétées comme conférant une préséance au droit à l'égalité sans discrimination fondée sur le sexe sur les autres droits et libertés reconnus dans la charte québécoise.» Alors: «En conséquence, le Barreau accueillera favorablement l'adoption du projet de loi n° 63 ? mais ils ajoutaient, comme bien d'autres groupes ? bien que nous croyons qu'il aurait été préférable que les amendements proposés dans le projet de loi n° 63 soient considérés dans le cadre d'un examen global de la charte afin de pouvoir bénéficier d'une vision d'ensemble des droits et libertés qui y sont prévus notamment en matière de droit à l'égalité, de protection contre la discrimination et de mécanismes de réparation.
«Le Barreau estime[...], à l'instar de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, qu'une égalité plus effective entre les femmes et les hommes doit passer par une reconnaissance plus complète des droits économiques et sociaux.» Ça, Mme la Présidente, nous l'avons beaucoup, beaucoup entendu lors des travaux de la commission parlementaire, en février dernier, à savoir, au premier chef, la Fédération des femmes du Québec qui, dans sa présentation, nous a rappelé que «les Québécoises ont le droit de s'attendre à une protection effective de leur droit à l'égalité, et ce, pour l'ensemble des droits qui sont les leurs. À cet égard, la Fédération des femmes du Québec tient à souligner qu'il reste encore du chemin à parcourir et que la Charte des droits et libertés du Québec n'accorde pas une protection équivalente à tous les droits [et à tous les droits] des femmes, notamment à leurs droits économiques et sociaux.» Alors, sur cette question, il faut se rappeler que la charte contient, aux articles 1 à 38, les droits civils et politiques et, aux articles 38 à 48, les droits économiques et sociaux, et qu'à l'égard des droits économiques et sociaux la portée de ces droits est extrêmement différente, puisqu'ils n'ont pas ce caractère de primauté ou de préséance sur les législations qui peuvent être adoptées, contrairement aux droits civils et politiques.
Alors, à cet égard, Mme la Présidente, il faut rappeler que la commission Bouchard-Taylor elle-même... Mme la ministre, tantôt, en a cité un extrait qui confirmait l'appui de la commission à l'adoption des dispositions du projet de loi n° 63, mais elle a omis cependant d'ajouter ce que la commission Bouchard-Taylor affirmait également, à savoir qu'il serait utile... qu'il importerait également que l'État renforce les droits économiques et sociaux déjà garantis par la charte en leur assurant une primauté sur toute législation québécoise au même titre que les droits civils et politiques, ce qui n'est pas le cas présentement. Fin de la citation.
Et à cet égard la commission recommandait que «les droits économiques ? et je cite le rapport; que les droits économiques ? et sociaux reconnus aux articles 39 à 48 de la charte soient renforcés en fonction [de] trois axes suivants: ajout d'une disposition générale, avant l'article 39, prévoyant que la loi doit respecter le contenu essentiel des droits économiques et sociaux; extension aux articles 39 à 48 de la primauté sur la législation, prévue par l'article 52 de la charte.» Eh bien, je dois vous dire, Mme la Présidente, que mes collègues et moi avons tenté, en commission parlementaire, lors de l'étude article par article du projet de loi n° 63, d'introduire, par des amendements que nous avons soumis à la commission, d'introduire ce dispositif qui est recommandé dans le rapport Bouchard-Taylor en matière de reconnaissance du caractère de primauté des droits économiques et sociaux. Et je dois vous dire que la partie ministérielle s'est opposée à ce que ces amendements soient accueillis par la commission parlementaire. Et pourtant nous en avions beaucoup entendu parlé, des droits économiques et sociaux, lors de la commission parlementaire de février dernier, d'abord, au premier chef, évidemment, par la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, qui a la responsabilité de surveillance des droits et libertés de la personne.
Alors, dans son mémoire, la commission des droits et libertés avait fortement recommandé que le gouvernement donne suite à son bilan qui a été déposé en novembre 2003. Alors, on ne peut pas dire que le gouvernement a été pris de court, hein, parce que, dans le bilan de la charte québécoise des droits et libertés, 25 ans après son adoption, transmis en novembre 2003 au nouveau gouvernement libéral, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse recommandait que les droits économiques et sociaux soient dorénavant reconnus au même titre que les droits civils et politiques. Alors, je cite: «La commission recommande des modifications à la charte permettant de s'assurer que toute loi respecte le contenu essentiel des droits économiques et sociaux, quitte à ce que cette primauté entre en vigueur graduellement.» Alors, c'est donc dire que cela faisait au-delà de cinq ans que la Commission des droits de la personne avait transmis ce bilan au gouvernement libéral, et ils sont venus en février, cette année, nous rappeler que la... et je les cite également:«La commission est toujours d'avis qu'une meilleure reconnaissance effective des droits économiques et sociaux constitue un élément essentiel pour garantir l'exercice des droits et libertés de la personne. S'il est vrai que la reconnaissance de ces droits ne vise pas spécifiquement les femmes, il importe de rappeler que les femmes sont particulièrement touchées par l'objet [de] droits économiques et sociaux.»n(12 h 10)n Et ils citent... Dans une des études du bilan des 25 ans de la charte, le chapitre consacré à la lutte des femmes indique ceci, et je les cite: «La pauvreté est de loin la situation la plus corrosive pour l'exercice des droits et, particulièrement, celui du droit à l'égalité.» Alors, à cet égard, la Commission des droits demandait un renforcement des droits économiques et sociaux et elle était en fait inspirée par le bilan qu'elle avait tracé, Mme la Présidente, au moment où il y a eu ce 25e anniversaire de la charte. Nous sommes maintenant déjà... Puisque la Charte québécoise des droits et libertés a été adoptée en 1975, alors nous en sommes déjà au 33e anniversaire de la Charte québécoise, et il est évident qu'il y a toujours nécessité d'adapter cette charte à l'évolution en fait de notre société.
Alors, la commission concluait d'ailleurs devant... la Commission des droits concluait en février dernier: «[La commission] est toujours d'avis que, pour mieux garantir le droit à l'égalité, particulièrement pour les femmes, la reconnaissance effective des droits économiques et sociaux s'impose.» Aussi réitère-t-elle à cet égard les recommandations du bilan des 25 ans de la charte qu'elle rendait public en novembre 2003.
Alors, à cet égard, 17 groupes sur les quelque 30 organismes qui sont venus en commission parlementaire déposer un mémoire, 17 groupes ont repris cette recommandation. Je pense en particulier à la Fédération des femmes du Québec qui disait: «L'absence de prépondérance des droits économiques et sociaux dans la Charte des droits et libertés du Québec sur toute autre législation ? contrairement aux droits civils et politiques ? constitue un handicap important à la réalisation d'une égalité réelle pour les femmes.» Disons, au même motif, là, la CSN disait: «À l'heure actuelle, les droits économiques et sociaux ne sont que des voeux pieux; ils n'ont aucune préséance; ils ne peuvent donner lieu à une déclaration d'invalidité ni à une action en dommages-intérêts. Pourtant, ce sont [des] droits qui, maintenant, sont à même de permettre la réalisation de l'égalité des femmes et des hommes.» Et on pourrait, Mme la Présidente, citer la Ligue des droits et libertés ou encore citer l'AFEAS qui disait ceci: «...au-delà des droits civiques et politiques, nul ne peut prétendre à l'égalité réelle et concrète si ses droits économiques et sociaux sont bafoués.» Je cite également la titulaire de la Chaire d'étude Claire-Bonenfant sur la condition des femmes à la Faculté de droit de l'Université Laval qui disait: «[Le gouvernement] aurait pu modifier l'article 52 de la charte afin d'y inclure les droits sociaux et économiques[...]. Une telle modification aurait permis aux femmes d'atteindre l'égalité réelle puisqu'elles sont les plus pauvres, particulièrement si elles sont âgées ou immigrantes, et qu'elles recourent aux programmes sociaux en plus grand nombre que les hommes.» Alors, au même effet, Mme la Présidente, du Barreau du Québec au Conseil des aînés, alors que son président du Conseil des aînés disait: «Quand on tombe avec les articles 39 jusqu'à 48, ce sont des droits économiques et sociaux extrêmement importants mais qui n'ont pas la même prévalence [...] des premiers articles.» De même pour le Regroupement provincial des maisons d'hébergement et de transition pour femmes victimes de violence conjugale, de même pour le Regroupement des centres de femmes du Québec, et ainsi de suite.
Alors, le message, on ne pouvait pas passer à côté, là, le message à l'occasion des travaux de la commission parlementaire. Le message était très, très clair: l'égalité de droit entre les hommes et les femmes, ça a un caractère... au-delà du caractère juridique, ça doit avoir un caractère d'égalité réelle et non pas simplement abstraite. Et, pour qu'il y ait cette égalité réelle et non pas simplement abstraite, bien une des voies recommandées qui faisaient un très large consensus dans tous ces organismes, c'était, c'est et ce sera certainement la question de la reconnaissance à part entière, si vous voulez, dans la charte des droits économiques et sociaux.
Alors, je me réjouis que la députée de Deux-Montagnes ait souhaité qu'il y ait un examen qui puisse se poursuivre, certainement un examen parlementaire de ces questions qui puisse se poursuivre en commission parlementaire à notre retour éventuellement, à l'automne prochain. Je pense qu'on ne peut pas passer à côté, Mme la Présidente. Si le gouvernement pense que l'opinion publique, et particulièrement l'opinion publique qui est alertée sur ces questions de droit, et notamment d'égalité de droit entre les hommes et les femmes, va se contenter, à ce moment-ci, d'un dispositif juridique, je pense qu'il faut se rapporter aux travaux de la commission parlementaire pour comprendre à quel point, là ? du Barreau du Québec en passant par tous les groupes de femmes ? c'est certainement le leitmotiv le plus important qu'on ait entendu pendant cette commission parlementaire. Et je pense que, dans un gouvernement qu'on prétend de cohabitation, il sera impossible au gouvernement de passer à côté de la nécessité d'en faire un examen approfondi si les deux oppositions le lui proposent alors, et d'autant qu'on le retrouve... s'il veut donner suite au rapport de la commission Bouchard-Taylor. Parce que faut-il rappeler que c'est là également une des recommandations du rapport de la commission, alors je pense que ce sera un aspect très important des suites que le gouvernement devra donner dès notre retour à l'Assemblée nationale, lors de la prochaine session.
Alors, je disais donc, Mme la Présidente, que le gouvernement avait choisi de ne retenir qu'une des trois valeurs fondamentales qu'il a pourtant affirmées haut et fort, de toutes les manières possibles, y compris, comme je le mentionnais, dans les publicités dans les médias ou dans les quotidiens. Et ce qui surprend parce qu'on aurait pu penser que les déclarations faites par la ministre de la Condition féminine dans ses remarques préliminaires, au moment de la présentation du projet de loi n° 63, allaient permettre d'aborder la question de la liberté de religion et des valeurs fondamentales modernes. Lorsque Mme la ministre, dans ses remarques préliminaires, en commission parlementaire, le 12 février, est intervenue... Je la cite, là, au texte: «En déposant le projet de loi n° 63, le gouvernement poursuit son engagement de concrétiser une véritable égalité de fait. Le dépôt du projet de loi représente également un acte démocratique. En ramenant la question à l'Assemblée nationale, le gouvernement ? et c'est en février, je le rappelle, là ? permet aussi aux parlementaires de prendre leur place dans le débat que suscite la reconnaissance du droit à l'égalité entre les femmes et les hommes ainsi que sur les questions liées à la liberté de religion. Le gouvernement veut que les élus du peuple puissent jouer un rôle de premier plan dans la définition des valeurs fondamentales de la société québécoise eu égard aux préoccupations modernes des citoyens.» Alors, pour que le gouvernement soit sérieux et prétende avec sérieux donner suite à sa volonté d'inclure les élus du peuple dans la définition des valeurs fondamentales de la société québécoise, il faut, Mme la Présidente, que ce soit autre chose que simplement de la publicité dans les journaux. La façon, je le répète, d'inclure les élus du peuple ? «doivent jouer un rôle de premier plan [disait la ministre de la Condition féminine] dans la définition des valeurs fondamentales de la société québécoise» ? c'est justement de faire en sorte qu'on puisse légiférer sur ces valeurs fondamentales qui constituent un large consensus dans la société québécoise.
D'autant qu'interrogée en commission parlementaire la présidente du Conseil du statut de la femme est venue en fait renchérir sur les propos qu'avait tenus la ministre de la Condition féminine lors de ses remarques préliminaires. Interrogée par mon collègue le député du Lac-Saint-Jean, la présidente du Conseil du statut de la femme, Mme Christiane Pelchat, dit ceci... Alors, mon collègue lui demande, sur la question de la primauté du français, il lui dit: «"La primauté de la langue française, la laïcité et l'égalité entre les femmes et les hommes se trouvent à la base du vivre-ensemble qui assure la cohésion sociale au bénéfice de la protection des droits humains."» Et la présidente du Conseil du statut dit: «C'est moi-même qui ai écrit [cela], M. le député.» Alors, il lui dit: «Oui? Bien, je vous en félicite. Est-ce que vous croyez également à la bonification des deux autres valeurs que vous énoncez dans cette phrase?» Et la présidente du Conseil du statut de la femme répond: «Certainement sur la laïcité [...]. Nous sommes tout à fait d'accord[...], si jamais cette modification venait, qu'il y ait [...] une modification législative en faveur de la laïcité.»n(12 h 20)n Alors ça, ça faisait écho évidemment à cette invitation, dans les remarques préliminaires de la ministre de la Condition féminine, ça faisait écho à cette invitation de faire jouer un rôle de premier plan aux élus du peuple dans la définition des valeurs fondamentales de la société. Ça faisait également écho à un avis du Conseil du statut de la femme qui s'intitule Droit à l'égalité entre les femmes et les hommes et libertés religieuses, qui a été publié en novembre dernier, donc c'est tout à fait récent. Il fut publié au moment où... je pense même au moment où le projet de loi n° 63 était déposé, et ce qu'affirme cet avis qui porte sur le droit à l'égalité, alors c'est ceci: L'accent est mis sur trois valeurs, les trois valeurs énoncées par le premier ministre du Québec lorsqu'il a annoncé, en février dernier, la création de la Commission de consultation sur les pratiques d'accommodement reliées aux différences culturelles, commission Bouchard-Taylor: la séparation entre l'État et la religion, la primauté du fait français, l'égalité entre les femmes et les hommes. «Le premier ministre a ajouté que l'adhésion à ces valeurs constituait une prémisse importante au choix de vivre au Québec, et que ces valeurs ne pouvaient faire l'objet d'aucun compromis.» Alors, ces valeurs ne peuvent faire l'objet d'aucun compromis, mais on ne le retrouve, pour deux d'entre elles, dans aucune des dispositions de la loi fondamentale qui est à notre usage au Québec, qui est la Charte québécoise des droits.
Alors donc, cet avis du Conseil du statut de la femme poursuivait: «Cette laïcité nouvellement affirmée comme valeur commune du peuple québécois prend tout son sens à la lumière de notre histoire». Et finalement cet avis du Conseil du statut de la femme concluait ceci: Cet avis témoigne du fait qu'une interprétation de la liberté de religion sans égard à ses effets sur l'égalité entre les femmes et les hommes et à leur dignité humaine fragilise ce droit acquis chèrement et qui nécessite la vigilance [de tous les acteurs sociaux afin d'être pleinement réalisé.» C'est donc dire que cette valeur fondamentale de la séparation de l'État et de la religion, si tant est qu'elle n'est pas affirmée dans la charte québécoise comme étant... laquelle charte, on le sait, est une législation qui est au sommet de la hiérarchie des textes juridiques, eh bien cela peut fragiliser ce droit chèrement acquis et qui nécessite la vigilance de tous les acteurs, qui est le droit à l'égalité entre les femmes et les hommes.
Mais plus encore, M. le Président, à cet égard je voudrais citer la politique gouvernementale, la Politique gouvernementale pour l'égalité entre les femmes et les hommes, qui s'intitule justement Pour que l'égalité de droit devienne une égalité de fait, laquelle politique gouvernementale est triennale, donc sur trois ans. Elle est en vigueur présentement, et on peut y lire, à la page 41: «Soutenir l'égalité entre les femmes et les hommes dans un contexte de diversité croissante sur les plans culturel et religieux.» Et on y dit ceci: «Par conséquent, de façon particulière, les valeurs et les principes suivants doivent être réaffirmés: L'État est laïc, et la séparation des sphères politique et religieuse est une valeur fondamentale de la société québécoise.» Je veux bien, M. le Président... Mme la Présidente, excusez-moi, je veux bien ? Mme la Présidente, je me suis fait appeler quelquefois M. le Président; alors, je veux bien ? qu'on les réaffirme dans des publicités, ces valeurs fondamentales, mais je ne veux pas qu'on fasse semblant pour que nos concitoyens pensent, comme c'est le cas présentement, parce qu'elles ont été publiées dans les journaux et affirmées dans des motions de l'Assemblée nationale, qu'elles font partie du dispositif juridique en vertu duquel les tribunaux vont pouvoir les utiliser comme dispositif interprétatif des autres textes. Non, Mme la Présidente, malheureusement. Et, pour avoir fait l'exercice auprès de nombreux concitoyens et concitoyennes, je dois vous dire qu'il y en a qui croient que ces valeurs fondamentales... dorénavant, les trois valeurs fondamentales vont faire partie du dispositif juridique de notre société, alors que l'on sait que, à part le fait d'avoir été énoncées pour deux d'entre elles, elles sont abandonnées.
Et pourquoi le sont-elles? Ça, je voudrais terminer mon intervention sur cette question parce que c'est extrêmement important: Pourquoi le sont-elles? Quand on revoit la question de la charte canadienne et de la charte québécoise des droits, je disais donc que, dans la charte canadienne, contrairement à la charte québécoise, on y retrouve un article qui prévoit qu'il y a deux langues officielles, l'article 16 plus précisément. On y prévoit donc qu'il y a deux langues officielles, qu'il y a deux langues officielles au Canada, et on y prévoit également, à l'article 27, une règle d'interprétation à l'effet que la charte doit concorder avec l'objectif du multiculturalisme, n'est-ce pas?
Alors, Mme la Présidente, la question a été posée. Elle l'est déjà dans l'opinion publique, elle le fut notamment lors d'un éditorial de M. Jean-Marc Salvet dans le journal Le Soleil, et cette question va devenir lancinante. Cette question ne restera pas en plan, soyez-en certaine, Mme la Présidente. Elle va accompagner le gouvernement dans sa réponse au rapport Bouchard-Taylor. Il ne pourra pas s'esquiver, il ne pourra pas s'y dérober. Cette question est la suivante: Est-ce que le gouvernement omet d'introduire la primauté du français puis la séparation de l'État et de la religion, mais particulièrement la primauté du français, parce qu'en l'introduisant dans la charte il y aurait un problème de conformité avec l'article sur le multiculturalisme contenu dans la Constitution canadienne et avec la disposition des deux langues officielles contenue dans la charte canadienne?
La question est incontournable, incontournable, Mme la Présidente, d'autant que, dans le cadre des travaux effectués par la commission Bouchard-Taylor, des travaux de recherche, 13 études, 13 rapports de recherche ont été demandés et sont publics. Alors, j'invite ceux et celles, là, qui voudraient s'approprier cette question qui est assez fondamentale... Parce que ça peut coûter cher à la société québécoise de faire semblant d'affirmer des valeurs fondamentales et de ne pas les introduire en les pérennisant dans des textes à partir desquels les nouveaux arrivants et les générations futures vont savoir que c'est hissé au rang de droit inaltérable, et que c'est des valeurs pas négociables, et que tout ça finalement fonde notre cohésion comme société et comme nation, n'est-ce pas, Mme la Présidente?
Alors, un de ces rapports de recherche a d'ailleurs souligné le problème de l'imposition par les tribunaux de l'idéologie multiculturelle fédérale. Et, comme le soulignait d'ailleurs le journal Le Soleil, là, il n'y a rien de mieux qu'une citation qui peut faire comprendre le dilemme. Alors, c'est à la page 46 du document qui s'intitule Le concept d'interculturalisme en contexte québécois. Alors, c'est un rapport présenté donc à la commission Bouchard-Taylor et qui est rendu public par la commission. Alors, à la page 46, on y lit ceci: «...la divergence profonde réside dans le fait que le multiculturalisme est indissociable de la promotion de la citoyenneté canadienne et du bilinguisme officiel, alors que l'interculturalisme est indissociable de la promotion de l'appartenance à la société québécoise et à la promotion de la langue officielle du Québec.» Alors, c'est ce qu'on y lit, dans cette étude, à la page 46.
Et ce que conclut cette extrêmement importante étude, c'est ceci. On y dit, voilà: «...tout comme la littérature[...], n'ont pas clairement défini la signification à donner au terme d'interculturalisme.»«...la politique québécoise d'aménagement de la diversité [donc n'a] pas clairement défini la signification à donner au terme d'interculturalisme. Celui-ci a été pris pour acquis, notamment pour distinguer l'approche québécoise du multiculturalisme canadien, par ailleurs rejeté officiellement dans les textes gouvernementaux», y compris dans les textes de l'actuelle ministre des Relations internationales au moment où elle faisait adopter une politique sur la diversité, en 1990, qui a servi de politique en ces matières.
n(12 h 30)n On rejette le multiculturalisme, mais on n'a pas la conviction suffisante dans ce gouvernement pour affirmer autre chose, alors.
Et on y dit ceci: «...il n'existe pas à l'heure actuelle [une] politique qui détermine les éléments constitutifs du modèle québécois et qui servirait de guide à l'action étatique...» Alors, on peut dire qu'il y a eu des motions, il y a eu des déclarations du premier ministre, déclarations ministérielles, il y a eu des publicités, mais il n'existe pas de «politique qui détermine les éléments constitutifs du modèle québécois et qui servirait de guide à l'action étatique». Alors, on introduit, aujourd'hui, l'égalité de droit des hommes et des femmes, mais on laisse en plan la primauté du français et la séparation de l'État et de la religion.
Alors, je cite toujours le rapport: «Alors que le multiculturalisme canadien a fait l'objet d'une politique et d'une loi spécifiques, le gouvernement québécois fait reposer son approche en matière d'intégration et d'aménagement de la diversité sur une compréhension implicite de l'interculturalisme qui, d'ailleurs, varie considérablement selon le gouvernement au pouvoir.» Lequel interculturalisme est hautement plus affirmé lorsque le gouvernement porte haut et fort la primauté du français, ou l'est moins si le gouvernement est indolent à cet effet ? ça, c'est de moi, Mme la Présidente.
Alors, je reprends la citation du rapport: «Comme nous l'avons rappelé dans ce rapport, l'État québécois a mis de l'avant, depuis des décennies, un ensemble de mesures et de programmes visant à prendre en compte le caractère pluraliste de la société québécoise et à faire les ajustements institutionnels qui [s'imposent]. Il nous semble [...] urgent et essentiel qu'il articule son intervention autour d'une compréhension explicite du modèle dont il se réclame. Un tel exercice permettrait de consolider les bases de l'intervention gouvernementale en matière d'intégration et d'aménagement de la diversité, de mieux affirmer l'originalité du modèle québécois, de mieux distinguer l'interculturalisme québécois du multiculturalisme canadien et d'éclairer le débat public. Cela permettrait de rappeler à l'ensemble des citoyens le projet [de] société au coeur du développement social, politique et culturel du Québec, dans un esprit de réciprocité, de respect, d'inclusion et de participation.» Et le rapport introduit une proposition de définition de l'interculturalisme, et on y retrouve au premier rang ce que je cite maintenant: «S'inscrit dans le Québec défini comme société francophone qui: affirme le français comme langue publique commune et langue de citoyenneté.» Mme la Présidente, c'est le contraire de ce qu'on retrouve dans la charte canadienne. Dans la charte canadienne, ce qu'on y retrouve, c'est finalement l'affirmation qu'il y a deux langues officielles au Canada et on ne retrouve rien concernant la primauté du français dans la charte québécoise. Et je rappelle que ce n'est pas parce qu'elle porte le nom de Charte de la langue française que c'en est une, c'est une législation qui a été souvent invalidée par l'interprétation de la charte québécoise qui ne contient pas la primauté du français.
Alors, à cet égard, je pense, Mme la Présidente, que le gouvernement, et le premier ministre au premier chef, doit être logique avec lui-même et faire inscrire ces trois valeurs dans la charte québécoise des droits et libertés. Il doit, Mme la Présidente, être logique avec lui-même, à défaut de quoi ce qui est interprété par les tribunaux, c'est finalement le dispositif concernant les langues et le multiculturalisme qui se retrouve dans la charte canadienne.
On le sait, la politique a horreur du vide, mais il en va aussi pour l'interprétation des lois, le vide n'existe pas. S'il n'y a pas une affirmation claire, bien c'est un texte qui affirme autre chose qui va prévaloir. Alors, et tout cela a été d'ailleurs repris dans un éditorial du journal Le Soleil, comme je le mentionnais. Et, dans la mesure où il y a contradiction entre les deux documents... Là, pour tout de suite, il n'y a pas contradiction entre les deux documents. La seule chose que le gouvernement a reprise, le gouvernement québécois, le gouvernement libéral, il a repris le texte sur le droit à l'égalité presque... On a voulu en changer la forme et non pas le fond, en commission parlementaire, mais il a tenu à la rédaction sur la règle interprétative du droit à l'égalité des hommes et des femmes, qui est un copier-coller de la Charte canadienne des droits, à l'article 28, je crois. C'est un copier-coller. Alors, il ne le fait que pour le droit à l'égalité des hommes et des femmes ? c'est ça, l'article 28 ? alors qu'en ce qui concerne la question linguistique avec la primauté du français et en ce qui concerne la question de la séparation de l'État et de la religion, il laisse tomber, il laisse tomber, alors que la charte canadienne, elle, affirme haut et fort deux langues officielles et le multiculturalisme.
Alors, vous voyez, Mme la Présidente, qu'on est au début, au début seulement, n'est-ce pas, au début seulement d'un processus, d'une démarche, disons-le, ou en fait d'une affirmation de ce que doivent être les valeurs fondamentales du Québec dans des textes juridiques qui vont dépasser, la journée où la publicité est imprimée, la publicité gouvernementale, qui vont dépasser, si vous voulez, la motion ou la déclaration ministérielle, qui n'ont pas le statut que ces valeurs fondamentales nécessitent pour affirmer non pas...
Ce n'est pas une question simplement de rassurer les Québécois, ça va bien au-delà de cela. D'ailleurs, le rapport que je citais le souligne avec raison. En fait, il faut, comme le disait le rapport Le Québec comme société francophone, lequel rapport, là, soumis à la commission Bouchard-Taylor dit avec raison ceci: «Il importe de renouveler le discours que l'on a retracé dans les énoncés de politique[...]. La reconnaissance de la diversité [...] doit s'articuler autour de l'adhésion à un projet commun, à savoir la consolidation d'une définition du Québec autour du fait qu'il s'agit d'une société francophone originale dans le contexte nord-américain. [...]Il s'agit d'affirmer que la langue française n'est pas seulement une langue de communication pour tous les citoyens et citoyennes du Québec, mais qu'elle vise à enrichir le débat démocratique par la maîtrise et le caractère institutionnalisé de la langue. Il s'agit de "désethniciser" le projet linguistique [...] et de le présenter [non pas] comme une volonté hégémonique de la majorité francophone ne visant que sa survivance. La langue française est une langue de citoyenneté qui vise à susciter la participation à la [chose publique].»
Alors, c'est dans ce sens-là, Mme la Présidente, qu'il faut des affirmations fortes, contenues dans une charte québécoise de droits et libertés, à l'effet qu'il y a primauté du français et séparation de l'État et de la religion. Je vous remercie.
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Je vous remercie, Mme la députée. Je cède maintenant la parole à Mme la députée de Saint-Jean et porte-parole de l'opposition officielle en matière de protection de la jeunesse.
Une voix: ...
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Un moment, s'il vous plaît. Mme la ministre.
Une voix: ...
n(12 h 40)nLa Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Bon. Vous pouvez intervenir à la fin, Mme la ministre, et vous avez un droit de réplique de 20 minutes. Alors, le débat se poursuit. Mme la députée de Saint-Jean.
Mme Lucille Méthé
Mme Méthé: Merci, Mme la Présidente. C'est un privilège pour moi d'intervenir aujourd'hui sur l'adoption finale du projet de loi n° 63 visant à modifier la Charte des droits et libertés de la personne pour y formaliser dans le préambule l'égalité entre les femmes et les hommes. C'est à titre de femme mais aussi à titre d'intéressée que j'interviens dans le processus d'adoption de ce projet de loi. J'ai participé à l'étude détaillée de la semaine dernière, et ça m'a permis de saisir la portée symbolique qui se dégage de ce projet de loi n° 63. Une modification à la Charte des droits et libertés de la personne ne peut passer sous silence. Après tout, il s'agit d'un document fondamental qui dicte les règles générales du bon fonctionnement de notre société.
Je constate tout le travail qui a été accompli depuis les derniers mois. Il y a eu tout d'abord la tenue d'une consultation générale, en février, grâce à la pression exercée par le leader de ma formation politique. Dès la semaine dernière, nous avons travaillé de manière constructive pour faire cheminer le projet de loi n° 63 de l'adoption de principe vers l'étude détaillée. Le fait de procéder rapidement mais avec autant d'ardeur démontre clairement l'importance qu'aura le projet de loi pour concrétiser les acquis des femmes de demain.
Pour certains, cette modification à la charte aurait pu sembler superflue étant donné que l'égalité entre les femmes et les hommes est une valeur fondamentale déjà bien ancrée de la société québécoise grâce au travail acharné de plusieurs pionnières. Pourtant, malgré le fait que tous admettent ce principe dans la pratique, cette évidence n'est pas toujours perceptible dans les faits, d'où l'importance de cristalliser cette valeur à l'intérieur d'un document aussi fondamental que la Charte des droits et libertés, qui édicte les valeurs et règles primordiales de notre société. À titre d'exemple, aujourd'hui encore, il n'est pas rare d'entendre qu'une première femme accède à un poste de haute direction. À titre d'exemple, prenons récemment l'ascension de Mme Monique F. Leroux au poste de présidente et chef de la direction du Mouvement des caisses Desjardins.
Mme la Présidente, même si l'égalité entre les hommes et les femmes est un principe admis et reconnu en 2008, il n'en demeure pas moins que les inégalités qu'ont vécues les femmes durant les dernières décennies et même les derniers siècles, que ce soit sous forme de dévalorisation, de mépris, de violence, d'abus, d'agression, n'ont pas été sans laisser des traces et sont encore imprégnées dans nos moeurs, en s'atténuant bien sûr, au fil des ans, au bénéfice de tous. C'est d'ailleurs ce qui explique que, malgré ce principe d'égalité clairement et majoritairement reconnu par toutes les Québécoises et tous les Québécois, grâce à tous les efforts et le travail acharné de nombreuses femmes, il n'en demeure pas moins que nous sommes témoins encore aujourd'hui d'inégalités entre les hommes et les femmes et que nous devons demeurer vigilants et voir à les éliminer... les atténuer d'abord et les éliminer.
Trop souvent, nous constatons que les femmes sont majoritairement les victimes dans les cas de violence conjugale, d'abus ou d'agression sexuelle et que, proportionnellement plus nombreuses que les hommes à accéder aux études supérieures, les femmes demeurent moins présentes dans les hautes sphères organisationnelles. Encore aujourd'hui, les femmes subissent davantage le chômage, la précarité d'emploi, le travail atypique, sans oublier que l'écart des salaires moyens est aussi en leur défaveur malgré les efforts déployés. Il reste donc beaucoup à faire pour valoriser le statut de la femme, ce qui est une prémisse pour mettre un terme à toute forme d'abus. Je tiens à féliciter la députée de Deux-Montagnes pour son travail dans le cadre de l'étude de l'adoption de ce projet de loi. Elle a su bien représenter les intérêts des femmes du Québec et la position de notre formation politique.
Mme la Présidente, je ne peux passer sous silence l'importance de cette modification à la charte afin de lancer un message clair aux nouveaux arrivants en ce qui concerne les valeurs fondamentales du Québec. On parle beaucoup de droits, mais souvent trop peu de responsabilités sociales. Nous avons le devoir de faire connaître nos valeurs de base aux immigrants afin de ne pas perdre les acquis pour lesquels les femmes québécoises ont travaillé au cours des dernières décennies. En contrepartie, nous nous attendons d'eux qu'ils puissent adhérer à ces valeurs tout en les bonifiant de leur propre vécu.
Dans ce sens, le projet de loi n° 63 est à la fois d'une importance capitale mais somme toute une action très timide pour définir et baliser les valeurs et fondements de notre société québécoise. Il est donc décevant de constater que toutes les consultations lors de la tournée de la commission Bouchard-Taylor et les résultats du rapport qui en découle n'aient apporté que cette action bien mince comparativement à l'élaboration d'une constitution québécoise que notre formation politique réclame et qui pourrait asseoir confortablement l'ensemble des valeurs qui nous sont chères dans un document formel.
Toutefois, je crois sincèrement que le cheminement du projet de loi n° 63 sera un plus pour la cause des femmes du Québec. Ce ne doit pas être interprété cependant comme la seule avenue possible pour faire de l'égalité entre les hommes et les femmes une égalité dans les faits. Néanmoins, nous reconnaissons qu'il y a une volonté législative et qu'il s'agit d'un pas en avant, d'une première étape pour concrétiser les acquis du passé. Je suis heureuse de constater que le projet de loi n° 63 rallie les membres de cette Assemblée. Lorsque l'Assemblée nationale parle d'une seule et même voix, le consensus qui s'en dégage a force de loi.
Je tiens à réitérer l'appui de ma formation politique à l'égard du projet de loi n° 63. Dès le point de départ, nous avons eu un regard favorable face au principe de formaliser l'égalité entre les femmes et les hommes comme fondement de base de notre société. Je suis très fière, en tant que femme, en tant que mère et en tant que parlementaire, que nous pussions léguer aux générations futures l'affirmation concrète de cette égalité des sexes.
Néanmoins, comme l'a mentionné précédemment ma consoeur de Deux-Montagnes, notre formation politique est très inquiète que cette modification à la charte ? non pas que nous la contestons, bien au contraire ? soit la seule action posée par le gouvernement suite à un enjeu de société aussi important et fondamental que celui des accommodements raisonnables. Nous sommes d'avis qu'une constitution québécoise s'impose et nous poursuivrons nos requêtes dans ce sens auprès du gouvernement. Je vous remercie, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci, Mme la députée de Saint-Jean. Je cède maintenant la parole à Mme la députée de Rosemont. Vous avez 10 minutes, Mme la députée.
Mme Rita Dionne-Marsolais
Mme Dionne-Marsolais: Merci, Mme la Présidente. Mme la Présidente, nous en sommes à l'adoption finale de ce projet de loi n° 63 sur lequel nous avons beaucoup travaillé, plusieurs collègues de l'Assemblée. La ministre, tout au long de ces échanges-là, nous a campés dans une intention qu'elle avait et qu'elle a toujours, je crois, de faire l'histoire. Eh bien, Mme la Présidente, quand on veut faire l'histoire, il faut innover, et, dans ce projet de loi, il n'y a pas d'innovation, et c'est triste à dire, mais ce projet de loi là n'ajoute pratiquement rien à l'article 10 de la Charte des droits et libertés, qui existe déjà au Québec. Et, je l'ai rappelé hier, cette charte-là, au Québec, elle compte plus de 139 articles, et ce que la ministre a ajouté avec ses deux articles, c'est un détail de précision, bien qu'elle ait parlé ? et encore tout à l'heure ? d'un moment solennel et qu'elle, surtout, campe son raisonnement sur les valeurs fondamentales du Québec.
Mme la Présidente, nous ne sommes pas les seuls à souligner que ces valeurs fondamentales ne se résument pas à l'égalité des hommes et des femmes, puisque le premier ministre lui-même les a précisées dans une publicité et a tenu à y ajouter, noir sur blanc, «la primauté du français et la séparation entre l'État et la religion». Donc, nous avons trois valeurs fondamentales au Québec. Pourquoi ne pas avoir saisi cette occasion pour ajouter vraiment une valeur à notre Charte des droits et libertés en ajoutant ces deux autres valeurs fondamentales? D'autant que nous nous retrouvons aujourd'hui, au lendemain de la publication d'un rapport qui a coûté 5 millions, on le rappelle, le rapport Bouchard-Taylor, qui a fait état de ce que nous appelons le malaise identitaire, à tel point que le premier ministre a cru bon d'aboutir à une publicité pour les énoncer, ces valeurs fondamentales.
Alors, on ne peut que joindre notre voix à toutes celles qui se sont exprimées durant les consultations particulières, incluant celle du Barreau, qui ont indiqué l'importance d'inscrire dans une charte les valeurs fondamentales. Et vous allez me comprendre, Mme la Présidente, parce que vous avez été parmi celles qui ont exprimé de différentes manières l'importance d'ajouter à cette égalité entre les hommes et les femmes un certain nombre de nuances et de compléments, notamment entre la séparation entre l'État et la religion. Et, pour tous les Québécois, de quelque origine qu'ils soient, la primauté du français est tout aussi importante, puisque, quand ils arrivent chez nous, la charte des droits, canadienne celle-là, leur dit tout de suite: Il y a deux langues officielles dans ce pays qu'est le Canada.
n(12 h 50)n Alors, si le Québec ne sent pas le besoin de camper dans ses valeurs fondamentales la primauté du français ? sans déprécier l'anglais, la primauté du français ne cause pas de tort à l'anglais ? bien on peut se demander quel message on envoie à ces nouveaux arrivants qui, pour certains, choisissent le Québec mais, pour d'autres ? et on pense ici à tous les réfugiés ? n'ont pas nécessairement choisi le Québec, ils ont choisi le Canada et ils se retrouvent au Québec. Alors, si on ne leur donne pas une feuille de route, un code qui dit: Voilà, les valeurs fondamentales du Québec, c'est l'égalité entre les hommes et les femmes, c'est la séparation entre l'Église... la religion et l'État, et c'est la primauté du français, on leur donne malheureusement... on les laisse dans une confusion et dans un flou pas tellement artistique et qui va à la longue insécuriser davantage la communauté québécoise.
Tout le monde, incluant le Barreau, a indiqué combien la charte québécoise... et la ministre l'a même rappelé tout à l'heure, une charte des droits «a une valeur unique», ce sont ses mots, je les ai notés. Et donc elle a aussi ajouté que les amendements qu'elle proposait, donc ces fameux deux articles, «pourront guider les juges» dans le droit inaltérable des citoyens. Mais c'est pour ça, Mme la Présidente, que nous avons fait le plaidoyer d'ajouter les deux autres valeurs fondamentales qui avaient fait l'objet d'un énoncé de la part du premier ministre, et c'est extrêmement important parce que les tribunaux...
Et je cite ici le Barreau: «Il n'est évidemment pas possible pour le Barreau de fournir une garantie quant à l'interprétation que les tribunaux pourront donner aux nouvelles dispositions. Ces derniers pourraient cependant tenir compte de déclarations ministérielles claires figurant au Journal des débats...» Puis là on patine un peu. En fait, ce que ça veut dire, c'est que, et le Barreau le dit un peu plus loin, il dit... Il accueille favorablement l'adoption du projet de loi n° 63, comme nous tous ici, «bien que nous croyons ? et c'est ça qui est important ? qu'il aurait été préférable que les amendements proposés dans le projet de loi n° 63 soient considérés dans le cadre d'un examen global de la charte afin de pouvoir bénéficier d'une vision d'ensemble des droits et libertés qui y sont prévus, notamment en matière de droit à l'égalité, de protection contre la discrimination et de mécanismes de réparation». Et il ajoute aussi «qu'à instar de la Commission des droits de la personne, le Barreau estime qu'une égalité plus effective entre les hommes et les femmes doit passer par une reconnaissance plus complète des droits économiques et sociaux».
Somme toute, Mme la Présidente, comme l'a dit la députée de Saint-Jean il y a deux minutes, ce projet de loi n° 63, il est très timide, il est trop timide. Et, comme l'a dit aussi la députée de Deux-Montagnes, nous sommes déçus, c'est un projet qui est insatisfaisant. Et tous les participants à la commission parlementaire qui a étudié en détail les articles sont d'accord sur l'entêtement de la ministre à ne recevoir aucun amendement, et nous en avons faits plusieurs. Ce n'est pas le cas de l'ADQ. Ils ont voulu être pragmatiques, comme elle a dit tout à l'heure, cette députée de Deux-Montagnes, mais ils ont été très silencieux, dans les échanges, aux propositions d'amendement que le Parti québécois a faites, et je dois vous dire que nous avons été un petit peu déçus de ce manque d'appui, et on questionne peut-être un peu la sincérité, aujourd'hui retrouvée, dans ces commentaires par rapport à la timidité de ce projet de loi là. On aurait aimé que, durant les discussions, lors de l'étude article par article, ils nous appuient dans certains amendements qui étaient très justifiés. Je pense ici à la primauté du français, je pense ici à la séparation de l'Église et l'État et je pense aussi aux droits économiques et sociaux que mon collègue a proposés, en plus, même, à cette inspiration des ententes internationales.
Vous savez, Mme la Présidente, quand on veut faire l'histoire, il faut qu'on ait de la vision, il faut qu'on ait de la rigueur et surtout de la sincérité, et je crois que, dans ce projet de loi n° 63, on manque de sincérité, et je vais vous dire pourquoi. Parce que, quand un gouvernement investit une pleine page dans La Presse ? je ne sais pas combien ça peut coûter, mais ça coûte cher ? et qu'on prend le soin... La députée d'Hochelaga-Maisonneuve l'a lu en détail, moi, je me limite aux valeurs fondamentales. Il y en a trois là-dedans, et, dans le projet de loi qui suit cette déclaration, Mme la Présidente, on n'en retrouve qu'un. C'est incomplet et, pour moi, ça ne peut pas traduire ce que le premier ministre a écrit dans cette publicité. Alors, ou bien il était sincère et c'est sa ministre qui ne l'est pas, ou alors ce gouvernement n'est pas du tout sincère.
Et je termine en vous disant que, de ce côté-ci de la Chambre, on est plus que déçus de cette attitude sélective du gouvernement actuel dans le choix des valeurs fondamentales qu'il a décidé d'inclure dans ce projet de loi n° 63, alors que nous savons tous que, ces trois valeurs fondamentales que le premier ministre a pris la peine de signer, nous les partageons tous des deux côtés de la Chambre... en fait, des trois côtés, puisque nous sommes maintenant un triangle. Alors, je dois vous dire: Oui, on va l'appuyer parce que c'est une réalité que nous partageons, mais ce projet, il est décevant, il est incomplet, c'est un travail inachevé, et il n'a aucune valeur ajoutée par rapport à la charte des droits du Québec actuellement. Merci.
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Je vous remercie, Mme la députée de Rosemont. Je cède maintenant la parole à Mme la députée de Groulx. Mme la députée et whip adjointe de l'opposition officielle.
Mme Linda Lapointe
Mme Lapointe (Groulx): Oui. Merci beaucoup, Mme la Présidente. C'est avec un réel plaisir et une fierté que je prends la parole aujourd'hui à titre de porte-parole de l'opposition officielle en matière de famille, dans le cadre de la prise en considération du rapport de la Commission des affaires sociales au sujet du projet de loi n° 63, qui s'intitule Loi modifiant la Charte des droits et libertés de la personne. Je voulais signifier que j'ai beaucoup apprécié de travailler avec mes collègues lors de la Commission des affaires sociales, et principalement bien sûr la députée de Deux-Montagnes et ainsi que la députée de Charlesbourg.
Pour le bien des citoyens qui nous écoutent aujourd'hui, il convient de rappeler que le projet de loi n° 63 vise à formaliser dans le préambule de la charte l'égalité entre les femmes et les hommes tout en spécifiant que cette égalité représente en quelque sorte le pilier des valeurs comme la justice, la liberté et la paix.
J'aimerais, Mme la Présidente, en profiter, je dois souligner un événement tout à fait inacceptable qui s'est produit aujourd'hui, lors de la période de questions. Alors que nous sommes en train, aujourd'hui, de faire l'adoption finale du projet de loi n° 63, projet, je répète, qui vise à introduire l'égalité des femmes et des hommes dans le préambule de la loi, de la Charte des droits et libertés, le ministre du Travail et ministre des Laurentides en même temps, région à laquelle mon comté appartient, a tenu des propos tout à fait inacceptables à notre député de Vanier à propos de sa conjointe. Je suis très déçue et choquée de ce comportement vis-à-vis une femme et je tenais à vous l'exprimer.
Alors, je continue. Je crois que nous...
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Mme la députée, Mme la députée, j'ai une question de règlement. M. le leader du gouvernement.M. Fournier: Bien, d'abord, une question de règlement mais aussi qui va permettre d'informer les membres de cette Assemblée. Le ministre a contacté le député en question, a offert ses excuses, et les excuses ont été acceptées.
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Très bien. Mme la députée, poursuivez, s'il vous plaît, et la question est réglée.
Mme Lapointe (Groulx): Merci beaucoup. Alors, vous me voyez heureuse des propos de notre leader du gouvernement.
Je crois que nous devons lier intimement le principe de l'égalité des sexes avec le vécu des familles québécoises. Le projet de loi n° 63 vient formaliser dans un document sacré le principe de l'égalité entre les hommes et les femmes dans l'optique de lancer un message clair aux nouveaux arrivants sur les valeurs fondamentales du Québec. Or, la famille est le premier lieu d'inculcation des valeurs. Il ne faut pas sous-estimer l'impact symbolique qu'aura ce projet de loi n° 63 sur nos familles et l'enseignement des règles éthiques de notre jeunesse. C'est pourquoi, à titre de femme, de mère et de porte-parole en matière de famille pour l'Action démocratique du Québec, je me sens d'autant plus interpellée.
Ma formation politique a toujours eu un regard favorable face au projet de loi n° 63. Nous continuons de vouloir faire cheminer ce projet de loi en toute bonne foi. Je tiens d'ailleurs à saluer et remercier la ministre de même que son personnel pour leur disponibilité et leur collaboration. Je crois que nous avions tous intérêt à...
n(13 heures)nLa Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Je m'excuse de vous interrompre, Mme la députée de Groulx...
Une voix: ...
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Bon. Alors donc, étant donné le consentement, vous pouvez poursuivre, Mme la députée.
Mme Lapointe (Groulx): Merci, Mme la Présidente. Merci. Je vais prendre mon 10 minutes.
Je crois que nous avons tous intérêt à ramer dans le même sens pour le bien de toutes les femmes du Québec. Lors de l'étude détaillée du projet de loi, la semaine dernière, nous étions motivés à poser des questions constructives pour la bonne compréhension du projet de loi n° 63. Nous convenons qu'il n'est pas coutume de modifier un document quasi constitutionnel comme la Charte des droits et libertés des personnes. Cela demande du temps et de la rigueur. On ne peut pas se permettre, en tant que législateurs, de modifier un tel document sur un coin de table. Et, je le répète ? je fais référence aux propos qu'a tenus précédemment Mme la députée de Rosemont ? quand on parle de droits et libertés, nous, on parlait d'égalité de droit entre les hommes et les femmes. Mme la députée de Rosemont précédemment faisait référence à ce qu'on n'appuyait pas, en tant que formation politique, de faire des changements au niveau de la laïcité de l'État et en même temps la primauté du français. Ce n'est pas qu'on n'y croit pas, mais je crois qu'il ne faut pas faire ça sur un bout de table, c'est trop important, il faut faire des consultations. Vraiment, j'aimais à remettre en perspective les propos qu'a tenus précédemment... On était en commission ? tout a été écouté ? pour parler d'égalité de droit des femmes et des hommes, ce que nous soutenons, mais les droits fondamentaux, nous y croyons aussi.
Je pense que le projet de loi n° 63, dont la portée se veut surtout symbolique, permettra de cimenter davantage les acquis des femmes, qui sont encore bien récents et surtout fragiles. Par le biais de mon intervention, dont je suis très fière, je tenais aussi à rendre hommage à mes deux filles, Sara, 16 ans, Victoria, huit ans ? comme je vous dis, très fière. Je souhaite sincèrement que ce projet de loi puisse vous permettre d'assurer l'édification d'un Québec plus humain. J'ose espérer que vous retrouverez dans mon implication politique une volonté de vous léguer un monde où vous pourrez vous épanouir et exprimer vos multiples talents. Lorsque nous avions eu, l'autre jour, la table ronde des femmes, au 400e, c'était une de mes inspirations, pouvoir améliorer le Québec pour mes enfants et mes parents. Quand je parle de mes enfants, j'ai deux filles et deux garçons. Alors, j'ose espérer cimenter le Québec. L'égalité des femmes et des hommes, c'est une valeur fondamentale.
Malgré les bons commentaires que je peux faire par rapport au projet n° 63, je dois aviser le gouvernement libéral que son adoption ne doit pas signifier ? et c'est très important ? l'abandon du suivi du rapport final de la commission Bouchard-Taylor. Dans la dernière année, le droit des femmes a souvent été pris à partie avec la liberté de religion. Cela me préoccupe particulièrement, et je mets en garde le gouvernement sur le danger de ne s'en tenir qu'au projet de loi n° 63 pour régler la problématique des accommodements raisonnables. C'est très important. Le projet de loi n° 63 n'est pas une solution à tous les maux, c'est un bon point de départ, et ce geste symbolique servira assurément de référence, mais il faudra assurément faire hausser la barre.
En terminant, je tiens à réitérer que l'opposition officielle votera en faveur du projet de loi n° 63 et j'ose espérer qu'il pourra être ratifié assez rapidement pour le bien des femmes du Québec et des générations futures. Merci beaucoup, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci, Mme la députée de Groulx. Alors, compte tenu de l'heure, je suspends les travaux... à 15 heures. Je vous souhaite bon appétit.
(Suspension de la séance à 13 h 4)
(Reprise à 15 h 1)
Le Vice-Président (M. Chagnon): Mesdames messieurs, veuillez vous asseoir, s'il vous plaît.
Alors, nous allons poursuivre l'étude du projet de loi n° 63. Est-ce que j'ai un intervenant ou une intervenante? Oui, M. le député de Lac-Saint-Jean.
M. Cloutier: Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Chagnon): M. le député de Lac-Saint-Jean, c'est à vous la parole.
M. Alexandre Cloutier
M. Cloutier: Merci, M. le Président. Alors, M. le Président, comme tous les autres qui se sont intéressés à cette question, j'ai été pour le moins surpris de voir que le gouvernement a tout mis en oeuvre pour rejeter les trois valeurs fondamentales du Québec, trois valeurs fondamentales qui font l'unanimité au sein de cette Assemblée nationale. M. le Président, vous avez sans doute remarqué la publicité que s'est payée le gouvernement où on réitère l'importance de nos trois valeurs: la primauté de la langue française, l'égalité entre les hommes et les femmes de même que la laïcité des institutions publiques.
Ça ne fait pas tellement longtemps, M. le Président, que je fais de la politique, mais, s'il y a un sujet sur lequel j'ai réalisé qu'il se dégageait un consensus très rapidement, c'est bien sur ces trois valeurs fondamentales. Le premier ministre nous a annoncé...
Des voix: ...
Le Vice-Président (M. Chagnon): Je vous arrête là, M. le député de Saint-Jean. Est-ce qu'on pourrait diminuer juste un peu le niveau... L'audiomètre est un peu élevé, j'ai un petit peu de misère à entendre notre collègue. J'aimerais ça l'écouter.
M. Cloutier: Je vous remercie, M. le Président. Alors, je disais que le premier ministre nous a réitéré ces trois valeurs fondamentales. Nous avons déposé des amendements, durant le projet de loi n° 63, pour reprendre les propositions du premier ministre, pour non pas se contenter uniquement de publicité dans les grands journaux, mais pour en faire des vraies valeurs, pour les inscrire où elles se doivent, c'est-à-dire dans la charte québécoise des droits et libertés de la personne. On nous a annoncé en grande pompe que les nouveaux arrivants devraient s'engager à respecter ces grandes valeurs fondamentales. Mais où sont-elles inscrites, M. le Président, ces valeurs au moment où on se parle? Elles sont inscrites dans des annonces publicitaires, mais malheureusement on n'a pas réussi à élever ces trois valeurs à l'endroit où elles devraient être, c'est-à-dire dans la charte québécoise des droits et libertés.
