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Version finale

37th Legislature, 1st Session
(June 4, 2003 au March 10, 2006)

Tuesday, June 1, 2004 - Vol. 38 N° 80

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Table des matières

Affaires courantes

Affaires du jour

Ajournement

Journal des débats

(Dix heures sept minutes)

Le Président: Bon matin, Mmes, MM. les députés. Nous allons nous recueillir quelques instants.

Je vous remercie. Veuillez vous asseoir.

Mes chers collègues, j'aimerais souligner d'une façon toute particulière le 15e anniversaire de vie parlementaire du député de Papineau, élu sans interruption depuis le 29 mai 1989.

Je m'attends à toute votre collaboration aujourd'hui, monsieur.

Des voix: Ha, ha, ha!

Affaires courantes

Le Président: Aux affaires courantes aujourd'hui, il n'y a pas de déclarations ministérielles ni présentation de projets de loi.

Il n'y a pas de dépôt de documents ni de rapports de commissions.

Dépôt de pétitions

Dépôt de pétitions. Mme la députée de Marie-Victorin.

Mme Vermette: M. le Président, j'aimerais déposer une pétition non conforme.

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement? Consentement. Mme la députée de Marie-Victorin.

Annuler l'augmentation de 2 $ par jour,
par enfant des frais de garde
en milieu scolaire

Mme Vermette: Je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale, signée par 70 pétitionnaires. Désignation: le comité de parents utilisateurs du service de garde en milieu scolaire de l'école Sainte-Claire, dans le comté de Marie-Victorin.

«Attendu que nous, parents utilisateurs des services de garde de l'école Sainte-Claire, du comté de Marie-Victorin, nous opposons vivement à l'augmentation des frais de garde en milieu scolaire de 2 $ par jour, par enfant;

«L'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous demandons au ministre de l'Éducation et au gouvernement qu'il représente de revenir sur cette décision et ainsi annuler ce qui, pour nous les parents, n'est qu'une double taxation.»

Je certifie que cet extrait est conforme à l'original de la pétition.

Le Président: Merci, Mme la députée. Cette pétition est déposée.

Il n'y a pas d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège.

Questions et réponses orales

Nous en sommes à la période des questions et réponses orales, et je reconnais M. le chef de l'opposition officielle.

Lettre du Conseil de la fédération aux chefs
des partis politiques fédéraux sur leur position
à l'égard notamment du déséquilibre fiscal

M. Bernard Landry

M. Landry: M. le Président, la nouvelle ère se poursuit, si je puis dire, et aujourd'hui un nouveau chapitre sera écrit, et pas particulièrement beau, à ce qu'on voit venir. Le Conseil de la fédération publierait une lettre au premier ministre fédéral pour faire pression sur lui à l'égard de ce que notre Assemblée nationale appelle le déséquilibre fiscal, mais cette lettre n'emploierait vraisemblablement pas, vraisemblablement pas l'expression chiffrée et documentée, on le sait, de déséquilibre fiscal, elle parlerait plutôt de pressions financières vécues par les provinces. Cette lettre sera donc un sous-produit des questions posées par le premier ministre du Québec, un sous-produit édulcoré par l'intervention du premier ministre libéral de l'Ontario. On voit bien le piège constitué par le Conseil de la fédération.

Je comprends pourquoi le premier ministre n'a pas voulu répondre de façon ferme à mes questions de vendredi dernier sur le mandat qu'il avait donné à ses ministres. On comprend pourquoi le premier ministre, après une motion unanime de l'Assemblée nationale, est plus impressionné par le premier ministre de l'Ontario et sa façon de présenter les choses.

Alors, il y a encore une possibilité, si la lettre n'est pas signée ou si la lettre n'est pas édulcorée, comme je le crois, je donne une chance au premier ministre de nous garantir formellement qu'il ne signera pas une lettre qui ne mentionnerait pas explicitement le déséquilibre fiscal.

n(10 h 10)n

Le Président: M. le premier ministre.

M. Jean Charest

M. Charest: M. le Président, à 10 heures, ce matin, le président du Conseil de la fédération a fait parvenir une lettre au nom de tous les gouvernements au Canada, sauf évidemment le palier fédéral. La lettre, qui s'adresse aux quatre chefs des partis politiques fédéraux, dit ceci:

«1° Quelle est la position de votre parti relativement à la viabilité de nos systèmes de soins de santé, notamment quant aux niveaux adéquats de financement fédéral à long terme des services de santé?

«2° Votre parti confirme-t-il l'engagement pris par le premier ministre du Canada de tenir une réunion des premiers ministres à ce sujet au cours des premiers mois suivant l'élection d'un nouveau gouvernement?

«3° Quelle est la position de votre parti quant à la question du déséquilibre fiscal?

«4° Votre parti est-il d'accord avec la tenue d'une réunion des premiers ministres portant sur les arrangements financiers avant le prochain budget fédéral?»

M. le Président, c'est la première fois dans l'histoire que tous les gouvernements au Canada, sauf évidemment le palier fédéral, se portent... se lancent dans une campagne fédérale pour poser ces questions dans l'intérêt de nos citoyens, soit dit en passant, et dans l'intérêt des citoyens du Québec, et je suis très fier, aujourd'hui, de vous dire que c'est à l'initiative du Québec que cette lettre est envoyée. Et, avec votre permission, M. le Président, j'aimerais en déposer la version qui sera envoyée aux chefs des partis...

Le Président: Est-ce qu'il y a un consentement pour le...

M. Charest: ...version dans les deux langues officielles.

Document déposé

Le Président: Il y a consentement pour le dépôt de cette lettre, et la lettre est déposée. M. le chef de l'opposition officielle, en question additionnelle.

M. Bernard Landry

M. Landry: Le premier ministre se rend-il compte qu'il consolide toutes mes craintes et qu'il les justifie? Notre Assemblée nationale, à plusieurs reprises, a pris position de façon unanime sur la question du déséquilibre fiscal. C'est d'une clarté absolue. Or, à travers le Conseil de la fédération, on dilue la question pour demander au premier ministre du Canada sa position sur le déséquilibre fiscal alors que ça fait 20 fois qu'il dit qu'il n'y croit pas.

Est-ce que le premier ministre ne voit pas, là, le fameux piège du Conseil de la fédération? Au lieu que la lettre demande formellement à Martin de corriger le déséquilibre fiscal, on lui demande son avis sur la question alors que ça fait 20 fois qu'il le donne. Quelle est l'utilité de la lettre?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Jean Charest

M. Charest: Je reconnais d'emblée avoir consolidé toutes les craintes du chef de l'opposition officielle, mais sur un sujet différent, c'est-à-dire d'avoir réussi là où il a échoué. J'admets avoir, M. le Président, consolidé les craintes du chef de l'opposition officielle en permettant à ce Conseil de fédération non seulement d'exister, mais aussi de poser des gestes qui vont dans le sens des intérêts des citoyens du Québec, d'avoir une approche qui est nouvelle, qui est différente, qui, soit dit en passant, réunit tous les autres gouvernements du Canada autour d'un thème commun. C'est la première fois que ça arrive, c'est la première fois qu'un geste comme ça est posé dans le cadre d'une campagne électorale fédérale, pas pour le plaisir d'y participer mais parce que c'est dans l'intérêt de nos citoyens que ces questions-là soient posées et que nous puissions effectivement recevoir une réponse pour que les citoyens du Québec, au moment où ils seront appelés à voter... seront mieux éclairés sur le sens de leur choix.

En ce sens-là, je conçois facilement que j'aie pu, oui, consolider vos craintes. Mais j'aurais espéré que le chef de l'opposition officielle puisse au moins reconnaître qu'en consolidant les craintes du chef de l'opposition officielle on défend les intérêts de la population du Québec et j'aurais au moins apprécié que vous puissiez dire que c'est un bon geste posé dans le sens des intérêts du Québec.

Le Président: En question complémentaire, M. le chef de l'opposition officielle.

M. Bernard Landry

M. Landry: Le premier ministre ne se rend-il pas compte qu'il justifie mes craintes et les craintes de tous les Québécois et les Québécoises dans sa connaissance de l'histoire du Québec? On dirait. Et je lui demande: Est-ce qu'il fait la différence entre envoyer une lettre et recevoir des chèques? Et est-ce qu'il ne se rappelle pas que nous avons reçu les chèques les plus gros de l'histoire du Canada, dans nos revendications, quand nous étions au pouvoir? Et, si Paul Martin répond pour la nième fois... Ça fait 10 fois qu'il dit qu'il n'y a pas de déséquilibre fiscal. S'il le reconnaît, ce sera un événement majeur de la campagne. Mais, s'il ne le reconnaît pas, alors que c'est le coeur des revendications de notre Assemblée nationale depuis trois ans, que va faire le premier ministre?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Jean Charest

M. Charest: M. le Président, j'aurais espéré que le chef de l'opposition officielle soit un petit peu moins, aujourd'hui, le représentant de Gilles Duceppe et du Bloc québécois à l'Assemblée nationale et qu'il soit davantage le chef de l'opposition officielle à l'Assemblée nationale du Québec, parce que, sur des questions comme celle-là, il me semble que, de temps en temps, le chef de l'opposition officielle pourrait reconnaître quand les intérêts du Québec sont bien défendus, quand on aura fait avancer les intérêts de la population du Québec. Si, lui, il peut me citer un autre instant dans l'histoire du Québec où il y a un premier ministre qui a été capable de rallier l'ensemble des autres gouvernements autour d'un thème commun comme celui-là, de poser un geste exceptionnel, comme nous le faisons, dans le cadre d'une campagne électorale fédérale, bien qu'il me cite l'occasion. Moi, je n'en connais pas. Et je suis fier de cette réalisation parce qu'elle va dans le sens justement d'une nouvelle approche qui va nous permettre de mieux défendre les intérêts de la population du Québec.

Si le chef de l'opposition officielle était au moins capable de le dire, aujourd'hui, il me semble qu'il se donnerait un petit peu plus de crédibilité, au lieu de se porter aujourd'hui puis de se présenter comme étant le représentant de Gilles Duceppe à l'Assemblée nationale du Québec.

Des voix: ...

Le Président: S'il vous plaît! Dernière question... Dernière question additionnelle, M. le chef de l'opposition officielle.

M. Bernard Landry

M. Landry: D'abord, M. le Président, comment ne pas connaître l'histoire? Ne se rappelle-t-il pas qu'il m'a faussement accusé d'avoir déposé de l'argent à Toronto? Ne sait-il pas que cet argent, c'est ce que nous avions obtenu du fédéral pour le Québec, et qu'on a obtenu 1,6 milliard de plus? Comment peut-il continuer, dans cette Chambre, à soutenir qu'envoyer une lettre timide et timorée est l'équivalent de recevoir des milliards de dollars? Et ne se rend-il pas compte que la lettre qu'il a déposée confirme toutes mes craintes? Et j'espère que toute la population du Québec va le voir.

Au lieu de réclamer fermement la correction du déséquilibre fiscal, Pat Binns, du Conseil de la fédération, demande la position du parti de Paul Martin sur le déséquilibre fiscal, avec un point d'interrogation. Est-ce que c'est ça, défendre fermement les intérêts du Québec, ou si ce n'est pas la mollesse diluée par le Conseil de la fédération?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Jean Charest

M. Charest: Bien, M. le Président, là je comprends que le chef de l'opposition officielle, depuis le déclenchement de l'élection fédérale, se sent davantage représentant du Bloc québécois que chef du Parti québécois. Ça, c'est son affaire. Sauf qu'il a commencé la période de questions en nous reprochant d'envoyer une lettre dans laquelle le mot «déséquilibre fiscal» n'y était pas. Il vient de se faire contredire dans l'espace de la période des questions. La lettre, elle est déposée, et, comme il y a une règle d'interprétation que vous connaissez bien ? vous êtes avocat, M. le Président ? le législateur ne parle pas pour ne rien dire. Si le mot... les mots «déséquilibre fiscal» sont dans la lettre, c'est parce qu'il y a là un enjeu majeur pour tous les gouvernements, pour tous les gouvernements au Canada et pour tous nos citoyens.

n(10 h 20)n

Cela étant dit, le chef de l'opposition officielle devrait faire attention avec les faits. La semaine dernière, vous avez fait dire à Pat Binns, le président du Conseil de la fédération, des choses qu'il n'a jamais dites. Vous l'avez cité au texte, alors que vous avez cité des choses qui étaient fausses, et vous avez été assez loin là-dedans, au point où vous avez demandé sa démission. Ça, c'est un exemple, M. le Président, de ce que le chef de l'opposition officielle a eu comme comportement la semaine dernière et que je trouve regrettable, parce qu'il me semble que, sur ces questions-là, on devrait au moins respecter la vérité. Alors, aujourd'hui, on marque, je pense, une journée très importante dans les relations que nous avons avec l'État fédéral. Ça redéfinit en quelque sorte l'approche que nous aurons dorénavant, au Québec et au Canada, dans les relations avec le gouvernement fédéral, et j'aurais souhaité que le chef de l'opposition officielle puisse avoir la noblesse de le reconnaître.

Le Président: En question principale, M. le chef de l'opposition officielle.

Contenu de la lettre du Conseil
de la fédération aux chefs
des partis politiques fédéraux

M. Bernard Landry

M. Landry: Il devrait bien se douter que, si j'étais à sa place, je redemanderais aujourd'hui la démission de Pat Binns pour mollesse et sabotage du travail de l'Assemblée nationale du Québec. On a ici, avec l'Action démocratique et le Parti libéral, un consensus, depuis trois ans, sur le déséquilibre fiscal. À un point culminant d'une campagne électorale, ça se résume à une question pour demander à Paul Martin, qui a dit 10 fois qu'il n'y avait pas de déséquilibre fiscal, quelle était sa position sur le sujet. C'est ça, la différence entre défendre fermement les intérêts du Québec et travailler dans la mollesse, le relâchement et l'abdication du Conseil de la fédération.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Jean Charest

M. Charest: Là, le chef de l'opposition officielle est en train de réduire puis d'étirer la crédibilité qu'il lui restait sur cette question-là. Il commence la période de questions en nous reprochant d'envoyer une lettre dans laquelle il n'y a pas les mots «déséquilibre fiscal», puis là on lui fait la démonstration du contraire. Et là, bien il se lève, puis, dans un autre élan puis d'enflure verbale, il parle de sabotage. Voyons! Quelle crédibilité vous pensez que vous avez quand vous utilisez un langage comme celui-là, alors qu'aujourd'hui, objectivement, les intérêts de la population du Québec sont défendus avec beaucoup de vigueur, beaucoup de rigueur également? Et l'approche n'est pas celle que vous souhaitez parce que votre option, c'est la souveraineté. Puis on respecte ça. On respecte ça. Mais ayez au moins la franchise de reconnaître qu'aujourd'hui, partout, pas seulement au Québec, il y a un geste qui a été posé, qui est sans précédent, que ça va nous permettre d'avoir un débat de fond sur un enjeu qui touche très directement les intérêts des citoyens du Québec. J'en suis extrêmement fier. J'en suis fier non seulement parce que c'est mon gouvernement qui l'a proposé, mais je suis fier parce que ça démontre que, lorsque les Québécois assument leur leadership, on est capable de faire avancer les intérêts de la population.

Le Président: En question principale, M. le député de Rousseau.

Somme réclamée pour la correction
du déséquilibre fiscal

M. François Legault

M. Legault: Oui. M. le Président, le ministre des Finances nous a dit, la semaine dernière, que Paul Martin avait une attitude paternaliste et il nous a dit que sa promesse dans son plan en santé, et je veux le citer, «n'était certainement pas à la hauteur du financement attendu par le Québec». On a entendu, M. le Président, la réponse du lieutenant en second de Paul Martin, M. Pettigrew, qui a répondu au ministre des Finances que les ministres des Finances provinciaux disent toujours qu'il n'y a pas assez d'argent, et ils sont très prévisibles. Ça, c'est la réponse de l'équipe de M. Martin.

M. le Président, le ministre des Finances a dit clairement, la semaine dernière, qu'il fallait avoir une offre sur l'ensemble du déséquilibre fiscal. Mais ce qui est moins clair dans la lettre que vient de mentionner le premier ministre, c'est quels sont les montants qui sont réclamés pour le Québec. Le premier ministre du Québec n'est pas clair, contrairement à son ministre des Finances, qui, lui, est très clair. Il a déposé un document, M. le Président, qui dit que, cette année, pour 2004-2005, il faut réclamer 3,3 milliards pour le Québec, 7,2 milliards pour l'ensemble des provinces.

Est-ce que le premier ministre du Québec est d'accord pour défendre cette position de son ministre des Finances?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Philippe Couillard

M. Couillard: M. le Président, en fin de semaine s'est tenue une importante réunion de travail à laquelle 26 ministres de différentes provinces et territoires ont participé, sous la coprésidence de deux premiers ministres, qui nous permet de marquer une étape importante vers la réunion du Conseil de la fédération en juillet et vers une conférence fédérale-provinciale des premiers ministres qui a été annoncée pour le mois d'août. Au cours de cette réunion, comme nous l'avons d'ailleurs exprimé de façon très claire, autant le ministre des Finances que moi-même, plusieurs principes ont été mis de l'avant, dont celui que nous n'accepterons pas de normes ou de standards nationaux en santé et dont celui également qui dit que, pour apprécier l'effet net des propositions fédérales en santé, quelles qu'elles soient, il faut disposer de l'ensemble des données sur l'ensemble des transactions financières entre les ordres de gouvernement. Et c'est l'axe dans lequel nous allons continuer nos travaux, M. le Président, afin que les Québécois obtiennent toute leur part des financements proposés en santé dans le contexte plus général du déséquilibre fiscal.

Le Président: En question complémentaire, M. le député de Rousseau.

M. François Legault

M. Legault: Oui. M. le Président, est-ce que la position des provinces est claire pour l'année 2004-2005? On réclame ? c'est ce que le ministre des Finances du Québec réclame ? 3,3 milliards pour le Québec, 7,2 milliards pour l'ensemble des provinces. Tantôt, le premier ministre a fait référence au prochain budget fédéral. Est-ce que ça veut dire qu'il n'y aura rien pour les malades pour 2004-2005, qu'on va attendre au mois d'avril 2005? Est-ce que le ministre des Finances ou de la Santé ou le premier ministre peut nous dire clairement quelle est la position des provinces pour 2004-2005?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Philippe Couillard

M. Couillard: M. le Président, je rappellerais que le parti formant l'opposition actuellement et le député de Rousseau n'ont reconnu qu'en décembre 2002 qu'il existait un problème de financement en santé, alors que, nous, ça fait longtemps qu'on le reconnaissait, dans le cadre du déséquilibre fiscal. Pour eux, c'était uniquement un problème de gestion. Alors, s'il y a quelqu'un qui a besoin de mise à date dans ce dossier-là, ce n'est pas nous, M. le Président.

Maintenant, pour ce qui est de... pour ce qui est de l'ensemble du dossier, je vais réitérer ce que je viens de dire, c'est que, les propositions fédérales en santé, il s'agit de propositions. Il y a une élection fédérale qui aura lieu dans quelques jours. Il y aura une réunion des premiers ministres dans le cadre du Conseil de la fédération. Il y aura une rencontre avec les premiers ministres provinciaux et fédéraux plus tard. Ces discussions ont mis en évidence que l'ensemble des provinces reconnaissent qu'on ne peut apprécier l'effet net des propositions en santé que dans l'optique d'une prise en compte de transferts autres, tels que la péréquation et les transferts sociaux, et ça, ça fait l'unanimité autour de la table.

Le Président: En question complémentaire, M. le député de Rousseau, et je vous inviterais à poser votre question.

M. François Legault

M. Legault: M. le Président, est-ce que le premier ministre du Québec peut nous dire s'il est d'accord avec son ministre des Finances pour réclamer, pour 2004-2005, 3,3 milliards pour le Québec, ou s'il est d'accord avec la lettre qui a été signée par le Conseil de la fédération, qu'il n'y aura rien avant le budget de 2005?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Philippe Couillard

M. Couillard: M. le Président, tous les membres du gouvernement et de la députation ministérielle sont unis, dans cette question, sous la direction du premier ministre, qui défend très, très, très fermement les intérêts du Québec dans ce dossier comme dans tous les autres dossiers. Il s'agit encore une fois d'une étape. Il va y avoir des réunions de premiers ministres cet été, une par le Conseil de la fédération, une en présence du premier ministre fédéral, qui aura été, à ce moment-là, désigné par la population, qui, elle, saura juger des diverses propositions qui sont sur la table. Et, à ce moment-là, je suis convaincu que nous saurons, M. le Président, comme nous l'avons toujours fait, faire progresser les intérêts du Québec.

Le Président: En question principale, M. le député de Saint-Maurice.

Information sur l'application du cadre législatif
en matière de réorganisation municipale

M. Claude Pinard

M. Pinard: M. le Président, est-ce que le ministre des Affaires municipales peut nous confirmer qu'en cas de défusion il appartiendrait non pas au secteur de Grand-Mère, mais bien à la ville de Shawinigan de prendre les décisions de gestion et de financement des dépenses concernant notamment l'aréna de Grand-Mère et le Centre de la culture de Grand-Mère?

Le Président: M. le ministre des Affaires municipales.

M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: Oui. M. le Président, nous sommes dans la suite de la période de questions de vendredi dernier. J'informe mon collègue, pour ses villes de son comté, mais aussi pour l'ensemble des collègues de l'Assemblée, que le projet de loi n° 9, qui est devenu une loi, contient, dans son annexe, les équipements et les activités supralocaux. Et cette loi avec l'ensemble des éléments qui sont inclus ? il y en a quand même pas mal ? sont accessibles sur Internet. Incidemment, sur le site Internet du ministère, vous pouvez avoir accès non seulement à la loi et à l'ensemble de ces éléments-là, mais à d'autres éléments comme des questions qui sont souvent posées, des documents informatifs aussi qui permettent de renseigner la population, en fait un bon nombre de renseignements qui permettent, dans chaque localité...

Vous en conviendrez, pour certaines villes, ce n'est pas la même chose que pour d'autres, ce n'est pas les mêmes équipements. Forcément, il y a des différences. Donc, c'est à chacun d'aller chercher cette information que nous avons mise à leur disposition et qui, avouons-le, est une différence notable avec ce qui était accessible lors des fusions forcées.

Incidemment ? je termine, M. le Président ? notre collègue pourrait peut-être informer sa population s'il entend être favorable aux refusions forcées de son propre parti.

n(10 h 30)n

Le Président: En question principale, M. le député... En question complémentaire, M. le député de Richelieu.

M. Sylvain Simard

M. Simard: Est-ce que le ministre des Affaires municipales, M. le Président, peut informer la population de l'Outaouais, et particulièrement son collègue le député de Hull, qu'en cas de défusion c'est bien la ville de Gatineau qui assurera la fonction de ville-centre et non plus la ville de Hull?

Le Président: M. le ministre des Affaires municipales.

M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: M. le Président, l'article 2 de la loi n° 9 précise bien que, dans les cas où, après la signature des registres, la ville qui est la ville résiduelle, qui décide, elle... Déjà, on le voit, là, à l'oeil nu, il n'y aura pas de référendum à Gatineau. La ville résiduelle sera donc constituée notamment de Gatineau et peut-être d'autres, ce que nous verrons lors de la signature... lors du vote référendaire. Mais, à ce stade-ci, M. le Président, ce qu'on peut confirmer, c'est que minimalement la ville de Gatineau sera ville résiduelle puisqu'elle a déjà décidé de ne pas... ses citoyens ont décidé de ne pas signer le registre à la hauteur de 10 %. Donc, il n'y aura pas de référendum, dans ce cas-là.

Ce qui m'étonne, M. le Président, c'est que nous nous posions ces questions alors que la loi n° 9 est devant nous.

Le Président: Alors, en question complémentaire, Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

Mme Nicole Léger

Mme Léger: Merci, M. le Président. Montréal-Est représente actuellement 5,5 % des voix au conseil municipal de Montréal. Le ministre peut-il confirmer qu'en cas de défusion la voix de Montréal-Est au conseil d'agglomération se verra réduite à 0,2 %?

Le Président: M. le ministre des Affaires municipales.

M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: Bien, écoutez, d'abord il faut savoir que, pour ce qui est de Montréal-Est, ça fait partie de l'arrondissement qui contient plus que Montréal-Est. Peut-être que notre collègue voudra le préciser dans une question additionnelle, puisque la façon dont elle avait de le présenter déforme un peu la réalité. Mais je lui laisse le soin de le préciser tantôt.

Pour ce qui est de la représentation des villes qui auront décidé de quitter, elle se fait selon... au conseil d'agglomération, elle se fait selon un critère assez connu en démocratie, enfin de ce côté-ci, qui s'appelle la représentation selon la population. Donc, la représentation à laquelle elles ont droit compte tenu de sa population par rapport à l'agglomération sera ce qu'elle aura au conseil d'agglomération. J'imagine que ça satisfait ma collègue.

Le Président: En question principale, Mme la députée de Bourget.

Accessibilité de l'information
sur le cadre législatif en matière
de réorganisation municipale

Mme Diane Lemieux

Mme Lemieux: Merci, M. le Président. M. le Président, est-ce que la ministre de la Culture et des Communications pourrait nous indiquer quel est le taux de branchement des foyers québécois et le taux d'utilisation moyen d'Internet des Québécois?

Le Président: Mme la ministre de la Culture et des Communications.

Mme Line Beauchamp

Mme Beauchamp: Ce qu'on m'indique, M. le Président, c'est que le taux de branchement serait aux alentours de 50 %, mais je pourrai amener une information complémentaire dès que possible.

Le Président: En question complémentaire, Mme la députée de Bourget.

Mme Diane Lemieux

Mme Lemieux: M. le Président, j'informe la ministre que le taux de branchement des foyers québécois est de 33 %, et le taux d'utilisation moyen d'Internet est de 54 %. Je ne reproche pas à la ministre de ne pas connaître ces informations, mais elle devrait les donner, ces informations, à son collègue.

Qu'est-ce que le ministre va répondre et que dit-il aux citoyens, aux 67 % des foyers québécois qui ne sont pas branchés, aux 46 % des Québécois qui n'utilisent pas Internet, alors qu'il ne cesse de dire que la loi n° 9 est tellement publique qu'elle est sur Internet? Que dit-il à ces gens?

Des voix: ...

Le Président: S'il vous plaît? M. le ministre des Affaires municipales.

M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: Je réponds à notre collègue de Bourget, M. le Président, que les moyens techniques nouveaux n'ont quand même pas relégué tous les autres moyens, ce qui fait que nous avons communiqué avec de nombreux hôtels de ville pour qu'il y ait de la documentation pertinente que les citoyens peuvent avoir avec eux. Ils peuvent demander l'ensemble de ces documents-là. Il y a des places, les bibliothèques, M. le Président, il y a plein d'endroits où ils peuvent avoir accès à ces documents-là. Et je m'étonne, je m'étonne encore une fois... Je vois les gens hocher de la tête. Quelle belle unanimité de l'autre côté, de l'opposition, à demander maintenant qu'il y ait de l'information aux citoyens, ce que nous avons fait dans une mesure tellement plus élaborée que vous que je me questionne sur l'information que vous donnerez lorsque vous voudrez faire vos refusions forcées.

Le Président: En dernière question complémentaire, Mme la députée de Bourget.

Mme Lemieux: En principale, M. le Président.

Le Président: En question principale, Mme la députée de Bourget.

Modes de diffusion d'information
sur le cadre législatif en matière
de réorganisation municipale

Mme Diane Lemieux

Mme Lemieux: M. le Président, je dépose ici les documents qui ont été rendus publics auprès des citoyens au moment de l'unification des villes. Tout y était: l'information, le fonctionnement, les arrondissements, les compétences...

Des voix: ...

Le Président: S'il vous plaît! Il n'y a qu'une personne qui a la parole. Je vous demande votre collaboration. Vous connaissez tous l'article 32. Alors, je cède la parole, en question principale, à Mme la députée de Bourget.

Mme Lemieux: M. le Président, cette information-là sur le fonctionnement du modèle que nous avons proposé, québécois, elle a été livrée dans tous les foyers concernés.

M. le Président, ce gouvernement impose un modèle, un modèle d'organisation du monde municipal. Tant qu'à l'imposer, pourriez-vous le défendre et l'expliquer? Vous avez la responsabilité, et non pas les élus municipaux, qui n'ont pas demandé ce modèle, vous avez la responsabilité d'expliquer le choix que les Québécois devront faire, à savoir une ville unifiée où le maire est élu au suffrage universel, une ville dont les aspects juridiques sont solides, ou bien un modèle chambranlant juridiquement où les maires ne sont pas élus au suffrage universel et où les compétences sont ratatinées pour ces villes. Vous avez le devoir de l'expliquer. Quels moyens prendrez-vous pour le faire?

Le Président: M. le ministre des Affaires municipales.

M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: Premièrement, c'est une question de détails. Notre collègue dit que la loi, c'est chambranlant au plan juridique. Ça fait deux semaines qu'elle nous demande de ne pas changer la loi. Alors, j'aimerais ça qu'elle donne un peu de motifs qui l'amènent à dire que c'est chambranlant au point juridique. C'est le premier point que je veux souligner.

Deuxièmement, ce que nous faisons, ça me semble assez clair, nous proposons aux citoyens d'avoir un mot à dire sur l'organisation politique de leur milieu de vie de tous les jours. On pense, nous, que c'est une bonne idée de les mettre dans le coup, parce que ces organisations-là donnent, par règlement... À chaque jour, notre conduite dans nos villes, dans nos milieux est réglementée par une organisation, c'est bien le moins que les citoyens se sentent interpellés par cette organisation. Donc, on leur donne la possibilité de s'exprimer, on ne l'impose pas. Bien sûr, lorsqu'on fait ça, on prend des responsabilités. On ne veut pas s'assurer que l'intérêt public recule ou qu'il soit affecté. Donc, il y a un ensemble de règles qui permettent de protéger l'intérêt public, de faire en sorte que tous aient la possibilité d'être consultés, que tous soient consultés, mais qu'aucun ne soit laissé de côté. C'est ce que fait la loi. On informe les gens, mais en bout de piste, c'est vrai, ce n'est pas une imposition, c'est une consultation, et ceux qui décident, ce sont les citoyens, qui ont leur mot à dire face, avec cette grille-là qu'on leur offre, M. le Président.

Documents déposés

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour déposer le document dont a fait référence Mme la députée de Bourget? Consentement. Le document est déposé.

En question principale, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.

Diffusion d'information sur la construction
des centres hospitaliers universitaires à Montréal

Mme Louise Harel

Mme Harel: Alors, M. le Président, le journal Le Soleil nous apprend aujourd'hui le peu de cas que le ministre de la Santé et des Services sociaux fait des promesses libérales en santé. Ce ne sont que des promesses d'élections, aurait-il dit de retour de Toronto. Les Québécois en savent eux-mêmes quelque chose un an après l'avalanche de promesses non tenues du gouvernement libéral en santé.

Dans le dossier du futur Centre hospitalier de l'Université de Montréal, on apprend également aujourd'hui que le CHUM n'offrirait que des chambres privées, qui seront facturées aux patients, de même qu'un hôtel privé adjacent pour prolonger leur convalescence. De plus, le futur CHUM n'a prévu aucun espace pour des services de buanderie, d'alimentation et autres services de soutien auxiliaires, qui seraient confiés à l'entreprise privée.

Compte tenu des conséquences importantes que ces décisions pourraient avoir sur tout le système de santé québécois, le ministre de la Santé et des Services sociaux juge-t-il acceptable que ces questions se discutent en catimini, sans débat public, et que ce soit dans les journaux que nous en prenions connaissance?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Philippe Couillard

M. Couillard: M. le Président, d'abord, dans la prémisse de la question de la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, ce qu'elle dit être mes paroles n'ont jamais été prononcées. J'ai dit ? et on est en train de faire une rectification auprès du journaliste qui a fait l'entrevue ? ...c'est que bien sûr les propositions des divers partis fédéraux devaient être examinées à la lueur du fait qu'il y a une campagne électorale en cours, et ça, c'est une évidence que personne ne peut discuter. D'ailleurs, dans le texte de l'article, c'est beaucoup plus près de la formulation exacte qui a été utilisée.

Maintenant, pour ce qui est du dossier du CHUM, je suis content de voir que l'opposition s'en préoccupe après l'avoir laissé pourrir pendant des années sans pouvoir le concrétiser. Nous sommes en voie d'analyser les propositions du CHUM, et bien sûr il s'agit de propositions dont faisait état le journal La Presse ce matin. Il est question que, pour ce qui est des lits privés, ce n'est que lorsque dans le cas que c'est le choix d'un malade d'occuper un lit privé plutôt qu'un lit semi-privé qu'une contribution peut être exigée. S'il s'agit de l'organisation du système de santé basée sur des nécessités de santé publique, de protection des infections, bien sûr le malade n'aurait pas à en défrayer les frais.

n(10 h 40)n

Le Président: En question complémentaire, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Louise Harel

Mme Harel: Alors, pour faciliter un débat public, M. le Président, pourquoi le ministre refuse-t-il à l'opposition officielle la demande d'accès au rapport d'expertise que l'on retrouve en annexe du rapport Mulroney-Johnson, notamment les budgets d'opération et les soins tertiaires des futurs centres hospitaliers universitaires, en date de février 2004; ou encore le contrôle des coûts, en date de février 2004; ou encore les impacts sur la trame urbaine des sites projetés, en date de février 2004; ou encore la réutilisation des bâtiments excédentaires, en date de février 2004; ou encore les technologies de l'information, des télécommunications et de la téléphonie; ou encore la superficie et les coûts de construction? Pourquoi ne pas rendre publiques les annexes au rapport Mulroney-Johnson, qui nous permettraient un débat public?

Le Président: Alors, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Philippe Couillard

M. Couillard: De toute évidence, M. le Président, la députée met en évidence tous les aspects qui n'avaient pas été explorés auparavant malgré près de 55 millions de dollars dépensés en études multiples. C'est quand même intéressant que, six ans après les annonces initiales, qu'on soit obligés de repartir certains éléments des projets à zéro, après 55 millions de dépenses d'argent des contribuables pour des études dont la plupart resteront stériles.

Maintenant, effectivement nous analysons les projets, nous allons prendre la décision la plus appropriée possible dans l'intérêt du développement de la médecine du Québec, parce que ces deux projets auront un rayonnement pour l'ensemble de notre population, M. le Président, pour les deux grandes institutions universitaires que nous connaissons. Et nous allons concrétiser ces projets rapidement, le plus rapidement possible, dans l'intérêt de toute la population du Québec.

Le Président: En question complémentaire, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Louise Harel

Mme Harel: Est-ce que le ministre de la Santé et des Services sociaux reconnaît que toutes les études, y compris les études de caractérisation des sols et autres études, ont été complétées à la demande unanime du conseil d'administration du CHUM, de l'Université de Montréal et de la Régie régionale de Montréal, sur un site qui n'a pas été retenu par le rapport Mulroney-Johnson, et que l'ensemble de toutes ces études doivent être reprises à l'occasion de ce nouveau site qui nous est apparu comme une boîte à surprises?

Le Président: Alors, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Philippe Couillard

M. Couillard: M. le Président, la boîte à surprises, c'est que, sur le fameux site en question, il y a une voie ferrée qui passe. C'est un petit problème pour un hôpital! Il aurait peut-être fallu y penser avant.

Des voix: ...

M. Couillard: Et puis 55 millions...

Des voix: ...

Le Président: Avec votre collaboration. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Et puis il y a des détails probablement anodins, M. le Président, qu'il fallait regarder, comme: Comment ces projets s'inscrivent-ils dans un véritable développement de la médecine académique? A-t-on pris en connaissance ou en intérêt les budgets de fonctionnement? C'est le député de Rousseau, quelques semaines avant l'élection, qui soudainement s'est rendu compte ? avec raison ? que cette question des budgets de fonctionnement n'avait jamais été soulevée. Alors, on bâtissait les projets, là, à gauche, à droite, avec des études, à coup de dizaines de millions de dollars, sans parler des budgets de fonctionnement, sans parler de la philosophie de l'organisation autour de ces projets-là.

C'étaient des projets de construction, M. le Président. Nous, on fait un projet d'amélioration de la médecine au Québec.

Le Président: En dernière question complémentaire, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Louise Harel

Mme Harel: En complémentaire, M. le Président. Alors, que pense le ministre du site du Centre hospitalier universitaire de McGill, qui est situé sur le site Glen où l'on retrouve 10 voies ferrées?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Philippe Couillard

M. Couillard: De toute évidence, M. le Président, on mélange les dossiers. Dans le cas de la cour Glen, il s'agit de trains de banlieue...

Des voix: ...

M. Couillard: ...de trains de banlieue. Dans le cas de l'hôpital... du site proposé qui a été... dont on nous recommande de ne pas retenir, il s'agit d'une voie ferrée sur laquelle des produits chimiques sont transportés. Alors, poussons un peu la connaissance et ayons un niveau de débat basé sur des connaissances quand même, là, minimales dans ce dossier-là, M. le Président.

Le Président: En question principale, M. le député...

Des voix: ...

Le Président: Alors, en question principale...

Des voix: ...

Le Président: Je m'excuse... Question principale, M. le député de Joliette.

Dépôt des résultats de l'enquête Grandir en qualité,
en matière de services de garde

M. Jonathan Valois

M. Valois: Merci, M. le Président. M. le Président, lors de l'étude des crédits, on avait demandé à la ministre déléguée à la Famille quand seraient déposés les résultats de l'enquête Grandir en qualité. C'est une enquête qui est très importante, M. le Président, c'est 3 millions de dollars qu'a coûtés cette enquête-là, et 900 services de garde ont été consultés. Alors, ce n'est pas juste, là, des échantillons, c'est vraiment l'ensemble des services de garde du Québec qui ont été consultés pour faire une enquête très importante. La réponse de la ministre à l'époque était de nous dire que... «sera certainement ou probablement déposée en début juin par l'Institut de la statistique du Québec, qui est en charge de l'enquête».

Alors, on est en début juin, et alors que, la semaine passée, la ministre annonçait déjà son souhait de hausser la qualité des services de garde, quand entend-elle déposer l'enquête, qui aurait dû venir avant ses annonces sur la qualité?

Le Président: Alors, Mme la ministre déléguée à la Famille.

Mme Carole Théberge

Mme Théberge: Merci, M. le Président. C'est dommage, j'aurais pensé que le député de Joliette en aurait profité justement pour nous féliciter sur notre plan d'engagement qualité qu'on fait avec tous les intervenants sur le terrain, M. le Président. Je veux peut-être lui rappeler que déjà, en 1999, le Vérificateur général disait justement que le ministère tardait à assurer la qualité des services offerts aux enfants. Et, hier matin, Mme Breton, du Soleil, dit dans son éditorial: «Il était plus que temps» ? qu'on se préoccupe de la qualité. Il y a des éléments, certaines mesures qui ont été prises à travers le temps. Dans la dernière année, nous avons publié plusieurs documents, et ce plan d'engagement que nous avons présenté la semaine dernière est vraiment un élément fort important parce qu'il va se réaliser en collaboration avec tous les intervenants sur le terrain: du parent, aux gestionnaires, aux éducateurs, et c'est la façon d'assurer un top niveau de qualité dans toutes les régions du Québec, M. le Président.

Le Président: En question complémentaire, M. le député de Joliette.

M. Jonathan Valois

M. Valois: M. le Président, la ministre est-elle consciente que ma question n'était pas sur son petit document, duquel Mme Breton dit justement... Est-elle consciente...

Des voix: ...

Le Président: S'il vous plaît! Je vous demanderais votre collaboration, en particulier au député de Vimont, s'il vous plaît. Alors, votre question additionnelle, M. le député.

M. Valois: J'excuse le député de Vimont, des fois, lorsqu'on prend les modèles de français plus complexes, on peut comprendre.

Le Président: M. le député de Joliette, je vous demande de poser... vous êtes en question additionnelle, si vous voulez poser votre question.

M. Valois: La ministre est-elle consciente que ma question relevait de l'enquête et non pas du petit fascicule duquel la même journaliste Breton dit qu'aucun règlement ni aucune norme ni même inspection supplémentaire n'ont été prévus pour justement réaliser ce qu'elle entend réaliser avec son petit fascicule?

Ma question était sur l'enquête. Quand cette enquête sera-t-elle déposée par la ministre?

Le Président: Alors, Mme la ministre déléguée à la Famille.

Mme Carole Théberge

Mme Théberge: Avant de répondre précisément à la question, je vous dirais que ce n'est pas avec mon fascicule qu'on va prendre un engagement qualité, c'est avec les intervenants sur le terrain. De ce côté-ci de la Chambre, on fait confiance aux gens. Ça va être un processus volontaire mais encadré. C'est un processus qui est volontaire. Il est attendu, premièrement; il a été applaudi également, et c'est pour ça qu'on va réussir, M. le Président.

Dans le cadre de l'enquête ? et c'est aussi pour ça que je parlais de l'engagement qualité ? quand on parle d'un processus continu, il y a plusieurs éléments qui arrivent en cours de route pour nous alimenter, et l'enquête va effectivement être très importante parce que ça va être beaucoup d'indices qu'ils vont nous donner, beaucoup d'éléments, je dirais, d'amélioration de la qualité qui vont sûrement nous servir à faire des grilles d'évaluation. Et cette enquête-là va être remise rapidement, en fait aussitôt que l'institut est prêt... elle sera disponible, tout simplement. On est à préparer, je dirais... pas l'actualisation, mais de faire en sorte que tous les éléments qui sont là soient facilement compréhensibles et accessibles à tout le monde pour y travailler, et ce sera fait très rapidement.

Le Président: En dernière question additionnelle, M. le député de Joliette.

