(Dix heures cinq minutes)
Le Président: Bonjour, Mmes, MM. les députés. Nous allons nous recueillir quelques instants.
Je vous remercie. Veuillez vous asseoir.
Au nom de tous mes collègues, je voudrais souhaiter un bon anniversaire, ce matin, à M. le ministre du Revenu.
Affaires courantes
Aux affaires courantes, aujourd'hui, il n'y a pas de déclarations ministérielles ni de présentation de projets de loi.
Dépôt de documents
Le dépôt de documents. M. le ministre de la Famille, de l'Emploi et de la Solidarité sociale.
Analyse actuarielle
du Régime de rentes du Québec
M. Béchard: Oui. Merci beaucoup, M. le Président. M. le Président, j'ai l'honneur de déposer l'analyse actuarielle du Régime de rentes du Québec au 31 décembre 2003.
Le Président: Ce document est déposé.
Dépôt de rapports de commissions. M. le vice-président de Commission des finances publiques et député de Charlevoix.
Dépôt de rapports de commissions
Étude détaillée du projet de loi n° 60
M. Bertrand: M. le Président, je dépose le rapport de la Commission des finances publiques qui a siégé les 18, 24 et 30 novembre ainsi que les 1er et 2 décembre 2004 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 60, Loi sur la Société de financement des infrastructures locales du Québec et modifiant le Code de la sécurité routière. La commission a adopté le texte du projet de loi avec des amendements.
Le Président: Merci, M. le député. Ce rapport est déposé. M. le président de la Commission de la culture et député de Shefford.
Consultations particulières
sur le projet de loi n° 69, et étude détaillée
M. Brodeur: M. le Président, je dépose le rapport de la Commission de la culture qui a siégé les 1er, 2 et 3 décembre 2004 afin de tenir des auditions publiques dans le cadre de consultations particulières et de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 69, Loi modifiant la Loi sur la Bibliothèque nationale du Québec, la Loi sur les archives et d'autres dispositions législatives. La commission a adopté le texte du projet de loi avec des amendements.
Le Président: Merci, M. le député. Ce rapport est déposé. M. le vice-président de la Commission des transports et de l'environnement et député de LaFontaine.
Étude détaillée du projet de loi n° 44
M. Tomassi: Merci, M. le Président. Je dépose le rapport de la Commission des transports et de l'environnement qui a siégé les 9, 11 et 17 novembre et 3 décembre 2004 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 44, Loi modifiant la Loi sur le ministère de l'Environnement, la Loi sur la qualité de l'environnement et d'autres dispositions législatives. La commission a adopté le texte du projet de loi avec des amendements.
Le Président: Merci, M. le député. Ce rapport est déposé.
Dépôt de pétitions. Mme la députée de Terrebonne.
Dépôt de pétitions
Mme Caron: Merci, M. le Président. Je demande le consentement de la Chambre pour déposer une pétition non conforme.
Le Président: Est-ce qu'il y a consentement? Consentement. Mme la députée de Terrebonne.
S'engager dans une campagne de sensibilisation
sur le caractère criminel et intolérable
des comportements violents envers les femmes
Mme Caron: Merci, M. le Président. M. le Président, je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale, signée par 121 852 pétitionnaires, citoyennes et citoyens du Québec.
«Les faits invoqués sont les suivants:
«Attendu que la violence contre les femmes est aujourd'hui la plus généralisée des atteintes aux droits humains et qu'elle survient dans toutes les sociétés, à l'étranger comme au Québec, où une femme sur quatre a déjà été victime de violence de la part de son conjoint ou son ex-conjoint;
«Attendu que, pour mettre fin à la violence contre les femmes, il faut agir au niveau des comportements et pas seulement des législations et que, dans cette perspective, une campagne de sensibilisation et d'éducation destinée au grand public apparaît l'outil privilégié pour changer les attitudes;
«L'intervention réclamée se résume ainsi:
«Nous, soussignés et soussignées, demandons au gouvernement du Québec de s'engager dans une large campagne de sensibilisation s'étendant sur une période de 10 ans et visant le grand public, notamment par le recours aux médias, afin que toutes et tous soient responsabilisés et deviennent conscients et conscientes du caractère criminel et intolérable des comportements violents à l'égard des femmes.» Je certifie que cet extrait est conforme à l'original de la pétition.
Le Président: Merci, Mme la députée. Cette pétition est déposée.
Il n'y a pas d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège.
Questions et réponses orales
Nous en sommes maintenant à la période de questions et de réponses orales. Et je reconnais M. le chef de l'opposition officielle.
Hausse des tarifs d'électricité
demandée par Hydro-Québec
M. Bernard Landry
M. Landry: M. le Président, jeudi dernier, en entrevue au quotidien Le Soleil, j'ai indiqué que les tarifs d'hydroélectricité ne pouvaient être éternellement gelés. C'est le bon sens même. Nous les avions gelés nous-mêmes jusqu'au début de 2004. Cependant... Oui.
n(10 h 10)nDes voix: ...
M. Landry: Je suis heureux de voir que, pour une fois, nos collègues se rallient au bon sens. Mais ce qui n'a pas de bon sens par ailleurs, c'est qu'Hydro-Québec s'apprête à demander à la Régie de l'énergie l'autorisation de hausser les tarifs pour une troisième fois en 18 mois. C'est un abus flagrant. La facture d'électricité des familles québécoises augmentera au total de 7 % en un an et demi. On peut monter les tarifs de façon modulée, en respectant les gens et leur capacité de payer. C'est près de trois fois le taux d'inflation. Voilà une approche avec laquelle nous sommes en complet désaccord. On est prêts à appuyer des choses raisonnables, mais notre devoir est de dénoncer les choses qui sont déraisonnables.
Est-ce que le premier ministre ? et je le lui demande pour la nième fois ? pourrait utiliser le pouvoir qu'il possède, comme chef d'un gouvernement qui a 100 % des actions d'Hydro-Québec, pour stopper cette troisième hausse de tarifs, qui n'a aucun sens?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Jean Charest
M. Charest: Bien, merci, M. le Président. D'abord, je veux remercier et féliciter le chef de l'opposition officielle d'avoir fait un virage à 180 degrés sur les positions qu'il a développées et qu'il avait défendues pendant les 18 derniers mois. Il faut le noter. Nous, on s'est réjouit du fait qu'il a complètement changé d'idée sur cette question-là, parce que, ici, à l'Assemblée, M. le Président, vous en avez été témoin, depuis les 18 derniers mois, les députés de l'opposition se sont levés presque à chaque occasion, pendant les périodes de questions, pour dire qu'il fallait geler les tarifs, à toutes fins pratiques, de toute nature qu'ils soient. Le chef de l'opposition officielle a choisi, lui, de prendre une position diamétralement opposée à celle qu'il défendait depuis les 18 derniers mois.
Et, nous, il le sait, nous croyons que la Régie de l'énergie doit jouer son rôle. Ce n'est pas nous qui nous faisons promoteurs des augmentations de tarifs. Au contraire, on demande à la Régie de l'énergie de jouer le rôle qui lui est reconnu par la loi. Et j'invite le chef de l'opposition à faire la même chose. S'il a été capable de changer d'idée là-dessus, il doit être capable de changer d'idée sur la question de la Régie de l'énergie aussi. Alors, merci encore une fois d'avoir changé votre position totalement.
Le Président: En question complémentaire, M. le chef de l'opposition officielle.
M. Bernard Landry
M. Landry: User du droit de hausser les tarifs est un geste sage, en abuser, comme fait le gouvernement, est un geste de persécution envers les familles les plus démunies: 250 millions de dollars, alors qu'on promettait des baisses d'impôts et qu'on est rendu au milliard de dollars annuel de hausses de tarifs. Je comprends que le premier ministre a de la difficulté à faire la différence entre un sage usage du pouvoir puis un abus contre les familles démunies.
Le Président: M. le premier ministre.
M. Jean Charest
M. Charest: M. le Président, je veux essayer d'aider le chef de l'opposition officielle à se retrouver un petit peu, là. D'abord, son gouvernement a gelé, pendant une période de cinq ans, les tarifs. Est-ce qu'il est en train de nous dire, aujourd'hui, que c'était une position responsable qu'il a prise à ce moment-là? Si la réponse est oui, bien, je regretterais le fait qu'il fasse encore un autre virage à 180 degrés par rapport à celui qu'il a fait il y a seulement quelques jours. Vous aviez, je pense, énoncé une politique, une affaire qui relevait du bon sens, en disant qu'on doit permettre ? vous n'êtes peut-être pas allé jusque-là ? permettre à la Régie de l'énergie de jouer son rôle. Nous autres, c'est ce qu'on veut. Mais là vous avez gelé pendant cinq ans et vous avez, en ce sens-là, agi de façon irresponsable.
Puis je vous rappelle que les tarifs d'électricité en application dans les autres juridictions qui sont près de nous, M. le Président, sont nettement plus élevés qu'au Québec: 60 % de plus à Toronto, 56 % de plus à Moncton, trois fois plus à Boston et quatre fois plus à un endroit comme San Francisco ou même New York. L'État de New York, c'est juste à côté de chez nous. Alors, permettons plutôt, au contraire, aux instances de jouer leur rôle.
Là-dessus, je veux revenir sur une chose très rapidement, juste rappeler au chef de l'opposition officielle que le Conference Board rendait publique dernièrement une étude à l'effet que le revenu per capita au Québec va augmenter plus rapidement en 2004, 2005, 2006, au Québec, en partie grâce aux politiques de notre gouvernement de retourner de l'argent aux familles. Voilà la preuve tangible que notre gouvernement fait les bons choix pour les citoyens, et les familles du Québec en particulier.
Le Président: En dernière question complémentaire, M. le chef de l'opposition officielle.
Vente à Hydro-Québec de surplus
d'électricité produits par Alcan
M. Bernard Landry
M. Landry: J'en ai un bon choix à suggérer au premier ministre. Depuis quelques semaines, il y a des tensions considérables, tensions, c'est le cas de le dire, entre la population du Saguenay?Lac-Saint-Jean et la multinationale Alcan. Les employés d'Alcan avancent que la compagnie ? je les ai rencontrés d'ailleurs la semaine dernière ? vend ses surplus d'électricité à Hydro-Québec, ce qui va à l'encontre de l'esprit de la nationalisation de 1963. On n'a pas nationalisé... pour leur permettre de faire de l'aluminium, pas pour vendre du courant. De son côté, Alcan affirme le contraire et soutient qu'elle est plutôt acheteuse d'électricité. C'est donc deux positions diamétralement opposées.
M. le Président, est-ce que le ministre des Richesses naturelles et le gouvernement peuvent faire la lumière sur cette question tout simplement, prendre pas parti ni d'un côté ni de l'autre? La population du Saguenay?Lac-Saint-Jean a le droit de savoir. Est-ce que le ministre peut faire la lumière sur cette question et demander la collaboration d'Hydro-Québec pour que nous sachions si Alcan lui vend ou non de l'électricité ou si c'est le contraire et à quelles conditions? C'est simple. Les gens du Saguenay?Lac-Saint-Jean... d'avoir une bonne réponse à cette question.
Le Président: Alors, c'était une question principale. M. le ministre des Ressources naturelles.
M. Sam Hamad
M. Hamad: M. le Président, j'avais souhaité, dans le virage du chef d'opposition, de continuer ce virage-là et de nous féliciter pour l'annonce que nous avons faite à Rivière-du-Loup, pour un projet de 300 millions de dollars, 200 MW, pour un prix très compétitif d'autour de 0,06 $ à peu près le kilowatt.
Pour répondre à la question, M. le Président, Alcan, en 2002-2003, n'a pas vendu aucun kilowatt à Hydro-Québec. Et évidemment le chef de l'opposition le sait très bien, que c'est un contrat signé dans son temps, et ce contrat-là prévoit, de temps en temps, quand l'Alcan n'a pas besoin d'électricité, qu'ils peuvent vendre ça à Hydro-Québec.
Le Président: En question complémentaire, M. le chef de l'opposition officielle.
M. Bernard Landry
M. Landry: Bien, c'est justement ce que les gens de la région veulent savoir: «De temps en temps», c'est quand, c'est à quelles conditions? Ce n'est pas nécessaire de me parler de ce qui se passe parce qu'on a inauguré l'ère des éoliennes dans l'Est du Québec. Ce n'est pas dans l'Est, là, que ça se passe, c'est au Saguenay?Lac-Saint-Jean, une population de bonne foi, sans agressivité, qui veut connaître la vérité. «De temps en temps», c'est très relatif, et ils voudraient que ce soit plus absolu comme information.
Le Président: M. le ministre des Ressources naturelles.
M. Sam Hamad
M. Hamad: M. le Président, il ne faut pas faire de la politique sur le dos des travailleurs de Saguenay? Lac-Saint-Jean, M. le Président. C'est une question importante, là. C'est une question importante. En 2002-2003, M. le Président, Alcan n'a pas vendu aucun kilowattheure à Hydro-Québec.
Le Président: En question principale, M. le député de Chicoutimi.
Enquête sur le bris d'un pylône de la ligne
à haute tension Radisson-Nicolet-des Cantons
M. Stéphane Bédard
M. Bédard: Merci, M. le Président. Alors, M. le Président, la semaine dernière, un pylône de la ligne haute tension Radisson-Nicolet-des Cantons d'Hydro-Québec a été apparemment saboté au moyen d'explosifs. La SQ a ouvert une enquête et a procédé à des perquisitions auprès des médias. Vu l'importance de ce dossier, M. le Président, j'aimerais savoir... simplement de la part du gouvernement qu'il nous fasse un état de la situation dans ce dossier.
Le Président: M. le ministre de la Justice.
M. Jacques P. Dupuis
M. Dupuis: Le député de Chicoutimi a lu évidemment les rapports qui ont été faits, comme nous les avons vus également. Le député de Chicoutimi sait très bien que des mandats de perquisition ont été émis. Ces mandats de perquisition bien sûr ont été émis à la suite d'une dénonciation, et c'est un juge qui a choisi d'émettre les mandats de perquisition dans les circonstances. Ce qui a été recueilli à la suite du mandat de perquisition va faire partie de l'enquête. On va attendre que l'enquête soit complétée, si vous le permettez.
Le Président: En question complémentaire, M. le député de Chicoutimi.
M. Stéphane Bédard
M. Bédard: Alors, je répète ma question, M. le Président, peut-être en y ajoutant une précision: J'aimerais savoir l'état de la situation dans l'ensemble de ce dossier. Il y a un groupe, vous le savez, qui a revendiqué des actes qui ont été posés. Alors, j'aimerais savoir de la part du gouvernement, vu l'importance du dossier, où ils en sont à cette étape-ci et nous dire en même temps quels mécanismes ont été mis en place pour s'assurer de la sécurité du réseau hydroélectrique.
n(10 h 20)nLe Président: M. le ministre des Ressources naturelles.
M. Sam Hamad
M. Hamad: M. le Président, comme il le sait, mon collègue à l'opposition, c'est une question importante et délicate. Et actuellement il y a une enquête de la Sûreté du Québec, et on est mieux d'attendre le résultat de l'enquête pour donner des réponses après.
Le Président: En dernière question complémentaire, M. le député de Chicoutimi.
M. Stéphane Bédard
M. Bédard: Bon. Je vais me réessayer une troisième fois, M. le Président. Maintenant sur... quelles mesures ont été prises, de la part du gouvernement, pour s'assurer de la sécurité du réseau? Et je rappelle, M. le Président, au ministre concerné que c'est un acte qui a été posé par rapport à un pylône d'Hydro-Québec. Alors, quelle mesure a été prise pour s'assurer de la sécurité du réseau?
Le Président: M. le ministre de la Justice.
M. Jacques P. Dupuis
M. Dupuis: M. le Président, c'est une... c'est une situation... et je suis certain que l'opposition en conviendra, les informations qui nous sont parvenues, et je parle bien sûr des informations qui sont dans le public, sont suffisamment sensibles pour que l'opposition comprenne que nous devons laisser agir la Sûreté du Québec en relation avec l'enquête qu'elle effectue. Et bien sûr les allégations qui ont été faites, pour l'instant, ne sont que des allégations. Cependant, elles sont suffisamment sensibles et importantes pour que nous laissions la Sûreté du Québec faire son travail. Et je suis absolument persuadé, et l'opposition officielle devrait l'être aussi, que toutes les mesures sont prêtes... sont prises bien sûr, toutes les mesures possibles sont prises pour que de tels événements ne se produisent pas et ne se reproduisent pas.
Maintenant, évidemment, tout le monde, tout le monde sait fort bien que les gens qui décident de perpétrer ce genre d'action n'avertissent pas d'avance, mais il faut prendre les moyens pour que ça ne se produise pas et que ça ne se reproduise pas.
Le Président: En question principale, M. le chef de l'opposition officielle.
Projet de construction d'un hôpital
universitaire francophone à Montréal
M. Bernard Landry
M. Landry: Il est visible, hélas, que la saga du CHUM ? Centre hospitalier universitaire de Montréal ? est reprise. Et, la semaine dernière, le premier ministre, comme le ministre de la Santé d'ailleurs, nous ont dit que la décision n'était pas prise et que l'analyse de Daniel Johnson se poursuivait.
En fin de semaine, le ministre de la Sécurité publique, lui, il a dit: La décision est davantage dans le sens de Saint-Luc au moment où on se parle. Alors, qui dit vrai? Elle est prise, la décision, ou elle n'est pas prise? Et est-ce que le gouvernement attend vraiment d'autres recommandations de Daniel Johnson ou si son idée est faite?
Le Président: Mme la présidente du Conseil du trésor.
Mme Monique Jérôme-Forget
Mme Jérôme-Forget: Merci, M. le Président. Alors, je remercie le chef de l'opposition de sa question. Manifestement, c'est là une décision importante, M. le Président. Il fallait... Comme le recteur de l'Université de Montréal avait fait une proposition différente de ce qui avait été proposé antérieurement, il était sage qu'on regarde cette position, qu'on l'examine. Le gouvernement examine la proposition, M. le Président. Le ministre de la Santé est en train d'évaluer tout ça. Et, un, la décision n'est pas prise. Le gouvernement n'a pas déterminé sa décision. Ça viendra en temps et lieu, M. le Président.
Le Président: En question complémentaire, M. le chef de l'opposition officielle.
M. Bernard Landry
M. Landry: La sagesse aurait été, je crois, de respecter une décision déjà prise. Mais, puisque c'est réouvert, là, la sagesse maintenant, effectivement, c'est d'écouter le monde. Il est clair qu'il faut que ce soit pris, c'est tellement important, avec toutes les garanties démocratiques et d'information possibles.
Alors, une question simple, et je pense que la population du Québec attendrait une réponse dans le sens de ce que ma question suggère: Pourquoi ne pas faire venir ici, à notre Assemblée nationale, en toute transparence, tous les interlocuteurs? Au lieu que ça se fasse dans des officines d'hommes très respectables, comme Brian Mulroney ou Daniel Johnson, que ça se fasse ici, pas dans une officine, mais à notre Assemblée nationale? En d'autres termes, est-ce qu'on ne peut pas organiser rapidement une consultation publique et transparente sur cette question majeure?
Le Président: Mme la présidente du Conseil du trésor.
Mme Monique Jérôme-Forget
Mme Jérôme-Forget: Merci, M. le Président. La raison est simple, je veux répondre très sincèrement au chef de l'opposition. Avant, M. le Président, d'entendre toutes les parties, il faut quand même évaluer la proposition d'Outremont, proposée par le recteur de l'Université de Montréal. Et c'est la démarche qui est faite actuellement d'évaluer les coûts engendrés par cette position et la valeur ajoutée de la proposition qui nous est soumise.
Voilà la raison pour laquelle, M. le Président, nous examinons de façon sérieuse cette proposition, mais nous la considérons à l'intérieur des autres propositions qui avaient été faites au gouvernement.
Le Président: En dernière question complémentaire, M. le chef de l'opposition officielle.
M. Bernard Landry
M. Landry: Tout le monde sait que nous ne sommes pas en accord avec toutes les positions du ministre de la Sécurité publique dans ses dossiers. Mais là, il est sorti de son dossier et il a dit pour le CHUM qu'il vaut mieux prendre six mois de plus que de se tromper. Je pense que c'est la sagesse même.
Est-ce que la présidente du Conseil du trésor qui dit «nous allons»... est-ce que ce «nous» ne pourrait pas être étendu très rationnellement à l'Assemblée nationale, donc à l'ensemble de la population en toute transparence, où les divers intéressés viendraient dire ici, devant nous, ce qu'ils ont à dire?
Le Président: Mme la présidente du Conseil du trésor.
Mme Monique Jérôme-Forget
Mme Jérôme-Forget: Merci, M. le Président. Alors, M. le Président, la proposition qui nous a été formulée par le recteur de l'Université de Montréal, c'était une opinion, comme ça, qui est survenue. Mais il faut, dans un premier temps, évaluer l'impact d'une telle proposition, les impacts financiers d'une telle proposition.
Il ne s'agit pas de discuter entre nous si on aime ou si on n'aime pas, encore faut-il savoir les coûts qui sont rattachés à une proposition, et la proposition qui venait à ce sujet n'était pas documentée au plan financier. Et c'est la raison pour laquelle, M. le Président, nous faisons ce travail de façon extrêmement rigoureuse, sérieuse, pour ne pas l'exclure de façon automatique. Au contraire, on la considère sérieusement et on prendra la décision en temps et lieu, M. le Président.
Le Président: En question principale, M. le député des Îles-de-la-Madeleine.
Aide financière aux producteurs de bovins
M. Maxime Arseneau
M. Arseneau: M. le Président, justement, parlant d'évaluation des coûts, en émission d'affaires publiques, en fin de semaine, la ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec a été incapable d'indiquer le montant exact de la transaction ayant permis aux producteurs de faire l'acquisition de l'Abattoir Colbex Levinoff. Alors que beaucoup de producteurs questionnent la stratégie privilégiée par le gouvernement, des observateurs et des consommateurs ont l'impression de s'être fait avoir au profit d'une entreprise qui empochait des dividendes considérables depuis le début de la crise il y a déjà 18 mois, M. le Président.
Ma question: Est-ce que la ministre pourrait indiquer à cette Assemblée ce qu'il en coûtera précisément aux contribuables en subventions pour assurer le prix de 0,42 $ la livre et aussi le montant de l'aide gouvernementale pour l'achat de l'abattoir?
Le Président: Mme la ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.
Mme Françoise Gauthier
Mme Gauthier: M. le Président, d'abord, encore une fois, rappeler que la transaction qui est intervenue entre les parties, c'est une transaction privée entre, d'une part, l'entreprise Levinoff et, d'autre part, la Fédération des producteurs de bovins. Au moment où on se parle, M. le Président, les parties sont en train de finaliser les termes exacts de la transaction. Lorsqu'il y aura un montage financier qui nous sera présenté, on sera en mesure de répondre aux questions. Mais, pour le moment, les parties sont en train de finaliser la transaction.
Est-ce que je dois comprendre, des questions du député des Îles-de-la-Madeleine, qu'il est contre l'aide qu'on pourrait apporter aux producteurs, M. le Président?
Le Président: En question complémentaire, M. le député des Îles-de-la-Madeleine.
M. Maxime Arseneau
M. Arseneau: Est-ce que la ministre pourrait nous indiquer, M. le Président, étant donné que c'est encore en processus de discussion et de finalisation... est-ce que la ministre peut nous indiquer si le recours à des mesures législatives, une loi spéciale par exemple, fait toujours partie de la stratégie pour amener les parties à concrétiser, d'ici le 20 décembre ? c'est la date butoir ? l'entente de principe signée jeudi dernier?
Le Président: Mme la ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.
Mme Françoise Gauthier
Mme Gauthier: M. le Président, est-ce qu'on doit comprendre des questions qu'ils nous ont posées qu'ils sont insatisfaits qu'on ait réussi à avoir une entente négociée? C'est ça qu'on voulait avoir et c'est aussi cela que voulait avoir la Fédération des producteurs de bovins, des producteurs agricoles, M. le Président. Nous, ce qu'on pensait, c'est qu'il fallait qu'on arrive à une entente. C'est ce qu'on a fait, M. le Président. Il y a une entente qui est intervenue entre la Fédération des producteurs de bovins, entre Levinoff. Ils sont en train de finaliser le tout, M. le Président. Peut-on laisser la chance de ficeler le tout pour finalement que les producteurs sortent gagnants de cette crise, M. le Président?
Le Président: En dernière question complémentaire, M. le député des Îles-de-la-Madeleine.
M. Maxime Arseneau
M. Arseneau: Est-ce que la ministre pourrait réaliser justement que c'est une entente de principe et qu'il y a de la négociation jusqu'au 20 décembre qu'ils se sont donné pour atteindre des résultats concrets? Et, M. le Président, qu'est-ce qu'on doit comprendre de la réponse de la ministre qui ne répond pas à la question, à savoir si la loi spéciale fait partie de la stratégie? Et, à ce moment-là, qu'est-ce qu'on doit comprendre et interpréter de la position du gouvernement, alors que le leader disait, vendredi, en réponse à la même question: «Pensez-vous trois secondes et quart que d'imposer un projet de loi, M. le Président, dans ce dossier-là n'aurait pas appelé une contestation immédiate et un non-réglement du problème»?
n(10 h 30)n La question est simple: Oui ou non, est-ce que la loi spéciale fait partie de la stratégie et, à ce moment-là, qu'est-ce qu'on attend pour déposer le projet de loi en Chambre, M. le Président?
Le Président: Mme la ministre de l'Agriculture et des Pêcheries...
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît! S'il vous plaît! Mme la ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.
Mme Françoise Gauthier
Mme Gauthier: M. le Président, je constate que le député des Îles est bien déçu qu'on ait finalement trouvé une solution gagnant-gagnant. M. le Président, il y a un accord de principe intervenu entre les parties. Ils sont en train de finaliser l'entente pour un règlement final. C'est comme ça dans toutes les négociations: il y a d'abord un cadre, une entente de principe, et après on finalise le texte même de l'entente. C'est ce qui est en train de se passer, M. le Président. Et, moi, je suis très heureuse, je suis très heureuse de voir, M. le Président, que les producteurs agricoles ont trouvé une solution qui va leur permettre d'avoir une solution durable à leur problème, M. le Président.
Le Président: En question principale, M. le leader adjoint de l'opposition officielle et député de Chicoutimi.
Traitement par les ministères
des demandes d'accès à l'information
M. Stéphane Bédard
M. Bédard: M. le Président, la Fédération professionnelle des journalistes du Québec, réunie en congrès en fin de semaine, à Québec, croit que le contrôle exercé par l'État compromet le droit du public à l'information, et elle n'est pas la seule. L'opposition officielle vit elle aussi ses frustrations. Il semble maintenant d'usage, M. le Président, que, pour des projets de loi contestés, les mémoires transmis au Conseil des ministres sont complètement confidentiels. Et je vais vous citer un peu les projets de loi qui font l'objet de ces contestations: n° 38, sur le Commissaire à la santé; le projet de loi n° 55, sur les hausses de primes à la Société de l'assurance automobile du Québec; le projet de loi n° 56, sur les droits des personnes handicapées; n° 57, la Loi sur la sécurité sociale; n° 61, sur les PPP; n° 75, sur la suite des défusions; n° 76, sur l'abolition de la Commission municipale, et j'arrête là, M. le Président, j'en aurais d'autres.
Alors, le gouvernement peut-il nous dire pourquoi, pourquoi il a donné une direction politique aux responsables d'accès à l'information des ministères afin que se systématise la règle de demander un 10 jours de plus pour le traitement des demandes d'accès provenant de l'opposition?
Le Président: Mme la ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration.
Mme Michelle Courchesne
Mme Courchesne: Merci, M. le Président. M. le Président, je dois vous dire que je suis heureuse de la question du député de Chicoutimi, qui sait très, très, très bien... et avec qui d'ailleurs, il y a plus d'un an et demi, un an à peu près, là... où on a effectué une très longue commission parlementaire sur justement la loi d'accès à l'information. Cette commission parlementaire, M. le Président, a été des plus fructueuses, et le député de Chicoutimi sait très bien qu'un projet de révision de cette loi est presque finalisé et sera déposé en cette Chambre.
La transparence du gouvernement, M. le Président, est une obligation gouvernementale qui est absolument incontournable. Nous croyons fortement à l'importance de cette transparence, à ce droit de l'information, mais il faut rendre cette information au public, aux citoyens. Elle doit être de qualité, elle doit être pertinente et elle doit être juste. Dans la foulée de cette révision de la loi, M. le Président, d'autres mesures seront proposées pour s'assurer que nous travaillons tous dans la même direction et qu'à l'ère des défis que nous offre le gouvernement en ligne, que nous offre l'informatisation, nous mettrons tous les moyens en oeuvre pour continuer à accroître et améliorer cet accès à l'information. Merci, M. le Président.
Le Président: En question complémentaire, M. le député de Chicoutimi.
M. Stéphane Bédard
M. Bédard: La façon de faire n'est sûrement pas en donnant une direction politique, M. le Président. Alors, dans ce cas, comment le gouvernement explique-t-il, et la ministre, que la ministre des Relations avec les citoyens et responsable de la loi d'accès à l'information a téléphoné personnellement à ma collègue la députée de Prévost afin de l'informer qu'elle aurait besoin d'un délai supplémentaire de 10 jours pour répondre à sa demande d'accès à l'information?
Le Président: Mme la ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration.
Mme Michelle Courchesne
Mme Courchesne: D'abord, M. le Président, soyons très clairs: il n'y a aucune direction ou directive politique, dans aucun ministère, à l'égard d'étirer indûment des délais de demandes d'accès à l'information. M. le Président, je trouve ça absolument aberrant que le député de Chicoutimi me reproche de prendre contact avec ma vis-à-vis pour justement ne pas la laisser dans l'incertitude de penser que nous n'allons pas répondre à sa demande. La députée de Prévost a fait une demande large comme ça, très détaillée, sur quatre années, pour savoir où en étaient les dossiers de francisation. Justement pour être capable de pouvoir donner cette information de la façon la plus adéquate, j'ai cru bon, M. le Président, de l'informer qu'elle aurait sa réponse, mais qu'elle l'aurait avec un peu de délai pour s'assurer qu'elle soit complète et précise.
Mais je veux assurer cette Chambre, M. le Président, que jamais ils ne nous feront dire que nous avons donné des directions politiques à nos responsables d'accès à l'information, que ce soit dans mon ministère ou dans tous les ministères de ce gouvernement, M. le Président.
Le Président: En dernière question complémentaire, M. le député de Chicoutimi.
M. Stéphane Bédard
M. Bédard: Alors, M. le Président, comme la ministre nous confirme la direction politique donnée à l'accès à l'information...
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît! S'il vous plaît! M. le député de Chicoutimi, sans préambule, vous êtes en question additionnelle. Votre question.
M. Bédard: Exactement. Alors, M. le Président, voilà: Comment le gouvernement explique-t-il le comportement de la ministre, qui vient de nous le confirmer d'ailleurs, là, à l'effet, normalement, que la loi d'accès à l'information, où on doit plutôt viser... Et je le cite, là, M. le Président, je cite la commission: «Il doit aussi pouvoir ? et là je parle des personnes responsables de l'accès à l'information; il doit aussi pouvoir ? exercer ses fonctions en toute indépendance, à l'abri des pressions de son organisation.» Et c'est la ministre qui répond. Alors, les dossiers vont directement sur le bureau de la ministre.
Est-ce qu'elle peut nous confirmer maintenant que ces personnes responsables de l'accès auront l'indépendance requise pour répondre aux questions qui lui sont faites par l'opposition et aussi par les journalistes?
Une voix: ...
Le Président: S'il vous plaît! S'il vous plaît!
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît! Mme la ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration.
Mme Michelle Courchesne
Mme Courchesne: Alors, M. le Président, je n'en reviens pas! La députée de Prévost, c'est une députée élue qui fait une demande d'accès. Alors, par délicatesse, je l'informe que sa demande est en train d'être terminée et complétée. Imaginez-vous, on veut vous la donner la plus complète possible puis vous n'êtes pas encore contents.
M. le Président, moi, là, savez-vous ce que ça m'indique? J'aimerais ça aller voir, dans votre temps, combien de temps ça prenait avant de répondre aux citoyens. J'aimerais ça, moi, aller faire le tour de vos ministères, dans votre temps, pour voir l'information que vous rendiez disponible et que vous ne faisiez pas. Et je vais y aller, M. le Président.
Cela dit, cela dit, je me...
Des voix: ...
Mme Courchesne: ...M. le Président, ce n'est pas absolument s'immiscer dans les affaires internes du ministère quand c'est un député qui en fait la demande. Je croyais qu'en cette Chambre la bonne collaboration, même entre partis adverses, était admissible et acceptable. Et c'est comme ça que vous traitez cette collaboration qu'on vous offre? Bien, M. le Président, la leçon sera apprise. Nous continuerons à rendre transparentes nos informations, nous continuerons à répondre aux questions de qui que ce soit, que ce soit l'opposition ou les citoyens...
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît! S'il vous plaît! S'il vous plaît! En question complémentaire, M. le député de Chicoutimi.
M. Stéphane Bédard
M. Bédard: Est-ce que je dois comprendre, M. le Président, des propos de la ministre qu'elle nous menace effectivement de ne pas pouvoir exercer notre droit à l'information? Alors...
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît!
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît! On est en question complémentaire et selon le règlement.
M. Bédard: Mais j'ai commencé par «est-ce que». J'ai commencé par «est-ce que».
Le Président: Vous êtes réglementaire. Votre question.
M. Bédard: Est-ce que je dois comprendre, M. le Président, qu'elle nous menace? Est-ce que... Et, si elle veut vérifier, Mme la Présidente, moi, je peux l'assurer que jamais, après un an et demi, on n'a eu des plaintes de la fédération des professionnels des médias pour justement ce résultat où le gouvernement est opaque derrière l'action gouvernementale.
Alors, la question est claire, et je lui ai demandé en commission, c'est simple: Est-ce qu'elle peut garantir l'indépendance de ceux qui sont chargés d'appliquer la Loi d'accès, au lieu de faire en sorte que les dossiers vont sur les bureaux des ministres...
Le Président: Mme la ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration.
Mme Michelle Courchesne
Mme Courchesne: M. le Président, je veux assurer cette Chambre de la plus grande transparence, intégrité quant à l'accès à l'information et la plus grande intégrité des responsables d'accès à l'information. Ça m'apparaît absolument incontestable, indéniable et nécessaire dans notre société, M. le Président, de... et incontournable, ça va de soi.
n(10 h 40)n M. le Président, je veux juste dire au député de Chicoutimi que c'est absolument facile d'affirmer ce que vous affirmez, mais en aucun temps, en aucun temps on ne veut entraver le travail des responsables. Vous verrez, M. le député de Chicoutimi, qu'au contraire on va vouloir renforcer ce travail-là. On va vouloir fournir les outils adéquats aux responsables d'accès à l'information pour que tous soient bien servis, adéquatement et soient servis comme ils se doivent de l'être.
M. le Président, en terminant, en terminant...
Le Président: Rapidement.
Mme Courchesne: ...je vous dis honnêtement: Comment le député de Chicoutimi peut tirer des conclusions aussi hâtives, aussi simplistes par rapport à des dossiers d'accès à l'information, M. le Président?
Le Président: En question principale, M. le député de Richelieu.
Nomination de M. Pierre Saulnier à titre
de sous-ministre adjoint au ministère des Finances
M. Sylvain Simard
M. Simard: Oui, M. le Président. Le ministère des Finances jouit au Québec et, je pense, au Canada et dans le monde occidental d'une excellente réputation. C'est une des meilleures administrations que nous ayons, grâce notamment à des serviteurs de l'État d'une très haute... d'un très haut niveau, d'une très grande compétence et d'une totale intégrité.
M. le Président, si nous regardons la liste des grands dirigeants de ce ministère, nous avons M. Gilles Godbout, qui a une maîtrise en sciences économiques, qui a fait carrière à la Banque du Canada, au ministère des Finances; M. Bernard Turgeon, docteur en économie, spécialiste des questions de financement et de gestion de la dette; M. Clément D'Astous, maîtrise en administration des affaires, analyse budgétaire; M. André Legault, qui a une maîtrise en fiscalité, responsable de toutes les questions de fiscalité; M. Luc Monty, baccalauréat en sciences économiques, maîtrise en sciences économiques, spécialiste en modèles économiques. Des gens d'une très grande compétence. M. le Président, le dernier de la liste, baccalauréat en psychologie, carrière au Parti libéral, M. Pierre Saulnier, nommé vendredi dernier.
Est-ce que le président... Est-ce que le premier ministre peut nous assurer que cette politisation du ministère des Finances ne signifie pas la mise en tutelle du ministre des Finances?
Le Président: M. le ministre des Finances.
M. Yves Séguin
M. Séguin: Merci, M. le Président. Alors, je remercie mon collègue de rendre hommage à la qualité du travail au ministère des Finances. Je partage cette qualité, cette appréciation. Le ministère des Finances s'est illustré effectivement, particulièrement cette année. L'Institut de la statistique du Québec a rendu public il y a à peine 12 jours un recueil d'informations, pour la première fois au Québec, qui situe le Québec à travers le monde comme parmi les 30e, 35e population où la performance économique... où l'ensemble des indications économiques sont parmi les plus élevées, comparé à l'ensemble des pays ? à peu près une centaine ? avec lesquels on se compare dans l'industrie.
Donc, j'en remercie le député de saluer cette qualité du ministère des Finances. Et je suis convaincu d'ailleurs que toutes les personnes qui travaillent au ministère des Finances ? à moins que le député veuille me faire une démonstration contraire ? sont compétentes, dévouées et des personnes très dédiées à l'intérêt public.
Le Président: En question...
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît! En question complémentaire, M. le député de Richelieu.
M. Sylvain Simard
M. Simard: Est-ce que le ministre des Finances est conscient que, des 13 concours de recrutement ouverts cette année par le ministère des Finances, à aucun de ces concours le nouveau nominé, le nouveau... celui qui a gagné la cagnotte d'être le sous-ministre adjoint au ministère des Finances, M. Saulnier, à aucun de ces concours il n'aurait été admissible?
Le Président: M. le...
Des voix: ...
Le Président: Je vous demande votre collaboration. M. le ministre des Finances.
M. Yves Séguin
M. Séguin: Merci, M. le Président. Dans le cas de M. Saulnier, il faut se rappeler que M. Saulnier a déjà été au service du ministère des Finances. Alors, peut-être que la mémoire de mon collègue fait faux bond.
Une voix: ...
M. Séguin: Oui. Alors, il était déjà au cabinet du ministre des Finances...
Une voix: ...
Le Président: Excusez-moi. La question a été posée. Maintenant, on écoute la réponse. M. le ministre des Finances.
M. Séguin: L'excitation de mon collègue ne m'a pas permis de compléter, M. le Président. Alors, tout ce que je dis, c'est que M. Saulnier a une longue expérience dans les entreprises. Il a déjà été au cabinet des Finances, il connaît très bien le ministère des Finances, et je suis convaincu qu'il saura apporter toute la qualité et la compétence qu'on a déjà au ministère des Finances.
Le Président: En dernière question complémentaire, M. le député de Richelieu.
M. Sylvain Simard
M. Simard: M. le Président, est-ce que le ministre des Finances se rend compte que, la semaine dernière, le ministre de l'Environnement nous avait dit que ce qui était important, c'est la compétence? Et est-ce qu'il considère comme des éléments de compétence permettant d'être sous-ministre adjoint aux Finances le fait d'avoir été conseiller au contenu pour le chef du Parti libéral, d'avoir été conseiller au cabinet du chef de l'opposition officielle, d'avoir été secrétaire général du Parti libéral du Québec? Est-ce que c'est ça, la compétence dont parlait le ministre de l'Environnement?
Le Président: M. le ministre des Finances.
M. Yves Séguin
M. Séguin: Le collègue devrait ajouter, dans sa longue liste de l'expérience citée de M. Saulnier, le fait qu'il a été aux affaires publiques de Clarica, une des très grandes entreprises en assurances en Amérique du Nord.
Le Président: En question principale, M. le chef de...
Une voix: ...
Le Président: Question complémentaire, M. le chef de l'opposition officielle.
M. Bernard Landry
M. Landry: Est-ce que le premier ministre pourrait mettre en regard cette nomination visiblement partisane d'une personne qui n'a pas les compétences et le limogeage brutal et inconsidéré d'un grand serviteur de l'État, M. Louis Roquet, qui était à la Société des alcools et qui dit à qui veut l'entendre maintenant que ce geste est à décourager les honnêtes gens d'aller dans la fonction publique sous le Parti libéral?
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît! M. le ministre de l'Environnement.
M. Thomas J. Mulcair
M. Mulcair: M. le Président, il y a des gens qui doivent être en train de recevoir leurs belles cartes de Noël de Mme Lise Thibault, l'actuelle lieutenant-gouverneur du Québec. Ils vont se souvenir peut-être que le gouvernement du Parti québécois, dans le temps, l'avait congédiée parce qu'elle n'était pas suffisamment de leur côté. La députée de Fabre, une des meilleures administratrices publiques que le Québec a connues, limogée comme sous-ministre en titre, une des très grandes commis de l'État qu'on ait connues. Nous, on fait confiance aux gens qu'on nomme pour bien effectuer le travail qui leur est demandé. On est des gens...
Une voix: ...
M. Mulcair: C'est drôle...
Le Président: S'il vous plaît! S'il vous plaît! Je vous demanderais votre collaboration.
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît! M. le ministre de l'Environnement.
M. Mulcair: Nous, on a fait, depuis que la leader du gouvernement... de l'opposition nous pose des questions là-dessus, on a sorti une liste, assez exhaustive, de douzaines et de douzaines et de douzaines de nominations que le Parti québécois avait faites dans son temps. Vous n'y êtes pas allés avec le dos de la cuillère. Mais il y a une belle nomination dont vous devriez nous féliciter...
Le Président: En conclusion, M. le ministre.
M. Mulcair: ...William Cosgrove comme président du Bureau d'audiences publiques en environnement, l'actuel président du...
Le Président: En question principale, M. le député de Johnson.
Contamination de l'eau potable
à Roxton Pond, dans les Cantons-de-l'Est
M. Claude Boucher
M. Boucher: M. le Président, la population de Roxton Pond, dans ma circonscription électorale, vit présentement une situation extrêmement difficile. En effet, plusieurs citoyens ne peuvent plus consommer l'eau de leurs puits depuis quatre ans. Imaginez, l'eau de certaines résidences est tellement contaminée par des solvants que même ses vapeurs sont cancérigènes. On sait que la compagnie Stanley serait responsable de la contamination de l'eau. La municipalité a donc entamé des procédures judiciaires pour que la Stanley prenne ses responsabilités et indemnise les citoyens.
Parallèlement, Roxton Pond a fait une demande au programme d'infrastructures Canada-Québec. C'est là où ça se gâte, M. le Président. La municipalité a appris, en lisant le journal, que le protocole d'entente du programme d'infrastructures aura une clause exceptionnelle stipulant que la municipalité devra verser au gouvernement les deux tiers de la somme que pourraient lui attribuer les tribunaux.
Le Président: Votre question.
M. Boucher: Alors, ma question, M. le Président: Après que les citoyens aient financé au coût de 1 million de dollars la recherche en eau potable, après que les citoyens aient assumé entièrement les frais de la poursuite, pourquoi le ministre croit-il qu'il mérite les deux tiers de ce que la cour pourrait accorder aux citoyens, et cela, avant même que le jugement ne soit rendu?
Le Président: M. le ministre des Affaires municipales.
M. Jean-Marc Fournier
M. Fournier: Oui, M. le Président. D'abord, on note de notre collègue qu'effectivement la situation perdure depuis quatre ans, et on a décidé de la régler. Ça fait un peu différent du gouvernement qui nous a précédés.
Il s'agit aussi...
Des voix: ...
M. Fournier: On notera au passage, pour ceux qui ont pris la parole précédemment, que c'est dans un comté péquiste, puis on le fait quand même. Alors, voyez-vous, on est capables de s'ouvrir aussi à ça.
Des voix: ...
M. Fournier: Maintenant, M. le Président, pour ce qui est du dossier, particulièrement du programme un tiers-un tiers-un tiers...
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît! Je vous demande votre collaboration, mes chers collègues. Mme la députée. Merci. M. le ministre des Affaires municipales.
n(10 h 50)nM. Fournier: Pour ce qui est du programme, M. le Président, à ce moment-ci, Stanley, dont on pense qu'il est responsable, mais il est en cour... Pour l'instant, il faut quand même qu'on opère. Alors, la ville, comme toutes les villes du Québec, peuvent appliquer dans un programme tripartite, et évidemment chaque partie en prend le tiers. Si d'aventure jugement est rendu et que la compagnie qui aurait pollué ? si le jugement le reconnaît ? rembourse, elle va rembourser les parties qui ont financé les travaux. Et ça va se faire comme ça se fait dans tous les cas. Dans le programme un tiers-un tiers-un tiers, la partie municipale paie sa part, ce n'est pas quelqu'un d'autre à sa place qui paie sa part. Alors, c'est exactement la situation qui se présente, et je m'étonne que le collègue soit un peu fâché qu'on s'occupe de Roxton Pond.
Le Président: En question complémentaire, M. le député de Johnson.
M. Claude Boucher
M. Boucher: M. le Président, j'ai parcouru bien des comtés libéraux à titre de secrétaire d'État...
Le Président: Votre question.
Des voix: ...
M. Boucher: Comment le ministre peut-il expliquer que la municipalité a appris la mauvaise nouvelle dans les médias, sans avoir accès au texte du protocole qu'on veut lui faire signer, lui qui se dit partout le partenaire des municipalités?
Le Président: M. le ministre des Affaires municipales.
M. Jean-Marc Fournier
M. Fournier: J'ai eu l'occasion de rencontrer les gens de Roxton Pond, j'ai eu l'occasion d'écrire aux gens de Roxton Pond, ils sont au courant de la situation, et je suis persuadé que les citoyens de Roxton Pond ont très hâte qu'on passe à l'action. J'espère que le député va être avec nous là-dessus.
Le Président: En dernière question complémentaire, M. le député de Johnson.
M. Claude Boucher
M. Boucher: M. le Président, comment le ministre peut-il accepter que son attaché de presse se soit permis de s'ingérer dans les discussions entre Roxton Pond et la compagnie Stanley en affirmant qu'une entente hors cour serait réglée à rabais?
Le Président: M. le ministre des Affaires municipales.
M. Jean-Marc Fournier
M. Fournier: M. le Président, tant qu'à nous, il est important que le recours puisse suivre son cours de manière à ce que les citoyens du Québec, y inclus ceux de Roxton Pond, puissent recevoir la part qu'une compagnie qui aurait pollué ne garde pas dans ses poches. Il nous semble utile ici de passer un message: Si vous polluez au Québec, vous allez payer pour la pollution au Québec, et c'est la ligne que nous maintenons.
Le Président: En question principale, Mme la députée de Laurier-Dorion.
Plan d'action gouvernemental
en matière d'action communautaire
Mme Elsie Lefebvre
Mme Lefebvre: M. le Président, le Plan d'action en matière d'action communautaire autonome du ministre de la Solidarité sociale sème l'inquiétude parmi les organismes communautaires car il s'agit en fait d'un plan de rationalisation. En effet, le ministre a clairement exprimé son intention de réduire le nombre d'organismes communautaires et a même déclaré que 5 000 organismes, c'est beaucoup trop.
Le ministre peut-il nous dire, selon lui, combien d'organismes doivent disparaître pour ne pas qu'il y en ait trop? M. le Président, est-il en train de nous préparer une réingénierie du milieu communautaire?
Le Président: Alors, M. le ministre de l'Emploi, de la Solidarité sociale et de la Famille.
M. Claude Béchard
M. Béchard: Oui, M. le Président. M. le Président, je ne veux pas dire qu'il y a beaucoup de choses qui sont fausses dans la question qui a été posée; il y a certaines inexactitudes. Premièrement, le dépôt du plan d'action communautaire, ce n'est pas un plan de rationalisation, on a mis 57 millions de plus dans la dernière année que dans l'année précédente. Si c'est ça, de la rationalisation, il y a sans doute plusieurs secteurs qui veulent être rationalisés.
Mais je vous dirais, M. le Président, que le plan d'action communautaire vise un certain nombre de choses: le respect de l'autonomie des groupes, le fait de pouvoir financer des groupes communautaires sur trois ans. Il y a-tu quelque chose de plus logique que ça, que faire en sorte que les groupes passent plus de temps à travailler avec leurs concitoyens et concitoyennes, aider les gens plutôt qu'à remplir des papiers pour le gouvernement?
Et là où j'ai dit qu'on allait faire le ménage, parce que, oui, on va le faire, le ménage, à un endroit, c'est dans nos pratiques à nous comme gouvernement. Il y a au-delà de 20 ministères qui interviennent de façon différente avec les groupes communautaires. L'objectif est de faciliter la vie des organismes communautaires, leur donner plus de temps pour s'occuper des gens et aussi, avec des profils régionaux, nous assurer que les services communautaires répondent aux besoins des régions, en respectant leur autonomie.
Le Président: En question complémentaire, Mme la députée de Laurier-Dorion.
Mme Elsie Lefebvre
Mme Lefebvre: Est-ce que le ministre peut remédier à ce que le milieu communautaire qualifie de bris du lien de confiance avec le gouvernement et à tout le moins répondre aux préoccupations des regroupements d'organismes communautaires qui veulent savoir sur quels critères spécifiques il entend se baser pour juger de la pertinence de ces groupes?
Le Président: M. le ministre de l'Emploi, de la Solidarité sociale et de la Famille.
M. Claude Béchard
M. Béchard: Bien, écoutez, ce n'est sûrement pas tous les milieux communautaires qui pensent la même chose, parce que le comité aviseur de l'action communautaire, avec qui nous avons travaillé pour mettre en place ce plan d'action communautaire, disait dans un communiqué, le 18 août, qu'il y avait plusieurs éléments positifs: la réaffirmation du respect de l'autonomie des groupes, la consolidation du financement de leur mission, la priorisation du financement triennal, l'adoption d'un cadre de référence qui assure le caractère transversal de la mise en oeuvre de la politique. M. le Président, les gens du comité aviseur avec qui on travaille sont d'accord, les gens sur le milieu qui aident leur concitoyens et concitoyennes sont d'accord pour avoir un financement sur trois ans. Et, encore une fois, on doit se rendre compte que, du côté de l'opposition, ça leur fait tellement mal quand on réussit là où ils ont échoué.
Le Président: Alors, ceci met fin à la période des questions et réponses orales.
Motions sans préavis
Comme il n'y a pas de votes reportés, nous allons passer à la rubrique des motions sans préavis. Mme la ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration.
Souligner le 15e anniversaire
de la tragédie de l'École polytechnique
Mme Courchesne: Alors, M. le Président, je sollicite le consentement de l'Assemblée pour débattre une motion présentée conjointement avec la députée de Terrebonne et le député de Vanier, une motion qui se lirait comme suit:
«Que l'Assemblée nationale du Québec souligne aujourd'hui le 15e anniversaire de la tragédie survenue à l'École polytechnique de Montréal et que les femmes et les hommes de cette Assemblée s'engagent collectivement à faire du Québec une société toujours plus ouverte, plus tolérante, plus respectueuse et non violente à l'égard des femmes», aujourd'hui, le 6 décembre 2004.
Le Président: Est-ce qu'il y a consentement? Consentement pour cette motion conjointe. Alors, je cède la parole à Mme la ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration.
Mme Michelle Courchesne
Mme Courchesne: Merci, M. le Président. M. le Président, le 6 décembre évoque un souvenir particulièrement douloureux pour toutes les Québécoises et tous les Québécois: 15 ans, 15 ans sans oublier, 15 années consacrées à construire cette mémoire collective, sentinelle de notre sensibilité à contrer la violence faite aux femmes.
Bien sûr, la tragédie du 6 décembre a semé la consternation dans tout le Québec. L'événement d'aujourd'hui est une occasion bien sûr de partager la tristesse des familles et des amis de ces 14 jeunes femmes, la tristesse de notre société tout entière, ainsi qu'un moment pour mieux prendre conscience de l'ampleur de la violence encore faite aux femmes d'ici et d'ailleurs. Le 6 décembre, nous pleurons la perte de nos filles et nous pleurons aussi la perte de dignité et de confiance de toutes les femmes qui sont victimes de violence.
La grande médiatisation de la tragédie de l'École polytechnique de Montréal ne doit pas nous faire oublier la violence quotidienne, souvent insidieuse et banalisée, qui marque la vie de tant de nos concitoyennes. Soyons attentifs à ces autres gestes de violence qui humilient et détruisent sur leur passage ce que l'être humain a de plus précieux, son intégrité.
Aujourd'hui, M. le Président, plus de 120 000 signataires ont manifesté leur volonté commune de poursuivre le travail de sensibilisation auprès de tous les acteurs. M. le Président, je dois vous dire que nous sommes à l'écoute de ces 120 000 personnes, non seulement à l'écoute, mais très sensibles aux demandes que ces 120 000 personnes nous ont faites ce matin. Et je peux vous assurer que dans les prochains jours nous rendrons public un plan d'action contre la violence conjugale mais qui... qui, de plus en plus, quand on parle de violence conjugale, doit s'étendre à toute la violence sous toutes ses formes, donc avec une dimension beaucoup plus large, et que nous serons très, très ouverts à procéder à des campagnes de sensibilisation.
Mais, en cette journée, il sied de faire cette pause et de réfléchir à la persistance, parce qu'une mort est une mort de trop, et malheureusement les statistiques nous démontrent qu'encore en 2004 le pourcentage de femmes violentées, agressées, est encore beaucoup trop élevé. Mais, lorsqu'on violente une femme, lorsqu'on agresse une femme, ce n'est pas seulement à elle que l'on s'attaque, on bouleverse subitement, brutalement, la vie des parents, de la famille, mais, encore plus grave, dans bien des cas, la vie des enfants qui ne sont pas très loin. Et ces 14 familles ont compris brutalement, elles aussi, à quel point on pouvait complètement chavirer la vie de nombreuses personnes.
n(11 heures)n Hier soir, nous étions à un concert commémorant cet événement, et les familles étaient aussi réunies. Mais ce qui ressort à chaque fois lorsque nous pensons à ces 14 jeunes femmes, c'est surtout l'avenir que nous avons brisé. Elles étaient toutes de jeunes femmes dynamiques qui avaient des rêves, des aspirations, qui étudiaient dans un milieu où, il y a 15 ans, on croyait même que c'était encore un milieu plus fermé aux femmes, un métier non traditionnel. Que de chemin parcouru. Mais ces femmes étaient à leur façon des pionnières pour tracer la voie à d'autres pour pouvoir exercer ces métiers scientifiques plus techniques. Et, quand on se retrouve en commémoration, on s'aperçoit à quel point la violence a donc brisé totalement ces rêves.
C'est donc un problème social qui est très grave et qui entraîne de lourdes conséquences, dont les effets sont dévastateurs sur le plan humain et sur le plan social. La détresse, le désarroi, la dépression mènent véritablement à des voies sans issue. C'est pourquoi nous sommes aujourd'hui réunis, nous en reparlons, c'est pour ça qu'il ne faut pas oublier. Parce que nous devons refuser totalement cette violence. C'est un refus absolu que nous devons susciter. Et, si nous nous levons en cette Assemblée, c'est pour faire en sorte que collectivement, et je dirais presque quotidiennement, nous abordons ce refus.
Et je vous dirai qu'à cet égard-là la volonté de notre gouvernement, elle est aussi totale que ce refus de la violence, et c'est pourquoi, avec toute notre détermination et notre volonté communes, nous cumulerons les actions, nous complémenterons les actions, parce que nous serons plusieurs interpellés à le faire, pour viser et améliorer la sécurité des victimes, à consolider les services d'aide et de protection, mais toujours avec des mesures qui seront d'abord et avant tout axées sur la prévention. Parce que c'est vrai que la prévention est absolument indispensable auprès de ces femmes, mais auprès de ces hommes, ces hommes qui sont aussi... Et on l'a vu, dans différents témoignages de Polytechnique, à quel point, encore hier, encore en fin de semaine, plusieurs ont pris la parole pour aussi témoigner de leur désarroi, de leur culpabilité.
Et je suis très fière, M. le Président, d'avoir vu cette publicité, samedi, dans les quotidiens du Québec, cette publicité qui réunissait des collègues masculins avec, à la tête, le premier ministre du Québec, mais réunissant des gens du milieu artistique, du milieu sportif, du milieu d'affaires qui effectivement ont d'une voix très forte condamné, dénoncé cette violence, mais surtout en envoyant ce message très fort de faire en sorte que, pour tous ceux et celles qui nous suivent, pour les générations qui nous suivent, qu'ils puissent comprendre que c'est à travers eux que doivent absolument passer les valeurs de tolérance, de justice et d'équité.
Alors, pourquoi ne pas aussi travailler tous ensemble à établir des rapports beaucoup plus égalitaires entre les femmes et les hommes? Parce que, si nous avons des rapports sociaux beaucoup plus égalitaires entre nous, très certainement nous susciterons alors le respect et la dignité de l'être humain.
Alors, en terminant, M. le Président, c'est avec une profonde compassion que nous disons aux familles de ces 14 femmes qui ont beaucoup trop payé par la souffrance et la douleur... mais c'est avec notre profonde compassion que nous pouvons leur dire que ce message d'espoir que nous leur transmettons est certainement de poursuivre dans l'action cette lutte de tous les instants contre la violence faite à l'égard des femmes. Merci, M. le Président.