Nous avons déposé des amendements, et le gouvernement en place a tout mis en oeuvre pour ne pas qu'on en discute sur le fond des choses. Alors, on a rejeté nos amendements sur des procédures, mais on n'a pas été en mesure de débattre du fond des questions sur lesquels, il me semble, on en serait arrivés à un consensus très rapidement.
M. le Président, un autre élément sur lequel il m'apparaît que s'est dégagé un fort consensus durant nos travaux parlementaires, c'est sur la question des droits économiques et sociaux. M. le Président, permettez-moi de rappeler les propos de Mme Louise Langevin, titulaire de la Chaire d'étude Claire-Bonenfant. Elle nous dit qu'on «aurait pu [...] modifier l'article 52 de la charte afin d'y inclure les droits économiques et sociaux. Ainsi, les droits sociaux et économiques auraient eu préséance sur toutes les lois, comme les droits énumérés aux articles 1 à 38. Une telle modification aurait permis aux femmes d'atteindre l'égalité réelle puisqu'elles sont les plus pauvres, particulièrement si elles sont âgées ou immigrantes, et qu'elles recourent aux programmes sociaux en plus grand nombre que les hommes». M. le Président, ce que les femmes sont venues nous dire, c'est que non seulement on devait réitérer l'égalité juridique, l'égalité dans la charte, mais en plus on devait faire un pas de plus, c'est-à-dire s'intéresser à la question de fond, qui est l'égalité dans les faits.
C'est ce que le Barreau du Québec est venu nous dire et en commission parlementaire et récemment, dans un communiqué qu'ils ont émis le 31 mai dernier. Permettez-moi de rappeler les propos du Barreau du Québec. Le Barreau nous a rappelé durant la commission que, pour atteindre l'égalité réelle, et je cite: «Ça passe beaucoup par les droits économiques et sociaux. Si on veut parler de moyens concrets, il faut parler de droits économiques et sociaux. Donc, un amendement comme celui proposé au projet de loi n° 63 est peut-être un moyen pour cette égalité réelle, mais peut-être pas le meilleur moyen.» Alors ça, c'est ce que le Barreau est venu nous dire durant la commission parlementaire.
Et puis, comme si ce n'était pas suffisant, ils ont jugé nécessaire d'émettre un communiqué le 31 mai dernier. Permettez-moi de vous citer les propos du Barreau le 31 mai. Alors: «Il serait à souhaiter que les diverses recommandations du rapport Bouchard-Taylor entraînent une révision de la Charte des droits et libertés de la personne dans son ensemble[, M. le Président]. Le renforcement de la protection des droits économiques [et] sociaux et culturels constitue pour le Barreau [du Québec, M. le Président] une condition essentielle pour contrer concrètement l'exclusion dont sont victimes de nombreux Québécois, notamment les femmes et les nouveaux arrivants.» Pas surprenant, M. le Président, qu'on en arrive à cette recommandation du Barreau du Québec, puisque c'est aussi une recommandation prioritaire de la commission Bouchard-Taylor. Comme vous le savez sans doute, M. le Président, la commission Bouchard-Taylor a eu à prioriser certaines de ses recommandations. Et je vais vous lire la recommandation E3, qui est une des 11 recommandations qui ont été priorisées, où on dit qu'elle est absolument prioritaire. Alors, évidemment, on faisait référence ici aux droits économiques et sociaux et à l'importance de les réitérer et de leur donner une force supralégislative.
La réalité, M. le Président, la raison pour laquelle c'est une question aussi fondamentale, c'est parce que, tous les droits économiques et sociaux, on leur a donné une autre valeur que les autres articles déjà prévus à la charte. Et puis le combat que plusieurs groupes mènent, particulièrement ceux qui s'occupent de la défense des pauvres, c'est un combat qui dure depuis déjà de nombreuses années, dans notre société, et il nous apparaît, nous, comme formation politique, que le Québec a atteint cette maturité où il devra faire un pas de plus vers cette reconnaissance des droits économiques et sociaux.
M. le Président, un des arguments classiques qui a été invoqué durant la commission, c'est de dire qu'il n'appartient pas aux tribunaux de s'immiscer sur la question des droits économiques, il n'appartient pas aux juges de dicter, entre autres aux parlementaires, où devraient être attribués les fonds.
M. le Président, la question des droits économiques et sociaux est toujours une question aussi d'actualité. Il y a un professeur de l'Université d'Ottawa qui a publié récemment, cet hiver en fait, dans le McGill Law Journal, dans le McGill Law Journal de 2008, où il s'intéresse à cette question des droits économiques et sociaux, et il a fait le tour de la jurisprudence internationale sur cette question, et puis ce qu'il nous dit, c'est que les préoccupations, les objections ont été amplifiées. Il prend partie... il prend comme exemple ce qui se passe, entre autres, en Afrique du Sud et puis il nous démontre que finalement l'approche qui a été préconisée là-bas, dans ce pays, c'est une approche de la raisonnabilité, c'est-à-dire que les parlementaires continuent de bénéficier de toute la latitude pour mettre en oeuvre les différentes politiques sociales, mais les tribunaux n'ont qu'une vision, une supervision sous l'angle de la raisonnabilité. C'est donc dire qu'ils vont intervenir uniquement si les mesures mises en place ne respectent pas ce critère raisonnable.
M. le Président, durant les travaux parlementaires, la majorité des groupes se sont d'emblée prononcés en faveur du projet de loi. Comme ma collègue l'a dit à plusieurs reprises, le projet de loi vient souligner un droit qui est déjà existant dans la charte québécoise des droits et libertés, un droit qui est pour le moins fondamental. Toutefois, comme le consensus s'est établi dès le départ sur cette base, sur cette grande valeur, les groupes qui sont venus nous présenter nous ont dit qu'on devait aller un pas de plus, en faire un peu plus, s'intéresser à l'égalité réelle, l'égalité dans les faits, et c'est dans cette optique qu'on a ramené à l'avant-scène le rapport de la Commission des droits de la personne du Québec.
n(15 h 10)n Ce rapport, quelle est la première recommandation, M. le Président, de ce rapport? Ça vaut la peine que je vous cite le libellé du chapitre 1.1. Alors, le libellé du chapitre 1.1 du rapport de la Commission des droits de la personne, après 25 ans de charte, sa première recommandation, le libellé s'intitule Un préalable: Renforcer les droits économiques et sociaux. Ce n'est sans doute pas par hasard, M. le Président, que la Commission des droits de la personne a jugé essentiel de débuter son rapport sur cet élément fondamental: justement parce que, selon la commission, le Québec serait rendu à cette étape fondamentale où encore une fois les Québécois pourraient exercer du leadership à travers le monde sur une des questions qui a été débattue durant de nombreuses années, et, selon la Commission des droits de la personne, le Québec a atteint la maturité pour franchir ce pas de la reconnaissance formelle des droits économiques et sociaux en leur donnant pleine valeur, en leur donnant la valeur supralégislative ou quasi constitutionnelle qui n'a malheureusement pas encore été reconnue par nos tribunaux.
Alors, M. le Président, je joins ma voix à tous ceux et celles qui sont venus nous dire, durant la commission parlementaire, qu'il fallait franchir cette étape. Bien que je réitère et que notre formation politique partage cette valeur de l'égalité entre les hommes et les femmes, il aurait été heureux d'y ajouter les deux autres valeurs qui font consensus dans notre société et d'aller un pas de plus sur la question des droits économiques et sociaux, tout en reconnaissant l'apport des traités internationaux. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Chagnon): Merci, M. le député de Lac-Saint-Jean. Est-ce que j'ai d'autres intervenants? Mme la députée de Charlevoix, pour vos 10 minutes.
Mme Pauline Marois
Mme Marois: Merci beaucoup, M. le Président. Je n'étonnerai personne en vous disant d'entrée de jeu que nous sommes d'accord, que moi, comme députée de Charlevoix, comme femme, comme chef de ma formation politique, avec mes collègues et mes camarades, nous sommes d'accord avec ce projet de loi, et nous l'avons été dès le début, même si nous trouvions qu'il était un peu précipité de le présenter avant même que la commission Bouchard-Taylor n'ait déposé son rapport.
En effet, qu'est-ce que fait le projet de loi n° 63? Essentiellement, il vient ajouter une clause de sûreté dans la Charte des droits et libertés pour affirmer expressément que les droits et libertés énoncés dans la charte sont garantis également aux hommes et aux femmes. Il vient aussi modifier le préambule de la charte pour y ajouter ce concept d'égalité entre les hommes et les femmes comme fondement de la justice, de la liberté et de la paix.
Il faut rappeler par ailleurs, M. le Président, que l'article 10 de la charte stipule, et cela depuis 1975, en fait depuis l'adoption de la charte, qu'il est interdit de discriminer en fonction, entre autres, du sexe. En ce sens, et la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse de même que le Barreau sont venus affirmer en commission parlementaire que les amendements proposés viennent réaffirmer des droits qui sont déjà expressément consacrés par la charte québécoise. Donc, nous convenons ensemble que, tout en ayant une valeur symbolique, ce projet de loi a l'avantage d'inscrire cependant de façon claire, de façon formelle l'égalité entre les hommes et les femmes plutôt que cette inscription qui interdisait la discrimination entre les sexes. Donc, nous faisons référence ainsi, avec ce projet de loi, formellement à l'égalité entre les hommes et les femmes.
Mais cependant, M. le Président, tout en étant d'accord avec ce projet, je voudrais plutôt plaider et vous parler de ce qu'on devrait y retrouver et dont malheureusement le gouvernement refuse même de discuter, M. le Président, ceci à mon grand étonnement. Si l'égalité entre les hommes et les femmes, au Québec ? et, je le souhaite, sur la terre entière ? sont des valeurs fondamentales, je crois qu'il faudrait maintenant être capable d'aller plus loin et y inscrire d'autres valeurs tout aussi fondamentales et qui s'inscrivent aussi dans les conclusions et dans la foulée des travaux accomplis par la commission Bouchard-Taylor. La commission Bouchard-Taylor fait un certain nombre de recommandations en souhaitant que certaines valeurs soient inscrites solidement dans nos documents fondamentaux pour venir baliser le vivre-ensemble, venir encadrer toute forme d'accommodement raisonnable que nous souhaiterions adopter. En fait, plus profondément, dire, en inscrivant ces valeurs dans notre charte, dire à ceux et celles qui vivent au Québec, qui veulent choisir de venir y vivre: Ici, en terre d'Amérique, vit un peuple qui croit à l'égalité entre les hommes et les femmes, un peuple cependant où prédomine sur ce territoire le français et où il y a séparation entre la religion et l'État.
Dans toutes les sociétés du monde, M. le Président, il y a des codes, il y a des lois, il y a des valeurs. Si nous y croyons, si nous y adhérons, pourquoi ne pas souhaiter... pourquoi ne pas les inscrire dans un document fondamental, dans notre Charte des droits et libertés de la personne? Certains m'opposeront le fait qu'il y a déjà une Charte de la langue française, mais vous savez très bien qu'elle n'a pas valeur de charte quasi constitutionnelle au même sens que l'a la Charte des droits et libertés de la personne.
En fait, M. le Président, je ne comprends pas le refus du gouvernement, son obstination à ne pas vouloir débattre de cette proposition que nous avons... de ces propositions que notre formation politique a présentées, surtout, surtout après que j'aie entendu le premier ministre lui-même dans une déclaration ministérielle prononcée il y a quelques semaines à peine, quelques jours à peine, ici même, dans notre salon bleu, dans notre Assemblée nationale.
Qu'est-ce qu'il a dit, le premier ministre du Québec, dans sa déclaration ministérielle? «Le Québec est une nation. Par son histoire, sa langue, sa culture, son territoire [et] ses institutions. La nation du Québec a des valeurs. L'égalité entre les hommes et les femmes, la primauté du français [et] la séparation entre l'État et la religion ? font partie de ces ? valeurs [...] fondamentales. Elles sont à prendre avec le Québec.
«Nous n'avons pas tous la même origine [pourtant] nous avons la même destinée car nous sommes tous Québécois.» M. le Président, est-ce que je peux vous dire que non seulement j'étais désolée, suite à ces propos, qu'il n'y ait pas de geste concret de posé, mais surtout j'ai été et je suis toujours profondément déçue de notre premier ministre qui a été incapable de répondre positivement à nos propositions, qui ne sont pas que nos propositions, M. le Président, mais qui font au contraire consensus dans la société québécoise. Est-ce qu'à ce moment-là le premier ministre était vraiment sincère dans ses propos? Est-ce qu'il l'était tout autant dans sa publicité ou ce n'était simplement que pour nous berner?
Finalement, il nous a et il m'a profondément déçus en ne retenant pas les propositions que nous avons faites et que nous avons faites et présentées avec sérieux, M. le Président. Vous le savez, vous qui suivez nos propos, la qualité des interventions des députés de notre formation politique sur ces propositions. Je crois donc que nous pouvons faire mieux, que nous pouvons faire plus que ce qui se trouve dans le projet de loi n° 63.
Si, en effet, c'est vrai que nous pouvons y introduire ces valeurs communes auxquelles nous adhérons, nous pourrions aussi aller plus loin. Et mon collègue le député du Lac-Saint-Jean y faisait référence dans son intervention. En effet, pourquoi ne pas en profiter pour modifier la Charte des droits et libertés de la personne pour y introduire le respect des droits économiques et sociaux? Il me semble que nous ferions preuve de sérieux, de responsabilité.
n(15 h 20)n Si c'est vrai donc pour les valeurs communes, pour l'introduction aussi dans notre charte du respect des droits économiques et sociaux, nous aurions pu aussi aller plus loin encore, M. le Président, et nous référer à des documents qui rallient les peuples du monde entier ou du moins une très large majorité d'entre eux. Et la Commission des droits de la personne nous le rappelait dans son bilan et ses recommandations: Pourquoi ne pas inclure une référence à la Déclaration universelle et à la convention des droits de l'enfant, aux pactes internationaux mais aussi à la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes? Cela donnerait encore plus de profondeur aux propositions que nous voudrions introduire et aux valeurs auxquelles nous voudrions pouvoir faire référence dans notre Charte des droits et libertés de la personne.
M. le Président, je me permets de plaider, dans la minute qu'il me reste, pour souhaiter que cette Assemblée nationale... Parce que, vous savez, nous sommes souverains. Nous avons la possibilité, malgré nos règlements, malgré certains aspects de nos outils de travail, nous avons la possibilité, si nous le souhaitons unanimement, de proposer ces amendements, même à l'étape actuelle de notre projet de loi. Encore une fois, si nous le souhaitons unanimement, nous pouvons le faire, M. le Président. Il me semble que cela répondrait essentiellement à une attente qu'ont les citoyens et citoyennes du Québec pour que nous puissions dire solennellement, formellement qui sommes-nous, en quoi croyons-nous, que voulons-nous, de quoi voulons-nous faire la promotion, comme Québécois et comme Québécoises: l'égalité entre les hommes et les femmes, cela va de soi; la primauté du français au Québec, il me semble que c'est une évidence; la séparation entre l'État et la religion; la reconnaissance des droits économiques et sociaux.
M. le Président, j'espère que mes propos seront bien reçus par la majorité des membres de cette Assemblée pour qu'ensemble nous puissions nous donner un instrument puissant, modifier la Charte des droits et libertés de la personne pour y inscrire nos valeurs communes. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Chagnon): Je vous remercie, Mme la députée de Charlevoix et chef du deuxième parti d'opposition. J'inviterais maintenant M. le député de Mirabel ? n'est-ce pas, de Mirabel? ? à prendre la parole.
M. François Desrochers
M. Desrochers: Merci. Merci beaucoup, M. le Président. C'est avec joie évidemment que j'ai accepté l'invitation de ma formation politique à vous entretenir quelques instants de ma perception du projet de loi n° 63, qui s'intitule Loi modifiant la Charte des droits et libertés de la personne.
Tout d'abord, M. le Président, je suis heureux de voir qu'après un peu plus d'une semaine le projet de loi n° 63 a eu l'occasion de cheminer avec autant de rapidité, mais en conservant essentiellement surtout le coeur de ce qu'était ce projet de loi là, ce qu'il proposait aussi à l'origine. Vous vous souviendrez, la semaine dernière, en début de semaine, que j'étais intervenu ici à l'adoption de principe de ce projet de loi, et je suis donc bien sensibilisé face à la portée du projet de loi et de sa substance somme toute symbolique sur l'avenir des femmes du Québec.
Le chapitre, M. le Président, de la législation que nous concluons aujourd'hui en est un de grande importance, et en effet le projet de loi n° 63 viendra formaliser l'égalité entre les femmes et les hommes dans un document d'une grande valeur institutionnelle, soit la Charte des droits et libertés de la personne. Nous convenons qu'il s'agit d'une réponse à la problématique qui a été et qui a découlé de la question des accommodements raisonnables, et, compte tenu, M. le Président, que le projet de loi a apporté somme toute... cette portée-là se veut plutôt symbolique, il faudra se mettre au travail rapidement pour concrétiser l'avancement de la cause des femmes au quotidien, et cela passe évidemment par des gestes qui sont significatifs plutôt que par des gestes qui sont symboliques, et pour continuer à combattre, M. le Président, les nombreux préjugés dont les femmes sont encore victimes aujourd'hui malheureusement, en 2008.
Mon plaidoyer se veut donc d'être un souhait que nous ayons pour que nous puissions discuter ensemble d'une solution à plus long terme de la problématique des accommodements raisonnables. Et ma formation politique croit pertinemment qu'une constitution permettrait au Québec de faire rejaillir davantage ces valeurs fondamentales tout en facilitant leur diffusion lors de l'arrivée des immigrants qui veulent s'intégrer au Québec aussi et qui attendent d'avoir un signal de cette communauté d'accueil que représente le Québec. Et le Québec peut, de manière tout à fait légitime, se doter d'une constitution interne sans que cela n'enfreigne les règles de son adhésion pleine et entière à la fédération canadienne.
Cette volonté adéquiste de vouloir traduire les particularités et les fondements de la culture québécoise dans un document constitutionnel est compatible avec la nature même du fédéralisme canadien. Il s'agit d'une solution durable à la confusion engendrée par les débats des accommodements raisonnables aussi. Je crois que ce débat sur une éventuelle constitution pour le Québec est parfaitement sain pour l'avenir de nos institutions politiques entre autres et pour la concrétisation du droit des femmes, ce que le projet de loi n° 63 vise à plus petite échelle. Et, cela dit, ma formation politique croit qu'il est possible aussi de discuter de manière civilisée d'un tel projet de constitution et que la condition principale de la réussite... de sa réussite sera le scellement tripartite de sa réalisation. Ainsi, en élaborant un projet de constitution de manière non partisane, nous mettrons les intérêts des citoyens et citoyennes du Québec à l'avant-plan de notre démarche.
Et on l'a vu, M. le Président, je l'avais signalé à ma première intervention sur le projet de loi n° 63, qu'il y avait ici probablement des choses qui arrivent rarement en politique, des conditions gagnantes pour aller beaucoup plus loin en termes de constitution. Et ce rendez-vous historique qui s'est présenté à nous, je crois, et c'est clair... et plusieurs autres acteurs de la scène politique présents ici ont signalé que le rendez-vous a été manqué aussi. Le projet de loi n° 63, on l'a dit, c'est une bonne chose, ça va évidemment concrétiser le droit des femmes au Québec, mais on aurait pu aller beaucoup plus loin aussi. Et c'est dommage parce que ce genre de situation là, d'avoir ces conditions réunies pour faire avancer une société à grands pas de géant, a été manquée. Et je pense que le Parti libéral n'avait pas la volonté d'aller plus loin, et ça, c'est regrettable, et l'histoire nous jugera à ce niveau-là.
Mais je tends quand même la main, M. le Président, aux parlementaires des différentes formations politiques malgré tout pour que nous puissions nous mettre au boulot dès maintenant afin de donner suite au projet de loi n° 63. Parce que se donner un projet de loi, M. le Président, c'est une chose, mais encore faut-il aller plus loin que ça. Son adoption finale présentement témoigne d'une volonté de collaboration. Le moment est venu de saisir la balle au bond, prendre un rythme de croisière, et c'est ce qu'on souhaite ardemment de notre côté, dans la défense de notre identité collective et de nos valeurs fondamentales. Parce que, jusqu'à maintenant, le Québec, au cours des dernières décennies, en a fait, des pas, mais c'est loin d'être fini, et, les sociétés humaines étant en mouvement constant, donc c'est un défi que nous aurons à relever au cours des prochaines semaines, des prochains mois et surtout des prochaines années.
Et, à titre de député mais également à titre de père de famille, je me sens touché personnellement de prendre part à l'adoption finale du projet de loi n° 63 qui vient formaliser en quelque sorte de façon claire, dans une loi, l'égalité entre les hommes et les femmes. Et, dans le préambule de la Charte des droits et libertés de la personne, c'est le garant comme de la liberté, de la justice et de la paix.
Et, pour le bien de nos auditeurs qui nous écoutent présentement, je pense qu'il est important, M. le Président, de mentionner que l'article 10 de la Charte des droits et libertés de la personne vient inscrire... ou enfin vient circonscrire les motifs de discrimination. Le projet de loi n° 63 renforce cependant le cadre interprétatif de cette disposition dans la mesure où les droits énumérés dans la charte s'appliquent également aux femmes et aux hommes. C'est donc par souci d'efficience que le législateur ajoute un tel paragraphe dans le préambule, et, comme le législateur ? on en avait déjà parlé préalablement, M. le Président ? ne parle jamais pour ne rien dire ? évidemment c'est une cause, c'est terriblement important à ce niveau-ci ? cette disposition répond à un besoin qui est vraiment réel, on l'a bien vu, au cours de la dernière année, avec le débat entourant le droit des femmes aussi par rapport à la liberté de culte. Donc, c'est des débats où les sociétés en mouvement, dans un cadre de mondialisation et d'internationalisation de nos échanges entre êtres humains... qui seront aussi à l'agenda, au cours des prochains mois, de tous les Parlements, de toutes les sociétés qui sont ouvertes sur le monde et qui vivent avec ce genre d'évolution là aussi. Cela a fait couler beaucoup d'encre à l'époque, un tel débat, et il continuera évidemment de susciter de nombreux débats pour la suite.
Je tiens aussi à dire un mot pour ma collègue de Deux-Montagnes qui a fait un excellent travail dans le dossier du projet de loi n° 63 aussi, qui s'est impliquée énormément, évidemment qui croit, comme toutes les femmes du Québec, que présentement nous avons atteint, je pense, comme société, vraiment un niveau des plus enviables. Parce qu'évidemment les conditions que nous avons réunies au Québec ne sont pas encore parfaites, il y a toujours un bout de chemin qu'il reste à accomplir, mais de l'enchâsser de cette façon-ci, c'est encore un pas de plus. Et ma collègue de Deux-Montagnes a vraiment fait un travail extraordinaire aussi et a porté très haut, si on veut, la bannière de notre parti politique et de ses aspirations aussi. Et je réitère aussi, de mon côté, l'appui que j'ai par rapport à ce projet de loi là, comme Québécois. Et évidemment on adhère entièrement aux valeurs qui y sont véhiculées.
n(15 h 30)n Et je ne peux passer sous silence que le Québec, M. le Président ? et je recule seulement d'une cinquantaine d'années ? le Québec a été la dernière province canadienne à accorder le droit de vote aux femmes, à l'époque. Et, en l'espace de 50 ans seulement, qui, à l'échelle humaine, à l'échelle des sociétés, est vraiment un court laps de temps, le Québec a fait un pas de géant à travers les différents gouvernements qui se sont succédé ici, et, aujourd'hui, je constate qu'il y a un petit pas qui a été fait, un pas symbolique, un pas important pour les femmes. On aurait pu encore une fois aller plus loin, mais, dans le cas de la question des femmes, dans le cadre du projet de loi n° 63, évidemment on fait encore... on fait un bon coup là-dessus, et ça, on en est très fiers aussi. Je pense que tous les parlementaires présents ici, M. le Président, partagent la même opinion aussi.
Et je vous dirais, M. le Président, qu'encore une fois je tiens à tendre la main, comme parlementaire et au nom de ma formation politique aussi, pour qu'on puisse discuter des solutions qui sont plus durables, des solutions qui ont peut-être un peu plus d'ambition aussi, qui vont encore un peu plus loin et qui annoncent par des signes vraiment la volonté populaire du Québec de toujours continuer de l'avant avec ces idées, avec des principes qui nous tiennent à coeur comme société. Et c'est sans doute lorsque je me retrouverai devant vous, la prochaine fois pour discuter du droit des femmes au Québec, ce sera sans doute à ce moment-là, M. le Président, dans mon rôle pour doter le Québec de sa propre constitution de manière à fixer des balises qui soient claires quant aux demandes d'accommodement raisonnable, à caractère religieux entre autres. Parce que je vais faire un parallèle ici avec le projet de loi n° 63, M. le Président. Tant et aussi longtemps que le Québec n'aura pas défini ses propres règles... et, ce que nous croyons, notre formation politique, c'est qu'une constitution, contrairement à celle qui a été présentée par le deuxième parti d'opposition, une constitution émane de la population, et on doit d'abord s'asseoir et discuter tous ensemble pour arriver à créer cette constitution-là au lieu d'arriver avec des projets qui sont déjà des projets de constitution, qui sont déjà préparés à l'avance et tout mâchés, qui laissent peu de place aussi à la discussion et à l'échange. C'est à travers des échanges démocratiques qu'on a entre êtres humains, c'est de cette façon-là que la société québécoise avance et c'est de cette façon-là que, nous, à l'Action démocratique, on veut pousser le débat, et c'est un débat qui restera à faire aussi. Aujourd'hui, le projet de loi n° 63, on fait un pas pour les femmes. Il reste encore beaucoup de pas à accomplir pour le Québec, M. le Président, et je n'ai qu'à penser aux générations futures qui s'en viennent.
J'aurais un mot, en terminant, sur... Évidemment, le projet de loi n° 63, on parle de nos femmes, mais je pense que, si je suis ici, aujourd'hui, M. le Président, c'est ma mère qui m'a initié à la politique. Elle était militante de longue date, depuis la fin des années soixante, et c'est elle qui m'a appris aujourd'hui, qui m'a donné ce goût et cette passion-là. Et, dans le cadre de mon travail, si ce n'était pas de ma femme, je ne pourrais pas être ici, aujourd'hui, M. le Président. J'ai un appui extraordinaire d'elle aussi et j'ai une pensée pour elle. Et je ne peux aussi que penser à mes filles, à mes jumelles, Laurianne et Catherine, de 5 ans... qui seront pour eux des avantages qu'on fait pour les enfants. Merci beaucoup, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Chagnon): Merci, M. le député de Mirabel. Est-ce que j'ai un autre intervenant? M. le député de Richelieu. Alors, nous vous écoutons.
M. Sylvain Simard
M. Simard: Je vous remercie, M. le Président. Si nous sommes réunis aujourd'hui autour de ce projet de loi, c'est qu'il s'est passé un certain nombre de choses au Québec depuis un an et demi environ, et vous n'êtes pas sans savoir que ce projet de loi a un lien très direct avec l'évolution très rapide d'un certain nombre de réflexions au cours de la dernière année, notamment toute la question identitaire, toute la question qui a touché les accommodements raisonnables et qui a mené à la constitution d'une commission dirigée par les professeurs Bouchard et Taylor qui ont entendu des milliers de personnes et qui ont tenté de faire une synthèse de la situation québécoise, de la réalité identitaire québécoise.
Évidemment, je ne suis pas personnellement enthousiaste pour tous les aspects de l'orientation de leur rapport, mais ils nous disent en tout cas, sur un certain nombre de points, que nous devons, si nous voulons intégrer ceux qui viennent se joindre à nous, si nous voulons réussir une intégration harmonieuse, nous devons affirmer fortement un certain nombre de valeurs qui nous caractérisent, et parmi celles-ci il en est trois qui sont nommément présentes dans le rapport et qui sont dans le discours public et dans la réalité québécoise depuis très longtemps mais dont nous prenons de plus en plus conscience, c'est-à-dire l'égalité entre les hommes et les femmes ? je reviendrai sur chacune ? la primauté de la langue française et la laïcité de l'État, c'est-à-dire la séparation entre l'État et la religion.
Vous savez, ce sont des choses qui démontrent un avancement considérable dans notre société. Dans le cas de ces trois valeurs, je vous assure que nous aurions été, au moins dans le cas de deux des trois valeurs, nous aurions été bien mal placés, en tout cas peu intéressés, il y a une trentaine d'années, sur la place publique, ici, à l'Assemblée nationale, de dire: Voilà notre carte de visite comme Québécois, ce sont ces trois grandes valeurs là. Pour deux d'entre elles, elles auraient été en tout cas des valeurs peu pratiquées, en tout cas mal reconnues. Ainsi que mon collègue le rappelait tout à l'heure, le droit de vote des femmes ne date que de l'après-guerre, et l'égalité des hommes et des femmes est un phénomène relativement récent.
Quant à la séparation de l'Église et de l'État, vous savez toute la révolution qui s'est faite au Québec, depuis les années soixante, et qui a amené un basculement complet de notre société, d'une société cléricale, religieuse, qui se définissait essentiellement par sa foi et sa langue, en une société laïque de plus en plus convaincue que les religions, la religion, le phénomène religieux est un phénomène individuel, est un phénomène auquel les citoyens peuvent adhérer mais auquel l'État doit demeurer étranger de façon à maintenir une position totalement impartiale dans notre société.
Quant à l'égalité des hommes et des femmes, elle n'est pas venue toute seule, c'est un combat qui évidemment trouve ses sources à travers les siècles. Il y a eu une avant-garde, il y a eu des combattants et des combattantes, je dis bien «des combattants», il y a eu des hommes et des femmes qui se sont battus pour faire avancer, au cours des derniers siècles surtout, cette notion de l'égalité. Votre mère n'avait pas le pouvoir de signer une hypothèque, M. le Président. Votre grand-mère n'avait pas le droit de vote dans sa jeunesse. L'humanité nous paraît, aujourd'hui, très simple et nous paraît inclure ces réalités-là comme des évidences. Elles n'étaient pas des évidences. Nos filles, qui pensent que de tout temps ces droits ont existé, devraient se rappeler qu'ils sont des conquêtes extrêmement récentes, des conquêtes partielles, d'ailleurs, il y a encore des domaines...
Et notre chef, tout à l'heure, parlait des droits sociaux et économiques. Il est bien évident que l'égalité sociale et économique des femmes est une conquête qui est loin d'être terminée. Cependant, je le dis avec fierté et nous pouvons le dire avec fierté, le Québec est certainement la société, en tout cas l'une des quelques sociétés occidentales qui a fait le plus de progrès et qui est arrivée, aujourd'hui, à un niveau le plus élevé d'égalité entre les hommes et les femmes, équité salariale, refus de toute forme de discrimination, et le projet de loi que nous avons devant nous, et sur ce principe nous souscrivons entièrement à ce projet de loi, qui vient ajouter un élément de reconnaissance à ce phénomène, ne peut que recevoir notre approbation. Cependant, notre grande déception, c'est ce qu'on n'y trouve pas, dans ce projet de loi, ce sont les absents de ce projet de loi, comme si l'histoire des 50 dernières années, au Québec, n'avait été que l'histoire d'une avancée et que, les autres avancées, on pouvait les oublier, comme si les nouveaux arrivants qui arrivent ici, qui viennent au Québec, devaient recevoir comme seul message: Ici, c'est le pays de l'égalité entre les hommes et les femmes, principe auquel je souscris parfaitement, mais c'est aussi, et je pense que nous avons tout à fait tort de le négliger, c'est aussi un pays français.
Le Québec doit être un pays où le français est la langue parlée, la langue utilisée, la langue officielle, la langue du domaine public, et nulle part, dans notre Charte des droits et libertés, n'est inscrit ce principe fondamental de notre identité. Il est aussi fondamental que les autres, M. le Président, et pourtant le gouvernement a décidé de le mettre de côté, de le négliger, de ne pas profiter de ce moment historique pour l'inscrire dans les tables de la loi, c'est-à-dire dans le document fondamental qui marque notre existence collective, notre Charte des droits et libertés.
n(15 h 40)n M. le Président, la même chose pour la laïcité. Ce ne sont pas tous les pays qui pratiquent cette séparation de l'Église et de l'État; au contraire, nous avons une forte tendance, dans plusieurs pays, et c'est un phénomène, une montée, au cours des 30 dernières années, très inquiétante sur la planète, de la montée des intégrismes, de la montée du sectarisme, de la montée de cette absence de séparation entre l'Église et de l'État, de l'implication de l'État dans le religieux et du religieux dans l'État. Ici, petit à petit, s'est développée une vision extrêmement positive, sans acrimonie, sans négliger et sans renier jamais la profondeur et l'attachement que nous avons à notre passé, à cette histoire où l'Église a joué un rôle fondamental, cette histoire où notre religion a servi de ferment, a servi d'élément unificateur qui nous a permis de survivre, et d'exister, et de nous battre pour notre existence à travers les siècles. Mais il n'en demeure pas moins qu'aujourd'hui cette réalité de la séparation de l'Église et de l'État est un élément de fierté que nous devrions trouver dans les premières clauses de toute loi fondamentale, de toute Charte des droits et libertés. Je ne comprends pas que le gouvernement n'ait pas profité de cette occasion pour l'inclure.
Et évidemment c'est la même chose pour la langue française. M. le Président, nous avons une charte de la langue française dont nous sommes extrêmement fiers. Nous sommes, nous, du Parti québécois, ceux qui l'avons fait naître, qui l'avons proposée aux Québécois, qui, petit à petit, avec courage, l'avons implantée, pour ce qui n'a pas été annulé, amoindri, diminué par la Cour suprême du Canada, mais rappelons-nous qu'à l'époque nous étions les seuls à nous battre pour cela, que ceux qui forment actuellement le gouvernement, pendant des années, se sont opposés à l'existence même de cette charte. Aujourd'hui, cette charte fait la fierté des Québécois. Cette charte, la primauté du français, le fait que la langue officielle du Québec soit le français, c'est un de nos éléments identitaires, c'est ce qui nous définit peut-être au-delà de tout.
Cette réalité qui nous unit tous ensemble, eh bien, nous aurions aimé la retrouver dans une charte et surtout que cette charte serve de point de départ à un renforcement de l'application et du contenu même de la loi 101. Nous savons que c'est un combat. Nous sommes 3 % de parlant français en Amérique du Nord. C'est un combat que nous devrons mener, nous, ici, jusqu'à la fin de nos vies, que nos enfants devront reprendre, que nos arrière-petits-enfants devront reprendre parce que ce sera toujours un combat à faire. Alors, pourquoi ne pas inscrire, d'ores et déjà, à l'occasion de cette réflexion identitaire qui a cours au Québec, pourquoi ne pas inscrire dès maintenant ce principe fondamental de la primauté du français sur toutes les lois au Québec? La Charte des droits que nous avons actuellement est une loi comme les autres, peut être remplacée, peut être transformée, alors que, si nous avions ce principe inscrit, jamais personne ne pourrait aller à l'encontre dorénavant de ce principe fondamental. M. le Président, en résumé, une occasion en or vient d'être ratée par le gouvernement de donner à ceux qui viennent ici un signal clair de ce que nous sommes vraiment, des grandes valeurs qui nous caractérisent, qui nous définissent et qui nous orientent. Je vous remercie, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Chagnon): Merci, M. le député de Richelieu. J'inviterais maintenant M. le député de Chauveau à prendre la parole.
M. Gilles Taillon
M. Taillon: Merci, M. le Président. Alors, M. le Président, je suis heureux de prendre la parole sur le projet de loi n° 63 présenté par le gouvernement. C'est un projet qui vient formaliser, dans le préambule de la Charte des droits et libertés de la personne, l'égalité entre les hommes et les femmes. C'est aussi un rappel, un rappel important que l'exercice des droits et libertés de la charte s'applique également aux hommes et aux femmes.
Tel que libellé, le projet devrait baliser les décisions relatives aux accommodements raisonnables en rappelant qu'il s'agit là d'un fondement important sans établir une hiérarchisation des droits fondamentaux, par ailleurs. C'est heureux qu'il en soit ainsi, parce qu'il y a d'autres valeurs fondamentales dans la charte et qu'il ne faudrait pas hiérarchiser les droits des uns par rapport aux autres.
Acquise de haute lutte, M. le Président, cette égalité est bien intégrée dans les valeurs de notre société, acquise de haute lutte parce que, rappelons-le, ce n'est qu'à partir de 1960 qu'une femme a pu siéger pour la première fois à l'Assemblée nationale, dans les années soixante, et les femmes ont gagné les sièges un par un. Et elles n'ont pas encore une présence égale, mais on peut dire qu'il y a davantage d'égalité, et cette volonté d'égalité est là, dans notre société, et certains événements des derniers mois, dans le dossier des accommodements raisonnables et de la publicité qui a été faite autour de ce dossier-là, donc certains événements ont laissé voir des dangers quant à la reconnaissance du principe de l'égalité hommes-femmes.
Je voudrais rappeler, sans insister, le cas de policières invitées à céder leur place à leurs collègues masculins pour se conformer à la religion des personnes qu'elles interceptaient, le fait du givrage des vitres d'un centre d'entraînement pour éviter de mettre à la vue des jeunes garçons le corps des femmes, donc des éléments qui venaient remettre en question le principe de l'égalité.
Je pense que le débat sur le projet est opportun, compte tenu de ces événements, et notre formation appuie le principe de ce projet de loi, qui constitue un pas dans la bonne direction mais qui ne fournira pas l'ensemble des balises nécessaires à l'application de décisions judicieuses à l'occasion de l'exercice de demandes d'accommodement raisonnable, et c'est ce que nous déplorons. Ainsi, ne sont pas évacuées les questions relatives à la place de la religion dans l'espace public, la place du français comme langue commune dans l'affichage, la place du français en milieu de travail, les manifestations d'orthodoxie ou d'extrémisme religieux, certaines valeurs traditionnelles, notamment notre patrimoine, qui affectent l'organisation de la vie collective et d'autres questions qui amènent inévitablement une confrontation entre les droits collectifs et les droits individuels.
Compte tenu de ce considérant, M. le Président, le fait donc que ces questions ne seront pas évacuées par le dépôt d'un projet qui a des mérites eu égard à l'égalité hommes-femmes mais qui ne touche pas l'ensemble de la question, nous avions, nous, à l'égard de ces questions et suite aux recommandations du rapport Bouchard-Taylor, une autre approche que nous estimons toujours plus complète que cette modification ou d'autres ad hoc qui ont été suggérées notamment par la deuxième opposition, que l'on pourrait apporter à la charte, nous avions donc, nous, une approche beaucoup plus globale, et le chef de l'opposition officielle, au lendemain du dépôt du rapport Bouchard-Taylor, a tendu la main aux deux autres partis pour entreprendre des travaux visant à définir ensemble un canevas de valeurs communes qui aurait pu constituer une réponse d'ensemble à la problématique que posent toujours, dans l'espace public, les balises pouvant servir de guide aux décisions à prendre concernant l'exercice des accommodements raisonnables.
Cette main tendue, cette invitation a été repoussée par le chef du gouvernement, qui a reçu cette invitation de façon plutôt cavalière et qui l'a traitée d'une façon fort partisane. Cette offre solennelle a été rejetée très rapidement de la part du premier ministre, et cela a mis fin à tout espoir de trouver un terrain d'entente qui aurait permis de faire le débat, qui de toute façon, on n'y échappera pas, va revenir dans l'actualité au fil de cas individuels ou de problématiques qui apparaîtront dans les jours et les semaines à venir.
Je voudrais rappeler, M. le Président, que, bien avant les prises de décision du premier ministre quant à la création d'une commission d'enquête, l'ADQ proposait, dans sa plateforme électorale de 2007, une avenue pour aborder cette délicate question qui, dans un monde plus ouvert, qui, dans le cadre d'une société ouverte qui confronte, hein, toutes les sociétés... Nous proposions l'établissement de valeurs communes dans un exercice, M. le Président, qui aurait pu rassembler les forces vives de la société, et, ces valeurs communes, on les aurait enchâssées dans une constitution du Québec, une constitution du Québec bien sûr qui aurait traité de valeurs communes; mais nous allions plus loin que nos collègues de la deuxième opposition, une constitution aussi qui aurait défini les pouvoirs entre l'État central et les régions.
On le sait, une constitution générale établit les valeurs d'identité, les valeurs communes mais aussi le partage des pouvoirs entre les différentes instances de gouvernements. Nous avons eu, au fil des ans, depuis les années quatre-vingt, des modifications importantes à l'organisation de la vie démocratique ? financement des partis politiques ? un ensemble de questions qui ont été discutées, mais jamais on n'a véritablement finalisé des éléments qui auraient pu constituer des avancées pour l'établissement d'un mode de vie, d'un ordre de vie, en termes démocratiques, beaucoup mieux balisé.
n(15 h 50)n Bien sûr, à la suite de cette proposition de la campagne électorale, la deuxième opposition a emprunté, aux pages 4 et 5 de notre plateforme électorale, pour se définir une position sur l'identité et sur la nécessité d'une constitution québécoise, une proposition partielle, je viens de le souligner, qui ne contenait pas toutes les définitions de partage de pouvoirs entre les différentes instances administratives sur le territoire. M. le Président, nous pensons toujours que la seule solution viable passe par cette discussion collective, passe par l'établissement d'une constitution. Bien sûr, il y a un effort à y mettre, mais la société en serait grandement gagnante.
Nous ne nous opposerons pas, M. le Président, au projet de loi n° 63, bien au contraire. C'est un projet qui, je le soulignais, a le mérite de reconnaître et de placer sur un pied d'égalité les hommes et les femmes, mais il s'agit pour nous d'une solution partielle à un problème beaucoup plus vaste.
Je voudrais féliciter ma collègue la députée de Deux-Montagnes qui a accompagné tout au long du travail parlementaire le cheminement de ce dossier, qui l'amène aujourd'hui à la discussion de principe que nous avons, et je veux souhaiter, M. le Président, qu'avec les événements de la matinée et les propos désobligeants du ministre du Travail à l'égard de la conjointe du député de Vanier, je veux souhaiter que, pour le gouvernement, ce projet de loi n'est pas qu'un geste symbolique mais qu'il représente non pas une solution partielle ou une façon d'éluder la question, mais qu'il représente véritablement une intention ferme, et j'espère bien que le premier ministre saura remettre à sa place le geste de son ministre qui, comme je le soulignais, était extrêmement déplacé.
M. le Président, en conclusion, je vous dirais: Nous souhaitons que ce projet de loi là passe, nous sommes heureux que l'égalité hommes-femmes soit promue dans la Charte des droits, qu'on y accorde une importance que cette égalité mérite, mais nous sommes déçus que nous n'ayons pas trouvé une solution plus englobante eu égard à tout le dossier de l'exercice des demandes de droits, d'accommodements raisonnables qui vont de toute façon revenir dans l'actualité au cours des prochains mois. Merci beaucoup.
Le Vice-Président (M. Chagnon): Merci, M. le député de Chauveau. J'inviterais maintenant M. le député des Îles-de-la-Madeleine à prendre la parole.
M. Maxime Arseneau
M. Arseneau: Merci, M. le Président. M. le Président, il me fait extrêmement plaisir aussi d'intervenir à cette étape-ci de l'adoption finale sur le projet de loi n° 63. Le projet de loi n° 63, M. le Président, est un projet de loi court, deux articles, mais un projet de loi aussi qui a une grande importance de par le fait qu'il touche à la charte, qu'il modifie la Charte des droits et libertés du Québec. M. le Président, il est significatif parce qu'il touche à la charte pour affirmer expressément que les droits et libertés énoncés dans la charte sont garantis également aux hommes et aux femmes. Or, M. le Président, quand on regarde la Charte québécoise des droits et libertés, on dit finalement:
«Considérant que tout être humain possède des droits et libertés intrinsèques, destinés à assurer sa protection et son épanouissement;
«Considérant que tous les êtres humains sont égaux en valeur et en dignité et ont droit à une égale protection de la loi.» On dit aussi, au chapitre I.1, à l'article 10: «Toute personne a droit à la reconnaissance et à l'exercice, en pleine égalité, des droits et libertés de la personne, sans distinction, exclusion ou préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, la grossesse, l'orientation sexuelle, l'état civil...» Donc, M. le Président, la Charte québécoise protégeait, garantissait déjà l'égalité entre les hommes et les femmes, M. le Président. Donc, l'amendement vient parce qu'on veut réaffirmer quelque chose. Il y a un aspect symbolique effectivement au projet de loi n° 63.
Je ne dis pas, M. le Président, que les symboles ne sont pas importants; le drapeau est un symbole extrêmement important, les fleurs peuvent être un symbole extrêmement important, M. le Président. Ça ne veut pas dire non plus que de rappeler l'existence de certains droits est une mauvaise chose, mais, M. le Président, lorsque nous touchons à la Charte des droits, c'est extrêmement important parce que ça peut être utilisé pour interpréter d'autres lois. Et voilà donc, M. le Président, on pourrait dire que ce projet de loi vient en quelque sorte ajouter une clause de sûreté, et c'est ça que disent ceux qui sont venus en commission dans leurs mémoires, la Commission des droits de la personne, le Barreau du Québec, entre autres, M. le Président.
Donc, il faut se poser la question: Qu'est-ce qui motive le gouvernement, à ce stade-ci, de venir réaffirmer un droit qui était déjà garanti dans la charte? Ça nous ramène, M. le Président, à des valeurs de la société québécoise, ça nous ramène aussi effectivement au rapport sur la commission Bouchard-Taylor. Au lendemain de la parution du rapport, le gouvernement s'est senti obligé de rappeler certaines valeurs dans une publicité très coûteuse, M. le Président, où la photo du premier ministre prend plus de place que les valeurs qu'on veut rappeler aux Québécois. Le gouvernement s'est senti obligé de rappeler certaines valeurs, et, dans ces valeurs, M. le Président... Je les rappelle, hein: bien sûr, l'égalité hommes-femmes mais aussi la primauté du français, la séparation entre l'Église et l'État. Mais alors, M. le Président, pourquoi s'en tenir juste à l'appel ou au rappel de l'égalité entre les sexes?
Pourtant, M. le Président, le Parti québécois avait déjà proposé des solutions. Au moment de sa parution devant la commission Taylor-Bouchard, le Parti québécois avait proposé expressément... Dans l'interprétation et l'application de la charte, on voulait qu'il soit tenu compte du patrimoine historique, des valeurs fondamentales de la nation québécoise, notamment de l'importance d'assurer la prédominance de la langue française, de protéger et de promouvoir la culture québécoise, de garantir l'égalité entre les hommes et les femmes et de préserver la laïcité des institutions publiques. On a ramené, M. le Président, ces amendements au moment où le gouvernement lui-même a ramené le projet de loi n° 63.
Qu'est-ce qui fait, M. le Président... C'est sûr que personne n'est contre la vertu, personne ne s'oppose, compte tenu de l'importance du droit qui est en cause, à savoir l'égalité entre les hommes et les femmes, mais, M. le Président, la question qu'on se pose, c'est: Pourquoi, puisqu'on touche à la charte, pourquoi ne pas aussi parler des deux autres valeurs dont parle le premier ministre dans sa publicité, à savoir la primauté du français au Québec, à savoir la laïcité des institutions de l'État québécois? Pourquoi, M. le Président? Le premier ministre nous répond: Parce que nous avons une charte des droits, parce que nous avons, au Québec, aussi la loi 101, une charte de la langue française.
M. le Président, la Charte de la langue française n'est pas une charte au sens des chartes des droits et libertés des citoyens. Cette loi 101, M. le Président, est une loi importante, dont nous sommes fiers, mais elle n'est qu'une loi, et il peut arriver, M. le Président, que les tribunaux utilisent les chartes pour justement interpréter et invalider des sections de la loi 101. Je vous dis ceci, M. le Président, parce que, même dans un article d'aujourd'hui, on dit: 20 000 signataires en faveur de la sauvegarde de la langue française. «Les signataires estiment que les 200 amendements imposés à la Charte de la langue française depuis 30 ans l'ont affaiblie au point où le français a perdu son pouvoir d'attraction au Québec», M. le Président. C'est donc une loi, mais ce n'est pas une charte, la Charte de la langue française. Et pourquoi, à ce moment-là, refuser, hein? Pourquoi refuser? Pourquoi le gouvernement retient-il qu'il faut rappeler l'égalité entre les hommes et les femmes mais qu'il ne veut pas inclure les autres valeurs fondamentales de la société québécoise?
Alors, M. le Président, la question qu'il faut se poser, c'est: Qu'est-ce qui retient le gouvernement? Qu'est-ce qui retient le gouvernement d'ajouter ces valeurs-là? Il y a d'autres chartes, M. le Président, que la charte québécoise des droits et libertés. Il y a aussi une autre charte, une charte, celle-là, qui nous a été imposée, aux Québécois, avec le rapatriement unilatéral de la Constitution canadienne, qui nous a aussi été imposée, M. le Président, avec le rapatriement de la Constitution. Et cette charte, M. le Président, cette charte, qu'est-ce qu'elle dit? Elle dit essentiellement que le Canada est un pays bilingue. Comment se fait-il que le Canada peut rappeler dans sa charte que le Canada est un pays bilingue et qu'au Québec on ne peut pas placer dans notre Charte des droits et libertés une valeur fondamentale comme celle de la langue française, M. le Président? Je pose la question, je pose la question.
n(16 heures)n Dans la charte canadienne, M. le Président, on parle aussi du multiculturalisme comme d'une valeur de société. Dans l'interprétation, M. le Président, ça donne des garanties. Et pourquoi, au Québec, on est incapables d'affirmer dans notre charte des valeurs que le gouvernement dit vouloir défendre par des publicités mais qu'il ne protège aucunement la langue française ou encore la laïcité de nos institutions, M. le Président? Je vous dis: Le Québec a un carcan, et ce carcan s'appelle le fédéralisme canadien. C'est ce carcan qui empêche le Québec d'être pleinement ce qu'il est réellement. Et, tant qu'au Canada on trouvera une autre majorité qui pourrait imposer des droits et des valeurs qui ne sont pas les nôtres, on a un problème, M. le Président. On est incapables d'affirmer ce que nous sommes véritablement. Voilà la réalité, M. le Président. Et pourquoi ne pas profiter justement de cette occasion pour inclure dans la charte québécoise toutes les valeurs qui font la réalité du vécu du Québec, avec lesquelles on veut accueillir les gens qui viendront dans une société ouverte mais où on est vraiment en mesure de saisir la réalité de cette nation québécoise, de ses réalités pour les gens qui viennent se joindre à nous?
M. le Président, le 5 de juin ? c'est aujourd'hui, ça ? Gilbert Lavoie, quand il parle justement de ces réalités canadiennes, avec le rapport sur le Commissaire aux langues officielles du Canada, il dit: «What does Canada want?», parce que ces gens-là considèrent que la loi sur le bilinguisme ou le fait que le français soit une langue officielle au Canada, c'est un cadeau qu'ils font au Québec. Ils devraient s'interroger, M. le Président.
M. le Président, quand on regarde attentivement tout le débat qui se passe autour du projet de loi n° 63 et qu'il est question de valeurs fondamentales, on ne peut passer sous silence l'éditorial de Jean-Marc Salvet, dans Le Soleil du 2 juin, qui ouvre un peu un éclairage sur les raisons. M. le Président, je veux vous lire ceci, il dit, Jean-Marc Salvet: «Or, la semaine dernière, pendant trois jours consécutifs, la chef du Parti québécois, [...], a demandé au premier ministre d'être logique avec lui-même. Elle lui a demandé de faire inscrire ces trois valeurs dans la charte québécoise des droits et libertés. Sans résultat. [...]Les questions du PQ sont pertinentes. Le problème, c'est que le premier ministre n'y répond pas. Il regarde ailleurs.»
M. le Président, c'est ça, la réalité. C'est pourquoi nous intervenons, c'est pourquoi je dis, aujourd'hui, M. le Président, oui à l'égalité entre les hommes et les femmes. Ce ne sera jamais assez garanti, il n'y aura jamais assez de protection quant à ce droit fondamental. Mais je dis oui aussi à la primauté du fait français au Québec. Ça n'exclut pas l'existence des autres, ça n'exclut pas l'accueil, mais ça dit ce que nous sommes, M. le Président. Oui à la laïcité des institutions québécoises, oui aussi... Bien sûr, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Chagnon): Merci beaucoup, M. le député des Îles-de-la-Madeleine. J'inviterais maintenant M. le député d'Arthabaska à prendre la parole.