M. Jonathan Valois

M. Valois: M. le Président, je demande le consentement de l'Assemblée pour déposer le rapport d'enquête Grandir en qualité2003, version du 10 mai 2004.

Document déposé

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour le dépôt du document? Consentement. Avez-vous une question à poser, M. le député de Joliette? Si vous voulez la poser immédiatement.

n(10 h 50)n

Une voix: ...

M. Valois: Bien oui, pendant que je suis là. M. le Président, est-ce que la ministre est consciente que, à l'intérieur du document qui a été déposé, il est écrit, à la page 3, qu'il est ainsi souhaitable «que les résultats de la présente étude permettent de cibler les mesures susceptibles de soutenir et d'améliorer la qualité des services de garde et éducatifs au Québec»? Que donc... Est-ce qu'elle est consciente qu'à l'intérieur de ce document-là les chercheurs disent à la ministre qu'avant d'agir en matière de qualité il faudrait peut-être prendre les résultats de l'enquête au sérieux, et qu'aujourd'hui on n'a toujours pas les résultats de l'enquête, mais qu'il y a déjà des supposées mesures amenées par la ministre?

Le Président: Mme la ministre déléguée à la Famille.

Mme Carole Théberge

Mme Théberge: M. le Président, c'est bien évident que, dans une enquête qui a coûté 3 millions aux contribuables, il y a des étapes préliminaires qui se sont faites. L'engagement qualité qu'on a pris ensemble la semaine dernière, tous les intervenants et le ministère, va se servir de cette enquête-là, définitivement. Il y a des éléments qui sont là, comme dans plusieurs autres enquêtes ou autres recherches qui ont été faites. C'est un processus continu de qualité, ça va se faire en collaboration avec les intervenants, et on est au début de tout ça. C'est un processus de moyen terme et de long terme, parce qu'on veut que ça se tienne puis que ça fasse la route, M. le Président, et l'enquête va servir à ça. Merci.

Le Président: En question principale, M. le député de Mercier.

Négociation d'ententes tripartites
en matière d'affaires municipales

M. Daniel Turp

M. Turp: M. le Président, vendredi dernier, le candidat Paul Martin a dévoilé son plan pour les municipalités, un autre plan qui frappe de plein fouet les compétences exclusives du Québec.

Voici ce que l'on peut lire dans ce plan, je le cite: «Un gouvernement libéral poursuivra le développement d'ententes aussi fructueuses que celles intervenues avec les villes de Winnipeg et de Vancouver, qui serviront de modèles de partenariat coopératif entre les gouvernements fédéral, provinciaux et municipaux partout à travers le Canada.»

M. le Président, j'ai consulté l'une de ces ententes ? l'accord de Vancouver ? et, à sa lecture, je constate que toutes les décisions de mise en oeuvre relèvent de comités tripartites ? fédéral, provincial et municipal ? et qu'elles doivent être prises à l'unanimité. Cela signifie donc que le gouvernement de la Colombie-Britannique a octroyé un droit de veto au gouvernement fédéral dans les domaines suivants: soins de santé primaires, toxicomanie, sûreté et justice, développement économique et social des quartiers, logement et soutien communautaire.

Ma question au ministre des Affaires intergouvernementales: Est-ce qu'il est favorable à ce type d'entente qualifiée de fructueuse par le candidat Martin? Et est-ce que ce modèle est acceptable au gouvernement du Québec?

Le Président: Alors, M. le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes.

M. Benoît Pelletier

M. Pelletier: Merci. Merci, M. le Président. M. le Président, notre position en matière d'affaires municipales est bien connue, il me fait plaisir de la reconfirmer aujourd'hui. L'interlocuteur privilégié, l'interlocuteur unique du gouvernement du Canada en matière d'affaires municipales, c'est le gouvernement du Québec. Et, s'il s'avérait que le gouvernement du Canada ait des intentions en ce qui concerne les investissements pour les municipalités québécoises, il va devoir faire affaire avec notre gouvernement, le gouvernement du Québec. C'est ça, notre position, nous la réitérons aujourd'hui, et c'est une position par ailleurs qui, à mon avis, est tout à fait conforme à cette préoccupation que nous avons de défendre avec vigueur, quelles que soient les propositions, quels que soient les engagements, les intérêts des Québécois et des Québécoises.

Le Président: En question complémentaire, M. le député de Mercier.

M. Daniel Turp

M. Turp: ...pour être un peu plus précis, est-ce que le ministre a indiqué à son homologue fédéral, Pierre Pettigrew, avec lequel, semble-t-il, il a des échanges téléphoniques, qu'il ne signera jamais, qu'il ne signera jamais au nom du gouvernement du Québec un accord du type de l'accord de Vancouver qui, je le rappelle, confère un droit de veto au gouvernement fédéral lorsqu'il s'agit non seulement d'affaires municipales, mais aussi de questions relatives à la santé?

Le Président: Alors, M. le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes.

M. Benoît Pelletier

M. Pelletier: Oui. Il me fait plaisir de dire au député de Mercier, M. le Président, que publiquement et privément je dis toujours la même chose, c'est-à-dire que nous entendons faire en sorte que l'autonomie du Québec et les compétences du Québec soient tout à fait respectées. Et d'ailleurs je dois vous dire que ce que j'entends de la part du fédéral, ce que l'on me dit, c'est qu'ils ont l'intention, de façon ultime, de respecter nos compétences. Si tel devait être le cas, il me semble qu'il va y avoir moyen de s'entendre. Et, si ça ne devait pas être le cas, bien à ce moment-là on se repliera sur notre position, qui est une position ferme et stratégique, qui est de défendre âprement nos compétences constitutionnelles.

Le Président: Alors, ceci met fin à la période des questions et réponses orales.

Motions sans préavis

Comme il n'y a pas de votes reportés, nous allons passer à la rubrique des motions sans préavis. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

Souligner la Journée mondiale sans tabac

M. Couillard: Merci, M. le Président. Je sollicite le consentement de la Chambre pour que nous débattions de la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale souligne la Journée mondiale sans tabac.»

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour le débat de cette motion? Consentement. Alors, je vais suspendre quelques instants pour permettre aux députés qui ont d'autres vacations à faire...

(Suspension de la séance à 10 h 55)

(Reprise à 10 h 57)

Le Vice-Président (M. Sirros): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, la parole est au ministre de la Santé. M. le ministre.

M. Couillard: Et des Services sociaux, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Sirros): Et des Services sociaux, effectivement.

M. Philippe Couillard

M. Couillard: M. le Président, le Québec est heureux de souligner la Journée mondiale sans tabac et de s'associer aux peuples qui se mobilisent pour mettre en relief l'ampleur et la gravité des difficultés générées par le tabagisme. Nous savons que cet important problème de santé publique est en effet la principale cause de décès évitable chez nous. En effet, chaque année, on dénombre au Québec plus de 13 000 décès liés à l'usage du tabac. Chez nous, une personne sur quatre fait encore usage du tabac, ce qui est une amélioration par rapport aux chiffres que nous déplorions il y a quelques années, mais qui est encore loin des objectifs que nous désirons atteindre. Chez les élèves du secondaire, cette proportion est de 23 %.

Le tabagisme est associé à plusieurs maladies cardiovasculaires, pulmonaires et autres, de même qu'à certains cancers. L'usage de la cigarette, nous le savons, constitue la principale cause du cancer du poumon, puisqu'il est responsable d'au moins 80 % de tous les nouveaux cas chez les femmes et de 90 % de ceux diagnostiqués chez les hommes. Je rappelle d'ailleurs que le cancer du poumon domine la mortalité par cancer tant chez les hommes que chez les femmes et qu'il est en nette progression chez ces dernières. Et on note à ce sujet une progression de l'usage du tabac chez les jeunes filles d'âge scolaire, ce qui doit être de nature à nous préoccuper.

Le thème proposé pour cette journée en 2004 par l'Organisation mondiale de la santé est Tabac et pauvreté: un cercle vicieux. Cela nous rappelle que les ravages attribués au tabagisme ne se manifestent pas seulement dans le domaine de la santé. Il faut aussi considérer le fait que le tabac aggrave la pauvreté des individus et des ménages, ce que l'Organisation mondiale de la santé veut dénoncer vigoureusement par ce choix de message. D'après l'OMS, le tabagisme accroît de plusieurs manières la pauvreté des individus, des ménages et des nations, les dépenses de tabac se substituant parfois à des dépenses qui devraient être faites pour des besoins essentiels. Le tabagisme est aussi un facteur de pauvreté pour les individus et les familles du fait que les fumeurs sont beaucoup plus susceptibles que les non-fumeurs de tomber malades et de mourir prématurément, privant ainsi les membres de leur famille de revenus indispensables. Tabac et pauvreté forment ainsi un cercle vicieux dont il est bien souvent difficile de sortir.

Le gouvernement du Québec appuie les actions de l'OMS visant à favoriser une réduction de la consommation de tabac à l'échelle internationale et, conséquemment, à promouvoir le meilleur état de santé possible. Nous pouvons d'ailleurs être fiers des efforts entrepris au Québec pour enrayer le tabagisme depuis quelques années, et des résultats concrets sont démontrés, mais nous avons encore du chemin à faire, M. le Président, afin d'atteindre des objectifs que nous devons nous fixer.

n(11 heures)n

La mise en oeuvre du plan québécois de lutte contre le tabagisme 2001-2005 joue un rôle moteur dans le développement d'un cadre social favorisant le non-usage du tabac. En particulier, l'adoption de la Loi sur le tabac et la hausse des taxes ont eu des effets positifs sur le taux de tabagisme. En matière de sensibilisation et d'éducation, je souligne notamment la mise en place d'interventions destinées à rejoindre les jeunes dans leur milieu, comme les Gangs allumées, qui ont cours dans plus de 215 écoles secondaires et maisons de jeunes. Et j'ai d'ailleurs rencontré récemment le conseil d'administration de ces groupes, constitués de jeunes fort dynamiques, et qui d'ailleurs publient, M. le Président, une revue appelée POF. Connaissez-vous la revue POF ? pas obligé de fumer? C'est quand même original! Je souligne aussi plusieurs campagnes importantes, comme la Semaine québécoise pour un avenir sans tabac et le défi J'arrête, j'y gagne!. M. le Président, tous les fumeurs du Québec, quelle que soit leur situation économique, ont accès gratuitement à différents services pour les aider à cesser leur habitude. Ces services sont offerts au moyen de la ligne sans frais «J'arrête» ou encore par les quelque 150 centres d'abandon du tabagisme implantés partout au Québec, généralement dans les CLSC. De plus, certaines aides pharmacologiques pour le sevrage à la nicotine sont couvertes par le régime général d'assurance médicaments, et tout cela vient soutenir les démarches conduisant à la renonciation au tabac.

Mais il nous faut maintenant consolider les gains réalisés au cours des dernières années, et c'est pourquoi le gouvernement entend poursuivre et accentuer les interventions de lutte contre le tabagisme, comme le proposait le plan québécois de lutte contre le tabagisme 2001-2005 et, tel que prescrit, nous entendons déposer une mise à jour de ce plan au cours de l'année 2005.

Les modifications législatives envisagées visent à augmenter la protection des non-fumeurs dans les lieux publics et les milieux de travail et à prévenir le tabagisme chez les jeunes. Cette réflexion couvrira notamment les aspects de l'accessibilité et de la promotion des produits du tabac.

Et, en terminant, M. le Président, je rappelle que le Québec a fait un choix en faveur de la santé, choix confirmé par le soutien qu'apporte notre Assemblée à la Journée mondiale sans tabac. Je souhaite que celle-ci soit une occasion privilégiée pour susciter la mobilisation de ceux et celles qui poursuivent l'objectif d'un Québec sans tabac. Merci beaucoup.

Le Vice-Président (M. Sirros): Alors, merci, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux. La parole est maintenant à Mme la députée de Duplessis.

Mme Lorraine Richard

Mme Richard: Merci, M. le Président. Je suis heureuse de prendre la parole aujourd'hui en tant que porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé et des services sociaux à l'occasion de la Journée mondiale sans tabac.

Il faut savoir que le quart des adultes québécois souffre de tabagisme et que ça fait plus de 13 000 victimes par année, en plus de causer 30 % des maladies cardiovasculaires et des cancers. Le tabac est un fléau qu'il faut combattre.

Nous saluons donc l'initiative de la Journée mondiale sans tabac 2004 organisée par l'Organisation mondiale de la santé et qui s'attaque au cercle vicieux tabac-pauvreté. En effet, dans la plupart des pays, le tabagisme est plus répandu parmi les pauvres. C'est pourquoi les dépenses de tabac représentent une part importante du revenu des familles défavorisées. L'argent qui est dépensé dans le tabac ne peut être dépensé pour des besoins essentiels comme l'alimentation, le logement, l'éducation, les soins de santé. Aggravant la pauvreté des fumeurs et de leurs familles par les maladies qu'il provoque, le tabac impose des dépenses supplémentaires pour les soins de santé.

Plusieurs efforts ont été faits ces dernières années, surtout depuis l'adoption, en 1998, de la Loi sur le tabac, qui restreint la promotion et l'accessibilité du produit du tabac. La mise en oeuvre du plan québécois d'abandon du tabagisme et l'apparition du centre d'abandon du tabagisme sont un premier pas vers un Québec moins fumeur.

De plus en plus de gens participent au défi J'arrête, j'y gagne!, une initiative fort intéressante qui donne l'occasion aux fumeurs d'être soutenus pour se libérer du tabac, tout en courant la chance de remporter des prix. Les résultats du sondage effectué auprès de défi 2003 démontrent que 67 % des 37 000 participants ont relevé le défi de ne pas fumer pendant six semaines et que 34 % étaient toujours non-fumeurs après six mois. C'est donc dire que tout est possible.

Mais c'est surtout auprès des jeunes qu'il faut faire une campagne importante contre le tabagisme, car ils sont les fumeurs de demain. Tout le monde doit donc contribuer à l'atteinte de ces objectifs de la Loi sur le tabac, spécialement pour les jeunes, et faire en sorte qu'ils soient informés et sensibilisés aux dangers du tabac. De plus, il faut faire en sorte qu'il soit de moins en moins disponible pour les jeunes qui peuvent se procurer les produits du tabac. Je demande donc au ministre de continuer à mettre en oeuvre des mesures importantes afin de mieux contrôler la vente du tabac et d'enrayer la vente aux mineurs.

Nous nous pencherons sur toutes ces questions lors de la révision de la Loi sur le tabac en 2005, et l'opposition officielle y participera évidemment avec toute l'ardeur nécessaire pour convaincre le plus grand nombre de Québécois et de Québécoises à cesser de fumer.

En terminant, M. le Président, j'encourage tous les fumeurs à participer à la Journée mondiale sans tabac en tenant, ne serait-ce qu'une journée, de ne pas allumer. Et je suis moi-même une fumeuse, je fais partie du monde qui aime le tabac, et je vais profiter de cette journée pour que ce soit une journée sans tabac pour moi, et il faut continuer cette campagne pour qu'on soit de plus en plus de gens à cesser de fumer.

Le Vice-Président (M. Sirros): Merci, Mme la députée de Duplessis. La parole est maintenant à Mme la députée de Lotbinière.

Mme Sylvie Roy

Mme Roy: Merci, M. le Président. Alors, j'encourage ma collègue à bien supporter sa journée sans tabac et je lance le défi à...

Une voix: ...

Mme Roy: Hein? Oui. ...à continuer, si c'est possible, et j'encourage les autres membres de cette Assemblée à relever son défi.

Alors, vous conviendrez avec moi, M. le Président, qu'il est toujours difficile de ne pas être d'accord avec d'aussi bonnes intentions, autant au niveau de la journée que de toute l'association qui fait la promotion de l'arrêt ou de la diminution du tabagisme, et c'est pourquoi nous souhaitons, au nom de l'Action démocratique, nous associer à cette motion qui souligne la Journée mondiale sans tabac.

Le Vice-Président (M. Sirros): Merci, Mme la députée.

Mise aux voix

Est-ce que donc cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Sirros): Adopté. Alors, toujours aux motions sans préavis, Mme la ministre déléguée à la Famille.

Souligner la Semaine
des services de garde

Mme Théberge: Oui, M. le Président. Je sollicite le consentement de la Chambre pour débattre de la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale souligne la Semaine des services de garde, qui se tient du 30 mai au 5 juin 2004. Qu'elle reconnaisse l'importance de services de qualité pour l'épanouissement et le développement des enfants d'aujourd'hui et de demain et qu'elle rende hommage à l'engagement du personnel des services de garde envers les familles et les enfants du Québec.»

Le Vice-Président (M. Sirros): Y a-t-il consentement pour débattre de cette motion? Il y a consentement. Mme la ministre.

Mme Carole Théberge

Mme Théberge: Merci, M. le Président. Du 30 mai au 5 juin se tient la Semaine des services de garde. Chaque année, la Semaine des services de garde vient rappeler l'importance de ce secteur d'activité pour l'épanouissement des familles du Québec ainsi que pour l'avenir de notre collectivité. C'est pourquoi j'aimerais tout d'abord rendre hommage aux milliers de femmes et d'hommes qui accompagnent les enfants dans leur quotidien. J'aimerais aussi les remercier pour la qualité du travail qu'ils accomplissent tous les jours, que ce soit dans les centres de la petite enfance, dans les garderies, en milieu familial et dans les écoles. Au cours de cette semaine, j'invite chacun et chacune d'entre vous à leur manifester votre appréciation en paroles et en gestes.

Par son dynamisme et son dévouement, le personnel des services de garde apporte un soutien essentiel aux parents, leur permettant d'assumer pleinement leur rôle tout en facilitant un juste équilibre entre leur vie familiale et leur vie professionnelle. M. le Président, les services de garde sont les outils de premier plan pour concilier le travail et la famille et ils accueillent des enfants dans un environnement stimulant et chaleureux. C'est pourquoi nous poursuivons le développement du réseau des services de garde en respectant notre objectif d'en assurer la pérennité, l'accessibilité et la qualité.

Notre réseau des services de garde compte actuellement plus de 178 500 places à contribution réduite, et le plan d'autorisation présenté en février dernier prévoit la création de 11 960 nouvelles places, ce qui permettra de compléter le réseau et d'atteindre notre objectif de 200 000 places au plus tard en mars 2006. M. le Président, 1 390 000 000 $ seront investis pour les services de garde à la petite enfance au cours de l'année financière en cours. C'est dire toute l'importance que notre gouvernement accorde au bien-être et au développement harmonieux des enfants. J'insiste particulièrement sur l'importance de ces services, sur le développement global des enfants et, ce faisant, sur l'égalité des chances de tous les enfants d'avoir un bon départ dans la vie et une intégration harmonieuse en milieu scolaire.

Compte tenu de cette importance, le gouvernement s'engage à poursuivre ses efforts afin d'améliorer l'accès à des services de garde de qualité encore plus adaptés à leurs besoins. C'est pourquoi nous avons développé un plan d'amélioration continue de la qualité que j'ai rendu public vendredi dernier. Ce plan fera appel à la collaboration des partenaires, des parents représentés par les membres des conseils d'administration et des comités de parents, afin de prendre un engagement qualité qui conduira à un processus d'agrément.

Les familles du XXIe siècle doivent faire face à des défis grandissant, et il devient de plus en plus important que l'État leur offre un soutien de qualité. C'est pourquoi la famille est une des grandes priorités de notre gouvernement, et nous l'avons démontré clairement lors de la présentation du budget. Nous croyons fermement qu'il faut offrir aux enfants le meilleur de ce que nous pouvons leur donner et soutenir les parents pour leur permettre d'exercer pleinement leurs responsabilités parentales.

Et, dans le cadre de la Semaine des services de garde 2004, j'invite tous les élus et l'ensemble des citoyennes et citoyens à reconnaître le rôle des services de garde dans leur milieu et à souligner leur contribution. Nous croyons que, dans le cadre d'une politique familiale globale et d'une meilleure conciliation famille-travail, les services de garde accessibles et de qualité deviennent un élément primordial.

Tous ensemble, éducateurs, éducatrices, gestionnaires, cuisinières, concierges, partenaires, tous les intervenants travailleront ensemble pour offrir aux enfants et aux parents des services de garde de qualité qui sont à leur image et à l'image des familles d'aujourd'hui. Alors, je souhaite une très bonne semaine à tous les services de garde du Québec. Merci.

n(11 h 10)n

Le Vice-Président (M. Sirros): Merci, Mme la ministre. La parole est maintenant au député de Joliette. M. le député.

M. Jonathan Valois

M. Valois: M. le Président, c'est avec plaisir et au nom de ma formation politique que je m'associe à la motion sans préavis suivante:

«Que l'Assemblée nationale souligne la Semaine des services de garde, qui se tient du 30 mai au 5 juin 2004. Qu'elle reconnaisse l'importance de services de qualité pour l'épanouissement et le développement des enfants d'aujourd'hui et de demain et qu'elle rende hommage à l'engagement du personnel des services de garde envers les familles et les enfants du Québec.»

Pour comprendre où nous en sommes rendus aujourd'hui, M. le Président, avec cette semaine très importante pour l'ensemble des familles du Québec notamment, encore faut-il savoir d'où nous sommes partis. Une des dates importantes du développement des services de garde au Québec a été 1997. Alors, c'est en 1997 que le gouvernement du Québec déposait son livre blanc sur les nouvelles dispositions de sa politique familiale intitulée Les enfants au coeur de nos choix. Ce document se voulait une réponse globale aux transformations de la structure familiale, à la réorganisation du marché du travail et aux enjeux sociaux de cette fin de siècle.

Du côté de la structure familiale, les familles monoparentales, recomposées et l'adoption n'étaient que quelques-uns des éléments démontrant l'éclatement du modèle familial traditionnel. Du côté du marché du travail, la confirmation de la place des femmes en emploi, l'instabilité financière et la prolifération des emplois atypiques faisaient preuve d'un marché du travail et de l'emploi transformé. Pour ce qui est des enjeux sociaux, la pauvreté des enfants et des familles, le décrochage scolaire, la démographie devenaient de plus en plus problématiques dans cette société.

Se tourner vers les familles du Québec pour proposer une allocation unifiée pour enfant, des services éducatifs et des services de garde à la petite enfance ainsi qu'un régime d'assurance parentale n'était qu'une solution logique. Nous voulions transformer simplement l'offre de services offerts aux parents. Nous avons finalement changé le Québec tout entier. Par cette action courageuse et collective, le Québec s'est doté de l'une des politiques familiales les plus ambitieuses et les plus généreuses de tous les pays occidentaux. Par cette action collective, nous avons transformé notre façon de voir la famille et l'aide aux enfants et aux parents du Québec. Pour leur part, les enfants trouvaient une place pour y recevoir une éducation précoce, les préparant ainsi adéquatement pour l'école. Le dépistage des problèmes précoces vécus par les enfants en difficulté en très bas âge et, conséquemment, l'implantation de programmes de développement et de stimulation des enfants par le biais de services de garde dans les centres de la petite enfance repoussaient les probabilités de décrochage scolaire. Ce ne sont pas seulement des enfants assis sur des chaises, mais bien de futurs citoyens responsables participant, avec tout leur potentiel propre, au développement de la société québécoise.

De leur côté, les parents, en plus de pouvoir concilier famille et travail, demeuraient les premiers responsables du développement de leur enfant et du service de garde auquel ils s'impliquaient. Ce sont les parents qui reçoivent les contributions de tous les citoyens qui servent à payer les coûts des services offerts à nos enfants dans les services de garde. Nous avons fait le choix de confier ces sommes aux parents pour qu'ils offrent eux-mêmes les services à leurs enfants. Faire confiance aux parents, les responsabiliser, constitue la base même d'une véritable politique familiale, constitue la base même de ce type de services de garde. De plus, avec les garderies privées, les centres de la petite enfance, avec leur volet en installation et celui en milieu familial, avec les haltes-garderies communautaires et le crédit d'impôt remboursable pour les autres frais de garde, le respect du choix des parents et l'accompagnement de l'État dans ces mêmes choix étaient assurés. Il n'est donc pas faux de dire aujourd'hui, après seulement quelques années d'implantation, que les centres de la petite enfance, les services de garde en général, font aujourd'hui partie de nos vies. Plus encore, ils constituent une belle réussite et un élément de fierté pour une société qui a à coeur sa plus belle richesse, c'est-à-dire ses enfants.

Cependant, M. le Président, depuis l'arrivée du nouveau gouvernement, la politique familiale du gouvernement précédent se déconstruit pièce par pièce. L'individualisation et le désengagement de l'État prennent plusieurs formes. L'augmentation des tarifs pour les parents, les coupures des subventions aux CPE, la mainmise sur les surplus de ces mêmes CPE, la fin des subventions pour les services de garde ayant des horaires atypiques et les budgets fédéraux pour les familles détournés vers d'autres fins ne sont que quelques exemples qui illustrent bien que la famille n'est plus une priorité pour le gouvernement.

Même si la famille n'est plus une priorité, qu'en est-il de la pauvreté, du décrochage scolaire, de la démographie? Penser famille, ce n'est pas simplement penser des places en garderie pour nos enfants, c'est aussi réfléchir à long terme sur les solutions que nous voulons proposer pour faire face aux enjeux qui émergent aujourd'hui. Aujourd'hui, les décisions en matière de famille se prennent dans la hâte, l'improvisation et quelquefois même, M. le Président, l'amateurisme. On déconstruit la politique familiale en place en promettant qu'il y en aura une plus tard, alors qu'il est tout à fait irresponsable d'agir de la sorte.

Le laisser-faire actuel du gouvernement et la remise en question de la mise en commun de nos ressources collectives pour les familles du Québec constituent aussi une déresponsabilisation du Québec face à son propre avenir. Pourtant, nous intervenons collectivement pour nous doter d'un système d'éducation et de santé public parce que nous comprenons que l'enseignement et la santé coûtent moins cher que l'ignorance et la maladie. Cette logique collective s'applique aussi pour les familles; du moins, elle devrait s'appliquer aussi pour les familles. En effet, un Québec confronté à un déficit démographique, à un marché du travail instable, à une structure familiale éclatée et à un décrochage scolaire nocif doit trouver une réponse à la hauteur de ses défis. Les services de garde constituent un élément important de cette réponse globale.

Alors, c'est pourquoi, M. le Président, prendre une semaine pour se rappeler collectivement que nous nous sommes donné des services de garde qui répondent aux besoins des enfants, des parents, des éducatrices et éducateurs, des familles et, dans une certaine mesure, qui répondent à tous les citoyennes et citoyens du Québec, c'est tout à fait normal de prendre une semaine, comme je le disais.

Alors, je souhaite bonne semaine à tous, bonne semaine à toutes les personnes qui en sont maîtres d'oeuvre, bonne semaine à toutes les familles, bonne semaine à tous les enfants qui utilisent les services de garde. En somme, bonne semaine des services de garde. Merci.

Le Vice-Président (M. Sirros): Alors, merci, M. le député de Joliette. Mme la députée de Lotbinière, sur cette même motion.

Mme Sylvie Roy

Mme Roy: M. le Président, il me fait plaisir, en mon nom et au nom de l'Action démocratique du Québec, de prendre la parole afin d'appuyer cette motion soulignant la Semaine des services de garde.

Je dois reconnaître d'emblée l'importance des services de garde, leur qualité, l'importance de l'implication des éducatrices, éducateurs qui sont dans le milieu, l'importance de l'implication aussi des ressources SG, la qualité de leur engagement et la façon dont ils se dédient pour nos enfants.

J'ai souvent eu l'occasion de le dire en cette Chambre, mais il m'apparaît que c'est une bonne occasion de le redire: Nous avons placé nos enfants entre leurs mains et nous devons leur faire confiance. Il est donc clair que nous souscrivons aux intentions inscrites dans cette motion qui est de souligner l'importance des services de garde de qualité, tout en rendant hommage à l'engagement du personnel des services de garde. Cependant, comme je l'ai aussi souvent dit en cette Chambre, nous ne pouvons nous occuper de nos enfants sans passer par les parents, sans leur faire confiance.

Bien entendu, l'avenir de nos enfants, c'est beaucoup plus que des statistiques, des études, des budgets, des lignes de la politique. Mais, par contre, lorsque j'entends qu'il y a une enquête et qu'on retarde sa publication, moi, en tant que parent, je me dis: Est-ce que je dois continuer à faire confiance au système? Pourquoi on ne me donne pas l'heure juste? À ce niveau, j'invite la ministre à nous en faire part le plus vite possible afin que les parents qui ont encore confiance dans les services de garde ne voient pas cette confiance-là remise en question.

Il nous semble, à l'ADQ, que la qualité des services offerts à nos enfants mérite de la transparence et, surtout, que les enfants québécois ne doivent pas faire les frais de l'improvisation en matière de qualité et des services de garde. Cependant, au-delà de ces débats, il faut que notre Assemblée nationale soutienne toujours les efforts des travailleurs et des travailleuses du réseau du service de garde, et, en ce sens, je leur dis merci pour leur contribution au développement de leurs enfants, et je leur demande de soutenir leurs efforts afin de continuer à nous offrir un service de qualité.

Le Vice-Président (M. Sirros): Merci, Mme la députée. Mme la ministre, pour votre droit de réplique.

Mme Carole Théberge (réplique)

Mme Théberge: Oui. Merci, M. le Président. Premièrement, en premier lieu, je voudrais remercier le député de Joliette et la députée de Lotbinière d'avoir justement souligné l'excellent travail de tous les intervenants en services de garde; ils font un travail impeccable. Ce sont des gens dévoués, passionnés, et là je parle non seulement des éducateurs, éducatrices, mais de tous ceux qui sont dans les services de garde. Je parlais tout à l'heure, lors de la période des questions, des gens qui sont... souvent la cuisinière, le concierge, le gestionnaire, et ça, c'est fort important.

J'aimerais préciser certaines choses par rapport au nombre de places en services de garde. Il ne faut pas oublier, M. le Président, qu'en 1997, lorsque le parti qui était au pouvoir à ce moment-là a en fait mis en place le principe des services de garde à contribution réduite, il ne faut jamais oublier qu'il y avait déjà dans le système plus de 80 000 places, sous permis, financées par des mesures qui avaient été prises par les ministres du temps, soit Mme la ministre Lise Bacon, Monique Gagnon-Tremblay et également Mme Violette Trépanier; il ne faut pas oublier ça, M. le Président.

n(11 h 20)n

Ensuite, évidemment, comment le député de Joliette peut-il parler de désengagement d'un gouvernement quand les premières choses que nous avons faites au niveau des services de garde, ça a été d'en confirmer évidemment non seulement l'existence, mais confirmer les mesures financières pour supporter les services de garde, les mesures... aussi tous les outils d'en assurer la pérennité et l'accessibilité? Et ce, ce n'est pas peu dire. C'est beau de parler des services de garde, mais, quand des milliers de personnes se trouvaient sur des listes d'attente, je pense qu'on n'a pas à se péter les bretelles tant que ça, si j'emploie l'expression populaire. On peut définir qu'il y avait encore du travail à faire, et c'est ce que nous avons fait depuis un an et c'est ce que nous ferons dans les prochaines années. Également, comment peut-il parler de désengagement quand notre gouvernement a annoncé 550 millions en soutien aux enfants par des mesures de toutes sortes? Je pense que c'est déjà là un signe fort important.

La députée de Lotbinière parlait des parents. Également, je veux renchérir en fait avec elle que les parents sont effectivement les premiers responsables de leurs enfants. Et, dans tous les moyens que nous mettons en place entre autres dans notre plan engagement qualité, ils sont des éléments en fait les plus importants, c'est eux qui sont les premiers responsables de leurs enfants.

Par rapport à l'enquête dont parlait Mme la députée de Lotbinière, je veux rassurer tout de suite les parents. Nous n'avons absolument rien à cacher. Au contraire, nous voulons la rendre accessible le plus vite possible à tous les intervenants et formateurs, parce que ça va être un outil pédagogique extraordinaire, et nous voulons effectivement qu'il soit disponible le plus rapidement possible, évidemment dans un format accessible. Alors, c'est ce que nous sommes en train de préparer. Et cette enquête-là rentre vraiment de plein fouet et est en accord complet avec ce fameux engagement qualité et ces interventions que nous voulons sur le terrain avec tous les intervenants.

Alors, dans ce cadre-ci, je pense que nous allons célébrer pendant plusieurs années les semaines des services de garde, et je veux réitérer mes souhaits de bonne semaine à tous ceux qui sont nos intervenants sur le terrain. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Sirros): Merci beaucoup, Mme la ministre. Ceci met fin à ce débat.

Mise aux voix

Est-ce que cette motion est annoncée... non annoncée, est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Sirros): Adopté.

Avis touchant les travaux des commissions

Alors, aux avis touchant les travaux des commissions, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. J'avise cette Assemblée que la Commission des institutions poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 50, Loi modifiant la Loi sur les tribunaux judiciaires et d'autres dispositions législatives eu égard au statut des juges de paix, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures et de 15 heures à 18 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau; et

Que la Commission des transports et de l'environnement entreprendra l'étude détaillée du projet de loi n° 48, Loi abrogeant la Loi sur la Société de la faune et des parcs du Québec et modifiant d'autres dispositions législatives, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, de 15 heures à 18 heures et 20 heures à 24 heures, à la salle du Conseil législatif.

Le Vice-Président (M. Sirros): Merci, M. le leader adjoint. Et, pour ma part, je vous avise que la Commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation se réunira en séance de travail aujourd'hui, de 13 heures à 15 heures, à la salle RC.161 de l'hôtel du Parlement. L'objet de cette séance est de préparer le rapport de la commission dans le cadre du mandat d'initiative sur les nouveaux enjeux de la sécurité alimentaire et de planifier la suite des travaux à ce sujet.

Toujours aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée?

Affaires du jour

Alors, la période des affaires courantes étant terminée, nous allons maintenant passer aux affaires du jour. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Mulcair: M. le Président, je vous demanderais d'appeler l'article 30, s'il vous plaît.

Motions du gouvernement

Motion proposant d'approuver l'Accord
de libre-échange entre les gouvernements
du Canada et de la République du Chili
ainsi que les accords complémentaires
sur la coopération dans les domaines
de l'environnement et du travail

Le Vice-Président (M. Sirros): Alors, à l'article 30 du feuilleton, l'Assemblée procédera maintenant au débat sur la motion inscrite à l'article 30 du feuilleton, faisant suite au dépôt par Mme la ministre des Relations internationales, le 7 avril 2004, de l'engagement international relatif à l'Accord de libre-échange entre le gouvernement du Canada et le gouvernement de la République du Chili.

À la suite d'une entente avec les leaders parlementaires et avec les députés indépendants, je vous avise de la répartition du temps de parole établie pour l'ensemble du débat: 55 minutes sont allouées au groupe parlementaire formant le gouvernement, 55 minutes sont allouées au groupe parlementaire formant l'opposition officielle, 10 minutes sont allouées aux députés indépendants. Et, dans ce cadre, les interventions ne seront soumises à aucune limite de temps et le temps non utilisé ne sera pas réparti.

Alors, je suis prêt maintenant à entendre Mme la ministre des Relations internationales. Mme la ministre.

Mme Monique Gagnon-Tremblay

Mme Gagnon-Tremblay: Merci, M. le Président. M. le Président, depuis l'adoption de la Loi modifiant la Loi sur le ministère des Relations internationales, la loi n° 52, l'Assemblée nationale est porteuse d'un nouveau mandat. Elle doit en effet approuver tout engagement international important impliquant le Québec. En ce sens, elle a récemment approuvé quatre ententes de sécurité sociale conclues respectivement avec le Maroc, la Turquie, les Pays-Bas et les Républiques tchèque et slovaque.

Une convention sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale ainsi que le protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l'enfant concernant la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants ont également fait l'objet d'approbation par cette Assemblée.

Aujourd'hui, M. le Président, nous proposons d'approuver l'Accord de libre-échange Canada-Chili et les accords parallèles en matière de travail et d'environnement. Au sens de l'article 22.2 de la Loi sur le ministère des Relations internationales, ces accords constituent des engagements internationaux importants, puisqu'ils concernent le commerce international.

La procédure implique d'abord l'approbation de ces engagements par l'Assemblée nationale, condition préalable à la prise d'un décret par lequel le gouvernement se déclare lié par ces accords, et l'ajout de ceux-ci à la liste des accords visés par la Loi concernant la mise en oeuvre des accords de commerce international. Bien que la nouvelle procédure d'approbation prévue à la Loi sur le ministère des Relations internationales ne vise que les instruments postérieurs à sa sanction en juin 2002, l'Accord de libre-échange avec le Chili devait néanmoins être soumis à l'approbation de cette Chambre. En effet, afin que cet accord puisse, par décret, être ajouté à la liste des accords de commerce dont la mise en oeuvre est assurée par la Loi concernant la mise en oeuvre des accords de commerce international ? c'est l'article 2 de la loi ? le gouvernement doit s'y déclarer lié. Or, en vertu de la nouvelle Loi sur le ministère des Relations internationales, l'article 22.4, le gouvernement ne peut se déclarer lié par cet accord qu'après son approbation par l'Assemblée nationale.

Signé en 1996, cet Accord de libre-échange entre le Chili et le Canada est entré en vigueur le 5 juillet 1997. Les entreprises québécoises ont, depuis, largement profité de cet accord. En effet, M. le Président, en 2003, nos échanges commerciaux avec le Chili seulement ont atteint 65,5 millions de dollars en exportations et 509,9 millions de dollars en importations. Les DMR, SNC-Lavalin ou Hydro-Québec, pour ne citer que ceux-là, ainsi que le fonds FTQ, les caisses Desjardins ou la Caisse de dépôt et de placement ont pu ainsi multiplier les bénéfices de leur activité ou investissement dans les Amériques. Il va sans dire que ce type d'accord permet la libéralisation des échanges et l'accès, pour les entreprises québécoises, à de nouveaux marchés. Il est donc essentiel d'en formaliser l'application en les approuvant ici, au sein de notre Assemblée.

En effet, M. le Président, ceux et celles qui, comme nous, souhaitent que le Québec constitue un pôle de référence pour l'Amérique latine et fasse valoir son intérêt à apporter une contribution significative et originale à la construction des Amériques ne peuvent qu'être d'accord avec cette approbation par l'Assemblée nationale du Québec. Nous ne pouvons remettre en question la légitimité d'accords commerciaux dont nos entreprises et, par conséquent, la société québécoise tout entière bénéficient déjà depuis plusieurs années.

M. le Président, nous souhaitons que cette Assemblée ratifie l'Accord de libre-échange Canada-Chili, en dépit des réticences déjà exprimées ? il faut le dire ? par le député de Mercier, concernant les enjeux relatifs à l'inclusion de l'équivalent du chapitre 11 de l'ALENA. Il s'agit de la clause permettant le recours investisseur contre État, qui vise essentiellement à assurer aux investisseurs originaires des trois pays de l'ALENA un traitement équitable et conforme au droit commercial international afin de créer un climat favorable aux investissements. Il comporte notamment un processus de règlement des litiges investisseur-État qui permet à un investisseur qui estime subir un préjudice à la suite d'une intervention d'une autorité gouvernementale du pays d'accueil de l'investissement de réclamer une compensation.

n(11 h 30)n

M. le Président, la possibilité de poursuites d'investisseurs contre les États est prévue dans les accords bilatéraux signés par les différents pays depuis le début des années 1970. Il n'y a là vraiment rien de nouveau, M. le Président. En outre, sur les quelque 2 000 accords comportant une clause investisseur-État, on dénombre à peine 63 cas de litige. La principale crainte jusqu'à maintenant exprimée est à l'effet que la mise en oeuvre d'accords comportant des dispositions relatives aux investissements mette en péril la capacité de légiférer du gouvernement du Québec dans l'intérêt public. L'intervention plus récente du député de Mercier, lors du débat du 20 avril dernier, nous indique qu'il voudrait discuter de l'inclusion ou non de l'équivalent du chapitre 11 dans l'accord commercial Canada-Chili. Ses réticences à l'approbation de l'accord incluant un tel chapitre sont pour le moins incohérentes avec les gestes que ce parti, c'est-à-dire le Parti québécois, a posé alors qu'il était au pouvoir.

En effet, M. le Président, le 18 mai 1999, un mémoire au Conseil des ministres, signé par l'actuel chef de l'opposition ainsi que par les ministres d'alors, c'est-à-dire Louise Beaudoin, Linda Goupil, Guy Julien et Joseph Facal, donnait son appui à l'adhésion du Canada à la Convention pour le règlement des différends relatifs aux investissements entre États et ressortissants d'autres États, en d'autres mots, M. le Président, à la convention qui est à la base du chapitre 11 de l'ALENA.

De plus, M. le Président, ces accords sont normalement assortis d'un certain nombre de réserves, c'est-à-dire que les responsabilités des États signataires sont maintenues dans les domaines où ils entendent exercer toutes leurs prérogatives. Pour le Canada, ces exceptions comportent notamment les domaines des services sociaux et de la santé, de l'éducation, des communications, des finances du gouvernement ainsi que du transport de l'eau; les industries culturelles ainsi que les investissements touchant au transport aérien ont aussi été maintenues par l'accord Canada-Chili.

Enfin, M. le Président, l'Accord de libre-échange Canada-Chili est accompagné de deux accords complémentaires de coopération dans les domaines du travail et de l'environnement. L'objectif de ces accords est de faire en sorte que l'accroissement des échanges commerciaux entre les parties concernées se fasse dans le respect des droits fondamentaux des travailleurs ainsi que des normes environnementales propres à chacune des parties. Ces accords visent à favoriser une étroite coopération dans les domaines du travail et de l'environnement entre les parties, ce à quoi le Québec concourt.