Le Président: Je cède maintenant la parole à la porte-parole officielle en condition féminine, Mme la députée de Terrebonne.
Mme Jocelyne Caron
Mme Caron: Merci, M. le Président. M. le Président, intervenir sur une motion rappelant la tragédie de l'École polytechnique, c'est toujours très difficile émotivement, mais essentiel, car nous avons le devoir d'agir et nous ne devons pas oublier.
Nous avons le devoir d'agir, comme Amnistie internationale, comme la Fédération des femmes du Québec, les groupes de femmes, les centrales syndicales, les professeures et les étudiantes, les communautés religieuses, les groupes communautaires, les ONG qui ont recueilli les signatures de cette pétition pour contrer la violence faite aux femmes sous toutes ses formes et qui ont ramassé 121 852 noms, M. le Président, et il y en aura d'autres qui seront déposées plus tard, au cours de la semaine. Donc, elles ont agi directement sur le terrain.
M. le Président, la société québécoise a été très ébranlée dans ses valeurs les plus profondes devant le geste prémédité du meurtrier Marc Lépine visant spécifiquement des femmes qui représentaient pour lui les féministes, qu'il détestait. L'auteure et comédienne, femme de théâtre, Pol Pelletier, dans une pièce produite très récemment par Espace GO, avec Hélène Pedneault, pièce qui s'intitulait Nicole, c'est moi, spectacle d'adieux, rappelle à juste titre que nous avons très vite enfoui les raisons profondes de cette tragédie, au fin fond de notre inconscient collectif, par peur de découvrir ce qu'elle signifiait. En effet, nous nous souvenons tous du lieu, tous et toutes, du lieu où nous étions, mais plusieurs ont oublié les faits.
Pour préparer cette motion du 15e anniversaire, j'ai relu, M. le Président, tous les discours officiels, en cette Assemblée, depuis le 6 décembre 1989, ainsi que les articles des journaux sur ce drame collectif. M. le Président, à la lecture de ces textes, on s'aperçoit que le choc était tellement grand et dérangeant pour notre conscience collective que même les discours officiels de 1989 dénoncent bien sûr avec vigueur cette tuerie, mais sont incapables de reconnaître la cause pourtant exprimée clairement par Marc Lépine, lui-même, dans la lettre de trois pages, retrouvée sur lui, qui incluait une liste de 15 personnalités féminines des domaines politique, artistique, des forces policières qu'il souhaitait voir disparaître et aussi par les propos clairement exprimés, et par les gestes posés, et les paroles qu'il a adressées aux jeunes filles de Polytechnique après les avoir séparées des garçons: «Vous êtes des féministes. Je hais les féministes. Vous avez brisé ma vie. Je vais vous tuer.» Les 14 jeunes filles tuées et les 12 blessées symbolisaient le droit pour les femmes d'étudier dans des domaines traditionnellement réservés aux hommes. Le meurtrier leur refusait ce droit, pourtant on ne peut plus légitime. Malgré tout, les éditoriaux de l'époque, les commentaires présentent plusieurs versions. La relecture des journaux de décembre 1989 rappelle également le profond malaise devant les commentaires entendus sur les ondes radiophoniques et à la télévision, ce même malaise qui existe toujours 15 ans après la tragédie, à chaque fois que l'on prend la parole pour dénoncer la violence faite aux femmes sous diverses formes parce qu'elles sont des femmes. Ce malaise collectif dénote peut-être un sentiment d'impuissance et de culpabilité. D'ailleurs, M. le Président, on s'aperçoit qu'au premier anniversaire en 1990 aucune motion n'a été présentée ni en 1993. Et les motions de 1991, 1992, 1994 ne mentionnent pas l'événement de Polytechnique. On retrouve, dans le texte de la motion, les événements de Polytechnique en 1995, et on doit attendre 1999 pour que, dans la motion, on parle de tragédie. Donc, le malaise collectif était extrêmement profond.
n(11 h 10)n Une autre question que je me pose, M. le Président, c'est: Comment, comment les misogynes ont-ils pu réussir à transformer le mot «féministe» au point qu'une majorité d'hommes et de femmes n'en reconnaissent même plus la véritable signification et n'osent même plus l'utiliser, et encore moins s'en qualifier? C'est vrai, pour les grandes causes, on s'attaque d'abord au mot pour le dénigrer et on s'attaque aux personnes qui défendent cette cause. Pour ceux qui luttent pour les droits des femmes, il faut poursuivre. Pour ceux qui luttent contre le droit des femmes, ils ont volontairement dénaturé le sens du mot «féministe» pour que les femmes ne soient pas solidaires ? et c'est le plus grand danger pour ceux qui luttent contre l'égalité de fait pour les femmes, cette solidarité des femmes ? mais aussi pour les hommes qui croient à cette égalité ? et ils sont très majoritaires au Québec, M. le Président, très majoritaires ? et pour que ces hommes aussi n'osent plus, eux non plus, agir au nom du féminisme. Pourtant, toutes les personnes démocrates, femmes ou hommes, devraient être féministes, car c'est reconnaître la nécessité d'une égalité de droit et de fait et y travailler pour plus d'une moitié de l'humanité qui ne l'a toujours pas, ni au Québec ni sur le reste de la planète, M. le Président. Le rôle de l'État est essentiel pour l'atteinte de cet objectif démocratique entre tous, et l'implication de toute la société est nécessaire.
Aux parents, proches et amis qui ont eu le courage d'agir pour contrer la violence faite aux femmes en créant la Fondation des victimes du 6 décembre contre la violence, merci pour cet exemple de courage et d'action, pour tous les gestes que vous posez depuis 15 ans malgré votre immense douleur. Vous avez toute notre admiration et notre profonde sympathie.
Merci aux regroupements de femmes, qui n'ont jamais cessé d'agir et de prendre la parole pour abolir les discriminations systémiques faites aux femmes.
À vous, collègues parlementaires, femmes et hommes qui prenez la parole et qui êtes dans l'action chaque jour, agissons pour que nos paroles et nos actions puissent faire la différence.
Enfin, M. le Président, à nos jeunes filles victimes du 6 décembre 1989... Et, M. le Président, dans mes lectures, j'ai pu constater que, pour la première fois, l'an dernier, ma collègue a donné les prénoms, mais jamais, depuis 15 ans, nous ne les avons nommées, ces 14 jeunes femmes. Alors, M. le Président, pour Geneviève Bergeron, qui avait 21 ans; Hélène Colgan, 23 ans; Nathalie Croteau, 23 ans; Barbara Daigneault, 22 ans; Maud Haviernick, 29 ans; Barbara Maria Klucznik, 31 ans; Maryse Laganière, 25 ans; Maryse Leclair, 23 ans; Anne-Marie Lemay, 27 ans; Sonia Pelletier, 28 ans; Michèle Richard, 21 ans; Annie St-Arneault, 23 ans; et Annie Turcotte, 21 ans. À vous, chères jeunes filles, qui aviez des parents, des amis, des personnes que vous aimiez, dans certains cas un conjoint, un fiancé, des amoureux, des frères, des soeurs, des collègues, chères jeunes filles, vous étiez jeunes, vous étiez courageuses, vous aviez des rêves et des espoirs à réaliser et vous aviez une vie à vivre. Vous avez été sacrifiées, votre sacrifice ne doit pas être vain. Nous devons continuer à nous souvenir, mais nous devons surtout agir. Merci.
Le Président: M. le député de Vanier.
M. Sylvain Légaré
M. Légaré: Merci, M. le Président. «Il y a 15 ans aujourd'hui, un homme qui disait détester les femmes est entré à l'École polytechnique de Montréal et a ouvert le feu: 14 jeunes femmes ont été tuées. Le temps a passé, les étudiants d'hier sont devenus ingénieurs et jeunes parents. Ils n'ont rien oublié et regardent les événements passés avec leurs yeux d'aujourd'hui.» C'est ainsi, M. le Président, que débutait un article publié dans La Presse pour souligner ce triste anniversaire.
La vie a poursuivi son chemin, et, 15 ans plus tard, nous nous souvenons toujours de ce 6 décembre 1989. Nos pensées aujourd'hui vont à ceux et celles qui ont vécu ce drame, aux étudiants de la Poly et aussi à leurs collègues masculins, aux familles des victimes qui doivent revivre à chaque année, alors que les médias nous rappellent le fil des événements. Ce rappel annuel, c'est d'abord et avant tout pour ne pas oublier que le Québec n'est pas immunisé contre la violence. C'est un message d'espoir, l'espoir que plus jamais, dans notre société pourtant si paisible, un tel geste ne puisse se répéter.
Pourtant, malgré la Polytechnique, les campagnes de toutes sortes comme celle du ruban blanc, la violence faite aux femmes est malheureusement toujours un sujet d'actualité: «Ils étaient tous égaux sur les bancs d'école de Polytechnique, mais la vraie vie leur a montré autre chose. D'abord, la violence et la discrimination contre les femmes à l'échelle du globe. Mais aussi les petites luttes qu'elles doivent mener quotidiennement, au travail et dans la vie de famille», rapportait dans son article la journaliste Judith Lachapelle.
Alors que nous soulignons aujourd'hui, par cette motion, les événements tragiques survenus il y a 15 ans, est-il utopique d'imaginer que, dans 15 ans, la violence et les inégalités auront disparu? Je me suis posé la question et je n'ai pas trouvé de réponse satisfaisante, pas plus que nous pouvons, 15 ans après, expliquer un tel geste aussi désespéré. Le changement nécessaire, c'est dans nos comportements quotidiens, dans notre façon d'être avec les autres que nous pouvons l'apporter et faire en sorte que la violence en général et celle faite aux femmes en particulier finira par être chose du passé.
Rappelons-nous les victimes. Je vais prendre aussi quelques instants pour les nommer: Geneviève Bergeron, 21 ans, étudiante en génie; Hélène Colgan, 23 ans; Nathalie Croteau, 23 ans; Barbara Daigneault, 22 ans; Anne-Marie Edward, 20 ans, étudiante en génie; Maud Haviernick, 29 ans, étudiante en génie; Barbara-Maria Klucznik, 31 ans, étudiante en sciences infirmières; Maryse Laganière, 25 ans, employée de l'administration; Maryse Leclair, 23 ans, étudiante en génie; Anne-Marie Lemay, 27 ans, étudiante en génie; Sonia Pelletier, 28 ans, étudiante en génie; Michèle Richard, 21 ans, étudiante en génie; Annie St-Arneault, 23 ans, étudiante en génie; et Annie Turcotte, 21 ans, étudiante en génie.
Moi, à l'époque, j'avais 19 ans et j'étais aussi étudiant. Comment ne pas se créer des liens avec les victimes qui auraient pu être collègues de classe, amis ou même ma propre soeur? Quoi qu'on en dise, le fait de réaliser ces liens possibles, ça vous remet les priorités aux bons endroits et vous permet de vous rapprocher de vos proches.
Le courage manifesté par les parents et les proches des victimes du 6 décembre est remarquable. Leur combat pour mobiliser l'ensemble de la société leur a permis de transcender la douleur et de la transformer en action.
En terminant, M. le Président, quoi qu'il en soit, s'il y a une leçon à retenir du 6 décembre 1989, c'est que jamais la violence, sous quelque forme que ce soit, ne devrait être acceptable ou devenir banale. Merci, M. le Président.
Le Président: Je cède maintenant la parole à l'adjointe parlementaire de la ministre des Relations avec les citoyens et député de Chambly. Mme la députée.
Mme Diane Legault
Mme Legault: M. le Président, nous nous rappelons aujourd'hui le 15e anniversaire de la tragédie de l'École polytechnique. Avant toute chose, je veux, comme femme et comme mère, exprimer ma peine et ma compassion envers les parents qui ont perdu leur fille lors de cette tragédie. Je veux que vous sachiez que j'admire votre courage.
Quinze années plus tard, la société québécoise se souvient et ne doit jamais oublier que ces jeunes filles sont mortes parce qu'elles étaient des femmes et qu'elles se destinaient à des carrières traditionnellement masculines. Elles incarnaient l'expression même que l'égalité entre les femmes et les hommes était devenue possible.
n(11 h 20)n M. le Président, le statut social, le niveau de revenu, la notoriété ne mettent pas les femmes à l'abri de la violence. Les conséquences de cette violence ne sont pas les mêmes pour toutes les femmes. Elle varient selon l'âge et le lien qui les unit à l'agresseur, selon la gravité et la durée des actes commis et aussi selon le soutien qu'elles reçoivent. Les facteurs de marginalité, d'exclusion, d'isolement et de pauvreté rendent d'ailleurs les personnes victimes de violence beaucoup plus vulnérables. En hypothéquant ainsi lourdement la vie, la violence limite le potentiel de développement social et économique de toute une société, et c'est la société tout entière qui en paie le prix.
La violence n'est pas que physique ou sexuelle, elle est aussi psychologique ou économique, et toutes ses manifestations représentent, pour les femmes qui en sont la cible, une entrave à leurs droits les plus fondamentaux. C'est à nous, élus de cette Chambre, que revient la tâche de faire respecter ces droits. Il nous appartient d'en faire une responsabilité collective à laquelle doit être associée toute la population du Québec.
Ce 15e anniversaire nous invite à joindre les rangs des personnes et des associations qui luttent avec courage et détermination pour que cessent enfin toutes les formes de violence. Nous ne pouvons tolérer ni les gestes qui tuent ni ceux qui minent et grugent quotidiennement la sécurité et l'intégrité auxquelles ont droit tous les membres de notre société, qu'ils soient jeunes ou moins jeunes, qu'ils soient hommes ou femmes. Dans la lutte à la violence, nous sommes tous concernés et interpellés. À nous d'assumer cette responsabilité collective et d'établir des rapports sociaux qui soient plus égalitaires et plus justes. Je nous y invite tous, M. le Président. Merci.
Le Président: Je cède maintenant la parole à Mme la leader de l'opposition officielle et députée de Bourget. Mme la leader.
Mme Diane Lemieux
Mme Lemieux: Merci, M. le Président. C'est avec beaucoup d'émotion que j'interviens ce matin. Le 6 décembre 1989, bien des gens peuvent dire, aujourd'hui, avec précision ce qu'ils faisaient et où ils étaient. Bien des gens se souviennent de ce qu'ils ont ressenti lorsqu'ils ont appris qu'une tuerie avait eu lieu à Polytechnique et bien des gens se souviennent du double choc qu'ils ont vécu lorsqu'ils ont réalisé que non seulement des jeunes avaient été tués, mais que des femmes avaient été expressément visées.
À cette époque, je travaillais dans un réseau d'aide pour les femmes victimes de violence, j'ai donc été durement touchée également, évidemment jamais autant que ces jeunes filles et ces familles. J'ai été une de celles qui avaient été interpellées par les médias, qui cherchaient à comprendre, qui cherchaient l'explication, qui cherchaient le sens. Et j'ai été troublée aussi parce que la liste confectionnée par Marc Lépine, eh bien des noms de connaissances personnelles et d'amis y étaient inscrits. Pourquoi? Pourquoi? Pourquoi cet événement a-t-il eu lieu? C'est un geste qui reste somme toute sans réponse satisfaisante, sans réponse qui nous rassure, sans réponse qui nous permettrait d'être plus puissants devant des événements comme ceux-là et plus combatifs.
Depuis, la violence faite aux femmes, elle existe toujours. Mais j'ai quand même la conviction que ce drame a certainement fait de nous, peuple du Québec, des gens plus sensibles et des personnes plus sensibles à ces petits dérapages de la vie qui peuvent mener à des drames. Enfin, je l'espère. Depuis, les ressources d'aide aux femmes se sont consolidées et ont permis à des femmes d'éviter le pire, et de reprendre le contrôle de leurs vies, et d'avoir une vie qui soit belle.
J'ai une pensée aussi pour mon beau-fils. Il s'appelle Xavier. Il est né le 6 décembre, il avait six ans. Et son père, un jour ? et c'est la raison pour laquelle j'aime cet homme ? a écrit, une année après le 6 décembre 1989, donc le 6 décembre 1990, il avait écrit une petite lettre aux lecteurs qu'il avait fait publier dans La Presse et qu'il avait intitulée Bonne fête, mon homme, où il lui disait... Mon Dieu! M. le Président, je suis vraiment désolée, je suis une personne humaine...
M. Landry: Même les femmes ont le droit de pleurer.
Mme Lemieux: Mon chef me dit que les femmes ont le droit de pleurer, c'est formidable. Les hommes également.
Alors, il avait écrit Bonne fête, mon homme, où il lui avait dit: «Ton anniversaire, mon homme, sera toujours assombri et marqué par cet événement, parce que tu te rappelleras à chaque anniversaire que des êtres humains, et, dans ce cas-ci, un homme est allé jusqu'à ce geste irréparable. Mais malgré tout, malgré ces dérives humaines, les relations entre les hommes et les femmes méritent d'être vécues, méritent d'être bonifiées et méritent d'être belles. Alors, je souhaite une bonne fête à mon homme.» Cet événement, donc, il est tragique. Il a causé des blessures irréparables. D'abord, il a brisé le parcours, qu'on peut prévoir à ce moment-ci qui aurait été exceptionnel, de ces jeunes femmes. Il a brisé aussi, pas nécessairement de manière irréparable, parce que ces familles, elles ont été fortes, mais il a causé des blessures terriblement profondes à des mères, à des pères, à des frères, à des soeurs, à des amoureux.
Cet événement a troublé aussi des témoins. Pensons... J'ai aussi une pensée pour des jeunes, notamment des jeunes hommes, qui ont été pris, qui ont vu, qui ont essayé de faire quelque chose, qui ont vu ce drame se dérouler sous leurs yeux, les ambulanciers, les policiers. Combien de gens ont été marqués par cet événement?
Alors, en terminant, M. le Président, devant notre impuissance à comprendre complètement, la seule chose qui me rassure et qui nous rassure, comme humains, c'est notre capacité à poser des gestes qui nous rendent plus puissants, combatifs, et de faire en sorte que les hommes et les femmes ne tolèrent pas ces petits et ces grands glissements qui entraînent la violence. Merci, M. le Président.
Mise aux voix
Le Président: Est-ce que cette motion est adoptée? Adopté.
Je vous demanderais de vous lever. Nous allons tous ensemble observer une minute de silence.
n(11 h 27 ? 11 h 28)nLe Président: Je vous remercie. Veuillez vous asseoir.
Nous en sommes toujours aux motions sans préavis. Et je reconnais M. le chef de l'opposition... Je m'excuse, je reconnais M. le député... vice-président de la Commission de la culture et député du comté de Sainte-Marie?Saint-Jacques.
Souligner le décès de M. Claude Filion,
ancien député de Taillon, et offrir
des condoléances à sa famille et à ses proches
M. Boulerice: Oui. M. le Président, je demande avec tristesse l'autorisation de cette Assemblée pour débattre de la motion suivante:
«Que l'Assemblée nationale souligne le décès de M. le juge Claude Filion, ancien député de Taillon, et offre ses condoléances à sa famille et à ses proches.»Le Président: Est-ce qu'il y a consentement? Il y a consentement. M. le député de Sainte-Marie?Saint-Jacques.
M. André Boulerice
M. Boulerice: M. le Président, chers collègues, ne vous attendez pas à un monument d'éloquence, ce matin, tellement le deuil est profond chez moi. Puisque j'ai la lourde et pénible tâche de faire l'éloge de celui qui a été à la fois un compagnon, un collègue, mais, d'abord et avant tout, un ami.
Claude Filion est né à Québec, le 7 décembre 1945, il aurait eu donc 59 ans demain, ce qui me permettait, M. le Président, souvent à l'occasion de le titiller et de lui dire qu'il était beaucoup, beaucoup plus vieux que moi. Et j'aurais donc aimé le voir continuer à être toujours, toujours plus vieux que moi.
n(11 h 30)n Il a étudié à Montréal, au séminaire des Eudistes, de 1957 à 1965, et à l'Université de Montréal, de 1965 à 1968, d'où il est sorti avec une licence en droit. Il a été admis au Barreau du Québec en 1969. Après une pratique du droit à Montréal, il est devenu directeur adjoint de cabinet du ministre du Travail et de la Main-d'oeuvre, fonction qu'il occupa de 1977 à 1980, directeur adjoint de cabinet du ministre des Institutions financières, des Coopératives et des Consommateurs de 1980 à 1981 et directeur de cabinet du ministre des Affaires sociales de 1981 à 1982.
Après avoir été conseiller juridique du Parti québécois aux élections de 1973, il a été élu député du Parti québécois dans la circonscription de Taillon en 1985, succédant sans aucun doute au plus grand personnage de l'histoire contemporaine du Québec, René Lévesque. Il a agi comme président de la Commission des institutions de 1986 à 1989, et tous celles et ceux qui ont siégé à cette commission sont capables, M. le Président, de témoigner de sa grande implication, de son sens du devoir, de sa gentilhommerie, de l'élégance de ses propos, donc toute la grandeur de l'individu. Et je sais à quel point le ministre du gouvernement à l'époque qui avait à siéger le plus souvent à la Commission des institutions ? c'est le ministre de la Justice, Herbert Marx ? comment l'ancien ministre Marx appréciait ? appréciait ? Claude Filion comme interlocuteur.
Après être retourné à la pratique du droit en 1989 ? il ne s'était pas représenté comme député de Taillon ? il est nommé à la Commission des droits de la personne; puis, en 1996 à 2001, président de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Il a été nommé juge à la Cour du Québec le 16 mai 2001. Claude Filion avait appris, il y a 18 mois, qu'il était atteint du cancer de la plèvre, c'est-à-dire cette enveloppe du poumon, et qui est une forme rare et extrêmement virulente de la maladie. Avant de se faire élire comme député, je vous le disais tantôt, il a été, de 1977 à 1982, au cabinet de l'ancien premier ministre du Québec qui était à l'époque ministre du Travail et des Affaires sociales, M. Pierre-Marc Johnson. Tout de suite après son élection comme député de Taillon, en 1985, nous avons fait tous deux notre entrée au même moment et tous deux, M. le Président, Claude et moi, accompagnés de notre père.
Il devient porte-parole de l'opposition officielle en matière de politique linguistique. Il fut sans aucun doute l'un des plus efficaces critiques et l'un des plus craints par la majorité gouvernementale. Il s'était notamment distingué dans sa lutte contre la loi n° 178, présentée par le ministre de l'époque Claude Ryan, sur l'affichage commercial. Pierre-Marc Johnson disait: M. Filion est un juriste exceptionnel. Il avait le sens des institutions et une conception très claire de la séparation des pouvoirs. Il avait les bons réflexes juridiques mais aussi pratiques. Malgré le traitement éprouvant qu'il subissait, il est retourné sur le banc de la Cour du Québec, il y a trois semaines, pour y entendre quelques causes et pour finir de rédiger tous ses jugements qu'il lui restait.
Il y a trois semaines, M. le Président, je recevais un appel à titre personnel de Claude Filion. Donc, j'ai eu le plaisir de lui parler, durant au moins 45 minutes, pour la dernière fois. Et, comme dans le cas de tous ceux que l'on aime, je trouvais que la voix était belle, que l'énergie semblait être là. Donc, j'ai cru moi aussi que la vie pourrait peut-être être généreuse, et qu'il s'agissait d'une période vraiment de rémission, et que Claude Filion était guéri. Nous en avons même profité, M. le Président, pour nous donner rendez-vous à un déjeuner. Et je me permettais même la blague en disant: Mais, compte tenu de tes fonctions de juge, je ne peux t'offrir le déjeuner, donc tu devras me l'offrir. Et Claude de blaguer: Mais, comme ce sont les membres de l'Assemblée nationale qui fixent le salaire des juges, à ce moment-là, je me retrouve en bonne position.
Claude était un être de grand humour, M. le Président, et, si, aujourd'hui, nous lui disons adieu comme membres de l'Assemblée nationale, moi, c'est d'abord et avant tout un ami avec qui j'ai travaillé ici, dans cette Assemblée, durant quatre ans, avec une amitié complice tout à fait exceptionnelle, qui fait que j'emporte des souvenirs inoubliables. Ma mère avait l'habitude de dire, lorsqu'il s'agissait d'adresser des messages de sympathie à l'occasion d'un décès, ma mère avait toujours l'habitude d'ajouter une phrase que j'ai toujours trouvée merveilleuse, elle disait: C'est dans nos coeurs que vivent ou meurent ceux qu'on aime.
Comme nous aimions Claude et nous continuons de l'aimer, il est toujours vivant dans nos coeurs. Donc, à son épouse, à ses enfants et à tous ses proches, j'offre, au nom de l'opposition officielle, très assurément en mon nom personnel, les plus sincères et attristées condoléances. Je vous remercie, M. le Président.
Le Président: Merci, M. le député. Maintenant, M. le whip en chef du gouvernement et député de Richmond.
M. Yvon Vallières
M. Vallières: Oui. Alors, merci, M. le Président. Alors, je vais joindre mes paroles à celles de mon collègue de Sainte-Marie?Saint-Jacques et de tous mes collègues en cette Assemblée pour évidemment vous indiquer jusqu'à quel point nous sommes tristes de cette nouvelle, que nous avons apprise, du décès de Claude Filion, que je me permettrai d'appeler Claude pendant cette courte allocution.
Vous comprendrez, M. le Président, que mon niveau de complicité était beaucoup moins élevé avec Claude que celui du député de Sainte-Marie?Saint-Jacques, mais je vous parlerai donc plus de lui comme d'un ex-parlementaire. Et, même si c'est toujours très difficile chaque fois qu'on prend la parole ici pour souligner le décès d'un ex-collègue ? c'est toujours très difficile ? mais c'est encore plus difficile quand on assiste au départ de quelqu'un qui nous quitte aussi jeune à l'intérieur d'une vie professionnelle très bien remplie mais qui aurait pu se continuer, encore de nombreuses années, au service de la collectivité québécoise. Trop jeune pour nous quitter, dirons plusieurs, mais ainsi il en va de la vie, on ne choisit pas le moment où nous la quittons.
Moi, M. le Président, ce que j'ai toujours vu chez Claude, c'est d'abord son haut niveau de préparation. D'abord, avant de devenir député, Claude a eu, je pense, la chance de bien se préparer, au plan professionnel, aux tâches qui l'attendaient comme député puis aussi à ses antécédents dans le monde politique, Claude a fait ses classes, comme on dirait, à bien des niveaux, que ce soit à l'intérieur du Parti québécois, avait été très actif comme directeur de cabinet de Pierre-Marc Johnson, que ce soit au ministère du Travail et de la Main-d'oeuvre ? qu'il avait suivi également au ministère des Affaires sociales. Un individu d'une loyauté exceptionnelle à l'endroit de M. Johnson qui en témoignait lui-même dernièrement dans quelques articles de journaux. C'est le 2 décembre 1985 que finalement Claude a été élu, en cette Assemblée nationale, député de Taillon lors d'une élection générale. Et c'est alors qu'on a pu constater et découvrir ses nombreux talents: d'abord des talents d'orateur assez exceptionnels; mais aussi sa grande rigueur à l'intérieur de tout ce qui l'animait en cette Assemblée; et un homme d'une grande intégrité.
Moi, il m'a toujours surpris, à l'époque ? j'écoutais Claude intervenir ? jusqu'à quel point il était soucieux d'être bien préparé. Je n'ai jamais vu une intervention de Claude en cette Chambre qui n'était pas l'objet de textes très fouillés, très cherchés. Et je pense, hors de tout doute, qu'il aura pu faire profiter de son expérience et de ses compétences la Commission des institutions, qu'il a présidée avec brio, avec main de maître. Et je pense que, oui, même le ministre de la Justice de l'époque et ceux qui l'ont côtoyé voyaient jusqu'à quel point cet individu voulait contribuer de manière positive, à l'intérieur des débats qui animaient cette Assemblée, que ce soit en commission parlementaire ou en cette enceinte même. Donc, toujours des interventions fouillées et tellement fouillées, M. le Président, qu'il faut dénoter là un des traits de caractère de Claude, c'est que c'était un travailleur, un travailleur puis un perfectionniste dans ce qu'il entreprenait, et quelqu'un de très rigoureux et acharné, et un parlementaire qui était exigeant pour lui-même. Puis d'autres pourraient vous dire qu'il était exigeant pour ceux qui étaient vis-à-vis de lui également et qui l'accompagnaient dans sa démarche de député, mais je pense que c'est une belle qualité comme parlementaire qu'on doit lui reconnaître aujourd'hui.
n(11 h 40)n Enfin, un homme engagé. Je sais qu'au niveau d'Oxfam-Québec Claude a joué un rôle important pendant plusieurs années. Son dévouement à l'endroit de ses électeurs; il n'y a pas une intervention que Claude faisait en cette Chambre sans qu'elle soit reliée aux électeurs qu'il représentait dans sa circonscription.
Je me souviens de lui. Une fois ? moi, je ne l'ai pas connu longtemps ici comme parlementaire ? mais on était en vacances sur le même territoire mexicain à l'époque, et Claude venait de jouer une partie de tennis. Il faisait plus de 30°. Je ne sais pas comment il faisait, mais il avait joué du tennis cette journée-là. Et, au sortir, par hasard, on s'est rencontrés. Et puis il me demandait si j'avais en ma possession un drapeau du Québec. Alors, je me suis dit: Bien, pourquoi un drapeau du Québec en sol mexicain? C'est que je pense qu'il en avait vu flotter d'une autre couleur ailleurs, en sol mexicain, puis il voulait bien... Alors, on a partagé de beaux moments à ce moment-là, mais, malheureusement, ni lui ni moi ne traînions de drapeau du Québec dans nos bagages. Mais je pense que c'est une bonne précaution de le faire, puisqu'il y a beaucoup de gens, quand on est à l'extérieur, des fois qui nous demandent notre drapeau, et puis on n'en a pas en notre possession.
Alors, Claude, moi, je veux vous indiquer aussi qu'il était doté d'un jugement très solide, un excellent juriste, on l'a dit auparavant, une personne dont jamais personne n'a été surpris dans les nominations, que ce soit à la Commission des droits de la personne, ou encore comme président même de la Commission des droits de la personne et de la jeunesse de 1996 à 2001, ou encore quand Claude a été nommé juge. Je pense que tout le monde reconnaissait que ces nominations commandaient un grand respect que l'on devait à l'individu, et donc quelqu'un qui a fait son travail ? je veux l'indiquer, M. le Président ? sans égard à ses allégeances politiques.
Et, moi, comme parlementaire, je suis toujours très fier de voir que certains de nos ex-collègues peuvent être mis à contribution sur la scène publique, pour servir la population québécoise et entretenir des responsabilités de charges publiques très importantes, et ça, toutes allégeances confondues. Je pense que nous pouvons dire, aujourd'hui, que nous avons été et nous sommes très fiers de ce que Claude a fait pour les gens soit de sa circonscription ou pour la population du Québec en général. Nous gardons de lui, M. le Président, un excellent souvenir. Et je voudrais donc, en mon nom personnel, au nom de la formation politique également, le Parti libéral du Québec, offrir à Claude, à ses enfants, à son épouse, à tous ses proches l'expression de nos plus vives sympathies et indiquer à toutes ces personnes qui l'ont bien connu, qui sont très attachées à lui, leur dire que, nous, ici également, en cette Assemblée, nous l'étions. Nous garderons un excellent souvenir de lui dans la fierté que nous avons eu de le côtoyer en cette Assemblée. Merci.
Le Président: M. le député de Vanier.
M. Sylvain Légaré
M. Légaré: Merci, M. le Président. Je joins ma voix à celle de mes collègues pour appuyer cette motion de ma formation politique. N'ayant pas siégé avec M. Filion et, malheureusement, n'ayant pas connu M. Filion, je peux tout de même comprendre la peine de ses proches et je tiens à leur transmettre mes plus sincères condoléances.
Claude Filion n'a siégé qu'un mandat à l'Assemblée nationale, mais, à entendre les propos de nos collègues, il semble qu'il fut très apprécié. Outre son engagement politique, M. Filion a été, comme cela a été souligné, commissaire à la Commission des droits de la personne et président de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse jusqu'en mai 2001, date à laquelle il fut nommé juge à la Cour du Québec. De toute évidence, M. le Président, Claude Filion a oeuvré, une bonne partie de sa vie, pour la défense et le respect des droits de la personne.
En cette journée de souvenir des événements tragiques de la Polytechnique, où les droits de 14 jeunes étudiantes ont été violemment niés, on ne peut que regretter le départ d'un défenseur des droits de la liberté de la personne. Évidemment, en mon nom et au nom de l'Action démocratique du Québec, j'appuie donc cette motion. Merci, M. le Président.
Le Président: Est-ce qu'il y a d'autres interventions? M. le vice-président et député?
Mise aux voix
Est-ce que la motion est adoptée? Adopté.
Je vous demanderais de vous lever. Nous allons observer une minute de silence à la mémoire de Claude Filion. Et nos condoléances à toute sa famille, son épouse, et sa jeune fille, et ses enfants également.
n(11 h 44 ? 11 h 45)nLe Président: Je vous remercie. Veuillez vous asseoir.
Avis touchant les travaux des commissions
Avis touchant les travaux des commissions. M. le leader du gouvernement.
M. Dupuis: M. le Président, j'avise cette Assemblée que la Commission des finances publiques poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 61, Loi sur l'Agence des partenariats public-privé du Québec, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à 24 heures, à la salle du Conseil législatif;
Que d'autre part la Commission de l'aménagement du territoire entreprendra l'étude détaillée du projet de loi n° 75, Loi sur l'exercice de certaines compétences municipales dans certaines agglomérations, aujourd'hui, de 21 heures à 24 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau. Je vous remercie.
La Vice-Présidente: Merci, M. le leader.
Alors, nous en sommes maintenant aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée.
Affaires du jour
Alors, la période des affaires courantes étant terminée, nous allons maintenant passer aux affaires du jour. M. le leader du gouvernement.
M. Dupuis: J'apprécierais, Mme la Présidente, que vous nous référiez à l'article 2 du feuilleton.
Projet de loi n° 57
Reprise du débat sur l'adoption du principe
La Vice-Présidente: Alors, à l'article 2, l'Assemblée reprend le débat, ajourné le 3 décembre 2004, sur l'adoption du principe du projet de loi n° 57, Loi sur l'aide aux personnes et aux familles.
Alors, je serais prête à reconnaître un premier intervenant. Mme la députée de Terrebonne. Alors, ce serait plus facile de reconnaître un intervenant si les autres députés pouvaient s'asseoir ou quitter cette salle, s'il vous plaît. Mmes, MM. les députés, la parole est à la députée de Terrebonne.
Mme Jocelyne Caron
Mme Caron: Oui, merci, Mme la Présidente. Alors, Mme la Présidente, j'interviens donc sur le projet de loi n° 57. Vous comprendrez que ce projet de loi, je l'ai étudié avec beaucoup d'attention parce que j'ai eu le privilège de travailler sur le projet de loi n° 112, le projet de loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Et donc mon analyse du projet de loi n° 57 s'est faite en fonction de la loi n° 112. Ce qu'il faut rappeler, c'est que, lorsque nous avons adopté, à l'unanimité, en cette Chambre, le projet de loi n° 112, c'était une loi-cadre, c'était une base par laquelle toutes les autres lois, ou les programmes, ou les règlements qui viendraient toucher la pauvreté devraient s'appuyer parce que, par la loi n° 112, on reconnaissait une stratégie d'intervention, donc une stratégie qui touchait l'ensemble des ministères.
Donc, j'ai regardé le projet de loi n° 57 à la lumière de cette loi-cadre, de cette base de la loi n° 112, et j'en suis arrivée à la même conclusion, Mme la Présidente, que le collectif pour lutter contre la pauvreté, le Collectif pour un Québec sans pauvreté, qui effectivement a dénoncé vivement le projet de loi n° 57, rappelant qu'il ne correspondait aucunement à ce qui avait été adopté finalement par la loi n° 112 et qu'il au contraire permettrait de continuer d'entretenir les préjugés. J'ai aussi entendu, en commission parlementaire, la Fédération des femmes du Québec. J'ai aussi entendu la Fédération des associations de familles monoparentales et recomposées du Québec et le Conseil d'intervention pour l'accès des femmes au travail qui sont effectivement, elles aussi, venues nous dire que le projet de loi n° 57 ne répondait pas à ce qu'il y avait comme attentes.
D'ailleurs, je vais commencer mon intervention par les remarques qui ont été faites dans un communiqué et qu'on retrouve dans les mémoires de la Fédération des femmes du Québec et des trois autres groupes que je vous ai nommés tantôt, donc le Conseil d'intervention pour l'accès des femmes au travail, L'R des centres de femmes du Québec et l'Association des familles monoparentales et reconstituées du Québec. Alors, ces trois groupes s'associent à la fédération pour unir leurs voix «pour demander le retrait du projet de loi n° 57 ainsi que, notamment, l'indexation annuelle complète de toutes les prestations, l'exemption totale de la pension alimentaire reçue pour un enfant dans le calcul de la prestation de sécurité du revenu et une couverture des besoins essentiels».
n(11 h 50)n«Pour ces groupes ? Mme la Présidente ? il est aussi inacceptable de savoir qu'au Québec, par exemple, les personnes âgées de 55 ans et plus perdent un acquis. La contrainte temporaire à l'emploi qu'elles se voyaient accorder en raison de leur âge n'est plus inscrite dans le projet de loi. Le problème est doublement pénalisant pour les femmes de ce groupe d'âge qui ont peu d'expérience sur le marché du travail. Appauvries, elles se heurteront à une non-reconnaissance de leurs contributions à la richesse collective pour avoir été travailleuses au foyer, aidantes naturelles ou encore récemment immigrantes. "Comment le gouvernement libéral peut-il soutenir un tel recul?", de s'exclamer Mme Lyne Boissinot de L'R [du Centre des femmes]. Un autre exemple de l'inconséquence du gouvernement [...] est l'absence, dans le projet de loi n° 57, d'une mesure promise au printemps dernier. En effet, dans son plan d'action en matière de lutte à la pauvreté, le ministre [de la Famille] annonçait que les familles monoparentales prestataires de l'aide sociale [se retrouveraient avec des revenus beaucoup plus élevés].» Ensuite, Mme la Présidente, le projet de loi n° 57 est considéré par ces regroupements de femmes comme une loi paternaliste et arbitraire. En effet, «"en 2004, les données statistiques démontrent que les femmes sont encore désavantagées aux plans économique et social. La double tâche, la monoparentalité, la précarité d'emploi, la discrimination salariale et l'insécurité du revenu comptent parmi les facteurs structurants de leur pauvreté. Dans un tel contexte, les femmes prestataires se trouvent au bas de la pyramide sociale. Aussi, l'aide sociale est un instrument indispensable pour bâtir la sécurité financière des femmes en vue de lever la barrière de leur pauvreté", de rappeler Mme Michèle Asselin, présidente de la Fédération des femmes du Québec. "Face à cette situation inacceptable pour les femmes du Québec, le projet de loi n° 57 ne constitue pas une réponse adéquate. En [effet], le projet de loi n° 57 n'est pas fondé sur le droit à la sécurité du revenu pour les besoins essentiels. Pire, ce projet de loi introduit des pratiques paternalistes et arbitraires tout en réduisant les droits de recours des prestataires. L'autonomie des femmes est primordiale. L'égalité n'est pas négociable", d'ajouter Mme Nathalie Goulet du Conseil d'intervention pour l'accès des femmes au travail.» Alors, Mme la Présidente, je pense que la très grande majorité d'ailleurs des groupes qui ont été entendus lors de la commission parlementaire ont demandé le retrait du projet de loi n° 57.
Lorsque j'ai examiné le projet de loi en faisant une correspondance au niveau des différents articles du projet de loi n° 112, j'ai effectivement compris pourquoi on demandait ce retrait. D'ailleurs, l'article 1 du projet de loi n° 112 ? et je le dis parce que c'est la base ? disait:
«La présente loi vise à guider le gouvernement et l'ensemble de la société québécoise vers la planification et la réalisation d'actions pour combattre la pauvreté, en prévenir les causes, en atténuer les effets sur les individus et les familles, contrer l'exclusion sociale et tendre vers un Québec sans pauvreté.
«À cette fin, la présente loi institue une stratégie nationale de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Elle institue également un Comité consultatif de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale et un Observatoire de la pauvreté et de l'exclusion sociale, lesquels assument les fonctions qui leur sont confiées par la présente loi en vue d'atteindre les buts poursuivis par la stratégie nationale.» Mme la Présidente, il n'y a pas eu création de l'observatoire, donc on n'a pas pu, pour proposer des recommandations dans le projet de loi n° 57, s'appuyer sur des recommandations qui auraient été faites par les experts et les personnes vivant de pauvreté qui se seraient retrouvées sur cet observatoire. En plus, Mme la Présidente, le Comité consultatif de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale qui était bel et bien inscrit dans la loi n'a pas été formé, donc pas eu de consultation à ce niveau-là, ce qui aussi ne répond pas à l'exigence de la loi. Et enfin on s'aperçoit bien que, dans les mesures qui sont retenues, on continue de maintenir les préjugés, qui sont souvent, malheureusement, le fait de notre société, et les personnes bénéficiaires de l'aide sociale en sont les premières victimes.
Dans les éléments qui touchent aussi l'accès à l'emploi et la valorisation au travail, je dois aussi rappeler, Mme la Présidente, que, tout comme l'ont déploré les groupes du CIAFT, au niveau de l'accès au travail, la Stratégie d'intervention à l'égard de la main-d'oeuvre féminine, qui a été mise de côté par le gouvernement, fait en sorte que c'est beaucoup plus difficile pour les femmes qui travaillent à la maison et qui décident de réintégrer le marché du travail. Parce que cette Stratégie d'intervention à l'égard de la main-d'oeuvre féminine, qui avait été annoncée le 11 septembre 2001, avait pour objectif justement de rejoindre principalement celles que nous appelions les personnes sans-chèque, et, sans cette stratégie-là, on n'arrive pas à pouvoir leur permettre de réintégrer le marché du travail. Et on s'est aperçu que, dans les principales coupures qui ont été faites au niveau d'Emploi-Québec, c'est exactement ces programmes-là qui ont été visés. Et la nouvelle proposition dans le projet de loi n° 57, qui vient justement pénaliser les personnes de 55 ans et plus, donc on va retrouver, dans cette catégorie-là, des femmes travaillant à la maison qui n'ont pas réintégré le marché du travail.
Donc, cette non-reconnaissance de leurs contraintes va directement les affecter financièrement et entretenir leur pauvreté. Cela touche aussi, je dois le dire, les jeunes mères qui ont des enfants à la maison et qui souhaitaient pouvoir poursuivre le travail d'éducation avec leurs enfants.
Dans le projet de loi, j'ai aussi retenu un des éléments. À l'article 15, on précisait que le plan d'action doit également proposer des mesures pour «abolir les réductions de prestations liées à l'application des dispositions de cette loi relatives au partage du logement et au coût minimum du logement». Et là, là-dessus, Mme la Présidente, c'est un peu étonnant que d'un côté nous avons mis en place des mesures pour que cessent les coupures qui touchaient le logement, le partage du logement. Nous avons mis quelques années. Il y a eu des réductions progressives du montant qui était retenu, là. On est arrivé à ce qu'il n'y en avait plus, de pénalité pour un partage du logement, mais là, avec la loi n° 57, on vient à nouveau introduire une nouvelle mesure de pénalité de partage pour ceux qui vont demeurer avec les parents. Alors, je pense que l'objectif, c'était de les annuler complètement, pas d'annuler celle qu'on venait d'annuler, mais d'en recréer une nouvelle forme. Je pense qu'à ce moment-là on n'arrive vraiment pas à atteindre les objectifs que l'on s'était fixé. Parce que la loi avait été adoptée à l'unanimité, je le rappelle.
Parmi les mesures aussi, la loi, j'aurais aimé retrouver, dans la loi n° 57, une mesure qui aurait fait référence directement à l'article 15, le paragraphe 3°, où on parlait «de permettre aux adultes et aux familles de posséder des biens et des avoirs liquides d'une valeur supérieure à celle permise lors de l'adoption du plan d'action afin de favoriser l'autonomie des personnes [et] pour tenir compte de difficultés économiques transitoires».
Au niveau de notre bureau de comté, Mme la Présidente, souvent on se retrouve devant des personnes qui, suite à une séparation, suite à un décès, se retrouvent à être obligées de faire une demande au niveau de l'aide sociale. Et elles sont les propriétaires d'une maison, une maison qui a une valeur qui est supérieure à ce qui est accepté au niveau des règlements au niveau de l'aide sociale. Mais c'est bien évident que, peu importe la valeur de cette maison-là, ce n'est pas ça qui apporte des montants pour vivre, pour manger, pour payer les biens essentiels parce que, même si la maison a une valeur, essayer de la vendre, c'est d'abord extrêmement difficile, ça ne veut pas dire que les personnes réussissent à la vendre. Et, tous les mois qui se passent en attendant, elles se retrouvent souvent sans aide aucune, aucunement, parce que la valeur de la maison est beaucoup trop élevée. Et souvent, pour des maisons de valeur moindre, le dépassement est suffisant pour que dans le fond, si les personnes vendaient leur maison et s'en allaient à logement, elles seraient à nouveau pénalisées parce que le coût du logement serait supérieur aux comptes de taxes de leur maison, finalement.
Donc, à ce niveau-là, moi, j'aurais souhaité et je souhaite encore que le ministre puisse apporter un amendement à la loi n° 57 pour faciliter, puis aider, et soutenir ce besoin bien réel, bien concret de personnes qui se retrouvent tout à coup ? et ça peut arriver à tout le monde ? dans une situation où demander de l'aide sociale.
n(12 heures)n On s'aperçoit aussi, Mme la Présidente, qu'au niveau de la loi 19... au niveau de l'article 19, pardon, c'était indiqué que «le ministre [était] d'office le conseiller du gouvernement sur toute question relative à la lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale. À ce titre, il donne aux autres ministres tout avis qu'il estime opportun pour améliorer la situation économique et sociale des personnes et des familles en situation de pauvreté et d'exclusion sociale. Il est associé à l'élaboration des mesures qui pourraient avoir un impact significatif sur ces personnes et ces familles.» Là, Mme la Présidente, je me suis demandée où était le ministre responsable de la Famille lorsque son collègue le ministre de l'Éducation a décidé d'imposer une coupure de 103 millions au niveau des prêts... des bourses, hein, dans notre système de prêts et bourses. Mais la coupure de 103 millions est directement au niveau des bourses, donc auprès des étudiants les plus pauvres. Alors, comment a-t-il pu laisser passer cette mesure-là qui venait directement attaquer les étudiants, les étudiantes les plus pauvres et non ceux qui étaient davantage en situation financière plus favorable?
Mme la Présidente, il est très clair que, dans les différents mémoires, première demande, c'était un retrait de la loi n° 57. On aurait souhaité davantage qu'on parte de la loi actuelle et qu'on apporte des amendements et des modifications.
Ce qui a été souligné aussi, et je veux le rappeler, c'est que, lorsqu'on fait une réforme aussi importante au niveau de l'aide sociale, il aurait été important de prendre beaucoup plus de temps, de s'asseoir avec les groupes concernés avant de déposer le projet de loi, pas seulement après, au niveau de la commission parlementaire. D'ailleurs, à cet exemple-là, la loi n° 112 a été travaillée à partir des demandes du Collectif pour un Québec sans pauvreté. Et, avant de déposer le projet de loi, je me souviens très bien, j'ai participé à des rencontres de travail avec mes collègues, la ministre qui était à la Famille et la ministre qui était aussi au niveau de la lutte à la pauvreté. On a pris le temps de travailler avec le Collectif pour un Québec sans pauvreté au niveau de la loi telle quelle, au niveau de la loi n° 112. Alors, je pense que ça aurait été important, comme il n'y avait pas de comité consultatif, que le ministre prenne le temps de s'asseoir avec le collectif pour examiner différentes mesures qui lui auraient permis d'avoir une loi où finalement les groupes n'auraient pas demandé le retrait, je pense, puisqu'ils y auraient participé et auraient sûrement réussi, enfin je le souhaite, à convaincre le ministre d'apporter des modifications différentes.
Dans les recommandations... et je veux citer celles qui sont recommandées par la Fédération des associations de familles monoparentales et recomposées du Québec, donc les principales demandes sont, je vous ai dit tantôt: le retrait du projet de loi, mais, s'il n'est pas retiré, l'exemption totale de la pension alimentaire reçue pour un enfant du revenu considéré pour le calcul de la prestation. À cet égard, au niveau du ministère du Revenu, on ne calcule pas comme un revenu le montant de la pension alimentaire, puisque c'est une pension pour l'enfant. Alors, on souhaiterait qu'il y ait concordance, cohérence entre les deux ministères. Et ça faisait partie des éléments, je me souviens très bien, pour lesquels nous souhaitions arriver dans un plan d'action.
Deuxièmement, que le statut de personnes ayant des contraintes temporaires à l'emploi soit maintenu pour les responsables de famille monoparentale ayant des enfants de moins de cinq ans. Cela m'apparaît important, j'en ai parlé un petit peu tantôt. C'est exactement la même mesure que l'on applique aux personnes de 55 ans et plus: on leur retire cette possibilité de statut de personnes ayant des contraintes temporaires à l'emploi, et je ne pense pas que ce soit une mesure qui va être facilitante. D'autant plus qu'au niveau des programmes on s'aperçoit très bien qu'au lancement des programmes qui a été fait par le ministre peu de montants ont été utilisés et ont pu offrir de véritables services aux personnes qui en ont fait la demande.
Je le rappelle, j'ai fait une rencontre avec les représentantes du CIAFT, et, dans plusieurs régions du Québec, les montants qui étaient octroyés spécifiquement pour ces services d'accès au retour au travail pour les femmes ont subi des coupures importantes, et, à ce moment-là, c'est évident que c'est beaucoup plus difficile donc pour elles. Si en plus on leur retire la contrainte temporaire à l'emploi, c'est évident qu'elles vont se retrouver dans une situation beaucoup plus difficile. C'est certain que certains de mes collègues pourront dire que d'autres prédécesseurs avaient déjà suggéré cette mesure-là, mais nous ne l'avions jamais acceptée, et je faisais partie des personnes qui s'y étaient vivement opposées.
Autre élément, que soient mises en place des mesures concrètes adaptées aux besoins particuliers des responsables de famille monoparentale leur permettant un meilleur accès aux études. Personne ne va nous contredire lorsqu'on dit que dans le fond, quand on regarde les personnes qui subissent le plus la pauvreté, les deux tiers des personnes sont des femmes, mais, lorsqu'on regarde beaucoup plus... plus précisément la condition de ces femmes-là, bien il y a une très grande majorité, bien, que ce sont des chefs de famille monoparentale. Donc, toute mesure qui vient favoriser un soutien particulier pour les familles monoparentales va nous permettre de vraiment nous sortir tranquillement, comme société, de cette pauvreté.
Enfin, que les mesures de soutien aux familles répondent aux besoins réels des personnes, dans le respect des parents et de leurs enfants, que ces mesures tiennent compte et agissent sur les causes structurelles de la pauvreté. Alors, Mme la Présidente, en conclusion, à l'instar de mes collègues, à l'instar des regroupements de femmes qui sont venus en commission parlementaire, à l'instar du Collectif pour un Québec sans pauvreté, je souhaite vivement le retrait du projet de loi n° 57 et que le ministre fasse le travail. Merci, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Merci, Mme la députée. Je serais prête à reconnaître une prochaine intervenante, alors la députée de Duplessis et porte-parole de l'opposition officielle en matière d'affaires maritimes. À vous la parole.
Mme Lorraine Richard
Mme Richard: Merci, Mme la Présidente. J'aimerais débuter mon intervention, aujourd'hui, en reprenant une mise en situation que nous proposait mon collègue le député de Vachon. Puisque mon collègue a eu le mérite de nous indiquer qu'il allait nous annoncer un exercice de réflexion, celle-ci était extraite de l'oeuvre du célèbre philosophe John Rawls, puisqu'il a eu le mérite de citer ses sources, je prends la peine d'en faire autant et le remercie d'avoir porté à notre attention un exercice de réflexion à la fois si simple.
Mme la Présidente, cet exercice est révélateur aussi, révélateur des lamentables lacunes du projet de loi n° 57 que tente de nous faire avaler le ministre de l'Emploi et de la Solidarité sociale. Car en fait, Mme la Présidente, tout ce qu'on reproche à ce projet de loi, c'est qu'il n'a pas écouté encore une fois de plus... Ils n'ont pas écouté la population, ils n'ont pas écouté les groupes. Ce qu'on leur reproche aussi, c'est que ce projet de loi ne se rapproche nullement de la solidarité sociale... dans ce projet de loi funeste, à supposer qu'il soit adopté intégralement malgré le tollé qu'il provoque chez tous les intervenants sociaux... Donc, tout ce qui se rassemble à de la solidarité dans ce projet de loi, Mme la Présidente, c'est, en langage clair, l'esprit de partisanerie qui s'y rattache, car personne, à part le ministre et ses collègues du gouvernement, n'est favorable à ce projet de loi. Personne n'est favorable à ce projet de loi parce qu'il alimente les préjugés à l'égard des prestataires de la sécurité du revenu. Personne n'y est favorable, Mme la Présidente, parce qu'il viole les principes mêmes de la loi n° 112, Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale, une loi, Mme la Présidente, qui a été adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale il y a deux ans. Le Parti québécois avait alors compris l'importance d'une véritable lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale.
n(12 h 10)n Quand un gouvernement prétend avoir pour objectif de lutter contre la pauvreté, on s'attendrait à le voir mettre en place des mesures qui viennent en aide aux démunis. On s'attendrait, par exemple, qu'un ministre responsable et conséquent décide d'indexer en totalité les prestations d'aide sociale plutôt que de jouer au bon Dieu en créant des catégories basées sur des prétendus mérites, des mérites très difficiles à définir et à établir, vous en conviendrez certainement avec moi, Mme la Présidente. Oui, le ministre joue au bon Dieu, il le faisait déjà en 2003 quand il faisait miroiter à tous et toutes l'existence d'un paradis qu'il nommait alors Place à l'emploi. Il jouait aussi au bon Dieu, Mme la Présidente, en créant cet enfer qu'est la coupure de 220 millions de dollars à l'aide sociale, coupure à laquelle il a donné son appui. Il n'y a pas de quoi s'inquiéter, disait-il, j'ai une marge de manoeuvre, une très grosse marge de manoeuvre. On en sait, aujourd'hui, un peu plus long. La marge de manoeuvre du ministre, dont il nous parlait, on ne l'a pas vue. Existe-t-elle? Cette marge de manoeuvre, pour moi, ce n'est rien de moins que des mesures draconiennes et discriminatoires dans la distribution des prestations d'aide sociale, des mesures qui ont été décriées par la très grande majorité des 61 groupes qui ont participé aux consultations publiques sur le projet de loi n° 57.
Malgré le tollé de protestation, Mme la Présidente, le ministre de l'Emploi et de la Solidarité sociale, le même qui a imposé une hausse des frais de garde en début de l'année, le même ministre, il a fait la sourde oreille et se complaît dans ce rôle de bon Dieu, puisqu'il refuse de prendre en considération l'expertise développée au cours des ans par ceux et celles qui travaillent sur le terrain, jour après jour, semaine après semaine, mois après mois, pour venir en aide aux démunis. Il rejette du revers de la main les études d'impact de sa loi sur le sort des démunis.
Plutôt que de jouer au bon Dieu en prétendant l'omniscience quant aux conséquences de ce projet de loi, plutôt que de jouer au bon Dieu en inventant des catégories artificielles de personnes plus ou moins aptes au travail, et donc en ciblant un groupe d'individus pour ensuite les punir davantage d'être pauvres parce qu'ils ne feraient prétendument rien pour améliorer leur situation et en distribuant aux autres ce qu'il semble considérer comme des cadeaux, plutôt que de jouer au bon Dieu, Mme la Présidente, j'inviterais le ministre à se poser la question soumise par John Rawls. Le ministre doit analyser son projet de loi à la lumière de la question suivante: Quelle serait la meilleure politique pour moi si je devais venir au monde demain matin sans savoir dans quel contexte je me retrouverais, sans connaître ni mon sexe, ni mon statut social, ni ma condition physique, ni mon intelligence? Quelle serait la meilleure politique de distribution de la richesse que je pourrais prendre en tant que politicien pour me garantir une vie décente, ne sachant pas tout cela au point de départ, ne sachant pas dans quel contexte je vais naître?
Je n'invente rien, Mme la Présidente, en réclamant l'abandon de ce projet de loi funeste. Je n'invente rien, je me rallie plutôt au gros bon sens, car la très grande majorité des 61 groupes qui ont déposé un mémoire devant cette commission ? oui, la très grande majorité ? ont aussi réclamé l'abandon pur et simple de ce projet de loi. Mais, en plus d'en réclamer l'abandon, je tiens à faire quelques suggestions au ministre de l'Emploi et de la Solidarité sociale, car, lorsque l'on regarde son projet de loi de près, on vient rapidement à penser que, s'il désire améliorer les conditions de vie des Québécoises et des Québécois, il devrait puiser dans les suggestions de mes collègues de l'opposition officielle ainsi que dans les propositions et les suggestions des groupes sociaux, puisque la seule chose que ses propres collègues semblent en mesure de faire, c'est d'appuyer son projet de loi rétrograde. Si donc, Mme la Présidente, le ministre de l'Emploi et de la Solidarité sociale désire améliorer les conditions de vie de ces citoyens, il faudrait qu'il reformule son projet de loi afin de mieux rencontrer les objectifs de la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale.