M. Jean-François Roux
M. Roux: Merci, M. le Président. Alors, c'est non seulement un plaisir et un honneur, aujourd'hui, d'intervenir sur le projet de loi n° 63, c'est aussi un devoir. Je m'en fais un devoir, M. le Président, parce que, vous savez, je n'ai pas le portefeuille chronologique de plusieurs de mes collègues ici, mais je suis fier d'être né dans un endroit dans le monde et à un moment dans l'histoire de cette nation-là où, pour moi comme pour les gens de ma génération, l'égalité entre les hommes et les femmes est un acquis. Pour les gens de ma génération, ça n'a jamais été un débat. Pour les gens de mon âge, il n'y a pas de question à se poser au niveau de la valeur, au niveau de la position sociale des hommes et des femmes, l'égalité a toujours primé. Mais on n'a pas besoin de remonter très loin dans l'histoire où ça n'a pas été le cas ici, au Québec, pas besoin d'aller très loin dans le monde pour trouver des endroits où ce n'est pas le cas non plus. Donc, si, pour des gens comme moi, des gens de mon âge et les gens du pays ici, c'est un acquis, il est peut-être important de rappeler dans quelles circonstances on se retrouve ici, aujourd'hui, pour réaffirmer et mettre de l'emphase sur l'égalité entre les hommes et les femmes. Je prendrai... je limiterai mon récapitulatif à deux ans et même un peu moins.
À l'automne 2006, certaines décisions ont été prises, entre autres dans la région de Montréal, qui peut-être manquaient un peu d'éclairage. Une communauté de Juifs hassidim de la région de Montréal ont demandé à un YMCA de givrer ses vitres en demandant de voiler le corps des femmes, qu'ils ne jugeaient pas suffisamment vêtues, de la vue des enfants qui fréquentaient l'école qui était tout près. À peu près au même moment ou un peu plus tôt, le Service de police de la ville de Montréal, dans une brochure adressée à ses agents et à ses agentes, suggérait aux agentes, lors d'interventions sur le même groupe, de peut-être laisser la place à leurs collègues masculins. Bien entendu, lorsque les médias se sont emparés de ces événements-là, des exemples où on demandait soit à des hommes ou à des femmes des accommodements qui allaient peut-être contre nos valeurs ont commencé à sortir et plusieurs ont fait la manchette.
Suite à cette situation et à l'inquiétude grandissante qui était dans la population, on se serait peut-être attendu à un premier ministre qui fait preuve de leadership, qui se lève debout et qui exprime nos valeurs québécoises en disant que, pour nous, c'est du sacré et on n'y reviendra pas. Il y a un homme qui s'est levé, c'est le chef de l'opposition officielle. Lui, il s'est levé debout et lui a affirmé qu'au Québec il y a des valeurs qui ne sont pas discutables, il y a des valeurs qui sont acquises et avec lesquelles il faut vivre. Le premier ministre, lui, a plutôt parlé d'un malentendu: C'est tout simplement un malentendu, ce n'est rien de grave, ce n'est pas important. On peut comprendre l'inconfort du premier ministre à l'époque parce que c'est un débat épineux, ce n'est pas un débat simple et ce n'est pas des notions qui se traitent légèrement. Par contre, le débat est essentiel, est essentiel ici, au Québec.
C'est le chef de l'opposition officielle, qui était alors député de Rivière-du-Loup... le chef de l'ADQ s'est levé, il a dit: Pour les Québécois, moi, je pense que ça nous prend une constitution québécoise. Il faut enchâsser toutes nos valeurs dans un document qui va éclairer les gens qui prennent des décisions au Québec. Ce genre de décision là se doit d'être assise sur un document qui est fort et qui exprime clairement nos valeurs québécoises. Le PM, le premier ministre, là-dessus, a décidé que, lui, ce n'était pas important de se prononcer et, pour couvrir la colère qui grandissait dans la population, a décidé de mettre sur pied la commission qu'on connaît aujourd'hui sous le nom de commission Bouchard-Taylor sur les accommodements raisonnables.
Notre position, à l'ADQ, était claire avant le début des travaux de cette commission, on l'a fait savoir, c'était une constitution québécoise, c'était très simple. Il s'agissait de réfléchir sur quelles étaient les valeurs qui nous étaient communes, sur lesquelles on pouvait s'entendre et ensuite les enchâsser dans une constitution. Malheureusement, cette proposition-là n'a pas été retenue par le gouvernement.
Et, fait important, fait intéressant à noter, on sait que le gouvernement, les commissions, il n'y croit pas vraiment. On en met beaucoup sur pied, mais on est rendu qu'on les tablette avant même qu'elles soient sorties, on ne les écoute pas. Et le projet de loi n° 63 est un peu équivoque là-dessus. Le projet de loi n° 63 a été écrit et a été proposé à l'Assemblée nationale avant même le dépôt de la commission qui était chargée de se pencher sur les problèmes que le projet de loi n° 63 veut régler. Avant même d'avoir l'avis des deux intellectuels qu'on a nommés pour alimenter, pour faire le tour et prendre le pouls de la population, on a décidé que, nous, au gouvernement, on n'a pas besoin de savoir ce que les Québécois veulent, on va leur dire ce que, nous, on veut, puis ça va être suffisant.
n(16 h 10)n Je pense que le projet de loi n° 63, ceci étant dit, est tout à fait valable. Je pense que cette valeur-là de l'équité entre les hommes et les femmes est partagée par l'ensemble de la population québécoise et très certainement par l'ensemble de mes collègues ici, à l'Assemblée nationale. Ceci étant dit, c'est un geste qui est insuffisant parce qu'il n'y a pas seulement l'égalité entre les hommes et les femmes qui est quotidiennement remise en question dans diverses interventions un peu partout dans la vie publique, il y en a plusieurs autres. Et on aurait aimé voir un document beaucoup plus substantiel, on aurait aimé voir une constitution, on aurait voulu voir un premier ministre qui accepte la main tendue de l'opposition officielle et de la deuxième opposition pour se pencher sur l'ensemble des pratiques d'accommodements raisonnables, proposer un document qui est structurant pour l'ensemble des intervenants au Québec, puis ce n'est pas ce qu'on a eu.
Lorsqu'on a tendu la main au premier ministre, qu'est-ce qu'on s'est fait dire: Bof! oui, une constitution, c'est beaucoup de travail, hein? C'est plusieurs années, là! On a-tu vraiment envie de se lancer là-dedans?
Des voix: ...
M. Roux: À l'opposition officielle, on a le goût, M. le Président, à la deuxième opposition on a le goût. Il n'y a pas de travail qui est trop grand, il n'y a pas d'effort qui est trop poussé pour en arriver à un consensus social, pour ramener la paix sociale, parce que c'est ce qu'on veut faire, à l'opposition officielle, M. le Président, puis c'est ce que je sens aussi de la deuxième opposition.
Vous savez, ce document-là n'est pas fait pour... on ne le veut pas pour diviser les Québécois, bien au contraire. On veut, première des choses, informer les gens qui songent à venir s'établir ici de ce que sont nos valeurs: Nos valeurs sont les suivantes. Ils seront en mesure de les lire, de les consulter avant même de réfléchir à la possibilité de venir s'installer ici et ils sauront à quoi s'attendre. Et, lorsqu'un gestionnaire de YMCA, de CLSC, de service de police aura à se pencher sur une question qui touche à une des valeurs qui nous sont chères, au Québec, bien il y aura un document non seulement pour l'aider à prendre sa décision, mais aider à la justifier également. C'est pourquoi on veut une constitution du Québec, M. le Président, et c'est pourquoi elle est si importante.
Avant de terminer, M. le Président, je m'en voudrais de ne pas mentionner un fait qui s'est passé aujourd'hui même. Pour nous, c'est plutôt ironique. C'était un hasard qui... On peut difficilement passer à côté. On parle aujourd'hui d'un projet de loi qui réaffirme... ce n'est pas seulement de l'inscrire dans la Charte des droits et libertés du Québec, mais c'est de le réaffirmer, c'est de mettre un point et mettre l'emphase là-dessus.
Aujourd'hui, M. le Président, comme je suis assis très près du parti gouvernemental et très près du ministre du Travail, j'ai assisté à un geste que je ne peux que qualifier que de disgracieux. C'est un geste et c'est des paroles qui ont été posés qui non seulement n'ont pas leur place dans cette Chambre, ils n'ont pas leur place dans aucun forum au Québec, ils n'ont pas leur place dans aucun forum au monde, M. le Président. Et c'est ironique de voir que le parti qui propose le projet de loi comporte un ministre qui a affirmé de telles choses. Puis je ne reviendrai pas sur les propos, M. le Président, je n'oserais pas les répéter. J'espère sincèrement que le parti gouvernemental...
Le Vice-Président (M. Chagnon): Je vous remercie beaucoup, M. le député d'Arthabaska. J'inviterais maintenant M. le député d'Ungava à prendre la parole.
M. Luc Ferland
M. Ferland: Merci. Merci, M. le Président. Alors, c'est un honneur pour moi puis un privilège, là, de pouvoir me prononcer quelques minutes, quelque temps, sur le projet de loi n° 63. Bien entendu, M. le Président, d'entrée de jeu, comme l'ont mentionné plusieurs de mes collègues et la chef de notre formation politique, nous sommes d'accord avec ce projet de loi là. Les valeurs qu'on y retrouve, ce sont des valeurs, bien entendu, que nous partageons tous comme parlementaires. Or, bien entendu ? je reviendrai, M. le Président ? il existe certains malaises identitaires au Québec auxquels on se doit de répondre, nous, comme représentants du peuple. Je reviendrai un peu plus tard sur ces malaises en question.
Alors, bien entendu, le fait de réitérer l'égalité entre les femmes et les hommes, notion qui était déjà, qui est inscrite déjà dans la Charte des droits et libertés, le fait de le réitérer est majeur. Toutefois, M. le Président, ce que nous reprochons au premier ministre et au gouvernement actuel, c'est le fait... des éléments d'ailleurs qui ont été largement publicisés, mes collègues en ont fait part, largement publicisés dans les médias nationaux par le premier ministre lui-même et par le gouvernement, et j'entends par là les valeurs suivantes, c'est-à-dire la séparation de l'État et de la religion, et la primauté du fait français. Et, bien entendu, on pourrait aussi rajouter la reconnaissance et le fait des droits économiques et sociaux, qui vont, M. le Président, de soi.
Alors, le fait de ne pas écouter le deuxième parti d'opposition et le parti d'opposition à l'effet de vouloir ajouter ces valeurs-là, bien entendu, M. le Président, vous comprendrez que non seulement cela nous surprend, mais c'est des choses fondamentales. Je fais référence ici au fait de la langue française, au fait français. Et le premier ministre lui-même l'a soulevé, où nous sommes... et il a fait allusion à la minorité francophone dans cet immense territoire qu'est l'Amérique du Nord.
Non seulement, nous, ici, aujourd'hui, comme parlementaires, et notre formation politique, bien entendu, au premier plan, défendons... mais ceux qui nous ont précédés et, bien entendu, ceux qui auront à prendre notre place tout à l'heure ici, comme parlementaires, auront à poursuivre ce débat-là. C'est un débat de tous les jours, c'est un débat constant. Et jamais le fait de la langue française ne pourra être acquis comme étant quelque chose d'accompli, de réglé de façon définitive, nous aurons toujours à nous battre, à faire valoir ce fait-là, O.K.? Et nous avons la responsabilité, M. le Président, nous, comme parlementaires, non seulement d'en faire la promotion, mais de la défendre, de la défendre bec et ongles. Et ça, nous avons présentement une occasion exceptionnelle aujourd'hui, devant nous, et, encore là, M. le Président, nous ne comprenons pas le refus du premier ministre et du gouvernement de refuser le fait d'inclure dans le projet de loi n° 63 la primauté du fait français et la question de la séparation de l'État et de la religion. Alors, l'importance de maintenir, de diffuser, de faire connaître, de véhiculer cette langue qu'est la langue française, non seulement c'est notre responsabilité, c'est notre devoir comme parlementaires, et, bien entendu, notre formation politique poursuivra ce travail dans ce sens.
La question de la légalité... de la séparation de l'État et de la religion, que nous voulons voir inscrite et, encore une fois je le répète, au même titre que le fait français, cette notion-là a été soulevée par le premier ministre lui-même dans les nombreuses publicités. Alors, encore une fois, M. le Président, c'est très difficile de comprendre la réaction du premier ministre et de son gouvernement à l'effet de refuser de l'inscrire. Quand on le dit, ce n'est pas plus compliqué de l'écrire, M. le Président. Et il y avait là, je le répète encore une fois, nous avons là une bonne opportunité de concrétiser cet aspect-là en ajoutant ces deux valeurs-là, bien entendu, liées aux droits économiques et sociaux.
n(16 h 20)n Tout ça, bien entendu, M. le Président, n'est pas arrivé hier ou avant-hier, découle d'une problématique qui perdure depuis longtemps et qui nous a amenés, dans la dernière année, de façon plus, je dirais, intensive, avec la mise sur pied de la commission Robert-Taylor, problématique de la question des accommodements raisonnables bien sûr à laquelle je fais référence et, je le rappelle, M. le Président, notre formation politique, avec notre chef, à laquelle nous nous sommes présentés et avons déposé, bien entendu, un mémoire, à cette commission-là. Je pense que c'était de notre devoir et c'était aussi le devoir de toute formation politique et de parlementaires. En ce qui nous concerne, nous l'avons fait, nous avons proposé des choses, nous nous sommes fait entendre à cette commission-là et nous avons soulevé ces éléments-là dans le mémoire que notre formation politique a présenté à la commission Robert-Taylor.
Nous avons fait valoir l'ensemble, l'importance du fait français pour notre nation, pour le peuple québécois et l'importance de la séparation de l'État et de la religion, qui, bien entendu, vous le savez, M. le Président, comme moi, ne date pas d'aujourd'hui. On n'a qu'à penser aux débats qui ont prévalu, dans les années cinquante et dans les années soixante, sur cet aspect-là, toute une révolution autour de cet élément-là. Donc, l'importance aujourd'hui... et l'évolution du peuple québécois, de la nation québécoise autour de cet aspect-là. Je pense que nous avons et je crois que nous avons le devoir, comme parlementaires, de laisser comme héritage à ceux qui vont nous suivre, nos enfants et nos petits-enfants, une société, une nation, un pays avec une langue française forte, une langue française qui est pratiquée à tous les niveaux de notre société. C'est notre devoir comme parlementaires.
J'ai mentionné, tout à l'heure... Et je fais référence ici, M. le Président, à la commission Robert-Taylor, bien entendu, qui a soulevé beaucoup de choses, non seulement même, à l'occasion, nous a permis, dans certains secteurs du Québec où cette problématique-là se vivait aussi de façon différente... Mais ce malaise-là identitaire, au Québec, auquel on se doit de répondre... Il y a eu un rapport de déposé par les deux commissaires, M. Bouchard et M. Taylor.
Mais il y a un aspect aussi qui a été soulevé dans cette consultation-là. Oui, on parle des nouveaux arrivants, on a parlé aussi, bien entendu, en ce qui nous concerne, de la majorité québécoise, c'est-à-dire le peuple québécois, il y a aussi les premières nations qui sont venues également et, à l'occasion, dans certains endroits, se sont fait entendre à ce niveau-là. Alors, M. le Président, dans le projet de loi n° 63, oui le fait de la langue française, oui le fait de reconnaître les valeurs qui nous habitent et les valeurs qui nous guident dans l'exercice autant de nos fonctions que dans notre quotidien, nous avons aussi la responsabilité de reconnaître aussi, comme peuple, nous, comme peuple québécois, le fait que nous partageons ce territoire avec d'autres nations, et je pense aux nations...
Le Vice-Président (M. Chagnon): Merci beaucoup, M. le député d'Ungava. J'inviterais maintenant M. le député de Chambly à prendre la parole.
M. Richard Merlini
M. Merlini: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, c'est un plaisir pour moi de parler au niveau de l'adoption du projet de loi n° 63, la Loi modifiant la Charte des droits et libertés de la personne. Et j'aimerais commencer mon intervention d'abord pour féliciter ma collègue de Deux-Montagnes et porte-parole de l'opposition officielle en matière de condition féminine pour son excellent travail qu'elle a fait de mettre toute l'importance... de revêtir ce projet de loi de toute l'importance dont il méritait et en même temps d'en souligner les lacunes. C'est-à-dire, c'est un projet de loi qui a été déposé en décembre dernier, en décembre 2007, alors que la commission Bouchard-Taylor n'avait même pas terminé ses audiences, n'avait même pas commencé un balbutiement de composition d'un rapport. Et, on a vu avec le dépôt du rapport, il y a plusieurs recommandations qui s'échelonnent sur de vastes pans de la société québécoise.
Ce projet de loi vise à formaliser, dans le préambule de la Charte des droits et libertés de la personne, l'égalité entre les hommes et les femmes. On en fait un fondement de liberté, de la justice et de la paix. Tous ici s'entendent, aujourd'hui, dans cette Assemblée, pour dire qu'il s'agit d'un geste hautement symbolique qui vise à envoyer un signal clair à tous les citoyens et citoyennes du Québec qu'ils sont égaux, peu importe leur sexe. Il ne s'agit pas de faire de cette égalité entre les hommes et les femmes un principe supérieur à tous les autres mais bien d'en faire un fondement très important.
Et je prends cet instant aussi pour penser à mes deux jeunes filles, Julia et Catherine, qui ont tout l'avenir devant elles et qui rêvent à un avenir où elles n'auront pas à se soucier justement: Serais-je désavantagée parce que je suis une jeune femme? Serais-je désavantagée? Est-ce que j'aurais un moindre salaire? Est-ce que j'aurais de pires conditions de travail ou non? Et le projet de loi n° 63 vient affirmer clairement que ce ne sera pas le cas et que ce ne sera plus toléré au Québec.
Il faut ici, par contre, se rappeler d'un certain nombre de cas qui ont provoqué la commission Bouchard-Taylor. On parle du cas, par exemple, des policières invitées à céder leur place à leurs collègues masculins pour se conformer à la religion de personnes qu'ils interceptaient ou le cas de givrage des vitres d'un centre d'entraînement pour éviter de voir le corps de jeunes femmes qui s'entraînaient à ce moment-là, et les jeunes garçons qui passaient sur la rue.
Mais, voyez-vous, là, j'entends déjà les gorges chaudes rouges dire: Bien, vous, à l'ADQ, c'est bon, vous allumez des feux, vous partez les feux, vous allumez les brasiers, vous mettez de l'essence par-dessus ça et vous n'avez rien à proposer. Bien, c'est complètement inexact, M. le Président. Mon collègue de Chauveau l'a souligné tantôt, dans notre plateforme électorale de 2007, nous avions des propositions à la page 4 et à la page 5 que le deuxième groupe d'opposition a même tenté de copier. Ils l'ont mal fait, c'est bien évident, mais ces propositions-là, M. le Président, je le rappelle, ont fait élire 41 députés de l'Action démocratique du Québec. Alors, je crois que les valeurs dans les propositions que nous avions à ce moment-là, d'une constitution québécoise, d'une constitution interne pour le Québec, rejoignaient une vaste partie de la population du Québec. Nous en sommes témoins ici, nous sommes 41 à défendre cette idée-là.
Et, je parlais des cas tantôt, les cas de ces accommodements-là interpellaient directement justement cette égalité entre les hommes et les femmes, car ils brimaient le droit de certaines femmes dans l'exercice de leur profession ou de leur loisir. Alors, nous ne pouvions tolérer de laisser de côté un principe fondamental de notre identité québécoise. Par contre, ce n'est pas cette loi, la loi n° 63, le projet de loi n° 63, qui permettra nécessairement d'éviter ce genre de choses à l'avenir, mais ça va prendre des actions concrètes, des directives claires disant que l'égalité entre les hommes et les femmes et les autres valeurs du Québec priment. Et ça, M. le Président, on retrouve ça où? On retrouve ça dans une constitution interne; d'où le geste posé par le chef de l'opposition officielle de tendre la main au premier ministre et de dire: Rassemblons-nous unanimement, les trois partis. Et le deuxième groupe d'opposition est en faveur aussi de proposer une constitution québécoise, de se rassembler sur une base non partisane, de rassembler la population du Québec autour de ces valeurs, autour de ces choses qui nous identifient clairement, que les gens vont prendre en toute connaissance de cause, comme l'a soulevé tantôt mon collègue d'Arthabaska.
Le gouvernement libéral a voulu, avant la fin des travaux, comme je disais tantôt, de la commission Bouchard-Taylor, donner une réponse à un problème qu'on avait soulevé, et il y a tout un débat qui s'est enclenché grâce à notre action. Grâce à notre action, il faut le reconnaître, M. le Président, il y a tout un débat qui s'est enclenché au Québec, et ce n'est que récemment, lorsqu'on a vu les recommandations de la commission que le gouvernement avait mise sur pied. Par contre, il faut aller, je le disais, plus loin que ce seul projet de loi. Les recommandations de la commission Bouchard-Taylor sont nombreuses et très vastes. Comme je le disais, on avait déjà mis de l'avant des choses lors de la dernière campagne, sauf qu'il faut exercer un leadership, ça prend une volonté, ça prend de l'action, M. le Président. En tendant la main, nous voulons le faire d'une façon non partisane, de rassembler les gens, de travailler de concert avec le deuxième groupe d'opposition.
n(16 h 30)n Il ne faut pas se limiter seulement qu'à trois valeurs. J'entends depuis ce matin le deuxième groupe d'opposition qui dit que le projet de loi n° 63 devrait inclure trois valeurs. Mais sûrement, M. le Président, il y a plus de choses qui nous unissent au Québec que simplement trois valeurs, il y a plus que trois valeurs qui nous identifient comme nation québécoise, M. le Président. Et on ne peut pas simplement arriver à la dernière minute et tenter de dire: Bien oui, mais il faudrait rajouter ceux-là, et ensuite de ça, dans six mois, on va revenir à l'automne: Ah oui, on avait oublié celle-là, M. le Président. Est-ce qu'on va faire un autre projet de loi? Est-ce qu'on va faire un amendement au projet de loi n° 63? D'où l'idée du chef de l'opposition et l'idée de l'opposition officielle, de l'Action démocratique, de faire une constitution interne, d'enchâsser ces valeurs qui nous identifient, ces valeurs qui nous sont si chères, ces valeurs qui ont bâti pendant 400 ans cette société francophone du Québec.
Je ne pourrais passer sous silence, M. le Président, quelque chose... Il y a eu, en cette Chambre, un exemple tout à fait contraire de ce que le projet de loi n° 63 avance. Et, lorsqu'on entend des propos déplacés comme on l'a entendu ce matin, des propos envers une femme, c'est des propos qui n'ont ni leur place ici ni à l'extérieur de cette Assemblée. C'est étrange que la même journée où est-ce qu'on va adopter le projet de loi n° 63, qui va finalement dire que l'égalité entre les femmes et les hommes, c'est un principe de fondement de la société québécoise, on entend des propos qui sont dans tout le contraire de ce que le projet de loi avance, et de surcroît d'un ministre du gouvernement. Comme le projet de loi n° 63 a une symbolique très forte, M. le Président, de tels propos viennent en quelque sorte gâcher tout le symbole que la ministre et le gouvernement voulaient lui donner. Nous espérons que ces propos seront rappelés à l'ordre par le premier ministre envers ce ministre.
Pour terminer, M. le Président, je reviens encore à l'égalité des hommes et des femmes. J'espère que non seulement c'est un premier pas dans la bonne direction, mais il va falloir, M. le Président, qu'on aille plus loin. Il va falloir y arriver, y arriver, à ce projet de constitution interne. Et, comme l'a dit mon collègue du comté d'Arthabaska, il faut se mettre au travail, M. le Président, mais ce n'est pas en disant: C'est difficile, c'est ardu, c'est compliqué, c'est long. Mais le Québec s'est construit pendant 400 ans et continue à se construire. Les premiers arrivants, Samuel de Champlain et les premiers qui sont arrivés de la France, les premières nations qui étaient ici avant eux, s'ils avaient abdiqué puis en disant: Ah! c'est trop dur, ah! il fait froid aujourd'hui, ça ne nous tente pas, on ne le bâtit pas, le Québec, on ne descend pas la rivière, le fleuve Saint-Laurent, on ne va pas construire Montréal, on va rester ici, bien on ne serait pas où nous sommes aujourd'hui.
Le projet de loi n° 63 est un pas dans la bonne direction, et nous irons à la prochaine étape, nous voulons aller à la prochaine étape, le deuxième groupe d'opposition veut aller à la prochaine étape. La main est tendue envers le premier ministre. Qu'attend-il pour répondre? Qu'attend-il pour exercer son rôle de premier ministre que la province de Québec attend tant de lui? Le projet de loi n° 63, M. le Président, est un pas dans la bonne direction. Nous y souscrivons et nous voterons en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Picard): Merci, M. le député. Je reconnais maintenant Mme la députée de Crémazie, porte-parole du deuxième groupe d'opposition en matière d'emploi et solidarité sociale ainsi que de formation professionnelle. Mme la députée.
Mme Lisette Lapointe
Mme Lapointe (Crémazie): Merci, M. le Président. On regarde aujourd'hui le projet de loi n° 63 qui modifie la Charte des droits et libertés de la personne. Avant toute chose, j'aimerais saluer le travail formidable qui a été fait par ma collègue d'Hochelaga-Maisonneuve, responsable de la condition féminine, tout au cours de cette commission parlementaire de même que du député de Lac-Saint-Jean et de la députée de Rosemont.
Ce projet de loi, on le sait, vise à ajouter une clause, une clause de sûreté dans la Charte des droits et libertés afin d'affirmer expressément que les droits et libertés énoncés dans la charte sont garantis également aux femmes et aux hommes. Le préambule aussi est modifié afin d'ajouter ce concept d'égalité comme fondement de la justice, de la liberté et de la paix. C'est très important, et, quand le gouvernement, quand la ministre de la Condition féminine a déposé ce projet, en décembre, je crois que tous les parlementaires ont applaudi. Oui, c'est une chose importante, fondamentale même.
Maintenant, il y a eu toute la question de la commission Bouchard-Taylor, parce qu'on comprend bien que cet ajout dans la charte au niveau de l'égalité hommes-femmes a découlé de toute la question des accommodements raisonnables. Donc, il y a eu cette commission. Ce que demandait, à ce moment-là, lors du mémoire que le Parti québécois, que la chef du Parti québécois a présenté à la commission Bouchard-Taylor... ça allait beaucoup plus loin, M. le Président, au niveau de la Charte des droits et libertés, et je cite ce qu'on demandait.
Je cite: «Dans l'interprétation et l'application de la Charte des droits et libertés de la personne, il doit être tenu compte du patrimoine historique et des valeurs fondamentales de la nation québécoise, notamment de l'importance d'assurer la prédominance de la langue française, de protéger et de promouvoir la culture québécoise, de garantir l'égalité entre les femmes et les hommes et de préserver la laïcité des institutions publiques.» C'est ce qu'on aurait souhaité voir, M. le Président, dans une modification à la charte, après 30 ans de ce document qui est notre document fondamental.
Malheureusement, en réponse à la publication du rapport Bouchard-Taylor, nous avons été déçus de la réaction... enfin, disons, du suivi qu'en a fait le premier ministre. Dans un premier temps, il fait une déclaration ministérielle très solennelle, très importante, imposante. C'était beau à entendre, M. le Président. Ensuite, il inscrit ça dans une publicité dans les journaux, dans les journaux... dans les grands quotidiens, où il dit: Nos valeurs fondamentales: égalité hommes-femmes, primauté du français, distinction, séparation entre l'État et la religion. Et, suite à de nombreuses questions posées par la chef du Parti québécois, il a toujours refusé, M. le Président, d'ajouter ces notions autres que la question, quoiqu'extrêmement importante, de l'égalité hommes-femmes. C'est dommage, on avait une belle occasion, on avait une belle occasion d'exprimer ce que nous sommes comme nation.
Dans la charte canadienne, on indique bien qu'il y a deux langues officielles, on indique bien que le multiculturalisme est une notion de base. Pourquoi donc, M. le Président, pourquoi refuser? Pourquoi, dans cette Chambre, refuser d'inscrire ces valeurs dans notre charte? Et, tout à l'heure, j'entendais mon collègue de l'ADQ qui disait qu'il y a beaucoup d'autres valeurs. Je suis d'accord avec lui, mais ce ne sont pas des valeurs ou des idées de dernière minute. Ce que nous proposons aujourd'hui, c'était déjà dans notre demande dans le mémoire à la commission Bouchard-Taylor.
M. le Président, un autre élément qui a été apporté, et 17 mémoires sur 30 ont abordé cette question, c'est la question de la reconnaissance des droits sociaux et économiques. Je pense que c'est important, et, s'il me reste quelques petites minutes, M. le Président, j'aimerais apporter cet élément. Avec le projet de loi n° 63, il aurait pu y avoir une belle occasion d'aborder en profondeur la question de ces droits économiques et sociaux.
Comme je vous le disais tout à l'heure, 17 mémoires le suggéraient. Par exemple, Mme Langevin, titulaire de la Chaire d'étude Claire-Bonenfant sur la condition des femmes, de l'Université Laval, a indiqué ainsi: «...modifier l'article 52 de la charte afin d'y inclure les droits sociaux et économiques. Ainsi, [ces droits auraient] préséance sur toutes les lois, comme les droits énumérés dans les articles 1 à 38 [de la charte]. Une telle modification [permettrait] aux femmes d'atteindre l'égalité réelle puisqu'elles sont les plus pauvres, particulièrement si elles sont âgées ou immigrantes et qu'elles recourent aux programmes sociaux en plus grand nombre que les hommes.» Et ainsi appuyaient ces dires la Fédération des femmes du Québec, la CSN. Je crois qu'on avait là une belle occasion.
n(16 h 40)n Je me permets de terminer, M. le Président, en vous disant que, pour nous, ces valeurs sont tellement importantes pour notre survie même, par respect pour ceux qui nous ont précédés et pour ceux qui nous suivront, que nous allons continuer de travailler pour que ces valeurs soient inscrites dans notre charte et dans une constitution, bien sûr. Et je crois qu'en ce sens la population du Québec, en très grande majorité, appuie fortement ces trois valeurs pour notre Charte des droits et libertés. Je vous remercie.
Le Vice-Président (M. Picard): Merci, Mme la députée. Je cède maintenant la parole à M. le député de La Peltrie, porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.
M. Éric Caire
M. Caire: Merci, M. le Président. Alors, à mon tour de m'exprimer sur le projet de loi n° 63, M. le Président, d'abord pour dire qu'il m'apparaît évident qu'un principe aussi fondamental que l'égalité entre les hommes et les femmes doit être institutionnalisé d'une façon quelconque. L'inscrire au préambule de la Charte des droits et libertés de la personne m'apparaît être un premier pas dans la bonne direction. Dans ce sens-là, l'opposition officielle va souscrire au projet de loi et va aller de l'avant bien sûr avec ce projet de loi là, le principe qu'il défend.
Ceci étant dit, M. le Président, je vais un peu paraphraser mon collègue de Chambly. Je suis moi-même père de deux filles et je pense que c'est une fierté que de dire que mes filles vont grandir et évoluer dans une société où toutes les portes leur seront ouvertes parce que d'autres avant elles auront fait des batailles. Je pense que c'est un bon moment, aujourd'hui, d'avoir une pensée pour ces femmes mais aussi ces hommes qui, à travers les générations, ont fait la bataille de l'égalité entre les hommes et les femmes, qu'on concrétise en partie, et je dis bien «en partie», M. le Président, dans le projet de loi n° 63.
Je dis «en partie» parce que le projet de loi n° 63 ne règle pas tous les problèmes. En fait, l'erreur à ne pas faire, c'est de penser que cette bataille-là, elle est terminée, c'est de penser qu'aujourd'hui, là, on a créé un rempart infranchissable dans un droit aussi fondamental qui définit la société québécoise. Et le plus bel exemple qu'on peut prendre de ça, M. le Président, c'est les événements qui ont suscité tout le débat des accommodements raisonnables, qui ont amené le gouvernement à créer la commission Bouchard-Taylor, qui ont amené le gouvernement, avant même que la commission Bouchard-Taylor dépose son rapport, à déposer le projet de loi n° 63, qui ne figurait ni dans leur plateforme électorale ni dans leur programme, qui était une réponse anticipée, ce que, moi, j'appelle une réponse sans controverse à un problème controversé.
Il ne faut pas penser, M. le Président, que ça règle tous les problèmes, au sens où le directeur du YMCA qui a fait givrer les vitres de son YMCA souscrivait fort probablement lui-même au principe d'égalité entre les hommes et les femmes, le directeur de police qui a dit aux policières: Bien, écoutez, là, dans le cas de certaines communautés, laissez donc intervenir vos partenaires masculins, souscrivait fort probablement lui-même ou souscrit fort probablement lui-même au principe d'égalité entre les hommes et les femmes. Et tous les événements qui se sont produits, qui ont attaqué directement ce principe fondamental pour notre société, tous ces événements, toutes ces décisions qui ont été prises par des administrateurs qui souscrivaient et souscrivent fort probablement à ce principe-là l'ont quand même été... ont quand même pris des décisions qui allaient à l'encontre de ce principe-là, que je répète être fondamental pour notre société. Et ce serait folie de notre part que de penser que, parce que maintenant on l'a inscrit à la Charte des droits et libertés, on est à l'abri de ces événements-là, on est à l'abri de ces erreurs-là, on est à l'abri de ces controverses-là.
Le projet de loi n° 63, M. le Président, qui est décevant au sens où je l'ai dit, c'est une réponse sans controverse à un problème qui est controversé. C'est un petit peu la marque de commerce du gouvernement actuel de bomber le torse dans des projets où on sait d'avance qu'on va avoir l'unanimité, de bomber le torse dans des projets où on sait d'avance que le principe fait consensus. Et on a un exemple flagrant de ça. On a un exemple flagrant. Le gouvernement sait très bien que tout le monde en cette Assemblée, que tout le monde au Québec souscrit au principe d'égalité entre les hommes et les femmes. Ce n'est pas un geste de courage de déposer le projet de loi n° 63, parce que c'était la vertu, c'est les fondements de notre société. Oui, c'est un premier pas dans la bonne direction, mais ce n'est pas un geste courageux. Le gouvernement ne s'engageait pas dans une bataille. Le gouvernement concrétisait un principe qui est déjà le nôtre, un principe dans lequel j'ai grandi, un principe selon lequel je vais élever mes enfants, et un principe selon lequel j'espère que mes petits-enfants et mes arrière-petits-enfants, si tant est que j'en aie, vont grandir aussi. Ce qui aurait été un geste courageux, M. le Président, c'est de poser un geste beaucoup plus significatif, beaucoup plus fort, et c'est très exactement ce que l'opposition officielle a proposé quand on a proposé la création d'une constitution.
Tout à l'heure, mon collègue d'Arthabaska mimait ? avec beaucoup d'humour, je dois dire ? le premier ministre qui trouvait ça fatigant, travailler sur une constitution. J'ai trouvé ça très drôle, mais il y avait une symbolique qui était très forte là-dedans aussi. Quand le premier ministre nous dit qu'on... Je trouve ça drôle, j'imite le premier ministre qui a l'air fatigué puis je vois la ministre qui me bâille ça dans la face. C'est chic, M. le Président, je vois qu'on fait juste en parler puis ils sont déjà fatigués, M. le Président. Imaginez-vous si on se lançait dans le projet. Oui, je m'excuse, je m'excuse, M. le Président. C'était pour taquiner la ministre.
Non, mais, M. le Président, sincèrement, sincèrement, une constitution... D'abord, ce qu'il est important de rappeler à tout le monde, c'est qu'une constitution interne, pour bien rassurer mes amis de la deuxième opposition, ce n'est pas un geste de souveraineté, hein? Vous savez que la Colombie-Britannique, province canadienne, a une constitution interne depuis des années. Or, la création d'une constitution interne, c'est une carte d'identité que la société se donne, où on définit l'ensemble de nos valeurs, l'ensemble de nos valeurs qui sont, comme disait mon collègue de Chambly, bien plus que trois. Et c'est un geste fort qui nécessite du gouvernement un peu de courage politique parce que bien sûr ça va nécessiter du travail, ça va nécessiter des consultations, ça va nécessiter des discussions, il va falloir se pencher sur cette question-là.
Mais, M. le Président, la ville de Québec fête son 400e anniversaire, hein? Ça fait 400 ans qu'il y a une société francophone en Amérique du Nord, et je pense pouvoir dire que la société québécoise ne s'éteindra pas avec la fin du mandat du gouvernement du Parti libéral. Je pense qu'on peut présumer, là, je comprends que je prends des chances, là, mais on peut présumer que la société québécoise devrait survivre à un changement de gouvernement, et donc d'engager les travaux sur une constitution du Québec, c'est penser à long terme.
Bon. Je comprends que c'est beaucoup demander à ce gouvernement-là que de penser à long terme, mais quand même c'est de penser aux générations futures, c'est de penser à ceux qui vont suivre. Et, dans ce sens-là, le projet de loi n° 63, auquel je reconnais le mérite de reconnaître l'égalité entre les hommes et les femmes, est un premier pas intéressant, mais est un geste nettement insuffisant eu égard à tout le dossier des accommodements raisonnables, tout le questionnement que ça a amené sur l'identité québécoise, tout le questionnement que ça a amené sur notre façon d'interagir entre nous, avec les autres, avec nos institutions.
M. le Président, c'est un débat de société qu'on doit engager maintenant. Et, s'il y a une chose que je retiens de tout ce dossier-là, de toute cette histoire-là des accommodements raisonnables, c'est que la société québécoise, elle est mature pour se donner une constitution, pour se donner une identité, une identité ouverte, une identité plurielle mais une identité bien québécoise, et ça, je pense que nous sommes matures pour faire ce débat-là. Il s'agirait d'un tant soit peu de courage puis d'esprit d'ouverture du gouvernement pour répondre à la demande du chef de l'opposition officielle, pour répondre à la main tendue du chef de l'opposition officielle. Et je pense que la deuxième opposition serait dans cette perspective-là aussi, en espérant qu'on ne voie pas dans la constitution interne un geste de souveraineté, mais bien un geste d'identité qui va au-delà des partis politiques, qui va au-delà des opinions politiques mais qui sert la société québécoise dans son ensemble.
n(16 h 50)n M. le Président, je m'en voudrais de ne pas terminer mon allocution en rappelant, comme l'ont fait certains de mes collègues, les propos choquants que le ministre du Travail a tenus ce matin à l'endroit de la conjointe de mon collègue député de Vanier, pour lesquels effectivement une certaine forme d'excuse a été présentée, mais qui, à mon avis et de l'avis de ce côté-ci de la Chambre, est nettement insuffisante eu égard à la teneur des propos, que je ne répéterai pas mais qui me font dire que le ministre du Travail devrait faire avec ses lèvres comme il fait avec son cahier de réponses: tenir tout ça bien fermé, bien étanche. C'est dans ce temps-là qu'il est à son meilleur, c'est quand il ne dit rien.
Je peux vous dire, M. le Président, que le ministre du Travail s'est montré indigne de voter sur le projet de loi n° 63 par la teneur de ses propos. Il s'est montré indigne de la conduite d'un ministre, il s'est montré indigne de la conduite d'un député. Et j'ose croire, M. le Président, que le gouvernement dans son ensemble, que les députés du parti ministériel comme l'ensemble des députés condamnent une attitude comme celle-là, parce qu'elle est très, très loin de l'esprit du projet de loi n° 63. Elle est très, très loin de l'esprit qui doit nous animer tous dans nos débats sur le projet de loi n° 63, sur le débat fondamental que nous avons ici.
Le Vice-Président (M. Picard): Merci, M. le député. Je reconnais maintenant Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.
Mme Nicole Léger
Mme Léger: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir aujourd'hui d'intervenir sur le projet de loi n° 63, le projet de loi modifiant la Charte des droits et libertés de la personne pour y introduire le concept de l'égalité entre les femmes et les hommes. C'est un petit projet de loi, M. le Président, qui n'a quand même que deux articles, au niveau du nombre d'articles, mais il a quand même une valeur symbolique, une valeur symbolique importante, je dirais, malheureusement pas historique. On aurait aimé qu'elle soit historique, j'y reviendrai, mais c'est une valeur quand même symbolique. Comme femme, c'est toujours, je pense... c'est toujours important et essentiel de prendre la parole dans ces moments importants, celui de projets de loi qui touchent particulièrement l'égalité entre les femmes et les hommes. Je prends la peine de dire «égalité entre les femmes et les hommes». Je vois que, dans notre discours, on parle beaucoup d'égalité entre les hommes et les femmes, mais, pour moi, c'est important de dire «femmes et hommes», «femmes» au préalable.
D'abord, je dois commencer, M. le Président, en disant que, dans la charte, c'est interdit présentement, déjà, la discrimination selon le sexe. Et on sait très bien que le projet de loi vient dans le fond renforcir ce concept-là d'égalité des femmes et des hommes. Alors, c'est juste pour s'assurer dans le fond que, de façon claire et formelle, les juges vont avoir à l'interpréter encore mais en s'assurant qu'ils aient en tête toujours cette égalité entre les femmes et les hommes.
Dans la charte telle quelle, si on regarde la charte québécoise des droits et libertés de la personne, il y a quelques considérants, il y a six considérants, des considérants importants, qui font le préambule vraiment de la charte québécoise des droits et libertés de la personne. Et le projet de loi n° 63 vient dans le fond éclaircir particulièrement... ou davantage renforcir l'alinéa trois, donc le troisième considérant qui dit que «considérant que le respect de la dignité de l'être humain ? et c'est là qu'on introduit l'égalité entre les femmes et les hommes, pour poursuivre avec ? et la reconnaissance des droits et libertés dont il est titulaire constituent le fondement de la justice et de la paix». Donc, c'est à ce moment-ci que le projet de loi n° 63 vient davantage renforcir ce considérant-là, qui est le troisième considérant du préambule de la charte.
Parce que, si on se rappelle, dans la Charte des droits et libertés de la personne, la charte québécoise, il y a quand même cinq droits fondamentaux qui sont... les droits fondamentaux d'une part mais les droits à l'égalité, les droits politiques, les droits judiciaires, les droits économiques et sociaux. Je reviendrai aux droits économiques et sociaux, M. le Président, par rapport à ce qui a déjà été dit au préalable.
Il y a d'autres valeurs fondamentales qui sont celles que mes collègues ont parlé, celles que la chef du deuxième parti d'opposition a parlé, a insisté plusieurs fois, d'ailleurs dans les périodes de questions, M. le Président, sur les deux autres valeurs. On aurait aimé entendre davantage le parti de l'opposition officielle sur ces deux autres valeurs là, celle de la primauté du français, qui est plus qu'une valeur, hein, si on peut l'interpréter ainsi, et celle de la séparation entre l'État et la religion. Particulièrement celle de la primauté du français, je vais revenir un petit peu plus tard. Mais ces valeurs-là, ce sont les trois valeurs... Autant l'égalité entre les femmes et les hommes, la primauté du français et la séparation de l'État et de la religion, ce sont des valeurs que le gouvernement libéral ? ça a été dit quelques fois ? à grands coups de vapeur, a mis dans des publicités la fin de semaine dernière, des grands pans de publicité, que ce sont trois valeurs principales et qui sont importantes. Et, aux yeux du député de Sherbrooke et chef du gouvernement présentement, du gouvernement libéral, il a été clairement dit que ces trois valeurs-là étaient des valeurs qui pour lui... il considérait importantes.
Alors, c'est sûr que, quand on voit le projet de loi, ce projet de loi là, n° 63, M. le Président, qu'on insère dans la charte simplement l'une de ces trois valeurs-là, qui est celle de l'égalité entre les femmes et les hommes, c'est à se poser des questions pourquoi qu'on n'a pas les deux autres valeurs. J'ai réfléchi à la question, les collègues aussi. On a réfléchi à la question pourquoi qu'on n'introduisait pas les deux autres valeurs, qui sont aussi importantes. Est-ce que... parce qu'elles ne sont pas aussi importantes pour le gouvernement en place? Je n'imagine pas puisqu'ils... à grands coups de publicité, on a vu, les deux autres étaient importantes.
Mais c'est là, la différence, M. le Président, entre faire des coups de publicité et le faire en des gestes concrets. La réponse à la commission Bouchard-Taylor... On a dit que le gouvernement libéral faisait plusieurs rapports, des rapports, des rapports et des études, et la réponse à la commission Bouchard-Taylor, le gouvernement libéral, la réponse qu'il a donnée, c'est ça, c'est le projet de loi n° 63, entre autres. Alors, M. le Président, c'est une grande interrogation ici pourquoi qu'on n'a pas réussi à introduire les deux autres, dont celle particulièrement de la laïcité, qui est la séparation de l'État et de la religion, quand ça aurait été une occasion absolument idéale de le faire.
Quand on connaît tout le passé du Québec et tout l'apport des personnes issues de l'immigration au Québec, qui vient enrichir le Québec d'aujourd'hui, c'est, je pense, important de pouvoir dire clairement aujourd'hui, dans une charte des droits de la personne d'une part, la charte québécoise des droits de la personne, que nous convenons aussi également que c'est une valeur importante, celle de la laïcité québécoise. On le met dans nos institutions publiques de plus en plus, mais on s'enfarge quelquefois, M. le Président. Ça aurait été l'occasion de presque clore un débat en disant que cette valeur-là est aussi importante pour nous. Bon. Alors, on voit que l'action n'a pas suivi les belles paroles de ces publicités-là. C'est dommage, M. le Président.
Alors, c'est pour ça que ça nous met dans une situation, puis c'est voulu de la part du gouvernement, ça nous met dans une situation, nous, comme gens du Parti québécois, qui... nous croyons à l'égalité des femmes et des hommes. J'ai même vu le premier ministre oser penser que notre chef n'avait pas cette... elle voterait contre l'égalité des femmes et des hommes. Bien, c'était absolument odieux de penser ça. C'est tout le contraire. Si on a bien un parti politique progressiste, c'est bien le nôtre, et jamais il n'a été question de ne pas être pour l'égalité des femmes et des hommes. D'ailleurs, plusieurs politique du gouvernement du Parti québécois à l'époque ont toujours eu en tête de s'assurer de ces valeurs-là, fondamentales.
Alors, M. le Président, je voulais repréciser ces notions-là. Et d'ailleurs j'entendais précédemment le député de La Peltrie parler d'avoir un peu... qu'on puisse réitérer avec lui la constitution québécoise. Bien, ce n'est pas le député de La Peltrie qui va arriver puis nous dire que la constitution québécoise, elle arrive, là, comme ça, là. Pas du tout. Ça fait des années que le Parti québécois a déjà, dans ses propres programmes, cette constitution-là, québécoise. Puis on va plus loin que ça, M. le Président, c'est l'indépendance du Québec qu'on veut. Alors, la constitution québécoise est d'autant plus importante et solide pour être capable d'établir un pays et de créer un pays ici, au Québec.
Alors, M. le Président, pour revenir au projet de loi n° 63, j'insiste particulièrement sur la deuxième valeur aussi, qui est celle de la primauté du français. On entend parler sur toutes les tribunes de cette importance-là du français au Québec. Nous sommes dans un contexte nord-américain absolument important, ce qui veut dire dans un ensemble, le contexte canadien et tous les États-Unis qui sont au sud du Québec, et c'est presque urgent de toujours penser et de toujours mettre des actions en fonction de préserver, protéger et vouloir promouvoir la langue française du Québec. Alors, le français n'est pas juste une question politique et partisane, pas du tout, M. le Président. La primauté du français, c'est une des valeurs québécoises les plus importantes et elle l'est d'autant plus que l'égalité des femmes et des hommes. Ça fait partie de ces valeurs-là, fondamentales, et ça aurait été l'occasion au premier ministre et à l'équipe libérale de pouvoir le dire clairement en mettant cette deuxième valeur fondamentale là dans le projet de loi n° 63.
n(17 heures)n On sait très bien que le français, ce n'est pas juste une question de collectivité, c'est aussi une situation de tous les jours pour les hommes et les femmes, les femmes et les hommes du Québec qui, pour travailler, pour vivre en français, doivent se battre régulièrement, M. le Président. Et on sait très bien les luttes que plusieurs citoyens et citoyennes, de nos concitoyens, concitoyennes doivent livrer à chaque jour par rapport à ça.
Alors, M. le Président, je m'inquiète un peu de ne pas vouloir avoir mis le français dedans. J'imagine que ça a rapport avec la charte canadienne où, dans la charte canadienne, c'est vraiment le français et l'anglais qui sont la primauté dans la charte canadienne. Donc, pour ne pas nuire à la charte canadienne, on n'a peut-être pas voulu introduire cette deuxième valeur là. C'est ce que je soupçonne, M. le Président, c'est ce qu'on soupçonne à travers tout ça. Mais je dois vous dire que c'est d'autant plus important que le PQ adhère depuis toujours à cette égalité et surtout l'a démontré au fil de ces années. Alors, la primauté du français, la séparation de l'État et de l'Église ou de l'État et de la religion, ce sont deux autres valeurs qui ont été très justifiées, M. le Président, aujourd'hui, de les avoir introduites dans le projet de loi n° 63. Malheureusement, le gouvernement libéral sauve sa peau, mais la profondeur de ses actes ne s'en tient qu'à une page de publicité. C'est une grande déception à ce niveau-là.
Alors, le sens du devoir ou la profondeur des convictions auraient pu être démontrés. Merci beaucoup.
Le Vice-Président (M. Picard): Merci. Merci, Mme la députée. Je reconnais maintenant Mme la députée de Lotbinière, leader adjointe de l'opposition officielle.
Mme Sylvie Roy
Mme Roy: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir également d'intervenir sur ce projet de loi. Vous savez, demain, je vais faire un discours devant des femmes ? Centre-du-Québec, organisme femmes ? qui font la promotion de la femme autant en politique qu'au travail, qui gèrent les dossiers pour faire la promotion de femmes, donc je suis bien contente de prendre la parole sur ce projet de loi. C'est les Centricoises de coeur demain, et je suis la première députée ? parce qu'une partie de mon comté est dans le Centre-du-Québec; la première députée ? féminine du Centre-du-Québec et la seule également. Donc, c'est en raison de ce fait que je vais aller faire ce discours. Ça me fait bien plaisir.
Vous savez, avant, j'étais mairesse et j'étais aussi avocate, une des seules avocates à Trois-Rivières en pratique privée. Je viens d'une famille de femmes fortes qui innovaient puis j'avais une grand-mère qui travaillait, une grand-mère qui travaillait dans les années quarante. Alors qu'elle élevait ses enfants, elle travaillait à l'extérieur. Elle ne vivait pas seule non plus; avec mon grand-père. Mais c'étaient des pionnières, et j'ai toujours vécu dans un environnement de femmes fortes, respectées. Et pour moi ça n'existait pas, je ne la comprenais pas, la loi des féministes, parce que chez nous c'était intégré, le féminisme. C'est lorsque je suis sortie de cet environnement-là que je me suis rendu compte que ce n'était pas un combat qui avait été gagné par toutes les femmes, que ce n'était pas une place que toutes les femmes avaient de droit et facilement. De ce temps-ci, on fait beaucoup d'activités la fin de semaine, puis je fais le tour des Cercles de fermières, qui fêtent des fois leur 80e anniversaire, d'autres fois leur 40e, d'autres fois leur 35e, puis, à l'occasion de ces anniversaires-là, on aime bien se remémorer quelle était la situation des fermières, des femmes, autrement dit, parce qu'à l'époque, il y a 40 ans, toutes les femmes étaient des fermières en milieu rural.
On aime bien se remémorer qu'est-ce qu'il en était. C'est du temps où je ne me serais pas appelée Sylvie Roy, je me serais appelée Mme Réal Croteau. C'est du temps où il y avait ? on les ressort à l'occasion pour bien en rire ? où il y avait... on expliquait aux femmes de bien mettre leurs rouleaux le jour pour être belles quand les maris arriveraient, le soir, leur préparer un déjeuner copieux parce qu'ils devaient aller travailler et ramener de l'argent. On trouve ça bien drôle, mais c'est vous dire comment on a fait de chemin en si peu de temps, comment, comme société, on a évolué sur des enjeux aussi fondamentaux que le rapport entre les hommes et les femmes dans une société, que la base de la famille, un homme et une femme, les considérations, leur place qu'ils occupent dans la famille et leur place qu'ils occupent dans la société. C'était une époque où, il n'y a pas longtemps, juste dire le mot «avortement» devenait un sacrilège et avoir un enfant hors mariage était un sacrilège. Voyez-vous comment nous avons évolué puis très rapidement, dans notre société?