M. le Président, les membres de cette Assemblée ont le droit de savoir pourquoi, pourquoi l'Accord de libre échange Canada-Chili, en vigueur depuis le 5 juillet 1997, est déposé à l'Assemblée nationale pour approbation, puisque sept ans après son entrée en vigueur et surtout presque deux ans après l'adoption de la loi n° 52, par laquelle étaient modifiées la Loi sur le ministère des Relations internationales ainsi que la Loi concernant la mise en oeuvre des accords de commerce international...

M. le Président, au-delà des motifs techniques déjà évoqués, il faut surtout bien faire ressortir que le gouvernement du Parti québécois s'est enlisé dans son double discours et dans un immobilisme qu'il faut condamner, je pense qu'il faut le dire, M. le Président. Le gouvernement du Parti québécois a raté deux occasions pour agir en temps plus opportun. Il aurait pu voir, il aurait pu voir... dû, bien avant l'adoption de la loi n° 52, se déclarer lié et mettre en vigueur cet accord en modifiant la Loi concernant la mise en oeuvre des accords de commerce international.

Mais, même après l'entrée en vigueur de la loi n° 52, M. le Président, le gouvernement précédent a eu tout le temps voulu pour faire le dépôt de l'accord à l'Assemblée nationale pour discussion et pour approbation. Je répète que la loi n° 52 a été sanctionnée le 8 juin 2002. Or, le 10 juin 2002, dans un discours devant le CORIM, la ministre des Relations internationales d'alors, Mme Lise Beaudoin, rendait publics les éléments essentiels d'une décision du Conseil des ministres datée du 5 juin 2002 et s'interrogeait d'une manière non-équivoque sur l'inclusion d'un chapitre sur l'investissement dans l'Accord de libre-échange avec le Chili, sachant fort bien que cet accord devait être soumis à l'Assemblée... à l'approbation de l'Assemblée nationale.

Et pourtant, M. le Président, je rappelle que c'est son propre gouvernement qui, trois ans plus tôt, avait donné son appui à l'adhésion du Canada à la convention qui était à la base de ce chapitre permettant les recours d'investisseurs privés contre les États. Mais, en plus de réitérer les préoccupations du Québec face au dit chapitre et à ses effets sur la capacité du gouvernement du Québec de légiférer dans l'intérêt public, la décision du Conseil des ministres, citée par la ministre de l'époque au CORIM, constatait le refus du gouvernement du Canada d'exprimer clairement sa position sur le problème de l'inclusion des règles et procédures de règlement des différends en matière d'investissements dans l'éventuel accord sur la Zone de libre-échange des Amériques. Elle énonçait en outre le principe suivant, et je cite: Signifions «aux parties intéressées que le gouvernement du Québec ne donnera son assentiment à aucun nouveau traité comprenant des dispositions relatives aux investissements si celui-ci met en péril la capacité de légiférer du gouvernement du Québec dans l'intérêt public». Fin de la citation.

Donc, en bref, M. le Président, la ministre des Relations internationales de l'époque a d'abord cosigné un mémoire où elle recommandait que le Québec appuie l'adhésion du Canada à la convention, qui est à la base du chapitre 11, pour ensuite, après l'adoption de la loi selon laquelle le Québec doit approuver tout accord international important, manifester des inquiétudes à l'égard d'accords comportant des clauses investisseur-État. On assiste donc à une situation où, d'une part, on veut faire porter le blâme au gouvernement fédéral pour d'éventuelles conséquences potentiellement nuisibles pour le Québec, alors que, d'autre part, on profite largement des avantages de cette entente.

C'est une incohérence flagrante, M. le Président, d'autant plus que deux premiers ministres de son parti ont successivement conduit des missions commerciales au Chili et vantaient les mérites de cet accord. En effet, M. le Président, alors que la ministre Beaudoin dénigre de telles ententes, deux missions économiques avaient déjà été effectuées au Chili, soit une par l'ancien premier ministre Lucien Bouchard, en mai 2000, et l'autre par l'actuel chef de l'opposition, le mois précédant la prestation de ces ministres des Relations internationales au CORIM, en mai 2002.

Dans ce contexte, M. le Président, le gouvernement du Parti québécois a préféré ne pas déposer l'accord à l'Assemblée nationale, ce qui lui évitait de faire face à ses propres contradictions. Vous comprendrez, M. le Président, l'inquiétude des autorités chiliennes qui, d'une part, recevaient des délégations commerciales québécoises qui vantaient les mérites de l'entente bilatérale et, d'autre part, voyaient bien que le processus d'approbation par l'Assemblée nationale du Québec tardait à se faire. Pour notre part, M. le Président, le présent gouvernement assume ses orientations en faveur du développement du Québec et du libre-échange avec cohésion.

Considérant que cet Accord de libre-échange avec le Chili est profitable aux citoyens et entreprises du Québec, nous le soumettons à l'approbation de l'Assemblée nationale avec la conviction qu'il sera approuvé. Nous considérons en outre qu'il est important de rassurer le gouvernement du Chili qui avait manifesté certaines inquiétudes quant à l'importance qu'accorde le Québec au maintien de cette entente. Les accords complémentaires dans le domaine du travail et de l'environnement sont aussi très importants pour le Québec, car ils sont le reflet de la nature du partenariat envisagé par le Québec. Et j'aimerais souligner, M. le Président, que les deux accords traduisent des valeurs de la société québécoise soucieuse de la qualité de l'environnement et de la protection des droits des travailleurs. Les deux accords ne comportent pas de sanctions, ce qui fait en sorte qu'ils ne mettent pas en danger la capacité de l'État de légiférer dans les deux domaines visés.

Les accords complémentaires dans le domaine du travail et de l'environnement constituent un pas en avant dans le domaine de la coopération en vue d'une meilleure intégration continentale. Enfin, M. le Président, je dois mentionner que l'Accord de coopération en matière d'environnement ouvre des perspectives intéressantes pour les entreprises québécoises spécialisées dans les services environnementaux. Le gouvernement du Québec entend donc, M. le Président, se déclarer lié par les accords complémentaires de coopération dans les domaines du travail et de l'environnement après avoir conclu avec le gouvernement fédéral une entente sur la gestion de ces accords.

n(11 h 40)n

M. le Président, je propose, conjointement avec mon collègue le ministre du Développement économique et régional et de la Recherche, ainsi qu'en accord... et en collaboration avec mes collègues respectivement ministre de l'Environnement et ministre du Travail, que l'Assemblée nationale approuve l'Accord de libre-échange Canada-Chili et ces accords de coopération en matière d'environnement et de travail. Et je conclus en exprimant, M. le Président, ma grande satisfaction de voir à nouveau cette Assemblée exercer ce pouvoir collectif exceptionnel et, notons-le, pour la première fois, à l'égard d'un accord de commerce international. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Sirros): Merci, Mme la ministre. Et la parole est maintenant au député de Mercier. M. le député de Mercier.

M. Daniel Turp

M. Turp: Merci, M. le Président. J'ai le plaisir de prendre la parole à l'occasion de ce débat sur l'approbation de l'Accord de libre-échange Canada-Chili ainsi que sur l'approbation des deux accords complémentaires de coopération en matière de travail et d'environnement. Ce débat fait suite à la présentation par la ministre des Relations internationales, le 7 avril dernier, d'une motion visant à faire approuver par notre Assemblée cet accord international avec le Chili ainsi que les deux accords complémentaires. Ces motions étaient présentées, et je vous le rappelle, M. le Président, en application de l'article 22.3 de la Loi sur le ministère des Relations internationales, et la motion se lisait ainsi:

«Que, en vertu de l'article 22.3 de la Loi sur le ministère des Relations internationales, l'Assemblée nationale étudie et approuve, dans le délai prescrit par la loi, l'Accord de libre-échange entre le gouvernement du Canada et le gouvernement de la République du Chili et les accords complémentaires sur la coopération dans les domaines de l'environnement et du travail.»

Je vous rappelle également que la ministre déposait au même moment, comme le prescrit la loi, le texte desdits accords accompagné de notes explicatives présentant le contenu et les effets de ces accords.

M. le Président, pour permettre une étude approfondie de ces accords, j'ai demandé à la ministre, le 27 avril 2004, lors de l'étude de crédits du ministère des Relations internationales, la tenue d'une commission parlementaire aux fins d'examiner de façon détaillée les accords qui sont soumis à l'examen des députés de cette Assemblée aujourd'hui. La ministre m'a répondu ? et je la cite ? qu'elle n'était pas disposée à venir en commission.

Puis le 19 mai dernier, j'ai présenté une motion devant cette Assemblée demandant que, «en conformité avec l'article 22.3 de la Loi sur le ministère des Relations internationales, que la Commission des institutions tienne des consultations particulières d'une durée de 20 heures portant sur les engagements internationaux relatifs au libre-échange ? à la fois ? avec le Chili et le Costa Rica, déposés [...] le 7 avril 2004, et qu'à cette fin [la commission] entende tout expert ou groupe désireux de faire connaître leurs vues sur ces engagements». Le leader du gouvernement, ayant refusé de donner son consentement, la motion n'a même pas pu faire l'objet d'un débat et d'un vote, et le consentement unanime de l'Assemblée n'a donc pu être obtenu pour procéder à une étude approfondie de ces accords.

M. le Président, chers collègues, je crois que la tenue d'une commission parlementaire et l'examen plus approfondi des accords auraient été éminemment souhaitables. La tenue d'une commission parlementaire et un débat d'une vingtaine d'heures auraient d'ailleurs permis d'entendre non seulement des groupes dans la société civile, des jeunes qui s'intéressent à la mondialisation et aux accords de libre-échange, mais aussi un certain nombre d'experts qui auraient pu éclairer les députés de la Commission des institutions et des membres de cette Assemblée.

Alors, je regrette que la ministre et le gouvernement n'aient pas voulu que, en cette première occasion, comme le soulignait la ministre, d'un examen d'accords de commerce international qui sont considérés, selon le texte même de la Loi sur le ministère des Relations internationales, comme des engagements internationaux importants, nous ne pouvions débattre de façon plus approfondie et entendre les vues de gens et de groupes qui se préoccupent des accords de libre-échange et de leurs effets sur le développement économique, social, culturel, le développement durable au Québec.

Donc, dans ces circonstances et en application de l'article 22.3 de la Loi sur le ministère des Relations internationales, nous sommes limités, M. le Président, aujourd'hui, à un débat de deux heures sur chacun des accords et leurs accords complémentaires et sommes invités, sans avoir pu procéder à de telles consultations particulières et sans avoir pu entendre la société civile, à procéder à l'approbation ou au rejet, comme le permet la loi, de ces engagements internationaux importants par l'Assemblée nationale.

M. le Président, je prends aujourd'hui la parole pour présenter la position de l'opposition officielle sur ces engagements, et plusieurs de mes collègues s'exprimeront à leur sujet également. Je ferai d'abord quelques remarques sur le processus de conclusion des engagements internationaux, présenterai la position de mon parti relativement au libre-échange en cette ère de mondialisation et formulerai ? et cela conviendra, j'imagine, à la ministre qui le souhaitait ou souhaitait le savoir ? les raisons de l'opposition des membres de l'aile parlementaire du Parti québécois à l'approbation des accords Canada-Chili et Canada-Costa Rica.

M. le Président, à titre introductif, je pense utile de parler de ce projet de loi n° 52, cette loi qui modifiait la Loi sur le ministère des Relations internationales et qui confère à l'Assemblée nationale du Québec le pouvoir, cette compétence d'approuver des engagements internationaux importants. M. le Président, chers collègues, cette loi fait de l'Assemblée nationale du Québec le premier Parlement d'un pays d'un régime parlementaire britannique à obtenir une compétence explicite d'approbation d'engagements internationaux.

Dans l'état actuel du droit parlementaire, les parlements de type britannique n'ont guère l'occasion de se pencher sur des traités internationaux. Il y a une vieille règle ? la Ponsonby Rule ? qui, à l'occasion, est invoquée par des Parlements, et notamment par la Chambre des communes du Royaume-Uni, pour faire approuver des traités importants par les députés. Mais rares sont les occasions où les gouvernements croient opportun de présenter des traités importants devant leur Assemblée. Et d'ailleurs la Chambre des communes, où je fus jadis député, est une chambre où la pratique de dépôt et d'examen de traités importants a été abandonnée complètement, et la Chambre des communes du Canada n'est pas saisie de traités, même s'ils sont considérés importants.

L'Assemblée nationale, notre Assemblée, doit donc s'enorgueillir de cette compétence qui lui a été attribuée il y a deux ans et qui lui a permis, comme le rappelait la ministre, d'approuver un certain nombre d'ententes de sécurité sociale ces derniers mois ainsi que des accords relatifs aux droits fondamentaux et notamment aux droits de l'enfant.

Le Québec donc se situe à l'avant-garde du débat pour démocratiser le processus de conclusion des engagements internationaux qui prennent d'ailleurs une place de plus en plus importante dans la vie des nations et notamment de la nation québécoise, des engagements internationaux qui échappaient jadis à la portée des élus. Avec le pouvoir qui est dorénavant confié aux députés de l'Assemblée nationale d'approuver ou de rejeter ces engagements internationaux importants, un certain déficit démocratique aura été comblé et permet aujourd'hui de débattre publiquement, devant des citoyens et des citoyennes qui peuvent nous écouter au moment où nous nous engageons dans ce débat sur l'approbation d'accords de libre-échange avec le Chili et le Costa Rica, d'engagements internationaux dont les impacts sont déterminants et seront de plus en plus déterminants pour l'avenir du Québec.

n(11 h 50)n

Et, en application du nouveau mécanisme, l'Assemblée nationale a donc approuvé un certain nombre d'accords, comme je le signalais, et est appelée pour la première fois, aujourd'hui, à se pencher sur des accords de commerce international qui sont considérés comme des engagements internationaux importants, selon l'article 22.2 de la Loi sur le ministère des Relations internationales du Québec.

D'ailleurs, il est vraisemblable que plusieurs autres accords de ce type soient présentés devant cette Assemblée pour approbation. On peut notamment penser à cet accord qui viserait à instituer une zone de libre-échange des Amériques qui est en cours de négociation et qui mériterait la qualité d'engagement international important, s'agissant d'un accord de commerce international, qui devrait donc être assujetti à l'examen des députés de cette Assemblée nationale. D'autres accords sur le libre-échange sont en négociation au moment où on parle, et le gouvernement du Canada négocie actuellement avec plusieurs pays, et notamment des pays d'Amérique latine ou les pays de la zone économique européenne, de l'espace économique européen, un accord visant à libéraliser les échanges entre le Canada et certains pays d'Europe.

M. le Président, le Parti québécois est favorable, en principe, à la libéralisation des échanges et à une libre circulation des biens, des services, des capitaux et des personnes. Les leaders successifs de ce parti ? la ministre a fait allusion à certaines de leurs vues et de leurs prises de position ? ont été favorables à la conclusion d'accords de libre-échange et ont appuyé d'ailleurs le gouvernement du Québec lorsqu'il s'est agi, par exemple, de se déclarer favorable à l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis d'Amérique et, plus tard, à l'Accord de libre-échange nord-américain.

Mais les positions des partis politiques, des hommes, des femmes politiques, peuvent et surtout doivent évoluer. Et, s'agissant de libre-échange, l'on a assisté, dans les dernières années, à la formulation d'un certain nombre de préoccupations, de questionnements de la société civile, de ces groupes altermondialistes, d'experts qui ont analysé de façon approfondie les accords de libre-échange et leur mise en oeuvre, des personnes dont on doit tenir compte des préoccupations, des préoccupations qui se sont exprimées d'ailleurs ici, à Québec, il y a quelques années, à l'occasion du Sommet des chefs d'État et de gouvernement des Amériques. On se rappelle bien les manifestations tantôt bruyantes, tantôt pacifiques, tantôt violentes aussi, une violence qui a été condamnée et à juste titre, mais des manifestations où l'on voulait faire savoir son mécontentement avec des accords de libre-échange qui avaient peut-être contribué à l'accroissement des exportations des pays développés vers des pays en développement ? et je pense notamment au Mexique ? mais qui n'avaient pas nécessairement contribué à une meilleure distribution, une redistribution de la richesse tant dans ses rapports entre les pays développés qu'à l'intérieur des pays développés eux-mêmes.

Et l'application donc des accords et les critiques dont ils ont fait l'objet dans la société civile ont amené notre parti, le Parti québécois, à formuler des politiques, à mettre sur pied même une institution dont je parlerai, et à définir des orientations relatives aux accords de libre-échange, et à s'intéresser notamment à ce recours investisseur-État qui est un mécanisme visant à assurer l'application des accords de libre-échange et qui donne aux investisseurs et, à titre principal, aux sociétés transnationales ou aux corporations multinationales un pouvoir qui, aujourd'hui, est considéré comme exorbitant et qui a permis d'ailleurs à certaines multinationales de faire appel au système de règlement des différends pour mettre en péril la capacité d'agir et la capacité de légiférer de l'État.

Ainsi, le 10 juin 2002, et la ministre le rappelait, la ministre d'État aux Relations internationales, la prédécesseure de la députée de Saint-François, Mme Louise Beaudoin, rendait publique la position du gouvernement du Québec au sujet du recours investisseur-État. Cette position était ainsi formulée:

«Le gouvernement du Québec réitère sa plus vive préoccupation à propos du recours investisseur-État[...].

«Il exprime sa compréhension devant les inquiétudes de la société civile à l'égard de ce chapitre et à propos des interprétations qui pourraient consacrer des limites inappropriées à la capacité du gouvernement du Québec de légiférer dans l'intérêt public.

«Il constate par ailleurs ? et la ministre a cité ce passage tout à l'heure dans son propre exposé ? l'incapacité du gouvernement fédéral de convaincre [les] partenaires de l'ALENA de réviser le chapitre 11 aux fins de préserver la capacité des États et des gouvernements de légiférer dans l'intérêt public.

«Il constate également le refus du gouvernement du Canada d'exprimer clairement sa position sur le problème de l'inclusion des règles et procédures de règlement des différends en matière d'investissements devant être inclus dans l'éventuel accord sur la ZLEA.

«Il signifie aux parties intéressées que le gouvernement du Québec ne donnera son assentiment à aucun nouveau traité comprenant des dispositions relatives aux investissements si celui-ci met en péril la capacité de légiférer du gouvernement du Québec dans l'intérêt public.»

Il confirme que les nouveaux accords feront l'objet d'un examen par l'Assemblée nationale du Québec en vertu de nouvelles dispositions qui ont été ajoutées récemment à la Loi sur le ministère des Relations internationales. Il faisait là allusion aux dispositions du projet de loi n° 52 qui nous permettent aujourd'hui de débattre des accords de libre-échange avec le Chili et le Costa Rica.

M. le Président, au lendemain du Sommet des chefs d'État et de gouvernement des Amériques, qui était tenu ici même, à Québec, comme je le rappelais tout à l'heure, le gouvernement du Parti québécois mettait d'ailleurs en branle un processus visant à doter le Québec d'un Observatoire québécois sur la mondialisation. Il était donc prévu que le Québec, son gouvernement, sa société civile soient éclairés par des experts, par des personnes détenant des compétences en matière de mondialisation, qu'ils soient éclairés sur les effets de cette mondialisation, qu'ils puissent faire appel à des personnes qui suivraient de façon attentive les négociations en cours, qu'il s'agisse des négociations dans le cadre du cycle sur le développement de droits, ou des négociations relatives à l'institution d'une Zone de libre-échange des Amériques, ou aux autres négociations en cours pour conclure des accords de libre-échange. Il était donc prévu qu'un Observatoire québécois sur la mondialisation soit institué pour éclairer le Québec, les Québécoises et les Québécois, sur la portée du phénomène de la mondialisation et son impact sur le Québec.

L'Assemblée nationale adoptait d'ailleurs le projet de loi instituant un tel observatoire dont les missions et fonctions étaient d'ailleurs les suivantes ? et je les cite rapidement, M. le Président: l'observatoire a pour mission de faire comprendre le phénomène de la mondialisation sur tous ses aspects et de fournir aux Québécois des informations fiables qui leur permettent d'en saisir les enjeux, d'en mesurer les conséquences et d'agir de façon éclairée en vue de favoriser une mondialisation maîtrisée et équilibrée, respectueuse des droits humains.

Et, dans la réalisation de sa mission, l'observatoire devait recueillir, analyser des informations sur les effets de la mondialisation. Il devait suivre les négociations bilatérales et multilatérales, que ces dernières soient mondiales ou régionales, qui sont d'intérêt pour le Québec ou qui l'interpellent. Il devait assurer la valorisation des informations, la diffusion de ses travaux et mettre en oeuvre dans diverses régions du Québec des activités de sensibilisation et d'éducation. Il devait aussi rendre public annuellement un état de la situation sur la mondialisation au regard des intérêts du Québec et des éléments qui l'interpellent et collaborer au Québec et à l'extérieur avec des organismes intéressés par la mondialisation, notamment avec les institutions universitaires et les centres de recherche.

n(12 heures)n

M. le Président, je regrette de le dire, et de le répéter à nouveau, et de le faire ici, à l'Assemblée nationale, le premier geste du gouvernement du Parti libéral du Québec en matière de relations internationales aura été l'abolition de cet Observatoire québécois sur la mondialisation. Et cet observatoire... ou cette abolition de l'observatoire prive aujourd'hui le Québec d'un outil pour étudier le phénomène de la mondialisation. Sans doute, cet observatoire, si on lui avait permis d'exister, aurait présenté, devant cette Assemblée et pour les membres, une analyse approfondie des accords de libre-échange avec le Chili et avec le Costa Rica et leurs accords complémentaires qui aurait pu éclairer, comme il se doit, les députés de cette Assemblée. Mais l'abolition a eu lieu; et une abolition qui tend à suggérer que le Québec n'était vraiment pas au diapason de ce qui se passe ou se passerait dans le monde ultérieurement parce que le gouvernement de la République française, le gouvernement Raffarin, a décidé d'instituer, sur le modèle québécois, un observatoire sur les effets de la mondialisation. Et ça inspire donc de... Cet observatoire, que le gouvernement actuel a aboli dans un geste qui à mon avis est un geste qui démontre le peu d'intérêt que revêtent les relations internationales et le phénomène de la mondialisation pour le gouvernement actuel...

M. le Président, je reviens à la position du Parti québécois en rappelant que, lors de son congrès d'orientation de mars 2003, il adoptait une série d'orientations pour une mondialisation équitable, dont l'orientation 4.1, qui se lit ainsi: «Exiger que tout accord de libre-échange, notamment tout accord instituant une zone de libre-échange des Amériques de même que tout accord négocié dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce:

«a) exclue de son application l'eau, les ressources d'hydroélectricité, la culture, la sécurité intérieure et des frontières, l'éducation, les programmes en santé, les programmes sociaux et le système carcéral adulte ainsi que juvénile;

«b) ? et c'est d'un intérêt particulier pour le débat d'aujourd'hui ? s'assure que les règles relatives à la protection des investissements étrangers ne mettent pas en péril la capacité d'agir des institutions parlementaires, gouvernementales et judiciaires, notamment en faveur des droits humains, sociaux et environnementaux, et ne contiennent pas de recours investisseur-État;

«c) garantisse le respect des normes internationales du travail, de protection de l'environnement et favorise l'accès de tous les États parties à l'accord aux meilleures normes nationales protectrices des travailleurs et des travailleuses et de l'environnement existantes dans la région couverte par le traité;

«d) soit doté d'un organisme de résolution de conflits efficace rapide et impartial;

«e) interdise des sanctions unilatérales avant que l'organisme de résolution de conflits se prononce sur les questions en litige;

«f) ? et enfin ? exclue toute règle permettant la concentration monopolitique d'un secteur de production, notamment en agriculture, entre les mains d'une compagnie privée particulière au détriment de la souveraineté nationale et préserve la souveraineté nationale en matière de tenure foncière.»

M. le Président, le gouvernement du Parti québécois tel qu'il était formé jadis et le Parti québécois rendent donc dorénavant leur soutien à la libéralisation des échanges conditionnel au respect de plusieurs critères à l'aune desquels doivent être examinés les accords de libre-échange conclus entre le Canada et d'autres partenaires étrangers et qui ressortissent, dans plusieurs cas, de la compétence constitutionnelle du Québec lorsqu'ils couvrent des matières notamment comme le travail et l'environnement et certaines autres questions visées par les accords de libre-échange eux-mêmes. Et c'est donc dire que, dans notre perspective, l'accord Canada-Chili et l'accord Canada-Costa Rica doivent être examinés à la lumière des critères que mon parti, dans le respect de ses politiques et de ses orientations, a formulés en matière de libre-échange.

Et, parmi ces critères, on remarque celui voulant que les accords de libre-échange ne mettent pas en péril la capacité d'agir des institutions parlementaires, gouvernementales et judiciaires et ne contiennent pas de recours investisseur-État. L'énoncé de ce critère est fondé d'ailleurs, M. le Président, sur un examen de la pratique des tribunaux d'arbitrage qui ont statué sur des recours investisseur-État, en application du chapitre 11 de l'ALENA, puisque le recours investisseur-État est une réalité.

Plusieurs recours ont été intentés à ce jour par des investisseurs, dans le cadre du chapitre 11 de l'ALENA, et ont donné lieu à des sentences arbitrales qui révèlent des faits inquiétants, qui révèlent qu'une interprétation très large et très libérale a été donnée à des dispositions du chapitre 11 de l'ALENA et notamment aux dispositions relatives à la norme minimale de traitement ainsi qu'à l'article 11.10, qui protège les investisseurs contre l'expropriation. Des interprétations tellement larges et libérales, M. le Président, que les gouvernements canadien, américain et mexicain ont cru nécessaire d'adopter des notes d'interprétation qui visent à diminuer la portée de ces interprétations, de chercher à influencer les tribunaux d'arbitrage qui seraient appelés à appliquer cet article ou ces articles dans le cadre de recours investisseur-État, des notes d'interprétation qui d'ailleurs ont été considérées par certains arbitres comme des amendements adoptés à l'ALENA qui ne devraient pas pouvoir être adoptés par le biais de notes d'interprétation et qui violent en quelque sorte le processus prévu dans l'ALENA pour modifier le traité qui crée le recours investisseur-État.

M. le Président, un examen attentif de l'accord de libre-échange conclu entre le Canada et le Chili, et qui est en vigueur, comme l'a rappelé le ministre, depuis le 5 juillet 1997, permet de constater que cet accord contient bel et bien un recours investisseur-État. Ainsi, le chapitre G de la partie III de l'accord est relatif à l'investissement, et les articles G-16 à G-40 instituent le recours investisseur-État. Ce recours permettrait donc à un investisseur chilien, ou un investisseur canadien, ou québécois de présenter une plainte sur la base de l'article G-10 consacré soit au respect de la norme minimale de traitement ou à certaines autres normes mais aussi à l'expropriation et à l'indemnisation et de porter selon nous atteinte à la capacité de légiférer dans l'intérêt public.

M. le Président, pour les fins de la connaissance de cet accord-là, je vous lis les raisons pour lesquelles tant de groupes dans la société civile, de milieux syndicaux, de partis politiques ici et dans les Amériques craignent le recours investisseur qui est apporté. Il s'agit de lire l'article G-10 sur l'expropriation et l'indemnisation pour comprendre les réserves sérieuses que l'on doit avoir au sujet du recours investisseur-État et de la possibilité pour les sociétés transnationales de faire appel à ce recours. L'article G-10, dans son alinéa 1, stipule qu'«aucune des parties ne pourra, directement ou indirectement, nationaliser ou exproprier un investissement d'un investisseur de l'autre partie sur son territoire ? et je cite, et c'est la partie importante de cet article ? ni prendre une mesure équivalant à la nationalisation ou à l'expropriation d'un tel investissement».

n(12 h 10)n

M. le Président, la crainte fondée, légitime, est que cet accord soit interprété comme permettant à un investisseur de prendre un recours non pas parce qu'on a exproprié, comme on l'a déjà fait par le passé et pour des raisons d'intérêt public, une entreprise pour la nationaliser, mais pour adopter des lois qui auraient comme effet de diminuer, par exemple, la capacité d'un État de faire des profits, des profits qui pourraient diminuer à cause des obligations qui pourraient être imposées à un investisseur en matière de respect des normes du travail, de respect de l'environnement.

Et, M. le Président, ce n'est pas un conte de fée. Dans l'affaire Pope & Talbot, une interprétation très, très large a été donnée à la question de l'expropriation ou dans l'affaire Metalclad, devrais-je ajouter ? dans l'affaire Metalclad ? qui est une affaire qui a été présentée en vertu du chapitre 11 de l'ALENA. Je cite le tribunal arbitral dans cette affaire qui devait interpréter l'article 1110 de l'ALENA, qui a comme équivalent, dans l'accord Canada-Chili, l'article G-10, dont je viens de citer un extrait. Dans l'affaire Metalclad, le tribunal arbitral affirmait ceci: «Indeed, much creeping expropriation could be conducted by regulation, and the blanket exception for regulatory measures would create a gaping loophole in international protection against expropriation. Thus, expropriation under NAFTA includes not only open, deliberate and acknowledged taking of property, such as outright seizure or formal or obligatory transfer of title in favor of the host State, but also covert or incidental interference with the use of property which has the effect of depriving the owner, in whole or in significant part, of the use of the reasonably-to-be-expected benefit of property even if not necessarily to the obvious benefit of the host State.»

M. le Président, ce sont des interprétations comme celle-là qui suscitent l'inquiétude, qui suscitent les préoccupations de la société civile, qui suscitent les préoccupations de mon parti et de ses députés. Ce sont des interprétations données par des personnes qui agissent comme arbitres, qui sont choisies souvent pour leur préjugé très favorable au commerce international et à sa libéralisation et des personnes qui, dans bien des cas... Et on le voit par la jurisprudence des tribunaux arbitraux d'arbitrage institués en vertu du chapitre 11 qui s'accumule et qui laisse entendre que l'on donnera une portée très, très large et très, très libérale au chapitre 11 et la possibilité pour les investisseurs de véritablement remettre en question la puissance publique de l'État et sa capacité d'adopter des mesures en matière environnementale, en matière sociale et de lier les États pieds et poings et les empêcher d'exercer ce qu'ils devraient pouvoir exercer, leur prérogative de puissance publique en ces domaines. M. le Président, pour assurer la conformité des positions du Parti québécois prises dans ce domaine du libre-échange, les positions qui ont évolué et les orientations qu'il a formulées, les membres de l'aile parlementaire de l'opposition officielle expriment dès lors leur opposition à l'approbation d'accords qui pourraient porter atteinte à la capacité du Québec de légiférer dans l'intérêt public. En adoptant une telle position, les députés du Parti québécois sont d'ailleurs également cohérents avec l'approche qui a été privilégiée par d'autres députés, nos confrères et consoeurs de la Chambre des communes à Ottawa, les députés du Bloc québécois qui, à l'occasion des débats entourant l'adoption de la loi portant sur la mise en oeuvre de l'Accord de libre-échange entre le gouvernement du Canada et le gouvernement de la République du Costa Rica, le projet de loi C-32, des débats qui révèlent que le Bloc québécois s'est opposé à l'adoption de ce projet de loi et que l'ensemble des députés du Bloc québécois votaient contre le projet le 31 octobre 2001 dernier...

Et, parlant au nom du Bloc québécois, le député Pierre Paquette affirmait, quelques jours auparavant, soit le 25 octobre 2001, ce qui suit: «Dans le cadre de l'Accord de libre-échange Canada-Costa Rica ? et cela s'applique à l'accord Canada-Chili ? on fait référence à un accord antérieur, à la disposition couvrant les investissements.» Il cite l'article et ajoute: «Or, quand on va voir l'accord de 1998 ? l'accord sur les investissements ? qui contient un recours investisseur-État, qu'est-ce qu'on remarque? Que l'ensemble des dispositions du chapitre 11 de l'ALENA que nous avons décrié ici, que le ministre du Commerce international nous dit vouloir changer...» Parce que la position du Parti libéral du Canada a été très, très, très peu claire, pourrais-je dire, sur ces questions-là, très ambiguë.

Et le député Paquette ajoutait ceci: «Je rappelle que, dans le débat que nous avons mené et que nous continuerons de mener pour la négociation de la Zone de libre-échange des Amériques, nous ne voulons pas voir de dispositions de protection des investissements qui ressemblent à ce qu'on a dans le chapitre 11 de l'ALENA. Cela donne trop de droits aux multinationales et aux corporations privées par rapport au gouvernement, aux États et à la volonté démocratique des peuples. Beaucoup d'éléments ? je cite encore le député Paquette ? posaient des problèmes avec le chapitre 11, mais je n'en nommerai que quatre: la définition des investissements, qui est beaucoup trop large; le traitement national, qui fait en sorte que nous ne pouvons pas avoir de politique spécifique pour développer tel ou tel secteur au plan économique; la notion d'expropriation, qui est beaucoup trop large; et, finalement, le mécanisme de règlement des différends, qui permet à une entreprise d'aller directement devant un tribunal d'arbitrage pour contester une décision ou une politique gouvernementale.»

On retrouve ces éléments pour la promotion et la protection des investissements dans l'accord entre le gouvernement de la République du Costa Rica et le gouvernement du Canada... qui se retrouvent également dans l'accord avec le Chili que nous examinons actuellement. Et il terminait en disant: «Donc, pour nous, ces trois éléments, soit le manque de transparence dans la négociation, le fait que le chapitre 11 s'y retrouve indirectement par l'Accord de protection et de promotion des investissements et le fait ? parce qu'il y avait à cette époque aussi un débat sur l'effet du libre-échange sur l'industrie du sucre raffiné au Québec; et le fait ? qu'on met donc en péril l'industrie de sucre raffiné au Québec, font en sorte que le Bloc québécois votera contre le projet de loi C-32.»

Et j'ajoute que, dans sa plateforme électorale pour la campagne 2004, Un parti propre au Québec, le Bloc québécois réitère sa position en ces termes: «10 ans après l'entrée en vigueur de l'ALENA, un constat s'impose: le chapitre 11 de l'ALENA sur les investissements est proprement inacceptable. Le droit international ? son nom l'indique ? vise à gérer les relations entre les nations. En conférant aux entreprises multinationales le statut de sujet de droit international, les gouvernements leur ont conféré le pouvoir d'agir en marge du pouvoir politique, à l'abri de son contrôle, compte tenu de tous les problèmes qu'il a engendrés en disant: "Ce chapitre doit être renégocié." Or, le gouvernement fédéral ne se contente pas de défendre ce chapitre que tous décrient, il cherche à le reproduire. En effet, en plus de chercher à inclure une copie du chapitre 11 dans la ZLEA et donc d'étendre sa portée à l'ensemble des trois Amériques, il a conclu une vingtaine d'accords bilatéraux qui en sont des copies conformes.»

M. le Président, les membres de l'aile parlementaire de l'opposition officielle veulent prendre partie pour une mondialisation équitable. Ils sont aujourd'hui cohérents avec les positions formulées par le Parti québécois et le Bloc québécois. Ils sont d'avis que l'approbation des accords de libre-échange avec le Chili et le Costa Rica et leurs accords complémentaires n'est donc pas souhaitable. Le recours investisseur-État est un instrument potentiel à la disposition d'investisseurs pour limiter la capacité de l'État de légiférer dans l'intérêt public, et s'opposer à l'existence d'un tel recours sera un signal clair donné par le Parti québécois et ses députés sur l'importance de préserver la capacité de l'État de prendre des décisions dans l'intérêt public. Les députés du Parti québécois se positionneront ainsi, comme des acteurs responsables au sein de la communauté internationale, mais, aussi et surtout, auprès des citoyennes et citoyens du Québec et de sa société civile.

n(12 h 20)n

M. le Président, pour ces raisons, les députés de l'opposition officielle voteront contre l'approbation des accords de libre-échange avec le Chili et, ultérieurement, avec le Costa Rica et leurs accords complémentaires. Merci.

Le Vice-Président (M. Sirros): Alors, merci, M. le député de Mercier. Je suis prêt à reconnaître le prochain intervenant qui sera M. le ministre du Développement économique et régional. M. le ministre.

M. Michel Audet

M. Audet: M. le Président, la démonstration que vient de nous faire le député de Mercier, à l'effet que le Parti québécois allait voter contre cet accord, forme... En fait, je pense qu'il est en train de faire une illustration, une sorte de quadrature du cercle.

Ma collègue a démontré juste auparavant ? ma collègue députée de Saint-François, donc ministre des Relations internationales ? a démontré clairement jusqu'à quel point le Parti québécois, lorsqu'il était au pouvoir, était écartelé entre deux discours totalement contradictoires. Un premier ministre, et donc un gouvernement, qui faisait la promotion des accords de libre-échange, qui faisait des missions à travers le monde pour en faire la promotion justement, des investissements du Québec à l'étranger et de l'étranger au Québec, donc d'améliorer les échanges, la fluidité en matière d'investissement et en matière bien sûr d'exportation et d'importation. C'était le thème des discours et des gens qui les accompagnaient. J'ai eu le plaisir de le faire d'ailleurs dans le passé. Maintenant, on avait également, au sein de ce même gouvernement, une autre tendance évidemment qui était de la ministre des Relations internationales. Et ma collègue a expliqué pourquoi effectivement le gouvernement n'avait pas donné suite lui-même à l'application de la loi qu'il avait lui-même fait passer pour mettre en oeuvre l'accord Canada-Chili sur le commerce international. Il ne l'a pas fait parce que, évidemment, il y avait visiblement une dissension au sein du gouvernement.

Voilà qu'on apprend aujourd'hui, maintenant, qu'il y a une troisième option. La troisième option est issue évidemment du porte-voix actuellement du Parti québécois à Ottawa, et vice versa ? le Parti québécois, c'est maintenant le porte-voix du Bloc québécois ? pour nous dire maintenant qu'ils seront contre, l'aile. Il l'a bien dit, parce que c'est maintenant la position de l'aile parlementaire du Parti québécois, donc c'est bien important pour le distinguer de ce que faisait le gouvernement précédent. Donc, je pense qu'on vient d'avoir la démonstration que l'opposition officielle est maintenant... a fait la preuve d'un tour de piste complet et véritablement d'une girouette, là, a fait une démonstration de girouette dans ce dossier-là, puisqu'on part d'une situation où on pourrait retracer des dizaines de textes où ce gouvernement a appuyé l'accord et la négociation Canada-Chili, et là maintenant on nous dit: «On va voter contre», hein, sept ans plus tard, M. le Président. Voilà l'illustration d'une très grande cohérence, n'est-ce pas, dont, je suis sûr, les Québécois seront témoins aujourd'hui. Pourquoi effectivement cette...

Et là, maintenant... Je retraçais tantôt des notes et je comprends maintenant pourquoi le député de Mercier a écrit beaucoup de choses concernant le lien entre le Bloc et le parti. Je retrouvais des articles: Le vrai défi ? n'est-ce pas? ? du Bloc québécois: Moderniser le projet souverainiste. Donc, au fond on voulait rendre... Un autre article que j'ai lu avec beaucoup d'intérêt, c'est Le vrai défi du Bloc québécois; effectivement, encore une fois, pour essayer de rendre l'option du Parti québécois, disons, plus moderne. Un autre qui s'intitulait ? tenez-vous bien ? Pour un authentique partenariat entre le Bloc québécois et le Parti québécois. Donc, je pourrais en citer beaucoup comme ça. Juste les titres vous donnent l'illustration.

Alors, maintenant, ce à quoi on assiste aujourd'hui, c'est l'adoption littéralement par le Parti québécois de la position du Bloc québécois en matière de commerce international. Mais de quoi s'agit-il? Est-ce que le Bloc québécois va un jour avoir à négocier une entente? Il ne sera jamais au pouvoir. Comment l'opposition officielle peut-elle s'enfermer dans une position qui est celle d'un parti politique qui s'est condamné éternellement à l'opposition, en disant: «Nous, nous prenons maintenant le parti des alter mondialistes; nous prenons le parti des opposants au libre-échange»? Et ça, en reniant tout à fait les discours qu'on a entendus depuis les 15 dernières années, je dois dire, de la part des représentants du Parti québécois au pouvoir. Et ça leur faisait honneur.

Et pourquoi ils avaient ce discours-là? Pourquoi ils soutenaient l'Accord de libre-échange? Parce que l'avenir du Québec, l'avenir des emplois du Québec tient à son commerce international. On ne peut pas, dans ce domaine-là, nier les faits. Et j'aurais pu citer des dizaines de textes des anciens premiers ministres du gouvernement du Parti québécois qui en faisaient la démonstration. Mais quand même il faut rappeler aux Québécois jusqu'à quel point leurs emplois, leurs emplois dépendent du commerce international. Actuellement, on peut estimer qu'un emploi sur trois au Québec dépend de nos exportations soit ailleurs au Canada, soit à l'international.

Bien plus, ce qui est assez extraordinaire, c'est que, pendant des années, depuis 1988, depuis le début de l'Accord de libre-échange avec les États-Unis jusqu'en l'an 2000, le commerce international du Québec avec les États-Unis s'est développé à un rythme très élevé. Donc, le Québec... Au fond, le commerce international se développait plus que le commerce interprovincial, à telle enseigne qu'on peut estimer qu'il avait presque triplé pendant 1988 et l'an 2000. Depuis l'an 2000, il y a eu un tassement, une baisse même du commerce international. Ah, pendant cette période-là, on observe, depuis trois ans, une augmentation du commerce interprovincial qui a pris une partie du relais et qui permet... qui a permis au Québec d'avoir, de continuer d'afficher une bonne position en matière d'emplois et en matière de... en situation économique. Donc, on profite à double titre du commerce international et interprovincial.