Dès le début et tout au long de la consultation, nous avons demandé le retrait du projet de loi n° 57, chose que le ministre s'entête à nous refuser. Non, peut-être pas à nous seulement, Mme la Présidente, il le refuse aussi aux multiples groupes qui ont manifesté leur inquiétude face à son projet de loi. En fait, Mme la Présidente, ce refus catégorique s'adresse à l'ensemble de la société québécoise, oui, l'ensemble de la société québécoise, car c'est toute la société qui devra assumer les coûts sociaux d'une telle loi qui va à l'encontre du plan de lutte contre la pauvreté.
100 $ de coupure si vous vivez chez vos parents, la fameuse clause Tanguy ? on a tous vu le film. Mes collègues de l'opposition officielle ont rapporté ici, en cette Chambre, des cas de comté bien réels, et je me souviens d'un en particulier, un jeune homme de 44 ans qui vivait chez son père, celui-ci âgé de 87 ans. Sa prestation va être diminuée de 100 $. Et des cas comme ça, on en retrouve... moi, j'en retrouve dans mon comté et dans ceux de mes collègues, et sûrement mes collègues de l'opposition vont en retrouver aussi.
Il faut mettre des incitatifs pour aider ces gens à s'en sortir mais ne pas faire en sorte d'augmenter les préjugés envers ces personnes. Il ne faut pas les exclure, les mettre à part, parce qu'ils le sont déjà suffisamment. Il ne faut pas non plus les appauvrir davantage. Le projet de loi n° 57 va faire en sorte d'appauvrir une certaine catégorie de gens les plus démunis de notre société, les assistés sociaux. Souvent, on entend des réflexions autour de nous et, moi-même, je le dis souvent combien la vie coûte cher, tout augmente: se vêtir, se loger, se nourrir. Imaginez-vous avec un chèque d'aide sociale. On ne mérite pas l'aide sociale, Mme la Présidente, on s'en accommode. Ce n'est pas un choix que d'être sur l'aide sociale. Ceux pour qui c'est leur seul revenu voudraient faire autrement. C'est faux de dire que les assistés sociaux ne veulent pas s'en sortir.
Pourquoi? Pourquoi le ministre a-t-il fait un tel choix quant au niveau des prestations sociales? Si tu es dans telle catégorie, tu recevras tel montant; si tu es dans telle autre, tu recevras tel autre montant. Les besoins essentiels sont les mêmes pour tous, Mme la Présidente. Ce ne sont pas les voyages et les soupers au restaurant; non, c'est se vêtir, se loger, se nourrir. Ils sont les mêmes pour vous et moi, ils sont les mêmes pour tous. L'indexation devrait être accordée à tous les prestataires, sans égard à leur statut. La pauvreté, c'est l'exclusion sociale, et la Commission des droits de la personne fait bien le lien entre la pauvreté et la perte de droits et libertés de la personne.
Le ministre a eu toutes les chances voulues pour faire en sorte que le projet de loi n° 57 complète la loi n° 112, Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Malheureusement, il n'a pas touché en profondeur au projet de loi n° 57, comme le réclamaient l'opposition et les groupes. Non, on est tous, tous désolés et on va constater sous peu qu'on va encore appauvrir des gens qui l'étaient déjà suffisamment et qui vivaient avec beaucoup, beaucoup de préjugés. Je suis déçue du projet de loi n° 57, puis le ministre a manqué une chance de prouver qu'il se souciait vraiment de la pauvreté alors qu'il a lui-même voté pour la loi n° 112. Il a le pouvoir de changer les choses, Mme la Présidente. Au-delà de la partisanerie politique, sincèrement, j'aurais cru qu'il aurait fait beaucoup mieux. Je suis déçue, c'est vrai, je ne suis pas la seule à l'être: les personnes qui bénéficient d'aide sociale devront vivre avec cette réalité. Mme la Présidente, le ministre ne les a pas écoutées, le ministre n'a pas profité de l'occasion pour améliorer leur sort, et je suis convaincue que vous le savez déjà, je voterai contre ce projet de loi, le projet de loi n° 57. Merci.
La Vice-Présidente: Merci, Mme la députée. Alors, comme prochaine intervenante, je reconnais la députée de Marie-Victorin. À vous la parole.
Mme Cécile Vermette
Mme Vermette: C'est ça, Mme la Présidente. Je vous remercie beaucoup. Donc, Mme la Présidente, ça me fait plaisir de prendre la parole ici, en cette Chambre, d'autant plus que nous avons vécu, cet avant-midi, des moments assez émouvants, d'une part, parce que l'on a commémoré les événements du 6 décembre qui faisaient appel à ce que nous avons connu à Polytechnique, ce que nous avons fait subir à des jeunes femmes, de la violence. Et, cette fois-ci encore, on disait, on parlait de la violence. On s'arrêtait, c'était un temps d'arrêt, un temps de réflexion par rapport à nos faits et gestes sur la violence, et on disait que la violence peut prendre plusieurs formes.
Et effectivement je pense que la violence peut prendre plusieurs formes. Et, surtout en ce qui concerne le projet de loi n° 57, c'est une violence verbale, je vous dirais presque une violence pacifique, une violence qui fait qu'en sorte on essaie de faire accroire à des individus qui sont dans la pauvreté que finalement leur sort, ils doivent l'accepter, ils doivent le subir, ils doivent être heureux en fait de ce qu'on met sur pied pour eux, ils doivent accepter sans redire en fait leur situation et ils devraient être très redevables au gouvernement qui est si généreux pour eux.
n(12 h 20)n Et aussi ce qui m'attriste aussi de prendre parole sur ce projet de loi n° 57, c'est parce que dans le fond on a fait miroiter beaucoup aux personnes qui sont sur l'aide sociale, on leur a fait entendre qu'ils pourraient avoir un barème plancher en ce qui concerne leurs primes ou leurs...
Une voix: Prestations.
Mme Vermette: ...leurs prestations en fait ? merci ? leurs prestations, et on est très loin. Et je me souviens en fait, entre autres, d'un ex-député qui était à l'époque... d'un membre de l'opposition qui réclamait à grands cris barème plancher, à quel point pour lui c'était tellement important, et je me pose certaines questions à savoir s'il n'a pas quitté la politique parce que justement on n'est pas allé aussi loin que, lui, il le voulait, en ce qui concerne sa formation et qui est le gouvernement actuel.
Donc, ce qu'on peut dire en fait: Le projet de loi n° 57, pour plusieurs, c'est une imposture à démasquer, parce qu'en fait ce qu'on devait faire avec le projet de loi n° 57, c'était améliorer les revenus de l'ensemble des personnes en situation de pauvreté. On devait lutter contre les préjugés et protéger la dignité des personnes en situation de pauvreté. On est très loin de la coupe aux lèvres, Mme la Présidente, en ce qui concerne la dignité, et c'est surtout ce point et sur les préjugés que j'aimerais aborder particulièrement mon intervention.
Trop souvent, malheureusement, on pointe du doigt les gens qui sont sur l'aide sociale comme étant des paresseux, des gens qui sont satisfaits de leur sort, qui ressemblent aux Bougon qu'on prend plaisir à dépeindre à la télévision, que ce sont des gens astucieux qui ont plusieurs tours dans leur sac, qui savent comment jouer avec le système, qui sont capables finalement de dénouer l'impasse, et puis, tout compte fait, leur sort n'est pas si mal que ça parce qu'ils ont trouvé des moyens pour s'en sortir. Et ça m'attriste beaucoup, Mme la Présidente, quand on a ce genre de discours ou de préjugés à l'endroit de ces gens-là, et d'autant plus qu'il y a du renforcement, par la loi n° 57, à cette idée-là, puisqu'on dit que les prestataires sans contraintes à l'emploi... Bien, en fait, au tout début, la pensée, ce qu'on avait par rapport à eux, c'est dire: Bien, les gens qui sont capables de travailler, puis qui ne travaillent pas, et qui réclament des prestations d'aide sociale, ces gens-là, on va les pénaliser parce que c'est leur responsabilité dans la vie de faire un effort pour se trouver un travail. Au moins, qu'ils fassent au moins le minimum.
Mais, Mme la Présidente, on sait que le gouvernement est revenu à la charge parce qu'il y a eu un tollé général par rapport à ça. Et je pense que c'est là que le bât blesse le plus pour l'ensemble des gens qui sont sur l'aide sociale, c'est de... Pour peut-être un petit groupe, oui, il se peut qu'il en existe... Comme dans toutes les factions de la société, il y a toujours un groupe plus marginal par rapport à l'ensemble. Et, pour ce groupe, qui serait peut-être marginal, on essaie de faire passer l'ensemble des personnes de l'aide sociale comme étant des gens, en fin de compte, plus ou moins intéressés à améliorer leur qualité de vie par leur propre prise en main dans leur capacité au niveau du travail.
Alors, Mme la Présidente, quand je regarde, on dit: Le gouvernement est revenu de l'arrière. Puis là il est tout content, il est tout satisfait parce qu'il dit: Écoutez, c'est vrai, au point de départ, je pense que la marche était un peu haute et puis que finalement c'était difficile de faire accepter à l'ensemble de la population aussi que finalement on devait pénaliser les gens parce qu'ils ne pouvaient pas se trouver un emploi. Faut-il d'abord connaître le monde de l'emploi à l'heure actuelle et de voir qui en fait on pénalise le plus. Mais le gouvernement est revenu sur ses décisions, et là ils ont dit: Bien là, on n'est pas si pire que ça, on n'est pas si mauvais que ça, on n'a pas tant de préjugés que ça, mais finalement on va, par exemple, au lieu de vous donner la pleine indexation, on va donner seulement qu'une indexation partielle. Donc, au lieu de vous donner 2 % d'indexation, vous autres, vous aurez seulement que 1 % d'indexation. Mais c'est toujours dans la même logique, finalement. Pourquoi pénalise-t-on des gens qui, de bonne foi, j'imagine, dans la plupart des cas, recherchent un emploi, sont incapables de trouver un emploi? On les pénalise, Mme la Présidente.
Et là je vais vous parler d'exemples dans mon comté, parce que, dans mon comté, en fait j'ai un comté qui est un peu à la grandeur du Québec mais qui fait partie... qui ressemble un peu à la grandeur du Québec, il y a de la richesse, il y a de la pauvreté, mais particulièrement il y a beaucoup plus qu'ailleurs de pauvreté, et je fais partie... Ce n'est pas un championnat que je veux gagner, mais j'ai le quatrième comté le plus pauvre en fait du Québec. Donc, effectivement, c'est des cas que je connais bien, et je peux en parler et peux en témoigner beaucoup. Alors, c'est des gens que, moi, je connais pour une bonne partie de ces gens-là. Et, je vais vous dire, une personne veut travailler, ça fait très longtemps, elle a eu des difficultés pour quelque raison que ce soit, décrochage scolaire, elle a eu des problèmes avec la famille, une grossesse non désirée très tôt dans sa vie ou, peu importe, perte de travail, et la personne, démoralisée un peu par tous les événements de sa propre vie, a de la difficulté à se prendre en main pour un certain nombre de temps, et ça fait un certain temps qu'elle est sur l'aide sociale. Puis, à un moment donné, on dit: Là, il faut faire quelque chose.
Donc, la personne va voir pour des mesures en employabilité, mais faut-il encore qu'on ait ce qu'il faut pour elle au niveau des mesures en employabilité. Donc, Emploi-Québec, avec son prestataire, vont regarder qu'est-ce qui est bon pour elle, ils vont lui faire un profil puis ils vont dire: Bon, bien, peut-être qu'il faudrait qu'elle s'en aille... Mais encore il faut avoir l'argent pour être capable de l'introduire dans un programme, parce que finalement, quand l'argent n'est plus là, on arrête le programme. Donc, la personne, jusqu'à un certain point, même si elle a de la bonne volonté, elle peut être pénalisée.
D'autre part, Mme la Présidente, il y a beaucoup de groupes communautaires qui s'impliquent énormément avec ces gens. Moi, j'ai beaucoup de gens qui ont des problèmes d'alphabétisation, et vous savez fort bien que, quand on n'a pas eu la chance de pouvoir apprendre à lire et écrire, c'est difficile de se trouver un travail et d'avoir un travail intéressant, bien rémunéré. Donc, effectivement, on a beaucoup de groupes communautaires, dans mon comté, qui s'impliquent énormément pour aider ces gens-là à s'intégrer dans la communauté active pour trouver un travail.
Donc, j'ai un groupe communautaire qui s'appelle le groupe ALPHA, il travaille avec des jeunes, particulièrement des jeunes, mais des jeunes 16-25. Et là, Mme la Présidente, c'est un problème majeur pour recevoir du financement pour ce groupe-là ? ils ont même été coupés ? parce qu'en fait on privilégie beaucoup les 16-18, mais, quand on passe 18 ans pour aller jusqu'à 25 ans, c'est très difficile. Mais pourtant je suis allée les visiter dernièrement, et j'ai trouvé des jeunes gens qui étaient intéressés à vouloir se prendre en main, apprendre aussi à faire une démarche particulière. Ils étaient tellement contents de pouvoir échanger et pouvoir me faire la démonstration de tous leurs nouveaux acquis en fait, ce qu'ils avaient appris dernièrement, et je trouvais ça extraordinaire. Mais, malheureusement, ils ont été coupés.
Malheureusement, ils ne savent même pas s'ils vont être capables de continuer, ce groupe-là, parce que dans le fond, maintenant, ils ne font plus partie du ministère de la Santé, ils font partie du ministère de l'Éducation. Là, il y a une bataille à savoir qui doit payer. Alors, comme on ne sait pas qui doit payer ? c'est-u le ministère, en fin de compte, la SACA, ou ça va-tu au niveau du ministère de la Santé? mais là ils sont en pleine structure, donc c'est compliqué, puis là on arrive à l'éducation, puis il a des problèmes de budget ? donc on coupe. Alors, Mme la Présidente, je disais: Mon Dou! C'est épouvantable, c'est incroyable! Et là on dit aux gens: Bien, on va vous pénaliser parce que vous n'êtes pas capables trop, trop de trouver d'emploi.
Et là je vais vous parler aussi d'une autre problématique qui se passe chez moi. En Montérégie, dernièrement, on a eu une croissance économique, mais plus particulièrement actuellement, en Montérégie, il y a des pertes d'emplois qui sont majoritairement des emplois à temps partiel. Donc, on a 500 800 emplois à temps partiel qui ont été perdus, alors qu'actuellement ça touche particulièrement des jeunes et, contrairement à ce qu'on pourrait penser, ce sont les emplois à temps partiel qu'on perd le plus actuellement que les emplois à plein temps. Et les personnes de 55 ans et plus ont plus de facilité à maintenir leurs emplois, de rester à l'emploi que les jeunes.
Donc, encore là, quand on parle d'intégration, puis qu'on dit que, bon, il faut vraiment favoriser l'emploi, et que la mesure, la loi n° 57, est pour orienter davantage les gens à s'en aller vers l'emploi, faut-il qu'on soit capable d'en créer, de l'emploi, faut-il qu'on soit encore capable de créer les conditions nécessaires pour développer l'emploi et de permettre à des gens qui partent de très loin par rapport au milieu actif de l'emploi, leur donner aussi les outils nécessaires pour qu'ils puissent être capables de réaliser dans le fond leur souhait le plus sincère, c'est d'être une contribution dans la société et de retrouver leur dignité par le travail. Je pense que ça, Mme la Présidente, tout le monde en convient.
n(12 h 30)n Donc, si je reviens aussi encore en Montérégie, donc la confiance de la population de la Montérégie à l'égard du marché du travail s'est un peu refroidie au cours des derniers mois. Plusieurs personnes se sont retirées du marché du travail et ont cessé de rechercher un emploi. Et là je vais vous donner une autre explication. Avec les jeunes, en fin de compte, des jeunes qui sont des décrocheurs et puis tout ça, il m'arrive souvent d'aller les rencontrer et d'échanger avec. Et là je parlais avec un jeune qui avait peut-être 17 ans pas plus, 17 ou 18 ans; c'était un jeune décrocheur qui avait laissé en fait les études et qui se ramassait à la rue. Puis, à un moment donné, j'ai échangé avec lui puis j'ai dit: Écoute, qu'est-ce que tu fais? Ça n'a pas d'allure, il faut que tu retournes à l'école, il faut que tu reprennes tes études, au moins termine ton secondaire si tu veux faire quelque chose. Il dit: Madame, il dit, je vais vous expliquer quelque chose. Il dit: Moi, là, je suis parti travailler, puis il dit, j'ai cru mon employeur. Il m'a dit: Si tu me fais une bonne job puis que tu travailles bien, je te donnerai une augmentation de salaire.
Alors, il n'était pas tellement... il était, je pense, au salaire minimum, puis encore. Mais il dit: Si tu fais un bon travail, puis tu me fais une bonne job, puis je peux me fier sur toi, il dit, tu vas voir ça, il dit, compte sur moi, je vais te donner une augmentation de salaire.
Alors, quand le jeune a travaillé très fort, il a donné tout ce qu'il pouvait parce qu'il était fier; enfin quelqu'un reconnaissait sa contribution et sa capacité, alors il était très, très fier. Puis là il a travaillé, puis quand il a été le temps d'avoir son augmentation de salaire ? knock, knock, knock ? il s'en va voir son patron, puis lui dit: J'aimerais ça avoir... vous m'avez dit que, si je faisais un bon job, ça fait quasiment huit mois que je travaille pour vous, peut-être qu'on pourrait-u regarder ça, on pourrait-u avoir... Il dit: Qu'est-ce que tu veux? Tu vas me mettre à la rue, tu veux me faire faire faillite, tu veux que je fasse banqueroute? Il n'est pas question que je te donne une augmentation de salaire.
Alors, le jeune me dit: Je suis rendu «pusher», puis je suis bien content, puis je suis bien heureux. Là, je suis respecté. J'ai dit: Voyons, ça n'a pas d'allure, hein, ça n'a pas d'allure, voyons donc, comprends-tu les risques que tu fais quand tu es là?
Donc, Mme la Présidente, moi, quand on m'arrive puis qu'on me dit: Il faut que les gens retournent travailler, mais faut-il encore que le message ne passe pas juste à un certain niveau, aux gens qui sont les principaux concernés, c'est-à-dire les gens qui sont sur l'aide sociale, il faudrait peut-être aussi impliquer les gens dans notre société, qu'on arrête d'avoir des préjugés par rapport à ces gens-là.
Oui, c'est beau, là, on est dans la période de Noël, tout le monde pense à faire des paniers de Noël, puis donner des cadeaux, puis là de se dire: Ah, il faut être en paix puis en harmonie, la main tendue. Mais ça dure beaucoup plus longtemps que la période des fêtes, tous ces problèmes-là. J'écoutais à la radio une annonce d'un petit enfant qui disait: Toi, mon petit, qu'est-ce que tu veux pour Noël? Moi, il dit, je veux une planche à neige puis des bottes pour aller avec. Puis il demande à l'autre, puis il dit: Toi, qu'est-ce que tu voudrais avoir? Il dit: J'aimerais manger tous les jours. Donc, c'est une réalité, Mme la Présidente, puisque c'est sur les ondes à la radio qu'on fait de tels messages.
Donc, il y a des réalités qui sont tristes dans notre société, effectivement. Et, de plus en plus, on n'arrête pas de nous dire à quel point dans l'entreprise maintenant, même ce matin, à la période de questions, le premier ministre, il était très fier de dire que finalement les revenus s'en vont de plus en plus forts. Oui, les revenus sont très bons pour certains, mais pour d'autres, par exemple, ils s'appauvrissent de plus en plus, et c'est ce que nous voulons décrier à l'heure actuelle. Si on ne prend pas des mesures importantes par rapport aux gens qui, de plus en plus, glissent dans la trappe de pauvreté pour des raisons structurelles d'économie mais aussi pour d'autres raisons beaucoup plus personnelles, on est perdant comme société au Québec.
Il faut arrêter de penser que d'investir dans des gens qui sont sur l'aide sociale, c'est une perte sèche. Je considère que, quand on investit dans un être humain, à chaque fois qu'on investit dans la grandeur d'un être humain, on s'enrichit collectivement. Mais, à chaque fois qu'on a l'impression qu'une personne, un être humain est une dépense, et qu'on ne pourra jamais avoir de retour sur notre investissement, donc on va essayer de les tasser, les mettre de côté, leur en donner le moins possible, et puis en plus les culpabiliser et les ostraciser du doigt en disant que bon, finalement, c'est pratiquement de leur faute, puis ils sont heureux, puis ils sont bien contents, puis ils mijotent dans leur soupe, puis tout ce qu'ils essaient, c'est qu'ils ne sont jamais contents, ne sont jamais satisfaits, puis ils sont toujours en train de monter aux barricades pour en avoir un peu plus.
Moi, je ne le sais pas si actuellement les gens qui vont recevoir leur chèque d'aide sociale au mois de décembre, comme tout le monde ils vont avoir les mêmes pressions sociales pour les cadeaux, pour la bouffe, pour les sorties, ils vont recevoir exactement les mêmes pressions que tous d'entre nous... Mais, par contre, Mme la Présidente, ces gens-là, une fois qu'ils auront dépensé l'argent qu'ils ont pour cette période exclusive de Noël, après ça par exemple, que va-t-il arriver? Ils vont se retourner vers les soupes populaires, ils vont se retourner vers les comptoirs familiaux pour essayer d'arriver à quelque chose. Et là on aura des drames, là on aura de la violence, là on aura des enfants pratiquement morts ou gelés de froid. Ça m'est arrivé d'en trouver, une dame morte de froid, dans mon comté, Mme la Présidente.
Et là, dernièrement, parce qu'on n'est pas encore... parce qu'on considère que ces gens-là puissent prendre les moyens pour s'en sortir, on va augmenter les tarifs d'électricité en plein hiver, au moment où on a le plus besoin d'électricité, Mme la Présidente, et quand on sait que, certains propriétaires qui ont des logements, qui profitent de la situation des ces gens-là parce qu'ils savent qu'ils n'ont pas le choix, ils leur donnent des logements qui sont tellement froids et qui coûtent terriblement cher à chauffer. Alors, moi, je pense qu'avant d'ostraciser puis de montrer du doigt les gens de l'aide sociale il y a des gens qui devraient se faire parler dans notre société.
Il y a des propriétaires, il y a des gens aussi qui sont dans les entreprises, des chefs d'entreprise qui devraient aussi se faire parler. On avait mis sur pied un programme qui était de mettre 1 % des entreprises de 100 000 et moins, de mettre de l'argent pour la formation professionnelle. Première chose qu'on a faite, on l'a enlevé. On n'a pas le réflexe, au Québec, de prendre sa main-d'oeuvre, de la former et de la rendre compétente. On a l'impression qu'une main-d'oeuvre, au Québec, c'est disposable-jetable. Quand on l'a pris puis on l'a épuisé, qu'on a tout pris le meilleur, on peut le prendre puis on peut le jeter.
Alors, Mme la Présidente, quand on est comme ça, on ne peut pas permettre, on ne peut pas penser qu'on va aider des gens à s'en sortir. On va tout simplement maintenir le cycle de pauvreté, tout simplement. Et ce qu'on fait, c'est qu'on fait qu'en sorte qu'on a une classe sociale qui, de plus en plus, se sent tellement marginalisée qu'il ne lui reste plus d'autre solution que se retourner vers certains gestes qui pourraient être répréhensibles et inacceptables dans notre société, mais, à un certain moment donné et à un certain niveau en fait de souffrance et d'intolérance, on peut penser, croire que c'est un geste ultime mais qui est l'aboutissement de tout ce qui a été subi au cours de leur vie, Mme la Présidente.
Donc, en terminant, Mme la Présidente, je trouve malheureux, en fin de compte, qu'un gouvernement qui s'était dit prêt à changer les choses, à améliorer les choses pour l'ensemble des personnes et faire en sorte que le sort des plus démunis, avec un gouvernement libéral, deviendrait vraiment plus libéral, bien à mon avis ce n'est pas plus libéral, c'est un gouvernement plus conservateur, qui a eu une tendance à aller davantage vers la droite. Et les modifications, il reste encore énormément de choses à faire pour permettre aux gens de s'en sortir, et plus particulièrement à ces gens-là.
Et ce n'est pas pour rien, Mme la Présidente, que j'ai reçu tantôt, sur mon bureau, un gros poster. Et c'est quelqu'un qui est allé d'elle-même... Mme Gagnon, c'est une artiste de Montréal qui a envoyé à tous les députés un immense poster. Et je vais vous lire ce qu'elle écrivait: «À tous les députés de l'Assemblée nationale du Québec, j'ai conçu ce projet d'affiches comme un appui personnel à l'action du Collectif pour un Québec sans pauvreté, soutenu par une volonté populaire pour le retrait du projet de loi n° 57 sur l'aide sociale. Ces affiches sont distribuées présentement partout au Québec. Elles se veulent une forme de tapisserie sociale. Ensemble, elles érigent une forme, un énorme feu rouge face au recul que provoquerait l'adoption du projet de loi n° 57. Nous en sommes effectivement rendus à un mur. Il nous faudrait débattre collectivement des causes mêmes qui engendrent la pauvreté, mais ce que nous empêchons de le faire, ce sont les préjugés. Dans ce sens, le rouge de ces affiches symbolise également la souffrance, la souffrance que vivent les personnes en situation de pauvreté, victimes des préjugés, la souffrance que je ressens personnellement de vivre dans une société qui entretient tous ces préjugés.»La Vice-Présidente: En conclusion.
Mme Vermette:«Une société qui se dit responsable ne saurait accepter cette situation-là.» Alors, Mme la Présidente, vous me dites que mon temps est terminé? Alors, je vous remercie de l'attention et j'espère qu'en cette période des fêtes nous allons y penser beaucoup plus grandement que ça. Merci.
La Vice-Présidente: Merci beaucoup, Mme la députée. Alors, comme prochaine intervenante, je vais reconnaître la députée de Laurier-Dorion et porte-parole de l'opposition officielle en matière d'action communautaire. À vous la parole.
Mme Elsie Lefebvre
Mme Lefebvre: Merci, Mme la Présidente, de me permettre d'intervenir, aujourd'hui, sur le projet de loi n° 57, Loi sur l'aide aux personnes et aux familles.
D'abord, un bref retour en arrière s'impose avant d'élaborer davantage sur ce projet de loi. En décembre 2002, à l'initiative du gouvernement du Parti québécois et en concertation avec l'ensemble des acteurs de la société civile québécoise, on adoptait à l'unanimité, en cette Assemblée, la loi n° 112, Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale.
n(12 h 40)n Puisque le projet de loi n° 57 s'inscrit en continuité avec la loi sur la lutte à la pauvreté, il importe donc de se rappeler quelques prémisses de base. D'abord, la pauvreté et l'exclusion, tel que stipulé dans le préambule de la loi, peuvent porter atteinte aux droits et libertés des personnes ainsi qu'à leur dignité, qui sont les fondements de justice et de paix. Dans une société aux valeurs progressistes comme la nôtre, lutter contre la pauvreté et l'exclusion devient donc un impératif national qui s'inscrit dans un mouvement universel en ce sens. Il faut donc clairement affirmer la volonté de l'ensemble de la société de se mobiliser pour agir en conséquence.
Pour ce faire, Mme la Présidente, les cinq buts de la stratégie qu'il demeure pertinent à ce stade de rappeler étaient les suivants: d'abord, promouvoir le respect et la protection de la dignité des personnes en situation de pauvreté et lutter contre les préjugés à leur égard; deuxièmement, améliorer la situation économique et sociale des personnes et des familles qui vivent de pauvreté et qui sont exclues socialement; réduire les inégalités qui peuvent nuire à la cohésion sociale; quatrièmement, favoriser la participation des personnes et des familles en situation de pauvreté à la vie collective et au développement de la société; et, cinquièmement et finalement, développer et renforcer le sentiment de solidarité de l'ensemble de la société québécoise afin de lutter collectivement contre la pauvreté et l'exclusion sociale.
Rappelons aussi, Mme la Présidente, qu'il y avait un consensus unanime afin de parvenir, en 10 ans, au rang des nations industrialisées comptant le moins de personnes pauvres. Suite à ce consensus, rappelons-le, unanime, les Québécois et les Québécoises étaient donc impatients de voir le gouvernement déposer un projet de loi afin de revoir en profondeur le programme de sécurité du revenu; en d'autres termes, un projet de loi qui modifierait en profondeur les modalités d'application à l'aide sociale.
Suspense. Le 11 juin dernier, près d'un an et demi après l'élection du gouvernement libéral, le ministre a finalement déposé un projet de loi, le projet de loi n° 57, et procédé à des consultations générales en commission parlementaire. Le projet de loi revêt donc une importance particulière pour le développement de cette société, Mme la Présidente.
Comme le soulignait récemment le président de la Commission des droits des personnes et des droits de la jeunesse, non seulement les personnes bénéficiant de l'aide sociale sont les plus pauvres, mais leur situation fait peser sur leurs enfants tous les risques de marginalisation socioculturelle qui compose le cercle vicieux de la misère. Une société qui se réclame d'un idéal d'égalité ne peut accepter de tels constats sans réagir. Le dépôt de ce projet de loi a donc suscité, et cela ne devrait pas vous surprendre, Mme la Présidente, un grand intérêt auprès de la société civile, et les réactions qu'il a entraînées ont été vives. Vives puisque la majorité des groupes ont demandé au ministre de simplement retirer son projet de loi, puisqu'il va selon eux à l'encontre du projet de loi n° 112, de la loi n° 112, la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale.
Pour cette raison, j'ai été profondément étonnée d'entendre le ministre, lors de son allocution sur l'adoption de principe du projet de loi n° 57, affirmer qu'il est le grand défenseur des plus pauvres et des plus démunis de cette société, puisqu'il demeure convaincu que ce projet de loi viendra améliorer la situation et les conditions de vie des personnes en situation de pauvreté. Mme la Présidente, permettez-moi d'en douter. Et je ne crois pas être la seule.
Depuis son arrivée au pouvoir, le gouvernement libéral a fait prendre à l'État québécois un virage conservateur qui, très loin des valeurs québécoises d'entraide et de solidarité, nous éloigne de l'atteinte d'une pleine égalité entre les personnes. L'augmentation des tarifs constante à laquelle le gouvernement libéral s'est livré depuis un an et demi illustre bien ce virage conservateur: augmentation des tarifs de garderie, de transport en commun, d'électricité, d'assurance médicaments, coupure du crédit d'impôt aux familles, coupure de 103 millions de dollars dans les prêts et bourses, et j'en passe. On parle ici d'un appauvrissement de plus de 1 milliard de dollars pour les familles québécoises. Le bilan libéral, c'est environ 2 000 $ de nouveaux frais que les familles québécoises doivent maintenant assumer, affectant particulièrement les familles les plus démunies de notre société.
Aussi, lorsqu'on analyse le plan d'action pour lutter contre la pauvreté, que le ministre a finalement déposé avec l'annonce-artifice de 2,5 milliards de dollars sur cinq ans, on se rend compte que le plan de lutte sera autofinancé à même les coupures faites par son propre gouvernement. Le comble de l'ironie, la droite libérale se finance à même l'appauvrissement des plus pauvres! En voici la preuve: avec l'augmentation des tarifs des services de garde, le gouvernement va chercher dans les poches des Québécois et Québécoises 170 millions pour cinq ans, soit 850 millions de dollars; avec l'abolition de certaines déductions fiscales pour les familles, notamment l'exemption pour les enfants à charge, c'est 1 milliard à terme, sur cinq ans; l'augmentation des tarifs d'électricité, 3 milliards sur cinq ans; l'augmentation des primes d'assurance médicaments, c'est 310 millions de dollars sur cinq ans, Mme la Présidente.
La liste se poursuit: les hausses de tarifs de transport en commun, c'est environ 280 millions de dollars sur cinq ans que les libéraux vont chercher dans les poches des plus démunis; quand on parle d'un plan de lutte pour l'environnement, quand on parle de développement durable, bien je ne vois pas qu'est-ce qu'il y a en ce sens; la clause Tanguy, 220 millions de dollars sur cinq ans qu'ils iront chercher; l'indexation des tables d'impôt de 2 %, plutôt que l'IPC, c'est 70 millions de dollars sur cinq ans, Mme la Présidente. À cela s'ajoute l'indexation des prestations d'aide sociale à 2 % plutôt que l'IPC; ça, c'est environ 146 millions sur cinq ans.
Le grand total de ces coupures, augmentations et dispositions, Mme la Présidente, c'est environ 6 milliards de dollars sur cinq ans. 6 milliards de dollars pris dans les poches des plus pauvres, que le gouvernement actuel, qui se veut, rappelons-le, Mme la Présidente, le grand défenseur des pauvres, va chercher dans les poches des plus démunis de cette société.
Alors, conclusion, Mme la Présidente: le 2,5 milliards de dollars que le ministre a annoncé dans son plan de lutte à la pauvreté, c'est encore bien au deçà du 6 milliards de dollars qu'il va chercher chez les plus pauvres et les plus démunis de cette société. Comment peut-on prétendre aujourd'hui que son projet de loi et les politiques de son gouvernement sont en conformité avec les objectifs visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale au Québec? Les Québécoises et les Québécois de tous âges et de toutes origines ne sont pas dupes, Mme la Présidente. Nous n'avons qu'à analyser concrètement les dispositions du projet de loi n° 57 pour comprendre.
D'abord, la philosophie même du projet de loi a été remise en question par une grande majorité des groupes. Nulle part le projet ne fait référence à un objectif d'assurer aux personnes inscrites à l'aide sociale un revenu qui leur permettrait, sans distinction de groupe ou de catégorie, de couvrir leurs besoins essentiels. Le projet de loi n° 57 doit inclure une référence au principe de la couverture des besoins essentiels et en faire un objectif explicite. La couverture des besoins essentiels est un élément majeur d'une réforme de l'aide sociale, et toute démarche qui ne l'inclut pas serait insuffisante.
Il est donc préférable, pour le groupe de parlementaires auquel j'appartiens, d'amender le projet de loi que de prétendre réformer le système avec le projet de loi n° 57 tel que présenté. En clair, malheureusement, la mission importante de la couverture des besoins essentiels est éclipsée par le projet de loi n° 57.
Le projet de loi n° 57, tel que présenté, va plus loin. Il nourrit les préjugés en maintenant les catégories de pauvres. La notion de personne avec ou sans contraintes à l'emploi et surtout les niveaux de prestations s'y rattachant renforcent cette idée.
Ce n'est donc pas étonnant, Mme la Présidente, que c'est 86 % des groupes entendus en commission parlementaire qui ont demandé au ministre qu'il revoie la philosophie même de son projet de loi et entreprenne plutôt une réforme qui couvrirait les besoins essentiels. C'est 86 % des groupes qui ont pris du temps, qui ont rédigé des mémoires, qui sont venus en commission parlementaire parler au ministre en lui demandant de réformer et de parler des simples besoins essentiels. Il me semble que c'est fondamental. Il me semble que le ministre aurait dû écouter ce message.
n(12 h 50)n Parce qu'en réalité la question de fond, c'est celle-là: une société solidaire comme celle du Québec devrait permettre à tous les citoyens, à toutes les citoyennes de vivre dans des conditions décentes. Il me semble que c'est un minimum. Comme le mentionne le Collectif pour un Québec sans pauvreté, la loi actuelle sur l'aide sociale est un vrai parcours à obstacles pour les personnes qui doivent y recourir parce qu'elle ne donne pas accès à des revenus suffisants pour survivre. Avec 533 $ par mois, la prestation de base rend impossible, pour un individu, de répondre à ses besoins essentiels.
À cet effet, plusieurs groupes ont clairement démontré que la prestation actuelle de 533 $ par mois est nettement insuffisante afin de permettre à un individu de couvrir ses besoins essentiels. Je pense qu'il est opportun de faire ensemble cet exercice. Donc, s'il en coûte minimalement... Et vous verrez que ces données sont en effet bien en deçà du coût réel du coût de la vie. S'il en coûte 300 $ pour se loger ? et notons à titre indicatif que le coût d'un logement moyen, dans ma circonscription, soit les quartiers Villeray et Parc-Extension, à Montréal, deux quartiers populaires de Montréal, est d'environ 505 $ ? si on ajoute à ce 300 $, 350 $, qui est à peu près fictif dans la réalité, si on ajoute 50 $, qui est, je pense, minimal ? et surtout avec les nouvelles annonces d'augmentation des tarifs d'électricité, on est bien loin du 50 $ ? si on ajoute un autre 25 $ pour le téléphone, un 70 $ pour une carte d'autobus ? parce que, si on veut se chercher un emploi, comme le ministre prétend qu'il faut faire lorsqu'on est sur l'aide sociale, il faut minimalement pouvoir se déplacer ? un autre 20 $ pour une assurance de base, il reste un peu plus ou un peu moins de 50 $ à une personne pour se nourrir et pour se vêtir.
On ne parle même pas encore de l'argent qui serait nécessaire pour réparer, comme on nous l'a mentionné, un réfrigérateur, par exemple, s'il venait à briser. L'exemple peut sembler anodin, mais il demeure que, dans la vie courante, c'est des choses qui se produisent. Je n'ai pas non plus parlé d'un petit peu d'argent de poche pour se divertir pendant ces années. Quand on vit dans une situation comme celle-là, je pense que c'est aussi quelque chose à laquelle il faut penser. Donc, 533 $. J'aimerais sincèrement que bien honnêtement on se questionne. Puis c'est impossible pour quelqu'un de vivre avec une somme aussi dérisoire. On vit au Québec, une société industrialisée, une société riche. On n'est pas ici en Afrique, où on peut se permettre de vivre dans des conditions comme celles-là.
Avec la demi-indexation ? parce que c'est ça, le comble du comble ? la demi-indexation des prestations de base qui est proposée dans ce projet de loi, on est encore très loin d'un revenu décent qui permettrait la couverture de ces besoins essentiels. Rappelons encore que, dans le 533 $, la personne ne s'est pas encore nourrie et ne s'est pas encore vêtue. Rappelons-nous, comme je le mentionnais, que l'on vit ici, au Québec, dans une société prospère, développée, et pas dans une société du tiers-monde. Rappelons que le Collectif pour un Québec sans pauvreté chiffre à 500 millions le coût de la hausse de toutes les prestations, au même niveau des prestations ayant des... au niveau des prestations des personnes ayant des contraintes sévères à l'emploi.
La suggestion que je me permettrais de faire bien humblement au ministre et au gouvernement libéral est assez simple: Ils devraient peut-être renoncer à leur promesse irresponsable de baisser les impôts de 1 milliard de dollars. Si on n'a pas d'argent pour que des gens de cette société puissent penser manger et se nourrir, je pense que collectivement on peut renoncer à une réduction des impôts de 1 milliard de dollars, qui, on le sait, vont affecter les personnes les plus riches de cette société. De toute façon, le bris des promesses n'est pas quelque chose d'étranger pour ce gouvernement, on l'a vu notamment avec l'augmentation des tarifs de garderie à 7 $.
En somme, Mme la Présidente, il n'y a plus de sécurité du revenu à la sécurité du revenu. Il faut, car c'est là que le ministre fait fausse route, séparer la fonction de couverture des besoins essentiels de la fonction de l'insertion et de l'intégration à l'emploi; c'est deux choses bien différentes.
D'ailleurs, sur cet aspect, la prime à la participation instaurée par le projet de loi n° 57, prime dont nous ne connaissons toujours pas la valeur, soit dit en passant, ne couvrirait qu'une infime partie des prestataires aptes au travail. Donc, le ministre nous parle d'une prime à la participation puisqu'il n'a pas l'argent pour investir pleinement et indexer les prestations. Il fait complètement fausse route.
Sur la notion du barème plancher par ailleurs, le ministre prétend qu'il offre, par le biais du projet de loi n° 57, un réel barème plancher tel que réclamé par les groupes. Si l'on se fie à ce qu'avance M. Jean Lalonde, du Comité des droits sociaux du sud-ouest de Montréal, «il y a des personnes, à partir du mois de janvier, dont la prestation va être coupée de 100 $. Il pourrait y avoir aussi d'autres amendements aux règlements qui pourraient aussi réduire cette prestation-là.» Ils poursuivent: «Ça veut dire qu'il y a théoriquement une prestation universelle, mais dans les faits elle peut être augmentée ou réduite à loisir par le cabinet du ministre, sans changer un mot à la loi. C'est essentiel qu'il y ait un article de loi qui établisse la prestation minimale et les critères en fonction desquels ce sera calculé.» Et j'aimerais d'ailleurs ajouter que les règlements du projet de loi n'ont même pas encore été déposés à la commission. Il n'y a donc aucune provision dans le projet de loi n° 57 qui protège les prestations contre certaines formes de coupures éventuelles qui seront au gré du gouvernement de droite libéral. La demi-indexation prévue au plan d'action ainsi que les modifications réglementaires du ministre, notamment la clause Tanguy, est la démonstration claire qu'il n'existe pas de réel barème plancher avec le projet de loi n° 57.
En conclusion, Mme la Présidente, il est impératif que le ministre revoie le projet de loi minimalement par les amendements suivants: une indexation annuelle automatique à 100 % pour tous les prestataires; l'introduction du principe de couverture des besoins essentiels; inclure un véritable barème plancher; retirer la clause Tanguy, qui pénalise de 100 $ un bénéficiaire qui vit avec ses parents. Imaginez que ces bénéficiaires vivraient maintenant avec 433 $ par mois. Bravo! Exempter les pensions alimentaires du calcul de la prestation d'aide sociale; retirer la clause qui empêche un immigrant de recevoir de l'aide sociale.
Finalement, lorsqu'on analyse le projet de loi n° 57, il ne fait nul doute que la pauvreté et l'exclusion sociale sont loin, très loin, très, très, très, très loin dans la liste des priorités de ce gouvernement, loin derrière les baisses d'impôts et les privatisations de toutes sortes.
Le gouvernement fait des choix budgétaires, selon ses priorités, à travers les limites du fédéralisme canadien et du déséquilibre fiscal. Le gouvernement s'en tient globalement à des réaménagements budgétaires qui lui permettent d'équilibrer ses comptes cette année. Le gouvernement libéral doit l'assumer. Avec ce projet de loi, les libéraux affirment clairement leur préférence aux entraves du cadre fédéral actuel et au dogme idéologique de la droite conservatrice. Ils le font de la même façon qu'ils ont préféré endetter ma génération en coupant 103 millions de dollars dans les prêts et bourses aux étudiants, les étudiants les plus pauvres. En s'attaquant aux plus démunis et aux étudiants les plus pauvres, le gouvernement actuel renonce carrément à faire de l'État québécois un outil de justice sociale et intergénérationnelle, des principes chers aux Québécois et aux Québécoises. Le taux d'insatisfaction record à l'égard de ce gouvernement démontre clairement que leurs politiques conservatrices ne sont pas à l'image de la différence québécoise en Amérique du Nord.
La Vice-Présidente: En conclusion.
Mme Lefebvre: Je conclus, Mme la Présidente...
La Vice-Présidente: C'est terminé, madame. Je regrette, c'est terminé, votre temps est écoulé.
Alors, vous avez une question, M. le député? Une question de règlement? M. le député.
M. Copeman: Oui, très amicalement, en vertu de 213, j'aimerais savoir si la députée accepterait une question de ma part?
La Vice-Présidente: Alors, Mme la députée de Laurier-Dorion, brièvement, là, il reste à peu près 15 secondes, là, accepteriez-vous de répondre à la question du député?
Mme Lefebvre: ...
La Vice-Présidente: Alors, compte tenu de l'heure, je vais suspendre les travaux à cet après-midi, 15 heures.
(Suspension de la séance à 13 heures)
(Reprise à 15 h 6)
Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, chers collègues, si vous voulez prendre place.
L'Assemblée poursuit le débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 57, Loi sur l'aide aux personnes et aux familles, et je suis prêt à entendre les interventions. Je reconnais M. le député de Saint-Maurice pour son intervention sur le principe du projet de loi n° 57. À vous, M. le député.
M. Claude Pinard
M. Pinard: Merci beaucoup, M. le Président. Je dois vous avouer d'entrée de jeu, M. le Président, que j'aurais apprécié ne point intervenir sur ce projet de loi, car ce projet de loi malheureusement va de nouveau non pas améliorer, mais bien diminuer l'aide des plus démunis de mon comté.
Le comté de Saint-Maurice, M. le Président, a déjà été un comté excessivement riche, un comté où le chômage n'existait presque point, mais, aujourd'hui, force est d'admettre que le comté de Saint-Maurice voit de plus en plus une population qui a besoin de l'aide gouvernementale pour subvenir à ses besoins essentiels.
Également, M. le Président, si j'interviens cet après-midi, j'interviens avec une pensée toute spéciale à une grande dame qui est décédée, il y a quelques semaines, chez nous, à Shawinigan, Mme Thérèse Thiffault, qui était la directrice générale, qui était l'âme du RDDS, le Réseau de défense des droits sociaux. C'est une dame qui était fort estimée dans le milieu shawiniganais et au niveau de tout l'ensemble de la Mauricie, M. le Président. Elle a élevé une famille, tout près de 10 enfants, et elle a toujours été impliquée socialement dans les différentes luttes pour faire en sorte que les gens les plus misérables, les gens les moins fortunés, les gens qui avaient besoin tous les instants d'une aide... Bien, Thérèse était là pour leur offrir compassion, pour leur offrir son soutien moral mais également pour leur offrir son soutien technique, soutien qu'elle a appris, qu'elle a appris au cours de ses multiples combats pour l'amélioration des plus démunis de notre société shawiniganaise.
Alors, M. le Président, ce fameux projet de loi n° 57, Loi sur l'aide aux personnes et aux familles, je voudrais débuter en vous mentionnant un article du Devoir du lundi 4 octobre 2004, un article de Michel Venne qui intitulait son article Une fausse lutte contre la pauvreté. Je vais vous lire le préambule de son article, M. le Président, de sorte que ça va permettre à la population qui nous écoute de bien saisir, de bien saisir l'intervention que je vais faire ultérieurement.
Alors: «Le 13 décembre 2002, l'Assemblée nationale a adopté à l'unanimité la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Symbole fort. La société se fixait un objectif clair: tendre vers un Québec sans pauvreté.
n(15 h 10)n«Personne ne s'est alors étonné publiquement de l'unanimité des trois partis politiques ? Parti québécois, Parti libéral du Québec et Action démocratique du Québec ? sur une loi d'orientation clairement à gauche. Comment trois partis défendant des idéologies aussi différentes ? la social-démocratie, le libéralisme et le néolibéralisme ? pouvaient-ils s'entendre sur une politique publique de cette nature? C'est que l'essentiel se cachait dans les détails. Et les détails étaient eux-mêmes dissimulés dans le plan d'action. Ce plan d'action n'est venu qu'en avril 2004. Il portait la signature du gouvernement Charest.
«Les spécialistes des politiques sociales ont été une nouvelle fois étonnés. "Surprenant", écrit le [politicologue] Alain Noël. Le plan d'action annonçait la fin des pénalités imposées aux prestataires qui refusent de participer à un programme de formation, des primes à l'emploi pour les travailleurs à faible revenu, une réforme de l'aide aux familles [et] la hausse du salaire minimum. Ce plan, écrit-il, va "contribuer à améliorer la situation de plusieurs ménages à faible revenu". Même le Collectif pour un Québec sans pauvreté y a vu "un effort louable".» Mais «qu'on déchante», écrit-il. Comment, M. le Président, pourquoi devons-nous déchanter? Parce que le ministre, le 22 septembre, est allé chercher 44 millions chez les prestataires d'aide sociale avec sa fameuse clause Tanguy.
Vous le savez tous, pour la plupart vous avez eu l'occasion de visionner ce film français qui a été à l'affiche pendant de nombreux mois et qui est toujours disponible. Tanguy, c'est le fils unique qui a 30 ans et qui vit toujours chez ses parents, malgré le fait qu'il est un élève excessivement doué, qui a reçu le bac, qui a reçu de multiples diplômes et qui se perfectionne continuellement tout en se gardant bien de quitter le nid familial.
Alors, cette fameuse clause Tanguy, quelle est-elle? C'est une clause qui nous dit explicitement que, si vous vivez avec vos parents tout en recevant un chèque d'aide sociale, votre chèque se doit d'être amputé d'une somme de 100 $ par mois. Alors, oui, la clause Tanguy pour des jeunes, mais également cette clause peut s'appliquer à des gens beaucoup plus âgés. Une demoiselle ou un homme qui vit, par exemple, avec sa mère ou avec son père, bien, à ce moment-là, peut également se voir, lui aussi, amputé de cette somme de 100 $ par mois, parce qu'il dit: En partageant le même logement, le même loyer... Et, cette situation, nous retrouvons ça en nombre incroyable dans le beau comté de Saint-Maurice et dans l'ensemble de la région de la Mauricie.
Pourquoi, comment devons-nous déchanter? Également, M. le Président, parce que le ministre impose désormais trois mois de carence, trois mois de délai avant que les immigrants obtiennent leurs premiers chèques. Souvent, ces gens n'ont que le strict minimum pour payer le loyer et la nourriture. Mais est-ce que ces immigrants qui nous proviennent des îles chaudes, qui nous proviennent du Sud, est-ce que ces gens ont pensé à l'hiver? Lorsque nous prenons des vacances, M. le Président, et que nous nous rendons dans les îles où il fait 30 °, 32 °, lorsque nous revenons au mois de janvier, souvent nous atterrissons et on indique qu'il fait moins 32 °, moins 35 °. Alors, on passe de plus 32 °, plus 35 ° à moins 32 °, moins 35 °. Je crois qu'il n'y a que les Québécois pour être capables d'assumer un tel changement en l'espace de trois heures, de quatre heures. Mais ces gens qui nous proviennent de ces îles, de ces pays plus chauds, de l'Amérique du Sud, du Mexique, et qui nous arrivent ici, à l'immigration, n'ont pas prévu les sommes que peut représenter... les sommes très importantes que peut représenter l'acquisition de bottes d'hiver, de manteaux d'hiver, de survêtements... va faire en sorte que ces gens puissent malheureusement affronter un climat qui est dur, qui peut permettre à ces gens de tomber malades rapidement.
Pourquoi sommes-nous... pourquoi déchantons-nous, M. le Président? Parce qu'il est le ministre responsable des hausses de tarifs dans les services de garde, et ça, ça touche les familles à très faibles revenus et à faibles revenus, et elles sont fort nombreuses dans ma circonscription. Rappelons-nous du succès du Québec sur l'ensemble canadien lorsque le Québec a sorti sa politique de garderies à 5 $. Nous avons été... nous avons été portés... nous avons été louangés par l'ensemble des provinces canadiennes, et certains même ont jalousé d'une certaine façon notre système, parce qu'ils ont décidé de le copier. Mais ça, ça permettait à des familles, même à très faibles revenus et à faibles revenus, d'obtenir également des heures, des heures où leurs enfants pouvaient vivre socialement avec d'autres enfants qui sont élevés dans des familles à revenus plus intéressants et faire en sorte que... Ces enfants-là, en jouant, en étant en groupe avec des enfants de familles plus à l'aise, bien ces enfants-là pouvaient, pouvaient vraiment connaître un avancement. Avec cette collaboration d'enfants à ménages économiquement plus à l'aise et enfin issus d'un milieu plus défavorisé, le contact de ces enfants pouvait donner lieu à un certain apprentissage, à une certaine facilité. On créait l'intérêt pour les enfants provenant de milieux plus défavorisés, et le but ultime était de faire en sorte que ces enfants, lorsqu'ils arrivent, lorsqu'ils nous arrivent au niveau de maternelle et de première année, ces enfants-là ont également le même intérêt sur le plan scolaire.
M. le Président, le ministre nous a annoncé qu'il investira, dans la lutte à la pauvreté, 2,5 milliards sur une période de cinq ans. Mais cette somme, M. le Président, est financée généreusement par des hausses de taxes et de tarifs qui sont payés par des familles à très bas revenus. Je sais, M. le Président, que vous l'avez entendu depuis quelques jours, les députés de l'opposition officielle rappellent constamment ces hausses de tarifs et de taxes, et vous allez continuer à les entendre, là, parce que je crois que c'est par la répétition que nous faisons vraiment oeuvre de pédagogues. Il faut que les familles du Québec réalisent que, même s'ils vont recevoir un chèque d'ici quelques jours, il n'en demeure pas moins que ce chèque est encaissé à partir de revenus qu'eux-mêmes perdent, parce que le gouvernement, sur une période donnée, a fait des hausses importantes au niveau de ses taxes et de sa tarification.
n(15 h 20)n Quelques exemples, M. le Président: hausse des tarifs de garderie, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, ils ont passé de 5 $ à 7 $; l'abolition des déductions fiscales pour les familles; l'augmentation des tarifs d'électricité; l'augmentation des primes d'assurance médicaments; l'augmentation des honoraires de transport en commun; l'augmentation des enregistrements et de la prime d'assurance automobile qui s'en vient à grands pas, et cela, M. le Président, nous pouvons déjà le constater, puisque, dans la synthèse des états financiers du gouvernement, on a mentionné qu'on allait chercher, quérir un 200 millions. Alors, pour aller le chercher, il faut l'imposer, il faut le tarifer. La hausse de l'eau, tel que nous l'a annoncé le ministre de l'Environnement pas plus tard que la semaine dernière, et j'en passe, M. le Président. Je vous dis et je dis à la population qui nous écoute que le gouvernement actuel est devenu le maître incontesté de la tarification. Alors, M. le Président, avec tous ces exemples, on peut facilement comprendre que, le 2,5 milliards que le gouvernement libéral promet d'injecter d'ici cinq ans aux plus démunis, il va le chercher dans la poche, directement dans la poche de ceux qu'il prétend vouloir aider.
Que penser maintenant de cette promesse du député de Sherbrooke, premier ministre actuel, qui, le 7 avril 2003, M. le Président, à une semaine des élections générales, s'engageait, s'engageait par lettre à indexer les prestations de dernier recours? Le dernier recours, c'est l'aide sociale. Dans cette lettre, le premier ministre s'engageait à indexer les prestations. Tous les moyens sont bons pour atteindre notre objectif, me diriez-vous. Je vous répondrai que c'est exactement par ces façons, M. le Président, par ces façons de faire qu'on augmente le cynisme de la population à l'égard de leurs élus et qu'on augmente de ce fait leur incrédulité.
Ce n'est plus la promesse écrite de leur chef qui compte, maintenant, ils ont atteint le pouvoir. On va regarder l'état des finances année après année, et c'est par la suite qu'on décidera si, oui ou non, on accorde une indexation complète, partielle aux assistés sociaux aptes au travail. Vous allez admettre qu'on est loin de l'engagement du premier ministre dans sa lettre du 7 avril 2003. Mais, moi, M. le Président, je serais prêt à parier ici, cet après-midi, qu'il y aura une indexation peut-être quelques semaines avant les prochaines élections générales. Pourquoi pas? Ça pourrait être le tome II de la lettre du 7 avril 2003.
M. le Président, la Commission des affaires sociales a entendu, lors des consultations générales, 62 groupes, et très majoritairement ces groupes ont conseillé de retirer le projet de loi parce qu'il ne respecte même pas, à sa face même, le fameux projet de loi n° 112 que, tous ensemble, nous, les députés de cette Assemblée nationale, avons voté. Le temps file, M. le Président, il file trop vite. Vous savez, lorsqu'on se prépare sur un sujet aussi important, on a tellement de choses à dire à notre population, à nos citoyens et citoyennes qui nous écoutent. Puisqu'il me reste seulement que 1 min 30 s, j'aimerais, M. le Président, conclure, conclure en disant aux gens que le projet de loi n° 57 donne dans l'arbitraire et dans le discrétionnaire.
Le ministre se donne tous les droits dans ce projet, il ne se crée aucune obligation. Il maintient des dispositions qui risquent d'alimenter des préjugés, il appauvrit les plus pauvres, il s'éloigne du barème plancher alors qu'il avait dit qu'il allait en installer un, il improvise le soutien à l'effort dans une allocation, dans une allocation de participation dont on ne sait même pas quoi faire, il n'améliore en rien mais menace les programmes de formation et d'insertion à l'emploi, il complique la vie des prestataires plutôt que de la simplifier, il insécurise les personnes de 55 ans qui risquent de perdre leur statut et insécurise les mères monoparentales de jeunes enfants. M. le Président, le projet de loi n° 57 trahit à la fois l'esprit de la loi n° 112 et la lettre de la loi n° 112.
En terminant, j'inviterais les citoyens qui nous écoutent, cet après-midi, à maintenir leur écoute parce que mes collègues vont, à tour de rôle, vous informer davantage sur certaines sections particulières de ce projet de loi, et vous allez comprendre pourquoi je voterai contre le projet de loi n° 57. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, merci, M. le député de Saint-Maurice. Et, pour la poursuite du débat sur le principe du projet de loi n° 57, je reconnais maintenant M. le député de Masson. À vous la parole, M. le député Masson, pour votre intervention.
M. Luc Thériault
M. Thériault: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, cet après-midi, j'interviens sur le projet de loi n° 57, Loi sur l'aide aux personnes et aux familles, et mon collègue de Saint-Maurice a tout à fait raison, M. le Président, de mettre en relation le projet de loi n° 57 avec le projet de loi n° 112 parce qu'effectivement le projet de loi n° 112 et ce qu'il a représenté pour les parlementaires, lors de son adoption en décembre 2002, était à mon avis, si l'on peut dire, le point zéro, le point zéro de la lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale. À partir de ce moment-là, M. le Président, nous nous serions et nous aurions été justifiés de s'attendre à ce que des mesures visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale se fassent, se traduisent dans les principes, en accord avec les principes généraux du projet de loi n° 112. Or, à l'évidence, quoi qu'en pense le ministre, quoi qu'en pense son gouvernement, cela n'est pas le cas.