C'est la raison pour laquelle c'est important de marquer le pas, c'est important de dire qui nous sommes, parce que nous allons faire face à d'autres situations, des personnes venues d'ailleurs, qu'on a invitées à bras ouverts à venir vivre ici. Mais qu'est-ce qu'ils achètent quand ils achètent le Québec? Qu'est-ce qu'ils achètent quand ils viennent ici? Bien, la meilleure façon de le faire, c'est de se faire une constitution. Vous savez, il n'y a pas si longtemps, j'étais à Haïti. On a rencontré M. Préval. Et de quoi on a discuté? De la constitution. Pourquoi? Parce que la constitution, c'est le législatif qui fait que les valeurs d'un groupe de personnes sont ses valeurs. Bien, début de juillet, M. le Président, l'association des parlementaires de la Francophonie vont venir. J'ai rencontré des parlementaires francophones du Sénégal, par exemple, qui ont vécu un mariage forcé. Pour elles, c'était normal parce que ça fait partie de leurs valeurs. Pour nous, chez nous, c'est inacceptable, des femmes parlementaires qui vivent une situation de polygamie.
Ce sont d'autres valeurs que les nôtres, M. le Président, mais c'est important de les inscrire. Et on fait face à ça. Puis c'est parce qu'on est dans cette dimension-là qu'on a eu besoin de la commission Bouchard-Taylor. Les Québécois ont regardé attentivement les travaux de la commission Bouchard-Taylor. On en a entendu abondamment parler mais pas seulement dans les médias, mais dans les repas de famille, autour de la dinde à Noël. On a tous attendu ce rapport pour voir, pour trouver des solutions à une situation que vivent les Québécois. Je pourrais reprendre les discussions que nous avons eues dans le temps des fêtes, à d'autres occasions, avec plein d'amis, puis je leur dirais: Écoutez, la réponse qu'on a trouvée à un si long débat, à une si longue consultation qui a créé autant d'émoi, c'est qu'on va déclarer dans un projet de loi que les hommes et les femmes sont égaux. Je pense que la majorité, là, des personnes que je rencontrerais en dehors de cette enceinte me diraient: Bien, voyons, est-ce que ce n'était pas déjà acquis, ça, à la société québécoise? Pourquoi on a besoin de redire ça? Moi, je suis d'accord, je suis d'accord à ce qu'on le redise parce que les symboles sont importants, parce qu'il faut garder les yeux sur le cap puis nager puis ramer vers cet objectif-là.
Mais je pense qu'il en manque, des réponses à la commission Bouchard-Taylor. On en a posé, des questions, à l'Assemblée et on ne les a pas eues, les réponses. J'imagine qu'on ne sait pas encore, lorsqu'on dit qu'une enseignante peut avoir des signes religieux, est-ce qu'elle peut enseigner aux enfants, voilée. On ne les a pas eues, ces réponses-là. Est-ce que le port du kirpan par un professeur d'éducation physique serait toléré? On ne les a pas eues, ces réponses-là. Est-ce que toutes les fêtes, les fêtes religieuses devraient être chômées, fériées et payées? On ne les a pas, ces réponses-là. Voyez-vous, je n'ai pas besoin d'aller très, très loin, là. Ce sont des questions, ce sont des recommandations du rapport, et on ne connaît pas la suite à ces recommandations-là. On a dit: On va créer une ligne 1 800, mais j'imagine bien que la réceptionniste, ce n'est pas elle qui va décider si dans tel cas, à telle école, à tel endroit, c'est possible d'enseigner voilé, puis à tel autre endroit, ou dans telle école, ou avec telle personne ou qui va... J'imagine qu'il y aura un code d'établi pour donner ces réponses à cette ligne-là 1 800. Bien, à partir de ce moment-là, s'il y a un code, pourquoi ne pas en discuter ensemble? Parce qu'une charte, là, c'est inclusif, ça nous représente.
Bien sûr, il faut donner des suites concrètes à ce rapport tout de suite, mais ça ne nous empêche pas de réfléchir en même temps. On peut, comme le dit l'adage, marcher et manger de la gomme en même temps. Donc, faire une Constitution. On peut s'asseoir à la table, là. C'est un moment, c'est un moment charnière que la réception du rapport de la commission Bouchard-Taylor et ce serait le temps, M. le Président ? je pense que tout le monde est mûr pour ça ? de s'asseoir et d'établir ce qu'on veut pour l'avenir, parce que, je vous en ai fait la démonstration, on a évolué extrêmement rapidement dans les dernières années, depuis. La première parlementaire à être élue ici n'avait même pas la capacité juridique de signer son bail. Il fallait que ce soit son mari qui signe son bail parce qu'elle n'avait pas la capacité juridique. Il n'y a pas si longtemps, M. le Président, les femmes ne pouvaient pas s'ouvrir des comptes de banque, ne pouvaient pas signer un loyer, ne pouvaient pas engager, se signer un contrat de bail, puis là on est rendus que c'est une valeur acquise, l'égalité entre les hommes et les femmes. Ça veut dire que tout évolue rapidement, et on a besoin d'ancrage.
n(17 h 10)n Et cet ancrage, c'est une constitution. On l'a dans notre programme, le Parti québécois l'a dans son programme. On tend la main au Parti libéral pour ouvrir ce document, le construire ensemble. Mais, moi, je ne pense pas qu'on puisse faire ça ici, là , seulement avec des échanges comme on les faits, dans le genre de débat parlementaire qui est fait, les échanges extrêmement réglementés ensemble, ici. Je veux dire, ce qu'il faut, il faut que la population participe, il faut qu'on le fasse d'une façon au-delà de la partisanerie, il faut que ce soit un grand projet pour tous les acteurs dans la société, et c'est la raison pour laquelle on ne fera pas ça par des amendements à un projet de loi de deux articles, M. le Président.
C'est plus noble que ça, une constitution. C'est plus noble que ça et c'est pour ça qu'il faut le faire avec tous les intervenants du Québec, avec tous les secteurs, avec les groupes culturels, avec les groupes de femmes, avec les groupes d'hommes, avec les professeurs, les aînés, les jeunes, et je pense que tous ensemble, on pourrait partager ce travail-là et vivre une démarche extrêmement mobilisatrice de définition de notre... et extrêmement mobilisatrice dans l'appropriation de ce qu'est l'identité d'être un Québécois, d'être une Québécoise en 2008.
Donc, encore une fois, je tends la main pour qu'on puisse faire ce cheminement-là et se doter ensemble d'une charte québécoise.
Le Vice-Président (M. Picard): Merci, Mme la députée. Je reconnais maintenant M. le député de Gaspé, porte-parole du deuxième groupe d'opposition en matière de revenu.
M. Lelièvre: Et d'accès à l'information, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Picard): Et d'accès à l'information.
M. Guy Lelièvre
M. Lelièvre: Alors, M. le Président, aujourd'hui, j'interviens sur le projet de loi n° 63, la loi qui modifie la Charte des droits et libertés de la personne. On modifie avec cette loi le préambule de la Charte des droits et libertés de la personne et également, M. le Président, on modifie également en insérant l'article 49.2, une nouvelle disposition qui garantit également aux hommes et aux femmes l'égalité.
M. le Président, on doit se rappeler que dans notre société, jadis, les femmes ont déjà eu le droit de vote, et, un jour, on a décidé de leur retirer le droit de vote, dans notre histoire canadienne, québécoise également, parce qu'à l'époque, quand on parlait des Canadiens français, c'étaient des Québécois. Aujourd'hui, maintenant, on s'appelle comme ça. Mais est-ce que ces femmes, qui n'avaient pas d'identité certainement, parce qu'une femme ne pouvait pas, M. le Président, jusque dans les années soixante, avoir le droit, avoir le droit de signer un contrat sans l'autorisation de son mari... C'est des choses qui ont perduré pendant des décennies. Et on a vu des lueurs d'espoir dans les années soixante, par la suite, comment la société a évolué, des femmes qui ont toujours travaillé mais à qui on enlevait toute responsabilité. Et les femmes ont bâti aussi, ont bâti aussi le Québec d'aujourd'hui. Ces femmes-là, on doit leur rendre hommage, M. le Président. On doit garder en mémoire que ces femmes qui ont travaillé dur, par exemple, dans les efforts de guerre aussi, parce que, durant la Deuxième Guerre mondiale, les hommes partaient pour la guerre, et là les femmes étaient prêtes pour aller travailler dans les usines d'armement... on venait de découvrir que les femmes pouvaient faire quelque chose.
Aujourd'hui, avec toute l'évolution que nous avons eue dans notre société, bien, le principe de l'égalité, M. le Président, je suis confortablement heureux d'apprendre, hein, qu'on va le consacrer dans le préambule de la Charte des droits et libertés de la personne. Alors, ce considérant, M. le Président, il se lit comme suit, et on modifie le troisième considérant pour lui substituer celui-ci:
«Considérant que le respect de la dignité de l'être humain, l'égalité entre les femmes et les hommes et la reconnaissance des droits et libertés dont ils sont titulaires constituent le fondement de la justice, de la liberté et de la paix.»
M. le Président, il y a des mots dans ce considérant qui sont forts, forts dans le sens que nos grand-mères, nos mères, nos familles qui ont travaillé, par la suite qui ont connu une évolution rapide... Parce qu'on se souviendra que l'Église avait une emprise très forte sur les consciences, si je peux m'exprimer ainsi, et les femmes étaient soumises également à des pressions. Si une femme pensait d'arrêter de faire des enfants à cette époque, bien elle devait trouver des moyens autres que les moyens légaux qui auraient pu exister. Mais malheureusement il n'y en avait pas à cette époque-là et il y a eu des drames qui sont survenus.
M. le Président, l'évolution de la société québécoise a fait en sorte que les nouvelles générations ont apporté de l'eau au moulin. Pensons, par exemple, à la Révolution tranquille, la Révolution tranquille qui nous a amenés par la suite à devenir un État, le Québec. L'amorce a commencé dans les années soixante, mais avant il y a eu des précurseurs qui ont tenté d'améliorer les choses. Mais ça ne se passait pas comme ça alors. Et, quand on parle de la langue française, mes collègues en ont parlé également, comment elle a été malmenée, comment elle a été malmenée, souvenons-nous que ceux qui parlaient français ne pouvaient pas accéder à des postes de direction dans les entreprises. On exigeait de travailler en anglais et de ne pas utiliser la langue qu'ils avaient, la langue française. Et ça, ça fait, quoi, 40, 45 ans et ça s'est résorbé au début des années quatre-vingt. Je ne comprends pas comment ça se fait qu'on refuse, au niveau du gouvernement, d'intégrer comme valeur commune, hein, la langue française, M. le Président, la langue commune de tous les Québécois. Pourquoi? Pourquoi le gouvernement refuse d'inscrire dans la loi, qu'on insérerait dans un autre paragraphe ou ailleurs, M. le Président, cette considération-là?
Et également, M. le Président, au niveau de l'égalité entre les hommes et les femmes ? et je voudrais revenir là-dessus parce que je ne veux pas l'oublier ? au niveau du mémoire qui a été présenté par le Barreau, on y retrouve, M. le Président, qu'il importe de souligner que les femmes sont souvent victimes de discrimination en raison d'une combinaison de facteurs qui s'ajoutent à la discrimination fondée sur le sexe ou le genre. La race était également une matière à discrimination. Alors, M. le Président, l'origine ethnique et la religion, le handicap, l'origine sociale, la classe socioéconomique.
Alors, M. le Président, lorsque nous avons débattu et qu'on a été imprégnés également, durant la commission Bouchard-Taylor, bien les éléments qui étaient en cause, c'étaient la séparation de l'État et de la religion, également la primauté du français, également l'égalité entre les hommes et les femmes.
n(17 h 20)n On sait, par exemple, dans certaines sociétés, que les femmes n'ont aucune liberté, qu'elles sont soumises aux diktats de leur mari, ou de leur conjoint, ou de la famille même, et de la famille. Et, à l'article 49.2, le projet de loi propose de modifier la charte pour y introduire les droits et libertés énoncés et qui sont garantis aux hommes et aux femmes. Donc, on met ce droit-là. On met les hommes et les femmes sur un pied d'égalité, M. le Président. Non pas qu'on voudrait élever l'un ou l'autre de façon à ne pas respecter la loi, mais je pense que les Québécois et les Québécoises vont accepter, M. le Président. Et j'espère aussi, je souhaite que cette loi-là, ce projet de loi... que la Charte des droits et libertés, elle soit promue, qu'elle soit connue de tous les immigrants même, qu'on en fasse la promotion auprès des femmes. Parce que qui sont victimes habituellement au niveau, à l'égard de la discrimination? Parfois des hommes, majoritairement des femmes, je pense, parce qu'on le voit dans tous les documents que nous lisons.
Et on a juste à faire une récapitulation de quelques années, M. le Président, et on se rendra compte que ce projet de loi viendra concrétiser dans le fond ce que nous avions proposé.
Le Vice-Président (M. Picard): Merci. Merci, M. le député. Je cède maintenant la parole à M. le député de Matane, porte-parole du deuxième groupe d'opposition en matière de ? un instant ? sports et loisirs et aide financière aux études.
M. Pascal Bérubé
M. Bérubé: Merci, M. le Président. C'est, aujourd'hui, une des responsabilités les plus nobles du travail de député qui est sollicitée, celle de législateur.
C'est une responsabilité d'autant plus importante qu'elle nous est accordée par la population de nos circonscriptions. Et également c'est une responsabilité qu'on a envers l'ensemble des citoyennes et des citoyens du Québec d'adopter les meilleures lois possible pour l'ensemble de la population, pour le bien-être de la génération actuelle, des gens qui vivent au Québec, des gens qui nous suivront également. Et, en ce sens-là, chacune des interventions qui ont été faites sur ce projet de loi là, le projet de loi n° 63, est importante et significative parce qu'elle a un sens dans le réel. Et, aujourd'hui, ce que ce projet de loi là vient un peu réaffirmer, c'est l'égalité entre les femmes et les hommes, une égalité qu'on sait réelle, une égalité qu'il faut quand même continuer de réaffirmer parce qu'on sait que, bien qu'elle soit inscrite dans nos coeurs, dans nos têtes, dans nos traditions, dans bien des cas, elle a besoin de reposer sur un socle important qui est celui des valeurs communes. Et, cette égalité-là, on part de loin dans son atteinte. Il y a eu des luttes, celle des femmes, celle d'hommes également qui les ont accompagnées, et elle s'est faite pas toujours sans heurt. Et c'est une lutte pour le droit de vote, c'est une lutte pour des conditions de travail décentes, c'est une lutte pour pouvoir accéder à l'ensemble des sphères d'activité au Québec.
Et, encore aujourd'hui, on se rend compte de ce progrès-là, notamment dans la présence des femmes à l'Assemblée nationale. Et, peut-être un jour, pour une première fois dans l'histoire du Québec, une femme sera première ministre du Québec. Et j'espère que ce sera la chef de notre formation politique. Et, aujourd'hui, c'est l'intention gouvernementale de reconnaître de façon formelle cette égalité entre les hommes et les femmes, les femmes et les hommes à travers la Charte des droits et libertés du Québec. Et cette charte adoptée en 1975 n'avait pas à l'époque cru bon indiquer cette disposition extrêmement importante. Et, aujourd'hui, l'actualité, et surtout l'actualité, a fait en sorte de ramener cette question-là, parce que ce n'est pas arrivé par hasard, cette intention-là gouvernementale. En fait, cette annonce-là n'est pas arrivée par hasard, tant l'annonce de modifier la charte que l'annonce dans le journal. Et, dans les deux cas, ce n'était pas anodin.
Alors, on sait qu'il y a eu tout un contexte, qui est celui, il ne faut pas se le cacher, de la commission Bouchard-Taylor, mais bien avant une inquiétude réelle des citoyens du Québec à l'égard de leur identité, à leur capacité d'accueil de l'autre, de l'immigrant, à la capacité de réaffirmer nos valeurs communes, voire de les affirmer. Le vivre-ensemble, la langue commune, notre façon d'évoluer dans l'espace public, tout ça était en jeu. Et ce que les citoyens nous ont dit, puis il fallait les écouter ? et les gens de notre pays, ce sont gens de causerie qui parlent pour s'entendre, comme disait Vigneault... et les gens nous ont dit: Soyez, les parlementaires, capables de réagir à ce qu'on vous envoie comme message. Parfois, c'était maladroit, mais ça venait toujours d'une inquiétude réelle.
Et il y a eu cette commission Bouchard-Taylor à laquelle le Parti québécois a collaboré, en fait a contribué à travers un mémoire, à travers des discussions dans l'ensemble des séances qui ont eu lieu au Québec. Et ce qui selon nous ressort très, très clairement, c'est qu'il y avait un moment fort, il y avait une opportunité qui était là de réaffirmer un certain nombre de valeurs, oui, l'égalité entre les hommes et les femmes. Et notamment, dans la sphère religieuse, on s'est rendu compte que parfois le religieux intervenait dans ces rapports-là, ce qui est inadmissible au Québec, ce qui m'amène à parler de la séparation entre l'Église et l'État. C'est important que nos débats se fassent d'une façon civique entre parlementaires et que la religion soit un référent personnel dans notre vie à nous, dans la famille et dans la communauté mais pas dans l'espace public.
On a réaffirmé ça et aussi la question de la langue, parce que ce n'est pas un mince enjeu, l'enjeu de la langue au Québec, quand on sait qu'on est une minorité dans le grand ensemble nord-américain, un peuple de langue française. Et, cette année, c'est le 400e anniversaire, oui, de la ville de Québec mais également de la présence française en Amérique. Et de parler français ici, au Québec, en Amérique, entourés de provinces anglophones, des États-Unis, à chaque jour, c'est un geste politique, c'est une épopée de survivance puis une épopée d'occupation du territoire en français puis de rayonnement. Puis maintenant on est à l'époque de la vigilance pour que cette belle aventure puisse se poursuivre. Et la langue, c'est notre originalité, c'est notre identité, c'est notre façon de communiquer ensemble, c'est plus qu'une valeur, c'est nous-mêmes. Il y a des moments importants et il faut saisir cette opportunité-là, celle de dire: Nous parlons français, nous en sommes fiers et nous voulons le dire aux autres. Et, pour le dire aux autres, il faut l'inscrire là où ça compte, dans une charte, entre autres, pas seulement dans la presse.
Des voix: ...
Le Vice-Président (M. Picard): S'il vous plaît! Il y a un député qui a la parole à la fois. Sinon, je vais vous demander de regagner vos banquettes. Donc, M. le député de Matane, vous avez la parole.
M. Bérubé: Alors, il ne faut pas seulement l'affirmer dans La Presse, Le Devoir, Le Journal de Québec et les hebdos régionaux. Je ne sais pas si certains de mes collègues qui sont ici, dans cette Chambre, ont vu cette publicité-là dans les hebdos régionaux. C'était le cas dans La Voix gaspésienne, de Matane, Le Riverain, de Sainte-Anne-des-Monts. On a vu ça partout. Et on réaffirmait ces valeurs-là, alors on s'est dit: Il y a de l'espoir. On voyait une grande photo du premier ministre, qui est, semblerait-il, maintenant un argument de vente pour le gouvernement. Ça apporte quoi au bout de la ligne? Peu de choses parce que, quand les gestes comptent, ils ne sont pas faits. Il y a beaucoup d'intentions, peu de gestes. Et il me semble qu'un de ces moments-là est arrivé. Je pense que l'ensemble des parlementaires étaient conditionnés à l'idée qu'on puisse faire du fait français quelque chose de fondamental dans la charte.
Vous savez, ce n'est pas la première fois que le gouvernement libéral manque une opportunité historique. Ça fera bientôt 18 ans qu'un 23 juin 1990, M. le Président, le premier ministre Bourassa, à qui le chef de l'opposition de l'époque, M. Jacques Parizeau, avait tendu la main, lui disant: Mon premier ministre, il est temps de poser un geste historique pour faire du Québec plus qu'une province canadienne... L'opinion publique était là, les gens avaient envie d'avancer, et la réponse du premier ministre de l'époque a été navrante. Suite à Bélanger-Campeau, c'est devenu l'accord de Charlottetown, et puis maintenant on se retrouve dans une situation où on n'a toujours pas réglé ces questions-là. Et on n'est pas dans un gouvernement de cohabitation. On ne cohabite pas, on endure, M. le Président, ce n'est pas pareil.
Des voix: ...
M. Bérubé: Vous êtes d'accord avec ça?
Des voix: ...
Le Vice-Président (M. Picard): S'il vous plaît! M. le député, adressez-vous à moi. C'est ça.
n(17 h 30)nM. Bérubé: M. le Président, on ne cohabite pas, on endure. C'est très différent. Et j'entendais hier, d'ailleurs, la ministre de l'Environnement dire: L'autobus, là, la coalition, là, c'est l'ADQ puis le PQ. Bien, la ministre de l'Environnement, M. le Président, là, en 1995, elle était dans le même autobus parce qu'elle a voté oui au référendum de 1995. Elle l'occulte maintenant. C'est peut-être le cas d'autres collègues d'ailleurs de son caucus.
Alors, la réponse du gouvernement libéral, M. le Président, c'est une publicité avec les taxes et les impôts des contribuables québécois qui rapporte davantage à l'ego du premier ministre qu'à la nation québécoise, si vous voulez mon opinion, et qui est une réponse incomplète, une réponse qui vient surtout, encore une fois, banaliser les moments forts de notre vie parlementaire. Et je suis en politique depuis un peu plus d'un an. Et il m'apparaissait qu'un de ces moments-là, en toute honnêteté et sincérité, ce n'était pas la partisanerie, c'était un moment où les parlementaires pouvaient dire: Notre rôle de législateurs, il est important. On le fait au service des Québécois puis on est capables de dire: Ça, c'est un moment où il faut se réunir ensemble. Et ça m'apparaît comme une occasion manquée, une occasion manquée dans un contexte où tous les signaux sont allumés pour indiquer que la préservation du français doit être un souci de tous les jours et que le levier le plus puissant pour le protéger au Québec, c'est l'État, à travers une loi 101 qui n'est plus ce qu'elle était à l'origine, qui a été charcutée par différents jugements, par différents groupes d'intérêts souvent financés par l'État, par la nonchalance, par la non-reconnaissance de la situation du français, notamment à Montréal. Mais c'est un enjeu également en région, parce que les régions ont envie, eux aussi, d'accueillir des immigrants, c'est le cas chez nous, et d'avoir cette capacité d'accueil là.
Alors, M. le Président, les gens de cette formation politique qui s'appelle le Parti québécois, dont je suis un fier membre, sont toujours debout, et, cette année, c'est le 40e anniversaire de notre formation politique. Nous sommes les dignes héritiers de M. Lévesque, nous allons continuer de préserver la langue française. Nous allons le dire haut et fort. C'est le fondement de notre engagement politique, et j'espère que bientôt un nouveau gouvernement sera là et dira: La langue française, c'est une priorité pour nous, M. le Président. Et ce sera un gouvernement du Parti québécois, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Picard): Merci, M. le député. Je cède maintenant la parole à M. le député de Marguerite-D'Youville, porte-parole de l'opposition officielle en matière de développement durable, et environnement, et parcs nationaux.
M. Simon-Pierre Diamond
M. Diamond: Merci, M. le Président. Écoutez, j'ai, aujourd'hui, une tranche de vie à vous exprimer parce que, dernièrement, j'ai été... C'était la journée des femmes dans ma circonscription, je suis allé faire un petit discours lors de l'un de leurs soupers et j'ai exprimé la vision suivante, à laquelle... Comme l'environnement ou comme l'égalité entre les hommes et les femmes, il y a certaines valeurs que nos parents ont voulu nous inculquer, que les générations qui m'ont précédé ont dit haut et fort qu'ils étaient des prémisses de base à notre citoyenneté. Et l'égalité des hommes et des femmes fait partie de ceux-là.
Moi, je suis né dans une famille, on était cinq: mes parents évidemment, trois enfants dont j'étais l'aîné, deux petites soeurs. Donc, si vous faites rapidement le calcul, M. le Président, moi et mon père, nous étions en minorité au sein de mon tissu familial. Et je n'en suis pas malheureux, au contraire. Par la suite, je suis allé au secondaire, M. le Président, c'était le collège Durocher Saint-Lambert, un collège qui était historiquement un collège uniquement réservé pour les filles, et je me suis retrouvé là-dedans. La première année, la proportion était de 70 % filles, 30 % garçons. Vers la fin de mon secondaire, on avait gagné un 10 %, on était maintenant 60-40. Et je n'en était pas malheureux, M. le Président. Et j'ai continué mes études, je suis arrivé à la Faculté de droit de l'Université de Montréal, où la proportion était semblable. Il y avait beaucoup plus de femmes qui aspiraient à devenir avocates que d'hommes au sein de cette faculté.
Alors, la discrimination envers les femmes, leur infériorité numérique dans la part du marché, je l'ai rencontrée pour la première fois de ma vie lorsque je suis arrivé sur le marché du travail, M. le Président, lorsque j'ai adopté le rôle de critique en environnement, lorsque je suis allé dans les entreprises rencontrer ceux qui faisaient de la création, soit de l'expertise pour des connaissances ou un produit particulier. Bien, dans ces cas-là, M. le Président, j'ai remarqué qu'effectivement, sur le marché du travail, dans les classes de dirigeants des grandes entreprises ou ici, à l'Assemblée nationale, bien la proportion de femmes était inférieure. Et ça, bien c'est le fruit peut-être d'un combat, d'un long combat qu'il reste à poursuivre. Parce qu'à bien des égards il a été réglé. Pour les générations comme la mienne, jamais une discrimination envers une femme n'aurait pu être valable, n'aurait pu être consentie, n'aurait pu être tolérée. Je l'ai vécu, M. le Président, lorsque je suis arrivé sur le marché du travail, et c'est ce qui me laisse croire que beaucoup de travail est encore à faire. Et c'est le discours que j'ai livré, M. le Président, lorsque je suis allé faire une allocution devant un cercle de femmes qui voulaient le connaître en réalité, c'était quoi, ma tranche de vie, ce que, moi, j'en pensais. Et ça laisse beaucoup, beaucoup de réflexion sur nos valeurs, M. le Président.
Et il ne faut pas oublier, aujourd'hui, la raison pour laquelle on se lève. La raison pour laquelle on se lève, c'est qu'un jour il y a eu un débat au Québec sur ces valeurs-là, sur les valeurs qui font de nous des Québécois. Et c'est le chef de l'opposition officielle, c'est Mario Dumont... Je retire mes paroles, M. le Président. C'est le chef de l'opposition officielle qui a, premiers égards, soulevé ce débat-là qui a amené à la commission, qu'on a évidemment suivie de très près, et à ce projet de loi là. C'est parce qu'il y a eu une formation politique qui s'est tenue debout, qui a été capable de dire aux Québécois qu'il existe des valeurs qui font de nous des citoyens du Québec, qui font de nous une terre d'accueil, et ces valeurs-là ne sont pas négociables.
Et c'est le message que nous avons livré, c'est le message qu'il faut retenir, et c'est le message qu'il faut être capable de perpétuer, et c'est le message qu'il va falloir dire à l'ensemble de la planète, qu'il y a des valeurs ici, au Québec, qui sont indiscutables. L'égalité des hommes et des femmes en est une. Et puis, si, pour moi, elle semble complètement, complètement acceptable, c'en est une donnée, M. le Président, ça ne peut pas être pas discutable, ça fait partie de la vie. C'est une donnée qui m'a été inculquée, c'est une donnée, l'égalité entre les hommes et les femmes, et jamais elle n'aurait pu être contestée. Mais ce n'est peut-être pas aussi évident pour d'autres cultures, M. le Président, et c'est ce qui a mené au débat actuel.
On se rappellera des cas d'accommodements déraisonnables, du cas d'une policière qui n'a pas pu exercer son métier parce qu'une culture n'acceptait pas l'autorité d'une femme. Et nous venons aujourd'hui...
Une voix: ...
Le Vice-Président (M. Picard): S'il vous plaît! Il y a seulement un député qui a la parole ici.
Une voix: ...
Le Vice-Président (M. Picard): S'il vous plaît! M. le député de Marguerite-D'Youville, il y a seulement vous qui ait la parole.
M. Diamond: Merci, M. le Président. Le respect du droit de parole est également une valeur importante à cette institution.
Des cas où des femmes ne peuvent exprimer leur raison d'être, celle de leur profession, celle pourquoi elles ont étudié, travaillé, mis des efforts considérables. Elles s'attendent, aujourd'hui, à pouvoir travailler, à pouvoir mettre de leur temps, de leur expertise dans une société où certaines valeurs comme l'égalité des hommes et des femmes ne devraient pas être considérées. Et des situations comme celles-là, d'accommodements déraisonnables, qui ont été rapportées à maintes reprises par différents médias, eh bien c'est inacceptable. Et ça a mené, M. le Président, à tout le débat sur les accommodements raisonnables et la commission Bouchard-Taylor, qui a fait largement état de toutes sortes de situations inacceptables comme celles-là, qui nous a amenés, à nous, à l'ADQ, d'alimenter ce débat-là, qui nous a amenés, à nous, l'ADQ, d'amener des propositions très concrètes, celles d'une citoyenneté, d'une constitution qui serait, envers la face du monde, une carte de visite de qui nous sommes, de qui nous voulons être, et ça, c'est une valeur très importante pour nous.
Je suis excessivement peiné de voir que le premier ministre du Québec n'a pas répondu à cet appel que faisaient les Québécois. Et ici je ne parle pas de simplement l'opposition officielle, mais de l'opposition au grand complet, d'une tranche importante de Québécois qui croient en ces valeurs, qui veulent les enchâsser dans une carte de visite qui est perpétuelle, M. le Président, qui n'aura pas sujet aux fluctuations des théories, une carte de visite, une constitution qui serait bonne pour notre existence. Et ça, M. le Président, la commission Bouchard-Taylor, qui a amené des débats d'envergure inimaginable... Je veux dire, de mon vécu ? et puis je vous le concède, ce n'est pas un très grand vécu; mais de mon vécu ? c'est certainement le débat le plus important que nous avons eu au Québec. Et la réponse qu'a offerte le premier ministre pour cette commission, c'est inconcevable, complètement inconcevable de voir à quel point c'est minime.
Et le projet de loi ici, M. le Président, qui fait une tranche importante de toute sa solution, bien il était déjà appuyé unanimement par les autres partis politiques. Il n'y a pas ici de grand chantier, il n'y a pas ici une remise en question de ce que devrait être le gouvernement, de ce que devrait être l'État face aux problèmes que nous venons de vivre, et puis ça, c'est regrettable, c'est excessivement regrettable. On s'attendait que le gouvernement prenne acte des responsabilités, prenne acte de ce qui vient de se passer, du débat identitaire, M. le Président. Et au contraire ce qu'on a vu, c'est un gouvernement qui a essayé de minimiser, au plus grand de son pouvoir, l'impact de tout ce qui s'est passé au Québec, qui, première des choses, à la place de se positionner, d'amener des solutions, à la place de vouloir en débattre, a créé une commission.
Et, au terme de cette commission où les citoyens ont été entendus, les partis politiques ont voulu amener leurs pistes de réflexion, leurs solutions. C'est ce qu'on a fait. Et je suis excessivement déçu, M. le Président, de la part du gouvernement, presque rien eu en réponse, comme si on minimisait ce qui s'est passé, comme si on minimisait ce qu'on est nous-mêmes comme Québécois. Parce que ce n'est pas anodin, le débat que nous avons vécu, M. le Président, c'est loin de l'être. C'est au contraire un pilier important de notre existence, de ce qui fait de nous des Québécois. On peut se débattre à tous les jours de différents projets de loi, mais, si l'essence même de ce qui fait de nous des Québécois est oubliée, on n'est pas aptes à gouverner, M. le Président. Et c'est ce que le gouvernement nous a fait comme démonstration.
Et je me dois, M. le Président, d'exprimer un dernier point, l'épisode que nous avons vécu aujourd'hui en tant que parlementaires, celui d'un gouvernement qui, malgré ses grandes paroles, celui d'un gouvernement qui, malgré ses grands discours, fait bien peu pour régler la question de la commission Bouchard-Taylor mais qui, en plus de ça, rajoute de l'huile sur le feu du mécontentement qu'ont les citoyens envers leur inaction, se permet, dans des gestes disgracieux, d'insulter d'autres parlementaires...
n(17 h 40)nUne voix: Question de règlement...
Le Vice-Président (M. Picard): Un instant! Un instant! Un instant! M. le leader, vous avez la parole. M. le député, veuillez vous asseoir. M. le leader adjoint, allez-y.
M. Gautrin: Je me permets d'intervenir, M. le Président... de l'article 35.6. Ça fait plusieurs fois que les parlementaires de l'opposition se permettent d'imputer des paroles au ministre du Travail. Je dois dire, M. le Président, que l'entente a été faite entre le député de Vanier et le député de...
Une voix: ...
M. Gautrin: Argenteuil, merci. Et qu'il y a eu une entente, et qu'il y a eu une excuse. Je pense que l'affaire est close, et ce serait inutile de vouloir continuer, M. le député, à vouloir continuer à remettre de l'huile sur le feu sur cette question-là.
Le Vice-Président (M. Picard): Alors, M. le député de Marguerite-D'Youville, je vous demande votre collaboration à ce que le débat se poursuive sereinement. Donc, il vous reste...
M. Diamond: Oui. M. le Président...
Le Vice-Président (M. Picard): Le temps avait continué? Donc, il ne reste plus de temps. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Copeman: Est-ce que, M. le Président, notre bon collègue répondra à une question en vertu de l'article 213?
Le Vice-Président (M. Picard): M. le député de Marguerite-D'Youville, acceptez-vous de répondre à une question en vertu de l'article 213?
Une voix: ...
Le Vice-Président (M. Picard): Vous avez dit non. Merci. Merci, M. le député.
Une voix: ...Le Vice-Président (M. Picard): Merci, M. le député. Je reconnais maintenant Mme la députée de Taschereau, porte-parole du deuxième groupe d'opposition pour la Capitale-Nationale et en matière de fonction publique. Mme la députée, la parole est à vous.
Des voix: ...
Le Vice-Président (M. Picard): S'il vous plaît, MM. les députés! MM. et Mmes les députés, la parole est à Mme la députée de Taschereau.
Mme Agnès Maltais
Mme Maltais: Merci, M. le Président. À ce que je comprends, je suis sûre que la question qui aurait été posée aurait été à l'effet de demander au député s'il avait lu le rapport Bouchard-Taylor, qui rappelait qu'il n'y avait jamais eu de policière qui a été invitée à ne pas intervenir sur un dossier. Alors, je comprends que le député essaie de remettre de l'huile sur le feu de la façon dont ils l'ont fait avant la commission Bouchard-Taylor, mais, dans ce cas-ci, les commissaires ont très bien rappelé les faits.
M. le Président, d'abord... mais c'est au gouvernement que je m'adresse aujourd'hui, un gouvernement qui a décidé de parler pour parler, un gouvernement qui a décidé que, suite au rapport Bouchard-Taylor, la plus grande réalisation solide, véritable, une vraie qu'il présenterait, ce serait une publicité dans les journaux. Parce que c'est ça, la vérité, M. le Président. La seule chose qu'a faite le gouvernement, c'est acheter de la publicité dans les journaux. Et je veux lire cette publicité parce qu'elle au coeur de l'argumentaire que je vais développer, M. le Président.
Cette publicité, signée par le premier ministre, dit ceci: «Le Québec est une nation par son histoire, sa langue, sa culture, son territoire et ses institutions. La nation du Québec a des valeurs. L'égalité entre les femmes et les hommes, la primauté du français et la séparation entre l'État et la religion font partie de ces valeurs fondamentales. Elles sont à prendre avec le Québec. Nous n'avons pas tous la même origine, pourtant nous avons la même destinée. Car nous sommes tous Québécois.» Et j'ajouterais «Québécoises».
Alors, si je dis que le gouvernement a choisi de parler pour parler, c'est que ces valeurs qui sont dans la publicité, le gouvernement a refusé de les inscrire dans la charte. Ce qu'a prouvé le gouvernement, c'est que ces valeurs sont solubles dans un gouvernement qui se liquéfie dès qu'il faut affirmer le fait français. Et le député de Laval-des-Rapides l'a prouvé quand il était en commission parlementaire, puisque, dès qu'on abordait la primauté du fait français ou la séparation entre l'Église et l'État, que disait le député de Laval-des-Rapides? Il disait: Mais on n'en a pas parlé en commission. Ah, quoi? C'était soluble en commission? Ce n'était pas une valeur fondamentale? Ce qu'a écrit le premier ministre, c'était négociable? Tiens, tiens, tiens, le chat est sorti du sac, M. le Président, le député de Laval-des-Rapides l'a prouvé en commission.
Le Parti libéral, avec à sa tête le premier ministre, a choisi de refuser d'accueillir des amendements que nous faisions au préambule de la charte québécoise pour y introduire ces trois valeurs aussi fondamentales les unes que les autres. Nos valeurs ne sont pas solubles, M. le Président. Il y a un gouvernement qui se liquéfie, mais, nous, nos valeurs ne sont pas solubles. L'égalité de droit entre les hommes et les femmes, la primauté du français et la séparation de l'État et de la religion, ce que nous avons proposé, c'était le texte exact, M. le Président, exact de la publicité gouvernementale payée par les taxes des Québécois et des Québécoises. L'occasion était historique, et la ministre l'a ratée, mais complètement ratée. La loi qui va durer, elle, cette charte qui va perdurer restera muette, muette sur la primauté du français, de la langue française au Québec, et la séparation entre l'Église et l'État. Et j'accuse, M. le Président... je dis ceci: Entre le Québec et le Canada, le premier ministre vient de choisir le Canada. Entre la culture québécoise et le tronc commun auquel se sont ajoutées plusieurs vagues de plusieurs générations, entre cette culture nourrie par plusieurs souffles, venue d'outremer, entre cette culture et le multiculturalisme, le premier ministre vient de choisir le multiculturalisme canadien. Il n'a pas osé l'affronter, et je m'explique, M. le Président.
La Charte des droits et des libertés du Québec va perdurer sans mention de la primauté du français, pendant que la publicité libérale, elle, elle ne perdure pas, elle est déjà dans les bacs de recyclage. Et je vais citer un éditorial de Jean-Marc Salvet, du journal Le Soleil, qui disait ceci: «En fait, la seule question qui se pose [...] a trait à la conformité de ces valeurs ? que nous proposions ? avec l'article sur le multiculturalisme contenu dans la Constitution canadienne. Si c'est ce qui retient le gouvernement[...], qu'il le dise.» Parce qu'il pourrait y avoir contradiction entre ces documents. Dans la Charte canadienne des droits et des libertés, on y retrouve, dans la charte qui est canadienne, l'affirmation qu'il y a deux langues officielles à l'article 16: «Le français et l'anglais sont les langues officielles du Canada; ils ont [un droit et des statuts] et privilèges égaux quant à leur usage...»
Est-ce que le gouvernement libéral aurait eu peur, peur d'affirmer la Charte québécoise des droits parce qu'il a peur de la charte canadienne, de l'affronter? La loi 101, il faut le dire, n'a de charte que le nom. On dit «la Charte de la langue française», mais ce n'est pas une charte, c'est une loi. La preuve, c'est qu'à maintes reprises les tribunaux ont utilisé ? et je parle notamment de la Cour suprême ? la Charte des droits pour invalider des chapitres entiers de la loi 101.
Alors, qu'est-ce qu'on trouve également dans la charte canadienne? On y retrouve, à l'article 27, une règle interprétative, celle à l'effet que la présente charte doit concorder avec l'objectif de promouvoir le maintien et la valorisation du patrimoine multiculturel des Canadiens. En d'autres termes, dans la Charte canadienne des droits et libertés, on retrouve une disposition sur le multiculturalisme qui doit être utilisée comme règle d'interprétation pour l'ensemble des autres droits et des libertés.
Pourquoi ce qui est bon pour le Canada n'est pas bon pour le Québec, M. le Président? Pourquoi, quand il s'agit d'affirmer les droits des langues au Canada, le français et l'anglais, c'est bon en règle interprétative, mais, quand on parle du français au Québec, on ne peut pas le faire? Pourquoi le gouvernement s'est défilé? Pourquoi il n'a pas osé affirmer ce qu'il affiche dans des pages de publicité? C'est quoi, cette peur de s'affirmer Québécois français d'Amérique? Pourquoi ces mots-là franchissent leurs lèvres, on paie pour les faire inscrire dans les journaux, mais qu'on n'arrive pas à les inscrire dans nos chartes? Parce qu'il y a affrontement, à ce moment-là, entre la société canadienne, les choix qu'ils ont faits, et la société québécoise, les choix que nous avons faits, que nous affirmons.
n(17 h 50)n Je répète: Entre le Québec et le Canada, le gouvernement libéral vient de s'écraser et de donner la primauté une fois de plus à la charte canadienne. D'autant plus intéressant que le projet de loi qu'on va voter ? on va l'appuyer ? il n'y a rien là-dedans, M. le Président, il n'a qu'une portée symbolique. Tout l'a monde le dit ici, c'est un beau symbole.
Puis, moi, je suis une féministe, ça fait des années que je me bats pour les droits des femmes. C'est merveilleux, on va rajouter, on va sursouligner qu'il existe déjà depuis 33 ans l'égalité entre les hommes et les femmes. Ça nous fait plaisir, on va en rajouter. Envoyez, on va prendre le crayon gras. Au cas où il y aurait un juge qui n'aurait pas compris, on va en rajouter, on va en remettre, on va le sursouligner à un autre endroit.
Mais jamais cela ne voudra dire que les droits des femmes... que la Charte des droits et des libertés va être interprétée à partir d'une chose fondamentale, que les hommes et les femmes sont égaux. Ça veut dire que, quand on va mettre à côté les valeurs religieuses, les droits des religions, l'égalité entre les hommes et les femmes ne sera pas prépondérante, M. le Président. Il n'y en a pas, de garantie là-dessus. Si le gouvernement avait accepté que ce soit une clause interprétative, là on aurait pu affirmer cette valeur fondamentale, là il y aurait eu hiérarchisation des droits. Le Barreau l'a dit, ce n'est pas ça. La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse l'a dit, ce n'est pas ça. On n'est pas ça, là. On ne l'a pas fait, le travail qu'on avait à faire, M. le Président. Même la commission Bouchard-Taylor, dans son rapport, le dit, il était temps de l'inscrire dans la Charte des droits du Québec.
Pourquoi est-ce qu'on ne l'a pas fait, M. le Président? Je répète ma thèse, qui est celle de Jean-Marc Salvet, éditorialiste du journal Le Soleil, parce que ce gouvernement a eu peur de mettre face à face la charte québécoise et la charte canadienne, parce qu'il a eu peur de dire à la face du Canada qu'ici le français est prédominant et qu'il y a séparation entre l'Église et l'État. Il a eu peur, ce gouvernement, d'affirmer la primauté du fait français au Québec. J'en suis très étonnée.
D'autre part, il y a une autre grande absence dans cette charte, une autre proposition que nous avions faite. Cette proposition, M. le Président, c'était d'inclure les droits économiques et sociaux. Le député de Laval-des-Rapides, qui va prendre la parole tout à l'heure, sera bien aise de nous expliquer pourquoi il trouvait si important de ne pas inscrire des choses dont personne n'avait parlé, dit-il, sauf le premier ministre dans des pages dans les journaux, quand on parlait de la primauté du français et quand on parlait de la séparation entre l'Église et l'État. Mais pourquoi ce dont tout le monde a parlé, des droits économiques et sociaux ? tout le monde en a parlé ? ah! ça, par exemple, ça, il ne fallait pas? Il y a deux poids, deux mesures chez le député, comme il y a deux poids, deux mesures au gouvernement.
M. le Président, je suis déçue de l'occasion ratée. Nous allons voter pour ce projet de loi parce que le gros bon sens, c'est le gros bon sens. S'il faut surligner et surligner, nous sursoulignerons l'égalité des hommes et des femmes, mais la vraie job, le vrai travail, M. le Président, il n'est pas fait, et c'est dommage.
Le Vice-Président (M. Picard): Merci, Mme la députée. Je cède maintenant la parole à M. le député de Laval-des-Rapides.
M. Alain Paquet
M. Paquet: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, je suis très heureux d'intervenir sur l'adoption finale du projet de loi n° 63. Et effectivement on vient de voir la présentation théâtrale de notre collègue députée de Taschereau, qui a mis beaucoup d'emphase bien sûr sur ce à quoi elle croit, et je respecte cela. Mais effectivement, M. le Président, réaffirmer dans la Charte des droits, dans le préambule ainsi que dans un article qui est une clause interprétative, malgré ce que semblait dire tout à l'heure la députée ? ce n'était pas très clair, il semblerait, dans son esprit ? fait en sorte que c'est le seul droit fondamental positif qui est réaffirmé deux fois dans la Charte des droits et libertés de la personne. Elle m'écoute avec attention, je le vois, M. le Président, mais, lorsqu'elle disait tout à l'heure qu'on a refusé d'amender le projet de loi en ajoutant une hiérarchisation des droits, bien même sa collègue députée d'Hochelaga-Maisonneuve était d'accord qu'il ne fallait pas mettre de hiérarchie dans les droits. Il faudrait qu'ils fassent une conversation nationale entre eux, au sein de ce parti-là, M. le Président. Ils auraient des choses à comprendre entre eux autres peut-être.
Lorsque le deuxième groupe d'opposition proposait de rendre justiciables les droits économiques et sociaux, ça a des répercussions extrêmement importantes, M. le Président. Je ne peux pas croire que, comme députés, on accepterait qu'on fasse en sorte que ce soient les tribunaux et les juges qui prennent les décisions que nous, comme élus, avons comme responsabilité. Faire cela serait mettre en péril la liberté, la paix et la justice. Aussi important soit-il d'introduire comme clause interprétative et dans le préambule l'égalité des femmes et des hommes. qui font partie de ce qu'est l'égalité de la... l'égalité, la justice et la paix, aussi important soit-il, bien il est important de ne pas faire n'importe quoi sur le coin d'une table, comme la deuxième opposition l'a démontré en commission parlementaire, la semaine dernière, lorsque leurs amendements étaient mal rédigés. Vous pouvez aller voir les galées, M. le Président, c'était très clair.
Alors, au-delà du théâtre et au-delà des envolées oratoires de nos collègues de la deuxième opposition, dont la députée de Taschereau, M. le Président, on ne peut pas, n'importe comment, improviser la façon de faire les choses. Oui, oui, on peut discuter des autres valeurs fondamentales. Bien, en fait, elles ne sont pas discutables, elles sont acquises, elles sont admises à l'unanimité par l'ensemble des parlementaires ici, M. le Président. Est-ce qu'elles doivent être dans la Charte des droits? On peut en discuter.
L'égalité des femmes et des hommes, c'était clair. La consultation qu'il y a eu sur le projet de loi n° 63, hein, a invité l'ensemble des parlementaires, l'ensemble des gens au Québec, les citoyens, à venir participer, à venir être consultés sur le projet de loi n° 63 qui consacre l'égalité des femmes et des hommes. Or, oui, certains groupes qui sont venus ont discuté d'autres éléments. C'était leur droit de le faire. Mais il y a bien des groupes... Si on était pour justiciariser... rendre justiciables les droits économiques et sociaux, de faire en sorte, comme le dit le Pr Henri Brun, constitutionnaliste, hein, de dire que c'est quelque chose d'inacceptable du point de vue démocratique, ce n'est pas quelque chose de souhaitable du point de vue démocratique, si on était pour faire cela, il aurait fallu le mettre dans le projet de loi et inviter l'ensemble des citoyens à venir discuter des avantages et des inconvénients économiques de le faire. Le projet de loi n° 63... Le député de...
Des voix: ...
Le Vice-Président (M. Picard): M. le député.
Des voix: ...
Le Vice-Président (M. Picard): M. le député.
M. Paquet: Alors, même si un député, en face de nous, de l'opposition, hein, de Marie-Victorin, va tout à l'heure s'égosiller et bien sûr se faire entendre, comme il le fait présentement, hein... Alors, il n'anime plus son émission à la télévision...
Le Vice-Président (M. Picard): M. le député.
Une voix: ...
Le Vice-Président (M. Picard): M. le député, faites attention pour ne pas avoir des propos blessants puis surtout pas pour animer des débats. Faites votre allocution très calmement. Merci.
M. Paquet: M. le Président, lorsqu'on parle de rendre justiciables, hein, les droits économiques et sociaux, ça voudrait dire que quelqu'un pourrait les plaider et légitimement, dans un débat public, dire: Bien, tiens, j'aimerais que les lois soient différentes. Pas j'aimerais que la loi s'applique pour respecter l'égalité des femmes et des hommes, mais je pense qu'il devrait y avoir plus de dépenses dans un secteur ou dans l'autre. Notre gouvernement n'a pas attendu que ce soit dans une charte des droits pour mettre en place un plan de lutte à la pauvreté de 3 milliards de dollars au cours des cinq dernières années. L'engagement était de 2,5 milliards, nous avons engagé 3 milliards de dollars qui font une différence pour les citoyens de Laval-des-Rapides, pour les citoyens de l'ensemble du Québec. C'est important, la lutte à la pauvreté, mais une charte, aussi importante soit-elle, n'est pas une condition suffisante. Une charte n'est pas le seul outil, le seul instrument pour faire avancer et faire respecter les valeurs fondamentales de la société québécoise auxquelles, j'ose croire, nous souscrivons tous.
Or, lorsqu'on parlait aussi... La députée, tout à l'heure, de Taschereau faisait référence à la séparation de la religion et de l'État. C'est une des valeurs fondamentales effectivement, mais, si on l'introduisait sur le coin d'une table dans la Charte des droits, ce principe-là, sans faire le débat avec les subtilités juridiques que ça impliquait, ça pourrait avoir pour effet de contredire la motion adoptée à l'unanimité la semaine dernière de faire en sorte que le crucifix et les armoiries du Québec puissent rester à l'Assemblée nationale. Il fallait en débattre, de cela. On ne peut pas jouer sur les deux tableaux en même temps.
Or, lorsque le député de Borduas, dans une conférence de presse avec le député de Marie-Victorin, lorsque le député de Borduas, à une émission de radio, la semaine dernière, disait aussi: Écoutez, on n'a pas vraiment débattu entre nous, au sein du Parti québécois, sur ce que ça implique, la séparation de la religion et de l'État, bien, encore une fois, la conversation nationale au sein de leur parti n'avait pas eu lieu, et donc ils n'étaient même pas clairs sur qu'est-ce qu'ils voudraient dire, ce que ça devrait impliquer.
Alors, M. le Président, les valeurs fondamentales ne sont pas négociables. La Charte des droits et libertés de la personne est un élément important. On n'amende pas ça sur le coin d'une table, on ne le fait pas à toutes les années. Il y a eu des changements techniques depuis 1975, lorsque le premier ministre Bourassa et le gouvernement de l'époque ont mis...
Une voix: ...
Le Vice-Président (M. Picard): Un instant, M. le député.
Des voix: ...
n(18 heures)nLe Vice-Président (M. Picard): M. le whip, s'il vous plaît! Compte tenu de l'heure, nous devons suspendre nos travaux. Et, M. le député de Laval-des-Rapides...
Une voix: ...
Le Vice-Président (M. Picard): M. le député de Marie-Victorin, c'est en vertu de l'article 212, ce n'est pas le moment pour faire votre intervention. Donc, l'article 212 prévoit... Je vais vous lire l'article: «Propos mal compris ou déformés. Tout député estimant que ses propos ont été mal compris ou déformés peut donner de très brèves explications sur le discours qu'il a prononcé. Il doit donner ces explications immédiatement après l'intervention qui les suscite. Elles ne doivent apporter aucun élément nouveau à la discussion ni susciter de débat.» Donc, vous pourrez intervenir à la fin du discours de M. le député de Laval-des-Rapides, c'est-à-dire à la reprise des travaux, tout à l'heure, à 20 heures.
Donc, bon appétit.
(Suspension de la séance à 18 h 1)
(Reprise à 20 h 3)
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors, Mmes et MM. les députés, veuillez vous asseoir.
L'Assemblée poursuit le débat sur l'adoption du projet de loi n° 63, Loi modifiant la Charte des droits et libertés de la personne. Je suis prête à reconnaître le prochain intervenant, M. le député de Laval-des-Rapides, qui n'avait pas complété son intervention. Et on m'indique qu'il vous reste 3 min 15 s. M. le député.