Là, maintenant... Et là je trouve que la position du Parti québécois va à l'encontre, va à l'encontre des intérêts fondamentaux des Québécois qui veulent avoir quoi? Ils veulent avoir des emplois, ils veulent profiter de la croissance économique internationale. Et justement, par cette position-là qui est maintenant ? on en déduit ? contre les accords internationaux de commerce, ils deviennent contre ce qu'on considère être maintenant le gros bon sens en matière de relations économiques internationales.

Donc, vous me permettrez, M. le Président, de faire cette entrée en matière pour quand même dénoncer, je dirais, cette contradiction fondamentale. Et maintenant le Parti québécois est devenu le porte-voix du Bloc québécois non pas simplement en matière de campagne électorale, mais en matière de choses aussi fondamentales que de commerce international. J'aimerais bien savoir d'ailleurs comment les anciens premiers ministres, MM. Bouchard et le chef de l'opposition actuel, réagiraient à cette position-là, eux qui ont soutenu pendant... je pense, de façon ferme l'importance que le commerce international du Québec se développe à l'intérieur de ces accords-là et particulièrement dans l'accord dont il est question aujourd'hui.

En effet, des accords de libre-échange constituent le moyen le plus efficace pour établir les règles commerciales claires qui facilitent l'accès au marché des autres pays pour la plupart donc des entreprises. Dans une économie ouverte comme celle du Québec, pratiquement toutes les entreprises doivent un jour ou l'autre poursuivre leur croissance par le biais des marchés extérieurs. C'est ce que je viens de décrire: c'est un emploi sur trois qui dépend de ces marchés. Donc, dans le cas de l'accord Canada-Chili dont on parle aujourd'hui, je rappelle que cet accord est en vigueur depuis 1997, et donc la loi que le gouvernement... qu'avait passée le gouvernement précédent pour entériner cet accord a été même présentée en 2001, adoptée en 2002. Ils ont eu plus d'une année même pour présenter une loi pour l'adoption. Ils ne l'ont pas fait pour les raisons que présente ma collègue. Et on nous annonce aujourd'hui que, sept ans après l'application de sa loi et après qu'ils aient formellement approuvé cette signature, on votera contre cette position. Je le rappelle aujourd'hui: ce ne sera pas la position du Parti libéral, et heureusement pour nos entreprises et nos travailleurs.

En effet, fortes des modalités de cette entente et de la sécurité qu'elles offrent pour leurs projets, les entreprises québécoises se sont rapidement lancées à la conquête des marchés étrangers et y ont réalisé de nombreux investissements, particulièrement en ce qui concerne le Chili. Aujourd'hui, M. le Président, plus de sept ans donc après la conclusion de cette entente, nous sommes donc heureux de soumettre à l'approbation de l'Assemblée cet accord de commerce international. Et, je viens de le mentionner, je n'ai absolument pas... je suis encore stupéfait par la position de l'opposition sur cette question, et c'est plus qu'un étonnement. Je trouve qu'il faudra qu'ils s'en expliquent largement auprès des entreprises qui vivent actuellement largement du commerce international et particulièrement du commerce qu'ils ont avec le Chili.

Comme on le sait, en effet, cet Accord de libre-échange Canada-Chili devait ouvrir la voie à l'adhésion du Chili, donc à l'ALENA, ça va de soi. Dans les faits, cet accord constitue une réplique quasi parfaite de l'ALENA dont le Chili devait faire partie peu de temps après. Cette entente devait également servir de modèle dans les négociations ultérieures avec d'autres pays latino-américains qui devaient aussi graduellement intégrer la Zone de libre-échange nord-américaine, la ZLEA.

n(12 h 30)n

Ainsi, l'Accord de libre-échange Canada-Chili prévoit donc des mesures de réduction des pratiques restrictives au commerce et des modalités qui favorisent les investissements des entreprises d'une partie sur le territoire de l'autre partie. Certains ont mis en cause les dispositions visant à protéger les investissements étrangers ? mon collègue de Mercier vient de le faire tout à l'heure ? et ces questionnements expliquent peut-être le retard inexplicable du gouvernement précédent dans l'approbation de cet accord.

Pour nous, M. le Président, l'Assemblée nationale, qui est le lieu tout indiqué pour discuter et vulgariser ces questions légitimes que la population et les citoyens peuvent exprimer dans le contexte d'une plus grande ouverture sur le monde, la transparence est fondamentale pour que les citoyens, les travailleurs et les travailleuses, les entreprises, tous concernés par le libre-échange et la mondialisation participent pleinement au débat sur ces enjeux très importants pour le développement économique du Québec et des Québécois.

Les principaux motifs invoqués par les opposants portaient sur le fait que ces dispositions pouvaient affecter la capacité des gouvernements à adopter des mesures dans l'intérêt public, ce que l'on a entendu tout à l'heure de la part du député de Mercier, je pense. Ainsi, le mécanisme de contestation prévu dans l'entente était souvent présenté comme une renonciation des gouvernements à adopter des mesures légitimes de crainte que ces dernières soient systématiquement contestées par les investisseurs étrangers. En fait, l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis ne contenait pas de recours investisseur-État, il faut se souvenir, il faut le savoir, car chacun des deux partenaires considérait leurs systèmes juridiques réciproques comme offrant une protection adéquate à leurs investisseurs dans l'éventualité où le gouvernement de l'autre partie adoptait des mesures non conformes à leurs obligations. Ça, il faut le savoir, dans l'accord, dans l'ALE, ça n'existait pas, ces protections, parce que les pays avaient des dispositions qui garantissaient justement d'une autre façon les investisseurs.

Le chapitre 11 a été incorporé à l'ALENA afin de répondre aux souhaits des Canadiens et des Américains, qui craignaient que le système judiciaire mexicain, en l'occurrence, et dans d'autres pays au fur et à mesure que s'élargissent ces accords, ne soit pas à la hauteur des standards qui correspondaient à leurs propres systèmes. Il faut le rappeler, il faut le dire, c'est ça, la situation. Ça a été fait à la demande de nos investisseurs qui voulaient avoir des garanties à l'égard des pratiques qui avaient cours dans les pays... dans certains pays sous-développés. Donc, quand maintenant on nous dit que ce sont nos propres mesures, c'est nous qui sommes menacés, je pense que ces pays-là auraient plus de raisons de se plaindre que nous-mêmes, il va de soi.

Dans le cas du Chili, ce pays n'a formulé aucune objection d'ailleurs à l'inclusion de telles dispositions et les considérait même comme essentielles afin de favoriser la venue des investissements des entreprises canadiennes sur son territoire. J'ai eu l'occasion moi-même d'aller déjà au Chili, et les entreprises chiliennes et le gouvernement chilien se faisaient fort d'utiliser cet article pour dire: Ça vaut... on va rassurer, on rassure les investisseurs canadiens avec ça. C'est la façon pour eux d'attirer des investissements étrangers.

De toute évidence, M. le Président, notre point de vue, c'est que ces craintes donc ne se sont pas avérées fondées. Aucun cas de contestation n'a eu cours en sept ans de mise en oeuvre de l'accord Canada-Chili, M. le Président; c'en est la plus belle preuve. Donc, depuis 1998, la valeur des échanges commerciaux de produits entre le Québec et le Chili est passée de 371 millions à 576 millions de dollars, une augmentation de 70 %. Donc, au cours de la même période, les investissements québécois au Chili ont totalisé 2,5 milliards de dollars. Je pense que la précaution dont on parlait tantôt y est certainement pour quelque chose. Nos investissements au Chili sont très importants. Ce bilan est remarquable, compte tenu de la courte période de mise en application de l'accord et du volume relativement faible des relations économiques qui caractérisait le Québec et le Chili avant la signature de l'accord.

M. le Président, à titre de ministre responsable de la promotion et de la prospection des investissements au Québec, il m'importe d'insister sur l'importance des investissements pour le renouvellement de la structure industrielle québécoise et le maintien de sa compétitivité internationale. Ces deux éléments sont essentiels à l'accroissement du bien-être économique de notre population. Pour nous, l'apport des investisseurs étrangers demeure primordial dans le développement économique du Québec et la création d'emplois au Québec. Nous voulons plus d'investissements privés au Québec, nous voulons plus d'investissements étrangers au Québec. Nous voulons le succès du Québec à l'étranger, nous voulons prendre notre place dans le monde.

Or, un élément majeur de l'offre québécoise comme site de localisation propice à l'accueil des investissements réside dans la qualité de la protection juridique qui leur est accordée. Les lois québécoises touchant la propriété privée sont déjà à la hauteur des plus hauts standards internationaux. Est-il besoin de rappeler que plusieurs entreprises québécoises, dont Hydro-Québec, ont réalisé des investissements importants au Chili, et ces entreprises s'attendent à ce que leurs investissements bénéficient des mêmes standards de protection que ceux qui sont appliqués au Québec.

L'absence de garantie juridique suffisante aurait pu remettre en cause le bien-fondé d'un bon nombre de ces investissements, et je peux en témoigner personnellement. Cette affirmation est valable pour tous nos partenaires commerciaux étrangers. Et il n'est pas étonnant que près de 2 000, 2 000 accords bilatéraux de protection des investissements renferment des dispositions semblables à celles du chapitre 11 de l'ALENA et du chapitre G de l'ALE Canada-Chili. Donc, ils sont actuellement en vigueur à l'échelle mondiale, donc 2 000 accords bilatéraux semblables sont actuellement en vigueur.

C'est pourquoi, M. le Président, je sollicite avec vigueur l'appui unanime de l'Assemblée nationale à l'occasion de cette motion de ma collègue. Il faut reconnaître objectivement les faits, les retombées de l'ALE Canada-Chili, pour le Québec et les Québécois, sont positives. C'est pourquoi nous soumettons aujourd'hui à l'attention de l'Assemblée nationale cet accord, un accord négocié par l'administration précédente en 1997, rappelons-le. Et rappelons qu'ils viennent de nous annoncer qu'ils vont voter contre. Alors là vraiment, j'en perds mon latin. On aura certainement à avoir plus d'explications dans les prochains jours, sinon on ne comprendra pas pourquoi ce gouvernement a négocié et a donné son accord à cette négociation Canada-Chili. Je suis estomaqué de voir que maintenant on votera contre cet accord dont le gouvernement précédent avait fait la promotion.

Donc, c'est une présentation qui de toute évidence a été retardée ? on le disait, tantôt ? par le gouvernement précédent. Et on comprend maintenant pourquoi ils l'ont retardé, cet accord, parce que finalement ils étaient contre... ils étaient pour son adoption, mais ils étaient incapables de faire finalement un consensus à l'intérieur du gouvernement pour signifier cet accord. Là, maintenant, comme le député de Mercier était alors conseiller spécial du gouvernement et corédacteur de la loi, je suis certain qu'il pourrait éclairer cette Assemblée sur les motifs expliquant les raisons pour lesquelles l'Assemblée n'a pas été saisie de cette motion plus tôt.

Mais je pense, M. le Président, que l'exercice qu'il vient... le discours qu'il vient de nous faire est une illustration qu'il était peut-être lui-même à la base de cette opposition, n'est-ce pas, de cette adoption. Donc, cette troisième voix, c'est-à-dire la voix du Bloc québécois à l'Assemblée nationale, c'est un phénomène nouveau, dont on devra tenir compte maintenant, puisqu'on aura toujours le troisième volet, le volet Bloc québécois.

Je demeure convaincu que mes collègues de l'opposition officielle donc devraient quand même, et j'espère... ? j'aimerais voir comment le chef de l'opposition d'ailleurs vont se positionner là-dessus ? la majorité de mes collègues de l'opposition va appuyer ce projet de loi, le projet de motion déposé par ma collègue la députée donc de Saint-François, vice-première ministre, et ministre des Relations internationales, et ministre responsable de la Francophonie, que j'appuie fortement dans cette démarche et que je félicite pour la motion amenée aujourd'hui. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Sirros): Alors, merci, M. le ministre. La parole est maintenant à Mme la députée de Taillon.

Mme Pauline Marois

Mme Marois: Alors, merci beaucoup, M. le Président. Je vais d'abord d'entrée de jeu rassurer le député de Laporte, notre formation politique et notre gouvernement ont supporté vigoureusement le processus de libéralisation des échanges et continuent en ce sens de le faire. Cependant, M. le Président, nous sommes capables de porter un jugement critique sur le passé et sur le présent et nous croyons que certains aspects des accords doivent être améliorés et en ce sens que des changements doivent être apportés, changements qui seront d'ailleurs plus respectueux de nos institutions démocratiques.

J'aimerais d'ailleurs, si vous le permettez, M. le Président, rappeler les causes et les raisons nous permettant d'intervenir aujourd'hui dans notre Assemblée nationale, l'Assemblée nationale de toutes les Québécoises et de tous les Québécois, dans un débat qui porte sur la conclusion d'accords internationaux engageant le Québec. Dans le cas présent, je rappelle qu'il s'agit d'accords internationaux en matière de libre-échange conclus par le Canada avec le Chili ainsi que de leurs accords complémentaires sur la coopération dans le domaine de l'environnement et du travail... pardon, dans le domaine de l'environnement et du travail, oui, c'est bien cela.

n(12 h 40)n

D'abord, une parenthèse sur cet enjeu majeur qu'est la mondialisation. L'évolution des relations entre les États a connu, au cours des dernières décennies, un chambardement majeur lié bien sûr aux moyens modernes de communication mais surtout à la volonté qu'ont les peuples de se rapprocher, de mieux se connaître, d'établir des relations d'amitié, de coopération, qu'il s'agisse d'ailleurs de liens diplomatiques, commerciaux ou d'autres natures. D'ailleurs, je demeure convaincue, M. le Président, que plus les peuples se connaîtront, plus les citoyens des États concernés pratiqueront le respect et la tolérance. Ils éloigneront ainsi guerres et conflits, qui sont les plus grands échecs de notre monde dit pourtant civilisé.

Force est cependant de constater, M. le Président, que la volonté qu'ont les États de permettre de meilleurs échanges entre leurs citoyens, sous l'angle commercial en particulier, a suscité chez plusieurs groupes de jeunes, d'altermondialistes, de citoyens éclairés, qu'ils soient d'ici ou d'ailleurs, de profondes inquiétudes. Pourquoi, ces inquiétudes? Parce que ces citoyennes et ces citoyens ont craint que de telles ententes puissent se faire au-dessus d'eux et surtout de leurs représentants, passant donc ainsi à côté d'un processus démocratique d'approbation et de contrôle par les élus du peuple.

Je répète que notre formation politique et que le gouvernement que nous avons formé a été favorable et demeure ouvert à la libéralisation des échanges soutenant ainsi une libre circulation des biens, des capitaux, des services et des personnes. Cependant, nous avons souhaité que de tels accords, qu'il s'agisse de l'Accord de libre-échange nord-américain ou de l'Accord mondial du commerce et de tout autre accord conclu bilatéralement ou multilatéralement, observent et respectent un certain nombre de règles. Ainsi, tous ces accords ne devraient jamais mettre en péril la capacité d'agir des institutions parlementaires, gouvernementales et judiciaires, et donc en ce sens ne devraient pas comprendre de recours investisseur-État.

Dans cette perspective, nous avons convenu que tout projet d'accords internationaux devrait être soumis aux élus de l'Assemblée nationale pour étude et approbation, ce, en vertu de la Loi sur le ministère des Relations internationales, loi qui a elle-même été modifiée sous notre gouverne en 2002 pour permettre justement le débat que nous avons aujourd'hui et donc pour permettre l'application d'un tel processus.

Je rappelle que l'Assemblée nationale du Québec est devenue le premier Parlement du Commonwealth à obtenir une compétence d'approbation des engagements internationaux. Le Québec se situe à l'avant-garde du débat pour démocratiser le processus de conclusion d'engagements internationaux, engagements qui prennent d'ailleurs... engagements internationaux et ententes qui prennent une place de plus en plus importante dans la vie des nations et qui échappaient jadis à la décision des élus, de ceux de l'Assemblée nationale, dans le cas présent. Nous faisons cela d'ailleurs comme un État provincial, mais imaginez ce que nous pourrions faire et prendre comme position si nous étions un État souverain.

Malgré tout, c'est dans ce contexte donc que notre Assemblée nationale a la possibilité d'étudier, de débattre et enfin d'approuver de tels accords internationaux. En ce sens, nous contribuons à notre façon à démocratiser le processus de conclusion des engagements internationaux. Et j'espère que notre comportement, que nous souhaitons exemplaire, saura contribuer à réduire les craintes de ceux et de celles qui s'opposent à la mondialisation des échanges.

Dans le cas présent, M. le Président ? et je conclurai avec ces propos ? un examen attentif de l'accord de libre-échange conclu entre le Canada et le Chili permet de constater que celui-ci contient un recours investisseur-État. Nous croyons, M. le Président, qu'un tel recours est un instrument potentiel à la disposition d'investisseur pour limiter la capacité de l'État de légiférer dans l'intérêt public et de s'opposer à l'existence d'un tel... et s'opposer donc à l'existence d'un tel recours sera un signal clair donné par notre formation politique sur l'importance de préserver la capacité de l'État de prendre des décisions dans l'intérêt public.

Les députés de ma formation politique se positionnent ainsi comme des acteurs responsables au sein de la communauté internationale mais aussi et surtout auprès des citoyennes et citoyens du Québec et de sa société civile. Pour ces raisons, M. le Président, les députés de l'opposition officielle voteront contre l'approbation des accords de libre-échange avec le Chili et leurs accords complémentaires. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Sirros): Merci, Mme la députée de Taillon. Le prochain intervenant, M. le député de Chomedey, leader adjoint du gouvernement et ministre de l'Environnement. M. le député.

M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: M. le Président, il y a des jours où on pense qu'on a tout vu et tout entendu à l'Assemblée nationale, mais ce qui vient d'avoir lieu au cours de la dernière heure et demie, notamment la députée de Taillon, ancienne ministre des Finances du Québec, qui a appuyé ce projet-là pendant de nombreuses années, l'entendre se lever pour dire, au nom de ses collègues ? présumément parce qu'elle a eu la prétention de dire comment ses collègues allaient voter ? qu'ils vont se positionner contre l'entente que, lorsque le Parti québécois était au pouvoir, ils ont négociée sur des années. Je pense que les deux mots clés de son intervention de la députée de Taillon étaient ceux-là: On «se positionne». Elle est en train justement de poser, M. le Président. Mais qu'elle pose! J'ai hâte de pouvoir voter sur cette motion.

Et je vous dis d'ores et déjà que, lorsque le débat sera terminé, on va demander un vote par appel nominal qui serait reporté à demain, après la période des affaires courantes, parce qu'il y a une personne en particulier que j'ai hâte de voir voter là-dessus, c'est l'actuel chef de l'opposition officielle. La première fois que j'ai rencontré le chef de l'opposition officielle, il n'était pas un élu, il était quelqu'un qui était en train de travailler... Il était prof, il travaillait sur l'Accord de libre-échange nord-américain. Et, moi, j'étais le président de l'Office des professions, à l'époque, et je travaillais pour Claude Ryan, qui m'avait nommé, il était le ministre responsable de l'Office, puis on travaillait un bout dans l'Accord du libre-échange nord-américain qui concernait la libre circulation des professionnels.

Et l'actuel chef de l'opposition officielle a pris une position courageuse, basée sur sa compréhension de l'économie et de ce qui se passait dans le monde. Sa position était courageuse parce que ça allait à l'encontre du réflexe de certains groupes syndicaux notamment qui étaient les alliés de longue date, leurs partenaires de la souveraineté, comme ils les appellent eux-mêmes souvent. Alors, l'actuel chef de l'opposition, qui, rappelons-le, est devenu ministre des Finances dans le gouvernement de M. Bouchard, il a éventuellement succédé à Lucien Bouchard comme premier ministre, a non seulement appuyé cette entente-là, il est allé en Amérique du Sud, au Chili, pour la vanter, ses mérites, ce que ça représentait comme ouverture. Puis bien sûr il avait raison.

Mon collègue le ministre du Développement économique et régional et de la Recherche vient de le dire tantôt, ses notes avaient été préparées en fonction de l'acceptation tellement que c'était une évidence pour nous que, l'autre côté de la Chambre, puisque c'est leur entente, ils étaient toujours en faveur du libre-échange avec le Chili. Et j'ai écouté un érudit, le député de Mercier, tantôt chercher désespérément n'importe quoi comme poigne pour essayer de rationaliser cet extraordinaire retournement d'opinion au sein du Parti québécois.

Alors, je pense que les deux mots les plus importants, c'est que le Parti québécois «se positionne». La députée de Taillon est en train de se positionner, mais elle se positionne dans quelle course? Bien, chose intéressante, le député de Rousseau n'est pas là aujourd'hui. Mais lui est effectivement quelqu'un qui a travaillé comme ministre de l'Industrie et Commerce avant de s'occuper successivement d'éducation et de santé. La députée de Taillon a dit tantôt que lui était contre le libre-échange. J'ai hâte de voir si c'est vrai ou si effectivement la députée de Taillon est en train de se positionner dans une course, dans une course au leadership. Mais celui que ça va m'intriguer le plus de voir, c'est le chef de l'opposition officielle.

n(12 h 50)n

M. le Président, je sais que, dans vos fonctions de député, depuis de nombreuses années, vous avez toujours suivi de près tous ces dossiers-là de libre-échange, d'échanges qui font en sorte qu'aujourd'hui le monde est un meilleur endroit. Si vous regardez ce qui s'est passé en Europe, depuis le traité de Rome, après la Deuxième Guerre mondiale, on voulait s'assurer que jamais plus on ne vive l'horreur d'une telle guerre. On s'approche du 6 juin, les 60 ans du jour du débarquement qui a libéré l'Europe. Après cette libération de l'Europe, les Européens eux-mêmes ont commencé à se dire: Il faut qu'on s'unisse. Alors, ils ont fait quoi? Une communauté pour l'acier et le charbon, ils ont fait des ententes pour la libre circulation des professions, un peu comme, nous, on a fait deux générations plus tard, en Amérique du Nord. Parce que ce n'est pas juste la libre circulation des biens qu'il faut prévoir, mais la libre circulation des services. C'est comme ça qu'on bâtit un monde plus sûr pour les générations futures. On n'arrête pas de le souligner, on parle aussi d'ententes en ce qui concerne l'environnement. Ça, c'est aussi penser aux générations futures.

Alors, quel discours navrant! Je me demande si le député de Mercier, quand il se regarde dans le miroir, ce matin, il ne se dit pas des fois: Ouais, je vais être obligé d'aller en Chambre aujourd'hui, et je sais que c'est un non-sens, mais on a décidé qu'il fallait se positionner avec les altermondialistes. Ce n'est pas alter quoi que ce soit, c'est antimondialiste, c'est anti-libre-échange, c'est antimodernité, c'est antiprogrès. Tout se refermer sur eux-mêmes, tout...

Des voix: ...

M. Mulcair: Bien oui, mais c'est ça qui est navrant parce que c'est un relent d'une ancienne version du Parti québécois qu'on est en train de voir ressurgir. Je comprends bien que la députée de Taillon représente cette mouvance-là de l'époque... une époque révolue. Puis c'est vrai que le député de Rousseau représente la modernité. Mais la personne qui est assise entre eux deux...

Des voix: ...

M. Mulcair: ...la personne qui est assise entre eux deux, qui est le chef de l'opposition officielle, lui, j'ai envie de voir comment il va voter demain. Il est allé en Amérique du Sud, il est allé au Chili pour vanter les mérites de cette entente-là qui a été négociée par leur parti. Mais, on se souvient, Louise Beaudoin, qui était ministre des Affaires internationales à l'époque, elle, elle avait des réserves. C'est pour ça que ça a stallé, ça a stallé, ça a stallé. Ils n'ont jamais réussi à le mettre en vigueur.

Mais imaginez la vive préoccupation de nos partenaires au Chili qui se disaient: Voilà une bonne entente, voici quelque chose qui est bien. Imaginez nos entreprises qui se disent: Bon, bien, c'est bien, grâce à cette entente, on va créer de la richesse, créer de l'emploi ici, au Québec, ça va augmenter notre économie. Non. Parti québécois nouvelle version: on veut se refermer sur nous-mêmes, on a peur, on est des altermondialistes. C'est l'alter ego de ce que c'était, le Parti québécois, quand il voulait s'ouvrir sur le monde.

Alors, tous ces beaux discours d'ouverture ne sont que ça, M. le Président, des discours. La triste réalité, c'est ce qu'on a devant nous aujourd'hui. Ils «se positionnent», rappelez-vous de ces deux mots-là dans le discours de la députée de Taillon. Elle a révélé le fond de sa pensée, c'est du positionnement. Altermondialistes? Forget it! C'est une nouvelle version du PQ qui est en train de chercher n'importe quel appui dans n'importe quel groupuscule qu'ils peuvent trouver, même si ça va à l'encontre de tous les principes qu'ils ont si sagement défendus en négociant une entente comme celle-là.

Pour notre part, M. le Président, on a hâte à demain. Après la période des affaires courantes, demain, on va savoir comment vont voter le député de Rousseau et le chef de l'opposition officielle. Nous, on va voter ouvertement, fièrement pour l'ouverture, pour l'augmentation de notre potentiel économique et pour de meilleures relations avec nos voisins partout en Amérique du Nord et du Sud parce que c'est dans l'intérêt des générations futures, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Sirros): Alors, merci, M. le leader du gouvernement et ministre de l'Environnement. Il reste encore 7 min 10 s à l'opposition officielle, et la parole est au député de Berthier.

M. Alexandre Bourdeau

M. Bourdeau: Merci, M. le Président. On voit encore, avec la démonstration des différents discours, que ce soit au niveau du ministre de l'Environnement, du ministre du Développement économique et régional ou bien la ministre responsable des Relations internationales, que le gouvernement est encore complètement déconnecté de la réalité et des aspirations d'une génération. On voit encore aujourd'hui que le discours qu'ils tiennent, ce n'est pas réellement celui de modernité. Au contraire, encore une fois ils ne défendent pas le Québec et ses intérêts. Au contraire, ils décident de rester dans une trame qui va faire en sorte que les Québécois et Québécoises, dans les années futures, vont vivre des choses qui ne seront peut-être pas dans la ligne de ce qu'ils voudraient.

Pour comprendre pourquoi que la génération d'aujourd'hui regarde la mondialisation d'une façon assez différente de d'autres générations, il faut peut-être comprendre que le seul goût de la mondialisation qu'on a eu, c'est quand le Sommet des Amériques est venu ici, à Québec, dans notre capitale nationale, quand notre premier ministre de notre nation ne pouvait même pas être à l'intérieur, il pouvait juste être à l'extérieur. Et la seule façon qu'on pouvait dire, nous, peuple québécois, qu'est-ce qu'on pensait de la mondialisation, c'est en se faisant gazer puis tirer des balles à l'extérieur. C'est ça, le goût de la mondialisation qu'on a. C'est ça exactement qui s'est passé ici, à Québec.

Vous, vous décidez d'embarquer là-dedans? Parfait, pas de problème, mais dites-vous qu'il y a une génération au complet en arrière de vous qui vous dit: Non, pas du tout. Nous, la façon que les accords se négocient présentement, à porte close parfois avec les entreprises qui viennent dans notre capitale nationale ou que nous-mêmes, peuple du Québec, on n'a pas le droit de dire notre mot, on n'est pas d'accord avec ça. Voici une des raisons entre autres pourquoi, lorsqu'on fait notre tournée du Québec, moi, le député de Joliette, le député de Lac-Saint-Jean, on se rend compte que les jeunes sont de plus en plus souverainistes, parce qu'ils ont bien compris que, pour changer les règles du jeu justement d'accords internationaux tels que celui qu'on discute ce matin, il faut être un pays souverain parce que ce n'est pas en étant une province où qu'on n'a même pas le droit de rentrer dans notre capitale nationale qu'on va réussir à changer les règles du jeu. Vous, vous décidez de rester comme ça? Parfait, restez comme ça.

Votre gouvernement, celui d'Ottawa, a dernièrement... Voilà deux ans environ, on avait... 10 000 jeunes étaient dans la rue pour justement critiquer ce qui se négociait versus la ZLEA, un autre accord international. Qu'est-ce que votre gouvernement a répondu par l'entremise de Pierre Pettigrew? Ces jeunes-là, ils ne savent pas de quoi qu'ils parlent; de toute façon, ils sont juste influencés. Bien, un de ces jeunes-là, aujourd'hui, c'est bien dommage, mais je pense qu'il sait de quoi qu'il parle puis il est ici même avec vous, à l'Assemblée nationale. Et tous les autres jeunes qui étaient dans la rue, c'était justement pour dire un message, mais votre gouvernement n'a jamais rien compris parce que Ottawa ne comprend, de toute façon, jamais rien.

Et ça, ça fait en sorte que, on regarde, aujourd'hui, on a à adopter, oui ou non, un accord de libre-échange. Ce n'est pas parce qu'on est contre le libre-échange, là, ce n'est pas du tout ça qu'on vous dit, mais la grosse problématique en arrière de ça, c'est que le libre-échange... le cadre, tel que déposé, a une clause d'investisseur-État. Ça fait en sorte de briser complètement le pouvoir des États de pouvoir légiférer sur notre vouloir-vivre-ensemble. On se décide des règles dans un cadre justement pour pouvoir vivre ensemble, mais là maintenant, avec de telles ententes, il y a des entreprises qui peuvent venir poursuivre un État puis leur dire: Bien, regardez, ça, je ne suis pas d'accord avec votre décision de vivre ensemble. Et ça, c'est inacceptable parce que l'Assemblée nationale qui est ici présente, représentante du peuple québécois, devrait pouvoir légiférer dans n'importe quelle matière selon ses bons vouloirs. Voilà encore une autre raison pour être souverains, parce que présentement on ne peut pas légiférer selon notre propre vouloir parce que Ottawa n'arrête pas, et on le voit, n'arrête pas d'embarquer dans nos champs de compétence. Et encore présentement, si on regarde ce qui est proposé par le gouvernement du Parti libéral, bien on voit encore une fois qu'ils veulent encore nous écraser puis rentrer dans nos champs de compétence. Et vous les regardez et vous dites: Bien, il n'y a pas de problème.

En passant, pour répondre au ministre du Développement régional et économique lorsqu'il tente de nous discréditer parce qu'on appuie le Bloc, moi, je peux lui répondre que j'aime beaucoup mieux appuyer un parti propre au Québec, qui va défendre les intérêts du Québec, travail que le gouvernement en face ne fait pas. Et j'aime beaucoup mieux appuyer un parti comme ça que le parti que vous appuyez, qui est pris dans la gangrène de la corruption et du patronage.

On avait déposé une motion, versus notre... avec notre porte-parole, qui demandait qu'à l'Assemblée nationale soient discutés les accords qu'on veut adopter ce matin, mais avec la population. Pourquoi avez-vous refusé? De quoi avez-vous peur? Que les gens viennent ici, à l'Assemblée nationale, à leur Assemblée, discuter des accords internationaux? Est-ce que vous aviez peur justement que ces altermondialistes que le ministre tourne en dérision, le ministre de l'Environnement, est-ce que vous aviez peur de ce qu'ils allaient dire? Parce que peut-être ce qu'ils disent, c'est peut-être vrai. Bien non, vous aimez mieux vous cacher, vous fermer les yeux là-dessus, et laisser faire, et ne pas faire de débat, et faire simplement un débat ici, à l'Assemblée nationale. Et ça, je trouve ça tout à fait déplorable. Et les différents intervenants spécialistes, qui, depuis plusieurs années, jeunes et moins jeunes, débattent de cette réalité des accords internationaux, avaient des choses à dire, et je pense qu'il aurait été intéressant pour nous et enrichissant aussi pour l'Assemblée nationale d'entendre ces gens-là. M. le Président, le gouvernement a refusé encore une fois. C'est la preuve, ils ne veulent pas entendre les gens, ils ne veulent pas les écouter. Puis, lorsqu'on entend leurs discours, c'est évident qu'ils sont déconnectés de la réalité.

Il faut comprendre que... Et je vais citer une partie d'un mémoire d'un organisme qui a fait justement un travail sur la mondialisation, la ZLEA plus particulièrement, mais qui cadre dans la ligne de pensée, qu'on pourrait dire...

Le Vice-Président (M. Sirros): M. le député, je me dois de vous interrompre étant donné l'heure. Nous sommes rendus au point où on va suspendre nos travaux. Et je tiens tout simplement à informer ceux qui sont ici qu'il y a un petit problème technique avec les horloges. Il reste, à l'heure actuelle, à peu près 2 min 30 s encore à l'opposition officielle. Mais, étant donné que nous sommes à l'heure de la suspension...

M. Mulcair: ...de consentement, il peut prendre les dernières 2 min 30 s. Comme ça, on finirait cette entente-là. Puis on commencera l'autre entente à 15 heures.

Le Vice-Président (M. Sirros): Alors, si je comprends bien... M. le leader, merci. On va donc suspendre nos travaux jusqu'à 3 heures. Jusqu'à 15 heures, cet après-midi, nos travaux sont suspendus.

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Sirros): Nos travaux sont suspendus jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 heures)

 

(Reprise à 15 h 2)

La Vice-Présidente: Mmes, MM. les députés, vous pouvez vous asseoir. L'Assemblée poursuit le débat sur la motion inscrite à l'article 30 du feuilleton, faisant suite au dépôt par Mme la ministre des Relations internationales, le 7 avril 2004, de l'engagement international relatif à l'Accord de libre-échange entre le gouvernement du Canada et le gouvernement de la République du Chili.

Je vous avise qu'il reste un temps de parole de 25 min 35 s à la durée de ce débat de deux heures, réparti comme suit: 12 min 9 s au groupe parlementaire formant le gouvernement; 3 min 26 s au groupe parlementaire formant l'opposition officielle; 10 minutes à l'ensemble des députés indépendants. Et je crois qu'au moment de la suspension des débats... des travaux la parole était au député de Berthier. Alors, je vous invite à terminer votre intervention. M. le député.

M. Bourdeau: Merci, Mme la Présidente. Je voulais citer tout à l'heure, juste avant le dîner, une phrase qui démontre la façon dont le gouvernement en place, le gouvernement libéral, pense versus la mondialisation et les traités de libre-échange. «Les accords de libre-échange sont conçus pour amener nos sociétés à s'adapter», a dit Donald Johnson, ancien ministre du gouvernement libéral et chef de l'Organisation de coopération et de développement économique. C'est peut-être la différence entre nous et vous. On ne pense peut-être pas que la mondialisation... les sociétés doivent s'adapter à la mondialisation, mais la mondialisation doit aussi s'adapter à nos sociétés. Lorsqu'on parle d'une mondialisation à visage humain, c'est justement... c'est ce cadre-là qu'on veut développer et que, vous, vous ne comprenez pas, et que vous vous jetez les yeux fermés à l'intérieur d'un accord, sans vraiment avoir un regard critique, entre autres sur la clause d'investisseur-État.

Comme je l'expliquais tout à l'heure, la grande problématique dans tout ce débat-là, parce qu'on a beau dire oui ou non à cet accord, on ne peut pas changer les règles du jeu, internationales, étant donné qu'on est une province. Tant et aussi longtemps... Et c'est ça que la jeunesse, entre autres, est allée dire dans les rues soit à Québec ou à Montréal, lors de manifestations, dire: Nous, on ne peut même pas intervenir; notre premier ministre, qui est à Québec, il ne peut même pas être à l'intérieur pour aller négocier et dire ce que le peuple du Québec pense. Il fallait être à l'extérieur, marcher à l'extérieur, et, pour une partie de ces jeunes-là, il fallait qu'ils se fassent gazer pour pouvoir dire leur mot. Et ça, c'est une grande problématique.

La position de notre aile parlementaire est claire, de ce côté-ci, c'est: On n'est pas contre les traités de libre-échange, mais, lorsqu'il y a des clauses telles investisseur-État, c'est là qu'on se pose des questions, on se demande les impacts que ça aura sur la société. On a vu l'ALENA... avec la signature de l'ALENA et son application dans les années subséquentes, que, justement, cet accord, ce chapitre 11, qu'on appelle, a eu des conséquences assez néfastes pour la population québécoise.

En terminant ? et je termine là-dessus ? lorsqu'un veut réellement faire un débat ici, à l'Assemblée nationale ? on avait demandé, via notre porte-parole en matière de relations internationales, de pouvoir faire un réel débat avec la population du Québec; lorsqu'on parle de mondialisation; lorsqu'on parle de vouloir mettre des cadres, ouvrir nos frontières et mettre des cadres sur notre vouloir-vivre-ensemble, il faut que la population se sente interpellée. Mais votre décision de refuser justement cette commission parlementaire, ou que différents groupes auraient pu venir ici, à l'Assemblée nationale, à leur Assemblée nationale, discuter justement des accords de libre-échange et de développement d'une société... bien, en refusant ça, vous avez refusé à la population de pouvoir s'exprimer. Et ça, c'est inacceptable dans une société où, lorsqu'on prend des décisions, il y aura des conséquences à long terme.

Et ça, malheureusement, c'est votre façon de faire, de ne pas écouter la population, de faire à votre manière. De toute façon, les preuves... avec le pourcentage de satisfaction puis le taux d'insatisfaction que vous avez présentement, c'est la preuve que vous n'êtes vraiment pas à l'écoute de la population, et c'est la preuve qu'encore une fois vous nous amenez, nous, le peuple du Québec, dans une ligne très négative. Et le fait d'adopter sans rien dire, sur la clause investisseur-État, ça prouve encore une fois que vous êtes complètement déconnectés de la réalité du Québec.

La Vice-Présidente: Alors, je vous remercie, M. le député, tout en vous rappelant que vous devez toujours vous adresser à la présidence lorsque vous intervenez en Chambre.

Alors, est-ce qu'il y a d'autres intervenants sur cette motion? Il n'y a pas d'autre intervenant sur cette motion.

Alors, nous allons maintenant procéder à la mise aux voix de la motion. Est-ce que la motion proposant...

Mme Léger: Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

Mme Léger: Mme la Présidente, ce serait un vote par appel nominal, s'il vous plaît.

La Vice-Présidente: Est-ce que vous me laissez le temps de lire la motion avant qu'on puisse la mettre aux voix? Je vous remercie.

Alors, est-ce que la motion proposant que, en vertu de l'article 22.3 de la Loi sur le ministère des Relations internationales, l'Assemblée nationale étudie et approuve, dans le délai prescrit par la loi, l'Accord de libre-échange entre le gouvernement du Canada et le gouvernement de la République du Chili et les accords complémentaires sur la coopération dans les domaines de l'environnement et du travail est adoptée?

Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Lamquin-Éthier: Merci, Mme la Présidente. Alors, il est de notre intention de procéder par vote par appel nominal. Alors, conformément à l'article 223 de notre règlement, je vous demande de reporter le vote à la période des affaires courantes de mercredi le 2 juin 2004.

Vote reporté

La Vice-Présidente: Alors, conformément à la demande du leader du gouvernement, le vote sur cette motion sera reporté à demain, après la période des affaires courantes.

Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Lamquin-Éthier: Merci, Mme la Présidente. Je vous réfère à l'article 31 de notre feuilleton.

Motion proposant d'approuver l'Accord
de libre-échange entre les gouvernements
du Canada et de la République du Costa Rica
ainsi que les accords complémentaires
sur la coopération dans les domaines
de l'environnement et du travail

La Vice-Présidente: À l'article 31, l'Assemblée procédera maintenant au débat sur la motion inscrite à l'article 31 du feuilleton faisant suite au dépôt par Mme la ministre des Relations internationales, le 7 avril 2004, de l'engagement international relatif à l'Accord de libre-échange entre le gouvernement du Canada et le gouvernement de la République du Costa Rica.

À la suite d'une entente avec les leaders parlementaires et avec les députés indépendants, je vous avise de la répartition du temps de parole établie pour l'ensemble du débat: 55 minutes sont allouées au groupe parlementaire formant le gouvernement, 55 minutes au groupe parlementaire formant l'opposition officielle, 10 minutes sont allouées aux députés indépendants. Et, dans ce cadre, les interventions ne seront soumises à aucune limite de temps et le temps non utilisé ne sera pas réparti.

Alors, je suis maintenant prête à entendre une première intervenante. Mme la ministre des Relations internationales.

Mme Monique Gagnon-Tremblay

Mme Gagnon-Tremblay: Mme la Présidente, faisant suite à l'exercice de ce matin alors que nous avons ici même débattu l'importance pour le Québec de ratifier l'Accord de libre-échange Canada-Chili, je désire maintenant proposer à cette Assemblée la nécessité de ratifier également l'Accord de libre-échange Canada-Costa Rica ainsi que les accords complémentaires dans les domaines du travail et de l'environnement.

n(15 h 10)n

Les modalités de cette approbation sont les mêmes que dans le cas de l'accord Canada-Chili, puisqu'il s'agit également d'un engagement international important pour le Québec. Il nous faut d'abord approuver en cette Assemblée... Il nous faut l'approuver en cette Assemblée afin d'émettre un décret qui fasse en sorte que notre gouvernement s'y déclare lié et qu'il soit ajouté à la liste des accords visés par la Loi concernant la mise en oeuvre des accords de commerce international.

Le ministre canadien du Commerce international a ouvert des négociations avec le Costa Rica le 30 juin 2000, à la suite d'une vaste consultation auprès des entreprises, des regroupements de citoyens, des Canadiens en général ainsi qu'auprès des provinces et territoires. Ces négociations ont conduit à la signature de l'Accord de libre-échange avec le Costa Rica et des accords complémentaires sur la coopération dans les domaines de l'environnement et du travail le 23 avril 2001. L'Accord de libre-échange Canada-Costa Rica et ses accords complémentaires en matière de travail et d'environnement sont entrés en vigueur le 1er novembre 2002.