Mais, avant de commencer à faire cette démonstration-là, M. le Président, cet après-midi, le collègue d'en face, le collègue de Notre-Dame-de-Grâce a rendu hommage à l'ex-député de Laurier-Dorion, que je peux nommer, je pense, maintenant, Christos Sirros, en indiquant comment il avait contribué, comment il avait aidé à la bonification du projet de loi n° 112. Et la question que je me posais en écoutant cet hommage, M. le Président, était à l'effet... Je me disais: Est-ce que Christos Sirros serait aussi heureux du projet de loi n° 57 qu'il l'a été du projet de loi n° 112? Et est-ce qu'il viendrait témoigner, endossant la position du ministre de la Solidarité sociale, de la Famille et de l'Emploi? Est-ce qu'il viendrait l'appuyer? M. le Président, quand j'entendais le député de Notre-Dame-de-Grâce, je pense que je suis autorisé à en douter.
n(15 h 30)n Mais, tout comme le député de Notre-Dame-de-Grâce l'a fait, M. le Président, humblement, moi, je voudrais dire, aujourd'hui, ce qui n'est pas coutume de faire, peut-être, mais je voudrais rendre hommage, moi, à mon collègue de Vachon. M. le Président, moi, je suis fier du collègue de Vachon. Je suis fier du collègue de Vachon et je dirais sans exagérer que, parmi les nouvelles acquisitions de notre formation politique, c'est l'une des plus belles acquisitions. Pourquoi? Parce que, son engagement, M. le Président, son dévouement à la cause de l'égalité des classes, à la cause de l'égalité des chances, à la cause de la justice sociale, il le porte et il l'a porté, d'abord et avant tout, comme citoyen, il l'a porté comme expert, et maintenant il le porte comme porte-parole de l'opposition officielle. Ce n'est pas tout à coup une révélation pour lui que de lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale.
Dans des problématiques aussi importantes que celles-là, M. le Président, la résolution des problèmes implique l'interdisciplinarité, implique donc non seulement des experts, l'expert qu'il a été, mais implique donc aussi une bonne dose de volonté politique, et cette volonté politique, elle se retrouvait effectivement dans le projet de loi n° 112. Et à mon avis, M. le Président, son engagement indéniable à la justice sociale et à l'égalité des chances confère à mon collègue de Vachon une crédibilité que tous lui reconnaissent, une crédibilité, entre autres choses, que sa formation politique lui reconnaît mais les gens du milieu lui reconnaissent aussi.
M. le Président, j'ai lu toutes les interventions, parce que je n'ai pas pu, moi, travailler à cette Commission des affaires sociales, mais j'ai lu toutes les galées, et j'ai lu toutes les interventions entre le ministre et le député de Vachon, et on voit, et j'ai pu constater ? et j'invite les gens à les lire, les galées, M. le Président, j'ai pu constater avec quel respect et avec quelle dignité le député de Vachon accomplit admirablement sa tâche de porte-parole en matière de solidarité sociale, de famille et d'emploi, M. le Président.
Le projet de loi n° 112, M. le Président, il me semble que c'est le point nodal des interventions que l'on doit faire sur le projet de loi n° 57. M. le Président, le projet de loi n° 112 est basé sur le principe du respect de la personne, le principe de la dignité de la personne. C'est un projet de loi qui dit vouloir lutter contre la pauvreté et contre l'exclusion sociale, et effectivement son libellé témoigne d'une réelle volonté politique. Ce que les formations politiques en feront, M. le Président, à partir de réglementation visant justement à protéger les gens les plus démunis de notre société, pourrait être l'enjeu de bien des causes devant les tribunaux, M. le Président, si on continue à s'enligner comme l'enlignement du gouvernement présentement, avec le dépôt de sa loi n° 57.
Quand on parle de pauvreté, M. le Président, il faut tout de suite dire d'emblée que ça n'a rien à voir avec une plus ou moins grande philanthropie dans notre société, c'est-à-dire cette lutte contre la pauvreté. Nous vivons dans un système économique qui n'est pas le meilleur, M. le Président, nous vivons dans un système économique qui est le moins pire, et il est le moins pire parce qu'il est capable du meilleur et du pire, M. le Président. Il peut permettre un certain épanouissement, comme il peut contrer l'épanouissement des personnes. Et ce système économique, qui est le moins pire, basé sur une économie de marché, autant peut-il générer de la richesse, M. le Président, il génère aussi structurellement de la pauvreté. Et ça, il faut le dire, parce que, quand un système économique génère structurellement de la pauvreté, M. le Président, pour contrer cette pauvreté, ça ne prend pas seulement que de la philanthropie, ça prend des gestes, ça prend des actions structurantes.
Ce projet de loi n° 112 en était une, action structurante, M. le Président. Et je suis fier, moi, comme parlementaire, de pouvoir jauger le projet de loi n° 57 à la lumière de ce qu'était le projet de loi n° 112, M. le Président. Et, quand on parle de lutte à la pauvreté et de l'exclusion sociale, bien il faut revenir aux valeurs fondamentales, à la valeur fondamentale qui est liée au respect des personnes, M. le Président, quand on parle d'exclusion sociale. Et l'exclusion sociale n'est pas seulement que l'exclusion économique, elle est aussi l'exclusion de la personne dans les sphères de la société qui lui permettraient de se dépasser, de s'épanouir, d'être reconnue pour ce qu'elle est, M. le Président.
Je pourrais prendre un exemple très, très simple. Dans un curriculum vitae d'un représentant du peuple, M. le Président, lorsque quelqu'un brigue le suffrage, M. le Président, est-il arrivé une seule fois que nous retrouvions comme indication principale «aide sociale»? Absolument pas. Ça, c'est l'exclusion sociale, M. le Président, telle que vécue dans toutes les dimensions de la sphère humaine.
La valeur d'autonomie, M. le Président, repose sur le principe de l'autodétermination, et le principe de l'autodétermination est basé sur la réciprocité. Ce que le ministre doit se poser comme question, c'est: Est-ce qu'il aimerait être traité comme il traite présentement les gens qui verront une demi-indexation basée sur un revenu de 533 $ par mois, M. le Président? Ça, c'est la règle de la réciprocité, M. le Président.
Il y a un autre principe lié au respect de la personne, M. le Président, qui est fonction de traiter toujours déjà l'autre, l'humain, non pas comme un moyen, mais comme une fin, comme une fin, M. le Président. Nous travaillons à la finalité de l'épanouissement de l'humain, M. le Président. Dans une société qui génère le pire et le meilleur, dans une société qui génère structurellement la pauvreté, bien, moi, je vous dirais que la loi n° 112, c'était non pas superflu, lié à une volonté de certains groupes, c'était nécessairement un incontournable.
Or, j'aimerais, M. le Président, parce que, dans toutes les interventions que les gens ont pu faire ici depuis le début, j'aimerais que ceux pour qui ce serait la première fois qu'ils entendent parler de cette loi n° 112, j'aimerais qu'ils puissent entendre le préambule de cette loi, qui me permet de dire en quelque part, comme les groupes qui sont venus témoigner en commission parlementaire, que le projet de loi n° 57 n'est pas à la hauteur du préambule de la loi n° 112, M. le Président.
On peut y lire: «Considérant que, conformément aux principes énoncés par la Charte des droits et libertés de la personne ? on y reviendra sur ce que pense la Commission des droits de la personne de ce projet de loi n° 57 ? conformément aux principes énoncés par la Charte des droits et libertés de la personne, le respect de la dignité de l'être humain et la reconnaissance des droits et libertés dont il est titulaire constituent le fondement de la justice et de la paix;
«Considérant que la pauvreté et l'exclusion sociale peuvent constituer des contraintes pour la protection et le respect de cette dignité humaine;
«Considérant que les effets de la pauvreté et de l'exclusion sociale freinent le développement économique et social de la société québécoise dans son ensemble et menacent sa cohésion et son équilibre;
«Considérant que la lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale est un impératif national s'inscrivant dans un mouvement universel visant à favoriser l'épanouissement social, culturel et économique de tous les être humains;
n(15 h 40)n«Considérant que les personnes en situation de pauvreté et d'exclusion sociale sont les premières à agir pour transformer leur situation et celle des leurs et que cette transformation est liée au développement social, culturel et économique de toute la collectivité;
«Considérant qu'il y a lieu d'affirmer la volonté de l'ensemble de la société québécoise de se mobiliser afin de mettre en oeuvre solidairement des actions concertées afin de lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale;
«Le Parlement décrète ce qui suit...», et là on a les différents articles, M. le Président, notamment l'article 4 qui dit: «La stratégie nationale vise [...] progressivement le Québec d'ici ? indiquer ici l'année qui suit de 10 ans celle de l'entrée en vigueur du présent article, le Québec, d'ici un nombre... d'ici donc 10 ans ? au nombre des nations industrialisées comptant le moins de personnes pauvres, selon des méthodes reconnues pour faire des comparaisons internationales.» L'article 6, M. le Président: «Les buts poursuivis par la stratégie nationale sont les suivants:
«1° promouvoir le respect et la protection de la dignité des personnes en situation de pauvreté et lutter contre les préjugés à leur égard», M. le Président. Comment peut-on, comment peut-on, au sens de préjuger, en opposition à juger, comment peut-on préjuger du fait que 533 $, M. le Président, ça constitue un montant acceptable pour lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale? Et comment peut-on prétendre, sans effectivement préjuger de la vie de ces personnes, qu'une indexation à la moitié suffit, M. le Président?
Deuxième alinéa: «2° améliorer la situation économique et sociale des personnes et des familles qui vivent dans la pauvreté et qui sont exclues socialement.» Et là, l'exclusion sociale, M. le Président, là, il y a bien sûr les gens que vise le projet de loi n° 57 et il y a aussi les gens qui sont en situation de transition, de flottement entre un niveau de vie sous ou sur le seuil de pauvreté, M. le Président, qui doivent lutter constamment, eu égard à un salaire minimum, M. le Président, eu égard à des conditions, par exemple, de fin de vie particulières, les personnes qui ont travaillé toute leur vie et qui se retrouvent, M. le Président, en situation de précarité, parce que l'exclusion sociale touche plusieurs couches de notre société.
Et que dire, lorsqu'on parle de l'exclusion sociale, M. le Président, que dire du centre-ville de Montréal? En quoi le projet de loi n° 57 vient-il effectivement permettre de sortir de l'exclusion sociale ces gens qui sont encore sans domicile fixe et qui parfois sont affublés de problématiques croisées, M. le Président: itinérance, sans-abri, polytoxicomanie, VIH, M. le Président?
On peut, au moment où je vous parle, dénombrer, dans les 30 ans et moins, une problématique, M. le Président, qui vise au moins, sans exagérer, de 4 000 à 6 000 personnes dans la grande métropole, M. le Président. Lorsqu'on parle d'une lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale, il me semble, M. le Président, qu'il faut aller bien au-delà, bien au-delà, M. le Président, des intentions réglementaires qui sont présentées dans le projet de loi n° 57, M. le Président. À tout le moins, les parlementaires concernés qui ont voté à l'unanimité le projet de loi n° 112, M. le Président, tous pour déterminer ce que j'appellerais le degré zéro de la lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale, M. le Président, le moment où, à partir de cette loi, il fallait être à la hauteur des prétentions de cette loi, des objectifs de cette loi.
En quoi aujourd'hui, après tous les débats qui se sont faits dans cette Assemblée, sommes-nous, comme parlementaires, dans un plein accord de cette loi avec ce qui a été déposé et que l'on appelle un projet de loi pour l'aide aux personnes et aux familles, M. le Président? Alors que la solidarité sociale d'une famille est pénalisée, M. le Président, alors qu'en quelque part ce gouvernement pense effectivement que, lorsqu'une personne décide de revenir vivre dans une solidarité familiale, il faut nécessairement avoir une vision comptable de cette solidarité familiale, M. le Président. À un moment donné, là, trop c'est comme pas assez, M. le Président.
Alors là on va couper 100 $ pour reconnaître cette solidarité familiale. 100 $. 100 $ qui comptent extrêmement pour les gens dans cette situation-là. Comment peut-on en arriver à une telle interprétation, à une telle application du projet de loi n° 112? M. le Président, c'est pour ça que je m'élève contre le projet de loi n° 57.
Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, merci, M. le député de Masson, pour votre intervention. Et, pour la poursuite du débat sur le principe du projet de loi n° 57, je reconnais maintenant M. le député de Blainville pour votre intervention. À vous.
M. Richard Legendre
M. Legendre: Oui. Merci, M. le Président. Alors effectivement nous en sommes toujours à l'étape de l'adoption de principe du projet de loi n° 57, Loi sur l'aide aux personnes et aux familles.
Mais, M. le Président, avant de vous parler du projet de loi n° 57, je vais vous parler de solidarité sociale. Parce que solidarité sociale et projet de loi n° 57, c'est deux choses différentes, M. le Président. Et, pour vous parler de solidarité sociale, bien je vais vous parler d'une fort belle expérience que le président de l'Assemblée nationale nous a fait vivre au cours des dernières semaines. En l'occurrence, c'était le 10 novembre dernier et c'était la quatrième rencontre entre des personnes en situation de pauvreté et des membres de l'Assemblée nationale, c'est-à-dire évidemment les députés. Ça faisait suite à la Journée internationale pour l'élimination de la pauvreté. En fait, il s'agissait d'une quatrième expérience en quatre ans, M. le Président, sauf que je dois confesser que c'était la première fois que j'avais l'occasion de participer à cette activité. Et j'aimerais partager avec les auditeurs l'expérience qu'on nous a fait vivre, l'expérience qu'on nous a fait vivre, aux députés, avec des gens qui vivent des situations de pauvreté, partager ça avec les auditeurs.
Qu'est-ce qu'on nous a fait faire? On nous a fait faire un budget mensuel avec ce dont disposent les gens de l'aide sociale, c'est-à-dire 533 $ par mois ? pas par semaine, là, 533 $ par mois ? et on nous a fait faire carrément l'exercice avec les gens en question pour dire comment, comment vous budgéteriez votre mois qui s'en vient avec 533 $ par mois. Parce que c'est ce dont disposent les gens qui reçoivent de l'aide sociale, 533 $ par mois, pour s'héberger, donc pour le logement, pour se vêtir, pour le vêtement, pour le transport et bien entendu également pour se nourrir.
Et, vous savez, M. le Président, si on m'avait demandé avant cet exercice combien les gens reçoivent à l'aide sociale, j'aurais peut-être été capable d'être autour... de mentionner ce chiffre-là, peut-être de 500 $, mais je pense que jamais vraiment, à venir jusqu'à cette occasion-là, jamais je ne m'étais assis à y réfléchir comme il faut. Et je pense que la majorité des gens au Québec sont dans cette situation-là, ne réalisent pas ce que ça veut dire quand on parle de couvrir les besoins essentiels avec 533 $ par mois. Évidemment qu'on s'est rapidement rendu compte qu'on se rend à peu près à la neuvième ou 10e journée, on se rend à peu près à la neuvième ou 10e journée du mois pour couvrir les besoins essentiels avec 533 $ par mois.
n(15 h 50)n Alors, est-ce que ça couvre les besoins essentiels, 533 $ par mois? Non, non et non. Et d'ailleurs, quand on regarde ce que nous dit Statistique Canada au sujet de la mesure du panier de consommation, calculée en 2003, ça s'établit à 11 221 $ par année, soit 935 $ par mois. Ça, c'est le montant nécessaire à un adulte seul habitant Montréal pour pourvoir à ses besoins de base, sans compter les médicaments prescrits et les autres soins de santé, 935 $ par mois, alors que la prestation d'aide sociale, comme je vous le mentionnais, c'est 533 $ par mois, donc 6 396 $ par année. Alors, il est clair que ça ne pourvoit pas aux besoins essentiels.
Et cet exercice-là, qui avait été piloté par le Collectif pour un Québec sans pauvreté ? et je salue sa présidente, Mme Vivian Labrie ? qui ont d'ailleurs fort bien mené l'exercice, bien, ça m'a beaucoup interpellé et ça a suscité chez moi une réflexion et une interrogation, je vous dirais bien franchement: Est-ce qu'au Québec on veut vraiment faire preuve de solidarité sociale? Dans ce monde de très, très grande richesse, voulons-nous vraiment nous assurer que chaque citoyenne, chaque citoyen puisse couvrir ses besoins essentiels, se loger, se nourrir, se vêtir? Je crois que oui, je crois que oui, je crois qu'il y a une forte majorité de Québécoises et de Québécois qui veulent que l'on fasse preuve de justice sociale et de solidarité sociale. Le faisons-nous? Pas vraiment, pas suffisamment, pas complètement, sûrement pas à 533 $ par mois.
Alors, pourquoi on ne le fait pas? C'est un peu le questionnement que je me suis posé suite à cette journée. Pourquoi est-ce qu'on ne le fait pas? Bien sûr, bien sûr, on le sait, la situation des finances publiques, elle n'est pas simple, elle n'est pas simple, mais on parle de couvrir les besoins essentiels de chacune et de chacun de nos concitoyens. Alors, il y a quelque chose, il y a une volonté qui n'est pas là, à la fois une volonté gouvernementale, évidemment, mais une volonté populaire, je dirais, aussi, sur laquelle il faut travailler. Et je dirais qu'il y a probablement deux freins à cette volonté populaire. D'une part, je ne pense pas, M. le Président, que les gens le réalisent, je ne pense pas que les gens réalisent ce que ça veut dire de devoir couvrir ses besoins essentiels avec 533 $ par mois, et, d'autre part ? et on en a parlé, plusieurs des intervenants avant moi en ont parlé ? et, d'autre part, il y a effectivement des préjugés. Il y a des préjugés du style: On ne paie pas du monde à rien faire.
Les gens sont en difficulté, les gens vivent des situations difficiles, ils doivent se nourrir, ils doivent s'héberger, mais on va quand même avoir des réflexes du style: Attention, il ne faut pas payer des gens à rien faire! Hein, on entend ça souvent. Et les préjugés, il n'y a pas juste nous, de ce côté-ci, qui en avons parlé, je regarde... Je vous cite Me Jean-Guy Ouellet, du Barreau du Québec, qui, au sujet du projet de loi n° 57, dit ceci: «Ce que je dirais, c'est qu'essentiellement ? et comme l'a dit la Commission des droits de la personne ? toutes ces mesures semblent indiquer que les personnes assistées sociales sont en partie responsables de leur propre situation, véhiculent des préjugés et des stéréotypes.» Alors, voilà où on se retrouve, M. le Président, voilà ce qu'il aurait fallu comprendre avant de rédiger le projet de loi n° 57. Voilà ce qu'il faut comprendre quand on parle de solidarité sociale. Visiblement, le ministre n'a pas compris ça avant de procéder à la rédaction du projet de loi n° 57.
On s'entend pour dire que les besoins essentiels sont loin d'être couverts. Et que fait le projet de loi n° 57? Que fait le ministre? Bien, il réduit le 533 $ par mois. Il le réduit parce qu'il ne l'indexe pas pleinement, il l'indexe à moitié. Et là, quand on parle de ça, le mot «indexation», il faut que les gens comprennent bien ce que ça veut dire, là. Quand on dit de l'indexer pleinement, ça voudrait dire d'augmenter de 1 à 2 % à année. 1 à 2 % par année, sur 533 $ par mois, là, c'est de l'augmenter de 6 à 10 $ par mois, ça passerait de 533 $ à peut-être 543 $. Eh non, on le fait à moitié. Le ministre recommande, dans le projet de loi, de le faire à moitié, et en plus il faut comprendre aussi pour qui il recommande ça: de le faire à moitié pour les personnes aptes au travail.
Donc, c'est une manière de pénalité, pénalité pour des gens qui reçoivent 500 $ par mois, M. le Président. Supposément que cette pénalité-là va les encourager à se trouver un travail. Parce qu'on ne leur donnerait pas 6 $ de plus, ils se trouveraient un emploi tout à coup. Les gens ne choisissent pas par plaisir les situations de difficulté dans lesquelles ils se retrouvent, M. le Président. Alors, le message, c'est ça qui est envoyé: Vous êtes sur l'aide sociale parce que vous choisissez d'y être. Et, puisque vous refusez de faire les efforts nécessaires pour trouver du travail, bien voilà ce qu'on fait: on n'indexe pas pleinement.
En plus, M. le Président, non seulement il y a cette forme de réduction en n'indexant pas, mais, par modification réglementaire le 22 septembre dernier, il a même réduit de 100 $, 100 $, pour des gens qui en reçoivent 533 $ par mois pour couvrir leurs besoins essentiels, et là on les réduit de 100 $ parce qu'ils resteraient chez leurs parents. Et ça, moi, je qualifie ça de carrément de l'acharnement qui permet de sauver 44 millions au gouvernement sur le dos des personnes qui vont passer de 533 $ à 433 $.
Ce qui me fascine, M. le Président, avec le gouvernement actuel, c'est que c'est toujours un peu la même méthode, toujours la même méthode de dire une chose et de faire son contraire, et là ils sont passés maîtres dans l'art de bien paraître. C'est la même méthode en termes de sécurité sociale et d'aide sociale. D'ailleurs, on a eu un premier exemple, M. le Président, en juin 2003, lors de l'étude des crédits ? ça, c'était assez fascinant ? avec le ministre de la sécurité sociale. Il nous annonce un nouveau programme, Place à l'emploi, pour sortir les gens de l'aide sociale, pour sortir 25 550 personnes, et évidemment ça réduit, ça fait une coupure de 220 millions à l'aide sociale. Alors là on nous présente ça comme étant une mesure extrêmement positive. On ne coupe pas 220 millions, on va retirer les gens de l'aide sociale. Qu'est-ce qui arrive? Évidemment, on n'en a pas retiré 25 550, et même il a fallu redemander des crédits additionnels parce qu'il avait manqué au budget 220 millions.
Même chose, on laisse entendre qu'il y a un barème plancher. J'entendais... Je pense que c'est le député de Verdun qui posait une question à un de mes collègues: Vous n'êtes pas d'accord avec ça, qu'il y ait un barème plancher? Ils laissent entendre qu'il y a un barème plancher alors qu'on baisse de 100 $ le 533 $ et alors qu'on ne fait pas d'indexation, ce qui est une baisse en soi.
Autre exemple où on dit une chose et on fait le contraire: on ajoute 2,5 milliards sur cinq ans pour lutter contre la pauvreté. Bien, celle-là, elle est bonne, parce que j'ai un tableau ici, là, qui nous montre que, sur cinq ans, il y a 6,6 milliards d'augmentation de tarifs et de coupures de toutes sortes qui ont été mentionnées par mes collègues, que ce soient les services de garde, que ce soit l'hydroélectricité, que ce soient les déductions fiscales qui étaient là mais qui ne seront plus là, ainsi de suite, ainsi de suite, 6,6 milliards de coupures et de hausses de tarifs, donc 6,6 milliards qui ne seront pas dans les poches des contribuables, et là on leur laisse entendre qu'il y en aurait 2,5 milliards de plus. C'est faux, M. le Président.
Des engagements électoraux majeurs. Les garderies à 5 $, elles sont devenues à 7 $; la pleine indexation, c'était promis, un engagement électoral, ça ne se fera pas. Autre exemple d'incohérence, où on dit une chose et on fait le contraire: là, on fait le lien entre les montants qu'on ne donne pas à l'aide sociale et l'insertion, la création d'emplois. Et Emploi-Québec, supposément priorité à l'emploi, on coupe Emploi-Québec. Il y a 740 postes de coupés, 57 millions de coupures, puis l'offre de services est baissée de 14 %.
n(16 heures)n M. le Président, c'est un gouvernement d'apparences et de slogans. Et là le nouveau slogan, le plus récent, c'est Faire équipe. Faire équipe. Bien, pourquoi ne pas faire équipe avec les 62 groupes qui sont venus témoigner en commission parlementaire pour justement demander le retrait du projet de loi n° 57? Pourquoi ne pas faire équipe avec tous ces groupes d'expertise, à la fois des groupes qui connaissent évidemment ce dont ils parlent et qui veillent au bien-être et aux droits des personnes, surtout chez les plus démunis, mais des institutions également qui sont venues témoigner, M. le Président? Je pense à la Commission des droits de la personne et de la jeunesse, à la Protectrice du citoyen, au Barreau du Québec, à l'Ordre des travailleurs sociaux du Québec. Pourquoi ne pas faire équipe avec cette expertise-là? Essentiellement parce que c'est un gouvernement, M. le Président, qui entend mais qui n'écoute pas, qui entend la population mais qui ne l'écoute pas, et c'est un gouvernement qui ne fait pas ce qu'il dit, et là, en plus, il ne fait pas non plus ce que la population lui dit de faire, d'ailleurs d'où le taux d'insatisfaction après à peine 20 mois de gouvernement, M. le Président.
Et d'ailleurs l'intention de couvrir les besoins essentiels, mon collègue député de Masson en a parlé beaucoup, c'était un des éléments clés, un des éléments majeurs de la loi n° 112. Ça avait été voté, la loi n° 112, à l'unanimité, donc ça incluait le Parti libéral. Bien, ce grand objectif, il n'apparaît plus au projet de loi n° 57, comme l'ont relevé la plupart des groupes qui sont venus témoigner.
Le Parti libéral a voté pour la loi n° 112. Il arrive au pouvoir et il omet une des grandes orientations de la loi n° 112 dans le projet de loi n° 57. Alors, non seulement il ne fait pas ce qu'il dit, mais il ne respecte pas ses engagements électoraux et il ne respecte même pas le vote qu'il avait pris lorsqu'il était dans l'opposition. D'ailleurs, plusieurs mémoires ont souligné que le projet de loi n° 57 venait en contradiction non seulement avec l'esprit, mais également avec la lettre de la loi n° 112. Alors, le projet de loi n° 57, qui devrait découler de la loi n° 112, ne fait pas référence à cet objectif majeur de la couverture des besoins essentiels, et ça, bien, c'est extrêmement important. Donc, le projet de loi n° 57, M. le Président, c'est un recul. C'est un recul de la solidarité sociale au Québec. Il va dans la mauvaise direction et il va dans le sens contraire de ce que souhaite une majorité de la population du Québec, et je dirais qu'il va même dans le sens contraire de l'histoire du Québec.
J'aimerais, M. le Président, vous citer un petit texte, ici, qui est fort intéressant et qui date de 1969, et c'est Jean-Paul Cloutier, ministre de la Santé, de la Famille et du Bien-être social, qui disait ceci: «Le nouveau projet affirme implicitement les droits fondamentaux suivants: premièrement, le droit à l'aide sociale pour toute personne privée de ses moyens de subsistance; deuxièmement, le droit à l'aide sociale quelle que soit la cause du besoin; troisièmement, le droit à la personne ou à la famille qui présente une demande de recevoir du fonctionnaire désigné l'information requise pour l'obtention de l'aide sociale; quatrièmement, le droit à la révision et à l'appel pour tout requérant qui pourrait se croire injustement traité; et, finalement, le droit d'égalité de tous devant la loi.» C'était le texte qui préparait la première loi sur l'aide sociale au Québec, en 1969, M. le Président.
Alors, ce n'est pas d'hier que le Québec veut la solidarité sociale, et je passe de 1969 au 3 décembre 2004, et je lis quelques extraits de l'éditorialiste du Soleil, Brigitte Breton, qui s'adresse au ministre de la Solidarité sociale et qui lui dit: «Depuis que vous êtes à l'Emploi, à la Solidarité sociale et à la Famille, vous nous avez révélé que vous pouviez aisément adhérer à des valeurs dans un discours, mais poser sur le terrain des actions qui vont à leur encontre.» On dit une chose et on fait le contraire, M. le Président.
«Vous avez en effet présenté un projet de loi sur l'aide sociale qui, en plus de retirer 100 $ par mois aux assistés de tous âges qui habitent chez leurs parents, ne prévoit toujours pas la pleine indexation des prestations des personnes aptes au travail. En campagne électorale, votre parti l'avait pourtant promis, tout comme la gratuité des médicaments. Sans doute les assistés sociaux n'ont pas été assez sages pour mériter votre générosité.» Et l'éditorialiste conclut en disant: «Il est difficile de faire confiance à un ministre qui ne résiste pas à la tentation de jouer au père Noël, et qui pense qu'un cadeau en décembre compensera la disette des autres mois», en faisant référence évidemment aux chèques qui vont être envoyés prochainement pour donner une impression justement que l'on ajoute des sous dans les poches des familles.
Et j'en ai un, bel exemple ici où justement on dit une chose et on fait le contraire. Une famille biparentale, deux enfants, M. le Président, revenu de 40 000 $: on leur laisse entendre qu'ils vont avoir 3 280 $, à comparer à 2 352 $ dans le passé, mais il y a eu des hausses de tarifs et des coupures de 1 315 $, ce qui fait qu'au bout du compte ils perdent 387 $. Alors, c'est ça que ça fait quand on dit une chose et que l'on fait son contraire, M. le Président.
Alors, pour cette raison, M. le Président, comme tous mes collègues... parce que je crois fermement que les Québécoises et les Québécois veulent un autre comportement de la part du gouvernement et que, oui, il faut continuer de travailler sur la volonté populaire également. Et ce n'est pas en ayant des dispositions dans un projet de loi comme celui... comme le projet de loi n° 57 où carrément on continue d'entretenir des préjugés, ce n'est pas comme ça qu'on va faire en sorte que le Québec va devenir de plus en plus juste, généreux et équitable sur le plan social.
Alors, pour empêcher le Québec de reculer, M. le Président, le Québec se veut généreux, et équitable, et juste socialement, et ça, ce n'est pas une faiblesse, M. le Président, c'est une force. Et pour continuer à ce que le Québec aille sur cette voie, comme mes collègues, je vais voter contre le projet de loi n° 57. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, merci, M. le député de Blainville pour votre intervention, et je suis prêt à reconnaître le prochain intervenant pour son exposé sur le principe, toujours. Alors, M. le chef de l'opposition officielle, sur le principe du projet de loi n° 57, à vous la parole.
M. Bernard Landry
M. Landry: C'est vrai, M. le Président, qu'il s'agit de parler de principe et de principe extrêmement grave, puisque le gouvernement que nous avons, depuis moins de deux ans, touche à un des principes les plus vitaux de notre société, depuis 1960 et avant, parce que c'est un résultat d'une histoire qui a souvent été pour nous tourmentée et difficile et qui nous a condamnés, fort heureusement d'ailleurs, à la solidarité.
Avant que l'instrument de solidarité soit notre État national, il y avait des traditions plus ancrées qu'ailleurs à l'entraide, au niveau des villages, au niveau des villes. L'Église catholique, pendant plusieurs générations, a incarné cette solidarité et cette entraide d'une façon qui ne serait plus concevable aujourd'hui, mais qui est bien la racine de notre désir de créer la plus grande égalité possible devant la détresse. Alors, il y a des milliers d'hommes et de femmes des communautés religieuses qui, avant que l'État ne joue le rôle qu'il joue aujourd'hui, ont fait le sacrifice de leur vie tout simplement, sans attendre aucune autre récompense que des récompenses de nature spirituelle, des récompenses de nature humaine. Tout ça a créé, dans notre peuple, une forte tradition de solidarité basée soit sur la générosité, ce qui est une belle vertu, ou le sens de la justice, ce qui en est une autre. Et à peu près tous les gouvernements du Québec sont allés suivant ce grand principe général qui est à l'honneur de notre société. Même l'Union nationale ? ce n'était pas un gouvernement social-démocrate ? est allé dans le même sens, mon collègue vient de le rappeler en citant M. Cloutier, qui était un ministre de l'Union nationale.
Et il nous arrive, il y a moins de deux ans, un gouvernement qui, pour des raisons largement idéologiques, appuyé sur de mauvaises analyses, sur un manque de connaissance de ses dossiers, produit une rupture. La première depuis des décennies et probablement la plus grave depuis que notre État a pris le relais de la solidarité. Pourquoi? D'abord, parce que, d'un gouvernement à l'autre, sans que ce soit parfait, nous avions cheminé vers une situation exemplaire. Et au moins elle apparaissait dans les textes. Lorsque la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale a été votée par cette Assemblée nationale, à cet instant, du moins dans les intentions législatives, et dans les textes, et dans les lois, le Québec s'est inscrit, je crois, comme la société la plus avancée du monde en cette matière. C'était conforme à nos traditions.
n(16 h 10)n Dans le village où j'ai été élevé, on ne rêvait même pas de cette loi, mais on aurait été tout à fait d'accord avec ses principes, parce que ça veut dire la solidarité, ça veut dire l'entraide, ça veut dire qu'il y a des gens qui sont dans le malheur, qui ne l'ont pas souhaité, qui font tout ce qu'ils peuvent pour s'en sortir, et c'est le fait que nulle personne n'est une île et que les uns sont dépendants des autres qui nous pousse à ces mesures.
Alors, on l'avait eu, le rêve informulé et informulable des générations précédentes, On commençait une bataille implacable contre la pauvreté. D'ailleurs, une des personnes qui a été à l'origine de cette bataille n'est pas une personne politique. Elle est parmi nous aujourd'hui. Elle est dans cette Assemblée nationale. Elle y sera pour toute la durée des débats sur cette question. Il s'agit de Mme Vivian Labrie, du Collectif pour un Québec sans pauvreté. C'est un membre du gouvernement qui a proposé cette loi, mais je sais que, sans elle et ceux et celles qui l'accompagnaient, nous ne l'aurions ou pas fait ou sûrement pas fait aussi bien. Alors, aujourd'hui, notre Assemblée ne doit pas trahir Vivian Labrie et les hommes et les femmes qui l'ont accompagnée dans son raisonnement exemplaire en matière de solidarité.
Et c'est ce qui est en train, hélas, de se produire. C'est pourquoi nous demandons le retrait de la loi. Et l'opposition officielle n'est pas originale, ce faisant. 55 % des groupes qui se sont présentés devant la commission parlementaire en ont fait autant. Et la plupart de ces groupes sont des groupes qui ont une vision en profondeur de ce qu'est une vraie loi de lutte à l'exclusion et à la pauvreté, puisque, souvent, c'est l'essence de leur existence. Ces groupes existent pour cela ou même d'autres qui sont un peu plus à la marge. Vous avez lu les mémoires, vous avez lu les lettres des groupes qui ne sont pas directement confrontés quotidiennement aux problèmes de la pauvreté, mais ont analysé, en bons citoyens et en bonnes citoyennes, ont analysé le projet et en ont demandé son retrait.
D'abord, un des aspects les plus graves qui va au coeur des choses. Le projet de loi n° 57 fait disparaître en vérité le droit à la sécurité du revenu tel qu'il apparaissait dans la Loi sur la sécurité du revenu. Le projet de loi n° 57 porte massivement sur des mesures d'insertion à l'emploi, ce qui en soi n'est pas mauvais, mais est bien inférieur à la garantie de support de l'État pour les personnes démunies.
Personne ne peut être contre l'insertion à l'emploi. On a vu des cas absolument extraordinaires. J'en évoquais un dernièrement. C'est une des plus belles réalisations que j'ai vues dans ma vie. C'est ce qui s'est fait autour des ateliers Angus où on a ramené à l'emploi des jeunes assistés sociaux et dans l'emploi de reconstruction d'ordinateurs, donc la haute technologie. C'était très émouvant, c'est beau, etc., mais c'est des réalisations exceptionnelles.
Ce qu'il faut, c'est des mesures sur la garantie du support de l'État pour les personnes démunies. C'est ce à quoi nous en étions arrivés dans notre loi et c'est le recul qu'on nous impose. Et c'est fait d'une façon que certains pourraient dire subtile, d'autres plus brutalement qualifieront de perverse. Et je vous donne un exemple qui est au coeur de la loi. En effet, il est dit, à l'article 2 du projet de loi n° 57, que «celles-ci ? les personnes en situation de pauvreté ? devant être les premières à agir pour transformer leur situation et celle des membres de leur famille».
Vous me suivez? Ce qu'ils veulent qu'on mette dans la loi, c'est que ces personnes devant être... Qu'est-ce qu'il y avait dans l'ancienne loi? «Ces personnes sont...» On reconnaissait ? et c'est ça, la réalité ? que ces personnes-là font, d'abord et avant tout, tout ce qu'elles peuvent pour s'en sortir. Et j'en reparlerai. Mais là ce qu'on dit, c'est que ces personnes devraient faire ça. C'est du mépris et presque de la cruauté parce que est-ce que les gens sont en situation de détresse socioéconomique parce qu'ils aiment ça, parce qu'elles aiment ça? Est-ce que leur réflexe normal... Puis tout le monde le sait, on en a eu dans notre entourage, on en a eu dans notre famille, il est dans la nature humaine et dans l'instinct humain profond de faire tout ce qu'on peut pour satisfaire aux nécessités fondamentales, celles qui sont dans les premières pages du manuel de sciences économiques: se nourrir, se vêtir, se loger et se déplacer. À la naissance même, à la première bouffée d'oxygène respiré, la nature humaine pousse à ça à mesure que les moyens croissent, avec la croissance de la personne et avec la croissance de ses activités. Alors, au début, c'est ses parents qui vont le nourrir ? sa mère, en particulier, bien sûr, c'est dans la nature même ? et puis le vêtir, le loger, le déplacer, jusqu'au jour où il sera en mesure de faire ça lui-même. C'est l'instinct même de vie. Alors, quand ça ne se produit pas, quand quelqu'un ne peut plus se nourrir, ou se nourrir convenablement, parce qu'il y a des degrés dans tout ça, ça, c'est relatif, ou se vêtir convenablement surtout dans des climats rigoureux, se loger convenablement, toujours dans des climats rigoureux, ou se transporter quand il doit le faire, c'est qu'une détresse s'est installée contre son instinct profond et contre sa volonté.
C'est ce que la loi, jusqu'à ce jour, reconnaissait. Là, on vient de supposer l'inverse. On vient de supposer que, s'il ne se nourrit pas, c'est parce qu'il ne fait pas les efforts qu'il faut pour le faire, s'il n'a pas ce qu'il faut pour se vêtir, pour se loger convenablement, parce qu'il doit être celui qui le fait. Rien que ça, rien que ce virage de principe justifie notre combat contre l'adoption de cette loi et le combat de la majorité des groupes qui sont venus pour la combattre.
Nous avons d'autres raisons, nous avons d'autres raisons, et l'une d'entre elles tient aussi d'une rupture sociale grave. En démocratie, les partis politiques briguent les suffrages, font des promesses et des engagements, sont jugés sur ces promesses et ces engagements, ils sont élus et ne le sont pas. Et je participe, moi, à la vie démocratique du Québec depuis nombre d'années. Bien avant d'y être engagé directement comme parlementaire, je faisais partie des débats politiques. Déjà au cours des années soixante, j'étais ce qu'on appelle un révolutionnaire tranquille. Et on s'était habitué à ce principe que les partis, que ce soit celui de Jean Lesage, ou Daniel Johnson, ou les autres, font une série d'engagements et de promesses et généralement les respectent. C'est pour ça que, commentant les résultats des élections québécoises, j'ai toujours dit jusqu'à la dernière: En démocratie, le peuple ne se trompe jamais. En démocratie, le peuple ne se trompe jamais. C'est lui qui décide des gouvernements. Sauf que, depuis que le Parti libéral, version contemporaine, libéralo-conservatrice, néolibérale, est au pouvoir, j'ai rajouté une phrase: En démocratie, le peuple ne se trompe jamais, mais il peut être trompé. Et c'est ça qui est arrivé au cours des 15 derniers mois, et d'une façon grandiose, comme ce n'est jamais arrivé dans l'histoire du Québec.
Pas juste les plus démunis, ceux dont on parle aujourd'hui et qui sont les plus floués, ça, c'est sûr, mais vous allez demander aux gens de la recherche, recherche et développement, développement économique des régions, investissements dans le capital de risque ? on n'est pas tout à fait dans les préoccupations centrales de Vivian Labrie ? mais même ceux-là se sont sentis floués et trahis. C'est déjà grave, mais, quand on le fait aux plus démunis, c'est encore beaucoup plus grave.
Et je vais vous citer un petit ouvrage qui montre ? et ça ne s'applique pas aux promesses de Robert Bourassa, les auteurs ne se sont pas rendus là; elles étaient sûrement pas mal plus honorables et mieux tenus que celles du Parti libéral d'aujourd'hui ? c'est un ouvrage sous la direction de François Pétry, publié aux Presses de l'Université Laval: le Bilan des engagements électoraux [du] Parti québécois [de] 1994 à 2000, et c'est un ouvrage d'une grande rigueur scientifique, qui donne ses méthodes, des méthodes éprouvées dans le monde entier pour juger des engagements des partis politiques.
n(16 h 20)n Il est dit là-dedans que, dans deux domaines, M. le Président, les taux de respect des engagements du Parti québécois à travers ses promesses sont de 100 %. Quels sont ces domaines? L'éducation et la sécurité du revenu.
Les plus démunis au Québec ont pu croire aux engagements du Parti québécois et les voir respecter. Ce qui s'est passé depuis quelques mois est le contraire, et je crois que ça va rester dans la conscience populaire. Des gens qui sont dans le capital de risque, il y en a dans notre société, mais ce n'est pas 500 000 personnes, hein? Des gens qui sont dans la recherche et développement, il y en a beaucoup dans notre société, mais ce n'est pas 500 000 personnes. Mais, des démunis, il y en a beaucoup plus, hélas, comme dans la plupart des sociétés contemporaines. C'est pour ça qu'il fallait faire cette loi contre l'exclusion.
Or, les démunis, ils ont été littéralement floués. Dans une lettre où celui qui est le premier ministre aujourd'hui, mais qui était dans ce temps-là chef du Parti libéral du Québec et chef de l'opposition, une lettre qu'il a signée de sa main, Montréal, le 7 avril ? il envoyait ça en particulier à des représentants de mouvements sociaux, de ceux qui représentent les plus démunis, peut-être que Vivian Labrie en a reçu une copie, de cette lettre s'engageant sur le plan social pour le Parti libéral, où il dit: «Nos engagements prévoient déjà l'adoption de certaines mesures urgentes ? alors, on n'est pas deux semaines après l'élection, là ? dont la gratuité des médicaments pour les personnes âgées recevant le supplément du revenu et les personnes assistées sociales.» Quel est l'état de cet engagement? Je pense que M. François Pétry, que je ne connais pas, mais qui est un intellectuel respectable, devrait écrire maintenant un ouvrage sur les engagements du Parti libéral et leur taux de respect de ces engagements, à commencer par ce qu'il a fait aux plus démunis: gratuité des médicaments aux personnes âgées, indexation des prestations de dernier recours. Il n'était pas obligé de s'engager à ça. Des néolibéraux conservateurs rétrogrades sur la plupart des sujets n'auraient pas fait scandale en ne s'engageant pas, mais ils se sont engagés. Établissement d'un seuil minimal de prestations, barème plancher en deçà duquel aucune pénalité ne sera imposée, sauf en cas de fraude.
Alors, on a vu, M. le Président, qu'il y avait déjà un premier principe grave de violé par ce changement du fardeau des solidarités, mais là on voit aussi que, pour ajouter à la détresse des assistés sociaux, et des démunis, et de ceux qui les défendent, on a fait des engagements formels qu'on n'a pas respectés. On est allé au-delà de ça. Non seulement on n'a pas respecté les engagements, mais, par une obsession aussi néolibérale de baisse des impôts, promesse formelle: 1 milliard par année... Ça fait 5 milliards donc au cumulatif. Ça fait beaucoup plus que ça au bout des cinq ans. Heureusement, rien ne s'est produit de cela. C'est le contraire malheureusement qui est arrivé, puisqu'on a coupé 57 millions dans les budgets d'Emploi-Québec.
Or, si j'ai bien compris la soi-disant logique de la nouvelle approche, c'est le retour à l'emploi et l'insertion à l'emploi. Alors, on prêche d'un côté l'insertion à l'emploi et, d'un autre côté, on diminue les ressources nécessaires pour y arriver, sans compter les hausses répétitives des tarifs: services de garde... En démocratie, le peuple ne se trompe jamais, mais il peut être trompé. Il se fait dire: Les services de garde vont rester à 5 $; ils sont rendus à 7 $.
Le Vice-Président (M. Gendron): Excusez-moi, M. le chef de l'opposition. Excusez-moi, c'est parce que le terme «trompé»... On ne peut pas utiliser le terme «trompé» en cette Assemblée.
Une voix: ...
Le Vice-Président (M. Gendron): Non, mais...
Des voix: ...
Le Vice-Président (M. Gendron): S'il vous plaît! S'il vous plaît! S'il vous plaît, je n'ai pas besoin, là, pour l'instant de complément. Le terme «trompé», dans le lexique parlementaire, ici, est un terme qu'on ne doit pas utiliser. Je connais votre capacité extraordinaire de trouver un paquet de synonymes, et c'est dans ce sens-là. Et je ne veux pas soulever de débat, mais l'expression «trompé» est un terme à proscrire ici, à cette Assemblée. Alors, je connais votre capacité de trouver toutes sortes de synonymes, mais qui me permettront, à ce moment-là, d'apprécier le règlement tel qu'on le permet.
M. Landry: M. le Président, vous avez suivi des cours à l'Université du Québec à Montréal, qui est une des meilleures institutions du Québec. Est-ce que vous incluez «tromper» à la forme pronominale, comme je l'ai utilisé, ou à la forme active?
Des voix: ...
Le Vice-Président (M. Gendron): Oui, Mme la députée.
Mme Lamquin-Éthier: ...clairement retenu par la jurisprudence, qui est fort nombreuse, et d'ailleurs je pourrais donner la liste des décisions qui ont été rendues à cet effet-là, que l'utilisation du terme que vous venez de faire n'est pas conforme au règlement auquel nous devons toutes et tous répondre.
Le Vice-Président (M. Gendron): C'est ce que j'avais aimablement signalé. C'est ce que j'avais aimablement signalé à cette Assemblée. On n'utilise pas le terme «tromper», dans cette Assemblée. Et il y a beaucoup d'autres collègues qui sont intervenus sur ce projet de loi là. J'ai entendu toutes sortes d'expressions qui traduisaient la pensée de celui qui veut exprimer son exposé, sans utiliser l'expression «tromper».
M. Landry: Bon. Alors, on va y aller plus clair et plus raide. Ils ont promis au monde, ils ont promis au monde toute une série de choses dont j'ai parlé et où ils ne l'ont pas fait, où ils ont fait le contraire.
Des voix: ...
Le Vice-Président (M. Gendron): Un instant! Là, on a un autre problème, M. le chef de l'opposition officielle. Effectivement, le temps imparti pour votre exposé étant écoulé ? et ce n'est pas moi qui ai provoqué la situation, là ? et en conséquence...
Une voix: ...
Le Vice-Président (M. Gendron): ...oui ? en conséquence, je vous demanderais tout simplement de conclure, parce qu'il y a une vieille tradition qui vous permet effectivement de conclure quand même votre intervention, compte tenu que c'est moi-même qui l'ai soulevée.
M. Landry: Avec votre objection, M. le Président, vous m'avez rendu service, en fait.
Une voix: ...
Le Vice-Président (M. Gendron): Un instant! Ce ne sera pas long. Je pense effectivement que, quand c'est la présidence qui doit signaler et que ça donne lieu à ce qu'on a assisté, minimalement, il me semble qu'on peut laisser à celui qui avait la parole le temps de conclure, en lui indiquant que le temps imparti pour son exposé est terminé. Et j'ai vu souvent, en cette Chambre, un 10, 12, 15 secondes pour conclure, mais à condition qu'effectivement ce soit la conclusion de l'intervention du chef de l'opposition officielle. Alors, c'est ce que je demande à cette Assemblée, et ça va être plus simple que de plaider un argumentaire que je n'ai pas besoin.
Une voix: ...
Le Vice-Président (M. Gendron): Avez-vous une question de règlement?
Mme Lamquin-Éthier: Oui, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, c'est laquelle?
Mme Lamquin-Éthier: L'adoption de principe...
Le Vice-Président (M. Gendron): Ce n'est pas une question...
Mme Lamquin-Éthier: ...
Le Vice-Président (M. Gendron): Non.
Une voix: ...
Le Vice-Président (M. Gendron): S'il vous plaît! Non, mais je voulais juste vous indiquer que ce n'est pas suite à des discussions avec les leaders qu'il y a eu un temps imparti; c'est le règlement. Alors, ça n'a rien à voir avec les leaders. Le règlement prévoit que, pour toute intervention sur le principe d'un projet de loi, c'est 20 minutes. J'ai soulevé, quelques minutes avant, une question de règlement qui a donné lieu au débat auquel les parlementaires ont assisté. Il me semble ? puis c'est aussi basé sur la jurisprudence ? convenable d'indiquer qu'il ne reste plus de temps, et, en conséquence, je permets au chef de l'opposition, pas d'y aller d'une dizaine de phrases, de conclure son intervention parce qu'effectivement le temps est épuisé. Alors, M. le chef de l'opposition, pour conclure.
M. Landry: Merci, M. le Président. Vous me forcez en fait à une conclusion que je vais faire plus raide encore que celle que j'aurais faite si vous ne m'aviez pas acculé à le faire en si peu de mots.
Ceux qui sont en face de nous ont promis à la population du Québec et aux plus démunis en particulier un certain nombre de choses qui allaient améliorer leur sort. Ils n'ont pas fait ces choses et ont fait un certain nombre de choses qui ont empiré le sort des plus démunis. C'est ça, ma conclusion, M. le Président.
n(16 h 30)nLe Vice-Président (M. Gendron): Merci, M. le chef de l'opposition. Je suis disponible à reconnaître le prochain intervenant sur le principe du projet de loi n° 57. Et je reconnais maintenant pour son intervention M. le député de Mercier. Alors, à vous la parole.
M. Daniel Turp
M. Turp: Merci, M. le Président. À mon tour, je prends la parole, au nom de l'opposition officielle, au sujet de ce projet de loi n° 57, Loi sur l'aide aux personnes et aux familles, un projet de loi dont on pourrait penser qu'il vise à mettre en oeuvre ce grand principe, ce grand droit qui est reconnu dans les instruments tant nationaux qu'internationaux relatifs aux droits de la personne, le droit à un niveau de vie décent.
D'ailleurs, ce grand instrument international qu'est le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels est, après la Déclaration universelle des droits de l'homme, l'un des premiers instruments internationaux à créer l'obligation pour les États d'adopter des mesures visant à créer en leur sein, au sein de leur société, une vie décente pour les individus qui y habitent et qui élèvent cette obligation de l'État au rang d'un droit, d'un droit fondamental. Et ce doit être la préoccupation d'une société que d'assurer que les enfants, les femmes et les hommes qui y vivent ont et aient un droit à un niveau de vie décent.
Et c'est d'ailleurs le gouvernement du Québec qui rappelait, dans un rapport qui était transmit à l'Organisation des Nations Unies par le biais du Comité des droits économiques, sociaux et culturels tout récemment, au début du mois d'octobre dernier, que la loi que vise à remplacer cette loi, la loi sur la sécurité, la loi du soutien du revenu et favoriser l'emploi et la solidarité, est une loi qui visait justement à mettre en oeuvre ce droit à un niveau de vie décent que codifie et que reconnaît l'article 45 de la Charte des droits et libertés du Québec mais aussi le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Donc, au niveau international, dans le cadre du forum international que sont les Nations Unies, on reconnaît cette obligation si importante d'assurer le respect à un droit ou à un niveau de vie suffisant, un droit de vie décent.
Et, M. le Président, cette Assemblée a invité un certain nombre de groupes en commission parlementaire à venir leur indiquer si la loi que projette de faire adopter le gouvernement par cette Assemblée en est une qui assurera l'exercice de ce droit et en assurera surtout le respect. Et ces groupes et personnes qui ont examiné le projet de loi n° 57 ont, dans la très grande majorité d'entre eux, récusé ce projet de loi. Ils en demandent d'ailleurs, comme nous le faisons nous-mêmes ici dans l'opposition officielle, le retrait. Et je crois que le gouvernement, à la suite de ces interventions et de ces demandes, devrait faire la chose qui s'impose: retirer ce projet de loi, refaire ses devoirs. Tous ces groupes, toutes ces personnes qui ont investi un temps important dans l'examen du projet de loi n° 57 arrivent à cette conclusion.
Et l'opposition officielle les accompagne dans ce jugement sévère, dans ce jugement très sévère d'une loi qui n'est pas une loi qui correspond aux objectifs, qui correspond aux attentes qui ont été créées par cette loi n° 112 qui avait été adoptée sous l'égide du gouvernement précédent et qui visait à combattre la pauvreté et à lutter contre l'exclusion sociale. Une loi qui a été considérée comme une loi pionnière dans le monde occidental, et qui a fait l'unanimité en cette Chambre, et qui a fait, je crois, une bonne impression ici et ailleurs dans le monde, une loi qui crée des obligations pour l'État québécois, qui l'obligeait d'ailleurs à adopter un plan d'action de lutte contre la pauvreté, dont on a mis beaucoup de temps d'ailleurs à adopter et à rendre public.
On n'a d'ailleurs pas respecté non seulement l'esprit, mais la lettre de la loi lorsqu'il s'est agi d'adopter un plan d'action de lutte contre la pauvreté, et nous avons été nombreux à attendre trop patiemment le dépôt de ce plan d'action que cette loi et ce projet de loi n° 57 visent à mettre en oeuvre, puisqu'on dit qu'il s'agit là de l'objet de cette loi, celle d'appliquer la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale et en mettre en oeuvre le plan d'action qui y a donné suite.
M. le Président, donc, c'est avec un certain confort que l'opposition officielle peut s'autoriser à demander le retrait de ce projet de loi, puisque la très grande majorité de ceux qui l'ont examiné avec attention demandent ce retrait. C'est l'une des conclusions principales à laquelle arrivent ces nombreux groupes et personnes qui ont témoigné devant la commission parlementaire.
Et, M. le Président, je crois que c'est un honneur à faire au Collectif pour un Québec sans pauvreté que de référer à ce document qu'il a préparé, ce bilan qu'il a préparé des consultations de la Commission des affaires sociales, un bilan dont je dois dire, en présence d'ailleurs de l'une de ses grandes animatrices, Vivian Labrie, qu'il est très bien fait, il est fait avec ce souci d'ailleurs d'une clarté, d'une vulgarisation. Les personnes qui pourront lire ce bilan qu'a fait le Collectif pour un Québec sans pauvreté... est un document accessible, un document qui peut être lu et compris par les personnes qui veulent en savoir plus long sur ce projet de loi n° 57 et ses impacts et les conséquences qui pourraient être les siennes s'il devait être adopté. Et je loue l'effort que fait le collectif pour que des personnes puissent comprendre les enjeux du débat qui est un débat qui se poursuit ici, à l'Assemblée nationale, un document qui peut être compris non seulement par les parlementaires que nous sommes, les spécialistes de questions sociales qui s'y connaissent dans le vocabulaire, la terminologie, qui connaissent les lois, les lois d'origine, la Loi sur l'aide sociale, qui avait été adoptée dès la décennie des années soixante, tout comme les lois plus récentes comme la loi n° 112 et les plans d'action qui ont été adoptés par le passé et qui ont été récemment rendus publics par l'actuel gouvernement.
Et donc j'invite les citoyens et les citoyennes qui nous écoutent à vouloir comprendre ce débat et, pour bien le comprendre, je les invite à examiner et à lire ce document, un document d'ailleurs qui s'intitule de façon évocatrice comme ceci: Back to the Future, du nom d'un film que certains ont vu avec leurs enfants, avec leur famille, certainement, mais dont le sous-titre est: Que sont les droits devenus? Que sont les droits devenus, M. le Président? Et c'est d'ailleurs à l'enseigne de ces droits que j'ai commencé mon intervention en rappelant l'obligation qu'a l'État québécois de respecter sa charte mais aussi les obligations internationales qu'il a assumées en acceptant les obligations du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels que le Québec a consenti à être lié à l'occasion d'un acte qu'il posait dès 1976.
Et, M. le Président, ce document que je vous invite à lire, comme j'invite les citoyens et les citoyennes du Québec à lire, nous informe de ceci ? le résumé est très bien fait, je crois que ça vaut la peine de faire connaître le résumé de ce document: En résumé, nous dit-on, la position majoritaire exprimée en commission parlementaire va dans le sens du retrait du projet de loi n° 57 sur l'aide sociale, de la couverture des besoins dans la dignité sur une base de droit et de l'indexation complète de l'ensemble des prestations pour janvier 2005. La position réitérée par le ministre, lit-on, au début comme à la clôture de la commission, va dans le sens de préjugés, de préjugés et de l'appauvrissement des plus pauvres et du retour à des régimes fragmentés comme ce qui existait avant la première Loi sur l'aide sociale de 1969. Il y avait eu beaucoup d'objections à cette position, nous rappelle-t-on, et le futur meilleur doit primer sur le futur à reculons.
n(16 h 40)n Et, M. le Président, quand le Collectif pour un Québec sans pauvreté présente le bilan de façon un petit peu plus précise et compile l'ensemble des présentations, voici ce que nous apprenons. Nous apprenons que 35 des 45 personnes et groupes qui se sont présentés en commission ont exigé le retrait du projet de loi n° 57, que 41 groupes sur 47 ont exigé la couverture des besoins par la prestation d'aide sociale et que 43 sur 48 ont exigé l'indexation complète de l'ensemble des prestations prévues pour janvier 2005, une indexation complète que nous avons réclamée ici, à l'Assemblée nationale, à l'occasion d'une période de questions où notre porte-parole, le député de Vachon, a demandé une question simple, s'il allait respecter les promesses faites par le gouvernement pendant sa campagne électorale et dans ses engagements électoraux. Une promesse dont on a su qu'elle ne serait pas respectée. Une promesse que le gouvernement du Parti libéral du Québec, comme l'a rappelé le chef de l'opposition officielle, ne tiendra pas parce que, aujourd'hui, lorsqu'on a devant nous le projet de loi n° 57, on constate que le parti gouvernemental ne tiendra pas la promesse qu'il a faite et aura ainsi démontré une fois de plus que la base sur laquelle il s'est fait élire en cette matière est une base qui n'est plus fondée et que les citoyens et les citoyennes devraient donc se rappeler que, lorsqu'ils ont entendu le gouvernement du Parti libéral promettre l'indexation complète des prestations, bien, écoutez, c'est une promesse qu'il ne voulait pas de toute évidence tenir et qu'il ne faisait que pour des fins éminemment électorales, pour remporter une élection.