M. Paquet: Merci, Mme la Présidente. Alors, juste avant qu'on relâche pour la suspension pour aller prendre la pause du souper, j'étais en train d'intervenir sur le projet de loi n° 63 évidemment qui parle d'égalité des femmes et des hommes qu'on introduit dans le préambule de la Charte des droits et libertés de la personne ainsi que comme clause interprétative au coeur même de la charte. Et, comme je le disais, les modifications à la charte, ça ne s'improvise pas. On ne peut pas écrire ça sur le coin d'une table, comme malheureusement on avait vu, la semaine dernière, les députés de la deuxième opposition ont tenté de le faire, parce qu'il y a des impacts juridiques à des changements que l'on peut faire, qui peuvent avoir des implications qui vont au-delà même des valeurs fondamentales lorsqu'on y croit véritablement.
C'était bien clair, même pour la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, qu'il ne fallait pas introduire une hiérarchie des droits. Pourtant, tout à l'heure, la députée de Taschereau semblait aller dans l'autre sens. C'était bien clair aussi que, lorsqu'on parle d'introduire dans la Charte des droits la séparation de la religion et de l'État, qui est une des valeurs fondamentales auxquelles nous souscrivons tous, si on l'introduisait n'importe comment dans la Charte des droits, ça aurait des implications qui iraient à l'encontre même potentiellement de la motion adoptée à l'unanimité, en cette Chambre, de garder le crucifix et les armoiries du Québec.
D'ailleurs, même au sein du Parti québécois, il y a des débats. Le député de Borduas, et j'en parlais à la fin de mon intervention, cet après-midi, le député de Borduas a dit lui-même qu'il y avait des débats qui n'étaient pas réglés. Le débat est en cours, disait-il à la conférence de presse du 18 octobre 2007, à laquelle était présent, comme il nous écoute attentivement présentement, le député de Marie-Victorin, qui s'est levé sur une question de règlement pour me dire que je lui imputais des faits qui étaient faux. Alors, j'espère qu'il va s'excuser tout à l'heure. Il me demandait de m'excuser si je me trompais. Je serai prêt à déposer, à la fin de mon intervention, la conférence de presse qui a eu lieu le 18 octobre 2007 et tous les textes. Et il y avait le député de Borduas qui a parlé; tout de suite après, le député de Marie-Victorin. Alors, il était dans l'erreur sur les faits, comme ça lui arrive très souvent avec notre collègue le ministre de la Santé et des Services sociaux, et c'est malheureusement une marque de commerce dans son cas. Il faut parler des vraies choses, c'est important.
Alors, on ne peut pas, sur le coin d'une table, modifier une charte des droits, et il faut regarder les implications juridiques que ça a. On l'a fait lorsqu'on a proposé, dans le projet de loi n° 63, de reconnaître l'égalité des femmes et des hommes comme un des fondements de la liberté, de la paix et de la justice. Ce n'est pas quelque chose d'anodin de faire cela, là. Ce n'est pas juste un symbole, c'est un élément important. C'est le seul droit positif qui est reconnu deux fois dans la Charte des droits et libertés de la personne du Québec. C'est pour ça que c'est un geste important que nous posons aujourd'hui.
Et on ne peut pas, comme voulait le faire le deuxième groupe d'opposition, rendre justiciables les droits économiques et sociaux sans regarder les implications de cela. Et le constitutionnaliste Pr Henri Brun a bien affirmé que ce serait remettre entre les tribunaux le travail qu'est celui de parlementaires. Comme parlementaires, on ne peut pas se permettre ça, Mme la Présidente, et c'est pour ça, je crois, qu'il est important d'approuver le projet de loi n° 63, qui remarque une avancée importante de reconnaissance de l'égalité des femmes et des hommes. Et, comme père de famille, comme représentant de mes concitoyens de Laval-des-Rapides et comme parlementaire, comme les 125 députés, c'est un projet de loi important, et je suis très heureux d'appuyer ce projet de loi et de demander à la Chambre de le reconnaître. Merci.
Document déposé
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Je vous remercie, M. le député de Laval-des-Rapides. Souhaitez-vous déposer le document? Est-ce que j'ai le consentement pour le dépôt du document? Oui? M. le député, vous pouvez le déposer. Je reconnais maintenant M. le député Lac-Saint-Jean... Excusez-moi.
Une voix: De Jonquière.
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): M. le député de Jonquière et porte-parole du deuxième groupe d'opposition en matière d'affaires intergouvernementales canadiennes... d'énergie.
Une voix: Non. Ce n'est pas ça.
M. Gaudreault: Le député de Lac-Saint-Jean est plus beau que moi, Mme la Présidente. Je vous demande de me reconnaître, député de Jonquière.
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Député de Jonquière. M. le député.
M. Sylvain Gaudreault
M. Gaudreault: Donc, Mme la Présidente, merci. Merci, Mme la Présidente, de m'accorder le droit d'intervenir sur cet important projet de loi, le projet de loi n° 63, d'intervenir surtout sur le fait, Mme la Présidente, que le gouvernement a rejeté deux valeurs importantes pour notre société qui identifient bien ce qu'est le Québec d'aujourd'hui, deux valeurs proposées par notre formation politique et rejetées par le gouvernement et qui à notre sens avaient leur place dans la charte québécoise des droits et libertés de la personne. Ces deux valeurs évidemment sont la laïcité, la séparation entre l'Église et l'État, et bien sûr la primauté de la langue française.
Pourtant, Mme la Présidente, le premier ministre aime bien s'en vanter dans une pub, hein, qu'on a vue dans tous les grands journaux et moins grands journaux du Québec, mais on est obligés de reconnaître aujourd'hui que cette publicité payée aux frais de l'État n'était que du tape-à-l'oeil, que de la poudre aux yeux de la part du gouvernement, parce que nous avons repris les propos énoncés par le premier ministre dans cette publicité, et ils ont été rejetés en ce qui concerne la séparation de l'Église et l'État et la primauté de la langue française. Ils ont été rejetés par le gouvernement dans le cadre de l'étude du projet de loi n° 63.
Je voudrais faire référence à l'histoire, Mme la Présidente, dans mon intervention, l'histoire qui se construit, l'histoire telle que nous la vivons, et référence à l'histoire bien sûr, l'histoire du Québec. Je pense, Mme la Présidente, que le gouvernement et cette Chambre malheureusement, à cause de l'attitude du gouvernement, ratent une occasion, un moment historique d'inscrire l'évolution de la société québécoise à même un document fondamental qu'on appelle la charte québécoise des droits et libertés de la société. Donc, il y avait là une occasion, un moment historique de marquer le pas, de faire un geste important pour notre histoire en marquant des valeurs qui nous sont chères, d'autant plus que la commission Bouchard-Taylor vient de terminer ses travaux, commission qui en elle-même marque aussi un jalon, un moment important de notre histoire. Mais, vous savez, comme, par exemple, dans les années quatre-vingt-dix, le gouvernement libéral de M. Bourassa n'avait pas su saisir... avait noyé le poisson avec la commission Bélanger-Campeau, on avait encore une autre belle occasion de réflexion collective, et encore une fois on constate que le même gouvernement... le gouvernement, c'est-à-dire, du même parti, le Parti libéral, de nouveau cherche à noyer le poisson alors qu'il y a une opportunité historique absolument importante.
Donc, c'est un gouvernement, il faut se le dire, qui manque d'ambition, et je vais vous donner un exemple, dans l'histoire récente du Québec, qui m'apparaît éclairant pour la suite des choses. Il faut se rappeler qu'au moment de l'étude de la charte du document original, la Charte des droits et libertés de la personne au Québec, en 1973, l'opposition officielle du Parti québécois à l'époque avait proposé l'amendement pour inclure l'orientation sexuelle comme motif de discrimination. À ce moment-là, le gouvernement du Parti libéral encore une fois, en 1973, avait refusé de l'inclure dès 1973, soi-disant parce que le Québec n'était pas rendu à cette étape. En 1975, la charte a été adoptée sans le motif de l'orientation sexuelle comme motif de discrimination, et, deux ans après, en 1977, alors que c'était un gouvernement du Parti québécois, le ministre de la Justice de l'époque, qui était député de Chicoutimi, l'a inclus comme modification, comme amendement à la Charte des droits et libertés. Alors, moi, je pense qu'on va revoir encore ce livre, cette histoire se répéter. Alors qu'aujourd'hui nous proposons des amendements comme formation politique, dans quelque temps, quand ce sera nous qui occuperons les sièges du gouvernement, je pense que nous pourrons...
n(20 h 10)nDes voix: ...
M. Gaudreault: ...nous pourrons de nouveau...
Des voix: ...
M. Gaudreault: ...nous pourrons de nouveau revenir à ce qui nous apparaît comme des valeurs fondamentales à inscrire dans un document tel que la charte.
Le Québec a évolué depuis 30 ans, depuis que cette charte existe, Mme la Présidente, et je veux revenir sur les deux éléments dont je vous parlais d'entrée de jeu, c'est-à-dire la primauté de la langue française d'abord, et je vais insister un peu plus sur la laïcité dans quelques minutes.
D'abord, la primauté de la langue française. Il faut tout de suite établir une chose, c'est que la Charte de la langue française n'a pas la valeur quasi constitutionnelle qu'a bien sûr la Charte des droits et libertés de la personne. Les francophones du Québec, nous représentons quelque 3 % dans l'ensemble de l'Amérique. Alors, il m'apparaît, il m'apparaît absolument essentiel, fondamental... et on ne peut reculer là-dessus quand on demande aux parlementaires de cette Chambre d'inclure la langue française dans le document fondamental qu'est la Charte des droits et libertés. Je pense que ce serait un signal absolument fort à envoyer aux nouveaux arrivants, à l'effet que, quand ils viennent s'établir au Québec, ils prennent le train de l'histoire qui s'inscrit, depuis 400 ans, sur ce territoire, sur la langue française. Mais le gouvernement a refusé d'inclure cet élément dans la charte.
Deuxième chose, c'est sur la laïcité. Alors là, je veux insister de façon importante, Mme la Présidente, parce que notre histoire encore une fois, et je veux y faire référence, notre histoire dénote une influence marquante de l'Église tout au long de notre histoire, il faut le reconnaître. Après la conquête de 1759, l'Église, dans bien des cas, a signifié un refuge, hein, pour la population francophone face au conquérant. On a eu, par exemple, successivement, dans l'histoire ? et je saute des grands bouts, vous en conviendrez ? Mgr de Laval, Mgr Bourget, le cardinal Villeneuve, qui étaient toujours très près du pouvoir politique. Nous avons également, dans notre histoire, l'influence de l'Action catholique, qui à mon sens est une influence positive parce qu'elle a contribué, Mme la Présidente, à changer le monde et même à nous faire aboutir à la Révolution tranquille. Je pense au Père Lévesque, je pense à M. Ryan, je pense à la CSN. Et même l'architecture du Québec est très, très influencée par la religion.
Et, fort de cette influence des valeurs chrétiennes, il y a eu une rupture dans les années soixante, une rupture, du côté de l'Église, avec Vatican II, bien sûr, mais on a vu la fin de l'ère Duplessis, et ça s'est incarné dans nos institutions, nos grandes institutions laïques: les hôpitaux, les universités, les cégeps, les polyvalentes. On le sait, Mme la Présidente, le premier ministre n'a plus besoin d'appeler le cardinal avant d'agir. On peut travailler, il y a le commerce le dimanche. La chef de mon parti, à l'époque où elle était ministre, elle a récemment consacré... ou éliminé un dernier des grands pans de ce qui n'était pas laïque, c'est-à-dire les commissions scolaires. Alors, tranquillement, dans notre histoire, nous avons su passer d'une sécularisation à une laïcité sans violence et sans problème.
Alors, vous voyez comment c'est inscrit, ce grand mouvement dans notre histoire, comment c'est inscrit à même nos valeurs, et c'est pourquoi, Mme la Présidente, je prétends, comme mes collègues de ma formation politique, que nous pourrions ? et c'est pour ça que nous l'avons proposé, mais le gouvernement l'a refusé ? inscrire cette grande valeur de la laïcité dans le document qu'est la Charte des droits et libertés du Québec... droits et libertés de la personne du Québec.
Je voulais vous proposer une définition, Mme la Présidente, en terminant, de ce que peut être la laïcité, et c'est tiré d'un document du Conseil des relations interculturelles: «On peut voir la laïcité comme l'indépendance de l'État face aux religions ainsi que l'autonomie de la religion par rapport au politique. Autrement dit, les religions n'exercent directement aucun pouvoir politique et l'État n'exerce aucun pouvoir religieux, laissant les Églises s'organiser librement dans l'espace public. Cette séparation, jamais entièrement étanche, permet cependant à l'État de s'assurer qu'il peut exercer ses fonctions sans être soupçonné de favoritisme ou de parti pris à l'égard d'une croyance.» Alors, c'est pour ça, Mme la Présidente... C'est cette définition, qui est très bien, qui colle très bien à ce qu'est le Québec d'aujourd'hui, que nous voulions voir apparaître dans les documents fondamentaux du Québec, à défaut d'avoir une constitution. Nous en avons proposé une, encore une fois le gouvernement l'a refusée. Un jour, nous pourrons le faire dans un pays, dans un Québec souverain. Mais bien sûr le gouvernement a refusé cette définition, qui pourtant est très collée à la réalité du Québec d'aujourd'hui.
On peut se demander pourquoi au fond le gouvernement a refusé cette définition, pourquoi le gouvernement a refusé d'entériner ce caractère inscrit à même la réalité du Québec. De quoi avait-il peur, finalement? Alors, probablement que sa peur était de froisser le Canada, de froisser finalement les valeurs de multiculturalisme qui indirectement se trouvent ainsi appuyées par le gouvernement dans son attitude sur le projet de loi n° 63.
Alors, Mme la Présidente, je vous remercie. Nous allons tout de même voter pour l'égalité des droits entre les hommes...
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Je vous remercie, M. le député de Jonquière. Alors, je suis prête à reconnaître Mme la députée de Charlesbourg et porte-parole de l'opposition officielle en matière d'immigration et de communautés culturelles. Mme la députée.
Mme Catherine Morissette
Mme Morissette: Merci beaucoup, Mme la Présidente. C'est un autre plaisir pour moi de reprendre la parole sur ce projet de loi. J'ai pris la parole pour l'adoption du principe la semaine dernière, et j'ai été également présente en commission parlementaire, même jusqu'à minuit, il y a une semaine très exactement, et je souhaitais réitérer la position de mon parti, l'Action démocratique, à notre appui en fait à ce projet de loi.
On a toujours amené notre appui, on a toujours eu un regard favorable envers ce projet de loi. Nous considérons que le projet de loi n° 63 est une cause noble, nous l'avons dit à plusieurs reprises, qui est avant tout un message symbolique, message important toutefois mais tout de même symbolique. C'est une bonne indication, particulièrement pour les nouveaux arrivants qui arrivent ici, qui doivent prendre connaissance de nos moeurs, de nos lois, très bonne indication des valeurs fondamentales du Québec et c'est également une avancée logique dans la cause des femmes.
Concernant l'avancée de la cause des femmes, je me permets de faire une petite parenthèse, Mme la Présidente, sur un événement très déplorable qui s'est déroulé dans cette salle même, cet avant-midi, lors de la période des questions. Je n'étais pas présente ce matin, étant occupée ailleurs, mais j'ai lu des articles, j'ai eu le résumé et sincèrement je suis très peinée, dans le contexte où nous sommes à l'adoption d'un projet de loi qui reconnaît l'égalité entre les hommes et les femmes, qu'un ministre du Parti libéral puisse se permettre un commentaire...
Des voix: ...
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): M. le leader du gouvernement.
M. Pelletier (Chapleau): Tout simplement, Mme la Présidente, j'aimerais mentionner que le ministre s'est excusé publiquement aujourd'hui. Je pense qu'on est en période intensive, les gens sont fatigués, puis ça se comprend. Parfois, il y a des mots que l'on regrette. Ça a été le cas pour le ministre, qui ne souhaiterait rien de mieux que de pouvoir retirer ses paroles.
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors, je vous ai bien entendu, M. le leader du gouvernement. Ce n'est pas une question de règlement. J'invite Mme la députée de Charlesbourg à la prudence. C'est une question qui a déjà été réglée. Je vous invite aussi à la pertinence par rapport au projet de loi. Allez-y, Mme la députée.
n(20 h 20)nMme Morissette: Oui. Merci, Mme la Présidente. En fait, il n'y a eu aucune excuse publique, donc je ne considère pas que cet événement est réglé. Il y a eu un communiqué près de huit heures plus tard. Il y a un coup de téléphone très discret. Je veux simplement mentionner: le lien, je pense, est très fort, est très pertinent avec le projet de loi que nous sommes en train d'adopter à ce moment précis.
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors, Mme la députée de Charlesbourg, si vous souhaitez remettre la conduite d'un député, selon nos règlements, il y a une façon de le faire, et c'est par voie de motion. Pour le moment, nous sommes sur le projet de loi n° 63, et je vous invite à intervenir sur le projet de loi. Et vous avez l'entier droit de remettre... la conduite d'un député, n'importe lequel dans cette Chambre, mais par voie de motion, selon notre règlement. Mme la députée.
Mme Morissette: Bon. Dans ce cas-ci, moi, je considère qu'il y a un lien très important avec la condition des femmes et l'égalité hommes-femmes lorsqu'un ministre libéral passe un commentaire de ce genre-là. Mais, écoutez, je vais...
Des voix: ...
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît!
Des voix: ...
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît!
Des voix: ...
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): MM. les députés!Des voix: ...
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): MM. les députés! MM. les députés, s'il vous plaît! À l'ordre, MM. les députés!Des voix: ...
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Assis, s'il vous plaît! La présidence est debout. Assis! Assis, s'il vous plaît!
Des voix: ...
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Assis, s'il vous plaît, et à l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît! Mme la députée de Charlesbourg, continuez votre intervention, et je vous invite à la pertinence et à la prudence. Si vous souhaitez remettre en question la conduite d'un député, quel qu'il soit, notre règlement le prévoit.
Des voix: ...
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): S'il vous plaît, asseyez-vous! Asseyez-vous! Seule une députée a la parole, et c'est Mme la députée de Charlesbourg.
M. Proulx: Question de règlement, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): M. le leader de l'opposition officielle.
M. Proulx: Oui, Mme la Présidente. D'abord, je veux contribuer à calmer les débats, premièrement. Dans un deuxième temps, je comprends que vous avez fait une initiative personnelle de clore un débat, ce qui à mon avis est totalement contraire à l'esprit de ce qu'on a à faire ici. Je vous soumets respectueusement que vous avez le droit de rappeler à la députée de Charlesbourg qu'elle doit faire attention à ses propos, c'est un droit qui appartient à la présidence. Mais de juger qu'une affaire est terminée ici, à l'extérieur, dans le Québec ou dans notre enceinte, c'est à mon avis, dit respectueusement, une tâche qui n'est pas la vôtre. Je suis respectueux, je le dis respectueusement. Si quelqu'un soulève la question...
Une voix: ...
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): M. le leader du gouvernement, c'est quoi, la question de règlement que vous voulez soulever?
Une voix: ...
M. Proulx: Ce que je vous dis, Mme la Présidente, c'est que, si quelqu'un des banquettes d'en face soulève en question de règlement que la députée de Charlesbourg a mal fait son travail, je ne serai pas ici en train de vous l'expliquer. Si vous le faites de vous-même et que vous avez décidé que le débat est clos, je pense que vous allez trop loin. C'est le commentaire que je souhaitais faire. Je vais lui faire signe, comme vous l'avez fait, de modérer ses propos, mais je vous demande, s'il vous plaît, de ne pas clore une histoire qui à mon avis... Ni vous ni moi n'avons la clé ni le cadenas pour clore une histoire comme celle-là, qui à mon sens est assez grave, Mme la Présidente.
M. Pelletier (Chapleau): Mme la Présidente.
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): M. le leader du gouvernement, M. le leader du gouvernement, courte intervention, s'il vous plaît, sur cette question-là.
M. Pelletier (Chapleau): D'abord, Mme la Présidente, personne ne remet en question le travail de la députée de Charlesbourg, je tiens à le préciser, qui a le respect de tous les membres de cette Chambre. Maintenant, ce que nous disons, c'est que dans le fond le ministre du Travail, aujourd'hui, s'est excusé, que je sache, le député de Vanier a accepté ses excuses, et nous ne pensons pas que nous pouvons continuer le débat de cette façon sans qu'à un moment donné on ne remette en question l'intégrité d'un membre de cette Assemblée qu'est le ministre du Travail, et, dans ce contexte-là, je pense que vous avez bien fait de rappeler la députée de Charlesbourg à la raison.
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci beaucoup, M. le leader. Alors, en ce qui concerne le débat, il se poursuit, il n'est pas clos. Pour la question de règlement, je rappelle que tout député a le droit de remettre en question la conduite d'un député mais par voie de motion et pas autrement. Mme la députée.
Mme Morissette: Parfait. Merci, Mme la Présidente. Je saisis le message, mais vous comprendrez simplement que, dans ma condition, moi-même, de jeune femme enceinte, je me suis sentie grandement interpellée par les propos du ministre de ce matin. Mais au suivant.
Je voudrais revenir rapidement sur ce qui s'est passé en commission parlementaire et même ce qui se passe présentement sur la stratégie qu'a décidé d'adopter le Parti québécois. Nous avons ici, en main, un projet de loi très simple dans sa forme, puisqu'il n'a que trois articles, mais très complet dans son intention, qui est de reconnaître l'égalité des hommes et des femmes. Par contre, en commission parlementaire et ici, au moment de l'adoption du principe, on a une multiplication d'interventions, particulièrement en commission parlementaire, où plusieurs amendements au projet de loi ont été déposés alors qu'à sa face même, bien que je reconnais le travail très important que le président de la commission a fait, le député de Jacques-Cartier, nous constations que les amendements n'étaient pas dans le sujet du projet de loi qui était devant nous. J'ai trouvé cela un peu déplorable parce qu'on avait l'impression de diluer l'objectif, qui était d'officialiser l'égalité des hommes et des femmes dans la charte québécoise, qui est notre document légal ici, au Québec.
Ce qui m'a surprise davantage, Mme la Présidente, c'est que, de ma grande année de présidence à la Commission de l'économie et du travail, j'avais quand même pu identifier certains critères qui permettent la recevabilité d'amendements, et, du côté du Parti québécois, on avait quand même des gens, autour de la table, avec énormément d'expérience, dont la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, qui détient près de 27 années d'expérience, qui a été même sur votre siège, à la présidence de l'Assemblée nationale, et j'ai trouvé très surprenant que cette grande expérience là ne serve pas à vraiment enrichir ce projet de loi par des commentaires qui touchaient directement l'égalité des hommes et des femmes. Vous comprendrez que j'avais moi-même deux ans quand la députée d'Hochelaga-Maisonneuve a été élue, donc je m'attendais à peut-être plus de rigueur, compte tenu de la grande expérience que le Parti québécois détient par l'ensemble de sa députation.
Mon temps achève, alors je voulais vous remercier de votre attention. Toutes mes excuses pour avoir suscité ce grand débat. Je tenais simplement à exprimer mes émotions et mon sentiment. Mais, comme ma collègue la députée de Deux-Montagnes le disait, depuis le début, le gouvernement a notre entier appui pour l'adoption de ce projet de loi n° 63.
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Je vous remercie, Mme la députée.
Une voix: ...
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Je vous remercie, Mme la députée de Charlesbourg. À l'ordre, s'il vous plaît! Je reconnais M. le député d'Abitibi-Ouest et leader du deuxième groupe d'opposition.
Des voix: ...
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): S'il vous plaît, à l'ordre!
Une voix: ...
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): À l'ordre, M. le député de Bellechasse! M. le leader du deuxième groupe de l'opposition.
M. François Gendron
M. Gendron: Alors, merci, Mme la Présidente. En ce qui concerne notre formation politique et celui qui va prendre la parole pour quelques minutes, là, c'est un sujet majeur, c'est un sujet important. Je ne parle pas nécessairement d'exclusivement ce qu'on vient d'entendre, à savoir qu'il faut rester sur la dimension d'officialiser l'égalité entre les hommes puis les femmes, parce que ça m'apparaît trop simpliste, d'autant plus que l'égalité des hommes et des femmes, ce sera toujours un objectif que malheureusement on devra toujours poursuivre parce que je ne crois pas... Et ça a été tellement rappelé dans les mémoires sérieux, et Dieu sait s'il y en a eu lors de cette commission, parce qu'il faut regarder le travail préalable qui a initié cette commission et cette ouverture de charte.
Mais je fais juste rapidement citer quelques phrases du Conseil du statut de la femme où on disait: «Les actions des gouvernements ? des gouvernements ? au fil des ans, ont contribué à favoriser une égalité des droits, des responsabilités et des possibilités entre les hommes et les femmes.» Et la majorité des mémoires font un plaidoyer pour la poursuite, imaginez bien, soutenue de cette action qui sera toujours requise, nécessaire, quoique nous voulions, pour toutes sortes de raisons, de société, d'histoire...
Là, on dit: Il y a de l'homme, il y a de l'hommerie. Il y a des comportements qui sont toujours à améliorer pour nous tous, on vient d'en être témoins il y a quelques secondes, et, dans ce sens-là, l'égalité de fait demeurera, écoutez. Et c'est quand même une instance qui est habituée de porter des jugements... disait: «L'égalité de fait demeurera toujours une cible à atteindre.» Alors, quand on vise une cible, parfois on l'atteint, parfois on ne l'atteint pas, mais on doit toujours, pour ceux qui ont des convictions, avoir l'objectif de la poursuivre et de viser à l'atteindre dans toute sa plénitude.
n(20 h 30)n Les femmes sont encore discriminées. Je suis convaincu qu'il n'y a personne qui n'est pas en accord avec ce que je viens de dire. Combien de motions, le jour de la femme, j'ai entendues ici, au fil des 32 ans, en disant: Oui, mais on a fait du chemin, mais regardez tout le chemin qu'il reste à faire! Puis combien elles ont raison! Combien raison elles ont, quelles que soient les appartenances politiques, de signaler la nécessité que ce n'est jamais un fait accompli! Et, dans ce sens-là, elles disaient: «Elles sont discriminées parfois encore en vertu de leur sexe, parfois pour d'autres motifs d'âge, parfois pour des jugements concernant la capacité ou l'incapacité d'exercer telle et telle profession.» Je pourrais prendre des heures, mais je ne les ai pas. Je fais juste vous indiquer, madame, que c'est un sujet qui ne sera presque jamais complètement clos, et avoir la fausse prétention que nos chers amis d'en face viennent de régler le sort des femmes ad definitum, c'est caricatural. Ah! je suis obligé de le dire, c'est caricatural. C'est un pas important, mais, nous, on pense, justement parce que ça requérait de réouvrir la Charte des droits, que c'était un bon moment historique pour regarder plus loin que son nez puis dire: Est-ce qu'il y aurait lieu d'aller un peu plus loin sur des valeurs que nous partageons tous, qui ont été largement exprimées ici par... Quand même, il est premier ministre du Québec. Le premier ministre du Québec a inscrit dans les publicités ces valeurs-là, et je pense que, quand un premier ministre du Québec a le mandat, la responsabilité puis qu'il parle au nom de la nation québécoise, bien ça suppose que, ces valeurs-là, il les fait siennes. Il les fait siennes, puis ce n'est pas juste de la façade, ce n'est pas juste un coup de fin de semaine de pub, c'est quelque chose auquel on adhère, on croit. Puis en conséquence il serait important de lui donner ce caractère très formel, très officiel, et le meilleur endroit pour le faire, nous, on pensait, on pense encore, parce que, nous, on a de la continuité plutôt que de l'opportunité... Et, dans la continuité, ça requiert qu'on regarde cette alternative.
Puis, quitte à décevoir quelques collègues de l'opposition officielle qui en ont le titre, la collègue de Groulx, écoutez, ça faisait quand même assez caricatural, tout en respectant cette nouvelle députée, de dire: Eh que ce serait donc beau si on allait à la sanction royale ensemble! Là, ça montrerait l'unité sur cette question-là. Moi, je ne peux pas être à ce niveau-là, là, je ne peux pas être à ce niveau-là, là. Quand même j'irais à la sanction royale avec elle, là, je ne suis pas sûr que c'est ça qui va démontrer tout ce que j'appelle l'assentiment de tous les parlementaires de cette Chambre à l'effet que, oui, on est... Ça fait longtemps que je suis arrivé, moi, à la conclusion, puis ce n'est pas à faire une grand-messe à la sanction royale que... Là, je la cite, là: Si les deux partis d'opposition assistaient ensemble à la sanction royale, là on illustrerait combien on est unis derrière une réalité que tout le monde partage.
Alors, moi, je n'ai pas besoin d'aller à la sanction royale pour montrer que... Bien sûr que je partage ça, ça fait longtemps. J'appartiens à une formation politique qui a toujours défendu ces valeurs d'égalité, qui a posé des gestes d'égalité, qui a posé des actions dans le sens de l'égalité des hommes et des femmes. J'ai la chance d'avoir une chef de parti qui a fait des gestes, des mouvements, des actions concrètes, depuis au-delà de 25 ans, dans son action politique, qui vont toutes dans ce sens-là, puis j'aurais besoin de faire une démonstration dans une marchette chez le lieutenant-gouverneur lors de la sanction royale? Écoutez, moi, je ne marche pas là-dedans.
Et là j'entendais également un autre collègue qui disait tantôt: Il serait bien important, là, d'arrêter de causer, parce que là on retarderait supposément les travaux. Moi, je n'ai pas l'impression que je retarde les travaux, j'ai l'impression que je m'exprime sur un sujet majeur, d'importance, pour lequel il y avait lieu de rappeler que ça aurait été très important... Et j'ai appris, moi, au fil des ans, que, quand ce n'est pas juste ce que j'appelle «ma petite prétention» qui parle... Alors, ce n'est pas ma petite prétention qui parle. J'ai ici... Bon, il y en avait d'autres aussi, là, mais il y en avait plein, d'articles de chroniqueurs politiques crédibles, puis ils ont dit: Les valeurs fondamentales, là... Nous, on pense que les questions posées par le Parti québécois sont très pertinentes; le problème, c'est que le premier ministre n'y répond pas, le premier ministre n'y veut pas répondre, il aime mieux regarder ailleurs. Je n'ai pas inventé ça, moi, là, là. Puis là je pourrais prendre plus de temps pour tout citer l'article au complet, ce serait très élogieux, parce que ce qu'il est en train de nous dire, il est en train de dire que les porte-parole membres de ma formation politique avaient fait un travail sérieux, honnête, responsable, réfléchi en commission parlementaire.
J'écoutais le député de Laval-des-Rapides, il n'est pas toujours drôle, là, mais là il essayait de faire accroire que, nous, on a essayé d'accommoder ça sur le coin de la table. Imaginez! On en avait parlé ici des semaines et des semaines avant. On a déposé une série de documents, on avait travaillé très sérieusement, y compris le premier ministre et le gouvernement libéral, en disant: Regardez, ce serait important de marquer ces valeurs-là.
Et, dans les dossiers importants comme, exemple, la Commission des droits, la Commission des droits de la personne, bien, eux autres aussi ont écrit là-dessus. Puis le Conseil du statut de la femme, sur l'égalité entre les hommes et les femmes, il a ajouté: La liberté de religion et la primauté du français, c'est trois valeurs fondamentales de notre société québécoise pour lesquelles il ne devrait pas y avoir de débats déchirants, parce qu'on devrait être unanimes sur ces réalités-là, d'une part parce que le premier ministre nous a donné l'impression en tout cas qu'il était aussi d'accord que nous pour inscrire ces valeurs-là.
Alors, c'est ce travail-là qui a été fait pendant un certain temps en commission parlementaire, et c'est ce que nous voulons continuer à exprimer puis marteler, que, quand c'est des valeurs fondamentales, on tend à leur donner ce que j'appelle du niveau, de la représentativité, et dans le projet de loi modifiant la charte pour inclure l'égalité du principe des hommes et des femmes, bien c'est évident qu'on souscrit à ça.
D'ailleurs, un autre mémoire ici que j'ai, la Commission des droits, dans sa conclusion ? c'est parce que c'est tellement parlant ? elle disait: «Par ailleurs, la charte comporte malheureusement [des lacunes importantes] qui, après [...] 30 ans, [maintiennent] d'importants droits de la personne dans une situation [de hiérarchisation] inférieure, [en particulier] les droits économiques et sociaux [des femmes].» Alors, quand même que je lirai 14 fois plutôt qu'une, dans la charte de demain, quand on aura fini le débat que les femmes ont des droits égaux aux hommes, est-ce qu'au chapitre, par exemple, de ce que je viens de lire, les droits économiques, les droits sociaux, le salaire minimum, les distinctions par rapport à toutes sortes d'autres réalités, est-ce qu'il y a encore du chemin à faire? Vous savez bien que oui, Mme la Présidente. On aurait voulu, parce qu'il y a du chemin à faire, marquer davantage deux autres réalités auxquelles on tient, qui font partie des valeurs québécoises, et les inscrire dans cette modification à la charte, et c'est de ça qu'il s'agissait et c'est de ça qu'il s'agit encore ce soir.
Je voulais modestement inscrire ma petite contribution dans le débat parce que, oui, le débat est important, mais le geste que nous posons n'est pas si important que ça parce qu'il y a deux gros trous dedans, et ça a été dit par beaucoup d'autres personnes qu'on rate une occasion privilégiée, puis des occasions privilégiées, quand on en rate trop, bien, écoutez, elles ne repassent pas comme on le souhaite. Merci.
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Je vous remercie, M. le député d'Abitibi-Ouest. Je cède maintenant la parole à M. le député d'Abitibi-Est et porte-parole du deuxième groupe d'opposition en matière de jeunesse. M. le député.
M. Alexis Wawanoloath
M. Wawanoloath: Merci, Mme la Présidente. On est tous ici réunis pour discuter de ce projet de loi n° 63 là. On est, je pense, en grande partie d'accord sur le principe même du projet de loi qui est de consacrer l'égalité des hommes et des femmes. Beaucoup de travail reste à faire pour qu'est-ce qui est de l'égalité entre les hommes et les femmes. Encore aujourd'hui, des femmes n'ont pas le même salaire, des femmes se font violer à cause de leur état de femme, et que ce soit dans les communautés culturelles, que ce soit encore aussi chez les autochtones, on voit beaucoup de discrimination qui est faite à l'égard des femmes. Donc, je suis conscient du travail qu'il y a à faire pour les femmes, pour que nos soeurs, nos femmes, nos filles, nos mères puissent justement atteindre cette égalité de droit qui est aujourd'hui... pour que ça puisse devenir l'égalité de fait. On est tous très d'accord avec ça. C'est une lutte qu'on a le devoir, en tant que parlementaires, de faire.
Mais, mais, mais, malheureusement, malheureusement, tant qu'à justement aller faire des changements à notre Charte des droits et libertés, tant qu'à avoir un projet de loi qui est aussi important, qui pourrait l'être, si important, il est très important au niveau du droit des femmes, mais qui pourrait l'être encore plus quand on pourrait justement avoir une compréhension plus globale, un changement plus global à cette charte-là qui nous est chère, qui est un peu comme notre constitution, qui a un peu ce rôle-là dans nos tribunaux... Donc, je crois qu'ici on rate une belle occasion de faire en sorte que les valeurs exprimées à grands frais, à grands coups, dans les journaux, par notre premier ministre, soit, oui, l'égalité entre les hommes et les femmes, et la laïcité de nos institutions, et la primauté du français bien sûr... Pourquoi ne pas avoir fait justement une vision plus globale de ce changement à la charte? Pourquoi ne pas avoir justement fait ces changements-là qui comprenaient plus qu'un simple changement?
n(20 h 40)n Donc, moi, qu'est-ce que ça me pose comme question, qu'est-ce que ça me pose comme questionnement par rapport à ce gouvernement-là: Est-ce qu'on a un gouvernement qui est de façade? Est-ce qu'on a un gouvernement qui agit, qui fait de beaux enveloppages tout bien dorés pour faire passer la pilule ou, comme le prétend... Ce gouvernement, il prétend justement, main sur le coeur, avoir à coeur les valeurs du Québec, avoir à coeur justement que ceux-là qui arrivent ici puissent partager ces valeurs-là qui sont communes. Est-ce que c'est un gouvernement qui est vraiment franc ou c'est un gouvernement de façade, qui va justement nous faire une belle campagne publicitaire pour dire que ça, c'est nos valeurs communes, mais par la suite, quand ce gouvernement-là a l'occasion de faire des changements et de dire que ces valeurs communes là, qu'ils affichent à grands coups encore de publicités dans les journaux... puisse affirmer dedans la Charte des droits et libertés que ces valeurs communes là sont là pour rester et sont là pour faire en sorte que la nation québécoise perdure dans le temps?
Parce que c'est ça à la base: une nation, c'est des valeurs communes qu'on va partager. Et on l'a dit, et on le sait, c'est qu'est-ce qu'on veut partager, c'est le contrat d'immigration qu'ils veulent amener pour justement faire comprendre ces valeurs-là aux immigrants. Mais pourquoi ne pas les avoir inscrits dans la charte et pourquoi surtout quand on sait que le français va faire en sorte que justement, ici, on puisse... la primauté du français va pouvoir faire en sorte qu'on puisse perdurer, qu'on puisse partager cette culture-là, partager justement cette diversité culturelle là?
Et, parlant de diversité culturelle, on parle beaucoup des droits économiques et des droits sociaux, mais on parle peu, je trouve, des droits culturels, que les personnes de ce territoire-là... On parle beaucoup de la langue française, on doit aussi avoir une conscience, je crois, éventuellement, dans ces grands changements-là, qu'il va falloir aussi protéger les cultures de ce territoire. Il y a la culture des Québécois, la culture ? qui ont émergé, ici ? des Québécois de souche ? ou canadienne-française, comme on voudra bien les appeler ? ou encore les anglophones, et tous ceux-là qui ont participé à ce mélange culturel là. Il y a aussi les cultures originales, les cultures autochtones de ce territoire-là que je crois qu'il va falloir faire en sorte d'en prendre conscience. Mais, bon, je m'égare peut-être un peu, Mme la Présidente. Je suis un peu emporté par toutes ces questions-là.
Parlant un peu des droits économiques, est-ce que ça n'aurait pas été aussi une bonne façon, comme plusieurs groupes le réclamaient, dont le regroupement des maisons d'hébergement pour les femmes violentées ou battues, de faire en sorte que les droits sociaux, comme j'en ai parlé tout à l'heure, les droits économiques, sociaux et culturels puissent être pris en compte?
Chez nous, j'ai un grave problème de pénurie du logement. Aujourd'hui, les statistiques de la SCHL ont démontré que, chez nous, il y avait un taux d'inoccupation de 0,0 %. Vous allez me demander, Mme la Présidente, qu'est-ce que vient faire le taux d'inoccupation d'une ville ici, dans ce débat, par rapport aux droits fondamentaux? On parle de la loi n° 63, mais quand même, nous autres, on est sur des valeurs fondamentales qu'on aurait pu insérer, qu'on aurait pu faire des changements dans la charte. Qu'est-ce que ça vient faire? Bien, ça vient faire en sorte que certaines personnes n'ont pas le droit de se loger convenablement, n'ont pas le droit de pouvoir changer de logement. Quand on parle justement des femmes battues ou des femmes violentées qui veulent justement changer de milieu, aujourd'hui, la pénurie de logement fait en sorte que toutes ces personnes-là n'ont pas de droits, n'ont pas ces droits-là, quand on parle justement des droits économiques ou sociaux.
Donc, n'aurait-ce pas été une meilleure manière de faire en sorte que l'égalité de droit devienne l'égalité de fait? C'est pour ça que je crois que ce gouvernement a eu un manque de vision globale, a voulu s'arrêter par une façade pour faire encore là un beau plan de com, dire la main sur le coeur que les valeurs québécoises, c'est important et que l'égalité hommes-femmes est une valeur primordiale. Au lieu de cette façade-là, il aurait pu justement avoir une vision plus globale qui aurait pu justement comprendre plusieurs éléments pour avoir une meilleure vision, pour avoir justement une meilleure réponse à ces personnes-là qui ont besoin de ces droits-là. Parce qu'ultimement est-ce que ce changement-là dans la charte va faire en sorte que les femmes vont être plus protégées? Peut-être que, dans les tribunaux ou dans les choses comme ça, ça va faire en sorte que certains accommodements n'auront pas lieu, ou ça va permettre... Mais c'est une loi un peu plus pour les tribunaux. Si on aurait voulu justement faire des changements pour les personnes, pour l'égalité réelle des hommes et des femmes, je crois qu'il aurait fallu plutôt aller dans les droits économiques, sociaux et culturels. Je crois que ça aurait été la voie. Je crois que c'est où on en est rendus aujourd'hui. C'est la voie qui permet justement de faire en sorte que l'égalité de droit soit une égalité de fait, et non pas seulement des voeux pieux, Mme la Présidente.
Là-dessus, je demande encore solennellement au gouvernement de faire preuve de volonté, de faire preuve, non seulement quand on parle de gouvernement de cohabitation, Mme la Présidente... Moi, je ne comprends pas que l'on dise que nos projets de loi ne sont pas valables, les deux oppositions réunies, qu'on dise par la suite que... On arrive avec des bonnes intentions pour améliorer un projet de loi, pour améliorer une charte qui est commune, avec des valeurs qui sont partagées d'un groupe... d'une famille parlementaire à l'autre. Je demande solennellement à ce gouvernement-là, Mme la Présidente, de faire en sorte que les amendements qu'on a voulu apporter puissent être écoutés ? donc, il me reste seulement que deux minutes; puissent être écoutés ? puissent être pris en compte. Parce que, comme c'est des valeurs qui sont partagées par l'ensemble de cette Chambre, j'en suis sûr, je crois que ce n'est pas quelque chose qui pourrait être réfuté. Donc, ce partage de ces valeurs-là devrait être inscrit dans cette charte. Sinon, ce ne sera pas vraiment un gouvernement de cohabitation, ça va être un gouvernement minoritaire qui prend des décisions grâce à l'ADQ qui, elle, va tout le temps dire oui à cause de sa position.
Donc, ce gouvernement minoritaire là, et non pas ce gouvernement de cohabitation, avec la collaboration de l'ADQ, va faire en sorte qu'on a manqué des occasions historiques de changer la Charte des droits, va faire en sorte qu'on aurait pu justement entreprendre un chantier plus vaste, un chantier plus global, et non quelque chose de si sectoriel comme c'est rendu là, et qui, je l'espère, va pouvoir apporter vraiment des véritables changements chez les femmes pour vraiment l'égalité. Je l'espère, c'est pour ça qu'on vote avec le principe, c'est pour ça qu'on croit qu'il doit passer. Mais on croit qu'il est incomplet, Mme la Présidente. Et j'aimerais solennellement demander au gouvernement qu'il accepte, même à cette étape-là, de faire en sorte qu'il puisse écouter nos valeurs, des valeurs qu'il partage aussi. Merci.
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Je vous remercie, M. le député d'Abitibi-Est. Je reconnais maintenant Mme la députée de Rouyn-Noranda? Témiscamingue et porte-parole du deuxième groupe d'opposition en matière de forêt et de mines. Mme la députée.
Mme Johanne Morasse
Mme Morasse: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Je suis heureuse d'intervenir aujourd'hui sur le projet de loi n° 63 garantissant l'égalité entre les femmes et les hommes.
Jusqu'à très récemment, l'égalité entre les femmes et les hommes était pour moi quelque chose d'acquis, puisque bien peu de choses au quotidien me rappelaient qu'il puisse en avoir été autrement. Cependant, depuis mon entrée à titre de députée de l'Assemblée nationale, j'ai eu l'immense privilège de côtoyer d'illustres femmes parlementaires qui se sont beaucoup investies pour cette cause. Celles-ci m'ont rappelé que cette cause demeure bien fragile. En effet, lorsqu'un gouvernement conservateur comme celui de Stephen Harper coupe dans le budget de la Condition féminine, entraînant la fermeture de 12 de ses 16 bureaux régionaux malgré son engagement public du 18 janvier 2006 à soutenir les droits humains des femmes et malgré le fait qu'il s'était engagé à prendre des mesures concrètes pour respecter ses engagements, voilà pourquoi je comprends mieux aujourd'hui l'importance de réaffirmer cette valeur au sein de la charte québécoise des droits et libertés.
Mme la Présidente, j'interviens aujourd'hui en cette Chambre pour interpeller le gouvernement afin d'inscrire deux autres valeurs, soit la prédominance du français et la séparation de la religion et de l'État, à la clause garantissant l'égalité entre les femmes et les hommes proposée par le projet de loi n° 63, qui se lit comme suit: «Les droits et libertés énoncés dans la [Charte des droits et libertés] sont garantis également aux femmes et aux hommes.» Cette clause revêt toutefois un caractère avant tout symbolique, puisque, dès son adoption en 1975, l'article 10 de la charte stipule qu'il est interdit de discriminer en fonction du sexe. La nature symbolique de cette clause a également été soulignée par le Barreau, qui affirmait que les amendements proposés viennent réaffirmer des droits qui sont expressément consacrés par la charte québécoise.
n(20 h 50)n En 33 ans d'existence, la charte québécoise des droits et libertés n'a subi que quelques rares modifications, la plus importante il y a de cela un peu plus de 25 ans. C'est pourquoi il serait sage de conférer à cet exercice plus qu'un rôle symbolique. En effet, l'inclusion dans la charte d'une clause interprétative qui traite non seulement de l'égalité hommes-femmes, mais également de la prédominance du français et de la laïcité des institutions aurait davantage de poids lorsque la charte est invoquée, par exemple lorsqu'un accommodement est réclamé.
Réaffirmer l'égalité entre les femmes et les hommes n'a rien de banal, bien au contraire. Les luttes qu'ont menées les Québécoises et les Québécois pour en arriver aujourd'hui à une égalité de fait, comme le témoigne la composition du cabinet ministériel, méritent de ne pas lâcher prise et de poursuivre le travail de ceux et celles qui nous ont précédés.
Bien sûr, cette application de l'égalité entre les hommes et les femmes a occasionné de nombreuses accommodations. Un exemple bien concret concernant la venue des femmes au sein des métiers et professions traditionnellement masculins: lorsque je suis entrée à la Faculté de foresterie et de géodésie, en 1976, il n'y avait qu'une seule toilette pour femmes; elle était cachée derrière un immense photocopieur. Les camps forestiers n'avaient pas beaucoup plus d'installations pour accommoder le personnel féminin. Le domaine minier, quant à lui, faisait preuve de bien peu d'ouverture, puisqu'on pouvait lire, dans un règlement du ministère des Richesses naturelles datant de 1971... stipulait qu'«aucune femme ou fille ne doit travailler sous terre dans une mine, sauf comme ingénieure ou géologue». Comme il y avait très peu de femmes ingénieures ou géologues à l'époque, cela faisait très peu de présence féminine dans le domaine des mines. Heureusement, les choses ont bien changé.
Il serait tellement souhaitable de poursuivre cette évolution vers un Québec qui sait afficher fièrement ses valeurs. Le Parti québécois a tenté à plusieurs reprises d'inscrire les deux autres valeurs, soit la prédominance du français et la séparation de la religion et de l'État dans la charte. À chaque amendement, les libéraux ont plaidé qu'on ne pouvait pas amener un amendement qui n'avait pas de lien avec le principe du projet de loi. Il faudrait être bien naïf pour croire que la séparation de la religion et de l'État n'a pas de lien avec l'égalité entre les hommes et les femmes. En effet, la plupart des religions présentes au Québec ne considèrent pas les femmes et les hommes de façon égale.
Pour illustrer ceci, j'aimerais vous lire quelques extraits d'un texte qu'on a récemment remis à ma fille dans le cadre d'un cours en littérature québécoise. Ces quelques extraits d'un manuel scolaire catholique d'économie domestique pour les femmes, publié en 1960, montrent bien comment il était possible à l'époque d'enseigner aux femmes qu'elles étaient inférieures. Alors, je vais juste vous en lire quelques extraits: «Écoutez-le, laissez-le parler d'abord. Souvenez-vous que ses sujets de conversation sont beaucoup plus importants que les vôtres. Faites en sorte de ne pas l'ennuyer en lui parlant, car les centres d'intérêt des femmes sont souvent assez insignifiants, comparés à ceux des hommes. Gardez à l'esprit que le plaisir d'un homme est plus important que celui d'une femme.» Bien sûr, aujourd'hui, ces affirmations nous font un peu sourire. Ma fille ne croyait pas que de tels apprentissages aient réellement existé. Heureusement, ce genre de contenu scolaire ne se retrouve plus dans nos manuels scolaires. Néanmoins, cette évolution n'est pas survenue comme par enchantement. Bien au contraire, avec le temps et beaucoup de patience, tous les Québécois et Québécoises ont construit habilement leurs institutions publiques qu'ils ont petit à petit séparées des institutions religieuses. Cependant, cette valeur québécoise que revêt la laïcité des institutions qui nous est si chère demeurera très fragile tant qu'elle ne sera pas affirmée clairement dans le cadre de la Charte sur les droits et libertés. Pourquoi faudrait-il attendre encore 25 ans pour affirmer concrètement cette valeur que partagent majoritairement les Québécoises et les Québécois? Pourquoi rater un si beau rendez-vous?
Il en est de même pour l'affirmation de la prédominance de la langue française au Québec. Même si la présence du français donne des signes alarmants de recul dans la métropole, le premier ministre refuse d'inscrire dans la charte la prédominance du français comme valeur de la société québécoise. Encore là, le gouvernement libéral prend un risque inutile en refusant d'inclure cette valeur linguistique au coeur même de notre Charte sur les droits et libertés du Québec.
Mme la Présidente, je réitère l'urgence d'agir et je demande à ce gouvernement d'inscrire deux autres valeurs à la clause garantissant l'égalité entre les femmes et les hommes proposée par le projet de loi n° 63, soit la prédominance du français et la séparation de la religion et de l'État. Malgré le manque de collaboration du gouvernement libéral face à cette demande d'inscrire les valeurs de prédominance du français et de la laïcité des institutions à la Charte des droits et libertés, je vais voter pour la réaffirmation de l'égalité entre les hommes et les femmes. Merci, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci, Mme la députée de Rouyn-Noranda?Témiscamingue. Alors, je reconnais M. le député de Sainte-Marie?Saint-Jacques, porte-parole du deuxième groupe d'opposition en matière d'immigration, de communautés culturelles, citoyenneté et métropole. M. le député.
M. Martin Lemay
M. Lemay: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Moi aussi, au même titre que mes collègues, je veux m'inscrire dans le débat. Et je veux réaffirmer, comme l'a dit notre collègue de Rouyn-Noranda, également mon intention de voter pour ce projet de loi, Mme la Présidente. Je pense qu'il faut être conscients effectivement ? et notre collègue l'a bien démontré ? et on pourrait remonter loin dans l'histoire, comment le droit des femmes, la place des femmes a, Mme la Présidente, évolué dans le bon sens au Québec.
Ceci étant dit, il faut être conscients qu'il reste encore du travail à faire, entre autres en ce qui a trait à l'équité en emploi, l'équité aussi... j'oserais dire, Mme la Présidente, l'équité du travail à la maison. Il reste beaucoup de travail à faire, mais beaucoup a été fait. Beaucoup a été fait, parce qu'il y a des femmes qui ont décidé, il y a 10 ans, 50 ans, 100 ans, 150 ans, qu'elles devaient avoir les mêmes droits que les hommes.
Donc, Mme la Présidente, ce qu'on nous présente aujourd'hui, bien que c'est incomplet, et j'y reviendrai ? ce qu'on nous présente aujourd'hui à l'égard de la reconnaissance des droits des femmes est quand même, Mme la Présidente, un pas dans la bonne direction. Et il faut quand même le reconnaître après, encore une fois, et j'insiste là-dessus... il n'y a rien qui a été gratuit, dans les droits qui ont été accordés aux femmes au courant des dernières années, des dernières décennies. Rien n'a été gratuit. Ça a été suite à de longues batailles de femmes exceptionnelles, qui se sont battues, Mme la Présidente, pour la reconnaissance de ces droits-là.