Les accords de libre-échange constituent le moyen le plus efficace pour établir des règles commerciales claires, qui facilitent l'accès aux marchés des autres pays pour la plupart des entreprises. Dans une économie ouverte comme celle du Québec, où la taille du marché domestique est relativement restreinte, pratiquement toutes les entreprises doivent un jour ou l'autre poursuivre leur croissance par le biais des marchés extérieurs.

Le Québec est aussi en accord avec la conclusion d'ententes de libre-échange avec des économies de plus petite taille. Non seulement ces ententes bénéficient à plusieurs de nos entreprises, mais elles contribuent à faire progresser le développement du libre-échange dans l'ensemble des Amériques. Bien que moins importantes que les relations commerciales que le Québec entretient avec le Chili, les échanges commerciaux de produits entre le Québec et le Costa Rica ont atteint 82,6 millions de dollars en 2003, contre 57,6 millions de dollars en 2002.

Mme la Présidente, nous souhaitons que cette Assemblée ratifie l'Accord de libre-échange Canada-Costa Rica, en dépit de la position exprimée ce matin par le député de Mercier et ses collègues concernant les enjeux relatifs à l'inclusion de l'équivalent du chapitre 11 de l'ALENA.

Nous maintenons que cette clause, qui permet le recours investisseur contre État, vise essentiellement à assurer aux investisseurs originaires des trois pays de l'ALENA un traitement équitable et conforme au droit commercial international afin de créer un climat favorable aux investissements. Il comporte notamment un processus de règlement des litiges investisseur-État qui permet à un investisseur qui estime subir un préjudice à la suite d'une intervention d'une autorité gouvernementale du pays d'accueil de l'investissement de réclamer une compensation.

En outre, Mme la Présidente, les parties prenantes de ce type d'accord ne cessent de se concerter, contrairement à ce que mentionnait le député de Mercier ce matin, en vue d'en arriver à la mise en oeuvre et de protéger au mieux les intérêts de toutes les parties concernées.

Par exemple, des bonifications importantes ont déjà été apportées à l'accord Canada-Chili en octobre 2002, et les discussions bilatérales ou multilatérales, dans le cas de l'ALENA, visant à satisfaire au mieux les intérêts de toutes les parties se font sur une base continue. Les avantages que nous retirons de telles ententes internationales sont de loin supérieurs aux inconvénients que nous avons pu subir.

Mme la Présidente, dois-je ici répéter que la possibilité de poursuites d'investisseurs contre les États est prévue dans les accords bilatéraux signés par les différents pays depuis le début des années 1970. Il n'y a là vraiment rien de nouveau, Mme la Présidente. En outre, sur les quelque 2 000 accords comportant une clause investisseur-État, on dénombre à peine 63 cas de litiges.

La principale crainte jusqu'à maintenant exprimée est à l'effet que la mise en oeuvre d'accords comportant des dispositions relatives aux investissements met en péril la capacité de légiférer du gouvernement du Québec dans l'intérêt public. Or, ces accords sont normalement assortis d'un certain nombre de réserves, c'est-à-dire que les responsabilités des États signataires sont maintenues dans les domaines où les ententes exercent toutes leurs prérogatives.

Pour le Canada, ces exceptions comportent notamment les domaines des services sociaux et de la santé, de l'éducation, des communications, des finances, du gouvernement, du transport de l'eau ainsi que des industries culturelles. De plus, Mme la Présidente, l'Accord de libre-échange Canada-Costa Rica est accompagné de deux accords complémentaires de coopération dans les domaines du travail et de l'environnement.

L'objectif de ces accords complémentaires est de faire en sorte que l'accroissement des échanges commerciaux entre les parties concernées se fasse dans le respect des droits fondamentaux des travailleurs ainsi que des normes environnementales propres à chacune des parties. Ces accords visent à favoriser une étroite collaboration ou coopération dans les domaines du travail et de l'environnement entre les parties, ce à quoi le Québec concourt.

Mme la Présidente, sans vouloir revenir sur les contradictions du gouvernement du Parti québécois qui, d'un côté, refusait de procéder à l'approbation de l'ALE avec le Chili, et, d'un autre, y dirigeait des missions économiques tout en vantant les avantages de telles ententes, je crois qu'il faut préciser qu'à l'instar de la situation de l'Accord de libre-échange du Canada avec le Chili l'ancien gouvernement, en refusant de formaliser l'approbation de cette entente et en s'enlisant dans son double discours, pour ne pas dire triple discours, comme le mentionnait mon collègue ce matin, dans le but aussi d'avoir le discours du Bloc québécois à la Chambre des communes, donc, et, en s'enlisant dans ce triple discours, dois-je dire, ne défendait pas les intérêts des Québécois et des Québécoises.

En effet, l'Accord de libre-échange Canada-Costa Rica est signé depuis le 22 avril 2001. Le gouvernement du Parti québécois a eu tout le temps voulu pour faire le dépôt de l'accord à l'Assemblée nationale pour discussion et pour approbation. Et, Mme la Présidente, ce matin, j'entendais le député de Mercier qui aurait souhaité avoir 20 heures en commission parlementaire. Mais, Mme la Présidente, ça fait sept ans que les accords ont été signés. Pourquoi à ce moment-là que l'ancien gouvernement ne s'est pas prévalu de cette commission parlementaire pour en parler avec la population du Québec? Pourquoi ils ne l'ont pas fait, Mme la Présidente? Je vous le dirai tout à l'heure, pourquoi ils ne l'ont pas fait.

Alors, comme je l'ai mentionné, Mme la Présidente, la loi n° 52 a été sanctionnée le 8 juin 2002. Or, le 10 juin 2002, dans un discours devant le CORIM, souvenons-nous que la ministre des Relations internationales d'alors, Mme Louise Beaudoin, rendait publics les éléments essentiels d'une décision du Conseil des ministres, datée du 5 juin 2002, et s'interrogeait d'une manière non équivoque sur l'inclusion d'un chapitre sur l'investissement dans l'Accord de libre-échange avec le Costa Rica, sachant bien que cet accord devait être soumis à l'approbation de l'Assemblée nationale. Et je vous rappelle, Mme la Présidente, que cette même ministre avec ses collègues avait cosigné le mémoire au Conseil des ministres pour approbation.

Pourtant, Mme la Présidente, contrairement à l'ALE Canada-Chili, l'entente avec le Costa Rica ne contient pas de dispositions spécifiques à l'investissement, et pour cause. Antérieurement aux négociations commerciales, le Canada et le Costa Rica étaient déjà liés par un accord bilatéral de protection des investissements, signé en 1998. Cet accord prévoyant des modalités similaires à celles que l'on retrouve dans le chapitre G de l'ALE Canada-Chili, la répétition de ces clauses s'avérait non nécessaire. N'eût été cependant de l'existence de cet accord bilatéral de protection des investissements, il n'est pas assuré que l'accord de libre-échange ait été conclu, car l'investissement est difficilement dissociable du commerce qui se réalise en grande partie entre les composantes locales et étrangères d'une même firme.

En outre, Mme la Présidente, plusieurs activités de service nécessitent une présence locale, comme c'est le cas par exemple en matière de finances ou de commerce de détail. Néanmoins, tout comme le cas de l'Accord de libre-échange Canada-Chili, l'Accord de libre-échange Canada-Costa Rica devait, lui, faire l'objet d'une approbation de notre Assemblée. Le gouvernement du Parti québécois, comme je le mentionnais, a préféré ne pas déposer l'accord pour débat à l'Assemblée nationale, ce qui lui évitait de faire face à ses propres contradictions.

Pour notre part, Mme la Présidente, je le répète, le présent gouvernement assume ses orientations en faveur du libre-échange et du développement du Québec avec cohésion; il prend ses responsabilités. Considérant que cet Accord de libre-échange avec le Costa Rica est profitable aux citoyens et aux entreprises du Québec, nous le soumettons à l'approbation de l'Assemblée nationale avec la conviction qu'il sera approuvé.

Des accords complémentaires dans le domaine du travail et de l'environnement sont également très importants pour le Québec, car ils sont le reflet de la nature du partenariat envisagé par le Québec. J'aimerais souligner que les deux accords traduisent des valeurs de la société québécoise soucieuse de la qualité de l'environnement et de la protection des droits des travailleurs.

n(15 h 20)n

Les deux accords ne comportent pas de sanctions. Ils visent l'établissement d'une coopération entre les parties. L'État peut également légiférer dans les deux domaines visés afin d'assurer une meilleure protection environnementale et en droit du travail. Les accords complémentaires dans le domaine du travail et de l'environnement constituent un pas en avant dans le domaine de la coopération en vue d'une meilleure intégration continentale.

Enfin, je dois mentionner que l'accord de coopération en matière d'environnement ouvre des perspectives intéressantes pour les entreprises québécoises spécialisées dans les services environnementaux. Aussi, comme je l'ai mentionné dans le cadre de mon intervention en faveur de l'entente Canada-Chili, les craintes manifestées par certains se sont avérées non fondées. Je n'y reviendrai donc pas, Mme la Présidente.

Le gouvernement du Québec entend se déclarer lié par les accords complémentaires de coopération dans le domaine du travail et de l'environnement après avoir conclu avec le gouvernement fédéral une entente sur la gestion de ces accords.

Nous l'avons dit, le gouvernement du Québec est résolument favorable aux accords de libre-échange parce qu'ils créent des conditions qui favorisent notre développement économique, social et culturel. L'économie du Québec compte parmi les plus ouvertes au monde. Sa croissance dépend en grande partie de ses performances sur les marchés étrangers. Or, nos exportations ne peuvent continuer de croître que si nos produits et services sont compétitifs.

La compétitivité des produits et des services dépend pour sa part du volume des investissements qui assurent le renouvellement des équipements de production selon l'évolution technologique et les besoins des marchés. Rares, Mme la Présidente, sont les économies où l'épargne interne est suffisante pour assurer le renouvellement de la structure industrielle, et le Québec ne fait pas exception. C'est pourquoi les efforts de promotion et de prospection des investissements constituent un élément primordial de la politique de développement industriel au Québec.

Le régime de droit québécois sur les investissements et la propriété respecte les plus hauts standards internationaux et les accords internationaux sur l'investissement et ne confère aucun droit additionnel aux investissements étrangers. De tels accords leur permettent seulement de recourir aux tribunaux locaux ou aux mécanismes d'arbitrage de ces accords, qui assurent une évaluation indépendante. Les lois québécoises se comparent avantageusement à tous les systèmes internationaux, et il serait dommage que certaines déclarations de représentants ou membres du gouvernement aient pour effet involontaire de soulever des doutes auprès des investisseurs sur la protection légale offerte localement et ainsi risquer de nuire aux efforts de promotion et de prospection du gouvernement québécois.

Finalement, Mme la Présidente, le Québec est également un exportateur d'investissements. Ses entrepreneurs et sociétés d'État ont des intérêts importants dans plusieurs pays en développement et ils s'attendent à ce que leurs investissements bénéficient d'une protection juridique adéquate. Nous demeurons cependant vigilants, parce qu'il nous paraît tout aussi fondamental de préserver la capacité d'agir des gouvernements, lorsque l'ordre public le commande.

Mme la Présidente, l'ensemble de règles d'investissement qu'expose le chapitre G sur l'investissement de l'Accord de libre-échange Canada-Chili et de l'accord Canada-Costa Rica pour l'encouragement et la protection des investissements a relativement bien fonctionné. Toutefois, le gouvernement du Québec est d'accord avec le gouvernement canadien qui, dans un document intitulé Réponses du gouvernement au rapport du comité permanent des Affaires étrangères et du Commerce international, déclarait le 14 juin 2002, et je cite: «Le gouvernement ne souhaite pas reproduire, dans l'accord de la ZLEA, les règles de règlement des différends de l'ALENA.» Fin de la citation. Le Canada collabore toujours, avec ses partenaires de l'ALENA, à l'accroissement de la clarté et de la transparence de ses règles, et le député de Mercier a souligné lui-même, dans son discours: Des lettres d'interprétation ont déjà été signées.

Ce travail de concertation n'est pas achevé. À la suite de la réunion du 28 mai 2002 de la Commission du libre-échange de l'ALENA, les trois gouvernements ont demandé aux experts de continuer à étudier l'application et le mode de fonctionnement du chapitre 11 et de présenter des recommandations, au besoin. C'est un travail qui contribuera non seulement à une application efficace et appropriée des dispositions de ce chapitre, mais aussi, Mme la Présidente, à une meilleure compréhension de son mode de fonctionnement, ce qui devrait nous aider à concevoir des règles d'une meilleure qualité et d'une plus grande transparence pour les futures ententes.

Mme la Présidente, nous recommandons donc à cette Assemblée de voter favorablement la résolution déposée devant elle parce qu'elle nous permet à la fois de poursuivre tous les efforts nécessaires pour créer une libéralisation des échanges au bénéfice de la prospérité de tous les Québécois et de toutes les Québécoises, tout en offrant les garanties requises pour que le gouvernement du Québec puisse exercer, au nom de la population, les responsabilités qui sont les siennes en matière de santé, de sécurité sociale, de culture, de l'éducation et de l'environnement.

Mme la Présidente, ce matin, j'ai été étonnée de voir que les représentants du Parti québécois se disaient en désaccord avec cette approbation des différents... des deux accords de libre-échange Canada-Chili et Canada-Costa Rica, étant donné, comme je le répète, que déjà un mémoire, il y a sept ans, un mémoire avait été produit au Conseil des ministres en faveur. Par la suite, des missions ont été... missions commerciales dirigées par l'ancien premier ministre, M. Landry, et l'actuel chef de l'opposition officielle au Chili, qui vantait les mérites de cet accord. Et, aujourd'hui, Mme la Présidente, on est en désaccord. On ne veut pas approuver, parce qu'on veut remettre en question le chapitre 11, on doute.

Mais, Mme la Présidente, actuellement, on ne parle pas de renégocier les accords du libre-échange et, quand bien même qu'on passerait 20 heures en commission parlementaire, Mme la Présidente, premièrement ce n'est pas prévu dans la loi, deuxièmement ? en somme, pas au niveau de ces ententes ? et deuxièmement, Mme la Présidente, le Parti québécois a eu sept ans pour en discuter en commission parlementaire, ils ne l'ont pas fait. Ils ne l'ont pas fait. Alors, Mme la Présidente, on ne peut pas, d'un côté, dire qu'on est en désaccord avec ces ententes, d'autre part, vanter les mérites de ces ententes parce que nos entreprises du Québec en ont besoin. Mais en même temps on ne peut pas... Pourquoi on le fait? Bien, je pense que, ce matin, on a eu quand même un bon aperçu de la raison pour laquelle on ne veut pas: parce que le Parti québécois se fait le porte-parole du Bloc québécois à Ottawa, et ils ont justement parlé sur cette entente à la Chambre des communes. Et je crois comprendre qu'en pleine campagne électorale, comme on est très près du Bloc québécois, on souhaiterait bien sûr parler de la renégociation du chapitre 11 et naturellement on voudrait le faire dans le cadre d'un Québec indépendant. Alors, Mme la Présidente, je me demande comment un Québec indépendant, 7,5 millions d'habitants, pourrait renégocier rapidement le chapitre 11 ou tout accord du libre-échange actuellement.

Alors, c'est la raison pour laquelle, Mme la Présidente, je pense qu'on doit appuyer cette entente. Je propose, conjointement avec mon collègue ministre du Développement économique et régional et de la Recherche ainsi qu'en accord et en collaboration avec mes collègues respectivement ministre de l'Environnement et ministre du Travail, que l'Assemblée nationale approuve l'Accord de libre-échange Canada-Costa Rica et les accords parallèles en matière d'environnement et de travail. Et je conclus en exprimant ma grande satisfaction de voir à nouveau cette Assemblée exercer ce pouvoir collectif exceptionnel, et bien sûr, Mme la Présidente, de ce côté-ci de la Chambre, nous serons en faveur de cette motion.

La Vice-Présidente: Merci, Mme la vice-première ministre et ministre des Relations internationales. Maintenant, je vais reconnaître le député de Mercier, porte-parole de l'opposition officielle en matière de relations internationales et d'affaires intergouvernementales. M. le député.

M. Daniel Turp

M. Turp: Merci, Mme la Présidente. J'ai le plaisir de prendre à nouveau la parole dans le cadre de ce débat sur l'Accord de libre-échange entre le Canada et le Costa Rica, cette fois-ci, et les deux accords complémentaires en matière de coopération dans le domaine du travail et de l'environnement.

n(15 h 30)n

Mme la Présidente, j'ai exposé ce matin les motifs qui avaient amené les députés de l'aile parlementaire du Parti québécois à annoncer leur intention de voter contre l'approbation de cet accord ainsi que des deux accords complémentaires qui font l'objet de l'examen de l'Assemblée nationale. Mme la Présidente, la même raison qui militait en faveur d'un vote qui ne soit pas favorable à l'accord Canada-Chili s'applique à l'accord entre le Canada et le Costa Rica. Puisque notre parti est arrivé à la conclusion que la présence, dans un accord de libre-échange, d'une clause et d'un recours investisseur-État n'était pas souhaitable, que l'existence de cette clause confère un pouvoir exorbitant à un investisseur et principalement ? et ce sont ces investisseurs qui l'ont utilisée dans le cadre de l'ALENA ? les corporations multinationales ou les sociétés transnationales, nous sommes d'avis que l'accord Canada-Costa Rica, qui ne contient pas lui-même un tel recours mais qui renvoie, dans son article 8.2, à l'accord entre le gouvernement de la République du Costa Rica et le gouvernement du Canada, pour l'encouragement et la protection des investissements, qui renvoie donc à un accord qui, lui, contient un recours investisseur-État, bien il s'agit pour nous d'une raison qui milite en faveur d'une position nous amenant à voter contre les accords... ou contre l'Accord de libre-échange entre le Canada et le Costa Rica.

Cela est d'autant plus logique que l'accord entre le gouvernement du Costa Rica et le gouvernement du Canada pour l'encouragement et la protection des investissements contient également des articles conférant une protection qualifiée de norme minimale de traitement, ainsi qu'un article, l'article VIII, qui protège les investisseurs contre les expropriations, un article qui est libellé de la même façon qu'est libellé l'article correspondant de l'ALENA et qui a donné lieu à des interprétations tellement larges et libérales que ces interprétations peuvent mettre en péril la capacité du législateur québécois de légiférer dans l'intérêt public.

Mme la Présidente, ces raisons nous semblent justifier la position qu'a prise notre parti, une position qui a évolué. La ministre a rappelé, bien entendu, que le Parti québécois, par la voix de ses ministres, au moment où ils formaient le gouvernement, avait des positions sur le libre-échange qui tendaient à être en faveur du libre-échange, mais un parti ? et un gouvernement ? peut évoluer.

Et, lorsqu'il y a lieu de constater que le recours investisseur-État, tel qu'il est utilisé dans le cadre de l'ALENA, est utilisé de façon abusive par les sociétés transnationales, l'on peut s'interroger sur les positions prises par le passé, sans remettre en question l'attachement à l'idée que les biens, les personnes, les services et les capitaux circulent plus librement entre le Québec et le Canada, entre les pays membres de l'ALENA, entre les Amériques éventuellement et dans le monde, dans le cadre des accords conclus sous l'égide de l'Organisation mondiale du commerce.

Et ce n'est pas d'être protectionnistes, ce n'est pas d'être contre le libre-échange, ce n'est pas d'être contre la sécurité juridique pour les investisseurs, qu'ils soient Québécois ou étrangers, ceux que l'on voudra bien accueillir sur notre territoire pour qu'ils contribuent au développement économique du Québec, ou les investisseurs qui sont les nôtres et qui pourront, par leurs investissements, contribuer à la création d'emplois ici et là où ils investissent, que l'on doit prétendre que l'on est devenus protectionnistes.

Le grief du Parti québécois, des membres de son aile parlementaire et ceux de la société civile, de groupes altermondialistes, de syndicats porte principalement sur un recours, le recours investisseur-État, qui se trouve dans l'accord du Costa Rica, comme il se trouve dans l'accord du Chili. Et cette inquiétude de la société civile, que nous partageons, dont nous sommes effectivement les porte-voix, est un recours qui suscite des inquiétudes pour des raisons bien évidentes.

Dans une étude que j'ai préparée et qui permettait de faire le tour de la question de l'utilisation du recours investisseur-État, on se rendait compte que, dans le cadre de l'ALENA et de son chapitre 11, 30 plaintes avaient été déposées entre les États parties, et, sur le total des 26 plaintes, 17 plaintes avaient été déposées par des investisseurs américains et neuf plaintes avaient été formulées par des investisseurs canadiens. Les plaintes avaient été portées contre le Canada et les États-Unis.

Et le résultat, somme toute, de l'examen des plaintes et de l'étude de ces plaintes par les tribunaux arbitraux a été le suivant: les données révèlent que ce sont les investisseurs américains qui ont utilisé davantage le recours investisseur-État et qui sont sortis le plus souvent gagnants de l'utilisation de ce recours. Les décisions rendues, par exemple, à ce jour, par les tribunaux d'arbitrage institués dans le cadre du chapitre 11 ont suscité des inquiétudes en raison des interprétations conférées aux règles de fond contenues au chapitre 11 de l'ALENA. Et, comme je le disais ce matin, ces interprétations larges et libérales, que ce soit de la norme minimale de traitement ou de la notion d'expropriation, peuvent véritablement mettre en péril la capacité de légiférer de l'État, qu'il s'agisse de sa capacité de légiférer dans le contexte de ses relations avec les pays parties à l'ALENA ou avec les autres partenaires que sont ceux qui ont conclu l'accord avec le Chili ou l'accord avec le Costa Rica.

Alors, Mme la Présidente, ces raisons nous amènent à vouloir donc lancer un cri d'alarme, parce que, comme la société civile, nous considérons que le pouvoir de légiférer ne doit pas être mis en péril par un recours mis à la disposition de sociétés transnationales qui souvent vont utiliser ces recours pour intimider l'État, qui vont utiliser ces recours en guise d'un certain chantage à l'égard de l'État. Et, lorsqu'on regarde certains recours qui ont été pris par des investisseurs américains, des recours pour des sommes modiques, comme par exemple dans l'affaire Pope Talbot, où on a poursuivi le gouvernement du Canada pour la modique somme de 507,5 millions de dollars, où l'on a, dans l'affaire SD Myers, poursuivi le même gouvernement du Canada pour une somme de 20 millions de dollars, où on a poursuivi, dans des affaires qui ont été réglées hors cour, pour des sommes dont on ne connaît même pas le montant exact, tellement la procédure est peu transparente, le montant du règlement n'étant non plus connu, bien là, Mme la Présidente, il y a des raisons de s'inquiéter, et de soulever des inquiétudes et des préoccupations, et de dire, comme nous le disons, que des accords de libre-échange qui contiennent un recours à investisseur... ne devraient pas recevoir l'approbation d'élus qui, comme nous, avons la responsabilité également de légiférer dans l'intérêt public.

Et, Mme la Présidente, ce n'est pas comme si les investisseurs ne pourraient pas compter sur un mécanisme pour protéger leurs investissements. Parce que les accords, qu'il s'agisse de l'ALENA, de l'accord sur le Chili dont on a parlé ce matin ou l'accord sur le Costa Rica, l'accord sur la protection des investissements, contiennent un recours dit interétatique, où un État peut porter plainte contre un autre État sur le traitement que réserve aux investissements de l'un de ses nationaux, de l'une de ses corporations l'autre État partie à l'accord.

n(15 h 40)n

Non, le recours à investisseur-État est un recours qui élève d'ailleurs la société transnationale au rang de sujet de droit international, lui donne un pouvoir exceptionnel que l'on ne retrouve à peu près nulle part ailleurs dans des traités internationaux et qui souvent place l'investisseur dans une position nettement avantageuse par rapport à l'État, dans une position qui est véritablement une position où le géant qu'est souvent la société multinationale peut intimider l'État, qui est souvent le David dans cette relation entre la multinationale et l'État souverain.

Donc, Mme la Présidente, les craintes dont la ministre disait qu'elles n'étaient pas fondées nous paraissent éminemment fondées. Nous ne sommes pas les seuls à craindre la présence des recours à investisseur-État. De nombreux experts, des gens de la société civile, des syndicats québécois ont tout à fait raison de craindre, comme nous le craignons, la portée de ces recours et l'utilisation abusive qui pourrait en être faite.

Mme la Présidente, je vous rappelle que le Parti québécois trouve dans la mondialisation certains avantages. Elle la veut équitable, elle la veut maîtrisée, elle la veut équilibrée, pour reprendre les termes de Pascal Lamy, le Commissaire européen au commerce international, qui, préoccupé par les effets de la mondialisation, a rappelé qu'il fallait tout faire en notre possible pour que cette mondialisation soit maîtrisée, équilibrée, équitable, à visage humain, comme le disait tout à l'heure mon collègue le député de Berthier.

Mais il en va de même pour le libre-échange et pour les accords de libre-échange. Les accords de libre-échange comportent un nombre important de chapitres qui visent à libéraliser la circulation des biens qui, par exemple, élimine les tarifs douaniers, des accords de libre-échange qui favorisent la libre circulation des gens d'affaires, des accords de libre-échange qui, dans certains cas, il faut l'admettre...

Et d'ailleurs, dans les deux accords qui font l'objet d'un examen de cette Chambre, il y a des clauses d'exemption culturelle, d'ailleurs rédigées d'une façon moins dangereuse pour la diversité culturelle que la clause qui est contenue dans l'Accord de libre-échange nord-américain qui permet d'ailleurs aux États-Unis d'utiliser des représailles si l'on faisait appel à la clause d'exemption culturelle de l'ALENA. Dans l'accord sur le Costa Rica comme dans l'accord sur le Chili, la clause d'exemption culturelle est rédigée d'une telle façon que des représailles ne pourraient pas être adoptées par l'un ou l'autre des États dans l'hypothèse où l'on faisait appel à cette clause d'exemption culturelle.

Mais les accords de libre-échange, qu'il s'agisse de l'ALENA, de celui entre le Canada et le Chili et le Canada et le Costa Rica, sont des accords qui contiennent un recours investisseur-État. Et, selon nous, ce recours n'a pas sa place, même dans un accord de libre-échange. Et, s'il faut corriger ce qui s'est fait dans le passé, bien corrigeons ce qui s'est fait dans le passé. Si l'on se rend compte que ces recours qui sont utilisés vont à l'encontre des intérêts supérieurs de l'État et qu'ils mettent en péril la capacité de notre Assemblée nationale, du gouvernement du Québec et même éventuellement des tribunaux québécois pour appliquer des lois d'intérêt public en matière d'environnement, en matière d'éducation, en matière de sécurité sociale, il faut avoir le courage de se lever et dire que ces accords doivent être modifiés, doivent être amendés ou, comme nous le disons aujourd'hui, ces accords ne méritent pas d'être approuvés.

Et, en lançant un tel message, on lancera le message que le libre-échange doit être aussi à visage humain, le libre-échange doit être équitable, il doit être équilibré, il doit être maîtrisé. Et l'on ne doit pas donner aux sociétés transnationales, dont les pratiques commerciales sont souvent attentatoires aux droits fondamentaux de la personne humaine, aux droits des enfants, aux droits des travailleurs.... Bien, il faut savoir faire amende honorable et décider que le libre-échange ne sera pas une panacée, que le libre-échange ne sera pas une recette qui donnera nécessairement aux citoyens et aux citoyennes du Québec et d'ailleurs un meilleur accès aux ressources, une richesse plus grande parce qu'elle aura été mieux distribuée.

Mme la Présidente, notre parti a décidé de prendre une décision qui est une décision éclairée, celle de ne pas accepter d'approuver deux accords de libre-échange qui contiennent un recours investisseur-État, qui mettent en péril, selon nous, potentiellement, la capacité de notre Assemblée nationale de légiférer dans l'intérêt public. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Merci, M. le député. Alors, comme prochain intervenant, je reconnaîtrais le député de Verdun et adjoint parlementaire au premier ministre. M. le député.

M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: Je vous remercie, Mme la Présidente. Je ne m'attendais pas à voir le jour, dans cette Assemblée, où le parti qui est dirigé par le député de Verchères se prononcerait contre un accord de libre-échange, Mme la Présidente.

Le député de Verchères, qui est actuellement le chef de l'opposition, a toujours ? et ça, c'est à son honneur, et je dois saluer aujourd'hui le travail qu'il a fait ? a toujours été un défenseur des accords de libre-échange, y compris les accords de l'ALE et les accords de l'ALENA. Mme la Présidente, il a été un partenaire honnête dans l'ensemble des discussions qui ont amené à la ratification de l'accord de l'ALE et de l'ALENA, et Dieu sait si le chapitre 11... l'article 11 se trouve justement et prend sa source dans l'accord de l'ALENA.

Mme la Présidente, il a été, lui, un porte-parole assez, assez volubile, et je dois dire qu'il a été un acteur important dans le fait qu'au Québec se crée une coalition pour soutenir l'accord de l'ALE et ensuite l'accord de l'ALENA, premièrement. Et, deuxièmement, il a été et il reste, je crois, si j'en crois les déclarations qu'il y a actuellement dans l'accord de la ZLEA, Mme la Présidente, il reste quelqu'un qui veut... quelqu'un qui serait prêt à signer demain un accord de libre-échange des Amériques. Aujourd'hui, Mme la Présidente, le parti de cet homme, le parti du député de Verchères lui donne une claque sur l'histoire qu'il a portée, le renie quasiment aujourd'hui, renie le passé de ce qu'a fait le député de Verchères et lui dit: Je ne voterai pas en faveur de l'Accord de libre-échange en fonction du Chili et l'Accord de libre-échange avec le Costa Rica. C'est, Mme la Présidente, un jour triste pour le député de Verchères, Mme la Présidente, nous le regrettons, mais nous saluons néanmoins le travail qu'il a fait pour les accords de libre-échange. Et je dois dire, Mme la Présidente, nous allons défendre encore, nous, de ce côté-ci, les accords de libre-échange.

Le député de Mercier est intervenu en prétendant qu'il y avait une référence dans l'Accord de libre-échange avec le Costa Rica sur l'article 11. Alors, Mme la Présidente, il faudrait aller voir, il faut aller voir les textes, le chapitre VIII.2 qui touche, qui est dans... le chapitre VIII qui s'appelle Services et investissement de l'Accord de libre-échange Canada-Costa Rica. Je me suis permis, Mme la Présidente, d'aller le lire. Ça va? Alors, il n'entérine pas, il ne vient pas dire: J'incorpore, à l'intérieur de cet accord qu'on est en train de voter, l'accord entre le gouvernement de la République du Costa Rica et le gouvernement du Canada, il ne fait que noter son existence. Et je me permets aujourd'hui de vous lire, Mme la Présidente, l'article VIII.2 sur l'investissement: «Les parties notent l'existence de l'Accord entre le gouvernement de la République du Costa Rica et le gouvernement du Canada pour l'encouragement et la protection des investissements, signé à San José, Costa Rica, le 18 mars 1998.»

n(15 h 50)n

Donc, ce que fait actuellement l'accord qui est devant nous, ce sur quoi nous avons à nous prononcer... il ne fait strictement de dire: Oui, malgré l'accord, il y a aussi un autre accord, il existe un autre accord, l'accord qui a été signé en 1998. Cet accord conserve... continue... conserve... incluait un recours investissement-État, sur lequel je vais intervenir tout à l'heure, Mme la Présidente, c'est vrai, mais il n'est pas dans l'accord actuel. Est-ce que vous comprenez? Il n'est pas dans l'accord actuel. VIII.2 ne fait que noter ? que noter ? l'existence d'un autre accord, ne dit pas: J'incorpore dans le nouvel accord de libre-échange l'accord qui a été signé en 1998. Premier point, Mme la Présidente.

Deuxièmement, lorsqu'on débat entre nous de la question des recours entre les investisseurs et les États, je ne m'attendais pas ? je ne m'attendais pas ? à voir l'interprétation, le discours du député de Mercier, qui est un discours profondément proétatique, je ne m'attendais pas de voir le député de Mercier forcer éventuellement ? je dis «éventuellement» ? s'il y avait un différend demain entre Hydro-Québec et, mettons, le gouvernement de l'État de New York ou le gouvernement de l'État du Massachusetts, ne pas pouvoir recourir justement à ces clauses où l'investisseur, qui serait Hydro-Québec, pourrait poursuivre devant les tribunaux et les mécanismes de différends de l'ALENA... ou un gouvernement d'un État américain, mais serait obligé de passer par le gouvernement canadien pour pouvoir régler son différend. Je ne m'attendais pas à voir mon collègue le député de Mercier nous dire que, aujourd'hui, aujourd'hui, si Hydro-Québec, qui est un des gros investisseurs actuellement, devait régler un différend éventuel avec un État américain, il devait se soumettre et passer par le gouvernement canadien.

Mme la Présidente, ce n'est pas comme ça que nous voyons la défense des intérêts des Québécois et la défense des intérêts d'Hydro-Québec à l'heure actuelle. Nous n'avons pas du tout le même point de vue. Nous ne pensons pas que le gouvernement fédéral doit être celui qui actuellement, à un différend entre Hydro-Québec et un État américain, devrait être celui qui porte cette cause devant les mécanismes de règlement des différends. C'est pour cette raison, Mme la Présidente, que, dans certains cas, il peut être utile d'avoir, dans les accords de libre-échange, des clauses de ce type, clause investisseur, règlement de conflits entre les investisseurs et les États.

Je suis d'accord, Mme la Présidente, qu'il faut les surveiller, il faut voir qu'il n'y en a pas, d'abus. Il faut les surveiller, mais les annihiler complètement soumet en quelque sorte, particulièrement dans les systèmes, dans les fédérations, soumet les organismes qui dépendent d'un gouvernement provincial au diktat en quelque sorte du gouvernement central, du gouvernement fédéral, parce que ? et je suis sûr que le gouvernement... le député de Mercier en conviendra avec moi ? seul le gouvernement canadien peut agir au nom de l'État sur ce type de tribunaux.

Mme la Présidente, je voudrais signaler, à l'intérieur de l'accord, un certain nombre de choses qui m'ont l'air particulièrement intéressantes. Vous savez à quel point ce gouvernement est sensible à toute la question de la diversité culturelle. Vous savez, Mme la Présidente, à quel point, sur toutes les tribunes, sur toutes les tribunes, le gouvernement du Parti libéral a voulu défendre actuellement la possibilité de protéger le caractère français du Québec, de pouvoir protéger actuellement les caractères de la diversité de notre culture. Alors, Mme la Présidente, il est intéressant de remarquer que, dans cet accord que nous avons à débattre aujourd'hui, l'extension ? et la définition ? des industries culturelles et de la diversité culturelle est parfaitement bien protégée. Vous savez, Mme la Présidente, à quel point les accords bilatéraux actuellement, particulièrement en francophonie, avec certains pays maghrébins ? j'ai dans la tête en particulier l'accord du Maroc avec les États-Unis ? ils peuvent remettre en question les clauses de diversité culturelle.

Je reviendrai avec vous, Mme la Présidente, pour que vous preniez note ? et c'est important que vous en preniez note ? de la définition, qui est à l'article XIV.7, de l'industrie culturelle et qui va vous préciser exactement à quel point, dans cet accord, on a voulu réellement couvrir le concept d'industrie culturelle.

«Industries culturelles s'entend des personnes qui se livrent à l'une quelconque des activités suivantes ? et on a été assez explicites:

«a. la publication, la distribution ou la vente de livres, de revues, de périodiques ou de journaux, sous forme imprimée ou exploitable par machine, à l'exclusion toutefois de la seule impression ou composition de ces publications;

«b. la production, la distribution, la vente ou la présentation de films ou d'enregistrements vidéo ? et là on rentre, Mme la Présidente, dans l'enregistrement vidéo;

«c. la production, la distribution, la vente ou la présentation d'enregistrements de musique audio ou vidéo;

«d. l'édition, la distribution ou la vente de compositions musicales sous forme imprimée ou exploitable par machine; ou

«e. les radiocommunications dont les transmissions sont destinées à être captées directement par le grand public, et toutes les activités de radiodiffusion, de télédiffusion et de câblodiffusion et toutes les services des réseaux de programmation et de diffusion par satellite.»

Et, Mme la Présidente, lorsque vous revenez un peu plus loin, vous avez, dans les exclusions ? parce que ceci touche essentiellement les exclusions ? que ces industries culturelles, cette protection de la diversité culturelle sont exclues actuellement des accords de libre-échange. Donc, nous avons ici un exemple parfait de la possibilité, à l'intérieur de l'accord de libre-échange, de protéger correctement la diversité culturelle.

Mme la Présidente, il est intéressant aussi de citer quelques éléments particulièrement pertinents de cet accord. Et j'en voudrais pour preuve une exception qui touche sur les services et la volonté à l'heure actuelle, à l'intérieur du présent accord... Et, vous savez, Mme la Présidente... Et nous débattions, vendredi dernier, des questions qui touchaient la politique d'immigration et la difficulté qu'on avait, dans les politiques d'immigration, de pouvoir intégrer les nouveaux arrivants. Alors, ici, dans l'accord de libre-échange, dans la dimension services, il y a une volonté justement d'harmoniser, particulièrement pour les professionnels, d'harmoniser les diplômes et les possibilités de pratique.

Je me permets de vous lire cette clause, qui est l'article VIII.3 sur les services:

«Les parties reconnaissent l'importance des droits et obligations qui découlent pour elles de l'Accord général sur le commerce des services ? bon, on sait que c'est un accord général.

«2.a) Les parties au présent accord encourageront les organismes chargés de la réglementation des services professionnels sur leurs territoires respectifs.» Donc, il s'agit, dans notre cas, évidemment de l'Office des professions et, j'imagine, l'équivalent lorsqu'on parlera du Costa Rica. Alors:

«(i) faire en sorte que les mesures relatives à l'autorisation d'exercer ou à la reconnaissance professionnelle des ressortissants de l'autre [pays] soient basées sur des critères objectifs et transparents, tels que la compétence et la capacité de fournir un service; et

«(ii) coopérer en vue d'élaborer des normes et des critères mutuellement acceptables relativement à l'autorisation d'exercer et à la reconnaissance professionnelle des fournisseurs de services professionnels.»

Vous voyez, Mme la Présidente, pourquoi il est important ici que l'Assemblée nationale du Québec se prononce sur un type d'accord, puisque dans... cette clause essentiellement est parfaitement de la juridiction du Québec, où chacun des parlementaires ici sait que le Code des professions, les lois qui régissent en quelque sorte la pratique professionnelle, c'est de juridiction provinciale. Et là, à l'heure actuelle, on s'engage, à travers cet article, à coopérer pour faciliter la pratique d'un pays à l'autre pays.

«Les éléments suivants ? et on balise en quelque sorte ? pourront être examinés en ce qui concerne l'élaboration des normes et des critères visés au sous-alinéa [précédent]:

«(i) éducation ? accréditation des écoles ou des programmes de formation;

«(ii) examens ? [...]d'admission aux fins de l'autorisation d'exercer, y compris les autres méthodes d'évaluation, par exemple les examens oraux et les entrevues;

«(iii) expérience ? durée et nature de l'expérience requise pour l'autorisation d'exercer;

«(iv) conduite et déontologie ? normes de conduite professionnelle et nature des mesures disciplinaires imposées en cas de manquement;

«(v) perfectionnement professionnel et [le] maintien de la reconnaissance professionnelle ? éducation permanente[...];

«(vi) champs d'activité[...];

«(vii) connaissances locales ? [une] connaissance de questions comme les lois, les règlements, la langue, la géographie ou le climat locaux; et

«(viii) protection du consommateur...»

Voyez-vous, Mme la Présidente, dans cet accord, qui est très vaste et qui touche bien sûr des questions purement commerciales... Mais ça touche aussi des individus. Ça touche réellement des champs de compétence propres au Québec, sur lesquels, je crois, Mme la Présidente, tout à fait pertinent que nous nous prononcions. Et je verrais mal mes collègues de l'opposition, à l'heure actuelle, nous dire: Voici, nous ne pensons pas qu'il est sain actuellement de pouvoir harmoniser les pratiques entre les deux pays, Mme la Présidente.

En dernier lieu, il est important de bien comprendre que cet accord, cet accord de libre-échange inclut aussi deux autres accords: un accord en ce qui concerne les questions de travail et un accord en ce qui concerne la coopération environnementale. Alors, Mme la Présidente, il est bien important ici de faire la distinction. Ce sont deux accords qui sont mis en annexe avec ce que nous avons à débattre aujourd'hui, alors que la référence qui a été faite tout à l'heure à l'accord... à l'article VIII.2 n'était seulement qu'une référence où on notait l'existence... sans nécessairement l'inclure actuellement dans l'accord. Alors, on a négocié aussi un accord de coopération environnementale entre le gouvernement du Canada et le gouvernement de la République du Costa Rica qui a des éléments importants qu'il me semble particulièrement important de signaler ici, à cette Chambre qui va se prononcer sur ces accords. n(16 heures)n

On souligne l'importance de la transparence et de la participation du public quant à l'élaboration de la législation de l'environnement et des politiques environnementales. On reconnaît qu'il n'est pas opportun d'assouplir la législation de l'environnement dans le but de stimuler le commerce. Je tiens à voir cet accord inclus, et je voudrais que mes collègues d'en face en prennent bien note: on reconnaît qu'il n'est pas opportun d'assouplir la législation de l'environnement dans le but de stimuler le commerce.

Je vous rappellerai, dans l'accord sur l'environnement ? et je pense que la question environnementale, c'est des questions qui préoccupent, du moins de notre côté, beaucoup les parlementaires ? le présent accord vise les objectifs suivants: encourager la protection et l'amélioration de l'environnement sur les territoires des parties pour assurer le bien-être des générations présentes et futures; favoriser un développement durable, Mme la Présidente, fondé sur la coopération, sur des politiques environnementales et économiques cohérentes; renforcer la coopération en vue de l'élaboration et de l'amélioration de la législation de l'environnement, des procédures, politiques et pratiques environnementales; et enfin encourager la transparence et la participation du public. C'est important, ce que je vous dis: Encourager la transparence et la participation du public quant à l'élaboration de la législation de l'environnement et des politiques environnementales.