Et, M. le Président, je crois que les citoyens et les citoyennes deviennent très cyniques à l'égard de la classe politique et de l'agent politique lorsqu'ils constatent qu'au lendemain d'une élection ils ne respectent pas les promesses les plus importantes. Et je crois que ceux qui sont dans le besoin, ceux qui sont visés justement par cette loi n'apprécieront pas de constater que le gouvernement n'aura pas rempli cet engagement électoral qui s'adressait en particulier à ces personnes, mais qui s'adressait au Québec dans son ensemble.
Et, M. le Président, ce qui doit nous inquiéter et inquiéter collectivement les Québécoises et les Québécois, c'est que ce projet de loi n° 57, comme nous le rappelle à nouveau le Collectif pour un Québec sans pauvreté, nous ramène à la société québécoise, il nous ramène 40 ans en arrière en matière de sécurité de revenu et il nous amène à une ère de régimes particuliers, à une ère d'arbitraire. D'ailleurs, il multiplie les programmes d'aide sociale, de solidarité sociale, d'Alternative jeunesse à un tel point où on peut dire de ce régime qui est créé qu'il s'agit d'un régime d'une complexité telle que les personnes à qui il s'adresse, même les groupes de soutien, ces avocats d'ailleurs qui prêtent main forte à des prestataires, auront beaucoup de difficultés à se retrouver dans un régime d'aide sociale de plus en plus complexe et qui va rendre très difficile la compréhension même des droits, des obligations du gouvernement.
Sans parler d'ailleurs, et c'est une des critiques que nous avons formulées et qu'ont formulées beaucoup de groupes, il y aura des difficultés supplémentaires lorsqu'il s'agira de se plaindre du refus d'offrir des prestations auxquelles on aurait droit parce qu'il y aura une disparition ? en tout cas, dans l'état actuel des choses, la loi va dans ce sens-là ? du Bureau de renseignements et de plaintes et une augmentation corollaire de l'arbitraire du ministre, et une disparition des droits de recours dans plusieurs cas. Et là on devrait aussi se préoccuper du fait que des droits doivent, dans un État de droit, dans un système qui vit selon la règle de droit, la «rule of law», un droit devrait toujours être accompagné de recours, hein. «There are no rights without remedies», disent les juristes. Et cela va aussi pour les prestataires de programmes d'aide, ou de solidarité sociale, ou de ces autres programmes, qui vont se voir refuser l'accès à des programmes mais qui n'auront pas de recours pour assurer que leurs droits sont respectés et que les obligations de l'État sont assumées comme elles le doivent.
Alors, M. le Président, l'on doit beaucoup s'inquiéter de ce projet de loi, de ce projet de loi n° 57 qui, comme on l'a dit, écarte les grandes réformes de l'aide sociale qui ont été adoptées auparavant et qui faisaient, dans une importante mesure, consensus dans cette Assemblée, qui faisaient du Québec un modèle pour beaucoup d'autres sociétés lorsqu'il s'agissait de l'aide sociale, et qui permettaient d'assurer cette espèce de devoir de solidarité qui a caractérisé longtemps le Québec et dont on pourrait craindre qu'il va être mis en péril par le projet de loi n° 57. Ce dont une société doit être fière... Pour être une société civilisée, je dirais que l'une des façons pour un État de le démontrer et pour un Parlement de l'assurer, c'est d'assurer les droits et les recours aux personnes les plus démunies de notre société. C'est une façon de distribuer cette richesse qui est celle du Québec, une grande richesse, richesse dont on ne saurait être fier que si elle est distribuée adéquatement parmi les citoyens et les citoyennes du Québec.
Et, M. le Président, cette richesse que l'on crée, cette richesse dont on constate l'existence et l'importance au Québec... je vois, même dans ma circonscription de Mercier, sur le plateau Mont-Royal, une circonscription dont on dit qu'elle se gentrifie ou qu'elle s'embourgeoise parce qu'il y a plusieurs personnes démunies qui doivent quitter ma circonscription parce que, par exemple, les prix du logement ont terriblement augmenté dans cette circonscription, bien il y a encore, dans cette circonscription dont on constate qu'elle s'enrichit, des noyaux de pauvreté, des masses critiques dans certaines parties de cette circonscription, dans la partie est de cette circonscription, dans la partie ouest, dans le Mile End et dans le district de Jeanne-Mance, des gens très pauvres, des gens qui... Et je les ai rencontrés, je les ai vus, je les côtoie au Resto Plateau, je travaille avec Action Solidarité Grand Plateau qui travaille avec ces groupes.
Vous savez, je ne serai fier du Québec, je ne serai fier de ce Parlement et de l'État du Québec que lorsque dans ma circonscription, comme dans toutes autres circonscriptions du Québec, la richesse aura été mieux distribuée. Et ce n'est pas le projet de loi n° 57 qui contribuera à une meilleure distribution de la richesse au Québec. M. le Président, je vous remercie.
Le Vice-Président (M. Cusano): Merci, M. le député de Mercier. M. le député de Saint-Maurice.
M. Pinard: Merci, M. le Président. M. le Président, j'aimerais me prévaloir de notre règlement, l'article 213. J'aimerais, M. le Président, si le député de Mercier veut bien l'accepter, j'aimerais lui poser une question concernant justement le projet de loi n° 57, M. le Président.
n(16 h 50)nLe Vice-Président (M. Cusano): Alors, M. le député de Mercier, en vertu de l'article 213, le député de Saint-Maurice désire vous adresser une question. Est-ce que vous acceptez de répondre à une de ses questions?
M. Turp: J'y consens avec plaisir, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Cusano): Alors, M. le député de Saint-Maurice, brièvement. Je vous rappelle que la question doit être brève et la réponse doit être brève aussi.
M. Pinard: Alors, merci beaucoup, M. le Président. Comme vous l'avez sûrement entendu cet après-midi, lorsque j'ai fait mon allocution, M. le Président, j'ai parlé de la misère, j'ai parlé d'une couche importante de la population du comté de Saint-Maurice qui va être affectée par cette loi n° 57.
Le Vice-Président (M. Cusano): Votre question.
M. Pinard: Alors, M. le Président, j'aimerais, j'aimerais savoir de la part du député de Mercier, Mercier qui est un comté de la grande ville de Montréal, de l'île importante, là où il y a beaucoup de richesse...
Le Vice-Président (M. Cusano): Votre question.
M. Pinard: ...je voudrais savoir, M. le Président, est-ce qu'effectivement, dans le comté de Mercier, il y aura une couche importante, un pourcentage important de citoyens et citoyennes qui vivent malheureusement dans une situation financière très, très, très délicate?
Le Vice-Président (M. Cusano): Alors, la question étant posée, M. le député de Saint-Maurice, je dois vous dire que la question était un peu longue. Je demanderais au député de Mercier d'être bref dans sa réponse.
M. Turp: Merci, M. le Président. Je remercie mon collègue pour sa question, et effectivement on pourrait penser que, dans certaines circonscriptions montréalaises, notamment la mienne, le phénomène de la pauvreté va en s'endiguant, qu'il y a moins de pauvres, mais la réalité, dans ma circonscription, c'est une réalité où les cas d'extrême pauvreté se multiplient. Et je crois qu'on doit être encore plus inquiets lorsque la pauvreté atteint un niveau extrême et que les prestations, par exemple, cette prestation mensuelle de 533 $, perd 30 % de sa valeur, et cela ne contribuera pas à endiguer la pauvreté dans ma circonscription, comme la vôtre, comme celle...
Le Vice-Président (M. Cusano): M. le député de Mercier, je vous ai demandé d'être bref.
Alors, on poursuit le débat sur le projet de loi, sur l'adoption du principe du projet de loi n° 57, Loi sur l'aide aux personnes et aux familles, et je suis prêt à reconnaître le prochain intervenant. M. le député de René-Lévesque.
M. Marjolain Dufour
M. Dufour: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, à mon tour d'intervenir sur ce débat de principe sur le projet de loi n° 57, Loi sur l'aide aux personnes et aux familles, alors en faire l'état de situation, M. le Président.
Le 11 juin dernier, le ministre de l'Emploi, de la Solidarité sociale et de la Famille déposait le projet de loi n° 57, Loi sur l'aide aux personnes et aux familles. Ce projet de loi a fait l'objet de nombreuses critiques de la part des groupes de défense de droits des personnes assistées sociales et des organismes à même le gouvernement, comme la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, la Protectrice du citoyen et le Conseil de la famille et de l'enfance.
Sans faire la nomenclature de tous ceux qui ont demandé le retrait du projet de loi, peut-être y aller au niveau des grands enjeux. Alors, le projet de loi n° 57, M. le Président, transforme le régime de sécurité actuel au niveau de quatre programmes: au niveau de l'aide sociale pour les personnes sans contraintes sévères à l'emploi, au niveau de la solidarité sociale pour les personnes ayant des contraintes sévères à l'emploi, au niveau d'Alternative jeunesse pour les jeunes adultes de moins de 25 ans, et au niveau des programmes spécifiques pour les personnes et les familles présentant des difficultés particulières.
Au niveau des primes à la participation, selon le projet de loi n° 57, les mesures et les services offerts doivent favoriser l'autonomie économique et sociale des personnes et des familles. Pour ce faire, le projet de loi n° 57 crée la prime à la participation. Nous savons que cette prime est dotée d'un budget de 129 millions de dollars par année. Ce budget est nettement insuffisant pour offrir une prime intéressante pour tous. La prime se présente sous deux formes: allocation de travail et allocation de participation. L'allocation de travail variera entre 130 $ à 150 $ par mois mais ne sera accessible qu'à 10 % des personnes admissibles. L'allocation de participation peut être offerte pour reconnaître la participation à des activités communautaires. La hauteur de la prime n'est pas encore connue non plus ni ses modalités d'application. Le ministre a clairement dit qu'il n'avait pas de vision quant à l'utilisation de cette prime. La prime à la participation est vue comme un incitatif au travail et à l'insertion sociale mais est surtout vue comme une façon de compenser une prestation nettement insuffisante pour couvrir les besoins essentiels. Autrement dit, le projet de loi n° 57 joue la subsistance contre l'effort dans un exercice de réciprocité inégale et est loin de compenser pour une prestation déficiente.
Au niveau de l'abolition du Bureau des renseignements et des plaintes, la loi actuelle prévoit l'existence d'un bureau des renseignements et des plaintes qui est le résultat de recommandations du Protecteur du citoyen. Toute référence à ce bureau disparaît du projet de loi n° 57, cela dans un contexte où des programmes spécifiques sont créés et où les droits de recours dans ces programmes sont niés.
Au niveau du dépôt du règlement accompagnant ce projet de loi, le projet de loi réfère à plusieurs reprises au règlement que doit préciser la loi. Or, le ministre n'a toujours pas déposé ce projet de règlement et il ne donne aucun signe de son intention de le faire. Cela se traduit par un manque d'informations importantes qui permettront de juger de la portée du projet de loi à l'étude. 38 % des groupes entendus ont reproché au ministre ce manque de transparence.
Au niveau des couvertures des besoins essentiels et indexation partielle, le plan d'action déposé par le ministre en avril dernier prévoit que les prestations des personnes n'ayant pas de contraintes sévères à l'emploi seront indexées à 50 % alors que celles des personnes à contraintes sévères le sont à 100 %. Cette décision aura pour effet d'appauvrir davantage les prestataires et les éloignera de plus en plus d'une nouvelle éventuelle couverture des besoins essentiels. On remplace les pénalités pour refus de participation à un parcours pour l'appauvrissement progressif des personnes sans contraintes à l'emploi dans le dessein de les forcer à quitter une situation de plus en plus aversive.
M. le Président, le projet de loi n° 57 contient aussi plusieurs autres mesures qui suscitent de l'inquiétude chez les groupes: abolition du supplément de 111 $ versé aux prestataires de 55 ans et plus; aucune indication sur l'exemption du calcul de la pension alimentaire dans le montant de prestation; abolition du droit de recours pour les participants au programme Alternative jeunesse. Je me permets, M. le Président, de vous lire un passage de mon collègue de Vachon dans une intervention qu'il a faite: «Le ministre se targue d'investir dans cette lutte à la pauvreté autour de 2,5 milliards de dollars sur cinq ans. On pourrait peut-être lui rappeler qu'il finance largement, et très largement cette lutte à la pauvreté par des taxes et des hausses de tarifs qui frappent directement les familles dont le revenu est précaire et/ou les familles à très bas revenus. L'augmentation de tarifs de garde, M. le Président, ça représente combien, pensez-vous? Sur cinq ans, 850 millions de dollars. L'abolition des déductions fiscales pour les familles? 1 milliard de dollars. L'augmentation des tarifs d'électricité? On n'ose quasiment pas dire le chiffre. Comme c'est parti là, si on fait l'extrapolation sur ce qui a déjà été accordé, 3 milliards en cinq ans. L'augmentation des primes d'assurance médicaments? 310 millions sur cinq ans. Alors, M. le Président, le Parti libéral, qui nous dit qu'il va aider les familles les plus démunies, va chercher une bonne partie de son financement de cette lutte à la pauvreté dans les poches mêmes de celles et de ceux qu'il prétend aider.»n(17 heures)n Au niveau du non-respect des engagements pris en campagne électorale par le premier ministre, voici la lettre du 7 avril 2003, et, pour le bien de ceux et celles qui nous écoutent, M. le Président, je vais en faire une lecture: «La présente vise à donner suite à votre communication du 14 mars dernier portant sur l'exclusion sociale et la pauvreté. Je peux vous assurer que la Loi visant contre la pauvreté et l'exclusion sociale sera respectée dans le prochain mandat du gouvernement libéral, puisque notre formation politique, depuis novembre 2000, a constamment poussé l'ancien gouvernement pour qu'il réponde aux demandes de 215 000 pétitionnaires qui appuyaient la démarche du Collectif pour une loi sur l'élimination de la pauvreté. Le gouvernement précédent refusait même d'envisager une loi dans sa stratégie nationale pour lutter contre la pauvreté lancée au printemps 2001, soit plus d'un an après le dépôt de la pétition. Cette loi est maintenant en vigueur et elle le restera parce qu'elle représente l'espoir d'un Québec sans pauvreté pour des milliers de personnes.
«De plus, cette loi s'inspire largement des valeurs de justice sociale qui animent l'action politique du Parti libéral du Québec. C'est d'ailleurs pour cette raison que le Parti libéral du Québec a appuyé la démarche du collectif. Nous sommes fiers de notre participation aux travaux, nous sommes fiers des améliorations significatives que nous avons proposées au projet de loi déposé en juin 2002, notamment l'ajout d'une clause d'impact et du principe du barème plancher. Le chemin à parcourir est maintenant tracé par la loi.
«Nos engagements prévoient déjà l'adoption de certaines mesures urgentes dont la gratuité des médicaments pour les personnes âgées recevant le supplément du revenu et les personnes assistées sociales, l'indexation des prestations de dernier recours, l'établissement d'un seuil minimal de prestation ? barème plancher ? en deçà duquel aucune pénalité ne sera imposée, sauf en cas de fraude. De plus, le cadre financier de notre programme prévoit un investissement de 850 millions de dollars sur cinq ans au chapitre de la valorisation du travail et du soutien du revenu.
«Un gouvernement libéral travaillera avec les personnes en situation de pauvreté pour s'assurer que les ressources disponibles soient utilisées avec intelligence et cohérence, dans le respect des personnes et de leurs besoins.» Alors, à la lueur, M. le Président, des groupes que nous avons reçus, c'est une promesse électorale non tenue.
Peut-être quelques lectures de commentaires qui ont été dits en commission parlementaire sur le projet de loi n° 57, M. le Président: «Dans la continuité de loi n° 112 et du plan d'action pour lutter contre la pauvreté, le ministre allègue depuis le début de la commission que le projet de loi n° 57 est la continuité de la philosophie mise en place avec la loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale, loi n° 112, et le plan d'action déposé en avril 2004. Malheureusement, le ministre est le seul à le croire.» Alors, l'Ordre professionnel des travailleurs sociaux du Québec répond: «L'Ordre professionnel des travailleurs sociaux du Québec considère que le projet de loi n° 57 s'inscrit à contre-courant de la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale et de l'article 45 de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne. Nous demandons donc au ministre de l'Emploi, de la Solidarité sociale et de la Famille de le retirer. Ce projet de loi ne permettra pas au gouvernement du Québec de réaliser une réforme de l'aide sociale conforme aux requêtes que nous formulons depuis plusieurs années.» Que dit le vice-président de la CSN, M. Louis Roy: «Ce projet de loi est mal ficelé; il est surtout incohérent, mal articulé au regard des prescriptions de la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale votée en décembre 2002 ? qui découlait des travaux et de la mobilisation du Collectif pour un Québec sans pauvreté auquel la CSN avait activement participé. Il y a près de 400 000 adultes au Québec qui dépendent de l'aide sociale ou de derniers recours pour leur survie et celle de leur famille. On ne peut se permettre de bâcler la révision de l'ensemble des dispositions législatives définissant les droits et les modalités de cette aide.» Que dit le Regroupement des groupes populaires en alphabétisation du Québec? «Le Regroupement des groupes populaires en alphabétisation du Québec rejette en bloc le projet de loi sur l'aide sociale, le considérant contraire aux exigences de la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Ce projet de loi ne fait rien pour améliorer le sort des personnes dans le besoin et menace d'ériger l'arbitraire en une norme décisionnelle.» Au niveau des indexations de prestation, tout au long de la commission parlementaire, le ministre a tenté de justifier sa décision d'indexer 50 % des prestations des personnes aptes en alléguant que le précédent gouvernement n'a pas indexé pendant plusieurs années. Cet argument est totalement illogique, car, si c'était absurde de ne pas indexer, il est d'autant plus important d'inclure le principe d'indexation annuel automatique dans le projet de loi n° 57 pour éviter justement que de telles situations se répètent.
Dans le mémoire de la Protectrice du citoyen, en page 5: «Il est clair, à la lecture du plan d'action et du projet de loi n° 57, que le ministre compte sur des mesures comme la Prime au travail et la prime à la participation pour compenser l'indexation partielle de la prestation. Pour les personnes aptes au travail, une telle indexation aura pour résultat de diminuer le pouvoir d'achat des prestataires et le ministre remplira son objectif de valorisation des efforts en assommant davantage les prestataires de l'aide sociale.» 72 % des groupes sont venus nous dire que la demi-indexation de la prestation aura des impacts sur le revenu et sur la motivation des gens. «En terminant sur cette problématique de l'indexation, je pose la question suivante: Est-il indispensable de faire marche arrière et d'instaurer une inégalité de traitement pour des catégories de personnes qui, somme toute, connaissent les mêmes difficultés financières? En d'autres termes, l'indexation ne devrait-elle pas être accordée à tous les prestataires, sans égard à leur statut, puisque le marché, lui, ne crée pas de distinction?» Au niveau de la prestation de contraintes temporaires pour les personnes âgées de 55 ans, cette modification est perçue comme un recul par de nombreux groupes, puisqu'il s'agit de la perte d'une prestation. De plus, la raison invoquée par le ministre ne nous semble pas recevable. Les modifications qu'il a apportées au règlement qui coupe de 100 $ les prestations des personnes qui habitent chez leurs parents ne laissent rien présager de bon pour les personnes de 55 ans et plus, puisque l'allocation, elle, elle est de 111 $. Par ailleurs, les interventions du ministre sur la pénurie de main-d'oeuvre et sa volonté d'assurer une participation plus longue des personnes de 55 ans et plus au marché du travail nous fait craindre un rehaussement de l'âge prévu au règlement pour l'admissibilité de cette prestation additionnelle. Le transfert de l'âge de la loi vers le règlement rendra toute modification d'autant plus difficile.
Je pourrais en lire d'autres, M. le Président, il y en a beaucoup. Mais le temps s'écoule. Je voudrais tout simplement... Je parlais de M. le député de Vachon, dans son intervention, qui parlait qu'une bonne partie de son financement, de cette lutte à la pauvreté, est dans la poche même de celles et de ceux qu'il prétend aider et pris dans une main et donné dans l'autre. Il est important, comme député de mon comté, député du comté de René-Lévesque, de signifier quelques correspondances, justement, sur des tarifs.
J'ai reçu à mon bureau... Et le chef de l'opposition officielle, ce matin, parlait des hausses au niveau énergétique, les hausses d'Hydro-Québec. Alors, je lis un article de Mme Hélène Baril qui signifie que Hydro réclame une hausse de 2,7 % à compter du 1er avril 2005. Si la société d'État obtient gain de cause, il s'agira de la troisième augmentation du prix de l'électricité en un peu plus d'un an pour un bon total de 7,1 %.
Fait à remarquer, M. le Président, pendant cette période, le niveau de l'inflation n'a augmenté que d'environ 2 %. Alors, il est important que je lise quelques correspondances que j'ai eues parce que ce n'est pas anodin en soi. Le député de Vachon faisait la nomenclature d'un document, la semaine dernière, que le vrai cadeau était dans des moins. Sur une personne monoparentale, un enfant, un revenu de 40 000 $, c'était moins 164 $. Alors, je vais lire une lettre, mais je peux vous dire que j'en ai une chemise pleine. Mais c'est important que je la signifie.
Ça vient de l'Alliance des femmes, qui est adressée à M. Marjolain Dufour, député, comté René-Lévesque. Objet: opposition à la hausse des tarifs d'électricité demandée par Hydro-Québec. J'en ai une autre aussi de l'Association des handicapés adultes de la Côte-Nord adressée aussi à mon nom, et j'en fait une lecture: «En tant que contribuable, je tiens à vous exprimer toute ma colère et mon profond désaccord concernant la dernière demande d'Hydro-Québec de hausser les tarifs d'électricité au Québec. En effet, notre société d'État demande une troisième hausse consécutive de tarifs en deux ans dans le seul objectif d'engranger des profits qui ne nous sont pas équitablement redistribués, à la population québécoise. Je crois que cette augmentation est régressive, abusive et injustifiée. Comment notre société d'État peut-elle encore nous demander des hausses de tarifs et du même souffle dévoiler des profits records s'élevant à 1,8 milliard de dollars en neuf mois? Pour ces raisons, je souhaite, M. le député, que vous interveniez auprès du gouvernement afin que la Régie de l'énergie respecte le pacte social stipulant que notre société d'État a encore le devoir d'offrir l'électricité à tous les Québécoises et Québécois à moindre coût.» Et c'est signé: «Solidaire et en colère, M. Jean-Eudes Poirier, coordonnateur de l'Association des handicapés adultes de la Côte-Nord.»n(17 h 10)n Alors, je pourrais en lire beaucoup, de ces lettres-là que j'ai reçues à mon bureau, M. le Président, mais le pourquoi j'en faisais mention, c'est qu'on peut effectivement dire qu'on va avoir des chèques avant les Fêtes, on peut dire qu'on va s'inscrire pour en avoir à tous les mois, parce que le ministre a comme un peu amendé sa loi. Mais ce que le monde de mon comté savent, M. le Président, c'est qu'ils savent compter et ils savent très bien que, qu'ils aient un chèque d'un côté, s'ils font le comparatif quand ils font leur budget de l'autre, ils savent très bien qu'il leur en reste moins dans leurs poches, M. le Président.
Alors, dans ce cadre-là, je joins ma voix à celles de mes collègues et je demande le retrait du projet de loi n° 57. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Cusano): Merci, M. le député de René-Lévesque. Alors, on poursuit le débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 57, Loi sur l'aide aux personnes et aux familles. Je suis prêt à reconnaître le prochain intervenant, qui est le député de Charlevoix.
M. Rosaire Bertrand
M. Bertrand: Merci, M. le Président. J'ai cru qu'il était de mon devoir, aujourd'hui, d'intervenir sur ce projet de loi n° 57 qu'on appelle la Loi sur l'aide aux personnes et aux familles.
Et je dois vous dire qu'étant membre d'une autre commission très, très occupée je n'ai pas participé aux consultations sur ce projet de loi. Mais j'ai des gens de mon compté qui, dans les derniers jours, m'ont appelé pour avoir des détails et qui m'ont manifesté certaines inquiétudes.
Une question aussi qui m'a été posée, M. le Président: Qu'est-ce que ça veut dire quand, en Chambre, vous demandez le retrait d'un projet de loi ou qu'est-ce que ça veut dire quand, en Chambre, tous les députés de l'opposition se succèdent pour manifester qu'ils sont contre un projet ou qu'ils sont très inquiets? Alors, je pense qu'il est important de rappeler aux gens que le rôle de l'opposition, c'est évidemment de représenter cette population. Le rôle de l'opposition, quand arrive le dépôt d'un projet de loi, est évidemment d'en prendre connaissance et de défendre un projet de loi quand il y a lieu. On voit souvent un projet de loi où on va se lever, un ou deux de l'opposition, et on va accepter le dépôt, on va accepter le principe du projet, ça vient en commission, le débat, on apporte quelques amendements, et très souvent ça va très bien.
Mais d'autres projet de loi ont plus de conséquences pour la population, selon elle, cette même population. Rappelons ici un projet de loi actuellement qui suscite à peu près toutes les mêmes inquiétudes, c'est la fameuse création de l'Agence des partenariats public-privé, où encore là on voit les députés de l'opposition qui questionnent, et questionnent, et questionnent le gouvernement sur ses vraies intentions. Alors, on prend le projet de loi, on regarde les articles et on débat, on essaie d'améliorer.
Dans ce projet-là, M. le Président, j'ai fait sortir quelques notes sur les consultations qui ont eu lieu en commission parlementaire du 5 octobre au 25 novembre. Consultations, ce sont des groupes qui viennent, en commission parlementaire, s'exprimer, qui nous donnent des opinions. Et j'ai été surpris de constater, M. le Président, sur le nombre de groupes qui sont venus, j'ai été surpris de constater que la très, très grande majorité des groupes demandait le retrait. Et ça, c'est quand même un phénomène qui est assez rare. Quand les groupes viennent, là... On parle des groupes, dans ce cas-ci, M. le Président, on parle des groupes qui défendent les intérêts des gens les plus démunis, des gens les plus faibles de la société.
Et, dans quelque comté que ce soit... Parfois, on est porté à penser que notre propre comté, exemple, le mien dans Charlevoix, c'est plus significatif sur le plan du taux de la pauvreté et du chômage, mais, quand vous faites le tour du Québec... Même vous, M. le Président, je suis persuadé que vous avez, dans votre propre comté, même si c'est un comté de Montréal, que vous avez beaucoup de personnes qui souffrent, beaucoup de personnes qui ont des revenus très, très limités et qui dépendent beaucoup d'un projet de loi qu'on vote ici, à l'Assemblée nationale.
Alors, il y a déjà une loi qui s'appelle la n° 112 actuellement, et ce dont il est question ici, c'est de la refaire au complet par un nouveau projet de loi qui s'appelle projet de loi n° 57. J'ai été surpris de constater les remarques. Quand on dit qu'un député se lève, en Chambre, puis qu'il fait des remarques, on dit: C'est partisan. Quand on dit: C'est le parti qu'il représente, peu importe lequel parti, on dit: C'est partisan. Mais, quand on reçoit les groupes en commission parlementaire, ces groupes-là viennent nous rencontrer de façon totalement non partisane. Ils viennent nous rencontrer représentant des intérêts différents. Et ils viennent nous rencontrer pour nous convaincre d'apporter des modifications à un projet. Alors, dans ce projet de loi, il y a eu beaucoup, beaucoup de groupes, et je vais en citer, je vais citer des remarques qui ont été faites, qui manifestent énormément d'inquiétudes, et ce n'est pas pour rien. Moi, à la lecture de tout ça, la compréhension que j'en ai, non seulement je vais voter contre, mais, moi aussi, je demande le retrait du projet parce que je suis obligé de constater que la trop grande majorité des citoyennes et des citoyens concernés semblent touchés sérieusement par ce projet de loi.
Je vous lis certaines remarques parce que je sais, M. le Président, que vous êtes très au courant de ce projet de loi. Vous avez, vous aussi, pris connaissance souvent de la plupart des documents, mais, pour nos collègues des deux côtés de la Chambre, autant du côté de l'opposition que du côté du gouvernement, on est occupés, comme je le disais tout à l'heure, dans d'autres commissions, dans d'autres dossiers, alors on n'a pas toujours l'occasion de prendre connaissance de chacun des dossiers. Mais, quand on en prend connaissance, je pense que c'est important de se le rappeler, puis c'est important aussi pour les gens qui nous écoutent, les gens qui nous écoutent, il y en a beaucoup qui sont dans cette situation-là, soit des gens qui sont directement touchés ou des gens qui représentent de ces groupes.
Alors, je regarde certaines remarques, j'en cite une, entre autres, parce que je vais en citer plusieurs: «Je plains un peu le ministre dans le fond parce que [...] j'ai toujours le sentiment qu'il a les mauvais projets de loi dans les mains. Il est ministre de la Solidarité sociale, alors qu'on a un projet qui fait plus dans l'insécurité sociale.» Qui dit ça? C'est M. Réjean Parent, président de la CSQ, lors de la consultation du 3 novembre.
«...le projet de loi ne comporte aucune mesure concrète visant à améliorer ou même à stabiliser la situation des plus pauvres parmi les pauvres. La CSN déplore également l'absence de mesures de protection visant les salarié-es à statut précaire, dont le nombre est en augmentation constante ? et c'est vrai ? et qui se retrouvent trop souvent à cause de cette précarité en situation de pauvreté.» Communiqué de presse de la CSN du 28 octobre 2004.
Parmi les groupes qui sont venus, il y a eu 61 groupes, M. le Président, qui ont été entendus. 61 groupes, là, c'est beaucoup de groupes pour un projet de loi. Plus de la moitié, soit 55 %, réclament le retrait du projet de loi. Ce n'est pas peu, ça, M. le Président, c'est beaucoup. 86 % réclament une réforme de l'aide sociale qui couvrirait les besoins essentiels. 72 % demandent l'indexation annuelle automatique de toutes les prestations. 60 % demandent l'exemption totale de la pension alimentaire reçue pour un enfant. 38 % demandent le dépôt du projet de règlement. On sait que le retrait et le dépôt, il y a quand même une différence. 78 %, le retrait de l'article 53 qui parle de la saisie des chèques pour le non-paiement du loyer. On sait qu'il y a eu un amendement qui est présenté dernièrement par M. le ministre. 38 % demandent le maintien du Bureau des renseignements et plaintes. Là aussi, il y a eu un amendement qu'il faudra regarder. Et il y a d'autres recommandations dans ces 61 groupes là qui sont venus nous rencontrer.
n(17 h 20)n De manière assez surprenante ? et je vous avoue que, lorsque j'ai lu ça, j'ai été très surpris, moi aussi ? de manière assez surprenante, le ministre s'est permis de dire aux groupes réclamant le retrait du projet de loi n° 57... Alléguant que, sans ce projet de loi, il reviendrait sur son engagement d'abolir les pénalités pour refus de participation, il a même remis en question l'engagement de son gouvernement d'investir dans la lutte à la pauvreté dans les cinq prochaines années, et je cite: «...juste d'être prudents, parce que, tant qu'il n'y a pas une nouvelle loi qui est adoptée, la loi actuelle est là. Et, tant que la loi actuelle est là, c'est la philosophie des pénalités, c'est la philosophie du barème plancher qui n'est pas à 100 % qui s'applique. C'est pour ça qu'on veut la changer, la loi. Alors, quand vous nous demandez de retirer la loi, il faut faire attention parce que, si ? et là j'attire votre attention sur que ça peut être interprété comme soit une menace ou autre chose ? on retire la loi, on n'applique pas les indications ou le barème plancher tel que prévu dans le plan de lutte à la pauvreté, et, moi, je ne voudrais surtout pas remettre en question un investissement de 2,5 milliards sur cinq ans. Alors, je suis prêt à améliorer un certain nombre de choses, mais je veux juste qu'on soit tous prudents. Ça peut être facile de dire ? et remarquez la dernière phrase: On va retirer la loi, mais je veux que tous soient conscients des impacts que ça peut avoir...» Déclaration du ministre au groupe Solidarité populaire 02, consultation du 20 octobre 2004. Moi, je connais quand même assez bien le ministre, et c'est une déclaration très surprenante dans son cas.
La pauvreté, M. le Président, c'est un problème réel qui a des conséquences graves pour les personnes qui vivent cette situation, mais également pour l'ensemble de la société québécoise. Et le revenu est un critère déterminant pour la santé, et je fais une autre citation: «Un grand nombre d'études démontrent que la santé s'améliore en proportion du revenu et de l'ascension dans la hiérarchie.» Et ça, ce n'est pas la première fois qu'on entend ça, extrait du mémoire de l'Union des consommateurs.
Le Projet de loi n° 57 entretient des préjugés. «La pauvreté s'accompagne de multiples entraves ? et vous allez restés surpris de savoir qui a dit ça ? à l'exercice des droits, des entraves qui s'ajoutent, pour les personnes pauvres, aux contraintes sociales de chômage, de coût élevé du logement et des frais d'éducation et de santé, par exemple. Dans ces conditions, mettre l'accent principal, comme le fait le projet de loi, sur la "responsabilité première" des personnes pauvres dans la modification de leur situation, c'est méconnaître ? c'est méconnaître ? voire nier la dynamique réelle de la pauvreté.» Et c'est dit par Pierre Marois, président de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, dans son communiqué de presse du 26 octobre 2004.
Une autre citation: «...toutes ces mesures qui semblent indiquer que les personnes assistées sociales sont en partie responsables de leur propre situation véhiculent des préjugés, des stéréotypes...» C'est dit par Jean-Guy Ouellet, Barreau du Québec, consultation du 11 novembre 2004.
M. le Président, je continue parce que c'est assez surprenant, et il faut se les rappeler, ces citations-là, il faut se les rappeler pour nous qui, dans les prochaines heures, dans les prochaines journées, aurons à travailler, continuer de travailler sur ce projet de loi là, si le ministre le veut bien, si le gouvernement le veut bien, s'il le garde, bien, au moins l'améliorer, de l'améliorer de façon très substantielle.
Le ministre allègue, depuis le début de la commission, que le projet de loi est la continuité de la philosophie mise en place avec la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale, la loi n° 112 qu'on avait acceptée, ici, à l'unanimité, et le plan d'action déposé en avril 2004. L'Ordre professionnel des travailleurs sociaux du Québec considère que «ce projet de loi n° 57 s'inscrit à contre-courant de la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale et de l'article 45 de la charte québécoise des droits et libertés de la personne. Nous demandons donc au ministre de l'Emploi, de la Solidarité sociale et de la Famille de le retirer.»«Ce projet de loi ? une autre citation ? ne permettra pas au gouvernement du Québec de réaliser une réforme de l'aide sociale conforme aux requêtes que nous formulons depuis plusieurs années, lesquelles sont en lien direct avec les attentes et les besoins des personnes vulnérables sur le plan socioéconomique que les travailleurs sociaux côtoient au quotidien sur le terrain.» Communiqué de presse de l'Ordre professionnel des travailleurs sociaux du Québec.
M. le Président, vous voyez que les gens... et ce n'est pas une personne, c'est beaucoup de personnes qui sont très inquiets. «Le Regroupement des groupes populaires en alphabétisation du Québec rejette en bloc le projet de loi [...] sur l'aide sociale, le considérant contraire aux exigences de la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale.» Communiqué du 22 octobre du Regroupement.
Alors, M. le Président, quand je lis, quand j'écoute comme j'ai écouté, aujourd'hui, toutes les interventions qu'on a entendues et quand je vais à la conclusion des remarques qui ont été faites au moment des consultations et dans les jours, j'en viens à la conclusion que ceux et celles qui nous écoutent pourraient prendre le téléphone et appeler leur député, mettre de la pression sur leur député, pour que vraiment on prenne conscience de ce qui s'est dit ici, qui les représente, et quelle inquiétude que ça occasionne chez notre population.
Plusieurs groupes demandent, dans leurs recommandations, la tenue d'un réel débat public. Pourquoi, M. le Président? Parce que les gens pensent que le sujet est trop important et embrasse trop grand. Et notre collègue, notre député qui est porte-parole de ce dossier, M. le député de Vachon ? j'allais le nommer, je sais que je n'ai pas le droit, M. le Président ? en a fait allusion à plusieurs reprises dans ses interventions.
On nous dit souvent: Ah! mais les gens sont venus en consultation, vous verrez le projet de loi en commission, vous le débattrez. Et il y a attaché, dans un projet de loi, souvent des questions de règlement. Il y a un ancien ministre ? on peut maintenant le nommer ? le ministre Jean-Paul Cloutier, dans le temps de l'Union nationale, M. le Président ? vous et moi, à notre âge, on se souvient du ministre Cloutier qui avait été un excellent ministre de la Santé ? avait dit, lui, qu'on devait, dans un projet de loi d'une importance comme justement celui qu'on parle, déposer les règlements, et il avait donné l'exemple à l'époque. Je pense bien que, de tous les partis des deux côtés, on n'a peut-être pas suivi l'exemple qu'il nous a donné, mais, moi, je pense qu'il avait raison. Et, dans ce projet de loi, on sait actuellement, dans le projet de loi n° 57, qu'il y a des règlements qui vont venir sur certaines choses, et ça m'apparaîtrait extrêmement important que ce soit déposé.
La loi n° 57, et s'il faut, j'en cite quelques autres, M. le Président, parce que ça me surprend toujours, on parle de la discrétion du ministre, obligation des prestataires. «...le projet de loi, accentuant les devoirs des personnes pauvres elles-mêmes, ne confère au ministre responsable que le pouvoir, donc le choix et non le devoir, d'offrir des mesures, programmes et services aux prestataires. Il s'agit là d'un engagement gouvernemental très faible et d'autant plus inquiétant que de nombreux aspects du régime de soutien du revenu proposé par le projet sont renvoyés soit à la discrétion ministérielle soit à une réglementation ? encore une fois, réglementation ou règlement ? dont les tenants et aboutissants sont inconnus.» Qui dit ça? Ce n'est pas des gens du Parti québécois, M. le Président, c'est la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse qui dit ça dans un communiqué de presse du 26 octobre 2004.
«La loi n° 57, c'est comme un retour à la monarchie absolue du droit divin. [Le ministre] s'est pratiquement attribué ? là, je dis le ministre parce qu'ici ils disent le nom, mais c'est le ministre ? tous les pouvoirs en référant aux règlements un nombre si importants d'articles du projet de loi qu'il lui sera possible de gérer le régime d'aide sociale sans jamais passer devant l'Assemblée nationale et de le faire selon l'humeur politique du jour.» Et c'est un communiqué de presse du Front commun des personnes assistées sociales du Québec, 5 octobre 2004.
On parle d'un observatoire de la pauvreté et de l'exclusion sociale. On sait que ça aurait permis de faire des évaluations sur des bases plus précises. «C'est pourquoi la commission recommande que soit mis en place l'observatoire de la pauvreté et de l'exclusion sociale dont la création était prévue dans la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale adoptée en 2002. Cet observatoire, assuré d'une certaine distance par rapport à l'appareil gouvernemental, aurait précisément pour tâche de définir des indicateurs permettant d'établir le niveau des besoins de base de notre société.» Qui dit ça, M. le Président? La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, en octobre 2004.
Et je vous lis, M. le Président, une dernière citation: «Forts de la position majoritaire qui s'est exprimée en commission parlementaire, le Collectif pour un Québec sans pauvreté et le Front commun des personnes assistées sociales du Québec demandent au ministre de l'Emploi, de la Solidarité et de la Famille et à son gouvernement de retirer à cette étape son projet de loi n° 57 sur l'aide sociale et de ne pas le soumettre à l'adoption de principe, tel que prévu plus tard cette semaine.» C'est actuellement ce que nous faisons. Ils lui demandent «d'assurer la couverture des besoins de l'ensemble des prestataires sur une base de droits sans distinction reliée à l'aptitude au travail et de conformer la loi actuelle sur l'aide sociale à la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Le ministre n'a pas, suite aux auditions faites par la commission, la légitimité nécessaire pour procéder à la réforme de l'aide sociale qu'il propose. Persister dans son projet serait hautement antidémocratique. Sa réforme est une réforme toxique alimentée par les préjugés qui appauvrirait davantage les prestataires.» Communiqué de presse du Collectif pour un Québec sans pauvreté et Front commun des personnes assistées sociales du Québec.
n(17 h 30)n M. le Président, je termine en joignant ma parole à tous mes collègues dans la Chambre, mais aussi à ces nombreuses personnes, à ces nombreux groupes qui disent au gouvernement: Retirez le projet. Et j'ai pris la peine de rappeler tout ça pour que nos collègues du gouvernement puissent influencer leur collègue ministre d'aller dans le même sens pour le bien de la société québécoise. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Cusano): Merci, M. le député de Charlevoix. Alors, on poursuit le débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 57, Loi sur l'aide aux personnes et aux familles. Et je suis prêt à reconnaître le prochain intervenant. Mme la députée de Taillon.
Mme Pauline Marois
Mme Marois: Alors, merci, M. le Président. Vous allez me permettre d'entrée de jeu, aujourd'hui, d'aborder un sujet qui n'est pas celui que nous discutons mais simplement pour joindre ma voix à ceux et à celles qui ont exprimé leurs sentiments de sympathie à la famille de M. Claude Filion, notre ancien collègue, qui est malheureusement décédé il y a quelques jours. Et je veux donc à mon tour témoigner de mon amitié à sa famille, à sa femme et à ses enfants.
M. le Président, nous abordons aujourd'hui l'étude... enfin, nous avons commencé à débattre depuis un bon moment du projet de loi n° 57 concernant l'aide aux personnes et aux familles. Avant d'aborder plus spécifiquement la loi, M. le Président, j'aimerais revenir sur une expérience que nous avons vécue avec des représentants du Collectif pour un Québec sans pauvreté, qui, il y a quelques jours à peine, sont venus rencontrer les membres de l'Assemblée nationale qui avaient bien voulu se joindre à eux et à elles pour échanger et discuter sur ce que ça signifiait que la pauvreté pour des personnes seules, pour des couples, pour des familles, aujourd'hui, en 2004. Et un bon nombre d'entre nous y étaient, autant du côté du gouvernement que du côté de l'opposition. Je crois que vous-même, M. le Président, avez participé à nos débats et à nos discussions.
Et on nous avait invité à participer à un échange en sous-groupes. C'était particulièrement bien fait d'ailleurs, comme projet d'animation. On nous a présenté des situations réelles. Nous avions, chacun d'entre nous, un petit document qui nous était remis et on définissait quelle était notre situation: Est-ce que j'étais une personne seule ayant un montant x qui m'était versé en début du mois? Et là on avait préparé évidemment une série d'événements qui allaient se passer. Il fallait payer le loyer, payer la nourriture. Il fallait payer la facture d'électricité ou d'énergie, peu importe, lorsque ce n'était pas couvert dans le loyer. Il fallait penser à une assurance pour ses biens, qu'on avait répartie sur toute l'année parce qu'étant incapable de la payer en un seul versement.
Alors donc, on a fait ensemble cet exercice. Et je dois vous dire que c'est un exercice pédagogique fort intéressant, vous l'avez constaté vous-même, qui malheureusement nous a amenés à une impasse, pour la plupart d'entre nous, à la troisième semaine, à la deuxième semaine du mois, parce que nous n'avions pas suffisamment de ressources et d'argent pour pouvoir couvrir les besoins essentiels auxquels nous avons à répondre soit comme chef de famille, comme chef de famille monoparentale ou simplement comme personne seule.
Et là évidemment il n'y avait pas d'événement particulier, il n'y avait pas le bris d'un appareil ménager, il n'y avait pas un incident qui se passait où on allait avoir à payer des médicaments d'une façon urgente. Il n'y avait donc pas de situation particulière autre que la vie habituelle, normale où il ne se passe pas d'événement fortuit. Pour se rendre compte, donc, que nous étions au bout de la corde, comme on dit, au bout du rouleau déjà à la deuxième ou troisième semaine.
En fait, cet exercice, il nous a amenés à conclure que nous devions être non seulement généreux, mais simplement être capables de reconnaître les besoins essentiels que l'on a à couvrir lorsqu'on est une personne qui doit vivre de prestations sociales pour toutes sortes de raisons: parce qu'on a vécu un chômage prolongé, parce qu'on a de la difficulté à se retrouver un emploi parce que la formation est inadéquate, parce qu'on a vécu un incident ou un accident à l'égard de notre santé, peu importent les circonstances.
Alors, en ce sens-là, M. le Président, je pense qu'il faut être très prudents lorsque nous étudions ce projet de loi et surtout, avant de l'adopter, être très prudents pour voir s'il répond aux attentes exprimées et surtout, je vous dirais, de façon peut-être plus particulière... pas surtout, mais, de façon particulière, se poser la question: Est-ce que le gouvernement, lorsqu'il était dans l'opposition, lorsque le parti politique qui forme le gouvernement s'est retrouvé en campagne électorale et qu'il a pris des engagements à l'égard des bénéficiaires de l'aide sociale, les respecte? Est-ce que sa parole vaut quelque chose, M. le Président?
Or, à l'évidence, il n'y a pas respect des engagements pris au moment de la campagne électorale. Non seulement cela, mais ajoutez le fait qu'on nous a fait la leçon lorsque nous étions au gouvernement, ce n'était jamais suffisant. Nous avons pourtant adopté une loi qui vise à lutter contre la pauvreté, un plan d'action pour lutter contre la pauvreté. Nous étions, à ce moment-là, talonnés, je dirais, pour introduire et dans la loi et dans le plan de lutte des modifications majeures, on n'allait jamais assez loin.
Alors, aujourd'hui, je leur retourne le tout: Vous n'allez pas assez loin, vous ne respectez pas vos engagements. Et c'est ce dont il s'agit, M. le Président. C'est facile quand on prend de tels engagements sans en évaluer les conséquences, bien sûr. Mais, à ce moment-ci, je crois que, ce faisant, non seulement nous décevons les personnes concernées, mais cela amène aussi un certain cynisme de la part de nos concitoyens et de nos concitoyennes parce qu'ils regardent ce gouvernement et se disent: Sa parole vaut-elle quelque chose? Et je trouve ça triste et dommage, ce qui se passe.
Je voudrais, après avoir abordé cette question plus générale, je voudrais aussi m'arrêter justement sur ce plan de lutte contre la pauvreté. On nous accusait, M. le Président, de n'en avoir rendu publics les aspects concrets qu'un peu tard dans notre mandat. C'était au début de 2003. Nous avons cependant très clairement respecté les engagements que nous avions pris. Nous avons déposé ce plan de lutte, nous avons fixé un certain nombre d'objectifs, et je crois qu'ils répondaient aux attentes et aux engagements pris.
Alors, ce parti politique qui, lorsqu'il était dans l'opposition, nous blâmait de ne pas rendre public le plan de lutte contre la pauvreté, a pris un an, un an, M. le Président, hein, pour rendre public son plan d'action, consistant en un investissement, nous disait-il, de 2,5 milliards en cinq ans pour lutter contre la pauvreté. C'est un montant considérable, important, je n'en disconviens pas, M. le Président, mais, mais... il y a un grand, un gros «mais», un gros «mais» parce que nous nous sommes rendu compte, en fouillant dans les chiffres, en les analysant, en les comparant, qu'en fait il autofinancerait ce plan de lutte à la pauvreté en demandant davantage aux familles ou en appauvrissant certains groupes en particulier de la population.
Alors, je vous donne un exemple de cela, M. le Président. Qu'est-ce qu'il a fait, ce gouvernement? D'abord, il avait pris un autre engagement qu'il n'a pas tenu, il avait dit qu'il ne toucherait pas aux frais payés par les parents pour les services de garde. La première chose qu'il a faite, là, M. le Président, il a rompu sa promesse, son engagement. Donc, augmentation de deux dollars par jour des tarifs des services de garde. Qu'est-ce que ça donne sur cinq ans ? puisqu'on nous parle d'un plan de lutte sur cinq ans ? 2,5 millions? Une contribution de 850 millions de plus prise, donc, prise, cette contribution, dans la poche des familles québécoises.
Ensuite, qu'est-ce qu'il a fait? Il a aboli, le gouvernement a aboli certaines déductions fiscales pour les familles. Il est allé chercher 203 millions par année dans la poche des familles. Simple calcul, là, hein, on n'indexe pas, on ne fait rien de ça: 1 015 000 000 $ de moins dans la poche des parents. Il a augmenté les tarifs d'électricité, M. le Président: 623 millions par année; sur cinq ans, 3,1 milliards.
n(17 h 40)n Alors, il devait aussi, ça, c'était un engagement, hein... Les primes d'assurance médicaments. D'abord, on ne devait pas les augmenter pour certaines catégories de personnes, on devait même permettre l'accès gratuit dans certains cas, hein, entre autres aux personnes à l'aide sociale. Les personnes ayant des contraintes sévères à l'emploi, je crois que nous n'avons pas... on ne paie pas de prime; c'était déjà le cas lorsque nous étions là. Alors, non seulement on n'a pas tenu l'engagement, on n'a pas respecté la promesse, mais on a augmenté les primes d'assurance médicaments. À ce moment-ci, c'est 62 millions de plus par année; sur cinq ans, 310 millions.
Ensuite, petite astuce, M. le Président, nous apprenons, un vendredi après-midi, qu'on va indexer les tables d'impôt, mais on ne les indexera pas au taux normal d'indexation, qui est le taux d'inflation, hein, tel qu'établi par Statistiques Canada, la Régie des rentes, etc., ah, on n'indexera pas complètement les tables d'impôt, on va les indexer plutôt de 2 % seulement. Alors là, c'est un gain net pour le gouvernement de 140 millions de dollars; sur cinq ans, 700 millions de plus dans les poches du gouvernement, sur le dos des familles, sur le dos des payeurs de taxes. Alors, on ne peut pas dire une chose et faire son contraire, M. le Président, dire qu'on va baisser les impôts puis en même temps augmenter tous les tarifs et même les impôts.
Je continue. Et ça, c'est un des aspects de la loi qui nous heurtent le plus, on nous dit: Indexation des prestations d'aide sociale à 2 % plutôt qu'à l'IPC, hein. Et là le ministre jure partout où il peut le faire qu'il faut lui faire confiance, que, si la situation le permet, il indexera, etc. Bien, qu'il l'inscrive dans la loi puis qu'il indique exactement les conditions qui vont faire en sorte qu'il ne le fera pas. Ce n'est pas ça qu'on veut, M. le Président. Nous, on veut qu'il l'indexe et qu'il l'indique dans la loi. Mais qu'est-ce que ça aura rapporté au gouvernement? 146,5 millions dollars d'argent qu'il n'aura pas à débourser.
Hausse des tarifs de transport en commun? 56 millions par année; cinq ans, 280 millions. Clause Tanguy? Dans la Loi de l'aide sociale, dans la proposition: 44 millions par année; cinq ans, ça fait 220 millions. Alors, M. le Président, en fait, non seulement il autofinance son plan d'action pour lutter contre la pauvreté et qui doit lui coûter un investissement de l'ordre de 2,5 milliards, mais il va chercher en fait sur cinq ans, si rien ne change de ce qui est là ? et on n'a pas de raison d'imaginer que cela changerait, même si c'est souhaitable que ce soit le cas ? 6,6 milliards. Alors, non seulement il autofinance, mais il va chercher des sommes beaucoup plus considérables que celles qu'il va réinvestir dans la lutte à la pauvreté.
Et, pour finir le tout, M. le Président, malgré que le ministre nous dise qu'il ait augmenté l'aide aux familles, ce que l'on constate, en prenant les mêmes données dont je viens de vous faire état et en l'appliquant ensuite famille par famille avec des exemples types: non seulement il a été chercher 6,6 milliards, il aura été chercher 6,6 milliards dans la poche des familles des contribuables du Québec, autofinançant pour 2,5 milliards son plan d'action et de lutte contre la pauvreté, mais en fait, avec tout cela, il aura réduit le chèque versé aux familles plutôt que de l'avoir augmenté, comme il nous le dit et l'affirme sur tous les toits.
Et, M. le Président, nous avons fait des simulations, nous avons fait une évaluation. Alors, quand on nous dit qu'une famille monoparentale avec un enfant et un revenu de 40 000 $ aura un chèque de l'ordre de 2 364 $, ce qui est nettement plus que ce qu'elle recevait avant, il a juste oublié de calculer ce qu'il a demandé de plus aux familles par la hausse des tarifs, par la hausse des tarifs d'électricité, par la hausse des tarifs dans les services de garde, par la non-indexation des tables d'impôt. En fait, c'est 164 $ de moins que la famille monoparentale avec un enfant, ayant un revenu de 40 000 $ recevra. Est-ce que vous voulez un autre exemple, M. le Président? Une famille biparentale avec deux enfants, toujours le même revenu de 40 000 $: moins 387 $ à partir de l'application des tarifs et impôts augmentés.
Alors, M. le Président, je pense que cela mérite un examen sérieux, non seulement un examen sérieux, mais le langage doit changer et les vraies choses doivent être dites. Et, aujourd'hui, M. le Président, ce que nous demandons au ministre ? et là je vais m'attarder plus spécifiquement sur le projet de loi n° 57 ? ce que nous demandons au ministre, ce n'est pas de revenir sur quelques éléments de la loi n° 57. Ce que nous lui demandons, c'est de retirer cette Loi sur l'aide aux personnes et aux familles, ce projet de loi qui vient modifier la Loi d'aide sociale. Nous lui demandons de retirer ce projet de loi, M. le Président, de prendre la peine de le redébattre, de le rediscuter et surtout de le corriger.
Alors, je ne suis pas seule à dire ça, M. le Président, vous avez entendu certains de mes collègues vous le rappeler. Je me permets quelques éléments seulement qui seront peut-être un peu de répétition, mais il faut parfois répéter pour que l'on nous entende et surtout que l'on entende raison, parce que c'est de cela dont il s'agit, M. le Président. 55 % des 61 groupes entendus lors de la consultation générale ont demandé le retrait du projet de loi n° 57. Nous ne sommes pas seuls dans cette situation, M. le Président. On ne doit pas être les seuls à avoir le pas. Et là j'ai l'impression que c'est le ministre qui semble être assez isolé et être le seul lui-même à avoir le pas.
M. le Président, je reprenais, en préparant cette intervention, je relisais des remarques qui ont été faites par des groupes, des associations, des représentants de syndicats. C'est assez catastrophique, hein, quand on regarde l'impact que peut avoir cette loi sur des dizaines de milliers de personnes qui sont les plus pauvres d'entre nous, M. le Président. Et, pour avoir travaillé pendant un long moment et particulièrement lorsque j'ai commencé à travailler dans les groupes sociaux, au début des années 1970, je faisais de l'animation sociale, de l'organisation communautaire et j'ai travaillé avec des bénéficiaires d'aide sociale, et ce qui me faisait le plus mal au coeur, hein, ce qui m'attristait le plus, M. le Président, c'était de voir des gens avec du talent, avec de l'imagination, avec des capacités remarquables, mais, parce qu'ils avaient vécu des événements dans leur vie qui les avaient désorganisés, qui les avaient empêchés de continuer d'aller à l'école, qui les avaient amenés à vivre une perte d'emploi et à avoir de la difficulté à se retrouver ensuite en emploi, c'était de voir ces gens avec du talent, avec de l'intelligence, avec de l'imagination, que l'on gaspillait littéralement et qui toute leur vie allaient se retrouver dans une situation de misère.
Et c'est dans ce sens-là, M. le Président, que, nous, je crois que nous avons fait, nous avons pris les bonnes décisions comme société en nous assurant qu'il allait y avoir un filet de sécurité sociale mais qu'il allait être assez serré, ce filet-là, pour ne pas laisser tomber les plus petits d'entre nous, pour que toujours quelque part on puisse les accompagner, les aider, les aider au sens de les aider à se réinsérer, à se former, pour certains d'entre eux, même s'il y a des limites à l'emploi, des contraintes, pour certains d'entre eux, cependant, les accompagner dans des activités qui leur permettent quand même d'aller au bout de leur talent et de leur potentiel. Donc, nous avons fait des bons choix à cet égard: un filet de sécurité sociale qui ne devrait pas laisser passer entre ses mailles ceux qui sont les plus mal pris, ceux qui vivent des problèmes de santé, des problèmes d'insertion en emploi.
Et malheureusement la loi qui est devant nous, M. le Président, ne satisfait à la tradition à cet égard, ne satisfait pas à l'engagement à l'égard des personnes les plus démunies d'entre nous. Et il me semble que ce gouvernement, son ministre, le ministre responsable de ce projet de loi devrait prendre un peu plus de temps pour réfléchir et retirer donc ce projet de loi. Je vous remercie, M. le Président.
n(17 h 50)nLe Vice-Président (M. Cusano): Merci, Mme la députée de Taillon. Alors, nous poursuivons le débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 57, Loi sur l'aide aux personnes et aux familles. Je suis prêt à reconnaître le prochain intervenant. M. le député de Nicolet-Yamaska et whip en chef de l'opposition.