D'ailleurs, j'aimerais prendre l'occasion pour souligner le merveilleux fascicule qui nous a été envoyé dernièrement par la présidence de l'Assemblée nationale, dans lequel se retrouvent toutes les femmes qui ont siégé à cette Assemblée. Évidemment, en le regardant, on ne peut qu'avoir une certaine fierté, mais on peut quand même se questionner sur... il n'y a quand même pas un grand nombre, considérant le nombre de législatures que nous avons eues, Mme la Présidente. Il reste, de ce côté-là du moins ? et je vous vois opiner; il reste, de ce côté-là du moins ? beaucoup de travail à faire, ne serait-ce qu'au niveau de l'élection de femmes à des postes électifs justement, que ce soit au niveau des conseils municipaux et que ce soit au niveau du conseil municipal. Donc, c'est une longue lutte. Rien n'a été gratuit. Rien n'a été donné. Rien n'est arrivé par hasard, dans cette longue lutte, qui n'est pas terminée, mais dans cette longue lutte des femmes pour l'égalité des droits.
Alors, en accord, Mme la Présidente, avec ce qui nous est proposé. Mais encore une fois on ne peut que dire, comme mes collègues l'ont dit à maintes reprises... d'être déçus, Mme la Présidente, par rapport... non pas par rapport à ce qui nous est présenté, par rapport à ce qu'on a devant nous, mais par rapport à ce qu'il n'y a pas. On l'a dit à maintes reprises ce soir et bien avant, le gouvernement aurait pu prendre l'occasion solennelle, suite au dépôt du rapport de la commission Taylor-Bouchard, pour faire ce geste solennel, Mme la Présidente, et inscrire dans le préambule de la charte les trois valeurs fondamentales du peuple québécois: l'égalité effectivement entre les hommes et les femmes, la laïcité de l'État, et le français, la langue commune, la langue nationale du peuple québécois.
n(21 heures)n Le gouvernement a décidé de ne pas le faire. Et d'ailleurs on peut se poser la question... Il a décidé de ne pas joindre la parole aux actes, malheureusement. On peut se poser la question: Pourquoi? Plusieurs commentateurs dernièrement ont indiqué, et de mes collègues également, qu'il aurait été relativement simple, ce n'est pas... on ne s'embarquait pas dans un grand débat sur une constitution québécoise, on travaillait ensemble à bonifier la Charte des droits et libertés de la personne et de la jeunesse déjà existante. Donc, il nous semble que le gouvernement aurait dû saisir l'occasion pour faire ce geste fondamental. Alors, le geste qui est déposé devant nous est important, mais encore une fois, malheureusement, incomplet.
Vous comprendrez, Mme la Présidente, en ayant les dossiers que j'ai, après la commission Bouchard-Taylor, qui a sillonné le Québec, comme vous le savez, pendant plusieurs mois... On a entendu à maintes reprises de nos concitoyens et de nos concitoyennes nous partager, d'une part, leur inquiétude devant l'avenir du français en Amérique du Nord, Mme la Présidente, et également l'espèce de confusion qui entoure un certain retour du religieux sur la place publique, et ceci, Mme la Présidente, en tout respect pour tous les gens, peu importent leurs croyances personnelles religieuses.
Mais il n'en demeure pas moins que les citoyens nous ont interpellés comme élus, nous ont interpellés à ces deux niveaux. Bien sûr, nous avons, comme élus, été interpellés au niveau du droit égal des hommes et des femmes, mais également le centre, le coeur des interrogations et des inquiétudes légitimes de nos concitoyens et concitoyennes regardait aussi la pérennité du français en Amérique du Nord et la laïcité de l'espace public, ou une espèce de résurgence du religieux dans l'espace public.
Et ce que le gouvernement nous dit, c'est: On ne vous a pas entendus. Ce que le gouvernement nous dit, c'est que nous prenons, de tous ces travaux qui ont alimenté, Mme la Présidente, des débats ici, des débats dans la société... Et, Mme la Présidente, des débats sur la nature que nous avons eus... je crois que nous pouvons nous en féliciter, de la nature des débats que nous avons eus, parce que c'est des sujets délicats à avoir, Mme la Présidente, c'est des sujets délicats qu'il n'y a pas beaucoup de sociétés qui prennent la chance d'avoir des débats aussi ouverts sur l'avenir d'une nation et sur les politiques d'immigration.
Donc, quel message lance le gouvernement à l'heure actuelle? C'est: Nous vous avons entendus en partie seulement. C'est ça, le message. Puis toutes les inquiétudes qui nous ont été formulées, que ce soit dans notre travail quotidien de députés, que ce soit effectivement devant la commission Bouchard-Taylor, ou des lettres ouvertes dans les journaux, le gouvernement répond à moitié absent. Et c'est triste, Mme la Présidente. C'est triste.
Donc, le gouvernement, ce qu'il fait dans les faits, c'est qu'il donne raison à une des conclusions du rapport Bouchard-Taylor, que la société historique québécoise, que la nation québécoise doit se retirer un peu pour laisser la place aux autres. Ça fait 400 ans, Mme la Présidente, que nous occupons ce territoire, ça fait 400 ans qu'on travaille également avec les différents peuples autochtones, pas toujours comme on l'aurait aimé, il faut le dire, ça fait 400 ans que le Québec est une terre d'accueil, Mme la Présidente. Donc, une des conclusions qui nous a, nous, déçus, au niveau de notre formation politique, c'est celle-là: c'est que la société historique québécoise doive changer, bref, en d'autres mots, Mme la Présidente, c'est qu'on doit créer un nouvel homme et créer une nouvelle femme. Et ce que le gouvernement fait, à l'heure actuelle, en faisant les choses de façon incomplète, c'est qu'il donne raison... il donne raison en partie seulement aux deux coprésidents de la commission, qui par ailleurs ont fait aussi un bon travail, il faut le dire, Mme la Présidente.
Donc, c'est avec quand même un accord sur ce qui est déposé, mais c'est avec aussi une déception sur ce que ce projet de loi là, ce projet de loi ne contient pas, les deux autres valeurs communes fondamentales: la langue française, Mme la Présidente... On l'a dit, on le répète, mais je pense qu'on ne le répétera jamais assez: Près de 7 % de parlant français entourés de 330 millions de parlant anglais, je crois qu'il y a des raisons d'être un petit peu inquiets sur la pérennité de notre culture, Mme la Présidente.
Et je termine en disant ceci: Il faut, avec la Charte des droits du Québec, qu'on donne des outils aux juges, on donne des outils aux gestionnaires des services publics. Je crois qu'il aurait été mieux, Mme la Présidente, d'inclure ces deux valeurs dans notre charte que de créer une ligne 1 800 dont on ne sait pas trop, trop quel sera le contour de cette ligne 1 800, Mme la Présidente. Bref, c'est avec un appui sur ce qui est proposé, mais avec une déception sur ce qui manque dans ce projet de loi.
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Je vous remercie, M. le député de Sainte-Marie?Saint-Jacques. M. le député de Trois-Rivières et leader de l'opposition officielle.
M. Sébastien Proulx
M. Proulx: Oui, Mme la Présidente. Je serai le dernier intervenant de ma formation politique sur le projet de loi n° 63. Très heureux d'abord d'avoir l'occasion de prendre la parole sur l'adoption finale de ce projet de loi là. Vous savez, j'ai le bonheur et le privilège, comme bien d'autres collègues ici, d'avoir des enfants, et j'ai une jeune fille de quatre mois qui s'appelle Marie-Rose. Et je suis très heureux d'avoir l'occasion, aujourd'hui, de prendre la parole sur ce projet-là parce que d'abord c'est effectivement dans les faits et ça restera marqué lorsqu'elle aura l'occasion de lire et d'entendre ce qui sera fait ici. J'espère qu'elle aura la deuxième partie, pas la première, mais, bon, je lui dirai à quelle heure commencer puis à quelle heure elle n'est pas obligée de regarder. Mais ce qui est clair, c'est que, j'espère, elle sera fière qu'on a participé aujourd'hui à un débat, aujourd'hui et depuis un certain temps, sur ce débat-là sur l'article 63. Parce que c'est important de toujours rappeler, puis de le faire le plus souvent possible, dans tous les outils qu'on a à notre disposition, de rappeler cet équilibre, cette égalité, ce qui, pour moi, est un fait, hein, tu sais. Souvent, quand on est tout jeune, on commence dans la vie, on se lance dans le travail, on sort des études. Pour moi, dans ma génération, c'était comme acquis, ça. Puis on se rend compte que ce n'est pas tout le temps le cas, on se rend compte que, dans notre société, il y a des gens qui ne le vivent pas comme ça et qu'on a besoin de le rappeler, et on a besoin souvent de le sanctionner dans des lois.
Par contre, si je vais au bout de ma réflexion, il faut aussi que ma fille connaisse le contexte dans lequel on a fait l'adoption du projet de loi n° 63. Et la question qu'elle me posera, j'en suis sûr, c'est la suivante: Pour quelle raison on a déposé ce projet de loi là avant la sortie du rapport Bouchard-Taylor? Et je serai obligé de lui dire que j'espère ? puis peut-être que j'en serai convaincu à ce moment-là, mais aujourd'hui je n'en suis pas convaincu ? que ce n'est pas parce qu'on cherchait, par ça, à donner la réponse finale au rapport sur les accommodements raisonnables. Et, vous savez, si tel est le cas de la part du gouvernement, c'est...
Des voix: ...
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Un instant, M. le leader. À l'ordre, s'il vous plaît! Je voudrais... seul un député a la parole. M. le député.
M. Proulx: C'est ce que j'avais compris.
Une voix: ...
n(21 h 10)nM. Proulx: C'est ce que j'ai compris. D'ailleurs, vous aurez remarqué, Mme la Présidente, pour arriver au député de Saint-Laurent, que je ne m'étais pas plaint de grand-chose jusqu'à maintenant.
Alors, je continue en disant que ce qui est important, c'est qu'on sache, nous. Puis le malaise, pour certains parlementaires, en tout cas, je pense, du côté de l'opposition officielle, c'est, d'un côté, dire oui à l'adoption du projet de loi n° 63, mais, de l'autre, ne pas être certain que c'était là l'occasion véritable qu'ils souhaitaient entreprendre, c'est-à-dire mettre dans la charte cette égalité tel que c'est là. Qu'on veuille le faire à un moment précis de notre histoire, c'est correct. Qu'on utilise l'Assemblée nationale pour des débats comme celui-là, c'est correct. Qu'on utilise Bouchard-Taylor pour faire ça puis en faire une position courageuse, je pense que c'est un peu écrire une histoire différente de celle qui a été vécue dans les dernières semaines, dans les derniers mois et dans la dernière année. C'est le reproche que j'ai fait à peu près à toutes les étapes, Mme la Présidente, où j'ai participé dans le cadre du projet de loi n° 63 puis c'est le reproche que je vais continuer à faire, parce que force est d'admettre qu'il n'y a rien d'autre au lendemain du rapport sur les accommodements raisonnables.
Vous savez, c'est beau de l'avoir inscrit dans les textes, la pratique... Et là je me réfère à une jeune et assez courte quand même carrière de juriste, mais qui existe quand même, Mme la Présidente, où je sais très bien qu'au-delà des textes, au-delà de la théorie, bien, il y a la pratique puis il y a l'application puis l'interprétation qu'on veut bien y donner. On a beau avoir les lois, avoir les textes, avoir toutes les valeurs qu'on veut codifier, il n'en demeure pas moins qu'il y a une façon de les appliquer dans notre société, il y a un enlignement qui sera donné par des juges, par la façon dont le gouvernement voudra, dans l'application quotidienne du rapport sur les accommodements, comme la ligne 1 800, il y a une application quotidienne qui devra être faite de cette égalité-là et d'autres valeurs qu'on souhaite protéger de cette façon-ci.
Alors, là-dessus, des mots les plus simples possible, Mme la Présidente, pour dire: Oui, l'opposition officielle est heureuse d'avoir participé à ces débats-là. Je veux saluer encore ceux et celles qui l'ont fait de ma formation politique, tout en vous rappelant que ce que j'ai entendu du premier ministre dans les discours, c'est qu'il portait cette cause-là courageusement. Et, bon, je suis à l'Assemblée nationale à peu près à tous les jours où ça siège, du matin jusqu'au soir, je n'en manque pas beaucoup, des heures au salon bleu. Et ce que je peux vous dire, c'est que l'opposition à ce projet de loi là puis à ce principe-là tel qu'il semblait vouloir le démontrer pour ceux qui nous écoutaient, bien, elle n'existait pas dans les faits. Les gens ici, à l'Assemblée, lui ont dit: Oui à 63, mais non au fait que ce sera votre seule et unique réponse au rapport sur les accommodements raisonnables.
Je voudrais, avant de clore, Mme la Présidente, dire quelques mots sur la façon dont le Parti québécois a tenté ? puis je le dis dans le même esprit ? de faire inclure d'autres valeurs au projet de loi n° 63. D'abord, je dois vous dire que je pense et je demeure convaincu, et c'est, je suis convaincu, la position, l'esprit dans lequel l'opposition officielle a travaillé ce projet de loi là, que, lorsqu'on veut modifier la charte, lorsqu'on veut la bonifier puis y insérer de nouveaux textes, de nouveaux principes, des valeurs très fortes, là, puis aussi fondamentales que l'égalité ou d'autres valeurs qu'ils auraient souhaité mettre à l'intérieur de ce texte-là, bien, on ne peut pas, je pense, le faire dans un parcours qui est en marche. Et le train du projet de loi n° 63 était parti de la gare pour se rendre à aujourd'hui. Les consultations qui avaient lieu avaient lieu sur le projet de loi n° 63. Et, aujourd'hui, on se retrouve dans la situation où l'Assemblée nationale s'est déclarée satisfaite, puis les parlementaires se sont déclarés satisfaits de ce qu'ils ont entendu pour l'égalité entre les hommes et les femmes. Alors, à mon avis, il était sage, à ce moment-là, qu'on s'en tienne à ce principe-là. C'est la position qu'on a défendue, à l'opposition officielle, c'est la position que je défends encore aujourd'hui.
Mais je tiens à le dire et à le répéter, ce sera mes derniers mots sur le sujet, vous n'aurez pas besoin de me dire qu'il me reste quelques secondes, parce que l'idée, ce n'est pas d'y faire du temps, mais c'est de vous dire franchement ce que j'en pense: Ce qu'on demande au gouvernement du Québec, c'est d'aller au-delà de ça. Le courage, là, c'est dans les choses difficiles à faire, c'est là qu'on va reconnaître du courage pour le gouvernement du Québec. Et qu'est-ce qui arrive dans les situations pratiques, qu'est-ce qui arrivera dans nos institutions publiques, qu'est-ce qui arrivera quand quelqu'un voudra entendre parler de cette égalité-là puis de se dire: Moi, je suis dans une situation où je ne le sais pas si je peux ou non accommoder? N'oubliez jamais, Mme la Présidente, que le malaise identitaire qu'on a nommé ainsi pour les accommodements raisonnables, bien c'est dans les gestes quotidiens de ceux qui ont à les décider.
Alors, nous, ici, on peut bien tenter d'y réfléchir puis de tenter de mettre toutes les balises théoriques possible, ce qu'on attend du gouvernement, c'est des balises concrètes pour que les gens qui ont à prendre des décisions dans notre société soient capables de les prendre dans le respect de chacun des gens qui habitent ici. C'est, à mon sens, le message qu'il fallait laisser. Notre société, elle est forte, notre société, elle a son identité, elle est respectueuse des autres, elle a le droit au respect, parce que, si elle s'aime, elle saura aimer l'autre. Alors, ce qu'on demande au gouvernement, c'est des mesures concrètes, c'est d'aller au-delà de 63 et de nous dire ce qu'on va faire puis ce qu'on va répondre aux gens quand ils appelleront dans ce qui sera désormais appelé la ligne 1 800 accommodements. Merci.
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci, M. le leader de l'opposition officielle. Je reconnais maintenant M. le député de Labelle, porte-parole du deuxième groupe d'opposition en matière de faune, de parcs et de tourisme. M. le député.
M. Sylvain Pagé
M. Pagé: Oui. Je vous remercie, Mme la Présidente. Alors, il y a des moments où on se lève dans cette Chambre mais pour prononcer un discours, prendre la parole sur des projets de loi qui ont une portée nettement plus importante que d'autres projets de loi. On se lève dans cette Chambre souvent pour toutes sortes de projets de loi. Je me suis levé ici sur l'environnement, des dossiers sur le tourisme, parce que j'en suis le porte-parole. Mais, quand on se lève pour parler de la Charte des droits et libertés, c'est quelque chose qui est nettement au-delà de tout le reste.
D'ailleurs, si je reprends les mots de la ministre ce matin, elle disait que la Charte des droits et libertés est quasi constitutionnelle. Ce n'est pas rien. Elle disait également que c'est un document important à l'intérieur de notre législation, où on peut baliser nos valeurs, les valeurs qui transcendent toutes les formations politiques, les valeurs qui sont les valeurs communes du peuple du Québec, de la nation québécoise. Et c'est pour cette raison qu'il existe une charte des droits et libertés, une charte des droits et libertés depuis 1973, donc depuis 35 ans, si je ne m'abuse, et qui aura été remaniée au fil des ans, et qui, aujourd'hui, l'est une fois de plus en confirmant la notion des valeurs d'égalité d'hommes et de femmes.
Vous savez, Mme la Présidente, on aurait pu aller beaucoup plus loin. Et le peuple du Québec nous le demande. Il nous l'a manifesté depuis l'automne 2006, lorsqu'il y a eu ce fameux débat des accommodements raisonnables qui a soulevé plein de questions au Québec, où je pense que 300 ou 400 mémoires ? je ne sais plus combien ? ont été déposés à la commission Bouchard-Taylor. Et les citoyens sont venus nous dire quoi fondamentalement? Les citoyens sont venus nous dire qu'ils veulent habiter le Québec, qu'ils veulent l'habiter, cette terre de paix, mais qu'ils veulent le faire en partageant des valeurs communes.
Et ces valeurs qui ont été exprimées et qui sont revenues constamment à travers les 300 ou 400 mémoires qui ont été déposés, ce sont des valeurs d'égalité d'hommes et femmes, que nous reconnaissons, j'en conviens, avec la modification de la Charte des droits et libertés du Québec en vertu du projet de loi n° 63 que nous allons adopter et pour lequel nous consentons. Mais il y a eu unanimité également pour dire que nous devons tous avoir aussi cette valeur de partager cette langue commune qui est le français, la séparation des pouvoirs, la laïcité, donc séparation des pouvoirs entre l'État et la religion.
Et nous sommes revenus à plusieurs occasions pour demander à ce gouvernement d'aller beaucoup plus loin, d'aller beaucoup plus loin que de nous proposer que l'égalité hommes-femmes, cette égalité qui nous est proposée plus de façon symbolique qu'autre chose. Parce que, si on avait voulu aller véritablement beaucoup plus loin, on aurait intégré... on aurait touché aux articles 39 à 48 de la Charte des droits et libertés qui touchent aux droits économiques, qui touchent aux droits sociaux. Malheureusement, on n'est pas allé jusque-là.
Donc, bien malheureusement, Mme la Présidente, on est encore beaucoup plus dans le faire semblant, malheureusement dans le faire semblant. Quand je dis ça... pourquoi je dis ça? C'est que, quand le premier ministre s'est levé ici, le jour même du dépôt de la commission Bouchard-Taylor, il s'est levé ici sur un ton très solennel, a prononcé un excellent discours où il nous laissait croire qu'il irait très loin dans sa position. Deux jours après, il se payait une pleine page dans La Presse. Je l'ai en format réduit mais avec une très grosse photo parce que le texte était très court. Mais, à l'intérieur de cette publicité, il écrivait: «L'égalité entre les [hommes et les femmes], la primauté du français et la séparation entre l'État et la religion font partie de ces valeurs fondamentales. Elles sont à prendre avec le Québec.»
n(21 h 20)n Il nous a donné l'impression qu'il irait au bout de ses convictions. Et pourtant qu'est-ce que le premier ministre et la ministre nous ont proposé? Ils nous ont proposé d'aller jusqu'au bout de ses convictions en partie avec la notion d'égalité hommes-femmes, mais rien, rien à l'égard de la langue française, rien à l'égard de la séparation des pouvoirs entre l'État et la religion. Et pourtant, Mme la Présidente, tout cela fait consensus et pourtant même certains médias ont repris ses propos en disant que le premier ministre et le gouvernement n'allaient pas assez loin.
Dans le journal Le Soleil, on pouvait lire cette semaine, cette semaine... En fait, j'aurais pu reprendre tout ce texte du journal Le Soleil, et je vous dirais que c'est, à toutes fins pratiques, la position qui est partagée à peu près dans l'ensemble du Québec. On commence en y disant: «Le premier ministre [...] se gargarise de L'idée de "cohabitation". Il vient malheureusement de rater une occasion de la vivre à fond. Dès le lendemain de la parution du rapport Bouchard-Taylor, le gouvernement québécois a fait paraître une pleine page de publicité ? comme je vous disais ? dans les journaux. Il voulait rassurer les inquiets. Non, il ne laisserait pas les "valeurs fondamentales" du Québec être bradées. On allait voir ce qu'on allait voir... Dans cette pub, on pouvait lire: "L'égalité [des hommes et des femmes], la primauté du français, la séparation des pouvoirs de l'État et de la religion[...]. Or, la semaine dernière, pendant trois jours[...], [notre] chef du Parti québécois [...] a demandé au premier ministre d'être logique avec lui-même ? d'être logique avec lui-même.» Un peu plus loin, on y lit: «Il faut se rappeler que le gouvernement libéral a décidé il y a plusieurs mois d'amender la charte pour y faire inscrire noir sur blanc [l'égalité des hommes et des femmes]. Une initiative pertinente, même si cette égalité y était implicitement reconnue. Mais pourquoi ne pas faire la même chose avec la primauté du français et la séparation entre l'État et la religion ? pourquoi? Si ces valeurs sont toutes jugées fondamentales, pourquoi ne pas les imprimer toutes les trois dans le document le plus fondamental adopté par l'Assemblée nationale?» Il me semble que ce message, il est clair. Il me semble que ce message, il est partagé par l'ensemble des Québécois et des Québécoises. Peut-être, peut-être n'allons-nous pas aussi loin parce que la Charte canadienne des droits et libertés, elle, va aussi loin que cela. Cette Charte canadienne des droits et libertés qui... sept pages, 34 articles, on peut y lire, Mme la Présidente, l'article 16: «Langues officielles du Canada. Le français et l'anglais sont les langues officielles du Canada; ils ont un statut et des droits et privilèges égaux quant à leur usage dans les institutions du Parlement et du gouvernement du Canada.»
Peut-être avions-nous peur d'entrer en contradiction avec la charte des droits et libertés du Canada? Peut-être. Et évidemment, avec tout le dossier de la séparation des pouvoirs, on touche là aussi tout le multiculturalisme et peut-être avions-nous, encore une fois, peur d'aller contredire la charte des droits et libertés du Canada. Mais il me semble que, quand nous sommes deux nations, nous devrions chacun avoir notre charte des droits et libertés. Nous devrions chacun exprimer ce que nous sommes, les valeurs que nous partageons.
Mme la Présidente, je sais qu'il me reste bien peu de temps, mais, comme le disait la chef de notre formation politique, il faut baliser le vivre-ensemble. Il faut envoyer un message clair aux gens qui partent de l'étranger et qui viennent ici, au Québec, à savoir: le Québec partage les valeurs hommes-femmes, langue française, séparation des pouvoirs, et il faut le faire avant qu'il ne soit trop tard. On pourra toujours revenir un jour, mais il n'est pas trop tard, dans cette Chambre, aujourd'hui, pour revenir sur le projet de loi. Avec le consentement de la Chambre, vous savez, Mme la Présidente, vous le savez autant que moi, ça fait longtemps que vous êtes ici, vous savez qu'on pourrait rappeler le projet de loi avec le consentement de cette Chambre et aller au bout de ce raisonnement qui est partagé par l'ensemble des Québécois et des Québécoises.
Mme la Présidente, en fait, vous le savez, notre formation politique propose que le Québec devienne un pays. Et je pense que ce serait la meilleure façon en bout de piste pour que cette question soit réglée définitivement. Mme la Présidente, pour mettre fin au débat, il faut que le Canada ait sa charte, mais il faut aussi que le Québec ait sa charte; il faut que le Canada ait sa constitution, il faut aussi que le Québec ait sa constitution. Mme la Présidente, pour mettre fin au débat, il faut que la nation canadienne ait son pays, mais il faut aussi que la nation québécoise ait aussi son pays. Je vous remercie, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Je vous remercie, M. le député de Labelle. Je reconnais maintenant M. le député de Borduas et porte-parole du deuxième groupe d'opposition en matière de culture, communications et langue. M. le député, pour 10 minutes.
M. Pierre Curzi
M. Curzi: Merci, Mme la Présidente. Merci, chers collègues du Parti libéral. Je sens que vous attendiez avec impatience que je prenne la parole, hein?
Des voix: ...
M. Curzi: Absolument. Merci de ce concert d'approbation. Sachant que probablement tout a été dit et que rien n'a été écouté, je vais me permettre d'ajouter quelques phrases, Mme la Présidente. Parce que, dans le fond, on peut s'interroger, Mme la Présidente ? vous avez tout écouté évidemment, ça fait partie de votre fonction et je vous en suis tout à fait gré et je reconnais en vous une oreille attentive ? alors qu'est-ce qu'on fait, dans le fond, ici? Parce qu'il est quand même relativement tard en soirée et nous avons tout dit ou à peu près. Nous avons tout dit, alors pourquoi nous obstinons-nous à prendre la parole, sinon pour témoigner de nos convictions les plus profondes et les plus intimes?
Le paradoxe, dans cette Chambre, Mme la Présidente, c'est sans nul doute qu'avec mes collègues d'en face je partage des valeurs communes. Et c'est vrai. Et, on l'a dit ad nauseam, ces valeurs-là, elles sont à peu près les mêmes. S'il y a quelque chose que l'ensemble des citoyens et l'ensemble des élus partagent, ce sont bien des valeurs communes qu'on a identifiées, que le premier ministre a effectivement publiées dans les journaux. Ces valeurs-là, elles sont connues: c'est la prédominance ou la primauté de la langue française, c'est l'égalité entre les hommes et les femmes et c'est la séparation entre l'Église et l'État.
Que sommes-nous donc en train de faire, sinon probablement de manquer un autre de ces moments historiques où nous pourrions collectivement marquer l'histoire, la courte histoire de notre nation, d'un geste réel, d'un geste qui relève et qui incombe à notre responsabilité qui serait enfin, pour une fois, finalement, après tant de temps, d'enchâsser ces trois valeurs fondamentales?
Peut-être est-il utile ou peut-être est-il inutile, Mme la Présidente, je ne le sais pas, de faire une sorte d'historique. C'est un historique qui peut être assez bref parce que finalement l'histoire commence à partir du moment où on se pose la question des accommodements raisonnables. Et qu'est-ce qu'on se pose comme question quand on se pose la question des accommodements raisonnables? On se pose tout simplement la question du partage qu'il y a entre un droit individuel et comment ce droit individuel va s'exercer dans notre société libre et démocratique.
Et il s'agit là d'un processus parfaitement juridique, tout le monde reconnaît qu'il s'agit là d'un processus juridique. Et, pour toutes sortes de raisons que la commission Bouchard-Taylor a qualifiées, a nommées, pour toutes sortes de raisons, cette question-là purement juridique où on devrait pouvoir prendre une décision claire, une décision politique ferme qui fait preuve d'un certain courage, cette décision-là n'est pas prise. Et, à défaut de prendre une décision claire et précise, on décide de créer un organisme qui s'appelle une commission, la commission Bouchard-Taylor. Mais, dans le fond, la question qui était posée au moment où on s'est posé la question des accommodements raisonnables, c'était: Quelle est la part de raison qu'on doit appliquer pour, jusqu'à un certain point, favoriser des situations particulières dans notre société? Il y avait des réponses juridiques claires. On a cependant décidé, malgré tout, de ne pas avoir le courage politique d'y répondre et d'entamer un processus qui s'est appelé ce processus de consultation de la commission Bouchard-Taylor.
Ceci dit, après le fait, on a été obligés de reconnaître qu'il y avait là un exercice en quelque sorte de psychanalyse, si j'ose dire, de notre société, une occasion assez rare, assez unique de voir comment on pouvait concrètement, démocratiquement, ouvrir les vannes d'une réflexion collective et laisser l'ensemble des citoyens venir exprimer leurs craintes, leurs désirs et leurs... oui, leurs craintes et leurs désirs essentiellement. On a entendu exprimer plusieurs craintes, plusieurs touchaient à l'aspect identitaire.
Dans le même temps et au même moment, il y avait une réflexion que nous avons menée dans notre parti, une réflexion très libre et très constructive où on s'est dit: Il s'agit maintenant de proposer aux citoyens un projet de loi qui saurait reconnaître ce qui est le fondement de leur identité, ce sur quoi ils sont tous d'accord, tous et toutes d'accord, et ce qui nous permettrait, si on avait le courage politique de le faire, non seulement de reconnaître ces valeurs-là, mais d'en faire une clause interprétative qu'on intégrerait dans la charte des droits et libertés.
n(21 h 30)n Et nous sommes allés plus loin, Mme la Présidente, nous avons même proposé un projet de constitution et d'intégrer cette charte dans une constitution, donc de se donner des outils normaux démocratiques pour assumer pleinement les valeurs identitaires que toutes et tous vivent constamment. Malheureusement, et c'est bien le cas de ce qui se produit depuis quelque temps, bien qu'on reconnaisse et qu'on ne puisse pas faire autrement que de reconnaître totalement et parfaitement la légitimité de l'égalité entre les hommes et les femmes, nous insistons, nous insistons pour dire qu'il y avait là une occasion unique, qu'il y a là une occasion unique enfin d'enchâsser ces valeurs-là et d'avoir la dignité de notre courage collectif.
Quand j'entends mon collègue de l'ADQ dire que le train était parti et qu'il serait inutile de vouloir l'enrichir, je me dis: C'est navrant. C'est navrant parce que le moment où quelque chose naît, il faut accompagner cette naissance-là. Et nous avions là l'occasion de donner naissance à un projet à une unanimité collective exceptionnelle, exceptionnelle. Pourquoi nous ne l'avons pas fait? Tout le monde connaît les motifs, tout le monde connaît les raisons et tout le monde les déplore. Évidemment que nous déplorons les motifs qui ont présidé à ce refus, ce refus clair et net d'une Assemblée nationale composée de citoyennes et de citoyens qui me ressemblent, qui partagent avec moi les mêmes valeurs, ce refus très net de dire: Nous allons oblitérer deux des valeurs essentielles que nous reconnaissons par ailleurs et nous allons refuser de les entériner clairement et objectivement.
On comprend, on comprend qu'il s'agit là d'un choix politique fondamental, d'un choix politique fédéraliste qui se dit: Nous ne pouvons pas reconnaître ce que par ailleurs nous nions en acceptant qu'une charte canadienne des droits et libertés puisse servir à contester l'objet même de notre fierté, l'objet même de notre survie, ce que, nous, actuellement nous allons fêter avec éclat, c'est-à-dire ces 400 ans d'existence d'une colonie de Français qui ont débarqué et conquis ce pays, qui l'ont fait, qui l'ont nommé et qui veulent continuer à le nommer. Il s'agit là, à mon sens, d'une grave démission de cette Assemblée nationale. Je le déplore. Et, malgré les sourires et les rires de la ministre de la Culture, je continuerai à le déplorer.
J'espère qu'il y a un peu d'émotion qui naît en vous, chers collègues, parce qu'il y a quelque chose d'un peu vrai quand même qui est avoué ici, qui a été dit et redit par tous ceux qui ont pris la parole...
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): M. le député de Borduas, je vous invite à vous adresser à la présidence, s'il vous plaît.
M. Curzi: J'espère que mes collègues le reconnaissent, Mme la Présidente, parce que je trouve qu'il y a quelque chose d'un peu triste dans ce déni de ce que nous partageons. Et pour ma part, j'ajouterai que l'avenir de ce que nous sommes sera certainement fonction des décisions que nous prenons. Et, au-delà de la joute politique, il y a fondamentalement une sorte d'adhésion à notre histoire, à notre patrimoine, à notre langue, à ce que nous avons été, à ce que nous voulons être et à ce que nous voulons devenir, qui actuellement, malgré les apparences, se joue ici. C'est un choix dont nous porterons tous la responsabilité. Merci, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Je vous remercie, M. le député de Borduas. Je reconnais maintenant M. le ministre de la Justice et de la Sécurité publique. M. le ministre.
M. Jacques P. Dupuis
M. Dupuis: Le député de Borduas, Mme la Présidente, est un homme de théâtre, nous le savons tous, et il vient encore d'en faire la preuve ce soir: il a fait du théâtre. Quand il dit: L'avenir de ce que nous sommes dépend des décisions qu'on prend, il oublie de dire qu'en 1980 il y a eu une décision de prise par le peuple québécois; ils ne l'ont jamais acceptée. En 1995, une autre décision a été prise par le peuple québécois, et il oublie de le dire. Un député...
Des voix: ...
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): M. le ministre, compte tenu de votre expérience, je vous inviterais à vous adresser à la présidence. Et seul le ministre a le droit de parole. M. le ministre.
M. Dupuis: C'est à vous, Mme la Présidente, que je m'adresse en faisant référence bien sûr au discours qu'a prononcé le député de Borduas. Parce qu'il a dit, dans son discours: L'avenir dépend des décisions que nous prenons. En 1980, il y a une décision qui a été prise par le peuple québécois. En 1995, la décision a été prise, eux ne l'ont jamais acceptée.
Il y avait un vieux député, Mme la Présidente, mon prédécesseur dans Saint-Laurent, qui disait: Avec les péquistes, on joue tant qu'ils ne gagnent pas; quand ils vont gagner, on va arrêter de jouer, mais, tant qu'ils ne gagnent pas, on va continuer à jouer. C'est ça, la non-acceptation de la démocratie. Moi, là, j'en ai assez de les entendre venir nous parler de démocratie, Mme la Présidente, alors qu'on fait deux référendums où on fait un comité du Oui, on fait un comité du Non, tout le monde a le droit de s'exprimer, puis, quand le peuple rend une décision, ces gens-là ne l'acceptent pas. Puis ils nous parlent de démocratie. Ils nous parlent de démocratie. Il faut le faire!
La constitution, le projet de constitution qu'ils ont déposé il n'y a pas très longtemps, Mme la Présidente, il est divisif, c'est pour ça qu'il n'est pas acceptable. Il a été critiqué de toutes parts parce qu'il est divisif. Ces gens-là veulent nous faire accroire, Mme la Présidente, qu'ils vont réunir les gens. Pas du tout, leur projet, il est divisif, d'une part.
D'autre part, Mme la Présidente, ils me font rire. Leur projet de constitution, vouloir entrer dans la constitution le français, vouloir entrer la primauté du français, vouloir entrer dans la constitution la laïcité, alors que ces deux concepts, qui sont deux principes fondamentaux, deux valeurs fondamentales de la société québécoise, oui, sont quand même des principes, Mme la Présidente, dans lesquels il y a des nuances, des nuances politiques entre leur position, la nôtre et celle de l'opposition officielle. C'est pour ça, Mme la Présidente, que vouloir faire entrer ces valeurs fondamentales actuellement dans le projet de loi n° 63, ça voudrait dire ne jamais être capable de faire adopter la constitution, c'est ça que ça veut dire. C'est pour ça, Mme la Présidente, qu'on résiste.
Valeur fondamentale, égalité hommes-femmes, là-dessus on s'entend tout le monde, faisons-le, soyons heureux de le faire, Mme la Présidente, parce que c'est une reconnaissance d'une valeur. Soyons positifs, regardons en avant. Le reste, Mme la Présidente, ce sont des discussions entre les différents partis.
J'entendais, l'autre jour, un représentant de l'opposition officielle dire: Nous autres, on serait bien d'accord pour adopter une constitution, à l'ADQ, à la condition que la deuxième opposition retire son projet. Bien oui, comme si ça allait se produire.
Alors, Mme la Présidente, il faut quand même être raisonnable, il faut être rationnel puis il faut être réaliste. Il y a actuellement un projet de loi, le projet de loi n° 63, qui veut reconnaître une valeur fondamentale qui fait l'unanimité partout, faisons ça, faisons ça. Puis ensuite, bien, comme le dit le député de Borduas, l'avenir dépend des décisions qu'on prend, encore faudrait-il qu'eux respectent les décisions que les Québécois prennent et les acceptent, les acceptent. C'est ça, la démocratie. Alors, les leçons de démocratie, là, ça va faire. Merci.
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Je vous remercie, M. le ministre. Y a-t-il d'autres interventions sur le projet de loi n° 63? Je vais vous attendre, Mme la députée.
Alors, je reconnais Mme la députée de Taillon et porte-parole du deuxième groupe d'opposition en matière d'éducation et d'enseignement supérieur. Mme la députée.
Mme Marie Malavoy
Mme Malavoy: Juste quelques instants, si vous permettez, Mme la Présidente, je comprends qu'on veut clore cette période, mais je trouve que nous avons été très interpellés, il y a quelques instants, par la notion de démocratie. S'il y a une chose qui est vraie de la démocratie, c'est qu'elle ouvre toutes larges les portes et les fenêtres pour faire entrer des idées, et que jamais elle ne ferme les portes, et que jamais elle ne ferme les fenêtres à double tour. Ce que vient de nous démontrer mon collègue à l'instant, c'est que sa notion de la démocratie, c'est qu'une fois que c'est terminé on n'en parle plus. Eh bien, je me permets de vous dire, Mme la Présidente, que, quand il s'agit des valeurs fondamentales, quand il s'agit des valeurs auxquelles nous adhérons, on va toujours continuer d'en parler, il n'y a jamais de page qui soit tournée à tout jamais.
n(21 h 40)n Et, dans ce projet de loi n° 63, que voulons-nous dire? Une chose extrêmement simple: nous voulons précisément exprimer la démocratie et nous voulons précisément exprimer aux gens qui vont venir se joindre à notre démocratie, parce qu'ils penseront qu'ici il fait bon vivre, qu'ici il fait bon vivre mais sous un soleil qui a quelques couleurs. Et, parmi ces couleurs, il y a celui de l'égalité entre les hommes et les femmes, soit, mais il y a aussi le fait que nous sommes un peuple francophone en Amérique et que cela est très précieux. C'est précieux pour nous, bien sûr, qui sommes les tenants de cette culture francophone en Amérique, mais je pense que c'est précieux également pour le reste du monde qu'il existe ici un peuple francophone et qu'il veuille l'enchâsser dans sa Charte des droits et libertés, de même que c'est précieux de penser que ce même peuple du Québec souhaite inscrire dans sa Charte des droits et libertés des notions de laïcité. Pourquoi? Parce qu'un des grands progrès, je crois, un des grands progrès du monde moderne, c'est d'avoir précisément réussi à distinguer ce qui est du ressort de la religion et de la foi de ce qui est du ressort de l'État et de la chose publique. Et, en voulant enchâsser cette idée-là dans la Charte des droits et libertés, nous ne faisons que refléter précisément l'esprit de la démocratie.
Et c'est vrai, Mme la Présidente, et c'est normal, et c'est souhaitable que, tant que nous n'aurons pas réussi à obtenir ce qui nous semble être les valeurs les plus fondamentales dans notre charte, tant que notre projet n'aura pas été au bout de sa course, nous reviendrons à la charge. Et c'est ça aussi, la démocratie, de ne jamais s'avouer vaincus, de toujours remettre sur le métier, quand nous pensons que c'est légitime, les valeurs qui nous tiennent à coeur.
Je me permets de conclure simplement sur ces mots. Nous avons là, comme le disait mon collègue de Borduas, une très belle occasion. Et je suis des gens qui croient que les parlementaires ne font pas que tenir le temps, en soirée, comme nous le faisons aujourd'hui. Je pense que les parlementaires, quand ils s'expriment, ils s'expriment aussi pour plaider en faveur de grandes valeurs et qu'ils ont des occasions de faire que ces valeurs ne soient pas simplement des mots mais inspirent nos actions. Parce que ce qui est important, Mme la Présidente, ce n'est pas uniquement ce que nous faisons ce soir, c'est ce que nous ferons demain dans chacune de nos actions, dans chacun des coins du Québec où nous vivrons en nous inspirant de ces valeurs. Et, être des parlementaires, c'est simplement essayer de refléter un certain nombre de grandes idées dont nous pourrons ensuite alimenter et agrémenter nos actions.
Et je me permettais simplement de conclure sur cette idée parce que, comme vous le sentez probablement, les réactions de mon collègue ne me laissaient pas indifférente et je souhaitais avoir l'occasion d'en dire quelques mots de mon cru. Merci.
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Je vous remercie, Mme la députée de Taillon. Alors, Mme la ministre, pour votre droit de réplique de 20 minutes, si vous le souhaitez. Mme la ministre.
Mme Christine St-Pierre (réplique)
Mme St-Pierre: Merci, Mme la Présidente. Mme la Présidente, je suis très heureuse d'avoir piloté ce projet de loi et je l'ai fait en pensant à mes grands-mères, Annette et Édith, je l'ai fait en pensant à mère, Berthe, et, ce soir, je pense que je vais le dédier à Marie-Rose, quatre ans, qui serait certainement heureuse plus tard de voir que son père a eu cette sagesse d'applaudir à ce projet de loi n° 63 sur l'égalité entre les hommes et les femmes.
Mme la Présidente, nous avons déposé ce projet de loi et par la suite, au mois de février, nous avons tenu une commission parlementaire. Il y a eu 30 mémoires qui ont été déposés, 27 groupes qui ont été tendus, et ces 27 groupes étaient entendus sur la question qui était devant eux, c'est-à-dire l'égalité entre les hommes et les femmes. Le projet de loi n° 63 porte sur la notion d'égalité entre les hommes et les femmes. Bien sûr, il a été question de d'autres sujets, il y en a qui ont émis des idées, mais fondamentalement c'était sur l'égalité entre les hommes et les femmes que portait ce projet de loi. Et ce projet de loi porte sur l'égalité entre les hommes et les femmes.
Je voudrais vous citer, Mme la Présidente, quelques réflexions. Au moment du projet de loi, la juge Claire L'Heureux-Dubé, ex-juge de la Cour suprême du Canada, nous a fait parvenir ce commentaire et a permis que ce commentaire soit publié. Alors, je cite Mme la juge Claire L'Heureux-Dubé, ex-juge de la Cour suprême du Canada: «J'appuie sans réserve l'ajout de l'article 42 à la charte québécoise. C'est une affirmation de principe sans ambiguïté de cette valeur fondamentale qu'est l'égalité des sexes dans la société québécoise comme elle l'est dans la société canadienne».
Pendant la commission parlementaire, Mme la Présidente, il y a eu beaucoup de commentaires pour appuyer ce projet de loi. La plupart, la grande majorité d'ailleurs appuyait ce projet de loi. Je cite Me Julie Latour, coprésidente du Forum des femmes juristes de l'Association du Barreau canadien: «C'est une omission historique que l'on répare. On arrime notre charte avec la charte canadienne, et c'est une modification qui bénéficie à toutes les femmes du Québec, quelles que soient leurs origines. Et, sans donc entrer dans d'autres dédales ou réflexions, pour une fois, je le répète, que les femmes passent avant, se mettent en avant.» Fin de la citation.
Mme Michèle Asselin, présidente de la Fédération des femmes du Québec: «...la Fédération des femmes du Québec appuie la reconnaissance formelle du droit des femmes à l'égalité dans la charte québécoise. Le mot "femmes" n'apparaît pas encore dans la charte. Il nous semble qu'une telle reconnaissance est non seulement appropriée, mais qu'elle est aussi conséquente avec le développement du droit international depuis 1975.» Me Louise Langevin, titulaire de la Chaire d'étude Claire-Bonenfant: «...on se trouve à corriger une erreur historique. La reconnaissance du droit à l'égalité entre les hommes et les femmes aurait dû avoir été placée là lorsqu'on a adopté la charte, en 1975. [...]Ça n'a pas été fait. On la corrige maintenant, cette erreur-là.» Alors, Mme la Présidente, ce ne sont là que quelques citations qui ressortent de cette commission parlementaire qui s'est tenue au mois de février, commission parlementaire qui a porté sur cette notion d'égalité entre les hommes et les femmes.
Et je vous cite maintenant une lettre que le Barreau du Québec nous a fait parvenir le 25 mars dernier. Le Barreau du Québec a étudié en profondeur ce projet de loi et a dit, et je cite: «...le Barreau [...] trouve bien inspirée cette initiative du gouvernement du Québec de rappeler l'importance qu'il accorde à l'égalité des femmes et des hommes dans notre société. [...]Le Barreau du Québec a toujours été d'opinion que l'égalité entre les femmes et les hommes est un principe fondamental de la société québécoise.» Fin de la citation.
Donc, ce sont là des citations importantes. Je pense que ce sont des groupes importants, qui ont une crédibilité, qui ont une notoriété, au Québec, qui est vraiment importante et fondamentale.
Sur la question maintenant de la langue, qui est une question importante... Et j'ai un peu sursauté, cet après-midi et hier, lorsque la députée d'Hochelaga-Maisonneuve parlait de la Charte de la langue française, en disant: Il ne s'agit que d'une simple loi, c'est n'est qu'une simple loi, c'est une loi comme les autres. Ça m'a fait un peu sursauter parce que je pense que la Charte de la langue française, c'est quelque chose de vraiment important qui a fait progresser le français au Québec, qui a fait progresser le visage français de Montréal.
Et, sur la question de la langue française, je vous rappelle qu'en 1974 le gouvernement libéral a fait adopter la Loi sur la langue officielle, et je cite: «Que la langue française constitue un patrimoine national que l'État a le devoir de préserver, et qu'il incombe au gouvernement du Québec de [mettre tout] en oeuvre pour en assurer la prééminence et pour en favoriser l'épanouissement et la qualité.» Ça, c'était en 1974.
Lorsque la charte a été adoptée, la Charte de la langue française du Dr Camille Laurin, je le répète, la Charte de la langue française, je cite: «Que la langue française permet au peuple québécois d'affirmer son identité et reconnaît la volonté des Québécois d'assurer la qualité et le rayonnement de la langue française.» Il y a 200 articles, Mme la Présidente, dans la Charte de la langue française du Québec. C'est une loi importante, c'est une loi majeure, ce n'est pas une loi comme les autres, ce n'est pas une simple loi.
Sur les droits, maintenant, économiques et sociaux, c'est vrai qu'il en a été question beaucoup pendant la commission parlementaire. Et j'étais étonnée de voir à quel point, du côté de la deuxième opposition, la semaine dernière, lors de l'étude article par article, on en parlait autant. J'avais même l'impression que certains députés se cherchaient des carrières de juge parce que...
Je vais citer quelques commentaires pendant la commission, entre autres du Pr Henri Brun, je pense qu'il n'est pas n'importe qui, le Pr Henri Brun, professeur de droit constitutionnel. Voici ce qu'il dit sur la question des droits économiques et sociaux, il dit: Ça revient aux parlementaires. «...l'idée de rendre ces droits socioéconomiques formellement constitutionnels, c'est-à-dire, en pratique, les rendre justiciables, comme on a dit, c'est les confier aux tribunaux. Là-dessus, je dois dire que j'ai des gros doutes.» Je continue: «Mais, pour ce qui est des véritables droits socioéconomiques, je pense tout simplement que de prétendre les confier aux tribunaux, les rendre justiciables, c'est les mettre entre mauvaises mains. Les tribunaux ne sont pas faits pour ça.»
Claudette Charbonneau, présidente de la CSN: «Le gouvernement des juges, je n'en rêve pas.» C'est la CSN qui dit ça.
Je continue avec M. Henri Brun: «...je pense que ce sera le miroir aux alouettes. On va faire accroire aux gens qu'ils peuvent accéder à un progrès social, à des régimes sociaux, à des dépenses qui seront faites dans l'État pour une fin sociale ou l'autre en passant par les tribunaux [...]. Pour moi, un droit à la santé, un droit au travail, un droit à l'éducation, ça ne peut pas être sérieusement mis en oeuvre par les tribunaux.» Donc, c'est le travail des parlementaires, c'est le travail des élus, Mme la Présidente, les droits économiques et sociaux, et c'est ce que nous faisons depuis des années, et c'est ce que nous allons continuer de faire.
Mme la Présidente, je termine en disant encore une fois à quel point j'ai été fière de piloter ce projet de loi. Et je vais citer Talleyrand, que Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve a cité à plusieurs reprises pendant la commission, il disait: «Cela va sans dire, mais cela va mieux en le disant.» Alors, Mme la Présidente, l'égalité entre les hommes et les femmes, maintenant on le dit et on l'écrit noir sur blanc dans la charte québécoise des droits et des libertés. Merci, Mme la Présidente.
n(21 h 50)nLa Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors, le projet de loi n° 63, Loi modifiant la Charte des droits et libertés de la personne, est-il adopté?
Des voix: Adopté.
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Adopté.Des voix: ...
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors donc, le vote est appelé. M. le leader du gouvernement.
M. Pelletier (Chapleau): Mme la Présidente, je vous prierais de reporter le vote à la prochaine séance, c'est-à-dire demain.
Vote reporté
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors, le vote est reporté. M. le leader du gouvernement.
M. Pelletier (Chapleau): Alors, Mme la Présidente, je vous prierais maintenant d'appeler l'article 6 du feuilleton, s'il vous plaît.
Projet de loi n° 88
Adoption du principe
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): À l'article 6, Mme la ministre de l'Éducation, du Loisir et du Sport propose l'adoption du principe du projet de loi n° 88, Loi modifiant la Loi sur l'instruction publique et la Loi sur les élections scolaires. Mme la ministre.
Mme Michelle Courchesne
Mme Courchesne: Merci, Mme la Présidente. Alors, je me présente devant vous et devant cette Assemblée ce soir pour faire adopter le principe du projet de loi n° 88 qui porte sur la Loi modifiant la Loi sur l'instruction publique et la Loi sur les élections scolaires.
Mme la Présidente, c'est un projet de loi, cette session, qui à mon sens est extrêmement important bien sûr puis, je dirais, qui est un projet de loi qui s'inscrit presque dans la foulée du projet de loi n° 63 sur l'égalité entre les hommes et les femmes. Je le dis parce qu'à mon sens c'est aussi à l'école, lorsque nous sommes très jeunes, que nous avons la responsabilité de faire reconnaître ce principe d'égalité et surtout d'habituer les Marie-Rose de quatre ans, mais je dirais les petits Émile aussi de quatre ans, à reconnaître que, sur les bancs d'école, bien nous sommes tous égaux.
Pourquoi je parle de ça? Puisqu'on a longuement dit aujourd'hui que ces valeurs d'égalité entre les hommes et les femmes, bien ça fait appel à nos valeurs québécoises qui sont aussi des valeurs de justice sociale, et l'école, encore là, particulièrement le réseau de l'école publique, et ça, nous devons en être fiers... Et c'est pour ça qu'il faut, Mme la Présidente, défendre, défendre avec force et détermination ce réseau d'écoles publiques qui existe depuis si longtemps. Pourquoi? Parce que le réseau public garantit cette accessibilité à une éducation, au savoir, et ça, Mme la Présidente, ça fera en sorte que nos enfants seront beaucoup mieux équipés et sauront davantage comment exercer à titre de citoyens ces valeurs d'égalité et ces valeurs de justice sociale.
Pourquoi je prends la peine de dire ça, Mme la Présidente? Et pourquoi sommes-nous réunis sur un projet de loi comme celui-ci ce soir? Rappelons-nous, rappelons-nous qu'à l'automne dernier le parti de l'opposition officielle a brandi sur ce réseau public une très sérieuse menace lorsque l'ADQ a voulu, par le biais d'une motion déposée, renverser le gouvernement sur l'abolition des commissions scolaires, Mme la Présidente. Le parti de l'Action démocratique, Action démocratique a voulu avec force ? je crois qu'ils le regrettent d'ailleurs, depuis ce temps, amèrement ? a voulu dire qu'ils avaient la ferme intention d'abolir ce réseau auquel ils ne croient plus, ce réseau qu'ils qualifient strictement un réseau composé de structures et ont voulu démontrer fort habilement... fort malhabilement, je m'excuse, fort malhabilement, ont voulu démontrer que, par la force, on allait détruire, parce que c'est véritablement le cas, détruire ce que tant d'hommes et de femmes ont bâti avant nous, puisque les commissions scolaires existent depuis 150 ans maintenant.