Cet accord, Mme la Présidente, qui est inclus, lui ? il n'est pas seulement noté comme un élément de référence, qui est inclus ? dans l'accord s'en va évidemment réaffirmer à quel point la protection de l'environnement doit dominer en quelque sorte le développement durable... une condition par rapport aux échanges commerciaux.

Je me permets enfin, Mme la Présidente, de rappeler une annexe, une annexe de cet accord qui m'a l'air particulièrement pertinente. Il est important que les collègues qui m'ont... qui peut-être s'apprêtent à savoir ce pour quoi ils s'apprêtent à voter contre... Afin de favoriser la réalisation des objectifs du présent accord, des facilités d'exécution des obligations en découlant, les parties ont dressé une liste indicative des domaines de coopération possible: renforcer les systèmes de gestion de l'environnement, les cadres institutionnels et juridiques, les processus, politiques et procédures d'élaboration, d'administration, d'exécution de la législation de l'environnement, la capacité technique et scientifique d'appuyer l'élaboration de politiques et de normes environnementales; élargir et renforcer le rôle, les responsabilités et la participation du public, notamment des groupes et des secteurs qui ne participent pas habituellement au processus d'élaboration des politiques environnementales et de mise en oeuvre de la législation de l'environnement et des politiques environnementales; et encourager l'innovation et l'efficacité au niveau de la protection et de la conservation de la diversité biologique et de l'utilisation viable des ressources naturelles.

Mme la Présidente, vous avez justement dans cet accord, qui, lui, est cité en annexe actuellement de l'accord qui est débattu, un accord qui est complet sur les questions environnementales et qui vient baliser, vient mettre des limites aux accords commerciaux en disant qu'il est important que tous les accords commerciaux se fassent dans le respect à l'heure actuelle de l'environnement.

Mme la Présidente, cet accord m'a l'air un accord qui est presque un modèle, est un modèle à l'heure actuelle, et je tiens à le signaler, il est... Si j'avais un peu plus de temps, je pourrais aborder avec vous, parce que c'est une question qui m'a l'air aussi importante, la création des mécanismes pour régler en quelque sorte les différends.

Et alors on s'est doté, à l'intérieur de cet accord, d'un certain nombre de mécanismes pour faciliter en quelque sorte la médiation, pour faciliter l'arbitrage en cas de différend. Il n'y a pas de volonté de recourir à des tribunaux, mais, bien au contraire, d'arriver, entre les deux pays, à une amélioration en quelque sorte des rapports en cherchant... de régler les différends sur une base de médiation.

Mme la Présidente, il est important de remarquer, ces accords de libre-échange ont une importance. Et j'ai pris quelques notes. Comprenez-moi bien, ces accords ont été négociés et ont été mis en vigueur en 2001 ? ah! j'ai 35 minutes, merci. Alors, j'ai encore un plus de temps, alors je continue.

Mme la Présidente, je tiens à vous faire remarquer que... regardez l'évolution du commerce entre les deux pays, 2001. 2001, c'est le moment où on a signé l'accord, et déjà l'effet, l'effet sur les exportations envers le Canada du Costa Rica est passé de 3,5 millions à 10 614 000. C'est-à-dire, voyez-vous, on a plus que triplé l'effet en une année simplement à cause de l'effet d'un accord de libre-échange. Les importations... Ça, c'est les exportations du Québec, ça, c'est du Québec, du Québec vers le Costa Rica, ont plus que triplé à cause de l'accord, de cet accord de libre-échange. Les importations sont restées relativement stables, aux alentours de 46 millions.

Mme la Présidente, il est important de bien réaliser qu'on a ici un accord équilibré, un accord équilibré qui vient protéger, qui favorisera en quelque sorte le commerce, qui va favoriser l'investissement, qui va favoriser la croissance économique, mais qui le fera en protégeant, en protégeant des valeurs qui sont importantes, qui sont particulièrement importantes pour les parlementaires de ce côté-ci de la Chambre, à savoir la protection de la diversité culturelle, la protection de l'environnement, la protection des droits du travail. Ce sont des valeurs, Mme la Présidente, qui sont nôtres, et que nous partageons, de ce côté-ci de la Chambre, et que nous sommes heureux de voir à l'intérieur de cet accord qui, en plus, va favoriser en quelque sorte l'investissement, va favoriser la croissance économique.

Mme la Présidente, je ne comprends pas et, encore une fois, je terminerai mon intervention en rappelant à quel point le député de Verchères doit être malheureux aujourd'hui, à quel point le député de Verchères, qui normalement devrait se lever, lui aussi, pour venir dire: Oui, moi qui suis un libre-échangiste, je trouve dans cet accord quelque chose qui est éminemment intéressant, éminemment valable... Surtout que les remarques, les réticences qu'avait le député de Mercier ne sont pas incluses dans l'accord, surtout qu'elles ne sont pas présentes dans l'accord. L'article 8.2, Mme la Présidente, ne fait que noter l'existence d'un autre accord, ne l'inclut pas dans celui-là. Je me serais attendu, je me serais attendu... Je m'excuse, M. le député de Mercier, je vous l'ai lu tout à l'heure, je peux vous le relire si vous voulez, on note simplement, on note l'existence d'un autre accord, on ne l'inclut pas. Alors, si vous me permettez, on pourra en débattre ensemble, vous et moi. Mais, ensuite, Mme la Présidente, je regrette encore, si vous me permettez, de cette question, cette absence du député de Verchères qui était un grand libre-échangiste et qui était obligé, face à son parti, pour rester chef de son parti, de devoir abandonner ses principes. C'est malheureux pour lui.

Mais, Mme la Présidente, nous sommes fiers aujourd'hui, nous, de ce côté-ci, de pouvoir dire: Nous restons profondément libre-échangistes; nous restons profondément des gens qui défendons actuellement la diversité culturelle, qui est particulièrement protégée par cet accord; nous restons profondément des gens qui voulons défendre et maintenir la protection de l'environnement; nous sommes satisfaits de l'accord de libre-échange; nous allons voter en faveur de l'accord du libre-échange.

La Vice-Présidente: Merci, M. le député. Alors, comme prochaine intervenante, je vais reconnaître la députée de Taschereau. Mme la députée.

Mme Agnès Maltais

Mme Maltais: Merci, Mme la Présidente. Quelques mots simplement sur cet Accord de libre-échange avec le Costa Rica. L'Assemblée nationale exerce pour la première fois ce nouveau rôle qui est de faire entendre la voix du Québec dans la conclusion d'engagements internationaux importants.

Je rappelle qu'avec... ce nouveau rôle s'exerce depuis l'adoption, en 2002, du projet de loi n° 52 et qui a eu pour effet que l'Assemblée nationale du Québec est devenue le premier Parlement du Commonwealth a obtenir une compétence d'approbation d'engagements internationaux. Et c'est grâce au Parti québécois, qui a fait cette proposition qui ensuite a été entérinée par l'Assemblée nationale, que le Québec se situe maintenant à l'avant-garde du débat pour démocratiser le processus de conclusion d'engagements internationaux. Ça dit donc qu'il faut qu'on en parle, Mme la Présidente, de ces accords de libre-échange et de ces accords internationaux, qui prennent une place de plus en plus importante dans la vie des nations et qui échappaient jadis à la portée des élus.

Ça n'a pas empêché les députés, ça n'a pas empêché, par exemple, le député de Verchères, qui est un chef de file des premiers accords de libre-échange effectivement et qui... ça n'a pas empêché beaucoup de députés du Parti québécois de l'époque de parler des accords de libre-échange et d'essayer de nous désenclaver de cet axe est-ouest pour se porter sur un axe nord-sud, effectivement. Et ça fait un bout de temps. Et ce que ça permet aujourd'hui, cette ouverture de l'Assemblée nationale à débattre d'engagements internationaux, c'est de pouvoir regarder le chemin parcouru et la réalité, qu'est-ce qui s'est passé dans les faits.

n(16 h 10)n

Et, là-dessus, le député de Mercier a été extraordinaire et il nous a rappelé qu'est-ce qui s'est passé, quand on discute du chapitre 11 dans les accords de commerce internationaux, et à quel point jusqu'ici seuls, il faut le dire, seuls les États-Unis, dans le débat, ont su tirer leur épingle du jeu, et à quel point le chapitre 11, pas les accords de libre-échange, le chapitre 11 des accords de commerce internationaux a été, a fait des dommages.

Alors, avec le pouvoir qui est dorénavant confié aux députés de l'Assemblée nationale d'approuver des engagements internationaux importants, il y a un certain déficit démocratique qui est comblé, et cela, il faut le saluer. C'est pour ça que je tenais à prendre la parole aujourd'hui. C'est extrêmement important, ça nous permet de débattre publiquement d'engagements internationaux dont les impacts seraient déterminants pour le développement économique, social et culturel ? et écologique, tiens ? du Québec.

En application du nouveau mécanisme, l'Assemblée nationale a approuvé à ce jour plusieurs ententes de sécurité sociale du Québec ainsi que certains accords internationaux du Canada en matière de droits fondamentaux. Mais elle est appelée pour la première fois à se pencher sur des accords de commerce international qui sont considérés à ce moment-là comme des engagements internationaux importants selon l'article 22.2 de la Loi sur le ministère des Relations internationales.

Jusqu'ici, nous avons toujours plaidé, à chaque fois qu'on a eu l'occasion ? et le député de Verchères, là-dessus, a été extraordinaire ? pour l'ouverture aux autres nations, je l'ai dit tout à l'heure, pour désenclaver le Québec économiquement, et ça a été fait d'une façon magnifique. Même alors qu'il était professeur d'université, qu'il n'était pas dans cette Assemblée, le chef actuel de l'opposition officielle s'est levé debout et a dit: Sortons le Québec de son carcan économique, sortons de notre axe est-ouest et allons discuter avec toute l'Amérique, avec les États-Unis particulièrement. Mais c'est la première fois depuis que ce geste a été fait que nous avons la chance de regarder ensemble la façon dont ça a été interprété, ce pour quoi nous n'avons jamais voté, ce qui n'a jamais été l'objet de délibérations dans cette Assemblée, soit l'article... le chapitre 11 de l'ALENA.

Le député de Verchères et chef de l'opposition officielle est aussi un grand chef d'État. Il l'a prouvé lorsqu'il a été à la tête de cet État du Québec, et il connaît la nécessité de préserver les prérogatives de l'État, de préserver la capacité pour un État de légiférer sur son territoire, de protéger les intérêts, oui, culturels, oui, écologiques et environnementaux, oui, sociaux, mais aussi les intérêts économiques sur ce territoire, sur cet État. Et aujourd'hui, aujourd'hui, il se joint à nous. Toute l'opposition officielle, d'une voix, dit qu'il est temps de faire le pont entre la sagesse économique et la jeunesse, qui est mondialiste mais qui tient non seulement à la mondialisation de l'économie, mais aussi à la mondialisation des droits sociaux, des normes du travail, des droits environnementaux, mais qui tient à ce que son État, qui tient à ce que son territoire, qui tient à ce que sa nation puisse juger de son destin, dont son destin économique.

Alors, ce qui s'est passé, M. le Président...

La Vice-Présidente: Madame.

Mme Maltais: Mme la Présidente, pardon. Il faudrait qu'il y ait plus de présidentes, Mme la Présidente, ce qui nous habituerait plus à dire: Mme la Présidente. Effectivement, je suis tout à fait en accord... vous êtes d'accord, oui.

Alors, nous avons... Le 7 avril 2004, il y a eu deux motions visant à faire approuver par l'Assemblée nationale du Québec les accords internationaux en matière de libre-échange avec le Costa Rica et avec le Chili.

Nous avons décidé d'offrir à l'Assemblée nationale l'opportunité de saisir ce moment historique et d'amener... donc de saisir les commissions où on demandait... le député de Mercier demandait un débat de 20 heures pour que vraiment on puisse approfondir les positions. Malheureusement, cela a été refusé. Nous avons donc seulement un maigre deux heures, puisque cette motion du député de Mercier a été refusée, un maigre deux heures pour expliquer pourquoi tout à coup nous nous élevons en faux contre un accord de libre-échange tout en étant tout à fait d'accord à essayer d'augmenter, d'accélérer les échanges, que nous trouvons importants, avec des pays amis comme le Chili et le Costa Rica.

Mais il y a quelque chose qui est arrivé. Nous avons une opportunité, ratée d'abord, de faire oeuvre d'éducation, d'abord sur les bienfaits du libre-échange, et, croyez-moi, l'opposition officielle est prête à faire oeuvre d'éducation sur les bienfaits du libre-échange mais aussi sur les méfaits d'accords mal négociés ? sur les méfaits d'accords mal négociés ? et je pense que nous pouvons dire à l'heure actuelle, suite à ce qui s'est passé depuis la signature de l'ALENA, nous pouvons dire que le chapitre 11 est une partie de cet accord qui a été mal négociée, puisqu'elle s'est toujours retournée contre le Canada et contre nos États.

L'opposition, c'est sur la forme. On aurait pu faire oeuvre d'éducation, mais, sur le fond, nous n'avons que deux heures donc pour expliquer notre profond désaccord avec cette nouvelle position sur ces chapitres, sur le recours qu'on appelle le recours investisseur-État. Le recours investisseur-État est un instrument potentiel qui est à la disposition d'investisseurs ? écoutez bien ça ? pour limiter la capacité d'un État à légiférer dans l'intérêt public ? c'est à ça que ça sert un État ? et s'opposer à l'existence d'un tel recours. C'est un signal clair que nous donnons, nous, députés du Parti québécois, sur l'importance de préserver les capacités de l'État de prendre des décisions dans l'intérêt public. C'est de ça dont nous parlons. Alors, je considère, Mme la Présidente, que, comme députés, nous prenons une position responsable, tout à fait responsable par rapport aux prises de position que nous avons faites dans la communauté internationale, sur l'importance de préserver la capacité des États de légiférer, mais aussi, surtout, auprès des citoyens et des citoyennes du Québec et de la société civile.

J'ai devant moi un exemplaire de l'Accord de libre-échange Canada-Costa Rica. Le député de Verdun disait tout à l'heure que nous étions à côté de nos pompes, si j'abrège, Mme la Présidente, mais ça peut se résumer ainsi. Or, voici, partie trois, Services et investissement ? on parle bien d'investissement ? article VIII.2, Investissement: «Les parties notent l'existence de l'accord entre ? signé à Costa Rica, de l'accord entre ? le gouvernement de la République du Costa Rica et le gouvernement du Canada pour l'encouragement et la protection des investissements.»

Ils en notent l'existence, donc ça fait partie, automatiquement les législateurs vont se tourner... les arbitres vont se tourner vers cet accord et vont dire: Tiens, tiens! regarde, ils n'ont pas eu besoin de resigner un accord qui existait déjà. Ils en notent donc l'existence. Ça veut dire qu'elle existe. Ça veut dire que cela fera partie des débats des arbitres. Il y a donc encore une fois, dans un accord de commerce international, un recours possible d'investisseurs économiques contre un État qui est là pour gérer le bien public. C'est tout simplement contre cela, Mme la Présidente, que nous en avons.

Alors qu'aujourd'hui, avec le pouvoir qui est dorénavant confié aux députés de l'Assemblée nationale d'approuver ou de rejeter des engagements internationaux importants, il est certain qu'il y a un déficit démocratique qui est comblé cela doit redonner confiance d'abord à la population. Je pense beaucoup à notre jeunesse, aux gens qui ont un certain cynisme par rapport à la représentation politique, cela doit redonner confiance. Nous devons assurer la protection de la capacité de légiférer du gouvernement du Québec dans l'intérêt public. Voilà notre position, Mme la Présidente.

Nous notons aussi l'incapacité du gouvernement fédéral de convaincre ses partenaires de l'ALENA de réviser le chapitre 11 afin de préserver la capacité des États et des gouvernements de légiférer dans l'intérêt public. Jamais le Canada n'a réussi à revenir ensuite sur le chapitre 11 de l'ALENA. Donc, à partir de maintenant, ce qu'il faut dire, c'est: Puisque, le chapitre 11 de l'ALENA, nous le considérons comme irrecevable, puisque jusqu'ici on n'a pas réussi à le réviser, eh bien il faut refuser de signer de telles parties d'accords, de tels recours investisseur-État. C'est ça, notre position.

Il nous faut mettre aussi, je pense... Il faut mettre en évidence le refus du gouvernement du Canada d'exprimer clairement sa position sur le problème qui est causé actuellement, de l'inclusion des règles et procédures de règlement des différends en matière d'investissement, qui doivent être incluses dans l'éventuel accord sur la ZLEA. Nous devons dire ? c'est la première fois que nous affirmons cette position, Mme la Présidente ? que nous ne sommes pas d'accord avec l'inclusion de recours investisseur-État. Nous aurons sûrement à reparler avec le Canada quand viendra se signer la ZLEA.

Ce débat d'aujourd'hui est extrêmement important. Je pense qu'il y a une volonté populaire qui s'est exprimée maintes et maintes fois. Je suis la députée de Taschereau, le Sommet des Amériques s'est tenu dans ma cour, Mme la Présidente. J'étais dans la rue, avec les jeunes, avec les commerçants qui soignaient les jeunes. J'ai vu les batailles, je n'ai pas aimé la violence, je n'ai pas aimé cette façon de s'exprimer. Une pierre qui est lancée dans une vitre, ce n'est pas une pierre qui bâtit; au contraire, c'est une pierre qui agresse. Ce n'est pas comme ça qu'on doit se parler, mais il y avait un message qui était lancé, Mme la Présidente.

n(16 h 20)n

Ce message, nous le relançons aujourd'hui: nous désirons une mondialisation maîtrisée et équilibrée, respectueuse des droits humains. Nous voulons que l'on garantisse le respect des normes environnementales, du travail et de protection de l'environnement, mais nous voulons aussi ? et je termine là-dessus, Mme la Présidente ? nous voulons que le commerce reste un instrument de développement des nations, des peuples et non pas un instrument de soumission des États, Mme la Présidente. Merci.

La Vice-Présidente: Merci, Mme la députée. Alors, est-ce qu'il y a d'autres intervenants sur cette motion? Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, à vous la parole.

Mme Louise Harel

Mme Harel: Alors, merci, Mme la Présidente. Mme la Présidente, je voudrais d'entrée de jeu, d'abord, rendre hommage à la ministre d'État aux Relations internationales, qu'on peut nommer maintenant par son nom puisqu'elle n'est plus des nôtres, Mme Louise Beaudoin, qui a été marraine d'un projet de loi adopté le 8 juin 2002, il y a maintenant deux ans, projet de loi qui a donné à cette Assemblée nationale le pouvoir de débattre ses engagements internationaux importants et de combler ainsi un déficit démocratique qui perdurait au niveau de la démocratie parlementaire. Alors, cela nous permet aujourd'hui, pour la première fois, de nous pencher sur des accords de commerce internationaux qui sont considérés comme des engagements internationaux importants.

Je comprends, Mme la Présidente, que l'Assemblée nationale a déjà... a pu déjà approuver plusieurs ententes de sécurité sociale du Québec et de même que certains accords internationaux du Canada en matière de droits fondamentaux, mais que c'est la première fois qu'on est appelé à débattre des questions relatives à des accords de commerce international. Et en fait je me réjouis que l'Assemblée nationale du Québec soit devenue le premier Parlement du Commonwealth à obtenir une compétence d'approbation, qui nous est enviée par plusieurs parlementaires des Parlements membres de la Confédération des parlementaires des Amériques, communément appelée la COPA. Alors, c'est donc là une compétence d'approbation d'engagements internationaux qui nous situe à l'avant-garde dans le processus de démocratisation des engagements internationaux.

Parce que c'est de cela dont il s'agit, Mme la Présidente. Et je crois que l'intervention du député de Verdun démontre bien la confusion qui peut régner, même dans les esprits éclairés comme le sien, même dans les esprits bien avertis comme l'est le député de Verdun, cette confusion entre le principe de la libéralisation des échanges, principe avec lequel, je crois bien, l'ensemble des membres de cette Assemblée nationale sont favorables, mais avec un principe qui domine, n'est-ce pas, cette libéralisation des échanges et qui est celui de la capacité des gouvernements de légiférer dans l'intérêt de leurs sociétés, et c'est évidemment le principe de la souveraineté nationale.

Au-dessus de la gérance des marchés ou de la gouvernance des marchés, Mme la Présidente, au-dessus des accords internationaux, il y a quelque chose de fondamental et qui doit amener autant le député de Verdun que chacun de nous à être extrêmement vigilant, eh bien ce qui est fondamental, c'est justement cette souveraineté nationale, cette démocratie parlementaire, qui est un des plus grands héritages de la démocratie que nous ayons et qui nous amène à préserver la capacité des gouvernements de légiférer dans l'intérêt public, et spécifiquement la capacité du gouvernement du Québec d'agir ainsi. Et c'est la raison qui a amené le député de Verchères à souscrire à cette position de l'opposition officielle à l'effet de refuser cette motion qui nous est présentée de voter en faveur de cet accord.

Pourquoi? Mme la Présidente, d'abord, je pense qu'il faut faire un très bref rappel historique pour rappeler qu'à l'origine, au moment de la signature de ce qu'on a appelé l'ALE, c'est-à-dire l'Accord de libre-échange canado-américain, en 1989, le glissement n'avait pas commencé. C'est avec l'ALENA, quelques années plus tard, en fait en 1994, que le glissement qu'on a finalement, pour le simplifier, appelé le transfert de souveraineté des Parlements vers des intérêts privés... c'est en 1994 que cela a commencé. Et cela s'est fait ? c'est ce qui est le plus incroyable, cela s'est fait ? à la méconnaissance des parlementaires et des Parlements, puisque le Québec ne siège pas dans les instances internationales où ces faits auraient pu lui être connus.

Et c'est sans doute au moment du Sommet de Québec, sommet qui s'est tenu ici même, dans la ville de Québec, et qui a réuni les présidents des 35 pays... 34 pays des Amériques, c'est à ce moment-là que, grâce à une fuite... fuite sur Internet justement, qui nous aura... à tous, y compris aux membres de cette Assemblée et au gouvernement, de prendre connaissance de cette grande charte, là, de droits des multinationales qui se préparait, qui porte atteinte à la capacité des États de légiférer dans l'intérêt public, puisqu'il y a, Mme la Présidente, il y a donc pour la première fois une réalité qui n'était pas connue, pas connue à la fois des Parlements, pas connue non plus des gouvernements des provinces au Canada, il y a donc pour la première fois des investisseurs qui peuvent recourir directement à des mécanismes de règlement de différends lorsqu'ils se sentent lésés par le traitement que leur accorde l'un des États signataires du traité. Alors, ça veut dire en clair qu'il y a maintenant des craintes quant à l'exercice de la souveraineté nationale, parce que ça diminue la capacité des États de légiférer dans l'intérêt public.

On le sait très bien, nos concitoyens le savent confusément... même s'ils ne peuvent pas toujours mettre les mots savants sur ces réalités-là, ils sentent, Mme la Présidente, que les Parlements ont peu à dire sur ces décisions qui se passent au-dessus, au niveau supranational et où on prétend faire la gouvernance des marchés et subordonner les Parlements et les parlementaires aux décisions qui se prennent portes fermées.

Alors, je voudrais rendre hommage également cet après-midi au travail formidable qui a été notamment réalisé par le Fédération des infirmières et infirmiers du Québec sur l'ensemble de cette question des accords commerciaux et des marchés publics eu égard au système de santé et de services sociaux.

D'abord, Mme la Présidente, pourquoi refuser cet accord qui concerne le Costa Rica? Parce que, contrairement à ce qu'a prétendu le député de Verdun, le renvoi ? là, ça s'appelle comme ça, ce n'est pas un simple bas de page, ce n'est pas une référence, c'est un renvoi ? le renvoi, ça a une existence juridique, et quand, dans un texte puis dans un accord, dans un traité, on fait un renvoi, ça signifie qu'on ne parle pas pour rien dire. Ça vaut pour les signataires de traités comme ça vaut également pour les législateurs. Quand on fait un renvoi, c'est qu'on reconnaît que le texte auquel on réfère, eh bien c'est celui qui va s'appliquer en l'occurrence.

Alors, je signale donc que, en tant que tel, l'Accord de libre-échange conclu entre le Canada et le Costa Rica qui est à l'étude devant nous ne contient pas de recours investisseur-État, mais l'article 8.2 renvoie ? c'est le cas évidemment ? à l'accord entre le gouvernement de la République du Costa Rica et le gouvernement du Canada pour l'encouragement et la protection des investissements, dans lequel l'article 12 institue un recours investisseur-État, exactement le genre de recours où finalement il y a un transfert qui peut être accepté, lorsqu'il s'agit de transfert de souveraineté à une instance qui est gouvernementale ou qui est composée de représentants élus, mais là qui est un transfert d'éléments de souveraineté à des intérêts privés. Alors, il y a donc un tel renvoi à un accord qui institue un recours investisseur-État et permet à un investisseur de saisir un tribunal d'arbitrage et de contester des mesures adoptées par l'État sur la base de l'article 8.

n(16 h 30)n

Alors, pour, M. le Président, introduire dans nos débats cet après-midi un cas concret, j'aimerais référer mes collègues de l'Assemblée nationale et les personnes qui nous écoutent à une étude qui fut réalisée dans le cadre de la commission Romanow. Alors, la commission Romanow a été chargée par le gouvernement fédéral d'examiner l'ensemble du système de la santé au Canada, et, M. le Président, les conclusions des études qui avaient été commanditées... commandées, plutôt ? le mot «commandite», au fédéral, n'est-ce pas, est persona non grata ? mais les conclusions des études commandées par la commission Romanow sont à l'effet que l'ALENA menace les futurs programmes.

Et on peut retrouver dans Le Soleil du 22 octobre 2002, dans le journal La Presse du 22 octobre 2002, dans le Globe and Mail du 22 octobre 2002 ainsi que dans un certain nombre d'autres quotidiens, alors on peut retrouver le résumé de ces études et qui disent ceci: Les gouvernements doivent agir rapidement ? et en l'occurrence au Canada, où la santé est de compétence constitutionnelle des provinces ? les gouvernements doivent agir rapidement, s'ils veulent élargir la couverture du régime d'assurance maladie à de nouveaux programmes, comme une assurance pour les médicaments ou les soins à domicile, avant que des investisseurs étrangers n'envahissent ce secteur. Et ça, ce sont les auteurs de l'étude réalisée pour le compte de la commission Romanow qui le disent.

Alors, M. le Président...

Une voix: ...

Mme Harel: Merci. En vertu des dispositions donc de l'ALENA, Ottawa serait probablement obligé d'accorder une compensation aux investisseurs étrangers écartés du marché par une réforme de la santé, et c'est ce que soutient le Centre canadien de politique alternative. Et l'étude révèle que les coûts pourraient grimper rapidement si la présence d'intérêts étrangers dans la santé augmentait. Alors, l'étude, puis qui est la plus détaillée à ce jour, constituait une mise en garde à l'effet que des accords commerciaux internationaux pourraient compromettre de nouveaux programmes de santé.

Vous savez, M. le Président, on a beaucoup parlé, et à raison et légitimement parce que ça renvoie à notre identité, on a beaucoup parlé de la question de la diversité culturelle, mais il faut aussi parler de ce qui nous tient à coeur, tels notre système d'éducation et notre système de santé et de services sociaux, puisque présentement, par exemple, les médicaments, traités comme une marchandise comme les autres, ne pourraient pas faire l'objet d'une législation ou d'interventions législatives par les gouvernements, sous le motif que les accords commerciaux signés l'interdisent.

Alors donc, M. le Président, il faut conclure, comme l'ont fait d'ailleurs les auteurs de cette étude, que le régime de santé n'est ni à l'abri des règles d'accords internationaux comme l'ALENA ni à l'abri de l'Organisation mondiale du commerce. Et même les services existants seraient vulnérables. Et l'étude qui est réalisée va même à considérer que la politique qui favorise les fournisseurs à but non lucratif, telles les entreprises d'économie sociale, pourrait être considérée comme discriminatoire. Alors, je pense, M. le Président, que c'est suffisamment préoccupant pour que cela nous amène à ne pas mettre en péril ou à ne pas risquer ce qui pourrait avoir des conséquences extrêmement graves.

Et je disais tantôt donc que je rendais hommage à la Fédération des infirmières et infirmiers du Québec, qui ont préparé un document très articulé sur cette question des marchés publics dans la santé et qui font écho à ce risque réel du système de santé eu égard aux accords de commerce dans lesquels nous retrouvons ces dispositions investisseur-État. D'autant plus, M. le Président, qu'avec la loi n° 25 adoptée par le ministre de la Santé et des Services sociaux, d'autant plus que, ces méga-établissements qui sont en train d'être constitués ? je vous donne l'exemple du méga-établissement de Verdun?Saint-Henri?Pointe Saint-Charles qui va comprendre 3 800 employés pour un seul établissement ? il faut comprendre que les contrats de services qui pourront être donnés par ces établissements, ou contrats d'achat, eh bien ces contrats pourront très, très facilement atteindre les seuils à partir desquels ils sont soumis aux accords de commerce, que ce soient les accords de commerce intérieur ou que ce soient éventuellement les accords de commerce internationaux.

Alors, voilà brièvement, M. le Président, une application en matière de santé et de services sociaux, ce qui tient à coeur à la population, une application que peuvent avoir des accords de commerce dans lesquels on retrouve ces renvois, tel celui qui nous est présenté cet après-midi. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, merci, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve. Je tiens à signaler qu'il va rester 11 minutes à l'opposition officielle pour son intervention. Alors, je cède maintenant la parole au député du Lac-Saint-Jean.

M. Stéphan Tremblay

M. Tremblay: Merci, M. le Président. Croyez-moi, c'est pour moi un très grand honneur aujourd'hui de prendre la parole, pour plusieurs raisons, premièrement parce que je considère que c'est un peu un débat historique, parce que c'est la première fois que l'Assemblée nationale du Québec peut s'exprimer sur des questions d'accord international. Et, croyez-moi, depuis que nous avons modifié la loi sur les relations internationales, faisant en sorte que l'Assemblée nationale du Québec est devenue le premier Parlement du Commonwealth à obtenir une compétence d'approbation d'engagements internationaux, le Québec, une fois de plus, se situe à l'avant-garde du débat pour démocratiser le processus de mondialisation.

C'est pour moi aussi un très grand honneur, puisque c'est la deuxième fois que je parle sur ce sujet, puisque la première fois que j'avais parlé des accords Canada-Chili, c'était à Ottawa, et aujourd'hui je me retrouve à parler encore de cet accord, mais dans un autre Parlement. Je vous dirais que je suis fier de notre Assemblée nationale qui peut s'exprimer aujourd'hui sur le pour et le contre d'un tel accord. Mon souhait est que nous, parlementaires, ne soyons pas seulement qu'un «rubber stamp», si on peut dire, de cet accord, mais que nous soyons des acteurs de premier plan, des acteurs vigilants pour bonifier, améliorer ce genre d'accord international.

Aujourd'hui, malheureusement, nous avons entendu beaucoup, de la part du gouvernement, dire que, du côté de l'opposition officielle, aujourd'hui, nous étions contre le libre-échange. Un instant! Je crois que le Parti québécois, dans son histoire, a démontré fermement qu'il était en faveur du libre-échange. Tous les premiers ministres qui se sont succédé ces dernières années se sont battus ardemment pour aller dans ce sens. Mais nous ne voulons pas un libre-échange à outrance, un libre-échange sans règles, et nous voulons un libre-échange encadré, qui soit respectueux des communautés et de l'environnement, chose que, je suis à peu près certain, tout le monde ici est en faveur.

L'article aujourd'hui qui fait en sorte que nous nous opposons à cet accord de libre-échange est l'article qui traite du recours investisseur-État, qui permet à un investisseur, à une grande entreprise, de limiter la capacité des États à légiférer dans l'intérêt du public. Et ça, ce n'est pas des paroles en l'air, ce n'est pas du virtuel, parce que nous l'avons vécu. Nous avons vécu un cas très concret, et je pourrais vous l'expliquer.

n(16 h 40)n

À un moment donné, j'étais député à Ottawa, j'ai voté avec le gouvernement une loi pour interdire le MMT, qui est un additif chimique qu'on applique dans l'essence pour augmenter la combustion. Certaines études démontraient qu'il avait probablement des incidences neurologiques sur les jeunes enfants, et, dans une conscience environnementale, le gouvernement, à pratiquement unanimité à la Chambre des communes du Canada, interdit... proclame une loi interdisant le MMT. Or, la compagnie Ethyl Corporation, qui fabrique le MMT au Canada, se voit perdre un marché... un marché incroyable, celui du Canada, et se voit donc, par une loi faite dans l'intérêt du public, se voit perdre un marché, et, ce faisant, Ethyl Corporation, en vertu de l'accord de l'ALENA et de l'article 13 de l'ALENA, se retourne contre le gouvernement canadien, actionne le gouvernement canadien pour perte de marché potentiel. Finalement, il y a une entente hors cour, parce que l'action était de 350 millions. L'entente hors cour a stipulé que le gouvernement canadien verserait 15 millions de dollars à la compagnie Ethyl Corporation et qu'il abolirait la loi d'interdire le MMT. Alors, c'est un exemple très concret que nous avons vécu ici et qui démontre que le chapitre du recours investisseur-État est quelque chose qui ne va pas dans un sens d'évolution pour les accords de commerce.

D'ailleurs, cet exemple-là a soulevé beaucoup de débats il y a quelques années, lorsque justement les pays membres de l'OCDE négociaient un accord international, un Accord multilatéral d'investissements entre les pays de l'OCDE, ce qu'on appelait l'AMI. Et justement, comme ma collègue l'a souligné tout à l'heure, il y a eu une fuite, à un moment donné, pour dénoncer cet aspect très vicieux des accords commerciaux. Ça a donné, pour une première fois, je dirais, presque de l'histoire, un mouvement de protestation international exceptionnellement bien coordonné qu'on a appelé ici, à Montréal, SalAMI, mais où, grâce à Internet, il y a eu une mobilisation internationale, pour une première fois, où on voyait des activités de mobilisation coordonnées à travers la planète, faisant en sorte que ça a amené les chefs d'État, notamment le président de la France, qui, lorsqu'il a pris connaissance de cet article-là, a dit: Il est normal, dans un contexte de mondialisation, qu'un État puisse subordonner une partie de sa souveraineté vers des organismes supranationaux tels que l'Organisation mondiale du commerce, les Nations Unies ou d'autres organisations, mais il n'est pas normal qu'un État subordonne sa propre souveraineté à l'égard de multinationales. Et, suite à cette intervention du président de la France, l'Accord multilatéral d'investissements est tombé par terre, et on en a été sauvé.

Cependant, ce fameux article d'accord de libre-échange où il y a recours investisseur-État revient fréquemment et, à notre sens... Et je pense que nous pouvons être fiers aujourd'hui, comme opposition officielle, puisque nous pouvons nous exprimer sur ce genre d'accord international. Aujourd'hui, ce que nous disons, oui au libre-échange, mais au libre-échange encadré, qui respecte les normes du travail, qui respecte l'environnement et qui ne diminue pas la souveraineté des nations.

Donc, qu'on ne vienne pas me dire aujourd'hui que le Parti québécois est contre le libre-échange. Bien au contraire, je suis de ceux qui, lors du débat sur la Zone de libre-échange des Amériques... faisait partie de ceux qui disaient oui aux échanges. Je n'aime peut-être pas le mot «libre-échange», mais, que ce soient des échanges économiques, culturels, linguistiques ou sociaux, il n'y a pas de problème, et c'est parfait. Et, moi, je suis bien content de pouvoir exporter des bleuets au Japon et je suis bien content de pouvoir consommer des bananes. C'est ça, la mondialisation. Et quand je donne des conférences dans les écoles justement pour dire qu'on ne peut pas être contre la mondialisation, il ne faut pas être contre la mondialisation, mais on peut être inquiet de la façon et la direction dont elle est partie actuellement. Et, lorsque les Parlements, les députés abdiquent leurs pouvoirs à des multinationales, eh bien, non, moi, ça, là-dessus, je n'embarque pas, M. le Président. Et je pense que le cynisme de la jeunesse par rapport à la mondialisation est en partie à cause de ça. Ils souhaitent que, nous, les représentants des populations, nous nous élevons pour dire: Non, nous souhaitons une démocratisation de la mondialisation. Et c'est ça qui est important, M. le Président.

Et un autre fait qui m'attriste énormément dans cette Assemblée est le fait que ce phénomène de mondialisation qui s'est accéléré de façon incroyable dans ces dernières années dû au développement des télécommunications, développement des transports... Et c'est normal. Quand tu as accès au reste du monde, tu as le goût de faire des échanges avec le reste du monde. C'est un peu ça, la mondialisation des échanges. Une fois qu'elle est rendue possible, les humains ont tendance à vouloir y aller naturellement et la faire. Mais ces choses-là ont des conséquences, des conséquences sociales, politiques, environnementales. Ce sont des phénomènes complexes. C'est un peu comme si, nous, à l'intérieur de ce Parlement, notre travail est un peu de mettre des règles à la société, des règles sociales, environnementales, économiques... Mais là, aujourd'hui, l'arène, M. le Président, elle est mondiale, et, nous, notre pouvoir politique, il est conféré aux frontières des États ? bien que nous ne sommes même pas un État, nous ne sommes qu'une simple province, mais bref... Alors, voici la difficulté de faire une mondialisation économique équilibrée. C'est que ça prend des règles du jeu, ça prend un encadrement.

Alors, si, au moment où on nous soumet... on nous demande notre avis sur un accord international et qu'on ne s'oppose même pas à un article faisant en sorte de permettre des aberrations de la part de grandes entreprises, bien je dis: Un instant! Je dis: Un instant! Et c'est pour ça que nous allons voter contre cet accord, et je suis très fier, parce que je me dis: Cet accord est loin d'être parfait, cet accord ne va pas dans le bon sens.

Et, malheureusement, nous avons... bien, «nous avons», le gouvernement, lorsqu'il est arrivé, l'une des premières choses qu'il a faites a été d'abolir l'Observatoire de la mondialisation. Bon, certains diront que c'était une structure de plus, mais je n'en suis pas sûr. Il me semble qu'une société avancée, évoluée comme le Québec, qui s'était dotée d'une institution comme l'Observatoire de la mondialisation pour tenter de comprendre, pour observer le monde, pour voir venir les coups, pour essayer d'être un leader mondial et pour dire: Bon, bien, voici dans quelle direction pourrait aller la mondialisation... Mais, avant de faire ce genre de recommandation, il faut d'abord comprendre, il faut d'abord avoir une vision. Et cet Observatoire de la mondialisation pouvait être un instrument. Il a d'ailleurs été même copié par la France, et, malheureusement, le gouvernement, probablement avec un peu d'absence de vision, lorsqu'il est arrivé, a aboli cet Observatoire de la mondialisation, à mon grand dam, puisque j'aurais bien aimé pouvoir contribuer et pouvoir aussi entendre le point de vue de plein d'experts à travers le Québec et à travers le monde, pour faire en sorte que nous, les politiciens, puissions être des gens qui militent en faveur d'une mondialisation et une démocratisation de la mondialisation.

Quand on s'est retrouvés, au Sommet de Québec, à l'extérieur de ce parlement, comme moi, comme député fédéral, la seule façon... parce que je voulais côtoyer les gens, j'aurais bien aimé pouvoir entrer dans cet endroit où on discutait d'accords internationaux, bien le seul endroit où j'ai pu aller, c'est dans la rue. J'ai dit: Je vais y aller, je vais aller voir ce que les gens ont à dire par rapport à ça. Le seul goût que je me souviens, par contre, est celui du gaz lacrymogène, malheureusement.

Mais, qui plus est, moi, je pense que ce qu'il est important que la population comprenne et qui nous écoute à la télévision aujourd'hui, c'est que, si l'opposition officielle, si le Parti québécois aujourd'hui s'oppose à cet accord de libre-échange, ce n'est parce qu'il est contre le libre-échange avec le Costa Rica ou le Chili, loin de là, mais il est contre le fait d'appuyer un projet de libre-échange qui abdique une partie de son pouvoir démocratique à des investisseurs ou à des multinationales. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, je vous remercie, M. le député du Lac-Saint-Jean. Et je reconnais maintenant le prochain intervenant. Alors, s'il n'y a plus d'intervenants, parce que le temps de l'opposition officielle, à moins que je ne me trompe, est terminé; alors il ne faut pas que je me trompe. Alors, s'il n'y a plus d'intervenants... C'est terminé, le débat est terminé.

Alors, en conséquence... Un instant! Alors, on doit voter.

Mme Lamquin-Éthier: ...pouvez lire la motion, M. le Président?

Le Vice-Président (M. Gendron): Oui, c'est ce que je veux avoir, là. Un instant, je veux qu'on m'apporte la motion, oui.

Alors, le temps imparti à cette motion étant écoulé, est-ce que la motion proposant «qu'en vertu de l'article 22.3 de la Loi sur le ministère des Relations internationales l'Assemblée nationale étudie et approuve, dans le délai prescrit par la loi, l'Accord de libre-échange entre le gouvernement du Canada et le gouvernement de la République de Costa Rica et les accords complémentaires sur la coopération dans les domaines de l'environnement et du travail» est adoptée?

Des voix: Vote nominal.

Le Vice-Président (M. Gendron): Un instant! Alors, il y a vote nominal. Oui, Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Lamquin-Éthier: Alors, M. le Président, il est de notre intention de procéder par vote par appel nominal. Conséquemment, conformément à l'article 223 de notre règlement, je vous demande de reporter le vote à la période des affaires courantes du mercredi 2 juin 2004.