M. Michel Morin
M. Morin (Nicolet-Yamaska): Merci, M. le Président. À mon tour, je suis heureux d'intervenir aujourd'hui sur le projet de loi n° 57, Loi sur l'aide aux personnes et aux familles. Je le fais comme représentant des citoyens et citoyennes de Nicolet-Yamaska, des Québécoises et des Québécois aussi. Mais dès le départ je pense que c'est important, M. le Président, de bien situer le projet de loi n° 57 et de faire le lien avec le projet de loi n° 112 que notre gouvernement avait instauré, Loi sur la lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale, qui selon moi était un projet de loi exceptionnel et un des plus importants projets de loi durant le temps que notre gouvernement a été au pouvoir. C'était une loi selon moi inédite, presque unique dans le monde occidental.
Mais, comme je le disais, avant d'aller plus loin, je pense que c'est important de faire le lien mais de bien situer aussi le projet de loi n° 57. Puis une des meilleures façons, c'est de lire, peut-être pas en entier, mais de regarder les notes explicatives de ce même projet de loi. Et je le cite: «Dans le cadre des principes et orientations énoncés au plan d'action pour lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale, ce projet de loi vise à mettre en oeuvre des mesures, des programmes et des services afin de favoriser l'autonomie économique et sociale des personnes et des familles. Il vise également à inciter les personnes à exercer des activités permettant leur insertion sociale, leur intégration en emploi et leur participation sociale.» Fin de la citation.
Je pense que ça situe bien, M. le Président, ce projet de loi là. Je ne pourrai intervenir, M. le Président, sur tous les articles, comme de raison, je vais m'attarder aux grands principes de ce projet de loi et je vais m'inspirer largement des remarques très pertinentes selon moi qui me sont parvenues du Regroupement pour la défense des droits sociaux de Nicolet-Yamaska et Bécancour. Je leur avais demandé: Faites-moi parvenir les grandes lignes de ce que vous voulez que votre député dise, comment ça vous touche et comment ça touche ceux et celles que vous défendez et que vous représentez dans la région de Nicolet-Yamaska et de Bécancour. Donc, je les remercie.
Et d'entrée de jeu ces personnes-là m'ont mis, premièrement, une introduction qui dit ceci: Une loi sociale, «c'est une loi [extrêmement] importante. C'est elle qui détermine comment nous pouvons nous assurer collectivement de donner accès à un revenu et à des conditions de vie décentes aux personnes et aux familles qui se trouvent, pour diverses raisons, sans revenu suffisant. C'est aussi elle qui peut déterminer par quels moyens notre société s'y prendra pour que ces personnes puissent s'en sortir et améliorer leurs conditions de vie.» Pour bien comprendre ce projet de loi, comparativement à celui que nous avions, le projet de loi n° 112, même si le ministre actuel nous dit que le projet de loi n° 57 est un plus, moi, j'ai de sérieuses réserves, et le RDDS, le Regroupement pour les droits des personnes démunies de ma région, pense la même chose parce que le projet de loi n° 112 avait au moins cinq points très importants: premièrement, des principes fondamentaux inscrits dans le préambule; deuxièmement, on voulait avoir des résultats, on voulait que ce soit mesurable, un plan, on voulait un calendrier; on voulait aussi, troisièmement, un engagement de notre société civile, avoir des partenaires, que l'État fasse aussi sa part et ait son ouverture d'esprit pour lutter contre la pauvreté; on voulait aussi, quatrièmement, un engagement des communautés locales et régionales soutenu par des fonds, financièrement; des outils pour mesurer, en cinquièmement, nos avancées, nos progrès. En somme, nous avons mis en place, M. le Président, des moyens pour faire un suivi assidu et un suivi équitable. La lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale, ce n'est pas une question de partisanerie pour les gens qui sont en situation difficile et qui ont besoin de l'appui de leurs dirigeants.
M. le Président, je veux ici vous présenter le mieux que je peux des cas de mon comté que le RDDS m'a transmis. Et voici ce qu'ils pensent du projet de loi et voici ce qu'ils me disent de vous dire. Premièrement, ils disent que, ce projet de loi là, il y a des reculs comparativement au projet de loi n° 112. «Le projet de loi n° 57 ? et je les cite ? accentue davantage la division entre les pauvres non méritants et ceux méritants ? c'est-à-dire, et entre parenthèses ? inaptes au travail, et aptes, qui participent à une mesure.» On y crée beaucoup de catégories de personnes de l'aide sociale: les aptes à l'emploi disponibles qui participent à des mesures, des programmes, ceux qui sont aptes disponibles pour un emploi mais qui ne participent pas à une mesure et les aptes non disponibles.
M. le Président, pour eux, ce projet de loi est un retour en arrière sur ce qui existait déjà à l'aide sociale. Ils insistent beaucoup aussi, dans leur présentation qu'ils m'ont envoyée sur le projet de loi n° 57, sur le fait qu'à 128 reprises on y dit les mots «le ministre peut» et «doit». À chaque fois qu'on y lit «le ministre peut», ce qui veut dire que le ministre a le pouvoir d'intervenir, de faire quelque chose en ce sens, mais le terme «le ministre peut», ce qu'ils se demandent: Est-ce que ça veut aussi dire que l'agent d'aide sociale peut ou que le représentant du CLE peut? Ça, on retrouve ça dans les articles 33, 34, 48, 72. «Cela augmente ? de l'avis des gens du RDDS de ma région ? les pouvoirs discrétionnaires du ministre et ceux des agents d'aide sociale.» À l'article 72 ? je continue ? on dit: «Le ministre peut établir des programmes d'aide financière spécifiques afin d'aider les personnes et les familles qui présentent des difficultés particulières et déterminer ? puis le mot "déterminer" est important ? des normes d'application de ces programmes.» Un exemple pratique encore une fois: «Cela laisse place à [différents niveaux dans un] traitement des demandes d'accès à des programmes en fonction de la région ou du CLE où est situé la personne», où est situé peut-être également l'agent de la personne, l'agent d'aide sociale de la personne.
Par exemple, un résident de Bécancour... lui donne accès, à sa demande, à un programme d'aide pour s'insérer à un emploi dans le CLE de Bécancour. Par contre, l'agent de Nicolet, lui, a le même besoin et la même demande, et on lui dit qu'il n'a pas accès à une mesure, que cette agent juge que ce n'est pas nécessaire parce que ce n'est pas une mesure prioritaire de son CLE. D'où l'introduction que j'avais faite tantôt, où on disait «le ministre peut établir des programmes», puis ça se terminait: «déterminer». Donc, on voit ici tout le pouvoir discrétionnaire également du ministre. Je le répète et je le dis, les agents d'aide sociale, je ne veux pas ici, par mon propos, dire qu'ils ne font pas bien leur travail, ils font très bien leur travail. Ce sont des gens patients, accueillants et équitables le plus possible, mais ils doivent respecter les grandes orientations.
n(18 heures)n On voit aussi à la suite, dans ce projet de loi n° 57, les articles 66 à 74, où on y lit: «Le projet de loi prive de recours les personnes bénéficiant du programme Alternative jeunesse» et du programme spécifique, comme je le disais, à l'article 66 à 74. «Par ailleurs, comme le programme Solidarité jeunesse actuellement, les nouveaux programmes seraient établis selon le projet de loi n° 57 et feraient en sorte que ces personnes n'auraient plus comme tel les mêmes protections si elles recevaient de l'aide sociale.» Un exemple concret: l'adoption du projet de loi n° 57. Louis, un citoyen de Nicolet, participe à Alternative jeunesse, c'est-à-dire Solidarité jeunesse, avec le Carrefour jeunesse-emploi de Nicolet ? je termine là-dessus, M. le Président. Louis ne pourrait pas avoir accès au montant de remboursement permis par l'aide sociale. Je reviendrai à 20 heures, M. le Président, parce que j'ai d'autres exemples.
Le Vice-Président (M. Cusano): Effectivement, M. le député de Nicolet-Yamaska, compte tenu de l'heure, je me dois d'ajourner, vous rappelant que vous disposez encore d'un temps de parole d'environ 10 minutes. Alors, compte tenu de l'heure, nos travaux sont suspendus à 20 heures.
(Suspension de la séance à 18 h 1)
(Reprise à 20 h 4)
La Vice-Présidente: Bonsoir, Mmes, MM. les députés. Veuillez vous asseoir.
Alors, ce soir, l'Assemblée poursuit le débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 57, Loi sur l'aide aux personnes et aux familles. Alors, lors de l'interruption de nos travaux, à 18 heures, la parole était au député de Nicolet-Yamaska. Alors, M. le député, il vous reste 10 min 3 s pour la suite de votre intervention. À vous la parole.
M. Morin (Nicolet-Yamaska): Merci, Mme la Présidente. Pour bien resituer les gens de cette Assemblée pour ceux et celles qui nous écoutent aussi, nous sommes à l'étude du principe du projet de loi n° 57, Loi sur l'aide aux personnes et aux familles. J'avais donné des exemples tantôt, lors de mon allocution, avant 18 heures, et je vous avais dit, Mme la Présidente, que j'avais fait appel à des ressources dans mon comté. Les ressources de mon comté qui sont ce qu'on appelle le groupe RDDS. RDDS est le Regroupement pour la défense des droits sociaux de ma région, soit de Nicolet-Yamaska et de Bécancour. Je veux ici, pour la deuxième partie de cette intervention, remercier spécialement M. Pierre Blanchet, le coordonnateur du RDDS de ma région parce que je lui avais demandé: Donnez-moi des exemples concrets de ce qui se vit, M. Blanchet, dans ma région, dans mon comté de Nicolet-Yamaska, parce que je pense que le travail d'un député, c'est avant tout de bien représenter les gens de sa circonscription et aussi de donner les exemples qui les concernent pour faire que ceux-ci soient le mieux représentés possible.
Donc, j'avais donné des exemples. Tantôt, si vous vous souvenez, Mme la Présidente, on avait dit qu'à 128 reprises on pouvait lire, dans cette loi n° 57, à 128 reprises, les mots «ministre peut» et les mots «ministre doit», ce qui donnait un pouvoir discrétionnaire au ministre. J'avais ajouté aussi qu'à l'article 66, 74 le projet de loi prive de recours les personnes bénéficiant du programme Alternative jeunesse, un programme spécifique. Je continue, parce que ce qu'on ma dit de suggérer à cette Chambre est de demander au gouvernement de changer les grandes lignes, c'est à propos que ce projet de loi n° 57 ne parle plus du Bureau des renseignements et des plaintes qui desservait le Québec. Souvenons-nous, Mme la Présidente, que, lorsqu'on demande des renseignements et que l'on veut porter plainte, on s'attend à ce qu'il y ait nécessairement un lieu physique pour porter plainte et, pour le faire, à tout le moins, qu'il y ait une personne désignée qui nous entende et qui reçoive nos commentaires sur ce même projet de loi. Bon.
Mais est-ce que le ministre, à ce moment-ci, qui se donne le droit de décider, est-ce que celui-ci pourra répondre aux interrogations des personnes les plus démunies? Parce qu'à l'article 33 on y lit ceci: «Le ministre prend les mesures nécessaires afin d'assurer la qualité des services offerts. Il doit également établir un processus de cheminement et de traitement des plaintes relatives aux matières visées par la présente loi.» Quand va-t-il intervenir? D'abord, premièrement, va-t-il intervenir? Que va-t-il décider? Quand? Qui? Où? Le ministre nous dit que, cette loi-là, il va l'amender, cet article-là, il va l'amender parce qu'il nous disait au début et il disait à notre critique, le député de Vachon, à la période des questions: Bien, regardez, il n'y a rien là. Mais il n'y a plus rien là, là. Écoutez, il est encore là, le projet de loi, il est encore là, l'article en question.
Plus loin, le projet de loi n° 57, selon les critiques que l'on en fait encore, pourrait rendre disponible une main-d'oeuvre à bon marché, à bas salaire grâce aux primes à la participation. Ça, on retrouve ça dans l'article 17. Et la sous-traitance avec le milieu communautaire, d'ailleurs on revient une vingtaine de fois là-dessus, Mme la Présidente. Main-d'oeuvre à bon marché, ce qui veut dire, dans nos mots, «cheap labor». Ce n'est pas que le milieu communautaire n'apprécie pas, Mme la Présidente, d'avoir un surplus de main-d'oeuvre, mais il faut que cela se fasse dans un but ou dans le but de sortir les gens de la pauvreté, et non pas de les maintenir dans cet état de pauvreté.
n(20 h 10)n Un exemple pratique. Pour les entreprises privées, il se pourrait que le gouvernement rende accessibles des programmes de subvention de retour à l'emploi. Je vous donne un exemple pratique, Mme la Présidente. Marcel ? c'est un citoyen de Saint-Célestin dans mon comté ? se trouve un emploi dans un restaurant, comme cuisinier, sur un programme comme le programme PAIE ou un programme de subvention salariale. Pour ceux et celles qui ont déjà connu ça, ces programmes-là, c'est souvent un emploi peu rémunéré. Souvent, les personnes ne sont pas maintenues à l'emploi après ces programmes-là. Bref, Marcel perd son travail et ce Marcel-là de Saint-Célestin retourne chez lui débiné, dépité. Pierre, un citoyen du comté de Nicolet toujours, de la municipalité de Saint-Guillaume, nous dit que c'est très dévalorisant et déprimant de se retrouver à la case départ, avant d'avoir un emploi. C'est difficile, Mme la Présidente, pour l'estime de soi, c'est difficile aussi pour sa propre dignité et à Marcel et aussi à notre ami Pierre.
Le dépôt et la discussion du projet de loi et du projet sur le règlement d'aide sociale auraient dû se faire en même temps, selon le RDDS de ma région, le règlement de l'aide sociale pour déterminer trop de balises qui sont à incidence directe sur les conditions de vie des personnes assistées sociales pour que des projets de modifications ne soient pas présentés en Chambre, à l'Assemblée nationale. Toujours selon ceux et celles qui sont sur le terrain, Mme la Présidente, ce projet de loi n° 57 appauvrira les personnes âgées de 55 ans et plus et qui avaient droit à une contrainte temporaire à l'emploi. Ça, nous retrouvons ça à l'article 44, quatrième alinéa, et je le lis:
«La prestation de base est augmentée d'une allocation pour contraintes temporaires lorsque l'adulte seul ou un membre adulte de la famille ? au quatrième alinéa, on y lit ceci: atteint l'âge fixé par règlement et en fait la demande.» Le projet de loi ne précise plus à quel âge une personne peut prendre droit à une contrainte temporaire de l'emploi. Donc, un citoyen de ma région âgé de 54 ans, supposons, pourrait ne pas avoir accès à la contrainte temporaire à cause de leur âge si le règlement de l'aide sociale définit ce que c'est: à partir de 60 ans qu'on a droit à la contrainte. C'est vrai que ce n'est pas facile, Mme la Présidente, de se trouver un travail à partir de 55 ans.
Vous me permettrez, Mme la Présidente, parce qu'il reste peu de temps, de conclure et de vous dire ? vous l'aviez bien deviné ? que je voterai contre le projet de loi n° 57, car celui-ci ne respecte pas les engagements du gouvernement et de plus il attaque aussi selon moi fortement la dignité des gens les plus démunis.
Motion de report
Si vous me le permettez aussi, Mme la Présidente, j'aimerais, à ce moment-ci, présenter la motion suivante:
Que la motion en discussion actuellement soit modifiée en retranchant le mot «maintenant» et en ajoutant, à la fin, les mots «dans six mois».
C'est une motion de report, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Alors, votre document est déposé, M. le député. Alors, votre motion est déposée. Alors, c'est une motion qui en tout cas, à première vue, pourrait être recevable, mais je vais quand même suspendre pour en délibérer et je vous reviens dans quelques instants.
(Suspension de la séance à 20 h 15)
(Reprise à 20 h 25)
La Vice-Présidente: Alors, mesdames messieurs, et M. le député de Nicolet-Yamaska, la motion, telle que déposée, elle est recevable. Et, en vertu de l'article 240 du règlement, elle fait l'objet d'un débat restreint de deux heures.
Alors, à la suite d'une réunion avec les leaders, je vous informe de la répartition du temps de parole établie pour la discussion de la motion de report au cours de ce débat de deux heures. Donc, 10 minutes sont accordées aux députés indépendants, 50 % du temps restant est alloué au groupe parlementaire formant le gouvernement et 50 % du temps restant est alloué au groupe parlementaire formant l'opposition officielle. Dans ce cadre, le temps non utilisé par l'un des groupes s'ajoutera à celui de l'autre groupe, tandis que le temps non utilisé par les députés indépendants pourra être redistribué entre les groupes parlementaires. Et, je vous rappelle, les interventions ne seront soumises à aucune limite de temps.
Alors, je suis maintenant prête à entendre un premier ou une première intervenante. Alors, M. le député de Vachon et porte-parole de l'opposition officielle en matière d'emploi, solidarité sociale et famille, à vous la parole.
M. Camil Bouchard
M. Bouchard (Vachon): Mme la Présidente, nous, nous voulons faire valoir qu'un délai supplémentaire à ce projet de loi permettrait que l'Assemblée nationale mais aussi un certain nombre de nos concitoyennes et concitoyens puissent s'exprimer davantage sur un cadre un peu plus large et plus global concernant la portée d'un tel projet de loi, et aussi concernant la nécessité d'une réforme au moment où on se parle.
Mme la Présidente, le ministre aurait-il fait la démonstration de la nécessité d'adopter ce projet de loi dans un délai très court, pour favoriser l'amélioration des conditions de vie des personnes les plus démunies, que nous ne demanderions pas ce délai. Cependant, je ne crois pas, nous ne croyons pas que le ministre ait fait la démonstration que le projet de loi n° 57, tel qu'il est et tel qu'il pourrait être adopté à toute vapeur... Nous ne pensons pas que ce projet aura un impact positif. Et même il pourrait avoir des impacts négatifs sur la population des personnes les plus démunies.
Une des premières constatations que nous avons faites à la lecture de ce projet de loi, c'est qu'il n'y avait pas de préoccupation ? comme on l'a eue, par exemple, dans le cadre de la loi n° 56 ? il n'y avait pas de préoccupation de la part du législateur de faciliter l'exercice des droits des personnes concernées. Alors, tout simplement pour faire analogie et comparaison, Mme la Présidente, dans le cadre de la loi n° 56 qui est présentement à l'étude ? et nous avons, mon collègue du comté de Joliette et moi-même, participé d'abondance à l'écoute des groupes qui se sont présentés devant la Commission des affaires sociales, pour étudier 56 ? dans le projet de loi n° 56, nous avons senti une préoccupation du législateur et des membres de la commission, de tous les membres de la commission, nous avons senti une préoccupation authentique dans le but de faciliter l'exercice des droits des personnes handicapées. Et ce projet de loi, même s'il présente un certain nombre de faiblesses, de difficultés que nous sommes en train de corriger dans l'étude article par article ? je parle toujours du projet de loi n° 56 ? ce projet de loi avait au moins le mérite d'être cohérent et de reconnaître, dans le texte, l'essence même de l'objectif du projet de loi et l'essence même du titre du projet de loi.
Lorsqu'on annonce un projet sur l'aide aux personnes et aux familles, on serait en droit, je pense, quelque part de s'attendre à ce que le projet de loi énonce clairement en quoi le législateur entend améliorer le sort des personnes et des familles avec le projet de loi. Nulle part dans ce projet de loi n'a-t-on senti, et n'a-t-on vu, n'a-t-on constaté une position du législateur très claire à l'égard de l'amélioration des conditions matérielles, des conditions de revenus et des conditions de couverture de la société québécoise ? nulle part. Et j'en ai pour preuve, Mme la Présidente, un document publié sur le site du ministère, j'en aurais aussi pour preuve le préambule de la loi, que je citerai tout à l'heure, qui font très bien la démonstration, et de même que les premiers articles de la loi, qui font la démonstration, Mme la Présidente, que ce projet de loi n'a pas été conçu, au point de départ, comme un projet de sécurité du revenu.
Et le terme «sécurité du revenu» dit bien ce qu'il veut dire, il s'agit d'offrir aux personnes, aux familles qui se trouvent placées devant un incident de la vie, devant un accident, devant un imprévu, devant une situation qui ne peut être corrigée facilement, et qui les éloigne du marché du travail, et qui les éloigne en même temps d'un revenu nécessaire pour couvrir leurs besoins essentiels et pour continuer à vivre dignement, décemment dans la société que nous connaissons. Il s'agit donc, pour un projet comme celui-là, d'un objectif extrêmement important que celui de se préoccuper au premier abord, avant toute chose, de la question de la couverture des besoins essentiels.
Et là, Mme la Présidente, je ne voudrais pas qu'on se méprenne. Je ne dis pas que le projet de loi aurait dû directement ou indirectement nous amener dès maintenant vers la couverture des besoins essentiels. Il faut voir d'abord quels sont ces besoins, les évaluer correctement, voir si on fait consensus dans la société québécoise au sujet de la définition de ce que pourraient être les besoins essentiels et ensuite voir quel pourrait être un scénario avec lequel on pourrait arriver éventuellement à se rapprocher de cette couverture ou même l'offrir concrètement.
n(20 h 30)n Nous ne sommes pas dans une bulle surréaliste ou irréaliste lorsque nous évoquons cette possibilité. Nous sommes plutôt dans un scénario très réaliste de faire la cohérence autour d'une intention du législateur qu'il nous propose, qu'il nous exprime. Le législateur nous dit: Je veux, par ce projet de loi, offrir une aide aux familles et aux individus, aux personnes. Mais il n'y a pas de cohérence entre le titre et l'objectif poursuivi par la loi, nulle part. Nulle part. Alors, dans le texte qui apparaît sur le site du ministère, on nous dit ceci: «Le projet de loi sur l'aide aux personnes et aux familles introduit une réforme de la sécurité du revenu s'inscrivant dans le prolongement du plan d'action gouvernemental en matière de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale.» Seulement dans ce paragraphe, dans ce premier paragraphe, Mme la Présidente, il y a un certain nombre de méprises et d'erreurs qu'il faudrait corriger avant que l'on puisse penser que ce projet de loi est absolument nécessaire maintenant.
D'abord, le texte affirme qu'on introduit une réforme de la sécurité du revenu. Pour qu'il y ait une sécurité du revenu, il faut que quelque part il y ait des dispositions qui viennent assurer les personnes d'un certain montant, reçu de façon régulière, qui puisse quelque part leur offrir un minimum de sécurité. Et je vous le disais, Mme la Présidente, nulle part dans ce projet de loi retrouvons-nous quelque intention que ce soit, aussi bien dans les objectifs, dans les orientations que dans les pistes d'action ou d'application qui nous sont proposées dans le projet de loi.
Deuxièmement, on nous dit que le projet de loi s'inscrit dans le prolongement du plan d'action gouvernemental. Il y a deux problèmes avec cette affirmation, Mme la Présidente. Le premier, c'est qu'il devrait s'inscrire non pas en prolongement du plan d'action, mais en prolongement de la loi n° 112 que l'Assemblée nationale a votée à l'unanimité et qui, dans son préambule, reconnaît le droit à la dignité, reconnaît que la lutte à la pauvreté est d'abord une lutte en faveur de la dignité, de la préservation de la dignité de toutes les personnes de notre société. C'est donc davantage en fonction de cette loi qu'aurait dû être présentée la loi n° 57 et non pas dans un plan d'action qui est quelque part l'expression plus ou moins réussie, si on veut, dans des programmes gouvernementaux, dans des politiques gouvernementales, de l'esprit de la loi n° 112. Une législation en suit une autre. Elle ne suit pas un plan d'action. Elle est inspirée par une autre législation, si on veut se référer à quelque chose de solide, Mme la Présidente.
Alors, première erreur. On aurait dû dire, et je prends à témoin le président de la Commission des affaires sociales, qui s'y connaît bien en la matière, qui a suivi le dossier de la loi n° 112 dans toutes ses étapes, on aurait dû dire que le projet de loi n° 57 s'inspire de la loi n° 112 et est cohérent en matière des traductions qu'il fait des intentions de la loi n° 112. Là, on aurait pu avoir une balise claire quant aux origines du projet de loi n° 57. Mais le plan d'action gouvernemental est un ensemble de dispositions qui nous viennent d'une multitude, d'une très grande diversité de ministères, avec des niveaux de précision extrêmement variés et des dispositions budgétaires, qui sont connues ou inconnues, Mme la Présidente, et qui ne peuvent inspirer un projet de loi. Le projet de loi n° 57 ? c'est un projet d'aide aux personnes et aux familles ? devrait être inspiré directement de 112.
Et je ferai la démonstration, Mme la Présidente, que ce pourquoi... enfin, j'ai une hypothèse, j'ai une hypothèse plus qu'une affirmation, mais ce pourquoi je pense que le législateur et le ministre, dans ce cas-là, n'a pas voulu se référer directement à la loi n° 112, c'est qu'il la trahit. Il se réfère donc à une de ses propres créatures qui n'a jamais fait l'objet d'une discussion à l'Assemblée nationale, qui a été présentée en conférence de presse, qui n'a pas de valeur de soutien ou de support démocratique, et il se réfère donc à une de ses propres créatures pour nous dire: Voici de quoi je m'inspire.
Mme la Présidente, c'était peut-être aussi une très mauvaise idée que de s'inspirer du plan d'action gouvernemental en matière de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale du fait que la principale inspiration qu'il a trouvée, le ministre, c'est celle de persévérer dans la voie d'une attitude, d'une... dans la voie d'une attitude ou d'une philosophie qui pourrait être discriminatoire envers un certain groupe de personnes, et j'ai nommé les personnes qui sont sans contraintes à l'emploi ou avec contraintes temporaires à l'emploi.
M. le ministre du Revenu nous a ? je pense, hier ou avant-hier... non, la semaine dernière, vendredi ? présenté un projet de loi qui lui permettait de mettre en application le programme Soutien aux enfants, et je faisais remarquer, à ce moment-là, au ministre qu'il avalisait en même temps dans son projet de loi une disposition budgétaire qui faisait en sorte que l'indexation de la prestation d'aide sociale qui est offerte aux personnes qui sont sans contraintes à l'emploi ou avec contraintes temporaires, et s'inspirant en cela directement du plan d'action de lutte à la pauvreté, était limitée à la moitié de l'augmentation du coût de la vie, si bien que, au cours des ans, cette prestation allait connaître une décroissance progressive et allait, si on veut, installer les personnes sans contraintes à l'emploi dans un environnement budgétaire et dans un environnement de soutien au revenu absolument impossibles à tolérer.
Vous voyez, Mme la Présidente, dans cette simple première phase, j'ai fait la démonstration, un, qu'il n'y avait pas de sécurité du revenu, dans une loi qui prétend être une réforme de la sécurité du revenu; deux, que cette loi s'inspire non pas d'un sursaut de conscience collective que nous avons tous partagée comme communauté, comme société, avec l'Assemblée nationale, dans le processus qui a amené l'adoption et dans l'adoption de la loi n° 112, dans l'écriture de la loi n° 112, non... Donc, ce projet de loi ne s'inspire pas de 112 mais s'inspire plutôt d'une politique ou d'un environnement de programmes que le ministre lui-même a créés pour ensuite, pour ensuite s'y référer, nous indiquant que la loi n° 57 s'y rattache.
n(20 h 40)n Alors, le ministre dit en plus que sa réforme s'avère nécessaire pour permettre la mise en oeuvre de plusieurs mesures qui sont prévues au plan d'action ou qui ont été annoncées lors du discours sur le budget. Alors là, il nous parle, quand il nous dit ça, du barème plancher, de la prime à la participation, etc. Je n'ai entendu aucun raisonnement, aucune démonstration logique non plus qu'aucune démonstration légale durant la tenue des auditions de la Commission des affaires sociales. Je vous rappelle que nous avons siégé un bon bout de temps. Nous avons entendu 61 mémoires. Le ministre a eu amplement l'occasion, de même qu'il l'a eue lors de son exposé initial à l'adoption de principe de ce projet de loi n° 57, a eu amplement l'occasion de nous expliquer en quoi la réforme était nécessaire pour lui permettre de mettre en oeuvre un certain nombre de mesures du plan d'action ou du discours sur le budget. Et il nous donne comme exemples le barème plancher et la prime à la participation. Alors, parlons du barème plancher.
Mme la Présidente, c'est une bien drôle de façon de prétendre que le gouvernement, par l'entremise de son ministre, a respecté ses engagements électoraux vis-à-vis de cette question du barème plancher, en indiquant que, puisqu'il proposait, dans le projet de loi n° 57, d'éliminer les pénalités qui étaient imposées lors de refus de participation à des mesures, il installait le barème plancher. La définition du barème plancher qu'emprunte le ministre est très différente de ce qu'on retrouve dans la loi n° 112, premièrement. Et, deuxièmement, je vous ferai remarquer, Mme la Présidente, que le ministre, en même temps qu'il siégeait à cette Commission des affaires sociales, présentait, le 22 septembre, une série de dispositions réglementaires qui... Peut-être un petit peu avant. De fait, le président de la commission, qui est très attentif à mon intervention, m'indique que c'était peut-être un petit peu avant. Mais la période de 45 jours, cependant, qui est requise pour l'étude de la publication des règlements en question, elle, chevauchait, n'est-ce pas, les séances de la commission.
Durant tout ce temps-là, le ministre prétendait qu'il avait instauré un barème plancher, alors que les groupes venaient lui dire: Mais ça n'a rien à voir avec la définition du barème plancher dans 112. Et, d'autre part, vous nous avez annoncé, le 22 septembre ? et c'est effectif, Mme la Présidente, à partir du 1er décembre ? vous nous avez annoncé un certain nombre de dispositions qui viennent amener les coupures dans les prestations d'aide sociale, notamment lorsque des gens qui sont inscrits à l'aide sociale logent ou partagent un logement avec leur père ou avec leur mère. Alors ça, c'est 100 $ de moins par mois sur la prestation d'aide sociale, et on vient nous dire ? ça prend quand même assez de front, ça prend quand même assez de front ? on vient nous dire, alors qu'on est en pleine discussion du barème plancher et que le ministre prétend qu'il respecte le barème plancher, on vient nous dire ça en commission puis en même temps on est à installer une série de dispositions qui vont faire en sorte que des gens vont, par exemple, être coupés de 100 $ sur leur chèque d'aide sociale ? et je rappelle que c'est 533 $ par mois pour une personne seule ? s'ils vivent ou s'ils partagent le même logement que leur père ou leur mère.
Alors, les gens et la presse en général, Mme la Présidente, ont appelé cette clause «la clause Tanguy». Mais c'est une bien mauvaise allusion, parce que nous avons maintenant la démonstration, chacun dans nos comtés... vous allez en retrouver dans le vôtre, Mme la Présidente, vous allez avoir des cas comme ça à votre bureau, des gens qui ont 40, 45 ans, 50 ans qui vivent avec leurs parents ou leurs vieux parents et qui reçoivent une lettre du ministère leur indiquant qu'ils doivent faire une déclaration à l'effet qu'ils vivent seuls, sinon ils seront coupés de 100 $ par mois. Et on a invoqué, à ce moment-là, la solidarité familiale. Le ministre nous dit: On s'appuie sur la solidarité familiale pour arriver à cette disposition. Alors, le raisonnement, il serait le suivant: les vieux parents qui peuvent compter sur un petit peu de sous ? et je vous donnerai un exemple tout à l'heure, Mme la Présidente, vous allez voir ce que c'est, un tout petit peu de sous ? pourraient accueillir chez eux, pour les soulager un tout petit peu, leurs enfants. C'est un effort particulier que des parents doivent consentir, et le principe de solidarité familiale s'affirme à ce moment-là. C'est-à-dire que c'est normal qu'une famille puisse offrir à un de ses enfants un toit, un refuge pour un certain bout de temps, mais c'est aussi normal que l'État coupe 100 $ étant donné que la famille pourvoit aux besoins de cet enfant-là.
Mme la Présidente, j'ai entendu en commission, et mon collègue du comté de Joliette aussi, la présidente du Conseil de l'enfance et de la famille venir dire qu'elle avait été absolument secouée par l'utilisation que faisait le ministre de cette notion de solidarité familiale. À l'inverse, dit-elle, celui ou celle qui fait preuve de solidarité familiale, c'est peut-être ces personnes qui partagent des revenus très modestes, font preuve d'entraide, s'entraident mutuellement pour pouvoir améliorer un tout petit peu la qualité de leur vie et vivre un tout petit peu plus dans la décence et dans la dignité. Et, Mme la Présidente, je parlais, encore hier, avec un résident, dont je tairai le nom ? qui m'a donné la permission de donner son nom, mais je le tairai juste par prudence ? et qui me dit: Je vis avec ma mère, elle a 87 ans. Elle dispose d'un revenu de 14 050 $ par année, et, parce que je vis avec elle, on vient de m'annoncer qu'on allait me couper 100 $ par mois. Ce monsieur a 52 ans, sa vieille maman a 87 ans. Et j'ai eu l'occasion de parler à cette dame et à ce monsieur et j'ai bien constaté quelque part qu'il y a quelque chose qui clochait dans le raisonnement qui inspirait le ministre quant à son argument qui veut que la solidarité familiale passe par une coupure de 100 $ par mois sur un chèque de 533 $ par mois.
Mme la Présidente, c'est 44 millions de dollars d'économisés par cette mesure mais aussi par la mesure qui veut qu'on impose un délai de carence de trois mois, un délai de carence de trois mois aux immigrants nouvellement arrivés chez nous et qui se présentent comme immigrants autonomes.
C'est aussi une coupure de 25 $ par mois sur l'aide sociale des personnes qui s'inscrivent en milieu de travail, parce que prétendument on leur offrira une prime au travail, une prime au travail qui finalement se résume à quelque 300 $ par année supplémentaires si on soustrait ce 25 $ dont seront privées désormais les personnes. On annonce également une coupure de 80 $ le 22 septembre. Barème plancher, prestations à l'aide sociale protégées, 80 $ d'abolis sur la subvention au logement, qui était de 80 $. Alors, les droits acquis sont protégés pour celles et ceux qui l'auront déjà reçue, mais, pour les nouveaux arrivés dans le système, suppression du 80 $.
Alors, Mme la Présidente, vous me permettrez de douter fortement que le temps presse au ministre d'adopter ce projet de loi prétendument parce qu'il veut installer le barème plancher. Le barème plancher, il ne l'installe pas, il l'affaiblit continuellement par des règlements qu'il fait adopter parallèlement à l'étude de son projet de loi n° 57. Alors, il l'affaiblit aussi, Mme la Présidente, en faisant passer dans le budget une disposition de la demi-indexation de la prestation d'aide sociale. Alors, qu'on ne vienne pas me dire que ce projet doit nécessairement être adopté le plus rapidement possible en vue de l'instauration du barème plancher, alors que le ministre, par toutes sortes d'autres moyens, fait des économies de 44 millions en ce qui concerne les règlements qui ont été adoptés ? et là je regarde mes collègues de l'aile parlementaire... de l'aile gouvernementale ? de 44 millions par les règlements du 22 septembre et des économies qui varient entre 14 à 24 millions, dépendant du dénominateur qu'on examine, en ce qui concerne la demi-indexation de la prestation. Alors, va pour le barème plancher, hein, on repassera.
En ce qui concerne, maintenant, la prime à la participation, les gens nous disent: C'est absolument nécessaire qu'on puisse adopter ce projet de loi le plus rapidement possible parce que nous voulons installer une nouvelle prime à la participation. Alors, simplement pour démêler les choses, là, la prime à la participation se présenterait sous deux volets. Un premier volet d'allocation d'aide à l'emploi. C'est une allocation qu'on connaît déjà, qui représente quelque chose comme 130 $ par mois et qui serait éventuellement augmentée à 150 $, selon le plan d'action gouvernemental en matière de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Ça, c'est un premier bras de la prime à la participation. Le deuxième, c'est une allocation de participation, de participation, par exemple, bénévole à des activités communautaires qui seraient reconnues et pour lesquelles on offrirait une compensation. Alors, voilà deux éléments qui constitueraient la prime à la participation.
n(20 h 50)n Alors, c'est sans doute à ce moment, Mme la Présidente, où j'ai senti, durant les travaux qu'a tenus la Commission des affaires sociales, comment ce projet de loi avait été improvisé et nous était présenté, à mon avis, d'une façon que je qualifierais de non rigoureuse, à tout le moins. Durant les quelques semaines, huit semaines où nous avons siégé, j'ai entendu le ministre répéter à plusieurs reprises, peut-être une dizaine de fois: Je ne sais pas exactement comment on va fonctionner avec la prime à la participation. Est-ce qu'on va donner des primes dont la teneur, dont l'ampleur va être plus importante, autrement dit un petit peu plus payantes pour un peu moins de personnes ou des primes un peu plus basses pour beaucoup plus de personnes? Je ne sais pas exactement. Par qui ça devrait être administré? Je ne sais pas exactement. Quelles sortes d'activités ça devrait couvrir? Il a été jusqu'à dire, à un moment donné: Je n'ai pas de vision quant à cette prime à la participation. Eh bien, si ça, ce n'est pas un manque de préparation et si ce n'est pas la démonstration que cela nous inspire quant à la nécessité de reporter l'adoption du projet de loi d'au moins six mois, si ce n'est pas la démonstration la plus claire qu'on peut faire, il n'y en aura pas de plus claire que celle-là.
Le ministre nous dit: Je ne sais pas quoi faire avec la prime à la participation. Il a trouvé que c'était une bonne idée, et peut-être que c'en est une, mais il n'a pas fait la démonstration, un, qu'il avait les budgets pour arriver à implanter cette prime à la participation pour qu'elle ait un impact... qu'elle ait un impact sur la qualité de vie des personnes, sur l'amélioration de leurs revenus, sur leur capacité d'insertion économique et sur leur capacité d'insertion sociale. Jamais nous n'avons été rassurés quant aux ressources que le ministre pouvait éventuellement investir, sinon qu'il nous dit qu'il dispose de 129 millions pour le mandat.
Alors, 129 millions, pour le mandat, pour les primes à la participation, si on divise par le nombre de personnes admissibles et qu'on suppose qu'il y en a pour à peu près quatre ans ou trois ans, entre trois et quatre ans, ça veut dire des primes à la participation, pour tout le monde qui seraient admissibles, là, qui varieraient entre 25 $ et 35 $ par mois. Ce n'est pas beaucoup, ce n'est pas beaucoup, quand on pense que la philosophie même dont se réclame le ministre dans son projet de loi, c'est une philosophie d'incitation au travail et de récompense de l'effort. Je reviendrai là-dessus d'ailleurs tout à l'heure, Mme la Présidente, parce que je trouve que cette... même cette expression est extrêmement dommageable et entretient des préjugés par rapport aux personnes qui sont inscrites à l'aide sociale.
Mais, la prime à la participation, non simplement est-elle improvisée du point de vue de ses applications, non seulement est-elle improvisée du point de vue de ses intentions, mais elle est également, à sa face même, insuffisante pour couvrir l'ensemble des demandes que pourraient faire de toute bonne foi les personnes inscrites à l'aide sociale et qui voudraient améliorer leur sort soit en recevant un tout petit peu plus de sous par mois via cette prime, mais aussi améliorer leur sort en s'inscrivant dans des activités de formation et de qualification pour lesquelles elles seraient éventuellement reconnues.
Mme la Présidente, nous avons l'impression qu'avec les budgets dont dispose le ministre ? et le ministre nous en a révélé un petit bout là-dessus ? il y a très peu de personnes qui dès cette année, là, pourraient profiter de cette allocation d'aide à l'emploi et de cette allocation à la participation. Nous évaluons, nous évaluons, d'après les budgets dont dispose le ministre, que les personnes qui pourraient bénéficier de cette aide pourraient représenter entre 1 % à 2 %, 1 % à 2 % de la population admissible pour l'année qui vient. Alors, si le ministre prétend que son projet de loi doit être adopté dès maintenant en vue de favoriser l'application de sa prime à la participation, ce qu'il nous dit, c'est que: J'ai besoin de la loi pour l'appliquer à, au maximum, 2 % des gens qui seraient admissibles. Mais ça veut dire quoi, ça, exactement, Mme la Présidente? Ce n'est pas un argument recevable, ce n'est pas un argument valable, si, encore une fois, on se replace non pas en perspective d'un gain administratif, non pas en perspective d'un gain politique, mais si on se place carrément dans la perspective d'un gain pour les personnes et pour les familles.
Moi, je prends mes collègues de l'Assemblée nationale à témoin, là, de n'importe quel côté de la Chambre qu'ils soient: Est-ce qu'on peut penser, est-ce qu'on peut penser qu'il y a nécessité d'adopter cette loi en vertu, en vertu d'un objectif dont le ministre dirait qu'il faut adopter la loi parce que, sans ça, nous n'aurons pas la prime à la participation, cette prime à la participation s'appliquant sur à peine 1 % à 2 % des personnes admissibles pour la prochaine année? Je ne pense pas que ce soit un argument extrêmement convaincant.
Mme la Présidente, je pense qu'il y aurait une autre bonne raison qui devrait encourager le gouvernement à reporter de six mois l'examen de ce projet de loi. Nous avons entendu, je vous l'ai dit tout à l'heure, à peu près 61 ou 62 groupes et... 62 groupes, et un très grand nombre de ces groupes nous ont dit être en désaccord profond avec le projet de loi. Je ne reciterai pas tous les pourcentages dont nous avons fait état dans cette enceinte plusieurs fois, mais je veux rappeler à l'ensemble des parlementaires qu'il y a des travaux qui nous viennent en Commission des affaires sociales et qui soulèvent quelque part, qui soulèvent quelque part l'adhésion des gens. Les gens reviennent nous dire: Bien, vous savez, le projet de loi, il est formidable, sauf qu'on pourrait peut-être aménager tel, ou tel, ou tel règlement, tel article, etc. Peut-être que tel amendement nous permettrait de mieux envisager l'application de la loi pour telle situation, etc. Mais on sent qu'il y a des projets de loi qui suscitent un intérêt et quelquefois de l'enthousiasme de la part de la population et des groupes qui viennent rencontrer les parlementaires.
Mais, dans ce cas-là, là, Mme la Présidente, là, ce n'est pas ça du tout qui s'est passé, là. On est en présence d'un projet de loi où quelques groupes qui avaient des intérêts particuliers se sont montrés positifs vis-à-vis de la loi, quelques groupes, notamment les propriétaires, qui venaient défendre l'article 53 pour la saisie des loyers, quelques autres groupes aussi qui s'occupent plus particulièrement des personnes qui présentent des contraintes sévères à l'emploi, parce que finalement le projet de loi, de ce côté-là, ne présente pas de dispositions qui soient ni pires ni meilleures que ce que nous connaissons déjà, sauf peut-être un assouplissement des règles et une promesse du ministre de revoir à la hausse... non, même pas à la hausse, parce que le projet de loi ne le dit pas comme ça, mais de revoir les règles de calcul des actifs pour l'admission des personnes à l'aide sociale et aux programmes de solidarité sociale.
n(21 heures)n Alors, il y a quelques groupes, oui, qui se sont montrés plutôt favorables, mais l'ensemble des groupes a remis en cause le fond même du projet de loi. L'ensemble des groupes a souligné maintes et maintes fois que les droits à la décence et à la dignité, les droits à une participation pleine et entière des citoyennes et des citoyens à la vie de leur société et de leur collectivité, ces droits-là n'étaient nulle part considérés dans le projet de loi, et nous ont aussi exhortés à retirer le projet de loi. Bon, 55 % des groupes l'ont fait très explicitement. D'autres avaient des doutes à ce point substantiels sur le projet de loi qu'il ne manquait que la phrase pour expliciter leurs intentions.
Mais, Mme la Présidente, c'est très clair, ce projet de loi ne reçoit pas l'assentiment de celles et de ceux qui accompagnent les personnes inscrites à l'aide sociale tous les jours, les rencontrent très régulièrement, connaissent leurs besoins, connaissent leurs aspirations et connaissent les conditions dans lesquelles ils tentent de s'en sortir.
Si on considère ce problème en particulier, Mme la Présidente, nous pourrions dès maintenant avoir un argument qui serait suffisant, je pense, pour alimenter notre proposition à l'effet de retarder le projet de loi. Si ces groupes qui connaissent très bien les personnes viennent nous dire: Écoutez, vous êtes à côté de la plaque, là, ça ne fonctionne pas, vous avez oublié un morceau très important, vous avez oublié le morceau de la sécurité de revenu dans une loi sur la sécurité du revenu, quand les gens viennent nous dire ça, on devrait avoir un petit recul solitaire et se demander: Mais est-ce qu'on n'est pas en train de passer tout à fait à côté d'une occasion exceptionnelle d'offrir une vraie, une vraie réforme aux Québécois et aux Québécoises, d'offrir une loi plus simple, plus efficace dans sa capacité de couvrir les besoins essentiels, qui considère davantage le développement des personnes plutôt que leur dénuement et qui soit moins préjudiciable envers les personnes?
Et là j'aborde, Mme la Présidente, un chapitre extrêmement important. Je pense que c'est le Collectif pour un Québec sans pauvreté qui a dit que nous avions affaire, là, à un projet de loi toxique. Bien, dans le cadre d'un gouvernement qui veut éventuellement... Je cite un groupe qui est passé devant nous et dans lequel on retrouve cette expression. Ce projet de loi serait toxique. Bien, pour un gouvernement qui vient de nous annoncer ses nouvelles couleurs en termes de développement durable, ce n'est pas fort. Et le développement durable, de fait ce n'est pas simplement un concept qui s'applique aux environnements physiques, naturels ou créés de la main de l'homme, c'est aussi les environnements sociaux, les environnements économiques, les environnements politiques qu'une société se donne et qui doivent éventuellement considérer pas simplement la pérennité des interventions, mais aussi l'équité des interventions. Et, dans la définition même de «développement durable», on retrouve, au coeur même de la définition de «développement durable», la notion de justice sociale, de justice sociale. Alors, on peut bien s'en gargariser, on peut bien l'emprunter, on peut bien faire vitrine avec ça, mais éventuellement il faut arriver au coeur des choses, et le coeur des choses dans le développement durable, c'est la justice sociale. Il n'y aurait pas cela qu'il n'y aurait pas de développement durable.
Et je rappelle encore une fois à mes collègues, confrères et consoeurs de l'Assemblée nationale, que, lorsqu'un projet de loi est préjudiciable, c'est-à-dire qu'il introduit ou qu'il perpétue une dimension discriminatoire, et qu'il laisse supposer qu'un groupe de nos concitoyens, qu'un groupe de nos concitoyens ne fait pas les efforts qu'il faudrait pour participer de plain-pied, par exemple, au développement de sa communauté ou de sa collectivité ou à son propre développement, lorsqu'on laisse supposer ça dans un projet de loi, on introduit, on introduit une dimension de préjudice, une dimension de préjugé, une dimension préjudiciable envers certaines de nos concitoyennes ou certains de nos concitoyens. Et nous sommes très loin, très loin du concept de développement durable quand on fait ça, on est très loin du concept de justice sociale.
Mme la Présidente, je vais vous citer, à partir du document qui apparaît... peut-être plutôt du préambule de la loi, les intentions du législateur. L'intention du législateur est de favoriser ? et là j'ouvre les guillemets, je cite ? favoriser l'autonomie économique et sociale des personnes et des familles. Il vise également à inciter les personnes à exercer des activités permettant leur insertion sociale, leur intégration en emploi et leur participation sociale. Subtilement mais solidement et constamment, ce projet de loi nous rappelle que les personnes doivent être les premières responsables pour améliorer leur sort, alors que la loi n° 112, elle, ne disait pas qu'elles devraient l'être. Elle reconnaissait que ces personnes étaient responsables dans l'amélioration de leur sort, qu'elles faisaient les efforts nécessaires pour s'en sortir, alors que, d'une façon, je dirais, un peu sournoise, Mme la Présidente, et là je ne nomme personne, mais, d'une façon un peu sournoise, on arrive à faire entendre, à sous-entendre que les personnes ne feraient pas tous les efforts nécessaires et qu'il faudrait les inciter et récompenser l'effort.
À ce titre-là, Mme la Présidente, je me souviens très bien de l'intervention du ministre, dans ses remarques préliminaires, alors que nous amorcions les consultations à la Commission des affaires sociales, où le ministre insistait pour dire cela, qu'il fallait que quelque part les gens trouvent plus... ? et là vous me permettrez l'expression; je ne pense pas que ce soit le bon mot à employer, mais c'est le mot que le ministre a employé ? que le contexte devrait être plus attractif pour aller travailler que pour rester passif à l'aide sociale, pour les personnes inscrites à l'aide sociale. Il fallait s'organiser pour faire un contexte plus attractif. Je pense qu'il aurait fallu dire «attrayant», là, mais, bon, vous comprenez le sens. Autrement dit, quelque part, il fallait faire en sorte que le contexte dans lequel se retrouvent les personnes à l'aide sociale devienne de moins en moins soutenant, de plus en plus aversif, parce que c'est ça que ça donne, la demi-indexation de la prestation d'année en année, et quelque part d'autre offrir des primes à la participation pour inciter les personnes ? comme si elles ne le désiraient pas ? à fréquenter le monde du travail et se trouver un emploi.
Mme la Présidente, il y a quelque chose là-dedans de pas très, très, très correct. Lorsqu'on introduit, à la base même d'un projet de loi, une opinion comme celle-là, une prémisse comme celle-là, évidemment tout le reste s'ensuit, tout le reste s'ensuit. Et on s'en défend bien, sauf que... Et, moi, j'ai bien peur quelque part que le projet de loi nous cache encore quelques surprises. Mais tout le reste s'ensuit.
Et on n'a pas été sans surprise à l'étude de ce projet de loi. Par exemple, par exemple, nous avons fait remarquer au ministre que les programmes Alternative jeunesse et les programmes spécifiques qu'il créait n'offraient pas de droit de recours aux prestataires qui s'inscrivaient ou s'inscriraient volontairement, paraît-il, dans ces deux nouveaux programmes. On a fait remarquer ça au ministre. Le ministre a rétorqué en disant que nous avions mal lu le projet de loi, que nous n'étions pas rigoureux que quelque part nous étions sans doute dans l'erreur et que bien au contraire ce projet de loi offrait des garanties à l'effet que ces personnes allaient pouvoir utiliser les mêmes droits de recours, obtenir les mêmes droits de recours que les personnes dans les deux autres programmes. J'ai été très étonné de la réaction du ministre, qui m'attaquait personnellement sur mon manque de rigueur, à ce moment-là, Mme la Présidente. Je n'avais pas l'impression d'être dans un endroit où on discutait sérieusement des choses de l'État. Mais j'ai été de moins en moins surpris cependant d'entendre les groupes émettre la même opinion. Et ne voilà-t-il pas que le ministre nous annonce, dans une conférence de presse, que finalement il va revoir l'article 96, qui, dit-il, porte à confusion. Il sera modifié afin de préciser que le projet de loi n° 57 prévoit des recours accrus par rapport à la loi actuelle, etc.
Mme la Présidente, c'est une façon...
Une voix: ...
M. Bouchard (Vachon): C'est très bon, mais c'est une façon cependant pour le ministre de ne pas avouer une erreur qu'il avait faite à ce moment-là. Et ce que je veux dire dans le fond, c'est que le ministre connaissait mal sa loi, il s'en défendait mal. Plutôt que de dire: Il y a peut-être, dans mon écriture de la loi, quelque chose de fautif, il nous a dit: Vous manquez de rigueur, vous êtes dans l'erreur, alors qu'à la fin du processus il doit avouer que quelque part l'article 96 niait carrément les droits de recours aux personnes inscrites dans Alternative jeunesse et aux personnes éventuellement inscrites dans les programmes spécifiques que voudrait bien créer le ministre. Alors ça, c'est une petite illustration du manque de sérieux et du manque de préparation, du manque de rigueur dans l'écriture de cette loi. Il y en a de très nombreux autres, Mme la Présidente.
n(21 h 10)n Le Bureau des renseignements et plaintes, je me suis étonné et je me suis inquiété du fait que le Bureau des renseignements et plaintes n'était plus mentionné dans la loi. Le ministre nous répond: Mais non, le Bureau des renseignements et plaintes, je vous dirais que, contrairement à ce qu'il dit ? en parlant de moi; et je cite le ministre ? «le projet de loi vient renforcer son rôle en créant une obligation au ministre afin d'assurer l'existence d'un mécanisme de traitement des plaintes». Qu'est-ce qu'il nous dit en conférence de presse? «Les articles 33 et 34 du projet de loi seront modifiés afin de préciser que le Bureau des renseignements et plaintes n'est pas aboli.» Ça veut dire, ça, quelque part qu'il va le réintroduire dans son amendement, on l'espère bien.
Mais encore une fois, Mme la Présidente, je veux bien, je veux bien que, quelque part dans le jeu parlementaire, on puisse invoquer l'erreur de l'autre, mais il faut bien aussi admettre que, à sa vue même et notamment étant donné les très, très, très nombreuses modifications que les gens ont demandées à ce projet de loi, ce projet de loi a été préparé dans une certaine précipitation, dans un cadre improvisé qui nous fait penser quelque part qu'il serait bien mieux encore une fois de retarder l'adoption du projet de loi, de prendre le temps, de revoir les implications, les prémisses et les postulats à la base même de ce projet de loi.
Mme la Présidente, le climat qui entoure la discussion de ce projet de loi est malsain, à mon avis. Nous avons, je pense, tous vu et entendu les revendications, les démonstrations, les désapprobations, l'expression de frustration d'un certain nombre de groupes de personnes. Ils sont des milliers, ils sont des milliers à nous dire que ce projet de loi est malfaisant, qu'il est accablant, qu'il est rétrograde, qu'il est trop complexe, qu'il introduit encore plus de discrimination dans la façon dont les gens seront traités à l'aide sociale. Ils sont nombreux, des milliers de personnes à s'exprimer dans cette direction, Mme la Présidente. Le climat qui entoure donc la discussion autour d'un projet de loi aussi fondamental, où il est question de dignité, il est question de décence dans la vie des personnes, il est question de lutte contre les conditions qui accablent des centaines de milliers de personnes dont le revenu est insuffisant pour couvrir leurs besoins essentiels...
Et là je prends encore une fois à témoin mes collègues de l'Assemblée nationale. La mesure du panier à la consommation nous indique que le revenu ou le seuil de pauvreté à partir de cette mesure serait autour de 11 100 $ et quelques par personne. Alors, on voit très bien l'écart qui existe entre une personne qui reçoit 533 $ par mois à l'aide sociale, autour donc de quelque 6 000 $ ou un petit peu plus, et ce seuil de 11 000 $ qui est identifié par la nouvelle mesure du panier à la consommation. On ne peut pas dire que c'est une mesure qui est extrêmement exigeante, quelque part. De fait, c'est une de celles qui situent le seuil le plus bas, alors qu'il y en a d'autres qui le situent à 15 000 $, d'autres à 18 000 $, d'autres à 20 000 $. La mesure du panier à la consommation, qui est fondée sur une approche très minutieuse de l'étude de ce dont une personne a besoin dans sa vie quotidienne et combien il en coûte éventuellement pour arriver à joindre les deux bouts et vivre un peu dignement, cette nouvelle mesure nous indique l'écart qu'il y a entre ce que reçoivent maintenant les gens à la sécurité du revenu, ou, si on veut, à l'aide sociale, et ce qu'il leur faudrait éventuellement pour pouvoir arriver à rejoindre les deux bouts et à vivre d'une façon un peu plus digne.
Mme la Présidente, le ministre pourrait profiter de ce temps qu'on lui accorderait notamment pour compléter la composition de son comité consultatif qui était prévu par la loi n° 112 et dont la fonction, et dont la fonction est de conseiller le gouvernement en matière de fixation d'un seuil de couverture des besoins essentiels, notamment, pas seulement. Mais le comité consultatif était prévu, dans la loi n° 112, pour faire exactement cela, proposer au ministre un ou des scénarios qui pourraient l'amener à définir, à partir de son autorité ministérielle et à partir des recommandations qui pourraient lui être faites par d'autres groupes également, un niveau, un seuil des besoins essentiels, et, à partir de ce moment-là, il pourrait, il pourrait commencer à développer une stratégie vraiment cohérente avec cette idée, qui nous est proposée par la loi n° 112, de faire du Québec un pays éventuellement mais au moins une société, en attendant, qui présente les taux de pauvreté... ou un taux de pauvreté parmi les plus bas au monde. Et il y a deux façons d'y arriver: en réduisant l'écart qui existe entre ce que les personnes ont dans leurs poches et un seuil de couverture des besoins essentiels et en réduisant le nombre de personnes qui se retrouvent dans un état de détresse économique, Mme la Présidente. Alors, je suggère très fortement que ce Parlement acquiesce à la motion. Merci, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de Vachon. Alors, je serais prête à reconnaître un député du côté ministériel pour respecter la règle de l'alternance. Alors, M. le député de Vimont et adjoint parlementaire au ministre de l'Emploi, de la Solidarité sociale et de la Famille, à vous la parole.
M. Vincent Auclair
M. Auclair: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Mme la Présidente, ça fait déjà plusieurs jours que l'on écoute attentivement les commentaires de nos collègues de l'opposition. On a même eu le plaisir d'écouter et de recevoir, comme l'a dit le critique de l'opposition, on a entendu plus de 60 groupes qui sont venus nous présenter leurs mémoires. On a procédé à une lecture d'environ 75 mémoires. Ce fut pour moi une expérience extraordinaire, très enrichissante d'avoir des échanges d'un niveau très élevé à l'égard d'une réalité dans laquelle il est très facile, Mme la Présidente... Et ça, je pense que tout le monde, des deux côtés de la Chambre, nous sommes d'accord, il est très facile de tomber dans les préjugés. Et la question que je me pose, c'est: La façon qu'il est présenté... Et je ne doute pas de la bonne foi des collègues de l'opposition, mais je pense qu'ils travaillent très fort justement pour créer et entretenir ce préjugé-là dans leurs commentaires et dans leurs perceptions.