Et surtout, moi, ça m'a profondément bouleversée parce que je considérais que, plutôt que de travailler à l'amélioration de notre réseau... Parce qu'il y a toujours place à amélioration quand une société évolue, quand une société se modernise, et encore plus aujourd'hui, à un rythme très accéléré, très rapide. Ce qui m'a dérangée beaucoup, c'est lorsque je pensais à ces hommes et ces femmes qui actuellement, aujourd'hui, enseignent dans ce réseau-là, ont à coeur leur métier d'enseignant, le font avec dévouement, ne le font pas toujours dans des conditions faciles, Mme la Présidente, ne le font pas toujours non plus...
Et ça, on l'a remarqué, au cours des derniers mois, puisqu'il y a eu des consultations privées, puisqu'il y a eu, au cours des dernières semaines, une commission parlementaire, puisqu'il y a eu, en février dernier, un forum qui s'est tenu et qui a réuni plus de 250 personnes, bien sûr des gens provenant du milieu scolaire, mais aussi des parents qui étaient réunis lors de ce forum. Et on a bien senti, Mme la Présidente, qu'il y avait un malaise certain, un malaise certain qui mérite qu'on s'y attarde, qui mérite effectivement que nous adoptions ce projet de loi qui est devant nous pour très certainement améliorer ce que nous appelons la gouvernance des commissions scolaires ? et j'y reviendrai ? et fort certainement pour que nous puissions aussi donner aux commissions scolaires une véritable démocratie scolaire, c'est-à-dire que les commissaires qui y sont élus puissent exercer un véritable pouvoir politique, puisque c'est ce que nous vivons et que nous sentons que nous devons renforcer de toute évidence.
Cela dit, Mme la Présidente, rappelons-nous qu'en novembre dernier, lorsque l'ADQ a déposé sa motion de non-confiance, ils l'ont fait justement sur la base qu'il n'y a plus de participation aux élections scolaires, puisqu'en novembre dernier effectivement nous avons connu peut-être, dans l'histoire de ces commissions scolaires, le taux de participation... un des taux de participation les plus faibles au Québec et nous convenions, à ce moment-là, tous et toutes en cette Chambre, qu'il n'était pas souhaitable que ce taux de participation soit si bas et qu'il fallait se questionner sur notre capacité et les façons de pouvoir augmenter ce véritable... d'augmenter ce taux de participation.
Cela dit, Mme la Présidente, je viens de camper un peu les raisons d'être du projet de loi sur le plan de l'historique des derniers mois. Mais je tiens à vous réitérer ma conviction profonde de même que celle du gouvernement que le seul objectif qui doit nous guider dans l'adoption du principe de ce projet de loi, il y a, pour moi, un seul objectif fondamental qui doit nous guider dans nos travaux, c'est, bien sûr, la réussite scolaire de nos enfants. Il ne faut pas perdre de vue que, lorsque nous parlons des commissions scolaires, lorsque nous parlons de la gouvernance des commissions scolaires, nous devons nous poser les questions les plus pertinentes dans les choix que nous sommes appelés à faire et nous demander si les décisions, comme législateurs, que nous allons prendre seront les meilleures pour assurer cette réussite scolaire. Et ça, c'est une responsabilité qui nous incombe, c'est une responsabilité que nous avons bien sûr en tant que parlementaires, mais j'ajouterai que, comme citoyens et comme parents, comme parents, c'est quelque chose qui nous touche aussi.
n(22 heures)n Et, depuis un an maintenant que j'exerce cette fonction, j'ai eu l'occasion à plusieurs, plusieurs reprises de me rendre dans différentes classes, pas uniquement les écoles, mais dans les classes, au primaire, au secondaire, dans différentes régions du Québec, et je n'ai aucun doute, aucun doute que nous avons et que nous partageons collectivement, à l'ensemble du Québec, cet objectif premier qui est cette réussite scolaire. Cela dit, M. le Président, pour y arriver, je crois effectivement que nous sommes à une période où au cours des années possiblement que nous pouvons dire sans offense que les commissions scolaires se sont bureaucratisées beaucoup. Il y a 10 ans, le gouvernement du Parti québécois a voulu les décentraliser, a voulu décentraliser les responsabilités des différents paliers des commissions scolaires, et sincèrement, M. le Président, probablement qu'il y a 10 ans, dans le contexte d'il y a 10 ans, probablement que c'était un choix légitime. En tout cas, chose certaine, c'était très certainement ce que nos pourrions appeler une tendance. Ça s'est exercé dans le milieu scolaire, ça s'est exercé dans le milieu de la santé et dans d'autres secteurs d'activité liés aux responsabilités gouvernementales. Force est de constater que, 10 ans plus tard, la décentralisation n'a probablement pas donné les résultats escomptés. Pourquoi? Parce que, lorsque nous parlons aux parents de nos comtés, qui viennent régulièrement nous rencontrer... Bien, pourquoi viennent-ils dans notre bureau de député, alors qu'ils ont déjà des commissaires élus auxquels ils peuvent se référer? C'est parce que cette décentralisation a effectivement fait en sorte que le parent n'a plus le sentiment qu'il peut influencer des décisions qui concernent bien sûr leurs enfants mais qui, du point de vue des parents, fait en sorte qu'aussi ils se questionnent énormément sur cette réussite des élèves et de leurs enfants.
Et, dans ce sens-là, nous avons constaté bien sûr et assez rapidement que le malaise s'inscrivait dans la gouvernance même des commissions scolaires, entre les différents paliers, que ce soit la direction générale, que ce soient la direction de l'établissement, le conseil de l'établissement. En fait, je n'élaborerai pas ce soir là-dessus, mais je crois que le projet de loi qui est devant nous doit répondre à ce malaise-là. D'autant plus que force est de constater que la ministre de l'Éducation a bien peu de capacité de collaborer et d'exercer son véritable rôle de partenaire.
Et venons à ce point de la question que je juge comme le deuxième objectif extrêmement important, c'est que l'éducation, c'est bien reconnu, est un bien public, mais l'éducation est, d'abord et avant tout, une des missions fondamentales de l'État, c'est une responsabilité de l'État. L'État a la responsabilité d'en définir les grandes orientations. La ministre a la responsabilité d'accepter le régime pédagogique. Mais, parce que nous avons beaucoup décentralisé, une fois qu'on a fait ça, bien on a beaucoup moins de moyens et de capacité de nous assurer que ces orientations... Puis, quand je parle d'orientations, je parle de décrochage scolaire, je parle des enfants en difficulté, je parle de l'enseignement et de la maîtrise de la langue française, je parle des saines habitudes de vie, je parle de la lutte contre la violence à l'école, en fait des sujets qui font partie du milieu de vie qu'est l'école. Or, on s'aperçoit qu'il est difficile de pouvoir situer, d'une commission scolaire à l'autre, de pouvoir situer avec exactitude la façon dont elles s'accomplissent de leurs tâches. Je ne dis pas, et il ne faut pas se méprendre, je ne dis pas et je ne prétends pas d'aucune façon que les commissions scolaires n'accomplissent pas les responsabilités pour lesquelles elles sont mandatées, mais on s'aperçoit que la population n'est très certainement pas informée, la population ne comprend pas parfois certaines des décisions qui sont prises.
Et ce qu'on s'aperçoit surtout, dans un enjeu de débat démocratique, c'est qu'on s'aperçoit que peut-être que ces enjeux sont inexistants, et ce qui explique que la population ne se rend plus voter parce qu'elle se sent trop loin de sa commission scolaire, elle ne la connaît pas, elle ne la comprend pas, mais surtout elle ne possède pas l'information pertinente et adéquate pour s'impliquer et surtout pour se prononcer au moment du vote. Mais tout ce que j'essaie de vous résumer a aussi une influence sur ce qui se passe dans la classe, parce que je crois que c'est aussi ce qui est le plus important, c'est: Comment ça se passe dans la classe? Et est-ce qu'entre le professeur, l'enseignant bien dévoué qui a un profil d'étudiants beaucoup plus complexe aujourd'hui qu'il y a 10 ans, 15 ans ou 20 ans, parce que le profil démographique du Québec change... est-ce que cet enseignant se sent compris, écouté et est-ce que cet enseignant est capable aussi de s'adresser aux bonnes personnes qui prennent les bonnes décisions pour la situation particulière de sa classe?
Et ça, ça se passe aussi au niveau de l'école. Et l'école doit être un milieu de vie. Ça, ça m'apparaît aussi très lié à la réussite scolaire de nos enfants, la capacité pour l'enfant de s'y sentir en confiance, de s'y sentir à l'aise, mais surtout d'avoir toute la motivation requise et tous les services requis, selon ses capacités, sa situation, pour bien réussir. Et on s'aperçoit que les paliers décisionnels peut-être ne travaillent pas suffisamment en concertation, mais, je dirais, le vrai mot, c'est en «complémentarité», en complémentarité. La ministre octroie des enveloppes budgétaires à une commission scolaire qui a la responsabilité de répartir les ressources financières, matérielles, humaines à l'ensemble de ses écoles. Ce sont 3 000 écoles au Québec, et ça doit se faire en toute équité. Ça, ça va bien. Mais on s'aperçoit dans certains cas que de pouvoir s'assurer que les orientations gouvernementales sont appliquées selon des ordres de priorité, de la façon dont on peut s'attendre, avec une compréhension des sommes investies... Parce que rappelons-nous que c'est un budget de 9 milliards de dollars. Je n'aime pas parler d'argent lorsque nous parlons de l'éducation et de la réussite scolaire, mais c'est une réalité, nous avons aussi cette responsabilité et cette imputabilité à l'égard de cette somme de 9 milliards de dollars annuellement. C'est énorme.
Donc, on s'aperçoit que, notre réseau d'éducation, puisque nous avons aussi fusionné des commissions scolaires, on a moins de commissions scolaires, mais les commissions scolaires couvrent un plus vaste territoire et les commissions scolaires sont devenues effectivement une organisation qui est très grande mais qui s'est complexifiée énormément.
Donc, le projet de loi qui est devant vous, qu'est-ce qu'il veut faire? Moi, je vous dirais que l'esprit de cette loi, c'est d'abord d'inciter tous ces intervenants dans une commission scolaire... puissent travailler ensemble, ensemble, rétablir le lien de confiance entre tous ces intervenants, entre le conseil d'établissement, la direction de l'école et la commission scolaire, voulant dire la direction générale qui prend les décisions administratives. On doit donc s'assurer qu'une école peut bien définir son projet éducatif, peut bien définir son plan de réussite propre au type d'élèves qui est dans cette école, dans ce quartier, dans cette ville et dans cette région.
n(22 h 10)n Et là pouvons-nous respecter la personnalité des écoles, pouvons-nous respecter la spécificité des écoles? Ça, ça m'apparaît aussi une flexibilité que nous devons nous donner aujourd'hui parce qu'il est prouvé que cette proximité permettra aussi à l'enfant de mieux réussir. Donc, travailler ensemble, établir ce lien de confiance, se concerter et surtout pour l'école s'assurer qu'elle a tous les moyens, tous les outils, les bons moyens, les bons outils pour sa propre situation et, je dirais, parfois pour des problématiques qui sont les siennes. Et on s'est aperçu dans les consultations que ces liens étaient en ce moment plus difficiles à établir, plus difficiles à encourager.
Je reviens aussi au fait que, si l'éducation est la responsabilité de l'État, si c'est un bien public, l'État est tout à fait en droit, et je crois que c'est tout à fait légitime que le gouvernement, par l'intermédiaire du ministre de l'Éducation, puisse établir ces orientations-là, que la commission scolaire puisse faire une planification stratégique et que les écoles puissent tenir compte de cette planification stratégique ? ce sont des termes qui sont peut-être arides à cette heure de la soirée, mais, pour fins de compréhension, utilisons les mots tels qu'ils sont ? et qu'à l'intérieur de ces paramètres l'école puisse s'y retrouver et puisse avoir toute la créativité, toute la latitude et surtout tous les moyens pour bien remplir sa mission et bien remplir son projet éducatif. C'est pour ça que le projet de loi, M. le Président, préconise qu'il y ait une convention de partenariat entre le ministre de l'Éducation et la commission scolaire, que cette convention de partenariat qui va nous assurer que la commission scolaire répond adéquatement aux orientations du gouvernement puisse aussi se traduire dans une entente ou une convention de gestion et de réussite avec chaque établissement, avec chaque école pour que le conseil d'établissement, que le directeur de l'établissement puisse sentir qu'il a un réel pouvoir d'influence, qu'il a la capacité d'orienter, qu'il a la capacité d'établir véritablement ses projets éducatifs en fonction toujours des besoins de l'élève, parce que c'est de ça dont on parle.
Et c'est pour ça qu'il faut que les enseignants y participent, il faut que le personnel spécialisé y participe, puisque nous avons malheureusement beaucoup d'enfants en difficulté dans nos écoles, et que je crois aussi qu'un des grands enjeux que nous avons devant nous, c'est de pouvoir nous assurer que les services sont offerts à ces enfants en difficulté et à ces enfants qui ont des rythmes d'apprentissage qui sont différents les uns des autres. Et, en commission parlementaire, certains ont pu dire: Notre crainte est que vous alourdissiez le processus. Et, M. le Président, je vous invite à lire le dernier mémoire que nous avons reçu à la commission parlementaire, qui vient de l'association des directeurs d'établissement de Montréal, l'AMDES, qui, je crois, est le groupe qui a le mieux saisi l'esprit de cette loi et qui justement a refusé cette compréhension bureaucratique du projet de loi n° 88 en axant davantage sur cette notion d'entente contractuelle, mais qui vise, d'abord et avant tout, à l'accompagnement, qui vise, d'abord et avant tout, à bien définir les mesures de soutien et d'aide, pas à se camper dans une structure, mais plutôt à travailler à l'intérieur de paramètres où chaque intervenant a sa zone de responsabilité, a sa fonction précise à remplir, mais où ensemble on est capables de définir ces différents éléments nécessaires.
Donc, le projet de loi n° 88, s'il établit cette convention de partenariat avec la ministre, s'il établit cette convention de gestion et de réussite avec les directions d'établissement qui en ce moment vivent des moments trop tendus avec leurs commissions scolaires, pour quelles raisons le faisons-nous de cette façon-là? C'est parce que de façon unanime, et même les commissions scolaires l'ont reconnu, il n'y avait pas suffisamment de reddition de comptes, pas suffisamment de transparence, pas suffisamment d'imputabilité et qu'on souhaitait que les éléments que je viens de décrire puissent être connus publiquement, puissent être transmis à la population et qu'on puisse non seulement consulter, lorsque nous définissons chacun des moyens que je viens de décrire, mais qu'à la fin on puisse rendre compte des résultats.
Nous avons beaucoup discuté. La députée de Taillon, de façon presque systématique, avec chacun des groupes, elle est revenue à la charge sur cette obligation de résultat et elle a voulu savoir, à juste titre: Comment pouvons-nous mesurer ces résultats? Où nous situons-nous? Où se situe l'école Les Trois-Soleils, à Sainte-Dorothée? Où se situe la commission scolaire de Laval dans la lutte contre le décrochage scolaire, dans la façon de travailler avec les enfants en difficulté? Ce sont là des questions fondamentales qui sont fort légitimes, et la population et les parents sont en droit de connaître ces résultats-là. Rappelez-vous, dans le plan d'action pour l'amélioration de l'enseignement de la langue française, où on demande qu'effectivement les résultats des examens de français soient dorénavant connus des parents par école... Alors, si on juge que c'est valable pour des résultats en français, pour qu'on puisse se situer, pas pour qu'on soit punis, pas pour qu'on ait moins, qu'on ait des coupures budgétaires, pas pour exercer un contrôle à outrance, pas pour des fins bureaucratiques, simplement pour qu'on soit en mesure d'apporter des correctifs sur les moyens, qu'on soit en mesure de constamment s'améliorer, qu'on soit capables de réajuster en fonction de la situation de notre école, la situation de nos enfants et qu'on soit convaincus ensemble que nous prenons les meilleurs moyens, pour ça il faut que les objectifs soient clairs, il faut qu'ils soient établis, définis et, à mon humble avis ou à l'avis du gouvernement, il faut qu'ils soient publics, il faut qu'ils soient connus.
Et ce sera la meilleure façon de redonner ce sentiment d'appartenance, ce sera la meilleure façon de remobiliser et parents et population, ce sera la meilleure façon de travailler dans ce climat de confiance plutôt que de vivre des tensions parce que le seul sujet de préoccupation, c'est le budget. C'est important, le budget. Je ne suis pas en train de dire que l'enveloppe budgétaire, ce n'est pas important, je ne suis pas en train de dire qu'il faut reléguer ça au deuxième plan, mais ce que je suis en train de dire, c'est que d'abord le besoin de l'enfant et de l'élève, ensuite les moyens pour lui offrir le meilleur service pour lui, puis ensuite on se met ensemble et on fait les meilleurs choix budgétaires et non l'inverse. Alors, ça.
J'essaie de vous résumer un peu cet esprit de loi et je veux aussi dire ce soir, parce que je crois que c'est très important: Cette convention de partenariat avec le ministre, il faut bien comprendre que ça se fait, une convention de partenariat. Je crois beaucoup dans la force de ce mot-là quand on est capables de bien vivre ce partenariat. Ça veut dire que nous sommes deux et ça veut donc dire que le ministre aussi est interpellé, que le ministre aussi devient un acteur qui a un rôle, des responsabilités mais qui doit publiquement, publiquement affirmer quels sont les moyens qui sont offerts à chacune des commissions scolaires et pour quelles raisons les choix qui sont faits sont ces choix-là. Et, dans ce sens-là, je crois que ça peut changer toute la dynamique de l'intervention et ça peut changer aussi la façon de définir les choix.
n(22 h 20)n Et ce que je souhaite, M. le Président, c'est que... Et, rappelons-nous, en 2003, lorsque nous avons été élus, rappelons-nous, collègues du gouvernement libéral, quand nous avons fait campagne électorale, nous avons dit: Nous ne souhaitons plus le mur-à-mur au Québec, nous souhaitons pouvoir donner à chaque région, nous souhaitons pouvoir respecter la personnalité de chaque région, nous souhaitons avoir suffisamment de souplesse et de flexibilité pour répondre à la force des régions.
Bien, c'est la même chose quand on parle d'une commission scolaire. Chaque commission scolaire a sa personnalité, il faut la reconnaître, et c'est pour ça que, dans le projet de loi, pour la première fois, nous définissons la mission de la commission scolaire. Bien sûr, sa première mission, c'est d'offrir le service éducatif. Bien sûr, sa première mission, c'est d'enseigner. Mais je dirais qu'et parce que le Québec est ce qu'il est maintenant et parce que nous avons des régions qui ont une vitalité, qui ont une vie en soi, nous souhaitons que les commissions scolaires puissent participer activement au développement social, culturel, économique de leurs régions. Parce que, là, on parle beaucoup des enfants qui sont au primaire et au secondaire, mais surtout n'oublions pas l'éducation des adultes, n'oublions pas la formation professionnelle. C'est extrêmement important. N'oublions pas les besoins de main-d'oeuvre dans chacune de nos régions. Et combien de fois, moi qui ai été ministre de l'Emploi et de la Solidarité sociale, moi qui ai été ministre de l'Immigration, combien de fois on se fait dire en région, quand il s'agit d'offrir une formation: «Ah, c'est la commission scolaire, ah, c'est la commission scolaire, c'est long, ça prend du temps, ils ne veulent pas»?
Alors, nous voulons, dans la loi, reconnaître cette mission de participation active au développement social, culturel, économique de la région.
M. le Président, nous voulons aussi, pour réaliser ces fonctions-là... En fait, avant de vous parler de ça, je vous dirai le dernier élément qui touche l'école, qui touche le parent, qui touche l'élève, qui m'apparaît aussi extrêmement important, c'est la création de... ou l'introduction, je dirais, du protecteur de l'élève. Bien sûr, chaque commission scolaire a un traitement de plaintes, a une politique de traitement de plaintes, sauf que, si le parent n'est pas satisfait de la décision prise par la commission scolaire même après avoir examiné une plainte, il n'y a pas de droit d'appel. Alors, nous allons instaurer un protecteur de l'élève, personne qui devra être indépendante, complètement objective, absolument pas membre de la commission scolaire, ni employé ni commissaire, une personne neutre et indépendante qui s'assurera de pouvoir juger des plaintes qui seront devant elle. Bien sûr, on l'a dit en commission parlementaire, ça ne touche pas le métier de l'enseignant, ça touche les plaintes concernant des décisions administratives qui sont prises par la commission scolaire et pour lesquelles on se sent lésé. Je crois qu'il y a là une grande innovation.
Nous allons aussi ajouter un membre aux conseils des commissaires, parent, parce qu'il est important de faire une plus grande place aux parents, à juste titre, et qu'ils aient un véritable pouvoir d'influence.
Il y a une notion nouvelle dans ce projet de loi, qui sont les membres cooptés. C'est-à-dire que, si la commission scolaire a une participation active dans le développement social et culturel, si on a dans une région une problématique avec les enfants en difficulté, avec le décrochage scolaire, pourquoi ne pas avoir un membre commissaire qui a une expertise dans un secteur donné, qui a une expérience dans un secteur donné, une personne qui veut s'impliquer et qui peut faire des liens de coordination aussi pour faciliter certaines problématiques? Évidemment, les parents et les cooptés n'auraient pas le droit de vote. Cette notion de coopté, je suis certaine, M. le Président, que, lorsque nous ferons l'étude article par article, nous aurons l'occasion d'en rediscuter. Il y a encore quelques interrogations qui subsistent. Nous le ferons avec toute l'ouverture nécessaire.
Le dernier élément et non le moindre: nous avons cru bon de... Et ça, je crois, est en lien avec les critiques de l'ADQ au moment de leur motion de non-confiance, où ils trouvaient que la population ne participait plus aux élections scolaires. Ça fait que, si la population ne participe plus aux élections scolaires, c'est parce que les commissions scolaires, ce n'est plus bon, ça ne sert plus à rien, c'est trop compliqué, c'est trop gros, alors on abolit les commissions scolaires. M. le Président, nous, notre réponse, ce n'est pas celle-là, ce n'est pas l'abolition. L'abolition, c'est un peu comme l'absent qui a toujours tort, ce n'est pas constructif, ce n'est pas positif. Ce n'est surtout pas respectueux, ce n'est pas respectueux de ce réseau public de l'enseignement comme nous le connaissons.
Mais pour ça, par contre, M. le Président, on croit qu'il faut renforcer le pouvoir politique des commissions scolaires. Parce que, c'est ça, on a posé la question en consultation, puis ça a été pas mal unanime, en fait un large consensus, pas uniquement des commissaires, pas uniquement des présidents de commission scolaire, un large consensus dans notre société qu'on voulait conserver l'élection au suffrage universel des commissaires. Pourquoi? Parce qu'entre autres on perçoit une taxe scolaire, mais on a bien senti que c'était plus que ça. Donc, on veut redonner, on veut renforcer ce pouvoir politique. Pour renforcer ce pouvoir politique, on croit que l'élection au suffrage universel du président donnerait au président une légitimité, mais je pense que le suffrage universel du président va avoir un autre effet sur l'organisation électorale des équipes qui vont se présenter à titre de commissaires. Et, M. le Président, je peux vous dire qu'entre le mois de janvier, où nous avons pour la première fois suggéré cette idée, et aujourd'hui on voit qu'il y a une très grande évolution de pensée. Les gens qui étaient contre au mois de janvier encore ce matin nous téléphonaient pour nous dire: Vous savez, on a bien réfléchi, on a consulté à notre tour, on a consulté nos membres.
Le congrès de la Fédération des commissions scolaires a lieu ce soir, demain et samedi. On verra, samedi. Je ne veux pas présumer de leur décision finale, mais ce que j'entends, c'est qu'ils ont beaucoup, beaucoup, beaucoup réfléchi, et beaucoup évolué, et comprennent que nous voulons renforcer ce pouvoir politique. Mais, si nous faisons ça, M. le Président, vous avez un engagement de ma part puis vous avez un engagement du gouvernement qu'à l'automne il faudra, dans un autre projet de loi, donner tous les moyens, tous les moyens pour que les candidats puissent réellement faire une vraie campagne électorale avec des vrais moyens, parce qu'actuellement ils n'en ont pas, des vrais moyens. Mais ce qu'on s'est aperçu en commission parlementaire, c'est que les commissaires, bien qu'ils soient élus ? mais plusieurs par acclamation, vous me direz... mais bien qu'ils soient élus... on s'aperçoit que la culture politique des commissions scolaires est, à ce stade-ci, très différente des municipalités ou même de ce que nous vivons ici. C'est deux réalités. Il y a du travail à faire encore dans ce sens-là pour que chacun joue son rôle, un véritable pouvoir politique qui donne des orientations, qui s'assure au bon fonctionnement, qui joue son rôle politique de représenter une population, et ce rôle politique, il doit être différent du rôle administratif, du rôle de la direction générale. Et le président deviendrait un véritable homme ou femme politique avec ce que ça veut dire comme force de représentativité mais surtout comme légitimité. Ça m'apparaît important dans une région, mais ça m'apparaît important aussi dans la gestion d'un conseil des commissaires.
Alors, M. le Président, je crois avoir résumé les grandes lignes de ce projet de loi. C'est ambitieux, c'est important comme changements, mais je crois qu'en 2008 nous sommes rendus là. Et je crois surtout que, depuis janvier, avec les consultations, avec le forum qui a été très important, un forum de deux jours où les gens se sont parlé avec franchise, je crois qu'ils se sont parlé avec beaucoup d'honnêteté, ils se sont dit les choses telles qu'ils les vivaient. Et on s'aperçoit qu'entre le mois de février et aujourd'hui il y a eu beaucoup de téléphones, beaucoup de rencontres entre tous, et on voit que, là, ils sont prêts à travailler, en tout cas à répondre à l'appel et à voir dans ce projet de loi, malgré des inquiétudes...
n(22 h 30)n Il y a toujours des inquiétudes dans un projet de loi, nous en convenons. Mais ils sont très certainement prêts à effectuer ce virage-là, étant très conscients que, oui, dans nos bureaux de comté, nous rencontrons trop de citoyens qui ont des doléances et, je dirais, des insatisfactions à l'égard de leur commission scolaire.
Je termine, M. le Président, en disant à mon collègue critique, leader de l'opposition officielle, d'abord que nous avons eu une bonne commission parlementaire, qu'il a eu des propos très intéressants et des échanges très intéressants avec les groupes qui se sont présentés devant nous. J'ai senti, M. le Président, de sa part un réel intérêt, j'ai senti de sa part une volonté, une volonté de comprendre le projet de loi, de comprendre son esprit, j'ai senti de sa part une volonté et une grande envie de participer activement à la bonification de ce projet de loi là, parce que sa petite Marie-Rose, là, M. le Président, là, il y pense toujours, toujours, toujours, et je crois qu'il est ici pour la petite Marie-Rose et pour son avenir.
Et, M. le Président, je lui ai dit, la semaine dernière, je lui ai demandé de réfléchir et d'échanger avec ses collègues de sa formation politique, parce que je lui ai dit: Si vous votez contre, si vous mettez trop d'obstruction, vous ne pourrez pas bonifier le projet de loi. Et sincèrement le processus législatif, au Québec et au Canada, il est très bien fait. Il est très bien fait parce qu'il y a une commission parlementaire, nous écoutons les groupes, on a le temps de réfléchir, on a le temps de penser, on ne se consacre qu'à ça, on écoute. Ensuite, article par article, nous allons débattre pour bonifier. Et, M. le Président, je peux l'assurer, et de même que la députée de Taillon qui, elle aussi, est très méticuleuse, a le souci du détail, connaît ses dossiers, je peux les assurer de notre ouverture pour apporter des améliorations qui pourraient réduire les craintes et les inquiétudes et très certainement nous assurer que nous adopterons le meilleur projet de loi pour l'avenir de nos enfants.
Et c'est dans ce sens-là que je fais un dernier appel au leader de l'opposition officielle, à sa formation pour que... Et je comprends leur position, c'est une position qui était très forte. C'est difficile, quand on est en politique, qu'on a une position aussi forte, qu'on a déposé une motion de non-confiance, c'est difficile après d'aller dire: Bien, savez-vous, finalement, oui, on va accepter ça, les commissions scolaires, puis on va accepter que ça se peut que ça puisse bien fonctionner, même dans la région de Trois-Rivières. Il paraît que c'est une très bonne commission scolaire, au dire du député de Trois-Rivières. Bien, si c'est une bonne commission scolaire, ça démontre une chose, c'est qu'il est possible, dans notre société, avec le bon vouloir, avec le travail, il est possible de changer et d'améliorer des situations, il est possible d'améliorer des organisations.
Et, dans ce sens-là, M. le Président, je suis certaine que le travail que nous allons amorcer la semaine prochaine et que nous continuerons à faire dans un esprit aussi positif et constructif pourra peut-être amener le leader, et son chef, et ses collègues à changer d'idée et à nous appuyer dans le projet de loi sur l'avenir des commissions scolaires. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Chagnon): Je vous remercie, Mme la députée de Fabre et ministre de l'Éducation. J'inviterais maintenant M. le député de Trois-Rivières et leader de l'opposition officielle à prendre la parole.
M. Sébastien Proulx
M. Proulx: Merci, M. le Président. D'abord, je voulais que vous notiez que j'étais debout pendant les applaudissements, mais j'avais les deux mains dans mes poches, là, au moins pour qu'on ne dénature pas l'ensemble des choses que je fais à l'Assemblée nationale.
M. le Président, d'abord, j'ai dit à la ministre de l'Éducation, lorsque nous avons débuté la commission parlementaire, que c'était possible qu'elle soit déçue parce qu'elle a mis des attentes face à son projet de loi, elle a mis des attentes face aux groupes parlementaires à l'Assemblée nationale, et bien évidemment les remarques que j'ai faites dès le départ étaient des inquiétudes que j'avais face au projet de loi n° 88. Et ça, ce n'est pas un changement de ton, M. le Président, les inquiétudes que nous avions, que j'ai exprimées au départ, aux remarques préliminaires, que j'ai exprimées aux remarques finales, lors des consultations, que j'exprime aujourd'hui, à l'adoption du principe, demeurent. La crainte d'avoir un seul projet de loi sur l'éducation cette session-ci et d'en faire un débat de structure était connue, palpable, et je demeure convaincu que le projet de loi n° 88, dans sa forme actuelle, là, tel que, moi, je l'ai vu, entendu, lu, réfléchi, demeurait un statu quo pour la réussite de l'enfant.
Et ça, d'abord, je l'ai dit à la ministre de l'Éducation, effectivement qu'on l'a fait avec réflexion, on l'a fait avec rigueur, on a posé des questions, on est allés interroger les groupes sur différentes facettes justement pour essayer de comprendre leur place, à eux, à l'intérieur du projet de loi d'abord, leurs perceptions ensuite par rapport au projet de loi, comment ils voyaient les attentes de la ministre ? hein, on a parlé des conventions de partenariat, puis j'aurai l'occasion d'y revenir ? quelles étaient leurs attentes, leurs craintes et surtout où ils trouvaient de la satisfaction à l'intérieur de ça. Et, dans un deuxième temps, bien on a questionné sur la gouvernance scolaire.
Et ça, là-dessus, M. le Président, j'ai deux choix: ou bien je commence par le partenariat ou par la gouvernance scolaire. Mais ce qui est clair, c'est que, dans la deuxième portion du projet de loi, qui porte notamment sur la gouvernance scolaire, je pense qu'il n'y a rien pour redonner aux parents, aux citoyens du Québec, à ceux qui paient des taxes scolaires l'envie, le goût et la légitimité d'aller s'exprimer dans le cadre de ces élections-là. Je vais vous le dire, les chiffres sont éloquents sur les taux de participation, ils sont là, ils sont criants de 1990 à 2007.
Et la ministre a fait état du forum, a fait état même, dans les consultations, des grands moments où on a réfléchi à notre système d'éducation au Québec puis on a posé des gestes, hein, pour tenter d'améliorer la situation, tenter de changer l'esprit dans lequel on était, tenter de changer le constat. Parce que c'est beau d'utiliser un projet de loi comme celui-là pour vouloir toucher à l'esprit qui habite le monde de l'éducation, c'est beau de vouloir utiliser un projet de loi comme celui-là pour dire: Ah! bien, ce que j'ai fait, c'est tenter de donner du leadership, mais la réalité, M. le Président, c'est que, dans les résultats, c'est nul, il n'y en aura pas, de résultat, dans cette optique-là. Ce n'est pas la réussite de l'élève qui est au coeur de ce projet de loi là.
La ministre a tenté, par le projet de loi, de réhabiliter les commissions scolaires. Elle a tenté, par le projet de loi, de leur redonner un habit plus neuf, un costume plus attrayant, d'en faire une structure qui redeviendrait au goût du jour. La réalité, M. le Président, c'est que d'aucune façon je n'ai vu, dans le cadre des consultations, cet esprit-là animer la population. Moi, je n'ai pas senti, dans ce que j'ai entendu, là, sur les consultations, des gens me dire: M. Proulx, il me semble que ça sonne différent, il me semble que l'éducation au Québec, au lendemain de 88, là, ça va avoir changé. Parce que, vous savez, la ministre l'a dit, c'est un secteur important, c'est une responsabilité de l'État, bien il faut des résultats. Puis, dans ce cas-là, pour avoir des résultats, bien il faut s'assurer d'une chaîne d'imputabilité puis il faut être capables de dire: Bien, voici ceux qui ont réussi, puis voici ceux qui n'ont pas réussi, puis voici ceux qu'il faut remettre à leur place de temps en temps, puis voici ceux qu'il faut pousser, pousser, pousser pour que l'objectif, là, le premier, c'est-à-dire la réussite de nos enfants, soit celui qui percera la structure.
n(22 h 40)n Dans le cadre des consultations ? puis, moi, c'était dans mes premiers mots; la ministre sera d'accord avec moi pas sur le fond, mais que je les ai bel et bien exprimés lors des remarques finales ? mes premiers mots, ca a été de dire: Il y avait deux types d'intervenants. Moi, j'ai vu deux types de groupes venir nous voir. Il y avait ceux d'abord qui voulaient discuter de la mécanique puis de la structure, ceux qui étaient là pour dire: Ah! bien, moi, dans le plan, ça va m'amener de la paperasse, mais peut-être qu'ici ça va fonctionner. Puis là je suis en rapport avec employeur-employé. Il y a des gens, là, qui sont venus nous parler pendant une heure ? on a eu trois blocs de 15 minutes; des fois, ça variait plus ou moins, puis on se demandait pourquoi, mais la réalité, c'est qu'on avait à peu près tous le même temps pour pouvoir en discuter en fonction des groupes parlementaires; mais ? il y a des gens qui ont passé une heure devant nous et qui n'ont jamais parlé d'enfants puis d'élèves. C'est triste, M. le Président. Ces gens-là, ils sont venus parler de la structure, ils sont venus nous dire: Bien, moi, là, je veux être certain de bien comprendre, puis dans la technicalité... Il y a des gens qui sont venus nous voir en disant: Moi, j'ai un rapport, je viens donner mon appréciation de façon légaliste. À un moment donné, on aurait pu se croire dans un débat de juristes. Je peux vous assurer que, ça, j'aime ça, ces affaires-là, d'habitude. Pas à cette heure-là. Mais, des fois, c'était ça parce qu'on était dans la finalité des règles plutôt que dans la finalité des objectifs.
Puis on a tous, trois porte-parole principaux sur le dossier, dit à un moment donné: Ah! bien, il faut aller sur le fond, puis les objectifs, là... Le décrochage scolaire, hein, moi, j'en ai parlé à plusieurs reprises, la ministre en a parlé, la critique de la deuxième opposition aussi en a parlé. Bien, moi, je ne l'ai pas retrouvé dans le projet de loi n° 88. Moi, M. le Président, j'aurais aimé ça qu'on discute de ce drame social là pour notre société. Là, vous avez parlé de ma fille. Puis elle n'est pas encore en âge de comprendre, puis on a quand même fait référence à elle deux fois aujourd'hui, à quatre mois. Mais j'ai un fils de deux ans et demi, moi, hein? Tant qu'à faire le tour de mes enfants ? ce ne sera pas très long, j'en ai deux; tant qu'à faire le tour de mes enfants ? moi, j'ai un garçon...
Le Vice-Président (M. Chagnon): On peut ajourner...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Proulx: Non, non, il n'y a pas de problème. De toute façon, à la grosseur puis à la longueur qu'ils ont, on ne fera pas le tour longtemps. À moins que vous me disiez que je reprends demain, je n'ai pas de problème avec ça.
Mais ce qui est clair, M. le Président, c'est que, quand on est père d'un garçon qui, bientôt, fréquentera l'école, bien on est obligé de se dire... Et je pense que c'est M. Parent, de la CSN, qui me disait: Bien, au moins, vous semblez vouloir l'encadrer. Ça, c'est vrai, M. le Président, c'est clair qu'on va essayer. En tout cas, j'espère que, moi et mon épouse, on va assumer l'autorité parentale pour faire en sorte qu'il va rentrer dans notre système le plus épanoui possible puis avec tous les outils possibles. Mais c'est parce que ce n'est pas tous les enfants malheureusement qui vont entrer dans notre système comme Nicolas. Ce n'est pas tous les enfants qui vont avoir les outils, les bases, qui vont avoir les aptitudes de vie. Parce que c'est ça à la base, ce sont des aptitudes de vie quand tu as quatre, cinq, six ans puis que tu rentres à l'école... qui n'auront pas tout ça avec eux pour fonctionner à l'intérieur du système.
Et le décrochage scolaire en est un, puis on a parlé aussi de crise de perception dans l'école. Puis, moi, ça, ça m'appelle, M. le Président, puis... ça m'interpelle, pardon, parce que, vous savez, lorsque... Moi, je ne connais pas ça, là, je n'ai pas d'enfant qui est en situation de décrochage, mais j'ai parlé à quelqu'un cette semaine, à qui j'ai téléphoné, puis il vit cette situation-là, puis je lui ai posé une question: Comment tu réagis la première fois quand ton parent dit: Moi, l'école, ça ne répond plus à mes attentes, mes besoins, ce n'est pas, pour moi, la voie que je vois pour mon avenir comme la plus profitable? Bien, si tu crois à l'école publique québécoise, si tu es de ceux qui pensent que cette perception-là... qui a la perception que l'école, elle est bonne, que l'école, elle est fonctionnelle, que l'école que tu bâtis avec tes taxes, tes impôts... Puis à ceux à qui tu donnes la responsabilité d'enseigner puis de diriger l'école, bien, si tu leur dis, à ces gens... Si ta perception profonde, ta conception, c'est que cette école-là, elle est bonne, bien peut-être que tu seras déjà le premier rempart à son décrochage. Tu seras la première personne qui dira à ton enfant: Écoute, moi, je pense que tu as tort, tu es peut-être dans une passe particulière, je vais tenter de t'aider, il y a des gens à l'école pour t'aider.
Mais, si on se retrouve dans une grande catégorie de parents d'aujourd'hui... Puis c'est documenté, là, on le voit dans la littérature, on le voit dans les articles de journaux, on le voit dans les commentaires. Si tu te retrouves dans la situation de ceux qui disent: Bien, dans le fond, c'est vrai que l'école n'est pas adaptée pour mes enfants, qu'aujourd'hui elle ne répond pas à leurs besoins, peut-être que tu ne seras pas le rempart qu'il aura besoin pour ne pas décrocher.
Alors, on oublie souvent... Puis la ministre y a fait référence tout à l'heure, quand elle parlait des enfants avec des troubles particuliers ou des enfants avec des situations particulières où ça prend des ressources, mais on oublie souvent que ce n'est pas tous des enfants pareils qui rentrent à l'école. Ce n'est pas tous des enfants avec des situations familiales similaires, avec des... J'ai appelé ça des aptitudes de vie. Si vous trouvez un terme mieux, bien là, M. le Président, pour le définir, dites-moi-le. Mais, à mon sens, à moi, ce n'est pas tous des enfants avec les mêmes outils puis avec les mêmes chances qui rentrent à l'école.
Et, vous savez, on a beaucoup entendu, dans le cadre du décrochage scolaire puis... Et je fais référence à ce que la ministre disait des commentaires de notre collègue député de Taillon sur les cibles, notamment. Parce qu'on a eu des échanges intéressants, et c'est vrai, elle a posé de nombreuses questions sur ce sujet-là. Beaucoup de gens nous disaient: Ah! bien, vous savez, moi, je suis dans un secteur où l'école est défavorisée, je suis dans un secteur où les données socioéconomiques font en sorte que c'est plus difficile, que, moi, je ne suis pas capable d'atteindre des cibles, moi, je suis incapable d'arriver à l'attente que vous pourriez me fixer parce que mes étudiants n'ont pas les mêmes outils dès le départ. Bien, moi, M. le Président, je suis de ceux qui pensent que, si l'équipe-école prend en charge cette volonté puis se fixe comme objectif de diminuer le décrochage scolaire, si l'équipe-école a la possibilité, la marge de manoeuvre puis a l'espace nécessaire pour être créative, comme le disait la ministre, pour tenter des situations gagnantes, de créer un climat autour de l'école, si l'école a cette possibilité-là, ce n'est pas les données socioéconomiques qui seront l'outil de validation si, oui ou non, on atteindra des cibles, c'est le leadership qui sera exercé dans chacune des écoles qui fera en sorte que nous réussirons ou pas d'atteindre des cibles qu'on pourrait s'être fixées.
Et j'avoue, on en a parlé à plusieurs reprises, mais le palmarès qui est sorti avec l'école publique par rapport à ce qui fait dans l'école privée, on l'a vu dans les médias, c'est accablant, la situation du décrochage au Québec, c'est... Et là ce n'est pas une question, M. le Président, de vouloir être alarmiste, mais il y a quand même une génération d'enfants au Québec qui ont décroché depuis un certain temps sans que jamais on oblige nos structures ou on oblige les intervenants du milieu à être imputables sur cette question-là. Et c'est ça, le drame, dans une grande structure, dans un grand ministère, dans une grande famille que doit être l'éducation au Québec, c'est qu'on a tenté de rendre ça le plus agréable possible pour la paperasse, mais on n'a jamais pensé que ce n'était pas agréable du tout pour ceux qui vivaient dedans, c'est-à-dire les humains qui y reçoivent une formation académique. Et ça, M. le Président, à mon sens c'est triste. C'est triste que 88, qui devrait être le projet de loi dont la ministre serait la plus fière en matière d'éducation, pour la réussite de l'élève, ne répond pas à cette question-là.
Je reviens sur ce qu'on a entendu des groupes parce que c'est important. Vous savez, le projet de loi n° 88, je le disais dès le départ, a deux troncs principaux, hein? Il y a la question des conventions de partenariat puis la question de la gouvernance. Et je me souviens d'avoir entendu la ministre dire, je pense, dans les remarques finales qu'elle faisait, qu'au-delà des structures, hein, c'est les humains, c'est les rapports, c'est la façon dont tu veux interagir avec les autres, c'est la mission que tu te donnes de réussir ou non ton travail en vue d'atteindre l'objectif de la réussite scolaire. Bien, justement, moi, quand je lis 88, je ne le retrouve pas, ça, à la lumière de ce que j'ai entendu parce que le palier intermédiaire que sont les commissions scolaires, eux, ils n'ont pas été ouverts, ouverts, ouverts, M. le Président, comme ils devraient, à chercher à tout prix de venir en soutien aux établissements.
Vous savez, il y a une donnée qui à mon sens peut vicier ce que recherche la ministre, c'est-à-dire une convention de partenariat basée sur une relation de confiance, puis d'entraide, puis de solidarité, c'est que les commissions scolaires, M. le Président, ne semblent pas avoir compris qu'elles doivent être en soutien aux écoles plutôt qu'en autorité sur les écoles. Et, dans cette démarche d'arrimer le projet éducatif d'un conseil d'établissement jusqu'à la direction générale du ministère ici, à Québec, et ses orientations, il y a des moments où on n'est pas sûr que les besoins viennent d'en bas et que les ressources viendront d'en haut pour les combler parce qu'il se fait de la politique puis des intérêts corporatifs sur le dos des étudiants.
n(22 h 50)n Et ça, là-dessus, c'est malheureux, c'est ce que j'ai entendu quand ils n'étaient pas certains ? et je parle clairement de la Fédération des commissions scolaires; quand ils n'étaient pas certains ? que la convention de partenariat était dans un cadre légal qui pouvait les satisfaire, ils n'étaient pas certains que c'était pour leur enlever dans le fond ce pouvoir-là qu'elles pensaient avoir acquis, c'est-à-dire pouvoir déterminer c'est quoi, le projet éducatif d'une région, déterminer les ressources pour pouvoir l'offrir et d'arbitrer les demandes des écoles.
Moi, M. le Président, j'ai compris qu'aujourd'hui, quand les gens rejettent massivement une structure en disant: Écoutez, elle ne nous sert pas, faites mieux... Et j'aurais pensé que le gouvernement du Québec aurait dit: Bien, j'ai compris une chose: les gens, ce qu'ils veulent, c'est une prise en charge locale, c'est une décentralisation vers le milieu, que c'est l'appartenance au milieu qui va faire que nos jeunes vont arrêter de décrocher, c'est l'appartenance au milieu qui va faire que nos jeunes vont voir l'école comme une deuxième maison. Ça, M. le Président, ce n'est pas ce qu'on voit quand on centralise vers le haut des pouvoirs dans les mains de la ministre. Quelles que soient les intentions qu'ils ont, au ministère, s'ils centralisent plutôt que décentraliser, ils ne rendent pas service à l'élève parce que ceux qui donnent la formation, ceux qui veulent la marge de manoeuvre, ceux qui veulent l'espace créatif et budgétaire pour pouvoir tenter des choses pour améliorer l'éducation, eux, ils sont encore déçus, M. le Président.
Moi, comme parent, j'ai compris que l'éducation, c'était une responsabilité de l'État. Mais, quand je confie mes enfants à une organisation puis à un établissement, c'est à un maître, c'est à un enseignant que je confie mon enfant, et j'espère que cette personne-là, une fois qu'elle a obtenu tous ses diplômes puis ses certifications puis qu'elle a les aptitudes nécessaires pour enseigner, elle va pouvoir justement vivre l'enseignement pour que, moi, mon enfant puisse réussir, s'améliorer, s'adapter. Puis, dans notre société, aujourd'hui, au-delà des connaissances puis des compétences, ce qu'on veut, c'est que nos enfants, ils réussissent à apprendre à apprendre. Parce qu'on est dans une société où ça va vite, puis une société où les choses bougent, puis une société où il y a de la compétition, il y a des difficultés, puis on veut qu'ils soient prêts à être les meilleurs quand ils vont sortir de l'école. Bien, ce n'est pas par les structures administratives qu'on est capable de s'adapter à ce marché du travail là, à cette façon de vivre au Québec, dans une économie canadienne, nord-américaine, mondiale. C'est parce que les enseignants, eux, ce qu'ils font, c'est qu'ils transmettent ce pouvoir-là, ce goût du dépassement là. Mais ça, je ne le sais pas, pourquoi, mais c'est une manie gouvernementale, on dirait, au Québec, M. le Président, de vouloir centraliser dans ce moment-là au lieu de décentraliser puis de faire confiance.
Et, moi, vers ça, c'est ce que je comprends du projet de loi n° 88 quand je dis que c'est le statu quo en matière de réussite de l'élève. Peut-être que les rapports vont être plus simples puis que la direction du ministère sera capable de dire: Bien, peut-être que je contrôle mieux la commission scolaire face à chacune des étapes, mais, au bout du compte, là, qu'est-ce que l'enfant, qu'est-ce que l'élève y trouve?
Et, je dois le dire, les groupes qui sont venus nous parler de l'élève, bien c'est ceux qui sont dans les écoles. Vous allez me dire: C'est normal, eux autres, ils en voient tous les jours. Tant mieux. Mais ceux qui sont venus nous parler des élèves, bien leur crainte, c'était de ne pas avoir cette marge de manoeuvre là pour le réussir, leur projet éducatif. Ceux qui sont venus nous parler des élèves, c'est eux qui sont venus dire que possiblement qu'on augmentait la bureaucratisation. Parce que la ministre a dit qu'on a besoin de reddition de comptes, bien ces groupes-là, là, ils sont venus nous dire qu'il y en a à toutes les étapes, de la reddition de comptes. Il y en a tellement, M. le Président, de la reddition de comptes, qu'on ne sait plus trop qui est responsable de l'échec en matière de décrochage scolaire. Et ça, moi, ça m'interpelle, ça m'inquiète. Je trouve que, dans ce cas-là, on devrait trouver une façon de donner des orientations qui vont se rendre dans l'école, oui, mais qu'eux vont avoir tout l'espace nécessaire pour les faire vivre, ces orientations-là, et la réussir, cette école-là.
Sur la gouvernance des commissions scolaires, je ne vois pas, honnêtement et respectueusement, M. le Président ? je l'ai dit à la ministre et aux intervenants concernés ? que de faire élire le président au scrutin universel, que d'instaurer des membres cooptés va faire en sorte qu'ils vont avoir plus de légitimité. La réalité, M. le Président, c'est que les gens, ils se sont exprimés à plusieurs reprises et ils votent, là, dans ces élections-là. Ils n'y trouvent pas ce qu'ils recherchent pour assurer cette démocratie-là parce que, les parents, moi, ce que je comprends, c'est que la démocratie scolaire, c'est dans l'école qu'ils veulent la vivre, c'est avec leur communauté qu'ils veulent la vivre.
C'est assez symptomatique, M. le Président, qu'à toutes les fois que quelqu'un a abordé l'aspect du projet de loi où on tentait de prendre un commissaire puis de lui permettre d'aller dans le conseil d'établissement que les gens disaient: Ah! vous pouvez tenter de leur permettre, mais surtout pas les obliger, surtout pas leur ouvrir toute grande la porte pour empêcher que le conseil d'établissement puisse dire non. Or, quand on leur posait la question: Pourquoi? Bien, ils vous répondent: Parce que les expériences passées ne sont pas bonnes.
Bien, si le commissaire scolaire est au service de l'école, si la commission scolaire a à coeur la réussite... Là, je parle toujours des humains, là, hein? Les humains qui travaillent là ont à coeur la réussite. Comment ça se fait que chaque groupe qui est venu nous voir nous a dit que les expériences, elles, n'étaient pas réussies? Puis ça, pour moi, c'est symptomatique, M. le Président, de ce qui arrive. C'est que les écoles veulent se prendre en main, ils veulent se faire dire: Donnez-nous vos orientations et laissez-nous la faire vivre, notre école dans notre communauté locale.
Et là-dessus je réitère que ce n'est pas les modifications de gouvernance qui se retrouvent dans le projet de loi n° 88 qui vont lui redonner du lustre perdu. Et là-dessus, M. le Président, la ministre disait: Je vous comprends, vous avez une position qui est forte. Elle a raison, c'est une position qui est forte. Et je peux la rassurer, ça n'a pas que des désagréments, des positions fortes, parce qu'une position forte, c'est une position qui est claire. Puis cette position-là, là, je n'ai pas besoin de l'expliquer longtemps. Moi, dans mon entourage, les gens qu'on rencontre, les gens qui viennent dans les bureaux de comté des députés de l'opposition officielle, là, c'est sans censure qu'ils nous disent qu'on a raison. Ces gens-là, ils viennent nous voir, des enseignants beaucoup, puis ils nous disent: Bien, dans le fond, là, vous avez raison. Puis je vous dirais plus que ça, M. le Président, en plus de nous dire qu'on a raison, ils nous disent qu'on est courageux. Parce que, si on veut changer les mentalités dans notre système d'éducation, si on veut faire en sorte que notre école réussisse mieux, que nos élèves réussissent mieux, bien, de temps en temps, un coup de barre audacieux puis courageux, là, c'est permis, M. le Président, dans une société comme la nôtre.
Et je vous annonce que c'est souhaitable parce que... Et là-dessus j'ai compris que la ministre, lorsqu'ils ont fait la réflexion comment améliorer notre système d'éducation... C'est ses mots, je les reprends tels que je les ai compris: Ce n'est pas respectueux d'agir ainsi. Bien, pour moi, M. le Président, le moyen qui est l'abolition des commissions scolaires pour nous amener vers plus de ressources pour cette décentralisation vers l'école, bien c'est respectueux de ceux qui enseignent. Et ça, il y en a qui nous le disent, là, parce qu'eux ça leur redonne une marge de manoeuvre, puis ils retrouvent l'esprit dans lequel ils ont été formés, c'est-à-dire devenir des maîtres pour nos enfants. C'est respectueux des parents parce que les parents, eux, lorsqu'ils confient leurs enfants, c'est à l'école puis à la communauté locale qu'ils veulent les confier. C'est respectueux de ceux qui paient des taxes puis des impôts parce que ces gens-là, ils en veulent pour leur argent, puis actuellement ce n'est pas le cas, M. le Président.