Vote reporté

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, je vous remercie, Mme la leader adjointe du gouvernement. En conséquence, le vote est reporté.

Maintenant, Mme la leader adjointe du gouvernement, pour la suite de nos travaux.

Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. Je vous réfère à l'article 4 de notre ordre du jour.

Projet de loi n° 53

Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, à l'article 4 de notre ordre du jour, l'Assemblée reprend le débat, ajourné le 28 mai 2004 par Mme la députée de Bourget, sur l'adoption du principe du projet de loi n° 53, Loi modifiant la Loi sur l'immigration au Québec. Alors, y a-t-il des intervenants?

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Gendron): C'est ce que je crois que je vais devoir faire. Alors, je suspends les travaux pour quelques minutes. Merci. Alors, les travaux sont suspendus.

(Suspension de la séance à 16 h 50)

 

(Reprise à 16 h 53)

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, merci. Nous allons poursuivre nos travaux, et je reconnais la prochaine intervenante sur l'adoption du principe du projet de loi que j'ai mentionné tantôt. Il s'agit de Mme la députée de Marie-Victorin. Mme la députée.

Mme Cécile Vermette

Mme Vermette: Je vous remercie, M. le Président. Alors, il me fait plaisir de parler sur le principe du projet de loi n° 53, puisque j'ai participé à la commission, aux auditions de la commission parlementaire, qui n'étaient pas nécessairement sur cet avant-projet de loi mais qui étaient particulièrement sur le plan d'action de la ministre en ce qui concerne l'immigration pour les prochaines années.

Et mon intérêt s'est grandement agrandi, parce qu'on a vu à quel point il était important pour l'ensemble des immigrants qui veulent venir s'installer chez nous, au Québec... l'importance d'avoir des réponses précises, claires et qui leur permettent d'avoir les meilleures chances possible d'accueil ici, en cette terre québécoise.

Alors, bien sûr, lorsque j'ai vu et lu les différents articles de cet avant-projet de loi n° 53, je me suis dit: Je ne peux pas passer sous silence certains aspects de cette loi, puisque certains de ces aspects peuvent produire des conséquences désastreuses chez certaines personnes qui ont fait des demandes pour immigrer chez nous, au Québec.

Vous savez, quand on prend cette décision-là de laisser pays en arrière de soi et de s'installer dans une nouvelle terre d'accueil, c'est parce qu'on a des raisons profondes qui nous animent et qui font faire des changements aussi drastiques dans nos vies. Alors, c'est sûr qu'on ne prend pas cette décision-là sur un coin de table et qu'on écrit quelques petites choses: il faut que j'apporte ci, j'apporte ça. On planifie beaucoup... on planifie l'ensemble du déplacement et en fait on fait beaucoup de démarches, à savoir quelles seront les options qui sont mises à notre disposition pour pouvoir accomplir ce rêve, dans certains cas, ou, pour d'autres en fait, c'est d'améliorer leur sort et de pouvoir aussi permettre à leurs familles, à leurs enfants d'avoir une meilleure vie, qualité de vie, vivre en plus grande sécurité et les favoriser dans leur développement et dans leur vie future.

Alors, bien sûr ces gens font des démarches, il y a des... dans certains pays, il y a des personnes qui sont spécialisées, qui se sont spécialisées avec le temps, et... ou ils peuvent aller dans des délégations du Québec ou ils peuvent aller dans des bureaux pour aller faire une telle démarche. Et la plupart de ces gens croient qu'on pourra prendre en considération leur demande dans les plus brefs délais possible, puisque c'est un cheminement, pour eux, qui est souhaitable le plus rapidement possible pour eux et pour leurs familles.

Alors, c'est sûr que, lorsqu'on a des délais d'attente de plus de sept ans, c'est sûr qu'en cours de route il peut se passer tellement de choses que certains se découragent, font des demandes pour aller ailleurs, et malheureusement on perd des gens de qualité qui pourraient venir s'installer ici, au Québec.

Donc, la plupart des gens sont venus nous dire: Il faut faire diligence; il faut, malgré un encadrement et avoir... faire les enquêtes nécessaires en ce qui concerne les gens qui veulent immigrer chez nous et leur donner toutes les informations aussi qui leur permettent de faire le bon choix, il faut accélérer les demandes pour permettre à ces gens-là de pouvoir le plus rapidement possible réaliser en fait cette démarche.

Alors, M. le Président, il nous est apparu que durant cette commission parlementaire la ministre semblait en tout cas être inquiète du flot important qui venait des pays maghrébins, du Maghreb. Alors, elle semblait dire que, bon, comme il y a une très grande demande, il fallait stopper en fait et faire attention, et on a trouvé un nouveau terme pour parler de cet... je vous dirais, ce réflexe en fait de la part de la ministre, elle a parlé de, maintenant, on va aller par bassin géographique, et le terme qu'elle a choisi, je pense, c'est par... c'est un drôle de terme en fait, on n'avait pas... c'est du... je pense, c'est une nouvelle façon de voir les choses en ce qui concerne l'immigration, mais on parlait d'immigration sociale, géographique ou avec des effets, en tout cas, sociaux et géographiques.

Alors, M. le Président, c'est assez particulier, parce qu'on se dit: Quand il arrive certains problèmes dans certains pays, il arrive... on a déjà vécu certaines situations, notamment quand il y a eu le problème, au Vietnam, des boat people, il y avait de fortes demandes de gens... bien sûr, il y a les immigrants, vous allez me dire, il y a les réfugiés, mais, en même temps qu'il y a des réfugiés, inévitablement ça a un effet d'entraînement sur les demandes aussi pour venir s'installer, parce que ça a comme un effet d'entraînement de part et d'autre, si beaucoup de réfugiés, bon, veulent s'installer ici par raisons humanitaires, il y a un effet aussi sur d'autres. On a juste à penser, s'il n'y avait pas d'effet de réfugiés... Mais on a juste à penser qu'est-ce qui s'est passé en Colombie-Britannique, lorsque finalement on s'est aperçu qu'au niveau... À Hong Kong, ça deviendrait... revenait à la Chine, plusieurs gens qui demeuraient là-bas, des Chinois, ont demandé de venir, et c'était surtout l'immigration économique. Donc, évidemment, ça apporte... à chaque fois qu'il y a des situations dans certains pays où il y a certaines particularités, ça a une incidence effectivement sur les demandes d'immigration, et il faut en tenir compte bien sûr, il faut voir aussi à notre capacité d'accueil.

n(17 heures)n

Et, là-dessus, M. le Président, je me rends compte qu'au niveau de la capacité d'accueil c'est là-dessus qu'il faut qu'on travaille. On a beaucoup encore à faire, malgré ce qui a été fait, certains progrès qui ont été faits, mais, au niveau de la capacité d'accueil... parce que dans le fond la plupart des gens, lorsqu'ils arrivent ici, au Québec, veulent s'installer dans une région où il est possible pour eux de faire mieux et d'aller plus loin que les possibilités qu'il était offert à eux lorsqu'ils étaient dans leur pays d'origine. Alors, bien sûr ils s'installent là où il y a les possibilités, et normalement c'est autour des grands centres, des grandes villes.

Alors, bien sûr ce n'est pas tout partout qu'il y a des capacités d'accueil. Il n'y a même pas tout partout des plans, au niveau des villes, des plans d'accueil au niveau des immigrants pour favoriser leur insertion. Et, au cours de cette commission parlementaire, je me souviens très bien d'avoir entendu plusieurs qui réclamaient de la part de la ministre que la plupart des villes se dotent d'un plan d'accueil pour favoriser le plus rapidement possible et surtout offrir de l'emploi à ces gens. Parce que dans le fond ce qui fait que les gens sont attirés par un pays plutôt qu'un autre, c'est les possibilités d'emploi dans un pays, et ça, il faut retenir cette dimension.

Et, quand on parle possibilités d'emploi, bien il faut aussi vraiment bien orienter les gens au point de départ, dans leurs pays d'origine, avant qu'ils arrivent ici, pour leur dire: Voilà ce que nous sommes capables de vous offrir comme emploi, selon vos capacités, selon votre cursus, selon votre curriculum, voilà ce que nous pouvons vous offrir avec ce qui nous est disponible aussi chez nous. Et il semblerait que ce n'est pas nécessairement très clair, ce volet, cet aspect des choses en fait, et ce qui peut causer, certaines fois, des gens, le désarroi, lorsqu'ils arrivent sur place. Puis ici, au Québec, parce qu'on n'a pas donné toute l'information ou on a omis certaines choses, qui fait qu'en sorte, les gens, croyant arriver avec toutes les possibilités qui s'offrent à eux selon certaines références, arrivent ici et puis ils ont certains problèmes.

Alors, imaginez, M. le Président, lorsque déjà là, quand on fait ça dans un certain laps de temps assez court, imaginez, quand on fait miroiter à des gens que ça peut prendre au moins deux ans, trois ans, sept ans, sept ans dans certains pays, à l'heure actuelle où je vous parle, bien c'est évident que, même si tu te dis: Bien, on va planifier, on va s'organiser, c'est sept ans dans la vie des gens, c'est sept ans dans l'évolution d'une personne, et sept ans, ça compte énormément quand on veut vraiment s'organiser, et qu'on planifie sa vie en fonction d'une famille, et qu'on veut réellement aussi s'organiser pour la suite des choses.

Alors, M. le Président, je trouve assez particulier que la ministre, à l'heure actuelle, pour régler ses problèmes, se donne des pouvoirs très arbitraires. C'est sûr que, de tout temps, la ministre a toujours eu un pouvoir discrétionnaire. Et je pense que c'est dans la majorité des lois, un ministre a toujours un pouvoir discrétionnaire. Ça, moi, je ne remets pas ça en cause. Mais c'est quand le pouvoir discrétionnaire est tellement large qu'il n'a pas de balise, qu'il n'est pas encadré, là ça me fait peur, M. le Président, parce que là on tombe purement, carrément dans l'arbitraire. Et c'est ce dont on parle, dans ce projet de loi, avec l'article 12 du projet de loi, M. le Président.

Et même, vendredi dernier, la présidente des droits de la personne parlait justement en ce sens qu'elle trouvait... elle mettait des réserves. La Protectrice du citoyen mettait des réserves par rapport à cet article-là, et elle disait: Woup! attention, on aimerait être entendus, si vous consultez des gens, nous aimerions être entendus. Donc, la ministre, j'espère qu'elle les entendra, parce qu'elle pourra apporter des modifications. Nous n'en sommes que simplement actuellement au principe du projet de loi. Donc, il y a différentes étapes encore à passer avant qu'il soit définitivement adopté comme projet de loi.

Donc, moi, je fais un appel à l'ensemble des députés de l'autre côté de la Chambre pour qu'ils puissent regarder attentivement les conséquences que peut avoir un tel... portée en ce qui concerne le pouvoir discrétionnaire de la ministre tel qu'il est libellé dans sa loi. Et je crois que, quand on est un tantinet respectueux de la vie des autres et qu'on s'aperçoit à quel point ça peut avoir des conséquences dans le développement et le cheminement de tous ces immigrants, je pense qu'il faut en prendre connaissance d'une façon scrupuleuse et de regarder attentivement les conséquences et les aboutissements d'une telle force, un tel pouvoir que l'on donne à la ministre dans ce projet de loi.

Alors, M. le Président, je pense que la ministre devra faire ses devoirs, elle devra regarder plus attentivement, écouter aussi ce qu'on veut lui dire par rapport à tout ça.

Et vous savez très bien que, lorsque la présidente... la Protectrice du citoyen intervient, ce n'est pas banal, c'est parce qu'elle a pris en considération justement ce qu'il peut y avoir comme impact sur la personne, sur le citoyen. Et, si elle a mentionné que ce projet de loi, en fin de compte, surtout cet article, bien, si elle a mentionné que finalement il y avait matière à regarder plus attentivement la portée et qu'il fallait faire en sorte... reconsidérer cette portée-là, bien je pense qu'il faut demander à la ministre de vraiment apporter les correctifs qui s'imposent. Donc, ce qu'on demande à la ministre, c'est non pas d'abolir complètement son pouvoir discrétionnaire, loin de là. Ce qu'on demande à la ministre tout simplement, c'est d'encadrer son pouvoir discrétionnaire, de se donner des balises.

Parce qu'on ne sait pas sur quels critères, en fin de compte, les bassins géographiques... Est-ce que finalement, M. le Président, ça voudrait dire que la ministre, bon, reçoit un appel d'un gouvernement ? et pour ne pas en nommer ? près de chez nous et que finalement ils disent: Bien là on prétend qu'il pourrait y avoir problème avec tel ou tel pays, là, vous mettez un holà, vous ne faites plus rentrer aucun immigrant de ce pays-là? Ça deviendrait, M. le Président, assez arbitraire. Parce que dans le fond il faut vraiment prendre en considération des éléments de preuve qui fait qu'en sorte que ces gens-là ne peuvent venir chez nous parce qu'ils ont réellement un curriculum qui fait qu'en sorte qu'ils pourraient être préjudiciables pour nous ici, chez nous, au Québec.

Donc, je considère qu'à l'heure actuelle compte tenu que, pour nous, en ce qui me concerne, on n'a pas arrêté de parler que l'immigration, c'est par là que va se passer l'avenir ou, dans certains cas, c'est par l'immigration qu'on va pouvoir occuper certains emplois et le territoire au niveau du Québec, donc, M. le Président, il ne faudrait pas finalement se mettre des moyens arbitraires pour savoir quelle région géographique, quel bassin géographique on va préférer à un autre bassin géographique. Avant qu'on arrive dans ce sens-là, qu'on aille dans ce sens-là, ce serait important qu'on sache les critères, que la communauté, que l'ensemble de la population québécoise soit bien informée dans quels cas, dans quelles conditions la ministre pourra-t-elle utiliser ce pouvoir discrétionnaire là. Là, on n'en connaît absolument rien.

Donc, ce qu'on demande à la ministre, c'est: Mettez un petit peu de chair autour de votre article. C'est trop large, vous avez vraiment tout pouvoir, et ça, c'est inacceptable. Ça n'a jamais en tout cas fait l'objet... À l'intérieur de ce ministère, depuis qu'il existe, depuis l'entente Canada-Québec, jamais aucun ministre ne s'est donné autant de pouvoirs que la ministre à l'heure actuelle.

Alors, je pense que, M. le Président, nous sommes très raisonnables lorsque nous demandons du moins à la ministre de vérifier, et de regarder, et de faire les auditions, et d'entendre surtout la Protectrice du citoyen. Je pense qu'on est très raisonnables, et qu'on est tout simplement dans notre droit, et que l'on fait vraiment notre travail, et qu'on veut sensibiliser la population et surtout les gens qui s'intéressent à l'immigration, à ce volet-là. Parce que je considère que c'est un côté humain, humanitaire. Il faut vraiment que les critères soient clairs pour les gens quand ils font une demande de vouloir vraiment être au courant de qu'est-ce qui les attend et dans combien de temps ils peuvent s'organiser et s'installer, en fin de compte, dans leur terre d'accueil et de recommencer complètement une nouvelle vie, M. le Président.

Alors, moi, je crois qu'actuellement la ministre, en plus de se donner ces grands pouvoirs là, en plus elle se donne aussi des... Je vais revenir d'une façon rétroactive. Ça veut dire qu'il y a eu des demandes qui ont été faites peut-être l'année passée ou qui se font actuellement qui demandaient d'être prises en considération, d'être vérifiées, il y a des demandes qui sont déposées à l'heure actuelle, et la ministre, elle se dit: Je pourrai, même rétroactivement, faire en sorte que, même si les gens, ça fait un an qu'ils ont fait une demande, moi, je dis: Ce pays-là, on n'y touche plus, donc toutes ces demandes-là qui sont faites depuis un an, c'est fini, ça fait partie du bassin géographique que j'ai décidé qu'ils ne pourraient pas pouvoir venir ici, au Québec.

n(17 h 10)n

Donc, ça cause certains problèmes à ces gens qui, depuis un an, sont en attente d'une réponse du ministère et, depuis un an, en fin de compte, vont se faire dire, après un an d'attente et peut-être après un peu plus qu'un an d'attente même ? il y en a qui, dans certains cas, c'est beaucoup plus que ça ? vont se faire dire: Bien là, là, vous avez attendu, tous les espoirs qu'on vous a créés, bien passez à côté, et puis la ministre a décidé que ce bassin-là géographique était terminé, que c'était fermé.

Moi, M. le Président, je considère qu'à l'heure actuelle ce qui est important, si on veut des immigrants ici, au Québec, et si on veut une immigration de qualité, bien c'est à nous à se donner des vraies balises, des vrais... des objectifs avec l'immigration. Pourquoi on veut des immigrants? Ça va nous permettre de réaliser quels objectifs? Est-ce qu'on a des politiques d'accueil pour ces immigrants-là? Est-ce que les villes sont prêtes à accepter l'ensemble des immigrants que nous allons recevoir? Combien, si on se fixe un certain montant par année... Parce que la ministre s'est fixé des montants par année d'augmenter, en fin de compte, le nombre de l'immigration. Alors, si elle veut faire ça, il faut qu'on ait réellement des outils, des moyens pour atteindre les objectifs. Ce n'est pas juste en disant: Bien, je vais fermer la porte à tel endroit parce que, là, de toute façon, ce pays-là, il semblerait qu'il y a trop qui font une même demande dans un même coin.

Alors, M. le Président, je trouve tout à fait arbitraire la façon dont fonctionne actuellement la ministre des Relations avec les citoyens et particulièrement en ce qui concerne ce volet-là de l'article 12 du projet de loi. Je ne fais pas partie de cette commission parlementaire maintenant, mais j'espère que la ministre se laissera convaincre par l'ensemble des gens, des intervenants qui se prêteront à cette consultation, avant d'arriver à son projet de loi, qu'elle pourra apporter les modifications ou en tout cas l'encadrement nécessaire, qu'elle enverra un signal clair pour l'ensemble des gens qui veulent venir chez nous, au Québec, puisque ces gens-là veulent contribuer à l'amélioration du Québec. Et ce sont de bons citoyens. Il ne faut pas se refuser, en fait, comme société, l'apport de gens qui ont la volonté de venir chez nous, et de participer, et de contribuer à l'évolution du Québec, M. le Président. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, merci, Mme la députée de Marie-Victorin. Et, pour la poursuite du débat, je reconnais maintenant M. le député de Masson. M. le député de Masson, pour votre intervention.

M. Luc Thériault

M. Thériault: Merci, M. le Président. Alors, j'interviens ce soir sur l'adoption de principe du projet de loi n° 53, Loi modifiant la Loi sur l'immigration au Québec. Et, comme jeune parlementaire ? je dis «jeune parlementaire», et j'ajoute «parlementaire», puisque, à l'âge que j'ai, je suis trop vieux pour être jeune et trop jeune pour être vieux ? mais, comme jeune parlementaire, depuis la dernière année j'ai vu plusieurs débats ici, dans cette Assemblée, et souvent je trouve que les débats sont constructifs. Or, celui concernant l'adoption du projet de loi n° 53, l'adoption de principe, m'apparaît être un de ceux pour lesquels l'apport de l'opposition officielle sera à mon avis significatif et important.

Lorsqu'il y a dépôt d'un projet de loi, M. le Président, on doit questionner finalement l'intention que poursuit le législateur. Et, lorsque l'on essaie de retracer l'intention que poursuit le législateur, souvent donc on la retrouve dans les principes. Et c'est pourquoi je tenais, ce soir, à m'inscrire, comme mes collègues, dans ce débat pour faire en sorte que l'on puisse bonifier et en même temps pour dire que... dans l'état actuel, d'entrée de jeu, je dirai que je ne peux souscrire à l'adoption de principe de ce projet de loi.

L'une des raisons, c'est la suivante. En philosophie du droit, on dit: C'est la légitimité qui fonde la légalité. Et le bien-fondé d'une loi, et la légitimité, et sa justification doivent reposer sur les valeurs... le principe de la justice, lequel repose sur la valeur d'équité et d'égalité. Or, M. le Président, lorsqu'on lit attentivement l'article 4 et l'article 12, on s'aperçoit qu'il y a là un os concernant l'égalité et l'équité. Je ne peux pas, au moment où on se parle...

Et je suis certain, tel que le disait le porte-parole de Gouin, le leader de l'opposition officielle, la semaine dernière, je suis certain que, du côté ministériel, on va entendre l'opposition et qu'on va apporter les amendements qui nous permettraient, nous, législateurs de l'opposition officielle, de donner notre accord à ce projet de loi. Parce que, en termes d'immigration, compte tenu de la situation démographique du Québec, je pense qu'on ne peut pas se permettre de faire d'erreurs en matière d'immigration.

Mais, dans l'état actuel du libellé de ce projet de loi, ce projet de loi n° 53 ? et je lirai tout à l'heure le libellé ? il m'apparaît évident que ce projet, s'il était adopté tel quel, trouverait sa légitimité parce que tout à coup revêtu de l'enveloppe légale. Alors, ce serait la légalité qui lui donnerait la légitimité, ou une sorte de légitimité, puisque voté, puisque finalement voté à majorité par un parti majoritaire à l'Assemblée. Mais ce n'est pas parce qu'une loi est votée dans une assemblée qu'elle est nécessairement légitime. Dans son application, alors là il pourrait y avoir un certain nombre de problèmes.

Voyons voir ce dont il s'agit, pour le bénéfice des gens qui nous écoutent. On dit d'entrée de jeu, dans les premières lignes: Le projet de loi confie au ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration le pouvoir d'établir les orientations en matière d'immigration et prévoit que celles-ci sont déposées à l'Assemblée nationale. Le projet ajoute, au plan annuel d'immigration, l'objectif d'assurer la diversité du patrimoine socioculturel du Québec, notamment en permettant la répartition de la sélection des ressortissants étrangers par bassin géographique. Le projet autorise aussi le ministre à suspendre temporairement la réception de demandes de certificats de sélection pour immigrer au Québec.

Bien déjà, dans le premier paragraphe, on retrouve les problèmes qui à mon avis... À mon humble avis et de l'avis de mon collègue de Vachon, de l'avis de mon collègue de Gouin et de tous les collègues de l'opposition qui sont intervenus, ce projet de loi ne peut trouver, dans ce premier paragraphe, la légitimité nécessaire, M. le Président, pour que l'opposition officielle soit à l'aise de donner son accord à une adoption de principe.

Que l'on ne s'entende pas, M. le Président, sur un certain nombre d'éléments, dans une étude article par article, on peut toujours faire valoir un certain nombre d'éléments et bonifier certaines modalités, mais là on en est à l'adoption d'un principe de ce qui sous-tend l'intention du législateur. Et je suis persuadé que l'intention du législateur, celle qu'il a puisé sa source, M. le Président, des différentes représentations qui ont été faites lors de la consultation sur le plan d'immigration ? parce que j'y étais jusqu'à ce que mon successeur le député de Saint-Hyacinthe prenne la relève ? je suis persuadé que cela ne se reflète pas dans le premier paragraphe qu'on trouve au préambule du projet de loi n° 53, l'article 4 particulièrement, où on dit: L'article 3.0.1 de cette loi est modifié:

1° par l'insertion, au premier alinéa et après le mot «étrangers», des mots «et de ses orientations en matière d'immigration»;

2° par le remplacement des deuxième et troisième alinéas par les suivants:

«Ce plan a pour objet de préciser les volumes d'immigration projetés pour assurer la diversité du patrimoine socioculturel du Québec dans le cadre des objectifs poursuivis en matière de sélection des ressortissants étrangers.

n(17 h 20)n

«Le plan indique le nombre maximum ou estimé de ressortissants étrangers pouvant s'établir au Québec ou de certificats de sélection pouvant être délivrés et la répartition de ce nombre par catégorie ou à l'intérieur d'une même catégorie; ce nombre [pourrait] être établi par bassin géographique.

«Un bassin géographique peut comprendre un pays, un groupe de pays ayant des caractéristiques linguistes, culturelles ou économiques communes, un continent ou une partie de continent.»

Le moins qu'on puisse dire, à ce stade-ci, M. le Président, c'est qu'il y a sûrement un problème ici, là, de définition. Et j'y reviendrai.

D'autre part, l'article 12 du projet de loi, qui dit: Cette loi est modifiée par l'insertion, après l'article 3.4, du suivant:

«3.5. Le ministre peut suspendre la réception des demandes de certificats de sélection pour la période qu'il fixe. Cette suspension peut être renouvelée.

«La période de suspension ou de renouvellement ne peut excéder un an.

«Cette suspension peut être applicable pour l'ensemble des pays ou [par] un bassin géographique [ou] pour une catégorie de ressortissants étrangers ou à l'intérieur d'une même catégorie.» Et cetera.

M. le Président, outre le premier principe que j'énonçais d'entrée de jeu pour dire que, en tant que nouveau législateur ici, je ne pouvais donner mon accord pour l'adoption de principe, il y en a un autre, de fond, qui a été soumis par mon collègue de Vachon, qui disait ? et je vais le citer, M. le Président, j'ai fait une petite recherche, là, dans les galées ? il disait: «Voici un autre principe qui pose problème quant à l'adoption de principe de ce projet de loi là. Plus il y a de pouvoirs discrétionnaires, moins il devrait y avoir d'arbitraire. Autrement dit, plus une personne en position d'autorité se donne à elle-même ou à quelque personne de son entourage le pouvoir de décider sur sa propre volonté ? c'est ça, le discrétionnaire ? moins il devrait y avoir d'arbitraire, c'est-à-dire plus les règles qui entourent cette décision discrétionnaire devraient être extrêmement précises, autrement il y a risque de dérapage, autrement les décisions prises par la ministre risquent d'être influencées par des motifs tout à fait étrangers, que ce soit conscient ou non, au but officiellement poursuivi par la loi.»

L'intention du législateur ici, de modifier, de limiter l'accès à certains ressortissants par bassins géographiques pour assurer la diversité du patrimoine socioculturel du Québec commande minimalement qu'on puisse donner une définition claire de ce que l'on entend par «bassin socioculturel» et par «patrimoine socioculturel», «diversité du patrimoine socioculturel». Il faudrait qu'on s'entende. Il faudrait donc qu'il y ait des critères liés à cette nouvelle catégorie, puisqu'il y a un danger, comme le disait la Protectrice des citoyens, il y a un danger que le terme «discrétionnaire» se change et tout à coup glisse vers «discriminatoire». Discriminer, au sens technique, ça peut être pris au sens large de choisir. Par contre, lorsque l'on parle d'immigration et lorsqu'on parle de fermer le robinet quant à un certain nombre, que l'on jugerait tout à coup acquis, de ressortissants étrangers de tel ou tel bassin géographique ou de telle ou telle culture, il y a là un danger, un danger important. Et ça commande minimalement, M. le Président, que, si l'on doit consulter, si l'on a consulté pour établir les niveaux d'immigration avec le plan d'immigration, ça implique minimalement qu'on fasse de vrais consultations et des consultations très larges, quant à ce nouveau pouvoir dont veut se doter la ministre, nouveau pouvoir discrétionnaire, sans pour autant définir les critères.

Il y a un certain nombre de questions qui ont déjà été posées et qui méritent encore une fois d'être reposées. J'imagine que la répétition de ces questions fera en sorte qu'on aura des réponses précises en commission parlementaire. Alors, qui la ministre consultera-t-elle avant de prendre cette décision? Quels seraient les recours des personnes touchées par ces décisions discrétionnaires? Sur quelle base? Je l'ai dit souvent, sur quelle base et sur quels critères la ministre choisira-t-elle de sélectionner les immigrants québécois de certains pays et moins dans d'autres? Comment la ministre verra-t-elle à ce que la grille de sélection des immigrants demeure neutre face à l'appartenance ethnique?

J'ai parlé de certaines interventions de fond, M. le Président, j'ai parlé de certaines interventions de fond de certains de mes collègues. Certains pourraient penser que le rôle de l'opposition officielle, lorsqu'il s'agit d'un projet de loi et de discuter de l'adoption de principe, c'est, par définition, puisqu'elle s'appelle l'opposition officielle, de s'opposer. Moi, je pense que, dans le geste de s'opposer, il faut pouvoir identifier de façon précise ce qu'on pourrait appeler les pièges d'un projet de loi, ce qu'il y a... L'expression commune, c'est: Y a-t-il un os? Or, il y a effectivement un os dans ce projet de loi. Et, à tout le moins, on doit s'attendre à ce qu'on puisse avoir des réponses précises aux questions que je viens de poser.

Comment définit-on le degré de diversité du patrimoine socioculturel idéal du Québec? Comment le fait-on sans verser dans un danger qui frôle le verbe «discriminer» au sens péjoratif du terme? Peut-on, nous, au Québec, se permettre ou permettre à la ministre que soit inscrit dans un projet de loi, donc de manière législative, un tel pouvoir discrétionnaire? Parce que, bon, tous les ministres ont des pouvoirs discrétionnaires. Mais, à partir du moment où on l'encadre de façon législative, ce pouvoir-là, là, il y a risque d'abus de pouvoir. Pourquoi y a-t-il risque d'abus de pouvoir? Parce que la légitimité doit fonder la légalité. Une légalité qui n'est pas fondée sur la légitimité peut effectivement passer à côté de l'équité et de l'égalité et donc frôler l'abus de pouvoir, même si ce n'est pas l'intention que poursuit le législateur.

Mais quelle est l'intention qui est poursuivie par le législateur pour amener ce genre de concept et demander à tous les parlementaires et à tous les législateurs présents dans cette Assemblée de donner leur accord de principe à un tel projet de loi? Avant de répondre à cette question-là ou en suggérer une réponse, ce n'est pas seulement que l'opposition officielle qui s'inquiète. Il y a eu, pas plus tard que vendredi dernier, un petit document produit par la Protectrice du citoyen. Et, à l'égard de cette notion de bassin géographique, à l'égard donc de l'article 4 que j'ai cité tout à l'heure, elle disait la chose suivante: «Je comprends qu'en adoptant un double système de quotas par catégorie par territoire, l'objectif du gouvernement est de permettre une planification de l'immigration axée à la fois sur les besoins économiques du Québec et sur l'atteinte d'une diversité culturelle équilibrée. Le nouveau système de quotas par territoire ne fait pas l'unanimité et certains y voient une forme de discrimination basée sur l'origine ou la nationalité des immigrants.

«Ceci dit, je me questionne sur la définition du bassin géographique tel que libellé dans le projet de loi et qui se lit comme suit: "Un bassin géographique peut comprendre un pays, un groupe de pays ayant des caractéristiques linguistiques, culturelles ou économiques communes, un continent ou une partie de continent."

n(17 h 30)n

«Est-il nécessaire de parler de "caractéristiques linguistiques, culturelles ou économiques"? Cette caractérisation, notamment celle qui touche la culture, ne risque-t-elle pas d'être interprétée comme un moyen pour cibler ou écarter certains groupes? Qu'entend-on exactement par culture? Parle-t-on de valeurs? De croyances? De modes de vie? De traditions? Un bassin qui comprendrait "un pays, un continent ou une partie de continent" ne suffirait-il pas à couvrir toutes [ces] possibilités?» Il me semble, M. le Président, qu'il y a là effectivement un os.

Il y a là des questions légitimes qui commandent des réponses et qui commandent effectivement que l'opposition soit très prudente et qu'elle prenne la réserve et la distance que doit prendre une opposition officielle dans un Parlement comme celui-ci quand il s'agit d'adopter un projet de loi à l'étape de son adoption de principe. Nous ne pouvons donner notre accord de principe à un projet de loi qui voudrait que l'on donne aveuglément notre accord à un libellé qui est pour le moins confus et entretient un certain nombre de confusions quant à la tradition, je dirais, M. le Président, la tradition des différents gouvernements qui se sont succédé dans l'histoire du Québec.

Que ce soient des gouvernements du Parti libéral, que ce soient des gouvernements du Parti québécois, M. le Président, nous avons toujours été une terre d'accueil des plus accueillantes. Et, après avoir vécu un certain nombre de représentations lors des consultations sur le plan d'immigration, il me semble que nous avions réussi, les parlementaires présents, à identifier les problèmes, les défis du Québec moderne, et il me semble qu'on aurait été justifiés de voir un projet de loi qui répondait de façon claire, nette et précise à ces questionnements-là et à ces pistes de solution plutôt que de se retrouver avec un projet de loi qui vient finalement supporter un plan d'action mais qui introduit un certain nombre d'irritants, si je veux qualifier les choses de façon conservatrice. Alors, M. le Président, honnêtement, en toute bonne foi, comme tous les législateurs dans cette salle le sont, comme la ministre l'est aussi, je pense que tout ce débat que nous avons depuis quelques jours est un débat qui doit trouver une fin heureuse, et cette fin heureuse à mon avis commande qu'il y ait les amendements nécessaires pour qu'il n'y ait pas d'ambiguïté sur l'immigration au Québec. Merci.

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, merci, M. le député de Masson, pour votre intervention. Et je reconnais maintenant M. le député de L'Assomption pour la poursuite de l'adoption du principe de ce projet de loi là. M. le député de L'Assomption.

M. Jean-Claude St-André

M. St-André: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, à mon tour je vais intervenir sur l'adoption de principe du projet de loi n° 53, loi qui modifie la Loi sur l'immigration au Québec, et bien sûr, à l'instar de mes collègues de l'opposition, je vais bien sûr m'exprimer contre les dispositions de ce projet de loi.

Plusieurs de mes collègues sont intervenus jusqu'à présent ? le leader parlementaire, notre porte-parole, la députée de Prévost, le député de Vachon, le député de Masson, qui vient de me précéder ? et tous à mon avis ont très bien illustré les objections, les appréhensions de l'ensemble des députés de l'opposition officielle quant à la loi, au projet de loi qui est présentement à l'étude.

Je pourrais bien sûr répéter ou réciter l'ensemble des arguments qui ont été exposés par mes collègues. J'ai le sentiment que les collègues d'en face les ont entendus mais qu'ils ne nous comprennent pas. Alors, je peux comprendre évidemment que, dans leur esprit, nous souffrons d'un déficit de crédibilité. Je peux comprendre ça. Si j'étais à leur place, je ferais peut-être la même chose. Mais néanmoins, M. le Président, il reste que, dans ce projet de loi là, il y a des objections de fond, des objections de principe qu'il faut faire ressortir, et la meilleure façon d'illustrer ces objections de fond, M. le Président, c'est de citer, comme mon collègue de Masson vient de le faire en partie, les commentaires appropriés de la Protectrice du citoyen, Mme Pauline Champoux-Lesage.

M. le Président, avant de citer ses commentaires, je pense que c'est important de rappeler aux collègues d'en face que le Protecteur du citoyen... la Protectrice du citoyen est une fonction qui est neutre et impartiale et qui a été nommée par l'ensemble des députés de l'Assemblée nationale, par tous les députés de l'Assemblée, tous partis politiques confondus. Alors, il me semble que ses commentaires devraient être pris en compte par la ministre et par l'ensemble des membres du gouvernement. Et je vais me permettre, M. le Président, de citer des passages de l'avis de la Protectrice du citoyen, qui est très bien fait et qui est très pertinent, et je pense que la ministre devrait en tenir compte.

Alors, que nous dit la Protectrice du citoyen? Alors, remarques préliminaires. «Le 13 mai dernier, la ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration [...] présentait le projet de loi n° 53 qui introduit de nouvelles dispositions à la Loi sur l'immigration au Québec afin d'en faciliter l'administration.

«Les principaux objectifs du projet de loi sont de trois ordres: assurer la diversité du patrimoine socioculturel du Québec; renforcer les dispositions touchant l'usage de faux documents; doter le gouvernement des pouvoirs réglementaires requis pour reconnaître les consultants en immigration et contrôler leurs activités.

«Par ailleurs, une semaine plus tard, soit le 20 mai 2004, la ministre rendait public son plan d'action 2004-2007 dans lequel elle énonçait les principes directeurs ayant guidé le gouvernement dans le choix des mesures mises de l'avant. On y retrouve entre autres: le respect de l'égalité des personnes; l'équité et l'intégrité du processus de traitement des dossiers qui reflète la volonté de concilier les différents objectifs de la politique d'immigration et de maintenir une diversification des flux migratoires.

«C'est à la lumière de ces valeurs[...] ? nous dit la Protectrice du citoyen, qu'elle partage et préconise  que j'ai analysé ce projet de loi et, bien que je souscrive aux modifications proposées dans leur ensemble, certaines mesures méritent, selon moi, d'être précisées. D'où ces commentaires qui, je l'espère, permettront d'approfondir la réflexion déjà amorcée par le gouvernement.»

Alors, la Protectrice du citoyen poursuit d'abord avec le premier objectif, la diversité du patrimoine socioculturel du Québec. Elle nous dit: «Le Québec a compétence exclusive dans la sélection de son immigration dite "économique", c'est-à-dire dans le choix des candidats indépendants qui regroupent les travailleurs qualifiés, les travailleurs autonomes, les entrepreneurs et les investisseurs. Dans l'état actuel du droit, le Québec, tenant compte des volumes d'immigration fixés par le gouvernement fédéral pour l'ensemble du pays, établit son propre volume d'immigration d'après sa capacité d'accueil et la sélection s'effectue par catégorie ? par catégorie ? selon ses besoins en main-d'oeuvre ? ça me paraît bien important, cette disposition-là. Le projet de loi maintient cette sélection par catégorie mais ajoute une sélection par territoire.

«La notion de bassin géographique. En introduisant la notion de bassin géographique, le projet de loi adopte du coup le système des quotas par territoire.

«Je comprends qu'en adoptant un double système de quotas par catégorie [et] par territoire, l'objectif du gouvernement est de permettre une planification de l'immigration axée à la fois sur les besoins économiques du Québec et sur l'atteinte d'une diversité culturelle équilibrée. Le nouveau système de quotas par territoire ne fait pas l'unanimité et certains y voient une forme de discrimination basée sur l'origine ou la nationalité des immigrants.»

Je pense que ce commentaire de la Protectrice du citoyen est important. Elle nous dit que «le nouveau système de quotas par territoire ne fait pas l'unanimité et certains y voient une forme de discrimination basée sur l'origine ou la nationalité». Comme le disait mon collègue de Gouin la semaine dernière, si, nous, du Parti québécois, avions introduit une telle disposition, nous nous serions fait crucifier sur la place publique, M. le Président.

«Ceci dit ? et là c'est la Protectrice du citoyen qui parle ? je me questionne sur la définition du bassin géographique telle que libellée dans le projet de loi et qui se lit comme suit: "Un bassin géographique peut comprendre un pays, un groupe de pays ayant des caractéristiques linguistiques, culturelles ou économiques communes, un continent ou une partie de continent".»

M. le Président, c'est une disposition qui est vague à souhait.

n(17 h 40)n

La Protectrice du citoyen poursuit: «Est-il nécessaire de parler de "caractéristiques linguistiques, culturelles ou économiques"?» Elle nous pose la question. «Cette caractérisation, notamment celle qui touche la culture, ne risque-t-elle pas d'être interprétée comme un moyen pour cibler ou écarter certains groupes?» Encore une question posée par la Protectrice du citoyen. Et, quand je lis la question, il n'y a qu'une seule réponse à y apporter: le gouvernement, par cette mesure, va faire de la discrimination. «Qu'entend-on exactement par culture? Parle-t-on de valeurs? De croyances? De modes de vie? De traditions? Un bassin qui comprendrait "un pays, un continent ou une partie de continent" ne suffirait-il pas à couvrir toutes les possibilités?»

La Protectrice du citoyen continue avec la suspension de la réception des demandes, une autre disposition qui nous apparaît, de ce côté-ci, néfaste et dangereuse. «Le projet de loi prévoit la possibilité de suspendre la réception des demandes de certificats de sélection et ce, pour une durée maximale d'un an. La suspension peut être renouvelée, pour une période maximale d'un an également. Combien de fois la suspension peut être renouvelée?» Le texte du projet de loi ne le dit pas, M. le Président.

Et la Protectrice du citoyen de poursuivre: «Cette nouvelle disposition accorde au ministre un pouvoir discrétionnaire ? un pouvoir discrétionnaire ? qui aura pour effet de retirer temporairement un privilège à certaines catégories d'immigrants. Or, même si ? et je pense que c'est important d'insister; c'est toujours la Protectrice du citoyen qui parle, ce n'est pas nous, là, qui le disons, l'opposition officielle; or, même si ? la discrétion vise un privilège et non un droit, il m'apparaît essentiel d'en préciser les modalités d'application. Il en va des valeurs de transparence, d'équité et d'intégrité dans le traitement des dossiers. À cet égard donc, le projet de loi souffre de lacunes qu'il faudrait combler...» Nous partageons cet avis, M. le Président.

Et elle poursuit encore: «En effet, plusieurs aspects de la mesure de suspension mériteraient des précisions. Quels sont les motifs qui justifieront un moratoire? La mesure pourra-t-elle être prise même si les quotas ne sont pas atteints? Les populations touchées seront-elles préalablement avisées? Autant de questions qui demandent des éclaircissements et que le nouveau règlement n'abordera pas[...].

«Par ailleurs, le projet de loi prévoit que la mesure de suspension est rétroactive...» Le leader de l'opposition en a parlé abondamment. «Par ailleurs, le projet de loi prévoit que la mesure de suspension est rétroactive et ce, à deux niveaux: une rétroactivité qui pourra s'appliquer chaque fois que le gouvernement jugera bon de suspendre la réception des demandes. Le projet de loi prévoit alors que les demandes non traitées à la date de la suspension deviendront caduques.» Ce n'est pas rien, ça, M. le Président. «Une rétroactivité qui s'applique aux demandes reçues avant l'entrée en vigueur du présent projet de loi.» Alors, au moment où on se parle, il y a des demandes qui ont été présentées et qui pourront être annulées en vertu des dispositions qui sont prévues dans le projet de loi présentement à l'étude.