On nous demande, aujourd'hui, et c'est pourquoi j'interviens en ce moment au niveau d'une question de report... Juste pour répondre au whip de l'opposition, parce qu'il semblait penser que, nous, nous étions un petit peu, à cet égard... on n'avait aucune notion de ce qu'était la motion de report, c'est l'article 240 du règlement de l'Assemblée nationale, comme vous le savez très bien, Mme la Présidente, et qui demande tout simplement de remettre à plus tard l'adoption d'un projet de loi. La motion principe qui a été faite, c'est que le principe du projet de loi ? dans ce cas-ci, 57 ? soit maintenant adopté. Dans leur cas, l'amendement, c'est que l'amendement vient tout simplement dire, dans ce cas-ci, dans six mois ou plus tard. Il pourrait être beaucoup plus loin. L'objectif donc est de permettre à ce qu'on puisse discuter plus longuement sur un projet de loi.
Maintenant, retournons un petit peu en arrière pour savoir pourquoi je suis contre cette motion de report. Premièrement, on a présenté le projet de loi n° 57 à la population, ça a été déposé quand même à l'automne. On a demandé à tous les groupes qui le désiraient... C'était une consultation à l'échelle de la province pour que tous les groupes puissent venir nous présenter leur position sur le projet de loi n° 57. Et j'en remercie, à ce niveau-là, mon collègue le ministre de l'Emploi, de la Solidarité sociale et de la Famille qui m'a permis de faire une tournée, Mme la Présidente. Et c'était une première au Québec, à ce qu'on m'a dit. J'ai fait une tournée et j'ai rencontré les agents, agentes, les conseillers d'Emploi-Québec et de Sécurité du revenu du Québec dans les CLE. C'est une tournée qui s'est faite après qu'on ait remis le projet de loi à ces agents. Donc, sur le terrain, nous sommes allés les consulter avec des agents et avec des directeurs d'Emploi-Québec et de la Sécurité du revenu.
n(21 h 20)n Suite à cette rencontre, d'ailleurs cette rencontre qui a eu lieu à différents endroits, dans six régions du Québec, j'ai eu le plaisir de rencontrer plus de 80 employés de la fonction publique pour lesquels j'ai un grand respect. Dans les commentaires qu'ils nous ont faits... Et c'était très intéressant parce qu'on leur présentait le projet de loi n° 57 avec... Et ce qui est beau, c'est qu'eux, Mme la Présidente, ont la réalité de la loi actuelle. On ne parle pas de partisanerie, là, ils appliquent une loi. Donc, le premier commentaire: ils étaient très heureux d'apprendre qu'on éliminait, par le projet de loi n° 57, les mesures coercitives, mesures coercitives qui, si on maintient la loi actuelle, font en sorte qu'une personne qui, pour une raison... Par exemple, elle n'est pas heureuse. Elle a eu d'Emploi-Québec une référence pour travailler dans une entreprise, la personne se rend à ce nouvel emploi et, pour une raison qui lui est propre, elle n'est pas heureuse dans ce type d'emploi là, donc volontairement quitte son emploi. Mais ce que l'opposition ne vous dit pas, c'est qu'avec la loi actuelle elle sera pénalisée, elle va se voir retirer 150 $ de son chèque de prestation.
Ensuite, si une personne fait défaut de remettre des documents aux agents, pour n'importe quelle raison, vu la distance, vu l'éloignement des centres locaux d'emploi, problème de maladie, elle se retrouve également avec la possibilité de voir l'agent dans l'obligation, parce que l'agent ne fait qu'appliquer la loi, donc une obligation de pénaliser, de charger une pénalité. Donc, le chèque qui était initialement 533 $ peut dans certains cas arriver à 233 $. Donc, on nous a fait plusieurs démonstrations comme quoi il était impossible ou très difficile de survivre avec 533 $ par mois, imaginez-vous avec 233 $ par mois. Et c'est de là que les préjugés commencent à courir.
La population n'est pas folle. Elle se dit: Bien, s'ils n'arrivent pas à 533 $, comment ils font pour arriver? C'est sûr que, oui, on est bien au courant qu'il y a tous les organismes communautaires qui font un travail extraordinaire avec les banques alimentaires, avec les soupes, les popotes, les Saint-Vincent-de-Paul, les comptoirs de linge qui viennent donner un coup de main. Mais qu'est-ce qui arrive vraiment à cette population-là, Mme la Présidente? Il se crée un isolement. On aurait aimé, du tout au tout, arriver à donner beaucoup plus à la population dans le besoin. C'est d'ailleurs le Parti libéral du Québec qui a instauré l'aide sociale. C'est le Parti libéral qui a travaillé pendant de longues années, qui a reconnu et qui a aidé, dans toute son existence, les plus démunis.
Donc, on se retrouve avec une situation, avec un projet de loi n° 57 qui veut remédier à ces mesures coercitives. Je vais vous dire toutefois que les agents qui appliquent les lois, les mesures, eux autres se trouvaient un petit peu entre deux, parce qu'ils se questionnaient à l'égard de l'application, parce que pour eux ce qui est important, c'est de dire: Écoutez, il y a des gens, malheureusement, et c'est une minorité, mais il y a certaines personnes que les mesures coercitives étaient le seul moyen de finir, de terminer un dossier, de permettre d'avoir certaines informations additionnelles pour leur permettre de les pousser un petit peu à une réinsertion à l'emploi, mais c'était une minorité. Donc, de là, ils applaudissaient l'approche incitative.
En ce qui concerne les catégories de prestataires, on s'est fait taxer ? donc, je présume qu'entre autres notre collègue de Vachon renie la réalité du passé, tous les gestes posés par le Parti québécois également ? on s'est fait taxer de vouloir justement créer des catégories: les bons pauvres, les mauvais pauvres. Pourtant, ce n'est pas des mesures qu'on a inventées d'hier. Et malgré tout ça il pose un jugement à cet égard-là. Pourtant, lorsqu'on regarde les catégories de prestataires, l'objectif n'est pas de créer un préjugé, l'objectif est beaucoup plus de pouvoir répondre aux différentes réalités des prestataires. Vous savez, des prestataires, des personnes avec contraintes sévères à l'emploi, Mme la Présidente, bon, ils viennent de plusieurs réalités sociales. Il y en a beaucoup qui nous proviennent à cause du fait qu'il y a eu la désinstitutionnalisation des centres hospitaliers. Ça, c'est un très bon coup du PQ, d'ailleurs, hein? On s'en souviendra toujours. Donc, ces personnes-là se retrouvent sur l'aide sociale.
Lorsqu'une personne est handicapée et a un handicap reconnu à vie, est-ce que c'est nécessaire, Mme la Présidente, à chaque année ou à chaque six mois, de lui dire: Amenez-nous un billet du médecin pour démontrer que vous êtes inapte de façon permanente? Je pense que, hein, si on veut simplifier le processus de l'État, processus réglementaire, et qu'on veut permettre à nos agents de travailler et de rendre le service qui se doit à la population, il est bien... L'avantage, c'est d'éliminer le plus possible... de ces personnes-là pour éviter justement la bureaucratie inutile.
Il y a également les personnes à la marge d'être considérées contraintes sévères à l'emploi. Malheureusement, il y a différentes réalités qui peuvent mener à ça. Ces prestataires, ça peut être des personnes qui ont des problèmes psychosociaux, des problèmes d'alcoolisme, de toxicomanie, d'isolement, d'anxiété. Le personnel, à leur égard, considérait qu'il était essentiel d'avoir des recours à des ressources à l'extérieur du ministère, et d'ailleurs ils ont applaudi la mesure prévue dans le projet de loi n° 57 qui va permettre et qui va donner la marge de manoeuvre au ministre, donc c'est-à-dire aux CLE, aux centres locaux d'emploi, de pouvoir avoir de plus en plus recours à ces ressources-là.
Ils ont également considéré qu'il existait aussi ? par leur expérience, on ne parle pas de la nôtre, là ? qu'il y avait aussi des personnes sans contraintes mais malheureusement non motivées. Et, dans ce cas-là, pour eux autres ils les décrivent comme suit: Ce sont des prestataires qui ne procèdent à aucune démarche et ne sont ? et là c'est de leurs mots ? carrément pas intéressés à intégrer le marché de l'emploi. Malgré tout ça, Mme la Présidente, on ne fait pas de distinction et on ne tombe pas dans le préjugé facile, ces personnes-là vont avoir le droit à une prestation de base qui ne sera pas coupée, d'aucune façon, même s'ils refusent. 533 $ de base.
Il y a également les personnes sans contraintes mais modérément motivées. Ces personnes-là, quand on dit «modérément», c'est qu'elles ont besoin d'un certain suivi, un accompagnement à plus long terme. Donc, toutes les démarches... En laissant, par exemple, les personnes à contraintes sévères... en les traitant d'une autre façon, on va pouvoir permettre à nos agents de concentrer leurs services justement à trouver les moyens de motiver ces gens-là.
Et il y a bien sûr ceux qu'on ne parle jamais parce que c'est des gens qui arrivent malheureusement sur l'aide sociale mais qui sont motivés, donc qui vont aller dans les processus, tous les processus d'emploi pour justement retourner le plus rapidement sur le marché. Donc, le personnel, à leur égard, était quand même... Pour eux, il s'agissait de catégories tout à fait standard, et ils vivaient très bien avec ça. Et on parle encore des gens, Mme la Présidente, qui appliquent, à tous les jours, les lois du gouvernement, donc qui ne sont pas entachés d'une couleur ou d'une autre. Ils sont des gens qui appliquent la loi, ils y croient, et c'est pour ça que pour eux l'établissement de catégories était tout à fait louable.
Ils ont applaudi, comme je vous l'ai dit, la possibilité de conclure des ententes avec des intervenants externes. D'ailleurs, ils veulent qu'il y en ait beaucoup plus que... on retrouve en ce moment. Pour les agents, fini la question du moment où c'était du mur-à-mur, que les ordres venaient d'en haut et descendaient lentement aux centres locaux d'emploi. Pour les agents, il est important que dans chaque région on puisse conclure des ententes qui vont respecter la réalité des régions.
Moi, j'ai visité six régions, Mme la Présidente. Il y a eu Montréal, l'Outaouais, le Centre-du-Québec, Sherbrooke, Québec et Rimouski. Et je peux vous dire que la réalité de Rimouski n'est pas la réalité de Montréal. Juste au niveau de la population immigrante, Rimouski n'a pas beaucoup d'immigrants qui arrivent chez eux. Ce n'est pas qu'ils n'en veulent pas, c'est une réalité, ils n'en ont pas ou peu, très peu. Donc, pour eux, avoir des mesures pour l'intégration d'une communauté immigrante, ça ne donnait pas grand-chose. Ils aiment bien mieux avoir des mesures pour leur permettre de rapprocher la population qui se retrouve éloignée des centres urbains, pour justement payer du transport, payer des agents sur le terrain pour leur permettre justement d'aller donner des services concrets sur le terrain.
À Montréal, c'est tout le contraire, la population a accès à des services de transport, est beaucoup plus rapprochée de leurs centres locaux d'emploi. Donc, il y a une réalité, on va prendre la réalité des immigrants. Donc, ils aiment bien mieux avoir des programmes spécialisés pour pouvoir venir en aide à nos immigrants que d'avoir des programmes qui iraient investir dans du transport. Donc, chaque région, Mme la Présidente, comme je vous disais, ont leur propre réalité.
Les employés ont également souligné la réalité avec les autres ministères, et ce qu'ils ont souligné, c'est que réintégrer le plus possible la population sur le marché du travail pose des problématiques qui débordent le cadre de la Sécurité du revenu, du ministère de la Sécurité du revenu et d'Emploi-Québec. En ce sens, ils sont heureux de voir qu'il y a une beaucoup meilleure relation entre les divers ministères pour justement permettre cette réinsertion-là sociale de la population soit au niveau du marché du travail ou même au niveau de primes à la participation. D'ailleurs, là-dessus, je vais y revenir, Mme la Présidente, parce qu'il y a beaucoup de choses qui ont été dites par mon collègue, entre autres, mon collègue de Vachon. Et je ne peux pas dire qu'il est hypocrite, mais je peux dire que j'ai entendu des propos hypocrites.
Une voix: ...
n(21 h 30)nM. Auclair: Merci. Donc, une des choses qui a été faite, Mme la Présidente, c'est que, entre autres, le ministère du Revenu a décidé également de s'attaquer à la lutte... donc justement faire une lutte à la pauvreté. Lorsqu'on parle de Prime au travail, lorsqu'on parle de Soutien aux enfants, ce sont des moyens directs, Mme la Présidente, pour venir en aide à nos familles les plus démunies. Le projet de loi n° 57 donc est un projet qui fait le... qui est un tout, qui n'est pas un projet isolé, comme ça s'est fait dans le passé, mais c'est un projet de loi qui va justement aller avec l'ensemble des autres programmes existants.
Il y a des choses, dans les propos que j'ai recueillis, qui ne vont pas... qui n'appuient pas notre projet de loi, et, entre autres, la définition de conjoint et la notion de vie maritale. Les employés du gouvernement nous ont bien dit que, pour eux, à cause du travail et de l'énergie que ça nécessitait pour venir définir quel était un conjoint qui n'était pas un conjoint et de toutes les contestations, pour eux, il serait plus facile de laisser tomber et de reconnaître une personne individuellement, donc d'avoir un montant, un montant de base et de là construire là-dessus. C'est un point de vue, bon, qui doit être respecté, mais je vous le donne, même s'il n'est pas en accord avec ce qu'on a décidé de maintenir en ce moment.
Les agents étaient très heureux également de venir souligner une réalité différente. Tout le personnel, autant de l'aide sociale que d'Emploi-Québec, était très heureux qu'il y ait un maintien du principe de réciprocité, c'est-à-dire, le principe de réciprocité, c'était celui de droits et d'obligations. Oui, c'est vrai, comme gouvernement, comme État, nous avons l'obligation de s'occuper de nos plus démunis mais également de leur dire que les plus démunis doivent également faire un effort pour pouvoir trouver un moyen de s'en sortir, donc qui va donnant, donnant.
Au niveau du vocabulaire, les employés étaient très heureux que l'on revienne avec le principe d'aide sociale, avec le terme «aide sociale». D'ailleurs, ce terme-là n'avait pas été éliminé du vocabulaire de la population, pas plus que des agents, et ça ne faisait que venir... dans le fond une certaine confusion avec le régime fédéral d'assurance-emploi parce qu'on appelait ça «assurance sociale», donc ça venait juste... assistance-emploi, pardon. Donc, ça faisait juste créer des conflits inutiles dans le langage.
Au niveau des programmes de solidarité sociale, encore là il est bien vu. Le barème plancher, comme je l'ai dit, Mme la Présidente, l'article 49, très bienvenu également. Au niveau du non-paiement de loyer, bien, je vais être heureux comme eux de recevoir la modification amenée par notre ministre, qui laisse tomber l'application de l'article 53. Mais, pour amener dans le contexte, lorsque le ministre a parlé de l'application de l'article 53, il n'a jamais, d'aucune façon, mentionné le fait qu'il voulait appliquer l'article 53. Ce qu'il a toujours souligné, c'est qu'il voulait avoir le son de cloche des groupes qui venaient nous rencontrer, qui venaient nous donner leur opinion, selon eux, de quelle façon ils pouvaient voir pour aider à amener une solution à un problème de loyer de nos plus démunis. L'approche qui a été le plus souvent soulevée, et celle que j'appuie également, c'est bien sûr de leur donner des logements sociaux. D'ailleurs, je pense que le ministre du Sport et Loisir et de l'habitation a bien compris le message et même l'avait bien saisi d'avant, donc c'est un homme qui avait une vision parce qu'il a investi, notre gouvernement a investi énormément, Mme la Présidente, dans la création de 16 000 nouveaux logements sociaux pour un avenir très rapproché.
Le programme Alternative jeunesse, très bien reçu également. La seule chose pour eux: simplification également encore du... On parle de personnes de terrain. Pourquoi ne pas tout simplement maintenir le terme «Solidarité jeunesse» et parler de Solidarité jeunesse bonifié? Donc, c'était leur approche, c'était leur... Dans le fond, eux autres, ce qu'ils veulent, c'est que la population... Ils reconnaissent le très bon travail de Solidarité jeunesse, et nous de même. Solidarité jeunesse, ce sont des excellents programmes qui aident les jeunes, et dans le fond ça fait partie... On a catégorisé. Oui, Mme la Présidente, on a décidé de créer des catégories. En créant Solidarité jeunesse, on a catégorisé des plus jeunes parce que les plus jeunes ont des besoins qui sont différents d'une clientèle qui a, par exemple, 50 ans, 55 ans. Ce n'est plus la même réalité. Ils n'ont plus les mêmes besoins et ils n'ont pas la même réalité terrain.
Ce qui est surtout très important, c'est bien sûr les règlements, les règlements à venir, et là-dessus je sais que le ministre travaille très fort, avec toutes les consultations qu'il a faites, avec les plus de 60 heures, donc les groupes que nous avons reçus, Mme la Présidente, qu'il a pris beaucoup de notes justement pour simplifier les règlements, pour amener une politique et une loi qui va être respectueuse des gens qui sont dans le besoin et surtout respectueuse des gens qui vont appliquer cette loi-là, pour que les agents, les agents de la sécurité du revenu d'Emploi-Québec, les conseillers, les chefs de secteurs puissent justement mettre en oeuvre cette fameuse loi et qu'ils donnent le maximum de services à la population.
Donc, Mme la Présidente, à l'égard du projet de loi n° 57, voici les commentaires, les commentaires des gens qui, comme je vous l'ai dit, n'ont aucun parti pris, ne représentent aucune couleur politique, et ce document-là d'ailleurs avait été déposé en commission.
Mme la Présidente, j'aimerais également vous parler un petit peu des commentaires que l'on a reçus. Depuis le début, on parle toujours d'une somme de 533 $ par mois pour les personnes sans contrainte au travail. C'est la prestation bien sûr de base qui, grâce au projet de loi n° 57, ne se verra pas coupée. Maintenant, c'est une réalité, on nous a fait faire beaucoup de devoirs à l'égard de: Est-ce qu'il est possible d'arriver avec 533 $, avec... Et il y a beaucoup de nos collègues, autant au parti au pouvoir que dans l'opposition, qui ont fait l'exercice. Sur la base de 533 $, certains arrivaient avec 50 $, 80 $. Selon les régions, les loyers étant moindres, on arrivait avec un petit peu plus ou un petit peu moins, mais la réalité semblait être très claire que c'était presque impossible de passer un mois avec un montant de la sorte.
Cependant, et ce qui doit être pris en considération également, c'est qu'il y a d'autres réalités au niveau du projet de loi qui permettent à nos plus démunis quand même de respirer un petit peu plus. Ce n'est pas encore là le... Hein, on est bien d'accord que l'aide de dernier... On parle bien de l'aide de dernier recours, donc l'aide sociale, c'est le dernier secours et c'est censé être une aide temporaire, on le souhaite tous. Il n'y a personne qui décide de s'abonner sur l'aide sociale, Mme la Présidente. Lorsqu'une personne arrive avec 533 $, il y a bien sûr le gain de... ils ont la possibilité de recevoir 200 $ par mois, sans être coupés, de gains de travail permis, ce qui représente environ trois jours de travail, huit heures par jour, au salaire minimum.
Il y a également prime à la participation qui va être établie selon divers critères. Et là-dessus le député, mon collègue qui a parlé juste avant, a soumis... il a dit: Bon, ça n'a pas d'allure, Prime au travail, le ministre ne sait même pas dans quoi il s'embarque. Je pense qu'il faudrait, là... J'aimerais bien qu'il sorte le verbatim de tout ce qu'on a entendu parce que, lorsque le ministre a parlé de prime à la participation, la seule chose qu'il a demandée à la population, aux groupes, il a toujours demandé: Vous, comment vous voyez ça? De quelle façon... Quel montant on devrait mettre? Moi, je prévois 150 $, 140 $. Mais, vous, de quelle façon vous voyez ça? Est-ce qu'on devrait étendre? Est-ce qu'on devrait permettre plus d'heures, moins d'heures? Donc, ce qu'il a fait, et c'est à tout... son honneur, il a consulté les groupes qui sont venus nous voir, des groupes qui étaient souvent très réticents à même nous donner quelle que ce soit réponse aux questions parce qu'ils se tenaient à leur dépôt de leur mémoire qui était tout simplement: Bien, retirez le projet de loi n° 57.
Dans le fond, ça aurait pu être aussi simple que ça. Mais, lorsque le ministre a posé des questions ? donc, il leur démontrait une ouverture ? là, à ce moment-là, c'était plus difficile d'avoir des réponses. Je pense que tous les groupes sont d'accord, on veut reconnaître l'apport des gens sur l'aide sociale pour justement... C'est quoi, l'objectif de prime à la participation? Ce n'est pas obliger que ce soit un travail dit rémunéré formellement, c'est permettre à des personnes de sortir de chez elles et de sortir de l'isolement, Mme la Présidente. C'est ça qu'on veut reconnaître. On veut reconnaître leur apport dans le travail communautaire si c'est leur désir. On reconnaît qu'il y a des spécificités. Il n'y a pas un cas... Il ne faut pas partir avec un moule, en disant: Bon, ils sont tous pareils. C'est faux.
Pour avoir été impliqué très longtemps dans le milieu communautaire, Mme la Présidente... J'ai été président d'un organisme communautaire, le Centre de bénévolat de Laval, qui gérait la banque alimentaire de Laval, qui a fait malheureusement... et qui fait encore aujourd'hui beaucoup trop de dépannage alimentaire. Donc, c'est certain que l'objectif de prime à la participation, c'est de sortir les gens. Ce qui fait le plus mal, c'est lorsque... encore pire que les personnes... pour moi, pire qu'une personne qui vient demander un panier alimentaire, c'est une personne qu'on ne voit plus du tout, qui est isolée dans son appartement et qui ne sort plus, parce que là, après ça, on va tomber dans d'autres problèmes, ça peut être des troubles de toxicomanie, des maladies, et tout ce qui peut en suivre, Mme la Présidente. Donc, c'est à l'avantage de la société de reconnaître l'apport de ces personnes quand elles amènent... quand elles sortent de chez elles.
n(21 h 40)n Mais on a également prévu... Et on parle de, là, s'il y a gain de travail permis sans pénalité qui ne coupe pas la prestation. Si on rajoute prime à la participation selon le montant... le nombre de personnes que le ministre décidera de reconnaître, combien de personnes pourront être reconnues, on parlerait d'un montant qui va varier entre 773 $ à 883 $. De là, ça n'arrête pas. S'il y a Prime au travail ensuite, qui pourrait aller de 40 $ pour une personne seule à 180 $ pour une monoparentale, donc on est rendus à 813 $ jusqu'à 1 063 $.
Il y a également Soutien aux enfants qui va s'ajouter par la suite, qui peut faire en sorte qu'une famille monoparentale avec un enfant reçoive... ait le droit à 225 $ de plus par mois ou 308 $ pour une famille... une personne monoparentale avec deux enfants, donc ce qui fait grossièrement entre 1 038 $ à 1 371 $. Ce sont des chiffres de toute façon, Mme la Présidente, ce qui fait au gros total entre 12 456 $ ou 16 456 $, donc d'un montant plus élevé l'un à l'autre.
C'est sûr qu'il existe également d'autres prestations. Il existe des prestations spéciales pour les prothèses, les lunettes, déménagement en raison de santé, chaussures orthopédiques, des appareils médicaux, préparations lactées, les frais de transport. Donc, il y a beaucoup d'autres choses qui peuvent s'ajouter, Mme la Présidente, aux montants de base qui sont versés, et tout ce que la personne peut aller par la suite, par différents programmes, obtenir.
On se comprend, c'est toujours une réalité. Le temporaire qui devient permanent est toujours le pire parce qu'on sait qu'une personne que ça fait plus de trois ans, Mme la Présidente, qui se retrouve sur l'aide sociale, on parle d'une personne qui, même si techniquement est sans contraintes, se retrouve avec certaines contraintes, et c'est là-dessus que je veux revenir avec les commentaires des agents, ceux et celles qui sont habitués d'appliquer la loi, qui ont voulu, bien voulu mettre leur expertise lorsqu'ils ont parlé des catégories de prestataires.
Mme la Présidente, on se retrouve ici avec des réalités terrains. Donc, vous voyez que ce n'est pas noir, comme le dit l'opposition, mais qu'il y a encore... De notre côté, on reconnaît qu'il y a des marges de... il y a beaucoup de choses encore à faire. Pourquoi je tiens à ce que le projet de loi n° 57 soit mis en vigueur le plus tôt possible? Parce que, dans le plan de lutte à la pauvreté, le projet de loi n° 112... le projet de loi n° 112, oui... la loi n° 112, excusez-moi, on a bien dit qu'on se donnait, comme gouvernement, donc la province de Québec, se donnait 10 ans pour mettre en application la lutte à la pauvreté. Donc, le premier jalon de ça, c'est le projet de loi n° 57. Dès qu'il va être en vigueur, il va y avoir beaucoup d'autres étapes qui vont suivre, ce qui va nous permettre de répondre le plus possible aux besoins de nos citoyens qui sont dans le plus... qui vivent des difficultés, Mme la Présidente.
En conclusion, il est certain que je vais voter contre ce projet de loi... de report. En respect de mon ministre, je peux vous dire que... Et c'est beaucoup plus qu'un simple dépôt de loi qu'il a fait. Il a fait une consultation de long en large, et j'espère que, suite à ces consultations, Mme la Présidente, on va rester fidèles à nos engagements, et on va procéder avec l'adoption du projet de loi n° 57, et on va pouvoir procéder à l'adoption de plusieurs autres lois qui vont vraiment nous aider à lutter contre la pauvreté. Merci.
La Vice-Présidente: Merci, M. le député. Alors, comme prochain intervenant, je vais céder la parole au député de Chicoutimi et leader adjoint de l'opposition officielle. À vous la parole.
Motion d'ajournement du débat
M. Bédard: Merci, Mme la Présidente. À l'étape où nous sommes, j'aimerais faire la motion suivante, en vertu de l'article 100 de notre règlement:
«Que le débat sur la motion en cours soit ajourné.»
La Vice-Présidente: Alors, concernant l'ajournement du débat, si vous le désirez, l'auteur de la motion et un représentant de chaque groupe parlementaire ont chacun un temps de parole de 10 minutes, et l'auteur de la motion a droit à une réplique de cinq minutes. Alors, M. le leader adjoint de l'opposition officielle.
M. Stéphane Bédard
M. Bédard: Merci, Mme la Présidente. Donc, il me fait plaisir d'intervenir à l'étape de cette motion d'ajournement sur la motion de report qui demande, vous le savez, le report du projet de loi. Et, à la lumière des interventions que j'ai entendues et plus particulièrement celle de mon collègue de Vachon, et la compréhension ou peut-être l'incompréhension que j'ai eue de l'intervention qui a suivi, Mme la Présidente, j'aurais tendance à recommander à cette Assemblée, comme je viens de le faire, une motion d'ajournement.
Pourquoi? Parce que c'est un débat, vous le voyez, fort complexe et qui crée beaucoup d'attentes. Et la chance que nous donnons aujourd'hui au gouvernement, c'est de profiter de cette motion de report, autrement dit de reporter le débat un peu plus loin pour poursuivre la réflexion avec les différents groupes intervenus en commission, et, vous le savez, ils sont nombreux. J'aurai l'occasion de vous faire état un peu de l'ensemble des mémoires qui ont été présentés lors de cette commission mais en même temps des attentes de ces groupes.
Donc, Mme la Présidente, il est évident qu'à la lumière des arguments qui ont été invoqués le gouvernement aurait tout avantage à bénéficier de cette motion de report. S'ils ne veulent pas le faire ce soir, Mme la Présidente, cette motion d'ajournement leur permet, si elle est adoptée, de reporter le débat à plus tard sur la motion de report, évidemment pas sur l'adoption de principe, qui, lui, peut être reporté à beaucoup... Une des règles qui est bien connue en termes de sagesse, Mme la Présidente, c'est que la nuit porte conseil, et c'est vrai que nos nuits en période de session intensive sont plutôt courtes, Mme la Présidente, mais, après avoir entendu mon collègue du parti ministériel, j'aurais tendance à dire que cette nuit sera sûrement profitable, du moins pour lui, mais pour l'ensemble de nos collègues, de façon à mieux juger la motion de report qui a été déposée par mon collègue le député de... le whip de l'opposition officielle.
Souhaitons encore une fois, Mme la Présidente, que le gouvernement saisisse au bond cette opportunité que nous lui donnons de reporter le débat sur la motion de report et, demain matin, nous n'aurons peut-être pas l'occasion d'ailleurs... peut-être après cette nuit qui portera conseil préféreront-ils, comme nous leur proposons, de reporter le projet de loi et peut-être arriveront-ils, à plus courte échéance que le délai qui est indiqué, avec un projet de loi qui va correspondre beaucoup mieux aux attentes des groupes impliqués. Et quelles sont ces attentes? Je vais me faire humble, Mme la Présidente, parce que j'ai entendu, pendant tout près de 50 minutes, mon collègue député de Vachon vous faire état des mésententes actuelles qui existent entre le ministre responsable et l'ensemble des groupes qui ont été consultés, et elles portent sur différents thèmes, différents sujets, et ce qu'on constate, Mme la Présidente, c'est que peu de groupes se déclarent satisfaits du projet de loi.
Par exemple, et je pense que c'est une bonne indication de l'accueil plutôt mitigé qu'a reçu ce projet de loi, et je vous dirais... on pourrait même aller plus loin, Mme la Présidente, un accueil très froid de la part des groupes qui sont concernés par cette lutte à la pauvreté si chère, et ça, sans faire de procès d'intention, à tous les membres de cette Assemblée. Et c'est une statistique qui parle d'elle-même, Mme la Présidente, 55 % des groupes, des 61 groupes entendus lors de la consultation générale, ont demandé le retrait du projet de loi n° 57.
Vous savez, c'est un peu... ça, c'est le meilleur signal qu'un ministre peut avoir quant à la réception de son projet de loi. Il peut arriver qu'un projet de loi crée du mécontentement par rapport à certaines dispositions particulières où les gens lui font, bon, des propositions d'amendements, de modifications de textes pour faire en sorte qu'il rencontre l'objectif qu'ils se sont fixés ou que le principe du projet de loi s'est fixé, Dans ce cas-ci, purement et simplement, 55 % des groupes demandent tout simplement le retrait du projet de loi. Alors, autrement dit, reprenez, retournez sur la planche à dessin, M. le ministre, refaites vos devoirs et revenez-nous avec une nouvelle loi, ou deux nouvelles lois, ou trois nouvelles lois qui vont vraiment correspondre à ces objectifs que nous nous sommes donnés de lutte à la pauvreté et l'exclusion.
Plusieurs groupes, 86 % que j'ai ici, demandent une réforme, Mme la Présidente, de l'aide sociale qui couvrirait les besoins essentiels. 72 % demandent ? et jusqu'à maintenant ils n'ont pas été entendus ? l'indexation annuelle automatique et complète de toutes les prestations. Et, malgré un engagement écrit, signé en lettres de sang, Mme la Présidente, cet engagement n'a pas été respecté. Et, malgré les amendements qui ont été déposés, à aucun moment on ne retrouve le respect de cette promesse écrite par le premier ministre actuel, le premier ministre du... qui était à l'époque chef de l'opposition.
n(21 h 50)n 38 % ? et ça, c'est important ? demandent le dépôt du projet et des différents projets de règlement. Pourquoi? Et ça, ce serait un bel exercice de transparence que le ministre pourrait faire. Pourquoi? Parce que le projet de loi... Et, après avoir discuté avec mon collègue de Vachon, qui est un spécialiste en la matière pas simplement comme... je le dis avec beaucoup de candeur, qui est un spécialiste, pas évidemment du fait qu'il a siégé en cette Assemblée, mais, vous le savez, qu'il a occupé de hautes fonctions dans sa vie antérieure au niveau de la recherche sociale... Donc, j'ai eu beaucoup à discuter avec lui concernant le contenu du projet de loi, et ce qu'on a senti, certaines mesures qui sont apportées enlèvent ? sans le dire expressément ? enlèvent, je vous dirais, les balises que s'était données auparavant la loi. Et on ne dit pas textuellement qu'on va les enlever, mais on dit plutôt que, par règlement, on va définir de nouvelles conditions.
Alors, ça veut dire quoi, aux groupes, ça? C'est qu'on va adopter une loi mais sans savoir réellement ce que les règlements vont contenir. Est-ce que ce sera mieux? Mme la Présidente, permettez-moi d'en douter. Est-ce que ce sera pire? Bien, je pense que les groupes ont raison d'avoir des craintes à ce niveau-là. Donc, pourquoi enlever ces balises, si ce n'est que pour les modifier de façon, je vous dirais, beaucoup moins avantageuse pour ceux et celles qui sont bénéficiaires de ces prestations?
Le plus bel exemple, ce sont les prestataires de 55 plans... 55 ans et plus. Pardon, Mme la Présidente, à cette heure tardive, je risque d'avoir un langage un peu moins précis. Donc, pour les gens âgés de 55 ans et plus, donc eux faisaient l'objet de mesures précises, et l'âge était clairement défini. Dans ce cas-ci, on ne l'indique pas. Alors, qu'est-ce que ça peut avoir comme effet auprès de ces gens, Mme la Présidente? Bien, ces gens craignent. Est-ce que ça va provoquer une amélioration? Est-ce qu'on va plutôt définir 50 ans, 45 ans? Permettez-moi d'en douter. Pourquoi? Parce que ce serait tellement une bonne nouvelle, Mme la Présidente, que le ministre l'aurait déjà fait dans sa loi, il l'aurait déjà prévu. Il aurait dit: Regardez... Vous le savez, comment souvent notre ministre responsable de la Solidarité sociale a tendance à s'enorgueillir des mesures qu'il propose, même quand elles ne sont pas très bonnes. Alors, si c'était une mesure qui aurait un impact aussi positif auprès de ces prestataires, eh bien il est évident que le ministre l'aurait déjà dit et l'aurait déjà clairement indiqué dans le cadre de son projet de loi. Et ça n'a pas été le cas. Donc, les groupes, Mme la Présidente ? et j'aurais tendance humblement à être de leur avis ? ont raison de se méfier.
Pourquoi? Si n'est pas le ministre ? prêtons-lui de bonnes intentions ? si ce n'est pas le ministre, ça peut être celui qui va le suivre. Parce que, vous le savez, un ministre, ce n'est pas immuable dans le temps, et, avec toutes les rumeurs que nous entendons, il est bien possible, il est bien possible qu'une autre personne se retrouve dans son siège. Je vois d'autres ministres qui peuvent être appelés aussi à changer, à changer de responsabilités. Donc, à qui faisons-nous confiance, Mme la Présidente? Lorsqu'on donne un pouvoir aussi large de réglementation à un ministre, c'est qu'on fait un chèque en blanc, simplement, et c'est ça qui est malheureux.
Et je pense qu'une preuve de bonne foi peut-être pendant... Si on acceptait la motion d'ajournement, ce serait de nous déposer, dès demain matin, les projets de règlement, et nous pourrions juger au moins du sérieux du gouvernement quant à des mesures aussi importantes que l'aide accordée à des groupes en particulier qui sont encore, je vous dirais, plus victimes de leur situation défavorable. Et les 55 ans et plus, vous savez, c'est peut-être une des catégories les plus susceptibles d'avoir de la difficulté à trouver de l'emploi. Souvent, dans nos bureaux, ces gens arrivent au bout de leur formation, souvent après avoir perdu leur emploi et arrivent à la dernière... et ont encore le goût de travailler, là, je vous dirais, en pleine... Ils ont tous leurs moyens, toute leur compétence, mais souvent dans... Ça a été toute une vie consacrée à un seul emploi, donc ils sont limités dans leur recherche d'emploi.
Mme la présidente, le temps achève, quelque 20 secondes encore. Mme la Présidente, tout ça pour dire: Je n'ai passé que quatre... et j'en aurais plusieurs. Je vais laisser le soin à mon collègue de terminer cette liste. Mais souhaitons sincèrement que le ministre profitera et le gouvernement profitera de cette chance que nous lui donnons, et qu'il acceptera cette motion d'ajournement, pour par la suite accepter la motion de report telle que proposée. Merci, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Je vous remercie, M. le leader adjoint de l'opposition officielle. Alors, du côté ministériel, je vais reconnaître le député de Notre-Dame-de-Grâce et président de la Commission des affaires sociales. À vous la parole pour 10 minutes.
M. Russell Copeman
M. Copeman: Merci, Mme la Présidente. Nous étions, jusqu'à il y a 10 minutes, dans une motion de report sur le projet de loi n° 57. Évidemment, avant la motion de report, nous étions dans l'adoption de principe. Et, si j'ai bien compris notre collègue le député de Chicoutimi, on va entendre parler peut-être le député de Joliette, ce soir, sur la motion d'ajournement des débats. Je l'ai entendu lors de l'adoption de principe, Mme la Présidente, Ce qui m'est venu à l'esprit, c'est qu'il s'ennuie beaucoup, je crois, de ses fonctions en tant que critique en matière familiale. Il avait une verve pour la famille qui était vraiment sans... à remarquer, et je crois que malheureusement il doit s'ennuyer un peu de ses fonctions parce qu'il apporte beaucoup d'énergie à cette ancienne fonction par rapport à ses fonctions actuelles, Mme la Présidente.
Sur le fond de la question, Mme la Présidente, écoutez, vous êtes, comme moi, Mme la Présidente, une parlementaire expérimentée. 10 ans de faits ici, en cette Chambre, Nous reconnaissons, je pense, tout le monde ici, tous les parlementaires, à un moment donné, que, quand on multiplie les motions dont l'effet est de retarder les travaux de la Chambre, c'est une stratégie et une tactique légitime de l'opposition. Nous l'avons déjà utilisée, Mme la Présidente, dans le passé, mais par contre il faut le reconnaître pour ce qu'il est.
C'est-à-dire, quant à moi, Mme la Présidente, il faut procéder sur le débat de fond sur le projet de loi n° 57. Nous avons presque terminé, si j'ai bien compté les interventions de l'opposition, nous avons presque terminé les interventions sur l'adoption de principe de 57. Et je dois vous dire, Mme la Présidente, en tant que président de la Commission des affaires sociales ayant entendu et vécu la vaste consultation générale sur le projet de loi: J'ai hâte de commencer l'étude détaillée.
Le député de Vachon me signale également ? il opine du bonnet ? qu'il a hâte de commencer l'étude détaillée. Mme la Présidente, il opine du bonnet, il confirme. S'il a hâte de commencer l'étude détaillée, pourquoi une motion de report, pourquoi une motion d'ajournement des débats? Ça ne fait pas très sérieux, Mme la Présidente, je regrette de vous aviser. Si notre collègue ? et je le crois sincèrement, lui, dans son cas à lui ? a hâte ? dans son cas à lui ? il a hâte de commencer l'étude détaillée, semble-t-il, ce n'est pas le cas pour le leader adjoint. Le leader adjoint, lui, il veut multiplier des motions pour retarder, pour repousser, pour reporter.
Mme la Présidente, je veux vous dire une chose. J'ai la confiance sûre et certaine que nous allons procéder, à la Commission des affaires sociales, à une étude très détaillée du projet de loi, hein, très détaillée. J'ai la confiance, et ayant parlé avec le ministre de l'Emploi, de la Solidarité sociale et de la Famille, que nous allons faire notre travail comme parlementaires de façon très rigoureuse, de façon très correcte. L'opposition amène certains points de vue quant à des bonifications à faire sur l'article... sur le projet de loi n° 57, sur leur orientation, Mme la Présidente, qui est tout à fait légitime.
Mais j'ai hâte, Mme la Présidente, qu'on soit rendus à ce stade-là pour débattre de ces choses-là, parce qu'on sait fort bien, chers collègues, que le travail important de législateur se fait en commission parlementaire. Je ne veux pas dénigrer ou négliger le travail qu'on fait ici, dans le salon bleu, mais, ayant vécu l'expérience pendant 10 ans, M. le Président, vous le savez comme moi, que le vrai travail de législateur en tant que... en ce qui concerne l'adoption des projets de loi se fait lors des commissions parlementaires. Je peux assurer, je peux assurer notre collègue le leader adjoint de l'opposition officielle que nous allons procéder de façon rigoureuse, sérieuse avec une étude détaillée du projet de loi n° 57.
n(22 heures)n M. le Président, il n'y a pas un projet de loi que j'ai vu en 10 ans qui est parfait. Que ça vient de l'opposition officielle quand ils étaient au pouvoir ou que ça vient de notre côté de la Chambre actuellement, il n'y a pas un projet de loi qui est parfait. Ça défie même la définition d'un projet de loi. Je crois fermement, M. le Président, avec les amendements annoncés par notre collègue le ministre de l'Emploi, de la Solidarité sociale et de la Famille, que nous serons capables de travailler ensemble, ensemble, afin de bonifier le projet de loi n° 57, afin de le rendre encore plus précis quant à son orientation.
Le ministre a déjà fait valoir un certain nombre d'amendements. En ce qui concerne les recours, notre collègue le député de Vachon s'en est un peu gargarisé du fait que c'est un peu de «l'improvisme». Ce n'est jamais, M. le Président, de «l'improvisme» de vouloir bonifier et clarifier des projets de loi. Et notre collègue le ministre de l'Emploi, de la Solidarité sociale et de la Famille a déjà annoncé, d'avance, M. le Président, d'avance, une série d'amendements qui vont faire en sorte que le projet de loi va sortir du processus d'étude détaillée encore plus exact, plus précis, moins nébuleux et plus clair. Je pense que c'est l'objet du travail que nous allons faire en commission parlementaire et je remercie beaucoup notre collègue le ministre de l'Emploi, de la Solidarité sociale et de la Famille de son ouverture.
En ce qui concerne les règlements, les règlements que réclament corps et âme nos collègues de l'opposition, M. le Président, je peux vous dire, en connaissance de cause, ayant été critique en matière d'aide sociale pendant tout le processus du projet de loi n° 186, la loi sur la réforme de l'aide sociale, que nous avons, dans le temps, également réclamé très fortement le dépôt des règlements, ce qui a été refusé par la ministre d'alors, notre chère collègue la députée d'Hochelaga-Maisonneuve. Je peux vous dire par contre, chers collègues, que l'attitude de notre collègue est beaucoup plus ouverte, comparé à l'attitude que j'ai vécue quand j'étais assis de l'autre bord. Le ministre a répondu en Chambre: L'information va être déposée au fur et à mesure que nous progresserons dans l'étude détaillée. Il n'y a rien de plus transparent que cela, M. le Président, il n'y a rien de plus transparent que cela, comparé à ce que j'ai vécu personnellement avec la députée d'Hochelaga-Maisonneuve qui nous a dit: Écoutez, les règlements, ce n'est pas si nécessaire que ça, nous allons faire l'adoption de principe, nous allons faire l'étude détaillée, et les règlements vont venir par la suite.
Déjà, M. le Président, ça démontre quant à moi un souci de transparence, un souci d'équité, un souci de vouloir travailler bien avec nos collègues parlementaires, qui dépasse largement, largement l'attitude qui a été exprimée par nos collègues d'en face quand ils étaient au pouvoir. Nous n'avons, quant à moi, M. le Président, puis j'essaie, dans ce débat-là, depuis le début du débat, d'être le plus non partisan possible, parce que j'en ai entendu, des choses, de l'autre bord... L'hyperbole, M. le Président, j'en ai entendu. Pas du député de Vachon, mais beaucoup de ses collègues. Un projet de loi funeste. J'ai été même obligé de faire venir Le Petit Robert pour mieux comprendre qu'est-ce que ça veut dire. Mais je dois vous dire, M. le Président, que, de l'exagération, on en a vu ici, en cette Chambre.
Je pense que c'est le temps d'arrêter de faire de l'exagération, de faire la procédurite, de reporter, de repousser, d'ajourner. Le temps est venu, M. le Président, de procéder à l'étude détaillée en commission parlementaire, une étude, je crois, qui va être minutieuse, hein. Je suis pas mal convaincu que le député de Vachon va s'assurer que notre étude en commission parlementaire va être minutieuse. Je peux lui assurer de notre collaboration là-dedans. Le projet de loi va être scruté très à la loupe. Nous allons faire nos travaux en tant que législateurs. Ce n'est pas parce qu'on est rendu de ce côté de la Chambre, M. le Président, qu'on va abandonner nos responsabilités de faire l'étude détaillée du projet de loi. Je suis convaincu que nous allons sortir avec un projet de loi bonifié, un projet de loi mieux équilibré, un projet de loi qui répond en grande partie aux préoccupations exprimées par des groupes en commission parlementaire, M. le Président. C'est un processus qui assure, quant à moi... Et, en tant que président de la Commission des affaires sociales, je peux vous garantir que le processus va assurer qu'on donne voix à tous les critiques nécessaires, que le ministre, l'équipe gouvernementale va être là.
Nous allons voter contre cette motion d'ajourner les travaux... le débat, pardon, parce que, nous, de ce côté, on a hâte de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 57. Merci.
Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, merci, M. le député. Et, pour poursuivre le débat sur la motion d'ajournement de la motion de report, je cède maintenant la parole à M. le député de Joliette pour cinq minutes de réplique... 10 minutes, excusez. On me dit 10 minutes parce que je ne savais pas qui avait commencé. Alors, vous avez 10 minutes, puis il y a cinq minutes de réplique après. Alors, pour votre 10 minutes.
M. Jonathan Valois
M. Valois: Merci, M. le Président. C'est toujours bien de savoir si j'ai une pleine indexation ou une indexation partielle, une demi-indexation dans ma prestation. Alors, là-dessus c'est plus qu'intéressant parce qu'il n'aurait pas fallu, M. le Président, arriver à une situation où il y avait un plein 10 minutes d'un côté et simplement la moitié de notre côté. Ça aurait amené une certaine discrimination, un certain... et évidemment ça aurait alimenté, je ne sais pas, moi, une certaine inégalité qui serait tout à fait inacceptable.
Là-dessus, M. le Président, j'aimerais intervenir sur la motion d'ajournement, la motion d'ajournement parce que c'est essentiellement l'intervention du député de Vimont qui fait en sorte que j'ai présentement, comme le député de Chicoutimi nous le disait, réellement besoin d'une bonne nuit de sommeil pour réfléchir à, mais vraiment, tout ce qui s'est dit. L'éloquence du propos, la profondeur des arguments font en sorte qu'aujourd'hui, sur cette question, j'ai réellement beaucoup d'interrogations.
Le député de Vimont nous dit: J'ai fait une tournée des agents des CLE, des centres locaux d'emploi. Évidemment, six régions, on nous a parlé de 80 fonctionnaires, on comprend, là, une tournée colossale. On est vraiment, là, on est vraiment allé au fond des choses, un vaste débat public. On parle de 80 personnes, ici, dans six régions du Québec, quelque chose de magistral, d'extrêmement complexe et de complet. Maintenant, ce qu'on nous dit, par rapport à cette tournée-là, c'est un paquet de considérations qui ont été amenées par ces fonctionnaires.
Bien, les fonctionnaires sont venus nous voir, M. le Président, en commission parlementaire. Les fonctionnaires dénoncent le projet de loi. Ce n'est pas 80 fonctionnaires, c'est les représentants démocratiques de 5 291 fonctionnaires. Là, j'entends évidemment de l'autre côté: C'est le syndicat. Comme si ça pouvait diminuer l'importance de cette structure démocratique là de 5 291 employés. Vous savez, M. le Président, lorsque ces groupes-là parlent, moi, j'ai tendance à les écouter, parce que, sinon, lorsqu'on nous dit, lorsqu'on nous dit qu'il y a 60, 61 groupes qui sont venus nous voir, mais qu'après ça on nous dit: Ah, mais, eux autres, ils ne parlent pas pour vrai pour ce monde-là, bien arrêtons de nommer les 60, 61 groupes qui sont venus nous voir pour leur donner notre opinion, tu sais. Et ces gens-là sont venus nous voir pour donner leur opinion. Si ces gens-là sont venus nous voir pour participer au débat, ou bien on respecte ce qu'ils ont apporté ou bien on fait comme c'est là puis on leur dit: Non, non, ce n'était pas important, ce qu'ils ont apporté. Eux autres, ils parlaient juste en leur nom; nous autres, le vrai monde, on est allés les rencontrer. Bien, je ne pense pas que c'est ça.
Il ne faudrait surtout pas penser qu'une commission parlementaire c'est une commission qui rencontre 61 personnes qui parlent en leur nom propre, mais qu'on oublie que ces personnes-là essentiellement, comme le Syndicat, ici, de la fonction publique du Québec qui est venu nous voir, ne représentent pas les 5 291 personnes. Je pense qu'on doit avoir du respect pour ces groupes-là, et ces groupes-là sont venus dénoncer la loi. Les fonctionnaires du ministre de l'Emploi, de la Solidarité sociale et de la Famille joignent leurs voix aux démunis, qui réclament le retrait pur et simple du projet de loi découlant du plan de lutte contre la pauvreté.
En commission parlementaire, hier, Lucie Grandmont, vice-présidente du syndicat, du SFPQ, a déboulonné le projet de loi n° 57 qui, prédisent les pourfendeurs, fera reculer le Québec d'au moins 40 ans en matière d'aide aux démunis. On parle de 5 291 employés, à travers le Québec, qui ont appliqué les directives incohérentes et les multiples contradictions entre les discours et la réalité, donc entre ce qui est apporté et entre ce qui est vécu.
n(22 h 10)n Alors là, nous, on peut bien, on peut bien aujourd'hui... Et c'est pour ça que je demande qu'il y ait un ajournement parce que, d'un côté, il y a le député de Vimont qui nous dit qu'il a entendu un paquet de choses de la part de ces mêmes fonctionnaires là qui, par leur structure démocratique, qui, par leur structure de représentation, lorsqu'ils se regroupent ensemble, ces 5 291 employés là, nous donnent un autre son de cloche. Alors, il est important pour nous, je pense, de mesurer la pleine mesure de ces deux éléments qui sont, il faut bien l'avouer, contradictoires. Donc, un ajournement devient très important.
On nous dit aussi, du côté du député de Vimont, que, si ce projet de loi n° 57 là n'est pas adopté, ce sera le retour aux pénalités. J'étais convaincu qu'une note administrative du ministre ferait en sorte que cette disposition-là à l'intérieur de la loi actuelle pouvait être éliminée, mais on nous dit: Non. Le ministre, il ne peut pas se prévaloir de cette note administrative là, il ne peut pas se prévaloir de ce pouvoir-là qu'il a. Si on retire le projet de loi, bien on retire tout ce qui vient avec, et, nous, on n'intervient plus, et cette belle philosophie qui nous est apportée ne peut pas se mettre en application autrement que dans le projet de loi n° 57. Je trouve ça... Il faut réfléchir à ça parce que ce qu'on nous dit, en nous parlant des pénalités, c'est que justement le projet de loi n° 57, bon, met fin à toute cette logique de pénalité, mais en même temps j'entends qu'il y a un 100 $ qui est enlevé pour partage de logement avec les parents. Alors, moi, il faut que je mette ces informations-là ensemble. L'ajournement est nécessaire. L'ajournement est nécessaire pour que je puisse trouver justement la part des choses à l'intérieur de ça.
On nous dit même, à l'intérieur d'un document que le député de Vimont aurait fait, qu'il a calculé les motivations personnelles. On les a même, là, mises sur une échelle où est-ce qu'il y aurait les pas motivés, les moyennement motivés, les motivés à l'aide sociale. J'étais convaincu ? et c'est pour ça, là, qu'il faut vraiment que je m'arrête pour y réfléchir ? que la motivation personnelle n'était pas le meilleur indicateur. J'étais convaincu qu'on devait beaucoup plus regarder au niveau des blessures personnelles, des personnes qui ont été justement heurtées, blessées. Plus une personne est heurtée, plus une personne est blessée, plus une personne reçoit une étiquette, une étiquette, voire même une stigmatisation d'une identité qu'elle n'aime pas, plus cette personne-là a des problèmes avec justement cette identité-là, plus cette personne-là, au niveau de son estime de soi, se voit avoir une série de problématiques.
Et là on nous dit qu'aujourd'hui ce n'est pas au niveau de l'estime de soi, ce n'est pas au niveau des blessures, ce n'est pas du fait qu'une personne serait heurtée. Ah non, ce n'est pas ça, ce n'est pas ça du tout, ce n'est pas le fait que, jour après jour, une personne se fasse envoyer des préjugés, ce n'est pas le fait qu'une personne, jour après jour, même à la télé, voit une image d'elle, de ce qu'on représente d'elle, de sa situation sociale et économique, dans nos émissions de télévision, qui fait en sorte que ça alimente le fait qu'elle va sous-estimer son identité, qui fait en sorte qu'elle va être motivée. Non, ce n'est pas ça. C'est la motivation personnelle. On ne regarde pas au niveau des blessures, on ne regarde pas au niveau du fait que les personnes sont heurtées. On regarde simplement: Est-ce que cette personne-là est motivée? Comme si la motivation, c'était quelque chose qui venait, là, comme ça, qui descendait du ciel puis qui n'était pas dans un contexte social plus large. Non, on met ça au niveau de la personne elle-même, puis on va même les catégoriser puis les mettre sous une échelle de motivation. Très intéressant. Il faut que je réfléchisse à cette nouvelle échelle là qu'on vient de me donner.
Moi, comme personne qui regarde ces éléments-là, comme personne qui a participé à la Commission des affaires sociales, de laquelle, oui, j'ai un regard nostalgique et avec laquelle j'ai justement fait l'ensemble des travaux, je dois me dire aujourd'hui: Il y a une nouvelle échelle, l'échelle de la motivation du député de Vimont, je dois la prendre en considération. Alors, en ce sens-là, la demande d'ajournement, je pense, est encore une fois un autre élément qui nous dit que cette demande-là est importante.
On nous dit aussi, à l'intérieur de l'intervention qui nous a été faite, qui quant à moi justifie le fait qu'on est en demande d'ajournement ici, que ce qui est le plus important, c'est les règlements. Bien, si le plus important, c'est les règlements, et là ils ne sont pas déposés, mais il faudrait voter sur le projet de loi n° 57 pareil... Alors là, il faut vraiment que, si, de ce côté-là, du côté ministériel, on nous dit qu'un des éléments importants pour réellement comprendre l'ampleur du projet de loi n° 57, c'est la réglementation qui suivra, bien là vous comprendrez que ce besoin d'ajournement ou du moins de report par la suite, si on n'adhère pas à cette idée d'ajournement... Bien, elle est importante, l'idée qu'on amène ici. Parce qu'on ne peut pas nous dire d'un côté que, pour réellement comprendre 57 et les implications de 57, il faut les règlements, et que c'est très important, et que c'est une partie importante de la compréhension du projet de loi n° 57, mais, de l'autre côté, nous dire: Allons-y, allons-y, et débattons, et adoptons ce projet de loi.
Alors, en ce sens-là, M. le Président, il me semble que j'ai plein d'éléments ici que je dois remettre en ordre, là, pour réellement prendre une décision éclairée, décision éclairée sur le projet de loi n° 57. Et plus les débats vont de l'avant dans cette Assemblée, plus il me semble que la motion d'ajournement qui est demandée a plein de sens. Merci.
Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, merci, M. le député. Maintenant, il resterait le droit de réplique de l'auteur de la motion.
Une voix: À moins que...
Le Vice-Président (M. Gendron): Je ne crois pas. Alors, si vous voulez y aller pour votre droit de réplique de cinq minutes, M. le leader adjoint de l'opposition officielle.
M. Stéphane Bédard (réplique)
M. Bédard: Après avoir entendu mon collègue, j'eusse cru que le gouvernement ait donné son accord à cette motion d'ajournement, mais il semble que ses propos n'ont pas suffit. Donc, je vais tenter, dans les cinq prochaines minutes, à mon tour de reprendre les arguments et de faire ce qu'on nous apprend, ce qu'on nous disait à la petite école, répéter, répéter et souhaiter que cette répétition crée un moment de grâce de la part du gouvernement, et qu'ils acceptent effectivement cette motion d'ajournement pour mieux réfléchir à la motion de report et finalement accepter la motion de report. Et je peux vous dire qu'on a une certaine latitude quant au délai qui est donné au gouvernement dans cette motion de report, tout dépendant du contenu du projet de loi que le ministre nous fera part, de son nouveau projet de loi ou de ses nouveaux projets de loi, et nous serons très ouverts quant au délai. On a mis six mois dans la motion, M. le Président, mais on peut se contenter d'un peu moins ou d'un peu plus, s'il le faut.
Alors, M. le Président, j'en étais tout à l'heure et, sans reprendre les arguments, j'en étais à la liste des groupes qui sont venus et des commentaires qu'ils ont faits par rapport au projet de loi, et cela, dans le but évidemment, M. le Président, de renforcer notre position quant à l'adoption de cette motion d'ajournement. Alors, après mes commentaires sur le dépôt du projet de règlement, et j'ai compris, des commentaires du député de Notre-Dame-de-Grâce, que finalement nous n'aurions pas accès à ces projets de règlement qu'après l'adoption de la loi? C'est ça que j'ai compris, ou pendant, ou à peu près? Alors, je me dis: S'ils sont disponibles de toute façon, pourquoi ne pas les déposer maintenant? Nous sommes au principe du projet de loi. Mon collègue est disponible ce soir jusqu'à minuit, alors il serait totalement disponible pour regarder avec le ministre les projets de règlement. Bon. Si on n'a pas d'écoute, à ce niveau-là, on peut y aller sur les autres, mais on a encore du temps, M. le Président, et nous aurons à finir de débattre tout à l'heure la motion de report. Peut-être aurons-nous la surprise de voir certaines de nos demandes rencontrées par le ministre ou un membre du gouvernement.