Vous savez, dans plusieurs mémoires, il est noté qu'actuellement, souvent, une commission scolaire dévie les ressources financières vers des services qui n'étaient pas ceux pour lesquels elle avait reçu l'argent. Ça, ce n'est pas moi qui le dis, ça, M. le Président, ce n'est pas l'opposition officielle, ça, qui dit ça, M. le Président, c'est des gens qui travaillent dans le système en aval, en bas de la commission scolaire si vous partez du haut. Et ces gens-là, M. le Président, ils connaissent ça, le milieu de l'éducation. Ces gens-là, à tous les jours, ils travaillent à la réussite de l'élève puis de l'école puis ils se sentent brimés par ce choix-là, qui est davantage tourné vers des intérêts corporatifs, là. C'est clair, ils essaient de s'autolégitimiser, ils essaient de se réhabiliter par eux-mêmes, mais ça, M. le Président, ça n'a pas fonctionné.
Et je vous dirais, en terminant, juste sur cette question-là du respect, parce que la ministre disait que ce n'était pas respectueux de proposer l'abolition des commissions scolaires: Quand on investit annuellement 9 milliards de dollars dans un système, je pense que c'est respectueux de l'intelligence des gens d'être capable de faire le débat si ce palier intermédiaire là est utile ou pas, s'il a encore sa raison d'être ou pas, si on a besoin de ça pour envoyer le bon signal, c'est-à-dire que l'école, les parents, la communauté sont capables de se prendre en charge.
n(23 heures)n Et ça, M. le Président, s'il y a quelque chose qu'on ne devrait jamais accepter du côté de l'opposition officielle, c'est de se faire dire que c'est simpliste, parce que c'est une solution qui peut avoir beaucoup d'impact. On ne peut pas accepter que cette situation, elle est simpliste et mal fondée, mal réfléchie, parce qu'elle met en jeu des emplois pour pouvoir redévelopper, puis redéployer des ressources. Un geste courageux comme celui-là, qui est un coup de barre comme ça fait des années qu'il ne s'en est pas donné dans notre système, M. le Président, ce n'est pas une solution simpliste, c'est une situation qui a été réfléchie, c'est un moyen différent de celui du gouvernement puis du Parti québécois pour arriver à l'objectif de la réussite des élèves.
Alors, là-dessus, on s'attend à ce que des gens nous interpellent, on s'attend à ce que le débat se fasse avec des collègues parlementaires, mais on le sait qu'on en a, des assises parmi la population, on le sait qu'il y a des gens puis des directeurs d'école qui pensent qu'on a raison, on le sait qu'il y a des ministres de l'Éducation, dans le passé, qui ont remis en question les commissions scolaires.
Le Parti québécois, en 1982, le Dr Laurin proposait une école communautaire. Il y a des prédécesseurs de l'actuelle ministre de l'Éducation qui disaient ? et là j'avais quelques citations; qui disaient ? que «les commissions scolaires posent un problème de légitimité», le député de Châteauguay. «Pour l'instant, mon idée n'est pas faite, mais celui de l'abolition des commissions scolaires en fait partie», le ministre de l'Éducation, député d'Orford. Le député de Vachon: «Les gens ont un malaise par rapport aux commissions scolaires et ils le disent.» On a le droit, M. le Président, de discuter de ça. Je ne sais pas pourquoi qu'à toutes les fois qu'on prononce ça il y a comme une levée de boucliers juste sur le discours. Mais ce n'est pas vrai, on a le droit puis on va le faire, nous. À chaque fois que c'est possible, on va rappeler que, pour nous, l'abolition des commissions scolaires, c'est un moyen pour arriver à notre objectif: une meilleure école au Québec.
Et je vous dirais que ce qu'on aurait aimé de 88, si on était à recommencer, bien c'est qu'on ait mis l'élève au centre, qu'on ait un plan audacieux de décentralisation, qu'on améliore l'école dans le coeur de ces communautés locales pour créer ce sentiment d'appartenance là. Parce que tous les parlementaires ici l'ont dit à un moment ou l'autre de leurs carrières politiques: Ah! pour réussir l'éducation, il faut impliquer tout le monde. Effectivement, mais, nous, on pense qu'impliquer tout le monde, ça commence par ceux qui vivent avec l'école. Impliquer tout le monde, ça veut dire impliquer les gens qui y vivent quotidiennement: ceux qui y enseignent, ceux qui la dirigent, ceux qui y travaillent et les parents de ceux qui la fréquentent. Ça, là, ça va être, j'en suis convaincu, réussir l'école, M. le Président, mais pour l'instant ce n'est pas ce que nous propose 88, pour les raisons que j'ai données, qui demeurent à mon avis des statu quo.
Je veux également parler, dans les groupes, de choses qui ont été dites, notamment sur le protecteur de l'élève. J'ai dit à la ministre que j'ai étudié le projet de loi, puis j'en ai parlé à l'intérieur de la consultation qui a été faite, c'est quand même surprenant, M. le Président ? et il faut le faire, le constat, là ? qu'on ait besoin, dans une loi comme celle-là, d'aujourd'hui, de nommer un protecteur de l'élève, de le dissocier de la commission scolaire parce que justement ils sont incapables d'autoréguler puis de régler à l'interne ces discussions-là. Parce que, vous savez, la raison pour laquelle un parent s'intéresse à un protecteur de l'élève aujourd'hui, c'est parce qu'il a l'impression, dans l'attribution des ressources, que son enfant n'a pas eu ce à quoi il avait droit. Parce que c'est comme ça, là. Moi, j'ai des exemples concrets en tête, là, où c'est qu'on m'a dit: Ici, la ressource dédiée n'est pas là parce qu'on a préféré prendre l'argent puis la mettre dans d'autre chose. Mais c'est qui qui paie au bout de ça, M. le Président? Bien, c'est l'élève.
Et j'étais très surpris, M. le Président, presque indigné à ce moment-là d'entendre la Fédération des commissions scolaires nous dire: Bien, dans le fond, ça devrait être quelqu'un qui est rattaché à la commission scolaire. C'est ridicule, M. le Président, ridicule! Tout système juridique qui se tient debout, là, donne au moins la perception qu'il y a de l'intégrité, de l'impartialité puis de l'indépendance. Alors, l'art de compter dans son but, dans une période où on vient de finir des séries au hockey, là, bien il faut leur donner la palme cette journée-là, M. le Président. C'était ridicule d'essayer de nous faire croire, et je suis convaincu qu'aujourd'hui ils diraient qu'ils se sont trompés, c'était ridicule de tenter de nous faire croire qu'il fallait l'ajouter puis le garder à l'intérieur de la commission scolaire.
Je veux également parler de la présidence élue au suffrage universel. Vous savez que les commissions scolaires qui sont venues nous voir, là, nous ont dit: Ce n'est pas une bonne idée. Ce n'est pas une bonne idée parce que, nous, on a des grands territoires. Ce n'est pas une bonne idée parce qu'on a bien des villes à parcourir. M. le Président, ce n'est pas une bonne idée parce que c'était compliqué. Il me semble que, si j'étais dans une organisation qui essayait de redorer son image, je ne commencerais pas en disant que c'est compliqué. Je dirais: Merci pour tenter de me donner une petite bouée de sauvetage. Mais ce n'est pas ça qu'ils ont fait. Quand l'absurdité, M. le Président, tient lieu de discours, c'est ça qui arrive. On oublie que là, là-dedans, là, on n'est même pas en exercice de vente puis de séduction face à la population. Non, on essaie de conserver des acquis. C'est ça, les intérêts corporatifs dont je discutais tout à l'heure. Notre système d'éducation a besoin de plus que ça, M. le Président. Il faut aller plus loin que ça dans la recherche de la réussite.
Je veux également vous parler du projet de loi dans son esprit de centralisation. On ne s'entendra peut-être pas si c'est une grosse, ou une petite, ou une moyenne centralisation, mais il n'en demeure pas moins... La ministre me dit que c'est une petite centralisation. Il en existe une quand même, M. le Président, et on aura le temps de le voir puis d'apprendre un peu plus combien ça coûte, comment ça va marcher, mais ce qui est clair, c'est que, moi, j'ai compris que le signal qu'il fallait donner, c'est d'en donner plus en bas. Parce que ceux qui se plaignent, là, c'est ceux qui sont en bas. Eux, ils se disent: Je n'ai pas assez de ressources. Moi, je veux réussir un projet chez nous, là, puis je n'ai pas de ressources. Alors, il faut se questionner pourquoi on a tenté de retourner vers le haut des sommes qui auraient pu aller en bas, quelles qu'elles soient, M. le Président.
Le message qu'il faut lancer, c'est qu'on a compris que nos milieux scolaires avaient besoin de plus. Mais là ce qu'on a compris du signal, c'est que, pour s'assurer la mainmise sur les commissions scolaires puis avoir l'air de garder le cap sur la patente, bien on ramène de l'argent en haut puis on va créer des jobs en haut. Ça, M. le Président, c'est à mon sens le mauvais signal à envoyer. La ministre l'expliquera, là, mais, je vous le dis, quel que soit le montant, quelle que soit la concentration des pouvoirs, quelle que soit l'embauche nécessaire pour réussir le projet du projet de loi n° 88, ce qui est clair, c'est que ça va remonter au lieu de descendre. C'est un principe physique, ça, M. le Président. C'est en bas que sont les besoins, c'est à l'école que sont les besoins. Ce n'est même pas correct de dire «en bas parce que c'est là de toute façon que ça a toute sa noblesse, l'éducation. C'est à l'école que ces choses-là doivent arriver.
Nous, à l'ADQ, on a compris une chose, c'est que, si on donne la chance au milieu de se développer, si on donne la chance au milieu d'être créatif puis d'assumer du leadership pour réussir l'éducation de la plus grande majorité possible des enfants qu'ils ont sous leur juridiction, bien on devrait être capable de faire des grandes choses avec l'éducation au Québec. On a entendu toutes sortes de choses par rapport à ça.
Vous savez, il y a une étude qui a été déposée ? c'est les gens de la fédération des directeurs qui la déposaient ? une étude de l'OCDE qui disait... puis je ne parle même pas de la sélection naturelle par les notes, là, pour les écoles, mais il y a une donnée bien importante, qui est là-dedans, d'une étude de l'OCDE, qui dit qu'à peu près 25 %, là, dans l'échelle de performance, c'est l'autonomie des écoles à se réaliser dans des projets de société locaux. Puis, vous savez, on aura bien beau dire ce qu'on veut, mais les écoles qui réussissent, c'est celles qui ont la fierté d'être capables de bien nous la vendre. Vous savez, quand on a des... Moi, j'ai des collègues, là, puis j'ai parlé avec quelques-uns qui sont au moment où ils doivent magasiner l'école secondaire de leurs enfants. Ce n'est pas normal, M. le Président, que chacune des écoles n'ait pas à l'esprit qu'il faut réussir la vente de cette école-là auprès des enfants pour qu'on puisse les accueillir chez nous.
n(23 h 10)n Nous autres, on croit à ça, M. le Président, l'école publique en santé au Québec puis une école publique de qualité qui va pouvoir rivaliser avec la planète en entier. Mais on a tous nos obligations, hein, puis nos besoins. Bien, l'école, elle a aussi cette responsabilité-là, mais il faut qu'elle ait les moyens. Quand on dit à un directeur d'école publique dans n'importe quelle région du Québec: Pourquoi vous ne les faites pas, les opérations de vente, puis de venir nous dire qu'ici, c'est bon, puis que, des réussites, il y en a?, il va dire: Je n'ai pas le temps de m'occuper de ça, moi, M. Proulx. Je ne peux pas m'occuper de ça parce que, moi, je n'ai pas les budgets pour ça. Moi, je fais un déficit quand ma secrétaire prend des congés trop longtemps parce que tout ce que j'avais pour pouvoir me faire une petite marge de manoeuvre, c'était de m'assurer qu'elle ne prenne pas de vacances. Moi, je n'ai même pas de moyen pour être capable de faire un peu de publicité, puis de créer des projets innovants chez nous, parce que je suis obligé de garder le petit peu qu'on m'a donné pour m'assurer que le toit ne coule pas puis que mon plancher ne changera pas de couleur, un jeudi, parce que quelqu'un va avoir échappé quelque chose dessus.
C'est bien malheureux, M. le Président. Mais il n'y a aucune entreprise au Québec qui va être capable de réussir son placement, sa vente, de réussir tout court son projet si on n'est pas capable de lui donner l'espace, la marge de manoeuvre pour qu'ils nous fassent la démonstration qu'ils ont tout le potentiel pour éduquer nos enfants. Ça, là-dessus, on est obligés de le dire, puis, s'il y aura un parallèle à faire avec l'école privée, M. le Président, c'est le fait que, quand vous parlez en privé à un directeur d'école, d'une école secondaire publique, comme j'en ai un en tête, il va vous dire: Vous savez, si j'avais les mêmes marges de manoeuvre que lui, à côté, je serais sûrement capable de faire la même chose. Bien, pourquoi on ne cherche pas de façon législative dans les orientations que veut donner la ministre? Si elle veut donner du leadership au système d'éducation, pourquoi elle ne donne pas les marges de manoeuvre aux écoles pour qu'ils puissent les réaliser, ces grands plans d'intégration là, puis qu'ils puissent les créer, ces milieux de vie là? Et c'est comme si on avait banalisé ça, M. le Président. Et c'est ça qui est dommage à la lecture d'un projet de loi comme celui-là, c'est comme si on avait banalisé le fait que ça peut être stimulant, l'école publique québécoise, puis ça peut être des milieux de vie qui sont tripants pour des étudiants. Et ça, là-dessus, il n'y a rien qui est vu là-dedans qui peut nous aider.
Je rappelle que, dans le principe de décentraliser l'école puis de réaliser l'école locale par les communautés, bien ça, là, le signal que, nous, on entend, c'est que les milieux, ils sont prêts à se prendre en main. Moi, les gens que je côtoie qui ont des enfants à l'école, là, ils me disent: Bien, nous, on va s'impliquer, là, mais donnez-nous des affaires à décider, par exemple. Donnez-nous la possibilité de réaliser des grands projets puis des grandes choses avec notre école. Aïe! c'est l'avenir de notre société qu'on a entre les mains. Bien, c'est un débat de structures puis administratif qui le conduit. C'est ça, le drame, M. le Président.
L'abolition des commissions scolaires, pour l'Action démocratique du Québec, là, c'est le moyen, c'est un moyen utilisé pour essayer de leur donner en bas toute la marge de manoeuvre nécessaire. Parce qu'il y en a, dans ce palier-là, qui dort là, de l'argent, du temps, des expertises qui, au lieu de faire des rapports, devraient s'occuper des enfants. Puis ça, M. le Président, c'est dit le plus simplement possible pour que les gens comprennent que les communautés sont prêtes à se prendre en main et nous le disent. Les parents ont le goût d'assumer du leadership et nous le disent. Les enseignants ont le goût d'avoir la marge de manoeuvre pour enseigner puis d'être des maîtres pour nos enfants, ils nous le disent. Alors, pourquoi la volonté gouvernementale n'est pas à l'écoute là-dessus? Elle est dans un débat de structures.
Et, M. le Président, la ministre nous accusait tout à l'heure d'avoir une position forte puis d'avoir de la misère à vivre avec; je vous dirais que, si on jouait au jeu où il y a un miroir, là, ce serait le moment où je le retournerais. Parce que, dans leur cas à eux, c'est tout aussi délicat, si on prend l'exemple de la ministre, parce que, si, nous, on veut les abolir ? puis on veut vivre avec notre position, puis je vous assure là-dessus, il n'y a personne ici qui va changer d'idée, on est convaincus de ce qu'on dit ? de leur côté, là, ils sont obligés de tenter de les réhabiliter. C'est ça. Ça, je vais vous dire que c'est pas mal plus compliqué parce que la structure, la bibitte, là, elle n'est pas forte. Les gens n'y croient plus. Les gens n'y participent plus. Elle est blâmée à peu près dans tous les milieux, dans l'administration des écoles, dans la façon dont on gère les lieux physiques, dans la façon dont on donne puis on affecte les ressources.
Alors, je comprends que, de leur côté, c'est tout aussi difficile, si on reprend l'exemple de la ministre, parce qu'elle doit être dans une situation où elle dit: Comment je vais faire pour rendre ça attrayant? Je vais vous dire, M. le Président, à part de changer le costume puis d'essayer de le mettre au goût du jour, là, je n'ai rien vu là-dedans qui peut faire changer d'idée un adéquiste convaincu que la solution, ce n'est pas dans l'abolition pour les commissions scolaires.
Alors, j'ai vu le projet de loi en deux volets. J'ai vu deux esprits dans le projet de loi, sur deux routes bien distinctes, qui vivent ensemble: l'intégration des plans pour essayer de réussir l'éducation puis la gouvernance scolaire. Je pense avoir fait la démonstration qu'en matière de gouvernance scolaire on était dans le cosmétique et que, dans le cas de l'appréciation pour pouvoir réussir l'école, comme le dit la ministre, on n'est pas allé assez loin parce qu'on s'est trompé de cible. La ministre a regardé en haut, vers le ciel, puis, nous, on lui a dit: Regardez en bas. La réalité, M. le Président, c'est qu'on n'aura pas autre choix que de voter contre le projet de loi, parce qu'en rien, rien, rien ça ne remplit les objectifs qu'on s'est donnés d'améliorer l'école québécoise.
Je vais la rassurer sur une chose, on va être présents en commission parlementaire. On n'a pas l'intention de rester dehors. On va être assis là puis on va faire notre travail. Puis je peux l'assurer d'une chose, on va en poser, des questions, parce qu'il y a des choses qui méritent de répondre. Puis tant mieux si, au travers de ça, là, on prépare le prochain projet de la ministre, celui qui, on le souhaite, là, s'occupera davantage de la réussite des élèves puis fera en sorte qu'on va la réussir, l'éducation de nos enfants. Mais on sera là, on va participer au projet de loi.
Mais je vous le dis, là, j'ai fait le travail sérieusement, on en a parlé avec nos collègues, et jamais, jamais, jamais on n'a été ébranlés dans la certitude que nous avons, c'est-à-dire que, pour réussir l'école, il faut aller dans les communautés parce que c'est eux qui ont les moyens d'améliorer la génération qui suit, puis d'améliorer le sort de nos enfants, puis d'arrêter cette banalisation que nous avons de dire: Bien, le décrochage, c'est compliqué; le décrochage, on ne peut pas rien faire; le décrochage, c'est un problème structurel régional dans certaines communautés à cause d'indices socioéconomiques ou... C'est vrai que le décrochage, c'est complexe, M. le Président, mais, si le leadership est exercé localement, on peut gagner cette bataille-là, et c'est ça qu'on va faire, à l'Action démocratique du Québec. On va travailler là-dessus pour qu'à l'avenir on s'occupe des enfants: moins des structures et plus de leur réussite à long terme. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Chagnon): Merci. Merci, M. le député de Trois-Rivières et leader de l'opposition officielle. J'inviterais maintenant Mme la députée de Taillon à prendre la parole. Mme la députée.
Mme Marie Malavoy
Mme Malavoy: Je vous remercie, M. le Président. J'ai écouté mon collègue de Trois-Rivières très attentivement. Je pense qu'il a parlé à peu près 40 minutes.
Une voix: ...
Mme Malavoy: 45, c'est encore mieux. Puis honnêtement, de cinq minutes en cinq minutes, je me disais: Il va finir par m'expliquer précisément, sur ce projet de loi, ce qu'il ferait de différent. Et honnêtement j'ai eu l'impression d'assister à un exercice, en son genre réussi, mais d'improvisation sur des mots: commission scolaire, leadership, l'intérêt de nos enfants. Et je serais curieuse de voir un légiste, ce soir, qui aurait écouté ça et qui aurait essayé de transformer en projet de loi les 45 minutes du député de Trois-Rivières, parce que, moi, là, qui ai assisté à toutes les auditions publiques, à part de comprendre qu'il veut toujours l'abolition des commissions scolaires, je ne serais même pas capable de retenir l'essence d'un amendement. Je n'ai même pas vu, je n'ai même pas vu qu'on parlait du projet de loi qui est ici et sur lequel on a entendu des gens pendant des heures.
Alors, je trouve honnêtement que c'est un exercice qui est un peu bizarre, ce soir, parce que, quand j'entends le député de Trois-Rivières dire qu'ils ont une position forte, est-ce que l'entêtement, c'est de la force, M. le Président? Question que je vous soumets respectueusement.
n(23 h 20)n Peut-être plus précisément, j'ai eu le plaisir d'aller dans quelques régions du Québec, et entre autres à Trois-Rivières, le bastion de mon collègue de Trois-Rivières, le leader de Trois-Rivières, semble-t-il, et j'ai passé des heures avec les gens du milieu de l'éducation à Trois-Rivières, et ils ne m'ont jamais dit qu'il fallait abolir les commissions scolaires, ils ne m'ont jamais dit qu'ils ne s'y retrouvaient pas, ils ne m'ont jamais dit de telles choses. Ils ne sont pas venus me dire ça, je ne vois pas comment ils vont dans le bureau de comté de leur député dire quelque chose de tellement contraire.
Tout ça pour vous dire que l'ADQ peut très bien avoir une position. Je ne dirais pas qu'elle est forte, je dirais qu'elle est ferme. Bon. Cela dit, à partir du moment où ils n'ont pas d'alternative... Parce qu'il n'y a aucune alternative dans ce que j'ai entendu. S'il y en avait, je le respecterais plus. Si on m'avait dit ce soir: On enlève les commissions scolaires, et voici comment ça marche à partir de demain matin, de haut en bas, quelles sont les responsabilités de chaque palier, j'aurais dit: Ils ont une autre façon de voir les choses mais ils en ont une. Et je n'ai rien vu, dans ce que j'ai entendu, qui soit une autre façon de voir les choses. Tout ce que j'ai vu, c'est un certain nombre d'improvisations sur des mots clés.
Alors, je voudrais en venir à ce projet de loi parce que je pense que, ce soir, on est là pour adopter le principe, c'est-à-dire dire: À partir de maintenant, on va faire une étude rigoureuse, sérieuse et on va probablement travailler à bonifier ce projet de loi.
Pourquoi est-ce que ce projet de loi existe? Je pense qu'il existe parce qu'il y a, dans la société québécoise, en ce moment, de grands enjeux autour de l'éducation, et on se demande: Est-ce qu'il faut modifier nos façons de faire? Et on se pose deux questions. La première, qui a été un déclencheur ? et, moi, j'ai été de ceux et celles qui disaient: Il y a une sonnette d'alarme effectivement qui sonne: Comment se fait-il que la population ne s'intéresse plus aux élections scolaires? Parce que ça donne l'impression qu'ils ne s'intéressent plus à ce qui se fait dans les commissions scolaires. Donc, il faut revoir la démocratie scolaire. Et l'autre question, la question de la gouvernance, l'impression que des gens ont que des choses se passent un peu en vase clos et de façon hermétique, aux différents paliers, les uns par rapport aux autres. Donc, il y a des choses à revoir.
Nous sommes, vous le savez bien, M. le Président, au Parti québécois, convaincus que les commissions scolaires sont là pour rester. Elles ont un peu plus de 40 ans d'existence, elles se sont modifiées au cours des années, elles ont subi des transformations. Il y a des transformations très, très majeures, comme par exemple le passage de commissions scolaires confessionnelles à des commissions scolaires linguistiques, c'est majeur, ça a marqué notre histoire, et donc elles sont en voie de transformation par périodes, et c'est bien normal qu'on se demande aujourd'hui vers quoi elles vont aller. Mais nous pensons qu'elles sont là pour rester parce que nous pensons qu'il faut un palier régional de décision qui ne soit pas une extension du ministère de l'Éducation. Le ministère, c'est l'État national; les écoles, c'est bien sûr les lieux extrêmement précieux où on délivre des services éducatifs. Mais, entre les deux, il faut, nous pensons, un palier régional qui a une vision d'ensemble des besoins d'une région, et qui essaie de répondre au mieux aux exigences particulières de ce milieu, et qui soit plus en proximité avec ce milieu.
Moi, je ne pense pas que l'État puisse de loin dicter la conduite des établissements. Et, je l'ai déjà dit mais je le redis, la vision que j'ai entendue de mon collègue de Trois-Rivières, tout ce qu'elle pourrait faire en prétendant confier des responsabilités uniquement aux écoles, tout ce qu'elle pourrait faire, c'est provoquer une centralisation parce que les écoles ne vont pas faire entre elles l'arrimage de la distribution des ressources. À un moment donné, il faudra trancher. Et j'ai vérifié avec des directeurs d'établissement, ils m'ont dit exactement la même chose. Ils n'ont pas du tout envie d'être assis autour de la table et de décider qui va avoir quelle enveloppe et pour faire quoi. Donc, s'il n'y avait pas de palier régional de décision, c'est l'État québécois qui prendrait toutes les décisions, et ça provoquerait plus de centralisation.
Et je sais que ce n'est pas la première fois que je dis ça ou que certains de mes collègues disent ça, mais je n'arrive pas à comprendre comment l'ADQ peut, d'un côté, avoir un discours de diminution de l'État, de moins d'État puis, de l'autre côté, nous amener sur des voies comme celle qu'il défendent aujourd'hui, où on aurait comme conséquence au contraire une plus grande centralisation.
J'en viens au projet de loi n° 88, sur certains points spécifiques qui ont attiré mon attention mais qui ont aussi été objet de débats. Parce que, vous le savez, on a passé vraiment plusieurs heures très intéressantes avec des acteurs de ce milieu-là, qui sont venus nous dire pas toujours la même chose, tout ne va pas dans le même sens, mais qui sont vraiment venus nous éclairer sur les conséquences du projet de loi là où ils ont à travailler, dans leurs secteurs de compétence.
Il est vrai donc qu'un des éléments très central du projet de loi, c'est de créer, je dirais, une chaîne entre tous les paliers. Il y a une chaîne qui est créée ? et je vais employer les mots exacts ? par une convention de partenariat entre la ministre et chacune des commissions scolaires et puis une autre chaîne qui continue entre chacune des commissions scolaires et les directions d'établissement, avec ce qu'on appelle les ententes de gestion et de réussite éducative. Quand on met ça bout à bout, on pourrait en faire un dessin, ce serait facile, on voit qu'il y a une chaîne donc du haut vers le bas ou du bas vers le haut, peu importe.
L'équilibre à tenir, et c'est avec ce regard-là que, moi, je vais aborder la suite des travaux, l'équilibre à tenir, c'est bien sûr qu'il y ait de la cohérence mais aussi qu'il y ait de la marge de manoeuvre. Si cette chaîne devait apparaître comme une chaîne d'autorité du haut vers le bas, avec une possibilité pour l'État de décider du sort de ce que les gens devront faire, là il y aurait des choses éventuellement à revoir.
Je ne veux pas faire, ce soir, la discussion pointue, mais un des éléments sur lesquels je pense qu'il faut être vigilants, et plusieurs des acteurs ont attiré notre regard là-dessus, c'est sur certains articles qui donnent à la ministre le pouvoir de déterminer des orientations ou encore le pouvoir de procéder à des évaluations et à introduire des correctifs ou toutes mesures qui lui sembleraient nécessaires. Il y a là un noeud dans le projet de loi, il y a là quelque chose à regarder puis il y a là quelque chose qu'on regardera attentivement, mais à la loupe. Parce que le député de Trois-Rivières va faire partie de nos travaux, il a dit lui-même, tout à l'heure, qu'il allait être attentif, mais j'espère qu'il comprend bien que, quand on étudie article par article, on travaille à la loupe sur chaque mot. On ne fait pas des grandes déclarations sur des idées ou des grandes valeurs, on travaille sur chaque mot. Moi, je veux regarder chaque mot parce que, je vous dis, du côté du Parti québécois, nous tenons à nous assurer que, dans ce projet de loi, on conserve une approche qui donne à un palier régional des pouvoirs importants. Qu'on conserve l'approche de décentralisation tout en demandant à ce palier régional d'être plus transparent, de rendre des comptes, tout cela va dans le sens de ce que tout le monde réclame depuis fort longtemps. Mais, cela dit, il ne faut pas que ce palier régional soit totalement dépendant de la mainmise de l'État par l'entremise de son ministre ou de sa ministre. C'est un des éléments que nous allons regarder très attentivement.
n(23 h 30)n Autre élément qui a été beaucoup discuté, puis ça a été évoqué tout à l'heure, c'est la fameuse question des cibles. On va regarder ça aussi. Que l'on se donne une obligation de résultat, je pense que tout le monde peut comprendre que c'est légitime, on ne peut pas seulement, dans la vie, avoir des objectifs et puis ne pas atterrir avec des résultats qui soient mesurables, identifiables. Cela dit, et là je suis sensible à ce que des gens sont venus nous exprimer, certaines craintes sont à l'effet qu'on mette toute la responsabilité sur le dos des gens qui vont être les plus près de l'exécution des tâches, les enseignants entre autres. Or, dans cette chaîne que j'évoquais tout à l'heure, il y a, bien entendu, le rôle des enseignants et le rôle de tous les paliers, mais il faut s'assurer qu'il n'y ait pas, si vous voulez, les contraintes, d'un côté, sans forcément les moyens et les ressources, et puis l'autorité, de l'autre. Si on a des exigences, si on demande des résultats à la base, il faut aussi s'assurer que cette même base ait les moyens de faire son travail. C'est un des éléments sur lequel il faudra sûrement revenir dans le projet de loi pour s'assurer qu'on ait des outils et pas seulement des comptes à rendre, qu'on ait les outils qu'il faut pour rendre des comptes mais de façon justifiée.
Il y a toute une série d'enjeux autour de ce qu'on appelle la démocratie scolaire. Alors, ce n'est pas le temps, ce soir, de conclure, mais je pense bien qu'on peut dire que, dans la population du Québec, s'il y a quelque chose qui est à redorer, c'est le blason de la démocratie scolaire. Et je ne suis pas de celles qui reprochent aux gens de ne pas s'y intéresser. Je crois que «démocratie», ça veut dire «le pouvoir au peuple», et, pour que le peuple ait envie d'exercer ce pouvoir, il faut qu'il sente que ça va faire une différence si c'est lui qui s'en mêle plutôt que s'il ne faisait rien. Et c'est vrai qu'on a l'impression que, dans le monde scolaire, depuis des années ? puis on a vu baisser le taux de participation à cause de cela ? on a l'impression que les parents n'ont pas beaucoup de prise ou la population en général n'a pas beaucoup de prise. Donc, il y a, dans le projet de loi, des moyens qui sont proposés.
Ils ne font pas l'unanimité, puis encore une fois, ce soir, on n'est pas là pour trancher. Ils ne font pas l'unanimité, mais il y a des moyens qui sont identifiés, comme par exemple l'élection à la présidence, l'élection avec un vote universel à la présidence, comme par exemple la restriction du nombre de commissaires pour avoir des gens moins nombreux mais plus impliqués. Un certain nombre d'articles touchent à ces questions-là. Mais l'important, c'est de s'assurer que ça va redonner de la place à des enjeux. Si une population se sent interpellée par les questions qui sont abordées, elle va s'intéresser, elle va se déplacer. Si elle a l'impression que tout se décide en dehors d'elle, elle ne fera probablement pas beaucoup d'efforts.
Puis je vais vous en nommer deux, enjeux. Je pourrais en faire une liste bien plus grande, mais, juste pour illustrer mon propos, la question du décrochage scolaire. C'est un drame national. Puis c'est vrai qu'on a eu, dans les journaux, récemment, très récemment, un palmarès de nos écoles inquiétant. Je suppose que chacun de mes collègues députés a fait comme moi: on a regardé quelles sont les écoles de nos commissions scolaires qui sont classées. Bon, ce classement, il faut le prendre avec nuance parce qu'il y a des milieux qui sont beaucoup plus difficiles que d'autres, et je ne pense pas qu'il faille conclure que les écoles ne font pas leur travail; au contraire, il y a des écoles qui font un travail remarquable mais qui ont de telles difficultés que le taux de décrochage scolaire est important. Ça, c'est un enjeu.
Moi, je souhaiterais, quelles que soient les modalités qu'on va retenir dans le projet de loi, mais qu'aux prochaines élections scolaires la population se sente intéressée par cet enjeu, parce que des gens qui veulent se faire élire viendront dire: Moi, voici comment je vois le problème et voici comment je voudrais trouver des solution, et que cette façon de définir les enjeux soit assez claire pour que des gens disent: Bien, moi, j'achète telle façon de voir ou je ne l'achète pas et je vote en conséquence pour telle personne, un peu comme c'est le cas dans notre propre mode électoral. Vous savez comme moi que, quand on est en période électorale, il y a des enjeux, il y a des plateformes électorales. Alors, je ne veux pas reproduire ce modèle-là forcément, mais je veux m'assurer que, quand on parle de démocratie scolaire, on ait, dans ce projet de loi, de quoi permettre que des enjeux comme ceux-là apparaissent et intéressent les gens.
Un autre enjeu ? puis je vous en ai annoncé deux ? mais très rapidement: celui des élèves en difficulté. Bon. Là, franchement, je mettrais au défi l'ADQ de nous expliquer comment ils vont, avec leurs pouvoirs redonnés aux écoles, trouver l'équité intrarégionale pour les ressources concernant les élèves en difficulté. Il va toujours bien falloir que quelque part il y ait des gens qui fassent une planification régionale.
Mais prenons cette question-là. Vous savez qu'actuellement, au Québec, il y a des discussions à savoir: Est-ce qu'on continue d'aller dans le sens de l'intégration des élèves en difficulté, je dirais, presque à tout prix dans les classes régulières ou est-ce qu'on se pose la question non seulement de leur poids relatif dans chaque classe, combien il faut qu'il y en ait, mais aussi la question: Est-ce qu'on doit leur offrir à certains moments des services en dehors des classes régulières? Ce n'est pas une question facile. Les parents plaident généralement pour qu'on continue de les intégrer dans des classes régulières. Dans certains autres cas, on nous dit: Ce n'est plus possible, les enseignants arrivent à des niveaux d'incapacité de traiter avec la classe qui sont tels qu'il faut revoir le modèle. Ça, ça pourrait être un enjeu. Ça, ça pourrait être mis en discussion pour que, dans toutes les régions du Québec, on se demande: Bien, est-ce qu'on va voter pour des gens qui ont telle vision et qui nous disent ce qu'ils vont faire par rapport à ce problème-là? Donc, il y a bel et bien, dans ce projet de loi, des éléments que l'on touche et qui cherchent à faire progresser la démocratie scolaire.
Mon rôle à moi, avec celui de ma formation politique, ça va être de m'assurer que l'on atteint les objectifs que l'on souhaite atteindre, qu'on le fait dans le respect de ce qui nous semble, nous, quelque chose d'essentiel, c'est-à-dire l'esprit de la décentralisation qui a présidé à la création des commissions scolaires. Et donc on va faire un exercice extrêmement rigoureux, mais je pense qu'on peut dire que nous avons en main ce qu'il faut pour faire ce travail.
Il y a un certain nombre de sujets sur lesquels ça va être peut-être un petit peu plus facile, par exemple... Je prends un exemple comme celui-là parce qu'il me semblait faire un peu plus l'unanimité, mais beaucoup de gens sont venus nous dire: Écoutez, pour les surplus des écoles, dans le projet de loi, on dit qu'ils vont être redonnés aux commissions scolaires. Bien des gens sont venus nous dire: Écoutez, il y a des écoles qui, de peine et de misère, se sont ramassé un peu d'argent pour faire des choses; permettez-leur de le conserver. Probablement que, sur ces éléments-là, on risque de s'entendre un petit peu plus rapidement. Sur d'autres éléments, ça risque d'être plus difficile ou ça risque d'être plus long. Tout dépendra évidemment de ce que mon collègue de Trois-Rivières appelait la force de leur position et du temps que l'on mettra pour la définir.
Je ne vais pas reprendre tous les éléments qui sont dans ce projet de loi là, mais je voudrais peut-être simplement conclure en élargissant de nouveau l'importance de ce que nous faisons. Je crois honnêtement que le plus grand levier de développement pour notre société, c'est celui de l'éducation. Seulement, on ne peut pas dire ça de façon vague. Une fois qu'on a dit cela, une fois qu'on a injecté, on le dit bien, 9 milliards de dollars en éducation au Québec, il faut se demander comment on s'organise pour que nos enfants apprennent, qu'ils apprennent, moi, je dirais, pour être heureux, parce que je crois que la connaissance est une source de bonheur, et de bien-être, et d'estime de soi, qu'ils apprennent aussi parce qu'on a besoin d'eux comme citoyens éclairés et qu'on a besoin d'eux avec leurs compétences, parce qu'on veut que nos enfants travaillent, participent à cette société, et quelle que soit notre vision du Québec. Vous connaissez la mienne, moi, je nous vois comme un pays. Mais, même si je nous vois comme un pays, je sais bien qu'en termes de population nous ne serons jamais un très grand pays. Grand peut-être en territoire, grand peut-être au plan culturel, mais jamais très nombreux. Et le Québec ne peut pas tenir sa place dans le monde s'il n'a pas mis tous les efforts qu'il faut dans le domaine de l'éducation, s'il n'a pas fait les meilleurs choix, sinon nous sommes condamnés.
n(23 h 40)n J'écoutais un peu plus tôt, comme mes collègues, le débat autour du projet de loi n° 63. On parlait d'équité entre les hommes et les femmes, on parlait de primauté de la langue française et on parlait de laïcité. Bon, moi, je plaide pour que la primauté de la langue française soit dans cette loi. Mais, au-delà de ça, je ne peux pas parler de primauté de la langue française sans penser que, pour que cette notion existe et se développe en Amérique du Nord, pour que le Québec soit capable de continuer à avoir une identité francophone forte en Amérique, il faut qu'il ait aussi, au plan de l'éducation, les meilleures stratégies, les meilleurs outils, les meilleurs programmes. C'est notre seule façon d'exister. Nous ne pouvons pas avoir d'autre mode de concurrence avec le reste du monde que si nous sommes les meilleurs dans nos secteurs.
Et je le dis donc pour indiquer simplement que les travaux par rapport à ce projet de loi, ce n'est pas de la mécanique, on n'est pas en train simplement de travailler des rouages les uns par rapport aux autres; on est en train de se demander comment faire que les 9 milliards de dollars que collectivement nous sortons de nos poches soient rendus de la meilleure façon possible auprès de chacun de nos enfants pour les aider à apprendre et à être heureux d'apprendre, et pour ça il faut un système, et pour ça il faut qu'il y ait, je le redis, un palier régional où on prend un certain nombre de décisions. Il s'agit donc de bonifier ce projet de loi, de le retravailler, d'éviter peut-être certains écueils qu'on nous a montrés, d'essayer de trouver des consensus, qui ne feront pas forcément l'unanimité.
J'ai senti, moi aussi, dans les auditions qu'un certain nombre d'acteurs qui avaient des positions très rigides, au fur et à mesure que le temps passe, sont prêts probablement à se rapprocher les uns des autres, et c'est avec cet esprit-là, moi aussi, que je veux entamer très sérieusement l'étude du projet de loi. Je pense qu'il est important, je pense qu'il est dans un secteur vital et je crois qu'il y a vraiment moyen, à notre mesure, avec ce projet de loi, de faire progresser l'éducation au Québec. Je vous remercie, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Chagnon): Je vous remercie beaucoup, Mme la députée de Taillon. J'inviterais maintenant M. le député de Champlain à prendre la parole.
M. Pierre Michel Auger
M. Auger: Merci, M. le Président. C'est avec beaucoup d'intérêt que j'interviens aujourd'hui sur le projet de loi n° 88, Loi modifiant la Loi sur l'instruction publique et la Loi sur les élections scolaires.
D'entrée de jeu, je me pose deux grandes questions, M. le Président: Premièrement, comment améliorer la performance d'un établissement en matière de réussite pour le plus grand nombre d'élèves? Et comment améliorer l'organisation de l'établissement et du réseau dans lequel il s'inscrit pour réussir à améliorer la performance de l'établissement?
Il m'apparaît très évident, pour la députée de Taillon, représentante du Parti québécois, qu'il faut investir dans les structures et non dans les enfants, car elle vient de reprocher à mon collègue de Trois-Rivières, qui a parlé des enfants pendant 45 minutes, M. le Président... De plus, M. le Président, j'ai posé une question, en Commission de l'éducation, à un groupe d'intervenants sur la possibilité pour eux de traiter directement avec le ministère pour répondre à leurs besoins locaux, car ce groupe mentionnait que la commission scolaire ne répond pas toujours à leurs demandes et que ce n'était pas toujours facile de traiter avec eux, et ma collègue de Taillon est revenue en mentionnant qu'il y aurait un manque de fluidité si on devait agir comme ça. Ce qu'elle nous dit, c'est que c'est plus fluide en créant des structures supplémentaires, M. le Président. Avec des affirmations comme celle-là, M. le Président, ça nous permet de comprendre pourquoi nos systèmes de santé et d'éducation sont si mal en point au Québec. Par contre, je tiens à remercier la députée de Taillon ce soir, car elle vient de me confirmer ma raison d'être en politique, M. le Président.
Pour être capable de répondre à mes deux interrogations, M. le Président, une école doit avoir sa propre personnalité, ses propres responsabilités tout en rendant des comptes à l'État et à sa propre communauté. L'école doit également bénéficier du soutien financier adéquat pour répondre à ses propres besoins. L'établissement doit être le maître d'oeuvre de ses choix, de ses orientations et de ses actions en plus de miser sur l'ensemble des ressources humaines pour arriver au but ultime, c'est-à-dire la réussite des élèves, M. le Président.
Selon le chercheur M. Pierre D'Amours, concernant une évaluation internationale sur l'efficacité des systèmes scolaires, on a découvert que, lorsqu'on accordait une marge de manoeuvre institutionnelle et financière importante à un établissement scolaire, les chances d'amélioration de la performance de l'élève augmentaient, ce qui est à l'inverse de ce projet de loi, où l'on veut centraliser le gouvernement au niveau des marges de manoeuvre institutionnelles. Et en plus on veut redonner plus de pouvoirs aux commissions scolaires ainsi que les surplus financiers des établissements, M. le Président.
Actuellement, certaines écoles n'ont pas de bibliothèque, n'ont pas tous les livres, n'ont pas tous les outils nécessaires, tous les services nécessaires pour la réussite des élèves. On parle d'un surplus des commissions scolaires de plus de 300 millions de dollars et on voudrait leur en donner encore plus. De plus, M. le Président, qu'est-ce qui justifie le rapatriement, à la fin d'une année scolaire, à la commission scolaire des ressources financières consenties à l'établissement en toute équité ou encore générées par l'établissement? Pour certains groupes reçus en commission parlementaire ? et j'espère que la ministre n'ira pas dans ce sens ? le projet de loi n° 88 doit donner plus de pouvoirs aux commissions scolaires. Encore là, M. le Président, on est à contresens de ce que pense la population.
Selon un sondage de Léger Marketing, en date du 1er mai dernier, auprès de 1 004 répondants, avec une marge d'erreur de plus ou moins 3,1 % 19 fois sur 20 ? on peut considérer ça comme étant un sondage assez fiable, M. le Président ? on nous dit que 67 % de la population pense que les directions d'école n'ont pas toutes les marges de manoeuvre pour faire une bonne école de leur établissement, 74 % de la population nous disent que les conseils d'établissement sont les mieux placés pour utiliser les sommes d'argent allouées pour les élèves par le ministère de l'Éducation, 84 % croient que l'autonomie de l'école permettrait le mieux-être et la réussite des élèves et finalement 92 % mentionnent que le personnel de l'école possède la connaissance des besoins des élèves, M. le Président. Ce que l'on doit retenir de ce sondage, c'est que les parents du Québec ont davantage confiance aux intervenants de l'école plutôt que les bureaucrates des commissions scolaires, M. le Président.
Le projet de loi propose qu'à tous les trois ans la commission scolaire convienne avec le ministère de l'Éducation des mesures requises pour permettre l'atteinte des objectifs et des cibles qui auront été préalablement établis dans le cadre de la planification stratégique des commissions scolaires. Tous les trois ans, le ministère et les commissions scolaires devront s'entendre sur 69 plans stratégiques. De plus, la ministre va ajouter 40 nouveaux fonctionnaires dans les directions régionales pour remplir ce mandat, donc une structure de plus, M. le Président.
Sincèrement, je ne crois pas que les enfants du Québec ont besoin d'un débat de fonctionnaires sur qui approuve quoi et comment. Ce qu'ils ont besoin, c'est de réussir à l'école, point à la ligne, M. le Président. Je pense qu'il serait plus opportun de voir dans la loi que les commissions scolaires tiennent compte des projets éducatifs de chacune des écoles pour élaborer le plan stratégique et que la ministre tienne compte des plans stratégiques pour établir les grandes orientations ministérielles.
n(23 h 50)n Le projet de loi vise aussi à préciser la mission et les responsabilités des commissions scolaires. De plus, le ministère de l'Éducation va évaluer les plans stratégiques des commissions scolaires pour que les commissions scolaires ajustent leurs mesures après. Encore de la bureaucratie supplémentaire, M. le Président.
Le projet de loi n° 88 est un projet qui ferait en sorte que le projet éducatif et le plan de réussite ne seraient plus basés sur l'analyse de situations du milieu mais bien sur des orientations politiques provinciales. Avec ce projet de loi, on veut centraliser au lieu de décentraliser, M. le Président.
Concernant la décentralisation, des études du Programme international pour le suivi des acquis des élèves indiquent qu'une gestion par écoles amène nécessairement une gestion des ressources plus adaptée à la clientèle. Ces études suggèrent que les systèmes d'éducation accordent plus de responsabilités aux écoles au niveau du budget, de l'embauche des enseignants, du contenu des cours et des politiques disciplinaires... obtiennent de meilleurs résultats, M. le Président.
Les changements proposés par le projet de loi n° 88 vont-ils amener l'élève à une plus grand réussite? J'en doute beaucoup. Ça prend beaucoup plus que de petits changements politiques et administratifs. Ça prendrait des changements majeurs en recentrant l'éducation dans nos priorités. L'élève doit être au centre du système d'éducation au Québec, M. le Président. L'injection d'argent doit se faire dans l'aide aux élèves et non dans les structures. Ça prend plus de professionnels pour le soutien et la réussite des élèves, et on doit mettre en place des projets-écoles afin de motiver les élèves et leur fournir un sentiment d'appartenance à leurs établissements.
Actuellement, on doit contrer le fléau du décrochage scolaire, qui à mon avis est un problème majeur de notre société. Je trouve ça, hein, anormal, si on fait le tour du Québec... Un exemple, à Montréal, un taux de 84 %; à Québec, 56 %; à Drummondville, 52 %; à Sherbrooke, 49 %; à Shawinigan, 47 %. M. le Président, il faut agir, et vite. Les solutions sont accessibles mais demandent une volonté politique de la part du gouvernement, et ce n'est pas avec le projet qu'on a là qu'on va changer les choses.
Concernant le système de plaintes, le projet de loi instaure un nouveau système de gestion des plaintes. Le nouveau système consiste en la désignation par le conseil des commissaires d'un acteur neutre qui servira à entendre les élèves ou les parents insatisfaits d'une plainte. La personne formule ensuite un avis au conseil des commissaires. J'espère vraiment que le traitement des plaintes... seront externes et ne seront pas dans le giron des commissions scolaires.
Concernant la mission des commissions scolaires, le projet de loi va dans le sens d'une clarification et d'un renforcement du mandat, notamment en matière de développement régional. C'est incroyable, ce n'est pas le cas actuellement, M. le Président. À mon avis, c'est un minimum que les commissions scolaires fassent du développement régional.
Ce projet de loi, contrairement à ce que l'on veut nous faire croire, ne suscite aucunement la concertation ou le partenariat; il suscite beaucoup plus de méfiance des uns et des autres, inspiré par des standards nationaux, des objectifs et des cibles dictés par le pouvoir ministériel. Je peux vous confirmer, M. le Président, que c'est la réalité, car, dépendamment des groupes que l'on a reçus en commission parlementaire, c'était l'évidence au niveau de la méfiance.
En terminant, M. le Président, ce projet de loi ne propose aucun défi autre que celui de soumettre l'ensemble du réseau à un vaste exercice bureaucratique, et, triste constat général de ce projet de loi, aucune mesure ne touche les élèves, malgré le souhait de tous les intervenants de mettre l'élève au centre des priorités. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Chagnon): Merci, M. le député de Champlain. J'inviterais maintenant M. le député de Prévost.
M. Martin Camirand
M. Camirand: Merci, M. le Président. Content d'intervenir, sûrement en dernier lieu, sur le débat du projet de loi n° 88.
Le Vice-Président (M. Chagnon): Vous pourriez ne pas être le dernier.
M. Camirand: M. le Président, j'ai entendu tantôt la députée de Taillon, j'ai entendu la ministre. La députée de Taillon parlait tantôt de palier régional. La ministre parle d'une réforme structurale, et je tiens à dire à la ministre que la faiblesse de son projet de loi n° 88, c'est bien sûr la cible, M. le Président.
Tantôt, elle a parlé de bâtir un réseau. Mais comment vous voulez, M. le Président, bâtir un réseau avec un château de cartes? Vous savez, M. le Président, quand on était petits, on mettait des cartes une par-dessus l'autre. C'est un peu qu'est-ce qu'est en train de faire la ministre, structure par-dessus structure, avec des cartes. Au premier souffle, M. le Président, tout ça va s'effondrer.
Elle a parlé d'un malaise, tantôt, et, moi, à sa place, j'en aurais tout un, malaise. Je vais vous dire pourquoi, M. le Président. Pourquoi qu'elle a un malaise? C'est parce qu'elle a perdu la confiance des parents: bulletin incompréhensif, structure d'école particulière au niveau des bulletins, les gens ne comprennent rien. Elle a perdu la confiance des enseignants, M. le Président. Réforme inacceptable, réforme non comprise, enseignants épuisés. Les enseignants, M. le Président ? et j'ai été 20 ans dans l'enseignement ? ne sont plus près des élèves comme ils l'étaient à l'époque. Oui, car leur charge de travail, avec la réforme, est tellement lourde qu'ils ne se sentent plus près des élèves.
La ministre a perdu également la confiance des directeurs d'école, surtout avec, dans son projet de loi n° 88... vient d'apporter une nouvelle formule avec un protecteur du citoyen. Toutes les plaintes maintenant vont se diriger vers un seul lieu. Et pourtant les directeurs d'école... Mon père était directeur d'école, mon frère était directeur d'école, et ils m'ont toujours dit qu'ils étaient capables de régler les problèmes sans être obligés à nouveau d'ajouter une structure.
Et aussi la ministre a perdu la confiance des élèves, M. le Président, envers le système, et on l'a vu, dans le décrochage, hein, répéter ce que mon collègue a dit tantôt. Elle a perdu la confiance des parents, la confiance des enseignants, la confiance des directeurs d'école et là la confiance des élèves envers le système. Décrochage: 90 % à Montréal, 45 % dans ma région, M. le Président, et ça, depuis 10 ans. Depuis 10 ans, on dit qu'on va régler la problématique du décrochage scolaire dans la région des Laurentides. Cinq ans sous la gouverne des péquistes, maintenant cinq ans sous la gouverne du gouvernement libéral, et toujours rien n'est changé. Et là la ministre s'apprête à faire un débat de structures.
Je vais lui poser une question, M. le Président, ou je vais poser une question aux parlementaires, juste une: Qui, M. le Président, connaît son commissaire de quartier?
n(minuit)nLe Vice-Président (M. Chagnon): M. le député de Prévost, j'ai le regret de vous annoncer que notre règlement prévoit qu'à minuit nous devons terminer nos travaux. Maintenant, par consentement, vous pourriez évidemment avoir la possibilité de continuer. Mais est-ce que j'ai un consentement?
Des voix: Non.
Des voix: ...
Le Vice-Président (M. Chagnon): Je ne crois pas avoir le consentement. Si je n'ai pas de consentement, je devrai ajourner.
Des voix: ...
Ajournement
Le Vice-Président (M. Chagnon): S'il vous plaît! S'il vous plaît! Puisqu'on n'a pas de consentement, M. le député de Prévost, je devrai ajourner nos travaux à demain matin, 10 heures, pour la période des affaires du jour. Alors, je devrai ajourner.
(Fin de la séance à 0 h 1)