La Protectrice du citoyen rajoute: «La rétroactivité est une mesure d'exception ? la rétroactivité est une mesure d'exception. Elle s'assimile à un bris de contrat ou à une promesse non tenue.» M. le Président, ce n'est pas un député de l'opposition qui parle, c'est la Protectrice du citoyen. Elle nous dit: «Elle s'assimile à un bris de contrat ou à une promesse non tenue.» Il est vrai que, depuis un an, les gens d'en face nous ont passablement habitués à ne pas respecter les promesses qu'ils ont prises en campagne électorale. Et la Protectrice du citoyen qui continue: «En ce sens, elle crée une brèche dans la crédibilité de l'État et va à l'encontre des valeurs d'équité et d'intégrité.»

Elle poursuit toujours: «Si je suis consciente des pouvoirs de l'Assemblée nationale pour adopter un texte législatif ayant un effet rétroactif, j'ai des réticences lorsqu'un gouvernement veut en faire une règle de droit[...] ? réticences, M. le Président, que nous partageons, de ce côté-ci de la Chambre. La diversité du patrimoine socioculturel du Québec requiert-elle de telles mesures?» Nous, de ce côté-ci de la Chambre, nous pensons que non.

«Quant à la rétroactivité pour les demandes déjà reçues, dont l'objectif est souvent de régler une situation imprévue ou hors contrôle, il me semble que, au nom du respect de l'égalité des personnes, il faudrait, autant que faire se peut, l'éviter ou à tout le moins en limiter la portée.» Toujours la Protectrice du citoyen qui parle.

Et je pourrais poursuivre avec les commentaires de la Protectrice du citoyen, qui sont pertinents, bien faits, bien documentés. Et je rappelle aux gens d'en face que la Protectrice du citoyen est une personne neutre et impartiale qui a été nommée par tous les députés de l'Assemblée nationale et que notre responsabilité, comme législateurs, c'est de tenir compte d'un avis aussi important qui a été produit ? encore une fois, je le répète, j'insiste ? par la Protectrice du citoyen.

Alors, nous, de ce côté-ci, M. le Président, il n'y a pas de modifications, pas d'amendements substantiels qui sont présentés au projet de loi qui est présentement à l'étude. Il est évident que nous allons nous opposer fermement à l'adoption de principe et bien sûr à l'adoption finale dudit projet de loi. Et j'encourage encore une fois la ministre de l'Immigration à tenir compte des objections de fond qui sont apportées, entre autres, par la Protectrice du citoyen afin de revoir les dispositions qui sont contenues dans le projet de loi n° 53 qui est présentement à l'étude. Et là-dessus, M. le Président, je vous remercie de votre attention.

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, merci, M. le député de L'Assomption. Et je cède maintenant la parole à M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Mulcair: M. le Président, compte tenu de l'heure, je suggère qu'on suspende les travaux jusqu'à 20 heures.

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, s'il n'y a pas d'objection ? et je crois qu'effectivement il y avait une entente entre les parties ? alors les travaux sont suspendus jusqu'à 20 heures ce soir.

(Suspension de la séance à 17 h 46)

 

(Reprise à 20 h 6)

Le Vice-Président (M. Sirros): Alors, veuillez prendre place, s'il vous plaît.

Alors, l'Assemblée poursuit le débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 53, Loi modifiant la Loi sur l'immigration au Québec. Et je serais prêt à entendre le prochain intervenant qui serait M. le député de Chicoutimi et leader adjoint de l'opposition officielle. M. le député.

M. Stéphane Bédard

M. Bédard: Merci, M. le Président. Alors, il me fait plaisir à mon tour d'intervenir sur cet important projet de loi, qui est le projet de loi n° 53, qui concerne plus particulièrement, évidemment, la loi servant à modifier la Loi sur l'immigration du Québec.

Quand je dis «important», M. le Président, ce n'est pas simplement parce que, dans le menu législatif, vu, je vous dirais, sa pauvreté actuelle, il s'agit du plus important projet de loi vu le peu, je vous dirais, de matière que nous avons sous les yeux. Donc, important d'abord par son sujet. L'immigration, vous le savez, est un sujet d'importance pour tous les Québécois et toutes les Québécoises dans les... tout d'abord, aussi, dans les défis que nous avons à relever, même en termes de démographie, mais aussi à tout niveau, de s'assurer d'abord une législation conforme, je vous dirais, aux objectifs qu'on se donne mais aussi à nos devoirs et à nos obligations, donc d'où l'importance d'agir en cette matière avec toute la précaution et tout le sérieux que cela requiert et tout le doigté.

La deuxième raison qui m'incite à parler sur le projet de loi est de parler de l'importance de ce projet de loi parce qu'une loi de cette nature, M. le Président, touche les valeurs de notre société, les valeurs mais aussi les devoirs. Comment notre société sera jugée à l'échelle internationale? Même au niveau national, quelle est... les valeurs que nous entendons véhiculer au niveau international? Des valeurs de compassion, des valeurs d'égalité? Même dans notre souci de respecter les règles de justice naturelle, le devoir par exemple d'agir équitablement envers ceux et celles qui font le choix légitime et voulu, et même que nous encourageons, celui de venir s'installer au Québec, de décider de faire sa vie au Québec, de décider de contribuer et d'améliorer notre société, notre nation. Et ces gens-là, vous le savez, nous avons une préoccupation constante de pouvoir attirer de tous les pays à travers le monde cet afflux qui n'est que positif par rapport à notre société. Regardez dans le courant de l'histoire, notre société s'est enrichie des différentes communautés qui sont venues la peupler et qui actuellement forment une nation très diversifiée en termes d'origine et qui fait en sorte, je pense, qui nous permet de rayonner encore avec beaucoup plus de couleurs au niveau national mais au niveau international. Donc, ces valeurs et ces devoirs doivent apparaître à l'intérieur d'un projet de loi qui touche l'immigration et sur lequel j'aurai l'occasion de venir, mais qui, à l'évidence, sont transgressés actuellement et, je ne pense pas, qui ne représentent pas les valeurs que, nous, nous avons comme Québécois par rapport à l'importance de l'immigration pour notre nation.

Et le troisième, qui est aussi très important, M. le Président, bien que nous ayons le statut de province, nous avons quand même, et vous le savez, une image à défendre au niveau international. Et je crois malheureusement que le projet de loi tel qu'il serait adopté actuellement jetterait malheureusement, M. le Président, le discrédit sur le Québec et pourrait peut-être même contrevenir à certaines obligations au niveau de conventions internationales et qui ferait en sorte, je pense, que le Québec pourrait être rappelé à l'ordre par d'autres communautés ou par d'autres instances au niveau international qui ont à coeur le respect des droits et libertés et en même temps les devoirs et obligations qu'a chacun des États à agir envers ceux et celles qui font le choix d'être... de faire le choix simplement d'émigrer. Vous le savez, c'est un choix parfois, pas toujours évidemment, dans le cas des réfugiés, mais c'est un choix de ces individus de décider de changer leur patrie, d'essayer de trouver une terre d'accueil qui rencontrera leurs aspirations. Et malheureusement, actuellement, j'ai une crainte profonde que ce projet de loi ternira l'image du Québec au niveau international.

n(21 h 10)n

D'où, vous avez vu, les interventions que nous avons eues, d'abord par ma collègue la députée de Prévost et par l'ensemble de mes collègues, pour faire en sorte d'interpeller la ministre, mais aussi le gouvernement, sur ce projet de loi et que... Ce n'est pas, vous le savez, une obstruction systématique, au contraire: c'est plutôt la tentative que nous avons de sonner, si on veut, la sonnette d'alarme et de dire: Il y a un pas qui est franchi qui ne contribue pas et qui est même dangereux à différents niveaux. Et plusieurs de mes collègues l'ont fait de façon éloquente, et je vous dirais que je vais le faire à l'intérieur des moyens qui me sont donnés, et vous comprendrez aussi que l'aspect juridique m'intéresse aussi plus particulièrement, bien que n'étant pas un spécialiste des questions internationales.

Pourquoi nous sommes ici, M. le Président, aussi? Parce qu'il y a eu une erreur, une façon de fonctionner qui m'attriste dans les étapes qui ont conduit au projet de loi actuel. La première, c'est quoi? C'est que la ministre nous invite à des consultations sur un document, invite plusieurs groupes à venir faire part de leurs, je vous dirais, de leurs préoccupations par rapport à un document supposément d'orientation. Et tout le monde vient là de bonne foi, parle des orientations et se prête au jeu et à l'exercice fort important de dire: Comment maintenant nous allons définir ce qui sera notre façon d'agir au niveau de l'accueil que nous faisons, comme je le disais tantôt, de ceux et celles qui décident de choisir le Québec comme terre d'accueil? Or, la ministre nous annonce, dans des consultations, une intention totalement différente à l'intérieur du projet de loi, d'où les réactions de l'opposition, mais maintenant pas simplement de l'opposition, de tous les groupes qui s'intéressent à la question de l'immigration et qui disent: Oui, mais sur quoi on a été consultés, nous? On nous invite ici, à l'Assemblée nationale, pour faire part de nos préoccupations sur un document, et on arrive avec une loi qui n'a rien à voir dans ses détails. Sur quoi on a été consultés? Et vous allez voir tranquillement, là, et là ça commence, le Protecteur du citoyen, mais d'autres s'ajoutent, d'autres voix en très peu de temps, dire: On a été conviés à un autre banquet, M. le Président.

Et maintenant on nous dit: Il faut procéder, on procède à l'adoption du projet de loi, on fait une consultation particulière, alors qu'on aurait dû inverser le processus. Si les intentions de la ministre étaient différentes que celles qu'elle a indiquées dans son document de consultation... Écoutez, là, on invite des gens ici, à l'Assemblée, pour en parler. Pourquoi ne l'a-t-elle pas fait au moment où ces groupes étaient présents? Je me le demande encore. Ce qui fait que, nous ici, on doit jouer le rôle... et remarquez, on est là pour ça, M. le Président, mais pourquoi on est obligés d'enfoncer ce clou et d'obliger finalement la ministre à respecter ses orientations et du moins à respecter ces consultations? On ne peut pas annoncer des choses et faire quelque chose de différent et qui n'est pas léger, là. Il peut arriver parfois dans un projet de loi qu'on va modifier certains aspects ou que d'autres, qui sont d'une importance moindre, peuvent se voir ajoutés. Là, on est au coeur des décisions qui impliquent le gouvernement du Québec: rétroactivité, bassins géographiques, quotas, diversité, entre guillemets, du patrimoine socioculturel. M. le Président, ce n'est pas des notions vaines, ce n'est pas des notions vides, c'est le coeur du projet de loi. Et ce qu'on se rend compte maintenant, c'est que les groupes n'ont pas eu l'occasion de vraiment faire valoir leurs points sur les intentions de la ministre.

Et la deuxième chose, je pense, qui est un problème, je ne sais pas si la ministre manque par... ou pèche ? on dirait «péche» plutôt par chez nous ? par manque d'expérience, mais, quand on avertit... sans partisanerie... Il n'y a personne qui va gagner son élection ou la perdre là-dessus, je ne pense pas. Peut-être la ministre, ça peut peut-être lui causer un problème à moyen terme si elle ne corrige pas son action quant à son avenir personnel. Mais, quant à notre viabilité comme parti ou celui du Parti libéral, non, on ne gagnera pas d'élection là-dessus, M. le Président. C'est une question qui intéresse toute la population, mais, évidemment, plus particulièrement ceux qui sont rompus à ce type de question. Voulez-vous m'expliquer pourquoi, depuis le début où on pose des questionnements, où on dit à la ministre: Vous faites fausse route sur tel et tel article... pourquoi ne s'est-elle pas amendée, pourquoi ne s'est-elle pas levée de son siège pour dire: J'ai erré, M. le Président, sur tel aspect, l'article 4, l'article 12, j'ai erré, je pensais que c'était une bonne chose, je constate maintenant que j'ai fait une erreur et que ces articles seront amendés profondément? Et on ne retrouve pas ce mea-culpa, et ça m'étonne encore qu'à l'étape où on est ? et je suis le dernier à intervenir pour mon parti sur cette question ? la ministre n'ait pas trouvé le moyen de s'amender et de dire que ces dispositions seront amendées, parce que, en vrai, on le sait tous les deux, M. le Président...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Sirros): S'il vous plaît!

M. Bédard: Je ne sais pas si ces questions ont une importance relative pour vous, mais, pour moi, elles en ont une.

Le Vice-Président (M. Sirros): S'il vous plaît, M. le député, vous pouvez continuer.

M. Bédard: Merci, M. le Président. Alors, pourquoi ne pas s'être amendée quand nous lui en avons donné l'occasion? Pourquoi ne pas avoir dit que ces articles allaient être modifiés? Parce que nous faisons le pari, vous et moi, et comme plusieurs l'ont fait, M. le Président, que ces articles seront amendés. Ils ne finiront pas dans leur rédaction comme ils sont actuellement. On le sait tous les deux, M. le Président. Et je suis convaincu que ceux et celles qui ont pris l'occasion de toutes nos interventions pour regarder, dans sa rédaction, le texte du projet de loi en ont conclu la même chose que nous. Et ceux qui sont rompus à ces questions... J'ai eu le temps... Vous l'avez vu pendant les différentes interventions de mes collègues... Je ne suis pas quelqu'un qui a plaidé dans ce domaine ou qui a fait... ou qui a oeuvré dans le domaine lorsque j'étais avocat, mais il est évident que, à la seule lecture du projet de loi et après avoir vu différents avis et discuté, il y a un noeud, il y a un os, il y a un os, M. le Président, et il aurait été simple pour la ministre de nous dire: Écoutez, la voie que j'ai empruntée... On ne l'a pas traitée de mauvaise foi, la ministre, au départ, là, on a dit: Il y a un os, qu'est-ce qu'on fait? La ministre s'est drapée dans de l'indifférence, s'est choquée parfois, au lieu de dire simplement ce qu'elle aurait dû dire: Effectivement, il y a un problème, et ce problème sera réglé de telle façon. Et pourquoi? Et ça a été une des, je pense...

Toutes les interventions évidemment, vous le savez, ont été bonnes, vous avez été à même d'en apprécier plusieurs, mais celles de mon collègue de Vachon et de la députée de Prévost ont été particulièrement saisissantes. Entre autres, je me souviens, moi, sans notes, d'avoir entendu mon collègue de Vachon nous parler de discrétion et d'arbitraire. Comment une discrétion, qui inévitablement peut être donnée, doit être encadrée pour ne pas conduire finalement à de l'arbitraire? Parce que l'arbitraire, ça conduit à quoi, M. le Président? À la discrimination. Alors, d'où l'importance dans un projet de loi qui arrive avec des définitions de nouveaux termes et des préoccupations qui semblent intéresser plus la ministre que ceux et celles qui oeuvrent dans le domaine... Comment se fait-il qu'elle a agi avec autant d'imprécision et autant de légèreté? Et, au moment où je vous parle, c'est de la négligence, M. le Président. Ces questions auraient dû être posées lors des consultations et même avant le dépôt du projet de loi. Alors, d'où le fait que nous sommes encore ici aujourd'hui, M. le Président, à être obligés de convaincre la ministre qu'elle fait fausse route. Mais bientôt, à notre concert, à nous, membres de l'opposition, viendront s'ajouter d'autres experts dans le domaine et peut-être même d'autres membres du caucus libéral qui viendront dire: Pourriez-vous vous amender, madame, nous faisons fausse route? Et je n'ai aucun doute, après avoir lu le texte du projet de loi, que la ministre fait fausse route et elle entraîne tout le gouvernement dans ce sentier qui ne mène nulle part, si ce n'est qu'à une condamnation de tous ceux et celles qui peuvent avoir une opinion en matière d'immigration.

Alors, j'imagine que la ministre aura à parler ce soir. J'espère qu'elle va nous annoncer qu'elle va s'amender. C'est mon seul souhait, là, mon seul souhait. Et pourquoi je lui dis ça? Parce qu'elle va le faire. Ce projet de loi là ne passera pas dans les conditions qu'elle a fixées actuellement. Pourquoi? Parce que c'est contraire aux chartes, c'est contraire à nos devoirs de compassion et d'équité envers ceux et celles qui font le choix de s'établir ici, tout simplement ça, et bien d'autres, parce que ça ouvre la porte à l'arbitraire et à la discrimination, aussi simple que ça. C'est des petites valeurs, des choses sans importance. Non, c'est au coeur de nos préoccupations, comme membres de ce Parlement mais aussi comme humains, je vous dirais, une valeur de... On adhère, au Québec, à des valeurs plus communes, à ce niveau-là, de compassion, de solidarité. Et ce projet de loi là va complètement à l'encontre de ces valeurs. Et je trouve ça très malheureux pour la ministre.

n(20 h 20)n

Bon. Les différents aspects ? déjà, le temps passe vite, M. le Président, mais, bon ? mes collègues sont revenus là-dessus à plusieurs reprises. Définition du bassin géographique, nous l'avons dit, il y a un problème, il y a un problème à l'évidence. Et, à ça, nous l'avons dit au départ, le Protecteur du citoyen est venu le dire et, vous allez voir, il y aura un concert de gens qui vont venir dire: Il y a un problème. Pourquoi? Encore une fois, étant donné l'imprécision des termes. Et, d'ailleurs, il n'y a personne qui connaît ça au Québec dans le sens du comment on va le définir, sur quelle base, sur quels critères. Est-ce que ça ouvre la porte finalement à des quotas d'endroits? Est-ce que c'est ça, le but inavoué de la ministre? Est-ce que c'est ça, alors qu'on sait, vous et moi, que le Québec s'est enrichi de multitudes de nationalités qui sont venues, on l'a dit, on l'a répété, en vagues? L'immigration, elle se fait en vagues. Et c'est arrivé. Regardez l'histoire ? et les collègues l'ont fait avant moi ? Irlandais, pays asiatiques, les Juifs pendant la Seconde Guerre, écoutez, c'est toujours venu par vagues. Les pays... Yougoslavie, on a accueilli beaucoup de Yougoslaves, la Colombie. Là, c'est plus des réfugiés, la Colombie, les pays yougoslaves, mais plusieurs vagues d'immigration sont venues évidemment en nombre très important. Mais la question... la vraie question que je pose à la ministre... l'occasion de me répondre: C'est quoi, le problème?

On nous dit actuellement qu'on veut assurer la diversité du patrimoine socioculturel du Québec. Alors, la question est simple aujourd'hui: Est-ce que, sans les règles que nous connaissons qu'elle veut imposer ou qu'elle a proposées actuellement ? pas imposées, qu'elle a proposées ? malheureusement, je vous dirais, et sans précaution... est-ce qu'elle peut nous confirmer aujourd'hui que cette diversité du patrimoine socioculturel du Québec, aujourd'hui, n'est pas rencontrée? Est-ce que les vagues successives d'immigrants et immigrantes qui ont fait le choix du Québec depuis 150 ans ont conduit à un débalancement de notre patrimoine socioculturel du Québec? En mauvaise traduction, je vous dirais: On ne répare pas ce qui n'est pas brisé, M. le Président. Mais la ministre doit nous répondre. Si elle arrive avec une législation sur ce sujet précis, c'est qu'elle doit en conclure, M. le Président, que nous avons un problème au Québec, que finalement il y aurait une trop grande concentration d'immigrants de quelle nature, de quels pays? Moi, j'aimerais bien savoir, là, qui on a de trop au Québec, M. le Président, de quelle origine on n'a plus besoin. Mais c'est ça, la question tout simplement, et je ne me gêne pas pour le dire parce que c'est ça, le fond du projet de loi. C'est ça, le fond.

Pourquoi on arriverait avec des nouveaux critères à ce niveau sans les baliser à moins de conclure qu'il y a un problème à ce niveau-là au Québec? Ou est-ce qu'on prévoit dans l'avenir un afflux épouvantable d'une région en particulier et plusieurs... Est-ce qu'on a des problèmes avec un pays en particulier? Alors, qu'on mette cartes sur table, qu'on nous le dise, là. Pourquoi, pourquoi ne pas avoir eu la précaution d'en parler avant? Pourquoi, maintenant, arriver avec ça?

Alors, j'espère que tantôt la ministre nous dira qu'est-ce qui la motive à réparer ce qui n'est pas brisé. Parce que ce qui est brisé, on est d'accord, il y a des... Le contenu, on l'a vu. On a même fait une motion de scission, M. le Président. Vous l'avez vu, un certain soir, nous avons dit: Il y a deux principes ? et la présidence d'ailleurs nous a donné raison là-dessus ? il y a deux principes qui sont défendus dans ce projet de loi. Il y en a un, nous sommes en accord avec. Bon, il peut y avoir des petites modifications; ça, il n'y a pas de problème. Les aspects qui sont problématiques, on les a identifiés, entre autres bassins géographiques, la rétroactivité, la diversité du patrimoine socioculturel, alors... Donc, il me semble que la ministre, à ce moment-là, aurait soit dû accepter la motion de scission ou nous dire dès ce moment-là: Écoutez... se lever en Chambre, dire: Oui, effectivement, on va aller de l'avant de ce côté-là. Lui demande plus de consultation; elle s'entête encore actuellement à le faire.

Et encore une fois, je le répète, parce que je ne veux pas être devin, mais je peux vous assurer que le projet de loi ne finira pas comme ça, et les amendements qu'on réclame, ils seront faits. Ça veut dire qu'on a raison depuis plusieurs jours, depuis combien de 20 minutes qu'on fait ici? Mais ça va prendre quoi à la ministre pour la convaincre? Alors, soit elle a manqué par inexpérience, qu'elle s'amende ? ce soir, je lui donne l'occasion une dernière fois: Je me suis trompée, j'ai fait une erreur, je vais me corriger ? ou elle décide de s'entêter, et là je peux vous dire qu'elle va nous trouver sur son chemin. Et je lui dis tout de suite qu'on ne sera pas les seuls. Il va y en avoir, des gens, et pas seulement au Québec, là. Elle aura à répondre face aux obligations du Québec sur la scène internationale. J'en suis convaincu, elle sera mal prise dans son entêtement. Et je l'invite une dernière fois à le faire. Vous savez, on est plus grands... ce qui ne nous tue pas nous renforce. Alors, je l'invite à ne pas faire l'erreur de faire en sorte que cette erreur l'entraînerait avec elle. Et, vous savez, surtout en ces matières, je lui demande d'agir avec toute la précaution, et je peux l'assurer de notre collaboration à partir du moment où elle va s'ouvrir à nos commentaires, actuellement, qui sont les nôtres, mais qui s'étendent maintenant à l'ensemble de ceux et celles qui ont été capables... et qui connaissent plutôt ces questions.

Et là il y a deux aspects que je n'ai pas traités, M. le Président ? mon temps achève ? mais l'aspect rétroactif, et là c'était le point plus juridique. Écoutez, il est évident qu'instaurer sans balise, rien là, une rétroactivité à ces demandes va clairement à l'encontre de nos obligations internationales. Comment on peut dire maintenant: Vous avez fait vos demandes; oui, il y avait un processus; à partir de demain, ce n'est plus ça, on vous retourne l'argent que vous avez déposé; vous attendez depuis des mois, des années, c'est d'autre chose maintenant? Écoutez, ça n'a pas de bon sens, ça va à l'encontre même des règles de justice naturelle que doit connaître la ministre ou du moins le ministre de la Justice qui pourrait lui rappeler le devoir d'agir équitablement. Oui, ça vaut pour les individus, ça vaut pour les organisations, mais ça vaut en droit international sur les gouvernements, ils ont le devoir d'agir équitablement.

Alors, elle aura l'occasion ce soir, la ministre, de nous dire quelles sont ses réelles intentions; j'ai hâte de l'entendre. Et je souhaite encore une fois qu'elle s'amende, et nous serons là pour...

Le Vice-Président (M. Sirros): Alors, merci, M. le député. La parole est maintenant à la ministre pour son droit de réplique. Mme la ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration.

Mme Michelle Courchesne (réplique)

Mme Courchesne: Merci, M. le Président. M. le Président, nous terminons aujourd'hui le débat de principe relatif à l'adoption de cette loi, et, si vous me permettez, j'irai d'emblée au coeur du sujet parce que, effectivement, 20 minutes, ça passe vite.

On a entendu depuis quelques jours beaucoup de déclarations de la part des députés de l'opposition sur le projet de loi n° 53. Et malgré quelques répliques de ma part effectivement, à travers les motions de report et de scission, je vais reprendre l'argumentaire de la raison d'être de ce projet de loi. Mais, M. le Président, je vais le reprendre de façon détaillée pour qu'encore une fois on puisse bien comprendre la situation, parce que je sais que les députés d'en face la comprennent très, très bien, cette situation-là. Pourquoi? Parce que, pendant neuf ans qu'ils ont été au pouvoir, cette situation-là, elle s'est amorcée sous leur règne, et ils sont parfaitement conscients des enjeux du projet de loi qui est sur la table.

Faisons le rappel historique, M. le Président. C'est pour ça que je vais au coeur du sujet rapidement. En 1998-1999, le gouvernement du Parti québécois a apporté une modification à la Loi sur l'immigration pour se donner un pouvoir de suspension des certificats de sélection. Je veux qu'on comprenne bien cet aspect-là de la question. Tout pouvoir de suspension d'émettre des certificats de sélection après que les dossiers ont été étudiés en vertu d'une grille de sélection, pour moi, M. le Président, c'est un geste qui est encore plus lourd de conséquences pour des milliers de personnes qui sont à l'étranger que de suspendre des demandes, M. le Président, parce qu'il faut bien se dire que le pouvoir qui est demandé ce soir est pour régler un problème qui est amorcé depuis 2001.

Et, pour répondre à la question précise du député de Chicoutimi quand il dit: Est-ce qu'il y a un problème actuellement qui fait en sorte que la diversité du patrimoine socioculturel pourrait être menacée?, nous pensons que oui, M. le Président. Nous pensons qu'effectivement, à moyen terme, on doit être vigilant. Pourquoi? Et ça a été mentionné en commission parlementaire au mois de novembre et au mois de décembre. La députée de Prévost était là, d'autres députés... le député de Saint-Hyacinthe était là, d'autres députés étaient là et, dans ce sens-là, ils ont été tout à fait mis au fait et mis au courant qu'il y avait actuellement 19 000 demandes, 19 000 demandes qui étaient en attente. Et ces 19 000 demandes ne sont pas arrivées en 2003, ça a commencé en 2001, 2002 et 2003. Le 29 avril dernier, il y avait donc 36 mois de délai. Ce n'était quand même pas le gouvernement du Parti libéral, là, qui était là. Donc, cette problématique-là, elle existait et qu'effectivement si, en gouvernement responsable, on n'agit pas maintenant, nous fermerons les portes parce que la loi est ainsi faite qu'il faut...

n(20 h 30)n

Et encore là, M. le Président, ce qui vraiment me rend totalement ahurie, c'est que cette pratique de pouvoir établir des bassins géographiques à l'intérieur de notre équilibre qu'on souhaite au niveau de l'ensemble de notre politique d'immigration, M. le Président, ça existait aussi dans le temps du Parti québécois. Comment pensez-vous qu'ils faisaient pour avoir, et recevoir, et accueillir des gens de tous les continents et de tous les pays? Parce que nous partageons ce même objectif. On n'arrête pas de le dire, tous les députés ici l'ont dit depuis une semaine: nous voulons préserver la richesse de la diversité socioculturelle du Québec. Et ça fait un consensus social depuis nombre d'années, et c'est ça qu'on veut préserver.

Mais, donc, s'il y a 19 000 demandes en attente, c'est parce qu'il y a un problème quelque part, et ce problème-là, il était déjà amorcé. Alors, comment le régler en toute justice, en toute équité et en toute transparence? C'est ça, le but du projet de loi. Pour la première fois, on va dire publiquement... Ici même, dans cette Assemblée nationale, une fois par année, on va déposer les orientations en matière d'immigration et on va indiquer d'où souhaitons-nous ou d'où croyons-nous... Parce que, vous le savez très bien aussi, que la façon de recruter se fait par de la promotion, par des missions de recrutement ? on va dans les différents pays et on suscite la demande ? et que, dans ce sens-là, vous-mêmes, vous avez donné, au fil des années, des indications sur le nombre de personnes qu'on souhaite recevoir ? à titre indicatif ? des différents pays ou des différents continents. Et ça, là ? arrêtons de mettre la tête dans le sable et de jouer à l'autruche, M. le Président ? c'est ça, une politique d'immigration responsable, donc ce que nous réussirons à faire si c'est nécessaire de le faire. Parce que ça demeure un pouvoir exceptionnel, non pas à la ministre ou au ministre mais bien au gouvernement, exceptionnel, temporaire, et ce n'est pas un critère de sélection, M. le Président. Ça, c'est une autre chose qu'on véhicule dans la désinformation, M. le Président. Ce n'est pas un critère de sélection. La grille de sélection demeure entière, intègre et intégrale, et c'est à partir strictement de notions de compétence, de notions d'âge, de notions de profil, tel qu'édicté encore une fois, depuis 14 ans, M. le Président. Sauf que là on se dit: À partir de cette réalité-là, annonçons publiquement d'où provient cette immigration et faisons-le ouvertement dans cette Assemblée la plus démocratique. C'est ça, le projet de loi, M. le Président.

Les 19 000 demandes, actuellement, qui sont en attente seront traitées. Non seulement elles seront traitées, mais, pour les deux années où, dans votre temps, il y a eu une réduction, M. le Président, il y a eu une réduction du nombre de personnes accueillies dans certains bassins suite à certaines indications. Nous rattraperons ces retards. Non seulement nous maintiendrons les niveaux, tel qu'indiqué, mais on rattrapera le retard. Donc, de certains bassins ou de certains continents, il y aura de 30 % à 35 % de notre immigration qui proviendra de ces bassins.

Donc, ce que nous souhaitons, M. le Président, c'est d'avoir des représentations d'immigration provenant de toutes les régions du monde. Si nous n'agissons pas... Ne rien faire, c'est abdiquer premièrement. Et ne rien faire, c'est probablement fermer la porte du Québec à d'autres régions du monde qui attendent. Et c'est ça qu'il faut éviter. Donc, nous partageons le même objectif en toute transparence, en toute équité et en toute justice pour tous ceux et celles qui veulent choisir le Québec comme province d'accueil ou comme terre d'accueil. C'est très important de le faire dans ce sens-là, M. le Président.

Alors, moi, là, je veux juste vous dire que, quand on utilise des mots comme «discrimination», c'est sûr que ça frappe. C'est un mot qui est fort, c'est un mot qui est puissant. Et on sait très bien que gérer l'immigration, comprendre toutes les technicalités du choix de la politique de l'immigration, de la façon dont les sélections sont faites à partir de cette grille, de comment on doit rencontrer chacun de ces critères pour faire en sorte que nous répondons à nos besoins... Et ça, c'est dans notre droit, et c'est normal que, quand on a la responsabilité de choisir, c'est d'établir des critères. C'est normal qu'on soit capables de le faire dans des termes tels qu'ils sont déjà en vigueur actuellement, mais ça demeure technique, ça demeure... ce n'est effectivement pas si facile à comprendre. Et c'est pour ça que c'est important de rendre ce projet de loi là transparent, c'est-à-dire de rendre transparente la provenance de ceux et celles que nous voulons accepter.

C'est pour ça, M. le Président, que c'est important qu'à chaque année dorénavant nous le disions clairement, ce que nous envisageons comme bassin de recrutement. Et ça, que quiconque me dise que, dans les années antérieures, peu importe le gouvernement, ça ne se faisait pas de cette façon-là. Il n'y a rien de changé dans le projet de loi par rapport à ce qui se faisait antérieurement. Pour la première fois, et je l'ai dit à maintes reprises, il y a un événement qui ne s'est jamais produit, moussé, oui, par des consultants en immigration ? on en a parlé abondamment la semaine dernière ? mais pas uniquement moussé par les consultants en immigration. Il y a aussi des phénomènes qui nous laissent croire que ce n'est probablement pas que conjoncturel pour quelques mois... ou question d'une année ou deux. On pense que, oui, cette situation-là pourra se répéter sur une période beaucoup, beaucoup plus longue.

Alors, pour répondre à la question du député de Chicoutimi, oui, on pourrait devoir, en vertu de la loi actuelle, on pourrait devoir être obligés d'accueillir 60 % ou 65 % du chiffre total que nous souhaitons accueillir d'une même région, ou d'un même continent, ou d'un ou deux pays. Et ça, c'est une réalité. Ce n'est pas la ministre qui décide ça ce soir, dans l'Assemblée nationale. Ce sont les dossiers qui sont là, qui sont réels, qui sont dans des boîtes de carton et qui attendent. Et ça, c'est un manque de respect envers ceux et celles qui attendent. Ils ont payé, puis ils attendent, puis ils attendent trois ans. Quand vous avez quitté, c'était 36 mois. Puis, à chaque année qui passe, on rajoute une année.

Alors, nous, ce qu'on dit, c'est que ces hommes, ces femmes, ces familles qui veulent s'en venir ici, qu'on soit capables légalement, sans discrimination ? est-ce que c'est assez clair? ? sans discrimination, qu'on soit capables de leur dire que la politique de l'immigration vient de déterminer que les régions pour lesquelles nous souhaitons accueillir des gens ont atteint le nombre souhaitable ou souhaité... ou le nombre fixé plutôt que souhaitable. Parce que c'est sûr qu'à la limite on souhaite augmenter et augmenter notre immigration. Mais, à partir du moment où on dit qu'on accueille 40 000 personnes dans une année ou 43 000 personnes dans une année, bien, à 43 000, on arrête. À un moment donné, il faut le dire, le non.

n(20 h 40)n

Actuellement, la demande, elle est beaucoup plus forte que notre capacité d'accueil provenant de certaines régions et de certains continents. Alors, comment faisons-nous pour répondre à cette problématique? Moi, j'ai remarqué, M. le Président, que, depuis quelques jours, plusieurs députés se sont levés, se sont prononcés contre, et c'est leur droit. Je respecte leur opinion, mais qui a apporté une solution réelle à cette problématique-là? Qui a vraiment donné une solution juridique à cette problématique-là? Parce que, jusqu'à maintenant, M. le Président, je vous le dis, ça se faisait de toute façon. Et, quand on me parle d'un pouvoir discrétionnaire, M. le Président, actuellement, le pouvoir discrétionnaire, il est dans les mains de l'appareil administratif. Il est dans les mains du ministère, le pouvoir discrétionnaire, actuellement. Et effectivement il faut être très à l'abri. Il faut faire très attention parce que c'est un geste qui est très sérieux. Et ce qu'on dit, c'est que dorénavant c'est l'Assemblée nationale qui aura à témoigner de...

Et les orientations et ces indications de niveaux seront déposées annuellement, et nous irons en commission parlementaire, et on en débattra. Donc, ce sera fait ouvertement, ce sera fait publiquement, et le gouvernement aura des comptes à rendre. Et on aura à expliquer les chiffres, M. le Président, parce que c'est aussi de ça qu'on parle. Quand on a une politique d'immigration, c'est parce que nous acceptons de nous donner des seuils. Et il ne faut pas avoir peur de le dire. Il ne faut pas avoir peur de réaliser que la situation actuelle, elle est rendue à ce niveau-là. Et je pense que c'est responsable aussi, M. le Président, que nous soyons capables d'établir cette politique d'immigration en fonction de la capacité d'accueil. Et, notre capacité d'accueil, comment la mesurons-nous? Nous la mesurons à la faveur de ce que nous avons comme besoins en termes culturels, linguistiques et économiques. On n'invente aucun mot ce soir. Ça aussi, M. le Président, c'est dans la loi de 1994. Ça aussi, la reconnaissance de la diversité du patrimoine socioculturel, c'est dans la loi de 1994. Ce ne sont pas des notions nouvelles, et, de chaque côté de la Chambre, nous le partageons, cet objectif-là. Nous le partageons en totalité, cet objectif-là. Mais il y a une réalité nouvelle, M. le Président, et je trouve ça dommage qu'on ne veuille pas reconnaître ce qui existait déjà et qu'on ne veuille pas reconnaître que ce projet de loi va permettre de dire franchement quelle est la situation à ceux et celles qui attendent dans ces pays.

Et, moi, M. le Président, je ne me cacherai jamais de vouloir accueillir des hommes, des femmes, des familles de tous les continents du monde. Ça, j'espère que cette notion-là, elle est claire. On ne peut pas la dire plus clairement. Maintenant, comment faisons-nous pour y arriver? Je le répète: ça n'a rien à voir avec de la sélection. La grille de sélection, telle que conçue, pour laquelle nous sommes à l'aise, confortables, elle est reconnue, elle a une notoriété. Cette grille de sélection là, il faut la maintenir. Et, M. le Président, le Protecteur du citoyen, la Protectrice du citoyen nous a... non seulement avons-nous lu son rapport, mais nous avons aussi écouté son entrevue. Et la Protectrice du citoyen, elle ne dit pas qu'elle est contre la façon de pouvoir atteindre ces objectifs. Ce qu'elle demande, ce sont des précisions. Ce qu'elle demande; elle demande des éclaircissements.

M. le Président, dans notre régime parlementaire, on dépose un projet de loi, on débat le principe, on va en consultations particulières et demain et après-demain. Et ne dites pas que ce problème-là n'était pas connu; il a été soulevé très clairement à la commission parlementaire du mois de novembre et décembre à laquelle vous avez participé. Alors, il n'y a pas de cachette ici; c'était connu.

Nous irons donc en consultations particulières, M. le Président. Nous écouterons et nous aussi collaborerons. On n'a jamais dit... Et c'est pour ça qu'on fait des consultations particulières. Si on peut améliorer certains aspects, si on peut apporter des précisions sur certains aspects, M. le Président, nous le ferons en gouvernement responsable, responsable de sa politique d'immigration, responsable de la sélection de ces hommes et ces femmes qui contribueront au développement social, culturel et économique du Québec, M. le Président. C'est de ça dont on parle. Et, dans ce sens-là, on verra s'il y a lieu d'apporter des amendements pour ajouter aux précisions. Mais cessons, M. le Président, alors que nous sommes de tout temps une société tolérante, une société ouverte, cessons de faire planer ce doute à l'égard de la discrimination. C'est facile, de faire planer le doute. Mais, je regrette, si c'était un phénomène qui n'avait pas été... existé avant, je pourrais comprendre. Mais que... au nombre de ministres qu'il y a eu en neuf ans à la tête du ministère de l'Immigration, je sais, M. le Président, que les députés d'en face sont parfaitement au courant des tenants et aboutissants de ce projet de loi. Et c'est avec fierté que je le défends. Et c'est avec fierté que nous poursuivrons en ce sens, M. le Président. Merci.

Le Vice-Président (M. Sirros): Alors, merci, Mme la ministre. Ceci met fin au débat sur le projet de loi n° 53, sur le principe. Et est-ce que le principe du projet de loi n° 53...

Une voix: Vote par appel nominal.

Le Vice-Président (M. Sirros): Vote par appel nominal. Mme la leader adjointe du gouvernement.

Vote reporté

Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. Alors, M. le Président, conformément à l'article 223 de notre règlement, je vous demande de reporter le vote à la période des affaires courantes, le mercredi 2 juin 2004.

Le Vice-Président (M. Sirros): Alors, le vote sera reporté à demain, après les affaires courantes. Mme la leader adjointe.

Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Sirros): S'il vous plaît!

Consultations particulières

Mme Lamquin-Éthier: Alors, M. le Président, nous avons consentement pour déroger à l'article 188 de notre règlement, de même que l'article 243. En conséquence, je désire présenter la motion suivante.

«Que la Commission de la culture, dans le cadre de l'étude du projet de loi n° 53, Loi modifiant la Loi sur l'immigration au Québec, procède à des consultations particulières et tienne des auditions publiques les 2 et 3 juin 2004, à la salle Louis-Joseph-Papineau, et qu'à cette fin elle entende les organismes suivants, et ce, suivant l'horaire et l'ordre ci-après indiqués.

«Mercredi le 2 juin 2004, qu'à compter de 15  heures la commission procède aux remarques préliminaires réparties de la façon suivante: 10 minutes au groupe parlementaire formant le gouvernement et 10 minutes au groupe parlementaire formant l'opposition officielle; qu'au terme de ces remarques la commission entende le Conseil interprofessionnel du Québec suivi de la Protectrice du citoyen et du Conseil des relations interculturelles;

«Jeudi le 3 juin 2004, que, dès la fin des affaires courantes, la commission entende les organismes suivants: le Barreau du Québec suivi de la Société canadienne des consultants en immigration; qu'à compter de 15 heures la commission entende les organismes suivants: le Centre de recherche-action sur les relations raciales suivi de l'Association québécoise des avocates et avocats en droit de l'immigration et de l'Association du Barreau canadien, division Québec;

«Que la durée maximale de l'exposé de chaque organisme soit de 20 minutes et l'échange avec les membres de la commission soit d'une durée maximale de 40 minutes partagées également entre les membres du groupe parlementaire formant le gouvernement et les députés formant l'opposition;

«Que la ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration soit membre de ladite commission, et ce, pour la durée du mandat.»

Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Sirros): Alors, il y a donc consentement pour déroger aux articles mentionnés? Consentement. Donc, cette motion est adoptée. Alors, pour la suite des choses, Mme la leader adjointe du gouvernement.

Ajournement

Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. Alors, M. le Président, je fais motion pour que nous ajournions nos travaux au mercredi 2 juin 2004, à 10 heures.

Le Vice-Président (M. Sirros): Alors, nos travaux sont donc ajournés à demain, 10 heures.

(Fin de la séance à 20 h 50)