Alors, un autre élément, assez parlant par lui-même: 78 % des gens qui sont venus en commission, des groupes entendus, ont demandé le retrait de l'article 53 sur la saisie des chèques pour le non-paiement du loyer.
M. Copeman: Ça va être fait. Ça va être fait.
M. Bédard: Et voilà! Et le député de Notre-Dame-de-Grâce me dit: Ça va être fait. Mais vous savez, et c'est là le problème, et c'est...
Des voix: ...
Le Vice-Président (M. Gendron): Aïe, s'il vous plaît! S'il vous plaît, là.
Une voix: Je réponds.Le Vice-Président (M. Gendron): Non, mais ce n'est pas à vous à répondre, là.
Des voix: ...
Le Vice-Président (M. Gendron): Non, non, je veux bien, mais un instant, s'il vous plaît, là, chers collègues, là. Il y a un article 32, puis je n'ai pas eu d'indication qu'il n'existait plus dans le règlement; donc, le décorum, et on est à notre place. Si on n'a pas le droit de parole, on écoute celui qui l'a. Or, il y en a juste un qui l'a présentement puis c'est le leader adjoint de l'opposition officielle.
M. Bédard: Oui, effectivement, 78 % demande le retrait de l'article 53 sur la saisie des chèques pour le non-paiement de loyer, et là, en choeur, le ministre, le député de Notre-Dame-de-Grâce nous ont dit: Et nous l'enlevons. Mais ils n'ont pas tout dit, et c'est là le problème. Ils n'ont pas tout dit. Non, il remplace. Nous ne faisons pas ça, non, non, non, nous voyons qu'une telle mesure effectivement soulève un tel tollé que nous allons trouver une autre façon, une mesure volontaire, et ça semble beau quand on parle de mesure volontaire. Je suis sûr que ce n'est pas de mauvaise foi. Je ne prête aucune intention à mes collègues, à mon collègue ministre, mais employer une mesure volontaire alors que les gens eux-mêmes sont pris dans une situation de dépendance, c'est transformer cette mesure qui paraît volontariste en finalement une mesure obligatoire.
Comment? Vous savez, j'ai eu l'avantage de plaider, au début de ma pratique, en matière de Régie de logement. À l'occasion, il m'arrivait de me trouver devant la régie et d'entendre, dans l'attente de mes causes, certains individus qui venaient faire des représentations devant la Régie du logement, quant à leur augmentation de loyer. J'ai eu l'occasion aussi de rencontrer ceux et celles dans mon comté qui sont pris dans cette problématique du logement.
n(22 h 20)n Alors, il est clair qu'avec une telle mesure, M. le Président, les propriétaires transformeraient cette mesure, qu'on considère comme volontaire, en la norme, tout simplement. Et, si j'étais à leur place, gestionnaires d'immeubles, je me dirais: J'ai le choix entre les deux, qu'est-ce que je vais demander à la personne qui va venir finalement solliciter un loyer? Vous avez une mesure volontaire, je ne vous juge pas, mais je peux vous dire que les quatre derniers qui sont venus, et qui ont pris votre logement, et qui avaient les mêmes... qui étaient prestataires, eux ont pris aussi cette obligation de s'adresser à la fiducie, donc de confier à la fiducie leurs chèques, alors, vous savez, ça vous assure d'avoir un bon service et moi aussi.
Alors, je n'en suis qu'à la cinquième, M. le Président, souhaitons que mes arguments seront entendus.
Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, le temps prévu, le temps prévu au règlement pour débattre de la motion d'ajournement sur la motion de report étant terminé, cette motion est-elle adoptée?
Une voix: Vote nominal.
Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, on demande le vote nominal. Alors, que l'on appelle les députés.
n(22 h 21 ? 22 h 34)nLe Vice-Président (M. Gendron): Alors, chers collègues, alors, quand il s'agit d'un vote, il faudrait le faire dans le décorum le plus complet pour permettre que les gens s'expriment. Alors, ce que nous faisons, c'est le vote sur l'ajournement de la motion de report.
Mise aux voix
Alors, que les députés qui sont pour cette motion veuillent bien se lever.
La Secrétaire adjointe: Mme Lemieux (Bourget), M. Pinard (Saint-Maurice), M. Arseneau (Îles-de-la-Madeleine), M. Bertrand (Charlevoix), M. Valois (Joliette), M. Bouchard (Vachon), M. Bédard (Chicoutimi), M. Morin (Nicolet-Yamaska), M. Simard (Richelieu), M. Legendre (Blainville), M. Deslières (Beauharnois), M. Dufour (René-Lévesque), Mme Beaudoin (Mirabel), M. Bourdeau (Berthier), M. Turp (Mercier), M. Lelièvre (Gaspé), M. Thériault (Masson).
Des voix: ...
Le Vice-Président (M. Gendron): S'il vous plaît! On ne fera pas le vote s'il n'est pas dans le silence.
Que les députés qui sont contre cette motion veuillent bien se lever.
La Secrétaire adjointe: M. Dupuis (Saint-Laurent), M. Couillard (Mont-Royal), M. Audet (Laporte), Mme Gauthier (Jonquière), M. Béchard (Kamouraska-Témiscouata), M. Corbeil (Abitibi-Est), Mme Normandeau (Bonaventure), M. Bergman (D'Arcy-McGee), M. Ouimet (Marquette), M. Marsan (Robert-Baldwin), M. Kelley (Jacques-Cartier), M. Copeman (Notre-Dame-de-Grâce), M. Fournier (Châteauguay), Mme Beauchamp (Bourassa-Sauvé), M. Mulcair (Chomedey), M. Vallières (Richmond), Mme Jérôme-Forget (Marguerite-Bourgeoys), M. Després (Jean-Lesage), Mme Boulet (Laviolette), Mme Loiselle (Saint-Henri?Sainte-Anne), M. Lafrenière (Gatineau), M. Brodeur (Shefford), M. Gautrin (Verdun), M. Bordeleau (Acadie), M. MacMillan (Papineau), M. Whissell (Argenteuil), M. Cholette (Hull), Mme Thériault (Anjou), M. Auclair (Vimont), M. Bachand (Arthabaska), M. Bernard (Rouyn-Noranda? Témiscamingue), M. Bernier (Montmorency), M. Blackburn (Roberval), Mme Charest (Matane), Mme Delisle (Jean-Talon), M. Gabias (Trois-Rivières), Mme Hamel (La Peltrie), M. Dubuc (La Prairie), M. Descoteaux (Groulx), M. Clermont (Mille-Îles), Mme Charlebois (Soulanges), Mme L'Écuyer (Pontiac), Mme Legault (Chambly), M. Lessard (Frontenac), M. Mercier (Charlesbourg), M. Moreau (Marguerite-D'Youville), M. Morin (Montmagny-L'Islet), M. Paquin (Saint-Jean), M. Tomassi (LaFontaine), M. Rioux (Iberville), Mme Perreault (Chauveau), Mme Vien (Bellechasse), Mme James (Nelligan).
Le Vice-Président (M. Gendron): Y a-t-il des abstentions?
Des voix: ...
Le Vice-Président (M. Gendron): S'il vous plaît! S'il vous plaît! Alors, M. le secrétaire général, le résultat.
Le Secrétaire: Pour: 17
Contre: 53
Abstentions: 0
Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, la motion est rejetée...
Des voix: ...
Le Vice-Président (M. Gendron): S'il vous plaît! S'il vous plaît! Nous retournons...
Des voix: ...
Reprise du débat sur la motion de report
Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, nous retournons à la motion de report, et je voudrais indiquer à ce moment-ci que, si on retourne à la motion de report, il reste 4 min 40 s à la formation de l'opposition et 27 minutes à la formation ministérielle, excluant le 10 minutes des députés indépendants, que je répartirai à la fin si manifestement ils n'utilisent pas leur droit de parole. Alors, je reconnais maintenant le droit de parole à M. le leader adjoint de l'opposition officielle pour son quatre minutes, plus cinq possiblement. Allez.
M. Stéphane Bédard
M. Bédard: Pour l'instant, je vais en faire quatre, M. le Président, parce que j'ai eu l'occasion quand même de vous entretenir sur la motion d'ajournement. Alors là on revient à la motion de report. Malheureusement, le gouvernement a refusé mon offre, celle de faire en sorte que cette nuit leur porte conseil. Donc, souhaitons du moins que la fin des débats de cette motion de report nous permettra... nous permettront plutôt, M. le Président...
Des voix: ...
Le Vice-Président (M. Gendron): S'il vous plaît!
Une voix: ...
Le Vice-Président (M. Gendron): Bien, oui, si on s'en va en commission, ça se fait en silence.
Des voix: ...
Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, je répète, ce serait si simple de pouvoir poursuivre le débat, mais à condition que les gens qui se déplacent le fassent en silence. Et c'est possible de faire ça.
Alors, M. le leader adjoint de l'opposition, pour votre intervention.
M. Bédard: Merci, M. le Président. Donc, je reviendrai un peu plus tard, lors de l'adoption de principe, M. le Président, sur les différents éléments qui ont été dénoncés par les différents groupes qui sont venus en commission.
Je pense plus opportun, M. le Président, de vous faire état de la... pas de la jurisprudence, de la revue de presse qui concerne le projet de loi du ministre et montrer à quel point nous croyons sincèrement que ce projet de loi doit effectivement être reporté pour une meilleure réflexion, qu'il retourne sur la table à dessin pour être mieux travaillé, M. le Président, je le pense, en collégialité avec le député de Vachon, mais aussi avec les groupes concernés, comme nous l'avions fait d'ailleurs à l'époque, lors de la... le projet de loi sur la loi antipauvreté et contre l'exclusion, M. le Président.
n(22 h 40)n Alors, cette revue de presse, plusieurs ont dû vous en faire mention, mais les titres parlent d'eux-mêmes, M. le Président. Alors, ça a commencé autour du mois de juin, dans Le Journal de Québec: Le projet de loi sur l'aide sociale est très contesté. Le projet de loi du ministre ? avec son nom ? reçoit un accueil plutôt tiède. Et là nous sommes encore au mois de juin: Des groupes de défense des démunis dénoncent la complexité du projet de loi sur l'aide sociale, dans Le Soleil du 12 juin. Et là on avait une des mesures qui est indiquée dans le journal Le Devoir: Loyer impayé: Québec veut saisir le chèque d'aide sociale. Maintenant, il veut le faire de façon volontaire.
On a une longue revue de presse, M. le Président, qui passe justement du mois de juin jusqu'à tout récemment, où on fait mention d'ailleurs, dans les différents... Là, je ne peux pas vous les... tous les citer, mais plusieurs ont trait, à l'époque, entre autres, à la saisie des chèques d'aide sociale, qui a soulevé un tollé, M. le Président. Et le ministre a reculé, mais, je vous dirais, pas comme il aurait dû, il s'est gardé une porte avec la possibilité d'avoir une mesure volontaire qui, vous le savez, va devenir une mesure obligatoire.
Alors, ici, on fait état qu'il est prêt à reculer. Chez nous, le 24 septembre, lors du retour, LASTUSE, un organisme, que je connais bien d'ailleurs, de défense de droits des assistés sociaux, dont ceux qui sont à leur tête, je vous dirais, font un travail exceptionnel, alors LASTUSE «déplore que le ministre fesse sur les assistés sociaux», M. le Président.
Michel Venne, dans Le Devoir: Une fausse lutte contre la pauvreté. Le ministre rate la cible. Et là ça continue. Il me reste quelques secondes, M. le Président. Mais nous demandions évidemment le retrait du projet de loi. Les fonctionnaires dénoncent le projet de loi. Le projet de loi n° 57: Pour le meilleur et pour le pire, jusqu'à ce qu'on considère que finalement il existe ? et ça, c'est dans Le Devoir du 25 novembre ? qu'«il existe une forte opposition à la tutelle volontaire que nous a annoncée le ministre». Et un formidable article de M. Claude Leblond, président, que j'ai eu l'occasion de rencontrer en commission...
Le Vice-Président (M. Gendron): ...
M. Bédard: Terminé? Un recul de 40 ans avec la loi 57. Alors, je demande le report de ce projet de loi pour au moins 40 jours.
Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, merci, M. le député, d'accélérer votre intervention. Je reconnais maintenant pour une intervention le député de Rouyn-Noranda?Témiscamingue. Alors, M. le député, pour votre intervention.
M. Daniel Bernard
M. Bernard: Merci, M. le Président. M. le Président, il me fait grandement plaisir d'intervenir sur cette motion de report du projet de loi. Alors, tout de suite, je vous dis que je suis contre le report de ce projet de loi, et ça, pour plusieurs raisons.
Mais je voudrais, premièrement, revenir à la base de ce projet de loi là. Comme vous savez, je suis nouveau parlementaire, j'ai été élu à l'élection générale de 2003. Je n'ai pas assisté personnellement à tout le débat qui a entouré le projet de loi n° 112. C'était un projet de loi important pour la collectivité, la société québécoise, ce projet de loi là qui visait à mettre en place des mécanismes pour la lutte à la pauvreté. Toutefois, le projet de loi n° 57 m'interpelle profondément.
Comme vous le savez tous, dans nos bureaux de comté, la plupart des députés, l'ensemble des dossiers souvent auxquels on fait face, c'est les dossiers d'aide sociale. Les gens viennent nous voir parce qu'ils ont besoin d'aide. Ils ont besoin d'aide, qu'on les aide à cheminer, à retrouver une certaine fierté, mais surtout à retrouver leur place dans la collectivité. Il n'y a pas un député, peu importe de quel côté de la Chambre, j'en suis certain, qui demeure indifférent à la détresse souvent que ces gens-là nous manifestent quand ils viennent nous rencontrer.
Alors, quand j'entendais, tantôt, le député de Vachon de dire qu'on manquait de sérieux, qu'on manquait de rigueur quand ce projet de loi n° 50 là a été élaboré, je vais vous dire que ça me fait mal, dans le sens que ce n'est pas de même que nous sommes, M. le Président. On est tous des êtres humains, et qu'est-ce qu'on veut, c'est vraiment l'amélioration de notre collectivité.
Et ce projet de loi là est important pour plusieurs raisons. Et, quand je reviens à la base du projet de loi, quand on lit le libellé de l'article... Alors, les notes explicatives disent clairement ce qui suit. Donc, les notes explicatives du projet de loi sont: Dans le cadre des principes et orientations énoncés au plan d'action pour lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale, ce projet de loi vise à mettre en oeuvre des mesures, des programmes et des services afin de favoriser l'autonomie économique et sociale des personnes et des familles.
Alors, imaginez-vous qu'est-ce qui arriverait, encore une fois, le report d'un tel projet de loi. On s'attaque directement, avec ce projet de loi là, au bien-être des individus et des familles. Et je comprends l'opposition, M. le Président, de vouloir reporter le projet de loi d'un autre six mois, parce qu'ils ont été là précédemment, durant neuf ans... alors, le reporter six mois de plus, c'est quoi pour eux? C'est rien, étant donné que pendant neuf ans il y a eu beaucoup d'inactivité de leur part et d'immobilisme. Mais, nous, ce n'est pas de même qu'on le prend, M. le Président. Le projet de loi est important, est important.
Et, à la base, qu'est-ce qu'il veut, ce projet de loi là? C'est mettre en place quatre programmes, quatre programmes pour aider les gens et les familles. Puis, ces programmes-là... le premier donc est un programme d'aide sociale. Qu'est-ce qu'il vise, ce programme-là? Il vise à accorder une aide financière de dernier recours aux personnes qui ne présentent pas de contraintes sévères à l'emploi et à les inciter à exercer des activités favorisant leur intégration à l'emploi ou leur participation sociale ou communautaire. C'est là qu'est un des débats du projet de loi, M. le Président.
Pour nous, c'est une aide financière de dernier recours. Parce que l'objectif, M. le Président, c'est de réintégrer les gens dans la société, leur permettre de contribuer et de se valoriser par l'emploi. Mais on sait bien... Peut-être, pour l'opposition, pour eux, ils ne voient pas ça pour une aide de dernier recours. Puis, eux, qu'est-ce qu'ils disent? Bon, bien, tant mieux; aussi longtemps que les gens demeureront sur l'aide sociale, puis ce n'est pas grave, puis ils veulent des mesures... Mais, nous, ce n'est pas ça, notre approche, M. le Président. On veut que les gens participent à la collectivité et à la société du Québec, d'où l'importance... Et c'est une vision fondamentale qui est différente, et c'est ça qui nous distingue. Puis, moi, je crois à cette mesure-là, M. le Président, à la nécessité d'aider les gens à réintégrer le marché du travail et la société le plus rapidement possible.
Et, dans ce cadre-là, donc, une chose majeure que l'on fait, qui entoure le Programme d'aide sociale, c'est que le programme prévoit notamment, et le projet de loi, ils prévoient notamment le principe d'une prestation minimale, à savoir qu'une prestation accordée dans le cadre de ce programme ne peut être réduite pour défaut d'entreprendre des démarches en vue d'intégrer le marché du travail. On ne peut pas reporter ça, M. le Président, c'est un point majeur, de dire que maintenant la prestation qui va être accordée va être insaisissable et elle va être minimale, avec un barème minimum garanti. Pourquoi le reporter encore de six mois? C'est une demande que les gens demandent depuis longtemps, alors c'est important de l'intégrer et de l'instaurer le plus rapidement possible.
Le deuxième programme important que les gens ont souligné le bienfait, c'est que le projet de loi souligne le programme... le projet de loi établit le Programme de solidarité sociale, et ce programme vise à accorder une aide financière de dernier recours aux personnes qui présentent des contraintes sévères à l'emploi et à favoriser l'inclusion et la participation sociale. Alors, on parle, M. le Président, d'aider les gens, les gens qui ont des contraintes sévères. Et, le plus tôt que cette mesure-là sera mise en place, plus bénéfique ce sera pour ces personnes-là. Alors, pourquoi reporter le projet de loi à un autre six mois? Tous les gens ont souligné la mise en place de ce programme-là d'une manière objective, ils l'ont saluée. Alors, la seule chose que le report viendrait faire, ce serait plus nuire que d'aider. On ne peut pas empêcher la mise en place de cette mesure-là, elle a été souhaitée et bienvenue.
Par la suite, il va y avoir le programme d'Alternative jeunesse. Mon collègue, tantôt, de Vimont soulignait comment ce programme-là a été bien accueilli par les groupes qui vont avoir besoin de ce programme-là. Les gens sur le terrain, qui travaillent avec les jeunes, ont souligné le bienfait. Alors, pourquoi, encore une fois, une motion de report qui viendrait retarder cette mesure-là, importante?
Et finalement, finalement, la possibilité au ministre de mettre en place des programmes spécifiques qui vont répondre à des besoins particuliers. C'est une excellente mesure, M. le Président.
Alors, quand on regarde puis on revient à l'essence du projet de loi, on voit que ces mesures-là sont importantes, elles sont importantes et elles vont dans l'avancement de la société québécoise. Alors, c'est certain, comme mon collègue de Notre-Dame-de-Grâce l'a dit précédemment, un projet de loi n'est pas parfait, c'est place pour l'amélioration. Et, plus vite nous irons à l'étude article par article, nous pourrons le bonifier. Mais, déjà, déjà, le ministre a annoncé des modifications pour certains irritants que les groupes ont soulignés en commission parlementaire. Puis il faut revenir à un des points majeurs, qui est, encore une fois, la distinction entre un barème plancher et les besoins essentiels. Je ne referai pas le retour là-dessus, mais c'est un irritant majeur qui vient obnubiler, je vous dirais, M. le Président, l'essence même du projet de loi tel qu'on l'a décrit. Et il ne faudrait pas que le projet de loi soit retardé pour une mesure qui peut être bonifiée ultérieurement, parce que les programmes ? je reviens encore une fois ? seront des programmes favorables et bénéfiques pour la collectivité.
n(22 h 50)n Puis un autre point que je voudrais mentionner par rapport au projet de loi. Dans les propos qui ont été tenus par les gens de l'opposition, c'est que le projet de loi... sur le titre du projet de loi, Loi sur l'aide aux personnes et aux familles, ils nous reprochent de ne pas aider les familles. Mais on sait pertinemment que toutes les mesures qui rentrent en place en janvier puis les mesures qui découlent du plan de lutte à la pauvreté sont des mesures qui visent directement la famille. J'ai rencontré plusieurs organismes communautaires dans mon comté, et tous les organismes reconnaissent que le plan de lutte à la pauvreté qui vient d'être... qui viennent, ces mesures-là... qui sont en partie reprises par le projet de loi, sont bénéfiques, sont bénéfiques. C'est vrai qu'il manque des choses peut-être pour les personnes seules, mais, pour les familles, le projet de loi et le plan de lutte à la pauvreté qu'on a mis en place sont excellents. D'où l'importance, encore une fois, de mettre le projet de loi n° 57 en oeuvre le plus rapidement possible.
Puis, par rapport à ça, j'en profite pour revenir à certains des amendements que déjà M. le ministre a annoncés. Le premier: l'article 53, concernant le non-paiement des loyers. Le ministre a clairement indiqué que l'article serait retiré; puis une mesure qui n'avait jamais été appliquée et mise en place par le précédent gouvernement. Alors, avec nous, il n'y aura plus d'ambiguïté: l'article est enlevé. Le deuxième point important: l'indexation des prestations. Puis ça, je vais prendre ici un peu les propos de M. le ministre lors du point de presse. L'indexation, c'est une mesure qui est importante. On sait qu'il y a la demi-indexation et une indexation entière. On aurait aimé faire mieux, mais je dois vous dire que le ministre s'est engagé, s'est engagé que, lorsque les ressources financières du gouvernement le permettront, les prestations des personnes sans contraintes à l'emploi pourront être indexées à un taux supérieur que celui prévu dans le plan d'action. Puis ça, c'est important, parce qu'on aurait voulu faire plus, le ministre aurait voulu faire plus, mais, quand on voit la situation, c'est les ressources financières, M. le Président.
Et, moi, une chose que je peux vous dire, que, dans tout le contexte du plan de lutte... Puis je me permets de terminer là-dessus, mais, même, si le M. le ministre me le permet, je vais continuer un peu plus. Mais je vais revenir sur les ressources financières. On aurait aimé faire plus. Puis, quand j'entends le chef de l'opposition, M. le Président, mentionner tous les bienfaits que le précédent gouvernement a instaurés pendant les neuf dernières années, comment ça se fait que l'état des finances publiques, quand on a pris le pouvoir, était dans un état si critique? Pouvez-vous nous dire ça? Pouvez-vous nous dire ça? Et on arrive, on arrive après neuf ans supposément de richesse par le précédent gouvernement, finances publiques dans un état précaire, et il n'y a pas eu de distribution de la richesse pour aider les gens démunis. Comment ça se fait, ça? Là, on parle souvent du fameux 533 $ comme s'il était apparu le 14 avril. Allons donc! Il n'y a pas eu d'indexation pendant de nombreuses années, pendant le précédent gouvernement, malgré toute la richesse collective qui a été créée et n'a pas été redistribuée.
Et l'odieux de tout ça: un plan de lutte à la pauvreté qui arrive puis qui est déposé et adopté une semaine avant le déclenchement des élections. Alors donc! Ça a pris neuf ans pour déposer un plan de lutte à la pauvreté, et, nous, M. le Président... Pas un plan de lutte, mais le projet de loi n° 112, pardon, j'ai mêlé. Mais le projet de loi n° 112 a été déposé une semaine avant le déclenchement des élections. On a pris le pouvoir. Un an après, le ministre de l'Emploi et de la sécurité sociale a déposé un plan de lutte à la pauvreté, notre ministre. Maintenant, le projet de loi n° 57 est là et est mis en oeuvre. On le fait en début de mandat, M. le Président. On l'a fait en début de mandat, on n'a pas attendu, on n'a pas attendu pour le faire.
Puis je vais revenir au projet de loi n° 112. Le projet de loi n° 112 indiquait clairement que c'était un projet de loi qui devait mettre en oeuvre un plan de lutte à la pauvreté sur une période de 10 ans. Alors, pourquoi est-ce qu'on nous demande, à nous, de faire en un an ce que le précédent gouvernement n'a pas fait en neuf ans et demi puis malgré un plan de lutte qui a été adopté par tout le monde pour une période de 10 ans? Alors, je ne peux pas faire autrement que de m'offusquer quand j'entends ça de l'opposition. C'est dommage, mais on a fait une étape majeure en avant en un an et demi, qu'est-ce que l'autre gouvernement n'a pas fait.
Alors, faire un report là-dessus qui viendrait encore plus nuire, ce serait faire le jeu de l'opposition, et on ne peut pas se permettre ça sur le dos des personnes démunies. Puis ça, je vais revenir. Mon collègue de Vimont en a parlé, le plan de lutte à la pauvreté est un outil, et le projet de loi n° 57 n'est qu'une étape dans la mise en oeuvre du plan de lutte à la pauvreté. On a ciblé... Puis, quand on parle d'un plan de lutte puis d'une étape, bien c'est une stratégie qu'on va faire puis qui va être évolutive. On l'a très bien mentionné. Et reporter cette première étape là ne ferait que bousculer et retarder le reste. On ne peut pas se permettre ça. Le projet de loi n° 57 est une étape et non une finalité, une finalité. Donc, le report du projet de loi serait très néfaste, et on ne peut pas. Puis, encore une fois, il faut procéder à l'étude article par article, avancer le projet de loi pour le bonifier.
Alors, je reviens encore. On a eu un précédent gouvernement, neuf ans et demi, qui a très peu fait. Et on a fait plusieurs choses bénéfiques en l'espace d'un an et demi: un budget favorable qui a été déposé par le ministre des Finances au printemps dernier, plan de lutte à la pauvreté, projet de loi n° 57 qui va aller en se bonifiant.
Puis je me permets de terminer sur deux mots que j'ai entendus souvent, tout le long de la commission parlementaire, et encore une fois par les gens de l'opposition, les deux mots, c'est «préjugé» et «fierté». Les gens nous reprochent, de l'autre côté, M. le Président, de dire qu'on entretient des préjugés, mais la seule chose qu'actuellement... On a tout le temps entendu ce mot-là. Et les reports faits par les gens de l'autre côté, M. le Président, c'est dommage. Mais tout est en oeuvre pour vaincre ces préjugés-là. On ne les maintient pas, de notre côté, et on travaille d'une manière positive et objective. Et malheureusement ce sont des propos... Justement, quand on parle de climat malsain qui a été mentionné tantôt par les gens de l'opposition, bien, ce climat malsain là, c'est dommage, mais il est entretenu par l'opposition.
On travaille de manière constructive et, nous, notre objectif est d'aider les gens, les personnes démunies à regagner leur fierté. Et c'est le mot, moi, qui est important, M. le Président. Quand on rencontre les gens sur l'aide sociale, dans notre bureau, c'est la fierté qu'ils veulent venir chercher. Et le projet de loi n° 57 est une étape pour aider ces gens-là à regagner leur fierté.
Alors, encore une fois, M. le Président, pour terminer, le projet de loi ne doit pas être reporté et il doit procéder pour s'en aller le plus rapidement possible pour son étude article par article. Et je suis convaincu que cette mesure-là, ce projet de loi là sera salué de bon pied quand il sera mis en oeuvre. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, merci, M. le député de Rouyn-Noranda?Témiscamingue. Il reste 13 minutes à la formation ministérielle, excluant le cinq minutes non réparti, si la troisième voix ne l'utilise pas. Alors, il vous reste 13 minutes, M. le ministre de la Solidarité sociale.
M. Claude Béchard
M. Béchard: Oui. Merci, M. le Président. M. le Président, je vous dirais d'abord que je tiens à remercier mes collègues qui ont pris la parole ce soir, le député de Vimont, mon adjoint parlementaire, et aussi le député d'Abitibi. Très bons discours.
Je vous dirais que je suis un peu surpris d'entendre les gens de l'opposition officielle nous demander le report, une motion d'ajournement, une motion de report, d'être dans les motions. Et finalement, quand on les écoute, on se rend compte d'une chose: s'ils demandent ça, c'est parce qu'ils n'ont plus rien à dire, ils sont rendus à la fin de leur argumentation.
Tous ceux qui avaient à parler sont venus parler. On a même entendu le chef de l'opposition venir parler sur le projet de loi n° 57, répéter à peu près mot pour mot ce qui avait déjà été dit. Donc, pas grand-chose de nouveau sous le soleil du côté de l'opposition.
Mais je vous dirais, d'un autre côté, que d'abord je tiens à... Parce que j'entendais le député de Joliette tantôt parler du document et de la tournée qu'a faite mon collègue de Vimont et dire que dans le fond il n'avait pas rencontré grand monde, ça ne valait pas la peine. Venant d'un mousquetaire tabletté comme lui, je pense que je serais un petit peu plus prudent. Je serais un petit peu plus prudent. Parce que finalement, lui, il a fait une tournée. Ça a duré beaucoup de temps, on ne l'a pas vu beaucoup ici avec d'autres collègues. Tout à coup, le rapport s'est ramassé où? Sur une belle tablette. Alors, je veux juste confirmer à mon collègue de Vimont que son rapport va être beaucoup plus utile que le rapport tabletté du mousquetaire d'en face et que finalement ce document-là va nous aider dans la mise en place de notre projet de loi, plutôt que de juste faire en sorte... faire une petite conférence de presse avec le chef de l'opposition, après ça, oups! voici ce qu'on fait du rapport des mousquetaires.
Alors, M. le Président, autre point sur lequel je veux revenir, l'élément de base, je pense, pourquoi l'opposition, là, aujourd'hui fait ces débats d'ajournement, cette motion de report, c'est sans doute pour tenter de réagir et de montrer un peu plus de rigueur et de fermeté dans leur rôle. Parce qu'on se souvient que les gens d'en face se sont fait dire qu'ils étaient mous, qu'il y avait beaucoup de mollesse dans la défense du projet de loi n° 57. Et, je vous dirais une chose, se faire accuser de mollesse, ça ne doit pas être quelque chose qui fait plaisir, hein?
n(23 heures)n Et juste pour dire quelques phrases: «Absorbé par ses querelles intestines, le Parti québécois se fait reprocher de manquer à son devoir d'opposition officielle à l'Assemblée nationale. L'Ordre professionnel des travailleurs sociaux du Québec déplore en effet la mollesse du [Parti québécois] devant la réforme de l'aide sociale.» Alors, quand on se fait traiter de cette façon-là puis on se traiter de mollesse, il est normal, M. le Président, qu'on tente de réagir.
Mais d'un autre côté on tente de réagir de quelle façon? On tente de réagir non pas par des arguments, par des choses, mais je les comprends dans le fond parce qu'il n'y a pas grand-chose de nouveau à dire. Ils viennent nous parler d'indexation, eux qui n'ont pas indexé pendant quatre ans; c'est un petit peu gênant. Une fois que tu as dit deux, trois phrases, après ça tu n'as plus grand-chose à dire sur l'indexation parce que tu ne l'as pas faite toi-même. Tu ne peux pas dire que tu as prêché par l'exemple; tu ne l'as pas fait.
Ensuite de ça, ils viennent nous parler des pénalités puis tout à coup, là, d'un barème de couverture des besoins essentiels. M. le Président, vous étiez là, ils ont refusé de voter un amendement de mon collègue Christos Sirros, qui visait à garantir des prestations de base à 100 %. Ils ont refusé de voter ça. Là, aujourd'hui, ils viennent nous faire des leçons sur le barème plancher: Est-ce que c'en est un, c'en n'est pas un? Le barème plancher, dans leur temps, M. le Président, était à 233 $ par mois. Alors, je pense que de le garantir à 100 %, et d'enlever les pénalités pour refus d'emploi, et de faire en sorte que les gens ne seront pas coupés, je pense que c'est un pas important. Et là-dessus d'entendre les gens d'en face venir nous dire de reporter le débat. C'est comme le réflexe qu'ils ont eu tellement longtemps, M. le Président, de reporter. Ils ont mis en place le projet de loi n° 112, l'ont adopté à quelques jours du déclenchement des élections, par décret, pour être sûrs de ne pas avoir déposé le plan d'action avant l'élection. Belle astuce, belle astuce, M. le Président, parce qu'en faisant ça tu n'es pas obligé de démontrer ce qu'ils allaient faire, une bonne intention d'adopter le projet de loi n° 112, mais ils n'ont jamais rien fait avec le projet de loi n° 112.
D'ailleurs, au niveau de la lutte à la pauvreté, je dirais qu'une chance que nous sommes arrivés parce qu'avec toutes les coupures, toutes les diminutions qu'il y a eu dans le temps du Parti québécois ? quand on coupait les barèmes de participation, quand on avait les pénalités, quand on avait un régime coercitif ? je vais vous dire une chose, il était temps que nous arrivions au pouvoir pour mettre fin à la dérive néolibérale du Parti québécois. C'était rendu épouvantable, cette dérive néolibérale que le Parti québécois avait prise, qui visait à taper sur le monde, et, je vous dirais, c'était grand temps que ça se termine. Et ça s'est terminé le 14 avril 2003.
Alors, à preuve qu'ils en étaient rendus là, écoutez, je vais juste vous citer une lettre qui a été envoyée au député de Vachon par la chef du parti de l'Option citoyenne. Et elle lui rappelait pourquoi il fallait un parti de gauche au Québec et elle lui disait: «Rappelle-toi ce sommet que j'ai quitté avant la fin en compagnie de François Saillant et de [Thérèse Saint-Martin]: le gouvernement péquiste refusait de s'engager à ne pas pénaliser les pauvres dans sa démarche d'équilibre budgétaire. Nous demandions de ne pas appauvrir les plus vulnérables d'entre nous, et le gouvernement nous a dit non! Celle-là, je l'ai sur le coeur. Comme j'ai sur le coeur une réforme de la sécurité du revenu extrêmement insatisfaisante et les réponses navrantes à la Marche mondiale des femmes en l'an 2000.» Ils se sont fait répondre ça, M. le Président, il n'y a pas plus tard qu'au mois de septembre dernier.
Alors, voici, aujourd'hui, là, on est dans un débat sur une motion de report. Ils nous disent: Pourriez-vous remettre ça dans six mois? Vous avez remis ça pendant neuf ans. Pendant neuf ans, vous avez essayé d'acheter du temps. Vous êtes arrivés avec une réforme de la sécurité du revenu qui pénalisait les gens, qui était encore dans le coercitif, qui n'innovait pas du tout, qui ne tenait pas compte des besoins particuliers des gens. Et là, aujourd'hui, ils viennent nous demander de reporter ça. Mais je vous dirais, M. le Président, pourquoi nous ne reporterons pas, pourquoi je souhaite que nous ne reportions pas l'adoption de ce projet de loi là. Voyons les conséquences de qu'est-ce qu'ils nous demandent en nous demandant de reporter le projet de loi n° 57: ils nous demandent donc de reporter la mise en place du barème plancher, de revenir, comme dans votre temps, à un régime de pénalités où on coupait les prestations pour refus d'emploi, refus de participation. C'est ça que vous souhaitez. Ils souhaitent qu'on mette de l'avant, qu'on continue avec leur façon de voir les choses. Ils souhaitent donc aussi qu'on ne mette pas en place Soutien aux enfants, qu'on ne mette pas en place Prime au travail. Ils souhaitent aussi que finalement le programme APPORT qui va avec ça ne soit pas enlevé non plus. Ils souhaitent finalement qu'on ne mette pas en place prime à la participation.
Là-dessus, je vous dirais, le chat sort du sac un petit peu parce que dans le fond, eux, ils ont toujours souhaité pénaliser la participation. Ils ont pénalisé les barèmes de participation. Les barèmes de disponibilité, ils ont coupé ça. Donc, la participation, pour eux autres, là, faire en sorte qu'on valorise l'effort, qu'on valorise le retour en emploi, qu'on valorise des efforts que les gens font, ils ont toujours été contre ça.
Et là prime à la participation, M. le Président, qui est un programme relativement simple, que je veux le plus simple possible, là, en face, on me dit: Oui, mais le ministre, il ne sait pas ce qu'il veut faire avec; il a consulté puis il ne le sait pas. Bien oui, quand on va en consultation, là, M. le député de Vachon, M. le Président, c'est pour avoir des idées, c'est pour entendre ce que les gens ont à nous dire, ajuster nos programmes en conséquence, faire en sorte que les gens ne viennent pas pour rien nous voir en commission parlementaire. Mais, de l'autre côté, ils sont tellement habitués de passer la locomotive puis le bulldozer avec les projets de loi qu'aussitôt, là, qu'on écoute, aussitôt qu'on dit qu'on va modifier si les gens ont des bonnes propositions, là, là, ils tombent en bas de leur chaise, là, puis ce n'est pas de même que ça marche. Bien oui, c'est de même que ça marche. Si on fait une consultation aussi large que celle qu'on a faite, quand on entend au-delà de 60 groupes, quand on passe au-delà de huit semaines en commission parlementaire, qu'on ne vienne pas me dire que ce n'est pas un débat qui est très, très large, qu'on ne vienne pas me dire qu'on parle de différents sujets. On a parlé d'à peu près tous les sujets qui touchaient, de près ou de loin, la sécurité du revenu. On l'a fait.
Alors, M. le Président, là, si ça ce n'est pas un débat très large, je ne sais pas ce que c'est. Il y en a eu un, débat très large. Puis en plus, comme je vous le disais, nous avons écouté. Nous avons écouté parce qu'entre autres, sur prime à la participation, on a posé plusieurs questions pour savoir ce que les gens avaient à nous proposer, ce que les gens avaient à nous dire à ce niveau-là, s'ils avaient des suggestions à nous faire, mais en plus on a amené des amendements. Mais là déjà, avant d'entrer en commission parlementaire, nous leur disons: Nous avons une série d'amendements à proposer, parce que justement on a écouté en commission parlementaire. Et je vous dirais que, moi, j'ai été très heureux de voir que l'ensemble des membres du gouvernement appuie ces amendements-là. On est allés en commission parlementaire, on a entendu les groupes, on apporte des amendements, on les a annoncés. On aurait bien pu faire comme dans votre temps, entre autres, un débat au niveau des fusions municipales où il y a eu au-delà de 150, 200 amendements déposés à 1 heure du matin puis qu'on...
Une voix: 1 000.
M. Béchard: 1 000 amendements?
Des voix: Oui, 1 000 amendements. 1 000, 1 000.
M. Béchard: 1 000 amendements ? 1 000 amendements ? déposés à 1 heure du matin comme des bulldozers. Personne n'avait jamais vu venir ça. Je pense qu'aujourd'hui encore leur service de recherche et la députée de Bourget doivent encore essayer de comprendre comment étaient organisés ces amendements-là, puis la députée d'Hochelaga-Maisonneuve aussi.
Mais, je vous dirais, M. le Président, on a amené des amendements. L'article 53 concernant le non-paiement de loyer, c'est une solution. À les entendre parler, là, c'est épouvantable, ce qu'on va proposer. Ils ont mis en place, M. le Président, une solution qui, pendant sept ans, est demeurée, dans la loi, inappliquée et inapplicable. Là, ils viennent nous dire: Vous l'enlevez, c'est épouvantable. Bien, voyons donc, c'est épouvantable. Vous l'aviez mise là puis vous ne l'appliquiez pas parce que ce n'est pas applicable. À un moment donné, là, je n'ose pas dire que le ridicule tue, mais ce serait assez épouvantable.
D'un autre côté, après ça, ils nous demandent, le député de Vachon était bien, bien préoccupé par l'avenir du Bureau des renseignements et plaintes. Ça, ça a été sa préoccupation pendant une semaine ou deux semaines, M. le député de Vachon, peut-être trois: Mais là, là, qu'est-ce qui va arriver avec le Bureau de renseignements et plaintes? Parce que, dans la loi, ce n'était pas marqué qu'on allait conserver le Bureau de renseignements et plaintes. Tout le rôle, le mandat était là, mais pas ça. Il va y en avoir un, amendement, M. le député de Vachon. C'était le coeur de votre argumentation pendant les deux, trois premières semaines, mais c'est réglé. Vous devriez être pour, c'est réglé, là. Vous allez l'avoir, votre Bureau de renseignements et plaintes, il va rester là. Vous pouvez même appeler. Demain, là, appelez, puis rappelez dans six mois, il va être là.
Au niveau d'Alternative jeunesse, on a amené certains amendements parce qu'au niveau d'Alternative on nous disait que ce n'était pas tout à fait assez clair. Nous l'avons éclairci. On va l'amener en commission parlementaire, on va amener les amendements pour l'éclaircir. Bien, là, le député de Vachon, là, il va dire qu'il est contre ça. Là, là, pourquoi il est contre? Il est contre quoi au juste? Alternative jeunesse, c'est le programme de sécurité du revenu de base. Pour Alternative jeunesse, 25 ans et moins ? parce qu'on sait qu'il y a des problématiques particulières ? 25 ans et moins, ce qu'on dit: Nous nous donnons la possibilité de mettre en place plus de programmes pour répondre davantage aux besoins des jeunes. Ça, c'est dans le même esprit que ce qu'on fait au niveau de la régionalisation, de ce qu'on fait au niveau de la santé, de ce qu'on fait au niveau de l'éducation, de ce qu'on fait dans d'autres domaines, au niveau de l'environnement: de répondre aux besoins des populations avec des solutions qui peuvent varier d'une région à l'autre.
n(23 h 10)n Dans ce cas-là, Alternative jeunesse, c'est notre capacité de mettre en place... pour répondre aux besoins des jeunes, qui sont différents d'une région à l'autre, d'une situation à l'autre. C'est ça, Alternative jeunesse, ce n'est pas une approche punitive, ce n'est pas une approche où on va couper si les gens ne veulent pas, mais ce qu'on dit pour les jeunes, c'est de continuer à mettre en place des programmes plus particuliers comme: Solidarité jeunesse, qui marche, oui, ça marche; conciliation travail-études, ça marche très bien aussi; la mise en place de Ma place au soleil pour les jeunes mères monoparentales, ça fonctionne aussi. C'est ça, Alternative jeunesse, M. le Président. Ils sont contre ça, ils nous demandent de reporter ça.
Pensez donc au monde cinq minutes, pensez donc au monde, là, qui ont besoin de ces programmes-là, qui ont besoin de ces outils-là. Puis, vous autres, par excès de zèle, parce que vous voulez continuer comme c'était dans votre temps, vous voulez reporter ça encore une fois. Pensez un petit peu aux gens qui attendent d'avoir ces programmes-là, qui attendent d'avoir cette aide-là. Pouvez-vous avoir un petit peu de compassion au-delà du jeu parlementaire, au-delà du fait que vous devez être contre parce que vous êtes dans l'opposition officielle? Moi, M. le Président, je leur demande de penser un peu au monde, de penser un peu aux gens, d'avoir un peu de compassion pour ceux et celles qui ont besoin de ces programmes-là, pour ceux et celles qui veulent s'en sortir.
Il y a eu une autre chose que le député de Vachon voulait absolument avoir, c'était de s'assurer qu'il y aurait, au niveau de la CPMT, la Commission des partenaires du marché du travail, un lien direct dans la loi avec ça. Ça aussi, ça a été un de ses arguments. Ça, ça a dû durer deux ou trois jours. Il voulait absolument, comme argumentaire principal, que la Commission des partenaires du marché du travail, ce soit indiqué dans la loi n° 57, qu'il y ait un lien. C'était dans la loi générale du ministère, mais ce n'était pas assez. Il voulait absolument l'avoir dans le 57. Vous allez l'avoir. Vous voyez: deux, trois autres journées de pressions que vous avez faites, vous avez tout centré votre argumentaire là-dessus, on a écouté, on l'a fait.
Alors, je vous dirais, M. le Président, que, si ce n'est que par jalousie, si ce n'est que par dépit, je ne vois pas pourquoi les gens d'en face nous demandent de retarder le projet de loi n° 57. Je pense qu'ils sont rongés par l'envie. Parce que le député de Vachon a, M. le Président, il y a quelques années, mis en place, fait un rapport lors de la réforme précédente de la sécurité du revenu. Malheureusement, son rapport s'est retrouvé à peu près sur la même tablette que celui du mousquetaire de Joliette. Et donc le rapport s'est retrouvé sur une tablette, laissé de côté, et son gouvernement actuel a fait exactement le contraire de ce qu'il proposait. Je veux dire, on est probablement, nous ? et je lui dis en toute amitié ? on est beaucoup plus proche de ce que vous proposiez que ce que les gens de votre gouvernement ont proposé à l'époque et de ce qui les habite encore comme esprit.
Je vous l'ai déjà dit. Moi, quand je regarde ça, pour le député de Vachon, il ne lui reste pas beaucoup d'options. Il lui en reste une, l'Option citoyenne. C'est à peu près l'option qu'il lui reste parce que ce qu'il y a déjà dans ce qu'il dit, de ce qu'il propose depuis des années, c'est ce qu'on a fait: l'approche incitative, le fait de mettre en place des outils le plus qu'on peut. Puis c'est sûr qu'il va dire qu'il n'y en a pas assez, qu'il en faudrait encore plus. On veut bien, mais, écoutez, on a quand même une capacité financière limitée, mais, même à l'intérieur de ça, nous réussissons à mettre un barème plancher qui est à 100 %, ce qui n'était pas le cas dans leur temps. Mais je vous dirais que, quand on en est rendu, comme opposition, à vouloir faire en sorte de démontrer aux gens qui nous dénoncent, qui disent qu'on est mou dans la défense d'une position, qui nous accusent de mollesse, comme ça a été le cas des travailleurs sociaux qui leur demandaient de sortir de leur timidité, d'utiliser tous les moyens démocratiques pour s'opposer au projet de loi n° 57, c'est sûr que, quand on se fait traiter de mollesse, ça doit fatiguer un petit peu, hein, ça ne doit pas être agréable.
Mais, à un moment donné, au-delà de juste vouloir démontrer qu'on n'est pas des mous, comme les gens qui nous accusent, je pense qu'on devrait penser un peu aux gens. Et je pense qu'on devrait penser aux gens, et c'est ce que nous faisons. Et, quand je les entends nous demander de reporter l'adoption du projet de loi n° 57, je pense que, malheureusement, vous faites passer vos intérêts, vous faites passer les intérêts du Parti québécois, les intérêts que vous avez, la nécessité que vous voyez à peut-être vous remettre en valeur un peu après le dur automne que vous avez eu, avant l'intérêt des gens, avant l'intérêt des personnes qui attendent le projet de loi n° 57, qui attendent prime à la participation, qui attendent Alternative jeunesse, qui attendent qu'on assouplisse les mesures au niveau de solidarité sociale pour les personnes qui ont des contraintes sévères. Il y a des gens qui attendent ça, qui attendent qu'on assouplisse le régime, qu'on le rende plus humain, qu'on ait moins de contrôle envers les gens qui ont des contraintes sévères. Il y a des gens qui nous demandent ça.
Alors, M. le Président, moi, quand je vois les gens d'en face nous demander de reporter ce projet de loi là, je ne peux m'empêcher de dire: J'espère qu'ils ne veulent pas qu'on fasse comme dans leur temps et reporter ces questions-là.
Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, chers collègues, je tiens à indiquer aux membres de cette Chambre que j'ai inclus le cinq minutes non utilisé par les députés indépendants. Alors, il reste cinq minutes pour clore la motion de report. Maintenant, M. le député de Joliette, pour votre cinq minutes.
M. Jonathan Valois
M. Valois: Merci, M. le Président. J'aimerais utiliser les cinq courtes minutes qu'il me reste, qu'il reste à notre formation, pour parler de cette importance d'arriver avec, d'adopter cette motion de report.
Tout d'abord, M. le Président, nous rappeler que le ministre est lui-même intervenu pour nous dire que, si nous agissions ainsi, c'était essentiellement parce que nous n'avions plus rien à dire sur le projet de loi n° 57, alors que lui-même, lors de sa propre intervention, ses 18 longues minutes, n'a même pas parlé de son projet de loi n° 57. Tout ce qu'il a fait, c'est de parler de nos interventions en commission. Tout ce qu'il a fait, c'est d'essayer de relever son collègue de Vimont à la hauteur de mon rapport, celui que j'ai remis, ainsi qu'à la hauteur du rapport de mon collègue de Vachon. Tout ça pour pas grand-chose, essentiellement. J'ai le sentiment, M. le Président, que, lorsqu'on est incapable de promouvoir ses propres idées, bien on tente de réduire celles des autres. Et c'est essentiellement à quoi on a assisté dans le 18 minutes de celui que les gens appellent le ministre de l'Emploi, de la Solidarité sociale et de la Famille.
Nous, ce qui est important, à l'intérieur de toute cette démarche-là, M. le Président, c'est réellement que ce projet de loi soit reporté pour que puisse avoir lieu un débat de société. On nous dit que les 61 groupes, c'était l'essentiel de ce débat-là. M. le Président, si ces groupes-là avaient été entendus, le projet de loi n° 57 n'aurait même pas été déposé. S'il y avait eu un débat de société sur la lutte à la pauvreté, un projet de loi comme le projet de loi n° 57 n'aurait même pas été déposé d'abord. Écoutez, M. le Président, les groupes, en commission parlementaire, sont venus nous dire qu'on devait retirer ce projet de loi là. Est-ce que c'est ça, un débat de société? Des groupes qui viennent nous dire: Vous êtes sur une mauvaise base de débat, vous êtes sur une mauvaise base de discussion, celle du projet de loi n° 57. Retirez le projet de loi n° 57. On débattra. Vous arriverez avec une loi par la suite. C'était l'essentiel de ce qui s'est dit dans notre commission.
Regardez, M. le Président, l'article 5 de la loi n° 112 nous dit très bien que «le gouvernement, ses partenaires sociaux-économiques, les collectivités régionales et locales, les organismes communautaires, les autres acteurs de la société, afin de contrer la pauvreté et de favoriser l'inclusion sociale. À cet égard, le gouvernement suscite la participation citoyenne, notamment celle des personnes en situation de pauvreté». Est-ce qu'on a consulté les personnes en situation de pauvreté avant de déposer le projet de loi n° 57? On peut très bien comprendre que non parce que, si on avait consulté ces personnes-là, on ne serait pas arrivé avec un projet de loi qui crée des préjugés, qui crée de la discrimination chez les personnes en situation de pauvreté. Alors, si on avait respecté l'article 5 de la loi n° 112, on n'en serait pas là.
Je vous parle de l'article 5 de la loi n° 112, M. le Président. Je pourrais même vous parler de l'article 120 de la loi actuelle, la loi actuelle sur la sécurité du revenu. On a le Bureau de renseignements et de plaintes qui doit informer le ministre de l'état de la satisfaction de la loi actuelle, de son application. Donc, ce Bureau des renseignements et plaintes là informe le ministre de ça, émet des recommandations pour l'amélioration de cette situation-là. Il y a donc une démarche qui part du citoyen qui est en état de pauvreté, qui fait affaire et qui vit, jour après jour, ces rouages-là d'une loi qui s'applique par le Bureau de renseignements et plaintes. Ce Bureau de renseignements reçoit ça, fait recommandation au ministre.
Est-ce que le ministre a reçu les recommandations de son Bureau de renseignements et plaintes? Est-ce que le ministre a consulté les gens qui vivaient, jour après jour, à l'intérieur de cette administration de la loi actuelle? Est-ce qu'il s'est inspiré de ça pour nous remettre le projet de loi n° 57? On peut très bien comprendre que non. Il n'y a donc pas eu de débat citoyen. Il n'y a donc pas eu de démarche démocratique et citoyenne avant d'arriver au projet de loi n° 57.
n(23 h 20)n Et il ne faudrait pas prétendre nullement que de demander 50 fois plutôt qu'une le retrait du projet de loi, on a assisté à un vaste débat de société sur ce même projet de loi là, sur comment nous voulons organiser ici, au Québec, la lutte à la pauvreté. Alors, en ce sens-là, M. le Président, on peut bien nous dire un paquet de choses sur ce projet de loi là. On peut bien nous dire un paquet de choses sur comment nous agissions. L'héritage qu'on a quand même laissé, c'est le projet de loi n° 112. Nous l'avons voté à l'unanimité. Le projet de loi n° 112 avait l'article 5, une des choses qu'il aurait été tout à fait normal que nous fassions ici, dans cette Assemblée, et les gens qui sont maintenant au gouvernement, c'est de respecter l'article 5 de la loi n° 112. Et, comme ça, bien, le report...
Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, merci, M. le député de Joliette. Ceci met fin au débat sur la motion de report.
Alors, nous sommes rendus à voter sur la motion en vous rappelant:
Que la motion en discussion actuellement soit modifiée en retranchant le mot «maintenant» et en ajoutant, à la fin, les mots «dans six mois».
Alors, est-ce que la motion de report est adoptée?
Une voix: Vote par appel nominal.
Le Vice-Président (M. Gendron): Vote par appel nominal demandé. Que l'on appelle les députés.
n(23 h 21 ? 23 h 30)nLe Vice-Président (M. Gendron): Alors, s'il vous plaît, nous allons maintenant mettre aux voix...
Des voix: ...
Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, s'il vous plaît! Je veux bien croire qu'il est tard, mais ça ne fait qu'ajouter au retard.
Mise au voix
Alors, je voulais mettre aux voix la motion de report qui se lit comme suit:
Que la motion en discussion actuellement soit modifiée en retranchant le mot «maintenant» et en ajoutant, à la fin, les mots «dans six mois».
Quels sont ceux qui sont favorables?
La Secrétaire adjointe: Mme Lemieux (Bourget), M. Pinard (Saint-Maurice), M. Arseneau (Îles-de-la-Madeleine), M. Bertrand (Charlevoix), M. Valois (Joliette), M. Bouchard (Vachon), M. Bédard (Chicoutimi), M. Morin (Nicolet-Yamaska), M. Simard (Richelieu), M. Legendre (Blainville), M. Deslières (Beauharnois), M. Dufour (René-Lévesque), Mme Beaudoin (Mirabel), M. Bourdeau (Berthier), M. Turp (Mercier), M. Lelièvre (Gaspé), M. Thériault (Masson).
Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, quels sont ceux qui sont contre?
La Secrétaire adjointe: M. Dupuis (Saint-Laurent), M. Couillard (Mont-Royal), M. Audet (Laporte), Mme Gauthier (Jonquière), M. Béchard (Kamouraska-Témiscouata), M. Corbeil (Abitibi-Est), Mme Normandeau (Bonaventure), M. Bergman (D'Arcy-McGee), M. Ouimet (Marquette), M. Marsan (Robert-Baldwin), M. Kelley (Jacques-Cartier), M. Copeman (Notre-Dame-de-Grâce), M. Fournier (Châteauguay), Mme Beauchamp (Bourassa-Sauvé), M. Mulcair (Chomedey), M. Vallières (Richmond), Mme Jérôme-Forget (Marguerite-Bourgeoys), M. Després (Jean-Lesage), Mme Boulet (Laviolette), Mme Loiselle (Saint-Henri?Sainte-Anne), M. Lafrenière (Gatineau), M. Brodeur (Shefford), M. Bordeleau (Acadie), M. MacMillan (Papineau), M. Whissell (Argenteuil), M. Cholette (Hull), Mme Thériault (Anjou), M. Auclair (Vimont), M. Bachand (Arthabaska), M. Bernard (Rouyn-Noranda?Témiscamingue), M. Bernier (Montmorency), M. Blackburn (Roberval), Mme Charest (Matane), Mme Delisle (Jean-Talon), M. Gabias (Trois-Rivières), Mme Hamel (La Peltrie), M. Dubuc (La Prairie), M. Descoteaux (Groulx), M. Clermont (Mille-Îles), Mme Charlebois (Soulanges), Mme L'Écuyer (Pontiac), Mme Legault (Chambly), M. Lessard (Frontenac), M. Mercier (Charlesbourg), M. Moreau (Marguerite-D'Youville), M. Morin (Montmagny-L'Islet), M. Paquin (Saint-Jean), M. Tomassi (LaFontaine), M. Rioux (Iberville), Mme Perreault (Chauveau), Mme Vien (Bellechasse), Mme James (Nelligan).
Le Vice-Président (M. Gendron): Y a-t-il des abstentions? Il n'y en a pas. M. le secrétaire général? M. le secrétaire général, le résultat du vote.
Le Secrétaire: Pour: 17
Contre: 52
Abstentions: 0
Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, la motion de report est rejetée. Alors, l'Assemblée poursuit le débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 57. Et je reconnais le prochain intervenant, M. le leader adjoint de l'opposition officielle, pour votre intervention.
M. Bédard: En fait, mon intervention, M. le Président: j'aimerais, en vertu de l'article 100 de notre règlement, faire la motion suivante:
«Que le débat sur la motion en cours soit ajourné.»Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, c'est une motion recevable. Alors, il y a consentement? Alors, il y a consentement pour débattre de cette motion. Alors, allez-y, M. le leader adjoint de l'opposition.
M. Bédard: Ah, si le leader veut m'entendre, tant mieux.
Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, ça va.
M. Bédard: Alors, sans débat, mais je pensais qu'il était...
Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, compte tenu qu'il y a consentement de ne pas débattre de cette motion, ça nous amène, M. le leader, à...
Ajournement
M. Dupuis: ...demain matin, 10 heures, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Gendron): Voilà. Alors, les travaux sont ajournés à demain matin, 10 heures.
(Fin de la séance à 23 h 35)